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Full text of "Recueil des Notices et Memoires de la societe archeologique de la province de constantine"

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RECUEIL 

DES 

Notices  et  Mémoires 


DE    LA 


SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE 


DU 


DÉPARTEMENT  DE  CONSTANTINE 


1"'    VOLUME    DE    LA    CINQUIÈME    SÉRIE 


QUARANTE-QUATRIÈME  VOLUME  DE  LA  COLLECTION 


ANNÉE    1910 


CONSTANTINE 

IMPRIMERIE  D.   BRAHAM,   2,   RUE   DU   PALAIS,   2 


ALaER 

JOURDAN,  Libraire-Editeur 
Place  du  Gouvernement 


PARIS 

René  ROGER 

Librairie  africaine  et  coloniale 

38,  rue  de  Fleurus 


1911 


M 


UNIVERSITY 
OF  FLORIDA 
LIBRARIES 


RECUEIL 

DES 

Notices  et  Mémoires 


DE    LA 


SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE 


DU 


DÉPARTEMENT  DE  CONSTANTINE 


l""^    VOLUME    DE    LA    CINQUIÈME     SÉRIE 


QUARANTE-aUATRIÈME  VOLUME  DE  LA  COLLECTION 


ANNÉE    1910 


CONSTANTINE 

IMPRIMERIE  D.   BRAHAM,   2,   RUE   DU  PALAIS,   2 


ALGER 

JOURDAN,  Libraire-Editeur 
Place  du  6ouvernement 


PARIS 

René  ROGER 

Librairie  africaine  et  coloniale 

38,  rue  de  Fleurus 


1911 


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Avis  important 


Article  29  des  statuts.  —  «  La  Société  laisse  aux 
«  auteurs  la  responsabilité  des  faits  et  déductions  histori- 
((  ques,  archéologiques,  scientifiques  ou  autres,  exposés 
«  dans  les  mémoires  imprimés  dans  son  Recueil.  » 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 


PRËSÏDKNTS  D'HOHHEUE 

MM.  LuTAUD,  Gouverneur  Général  de  l'Algérie. 
PiiELUT,  ^,  Préfet  du  Déparlement. 
MoRiNAUD,  ^,  Maire  de  Constantine. 


Composition  du  Bureau  pour  1911 


Président  : 
1^^  Vice- Président  : 
2^  Vice- Président  : 
Secrétaire  : 
Secrétaire- Adjoint 
Trésorier  : 


M.  Maguelonne. 

M.  Hinglais. 

M.  Gustave  Meucier. 

M.  *** 

M.  Patte. 

M.  Debuuge. 


Trésorier- Adjoint  :     M.  de  Guibert. 


Commission  des  Manuscrits 


MM.  Maguelonne,  Président; 
Hinglais, 

Mercier  (Gustave), 
Debruge. 


Membres 


VI 


1874  MM.  HiNGLAis,  O  I  U,  proviseur  en  retraite,  con- 
servateur du  Musée,  bibliothécaire  de  la 
ville,  correspondant  du  Ministère,  Cons- 
tantine. 

1899  Jaubert  (l'abbé),  0  A  1|,  chanoine  honoraire, 

secrétaire  général  de  l'évêché,  Constantine. 

190i  JoLY,  architecte,  délégué  financier,   Guelma, 

correspondant  du  Ministère. 

1908  JoLY,  professeur  à  la  Chaire  d'arabe,  à  Cons- 

tantin'^. 

1907  JoNCHAY  (du),  e^,  chef  d'escadrons  au  3*^  Chas- 

seurs d'Afrique,  à  Constantine. 

1910  Latourneuie  (Maurice),  0  A  ÇÈ .  imprimeur, 

Constantine. 

1910  Lecocq,  professeur  au  collège  de  Tlemcen. 

1903  Leroy,    |j  ,  0   I   P,   docteur   en    médecine, 

conseiller  général,  Constantine. 

1878  LuciANi,  #,0  1  II,  conseiller  du  Gouverne- 

ment, Alger. 

1892  Maguelonne,  0  I  IJ,  directeur  des  Domaines, 

Constantine. 

1907  Marçais, professeurà la  Médersa,  Constantine. 

1891  Mejdoub  ICalafat,  0  I  P,  professeur  d'arabe 

au  Lycée,  Constantine. 

1896  Mercier  (Gustave),  0  A  1|,  avocat  au  barreau 

de  Constantine,  ofïicier  interprùtede  réserve^ 
correspondant  du  Ministère. 

1908  Merlin,  directeur  des  Antiquités,  à  Tunis. 

1904  Montagnon  (l'abbé),  0  A  CJ,  à  Khenchela. 

1890  Morinaud  (Emile),   ^,  ancien  député,    maire 

de  Constantine,  Président  du  Conseil  Géné- 
ral, délégué  financier. 

1911  MouFFOK  (Omar  ben),  commis  de  Préfecture, 

Constantine. 

1908  Narboni  (Elie),  à  Constantine. 


VII 


1911       MM.  Navon,  direcleur  de  V Alliance  israélUe,  Gons- 
tantine. 

1909  Patte  (Paul) ,    rédacteur  h  la   IVéfeclure  de 

Constantine. 

1903  RiRET,  0  A  1|,  administrateur  de  la  commune 

mixte  d'Oum-el-Bouaghi  (Canrobert),  cor- 
respondant du  Ministère. 

1881  Robert,  0  I  %^,  administrateur  principal  en 

retraite,  correspondant  du  Ministère,  Bordj- 
bou-Arréridj  (Constanline). 

4903  Sabatier,  ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées, 

à  Sétif. 

1907  SaintCalbre,  0  A  ||,  direcleur  de  la  Mé- 

dersa,  à  Conslantine. 

1910  Thépknifr,    contrôleur   au    Mont    de    Piélé , 

Conslantine. 

1905  Vel,  directeur  de  l'Hôpital,  à  Ménerville. 

1906  ViGNON,  surveillant  général  au  Lycée  de  Cons- 

lantine. 


VIII 


HKMBHES   COHHESPONDANTS 


1900  MM.  Barry,  0  I  If,  inspecteur  des  fouilles  de  Tim- 
gad,  correspondant  du  Ministère,  Timgad, 
(Constanline). 

1889  Bernard,    architecte,    3,  rue  des  Cordeliers, 

Conipiègne. 

1891  Bertrand  (Louis),  0  I  '||,  conservateur  du 

Musée  de  Philippeville,  correspondant  du 
Ministère 

1903  Brunache,  j^,  0  a  ||,  administrateur  de  corn  ■ 

mune  naixte,82,  rue  Michelet,  Alger. 

1900  Carton  (Dr),  %,  0  I  ||,  médecin -major  de 

l^e  clas?e,  président  de  l'Institut  de  Carthage 
et  de  la  Société  d'archéologie  de  Sousse, 
membre  non  résident  du  Comité,  La  Goulelle. 

1910  Causse, conservateurdes  Hypothèques,  Balna. 

1903  Cherbonneau,  0  A  H,  avoué,  Sétif. 

1888  Delattre  (le  R.  P.),  #^,  0  I  if,  prêtre  mis- 

sionnaire d'Alger,  membre  correspondant 
de  l'Institut,  conservateur  du  Musée  de 
S*  Louis  de  Carthage,  La  Goulell^Crunisie". 

1890  DoMERGUE,  topographe  principal  en  retraite, 

correspondant  honoraire  du  Ministère, 
Saint-Geniès  (Aveyron). 

1890  EspÉRANDiEU,  %:,  0  I  tl,   commandant  d'In- 

fanterie en  retraite,  membre  non  résident  du 
Comité,  37,  rue  de  Bellechasse,  Paris. 

1878  Farces, 0  ^,  0  I  II,  commandant  en  retraite» 

correspondant  du  Ministère,  Amplepuis 
(Rhône). 

1906  Flamand,  f^,  0  I  ||,  chargé  du  cours  à  la 

Faculté  des  sciences  d'Alger,  dirtcteur- 
adjoint  de  la  carte  géologique,  Alger-Mus- 
lapha. 


IX 


1905       MM.   François  (l'abbé),  curé  à  Constantine. 

1894  Gauckler,  ^,  O  I  #,  correspondant  de  l'Ins- 

titut, 90,  rue  d'Assas,  Paris. 

1907  Gauthier^  Joseph  (l'abbé),  curé  à  Tocqueville. 

1892  GcETscRY,  0  ^,  0  I  II,  général  de  division, 

Nancy. 

1874  GoYT,  topographe  principal  en  retraite,  31,  rue 

Saint  André,  Grenoble. 

1893  GuÉRiN,  0  A  tl,  sous-directeur  des  Contri- 

butions diverses  en  retraite,  avocat,  4,  rue 
de  Constantine,  Alger. 

1892  Hannezo,   %,  0  1  II  ,  commandant,   corres- 

pondant du  Ministère,  Mâcon. 

1909  HovART,  capitaine,  affaires  indigènes,  à  Khen- 

chela. 

1890  Jacquot,  0  I  II,  juge  honoraire,  6,  rue  Fantin- 

Latour,  Grenoble. 

1897  Leroy  (Louis),  0   1  ||,  explorateur,  Biskra. 

1901  LoiziLLON,    administrateur    de    la    commune 

mixte  des  Bibans  (Bordj-Medjana). 

1888  MiLvoY,  architecte,  rue  Dijon,  1,  Amiens. 

1907  Morris,   O  A  CI,  administrateur  de  la  com- 

mune mixte  de  La  Meskiana  (Constantine). 

1908  Maitrot,  0  A  "||,  capitaine  de  gendarmerie, 

à  Bastia. 

1908  NiCLOUx,  lieutenant  aux  Affaires  indigènes,  à 

Biskra. 

1888  Fallu  de  Lessert,  avocat,   rue  de  Tournon, 

17,  Paris. 

1910  Piquet,  architecte,  Aïn-Beïda. 

1901  Ponté,  propriétaire,  à  Mila,  21,  rue  Rohault- 

de-Fleury,  Constantine. 

1910  REBUFFfcL,  conducteur  des  Ponts  et  Chaussées, 

à  Batna. 


1911       MM.  REYGASSE,adminislraleur-adioint,Khenchela. 

1902  RouQUETTE  (Dr),  #,[0  I  t|,  médecin-major 

de  1'®  classe,  correspondant  du  Ministère, 
.  4,  place  de  la  Liberté,  Nice. 

1875  Roy,  0  #,  0  I  ^,  ministre  plénipotentiaire, 

secrétaire  général   du   gouvernement  tuni- 
sien, Tunis. 

1885  Saladin,  ^,  0  I  i|,  architecte,  diplômé  par 

le  Gouvernement,  69'^'^,  boulevard  de  Cour- 
celles,  Paris. 

1904  Sanrey  ,    %,   docteur    en    médecine,    maire, 

Batna. 

1910  Simon,  capilaine  des  affaires  indigènes,  déta- 

ché à  Casablanca. 

1908  Solignac  (Marcel),  répétiteur  au  Collège   de 

Bône. 

1892  T0U.TAIN,    0   I||,    professeur   à    l'école    des 

Hautes  Etudes.  25,  rue  du  Four,  Paris. 

1903  Vallet,  O  a  1|,  ancien  publiciste,  conseiller 

général,  Fedj-M'zala. 

1893  Viré  (C),  avocat  à  Bordj-Menaïel  (Alger). 


Communes  mixtes  et  divers  venant  en  aide  à  la  Société 


Akbou. 

Ain  Touta. 

Aïn-el-  Ksar. 

Aurès. 

Aïn-M'lila. 

Bibans. 

Collo. 

Cbâteaudun-  du-Rhumel. 

Djidjelli. 

El-Milia. 


Eulmas. 

Guergour. 

Jemmapes. 

Khenchela. 

Morsott. 

Meskiana. 

Soummam. 

Souk-Ahras. 

Taher. 

Lycée  de  Conslantine. 


Admis  à  l'écliange  : 

1907  ScHUTTER,  professeur  d'histoire  à  l'Université 

d'Erlangen  (Bavière). 


XI 


SOCIETES   CORRESPONDANTES 


Agf.n.  —  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts. 

Aix.  —  Académie  des  sciences,  agriculture,  arts  et  belles- 
lettres. 

—  Société  d'études  provençales. 

—  Annales  des  facultés  de  droit  et  de  lettres. 
Alais.  —  Société  scientifique  et  littéraire. 
Alger.  —  École  supérieure  des  Lettres. 

—  Société  historique  algérienne. 

—  Société  de  géograpliie  d'Alger  et  de  l'Afrique  du 

Nord. 

Amiens.  —  Société  des  antiquaires  de  Picardie. 

Angouléme.  —    Société  archéologique   et  historique  de  la 
Charente. 

AucH.  —  Société  archéologique  du  Gers. 

AuTUN.  —  Société  éduenne. 

AvALLON.  —  Société  d'études. 

Avignon.  —  Académie  de  Vaucluse. 

AuxERRE.  —  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles 
de  l'Yonne. 

Bar-le-Duc.  —  Société  des  lettres,  sciences  et  arts. 

Beaune.   —  Société  d'archéologie. 

Beauvais.  —  Société  académique   d'archéologie,  sciences 

et  arts  du  département  de  l'Oise. 
Béziers. —  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire. 
Bône.  —  Académie  d'Hippone. 
Bordeaux.  —  Société  archéologique. 

—  Société  de  géographie  commerciale. 

Bourg.  —  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  l'Ain. 

Bourges.  —  Société  historique,   littéraire  et  artistique  du 
Cher. 

Brest.  —  Société  académique. 


XII 


Chambéry.   —  Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéo- 
logie. 
Chartres.  —  Société  archéologique  d'Eure-et-Loir. 
Dax.  —  Société  de  Borda. 

Douai.  —  Union  géographique  du  Nord  de  la  France. 
Épinal.  —  Société  d'émulation  des  Vosges. 
Gap.  —  Société  d'études  des  Hautes  Alpes. 
Grenoble.  —  Académie  delphinale. 

GuÉRET.  —  Société  des  sciences  naturelles   et  archéologi- 
ques de  la  Creuse. 

Langres.  —  Société  historique  et  archéologique. 

Laon.  —  Société  académique. 

Limoges.  —  Société  archéologique   et  historique   du    Li- 
mousin. 
Lyon.  —  Société  littéraire,  historique  et  archéologique. 

—  Académie  des  sciences,  belles  lettres  et  arts. 

—  Bulletin  historique  du  diocèse  de  Lyon. 

Le  Mans.  —  Société  historique  et  archéologique  du  Maine. 

Marseille.  —  Société  de  statistique. 

—  Société  archéologique  de  Provence,  63,  bou- 

levard Longchamps. 

MoNTAUBAN.  —  Société  archéologique  du  Tarnet-Garonne. 

Montbéliard.  —  Société  d'émulation. 

Montpellier.  —  Société  languedocienne  de  géographie. 

—  —  Société  archéologique. 

Nancy.  — Académie  de  Stanislas. 

—  Société  d'archéologie  lorraine  et  du  musée  his- 

torique lorrain. 

—  Société  de  géographie  de  l'Est. 
Nantes.  —  Société  archéologique. 
Narbonne.  —  Commission  archéologique. 
Nice.  —  Scciélé  des  lettres,  sciences  et  arts. 
Nîmes.  —  Académie  du  Gard. 

Oran.  —  Société  de  géographie  et  d'archéologie. 
Orléans.  —  Société  archéologique  et  historique  de  l'Orléa- 
nais. 


mi 


Paris.  —  Institut  de  France. 

—  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques 

—  Bulletin  de  l'Ecole  des  Charles. 

—  Société  des  antiquaires  de  France 

—  Société  d'ethnographie. 

—  Société  de  géographie. 

—  Société  d'anthropologie. 

—  Association    pour    l'encouragement    des   études 

grecques. 

—  Société  des  études  historiques. 

—  Reçue  géographique  internationale. 

—  Musée  Guimet. 

—  Société  académique  indo-chinoise  de  France. 

—  Revue  des  Colonies  et  des  Protectorats,  ministère 

des  Colonies. 

—  Reçue  de  statistique. 

—  Réunion  d'études   algériennes,  12,  galerie  d'Or- 

léans. 

—  Journal  asiatique. 

—  Bulletin  de  la  Société  des  études  coloniales  et 

maritimes. 

—  Reçue  archéologique . 

—  Reçue  des  études  historiques. 

Perpignan.  —  Société  agricole^  scientifique  et  littéraire. 

Poitiers.  —  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest. 

Reims.  —  Académie  nationale. 

Rennes.  —  Société  archéologique  d'Ille-et-Vilaine. 

RoGHECHOUART.  —  Société  des  Amis  des  sciences  et  des 
arts. 

Rodez.  —  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  del'Aveyron. 

Rouen.  —  Commission  des  antiquités   de  la  Seine -Infé- 
rieure. 

Saint -Brieug.    —    Société   d'émulation    des    Côtes  -  du - 

Nord. 

Saint- DiÉ.  —  Société  philomathique. 

Saint-Malo.  —  Société  historique  et  archéologique. 


XlV 


Saint-Omer.  —  Société  des  antiquaires  de  la  Morinie. 

Semur.  —  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles. 

Sens.  —  Société  archéologique. 

SoissoNS.  —  Société  archéologique,  historique  et  scienti- 
Hque. 

SoussE.  —  Bulletin  de  la  Société  archéologique. 

Toulon.  —  Académie  du  Var. 

Toulouse.  —  Académie  des  sciences,  inscriptions  et  belles- 
lettres. 

—  Bulletin  de  la  Société  de  géographie. 

—  Société  archéologique  du  Midi  de  la  France. 
Tours.  —  Société  d'archéologie  de  la  Touraine. 

—  Société   d'agriculture,    sciences,  arts  et  belles- 

lettres  du  département  d'Indre-et-Loire. 

—  Société  de  géographie. 

Tunis.  —  Institut  de  Carthage.  —  Association   tunisienne 
des  lettres,  sciences  et  arts,  à  Tunis. 

Valogne.  —  Mémoires  de  la  Société  archéologique. 

Vannes.  —  Société  polymathique  du  Morbihan. 

Vervins.  —  Société  archéologique. 


XV 


SOCXKTES    ETHANGKRES 


Allemagne.  —  Société  d'anthropologie  de  Berlin. 

Alsace- Lorraine.  —  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de 
la  Lorraine,  à  Metz. 

—  Société  pour  la  conservation  des  mo- 

numenls  historiques  de  l'/Vlsace,  à 
Strasbourg. 

Amérique  du  Sud  (La  Plata).  —  Direction  générale  de 
statistique  de  la  province  de  Buenos- 
Ayres. 

Angleterre.  —  Société  des  antiquaires  de  Londres. 

—  Ecosse.  —  Société  des  Antiquaires,  Edim- 

bourg. 

—  Société  des  antiquaires  de  Cambridge. 

—  Institut  canadien  de  Toronto  (Canada). 

—  Société  de  numismatique  et  d'archéologie 

de  Montréal. 

Belgique.  —  Société  des  Bollandistes,  Bruxelles. 

—  Société  d'archéologie  de  Bruxelles. 
Brésil.  —  Musée  national  de  Rio-Janeiro. 
Egypte.  —  Institut  égyptien,  au  Caire. 

—  Comité  de  conservation  des  monuments  de  l'art 

arabe. 

—  Société  khédivale  de  géographie,  au  Caire. 

États-Unis  d'Amérique.  —  Musée  Paebody  d'archéologie 

et  d'ethnographie  américai- 
ne de  Cambridge. 

—  Institut  Smithsonien    de   Wa- 

shington. 

—  Commission  d'inspection  géo- 

logique des  Etats-Unis  (Dé- 
partement de  l'Intérieur),  à 
Washington. 

—  Société  d'anthropologie,  à  Wa- 

shington 

—  Académie  des  sciences  natu- 

relles de  Davenport,  lowa. 


icVi 


États-Unis  d'Améiuque.    —  Université    de    Californie,   à 

Berkeley. 

Musée    Hméricain    d'histoire 
naturelle,  à  New-York. 

—  AssDciation  américaine  pour 

l'avancement  des  sciences, 
à  Washington. 

Italie.  —  Institut  archéologique  d'Allemagne,  à  Rome. 

—  École  française  de  Rome. 

—  Société  africaine  d'Italie,  à  Naples. 

—  Société  africaine  d'Italie,  à  Florence. 

—  Académie  des  Lincei,  à  Rome. 
Norvège.  —  Université  royale,  à  Christiana. 

Pérou.  — •  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Lima. 
Suède.  —  Académie  royale  archéologique  de  Stockholm. 

—  Institut  géologique  de  l'Université  d'Upsala. 

Suisse.  —  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève. 

—  Société  de  géographie  de  Berne. 


— Nî^ — • 


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KT  O  TE 

SUR  LA 

Route  de  Tébessa  à  Biskra 

par  Négriiie 


L  —  de  Théveste  à  Ad  Majores 

Appelé  à  Chéria  par  une  affaire  de  service  en 
décembre  1905,  j'ai  eu  le  regret  de  ne  pouvoir  pren- 
dre, au  départ  de  Tébessa,  la  voie  romaine  de  Thé- 
veste  à  Ad  Majores,  par  le  Bahiret-el-Arneb  et  l'ai 
seulement  rejointe,  à  Bordj-Telidjène,  d'où  part,  en 
fait,  mon  itinéraire  archéologique. 

Au  cours  de  cette  traversée,  malheureusement 
trop  rapide  et  trop  entourée  d'apparat  officiel  pour 
que  des  reclierches  m'aient  été  faciles,  ni  parfois 
même  possibles,  mon  attention  et  celle  du  Capitaine 
Daugan  (qui  m'accompagnait  à  titre  d'ofïicier  d'or- 
donnance), a  été  particulièrement  attirée  sur  les  dé- 
tails qui  suivent  : 

a)  Quand  on  approche  de  l'extrémité  sud  du  bas- 
sin du  Bahiret-Telidjène,  on  aperçoit,  à  environ 
3''500  vers  l'ouest,  des  ruines  qui  s'étendent,  du 
nord  au  sud,  sur  une  longueur  d'au  moins  2  kilo- 
mètres et  qui  paraissent  correspondre  exactement 
à  l'Henchir-Zoura  de  la  carte  au  1/200,000*. 


mentionne  même  pas  et  il  nous  a  été  impossible  de 
découvrir,  dans  le  rayon  de  la  vue,  aucune  autre 
trace  des  ruines  décrites  au  tome  xix  du  Recueil  des 
Notices  de  la  Société  de  Constantine,  que  le  puits,  en 
effet  romain,  qui  donne  son  nom  à  ce  point  topogra- 
phique. Il  faut  penser,  en  conséquence,  que  les  dé- 
bris antiques  signalés  à  Bir-ben-Titaya  seraient  à 
chercher  sur  un  palier  de  la  montagne; 

d)  Nous  avons  campé,  à  11  kilomètres  environ  au 
sud  de  Bir-ben-Titaya,  au  point  que  la  carte  dénomme 
Ras-el-Euch,  situé  à  l'entrée  nord  d'une  gorge  étroite 
et  sinueuse.  Sur  le  rebord  de  la  falaise,  haute  de  15 
à  20  mètres,  qui  domine  à  l'est,  le  point  de  campe- 
ment, s'étend  un  amas  de  ruines  plus  considérable 
que  les  précédentes  et  où  il  paraît  impossible  de  ne 
pas  reconnaître  une  autre  station  militaire.  Le  plateau 
mamelonné,  éperon  détaché  du  Djebel -Meslane , 
qu'occupent  les  ruines,  s'étend  sur  3  ou  400  mètres 
de  longueur;  il  est  dominé,  au  nord-ouest,  par  un 
assez  grand  fort,  en  pierres  de  grand  appareil,  d'un 
travail  très  soigné,  dont  les  murs  s'élèvent  encore  à 
2'^50  ou  3  mètres  au-dessus  du  sol. 

Un  phénomène  difficile  à  expliquer  a  renversé,  en 
partie,  les  unes  sur  les  autres,  les  gros  blocs,  par- 
faitement taillés  et  ajustés,  qui  constituaient  les  mu- 
railles et  dont  plusieurs  portent  des  traces  de  mou- 
lures. Les  ruines  d'une  maison,  de  construction 
assez  élégante,  avec  atrium  et  bassin,  sont  parfaite- 
ment reconnaissables,  au  nord-est  des  ruines,  qui  ne 
paraissent  pas  avoir  été  entourées  d'une  enceinte. 

A  200  mètres  environ  au  sud  du  fortin,  sur  la 
pente  descendant  à  la  rivière,  est  le  soubassement, 
haut  encore  de  plus  de  2  mètres,  d'un  assez  beau 


mausolée,  à  base  carrée,  orné  de  moulures,  mais 
sans  aucune  inscription  apparente.  Le  mausolée  a 
été  violé,  comme  l'ont  été  presque  tous  les  monu- 
ments semblables  dans  cette  région  et  le  sarcophage 
fouillé. 

e)  La  gorge  étroite  par  laquelle  s'écoulent,  entre 
le  Djebel -Ong  et  le  Djebel- Zerzour,  les  eaux  de 
l'Oued-Méchera  est  le  seul  point  où  quelques  traces 
de  la  voie  romaine  puissent  être  constatées,  par 
l'existence  de  débris  d'une  séguia  maçonnée  Je  ne 
vois,  du  reste,  rien  à  ajouter  à  la  description,  pitto- 
resque et  très  fidèle,  que  donne  de  ce  passage  la 
Géographie  comparée  de  la  Province  d'Afrique,  par 
MM.  Ch.  Tissot  et  S.  Reinach  (tome  II,  page  537), 
si  ce  n'est  que  les  vestiges  de  l'Henchir-el-Ansel 
(Foum-el-Méchera)  ont  disparu  ou  sont,  maintenant, 
si  peu  apparents  qu'il  ne  nous  a  pas  été  possible 
de  les  reconnaître,  quoique  nous  ayons  fait  grand 
halte  en  ce  point.  La  position  indiquée  serait,  d'ail- 
' leurs,  bien  choisie  pour  l'établissement  d'un  poste 
appelé  à  surveiller  l'entrée  sud  de  la  double  gorge 
de  l'Oued-Méchera  et  de  l'Oued-oum-Salah. 

II.   "   Ad  Majores  (Bessen'ani) 

Les  ruines  d'Ad-Majores,  d'où  vient  sans  doute 
la  dénomination  du  Djebel-Madjour,  piton  escarpé 
qui  les  domine  immédiatement,  d'environ  250  mè- 
tres, s'étendent  en  plaine,  à  l'extrémité  d'un  éperon 
détaché  de  la  montagne,  à  environ  6  kilomètres  du 
Ksar  actuel  de  Négrine,  auquel  elles  sont  reliées  par 
une  piste  accidentée  qui  paraît  se  confondre  avec  la 
voie  antique. 


—  6  - 

Ces  ruines,  si  on  compare  leur  état  actuel  avec 
la  description  qu'en  donne  l'ouvrage  précité  de 
MM.  Ch.  Tissot  et  S.  Reinacli,  ont  beaucoup  souf- 
fert, depuis  25  ans,  ce  qui  paraît  s'expliquer  surtout 
par  l'action  des  agents  atmosphériques  sur  le  mé- 
diocre calcaire  employé  par  les  Romains  pour  leurs 
constructions  de  la  région  saharienne.  Le  ksar  de 
Négrine,  qui  est  exclusivement  construit  en  pisé,  n'a 
guère  dû,  en  effet,  emprunter  de  matériaux  aux 
ruines  et  je  ne  sache  pas  qu'aucun  important  travail 
de  route,  de  pont  ou  de  barrage,  exécuté  dans  leur 
rayon  immédiat,  ait  entraîné  les  indigènes  à  y  faire 
de  sérieux  emprunts.  La  construction  moderne  la 
plus  rapprochée  est  un  barrage  arabe,  sur  l'Oued- 
Djarech,  dont  je  parlerai  plus  loin  et  qui  paraît  bien 
éloigné  (32  kilomètres)  pour  qu'il  ait  été  possible  de 
rien  prendre  à  Besseriani. 

Actuellement,  les  seules  ruines  apparentes,  au- 
dessus  du  sol,  sont  une  partie  de  l'arc  de  triomphe, 
ou  porte  monumentale,  —  signalé  par  Baudot  {Re- 
cueil de  la  Société  de  Constantine,  année  1875,  p.  120j 
et,  à  quelques  mètres  de  là,  un  pan  de  mur,  en 
pierres  du  Djebel-Madjour  (sulfate  de  chaux  cristal- 
lin), qui  s'effritent  visiblement.  Ce  pan  de  mur  paraît 
à  la  veille  de  s'efïondrer. 

Quant  à  l'enceinte  de  la  ville  antique,  exactement 
décrite  dans  la  Géographie  comparée  de  la  Province 
romaine  d'Afrique  (page  350)  et  qui  figure  bien  un 
polygone  elliptique  d'environ  1,800  mètres  de  déve- 
loppement, on  trouve  encore,  en  les  cherchant,  les 
murs  extérieurs  et  les  tours  de  flanquement,  mais, 
ces  murs,  actuellement,  affleurent  à  peine  le  sol  et 
leur  destruction  paraît  aller  s'accélérant. 


—  7  — 

Seuls,  les  monuments  de  quelque  importance, 
comme  l'arc  de  triomphe  cité  plus  haut  ou  comme 
les  murs  du  fort  dont  je  vais  parler,  avaient  été 
construits  en  calcaire  dur,  qui,  plus  résistant,  a 
laissé  sur  le  sol  des  débris  plus  importants. 

Ce  fort  (castrum)  s'élève  sur  le  côté  sud  de  l'en- 
ceinte; ses  dimensions  et  le  tracé  ont  été  fidèlement 
reproduits  dans  l'ouvrage  de  MM.  Ch.  Tissot  et 
S.  Reinach,  mais  les  pierres  des  murs  (grand  appa- 
reil) ont,  depuis  la  visite  de  M.  Baudot,  été  entière- 
ment renversées  et  sont  éparses  sur  le  sol.  En  outre, 
rien  ne  reste  actuellement  debout  des  quatre  portes 
du  fort. 

Le  capitaine  Daugan  et  le  capitaine  Guéneau  (du 
service  géographique  de  l'armée),  qui  visitaient  les 
ruines  en  détail,  pendant  que  je  montais,  moi-même, 
au  Madjour,  ont  pu  retrouver,  gisant  parmi  les 
blocs,  toutes  les  inscriptions  signalées  par  Baudot 
et  reproduites  dans  la  Géographie  comparée  (pages  531 
à  534;,  moins  celle  de  la  porte  de  l'est,  n^'  2478,  du 
VHP  volume  du  Corpus.  De  nouvelles  recherches 
conduites  par  le  capitaine  Guéneau  (qui  réside  tem- 
porairement à  Négrine,  avec  une  brigade  topogra- 
phique;, permettront  sans  doute  de  retrouver  les 
quatre  pierres  qui  la  composent. 

Le  sol,  à  l'intérieur  de  l'enceinte,  est  semé  de 
nombreux  débris  de  poterie  antique  et  couvert  de 
traces  de  constructions  diverses  affleurant  le  sol. 

Auprès  de  l'arc  de  triomphe,  ou  porte  monumen- 
tale, signalé  plus  haut,  on  trouve,  en  se  dirigeant 
vers  l'ouest  : 

1°  Le  soubassement  d'un  mausolée,  de  forme 
carrée,  dont  les  pierres  en  calcaire  dur,  parfaitement 


conservées,  ont  gardé  des  traces  de  moulures  et  de 
sculptures; 

2"  Un  certain  nombre  de  stèles  funéraires  gisant 
sur  le  sol. 

De  ce  côté  se  trouvait  évidemment  la  nécropole, 
les  tombes  étant  placées  des  deux  côtés  de  la  voie 
romaine,  venant  de  l'ouest,  qui,  d'ailleurs,  se  con- 
fondait sans  doute,  vers  Négrine,  avec  la  route  de 
Théveste  et  qui  pénétrait  dans  Ad  Majores  par  la 
porte  monumentale  dont  je  viens  de  parler. 

Deux  inscriptions  ont  été,  entre  autres,  relevées 
sur  ces  monuments  par  le  capitaine  Daugan  ;  je  les 
donne  ci-contre,  parce  qu'elles  paraissent  présenter 
quelque  intérêt,  en  ce  qu'elles  montrent  que  Ad 
Majores  était,  vraisemblablement,  au  moins  au  début 
de  l'occupation,  une  colonie  de  oétérans. 


DM  S- 

SABINVS 

FELIXVET 

VIX  •  ANNIS 

LXVIII  •  FILI 

PATRI    ME 

RENTI    FE 

GERVNT 


Un  des  objets  de  mon  ascension  du  Djebel-Madjour 
était  le  désir  de  retrouver  quelque  indice  de  la  voie 
romaine  que  le  capitaine  Ragot,  dit  suivre  «  la  crête 
de  la  montagne,  »  dans  la  direction  de  Tamaghza 
(Ad  Turres).  Je  dois  dire  que  non  seulement  je 
n'en  ai  rien  trouvé,  mais  que  ce  que  j'ai  vu  de  cette 


-  9  - 

très  difficile  montagne  m'a  convaincu  de  Timpossi- 
bilité  de  l'avoir  jamais  fait  suivre  par  une  route. 

Le  Djebel-Madjour  et  la  longue  arête,  coupée  de 
rares  brèches,  qui  le  continue  jusqu'à  Gafsa,  sous 
les  noms  de  Djebel-Toueref,  Djebel-Rifour  et  (après 
Tamaghza)  Djebel-Zimra,  Djebel-Seldja  et  Djebel- 
Stah,  sont  impraticables,  dans  la  direction  est-ouest, 
et  les  anciens  (comme  le  font  actuellement  les  indi- 
gènes) ont  toujours  dû,  pour  se  rendre  de  Négrine 
à  Tamaghza  (de  Ad  Majores  à  Ad  Turres),  employer 
une  des  deux  pistes  qui  longent  parallèlement  le 
pied  de  la  chaîne,  au  nord  et  au  sud. 

Celle  du  nord,  que  les  Arabes  pratiquent  de  pré- 
férence, peut-être  par  tradition  et  parce  qu'elle  a  de 
l'eau,  est  un  peu  plus  courte  et,  assure-t-on,  bordée 
de  ruines  importantes  que  la  brigade  topographique 
s'occupe  de  relever;  elle  rejoignait,  vers  Midès,  la 
voie  romaine  de  Thélepte  à  Tacape,  par  Bir-el-Ater 
et,  débouchant  dans  le  Sahara  par  la  gorge  de  Foum- 
en-Nâs,  descendait,  par  Chebika  (Spéculum),  vers  le 
chott  Gharsa. 

Celle  du  sud  devait  passer  par  Seïada,  groupe  de 
ruines  antiques  situées  à  20  kilomètres  au  sud-est 
de  Besseriani,  puis,  par  l'un  des  puits  de  Bir  el- 
Haouch  (nord  ou  sud)  et,  de  là,  gagner,  vers  Oglat- 
Ksira,  la  route  précitée,  ou  encore  remonter  vers 
Gafsa,  par  l'Oued-Melah. 

Des  recherches  vont  être  poursuivies  en  vue  de 
découvrir,  si  possible,  les  bornes  dont  devaient  être 
jalonnés  ces  deux  tronçons  de  route,  longs  de  30  à 
35  kilomètres  à  peine,  par  lesquels  (à  n'en  guère 
douter)  s'établissait  la  liaison  entre  la  route  straté- 
gique du  sud  del'Aurèset  la  grande  voie,  également 
militaire,  conduisant  à  Gabès  et  au  littoral  Tripolitain. 


-  10  - 


III,  —  d'Ad  Majores  à  Ad  Médias 

Les  stations  de  cette  route,  d'après  la  version 
rectifiée  donnée  par  la  Géographie  comparée  de  la 
Province  romaine  d'Afrique  aux  indications  de  la  table 
de  Peutinger  (en  inversant,  en  outre,  Tordre  des 
stations)  sont  les  suivantes  : 


STATIONS 

DISTA 

en  milles 

NCES 
en  kilomèt. 

LOCALITÉS 

IDENTIFIÉES 

A  d  Majorées 
Ad  Médias 

XXVIII 

41^408 

Besseriani. 
Henchir  Taddert. 

Badias. 

XXV 

37  025 

Badès. 

? 

XXIV 

35  544 

Bir  Bardou 

Thahudeos 

XXXIII 

48  873 

Thouda. 

Ad  Piscinam 

IX 

13  329 

Biskra. 

176^239 

Les  circonstances  de  mon  inspection  ne  m'ont 
permis  de  suivre,  à  peu  près  exactement,  que  la 
première  partie  de  cet  itinéraire,  entre  Badès  et  Né- 
grine;  encore  ai-je  dû  charger  le  capitaine  Daugan 
de  reconnaître  la  partie  est  de  la  première  étape,  en 
partant  de  Besseriani,  pendant  que  je  remontais  moi- 
même  au  nord-ouest  jusqu'à  Ferkane,  pour  nous 
retrouver,  à  la  grand'halte,  sur  l'Oued-Djarech. 

Autant  qu'il  nous  a  paru,  cette  route,  pour  bordée 
qu'elle  ait  été  de  bornes  militaires,  comme  les  voies 
classées,  n'a  jamais  dû  être,  pas  plus  qu'aujourd'hui, 
une  chaussée  entretenue  et  établie  d'après  le  type 
classique.  Tracée  en  ligne  assez  sensiblement  droite, 
à  travers  le   Sahara  septentrional,  qui,  dans  cette 


—  11  — 

partie,  est  une  plaine  nue,  si  complètement  unie  que 
les  cours  d'eau  descendant  vers  les  chotts  changent 
fréquemment  de  lit,  elle  a  dû  être  une  simple  piste 
de  caracanes,  seulement  jalonnée  de  puits  et  de 
postes.  Tout  au  moins,  n'avons-nous  pu  retrouver 
aucun  vestige  de  voie  antique,  même  dans  le  voisi- 
nage immédiat  de  ce  qui  subsiste  des  postes  et  des 
bornes. 

La  recherche  de  celles  de  ces  bornes  dont  le  capi- 
taine Ragot  a  signalé  l'existence  entre  Besseriani  et 
Taddert,  mais  sans  rien  préciser  et  comme  s'il  rap- 
portait la  chose  par  renseignements,  était  au  premier 
rang  de  nos  préoccupations  et  c'est  surtout  pour 
repérer  l'une  d'elles,  avec  inscription,  qu'un  indigène 
disait  pouvoir  précisément  montrer,  sur  la  rive 
gauche  de  l'Oued- Djarech,  que  j'y  avais  envoyé 
M.  Daugan.  La  préoccupation  s'est  trouvée,  comme 
on  verra,  très  fondée,  car  c'est  sans  doute  à  cette 
recherche  qu'aura  été  dû  le  sauoetaqe  de  cette  inté- 
ressante relique. 

Grande  avait  été  la  déception  du  capitaine  Daugan, 
lorsqu'arrivant,  sous  la  conduite  de  son  guide  indi- 
gène, à  l'emplacement  en  question,  il  s'était  trouvé 
en  présence  d'une  excavation,  d'apparence  encore 
récente,  mais  entièrement  vide.  Quelques  bergers  du 
voisinage,  pressés  de  questions,  finirent  par  avouer 
que  la  pierre  avait  dû  être  utilisée  pour  la  construc- 
tion d'un  barrage  établi,  durant  le  dernier  automne, 
en  vue  d'étendre  la  zone  d'irrigation  de  l'Oued-Dja- 
rech  et  situé  à  1,800  mètres  environ  à  l'ouest-nord- 
ouest  de  l'emplacement  de  la  borne. 

Le  capitaine  Daugan  s'y  étant  rendu  aussitôt, 
aperçut  en  effet  le  barrage,  long  de  plus  de  200  mè- 


-  12  — 

très,  dont  avaient  parlé  les  bergers  arabes  et  déses- 
péra, d'abord,  de  pouvoir  rien  retrouver  sous  sa 
masse.  Il  entreprit,  cependant,  sans  se  décourager,  la 
recherche  des  pierres  antiques,  dont  quelques-unes 
faisaient  saillie  et  fut  assez  heureux  pour  découvrir, 
enfin, un  fragment  portant  l'inscription  MILIAXVIIII, 
qui  ne  pouvait  manquer  d'appartenir  à  la  borne  cher- 
chée, dont  les  autres  parties  restèrent  cependant 
introuvables. 

Aussitôt  instruit  de  ces  circonstances,  qui  indi- 
quaient une  contravention  formelle  aux  instructions 
du  Gouvernement  Général,  que  j'avais  moi-même 
plusieurs  fois  renouvelées,  j'invitai  le  commandant 
Guénin,  commandant  supérieur  du  cercle  deTébessa, 
qui  m'avait  accorhpagné  jusqu'à  la  limite  de  son 
territoire,  (séparé  par  l'Oued-Djarech  de  celui  du 
cercle  de  Khenchela),  à  ne  pas  s'éloigner,  sans  avoir 
tout  mis  en  œuvre  pour  compléter  la  trouvaille  du 
capitaine  Daugan  et  réparer,  ainsi,  autant  que  pos- 
sible, l'acte  de  vandalisme  de  ses  administrés.  Je 
suis  heureux  d'ajouter  immédiatement  que,  dans  la 
nuit  même,  je  recevais,  à  Bir-Taddert,  une  lettre  de 
cet  excellent  officier  supérieur,  (dont  j'aurai  à  parler 
encore),  m'informant  de  l'heureux  résultat  des  re- 
cherches faites  sous  sa  direction,  qui  avaient  remis 
au  jour,  ou  à  peu  près,  la  borne  entière,  fragmentée 
en  trois  tronçons  principaux  (^\ 


(i)  En  raison  de  l'état  de  la  borne  XVIIII  et  pour  éviter  que  ses  dé- 
bris soient,  à  nouveau,  détournés,  j'ai  prescrit  qu'ils  soient  rapportés  à 
Négrine,  où  la  borne  reconstituée  sera  conservée  dans  le  'Bordj;  son 
emplacement  a  été  ou  va  être  marqué  par  un  signal  en  pierres,  en  même 
temps  qu'il  a  été  repéré  sur  la  carte  à  1/400,000'=  et  le  sera  sur  la 
mappe  à  i/ioo,oooe  que  lèvent,  actuellement,  les  officiers  du  service 
géographique. 


—  13  - 


Borne  milliaire  de  la  route  de 

Ad  Majores  à  Ad  Piscinam, 

trouvée 

aux  environs  de l'Oued-Djarech 

(Point  4  (lu  croquis) 


-7 


IMP    CAES 

iHiiiniiiiii  s  E 

VERO  //////// 
/[////IIII/IIIIIUII 


MILIA 
XVIIIl 


Le  chiffre  de  XVIIIÎ 
millesinscrit  sur  la  borne 
paraît  mesurer  exacte- 
ment la  distance  (28  kil. 
139),   qui   sépare  l'em- 
placement de  la  borne 
de    Bir-Taddert,    d'où 
partait,  par  suite,  le  nu- 
mérotage.   Quant    à   la 
dédicace    à    l'empereur 
Sévère,  le  martelage  du 
mot  qui  précède  et  du 
mot   qui    suit   ce   nom, 
laisse   sans  solution  la 
question  de  savoir   s'il 
s'agit,  soit  d'un  des  em- 
pereurs   dits    Syriens, 
Septime  ou  Alexandre, 
soit  du  collègue  de  l'em- 
pereur Galère,   dont  le 
règne  a  été  singulière- 
ment éphémère,  mais  à 
qui,  cependant,  on  pour- 
rait admettre  que  la  dé- 
dicace   s'appUquât,    car 
l'Afrique  (par  la  répar- 
tition de  l'an  306)  releva, 
pendant  un  an  environ, 
de    son    admiinstration 
et  il  a  été  trouvé,   sur 
une    des    routes    inté- 
rieures de  l'Aurès,  une 
borne  où  son  nom  figure 
avec  celui  de  l'empereur 
Galère. 


—  14  — 

On  peut  même  se  demander  si  le  martelage  subi 
par  l'inscription  n'aurait  pas  eu  pour  objet  d'appli- 
quer à  cet  empereur  une  dédicace  ancienne,  qui  visait 
primitivement  Septime,  Sévère,  ou  son  petit-neveu, 
Alexandre.  Ce  petit  problème  recevra  peut-être  sa 
solution  quand  pourront  être  étudiées,  en  parfaite 
connaissance,  les  inscriptions  relevées  par  les  offi- 
ciers du  service  géographique  sur  les  bornes  mil- 
liaires  de  cette  région  (i). 

Nous-mêmes  en  avons  cherché,  en  poursuivant 
notre  route;  malheureusement,  il  ne  nous  a  été  pos- 
sible d'en  trouver  aucune,  entre  Bir-Taddert  et  Badès  ; 
et  j'ai  d'autant  plus  regretté  cette  circonstance  que 
peut-être  eussions  nous  pu,  si  le  numérotage  des 
bornes,  à  l'ouest  de  Bir-Taddert,  avait  eu  aussi  cette 
station  pour  point  de  départ,  trouver  là  l'explication 
du  nom  de  Ad  Médias  que  lui  avaient  donné  les 
Romains.  Car,  que  veut  dire  ce  nom  de  Ad  Médias 
et  de  quel  itinéraire  cette  station  était-elle  le  milieu? 
De  la  route  de  Lambèse  à  Théveste,  par  le  sud  de 
l'Aurès?  Non,  sans  doute,  car  les  chifïres  ne  con- 
cordent pas,  la  distance  totale  étant  d'environ  436  ki- 
lomètres, alors  que  celle  de  Taddert  à  Tébessa,  par 
Négrine,  n'atteint  même  pas  200  kilomètres  (à  peu 


(I)  Le  capitaine  Guéneau  m'écrit  que  ses  officiers  et  lui  ont  retrouvé, 
entre  Bir-Taddert  et  Bir-Douhali,  la  borne  signalée  par  Ragot  portant 
dédicace  de  Minicius  Natalis  à  Nerva  (ou  plutôt,  croirais-je,  à  Trajan), 
puis,  deux  milliaires  encore  debout,  portant  le  numérotage  IIX  et  XIII, 
l'une  sans  insciiption,  l'autre  avec  une  inscription  dégradée.  Aux  der- 
nières nouvelles,  les  officiers  de  la  brigade  topographique  avaient  repéré 
une  douzaine  d'autres  bornes,  (dont  plusieurs  à  l'état  de  gisement),  à 
5  kilomètres  au  sud-ouest  de  Montana.  Quelques-unes  de  ces  bornes 
seraient  frustes.  Le  capitaine  Guéneau,  sans  attendre  la  publication  du 
rapport  annuel  destiné  à  être  inséré  au  Bulletin  archéologique  du  Minis- 
tère de  l'Instruction  publique,  a  bien  voulu  m'envoyer  à  ce  sujet  les  élé- 
ments de  la  notice  ci-après,  n«>  2,  page  25. 


—  15  — 

près  195).  Serait-ce,  alors,  le  milieu  de  la  distance 
entre  Lambèse  et  Tacape?  La  chose  ne  semblerait 
pas  impossible,  à  la  condition  qu'il  s'agisse  d'un  itiné- 
raire direct,  par  Gafsa;  mais  ce  problème  nouveau 
ne  pourra  être  éclairci  que  si  on  trouve,  à  l'est  de 
Besseriani,  de  nouvelles  bornes  (dont  j'ai  recom- 
mandé la  recherche)  et  si  on  constate  qu'elles  conti- 
nuent le  numérotage  dont  nous  avons  trouvé  l'origine 
à  Taddert. 

IV.  ~    M  Médias  (Henchir  ou  Bir-Taddert) 

L'emplacement  àQ  Ad  Médias,  qui  semble  exacte- 
ment identifiée  Bir-Taddert,  n'est,  plus  actuellement, 
marqué  que  par  un  puits,  d'origine  romaine,  de  45 
mètres  de  profondeur. 

Autour  de  ce  puits,  surtout  à  l'est  et  au  nord-est, 
des  uimalus,  d'un  très  faible  relief,  marquent  l'em- 
placement de  l'ancienne  ville,  dont  rien  ou  presque 
rien  n'émerge  plus  au-dessus  du  sol.  Mais  une 
incroyable  quantité  de  débris  de  poterie  jonchent  la 
terre  et,  parmi  elles,  à  fleur  de  sol,  se  rencontrent 
quelques  monnaies.  J'ai  pu,  moi-même,  recueillir 
ainsi,  sans  recherche,  en  parcourant  les  ruines  pour 
relever  les  fondations  des  monuments  importants, 
huit  pièces  de  bronze  assez  détériorées,  mais  qui 
peuvent  peut-être  aider  à  déterminer  une  époque. 

Il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  relever  sur  le  sol 
d'autres  emplacements  nettement  déterminés  que 
ceux  de  deux  enceintes,  carrées  ou  presque  carrées, 
formées  de  murs  d'une  épaisseur  de  0"80,  qui  cor- 
respondrait assez  à  celle  de  postes  fortifiés  ou  cita- 
delles, quoique  ces  fondations  soient  en  pierres  de 


-le- 

petit  appareil,  irrégulièrement  taillées.  Mais  ceci 
s'explique  si  j'ajoute  qu'il  n'existe  aucune  pierre, 
dans  un  rayon  de  25  à  30  kilomètres  autour  de 
Taddert. 

La  plus  petite  des  deux  enceintes,  située  à  l'ouest 
et  qui  forme  un  carré  régulier  de  50  mètres  de  côté, 
contient  le  puits  romain.  La  plus  grande,  qui  forme 
un  carré  long  de  55  mètres  sur  50,  avec  une  porte 
de  2  mètres  de  largeur  sur  le  côté  sud-est,  est  située 
à  250  mètres  à  l'est  de  la  précédente. 

De  Taddert  on  aperçoit  distinctement,  à  environ 
6  kilomètres  au  nord,  un  autre  puits,  également 
couvert  par  nos  soins,  que  les  indigènes  affirment 
être  aussi  de  construction  romaine  et  qu'ils  dénom- 
ment Blr-Reteni.  Ce  puits  paraît  occuper  assez 
exactement  l'emplacement  figuré  sur  les  cartes  au 
1/400,000^  et  au  1/800,000%  sous  le  nom  de  N'fida 
Sidi- Abdallah,  d'où  partent  deux  pistes,  l'une,  au 
nord-ouest,  qui  remonte  vers  Taberga,  par  la  gorge 
de  rOued-Ensira  et  par  le  Foum-Dradji  et  la  vallée 
de  l'Oued-Bidjer,  l'autre,  au  nord-est,  qui,  coupant  au 
court,  par  l'Oued-Sidi-Abdallah,  rejoint,  sur  le  cours 
supérieur  de  l'Oued-bou-Dokhan,  le  chemin  de  Guen- 
tis,  qui  relie  Tébessa  à  cette  partie  du  Sahara,  par 
Sidi-Abid,  Aïn-Guerra  et  Ghéria;  (on  sait  qu'il  existe 
près  de  Sidi-Abid  des  ruines  qui  seraient  celles  d'un 
poste  militaire  romain). 

Mon  itinéraire,  au  départ  de  Taddert,  a  continué 
à  se  confondre  avec  la  voie  antique,  jusqu'au  pas- 
sage de  rOued-Tagmit,  à  partir  duquel  j'ai  obliqué 
sensiblement  à  l'ouest  pour  gagner  Zeribet- Ahmed ^ 
laissant  à  droite  la  piste  qui  conduit,  au  nord-ouest, 


-  17  - 

directement  sur  Baclès,  qu'on  aperçoit  du  reste 
d'assez  loin,  malgré  son  faible  relief  et  qui  jalonne 
la  direction  du  débouché  de  l'Oued-el-Arab. 

Zéribet- Ahmed,  où  j'ai  fait  étape,  s'élève  sur  un 
petit  mamelon,  naturel  ou  artificiel,  qui  n'a  gardé 
aucune  trace  extérieure  d'occupation  romaine.  J'in- 
cline fortement  à  penser,  cependant,  que  le  miséra- 
ble village  actuel  doit  occuper  l'emplacement  d'un 
ancien  poste  romain,  bien  placé  pour  surveiller  la 
piste  toujours  très  fréquentée,  qui  conduit  dans  le 
Sahara  méridional,  par  Bir  Hamadja  (où  on  signale 
des  vestiges  antiques),  et  par  le  puits  d'Oglaat-Badja, 
seul  point  d'eau  et  passage  toujours  assuré  entre  le 
Chott  Sellem  et  la  tête  des  eaux  du  Chott  Rharsa. 

7.  _  Badias  (Badès  ) 

Badias  ou  Badès  est  construit,  comme  Zéribet- 
Ahmed,  sur  un  léger  renflement  du  sol  qui  a  toutes 
les  apparences  d'un  tumulus,  exhaussé  sans  doute 
par  l'accumulation  des  débris  antiques  (de  8  à  10 
mètres  de  hauteur  totale)  sur  lequel  est  bâti  le 
village  arabe. 

Les  traces  du  poste  romain  (Limes  Badiensis), 
percent,  du  reste,  en  dilférents  points,  sous  les  terres 
du  monticule.  D'assez  notables  débris,  demi-enterrés, 
de  l'enceinte  sont  très  visibles  sur  u;ie  hauteur  de 
3  à  4  mètres,  en  difïérents  points  de  la  lisière  nord 
du  village. 

Ce  mur,  constitué  par  des  lits  de  briques  rouges 
(de  6  centimètres  d'épaisseur  sur  40  centimètres  de 
largeur  et  de  longeur),  que  séparent  des  couches  de 
blocage    d'environ    20   centimètres   d'épaisseur,    se 


-  18  - 

présente  sous  l'aspect  indiqué  dans  le  croquis  ci- 
dessous  : 

Oni40 


Il  est  difficile  d'apprécier  l'épaisseur  du  mur,  en 
apparence  considérable,  la  face  intérieure  étant  noyée 
dans  les  terres  du  monticule  qui  supporte  le  village 
arabe;  on  peut,  cependant,  l'évaluer  au  minimum  à 
1  mètre. 

Vers  l'est  de  l'enceinte  antique,  à  peu  de  distance 
d'une  des  piscines  dont  il  va  être  parlé,  se  voit,  aux 
trois  quarts  enfoncée  dans  le  sol,  la  partie  supérieure 
d'une  porte,  également  construite  en  briques  et 
moellons  (ou  galets  de  l'oued),  avec  voûte  en  encor- 
bellement. 

Deux  grandes  piscines,  d'origine  antique,  subsis- 
tent en  dehors  de  l'enceinte.  L'une  d'elles  est  encore 
utilisée;  l'autre,  actuellement  desséchée,  est  située 
sur  la  face  nord  de  Badès.  Les  habitants  ont  gardé 
le  souvenir  cVescaliers  en  pierre,  par  lesquels  on 
descendait  jadis  pour  prendre  l'eau  dans  cette  se- 
conde piscine  et  qui  sont  noyés  dans  les  talus. 

A  800  mètres  au  nord-est  du  village  est  un  puits 
romain,  assez  profond  et  d'un  grand  diamètre,  qui 
ne  semble  plus  contenir  d'eau.  Ce  puits  est  complè- 
tement maçonné  en  briques;  on  accède  à  une   pro- 


—  19  — 

fondeur  de  8  à  10  mètres  qui  doit  coi'respondre  à 
l'ancien  ])lan  d'eau,  par  une  galerie  oblique,  taillée 
dans  le  tuf  et  maçonnée,  par  parties,  dans  laipielle 
est  descendu,  en  ma  présence,  un  arabe  qui  m'a 
rapporté  une  grande  bri(|ue  identique  à  celles  de 
l'enceinte  et  dont  on  ne  peut  douter  qu'elle  soit  ro- 
maine. 

Un  double  pan  de  mur,  de  4  mètres  environ  de 
hauteur  et  d'une  grande  épaisseur,  formant  au  som- 
met demi-voùte,  s'élève  sur  la  face  est  de  Badès. 
Ces  deux  blocs  de  maçonnerie  constituent  les  stades 
ruines  romaines  s'élevant  au-dessus  du  sol  et  attirent 
l'œil  quand  on  arrive  au  village,  venant  du  sud.  Il 
paraît  admissible  qu'elles  soient  les  derniers  vestiges 
d'un  château  d'eau.  Cette  hypothèse  paraît  plus  vrai- 
semblable que  celle  qui  ferait  de  cette  construction 
une  tour  de  garde,  en  raison  de  son  éloignement 
(environ  80  mètres)  du  village  et  de  son  voisinage 
d'une  large  séguia,  en  partie  maçonnée,  qui  peut 
avoir  une  origine  antique. 

Il  semble  que  des  fouilles  opérées  dans  l'intérieur 
de  Badès  donneraient  quelques  résultats  ;  mais  il 
faudrait  sacrifier  en  partie  le  village  arabe,  d'ailleurs, 
d'une  extrême  pauvreté,  et  dont  les  habitants,  peu 
nombreux,  se  nourrissent  presque  exclusivement 
d'orge  bouillie. 

L'autorité  militaire  a  utilisé  le  relief  relatif  et  la 
position  isolée  du  village,  construit  en  plaine,  à  envi- 
ron 9  kilomètres  des  derniers  contreforts  de  l'Aurès, 
pour  y  établir,  à  l'angle  sud-ouest,  un  poste  optique 
(ju'on  aperçoit,  dominant  le  village,  dans  les  photo- 
graphies donnant  la  vue  d'ensemble.  Un  examen 
attentif  n'a  permis  de  découvrir,  dans  cette  construc- 


-  20  - 

tion,  aucune  trace  de  matériaux  antiques,  non  plus 
d'ailleurs,  que  de  bornes,  de  colonnes  ou  d'inscrip- 
tions, dans  le  village  et  aux  environs  immédiats. 

On  serait  tenté  de  croire,  dans  ces  conditions,  que 
Badès  eût  été  un  centre  peu  peuplé,  exclusivement 
militaire,  de  surveillance  et  de  correspondance, 
n'était  le  développement  de  restes,  très  authentiques, 
d'importants  travaux  d'adduction  d'eau,  d'origine 
romaine,  qui  subsistent  entre  Badès,  Liana,  El-Ksar 
et  Khanga-Sidi-Nadji,  en  amont  duquel  village  étaient 
captées  les  eaux  de  l'Oued-el-Arab. 

Ces  conduites,  assez  considérables  et  assez  bien 
conservées  pour  qu'il  puisse  être  encore,  actuelle- 
ment, question  de  reconstituer  les  parties  extérieures 
qui  ont,  seules,  souffert,  en  vue  de  rétablir  autour 
des  centres  précités  une  large  zone  d'irrigation,  ont 
été  découvertes,  en  1899,  par  M.  le  capitaine  Touchard, 
aujourd'hui  chef  de  bureau  arabe  de  Touggourt,  dont 
l'étude,  aussi  consciencieuse  qu'intelligente  et  sus- 
ceptible d'être  féconde  en  résultats,  se  résume  en  ce 
qui  suit. 

En  visitant  attentivement  les  abords  du  village  de 
Badès,  cet  officier  avait  constaté  qu'il  subsiste,  dans 
un  des  pans  de  la  muraille  d'enceinte  romaine,  des 
vestiges,  très  nets,  d'un  tronçon  de  canal  en  grosses 
briques  cimentées,  qui  pénètre  dans  l'enceinte,  en 
traversant  la  muraille.  Un  peu  plus  loin,  dans  la 
direction  de  Liana  et  à  600  mètres  de  Badès,  il  avait 
de  même  rencontré,  sur  la  rive  gauche  de  l'Oued-el- 
Arab,  plusieurs  blocs  de  maçonnerie  informes,  évi- 
demment romains,  qui  semblent  continuer  le  canal 
et,  plus  loin  encore,  dans  la  même  direction,  mais 
cette  fois   sur  la   berge  opposée  de   l'oued,  de  très 


Croquis    des    restes   dune 
Conduite   deau    romaine    entre    Bades  et  K  han|a  ■  S.di  -  Nadji 


—  21    - 

visibles  tronçons  d'une  conduite  d'eau  maçonnée, 
dont  les  indigènes  affirmaient  unanimement  l'origine 
antique. 

C'est  de  ces  premières  constatations  que  le  capi- 
taine Touchard  est  parti  pour  rechercher  s'il  n'exis- 
tait pas  un  vaste  ensemble  de  travaux  construits  par 
les  Romains,  ayant  pour  objet  d'amener  à  Badès, 
alors  le  seul  centre  romain  de  la  région,  les  eaux 
relativement  abondantes  descendant  de  la  montagne 
par  la  gorge  de  l'Oued-el-Arab. 

En  effet,  les  travaux  de  recherche  aussitôt  exé- 
cutés, sous  la  direction  du  capitaine  Touchard,  par 
les  habitants  de  Liana,  ne  tardèrent  pas  à  mettre  au 
jour,  sur  une  étendue  de  5  kilomètres  environ,  entre 
leurs  jardins. et  ceux  de  l'oasis  de  Khanga-Sidi- 
Nadji,  une  conduite,  presque  partout  souterraine,  de 
construction  évidemment  romaine  et  en  très  bon 
état  de  conservation  sur  la  plus  grande  partie  de  sa 
longueur. 

Construite  en  cailloux  de  rivière,  joints  par  de  la 
chaux  hydraulique,  qui,  actuellement,  a  acquis  la 
dureté  de  la  pierre,  la  conduite  a  0™35  de  largeur 
sur  0"'40  de  profondeur;  ses  parois  intérieures  sont 
revêtues  d'un  léger  enduit  de  ciment  qui  subsiste 
encore  en  certaines  parties. 

L'épaisseur  de  la  maçonnerie  varie  entre  0™20  et 
0"40.  La  pente  générale  de  la  conduite  est  de  0'"08 
par  mètre,  ce  qui  correspond  à  un  débit  d'environ 
19  mètres  cubes  par  minute. 

Des  traces  visibles  de  culées  maçonnées  en  béton 
de  ciment  permettent  d'affirmer  que  la  conduite  tra- 
versait, en  aqueduc,  les  ravins  qui  coupent,  en  ces 
deux  points,  sa  direction  générale. 


00     _ 


Enfin,  les  reclierches  aboutirent  encore  à  la  décou- 
verte de  deux  puits  (regards  ou  puits  d'extraction), 
par  lesquels  on  accédait  à  la  galerie,  dans  la  partie 
qui  précédait  l'entrée  d'un  tunnel  conduisant  à  l'Oued- 
el-Arab  par  la  palmeraie  de  Khanga-Sidi-Nadji.  Les 
parois  des  murs  de  ces  puits  sont  en  pierres  sèches 
et  il  ne  paraît  pas  certain,  qu'ils  soient  de  construction 
romaine. 

Les  intéressantes  constatations  du  capitaine  Tou- 
chard  ont  servi  à  prouver,  une  fois  de  plus,  le  déve- 
loppement que  les  Romains  avaient  su  donner  aux 
travaux  d'hydraulique  agricole  et  les  sacrifices  fé- 
conds qu'ils  savaient  consentir  pour  créer  la  vie, 
jusque  dans  le  désert. 

Quant  au  projet,  en  apparence  assez  simple,  de 
rétablissement  du  canal  décrit  ci-dessus,  il  n'a  pas 
pris  corps,  jusqu'à  présent,  en  raison  du  chifïre 
encore  relativement  élevé  du  devis  des  dépenses  et, 
plus  encore  peut-être,  à  cause  des  rivalités  existant 
entre  les  villages  de  Badès,  de  Liana  et  de  Khanga- 
Sidi-Nadji,  le  dernier  de  ces  centres  (qui  est  de 
beaucou[j  le  plus  puissant)  ayant  ou  croyant  avoir 
tout  à  perdre  à  la  dérivation  faite  au  bénéfice  des 
riverains  d'aval. 

Et  il  devient  de  moins  en  moins  probable  que  ce 
travail  se  fasse  de  sitôt,  maintenant  que  la  division 
nouvelle  de  l'Algérie  en  deux  grandes  circonscrip- 
tions administratives,  étrangères,  je  ne  voudrais  pas 
dire  hostiles,  l'une  à  l'autre,  a  placé  Badès  et  Liana 
dans  les  territoires  du  Sud,  alors  que  Khanga-Sidi- 
Nadji  fait  partie  des  territoires  du  Nord. 


-  23  — 

VI.  —  de  Badès  h  Biskra 

J'ai  poursuivi,  par  Zérihet-el-Oueil,  Ijir-Bardou, 
Aïn-Naga  et  Sidi-Okba,  (où  j'ai,  soit  couché,  soit  fait 
la  grand  '  halte) ,  ma  route  de  Badès  sur  Biskra. 
Cette  route,  en  zigzag,  ne  m'a  permis  de  ren- 
contrer aucun  vestige  de  centres  romains  ou  de  voie 
antique. 

Bir-Bardou,  lui-même  qui  paraît  répondre  assez 
bien  à  la  station  anonyme  de  la  table  de  Peutinger, 
n'a  absolument  conservé  qu'un  puits  romain  et  deux 
très  faibles  tumulus,  semés  de  quelques  débris  de 
poterie  commune,  où  il  ne  nous  a  môme  pas  été  pos- 
sible de  trouver  de  pierres  taillées.  Evidemment,  le 
poste,  s'il  a  existé  en  ce  lieu,  (ce  qui  est  probable, 
car  la  place  est  favorable  pour  surveiller  les  chemins, 
très  fréquentés,  qui  contournent,  par  l'est,  le  massif 
de  l'Ahmar-Khaddou),  n'a  jamais  reçu  un  grand  dé- 
veloppement et  ses  constructions  ont  dû  être  faites 
uniquement  en  moellons  et  en  galets  de  rivières,  qui 
ont  été  facilement  dispersés,  après  la  retraite  des 
occupants. 

VIL  —  Nous  complémentaires 

Note  1  (Voir  page  3) 
Le  capitaine  Guéneau,  à  qui  j'avais  fait  part  de 
mon  observation  qu'il  n'existe  aucune  trace  de  cons- 
truction ou  reconstruction  Ijyzantine,  dans  la  vallée, 
si  habitée,  de  l'Oued-Mechera,  d'où  mon  doute  que  les 
Byzantins  aient  étendu  leur  domination  jusqu'au 
Sahara,  m'écrit  qu'il  a  trouvé,  engagés  dans  les 
derniers  débris  de  murs  qui  subsistent  à  Besseriani, 


—    91    — 


deux  caissons  funéraires,  ({u'ii  n'a  pu  qu'im[)arfaite- 
ment  déchiffrer,  les  lettres  étant  remplies  par  un 
mortier  très  dur. 

Il  y  voit  (avec  raison,  je  pense,  étant  donnés  les 
procédés  connus  des  Byzantins),  la  preuve  qu'ils 
avaient  réoccupé  Ad  Majores  et  y  avaient  au  moins 
établi  un  poste  fortifié.  . 

Rien  ne  dit,  d'ailleurs,  qu'ils  y  soient  parvenus 
par  la  ligne,  plus  courte,  mais  militairement  plus 
dangereuse  pour  eux,  de  l'Oued-Mechera.  Trois  di- 
rections :  celle  de  Biskra  (où  ils  se  sont  certainement 
établis),  celle  de  Tébessa  (par  Bir-el-Ater)  et  celle 
de  Gafsa  (par  Ad  Turres)  ont  pu,  en  effet,  les  y 
amener.  En  tout  cas,  le  fait  contesté  de  cette  occu- 
pation semble,  désormais,  très  vraisemblable. 

Le  capitaine  Guéneau  donne,  comme  il  suit,  le 
déchiffrement  des  deux  caissons  funéraires  : 

D -M-S .  D  .  M  .  s 

ANNIVS  IVLIVS-SOREX 

VENVSTV  VIXIT     ANNIS 

S   A  N  N  I  S  L  •  A  li  M  I  L  I  A  0  P 

VIXIT    A  T     AT/LAVXOR 

X  MERENTl.  FECIT. 
(Les  lettres  sont  d'ua  bon  style  el  d'une  exécution  soignée). 

Note  2  (Voir  page  12) 

Il  résulte  d'une  seconde  communication  du  capi- 
taine Guéneau,  (qui  a  bien  voulu  y  joindre  le  double 
croquis,  au  i/400,000^  reproduit  ci-après,  où  il  a 
reporté  les  emplacements  exacts  des  bornes  décou- 
vertes  par    ses   officiers   et   par    lui-même),    qu'ils 


—  25  - 

avaient,  à  la  dote  du   28  janvier    1906,  trouvé  cinq 
bornes  ou  groupe  de  bornes,  savoir  :  (Voir  le  croquis). 

Point  1 .  —  La  borne  trouvée  en  ce  point  n'est 
îutre  que  celle  signalée  par  Ragot,  portant  une  dé- 
ilicace  à  Nerva  (je  crois  plutôt  à  Trajan)  par  le  légat 
Minicius  Natalis.  Cette  borne  est  située  entre  Bir- 
Faddert  et  Bir  Douhali  (le  capitaine  Guéneau  écrit 
DjaliS  à  3  milles  d'Ad  Médias. 

Point  2.  —  Deux  bornes  encore  debout,  distantes 
l'une  de  l'autre  de  7  mètres,  ont  été  trouvées  au 
point  2,  situé  à  22  kilomètres  environ  de  Taddert, 
à  l'est  de  Bir-Douhali.  L'une  (celle  de  l'ouest)  porte 

simplement  M ILI A    (ce  qui  senable  correspondre  exacte- 

T-.^  ment  à  la  dislance,  comptée  de 

11 X  Bir-Taddert). 

L'autre  porte  une  dédicace  dont  la  partie  supé- 
rieure a  été  martelée  et  où  on  n'a  pu  déchiffrer  que 
36  qui  suit  : 

L     R 

V  D  V 
L  MINICIO   NATALE 
LEG- AVG- PR-PR- 
XIII 

Le  3^  bâton  du  chiffre  13  est  mal  gravé  et  sa  lec- 
;ure  semble  incertaine.  Qu'il  faille,  d'ailleurs,  lire 
KII  ou  XIII,  il  paraît  certain  que  cette  distance 
3'applique  à  une  direction  divergente,  qui  est  proba- 
blement celle  du  point  3  du  croquis,  situé,  selon 
:oute  apparence,  sur  la  route  de  Ferkane,  peut-être 
ivec  eml)ranchement  sur  M'dila,  où  le  capitaine 
auéneau  a  reconnu  l'existence  d'importants  vestiges 
'omains  et  d'un  castellum,  qu'il  compte  explorer. 


iwraltoîîasrijc  j:r-rr 


-  26 


Point  3.  —  Le  point  3,  dénommé  Henchir-Ouled- 
Taouchi,  est  situésur  la  rive  droite  del'Oued-Montana 
(Oued-Djarech),  probaljlement  sur  la  direction  signa- 
lée plus  haut,  conduisant  de  Taddert  à  Ferkane.  On 
y  a  trouvé,  sur  une  espace  d'environ  400  mètres, 
cinq  ou  six  bornes  ayant  beaucoup  souffert,  sur  trois 
desquelles  le  capitaine  Guéneau  a,  cependant,  réussi 
à  lire  ce  qui  suit  : 


l"-"   borne 

2«  borne 

I M I  G  A 

1/    M 

I  VLIVO  PHIII 

(à  peu  près  illisible)       A  N  t  i  0 

G  E  q  D 1 0  F 1-:  L I 

^  ÛPl 

VGPONT-MXI 

RP-  PP 

3»  borne  (brisée  en  deux  fragments  et  martelée  partiellement) 

IM?     CAES/ 


♦ 

Foldout 


Hère 


♦ 


♦ 


♦ 


M 


I^XJinSTES 


ET 


VESTIGES   ANCIENS 


RELEVES 


DANS  LA  PROVINCE  DE  CONSTANTINE 


1°  Feuille  Pliilippeville 

(au  1/200,000  «  de  la   carte  topographiqvie  de  l'Algérie 
du  service  géographinue  de  l'Armée  ) 

1.  Djebel-Skikda.  Galeries  anciennes  à  l'extrémité 
N.-E.  (Coquand,  Description  géologique  de  la  province 
de  Constayitine,  p.  19,  d'après  Fournel,  Richesse  miné- 
rale, etc.,  I,  p.  132-133). 

3°  Feuille  Boue 

(  au  1/200,000°  ) 

1.  Filfila,  Ajouter  :  Coquand,  op.  cit.,  p.  57-61-65, 
aux  références  du  n"  3  de  VAtlas  archéologique  de 
l'Algérie,  Feuille  Bône. 

2.  Filfila.  Ajouter  :  Coquand,  op.  cit.,  p.  76  et  80, 
à  la  liste  des  références  des  n"«  1  et  2  de  VAtlas.  — 
Mine  de  fer  au  voisinage  de  l'acqueduc  romain. 
(Coquand,  op.  cit.,  p.  80). 


-  30  - 

3.  Edour  (ou  Edough).  Mines  de  fer  exploitées  par 
les  Romains  dans  les  environs  de  Bône,  Coquand 
[op.  cit.,  p.  23)  et  notamment  près  du  marabout  de 
Sidi  Ahmed  ben  Elhadj. 

4.  AïaElrnokra.  Ajouter  :  Coquand  {op.  cit.,  p.  31) 
aux  références  du  n''  23  de  VÀtlas  archéologique. 

5.  Djebcl-Taya.  Coquand  {op.  cit.,  p.  83),  dit  que 
les  Indigènes  exploitent  depuis  un  temps  immémo- 
rial les  gîtes  d'antimoine.  Un  peu  à  l'E  d'une  grotte 
occupée  par  les  ouvriers  de  la  mine,  Coquand  {op.  cit., 
p.  83).  signale  une  autre  grotte  avec  inscription  ro- 
maine, qu'il  suppose  avoir  été  occupée  par  les  chré- 
tiens au  temps  des  persécutions.  Coquand  {op.  cit. 
p.  68  et  95),  indique  une  fontaine  romaine  (sic),  dont 
l'eau  servait  à  irriguer  les  jardins  des  Indigènes. 

Coquand  {op.  cit.,  p.  65),  signale  encore  des  ruines 
dites  de  Ksantina  Gue  lima  au  S.-E.  du  Filiila,  dans 
une  direction  aboutissant  à  un  point  situé  à  10  kil. 
au  S.  du  lac  Fezzara. 

Puis  {op.  cit.,  p  132),  des  ruines  (?)  à  Oum-Gueri- 
guech,  dans  les  montagnes. 

Je  n'ai  pu  retrouver  ces  deux  points  sur  les  cartes. 

3°   Feuille  Le  Hliroiib 

(au  1/50,000") 

1.  Bou  Nouara.  Escargotière  avec  silex,  coupée  par 
la  voie  ferrée,  côté  droit,  en  allant  de  Bou-Nouara  au 
Khroub,  en  face  les  poteaux  télégraphiques  13  et  14, 
à  environ  200  mètres  0.  de  la  gare  (Pallary). 

2.  El-Guera.  Entre  les  points  810  et  816,  à  l'E.  du 
village,  enceinte  de  gros  blocs,  reste  de  vieux  murs 
berbères  (Pallary) 


-  31  - 

3.  Entre  Aïa-boii-Merzoug  et  la  maisonnette  du 
passage  à  niveau,  doubles  murs  berbères  bien 
conservés  (Pollary). 

N,-B.  Les  dolmens  de  Ja  région  d'Ain- bou-Merzoug  seraient  appelés 
maaden      ,  Jjc-s  par  les  Indigènes,  d'après  M.  Joleaud. 

4°  feuille   Boii'Taleb 

(au  l/200,00(>j 

1.  Bazinas  ruinées  à  ISgaou?.,  au-dessus  de  Ras- 
el-Aïn. 

2.  Bazinas  ruinées  dans  la  forêt,  entre  Ngaous  et 
Bir-Ouled-Aouf  ei  vestiges  probal)les  de  dolmens- 
blocs  debout  entourés  de  pierres  en  tas  circulaires. 

3.  A  l'E.  de  liir-Ouled-Aouf,  chemin  allant  sur  Aïn- 
Touta,  pendant  2  kilomètres  ou  plus,  nombreuses 
bazinas  ruinées  et  tumulus. 

4.  Oiied-Berrich,  a  l'emplacement  de  la  mechta  et  de 
la  mosquée,  sis  peu  à  l'amont  de  l'endroit  où  le  cours 
d'eau  sort  des  montagnes  (Zaouya  de  Sidi  Mostapha 
El  Abbasi),  ruines  romaines  sur  200^x100™ d'étendue. 

5.  La  ruine  romaine  indiquée  au  n'  189  de  V Atlas, 
entre  Aïn-ben-Azzouz  et  Sotiane,  ne  me  paraît  pas 
mérite  rl'épithète  de  «  sans  importance  »  que  lui  donne 
l'Atlas,  puisqu'elle  occupe  une  surface  de  plus  de 
300"^  X  300"'. 

5°  Veuille  El-Kaiitai*a 

(au  1/200,000  ) 

1 .  Toutes  les  terrasses  caillouteuses  bordant  au  N. 
la  plaine  du  Hodna,  entre  le  débouché  de  l'Oued- 
Berrich  et  Sofiane,  sont  semées  de  bazinas  générale- 
ment mal  conservées,  mais  quelquefois  très  grandes; 
sur  ces  mêmes  terrasses,  en  face  le  débouché  de 


-  32  - 

rOued-Çaboune,  à  4kil.  environ  au  sud  du  pied  des 
montagnes,  on  trouve,  de  loin  en  loin,  des  vestiges 
d'agglomérations  construites  en  gros  cailloux  ou  en 
pierres  sèches;  juste  en  face  la  coupure  de  l'Oued- 
Çaboune,  fondations  d'enceinte  avec  tours  en  gros 
cailloux  plus  soigneusement  assemblés. 

2.  Sur  ces  mêmes  terrasses,  au  débouché  de 
rOued-Berriche,  petite  ruine  romaine  (bourg)  et  ves- 
tiges aussi  d'une  agglomération  indigène. 

6°   Feuille   Aiirès 

(au  l/200,flOO«) 

Tout  à  'ait  dans  l'angle  N.-E.,  sur  le  chemin  d'Ain - 
Touta  à  rOued  Berriche,  Bir-Ouled-Aouf  et  Ngaous, 
vestiges  de  bazinas  et  ruines  de  constructions  avec 
quelques  pierres  de  taille. 

7°  Feuille  Biskra 

(au  1/200.000=) 

1.  Chaîne  de  collines  allant  de  la  prise  d'eau  vers 
le  S.-O.,  quantité  de  tombeaux  préislamiques  circu- 
laires, en  cailloux  (bazinas)  efïondrés.  Quelques-uns 
ont  été  monumentaux.  Vestiges  de  plates-formes  les 
supportant  ou  de  murs  en  cailloux  allant  des  uns 
aux  autres.  Ces  tombeaux  occupent  surtout  le  som- 
met des  collines,  mais  aussi  quelquefois  les  flancs 
ou  le  pied.  Silex  (racloirs,  pointes  de  flèches),  gros- 
sièrement taillés,  alentour. 

2.  A  l'ouest  de  la  voie  du  tramway  de  Biskra  au 
Hammam,  dans  la  boucle  que  décrit  cette  voie,  en 
contournant  l'extrémité  des  collines  précitées,  tom- 
bes analogues  aux  précédentes. 


—  33  — 

3.  Pied  de  l'extrémité  K.  de  Eddelouate,  vestiges 
de  bazinas  mal  conservées,  en  grande  partie  cachées 
par  le  sable  et  les  éboulis  de  la  montagne. 

4.  Au  Vieux -Biskra,  dans  le  mamelon  dit  le 
"  Fort  turc",  on  trouve  les  restes  d'une  forteresse 
en  pierres  de  taille  de  gros  appareil  (travertin  dur, 
amené  de  loin)  avec  tour  carrée  à  l'O;  cette  cons- 
truction paraît  bien  antérieure  aux  Turcs;  elle  sem- 
ble romaine  ou  byzantine,  et  paraît  profondément 
engagée  dans  la  terre  accumulée  autour  d'elle. 

§0  Région  de  McgHiic 

1.  Auprès  de  Négrine,  versant  S.  de  Coudiat- 
el-Maïz,  le  long  de  la  piste  de  Négrine  à  Midès,  silex. 

2.  Oued-Haci-Elkerma,  en  bordure,  tombeaux  pré- 
islamiques circulaires,  dits  rejem,  dans  le  pays. 

3.  liir-Zarif-Elouaar,  foyer  et  escargotière  à  30  mè- 
tres du  puits  sur  la  rive  gauche  d'un  petit  ravin. 

Ces  renseignements  relatifs  à  la  région  de  Négrine 
m'ont  été  commun"qués  en  juillet  1909,  par  M.  Pal- 
lary,  qui  les  tenait  de  M.  Roux,  ingénieur  à  la  Com- 
pagnie des  Phosphates  de  Redeyef. 

9"  Feuille  Saiut-Donat 

(au  1/50,000") 

Sur  la  rive  gauche  de  l'oued  El-Mehari,  en  amont 
de  la  voie  ferrée,  vestiges  de  bazinas. 

10°  ïenîlle  Sîdî-Dris 

(au  1/50,000^) 

Dans  l'E.  de  la  feuille,  au  pied  du  Djebel  Souari, 
vers  l'extrémité  O.  de  ce  relief,  ruines  romaines 
(ferme). 


—  34  — 

11°  Coiistantiiic 

Je  signalerai,  pour  terminer,  une  inscription  funé- 
raire portée  sur  une  stèle  découverte  au  Coudiat-Ati, 
en  décapant  cette  colline. 

D.  M. 

C    I  VLl  Vd  Ç^    G  F 
Q  VIH    (^   FELIX 
V  I<:  S  T  I  A  H  I 
V  S  Çi?  V  (i?  A 
L  X   X  X  X    \'  I 
H    <^   S   ci)   E 

A.  JOLY  et  L.  JOLEAUD. 


LES 

REFUGES  AÉRIENS  DE  L'AURÈS 


. — M>3^-gï^^^?i>^ — 


Notre  attention  a  été  attirée,  lors  d'ime  excursion 
dans  l'Aurès  (en  1903),  par  de  singulières  habitations 
—  évidemment  très  anciennes  et  aujourd'hui  pour 
la  plupart  abandonnées  —  rencontrées  aux  abords 
du  chemin  muletier  de  Khenchela  à  Zeribet-el-Oued, 

C'est  exactement  entre  Taljerga  et  Zaouïa,  dans  le 
flanc  du  Kef-Tarit  et  à  l'ouest  du  chemin,  que  nous 
avons  aperçu  les  refuges  dont  nous  allons  parler; 
mais  Raskalla  (le  brigadier  deïra  de  Khenchela  qui 
nous  servait  de  guide)  nous  a  signalé  d'autres  habi- 
tations du  même  genre  sur  la  rive  opposée  de  l'Oued- 
Magrahmer  (?),  d   à  Guibel  (?). 

La  légende  raconte  que  Tarit  était  une  jeune  femme 
du  pays  chaouïa,  fille  du  sultan  de  Gasba;  quant  à 
la  tradition  elle  rapporte  que  les  refuges  aériens  sont 
antérieurs  à  la  conquête  romaine  et  elle  veut  que  ce 
soit  les  soldats  italiens  qui  aient  coupé  les  commu- 
nications primitives  y  donnant  accès  afin  d'avoir  les 
populations  locales  à  leur  merci.  Enfin,  Raskalla 
'nous  a  assuré  que  certains  de  ces  refuges  ont  encore 


(1)  Nom  à  rapprocher   de  Magiaoua,  ruine   romaine   sur  uu  rocher 
isolé,  à  l'entrée  des  gorges  de  Haramatn-Guergour. 


-  36  -  *      '^ 

servi  de  réduits  aux  indigènes  à  l'époque  des  Turcs 
et  que  les  Chaouïa  s'y  retranchaient  lorsqu'une  co- 
lonne de  janissaires  était  signalée  dans  la  région. 

Nous  ajouterons,  pour  l'avoir  constaté  de  visu, 
que  la  i)iste  muletière  longeant  le  pied  des  rochers 
(et  souvent  resserrée  entre  ceux-ci  et  la  rivière  au 
|)oint  de  former  un  vérital)le  défilé)  est  le  passage 
habituel  des  caravanes  remontant  du  Sahara  au  Tell 
ou  vice  versa.  Cette  circonstance  pourrait  expliquer 
que  si  Kef-Tarit  a  déjà  été  occupé  aux  é})oques  loin- 
taines dont  nous  parlons  plus  haut,  c'est  précisément 
à  cause  de  sa  situation  sur  un  point  de  transhumance 
ou  de  migration  archiséculaire.(i)  Les  Romains,  qui 
savaient  profiter  de  tous  les  avantages  topographiques 
des  pays  conquis  et  qui  connaissaient  admirablement 
'leurs  possessions,  n'ignoraient  pas  l'importance  du 
passage  de  Kef-Tarit;  aussi,  entre  leur  centre  agri- 
cole deZaouïa  et  l'entrée  du  défilé  (à  Gasba),  avaient- 
ils  édifié  un  poste  militaire,  poste  peu  considéralile 
en  vérité  comme  étendue,  mais  d'une  très  grande 
utilité  pour  protéger  leurs  communications  de  ce 
côté  de  l'Aurès. 

De  chaque  côté  de  la  rivière,  à  Kef-Tarit,  la  mon- 
tagne est  taillée  à  pic  et  se  présente  sous  ra])parence 
d'une  gigantesque  falaise  de  100  à  150  mètres  de 
hauteur,  dont  le  sommet  est  horizontal  et  couvert  de 
pâturages  ou  de  broussailles.  Tantôt  cette  vertigi- 
neuse muraille  est  baignée  directement  par  la  rivière 
et  tantôt  les  éboulis  ont  formé  au  pied  du  rocher  un 


(1)  Tel  est  le  col  situé  au  pied  et  à  l'est  du  massif  des  Mouassa,  entre 
le  Bou-Thaleb  et  le  Guetiane  et  que  borde  le  fameux  mur  appelé 
Kret-Faraoun.  Ce  col  est  un  passage  pour  les  caravanes  venant  du  sud 
et  allant  esliver  dans  la  plaine  de  Sétif. 


Croquis  schématique  des  refuges  aériens  de  rOuecl-Tarit,  sur  la  piste  de  Khenchela 

à  Zéribet-el-Oued 


-  38  - 

talus  plus  ou  moins  large  et  haut,  mais  toujours 
très  incliné,  d'où  émergent,  çà  et  là,  d'énormes  (]uar- 
tiers  de  rocs  et  les  troncs  contournés  d'oliviers  mil- 
lénaires s'élevant  au-dessus  des  fourrés  de  lentis- 
ques  sauvages  et  des  buissons  plus  gais  de  lauriers- 
roses. 

Mais  ces  falaises  ne  sont  pas  unies  :  la  montagne 
étant  formée  de  couches  superposées  de  roches  de 
dureté  différente,  les  plus  tendres  ont  été  effritées 
par  l'action  des  agents  atmosphériques  tandis  que 
les  plus  résistantes  demeuraient  intactes.  De  là  une 
succession  de  terrasses  légèrement  en  saillie  sur  le 
vide  et  d'anfractuosités  dont  le  fond  recule  de  3,  4 
ou  5  mètres  sur  la  face  verticale.  Entre  le  plancher 
d'une  terrasse  et  le  plafond  formé  par  le  dessous  de 
la  terrasse  supérieure,  le  vide  est  d'à  peu  près  9  à 
12  pieds. 

C'est  dans  cet  intervalle,  sur  les  corniches  les  plus 
élevées,  que  les  indigènes  primitifs  —  ancêtres  de 
nos  chaouïa  modernes  —  avaient  édifié  leurs  habita- 
tions, construites  en  pierres  sèches  et  en  boue  : 
habitations  dont  la  nature  s'était  chargé  de  fournir 
le  plancher,  le  plafond  et  la  muraille  de  fond,  ne 
laissant  à  l'industrie  l)erbère  ({ue  le  soin  d'élever  les 
façades  et  les  murs  de  refend. 

Ces  abris  ont  parfois  près  de  cent  mètres  d'éten- 
due. On  conçoit  que  des  demeures  aériennes  comme 
celles-ci  devaient  être  parfaitement  à  l'abri  d'un  coup 
de  main,  des  inondations,  des  risques  de  neige  et  de 
pluie,  et  des  visites  des  fauves  —  si  nombreux  jadis 
dans  tout  l'Aurès. 

Mais,  comment  y  accéder?  va-t-on  me  demander. 
Les  Berbères  avaient  deux  procédés  à  leur  disi)0- 
sition  :  1"  Les  échelles;  2°  Le  monte-charge. 


-  39  — 

Dans  la  ]»roinièi'e  niaiiièrc,  ils  disposaidil  iiiu^  série 
de  courtes  échelles  de  terrasse  en  terrasse,  eu  pro- 
fitaut  des  cassures  de  la  roche  pour  |)asser  d'un 
gradin  à  l'autre.  Quelques-unes  de  ces  échelles  sub- 
sistent encore,  nous  a-t-on  dit;  mais  pour  y  aller 
voir  il  faut  avoir  une  grande  habitude  de  la  gymnas- 
tique et  ne  pas  craindre  le  vertige.  Ce  n'était  mallieu- 
sement  pas  notre  cas! 

Dans  ce  procédé,  il  suffisait  de  retirer  quelques 
échelles  pour  rendre  toute  escalade  impossible.  Les 
assiégés,  qui  avaient  en  permanence  dans  leur  aire 
des  provisions  de  grain  et  d'eau,  se  riaient  de  leurs 
ennemis  qui  —  l;)ientôt  lassés  et  atïamés  —  ne  tar- 
daient pas  à  abandonner  le  blocus. 

Quant  aux  troui)eaux,  seule  richesse  de  ces  pau- 
vres gens,  on  les  faisait  filer  à  la  première  alerte  sur 
les  sommets  de  la  montagne  par  des  sentiers  abrupts, 
qu'un  quartier  de  roc  roulé  en  travers  pouvait  barrer 
et  qu'une  poignée  de  Ijergers,  armés  de  frondes  et 
de  bâtons,  suffisaient  pour  garder. 

La  deuxième  manière,  avons-nous  dit,  était  le 
monte-charge.  Voici  en  quoi  elle  consistait  : 

Sur  la  terrasse  choisie  pour  y  haljiter  on  fixait 
solidement  une  poulie,  attachée  au  plafond  et  légère- 
ment en  saillie  sur  la  corniche.  Une  corde,  dont  la 
longueur  était  calculée  sur  la  hauteur  de  la  falaise, 
permettait  de  descendre  un  panier  (une  benne,  si 
vous  préférez  )  qu'on  remontait  ensuite  pour  inter- 
cepter la  communication.  Dans  ce  panier  prenaient 
place,  un  à  un,  les  haljitant.s  que  les  nécessités  de 
l'existence  appelaient  en  bas  et  on  y  plaçait  les  vivres 
et  les  objets  destinés  à  être  utilisés  en  haut. 

Quand   toute   la    |)Oj)ulation   était   appelée,  par  les 


-  40  — 

travaux  agricoles,  à  descendie  dans  la  vallée,  un  gar- 
dien fasses)  demeurait  sur  la  terrasse  de  la  jjoulie 
afin  de  pouvoir  faire  manœuvrer  le  treuil  quand  le 
besoin  s'en  présentait. 

Il  est  prol)al)le,  d'ailleurs,  que  la  tribu  devait  rési- 
der habituellement  en  bas  et  n'occuper  les  gradins  de 
la  falaise  que  dans  les  moments  de  troubles. 

A  une  demi-heure  sud  de  Zaouïa,  contre  le  chemin 
conduisant  de  cette  oasis  à  Amra  (et  entre  celui-ci 
et  la  rivière),  on  remarque  un  gros  bloc  de  rocher 
qui  a  roulé  de  la  montagne  et  qui  présente  jn'écisé- 
ment  —  à  la  hauteur  d'un  premier  étage  —  un  abri 
entre  deux  couches  de  roche  dure  :  c'est  Kef  Gatous. 
Des  chaouïa  ont  muré  le  devant  de  l'anfractuosité 
par  une  murette  en  pierres  sèches  et  se  sont  fait 
ainsi  une  haljitation  très  sortal)le  et,  à  coup  sûr,  très 
pittoresque. 

Aux  dires  des  habitants  du  pays  cette  construction 
est  très  ancienne  et  ils  l'attribuent  aux  barrbarr. 

A  Amra,  village  situé  à  une  demi-heure  sud  de 
Kef-Gatous,  nous  avons  visité  une  troisième  espèce 
de  refuge  :  celui  de  Tizi-Grarine. 

C'est  un  énorme  rocher  —  haut  de  40  à  50  mètres, 
long  de  150  et  large  de  30  (très  ai)proximativement) 
—  détaché  de  la  montagne  et  demeuré  sur  le  talus 
d'éboulis,  au  milieu  d'un  véritaljle  chaos  de  quartiers 
de  roches  et  de  pierraille.  Ce  rocher  est  |)artout  coujjé 
à  pic  et  déhe  toute  escalade.  Du  côté  de  la  montagne 
il  s'est  fendu  en  tombant  et  présente  une  fissure 
large  de  2  mètres,  aussi  haute  que  le  bloc  et  remplie 
de  petites  pierres,  de  terre  et  de  détritus  de  toute 
sorte.  Ce  remblai  a  été  arrangé  artificiellement  de 
façon  à  présenter  un  plan  incliné  permettant  de  gagner 


-  41  - 

farilement  le  sommet  du  rocher,  (lui  est  })resque 
plan.  Une  porte  en  ferme  l'entrée  inférieure;  ses 
montants  sont  scellés  dans  les  ])arois  des  deux,  par- 
ties du  rocher.  A  la  sortie  supérieure  de  la  rampe, 
la  roche  manque;  pour  })ermettre  au  chemin  de  re- 
joindre la  terrasse,  on  a  fixé  dans  le  rocher  des  claies 
recouvertes  de  terre  et  qui  reposent  sur  des  troncs 
d'arbres  coincés  dans  les  fissures. O  On  marche  donc 
sur  le  vide  !  Une  de  ces  claies  enlevées,  le  refuge  est 
isolé  de  la  terre  ferme . . . 

Comme  la  montagne  est  à  cent  mètres  de  Tizi- 
Grarine,  aucun  jjrojectile  ne  pouvait  atteindre  ses 
habitants. 

Il  paraît  que  cette  forteresse  était  le  refuge  des 
gens  d'Amra  à  l'époque  des  incursions  turques.  Mais 
je  ne  doute  pas  qu'elle  ait  été  utilisée  de  tout  temps  et 
je  crois  que  des  fouilles  y  feraient  trouver  des  silex 
et  des  tessons  permettant  de  constater  son  occupa- 
tion aux  temps  préhistoriques. 

Nous  ne  terminerons  pas  cette  notice  sur  les 
refuges  de  l'Aurès  sans  rappeler  les  galaa ,  (-)  ces 
burgs  indigènes  en  maçonnerie  juchés  sur  les  pitons 
rocheux  dominant  les  dédieras  chaouïa  et  ne  possé- 
dant pour  toute  ouverture  extérieure  qu'une  porte 
étroite  solidement  verrouillée.  Un  gardien  y  habite 
constamment  et  chaque  famille  du  village  voisin  y 
possède  une  chambre,  sorte  de  grenier  où  elle  en- 
ferme ses  objets  les  plus  précieux  quand  la  tribu 
part  en  migration  annuelle. 


(1)  Procédé  usité  dans  certains  chemins  de  montagne  entre  T'kout 
el  Médina,  dans  l'Aurès. 

(2)  Nature,  22  août  1903, 


-  42  — 

Ces  chambres  l'ont  intérieurement  le  tour  de  la  galaa 
et  s'étagent  sur  deux  ou  trois  rangs  de  hauteur.  Des 
rampes  en  clayonnage  permettent  de  monter  depuis 
la  cour  aux  différents  étages  et  une  terrasse  cir- 
culaire termine  le  tout.  C'est  là  que,  aux  épo(pies  de 
trouble,  se  tient  en  permanence  Fasses  —  tel  le  guet- 
teur surveillant  la  i)laine  du  haut  du  donjon  d'un 
castel  médiéval. 

L.  JACQUOT, 

Juge  honoraire  à  Grenoble. 


sous  le  sultan  El  Naçeur 


L'histoire  qui  va  suivre  nous  a  été  contée  par  un  vieil 
indigène  kabyle  de  Bougie,  très  lettré,  nommé  Sakmadji; 
elle  jette  un  jour  peu  connu  sur  la  moralité  du  règne  du 
sulian  El  Naceur,  à  Bougie,  et  nous  a  paru,  à  ce  titre, 
devoir  intéresser  les  lecteurs  du  Recueil  des  Notices  et 
Mémoires  de  la  Société  archéologique  : 

C'était  sous  le  règne  du  sultan  El  Naceur,  alors 
que  Bougie,  déjà  nommée  la  "petite  Mekke  ",  bril- 
lait dans  le  monde  par  ses  sciences,  ses  arts  et 
l'instruction  de  ses  habitants.  C'était  aussi  l'époque 
où  notre  cité,  par  sa  splendeur  et  ses  magnifiques 
palais,  rendait  jalouses  Kairouan,  Fez  et  Grenade, 
et  où  son  sultan,  El  Naceur,  était  à  l'apogée  de  sa 
gloire,  voyait  ses  ordres  exécutés  de  Tunis  à  Tlem- 
cen,  et  venait  de  donner  son  nom  "  El  Naceur  "  à 
Bekaïa,  à  Bedjaïa,  et  à  notre  Bougie  actuelle. 

La  gloire  n'avait  point  enorgueilli  les  habitants  de 
notre  ville;  pénétrés  de  leur  responsabilité,  de  leur 
science  et  de  leurs  talents,  ils  ne  faisaient  point 
ostentation  de  leur  œuvre,  sentiments  qui  abaissent 
les  caractères.  Ils  étaient  dignes,  bons,  serviables, 
et  chaque   maison,  assure-t-on,  avait  au   moins  un 


—  44  - 

liomine  dont  la  réputation  de  sagesse  était  telle  que, 
s'il  survenait  ([uelque  conilit  d'intérêts  entre  t'amilles, 
le  différend  n'était  pas  porté  devant  le  cadi  ou  tout 
autre  magistrat,  mais  on  s'adressait  à  un  ancien  qui 
mettait  aussitôt  les  parties  d'accord,  sans  qu'aucune 
récrimination  ne  surgit,  tellement  le  conseil  ou  le 
jugement  de  l'arbitre  émérite  était  empreint  d'é({uité, 
de  sagesse  et  de  désintéressement. 

Les  magistrats  vivaient  heureux  d'un  titre,  mais 
étaient  choisis  parmi  des  gens  aisés,  car  les  hono- 
raires étaient  rares  et  la  majeure  partie  des  habitants 
les  ignoraient  ou  à  peu  près,  n'ayant  jamais  recours 
à  eux. 

Or,  c'est  à  ce  moment  qu'advint  l'anecdote  sui- 
vante : 

«  Un  musulman  de  la  banlieue,  cultivateur  de  son 
état,  nommé  Amzian,  vint  un  matin  à  El-Nasseria 
pour  y  faire  des  acquisitions  diverses.  Il  s'adressa  à 
un  tadjer,  j^^  (boutiquier),  du  nom  de  Boubeker 
et  lui  acheta  des  épices,  ainsi  qu'une  certaine  quantité 
d'étoffes  et  il  fut  convenu  que  cette  étoffe  serait  me- 
surée au  draa,  c^i  j-  (bras),  qui  est  la  mesure  de  la 

main  fermée  au  coude,  et  qui  peut  offrir  certains 
aléas,  suivant  que  l'homme  qui  y  a  recours  est  plus 
ou  moins  grand. 

«  Ce  mode  de  mesurer  suscita  la  difficulté  qui  causa 
tout  l'émoi  de  cette  atïaire.  En  effet,  ayant  calculé  le 
total  de  ses  achats,  le  long  et  sec  Amzian,  remit  au 
marchand,  petit  et  replet  comme  le  comportait  son 
état  sédentaire,  la  somme  de  deux  dinars  en  or  et  lui 
laissa  en  garde  ses  acquisitions,  qu'il  devait  revenir 
prendre  à  sa   sortie   du  bain  maure.  Le  fait  de  cette 


-  45  - 

avance,  ou  laissant  la  niarchaiidise  payée,  prouve 
l)ien  la  couliance  (|ue  les  gens  avaient,  en  ce  lem|)s-là, 
les  uns  vis-à-vis  des  autres. 

«  Son  hain  pris,  Amzian  revint  à  son  tadjei'  cl  lut 
surpris  de  voir  l'étoffe  déjà  coupée;  il  la  mesura  avec 
son  bras  et  ne  trouvant  pas  la  (piautité  qu'il  ci'oyait 
avoir  achetée,  se  plaignit  au  marchand.  Celui-ci  répon- 
dit que,  d'après  l'usage,  c'était  au  vendeui'  (jue  ce 
soin  était  réservé. 

«  Amzian  déclara  alors  qu'il  ne  pouvait  accepter 
le  marché  dans  ces  conditions. 

«  Bùubeker,  gardant  tout  son  calme,  dit  au  culti- 
vateur :  «  Comme  tu  voudras,  je  suis  prêt  à  te  re- 
mettre ton  argent.  » 

«  Mais  Amzian,  en  colère  devant  la  placidité  de 
son  adversaire,  se  prenant  le  menton  et  la  barbe  de 
la  main  droite,  ce  qui,  selon  lui,  donnait  force  de 
serment  à  son  dire,  prononça  ces  paroles  :  «  Par  ma 
femme,  oui,  je  le  veux  ainsi  et  j'exige  que  tu  me 
rendes  les  deux  mêmes  dinars  que  je  t'ai  remis.  » 

«  Tu  es  bien  imprudent  de  jurer  ainsi,  lui  dit  le 
commerçant,  comment  veux-tu  que  je  te  rende  tes 
pièces;  elles  ont  été  placées  par  moi  dans  un  sac  avec 
d'autres,  je  ne  puis  que  te  rendre  la  même  valeur, 
en  pièces  semblables  si  tu  le  désires,  mais  je  suis 
dans  l'impossibilité  d'accéder  autrement  à  ta  re- 
quête. » 

«  Amzian  persistant  et  voulant  ne  point  se  parju- 
rer, dit  à  Boubeker  :  «  Si  tu  ne  veux  pas  accéder  à 
ce  que  je  te  demande,  viens'  avec  moi  devant  le 
Cadi.  » 

«  Le  Cadi  !  reprit  le  négociant,  mais  il  faut  que  tu 
demeures  bien  loin  de  notre  ville,  pour  faire  cette 


-  46  - 

proposition;  ne  sais-tu  pas  que  nous  n'en  avons  pas 
à  El-Nasseria.  Nos  difïérends  se  tranchent  tous  de- 
vant les  hommes  sages  qui  habitent  au  miheu  de 
nous  et  leurs  avis,  sans  frais,  tiennent  pour  nous 
mieux  que  jugements  et  actes  ofiiciels.  » 

«  Gomment,  reprit  Amzian,  je  ne  pourrai  pas  avoir 
satisfaction?  Mais,  j'y  pense,  c'est  aujourd'hui  naar 
el  khemis  (jeudi)  jour  du  marché  et  c'est  celui  où  notre 
sultan  El  Naceur  (que  Dieu  lui  accorde  sa  bénédic- 
tion!) tient  ses  audiences  publiques,  dans  la  cour  de 
son  Palais  de  l'Etoile  (nedjmaj  'i„5..r>ci  •  Viens  avec 
moi,  allons  devant  lui.  » 

«  Le  commerçant,  tout  en  regrettant  de  perdre 
ainsi  son  temps  pour  un  si  singulier  client,  ayant 
confié  son  magasin  à  son  fils,  consentit  à  suivre 
Amzian. 

«  Ils  entrèrent  au  Palais  de  l'Etoile  et  trouvèrent 
le  Sultan  qui,  entouré  de  trois  ou  quatre  scribes 
(khodjas)  écoutait,  assis  sur  des  tapis,  en  plein  air, 
des  administrés  qui  venaient  recourir  à  sa  justice  ou 
ou  lui  demander  conseil. 

«  Lorsque  le  tour  d'Amzian  fut  arrivé,  celui-ci  se 
présenta,  toujours  suivi  de  Boubeker,  et  lui  raconta 
très  exactement  ce  qui  s'était  passé  entre  son  ven- 
deur et  lui;  il  ajouta  qu'il  aurait  voulu  faire  résoudre 
son  affaire,  sans  le  déranger,  par  le  Cadi  du  bled  (de 
la  ville),  mais  que  Boubeker  lui  ayant  appris  qu'il 
n'y  en  avait  i)lus  à  Bougie,  il  le  suppliait  de  lui  faire 
donner  satisfaction. 

«  Le  Sultan,  qui  avait  écouté  ce  récit  avec  atten- 
tion, se  rendit  compte  à  la  fois  de  l'imprudence  du 
serment  d'Amzian  et  de  la  bonne  foi  de  Boubeker  ; 
ne  trouvant  pas  le  moyen  d'arranger  cette  affaire,  il 


-  47  - 

usa  d'un  subterfuge  pour  gagner  du  temps  et, 
s'adressant  au  négociant  :  «  Comment,  Boul)eker, 
as-tu  pu  dire  que  dans  ma  bonne  ville  il  n'y  avait 
pas  de  Cadi?  Ne  connais-ln  pas  Si  Malireddin,  le 
légiste  distingué,  le  savant  (jui  a  ])lanclii  dans  l'étude 
des  commentateurs  du  "  Livre '"^  Je  vous  ordonne  à 
tous  les  deux  d'aller  le  trouver  immédiatement  et  de 
vous  conformer  à  ce  qu'il  décidera. 

«  S'étant  respectueusement  inclinés,  sans  oser 
ajouter  une  réflexion,  les  deux  ])laideurs  quittèrent 
le  palais  du  Sultan  et  se  rendirent  à  la  mahakma 
(salle  de  séances  du  juge  indigène).  La  salle  était 
vide  comme  d'babitude,  et  le  vénérable  clieikh,  qui 
déchifïrait  un  texte  difficile,  étonné  d'être  ainsi  dé- 
rangé dans  son  travail,  interrompit  immédiatement 
sa  lecture  en  raison  de  la  rareté  du  fait,  et  engagea 
Amzian  à  parler.  Ce  dernier  fit  de  nouveau  le  récit 
qu'il  avait  fait  au  Sultan. 

«  Le  Cadi  demanda  alors  à  Boubeker  si  les  faits 
étaient  exacts,  s'il  avait  des  objections  à  présenter, 
celui-ci  répondit  :  «  Absolument  rien,  le  récit  est 
fidèle  ;  le  campagnard  a  été  imprudent  ;  je  désire  une 
seule  chose,  c'est  que  ta  clairvoyance  puisse  résoudre 
cette  question  au  plus  vite  et  que  je  sois  rendu  à 
mes  affaires. 

«  Le  magistrat  consulta  alors  différents  manuscrits 
placés  à  côté  de  lui  et,  après  avoir  réfléchi,  se  retour- 
nant vers  Amzian,  lui  parla  ainsi  :  «  Mon  fils,  tu  as 
été  fort  imprudent  de  t'ètre  ainsi  lié  par  un  serment 
aussi  solennel,  et  dont  la  réalisation  est  impossible; 
or,  j'ai  revu  Sidi  Klielil  et  deux  autres  commenta- 
teurs, dont  les  autorités  sont  indéniables.   » 

«  Ton  serment,  je  le  répète,  ne  peut  avoir  la  solu- 


—  48  - 

tion  voulue;  donc  ta  femme  doit  te  rester  étrangère; 
il  te  faut  la  divorcer  aussitôt  rentré  chez  toi.  » 

«  Amzian,  entendant  cette  sentence,  veut  parler 
encore;  on  lui  impose  silence,  et  le  Cadi,  d'ailleurs, 
a  repris  le  cours  de  sa  lecture. 

((  Boubeker,  après  quelques  mots  de  consolation, 
quitte  son  compagnon  forcé,  et,  après  lui  avoir  dit 
qu'il  se  tenait  à  sa  disposition  pour  la  forme  du  rem- 
boursenient  qu'il  choisira,  se  hâte  de  regagner  sa 
boutique. 

((  Le  pauvre  cultivateur  sort  de  la  mahakma  dé- 
solé; la  question  d'achat,  de  dinars,  de  rembourse- 
ment n'existe  plus  dans  son  esprit  ;  son  chagrin  est 
profond,  il  le  voit  sans  remède;  s'il  ne  veut  encourir 
la  vengeance  céleste,  il  doit  quitter  la  femme  qu'il 
aime,  vaillante  au  travail,  dont  il  a  déjà  deux  enfants 
et  qui  en  porte  un  troisième  dans  son  sein.  Il  maudit 
son  imprévoyance,  son  emportement  et  ses  fatales 
paroles;  sa  peine  est  si  grande  qu'il  se  met  à  pleurer 
en  cheminant  sans  Init.  A  ce  moment,  un  homme  à 
barbe  blanche,  que  cette  douleur  étonne,  s'arrête, 
examine  le  malheureux,  puis,  compatissant  à  la  peine 
profonde  que  trahit  son  visage,  lui  adresse  ainsi  la 
parole  :  «  0  cam})agnard  !  (car  ton  costume  révèle 
cette  indication),  pourquoi  |)leurer?  tu  es  un  homme, 
il  ne  faut  pas  se  laisser  ainsi  abattre.  Reprends  cou- 
rage, nous  sommes  entre  les  mains  de  Dieu.  Amzian, 
sans  s'arrêter,  répond  :  «  Oui,  il  vous  sied  bien  de 
ne  pas  comprendre  la  peine,  parce  que,  sans  doute, 
vous  êtes  heureux  et  sans  soucis.  »  «  Eh  bien!  re- 
prend le  vieillard,  à  raconter  ses  maux  on  les  sou- 
lage. Quelle  est  ta  peine?  Si  je  puis  m'em])loyer  à  la 
diminuer,  je  ferai  de  mon  mieux;  voyons,  dis-moi 
ton  chagrin  »  ;   et  il  se  met  à  marcher  à  côté  de  lui. 


—  49  - 

«  Surpris  d'alîord  de  ce  témoignage  de  sympathie  de 
la  })art  d'un  inconnu,  Amzian  le  regarde  plus  atten- 
tivement et  lui  explique  dans  quelle  situation  il  se 
trouvait. 

«  Effectivement,  tu  as  été  imprudent,  lui  dit  le 
vieillard,  mais  il  n'est  mal  ({ui  ne  comporte  son  re- 
mède. Voyons,  viens  avec  moi  chez  ton  marchand, 
nous  examinerons  tous  trois  ce  qu'il  sera  possible 
de  faire  pour  te  tirer  de  cette  fâcheuse  position. 

«  Amzian  se  laisse  guider  sans  grande  confiance^ 
mais  fasciné  par  l'air  respectable  et  la  bonhommie  du 
vieux  cheikh. 

«  Ils  arrivent  chez  le  tadjer  Boubeker.  Le  vieillard, 
s'adressant  au  marchand  :  «  Voici  ce  que  ce  paysan 
vient  de  me  raconter,  tout  cela  est-il  exact?  »  Sur 
l'afïirmation  de  Boubeker,  le  cheikh  Si  Ahmed  (ainsi 
se  nommait  ce  vieillard),  lui  demande  :  «  Avez-vous 
eu  déjà  des  difficultés  ensemble?  Serais-tu  disposé 
à  le  tirer  d'embarras?  » 

«  Non,  jamais,  répondit  Boubeker,  c'est  la  première 
fois  que  je  me  suis  entretenu  avec  lui  et  Dieu  aurait 
bien  dû  le  conduire  ailleurs,  car  son  imprévoyance 
et  son  emportement  ont  fait  tout  le  mal;  je  me  suis 
prêté  à  son  désir,  nous  avons  été  chez  le  Sultan, 
chez  le  Cadi;  j'ai  perdu  toute  une  matinée.  Personne 
n'a  trouvé  remède  au  mauvais  pas  où  il  s'est  mis 
délibérément;  je  le  plains,  je  voudrais  l'aider,  mais 
je  ne  vois  pas  ce  que  je  puis  faire  encore.  » 

«  Ecoute-moi,  dit  Si  Ahmed,  tu  te  trompes,  le  sort 
de  ce  malheureux  est  entre  tes  mains,  tu  i)eux  lui 
rendre  la  tranquillité  et  le  repos.   » 

«  Que  faut-il  faire?  re[)rit  Boubeker,  je  crois  que 
tu  es  un  sage,  parle!  » 


-  50  - 

Si  Ahmed.  —  «  Tu  as  mis  les  dinars  du  cultivateur 
dans  ta  sacoche,  avec  ceux  que  tu  possédais  déjà,  tu 
peux  l'affirmer  ?  » 

Boul)eker.  —  «  Sans  aucun  doute,  par  notre  pro- 
phète.   » 

Si  Ahmed.  —  «  Eh  bien!  compte  devant  nous  la 
somme  totale  renfermée  dans  ta  sacoche,  puis,  en- 
suite, remets-la  à  Amzian.  Il  aura  en  mains,  de  cette 
façon,  avec  les  autres,  les  deux  dinars  qu'il  t'a  remis; 
son  serment  sera  exécuté.  Il  puisera  alors  dans  ta 
l)Ourse  un  nombre  égal  de  pièces  à  celles  données  et 
te  remettra  après  le  reste  de  la  somme  avec  son 
contenant  ;  ainsi,  tout  sera  arrangé,  le  serment  exé- 
cuté, et  ce  pauvre  fellah  retrouvera  sa  femme,  ses 
enfants  et  ira  vivre  dans  le  bien.  Ainsi  fut-il  fait  et 
Amzian,  heureux,  embrassait  les  mains  et  les  pieds 
du  vieillard,  demandant  à  Dieu  de  verser  les  béné- 
dictions sur  lui. 

«  Il  remerciait  aussi  Boubeker  de  son  concours  et, 
tout  heureux,  allait  se  diriger  vers  la  porte  Fouka, 
lorsque  deux  musulmans  qu'il  n'avait  pas  remarqués 
et  qui  l'avaient  suivi  depuis  sa  sortie  du  Palais  de 
l'Etoile,  intervinrent  et  invitèrent  le  campagnard,  le 
marchand  et  le  vieillard  à  les  suivre  ;  ils  les  condui- 
sirent devant  le  sultan  El  Naceur. 

((  Le  pauvre  Amzian,  déjà  si  joyeux,  fut  repris 
d'inquiétude  et  se  demanda  quel  esprit  malin  (<Jjin) 
le  poursuivait  encore,  ou  si  quelqu'un  lui  avait  jeté 
un  sort. 

((  Devant  le  Sultan  qui,  dans  l'après-midi,  avait 
repris  dans  la  cour  ses  audiences  publicpies,  ils  furent 
surpris  de  trouver  le  Cadi. 

«  Si  El  Naceur  ordonna  à  Amzian  de  lui  exposer 


-  51  - 

ce  (\u\  s'était  i)assé  depuis  sa  sortie  du  Palais  et 
celui-ci  lui  lit  part  de  sa  coiisultalion  cliez  le  Gadi  ; 
de  son  désespoir  en  sortant  tle  chez  ce  docte  magis- 
trat, qui  lui  avait  fait  application  de  la  règle  coranique; 
de  sa  rencontre  du  vieillard,  comment  cet  homme  de 
bien  avait  arrangé  son  affaire;  sa  joie  et  son  honheur 
de  s'être  atïranchi  de  cette  mauvaise  situation  créée, 
il  le  reconnaissait,  par  son  mauvais  caractère  et  par 
son  serment  néfaste. 

«  Le  sultan  El  Naceur  ayant  prié  le  Cadi  de  s'expli- 
quer sur  ce  cas,  le  magistrat  lui  donna  les  sourates  et 
le  verset  du  Coran,  qui  traitait  du  serment;  puis  fai- 
sant preuve  d'érudition,  il  cita  les  passages  de  Sidi 
Khellil,  ayant  trait  au  même  jjoint  en  litige;  il  allait 
même  invoquer  d'autres  auteurs,  lorscju'il  fut  arrêté 
par  le  Sultan  qui,  se  tournant  vers  les  trois  indigènes, 
témoins  silencieux  de  cet  exposé,  leur  dit  : 

«  Dieu  soit  glorifié  de  me  donner,  dans  ma  bonne 
ville,  des  sages  comme  toi.  Si  Ahmed!  Sois  plus 
prudent,  une  autre  fois,  Amzian  !  Toi,  Boubeker, 
continue  à  exercer  ton  métier  avec  honnêteté  et  Dieu 
augmentera  tes  biens  !  Toi,  Cheikh-Cadi,  retourne  à 
tes  livres,  mais  vois  aussi  plus  loin  ;  sois  plus  homme 
que  savant,  plus  humain  que  lettré,  et  reste  le  plus 
possible  à  tes  méditations  !  Toi,  Si  Ahmed,  qui  suis 
le  vrai  chemin,  fais  toujours  le  bien  autour  de  toi; 
tu  es  dans  le  vrai,  et  mieux  vaut  un  sage  comme 
toi  que  des  magistrats  uniquement  préoccupés  des 
textes  et  qui  voient  la  teltre  bien  plus  que  l'esprit  des 
écritures. 

«  Boubeker,  tu  avais  raison;  évitez  les  procès, 
adressez-vous  à  vos  sages,  et  allez  en  paix  !  » 

Cette  histoire  est  un  peu  longue  peut  être,  mais  il  nous 


—  52  - 

a  para  qu'elle  perdrait  à  être  diminuée,  car  elle  est  em- 
preinte d'une  réelle  morale,  npplicable  à  tous  les  lemp^  et  à 
tous  les  peuples. 

CHOISNET, 

Sous-Préfet  en  retraite. 


LE  PRÉHISTORIQUE 

DANS 

LES     ENVIRONS     DE     TÉBESSA 


Vers  la  lin  de  l'année  1909,  nous  avions  l'occasion 
d'entrer  en  relations  avec  M.  Latapie,  gendarme  à 
Tébessa,  lequel  dans  ses  rares  moments  de  loisirs, 
s'occupait  depuis  environ  une  année,  de  recherches 
superficielles  dans  la  région  qu'il  habite,  sur  certaines 
stations  préhistoriques.  Après  divers  envois  de  silex 
à  déterminer  et  une  visite  qu'il  nous  ht  à  Gonstantine, 
nous  l'engagions  vivement  à  produire  à  notre  Société 
archéologique  un  plan  et  une  notice  sur  les  lieux 
intéressants  qu'il  avait  pu  rencontrer. 

Ce  plan  ne  comportait  pas  moins  d'une  quarantaine 
d'endroits  qu'il  désignait  sous  les  noms  d'escargo- 
tières, —  véritables  kjœkœnmœddings,  connus  des  indi- 
gènes sous  les  noms  de  Enchir-  Bemeilia  et  de  Enchir- 
Uabouch  (i)  —  dolmens,  tumulus  et  stations  diverses, 
et   nous   pouvions   conclure  que  la  région  signalée 


(i)  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Constantine,   année    1910, 
pages  225  à  235 


-  54  — 

était  exceptionnellement  riche  en  restes  et  vestiges 
des  multiples  périodes  de  l'âge  de  la  j)ierre. 

Puis,  il  nous  revenait,  (ju'au  cours  d'une  fouille 
que  nous  avions  faite  à  Aumale  (Algérie),  dans  la 
région  des  hauts  plateaux,  en  1901,  un  amas  consi- 
dérable de  coquilles  terrestres,  dans  lecjuel  on  recueil- 
lait quelques  silex,  avait  particulièrement  attiré  notre 
attention,  et,  depuis,  à  Bougie,  sur  le  littoral,  dans 
la  grotte  sépulcrale  «  Ali-Bacha  »  pareille  constatation 
avait  été  faite.  Là,  en  efïet,  sur  plus  de  0"U5  d'épais- 
seur en  contact  avec  une  belle  industrie  qui  a  été 
signalée  à  deux  reprises,'^)  et  sur  toute  la  surface  du 
premier  caveau  dégagé,  mais  à  une  assez  grande 
profondeur,  on  trouvait  une  grande  quantité  de  co- 
quilles, principalement  des  lnlir  m^pcr^a,  dont  beau- 
coup portaient  encore  des  traces  de  contact  avec  le 
feu. 

Quelques  auteurs  jusqu'à  ce  jour,  s'étant  bornés 
à  signaler  les  escargotières  comme  des  stations  à 
coquilles  et  à  silex,  nous  ne  pouvions  manquer  d'être 
frappé  et  surtout  intrigué  par  la  fréquence  de  ces 
gisements  dans  la  région  de  Tél)essa,  et  nous  de- 
mandions, au  début  de  l'année  courante  (1910)  une 
suln'ention  à  la  Société  archéologique  de  Constan- 
tine,  afin  de  nous  permettre  d'aller  étudier  sur  place 
les  escargotières  avancées  par  M.  Latapie  dans  sa 
notice. 

A  cet  effet,  nous  faisions  venir  de  Bougie  l'ouvrier 
exercé  que  nous  avions  déjà  occu[)é  pendant  six  ans 


(i)  Association  française  pour  l'avancement  des  Sciences.  Congrès  de 
Montauban,  1902.  Fouilles  Je  la  grotte  Ali-Bacha,  à  Bougie; 

Congrès  international  d'anthropologie  et  d'archéologie  préhistorique 
de  Monaco,  1906.  La  station  quaternaire  d' Ali-Bacha,  à  Bougie, 


-    55   - 

et  ail  commencement  d'à viil  nons  noua  rendions  à 
Téhessa. 

Tout  au  début  de  noire  travail,  nous  tenons  à 
remercier  l)ien  sincèrement  le  collaborateur  —  un 
peu  trop  effacé  —  (pie  nous  avons  trouvé  en  M.  La- 
tapie,  pour  ses  démarches  et  son  précieux  concours, 
car  c'est  beaucoup  à  lui  que  nous  devons  les  fouilles 
qui  ont  été  entreprises,  c'est  tout  au  moins  à  son 
instigation. 

Nous  avons  également  rencontré  auprès  de  M.  le 
Maire,  de  M.  l'Administrateur  et  de  M.  le  Comman- 
dant supérieur  de  Tébessa,  le  plus  bienveillant  accueil, 
tant  pour  les  renseignements  dont  nous  pouvions 
avoir  besoin  que  pour  les  autorisations  de  fouilles 
accordées  —  dans  un  Init  si  utile  à  la  science  —  et 
nous  croyons  être  l'interprète  reconnaissant  de  la 
Société  archéologique  de  Constantine  en  leur  disant 
aussi,  merci. 

La  région  explorée  par  nous,  comportant  des  épo- 
ques diverses  d'haljitat,  nous  nous  proposons  de 
scinder  notre  compte  rendu  et  nous  allons  d'abord, 
et  surtout,  nous  occuper  des  escargotières. 

Les  esçjarcotières 

Sans  nous  arrêter  à  faire  une  descrii)tion  de  la 
ville  de  Tébessa  souvent  décrite  et  par  divers  auteurs, 
cela  à  différents  titres,  nous  arriverons  directement 
au  sujet  qui  doit  nous  occuper  tout  particulièrement, 
il  va  faire  renaître  un  passé  beaucoup  })lus  ancien 
que  celui  attribué  à  cette  pourtant  vieille  cité,  jus- 
qu'à ce  jour.  Afin  de  pouvoir  nous  guider  au  cours 
de  nos  reclierclies,  nous  avons  dressé  un  plan  de  la 
région  ex})lorée  (lig.  1),  il  comporte  les  seules  sta- 
tions où  des  fouilles  ont  été  exécutées. 


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(Fig.  1)   Plan  nœi  à  l'ccheJle,  drs  stafioiis  préliisloriques  de  la   réoion 
de  Tébessa  où  des  fouilles  ont  été  pratiquées  " 


—  57  — 


Escargotière  de  R'fana 

A  6  kilomètres  environ  an  sud-onest  de  Tél)essQ, 
en  bordure  de  la  })iste  se  dirigeant  vers  la  bergerie 
militaire,  ajn'ès  avoir  dépassé  le  moulin  connu  sous 
le  nom  de  son  propriétaire,  M.  Cambon,  à  ({uehjues 
centaines  de  mètres  plus  haut  et  tout  autour  d'une 
maisonnette,  refuge  pour  les  bergers,  s'étend  l'escar- 
gotière de  R'fana. 


i     (Fig  2)  Plan  de  l'esgarcolière^^de  H  '  fana 

Il  j  n'est  pas  douteux  que  pour  [construire  cette 
maison,  \o\\  [ne|soit  tombé  sur  un  véritable  sol  d'es- 
cargots, car  elle  se  trouve  en  pleine  station  et  grande 
aura  dû  être  la  surprise  des  maçons.  Au  ])as  du 
ravin  coule  l'Oued-R'i'ana  qui,  paraît-il,  ne  tarit  ja- 
mais. Perchée  sur  un  mamelon  en  pente  douce,  notre 
escargotière  —  comme  du  reste  toutes  celles  que 
nous   aurons  à  ]>asser  en  revue  —  produit  tle  loin 


—  58  - 

une  curieuse  impression  et  on  dirait  l)ien  mieux  une 
véritaljle  charbonnière.  Ce  n'est,  en  efïet,  qu'une 
grosse  tâche  noire  qui  tranche  nettement  sur  la  cou- 
leur terne  et  jaunâtre  de  la  terre. 

A  la  surface,  on  recueille  cjuelques  silex  et  on  reste 
surpris  en  présence  de  la  quantité  d'hélix  i)ulvérisées 
qui  forment  croûte  sur  le  sol.  Un  phénomène  très 
sim{)le  s'est  produit  depuis  l'époque  d'hahitat,  et  qui 
sait  combien  de  siècles,  ainsi  qu'il  continue  du  reste 
encore  à  se  produire  tous  les  jours,  moins  c'est 
possible  en  raison  de  la  couche  protectrice  qui  nuit 
beaucoup  à  la  pénétration.  Le  sol  essentiellement 
cendreux  et  friable  se  désagrège;  chaque  hiver  la 
pluie,  en  été  le  vent  —  et  il  nous  a  nuit  considéra- 
blement —  ont  emporté  une  certaine  partie  de  la 
cendre  dont  se  composent  pour  ainsi  dire  exclusive- 
ment nos  escargotières.  Les  coquilles  et  les  silex 
plus  lourds  demeurent  le  plus  souvent  en  place  et 
les  bergers,  à  force  de  passer  avec  leurs  troupeaux, 
se  chargent  ensuite  de  pré|)arer  le  sol  dans  l'état  où 
on  le  trouve. 

La  station  de  R'fana  affecte  une  forme  quasi-cir- 
culaire d'une  quinzaine  de  mètres  de  diamètre;  elle 
se  trouve  aujourd'hui  parfaitement  retournée,  car  à 
part  l'emplacement  de  la  maisonnette  et  ses  abords 
immédiats  qu'il  fallait  avant  tout  respecter,  la  station 
a  été  fouillée  jusqu'au  sol  ancien,  lecpiel  n'est  ren- 
contré qu'à  une  profondeur  moyenne  de  1"^50. 

En  raison  de  la  puissante  épaisseur  sul)sistante, 
il  est,  pensons-nous,  assez  facile  de  se  rendre  compte 
de  rim|)ortance  du  mamelon  (pii  nous  occu])e  au 
moment  de  son  abandon  par  les  habitants. 

Maintenant  (|ue  non  seulement  R'fana,  mais  égale- 


--   59  - 

ment  d'aulrps  escargotières  ont  \n\  nous  livrer  une 
j)aiii(^  (le  leur  secret,  nous  pouvons  peut-être  sans 
crainte  les  comparer  aux  amas  de  co({uilles  kjdîkken- 
mceddinger  du  Danemark,  tlu  Portugal  et  de  certains 
lilloraux,  car  les  l'apports  communs  sont  telh^nenl 
nombreux,  ainsi  (ju'il  sera  facile  de  le  constater  au 
cours  de  notre  travail,  (pie  nous  |)eiisons  inutile 
d'insister.  Certains  auteurs,  géologues  surtout,  ont 
du  reste  déjà  emprunté  cette  appellation,  et  nos  fouilles 
terminées,  nous  dirons  aujourd'hui  pour  désigner 
une  escargotière  :  amas  considérable  de  cendres  très 
noires,  pulvérulentes  et  de  coriuilles  terrestres  innom- 
brables, parfois  en^  bancs  serrés  et  compacts,  sur  un 
diamètre  de  10  à  100  mètres  et  plus,  et  sur  une 
épaisseur  de  plusieurs  mètres,  dans  lequel  on  ren- 
contre de  très  rares  ossements  d'hommes  et  d'ani- 
maux en  contact  avec  une  remarquable  industrie  de 
l'âge  de  pierre,  laquelle  nous  pensons  correspondante 
de  la  belle  époque  Magdalénienne. 

Chose  curieuse,  la  région  de  Tébessa  produit  encore 
de  nos  jours  des  escargots  en  très  grande  quantité, 
et  on  nous  a  affirmé  qu'il  s'en  expédiait  sur  Mar- 
seille des  choix  importants  pour  la  consommation. 

D'où  vient  donc  cette  préférence  du  sol  des  mol- 
lusques terrestres  pour  leur  propagation,  les  géolo- 
gues pourraient  sans  doute  nous  éclairer? 

Il  n'est  donc  à  notre  avis  que  naturel,  lorsque 
nous  établissons  un  parallèle  entre  les  peuplades  de 
l'intérieur  et  celles  du  littoral,  de  rencontrer  peut- 
être  à  une  même  époque,  les  mêmes  besoins  et  les 
mêmes  aspirations  chez  les  habitants  de  certaines 
régions. 

Nous  avons  pu  nous  rendre  compte  que  la  pro- 


-   60  - 

portion  des  escargots  était  d'au-moins  quatre  à  cinq 
mille  pour  un  ossement  d'animal,  et  l'homme  des 
escargotières  était  donc  par  dessus  tout,  un  consom- 
mateur de  mollusques,  exceptionnellement  Carnivore 
tout  comme  les  ichtyophages,  qui  se  nourrissent 
presque  exclusivement  de  poissons. 

La  nature  du  sol,  à  l'intérieur  des  escargotières  ne 
varie  pas;  c'est  sur  toute  l'épaisseur  de  la  cendre 
noire  et  des  coquilles,  parfois  de  véritables  bancs  de 
ces  coquilles.  Par  places  on  relève  des  foyers,  mais 
simplement  à  même  du  sol,  et  ce  n'est  que  rarement 
qu'il  nous  a  été  procuré  de  rencontrer  ces  foyers 
avec  garu-iture  de  pierres.  Alors,  la  cendre  est  plus 
compacte  et  forme  des  tâches  très  jaunâtres  et  tran- 
chantes sur  la  noire  régularité  du  terrain.  Partout 
les  charbons  sont  noml)reux,  partout  enlin  on  cons- 
tate l'action  du  feu. 

Puisque  maintenant  il  est  avéré  que  les  hal)itants 
des  escargotières  faisaient  leur  nourriture  —  pour 
ainsi  dire  —  essentielle  d'escargots,  quel  pouvait 
être  le  mode  d'extraction  de  l'animal  de  sa  coquille? 
On  sait  que  de  nos  jours  encore  cette  séparation 
n'est  pas  toujours  des  plus  facile  et  nous  avons  dû 
demander  à  la  civilisation  et  à  l'industrie,  tout  com- 
me à  l'époque  préhistorique,  un  outil  approprié  à  ce 
genre  de  travail. 

Et,  en  effet,  ils  étaient  déjà  civilisés  et  industrieux 
nos  vieux  devanciers  des  escargotières,  c'est  du 
moins  ce  que  nous  allons  montrer  au  cours  de  notre 
travail,  car  leur  outillage  nous  reste  à  défaut  d'autre 
témoignage. 

Depuis  treize  ans  que  nous  fouillons  le  sol  des 
stations  en  plein  air,  des  cavernes  et  des  abris  sous 


-  61 


roche  en  Algérie,  que  oe  soit  sur  le  littoral  ou  dans 
la  région  des  hauts  plateaux,  partout  nous  avions  été 
frappé  de  la  grande  quantité  des  escargots  rencontrés, 
mais  jamais  à  vrai  dire  autant  (|ue  dans  la  région  de 
Téhessa  que  nous  avons  pu  étudier.  Partout  aussi 
nous  avions  été  intrigué  par  la  fréquence  d'un  outil, 
toujours  demeuré  énigmatique,  burin  pour  les  uns, 
simple  pointe  de  jet  pour  d'autres,  et  sur  lequel  nous- 
mème  n'avions  pu  jusqu'à  ce  jour  formuler  que  des 
conjectures. 

En  1905,  nous  avons  publié  une 
étude  sur  cette  curieuse  industrie, 
sans  toutefois  pouvoir  en  préciser  la 
servitude. f) 

Aujourd'hui  la  lumière  se  fait  et 
nous  nous  trouvons  tout  simplement 
en  présence  d'une  pointe  de  silex  qui 
s'emmanchait  et  servait  à  extraire 
l'animal,  l'escargot,  de  sa  coquille. 

Au  cours  de  notre  fouille  de  R'fana, 
nous  avons  pu  heureusement  dégager 
un  os  d'oiseau  dans  lequel  se  trouvait 
encore  engagé  un  de  ces  petits  outils 
que  nous  présentions  en  1905  comme 
burins  anguleux. 

Emmanché  du  côté  de  la  pointe 
allongée,  l'autre  partie  anguleuse  pou- 
vait aller  fouiller  l'intérieur  de  la  co- 
quille, nous  le  pensons  du  moins, 
assez  facilement  (Fig.  3). 


(  Fig.  3).  Gr.  nat. 

Silex  emmanché 

dans 
un  os  d'oiseau 


(r)  L'homme  préhistorique,  n"  9,  septembre  1905  ;  Etude  sur  les  bu- 
rins? et  les  silex  déforme  géométrique. 


—  62  - 

Nous  avons  vu  que  la  proportion  des  os  est  très 
faible  et  cependant  ceux  d'oiseaux  dominent,  il  est 
donc  assez  logique  que  l'homme  recherchait  surtout 
ces  derniers  pour  être  employés. 

A  défaut  d'os,  les  bois  durs  pouvaient  aussi  être 
utilisés,  mais  on  le  conçoit,  il  n'en  subsiste  aucune 
trace.  Entre  tous,  l'outil  par  excellence  rencontré 
dans  les  escargotières,  c'est  la  lame  en  bec  de  per- 
roquet. Pourquoi  donc  cette  forme  particulière  si 
elle  n'était  pas  purement  intentionnelle?  Nous  aurons, 
du  reste,  à  revenir  sur  ce  sujet  quand  nous  passerons 
en  revue  l'industrie  recueillie  dans  nos  fouilles. 

Dans  les  amas  de  coquilles  du  littoral  européen, 
nous  avons  aussi  constaté  la  pauvreté  des  ossements 
rencontrés;  est-ce  à  dire  pour  cela  que  l'homme  des 
escargotières  n'était  par  Carnivore?  Nous  pouvons 
répondre  qu'il  l'était,  mais  si  peu,  proportionnelle- 
ment, que  nous  le  comparerons  aux  ichtyophages,  et, 
à  défaut  de  poissons,  sa  nourriture  principale  con- 
sistait en  mollusques  terrestres. 

Nous  avons  pu  faire  une  constatation  qui  pourrait 
aussi  nous  donner  une  précieuse  indication  quant  au 
moyen  employé  pour  dégager  l'animal  de  sa  coquille. 

Sur  une  certaine  quantité  d'escargots,  on  remarque, 
vers  le  centre  de  la  périphérie  des  spires,  une  ouver- 
ture irrégulière  qui  paraît  avoir  été  faite  avec  la 
pointe  de  la  lame  en  bec  de  perroquet.  N'avons-nous 
pas  là  le  moyen  naturellement  indiqué  pour  détacher 
l'animal  lorsqu'il  adhérait  par  trop  à  la  base  de  son 
enveloppe?  La  chose  parait  assez  vraisemblable. 

Et  à  présent,  essayerons-nous  de  chercher  à  savoir 
quel  pouvait  être  le  mode  de  cuisson  de  tant  d'es- 
cargots? Exposés  sur  la  cendre  chaude,    ce  devait 


—  63  — 

être  certainement  le  moyen  le  plus  simple  et  le  })lus 
pratique;  mais  à  côté  de  cela  ne  pouvait-il  en  exister 
un  autre?  Sur  beaucoup  do  corpiilles  on  relève  des 
traces  de  leur  contact  avec  des  charbons,  mais  sur 
la  plus  grande  quantité  on  ne  constate  rien,  il  est 
vrai  que  la  cendre,  simplement  chaude,  ne  décompo- 
sait pas  les  enveloppes. 

Ayant  remarqué  au  cours  de  notre  fouille  la  pré- 
sence de  fragments  de  coquille  d'œuf  d'autruche, 
nous  avons  fait  tamiser  durant  quelques  heures  afin 
de  juger  de  leur  proportion.  Disons  de  suite,  en  pas- 
sant, qu'il  serait  impossible  d'utiliser  le  tamis  en 
permanence,  car  le  moindre  vent  —  et  il  en  fait  pres- 
que toujours  dans  cette  région  —  vous  met  en  quel- 
ques minutes  dans  un  état  épouvantable  et  vous 
transforme  en  véritable  charbonnier.  Toutefois,  nous 
avons  pu  nous  convaincre  que  les  débris  de  l'œuf 
d'autruche  sont  communs;  malheureusement  ils  se 
confondent  le  plus  souvent  avec  les  hélix  brisées. 
Sur  certains  fragments  on  constate  une  calcination 
profonde  et  en  l'absence  totale  de  poterie,  nous  nous 
demandons  si  l'homme  des  escargotières  n'utili- 
sait pas  ces  énormes  œufs,  préparés  au  préalable, 
pour  la  cuisson  à  l'eau  de  ses  escargots.  Nous  avons 
fait  l'expérience  que  ce  genre  de  récipient  pouvait 
recevoir  une  certaine  quantité  de  coquilles,  plus  même 
qu'on  ne  le  supposerait. 

A  un  autre  point  de  vue  nous  avons  voulu  aussi 
surveiller  ces  débris,  car  la  gravure  sur  coquille 
d'œuf  d'autruche,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  signa- 
lé (i),  étant  connue  à  l'époque  néolithique  ancienne  et 


(i;  L'homme  préhistorique,   mars    1905  :    L'ornement  aux  époques 
préhistoriques  sur  les  hauts  plateaux  de  l'Atlas  et  sur  le  littoral. 


—  64  - 

récente,  elle  pouvait  l'être  aussi  antérieurement. 
Nous  verrons  à  la  fin  de  notre  compte  rendu  que 
nous  avions  raison  et  nous  possédons,  de  nos  escar- 
gotières fouillées,  une  douzaine  de  fragments  fine- 
ment et  fort  curieusement  gravés. 

Notre  intention  n'est  pas  de  nous  arrêter  d'une 
façon  particulière  sur  l'industrie  de  chaque  escargo- 
tière; cette  industrie,  a  quelques  variantes  près,  étant 
sensiblement  la  même,  nous  traiterons  cette  partie 
à  la  fin  de  notre  travail  et  nous  nous  bornerons  à 
signaler  au  fur  et  à  mesure  de  nos  fouilles  les  parti- 
cularités que  nous  rencontrerons  et  qui  nous  paraî- 
tront intéressantes. 

Le  caractère  principal  des  ossements  recueillis,  aussi 
bien  ceux  qui  ont  servi  à  l'alimentation  que  ceux 
ayant  servi  à  l'outillage,  c'est  qu'ils  sont  fortement 
fossilisés  et  couverts  de  profondes  vermiculations 
qui  leur  donnent  un  cachet  particulier  et  absolument 
remarquable.  Bien  haljiles  seraient  les  faussaires  — 
il  en  existe  même  en  objets  préhistoriques  —  pour 
arriver  à  imiter  l'industrie  de  l'os  dans  les  escargo- 
tières. Nous  voulons,  en  passant,  en  ce  qui  concerne 
les  ossements,  attirer  l'attention  sur  un  point  parti- 
culier, lequel  peut  avoir  son  utilité  pour  la  compré- 
hension de  leur  conservation  parfois  remarquable,  si 
on  considère  qu'il  s'agit  de  stations  en  plein  air  et 
exposées  à  toutes  les  intempéries.  A  cela  il  y  a  une 
raison.  Nous  avons  vu  que  depuis  l'abandon  de  nos 
escargotières,  la  surface  mamelonnée  s'était  dénudée, 
pluie  et  vent,  en  enlevant  toujours  de  plus  en  plus 
une  certaine  partie  de  cendres,  il  nous  restait  à  la 
surface  une  couche  écrasée  et  fort  compacte  de 
coquilles.   Cet  enduit  véritable,  d'un  côté,    l'énorme 


-  65  - 

couche  de  cendres  grasses  restant  en  dessous,  de 
l'autre,  font  que  ces  curieuses  stations  sont  devenues 
comme  imperméables. 

A  deux  reprises,  notre  temps  étant  limité,  nous 
avons  dû  y  travailler  par  la  pluie;  nous  l'avons  fait 
sans  aucune  gène  et,  qui  plus  est,  sans  y  constater 
de  pénétration  car  les  eaux  glissent,  c'est  le  mot,  sur 
cette  enveloppe  carapace,  d'une  façon  extraordinaire. 
On  conçoit  donc  assez  facilement  la  conservation 
parfois  parfaite  de  certains  des  ossements  recueillis. 

Nous  avons  cru  utile  de  nous  étendre  un  peu  sur 
certains  renseignements  généraux;  on  nous  en  saura 
gré,  car  jusqu'à  ce  jour,  on  n'était  pas  encore  fami- 
liarisé avec  la  composition  intérieure  d'une  escargo- 
tière et  quelques  remarques  pourraient  être  profi- 
tables. 

Escargotière  du  3"'^  kilomètre  200 

Au  3''200,  sur  la  route  de  Tébessa  à  Bekkaria- 
Gafsa,  juste  à  l'endroit  où  la  ligne  de  chemin  de  fer 
du  Kouif  se  rapproche  le  plus  de  la  route,  existe  une 
escargotière  plus  conséquente  que  celle  de  R'fana 
que  nous  venons  de  quitter.  Elle  est  très  facile  à 
reconnaître  —  à  présent  surtout  qu'elle  a  été  retour- 
née —  car  il  a  fallu  la  traverser  aussi  bien  pour  la 
construction  de  la  route  que  pour  la  voie  ferrée. 
A  un  certain  endroit  mème^  ainsi  que  nous  l'indi- 
quons ci-après  (fig.  4),  on  avait  enlevé  une  bonne 
partie  du  terrain  pour  servir  de  ballast. 

Presque  à  la  base  de  la  montagne  dominant  à 
droite,  c'est  comme  le  dernier  échelon  des  mamelons 
qui  séparent  le  terrain  accidenté  de  la  vaste  plaine 
s'étendant  à  l'opposé. 


66  - 


Cette  escargotière  a  demandé  un  mois  et  demi  de 
fouilles  méthodiques  et  aujourd'hui  on  ])eut  dire 
qu'elle  est  culbutée. 


(Fig.  4).  Plan  de  Tescargolière  du  3">»  kiloinèlre  200 

La  composition  du  terrain  est  la  même  qu'à  R'fana, 
mais  la  couche,  de  cendres  fines  et  noires  avec  tou- 
jours même  quantité  considérable  d'hélix  est  peut-être 
plus  conséquente  encore,  puisque  ce  n'est  guère 
qu'à  près  de  deux  mètres  de  ])rofondeur  que  le  sol 
ancien  est  rencontré. 

Par  bancs  horizontaux  et  épais,  à  des  profondeurs 
variables,  on  trouve  essentiellement  des  escargots  en 
nombre  incalculable,  si  on  envisage  que  ce  phéno- 
mène se  reproduit  sur  une  surface  de  plus  de 
250  mètres.  Nombreux  sont  les  foyers  à  même  du  sol 
et  nous  n'en  avons  relevé  qu'un  à  1™60  de  profondeur. 


-  67 


formé  de  trois  pierres  énormes  et  ai^laties  placées 
en  dolmen.  Ces  pierres  avaient  en  moyenne  0""40  d'é- 
paisseur, elles  étaient  assez  régulières  et  avaient  dû 
être  choisies  dans  le  calcaire  en  lamelles  de  la  mon- 
tagne voisine.  A  l'intérieur,  de  nombreux  charbons 
et  une  cendre  compacte  et  jaunâtre. 

A  3  mètres  de  ce  foyer  et  à  droite  en  se  rappro- 
chant de  la  route,  reposant  sur  le  sol  ancien,  il  a  été 
rencontré  trois   squelettes   humains  dont  les   osse- 
ments, sans  connexion  entre  eux,  étaient  ramassés 
sur  eux-mêmes.  Les  trois  têtes,  à  peu  près  complètes, 
ont  été  conservées  pour  faire  l'oljjet  d'une  description 
particulière,   s'il  en   est   besoin.   A  quelques  mètres 
encore  plus  loin  et  tout  à  fait  en  bordure  de  la  route, 
il  existait  encore  les   restes,  mais  en  fort  mauvais 
état,    de   plusieurs  individus,  et,  chose  singulière,  il 
semble  qu'une  tête  seulement  ait  été  déposée  en  cet 
endroit.   Rien  de  ces   derniers   débris  n'a   pu   être 
gardé.  Les  tètes  sont  curieusement  vermiculées  au 
même  titre  que  les  autres  ossements  de  la  fouille; 
il  semble  que  nous  nous  trouvions  bien  là  en  pré- 
sence des  anciens  habitants  des  escargotières.  Le  fait 
du  reste  n'est  'pas  nouveau  et  a  été  signalé  déjà  en 
Portugal  dans  des  amas  de  coquilles  situés  le  long 
d'un  petit  affluent  du  Tage,  à  Mugem.  Peut-être  un 
jour  nous  sera-t-il  procuré  d'étudier  cette  particularité 
de  plus  près,  elle  en  vaut  certes  la  peine.  Sur  d'au- 
tres escargotières,   M.  Latapie  avait  pu  constater  la 
présence  d'ossements  humains  et  il  sera  donc  tou- 
jours facile  de  pousser  plus  loin  pareille  étude. 

Escargotière  d'Ain-Morsott 

Sous  le  n'^  10  de  sa  nomenclature  des  lieux  où  on 


-   68  - 

trouve  des  silex  de  surface,  M,  Latapie  a  signalé  à 
Aïn-Morsott  une  station  préhistorique,  à  environ 
200  mètres  au  nord-est  de  la  prise  d'eau  qui  alimente 
le  centre  de  Morsott. 

D'après  une  trouvaille  récente  qu'il  avait  faite  à 
cet  endroit,  nous  avons  pensé  utile  d'y  faire  une 
visite. 


(Fig.  5).  Fragment  de  bordure  de  vase  à  faciès  néolithique 

En  plus  d'un  fragment  de  coquille  d'œuf  d'autruche 
sur  lequel  on  relevait  quelques  traits  gravés  au  bu- 
rin, il  avait  été  recueilli  un  morceau  de  poterie  assez 
curieux,  dont  nous  donnons  un  dessin  (fig.  5).  Ce 
fragment  de  bordure  d'un  vase  de  taille  moyenne, 
comporte  une  forte  ligne  ondulée  sur  la  périphérie, 
avec  en  plus  un  peu  au-dessous,  une  autre  ligne  de 
même  origine  simplement  circulaire.  Des  points  très 
accentués  et  creux  achèvent,  avec  la  pâte  elle-même 
de  la  poterie,  de  lui  donner  un  faciès  franchement 
néolithique.  Il  eut  donc  été  intéressant  de  rencontrer 
une  escargotière  d'une  époque  d'habitat  différente. 


—  69  - 

De  loin,  l'endroit  rpii  nous  avait  été  désigné^')  se 
distingue  très  nettement  et  de  suite  nous  reconnais- 
sions que  nous  nous  trouvions  en  i)résence  d'une 
escargotière. 

Nous  y  avons  fouillé  durant  toute  une  journée  et 
deux  larges  tranchées  ont  été  pratiquées  à  l'endroit 
que  nous  jugions  le  plus  favoraljle. 

L'industrie,  quoique  ayant  beaucoup  d'affinité  avec 
celle  des  escargotières  de  R'fana  et  du  S"  kil.  200, 
se  rapproche  beaucoup  plus  du  néolithique  ancien. 
On  ne  trouve  encore  aucune  trace  de  poterie  et 
évidemment  le  fragment  de  bordure  recueilli  par 
M.  Latapie  n'était  là  qu'accidentellement. 

Les  objets  de  silex  sont  plus  fins,  plus  petits;  on 
recueille  surtout  l'industrie  commune  à  l'aurore  néo- 
lithique (fig.  6)  et  que  nous  avons  tant  de  fois  signa- 
lée comme  bijouterie  véritable,  préhistorique.  Les 
lames  en  bec  de  perroquet  sont  très  rares,  mais  on 
trouve  là  cet  outillage  énigmatique  des  silex  de  forme 
géométrique;  la  figure  6  nous  en  montre  quatre  dont 
l'un,  surtout,  celui  de  droite,  incurvé  fortement  des 
deux  côtés  est  particulièrement  curieux. 

Dans  une  précédente  étude  sur  des  outils  sembla- 
bles recueillis  à  Aumale,  nous  avons  avancé  que 
peut-être  ils  avaient  pu  servir  à  armer  des  faucilles? 
L'ethnographie  comparée  nous  montre  encore  quel- 
que chose  d'assez  analogue.  De  toute  façon  quelques- 
uns  de  ces  silex  ont  beaucoup  d'analogie  avec  les 
petits  ciseaux,  tranchets,  flèches  à  tranchant  trans- 
versal de  maintes  stations  de  France  (2).  Il  était  sur- 


(i)  Chose  digne  de  remarque,  les  indigènes,  Ips  petits  bergers  sur- 
tout connaissent  très  loin  à  la  ronde  ces  Enchir-Babouch. 

•  2)  Canneville  près  Creil  (Oise'  nous  a  donné  cette  industrie. 


-  70  - 

tout  i„tére.sant  de  faire  ressortir  la  haute  antiquité 
de  cet  outillage  qu'on  croyait  spécial  au  néolithi  ,u 

présence  et  les  conditions  de  sa  trouvaille  ,a„; 
escargot,ere  de   Morsott   tendent   à    montrer   ,,uil 
faut  lau-e  remonter  son  origine  à  beaucoup  j.lns  1  aut 
dans  la  préhistoire. 


(Fig.  6)  Petites  pointes  et  silex  de  forme, 
de  l'escargotière  de  Morsott 


s  géométriques 


—  71 


Escargotière  de  la  route  du  Kef  Aïn-el-Mazoui 


Un  peu  plus  loin  (pie  le  12''  kilomètre  sur  la  route 
(le  Tébessa  au  Kef,  M.  Lata})ie  signale  aussi  comme 
station  préhistorique  et  sous  le  n"  15  de  sa  nomencla- 
ture, une  fort  curieuse  escargotière,  laquelle  malheu- 
reusement nous  n'avons  pu  étudier  que  durant  une 
huitaine  de  jours,  notre  mission  pour  1910  étant 
terminée. 


o'Ù 


A  150  mètres  environ,  un  peu  au  nord  de  la  route 
et  de  l'autre  côté  de  l'Oued-el-Mazoui,  la  montagne 


-  72  - 


est  comme  coupée  perpendiculairement  en  falaise, 
aux  rochers  rougeâtre,  qui  tranchent  nettement  sur 
la  couleur  locale  et  se  remarquent  de  très  loin. 

Le  puissant  massif  à  l'emplacement  de  l'escargo- 
tière qui  nous  occupe,  forme  un  vaste  abri  sous 
roche,  lequel  a  été  habité  à  diverses  époques,  sur 
une  grande  largeur  et  sur  toute  la  profondeur.  Depuis 
notre  retour,  M.  Latapie,  sur  nos  conseils,  a  exploré 
les  abords  de  cet  abri  et  sur  l'une  des  parois  du  rocher, 
mais  assez  loin,  il  a  observé  un  dessin  fort  simple 
et  très  primitif,  nettement  accusé,  consistant  en  un 
assemblage  de  points  et  de  traits,  qui  parait  être 
contemporain  de  l'époque  d'occupation  ancienne. 

Une  importante  tranchée  a  été  ouverte  un  peu  en 
avant  du  surplomb  de  l'abri  et  dans  le  sens  longitu- 
dinal. A  0"^50  de  profondeur  il  a  été  rencontré  des 
ossements   humains  broyés  et   en   mauvais   état  de 

conservation  en  mélange 
avec  de  grossiers  débris 
de  poterie,  sans  trace 
d'autre  industrie.  Mais 
à  une  trentaine  de  centi- 
mètres en  dessous  et 
jusque  la  profondeur 
de  l"i30  environ,  il  a  été 
recueilli  de  nombreux  et 
jolis  silex,  des  os  polis 
et  un  petit  lot  de  débris 
de  coquille  d'œuf  d'au- 
truche dont  quelques- 
uns  gravés. 

Nous  donnons  (fig.  8) 
la  reproduction  de  deux 
des  plus  curieux  objets 


w 


(Fig.  8'.   Harpon  en  os  poli  et  sile.x 
à  tranchant  en  dents  de  scie 

(  Grandeur  naturelle) 


-  73  - 

recueillis  à  Aïii-el-Mazoui,  un  superbe  harpon  ou 
aiguille  en  os  poli,  et  c'est  le  premier  de  cette  forme 
([ue  nous  rencontrons,  ainsi  ([u'une  de  ces  pointes 
déjà  signalées  (lig.  3  et  6)  laiiuelle  est  taillée  en  dents 
de  scie  sur  toute  la  partie  tranchante.  Ce  fait  aussi 
est  exceptionnel  et  il  nous  revient  (jue,  dans  le  musée 
préhistorique  de  M.  de  Mortillet,  il  existe  quelque 
chose  d'analogue  sous  le  nom  de  harpon. 

Il  sera  parlé  plus  loin  de  l'industrie  de  la  gravure 
sur  coquille  d'œuf  d'autruche  et  nous  en  donnerons 
également  des  dessins. 

La  fouille  totale  de  cet  abri,  aurait,  nous  n'en  pou- 
vons douter,  procuré  d'autres  curiosités,  et  c'est  à 
regret  que  nous  devons  l'abandonner,  mais  peut-être 
aurons  nous  un  jour  l'occasion  de  reprendre  et  de 
terminer  ce  travail. 

Escargotière  d'A'in-e!-Mouhâad 

Parmi  les  différents  objets  recueillis  à  la  surface 
par  M.  Latapie  au  cours  de  ses  tournées,  nous  avions 
remarqué  une  industrie  singulière  de  flèches  gros- 
sières semblables  à  de  rares  spécimens  que  nous 
avions  nous  même  recueillis  dans  difïérentes  fouilles. 

De  plus  en  plus  intrigué  par  la  découverte  d'un 
outillage  à  pédoncules  au  même  endroit,  malgré  le 
peu  de  temps  dont  nous  pouvions  disposer,  les  dif- 
ficultés de  transport  et  la  distance,  nous  avons  pu 
aller  étudier  sur  place  cette  curieuse  station  dont  il 
sera  parlé  un  peu  plus  loin. 

A  25  kilomètres  environ  au  S.-E.  de  Tébessa  existe 
un  poste  de  douane  tunisienne,  El-Loubira,  vaste  et 
confortable  construction  perdue  au  milieu  d'un  site 


-  74  - 


des  plus  sauvage,    où  nous  avons  trouvé  de  braves 
gens  et  une  cordiale  et  franche  hospitalité. 

Pour  s'y  rendre,  on  prend  la  piste  du  Kouif  —  pas 
très  carrossable  cette  piste  !  —  puis  lorsqu'on  arrive 
à  la  forêt  de  pins  à  quelques  kilomètres  de  là,  on 
oblique   sur    la   droite  pour   prendre    un  raccourci. 


7t(i/^3  (/e<xa  Jde/Wcff/ip  ^ 


èïî   ^^  -^/^ ^ ^^- /'fouAZîci 


(Fig.  9).  Station  des  outils  pédoncules  de  El-Loubira  et  escargotière 

Avant  d'arriver  au  col,  gorge  véritable  que  forme  le 
puissant  massif  et  où  passe  la  piste  cahoteuse,  on 
trouve  sur  la  droite,  tout-à-fait  en  bordure  de  la 
traverse ,  et  également  à  droite ,  une  gigantesque 
escargotière  qui  occupe  toute  la  surface  d'un  mame- 
lon détaché  de  près  de  200  mètres  de  longueur  et 
une  cinquantaine  de  mètres  de  largeur  à  la  base. 

On  reste  surpris  en  présence  de  ces  restes  d'un  si 
lointain  passé  et  on  se  demande  le  temps  qu'il  a  fallu 
pour  accumuler  en  ces  lieux  une  montagne  de  déchets 


—  75  - 

de  cuisine,  cendres  et  escargots,  dont  faute  de  temps 
il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  reconnaître  l'épais- 
seur. 

M.  Latapie  a  présenté  cette  station,  sous  le  nom 
d'Aïn-el-Mouliaâd  et  il  parle  d'une  source  de  ce 
nom  à  peu  de  distance.  Mais  nous  dirons,  qu'en  fait 
de  source,  nous  n'avons  vu  (ju'une  faible  mare  dont 
l'eau  est  si  saumâtre  et  si  sale  que  nos  chevaux 
refusaient  d'en  boire.  Toutefois,  à  une  autre  époque, 
cette  source  a  pu  être  plus  importante,  c'est  du  moins 
ce  qui  expliquerait  la  présence  de  notre  vaste  escar- 
gotière. 

Dans  cette  région,  toutes  les  eaux  sont  saumâtres 
et  pour  leur  consommation  et  celle  de  leurs  animaux, 
les  douaniers  de  El-Loubira  vont  en  chercher  à  près 
de  4  kilomètres  pour  l'avoir  potable. 

Deux  fouilles  ont  été  pratiquées  dans  la  montagne 
d'escargots  qui  nous  occupe,  l'une  à  l'est,  l'autre  à 
l'ouest  ;  mais  comme  nous  n'étions  pas  venu  aussj 
loin  pour  fouiller  une  nouvelle  station  à  coquilles, 
nous  l'abandonnions,  après  six  heures  de  travail,  pour 
nous  porter  immédiatement  à  côté  sur  la  station  aux 
outils  pédoncules  ramassés  par  M.  Latapie. 

Cependant,  cette  fouille  de  reconnaissance  nous 
suffira  pour  parler  de  la  merveilleuse  industrie  de 
silex  qu'on  y  recueille. 

D'une  transparence  remarquable  le  silex  possède 
les  teintes  les  plus  belles  et  les  plus  diverses,  et  c'est 
la  première  fois  qu'il  nous  est  procuré  de  faire  pa- 
reille constatation,  car  dans  nos  précédentes  fouilles 
d'Aumale,  Bougie  et  Constantine,  il  est  presque  tou- 
jours noirâtre  et  opaque. 

Les   objets  recueillis  dans  l'escargotière  d'Aïn-el- 


-  76  - 

Mouhaâd  flattent  l'œil  par  leur  pureté  et  leur  aspect 
chatoyant,  ils  se  rapprochent  de  ceux  des  oasis  du 
sud,  faits  en  majeure  partie  avec  des  silex  hydratés. 
A  regret  aussi  il  nous  a  fallu  quitter  cette  belle 
station,  dans  laquelle  il  y  aurait  à  occuper  une 
véritable  équipe  de  fouille  pendant  plusieurs  années 
et,  pour  terminer,  disons  que,  comme  partout  dans 
les  autres  escargotières,  on  ne  trouve  pas  trace  de 
poterie. 

Station  d' A ïn-el- Mouhaâd 

Immédiatement  à  la  base  de  notre  escargotière,  en 
revenant  vers  Tébessa  et  à  gauche,  on  recueille  l'in- 
dustrie dont  nous  avons  parlé  plus  haut  et  pour  la- 
quelle nous  étions  venu  tout  exprès  à  El-Loubira. 

En  toute  franchise,  nous  avouons  que  si  la  préhis- 
toire n'était  déjà  pas  si  riche  en  stations  typiques, 
nous  aurions  baptisé  celle  qui  nous  occupe,  tant 
l'outillage  qu'on  y  récolte  est  différent  de  tout  ce  que 
nous  avons  trouvé  jusqu'à  ce  jour,  et  tout  naturelle- 
ment nous  nous  servirions  de  l'expression  «  industrie 
El-Loubirienne  »,  mais  nous  ne  voulons  pas  ajouter 
une  confusion  de  plus  et  nous  n'envisagerons  que 
l'industrie  des  outils  pédoncules,  recueillis  à  Aïn-el- 
Mouhaâd. 

Dans  toute  cette  région,  au  point  de  vue  géologi- 
que, nous  nous  trouvons  dans  un  véritable  chaos 
crétacique,  parfois  émergeant  en  crêtes  prodigieuses 
et  fantasquement  déchirées ,  parfois  au  contraire  ^ 
rasant  le  sol  et  formant  une  succession  de  mamelons 
plus  ou  moins  accidentés,  entrecoupés  de  petits  val- 
lons et  de  cuvettes,  tout  cela  relié   par   des  pentes 


-  7?  - 

généralement  douces  et  facilement  accessibles,  sur 
lesijuelles  i)oussent  en  f[uantité  des  pins,  genre 
d'Alep,  et  lescjuelles  constituent  la  forêt  dont  nous 
parlions  au  début. 

C'est  du  reste  la  seule  essence  d'arbres  forestiers, 
au  sens  propre  du  nom,  qui  pousse  en  ces  lieux. 

A  tleur  de  sol  et  épars  dans  un  rayon  d'une  cin- 
quantaine de  mètres,  nous  avons  recueilli  une  certaine 
quantité  de  silex  semljlables  à  ceux  que  M.  Latapie 
avait  lui-même  trouvés  lors  de  la  découverte  de  ce 
gisement.  A  la  surface,  on  ramasse  également  deux 
espèces  de  coquillages  fossiles,  en  assez  grand  nom- 
bre, une  ostrea  assez  volumineuse  et  un  brachiopodes 
indéterminé. 

Au  milieu  de  cett-e  station,  nous  avons  ouvert 
deux  importantes  tranchées  et  nous  avons  pu  retenir 
une  importante  série  de  silex  de  taille  énigmatique. 

A  la  surface,  le  terrain  est  composé  de  sable  blanc 
et  d'argile,  mais  le  sable  y  entre  pour  la  presque 
totalité.  Un  peu  plus  bas  et  jusqu'à  la  profondeur  de 
0"^40,  le  sable  est  plus  blanc  et  presque  pur,  et  c'est 
dans  toute  cette  épaisseur  que  nous  avons  recueilli 
l'outillage  que  nous  présentons.  Notre  conviction  est 
que  plus  bas  encore  on  doit  toujours  le  rencontrer, 
mais  nous  n'avons  pu  pousser  plus  loin  nos  fouilles, 
limité  que  nous  étions  par  le  temps. 

Nulle  trace  de  faune  végétale  ou  animale,  aucun 
indice  enfin  autre  que  les  objets  recueillis.  Jusqu'à 
une  assez  grande  distance,  le  terrain  paraît  identique 
et  n'est  pas  trop  accidenté,  il  ne  faut  donc  guère  en- 
visager un  glissement  méthodique  et  régulier  et 
nous  pensons  nous  trouver  en  présence  de  véritables 
dépôts  sablo-argileux,  ainsi  qu'il  en  existe  tant  à  une 


-  78  - 

période  relativement  récente  des  diverses  formations 
géologiques. 

Il  ne  nous  avait  jamais  été  procuré  l'occasion,  jus- 
qu'à ce  jour,  de  tomber  sur  semblable  et  si  curieuse 
industrie,  aussi,  pour  plus  de  compréhension,  avons- 
nous  jugé  utile  de  faire  reproduire,  deux  planches 
de  sujets  typiques,  par  la  photographie. 

Nous  allons  les  passer  rapidement  en  revue,  car 
ils  méritent  de  retenir  l'attention. 

La  caractéristique  de  cette  station  est  l'outillage 
pédoncule  et  à  notre  connaissance  cette  industrie  n'a 
été  signalée  qu'une  fois,  il  y  a  fort  peu  de  temps,  et 
sans  que  les  auteurs  qui  en  parlent  évasivement 
paraissent  y  attacher  beaucoup  d'importance. (^) 

Nous  trouvons,  en  effet,  page  115  du  tome  II  du 
Congrès  de  Monaco,  ce  passage  qui  ne  permet  aucun 

doute «  elle  renferme  une  industrie  à  faciès 

néolithique,  flèches  grossières,  instruments  pédon- 
cules, etc »  Il  y  a  donc  là,  très  vraisemblable- 
ment, une  industrie  analogue  à  celle  que  nous  avons 
pu  recueillir  près  d'El-Loubira  et  sur  laquelle  nous 
allons  un  peu  nous  arrêter  car  à  tous  les  points  de 
vue  elle  le  mérite. 

(Voir  planche  I) 

Premier  sujet  des  deux  premières  rangées  :  pointe- 
lame  de  0"'095  de  longueur,  0™04  dans  la  plus  grande 
largeur,  un  côté  tranchant,  l'autre  plus  épais  a  été 
retouché  à  0™03  vers  la  pointe  qui  est  nettement 
accusée  des  deux  côtés.  Comme  du  reste  dans  tous 
les  spécimens  reproduits,  le  pédoncule  est  très  appa- 
rent. 


(i)  Le  préhistorigue  dans  h  Sud  Tunisien  par  le  docteur  Capitan   et 
M.  Boudy.  Congrès  international  d'anthropologie  de  Monaco,  1906. 


p-l 


-  79  - 

La  i)remière  rangée  nous  montre  sept  flèches, 
quelques-unes  grossières,  d'autres  au  conliaire  fort 
finement  retouchées.  Il  en  est  qui,  par  leurs  dimen- 
sions, rentrent  beaucoup  mieux  dans  la  catégorie  des 
javelots. 

La  deuxième,  très  effilée  et  légèrement  recourbée 
d'un  côté,  est  taillée  d'une  façon  particulière  :  une 
première  taille  à  longs  éclats  venant  mourir  vers  la 
partie  médiane  très  accusée,  puis  une  reprise  de 
taille  à  fort  petits  éclats  sur  toute  la  bordure. 

Si  dans  ces  types,  on  a  l'impression  nette  de 
flèches,  que  dire  des  deux  rangées  du  bas  ou  nous 
avons  tout  un  outillage  particulier,  pédoncule  d'une 
façon  indiscutable  et  par  conséquent  avec  intention. 
Il  est  facile  de  donner  un  nom  à  quelques-uns  et  on 
peut  remarquer  le  grattoir,  le  grattoir-lame,  la  lame. 
Mais  pour  d'autres,  comme  les  deux  sujets  du  bas 
et  vers  le  miheu  de  la  rangée,  c'est  un  peu  plus 
énigmatique,  car  ils  sont  simplement  tranchants. 

Ainsi  que  le  dit  notre  éminent  collègue  M.  le  doc- 
teur Capitan,  si  on  se  trouve,  pour  la  généralité  des 
silex  recueillis,  en  présence  d'une  industrie  à  faciès 
néolithique,  il  en  est  à  côté,  ainsi  que  nous  allons  le 
constater  dans  la  planche  suivante,  qui  ne  peuvent 
que  fortement  nous  intriguer. 

(Voir  Planche  II) 

Dans  la  planche  II,  en  effet,  nous  trouvons  la 
reproduction  fidèle  d'autres  silex  recueillis  au  cours 
de  notre  fouille  d'Aïn-el-Mouhaàd;  ils  sont  suffi, 
samment  suggestifs,  pour  que  nous  ne  nous  y  arrê- 
tions pas  plus  longtemps  et  nous  ferons  simplement 


-  80  - 

remarquer  plus  particulièrement,  les  deux  derniers 
spécimens  et  à  droite  dans  la  première  rangée  :  un 
disque  en  quartzite  rouge  et  brillant,  de  facture 
chelléenne,  et  à  côté  un  grattoir  tranchoir  également 
en  quartzite  jaunâtre  qui  sent  rudement  le  mous- 
térien. 

Que  dire  aussi  des  deux  pointes  de  la  deuxième 
rangée  et  au  milieu?  Ainsi  que  celle  de  droite  gros- 
sièrement retouchée  des  deux  côtés  par  éclats  alter- 
natifs? 

Nous  estimons  avoir  trop  peu  fait  pour  pouvoir 
nous  avancer  et  une  fouille  importante  seule  pourrait 
peut-être  nous  éclairer.  Quoiqu'il  en  soit,  cette  indus- 
trie, recueillie  à  El-Loubira,  est  extrêmement  curieuse 
et  notre  savant  ami  M.  Pallary  a  dû  lui-même  le 
juger  ainsi,  puis(|ue  d'après  nos  indications,  il  s'y 
est  rendu  après  nous  au  cours  de  sa  mission  de  1910. 

R'fana-station 

A  quelques  centaines  de  mètres  avant  de  parvenir 
au  moulin  de  R'fana,  entre  la  piste  et  l'oued,  il  y  a 
lieu  de  signaler  une  petite  station  sur  laquelle  M.  La- 
tapie  avait  déjà  recueilli  pas  mal  de  silex.  Nous 
avons  tout  lieu  de  croire  que  la  période  d'occupation 
de  cette  station  n'a  été  que  temporaire,  car  les  sujets 
rencontrés  sont  clairsemés  et  ils  ont  un  caractère 
particulier  non  en  rapport  avec  la  nature  géologique 
du  sol  alluvionnaire. 

Ils  sont  à  faciès  néolithique  et  presque  tous  très 
fortement  patines  blanc  pur  ou  l)lanc  d'ivoire,  fait 
qui  n'a  pu  être  constaté  par  nous  qu'à  ce  seul  en- 
droit. 


-  81  — 

Tumulus  cromlechs,  près  R'fana  station 

Ce  qui  donne  surtout  une  certaine  originalité  à  la 
station  que  nous  venons  de  signaler,  c'est  que,  immé- 
diatement à  côté,  il  existe  des  monuments  circulaires 
qui  ne  sont  ni  des  tumulus,  ni  des  cromlechs,  mais 
qui  en  tiennent  le  milieu. 

Nous  avons  fouillé  trois  de  ces  énigmatiques  mo- 
numents et,  en  l'absence  de  matériaux  archéologi- 
ques, nous  avons  tout  lieu  de  supposer  qu'ils  sont 
simplement  votifs. 

Ce  sont  des  cercles  pleins,  de  2  mètres  environ  de 
diamètre,  faits  de  pierres  roulées  et  de  galets  tor- 
rentiels, émergeant  très  peu  de  terre  et  occupant 
une  épaisseur  de  0'"50  à  0'"60. 

Partout  on  constate  une  décomposition  significa- 
tive produite  par  un  feu  violent;  beaucoup  de  ces 
pierres  sont  cuites  et  se  brisent  facilement  ;  en  des- 
sous de  ce  rempart  on  ne  rencontre  qu'une  cendre 
fine  et  très  noire,  avec  des  charbons,  sur  une  assez 
forte  épaisseur.  Nul  objet  ni  ossement  pouvant  nous 
éclairer  quant  à  l'origine,  n'a  été  rencontré. 

Tout  à  proximité  de  cet  endroit  en  revenant  sur 
Tébessa,  dans  la  montagne  et  à  droite,  ainsi  que  sur 
la  gauche  au  bord  de  l'oued  et  se  faisant  face,  exis- 
tent deux  vastes  tumulus  de  forme  elliptique,  à  grand 
appareil  de  fortes  pierres  irrégulièrement  assemblées. 
Nous  nous  bornons  à  les  signaler,  le  temps  nous 
ayant  fait  défaut  pour  les  fouiller.  Ces  monuments, 
toutefois,  ne  sont  pas  très  rares  dans  la  région  et 
MM.  Pallary  et  Latapie  ont  pu  en  dégager  une  cer- 
taine quantité  qui  leur  ont  procuré  une  industrie  de 


-  82  - 

poterie,  perles  de  verre  et  ornements  de  cuivre,  d'une 
époque  relativement  récente. 

Tumuliis  de  Ksar- Gourai 

A  une  dizaine  de  kilomètres,  sur  la  route  du  Kef, 
le  long  de  l'oued  et  à  gauche,  nous  étions  allé  visiter 
une  escargotière  où  M.  Latapie  recueillait  beaucoup 
de  débris  de  poterie  diverses  et  à  la  surface,  lors- 
qu'une circonstance  fortuite  nous  procura  l'occasion 
de  fouiller  un  tumulus  immédiatement  voisin. 

Une  fouille  pratiquée  ne  nous  donnant  nulle  trace 
de  poterie,  il  fallait  bien  que  les  débris  reconnus  à  la 
surface  soient  venus  de  quelque  part.  Aidé  en  cela 
par  M.  Latapie,  nous  ne  tardions  pas  à  découvrir  un 
tumulus  dans  lequel  apparaissaient  une  bande  char- 
bonneuse et  l'orifice  brisé  d'un  grand  vase. 

Nous  avons  pu  le  fouiller  partiellement  et  c'est 
identiquement  ce  que  nous  avons  signalé  à  Bougie 
au  cours  de  nos  fouilles  de  1904  du  tumulus  du  Pic 
des  Singes (•). 

Sous  une  couche  protectrice  de  pierres  et  de  ga- 
lets fortement  calcinés,  représentant  le  foyer,  on 
trouve  une  bande  noirâtre  et  charbonneuse,  tandis 
que  plus  bas  et  tout  autour,  la  terre  apparaît  toute 
blanche,  par  places,  —  comme  des  restes  de  chaux 
—  et  à  côté  très  rouge. 

Disséminés  à  l'intérieur,  nous  avons  pu  dégager 
et  reconstituer  partiellement  les  restes  d'un  très 
grand  vase  de  forme  régulière,  à  panse  rebondie  et 
mesurant  0"^30  de  hauteur,  0™28  dans  le  plus  grand 

(i)  Bougie.  Compte  rendu  des  fouilles  faites  en  1904,  par  M.  De- 
bruge,  Société  archéologique  deConstaftline,  année  1906. 


o 


M 

w 


-  83  - 

diamètre,  0"^18  de  fond  et  0"^20  à  l'orifice.  A  0"^0l 
tout  au  plus  du  bord  de  cet  orifice,  il  existe  un 
bourrelet  de  suspension  très  court  et  ne  dépassant 
guère  la  surface  circulaire  que  de  0"^0i5.  En  regard, 
il  devait  s'en  trouver  également  un  (}ui  a  disparu 
avec  une  bonne  partie  du  récipient.  Tout  à  côté  et  à 
droite  de  ce  premier  et  grand  vase  que  nous  avons 
trouvé  dans  sa  position  régulière,  c'est-à-dire  posé 
sur  son  fond,  nous  avons  recueilli  les  morceaux  d'un 
plat  qui  avait  dû  être  placé  renversé  pour  protéger 
un  tout  petit  vase  heureusement  complet.  Il  ne 
mesure  que  0'"05  de  fond,  0"'08  de  diamètre  et 
0™045  de  hauteur.  En  regard  et  vers  le  milieu  du  dia- 
mètre, d'un  côté  il  existe  une  dépression  vers  l'inté- 
rieur, tandis  que  de  l'autre,  il  subsiste  environ  0™01 
de  l'amorce  d'un  manche  ou  d'un  long  bourrelet  de 
préhension. 

A  gauche,  nous  avons  recueilli  une  moitié  du  col 
d'une  urne  avec  l'anse  encore  adhérente.  Nous  avons 
tant  bien  que  mal  fait  reproduire  ces  différents  objets, 
(Photographie  fig.  10). 

Toute  cette  céramique  commune,  de  vieille  facture 
berbère,  est  épaisse;  c'est  une  composition  d'argiles 
grossières  employées  avec  toutes  leurs  impuretés  et 
qui  donnent,  après  une  cuisson  relativement  bonne, 
une  poterie  bicolore  grisâtre  et  rougeàtre.  Sur  toute 
la  surface  interne  et  externe  on  peut  remarquer  des 
dendrites  très  apparentes  laissées  par  les  racines  des 
plantes,  qui  à  une  certaine  époque  ont  pu  se  dé- 
velopper sur  ce  tumulus.  Nous  pensons  que  des 
fouilles  complètes  procureraient  dans  cette  région 
un  mobilier  archéologique  fort  instructif  et  pour 
ainsi  dire  inconnu. 


-  84  - 

Dolmens  du  Kef-el-Djelem 

Pas  très  loin  de  l'endroit  que  nous  quittons,  en 
obliquant  au  nord-ouest  et  à  environ  13  kilomètres 
de  Tébessa,  sur  la  piste  d'Aïn-el-Diba  au  Dyr,  en 
plein  sommet  d'une  des  montagnes  dominantes  et  à 
gauche  de  la  piste,  il  existe  une  certaine  quantité  de 
dolmens  de  moyenne  grandeur,  la  plupart  etïondrés 
et,  ainsi  que  nous  avons  pu  nous  en  rendre  compte, 
violés  depuis  longtemps. 

M.  Latapie  nous  ayant  donné  l'assurance  qu'ils 
n'avaient  pas  encore  été  signalés  et  que,  d'autre  jiart, 
il  en  existait  paraissant  en  place  et  intacts,  nous 
avons  cru  bien  faire  d'aller  en  fouiller  quelques-uns  et 
ainsi  qu'on  le  verra,  nous  n'avons  pas  à  le  regretter. 

Contrarié  par  un  vent  d'une  violence  inouie  et  ne 
permettant  pas  de  continuer,  nous  n'avons  pu  en 
visiter  que  trois.  L'un  debout  ne  contenait  plus  que 
quelques  ossements  humains  informes.  Dans  un  se- 
cond, au  contraire,  dont  la  plateforme  culbutée  ne 
se  trouvait  même  plus  dans  le  voisinage,  bien  qu'il 
ait  été  violé  à  une  époque  que  nous  ne  pouvons 
fixer,  nous  avons  été  assez  heureux  de  recueillir  les 
restes  de  la  tète,  ainsi  que  certains  os  ramassés  au 
même  endroit,  le  tout  ayant  appartenu  à  un  individu 
très  robuste.  Tout  près  de  ces  restes  humains  et  tout 
à  fait  dans  l'angle  droit  supérieur,  nous  avons  pu 
recueillir  les  débris  d'un  vase  de  pure  facture  néoli- 
thique dont  nous  donnons  une  reproduction  ci-contre 
(fig.  11),  car  nous  avons  pu  le  reconstituer  jn^esque 
complètement. 

La  forme  en  est  gracieuse,  élégante  même  et  sa 
faible  épaisseur  très  régulière  le  place  bien  loin  de 


-  85  - 

ce  que  nous  avons  recueilli  dans  le  tumulus  dont 
nous  avons  parlé  précédemment.  Il  a  beaucoup  d'af- 
finité avec  les  beaux  vases  néolithiques  des  dolmens 
de  France  et  des  grottes  des  Pyrénées.  Deux  silex 
ont  été  trouvés  dans  les  déblais  :  un  tout  petit  grat- 
toir et  un  éclat  avec  conclioïde.  A  la  surface  du  sol 
et  tout  autour  on  n'en  récolte  pas. 

La  terre  autour  de  notre  trouvaille  était  noire,  cen- 
dreuse, avec  quelques  charbons;  tous  les  ossements 
sont  profondément  calcinés  et  rendent  un  son  argen- 
tin très  significatif. 

Nous  avons  pu  sauver  la  mâchoire  inférieure  et  il 
est  facile  de  se  rendre  compte  que  l'individu  était  un 
vieillard,  car  à  plusieurs  endroits  les  alvéoles  des 
(ients  —  et  il  n'en  reste  plus  aucune  —  se  sont  re- 
fermées. Le  crâne  est  lui-même  d'une  épaisseur  très 
exagérée  0^010  à  0'"0i2  et  nous  n'avons  encore  ob- 
servé cette  particularité  que  chez  les  individus  trou- 
vés dans  la  grotte  sépulcrale  Ali-Bacha  à  Bougie (^\ 
Nous  possédons  également  un  ossement  paraissant 
avoir  appartenu  à  un  tiljia  de  forme  platycnémique 
et  nous  devons  ajouter  que  tous  les  os  retenus  com- 
portent de  profondes  vermiculations.  On  sait,  que 
jusqu'à  ce  jour,  il  n'a  guère  été  possible  d'établir  de 
chronologie  en  ce  qui  touche  aux  dolmens  du  nord 
de  l'Algérie.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  tout 
n'a  pas  encore  été  fait,  ni  dit  sur  ce  sujet,  et  nous 
connaissons  pas   mal   de  matériaux  recueilhs  dans 


(Il  M.  le  Docteur  Delisle.  —  Noie  sur  les  ossements  humains  de  lagrotte 
Ali-Bacha,  A. F. A. S.  Congrès  de  Montâuhm\^02. 

M.  le  Docteur  Delisle.  —  Deuxième  note  sur  les  ossements  humains  pré- 
historiques de  la  grotte  Ali-Bacha,  à  Bougie,  fouilles  de  M.  Debruge. 
Congrès  international  d'anthropologie  de  Monaco,  1906 . 


—  86  - 

des  dolmens,  qui  auraient  besoin  d'une  sérieuse  re- 
vue. Nous  aurons  du  reste  un  jour  à  revenir  sur  ce 
sujet  qui  n'est  encore  qu'à  l'enfance,  mais  il  est  regret- 
table de  le  dire,  beaucoup  de  fouilles  de  dolmens  ont 
été  faites  à  diverses  époques  non  pas  dans  un  but 
d'utilité  scientifique  mais  dans  un  but  de  lucre  cu- 
pide, ou  dans  celui  plus  naturel,  d'enrichir  une  col- 
lection privée. 

Un  troisième  dolmen  également  culbuté  et  simple- 
ment indiqué  par  la  chambre  tombale,  ne  nous  a 
rien  procuré  et  à  notre  grand  regret  nous  avons  dû 
abandonner  la  place,  le  vent,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  la  rendant  intenable. 

Station  de  Koiichada 

Une  très  petite  station,  en  passe  de  disparition, 
nous  a  été  signalée  par  M.  Latapie.  Comme  il  y  avait 
remarqué  des  ossements  humains  et  que  ce  n'était 
guère  qu'à  6  kilomètres  de  Tébessa  nous  avons  pu 
nous  y  rendre. 

Sur  la  piste  de  Kissa,  au  lieu  dit  Kouchada,  au 
milieu  de  la  plaine,  nous  avons  remarqué,  en  efïet, 
sur  un  faible  mamelon,  des  os  longs  de  jambes  hu- 
maines qui  émergeaient.  Nous  avons,  de  çà  de  là,  re- 
cueilli quelques  silex  et  fait  pratiquer  quelques  fouil- 
les. Nous  pensons  nous  trouver  là  en  présence  de 
vestiges  tumulaires  d'une  époque  indéterminée. 

Les  corps  sont  allongés  et  les  os  paraissent  très 
anciens. 

La  grotte  de  Youks-les-Bains 

On  nous  avait  vanté  la  grotte  de  Youks-les-Bains 


-  87  - 

comme  fort  curieuse  et  importante  et  pouvant  cacher 
des  restes  préhistoriques.  Une  promenade  inopinée 
y  ayant  été  organisée  par  des  amis,  dont  nous 
conserverons  le  meilleur  souvenir,  nous  avons  pu 
nous  convaincre  que  si  cette  grotte  a  pu  servir  de 
refuge  autrefois  à  des  troglodytes,  il  fallait  renoncer 
à  y  chercher  leurs  traces. 

En  efïet,  la  disposition  géologique  du  massif  a  dû 
subir  des  modifications  sérieuses,  bouleversements 
et  éboulements,  conséquence  des  tremblements  de 
terre  toujours  communs  en  Afrique  et  enfin  rem- 
plissage extraordinaire. 

On  ne  peut  accéder  dans  l'intérieur  de  la  grotte  de 
Youks-les-Bains  qu'en  plongeant  et  la  déclivité  du 
sol  est  sensible,  dangereuse  même  par  suite  de  l'hu- 
midité. Lorsque  la  partie  de  remplissage  est  franchie, 
on  tombe  alors  dans  le  chaos  des  pierres  énormes 
éboulées  de  la  voûte  et  pour  visiter  les  différents 
boyaux  qui  constituent  l'intérieur,  il  faut  se  livrer  à 
une  gymnastique  assez  sérieuse.  En  un  mot,  on  a 
l'impression,  comme  dans  beaucoup  de  grottes  du 
reste,  que  les  eaux  ont  joué  là  le  plus  grand  rôle  de 
formation  et  en  effet  à  Youks  l'eau  sourde  encore  en 
abondance  et  limpide  à  une  dizaine  de  mètres  en 
contrebas. 

L'endroit  du  puissant  massif  coupé  en  falaise  et 
en  cul-de-sac  où  se  trouve  cette  grottte,  est  beaucoup 
plus  loin  que  le  centre  de  Youks-les-Bains  et  c'est 
assez  péniblement  qu'on  y  accède;  mais  disons-le 
bien  vite,  on  ne  regrette  nullement  la  promenade  et 
si  l'homme  sauvage  que  nous  allions  y  chercher  n'a 
pas  voulu  se  faire  voir,  la  nature,  elle,  s'y  montre 
dans  toute  sa  merveilleuse  sauvagerie. 


station  chelléeDne  de  El-MAala-Biod 

Avant  de  passer  aux  diverses  industries  recueillies 
dans  les  escargotières  de  la  région  de  Tébessa,  il 
nous  reste  à  dire  un  mot  d'une  sim])le  visite  que 
nous  avons  faite,  par  très  mauvais  temps,  à  la  station 
chelléenne  de  El-Màala-Biod. 

Il  aurait  fallu  pouvoir  consacrer  plusieurs  journées 
à  cette  visite  pour  en  donner  quelques  renseigne- 
ments positifs,  malheureusement  nous  ne  pouvions 
tout  faire  à  la  fois,  l'éloignement  —  45  kilomètres  en- 
viron de  Tébessa  —  les  difficultés  de  transport  et 
nos  faibles  ressources  ne  nous  ont  pas  permis  de 
pousser  plus  loin  nos  investigations. 

Tout  ce  que  nous  pouvons  afïïrmer,  c'est  que  à 
l'endroit  où  nous  nous  sommes  rendu  et  d'après 
renseignements,  en  maints  autres  lieux  tout  le  long 
de  la  rivière  se  dirigeant  vers  l'Ouenza  et  la  Tunisie, 
on  recueille  en  quantité  une  belle  industrie  chelléenne, 
principalement  le  classique  coup-de-poing.  Cette  in- 
dustrie doit  se  trouver  en  place,  car  le  long  des  ber- 
ges rongées  et  à  une  assez  grande  profondeur  il  n'y 
a  qu'à  les  sortir,  émergeant  naturellement  du  sol. 

Dans  une  tranchée  pratiquée  par  des  indigènes 
pour  la  réfection  d'une  piste,  M.  Latapie  a  pu  re- 
cueillir, sur  des  dél)lais,  un  fort  fragment  de  mâchoire 
inférieure  d'un  animal  indéterminé,  les  dents  n'exis- 
tant plus,  mais  elle  paraît  appartenir  à  l'époque 
contemporaine  de  l'outillage  rencontré. 

Il  y  aurait  là  une  étude  superbe  à  faire,  mais  cha- 
cun sait  les  grandes  difficultés  à  vaincre  pour  en- 
treprendre de  pareilles  fouilles  et  nous  nous  bornons 
donc  à  signaler  cet  intéressant  gisement. 


► 


—  89  — 

Industries  des  escargotières 

Silex 

Les  silex  sont  assez  communs  dans  les  escargo- 
tières et  la  généralité  ont  servi,  mais  il  y  a  tout  lien 
de  croire  qu'ils  ne  se  travaillaient  pas  sur  place,  car, 
on  ne  rencontre  sur  ces  sortes  de  stations,  ni  per- 
cuteurs ni  nucleus  et  c'est  à  peine  si,  après  de  nos 
longues  fouilles,  nous  possédons  quelques-uns  de 
ces  objets. 

Afin  de  nous  guider  et  de  pouvoir  passer  plus 
commodément  une  revue  du  bel  outillage  recueilli, 
nous  avons  fait  tirer  une  série  de  photographies  par 
l'excellent  artiste  qu'est  M.  Lauffenburger  et  ainsi 
vont  pouvoir  défiler  sous  nos  yeux  les  diverses  va- 
riétés d'objets  rencontrés. 

(Voir  planche  III) 

Lames 

Les  lames  sont  longues,  le  plus  souvent  plates,  à 
une  ou  deux  arêtes  longitudinales.  Elles  sont  très 
tranchantes  des  deux  côtés  et  ce  n'est  qu'exception- 
nellement que  nous  signalerons  des  retouches  et  sur 
un  seul  côté.  Encore  convient-il  à  notre  avis  de  ran- 
ger ces  dernières  dans  la  catégorie  des  lames  en  bec 
de  perroquet.  Notre  planche  III  en  comporte  deux, 
la  dixième  de  la  première  rangée,  et  la  cinquième 
de  la  deuxième  rangée.  Retouchées  l'une  à  droite  et 
l'autre  à  gauche,  elles  forment  pointes,  comme  beau- 
coup d'autres  du  reste  en  notre  possession. 

(.Voir  planche  IV) 


-95  - 

Lames  recourbées  en  bec  de  perroquet 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  au  cours  de  notre  tra- 
vail, l'outil  par  excellence  des  escargotières  est  la 
lame  en  bec  de  perroquet. 

La  planche  IV  en  reproduit  seize  dont  quelques- 
unes  sont  remarquables.  De  même  que  dans  les  la- 
mes ordinaires,  on  retrouve  une  et  deux  arêtes  lon- 
gitudinales. L'un  des  côtés  est  régulier  droit  et  tran- 
chant, l'autre  au  contraire  est  plutôt  épais  et  soi- 
gneusement retouché  sur  toute  la  partie  dorsale, 
formant  vers  la  pointe  comme  un  quart  de  cercle 
d'où  son  nom  caractéristique. 

Si,  exceptionnellement,  quelques-unes  de  ces  la- 
mes sont  plutôt  fragiles,  on  sent  dans  la  généralité, 
un  outil  robuste,  bien  en  main  et  appelé  à  une  cons- 
tante servitude. 

Nous  avons  vu  l'affectation  que  nous  donnions  à 
cet  outil  et  nous  sommes  surpris  de  n'y  avoir  pas 
songé  plus  vite;  il  a  fallu  cette  circonstance  parti- 
culière qu'il  est  commun  dans  les  escargotières  où 
nous  avons  pu  l'étudier  aussi  simplement. 

De  même  qu'il  existe  de  gros  et  de  petits  escargots 
dans  nos  stations,  l'homme  avait  à  sa  disposition  un 
gros  outillage  que  nous  venons  de  passer  en  revue 
et  un  petit  (fig.  1,  3  et  5). 

Certains  types  de  lames  en  bec  de  perroquet, 
comme  l'avant -dernier  de  la  deuxième  rangée,  de 
même  que  le  n*^  3,  trouvent  leur  place  dans  notre 
planche;  ils  sont  toutefois  beaucoup  plus  larges,  ne 
pouvaient  guère  se  manier  qu'entre  le  pouce  et  l'in- 
dex, et  pouvaient  avoir  une  autre  utilisation.  Ils 
rentreraient,    à  notre   avis,   dans   la   catégorie    des 


-  91  - 

tranchoirs.  La  lame  n"  1  de  la  première  rangée  peut- 
être  classée  aussi  avec  les  outils  à  usages  multiples, 
du  côté  opposé  à  la  pointe,  il  forme  grattoir  parfait 
à  fines  retouches. 

(  Voir  planche  V  ) 

Pointes  diverses 

A  côté  de  ces  lames  pointues  et  recourbées,  il 
existe  dans  les  escargotières  des  environs  de  Tébessa 
une  autre  variété  de  pointes  qui,  à  notre  avis, 
ont  pu  également  servir  d'outils  pour  dégager  la 
chair  des  escargots.  La  planche  V  nous  donne  une 
reproduction,  dans  la  rangée  du  bas,  de  onze  de  ces 
pointes,  droites,  taillées  et  retouchées  tout  à  fait 
dans  les  mêmes  conditions  que  les  lames  à  bec  de 
perroquet. 

Là  aussi  on  possède  un  outil  bien  en  main,  parfois 
épais  et  résistant,  mais  nous  ne  voyons  aucun  incon- 
vénient à  le  confondre  avec  des  pointes,  et,  d'outils, 
en  faire  des  armes,  car  emmanchés  ils  pouvaient 
fort  bien  constituer  des  flèches  et  des  javelots. 

La  première  rangée  diffère  considérablement  de  la 
seconde,  moins  longues  et  beaucoup  plus  larges,  ces 
pointes  ne  sont  qu'à  une  seule  arête  médiane  longi- 
tudinale. Elles  sont  quelquefois  retouchées  soit  d'un 
côté,  soit  de  l'autre  et  jamais  des  deux  à  la  fois.  De 
plus,  la  base  donne  souvent  l'impression  de  retouches 
intentionnelles  en  vue  de  l'emmanchement,  aussi  il 
n'y  a  aucune  hésitation  à  considérer  ces  sujets  com- 
me des  pointes  de  jet. 

(  Voir  planche  VI  ) 


-   92  — 

Outils  divers 

Cette  planche  combinée  nous  montre  différents 
outils  rencontrés  au  cours  de  nos  fouilles. 

Iro  rangée  :  trois  spécimens  de  gauche,  grattoirs 
longs  non  retouchés,  taillés  dans  les  galets  de  silex 
et  utilisés  très  simplement  sur  la  partie  circulaire 
obtenue. 

Ce  genre  de  grattoir  est  assez  commun  et  nous 
l'avons  signalé  un  peu  partout  à  Aumale,  à  Bougie 
et  à  Constantine.  Il  tient  une  bonne  place  à  l'époque 
des  escargotières  et  il  continue  à  se  développer  à 
l'époque  qu'il  est  convenu  d'appeler  néolithique  an- 
cienne. 

Les  trois  types  du  milieu  sont  des  grattoirs  conca- 
ves, robustes  et  bien  accusés.  Ce  genre  d'outil  est 
très  rare  alors  que  plus  tard  il  devient  commun. 
Pour  les  trois  derniers  sujets  de  cette  rangée,  nous 
nous  trouvons  en  présence  d'outils  que  nous  n'avons 
pas  encore  eu  l'occasion  de  signaler.  C'est  un  genre 
de  grosse  lame  à  base  équarrie  comme  pour  l'em- 
manchement, tandis  que  la  partie  opposée  est  épaisse 
et  coupée  droit  ou  en  biseau.  Beaucoup  plus  robuste 
que  le  burin  avec  lequel  il  a  une  certaine  analogie, 
cet  outil  a  servi  surtout  pour  faire  des  retouches 
ainsi  que  le  prouvent  les  nombreuses  étoiles  enlevées 
par  pressions  répétées  et  situées  vers  le  milieu  de 
la  tête.  Notre  ami  M.  Pallary  aurait  rencontré  un 
outil  semblable  en  Tunisie  ? 

En  dessous,  un  joli  nucleus  et  un  curieux  disque 
i-acloir  à  éclats  alternatifs  par-dessus,  le  dessous  lisse 
et  comme  poli.  Toute  la  rangée  du  bas  nous  mon- 
tre, à  commencer  par  la  gauche,  une  gamme  décrois- 


C3 


w 


-  9â  - 

santé  de  nos  curieuses  pointes  des  escargotières,  la 
plus  grande  mesure  0"U0  et  la  plus  petite  0'"03  à  tel 
point  qu'à  côté  d'outils  destinés  à  l'homme  on  croirait 
voir  des  copies  proportionnées  pour  l'enfant. 

(Voir  planche  VII) 

Grattoirs 

On  aurait  tort  de  supposer  que  nos  consomma- 
teurs d'escargots  passaient  toute  leur  existence  à  ré- 
colter et  à  manger  des  mollusques,  car  dans  les 
escargotières,  on  retrouve  la  preuve  du  contraire  et 
l'outil  si  classique  de  toutes  les  époques  préhistori- 
ques, le  grattoir,  y  a  sa  place  importante. 

La  planche  VII  nous  montre  les  formes  diverses 
sous  lesquelles  il  se  rencontre  et  il  est  facile  d'y  re- 
connaître encore  une  persistance  du  type  du  Mous- 
tier.  Les  plus  communs  sont  les  grattoirs  longs 
finement  retouchés,  parfois  ils  sont  double  comme 
les  trois  derniers  spécimens  du  bas. 

(  Voir  planche  VIII  ) 

Ecorchoir,   Tranchoirs 

Nous  entendons  quelques  collègues  en  préhistoire 
se  récrier  de  se  trouver  encore  en  présence  d'un 
nom  nouveau,  et  cependant  celui-là  n'a  rien  que  de 
très  naturel  et  nous  ne  pouvons  guère  présenter  le 
premier  sujet  de  notre  planche  VIII  que  comme  un 
ecorchoir.  Il  mesure  0'"13  de  longueur,  0^025  de  lar- 
geur; le  dos,  franchement  retouché,  possède  encore 
à  un  centimètre  de  la  pointe  bien  effilée,  une  épais- 
seur de  plus  de  un  centimètre.  La  partie  tranchante 
subsiste  dans  sa  forme  normale,  sur  un  peu  plus  du 


-  94  - 

tiers  de  la  longueur  pour  aller  mourir  vers  la  pointe, 
tandis  que  l'autre  partie,  par  un  fort  éclat  enlevé  a 
été  préparée  en  vue  de  l'utilisation  que  nous  attri- 
buons à  ce  curieux  objet.  Il  pouvait-ètre  pris  à  pleine 
main  très  facilement,  mais  aussi  entre  le  pouce 
allongé,  les  deux  doigts  voisins  contournant  le  dos 
et  par  pression  naturelle  maintenant  solidement  cette 
façon  de  couteau,  contre  la  paume  de  la  main.  C'est 
la  première  fois  que  nous  rencontrons  un  outil  sem- 
blable. 

Le  reste  de  la  planche  est  occupé  par  une  série  de 
tranchoirs,  quelques-uns  retouchés  d'un  côté,  les 
autres  sans  retouches;  la  partie  tranchante  parfois 
est  droite,  mais  elle  est  aussi  recourbée  et  en  général 
on  })Ossède  là,  un  outil  rolmste. 

(  Voir  planche  IX  ) 

Industrie  de  l'os 

Nous  avons  signalé  au  début  de  notre  travail  que 
généralement  les  ossements  recueillis  sont  couverts 
de  vermiculations  curieuses  et  profondes,  il  n'est 
donc  pas  surprenant  de  retrouver  cette  particularité 
sur  les  différents  objets  qui  constituent  l'industrie  de 
l'os  poli  dans  les  escargotières. 

Parfois,  un  simple  éclat  est  simplement  poli  vers 
la  pointe,  mais  en  général  le  poli  existe  sur  toute  la 
surface  des  objets.  Sous  divers  aspects  de  taille  et 
de  forme,  la  pointe  domine  et  ce  n'est  qu'exception- 
nellement que  nous  aurons  à  signaler  d'autres  parti- 
cularités. 

Le  premier  ol)jet  de  la  planche  IX  dépasse  cer- 
tainement les  dimensions  pour  être  un  fort  poinçon, 


M 


¥ 


—  95  — 

car  il  mesure  0'^20,  et  c'est  donc  à  notre  avis  un 
])oignard. 

Le  second  pouvait  également  être  de  grande  di- 
mension, mais  il  est  cassé  vers  la  base,  de  date  an- 
cienne. 

Dans  le  troisième  objet,  très  soigneusement  effilé, 
on  reconnaît  facilement  un  fémur  de  petit  carnassier- 

Le  quatrième  ol)jet  est  énigmatique,  à  moins  que 
ce  ne  soit  une  gaine  ou  un  manche  d'outil?  C'est 
un  os  long,  solide  et  creux  et  il  se  trouve  poli  exté- 
rieurement et  intérieurement  sur  toute  la  longueur 
de  même  que  vers  le  sommet  arrondi. 

A  côté,  nous  avons  un  genre  de  spatule,  le  bout 
très  aminci  en  angle  arrondi  ;  c'est  le  seul  spécimen 
d'os  poli  et  plat  que  nous  possédions  de  nos  fouilles 
de  Tébessa. 

L'outil  du  milieu  a  une  analogie  frappante  avec 
celui  en  silex  que  nous  avons  décrit  assez  longue- 
ment et  présenté  comme  un  écorchoir,  (planche  VIII); 
il  suffit  de  s'y  reporter  pour  que  la  comparaison  soit 
admise. 

Tout  le  reste  de  la  planche  comporte  des  poinçons 
et  perçoh^s  dont  beaucoup  sont  malheureusement 
incomplets. 

(  Voir  planche  X  ) 

Os  poli.  —  Ornement 

La  planche  X  nous  montre  quelques  objets  remar- 
quables recueilhs  dans  les  escargotières. 

De  chaque  côté  à  droite  et  à  gauche  en  oblique  : 
deux  pointes  de  poignards  brisées;  deux  dents  inci- 
sives de  ruminant,  entaillées  au-dessus  de  la  cou- 
ronne assez  profondément  pour  la  suspension. 


R 


—  96  - 

Dans  le  sens  horizontal,  trois  os  polis  à  double 
pointe,  sur  l'usage  desquels  on  n'est  pas  encore  l)ien 
fixé.  Nous  en  avons  déjà  signalé  un  semblable  à 
titre  exceptionnel  de  l'industrie  des  grottes. (i) 

Au  centre,  une  curieuse  pendeloque  en  calcaire 
dur,  perforée  à  l'une  de  ses  extrémités  et  a  un  milli- 
mètre à  peine  du  bord.  La  perforation  est  conique 
des  deux  côtés  se  rejoignant  vers  le  milieu.  En  le 
regardant  du  côté  de  la  perforation  et  dans  le  sens 
longitudinal,  ce  curieux  ol)jet  ressemble  à  un  poisson 
aux  yeux  énormes. 

Au-dessous,  une  superbe  perle  découpée  dans  un 
fragment  de  coquille  d'œuf  d'autruche.  Contrairement 
à  toutes  celles  que  nous  avons  signalées  jusqu'à 
présent,  au  lieu  de  conserver  sa  forme  plate,  on  a 
soigneusement  gratté  toute  la  périphérie  interne  et 
externe  de  façon  à  lui  donner  l'aspect  d'une  petite 
bague  cylindrique. 

Toute  la  rangée  du  bas  de  cette  planche  nous 
montre  l'image  de  pointes  diverses,  perçoirs,  aiguil- 
les et  harpons;  les  deux  dernières  ont  été  faites 
dans  des  os  creux  d'oiseau,  particularité  assez  rare. 

Gravures  sur  coquilles  d'œuf  d'autruche 

Si,  par  les  diverses  industries  que  nous  venons  de 
passer  en  revue,  l'homme  des  escargotières  a  beau- 
coup de  points  communs  avec  l'homme  des  cavernes 
et  des  abris  sous  roche  de  l'époque  du  renne  ou 
magdalénienne,  il  en  est  un  surtout  plus  digne  en- 


(i)  Fouille  de  la  grotte  du  mouflon  à  Constantine  Congres  de  Lille, 
1909.  —  Association  française  2}our  l'avancement  des  sciences. 


—  97  — 

core  de  retenir  l'attention.  On  sait  que  dans  nos 
belles  stations  de  France,  il  a  été  recueilli  un  lot 
important  d'os  gravés  et  c'est  un  fait  acquis  que  les 
sauvages  de  l'époque  —  ainsi  ([u'on  a  grand  tort  de 
les  désigner  —  étaient  déjà  de  véritables  artistes  non 
seulement  en  gravure,  mais  aussi  en  sculpture. 

Chose  particulièrement  curieuse,  en  Algérie  où 
l'on  s'occupe  cependant  beaucoup  à  présent  de  re- 
cherches préhistoriques,  on  n'a  pas  encore  signalé 
la  gravure  sur  os.  Nous  ne  voulons  pas  tenir  compte 
d'un  fragment  de  large  côté,  scié  par  le  milieu  de 
l'épaisseur  sur  lequel  nous  avons  relevé  une  série  de 
traits, (1)  ce  n'est  là  qu'un  fait  exceptionnel.  Mais  si 
la  gravure  sur  os  n'existe  pas,  en  revanche  dans  les 
escargotières  des  environs  de  Tébessa,  nous  avons 
pu  recueillir  une  belle  série  de  fragments  de  coquilles 
d'œuf  d'autruche  sur  lesquels  on  relève  des  gravu- 
res et  il  est  certain,  d'après  ce  qu'il  en  subsiste,  que 
les  œufs  complets  travaillés  dans  ce  goût  devaient 
être  très  artistiques. 

Qu'on  n'aille  pas  croire  la  gravure  sur  coquille 
d'œuf  d'autruche  aussi  commode  que  cela ,  nous 
avons  expérimenté  la  chose  et  c'est  au  contraire 
d'une  réelle  difficulté.  Nous  avons  pris  quelques-unes 
de  ces  pointes  dont  nous  avons  reproduit  les  dessins 
(fig.  1,  3  et  5),  car  elles  paraissent  indiquées  pour 
ce  travail  si  léger  et  si  fin,  mais  la  fragile  pointe  à 
la  moindre  pression  se  brise  comme  du  verre  et  ce 
n'est  qu'avec  des  silex  plus  épais,  coupés  un  peu  en 
biseau  comme  des  burins,  qu'il  est  possible  d'arriver 
à  un  résultat. 


(i)  La  Grotte  des  Ours  à   Constantine^  %_ccueil  des  OvCévioires  publiés 
par  la  Société  archéologique,  1909,  page  142,  fig.  27. 


La  moin  n'a  guère  de  force  sur  la  rotondité  de 
l'œuf,  car  le  point  d'appui  est  insuffisant  et  l'outil 
glisse  d'une  façon  extraordinaire.  Nous  ne  croyons 
pas  utile  de  nous  arrêter  particulièrement  sur  clia(]ue 
dessin,  il  est  facile  de  les  suivre  d'après  les  repro- 
ductions; ils  sont  d'une  finesse  remarquable  et  très 
réguliers  et  certains  comportent  des  figures  géomé- 
triques compliquées  d'une  assez  sérieuse  difficulté 
d'exécution. 

L'homme  des  escargotières  avait  donc  une  habi- 
leté appréciable  et  ce  n'est  certes  pas  exagéré  de 
comparer  ses  gravures  sur  coquilles  d'œuf  d'autru- 
che à  celles  laissées  sur  os  par  l'homme  de  la  Ma- 
deleine. Là,  comme  dans  les  autres  industries,  on 
peut  donc  établir  une  certaine  contemporanéité. 

Du  reste,  cette  industrie  typique  que  nous  signa- 
lons aujourd'hui  a  déjà  été  avancée  par  divers  au- 
teurs et  à  des  endroits  différents.  M.  le  D^  Gobert, 
un  de  nos  correspondants  à  Redeyef  (Tunisie),  a 
recueilli  quelques  fragments  de  coquilles  d'œuf  d'au- 
truche avec  des  dessins  analogues  à  ceux  que  nous 
présentons.  M.  Robert,  dans  sa  grotte  de  Bouza- 
baouine,  a  trouvé  l'oiseau  lui-même  gravé  sur  sa  co- 
quille et,  d'autre  part,  sans  que  nous  en  connaissions 
l'origine,  il  existe  également  au  musée  de  Mustapha 
un  lot  de  ces  fragments,  aussi  avec  dessins. 

Nous-mêmes,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  précédem- 
ment, avons  publié  dans  la  revue  L'homme  préhis- 
torique, n°  3,  de  mars  1905,  une  étude  sur  divers 
fragments  de  coquilles  qui  nous  venaient  de  Fort 
Mac-Mahon,  à  150  kilomètres  au  sud-ouest  d'El- 
Goléa.  Huit  de  ces  fragments  recueillis  et  en  notre 
possession   comportent   des   dessins   curieux,   mais 


\ 


—  99  — 

en  général  ce  sont  des  assemblages  de  palmettes 
obtenues  par  raclage,  travail  tout  différent  et  néoli- 
tliique. 

Broyeurs  -  Polissoirs 

De  même  que  dans  toutes  les  autres  fouilles  faites 
]iar  nos  soins  et  portant  sur  diverses  époques  pré- 
historiques, dans  nos  escargotières  de  Tébessa,  nous 
avons  retrouvé  aussi  des  broyeurs  forme  boulet  et 
des  polissoirs  de  différentes  factures. 

La  photographie  ci-contre  (fig.  12)  nous  en  montre 
quelques-uns  :  le  polissoir  de  droite  est  très  curieu- 
sement usé  sur  six  faces,  lui  donnant  une  vague 
ressemblance  avec  un  marteau  et,  chose  particulière, 
les  deux  extrémités  ont  en  effet  servi  de  percuteur. 

Debout,  nous  voyons  une  superbe  plaquette  rou- 
lée et  peut-être  usée  intentionnellement.  Elle  paraît 
être  en  grès  fin  et  avoir  très  longuement  servi  pour 
broyer  de  la  sanguine.  La  surface  principale  est 
fortement  concave  et  dans  le  sens  longitudinal  on 
remarque  les  stries  profondes  laissées  à  la  longue. 
Trouvée  à  l'escargotière  du  3''  kilom.  200,  cette  pla- 
quette mesure  0'"22  de  longueur,  0™16  de  largeur  et 
0™04  d'épaisseur,  elle  est  encore  fortement  teintée 
par  la  matière  colorante  broyée.  Au  cours  de  nos 
fouilles,  quoique  en  petite  quantité,  nous  avons 
aussi  recueilli  de  l'ocre  rouge,  de  l'hématite  et  du 
fer  oligiste  écailleux,  preuve  évidente  que  l'homme 
de  cette  époque  se  teignait  et  se  tatouait  déjà. 

Faune  des  escargotières 

Nous  avons  vu  que  dans  ces  amoncellements 
considérables  de  coquilles,  la  faune  était  pour  ainsi 


-  100  - 

dire  strictement  malacologique.  Parmi  les  échan- 
tillons prélevés  —  et  ce  sont  toujours  et  partout  les 
mêmes  —  à  son  passage  à  Gonstantine,  notre  col- 
lègue et  ami  M.  Pallary  a  pu  reconnaître  : 

Hélix  aspersa,  espèce  dominante; 

Hélix  melanostoma; 

Hélix  Constantinœ  ; 

Albea  candidissima. 

Dans  les  ossements  conservés,  il  a  été  possible 
de  reconnaître  d'une  façon  certaine  les  individus 
suivants  : 

Alcelaphus  probubalis,.  Pomel.  De  nombreuses  dents 
et  une  corne. 

Grand  bœuf.  Une  énorme  tête  de  fémur,  un  cal- 
caneum,  un  astragale  et  une  certaine  quantité  de 
dents  incisives  et  molaires. 

Bœuf  Sp....?  Une  autre  variété  de  bœuf  plus  petit 
dont  les  restes  sont  insuffisants  pour  déterminer  la 
variété. 

Zèbre.  Diverses  dents  molaires  et  prémolaires. 

Gnou.  Plusieurs  molaires,  phalanges  et  métacar- 
piens. 

Lièvre.  Un  fragment  d'humérus. 

Eléphant  Sp....?  Représenté  par  une  surface  articu- 
laire de  tibia  d'un  jeune  individu. 

Gazella  subkevella.  Pomel. 

Tortue  d'eau....? 

A.  DEBRUGE, 

Correspondant  du  Ministère  de  V Instruction 'puhltque . 


NOTES  ARCHÉOLOGIQUES 

CONCERNANT 

La  Région  de  Tocqueville 

I.  —   La  Chapelle  de  Zer'aba 

Dans  le  xlii''  volume  du  Recueil  de  la  Sociélé 
archéologique  de  Constantine,  année  1908,  p.  115, 
j'ai  publié  l'inscription  suivante,  découverte  près  de 
la  mechta  Zer'aba  (i),  à  cinq  kilomètres  nord-ouest 
de  Tocqueville  : 

L.T.  SANG 
TI  .  RO 
GATIANI 
MARIVRIS 

La  Société  mit  à  ma  disposition  un  crédit  pour 
rechercher  l'édifice  chrétien  dont  cette  inscription 
semblait  indiquer  l'emplacement.  Après  bien  des 
sondages  infructueux,  j'ai  fini  par  retrouver,  à  30  mè- 
tres de  là,  les  vestiges  à  peine  reconnaissables  d'une 
chapelle. 

De  ce  modeste  bâtiment  (longueur  :  18  "'30,  lar- 
geur :  6'"35),  il  ne  reste  plus,  à  l'ouest,  que  le  sou- 
bassement du  mur  de  l'abside.  Vers  l'est,  quelques 

(1)  M^'-el-Krerba  de  la  carte  au  50,033%  feuille  Aïa-Tagrout. 


—  1Ô2  — 

pierres  de  taille,  dressées  verticalement  de  distance 
en  distance,  dessinent  le  rectangle  de  la  nef  unique. 
La  maçonnerie  qui  les  reliait  a  totalement  disparu. 
Une  de  ces  pierres  porte  la  dédicace  païenne  qu'on 
lira  plus  loin,  n°  1. 

Le  sol  antique  n'offre  aucune  trace  de  pavage.  Il 
recouvrait  de  nombreux  corps  d'adultes  et  d'enfants, 
ensevelis,  têtes  à  l'ouest,  entre  des  dalles  générale- 
ment brutes.  Sur  une  de  ces  dalles,  empruntée  à 
une  sépulture  païenne  antérieure,  est  gravée  l'épi- 
taphe  reproduite  ci-dessous,  n°  2.  Le  squelette  d'un 
enfant  garde  les  marques  fort  nettes  de  la  couleur 
verte  qui  teignait  les  vêtements  du  petit  cadavre.  Au 
fond  de  l'abside,  deux  briques  carrées  de  0'"60  de 
côté  sur  O^'OH  d'épaisseur,  ornées  d'un  chrisme  de 
basse  époque,  servaient  de  couverture  à  un  tom- 
beau. 

Rien,  malheureusement,  dans  ces  maigres  décou- 
vertes, ne  permet  d'identifier  le  saint  Rogatien  à  qui 
la  chapelle  paraît  avoir  été  dédiée.  Peut-être  même 
était-elle  déjà  détruite,  par  une  cause  que  nous  igno- 
rons, quand  la  piété  des  fidèles  plaça  sur  ses  ruines, 
pour  perpétuer  le  souvenir  de  leur  ancienne  destina- 
tion, l'inscription  mentionnant  le  nom  du  martyr.  On 
continua,  par  dévotion,  à  enterrer  les  morts  dans 
l'enceinte  écroulée.  Ce  qui  me  le  fait  supposer,  c'est 
que,  dans  le  milieu  de  la  nef,  où  les  tombeaux  se 
rencontrent  en  plus  grand  nombre,  je  n'ai  remarqué 
aucun  fragment  de  tuile.  Au  contraire,  les  débris  de 
la  toiture  abondent  sur  les  côtés,  le  long  des  murs 
disparus.  L'intérieur  fut  sans  doute  déblayé,  après 
la  destruction  de  l'édifice,  pour  servir  de  lieu  de 
sépulture. 


-  103  - 

Ainsi  s'expliquerait  la  lecture  Lfocia^)  T(UHli)  sanctl 
Rogatiani  manavh,  qui  vient  naturellement  à  l'esprit. 

Dans  les  commencements,  la  messe  de  l'évèque 
était  la  seule  qui  se  célébrait.  Plus  tard,  le  nombre 
croissant  des  chrétiens  nécessita  la  création  des 
Titulii^)  ou  églises  secondaires.  Titulum  et  Ecclesiam 
esse  ilem,  dit  le  rubriciste  Gavanti  (t.  ir,  sect.  vur, 
c.  V,  n.  1),  eo  quod  in  loco  Ecclesiae  construendae  fige- 
batur  Crux  in  Titulum. ,., .  Titularis  ergo  Ecclesiae  est 
ille  Sanctus  a  quo  Titulus  seu  Eecksia  denominationem 
hahet.  Notre  inscription  sera't  donc  une  sorte  de  pla- 
que commémorative,  avec  ce  sens  :  A  cet  endroit 
s'élevait  l'église  dédiée  au  martyr  Saint  Rogatien. 

Si  l'on  n'admet  pas  cette  interprétation,  que  je  ne 
donne  pas  du  reste  comme  certaine,  on  pourrait  voir 
dans  ces  mots  Locus  TiiuU,  etc.,  un  simple  écriteau 
servant  à  désigner  et  à  réserver  l'emplacement  où 
les  chrétiens  du  lieu  avaient  l'intention  de  construire 
plus  tard  leur  chapelle. 

Parmi  les  saints  du  nom  de  Rogatien  inscrits  aux 
martyrologes  latins  comme  ayant  confessé  la  foi  en 
Afrique,  le  plus  connu  est  un  vieux  prêtre  de  l'Eglise 
de  Garthage  qui,  pendant  la  persécution  de  Dèce,  fut 
incarcéré,  à  la  suite  d'un  mouvement  populaire,  avec 
le  laïque  Félicissime.  G'est  à  ce  Rogatien  et  à  ses 
compagnons  de  captivité  que  Saint  Gyprien  adressa, 
en  250,  sa  lettre  6^  pour  les  exhorter  au  martyre. 
Dans  sa  lettre  81%  écrite  peu  avant  sa  mort  (258),  il 
encourage  un  autre   Rogatien   et  ses   compagnons 


(1)  Voyez  Kraus  :  Realencyclopcidie,  sub  hoc  voc.  Le  premier  qui  ait 
érigé  à  Kome  des  TltuU  est  le  pape  Denys  (259-269).  Le  pape  Marcellus 
(308-310)  XXV  Titulos  in  urbe  Romana  constituit. 


-  104  - 

alors  en  prison,  à  suivre  l'exemple  de  Rogatien  et 
de  Félicissime  qui  les  ont  précédés  dans  les  fers  et 
leur  ont  tracé  la  voie  glorieuse.  Ces  deux  saints  pé- 
rirent sous  Dèce  en  250.  Les  martyrologes  latins  en 
font  mention  au  26  octobre. 

Au  sujet  de  saint  Félicissime,  je  rappellerai  une 
mensa  copiée  par  M.  Gsell,  à  Aïn-el-Ksar,  à  15  kilo- 
mètres de  Tocqueville,  entre  ce  centre  et  Colbert  : 
Mensam  [martyrum7]  Feliciss[mi  ? . .  Mig]ginis,  Man\a]e 
[[ecerunt  et]  dedicaoerun[t. .  .]a7ius  et  Constan[tia  ?](l). 

Voici  les  inscriptions  païennes  trouvées  dans  la 
chapelle  de  la  mechta  Zer'aba  : 

N°  1.  —  Sur  une  des  pierres  de  taille  de  la  nef. 
Hauteur  :  1"'00;  largeur  :  0™42;  épaisseur  :  0™35. 
Hauteur  des  lettres  :  0'"05-0''04. 

////////////s 
/////////s 
//////////  V 

///////////// 

C/////MIVS 

sv^svs 

MAG   ET 
OVMVRVDES 

vs 

A  la  ligne  6,  la  troisième  lettre  doit  être  un  c.  Li- 
gne 7,  M  et  A  sont  liés. 

. .  .mius  Suc(ces)sus  ?  mag(ister)  et  Ov(lus)  ?  Muru(s)  ? 
de  s(uo)  v(otumj  s(olverunt). 


(1)  Gsell.  Bull,  archéol.  du  Comité,  1899,  p.  457,  note  3. 


—  105  — 
N°  2.  —  Sur  une  dalle  des  tombeaux  de  la  nef 


DMSLSIAI 
VMINIVLIN 
SMDINIVIX. 
T  ANOS  X 
PCCLXX 


Cette  inscription  a  disparu.  Elle  porte  la  date  pro- 
vinciale 270,  qui  correspond  à  l'année  309  de  notre 
ère. 


IL  —  Inscriptions  de  la  mec  lit  a  Zer'aba 

N°  3.  —  Près  de  l'aire  à  battre  de  la  ferme  Mes- 
saoud  ben  Haroun.  Longueur  :  0"'50;  largeur  :  0'"43. 
Hauteur  des  lettres  :  0"05. 

DOMS 
LACLIVS 
SEDATVS 
VAXXXX 

La  formule  de  la  première  ligne  ne  prouve  pas  né- 
cessairement que  le  texte  soit  chrétien  (•).  L'o  cepen- 
dant, bien  que  certain,  est  moins  net  que  les  autres 
lettres.  On  dirait  que  le  graveur  a  voulu  le  dissimu- 
ler sans  l'omettre.  Les  a  ne  sont  pas  barrés. 

D(eo)  o(ptimo)  m(aximo)  ?  s(acriimj.  L(ucAus)  Aelius 
Sedatus  v(ixit)  admis)  XXXX. 

N°  4.  —  Ferme  Messaoud  ben  Haroun.  A  l'angle 


(1)  Voyez  C.  I.  L.,  xii,  1069. 


—  106  - 

d'un   mur  de  la  cour  extérieure.  Longueur  :  0"'55; 
largeur  :  0"^28.  Hauteur  des  lettres  :  0"'045-0™04. 

///////////// 
///////////// 
////////////// 

///VI///NI// 

xxxxv 

Q  DIE  VII 
DVS  NOV 
P  CCLXXX 

>..vi[xUan]ni[s]  XXXXV.  Q(uiemt?)  die  VI  idus  nov 
(embres)  P(rovinciae)  CCLXXX. 

Cette  inscription  paraît  chrétienne.  Le  défunt  ou  la 
défunte  dont  le  nom  est  illisible,  mourut  le  8  novem- 
bre 319. 

N°  4.  —  Dans  un  cadre.  Longueur  :  0"^43;  lar- 
geur :  0"'30;  épaisseur  :  0"^07.  Hauteur  des  lettres  : 
0™045. 

MESAIVLISEV 
COLOCAHIT 
IVLIS  .  SPENFI 
nOGATVS 

Me(n)sa(m)  luli(i)  Scv(eri)  col(l)oca(v)it  ?  lulifujs 
Spen. . .  Ii(lins)  Rogalus  W. 

N"  5.  —  Fragment.  Dans  un  cadre  à  queue  d'aron- 
de,  A  disparu. 

IISIL 
FVHF 
HOCOPEI 

I  iV  L 
ATOVAT 

FA 
FLAV 


(1)  Cf.  Recueil  de  Constantine,  vol.  J,  p.  75,  et  C.  /.  L.,  viii,  7427. 


-  107  — 

III.  —  Autres  inscriptions  de  la  région  de  Tocquevi/le 

A  un  kilomètre  sud-est  de  Zer'aba,  au  bord  d'un 
chemin  qui  conduit  du  pont  de  Tocqueviiie  (rive 
gauche),  au  village  de  Lavoisier,  dans  les  Maâdid,  on 
pouvait  admirer  naguère  le  soubassement  en  belles 
pierres  de  taille  ornées  de  moulures,  d'un  mausolée 
carré  mesurant  5"'60  de  côté.  L'entrée,  à  f'ouest,  était 
indiquée  par  une  cavité  de  0"80  de  long  sur  0"'17  de 
large  et  2  ou  3  centimètres  de  profondeur,  ménagée 
dans  le  seuil.  Le  sol  était  bétonné.  Il  y  a  quelques 
années,  on  recueillit  dans  les  décombres  un  fragment 
de  marbre  blanc  qui  semble  être  le  genou  drapé 
d'une  statue  grandeur  nature.  Au  mois  de  juin  der- 
nier, on  découvrit  au  même  endroit  cette  curieuse 
dédicace  : 

N°  7.  —  Hauteur  :  0"'63;  largeur  :  0"^48;  épais- 
seur :  0"^30.  Hauteur  des  lettres  :  0'"03-0"'025. 

HOC  EGO  ME  ViVO  SIG 

NVM  DEDICAVl  SEPVLCHRO 
FRETVS  PATRONIS  TITVS 

RITE  BENIGNI3 
VT  MAE  VIRTVTIS  PERTINGAT  FAMAMINO 

RES 
AD  MEVS  ET  VENIANT  PRECLARA  FAGTA 

NEPOTES 

Lettres  liées  :  Ligne  2  :  v-m,  d-i,  a~v.  Ligne  5  :  i-R. 

Hoc  ego  nie  vivo  signum  dedicavi  sepulchro, 
Freius  patronis  Titus  rite  benignis  ; 
Ut  m{e)ae  virtutis  pertingat  fama  minores, 
Ad  me(o)s  et  vejiiant  pr(a)eclara  facta  nepotes. 


—  108  — 

Je  pense  qu'on  peut  traduire  ces  vers  aussi  mau- 
vais que  pompeux  :  «  Moi,  Titus,  tier  de  la  bienveil- 
<•  lance  que  mes  patrons  m'ont  témoignée  à  juste 
«  titre (')  j'ai  érigé,  de  mon  vivant,  cette  statue  dans 
((  le  tombeau,  alin  que  la  renommée  de  ma  vertu 
«  parvienne  à  la  postérité,  et  que  la  mémoire  de 
((  mes  belles  actions  passe  à  mes  descendants.  » 

Les  travaux  de  la  colonisation  ont  dispersé  les 
pierres  du  fnausolée.  Quant  au  fragment  de  statue 
et  à  l'inscription,  M.  Brusset,  colon  à  Tocqueville, 
les  conserve  avec  soin  dans  la  cour  de  sa  maison. 

N°  8.  —  Dans  une  petite  ruine  située  sur  un  mon- 
ticule, à  1,800  mètres  environ  nord-est  du  village, 
près  du  chemin  qui  va  du  pont  de  Tocqueville  à 
Ouled-Braham.  Caisson.  Hauteur  :  0"'61;  largeur  : 
0"'41. 

L'inscription  est  gravée  dans  un  cadre  de  0"'52 
sur  0'"34.  Hauteur  des  lettres  :  0"'045-0'"04. 

D  •  M  •  s 
L.  AEMILIVS 
ADzVTOR  .  V  . 
ANNIS  .  XXX 
AELI-A  VRBA 
NAP-T-ISSIM 
O  FILIO  FECIT 

D{is)  w{anibus)  s{acrum).  L{ucius)  Aemilius  Adjutor 
v{ixit)  annis  XXX.  Aelia  Urbana  piissimo  filio  fecit. 

N"  9.  —  La  base  du  même  caisson  garde  les  res- 


(1)  Sans  doute  en  l'affranchissant. 


—  109  — 

tes  d'une  inscription  métrique.  Hauteur  des  lettres  : 
0"^025. 

VENTVS 

Ar:GNis 

CEPTVM 
SOHORKM 
RO 
DAPVNTES 
liiAM 
bRISOTlNFRI 

IS  IMAGO 
ORVMPRISCVS 
ARISSIM 

N°  10.  —  A  Aïn-Toumella,  à  200  mètres  Est  des 
ruines  de  Thamallula,  près  de  la  ferme  Douarche, 
sur  un  mamelon  qui  doit  recouvrir  la  nécropole 
païenne  de  la  ville.  Caisson.  Longueur  :  1"'13;  hau- 
teur :  0"'68;  largeur  :  0"'54.  Hauteur  des  lettres  : 
0"^05-0"^03.  Dans  un  cadre  : 

BONAE  MEMO 
RIAEETLAVDABI/// 
VIROCAESELVALENTI 
NOPATRl  ETOCTAVIAE 
SATVRNINAEMATRILCAE 
SEL  .  HONOR ATVS  FIL/// 
RENTIBDI  " //bMERL'S 

Lettres  liées  :  Ligne  2  :  a-v.  Ligne  3  :  a-e  et  n-t. 
Ligne  4  :  a-e.  Ligne  5  :  v-r  et  a-e. 

Bonae  mevioriae  et  laudabi[li]  vivo  Caesel{lio)  Valen- 
^.MtcÔ  -patri  et  Octaviae  Saturninae  matri,  L{ucius)  Caesel 
{lius)  Honoratus  fîl{iu9][pa]rentib(us)  dig(ni)s  o\i  dic[ti)s 
b{ene)  meritis. 


•     —  110  — 

N°  11.  —  Ibidem.  Stèle.  Hauteur  :  1"^00;  largeur  : 
0"'53.  Hauteur  des  lettres  0"'055.  Au-dessus  de  l'ins- 
cription, buste  grossier. 

D  .  M  -s 

P  -AI  k  .  DOISE 
VER  VIXIT 
ANOS  LXXXV 

D(is)  m[anibus)  s(acrum).  Plublius)  Ael{ius)  Do  ?  Se- 
ver{us}  vixit  a(n)nos  LXXXV. 

J.  GAUTHIER, 

Cwé  de  Tocqueville, 


VESTIGES  ANTIQUES 

DE 

LA    RÉGION   DE  BORDJ-BOU-ARRÈRIDJ 

— NO^ — 


Kherbet  Si-Embarek 

Les  ruines  de  Si-Embarek  sont  situées  dans  le 
douar  Hasnaoua,  de  la  commune  de  Bordj-bou-Arré- 
ridj,  à  environ  sept  kilomètres  au  nord-est  de  cette 
ville. 

On  y  voit  les  traces  de  deux  vastes  constructions 
situées  à  une  petite  distance  l'une  de  l'autre.  La  pre- 
mière a  une  longueur  de  120  mètres  et  une  largeur 
de  36  mètres  dans  sa  partie  nord  et  de  34  mètres 
dans  sa  partie  sud. 

La  porte  d'entrée,  large  de  4  mètres  environ,  est 
située  sur  la  face  ouest;  elle  était  précédée  de  deux 
murs  de  six  mètres  formant  avant-corps  et  corridor. 

A  gauche  de  la  porte  et  placées  à  l'intérieur  sur 
le  même  alignement  du  mur  du  corridor,  se  trouvent 
quatre  auges  juxtaposées  destinées  fort  probablement 
à  servir  d'abreuvoir  aux  animaux. 


—  112  — 

A  l'intérieur   de  l'enppinfo    i     •.     • 
«PPareii  som  placées  17    L  ■  '"'"''  "^  «'"nd 

tance  les  unes  c^I  "„™;  cl  î  T ■""'""'  "^  ''^' 
supporter  des  eolo,t  '""'  """''«  "-•-•^"' 

nés  ou  piliers  qui  de- 
vaient   probaJjlement 
à  leur  tour  supporter 
la   charpente   d'un 
hangar  ou  d'une  écu- 
rie; cependant,  il  n'a 
été  retrouvé   aucune 
colonne. 

L'enceinte,  parfaite- 
ment visible,  a  deux 
angles    rentrant     un 
dans  la  partie  nord, 
i'autre  dans  la  partie 
est. 

Cette   vaste    cons- 
truction romaine  ou 
byzantine  devait  ser- 
vir à  une  exploitation 
agricole    si    l'on    en 
me   par  les   auges- 
abreuvoirs  situés  près 
de  la  porte.  Aucune 
inscription  n'a  été  dé- 
couverte   dans    cette 
^'^^^ne(  Voir  planche^). 

(Planche  1) 
Echelle  de  0-001  par  mètre 


/t>mi; 


—  113  — 

La  deuxième  construction,  qui  est  rectangulaire 
avec  un  prolongement  en  forme  d'impasse  se  dirigeant 
vers  le  nord,  était  moins  importante.  Elle  avait  ce- 
pendant cincjuante  mètres  de  long  sur  quarante  de 
large.  L'impasse  avait  vingt-huit  mètres  de  long  sur 
six  mètres  de  large. 

Cette  deuxième  construction  avait  une  muraille  de 
même  épaisseur  que  celle  de  la  construction  n°  1, 
mais  il  n'a  pas  été  possible  de  retrouver  les  traces 
de  l'entrée. 

Un  angle  rentrant  existait  dans  la  partie  sud-est 
de  la  construction  qui  paraît  aussi  avoir  eu  l'affecta- 
tion d'une  exploitation  agricole.  Aucune  inscription 
n'a  été  découverte  parmi  les  nombreuses  pierres  qui 
encombrent  la  ruine  de  ce  deuxième  bâtiment  (Voir 
planche  2). 


(Planche  2) 

Ruines  découvertes  au  lieu  dit  :  Kherbet  Si-Embarek 

Echelle  de  O-nOOl  par  mètre 


—  114  - 


Mensa  à  Kherbet-Zembia 

Une  mensa  a  été  trouvée  à  Kherbet-Zembia,  ruine 
située  sur  un  mamelon  près  de  Gérez  (Bel-Imour). 

La  pierre  sur  laquelle  a  été  gravée  l'inscription  est 
une  dalle  en  calcaire  du  pays  ayant  la  forme  d'un 
losange. 

L'inscription  se  trouve  gravée  dans  un  cadre  por- 
tant trois  petits  cercles  parallèles  au  centre  d'un  plus 
grand  cercle  sur  lequel  s'appuient  les  quatre  bran- 
ches de  la  croix  chrétienne. 


Cette  mensa  est  la  dix-neuvième  trouvée  dans  le 
département  de  Constantine  et  la  troisième  de  la  ré- 
gion de  Bordj-bou-Arréridj. 

A.  ROBERT, 

Administrateur  principal  de  Commune  mixte  honoraire, 
Correspondant  du  Ministère  de  V Instruction  2niblique. 


LA  NÉCROPOLE  ROMAINE 


la  Route  de  Philippeville  à  Goiistantiae 


Dans  le  courant  du  mois  de  septembre  1910,  en 
faisant  des  fouilles  à  Constantine  entre  les  points 
initiaux  des  routes  de  Philippeville  et  Bienfait  pour 
la  construction  d'un  mur  de  soutènement,  les  terras- 
siers mirent  à  jour  de  nombreuses  tombes  romaines. 

Ces  fouilles,  qui  atteignaient  une  profondeur  de 
7  mètres,  présentaient  trois  couches  de  terrains  bien 
tranchées.  L'inférieure  d'une  épaisseur  de  3  mètres 
environ  de  terres  rouges  provenait  des  érosions  de 
la  colline  du  Coudiat  et  renfermait  les  sépultures 
romaines.  La  surface  de  l'ancien  sol  était  très  nette- 
ment indiquée  et  l'une  des  stèles,  celle  portant  le 
n°  5  décrite  plus  loin  était  encore  debout,  telle  qu'elle 
avait  été  placée  dans  le  cours  du  IIP  siècle.  De 
nombreux  débris  de  poteries  brisées,  de  verres  et 
d'ossements,  quelques  monnaies  étaient  disséminés 
dans  cette  couche  de  terrain.  Il  n'a  pu  être  retiré  de 
là  qu'un  vase  à  parfums  en  verre  ébréché  sur  un 
côté,  mais  d'une  assez  jolie  facture  qui  a  été  déposé 
au  Musée. 


—  116  — 

Cette  couche  de  terrains  ronges  était  recouverte 
d'une  épaisseur  d'environ  2  mètres  de  terre  noirâtre, 
littéralement  constellée  de  débris  charbonneux.  Peut- 
être  y  aurait-il  lieu  de  rattacher  l'apport  de  ces  terres 
à  la  reconstruction  de  Gonstantine  par  Constantin 
en  312.  Dans  cet  ordre  d'idées,  on  pourrait  en  dé- 
duire que,  si  au  moment  de  sa  prise  par  les  légions 
de  Maxence,  Cirta  possédait  des  monuments  publics 
et  des  habitations  construites  en  pierres  taillées  et 
sculptées,  la  plèbe  habitait  des  maisons  en  terre  crue 
qui  n'ofïrirent  guère  de  résistance  à  l'incendie  et  à 
la  destruction. 

L'amoncellement  de  ce  genre  de  ruines  sur  cer- 
tains points,  obligea  probablement  à  un  déblaiement 
et  on  ne  trouva  rien  de  mieux  que  de  déverser  les 
décombres  sur  cette  partie  de  la  nécropole  romaine, 
car  les  sépultures  n'y  ont  pas  été  violées  puisque 
certaines  stèles  étaient  encore  debout,  en  aplomb 
parfait,  entre  autres  celle  portant  le  n°  5  qui,  plaquée 
contre  la  paroi  de  la  tranchée,  reportait  la  pensée 
des  visiteurs  à  dix-sept  siècles  en  arrière. 

On  peut,  en  effet,  conclure  des  données  qui  pré- 
cèdent, que  la  nécropole  qui  nous  occupe  remonte  à 
l'époque  de  Dioctétien  (vers  285-290)  et  qu'elle  fut 
remblayée  par  les  débris  de  Cirta  vers  312-313.  Cette 
couche  de  terres  noirâtres  était  absolument  vierge 
de  sépultures;  les  tombes  ne  réapparaissent  que 
dans  une  nouvelle  couche  subjacente  de  terrains 
rouges  renfermant  de  nombreuses  sépultures  arabes. 


—  117  - 


I. 

2. 

3. 

0"'25 

()"''M 

0"O7 

D                M 

L)      M 

n       M 

S 1 T  r  I  V  s 

E 

F  I.  A  V  1  V 

3 

5        L.   I.IVIVS 

MAli'I  lA 

Vie  roa 

=      ii^urvLiVo 

LIS    VA  C 

V   A 

H  S    L  S  T 

VA    XXX 

LV 

0  T  B  Q 

4. 
0™34 

5. 

0™48 

^              D 

>   et)   M 

Q 

MARGI\      MAXI 

i              r  VLI  A 

GO 

ô 

MINA  ci?      M      FI 

FL 

0  1^  1  N  A 

LI  \ 

VIXl  ANN  13 

V 

A   LXV 

XXXX 

H   S    li 

0"42  o™36 


0™48 


^^•'^'^'^^  .-^  DM  ^     G     P0MPEIV3 

MECILIA  êL      IV      L!V3  'è>         GO  M     Pli3 

MONNOSVS  VA      LXXV 

NI  AN  VANNXIII  HS 

XXXXV  H      S 

9.  10. 

O'-SS 

ÇCPOMPEI  DM 

°     V  S     A  M  O  AA 


1>  O  M  P  E  I  A 
N  I  G  R  O  S  A 
VA      LXV 

11.  12.  13. 


VA      L  X  X 
H  S   E 


D       M                                 0m34  0-»40 

M    DVPIDIVS  S               DM  gi       P     TAHQVINI 

T  â            SITTIA  o       VSPHILODES 

RE3TVTVS                         MVSTIA  P0TW3VAXXV 
^  ^    ^^                              VA    LX 

HTBQ                              HSE  SE 


- 118  - 

La  plupart  des  inscriptions  qui  font  l'objet  de  la 
planche  ci-jointe  sont  assez  frustes;  seule  celle  qui 
figure  sous  le  n  5  est  soignée  comme  taille  et  com- 
me caractères.  Les  n"^  8,  9  et  10  portent  le  gentilice 
d'une  famille  Pompeïa.  Dans  les  n  ^  4  et  5  le  lapicide 
a  figuré  la  ponctuation  en  forme  de  feuille  (hederte); 
dans  les  n"'  3  et  7  la  forme  des  L  est  la  caractéris- 
tique des  inscriptions  postérieures  au  IL  siècle. 
Dans  le  n"  IL  existe  une  ligature  de  trois  lettres 
TiT,  ainsi  qu'une  formule  assez  rare  h.t.b.q.  qui 
doit  se  traduire  llic  tu  bene  quiescas.  Dans  le  n""  1 
trois  formules  y  sont  gravées  :  h.  s.  (hic  situsj, 
LST  (levis  sit  terra)  otbq  (ossa  tua  bene  quiescant). 
Il  est  vrai  qu'il  s'agit  d'une  centenaire  tout  comme 
dans  le  n^  11  dont  le  titulaire  atteignit  110  ans.  Cela 
semblerait  démontrer  une  fois  de  plus,  étant  donné 
les  nombreuses  épitaphes  de  centenaeres  découvertes 
dans  la  région,  la  salubrité  parfaite  du  climat. 

Les  inscriptions  n"'*  1  et  13  se  rapportent  à  une 
gens  Sittia. 

Enfin,  sur  le  n'^  13  figure  un  cognomen  d'origine 
grecque.  Faut-il  le  lire  philodes  potvs  et  consi- 
dérer alors  r  I  existant  entre  le  t  et  1'  v  comme  une 
faute  du  lapicide?  Où  bien  diviser  en  deux  mots  le 
premier  PHtLODES  signifiant  ami  du  chant,  mais 
alors  que  signifierait  potivs  qui,  en  réalité,  n'est 
qu'un  adverbe?  Il  serait  alors  préférable  de  conclure 
suivant  la  première  hypothèse.  C'est  du  reste  l'opi- 
nion d'un  éminent  membre  honoraire  de  notre  com- 
pagnie, M.  Gagnât,  membre  de  l'Institut,  professeur 


au  collège  de  France. 


E.  THÉPENIER 


DE  LA  RÉGION  DE  SÈTIF 


§  r '^  —  Forts  lomstins 


Grand  fort  des  ruines  de  Ad  Sa  va  m 

(Hammam-Guergour) 

Le  vandalisme  des  entrepreneurs  aura  bientôt 
achevé  de  faire  disparaître  celles  des  ruines  romai- 
nes que  la  brutale  cupidité  indigène  et  la  colonisa- 
tion européenne  avaient  épargnées.  Encore  quelques 
nouveaux  centres  à  créer  et  il  ne  restera  plus  d'au- 
tres traces  de  l'occupation  préhistorique,  latine  ou 
grecque,  que  les  pierres  de  taille  utilisées  dans  les 
constructions  modernes  et  les  quelques  sculptures 
sauvées  çà  et  là  par  de  trop  rares  amis  de  l'histoire, 
de  l'archéologie  ou  même  tout  simplement  de  l'art 
sous  quelque  forme  qu'il  se  présente. 

Combien  d'agglomérations  anciennes,  explorées 
soit  par  M.  Gsell,  soit  par  moi,  il  y  a  quinze  ou 
vingt  ans,  ont  été  déjà  complètement  rasées  sans 
que  personne  ait  songé  à  en  relever  les  plans  ou  à 


-  12Ô  - 

mettre  de  côté,  tout  au  moins,  les  pierres  intéressan- 
tes: inscriptions, bas-reliefs,  sarcophages, colonnes  ou 
sculptures  diverses!  On  fera  donc  bien,  au  sein  de 
notre  Société,  de  faire  une  large  place  aux  mono- 
graphies et  aux  études  d'ensemble  qui  permettront 
non  seulement  de  conserver  le  souvenir  de  la  colo- 
nisation antique,  mais  aussi  d'en  faire  connaître  les 
détails  et,  en  quelque  sorte,  d'en  pénétrer  les  secrets. 

L'Administration  coloniale  elle-même  pourra  trou- 
ver quelque  profit  à  ces  études  en  apprenant  com- 
ment les  anciens  possesseurs  du  sol  avaient  su  capter 
les  eaux,  si  nécessaires  aux  besoins  de  l'Algérie  et 
si  rares  à  toutes  les  époques  ;  comment  ils  avaient 
pu  se  garder  contre  les  tribus  ennemies;  comment 
enfin  ils  avaient  réussi  à  administrer  à  peu  de  frais 
ces  immenses  territoires  et  à  assurer,  avec  des 
effectifs  ridiculement  restreints,  la  sécurité  au  milieu 
de  peuplades  soumises  en  apparence,  mais  éminem- 
ment turbulentes  et  toujours  prêtes  à  se  révolter. 

C'est  pourquoi,  après  avoir  donné  dans  un  travail 
d'ensemble.  Voies  romaines  de  la  région  de  Sétif ,  (^) 
des  indications  générales  concernant  l'emplacement 
de  toutes  les  ruines,  grandes  ou  petites,  connues  à 
l'époque  dans  le  périmètre  de  Sétif,  nous  avons  en- 
trepris de  compléter  notre  travail  par  une  série  d'é- 
tudes embrassant  chacune  un  objet  particulier. 

Que  ceux  de  nos  collègues  qui,  pour  différentes 
raisons,  ne  pourront  se  livrer  à  un  travail  aussi 
étendu,  imitent  au  moins  MM.  Joleaud  et  Joly,  dont 
l'inventaire  peut  rendre  aux  archéologues  de  grands 
services. 


(1)  Rec.  de  la  Société  arch-  de  Constantùno,  1907,  vol.  xli. 


—  121  — 

Place  forte  de  Ad  Sa  va  m 

K  Hannuam-Guergour; 

Nous  avons  vu  (vol.  xxxiu,  xli  et  xli  i)  que  le 
gouverneur  de  la  province  de  Sétif  avait  élevé,  dans 
un  certain  rayon  autour  de  sa  capitale,  un  grand 
nombre  de  châteaux-forts  ou  de  constructions  forti- 
fiées destinées,  soit  à  garder  la  frontière  de  la  Mau- 
rétanie  Sitifienne  contre  les  incursions  des  tribus  de 
l'Est,  soit  à  prévenir  les  coups  de  mains  des  harkas 
berbères  du  massif  des  Babor. 

En  outre  de  ces  forts  d'arrêt  —  comme  on  dirait 
à  notre  époque  —  il  existait  d'autres  points  straté- 
giques importants  et  qu'il  était  nécessaire  de  garder 
tant  pour  maintenir  les  tribus  dans  le  devoir  en  leur 
imposant  une  garnison  prête  à  réprimer  sur  l'heure 
tout  mouvement  insurrectionnel  (nos  smalas)  que 
pour  assurer  en  tout  temps  la  sécurité  des  routes  et 
la  paisible  circulation  des  trafiquants  et  des  voya- 
geurs (bordjs,  relais  d'étapes). 

Nous  avons  donné  en  1909  (vol.  xli)  le  plan  du 
fort  de  Magraoua,  qui  gardait  le  débouché  sud  du 
superbe  canon  dans  lequel  s'engouffre  le  Bou-Sellam 
avant  de  pénétrer  dans  le  massif,  terriblement  acci- 
denté, des  Babor.  Nous  donnons,  cette  fois,  le  plan 
sommaire  de  la  place  forte  de  Ad  Savam,  qui  pro- 
tégeait la  sortie  nord  de  ce  même  défilé.  Bien  que 
les  mechtas  voisines  et  surtout  le  Hammam  (Ham- 
mam-Guergour)  aient  fait  à  la  citadelle  des  emprunts 
considérables  pour  l'édification  de  leurs  gourbis,  il 
subsiste  encore  une  grande  partie  de  l'enceinte  bas- 
tionnée.  Nul  doute,  d'ailleurs,  que  des  fouilles  métho- 
diques ne  permettent  de  retrouver  facilement  le  plan 


122  

intérieur  de  la  place;  car  celle-ci  a  pu  être  pillée, 
mais  non  détruite,  puis(|u'il  n'existe  ni  village  kabyle 
ni  centre  européen  aux  environs  immédiats  de  Ham- 
mam-Guergour  et  qu'on  n'a  pas  eu  besoin  de  pierres 
de  taille. 

La  pai'tie  conservée  consiste  en  une  muraille  en 
pierres  de  grand  appareil  et  dont  nous  n'avons  pu 
mesurer  la  hauteur,  faute  d'échelle  et  de  perche; 
nous  l'estimons  à  6  ou  7  mètres.  Cette  muraille 
porte  encore  sept  tours  carrées^  dont  deux  en  bon 
état  et  les  autres  plus  ou  moins  ruinées;  six  sont  sur 
la  face  regardant  à  l'est  et  qui  est  la  plus  étendue,  et 
une  seulement  sur  la  face  nord,  qui  est  très  étroite. 
Le  mur  Est  n'est  pas  rectiligne,  mais  tend  au  con- 
traire à  s'ouvrir  à  l'extérieur,  de  telle  façon  que  la 
face  sud  devait  avoir  une  fois  et  demi  la  largeur  de 
la  face  nord.  Les  murs  sud  et  ouest  font  complète- 
ment défaut  mais  ont  dû  exister  autrefois.  L'inté- 
rieur du  fort  est  rempli  de  matériaux  qui  en  rendent 
l'exploration  difficile  et  qu'il  faudrait  enlever. 

Nous  avons  noté  les  restes  d'une  piscine,  dans  la 
partie  nord-est  de  l'intérieur,  et  un  curieux  escalier 
de  iO  ou  12  marches  ont  été  toutes  taillées  dans  un 
même  bloc  de  rocher,  équarri  ensuite  à  droite  et  à 
gauche  et  se  terminant  au  sommet  par  une  partie 
fruste.  A  notre  avis,  il  s'agit  d'un  monument  public  '■ 
chaire  à  prêcher,  tribune  pour  orateur  ou  autel  pour 
servir  à  des  cérémonies  solennelles.  Si  notre  mé- 
moire ne  nous  trompe  pas,  cet  escalier  se  trouve  à 
peu  près  au  centre  de  l'enceinte. 

La  tour  la  mieux  conservée  présente  sur  son  côté 
intérieur  et  presque  à  la  partie  supérieure  une  ou- 
ver-ture  pouvant  servir  de  porte,  cintrée  en  haut  et 


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—  123  — 

pouvant  mesurer  environ  1"50  ou  1"^75  sur  0"^50  à 
0'"60.  Sans  doute  cette  baie  ouvrait-elle  sur  un  esca- 
lier de  bois  qui  permettait  d'y  accéder  depuis  la 
cour  de  la  forteresse. 


Croquis  d'une  des  tours 


La  roche  aux  gradins 


Je  n'ai  trouvé  qu'une  inscription  (vol.  xxxiv, 
p.  260,  n"  13),  mais -j'ajoute  que  je  n'ai  guère  pa^é 
plus  d'une  heure  ou  deux  à  Ad  Savam.  Puissent 
ces  lignes  inciter  quelqu'un  de  nos  collègues  en 
archéologie  à  faire  à  Hammam-Guergour  une  excur- 
sion un  peu  plus  longue. 


Fortin  d'EI-Ksar  (Aïn-Agram) 

(Voir  la  planche  ci-contre) 

Cette  ruine  se  trouve  sur  la  carte  de  Saint-Arnaud 
(n''  94)  du  service  géographique  de  l'armée  (50/000'^), 
au  nord  de  la  route  de  Sétif  à  Constantine  et  dans 
l'angle  sud-ouest.  Pour  la  rencontrer,  remonter 
droit  en  haut  entre  les  kilomètres  28  et  29  et  clier- 


—  124  — 

cher  ensuite  horizontalement  à  hauteur  du  kilomè- 
tre 4;  elle  est  au  pied  du  Draa-Z'nadia  (cote  1,091). 
Il  y  a  là  trois  groupes  de  ruines  et  c'est  le  plus 
méridional  des  trois.  Les  deux  autres  sont  les 
restes  d'agglomérations  sans  aucun  caractère  mili- 
taire, qui  s'élevaient  auprès  de  la  source  appelée 
Aïn-Agram. 

Tout  ce  secteur  est  couvert  de  ruines,  tant  ber- 
bères que  romaines.  Le  groupe  d'Aïn-Agram  fait 
partie  de  la  seconde  ligne  de  défense,  la  première 
(Guelt-Zerga  et  Kherbet-Abderrhaïm)  occupant  les 
hauteurs  situées  à  3  kilomètres  plus  à  l'est,  au  seuil 
de  la  grande  vallée  de  l'Oued-Medjez  qui  formait, 
croyons-nous,  la  frontière  entre  la  Numidie  et  la 
Maurétanie  Sitifienne.  En  face,  de  l'autre  côté  de  la 
vallée  et  assez  loin  dans  la  montagne,  est  Djemila. 
A  9  kilomètres  nord  est  Mons.  Droit  au  sud  c'est 
la  région  des  lacs,  puis  Ampère-Aïn-Azel,  le  pas- 
sage de  transhumance  que  Ijorde  à  l'est  le  Guetiane 
et  à  l'ouest  le  Kret-Faraoun,  enfin  le  Hodna.  A 
l'ouest  sont  les  hacieridas  de  Aïn-Regada  et  de  Me- 
guel)el,  postes  avancés  de  Sétif. 

El-Ksar  était  le  point  d'appui  des  défenseurs  obli- 
gés d'abandonner  la  première  ligne  de  défense; 
c'était  aussi  le  réduit  des  colons  des  deux  villages 
d'Aïn-Agram.  Il  commandait  en  même  temps  la  tète 
du  vallon  qui  descend  jusqu'à  la  ferme  Cruchon, 
sur  la  route  nationale  et  gardait  les  deux  sources 
d'Aïn-Agram  et  d'Aïn-Tolba.  La  distace  qui  le  sépa- 
rait de  la  ruine  la  plus  voisine  était  d'environ 
400  mètres. 

Il  ne  reste  de  ce  fort  qu'un  quadrilatère  en  pierres 
de  taille  rasé  à  1  mètre  du  sol  et  mesurant  55  mè- 


-  125  — 

très  (nord-sud)  sur  50  mètres  (est-ouest).  On  voit  à 
l'intérieur  des  traces  d'un  mur  de  refend  orienté 
est-ouest.  Il  y  avait  au  milieu  de  la  face  Est  une 
porte  de  3'"10  d'ouverture;  le  cheikh  nous  a  dit  qu'il 
avait  vu  cette  porte  encore  intacte,  et  il  la  compa- 
rait à  une  des  portes  de  l'enceinte  moderne  de  Sé- 
tif.  D'après  ses  indications  la  largeur  aurait  été  de 
5"'60,  ce  que  nous  ne  nous  expliquons  pas.  11  ne 
paraît  pas  avoir  existé  d'autre  porte. 

L'intérieur  du  fort  est  encombré  de  pierres  qui 
témoignent  de  l'existence  primitive  de  nombreuses 
constructions.  Gomme  toujours,  la  ruine  d'El-Ksar 
a  été  pillée  par  les  indigènes  et  par  les  colons  et  on 
ne  pourra  plus  rien  y  découvrir  d'intéressant  qa'en 
fouillant  le  sol.  Nous  n'y  avons  trouvé  qu'une  mau- 
vaise colonne,  à  l'extérieur  du  rempart  (nord-est). 
En  dehors  de  la  face  nord,  nous  avons  vu  un  amon- 
cellement de  pierres  couvrant  à  peu  près  3  hectares: 
là  devait  être  un  faubourg  habité  par  les  mercantils 
et  les  familles  des  soldats,  peut-être  aussi  par  les 
auxiliaires  indigènes. 

Bien  que  le  fort  fût  édifié  sur  une  élévation  de 
terrain,  la  garnison  n'avait  qu'une  vue  très  restreinte 
parce  que  El-Ksar  était  construit  dans  une  vallée 
étroite  et  relativement  encaissée.  Son  rôle  était  un 
rôle  de  police  et  de  protection  plutôt  qu'un  rôle  de 
surveillance  de  la  frontière.  Nous  pensons  qu'il  devait 
servir  aussi  de  résidence  aux  autorités  locales  et  aux 
services  administratifs,  et  que  c'était  peut-être  éga- 
lement un  relais  de  poste  pour  les  voyageurs  allant 
de  Cirta  ou  de  Djemila  à  Sitifis  et  pour  ceux  venant 
du  Meghris  et  de  Bougie  et  se  dirigeant  Sur  Batna. 


—  126  - 

III. 

Kherbet  Abd-er  Rhaïm 

Celte  ruine,  qui  comprend  trois  groupes  de  cons- 
tructions réparties  sur  trois  mamelons,  est  sur  la 
frontière  de  la  Maurétanie  Sitifienne,  entre  Aïn- 
Agram  et  la  ferme  Cruchon  (route  nationale  de  Sétif 
à  Constantine).  Elle  faisait  partie  de  la  première  ligne 
du  système  de  défense  existant  à  l'est  de  Sétif  et 
servait  d'appui  aux  populations  espacées  le  long  de 
la  vallée  de  l'Oued-Medjez,  depuis  Mons  (')  jusqu'aux 
lacs. 

En  arrière  venaient  Aïn-Agram,  puis  —  en  troi- 
sième ligne  ~  Aïn  Regada  et  Meguebel. 

A  sa  droite,  au  sud  de  la  route  nationale  et  de  la 
ferme  Cruchon,  était  un  autre  point  de  défense  qui 
a  malheureusement  été  complètement  pillé. 

Abd-er-Rhaïm  était  plutôt  du  type  hacienda  que 
du  type  foi  t  proprement  dit.  Mais  comme  nous  ne 
l'avons  pas  compris  dans  nos  deux  premières  études 
{Trois  citadelles  romaines  vol.  xxxiir,  et  l.es  Haciendas 
romaines,  vol.  xliii)  nous  l'indiquons  ici  de  façon  à  en 
terminer  avec  les  ouvrages  militaires  de  cette  région. 

Cet  établissement  se  présente  sous  la  forme  d'un 
grand  rectangle  de  60  mètres  sur  55,  construit  sur 
un  léger  relief  du  sol  et  pourvu  de  constructions 
intérieures  appuyées  contre  ses  faces  nord  et  sud. 
Ces  pièces  sont  en  général  très  petites  ou  très  étroites 
et  font  penser  plutôt  à  des  magasins  qu'à  des  loge- 
ments. Les  murs  extérieurs  sont  du  type  en  harpes. 
A  l'extérieur,  du  côté  sud,  on  voit  les  vestiges  de 


(1)  Mous  a  été  décrit  trop  souvent  pour  que  nous  en  reparlions  encore 
ici. 


—  127  — 

plusieurs  constructions  de  bonne  allure.  Du  même 
côté  on  remarque  une  sorte  de  chemin,  large  de 
4'"25,  qui  grimpe  entre  deux  murs  jusqu'à  l'angle 
S.-O.  et  peut  être  comparé  à  ce  qu'on  appelle  en 
terme  de  fortification  un  chemin  couvert.  Les  sou- 
terrains décrits  dans  le  vol.  xxxiii  sont  entre  ce  che- 
min et  les  constructions  extérieures. 


§  2.  —  Puits  romains 

Puits  d'A  in  -  ta  -  Moudger 

Lorsqu'on  suit  le  chemin  du  Génie  de  Sétif  à  Mons 
par  Aïn-Mouss,   on   arrive  —   après   Bir-el-Mer   et 


—  128  — 

avant  Aïn-Hammama  (15  kilomètres  de  Sétif)  —  à 
rOued-Rherib.  Sur  la  rive  droite  est  la  petite  mechta 
d'Aïn-ta-Moudjer,  construite  au  milieu  des  pierres 
d'une  ruine  romaine  comprise  entre  les  milliaires  vu 
et  IX,  mais  sur  le  bord  opposé  à  la  voie. 

Dans  les  décombres  qui  embarrassent  les  jardins 
de  la  mechta,  nous  avons  remarqué  un  puits  présen- 
tant cette  particularité  d'avoir  un  orifice  en  forme  de 
fer  à  cheval,  la  margelle  étant  faite  de  pierres  de 
taille  bien  arrangées.  Cette  ouverture  mesure  1"'25 
de  grand  axe  et  0"^82  dans  son  petit  diamètre.  Quant 
à  la  profondeur  du  puits  nous  n'avons  pu  la  calculer, 
celui-ci  étant  à  peu  près  comblé. 

Bir-en-N'sa 

Bir-en-N'sa  (le  puits  des  femmes)  se  trouvait  dans 
une  propriété  de  la  Compagnie  Genevoise,  entre  le 
6*"  kilomètre  de  la  route  nationale  de  Sétif  à  Cons- 
tantine  et  Aïn-Regada,  à  peu  près  à  700  mètres  nord 
de  la  route  sus-désignée,  au  bord  d'un  chemin  non 
classé  partant  d'un  petit  pont. 

Ce  puits  a  été  creusé  dans  une  légère  dépression 
commençant  à  Aïn-Regada  (la  source  intermittente) 
et  finissant  en  ruisseau  dans  les  environs  de  la  route. 

Il  a  été  modifié  au  moins  deux  fois  depuis  sa  cons- 
truction :  probablement  une  première  fois  à  l'époque 
byzantine;  puis,  en  1876,  par  la  Compagnie  Gene- 
voise. Dernièrement,  enfin,  il  a  été  démoli  pour  faire 
place  à  un  puits  entièrement  neuf,  et,  c'est  en  cons- 
tatant sa  disparition  que  nous  avons  songé  à  publier 
les  plans  et  le  croquis  que  nous  en  avions  pris  en 
1896-98. 


-  120  - 

L'intérêt  principal  de  cette  construction,  assez  ba- 
nale en  elle-même,  réside  en  ce  fait  que  le  puits  pa- 
raît avoir  alimenté,  à  Bir-en-N'sa  même,  un  établis- 
sement soit  privé  soit  public,  dont  on  voit  encore  les 
traces  et  qui  s'était  superposé  à  une  station  paléoli- 
thicjue.  La  tranchée  ouverte  en  1876  par  les  ordres 
du  Directeur  de  la  Compagnie  (alors  M.  Bosquillon 
de  Frencheville)  a  coupé  les  différentes  parties  de 
l'établissement  et  mis  à  découvert  un  atelier  de  taille 
préhistorique  qui  a  donné  un  grand  nombre  d'outils 
en  jaspe  noir. 

Le  puits  avait  la  forme  d'une  demi-circonférence 
ayant  sa  partie  convexe  au  nord  et  sa  partie  rectili- 
gne  au  sud.  L'eau  en  sortait  par  trois  bouches  taillées 
chacune  dans  un  fort  bloc  de  pierre  et  rappelant  les 
trois  arches  d'un  pont  en  miniature.  A  droite  et  à 
gauche,  un  petit  mur  en  pierres  de  taille  entourait 
un  bassin  de  7  mètres  de  long  et  d'à  peu  près  3  mè- 
tres de  large,  fermé  en  aval  par  un  retour  du  mur. 
Au-dessus  des  bouches  le  puits  avait  été  relevé  ou 
surhaussé  par  des  pierres  ramassées  au  hasard  et 
parmi  lesquelles  nous  avons  remarqué  notamment 
des  clefs  de  voûte.  Couronnant  cette  muraille  de  for- 
tune, un  mur  à  l'européenne  achevait  de  donner  à  la 
construction  un  aspect  des  plus  hétéroclite.  Il  n'en 
subsiste  plus  absolument  rien  aujourd'hui  ! 

A  une  vingtaine  de  mètres  au  sud  du  puits  com- 
mençaient les  constructions,  complètement  enterrées 
et  qu'on  aurait  toujours  ignorées  si  les  ouvriers 
n'avaient  pas  été  obligés  de  les  éventrer  pour  creu- 
ser le  canal  d'assainissement  qui  existe  toujours. 

Nous  avons  relevé,  en  allant  du  nord  au  sud  (c'est- 
à-dire  du  puits  vers  la  route),  une  petite  pièce  de 


^  130  — 

4"^30,  une  autre  de  2'"50  sur  S'^TS,  une  grande  salle 
de  7"'65.  Le  sol  de  cette  dernière  pièce  était  à  r"60 
au-dessous  du  chemin  qui  longe  le  canal  ;  le  plan- 
cher de  la  pièce  intermédiaire  était  à  2'"40  ;  celui  de 
la  première  salle  paraît  aA-oir  été  encore  plus  bas  et 
nous  ne  l'avons  pas  trouvé.  Ces  planchers  étaient  en 
mosaïque  très  commune,  reposant  sur  un  lit  de  gros 
galets  (O'"30). 

C'est  au-dessous  de  la  mosaïque,  par  conséquent 
à  1"'90  du  sol,  que  commençait  la  couche  de  terre 
mêlée  de  cendre  et  de  coquilles  d'escargots  dans 
laquelle  ont  été  trouvés  les  silex.  Cette  couche  a  une 
épaisseur  de  0"'60;  après  elle  commence  une  terre 
vierge  légèrement  jaunâtre,  coupée  d'une  bande  de 
couleur  blanche  dont  la  partie  inférieure  disparaît 
sous  l'eau. 

Les  murs  de  refend  romains  mesurent,  en  allant 
du  nord  au  sud  :  0^60,  -  0^60,  -  0"60,  -  0"^52,  -  0"?? 
les  murs  3  et  4  étant  accolés.  Ils  sont  faits  en  ma- 
çonnerie et  présentent  presque  tous  des  assises  de 
briques  triangulaires  noyées  dans  le  ciment.  La  cons- 
truction est  orientée  sensiblement  nord-est,  sud- 
ouest. 

Auprès  de  Bir-en-N'sa  et  à  une  cinquantaine  de 
pas  à  l'ouest  du  canal,  sur  un  tertre,  se  voyaient,  il 
y  a  quinze  ans,  un  chapiteau  et  des  pierres  de  taille 
qui  indiquaient  que  là  avait  dû  être  une  villa. 

Nous  n'avons  pas  vu  les  silex  recueillis  par 
M.  Bosquillon  de  Frencheville.  Parmi  ceux  que  nous 
avons  ramassés  il  y  a  des  pointes  de  flèches  et  de 
javelots,  des  poinçons,  des  couteaux,  des  racloirs, 
un  percuteur  (?j  et  des  scies  (?)  ;  une  série  de  cent 
pièces  a  figuré  à  l'exposition  préhistorique  de  Beau- 


-  131  - 

vais,  et  le  Recueil  de  la  Société  archéologique  de 
Constantine  a  publié  une  planche  des  plus  beaux 
outils  dans  son  vol.  xxxrv  (1901). 


Guidjel 

Ce  centre  est  sur  la  piste  de  Sétif  à  Zaraï,  qui  part 
de  Sétif  par  la  porte  de  Biskra  et  qui  otïre  sur  son 
parcours  très  peu  de  ruines,  peut-être  par  suite  du 
manque  d'eau  dans  cette  région. 

A  Guidjel  (13  kil.),  auprès  de  la  mosquée  —  pitto- 
resque et  historique  —  est  un  beau  puits  romain  en 
maçonnerie  coupée  à  intervalles 
égaux  de  six  montants  ou  cor- 
dons verticaux  en  pierres  de 
taille.  Le  diamètre  de  l'ouver- 
ture est  de  r"29  ;  la  profondeur 
apparente  est  de  5  ou  6  mètres; 
le  fond  est  comblé. 


Aïn-Ksir-el-Ghoul 

Piste  Aïn  Kalfoum- Bir-el-Kherba  -  La  Barbinais. 

A  28  kilomètres  de  Sétif,  et  après  avoir  franchi 
rOued-Malah,  l'Oued-bou-Sellam  et  l'Oued-Tixter, 
on  rencontre  une  ruine  romaine  assez  étendue  : 
Aïn-Ksir-el-Ghoul  (source  du  Gh'iteau  de  l'Ogre). 

Au  milieu  des  pierres  de  taille,  pressoirs,  auges, 
nous  avons  vu  une  margelle  de  puits,  ou  plutôt 
la  moitié  d'une  margelle,  formée  d'une  pierre  de 
l'"53  sur  0"'60,  échancrée  sur  une  face  par  un  demi- 
cercle  de  O^'TS  de  diamètre,  laissant  de  chaque  côté 


-  132  - 

un  bord  de  0"'37,  et  sur  l'autre  par  une  moitié  de 
carré  d'environ  0'"85  de  côté. 


^  **.  5  3 


Cette  disposition   semble  indiquer   que  la   pierre 
recouvrait  un  puits  cylindrique. 


J.  JAGQUOT, 

Juge,  honoraire  à  Ch'enohle. 


POIDS  HOMAÏHS 

trouvés  à  Sigus 


Les  poids  romains  que  reproduit  la  planche  ci- 
jointe  furent  trouvés  à  Sigus  il  y  a  quelque  temps. 
Je  les  ai  acquis  en  échange  de  monnaies  consulaires 
et  impériales.  Sur  la  demande  de  notre  Président, 
je  vais  donner  ici  une  courte  note  à  leur  occasion. 

Ces  poids,  en  porphyre  noir,  ont  la  forme  de 
sphères  aplaties  aux  deux  pôles.  En  voici  les  dimen- 
sions et  la  valeur  pondérale  en  grammes. 

Celui  qui  porte  l'inscription  est  haut  de  0'"085, 
son  diamètre  maximum  est  de  0"U0;  le  diamètre  des 
bases  est  de  0"'075;  son  poids  est  de  1,600 grammes. 

L'autre,  haut  de  0'"13,  a  un  diamètre  maximum 
de  0^'17;  le  diamètre  des  bases  est  de  0'"11;  il  pèse 
6,430  grammes. 

Au  dernier  moment,  après  exécution  de  la  planche, 
M  Maguelonne  a  été  assez  heureux  pour  trouver  un 
troisième  poids  de  même  forme,  également  en  por- 
phyre noir,  et  provenant  de  la  même  région.  Ce  poids 
est  haut  de0"'03  ;  son  diamètre  maximun  est  de  0"'05; 
son  diamètre  de  base  est  d'un  côté  de  0"'03,  de  l'autre 
côtédeO'^04;  il  pèse  140  grammes. 


—  134  — 

Comme  on  le  voit,  en  tenant  compte  de  leur  usure 
évidente,  surtout  pour  le  premier  et  le  dernier  qui 
paraissent  porter  la  trace  d'un  petit  anneau  (le  der- 
nier a  en  outre  été  poli  récemment  sur  une  base  qui, 
de  ce  fait,  a  0™0i-  de  diamètre),  on  peut  regarder  ces 
poids  comme  représentant  :  le  plus  petit  une  demi- 
livre  romaine,  le  moyen  5  livres  et  le  plus  gros 
20  livres  de  322  grammes  l'une.  Ils  sont  bien,  en 
efïet,  des  multiples  l'un  de  l'autre,  en  prenant  pour 
base  la  livre  de  322  grammes  et  en  restituant  ce  qui 
leur  manque,  sans  aucun  doute,  du  fait  de  l'usure 
signalée. 

On  sait  que  la  valeur  de  la  livre  romaine  a  varié, 
et  sous  la  République  et  sous  l'Empire.  Macquard 
lui  attribue  327  grammes;  Hultsch  327  gr.  45;  d'au- 
tres 325  grammes. 

Toutefois,  bien  qu'ils  datent  de  l'époque  de  Marc- 
Aurèle  (ainsi  qu'on  va  le  voir),  les  poids  de  Sigus 
doivent  être  rapprochés,  comme  valeur  librale,  d'un 
Quincussis  connu,  conservé  à  Rome  au  musée  Kircher 
et  provenant  du  musée  Borgia.  Babelon  l'a  reproduit 
et  décrit  dans  son  ouvrage  sur  les  Monnaies  co7isu- 
laires. 

«  Lingot  de  bronze  de  forme  rectangulaire.  — 
«  Aigle  de  face,  les  ailes  éployées,  tenant  le  foudre 
«  dans  ses  serres.  —  ^.  Pégase  galopant  vers  la 
«  gauche;  au  dessous  l'inscription  romanom.  —  Quin- 
«  cussis,  1,610  gr.  99.  Musée  Kircher,  a  Rome(^).  » 

Ce  Quincussis  pèse  donc,  à  très  peu  près,  comme 
le  poids  moyen  de  Sigus,  soit  5  livres  de  322  gr.  19 
et  une  fraction. 


(l)  Ernest  Babelon,  Monnaies  de  la  République  romaine,  T.  I,  p.  5-6. 
—'1885,  Rollin  et  Feuardent. 


—  135  — 

La  collection  Farges  possède  4  poids  en  porphyre 
du  genre  de  ceux  de  Sigus.  Ils  sont  décrits  dans  le 
catalogue  de  cette  collection  à  la  page  8  et  reproduits 
planche  III,  n'-  20,  21,  22  et  23 'U.  Leur  valeur  en 
grammes  se  rapproche  beaucoup  de  ceux  que  nous 
décrivons  ici,  mais  ils  proviennent  tous  quatre  de 
localités  diO'érentes  Le  Kef,  Feriana,  Gounilida  et 
Tébessa.  L'un  d'entre  eux,  celui  de  Tébessa,  est  en 
porphyre  rouge.  Le  u°  21  est  de  même  dimension  et 
de  même  poids  que  notre  troisième  :  140  grammes  ; 
hauteur  0'"03;  base  0"04.  Le  n«  23  pèse  1,568  gr.  ; 
hauteur  0"075  ;  base  0'^075.  C'est  à  peu  près  le  poids 
moyen  de  Sigus.  Tous  deux  sont  aussi  en  porphyre 
noir. 

Le  musée  Lavigerie,  de  Carthage,  possède  aussi 
mie  belle  série  de  poids  sphériques  aplatis  aux  pôles, 
en  basalte  noir.  L'un  de  ces  poids  se  rapproche  de 
celui  de  Sigus,  visé  par  Q.  Junius  Rasricus,  il  pèse 
1,575  grammes;  un  autre  en  pèse  165,  valeur  qui  se 
rapproche  du  plus  petit  des  poids  dont  il  s'agit  dans 
cette  Noie. 

Un  des  poids  du  musée  Lavigerie,  en  basalte  noir, 
pèse  jusqu'à  14,265  grammes  i-^). 

Le  musée  de  Timgad  possède  18  poids  en  pierre 
noire  ;  quelques-uns  de  ces  poids  sont  marqués,  on 
y  lit  : 

V.  H.  II.  III.  nv.  etc.  (3) 

Je  ne  connais  aucun  poids  romain  trouvé  dans 
l'Afrique  du  Nord  portant  une  inscription  de  contrôle 

(1)  Collection  Farges,  par  Besnier  et  Blanchet,  Leroux,  1900. 

(2)  Renseignements  dus  à  l'obligeance  du  R,  P.  Delattre. 
foiuie'^^drS^d"'  ^"^  ^  l'obligeance    de    M.    Barry,    inspecteur  des 


—  136  — 

comme  le  poids  de  5  livres  trouvé  à  Sigus.  Ce  poids 
porte  l'estampille  otïicielle  du  préfet  de  Rome  Qaintus 
Junius  Rusticus. 

Voici,  en  effet,  l'inscription  gravée  en  lettres  de  la 
bonne  époque,  et  sur  deux  lignes,  autour  de  la  sphère 
librale,  sorte  de  QaincussU,  pesant  1,600  grammes  : 

EX   AVCTORIT.    Q.    IVNl.    RVSTICI.   PR.    VRB. 
VIRl.   CLARISSIMl. 

Ex  auctorit{ate)  Q{inti)  Jum{i]  Rastici  Pr{œfecti)  Urb{i) 
Viri  Clarissimi. 

Plusieurs  musées  possèdent  des  poids  de  même 
forme,  portant  vérification  faite  au  nom  du  préfet  de 
Rome  Quintus  Junius  liusticus.  Il  y  en  a  au  Louvre, 
aux  musées  de  Londres,  Bruxelles,  Berlin,  Gatane, 
Florence,  Naples,  Rome,  etc.  (Vid.  corpus,  i.  l.  y., 
8119,  1;  X,  8068,  5;  xni,  10030,  etc.V 

On  peut  se  demander  si  les  poids  de  Sigus,  en- 
voyés en  Afrique  avec  le  visa  du  préfet  de  Rome,  ne 
sont  pas  des  étalons  destinés  à  réglementer  les  poids 
de  la  province  de  Numidie.  Il  semble  cependant  que 
dans  ce  cas  on  eut  dû  les  trouver  à  Lambèse  ou  à 
Cirta,  à  moins  qu'on  ne  veuille  admettre  leur  trans- 
fert à  Sigus  par  un  vérificateur  en  tournée. 

«  La  plupart  des  poids  ou  mesures  sont  anépigra- 
((  phes,  dit  M.  René  Gagnât,  ou  portent  seulement 
((  l'indication  en  chiffres  de  leur  valeur  ou  de  leur- 
ce  capacité.  Sur  quelques-uns,  cependant,  on  lit  des 
((  inscriptions  plus  ou  moins  développées  contenant, 
({  par  exemple,  une  date,  la  désignation  de  l'étalon 
((  auquel  l'objet  est  conforme,  la  mention  des  magis- 
«  trats  qui  ont  présidé  à  la  vérification  du  poids, 
((  celle  du  lieu  où  cette  vérification  a  été  faite  ou 
((  d'autres  renseignements  accessoires.  (')  » 


(1)  R.  Cagnat,  Cours  élémentaire  cC épig raphic  latine^  p.  178. 


—  137  — 

lyè  Dictionnaire  d'Archéologie,  publié  sous  la  direction 
de  Daremberg,  donne  quelques  exemples  de  ces  ins- 
criptions; il  ne  sera  pas  inutile  d'en  rappeler  ici  cer- 
tains qui  ne  manquent  pas  d'originalité. 

Sur  deux  poids  trouvés  à  Pompeï  on  lit  : 

Fur  cave  malum.  (c.  i,  l.  x,  8067,6.). 

Eme  habebis.  (c.  i.  L.  x,  8067,7.). 

Parfois  les  poids  portent  la  mention  de  la  consé- 
cration à  une  divinité,  comme  le  poids  de  10  livres 
conservé  au  Louvre  sur  lequel  on  peut  lire  : 

Deœ  Seg{etœ]  F{ori).  c.  i.  L.  xiii,  1641;  null.  de  la 
Soc.  des  Antiquaires  de  France,  1879,  p.  162. 

Le  lieu  de  la  vérification  se  lit  sur  divers  poids. 
Ex.  :  Exacta  ad  Cas{toris  templum).  (ci.  L.  v,  8119,4). 

On  lit  encore  :  Jussu  ou  cura  œdilium,  ou  In  Capi- 
tolio,  etc.,  ou  Pondus  pnblicum.  (c.  i.  l.  xin,  10030). 

On  lit  aussi  le  nom  de  l'Empereur  :  (c.  i.  l.  n, 
4962,  4),  etc. 

Après  les  réformes  de  Trajan  et  d'Hadrien,  les 
poids  portent  surtout  le  nom  du   préfet  de  la  ville. 

Le  préfet  de  Rome  s'appelait  :  Prœfecnis  Urbi  ;  on 
trouve  très  rarement  la  mention  :  Prœfectus  Urbis. 

Ce  magistrat  était  nommé  par  l'Empereur.  Il  faut 
descendre  jusqu'au  temps  d'Alexandre  Sévère  pour 
voir  le  Sénat  exercer,  à  propos  de  cette  fonction, 
comme  à  propos  de  celle  de  préfet  du  Prétoire,  le 
droit  de  présentation. 

Le  préfet  de  Rome  était  toujours  d'ordre  sénato- 
rial. Ce  titre  était  même  le  couronnement  de  la  car- 
rière sénatoriale  et  il  fallait,  pour  l'acquérir,  que  le 
titulaire  eût  passé  par  le  consulat.  Il  n'était  môme 
pas  rare,  surtout  au  IP  siècle,  que  le  Prœlectus  Urbi 


~  138  — 

fut  pourvu  d'un  second  consulat  au  cours  de  sa  ma- 
gistrature. Ajoutons  que  le  préfet  de  Rome  était 
nommé  pour  un  temps  indéterminé,  jusqu'à  sa  mort 
ou  jusqu'à  révocation  par  l'Empereur.  Le  premier, 
Piso  Fnuji,  fut  Prœfectvs  Urhi  pendant  15  ans. 

Les  attributions  du  préfet  de  Rome  étaient  les 
suivantes  :  (^) 

Il  était  chargé  de  maintenir  l'ordre  et  de  veiller  à 
la  sécurité  publique.  Il  avait  le  commandement  des 
Cohortes  Urbaines,  Urbanœ  Cohortes.  C'est  lui  qui 
avait  la  haute  surveillance  des  cirques,  amphithéâ- 
tres et  autres  lieux  de  spectacles. 

Il  avait  aussi  la  surveillance  des  marchés,  d'où 
découlait  pour  lui  la  direction  du  service  des  poids 
et  mesures  et  la  surveillance  des  boutiques  de  chan- 
geurs. 

Il  surveillait  encore  toutes  les  classes  dangereuses 
et  suspectes,  les  esclaves,  les  affranchis,  les  usurpa- 
tions d'héritage,  etc.,  ainsi  que  les  distributions  de 
blé  à  la  Plèbe  Urbaine. 

^  Sa  juridiction  criminelle  se  doublait  d'une  juridic- 
tion civile;  il  jugeait  non  seulement  en  première 
instance,  mais  encore  en  appel. 

De  son  ressort,  relevaient  Rome  et  toute  la  ban- 
lieue. (2) 

Enfin,  il  fallait  être  de  rang  sénatorial  pour  avoir 
droit  au  titre  de  VW  Clarissimus. 

Le  Prœfectus  Urbi,  Vir  Clarissimus,  dont  les  poids 
de  Sigus  portent  le  contrôle,  est  un  personnage  his- 

et  m'g.^''^*  ^^'^^'"^^'"S,  Saglio,  etc.,  article  Prœfectus  Urbi,  p.  557-559 
roSaS'n.^p'^ïl;  ^^•^™'"s^»  ^t  Macquard,  Organisatton  de  V Empire 


—  139  — 

torique.  Il  était  philosophe  et  fut  le  maître  de  Marc- 
Aurèle'').  C'était  un  stoïcien.  Il  tourna  vers  la  phi- 
losophie son  impérial  élève,  déjà  littérateur,  en  lui 
faisant  lire  Epictète,  résumé  de  la  doctrine  stoï- 
cienne. '^)  L'Empereur  philosophe  fit  de  Junim  Ilus- 
ticus,  son  plus  intime  confident  et  ami;  il  lui  confiait 
ses  affaires  publiques  et  privées  (3).  Junius  Rusticus 
fut  nommé  préfet  de  Rome  en  163,  dans  la  seconde 
année  de  Marc-Aurèle,  année  que  l'Empereur  passa 
tout  entière  dans  sa  capitale.  Il  conserva  cette  ma- 
gistrature plusieurs  années  sous  cet  empereur  et 
L.  Verus.  Il  l'exerçait  encore  en  167. 

Consul  en  133,  Rusticus  le  fut  pour  la  seconde  fois 
en  162. 

Après  sa  mort,  Marc-Aurèle  demanda  au  Sénat 
de  lui  élever  des  statues. 

C'est  Quintus  Junius  Rusticus,  Prœfectus  Urbi  qui  pré- 
sida le  procès  de  Saint  Justin  et  condamna  à  mort 
ce  philosophe  converti  au  christianisme  et  devenu, 
par  sa  logique  serrée,  un  redoutable  adversaire  pour 
les  philosophes  païens. 

Les  Actes  du  martyre  de  Saint  Justin,  publiés  par 
Dom  Ruinart  et  regardés  comme  des  plus  authenti- 
ques, le  nomment  formellement  et  ne  laissent  aucun 
doute  à  ce  sujet. 

En  vrai  stoïcien,  on  le  voit  demander  au  philoso- 
phe chrétien  quelle  est  sa  doctrine,  mais  ne  pas 
chercher  à  l'approfondir.  Plein  du  mépris  des  hom- 
mes d'Etat  romains  pour  le  christianisme,  il  condamna 
Justin. 


(1)  Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Gsell  plus  d'un  renseignement  utile  sur 
le  Cursus  honorum  de  J.  Rusticus. 

(2)  Marc-Aurèle,  Pensées,  i,  17. 

(3)  J.  Capitolin,  Vita  Antonini philosophi,  3.  —  DionCassius,  Lxxi,  35, 


—  140  — 

Si,  comme  son  disciple  impér'ol,  il  hésitait  à  croire 
à  l'immortalité  de  l'âme  (^),  il  dut  être  bien  étonné 
des  réponses  de  Saint  Jusiin  et  trouver  étranges  des 
affirmations  comme  celle-ci  : 

«  Tu  penses  donc  que  tu  monteras  au  ciel  pour 
y  recevoir  une  récompense? 

—  Je  ne  le  pense  pas,  je  le  sais,  et  j'en  ai  une  telle 
certitude  que  je  n'éprouve  pas,  à  ce  sujet,  le  plus 
léger  doute  i~l  o 

Cela  se  passait  à  Rome  en  163,  l'année  même  où 
Husiicus  venait  d'être  investi  de  la  préfecture  urbaine. 

Parmi  les  compagnons  de  Saint  Justin  se  trouvait 
un  esclave  nommé  Evelpistus.  S'adressant  à  lui,  Junius 
Ruslicus  lui  dit  :  «  Et  toi,  qui  es-tu?  —  Je  suis  esclave 
de  César,  mais  chrétien,  répondit  celui-ci,  j'ai  reçu 
du  Christ  la  liberté;  par  ses  bienfaits,  par  sa  grâce, 
j'ai  la  même  espérance  que  ceux-ci  l^'').)) 

C'était  la  première  fois,  remarque  P.  Allard  (^), 
qu'un  esclave  osait  revendiquer  en  public,  devant 
un  magistrat  du  peuple  romain,  sa  dignité  d'homme, 
parler  d'affranchissement  spirituel,  proclamer  l'éga- 
lité des  âmes.  Il  le  faisait  devant  le  préfet  de  Rome, 
dont  les  poids  de  Sigus  portent  le  visa. 

A  cette  fière  réponse,  Rusticus  aurait  dû  tressaillir  ; 
un  autre  esclave,  Epictète,  qu'il  admirait,  dont  il 
avait  lu  les  livres,  dont  il  avait  fait  connaître  la  phi- 
losophie au  maître  du  monde,  avait  écrit  :  «  Sache 
que  l'esclave  tire  comme  toi  son  origine  de  Jupiter 


(1)  Marc-Aurèle,  Pensées,  vu,  32. 

(2)  Ruinart,  Acta  S.  Justlni,  p.  45-50  des  Acta  Martijnim  (Veronœ' 

MVCCXXXI). 

(3)  Acta  S.  Justfni,  loc.  cit. 

(4)  Hist.  des  Persccut.  pendant  les  douas  premiers  siècles,  p.  385. 


—  141  — 

même  ;  il  est  son  fils  comme  toi  ;  il  est  né  des  mêmes 
semences  divines  O.  »  Cependant  le  stoïcien  gai'da 
le  silence.  Il  avait  pn  accueillir  avec  sympathie  la 
protestation  théorique  et  solitaire  du  penseur  païen; 
mais  il  devait  laisser  passer,  sans  paraître  l'enten- 
dre, l'ardente  affirmation  d'un  chrétien  osant  se  pro- 
clamer devant  lui  esclave  de  César,  mais  affranchi  du 
Chrisl  I 

Enfin,  le  visa  de  Junius  Rusticus  sur  un  poids  trouvé 
en  Numidie,  à  40  kilomètres  de  Gonstantine,  offre 
un  intérêt  spécial  parce  que  Rusticus  était  l'ami  d'un 
rhéteur  célèbre  né  dans  la  capitale  des  rois  Numides, 
Fronton  de  Cirta. 

Comme  Junius  Rusticus,  Fronton  fut  un  des  pré- 
cepteurs du  jeune  Marc-Aurèle  ;  il  enseigna  l'élo- 
quence à  ce  prince  et  à  L.  Verus,  tandis  que  le  futur 
Préfet  de  Rome  les  initiait  à  la  philosophie  stoïcienne. 

L'avocat  Fronton  passait  pour  l'homme  le  plus 
éloquent  de  la  capitale  du  monde.  Il  prononça  contre 
les  chrétiens  un  discours  célèbre  (2'.  Il  était  en  relations 
fréquentes  et  amicales  avec  Quintus  Junius  Rusticus. 
A  lui  aussi  on  éleva  des  statues  après  sa  mort. 

A  cette  époque  les  philosophes  et  les  rhéteurs  sont 
maîtres  du  pouvoir,  des  places,  des  gouvernements, 
disposent  de  toutes  les  influences,  dirigent  l'esprit 
public.  Si  on  interroge  les  fastes  consulaires  de 
Rome,  on  y  trouve  un  philosophe  ou  un  rhéteur 
tenant  les  faisceaux.  Si  on  parcourt  les  provinces,  il 
est  peu  de  Proconsuls,  de  Légats  ou  de  Préfets  qui 
n'aient,  à  un  certain  jour,  professé  la  philosophie  ou 


(1)  Arrien,  Dissert.,  i,  13. 

(2)  Minucius  Félix,  Octavius,  9  et  31. 


—  142  — 

enseigné  la  rhétorique.  Marc-Aurèle  se  félicite  naïve- 
ment d'avoir  donné  aux  maîtres  chargés  de  former 
sa  jeunesse  les  satisfactions  et  les  récompenses  qu'ils 
ont  désirées.  Il  reste  leur  dis'^iple  jusque  sur  le  trône. 

Rusticus  succéda,  comme  préfet  de  Rome,  à  Publius 
Salvius  Julianus,  qui  interrogea,  en  162,  Sainte  Félicité 
et  ses  sept  fils,  et  envoya  à  l'empereur  le  procès- 
verbal  de  l'interrogatoire  qu'il  leur  avait  fait  subir 
par  ordre  de  Marc-Aurèle  lui-même. 

En  même  temps  qu'ils  peuvent  servir  à  étudier 
les  variantes  de  la  livre  romaine,  les  poids  de  Sigus 
font  donc  revivre  dans  notre  mémoire  une  page 
de  l'histoire  romaine  et  de  celle  de  l'église.  Ils  évo- 
quent le  souvenir  d'un  rhéteur  cirthéen,  jadis  célè- 
bre dans  la  capitale  du  monde,  et  précepteur  de  deux 
empereurs  ;  celui  d'un  philosophe,  maître  de  Marc- 
Aurèle;  celui  d'un  préfet  de  Rome  qui  condamna  à 
mort  le  martyr  Saint  Justin,  un  des  plus  grands 
philosophes  du  second  siècle,  converti  au  christia- 
nisme; celui  du  premier  esclave  qui  osa  revendiquer 
publiquement  sa  dignité  d'homme  devant  un  magis- 
trat de  l'Empire  et  mourut  martyr  de  sa  foi. 

Constantine,  14  avril  1911,  en  la  fête  de  Saint 
Justin. 

H.   JAUBERT, 

Chanoine  honoraire,  Historiographe  du  Diocèse, 


INSCRIPTIONS  RELEVÉES  EN  1910 


PAR 


M.    L.    J  ACQUOT 

JUGE  HONORAIRE,  A  GRENODLE 


Gaellal.  —  A  Guellal  (au  sud  de  Sétif),  devant  le 
grand  portail  des  écuries  du  tenancier  de  la  buvette  : 


Deux  étoiles  à  six  branches  inscrites  chacune  dans 
une  petite  circonférence.  Entre  les  deux  cercles  en 
est  un  troisième  de  même  dimension,  dans  l'intérieur 
duquel  est  figurée  une  croix  aux  quatre  branches 
égales,  frustre.  Ces  dessins  sont  sur  la  tranche 
verticale  d'une  dalle  mesurant  approximativement 
0"^50  de  long,  un  peu  moins  de  large  et  une  quin- 
zaine de  centimètres  d'épaisseur. 

Maafeur.  —  Maafeur  est  un  douar  de  la  com- 
mune mixte  des  Rihras,  situé  à  mi-chemin  de  la 
route  de  Colbert  à  Ampère,  soit  à  environ  35  kilo- 
mètres sud  de  Sétif. 

Entre  les  kilomètres  8  et  9  de  cette  route,  on  voit 


—  144  — 

encore  les  vestiges  d'une  vaste  agglomération  romai- 
ne occupant  les  deux  côtés  de  la  route  actuelle  et 
qui  s'étendait  sur  le  flanc  sud  d'un  mamelon  à  pente 
douce.  Ces  ruines  paraissent  couvrir  une  surface  de 
24  hectares,  soit  600  mètres  de  long  sur  400  mètres 
de  large,  autant  du  moins  qu'on  peut  en  juger  en 
les  parcourant  rapidement  au  milieu  des  cultures. 
Une  maison  cantonnière  construite  auprès  de  la 
bourgade,  du  côté  Est,  et  un  petit  bosquet  qui  s'élève 
près  de  la  ruine,  à  l'Ouest,  permettront  au  touriste 
de  retrouver  très  facilement  l'emplacement  du  centre 
romain. 

Parmi  les  innombrables  débris  qui  parsèment  le 
terrain,  les  indigènes  nous  ont  montré  plusieurs 
pierres  tombales  à  inscription  dont  nous  reprodui- 
sons ici  les  textes. 

Sur  le  bord  de  la  route,  fossé  Nord,  à  l'Ouest  de 
la  ruine  et  en  face  du  petit  bois,  un  caisson  semi- 
cylindrique  en  calcaire  blanc,  mesurant  environ  0"'80 
de  large  et  0"50  de  haut  sur  0"'90  de  long.  Sur  la 
face  antérieure  on  lit  : 

D 
V  VSRESPFC 
T  ANIS  IV 

////////////// 
////////////// 

VIXIT  ANIS  II 

Les  caractères  sont  mal  dessinés,  quelquefois  très 
penchés,  mais  le  plus  souvent  droits,  avec  des  di- 
mensions peu  régulières. 

Au  Sud  de  la  route  et  à  400  mètres  environ  dans 
les  champs,  dans  la  muraille  d'un  gourbi  abandonné, 
un  caisson  mesurant  à  peu  près  0'"90  sur  0™55,  à 


—  145  — 

sommet  arrondi,  avec  une  bordure  latérale  extérieure 
réticulée,  sculptée  en  bas-relief. 

/////////// 
/////////// 

os  LXXXV 

A  côté  du  précédent,  un  troisième  caisson  mesu- 
rant environ  0'"40  de  large  et  encore  enterré. 

DM  s 
1    V.  ES  .  T 
LK  TA.  VIXIT 
ANIS-    LI 

Les  lettres  sont  aussi  mal  tracées  que  celles  de  la 
pierre  n"  1. 

Même  forme  de  pierre  (caisson  à  sommet  arrondi). 

D  M  s 

//////////// 
//////////// 

VMPAVIIM 

VIXIT  ANIS 

IXXV 

On  remarque  que  ce  sont  surtout  les  n  et  les  s 
qui  sont  irrégulièrement  burinés.  Le  haut  de  l'épi- 
taphe  semble  avoir  été  martelé. 

A  10  mètres  à  l'Est  du  gourbi  renfermant  les  ins- 
criptions 2,  3  et  4,  une  dernière  pierre  de  même 
forme  que  les  précédentes,  mais  plus  haute  et  avec 
des  lettres  d'une  facture  un  peu  plus  soignée  : 

D  M  s 

Cl^  SFC 
DVS  VIXIT 
ANIS  LXXXI 


—  l46  — 

Tcgjirt  —  Au  cours  d'une  excursion  faite  en 
mai  1910  à  Tigzirt  (arrondissement  de  Tizi-Ouzou)^ 
en  compagnie  de  M.  G  Viré,  nous  avons  relevé  les 
inscriptions  suivantes  : 

Dans  la  rue  principale  de  Tigzirt-'^  (village  fran- 
çais), formant  banc  sur  le  trottoir  Est,  devant  une 
écurie,  une  dalle  en  grès  dur  qui  avait  servi  —  aux 
dires  des  colons  —  de  couvercle  à  un  sacrophage 
trouvé  sur  place  :  long.  0'"95,  larg.  0'"75,  épaisseur 
O'^^IS;  lettres  de  0"'06  à  0™09,  inhabilement  tracées. 
Au  centre  de  la  pierre  est  un  cercle  en  relief  de  23 
à  24  centimètres  de  diamètre.  L'inscription  occupe 
le  bas  de  la  dalle  : 

MLMORIA  CAECILIANI 

A  Tigzirt,  sur  le  bord  de  la  moraine  et  déposée 
sur  une  murette,  au  Nord-Est  du  village  et  dans  le 
voisinage  du  temple  :  pierre  tombale  arrondie  au 
sommet,  haute  de  0'"64,  large  de  0'"70,  épaisse  de 
0'"12,  en  grès  dur.  Les  lettres  mesurent  de  4  à  6  cen- 
timètres et  sont  d'une  mauvaise  facture  : 

M  ISi   R 
CONÉ   Dfev» 
XIT  ANNS 
I       Ilir  A  CCEP 

IHSESI  /////// 
INPACE 

A  Tigzirt,  dans  la  ruine,  quartier  Sud-Ouest  déter- 
miné par  la  rue  centrale  (nord-sud),  et  la  rue  trans- 
versale (est-ouest).  Pierre  en  grès  dur  mesurant 
l'"52  de  long,  0'"65  de  large  et  0'"12  d'épaisseur. 
Ecriture  difficilement  lisible,  caractères  médiocres. 


(1)  Boulevard  de  l'Est. 


-  14t  - 

NAiv  s//i/qoN 

ILIV3  VE  ciMiMn: 

ME 
iMORlACA  /  AMORIA 

PATRISMKI 

A  la  première  ligne,  M.  Viré  lit  r  au  lieu  de  n. 

A  la  troisième  ligne,  le  lapidaire  a  sauté  deux  let- 
tres (m  e)  et  les  a  rajoutées  au-dessus  du  mot  après 
coup. 

Dellys.  —  A  Dellys,  dans   la  collection   Viré,  les 
marques  de  potiers  suivantes  : 
A  même  sur  la  terre  (poterie  samienne)  : 

LANNPRILl  ou  LMVHPHILE 

Dans  un  cartouche  carré  à  coins  arrondis  : 
Dans  un  cartouche  allongé  : 


CRIS///// 


Idem. 


PHER 


Cartouche  écorné  : 


ST 
MID 


Dans  le  talon  gauche  d'une  semelle,  imprimé  en 
creux  : 

Idem. 

C.  C.  ME 

Idem  (le  talon  a  été  emporté  par  une  cassure)  : 

...AI 


—  148  — 

Grenoble.  —  A  Grenoble,  dans  notre  collection  et 
provenant  de  Sétif  (camp  des  typhiques). 

Dans  un  pied  (le  talon  à  gauche)  : 

Sur  un  tesson  en  pâte  friable  (grands  caractères)  : 

MA 

Sur  un  fond  de  vase  (lettres  grêles  et  hésitantes)  : 

10/ 
NIO 

Sur  un  tesson  (même  genre  d'écriture)  : 

A  M  (.' 

Dans   un  écusson,    figurant   on   cercle   surmonté 
d'une  sorte  de  mitre  : 


Dans  un  pied  tourné  à  droite  et  rapporté  de  Dellys  : 

//VD 

Dans  un  pied  tourné  à  droite  et  imprimé  sur  un 
fond  de  vase  : 


Quelques  Armes  curieuses 

DU 

DÉPÂRTIMEMT  Dl  CONSTANTIN  1 

Amicus  Plato,  sed  Magis  arnica  veritas. 
I. 

Les  canons  de  la  Kalaa  des  Beni-Abbès 

En  pleine  Kabylie,  en  dehors  de  toute  communica- 
tion avec  la  mer  ou  avec  les  grandes  villes  de  l'inté- 
rieur, en  un  nid  d'aigle,  repaire  de  bandits  qui  comme 
tous  les  aventuriers,  finirent  par  créer  une  famille 
respectée  et  honorée,  on  trouva  quatre  canons  d'ori- 
gine européenne,  venus  on  ne  sait  ni  d'où  ni  com- 
ment. 

Ces  canons  furent  découverts  par  M.  de  Ghevarrier, 
le  premier  Européen  qui  ait  visité  la  Kalaa. 

Ce  touriste  en  parla  au  Général  Daumas  qui,  à  son 
tour,  en  toucha  un  mot  dans  ses  Etudes  historiques 
sur  la  Grande  Kabylie. 

Enfin,  en  1865,  parut  dans  le  Recueil  de  la  Société 
archéologique  de  Constantine,  un  article  du  30  avril 


-^  150  - 

1864  signé  du  distingué  M.  Vaysettes,  l'auteur  de 
V Histoire  de  Constantine  sous  les  Beys. 

C'est  assez  dire  quelle  est  la  valeur  de  cette  étude. 
J'en  extrais  ce  qui  pourrait  être  utile  à  mon  travail. 

Malheureusement,  je  dois  reconnaître,  dès  mainte- 
nant, que  M.  Vaysettes  a  vu  les  canons  à  terre,  c'est- 
à-dire  qu'il  n'a  pu  en  examiner  qu'une  face. 

Sa  description  en  souffre  ;  malgré  cela,  son  étude 
contient  d'excellentes  et  très  savantes  choses  qui 
peuvent  ouvrir  des  aperçus  sur  l'origine  de  ces 
pièces. 

«  Le  premier  canon,  le  plus  beau  comme  matière 
«  et  comme  travail,  est  en  bronze  et  mesure  près  de 
«  2  mètres  de  longueur  et  0'"30  à  la  bouche,  épais- 
ce  seur  des  parois  comprise. 

«  Dans  la  partie  supérieure  de  la  volée,  il  est  en- 
ce  touré  de  huit  rangées  de  fleurs  de  lys,  compre- 
«  nant,  alternativement,  l'une,  six  et  l'autre,  cinq  de 
«  ces  fleurs. 

«  Du  côté  de  la  culasse,  un  peu  au-dessus  de  la 
«  lumière,  est  gravée  une  L  majuscule,  surmontée 
«  d'une  triple  fleur  de  lys  formant  couronne  royale. 

«  Sur  toute  la  surface  extérieure,  on  remarque 
«  des  dessins  bizarres,  incorrects,  qui  ne  sont  pas 
«  autre  chose  que  des  imitations  grossières  des  fleurs 
«  de  lys  primitives  et  des  noms  hébreux  encadrés 
«  dans  des  arabesques  plus  ou  moins  réussies  que 
«  quelques  ciseleurs  juifs  (et  on  sait  qu'ils  étaient 
«  autrefois  nombreux  à  la  Kalaa).  se  sont  amusés  à 
«  graversurlebronze.il  se  i)ourrait,  toutefois,  qu'on 
«  trouvât  tel  nom,  telle  date  qui  mettrait  sur  la  voie 
((  pour  remonter  à  la  provenance  de  cette  pièce. 
«  L'heure  avancée  ne  nous  en  a  pas  permis  la  lec- 
«  ture. 


—  151  - 

«  La  seconde  pièce  est  en  fer  et  mesure,  en  lon- 
«  gneur,  environ  dix  centimètres  de  plus  que  la  pré- 
«  cédente.  Elle  est  comme  celle-ci  en  très  bon  état 
«  de  conservation  ;  mais  elle  n'a  ni  ornementation; 
«  ni  marque  de  fabrique  d'aucune  sorte,  au  moins 
«  sur  la  jjartie  que  l'œil  peut  embrasser  dans  la  posi- 
«  tion  actuelle  qu'elle  occupe. 

«  Il  m'a  cependant  été  aiïîrmé  par  un  lettré  de 
«  l'endroit,  qu'elle  porte  gravée  en  caractères  arabes, 
«  l'inscription  suivante  qui,  si  elle  est  vraie,  lui  assi- 
({  gnerait  une  origine  tout  à  fait  locale. 

Cenâat  Hadj  Abdallah,  Ealdji 

«  ce  qui   signifie  :    ouvrage   du    Pèlerin   Abdallah, 
«  chrétien.  « 

M.  Vaysettes  en  conclut,  bien  que  les  moyens  des 
Kabyles,  très  habiles  armuriers  pour  petit  calibre, 
leur  permettent  difficilement  de  réaliser  ce  tour  de 
force,  qu'il  y  aurait  eu,  dans  les  environs  de  la  Kalaa 
une  fonderie  de  canons,  dirigée  par  un  Espagnol 
renégat  !  !  ! 

«  Les  deux  autres  pièces  d'un  calibre  bien  moindre 
«  que  les  deux  précédentes  sont  des  couleuvrines 
«  en  fer,  longues  d'environ  un  mètre  et  demi,  sans 
«  ornement,  sans  marque  de  fabrique. 

«  L'une  d'elles  est  cassée  en  grande  partie  ;  l'au- 
«  tre  est  intacte.   » 

L'auteur  donne  ensuite  la  description  du  Général 
Daumas  d'après  les  renseignements  de  M.  de  Ghe- 
varrier. 

«  Abd  el  Aziz  passe  non  seulement  pour  avoir 
«  construit  la  Kasbah  (de  Kalaa)  dont  on  voit  encore 
«  les  ruines,  mais  encore  pour  avoir  introduit  dans 


-  i5â  - 

(  Kiielaa  quatre  canons  de  gros  calibre.  Eu  égard 
(  au  site  de  la  ville,  ce  fait  serait  traité  de  fabuleux, 
(  si  les  quatre  pièces  n'en  attestaient  encore  par  leur 
(  présence  l'inexplicable  vérité.  Deux  sont  du  calibre 
('36  et  d'origine  française,  car  elles  portent  des 
(  Heurs  de  lys  et  une  L  surmontée  de  la  couronne 
(  royale.  La  troisième  était  beaucoup  moindre,  la 
(  quatrième  est  cassée.  Elles  jonchent  aujourd'hui 
(  la  terre,  l'une  sous  un  arbre  au  village  des  Ouled- 
(  Hamadouche,  les  autres  près  de  la  mosquée 
d'Ouled-Yahia  ben  Daoud  et  dans  les  mares  des 
Ouled-Aïssa. 

«  Les  habitants  conservent  encore  quelques  no- 
(  tions  exactes  sur  la  charge  de  ces  pièces  ;  ils  disent 
(  que  les  plus  grosses  portent  un  boulet  plein  de 
(  18  kilogrammes  et  consomment  à  chaque  coup 
(  6  kilos  de  poudre.   » 

M.  de  Chevarrier  et  les  Officiers  de  la  colonne 
Camon  contre  Bou  Barla,  en  juillet  1851,  virent  ces 
pièces  à  Kalaa. 

M.  Vaysettes,  en  188i,  les  vit  à  Boni,  où  elles 
étaient  depuis  trois  ans,  à  la  suite  d'un  ordre  admi- 
nistratif. 

L'auteur  fait  une  longue  et  savante  digression  sur 
l'origine  de  ces  pièces  qui  ne  peuvent  avoir  été  em- 
ployées dans  le  pays  avant  1534  ou  1535,  au  moment 
de  l'apparition  des  Turcs  et  des  expéditions  de  Klieïr 
ed  Din  et  de  son  frère  Barberousse  ;  d'ailleurs,  il  cite 
un  passage  de  la  Fondation  de  la  Régence  d'Alger,  de 
Sander  Rang,  qui  prouve  que  l'artillerie  était ,  avant 
cette  époque,  inconnue  en  Afrique. 

«  Ces  machines  infernales  que  les  hommes  dont 
((  nous  parlons  (les  Tunisiens)  ne  connaissaient  pas 


-   153  — 

«  encore,  firent  une  telle  impression  sur  leur  esprit 
«  qu'ils  écrivirent  à  Kheïr  ed  Din  i)onr  implorer  sa 
«  miséricorde.  » 

En  1542,  Hassan  Agha,  second  de  Kheïr  ed  Din, 
envahit  la  grande  Kahylie  à  la  tète  de  3,000  mous- 
quetaires turcs,  2,000  cavaliers  arabes  et  12  pièces 
d'artillerie  de  petit  calibre  sur  afïùt. 

En  1552,  Abd  el  Aziz  donna  120  Kabyles  à  Salah 
Raïs  pour  son  expédition  contre  Touggourt.  Ces 
kabyles  tramèrent  les  canons  dans  le  sable. 

En  1557,  Abd  el  Aziz  reçut  en  "présent  de  Hassan 
Dey,  trois  pièces  d'artillerie  laissées  à  M'sila  par 
Salah  Raïs. 

En  1559,  Hassan  se  brouilla  avec  Abd  el  Aziz  et 
marcha  contre  lui  avec  3,000  Turcs  et  8  pièces  d'ar- 
tillerie. Il  construisit  deux  forts,  l'un  à  la  Medjana, 
l'autre  à  Zammoura  «  où  l'on  voit  encore  aujourd'hui 
des  pièces  d'artillerie.  »  (i) 

Aussitôt  après  son  départ,  Abd  el  Aziz  enleva  le 
bord]  de  la  Medjana,  le  démolit  et  emmena  des  piè- 
ces espagnoles  qui  avaient  été  prises  sur  les  chré- 
tiens, en  1548.  Cette  assertion  est  de  M.  Berbrugger 
dans  son  ouvrage  :  Les  Epoques  militaires  de  la  Grande 
Kahylie  (1857). 

M.  Vaysettes  croit  que  les  trois  pièces  de  fer  sont 
celles  données  par  Hassan  Dey  et  laissées  à  M'sila 
par  Salah  Raïs  et  que  la  pièce  de  bronze  provient  de 
l'expédition  du  duc  de  Beaufort  contre  Djidjelli,  en 

(1)  Je  suis  obligé  de  relever  deux  erreurs  : 

Le  premier  fortin  fut  construit  non  à  Medjana  mais  à  Aïn-bou- 
Arréridj. 

Les  canons  de  Zemorah  étaient  en  1864  à  Bordj-bou-Arréridj,  depuis 
peu  de  temps  il  est  vrai.  Us  jouèrent,  d'ailleurs,  un  certam  rôle  au  siège 
de  cette  place,  en  1871. 


-  154  - 

1664.  Car,  dit-il,  on  abandonna  sur  la  plage  36  pièces 
d'artillerie,  le  31  octobre  1664  et  les  Beni-Abbès  du- 
rent transporter  cette  pièce  à  bras  par  la  vallée  de 
rOued-Sahel. 

Cette  étude  est  complétée  par  quelques  notes  du 
Commandant  Payen,  commandant  supérieur  du  cer- 
cle de  Bord] ,  parues  dans  le  même  Recueil  de  Cons- 
tantine  de  l'année  1870. 

((  Notre  Société  a  publié  en  1865,  page  31  du  Be- 

«  cueil,  une  notice  sur  les  canons  trouvés  à  Guelaa 

«  (Beni-Abbès).   Comme  il   peut   et   il   doit  y  avoir 

«  même  des  lecteurs  désireux  de  connaître  la  forme 

((  et  les  dimenssions  de  ces  puissantes  armes,  c'est 

((  avec  l'espoir  de  les  satisfaire  que  j'ai  exécuté  les 

«  croquis  de  deux  de  ces  engins  de  guerre,  plus  les 

«  détails  d'ornementation  de  l'un  d'eux  fondu,  sans 

«  nul  doute,  sous  le  règne  de  Louis  XIV  et  prove- 

((  nant,  je  suppose,  de  l'artillerie  de  siège  débarquée 

«  à  Djidjelli,  lors  de  l'occupation  éphémère  de  1664. 

«  Aussi,  afin  de  fixer  la  valeur  des  caractères  hé- 

«  braïques  que  des  apprentis  graveurs  israélites  ont 

«  buriné  ça  et  là  sur  les  faces  du  canon  de  In'onze, 

((  j'ai  pris   les   quatre   estampages   ci-annexés  ;   ces 

«  burinages  sont  relativement  récents  car  il  existe, 

«  à  Bordj-bou-Arréridj,  des  familles  juives  originaires 

«  de  Guelaa  qui  reconnaissent  les   noms  de  leurs 

«  grands   parents  comme  étant   désignés  dans  ces 

«  épigraphes.   » 

Les  dessins  dressés  par  le  commandant  Payen  ne 
sont  pas  tout  à  fait  exacts  et  je  vais  tenter  de  décrire 
la  pièce  de  bronze  d'après  les  plus  récentes  données 
dues  à  la  complaisance  du  colonel  Hardy,  conserva- 
teur du  Musée  des  Invalides  (section  de  l'artillerie) 


Dessin  vx3cl  du  Canon  t 


iff 


.tr: 
'V  - 


I  I 


N 

o 

o 

O 


—  155  — 

et  d'après  celles  que  j'ai  pu  relever  moi-même  sur 
place. 

(Voir  planche  I  ) 

La  pièce  mesure  2'"59  de  lougueur.  Sou  calibre 
n'est  que  de  0'"175;  mais  l'épaisseur  de  ses  parois 
lui  donne  à  la  bouche  un  diamètre  de  0™3i4.  La 
bouche  est  bordée  d'un  bourrelet  à  plusieurs  mou- 
lures de  dessin  différent  de  celui  du  commandant 
Payen;  sa  longue-ur  totale  est  de  0'"07.  La  volée, 
sur  une  longueur  de  0™945,  est  couverte  de  fleurs 
de  lys ,  il  y  en  a  onze  rangées  de  quatre  fleurs. 
Chacune  des  fleurs,  en  relief,  mesure  0™084  de  hau- 
teur sur  0°'062  de  largeur.  Après  un  ressaut  de  deux 
moulures  de  0™035  de  longueur,  commence  la 
culasse  lisse  et  longue  de  1"'367  en  tronc  de  cône 
et  dont  les  diamètres  extrêmes  sont  de  0"'0336  et  de 
0"^380.  Elle  porte,  à  0"^306  du  ressaut,  deux  touril- 
lons de  0™156  de  diamètre  et  de  0"U5  de  longueur. 

Sur  le  dessus  de  la  pièce,  à  0™729  du  ressaut,  se 
dessine  une  L  majuscule,  en  relief,  de  0™126  de 
longueur  sur  0"^041  de  largeur.  Cette  lettre  quelque 
peu  différente  de  celle  du  Commandant,  est,  aux  deux 
tiers  de  sa  hauteur,  posée  en  pal  dans  une  couronne 
portant  trois  émaux,  écrasés  aujourd'hui,  et  adornée 
en  son  dessus  de  trois  fleurs  de  lys  dont  le  dessin 
n'est  pas  semblable  à  celui  des  fleurs  de  la  volée  ; 
ces  dernières  sont  formées  de  trois  branches  bien 
distinctes,  tandis  que  celles  de  la  couronne  très 
épanouies,  portent  leurs  trois  pétales  adjacentes  ; 
toutefois,  les  latérales  sont  découpées  de  même 
façon  que  celles  de  la  volée  ;  ce  n'est  pas  ce  que 
représente  le  commandant  Payen. 

(Voir  planche  II) 


—  156  - 

Qu'il  me  soit  permis  de  faire  remarquer  que  ce  ne 
furent  jamais  les  armes  de  France  que  M.  Féraud 
dit  s'être  trouvées  sur  les  canons  de  Djidjelli;  il  y  a 
loin  de  ce  monograme  à  l'écu  d'azur  aux  trois  lys 
d'or. 

A  0"^023  de  la  lumière,  de  0'^012  de  diamètre, 
commence  une  série  de  moulures  et  de  talons  qui, 
après  s'être  élargie  jusqu'à  avoir  0'"42  de  diamètre, 
finit  brusquement  par  un  talon  de  O'^IS  de  diamètre. 
Il  n'y  a  pas  de  bouton  de  culasse.  L'épaissenr  des 
parois  à  la  lumière  est  de  0'^1075. 

Sur  cette  pièce,  on  a  relevé  des  gravures  faites  au 
burin  par  des  Israélites.  D'où  venaient  ces  artistes? 
Ils  étaient  autrefois  très  nombreux  à  Bougie  ;  ils  y 
avaient  émigré  d'Espagne  d'où  ils  avaient  été  chassés 
en  1492.  Ils  avaient  apporté  avec  eux,  dans  leur 
nouvelle  patrie,  non  seulement  leur  fortune,  mais 
encore  leur  intelligence,  leur  science  et  leur  aptitude 
au  commerce  et  à  l'industrie.  Charles  Quint  les 
chassa,  à  son  tour,  de  Bougie,  en  novembre  1541. 

«  Nous  avons  trouvé  leurs  descendants  disséminés 
dans  les  tribus  kabyles  des  environs  où  ils  exerçaient 
les  professions  d'orfèvre  et  de  bijoutier  »  (M.  Féraud, 
Histoire  de  Bougie). 

Ceux  de  Kalaa  exerçaient  la  profession  de  graveurs. 
J'ai  prié  le  rabbin  de  Bordj-bou-Arréridj  de  relever 
et  de  traduire  les  inscriptions  notées  par  le  comman- 
dant Payen.  Il  y  a  une  différence  notable  entre  les 
deux  traductions,  cela  tient  à  ce  que  ces  gravures 
sont  grossièrement  faites  et  mal  écrites  par  des 
commençants. 

Des  familles  citées,  une  existe  encore  à  Bordj.  Je 
l'ai   interrogée  et  voici  les  renseignements  que  j'ai 


.yji.91 


^Zg\a/^ 


Traduction  et  indication 


s  familles  désignées 


-  157  — 

pu  obtenir.  Ces  inscriptions  auraient  été  faites  par 
de  jeunes  israélites  apprentis  graveurs  dont  les 
familles  habitaient  Kalaa.  En  jouant,  ils  s'exerçaient 
sur  le  bronze  qui  était  providentiellement  mis  à  leur 
disposition. 

D'après  les  données  recueillies  auprès  de  ces  fa- 
milles, j'ai  pu  fixer  la  date  approximative  de  ces 
inscriptions. 

(Voir  planche  III) 

Yacoub  Hadjedj  ben  Azar  {i''  inscription)  est  mort 
il  y  a  40  ans,  à  l'âge  de  80  ans  passés,  près  de  90. 
Cela  nous  reporterait  donc,  en  supposant  qu'il  ait  eu 
15  ans  quand  il  apprenait  son  métier,  vers  1790  ou 
1795. 

Pour  la  pièce  de  fer,  je  suis  obligé  de  m'en  rappor- 
ter au  commandant  Payen,  je  ne  garantis  pas  l'exac- 
titude des  mesures. 

La  pièce  longue  de  2"^84  était  un  peu  supérieure  à 
la  première,  comme  calibre.  Elle  était  de  18  cent.  5, 
son  diamètre  à  la  bouche  était  de  32  centimètres  ; 
cette  bouche  était  une  astragale  en  tuhpe  de  0™12  de 
longueur,  puis  venait  une  volée  lisse  de  l'^lO,  deux 
moulures,  une  culasse  de  l'"36,  une  série  de  moulu- 
res et  de  talons  de  O'^IO  de  longueur  sur  un  diamè- 
tre maximum  de  0"^44  et  se  terminant  à  0^14. 

La  culasse  portait  à  0^20  des  moulures  supérieu- 
res, des  tourillons  de  0™14  de  longueur  et  de  diamè- 
tre. Sur  le  dessus,  à  0"'60  des  moulures,  on  remar- 
quait un  cartouche  en  losange  dans  lequel,  paraît-il, 
on  lisait  en  arabe  : 


—  158  — 

\  Sr  J   ■        ^-      ^       ^^-      C)      ■ 


.-"^  « 


;' 


Il  y  avait,  dit-on,  et  sons  toute  réserve,  une  inscrip- 
tion indiquant  que  le  canon  venait  de  Lyon. 

Les  deux  petites  pièces  sont,  l'une  en  fer  forgé, 
l'autre  en  bronze,  d'une  longueur  de  2  mètres  envi- 
ron, du  calibre  de  6  à  7  centimètres.  En  arrière  de 
la  culasse  ouverte,  se  trouve  un  cadre  rectangulaire 
terminé  par  une  longue  queue  qui  servait  au  poin- 
tage. Ce  sont  des  pièces  du  genre  bombarde,  petit 
modèle,  se  chargeant  par  la  culasse  avec  des  charges 
métalliques  qui  étaient  maintenues  par  le  cadre  et 
des  coins. 

Ce  genre  de  canon  dont  l'usage  se  perdit  sur  terre 
vers  le  milieu  du  xv°  siècle,  fut  longtemps  encore  en 
usage  dans  la  marine. 

On  trouve,  dans  V Hydrographie  du  P.  Georges  Four- 
nier,  aumônier  à  bord  des  galères,  sous  Louis  XIII, 
la  désignation  de  ces  pièces. 

Les  galères  étaient  armées  de  neuf  pièces  en  proue. 
La  plus  grosse,  au  milieu,  s'appelait  le  coursier  ou 
canon  de  course  ;  elle  était  de  33  livres  de  calibre. 
Les  plus  rapprochées  d'elle  portaient  seulement  cinq 
à  six  livres  de  balles;  auprès  de  ces  dernières,  se 
trouvaient  les  pierriers  qui  avaient  plus  d'embou- 
chure et  se  chargeaient  avec  des  pierres  pour  tirer 
de  près.  En  troisième  lieu,  on  trouvait  les  vers  ou- 


—  159  — 


verts  par  dessus  (pièces  d'artillerie  plus  communé- 
ment appelées  berces  ou  barces)  qui  se  chargeaient 
avec  des  boîtes  remplies  de  clous  et  de  fer,  destmées 
également  à  tirer  de  près;  enfin,  les  escarpines  de  la 
grosseur  des  arquebuses  cà  croc  que  l'on  chargeait 
de  balles  ramées  pour  couper  les  voiles  et  les  corda- 
ges de  l'ennemi.. . .  Toutes  ces  petites  pièces  étaient 
montées  sur  des  chevalets  de  fer  sans  aucune  roue. 
Le  capitaine  don  Alvar  Gomez  el  Zagal,  gouver- 
neur de  Bône,  parle  de  pièces  semblables  dans  son 
rapport  à  Charles  Quint  (13  septembre  1535). 

La  plus  grande  des  deux  pièces  est  en  fer  forge, 
elle  mesure  2-47  de  longueur  et  a  60  -/-  de  calibre. 
La  bouche  en  bourrelet  a  0-08  de  longueur  sur  0-11 
de  diamètre,  ce  qui  lui  donne  des  parois  de  0-02d 
d  épaisseur.  La  volée  de  1-24  de  longueur  a  0-082 
d'épaisseur  c'est-à-dire  présente  des  parois  de  11  -/'"■ 
A  l'arrière,  la  volée  se  renfle  un  peu  sur  une  lon- 
gueur de  0-28  et  a  un  diamètre  extérieur  de  0-09o, 
ce  qui  lui  donne  des  parois  de  18  -/-  environ,  enfin 
elle  se  termine  par  un  bourrelet  de  0-04  de  longueur 
et  de  0-13  de  diamètre.  A  0-05  en  arrière  du  renfle- 
ment, se  voient  deux  tourillons  de  0-05  de  longueur 
et  de  0-045  de  diamètre.   Sur  le  bourrelet  arrière, 
s'agrafïe   un  cadre  trapézoïdal  dont  les  parois  ont 
0-03  d'épaisseur  et  0'^07  de  hauteur.  Les  dimensions 
intérieures  de  ce  cadre  sont  de  0^33  de  hauteur  sur 
0'"115  et  0'"145  de  bases,  la  grande  base  en  arrière. 
Des  grifïes  s'attachent  à  l'avant  du  bourrelet,  elles 
n'ont  que  0"0075  d'épaisseur  et  une  longueur  égale 
à  celle  du  bourrelet  soit  0"^04. 

Au  milieu  de  la  grande  base  et  à  l'extérieur,  s'atta- 
che une  queue  troncônique  de  0"47  de  longueur  et 


—  160  -• 

dont  les  diamètres  extérieurs  sont  de  0"U48  et  0"^035. 
Cette  queue  est  terminée  par  un  bouton.  Dans  le 
cadre,  se  plaçait  une  charge  de  la  forme  d'un  cylin- 
dre irrégulier  de  0'"32  de  long  et  de  O'^llS  de  dia- 
mètre. 

Cette  charge  métallique  portait  sur  le  dessus  une 
poignée  et  au-dessous  un  étrier  avec  des  trous.  Un 
coin  placé  en  arrière,  entre  le  cadre  et  la  charge, 
s'appliquait  contre  la  tranche  arrière  de  la  culasse; 
une  clavette  passée  dans  l'étrier  lequel  enserrait  une 
barre  réunissant  les  parois  du  cadre,  l'empêchait  de 
sortir  par  le  dessus. 

La  longue  queue  servait  à  pointer  à  l'aide  d'une 
échelle  de  trous  disposée  suivant  des  modes  diffé- 
rents d'après  les  pièces,  leur  nationalité  ou  leur 
emploi. 

La  seconde  pièce  en  bronze  diffère  quelque  peu  de 
la  première;  en  dehors  de  ce  qu'elle  est  beaucoup 
plus  massive,  elle  présente  quelques  différences  de 
construction,  surtout  quant  au  mode  de  chargement. 

.Elle  a  une  longueur  totale  de  l'"29  et  malgré  cela 
son  calibre  est  supérieur  à  celui  de  la  première;  il 
est  de  66  millimètres.  La  bouche  forme  un  bourrelet 
de  0'"05  de  longueur  sur  0"'13  de  diamètre,  l'épais- 
seur des  parois  est  de  0"'032.  La  volée  a  une  lon- 
gueur de  0"'53  et  un  diamètre  extérieur  de  0"^10,  ses 
parois  sont  de  17  "V™  5. 

Cette  pièce  présente  ensuite  un  renflement  à  peine 
sensible  de  0'"13  de  longueur  ;  sur  ce  renflement  et 
à  6  centimètres  en  arrière  de  sa  jonction  avec  la 
volée,  se  voient  deux  tourillons  de  0"'04  de  longueur 
et  de  0"045  de  diamètre.  Sur  le  dessus  de  la  volée, 
à  cheval  sur  le  renflement,  se  remarque  un  carton- 


-  161  — 

che  en  forme  d'écu  de  0'"06  de  largeur  sur  O.^'O?  de 
hauteur.  Sur  le  champ  de  cet  écu,  sont  gravées  : 

Au  milieu  du  chef,  une  petite  croix  dont  le  bras 
horizontal  patte  est  plus  long  que  le  vertical  potence. 

En  fasce  médiane,  les  lettres  : 

lA  -  TH 

La  partie  arrière  de  la  pièce  difïère  totalement  de 
ce  qui  a  été  vu  jusqu'à  présent  ;  il  n'y  a  plus  ni  bour- 
relet, ni  cadre,  mais  bien  un  tonnerre  de  diamètre 
supérieur  au  calibre  de  l'arme  et  dont  sur  une  cer- 
taine longueur,  le  dessus  aurait  été  enlevé. 

On  ne  peut  mieux  comparer  ce  système  qu'a  celui 
des  fusils  à  tabatière,  sans  le  couvercle  toutefois. 

Cette  disposition  se  compose  d'un  anneau  circu- 
laire et  complet  de  O'^Oi  de  longueur  et  de  0"U5  de 
diamètre  intérieur,  ce  qui  donne  à  ces  parois  une 
épaisseur  de  0"^025,  puis  le  dessus  du  tonnerre  est 
enlevé  sur  une  longueur  de  0"U8.  On  a  ainsi  une 
espèce  d'auge  demi-cylindrique  de  0^025  d'épaisseur 
de  parois.  Sur  la  tranche  arrière,  est  fixée  une  queue 
de  direction  de  0"^036  et  de  0™048  de  diamètres  extrê- 
mes et  de  0'"35  de  longueur,  elle  est  terminée  par  un 
bouton. 

Dans  la  tabatière,  se  plaçait  une  charge  cylindrique 
de  0"13  de  longueur  et  de  0'^095  de  diamètre.  Cette 
charge  se  fixait  en  arrière  par  un  coin  et  en  dessous, 
comme  il  ne  peut  être  question  d'étrier,  par  un  tenon 
qui  s'engageait  dans  une  mortaise  ad  hoc  prise  dans 
l'épaisseur  du  métal  de  la  tranche  arrière  du  tonnerre. 

Quelle  est  maintenant  l'origine  de  ces  pièces  ? 

La  pièce  de  bronze  viendrait,  dit-on,  de  Djidjelli, 


—  162  — 

de  l'occupation  par  le  duc  de  Beaufort,  du  22  juillet 
au  31  octobre  1664. 

M.  Féraud  dans  son  Hislob-e  des  villes  de  la  province 
de  Constantine  écrivait,  en  1865,  en  parlant  de  la 
retraite  de  Djidjelli  : 

«  On  fut  obligé  d'abandonner  36  pièces  d'artillerie 
«  gravées  aux  armes  de  France,  faute  d'instruments 
«  nécessaires  pour  remuer  et  embarquer  ces  pièces.  » 

Plus  loin  : 

«  Cette  désastreuse  retraite  coûta  1,400  hommes, 
«  30  pièces  de  canons  de  fonte,  15  de  fer  et  plus  de 
«  50  mortiers.  Lors  de  notre  débarquement  à  Djid- 
«  jelli,  en  1839,  nous  avons  retrouvé  plusieurs  de 
«  ces  canons  couchés  et  abandonnés  sur  la  plage. . . 

«  Les  canons  de  la  Kalaa  des  Beni-Abbès  provien- 
«  nent  en  partie  de  ceux  laissés  à  Djidjelli  \mv  les 
((  Français .... 

«  Ces  canons  durent  être  amenés  par  mer  jusqu'à 
«  Bougie  et  traînés  ensuite  de  là  jusqu'à  la  Kalaa  en 
«  remontant  la  vallée  de  l'Oued-Sahel.  L'un  d'eux 
«  porte  gravé  sur  la  culasse  un  L  dans  une  couronne 
«  royale  et  toute  la  volée  de  la  pièce  est  recouverte 
«  de  fleurs  de  lys ....  » 

M.  Mercier  écrit  dans  son  Histoire  si  documentée 
de  l'Afrique  septentrionale  véritable  œuvre  de  béné- 
dictin où  rien  n'est  avancé  qui  n'ait  été  contrôlé. 

«  Il  (Le  comte  de  Gardane)  eut  la  douleur  d'aban- 
((  donner  sur  le  rivage  30  pièces  de  canon  en  fonte, 
«  15  en  fer  et  plus  de  50  mortiers.  On  manquait  en 
.((  effet  de  palans  pour  les  charger ...» 

Il  n'y  avait  pas  dans  ce  butin  ramassé  par  les 
Turcs,  de  canons  de  bronze  et  les  mortiers,  quand 


-  163  - 

bien  même  ils  auraient  été  de  ce  métal,  ne  peuvent 
être  confondus  avec  des  pièces  de  Ë'^SO  de  longuein\ 

Je  crois  donc  qu'il  faut  chercher  ailleurs  l'origine 
de  cette  pièce  française. 

Les  premiers  canons  tirent  leur  apparition  en  Eu- 
rope, en  1313  ;  en  France,  en  1338. 

Depuis  cette  date,  il  y  eût  en  France. trois  séries 
de  rois  dont  les  noms  commencèrent  par  un  L. 

Louis  XI  de  1461  à  1487,  Louis  XII  de  1498  à  1515, 
enfin  la  longue  série  commençant  à  Louis  XIII 
en  1610  et  finissant  à  Louis  XVIII  en  1824,  c'est-à- 
dire  à  la  veille  de  la  conquête  de  l'Algérie. 

Je  vais  essayer  de  refaire  l'histoire  des  relations 
de  ces  monarques  avec  les  Africains. 

Louis  XI  passa  un  traité  de  commerce  avec  le  roi 
de  Tunis  et  celui  de  Bône,  en  1482. 

Louis  XII  s'immisça  peu  dans  les  affaires  de  la 
Méditerranée,  il  était  beaucoup  trop  occupé  par  les 
guerres  d'Italie. 

Toutefois,  on  connaît  l'expédition  de  Philippe  de 
Ravestein  contre  Métélin,  en  1501,  et  celles  de  Pré- 
gent  de  Bidoux  contre  Naples,  en  1503,  et  contre 
Gênes,  la  même  année. 

Mais  toutes  ces  actions  militaires  se  passèrent  au 
large  des  côtes  algériennes. 

Malgré  cela,  on  pourrait  trouver  des  pièces  de 
canon  au  chiffre  du  "  Père  du  peuple  "  car,  lorsque 
Charles  Quint  s'empara  de  La  Goulette,  le  14  juillet 
1535,  il  trouva  parmi  les  140  canons  de  la  place,  nom- 
bre de  pièces  françaises  données  par  François  P^'  en 
haine  de  l'empereur  et  en  vertu  du  traité  négocié 
avec  Soleïman  le  Magnifique  par  le  baron  de  Saint- 


—  164  — 

Blancard,  maître  d'hôtel  du  roi  et  capitaine  général 
de  l'armée  de  mer  de  France  et  parmi  ces  pièces, 
quelques-unes  devaient  porter  le  chiffre  du  prédéces- 
seur et  cousin  du  roi  Gentilhomme. 

C'est  ce  fait  qui  est  relaté  par  le  marquis  de  Gurion- 
Nitas  dans  son  Aperçu  sur  l'Etat  d'Alger  (1830). 

«  Cette  première  conquête  rendit  l'empereur  maître 
«  de  la  flotte  et  de  l'arsenal.  La  flotte  se  composait 
«  de  18  galères  et  l'artillerie  montait  à  100  canons, 
«  nombre  })rodigieux  pour  ce  temps.  » 

Dans  son  Histoire  d'Alger  (1841),  M.  Ch.  de 
Rotalier  est  plus  afïirmatif  encore  ;  il  parle  de  300 
pièces  d'artillerie  en  bronze,  une  quantité  de  canons 
en  fer  et  31  vaisseaux  dont  les  voiles  et  les  boulets 
étaient  marqués  d'une  fleur  de  lys. 

En  1541,  le  2  novembre,  l'empereur  Charles  Quint 
revenait  de  sa  désastreuse  expédition  d'Alger  où  il 
avait  déjà  laissé  des  canons  français.  «  Puis  on 
«  monta  aux  batteries  lors  de  la  prise  d'Alger  où  l'on 
«  constata,  avec  étonnement,  la  présence  des  canons 
((  portant  les  armes  de  France.  C'étaient  des  pièces 
((  prises  jadis  à  Pavie  par  Charles  Quint  et  abandon- 
«  nées  en  1541  par  celui-ci  après  son  désastre  devant 
«  Alger  (Prise  d'Alger,  H.  Klein).   » 

Je  n'ai  pas  l'honneur  de  partager  l'opinion  de 
M.  Klein  sur  l'origine  des  canons  français  d'Alger, 
car  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  flotte  de  l'amiral 
André  Doria  était  composée  des  bâtiments  qui  étaient 
déjà  allés  à  Tunis,  six  ans  auparavant  et  que  d'autre 
part,  lorsque  André  Doria  et  son  neveu  Philippin, 
alors  au  service  de  la  France,  passèrent  à  celui  de 
l'Espagne,  en  1527,  ils  emmenèrent  avec  eux  toutes 


-  165  - 

les  galères  de  France,  malgré  la  promesse   faile  an 
marqnis  de  Bai'l)é/-ienx,  amii-al  de  France   : 

«  Voici  les  galères  de  votre  maîlre  ([ne  je  vons 
((  remets,  voici  celles  de  ma  répnhlicjne  (Gènes)  ({ne 
je  conserve. . .   » 

Charles  Qnint  s'arrêta  donc  à  Bongie,  le  2  novem- 
bre 15il.  Peut-être,  avant  de  partir  le  16  novembre 
laissa-t-il,  à  la  petite  garnison  espagnole  qui  tenait  la 
ville,  quelques  pièces  françaises  prises  à  Tunis. 

D'ailleurs,  d'après  M.  Féraud,  pendant  son  court 
séjour,  l'empereur  remarqua  l'importance  militaire 
de  la  ville  et  en  Ht  augmenter  les  défenses,  comme 
le  témoigne  rinscri{)tion  de  la  KasJjali. 

QVAMMVRIS 
CASTELLIQMV 
NIVITIMPKA 
ROLVSV  AFRICA 
NVS  FERDINAN 
DIMEMORATI 
NEPOSET  HA 

ERESSOLIDEO 

ONORET  GLORIA 

((  Cette  ville  a  été  pourvue  de  murailles  et  d'un 
«  château  par  l'empereur  Charles  Quint  l'Africain, 
((  petit-fils  et  successeur  de  l'inoubliable  Ferdinand. 
«  A  Dieu  seul,  honneur  et  gloire.  » 

Si  cette  assertion  est  exacte,  on  peut  s'expliquer 
assez  facilement  la  présence  de  la  pièce  française  à 
la  Kalaa.  En  effet,  d'après  une  tradition  conservée 
dans  la  famille  des  Oulad-Mokhran,  Abd  el  Aziz  fon- 
dateur, présumé  à  tort,  de  la  princi])auté  kabyle  des 
Béni  Abbès,  se  lia  d'amitié  avec  les  Espagnols  de 
Bougie.  Ceux-ci  lui  fournirent  des  ouvriers  pour  for- 


-  166  - 

tifier  la  Kalaa,  sa  capitale,  et  des  armes  pour  se  dé- 
fendre contre  les  Turcs  qui  avaient  de  leur  côté  fait 
alliance  avec  le  roi  de  Koukou.  Si  cette  hypothèse 
n'explique  pas  la  présence  de  la  grosse  pièce,  elle 
affirme  certainement  la  provenance  des  deux  petites 
comme  il  sera  vu  plus  loin.  En  tous  cas,  il  ne  faut 
pas  songer  à  prendre  les  pièces  à  Bougie  après  le 
départ  des  Espagnols  et  la  prise  de  la  ville  par  Salah 
Raïs,  en  1555,  car  «  les  canons  abandonnés  par  les 
Chrétiens  étaient  hors  d'usage  »  (M.  Féraud,  His- 
toire de  Bougie). 

Mais,  reprenons  l'histoire  des  guerres  maritimes 
et  méditerranéennes  sous  le  règne  de  Louis  xiii  et 
de  ses  descendants. 

Louis  xm  eût  surtout  affaire  aux  protestants  et 
aux  Espagnols,  beaucoup  plus  qu'aux  Turcs  et  aux 
pirates  barbaresques.  En  1635,  1637,  1638  et  1639, 
l'archevêque  de  Bordeaux  M*''''  de  Sourdis  et  le  comte 
d'Harcourt  battirent  le  golfe  du  Lion  avec  leurs  flottes 
combinées,  mais  leur  but  était  surtout  de  combattre 
les  Espagnols. 

Le  marquis  de  Brézé  leur  succéda  en  1640  et  suivit 
la  même  tactique  jusqu'en  1642. 

Pendant  la  minorité  de  Louis  xiv,  la  guerre  conti- 
nua dans  les  mêmes  parages,  sous  le  maréchal  de 
la  Meillerai  (1646),  le  chevalier  Paul  (1647)  et  le  gé- 
néral des  galères  Armand  de  Vignerot  Duplessis, 
duc  de  Richelieu  (décembre  1647). 

De  1652  à  1654,   après    la  majorité  de  Louis  xiv 
(1651)  et  la  liquidation  de  l'affaire  de  Bordeaux,  le 
chevalier  Paul  et  le  da3  de  Gaise  prirent    la  mer  et 
allèrent  assiéger  Castelamare. 
Eu  1655,  le  chevalier  de  Valb3lle  S3  défealit  glo- 


ï 


-  167  - 

rieuseiiioiit  à  Majoi'([iie  pour  une  (luostioii  de  imvillou 
(M  1(^  (lue  (le  Veiulinne  paiiil  de  Toulon  pour  assîéo-er 
Pahunas  et  Barcelone. 

Après  la  mort  de  Mazarin  (1661),  la  course  l)arba- 
resque  et  contre  les  barbaresques  commença  sérieu- 
sement sous  les  ordres  de  François  de  Vendôme, 
duc  de  Beaufort,  grand  maître,  chef  et  surintendant 
de  la  navigation  et  du  commerce,  l'ancien  roi  des 
Halles  et  l'élève  du  chevalier  Paul.  Le  chevalier  lui- 
même  s'était  rendu  à  Tripoli,  Tunis,  Alger  et  Barce- 
lone, mais  sans  combattre. 

Le  commandeur  de  Valbelle  et  les  capitaines  de 
Saintot  et  Gyprien  firent  à  la  même  époque,  d'heu- 
reuses croisières  particulières. 

Le  chevalier  Paul  recommença  ses  courses  l'année 
suivante  avec  le  chevalier  d'Hocquincourt,  le  capi- 
taine Cruvillier  et  le  chevalier  Anne  Hilarion  de 
Contentin  de  Tourville.  Ils  coulèrent  et  prirent  nom- 
bre de  vaisseaux  Tripolitains  et  Algériens,  sans  rien 
perdre  eux-mêmes. 

En  1662,  le  duc  de  Baaufort  fit  contre  Alger  une 
manifestation  sans  résultat  pBuJant  que  Tourville 
continuait  ses  exploits  de  corsaire. 

En  1663,  nouvelles  courses  de  Tourville  et  d'Hoc- 
quincourt pendant  que  le  chevalier  Paul,  avec  six 
bâtiments,  enlevait  trois  vaisseaux  dans  le  port  de 
la  Goulette.  Puis  le  chevalier  repartit  en  juillet  avec 
le  duc  de  Beaufort  et  coula  vingt  navires  algériens. 
Mais  il  fut  assailli  dans  sa  croisière  par  une  tempête 
terrible  en  vue  d'Alger  :  «  L'escadre  fut  dispersée, 
«  eut  beaucoup  de  peine  à  éviter  d'être  affalée  à  la 
«  côte  et  ne  gagna  qu'avec  de  grandes  ditïicultés  le 
«  port  de  Formentera  »  (Louis  Guérin). 


-  168  - 

En  1664,  Louis  XIV  résolut  de  s'assurer  un  établis- 
sement sur  les  côtes  barbaresques.  Le  3  mars  1664, 
le  duc  de  Beaufort  partit  en  éclaireur  pendant  que  le 
chevalier  Paul  et  Duquesne  préparaient  l'expédition. 

Le  l*''^  juillet,  la  flotte  sortit  de  Toulon  sous  les 
ordres  du  duc,  à  l'effectif  de  16  vaisseaux  de  ligne, 
7  bâtiments,  41  barques  et  8  galères,  ces  dernières 
commandées  par  le  comte  de  Terme. 

6,000  hommes  s'embarquèrent  sous  les  ordres  du 
comte  de  Gadagne.  A  Malte,  on  devait  prendre  les 
galères  de  la  religion,  commandées  par  le  bailli  d'Ar- 
ménie. Le  chevalier  Paul  était  le  guide  de  l'expédi- 
tion. On  connaît  le  résultat  de  la  croisière  feinte  de- 
vant Bougie,  l'occupation  de  Djidjelli,  }juis  le  désastre 
complet  ;  mais  il  ne  resta  pas  sur  la  côte,  comme  je 
l'ai  déjà  dit,  de  canons  de  bronze. 

En  1665,  pour  venger  cet  échec,  le  duc  de  Beaufort 
alla  attaquer  les  corsaires  dans  le  port  même  de  Tu- 
nis, puis,  avec  le  chevalier  Paul,  détruisit  la  flotte 
barbaresque,  d'abord  devant  Cherchell,  puis  devant 
Alger,  pendant  que  Tourville  et  d'Hocquincourt  conti- 
nuaient leurs  exploits  sous  le  pavillon  de  Venise. 

En  1666,  le  commissaire  général  de  la  marine, 
Trubert,  alla  négocier  avec  le  dey  d'Alger  le  rachat 
des  chrétiens. 

En  1667,  Louis-Victor  de  Rochechouart  se  rendit 
devant  Alger  avec  cinq  vaisseaux  et  obtint  satisfac- 
tion de  pirateries  commises  sur  des  bâtiments  fran- 
çais. 

En  1669,  le  duc  de  Beaufort  alla  secourir  Candie 
qui  appartenait  aux  Vénitiens  et  était  assiégé  par  les 
Turcs;  il  s'y  fit  tuer. 

En  1672,  le  lieutenant-général  de  Martel  croisa  sur 


—  169  — 

les  côtes  barbaresques,  renouvela  les  traités  avec  le 
dey  d'Alger  et  alla  canoniier  Tunis  avec  l'aide  de 
M.  de  la  Brossardière. 

En  1673,  le  lieutenant-général  d'Almeras  alla  faire 
une  croisière  de  surveillance  sur  les  côtes  d'Algérie 
et  de  Tunisie. 

En  1674,  Messine  se  révolta  contre  les  Espagnols. 
Louis  XIV  envoya  une  première  escadre  soutenir  les 
insurgés,  sous  les  ordres  du  chevalier  de  Valbelle, 
puis  une  seconde,  sous  les  ordres  de  François  de 
Rochechouart,  devenu  marquis  de  Vivonne,  enfin  une 
troisième  avec  M.  Duplessis  de  la  Brossardière. 

Messine  devint  alors  le  point  d'où  rayonnèrent  les 
corsaires  français  :  Venise  (juillet  1675),  Reggio  (août 
1675),  Agosta  (août  1675),  Melazzo  (octobre  1675). 

En  1676,  Duquesne  et  Ruyter  se  rencontrèrent 
devant  le  Stromboli  et  le  Gibel.  Ruyter  y  fut  tué. 

Le  marquis  de  Vivonne  remporta  d'autres  victoires 
à  Palerme  puis  à  Traormina  et  à  Scaletta. 

En  1678,  Duquesne  fit  une  démonstration  en  Cata- 
logne et  à  Gênes. 

En  i68i,  un  capitaine  de  vaisseau,  M.  de  Beaujeu,  fut 
pris  avec  an  petit  bâtiment  et  emmené  à  Alger. 

Duquesne  fit  une  croisière  en  Tripolitaine  et  en 
1682,  bombarda  Alger  avec  les  galiotes  de  Bernard 
Renan  d'Elisaçaraï  dit  Petit  Renan. 

En  1683,  le  bombardement  recommença  et  le  dey 
Baba-Hassan  rendit,  le  29  juin,  le  capitaine  de  Beau- 
jeu;  mais  son  successeur  Mezzo-Morto  envoya  le  P. 
Lev'acher,  consul  de  France,  en  guise  de  boulet,  le 
29  juillet. 

La  même  année,  le  capitaine  de  Relinguer  se  dé- 


—  170  - 

fendit  à  l'île  d'Elbe,  seul  contre  trente-cinq  galères 
espagnoles. 

En  1684,  Duquesne  et  le  marquis  de  Seignelay 
bombardèrent  Gènes. 

En  1685,  le  maréchal  d'Estrées  alla  bombarder 
Tripoli,  obtint  un  traité  et  vint  manifester  à  Tunis. 

En  1686,  Forant,  le  marquis  de  Goëtlogon,  les 
comtes  d'Estrées  et  de  Tourville  et  le  chevalier  de 
Château-Regnault  eurent  des  affaires  avec  les  Espa- 
gnols pour  le  salut  du  pavillon. 

En  1688,  l'amiral  d'Estrées  alla  de  nouveau  bom- 
barder Alger. 

En  1691,  l'amiral  d'Estrées,  fils  du  précédent,  aida 
Catinat  à  prendre  Nice  jjuis  bombarda  Barcelone  et 
Alicante. 

En  1693,  le  même  officier  alla  assiéger  Rosas. 

La  même  année,  l'amiral  de  Tourville  brûla  des 
bâtiments  anglais  en  rade  de  Malaga,  près  de  Gi- 
braltar. 

En  1696,  au  cap  Bon,  le  commodore  Killegrew 
s'empara  de  deux  vaisseaux  français:  le  "  Content" 
et  le  "  Trident",  capitaines  de  Ghalart  et  d'Aulnai. 

En  1697,  l'amiral  d'Estrées  prit  part  au  siège  de 
Barcelone  par  le  duc  de  Vendôme. 

En  1701,  le  chevalier  de  Fortin  alla  canonner  Ve- 
nise puis  bloquer  Trieste  au  commencement  de  la 
guerre  de  succession  d'Espagne. 

Le  22  juillet  1704,  une  escadre  sortit  de  Toulon 
sous  les  ordres  du  grand  amiral  de  France,  le  comte 
de  Toulouse  ;  le  24  août,  il  rencontra  à  Velez-Malaga, 
à  la  tête  de  50  vaisseaux,  6  lirulots,  8  galiotes  et 
19  galères,  une  flotte  composée  de  50  vaisseaux  alliés 
et  d'autres  petits  bâtiments. 


—  171  — 

Le  chevalier  de  Pointis,  après  la  bataille,  alla  aider 
Petit  Renan  à  faire  le  siège  de  Gibraltar  ;  il  y  perdit 
cinq  frégates  et  vit  son  escadre  se  disperser  par  effet 
des  vents,  [)nis  disj)araître  finalement  dans  nn  désas- 
tre dû  à  son  manvais  état,  à  son  infériorité  et  à  la 
tempête. 

En  1706,  croisière  devant  Barcelone  et  siège  de  la 
ville. 

En  1707,  le  chef  d'escadre  de  Villars,  frère  du  ma- 
réchal, protégea  Minorque  contre  les  Anglais  puis 
croisa  devant  Gènes  et  coula  3  vaisseaux  tunisiens. 

En  1708,  les  capitaines  de  Grenonville  et  de  Roche- 
pierre  firent  de  fructueuses  et  glorieuses  sorties  en 
Méditerranée. 

En  1709,  le  capitaine  de  brûlot  Cassart  escorta  un 
convoi  de  blé  venant  de  Barbarie,  coula  trois  vais- 
seaux anglais,  s'échoua  à  Porto-Farina,  fut  très  bien 
reçu  par  les  Tunisiens  et  rentra  triomphalement  à 
Marseille. 

Le  lieutenant  de  frégate  de  l'Aigle,  commandant  le 
"  Phénix"  prit  trois  vaisseaux  anglais  et  trois  vais- 
seaux hollandais. 

En  1710,  Cassart  escorta  de  nouveau  un  convoi 
venant  du  Levant  et  ramena  deux  vaisseaux  anglais. 

De  l'Aigle  prit  un  vaisseau  tunisien,  alla  manifes- 
ter devant  Tunis  et  obtint  la  liberté  de  tous  les  Fran- 
çais maintenus  dans  les  bagnes. 

Sous  la  régence  de  Philippe  d'Orléans,  aucune 
affaire  maritime  n'eut  lieu  en  Méditerranée. 

Sous  le  règne  de  Louis  XV,  la  marine  déclina.  En 
1741,  elle  ne  possédait  plus  que  deux  vaisseaux  de 
premier  rang;  en  1743,  un  seul  restait. 

Malgré  tout,  en  1728,  le  chef  d'escadre  de  Grandpré 


-  172  - 

alla  faire  une  manifestation  devant  Tunis  qui  fit  des 
concessions,  puis  il  alla  bombarder  Tripoli. 

En  1729,  le  capitaine  de  Goyon  passa  deux  traités 
avec  Tripoli,  et  le  chevalier  de  Raïmondis,  de  l'ordre 
de  Malte,  prit  un  corsaire  Algérien. 

En  1730,  le  capitaine  de  Gencien  ne  reçut  que  poli- 
tesses intéressées  du  dey  d'iVlger. 

En  1731,  Duguay-Trouin  renouvela  les  traités  avec 
ce  souverain. 

En  1732,  le  bailli  de  Vatan  alla  à  Gènes  demander 
réparation  de  l'incendie  d'un  bâtiment  français. 

En  1738,  le  capitaine  d'Orsères  de  Pardaillan  trans- 
porta en  Corse  un  corps  d'armée,  sous  les  ordres  du 
comte  de  Boissieux. 

En  1742,  le  capitaine  de  Saurcus-Murat  échoua, 
dans  une  expédition,  contre  une  île  de  la  côte  de 
Tunisie. 

En  1743,  un  prisonnier  marseillais,  nommé  Lefort, 
réussit  à  amener  le  dey  à  composition  et  la  paix  fut 
signée. 

En  1744,  bataille  devant  Toulon  entre  les  Franco- 
Espagnols  et  les  Anglais. 

En  1746,  les  Anglais  prirent  les  îles  S*^'-Marguerite. 
En  1747,  les  îles  furent  reprises  par  les  Français 
qui  envoyèrent  6,000  hommes  au  secours  des  Génois 
révoltés  contre  l'Autriche. 

En  1756,  le  lieutenant-général  de  la  Galissonnière 
conduisit  à  Minorque  le  maréchal  de  Richelieu  et 
12,000  hommes.  Après  le  débarquement,  le  lieutenant- 
général  battit  l'amiral  anglais  Byug,  pendant  que  le 
maréchal  s'emparait  de  Port-Mahon. 

En  1757,  deux  corsaires,  de  Glaudewez  et  de  Grasse 
firent  sortir  de  Marseille  deux  galères  déclassées,  la 
''Brave"  et  la  "Duchesse"  et  firent  la  course  en 


—  173  — 


Méditerranée.  Ils  prirent  un  corsaire  anglais  de  seize 
canons  qu'ils  amenèrent  à  Cette. 

En  1759,  l'amiral  anglais  Boscawen  empêcha  l'ami- 
ral français  de  La  Clue  de  franchir  le  détroit  de  Gi- 
braltar, venant  de  Toulon. 

En  1764,  7  bataillons  français  passèrent  en  Corse; 
l'île  fut  cédée  à  la  France,  le  15  mai  1768. 

Sous  le  règne  de  Louis  XVI,  la  marine  française  vit 
renaître  ses  beaux  jours,  mais  il  n'y  eut  pas  d'opéra- 
tion en  Méditerranée. 

En  1781,  le  comte  de  Guichen  et  Don  Luis  de  Gor- 
dova  sillonnèrent  en  maîtres  la  Méditerranée  et  pri- 
rent Port-Mahon  et  Minorque. 

En  1782,  le  duc  de  Grillon,  aidé  de  Don  Lms  de 
Cordova,  commandant  les  escadres  française  et  espa- 
gnole, assiégea  Gibraltar. 

Je  crois  inutile  de  m'occuper  de  la  Révolution  et 
de  la  1^^^  République,  car  d'après  ce  que  j'ai  pu  dé- 
duire des  explications  données  par  les  Israélites  de 
Bordj,  le  canon  français  était  déjà  à  Kalaâ  à  cette 

époque. 

Que  l'on  me  pardonne  cette  longue  et  fastidieuse 
série  de  faits,  mais  j'ai  tenu  à  remémorer  tous  les 
événements  maritimes  qui  se  sont  produits  en  Médi- 
terranée de  façon  à  ne  rien  laisser  dans  l'ombre  et  a 
pouvoir  établir  mes  conclusions  sur  des  bases  soli- 
des. 

On  a  vu  très  peu  de  vaisseaux  pris  par  les  corsai- 
res barbaresques,  surtout  des  bâtiments  portant  du 

18. 

Néanmoins,  je  vais  étudier  cette  question  et  en 
en  admettant  la  possibilité,  rechercher  si  des  prises 
auraient  pu  être  conduites  à  Bougie, 


—  174  — 


II. 


Très  riche  et  très  llorissante  avant  l'occupation 
espagnole,  surtout  sous  le  règne  d'En-Nacer,  Bougie 
ne  lit  que  déchoir  après  la  reprise  par  Sabah  Raïs 
(1555).  Le  port  de  Bougie  ne  contint  jamais  plus  que 
des  bâtiments  marchands,  «  le  monopole  de  la  pira- 
terie étant  exclusivement  réservé  aux  navires  d'Al- 
ger. ))  (Féraud,  Histoire  de  Bougie). 

Les  janissaires  turcs,  d'autre  part,  étaient  trop 
pauvres  pour  pouvoir  faire  cadeau,  même  à  leurs 
amis,  d'une  pièce  d'aussi  grande  valeur  que  celle  qui 
nous  occupe,  alors  surtout  que  leur  armement  lais- 
sait fort  à  désirer. 

En  septembre  1649,  le  père  Dan,  supérieur  de  l'or- 
dre de  la  Rédemption,  passa  devant  Bougie  en  se 
rendant  au  Bastion  de  France.  Il  écrivit  :  «  Nous 
«  aperçûmes  Bougie,  autrefois  fort  grande  et  peuplée 
«  de  quantité  de  corsaires  (|ue  la  beauté  de  son  })ort 
«  y  attirait  de  toutes  parts  ;  mais  maintenant  elle  est 
«  fort  ruinée  et  il  ne  s'y  voit  aucun  navire  de  cour- 
«  ses.  Ceux  d'Alger,  de  qui  elle  dépend,  empêchent 
((  le  mieux  qu'ils  peuvent  d'y  équiper  aucun  vaisseau 
«  pour  courir  la  mer,  de  crainte  qu'ils  ont  que  cela 
«  ne  divertisse  et  ruine  entièrement  le  commerce  de 
«  leurs  pirateries.  » 

Le  30  juillet  1663,  quand  l'expédition  française 
passa  devant  Bougie,  il' y  avait  dans  la  place  cent 
Turcs  sur  lesquels  soixante-dix  moururent  de  la 
peste  (Elle  de  la  Primaudaie). 

Le  6  septembre  1674,  le  chevalier  d'Arvieux  visita 
Bougie  et  écrivit  :  «  Les  soldats  n'oseraient  sortir  de 
«  leurs  forts  et  sont  continuellement  sur  leurs  gar- 


—  175  — 

«  (les,  à  cause  des  Maures  de  la  campagne  (\n\  ne 
((  leur  font  aucun  quartier.  .  .  . 

((  11  y  a  un  marabout  appelé  Choïk  Abd  el  Kader 
((  (pie  les  Turcs  et  les  Maures  regardent  comme  un 
((  saint ... 

((  Il  y  a.  .  . .  une  grosse  tour  avec  deux  pièces  de 
«   canon.  » 

En  octol)re  1725,  le  voyageur  français  Peysonnel 
écrivit  :  «  A  Bougie,  tout  tombe  aujourd'hui  en  rui- 
«  nés,  car  les  Turcs  ne  réparent  rien.  » 

On  voit  donc  que  si  le  vaisseau  portant  la  pièce 
était  venu  à  Bougie  soit  comme  prise,  soit  comme 
épave,  la  ville  aurait  eu  plus  de  deux  canons,  ou,  en 
tous  cas,  aurait  gardé  précieusement  et  jalousement 
les  pièces  arrivant  si  miraculeusement. 

Mais  si  l'on  admet  l'hypothèse  d'un  bâtiment  jeté 
à  la  côte,  même  en  dehors  de  toute  opération  de 
guerre,  ce  qui  est  assez  plausible,  étant  données  les 
violentes  tempêtes  qui  régnent  sur  la  Méditerranée 
et  les  difficultés  des  côtes  d'Afrique,  le  naufrage, 
dans  ce  cas,  a  dû  avoir  lieu  sur  un  point  quelconque 
de  la  côte,  et  non  à  Bougie,  et  les  marabouts  des 
Amokhran,  usant  de  leur  influence  reconnue  par  les 
Maures  et  les  Turcs,  ont  dû  s'approprier  l'une  des 
pièces,  la  faire  passer  par  Bougie  et  la  vallée  de  la 
Soummam  et  la  donner  en  royal  présent  à  leurs  cou- 
sins, les  Oulad-Mokhran  de  la  Medjana  et  de  la 
Kalaa. 

Pour  bien  comprendre  cette  hypothèse,  il  faut  re- 
voir la  généalogie  des  Mokhrani,  tout  au  moins  à 
leur  origine  : 


-  176  — 

Emir  Abd  er  rahman  des  Oulad-Hammad 

I 

Ahmed  ben  Abderrahman 
fonde  le  royaume  Kabyle  des  Béni  Abbès  (mort  en  1510) 

I 


I 

I 

Abd  el  Aziz 

Amokliran 

Sultan,  mort  en  1559 

grand  ami  des  Espagnols 

de  Bougie 

Sultan,  succéda  ci  son  frère 
mort  en  1598 

I 

Sidi  Nacer 

Sultan,  mort  en  1600, 
assassiné  par  ses  sujets. 

Le  royaume  disparait. 
I 

I 

I 

Sidi  Betka 

Si  Mohamed  Amokhran 

mort  en  1680  sauvé  par  sa  mère 

sauvé  par  les  Hachen  conduit  à  Amadan,  devenu 

conduit  à  La  Medjana,  marabout,  grand  ami  des 
père  de  Oulad-Mokhrane  Turcs  de  Bougie 

I 

Si  Abd  el  Kader  Amo- 
khran 
vers  1674  1682 

I 

Si  Mohammed  Chérif 
vers  1702 

Tels  sont  les  renseignements  que  peut  l'ouiMur 
l'histoire.  Malheureusement,  ils  sont  ou  troi)  précis 
ou  trop  vagues. 


—  in  - 

L'hypothèse  des  canons  de  Louis  XII  donnés  par 
François  P%  trouvés  à  Tunis  et  apportés  par  Charles- 
Quint  à  Bougie,  senil)le  la  plus  vraisemhlahle,  hien 
que  n'ayant  pas  dt^s  bases  extrèmenienl  solides. 

Celle  du  duc  de  Beaufort  est  à  rejeter.  Celle  de 
l'échouement  est  plus  vraisemblable  mais  trop  vague, 
portant  sur  une  durée  de  deux  cents  ans  et  sur  une 
série  de  quatre  rois,  car  je  laisse  Louis  XVIII  de  côté; 
sous  son  règne,  la  pièce,  comme  le  prouvent  les  ins- 
criptions hébraïques,  se  trouvant  depuis  longtemps 
à  Kalaa. 

Mais  on  peut  circonscrire  ces  dates  en  faisant 
appel  à  une  science  beaucoup  trop  ignorée  et  négligée 
de  notre  tenij^s  ;  je  veux  parler  du  Blason,  dont  sou- 
vent les  règles  et  surtout  leurs  fluctuations  peuvent 
arriver  à  la  rescousse  des  faits  de  l'histoire,  pour 
préciser  un  événement  ou  fixer  une  date. 

On  trouve  sur  la  pièce  une  L  majuscule  dans  une 
couronne  portant  des  fleurs  de  lys. 

La  forme  de  la  lettre  pleine  et  assez  massive  la 
reporte  aux  xvi,  xvii  et  xviir'  siècles  ;  c'est  la  forme 
qui  succéda  aux  mièvreries  et  aux  enroulements  des 
enluminures  du  moyen-âge  ;  toutefois,  elle  semble 
être  de  l'époque  de  transition  et  pas  très  éloignée  de 
la  Renaissance. 

Il  y  a,  en  art  héraldique,  plusieurs  espèces  de  cou- 
ronnes portant  des  fleurs  de  lys  : 

l*^  La  couronne  royale  fermée  dont  le  bandeau  est 
surmonté  de  cinq  bandes  qui  se  réunissent  au  som- 
met sous  une  fleur  de  lys  et  dont  les  bases  sont 
ornées  chacune  de  la  fleur  héraldique  ; 

2°  La  couronne  du  Dauphin  de  France  fermée  éga- 
lement, mais  à  trois  branches  seulement,  1,  3  et  5, 
ayant  une  fleur  entre  deux  d'entre  elles  ; 


-—  178  — 

3°  La  couronne  des  Enfants  de  France,  ouverte  à 
cinq  tleurs  de  lys  ; 

4^'  La  couronne  des  Princes  du  sang  à  trois  Heurs, 
1,  Set  5,  accostées  en  deux  et  quatre  de  feuilles  d'àclie. 

(  Voir  planche  IV  ) 

La  couronne  du  canon  n'est  ni  Royale,  ni  Dau- 
phine,  ni  des  Enfants  de  France;  car  de  toute  façon, 
abstraction  faite  de  la  fermeture  qui  aur^ait  gêné  pour 
poser  une  L  en  pal,  il  devrait  y  avoir  cinq  fleurs  de 
lys. 

Est-elle  des  princes  du  sang  ?  pas  davantage,  car 
les  feuilles  d'âche  manquent. 

C'est  donc  là  pure  fantaisie  et  ce  serait  simplement,  | 

comme  le  dit  M.  Vaysettes  :  «  Trois  fleurs  formant 
couronne  royale.  »  C'est  plus  probable,  bien  qu'entre 
les  trois  tleurs,  se  trouvent  deux  petites  pointes 
comme  celles  cpii  supportent  les  })etites  perles  dans 
une  couronne  de  vicomte. 

On  peut  objecter  qu'il  y  a  eu  en  France  des  prin- 
ces qui  étaient  du  sang  sans  être  royaux;  c'était  des 
princes  légitimés.  Je  puis,  pour  ne  rien  laisser  inex- 
ploré, chercher  dans  dans  toute  l'histoire  quels  fu- 
rent les  personnages  dans  ces  conditions  cpii  furent 
amiraux  ou  grands  maîtres  de  l'artillerie  et  dont 
l'initiale  était  une  L. 

J'en  trouve  trois  : 

1«  Louis,  bâtard  de  Bourbon,  fils  de  Charles  I'•^ 
duc  de  Bourbon,  légitimé  en  1463,  nommé  général 
de  France  en  1466,  par  conséquent  sous  le  règne  de 
Louis  XI.  Il  faut  donc  l'écarter,  étant  donné  le  peu  de 
relations,  à  cette  époque,  entre  la  France  et  les  états 
barbaresques  ; 


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eficuÀ^ci^ 


JjùiM^X^L 


-  179  — 

2"  Louis-Alexandre  de  Bourbon,  comte  de  Tou- 
louse, iils  de  Louis  XIV  et  de  M'"-  de  McMitespan, 
grand  amiral  de  Fi'anee  en  IG^^^.  Il  eroisa  longtemps 
dans  la  Méditerranée,  en  |)arlii'uli(M'  en  1702.  170i  et 
1706; 

3''  Louis-Auguste  de  Bourbon,  duc  du  Maine,  Iils 
de  Louis  XIV  et  de  M"^"  de  Montespan,  général  des 
galères  en  1611  et  grand  maître  de  l'artillerie  en  1674. 

Mais  une  ordonnance  de  1673  avait  réglementé 
l'armement  des  vaisseaux  du  roi  et  l'artillerie  ne  dé- 
pendait plus  du  grand  maître  de  l'artillerie.  Il  faut 
ajouter  qu'en  1689,  les  calibres  avaient  été  fixés  à 
sept  :  36,  2i,  18,  12,  8,  6  et  4,  c'est-à-dire  que  la 
pièce  en  question  rentrerait  presque  dans  les  calibres 
imposés. 

La  forme  des  fleurs  de  lys  peut  faciliter  également 
le  choix  d'une  époque,  car  elle  varia  souvent.  Pen- 
dant la  Renaissance,  c'est-à-dire  du  xiv  au  xvr  siè- 
cle, la  fleur  de  lys,  qui  avait  fait  son  apparition  dans 
l'art  héraldique  au  xn**  siècle  et  qui  était,  jusque  là, 
composée  de  trois  pétales  et  de  deux  pistils,  ou  mieux 
portait  les  pistils  latéraux  en  deux  lambeaux,  se 
transforma  et  devint  plus  élancée;  les  pistils  ou  lam- 
beaux disparurent,  les  pétales  se  rapprochèrent  mais 
sans  se  toucher.  La  fleur  fut  composée  de  deux  par- 
ties séparées  par  une  barre  horizontale.  La  partie 
supérieure  comprit  trois  pétales  distincts,  la  partie 
inférieure  fut  unique,  ce  fut  un  pendentif  à  trois 
pointes.  Sous  Louis  XIV,  au  xvii"  siècle,  la  fleur 
s'épaissit,  la  barre  subsista,  mais  elle  fut  posée  sim- 
plement sur  les  pétales  qui  furent  suivis,  c'est-à-dire 
qu'ils  se  retrouvèrent  dans  le  haut  comme  dans  le 
bas,  mais  ils  furent  alors  accolés  les  uns  aux  autres 
dans  toute  leur  longiiaur.  (Voir  planche  V  ) 


-  lâo  - 

Les  fleurs  de  la  volée  du  canon  seraient  donc  Re- 
naissance, celles  de  la  couronne  presque  xvii''  siècle. 
Celte  anomalie  i)ourrail  s'exi)li(|uer,  car  au  commen- 
cement du  xviii''  siècle  il  y  eut  un  revirement  de 
"  mode";  on  en  revint,  mais  pour  peu  de  temps,  à 
la  fleur  élancée,  et  notre  canon  peut  avoir  été  fondu 
à  cette  époque  de  transition  entre  1680  et  1720  ;  c'est 
bien  le  moment  où  les  deux  princes  légitimés  étaient, 
l'un  grand  maître  de  l'artillerie,  l'autre  grand  amiral. 
Si  l'on  tient  compte  des  ordonnances  royales,  ce 
pourrait  être  l'initiale  du  comte  de  Toulouse,  le  fils 
Itien  aimé  de  Louis  XIX,  chef  de  l'artillerie  de  la  ma- 
rine (ordonnance  de  1673)  et  qui  devait  monter  des 
vaisseaux  portant  du  calibre  18  (ordonnance  de  1689) 
c'est-à-dire  des  pièces  semblables  à  la  notre. 

Je  vais  essayer  de  résumer  cette  longue  discussion 
et  de  condenser  mes  hypothèses  pour  en  tirer  la 
substantifique  moelle. 

Histoire.  —  On  trouve,  à  toute  époque,  des  croisiè- 
res françaises  sur  les  côtes  de  Barbarie,  mais  les 
prises  de  bâtiments  de  guerre  de  tonnage  assez  fort 
pour  porter  du  18,  sont  })lus  que  rares  ;  en  tous  cas 
ces  prises  ne  furent  jamais  amenées  à  Bougie.  Les 
bâtiments  jetés  à  la  côte  sont  moins  que  nombreux 
et  l'échouement  et  la  perte  consécutive  d'un  gros 
bâtiment  ne  fussent  pas  passés  inaperçus.  Il  n'y  a 
donc  que  des  pièces  de  Louis  XII  qui  aient  pu  être 
amenées  à  Bougie  par  Charles-Quint  et  être  données 
par  les  Espagnols  à  leur  allié  Abd  el  Aziz,  sultan  de 
la  Kalaa  des  Beni-Abbès. 

Géographie.  —  Cette  pièce  n'a  pu  passer  que  par 


—  181   - 

Bougie  et  la  vallée  de  l'Oued-Sahel,  il  faut  doue  ({ue 
sou  ])assage  soit  sigualé  à  Bougie  même. 

Art  héraldique.  —  La  courouue  du  mouograuime 
échappe  à  toutes  recherches  et  à  toutes  règles;  c'est 
uue  triple  tleur  formaut  courouue.  La  forme  des 
Heurs  de  la  volée  eu  fixe  le  travail  à  la  Reuaissauce. 
Celle  des  tieurs  de  la  courouue  teudrait  vers  le 
XVII''  siècle. 

Artillerie.  —  Le  lieuteuaut-colouel  Hardy,  couser- 
vateur  du  Musée  des  luvalides  (sectiou  d'artillerie) 
affirme  que  la  forme  géuérale  des  pièces  du  commeu- 
cemeut  du  xvi''  siècle  est  semblable  à  celle  du  cauou 
étudié  et  que  les  attributs  sout  bien  ceux  que  l'on 
retrouve  sur  les  pièces  de  Louis  XIL  Voici,  d'ailleurs, 
un  passage  d'une  des  lettres  qu'il  a  bien  voulu 
m'adresser  :  a  Le  canon  est  sans  contredit  de  l'épo- 
«  que  de  Louis  XII.  La  forme  de  la  couronne  qui 
«  surmonte  la  lettre  L  est  entièrement  différente  de 
«  celle  des  couronnes  qui  figurent  sur  les  canons  de 
«  l'époque  de  Louis  XIV  et  Louis  XV.  » 

C'est  donc  une  pièce  de  Louis  XII  amenée  et  laissée 
à  Bougie,  en  1541,  par  Charles-Quint,  soit  qu'il  l'ait 
prise  à  Tunis  dans  le  butin  où  figuraient  les  canons 
donnés  par  François  I"'  à  Barberousse,  soit  qu'elle 
soit  venue  des  galères  françaises  qu'André  Doria 
avait  entraînées  dans  sa  défection. 

La  pièce  de  fer  a  une  origine  beaucoup  plus 
curieuse.  Sa  forme  massive,  sans  bouton  de  culasse, 
assez  semblable  à  celle  de  sa  sœur  de  bronze,  sem- 
blerait la  placer  vers  le  xv*"  siècle. 

Aucun  ornement  ne  permet  de  préciser  d'autre  fa- 


-  182  — 


çon.  Il  y  aurait  bien  l'inscription  française  lui  donnant 
Lyon  comme  lieu  d'origine,  mais  cette  inscription, 
nul  ne  la  possède  in  extenso;  la  seule  personne  qui 
se  souviendrait  de  l'avoir  vue,  Si  Seddick  hen  Ilalla, 
caïd  d'El-Maïn,  commune  des  Bil)ans,  n'est  pas  ailir- 
matif. 

L'inscription  arabe  donnée  plus  haut  est  plus  inté- 
ressante, sa  traduction  est  la  suivante   : 

«  Au  nom  de  Dieu  clément,  miséricordieux. 

«  A  notre  maître,  prince  des  croyants,  Mohammed 
«  ben  Abd  el  Aziz  el  Abassi  (originaire  des  Beni- 
«  Abbès)  qui  gouverne  avec  zèle  pour  la  cause  de 
«  Dieu  !  (pie  Dieu  lui  accorde  assistance  et  le  rafïer- 
«  misse  au  pouvoir  ! 

«  Fondu  dans  le  mois  de  Djoumada  deuxième  767. 
«  Fait  par  l'esclave  blanc  Hacène  le  Chrétien  (ou 
«  le  Franc).   » 

D'après  M.  Surle,  garde  domanial  des  eaux  et 
forêts  à  Boni,  qui  n'a  jamais  vu  la  pièce,  mais  qui 
s'est  informé  dans  le  pays,  la  tradition  afïîrme  que 
le  canon  a  été  acheté  par  Mohammed  ben  Abd  el 
Aziz  el  Abassi  et  fabriqué  à  Lyon,  ou  à  Toulon,  se- 
lon d'autres,  sous  la  surveillance  d'un  envoyé  du 
Sultan,  un  Européen  qui  s'était  fait  Musulman  et  (jui 
portait  le  nom  d'El  Hadj  Hassein. 

Il  ajoute  :  Il  existe  encore,  parait-il,  de  ses  descen- 
dants à  Guelaa  (Famille  des  Hassein).  M.  Surle  ne 
confondrait-il  pas  avec  les  Hacliem  ? 

En  tous  cas,  voici  un  point  fixé,  un  Sultan  qui  a 
eu  à  son  service  un  nommé  Hacène,  d'origine  euro- 
péenne; le  livre  et  la  tradition,  dirait  un  ecclésiaste, 
sont  d'accord. 


-  183  — 


Onelle  est  cette  date  de  Djonmada  deuxième  7G7  ? 
A  raide  de  la  formule  des  33'",  ou  arrive  facilement 
à  ianvier  1366,  c'est-à-dire  cinquante  ans  après  l  ap- 
parition des  premières  armes  à  feu  en  Europe. 

J'ai  demandé  à  M.  le  Conservateur  de  la  bibhothe- 
nue  de  Lyon  s'il  avait  connaissance  d'une  fonderie 
aussi  ancienne.  Je  regrette  que  l'absence  de  réponse 
sur  ce  sujet  ne  me  permette  pas  de  fixer  ce_  pouit 
des  plus  intéressants.  En  tous  cas,  cette  question  de 
date  n'est  pas  un  obstacle  insurmontable  puisque 
dès  1273,  d'après  Ibn  Khaldoun,  Abou  Youssouf, 
sultan  du  Maroc,  avait  fait  usage  de  canons  au  siège 
delà  ville  de  Silgilmessa. 

Quel  est-ce  ce  sultan  Mohammed  ben  Abd  el  Aziz  . 
On  a  vu  un  Abd  el  Aziz  aux  Beni-Abbès  en  1550, 
c'est  celui  à  qui,  très  faussement,  on  attribue  la  fon- 
dation de  la  principauté,  reprise  en  réahté  par  son 
aïeul  l'émir  Abderrahman,  mais  qui  avait  existé  bien 
avant  d'après  Abd  el  Kader  Rachdi,  historien  arabe, 
qui,  du  temps  de  Salah  Bey,  écrivit  l'histoire  des 
Cheurfa.  Cet  érudit  appelle  la  dynastie  de  laque  le 
pourrait  faire  partie  le  sultan  Abd  el  Aziz,  la  dynastie 

des  Betkaoui.  tt  n;  af 

Quel  était  cet  Hacène  en   même  temps  Euldj  et 

Roumi  ?  Avant  d'aller  plus  loin,  je  laisse  la  plume 

aux  linguistes. 

M  Léon  Roches  écrit  :  «  Euldj  est  le  nom  que  1  on 
«  donne  aux  Circassiens,  Giorgiens,  chrétiens  ou 
«  musulmans  qui  sont  les  pages  du  sultan,  pachas 
«  beys  et  autres  dignitaires  musulmans.  Dans  1  ouest, 
«  c'est  un  titre,  qui  emporte  avec  lui  une  idée  de 
a  mépris.  En  Algérie,  au  contraire,  les  Arabes  ont 
«  adopté  cette   expression   pour  désigner  tout  eu- 


—  184  - 

«  ropéen  devenu  musulman.  La  véritable  expres- 
«  sion  arabe  est  mouclieched  (qui  a  rendu  témoi- 
((  gnage)  sous  entendu  en  vertu  de  la  véritable  foi.  » 
M.  Ben  Sedira  traduit  J-^  par  esclave  blanc,  chré- 
tien par  opposition  à  ^--f-  esclave  noir. 

Cet  euldj  Hacène  est  qualifié  de  roumi.  M.  Léon 
Roches  écrit  à  ce  sujet  :  «  Les  Arabes  appellent  un 
«  chrétien  roumi.  A  l'exception  des  musulmans  ins- 
((  fruits,  ils  ignorent  le  sens  de  cette  appellation. 

«  Roumi,  qui  dérive  évidemment  de  Rome,  était 
«  la  dénomination  sous  laquelle  Mohammed  dési- 
«  gnait  les  Grecs  de  Consfanfinople.  Ainsi  on  a 
«  trouvé  une  lettre  du  prophète  musulman  à  l'empe- 
«  reur  Héraclius  qui  commence  ainsi  :  lia  Herak 
«  l'Aadhin-er-Roumi  (A  Héraclius  grand  des  Grecs)  )) 

M.  Roches  aurait  pu  traduire  aussi  bien  :  Grand 
des  chrétiens,  fils  de  Rome. 

M.  Ben  Sedira  traduit  également  yjj  par  grecs, 
romains  ou  chrétiens. 

Mais  d'autres  auteurs  veulent  faire  de  roumi  un 
franc,  un  Français. 

C'est  dans  le  cas  présent,  la  seule  solution  accep- 
table car  autrement  on  aurait  : 

L'esclave  blanc  chrétien  converti  Hacène  le  chré- 
tien. Or,  si  Hacène  est  chrétien  converti,  il  ne  peut 
pas  être  chrétien  en  même  temps,  ce  serait  un  non 
sens,  tandis  que  musulman  de  religion,  il  peut  très 
bien  être  désigné  par  sa  race  :  Le  musulman  Hacène 
le  Franc. 

C'est  ce  qui  expliquerait  l'origine  française  de  la 
pièce.  Cela  détruit  l'hypothèse  de  fonderie  kabyle  de 
M.  Vayssette,  mais  cela  ne  veut  pas  dire,  comme 


—  185  — 

l'affirma  un  autre  auteur,  qu'il  n'y  eut  jamais  aucune 
fonderie  en  Algérie  avant  l'occupation  française. 

Car,  en  1788,  Mohammed  Pacha  acheta  12,765 
livres  de  cuivre  dans  le  but  de  faire  fondre  des  ca- 
nons pour  les  forts.  Ce  cuivre  rouge  provenait  d'une 
ca])ture  faite  par  la  balancelle  du  Maallem  es  Sejain 
(constructeur  de  navires)  et  avait  été  payé  à  raison 
de  10  réaux  (60  fr.)  le  quintal  (22  choual  1192). 

Ce  cuivre  fut  probablement  confié  au  sieur  Dupont, 
fondeur  du  roi  (de  France),  qui  était  venu  s'établir  à 
Alger,  en  1775. 

En  tout  cas,  le  sultan,  assez  puissant  pour  se  per- 
mettre des  pièces  de  18  centimètres  de  calibre,  ne 
tira  pas  grand  avantage  de  ce  canon,  car  d'après 
M.  le  général  Olivier,  «  il  était  tombé  dans  un  ravin 
«  au  pied  de  Galaa,  dans  son  transport  de  Bougie 
«  aux  Beni-Abbès,  et  les  gens  du  pays  l'y  avaient 
«  laissé.  » 

J'ai  entendu  raconter  par  un  témoin  oculaire  de 
1862  que  ce  fut  toute  une  afïaire  que  de  l'en  sortir 
et  que,  malgré  les  efforts  des  hommes  et  des  mulets, 
on  n'y  serait  pas  arrivé  si  le  Hackem  n'avait  pas  été 
là  avec  ses  spahis. 

Je  me  résume  comme  je  l'ai  fait  pour  la  pièce  de 
bronze. 

En  1366,  un  sultan,  prince  des  croyants,  fit  fondre 
en  France,  sous  la  surveillance  d'un  de  ses  officiers, 
français  d'origine,  et  converti  à  l'islamisme,  un  canon 
de  fer  qui  fut  retrouvé  dans  un  ravin. 

Mais  quel  fut  ce  sultan,  prince  des  croyants,  c'est- 
à-dire  portant  le  plus  élevé  et  le  plus  vénéré  des  titres 
que  puissent  posséder  les   souverains  musulmans, 


—  186  - 

celui  que  j^lus  tard  ses  correligionnaires  refusèrent 
pendant  longtemps  à  l'émir  Abd  el  Kader? 

J'ai  parlé  d'un  prince  de  la  dynastie  des  "  Betka- 
oum"  et  ce,  parce  qu'il  porte  le  surnom  d'El  Abassi, 
qui  veut  dire,  non  sultan  de  Abl)ès,  mais  originaire 
du  pays  des  Beni-Abbès,  Or,  tout  le  monde  sait,  ou 
plutôt  beaucoup  de  personnes  savent,  que  les  sultans 
de  Bougie,  successeurs  du  grand  En  Nacer  étaient 
originaires  de  la  Kalàa  des  Beni-Hammad  et  avaient 
des  propriétés  aux  Beni-Abbès  dont  les  princes 
étaient  leurs  tributaires. 

On  trouve  à  Bougie,  vers  1356,  un  émir  Abou 
l'Abbas  sans  que  son  prénom  ou  celui  de  son  père 
soit  signalé  par  les  historiens.  On  en  retrouve  un 
autre,  en  1510,  nommé  El  Abbas,  neveu  du  sultan 
Abd  el  Aziz. 

Tous  deux  eurent  des  affranchis  chrétiens  à  leur 
service,  mais  le  premier  seul  remi)lirait  les  conditions 
de  date. 

En  tous  cas,  ce  Mohammed  ben  Abd  el  Aziz  a 
donc  pu  naître  chez  les  Beni-Abbès  et  être  en  même 
temps  fils  d'un  prince  de  Bougie.  Il  est  d'ailleurs  plus 
vraisemblable  qu'un  prince  de  cette  ville,  plutôt  qu'un 
principicule  montagnard,  ait  fait  faire  en  France  une 
pièce  de  2'"80  de  longueur,  50  ans  après  l'apparition 
des  canons  en  Europe,  sans  insister  sur  ce  point  que 
90  ans  s'étaient  écoulés  depuis  leur  mise  en  usage 
au  Maghreb.  Plus  tard  la  pièce  fut,  ou  emmenée  à 
la  Kalàa  au  moment  de  l'arrivée  des  Espagnols  à 
Bougie,  ou  rendue  par  les  chrétiens  au  prince  des- 
cendant des  Hammad. 


187  - 


III. 


Alca  jacia  est  \)0\\v  les  gTandes  pièces,  restent  les 
(leiiN.  peliles.  Mais  si  leur  sveltesse  est  toute  menue, 
la  lâche  est  beaucoup  plus  ai'due  que  pour  leurs 
grandes  sœurs.  La  question  chronologique  se  com- 
plique de  la  question  de  nationalité  et  pour  lixer  ces 
deux  grands  points,  je  possède  bien  peu  de  choses, 
sauf  quelques  lignes  tracées  par  M.  de  Chevarrier  et 
reproduites  par  M.  Féraud  dans  son  Histoire  de 
Bordj- boU'A rré ridj  (1871). 

«  Il  existe  actuellement,  sur  le  mur  d'enceinte  de 
«  Bordj -bou-Arréridj,  quelques  petits  canons  qui 
«  doivent  remonter  à  l'époque  des  premières  expédi- 
«  tions  des  Turcs.  Deux  de  ces  pièces  que  nous 
«  nommerons  fauconneaux,  sont  du  modèle  des  en- 
ce  gins  de  guerre  du  commencement  du  xv''  siècle  ; 
«  elles  sont  très  longues  et  d'un  petit  calibre.  La 
«  culasse  est  terminée  par  une  tige  en  sorte  de  man- 
«  che  qui  n'a  pas  moins  de  60  centimètres  de  long. 
«  Ces  pièces,  posées  sur  trépied,  se  chargeaient  par 
«  la  culasse  où  existe  une  sorte  de  chambre  comme 
«  celle  du  chassepot,  se  fermant  par  un  couvercle 
«  mobile.  Leur  forme  est  curieuse  et  comme  le  vo- 
((  lume  en  rend  le  transport  facile,  je  suis  surpris 
«  qu'on  ne  les  ait  pas  placées  déjà  dans  un  Musée 
«  d'Artillerie  où  elles  souffriraient  moins  que  sur  un 
«  mur,  de  l'action  des  temps.   » 

Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  les  énormités 
contenues  dans  ces  quelques  lignes. 

Ce  sont  évidemment  les  pièces  qui  m'occupent  qui 
sont  ici  décrites. 


-  188  - 

Mais  en  1871,  et  même  auparavant,  puisqu'en  1871, 
M.  Féraucl  reproduisait  ce  passage  extrait  d'un  autre 
ouvrage,  il  n'y  avait  pas  de  murs  à  Bordj.  La  forti- 
fication se  composait  uniquement  d'un  fortin  ou  d'un 
château  non  armé  et  de  la  caserne  et  ou  du  fort,  en 
principe  pas  plus  armé,  mais  dans  lequel  se  trou_ 
valent  deux  canons  mis  sur  affût  par  un  habitant  du 
village,  M.  Ackermann. 

Or,  ces  deux  canons,  desquels  les  anses  et  les 
boutons  de  culasse  de  l'époque  de  Louis  XIV  existent 
encore  au  Musée  de  l'Artillerie,  étaient  non  pas  des 
berces  ou  barces  semblables  à  celles  qui  nous  occu- 
pent, mais  bien  des  fauconneaux  comme  le  dit  M.  de 
Chevarrier,  c'est-à-dire  comme  ne  le  dit  pas  cet  au- 
teur, des  pièces  à  âme  lisse,  sans  queue  et  sans  ta- 
batière. Ils  étaient  en  bronze  très  chargé  en  cuivre 
et  non  en  fer  ou  en  fonte.  Ce  ne  sont  pas  là  des 
hypothèses,  mais  des  faits. 

Ces  canons  ont  servi  pendant  le  siège,  et  M.  Ac- 
kermann, leur  monteur  sur  roues,  en  a  été  un  des 
servants.  Ce  canonnier  d'occasion  vit  encore  et  son 
témoignage  est  sans  conteste. 

Ces  canons  venaient  du  fort  turc  de  Zemorah.  Ils 
étaient  d'origine  espagnole  et  pouvaient  provenir  de 
la  prise  de  Tlemcen  (1548).  En  tous  cas,  ils  n'avaient 
rien  à  voir  avec  les  Bougiotes  et  surtout  avec  les 
Beni-Abbès,  contre  qui  ils  étaient  braqués.  On  pos- 
sède des  pièces  officielles  indéniables  sur  leur  trans- 
port à  Bordj. 

De  plus,  ils  sont  bien  connus  dans  la  ville,  c'était 
eux  qui  servaient  au  temps  du  rhamadan  avant  l'in- 
surrection ;  l'assertion  est  du  général  Olivier,  ancien 
commandant  supérieur  de  Bordj  ;   et  les  berces  de 


-  189  - 

fonte  arrivèrent  à  Bordj  en  1873  seulement,  comme 
on  le  verra.  Heureusement  scripta  manent. 

Le  vœu  de  M.  de  Gliavarrier  n'a  jamais  été  exaucé 
({u'en  partie.  Les  pièces  de  bronze  ont  été  détruites 
et  leurs  débris  envoyés  à  Paris  ;  les  pièces  de  fonte 
sont  restées  pendant  bien  longtemps  encore  exposées 
aux  intempéries  et  ne  sont  dans  un  musée  que  de- 
puis peu  de  temps. 

On  sait  que  les  pièces  en  question  se  chargeaient 
par  la  culasse,  c'est-à-dire  étaient  des  vers  du  genre 
bombarde  et  que  les  bombardes,  en  usage  sur  terre 
jusqu'au  milieu  du  xv^  siècle,  furent  employées  pen- 
dant très  longtemps  encore  sur  les  bâtiments  de 
guerre  ;  or,  à  moins  qu'elles  ne  soient  indigènes,  ces 
pièces  n'ont  pu  venir  en  Afrique  que  sur  un  vaisseau, 
cela  me  donne  une  latitude  de  trois  à  quatre  siècles. 

L'examen  des  pièces  pourrait  seul  me  renseigner 
d'une  façon  précise. 

La  plus  grande,  mince,  longue,  étroite,  rouillée, 
rongée  par  le  temps,  ne  présente  aucun  signe  exté- 
rieur. La  seconde,  plus  petite,  plus  massive,  plus 
courtaude  et  mieux  conservée,  porte,  comme  je  l'ai 
dit,  un  écusson  sur  son  tonnerre. 

Cet  écu  peut,  peut-être,  fixer  une  date. 

Il  ne  présente  pas  les  volutes  de  Louis  XV,  les 
enguirlandements  de  Louis  XVI,  pas  même  les  lignes 
froides,  majestueuses  et  dures  du  grand  siècle  du 
grand  roi  ;  c'est  un  écu  bon  enfant  et  sans  prétention 
qui  doit  remonter  à  une  époque  où  l'art  héraldique 
devait  se  contenter  de  suivre  les  règles  déjà  bien 
compliquées  du  blason. 

On  sait  que  chaque  nationalité  avait  une  forme 
d'écu  différente. 


—  190  - 

Je  vais  étudier  les  écus  non  seulement  des  puis- 
sances méditerranéennes,  mais  de  toutes  les  puis- 
sances de  l'Europe  du  moyen-âge;  j'en  excepterai  la 
Suisse  et  la  Pologne  qui  n'eurent  jamais  de  flotte  et 
qui  n'eurent  pas  de  langue  spéciale  dans  l'ordre  de 
Malte. 

L'écu  français  peut  se  présenter  sous  deux  aspects 
différents  :  au  xiii^  siècle,  le  chef  est  horizontal,  les 
deux  côtés  verticaux  s'incurvent  vers  la  moitié  de 
leur  hauteur  de  façon  à  mourir  en  pointe;  il  peut 
être  comparé  à  une  ellipse  dont  l'un  des  foyers,  celui 
du  haut,  serait  reculé  à  l'infini.  Mais  au  xiir  siècle, 
les  canons  n'existaient  pas  encore;  cet  écu  est  donc 
à  écarter. 

Le  second,  du  xvi^  siècle,  en  pleine  période  de  tra- 
vail pour  l'artillerie,  est  beaucoup  plus  carré  de  for- 
me, les  côtés  descendent  jusqu'aux  trois  quarts  de 
leur  hauteur,  puis  s'incurvent  brusquement,  de  façon 
que  le  côté  inférieur,  la  pointe,  forme  exactement  une 
accolade  renversée  et  couchée. 

L'écu  italien  est  tout  différent,  c'est  un  pectoral  de 
cuirasse  ou  une  guimbe  de  casque  allongée,  mais 
dont  l'attache  de  cou  serait  un  enroulement.  Les 
amorces  des  bras  sont  nettement  dessinées.  C'est  un 
peu,  en  terme  de  blason,  le  hausse-col  des  officiers 
de  fortune  de  France. 

(  Voir  planche  VI  ) 

L'écu  allemand  est  assez  difficile  à  décrire  ;  c'est 
une  pièce  ovale,  mais  dont  le  côté  gauche  serait  aux 
trois  quarts  de  sa  hauteur,  vers  le  chef,  découpé 
d'un  trou  rond  et  dont  le  côté  droit  serait  terminé 
vers  le  haut  en  angle  curvihgne. 


Planclie  VI. 


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—  191  — 

L'écu  anglais  est  tout  d'angles. 

Le  champ,  de  mêmes  dimensions  que  celui  des 
autres  écus,  est  raccordé  par  deux  pentes  obliquant 
vers  l'extérieur,  avec  un  chef  plus  large.  Les  côtés, 
aux  trois  quarts  de  leur  hauteur  vers  la  pointe, 
convergent  l'un  vers  l'autre  en  ligne  droite. 

L'écu  espagnol  est  semblable  au  français,  quant  à 
la  partie  supérieure.  La  partie  inférieure  est  un  arc 
parfait  dont  le  centre  se  trouve  au  milieu  du  chef. 

L'écu  de  la  pièce  n'appartient,  à  proprement  parler, 
à  aucun  de  ces  genres,  il  est  arrondi  comme  l'espa- 
gnol, mais  comme  le  français,  il  présente  une  petite 
pointe  dans  le  bas. 

On  ne  peut  donc  se  créer  une  opinion  ferme  d'après 
ces  données. 

Cet  écu  franco-espagnol,  porte  en  chef  une  croix 
mi-potencée,  mi-pattée,  de  gravure  très  grossière.  Ce 
genre  d'emblème  est  le  propre  des  ordres  hospitaliers 
et  ils  sont  nombreux.  Je  me  bornerai  à  examiner  les 
ordres  militaires  dont  le  but  était  de  combattre  les 
musulmans  et  de  protéger  les  pèlerins. 

Toutes  les  croix  de  ces  ordres  sont  des  dérivés  de 
la  croix  potencée  et  il  est  admissible  que  le  graveur, 
assez  primitif  d'ailleurs,  ait  hésité  devant  les  compli- 
cations d'une  fleur  de  lys  par  exemple  et  ait  simple- 
ment représenté  le  principe  premier  de  l'emblème  de 
l'ordre. 

La  croix  potencée  pure  et  simple  est  l'attribut  de 
l'Ordre  du  Saint-Esprit. 

Il  y  eut  deux  ordres  français  portant  ce  nom.  En 
1160  le  premier  fut  créé  par  des  chanoines  hospita- 
liers qui  n'avaient  rien  de  guerrier;  puis,  en  1352, 


—  192  — 

Louis  d'Anjou,  roi  de  Sicile  et  de  Jérusalem,  institua 
un  ordre  militaire. 

La  croix  potencée  cantonnée  de  quatre  petites  croix 
grecques,  dite  croix  de  Jérusalem,  symbolise  l'Ordre 
du  Saint- Sépulcre.  Créé  par  Henri  II  d'Angleterre  en 
1174,  approuvé  par  le  pape  Innocent  III  en  1199,  cet 
ordre,  à  l'époque  du  schisme  anglais,  vint  se  fondre 
dans  l'ordre  de  Malte. 

Ce  sont  les  deux  seuls  ordres  dans  lesquels  on 
trouve  la  croix  potencée  sans  aucune  modification. 

(Voir  planche  VII) 

Les  Templiers  ou  Chevaliers  du  Temple  ou  pauvres  sol- 
dats de  Jésus-Christ,  créés  en  1118,  confirmés  en  1128, 
portaient  la  croix  patriarchale  rouge  potencée,  ou 
selon  d'autres,  la  croix  à  huit  pointes  rouge  brodée 
d'or,  ou  encore  la  croix  ancrée,  c'est-à-dire  la  croix 
potencée  dont  les  potences  se  sont  aiguisées  et  abais- 
sées vers  le  centre.  Cet  ordre  disparut  en  1312  avant 
l'apparition  des  canons. 

Dans  les  autres  ordres,  les  modifications  furent 
plus  complètes  encore. 

L'Espagne  et  le  Portugal  affectionnent  la  fleur  de 
lys  ;  les  potences  s'allongent,  se  recourbent  élégam- 
ment sur  les  bras  de  la  croix  de  façon  à  former  une 
sorte  de  fleur  de  lys. 

En  1164,  fut  créé  en  Espagne  un  ordre  dit  de  Saint- 
Jacques  de  l'Epée  ou  de  Santiago  ou  de  Calatrava, 
approuvé  par  le  pape  en  1175  ;  il  avait  pour  mission 
d'assister  les  pauvres,  défendre  les  pèlerins  et  com- 
battre les  musulmans. 

Sa  croix  était  fichée  et  représentait  une  dague. 


Planche  VII, 


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~  193  - 

C'est  beaucoup  plus  tard,  quand  cet  ordre  eût  été 
sécularisé  et  fût  devenu  simplement  honorifique,  que 
la  dague  s'allongea  jusqu'à  devenir  une  épée  et  qu'on 
le  trouve  au  Portugal  et  ensuite  au  Brésil. 

Il  portait  une  dague,  ai-je  dit  ;  la  branche  supé- 
rieure de  la  croix  s'était  élargie  en  pommeau,  les 
branches  horizontales  se  terminaient  en  fleurs  de  lys 
assez  lourdes,  la  branche  inférieure  était  appointée 
mais  restait  de  même  longueur  que  la  supérieure. 

Quelques  temps  auparavant,  en  1156,  en  Aragon, 
s'était  fondé  un  ordre,  dit  de  Saint- Julien,  pour  com- 
battre la  domination  des  Maures.  Approuvé  en  1177, 
il  prit,  en  1221,  le  nom  d'Alcantara.  Il  portait  une 
croix  fleurdelysée  dont  les  pétales  des  lys  se  tou- 
chaient aux  angles  de  la  croix. 

En  Portugal,  en  1143,  on  vit  apparaître  l'Ordre 
d'Avis,  qui  portait  la  même  croix  fleurdelysée,  mais 
les  branches  des  lys  s'arrêtaient  au  milieu  de  celles 
de  la  croix. 

Enfin,  le  plus  grand  de  tous  ces  ordres,  celui  dans 
lequel  vinrent  se  confondre  plusieurs  des  précédents, 
fut  créé  en  1113,  sous  le  nom  de  Saint-Jean  de  Jéru- 
salem. Il  prit,  en  1171,  celui  de  Saint-Jean  d'Acre;  en 
1291,  de  Chypre;  en  1310,  de  Rhodes;  enfin,  en  1530, 
de  Malte,  du  nom  de  l'île  qui  lui  fut  cédée  par  Charles- 
Quint.  Cet  ordre  portait  une  croix  dont  les  potences, 
au  lieu  de  s'abaisser  comme  dans  celles  vues  jusqu'à 
présent,  se  relevaient  et  formaient  huit  pointes,  sym- 
boles des  huit  béatitudes  que  les  chevaliers  devaient 
toujours  avoir  en  eux  :  1°  le  contentement  perpétuel; 
2°  vivre  sans  malice  ;  3"  pleurer  ses  péchés  ;  4°  s'hu- 
milier aux  injures  ;  5°  aimer  la  justice  ;  6"  être  miséri- 
cordieux; 7°  être  sincère  et  net  de  cœur;  8°  endurer 


—  194  - 

persécution  (Document  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  l'Arsenal.  Vie  militaire  et  religieusedu  moyen- 
âge.  —  Paul  Lacroix)  (i). 

On  pourrait  citer  encore  d'autres  ordres  moins 
importants  : 

Les  Trinitaires  ou  de  la  Rédemption  des  capiifs  appe- 
lés en  France  les  Mathurins,  fondés  par  Jean  de  Matha 
en  1198.  Cet  ordre  avait  pour  but  de  racheter  les 
captifs  chrétiens  et  au  besoin,  les  chevaliers  prenaient 
leur  place  dans  les  fers  musulmans. 

lu'Ordre  de  la  Merci  ou  de  Noire-Dame  de  la  Merci,  créé 
en  Espagne  en  1218,  approuvé  en  1235,  devint  mo- 
nastique au  xiv^  siècle. 


(i)  Le  nom  de  Malte  viendrait  du  grec;  puis  l'île  disparut  de  l'his- 
toire et  réapparut  beaucoup  plus  tard  sous  le  même  nom  mais  avec 
une  origine  étymologique  totalement  différente. 

Les  Grecs  avaient  appelé  l'île  3Jél/iè  ou  en  giec  Ms/arr^)  à  cause 
du  miel  qui  s'y  trouvait  en  abondance  et  qui  était  renommé  dans  le 
monde  antique. 

Les  Arabes  appelèrent  la  même  île  Malte,  de  Ja_I_.i»  (malata),  c'est-à- 
dire  formée  de  races  mélangées  et  impures.  En  effet,  cette  île,  déjà  pas 
mal  deshomogènéisée  par  les  pêcheurs  de  races  différentes  du  bassin 
méditerranéen,  par  les  chrétiens  chassés  de  l'Ifrikia  par  les  Arabes, 
vers  700,  et  par  les  pirates  chrétiens  qui  s'y  étaient  créé  des  repaires  au 
xiv^  siècle,  le  fut  bien  davantage  encore  par  l'arrivée  des  chevaliers  de 
Rhodes,  chevaliers  de  toutes  nationalités.  C'eût  été  peu,  puisque  liés 
par  le  vœu  de  chasteté,  les  chevaliers  ne  pouvaient  procréer  et  augmen- 
ter, dans  l'avenir  du  moins,  l'amalgame  des  races,  mais  ils  amenèrent 
avec  eux  300  lamilles  de  l'île  de  Rhodes  en  application  du  traité  signé 
avec  Solé'iman. 

Les  habitants  s'appelèrent      ]a.'U  (maalti),   c'est-à-dire  méchants  de 
race  impure. 
Le  latin  rend  bien  mieux  l'idée  exprimée  par  les  deux  vocables  arabes  : 

ii_l_j»  se  traduirait  par  génère  mixto  et  irrqmro  oriundus  fecii, 
Ja'U  par  împrobus  génère  imjpuro. 

Le  mot  imjirobvs  ne  voulait  pas  dire  impropre  mais  exprimait  une 
idée  qui  pourrait  difficilement,  en  français,  se  définir  par  le  mauvais  du 
mélange  des  races  déjà  rnauvaises  par  elles-mêmes,  la  quintesc-nce  de 
l'impureté  dans  les  ascendants.  Ceci  au  point  de  vue  étymologique  seu- 
lement et  sans  aucune  arrière-pensée. 


—  195  — 

On  connaît  suffisamment  l'histoire  des  relations 
européennes  avec  les  états  barbaresques  pour  pouvoir 
^aire  un  choix  dans  cette  longue  liste. 

Quelques-uns  de  ces  ordres  n'existaient  plus  à 
l'apparition  des  canons,  d'autres  étaient  destinés  à 
chasser  les  Maures  d'Espagne  et  rien  de  plus.  Quatre 
ordres  seulement  pourraient  nous  intéresser  : 

Saint-Jacques  de  i'Epée,  Aviz,  Malte  et  peut-être 
La  Trinité. 

Les  Espagnols  et  les  Portugais  seraient  venus  en 
Afrique  avec  Charles-Quint,  les  Maltais  avec  le  duc 
de  Beaufort  (un  bataillon  de  Malte),  les  Trinitaires 
dans  leurs  nombreux  voyages. 

Mais  il  faut  remarquer  que  la  croix  potencée  de  la 
pièce  de  canon  a  sa  branche  horizontale  plus  longue 
que  l'autre;  or,  tous  les  ordres  qui  nous  intéressent 
ont  leurs  branches  égales,  sauf  peut-être  celui  de 
Saint-Jacques  dont  la  branche  verticale  très  massive 
affine  et  allège  la  branche  horizontale,  et  le  graveur 
a  pu  vouloir  représenter  cette  disposition  en  allon- 
geant sa  croix. 

Il  me  reste  à  étudier  les  quatre  lettres  ;  j'avais  cru 
y  lire  S  A  et  j'avais  traduit  Sancta  Tr'mitas,  ce  qui 
aurait  bien  concordé  avec  la  pointe  française  de  l'écu, 
mais  il  a  fallu  renoncer  à  cette  hypothèse  quelque 
attrayante  qu'elle  soit  pour  nos  compatriotes.  C'est 
bien  un  I  et  Ton  peut  lire  avec  des  à  peu  près,  en 
latin  : 

lAcobus  THagula 
ou  lAcobus  THabis 

Tmgula  et  Trabs  signifiant  gros  et  lourd  javelot  et 
pouvant  être  pris  pour  épée  à  deux  mains  par  oppo- 


-  196  - 

sition  à  Ens,  épée  mince,  ou  gladium,  glaive  ou  épée 
courte. 

Mais  on  trouve  clans  la  langue  espagnole  une  accep- 
tion plus  catholique,  c'est  le  cas  de  le  dire.  Il  existe 
une  lettre  la  jota  qui  se  prononce  Rh  ou  g  dur  ou 
ch  allemand  ou  X  grec  moderne  ou  mieux  encore 
Kh  ou  ^  arabe. 

On  peut  donc  lire  : 

Rh'  ou  Kli'ala-Trava. 

De  plus,  dans  cet  ordre  de  Calatrava,  il  y  a  une 
particularité  en  faveur  de  ma  thèse.  En  1476,  Ferdi- 
nand le  Gathohque  usurpa  la  maîtrise  de  l'ordre.  En 
1512,  cette  usurpation  fut  confirmée  par  le  pape.  Or, 
Charles-Quint  étant  le  petit-fils  de  Ferdinand  et  par 
conséquent  le  grand  maître  de  l'ordre,  il  est  tout  na- 
turel que,  dans  son  armée,  se  soient  trouvés  des  che- 
valiers de  Saint-Jacques  de  l'Epée. 

Il  faut  donc  faire  venir  les  canons  de  Bougie  et 
non  de  l'expédition  de  Tlemcen.  Ils  furent  donnés 
par  la  garnison  de  Bougie  et  non  par  Hassan  Dey, 
pas  plus  qu'ils  ne  peuvent  provenir  de  l'expédition 
contre  Alger  du  vice  roi  de  Sicile,  pour  l'Espagne, 
en  1518,  expédition  dans  laquelle  les  chrétiens  per- 
dirent 26  vaisseaux  jetés  à  la  côte.  «  La  mer  rapporta 
«  en  quantité,  sur  le  rivage,  du  fer,  du  bois,  des 
«  canons,  de  la  poudre,  des  cordages  et  même  des 
«  galiotes  entières,  toutes  choses  dont  on  manquait 
((  à  Alger.  »  Histoire  maritime  de  France  (L.  Guérin). 

IV. 

Trois  autres  hypothèses  espagnoles  peuvent  encore 
être  admises,  à  titre  de  mémoire  seulement.  A  hau- 


-  197    - 

teiir  de  l'île  Lipai'i,  Barberousse,  dans  une  de  ses 
l)i'emières  courses,  rencontra  une  voile  montée  par 
des  Espagnols  et  allant  à  Naples.  Après  trois  jours 
de  combat,  il  s'empara  du  navire  ({u'il  conduisit  à  la 
Goulette.  Il  donna  au  bey  de  Tunis,  Muley-Mauset, 
les  prisonniers,  les  chevaux,  les  objets  précieux  et 
l'artillerie.  Le  souverain  lui  donna  en  échange  un 
vaisseau  de  sa  flotte.  Peut-être  pourrait-on  admettre 
que  Charles-Quint  trouva  ces  canons  espagnols  à  la 
Goulette  et  les  emporta  avec  la  pièce  française  fleur- 
delysée. 

Le  2i  août  1518,  la  tempête,  qui  assaillit  l'escadre 
espagnole  du  marquis  de  Moncade,  jeta  à  la  côte  une 
galère  chargée  d'artillerie  et  de  munitions.  L'expé- 
dition du  général  espagnol  O'Reilly,  en  1775,  laissa 
aussi  17  pièces  de  canon  de  bronze  sur  le  rivage 
d'Alger. 

Ces  points  fixés,  il  reste  à  étudier  minutieusement 
les  migrations  de  ces  quatre  canons. 

En  1862,  un  capitaine  d'Etat-Major,  suivi  d'une 
vingtaine  de  soldats,  se  rendit  à  la  Kalaa.  Il  était 
accompagné  du  bachagha  de  la  Medjana,  Mohammed 
ben  el  Hadj  Ahmed  el  Mokhrani.  Il  fit  extraire  du 
ravin  la  pièce  de  fer  qui  y  dormait  depuis  fort  long- 
temps. Ce  fut  une  opération  extrêmement  difficile 
dont  se  rappellent  encore  les  indigènes  de  la  Kalaa . 

Les  quatre  pièces  furent  traînées  à  terre  avec  des 
cordes,  auxquelles  s'étaient  attelés  des  indigènes  du 
pays  et  furent  enfermées  dans  le  bordj  de  Boni,  où 
les  virent  M.  Vaysettes  et  le  commandant  Payen. 

Pendant  l'insurrection,  les  pièces  restèrent  dans  le 
bordj  qui  était  gardé  par  un  kabyle,  lequel  ne  fut 
nullement  inquiété.  Le  commandant  du  Cheyron  ma- 


—  198  — 

nifesta  plusieurs  fois,  pendant  le  siège  de  Bordj-ljou- 
Arréridj,  l'inquiétude  où  il  était  de  voir  les  indigènes 
se  servir  de  ces  pièces  et  venir  battre  en  brèche  les 
murs  du  fortin. 

Cet  abandon  des  pièces  par  les  Arabes  ne  s'expli- 
que pas  quand  on  ne  réfléchit  pas  aux  conditions 
particulières  dans  lesquelles  elles  se  trouvaient.  Les 
grosses  pièces  ne  pouvaient  pas  être  maniées  et  mi- 
ses sur  afïùt  sans  appareils  spéciaux  ni  même  mon- 
tées, elles  ne  pouvaient  être  de  grande  utilité  dans 
un  pays  aussi  montagneux  que  l'est  la  région  de  la 
Kalaa  et  de  la  Medjana  ;  quant  aux  petites,  leurs 
âmes  ouvertes  aux  deux  extrémités,  ce  cadre  vide, 
durent  dérouter  toutes  les  conceptions  balistiques  des 
indigènes. 

Cependant,  si  cela  avait  été  possible,  ils  s'en  seraient 
servi,  puisque  devant  Fort-National,  le  17  mai,  ils 
mirent  en  batterie,  à  Imaïnsérène,  un  vieux  canon 
trouvé  dans  le  cercle  de  Tizi-Ouzou.  Trois  des  pro- 
jectiles lancés  atteignirent-  l'un,  la  maison  du  Com- 
mandant de  place,  l'autre,  le  toit  du  poste  de  la  porte 
d'Alger,  le  troisième  traversa  la  porte  elle-même; 
mais  les  boulets  de  fer  pleins,  de  dix  centimètres  de 
diamètre  et  du  poids  de  2  kil.  500,  étaient  difficiles  à 
se  procurer,  les  Kabyles  y  renoncèrent. 

Quelques  jours  auparavant,  ils  avaient  accompli 
un  véritable  tour  de  force. 

A  Beni-Mançour  (du  6  au  11  mai  1871),  ils  avaient 
dirigé  contre  le  fort,  un  canon  rudimentaire.  «  Les 
«  Aït-Abbès,  qui  sont  des  armuriers  renommés, 
«  avaient  réussi  à  fabriquer  une  espèce  de  canon  en 
«  bois  et  fer  avec  lequel  ils  avaient  pu  envoyer  jus- 
«  qu'à  quinze  projectiles  en  fer  dont  l'un  avait  effondré 
«  le  toit  de  l'infirmerie  du  bordj.  »  (Louis  Rinn). 


—  199  — 

L'affùl  de  ce  canon  fut  retrouvé  le  27  mai  au  vil- 
lage \le  Aït-bou-Ali,  ((ui  domine  le  l.ordj,  mais  le 
canon  avait  disparu. 

Ait  étant  le  correspondant  kabyle  du  mot  arabe 
Béni,  les  Aït-Al)bès  de  Mansourah  sont  les  mêmes 
que  les  Beni-Abl)ès,  sujets  directs  du  bachagha.  Ils 
auraient  donc,  au  lieu  de  fabri.pier  un^  canon,  pris 
ceux  de  Boni,  s'ils  avaient  pu  s'en  servir. 

Il  se  passa,  en  février  1871,  un  fait  plus  extraor- 
dinaire encore.  Une  colonne  dite  -de  Kabylie  orien- 
tale" sous  les  ordres  du  colonel  Ponsard,  du  9^  Pro- 
visoire, fut  chargée  d'aller  dans  les  tribus,  chercher 
les  armes  qui  pourraient  y  être  cachées.  Cette  co- 
lonne campa  à  Boni. 

Le  31  décembre,  le  Colonel  écrivit  au  capitaine  de 
Saint-Julien,   commandant    le   cercle  de   Bordj-bou- 

Arréridj  : 

«  Je  me  décide  à  rester  un  jour  de  plus  pour  que 
«  la  présence  des  troupes  contribue  à  faire  ren- 

«  trer  les  armes  ciui  pourraient  l)ien  être  cachées 
((  encore  et  que  je  fais  rechercher  une  fois  en  place 
«  dans  ces  parages.  » 

Le  même  jour,  le  capitaine  Cardot,  chef  du  bureau 
arabe  de  la  colonne,  écrivait  au  même  oflicier  : 

((  Nos  opérations  sont  terminées,  il  y  a  bien  encore 
«  (pielques  armes  à  faire  rentrer,  mais  c'est  une 
«  aftaire  de  temps  pour  les  avoir.  » 

Le  1-^^  janvier  1872,  le  capitaine  Bourguignon,  chef 
d'Etat-Major  de  la  colonne,  écrivit  au  Commandant 

sui)érieur  : 

((  Le  colonel  Ponsard  me  charge  de  vous  dire  qu  il 
((  a  fait  partir  pour  Galaa  M.  le  capitaine  Cardot 
((   avec  quelques  cavaliers   et   que  pour  lui  faciliter 


-  200  - 

«  l'accom plissement  de  sa  mission  (qui  a  pour  ])ut 
((  de  rechercher  des  armes  cachées),  il  séjourne  à 
«  Bord] -Boni.   » 

Je  veux  bien  que  des  canons  de  2"'50  déposés  dans 
un  bordj  ne  soient  pas  des  armes  cachées  et  que  la 
colonne  Ponsard,  quand  elle  l'aurait  voulu,  n'aurait 
pas  pu  les  enlever;  mais  il  est  étonnant  qu'on  n'en 
])arle  pas  dans  une  correspondance  qui  est  loin 
d'avoir  la  concision  et  la  rigidité  d'une  correspon- 
dance officielle.  La  colonne  aurait-elle  campé  à  Boni 
sans  se  douter  de  ce  qui  se  trouvait  à  côté  d'elle? 
ce  serait  quelque  peu  extraordinaire. 

En  fin  1872,  le  Gouverneur  Général  de  l'Algérie, 
l'amiral  de  Gueydon,  adressa  à  la  division  de  Cons- 
tantine  une  lettre  particulièrement  dure  pour  les  in- 
digènes. 

Dans  cette  lettre,  il  disait  que  ces  indigènes  ayant 
trouvé  moyen  d'amener  les  pièces  de  leur  ))oint 
d'origine  à  Kalaa,  trouveraient  moyen  également 
de  les  amener  dans  une  ville  française  et  qu'il  ne 
voulait  rien  leur  laisser,  pas  même  un  bout  de  hcelle. 
Comment  l'amiral  avait-il  appris  l'existence  de  ces 
canons?  par  un  officier  de  la  colonne  Ponsard  ou 
d'une  colonne  similaire?  par  Si  Ali  Chérif,  le  mara- 
bout de  Chellata?,  ...  Ce  serait  intéressant  à  savoir. 
Mes  moyens  d'investigation  ne  m'ont  pas  permis 
d'éclaircir  ce  point. 

La  Division  écrivit,  le  18  février  1873,  à  la  Subdi- 
vision de  Sétif  : 

«  M.  le  Gouverneur  Général,  ayant  ap})ris  d'une 
«  manière  indirecte  qu'il  existe  au  bordj  de  Boni 
«  des  canons  amenés  autrefois  de  Guélah,  désirerait 
«  ([ue  ces  l)0uches  à  feu  fussent  placées  dans  la  ville 
((   française  la  plus  voisine. 


—  201  — 


«  J'ai  riionneur  de  vous  prier  de  vouloir  bien  me 
«  faire  conuaître  par  quel  moyen  vous  pourriez 
«  faire  transporter  à  Bordj-l)OU-Arréridj,  point  le  plus 
«  voisin  de  Boni,  les  pièces  dont  il  s'agit. 

«  Recevez,  mon  cher  Général,  l'assurance  de  mes 
«  sentiments  afïectueux. 

«  L?  Général  de  Division,  Commandant  la  Division, 
«  Signé  :  de  LACROIX.  » 
Le  général  Deplanque  communiqua  cette  lettre  au 
capitaine  de  Saint-Julien  qui  répondit,  le  26  février  : 
«  J'ai  l'honneur  de  répondre  à  votre  dépêche  du 
«  20  février  courant,  n"  58,  au  sujet  du  transport  à 
«  Bordj-bou-Arrérid]   des   canons    existant   dans   le 
«  caravansérail  à  Boni.  Autrefois,  ces  bouches  à  feu 
«  se  trouvaient  à  Guelaa,  d'où  on  les  a  descendues 
«  jusqu'à  Boni,  avec  le  seul  concours  des  mdigènes 
«  et  non  sans  exposer  ceux-ci  à  plus  d'un  danger. 

«  Elles  sont  au  nombre  de  quatre  dont  deux  sont 
«  des  pièces  de  siège  longues  et  deux  des  couleu- 
«  vrines  de  petit  calibre. 

«  Pour  le  transport  de  ces  pièces  jusqu'ici,  il  serait 
«  nécessaire  de  faire  venir  de  Sétif  des  affûts  avec 
«  attelages. 

«  L'état  ci-joint  indique  le  diamètre  des  pièces 
«  et  de  leurs  tourillons,  pour  faciliter  le  choix  des 
(1  affûts  qui  pourraient  être  envoyés  afin  que  les 
«  pièces  s'engagent  bien  dans  l'évidement  et  que  les 
((  tourillons  s'emboîtent  convenablement  dans  les 
({  encastrements. 

«  Dans  le  cas  où  vous  décideriez  que  ce  mode  de 
«  transport  serait  adopté,  je  vous  ferais  remarquer, 
«  mon  Général,  qu'il  ne  pourrait  être  employé  de 
«  suite  et  qu'il  v  aurait  lieu  d'attendre  que  les  che- 
«  mins    soient  secs  et  plus  praticables   :    quelques 


-  2Ô2  - 

«  réparations  seront  même  indispensables  pour  amé- 

«  liorer  quelques  mauvais  passages  et  faire   dispa- 

«  raître  les  éboulements  qui  se  sont  produits   pen- 

«  dant  l'hiver. 


Renseignements  sur  les  canons  existant  à  Boni 

DÉSIGNATION 
des 

PIÈCES 

LONGUEUR 

(le 

la  bouche  à 

l'extrémité  de  h 

culasse 

DIAMÈTRE 

de 

la  pièce  à  hauleur 

des 

tourillons 

DIAMÈTRE 

des 
tourillons 

Pièce  n°  1  

2-67 
2™5G 

2^45 
2-^45 

0-36 
0-3G 
0-23 
0-23 

0-17 
0-15 
0-75 
0-75(1) 

Pièce  n°  2 

Couleuvrine  n"  1 

'     Couleuvrine  rr  2 

(I)  Brisée  à  la  culasse.                                                                              {1 

«  Bordj,  le  26  janvier  1873. 

«  L' Administrateur  de  district, 

«  Signé  :  de  S»  JULIEN.  « 

Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur  la  fantaisie  des 
mesures  prescrites.  C'est  à  croire  qu'elles  n'ont  pas 
été  prises,  mais  appréciées  d'un  bureau,  alors  que 
la  raison  qui  les  faisait  donner  était  assez  importante 
et  que  les  cinq  jours  qui  s'écoulèrent  entre  la  récep- 
tion de  la  demande  et  l'envoi  de  la  réponse  étaient 
plus  que  suffisants  pour  couvrir  l'aller  et  le  retour 
des  38  kilomètres  qui  séparent  Bordj  de  Boni. 

Le  général  Deplanque  répondit  au  général  de 
Lacroix,  le  28  février  : 

((  Par  dépêche  du  18  février,  n°  160,  vous  m'avez 
«  fait  savoir  que,  d'après  le  désir  de  M.  le  Gouver- 
«  neur  Général,  les  canons  de  Boni  devraient  être 
«  conduits  à  Bordj-bou-Arréridj. 


-  203  — 

«  J'ai  riiomieui'  de  vous  adresser,  ci-joint,  coi)ie  de 
«  la  lettre  de  M.  l'Administrateur  de  Bordj  au  sujet 
«  (lu  transport  de  ces  pièces. 

«  Je  n'ai  pas,  à  Sétif,  les  affûts  nécessaires  pour 
«  l'opération  projetée,  aussi,  vous  prierais-je  de  vou- 
((  loir  bien  donner  les  ordres  nécessaires  à  M.  le 
«  Commandant  de  l'artillerie  de  la  Division  pour  que 
«  dans  le  courant  de  l'été,  il  soit  donné  suite  aux 
«  projets  de  M.  le  Gouverneur. 

«  Si  l'artillerie  ne  possédait  pas  les  affûts  néces" 
«  saires,  M.  le  Directeur  pourrait  faire  construire  des 
«  traîneaux  ad  hoc.  Dans  tous  les  cas,  le  transport 
«  ne  pourra  avoir  lieu  que  lorsque  les  routes  auront 
«  été  réparées  et  qu'elles  seront  complètement  dessé- 
«  chées. 

«  Veuillez  agréer,  etc, 

«  Le  Général  commandant  la  Subdivision, 
«  Signé  :  DEPLANQUE.  » 

Mais  l'artillerie  refusa  de  fournir  affûts  ou  traî- 
neaux et,  le  6  mars,  la  Division  écrivit  de  nouveau  à 

Sétif  : 

«  En  réponse  à  votre  dépêche  du  28  février,  n*^  263, 
«  j'ai  l'honneur  de  vous  faire  connaître  qu'il  n'est 
«  pas  possible  d'envoyer  des  affûts  de  l'artillerie  pour 
«  transporter  les  canons  de  Boni. 

«  Il  conviendra  donc  de  faire  fabriquer  sur  place 
«  un  ou  plusieurs  traîneaux  en  utilisant  les  ressour- 
«  ces  du  pays. 

«  Je  vous  prierai  de  hâter  la  confection  de  ces 
«  moyens  de  transport  et  de  les  utiliser  le  plus  tôt 
«  possible  afin  que  les  canons  dont  il  s'agit,  ne  de- 
ce  meurent  pas  plus  longtemps  à  Boni. 

«  Recevez,  etc. 

«  Le  Général  de  la  Dicision,  commandant  la  Dioision, 
a  Signé  :  de  LACROIX.  » 


—  204  — 

Des  ordres  furent  donnés  immédiatement  à  Bordj 
et  à  Akbou,  cercle  duquel  dépendait  Boni. 

Le  Commandant  supérieur  d'Akbou  télégraphia  à 
celui  de  Bordj  : 

«  Akbou,  le  8  avril  1873,  8  h.  45  du  matin. 

((  District  à  M.  le  Commandant  du  district  Bordj. 

«  M.  le  capitaine  Oriot  part  aujourd'hui  pour  Boni 
«  et  y  restera  trois  jours  pour  exécuter  le  transport 
«  prescrit  par  le  Général.  Prière  d'envoyer  si  possi- 
«  ble  un  officier  pour  se  concerter  avec  iui.  » 

Le  capitaine  de  S*-Julien,  commandant  supérieur 
du  district  de  Bordj-bou-Arréridj,  envoya  l'officier- 
interprète  Valette,  accompagné  du  spahi  Ahmed  ben 
el  Araf. 

Les  officiers  après  s'être  concertés  firent  confec- 
tionner quatre  petits  chariots  par  un  nommé  Tahar 
ben  Siline,  menuisier,  de  la  tribu  des  Beni-Yadel, 
fraction  d'El-Maïn.  Ces  chariots  étaient  en  bois  de  pin 
et  de  chêne;  ils  se  composaient  de  quatre  roues  ou 
plutôt  de  quatre  rondelles  de  40  centimètres  de  dia- 
mètre et  de  20  centimètres  d'épaisseur;  en  travers 
des  essieux  de  ces  roues,  on  plaça  deux  perches  et, 
en  avant,  on  ajusta  un  timon  muni  de  barres  trans- 
versales de  distance  en  distance  et  d'un  anneau  à 
l'extrémité. 

Le  13  avril,  jour  de  Pâques,  on  plaça  une  grosse 
pièce  avec  une  petite  sur  chacun  des  chariots  et  on  se 
mit  en  route  par  la  piste  du  Génie  qui  allait  de  Boni 
à  la  Medjana.  En  tête  du  convoi,  marchaient  des 
travailleurs  armés  de  pioches,  pelles  et  haches  et 
chargés  d'aménager  la  route  au  fur  et  à  mesure  des 
besoins.  Chaque  chariot  était  traîné  par  luie  vingtaine 


—  205  — 

d'hommes  attelés,  ({ui  à  des  cordes  fixées  h  rannean, 
qui  aux  barres  transversales.  Au  Teiiict-el-Khremis, 
les  Djebaïlia  qui  avaient  amené  les  pièces  jusqu'au 
col,  les  donnèrent  au  Beni-Yadel  qui  les  amenèrent 
à  Bord],  le  14. 

Il  en  fut  rendu  compte  au  général  Deplanque  qui 
écrivit,  le  17  avril,  au  général  de  Lacroix  : 

«  En  réponse  à  votre  lettre  du  6  mars,  n°  21 J,  j'ai 
«  l'honneur  de  vous  faire  connaître  que  les  canons 
«  de  Boni  sont  arrivés  à  Bordj-bou-Arréridj,  le 
«  14  avril. 

«  Veuillez,  etc. . .   » 

Arrivées  dans  la  place,  les  deux  grosses  pièces 
furent  déposées  devant  le  Bureau  arabe  qui  était  ins- 
tallé provisoirement  dans  le  fort.  Elles  se  trouvèrent 
à  côté  des  deux  fauconneaux  finement  ciselés  qui 
venaient  du  fort  turc  de  Zemorah. 

Les  deux  petites  pièces,  jugées  sans  valeur,  furent 
jetées  devant  le  fortin  actuel  et  abandonnées  dans 
l'herbe.  Au  cours  de  l'année  1874,  M.  Bigonet,  de 
Bordj-bou-Arréridj,  collectionneur  enragé  et  ami  du 
capitaine  Mélix,  chef  du  bureau  aral)e,  voyant  que 
les  pièces  du  fort  restaient  abandonnées,  demanda  au 
capitaine  de  lui  donner  un  des  fauconneaux  qui  étaient 
cbessés  de  chaque  côté  de  la  porte  du  bureau.  Le 
ca})itaine  répondit  que  c'était  impossible,  car  l'arsenal 
de  Constantine  les  demandait.  Cela  se  passait  en  1874, 
et  ce  n'est  qu'en  1875,  qu'on  reparla  des  dites  pièces 
à  propos  d'un  convoi  de  six  pièces  Parrott  de  dix 
livres  venant  de  Philippeville  et  destinées  à  l'arme- 
ment de  la  place  de  Bordj  ;  ces  pièces,  annoncées  par 
lettre  du  19  mars  1875  de  la  Division  au  Commandant 


—  206  — 

supérieur,  n'arrivèrent  qu'à  la  fin  de  l'année  1875  et 
les  pièces  anciennes  durent  alors  rétrograder  sur 
Sétif,  comme  le  fait  supposer  les  lettres  ci-dessous, 
dans  laquelle  je  relèverai  une  erreur  de  nombre.  Il 
y  avait  bien  six  canons,  mais  quatre  seulement  étaient 
en  bronze  et  de  plus  le  poids  de  50  kilos  me  semble 
d'un  minimum  exagéré. 

«  Lettre  n^  123,  du  19  juin  1875,  du  Colonel,  direc- 
«  teur  d'Artillerie,  à  Constantine,  à  M.  le  Général 
«  commandant  l'artillerie  en  Algérie,  à  Alger. 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  que  l'arme- 
«  ment  destiné  à  la  place  de  Bordj-bou-Arréridj  est 
«  actuellement  à  Constantine  et  que  j'aurai  besoin 
«  pour  le  faire  parvenir  à  sa  destination  de  31  atte- 
«  lages  à  deux  chevaux  ou  mulets. 

«  Le  détachement  du  train  d'artillerie  n'ayant  que 
«  six  attelages  disponibles,  déduction  faite  de  ceux 
«  nécessaires  pour  le  service  courant  de  la  direétion, 
«  il  me  faudrait  encore  vingt-cinq  attelages  qui  pour- 
«  raient  être  fournis  par  la  batterie  montée,  y  com- 
«  pris  la  section  de  Bône. 

«  Si  vous  approuvez  cette  proposition,  je  vous 
«  prierai  de  fixer  la  date  à  laquelle  le  convoi  devra 
«  être  dirigé  sur  Bordj-bou-Arréridj.  M.  le  Comman- 
((  dant  de  l'artillerie  à  Sétif  m'a  rendu  compte  qu'il 
«  y  a  dans  le  fort  de  Bordj-bou-Arréridj  six  canons 
«  en  bronze  très  anciens,  dont  deux  du  poids  de 
«  1,600  à  1,700  kilog.  et  quatre  d'un  poids  compris 
«  entre  50  et  35  kilog. 

«  Je  profiterai  du  retour  du  convoi  pour  faire  ra- 
ce mener  ces  bouches  à  feu  à  Constantine,  si  vous 
«  m'en  donnez  l'autorisation.  » 

Toutefois,   les  canons  restèrent   à  Sétif   jusqu'en 


—  207  — 

1877  en  compagnie  d'autres  pièces  venues  je  ne  sais 
d'où.  Ils  turent  amenés  ensuite  à  Gonstantine  qui 
délivra  un  reçu  à  Sétif,  le  12  mai  1877.  Le  Lieutenant- 
colonel,  directeur  de  l'arlillerie  à  Gonstantine,  après 
avoir  examiné  les  pièces,  en  refera  au  Ministre,  lui 
demandant  l'autorisation  de  les  envoyer  à  Bourges 
pour  que  la  démolition  fût  épargnée  à  celles  d'entre 
elles  qui  en  valaient  la  peine. 

N»  75  Coniantine,  le  8  mai  1877. 


Objet  : 

Matériel  de  l'Artillerie 

Au  sujet  de  bouches  à  Jeu 

en  broute 

hors  de  service 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  que  j'ai 
«  fait  venir  de  Sétif  à  Gonstantine,  par  les  convois 
((  hebdomadaires,  c'est-à-dire  sans  frais  pour  l'Etat, 
«  sept  bouches  à  feu  classées  aux  vieux  bronzes  et 
«  pesant  ensemble  3,100  kil.  Elles  ont  été  conquises 
«  sur  les  Arabes  et  l'une  d'elles  paraît  assez  curieuse 
«  pour  prendre  place  au  Musée  des  Invalides.  Elle 
«  est  d'origine  française  et  porte  de  nombreuses 
«  fleurs  de  lys  en  relief  sur  la  volée,  elle  pèse  1,250 
«  kilos  et  est  du  calibre  de  180  ™/'"-  Les  autres  sont 
«  fabrication  inconnue  et  sont  couvertes  de  caractè- 
«  res  arabes. 

«  Par  votre  dépêche  n"  18815,  du  26  avril  courant, 
«  vous  m'avez  prescrit  d'expédier  à  la  fonderie  de 
«  Bourges  cinq  canons  réformés  de  la  place  de  Gons- 
«  tantine.  J'ai  l'honneur  de  vous  demander  l'autori- 
«  sation  d'envoyer  en  même  temps  les  sept  bouches 
«  à  feu  précitées  à  cet  établissement  qui  pourra  les 
((  examiner  de  plus  près  et  réexpédier  à  Paris  celles 


—  208  — 

«  qui  sont  réellement  dignes  d'intérêt  au  point   de 
«  vue  technique  et  archéologique.  » 

Il  est  à  remarquer  que  dans  cette  lettre  les  deux 
grosses  pièces  sont  signalées;  celle  de  bronze  l'est 
d'une  façon  très  explicite,  celle  de  fonte  doit  être 
comprise  dans  celles  aux  inscriptions  arabes. 

Mais,  d'après  la  lettre  ci-après  du  Ministre,  le 
bronze  seul  fut  envoyé  à  Bourges,  c'est-à-dire  sept 
des  pièces  sur  les  douze  visées  par  la  lettre  de  la 
direction. 

La  grosse  pièce  de  fer  disparût  donc  ;  il  n'en  existe 
plus  aucune  trace,  elle  a  dû  être  démolie;  les  re- 
cherches que  j'ai  pu  faire  aux  archives  des  Domaines 
ne  m'ont  rien  donné,  car  les  procès-verbaux  de  vente 
d'objets  mobiliers  ne  sont  conservés  que  pendant 
vingt  ans  et  les  archives,  actuellement  les  plus  an- 
ciennes, remontent  à  1891. 

Pour  en  revenir  à  la  pièce  de  bronze,  voici  toute 
la  correspondance  ofHcielle  à  laquelle  elle  a  donné 
lieu.  Cette  correspondance  m'a  été  aimablement  com- 
muniquée par  M.   le   Directeur   de   la  Fonderie    de 

Bourges. 

Paris   le  23  mai  1877. 
NO  23,020 


Le  Ministre  de  la  Guerre 

Au  sujet  débouches  à  feu  Monsieur  le  Directeur  de  la  Fonderie 

en  hroii\e 
hors  de  service  de  Bourges. 

«  Je  vous  informe  que  la  fonderie  de  Bourges  re- 
«  cevra  de  la  place  de  Gonstantine  (Direction  de  l'ar- 
«  tillerie)  sept  bouches  à  feu,  classées  aux  vieux 
((  bronzes,  qui  proviennent  de  prises  faites  sur  les 
«  Arabes. 

«  D'après  les  renseignements  qui  me  sont  adres- 
«  ses  par  M.  le  Directeur  d'artillerie,  à  Gonstantine, 


—  209  — 

«  l'une  (le  ces  pièces,  d'origine  française,  présenterait 

«  un   certain    intérêt  artistique;  je   vous  prie  de  la 

«  faire  examiner  à   son  arrivée  et  de  me  faire  con- 

((  naître  si  elle  vous  paraît  mériter  d'être  conservée 

«  pour  prendre  place  au  Musée  d'Artillerie.  Dans  le 

«  cas  où  elle  ne  vous  paraîtrait  pas  susceptible  de 

«  recevoir  cette  destination,  la  l)0uclie  à  feu  dont  il 

«  s'agit  devrait  être  employée,  comme  les  six  autres, 

«  pour  l'exécution  des  commandes  faites  à  la  fon- 

«  derie,  au  titre  du  budget  ordinaire.  » 

* 

«  Reçu  de  la  place  de  Constantine  la  bouche  à  feu 
«  en  question  comprise  dans  un  envoi  de  3,100  kilos 
«  de  bronze  en  bouches  à  feu  françaises,  le  3  juil- 
((  let  1877.   » 

N"  706  Bourges,  le  8  juillet  1877. 


Ati  sujet   du  canon  et  de 

divers  objets  enjolivés 
présentant  un  cerjain  intérêt  Xe  Directeur  de  la  Fonderie  de  Bourges 

à  Monsieur  le  Ministre  de  la  Guerre. 


au  point  de  vue 
artistique 


«   Conformément  aux  prescriptions  contenues 

«  dans  votre  dépêche  n°  23020,  en  date  du  23  mai  1877, 
«  relative  à  l'envoi  à  la  fonderie  par  la  place  de  Cons- 
«  tantine  de  sept  bouches  à  feu  classées  au  vieux 
«  bronzes,  j'ai  fait  examiner  une  pièce  d'origine  fran- 
«  çaise  mêlée  à  des  pièces  provenant  de  prises  sur 
«  les  Arabes. 

«  Cette  pièce  m'a  paru  présenter  un  certain  intérêt 
«  artistique.  La  volée  du  canon  est  parsemée  de 
«  fleurs  de  lys. 

«  J'estime  qu'il  y  a  lieu  de  conserver  ce  canon 
«  pour  lui  faire  i)rendre  place  au  Musée  d'Artillerie.  » 


-  210  — 
N"  33,378  Le  Winhlre  de  la  Guerre 


à  Monsieur  le  Directtvr  de  la  Fonderie 

Envoi  d'une  louche  à  Jeu,  ^^^  Bourges 


louions  de  culasse 
au  Musée  d'Artillerie 


Monsieur  le  Directeur, 


«  En  réponse  à  votre  lettre  du  8  juillet  courant, 
((  n°  966,  je  vous  invite  à  faire  expédier  au  Musée 
«  d'Artillerie  (Hôtel  des  Invalides)  à  Paris,  la  bouche 
((  à  feu  en  bronze  d'origine  française  et  les  boutons 
«  de  culasse,  anses  de  canon....  qui,  aux  termes  de 
((  votre  lettre  précitée  paraissent  présenter  un  cer- 
«  tain  intérêt  artistique. 

«  Ces  différents  objets  seront  pris  en  charge  par 
«  le  dépôt  central  de  l'artillerie  ;  leur  envoi  aura  lieu 
((  par  les  transports  de  la  guerre,  petite  vitesse,  et  au 
«  titre  du  budget  ordinaire.  Il  m'en  sera  rendu 
«  compte. 


*  * 


«  Expédiée,  le  2  août  1877,  au  dépôt  central  à 
«  Paris,  cette  Ijouche  à  feu  comprise  dans  un  envoi 
{(  de  4340  kilos  de  bronze  en  89  bouches  à  feu  fran- 
«  çaises.  » 


* 
*  * 


Cette  pièce  de  bronze  est  cataloguée  sous  le  n"  56. 
Elle  se  trouve  actuellement  dans  la  cour  de  droite 
du  Musée  de  l'Armée  (section  d'artillerie)  elle  est 
dressée  contre  le  mur  de  gauche. 

Les  pièces  espagnoles  continuèrent  à  rouiller  dans 
l'herbe  pendant  cinq  ou  six  ans;  elles  étaient  encore 
là  au  moment  de  la  remise  du  cercle  de  Bordj-bou- 
Arréridj  à  l'autorité  civile  (1880)  et  cela  d'après 
l'attestation  de  l'ancien  Khodja  du  bureau  arabe. 


—  211  - 

Les  rliariots  furent  détruits  et  l)rùlés  à  leur  arrivée 
à  Bordj;  ils  étaient  hors  d'usage,  ce  qui  est  assez 
compréhensible,  étant  données  leur  construction  qui 
devait  laissait  à  désirer  et  les  difficultés  de  la  route 
qu'ils  avaient  parcourue. 

Les  deux  berces  furent  enfin  transportées  à  une 
époque  qui  ne  peut-être  fixée,  au  Palais  de  la  Divi- 
sion de  Gonstantine,  au  Palais  d'Ahmed  ;  ce  dut  être 
peu  de  temps  après  1880,  car  cette  date  donna  lieu  à 
une  erreur  grossière.  Lorsque  je  vis  les  deux  canons 
en  1899,  il  me  fut  dit,  comme  à  beaucoup  d'autres 
personnes,  qu'ils  avaient  été  ramenés  de  l'expédition 
de  Tunisie. 

On  constata  à  leur  arrivée  à  Gonstantine  qu'ils 
n'étaient  pas  aussi  endommagés  qu'on  aurait  pu  le 
croire  d'après  les  dires  du  général  Daumas,  de  M.  Fé- 
raud  et  du  capitaine  de  S^-Julien.  Ils  furent  recons- 
titués en  ce  sens  qu'on  les  compléta  par  des  cham- 
bres à  feu  et  des  coins  de  serrage  et  qu'on  les  monta 
sur  des  affûts  desquels  auraient  été  bien  étonnés  le 
Père  Fournier,  l'auteur  de  V Hydrographie  et  les  gra- 
veurs des  estampes  de  l'ouvrage  de  Paul  Lacroix. 

Puis,  à  la  suite  d'une  étude  que  je  ils  à  ce  sujet, 
sur  l'invitation  du  général  de  Torcy,  commandant 
de  la  division  de  Gonstantine  et  qui  fut  communiquée 
au  général  Niox,  directeur  du  musée  de  l'Armée,  le 
Ministre  de  la  Guerre  fut  saisi,  le  29  janvier  1906, 
de  la  question  du  transport  des  deux  berces  aux  In- 
valides. 

Elles  y  arrivèrent  le  2  juin  1906  et  furent  inscrites 
le  même  jour  au  registre  des  entrées  en  les  termes 
suivants  : 

«  6145.  —  Ganon  en  fer  forgé  se  chargeant  par  la 


-  212  — 

«  culasse,  de  la  i)i'emière  moitié  du  xv''  siècle,  saus 
«  chambre  à  feu  ui  coin  de  serrage,  à  queue  eu  fer 
«  de  0'"i7  ;  largeur  totale  2'» 47;  calibre  60  "V"\ 
«  L'afï'ut  est  une  reconstitution  ([)as  très  l)ien  faite) 
«  ainsi  que  l'étrier  de  j)ied. 

«  Envoyé  de  Gonstantine  au  Musée,  don  de  M.  le 
«  Général  de  division  de  Torcy,  commandant  la 
«  Division  de  Gonstantine. 

«  Dépèche  ministérielle  4227,  G.  du  26  avril  1906, 
«  6146  —  Ganon  de  bronze  se  chargeant  j^ar  la  cu- 
«  lasse,  de  la  2*^  moitié  du  xv^  siècle,  sans  chambre 
«  à  feu  ni  coin  de  serrage  ;  à  queue  de  fer  de  0™36  ; 
«  longueur  totale  i™29;  calibre  66  "V"\  Sur  le  dessus 
«  de  la  volée,  un  écusson  porte  les  lettres  I  A  <>  T  R 
((  et  une  croix  pattée.  L'affût  est  une  reconstitution 
«  (pas  très  bien  faite) » 

Les  deux  pièces  sans  leurs  afïùts  par  trop  fantai- 
sistes reposent  actuellement  et  provisoirement  dans 
la  2'^^  section  du  Musée,  salle  d'Assas,  2"  travée 
(Gollections  d'Algérie). 

MAITROT, 

Capitaine  de  gendarmerie  à  Bastia , 


iiiiie  et  lis 


DE  LA  TRIBU 


CHAPITRE    PREMIER 


Description  géographique 

Délimitation.  —  La  Iribu  des  Ziban  est  comprise 
entre  le  35''  et  le  34°30  de  latitude  septentrionale  et 
entre  le  2"  et  le  3'  de  longitude  Est.  Ses  limites  sont  : 
au  Nord,  les  contreforts  sud,   de  l'Ahmar-Khaddou 
(Djebel-Zerzour)  et  de  l'Aurès  (Djebel-Sra-Nita-Chi- 
clia)  la  chaîne  des  collines  deBou-Ghezel,  qui  le  sépare 
de  la  plaine  d'El-Outaïa,  puis  les  monts  du  Zab,  dont 
les  sommets  principaux  sont   :   le   Djebel-Modiane, 
Chaïma,  Bou-kra-Sbalina  et  Doukhane;  à   l'Ouest, 
une  ligne  tantôt  fictive  et  tantôt  naturelle,   passant 
par  divers  sommets  élevés  de  cette  même  chaîne  de 
montagnes,  ou  suivant  quelques  lits  d'Oued,  part  du 
Djebel-Doukhane  et  s'abaisse  jusqu'à  l'Oued-Djeddi 
en  séparant  la  tribu  des  Ziban  d'abord  du  départe- 


—  214  — 

ment  d'Alger  et  ensuite  de  quelques  autres  tribus  du 
Cercle.  Au  Sud,  une  ligne  connexe  fictive  et  admi- 
nistrative partage  en  deux  parties  une  grande  bande 
comprise  entre  rOued-Djeddi  et  rOued-Itel.  Cette 
ligne  s'appuie  d'un  côté  à  rOued-Djeddi  et  de  l'autre 
au  Chott-Melrir  dont  le  bord  Nord-Ouest  et  Nord 
continue  la  limite  Sud.  Enfin,  à  l'Est,  la  limite  est 
découpée  dans  cette  grande  plaine  qui  s'étend  entre 
l'Ahmar-Khaddou  et  le  Cliott  et  qui  contient  des 
quantités  considérables  de  terres  cultivables. 

La  superficie  du  territoire  de  cette  tribu  est  de 
464.087  hectares. 

Le  Tell  est  séparé  du  Sahara  par  une  haute  chanie 
de  montagne  qui  présente,  sur  un  versant,  des 
contreforts  étendus  et  des  pentes  progressives,  et 
dont  l'autre  descend  à  pic  dans  la  plaine.  Cette 
chaîne  assez  élevée  (2,312  mètres  au  point  culminant) 
est  désignée  sous  le  nom  de  monts  de  l'Aurès. 

Rien  de  plus  magnifique  que  cette  muraille  qui 
surplombe  le  Sahara.  Le  Djebel  Chechar,  à  gauche 
de  Biskra,  l'Ahmar  Kheddou,  à  droite,  dominent  la 
grande  plaine  d'une  hauteur  immense.  D'après  Ibn- 
Khaldoun,  l'historien  poète  :  «  Cette  chaîne  de  mon- 
tagnes touche  à  la  voûte  céleste  et  cache  dans  un 
voile  de  nuages  sa  tète  couronnée  d'étoiles;  ses  flancs 
servent  de  retraite  aux  orages,  ses  oreilles  entendent 
les  discours  qui  se  prononcent  dans  le  ciel  ;  son  faîte 
domine  l'Océan.  » 

Divisions  naturelles.  —  Le  territoire  des  Ziban 
est  à  cheval  sur  trois  zones  distinctes  da  Sahara. 

A  la  zone  septentrionale,  appartient  la  région  occu- 
pée par  les  Ahl  Amour  et  les  Ghamra. 


-  215  — 

C'est,  à  l'Est,  une  sorte  d'amphithéâtre  ouvert, 
borné  au  Nord  et  au  Sud  par  deux  chaînes  parallèles, 
que  des  accidents  montagneux  relient  entre  eux  à 
l'Ouest.  La  partie  comprise  entre  ces  chaînes  de  col- 
lines est  un  pays  généralement  plat,  couvert  par  les 
terres  d'alluvions  que  les  pluies  ont  arrachées  chaque 
hiver,  aux  pentes  dénudées  des  montagnes. 

Bien  irriguée,  cette  région  serait  fertile. 

La  2"  zone,  plus  au  Sud,  est  occupée  par  les  oasis 
des  Ziban,  vaste  plaine  où  viennent  mourir  les  der- 
nières pentes  des  monts  du  Zab.  Cette  zone  est  abri- 
tée au  Nord  par  ces  accidents  de  terrain,  et  les  oasis 
semblent  se  presser  contre  la  montagne  pour  s'y 
abriter  des  vents  froids  et  y  retrouver  les  conditions 
de  température  de  leurs  voisines  de  l'Oued  Rihr, 
plus  favorisées  sous  le  rapport  de  la  température.  On 
y  retrouve  des  sources  qui  donnent  de  l'eau  toute 
l'année;  il  y  existe  une  nappe  d'eau  souterraine  d'une 
grande  étendue. 

Dans  le  Zab  Daharaoui,  de  place  en  place,  la  nappe 
affleure  le  sol  et  produit  des  marais.  En  d'autres 
endroits,  la  couche  supérieure  du  sol  s'effondre  et 
laisse  voir  des  crevasses  qui  semblent  communiquer 
avec  une  caverne  sans  fin. 

Cette  région  est  surtout  fertile  pour  la  culture  du 
palmier. 

La  3*  zone  est  la  plus  ingrate  de  toutes;  c'est  le 
rivage  Sud  de  l'Insula  Magreb,  vaste  plaine  tantôt 
pierreuse,  tantôt  sablonneuse,  où  l'eau  manque  pres- 
que toujours. 

Aucune  source  ne  vivifie  ces  terrains  et  quand  les 
pluies  de  la  saison  froide  ont  manqué,  le  sol  n'est 
plus  garni  que  de  quelques  tiges  desséchées- 


-  216  - 

Du  mois  de  novembre  au  mois  de  mai,  les  torrents 
et  les  rivières,  enflés  par  les  pluies,  grossissent  ra- 
pidement et  débordent  souvent;  mais  quand  viennent 
les  grandes  chaleurs,  ils  diminuent  brusquement  et 
souvent  même  se  dessèchent  complètement, 

A  chaque  zone  correspond  une  population  distincte. 
Dans  la  région  des  oasis  vit  un  peuple  sédentaire, 
adonné  au  commerce  et  au  jardinage.  Dans  les  deux 
autres,  existe  une  population  nomade,  possédant  de 
nombreux  troupeaux,  cultivant  quelques  terrains 
djelfs ,  qu'elle  a  acquis  par  voie  de  conquête  ou 
d'échange.  Ces  nomades  ne  pouvant  faire  vivre  cons- 
tamment leurs  troupeaux  sur  les  pâturages  des  terres 
qu'ils  détiennent  se  sont  créés  des  droits  dans  les 
régions  plus  favorisées. 

Orographie.  —  Les  montagnes  qui  bordent,  au 
Nord,  la  tribu  des  Ziban,  appartiennent  à  la  chaîne 
saharienne  qui  s'étend  du  cap  Bon ,  en  Tunisie ,  à 
l'Océan,  en  face  du  pic  de  Ténérifïe,  après  avoir  tra- 
versé par  une  direction  Nord-Est,  Sud-Ouest,  le  Nord 
de  la  Tunisie,  l'Algérie  et  le  sud  Marocain.  Cette 
chaîne  porte  en  Algérie  les  noms  de  monts  de  l'Au- 
rès,  monts  du  Zab,  des  Oulad  Naïls,  du  Djebel- 
Amour  et  monts  des  Ksour. 

Les  deux  massifs  de  l'Aurès  et  du  Zab  dominent 
tout  le  territoire  de  la  tribu  et  lui  fournissent  presque 
toutes  ses  eaux.  Leurs  crêtes  limitent,  au  Nord,  le 
Sahara  et  leurs  escarpes  se  dressent  vers  le  Sud 
comme  un  rampart  qui  atteint  quelquefois  1,000  à 
1,200  mètres  de  hauteur. 

Dans  l'Aurès,  le  massif  se  forme  en  longues  arêtes 
qui  séparent  de  longues  et  belles  vallées,  cultivées  et 


—  217  — 

habitées,  arrosées  par  des  eaux  (lui  roulent  torren- 
tueusement  dans  des  lits  larges  et  profondément  dé- 
coupés dans  des  berges  rocheuses  et  qui  vont  ensuite 
se  perdre  dans  les  sables  salins  du  Chott  après  avoir 
fertilisé  les  petites  oasis  qui  s'épanouissent  au  pied 
de  ce  massif. 

Les  monts  du  Zab  n'ont  pas  cette  forme  impo- 
sante. Ils  se  relèvent  sur  de  vastes  bassins,  tel  que 
celui  du  Hodna  ou  la  plaine  d'El-Outaïa,  les  entou- 
rent presque  complètement  et  ne  laissent  les  eaux 
s'écouler  que  par  des  écluses  souvent  trop  étroites. 
Cependant  leurs  flancs  tourmentés  se  creusent  de 
ravins  profonds  et  sauvages  qui  permettent  à  peine 
le  passage  à  l'homme. 

Hydrographie.  —  Tous  les  cours  d'eau  qui  sillon- 
nent la  tribu  appartiennent  au  versant  sud  de  la 
chaîne  saharienne  "dont  il  a  été  parlé  ci-dessus  et  au 
bassin  du  Chott  Melrir  dans  lequel  ils  versent  leurs 
eaux.  On  suppose  que  ce  chott,  qui  forme,  au  Sud 
des  monts  de  l'Aurès,  une  grande  dépression  sans 
eau,  en  temps  ordinaire,  mais  couverte  d'une  épaisse 
couche  de  sables  salins,  a  dû  communiquer  à  l'ori- 
gine avec  la  Méditerranée  par  le  golfe  de  Gabès. 

Les  principales  rivières  que  l'on  rencontre  dans  la 
tribu  des  Ziban^  sont  :  l'Oued  Labiod,  l'Oued  Biskra 
et  rOued  Djeddi.  Ils  se  grossissent  d'un  certain  nom- 
bre de  cours  d'eau  bien  moins  importants. 

Oued  Labiod.  —  Cet  Oued,  qui  reçoit  ses  premiè- 
res eaux  des  plateaux -de  Médina  et  du  Chélia,  coule 
du  Nord-Est  au  Sud-Ouest,  dans  l'Aurès,  dans  un  lit 
souvent  creusé  dans  le  roc  et  dont  les  berges  à  pic 
atteignent  40  ou  50  mètres  de  hauteur  et  sont  garnies 


—  218  - 

par  un  certain  petit  nombre  de  villages  kabyles  com- 
posés de  20  ou  30  maisons.  Après  s'être  créé  un 
passage  dans  des  gorges  étroites  et  sauvages,  dont 
les  plus  remarquables  sont  celles  de  Tiranimime  et 
de  M'chounech,  il  sort  dans  la  plaine  au-dessus  de 
Sériana,  et,  changeant  de  direction,  il  continue  de 
couler  vers  le  Sud-Est  sous  le  nom  d'Oued  Biraz. 
Cette  direction  Sud-Est  sera  celle  de  tous  les  oueds 
de  la  tribu,  aussitôt  sortis  des  massifs  montagneux, 
ils  coulent  dans  la  plaine  de  Mansouria  et  chacun 
d'eux  disparaît  ensuite  dans  le  Chott. 

Oued  Biskra.  —  Il  prend  naissance  au  plateau  de 
Batna,  descend  dans  le  Sud  après  avoir  arrosé  suc- 
cessivement :  les  Ksour,  Aïn-Touta,  les  Tamarin, 
El-Kantara,  où  il  traverse  une  chaîne  de  montagnes 
par  une  gorge  extrêmement  remarquable,  d'une  lon- 
gueur de  30  à  40  mètres  entre  deux  murailles  de 
rocher;  il  coupe  ensuite  la  plaine  d'El-Outaya, 
contourne  le  dernier  contrefort  sud  des  monts  du 
Zab  et  arrose  Biskra. 

Ce  n'est  qu'à  quelques  kilomètres  au  Sud  de  cette 
ville  qu'il  rentre  dans  la  tribu  des  Ziban  par  une 
direction  Sud-Est  ;  ses  eaux,  qui  avaient  disparu 
après  Biskra,  reparaissent  de  nouveau  et  servent  à 
fertiliser  les  terres  de  Saâda,  cultivées  par  les  Arab 
Cheraga  et  les  Ouled  Si'di  Salah  ;  après  quoi,  l'une 
de  ses  branches  prend  le  nom  d'Oued  Melah  et  va 
se  jeter  dans  le  Chott. 

L'Oued  Biskra  constitue  le  bassin  secondaire  de 
toutes  les  eaux  qui  sillonnent  la  partie  nord  de  la 
tribu  et  qui  forment  des  cours  d'eau  assez  nom- 
breux ;  bien  que  quelques-uns  aient  un  cours  assez 
considérable,   ils  ne  se  jettent  pas  cependant   dans 


—  219  — 

rOuetl  Biskra  lui-même,  mais  se  perdent  dans  la 
plaine  d'El-Outaïa  avant  de  l'atteindre. 

Parmi  ces  oueds,  il  faut  citer  l'Oued  Djouchni,  qui 
court  entre  deux  montagnes  resserrées  et  qui  sort 
dans  la  plaine  à  la  pointeNord-Est  delà  tril)u  ;  TOued- 
Salsou,  formé  des  oued  Naïnia  et  Asfer,  qui  se 
réunissent  à  l'Oued  Labiod  à  l'endroit  appelé  D'fila 
M'ta  Saison  ;  enfin,  l'Oued  Mazouchia,  qui  sert  à  arro- 
ser quelques  cultures  des  Ahl  Amour. 

«  Oued  D.jedd[.  ~  «  La  longue  vallée  de  l'Oued 
ft  Djeddi  limite  au  sud  les  accidents  montagneux  de 
«  la  chaîne  saharienne  ;  elle  se  termine  dans  le  Chott 
«  Melrir  à  l'extrémité  de  ce  grand  bassin  que  Ton 
«  peut  appeler  la  mer  intérieure  de  l'Algérie,  mer  ou 
«  lac  desséché  depuis  bien  longtemps  sans  doute.  » 
(Niox). 

Cet  oued  vient  du  Djebel  Amour,  coule  de  l'Ouest 
à  l'Est  et  prend  dans  sa  partie  supérieure  le  nom 
d'Oued  Meri.  Il  fertilise  à  ce  moment  l'oasis  de 
Lagouath,  Mais,  en  temps  ordinaire,  il  est  sec  en 
maints  endroits  ;  les  pluies  d'hiver  le  grossissent 
considérablement  et  rendent  ses  eaux  dangereuses 
(Inondation  du  30  septembre  1886)  ;  son  lit  desséché 
se  continue  dans  une  vallée  généralement  déserte  et 
sans  cultures,  jusqu'au  moment  où  il  entre  dans  les 
Ziban.  arrose  de  ses  eaux  souterraines  les  oasis  de 
Sidi  Khaled  et  des  Ouled  Djellal  et  livre  ensuite  ses 
berges  à  la  culture  dans  le  Zab  Guebli. 

Arrivé  à  la  rencontre  de  la  route  de  Biskra  à 
Tuggurth,  point  marqué  par  le  bordj  de  Saàda,  il  se 
dirige  immédiatement  vers  le  Sud-Est,  arrose  quel- 
ques terres  de  Saàda,  les  cultures  d'El  Aouch  et  se 
jette  dans  le  Chott  par  deux  larges  branches  profon- 


-  220  - 

des  qui  roulent,  après  chaque  crue,  des  quantités  d'eau 
si  considérables  que  la  plaine  aux  environs  ne  pré- 
sente plus  que  quelques  racines  ou  tiges  dépouillées, 
courbées  sur  le  sol  dans  le  sens  du  cours  des  eaux. 

L'Oued  Djeddi  n'a  dans  les  Ziban  que  quelques 
affluents  peu  importants  à  signaler  :  l'Oued  bou  Me- 
lali  qui  vient  de  Doucène  et  se  jette  dans  l'Oued 
Djeddi  à  la  limite  ouest  de  la  tribu  ;  l'Oued  Mlili  qui 
vient  des  monts  du  Zab  et  arrose  quatre  oasis. 

Ajoutons  qu'à  7  kilomètres  de  Biskra  existe  une 
source  d'eaux  chaudes,  dite  "Hammam  Salahin  ", 
connue  plus  généralement  sous  le  nom  de  "  Fontaine- 
Chaude  "  et  utilisée  de  tous  temps  par  les  indigènes 
contre  les  douleurs  rhumatismales-  Ces  eaux  étaient 
désignées  par  les  Romains  sous  le  nom  de  ad  IHsci- 
nam. 

Forêts.  —  Sur  les  cours  inférieurs  de  l'Oued- 
Biskra,  laissant  au  milieu  une  clairière  défrichée 
qui  sert  de  terrain  de  culture  aux  Arab  Cheraga  et 
aux  Oulad  Sidi  Salah,  s'étend  ce  que  l'on  appelle  le 
bois  de  Saâda. 

Il  ne  dépasse  pas  au  Nord  le  bordj  de  Saâda, 
s'arrête,  au  Sud,  aux  fermes  d'El  Haouch,est  limité  à 
l'Ouest  par  le  cours  de  l'Oued  Djeddi  et  à  l'Est  par 
celui  de  l'Oued  Melah.  La  seule  essence  qu'on  y 
trouve  est  le  tamarin,  dont  les  touffes  serrées  et  arbo- 
rescentes atteignent  des  hauteurs  de  trois  ou  quatre 
mètres  et  rendent  sur  certains  points  les  passages 
difficiles.  Entre  ces  toufïes  poussent  difïérentes  plan- 
tes, telles  que  le  guettât  et  l'alenda  qui  servent  de 
nourriture  aux  chameaux. 

C'est,  en  somme,  un  bois  peu  important  comme 


221  — 

étendue  et  comme  ressource  forestière,  qui  tend  à 
décroître  tous  les  jours  depuis  que,  par  suite  de  la 
pacification  du  pays,  les  nomades  peuvent  s'y  établir 
à  demeure  sans  crainte  des  attaques  de  leurs  voisins, 
couper  le  bcis  pour  leurs  besoins  ou  ceux  des  popu- 
lations environnantes  et  faire  en  même  temps  des 
défrichements  pour  la  culture. 

CHAPITRE     II 


Historique 

Notions  générales.  —  L'histoire  de  la  tribu  des 
Ziban  est  l'histoire  du  Zah  tout  entier,  de  l'ancienne 
Gétulie,  dont  Vescera  ou  Beschera  (Biskra)  était  la 
capitale. 

L'étymologie  du  mot  "  Zab  "  est  fort  ancienne  et 
antérieure  très  probablement  à  l'occupation  romaine. 
Ibn  Khaldoun  lui  donne  le  sens  d'oasis;  cette  étymo- 
logie,  qui  est  aujourd'hui  très  rationnelle,  paraît  moins 
logique  quand  on  considère  que  le  Zab  formait  autre- 
fois une  province  très  étendue,  qui  englobait  le 
Hodna  et,  qu'au  nord  de  cette  vaste  dépression,  se 
trouvaient  les  villes  de  Zabi,  Médiana,  Zabuniorum, 
Linien,  Zabensis. 

Selon  Procope,  le  Zab  serait  le  nom  primitivement 
donné  à  la  Mauritanie  Sitifienne  ;  en  Mésopotamie, 
deux  affluents  du  Tigre  portent  le  nom  de  petit  Zab 
et  grand  Zab. 

Les  Romains  ont  appelé  le  petit  Zab  "  Caprus  "  et 
les  Arabes  ont  appelé  la  rivière  qui  fertilise  une  par- 
tie des  Ziban  "Oued  Djeddi"  (la  rivière  du  chevreau). 


222  

Période  ancienne.  —  Nous  n'avons  que  des  no- 
tions très  confuses  sur  les  premiers  habitants  de  la 
région  septentrionale  de  l'Afrique.  L'opinion  généra- 
lement admise  est  que  cette  région  tut  d'abord  ha- 
bitée par  les  Lybiens  et  les  Gétules,  populations  bar- 
bares n'ayant  ni  constitution,  ni  gouvernement.  Ce 
n'était,  a  écrit  Pline,  qu'un  ramassis  de  peuplades 
n'ayant  de  commun  entre  elles  que  la  façon  de  se 
haïr  (1). 

A  une  époque  inconnue,  dit  Salluste,  un  ban  com- 
posé de  Mèdes,  de  Perses  et  d'Arméniens  envahit 
les  contrées  de  l'Atlas.  Les  Perses,  se  mêlant  aux 
premiers  des  habitants  du  littoral,  formèrent  le  peu- 
ple Numide.  Les  Mèdes  et  les  Arméniens,  s'alliant 
aux  Lybiens,  donnèrent  naissance  à  la  race  Maure. 

Mais  la  plus  grande  masse  des  Gélules,  confinée 
dans  les  vallées  du  grand  Atlas,  repoussa  toute 
alliance  et  forma  le  noyau  de  ces  tribus  restées  re- 
belles à  toute  civilisation  étrangère  et  qu'on  a  appelées 
Berbères. 

A  l'origine,  dit  encore  Salluste,  les  Gétules  étaient 
une  race  dure,  exercée  aux  fatigues,  couchant  sur  la 
terre  et  s'entassant  dans  des  mapalid,  espèces  de 
tentes  allongées,  faites  d'un  tissu  grossier  et  dont  le 
toit  cintré  ressemblait  à  la  carène  renversée  d'un 
vaisseau. 

L'historien  juif  Josephe  dit  que  les  Gétules  pro- 
viennent d'Hévilus,  fils  de  Chus,  chef  des  Ethiopiens, 
dont  les  descendants  habitent  les  rivages  de  la  Mer 
Rouge.  C'est  le  seul  renseignement  que  nous  possé- 


(1)  Hist.  nat.,  v.  17  et  suiv. 


223  — 

dions  sur  l'origine  des  Gélules  ;  leur  invasion  se  pro- 
duisit vers  1300  avant  notre  ère  (i). 

Domination  Carthaginoise.  —  Vers  l'an  860  avant 
Jésus-Christ,  Didon,  fille  de  Mutto,  roi  de  Tyr, 
fuyant  la  tyrannie  de  son  frère  Pygmalion.  qui  venait 
de  faire  mourir  son  mari,  Sicharbas  ou  Sichée,  prê- 
tre d'Héraclès,  pour  s'emparer  de  ses  richesses, 
aborda  en  Afrique  avec  de  nombreux  Tyriens. 

En  échange  d'immenses  trésors,  elle  ne  demanda 
que  l'espace  de  terre  que  pouvait  couvrir  la  peau 
d'un  bœuf.  Didon  fit  découper  cette  peau  en  lanières 
si  minces  qu'elle  finit  par  circonscrire  un  très  vaste 
espace,  sur  lequel  s'éleva  bientôt  une  imposante  cita- 
delle, Byrsa. 

Le  bruit  de  ces  événements  pénétra  jusqu'en  Gé- 
tulie  et  le  roi  de  ce  pays,  Jarbas,  séduit  par  les 
richesses  de  Didon,  voulut  la  contraindre  à  l'épouser; 
mais  celle-ci  refusa  la  main  du  Berbère  et  se  donna 
la  mort  pour  échapper  à  ses  obsessions. 

Trois  siècles  plus  tard,  la  Répubhque  Phénicienne 
brille  de  toute  sa  splendeur,  maîtresse  de  la  côte 
occidentale  de  l'Afrique,  de  la  côte  orientale  de  l'Es- 
pagne et  des  grandes  îles  de  la  Méditerranée.  Mais 
bientôt  la  rivahté  de  Rome  et  de  Carthage  mit  aux 
prises  les  deux  Répubhques,  les  plus  puissantes  dont 
l'histoire  ait  conservé  le  souvenir  et  les  fit  entrer  en 
lutte  pour  la  possession  de  la  Méditerranée,  qui  de- 
vait donner  au  vainqueur  l'empire  du  monde. 

Les  Gétules  refusèrent  de  fusionner  avec  la  colo- 
nie phénicienne;  mais,  bien  que  réfractaires  à  la  civi- 


(1)  Colonel  de  Lartigue,  Monographie  de  l'Aurùs,  p.  114. 


—  224  — 

lisation,  ils  subirent  malgré  eux  l'influence  de  Car- 
thage  qui  ouvrit  au  trafic  intérieur  les  voies  de  com- 
munication qui  sont  encore  aujourd'hui  parcourues 
par  nos  caravanes;  ils  s'initièrent  ainsi  au  commerce 
et  à  l'agriculture.  Du  reste,  l'armée  mercenaire  de 
cette  puissante  République  comptait  dans  ses  rangs 
de  nombreux  Gétules;  ils  firent,  à  la  suite  d'Annibal 
et  d'Amilcar,  les  campagnes  d'Italie. 

Un  célèbre  voyageur,  Magon,  entreprit  trois  voya- 
ges dont  on  n'a  pu  retrouver  les  itinéraires,  mais  on 
sait  que  ses  explorations  s'étendirent  fort  avant  dans 
le  Sahara. 

Enfin,  Annibal,  pour  ses  courses  à  travers  le  Sud 
de  l'Europe,  recruta  de  nombreux  mercenaires  en 
Gétulie,  et  ceux  de  ces  derniers  qui  rentrèrent  dans 
leur  pays,  y  apportèrent  des  connaissances  et  des 
usages  qui  eurent  une  influence  forcée  sur  les  mœurs 
des  barbares. 

Période  Romaine.  —  En  détruisant  Carthage 
(146  av.  J.-C),  Rome  ne  se  substitua  pas  immédia- 
tement à  elle;  elle  se  borna  à  exercer  sur  le  pays  un 
haut  patronage,  espérant  ainsi  tourner  les  difficultés 
qu'elle  craignait  rencontrer  pour  son  administration. 
Elle  divisa  le  pouvoir  entre  les  chefs  indigènes  qui 
avaient  été  ses  alliés  et  peu  à  peu  son  influence  et 
sa  civihsation  s'étendirent  dans  tout  le  Nord  de 
l'Afrique.  La  Gétulie  bénéficia  de  son  contact  comme 
les  contrées  voisines. 

On  sait  comment  Jugurtha,  neveu  de  Micipsa,  se 
débarrassa  des  deux  lils  laissés  par  ce  prince  et 
parvint  à  lui  succéder.  Il  s'était  assuré  la  faveur  du 
Sénat  Romain  par  de  riches  présents,  mais  l'assas- 


—  225  — 

sinat  de  ses  parents  auxquels  il  avait  dérobé  le  pou- 
voir, excita  à  un  tel  point  l'indignation  du  peuple 
romain  que  le  Sénat  dût  céder  à  l'opinion  publique 
et  déclarer  la  guerre  à  l'usurpateur. 

Pendant  cette  guerre  qui  dura  sept  ans,  les  Gé- 
tules  jouèrent  indirectement  un  rôle  actif.  Jugurtha 
trouva  chez  eux  de  sérieux  auxiliaires  et  ce  peuple, 
qui  avait  vécu  jusqu'alors  libre  de  toute  alliance, 
fournit  à  l'ennemi  de  Rome  de  nombreux  contin- 
gents. C'est  dans  l'Aurès  et  en  Gétulie  que  Jugurtha 
venait  se  réfugier  après  chaque  défaite,  se  retremper 
et  puiser  des  forces  nouvelles. 

«  Au  sud  des  Numides,  dit  Salluste,  sont  les  Gé- 
tules  vivant  les  uns  sous  des  huttes,  les  autres 
dispersés  dans  l'Etat  sauvage.  Après  la  prise  de 
Thala  par  Metellus,  dit  le  même  historien,  Jugurtha 
s'enfonça  dans  le  pays  des  Gétules,  peuple  farouche 
et  barbare  ;  il  y  recruta  des  soldats  et  il  les  habitua 
à  la  discipline  qu'il  avait  apprise  lui-même  dans  les 
légions  romaines.  )) 

Jugurtha  vaincu,  Rome,  se  souvenant  du  rôle  joué 
par  la  Gétulie  dans  cette  guerre,  l'annexa  à  la  colonie 
romaine. 

Mais  les  Gétules  subirent  les  lois  de  la  civilisation 
romaine  sans  jamais  se  laisser  dompter.  Toutefois, 
ils  ne  purent,  rester  complètemenl  indifférents  au 
voisinage  de  la  colonisation.  La  pacification  du  pays 
par  la  présence  d'une  armée  disciplinée,  les  voies 
de  communication  pénétrant  dans  l'intérieur,  l'essor 
donné  à  la  culture  des  céréales  produisirent  leur 
effet  jusqu'au  pied  de  la  chaîne  de  l'Aurès;  l'influence 
du  travail  sur  les  Maures  entraîna  pour  la  première 
fois  la  population  à  adopter  la  vie  sédentaire  et  à  pré- 


—  226  — 

férer  aux  fatigues  de  la  vie  nomade,  les  paisibles 
travaux  de  l'agriculture. 

Il  faut  se  hâter  d'ajouter  que  ces  résultats  furent 
surtout  obtenus  par  les  efïorts  d'un  prince  éclairé, 
Juba  II,  qui  servit  d'intermédiaire  entre  Rome  et  les 
populations  de  la  Numidie. 

A  la  fin  du  règne  d'Auguste,  la  tranquillité  du 
pays  était  telle,  qu'une  seule  légion  (2'  légion  Au- 
guste) établie  à  Lambèse,  suffisait  pour  maintenir  la 
paix  dans  toute  la  région  et  cette  paix  eût  été,  sans 
doute,  de  longue  durée,  sans  les  révoltes  que  sut 
allumer  l'agitateur  Tacfarinas. 

Après  avoir  servi  dans  les  Légions  romaines  où  il 
se  façonna  à  leur  tactique  militaire,  il  les  abandonna, 
leva  quelques  partisans  et  se  livra  au  pillage  des 
habitations  isolées.  Le  nombre  de  ses  soldats  gran- 
dit avec  sa  réputation  et  bientôt  il  eut  sous  ses  or- 
dres une  armée  capable  de  tenir  campagne  et  avec 
laquelle  il  combattit  les  légions  romaines;  après  cha- 
que échec,  il  trouvait  lui  aussi,  en  Gétulie,  un  asile 
sûr  et  des  forces  nouvelles  pour  recommencer  la 
guerre.  Cette  révolte  contribua  pour  une  large  part 
à  l'occupation  militaire  du  sud  des  monts  de  l'Aurès. 

Non  seulement  les  voies  de  communication  furent 
gardées,  mais  encore  l'Oued  Djedi,  que  les  Romains 
paraissaient  avoir  pris  comme  limite  sud,  fut  garni 
d'une  ligne  de  postes  fortifiés  dont  on  voit  encore 
aujourd'hui  les  ruines. 

Après  la  défaite  de  Tacfarinas,  l'Afrique  resta 
paisible  pendant  dix-sept  ans.  Dans  cet  intervalle, 
Tibère  mourut  et  Galigula  lui  succéda.  Le  meurtre 
de  Ptolémée  produisit  un  immense  soulèvement  en 
Mauritanie,  mais  la  Gétulie  ne  paraît  pas  y  avoir 
pris  part. 


—  227  - 

A  partir  de  cette  époque,  l'Afrique  du  Nord  fu 
liée  au  sort  de  la  Métropole  et  subit  le  contre-coup 
des  événements  qui  se  produisirent  dans  l'empire 
romain. 

Quant  à  la  Gétulie,  bien  que  soumise  à  la  domi- 
nation romaine,  elle  formait  encore  un  vaste  terri- 
toire où  les  tribus,  maintenues  dans  l'obéissance  par 
les  postes  qui  gardaient  les  voies  de  communication, 
conservaient  une  certaine  liberté  d'allure. 

Toutefois,  l'agriculture  s'y  était  perfectionnée,  le 
commerce  y  avait  pris  un  notable  essor  et  la  paix 
était  assurée  et  maintenue  par  le  besoin  d'échanges 
et  de  relations  avec  la  Colonie,  plus  encore  que  par 
l'occupation  militaire. 

En  297  après  J.-C,  les  Gétules  semblent  se  laisser 
entraîner  dans  le  mouvement  insurrectionnel.  Tandis 
que  Julianus  se  fait  proclamer  Empereur  d'Occident, 
les  tribus  de  l'Aurès  et  du  Sud  arborèrent  l'étendard 
de  la  révolte.  L'empereur  Maximien  Galère  ne  par- 
vint qu'à  grande  peine  à  réprimer  ces  troubles  et, 
pour  la  première  fois,  nous  voyons  appliquer  à 
l'égard  des  tribus  insurgées  la  mesure  de  l'interne- 
ment. 

L'ère  du  Christianisme  a  commencé  en  Afrique 
au  II®  siècle;  un  prêtre  de  Carthage,  Tertullien,  fit 
entendre  sa  voix  sur  toute  la  côte,  et  la  cruauté  des 
Gouverneurs  romains  fut  impuissante  contre  les  pro- 
grès de  la  religion  nouvelle.  Il  y  eut  bientôt  dans 
toute  l'Afrique  un  grand  nombre  de  petites  églises, 
à  la  tète  desquelles  étaient  des  pasteurs,  des  évèques; 
à  la  fin  du  IP  siècle,  ceux-ci  sont  assez  nombreux 
pour  tenir  des  conciles;  un  concile  fut  réuni  à  Cirta 
en  205,  un  autre  à  Carthage  en  255  ;  ce  dernier  présidé 


par  Saint-Cyprien  rassembla  quatre-vingt-cinq  évo- 
ques d'Afrique;  au  nailieu  du  IIP  siècle,  l'Afrique 
comptait  plus  de  deux  cents  évêques. 

L'empereur  Dèce  voulut  arrêter  cet  essor  par  de 
sanglantes  persécutions  (303),  il  ne  fit  qu'en  déplacer 
la  source  et  les  apôtres  delà  religion  nouvelle,  quit- 
tant le  littoral  et  les  régions  civilisées,  s'enfoncèrent 
dans  le  Sud  et  apportèrent  la  foi  chrétienne  jusqu'en 
Gétulie.  Au  milieu  du  III^  siècle,  il  y  avait  déjà  un 
évêque  à  Badis  (Badès)  au  sud  de  l'Aurès. 

En  411,  Vescera  ou  Beschra  (Biskra)  avait  pour 
évêque  Optât  qui  assista  à  la  conférence  de  Carthage. 
C'est  probablement  le  Saint  Optât  dont  on  a  retrouvé 
l'épitaphe  dans  la  catacombe  de  Saint-Callixte,  à 
Rome,  car  il  fut  exilé. 

Un  autre  évêque  de  Vescera,  Félix,  figure  en  tête 
des  évêques  de  Numidie  appelés  à  Carthage  en  484, 
puis  exilés  par  Huneric. 

Enfin,  la  notice  de  Léon  le  Sage  dit  que  le  Castrum 
Bedera  (probablement  Vescera  ou  Bescera)  avait 
encore  un  évêque  en  883  O. 

Mais  la  puissance  romaine  était  sur  son  déclin; 
tandis  que  les  successeurs  de  Constantin  commettent 
la  faute  de  se  partager  son  empire,  point  de  départ 
de  la  décadence  romaine,  le  Gouverneur  de  l'Afrique, 
le  comte  Romanus  se  ligue  secrètement  avec  les 
tribus  du  Désert  et  leur  ofïre  de  leur  hvrer  les  flo- 
rissantes cités  que  son  devoir  était  de  protéger. 

Les  Gétules,  assurés  de  l'impunité,  escaladent 
leurs  montagnes,  pénétrent  en  armes  dans  les  fer- 


(l)  Toulotte.  Géographie  de  l'Afrique  Chrétienne,  Numidie,  p.  337,  de 
Rossi,  Romo  Sotteranea,  I,  p.  278  et  303;  II,  p.  48  et  222. 


—  229  — 

tiles  campagnes  soumises  à  la  colonisation  romaine 
et  les  pillent,  après  avoir  massacré  leurs  habitants. 
Les  Maures,  à  leur  tour,  s'insurgent  en  masse  sous 
la  conduite  de  Firmus. 

Le  Gouverneur  romain,  que.  sa  récente  trahison 
désignait  à  la  haine  des  indigènes,  ne  pût  lutter 
contre  l'Afrique  entière.  Rome  dut  envoyer  Théodose, 
que  la  pacification  de  la  Grande-Bretagne  venait  de 
rendre  célèbre  et  redoutable.  Comme  cela  avait  eu 
lieu  avec  Jugurtha  et  avec  Tacfarinas,  le  général  ro- 
main eut  facilement  raison  du  rebelle  tant  qu'il  le 
combattit  dans  les  plaines  soumises  à  la  domination 
romaine,  mais  ce  dernier,  à  l'exemple  de  ses  prédé- 
cesseurs, n'hésita  pas  à  franchir  les  monts  de  l'Aurès 
et  à  s'enfoncer  dans  le  Sud.  La  lutte  aurait  continué 
et  Firmus  serait  revenu  du  Sahara  à  l'improviste, 
même  plus  fort  que  jamais,  si  Théodose  n'avait 
compris  l'enseignement  qu'il  devait  tirer  des  révoltes 
précédentes. 

Après  avoir  assuré  ses  communications,  le  géné- 
ral romain  s'élança  dans  le  Sahara,  bien  décidé  à 
en  finir  en  rendant  responsables  les  tribus  qui  avaient 
donné  asile  au  rebelle. 

Nous  ne  retracerons  pas  les  péripéties  de  la  lutte  ; 
selon  toute  probabilité,  ce  n'est  pas  la  Gétulie,  mais 
bien  le  Djerid  qui  en  fut  le  théâtre.  Nous  dirons  seu- 
lement que  Firmus  fut  livré  par  les  barbares,  effrayés 
des  échecs  successifs  que  leiu^  avait  attirés  leur 
complicité  avec  le  rebelle.  Firmus  vaincu,  ses  parents 
continuèrent  un  instant  la  lutte,  mais,  adroitement 
divisés  par  l'habileté  de  la  politique  romaine,  ils  ne 
purent  longtemps  résister  et  furent  vaincus  à  leur 
tour. 


-  230  - 

Ce  succès  définitif  ne  releva  pas  l'Empire  romain- 
1  Europe  subissait  alors  une  crise  autrement  redou- 
table :  les  Francs,  les  Vandales  portaient  partout  le 
sac  et  le  carnage. 

L'invasion  ne  s'arrêta  pas  là  :  le  mariage  du  comte 
Boniface  avec  une  jeune  Vandale,  les  complots   de 
son  rival  Aëlius  firent  tomber  l'Afrique  elle-même 
aux  mains  des  Vandales. 
Ainsi  finit  la  domination  romaine. 
En  résumé,  la  plaine  des-Ziban,  inculte  et  désolée 
a  l'origme  des  temps,  devint  le  refuge  des  berbères 
fuyant   la  domination    étrangère;    ils   vivaient   là    à 
retat  sauvage,  promenant  leur  indépendance  farou- 
che dans  le  désert,  dans  le  pays  dévoré  par  le  soleil. 
Sous  le  règne  des  princes   indigènes   Micipsa   et 
Juba,  leur  influence  se  fît  sentir  jusqu'au    sud   des 
monts  de  l'Atlas;  ils  s'initièrent  à  l'agriculture    et 
decouvrèrent  une  fertilité  extraordinaire  dans  le  sol 
de  la  contrée  qu'ils  habitaient.  Puis,  les  guerres  de 
Jugurtha  firent  comprendre  à  Rome  la  nécessité  de 
commander  à  une  région  dont  le  voisinage  était  une 
menace  perpétuelle  et  un  asile  pour  les  rebelles. 

A  cette  époque,  comme  aujourd'hui,    les  popula- 
tions de  la  plaine  étaient,  pour  la  plus  grande  partie 
des  objets  nécessaires  à  la  vie,  tributaires  des  con- 
trées  situées  au   nord  de  la  chaîne  de  l'Aurès     II 
suffisait,  pour  les  dominer,  de  garder  les  passages 
qui   pouvaient   leur   donner   accès    à   travers    cette 
chame  de  montagnes.  C'est  ce  que  firent  les  Romains. 
Le  défilé  étroit  et  resserré,  qui  aujourd'hui  s'appelle 
El-Kantara,  s'appelait  à  cette  époque  Galceum  Her^ 
cuhs.  De  là,  partait  une  voie  de  communication  qui 


—  231  — 

reliait  Laml);rsis  (Lambèse)  à  Besoera  ou  Vescera 
(Biskra)  et  à  Gemellœ  (M'iili). 

Plus  tai'd,  la  vallée  de  l'Oued  Djedi  fat  occupée 
militairement.  De  distance  en  distance  des  fortins, 
placés  comme  des  postes  avancés  et  dont  on  voit 
encore  aujourd'hui  les  ruines,  gardaient  les  passages 
de  la  rivière  et  de  la  route  qui  conduit,  actuellement, 
par  le  Rab-Guebli,  de  Biskra  aux  Ouled-Djellal.  Un 
premier  fortin  a  été  retrouvé  près  de  l'Oued  Taga, 
puis  trois  autres  entre  le  Djebel  Mahmel  et  l'Oued 
Abdi,  dont  un,  assez  important,  à  Adrar-Amellal, 
plus  au  sud  de  la  forteresse  de  Tiksarien  et  celle  de 
Menàa,  au  confluent  de  l'Oued  Abdi  et  de  l'Oued  el- 
Amar.  Enfin,  vers  Biskra,  le  fort  de  Branis  gardait 
le  débouché  sud  de  la  vallée. 

En  outre,  un  fort  puissant  s'élevait  en  pleine  mon- 
tagne, au  cœur  du  massif  du  Djebel  Amar-Kaddou, 
non  loin  de  l'endroit  appelé  aujourd'hui  Kimel  (i). 

Ces  postes  étaient  pour  ainsi  dire  les  sentinelles 
avancées  de  la  ligne  Batna,  Khenchela,  Tébessa 
(Lambœsis,  Mascula,  Théveste),  ligne  qui  couronnait 
les  hauteurs  de  l'Atlas  et  en  gardait  le  massif.  Au 
débouché  de  l'Oued  Abiod  était  établi  Thabudéos 
(Thouda);  on  y  a  trouvé  de  grands  fûts  de  colonnes 
et  des  thermes,  et  il  est  à  présumer  que  les  pierres 
des  constructions  qui  y  existaient  on  été  utilisées 
pour  les  habitations  de  l'oasis  de  Sidi-Okba;  on  a 
découvert,  en  efïet,  à  Sidi-Okba,  une  inscription  pro- 
venant, sans  nul  doute,  des  ruines  de  Thouda  et  où 
il  est  question  d'un  certain  M.  Messius  Messor,  Prœfec- 
tiis  Cokortisi-). 


(1)  L'-cdonel  de  Lartigue,  Monographie  de  l'Aurès^  p.  140. 

(2)  L'-colonel  de  Lartigue,  Monographie  de  l'Auras,  p.  142,  143. 


—  232  — 

D'autre  part,  la  vallée  de  l'Oued  Abdi  était  défen- 
due par  Bescera  ou  Vescera  (Biskra);  on  a  retrouvé 
sur  la  rive  droite  de  la  rivière  des  restes  de  forte- 
resse, notamment  un  puits  de  20  mètres  de  profon- 
deur. Un  texte  épigraphique  nous  apprend  que  la 
place  était  gardée,  au  début  du  IIP  siècle,  par  un 
détachement  du  Numerus  Palmyrenorum,  dont  le 
gros  était  campé  à  El-Kantara  1^) . 

Enfin,  un  dernier  poste,  dont  il  ne  reste  plus  de 
ruines,  existait  à  El-Outaya. 

C'est  grâce  à  cette  occupation  étroite  et  serrée  que 
les  Romains  purent  éviter  toute  grande  révolte  dans 
l'Aurès  et  dans  le  Sud.  Mascula  (Khenchela)  n'avait 
d'ailleurs  été  créée  que  parce  qu'elle  commandait  la 
route  de  Gonstantine  au  Souf  et  on  a  retrouvé  à 
Ghadamès  des  inscriptions  qui  prouvent  le  passage 
des  Romains;  ils  avaient  donc  excursionné  dans  tout 
le  Sud. 

Sous  le  règne  d'Auguste,  les  colonies  romaines 
furent  transformées  en  territoire  civil,  commandées 
par  un  Prœses  ou  un  Gorrector  ;  mais  les  régions 
du  Sud,  comme  la  Gétulie,  furent  toujours  mainte- 
nues en  territoire  militaire  et  commandées  par  le 
Dux  limitis  ou  le  Pnpositus  limitis.  Dans  quelques 
inscriptions  on  trouve  même  le  titre  Procuralor  Au- 
gusii  ad  curam  Gtntium. 

Période  Vandale  et  Restauration  Byzantine.  — 
Les  Vandales, venus  de  Sarmatie,  étaient  alors  établis 
en  Espagne;  appelés  par  le  Comte  Boniface,  général 
et  gouverneur  de  l'Afrique,  qui  croyait  avoir  à  se 


(1)  L'-colonel  de  Lartigue,  Monographie  de  l'Aurès,  p.  143, 


—  233  — 

plaindre  de  l'impératrice  Placidie,  ils  franchirent  le 
détroit  de  Gibraltar,  en  mai  429,  sous  la  conduite  de 
leur  roi  Genséric.  Dans  dix  ans,  ils  eurent  conquis 
toute  l'Afrique  romaine.  Le  colosse  romain  était 
installé  en  Afrique  depuis  près  de  600  ans;  quelques 
mois,  pour  ainsi  dire,  suffirent  aux  Vandales  pour 
s'en  emparer  et  le  démolir. 

Pendant  cette  période  de  troubles  et  de  luttes 
intérieures,  on  ne  trouve,  dans  l'histoire,  rien  qui  soit 
particulier  au  Zab;  ce  qu'on  sait,  toutefois,  de  la 
domination  Vandale,  de  son  manque  d'organisation, 
de  son  peu  de  cohésion,  de  l'absence  de  toute  insti- 
tution militaire  utilisant  les  forces  du  pays,  permet 
de  supposer  que  la  conquête  ne  dépassa  pas  les 
dernières  ramifications  de  l'Aurès. 
Non  seulement,  d'ailleurs,  cette  région  montagneuse 
ne  fut  jamais  complètement  soumise,  mais  sous  le 
règne  d'Humeric,  fils  de  Genséric,  l'Aurès  se  dé- 
clara indépendant.  La  région  du  Zab  suivit  incon- 
testablement son  exemple,  si  tant  est  qu'elle  eût  été 
jamais  soumise.  Procoque  indique  le  nom  des  prin- 
cipaux chefs  indigènes  qui  commandaient  à  l'époque 
de  l'arrivée  de  Bélisaire  en  Afrique,  et  parmi  eux 
figure  Orthaïas  qui  avait  sous  ses  ordres  les  popu- 
lations du  Hodna,  du  Belezma  et  du  Zab(i). 

Aucune  ruine,  aucune  inscription,  aucun  document 
n'établissent  l'influence  de  l'occupation  Vandale  et  de 
la  période  Byzantine  sur  la  population  des  Ziban. 

Période  Arabe.  —  La  décadence,  dans  laquelle 
étaient  tombés  les  descendants  dégénérés  des  Ro- 


(1)  L'-colonel  de  Lartigue,  Monouraphie  de  l'Auras,  page  1G7,  note  2. 


—  234  - 

mains,  était  assez  profonde  pour  les  rendre  incapa- 
bles d'opposer  une  résistance  sérieuse  à  une  nou- 
velle invasion,  qui  ne  tarda  pas  à  se  produire;  le 
nouvel  envahisseur  devait  être  le  peuple  Arabe,  que 
Mahomet,  grâce  à  la  religion  nouvelle,  l'Islamisme, 
qu'il  venait  de  fonder,  put  réunir  en  un  faisceau 
puissant. 

L'historien  Ellien,  contemporain  du  règne  d'Adrien, 
nous  a  laissé  une  esquisse  des  Arabes  de  son  temps. 
{(  Ce  sont,  dit-il,  des  guerriers  à  demi  nus,  vivant 
«  tous  de  la  même  manière  et  ne  portant  que  de 
«  petites  saies  de  couleur  qui  s'arrêtent  en  haut  des 
(i  cuisses.  Montés  sur  de  rapides  coursiers  et  secon- 
«  dés  par  des  chameaux  agiles,  ils  sont  toujours 
«  errants  çà  et  là,  soit  en  paix,  soit  en  guerre;  au- 
«  cun  d'eux  ne  touche  à  la  charrue,  ne  soigne  un 
«  seul  arbre,  ne  demande  à  la  terre  cultivée  sa 
«  subsistance;  toujours  en  mouvement,  ils  sont  sans 
«  foyer,  sans  demeure  fixe  et  sans  loi;  pour  eux, 
«  voyager,  c'est  vivre.  •» 

Le  gouvernement  de  ces  peuples  était  purement 
patriarcal.  Dans  chaque  tribu,  le  plus^  ancien  de  cer- 
taines familles  privilégiées  jouissait  d'une  influence 
qui  lui  donnait  des  pouvoirs  étendus  pour  la  direc- 
tion ou  la  défense  des  intérêts  communs.  Quant  aux 
contestations  de  tribu  à  tribu  qui  s'élevaient  entre 
elles,  soit  pour  la  possession  des  pâturages,  soit  à 
la  suite  des  enlèvements  de  troupeaux,  elles  étaient 
souvent  réglées  par  l'arbitrage  des  Cheikhs  ou  An- 
ciens; mais,  souvent  aussi,  les  partis  ennemis  en 
venaient  aux  mains. 

Ayant  fait  accepter  une  foi  commune  à  ces  groupes 
que  divisait  une  constante  rivalité,  Mahomet  en  fit 


—  235  — 

une  grande  nation,  qui  devait  être  forcément  conqué- 
rante, car  elle  était  énergique,  habituée  aux  dangers 
des  combats  et  admirablement  endurcie  aux  fatigues 
de  toutes  sortes. 

C'est  ainsi  qu'en  6i7,  le  plus  habile  et  le  plus 
courageux  des  cavaliers  de  l'Arabie,  Abdallah  ben 
Saïd,  frère  de  lait  du  khalife  Othmann,  après  une 
marche  pénible  à  travers  le  désert,  arriva  sous  les 
murs  de  Tripde  et  y  défit  le  patrice  Grégoire. 

L'émotion  fut  grande  dans  le  Nord  de  l'Afrique; 
l'audace  inouïe  de  ces  conquérants,  qui  ne  craignaient 
pas  d'attaquer  leur  territoire  par  le  Sahara,  frappa 
d'épouvante  les  barbares  qui  y  cachaient  leur  indé- 
pendance. Et,  dès  que  la  nouvelle  du  sac  d'Alexandrie 
et  de  la  prise  de  Tripoli  fut  connue  dans  l'Aurès, 
on  s'attendit  à  chaque  instant  à  voir  les  Arabes 
surgir  du  désert,  bravant  la  soif,  la  chaleur  et  le 
danger  de  se  perdre  dans  ces  immenses  solitudes. 

Toutefois,  cette  première  alerte  fut  vaine;  épuisé 
par  la  fatigue  et  les  maladies  épidémiques,  rappelé 
par  les  dissensions  religieuses  qui  ensanglantaient 
déjà  l'Islam  à  son  berceau,  Abdallah  avait  dû  aban- 
donner provisoirement  l'Afrique  occidentale. 
.  Six  ans  plus  tard,  une  seconde  invasion  fut  entre- 
prise par  le  khalife  Moawiah  ;  l'armée  musulmane 
mit  en  fuite  les  Byzantins  et  s'empara  de  l'antique 
Gyrène. 

Un  ordre  venu  de  Damas  l'arrêta  encore  une  fois 
et  la  conquête  définitive  fut  de  nouveau  ajournée. 

La  troisième  invasion  fut  plus  heureuse.  Elle  était 
conduite  par  Okba  ben  Nafa,  qui  mérita  le  surnom 
de  Conquérani.  Comme  un  ouragan,  sans  se  laisser 
arrêter  par  aucun  obstacle,  l'armée  musulmane  tra- 


-  236  — 

versa  la  Tunisie,  l'Algérie  et  le  Maroc,  et  courut 
jusqu'à  l'Occident,  sur  les  rivages  de  l'Atlantique. 
La  plupart  des  villes  du  littoral  n'avaient  pas  cessé 
d'appartenir  à  l'Empire  Grec,  mais  toutes  les  tribus 
sauvages  du  versant  méridional  de  l'Atlas  étaient 
soumises.  Les  populations  grecques  n'occupaient 
plus  qu'un  territoire  resserré  entre  la  mer  et  la  con- 
quête arabe,  et,  pour  rendre  leur  situation  plus  cri- 
tique encore  et  s'assurer  une  issue  en  cas  de  retraite, 
Okba,  revenant  victorieux  sur  ses  pas,  fonda  une 
ville,  Kairouan,  destinée  à  devenir  le  grand  centre 
politique  et  religieux  de  l'ouest. 

La  sécurité  causée  par  le  succès  des  Arabes  ne  fut 
pas  de  longue  durée.  Bientôt  les  Berbères,  descen- 
dant de  leurs  montagnes,  menacèrent  les  musulmans. 
Okba  s'avança  à  leur   rencontre.   La   bataille  eût 
lieu  au  milieu  même  des  Ziban,  auprès   du  village 
de  Thouda  ou  Tehouda,  au  sud-est  de  Biskra  ;  elle 
fut  longue  et  opiniâtre.  Vingt  fois  les  cavaliers  arabes 
s'élancèrent  à  la  charge.  Vingt  fois  ils  furent  repous- 
sés.  Dans  cette  sanglante  rencontre  Okba   fut  tué. 
Voyant   qu'il  ne  pouvait  échapper,   il  descendit  de 
cheval,  dit  la  prière  et  brisa  son  épée.  Trois  cents  de 
de  ses  compagnons  l'imitèrent  et  se  firent  bravement 
tuer  avec  lui.  Okba  fut  enterré  à  l'endroit  même  où 
il  était  tombé.  Autour  de  son  tombeau,  dans  l'oasis 
qui,  depuis,  porte  son  nom,   les  Berbères  devenus 
musulmans,   élevèrent  plus  tard  un   village   auquel 
ils    donnèrent    également    le    nom    du    conquérant 
<'  Sidi-Okba  oO^    682  de  J.-C).  Le. chef  indigène  qui 


(1)  L'oasis  de  Sidi-Okba  est  devenue  la  capitale  religieuse  des  Ziban. 
Sa  mosquée,  qui  est  un  but  de  pèlerinage,  est  considérée  comme  un  lieu 
saint,  dont   la   visite  attire   la  nénédiclion  divine;  c'est   le   plus  ancien 


—  237  — 

avait  remporté  cette  éclatante  victoire,  Koceïla,  élu 
roi  par  un  grand  nombre  de  tribus,  fonda  un  royaume 
berbère,  dont  le  siège  était  à  Kairouan,  et  qui  com- 
prenait le  Zab  actuel  et  presque  tout  l'Aurès. 

La  Berbérie,  pour  la  première  fois  réunie  en  un 
royaume  indépendant  sous  un  de  ses  enfants,  connut 
sous  ce  roi  plusieurs  années  de  paix  et  de  tranquil- 
lité. Les  tribus  qui  avaient  embrassé  l'Islamisme, 
s'empressèrent  de  répudier  ce  nouveau  culte  et  de 
revenir  à  leur  première  religion,  chrétienne,  juive  ou 
païenne.  Mais  les  Arabes,  retenus  momentanément 
en  Orient  par  les  guerres  civiles  qui  déchiraient  leur 
patrie,  revinrent  bientôt  à  la  charge  et  Koceïla  fut 
battu  et  tué  à  Mems  (Sbiba)  en  690.  La  lutte  contre 
les  envahisseurs  fut  continuée  par  «  La  Kahena  », 
reine  de  l'Aurès  et  des  Berbères  ;  mais  celle-ci  fut 
battue  et  tuée  à  son  tour  en  703.  La  Berbérie  devint 
alors  la  proie  des  musulmans  qui  profitèrent  des  dis- 
sensions religieuses  allumées  dans  le  pays  par  le 
mélange  de  chrétiens  et  de  berbères  nouvellement 
convertis  à  l'Islamisme  pour  établir  leur  domination 
sur  l'Aurès  et  sur  la  région  du  Zab. 

En  737,  Okacha  ben  Aioul  el  Ferari  leva  l'étendard 
de  la  révolte  à  Gabès.  Gomme  une  traînée  de  poudre 
l'insurrection  gagna  le  Djerid,  puis  le  Zab. 


monument  de  l'Islamisme  en  Algérie;  elle  est  entourée  d'un  portique  et 
sa  terrasse  est  soutenue  par  26  colonnes,  dont  les  chapiteaux,  diverse- 
ment sculptés,  sont  ornés  de  peintures.  Le  minaret  est  carré  et  va  en 
s'amincissant.  Sidi-Okba  repose  dans  une  kouba  à  droite  du  Mihrab;  le 
tsabout  ou  châsse,  qui  i-ecouvie  l'émir  et  sur  lequel  sont  jetées  des  pièces 
d'étoflles  de  soie   brodées  d'inscriptions  arabes,  est  des  plus   modestes. 

Sur  un   des  piliers   de  la  kcuba  on  lit   :     oj  U)       j  5_^_à.c  ^^  1  jj» 

y\Jj!  ./\ocs.       (ceci  est  le  tombeau  de  Okba,  fils  de  Nafa,  que  Dieu  le 

reçoive  dans  sa  miséricorde).  Cette  inscription,  eu  caractères  koufiques 
du  1"  siècle  de  l'hégire,  est  la  plus  ancienne  de  l'Algérie  (de  Lartigue, 
Monographie  de  l'Aurès,  p.  180,  note  1). 


—  238  - 

Les  insurgés  partis  de  cette  dernière  contrée,  se 
divisèrent  en  deux  corps  qui  devaient  converger  sur 
Tébessa.  Attaqués  séparément  par  l'armée  arabe,  ils 
furent  vaincus  et  le  pays  rentra  dans  l'obéissance. 

A  partir  de  ce  moment,  l'histoire  de  l'Afrique 
occidentale  n'est  plus  qu'une  longue  énumération 
de  luttes  intestines,  de  rivalités,  de  révoltes;  puis 
l'invasion  Hilalienne  jeta  encore  sur  l'Ifrikia  comme 
une  nuée  de  sauterelles,  dit  Ibn  Khaldoun,  un  mil- 
lion de  gens  affamés,  habitués  à  la  guerre  et  au  pil- 
lage, qui  parcoururent  l'Afrique  pendant  plus  de 
10  ans,  détruisant  pour  le  plaisir  de  détruire,  cou- 
pant les  arbres,  brûlant  les  villes,  les  villages,  les 
fermes  et  apportant  le  désert  là  où  de  belles  cam- 
pagnes existaient  auparavant.  C'est  à  ces  envahis- 
seurs qu'on  doit  la  ruine  complète  de  l'Afrique  du 
Nord,  son  déboisement,  et  par  suite  la  disparition 
de  l'eau  et  des  sources. 

Et  comme  ces  hordes  n'avaient  aucune  idée  d'un 
gouvernement  régulier,  qu'elles  ne  se  soumettaient 
à  aucune  autorité,  leur  influence  fut  néfaste  pour  la 
population  berbère.  Elles  s'établirent  dans  les  régions 
les  plus  fertiles  et  firent  des  vaincus  leurs  fermiers, 
leurs  khammès.  Beaucoup  de  ces  derniers  s'expa- 
trièrent, quittèrent  leurs  montagnes  et  turent  obligés, 
pour  trouver  un  refuge  et  la  liberté,  de  s'enfoncer 
dans  le  Sud;  ils  se  fixèrent  sur  des  points  que 
n'avait  jamais  visités  aucune  des  dominations  précé- 
dentes. Les  autres  courbèrent  la  tête  sous  le  joug. 
Cependant  la  conquête  était  essentiellement  religieuse 
et  quiconque  se  soumit  dût  accepter  la  religion  de 
Mahomet. 

En  revanche,  tout  vaincu,  converti  à  l'Islam,  était 


—  239  — 

considéré  à  partir  de  ce  moment  comme  un  coreli- 
gionnaire et  il  pouvait  même  aspirer  aux  fonctions 
publiques. 

Préoccupés  de  leur  mission  religieuse,  les  musul- 
mans se  bornèrent  à  conquérir  et  à  convertir,  et 
firent  peu  d'efforts  pour  doter  le  pays  d'une  admi- 
nistration capable  d'y  maintenir  la  paix  ;  d'autre 
part,  à  cause  de  l'éloignement  du  pouvoir,  à  cause 
des  dissensions  religieuses  qui  éclatèrent  même  en 
Arabie,  à  cause  aussi  des  rivalités  qui  en  furent  la 
conséquence,  l'Afrique  ne  tarda  pas  à  se  fraction- 
ner en  une  multitude  de  petits  Etats  indépendants, 
dont  les  chefs  ne  cherchèrent  qu'à  affermir  et  à 
étendre  leurs  domaines  aux  dépens  des  voisins. 
L'Afrique  Occidentale,  le  Magreb  pour  les  Arabes, 
n'eut  bientôt  plus  d'Emir  titulaire;  chaque  petit  cheikh 
s'attribua  ce  titre;  la  puissance  politique  du  khalife 
de  Bagdad  cessa  même  d'être  reconnue  et  on  en 
arriva  à  ne  plus  le  considérer  que  comme  un  chef  spi- 
rituel de  la  religion.  Tandis  que  la  fusion  s'établissait 
entre  les  vainqueurs  et  les  vaincus  convertis  à  l'Islam, 
la  scission  minait  sourdement  l'unité  arabe.  Après 
plusieurs  générations,  des  groupes  de  tribus,  issus 
d'une  même  invasion,  en  arrivèrent  à  oublier  leur 
origine  commune  et  redevinrent  ce  qu'elles  étaient 
en  Arabie  avant  l'œuvre   civilisatrice  de  Mahomet. 

Dès  lors,  elles  retrouvèrent,  dans  les  solitudes 
désolées  de  l'Afrique,  leurs  instincts  de  bergers 
nomades;  le  sol  ne  fut  soumis  à  aucun  partage; 
chaque  tribu  n'eut  d'autre  lot  que  celui  que  le  sort 
des  armes  et  le  hasard  des  événements  lui  avait 
attribué  et  c'est  ainsi  qu'après  dix-huit  siècles,  nous 
retrouvons,   vivant  côte  à   côte,   les  uns  de  la   vie 


—  240  — 

sédentaire,  les  autres  de  la  vie  nomade,  les  anciens 
Gélules  devenus  les  habitants  des  oasis  des  Ziban 
et  les  anciens  conquérants,  aujourd'hui  les  Arab- 
Cheraga,  les  Ouled-Sidi-Salàh,  les  Ahl- Amour  et 
les  Ghamra.  Les  Aborigènes  ont  à  peine  changé, 
tandis  qu'à  leur  contact,  les  Advènes  ont  perdu  en 
peu  de  temps  jusqu'au  souvenir  des  splendeurs  de 
leur  civilisation  passée. 

Berbères. — La  période  berbère  n'a  pas  laissé  plus 
de  traces  dans  les  Ziban  que  la  domination  vandale. 

Le  Zab  fut  d'abord  soumis  à  la  domination  des 
Hammadites  (branche  de  la  dynastie  sanhadjienne 
des  Zirites),  qui  établit  le  siège  de  son  empire  à 
Bougie,  puis  à  celle  des  Almohades  ;  les  princes  de 
ces  dynasties  possédaient  bien  un  certain  degré  de 
civilisation,  mais,  emportés  dans  le  tourbillon  des 
guerres  incessantes  qui  signalèrent  leur  règne,  ils 
ne  purent  fonder  un  gouvernement  durable. 

Période  turque.  —  C'est  au  commencement  du 
xvi''  siècle  que  l'empire  Ottoman  étendit  sa  domi- 
nation dans  l'Afrique  du  Nord  et,  par  suite,  sur  la 
région  du  Zab.  Les  Turcs  occupèrent  Biskra  dans 
le  courant  du  xvi^  siècle,  mais  leur  autorité  ne  s'y 
exerça  d'une  façon  effective  que  vers  1640,  et  ce  ne 
fut  même  que  vers  1700  que  des  Cheiks  furent  inves- 
tis dans  les  tribus. 

Pendant  cette  période,  le  Sahara  fut  le  théâtre  de 
luttes  perpétuelles  où  les  tribus  nomades  se  dispu- 
taient le  droit  de  ]jiller  les  oasis.  La  domination  tur- 
que, qui  devait  durer  plus  de  trois  siècles,  fut  des 
plus  précaires  dans  le  Zab;  l'organisation  politique 


—  241  — 

qu'ils  y  instituèrent  était  des  plus  simples.  Chaque 
village  et  chaque  tribu  étaient  commandés  par  un 
cheikk  ;  à  Biskra  résidait  un  Caïd  et  le  Clieikh  El  Arab, 
représentant  direct  du  Bey;  l'autorité  de  ce  dernier 
ne  s'exerçait  d'une  façon  sérieuse  que  lorsque  des 
troupes  turques  venaient  l'appuyer.  Des  colonnes 
qui  avaient  surtout  pour  but  d'assurer,  les  armes  à 
la  main,  le  recouvrement  de  l'impôt,  sortaient  cha- 
que année  de  Constantine  et  venaient  lui  prêter  leur 
concours. 

Ces  troupes  étaient  généralement  assez  mal  reçues  ; 
c'est  ainsi  que  la  tribu  des  Ouled  Daoud,  qui  occupe 
la  vallée  de  l'Oued-Abiod,  ne  laissa  jamais  passer 
les  Turcs  ;  maints  combats  furent  livrés  par  elle  pour 
les  empêcher  de  pénétrer  plus  avant. 

La  dignité  de  Cheik  El  Arab  fut  longtemps  l'apa- 
nage des  Ouled  ben  Okkar,  une  des  branches  de  la 
grande  famille  des  descendants  de  Yacoub  ben  Ali. 
L'insolence  des  personnages  de  cette  famille  fut 
telle  qu'elle  porta  ombrage  à  l'autorité  du  Bey  de  Cons- 
tantine et,  en  1776,  Salah  Bey  leur  suscita  un  rival. 
Il  le  choisit  dans  la  famille  de  Ben  Ganah.  Plu- 
sieurs versions  ont  été  établies  sur  l'origine  de  cette 
famille.  La  plus  accréditée  est  qu'elle  descend  d'un 
certain  Nosoud  (probablement  Messaoud)  qui  était 
lui-même  un  ancêtre  de  Yacoub  ben  Ali.  Si  les  deux 
familles  n'avaient  pas  une  origine  commune,  elles 
avaient  contracté  une  alliance  récente;  Ferhat  ben 
M'hammed  ben  Bou  Okkar,  cheikh  El  Arab  sous 
Salah  Bey,  avait  épousé  une  fille  de  la  famille  des 
Ben  Ganah. 

Au  moment  où  Bou  Okkar,  qui  succédait  à  son 
père  comme  cheikh  El  Arab,  se  rendait  odieux  aux 


—  242  — 

tribus  par  sa  cruauté  et  sa  sévérité,  El  Hadj  ben 
Ganah  revenait  de  la  Mecque  avec  un  grand  nombre 
d'Arabes  influents  et  dont  il  avait  su  faire  la  conquête 
pendant  le  pèlerinage,  par  son  esprit,  son  afïal)ilité 
et  ses  richesses. 

Salah  Bey,  saisit  avec  empressement  l'occasion  et 
favorisa  la  défection  des  Ahl  ben  Ali,  qui,  sorte  de 
jannissaires  auprès  du  cheikh  El-Arab,  venaient  de 
reconnaître  El  Hadj  ben  Ganah,  et  avaient  entraîné 
dans  ce  mouvement,  bon  nombre  de  tribus  du  Tell. 

A  partir  de  ce  moment,  l'histoire  du  Sahara  n'est 
plus  que  celle  des  deux  familles  Bou-Okkar  et  Ben 
Ganah;  nous  les  voyons  alternativement  renversés 
ou  soutenus  par  les  Turcs,  suivant  les  intérêts  du 
moment  et  le  succès  relatif  des  intrigues  de  chaque 
parti. 

A  El  Hadj  ben  Ganah,  succéda  Ferhat  ben  Ahmed, 
auquel  succéda  Mohamed  ben  El  Hadj  ben  Ganah; 
puis  Debbah  bou  Okkar  reçut  le  caftan,  qui  lui  fut 
à  nouveau  retiré  pour  être  rendu  à  Mohamed  ben 
El  Hadj  ben  Ganah. 

Cependant,  le  règne  de  Salah  Bey  laisse  un  autre 
souvenir  dans  les  Ziban.  Ce  bey  fut  le  seul  qui  ait 
tenté  d'établir  une  administration  dans  le  pays  ;  il 
poussa  les  indigènes  à  la  culture.  Il  fit  quatre  voya- 
ges dans  le  Zab,  dont  il  paraît  avoir  remarqué  la 
fertilité;  et,  c'est  lui,  qui  régla  une  des  questions 
les  plus  importantes  dans  ce  pays  d'oasis,  le  partage 
des  eaux,  l'eau  étant  la  base  et  le  point  de  départ  de 
la  propriété  au  Sud  des  monts  Aurès. 


-  243  - 
CHAPITRE     III 

Conquête  française 

1830-1844.  —  Jamais  peut-être  l'Afrique  Occi- 
dentale n'avait  été  dans  un  état  de  division  aussi 
grand  qu'au  moment  où  nos  troupes  débarquèrent  à 
Sidi-Ferruch;  ce  résultat  était  dû  à  la  politique  tur- 
que qui  se  contentait  de  récolter  des  impôts,  sans 
souci  de  l'administration  intérieure;  les  tribus  du 
sud  étaient  devenues  de  véritables  petits  royaumes, 
tributaires  seulement  du  gouvernement  Ottoman. 

Notre  drapeau  ne  fut  planté  dans  le  Zab  qu'en  1844, 
Mais,  pour  l'histoire  de  ce  pays,  il  importe  de  faire 
ressortir  les  rivalités  qui  existaient  à  ce  moment  là 
entre  les  grandes  familles  qui  s'y  disputaient  le  pou- 
voir. 

Après  la  prise  d'Alger  et  après  la  bataille  de 
Staouëli,  le  bey  de  Gonstantine,  El  Hadj  Ahmed, 
fut  abandonné  par  ses  contingents  kabyles  et  arabes. 
N'ayant  plus  autour  de  lui  que  sa  garde  turque,  il 
quitta  Gonstantine. 

Dans  la  vallée  de  la  Medjana,  il  fut  cerné  par  un 
nombre  d'Arabes  auquel  il  n'aurait  pu  résister  sans 
l'intervention  opportune  du  cheikh  El  Arab,  Moha- 
med ben  El  Hadj  Ben  Ganah,  suivi  de  800  chevaux. 

Après  avoir  rétabli  le  Bey  dans  son  palais  de 
Gonstantine,  Mohamed  ben  El  Hadj,  revint  dans  le 
Sahara  à  la  rencontre  de  Brahim  El-Guirili,  ancien 
bey  de  Gonstantine  (i),  qui  venait,  à  la  tète  d'un  fort 
parti,  prendre  possession  de  son  commandement. 

(I)  Institué  par  Brahim  Pacha. 


—  244  — 

Cet  usurpateur  eut  le  bonheur  de  rencontrer  sur  sa 
route  Ferhat  ben  Saïd,  qui  avait  été  clieikh  El-Arab 
jusqu'à  l'avènement  d'El-Hadj  Ahmed,  et  qui  fit  cause 
commune  avec  l'ancien  bey.  Il  amenait,  avec  lui  les 
Alh  ben  Ali,  les  Cheurfa,  les  Ghamra,  une  partie  des 
Ouled  Sahmou  du  Hodna  et  les  Ouled  Abdennour, 
séduits  par  l'appui  moral  de  son  nom,  son  prestige 
et  sa  réputation  de  bravoure. 

C'était  à  l'automne  1830;  la  rencontre  eut  lieu  à 
El-Bechira,  Grâce  à  la  trahison  des  Ouled  Sahmou, 
préparée  par  Mohamed  ben  El-Hadj  ben  Ganah  pen- 
dant la  nuit  qui  précéda  le  combat,  Ferhat  ben  Saïd 
essuya  une  défaite  complète. 

Il  ne  se  laissa  pas  abattre  par  cet  insuccès  et  se 
retira  à  Tolga.  Malgré  les  périls  de  cette  position 
désavantageuse  qui  le  mettait  entre  Mohamed  ben 
El-Hadj,  retiré  avec  sa  smala  et  les  Sahari  à  El-Ou- 
taïa,  et  les  Arab  Gheraba  qui  lui  fermaient  la  route 
du  Sud,  Ferhat  ben  Saïd  envoya  ses  émissaires  dans 
toutes  les  oasis  du  Zab  Daharaoui  et  du  Zab  Guebli, 
où  les  Alh  ben  Ali,  les  Cheurfa  et  les  Ramra  sont 
propriétaires.  Les  fantassins  de  ces  oasis  et  le  goum 
des  Ouled  Saoula  répondirent  à  l'appel  de  Ferhat  qui, 
à  la  tête  de  sa  troupe,  franchit  le  col  de  Motrof  pour 
déboucher  directement  dans  la  plaine  d'El-Outaïa. 
Mohamed  ben  El-Hadj  fut  battu  à  El-Harima  et  dût 
se  retirer  à  El-Kantara.  La  situation  des  partisans 
du  cheikh  El-Arab  était  critique.  En  se  retirant  dans 
le  Nord,  il  laissait  dans  le  Sahara  les  Arab  Gueraba. 
L'été  allait  succéder  au  printemps  et  ces  nomades 
se  demandaient  comment  ils  pourraient  franchir  le 
Zab  et  les  passages  de  l'Aurès  pour  aller  estiver. 

Mohamed   ben  El-Hadj  dût  demander  appui  au 


—  245  - 

Bey  de  (^onstantine  ciui,  comprenant  l'urgence  de  la 
situation,  se  mit  en  route  avec  tous  les  goums  du 
Tell  et  vint  camper  à  Dar  Azous,  sur  la  route  d'El- 
Outaïa  à  Biskra, 

Ferliat  ben  Saïd  vint  occuper  cette  route  à  hauteur 
de  la  petite  arête  montagneuse  qui  limite  au  Nord 
la  tribu  des  Ziban;  la  victoire  fut  éclatante  pour  le 
Bey  de  Gonstantine.  Quatre  cents  tentes  des  Ahl 
ben  Ali,  des  Cheurfa  et  des  Ouled  Zian  furent  cap- 
turés. Ferhat  ben  Saïd,  traversa  Biskra  en  toute  hâte 
et  se  sauva  dans  la  direction  de  Mlili.  Le  Bey  com- 
prit qu'il  fallait  profiter  de  la  victoire  et  ruiner  à  tout 
jamais  le  parti  des  Bou  OkKar.  Les  Cheurfas  s'étaient 
retirés  dans  le  Zab  Guebli,  les  Ahl  ben  Ali  et  les 
Ghamra  s'étaient  réfugiés  à  Lichana  et  à  Zaatcha.  Le 
Bey  marcha  aussitôt  sur  ces  deux  villages.  Les 
Sahari  établirent  leur  camp  entre  l'Oued  Bouchagroun 
et  Midah.  Les  Gheraba  prirent  position  au  Sud  du 
côté  de  Tolga.  Toutes  les  oasis  voisines  firent  leur 
soumission  et,  entraînées  par  cet  exemple,  les  Cheur- 
fa abandonnèrent  leurs  alliées  et  demandèrent  l'aman 
au  Bey. 

Celui-ci,  n'ayant  plus  à  compter  qu'avec  les  Ahl- 
ben-Ali  et  les  Ghamra,  commença  à  faire  couper  les 
palmiers  de  l'oasis.  Pendant  que  ce  travail  s'exécutait, 
Mohamed  ben  El  Hadj  voulut  essayer  des  négocia- 
tions; 120  cavaliers  furent  envoyés  en  Miad,  à  Li- 
chana, mais  ils  furent  gardés  comme  otages  et  le 
Bey  fut  prévenu  que,  s'il  ne  levait  pas  son  camp,  les 
prisonniers  seraient  tués  depuis  le  premier  jusqu'au 
dernier.  La  colère  du  Bey  fut  terrible  en  apprenant 
les  conditions  qu'osaient  lui  imposer  les  rebelles,  et, 
sous    l'impression   de   son   ressentiment,    il    donna 


~  246  — 

l'ordre  d'une  attaque  générale.  Les  Turcs,  avec 
l'artillerie,  devaient  suivre  le  chemin  d'Aïn-Fouhar 
au  village  de  Zaatcha;  les  Saharis,  celui  qui,  de  la 
Zaouia,  aboutit  au  même  point;  les  Stnia,  les  Ra- 
hman  et  les  Bou  Azid  devaient  prendre  le  chemin 
du  marabout  de  Sidi  Harzallah  qui  vient  de  la  direc- 
tion de  Farfar. 

L'attaque  fut  commencé  avec  beaucoup  de  vigueur  et 
les  défenseurs  refoulés  abandonnèrent  leurs  jardins. 
Mais  les  progrès  des  assaillants  durent  s'arrêter  aux 
fossés  du  village  et  devant  les  murs  à  travers  les 
crénaux  desquels  un  ennemi  invisible  tirait  à  coup 
sûr.  Le  Bey  dut  se  retirer,  les  assiégés  perdirent  ce 
jour-là  300  hommes  ;  les  assiégeants  laissèrent  der- 
rière eux  400  tués  et  200  blessés. 

Il  fallut  bien  accepter  les  conditions  qui  avaient 
excité  l'indignation  du  Bey.  Il  fut  convenu  que  les 
120  otages  seraient  rendus,  que  les  Ghamra,  les  véri- 
tables défenseurs  de  Zaatcha,  livreraient  30  otages 
.  et  le  Bey  se  retira  avec  Mohamed  ben  El  Hadj  par 
la  route  de  Constantine. 

Il  était  temps.  Au  moment  où  cette  troupe,  encom- 
brée de  blessés  et  de  malades,  franchissait  le  col 
d'El-Kantara,  Ferhat  ben  Saïd,  avec  des  forces 
nouvelles  composées  d'Ouled  Naïl,  débouchait  dans 
les  Ziban.  Les  oasis  qui  avaient  fait  leur  soumission 
furent  punies  d'une  amende;  la  caïd  de  Biskra  dut 
prendre  la  fuite  et  Ahmed  ben  Amerali  rentra  en 
fonctions. 

Pendant  l'hiver  de  1831  et  le  printemps  de  1832, 
Ferhat  resta  le  maître  du  Sahara.  A  la  voix  du 
marabout  de  Khanga,  quelques  nAontagnards  de 
l'Ahmar  Khaddou  et  du  Djebel  Ghechar  se  soule- 
vèrent contre  Ferhat  ben  Saïd. 


—  247  — 

Ce  dernier  les  dispersa  et  en  tua  quarante,  dont 
les  têtes  furent  envoyées  au  caïd  de  Biskra,  Ahmed 
ben  Amerali;  mais  Ferhat  ben  Saïd  avait  oublié  de 
se  faire  renseigner  sur  ce  qui  se  passait  dans  le  Tell. 
Le  jour  où  le  convoi  apportait  ce  sanglant  trophé,  le 
caïd  de  Biskra  avait  cessé  de  vivre  et  sa  propre  tête 
gisait  sur  les  marches  de  sa  maison. 

Désireux  de  réparer  son  échec  de  l'année  précé- 
dente, le  Bey,  après  avoir  reconstitué  sa  cavalerie, 
était  revenu  de  Gonstantine  avec  une  rapidité  telle 
qu'il  pénétra  dans  Biskra  avant  que  la  nouvelle  de 
son  départ  n'y  fut  arrivée.  Les  60  hommes  des 
Ghamra  laissés  par  Ferhat  et  le  caïd  Amerali  furent 
massacrés.  Le  lendemain  matin  après  une  marche 
de  nuit  de  80  kilomètres,  l'armée  du  Bey  tombait  à 
l'improviste  à  Badès  sur  le  camp  de  Ben  Ferhat. 
Tout  fut  pris,  tentes,  hommes  et  animaux  ;  Ben 
Ferhat  seul  parvint  à  s'échapper,  s'enfuit  au  Souf  et 
de  là  se  retira  chez  les  Ouled  Naïl.  Sa  fortune  sem- 
blait perdue  à  tout  jamais.  Abandonné  de  tous,  il  fit 
sa  soumission  aux  Français,  mais  ses  démarches, 
bien  accueillies  à  Alger,  ne  purent  aboutir. 

Au  retour  de  cette  expédition,  le  Bey  prit  le  titre 
de  Pacha  et  nomma  Bey  de  Gonstantine  à  sa  place 
un  kabyle  intrigant,  Ben  Aïssa,  qui  était  loin  d'avoir 
servi  sa  cause  avec  le  même  dévouement  que  Mo- 
hamed ben  El  Hadj  ben  Ganah.  Le  désappointement 
et  le  mécontentement  de  ce  dernier  furent  très  vifs 
et  une  rupture  s'en  suivit  entre  le  nouveau  Pacha  et 
son  ancien  allié.  Alors  commença  une  suite  d'intri- 
gues par  lesquelles  le  Pacha,  exploitant  la  nouvelle 
de  sa  rupture  avec  Mohamed  ben  El  Hadj,  essaya 
d'attirer  dans  un  piège  Ferhat  ben  Saïd,  auquel  il 


-  248  - 

n'avait  pas  pardonné  ses  échecs  passés.  Mais  ce 
rusé  personnage  ne  se  laissa  pas  prendre  aux  ou- 
vertures trompeuses  du  nouveau  Pacha. 

Toutes  ces  menées  amenèrent  la  mort  de  Moha- 
med ben  El  Hadj,  qui,  trompé  par  de  fausses  offres 
de  réconcilation,  se  laissa  entraîner  à  M'sila  où  le 
Pacha  le  reçut  magnifiquement  et  l'empoisonna.  Pour 
détourner  les  soupçons,  le  Pacha  nomma  Cheikh  El- 
Arab  le  frère  cadet  du  défunt,  Bouaziz  ben  Boula- 
kras.  Il  ne  se  contenta  pas  de  cette  marque  de  faveur, 
il  adopta  les  enfants  de  Mohamed  ben  El  Hadj. 

A  partir  de  ce  moment,  la  tranquilité  régna  tant 
bien  que  mal  dans  les  Ziban,  jusqu'à  la  prise  de. 
Constantine  (13  octobre  1837).  A  la  nouvelle  de  cet 
important  événement,  le  Pacha,  abandonné  de  pres- 
que tous  les  Arabes,  ne  resta  plus  entouré  que  de 
la  smala  des  Ben  Ganah  et  des  Sahari. 

Pendant  qu'il  hésitait  encore  sur  le  parti  à  pren- 
dre, Ferhat  ben  Saïd  était  déjà  arrivé  à  Constantine, 
14  jours  après  la  prise  de  la  ville,  et  avait  fait  sa 
soumission  aux  Français. 

Il  n'y  avait  plus  pour  le  Pacha  qu'une  chance  de 
salut,  profiter  du  séjour  de  Ben  Ferhat  à  Constanti- 
ne, s'emparer  du  Zab  et  s'y  installer.  Mais,  pendant 
qu'il  s'y  rendait,  il  apprit  que  Ferhat  ben  Saïd,  dou- 
blant les  étapes,  avait  fondu  sur  Biskra  et  s'en  était 
emparé,  lui  barrant  ainsi  la  route  du  Sud.  Cepen- 
dant, craignant  les  forces  que  le  Pacha  avait  recru- 
tées tout  le  long  de  sa  route,  Ben  Ferhat  songea  à 
aller  s'établir  à  Lichana  et  il  quitta  Biskra  par  la 
route  du  Zab  au  moment  où  le  goum  des  Ben  Ganah 
y  entrait  par  celle  du  Sahara. 

Le  Pacha  suivit  les  conseils  des  Ben  Ganah  qui 


—  249  - 

estimait  qu'il  n'y  avait  pas  un  instant  à  perdre  si 
l'on  voulait  éviter  un  nouveau  siège  de  Zaatcha; 
prenant  avec  eux  toute  la  garnison  de  Biskra,  ils 
coupèrent  droit  par  le  col  de  Khenizen  et  allèrent 
prendre  position  au  Marabout  de  Sidi  Rahal,  ap- 
puyés sur  les  Bou  Arid  qui  s'étaient  enfermés  dans 
leurs  villages  de  Foughala  et  d'El-Amri. 

Ben  Ferhat  peu  désireux  d'accepter  la  bataille  en 
rase  campagne  s'était  enfermé  dans  Lichana,  après 
avoir  envoyé  son  frère  chez  les  Ouled  Naïl  afin  de 
lui  ramener  du  renfort. 

Pour  ne  pas  être  inférieurs  en  nombre,  les  Ben 
Ganah  envoyèrent  chercher  leurs  partisans  les  Rah- 
mane  et  les  Selmia  qui  étaient  sur  l'Oued  Itel. 

Le  Pacha  voulait  attaquer  Lichana  sans  délai.  Les 
Ben  Ganah  réussirent  à  obtenir  qu'on  attendit  les 
renforts  de  l'Oued  Itel,  et  qu'au  lieu  d'attaquer  Li- 
chana, on  dévasterait  d'abord  les  oasis  du  Zal)  Gue- 
bli,  d'un  accès  beaucoup  plus  facile;  de  cette  ma- 
nière, tout  en  punissant  les  Cheurfa  de  leur  infidélité, 
on  obligerait  Ben  Ferhat  à  sortir  de  Lichana  et  ac- 
cepter le  combat  dans  la  plaine. 

Les  Rahmane  et  les  Selmia  ne  tardèrent  pas  à 
arriver  et,  le  jour  convenu,  on  attaqua  les  deux  oasis 
de  Lioua  et  de  Sahira. 

Comme  l'avaient  prévu  les  Ben  Ganah,  Ferhat  ben 
Saïd  vint  aussitôt  au  secours  des  Cheurfa. 

Battu  dans  la  plaine,  Ben  Ferhat  fut  assez  heureux 
pour  s'enfuir  et,  tandis  que  les  cavaliers  qui  le  pour- 
suivaient revenaient  sans  avoir  pu  l'atteindre,  les 
gens  de  Sahira  faisaient  cesser  le  feu  de  l'infanterie 
turque  en  laissant  croire  que  Ferhat  était  dans  leurs 


—  250  — 

murs  et  qu'ils  le  livreraient  si  on  voulait  leur  accor- 
der l'aman. 

Les  pourparlers  durèrent  jusqu'à  la  nuit  et,  le  len- 
demain matin,  le  Pacha  apprit  en  même  temps  la 
ruse  des  Cheurfa  et  la  fuite  de  tous  ceux  qu'il  tenait 
la  veille  cernés  dans  Sahira. 

Cette  victoire  incomplète  coûta  au  Pacha  et  aux 
Ben  Ganah  une  centaine  d'hommes.  Le  parti  ennemi 
en  perdit  plus  de  600;  ce  combat  est  un  des  plus 
sanglants  qui  aient  été  livrés  dans  les  Ziban. 

Le  Pacha,  après  avoir  ravagé  le  Zab  Guebli  et 
avoir  reçu  la  soumission  du  Zab  Daharaoui,  se  retira 
à  Saàda  avec  les  Ben  Ganah  et  y  passa  tout  l'hiver. 

Ben  Berbech,  nommé  Caïd  par  le  Pacha,  étant  de- 
venu fou,  fut  remplacé  par  Abderrahman  Talbi.  Mo- 
hamed Sghir  ben  Ganah  tut  nommé  cheikh  de  Sidi 
Okba. 

Bou  Abdallah,  cheikh  de  Saoula,  fut  nommé  cheik 
de  tout  le  Zab  Chergui  ;  enfin,  le  Bey  de  Touggourt 
renouvela  le  serment  d'obéissance  qu'il  adressait 
chaque  année  au  gouvernement  de  Constantine. 

Le  Pacha  et  les  Ben  Ganah  croyaient  leur  situa- 
tion bien  établie  dans  les  Ziban,  d'autant  plus  qu'on 
ne  répondait  que  par  des  faux-fuyants  aux  ouvertures 
réitérées  de  Ben  Ferhat,  qui  ne  demandait  au  gou- 
vernement français  qu'une  poignée  d'hommes  et  lui 
olïrait  le  Sahara. 

C'est  à  cette  époque  que  le  nom  de  l'B^mir  Abd- 
el Kader  commença  à  retentir  pour  la  première  fois 
dans  la  province  de  Constantine. 

Exploitant  le  traité  de  la  Tafna, l'Emir  avait  envoyé 
partout  des  émissaires  annonçant  (ju'un  Chérif,  au- 
quel des  signes  miraculeux  avaient  révélé  sa  mission. 


—  251  — 

venait  déjà  de  forcer  les  chrétiens  à  une  paix  hon- 
teuse. Ces  récits,  auxquels  l'éloignement  donnait 
plus  de  prestige,  frappèrent  l'imagination  de  Si  el 
Hassein  ben  Azouz,  membre  d'une  des  familles  les 
plus  influentes  du  Sahara  et  établi  à  El-Bordj  de- 
puis quatorze  générations. 

Il  avait  été  élevé  dans  la  smala  de  Ferhat  ben  Saïd 
et,  bien  que  de  noblesse  religieuse,  son  éducation, 
au  cours  des  pérégrinations  de  la  vie  avantureuse 
du  grand  chef  arabe,  en  avait  fait  plutôt  un  guerrier 
qu'un  personnage  religieux. 

Il  dépêcha  secrètement  un  serviteur  auprès  d'El 
Hadj  Abd-el-Kader  avec  mission  de  lui  dépeindre  le 
Bey  de  Constantine  comme  un  tyran  dont  les  injus- 
tices et  les  cruautés  frappaient  la  province.  Il  ajouta 
que  la  seule  autorité  digne  de  l'obéissance  de  tant 
de  fidèles  musulmans  était  celle  de  l'Emir  :  «  Nom- 
me moi  ton  Khalifat,  disait-il  en  terminant,  et  je  te 
ferai  gagner  de  grandes  richesses.    » 

S'étant  ainsi  préparé  le  terrain  et  assuré,  par  les 
réponses  qu'il  avait  reçues,  que  ses  propositions  ne 
déplaisaient  pas  à  l'Emir,  il  fut  assez  habile  pour  se 
faire  envoyer  auprès  de  lui  comme  émissaire  par 
Ferhat  ben  Saïd. 

Ses  espérances  furent  complètement  réalisées  et 
à  son  retour  de  Médéa,  El  Hassein  ben  Azouz  fut 
installé  comme  khalifa  d'Abd-el-Kader  par  un  lieute- 
nant de  l'Emir  El-Barkhani,  accompagné  de  700  fan- 
tassins et  1,200  cavaliers. 

Quant  le  Pacha  apprit  que  l'Emir  Abd-el-Kader 
envoyait  des  troupes  dans  les  Ziban,  il  ne  songea 
plus  qu'à  se  retirer  dans  le  Tell.  Mais  ne  voulant 
laisser   aucune  ressource   aux   troupes  devant  les- 


—  252  — 

quelles  il  battait  en  retraite,  il  alla  camper  avec  toute 
son  armée  clans  les  oasis  des  Ziban  et  y  fit  détruire 
les  cultures. 

El  Berkani,  qui  était  alors  à  Bitam,  songea  bien 
à  attaquer  le  Pacha,  mais  il  était  conseillé  par  Ferhat 
ben  Saïd  et  El  Hassein  ben  Azouz  qui  n'avaient  de 
haine  que  pour  les  Ben  Ganah.  Ceux-ci  ne  voulaient 
pas  se  retirer  dans  le  Tell  sans  emmener  avec  eux 
les  Bou  Arid  et  leur  plus  fidèle  tribu,  les  Gheraba, 
Ils  se  portèrent  du  côté  des  premiers  qui  étaient 
concentrés  à  Foughala  et  à  El-Amri.  Pour  y  arriver 
plus  tôt,  ils  avaient  pris  par  M'doukal  et  Khenguet- 
Djouchni;  mais  ils  arrivèrent  trop  tard,  El  Berkani 
avait  déjà  lancé  sa  nombreuse  cavalerie  par  le  col 
de  Sadouri,  et  les  Bou  Azid  étaient  cernés  quand  les 
Ben  Ganah  arrivèrent. 

Grâce  à  l'entremise  de  la  zaouïa  de  Tolga,  les  ha- 
bitants de  Foughala  et  d'El-Amri  furent  épargnés; 
ils  durent  cependant  payer  la  difïa  et  promettre  d'a- 
bandonner le  parti  des  Ben  Ganah. 

Instruits  par  cet  exemple,  les  Rahmane  et  les  Sel- 
mia,  toujours  campés  sur  l'Oued  Itel,  firent  leur  sou- 
mission au  Heutenant  de  l'Emir,  mais  des  émissaires 
secrets  firent  connaître  aux  Ben  Ganah  que  cette 
démarche,  imposée  par  les  circonstances,  ne  serait 
qu'apparente  et  qu'ils  pouvaient  toujours  compter 
sur  eux. 

El  Berkani  se  dirigea  sur  Biskra  qu'il  ne  fit  que 
traverser.  Il  avait  appris  qu'un  immense  convoi  de 
bagages  appartenant  au  Pacha  et  aux  Ben  Ganah 
était  encore  dans  les  gorges  d'El-Kantara.  L'endroit 
lui  parut  trop  bien  choisi  pour  laisser  échapper  l'occa- 
sion de  s'en  emparer.  Il  arriva  trop  tard  et  il  se  contenta 


—  253  — 

de  piller  les  malheureux  villages  d'El-Kantara.  Rap- 
pelé par  Abd-el-Kader,  il  quitta  El  Hassein  ben  Az- 
zouz  en  lui  laissant  un  bataillon  de  200  réguliers  et 
deux  canons. 

Fer  liât  ben  Saïd  s'aperçut  alors  que  son  allié  Has- 
sein l'avait  joué  en  le  devançant  auprès  d'Abd-el- 
Kader,  et  il  reprit  ses  négociations  avec  le  gouverne- 
ment français.  Le  rusé  Hassein  se  doutait  du  plan 
qu'allait  suivre  son  ancien  maître.  Les  lettres  écrites 
au  gouvernement  français  par  ce  dernier  furent  sai- 
sies par  le  khalifa  d' Abd-el-Kader  et  Ferhat.  arrê- 
té, fut  emprisonné  par  l'Emir. 

Resté  seul  maître  du  Sahara,  Hassein  ben  Azzouz 
s'occupa  d'enrôler  des  soldats  et,  avec  ces  moyens 
d'intimidation,  il  entreprit  des  négociations  avec  les 
Gheraba;  plusieurs  familles  influentes  lui  firent  leur 
soumission.  Le  reste  de  la  tribu  fut  razzié  et  perdit 
50  hommes.  Le  produit  de  la  razzia  s'éleva  à  400  cha- 
meaux et  1,200  moutons. 

Ce  système  de  razzia  plut  extrêmement  à  Hassein 
ben  Azzouz;  il  lui  assurait  une  fidélité  sans  bornes 
et  un  zèle  à  toute  épreuve  de  la  part  de  ses  soldats, 
qui  se  partageaient  le  butin  ;  mais  il  fut  la  cause  de 
la  prompte  décadence  de  son  parti.  Les  attaques 
irraisonnées  devinrent  bientôt  des  vols  à  main  armée 
et  ses  alliés  l'abandonnèrent  l'un  après  l'autre. 

Qu'étaient  devenus,  pendant  ce  temps,  et  l'ancien 
Bey  de  Constantine,  auquel  nous  ne  donnerons  plus 
le  titre  de  Pacha,  et  les  Ben  Ganah? 

Le  premier  avait  entrepris,  mais  en  vain,  des  né- 
gociations avec  le  Bey  de  Tunis.  «  Viens  à  moi  avec 
((  confiance,  lui  avait-il  été  répondu,  je  te  donnerai 
«  un  territoire  où  tu  pourras  vivre  honorablement  ; 


—  254  - 

«  quant  à  faire  la  guerre  aux  Français,  il  y  a  entre 
«  eux  et  moi  des  traités  qui  s'y  opposent.  » 

Le  malheureux  prince  écrivit  aussi  à  Constanti- 
nople,  ce  fut  peine  perdue. 

Cependant,  les  Ben  Ganah  lui  restèrent  fidèles  jus- 
qu'au dernier  moment.  C'est  à  tort  qu'on  les  accuse 
d'avoir  pressé  El  Hadj  Ahmed  de  quitter  le  Dir  où 
il  avait  encore  des  tribus  fidèles  à  sa  cause;  Moha- 
med Srir  ben  Guidoune,  qui  fut  plus  tard  caïd  de 
Biskra,  alla  au  contraire  au-devant  des  Bou-Arid, 
des  Rahmane  et  des  Selmia  qu'il  ramena  au  Bey  et 
avec  lesquels  ce  dernier  put  lever  les  impôts  que  les 
populations  ne  consentaient  à  payer  qu'en  présence 
de  la  force  armée. 

Mais  quand  vint  l'automne  de  1838,  les  Ben  Ganah 
ne  purent  empêcher  leurs  nomades  de  rentrer  dans 
le  Sahara.  Leur  smala  retarda  autant  qu'elle  le  put 
son  départ,  mais  il  fallut  céder  à  la  force  des  choses 
et  l'ancien  Bey  dut  dire  adieu  à  ses  alliés. 

Le  lendemain  même,  comprenant  bien  que  tout 
espoir  était  perdu  pour  le  gouvernement  turc,  les 
Ben  Ganah  se  présentèrent  au  général  de  Négrier 
qui,  préparé  d'avance  à  cet  événement,  accueillit  fa- 
vorablement leurs  ofïres  de  soumission.  11  fut  mal- 
heureusement remplacé  par  le  général  Galbois,  dont 
l'arrivée  et  l'installation  retardèrent  les  négociations 
et  ce  ne  fut  qu'au  commencement  de  l'automne 
qu'ayant  laissé  les  nomades  s'en  aller  seuls  dans  le 
Sahara,  ils  vinrent  faire  leur  soumission  (décem- 
bre 1838).  Depuis,  les  membres  de  cette  famille  sont 
restés  toujours  fidèles  à  la  France. 

Nommé  Gkeikh  El  Arab,  avec  le  commandement 
des  régions  du  Sud,  Bou  Aziz  ben  Ganah  s'empressa 


—  255  — 

de  faire  annoncer  dans  les  Ziban  que  l'autorité  fran- 
çaise venait  de  l'investir  de  la  dignité  de  Khalifa.  Les 
émissaires  tombèrent  entre  les  mains  d'Hassein 
ben  Azzouz,  qui  occupait  encore  la  majeure  partie 
du  territoire,  et  eurent  la  tête  coupée,  mais  la  nou- 
velle n'en  fut  pas  moins  connue  dans  tout  le  Sahara. 

L'hiver  de  1838  à  1839  ne  fut  signalé  par  aucun 
événement  important.  Au  printemps  de  1839,  les 
Douada  vinrent  au-devant  des  Gheraba  pour  les  aider 
à  franchir  les  défilés  de  l'Aurès.  Ils  passèrent  le  col 
de  Kheniren,  trouvèrent  El  Hadj  Bey,  frère  de 
Ferhat,  installé  au  milieu  des  Ouled  Sidi  Sliman, 
fraction  des  Cheurfa,  razzièrent  cette  fraction  et  s'é- 
tablirent à  Doucen,  rendez-vous  donné  aux  nomades 
du  çofï  Ben  Ganah. 

Hassein  ben  Azzouz  vint  aussitôt  prendre  position 
à  Sidi  Ranah.  Il  comptait  sur  l'appui  des  Cheraga, 
aux  yeux  desquels  il  avait  fait  valoir  sa  situation  de 
Khalifa  de  l'Emir.  Mais  les  Ben  Ganah  l'avaient  pré- 
venu et  la  situation  d'Abd-el-Kader,  qui  ne  pouvait 
alors  envoyer  aucun  secours  à  son  Khalifa,  avait  été 
habilement  représentée  par  eux  aux  Arab  Cheraga. 
Aussi,  lorsque  Hassein  ben  Azzouz  voulut  entraîner 
ces  derniers  contre  les  Gheraba,  engagés  dans  le 
col  de  Kheniren,  les  Cheraga  refusèrent-ils  de  mar- 
cher. Furieux,  Hassein  ben  Azouz  fit  tirer  sur  eux 
par  ses  askers;  cette  maladresse  le  priva  à  tout  ja- 
mais de  l'espoir  de  se  réconcilier  avec  ses  anciens 
alliés.  Les  Ben  Ganah  et  leur  çofï  purent  donc  conti- 
nuer tranquillement  leur  route  vers  le  Tell.  Ils  re- 
vinrent à  l'automne,  et  l'hiver  se  passa  sans  incident. 

Au  printemps  de  1840,  Ahmed  ben  El  Hadj  ben 
Ganah  vint  au  devant  des  Gheraba  pour  les  réunir 


—  256  — 

et  les  amener  devant  le  Tell.  Hassein  ben  Azzouz, 
désireux  de  venger  son  échec  de  l'année  précédente, 
avait  écrit  au  Khalifa  de  l'Emir,  dans  le  Hodna,  de 
lui  envoyer  tous  les  goums  disponibles.  Ces  goums 
arrivèrent  trop  tard,  les  Gheraba  avaient  dû  franchir 
les  crêtes  nord  des  Ziban.  Un  combat  sanglant  eut 
lieu  sur  les  bords  de  l'Oued  Saison,  au  Nord  de  la 
plaine  d'El-Outa^"^  Les  Ben  Ganah  disposaient  d'un 
effectif  de  1,200  cavaliers  et  de  900  fantassins.  Ben 
Azzouz  avait  avec  lui  500  réguliers  avec  du  canon, 
1,000  cavaliers  et  800  fantassins  des  régions  du  Zab 
et  du  Hodna. 

Hassein  ben  Azzouz  fut  honteusement  battu  et 
faillit  être  fait  prisonnier  par  Si  M'hammed  ben  Bou 
Aziz  ben  Ganah;  deux  canons,  trois  drapeaux  et 
tout  le  bagage  de  l'ennemi  restèrent  aux  mains  des 
vainqueurs  qui,  de  leur  côté,  eurent  de  grosses 
pertes  (i'. 

Cette  victoire  eut  un  immense  retentissement  ;  elle 
assura  d'une  manière  définitive  la  prépondérance 
des  Ben  Ganah  et  si  quelques  combats  eurent  encore 
lieu  les  années  suivantes,  cela  tient  à  l'empressement 
que  mirent  les  nomades  à  conduire  leurs  troupeaux 
dans  le  Tell,  empressement  qui  les  empêcha  de 
poursuivre  les  vaincus  et  de  profiter  de  leur  succès. 
Quand  il  apprit  les  événements  qui  venaient  de  se 
produire,  Abd  el  Kader  mit  Ferhat  ben  Saïd  en  liberté 
afin  de  donner  un  nouvel  essor  aux  intrigues  et  aux 
agitations  du  Sahara  ;  celui-ci,  El  Hadj  Mustapha 
ben  Kharoubi  et  Hassein  ben  Azzouz  se  réunirent  à 
l'automne  suivant  à  Salia,  pour  empêcher  le  retour 


(1)  Err.est  Mercier,  Hitftoïi-e  de  Co/islantine,  p.  4^8. 


\ 


—  257  — 

des  Gheraba  dans  le  Sahara.  Ils  avaient  été  rejoints 
par  Hamed  bel  Iladj  ,  khalifa  de  Sidi  Okba,  dont 
l'inlluence  s'était  augmentée  d'une  partie  de  celle 
perdue  par  Azzouz. 

Les  Gueraba  ne  purent  forcer  le  passsage;  mais 
tandis  qu'on  les  attendait  dans  les  défilés  deBellerma, 
ils  passèrent  par  Chergua,  M'soussa,  l'Oued  el  Rou- 
bar,  tête  de  l'Oued  El  Arab,  et,  débouchant  dans  le 
Zab  Guebli,  allèrent  prendre  position  sur  l'Oued 
Itel.  Puis,  ralliés  par  l'Agha  de  Touggourth,  les  Selmia 
et  les  Rahmane  allèrent  guerroyer  dans  les  oasis  du 
Souf,  tandis  que  les  Bou  Azid  gardaient  les  trou- 
peaux sur  l'Oued  Itel. 

La  conséquence  de  l'adroite  manœuvre  des  Ghe- 
raba faillit  ne  pas  leur  être  favorable.  En  efïet,  au 
printemps  de  1841,  tandis  qu'ils  étaient  enfoncés  dans 
le  Sud,  les  Cheraga  faisaient  dévorer  les  récoltes 
des  Ziban,  y  recueillaient  l'impôt;  les  Gheraba  ris- 
quaient donc  de  ne  pouvoir  regagner,  au  commen- 
cement de  l'été,  leurs  pâturages  du  Tell,  desquels 
ils  étaient  désormais  séparés  par  leurs  ennemis. 

A  cette  époque,  la  fortune  de  Hassein  ben  Azzouz 
était  à  son  déclin.  Le  Khalifa  de  Sidi  Okba  conçut 
le  dessein  de  le  remplacer  comme  lieutenant  de  l'Emir 
dans  le  Sahara,  et,  comme  Ferhat  ben  Saïd  le  gênait, 
il  résolut  naturellement  de  s'allier  aux  Ben  Ganah. 

Ses  propositions  furent  accueillies  avec  empresse- 
ment et  les  Ben  Ganah  accoururent  au  rendez-vous 
fixé  à  Biskra. 

A  cette  nouvelle,  Ferhat  ben  Saïd  se  retira  à  Tolga  ; 
le  Cheikh  el  Arab  avait  cantonné  ses  goums  à  Chetma 
et  à  Filiach;  les  Lakdar  qui  l'avaient  rallié  étaient 
campés  au  pied  du  bord]  Turc  et  les  Ahl  ben  Ali, 
autour  de  Cora. 


-  258  — 

Cette  dispersion  permit  à  Ferhat  ben  Saïd,  qui 
était  venu  en  reconnaissance  à  Aïn  Oumach,  de  fondre 
sur  les  Lakdar  qui,  surpris  et  taillés  en  pièces,  s'en- 
fuirent abandonnant  leurs  troupeaux. 

Sans  perdre  de  temps,  Ferhat  ben  Saïd,  suivi  des 
cavaliers  d'Abd-el-Kader  et  des  goumiers  dont  les 
chevaux  n'étaient  pas  encore  fatigués,  s'avança  à 
travers  les  palmiers  de  l'oasis  jusqu'au  campement 
des  Ahl  ben  Ali.  Profitant  de  la  surprise  de  ces  der- 
niers, il  vint  au  milieu  d'eux,  leur  fit  croire  qu'il 
était  à  la  tête  de  forces  importantes,  leur  reprocha 
leur  désobéissance  à  son  égard  et  leur  offrit  le  par- 
don :  «  Chargez  vos  tentes  et  suivez-moi,  ajouta-t-il 
en  terminant  ».  Subjugués  les  Ahl  ben  Ali  obéirent 
et  se  mirent  en  route  pour  le  Zab. 

Pendant  que  ces  événements  se  passaient,  les 
Lakdar,  dépouillés  au  fort  Turc,  étaient  allés  donner 
l'alarme  au  camp  des  Ben  Ganah.  Le  Cheikh  el  Arab 
apprend  la  nouvelle  à  Chetma.  Tout  d'abord,  il  refusa 
d'y  croire.  Cependant,  le  doute  ne  lui  étant  plus  possi- 
ble, il  rassembla  à  la  hâte  ses  cavahers  et  se. mit  en 
route  pour  Biskra.  En  arrivant  à  Labia,  il  vit,  sur  la 
berge  opposée,  le  convoi  des  Ahl  ben  Ali  qui  se  re- 
tirait vers  le  Sud.  Croyant  à  une  trahison,  il  cessa 
la  poursuite  et  le  lendemain  prit  la  route  du  Tell. 

Au  mois  de  juillet  suivant  Hassein  ben  Azzouz, 
tombé  entre  les  mains  de  Sidi  Mokrani,  khalifa  de 
la  Medjana,  fut  livré  aux  Français  par  ce  dernier. 

Le  moment  semblait  venu  pour  les  Ben  Ganah  de 
prendre  leur  revanche.  Après  s'être  concertés  avec 
ben  Ahmed  ben  El  Hadj,  khalifa  de  Sidi  Okba,  ils 
se  mirent  en  marche  vers  le  Sud.  Ferhat  ben  Saïd, 
installé  à  Biskra  préféra  abandonner  cette  ville  et 


-  259  - 

attendre  l'ennemi  dans  le  Zab  Daharoui  ;  il  y  était 
plus  à  portée  pour  recevoir  des  secours  de  l'Ouest. 
Il  était  en  même  temps  plus  éloigné  du  Zab  Gliergui 
et  des  oasis  de  la  rive  gauche  qui  obéissaient  à  Ben 
Ahmed  ben  El  Hadj  ;  il  se  retira  à  l'Ain  Khedidja,  au 
sud  de  Tolga.  Les  Ahl  Amour  campèrent  entre  El- 
Amri  et  El-Bordj  et  les  Ouled  Naïl  au  nord  d'El- 
Amri. 

Après  avoir  envoyé  des  reconnaissances  pour  se 
renseigner  sur  les  positions  et  les  forces  de  l'ennemi, 
les  Ben  Ganah  débouchèrent  dans  le  Zab,  battirent 
les  Ouled  Naïl  et  leur  enlevèrent  30,000  moutons; 
ils  les  poursuivirent  et  les  harcelèrent  jusqu'à  Dou- 
cen  et  ils  revinrent  camper  devant  El-Amri.  Ils  s'atten- 
daient à  un  retour  ofïensif  des  Ouled  Naïl,  qui  eut 
lieu,  en  effet,  et  fut  repoussé  avec  succès. 

A  ce  moment,  arriva  Ben  Ahmed  ben  El  Hadj 
avec  ses  contingents  du  Zab  Chergui;  il  fit  sa  jonc- 
tion avec  les  Ben  Ganah.  A  cette  nouvelle,  les  Ahl 
Amour  abandonnèrent  Ferhat,  qui  n'ayant  plus  autour 
de  lui  qu'une  cinquantaine  de  fantassins  dut  s'enfuir 
la  nuit  à  Sahira  et  de  là  aux  Ouled  Djellal.  Ce  succès 
eut  un  immense  retentissement. 

Les  Gheraga  se  rallièrent  aussitôt  aux  Ben  Ganah 
et  le  Zab  entier  leur  fit  sa  soumission.  Au  retour  de 
leur  estivage  dans  le  Tell,  ils  apprirent  que  Ferhat 
ben  Saïd  avait  été  assassiné  chez  les  Bou  Azid  qu'il 
avait  essayé  de  gagner  à  sa  cause. 

Les  discussions  étaient  loin  d'être  terminées  ;  au 
moment  où  ils  apprenaient  la  mort  de  leur  principal 
ennemi,  les  Ben  Ganah  se  découvrirent  un  rival  nou- 
veau :  Ben  Ahmed  bel  Hadj,  khalifa  de  Sidi  Okba, 
que  la  moitié  de  Biskra  demandait  comme  Caïd  pour 


-  260  - 

faire  pièce  à  Ahmed  bel  Hadj  ben  Ganah.  Ils  appre- 
naient aussi  que  ce  rival  entretenait  une  correspon- 
dance suivie  avec  Abd-el-Kader.  L'effet  s'en  fit  bientôt 
sentir  et,  en  janvier  184-2,  le  khalifa  de  l'Emir  dans 
le  Hodna,  se  dirigeant  sur  les  Ziban,  arriva  à 
M'doukal. 

Les  Ben  Ganah  rappelèrent  leurs  nomades  du  Sud  ; 
mais  les  contingents  qui  leur  furent  envoyés  ne  leur 
permettant  pas  de  tenir  la  campagne,  ils  se  réfugiè- 
rent dans  le  Tell  au  moment  où  le  khalifa  de  l'Emir 
pénétrait  dans  les  Ziban  par  le  col  de  Ben  Rezel  et 
faisait  son  entrée  à  Biskra  sans  coup  férir.  Ben  Ah- 
med bel  Hadj  fut  solennellement  proclamé  khalifa 
d'Abd-el-Kader  dans  les  Ziban  ;  n'osant  poursuivre 
les  Ben  Ganah  dans  le  Tell,  il  fit  brusquement  irrup- 
tion dans  le  Zab  Daharaoui  où  le  Cheikh  El  Arab 
comptait  un  grand  nombre  de  partisans. 

En  passant  auprès  des  oasis  de  Lichana  et  de  Far- 
far,  quelques  coups  de  fusil  furent  échangés.  Devant 
Tolga  une  action  assez  vive  s'engagea.  Les  assaillants 
avaient  déjà  perdu  50  hommes  et  comptaient  200 
blessés,  lorsque  Ali  ben  Amar,  cheikh  des  Khouan 
de  l'ordre  de  Si  Abderrahman,  sortit  de  sa  zaouia, 
drapeaux  en  tête  et  entouré  de  ses  tolba,  pour  inter- 
venir pacifiquement  entre  les  combattants;  mais,  au 
moment  où  il  franchissait  les  premiers  murs  de 
clôture,  il  reçut  une  balle  qui  le  tua  net. 

Ce  crime  de  lèse  religion  exaspéra  au  plus  haut 
point  le  fanatisme  des  gens  de  Tolga,  Efïrayés,  les 
assaillants  se  retirèrent  et  rentrèrent  à  Biskra.  Le 
khahfa  de  l'Emir,  qui  ne  tenait  pas  à  continuer  une 
campagne  qui  ne  lui  rapportait  rien,  profita  de  cette 
accalmie  et  rentra  dans  le  Hodna  en  laissant  400  ré- 
guUers  à  Ben  Ahmed  bel  Hadj. 


—  261  — 

L'automne  de  1842  était  arrivé;  les  Ben  Ganali 
revinrent  vers  le  Sud  avec  leurs  nomades,  et,  prenant 
la  rive  gauche  de  l'Oued  Biskra,  se  dirigèrent  sur 
Sidi  Okba,  où  le  khalifa  de  l'Emir  s'était  enfermé 
avec  ses  troupes. 

Au  lieu  d'attaquer  de  vive  force  l'oasis,  les  Ben 
Ganah  préférèrent  obliger  les  habitants  à  en  sortir 
en  les  cernant  et  en  détournant  le  canal  qui  leur 
amenait  l'eau;  mais  c'était  se  condamner  à  attendre 
au  moins  quinze  jours  sous  les  murs  de  Sidi  Okba. 
L'attaque  ne  fut  pas  heureuse  et  ils  durent  se  retirer 
laissant  un  grand  nombre  de  blessés  sur  le  champ 
de  bataille.  Le  restant  de  l'hiver,  les  nomades  restè- 
rent groupés  à  Saàda  autour  du  Cheikh  El  Arab. 

Le  printemps  de  1843  leur  permit  de  remonter  vers 
le  Nord  et,  tandis  qu'un  émissaire  allait  à  Constan- 
tine  solliciter  des  secours,  les  Ben  Ganah  razzièrent 
les  oasis  de  la  rive  gauche,  firent  dévorer  leurs  ré- 
coltes et  abatirent  les  palmiers.  Bien  que  leur  am- 
bassadeur auprès  du  gouvernement  à  Gonstantine 
n'ait  rapporté  que  des  lettres  remplies  de  promesses, 
les  Ben  Ganah  voulurent  encore  tenter  un  effort 
contre  Sidi  Olvba. 

Ils  réussirent  cette  fois  à  décider  les  nomades  à 
attendre  quinze  jours,  bloquèrent  l'oasis  et  détour  - 
nèrent  l'eau.  Leur  plan  faillit  réussir;  déjà  une  pre- 
mière sortie  avait  été  repoussée;  mais  la  ville  étant 
mal  investie,  ses  défenseurs  purent  communiquer 
avec  quelques  ennemis  du  çofï  des  Ben  Ganah  qui 
étaient  restés  à  la  casbah  de  Biskra.  Ceux-ci  tirèrent 
des  coups  de  fusil  et  attirèrent  à  eux  l'armée  des 
Ben  Ganah.  Pendant  ce  temps,  une  sortie  générale 
des  gens  de  Sidi  Okba  causait  une  panique  extrême 


—  26â  — 

dans  les  rangs  des  Ben  Ganah,  qui  durent  se  retirer 
à  Lichana. 

Cet  échec  faillit  avoir  de  graves  conséquences  : 
habilement  travaillés  en  sous  main,  les  nomades, 
à  l'exception  des  Cheurfa  et  de  la  Smala,  déclarè- 
rent qu'ils  étaient  las  de  ces  luttes  continuelles  où 
ils  risquaient  leur  vie  et  qui  ne  leur  rapportaient  que 
la  ruine.  Ils  refusèrent  de  marcher  de  nouveau  si 
on  ne  leur  payait  pas  la  a  dia  »  des  morts  et  si  on 
ne  les  indemnisait  pas  des  blessures  qu'ils  avaient 
reçues. 

Cette  année,  mal  commencée  pour  les  Ben  Ganah, 
fut  encore  marquée  par  un  événement  malheureux, 
la  mort  de  Si  M'hamed  ben  Bou  Aziz  ben  Ganah, 
dont  les  bons  conseils  et  l'énergie  dans  les  combats 
manquèrent  souvent  par  la  suite  dans  sa  famille. 

1S44.  —  Au  printemps  de  1844,  et  après  une  dis- 
sension passagère  qui  faillit  mettre  à  jamais  la  brouille 
entre  les  Saharis  et  les  Zemoul,  le  gouvernement 
français  se  décida  enfin  à  une  expédition  dans  le 
Sahara. 

Le  duc  d'Aumale,  commandant  la  province,  après 
avoir  fait  occuper  Batna,  demanda  100  chameaux  au 
Cheikh  El  Arab;  ce  dernier  envoya  des  ordres  en 
conséquence  aux  nomades  campés  dans  le  Sahara. 
Les  chameaux  furent  réunis;  mais  quand  ils  pas- 
sèrent les  gorges  d'El-Kantara,  ils  tombèrent  entre 
les  mains  des  Lakdar  et  des  Ouled  Sultan  que  le 
Bey  avait  postés  sur  leur  route. 

Le  21  février,  4  compagnies  d'élites,  200  chevaux 
et  le  goum  des  Douada  surprirent  les  Lakdar  auprès 
du  ksour  et  les  dispersèrent    Le  lendemain,  aux  Ta- 


—  263  — 

marins,  ils  retrouvèrent  les  chameaux  tombés  aux 
mains  de  l'ennemi  et  s'en  emparèrent  après  une 
brillante  escarmouche. 

La  colonne  put  donc  se  mettre  en  route  le  25.  Elle 
était  composée  de  2,400  hommes  d'infanterie  (2"  de 
ligne,  légion  étrangère,  tirailleurs  indigènes),  de 
600  chevaux  [3^  chasseurs  et  3«  spahis),  4  pièces  de 
montagne  et  2  pièces  de  campagne  ;  elle  arriva  le  29  à 
El-Kantara.  Sur  la  route,  le  colonel  Bouscarin  avait 
razzié  les  Lakdar  avec  les  tirailleurs  et  les  spahis. 
Les  habitants  d'El-Kantara,  loin  d'opposer  la  moin- 
dre résistance,  se  hâtèrent  de  faire  leur  soumission. 

Le  4  mars,  le  duc  d'Aumale  entrait  à  Biskra  sans 
coup  férir. 

Mohammed  Srir,  khalifa  d'Abd-el-Kader,  avait 
quitté  cette  ville  depuis  cinq  jours,  avec  ses  troupes 
régulières  et  s'était  réfugié  dans  l'Aurès.  Il  avait 
vainement  tenté  d'amener  avec  lui  la  population  qui 
nous  reçut  à  bras  ouverts.  Le  soir  même,  les  dépu- 
tations  de  toutes  les  petites  villes  des  Ziban  et  de 
toutes  les  tribus  nomades,  sans  exception,  étaient 
dans  notre  camp,  demandant  le  pardon  de  toutes 
leurs  fautes,  l'autorité  et  la  protection  de  la  France. 
(Rapport  du  duc  d'Aumale). 

L'arrivée  d'une  colonne  importante  à  Biskra  chan- 
gea la  face  des  choses  et  détruisit  d'un  seul  coup 
tout  le  prestige  que  le  khahfa  de  l'Emir  avait  gagné 
dans  la  période  qui  venait  de  s'écouler. 

Les  oasis  du  Sahara  n'en  pouvaient  plus;  elles 
avaient  chaque  année  supporté  le  poids  de  la  lutte 
et  Ben  Ahmed  ben  El  Hadj  ne  put  désormais  trou- 
ver d'échos  que  dans  l'Ahmar  Kaddou,  chez  les 
kabyles  qui,  réfugiés  dans  leurs  montagnes,  n'avaient 
pas  eu  trop  à  soutïrir  des  guerres  précédentes. 


—  264  — 

Le  duc  d'Aumale  comprit  qu'il  ne  pouvait  laisser 
le  khalifa  de  l'Emir  installé  aux  portes  de  Biskra  et 
il  se  décida  à  punir  les  M'chounech  pour  avoir  donné 
asile  aux  rebelles.  Le  12,  une  reconnaissance  com- 
posé d'un  bataillon  et  de  150  chevaux,  fut  reçue  à 
coups  de  fusils.  Comme  elle  se  retirait,  son  but 
n'étant  pas  d'engager  l'attaque  mais  bien  de  recon- 
naître la  position,  Ben  Ahmed  ben  El  Hadj  ne  man- 
qua pas  d'exploiter  aux  yeux  des  Arabes  les  appa- 
rences de  cette  manœuvre  et  en  fit  une  victoire  dont 
la  nouvelle  excita  au  plus  haut  degré  le  fanatisme 
des  gens  de  la  montagne.  Aussi,  lorsque  le  duc 
d'Aumale  se  présenta  devant  la  ville,  avec  une  colon- 
ne de  1,200  hommes  et  400  chevaux,  éprouva-t-il 
une  résistance  opiniâtre  et  il  fallut  toute  l'énergie  de 
nos  troupes  pour  vaincre  à  la  fois  cette  résistance 
et  les  obstacles  naturels  du  sol.  La  victoire  de 
M'chounech  nous  coûta  6  tués  et  16  blessés.  Ben 
Ahmed  s'enfuit  dans  la  montagne  et  nos  troupes 
occupèrent  pendant  quelques  jours  le  village  con- 
quis. 

De  retour  à  Biskra,  le  duc  d'Aumale  posa  les 
premières  bases  de  l'organisation  administrative  du 
Cercle.  Les  choses  furent  réglées  de  manière  à  inves- 
tir le  Cheikh  el  Arab  d'une  autorité  que  ses  services 
permettaient  de  lui  donner  avec  confiance,  tout  en 
laissant  le  Commandant  supérieur  exercer  sur  ses 
actes  une  surveillance  continuelle  qui  donnait  aux  po- 
pulations les  garanties  qu'elles  réclamaient.  Les  droits 
de  chaque  fonctionnaire,  la  qualité  de  l'impôt,  l'exer- 
cice de  la  justice,  les  migrations  annuelles  des  no- 
mades furent  réglés  avec  autant  de  précision  que 
possible.  Les  biens  des  émigrés,  qui  ne  furent  pas 


—  265 


rentrés  le  25  mars,  furent  confisqués.  On  créa  une 
compagnie  de  tirailleurs  de  300  hommes  commandée 
par  un  ollicier  français  et  destiné  à  garder  la  casbah. 
Malheureusement  les  mauvaises  nouvelles  reçues 
de  Batna  forcèrent  à  évacuer  Biskra. 

Après  le  départ  du  duc  d'Aumale,  le  commandant 
Thomas  resta  encore  une  vingtaine  de  jours  à  Bis- 
kra qu'il  quitta  à  son  tour  en  laissant  le  comman- 
dement da  détachement  au  lieutenant  Petitgand. 

La  facilité,  avec  laquelle,  pour  recruter  des  indi- 
gènes, on  enrôlait  tous  les  déserteurs  de  l'armée  de 
Ben  Ahmed  ben  El  Hadj,  inspira  à  ce  dernier  l'idée 
d'envoyer   de   faux   déserteurs  pour  emboucher   la 
garnison;  cette  ruse  réussit.  Le  12  mai,  à  2  heures 
du  matin,   150  hommes   du  khahfa  arrivèrent  à  la 
casbah.   Presque  toute  la  garnison    était  comphce. 
La  résistance  fut  impossible  pour  les  soldats  fran- 
çais et  les  quelques  tirailleurs  restés  fidèles.  Tous 
turent  massacrés   à   l'exception   du  sergent- major 
Pelisse,  qui  réussit  à  gagner  Tolga  avec  le  Caïd  de 
Biskra,  et  3  artilleurs  épargnés  pour  servir  à  la  ma- 
nœuvre des   canons.  Dès  le   lendemain,  le   khalifa 
arriva  à  la  casbah  et  s'occupa  avec  activité  d'en  en- 
lever le  matériel  et  les  approvisionnements.    Il  eut 
raison  de  se  hâter.  Le  18  mai  au  matin,  il  dut  s'en- 
fuir  au  moment  où  notre   cavalerie   débouchait   au 
galop    dans   l'oasis.    C'était  la  colonne  ramenée  à 
Biskra  par   le  duc   d'Aumale;  ce  prince  y  séjourna 
une  semaine  qui  fut  employée  à  compléter  l'organi- 
sation administrative  du  pays. 

Il  laissa  au  Cheikh  El  Arab  le  commandement  des 
Ziban,  y  compris  le  Zab  el  Ghergui  et  les  nomades 
du  Sud.  Cette  immense  autorité  était  contrebalancée 


—  266  — 

par  l'influence  d'un  personnage  religieux  Si  Mokrani, 
qui  plus  tard  joua  un  si  grand  rôle  dans  l'histoire 
du  Hodna  et  de  la  vallée  de  la  Medjana.  A  ce  per- 
sonnage fut  confié  le  commandement  du  Hodna,  des 
Sahari,  de  M'doukal,  d'El-Kantara,  d'El-Outaïa,  des 
Beni-Ferah  et  de  toute  la  région  de  l'Oued  Abdi 
inférieure;  son  territoire  s'étendait  jusqu'aux  portes 
de  Biskra.  Le  Zab  Chergui,  si  longtemps  refuge  des 
rebelles,  avait  été  partagé  entre  les  deux  branches 
rivales  des  Ouled  Saoula. 

L'Ahmar  Khaddou,  le  Djebel  Chechar  à  l'Est,  les 
Ouled  Zekri  au  Sud-Ouest  étaient  insoumis.  Les 
Ouled  Derradj.  bien  qu'ayant  donné  l'assurance  de 
leur  sympathie  pour  le  nouveau  gouvernement , 
étaient  sur  la  limite  entre  l'obéissance  et  l'insoumis- 
sion. 

Le  Bey  de  Touggourt  reconnaissait  la  suzeraineté 
de  la  France  et  consentait  à  payer  à  ce  gouverne- 
ment un  tribut,  comme  il  en  payait  un  au  Bey  de 
Constantine.  Il  était  obligé  d'accepter  cette  suzerai- 
neté parce  que  les  sédentaires  de  Touggourt  et  du 
Souf  n'auraient  pas  pu  se  procurer  des  grains,  s'ils 
n'avaient  pas  pu  aller  sur  les  marchés  du  Tell. 

A  la  suite  de  la  trahison  de  Biskra,  beaucoup  d'in- 
digènes s'étaient  enfuis;  leurs  biens  furent  frappés 
de  séquestre.  Le  16  juin,  200  hommes  de  la  garni- 
son, soutenus  par  un  peloton  de  chasseurs  et  un 
peloton  de  spahis,  se  rendirent  à  Sidi-Okba  et  y 
chargèrent  230  mulets  de  grains,  appartenant  aux 
émigrés.  De  plus,  Ben  Ahmed  ben  El  Hadj  avait 
ensemencé  un  terrain  à  El  Habel,  sur  la  route  de 
Biskra  à  Mehammed,  la  récolte  en  fut  donnée  au 
Caïd  des  Ouled  Saoula. 


—  267  — 


Le  30  juin,  à  la  pointe  du  jour,  Ben  Ahmed  ben 
El  Hadj  tomba  sur  les  villages  de  Droub  et  d'El- 
Habel  et  mit  en  fuite  les  habitants.  Le  20  juillet  il  se 
présenta   de  nouveau   à  Khangua,   chez  les   Ouled 
Sidi  Nadji,  s'empara  de  leurs  maisons,  les  pilla  et  se 
retira  en  toute  hâte  dans  la  montagne.  Il  fallait  agir 
rapidement  et  empêcher  la  suite  d'une  série  de  coups 
de  mains  aussi  audacieux.   En  attendant  que  leur 
auteur   fut  puni  lui-même,  le  duc  d'Aumale  frappa 
ses  complices.  Les  deux  villages  de  Zeribet  el  Oued 
et  de  Liana  ne  s'étaient  pas  portés  au  secours   de 
leurs  voisins,  les  Khangua;  le  duc  d'Aumale  mfligea 
L500  francs  d'amende  au  premier  et  2,000  francs  au 
second.  Depuis  cette  époque  jusqu'à  la  fin  de  l'an- 
née 1844,  la  tranquillité  ne  fut  plus  troublée  que  par 
des  vols  et  des  assassinats  étrangers  à  la  politique- 
Ben  Ahmed  ben  El  Hadj.  remonté  dans  ses  monta- 
gnes, gardait  un  silence  inquiétant.  Les  renseigne- 
ments fournis  sur  son  compte  avaient  annoncés  qu'il 
entretenait  des  relations  avec  l'ancien  Bey  deConstan- 
tine  et  on  s'attendait,  d'un  moment  à  l'autre,  à  le  voir 
reprendre  la  campagne  avec  des  forces  nouvelles. 

IS45  —  Au  commencement  de  l'hiver,  les  mon- 
tagnards de  l'Ahmar  Kaddou  firent  des  offres  de 
soumission;  malheureusement,  elles  n'étaient  ap- 
puyées par  aucune  garantie  et  elles  furent  soupçon- 
nées de  n'être  pas  sincères.  Aussi,  furent-elles  re- 
poussées. 

L'hiver  fut  dur,  la  neige  envahit  les  hauteurs,  et 
les  gens  de  la  montagne,  n'osant  pas  emmener  paî- 
tre leurs  troupeaux  dans  la  plaine,  située  au  Nord, 
crurent  plus  prudent  de  descendre  dans  le  Zab 
Ghergui. 


-  268  — 

Le  4  février,  les  goums  des  Ahl  beii  Ali  et  les 
Khiala  de  Biskra  enlevèrent  100  moutons  aux  Touaba 
puis  se  rabattirent  sur  M'chounech,  razzièrent  en- 
core 400  moutons  et  se  retirèrent  sans  être  poursui- 
vis. 

A  cette  époque,  les  Mememcha  firent  des  offres 
de  soumission.  Cet  évèvement  n'intéresse  l'histori- 
que des  Ziban  que  parce  que  le  Commandant  supé- 
rieur de  Biskra  dut  faire  des  démonstrations  dans 
le  Zab  Chergui  pour  appuyer  la  colonne  du  général 
Bedeau,  et  parce  que  les  succès  de  cette  colonne  ame- 
nèrent une  nouvelle  pacification  de  l'Aurès. 

Malgré  de  grands  désordres  qui  éclatèrent  au  mois 
de  novembre  dans  le  Hodna,  le  contre-coup  de  la 
grande  insurrection  de  1845  ne  se  fit  pas  trop  sentir 
dans  les  Ziban.  Cette  révolte  se  termina,  d'ailleurs, 
par  ja  victoire  de  notre  allié  Si  Mokrani,  contre  Si 
Saad  ben  Tobbaïn,  agent  de  Bou  Maza.  Craignant 
une  nouvelle  attaque,  Si  Mokrani  s'enferma  dans 
l'oasis  de  Mdoukal  et  y  resta  longtemps  bloqué. 

i846.  -  L'année  1846  amena  la  soumission  des 
Ouled  Djellal  et  celle  de  Sidi  Khaled, 

La  tribu  des  Ouled  Amor  et  Saïd  n'avait  cessé 
depuis  l'occupation  française  de  donner  la  main  à 
Ben  Ahmed  ben  El  Hadj.  Il  fut  décidé  qu'elle  serait 
punie  de  sa  complicité  et,  le  5  mars,  le  commandant 
de  Saint-Germain,  avec  le  bataillon  d'Afrique,  les 
spahis  et  les  goums  de  Bou  Hadidja,  après  une 
marche  rapide,  bloqua  le  village  d'El-Faya  qui  fut 
enlevé  d'assaut  et  pillé.  Les  Ouled  Amor  fournirent 
encore  15  otages  et  payèrent  10,000  francs  d'amende. 

Les  relations  d'Abd-el-Kader  avec  la  grande  confé- 


—  269  - 

dération  des  Ouled  Nail  Cheragua  ou  Ouled  Zekri 
entretenaient  dans  cette  tribu  un  esprit  d'indiscipline 
et  d'insoumission  qu'il  fallait  réprimer.  Leurs  coups 
de  main  répétés  devenaient  de  plus  en  plus  auda- 
cieux. Le  24  septembre,  70  cavaliers,  4,500  fantasins 
vinrent  enlever  les  troupeaux  de  l'oasis  d'Oumach. 
Malheureusement  l'absence  d'une  cavalerie  régulière 
à  Biskra  empêchait  de  poursuivre  ces  insaisissables 
nomades  qu'aucun  obstacle  dans  le  Sud  n'empêchait 
d'échapper  à  l'action  de  nos  colonnes.  On  s'y  prit 
d'une  autre  façon  pour  les  punir  ;  les  Ouled  Zekri 
furent  exclus  du  cercle  de  Biskra  et  de  Sétif.  C'était 
leur  interdire  l'accès  du  Tell  et  condamner  leurs 
troupeaux  à  une  ruine  imminente.  Les  Ouled  Zekri 
essayèrent  d'échapper  à  cette  sévère  mesure  en  se 
disséminant  au  milieu  des  autres  tribus  ;  mais  leur 
ruse  fut  découverte  et  les  Ouled  Moulet  qui  y  avaient 
prêté  la  main  furent  razziés;  on  leur  enleva  2,000 
moutons. 

Tandis  que  le  Zab  Guebli  était  troublé  par  les  in- 
cursions des  Ouled  Zekri,  le  Zab  Chergui  était  l'objet 
de  coups  de  main  audacieux  de  la  part  des  Nemem- 
cha. 

Une  première  fois,  le  commandant  de  Saint-Ger- 
main était  sorti  de  Biskra  avec  une  compagnie  d'in- 
fanterie, un  peloton  de  spahis  et  un  goum,  et  était 
allé  se  poster  à  Liana.  Les  Nemencha  s'étaient  enfuis, 
mais  la  colonne  française,  insuffisamment,  forte,  ne 
put  se  lancer  à  la  poursuite  des  fuyards  ;  elle  dut 
rentrer  à  Biskra.  Quelques  jours  après,  les  Nemem- 
cha  se  présentèrent  devant  Liana  sous  la  conduite 
d'un  Chérif  Ahmed  ou  Belkacem  ;  les  gens  de  Liana 
firent  bonne  contenance  :  deux  attaques  de  l'extérieur 


—  270  - 


échouèrent,  mais  les  munitions  manquèrent  dans  le 
village  et  les  habitants  durent  l'évacuer  pendant  la 
nuit.  Le  Chérif  tourna  alors  ses  vues  sur  Khanga 
devant  lequel  il  mit  le  siège  le  7  novembre. 

Une  colonne  dût  partir  de  Biskra  ;  le  8  novembre 
au  soir,  le  commandant  de  Saint-Germam  arrivait 
sur"  l'Oued  El  Arab  avec  500  baïonnettes  et  200  che- 
vaux. A  cette  nouvelle,  le  Chérif  leva  précipitamment 
le  camp.  Les  gens  de  Khanga  reprenant  courage 
s'élancèrent  à  sa  poursuite.  Au  coucher-  du  soleil,  le 
commandant  de  Saint-Germain  lança  son  goum  en 
avant  et  le  suivit  avec  son  infanterie.  La  bande  des 
Nememcha  fut  bientôt  rejointe  ;  la  tente  du  Cherif, 
2,000  moutons,  30  chameaux,  tombèrent  entre  nos 
mains. 

Cette  expédition,  couronnée  de  -succès  et  menée 
avec  une  rapidité  incroyable,  fut  une  leçon  d'une 
grande  utilité.  Elle  prouva  aux  villages  voisins  de 
Biskra  que  la  protection  française  était  efficace  :  elle 
enseigna  en  même  temps  aux  nomades  insoumis  que 
le  rayon  d'action  de  notre  nouveau  poste  s'étendait 
jusqu'au  sein  même  de  leurs  pâturages. 

Avant  de  rentrer  à  Biskra,  le  commandant  de 
Saint-Germain  fit  encore  une  pointe  vers  l'Est  et 
tomba  à  l'improviste  sur  un  douar  des  Nememcha 
auquel  il  enleva  100  tentes,  200  chameaux  et  3,000 
moutons.  Les  oasis  de  Liana  et  Khangua  furent 
fortifiées.  Les  habitants  qui  s'étaient  enfuis  y  ren- 
trèrent en  masse  et,  ayant  laissé  ces  villages  dans 
les  meilleures  conditions  de  défense  possible,  le  com- 
mandant de  Saint-Germain  reprit,  le  24  décembre, 
le  chemin  de  Biskra. 


—  271  — 

1841 .  —  Un  jeune  et  simple  derwich,  venu  on  ne 
sait  d'où,  vivait,  depuis  quelques  temps,  au  milieu 
des  Cheurfa,  chez  une  vieille  femme,  veuve,  bonne 
musulmane,  qui  l'avait  accueilli  chez  elle  pour  faire 
une  bonne  œuvre.  C'était  Si  Mohamed  ben  Abdallah, 
le  Chérif  nommé  Bon  Maza,  l'instigateur  et  le  chef 
de  la  révolte  du  Dahara.  Il  menait  une  vie  aussi 
édifiante  que  possible  et  ne  parlait  à  personne;  il 
priait  du  matin  au  soir,  se  nourrissait  des  offrandes 
qu'on  lui  apportait  et  en  enrichissait  la  pauvre  femme 
qui  lui  avait  donné  asile.  Sa  manière  de  vivre,  ses 
extases,  ses  prières  continuelles,  finirent  par  lui  ac- 
quérir une  certaine  réputation  de  sainteté  qui  grandit 
de  jour  en  jour. 

Un  beau  soir,  dans  un  festin  offert  par  un  voisin  à 
un  grand  nombre  de  convives,  il  se  leva  tout  à  coup 
et,  d'un  ton  inspiré,  annonça  qu'il  était  le  Sultan 
choisi  par  Dieu  pour  exterminer  les  Français  et  ré- 
tablir le  triomphe  de  la  foi  musulmane.  La  prédication 
terminée,  la  foule  se  dispersa  avec  un  vague  pres- 
sentiment que  d'étranges  événements  allaient  s'ac- 
complir et  chacun  secoua  sa  vieille  foi  endormie  ;  la 
nouvelle  vola  de  montagne  en  montagne  et  bientôt, 
sous  les  gourbis  du  Dahara  comme  sous  les  tentes 
de  la  plaine,  il  ne  fut  plus  question  que  de  l'Envoyé 
de  Dieu,  le  Sultan  Mohamed  ben  Abdallah. 

La  révolte  éclata;  un  moment  circonscrite  dans  la 
région  d'Orléansville,  elle  devint  bientôt  générale  et 
quelques  mois  plus  tard,  Bou  Maza,  pressé  par  la 
colonne  de  Médéah,  dut  se  jeter  chez  les  Ouled  Naïl. 
Le  Caïd  de  Biskra  fut  envoyé  avec  un  goum  pour 
couvrir  les  oasis  des  Ouled  Djellal,  déjà  réunies  par 
l'approche  de  l'agitateur. 


_  272  

Mais  le  nom  de  Bou  Maza  avait  glacé  tous  les 
courages  et  nos  goumiers  prirent  honteusement  la 
fuite  quand  ils  aperçurent  à  l'horizon  le  drapeau  du 
Chérif  du  Dahara.  Bou  Maza  entra  sans  coup  férir 
chez  les  Ouled  Djellal;  la  population,  préparée  par 
la  zaouia  de  Si  Moktar  ben  Abderrahman,  le  reçut 
comme  un  envoyé  de  Dieu. 

Dès  qu'il  eut  connaissance  de  l'arrivée  prochaine 
du  Chérif,  le  général  Bedeau  donna  l'ordre  au  géné- 
ral Herbillon,  commandant  la  subdivision  de  Batna, 
de  se  porter  en  toute  hâte  dans  les  Ziban.  Le  5  jan- 
vier 1847,  le  général  Herbillon  se  mit  en  route;  lais- 
sant Biskra  à  l'est,  il  se  dirigea  directement  d'El- 
Outaya  sur  Tolga  et  le  10,  il  arriva  aux  Ouled  Djellal. 
A  l'arrivée  de  nos  troupes,  Bou  Maza  s'était  retiré 
sur  l'Oued  Itel;  mais,  sous  l'empire  de  l'excitation 
causée  par  son  arrivée  et  par  ses  discours,  les  indi- 
gènes des  Ouled  Djellal  s'étaient  trop  compromis  pour 
pouvoir  reculer,  Le  général  Herbillon  prit  position 
sur  les  escarpements  de  la  rive  droite  de  la  rivière, 
à  300  mètres  environ  de  l'oasis;  du  camp  on  n'a- 
percevait que  le  minaret  du  village.  Après  cinq  heures 
de  pourparlers,  il  fut  hors  de  doute  que  les  Ouled 
Djellal  ne  céderaient  qu'à  la  force. 

Avant  de  commencer  efïectivement  l'attaque,  le 
Général  voulut  essayer  tout  d'abord  l'effet  d'une  dé- 
monstration ofïensive.  Mais  ce  mouvement  d'assaut 
ne  réussit  pas  comme  on  anrait  pu  l'espérer.  La 
colonne,  opérant  par  le  Nord,  se  trouva  engagée  si 
sérieusement  que  le  général  Herbillon  dut,  pour  la 
dégager,  attaquer  vivement  le  village  par  le  Sud.  Au 
lieu  d'une  démonstration,  cette  journée  fut  un  san- 
glant  combat   qui   nous   coûta   70   hommes;    parmi 


-   273  — 

lesquels  un  officier  supérieur,  le  commandant  Billon. 
Les  Ouled  Djellal  furent  néanmoins  intimidés  et  le 
soir  même  ils  demandèrent  l'aman.  Il  leur  fut  accor- 
dé à  la  condition  de  payer  50,000  francs  et  de  livrer 
2i  otages.  Dès  le  II,  au  soir,  les  conditions  étalent 
exécutées. 

Renforcé  de  deux  bataillons,  le  général  Herbillon, 
par  une  marche  forcée,  se  porta  à  Mengoub,  sur 
rOued  Itel  ;  Bou  iMaza  ne  se  laissa  pas  surprendre 
et  suivi  de  quelques  cavaliers  seulement,  il  reprit  la 
route  du  Gliélif. 

L'année  1847  fut  encore  marquée  par  la  sortie 
d'une  colonne  de  Biskra,  sous  les  ordres  du  colonel 
Sonnet.  Elle  devait  opérer  contre  les  Nememcha,  de 
concert  avec  deux  colonnes  parties  l'une  de  Batna, 
l'autre  de  Tébessa.  Mais  la  grande  expédition  de 
Kabylie  interrompit  ces  démonstrations  au  moment 
où  l'on  allait  peut-être  remporter  un  éclatant  succès. 
Parti  le  27  mars,  le  colonel  Sonnet  rentra  à  Biskra 
le  27  avril.  Le  reste  de  l'année  de  1847  s'écoula  sans 
aucun  événement  important  dans  le  cercle  de  Biskra. 

484'^.  —  Nous  avons  dit  quels  étaient  en  1844 
nos  rapports  avec  le  Bey  ou  mieux  avec  le  cheikh 
de  Touggourt.  Nos  relations  avec  lui  étaient  bonnes; 
ce  Chef  nous  payait  régulièrement  son  tribut  annuel. 
Dès  la  fin  de  1847,  il  eut  l'idée  d'exploiter  sa  situation 
auprès  nous  pour  étendre  sa  domination  sur  l'oasis 
voisine,  Temacin,  la  rivale  de  Touggourt  commandée 
alors  par  un  Cheikh  de  la  même  famille.  En  jan- 
vier 1848,  il  obtint,  l'appui  de  nos  nomades  pour 
attaquer  Temacin  qui  vint  à  composition  et  paya 
80,000  francs.  Cette  somme  était,  paraît-il,  destinée  à 


-  2^4  - 

solder  les  auxiliaires  qui  avaient  aidé  le  Cheikh  de 
Touggourt,  mais  ce  dernier,  après  avoir  reçu  les 
contributions  de  guerre,  avait  oublié,  dit-on,  ses  pro- 
messes et  n'avait  rien  donné  à  ses  soldats;  une  sé- 
dition s'en  serait  suivie  et  le  Chef  arabe  ne  l'aurait 
calmée  qu'à  grand  peine. 

Le  gouvernement  français  profita  de  cette  occasion 
pour  envoyer  à  Touggourt  une  mission.  Au  mois 
de  mars,  le  Chef  du  Bureau  arabe  de  Biskra,  Dubos- 
quet,  accompagné  de  l'Ingénieur  des  Mines  Dubosq, 
fut  reçu  avec  de  grands  égards  par  le  Cheikh  de 
Touggourt.  Ce  dernier,  bientôt  après,  pour  conti- 
nuer sa  politique,  rendit  un  nouvel  hommage  à  l'au- 
torité française  en  venant  saluer  à  Biskra  le  Com- 
mandant de  Saint-Germain.  Puis,  croyant  le  moment 
venu  de  recueillir  les  fruits  de  sa  soumission,  il 
parla  de  l'ambition  qu'il  avait  d'augmenter  les  pos- 
sessions françaises  en  ajoutant  le  Souf  au  cheikhat 
de  Touggourt.  Il  lui  fallait,  pour  cela,  l'appui  d'une 
colonne  française.  Le  commandant  de  Saint-Germain 
reçut  Si  Abderrahman  ben  Djellal  avec  les  plus 
grandes  marques  d'estime  et  de  sympathie;  il  ne 
négligea  aucune  occasion  de  flatter  la  vanité  de  ce 
chef  indigène,  mais  il  ne  put  s'engager  et  lui  pro- 
mettre ce  qu'il  lui  demandait,  surtout  à  un  moment 
où  les  événements  survenus  en  France  ne  permet- 
taient pas  de  tenter  de  nouvelles  expéditions. 

Cependant,  pour  paralyser  les  faux  bruits  que  les 
ennemis  de  la  France  faisaient  courir,  le  colonel 
Canrobert  partit  de  Batna  avec  une  colonne.  Appre- 
nant que  l'ancien  Bey  de  Gonstantine  était  dans  la 
montagne  où  il  ne  cessait  d'exciter  les  indigènes  à 
se  révolter,  le  Colonel  se  concerta  avec  le  comman- 


—  275  - 

dant  de  Saint- Germain  qui,  sortant  lui-même  de 
Biskra,  garda  tous  les  passages  par  lesquels  le  Bey 
pouvait  descendre  dans  le  Sahara.  En  même  temps 
des  recommandations  sévères  étaient  faites  à  nos 
tribus  restées  fidèles.  Les  Beni-Melkem,  notamment, 
obéissant  aux  instructions  du  Commandant  supé- 
rieur de  Biskra,  fermaient  au  Bey  toute  issue  vers 
l'Est.  Se  voyant  pris,  le  Bey  dut  se  rendre  quelques 
jours  après.  Voici  comment  le  commandant  de  Saint- 
Germain  raconte  cet  événement  au  colonel  Canro- 
bert  : 

«  Votre  dernière  lettre  du  31  mai  me  donnait 
«  comme  certaine  votre  arrivée  à  Mena  pour  le  3  juin  ; 
«  je  calculai  que  vous  pouviez  être  rendu  sur  les 
«  hauteurs  de  Taguethious  le  5  juin;  ayant  laissé 
«  quelques  cavaliers  dans  le  Sahara,  pour  la  garde 
((  des  tentes,  je  partis  le  5  juin,  avant  le  jour,  de 
«  Foum  Oued  el  Aguef  et  je  m'avançai  dans  la  di- 
((  rection  de  Kebaïch,  dont  j'étais  éloigné  de  huit 
«  lieues  environ. 

a  J'emmenai  avec  moi  20  spahis  réguliers,  25  sa- 
((  haris  du  goum  d'El-Outaïa,  425  cavaliers  de  la 
«  nouba  de  Biskra,  les  cavaliers  des  Ouled  Sahoula, 
«  425  de  leurs  serviteurs,  enfin  le  Cheikh  El  Arab 
«  et  les  Douada,  ayant  ensemble  de  160  à  165  cava- 
«  lier  s. 

«  Le  chemin  qui  conduit  à  Kebaïch  est  difficile  ;  le 
((  terrain  est  couvert  d'énormes  cailloux  roulés,  il 
«  est,  en  outre,  très  accidenté  et  sans  eau. 

((  Je  marchais  rapidement,  lorsqu'à  trois  heures  de 
«  Kebaïch,  un  serviteur  du  Bey,  accompagné  d'un 
«  cheikh  des  Ouled  Abderrahman,  se  présenta  à 
«  moi.  Il  me  remit  une  lettre  de  son  maître  dans  la- 
«  quelle  était  contenue  une  autre  lettre  du  Bureau 
«  arabe  de  Batna,  écrite  à  la  date  du  27  décembre  1847. 


-  276  - 

«  Dans  cette  lettre,  le  Bey  me  disait  qu'il  était  en 
a  pourparlers  avec  Monsieur  le  Commandant  de 
((  Batna  ;  il  me  demandait  de  lui  envoyer  l'aman  pour 
((  lui  et  pour  sa  famille;  il  rappelait  sa  grandeur  passée 
0  pour  obtenir  d'être  traité  avec  égard.  Il  ne  faisait 
«  d'autres  conditions  que  celle  d'avoir  à  faire  direc- 
0  tement  à  moi,  sans  l'entremise  des  Chefs  arabes. 

«  M'adressant  au  serviteur,  je  lui  dis  d'exposer 
((  clairement  et  promptement  le  but  de  sa  mission  ; 
«  il  me  répondit  que  le  Bey  désirait  franchement 
((  l'aman,  que  cet  aman,  d'ailleurs,  lui  avait  été  ac- 
te cordé  six  mois  avant  par  la  lettre  du  Bureau  arabe 
<(  de  Batna.  J'écartai  cette  prétention,  inadmissible 
«  après  un  délai  de  six  mois  et  ses  dernières  intri- 
«  gués. 

«  J'ajoutai  que  si  le  Bey  voulait  se  mettre  à  ma 
«  disposition,  il  ne  lui  serait  pas  fait  de  mal,  mais 
«  qu'il  lui  fallait  venir  immédiatement  se  remettre 
((  entre  mes  mains. 

«  Demain,  il  viendra,  me  dit  le  serviteur.  Non  ré- 
((  pondis-je,  aujourd'hui  même  et  je  vais  continuer 
«  à  marcher  vers  lui.  Le  serviteur  du  Bey  me  de- 
((  manda  alors  d'écrire  une  lettre  d'aman  dont  je 
«  chargerais  un  envoyé  qui  l'accompagnerait  près 
«  près  du  Bey. 

«  J'y  consentis,  j'écrivis  aussitôt  la  lettre  suivante  : 
«  Venez  à  moi  sans  crainte,  je  vous  donne  l'aman; 
«  je  vous  envoie  Amar,  mon  interprète;  il  est  com- 
«  me  mon  fils;  revenez  avec  lui  en  bannissant  toute 
«  crainte  de  votre  cœur;  il  vous  remettra  une  lettre 
«  et  une  montre  comme  gage  de  confiance.  » 

«  Le  brigadier  Amar  ben  Abdellah  partit  aussitôt 
«  avec  le  serviteur  du  Bey  et  deux  spahis  :  je  gardai 


—  277  - 

«  près  de   moi  comme  otage  le  Cheikh  des  Onled 
((  Abderrahmaii  et  je  suivis  au  grand  trot. 

«  J'avais  quelque  appréhension  sur  les  sentiments 
«  des  Ouled  Abderrahman  et  ce  sentiment  était 
(i  fondé. 

((  Lorsque  j'arrivai  sur  le  dernier  plateau  qui  do- 
«  mine  Kebaïch,  je  vis  le  brigadier  Amar  et  les  deux 
«  spahis  en  présence  des  Ouled  Abderrahmann  en 
«  armes,  la  plupart  d'entre  eux  embusqués  derrière 
((  les  rochers  et  refusant  de  laisser  passer  mon  en- 
«  voyé. 

«  Un  grand  désordre  régnait  dans  cette  tribu,  un 
«  parti  considérable  se  prononçant  pour  la  résistance. 
«  Cependant,  le  serviteur  du  Bey  parvint  à  m'amener 
«  un  des  principaux  au  moyen  duquel  j'entrai  en 
«  relation  avec  les  Ouled  Abderrahman. 

(»  Je  leur  fis  envisager  qu'ils  allaient  être  attaqués 
«  de  trois  côtés,  car  votre  colonne  devait  n'être  pas 
«  éloignée  et  je  savais  que  les  Béni  Melken,  séparés 
«  de  moi  par  une  chaîne  de  montagnes  étroite,  s'a- 
«  vançaient  vers  Chebaïch  par  le  Nord-Est. 

"  J'avais  fait  mettre  pied  à  terre  à  une  partie  des 
«  goums  et  fait  conduire  les  chevaux  en  arrière;  je 
«  reçus  alors  un  second  message  du  Bey.  Celte  lettre, 
«  portant  le  caractère  d'une  véritable  précipitation, 
«  me  confirma  dans  la  pensée  que  votre  mouvement 
«  et  celui  des  Béni  Melken  se  prononçaient  claire- 
«  ment. 

«  Je  jugeai  que  le  Bey  était  aux  abois  et  ne  comp- 
«  tait  plus  sur  la  protection  des  Ouled-Abderrahman. 
«  Cette  seconde  lettre,  apportée  par  son  mamelouk 
((  de  confiance  me  disait  en  peu  de  mots  :  «  Envoyez- 
««  moi  l'aman  pour  moi  et  ma  suite,  je  viendrai  à 


—  278  — 

((«  vous;  mais  ne  me  prenez  pas  par  la  force,  car  j'ai 
«((  été  Sultan;  ne  m'humiliez  pas;  je  veux  me  sou- 
«((  mettre  et  terminer  cette  vie  errante.  » 

«  Je  répondis  au  mamelouk  n'avoir  rien  à  ajouter 
((  à  la  lettre  dont  le  brigadier  était  porteur. 

(t  Pendant  ce  temps,  les  négociations  avec  les 
((  Ouled  Abderrahman  avaient  réussi.  J'avais  exigé 
«  trois  d'entre  eux  comme  caution  de  la  sûreté  de 
«  mon  envoyé,  le  brigadier  Amar.  Ces  trois  hommes 
«  m'ayant  été  amenés,  non  toutefois,  sans  difficultés, 
0  je  fis  partir  le  brigadier  accompagné  par  les  sol- 
«  dats  du  Bey. 

((  Le  brigadier  Amar  étant  parvenu  près  du  Bey, 
«  lui  remit  ma  lettre,  celui-ci  se  décida  à  venir  à 
({  moi  et  il  arriva  bientôt  accompagné  de  quelques 
((  serviteurs.  J'avais  fait  retirer  les  Arabes  et  leurs 
«  chefs.  Le  Bey  ayant  mis  pied  à  terre  et  moi  en- 
«  suite,  il  me  dit  confier  entièrement  son  sort  et  ce- 
«  lui  des  siens  à  la  générosité  des  Français.  Il  renon- 
ce vêla  ensuite  sa  demande  de  n'avoir  aucune  relation 
«  avec  les  Arabes,  ce  que  je  lui  promis  de  nouveau. 

«  Dès  le  même  jour,  le  Bey  et  sa  famille  vinrent 
«  camper  avec  moi  dans  le  Sahara.  Les  spahis  seuls 
«  furent  commis  à  sa  garde  :  les  Arabes  de  tout  rang 
«  furent  tenus  éloignés  de  sa  présence.  Il  fut  conduit 
«  dans  cet  ordre  à  Biskra,  où  il  arriva  le  7  juin.   » 

Nous  arrêterons  ici  la  partie  historique  ;  ni  notre 
installation  définitive  à  Biskra,  ni  la  prise  d'Ahmed 
Bey  ne  ramenèrent  du  soir  au  lendemain  la  tranquillité 
dans  ce  pays  ;  l'intervention  effective  de  nos  troupes 
fut  encore  nécessaire  pendant  une  dizaine  d'années. 

En  1849,  un  autre  prétendu  chérif,  nommé  Bou 
Zian,  habitant  de  Zaatcha,  leva"  l'étendard  de  la  ré- 


-  279  - 

volte  et  prêcha  la  guerre  sainte.  Une  colonne  sons 
le  commandement  du  commandant  de  Saint-Germain 
fut  envoyée  pour  arrêter  cette  insurrection;  un  im- 
portant combat  fut  livré  le  17  septembre,  (fui  amena 
la  défaite  des  indigènes,  mais  où  fut  tué  le  comman- 
dant de  Saint-Germain.  Pour  mettre  fin  à  la  révolte, 
les  troupes  françaises  vinrent  mettre  le  siège  devant 
l'oasis  de  Zaatcha;  ce  siège  mémorable  qui  dura  du 
7  octobre  au  27  novembre,  nous  coûta  20  officiers, 
60  blessés  et  300  soldats  tués  et  620  blessés  ;  il  eut 
pour  conséquence  d'amener  la  soumission  immédiate 
des  oasis  des  Ziban.  A  plusieurs  reprises,  les  co- 
lonnes furent  encore  chargées  de  pacifier  le  pays, 
notamment  en  1853  (Commandant  Collineau),  puis 
en  1858  et  1859  (Général  Desvaux). 

Dans  l'intervalle  eut  lieu  l'occupation  de  Toug- 
gourt  (1854),  dont  le  commandement,  comprenant, 
en  outre,  le  Souf  et  l'Oued  R'hir,  fut  confié  à  Ali 
Bey,  fils  de  Ferhat  ben  Saâd,  que  l'on  fit  venir  exprès 
de  Sétif,  où  il  végétait  misérablement  depuis  la  mort 
de  son  père.  Cette  rentrée  en  scène  du  représentant 
du  çof  de  Bou  Okkar  avait  pour  oljjet,  dans  la  pen- 
sée du  général  Desvaux ,  de  donner  un  contre-poids 
à  la  famille  des  Ben  Ganah,  dont  l'autorité  commen- 
çait à  devenir  menaçante. 

La  famine  et  le  choléra  de  1867  rouvrirent  la 
période  de  troubles  et  d'actes  de  piraterie  qu'on  avait 
eu  tant  de  peine  à  réprimer;  cette  période  venait 
à  peine  de  se  fermer,  lorsqu'éclata  l'insurrection 
de  1871.  Les  tribus  du  cercle  de  Biskra  n'y  partiel-" 
pèrent  pas  et  Biskra  resta  indemne  de  tout  attaque. 

Si  Ali  Bey  fut  autorisé  à  s'installer  à  Saàda  avec 
mission  de  couvrir  le  sud  de  Biskra  avec  les  tribus 


—  280  — 

de  son  çof  et  les  tribus  du  çof  de  Ben  Ganah,  y 
compris  les  Sahari,  furent  groupés  au  Nord,  entre 
El  Outaya  et  Doucen  ;  Biskra  était  ainsi  placée  entre 
les  deux  camps  avec  sa  casbah  et  sa  garnison  fran- 
çaise et  les  deux  çofs  étaient  en  même  temps  char- 
gés de  se  surveiller  réciproquement. 

Trompant  cette  surveillance,  les  nomades  de  Ghe- 
raba  et  les  Saharis  se  précipitèrent  dans  la  plaine 
d'El-Outaya  et  se  livrèrent  au  pillage  aussi  bien  des 
fermes  françaises,  que  des  tribus  fidèles  ou  insur- 
gées. Il  fallut  l'arrivée  à  Biskra  (8  décembre  1871) 
de  la  colonne  Delacroix  pour  ramener  la  tranquihté 
et  la  sécurité  dans  la  région  saharienne.  On  peut 
même  dire  que  c'est  seulement  à  partir  de  cette 
époque  que  cette  région  a  commencé  à  jouir  des 
bienfaits  de  notre  occupation,  grâce  aux  sages  dis- 
positions arrêtées  par  le  commandement  pour  main- 
tenir les  divers  groupes  nomades  dans  les  campe- 
ments qui  leur  avaient  été  respectivement  assignés 
et  pour  donner  satisfaction,  dans  des  conditions 
régulières  et  normales,  aux  besoins  de  transhumance 
de  leurs  troupeaux. 

La  révolte  de  Bou-Azid,  à  El-Amri,  promptement 
réprimée  (mars  1876)  et  qui  ne  fut  qu'un  incident 
purement  local,  provoqué  par  la  mauvaise  adminis- 
tration du  caïd  Boulakhras  ben  Ganah,  révoqué 
depuis, clôt  la  série  des  soulèvements  dans  les  Ziban. 

CHAPITRE    IV 
Situation  économique 

Climat.  —  Le  chmat  est,  dans  toute  la  région, 
d'une  douceur  exceptionnelle  dans  la  saison  d'hiver 


—  281  — 

mais  iH'ùlQiit  pendant  l'été.  La  température  moyenne 
est  de  23  degrés  environ,  avec  des  écarts  de  2  de- 
grés en  décembre  et  janvier,  et  de  48  degrés  en  juil- 
let et  août. 

Dans  les  années  moyennes,  la  pluie  tombe  pen- 
dant quelques  jours  à  l'automne  et  au  printemps  et 
rarement  dans  le  reste  de  l'année,  sans  jamais  pou- 
voir rafraîchir  cette  terre  dont  la  surface  se  couvre 
d'énormes  crevasses  sous  l'action  des  rayons  du 
soleil. 

Lorsque  l'année  reste  sèche,  les  grains  que  l'on 
confie  à  la  terre  ne  germent  ni  ne  lèvent  et  les  pâtu- 
rages sont  rares.  Au  contraire,  si  les  saisons  sont 
pluvieuses,  il  n'est  pas  rare  de  voir  les  mêmes  oueds 
rouler  les  eaux  de  deux  ou  trois  crues,  dont  les 
masses  vont  se  perdre  dans  le  Chott,  après  avoir 
franchi  les  berges  quelque  fois  très  élevées  des  ri- 
vières, en  se  répandant  sur  toute  la  plaine  et  en  cour- 
bant sur  leur  passage  les  arbustes  environnants.  Au 
commencement  de  l'été,  les  nomades  vont  dans  le 
Tell  à  la  recherche  des  pâturages  que  leur  pays  ne 
peut  plus  offrir  à  leurs  troupeaux.  Ils  usent  des 
droits  qu'une  habitude  plusieurs  fois  séculaire  leur 
a  concédés.  Au  contraire,  à  l'automne,  ils  rentrent 
dans  leurs  terres  de  parcours  que  les  pluies  de  la 
saison  ont  généralement  vivifiées  et,  à  leur  suite, 
arrivent  les  troupeaux  du  Nord  chassés  par  les  ri- 
gueurs du  climat. 

Des  vents  qui  soufflent  habituellement,  le  plus 
violent  et  le  plus  à  craindre  est  le  vent  du  Sud  qui, 
en  été,  soulève  de  véritables  nuages  de  sable  brûlant. 
Il  n'est  pas  rare  de  voir  les  récoltes  des  jardins 
brûlées  complètement  après  une  période  assez  lon- 
gue de  siroco. 


—  282  - 

Oasis.  —  Les  Ziban  se  divisent  en  Zab  du  nord, 
Zab  du  sud  et  Zab  de  l'est. 

Zab  du  nord.  —  Les  oasis  sont  créées  même  au 
pied  de  la  dernière  ride  des  monts  du  Zab  qui  les 
abritent  du  vent  du  Nord.  Les  principaux  villages 
sont  :  Bou-Aragroun,  Lichana,  Tolga,  El-Bordj, 
Farfar,  Foughalla,  El-Amri.  Les  jardins  sont  ferti- 
lisés par  des  sources  abondantes  qui  descendent  de 
la  montagne. 

Autrefois,  les  oasis,  ont  dû  être  plus  florissantes, 
mais  il  serait  facile  de  leur  rendre  leur  ancienne  fer- 
tilité et  leur  donner  un  plus  grand  développement  ; 
il  suffirait  pour  cela  d'aménager  intelligemment  les 
eaux  dont  la  plus  grande  partie  se  perd  sans  profit. 

On  pourrait  construire  des  canaux  maçonnés  et 
voûtés  pour  remplacer  ces  séguia  sinueuses  et  en 
pleine  terre  qui  forment  un  immense  feston  et  per- 
dent une  partie  notable  de  leurs  eaux  en  se  dévelop- 
pant sur  une  longueur  souvent  exagérée. 

Tolga  est  la  plus  grande  des  oasis  du  Zab  Darahoui. 
Elle  a  joué  un  certain  rôle  dans  l'histoire;  elle  est 
construite  sur  l'emplacement  d'un  camp  romain.  Elle 
renferme  quelques  mosquées  et  une  zaouïa  de  l'ordre 
des  Rahmania,  qui  compte  de  nombreux  fidèles  dans 
toutes  les  tribus  du  Sahara  et  qui  a  souvent  rendu 
des  services  signalés  à  l'influence  française. 

Le  Zab  Darahoui  comptait  aussi  Zaatcha,  dont  il 
ne  reste  qu'une  ruine  informe  et  qui  a  joué  un  si 
grand  rôle  à  divers  moments  de  l'histoire,  particu- 
lièrement en  18i9  où  elle  soutint  un  siège  de  14  jours 
contre  les  troupes  françaises.  Elle  faisait  corps  avec 
l'oasis  de  Lichana  qui  lui  donna  rapi)ui  de  ses  forces. 


-  283  — 

El  Amri  l'ut,  en  1870,  le  centre  d'une  révolte  qui, 
immédiatement  localisé,  efut  facilement  réprimée.  Ses 
palmiers,  ainsi  que  ceux  de  Fougiiala  qui  apparte- 
naient aux  Bon  Azid,  finirent  séquestrés,  puis  vendus 
par  le  domaine  de  l'Etat  à  deux  sociétés  françaises 
qui  les  exploitent. 

Zab  du  sud.  —  Il  est  séparé  du  Zab  nord  par 
une  bande  marécageuse  et  sablonneuse.  Ses  oasis 
sont  généralement  ^créées  dans  la  vallée  de  l'Oued- 
Djeddi,  qui  les  arrose  avec  les  eaux  de  son  cours 
souterrain.  Cependant,  quelques  villes  reçoivent  leurs 
eaux  des  ources  qui  prennent  naissance  dans  les  mon- 
tagnes au  Nord.  Telles  sont  :  Oumach,  Mlili  et  Ben 
Thious. 

Les  villes  ou  villages  du  Zab  Guebli,  sont  :  Ou- 
mach, Mlili,  Ourkal,  Bigau,  Ben  Thious,  Lioua,  Sa- 
hira. 

Mlili  est,  d'après  quelques  auteurs,  sur  l'emplace- 
ment d'un  Castrum  romain  (gemet'œ).  Les  deux 
oasis  des  Ouled  Djellal  et  de  Sidi  Khaled,  qui  sont 
administrativement  en  dehors  des  Ziban,  appartien- 
nent géographiquement  au  Zab  Guebli. 

Zab  de  l'est.  —  Il  s'étend  depuis  l'Oued  Biskra,  à 
l'Ouest,  jusqu'à  l'Oued  el  Arab,  à  l'Est,  et  des  pentes 
méridionales  de  l'Aurès,  au  Nord,  jusqu'au  Chott 
Melrir  au  Sud.  Une  partie  seulement  des  villes  qu'il 
renferme  est  comprise  dans  la  tribu  des  Ziban. 

La  principale  est  Sidi  Okba  célèbre  par  sa  mosquée, 
qui  paraît  être  le  premier  monument  arabe  en  Algé- 
rie. C'est  là,  que  repose  le  corps  du  général  arabe, 
Okba  ben  Nafa  qui,  au  premier  siècle  de  l'hégire  W, 


(1)  Voir,  Supra,  page  18. 


-  284  - 

conquit  l'Ifrikia,  s'élança  par  une  marche  audacieuse 
de  Kairouan  jusqu'à  l'océan  et  revenant  triomphale- 
ment sur  ses  pas,  après  avoir  défait  tous  les  ennemis 
de  l'Islam,  se  fit  battre  et  massacrer,  avec  toute  la 
fleur  de  sa  chevalerie,  par  les  Berbères,  ses  anciens 
alliés  qu'il  avait  humiliés  par  son  arrogance.  La  ren- 
contre eut  lieu  à  Thouda,  ancien  centre  romain. 
On  lui  éleva  un  monument  à  l'endroit  où  il  était  mort 
et  autour  de  ce  monument  se  fonda  Sidi-Okba  (682). 

Sidi-Okba  est  la  plus  grande  ville  du  Zab  Cher- 
gui  ,  mais  elle  est  actuellement  incapable  de  prospérer, 
faute  de  l'eau  nécessaire  à  la  culture  de  ses  palmiers. 

Les  autres  villages  sont  :  Sériana,  où  le  com- 
mandant de  Saint-Germain  défit  les  bandes  du  ma- 
rabout des  Ouled  Youb  en  marche  pour  renforcer 
l'insurrection  de  Zaatcha  et  Drouh.  On  trouve  encore 
au  Sud,  deux  petites  oasis,  nommées  l'une  El- 
Haouch  et  l'autre  Sidi  Mohamed  ben  Moussa. 

Voies  de  communication.  —  Les  voies  de  com- 
munication sont  très  nombreuses  et  généralement 
faciles,  étant  établies  sur  un  terrain  argileux  résis- 
tant, jamais  détrempé  par  les  eaux  de  pluie,  mais  au 
contraire  battu  et  tassé  par  le  passage  de  nombreu- 
ses caravanes. 

Presque  toutes  les  grandes  routes  aboutissent  à 
Biskra.  Ce  sont  en  commençant  par  l'Ouest  : 

1°  La  route  de  Biskra  à  Barika  qui  traverse  la 
grande  plaine  d'El-Outaïa.  Pénètre  dans  les  monts 
du  Zab  par  le  défilé  de  Saison  et  se  dirige  sur 
M'doukal  en  suivant  l'Oued  Chaïma  pendant  quelques 
temps; 

2°  La  route  de  Biskra  à  Bou-Saâda  par  le  Zab 


—  285  — 

Darahoui  et  les  puits  de  Sadouri  longe  le  pied  du 
mont  du  Zab,  est  carossable  jusqu'au  pied  de 
Foughalla  et  le  deviendrait  avec  très  peu  de  travaux 
jusqu'à  Sadouri.  Après  quoi  elle  rentre  dans  le  mas- 
sif montagneux  qui  forme  la  ceinture  de  l'Oued 
Chair  ; 

3'^'  La  route  de  Biskra  à  Doucène  et  aux  Ouled- 
Djellal  suit  le  même  trajet  que  la  précédente  jusqu'à 
Farfar,  bifurque  ensuite  pour  traverser  El-Amri  et 
se  partage  en  deux  branches  carossables,  l'une  pour 
aller  à  Doucène,  l'autre  aux  Ouled-Djellal  ; 

4*^  La  route  de  Biskra  au  Zab  Guebli  se  dirige  sur 
Mlili;  relie  tous  les  villages  du  Zab  Guebli  et  se 
prolonge  ensuite  jusqu'aux  Ouled-Djellal  en  suivant 
la  rive  gauche  de  l'Oued-Djeddi  ; 

5"  La  route  de  Biskra  à  Touggourt,  qui  doit 
faire  suite  à  la  route  nationale  de  Stora  à  Biskra, 
traverse  toute  l'oasis  de  Biskra,  suit  à  faible  distance 
la  rive  droite  de  l'Oued  Biskra  jusqu'au  bordj  de 
Saâda,  traverse,  à  ce  moment,  l'Oued  Djeddi,  atteint 
ensuite  Chagga  et  se  bifurque,  à  cet  endroit,  en  deux 
branches,  qui  vont  l'une  sur  Touggourt  par  l'Oued 
Rir,  l'autre  sur  le  Souf  par  M'guebra  et  le  Chott.  La 
route  qui  va  à  Touggourt  est  parcourue,  deux  fois 
par  semaine,  par  une  voiture  publique  qui  fait  le  ser- 
vice de  la  poste; 

6°  La  route  de  Biskra  à  Zeribet-el-Oued,  qui  tra- 
verse l'Oued -Biskra  en  amont  de  Filiach,  est  car- 
rosable  jusqu'à  Sidi-Okba; 

7°  La   route   de  Biskra   à  Batna   par   l'Aurès   et 
Médina  est   carrossable  jusqu'à  Drouh  en  passant 
par  Chetma  ; 
8°  La  route  nationale  de  Biskra  à  Branis  remonte 


—  286  - 

la    rive  droite   de  l'Oued  Biskra   jusqu'au   col   des 
Chiens  ; 

9"  La  route  nationale  de  Stora  à  Biskra  entre 
dans  la  tribu  des  Ziban  au  col  de  Sphax. 

D'autres  voies  de  communication  de  moindre 
importance  existent  encore  dans  l'intérieur  du  terri- 
toire. Ce  sont  des  pistes  plus  ou  moins  larges  par- 
courues par  les  caravanes.  On  peut  citer  la  route  de 
Tolga  à  El-Outaïa,  par  le  col  de  Khenisen;  celle  de 
M'doukal  à  Doucène  par  le  défilé  Mta  Sahoua  et  le 
Teniet-Naam  ;  celle  de  M'doukal  à  Sadouri,  remon- 
tant le  cours  de  l'Oued-Labiod;  celle  de  Biskra  à 
Oumach;  le  chemin  d'Oumach  aux  puits  de  Baadj, 
le  chemin  de  Sidi-Okba  à  M'chounech  par  la  mon- 
tagne; celui  de  Garta  à  Zeribet-el-Oued,  de  Sidi-Okba 
à  Sidi-Salah,  à  Sidi- Mohammed -ben-Moussa-el- 
Faïed,  etc.  ;  enfin,  tous  les  chemins  faisant  commu- 
niquer entre  eux  les  villages  des  Zil)an. 

Il  y  a  lieu  d'ajouter  à  cette  énumération  la  voie 
ferrée  de  Constantine  à  Biskra  par  Batna.  Les  indi- 
gènes se  servent  beaucoup  du  chemin  de  fer  pour 
leurs  voyages;  si  quelques-uns  préfèrent  employer 
le  chameau  pour  le  transit  de  leurs  marchandises, 
on  peut  dire  que  ce  moyen  de  locomotion  est  déjà 
en  partie  remplacé  par  la  vapeur.  En  1899,  5,500,000 
kilogrammes  de  dattes  ont  été  embarqués  à  la  gare 
de  Biskra;  1,500,000  kilogrammes  de  grains  ont  été 
importés  par  la  même  voie;  ces  chiffres  ont  plus 
que  doublés  aujourd'hui  et  ils  iront  encore  en  aug- 
mentant lorsque  le  chemin  de  fer  stratégique,  actuel- 
lement en  construction,  de  Biskra  à  Touggourt,  sera 
livré. 


—  287  — 

Population,  mœurs.  —  La  i)opulatioii  de  la  tribu 
est  relativement  considérable.  Elle  compte  plus  de 
25,000  âmes. 

Les  mœurs  des  habitants  varient  essentiellement 
suivant  le  caractère  sédentaire  ou  nomade  c^ui  les 
distingue.  Les  uns,  grands  nomades,  habitués  à  de 
longs  parcours  tous  les  ans,  cherchent  les  campe- 
ments les  plus  éloignés  de  l'action  de  l'autorité, 
masquent  leurs  douars  dans  des  plis  abrupts  de 
terrain  oi^i  l'a^il  ne  peut  soupçonner  la  présence  d'êtres 
animés;  mènent  leurs  troupeaux  sur  les  cîmes  les 
plus  élevées,  non  seulement  pour  y  trouver  des 
pâturages  encore  inexplorés,  mais  encore,  guidés 
par  cette  méfiance  naturelle  de  l'Arabe  qui  craint 
toujours  au  fond  que  son  cheptel  n'éveille  les  convoi- 
tises dont  il  a  tant  souffert  avant  notre  gouverne- 
ment. Ces  nomades  sont  farouches  et  querelleurs. 
Bien  que  peu  sanguinaires,  ils  préfèrent  encore  quel- 
quefois tirer  le  couteau  et  se  faire  justice  eux-mêmes 
que  de  s'adresser  à  l'autorité,  et  cette  manière  de 
procéder  est  d'autant  plus  fréquente  chez  eux  que 
leur  situation  isolée  au  milieu  des  montagnes  les 
couvre  mieux  contre  l'action  judiciaire. 

Les  autres,  au  contraire,  citadins  habitant  les 
villes,  se  livrent  au  commerce  et  ne  se  déplacent 
que  lorsque  les  transactions  les  y  obligent.  Bon  nom- 
bre s'expatrient  volontiers  et  vont  dans  les  grandes 
villes  du  littoral  faire  tous  les  métiers;  quelques-uns 
y  deviennent  quelquefois  ivrognes  et  souvent  mau- 
vais sujets;  d'autres  rentrent  avec  amour  dans  leur 
pays,  après  avoir  amassé  une  petite  fortune  avec  la- 
quelle ils  achètent  immédiatement  quelques  palmiers. 


—  288  - 

La  possession  de  la  terre  les  attire  et  constitue  à 
leurs  yeux  l'idéal  de  l'aisance.  Mais  ils  sont  peu 
industrieux,  même  lorsqu'ils  ont  été  en  contact  avec 
les  européens  et  qu'ils  ont  vu  quel  parti  remarquable 
on  peut  tirer  de  la  terre  fertile  qu'ils  habitent;  géné- 
ralement rebelles  à  toute  espèce  de  progrès,  laissant, 
faute  d'un  peu  de  travail,  se  perdre  la  moitié  de 
l'eau,  que  les  sources  leur  donnent  si  parcimonieu- 
sement, incapables  de  comprendre  que  leurs  intérêts 
sont  intimement  liés  à  la  prospérité  du  pays,  ne 
faisant  rien  par  conséquent  pour  la  rendre  meilleure, 
n'essayant  ni  de  creuser  des  puits  artésiens,  ni  de 
construire  des  barrages  assez  solides  pour  capter 
les  eaux  des  crues,  ils  ne  donnent  en  somme  qu'un 
minimum  de  produit;  ce  ne  sera  que  par  la  persua- 
sion et  par  l'exemple  qu'il  sera  peut-être  possible,  à 
la  longue,  de  leur  incalquer  des  idées  de  travail  et 
de  progrès  qui  sont  encore  bien  en  désaccord  avec 
leur  paresse  et  leur  fatalisme  naturels.  C'est  ce 
même  fatalisme  qui  les  entraîne,  avec  une  superbe 
imprévoyance,  à  engager  des  immeubles  d'une  voleur 
dix  fois  supérieure  à  la  somme  qu'ils  sont  obligés 
d'emprunter  lorsque  l'année  a  été  mauvaise.  Avec 
cela,  frondeurs  et  processifs  à  outrance,  ils  tombent 
trop  souvent  entre  les  mains  de  l'agent  d'afïaires 
véreux  qui  les  trompe  et  les  ruine. 

Habitations.  —  Leurs  habitations  sont  construites 
en  toubes,  sorte  de  briques  larges  faites  d'argile 
pétrie  et  séchée  au  soleil.  Elles  sont  assemblées  à 
l'aide  d'un  ciment  argileux;  quelques-unes  sont 
crépies  à  la  chaux  et  ont  assez  bon  air.  Depuis  quel- 
ques années,  leurs  maçons  ont  acquis  des  notions 
d'aplomb  et   de  ligne  droite  inconnue  auparavant. 


-  289  - 

Leurs  constructions  nouvelles  tranchent  singulière- 
ment, par  leur  régularité,  avec  ce  qui  subsiste  encore 
des  anciennes.  Ces  maisons  sont  quelquefois  spa- 
cieuses; d'aulre  fois,  elles  forment  un  véritable  dé- 
dale de  petites  chambres,  d'étages  très  bas  et  d'es- 
caliers tournants  dans  lesquels  on  se  perd.  D'ailleurs, 
les  nomades,  bien  que  possédant  une  maison  dans 
un  des  villages  des  Ziban,  vivent  sous  la  tente  quand 
ils  viennent  à  la  ville,  souvent  même  ils  installent 
leur  tente  dans  la  cour  ou  dans  un  jardin  voisin, 
réservant  les  chambres  pour  des  magasins.  Le  plus 
souvent,  ils  s'établissent  en  douars  à  proximité  des 
oasis  où  ils  possèdent  des  jardins,  y  demeurent 
pendant  quelque  temps  et  ensuite  transportent  leurs 
tentes  au  loin. 

Agriculture.  —  L'agriculture  consiste  dans  le  la- 
bourage des  terres  de  culture  et  dans  le  travail  des 
jardins  d'oasis.  Le  labourage  est  la  part  du  travail 
du  nomade,  tandis  que  le  jardinage  est  réservé  au 
sédentaire.  Les  jardins  sont  tous  plantés  de  palmiers 
donnant  les  espèces  les  plus  variées  de  dattes  ;  sous 
les  palmiers  poussent  les  arbres  fruitiers,  tels  que 
le  figuier,  l'abricotier,  le  grenadier,  l'oranger,  etc., 
et,  enfin,  la  vigne  qu'on  laisse  pousser  Hbrement  et 
qui  s'attache  en  longues  guirlandes  aux  branches 
des  arbres  les  plus  élevés.  Entre  les  arbres,  la  terre 
cultivée  fait  pousser  des  légumes,  tels  que  oignons, 
carottes,  navets,  piments,  etc.  Sur  certains  points, 
autour  des  oasis,  les  séguias  d'arrosage  se  perdent 
dans  de  vastes  étendues  de  terre  qu'elles  rendent 
très  propres  à  la  culture  de  l'orge  et  du  blé. 

Les  nomades  sont  moins  favorisés,  ils  ont  peu  de 


-  290  - 

terres  irriguées.  Ils  sont  obligés  de  défricher  dans 
la  plaine,  au  fond  des  petites  vallées  et  des  daïas,  et 
confient  leurs  grains  à  une  terre  qui  rendrait  au 
centuple  si  elle  était  suffisamment  irriguée.  Le  no- 
made se  contente  de  Teau  qui  vient  des  pluies  et  sa 
terre  de  labours  reste  souvent  desséchée  pendant 
toute  l'année.  Pourtant  cette  terre  est  d'une  fertilité 
.  remarquable  et  il  y  a  là  une  richesse  enfouie  que 
des  capitaux  bien  employés  pourraient  exploiter  avec 
succès. 

L'eau  existe  en  quantité  bien    plus    considérable 
qu'il  est  nécessaire;  mais  rien  ne  retient  celle  des 
crues,  qui  coule  rapide  entre  les  berges  escarpées 
de  longs  oueds.  Elle  arrive  alors  vers  le  chott  en 
masses  irrésistibles  et  devient  une  cause  de  ruine 
au  lieu  d'être   une   source  de   richesses.    Que    l'on 
construise  des  barrages  nombreux  et  résistants  dans 
des  oueds   tels  que  l'Oued  Labiod  de  l'Aurès,   les 
oueds  Djouchni  et  Saison  du  Zab,  pour  ne  citer  que 
les  plus  importants,  et  l'on  retiendra  des  volumes 
incalculables  d'eau.  Ces  oueds  sont,  en  efïet,  remar- 
quables. Creusés  dans  le  roc  entre  des  mouvements 
montagneux  considérables,  ils  se  livrent  passage  à 
travers  des  défilés  étroits  et   solides   qui   sont   les 
points  indiqués  de  construction  des  barrages.  Le  sol 
rocheux    donnerait  à  ces  barrages  une  assise  iné- 
branlable, en  même  temps  que  les  berges  voisines 
leur  ofïriraient  des  points  d'appui  résistants.  Mais 
c'est  le  fait  de  l'initiative  privée  d'obtenir  ces  résul- 
tats et  cette  initiative  ne  pourra   se  manifester   que 
lorsque  les  colons  français  posséderont  une  certaine 
partie  du  pays,  y  auront  des  intérêts  considérables 
engagés  et  y  seront  installés  à  demeure.  A  ce  mo- 


-  â9i  - 

ment,  la  face  du  pays  sera  renouvelée  et  les  résul- 
tats atteints  seront  immenses. 

Troupeaux.  —  Les  troupeaux  de  la  tribu  sont 
relativement  peu  nombreux;  ils  se  composent  en 
chiffres  ronds  de  7,000  chameaux,  30,000  moutons 
et  20,000  chèvres.  Cependant,  ils  ne  peuvent  trouver 
en  toute  saison,  dans  les  terrains  de  parcours  que 
les  nomades  possèdent,  les  pâturages  nécessaires  à 
leur  existence.  Aussi,  au  commencement  de  l'été, 
remontent-ils  vers  le  Nord  oi^i  ils  vont  en  achaba.  Les 
endroits  où  ils  se  rendent  le  plus  souvent  et  à  la 
suite  de  droits  acquis  par  un  long  usage,  sont  : 
rOued-Atménia,  Chàteaudun-du-Rhumel,  Saint- 
Arnaud,  Oued-Zénati,  Fedj-M'zala,  Aïn-M'lila,  Batna, 
Oum-el-Bouaghi,  Khenchela,  Aïn-Beïda,  Guelma  et 
Sédrata. 

Quant  aux  bêtes  de  somme  proprement  dites,  on 
ne  compte  en  dehors  des  chameaux  que  250  mulets 
et  1500  ânes.  Enfin,  la  tribu  ne  peut  mettre  sur  pied 
un  goum  bien  considérable;  elle  ne  possède  pas  plus 
de  250  à  300  chevaux. 

Commerce  et,  Industrie.  —  Le  commerce  du  pays 
est  pour  ainsi  dire  purement  local,  mais  il  tend  à 
prendre  un  grand  développement;  on  exporte  sur- 
tout des  dattes  en  grande  quantité;  (^)  en  dehors  des 
dattes,  le  pays  ne  produit  guère  que  des  légumes, 
des  fruits  ou  quelques  céréales  qui  se  vendent  sur 
les  marchés  voisins  et  sont  généralement  consom- 
més sur  place.  Le  commerce  des  oasis  du  Zab 
prendra  un  réel  essor  le  jour  où  Ton  mettra  en  va- 


(1)  Les  dattes  exportées  viennent  surtout  du  Souf  et  de  TOued-Rhir. 


—  292  - 

leur  toutes  les  terres  de  culture  qui  existent  dans 
la  région.  Cette  mise  en  valeur  ne  peut  se  faire  qu'à 
l'aide  de  capitaux  mis  à  la  disposition  de  l'initiative 
privée  et  ce  n'est  que  peu  à  peu,  et  à  la  longue, 
qu'on  peut  espérer  un  semblable  résultat. 

Quant  à  l'industrie,  elle  est  pour  ainsi  dire  nulle. 
Elle  consiste  dans  le  tissage  de  quelques  burnous  ou 
de  tapis  et  dans  la  confection  de  quelques  ouvrages 
de  sparterie;  l'industrie  des  tapis  commence  à  pren- 
dre un  certain  développement  qui  ira  sans  cesse  en 
augmentant,  parce  que  les  tapis  fabriqués  dans  cette 
région  sont  maintenant  mieux  faits,  grâce  aux  mo- 
dèles importés  par  les  soins  du  Gouvernement  et 
par  suite  plus  appréciés. 

CHAPITRE    V 


Division  de  la  tribu  en  douars 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  précédemment,  la  population 
des  Ziban  est  composée  d'éléments  divers,  différant 
entre  eux  par  l'origine,  les  mœurs  et  la  nature  des 
intérêts  qui  les  rattachent  au  sol. 

Si,  au  moment  de  leur  immigration,  les  Arabes  ont 
d'abord  imposé  leur  domination  aux  gens  des  oasis, 
en  ont  fait  leurs  magasiniers  et  les  ont  forcé  de  leur 
servir  un  tribut  dit  de  protection  (Khefara),  cette 
situation  n'a  pas  tardé  de  se  modifier  par  suite  de 
l'existence  nomade  des  envahisseurs  qui,  en  maints 
endroits,  sont  devenus  leurs  associés,  ont  uni  leurs 
intérêts  aux  leurs  et  ont  pris  leurs  usages. 
Il  n'en  est  pas  moins  resté  un  certain  nombre  de 


—  293  — 

tribus  qui,  n'ayant  pu  trouver  place  dans  le  Tell, 
sont  restées  groupées  sous  le  commandement  du 
Cheikh  El  Arab,  à  l'époque  turque,  et  ont  continué 
à  vivre  de  l'existence  nomade,  stationnant  l'hiver 
dans  le  Sahara  et  remontant,  dès  les  premières  cha- 
leurs, demander  au  Tell  les  pâturages  nécessaires 
à  leurs  troupeaux;  tels  sont  les  Bou  Azid,  les  Ma- 
khadma  et  les  Moualit. 

On  a  souvent  comparé  le  Sahara  à  une  mer 
immense  dans  laquelle  les  oasis  constitueraient  des 
îles.  Les  nomades  sont  les  navigateurs,  on  pourrait 
même  dire  les  forbans  de  cette  immensité  et  ce  n'est 
pas  sans  une  appréhension  légitime  très  justifiée, 
d'ailleurs,  par  les  exactions  dont  ils  ont  été  victimes 
pendant  près  d'un  siècle,  à  l'occasion  de  la  lutte  du 
çof  Ben  Ganah  et  du  çof  Bou  Okkar,  que  les  sé- 
dentaires des  oasis  subissent,  deux  fois  par  an,  le 
passage  de  ces  incommodes  voisins.  Bien  différente 
est  la  population  des  oasis,  composée  de  Berbères 
ou  d'Arabes  berbérisés,  dont  la  culture  des  jardins 
et  surtout  des  palmiers  constitue  la  principale  res- 
source. 

La  division  de  la  tribu  en  douars  n'était  donc 
pas  sans  présenter  de  grandes  difficultés,  en  raison 
de  cette  diversité  d'intérêts  des  populations  qui 
l'occupent  et  aussi  de  la  destination  à  donner  aux 
vastes  espaces  incultes  qui  constituent  la  majeure 
partie  de  son   territoire. 

D'autre  part,  la  question  des  eaux  a,  dans  le  Sa- 
hara, une  importance  capitale.  Tenant  compte  de 
ces  difficultés,  la  Commission  administrative  du 
Sénatus-Gonsulte  : 

1°  A  groupé  ensemble  les  oasis  soumises  au 
même  régime  des  eaux; 


—  294  — 

2°  A  réuni  à  la  population  sédentaire  de  chacun  de 
ces  groupes  d'oasis  les  fractions  nomades  qui  y  ont 
des  intérêts; 

3°  Et  y  a  annexé  les  territoires  de  parcours  des 
dites  fractions. 

Elle  a  ainsi  créé  sept  douars  dont  les  éléments 
constitutifs  sont  les  suivants  : 


la  rive  gauche  de  l'Out 


0£st.-deMel(lnJin 


là.      à«  Sol.im. 
Areb  Clioregai      , 
(traclion 

NomodoB 

Ouled-Sidi-Moussa 

Ojtidsoua  el  Zmall 

id.      KobsbM 

f  OuUd  bon-Kli 

Amour  I  Ouled  Messhi 

i  Ouled-Aliat. 

\  Naousre.     . 

l-'iirtop.    .'    .'     .'     ,     .'     .' 
Uouchagroun 


b  ClierogA 


/  Oultid  Am 

I    Gliamrs    !  n<  Mmim 

i  (  :.-- 

Atil  b,  Ali  I  Gouadoha  el  Ouled-Agab  . 


Moualil  ■ 
Gouadoho 
Klfltroa  el  Ouled-Nair 


I  intérieur  du  rOued  Diskc 

id 

id. 
a  iodâpondante. 
:  inlûrieur  de  l'Oued-KeblI 
es  indépendanlas. 
id'. 

:e*  indépenddnlus. 


UnaU-ZBouiSl  M'Ii 


—  295  — 


La  répartition  ci-dessus  a  apporté  une  modification  profonde 
dans  l'administration  du  territoire  des  Ziban  qui  est  actuelle- 
ment divisé  en  38  sections,  ayant  chacune  un  cheikh  à  sa  tète 
et  dont  voici  l'énumération  : 


Nos 

DÉSIGNATION 
des 

CAÏDAS  DONT  ELLES  DÉPKNDENT 
OU 

d'ordre 

SECTIONS 

CHEIKATS    INDÉPENDANTS 

qu'elles  servent  à  constituer 

1 

Ghemougate.                      ^ 

1 

2 

Bouchagroun. 

3 

Lichana. 

Zab 

4 

Tolga. 

5 

El  Bordj. 

,  Dahraoui 

6 

Farfar. 

1 

7 

El  Amri  Fougahda. 

^ 

8 

FiUiach. 

\ 

9 

Oumach. 

10 

Chetma. 

11 

Droh. 

\       Zab 

12 

Gartha. 

,    Central 

13 

Thouda. 

\ 

14 

Seriana. 

1                    1 

15 

Sidi  Khelil. 

1 

Caïdat  des  Ziban. 

16 

Mlili. 

\ 

17 

Bigou  Zaouïa. 

18 

Ourlai. 

19 

Menala  et  Zerouït  M'iili. 

Zab 

20 

Ben  Thious  Mekhadma. 

GuebU    1                                    II 

21 

Lioua. 

\ 

22 

Sahira. 

1 

23 

Ouled  Ben  Khelil. 

^■ 

24 

Ouled  Atlaf. 

^ 

25 

El  Nouafa. 

Ahl 

26 

El  Kebabsa. 

i     Amour 

27 

Ouled  Messahel. 

' 

—  296  — 


No» 

D'ORDRE 


28 


29 
30 
31 


DÉSIGNATION 

des 

SECTIONS 


SidiOkba. 

Gouadcha. 

Kelalna  et  Oued  Nacer. 

El  Noualed. 


CAÏDAS  DONT    ELLES  DEPENDENT 

OU 

CHEIKATS    INDÉPENDANTS 

qu'elles  servent  à  constituer 


Cheikat  indépendant  de  Sidi  Okba. 


Ahl 
ben  Ali 


32 
33 
34 
35 


Djedaoua  Smaïl. 
Ouled  Ranem. 
Ouled  Sidi  Noussa 
Ghaïbet  El  Amor. 


Cherfa 


Caïdat 
des  Arab  Cheraga 


36 
37 


0^  Mounnent.  0*^  Noussa, 
Beni-Brahim. 


Ramra 


38 


Ouled  SidiSalah. 


Cheikat  indépendant  des  Ouled  Sidi 
Sala  h. 


CHAPITRE    VI 


Du  caractère  de  la  propriété 

La  question  de  classement  de  la  propriété  indigène 
était  assez  complexe,  en  raison  de  la  nature  parti- 
culière des  éléments  dont  elle  se  compose. 

Il  est  hors  de  doute  que,  dès  avant  l'époque  ro- 
maine,les  Ziban  constituaient  une  riche  contrée,  mais, 
pour  cette  prospérité,  la  nature  fut  pour  peu  de 
chose  :  l'industrie  humaine  créa  tout.  Du  jour  où  l'on 
mit  en  valeur  autre  chose  que  les  espaces  où  il  suffi- 
sait de  labourer  et  de  semer,  on  dut  aménager  les 


-  297  - 

eaux.  On  ne  saurait  en  donner  de  meilleure  preuve 
qu'en  citant  le  système  hydraulique  de  l'Oued-Djedi, 
dont  le  capitaine  W.  Ragot  parle  en  ces  termes  :  O 

«  Il  existe  dans  le  lit  de  l'Oued-Djeddi,  des  ruines 
((  d'un  grand  barrage  romain  qui  rejetait  les  eaux 
«  non  seulement  sur  la  rive  gauche,  mais  aussi  sur 
«  la  rive  droite,  du  côté  du  Sahara.  Aux  canaux 
«  principaux  s'embouchaient  d'autres  conduites  d'eau 
«  secondaires.  A  côté  des  points  de  bifurcations,  on 
«  remarque  généralement  des  constructions  en  pierre 
«  de  taille.  Quelques  petits  postes  fortifiés  assez 
«  éloignés  se  trouvaient  dans  des  positions  telles 
«  qu'on  peut  supposer  que  leur  emplacement  avait 
«  été  choisi  pour  protéger  les  terres  irriguées  par 
«  ces  barrages,  en  même  temps  que  pour  concourir 
((  à  la  défense  du  pays.  Fait  peu  connu,  on  voit  dans 
«  le  Sahara  les  traces  d'une  immense  séguia,  appelée 
((  séguia  ben  El  Kras,  qui,  d'après  les  dires  des 
«  indigènes,  commencerait  près  de  l'oasis  des  On- 
ce led  Djellal  et  irait  aboutir  au  chott  Melghir.  Au 
((  iv^  siècle,  El  Mekki  en  parle  et  la  désigne  sous  le 
«  nom  de  séguia  Ibn  Khanzar. 

«  Ainsi,  jadis,  cette  zone  désertique  était  arrosée  et 
«  on  tirait  parti  des  très  bonnes  terres  qui  couvrent 
«  cette  région.  Ces  irrigations,  dans  un  pays  qui  est 
«  aujourd'hui  le  type  de  l'aridité,  prouvent  combien 
«  s'est  modifié  le  régime  des  eaux  de  l'Oued-Djeddi.  » 

Ce  n'est  donc  pas  d'aujourd'hui  que  l'eau  est,  dans 
les  tribus  du  Sud,  la  base  de  toute  richesse  agricole 
et  la  condition  essentielle  de  toute  cultture. 


(1)  Cité  dans  le  rapport  de  la  Commission  administrative  de  la  tnbu 
des  Zibans,  du  27  janvier  1896. 


—  298  - 

Contrairement  à  ce  qui  existait  autrefois,  la  vie 
agricole,  par  suite  des  invasions  successives  et  des 
guerres  continuelles,  s'est  peu  à  peu  localisée  dans 
les  oasis  ainsi  que  dans  les  quelques  zones  res- 
treintes qui  les  entourent  ;  l'eau  suffisamment  abon- 
dante, mais  mal  captée  et  encore  plus  mal  canalisée, 
y  est  restée  ce  qu'elle  était,  c'est-à-dire  le  principal, 
et  le  sol,  l'accessoire  de  la  propriété;  d'où  ces  règle- 
ments d'eau  si  précis,  dont  une  partie  est  due, 
dit-on,  à  Salah  Bey  et  qu'on  retrouve  dans  toutes 
les  oasis. 

La  possession  individuelle  de  l'eau,  sans  laquelle  le 
sol  serait  resté  absolument  improductif,  a  été  le  point 
de  départ  et  la  base  de  la  propriété,  et,  en  même 
temps,  s'est  constituée  la  propriété  du  sol  que  les 
indigènes  avaient  vivifié;  mais  l'intérêt  exceptionnel 
que  présentait  la  possession  de  l'eau  a  empêché 
celle-ci  de  ne  former,  avec  la  terre,  qu'une  même 
propriété. 

La  Commission  administrative  du  Sénatus-Consulte 
a  consacré  le  caractère  melk  qu'ont  toujours  eu  l'eau 
et  le  sol  irrigué,  tout  en  réservant  à  l'Etat  les  droits 
qui  lui  sont  dévolus  par  la  loi  du  16  juin  1851  sur 
le  lit  des  cours  d'eau. 

Le  caractère  de  la  propriété  de  toutes  les  terres 
qui  ne  rentrent  pas  dans  la  catégorie  précédente  est 
assez  difficile  à  établir.  En  droit  musulman,  toute 
terre  qui  n'a  pas  fait  l'objet  d'une  appropriation  pri- 
vée est  réputée  Bled  el  Islam. 

Il  paraît  difficile  de  voir,  dans  la  façon  dont  les 
nomades  jouissent  des  espaces  incultes  qui  séparent 
les  oasis,  autre  chose  qu'un  droit  de  passage  ou 
même  de  parcours  dont  ni  la  durée  ni  l'intensité 
n'ont  jamais  été  définies. 


—  299  — 

Ce  ne  sont  point,  en  eiïet,  les  seuls  nomades  rat- 
tachés administrativement  aux  Ziban  qui  y  mènent 
leurs  troupeaux  ;  d'autre  part,  ce  n'est  pas  seulement 
sur  ce  point  que  ces  nomades  séjournent.  Inéluc- 
tablement poussés,  tantôt  au  Nord,  tantôt  au  Sud, 
pour  procurer  la  nourriture  à  leurs  troupeaux,  ces 
indigènes  ne  se  sont  pas  plus  créé  de  droits  dans  le 
Sahara  que  dans  les  régions  du  Tell  qu'ils  fréquen- 
tent depuis  des  siècles  et  oi^i  leur  séjour  annuel 
n'est  souvent  toléré  qu'avec  impatience  par  les  habi- 
tants. 

Il  existe,  d'ailleurs,  en  dehors  de  l'aridité  du  sol 
une  série  de  faits  qui  ne  leur  ont  pas  permis  de 
prendre  définitivement  pied  sur  les  territoires  du 
Sud.  L'aperçu  historique,  donné  aux  premiers  cha- 
pitres de  cette  notice,  rappelle,  à  grandes  lignes,  les 
luttes  d'influence  qui  ont  longtemps  ensanglanté  les 
Ziban;  cela  explique  comment,  jusqu'au  moment  de 
la  pacification  complète  du  Sud,  les  fractions  noma- 
des n'ont  pu  avoir  de  territoire  déterminé.  Cette 
appréciation  est  tellement  exacte  que,  dès  1866,  l'Ad- 
ministration n'a  pas  hésité,  malgré  les  protestations 
des  Ahl  ben  Ali,  des  Amour,  des  Ghamra,  des  Ouled 
Zian  et  des  Lakhdar  Halfaouia,  à  constituer  de  toutes 
pièces,  un  territoire  à  la  tribu  nomade  des  Sahari, 
dont  le  concours  n'a  jamais  fait  défaut  à  la  France, 
et  à  réserver,  pour  les  besoins  ultérieurs  de  la  colo- 
nisation, la  meilleure  partie  de  la  plaine  d'El-Outaïa. 
Il  y  a  là  une  indication  certaine  du  trouble  pro- 
fond qui  existait  dans  le  Sahara,  même  vingt  ans 
après  la  conquête,  et  on  ne  saurait  s'arrêter  aux  dis- 
positions de  l'article  1"'  du  Sénatus- Consulte  du 
22  avril  1863,    qui   déclare  les   tribus   de   l'Algérie 


-  300  - 

propriétaires  des  terrains  dont  elles  ont  la  jouissance 
permanente  et  traditionnelle,  pour  refuser  à  l'Etat, 
sinon  un  droit  absolu  de  propriété,  tout  au  moins 
un  droit  de  souveraineté  qu'il  tient  comme  succes- 
seur du  Cheikh  el  Islam  et  qui  lui  permettra,  tout 
en  donnant  la  plus  large  satisfaction  au  besoin  des 
indigènes,  de  restaurer,  à  l'aide  de  travaux  hydrau- 
liques, l'ancienne  colonisation  romaine  dans  les 
Ziban. 

Le  territoire  des  Ziban  est  constitué  par  trois 
catégories  de  terrains  bien  distincts  :  O  les  oasis  et 
les  zones  de  culture  qui  les  entourent  ou  en  dépen- 
dent, les  terres  de  culture  qui  forment  la  partie  de 
la  tribu  située  au  Nord  des  monts  du  Zab,  et  enfin 
les  immenses  espaces  incultes  qui  servent  de  par- 
cours aux  troupeaux  pendant  l'hiver. 

Dans  les  oasis  et  leurs  dépendances,  le  sol  n'a 
pas,  en  réalité,  de  valeur  par  lui-même;  il  ne  cons- 
titue que  l'accessoire  d'un  autre  élément  de  la  pro- 
priété qui  est  l'eau.  Ce  que  l'on  possède  et  ce  que 
l'on  partage,  ce  que  l'on  achète  ou  ce  que  l'on  vend, 
ce  sont  surtout  les  parts  d'eau.  De  là,  ces  règlements 
minutieux  que  l'on  retrouve  dans  toutes  les  oasis. 
Aussi,  la  Commission  administrative  a-t-elle  consacré 
le  caractère  melk  que  présente,  dans  les  oasis  des 
Ziban,  non  seulement  le  terrain  irrigué,  mais  l'eau 
elle-même,  tout  en  réservant,  au  profit  du  domaine 
public,  les  droits  qui  lui  sont  dévolus  par  la  loi  du 
16  juin  1851  sur  les  lits  des  rivières. 

Au  contraire,  le  caractère  collectif  a  été  assigné  à 
l'ensemble   des   terres  situées  dans  la   partie  Nord- 


(1)  B.  O.,  1904,  p.  278  et  suiv. 


—  301  — 

Ouest  de  la  tribu,  habitée  par  les  partisans  arabes 
des  Ahl  Amour  et  des  Gliamra.  Ce  classement  se 
justifie  par  la  disposition  des  parcelles  cultivées, 
groupées  dans  les  bas-fonds,  et  aussi  par  la  nature 
particulière  de  cette  région  qui  rappelle  celle  des 
Hauts-Plateaux. 

Quant  aux  espaces  incultes,  aux  steppes,  ils  furent 
attribués  à  l'Etat  par  la  Commission  du  Sénatus- 
Consulte  ;  mais,  sur  les  réclamations  formulées  par 
les  djemaas,  des  jugements  du  Tribunal  civil  de 
Batna,  en  date  du  25  août  1896,  ordonnèrent  le 
classement  de  ces  terrains  dans  la  catégorie  des 
immeubles  de  propriété  collective.  Appel  ayant  été 
relevé  de  ces  jugements,  une  transaction  intervint, 
le  7  juillet  1900,  aux  termes  de  laquelle  les  djemaas 
cédèrent  à  l'Etat,  en  toute  propriété  et  jouissance, 
le  dixième  de  la  superficie  des  terrains  contestés.  H^ 

En  conséquence,  un  arrêté  du  Gouverneur  Géné- 
ral du  7  mars  1904  (2)  a  réparti  ainsi  qu'il  suit  le 
territoire  de  la  tribu  : 


(1)  B.  O.,  1904,  pages  278  et  suiv. 

(2)  B.  0„  1904,       id. 


-  302  - 


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—  303  — 

Aux  termes  de  l'arrêté  gouvernemental  précité,  du 
7  mars  1904,  sont  réservés  les  droits  d'usage  des 
divers  douars  de  la  tribu  tant  sur  les  terres  saines 
et  de  parcours  ou  même  de  culture,  après  l'enlève- 
ment des  récoltes,  que  sur  le  droit  à  l'eau  nécessaire 
à  leur  alimentation,  à  l'abreuvement  de  leurs  trou- 
peaux et  à  leurs  besoins  domestiques;  sont  égale- 
ment réservés  les  divers  droits  d'usage  des  nomades 
et  le  droit  de  passage,  pour  les  indigènes  des  Ziban 
et  leurs  troupeaux,  sur  les  terrains  domaniaux  si- 
tués dans  les  douars  de  Lichana,  Mekhadma,  Ou" 
reliai  et  Sâada. 


J.  MAGUELONNE. 


ÏHSCBÏPTIOHS 

DÉCOUVERTES     A     KHENOHELA 


I.  _  On  vient  de  découvrir  à  Khenchela  l'inscrip- 
tion ci-contre  qui  nous  paraît  être  une  plaque  com- 
mémorative  de  la  restauration  et  de  la  dédicace  des 
Bains  d'Eté,  qui  se  trouvent  selon  toute  probabilité 
à  l'endroit  où  l'inscription  a  été  découverte.  Cet  en- 
droit se  trouve  en  ville,  dans  le  lot  acheté  par  Ma- 
dame Dougnac,  femme  d'un  garde-forestier  et  placé 
derrière  la  prison,  côté  Est.  En  creusant  pour  les 
fondations  de  sa  nouvelle  maison,  M.  Dougnac  s'est 
trouvé  en  présence  d'une  fosse  circulaire  non  bâtie 
et  comblée  de  terre  et  de  gravats.  A  trois  mètres  de 
profondeur  ont  été  trouvés  les  fragments  de  cette 
inscription  brisée  comme  l'indiquent  les  traits  mar- 
qués sur  l'inscription  ci-jointe,  des  débris  de  vasque 
en  pierre  ouvragée  et  tout  autour  de  la  fosse,  des 
fragments  de  colonne  supportant  des  dalles  en  for- 
me de  siège.  Un  morceau  de  l'inscription  manque, 
mais  on  a  l'espoir  de  le  retrouver  plus  tard  en 
continuant  de  déblayer  la  fosse  destinée  à  devenir 
une  cave. 


-  S06  — 

Au  milieu  du  lot  se  trouve  encore  debout  un  pan 
de  mur  fait  de  blocage  ayant  environ  4  mètres  de 
haut.  La  nature  de  cette  ruine  m'avait  fait  dire,  il  y 
a  une  dizaine  de  mois^,  avant  les  travaux  actuels, 
qu'on  pourrait  bien  se  trouver  en  présence  de  ther- 
mes. Aujourd'hui,  j'en  ai  l'absolue  certitude.  Le  seul 
inconvénient  est  qu'aujourd'hui,  ce  lot  étant  propriété 
privée,  on  ne  puisse  conduire  des  fouilles  méthodi- 
ques qui  amèneraient  sûrement  à  jour  des  choses 
intéressantes. 

La  fosse  vient  d'être  déblayée  jusqu'au  sol  primitif, 
et  a  amené  la  découverte,  dans  la  direction  Nord, 
de  galeries  non  explorées,  mais  qui,  selon  toute  évi- 
dence, conduisaient  aux  fourneaux  destinés  à  la  dis- 
tribution de  la  chaleur  dans  les  différentes  salles. 

Une  tranchée  faite  dans  le  jardin  actuel  a  égale- 
ment mis  à  jour  une  partie  de  bétonnage  qui  parait 
être  le  sol  des  thermes.  J'ai  l'espoir,  lorsque  le  lot 
sera  déblayé  en  entier,  de  pouvoir  vous  signaler 
quelques  mosaïques  ou  quelque  autre  objet  intéres- 
sant. 

IL  —  Un  autre  fragment  d'inscription,  trouvé  au 
même  endroit,  nous  a  paru  également  intéressant. 
C'est  le  commencement  d'une  dédicace  qui  a  presque 
l'allure  d'un  quatrain. 

L'évocation  des  deux  fleuves  Nil  et  Euphrate  est 
tout  au  moins  curieuse,  en  ce  lieu,  et  fait  double- 
ment regretter  l'absence  du  complément  de  cette 
dédicace. 


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Hauteur  des  lettres  :  0™05 


P.  MONTAGNON, 

Curé  de  Khenchela, 


Cheikh   ABOU  EL  ABBAS   AHMED   EZ    ZOUAOUI 
BENI-ZIAD  (Rouffach) 


A  Rouffach,  sur  la  montagne  qui  domine  le  village, 
qui  s'appelait  autrefois  Djebel-Ouazgueur  (i),  et  dans 
les  flancs  de  laquelle  s'élevait  l'antique  centre  de  Mastar 
(dont  le  nom  phénicien  inDQ  signifie  refuge,  abri), 
se  trouve,  à  une  altitude  d'environ  1,322  mètres,  le 
tombeau  d'Abou  El  Abbas  Ahmed  ez  Zouaoui,  ori- 
ginaire, dit-on,  du  sud  algérien,  et  qui  mourut  cente- 
naire dans  ces  parages. 

Sur  le  tombeau  de  ce  grand  marabout,  qui  fut  un 
éminent  taumaturge,.on  lit  l'inscription  suivante  gra- 
vée sur  bois  en  relief,  en  caractères  "  Mécherqi  ". 


(1)  Ce  vocable  est  formé  du  mot  arabe  Djebel  (Mont)   et  d'un  autre 
mot  berbère  Azguer  signifiant  (Bœuf). 


—  310  — 


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«  ^u  nom  rfe  Z)/ea,  le  Clément,  le  Miséricordieux,  que 
Dieu  répande  ses  bénédictions  sur  notre  Seigneur  Moham- 
med. 

«  Réfugie-toi  auprès  de  ce  sanctuaire.  Fais  que  tes  actes 
soient  empreints  d'intentions  pieuses.  Sois  humble  et  plein 
de  piété  ainsi  qu'il  convient  à  un  être  brisé  par  l'affliction. 
Demande  à  Dieu  par  l'intercession  du  Ouali  qui  repose  ici 
tout  ce  que  tu  désires,  tu  verras  tes  vœux  exaucés  par  le  Dieu 
tout  puissant. 

('  Ceci  est  le  tombeau  du  saint,  le  Pâle  de  son  temps,  le 
protecteur  de  toutes  les  créatures:  Abou  el  Abbas  Ahmed 
ez  Zouaoui,  de  la  descendance  de  l'élu  et  du  choisi  de  Dieu, 


—  311  — 

Ses  miracles  se  sont  manifestés  d'une  façon  éclatante  dans 
les  montagnes  et  les  plaines  à  tel  point  qu'ils  ne  sont  ignorés 
de  personne.  La  renommée  de  ce  saint  est  universelle  ;  il 
occupe  un  rang  supérieur  à  tous  les  autres. 

«.  Le  soleil  peut-il  se  cacher  quand  il  entre  dans  le  siqne 
du  zodiaque  {bélier)  f 

9.  Il  (ce  saint)  a  été  appelé  à  rejoindre  le  sein  de  Dieu  et 
à  disparaître  ainsi  aux  jjsux  des  mortels. 

«  Fait  dans  le  mois  de  Redjeb  de  l'année  1216.   » 

L'année  1216  de  l'hégire  correspond  h  l'année  178 i 
de  l'ère  chrétienne. 

Le  texte  de  cette  inscription  n'est  pas  sans  présen- 
ter quelques  incorrections,  ce  qui  en  rend  sa  traduc- 
tion quelque  peu  difficile;  sauf  quelques  termes  et 
quelques  tournures  de  phrases  que  nous  avons  cru 
devoir  changer,  la  traduction  que  nous  donnons  est 
celle  de  M.  Bousaada  Areski,  interprète  à  la  Direc- 
tion des  Domaines. 

Joseph  BOSCO. 


Sur  la  route  du  Bar  do,  à  Constantine,  vient  d'être 
mise  à  jour,  en  face  des  ateliers  de  MM.  Broche  et 
Laliiteau,  une  stèle  en  forme  de  caisson  portant  les 
restes  ci-après  d'une  inscription  funéraire  : 

CANINIA    MA(r) 
CELLA   TIL  DVL 

(C)ISS/////// 

Les  inscriptions  ci-après  ont  été  découvertes  au 
Hamma,  à  7  kilomètres  environ  de  Constantine,  et 
nous  ont  été  remises  par  M.  Joseph  Bosco,  chercheur 
infatigable  : 


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Ces  quatre  inscriptions  ont  été  trouvées  à  la  ferme 
Teuma;  les  deux  dernières  sont  sur  la  même  pierre. 


-  314  — 

4  5 

P  POSTV  N 

MIVS  MIVL 

VHBANVS  PAG 


'VX////  FONT 

L'inscription  portant  le  n»  4  a  été  trouvée  à  la 
ferme  Courtois,  et  celle  portant  le  li"  5  aux  platriè- 
res,  au  pied  des  ruines  d'El-Hanacher. 


*  * 


M.  Ballu,  architecte  en  chef  des  monuments  histo- 
riques de  l'Algérie,  membre  honoraire  de  notre  So- 
ciété, a  rendu  compte,  au  mois  de  décembre  der- 
nier (^),  des  fouilles  exécutées  par  le  Service  des  mo- 
numents historiques  en  Algérie;  le  département  de 
Constantine  est,  comme  chacun  sait,  celui  qui  donne 
tous  les  ans  le  plus  de  résultats  et  aussi  les  résultats 
les  plus  intéressants. 

Gaelma.  —  Notre  aimable  collègue  M.  Joly  a 
continué  la  restauration  du  théâtre  et  exécuté,  dans 
la  cour  de  la  caserne,  des  fouilles  fructueuses  qui  ont 
fait  découvrir  les  restes  d'un  monument  qui  paraît 
être  une  basilique  ;  une  mosaïque  à  dessins  géomé- 
triques et  trois  inscriptions  ont  été  mises  à  jour  ;  ces 
inscriptions  indiquent  que  le  pavement  de  ce  monu- 
ment a  été  fait  par  plusieurs  personnes  parmi  les- 
quelles un  certain  "  Severianus,  sous-diacre,  et  les 
siens  ". 

Khemissa.  —  Les  fouilles  de  Thubursicum  Numi- 
darum  ont  été  reprises  ;  le  théâtre  a  été  déblayé  ;  tous 


(1)  J.  0.  du  13  janvier  1911,  n"  12. 


Double  i  orte  au  Nord-Est  du  Forum . 


Fragment  du  Tliéâtre. 


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Porte  orientale  du  péribole  du  Temple  Nord. 


à-. 

^^^^^^■^^^^^>>. 

Stèle. 


—  315  — 

les  gradins  en  sont  à  peu  près  intacts  ;  aussi  l'aspect 
de  cette  ruine  est-il  saisissant,  ainsi  qu'on  peut  s'en 
rendre  compte  par  les  re])roductions  ci-jointes,  que 
nous  devons  à  l'amabilité  de  notre  dévoué  collègue, 
M.  JolyC). 

Lombèse.  — Les  travaux  de  déblais  ont  porté  sur 
les  grands  thermes  avoisinant  l'arc  triomphal  de  Sep- 
time  Sévère  et  improprement  désignés  sous  le  nom 
de  Palais  du  Légat  ;  à  côté  du  mur  extérieur  a  été 
découvert  un  beau  reste  de  mausolée  reposant  sur 
deux  gradins  de  pierre  en  bon  état  et  renfermant  des 
ossements  et  deux  jolis  lacrymatoires  en  verre;  ce 
tombeau  se  dressait  sur  la  voie  septimienne  qui  a  été 
fort  peu  détériorée.  On  a  également  mis  à  jour  des 
fragments  de  statue  et  quatre  textes  épigraphiques 
intéressants,  dont  trois,  presque  semblables,  différent 
seulement  par  le  nom  du  donateur  ;  voici  la  traduc- 
tion du  premier  : 

«  Consacré  à  Hercule  invincible,  pour  le  salut  et  la 
victoire  des  deux  Empereurs  Césars  :  L.  Septime 
Sévère  Pertinax,  Pieux,  et  Marc-Aurèle  Antonin 
(Caracalla),  tous  deux  Augustes  ;  et  de  Julia  (Domna) 
mère  auguste  de  l'Empereur  (Auguste).  Q.  Anicius 
Faustus,  étant  légat  des  deux  Auguste,  propréteur, 
homme  clarissime,  en  l'honneur  de  Publius  JEWus 
ancien  centurion  de  la  légion  en  congé,  honora- 
ble, son  père,  avec  la  permission  du  peuple,  ^lius 
Menecrates,  flamine  perpétuel,  a  donné  à  sa  patrie 
(ces  statues)  au  nombre  de  trois.  » 


{l)  Voir  les  planches  ci-jointes.  M.  Joly  nous  a  envoyé,  en  outre,  en 
même  temps  que  quatre  autres  photographies  reproduites  ci-contre,  une 
vue  d'ensemble  de  Khemissa  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  repro- 
duire et  qui  sera  comprise  dans  l'envoi  que  se  propose  de  faire  la  Société 
archcologique  do  Constantino  à  l'Exposition  de  Kome. 


—  316  -  . 

La  fin  du  deuxième  texte,  dont  le  commencement 
est  semblable  au  précédent,  se  traduit  ainsi  :  ....  en 
l'honneur  de  Mœvius  Sarnus  Honoratus,  procurateur 
des  trois  Auguste,  avec  sa  sœur  P.  yElius  Menecra- 
tes,  fit  don  à  sa  patrie  de  ces  statues  au  nombre  de 
trois. 

Le  troisième  texte fit  don  à  sa  patrie  en  son 

nom  et  au  nom  de  sa  sœur. 

D'après  le  quatrième,  Quintus  Anicius  Faustus, 
consulaire,  patron,  dédie  le  monument  ;  puis  l'ins- 
cription porte  :  Marcus  Sedius  Rufus,  avocat,  flamine 
perpétuel,  ayant  géré  le  flaminat  Commodien  Hercu- 
léen, la  quinquennalité,  le  duumvirat  et  la  questure, 
en  son  nom  et  au  nom  de  Gargilia  Nucerina,  sa 
femme;  l'ayant  promis,  il  l'a  donné. 

Djemila.  —  Les  ruines  de  Cuicul  sont  maintenant 
devenues  accessibles  à  toutes  les  voitures,  et  sont 
pourvues  d'un  musée  qui  devient  tous  les  jours  plus 
intéressant.  On  avait  tout  d'abord  pensé  à  créer  le 
musée  de  Djemila  à  Sétif,  mais  les  communes  voi- 
sines des  ruines  se  sont  émues  et  ont  demandé  que 
le  musée  fut  installé  à  Djemila  même  ;  le  Conseil  mu- 
nicipal de  Saint-Arnaud  a  même  offert  à  cet  efïet 
5,000  francs  à  l'Administration  qui  a  fait  édifier  une 
grande  salle,  mesurant  6  mètres  sur  10"'50,  avec  une 
hauteur  de  8"50,  et  à  laquelle  a  été  annexée  une 
pièce  destinée  à  servir  de  bureau  ou  de  logement  au 
futur  Conservateur. 

Les  travaux  de  déblaiement,  sous  la  direction  de 
M.  de  Crésolles,  inspecteur  des  Monuments  histori- 
ques, ont  mis  à  jour  un  arc  de  triomphe,  des  voies 
et  des  portes,  des  maisons  privées,  un  temple  et  de 


—  317  - 

noiîibreuses  inscriptions  ;  les  plus  intéressantes  ont 
pour  objet  des  dédicaces  à  l'Empereur  Probus,  (pii 
régna  de  276  à  282  après  J.-C.  ;  à  Garacalla  (211-217), 
à  l'Empereur  Jovien  (363-364)  ;  aux  trois  Auguste, 
princes  invincibles  :  Arcadius,  Honorius  et  Théodose 
le  Jeune  ;  (ce  dernier  est  Théodose  II  qui  régna  de 
408  à  450  après  J.-C);  à  l'Empereur  César  Marc- 
Aurèle  Probus  ;  à  l'Empereur  Valérien  ;  à  des  Em- 
pereurs inconnus,  la  fin  seule  du  texte  ayant  été 
trouvée;  à  la  Victoire,  par  L.  Claudius,  fils  de-T.  de 
la  tribu  Papiria  Brutto,  édile,  préfet,  duumvir,  au- 
gure ;  à  Marc  (Aurèle)  Anlonin,  père  du  divin 
Commode  ;  à  l'Auguste  Antonin  le  Pieux,  par  Julius 
Rogatus  ;  à  l'Empereur  César  Marc  Antoine  Gordien 
(Gordien  III),  (datée  de  244  après  J.-C);  à  Tiberia 
Claudia  Subatiana  Aquilina  et  à  Tiberia  Claudia  Digna 
Subatia  Saturnina,  femmes  clarissimes,  filles  de 
Tiberius  Claudius  Subatianus  Proculus  (qui  fut  gou- 
verneur de  la  Numidie  en  208). 

A  signaler  aussi  une  intéressante  inscription  por- 
tant que  sous  l'Empereur  César  L.  Septime  Sévère, 
fils  du  divin  Marc-Aurèle  Antonin  le  Pieux,  frère  du 
divin  Commode,  petit-fils  du  divin  Antonin  le  Pieux, 
arrière  petit-fils  du  divin  Hadrien,  et  sous  les  Empe- 
reurs :  César  Marc-Aurèle  Antonin  (Garacalla)  Au- 
guste et  L.  Septime  Géta  César,  nobilissime,  frère 
de  Marc-Aurèle  Antonin  Auguste  (Garacalla)  et  Julia 
Domna,  auguste  mère  des  Camps,  la  république  des 
Cuiculitains  a  construit  des  greniers  ;  la  dédicace  est 
faite  par  Q.  Anicius  Faustus,  légat  d'Auguste,  pro- 
préteur, père  de  la  Colonie. 

En  outre  des  monuments  précités,  les  fouilles  ont 
fait  découvrir  des  fragments  de  statues,  des  lampes 


—  318  — 

et  des  mosaïques  représentant  des  scènes  de  la  vie 
romaine. 

Timgad.  —  Les  opérations  de  déblai,  dirigées  par 
notre  sympathique  membre  correspondant  M.  Barry, 
ont  fait  découvrir,  en  1910,  une  basilique  chrétienne 
dont  le  chœur  était  dallé  en  mosaïque  et  les  salles 
secondaires  en  béton,  des  maisons  privées,  un  mau- 
solée, un  établissement  de  bains,  et  plusieurs  ins- 
criptions incomplètes  dont  l'une  des  plus  intéressan- 
tes constate  que,  sous  l'Empereur  M.  Aurèle  Sévère 
(Caracalla)  et  sous  (Julia  Domna),  mère  de  l'Empe- 
reur, les  approches  de  la  fontaine  ont  été  entourées  de 
grilles  d'airain  et  ornées  de  portes  et  de  "  pronaos  "  ; 
dans  une  autre,  il  s'agit  d'un  personnage  qui  gou- 
verna la  Numidie  à  la  fin  du  in^  siècle  :  Severinius 
Apronianus,  et  qui  fit  restaurer  l'aqueduc  de  Lam- 
bèse. 

Les  fouilles  ont  en  outre  mis  à  jour  des  fragments 
de  statue,  des  poids  en  granit,  des  lampes  païennes, 
vandales  et  chrétiennes,  des  gargoulettes,  des  mon- 
naies diverses,  des  épingles  à  cheveux,  des  poinçons, 
deux  cueillers  en  argent  artistement  travaillées,  des 
boucles  d'oreilles  en  or  et  des  pierres  précieuses  de 
diverses  formes. 


* 
*  * 


En  terminant,  nous  remercions  particulièrement 
ceux  de  MM.  les  Administrateurs  qui  nous  ont  déjà 
envoyé,  conformément  à  l'autorisation  qu'a  bien 
voulu  leur  donner,  l'an  dernier,  M.  Phelut,  notre 
distingué  Préfet,  président  d'honneur  de  notre  Société, 
une  petite  subvention  pour  remplacer  celle    que  le 


—  319  — 

Conseil  Général  s'est  vu  dans  la  nécessité  de  nous 
supprimer  et  nous  permettre  ainsi  de  continuer,  en 
même  temps  que  nos  intéressants  travaux,  la  publi- 
cation de  nos  recueils  annuels. 

Nous  serions  très  obligé  à  ceux  rpii  ne  nous  ont 
pas  encore  fait  parvenir  leur  obole,  de  vouloir  bien 
adresser  les  mandats  au  Président  de  la  Société  ar- 
chéologique, 7,  rue  de  France,  à  Constantine. 

Le  présent  volume  sera  adressé,  comme  l'an  der- 
nier ,  à  tous  les  Administrateurs  des  communes 
mixtes  du  Département. 

J.    MAGUELONNE. 


TABLE    DES    MATIÈRES 


Pages. 
Présidents    honoraires.    —    Composition    du 
Bureau  pour  1911  et  Commission  des  manus- 
crits    III 

Membres  honoraires IV 

Membres  titulaires V 

Membres  correspondants VllI 

Sociétés  correspondantes Xt 

Sociétés  étrangères XV 

Note  sur  la.  route  de  Tébessa  à  Biskra,  par 
Négrine.  —  M.  le  général  de  Torcy    ...  1 

Ruines  et  vestiges  anciens  relevés  dans  la  pro- 
vince de  Constantine.  —  MM.  A.  Joly  et 
L.  Joleaud 29 

Les  refuges  aériens  de  l'Aurès.  —  M.  L.  Jac- 
quot 35 

Bougie  sous  le  sultan  El  Nageur.  -  M.  Choisnet.  43 

Le  préhistorique  dans  les  environs  de  Tébessa. 

—  M.  A.  Debruge 53 

Notes  archéologiques  concernant  la  région  de 

Tocqueville.  —  M.  l'abbé  J.  Gauthier     .     .  101 

Vestiges  antiques  de  la  région  de  Bordj-bou- 
Arréridj .  —M.A.Robert 111 

La  Nécropole  romaine  de  la  route  de  Philip- 
peville  à  Constantine.  —  M.  E.  Thépenier  .  115 

Forts  et  puits  7'omains  de  la  région  de  Sétif. 

—  M.  L.  Jacquot 119 

Poids  romains  trouvés  à  Sigus.  —  M.  l'abbé 

H.Jaubert 133 


—  322  — 

Pages. 

Inscriptions  relevées  en  1910,  par  M.  L.  Jac- 

QUOT 143 

Quelques  armes  curieuses  du  département  de 
Constantine.  —  M.  le  capitaine  Maitrot      .  149 

Monographie  historique  et  géograpliique  de  la 

tribu  des  Ziban.  —  M.  J.  Maguelonne    .      .  213 

Incriptions     découvertes    à    Khenchela.     — 

M.  l'abbé  P.  Montagnon. 305 

Inscription  funéraii'e  du  cheikh  Abou  el 
Abbas  Ahmed  ez  Zouaoui.  —  Beni-Ziad 
(Rouffach).   -  M.J.Bosco 309 

Chronique.  —  M.  J.  Maguelonne     ....  313 


-^^^^ 


Constantine.  —  Imp.  D.  Braham 


lllllH,n,l     /"^"VERsir 


3    1262 


y.OFFLOR/DA 


05200 


3521 


-#-s ■ ^ 

EXTRAIT  DES  STATUTS 


DE    LA 


SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE  DE  CONSTANTINE 


Article  PREMIER.  —  La  Société  archéologique  du  départe- 
menfde  Constantine  a  été  fondée  en  1852  dans  le  but  de  recueil- 
lir, de  conserver  et  de  décrire  les  monuments  antiques  du  dépar- 
tement ;  elle  a  aussi  pour  but  "de  favoriser  l'étude  de  l'histoire, 
de  la  géographie  et  de  l'archéologie  algérienne;  elle  peut 
accueillir  également  des  communications  intéressant  l'Afrique 
septentrionale. 

Art.  3.  —  Le  nombre  des  membres  titulaires  est  iUimité.  On 
en  fait  partie  après  en  avoir  tait  la  demande  par  écrit,  avoir  été 
présenté  par  deux  membres  et  admis  au  scrutin  secret  et  à  la 
majorité  des  voix  dans  la  séance  qui  suit  celle  de  la  présentation. 
Art.  22.  —  Les  membres  correspondants,  sur  leur  demande 
écrhe  et  sur  leur  présentation  par  deux  membres  titulaires,  sont 
admis  à  la  pluralité  des  vdix  dans  la  séance  qui  suit  celle  de  leur 
présentation.  La  Société  peut  aussi  conférer  d'office  ce  titre  à  des 
personnes  qui  lui  adressent  des  travaux  pour  son  %ecueil  ou  des 
communications  utiles. 

Art.  29.  —  La  Société  laisse  aux  auteurs  la  responsabilité 
des  faits  et  déductions  historiques,  archéologiques,  scientifiques 
ou  autres,  exposés  dans  les  mémoires  imprimés  dans  son  Recueil. 
Art.  32.  —  Les  membres  titulaires  de  la  Société  sont  astreints 
à  une  cotisation  annuelle  de  douze  francs,,  les  membres  corres- 
pondants à  une  cotisation  annuelle  de  cinq  francs,  payable  inté- 
gralement dans  le  courant  du  mois  de  janvier . 

Le  prix  du  diplôme  est  fixé  à  cinq  francs  pour  les  membres 
titulaires  ou  correspondants. 


-HP^