Skip to main content

Full text of "Recueil des traités de la Porte Ottomane avec les puissances étrangères depuis le premier traité conclu, en 1536, entre Suléyman I et François I, jusqu'à nos jours"

See other formats


PURCHASED  FOR  THE 

UNÎVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 

FROM  THE 

CANADA  COUNCIL  SPECIAL  GRANT 


FOR 

ISLAMIC  STUDIES 


RECUEIL  DES  TRAITÉS 


DE    LA 


POUTE  OTTOMANE 


T(i\!K    IJKLXIKME 


FKA\<i: 


PREMFl,?.  E    l'ARTiE 


l'AKIS.  —   K.   m-    SOYj:,   IMl'l'.nni  K,  i'[..Ai  V    lil'   l'ANTHK.OV,  2. 


IÎIBLI()T11È(JUE  DIPLUMVTigUK 


RFXUFJL  DES  TRAITÉS 


I)K    LA 


PORTE  OTTOMANE 


LES  PUISSANCES  ÉTRANGÈRES 

DEPUIS  LE  PREMIER  TRAITÉ  CONCLU,   tN   1536,  ENTRE  SULEYMAN  I   ET  FRANÇ0I5  I 

JUSQU'A    N05    JOURS 


T.E    BARON    1.    1)1^]    T1':STA 

iil.l'.OIli;    UE     l.'ORIIIU:    IMl'I.RIAU   0  1  rilMAN    MC.ll.W- I  F  r  I  11  V  1{ 

»>CIKN    FOXCTIIINN^IHK    bll'l  OM«TI(Jt'K 

hT     f.H*\IRH.I  A\     liL     S       A.     1.     f.  F     It .      Ll      •:!'.  \.M>- Itl  t^      l>i;      IH.^IANK 


'r()\i!:  DKi  \n:.\iK 


FRANCE 
II 


PARIS 
AMVuT,  Ki»rn:rii  i>i:>  aik  un  ls  nini.uMM'KjiH':^ 

Ar  Dcc.rr.  w 


'/  \ 


4 


U^RAR^ 


^ 


JUN  2j  ic:57 


%^ry  ûf  ^0^ 


TABLE  ANALYTIOUE  DES  MATIÈRES 


DU    DEUXIEME    VOLUME. 


(Voir  à  la  Hii   du   volume  la  Table   chronologique.) 


Pages. 
Affaires  d'Orient.  —  1839-18/10. 

Diflërend  entre  la  Porte  ottomane  et  le  pacha  d'Egypte  du 

25  mai  18o9  au  8  octobre  18/tO /4I2  — 609 

Convention  avec  la  Porte  ottomane. 

Convention  conclue  le  25  novembre  1838,  formant  appen- 
dice aux  capitulations  garanties  à  la  France  et  amendant 
ou  modifiant,  dans  l'intérêt  du  commerce  et  de  la  navi- 
gation des  deux  pays,  certaines  stipulations  contenues 
dans  les  capitulations 40G 

Différend  turco-égyptien. 

Documents  y  relatifs  du  28  janvier  1833  au  mois  de  mai  1833.     353  —  379 
Expédition  d'Egypte. 

Suite  des  documents  y  relatifs  du  17  novembre  1799  au  2 
avril  1808 1 

Négociations  pour  la  reconnaissance  du  titre  impérial  de  Napoléon  I". 

Documents  y  relatifs  du  20  juin  I8O/1  au  G  février  180(5.    .     339  —  352 

Question  grecque. 

Pièces  y  relatives  du  9  septembre  1829  au  15  décembre  1835.     380  —  .'-,m8 

Piopporb  avec  la  Sublime-Porte. 

Mohammed  IV  et  Louis  XIV lZi9  —  1 70 

Mahmoud  1"  et  Louis  XV 171  —  180 

Moustapha  III  et  Louis  XV 181  —  202 

Sélim  III  et  la  République  française 202  —  219 

Sélim  III  et  le  Directoire 219  —  252 

Sélim  III  et  le  Premier  consul 252  —  2G0 

Sélim  m  et  Napoléon  l" 2G0  —  301 

Moustapha  IV  et  Napoléon  1" 301  —  329 

Mahmoud  II  et  Napoléon  1" 329—332 

Sumos  {lie  de). 

Notes  et  protocoles  relatifs  aux  habitants  de  l'Ile  do  Samos 
du  11  février  1830  au  27  septembre  183^ 3i)9  —  /|05 


VI  TAPF.F  A.Wf.YTIOt'K  l'I    i^RLXIKMK  VOl.f'VIR 

Sur:-. 


V^ifi 


nocuiuents  relatifs  uu  pei'cemciil  de  Pisthiiu'  de  Suez  de 
I77i;iu  6  juillet  186ii 71 

Trniti'  de  poix  d'Amiens. 

Traité  conclu  le  27  mars  1802  entre  la  Képublique  fran- 
çaise, l'Espagne  et  la  l'.épul)lique  batave  d'une  part,  et  la 
(•rande-Bretagne  de  l'autre,  maintenant  l'intégrité  des 
territoires,  possessions  et  droits  de  la  Sublime-Porte  tels 
qu'ils  étaient  avant  la  guerre,  suivi  des  pièces  qui  s'y  rat- 
tachent   125 

Traite  de  judr  d'' Amiens. 

Traité  conclu  le  26  juin  1802  entre  la  Sublime-Porte  et  le 
Premier  consul JZjG 


IMlKMIÈRli    IWr.TIK 


PORTE  OTTOMANE 


ET  FRANCE 


FRANCE 

(suite.) 


APPEIVDICE 

aux  prélimiuaires  du  9  octobre  1801  (1  djémaziul-akhir  1216) 

LKXII.  —  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  au  luinislre  de  l'inté- 
rieur (Laplace),  en  date  de  Paris  le  15  novembre  1999  (l<>  djé- 
maziul.akhir  1314). 

Les  consuls  de  la  République  me  chargent,  citoyen  ministre,  de  vous 
inviter  à  vous  occuper  de  suite  des  moyens  de  rassembler  une  troupe  de 
comédiens  pour  l'Egypte.  Il  serait  bon  qu'il  y  eût  quelques  danseuses.  Le 
ministre  de  la  Marine  vous  fournira  des  moyens  de  transport. 

LXXIII.  —  Lettre  du  ministre  des  affaires  éfran(|ëres  (IVIoustaplia<> 
Rasikhi-éfendi),  de  la  Sublime-Porte,  ik  Tloustapha-paclia,  en  date 
du  18  novembre  1999(19  djémaziul-akhir  1314). 

Mon  magnifique,  puissant,  généreux,  clément  seigneur  et  maître. 

Le  contenu  de  toutes  les  lettres  qui  sont  parvenues  de  la  part  du  géné- 
ral en  chef  français,  l'honoré  général  Kléber,à  mon  puissant,  miséricor- 
dieux bienfaiteur  et  maître,  le  grand-visir,  généralissime  des  armées  otto- 
manes, a  été  bien  compris  par  Sa  Hautesse  et  par  moi,  votre  serviteur,  qui 
occupe  acluGlleraent  la  place  de  réis-éfendi.  Quoique  le  général,  votre  ami, 
m'ait  paru,  sous  différents  rapports,  être  un  homme  sage,  prévoyant  et  intel- 
ligent, je  ne  puis  approuver  ni  comprendre  sa  manière  d'écrire,  où  l'on  trouve 
quelques  phrases  qu'on  no  peut  saisir,  et  qui  peuvent  être  expliquées  de 
différentes  manières.  Il  dit,  d'un  côté,  quelanaUon  française,  ancienne  amie 
delà  Sublime-Porte  n'avait  pas  le  moindre  avis  de  l'occupation  de  l'Egypte 
par  l'armée  française,  opérée  par  l'instigation  d'une  bande  séditieuse;  que 
le  conseil,  ayant  discuté  sur  une  affaire  si  mauvaise  et  sinistre,  était  sincè- 
rement porté  k  faire  la  paix  avec  la  Sublime-Porte  :  il  dit  de  plus  d'être 
notre  ennemi,  et  il  conteste  de  l'être.  De  l'autre  côté,  il  dit  être  prêt  à 
tout,  même  à  se  battre  contre  les  armées  de  la  Sublime-Porte.  Tantôt  il 
veut  évacuer  l'Egypte  ,  tantôt  il  fait  voir  qu'il  voudrait  faire  cette  évacua- 
tion d'une  manière  à  n'avoir  rien  à  craindre.  D'un  côté,  il  fait  changer  la 
face  des  affaires  en  n'expliquant  pas  clairement  qu'il  ne  se  propose  pas 

T.    II.  1 


2  APPENDICE 

d'évacuer  l'Egypte  ;  de  l'autre  côté,  après  avoir  allégué  l'opinion  de  la 
nation  française  relativement  t'i  l'invasion  derEgypte,il  ditqu^  pour  n'être 
pas  réprimandé  par  cette  môme  nation  et  par  le  directoire  exécutif,  pour 
avoir  quitté  l'Egypte,  il  veut  être  muni  d'un  titre  qui  est  impossible.  Le 
moyen  de  comprendre  comment  un  homme  intelligent  peut  écrire  des 
phrases  qui  se  croisent  les  unes  avec  les  autres,  de  sorte  que  ce  qu'il  pa- 
raît vouloir  faire  dans  un  endroit  s'oppose,  et  fait  changer  de  face  à  ce 
qu'il  demande  dans  un  autre  ?  Il  est  certain  que,  si  le  général  mettait  sous 
ses  propres  yeux  et  examinait  attentivement  ses  écrits  et  la  signification 
véritable  qui  doit  y  être  donnée  par  ceux  à  qui  ils  sont  adressés,  il  ne 
pourrait  que  s'apercevoir  de  l'opposition  des  phrases  qui  s'y  trouvent, 
et  du  jugement  que  l'on  doit  en  porter.  Si  le  général  croit  que  ceux  à 
qui  il  envoie  ses  écrits  ne  se  pénètrent  pas  de  leur  véritable  signification, 
il  se  trompe  ;  il  se  trompe  encore,  s'il  croit  qu'il  n'y  a  pas  des  personnes 
capables  d'approfondir  le  véritable  sens  des  clioses  ;  des  hommes  intelli- 
gents et  sages,  dont  le  but  est  de  conseiller  et  d'arranger  les  affaires,  ne 
doivent  pas  d'ailleurs  avoir  de  pareilles  fantaisies.  Le  général,  votre  ami 
doit  être  convaincu,  le  premier,  que  des  formes  pareilles  de  traiterpeuvent 
être  comparées  à  des  bâtisses  transparentes,  dont  tous  les  contours  ont 
toujours  été  connus  à  la  Sublime-Porte,  qui  découvrit  les  choses  les  plus 
cachées,  et  qui  développe  les  affaires  les  plus  embarrassées  et  les  plus 
compliquées.  Puisque  le  général^  votre  ami,  désire  empêcher  l'effusion  du 
sang  humain,  pourquoi  ne  pas  diriger  ses  paroles  et  ses  actions  vers  le 
véritable  but?  pourquoi  ne  pas  faire  en  sorte  que  ses  intentions  soient  tou- 
jours pures  et  constantes,  que  toutes  ses  expressions- soient  sincères  et 
loyales,  que  toutes  ses  phrases  soient  conformes  les  unes  aux  autres?  Voilà 
la  conduite  qui  doit  être  tenue  par  tous  ceux  qui  agissent  loyalement,  en 
hommes  sans  dissimulation,  et  qui  ont  pris  leur  parti. 

Quoique  ni  V,  E.  ni  moi,  votre  serviteur,  n'ayons  aucune  destina- 
lion  spéciale  dans  cette  affaire,  tous  les  hommes  qui  aiment  le  bien,  doi- 
vent contribuer  à  ce  qu'elle  prenne  une  bonne  tournure  et  qu'elle  ait  un 
heureux  succès.  J'ai  pensé,  en  conséquence,  que  je  devais  expliquer  tout 
ce  qui  pourrait  rencontrer  quelque  difficulté  d'une  manière  toujours  digne, 
et  conforme  h  l'étal  et  au  mérite  des  di;ux  parties. 

Si  l'on  finit  par  traiter  d'une  mitnière  conforme  h  celle  que  j'ai  annoncé?, 
que  les  paroles  et  les  faits  soient  toujours  conformes  les  uus  aux  autres, 
tout  ira  bien,  et  tout  sera  bientôt  arrangé;  et  comme  il  est  très-clair  et 
évident  que  l'on  ne  pourrait  que  faire  naître  des  difficultés  à  la  réussite  de 
l'affaire  que  l'on  traite  par  des  paroles  et  par  des  faits  qui  se  croiseraient 
les  uns  les  autres,  Ton  espère  que  dorénavant,  avec  la  grâce  du  Très- 
Haut,  tout  sera  énoncé  d'une  manière  claire  et  <^vidente,  et  que  la  sincé- 
rité des  intentions  des  deux  parties  sera  exprimée,  de  sorte  qu'il  n'y  aura 


APPENDICE  3 

pas  le  moindre  doute  ni  équivoque.  Je  vous  prie  de  croire  digne  de  votre 
attention  ce  que  j'ai  eu  l'iionneur  de  vous  exposer,  mon  magnifique,  puis- 
sant, généreux,  clément  seigneur  et  maître. 

LXXIV.  —  Proclamation  da  premier  consul  Bonaparte  sk  l'armée 
d  Orient,  en  date  de  Pari»  le  Z  dt'cembre  1  7»»  (4  rcdjcb  1214). 

Soldats,  les  consuls  de  la  république  s'occupent  souvent  de  l'armée 
d'Orient. 

La  France  connaît  toute  l'iniluence  de  vos  conquêtes  pour  la  restaura- 
tion de  son  commerce  et  de  la  civilisation  du  monde. 

L'Europe  entière  vous  regarde. 

Je  suis  souvent  en  pensée  avec  vous. 

Dans  quelque  situation  que  les  hasards  de  la  guerre  vous  mettent, 
soyez  toujours  les  soldats  de  Rivoli  et  d'Aboukir  :  vous  serez  invincibles. 

Portez  à  Kléber  cette  confiance  sans  bornes  que  vous  aviez  en  moi; 
il  la  mérite. 

Soldats,  songez  au  jour  oii,  victorieux,  vous  rentrerez  sur  le  territoire 
sacré  ;  ce  sera  un  jour  de  gloire  et  de  joie  pour  la  nation  entière. 

LSLXV.  —  Lettre  du  grand-vézir  an  général  Kléber,  en  date  dn  quar- 
tier-général de   Gaza  le  >  .  .  décembre  1999  (  .  •  .  rédjcb  1314). 

Au  modèle  des  princes  de  la  nation  du  Messie,  au  soutien  des  grands 
de  la  secte  de  Jésus,  h  l'honoré  et  estimé  Kléber  (dont  la  Gn  puisse  être 
heureuse  !),  un  des  généraux  de  France. 

Salut  et  amitié. 

J'ai  reçu  et  j'ai  compris  le  contenu  de  la  lettre  que  vous  m'avez  direc- 
tement envoyée  par  Moussa,  tartare,  en  réponse  à  celles  que  je  vous  ai 
précédemment  écrites.  Je  pense  que  les  dépêches  que  j'ai  fait  remettre  à 
l'officier  que  vous  aviez  envoyé  h  bord  du  vaisseau  du  commandant  an- 
glais Smith,  mon  honoré  ami,  vous  sont  parvenues. 

Vous  m'avez  écrit  que  vous  voulez  évacuer  l'Egypte,  et  que  les  arran- 
gements qui  seront  proposés  et  pris  pour  effectuer  celte  évacuation  se- 
raient conformes  à  la  dignité  et  k  l'équité  de  la  Sublime-Porte,  ainsi 
qu'aux  devoirs  de  l'alliance  qu'elle  a  contractée,  et  au  droit  des  gens, 
afin  d'épargner,  parce  moyen,  l'effusion  du  sang.  Vous  m'avez  fait  savoir, 
plusieurs  fois,  que  vous  désiriez  ouvrir  des  conférences  pour  traiter  de 
l'évacuation  de  l'Egypte,  et  que,  si  malgré  ces  avances,  la  Sublime-Porte 
ne  secondait  pas  de  pareilles  dispositions,  vous  n'étiez  plus  responsable 
devant  Dieu  ni  devant  les  hommes  du  sang  qui  serait  répandu.  Préférant 
alors  moi-même  de  traiter  avec  vous  sur  des  propositions  aussi  raisonna- 
bles, j'ai  consenti  à  l'ouverture  des  conférences. 


»i  APPENDICE 

Le  commandant  Smitli,  mon  ami,  vient  de  m'écrire  qu'il  s'était  tout 
récemment  rendu  avec  son  vaisseau  devant  Damielle,  et  qu'il  n'avait  pas 
trouvé  les  délégués  que  vous  avez  consenti  k  envoyer  à  son  bord  ;  mais 
que  les  mauvais  temps  l'ont  forcé  de  quitter  les  parages  de  Damiette, 
et  d'aller  jusqu'à  Jaffa,  d'où  il  se  rendrait  de  nouveau  devant  Damiette, 
avec  l'espérance  de  trouver  vos  délégués,  et  que  s'ils  n'y  sont  pas  encore 
arrivés,  il  se  portera  vers  Alexandrie.  Cependant,  une  aile  de  mon  armée  se 
trouve  déjà  devant  El-Arich,  et,  les  troupes  musulmanes  commençant  k  dé- 
truire par  des  escarmouciies  les  Français  qui  s'y  trouvent,  il  est  impossible 
qu'il  n'y  ait  pas  du  sang  répandu.  Les  circonstances  ne  me  permettant  pas 
de  retarder  la  marche  de  mon  armée  ;  nous  ne  pourrions,  en  conséquence, 
prendre  des  arrangements  conciliatoires,  si  nous  ne  profitions  pas  du  temps 
qui  s'écoule.  Si  donc  vous  êtes  toujours  dans  les  dispositions  que  vous  avez 
manifestées,  il  importe  que  vous  vous  hâtiez  de  faire  arriver  vos  pléni- 
potentiaires à  bord  du  vaisseau  de  mon  ami  Smith.  Mais,  comme  les  vents 
contraires  et  les  mauvais  temps  ont  été  les  motifs  du  retard  qui  a  eu  lieu 
jusqu'à  présent,  j'ai  écrit  au  commandant  Smith  que,  dans  !e  cas  oii  vos 
délégués  seraient  à  son  bord,  il  les  conduisit  au  quartier-général  de  Gaza, 
où  ils  seront  à  l'abri  de  pareils  accidents  et  des  orages.  Mais,  si  vous 
n'avez  pas  encore  envoyé  vos  délégués  à  bord  du  commandant  Smith, 
et  que  vous  soyez  toujours  disposé  à  terminer  l'afTaire  de  l'évacua- 
tion de  l'Egypte  sans  effusion  de  sang,  je  vous  engage  à  envoyer  par 
terre  vos  délégués  à  Gaza.  Dès  qu'ils  y  seront  rendus,  il  n'y  aura  plus 
d'hostilités  de  part  ni  d'autre.  Dès  que  vos  envoyés  seront  à  Gaza,  j'in- 
viterai le  commandant  Smith  à  s'y  rendre,  et  l'on  s'occupera  d'arranger 
et  de  consolider  l'affaire  de  l'évacuation  de  l'Egypte,  dans  l'endroit  qui 
sera  désigné  à  cet  effet,  sur  le  rivage  de  cette  ville. 

Comme  vous  me  mandez,  dans  toutes  vos  dépêches,  que  votre  volonté 
n'est  point  de  répandre  du  sang,  et  que  le  succès  de  l'affaire  dont  il  s'agit 
serait  un  moyen  de  rétablir  l'ancienne  amitié  entre  la  Sublime-Porte  ei 
les  Français,  je  vous  fais  savoir  par  la  présente,  dont  le  tartare  Moussa 
est  porteur,  que  de  pareilles  dispositions  ne  peuvent  jamais  être  rejetées 
par  la  Sublime-Porte,  parce  qu'une  semblable  conduite  serait  contraire  à 
notre  équité  et  à  notre  loi. 

J'espère  que  lorsque  vous  aurez  reçu  cette  lettre,  et  que  vous  en  aurez 
compris  le  contenu,  vous  agirez  ainsi  que  vous  l'annoncez  dans  vos  let- 
tres précédentes,  et  d'une  manière  conforme  à  votre  intelligence  et  à  la 
connaissance  supérieure  que  vous  avez  des  affaires. 

LXXVI.  —  Lettre  du  grand-vézir  an  «jénéral  Kléber.  en   date  de   In 
plaine  d'El-Arieh  le  1  3  janvier  1  800  (Ki  ciiàban  1214). 

Le  tarlare  Moussa  m'a  apporté  votre  réponse.  Jusqu'à  présent  toutes 


APPENDICE  5 

les  ledres  que  vous  avez  écrites,  tant  h  moi  qu'à  Monstapha-paclia,  témoi- 
gnaient de  votre  part  l'inlenHon  d'évacuer  l'Egypte,  pour  éviter  l'eirusion 
du  sang,  et  renouer  les  nœuds  d'amitié  qui  unissaient  autrefois  la  France 
avec  la  Porte.  Vous  nous  avez  dit  que  vous  nous  enverriez  bienlôt  des 
commissaires  ponr  conl'érer  avec  nous  au  sujet  de  l'évacuation,  et  que  la 
manière  dont  les  commissaires  s'occuperaient  de  ménager  les  intérêts  de 
la  Porte  prouverait  combien  vous  désiriez  sincèrement  la  paix  et  le  bien 
des  deux  nations. 

MaiS;  dans  la  lettre  que  je  viens  de  recevoir,  vous  mettez  h  l'évacuation 
la  condition  que  la  Porte  se  détachera  des  puissances  qui  lui  sont  alliées, 
et  qu'elle  rompra  avec  elles.  Cette  clause  ne  s'accorde  nullement  avec 
les  intentions  amicales  et  pacifiques  que  vous  prétendez  avoir.  Si  vous 
voulez  vous-même  y  réfléchir,  vous  sentirez  que  la  Porte  ne  peut  accepter 
une  condition  si  contraire  au  traité  d'alliance  qu'elle  a  contracté  avec  les 
puissances  ses  amies. 

Quoique  vos  commissaires  ne  soient  pas  encore  venus,  j'espère  qu'ils 
arriveront  sous  peu  de  jcurs.  Aussitôt  qu'ils  seront  ici,  ils  s'abouche- 
ront avec  les  plénipotentiaires  de  la  Porte  et  le  commandant  anglais 
Smilh.  S'ils  proposent  la  clause  susdite,  ou  tout  autre  semblable  qui 
blesserait  les  intérêts  de  la  Porte  ou  de  ses  alliés,  nous  ne  l'accepterons 
point,  et  vous  renouvellerez  ainsi  l'effusion  du  sang  ;  mais  s'ils  sont  véri- 
tablement animés  du  désir  de  terminer  les  choses  à  l'amiable,  ils  consen- 
tiront avant  tout  à  une  prompte  évacuation  de  l'Egypte,  qui  est  l'article 
premier  et  fondamental  de  la  pacification  souhaitée. 

Nous  apporterons  les  meilleures  intentions  à  ces  entretiens.  Si  vos 
commissaires  y  mettent  aussi  de  la  bonne  volonté,  il  suffira  d'une  ou 
deux  conférences  pour  terminer  la  négociation. 

Faites-moi  savoir,  en  définitif,  quel  est  le  parti  auquel  vous  vous  arrêtez. 

LXXVII.  —  Lettre  du  grand-vézir  au  général  Kléber,  en  date  du 
quartier-général  à  El-Arich,  le  .  .  .  janvier  i800  (  •  .  •  chàban 
1214). 

Au  modèle  des  princes  de  la  nation  du  Messie,  au  soutien  des  grands 
de  la  secte  de  Jésus,  à  l'honoré  et  estimé  général  français  Kléber,  dont  la 
fin  puisse  être  heureuse.  Salut. 

J'ai  reçu,  et  j'ai  compris  le  contenu  de  la  lettre  que  vous  m'avez  derniè- 
rement adressée.  Vous  m'écrivez  que  vous  vous  êtes  mis  ces  jours-ci  en 
marche,  accompagné  d'une  légère  escorte,  pour  être  à  portée  de  donner 
les  réponses  nécessaires  aux  conditions  que  je  vous  proposerai,  relative- 
ment à  l'heureuse  affaire  de  l'évacuation  de  l'Egypte  que  vous  désirez,  ou 
bien  à  la  bataille  ,  et  que  vous  vous  êtes  acheminé  vers  Belbéis  et  Sa- 


6  APPENDICE 

léiiiéh,  pour  y  attendre  les  réponses  h  vos  dernières  dépêches.  Vous  me 
dites  aussi  que  si  vos  délégués  n'étaient  pas  encore  arrivés  h  mon  quar- 
tier-général, il  serait  convenable  de  vous  envoyer  deux  grands  de  la 
Porte  pour  conférer  sur  l'affaire  en  question,  et  la  terminer  le  plus  tôt 
possible. 

Votre  loyauté  ne  croit  pas  convenable  de  verser  le  sang,  et  comme  vous 
désirez  l'heureuse  réussite  de  la  bonne  affaire  concernant  l'évacuation  de 
l'Egypte,  el  qui  est  un  prélude  à  la  paix,  et  que  vous  avez  marché  dans  le 
chemin  de  la  justice,  ainsi  que  vous  me  l'avez  écrit  par  le  passé,  il  est 
clair  que,  d'après  mon  zèle  et  ma  loyauté,  je  ne  consentirai  pas  non  plus 
à  l'effusion  du  sang.  11  est  évident  aussi  que  votre  départ  du  Caire,  et  votre 
marche  vers  ces  contrées,  n'a  pour  but  que  de  faire  croire  à  votre  justice 
et  votre  loyauté,  et  d'accélérer,  d'une  manière  avantageuse  pour  la  Su- 
blirae-Porle,  le  terme  de  l'heureuse  all'aire  de  l'évacuation  de  l'Egypte, 
qui  doit  être  le  prélude  de  la  paix  et  de  la  tranquillité. 

Je  dois  vous  prévenir  que  vos  délégués,  qui  sont  arrivés  ces  jours-ci 
à  mon  quartier-général,  ont  déjà  ouvert  les  conférences,  et  que,  malgré 
votre  assurance  concernant  le  plein  succès  de  l'affaire  dont  il  s'agit,  con- 
formément à  la  loyauté  et  au  zèle  qui  vous  font  aimer,  ils  rendent  difficile 
la  réussite  de  cette  si  bonne  affaire  de  l'évacuation. 

La  Sublime-Porte  est  depuis  trois  siècles  amie  de  la  France  ;  mais, 
étant  destiné  par  mon  souverain  à  m'emparer  et  à  délivrer,  par  la  voie 
des  armes  ou  sans  combattre,  l'Egypte,  dont  les  Français  se  sont  emparés 
à  l'imprévu,  il  est  certain  qu'avec  le  secours  du  Très-Haut  je  dois  faire 
mon  jjossible  pour  y  parvenir.  Votre  désir  étant  réellement  d'évacuer 
l'Egypte,  sans  vous  battre,  loin  de  vouloir  l'effusion  du  sang,  mon  désir 
esl  conforme  au  vôtre. 

Je  vous  ai  écrit  cette  lettre  pour  vous  dire  qu'il  dépend  de  votre  vo- 
lonté de  vous  comporter  d'après  la  préférence  que  vous  aurez  donnée  h. 
l'un  des  deux  partis,  de  vous  battre  ou  de  ne  point  vous  battre. 

Quand  vous  aurez  reçu  la  présente,  et  que  vous  en  aurez  compris  le 
contenu,  j'espère  que  vous  vous  conduirez  toujours  suivant  votre  loyauté 
et  votre  franchise. 

LXXVIII.  —  Lettre  du  gént^ral  Kl<';bcr  au  grand-vézir,  en  date  du 
quartier- géuéral  de  Saléhiéh  le  18  janvier  1800  (  SI  ehàban 
iSS14). 

J'ai  reçu  à  Saléhiéh  la  dernière  lettre  que  V.  E.  m'a  fait  l'honneur  de 
ra'adresser  par  le  tartare  Moussa,  resté  à  Kathyé,  par  malentendu. 

Actuellement  que  nos  plénipotentiaires  sont  arrêtés  au  quartier-géné- 
ral de  V.  E.,  et  que  j'ai  rapproché  le  mien  de  manière  à  rendre  nos  com- 
munications aus.si  promptes  que  suivies,  j'ai  tout  lieu  d'espérer  que  nous 


APPENDICE  7 

nous  enlendrons  mieux,  et  que  nos  négociations  obtiendront  bientôt  le 
résultat  lieuroux  que  V.  E.  paraît  désirer  autant  que  moi.  J'envoie  à  mes 
plénipotentiaires  des  instructions  en  conséquence.  Ils  ne  rejetteront  à 
l'avenir  que  ce  qui  pourrait  être  contraire  à  la  gloire  et  à  la  sûreté  de 
l'armée,  dont  le  coniraanderaent  m'est  confié. 


LXXIX.   —  Convention  en   date  d'El.J&rick  le  24  janvier  1800  (S8 

chàban  t'iH). 

L'armée  française  voulant  donner  une  preuve  de  ses  désirs  d'arrêter 
l'effusion  du  sang,  et  de  voir  cesser  les  malheureuses  querelles  surve- 
nues entre  la  République  française  et  la  Sublime-Porte,  consent  à  évacuer 
l'Egypte,  d'après  les  dispositions  de  la  présente  convention,  espérant  que 
cette  concession  pourra  être  un  acheminement  à  la  pacification  générale 
(le  l'Europe. 

Art.  1"  L'armée  française  se  retirera  avec  armes,  bagages  et  effets, 
sur  Alexandrie,  Rosette  et  Aboukir,  pour  y  être  embarquée  et  transportée 
en  France,  tant  sur  ses  bâtiments  que  sur  ceux  qu'il  sera  nécessaire  que 
la  Sublime-Porte  lui  fournisse;  et,  pour  que  lesdits  bâtiments  puissent 
être  promplement  préparés,  il  est  convenu  qu'un  mois  après  la  ratifica- 
tion de  la  présente  il  sera  envoyé  au  château  d'Alexandrie  un  commis- 
saire, avec  30  personnes,  de  la  part  de  la  Sublime-Porte. 

Art.  2.  Il  y  aura  un  armistice  de  trois  mois  en  Egypte,  à  compter  du 
jour  de  la  signature  de  la  pré;sente  convention;  et  cependant,  dans  le  cas 
où  la  trêve  expirerait  avant  que  lesdits  bâtiments  à  fournir  par  la  Sublime- 
Porte  fussent  prêts,  ladite  trêve  sera  prolongée  jusqu'à  ce  que  l'embar- 
quement puisse  être  complètement  etfectué;  bien  entendu  que,  de  part  et 
d'autre,  on  emploiera  tous  les  moyens  possibles  pour  la  tranquillité  des 
armées  et  des  habitants,  dont  la  trêve  est  l'objet,  ne  soit  point  troublée. 

Art.  3.  Le  transport  de  l'armée  française  aura  lieu,  d'après  le  règle- 
ment des  commissaires,  nommés  à  cet  effet  par  la  Sublime-Porte  et  par 
le  général  en  chef  Kléber,  et  si,  lors  de  l'embarquement,  il  survenait  quel- 
que discussion  entre  lesdits  commissaires  sur  cet  objet,  il  en  sera  nommé 
un  par  M.  le  coramodore  Sidney-Smith,  qui  décidera  les  différends  d'a- 
près les  règlements  maritimes  de  l'Angleterre. 

Art.  /|.  Les  places  de  Kathyé  et  Saléhyé  seront  évacuées  par  les  troupes 
françaises  le  huitième  jour_,  et  au  plus  tard  le  dixième  jour  après  la  ratifi- 
cation de  la  présente  convention.  La  ville  de  Mansoura  sera  évacuée  le 
quinzième  jour;  Damietle  et  Belbéis  le  vingtième  jour;  Soués  sera  évacué 
six  jouis  avant  le  Caire;  les  autres  places  situées  par  la  rive  orientale  du 
Nil  seront  évacuées  le  dixième  jour  ;  le  Delta  sera  évacué  quinze  jours 


g  APPENDICE 

après  l'évacualioii  du  Caire.  Lu  l'ive  occidentale  du  Nil,  el,  ses  dépen- 
dances resleronl  entre  les  mains  des  Français  jusqu'à  l'évacualion  du 
Caire,  et  cependant,  comme  elles  doivent  être  occupées  par  l'armée  fran- 
çaise jusqu'à  ce  que  toutes  les  troupes  soient  descendues  de  la  Haute- 
Egypte,  ladite  rive  occidentale  et  ses  dépendances  pourront  n'être  éva- 
cuées qu'à  l'expiration  de  la  trêve,  s'il  est  impossible  de  les  évacuer  plus 
tôt.  Les  places  évacuées  par  l'armée  seront  remises  à  la  Sublime-Porte 
dans  l'état  où  elles  se  trouvent  actuellement. 

Art.  5.  La  ville  du  Caire  sera  évacuée  dans  le  délai  de  quarante  jours, 
si  cela  est  possible,  et  au  plus  tard  dans  quarante-cinq  jours,  à  compter 
du  jour  de  la  ratification  de  la  présente. 

Art.  6.  Il  est  expressément  convenu  que  la  Sublime-Porte  apportera  tous 
les  soins  pour  que  toutes  les  troupes  françaises  des  diverses  places  de  la 
rive  occidentale  du  Nil,  qui  se  replieront  avec  armes  et  bagages  vers  leur 
quartier-général,  ne  soient,  pendant  leur  route,  inquiétées  ni  molestées 
dans  leurs  personnes,  biens  et  honneur,  soit  de  la  part  des  habitants  de 
l'Egypte,  soit  par  les  troupes  de  l'armée  impériale  ottomane. 

Art.  7.  En  conséquence  de  l'article  ci-dessus,  et  pour  prévenir  toutes 
discussions  et  hostilités,  il  sera  pris  des  mesures  pour  que  les  troupes  tur- 
ques soient  toujours  suffisamment  éloignées  des  troupes  françaises. 

Art.  8  Aussitôt  après  la  ratification  de  la  présente  convention,  tous  les 
Turcs  et  autres  nations,  sans  distinction,  sujets  de  la  Sublime-Porte,  dé- 
tenus ou  retenus  en  France,  ou  au  pouvoir  des  Français  en  Egypte,  seront 
mis  en  liberté  et  réciproquement  tous  les  Français  détenus  dans  toutes  les 
villes  el  échelles  de  l'empire  ottoman,  ainsi  que  toutes  les  personnes  de 
quelque  nation  qu'elles  soient,  attachées  aux  légations  et  consulats  fran- 
çais, seront  également  mises  en  liberté. 

Art.  9.  La  restitution  des  biens  et  des  propriétés  des  habitants  et  des 
sujets  de  part  et  d'autre,  ou  le  remboursement  de  leur  valeur  aux  pro- 
priétaires, commencera  immédiatement  après  l'évacuation  de  l'Egypte,  et 
sera  réglée  à  Gonstantinople  parles  commissaires,  nommés  respectivement 
pour  cet  objet. 

Art.  10.  Aucun  habitant  de  l'Egypte,  de  quelque  religion  qu'il  soii,  ne 
sera  inquiété,  ni  dans  &a  personne,  ni  dans  ses  biens,  pour  les  liaisons 
qu'il  pourra  avoir  eues  avec  les  Français,  pendant  leur  occupation  de 
l'Egypte. 

Art.  H.  Il  sera  délivré  à  l'armée  française,  tant  de  la  Sublime-Porte, 
que  des  cours  ses  alliées,  c'est-à-dire,  celle  de  la  Russie  et  delà  Grande- 
Bretagne,  les  passe-ports,  sauf-conduits  et  convois  nécessaires  pour  assu- 
rer son  retour  en  France. 

Art.  12.  Lorsque  l'armée  française  d'Egypte  sera  embarquée,  la  Su- 
blime-Porte, ainsi  que  ses  alliées,  promettent  que  jusqu'à  son  retour  sur 


APPENDICE  n 

le  continent  de  la  France,  elle  ne  sera  niillemenl  inquiétée  ;  comme  de 
son  côté,  le  général  en  ciief  Kléber,  et  l'armée  française  en  Kgypte  pro- 
mettent de  ne  commettre,  pendant  ledit  temps,  aucune  liostililé  ni  contre 
les  flottes  ni  contre  les  pays  de  la  Sublime-Porte  et  de  ses  alliés,  et  que 
les  bâtiments,  qui  transporteront  ladite  arméf,  ne  s'arrêteront  k  aucune 
autre  côte  qu'à  celle  de  la  France,  h  moins  de  nécessité  absolue. 

Art.  13.  En  conséquence  de  la  trêve  de  trois  mois,  stipulée  ci-dessus 
avec  l'armée  française  pour  l'évacuation  de  l'Egypte,  les  parties  contrac- 
tantes conviennent  que,  si  dans  l'intervalle  de  ladite  trêve,  quelques 
bâtiments  de  France,  à  l'insu  des  commandements  des  Hottes  alliées,  en- 
traient dans  le  port  d'Alexandrie,  ils  en  partiront,  après  avoir  pris  l'eau 
et  k's  vivres  nécessaires,  et  retourneront  en  France,  munis  des  passe- 
ports des  cours  alliées,  et,  dans  le  cas,  où  quelques-uns  desdits  bâtiments 
auraient  besoin  de  réparation,  ceux-là  seuls  pourront  rester  jusqu'à  ce 
que  lesdites  réparations  soient  acbevées,  et  partiront  aussitôt  après  pour 
Frarxe,  comme  les  précédents,  après  le  premier  vent  favorable. 

Art.  14.  Le  général  en  chef  Kléber,  pourra  envoyer  sur  le  champ  en 
France  un  aviso,  auquel  il  sera  donné  les  saufs-conduits  nécessaires, 
pour  que  ledit  aviso  puisse  prévenir  le  gouvernement  français  de  l'éva- 
cuation de  l'Egypte. 

Art.  15.  Étant  reconnu  que  l'armée  française  a  besoin  de  subsistances 
journalières  pendant  les  trois  mois,  dans  lesquels  elle  doit  évacuer  l'E- 
gypte, et  pour  trois  autres  mois  à  compter  du  jour  où  elle  sera  embar- 
quée, il  est  convenu  qu'il  lui  sera  fourni  les  quantités  nécessaires  de  blé, 
viande,  riz,  orge  et  paille,  suivant  l'état,  qui  en  est  présentement  remis  par 
les  plénipotentiaires  français,  tant  pour  le  séjour  que  pour  le  voyage. 
Celles  desdites  quantités,  que  l'armée  aura  retirées  de  ses  magasins  après 
la  ratification  de  la  présente,  seront  déduites  de  celles  à  fournir  par  la 
Sublime-Porte. 

Art.  16.  A  compter  du  jour  de  la  ratification  de  la  présente  convention, 
l'armée  française  ne  prélèvera  aucune  contribution  quelconque  en  Egypte, 
mais,  au  contraire,  elle  abandonnera  à  la  Sublime-Porte  les  contributions 
ordinaires  exigibles,  qui  lui  resteraient  à  lever  jusqu'à  son  départ,  ainsi 
que  les  chameaux,  dromadaires,  munitions,  canons  et  autres  objets  lui 
appartenant,  qu'elle  ne  jugera  pas  à  propos  d'emporter;  de  môme  que 
les  magasins  de  grains,  provenant  des  contributions  déjà  levées,  et  enfin 
les  magasins  de  vivres.  Ces  objets  seront  examinés  et  évalués  par  des 
commissaires  envoyés  en  Egypte  à  cet  effet  par  la  Sublime-Porte,  et  par 
le  commandant  des  forces  britanniques,  conjointement  avec  les  préposés 
du  général  en  chef  Kléber,  et  remis  par  les  premiers  au  taux  de  l'évalua- 
tion ainsi  faite,  jusqu'à  la  concurrence  de  la  somme  de  trois  mille  bourses, 
qui  sera  nécessaire  à  l'armée  française  pour  accélérer  ses   mouvements 


10  APPENDICE 

et  son  embarquement  ;  et,  si  les  objets  ci-dessus  désignés  ne  produisaient 
pas  cette  somme,  le  déficit  sera  avancé  par  la  Sublime-Porte,  h  titre  de 
prêt,  qui  sera  remboursé  par  le  gouvernement  français  sur  le  billet  des 
commissaires,  préposés  par  le  général  en  chef  Kléber  pour  recevoir  la- 
dite somme. 

Art.  17.  L'armée  fran(;aise  ayant  des  frais  à  faire  pour  évacuer  l'Egypte, 
elle  recevra,  après  la  ratification  de  la  présente  convention,  la  somme  ci- 
dessus  stipulée  dans  l'ordre  suivant  : 

Le  quinzième  jour,  cinq  cent  bourses;  le  trentième  jour,  cinq  cents 
bourses;  le  quarantième  jour,  trois  cents  autres  bourses  ;  le  cinquantième 
jour,  trois  cents  autres  bourses;  le  soixantième  jour,  trois  cents  autres 
bourses;  le  soixante-dixième  jour,  trois  cents  autres  bourses  ;  le  quatre- 
vingtième  jour,  trois  cents  autres  bourses  ;  et,  enfin,  le  quatre-vingt- 
dixième  jour,  cinq  cents  autres  bourses. 

Toutes  lesdites  bourses  de  cinq  cents  piastres  turques  chacune,  les- 
quelles seront  reçues  en  prêt  des  personnes  commises  à  cet  effet  par  la 
Sublime-Porte;  et  pour  faciliter  l'exécution  desdites  dispositions,  la  Su- 
blime-Porîe  enverra,  immédiatement  après  l'échange  des  ratifications,  des 
commissaires  dans  la  ville  du  Caire  et  dans  les  autres  villes  occupées  par 
l'armée. 

Art.  18.  Les  contributions  que  les  Français  pourront  avoir  perçues 
après  la  date  de  la  ratiflcation,  et  avant  la  notification  delà  présente  con- 
vention dans  les  divers  points  de  l'Egypte,  seront  déduites  sur  le  montant 
des  trois  mille  bourses  ci-dessus  stipulées. 

Art.  19.  Pour  faciliter  et  accélérer  l'évacuation  des  places,  la  naviga- 
tion des  bâtiments  français  de  transport,  qui  se  trouveront  dans  les  ports 
de  l'Egypte,  sera  libre  pendant  les  trois  mois  de  trêve,  depuis  Damiette, 
Rosette,  jusqu'à  Alexandrie,  et  d'Alexandrie  à  Rosette  et  Damiette. 

Art.  20.  La  sûreté  de  l'Europe  exigeant  les  plus  grandes  précautions, 
pour  empêcher  que  la  contagion  de  la  peste  n'y  soit  transportée,  aucune 
personne  malade  ou  soupçonnée  d'être  atteinte  de  celte  maladie  ne  sera 
embarquée  ;  mais  les  malades  pour  cause  de  peste,  ou  pour  autre  maladie, 
qui  ne  permettrait  pas  leur  transport  dans  le  délai  convenu  pour  l'évacua- 
tion, demeureront  dans  les  hôpitaux,  où  ils  se  trouveront,  sous  la  sauve- 
garde de  son  altesse  le  suprême  vizir,  et  seront  soignés  par  des  officiers 
de  santé  français,  qui  resteront  auprès  d'eux  jusqu'à  ce  que  leur  guérisoii 
leur  permettra  de  pailir,  ce  qui  aura  lieu  le  plutôt  possible.  Les  articles 

11  et  12  de  celte  convention  leur  seront  appliqués  comme  au  reste  de 
l'armée,  et  le  commandant  en  chef  de  l'armée  française  s'engagea  donner 
les  ordres  les  plus  stricts  aux  différents  officiers,  commandant  les  troupes 
embarquées,  de  ne  pas  permettre  que  les  bâtiments  les  débarquent  dans 
d'autres  ports  que  ceux  qui  seront  indiqués  par    les  officiers  de  santé, 


APPENDICE  11 

comme  offrant  les  plus  grandes  facilités  pour  faire  la  quarantaine,  utile, 
usitée  et  nécessaire. 

Art.  21.  Toutes  les  diflicullés  qui  pourraient  s'élever,  et  qui  ne  se- 
raient pas  prévues  par  la  présente  convention  seront  terminées  à  l'amiable 
entre  les  commissaires  délégués  h  cet  effet  par  le  suprême  vizir  et  le  gé- 
néral en  chef  Kléber,  de  manière  à  faciliter  l'évacuation. 

JiVl.  22.  Le  présent  ne  sera  valable  qu'après  les  ratifications  respecti- 
ves, lesquelles  devront  être  échangées  dans  le  délai  de  huit  jours,  en  suite 
de  laquelle  ratification,  la  présente  convention  sera  religieusement  ob- 
servée de  part  et  d'autre. 

Fait,  signé  et  scellé  de  nos  sceaux  respectifs  au  camp  des  conférences 
près  d'El-Arich,  le  h  pluviôse  an  8  de  la  République  française,  2/i  janvier 
1800,  V.  st.,  et  le  28  de  la  lune  de  châban  l'an  de  l'hégire  12U. 

t  Le  général  de  division  Desaix. 
^  '^    *'  j  Le  citoyen  Poussielgue. 

Plénipotentiaires  du  général  Kléber. 
J  Moustapha-Rachid-Éfendi,  î^é'/îferrfar. 
^    "^     M  Moustapha-Rasikhi-Éfendi,  7'éisul-kiuttab. 
Plénipotentiaires  de  S.  A.  le  grand-vézir. 

Pour  copie  conforme  à  l'expédition  française  remise  aux  ministres 
turcs,  en  échange  de  leur  expédition  en  turc. 

(Signés)  Desaix.  —  Poussielgue. 

LXXX.  —  Lettre   du  commodore  |i>idney  Smith  au  général  Kléber,  en 
date  de  Cbypre  (à  bord  du  TIGRE)  le  3 1  février  1  800  (S6  raniazan 

Monsieur  le  général,  je  reçois  à  l'instant  la  lettre  ci-incluse  à  votre 
adresse.  Elle  estaccorapagnée  d'ordres  qui  m'auraient  empêché  d'acquies- 
cer à  la  conclusion  d'une  convention  entre  S.  A.  le  grand-vizir  et  vous, 
autrement  que  sous  les  conditions  y  énoncées,  si  je  les  avais  reçus  à 
temps.  Maintenant  que  cette  convention  a  eu  lieu  d'un  commun  accord, 
selon  notre  traité  d'alliance  avec  la  Porte,  pendant  que  nous  ignorions 
celte  restriction,  je  ne  conçois  pas  la  possibilité  de  son  infraction.  En 
même  temps,  je  dois  vous  avouer  que  la  chose  ne  me  paraît  pas  assez 
claire  pour  que  je  puisse  vous  la  garantir  autrement  que  par  ma  déter- 
mination de  soutenir  ce  quia  été  fait,  en  tant  que  cela  dépend  de  moi.  Je 
suis  au  désespoir  que  ces  lettres  aient  été  retardées  en  route.  Si  vous  n'a- 
viez rien  évacué,  il  n'y  aurait  pas  de  mai  que  les  choses  restassent  comme 
elles  étaient  au  commencement  des  conférences  jusqu'à  l'arrivée  des  ins- 
tructions conformes  aux  circonstances.  Il  est  à  observer  que  ces  dépêches 


12  APPENDICE 

sont  d'ancienne  dale  (V'  janvier),  écrites  après  des  ordres  venus  de  Lon- 
dres au  vice-amiral  lord  Keitli,  en  date  du  15  au  17  décembre,  évidem- 
ment dictés  par  l'idée  que  vous  traitiez  séparément  avec  les  Turcs,  et 
pour  empêcher  l'exécution  de  toute  mesure  contraire  h  notre  traité  d'al- 
liance. Mais  maintenant  qu'on  est  mieux  instruit,  et  que  laconvenlionest 
réellement  ratiliée,  je  ne  doute  pas  que  la  restriction  ne  soit  levée  avant 
l'arrivée  des  transports.  Je  juge  de  votre  embarras,  monsieur  le  général, 
par  le  mien  ;  peut-être,  avec  la  bonne  foi  qui  vous  caractérise,  pourrions- 
nous  aplanir  des  difficultés  insurmontables.  Je  m'empresse  de  me  rendre 
devant  Alexandrie  pour  y  rencontrer  voire  réponse.  Vous  voyez,  mon- 
sieur le  général,  que  je  m'en  rappoite  encore  une  fois  à  votre  libéralité 
sur  celte  question  vraiment  difficile,  certain  qu'en  tout  cas  vous  me  ferez 
la  justice  de  croire  h  la  loyauté  de  mes  intentions. 

LXXILI.  —  Lettre  du  commodore  $$idney  Smith  an  citoyen  Poussiel- 
gue  (administrateur  général  des  Onances),  en  date  (à  bord  du 
TIGRE)  du  8  marfs  1 800  (  1 1  cliéwal  1  S 1 4  ). 

Je  me  suis  empressé  de  me  rendre  devant  Alexandrie  à  l'instant  que 
j'ai  pu  compléter  l'approvisionnement  de  mon  vaisseau,  pour  vous  faire 
part,  d'une  manière  détaillée,  des  obstacles  que  mes  supérieurs  ont  mis  à 
l'exécution  de  toute  convention  de  la  nature  de  celle  que  j'ai  cru  devoir 
admettre,  n'ayant  pas  alors  reçu  les  instructions  contraires,  qui  me  sont 
parvenues  en  Chypre  le  22  février,  en  date  du  10  janvier.  Quant  à  moi- 
même,  je  n'hésiterais  pas  de  passer  par-dessus  tout  arrangement  d'an- 
cienne date,  pour  soutenir  ce  qui  a  été  fait  le  24,  et  le  31  janvier  ;  mais 
ce  serait  tendre  un  piège  k  mes  braves  antagonistes,  si  je  les  encoura- 
geais à  s'embarquer  ;  je  le  dois  à  l'armée  française  et  à  moi-même  de  ne 
pas  lui  laisser  ignorer  cet  état  actuel  des  choses,  que  je  travaille  cepen- 
dant à  changer.  En  tout  cas,  je  me  trouve  entre  elle  et  les  fausses  impres- 
sions qui  ont  dicté  une  mesure  de  cette  nature  ;  et,  comme  je  connais  la 
libéralité  de  mes  supérieurs,  je  ne  doute  pas  de  pouvoir  produire  sur  leur 
esprit  la  môme  conviction  que  j'ai  moi-même,  en  faveur  de  la  mesure 
que  nous  avons  adoptée  ensemble.  Un  entretien  avec  vous  me  mettrait  à 
même  de  vous  communiquer  l'origine  et  la  nature  de  celte  restriction  ;  et 
je  vous  propose  de  faire  le  voyage  sur  une  frégate  anglaise,  jusqu'au  com- 
mandant en  chef  de  la  flotte  nouvellement  arrivée  dans  la  Méditerranée, 
pour  conférer  avec  lui  là-dessus.  Je  compte  beaucoup  sur  vos  lumières 
et  l'esprit  conciliateur,  qui  a  facilité  les  moyens  de  nous  entendre,  pour 
appuyer  mes  raisonnements  sur  l'impossibilité  de  revenir  sur  ce  qui  a  été 
si  formellement  fait.  Après  une  discussion  détaillée  et  une  mûre  délibéra- 
tion, je  vous  propose  donc.  Monsieur,   de  venir  encore  une  fois  h  mon 


APPENDICE  13 

hord,  pour  conférer  sur  ce  qu'il  y  a  h  faire  dans  les  circonstances  diffici- 
les où  nous  nous  trouvons.  Je  regarde  de  sang-froid  la  responsabilité 
grave  à  laquelle  je  nie  trouve  exposé  ;  il  y  va  de  ma  vie,  je  le  sais,  mais 
je  préférerais  la  perdre  d'une  manière  non  méritée  que  la  conserver  mé- 
ritant non-seulement  la  mort,  mais  le  déshonneur. 

L\X\II.—  Proclamation  dii  général  Kléber,  en  date  du  (gnartier-gé- 
ncral  du  C  aire  le  1 8  mars  1 808  (3 1  chéwai  1314). 

Soldats!  Voici  la  lettre  qui  vient  de  ra'être  adressée  par  le  commandant 
en  chef  de  la  flotte  anglaise  dans  la  Méditerranée  : 

A  bord  du  vaisseau  la  Reine  Charlotte  le  8  janvier  1800  (11  cliâban  121/ij. 

Monsieur, 

Je  vous  préviens  que  j'ai  reçu  des  ordres  positifs  de  S.  M.  de  ne  con- 
sentir à  aucune  capitulation  avec  l'armée  française  que  vous  commandez 
en  Egypte  et  en  Syrie,  à  moins  qu'elle  ne  mette  bas  l^s  armes  et  ne  se 
rende  prisonnière  de  guerre,  et  n'abandonne  tous  les  vaisseaux  et  muni- 
tions des  port  et  ville  d'Alexandrie  aux  puissances  alliées;  qu'en  cas  de 
capitulation,  je  ne  dois  permetti'e  à  aucunes  troupes  de  retourner  en 
France  avant  qu'elles  n'aient  été  échangées.  Je  crois  également  néces- 
saire de  vous  informer  que  tous  les  vaisseaux  ayant  des  troupes  françai- 
ses à  bord,  et  faisant  voile  de  ce  pays,  munis  de  passe-ports,  signés  par 
d'autres  que  ceux  qui  ont  le  droit  d'en  accorder,  seront  forcés  par  les 
officiers  des  vaisseaux  que  je  commande  de  rester  à  Alexandrie;  enfin, 
que  les  bâtiments  qui  seront  rencontrés  retournant  en  Europe  avec  des 
passe-ports  accordés  en  conséquence  d'une  capitulation  part'culière  avec 
une  des  puissances  alliées,  seront  retenus  comme  prises,  et  tous  [les  in- 
dividus à  bord  considérés  comme  prisonniers  de  guerre. 

{Signé)  Keith. 

Soldats  !  nous  saurons  répondre  à  une  telle  insolence  par  des  victoires. 
Préparez-vous  ii  combattre. 

LXXXII3.  —  Lettre  du  grand-véztr  an  conimodore  Sidney  Smith,  en 
date  du  Caire  le  .  .  .   mars  ISOO  (. . .  cliéwal  1314) 

Il  est  superflu  de  vous  faire  savoir  qu'il  a  été  convenu,  dans  les  confé- 
rences qui  ont  eu  lieu  à  El-Arich,  entre  mes  plénipotentiaires  et  ceux  de 
l'honoré  général  Kléber,  que  les  escadres  de  la  Sublime-Porte,  celles  de 
l'Angleterre  et  de  la  Russie,  n'auraient  pas  inquiété  les  bâtiments  sur  les- 
quels doivent  s'embarquer  les  Fran(;ais  qui  évacueront  l'Egypte.  Ces  con- 
ventions vous  ont  été  connues,  et  elles  ont  été  stipulées  d'après  votre  avis, 


^[^  APPENDICE 

en  vertu  de  voire  qualité  de  ministre  plénipotentiaire  ;  vous  étiez  convenu 
en  même  temps  que  la  Porte  aurait  fourni  des  firmans  de  route,  et  que 
vous  auriez  donné  des  passe-ports  aux  Français  qui  seraient  sortis  de 
l'Egypte  en  toute  sûreté,  avec  armes  et  bagages,  et  remis  lesdit  passe- 
ports à  lord  Nelson,  qui  se  serait  chargé  de  les  faire  arriver  sains  et  saufs 
dans  les  ports  de  France. 

D'après  cela,  il  est  évident  qu'il  est  de  toute  nécessité  que  celte  con- 
vention soit  complètement  exécutée,  sans  qu'il  puisse  y  être  mis  aucune 
opposition.  Cependant,  le  général  en  chef  Kléber  vient  de  ra'envoyer  co- 
pie d'une  lettre  que  vous  lui  écrivez,  et  dans  laquelle  vous  lui  faites  part 
des  ordres  de  lord  Keith,  mon  honoré  ami,  amiral  de  l'escadre  de  S.  M. 
britannique  dans  la  Méditerranée,  qui  sont  contraires  à  l'exécution  de  la 
convention.  Quoique  vous  n'ayez  pas  encore  reçu  la  lettre  de  lord  Keith, 
qui  contient  les  susdits  ordres,  votre  lettre  ayant  singulièrement  affecté  le 
général  Kléber,  son  excellence  Moustapha-pacha  a  fait  savoir,  par  des 
dépêches  réitérées,  qu'il  se  refusait  à  évacuer  le  Caire.  Comme  vous 
mandez  à  ce  général,  en  lui  faisant  part  des  ordres  de  lord  Keith,  qu'il 
serait  nécessaire  d'ouvrir  de  nouvelles  conférences  pour  prendre  des 
arrangements  en  conséquence,  il  a  élevé  des  doutes  sur  la  libre  sortie  des 
Français  de  l'Egypte,  et  a  déclaré  qu'il  n'évacuerait  l'Egypte  que  lors- 
qu'il serait  pleinement  rassuré.  Cependant  l'époque  ou  le  Caire  aurait  dû 
être  évacué,  conformément  à  la  convention,  étant  arrivée,  et  cette  infrac- 
tion au  traité  mettant  dans  le  cas  de  recommencer  les  hostilités,  mais 
étant  convaincu  que  le  général  Kléber  ne  s'est  point  conformé  au  traité  à 
cet  égard  que  parce  qu'il  a  eu  connaissance  et  a  été  très-alTecté  des  diffi- 
cultés opposées  par  lord  Keith,  et  qu'il  désirait,  avant  d'en  venir  à  cette 
mesure,  être  rassuré  de  ce  côté,  on  s'est  borné  à  lui  faire  donner  l'assu- 
rance que  l'Angleterre  ne  mettrait  aucun  obstacle  à  l'arrivée  de  l'armée 
française  dans  les  ports  de  France. 

11  est  inutile  de  vous  dire  qu'il  est  certain  que  lord  Keith  n'était  point 
instruit  de  l'évacuation  de  l'Egypte,  lorsqu'il  a  expédié  ses  dépêches,  et 
que  vous  auriez  dû  lui  en  donner  connaissance  avant  d'écrire  au  général 
français  des  lettres  qui  devaient  nécessairement  lui  donner  de  l'inquiétude  ; 
vous  devez  donc  montrer  le  plus  grand  zèle  pour  faire  exécuter  complète- 
ment tous  les  articles  de  cette  convention,  passée  entre  la  Sublime-Porte 
et  les  Fiançais  qui  sont  en  Egypte,  et  à  laquelle  vous  avez  participé 
comme  plénipotentiaire  de  votre  cour  ;  vous  y  êtes  d'autant  plus  obligé 
que,  conformément  à  l'alliance  que  la  Sublime-Porte  a  contractée  avec 
l'Angleterre,  et  par  laquelle  cette  puissance  garantit  l'intégrité  de  l'em- 
pire ottoman,  vous  devez  mettre  tout  en  oeuvre  afin  que  l'Egypte  soit 
remise  le  plus  tôt  possible  sous  sa  domination. 

L'ambassadeur  extraordinaire  de  S.  M.  Britannique  près  la  Sublime- 


APPENDICE  .15 

Porte,  lord  Elgiii ,  notre  arai,  lui  a  présenté  plusieurs  mémoires  dans 
lesquels  il  dit  que  son  roi  n'apportera  aucune  diflicultés  dans  les  conven- 
tions qu'elle  voudra  passer  pour  l'évacuation  de  l'Egypte;  que  sa  volonté, 
à  cet  égard,  sera  toujours  exécutée,  et  que  S,  M.  Britannique  se  confor- 
mera toujours  aux  articles  du  traité  d'alliance  qui  unit  les  deux  puis- 
sances; d'après  cela,  il  est  de  notre  devoir  de  faire  cesser  promplement 
les  diflicultés  que  votre  lettre  a  npporlées  à  l'entière  exécution  de  la  con- 
vention passée  pour  l'évacuation  de  l'Egypte. 

Je  vous  écris  la  présente  afin  que,  mettant  tous  vos  soins  à  ce  que  rien 
n'arrive  de  contraire  k  notre  alliance  et  k  la  convention  stipulée,  vous 
m'expédiez  le  plus  tôt  possible  une  dépêche  tendant  'i  rassurer  le  général 
Kléber,  par  la  certitude  que  vous  me  donnerez  que  les  bâtiments,  sur  les- 
quels seront  embarqués  les  Français,  ne  seront  nullement  inquiétés  par  les 
bâtiments  anglais,  et  que  ceux-ci,  au  contraire,  les  feront  parvenir  sains 
et  saufs  dans  leur  patrie  ;  et  que,  conformément  à  notre  alliance,  vous  et 
tous  les  préposés  de  votre  cour  employerez  tous  vos  moyens  afin  que  les 
articles  de  la  convention  soient  pleinement  exécutés.  Quand  la  présente 
vous  sera  parvenue,  j'espère  que  vous  ferez  tout  ce  qui  tendra  à  resser- 
rer notre  alliance,  et  surtout  à  faire  exécuter  la  convention,  et  que  vous 
vous  empresserez  de  m'envoyer  la  lettre  que  je  vous  demande. 

liXXXIV.  —  Lettre  da  général  Kléber  au  grand  vézir,  en   date  du  1 9 

mars  I800  (3S  cliéwal  1214). 

L'armée  dont  le  commandement  m'est  confié  ne  trouve  point,  dans  les 
dispositions  qui  m'ont  été  faites  de  la  part  de  V.  A.,  une  garantie  suflisante 
contre  les  prétentions  injurieuses,  et  contre  l'opposition  du  gouvernement 
anglais  â  l'exécution  de  notre  traité.  En  conséquence,  il  a  été  résolu,  ce 
matin,  au  conseil  de  guerre,  que  ces  propositions  seraient  rejetées,  et  que 
la  ville  du  Caire  ainsi  que  ses  forts  demeureraient  occupés  par  les  troupes 
françaises  jusqu'à  ce  que  j'aie  reçu  du  commandant  en  chef  de  la  flotte 
anglaise,  dans  la  Méditerrannée,  une  lettre  directement  contraire  â  celle 
qu'il  m'a  adressée  le  8  janvier,  et  que  j'aie  entre  les  mains  les  passe-ports 
signés  par  ceux  qui  ont  le  droit  d'en  accorder. 

D'après  cela,  toutes  les  conférences  ultérieures  entre  nos  commissaires 
deviennent  inutiles,  et  les  deux  armées  doivent  dès  cet  instant  être  con- 
sidérées comme  en  état  de  guerre. 

La  loyauté  que  j'ai  apportée  dans  l'exécution  ponctuelle  de  nos  conven- 
tions donnera  h  V.  A.  la  mesure  des  regrets  que  me  fait  éprouver  une  rup- 
ture aussi  extraordinaire,  dans  ces  circonstances,  que  contraire  aux  avan- 
tages communs  de  la  république  française  et  de  la  Sublime-Porte.  J'ai 
assez  prouvé  combien  j'étais  animé  du  désir  de  faire  renaître  les  liaisons 


16  APPENDICE 

d'intérêt  et  d'amitié  qui  unissaient  depuis  longtemps  les  deux  puissances. 
J'ai  tout  fait  pour  rendre  manifeste  la  pureté  de  mes  intentions.  Toutes 
les  nations  y  applaudiront,  et  Dieu  soutiendra  par  la  victoire  la  justice  de 
ma  cause.  Le  sang  que  nous  sommes  prêts  à  répandre  rejaillira  sur  les 
auteurs  de  celte  nouvelle  dissension. 

Je  préviens  aussi  V.  A.  que  je  garde  comme  otage,  à  mon  quartier  gé- 
néral, son  excellence  Mouslapha-pacha,  jusqu'à  ce  que  le  général  Galbo, 
retenu  à  Damiette,  soit  arrivé  à  Alexandrie  avec  sa  famille  et  sa  suite,  et 
qu'il  ait  pu  me  rendre  compte  du  traitement  qu'il  a  éprouvé  des  officiers 
de  l'armée  ottomane,  sur  lesquels  on  me  fait  des  rapports  très-extraordi- 
naires. 

La  sagesse  accoutumée  de  V.  A.  lui  fera  distinguer  aisément  de  quelle 
part  viennent  les  nuages  qui  s'élèvent;  mais  rien  ne  pourra  altérer  la 
grande  considération  et  l'amitié  bien  sincère  que  j'ai  pour  elle. 

LXXliLV.  —  Ordre  secret  des  lords  de  l'amirauté  à  lord  Keith,  en  date 
du  38  mars  1800  (S  zilcadé  IS14). 

Lord  Grenville  nous  a  informés,  par  une  lettre  en  date  de  ce  jour  que, 
conformément  aux  ordres  de  S.   M.,  il  devait  vous  être  signifié  qu'elle 
désapprouvait  les  conditions  de  la  capitulation  de  l'armée  française  en 
Egypte,  dont  elle  a  eu  connaissance  par  des  dépêches  nouvellement  reçues 
de  lord  Elgin  et  de  sir  Sidney  Smith.  Ces  conditions  paraissaient  au  roi 
plus  avantageuses  pour  l'ennemi,  qu'il  ne  devait  l'espérer  d'après  sa  si- 
tuation, et  d'ailleurs  préjudiciables  aux  intérêts  des  alliés,  en  mettant  à  la 
disposition  du  gouvernement  français  un  corps   considérable  de  troupes 
disciplinées.  Le  roi  ne  considère   point  le  capitaine  sir  Sidney  Smith 
comme  ayant  eu  le  droit  d'entrer  dans  un  accord  de  cette  nature,  ni  de  le 
sanctionner  au  nom  de  S.  M.  Cet  officier  n'était  revêtu  d'aucune  autorité 
spéciale  pour  cet  effet;  et  ce  n'était  point  dans  un  cas  semblable  que  le 
capitaine,   commandant  les   lorces  de  S.  M.  sur  la  côte   d'Egypte,  pou- 
vait prendre  de  pareils  engagements  sans  l'adjonction   de   son    officier 
supérieur.   Mais  le  général  français  paraît  avoir  vu  dans  sir  Sidney  un 
homme  qu'il  croyait,  de  >onne  foi,  suffisamment  autorisé,  et  une  partie  du 
traité  a  été  de  suite  mise  à  exécution  par  l'ennemi,  de  manière  que  si  le 
traité  était  annulé  (en  ce  qui  concerne  la  part  que  l'officier  de  S.  M.  y  a 
pris),  l'armée  française  ne  pourrait  être  replacée  dans  la  situation  où  elle  se 
trouvait  préalablement.  D'après  ces  considérations,  S.  M.  voulant  observer 
scrupuleusement  la  foi  publique,  juge  à  propos  que  les  officiers  ne  fas- 
sent rien  qui  puisse  être  incompatible  avec  les  engagements  auxquels  sir 
Sidney  Smith   a  donné,  par  une  mesure  erronée,  la  sanction  du  nom 
de  S.  M. 


APPENDICE  17 

Lord  Gronville  nous  a  aussi  prévenus  que,  dans  cette  vue,  il  transmet- 
tra au  comte  Elgin  les  ordres  de  S.  M.,  pour  récrier  avec  la  Porte  la  forme 
des  passe-porls  qui  seront  accordés  au  nom  du  roi,  non  comme   partie 
accédant  h  la  capitulation,  mais  comme  alliéede  la  Turquie.  La  volonté  de 
S.  M.  est  que  lesdits  passe-ports,  ainsi  que  les  autres  passe-ports  qui 
pourraient  avoir  été  accordés  (irrégulièrement),  dans  l'intervalle,  par  sir 
Sidney  Smitli,  soient  respectés.  Quoique  les  circonstances  susmentionnées 
aient  engagé  S.  M.  h  ne  point  troubler  l'exécution  du  traité  de  la  Porte, 
elle  ne  se  croit  pas  obligée  d'autoriser  ses  ofTiciers  k  y  prendre  une  part 
active,  ni  à  fournir  pour  cet  efl'et  aucun  convoi  ni  transport.  Cependant, 
si  l'on  s'adressait  à  vous  pour  obtenir  la  liberté  d'envoyer  des  cartels  de 
France  en  Egypte,  afin  de  transporter  l'armée,  conformément  h  la  capi- 
tulation, votre  seigneurie  accorderait  des  passe-ports,  toutefois  avec  les 
restrictions  et  les  précautions  nécessaires.  Pour  empêcher  les  abus  qui 
pourraient  résulter  de  cette  libsrté,  votre  seigneurie  aura  soin  de  donner 
des  ordres  convenables  aux  commandants  des  vaisseaux  qui  sont  sous  ses 
ordres,  et  de  prévenir  sir  Sidney  Smith  de  la  volonté  de  S.  M.  Si  vous 
pouviez  découvrir,  de  la  part  des  Turcs  ou  des  Russes,  l'intention  d'em- 
pêcher l'exécution  de  la  capitulation,  ou  de  commettre  quelque  acte  d'hos- 
tilité contre  l'armée  française,  soit  avant  ou  après  son  embarquement, 
nous  recommandons  à  votre  seigneurie  de  ne  rien  négliger  pour  leur 
persuader  d'adopter  les  mesures  les  plus  compatibles  avec  la  fidèle  ob- 
servation des  engagements  contractés  envers  l'ennemi. 

LXXXl'I.  —  Lettre  du  citoyen  Ponsslelgne  à  l'amiral  Kelth.  en  date 
(ik  bord  de  LA  CO^'i^TilIVCE)  du  30  avril  1800  (25  zilcadé  1214). 

Mylord,  au  moment  de  quitter  l'Egypte  pour  retourner  en  France,  en 
vertu  de  la  convention  signée  à  El-Arich,  j'ai  appris  à  Alexandrie  les 
obstacles,  que  vos  ordres  apportaient  à  l'exécution  de  cette  conven- 
tion, quoiqu'elle  eût  déjà  eu  en  partie  son  effet,  avec  cette  bonne  foi  que 
devait  inspirer  la  loyauté  des  parties  contractantes.  —  Je  me  suis  décidé 
à  me  rendre  auprès  de  vous,  mylord ,  pour  vous  demander  de  révo- 
quer vos  ordres,  en  mettant  sous  vos  yeux  tous  les  motifs  qui  doivent 
vous  y  déterminer,  ou  pour  vous  prier,  dans  le  cas  où  vous  ne  pourriez 
pas  prendre  ce  parti,  de  me  faire  remettre  promptemenl  en  France,  afin 
que  le  gouvernement  français  traite  directement  cette  affaire  avec  le 
gouvernement  anglais.  Il  s'agit  peut  être  de  la  vie  de  50,000  hommes, 
qui  peuvent  s'égorger  aujourd'hui  sans  aucun  motif,  puisque,  d'après  le 
traité  solennellement  fait  avec  les  Anglais,  les  Russes  et  les  Turcs,  tout 
était  terminé. 

Je  n'ai  pas  de  pouvoirs  ad  hoc  pour  la  démarche  que  je  fais  auprès  de 

T.    II.  2 


18  APf*ÉNt)ÏCE 

VOUS,  niylord  ;  il  n'en  était  pas  besoin,  pour  réclamer  une  chose  qui  se- 
rait de  droit  entre  les  nations  les  moins  civilisées;  elle  me  paraissait  si 
juste  et  si  simple,  elle  était  d'ailleurs  si  urgente,  que  je  n'ai  pas  cru  de- 
voir attendre  les  ordres  du  général  Kléber,  qui,  j'en  étais  sûr,  ne  voudrait 
pas  consentir  i\  ce  qu'il  fût  apporté  la  moindre  modiûcation  au  traité, 
quoique  sa  fidélité  à  l'exécuter  eût  rendu  sa  position  beaucoup  moins 
avantageuse.  Au  moment  où  nous  conclûmes  la  convention  à  El-Arich, 
sous  la  simple  garantie  de  la  loyauté  anglaise,  nous  étions  loin  de  pré- 
voir que  les  obstacles  viendraient  de  cette  môme  puissance,  la  plus  libé- 
rale de  celles  avec  lesquelles  nous  traitions.  Au  reste,  mylord,  je  ne  suis 
pas  militaire  ;  toutes  mes  fonctions  sont  terminées.  Deux  ans  de  fatigue 
et  de  maladie  m'ont  rendu  indispensable  mon  retour  dans  mon  pays.  Je 
n'aspire  plus  qu'à  m'y  reposer  auprès  de  ma  femme  et  de  mes  enfants  ; 
heureux,  si  je  puis  porter  aux  familles  des  Français  que  j'ai  laissés  en 
Egypte  la  nouvelle  que  vous  avez  fait  cesser  les  derniers  obstacles  qui 
s'opposaient  à  leur  retour. 

LXXXVII.  —  Capitulation  du  Caire,  en   date  da  21    avril  1800  (26 

«ilcadé  1214). 

Art.  1"  Le  général  en  chef  accorde  un  délai  de  trois  jours,  à  compter 
de  demain,  2  floréal,  jusqu'au  5,  pour  les  préparatifs  nécessaires  au  dé- 
part des  troupes  ottomanes  et  des  Mamlouks. 

Demain,  à  sept  heures  du  matin,  tous  les  quartiers  de  la  ville  du  Caire, 
situés  sur  la  rive  gauche  du  canal,  dans  toute  la  longueur  de  la  ville,  se- 
ront abandonnés  par  les  troupes  ottomanes,  et  occupés  par  les  Français. 

Art.  2.  Les  troupes  ottomanes  et  les  Mamlouks  pourront  emporter 
leurs  bagages  et  leurs  armes,  mais  les  pièces  d'artillerie  seront  laissées 
par  eux  dans  les  lieux  où  elles  sont  en  ce  moment  établies  dans  la  ville 
du  Caire. 

Art.  3.  Le  général  en  chef  fournira  aux  troupes  mentionnées  ci-dessus 
cent  chameaux  chargés  de  biscuit,  et  cent  charges  d'orge  ou  de  fèves  :  il 
leur  laisse  la  faculté  de  requérir  dans  la  ville  du  Caire  le  supplément  né- 
cessaire de  ces  bêtes  de  somme,  et  un  nombre  suflisant  d'autres,  pour  le 
transport  desquelles  il  leur  sera  fourni  de  cent  à  deux  cents  chameaux  à 
Saléhiéh. 

Art.  /|.  Les  Osmanlis  et  les  Mamlouks  sortiront  de  la  ville  du  Caire,  par 
la  porte  des  Victoires,  à  La  pointe  du  jour,  le  5  floréal,  correspondant  au 
30  du  mois  zilhidjé  ;  ils  s'arrangeront  de  manière  à  ce  qu'à  midi  précis 
aucun  individu  faisant  partie  des  susdites  troupes,  autres  que  les  blessés 
qui  seront  reçus  et  traités  dans  les  hôpitaux  français,  ne  se  trouvent  dans 
la  ville.  Ces  troupes  camperont  le  même  jour  à  quatre  heures  de  marche 


APPENDICE  19 

(le  la  ville  du  Caire,  le  deuxième  h  Belbéis,  le  troisième  h  Koraïm,  et  le 
quatrième  h  Saléhièh,  où,  conformément  à  leur  demande,  elles  séjourne- 
ront quarante-liuit  heures  pour  taire  de  l'eau,  et  continueront  ensuite  leur 
route  pour  la  Syrie,  en  passant  par  Katlliyéh  et  El-Aricli. 

Art.  5.  Pour  garantir  ces  troupes  mentionnées  ci-dessus  de  toute  in- 
sulte, elles  seront  sous  la  protection  du  général  de  division  Régnier,  ayant 
avec  lui  un  de  ses  généraux  de  brigade,  et  l'escorte  suffisante. 

Art.  6.  Tous  les  prisonniers  français,  qui  pourraient  être  au  pouvoir  des 
Osmanlis  ou  des  Mamlouks,  seront  rendus  et  échangés  contre  un  pareil 
nombre  de  prisonniers  musulmans  au  pouvoir  des  Français. 

Art.  7.  Le  général  en  chef  accorde  un  pardon  général  et  particulier  aux 
habitants  du  Caire  et  de  toute  l'Egypte,  qui  auraient  pu  prendre  parti  pour 
les  ennemis  des  Français,  mais  aucun  habitant  du  Caire  ne  pourra  sortir  de 
la  ville  pour  suivre  l'armée  ottomane. 

Art.  8.  Pour  assurer  la  garantie  des  articles  ci-dessus,  les  ennemis  don- 
neront au  général  en  chef,  comme  otage,  le  personnage  immédiatement 
au-dessous  de  Nassif-pacha,  et  les  Mamlouks  un  béy  du  premier  ordre. 
Les  Français,  de  leur  côté,  fourniront  un  officier  général. 

Art.  9.  Les  échanges  d'otages  se  feront  demain,  à  sept  heures  du  matin, 
sur  la  place  Ezbekyéh,  par  les  chargés  de  pouvoir  du  général  en  chef 
Kléber,  et  ceux  de  Nassif-pacha  et  d'Ibrahim-béy. 

On  conviendra  de  suite  des  dispositions  particulières  sur  les  deux  rives 
du  canal. 

Au  Caire,  le  premier  floréal  an  8  de  la  République  française. 

(Signés)  Kléber.  —  Nassif-Pacha.  — Osman-Effendi.  —  Ibrahim-Bét. 

(A.  Galland),  Tableau  de  l" Egypte  pendant  le  séjour  de  r armée  fran- 
çaise, etc.  PariSj  au  XI). 

LX.XXVIII,  —  Lettre  de  raniiral  Keith  au  citoyen  Poussielgae,  en 
date  (à  bord  du  MIIVOTAUBE,  devant  Gênes)  du  ZS  avril  1800(28 
zilcadé  1214). 

Monsieur,  j'ai  reçu  la  lettre,  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire 
aujourd'hui.  Je  dois  vous  informer  que  je  n'ai  jamais  donné  aucun  ordre, 
ni  autorisation,  en  opposition  à  la  convention  passée  entre  le  grand- 
visir  et  le  général  Kléber,  n'ayant  jamais  reçu  à  cet  égard  d'instruction 
des  ministres  du  roi.  D'après  cela,  j'ai  pensé  que  Sa  Majesté  ne  devait 
prendre  aucune  part  à  cette  affaire.  Mais,  depuis  que  le  traité  a  été  con- 
clu, Sa  Majesté  voulant  montrer  à  ses  alliés  les  égards  qu'elle  a  pour  eux, 
j'ai  reçu  des  instructions  qui  accordent  le  passage  aux  troupes  françaises, 
et  je  n'ai  pas  perdu  un  instant  pour  envoyer  en  Egypte  Tordre  de  les 
laisser  retourner  en  France,  sans  les  troubler  dans  leur  voyage.  Cepen- 


20  APPENDICE 

danl,  j'ai  cru  de  mon  devoir  envers  le  roi,  et  ceux  de  ses  alliés  dont  les 
états  se  trouvent  dans  les  mers  où  ces  troupes  doivent  passer,  de  deman- 
der qu'elles  ne  reviennent  pas  en  un  seul  corps,  ni  sur  des  vaisseaux  de 
guerre  ou  armés  en  guerre.  J'ai  demandé  aussi  que  les  vaisseaux  de 
cartel  ne  portassent  pas  de  marchandises;  ce  qui  est  contraire  aux  lois 
des  nations.  J'ai  aussi  demandé  au  général  Kléber  sa  parole  d'honneur 
que  ni  lui  ni  son  armée  ne  commettraient  aucune  hostilité  envers  les 
les  puissances  coalisées;  et  je  ne  doute  pas  que  le  général  Kléber  ne 
trouve  ces  conditions  parfaitement  raisonnables.  —  Le  capitaine  Hay  a 
reçu  mes  ordres  pour  vous  laisser  retourner  en  France  avec  l'adjudant- 
général  Cambis,  aussitôt  son  arrivée  à  Livourne. 

LXXXrX.  —  licttrc  da  premier  consnl  Bonaparte  au  nalnistre  des  re- 
lations  extérieures,  en  date  de  Lausanne  le  15  mai  1800  (20  zil- 
hidjé  1214). 

J'ai  reçu  de  Toulon,  citoyen  ministre,  beaucoup  de  lettres  de  généraux 
et,  entre  autres,  du  général  Menou.  Il  paraît  que  la  capitulation  est  désap- 
prouvée par  tous  les  gens  éclairés  et  plusieurs  hommes  de  cœur  de  l'armée. 
L'ordonnateur  en  chef  de  cette  armée  ayant  envoyé  l'état  exact  des  troupes 
qui  la  composent,  je  le  renvoie  aux  consuls  pour  qu'ils  le  fassent  mettre 
dans  le  Moniteur.  Lorsque  cet  article  paraîtra,  je  désire  que  vous  en  fas- 
siez faire  plusieurs,  dont  le  but  serait  de  faire  sentir  que,  si  je  fusse  resté 
en  Egypte,  cette  colonie  serait  encore  à  nous;  comme,  si  je  fusse  resté  en 
France,  nous  n'aurions  pas  perdu  l'Italie. 

Il  est  bon,  à  celte  occasion,  de  rappeler  qu'à  Aboukir  /j,000  Français 
battirent  20,000  Turcs  et  prirent  le  pacha;  qu'à  Damiette  le  général  Ver- 
dier,  avec  800  iiorames,  battit  ^,000  janissaires,  et  que  le  grand-visir 
n'avait  pascertaineraentau-delàde30,O00  hommes,  ramassisdetousles  pays 
que  8,000  Françaisauraientraisendéroute  ;  qu'il  est  d'autant  plus  mallieu- 
reux  que  l'on  évacue  l'Egypte  que,  par  les  précautions  prises,  la  peste  n'avait 
fait  cette  année  aucun  ravage,  et  que,  depuis  la  fin  de  la  guerre  de  la 
Vendée,  l'escadre  de  Brest,  qui  portait  6,000  hommes  et  beaucoup  de  mu- 
nitions, serait  parvenue  à  jeter,  un  mois  plus  tôt  ou  plus  tard,  du  secours  en 
Egypte;  que  la  cour  de  Londres  n'a  donné  l'ordre  délaisser  passer  l'armée 
que  sur  les  observations  de  M.  Smith,  qui  a  prouvé  la  faiblesse  de  l'armée 
du  grand-vizir  et  la  force  de  l'armée  française  ;  elle  est  telle,  que  le  grand- 
vizir,  avec  son  camp  à  Bel-béys,  n'ose  pas  s'avancer  au  Caire,  et  a  poussé  la 
condescendance  jusqu'à  payer  trois  raillions  pour  satisfaire  l'armée  fran- 
çaise ;  et,  si  l'armée  d'Égypie  a  connu  que  l'Angleterre  s'oppose  à  son 
retour  en  France,  il  n'est  aucun  doute  quelle  n'ait  battu  le  grand-visir 
forcé  à  repasser  le  désert,  et  reconquis  l'Egypte. 


APPEiNDlCE  21 

Vous  sentez  que  tout  cela  est  nécessaire  à  dire.  Spécialement  pour  ôter 
jusqu'à  l'ombre  du  soupçon,  dont  les  ennemis  du  gouvernement  parais- 
sent vouloir  se  targuer. 

\C.  —  Ordre  da  jour  du  général  Mcnou,  en  date  du  quartier-général 
du  Caire  le  15  juin  1800  (2  2  nioharrem  1215)/ 

Soldats,  un  horrible  attentat  vient  de  vous  enlever  un  général  que  vous 
chérissiez  et  respectiez.  Un  ennemi,  qui  ne  mérite  que  le  mépris  et  l'indi- 
gnation du  monde  entier,  un  ennemi  qui  n'avait  pu  vaincre  les  Français, 
commandés  parle  bon  Kléber,  a  eu  la  lâcheté  de  lui  envoyer  un  assassin. 

Je  vous  dénonce,  je  dénonce  au  monde  entier  le  grand-vézir,  chef  de 
cette  armée  que  vous  avez  détruite  dans  les  plaines  du  Matharich  et 
d'Héliopolis.  C'est  lui  qui  de  concert  avec  son  aglia  des  janissaires  a 
mis  le  poignard  à  la  main  du  nommé  Soleyman-el-Alepi,  qui,  parti  de 
Ga7a  depuis  32  jours,  nous  a  enlevé  hier,  par  le  plus  noir  des  assassi- 
nats, celui  dont  la  mémoire  doit  être  chère  à  tout  bon  Français. 

Soldats,  Kléber  avait  dissipé,  en  marchant  k  votre  tête,  cette  nuée  de 
barbares  qui  de  l'Europe  et  de  l'Asie  étaient  venus  fondre  sur  l'Egypte. 

Kléber,  en  dirigeant  vos  invincibles  cohortes  avait  reconquis  l'Egypte 
entière  en  dix  jours  de  temps. 

Kléber  avait  tellement  restauré  les  finances  de  l'armée  que  tout  l'arriéré 
était  payé,  et  la  solde  mise  au  courant. 

Kléber,  par  les  règlements  les  plus  sages,  avait  réformé  une  grande 
partie  des  abus  presque  inévitables  dans  les  grandes  administrations. 

Le  plus  bel  hommage  que  vous  puissiez  rendre  à  la  mémoire  du  brave 
Kléber  est  de  conserver  cette  attitude  fière  et  imposante  qui  fait  trem- 
bler vos  ennemis  partout  où  vous  portez  vos  pas  ;  c'est  de  vous  astreindre 
vous-mêmes  à  celte  discipline  qui  fait  la  force  des  armées. 

C'est  de  vous  rappeler  sans  cesse  que  vous  êtes  des  républicains,  et  que 
partout  vous  devez  donner  l'exemple  de  la  moralité  et  de  l'obéissance  à 
vos  chefs,  comme  vous  donnez  partout  celui  du  courage  et  de  l'audace 
dans  les  combats. 

Soldais,  l'ancienneté  de  grade  m'a  porté  provisoirement  au  comman- 
dement de  l'armée.  Je  n'ai  à  vous  offrir  qu'un  attachement  sans  bornes  à 
la  république,  à  la  liberté  et  à  la  prospérité  de  la  France. 

J'invoquerai  les  mânes  de  Kléber;  j'invoquerai  le  génie  de  Bonaparte; 
et,  marchant  au  milieu  de  vous,  nous  travaillerons  tous  de  concert  pour 
l'intérêt  de  la  république. 

L'armée  connaîtra  incessamment  tous  les  détails  de  l'horrible  assas- 
sinat, ainsi  que  de  la  procédure  qui  a  lieu  pour  la  recherche  et  punition 
de  l'assassin  et  de  ses  complices. 


22  APPENDICE 

XCI.  —  Lettre  dn  général  Menou  an  commodore  Smith,  en  date  du 
quartier-général  dn  Caire  le  SOjnin  1800(39  nioharrem  1S15). 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'iionneur  de  m'é- 
crire  en  date  du  9  juin,  à  bord  du  Tigre^  devant  Rhodes.  L'horrible 
assassinat  commis  sur  la  personne  du  général  en  chef,  Kléber,  ayant  privé 
l'armée  française  de  son  chef,  j'en  ai  pris  le  commandement. 

Vos  alliés,  les  Turcs,  n'ayant  pu  vaincre  les  Français ii  Matharich,  ont 
employé,  pour  se  venger,  l'arme  du  poignard,  cette  arme  qui  n'est  que 
celle  des  lâches.  Un  janissaire  parti  de  Gaza,  il  y  a  aujourd'hui  quarante- 
deux  jours,  a  été  envoyé  pour  commettre  cet  horrible  crime.  Les  Fran- 
çais aiment  à  croire  que  les  Osmanlis  seuls  sont  coupables.  Cet  assassinat 
doit  être  dénoncé  à  toutes  les  nations,  et  toutes  ont  intérêt  à  le  venger. 

La  marche  que  vous  avez  tenue,  Monsieur,  relativement  à  la  conven- 
tion qui  avait  été  faite  à  El-Arich,  me  trace  parfaitement  celle  que  je 
dois  tenir.  Vous  avez  demandé  la  ratification  de  votre  gouvernement;  je 
dois  également  demander  celle  des  consuls,  qui  gouvernent  aujourd'hui 
la  république  française,  pour  toute  espèce  de  traité,  qui  pourrait  être 
conclu  entre  l'armée  que  je  comm  ande,  les  Anglais  et  leurs  alliés.  C'est 
la  seule  marche  légale,  la  seule  convenable  dans  les  négociations  qui 
pourront  avoir  lieu. 

Ainsi  que  vous,  Monsieur,  j'abhorre  les  fléaux  de  la  guerre  ;  ainsi  que 
vous,  Monsieur,  je  désire  de  voir  la  fin  des  maux  qui  affligent  l'univers  : 
Mais  je  ne  me  départirai  jamais  de  tout  ce  qui  peut  tenir  à  l'honneur  de 
la  république  française  et  de  ses  armées.  Je  suis  bien  convaincu,  que 
cette  façon  de  penser  doit  être  aussi  la  vôtre.  La  bonne  foi  et  la  moralité 
doivent  présider  aux  traités  que  font  entre  elles  les  nations.  Les  répu- 
blicains français  ne  connaissent  pas  ce  que  c'est  que  les  ruses  de  guerre-^ 
dont  il  est  parlé  dans  le  papier  de  M.  Morieze  :  ils  n'ont  d'autres  règles  de 
conduite  que  courage  dans  le  combat,  générosité  après  la  victoire,  et 
bonne  foi  dans  les  traités. 

Cent  cinquante  Anglais  sont  prisonniers  ici.  Si  je  n'avais  consulté  que 
la  générosité  républicaine,  je  les  aurais  envoyés  sans  les  considérer 
comme  prisonniers  :  car,  échoués  sur  la  côte  d'Egypte,  ils  n'ont  pas  été 
pris  les  armes  à  la  main,  et  je  suis  bien  assuré  que  les  consuls  de  la  ré- 
publique française  m'eussent  approuvé.  Mais  vos  alliés,  parla  plus  vile  de 
toutes  les  conduites,  ont  retenu  le  citoyen  Baudot,  chef  de  brigade,  aide- 
de-camp  du  général  Kléber,  lorsque  sa  personne  devait  être  sacrée  pour 
les  nations  les  plus  barbares.  Il  avait  été  envoyé  en  parlementaire  :  j'ai 
donc  été  forcé,  contre  mes  principes  et  contre  mon  opinion,  d'user  de  re- 
présailles envers  vos  compatriotes  :  ils  ne  seront  relâchés  qu'au  moment 


Al'I'ENDICE  ?3 

OÙ  le  citoyen  Baudot  arrivera  îi  Daiuiette.  ïjà,  il  doit  être  (îcliangô  contre 
Mustaplia-Pacha  et  quelques  commissaires  turcs.  Si,  comme  je  ne  puis  en 
douter,  Monsieur,  vous  avez  de  l'influence  parmi  vos  alliés,  cette  alTaire 
devra  bientôt  être  terminée  :  elle  intéresse  votre  honneur  et  compromet 
éminemment  cent  cinquante  de  vos  compatriotes. 

J'ai  l'honneur  de  vous  répéter,  Monsieur,  que  ce  sera  avec  l'enthou- 
siasme de  la  satisfaction  que  je  verrai  terminer  une  guerre  qui,  depuis 
si  longtemps,  désole  le  monde  entier  :  mais,  quand  de  grandes  nations 
traitent  ensemble,  ce  ne  doit  être  que  sous  des  conditions  également  ho- 
norables pour  toutes  les  deux,  et  avantageuses  pour  leur  prospérité. 

XCll.  —  Lettre  (1)  du  comniodorc  j^ildney  f^îniith  an  général  Nenon, 
en  date  de  YaOa  le  S  S  juin  f  800  (S  9  moharrem  1S15). 

Monsieur  le  général,  j'ai  reçu  ce  soir  la  lettre  que  vous  m'avez  fait 
l'honneur  de  m'écrire  le  20  juin.  Au  moment,  oii  je  m'attendais  h  voirie 
général  Kléber,  sous  les  auspices  les  plus  favorables  et  les  plus  heureux, 
j'apprends  avec  le  plus  vif  chagrin  et  la  plus  grande  douleur  sa  mort  tra- 
gique. J'en  ai  fait  part  sur-le-champ  au  grand-vézir  et  aux  ministres  ot- 
tomans, dans  les  termes  que  vous  m'annoncez  ce  triste  événement  ;  et  il 
n'a  rien  moins  fallu  que  la  certitude  et  les  détails,  avec  lesquels  vous  me 
donnez  cette  nouvelle,  pour  que  leurs  excellences  y  ajoutassent  foi.  Le 
grand-vézir  m'a  déclaré,  formellementet  officiellement,  qu'il  n'avait  pas  la 
moindre  connaissance  de  ceux  qui  ont  commis  cet  assassinat,  et  je  suis 
très-sûr  que  sa  déclaration  est  vraie  et  sincère  :  et,  sans  entrer  dans  les 
détails  de  ce  malheureux  événement,  qui  me  cause  une  peine  inexpri- 
mable, je  me  contenterai  de  répondre  aux  articles  de  votre  lettre,  qui  ont 
Irait  à  nos  affaires. 

Si  le  grand-vézir  a  retenu,  à  son  camp,  l'aide-de-camp  Baudot,  qui  lui 
avait  été  envoyé  à  Jebil-il-Illam,  c'est  que  son  excellence  n'avait  pas  jugé  à 
propos  de  laisser  sortir  personne  du  camp,  au  moment  qu'il  se  voyait  en- 
vironné de  ses  ennemis.  Baudot  était  arrêté  à  Jebil-il-I!lam,  comme  les  of- 
ficiers turcs,  destinés  à  servir  réciproquement  avec  lui  d'otages,  étaient 
retenus  au  Caire.  Cet  aide-de-camp  a  été  envoyé  à  l'escadre  ottomane, 
pour  être  échangé  comme  vous  le  désirez;  et,  dans  cet  intervalle,  son  ex- 
cellence le  capitan-pacha  étant  arrivée  ici,  son  absence  de  l'escadre  a  fait 
différer  l'échange  désiré.  Quand  son  excellence  sera  de  retour  à  son  esca- 
dre, comme  l'aide-de-camp  Baudot  est  devant  Alexandrie,  l'affaire  de  l'é- 
change pourrait  s'y  conclure,  si  vous  le  jugiez  à  propos.  Mais  je  ne  vois 

(l)  Traduite  du  turc  :  l'original  de  cette  lettre  était  en  français.  (V.  Nouvelles  poli- 
tiques^ année  1600}. 


24  APPENDICE 

pas  pourquoi  vous  faites  dépendre  d'une  affaire,  qui  ne  regarde  que  vous  el 
la  Porte,  la  mise  en  liberté  de  150  Anglais  qui  ont  fait  naufrage  au  cap 
Brulos.  J'attends  de  votre  loyauté  et  de  votre  justice  que,  suivant  les  règles 
convenues  entre  nos  deux  nations  pour  l'échange  réciproque  de  nos  pri- 
sonniers, auquel  nous  sommes  autorisés  à  travailler,  vous  permettrez  le 
retour  du  capitaine  Brutal,  de  ses  officiers  et  de  son   équipage.  Le's  pro- 
messes  que  vous  nie  faites,  dans  l'espérance  de  la  réciprocité  de  ma  part, 
ne  peuvent  être  appliquées  à  cette  circonstance,  et  je  crois  superflu   de 
vous  offrir  en  réciprocité  la  promesse  de  mes  bons  offices  en  faveur  d'une 
personne  qui  se  trouve  dans  une  position  fâcheuse,  que  j'ai  moi-même 
éprouvée  (à  Paris).  Je  suis  persuadé  que  le  grand-vézir  mettra  le  sceau 
de  la  généreuse  et  haute  approbation  à  tous  les  procédés  honnêtes  que 
nous  aurons  les  uns  pour  les  autres.  Les  ruses  de  la  guerre  ne  sont  con- 
nues ni  de  vous,  ni  de  nous  ;  et,  outre  que  je  continuerai  à  me  comporter 
envers  vous  avec  la  même  franchise  et  la  même  loyauté,  que  je  l'ai  fait 
jusqu'à  présent,  j'employerai  fortement  tous  mes  efforts  pour  qu'aucune 
personne, sur  laquelle  je  puis  avoir  quelque  influence  ne  tienne  une  con- 
duite contraire  à  ces  principes.  Soyez  persuadé  que  les  dispositions  hos- 
tiles, qui  ont  été  annoncées  par  de  premières  oppositions,  et  qui  ont  ac- 
quis de  l'extension  et  de  la  publicité,  peuvent  se  calmer  par  les  moyens 
que  les  circonstances  présentes  fourniront  aux  deux  parties,  de  corres- 
pondre et  de  s'entendre  réciproquement,  et  qu'à  la  fin  nous  serons  unis  par 
les  liens  d'une  sincère  amitié.  En  attendant,  nous  ferons  la  guerre  avec 
les  moyens  que  nous  avons  employés  jusqu'à  présent  contre  vous,  et 
ceux  que  nous  pouvons  encore  nous  procurer  ;  et  nous  tâcherons  de  nous 
rendre  dignes  de  l'estime  de  vos  braves  troupes. 

Les  hoslililés  que  vous  avez  commises  sans  attendre  la  réponse  de 
l'amiral  Keith,  qui  n'avait  pas  eu  connaissance  de  la  convention  conclue 
pour  l'évacuation  de  l'Egypte,  ont  servi  de  règle  à  notre  conduite.  Je 
n'avais  pas  demandé  à  ma  cour  sa  ratification  ;  je  n'avais  cherché  qu'à 
lever  quelques  difficultés  imprévues,  qui  avaient  pu  s'opposer  au  retour 
des  Français  dans  leur  patrie.  Le  général  Kléber,  dans  les  derniers  pré- 
liminaires qui  ont  été  arrêtés,  n'ayant  pas  fait  entendre  que  le  traité  qui 
devait  suivre,  avait  besoin  de  la  ratification  des  consuPs  qui  gouvernent 
aujourd'hui  la  France,  cette  condition  que  vous  mettez  dans  vos  préli- 
minaires semble  être  un  refus  d'évacuer  l'Egypte,  et  le  grand-vézir  m'a 
chargé  de  vous  demander  à  ce  sujet  une  réponse  claire  et  précise.  Vous 
désirez,  comme  moi,  la  fin  du  fléau  de  la  guerre  qui  désole  tout  l'uni- 
vers. 

Il  est  dans  votre  pouvoir  d'écarter  un  des  obstacles  qui  s'opposent  à 
a  paix,  en  évacuant  l'Egypte  aux  conditions  convenues  avec  le  général 
Kléber  ;  et,  si  vous  vous  y  refusez,  nous  employerons  tous  nos  moyens  et 


APPENDICE  25 

ceux  de  nos  alliés  pour  vous  y  contraindre,  k  des  conditions  qui  pourront 
bien  ne  pas  vous  être  si  avantageuses.  Je  ne  puis  pas  vous  dissimuler, 
combien  il  m'en  coûterait  de  remplir  ce  devoir;  mais  l'évacuation  de  l'E- 
gypte étant  un  point  si  intéressant  pour  le  bien  de  l'humanité,  les  voies 
des  conférences  et  des  correspondances,  pour  faire  les  dispositions  néces- 
saires h  celte  fin,  sont  toujours  ouvertes.  Comme  l'amiral  sous  les  ordres 
duquel  je  suis  se  trouve  à  des  distances  éloignées  de  moi,  je  suis  autorisé 
à  souscrire  à  tels  arrangements  que  les  circonstances  nécessiteront  ;  et 
quoique  par  la  nature  des  événements  je  ne  sois  pas  dans  le  cas  de  voms 
faire  aucune  nouvelle  proposition,  cependant  je  suis  prêt  et  disposé  à 
entendre  toutes  celles  que  vous  voudriez  me  taire.  Je  puis  vous  déclarer 
ofllciellement  que  j'employerai  tous  mes  etTorts  et  tous  mes  moyens 
pour  erapêcber  toute  démarche  inconsidérée,  et  pour  m'opposer  ci  toutes 
vexations  de  la  part  de  qui  que  ce  soit.  Je  remplirai  h  la  lettre  les  ins- 
tructions précises  de  ma  cour  :  je  connais  ses  principes  fondés  sur  la 
plus  exacte  équité  et  la  plus  parfaite  loyauté.  Ma  conduite  sera  conforme 
à  ces  principes,  et  tous  mes  efforts  tendront  à  remplir  mon  devoir  en 
servant  ses  intérêts. 

Comme  il  n'est  pas  encore  certain  sur  quel  point  je  vais  me  porter,  je 
vous  prie  de  me  faire  deux  expéditions  de  votre  réponse.  Vous  adresserez 
l'une  à  Alexandrie,  et  l'autre  à  JaiTa,  au  camp  du  grand-vézir. 

XCIII.  —  Communication  faite  par  la  8ultIime>Porte  à  l'envoyé  de 
Pru»«se  (lU.  de  Knobelsdorf),  en  date  de  lia- juillet  1800  (première 
décade  de  rébiul-évrcl  iS15). 

Notification  officielle  faite  par  leurs  excellences  le  Kiaya-Béy  et  le 
Reis-Effendi  de  la  part  et  au  nom  du  Sultan,  pour  être  transmise  à  Sa 
Majesté  le  roi  de  Prusse  par  le  canal  de  son  ministre. 

C'est  le  sultan  qui  parle.  Je  sais  très-bien  que  le  roi  de  Prusse  est  mon 
ancien  ami  et  allié  naturel.  Jamais  je  ne  saurais  oublier  les  services  qu'il 
m'a  rendus  au  congrès  de  F»eiclienbach,  à  l'occasion  de  la  paix  avec  les 
Autrichiens,  en  se  chargeant  des  intérêts  de  la  Porte.  Je  sais  également 
qu'il  est  accoutumé  k  regarder  mes  intérêts  comme  les  siens  propres.  Son 
zèle  et  son  amitié  pour  moi  se  font  connaître  de  plus  en  plus  par  ses  com- 
munications, et  par  les  conseils  amicals  qu'il  donne,  dans  les  ciiconstances 
actuelles,  à  la  Porte,  par  son  ministre  ici.  Il  est  certain  que  de  tout  temps 
le  roi  de  Prusse  a  été  celui  qui  a  maintenu  la  gloire  et  l'équilibre  en 
Europe.  On  voit  clairement  que  s'il  n'entre  dans  les  aflaires  générales 
du  moment,  cet  équilibre  ne  pourra  se  rétablir,  non  plus  que  la  sûreté 
et  la  tranquillité  qui  en  résultent.  Quoiqu'on  pourrait  espérer  le  retour 
de  la  tranquillité,  d'autant  que  l'ordre  des  choses  en  France  paraît  être 


26  APPENDICE 

plus  régulier  qu'il  ne  l'était  auparavant,  la  Porte  ne  se  décidera  jamais 
d'entrer  pour  aucune  affai'e  en  négociation  avec  les  Français  sans  l'inter- 
vention d'un  monarque  aussi  puissant  et  bienveillant,  son  ami.  Gomme 
l'objet  de  notre  inimitié  avec  les  Français  est  l'affaire  de  l'Egypte,  Sa 
Majesté  prussienne  voulant  obliger  les  deux  parties  en  ajoutant  à  sa  gloire, 
il   serait  nécessaire  qu'elle  daignât,  avant  toutes  choses,  employer  ses 
bons  olTices  et  son  influence  pour  faciliter  l'évacuation  de  l'Egypte  en 
très-peu  de  temps,  soit  par  des  moyens  amicaux,  soit  par  la  force  des 
armes.  Cependant  le  roi  de  Prusse,  en  se  chargeant  et  s'occupant  de  son 
côté  de  cette  affaire  pour  en  faciliter  la  fin  et  ses  suites,  obligerait  les 
Français  mêmes,  et  la  Porte  ajouterait  au  nombre  de  ses  obligations 
envers  lui  encore  celle-ci,  et  serait  pénétrée  de  reconnaissance  par  ce 
service  essentiel  de  la  part  du  roi  de  Prusse.  Quand  même  avant  cette 
époque  l'affaire  viendrait  à  se  terminer  de  ce  côté-ci,  comme  on  l'espère 
et  comme  on  en  est  presque  assuré,  aussitôt  que  cette  affaire  serait  finie, 
on  sait  combien  la  Porte  se  trouverait  honorée  de  ce  que  le  roi  de  Prusse 
interviendra  pour  concilier  le  traité  de  paix.  Elle  désire  infiniment  qu'un 
ami  aussi  loyal  et  sincère  s'en  trouve  le  médiateur.  A  cet  effet  elle  prie  Sa 
Majesté  prussienne  qu'en  daignant  prendre  en    mûre  délibéraiion  les 
événements  d'Italie,  qui  ont  donné  lieu  à  l'armistice  actuel,  elle  veuille 
faire  des  propositions  de  sa  médiation  aux  Français,  la  leur  faire  agréer, 
et  d'en  donner  alors  avis  à  la  Porte,  laquelle  s'entendra  avec  ses  alliés 
d'un  conseil  convenable  pour  les  animer  à  la  paix  générale,  à  laquelle  on 
concourra  aisément,  si  Sa  Majesté  voulait  encore  faire  de  sa  part  des  insi- 
nuations à  ces  mêmes  alliés.  Voilà  comme  cette  affaire  essentielle  se  ter- 
minerait heureusement  sous  sa  médiation  et  augmenterait  sa  gloire  et  sa 
renommée  dans  l'univers  !  La  Porte  a  été  charmée  d'apprendre  que  l'em- 
pereur de  Russie  se  trouve  dans  des  dispositions  favorables  envers  elle  et 
le  Sultan,  et  les  réciprocités  d'amitié  et  de  confiance  n'ayant  d'autres 
vues  que  d'affermir  cette  bonne  façon  de  l'intervention  du  roi  de  Prusse 
dans  les  aftaires  ci-dessus  énoncées,  le  Sultan  charge  son  ministre  de 
communiquer  officiellement  cet  exposé  à  l'envoyé  de  Prusse,  pour  qu'il 
le  transmette  au  roi,  son  maître,  en  lui  témoignant  de  sa  part  les  senti- 
ments de  la  plus  étroite  amitié  et  reconnaissance. 

(ZiNKEiSEN,  Geschichte,  etc.,  t.  VIÏ,) 

XCIV.  —  Lettre  da  divan  du  Caire  au  premier  consul  Bonaparte,  en 
date  du  1  a  novemlirp  i  800  («5  djéniazinl-akhir  121  5). 

Les  ulc?na  au  Kaire,  les  princes  et  notables  de  l'Egypte,  composant  l'as- 
semblée du  divan  de  l'Egypte,  séant  au  Kaire,  ville  sainte  et  bien  gardée, 
A  l'illustre,  le  très-haut,  le  très-puissant  prince,  le  général  Bonaparte, 


APPENDICE  97 

premier  parmi  les  chefs  des  gouverneurs  de  la  république  des  Français. 

Que  Dieu  qui  Ta  choisi  parmi  les  hommes,  et  lui  a  donné  le  pouvoir 
de  vaincre,  le  désir  de  pacifier,  cl  la  sagesse  pour  gouverner,  se  serve 
toujours  de  lui  pour  répandre  le  bonheur  et  la  gloire  sur  la  terre! 

Que  Dieu  le  conserve  dans  les  périls;  qu'il  l'éclairé  pendant  la  paix,  et 
qu'il  lui  permette  d'accomplir  tout  le  bien  qu'il  a  toujours  désiré  de  faire 
à  la  France  et  à  l'Egypte  !  Que  Dieu  ne  lui  ôte  rien  de  ce  qu'il  lui  a 
donné  ! 

Que  le  salut  et  la  paix  soient  sur  notre  très-haut  et  très-puissant  Sei- 
gneur Mahomet,  prophète  de  Dieu  ! 

Vous  nous  avez  solennellement  promis,  très-illustre  et  très-généreux 
prince,  que  vos  yeux  seraient  toujours  fixés  sur  ce  pays,  et  nous  avons 
confiance  dans  vos  paroles,  et  ce  que  Dieu  veut  est  nécessaire. 

Vous  avez  vaincu  une  partie  du  monde,  et  tous  les  lieux  où  vous  n'avez 
pas  encore  porté  vos  armes  ont  été  épouvantés.  L'Egypte  a  connu  vos 
exploits;  les  pays  environnants  ont  envoyé  des  hommes  pour  vous  voir, 
et  tous  les  pays  qui  sont  à  l'Orient,  jusqu'au  bout  de  la  terre,  savent  que 
Dieu  vous  a  destiné  à  des  victoires  sans  bornes. 

Mais  votre  clémence  et  votre  sagesse  surpassent  votre  renommée.  Tous 
les  habitants  de  l'Egypte,  nos  amis,  et  dont  les  intérêts  nous  seront  tou- 
jours chers,  ceux  qui  cultivent  la  terre  et  ceux  qui  vivent  dans  les  cités, 
les  femmes  (que  Dieu  garde  lui-même  leur  vertu  !),  les  pauvres,  les  ri- 
ches, les  jeunes  gens,  les  vieillards,  tous  se  réunissent,  et  se  servent  de 
nous  pour  vous  parler;  car,  ils  nous  entendent,  et  nous  les  entendons; 
nous  ne  faisons  qii'un.  Ils  demandent  à  Dieu  que  vous  soyez  toujours  vain- 
queur et  toujours  désirant  de  faire  le  bien,  toujours  aimant  les  pauvres, 
toujours  respectant  et  protégeant  notre  très-sainte  et  très-glorieuse  reli- 
gion, donnant  l'exemple  du  respect  pour  nos  femmes  qui  sont,  avec  notre 
religion,  ce  que  nous  avons  de  plus  précieux. 

Vous  nous  avez  traités  après  votre  victoire,  comme  si  nous  vous  eus- 
sions appelé  dans  ce  pays,  pour  être  notre  juge  ;  Dieu  l'a  ainsi  commandé, 
et  ce  que  Dieu  commande  est  nécessaire.  Vous  avez  empêché  ou  vous 
atez  puni  tout  le  mal  qui  aurait  pu  être  fait  pendant  les  moments  de  trou- 
bles. Les  Français  n'ont  point  cherché  l'oppression,  et  leurs  vertus  vien- 
nent de  la  volonté  de  Dieu  ;  car  tout  arrive  comme  il  l'a  réglé,  et  vous 
reviendrez  en  Egypte,  si  Dieu  le  permet. 

Vous  avez  apparu  dans  ce  pays  comme  un  éclair  de  Dieu,  et  vous  avez 
disparu  aussi  rapidement,  parce  que  vous  avez  dit  qu'un  autre  objet  vous 
appelait.  Vous  allez  partout  où  il  est  utile  que  vous  soyez;  et  nous  avons 
appris  des  Français,  nos  amis,  dont  la  joie  a  été  la  nôtre,  que  vous  avez 
passé  sur  des  montagnes  avec  votre  canon,  et  que  vous  êtes  arrivé  au  mo- 
ment où  l'on  avait  besoin  de  vous  pour  vaincre,  et  que  vous  avei  vaincu. 


28  APPENDICE 

Nous  avons  remercié  Dieu  de  vos  succès,  et  nous  vous  avons  appelé  Vépée 
de  Dieu. 

Nous  vous  dirons,  parce  que  cela  est  vrai,  que  les  nations  de  l'Egypte 
et  les  Français  ne  l'ont  plus  qu'un  peuple.  Cette  union  se  fortifie  de  jour 
en  jour  par  les  soins  de  votre  très-honoré,  très-sage,  très-illustre  ami 
Abdallah  Menou.  Que  Dieu  veille  sur  lui,  et  le  récompense  de  sa  clé- 
mence !  Votre  exemple  et  vos  discours  sont  dans  son  cœur;  il  respecte  et 
il  approuve  notre  très-sainte  et  très-glorieuse  religion  ;  il  veut  le  respect 
pour  notre  très-saint  prophète,  pour  nos  femmes  et  pour  les  pauvres.  11 
a  réglé  la  justice  qui  vient  de  Dieu,  et  quia  sa  source  dans  notre  reli- 
gion; et  il  l'a  rétablie  telle  qu'elle  était  sous  nos  premiers  princes.  Il  a 
mis  dans  le  gouvernement  un  ordre  qui  lui  permettra  d'abroger  plusieurs 
impôts. 

Nous  remercions  Dieu  de  vous  avoir  inspiré  de  le  choisir  pour  nous 
gouverner. 

Nous  vous  demandons  que  vous  n'oubliiez  point  que  l'Egypte  est  voire 
pays  ;  que  l'honneur  de  sa  capitale  est  le  vôtre  ;  que  les  habitants  vous 
aiment  et  vous  attendent;  que  notre  religion,  que  vous  aimez,  vous  ap- 
pelle; que  vous  lui  avez  fait  des  promesses,  et  que  le  jour  est  marqué  où 
l'union  des  deux  nations,  de  la  vôtre  et  de  la  nôtre,  doit  être  consom- 
mée ;  car  Dieu  le  veut  ainsi. 

(A.  Galland,  Tableau  de  l'Egypte,  etc.) 

XCV.  —  Proclamation  du  général  Menou  aux  habiiantfs  de  l'Egypte, 
en  date  du  quartier-général  du  Caire  le  SO  novembre  1800  (3  ré- 
djebl315). 

Au  nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux. 

Il  n'y  a  de  Dieu  que  Dieu,  Mahomet  est  son  prophète. 

Habitants  de  l'Egypte,  le  Koran,  qui  est  le  livre  de  justice  par  excel- 
lence, a  défendu  le  vol  sous  les  peines  les  plus  sévères.  Dans  tous  les  pays 
oîi  il  existe  de  bons  gouvernements  et  des  hommes  craignant  Dieu,  les 
voleurs  sont  punis  par  les  châtiments  les  plus  sévères. 

Hier,  j'ai  ordonné  qu'on  tranchât  la  tête  aux  nommés  Ali-Mohammed, 
A'ii-Ahraed  et  Ibrahim,  voleurs  de  profession.  Depuis  longtemps,  ces 
hommes  troublaient  le  repos  public  ;  ils  attendaient  les  voyageurs  sur  les 
chemins,  ils  les  dépouillaient,  et  souvent  les  massacraient.  J'ai  donc  dû 
leur  ôter  la  puissance  de  nuire.  Ils  étaient  indignes  de  vivre;  ils  ont  subi 
la  peine  de  mort.  Tous  ceux  qui  se  conduiront  ainsi  seront  punis  de  la 
même  manière.  La  république  française  et  son  premier  consul,  le  géné- 
ral Bonaparte,  que  les  grands  d'Egypte  nomment  l'épée  de  Dieu,  m'ont 
ordonné  de  veiller  sans  cesse  à  votre  repos  et  à  votre  tranquillité.  Je  veux, 


APPENDICE  29 

pour  obéir  à  leur  ordre,  que  tous  lesliahilanfs  de  l'Egypte  puissent  voya- 
ger de  jour  et  de  nuit  sans  redouter  les  voleurs  ;  vaquer  h  leurs  travaux 
et  à  leur  commerce,  sans  craindre  d'être  dépouillés,  battus  et  souvent 
assassinés.  Habitants  de  TÉgyple.  dénoncez-moi  tous  ceux  qui  veillent 
porter  atteinte  aux  lois  et  à  votre  repos  ;  je  les  ferai  rentrer  dans  la  pous- 
sière. 

Habitants  de  l'Egypte,  rappelez-vous  ce  qui  est  arrivé  lors  du  dernier 
siège  du  Kaire.  Des  hommes  pervers  vous  avaient  donné  de  mauvais  con- 
seils et  vous  avaient  entraînés  dans  la  révolte;  votre  sang  a  coulé,  je  veux 
vous  éviter  de  semblables  malheurs.  Hier,  j'ai  ordonné  qu'on  tranchât  la 
tète  au  nommé  Youssouf,  marchand  de  beurre.  Il  a  voulu  exciter  le  trou- 
ble parmi  les  habitants  du  Kaire,  en  publiant  à  haute  voix  qu'il  ne  fal- 
lait rien  vendre  aux  Français,  parce  que  les  Osmanlis  allaient  arriver.  Les 
hommes  qui  veulent  exciter  du  mouvement  sont  vos  ennemis;  ils  cher- 
chent à  vous  entraîner  à  la  révolte,  parce  qu'ils  savent  bien  que  la  ven- 
geance des  Français  serait  terrible,  et  que  des  milliers  d'entre  vous  per- 
draient la  vie.  Croyez  aux  avertissements  que  je  vous  donne  ;  je  suis  vo- 
tre meilleur  ami.  Vaquez  à  vos  affaires,  cultivez  vos  terres  et  repoussez 
tous  les  mauvais  conseils.  Tous  ceux  qui  se  conduiront  comme  le  mé- 
chant Youssouf  seront  punis  de  mort. 

XCVI. —  Lettre  du  général  lUenou  aux  cliéikhs  Abonket  et  Baraket, 
en  date  dn  quartier-général  du  Caire  le  3  janvier  1801  (19  chà- 
ban  1215). 

Au  nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux. 

Il  n'y  a  de  Dieu  que  Dieu,  et  Mahomet  est  son  prophète. 

Les  hommes  généreux  et  bienfaisants  reçoivent  toujours  la  récompense 
de  leurs  bonnes  actions.  J'ai  appris  que  vous  aviez  sauvé  trois  Français 
qui  avaient  fait  naufrage  près  du  village  où  vous  habitez  ;  que  vous  leur 
aviez  donné  des  vêtements,  ainsi  que  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour 
leur  subsistance.  J'ai  également  appris  que  vous  aviez  empêché  qu'ils  ne 
tombassent  entre  les  mains  des  quarante  brigands  qui  voulaient  les  enlever; 
que  même  vous  et  les  habitants  de  votre  village  aviez  pris  les  armes  pour 
les  défendre,  et  qu'ensuite  vous  les  aviez  conduits  h  Béni-Ssouef.  Le  gou- 
vernement français  est  toujours  empressé  de  témoigner  sa  reconnaissance  b. 
ceux  qui  se  conduisent  bien  ;  j'envoie  à  chacun  de  vous  une  pelisse, 
comme  gage  de  mon  amitié,  et  je  remets  à  vous  et  à  votre  village  le  quart 
des  impositions  que  vous  auriez  dû  payer  pour  l'année  courante.  Que  Dieu 
et  son  prophète  vous  donnent  de  longs  jours,  et  vous  fassent  jouir  de  tout 
le  bonheur  que  vous  méritez  ! 


30  APPENDICE 

XCVI.  —  Proclamation  «lu  général  Menon  anx  habitants  de  l'Egypte, 
en  date  du  «luartier-gcnéral  da  Caire  le  5  mars  180i  (1!>  chéwal 
1915). 

Au  nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux. 

Il  n'y  a  de  Dieu  que  Dieu,  et  Mahomet  est  son  prophète. 

C'est  Dieu  qui  dirige  les  armées  ;  il  donne  la  victoire  b.  qui  il  lui  plaît; 
l'épé  flamboyante  de  son  ange  précède  toujours  les  Français,  et  anéantit 
ses  ennemis.  Les  Anglais,  qui  partout  sont  les  oppresseurs  du  genre  hu- 
niain,  viennent  de  paraître  sur  les  côtes;  s'ils  mettent  pied  à  terre,  ils 
seront  culbutés  dans  la  mer.  Les  Osmanlis,  poussés  par  ces  mômes  Anglais, 
font  aussi  des  mouvements  ;  s'ils  s'avancent,  ils  rentreront  dans  la  pous- 
sière des  déserts,  qui  les  engloutira. 

Vous,  habitants  de  l'Egypte  et  du  Kaire,  je  vous  préviens  que  si  vous 
vous  conduisez,  ainsi  que  le  doivent  faire  des  hommes  craignant  Dieu, 
si  vous  restez  tranquilles  dans  vos  maisons,  si  vous  vaquez  à  vos  affaires 
comme  de  coutume,  vous  n'avez  rien  à  craindre  ;  mais  je  vous  préviens 
aussi  que  s'il  arrivait  à  quelqu'un  d'entre  vous  de  vouloir  exciter  ses  mou- 
vements, et  de  se  révolter  contre  le  gouvernement  français,  je  le  jure  au 
nom  de  Dieu  et  de  son  prophète,  sa  tête  tombera  h  l'instant.  Rappelez- 
vous  ce  qui  est  arrivé  lors  du  dernier  siège  du  Kaire.  Le  sang  de  vos 
pères,  de  vos  enfants,  de  vos  femmes,  a  coulé  dans  toute  l'Egypte,  et 
principalement  dans  la  ville  du  Kaire  ;  vos  propriétés  ont  été  pillées  et 
ravagées  ;  vous  avez  été  taxés  à  de  très-fortes  contributions  extraordi- 
naires. Mettez  bien  dans  votre  esprit  tout  ce  que  je  viens  de  vous  dire. 
Salut  à  qui  est  dans  la  bonne  voie,  malheur  à  qui  s'en  écarte  I 

XCVIIl»  —  Capitulation  de  la   garnison   d'Aboukir»  en  date  du   18 

mars  1801  (3  zUcadé  1215). 

Article  1.  La  garnison  du  fort  d'Aboukir  sortira       i?e/)o«sc  :  La  garnison 

-,  ,  1 ,   1      i         se  rendra   prisonnière, 

avec  les  honneurs  de  la  guerre,  drapeaux  déployés,  sortira  avec  les  hon- 

mèches  allumées;  elle  sera  conduite  à  Alexandrie  "^ Jè'^^  a^y'^jlf' E^sl ' s^es 

par  mer  pour  y  être  échangée  pour  un  nombre  égal  armes  sur  le  glacis,  sera 

de  prisonniers,  et  s'engage  à  ne  servir  qu'après  son  SeT'^'  ^^''^  ^^  '^ 
échange. 

Art.  2.  Les  ofiiciers  conserveront  leurs    armes  Réponse  .-  Accordé, 

,        .         ,  ,  1  1         .     «•  »  t  sauf   les    meubles  qui 

dans  tous  les  cas  ;  les  meubles  et  eliets  seront  em-    doivent  tous  rester  dans 
portés,  autant  que  faire  se  pourra,  tant  pour  les    la  place,  tout  le  monde 

'       .  ^    ,  Ti      )        r  •  ■  devant   Ctre    embarque 

officiers  que  pour  les  troupes.  Il  n  est  fait  mention    avant  trois  heures, 
dans  cet  article  que  d'effets  particuliers,  n'ayant  au- 
cun rapport  aux  effets  militaires. 


APPENDtCE  31 

Art.  3.  Il  sera  accordé  vingl-quatre  heures  à  la      Réponse:  L'article  2^ 

,  ,  ,      ,  ,  .        répond  à  celui-ci. 

garnison  pour  déposer  les  bagages  avant   la  sortie. 

Art.  h'  Tout  ce  qui  appartient  aux  fortifications,  néponse .-  Convenu, 
à  l'artillerie  et  autres  cfTets,  tels  que  munitions  de 
bouche,  seront  remis  au  pouvoir  du  vainqueur  dans 
la  teneur  actuelle,  après  l'inventaire  fait  et  constaté 
par  les  officiers  des  deux  années  et  les  agents  civils  : 
les  papiers  relatifs  au  service  de  la  place  seront  éga- 
lement réunis. 

Art.  5.  Les  articles  non  prévus  seront  rappelés  et      J^^po'nse  .-L'article  3; 

'■  '  '  répond  i  celui-ci.  —  Ni 

terminés  par  les  deux  parties.  Les  conditions  ne  les  Grecs  ni  les  Fgyp- 
peuvent  avoir  lieu  que  dans  les  vingt-quatre  heures,  dÏÏs^^c.ïhûL?o7"' 
après  l'arrêté  de  la  capitulation. 

{Signé)  Dalhgusie,  colonel.  —  Vinache,  chef  du  bataillon  du  génie, 

commandant  les  ty'oupes  et  le  fort 
d^Aboukir. 

Approuvé  par  le  commandant  en  chef 

(Signé)  J.  HoPE,  adjudant  général. 


XCIX.  —  Convention  conclue  entre  les  citoyens  Donzelof ,  f|énéral  de 
brigade,  Morand,  gént^ral  de  Itrigade,  et  Tarayre,  chef  de  lirigade, 
de  la  part  dn  général  de  division  Belliard,  et  Osman-béy,  de  la  part 
da  grand-vézir,  Isaac-béy,  de  la  part  dn  capitan-paclia,  et  le  bri- 
gadier-général Hope,  commandant  en  chef  de  l'armée  britannique, 
en  date  da  S'a  juin  1801  (16  sàfer  1%16). 

Les  commissaires  ci-dessus  nommés  s'étant  réunis,  et  ayant  conféré, 
après  l'échange  de  leurs  pouvoirs  respectifs,  sont  convenus  des  articles 
suivants: 

Art.  1.  Les  troupes  françaises  de  toutes  armes  et  leurs  auxiliaires,  sous 
le  commandement  du  général  de  division  Belliard,  évacueront  la  ville  du 
Caire,  la  citadelle,  les  forts  deBoulac,  Gaza,  et  toute  cette  partie  qu'elles 
occupent  maintenant. 

Art.  2.  Les  troupes  françaises  et  leurs  auxiliaires  se  rendront,  par  terre, 
h  Bosette,  en  suivant  la  rive  gauche  du  Nil,  avec  leurs  armes,  bagages, 
artillerie  de  campagne  et  munitions,  pour  y  être  embarquées  et  trans- 
portées dans  les  ports  français  sur  la  Méditerranée,  avec  leurs  armes, 
artillerie,  bagages  et  effets,  aux  frais  des  puissances  alliées.  L'embarquc- 
des  dites  troupes  françaises  et  auxiliaires  se  fera  aussitôt  que  possible, 
mais  pour  le  plus  tard  dans  les  cinquante  jours  qui  suivront  la  date  de 
la  ratification  de  la  présente  convention.  Il  est  convenu  aussi  que  lesdites 


32  APPENDICE 

troupes  seront  conduites  dans  les  ports  de  France  susmentionnés  par  la 
route  la  plus  directe  et  la  plus  prompte. 

Art.  3.  A  dater  de  la  signature  et  de  la  ratification  de  la  présente  con- 
vention, les  hostilités  cesseront  de  part  et  d'autre.  Le  fort  de  Sulkowsky 
et  la  porte  des  Pyramides  de  la  ville  de  Gizé  seront  remis  à  l'armée  com- 
binée. La  ligne  des  postes  avancés  des  armées  respectives  sera  déter- 
minée par  des  commissaires  nommés  à  cet  effet,  et  les  ordres  les  plus  posi- 
tifs seront  donnés  pour  qu'elle  ne  soit  pas  dépassée,  afin  de  prévenir  toute 
dispute;  et,  s'il  s'en  élevait  quelqu'une,  elle  serait  terminée  à  l'amiable. 

Art.  h-  Douze  jours  après  la  ratification  de  la  présente  convention,  la 
cité  du  Caire,  la  citadelle,  les  forts  de  la  ville  de  Boulac  seront  évacués 
par  les  troupes  françaises  et  leurs  auxiliaires,  qui  se  retireront  chez 
Ibrahim-béy,  à  l'île  de  Roda  et  dépendances,  aux  forts  de  Fourcroy  et 
Gizé,  d'où  ils  partiront ,  aussitôt  que  possible,  et  dans  cinq  jours  au  plus 
tard,  pour  se  rendre  sur  les  points  désignés  pour  l'embarquement.  Les 
généraux  commandant  les  armées  britannique  et  ottomane,  s'engagent 
en  conséquence  à  fournir  à  leurs  dépens  tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour 
transporter  de  Gizé,  le  plus  tôt  possible,  les  troupes  françaises  et  leurs 
auxiliaires. 

Art.  5.  La  marche  et  le  campement  des  troupes  françaises  et  auxiliaires 
seront  réglés  par  les  ji;énéraux  des  armées  respectives,  ou  par  les  officiers 
nommés  de  part  et  d'autre;  mais  il  est  clairement  compris  que,  con- 
formément h  cet  article,  les  joui's  de  marche  et  de  campement  seront 
fixés  par  les  généraux  des  armées  combinées,  et  conséquemment  que  les 
troupes  françaises  et  auxiliaires  seront  accompagnées  par  des  commis- 
saires anglais  et  turcs,  chargés  de  leur  fournir  les  provisions  nécessaires 
pendant  leur  route. 

Art.  6.  Les  bagages,  munitions  et  autres  articles  transportés  par  eau, 
seront  escortés  par  des  détachements  français  et  par  des  bateaux  armés 
appartenant  aux  puissances  alliées. 

Art.  7.  Les  troupes  françaises  et  auxiliaires,  depuis  l'instant  de  leur 
départ  de  Gizé  jusqu'à  celui  de  leur  embarquement ,  recevront  leur  sub- 
sistance d'après  les  règlements  de  l'armée  française,  et  depuis  le  jour  de 
leur  embarquement  jusqu'à  leur  débarquement  en  France  d'après  les 
règlements  de  la  marine  anglaise. 

Art.  8.  Les  commandants  de  terre  et  de  mer  des  forces  britanniques  et 
turques  fourniront  des  vaisseaux  pour  les  transports  des  troupes  françaises 
cl  auxiliaires  dans  les  ports  de  France  sur  la  Méditerranée,  aussi  bien 
que  pour  celui  de  tous  les  Français  et  autres  personnes  employées  au  ser- 
vice de  l'armée.  Tout  ce  qui  est  relatif  à  ce  point,  ainsi  qu'aux  subsis- 
tances sera  réglé  par  les  commissaires  nommés  à  cet  effet  par  le  général  de 
division  IJelliard,  et  par  les  commandants  en  chef  de  terre  et  de  mer  des 


APPENDICE  33 

force.s  combinées.  Aussitôt  que  la  présente  convention  aura  été  ratifiée, 
les  commissaires  se  transporteront  h  Rosette  ou  à  Ahoukir,  à  l'effet  de 
faire  tous  les  préparatifs  nécessaires  pour  l'enabarciuemenl. 

Art.  9.  Les  puissances  alliées  fourniront  quatre  vaisseaux  (ou  davan- 
tage, s'il  est  possible),  propres  à  transporter  les  chevaux,  les  tonnes  d'eau 
et  les  fourrages  suflisîints  pour  le  voyage. 

Art.  10.  Les  troupes  françaises  et  auxiliaires  recevront  de.«!  puissances 
combinées  un  convoi  suffisant  pour  i)rotéger  leur  retour  en  France.  Les 
Français  embarqués,  les  puissances  alliées  leur  garantissent  que,  jusqu'au 
moment  de  leur  arrivée  sur  le  continent  delà  République  française,  ils  ne 
seront  molestés  en  aucune  manière.  De  son  côté,  le  général  de  division 
Belliard,  ainsi  que  les  troupes  sous  son  commandement,  s'engagent  à  ne 
commettre  aucun  acte  d'hoslililé,  pendant  ledit  espace  de  temps,  contre 
la  flotte  ou  les  pays  soumis  à  Sa  Majesté  britannique,  ou  ceux  de  la  Sublime- 
Porte. 

Les  vaisseaux  eaiployés  à  transporter  lesdites  troupes  ou  les  autres 
sujets  de  la  République  française  ne  toucheront  à  aucun  port  de  France, 
excepté  dans  le  cas  d'une  absolue  nécessité.  Lescommandants  des  troupes 
britanniques,  ottomanes  et  françaises  contractent  réciproquement  les 
mêmes  engagements  durant  le  temps  que  les  troupes  françaises  resteront 
en  Egypte,  depuis  la  ratification  delà  présente  convention  jusqu'au  moment 
de  leur  embarquement.  Le  général  de  division  Belliard,  commandant  les 
troupes  françaises  et  auxiliaires,  garantit,  au  nom  de  son  gouvernement, 
que  les  vaisseaux,  employés  pour  transporter  et  protéger  les  troupes  fran- 
çaises, ne  seront  point  détenus  dans  les  ports  dii  France,  après  le  débar- 
quement desdites  troupes,  et  que  leurs  commandants  auront  la  liberté 
d'acheter,  à  leurs  frais,  les  provisions  qui  leur  seront  nécessaires  à  leur 
retour.  Le  général  Belliard  garantit  aussi,  au  nom  de  son  gouvernement, 
que  lesdits  vaisseaux  ne  seront  point  inquiétés  à  leur  retour  dans  les  ports 
des  puissances  combinées,  pourvu  qu'ils  ne  tentent  eux-mêmes  aucune 
opération  militaire,  ou  n'y  contribuent  en  aucune  manière. 

Art.  11.  Toutes  les  administrations,  les  membres  de  la  commission  des 
arts  et  sciences,  en  un  mot,  toutes  les  personnes  attachées  à  l'armée  fran- 
çaise jouiront  des  mêmes  avantages  que  les  militaires.  Tous  les  membres 
de  ladite  commission  des  arts  et  sciences  emporteront  aussi  avec  eux,  non- 
seulement  tous  les  papiers  relatifs  à  leur  mission,  mais  encore  leurs 
papiers  particuliers,  ainsi  que  tous  les  autres  articles  qui  y  ont  quelque 
rapport. 

Art.  12.  Tous  les  habitants  de  l'Egypte,  de  quelque  nation  qu'ils  puissent 
être,  qui  voudront  suivre  les  troupes  françaises  auront  la  liberté  de  le 
faire,  et,  après  leur  départ,  leurs  familles  ne  seront  point  inquiétées  ni  leurs 
bien  conlisqués. 

T.    II.  8 


3Zi  APPENDICE 

Art.  13.  Aucun  habitant  de  l'Egypte,  quelle  que  soit  sa  religion,  qui  dé- 
sirera suivre  les  troupes  Franç;iises,  n'aura  rien  à  souffrir,  soit  dans  sa 
personne,  soit  dans  ses  biens,  à  raison  des  engagements  qu'il  aura  pu 
contracter  avec  les  Français  pendant  leur  séjour  eu  Egypte,  pourvu  qu'il 
se  conforme  aux  lois  du  pays. 

Art,  Ik-  Les  malades,  qui  ne  pourront  supporter  le  transport,  seront 
mis  dans  un  hôpital,  et  servis  par  les  médecins  français  et  autres  per- 
sonnes de  leur  pays,  jusqu'à  leur  rétablissement,  époque  à  laquelle  ils 
seront  envoyés  en  France  aux  mêmes  conditions  que  les  troupes.  Les 
commandants  des  armées  alliées  s'engagent  à  fournir  tous  les  objets  qui 
peuvent  paraître  réellement  nécessaires  dans  cet  hôpital  :  les  avances 
faites  à  ce  sujet  seront  ren)bourséespar  le  gouvernement  français. 

Art.  15.  Lorsque  les  places  et  forts,  mentionnés  dans  la  présente  con- 
vention, seront  rerais,  on  nommera  des  commissaires  pour  recevoir  l'ar- 
tillerie, les  munitions,  magasins,  papiers,  archives,  places  et  autres  effets 
publics,  que  les  Français  devront  laisser  au  pouvoir  des  alliés. 

Art.  16.  Un  vaisseau  sera  expédié,  aussitôt  que  possible,  par  le  com- 
mandant de  marine  des  puissances  alliées,  pour  conduire  à  Toulon  un 
offh  ier  et  un  commissaire,  chargés  de  porter  la  présente  convention  au 
gouvernement  français. 

Art.  17.  Toutes  difficultés  ou  disputes  qui  pourraient  s'élever  concer- 
nant l'exécution  de  la  présente  convention,  seront  terminées  h  l'amiable 
par  des  commissaires,  nommés  de  part  et  d'autre. 

An.  18.  Immédiatement  après  la  ratification  de  la  présente  convention, 
tous  les  prisonniers  anglais  ou  ottomans,  détenus  au  Caire,  seront  mis 
en  liberté,  et  les  commandants  en  chef  des  puissances  alliées  rendront 
également  les  prisonniers  français,  qui  sont  dans  leur  camp  respectif. 

Art.  19.  Dix  officiers  de  l'armée  anglaise,  du  grand-vésir  et  du  capitan- 
pacha  seront  échangés  contre  un  nombre  égal  d'offjciers  français  du 
même  grade,  pour  servir  comme  otages  pour  l'exécution  du  présent  traité. 
Aussitôt  que  les  troupes  françaises  auront  débarqué  dans  les  ports  de 
France,  les  otages  seront  réciproquement  rendus. 

Art.  20.  La  présente  convention  sera  portée  et  communiquée,  par  un 
officier  français,  au  général  Menou,  à  Alexandrie,  lequel  pourra  l'accep- 
ter pour  les  Français  et  leurs  auxiliaires  (de  terre  ou  de  mer),  qui  sont 
avec  lui  dans  la  place  susdite,  pourvu  que  son  acceplaiion  soit  notifiée  au 
général  commandant  les  troupes  anglaises,  devant  Alexandrie,  dans  les 
deux  mois  qui  suivront  la  date  de  celui  oh  celte  communication  leur  aura 
été  faite. 

Art.  21.  La  présente  convention  sera  ratifiée  par  les  commandants  en 
chef  des  armées  respectives  dans  les  vingt-quatre  heures  après  sa  signa- 
ture. 


APPENDICE  35 

Fait  par  quadruple,  au  lieu  des  conlerences  entre  les  deux  armées, 
le  8  messidor  an  9,  h  midi  (27  juin  1801),  et  le  16  sàfer  1216. 

(DouzELOT,  général  de  brig.  (Joun  Hope,  brigadier  gén. 

(5<'^Més)(MoRAiND,  général  de  brig.      (5i^nes)<0sMAN-BÉy. 
(Tarayre,  chef  de  brigade,  (Isaag-béy. 

Approuvé {Signé)  J.  Helt  Hutchinson,  ^ene- 

ral  en  chef. 

Approuvé  de  la  part  de  lord  Keitii  {Signé)  J.  Stivenson,  capitaine  de 

la  marine  royale. 

Nous  avons  approuvé  les  articles  de  la  présente  convention  pour  l'éva- 
cuation de  l'Egypte  et  la  remise  à  la  Porte  ottomane 

{Signé)  Hadji-Youssouff-Zia,  vézir. 

Nousavons  approuvé  comme  ci-dessus  {Signé)  Hussein  -  pacha,  capoudan- 

déryâ. 

Approuvé  et  ratifié  la  présente  convention  le  9  messidor  an  9  de  la 
République  française. 

{Signé)  Le  général  de  division  Belliard. 

C.  — Note  additionnelle  et  explicative  de  la  convention  da  29  juin 

1801  (le  sâfer  1216). 

Article  1.  Il  est  entendu  que  l'artillerie  de  campagne,  que  le  corps  de 
troupes  françaises  et  auxiliaires,  aux  ordres  du  général  de  division  Bel- 
liard, emmène  dans  sa  retraite  du  Caire,  pour  être  transportée  avec  lui 
en  France,  est  de  deux  bouches  à  feu  de  campagne,  du  calibre  de  douze 
à  celui  de  deux,  par  bataillon,  et  une  par  escadron  ,  avec  les  caissons  et 
munitions  qui  leur  sont  affectés. 

Art.  2.  Il  est  en  outre  entendu  que  les  troupes  françaises,  embarquées 
à  bord  des  vaisseaux  de  guerre,  auront,  dès  le  moment  ou  elles  seront  à 
bord,  leurs  armes  et  leurs  munitions  déposées  dans  les  lieux  destinés  à 
cet  effet,  sous  la  surveillance  du  commandant  du  vaisseau  ;  lesquelles  ar- 
mes et  munitions  lîur  seront  remises  au  moment  du  débarquement  en 
France,  conformément  à  la  convention,  et  que  les  troupes  dudit  corps 
d'armée,  qui  seront  embarquées  sur  des  bâtiments  non  armés  en  guerre, 
conserveront,  pendant  leur  séjour  à  bord  de  ces  bâtiments,  leurs  armes 
et  munitions,  et  seront  sous  la  police  de  leurs  officiers. 

Art.  3.  La  femme,  la  fille,  l'aide-de-camp  et  tous  les  effets  du  général 
en  chef  Menou,  seront  transportés  du  Caire  à  Alexandrie  sur  un  bâti- 
ment fourni  à  cet  effet  par  les  puissances  alliées. 


36  APPEND 

Art.  A.  Les  femmes  des  officiers,  soldats  et  autres  Français  de  la  garni- 
son d'Alexandrie  et  qui  se  trouvent  au  Caire  dans  ce  moment,  pourront  se 
rendre  librement  à  Alexandrie,  et  il  leur  sera  accordé  à  cet  elTet  les 
moyens  de  transport,  qui  leur  seront  nécessaires  ;  et,  dans  le  cas  oii  elles 
ne  seraient  pas  reçues  ii  Alexandrie,  elles  seront  transportées  en  France 
avec  le  corps  d'armée  aux  ordres  du  général  de  division  Belliard,  ou 
aussitôt  que  possible,  et  jouiront  de  tous  les  avantages  de  ladite  conven- 
tion. 

Art.  5.  Les  femmes  françaises, qui  appartiennent  tant  au  corps  des 
troupes  aux  ordres  du  général  de  division  Belliard,  qu'aux  employés  et 
autres  Français  ii  la  suite  des  dits  corps,  seront  embarquées  avec  leurs 
maris,  et  jouiront  des  rations  de  vivres  et  autres  avantages  stipulés  dans 
la  convention,  d'après  les  règlements  maritimes  d'Angleterre. 

Art.  6.  Les  bagages  et  effets,  appartenant  à  des  corps  ou  à  des  parti- 
culiers de  la  garnison  d'Alexandrie,  s'il  s'en  trouvait  au  Caire,  seront 
transportés  et  déposés  à  Rosette,  ou  embarqués,  s'il  est  possible. 

Alt.  7.  Le  directeur-général  et  comptable  des  revenus  publics  pourra 
se  rendre  h  Alexandrie,  ou  y  envoyer  un  de  ses  employés,  et  il  lui  sera 
donné  pour  cela  toutes  les  facilités  possibles. 

Art.  8.  Si,  parmi  les  otages  donnés  et  rendus  par  les  généraux,  com- 
mandant les  armées  et  corps  de  iroupes  respectives,  il  se  trouve  des 
ofliciers  de  l'armée  de  terre,  il  sera  libre  aux  généraux  de  terre  et  de 
mer  des  trois  puissances  de  les  remplacer  par  des  officiers  de  l'armée  de 
mer,  de  même  grade,  au  moment  de  l'embarquement. 

Art.  9.  Les  chevaux  et  chameaux,  que  le  corps  de  troupes  aux  ordres 
du  général  de  division  Belliard  laisserait  en  Egypte,  seront  remis  au  mo- 
ment de  l'embarquement  h  des  commissaires  nommés  par  les  généraux 
des  puissances  alliées  pour  les  recevoir. 

Art.  10.  11  est  entendu  que  les  fortifications  seront  remises,  sans  aucune 
dégradation,  et  les  mines  indiquées  aux  officiers  du  génie. 

Fait  au  camp  des  conférences,  entre  les  deux  armées,  le  8  messidor  an  9 , 
(27  juin  1^01),  et  le  16  sâfer  1216. 

/DONZELOT,  géné7\  de  brig.  /John Hope,  brigad.  général. 

(^'/^wes)) Morand,  général  de  brig.     (5'/^nes))0sMAN-BÉY. 

|TARAYRE,c/(e/ c/e  brigade.  (IsAAc-BéY. 


Cl,  —  Proclamation  du  général  Belliard  anx  habitants  de  l'Égypto, 
en  date  du  Caire  le  29  juin  180I  (18  sâfer   1216). 

Par  la  volonté  de  Dieu,  tout-puissant,   la  paix  vient  de  se  conclure 
entre  les  armées  française,  anglaise  et  oUomane  ;  mais  par  cet  arrange- 


APPENDICE  37 

mciil  vos  personnos,  vos  rolij^Mons  et  vos  propriétés  ne  cesseront  d'être 
respectées:  les  trois  puissances  en  prennent  rengagement  formel,  comme 
vous  pouvez  en  juger  par  les  deux  articles  du  traité  de  paix  transcrits 
ci-après. 

Suit  le  texte  des  articles  12  eM3  de  la  convention  du  11  juin  1801, 
qui  précède. 

Habitants  du  Caire  et  de  l'Egypte,  de  toutes  les  religions  !  Vous  voyez, 
jusqu'au  dernier  moment  les  Français  n'ont  cessé  de  veiller  à,  voire 
repos  et  à  votre  sûreté:  montrez-vous  digne  de  tout  ce  que  nous  avons 
l'ait  pour  vous,  en  ne  vous  écartant  pas  de  la  bonne  voie  ;  songez  toujours 
que  Dieu  est  puissant,  que  c'est  lui  qui  dirige  toutes  choses. 

CII.   —    Capitulation  de   Tarmée   d'Alexandrie,  en  date  du  30  août 

1801  (20  rcbÎHl-akhir  121C). 

Article  1.  A  compter  du  jour  présent  jusqu'au  30  Réponse:  Refusé, 
ffuclidor  (17  septembre),  il  y  aura  continuation  de 
trêve  et  suspension  d'armes  entre  l'armée  française 
et  les  armées  combinées  de  S.  M.  britannique 
et  de  la  Sublime-Porte  aux  mêmes  conditions  qui 
subsistent  maintenant,  à  l'exception  d'une  conven- 
tion amicale  qui  sera  faite  entre  les  généraux  res- 
pectifs des  deux  armées  pour  l'établissement  d'une 
nouvelle  ligne  d'avant  postes,  à  l'effet  d'éviter  tout 
prétexte  d'hostilités  entre  les  troupes. 

Art.  2.  Dans  les  cas  où  l'armée  française  ne  re-      Réponse  :  Refusé, 
cevrait  pas  de  secours  suffisants  avant  l'époque  men- 
tionnée dans  l'article  précédent,    l'armée  évacuera 
les  forts  et  les  camps  retranchés  d'Alexandrie  aux 
conditions  suivantes. 

Art.  3.  L'armée  française  se  retirera,  le  premier      néponse  :  Quarante- 
jour  complémentaire  de  l'ère  française  (18  septera-  pSiSfsignét  cVsî-" 

bre),  dans  la  ville  d'Alexandrie  et  les  forts  adjoints,   à-dire,  le  2  septembre, 
„f  „„™„n  •  11-.       I  .         I  .    i\   midi,   les   camps  re- 

et  remettra  aux  puissances  alliées  le  camp  retranche  tranchés,  le  fort  Turc  et 

au-devant  de  la  ligne  des  Arabes,  le  fort  Turc,  le  '•-'  ^oj'  <^"  Vivier  seront 
(.,,,,..  ,  Ml     •  .  ■  remis  aux  puissances  al- 

lort  du  Vivier,  avec  leur  artillerie  et  munitions.         nées,  il  en  sera  de  même 

de  leurs  munitions  et 
de  k'ur  artillerie.  Les 
troupes  françaises  éva- 
cueront la  ville,  les  forts 
et  les  dépendances  d'A- 
lexandrie dix  jours  après 
la  signature  de  la  capitu- 
lation, qui  sera  l'époque 
de  leur  embarquement. 

Ârl.  li.  Tout  individu  faisant  partie  de  l'armée      néponse   .•    Accordé, 


38  APPENDICE 

pourvu   qu'il    ne  soit  française  ou  attaché  à  cette  armée  par  des  relations 
appartient  au  gouverne-  civiles  OU  militaires,  les  troupes  auxiliaires  de  clia- 

ment  de  la  république  que  nation  de  quelque  Days,  religion,  ou  de  quel- 
fraocaise,  antre  que  les    ^  »  n       *  •      ^  i,,       ■   ..  .   ,, 

eftets,  bagages  et  autres  que  puissance  qu  elles  aient  été  sujettes  avant  1  ar- 
articies  appartenant  aux  j-jy^^g  ^g  l'armée  française,  conserveront  leurs  nro- 

Français  ou  a  leurs  au-  "  ' 

xiiiaires,  qui  ont  servi  priétés,  de  quelque   nature  qu'elles  soient,   leurs 
ïaîurd^pïis'^sk  mois!  effets,  papiers,  etc.,  qui  ne  pourront  être  sujets  à 

Entendu  qu'il  en  est  de  auCUn  exaiuen. 
même  de  tous  les  indi- 
vidus attachés  à  l'armée 
française  soit  dans  des 
fonctions  civiles,  soit 
dans  des  fonctions  mili- 
taires, de  quelque  na- 
tion, pays  ou  religion 
qu'ils  puissent  être. 

Réponse  :  Les  troupes       Art.  5.  Les  forces  françaises,  les  troupes  auxiliai- 

SSeuouSn!  1-es  et  tous  les  individus  décrits  dans  l'article  précé- 

dividusdésigaés  en  l'art,  dent,  seront  embarqués  dans  le  port  d'Alexandrie, 

dànsTeTportsd'Aiexan-  entre  les  5  et  les  10  de  vendémiaire  de  l'an  dix  de 

drie  (à  moins  qu'à  la  la  république  (du  27  septembre  au  2  octobre)  au 

suite   dune  convention      ,  ,  ,  .  .  , 

amicale  il  ne  soit  trouvé  plus  tard  avec  leurs  armes,  munitions,  bagages, 
plus   avantageux  d'en     jy^jg  gj  propriétés  de  toute  espèce,  papiers  officiels, 

embarquer    une    partie  ^     ^  i        »  i    i  » 

à  Aboukir)  aussitôt  que   dépôts.  Chaque  bataillon  et  escadron  aura  une  pièce 

p?êts.''^'£?"puissa™ces  de  campagne  et  ses  muiiitions;  le  tout  pour  être 

alliées    s'engagent    en  transporté  à  l'un  des  ports  de  la  république  fran- 

Sécuier  ^"rembarq^ue-  Ç'iise  sur  la  Méditerranée,  lequel  sera  déterminé  par 

ment,  s'il  est  possible,  \q  général  en  chef  de  l'armée  française. 

dix  jours  après  la  signa- 
ture de  la  capitulation. 
L'armée  française  rece- 
vra tous  les  honneurs 
de  la  guerre,  emmènera 
de  plus  dix  pièces  de  ca- 
non de  i  à  8  et  10  char- 
ges de  poudre  pour 
chacune,  eîle  sera  trans- 
portée dans  un  port 
français  de  la  Méditer- 
ranée. 

Réponse  :  Refusé.  Les       Art.  6.  Les  vaisseaux  de  guerre  français,  avec 
dSSt^oTiiïsont?'^  'eur  équipage  complet,  tous  les  vaisseaux  marchands 

à  quelque  nation  ou  individus  qu'ils  puissent  appar- 
tenir, même  ceux  des  nations  en  guerre  avec  les 
puissances  alliées,  ou  ceux  qui  appartiennent  à  des 
propriétaires  ou  marchands,  qui  étaient  sujets  des 
puissances  alliées  avant  l'arrivée  des  Français,  par- 
tiront avec  l'armée  française,  de  telle  sorte  que  les 
vaisseaux  de  guerre  soient  restitués  au  gouverne- 


APPENDICE 

ment  français,  et  les  vaisseaux  marchands  à  leurs 
possesseurs  ou  uyanl-cause. 

Art,  7.  Chaque  \aisseau  français  qui,  à  compter  du 
présent  jour  jusqu'au  30  fructidor  (17  septembre), 
arriverait  des  ports  de  la  république  française  ou 
de  ses  alliées  dans  les  ports  ou  la  rade  d'Alexan- 
drie, sera  compris  dans  la  présente  capitulation. 
Tout  vaisseau  de  guerre  ou  marchand,  appartenant 
à  la  France  ou  aux  alliées  de  la  répal»lique,  qui 
arrivera  dans  la  rade  ou  les  ports  d'Alexandrie, 
dans  les  20  jours  qui  suivront  l'évacuation  de  la 
place,  ne  sera  pas  considéré  comme  prise  légale, 
mais  sera  remis  en  liberté  avec  son  équipage  et  sa 
cargaison,  et  serafourni  de  passe-ports  par  lespuis- 
sances  alliées. 

Art,  8.  Les  troupes  françaises  et  leurs  auxiliaires, 
les  agents  civils  et  militaires  attachés  à  l'armée,  et 
tous  les  autres  individus  désignés  dans  les  précé- 
dents articles,  seront  embarqués  soit  sur  des  vais- 
seaux français  ou  autres  actuellement  dans  les  ports 
d'Alexandrie,  autant  qu'ils  seront  en  état  d'être  mis 
en  mer,  soit  sur  des  vaisseaux  de  S.  M.  britannique 
et  de  la  Sublime -Porte,  dans  le  terme  fixé  par  le 
cinquième  article. 

Art.  9.  Des  commissaires  seront  nommés  de  part 
et  d'autre  pour  régler  le  nombre  de  vaisseaux  qui 
doivent  être  employés,  le  nombre  dhommes  qu'on 
doit  y  embarquer,  et  généralement  prévoir  toutes 
les  difficultés  qui  pourront  s'élever  au  sujet  de  l'exé- 
cution de  la  présente  capitulation.  Ces  commissaires 
conviendront  des  positions  qui  seront  prises  par  les 
vaisseaux  actuellement  dans  le  port  d'Alexandrie, 
et  ceux  quipourjont  être  fournis  par  les  puissances 
alliées,  de  sorte  que,  par  l'effet  des  mesures  qui  se- 
ront prises,  on  puisse  éviter  toute  occasion  de  diffé- 
rends entre  les  équipages  des  différentes  nations. 

Art,  10.  Les  marchands  et  propriétaires  de  bâti- 
ments, de  quelque  nation  ou  religion  qu'ils  soient, 
les  habitants  de  l'Egypte  ou  de  tout  autre  pays,  qui 
peuvent  se  trouver  maintenant  à  Alexandrie,  Syriens, 
Goplites,  Aral)es  ou  Juifs  etc.,  etc.,  qui  voudront  sui- 
vre l'armée  française  seront  embarqués  avec  elle  et 


39 


néponse:  Refusé. 


Péponse  :  Tous  ces  dé- 
tails seront  T'églés  par 
l'amiral  anglais  et  par 
un  officier  de  la  marine 
française,  nommé  par 
le  général  en  chef. 


Réponse  :  Tout  objet 
de  commerce  et  de  mar- 
chandisp,  soit  dans  la 
ville  d'Alexandrie,  soit 
à  bord  des  vaisseaux 
qui  sont  dans  le  port, 
sera  remis  provisoire- 
ment à  la  disposition 
des    puissances   alliées, 


pour  ôlrc  ensuite  défini- 
tivement soumis  aux 
jègles,  qui  seront  déter- 
minées par  l'usage  et 
les  lois  établis  entre  les 
nations.  Les  particu- 
liers commerçant  au- 
ront la  faculté  de  suivre 
l'armée  française,  ou  de 
rester  en  Egypte  avec 
toute  siiretc. 


Réponse  :  Accepté. 


Réponse  :  Les  troupes 
et  tous  ceux  qui  seront 
embarqués  avec  elles 
seront  nourris,  durant 
leur  passage  et  jusqu'à 
leur  arrivée  en  France 
aux  dépens  des  puissan- 
ces alliées,  suivant  l'u- 
sage établi  dans  la  ma- 
rine anglaise. 

Réponse  :  Les  consuls 
et  autres  agens  publics 
des  puissances  alliées 
de  la  république  fran- 
çaise auront  la  liberté 
de  rester  ou  de  se  reti- 
rer, suivant  qu'ils  le 
jugeront  convenable. 
Leurs  propriétés  et  ef- 
fets de  lout  genre,  ainsi 
que  leurs  papiers,  leur 
seront  conservés,  pourvu 
qu'ils  se  conduisent  avec 
loyauté  etconformément 
aux  lois  des  nations. 

Réponse  :  Accordé.  Les 
vaissi-aux  destinés  aux 
hôpitaux  seront  prépa- 
rés pour  recevoir  ceux 


APPENDICE 

jouiront  des  mêmes  avantages  que  celte  armée  :  ils 
auront  la  liberté  d'emponer  leurs  propriétés,  de 
quelque  nature  qu'elles  soient,  et  de  laisser  des  pou- 
voirs pour  disposer  de  ce  qu'ils  ne  pourront  point 
emporter  avec  eux.  Toute  convention,  ventes  et 
stipulations  de  commerce,  de  quelque  nature  qu'elles 
soient,  faites  par  eux,  seront  strictement  exécutées 
et  seront  maintenus  par  les  généraux  de  S.  M.  bri- 
tannique et  la  Sublime-Porte.  Ceux  qui  préfére- 
ront de  rester  en  Egypte  un  certain  temps,  pour 
leurs  affaires  particulières,  auront  la  liberté  de  le 
faire,  et  auront  toute  protection  de  la  part  des  puis- 
sances alliées.  Ceux  également  qui  désireraient 
s'établir  en  Egypte,  seront  investis  de  tous  les  pri- 
vilèges et  droits  dont  ils  étaient  en  possession  avant 
l'arrivée  des  Français. 

Art.  11.  Aucun  habitant  d'Egypte  ou  de  toute 
autre  nation,  de  quelque  religion  qu'il  soit,  ne 
pourra  être  recherché  pour  sa  conduite  pendant  le 
temps  où  les  Français  ont  occupé  leurs  pays,  et  par- 
ticulièrement pour  avoir  pris  les  armes  pour  eux  ou 
pour  avoir  été  employés  par  eux. 

Art.  12.  Les  troupes  et  tous  ceux  qui  seront  em- 
barqués avec  elles  seront  nourris,  durant  leur  pas- 
sage et  jusqu'à  leur  arrivée  en  France,  aux  dépens 
des  puissances  alliées,  etconformément  aux  règles 
établies  dans  la  marine  française.  Les  puissances 
alliées  fourniront  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour 
l'embarquement. 

Art.  13.  Les  consuls  du  commerce  et  tous  autres 
agens  publics  des  différentes  puissances  alliées  de  la 
république  française  continueront  de  jouir  de  tons 
les  privilèges  et  droits  qui  sont  accordés  par  les 
nations  civilisées  aux  agents  diplomatiques.  Leurs 
propriétés  et  tous  leurs  effets  et  papiers  seront  res- 
pectés et  placés  sous  la  protection  des  puissances 
alliées.  Ils  auront  la  liberté  de  se  retirer  ou  de  res- 
ter, suivant  qu'ils  le  jugeront  à  propos. 

Art.  \h-  Les  malades  qui  seront  jugés  par  le  con- 
seil de  santé  de  l'armée  en  état  d'être  transportés, 
seront  embarqués,  en  même  temps  que  l'armée,  sur 


AITE.NDICE  Zil 

les  bâtiments  d'hnpilaux  convenablement  fournis  de   Qui  pourraient  tomber 

,  ,         ,  .  •  »     1     i      .       ,         1  •  .     '  malades    pendant   leur 

remèdes,  de  provision  et  de  tout  autre  objet  neces-  passage.  Us  conseils  de 
saire  à  leur  situation,  ef  ils  seront  suivis  par  des  ^'"^"'^  ^^s  deux  armées 

.  .       _,  ,  ,    ,  .  se  concerteront  ensom- 

cbirurgiens  français.  Ceux  des  malades  qui  ne  se-   bie  sur   les  moyens  à 
ront  point  en  état  d'entreprendre  le  vovaore  seront  employer  à  l'égard  de 

•^  f^  ^    °  ceux   des  malades,  qui, 

laissés  aux  soins  et  h  l'humanité  des  puissances  al-  étant  attaqués  de  maïa- 

liées.  Des  médecins  français  et  tous  autres  secours  doiven^t^'îdnr Sr  de 
de  même  nature  leur  seront  laissés  pour  les  soigner,  communications  avec 
et  ils  seront  entretenu*;  aux  dépens  des  puissances 
alliées,  qui  les  renverront  en  Franceaussilùtque  leur 
santé  pourra  le  permettre,  avec  tous  les  (.'frets  h  eux 
appartenant,  de  la  même  manière  qu'il  a  été  pro- 
posé pour  le  reste  de  l'armée. 

Art.  15.  Des  bâtiments  de  transport  pour  seize      néponse:  Accordé, 
chevaux  seront  fournis  avec  les  choses  nécessaires  à 
leur  subsistance  pendant  le  passage. 

Art.  16.  Les  individus  composant  l'institut  d'É-      néponse  .•  Les  mem- 
gypteet  la  commission  des  arts,  emporteront  avec  roTt  empmï'àv^^^^^^^^ 
eux  tous  les  papiers,  plans,  mémoires,  collections   tous    les    instruments 
,.i  •  t   •  •       Il        t  .         1  .     1)     .       ..    d'art    et    de     sciences 

d  histoire  naturelle,  et  tous  les  monuments  d  arts  et  qu'ils  ont  apportés  de 
d'antiquités,  qu'ils  ont  recueillis  en  Egypte.  France;  mais  les  ma- 

nuscrits  arabes,  les  sta- 
tues et  autres  collec- 
tions, qui  ont  été  faites 
pour  la  République 
française,  seront  consi- 
dérés comme  propriété 
publique  et  remis  à  la 
disposition  des  géné- 
raux des  armées  combi- 
nées. 

Arl.  17.  Les  bâtiments  qui  seront  employés  h      néponse   .-    Accordé, 

,  ,      i>         '    f  •        -.  •!•   •  •    le  commandant  di;  l'ar- 

Iransporter  larraee  irauçaise  et  ses  auxiliaires,  aussi   ^^^   française    s'enga- 

bien  que  les  autres  personnes  qui  doivent  l'accom-   géant  réciproquement  à 

..  ,  .  ,  ne  pas  permettre  qii'au- 

pagner,  seront  escortés  par  des  vaisseaux  de  guerre  cun  des  vaisseaux  soit 
appartenant  aux  puissances  alliées,  qui  s'engagent   "i^'^^^té    pendant   leur 

'  '  ^   '^  séjour  en   France  ou  à 

lormcUenient  à  ne  pas  soufTrir  qu'ils  soient  molestés  leurretour,  promettant 
en  aucune  n;anièredurant_  leur  voyage.  La  sûreté  S'^I^'iuiï  cToÏÏ 
des  bâtiments  qui  pourraient  être  séparés  par  la  nécessaires,  conforme- 
ra. „«     .1^  i„   «„~    -1                .               -1      .  ment  à  la  pratique  cens- 

force,  de  la  tempête  ou  autres  accidents,  sera  ga-  tante  des  puissances eu- 
ranlie  par  les  généraux  des  forces  alliées.  Les  bà-  l'opéennes. 
timents,  qui   transporteront  l'armée  française  ne 
pourront  toucher,   sous  quelque   prétexte  que  ce 
soit,  aucune  autre  côte  que  celles  de  France,  à  moins 
d'une  absolue  nécessité. 
Art.  18.  A  l'époque  où  les  camps  et  les  forts  se-      néponse  :'Accordé. 


42  APPENDICE 

ront  remis  en  conformité  des  dispositions  du  troi- 
sième  arlicie,   les  prisonniers  en  Egypte   seront 
rendus  de  part  et  d'autre.' 
Réponse  :   Accordé,       Art.  19.  Des  commissaires  seront  nommés  pour 
|!?a"ns  de^^i^vii^iret  de!  recevoir  l'artillerie  de  la  place  et  des  forts,  les  mu- 
forts  d'Alexandrie,  ain?i   nitions,  magasins,  plans  et  autres  articles  que  les 

que  tous  ceux  du  pays,    „  •     i   •         »  •  n-^         j      i-  . 

soient  remis  aux  com-  Français  laissent  aux  puissances  alliées  ;  des  listes 
missaires  anglais.  Les  gt  inventaires  en  Seront  signés  par  les  comniissai- 

batteries,     casernes    et 

antres    bâtiments    pu-  res  des  difierentes   puissances,   a  mesure  que  les 

bJics  seront  également  f^^jg  g[  magasins  scront  remis  aux  puissances  al- 

remis  dans  1  état  oii  ils  °  ^ 

se     trouvent    actuelle-   liées. 

ment. 

jiéponse    :    Accordé,       Art.  20.  Il  sera  accordé  un  passe-port  à  un  vais- 
mais  si  c'est  un  bâti-  gçJ^^  ^.jg  guerre  français  pour  conduire  à  Toulon, 

ment  français,  il  ne  sera  o  .         r  ? 

pas  armé,  immédiatement  après  la  remise  des  camps  et  forts 

susmentionnés,  les  officiers  chargés  par  le  comman- 
dant en  chef  de  porter  à  son  gouvernement  la  pré- 
sente capitulation. 
Réponse  :  Il  sera  re-  '    Art.  21.  En  livrant  les  camps  et  forts  mentionnés 
commandanTe"iXide  ^"^  précédents  articles,  des  otages  seront  remis  de 
l'armée  française,  qua-  part  et  d'autre  à,  l'effet  de  garantir  l'exécuiion  du 
tre    officiers     de    rang         .        .  .     -tx    n  „   .     i    •  •  •    i  rr  ■ 

comme  otages,  savoir,   pi'f^sent  traité.  Ils  seront  choisis  parmi  les  officiers 

un  officier  delà  marine,   ^q  j-aiit;  des  armées  respectives,  savoir  quatre  pour 

un  de  l'armée  britanni-    ,,         ,"  »  .         ,  ,,         ,     t    -.        . 

que,  deux   de  l'armée  1  armée  trançaise,  deux  pour  larmée  britannique  et 

turque.  Le  commandant  (jeux  pour  l'armée  de  la  Sublime-Porte.  Les  quatre 
en  chef  de  larmee  Iran-  '  ' 

çaise  remettra  égale-  Otages  de  l'armée  française  seront  embarqués  sur 
du  conl^iiandant%n^dief  '^  vaisseau-commandant  de  l'escadre,  et  les  quatre 
de  l'armée  britannique  Otages  de  l'drmée  anglaise  et  turque  sur  un  des  bâti- 
qnatre  officiers  de  rang.  .         •         .         i  ?      .  i    f    i     i» 

Les  otages   seront  re-   luents  qui  portera  le  commandant  en  chef  de  1  ar- 

mis,  de  part  et  d'au-  ^^ée  française  oii  les  lieutenants-généraux.  Ils  seront 
tre,  à  l'époque  de  l'ein-      ,   .  .    ,  ,  -,  x, 

barquemeut.  réciproquement  remis  à  leur  arrivée  en  France. 

Réponse  :  Xccovdé.  Art.  22.  S'il  s'élève  quelques  difficultés  pendant 

l'exécution  de  la  présente  capitulation,  elles  seront 

réglées  i  l'amiable  par  les  commissaires  des  armées. 

I  Abdallah,  Jacques-François  Menou,  général  en  chef 
l  de  l'armée  française. 

.ç.     ,  JKeith,  amiral. 

iJ.  Hely  HuTcnmsoN,  commandant  en  chef 
[Hussein,  capoudan- pacha. 
James  Kempt,  lieutenant-colonel  et  secrétaire. 


APPENDICE  li3 


cm.  —  Lettre   (rihraliini-béy  ot  d'Osman-hcy   an  premier  censnl 
Bonaparte,  en  date  du  .  .  .  I402  (  .  .  .  ISlf). 

Traduction  littérale  du  turk. 


Lettre  écrite  par  Ibrahim-béy,  chéikh-el-beled,  et  Osraan-béy,  el-Bar- 
dissi,  au  premier  consul  de  la  République. 

De  la  part  d'Ibrabim-béy,  chéikh-el-beled,  et  d'Osinan-béy,  successeur 
de  feu  Mourad-béy,  au  très-redoutable,  très-puissant,  très-honoré  premier 
consul  Bonaparte. 

Par  un  elTet  de  la  volonté  de  Dieu,  et  de  notre  peu  de  sagesse,  il  nous 
est  survenu  des  événements  dont  la  nouvelle  a  dii  parvenir  jusqu'il  vous. 
Le  général  Kléber  avait  conclu  avec  notre  père  Miirad-béy  un  traité 
portant  que  dans  le  cas  oii,  par  suite  d'arrangements  avec  la  Sublime- 
Porte,  les  Français  évacueraient  l'Egypte,  la  conservation  des  béys  se- 
rait garantie  et  assurée  sur  le  même  pied  qu'autrefois. 

Mais  ces  deux  personnages  sont  morts,  et  les  généraux  anglais,  sans 
cependant  avoir  égard  aux  promesses  de  siiretéqui  nous  avaient  été  faites 
par  les  Fiançais,  nous  ont  dit:  u  il  a  été  convenu  par  uii  traité  avec  la 
Sublime-Porle  que  vous  resterez  en  Egypte.  » 

Quelques-uns  d'entre  nous  différant  d'opinion  sur  cette  promesse,  nous 
avons  eu  une  entrevue  avec  le  capitan-pacba  Hussein,  qui  nous  a  dit: 
«il  ne  vous  sera  fait  aucun  mal,  restez  dans  les  pays  qui  vous  ont  été 
assignés.  » 

Cette  assurance  nous  ayant  été  confirmée  par  des  protestations  et  des 
serments  inviolables,  nous  y  avons  entièrement  ajoulé  foi:  tout  concourait 
à  nous  tranquilliser. 

Le  capitan-pacba  se  rendit  à  Alexandrie  deux  mois  avant  nous;  au 
bout  de  ce  temps,  il  nous  y  appelle,  et,  d'après  ce  qui  s'était  passé,  nous 
nous  y  rendîmes  sans  crainte.  Trois  beures  après  notre  arrivée,  nos  lentes 
furent  diessées  dans  un  lieu  voisin  d'Aboukir, 

Après  quinze  jours  d'attente,  nous  témoignâmes  au  capitan-pacba  de 
voir  le  général  anglais.  «  Mon  désir,  »  nous  dit-il,  «est  de  m'y  rendre 
aussi  demain,  princes  ;  faites  marcher  votre  troupe  par  terre,  ctnous  irons 
ensemble  par  mer.  «En  conséquence,  nous  descendîmes  dansune  felouque, 
et  vers  le  milieu  du  chemin  nous  fûmes  assaillis  par  des  navires  qui'con- 
tenaient  environ  quatre-cents  hommes  armés  de  fusil.  Par  la  volonté  de 
Dieu,  Osman-béy,  gergavis,  Osman-béy,  achbar,  Moharamed-béy,  man- 
foukli,  Mourad-béy,  le  jeune,  et  Ibrahim,  kiahia,  y  perdirent  la  vie. 

Quant  à  nous,  couverts  de  blessures,  nous  fumes  emprisonnés  dans  les 
navires,  mais  le  général  nous  fil  mettre  en  liberté,  ainsi  que  les  béys  qui 


/,i  APPENDICE 

avaientétéeraprisonnésauKaire parle  grand-vézir.Nous  demandâmes  alors 
à  la  Sublime-Porlela  perraissionde  rester  en  Egypte  :  elle  nous  futrefusée. 

Devenus  rebelles  envers  le  grand-vézir,  nous  fîmes  assembler  tous  les 
béys  et  tous  les  soldats  pour  nous  retirer  dans  la  Haute-Egypte. 

Nous  vous  avons  adressé  une  lettre  amicale  pour  nous  informer  de  vos 
dispositions  à  notre  égard,  et  pour  vous  prévenir  que  nous  somraesprêts  à 
combattre  les  Osmanlis. 

Votre  haute  intelligence  et  vos  conceptions  sublimes  vous  ont  rendu 
l'arbitre  de  sept  empires  et  le  conquérant  le  plus  célèbre;  partout  où 
vous  avez  porté  vos  armes,  vous  avez  porté  la  victoire.  Vous  êtes  venu 
et  vous  avez  arraché  l'Egypte  de  nos  mains  ;  vous  nous  avez  forcés  de 
fuir  dans  les  déserts  les  plus  arides,  et  d'y  supporter  mille  fatigues. 

Il  ne  convient  pas  à  votre  gloire  de  nous  abandonner  sans  patrie,  pour 
favoriser  les  Osmanlis  parjures,  oppresseurs  autant  que  scélérats.  Sachant 
d'ailleurs  que  jamais  les  Turcs  ne  sauraient  venir  à  bout  de  nous  enlever 
le  Kaire,  vous  ne  nous  laisserez  pas  exposés  à  de  nouveaux  maUieurs. 

Nous  nous  jettons  à  vos  pieds,  et  nous  nous  mettons  sous  vos  ordres, 
qui  seront  sacrés  pour  nous.  Voici  ce  que  nous  osons  espérer  de  vous  : 
ou,  que  par  votre  intercession  auprès  de  la  Sublime-Porte,  vous  nous  fus- 
siez sortir  du  Kaire  en  Egypte  de  la  manière  qui  vous  paraîtra  convenable, 
ou  que  vous  nous  fassiez  passer  des  secours. 

Nous  osons  vous  prier,  pour  ce  qui  concerne  notre  résidence  en  Egypte, 
de  mettre  tous  vos  soins  à  ce  que  nous  y  soyons  comme  autrefois,  et  de 
croire  que,  quoi  que  vous  puissiez  désirer  de  nous,  vous  nous  trouverez 
disposés  à  l'obéissance. 

Nous  avons  paru  pendant  quelque  temps  abandonner  les  intérêts  de  la 
République  française  et  pencher  en  faveur  des  Anglais  ;  en  voici  la  raison. 

Après  la  mort  du  général  Kléber,  le  général  Abdallah  Menou,  musul- 
man, a  manqué  d'habileté  dans  l'art  de  la  guerre.  D'ailleurs,  les  arrange- 
ments pris  entre  le  grand-vézir  et  le  capitan-pacha  étaient  de  nature  à 
pouvoir  nous  inquiéter,  d'après  le  rapport  des  espions. 

Le  général  anglais  nous  garantissait  notre  conservation  en  Egypte,  et 
nous  servait  d'appui,  ce  qui  nous  inspirait  de  la  conûance. 

Lorsque  nous  avons  appris  que  les  Anglais  avaient  été  la  cause  du 
massacre  des  béys,  leur  imposture  nous  est  devenue  manifeste.  Leur  man- 
que de  foi  a  été  telle  qu'il  est  impossible  de  l'exprimer. 

L'état  actuel  des  Anglais  en  ce  pays,  notre  conduite,  vous  seront  expli- 
qués plus  au  long  par  le  porteur  de  cette  lettre  nommé  Giuseppo\  et  si 
un  homme  tel  que  vous  devient  notre  protecteur,  les  troupes  osmanlis 
seront  bientôt  combattues. 

Nous  craignons,  si  vous  ne  venez  à  notre  aide,  que,  notre  nombre  dimi- 
nuant de  jour  en  jour,  et  celui  des  Turcs  s'accroissant  successivement, 


AIM^ENDICE  /l5 

notre  perle  ne  devienne  certaine.  Nous  espérons  d'abord  en  Dieu,  mais 
ensuite  en  vous  qui  êtes  notre  seul  api)ui,  afin  que  vous  daigniez  n)(;tlre 
vos  soins  à  nous  faire  rétablir  en  Egypte;  nous  ne  vous  demandons  d'y 
rester  qu'en  qualité  de  fondés  de  pouvoirs  de  votre  part  ;  amis,  ennemis, 
tout  nous  sera  commun  ;  k  l'ombre  de  votre  protection,  nous  trouverons 
la  célébrité. 

Votre  gloire,  qui  s'est  répandue  dans  les  sept  climats  et  dans  les  quatre 
parties  du  monde,  deviendra  raille  fois  plus  grande. 

Dans  tout  ce  qui  vous  concerne,  et  dans  tout  ce  que  vous  pouvez  dési- 
rer de  nous,  vous  ne  trouverez  jamais  la  moindre  négligence  de  noire 
part  ;  nous  sommes  prêts  à  mettre  la  main  à  l'œuvre  pour  votre  service, 
Dieu  ne  l'ignore  pas. 

C'est  pour  avoir  l'honneur  de  vous  exposer  ce  qui  précède  que  nous 
vous  avons  écrit  cette  lettre  amicale;  nous  vous  aurions  expressément 
envoyé  un  de  nos  Kaclief,  c'était  notre  dessein,  mais  les  ports  étant 
remplis  d'Anglais  et  de  Turcs,  nous  n'avons  pas  osé. 

Tout  ce  que  le  porteur  de  celle  lettre  pourra  vous  dire  étant  comme 
de  nous,  nous  espérons  tout  par  la  sollicitude  de  notre  sultan. 

ç.     .     (  Ibrahlm-béy,  caimakam  du  Kaire. 
(  Osman-béy-Bardissi,  mir-léwal. 

Post-ScriptAim.  Monsieur  Giuseppo  s'étant  trouvé  présent  dans  toutes 
nos  affaires,  il  en  a  pris  une  connaissance  entière,  et  il  pourra  vous  don- 
ner les  détails  qu'il  est  impossible  d'écrire.  Tout  ce  qu'il  pourra  vous  rap- 
porter est  vrai  et  vous  daignerez  y  ajouter  foi. 

{M.  Traduction  officielle.) 


CIV.  —  Dépèche  de  l'ambassadeur  Brune  au  premier  consul  Bona- 
parte, en  date  du  25  janvier  180»  (16  ehéwal  1S17). 


RÉPUBLIQUK   FRANÇAISE. 

N°  1. 

^     ,.  , ,. ,  Fera  lez-ConstantinopIe,  5  pluviôse  an  XI,  voie  de  Vienne. 

Duplicata  expédié  par 

le  navire  de  Marseille       ^^  général  Brune,  conseiller  d'État,  ambassadeur 
/a  Conception,  capitaine     ,,„,,,•  ,  -icii-         r>. 

^ji^^^j^g  de  la  République  française  près  la  bublime-Porle, 

au  premier  consul  Bonaparte. 

Citoyen  premier  Consul, 
L'arrivée  d'un  ambassadeur  à  Constanlinople  était  bien  nécessaire  pour 
faire  cesser,  d'une  pari,  la  nullité  absolue  de  nos  affaires  et  de   notre  in- 
fluence, et,  de  l'autre,    l'espèce  de  dépendance  oii  la  Porte  ottomane  se 
trouve  vis-à-vis  des  gouvernements  qui,  etc. 


[iQ  APPENDICE 

Lord  Elgin  n'a  pas  dissimulé,  etc.,  car  il  lui  fallait  rester  encore 
quelques  jours,  pour  terminer  une  négociation  relative  aux  béys  d'Egypte. 
Celte  négociation,  sur  laquelle  nos  Français  d'ici  n'avaient  la  moindre 
notion,  avait  pour  objet  de  régler  avec  le  sort  des  béys  certaines  condi- 
tions au  moyen  desquelles  l'Angleterre auraitcontinuédeprotégerrÉgypte. 
Mon  arrivée,  à  laquelle  on  ne  croyait  plus,  même  au  palais  de  France,  a 
fait  presser  lord  Elgin  ;  il  a  sacrifié  une  partie  de  ses  vues,  et  il  est 
résulté  un  arrangement  auquel  on  ne  donne  ni  le  nom  de  traité  ni  celui 
de  convention  ;  ce  sont  simplement  des  instructions  adressées  au  pacha 
du  Caire.  La  Porte  accorde  aux  béys  l'oubli  du  passé  et  les  confine  dans 
la  Haute-Egypte,  entre  Assuan  et  Asna  (carte  de  D'Anville)  :  le  général 
Siuart  doit  déclarer  à  la  face  de  tout  le  pays  que  l'Angleterre  n'exerce 
plus  aucune  protection,  et  un  aide-de-camp  de  ce  générai  doit  porter  cet 
arrangement  en  Egypte.  Lord  Elgin  désirant  lui-même  aller  à  Alexandrie, 
le  ministre  ottoman  lui  a  remontré  d'une  manière  officielle  que  sa  présence 
dans  ce  pays  détruirait  probablement  les  idées  d'une  entière  soumission, 
et  il  est  parti  sur  une  frégate,  etc.  Dans  ces  entrefaites,  le  réis-efTendi 
me  communiquait  la  convention  sur  les  béys  ;  je  lui  en  adresse  des  plaintes 
dans  une  note  confidentielle,  sans  date  ni  signature;  cette  forme  de 
notes  diplomatiques,  inusitée  à  la  Porte,  est  admise,  et  j'obtiens  le  chan- 
gement de  l'article  qui  concerne  le  séjour  des  Français  en  Egypte. 
J'adresse  au  ministre  des  relalious  extérieures  les  pièces  relatives  à  cette 

affaire,  etc. 

{Signé)  Brune. 

(jE.  Original.) 

V\.  —  Rapport  du  colonel  Sébastiani  an  premier  consul  Bonaparte, 
pnblié  par  «le  Moniteur  universel  »  du  30  janvier  t803  (6  chéwai 
1219). 

Le  29  fructidor  an  X,  je  me  suis  embarqué  à  Toulon,  à  bord  de  la 
Cornélie;  le  8  vendémiaire  je  suis  arrivé  h  Tripoli;  j'ai  écrit  de  suite  au 
baron  Cederstrom,  contre-amiral  suédois,  ainsi  qu'au  ministre  du  pacha, 
pour  leur  offrir  ma  médiation,  afin  de  terminer  les  différends  élevés  entre 
la  cour  de  Suède  et  la  Régence.  Ma  médiation  a  été  agréée;  le  ministre 
et  le  contre-amiral  se  sont  rendus  à  la  maison  commissariale  de  France, 
et  nous  avons  entamé  la  négociation.  Les  deux  parties  étaient  fort  éloi- 
gnées :  le  pacha  demandait  une  somme  très-considérable  et  une  augmen- 
tation dans  la  rétribution  annuelle.  Il  s'appuyait  d'un  traité  fait,  il  y  a 
deux  ans,  par  un  envoyé  du  roi  de  Suède,  qui  lui  assurait  un  payement 
de  deux  cent  quarante-cinq  mille  piastres  fortes  et  une  annuité  de  vingt 
mille  :  il  ajoutait  que  deux  ans  de  guerre  l'avaient  obligé  à  des  dépenses 
extraordinaires,  et  qu'il  usait  de  modération  en  se  conformant  au  traité 


APPENDICE  Û7 

dont  il  est  question iM.  de  GedersIrOra  n'offrait,  au  nom  de  sa  cour, 

que  cent  mille  piastres.  Après  beaucoup  de  débats,  je  parvins  à  leur  faire 
signer  un  traité,  qui  Cxe  le  payement  de  la  rançon  h  cent  cinquante  mille 
piastres,  et  l'annuité  à  huit  mille. 

Le  9  vendémiaire  je  fus  présenté,  avec  beaucoup  de  pompe,  au  pacha, 
qui  me  reçut  de  la  manière  la  plus  distinguée.  L'échange  des  ratifications 
du  traité  de  paix  (;ut  lieu,  et  la  République  italienne  fut  solennellement 
reconnue.  Je  fis  arborer  son  pavillon  sur  la  maison  coramissariale  de 
France,. et  il  fut  salué,  par  la  frégate  et  par  la  place,  de  vingt  et  un  coups 
de  canon. 

Ce  ne  fut  pas  sans  difficulté  que  le  pacha  consentit  à  reconnaître 
cette  République.  Il  craignait  que  toute  l'Italie  ne  fût  compromise  dans 
cette  nouvelle  République,  et  qu'il  ne  fiit  par  conséquent  obligé  de  res- 
pecter indistinctement  tous  les  bâtiments  de  commerce  de  cette  partie  de 
l'Europe  ;  ce  qui  aurait  détruit  sa  marine.  Je  lui  donnai  les  explications 
nécessaires,  et  particulièrement  celles  qui  étaient  à  la  portée  de  son 
esprit,  et  il  me  répondit  :  «  Enfin  je  vois  que  je  puis  être  en  paix  avec 
(lia  République  italienne,  sans  trop  blesser  mes  intérêts;  mais  cela 
«  fîit-il  encore  plus  difficile,  je  le  ferai,  puisque  le  grand  Bonaparte  le 
«  désire!  » 

Le  pacha  de  Tripoli  est  un  homme  brave  et  entreprenant,  ami  des 
Français.  Les  Anglais  ont  fourni  des  secours  à  son  frère,  qui  est  dans  ce 
moment  à  Derné  sans  moyen  et  sans  crédit.  Son  projet  serait  de  soulever 
le  pays  contre  le  béy. 

Les  affaires  politiques  et  administratives  de  la  Régence  sont  gérées 
par  Seid-Muhammed-el-Deghais,  ministre  du  pacha.  Cet  homme  est  plein 
de  sagacité  et  a  même  quelques  notions  sur  la  politique  d'Europe.  Il  a 
voyagé  en  France,  et  conserve  pour  notre  patrie  un  sentiment  d'affection 
dominant. 

Le  10  vendémiaire  je  suis  parti  de  Tripoli;  le  2^  je  suis  arrivé  à 
Alexandrie.  Le  même  jour  je  me  suis  rendu  chez  le  général  Stuart,  com- 
mandant les  forces  anglaises  de  terre  et  de  mer.  Je  lui  ai  communiqué 
l'ordre  du  ministre  des  relations  extérieures,  qui  m'enjoignait  de  me  ren- 
dre à  Alexandrie,  et  si  les  Anglais  occupaient  encore  la  place,  de  de- 
mander une  prompte  évacuation,  et  l'exécution  du  traité  d'Amiens. 

D'abord  le  général  Stuart  me  dit  que  l'évacuation  de  la  place  aurait 
lieu  sous  peu  ;  mais  voyant  que  j'insistais,  et  que  je  désirais  une  réponse 
moins  vague,  il  me  déclara  qu'il  n'avait  aucun  ordre  de  sa  cour  de  quit- 
ter Alexandrie,  et  qu'il  croyait  même  y  passer  l'hiver. 

Le  général  Stuart  est  un  homme  d'un  esprit  médiocre.  Il  a  pour  aide- 
de-camp  un  émigré  français^  appelé  le  chevalier  de  Sades,  homme  d'es- 
prit, ennemi  de  la  France;  il  a  beaucoup  d'influence  sur  le  général. 


ûS  APPENDICE 

Je  fus  le  même  jour  voir  Khourchid-Alimed,  pacha  d'Alexandrie,  et 
le  capitan-béy,  commandant  les  forces  de  mer  ottomanes. 

Après  les  compliments  d'usage  et  quelques  mots  agréables  pour  la 
Sublime-Porte,  je  leur  annonçai  que  les  agents  du  commerce  français 
allaient  se  rendre  en  Egypte.  Cette  communication  leur  fit  le  plus  grand 
plaisir^  et  ils  ne  me  cachèrent  point  qu'ils  voyaient  avec  peine  le  séjour 
des  Anglais  dans  ce  pays.  Je  leur  dis  que  ce  séjour  ne  pouvait  se  prolon- 
ger encore  longtemps,  et  que  la  paix  générale  ne  laissait  aucun  doute  sur 
leur  prochain  départ. 

Le  25,  je  fus  voir  le  cheik  El-Messiry. 

Je  vis  également  ce  jour-lk  le  cheik.  Ibrahim  Muphti. 

Le  26,  je  fus  visiter  la  coupure  du  khalidj,  qui  a  formé  le  lac  Maréo- 
lis  ;  l'écoulement  des  eaux  du  lac  Madié  est  encore  très-fort  ;  et  si  la 
Porte  ne  se  hâte  de  rétablir  ce  canal  important,  les  éboulements  qui  ont 
lieu  sur  la  petite  langue  de  terre,  qui  sépare  les  deux  lacs,  rendront  l'ou- 
verture tellement  considérable,  qu'il  sera  impossible  d'y  travailler.  Je  ne 
pense  pas  que  l'ingénieur  suédois,  envoyé  par  la  Porte  pour  diriger  ces 
travaux,  ait  les  talents  nécessaires.  La  formation  du  lac  Maréotis  paraît 
avoir  contribué  à  la  salubrité  de  l'air.  La  ville  n'a,  dans  ce  moment,  que 
de  l'eau  saumûtre  qu'elle  tire  des  puits  du  Marabou.  Ce  petit  fort  est 
armé;  il  s'y  trouve  une  garde  anglaise  et  turque,  pour  protéger  les  habi- 
tants qui  y  viennent  puiser. 

J'employai  la  journée  du  27  à  parcourir  la  ville,  et  à  recevoir  diffé- 
rents individus  qui  vinrent  me  voir. 

Le  28,  je  partis  pour  me  rendre  au  Kaire,  escorté  par  deux  officiers 
français  que  j'avais  pris  à  bord  de  la  frégate.  Les  vents  contraires  m'obli- 
gèrent à  rentrer  dans  le  port. 

Le  lendemain  je  fus  à  Aboukir,  oii  je  passai  la  nuit.  Je  profitai  -de 
cette  occasion  pour  visiter  en  détail  le  fort,  qui  est  dans  le  plus  grand  dé- 
labrement. 

Le  30  j'arrivai  à  Roselle,  après  avoir  visité,  en  montant,  le  fort  Ju- 
lien; je  vil,  ce  jour-là  môme,  Osman,  aga  et  douanier  de  la  ville,  ainsi 
que  tous  les  chrétiens  qui  s'y  trouvent. 

Le  1"  brumaire,  je  fus  ii  Faoné,  où  je  vis  le  commandant  de  la  place, 
le  cadi  et  les  cheiks  ;  je  reçus  de  ces  derniers,  et  de  tous  ceux  que  j'ai 
entretenus,  des  protestations  d'attachement  pour  le  premier  Consul. 

Je  passai  le  lendemain  à  P.ahmanié,  où  je  vis  le  cheik  Muhammed 
Abou-AIy.  Le  fort  de  cette  ville  est  presque  entièrement  détruit. 

Je  vis  le  3,  à  Menouf,  le  cheik  Abdin,  que  le  premier  Consul  avait 
nommé  cadi.  Les  autres  cheiks  de  cette  ville,  qui  vinrent  me  voir  chez 
lui,  me  tinrent  les  mêmes  discours  que  les  cheiks  de  Faoné.  Je  leur  dis  : 

«  Le  premier  Consul  aime  beaucoup  voire  pays  ;  il  en  parle  souvent,  il 


APPENDICK  ^9 

s'intéresse  h  votre  bonheur  ;  il  ne  vous  oubliera  point  et  vous  reconi- 
niandera  à  la  Porte.  11  a  l'ail  la  paix  avec  l'Europe,  et  ce  pays  se  ressen- 
lira  de  l'inlérèl  qu'il  y  prend  et  du  souvenir  qu'il  conserve  aux  pauvres 
cbeiks  d'Egypte.  » 

Muhammed  Kachef-Zourba-Mulzelleui,  qui  commandait  i\  Menouf  lors 
de  mon  passage  dans  celte  ville,  a  eu  la  tète  tranchée,  d'après  une 
accusation  d'intelligence  avec  les  Mameluks. 
Les  deux  forts  de  Menouf  sont  détruits. 

J'arrivai  le  même  jour  Ji  lîouiak.  .T'envoyai  immédiatement  le  citoyen 
Jaubert  prévenir  le  pacha  du  Ivaire  de  mon  arrivée. 

Le  lendemain  malin,  k,  le  pacha  m'envoya  trois  cents  hommes  de  ca- 
valerie et  deux  cents  hommes  d'infanterie,  commandés  par  les  princi- 
paux officiers  de  sa  maison,  pour  m'accompagner  chez  lui  au  bruit  d'un 
grand  nombre  de  salves  d'artillerie. 

Rendu  chez  le  pacha,  je  lui  dis  :  «  La  paix  vient  de  se  conclure  en- 
tre la  République  française  cl  la  Sublime-Porte  :  les  anciennes  relations 
d'amitié  et  de  commerce  vont  êtres  rétablies,  et  je  suis  chargé  par  le 
grand  Consul  Bonaparte  de  vous  assurer  de  sa  bienveillance  et  de  vous 
annoncer  l'arrivée  des  commissaires  de  commerce  français  en  Egypte.  » 
Le  pacha  me  répondit  :  «  La  bienveillance  dont  le  premier  Consul  m'ho- 
nore me  pénètre  de  reconnaissance,  et  ses  agents  commerciaux  recevront 
ici  l'accueil  le  plus  amical.  » 

Je  me  rendis  ensuite  dans  la  maison  que  le  Pacha  m'avait  fait  pré- 
parer. 

Je  reçus,  le  même  jour,  la  visite  de  tous  les  principaux  du  pays,  et 
celle  des  intendants  copies. 

Le  5,  je  me  rendis  chez  le  Pacha  :  j'eus  avec  lui  une  longue  confé- 
rence. Je  lui  parlai  en  ces  termes  :  «  Le  premier  Consul  prend  k  vous 
et  au  pays  que  vous  gouvernez  un  intérêt  très  vif,  et  désire  contribuer 
à  voire  bonheur;  il  m'a  chargé  de  vous  offrir  sa  médiation,  pour  vous 
pacifier  avec  les  beys.  » 

Le  Pacha  me  remercia  vivement  et  sincèrement  de  l'intérêt  du  pre- 
mier Consul  pour  sa  personne  :  mais  il  me  protesta  qu'il  avait  l'ordre  le 
plus  positif  de  sa  cour,  de  Jaire  une  guerre  d'extermination  aux  béys, 
et  de  n'entrer  en  aucun  arrangement  avec  eux.  Je  lui  observai  que  les 
affaires  malheureuses  pour  les  troupes  ollomanes,  qui  avaient  eu  Heu  (car 
elles  venaient  d'être  batlues  cinq  fois  de  suite  par  les  Mameluks),  ren- 
daient la  position  très-critique,  et  que  cette  obstination  l'exposait  à  per- 
dre cette  province.  Il  me  donna  alors  communication  des  ordres  de  la 
Porte,  et  je  vis,  fi  n'en  pouvoir  douter,  qu'il  ne  lui  était  pas  possible  de 
se  prêter  à  aucun  acommodemenl.  Je  le  prévins  que  j'étais  dans  l'inten- 
tion de  voir  les  différents  cheiks  du  Kaire,  ainsi  que  madame  Murad-Béy. 

T.    II.  U 


50  APPENDICE 

et  de  visiter  les  environs  et  les  fortifications  de  la  ville.  Il  ordonna  aussi- 
tôt que  la  garde  qu'il  m'avait  envoyée  m'accompagnât  partout  où  je  vou- 
drais aller,  en  me  disant  qu'il  serait  enchanté  de  pouvoir  contribuer  à  me 
rendre  le  séjour  du  Kaire  agréable. 

Li.'  même  jour ,  je  commençai  mes  visites  par  le  cheik  Abdalla-el- 
Chercanoï.  Il  est  de  la  grande  mosquée.  Comme  j'étais  attendu  chez  lui, 
il  y  avait  fait  venir  un  nombre  considérable  de  cheiks.  La  conversation 
ne  roula  que  sur  l'intérêt  que  le  premier  Consul  prend  h  l'Egypte,  sur  sa 
puissance,  sur  sa  gloire,  sur  son  estime  et  sa  bienveillance  pour  les  savants 
cheiks  du  Kaire.  Leurs  réponses  exprimaient  leur  attachement  pour  sa 
personne. 

Il  faudrait  avoir  été  timoin,  comme  moi,  de  l'enthousiasme  qu'exci- 
tait la  vue  du  portrait  du  premier  Consul  pour  se  faire  une  idée  de  l'exal- 
tation de  leurs  sentiments.  Je  l'ai  donné  à  tous  les  principaux  cheiks  du 
Kaire  et  des  villes  que  j'ai  parcourues. 

Le  0,  j'allai  voir  le  cheik  Oraer-El-Bekry,  prince  des  shérifs;  il  était 
malade,  et  je  ne  vis  que  son  fils. 

Le  cheik  Suleiman-El-Fayoumy  me  reçut  avec  beaucoup  d'amitié,  et 
m'assura  de  son  admiration  sans  bornes  pour  le  premier  Consul.  Les 
citoyens  Jaubert  et  Berge  m'ont  certifié  que  jamais  les  habitants  du  Kaire 
n'avaient  témoigné  autant  d'attachement  à  la  France  que  lors  de  ïuon 
arrivée.  Lorsque  nous  passions  dans  les  rues,  tout  le  monde  se  levait  et 
nous  saluait.  Leurs  astrologues  font  tous  les  jours  des  prédictions  sur  ce 
qui  concerne  le  premier  Consul. 

Le  7,  j'allai  visiter  madame  Murad-Bey;  déjà  son  intendant  était 
passé  chez  moi,  pour  me  prier  de  lui  accorder  une  entrevue.  Je  lui  fis 
connaître  que  le  premier  Consul  m'avait  chargé  d'interposer  ma  médiation 
pour  les  pacifier  avec  la  Sublime  Porte;  mais  que  le  Pacha  avait  ordre  de 
ne  point  entrer  en  négociation. 

J'employai  ce  même  jour  et  les  suivants  à  visiter  la  citadelle,  l'île  de 
Roda,  Gizé,  Boulak  et  tous  les  autres  petits  forts  qui  environnent  la  ville. 
Les  soldats  turcs  murmuraient  de  me  voir  parcourir  et  visiter  les  forts; 
mais  je  feignais  de  ne  pas  les  entendre,  et  je  continuais  mes  courses  et 
mes  observations. 

Le  7,  en  revenant  du  fort  Dupuy ,  un  soldat  me  menace  de  sou  yata- 
gan. Gomme  il  avait  l'air  ivre,  et  que  les  habitants  de  la  ville  témoignaient 
hautement  leur  indignation  contre  lui,  je  ne  m'arrêtai  point  à  ses  menaces, 
et  je  continuai  ma  route.  Un  moment  après,  passe  à  cheval  devant  moi 
Mustapha  Oukil,  un  des  premiers  de  la  ville.  En  passant,  il  reproche  à 
mes  sais  de  marcher  devant  un  Français,  elles  menace  de  la  bastonnade 
après  mon  départ.  Je  crus  ne  devoir  pas  garder  le  silence  sur  une  pareille 
insulte  ;  et,  rentré  chez  moi,  j'envoyai  le  citoyen  Jaubert  auprès  du  Pacha, 


APPENDICE  51 

pour  me  plaindre  et  demander  une  prompte  réparation.  Je  lui  déclarai 
que  j'entendais  que  cet  homme  se  rendît  chez  moi  publiquement  pour  me 
demander  pardon,  se  mettre  à  ma  disposition,  et  implorer  ma  pitié.  Il  se 
Irouva  que  Mustapha  était  très-protégé  du  Pacha,  et  l'on  chercha  à  arran- 
ger la  chose  autrement  ;  mais  j'insistai  en  déclarant  formellement  au  Pacha 
que,  si  cette  réparation  n'avait  pas  lieu  de  la  manière  dont  je  l'avais  de- 
mandée, je  partirais  sur-le-champ,  et  que  j'écrirais  immédiatement  à 
Paris  et  à  Constantin ople  pour  me  plaindre. 

Cette  déckralion  produisit  l'effet  que  j'en  attendais,  et  Mustapha 
effrayé  se  rendit  le  lendemain  chez  moi  conduit  par  M.  Piosetti,  me  de- 
manda publiquement  pardon  et  se  mit  à  ma  disposition.  Je  lui  dis  que 
mon  premier  mouvement  avait  été  de  lui  faire  trancher  la  tète,  et  que  je 
n'avais  accordé  sa  vie  qu'aux  sollicitations  du  Pacha  et  de  M.  Rosetti  ; 
mais  que,  s'il  lui  arrivait  dorénavant  d'insulter  des  Français  ou  des  gens 
de  leur  suite,  sa  perte  serait  inévitable. 

Cette  affaire,  qui  se  divulgua  à  l'instant  dans  la  ville,  produisit  le 
meilleur  effet. 

Le  même  jour,  on  chercha  à  exciter  les  Albanais  contre  moi.  Deux 
lettres  venant  de  Rosette,  et  écrites  par  des  protégés  anglais,  assuraient 
que  Ton  avait  signalé,  sur  les  côtes  de  la  Natolie,  une  flotte  française  de 
trois  cents  voiles;  que  nous  marchions  sur  Constantinnple,  et  que  mon 
séjour  en  Egypte  n'avait  d'autre  but  que  de  les  tromper  et  de  les  endor- 
mir sur  leurs  dangers.  Je  fis  venir  chez  moi  le  négociant  qui  avait  reçu 
la  lettre  ;  je  le  sommai  de  me  la  remettre,  ce  qu'il  fit  aussitôt  :  je  l'envoyai 
à  l'instant  au  Pacha  lui-même,  en  lui  faisant  dire  que  ces  nouvelles  ab- 
surdes étaient  répandues  pour  occasionner  des  désordres,  et  pour  cher- 
cher à  altérer  la  bonne  harmonie  qui  existait  entre  la  France  et  la  Su- 
blime Porte  ;  que  j'en  garantissais  la  fausseté  sur  ma  tête. 

Le  Pacha  avait  connu  le  piège,  et  n'en  avait  point  été  la  dupe.  Il  me 
communiqua  même  une  lettre  du  général  Stuart,  qu'il  venait  de  recevoir 
et  à  laquelle  était  joint  un  ordre  du  jour  du  premier  Consul,  lors  de  son 
commandement  de  l'armée  d'Orient.  Cet  ordre  du  jour,  du  mois  de  fruc- 
tidor an  VII,  rappelait  aux  Égyptiens  que  Constantinople  était  tributaire 
de  l'Arabie,  et  que  le  temps  était  venu  de  rendre  au  Kaire  sa  sui)rématie, 
et  de  détruire  en  Orient  l'Empire  des  Osmanlis.  Le  général  Stuart  priait 
le  pacha  du  Kaire  de  se  bien  pénétrer  de  l'esprit  de  cet  ordre,  et  de  voir 
après  quelle  devait  être  la  sincérité  de  notre  attachement  et  de  notre 
paix  avec  les  Turcs. 

Je  fus  indigné  de  voir  qu'un  militaire  d'une  des  nations  les  plus  poli- 
cées de  l'Europe  se  dégradât  au  point  de  chercher  à  me  faire  assassiner  au 
moyen  d'insinuations  de  cette  nature.  Il  a  été  trompé  dans  son  attente. 
Le  Pacha  m'a  prodigué,  jusqu'au  moment  de  mon  départ,  les  traitements 


52  APPENDICE 

les  plus  flatteurs,  et  le  commissaire  anglais  au  Kaire  a  été  témoin  de  l'at- 
tachement de  cette  ville  aux  Français. 

Les  deux  personnages  les  plus  influents  aujourd'hui  auprès  du  Pacha 
du  Kaire  sont  Rosetti  et  Maharouki  ;  ils  détestent  également  la  France,  et 
sont  en  guerre  ouverte  entre  eux.  On  croit  généralement  que  Rosetti  a 
trahi  la  cause  des  béys,  et  qu'il  est  maintenant  pour  les  Osmanlis.  Cepen- 
dant cet  homme  astucieux  se  ménage  la  faveur  des  Mameluks,  s'ils  sont 
vainqueurs.  Il  fait  dans  ce  moment  avec  le  Pacha  un  commerce  de  safran 
et  de  grains,  qui  en  peu  de  temps  a  augmenté  sa  fortune  de  plusieurs 
raillions. 

Scherif-EfTendi,  avant  mon  départ,  a  été  nommé  pacha  de  Jedda,  et 
remplacé  par  Najaï-Eflendi,  qui  est  en  route  pour  se  rendre  au  Kaire.  Il 
a  refusé  son  pachalic,  et  compte  s'en  retourner  à  Constantinople,  après 
avoir  été  en  pèlerinage  à  la  Mecque. 

Mohammed,  pacha  du  Kaire  ,  est  un  esclave  de  la  Géorgie,  élevé  dans 
la  maison  du  capitan-pacha,  h  qui  il  est  eiUièreraent  dévoué  ;  il  a  beau- 
coup du  caractère  de  son  maître.  Le  cheik  El-Sadat,  malgré  les  vexations 
qu'il  a  essuyées  après  le  départ  du  général  Ronaparte,  m'a  fait  prier  de 
lui  envoyer  le  citoyen  Jaubert,  à  qui  il  a  protesté  le  plus  grand  atta- 
chement à  la  personne  du  premier  Consul  :  «  Le  séjour  de  ce  grand 
homme  en  Egypte,  m'a-t-il  dit,  n'a  été  marqué  que  par  des  bienfaits, 
et  ma  patrie  ne  doit  s'en  ressouvenir  qu'en  le  bénissant  :  il  était  juste 
et  bon.  » 

J'ai  vu  plusieurs  cheiks  d'Arabes;  tous  se  plaignent  des  Osmanlis. 

Le  mutessib,  ou  chef  de  la  police  du  Kaire,  c'est  Zou'f-Fukiar,  ancien 
intendant  du  premier  Consul. 

J'ai  reçu  une  députation  des  moines  du  mont  Sinai,  que  j'avais  déjà 
recommandés  au  Pacha  ;  j'ai  écrit  à  leur  supérieur,  pour  l'assurer  de  la 
bienveillance  et  de  la  protection  du  premier  Consul.  Les  moines  de  la 
propagande,  au  Kaire,  que  j'ai  rerais  sous  la  protection  nationale  dont  ils 
jouissaient  avant  la  guerre,  ont  célébré  un  oflice  solennel  et  chanté  un 
Te  Deum  en  actions  de  grâces  pour  la  prospérité  du  premier  Consul.  J'ai 
assisté  à  cette  cérémonie  à  laquelle  étaient  accourus  tous  les  chrétiens  du 
Kaire  ;  j'ai  assuré  les  Pères  de  la  propagande  qu'ils  rentraient  dans  la 
jouissance  de  tous  leurs  anciens  privilèges. 

La  veille  de  mon  départ  (le  11),  j'ai  vu  encore  le  Pacha  ;  je  lui  ai  re- 
commandé tous  les  chrétiens  généralement,  ainsi  que  les  Turcs  qui,  pen- 
dant le  séjour  de  l'armée  française  en  Egypte,  avaient  eu  des  relations 
avec  elle  ;  il  m'a  non-seulement  promis  de  les  respecter,  mais  même  de 
les  traiter  avec  bonté. 

Le  12,  je  suis  parti  dans  une  kange  du  Pacha  pour  me  rendre  à  Da- 
niiette.  Le  Pacha  me  fit  escorrcr  jusqu'il  Boulak  avec  les  mômes  honneurs 


APPENDICE  53 

que  le  jour  de  mon  arrivée.  J'avaisécrit  au  capitaine  Gourdin  de  se  rendre 
h  Daraiette  avec  la  frégate,  afin  de  passer  en  Syrie. 

Le  U  brumaire,  je  m'arrêtai  quelques  moments  à  Séménoud  ,  et  en- 
suite h  Mansoura,  où  je  vis  le  commandant  de  la  ville  et  le  cheik  Esseid 
Muhammed-el-Ghenaoni,  qui  vinrent  me  visiter,  ainsi  que  tous  les  autres 
cheiks.  Je  leur  parlai  dans  les  mômes  termes  qu'aux  autres  différents 
cheiks  de  l'Egypte,  et  j'en  reçus  les  mêmes  protestations  d'attachement. 
La  tour  de  Mansoura  est  détruite. 
Le  môme  soir  j'arrivai  à  Damiette. 

Je  me  rendis  le  lendemain  chez  Ahmed- Pacha- llchil,  créature  du 
grand-vézir;  il  me  rendit  ma  visite  le  môme  jour,  et  il  s'est  parfaitement 
conduit  avec  moi  pendant  tout  mon  séjour  dans  celte  ville. 

Le  16,  je  fus  visiter  le  fort  de  Lesbé  et  les  tours  du  Bogaz.  On  n'a 
pas  continué  les  travaux  du  fort,  qui  est  en  mauvais  état  :  les  tours  du 
Bogaz  sont  bien  entretenues.  Il  y  a  une  garnison  de  deux  cents  hommes 
dans  le  fort  et  dans  les  tours. 

Le  17,  je  reçus  la  visite  du  fils  de  Hassan-Toubar  ;  son  influence  sur 
les  habitants  du  lac  Mensalé  est  toujours  la  même. 

Le  18,  je  passai  à  Sénenié,  oii  je  vis  le  cheik  Ibrahim  El-Behloul, 
celui  qui  se  conduisit  si  bien  lorsque  les  Français,  sous  les  ordres  du  gé- 
néral Vial,  furent  pris  et  cernés.  Le  premier  Consul  avait  exempté  son 
village  de  toutes  contributions. 

J'ai  vu  à  Daraiette  tous  les  cheiks,  et  notamment  Aly-Khafaki,  que  le 
premier  Consul  avait  revêtu  d'une  pelisse.  Il  jouit  d'un  très-grand  crédit 
et  conserve  beaucoup  d'attachement  pour  la  France. 

Il  existe  à  Damiette  deux  chrétiens  qui  ont  un  vrai  mérite  et  qui 
peuvent  nous  être  fort  utiles  ;  ce  sont  MM.  Bazile  et  don  Bazile:  ils  ont 
de  l'intelligence,  une  fortune  très-considérable,  et  jouissent  d'une  très- 
grande  considération. 

En  Egypte,  chefs,  commerçants,  uléma,  peuple,  tout  aime  k  s'en- 
tretenir (lu  premier  Consul,  tous  l'ont  des  vœux  pour  son  bonheur.  Toutes 
les  nouvelles  qui  le  concernent  se  répandent  d'Alexandrie,  ou  de  Da- 
miette, aux  Pyramides,  aux  grandes  Cataractes,  avec  une  rapidité  éton- 
nante. 

Le  23  bruraiare,  la  frégate  arriva  au  Bogaz  de  Diaraetle,  et  je  partis 
inimédiatemeut  pour  Acre,  où  je  fus  rendu  le  28. 

Le  29  au  matin,  j'envoyai  b.  Djezar- Pacha  les  citoyens  Jaubert  et 
Lagrange,  avec  une  lettre,  dans  laquelle  je  lui  mandais  que,  la  paix  étant 
conclue  entre  la  Krance  et  la  Porte,  on  allait  rétablir  les  relations  de 
commerce  sur  le  pied  où  elles  étaient  avant  la  guerre,  et  que  j'étais  chargé 
par  le  premier  Consul  de  conférer  avec  lui  sur  cet  objet.  Je  le  priais  de 
me  répondre  par  écrit  b'il  était  dans  l'intention  de  s'entretenir  avec  moi. 


56*  APPENDICE 

Quelques  heures  après  les  citoyens  Jaubort  et  Lagrange  lurent  de  retour. 
Djezar  les  avait  reçus  assez  froidement.  11  leur  avait  dit  que  je  pouvais 
me  rendre  auprès  de  lui,  mais  il  n'avait  voulu  répondre  que  verbalement. 
Tout  le  monde  m'avait  conseillé  de  ne  point  le  voir  sans  une  assurance 
écrite  par  lui-même  ;  mais,  malgré  ces  avis  timides  et  le  refus  obstiné 
qu'il  fit  de  me  répondre  par  lettre,  je  me  décidai  k  me  rendre  l'i  l'instant 
mèmek  Acre.  • 

Je  descendis  chez  le  commissaire  de  la  République  des  Sept-Ues. 
Un  moment  après,  ledrogman  du  Pacha,  informé  de  mon  arrivée,  vint 
me  prendre  pour  me  conduire  chez  Djezar  qui  me  reçut  dans  un  appar- 
tement où  il  était  seul,  et  où  il  n'y  avait  pour  tous  meubles  qu'un  tapis. 
11  avait  à  côté  de  lui  un  pistolet  à  quatre  coups,  une  carabine  h  vent,  un 
sabre  et  une  hache.  Après  s'être  informé  des  nouvelles  de  ma  santé,  il 
me  demanda  si  j'étais  bien  persuadé  que,  lorsque  l'heure  de  notre  fin  était 
sonnée  dans  le  ciel,  rien  ne  pouvait  changer  notre  destinée.  Ma  réponse 
fut  que  je  croyais  comme  lui,  au  fatalisme.  11  continua  k  parler  long- 
temps dans  ce  sens,  et  je  vis  qu'il  affectait  une  extrême  simplicité,  qu'il 
voulait  passer  pour  un  homme  d'esprit,  et,  qui  plus  est,  pour  un  homme 
juste.  Il  me  répéta  plusieurs  fois  :  «  On  dit  que  Djezar  est  barbare,  il 
«  n'est  que  juste  et  sévère.  Priez  le  premier  Consul,  ajouta-t-il,  de  ne 
«  pas  m'envoyer,  pour  commissaire  des  relations  commerciales  un  borgne 
<(  ou  un  boiteux,  parce  que  l'on  ne  manquerait  pas  de  dire  que  c'est 
«  Djezar  qui  l'a  mis  dans  cet  état.  »  Un  moment  après,  il  me  dit  encore: 
«  Je  désire  que  le  commissaire  que  vous  enverrez,  s'établisse  à  Seïde  : 
«  outre  que  ce  port  est  le  plus  commerçant  de  mes  États,  cet  agent  ne 
(i  serait  pas  nécessaire  ici;  j'y  serai  moi-môme  le  commissaire  français, 
«  et  vos  compatriotes  y  recevront  l'accueil  le  plus  amical.  J'estime  beau- 
ci  coup  les  Français.  Bonaparte  est  petit  de  corps,  mais  c'est  le  plus  grand 
«  des  hommes  ;  aussi  je  sais  qu'on  le  regrette  beaucoup  au  Kaire,  et  qu'on 
((  l'y  voudrait  avoir  encore.  » 

Je  lui  avais  dit  quelques  mots  sur  la  paix  entre  la  France  et  la  Su- 
blime Porte,  et  il  répondit:  «  Savez-vous  pourquoi  je  vous  reçois  et  que 
«  j'ai  du  plaisir  à  vous  voir  ?  C'est  parce  que  vous  venez  sans  firman  :  je 
«  ne  fais  aucun  cas  des  ordres  du  Divan,  et  j'ai  le  plus  profond  mépris 
«  |)Our  son  vézir  borgne.  On  dit  Djezar  est  un  Bosnien,  un  homme  de 
<(  rien,  un  homme  cruel,  mais  en  attendant  je  n'ai  besoin  de  personne  et 
«  l'on  me  recherche.  Je  suis  né  pauvre;  mon  père  ne  m'a  légué  que  son 
t(  courage  :  je  me  suis  élevé  à  force  de  travaux,  mais  cela  ne  me  donne 
«  point  d'orgueil,  car  tout  finit,  et  aujourd'hui  peut-être  ou  demain  Dje- 
«  zar  lui-même  finira,  non  qu'il  soit  vieux ,  comme  le  disent  ses 
«ennemis  »  (et  dans  ce  moment  il  se  mit  ii  faire  le  maniement  des 
armes  à  la  manière  des  Mameluks,  ce  qu'il  exécuta  avec  beaucoup  d'agi- 


APPENDICK  55 

lité)  «  mais  parce  que  Dieu  l'aura  ainsi  ordonné.  Le  roi  de  France,  qui 
«  était  puissant,  a  péri  :  Nabuchodonosor  le  plus  grand  des  rois  de  son 
«  temps  fut  tué  par  un  moucheron,  etc.  »  Il  me  débita  d'autres  sentences 
du  même  genre,  et  me  parla  ensuite  des  motifs  ([ui  l'avaient  décidé  h  faire 
la  guerre  h  l'armée  française.  Dans  tous  ses  discours,  on  remarquait 
aisément  qu'il  désirait  se  raccommoder  avec  le  premier  Consul,  et  qu'il 
redoutait  son  courroux. 

Voici  Tapologue  dont  il  se  servit  pour  me  démontrer  les  raisons  qui 
l'avaient  porté  à  la  résistance.  «  Un  esclave  noir,  me  dit-il,  après  un  long 
(I  voyage  où  il  avait  soulTert  tous  les  genres  de  privations,  arrive  dans  un 
«  petit  champ  de  cannes  à  sucre  ;  il  s'y  arrête,  se  repaît  de  cette  liqueur 
(1  délicieuse  et  se  détermine  à  s'établir  dans  ce  champ.  Un  moment  après, 
((  passent  deux  voyageurs  qui  se  suivaient.  Le  premier  lui  dit:  Salamalec 
«  (le  salut  soit  avec  toi).  —  Le  diable  t'emporte,  lui  répond  l'esclave  noir. 
«  Le  second  voyageur  s'approche  de  lui  et  lui  demande  pourquoi  il  avait 
t  répondu  aussi  mal  h  un  propos  plein  de  bonté.  J'avais  de  bonnes  rai- 
«  sons  pour  cela,  répliqua-t-il  ;  si  ma  réponse  eîît  été  amicale,  cet  homme 
«  m'aurait  accosté,  se  serait  assis  auprès  de  moi  ;  il  aurait  partagé  ma 
«  nourriture,  l'aurait  trouvée  bonne;,  et  aurait  cherché  k  en  avoir  la  pro- 
«  priété  exclusive.  » 

J'ai  recommandé  à  Djezar  les  chrétiens,  et  surtout  les  couvents  de 
Nazareth  et  de  Jérusalem  :  il  m'a  assuré  qu'il  les  traiterait  avec  beaucoup 
d'égards.  Je  n'ai  pas  oublié  les  Mutualis  ;  j'ai  reçu  les  mêmes  assurances 
en  leur  faveur.  Djezar  m'a,  différentes  fois,  répété  que  sa  parole  valait 
plus  que  des  traités.  Notre  conversation  fut  interrompue,  pendant  quelques 
moments,  par  une  musique  militaire  assez  agréable,  qu'il  fit  exécuter. 

Son  palais  est  bâti  avec  beaucoup  de  goût  et  d'élégance,  mais,  pour 
parvenir  aux  appartements,  il  faut  faire  une  infinité  de  détours.  Au  bas  de 
l'escalier  se  trouve  la  prison,  dont  la  porte  est  toujours  ouverte  depuis 
midi  jusqu'au  soir.  En  passant,  je  vis  une  foule  de  malheureux  qui  y 
étaient  entassés.  On  remarque,  dans  la  cour,  douze  pièces  de  campagne, 
avec  leurs  caissons,  extrêmement  bien  tenues.  Jamais  je  n'ai  vu  un  spec- 
tacle plus  hideux  et  plus  révoltant  que  celui  du  ministre  de  Djezar  que 
je  rencontrai  en  sortant.  Le  Pacha  lui  a  fait  arracher  un  œil  et  couper 
les  oreilles  et  le  nez.  J'ai  vu  dans  la  ville  plus  de  cent  individus  dans 
le  même  état.  En  voyant  les  domestiques  de  Djezar,  et  même  les  habi- 
tants d'Acre,  OQ  se  croit  dans  un  repaire  de  brigands  prêts  à  vous 
assassiner  :  ce  monstre  a  imprimé  le  cachet  de  son  caractère  atroce  sur 
tout  ce  qui  l'entoure. 

J'ai  eu  lieu  de  voir  k  Acre  le  procurateur  de  la  Propagande  et  celui  de 
la  Terre  sainte.  C'est  du  premier  et  du  commissaire  des  Sept-Iles  que  je 
tiens  des  1  enseignements  exacts  sur  l'état  actuel  de  la  Syrie  et  sur  les 


56  APPENDICE 

fortifications  d'Acre,  que  je  n'ai  pu  voir  qu'en  partie  :  il  ne  m'a  pas  été 
permis  de  les  visiter.  Le  procurateur  delà  Terre  sainte  a  été  pénétré  de 
reconnaissance  envers  le  premier  Consul  pour  la  protection  qu'il  accorde 
à  ces  moines  ;  il  m'a  assuré  que  ma  recommandation  auprès  de  Djezar 
leur  sera  fort  utile.  «■  Il  fait  tout,  m'a-t-il  dit,  pour  se  raccommoder  avec 
le  premier  Consul.  »  Ce  qu'il  y  a  de  certain  ,  c'est  que  Djezar  a  fort  bien 
traité  un  bâtiment  français  qui  avait  été  à  Acre  avant  mon  arrivée. 

Djezar  occupe  toute  la  Palestine,  à  l'exception  de  Jalla,  où  Abouma- 
rak,  pacha,  se  trouve  assiégé,  depuis  cinq  mois,  par  neuf  mille  hommes. 
Ce  siège  empêche  Djezar  de  faire,  avec  autant  de  vigueur  qu'il  le  voudrait, 
la  guerre  à  l'émir  des  Druzes  :  ce  dernier  ne  lui  a  rien  voulu  payer  depuis 
un  an. 

Tripoli  est  tranquille  dans  ce  moment  :  il  n'en  est  pas  de  même 
d'Alep,  d'où  le  Pacha  a  été  chassé.  Damas  a  consommé  sa  rél)ellion  contre 
la  Porte  ;  non-seulement  le  pacha  du  Divan  en  a  été  chassé,  mais  l'aga, 
qui  commandait  la  citadelle  pour  tous  les  Turcs,  a  été  livré  par  ses  sol- 
dats et  a  eu  la  tête  tranchée.  Ce  pachalic  est  resté  au  pacha  rebelle,  Ab- 
dalla,  qui  est  une  créature  de  Djezar  :  ce  dernier  venait  de  lui  donner 
l'ordre  et  les  moyens  d'escorter  les  pèlerins  de  la  Mecque.  En  un  mot, 
presque  toute  la  Syrie  est  k  Djezar,  et  lesOsmanlis  y  sont  détestés  comme 
en  Egypte. 

Les  Mutualis  vivent  tranquilles  dans  leurs  villages  :  on  les  a  cepen- 
dant obligés  à  quitter  les  bords  de  la  mer. 

Aboumarak  en  est  aux  dernières  extrémités  :  c'est  un  homme  décon- 
sidéré et  d'une  cruauté  qui  égale,  si  elle  ne  surpasse  pas,  celle  de  Djezar  ; 
les  chrétiens  le  redoutent  encore  davantage  et  en  éprouvent  toutes  les  ava- 
nies possibles.  Les  moines  du  couvent  de  JalTa  se  sont  retirés  à  Jérusalem. 

Le  30  brumaire  je  partis  d'Acre,  et,  comme  les  vents  étaient  con- 
traires pour  me  rendre  à  JalTa,  je  fis  voile  pour  Zante,  où  j'arrivai  le  13 
frimaire.  Je  descendis  le  même  jour,  mais  on  nous  mit  en  quarantaine. 
J'obtins  cependant  de  me  rendre  chez  le  gouverneur  et  le  commissaire 
français ,  escorté  par  des  gardes  de  santé. 

J'appris  bientôt  que  l'île  et  la  République  étaient  divisées  en  difié- 
rents  partis,  et  que  la  tranquillité  même  était  menacée.  Je  fis  réunir 
quelques  membres  des  autorités  constituées  et  les  principaux  de  la  ville 
chez  le  gouverneur,  M.  Calicliiopolo.  Après  leur  avoir  parlé  de  l'intérêt 
que  le  premier  Consul  prend  à  leur  bonheur,  je  les  engageai,  en  son  nom, 
à  déposer  cet  esprit  de  parti  qui  les  déchirait,  et  à  attendre,  dans  le  silence 
des  passions,  la  nouvelle  Constitution  que  les  puissances,  garantes  de 
leur  souveraineté  et  de  leur  indépendance,  se  préparaient  à  leur  donner. 

Ce  peu  de  mots  fut  accueilli  avec  enthousiasme  et  tous  crièrent  : 
«  Vive  la  France!  Vive  Bonaparte  !  »  Ces  cris  furent  réitérés,  à  ma  sortie, 


Al'PKNniCI-:  67 

par  plus  de  quatre  mille  personnes  qui  m'accompagnèrent  jusqu'au  port. 
Lo  îïouverneur  et  le  commandant  russe  en  furent  alarmés  ;  et  j'appris  le 
lendemain,  par  le  commissaire  français,  qu'on  avait  mis  en  prison  deux 
personnes  des  plus  influentes  ;  mais  que,  sur  ses  instances,  et  craignant 
mes  reproches,  on  les  avait  fait  relâcher  dans  la  nuit.  J'allai  h  la  consigne  ; 
j'y  fis  venir  le  gouverneur.  Je  lui  parlai  avec  force  sur  l'irrégularité  de 
sa  conduite.  Il  fut  atterré,  et  promit  de  ne  voir  dans  ceux  qui  avaient 
crié  :  Vive  le  premier  Consul  !  que  de  bons  citoyens,  et  de  les  traiter 
comme  tels. 

Comme  il  avait  envoyé  dans  la  nuit  un  courrier  à  son  gouvernement, 
et  que  j'avais  lieu  de  croire  qu'il  lui  avait  fait  un  rapjjort  inlidèle,  j'écrivis 
aussitôt  au  chargé  d'affaires  de  la  République  k  Corfou,  pour  l'informer 
de  ce  qui  s'était  passé  ;  et,  immédiatement  après,  je  me  rais  en  route  pour 
Messine. 

Je  ne  m'écarterai  point  de  la  vérité,  en  assurant  que  les  îles  de  la 
mer  Ionienne  se  déclareront  françaises,  dès  qu'on  le  voudra. 

Armée  anglaise  en  Efjypte. 

Cette  armée ,  commandée  par  le  général  Sluart ,  est  forte  de  quatre 
mille  quatre  cent  trente  hommes  comme  il  paraît  par  la  situation  ci-des- 
sous :  elle  occupe  en  entier  et  exclusivement  Alexandrie  et  les 
forts  environnants.  Les  Turcs  qui  formaient  la  garnison  de  quelques-uns 
de  ces  forts,  en  ont  été  chassés.  Dernièrement,  le  général  anglais  a  fait 
occuper  Demanhour  par  cent  hommes  d'infanterie  et  cent  cavaliers,  sous 
prétexte  de  contenir  les  Arabes.  Les  Anglais  ne  font  aucun  des  travaux 
nécessaires  à  l'entretien  des  forts  ;  les  palissades  en  sont  presque  entière- 
ment détruites,  et  les  éboulements  occasionnés  par  l(;s  pluies  ont  infini- 
ment dégradé  toutes  ces  nouvelles  fortifications.  Ils  n'occupent  aucun  des 
ouvrages  qui  sont  hors  de  l'enceinte  des  Arabes,  et  toutes  les  redoutes 
extérieures,  qui  existaient  lors  du  départ  de  l'armée  française  ,  sont 
détruites. 

Le  pacha  du  Kaire  fournit  à  l'armée  anglaise  du  blé,  du  riz,  du  bois 
et  de  la  viande,  sans  en  tirer  aucun  paiement.  Les  consommations  sont 
triples  de  ce  qu'elles  devraient  être  ;  il  s'y  commet  de  très-grandes 
dilapidations. 

La  plus  grande  mésintelligence  règne  entre  le  général  Stuart  et  le 
Pacha. 

Situation  de  l'armée. 

Le  régiment  de  Dillon  (émigrés) kôO  hommes. 

Chasseurs  britanniques  [idem) 550 

A  reporter. 1000  hommes. 


68  .  APPENDICE 

Report 1000  hommes. 

Régiment  de  Rolle  (suisse) GOO 

Régiment  de  Watteville  [idem) C80 

Le  10*  régiment  d'infanterie  (anglais) .  .  600 

Le  61*  régiment  d'infanterie  {idem) 650 

Le  88*  réyiment  d'infanterie  {idem) 400 

Dragons  du  26*  régiment  {idem) 350 

Artillerie  (idem) 150 

Total 4430  hommes. 

Armée  turque. 

Miihammed,  pacha  du  Kaire,  qui  a  pris,  on  ne  sait  pas  pourquoi,  le 
titre  de  vice-roi  d'Egypte,  ne  commande  pas  ses  troupes  en  personne. 
Muhammed-Aly-Sur-Chersmé,  qui  en  avait  le  coramanderaent  lors  de 
mon  arrivée,  a  été  tué  devant  Gizé;  elles  sont  aujourd'hui  sous  les  ordres 
de  Jussuf  Kiahia.  Taïr  est  pacha  des  Arnaoutes,  qui  composent  la  très- 
grande  majorité  de  cette  armée,  qui  se  monte  k  environ  seize  mille 
hommes,  distribués  comme  il  est  expliqué  ci-après.  Elle  reçoit  de  temps 
en  temps  des  renforts,  qui  viennent  débarquer  à  Aboukir,  mais  elle 
souffre  beaucoup  parla  désertion. 

Khourchid-Ahraed,  pacha  à  deux  queues,  est  à  Alexandrie  avec  six 
cents  hommes,  qui  n'y  occupent  aucune  fortification.  Ce  pacha  est,  pour 
ainsi  dire,  prisonnier  des  Anglais. 

Aboukir.  —  Ce  fort  est  en  mauvais  état  ;  on  n'y  a  pas  fait  la  moindre 
réparation  depuis  sa  prise  :  les  brèches  n'ont  été  ni  déblayées,  ni  réparées. 
La  grosse  tour  en  est  en  partie  détruite  ;  tout  ce  qui  regarde  la  tour  est 
ouvert.  Le  fort  et  la  tour  sont  armés  de  deux  pièces  de  2/(,  de  cinq  pièces 
de  petit  calibre,  et  de  deux  mortiers  de  12  pouces  ;  le  tout  en  très-mau- 
vais état:  il  est  occupé  par  cent  Albanais,  commandés  par  Mustapha-Aga, 
et  tirés  des  troupes  du  pachalic  d'Alexandrie. 

Le  fort  Julien.  —  Ce  fort  est  très-dégradé  et  occupée  par  quinze 
hommes  seulement. 

Burloz.  —  La  tour  est  armée  de  deux  pièces  et  occupé  par  les  habi- 
tants du  village,  qui  en  ont  la  garde,  et  qui  sont  soldés  par  le  Pacha. 

Rahmaniè.  —  Ce  fort  a  été  presque  détruit  par  les  inondations  :  il  est 
occupé  par  vingt-cinq  hommes. 

Menouf.  —  Les  deux  tours  de  la  ville  sont  ruinées  et  abandonnées. 
La  province  de  Menouf  est  occupée  par  cinq  cents  hommes. 

Baiilnk.  —  Les  deux  tours  sont  armées  et  occupées  par  trente  hommes. 
L'Okel-d'Aly-Béy  a  été  rendu  à  son  ancien  usage.  Le  fort  de  la  Pluie- 
d'Eau,  l'aqueduc,  la  citadelle  du  Kaire,  la  porte  Babe-El-Nassr,  et  l'en- 
ceinte jusqu'à  la  porte  Babe-El-Adid,  le  fort  Soulkcwsky,  le  fort  Quentin 
et  la  ferme  d'Ibrahim-Béy  sont  occupés  et  armés.  La  partie  qui  regarde  la 


APPENDICE  59 

Haute-Égypte,  et  qui  garantit  des  tentatives  ennemies  de  ce  côté-là,  est 
bien  entretenue.  L'armement  de  ces  différents  forts  est  le  môme  que  les 
Français  y  laissèrent,  mais  il  n'est  pas  entretenu  et  est  par  conséquent 
fort  dégradé.  La  maison  d'Elfi-Béy,  occupé  par  le  Pacha,  est  le  seul  point 
que  les  Turcs  aient  fortifié  :  j'en  ai  fait  lever  le  plan  par  le  capitaine 
Berge,  et  je  le  joins  ici.  La  ferme  d'Ibrahim-Béy  n'a  plus  d'une  fortifi- 
cation que  le  nom.  Le  fort  Dupuy  est  tombé  en  ruine  et  est  abandonné  ; 
la  rampe  et  la  boiserie  en  ont  été  enlevées.  Les  tours  environnantes  sont 
armées,  mais  pas  occupées.  Les  travaux  du  fort  de  l'Institut  n'ont  point 
été  continués.  Ce  fort  est  presque  détruit,  et  n'est  point  occupé.  Les  ponts 
de  Gisé  et  de  la  ferme  d'Ibrahim-béy  n'existent  plus. 

La  poudrière  de  Roudag  est  détruite  :  le  Kilomètre,  quoique  armé, 
n'est  pas  occupé. 

Gisé  est  également  en  très-mauvais  état  ;  l'arsenal  n'existe  plus  ;  la 
partie  de  l'enceinte  qui  fait  face  à  la  Haute-Egypte  est  la  seule  entretenue. 

Birket-EL-Hadji  est  abandonné. 

Belbéis  et  Salahié  sont  également  abandonnés  et  en  partie  détruits. 

Mansonra.  —  La  tour  de  la  ville  est  détruite.  La  province  de  Mansoura 
est  occupée  par  cinq  cents  hommes. 

Lesbéh  est  en  aussi  mauvais  état  que  tout  le  reste.  Les  Turcs,  loin 
d'achever  les  ouvrages  commencés,  ne  font  pas  même  ceux  qui  sont  né- 
cessaires à  l'entretien  de  la  place.  L'armement  en  est  très-mauvais  ;  les 
affûts  ne  supporteraient  pas  deux  coups  de  canon.  Les  deux  tours  du 
Bogaz  sont  armées  et  en  assez  bon  état.  Le  fort  et  les  tours  sont  occupés 
par  une  garnison  de  deux  cents  hommes  tirés  du  pachalic  de  Damielte. 

Les  tours  de  Dibé  et  d'Oumfarége  sont  détruites. 

La  province  de  Damiette  est  occupée  par  six  cents  hommes. 

Cathié.  —  Ce  fort  n'existe  plus  :  les  Arabes  y  sont  revenus  et  y  re- 
construisent leur  village. 

El-Arich.  —  Le  Pacha  a  fait  réparer  ce  fort  et  en  a  commis  la  garde 
aux  habitants  :  j'en  ai  vu  le  cheik  ci  Damiette,  qui  y  était  venu  chercher 
dix  pièces  de  canon  pour  l'armer. 

Suez  est  occupé  par  cent  Osuianlis;  il  n'y  a  point  d'Anglais. 

Récapitulation  et  répartition  des  troupes  turques  en  Egypte. 

A  Alexandrie 600  hommes. 

A  Aboukir 100 

Au  fort  Julien 15 

A  Rosette 200 

A  Rahmanié 25 

Dans  la  province  de  Menouf. 500 

A  reporter 1440 


60  APPENDICE 

Report 1440 

Au  Kaire,  Boulak  et  Gizé 5000 

A  Suez 100 

Dans  la  province  de  Mansoura 500 

Dans  la  province  de  Damiette  et  province  de  Lisbeh COO 

Total 7640 

Forces  disponibles. 

Infanterie , COO  hommes. 

Cavalerie 2000 

Artillerie 500 

Total 3100 

Il  est  inutile  d'ajouler  que  ce  n'est  pas  là  une  armée  :  ce  sont  des 
hommes  mal  armés,  sans  discipline,  sans  confiance  dans  leurs  chefs,  et 
énervés  par  des  excès  de  débauche.  Les  chefs  ressemblent  en  tout  à  leurs 
soldats  :  ignorant  jusqu'aux  premiers  éléments  de  l'art  militaire,  et  con- 
duits uniquement  par  l'appât  des  richesses,  ils  ne  songent  qu'à  s'enrichir, 
et  à  trouver  les  moyens  de  se  retirer  avec  sûreté.  Six  mille  Français  suffi- 
raient aujourd'hui  pour  conquérir  l'Egypte. 

Armée  des  Mameluks. 

L'armée  des  béys  est  composée  de  trois  mille  Mameluks,  de  trois 
mille  cinq  cents  Arabes  de  la  tribu  Ababdé  de  Ghark,  et  de  trois  mille 
cinq  cents  delà  tribu  Binialy.  Muliammed-Béy-Elfy  a  épousé  la  fille  du 
cheik  de  la  première,  et  Maarzouk-Béy,  fils  d'Ibrahim-Béy,  la  fille  du 
cheikdela  tribu  Binialy.  Le  pouvoir,  dans  cette  armée,  se  partage  entre 
Ibrahiro-Bey  (qui  est  le  chef),  Elfy-Béy  et  Osman-Béy,  qui  a  succédé  à 
Murad-Béy.  Leur  quartier-général  est  à  Djergé.  Ils  ont  quatre-vingts  dé- 
serteurs français,  qui  forment  un  petit  corps  d'artillerie.  Jusqu'à  présent 
ils  ont  battu  les  Turcs  dans  toutes  les  rencontres,  et  les  Égyptiens  les 
préfèrent  aux  Osmanlis.  Toute  la  Haute-Egypte  leur  est  soumise. 

Syrie. 

Acre.  —  L'enceinte  de  celte  place  a  été  réparée:  la  porte  en  a  été 
couverte  par  un  petit  ouvrage  à  cornes,  et  la  tour  de  l'angle  de  l'enceinte 
par  une  demi-lune.  On  a  fait  également  une  petite  flèche  en  avant  du 
palais  du  Pacha.  Tous  les  ouvrages  sont  bien  entretenus.  La  partie  la  plus 
faible  est  celle  qui  regarde  la  mer,  et  particulièrement  le  point  qui  défend 
l'entrée  du  port. 

Les  forces  de  Djezar  se  montent  dans  ce  moment,  à  environ  treize  ou 
quatorze  mille  hommes,  dont  neuf  mille  employés  au  siège  de  JalTa;  Jéru- 


APPENDICE  61 

salera  et  Nazarelli  sont  occupés  par  l(!s  troupes  du  paclia  d'Acre.  Les  Na- 
plousains  servent  contre  Aboumarak. 

Jaffa.  —  Le  vézir,  après  la  prise  de  l'Egypte,  en  a  fait  reconstruire 
l'enceinte,  qui,  dans  ce  moment,  est  dans  le  plus  mauvais  état.  Abouma- 
rak, pacha  de  la  Palestine, qui  défond  celtcplace,  y  a  quatre  mille  hommes 
de  garnison. 

Gaza  est  occupé  par  quatre  cents  hommes  de  troupes  d' Aboumarak. 

L'émir  des  Druzes  a  refusé  à  Dje/ar  sa  contribution  annuelle  et  a  fait 
des  armements  imposants.  Le  Pacha  attend  la  prise  de  Jalfa  pour  l'atta- 
quer. Les  Anglais  ont  voulu  intervenir  comme  médiateurs  entre  l'Émir  et 
Djezar,  mais  ce  dernier  a  refusé  leur  médiation. 

La  Porte  a,  dans  ce  moment,  peu  de  rapports  avec  la  Syrie. 

CVI.  —  Dépêche  de   Tanshassadenr  Brime  an  premier  eoiisnl  ltona« 
parte,  en  date  du  4  février  1803  (S8  cliéwai  1317). 

N°  2. 

RÉPUBLIQUE    FRANÇAISE. 
M.    Van    Dedem   lils 

n'ayant  pu  se  charger  Pera  lez-Constantinople,  IG  pluviôse  an  XI. 

de  cette  dépêche,  elle  a 

été  expédiée  par  le  na-  ^6  général  Brune,  conseiller  d'Etat,  ambassa- 

vire  la  cnnception,  de       dcurde  la  Piépublique  française  près  la  Sublime 

Marseilie,capitaineTho-       po^te,  au  i)remier  Consul  Bonaparte. 

mas. 

Citoyen  premier  consul, 

Je  profite  de  l'occasion  du  jeune  Van-Dedem,  etc. 

Le  réis-effendi  m'a  réitéré  l'assurance  que  l'arrangement  sur  les  béys 
n'est  qu'un  simple  acte  de  pardon  ;  que  lord  Elgin,  au  moment  de  mon 
arrivée,  a  fait  vainement  tous  ses  efforts  pour  ajouter  h  cet  acte  une  sti- 
pulation de  garantie  de  la  part  de  l'Angleterre,  et  que  les  Anglais  n'ont 
d'autre  rôle  dans  celte  alTaire  que  celui  do  porter  l'acte  à  Alexandrie  et 
de  déclarer  que  les  béys  ne  peuvent  jamais  prétendre  à  leur  protection  ; 
cette  assurance  m'a  été  donnée  avec  toutes  les  démarches  de  l'amitié  :  le 
réis-effendi  parle  bien  le  français,  il  l'a  appris  en  Angleterre,  et  on  le  fait 
passer  pour  un  zélé  partisan  des  intérêts  britanniques;  il  a  supposé 
([u'on  m'en  avait  donné  cette  impression,  et  m'a  dit  que  je  m'aperce- 
vrais qu'il  n'était  point  du  tout  Anglais,  mais  qu'il  était  obligé  encore  de 
dissimuler  jusqu'à  l'évacuation  de  l'Egypte,  et  en  me  demandant  mon 
amitié,  etc. 

{Signé)  Brune. 

(M.  Original.) 


62  APPENDICE 

CVII.  —  Dépêche  de  l'amliassadeur  brîfanniqnc  (lord  1Vliit«'orth),  à 
Paris,  an  ministre  des  affaires  étrangères  (lord  Havikesburg),  en 
date  dn  21  février  1803  (38  chéwai  ISiV). 

Mylord,  à  peine  la  dernière  dépêche,  dans  laquelle  je  vous  rendais 
compte  de  ma  conférence  avec  M.  Talleyrand  était -elle  partie,  que  ce 
ministre  me  fil  parvenir  une  note,  par  laquelle  il  m'informait  que  le  pre- 
mier Consul  désirait  que  je  vinsse  le  trouver  aux  Tuileries,  sur  les  neuf 
heures.  Il  me  reçut  dans  son  cabinet  avec  assez  de  cordialité,  et,  après 
avoir  parlé  sur  diiïérents  sujets  pendant  quelques  minutes,  il  m'invita  à 
m'asseoir  :  il  s'assit  lui-même  de  l'autre  côté  de  la  table  qui  nous  sépa- 
rait, et  entra  en  matière.  Il  me  dit  qu'il  sentait  que,  après  ce  qui  s'était 
passé  entre  moi  et  M.  Talleyrand,  il  était  nécessaire  qu'il  me  fît  connaître 
ses  sentiments  de  la  manière  la  plus  claire  et  la  plus  authentique,  afin  que 
je  les  communiquasse  h  S.  M.  ;"  qu'il  concevait  que  ce  moyen  serait  plus 
eflicace,  venant  de  lui  personnellement,  que  s'il  se  servait  d'un  intermé- 
diaire. 11  ajouta  qu'il  était  vivement  affecté  que  le  traité  d'Amiens,  au 
lieu  d'amener  la  conciliation  et  tous  les  effets  naturels  de  la  paix,  n'eût 
produit  qu'une  jalousie  et  une  méfiance  continuelle  et  toujouis  croissante, 
et  que  cette  méfiance  était  à  présent  devenue  si  forte  qu'elle  devait  néces- 
sairement occasionner  un  résultat  fâcheux.  Il  fit  alors  l'énumération  des 
provocations  réitérées  qu'il  prétendait  avoir  reçues  des  Anglais.  Il  éta- 
blit pour  premier  grief  la  non -évacuation  de  Malte  et  d'Alexandrie 
comme  nous  étions  tenus  de  les  évacuer.  A  cet  égard,  il  dit,  etc.  Il  revint 
sur  le  chapitre  de  l'Egypte,  et  me  dit  que,  s'il  avait  eu  le  plus  petit  désir 
de  s'en  emparer,  il  aurait  pu  le  faire,  il  y  avait  un  mois,  en  envoyant 
25,000  hommes  à  Aboukir,  qui  se  seraient  rendus  maîtres  de  tout  ce  pays, 
malgré  les  4,000  hommes  de  troupes  anglaises  qui  étaient  à  Alexandrie  ; 
que  cette  garnison,  loin  d'être  un  moyen  de  protéger  l'Egypte,  ne  ser- 
vait qu'à  lui  fournir  un  prétexte  de  l'envahir  ;  quHl  ne  le  ferait  pas,  quel- 
que pût  être  son  désir  d'en  faire  une  colonie,  parce  qu'il  ne  croyait  pas 
que  cette  acquisition  valût  le  danger  d'une  guerre  dans  laquelle  on  pour- 
rait peut-être  le  regarder  comme  l'agi^esseur,  et  qui  lui  ferait  perdre  plus 
qu'il  ne  pourrait  gagner,  puisque  tôt  ou  tard  l'Egypte  appartiendrait  à  la 
France,  soit  par  la  chute  de  l'empiy^e  ottoman,  soit  par  quelque  accomode- 
ment  avec  la  Porte.  Pour  preuve  de  son  désir,  etc.  Il  dit  qu'il  n'avait  pas 
châtié  les  Algériens,  parce  qu'il  ne  voulait  pas  exciter  la  jalousie  des  autres 
puissances,  mais  qu'il  espérait  que  l'Angleterre  ,  la  Russie  et  la  France 
sentiraient  un  jour  qu'il  était  de  leur  intérêt  de  détruire  ce  repaire  de 
brigands,  et  de  les  forcer  à  vivre  plutôt  de  la  culture  de  leur  terre  que  du 
pillage  qu'ils  exercent.  —  Dans  le  peu  de  mots  que  j'ai  dit  dans  cette  con- 
versation (car  dans  l'espace  de  deux  heures  qu'a  duré  cet  entretien,  j'ai  eu 


APPENDICE  63 

très-peu  l'occasion  de  parler),  je  me  suis  renfermé  facilement  dons  la  te- 
neur lies  instructions  que  vous  m'avez  données,  je  les  ai  présentées  au 
premier  Consul  d'une  manière  aussi  forte  que  je  l'avais  fait  avec  M.  Tal- 
leyrand,  et  j'ai  beaucoup  insisté  sur  la  sensation  que  la  publication  du 
rapport  du  colonel  Sébastian! avait  causée  en  Angleterre,  ofi  les  vues  delà 
France  sur  l'JÉgypte  doivent  toujours  exciter  la  plus  grande  vigilance  et 
un  sentiment  de  jalousie  :  —  il  soutint  que  ce  qui  devait  nous  convaincre 
de  son  désir  de  la  paix,  était,  d'un  côté,  le  peu  davantage  qu'il  avait  à  re- 
commencer la  guerre,  et,  de  l'autre,  la  facilité  avec  laquelle  il  aurait  pu 
s'emparer  de  l'Egypte  avec  les  mêmes  vaisseaux  et  les  mômes  troupes 
qui  allaient  de  la  Méditerranée  à.  Saint-Domingue  ;  entreprise  qui  aurait 
reçu  l'approbation  de  l'Europe  entière,  et  particulièrement  des  Turcs, 
qui,  h  plusieurs  reprises,  l'avaient  invité  à  se  joindre  à  eux,  à  l'elTet  de 
nous  forcer  à  évacuer  leur  territoire.  —  Je  ne  prétends  pas,  etc. 

...  Il  faut  pourtant  observer  qu'il  n'affecta  point,  ainsi  que  l'avait 
fait  M.  Talleyrand  d'attribuer  h  la  mission  du  colonel  Sébastiani  des 
motifs  imiquemenl  commerciaux,  mais  qu'il  la  représenta  comme  de- 
venue nécessaire,  sous  un  point  de  vue  militaire,  par  rinfraclion  que 
nous  avons  faite  au  traité  d'Amiens. 

CYIII.  —  IV'ote  du  ministre  des  affaires  étrangères  de  S,  M.  britan" 
nique  à  l'ambassacleur  de  France  (Andréossi)  à  Londres,  en  date 
du  15  mars  i803  (31  zilcadé  1S19). 

Le  soussigné,  principal  secrétaire  d'Étal  de  S.  M.,  ayant  le  départe- 
ment des  affaires  étrangères,  etc.,  etc.  Pendant  que  S.  M.  était  animée 
de  ces  sentiments  pacifiques  et  modérés,  et  disposée  à  en  faire  les  mobiles 
de  sa  conduite,  son  attention  a  été  particulièrement  engagée  par  la  pu- 
blication très-extraordinaire  du  rapport  ofTiciel  du  colonel  Sébastiani  au 
premier  Consul.  Ce  rapport  contient  les  insinuations  et  les  accusations  les 
plus  inexcusables  contre  le  gouvernement  de  S.  M.,  contre  l'officier  cora- 
mandant  ses  forces  en  Egypte  et  contre  l'armée  britannique  dans  ce  pays- 
là;  accusations  et  insinuations  entièrement  dénuées  de  fondement,  et 
telles,  qu'elles  auraient  obligé  S.  M.  à  demander  la  satisfaction  qu'ont 
droit  d'attendre  l'une  de  l'autre,  dans  des  occasions  de  celle  nature,  des 
puissances  indépendantes  et  dans  un  élat  d'amitié.  Ce  rapport  découvre, 
de  plus,  des  vues  injurieuses  au  plus  haut  degré  aux  intérêts  des  posses- 
sions de  S.  M.  et  directement  contraires,  etc.  Aucune  satisfaction  n'a  été 
donnée;  aucune  explication  ne  s'en  est  suivie:  mais,  au  contraire,  les 
soupçons  de  S.  M.,  touchant  les  vues  du  gouvernement  français  au  sujet 
de  l'empire  turc,  ont  été  fortifiés  et  confirmés  par  les  événements  subsé- 
quents. 

Dans  ces  circonstances,  etc. 


ÛU  Al'PENDICE 

CIX..  —  Lettre  d'ibraliim-béy  et  d'Osman -b6y-El«Bardissi  an  premier 
eonsnl  Bonaparte,  en  date  de  la  Uante>Égyptc  le  !2  0  mars  1803 
(36  zilcadé  1219). 

Premier  Consul,  nous  connaissons  votre  clémence  et  votre  générosité 
envers  ceux  qui  se  mettent  sous  voire  protection.  Ces  nobles  qualités 
sont  connues  de  l'univers  entier,  ainsi  que  la  franchise  et  la  loyauté  de 
la  nation  que  vous  gouvernez. 

Premier  Consul,  nous  nous  réfugions  en  vous,  priant  l'Eternel  et  V.  E. 
de  jeter  sur  notre  sort  un  regard  favorable.  Si  quelqu'un  d'entre  nous 
eut  précédemment  le  malheur  de  vous  déplaire,  il  en  a  été  bien  puni  par 
les  châtiments  qui  furent  l'efTet  de  la  colère  divine,  et  par  tout  ce  que 
nous  avons  souffert  jusqu'à  ce  moment.  Mais  Dieu  est  miséricordieux,  il 
pardonne  à  ses  serviteurs  et  il  aime  ceux  qui  sont  cléments  comme  lui. 

Nous  savons  que  vous  désirez  la  félicité  des  hommes  et  la  tranquillité 
de  vos  serviteurs.  Vous  avez  donné  la  paix  au  monde,  tous  les  peuples  ont 
joui  de  ses  bienfaits,  et  personne  n'a  plus  connu  le  malheur,  personne.... 
si  ce  n'est  nous.  Nous  le  savons,  ce  n'est  point  l'intention  de  votre  âme 
généreuse. 

Dieu  nous  entend.  Nous  vous  supplions  de  vouloir  bien  être  le  média- 
teur entre  la  Sublime  Porte  et  nous,  pour  obtenir  la  paix  et  le  rétablisse- 
ment de  notre  autorité  d'une  manière  conforme  à  nos  anciens  usages. 

Lorsque  voire  envoyé  Sébastiani  vous  fit  parvenir  nos  salutations,  cela 
nous  encouragea,  nous,  et  nos  enfants,  les  Mamlouks,  à  recourir  à  vous 
pour  vous  exposer  notre  situation  malheureuse  ,  espérant  que  vous  dai- 
gneriez étendre  jusqu'à  nous  vos  faveurs,  en  considération  de  Murat- 
béy,  votre  ancien  ami. 

Nous  ne  cessons  d'offrir  à  Dieu  nos  vœux  pour  la  conservation  de  vos 

jours  et  pour  votre  prospérité. 

(y^'.   Traduction  officielle.) 

CX<  —  lietlre  du    droginan  de    la    Siultlime-Portc    it    l'ambassadeur 
Brune,    en  date  du  25  mars  1803  (1"  zilhidje  131 9). 

Copie.  —  Lettre  du  prince  Gallimachy  au  général  Brune. 

A  la  Sublime-Porte,  le  13/25  mars  1803. 

M.  l'ambassadeur,  c'est  de  la  part  de  S.  E.  le  réis-effendi  que  j'ai 
l'honneur  d'informer  V.  E.  qu'un  Tatar  extraordinaire,  parti  du  Caire  le 
25  du  mois  passé,  et  arrivé  aujourd'hui,  vient  de  nous  donner  la  nouvelle 
de  l'embarquement  des  troupes  anglaises,  et  de  l'évacuation  entière 
d'Alexandrie.  Le  susdit  Tatar  n'a  apporté  aucune  dépèche  y  relative,  car 


APPENDICE  65 

il  était  expédié  de  la  part  de  S.  E,  le  pacha  du  Caire  pour  d'autres  objets  ; 
mais  il  a  déposé  avec  assurance  que  deux  jours  avant  son  départ 
d'Alexandrie  un  Tatar  était  expédié  portant  la  nouvelle  de  l'évacuation  ; 
que  lui-môme  a  vu  positivement  toutes  les  troupes  anglaises  s'embarquer  et 
faire  voile;  et  qu'enûn  il  a  rencontré  le  Tatar  annoncé  si  près  d'ici  qu'il 
pourra  bien  arriver  ce  soir  ou  demain. 

J'espère  être  cv  même  de  faire  part  bientôt  h  V.  E.  de  l'arrivée  de  cet 
autre  Tatar  en  question,  ainsi  que  des  détails  plus  circonstanciés. 

En  attendant,  je  prie  M.  le  général  ambassadeur,  de  vouloir  bien  agréer 
les  assurances  d'estime  et  de  respect  avec  lesquels  j'ai  l'honneur  d'être 
de  Votre  Excellence  —  le  très-humble  et  très-obéissant  serviteur  — 
{Signé)  Charles  de  Callimachy. 

Pour  copie  conforme 
(Signé)  Brune. 

(^.  Copie  authentiqué.) 

CJLl.  —  I%Ioto   de   l'ambassadenr   de   France  à   Londres  an  ministre 
des  affaires  étrangères  de  S.  M.  britannique,  en  date  da  S 8  mars 

1803  (4  zilliidjé  1319). 

Le  soussigné  à  mis  sous  les  yeux  de  son  gouvernement,  la  note  écrite 
par  Son  Excellence  lord  Hewkesbury  ;  il  a  reçu  l'ordre  de  faire  aux 
observations  qu'elle  contient,  la  réponse  suivante  : 

Cette  note  paraît,  etc. 

Lord  Hawkesbury  parle  de  l'article  d'un  journal  où  l'on  a  imprimé  un 
rapport  d'un  colonel  français.  On  pourrait  se  dispenser,  dans  de  graves 
discussions,  de  répondre  sur  cet  objet;  mais,  enfln,  il  n'est  ni  long  ni  dif- 
ficile de  le  faire. 

Un  colonel  de  l'armée  anglaise  a  imprimé,  en  Angleterre,  un  ouvrage 
rempli  des  plus  atroces  et  des  plus  dégoûtantes  calomnies  contre  l'ar- 
mée française  et  son  général.  Les  mensonges  de  cet  ouvrage  ont  été  dé- 
mentis par  l'accueil  fait  au  colonel  Sébastiani  ;  la  publicité  de  son  rap- 
port était  en  même  temps  une  réfutation  et  une  réparation  que  l'armée 
française  avait  le  droit  d'attendre. 

A  son  arrivée  en  Egypte,  cet  officier,  à  son  grand  étonnement,  a  trouvé 
l'armée  anglaise,  qui  devait  l'avoir  évacuée,  et  les  Turcs  extrêmement 
alarmés  de  cette  permanence  de  l'armée  anglaise,  ainsi  que  de  ses  liai- 
sons avec  les  rebelles  du  pays,  en  révolte  ouverte  contre  la  Sublime- 
Porte. 

Il  a  dû  concevoir  que  les  traités  qui  nous  lient  h  la  Porte,  et  par  les- 
quels nous  lui  avons  garanti  l'intégrité  de  ses  possessions,  nous  obli- 
geaient à  nous  joindre  à  elle;  car  il  était  simple  de  penser  que  l'Angle- 

T.    II.  5 


66  APPENDICE 

terre  voulait  déclarer  la  guerre,  dès  l'instant  qu'elle  ne  voulait  pas  exé- 
cuter les  articles  du  traité.  Car  enfin,  la  France  n'est  pas  réduite  à  un 
tel  état  d'abaissement,  que  l'on  puisse  exécuter  ou  non  les  traités  faits 
avec  elle.  De  là,  les  recherches  que  cet  officier  a  (ailes  sur  les  forces 
qui  se  trouvaient  en  Egypte,  et  sur  la  position  qu'occupait  l'armée 
anglaise. 

Mais  depuis,  l'Egypte  est  rentrée  sous  la  domination  de  son  souverain 
légitime,  et  l'idée  d'une  rupture  entre  les  deux  nations,  par  rapport  à 
l'obligation  contractée  avec  la  Porte,  se  trouve  évanouie. 

Il  n'existe  donc  qu'un  seul  objet,  etc. 

CXII.  —  liettre  dn  premier  consnl  Bonaparte  an  ministre  des  rela- 
tions extérieures,  en  date  da  38  septembre  1803(li  djémazinl- 
akliîr  l»i8). 

Je  vous  prie,  citoyen  ministre,  d'expédier  un  courrier  à  Constanti- 
nople  avec  une  lettre  en  chiffres  à  votre  agent  à  Alep,  pour  lui  faire  con- 
naître que,  si  la  prise  de  la  Mecque  et  de  Djeddah  se  confirme,  il  prenne 
les  moyens  d'écrire  au  chef  des  Wahabites.  Il  lui  écrira  d'abord  simple- 
ment que  le  consul  Bonaparte  désire  savoir  si  les  Français  qui  pourraient 
naviguer  dans  la  mer  Rouge,  ou  se  trouver  dans  les  pays  qu'il  occupe- 
rait, seraient  protégés  par  lui,  et  si,  dans  le  cas  oii  ils  viendraient  en 
Syrie  et  en  Egypte,  ils  seraient  sûrs  d'être  préservés  du  pillage  et  d'être 
considérés  comme  amis. 

Sur  sa  réponse,  il  écrira  et  tâchera  de  se  procurer  des  renseignements 
sur  la  force  et  la  situation  de  cette  nouvelle  secte. 

Vous  écrirez,  etc. 

P.  S.  —  Si  les  Wohabites  marchaient  sur  la  Syrie  ou  sur  l'Egypte,  il 
est  nécessaire  que  notre  agent  à  Alep  soit  autorisé  à  nous  expédier  un 
bâtiment  exprès,  soit....  soit  grec,  qui  débarquerait,  soit  à  Tarente,  soit 
à  Venise.  Je  mets  de  l'insistance  à  être  prévenu  avant  tout  le  monde  de 
la  véritable  force  de  cette  secte. 


CXIII.  —  Lettre  dn  premier  consul  Bonaparte  an  ministre  des  rela- 
tions extérieures,  en  date  dn  !S4  novembre  1803  (9  chàban  13t8). 

Je  vous  prie,  citoyen  ministre,  d'envoyer  copie  de  cette  dépêche  au 
général  Brune,  pour  qu'il  porte  des  plaintes  sur  la  manière  dont  on  se 
comporte  avec  noire  agent  â  Latakieh. 

Écrivez  en  chiffre  au  citoyen  Lesseps  qu'il  doit  se  rendre  au  Caire  ; 
qu'il  a  eu  tort  de  montrer  la  lettre  des  Mameluks  au  pacha  du  Caire  ; 


APPENDICE  67 

qu'il  doit  envoyer  en  France,  par  la  voie  la  plus  sûre,  tout  ce  qu'il  saura 
des  béys,  sans  en  rien  communiquer  aux  Turcs. 

11  doit  faire  dire  principalement  à  Osraan-béy  que  j'ai  reçu  sa  lettre; 
que  j'en  ai  compris  le  contenu  ;  que  j'aime  les  Mameluks,  parce  qu'ils 
sont  braves,  et  surtout  les  Mameluks  de  Mourad-béy,  parce  qu'ils  ont  été 
avec  nous  et  ont  fait  partie  de  l'armée  française  ;  que  mon  intention  était, 
dans  toutes  les  circonstances,  de  les  favoriser  et  de  les  protéger  ;  qu'ils 
peuvent  donc  compter  là-dessus.  Qu'il  fasse  dire  à  la  veuve  de  Mourad- 
béy  que  j'ai  reçu  sa  lettre  ;  que  j'ai  donné  l'ordre  spécial  aux  agents  fran- 
çais, qui  sont  en  Egypte,  de  la  protéger;  que  je  veux  qu'elle  n'ait  rien  à 
craindre,  et  qu'elle  n'ait  besoin  de  rien,  parce  que  Mourad-béy  a  fini  par 
être  ami  de  la  France,  qu'il  est  mort  dans  ces  sentiments,  et  qu'ainsi  je 
serai  toujours  ami  de  sa  famille. 

CXIV.  —  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  an  ministre  des  rela- 
tions extérieures ,  en  date  du  34  novembre  i  803  (9  «hàban  121  H), 

Je  désire,  citoyen  ministre,  que  vous  écriviez  une  lettre  en  chiffre  au 
citoyen  Lesseps,  commissaire  des  relations  extérieures  au  Caire,  et  que 
vous  preniez  la  précaution  de  la  lui  envoyer  par  un  homme  qui  ira  s'em- 
barquer àTrieste,  sur  le  premier  bâtiment  qui  partira  pour  Alexandrie, 
de  manière  que  vous  ayez  double  garantie  pour  l'arrivée  de  celte  lettre. 

Vous  direz  au  citoyen  Lesseps  de  faire  connaître  à  Ibrahim-béy  et  k 
Osman-béy  que  j'ai  reçu  leur  lettre,  et  que  j'en  approuve  le  contenu  ;  que 
j'ai  fait  parler  à  la  Porte  pour  ce  qui  les  regarde,  mais  qu'il  est  difficile 
d'espérer  quelque  chose  de  ce  côté  ;  que  je  leur  veux  du  bien,  et  que  je 
désire  leur  en  donner  des  preuves  ;  qu'en  attendant  qu'il  soit  pris  un  parti 
définitif,  je  serais  porté  à  leur  donner  du  secours,  mais  de  manière  à  ne 
pas  nous  brouiller  encore  avec  la  Porte  ;  qu'ils  me  fassent  donc  de  suite 
connaître  la  nature  du  secours  dont  ils  peuvent  avoir  besoin. 

Recommandez  au  citoyen  Lesseps  de  rendre  ses  communications  plus 
fréquentes,  en  envoyant  des  exprès  avec  des  lettres  chiflrées,  et  avec  les 
plus  grandes  précautions,  soit  par  Raguse,  soit  par  Trieste. 

CXV.  —  ConTention  entre  Djézaïrli-.%II-pacha,  gouverneur  d'Egypte, 
et  les  consuls,  en  date  d'Alexandrie  le  6  déceniliro  1803  (20  ciiA- 

ban  1318). 

1.  Les  pavillons  des  puissances  seront  déployés,  excepté  ceux  de  Russie 
et  de  Suède,  dont  les  vice-consuls  attendront  les  ordres  de  leurs  consuls 
généraux  au  Kaire. 

2.  Il  sera  établi  une  barrière  à  l'entrée  du  quartier  franc,  pour  qu'on 


68  APPENDICE 

puisse  fermer  la  nuit,  et  il  sera  placé  par  le  commandant  une  garde  fidèle 
près  ladite  barrière  pour  maintenir  la  tranquillité. 

3.  Puisque  les  Francs  n'ont  pour  se  promener  à  côté  de  leurs  maisons 
d'autre  place  que  celle  appelée  le  Menseyeh,  elle  sera  destinée  à  leurs  di- 
vertissements, et  comme  il  n'est  pas  possible,  malgré  les  ordres  donnés, 
d'empêcher  les  soldats  qui  passent  en  troupes  de  tirer  des  coups  de  fusil 
à  balle,  l'exercice  des  troupes  se  fera  dans  une  partie  de  la  ville.  Pour 
que  la  tranquillité  et  la  siireté  du  quartier  franc  soient  conservées,  les 
troupes  ne  pourront  plus  y  passer  en  masse.  Cette  place  ne  sera  plus  do- 
rénavant le  lieu  de  supplice  des  condamnés. 

4.  Dans  le  cas  où  il  serait  nécessaire  de  faire  des  proclamations  dans 
le  quartier  franc,  on  ne  les  fera  pas  à  haute  voix,  mais  on  avertira  les 
consuls  de  ce  dont  il  s'agira  pour  qu'ils  prennent  leurs  mesures  en  consé- 
quence. 

5.  On  donnera  lecture  des  capitulations  dans  un  lieu  d'assemblée  où  le 
Cadi  déposé  devra  intervenir,  pour  être  réintégré  et  honoré  de  tous  les 
assistants. 

6.  Puisque  sous  de  mauvais  prétextes  le  nommé  Khalil-Allah,  chef  des 
porte-faix,  a  fait  bâtonner  deux  de  ses  hommes,  au  service  du  consulat  de 
France,  et  leur  a  pris  quatre-vingt  dix  piastres,  cette  somme  devra  être 
rendue  et  le  délinquant  bien  bâtonné,  pour  que  pleine  satisfaction  soit 
donnée  ù  notre  ami  le  consul  de  France. 

7.  Les  drogmans  de  nos  amis  les  consuls  recevront  une  satisfaction  de 
notre  part. 

8.  Si  l'on  découvre  les  soldats  qui  ont  tiré  des  coups  de  fusil  à  balle  sur 
les  maisons  de  nos  amis  les  consuls,  ils  seront  punis  sévèrement,  et  si  on 
ne  peut  les  reconnaître,  un  bin-bachy  se  rendra  chez  tous  les  consuls 
pour  demander  excuse  de  ces  excès. 

9.  Puisque  c'est  par  égard  pour  les  puissances  amies  de  la  Porte  que 
l'on  rend  ces  honneurs  à  leurs  consuls,  la  publication  du  présent  traité 
sera  faite  dans  toute  la  ville,  pour  que  le  peuple  en  ait  connaissance. 

10.  Nous  apposerons  notre  seing  au  bas  de  ces  articles,  et  lorsque  les 
consuls  retourneront  à  leurs  habitations,  ils  seront  honorés,  respectés, 
comme  s'ils  étaient  nouvellement  arrivés,  après  avoir  reçu  la  satisfaction 
qui  leur  est  due.  Nous  leur  donnerons  des  marques  de  notre  amitié  par 
des  saints  de  tous  les  forts  lorsqu'ils  hisseront  leurs  pavillons. 

CXYI.  —  Firman  de  la  Snblime-Porte  ù.  Ali*p«cha-DjézaïrU,  en  date 
du  lO  février  1804  (fin-chéwai  1318). 

D'après  les  traités  subsistants  entre  la  Sublime  Porte  et  les  puissances 
européennes,  amies  de  l'empire  ottoman,  la  protection  la  plus  particulière 


APPENDICE  69 

doit  être  accordée  aux  consuls  établis,  par  bérat  ou  firraan,  h.  Alexandrie, 
pour  veiller  aux  affaires  de  leurs  nationaux.  Tel  est  le  sens  précis  des 
traité.  Cependant,  il  est  parvenu  à  ma  connaissance  impériale  que  les 
troupes  sous  vos  ordres,  non  contentes  de  tirer  des  coups  de  fusil  contre 
les  maisons  desdits  consuls,  situées  dans  le  quartier  franc,  n'ont  cessé  de 
se  permettre  toutes  sortes  d'excès  tendant  à  troubler  la  tranquillité,  et 
que  même,  le  15  novembre  dernier,  des  troupes,  sous  les  ordres  de  Has- 
san-béy  et  de  votre  Kiàya,  ont  tiré  plusieurs  coups  de  fusil  contre  les 
fenêtres  des  maisons  européennes;  que  les  maisons  consulaires  n'ont  pas 
été  à  l'abri  de  ces  insultes  ;  que  l'on  a  même  visé  aux  pavillons  et  aux  ar- 
moiries de  ces  maisons;  que,  malgré  les  représentations  officielles  desdits 
consuls,  vous  n'avez  pas  fait  cesser  ces  désordres;  que  n'ayant  pas  puni 
les  turbulents  comme  ils  le  méritaient,  cette  impunité  n'a  servi  qu'à  les 
encourager;  que  les  Européens,  ne  trouvant  pas  près  de  vous  la  sûreté 
et  la  protection  qu'ils  ont  droit  d'attendre,  ont  pris  le  parti  de  s'éloi- 
gner d'Alexandrie  et  de  s'embarquer  sur  le  vaisseau  du  Capitan-béy. 

Ces  faits  sont  diamétralement  opposés  aux  droits  de  l'amitié  et  me  dé- 
plaisent beaucoup.  Mon  grand-vésir  vous  a  déjà  écrit  pour  vous  prescrire 
de  punir  les  coupables,  de  veiller  à  la  sûreté  des  consuls  et  commissaires 
français,  de  leur  donner  la  satisfaction  requise,  et  de  mettre  tout  en  œu- 
vre pour  les  faire  jouir  de  la  tranquillité  que  leur  assurent  les  traités.  Il 
vous  avait  été  donné  à  ce  sujet  des  instructions  précises,  et  on  s'attendait 
à  une  réponse  de  votre  part  ;  comme  vous  n'en  avez  pas  donné,  il  a  été 
décidé  qu'il  vous  serait  expédié  un  commissaire,  porteur  du  présent  com- 
mandement. On  lui  a  donné  toutes  les  instructions  nécessaires,  il  vous 
les  communiquera,  et  ce  sera  à  vous  de  les  peser  mûrement. 

Si  les  consuls  et  commissaires  français  ne  sont  pas  encore  retournés  à 
leurs  maisons,  s'il  ne  leur  a  pas  été  accordé  la  satisfaction  nécessaire,  au 
moment  où  cet  ordre  impérial  vous  parviendra,  il  vous  est  expressément 
enjoint  d'inviter  lesdits  consuls  et  commissaires  à  revenir  dans  leurs  mai- 
sons, de  veiller  à  leur  pleine  et  entière  sûreté,  de  faire  saisir  et  punir 
exemplairement  les  coupables,  sans  faveur  ou  partialité,  de  veiller  à  ce 
que  les  troupes  ne  se  permettent  plus  à  l'avenir  la  moindre  action  con- 
traire aux  droits  de  l'hospitalité  ;  de  maintenir  l'exécution  des  traités,  et 
de  faire  en  toute  diligence  votre  rapport  à  ce  sujet  à  ma  Sublime-Porte. 

D'après  les  liaisons  d'amitié  qui  existent  entre  l'empire  ottoman  et  les 
puissances  européennes,  je  ne  verrai  jamais  d'un  œil  indifférent  qu'elles 
souffrent  la  moindre  atteinte.  Le  commissaire  chargé  du  présent  comman- 
dement vous  le  répétera  de  vive  voix;  vous  aurez  soin  de  vous  y  confor- 
mer; et  si  jusqu'à  présent  vous  n'avez  pas  rempli  les  intentions  de  ma 
Sublime-Porte,  au  moment  où  vous  recevrez  le  présent  commandement, 
il  vous  est  prescrit  d'inviter  les  consuls  à  retourner  chez  eux,  de  les  ras- 


7Ô  APPENDICE 

surer  par  tous  les  moyens  possibles,  de  procéder  sur  le  champ  à  la  pu- 
nition de  tous  les  coupables  sans  exception,  et  sans  vous  laisser  arrêter  par 
aucune  considération  ;  de  veiller  à  ce  que  tous  les  Européens  en  Egypte 
n'éprouvent  aucun  mauvais  traitement,  ni  delà  part  de  vos  troupes,  ni  de 
la  part  de  qui  que  ce  soit. 

Ma  volonté  impériale  est  que  les  Européens  jouissent  partout  de  la 
tranquillité  que  leur  assurent  les  traités.  S'il  parvient  à  ma  connaissance 
que  ces  traités  ne  sont  pas  respectés,  si  vous  vous  rendez  coupable  de  la 
moindre  négligence  dans  l'exécution  de  mes  ordres,  si  vous  ne  les  exécu- 
tez pas  ponctuellement,  sachez  que  rien  au  monde  ne  pourra  vous  justi- 
fier, et  que  vous  encourrez  mon  indignation.  Vous  aurez  soin  d'instruire 
au  plus  tôt  ma  Sublime  Porte  de  l'exécution  des  ordres  qui  vous  sont 
donnés. 

Et  vous,  commissaire ,  en  vous  choisissant  parmi  vos  égaux  pour  vous 
donner  cette  commission  délicate,  j'entends  que  vous  persuadiez  Aali- 
Pacha  que  la  prudence  exige  qu'il  suive  de  point  en  point  les  instruc- 
tions qui  vous  ont  été  données  de  vive-voix,  et  que  vous  lui  répéterez; 
c'est-à-dire  de  ramener  les  consuls  et  commissaires  français  chez  eux, 
s'ils  n'y  sont  pas  encore  retournés;  de  veiller  à  leur  sûreté,  de  punir  les 
perturbateurs  du  repos  public,  en  un  mot,  d'accorder  toute  la  satisfaction 
requise  aux  personnes  lésées.  Tels  sont  les  ordres  précis  de  ma  hautesse. 
Acquittez-vous  bien  de  ma  commission,  donnez  des  preuves  de  votre  in- 
telligence et  de  votre  zèle,  et  prenez  garde  de  permettre  la  moindre  ac- 
tion contraire  aux  ordres  qui  vous  sont  prescrits. 

CXYII.  —  TVote  (sans  date)  du  ministre  des  affaires  étrangères  (Cliam- 
pagny)  sur  un  mémoire  présenté  à  ]\apoIéon  I»'  par  RI.  Hamelln, 
en  date  de  Milan  le  »  avril  1808  (5  sâfer  1233). 

Mémoire  de  M.  Haraelin  sur  l'Egypte.  —  Remis  par  M.  le  chambellan 
Bondy. 

M.  Hamelin,  prévoyant  le  cas  d'une  seconde  conquête  de  l'Egypte,  sou- 
met à  S.  M.  un  précis  sommaire  des  connaissances  qu'il  a  tâché  d'acqué- 
rir sur  le  pays,  et  demande  à  y  être  employé  (ou  partout  ailleurs). 

Son  mémoire  a  pour  objet  d'établir  tous  les  avantages  que  l'Egypte 
offrirait  comme  colonie,  si  l'on  perfectionnait  sa  culture,  son  commerce 
et  le  système  des  contributions.  La  culture  bien  dirigée  donnerait  abon- 
damment du  sucre,  de  l'indigo,  du  coton,  de  la  gomme,  du  séné,  du  lin 
et  du  riz;  le  commerce  encouragé  établirait  des  relations  très-intéressantes 
avec  l'intérieur  de  l'Afrique;  enfin,  les  contributions  assises  avec  régula- 
rité deviendraient  d'un  très-grand  produit. 

M.  Hamelin  ne  place  pas  dans  les  avantages  que  celte  colonie  pourrait 


APPENDICE  71 

offrir  celui  de  devenir  le  passage  du  commerce  des  Indes.  Tl  pense  que 
le  commerce  préférera  toujours  la  navigation  de  long  cours  à  celle  entre- 
coupée qu'exigerait  l'entrepôt  de  l'isthme  de  Suez. 

(Ce  mémoire  serait  intéressant  à  représenter,  si  l'on  venait  à  s'occuper 
de  l'Egypte.) 

{M.  Minute  autographe.) 

Nous  ajoutons  ici  plusieurs  documents  relatifs  à  l'histoire  de  Souès,  et  au 
grand  projet,  dont  M.  F.  de  Lesseps  poursuit  avec  ardeur,  depuis  1856 ,  la 
réalisation,  de  joindre,  par  le  percement  de  l'isthme  de  Souès,  la  mer  Rouge 
et  la  Méditerranée. 

SOCUMEUTTS  RELATIFS   A   SOUÈS 

I.  —  Firman  de  la  Sublime-Porte  en  date  da  .  .  .   1974  (1189-1188). 

Les  liistoriens  nous  apprennent  que  les  chrétiens,  secte  artificieuse  et 
entreprenante,  ont,  dès  l'origine  des  temps,  fait  usage  de  la  fourberie  et 
delà  violence  pour  exécuter  leurs  projets  ambitieux.  Quelques-uns  d'entre 
eux  s'introduisirent,  déguisés  en  négociants,  h  Damas  et  à  Jérusalem  :  de 
la  même  manière  ils  sont  parvenus  h  s'introduire  clans  l'Inde,  ou  les  An- 
glais on  réduit  les  habitants  en  esclavage.  Dernièrement  aussi,  encouragés 
par  les  béys,  des  gens  de  la  même  nation  se  sont  glissés  en  Egypte,  et 
il  est  k  croire  que,  quand  ils  auront  levé  les  cartes  du  pays,  ils  reviendront 
pour  en  faire  la  conquête. 

Afin  de  prévenir  ces  desseins  dangereux,  sur  la  première  nouvelle  de 
ces  opérations,  nous  avons  enjoint  à  leur  ambassadeur  d'écrire  à  sa  cour 
afin  qu'elle  ait  à  défendre  aux  vaisseaux  anglais  de  fréquenter  le  port  de 
Suez.  Elle  a  accordé  cette  demande,  et,  en  conséquence,  si  quelque  bâti- 
ment anglais  ose  y  jeter  l'ancre,  sa  cargaison  sera^confisquée,  toutes  les 
personnes  h  bord  seront  emprisonnées,  jusqu'à  ce  que  nous  ayons  fait  con- 
naître notre  bon  plaisir. 

II.  —  Traité  de  commerce  et  de  navigation  entre  la  Grande-Bretagne 
et  l'Egypte,  en  date  dn  Caire  le  9  mars  19  95  (4  moharrem  1189). 

Art.  1.  Liberté  réciproque  entière  et  parfaite  de  navigation  et  de  com- 
merce entre  les  sujets  respectifs  des  parties  contractantes,  dans  toute 
l'étendue  des  domaines  et  provinces,  sous  leur  gouvernement,  dans  l'Inde 
et  en  Egypte. 

Art.  2.  En  cas  de  rupture  entre  les  deux  nations,  délai  de  six  mois  ac- 


72  APPENDICE 

cordé  aux  sujets  respectifs  pour  se  retirer  oii  bon  leur  semblera,  avec 
leurs  familles,  leurs  biens,  marchandises  et  effets  ;  ils  seront  protégés 
pour  le  recouvrement  de  ce  qu'ils  auront  à  répéter  soit  du  gouvernement 
soit  des  personnes  particulières. 

Art.  3.  Liberté  de  parcourir,  par  terre  et  par  mer,  les  différents  do- 
maines sans  aucune  permission  ou  passe-port,  d'y  entrer,  d'en  partir,  d'y 
rester  ou  y  passer,  et  d'y  acheter  en  même  temps  les  choses  usuelles  et 
nécessaires  à  la  subsistance. 

Art.  li.  Les  négociants  des  deux  nations  pourront  apporter  dans  les 
domaines  respectifs  telles  marchandises  que  bon  leur  semblera,  pourvu 
que  le  débit  n'en  soit  pas  prohibé.  Ils  pourront  acheter  toutes  espèces  de 
marchandises  permises  soit  du  fabricant  soit  de  toute  autre  manière  quel- 
conque ;  ils  disposeront,  comme  ils  le  jugeront  à  propos,  de  celles  qu'ils 
auront  apportées  d'ailleurs,  et  ne  seront  assujettis  ii  aucune  taxe  pour 
raison  de  la  liberté  de  commerce. 

Art.  5.  Aucun  sujet  respectif  ne  pourra  être  saisi  et  détenu  que  pour 
dettes  et  pour  crimes.  Les  affaires  concernant  de  petits  délits  et  des  con- 
traventions commises  par  des  Anglais  seront  décidées  par  leur  chef  rési- 
dant au  Caire,  et  les  personnes  coupables  seront  punies  par  lui  seul, 
comme  il  le  jugera  à  propos. 

Art.  6.  Les  sujets  respectifs  pourront  gérer  eux-mêmes  les  affaires  ou 
les  confiera  qui  bon  leur  semblera;  de  même,  ils  seront  libres  de  faire 
charger  et  décharger  leurs  navires  par  leurs  propres  gens  ou  par  telles 
personnes  qu'ils  jugeront  à  propos  d'employer,  sans  être  tenus  de  payer 
aucun  salaire  à  quelle  personne  que  ce  soit. 

Art.  7.  Liberté  de  disposer  par  testament  ou  autrement  des  marchan- 
dises et  effets  mobiliers,  et,  en  cas  de  mort  de  quelque  sujet,  les  héri- 
tiers légitimes  du  décédé  seront  mis  en  possession  des  biens  après,  avoir 
justifié  de  leur  droit. 

Art.  8.  Les  négociants  des  deux  nations  ne  seront  obligés  de  payer  les 
droits  sur  les  marchandises  chargées  sur  leurs  navires  qu'autant  qu'ils  les 
feront  débarquer,  en  tout  ou  en  partie.  Les  Anglais  ou  autres  proprié- 
taires de  celles  arrivées  au  Caire,  ou  dans  quelque  autre  endroit,  pour- 
ront, sans  payer  aucun  droit  quelconque,  les  faire  rembarquer  pour  être 
portées  ailleurs  dans  le  cas  oii  ils  n'y  voudraient  pas  les  vendre. 

Art.  9,  Les  marchandises  du  Bengale  et  de  Madras,  soit  en  pièces,  soit 
grosses,  ou  la  porcelaine  paieront  G  1/2  pour  cent  de  droit,  qui  seront 
acquittés  en  nature,  pour  les  marchandises  en  pièces,  et  en  argent,  pour 
les  grosses  et  la  porcelaine.  Ces  articles  venant  de  Surate  ou  de  Bombay 
paieront  8  pour  cent  de  droit  de  la  même  manière.  Les  marchandises  du  cru 
de  l'Égyple  ou  qui  y  auraient  été  importées  d'autres  contrées  pourront  être 
achetées  par  les  Anglais  et  réexportées  par  eux,  sans  payer  aucun  droit. 


APPENDICE  73 

Art.  10.  Les  couimandants  et  subrécargues  des  bâlinienls  anglais  don- 
neront, à  leur  arrivée  à  Suez,  avis  au  béy  du  Caire  du  lieu  d'oîi  ils 
viennent,  et  seront  tenus  de  justifier  au  gouverneur  de  Suez  qu'ils  sont 
sujets  anglais  et  marchands  de  profession. 

Art.  11.  Les  marchandises  anglaises  seront  transportées  de  Suez  et  de 
Tor  au  Caire,  aux  risques  du  béy  du  Caire,  ou  de  tout  autre  prince 
d'Egypte  qui  lui  succédera  par  la  suite. 

Art.  12.  Elles  seront  placées  dans  le  magasin  du  marchand,  après 
qu'un  commis  de  la  douane  en  aura  pris  note,  et  elles  ne  pourront  être 
ouvertes  qu'au  Caire. 

Art.  13.  Les  marchands  anglais  ne  pourront  livrer  les  marchandises 
qu'ils  auront  vendues  qu'après  avoir  prévenu  le  douanier  de  leur  vente, 
et  qu'il  aura  envoyé  quelqu'un  pour  recevoir  les  droits. 

Art.  14.  11  ne  sera  rais  aucun  officier  de  douane  à  bord  des  navires  qui 
jetteront  l'ancre  à  Suez,  et  ils  ne  pourront  être  visités  après  la  déclaration 
du  déchargement  de  la  cargaison.  Ils  n'auront  à  payer  que  50  pataquès 
d'arrivage  et  quelques  légères  sommes  que  les  vaisseaux  d'Egypte  payent 
aux  Arabes  de  Tor,  de  Suez  et  du  Caire. 

En  cas  de  contravention  ou  d'inconvénients  occasionnés  par  inadvertance 
ou  autrement  concernant  l'observation  du  traité,  on  s'empressera  d'y  re- 
médier de  bon  accord,  et  sans  suspendre  l'exécution  du  traité.  Les  sujets 
respectifs  qui  seront  trouvés  en  faute  seront  punis  sévèrement. 

Il  ne  sera  fait  aucun  présent  déterminé  à  qui  que  ce  soit;  cependant  les 
marchands  pourront  en  faire  à  leur  propre  convenance,  mais,  dans  aucun 
cas,  ils  ne  pourront  y  être  forcés,  sous  aucun  prétexte. 

{Signé  par)  Mohammed-Abou-Dahab-Beg-Osman,  cûdi  du  Caire,  et  les 
quatre  ouléma, 

(d'Hauterive  et  de  Cussy,  Recueil  des  iraités  de  Commerce  y  etc.) 

III.  — FirmandclaSabUme-Porteendate  du  .  .  .  l'999(.  .  .  1193). 

(Hatti-chérif.)  Nous  ne  voulons  pas  qu^ aucun  navire  franc  s'approche 
des  côtes  de  Souès ,  ni  ouvertement  ni  secrètement.  La  mer  de  Soués,  en 
outre^  est  la  route  privilégiée  du  glorieux  pèlerinage  de  la  Mecque:  en  per- 
mettre la  libre  navigation  aux  susdits  navires,  la  favoriser  et  ne  point 
l'empêcher,  ce  serait  trahir  la  religion,  le  souverain  et  tout  V Islamisme. 
Par  conséquent ,  quiconque  osera  contrevenir  au  présent  ordre  recevra, 
sans  nul  doute,  le  châtiinent  mérité  dans  ce  monde  et  dans  Vautre:  c'est 
donc  pour  l'affaire  la  plus  importante  de  l'Etat  et  de  la  foi  qu'a  été  donné 
cet  ordre  péremptoire  et  irrévocable  ;  conformez-vous-y  avec  zèle  et  em- 
pressement; telle  est  notre  volonté  impériale. 


7û  APPENDICE 

A  notre  vézir  Ismaïl-Pacha,  etc.  ; 

Au  cadi  du  Caire,  etc.  ; 

Au  cheikh-béled  et  aux  autres  béys  de  l'Egypte,  etc.  ; 

A  notre  commissaire  le  capidji-bachi  Moustapha-Saiih-agha,  etc.  ; 

Aux  vénérables  docteurs  et  chêrifVéld.fx  et  Békriyi  ; 

Aux  chefs  des  quatre  sectes  et  aux  docteurs  de  récher,  etc.  ; 

Aux  chefs  de  l'état-major  et  aux  officiers  des  sept  odjak  du  Caire,    etc. 

Sachez  tous  que  Souès  étant  le  port  de  la  Mecque  et  de  Médiue,  villes 
d'illustre  renommée,  centres  de  la  justice,  lumières  qui  font  reluire  la 
doctrine  du  prophète  (dont  Dieu  veuille  perpétuer  la  splendeur  jusqu'à  la 
fin  du  monde  !),  il  n'y  a  pas  d'exemple  qu'avant  ces  derniers  temps  les 
nations  étrangères,  filles  de  l'erreur,  navigassent  dans  ces  mers-là;  au 
contraire,  l'habitude  constante  des  bâtiments  anglais  et  des  autres  nations 
qui  font  le  commerce  des  Indes  a  toujours  été  de  ne  pas  dépasser  Djedda. 
Du  vivant  d'Ali-béy  seulement,  un  petit  navire  franc,  venant  de  l'Ethiopie, 
avait  abordé  à  Souès,  avec  des  présents  de  la  part  d'un  inconnu  pour  ledit 
béy,  et  il  fut  dit  à  celui-ci  que  le  navire  y  était  venu  pour  trouver  un  no- 
lisement.  Ce  premier  exemple  suffit  à  ces  Anglais  pour  croire  qu'ils  pour- 
raient en  tout  temps  fréquenter  ledit  port.  En  effet,  du  vivant  de  Moham- 
met-Abou-Dahab,  d'autres  navires  anglais  chargés  de  tissus  et  d'autres 
marchandises  des  Indes  s'y  sont  présentés;  le  dit  béy,  par  l'impulsion  de 
l'avarice,  qui  était  la  prétendue  augmentation  des  droits  de  douane,  man- 
qua aussi  à  ses  devoirs,  et  en  conséquence  non-seulement  les  Anglais,  mais 
les  autres  nations  également  établies  aux  Indes,  se  prévalant  de  ce  pré- 
texte spécieux,  continuèrent  à  l'envi  de  fréquenter  les  ports  de  la  mer  de 
Souès.  Nous  fûmes  informés  que  les  Anglais  y  avaient  même  construit  des 


magasms. 


Aussitôt  après  que,  par  un  rapport  détaillé,  nous  eîimes  connaissance 
de  ces  conventions  et  innovations  si  contraires  à  la  religion  et  aux  plus 
saints  principes  politiques  d'état,  nous  ordonnâmes  que  les   navires  an- 
glais ne  fussent  plus  admis  dans  ledit  port  et  ne  pussent  plus  fréquenter 
cette  mer  et  ces  côtes-là.  Notre  ordre  fut  en  même  temps  communiqué  5. 
l'ambassadeur  d'Angleterre  résidant    près  la  Sublime-Porte,  afin  qu'il  le 
transmît  à  sa  cour.  Tant  celle-ci  que  la  compagnie  des  Indes  nous  fit  con- 
naître qu'à  dater  de  l'année  à  la  grecque,  c'est-à-dire  des  premiers  jours 
d'octobre,  il  était  sérieusement  défendu  aux  marchands  interlopes  d'ap- 
procher du  port  de  Souès  :  de  plus,  au  moment  où  le  susdit  ambassadeur 
faisait  une  telle  déclaration,  son  premier  drogman  informait  la  Sublime- 
Porte  qu'elle  pouvait  user  du  droit  d'enlever  et  de  confisquer  les  navires 
et  les  marchandises  des  contrevenants,  et  même  de  celui  d'emprisonner 
et  défaire  esclaves  les  équipages.  Ce  fut  précisément  lorsque  la  Sublime- 
Porte  allait  mettre  à  exécution  ces  mesures,  que  Vémir  Sourour,  chérif 


APPENDICE  76 

de  la  Mecque,  lui  exposa  que,  ne  se  contentant  pas  du  commerce  des 
Indes,  les  Francs  se  permettaient  aussi  de  venir  charj^er  du  café  etd'autres 
produits  du  Yéraen,  pour  les  transporter  sur  leurs  navires  h  Souès,  d'où  il 
résultait  un  grand  préjudice  pour  le  commerce  et  la  douane  de  Djedda. 
Tandis  que  ces  Francs  s'occupent,  d'une  part,  de  leur  commerce,  ils  ne 
manquent  pas,  de  l'autre,  de  lever  les  i)lans  de  tous  les  endroits  pouvant 
se  prêter  à  quelque  projet  éloigné  et  secret,  pour  en  profiter  en  temps  et 
lieu,  comme  cela  s'est  malheureusement  vu  aux  Indes  et  dans  d'autres 
ports.  La  Sublime -Porte  devait  donc  prendre  en  considération  cet  état  de 
choses  et  y  remédier. 

Tout  ce  qui  précède  nous  a  été  confirmé  aussi  par  nos  docteurs  et  par 
nos  historiographes,  qui,  en  nous  exposant  les  événements  des  siècles  pas- 
sés, nous  ont  fait  voir  que  ces  événements  ont  toujours  été  amenés  par 
la  politique  occulte  des  nations  franques.  En  l'année  90O,  on  a  vu  les  Por- 
tugais, et  après  aussi  les  Hollandais,  entreprendre  de  longs  et  pénibles 
voyages  pour  pénétrer  dans  les  Indes  ;  ils  parurent  d'abord  comme  mar- 
chands honnêtes,  paisibles  et  amis,  mais  accompagnés  cependant  de  gens 
instruits  qui  auraient  pu  faire,  disaient-ils,  quelque  découverte  de  choses 
utiles  et  curieuses  :  nation  d'intelligence  bornée,  les  Indiens  ne  conçurent 
point  de  soupçons,  mais  ils  payèrent  cher  cette  confiance  en  perdant  suc- 
cessivement Ahmedabad,  le  Bengale,  Surate  et  Madras,  et  en  se  trouvant 
aujourd'hui  eux-mêmes  soumis  h  leur  domination.  Par  suite  de  semblables 
pratiques  insidieuses,  les  Francs  s'introduisirent,  sous  le  manteau  de 
marchands  honnêtes  et  tranquilles,  dans  la  ville  de  Damas,  l'année  /lOO, 
du  temps  des  Fathimites,  mais,  aussitôt  qu'éclatèrent  ces  dissensions 
connues  entre  ces  derniers  et  lei  Abassides,  ils  levèrent  le  masque  et 
s'emparèrent  de  ladite  ville  et  de  Jérusalem,  qui  restèrent  en  leur  pou- 
voir durant  un  siècle,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  moitié  de  l'année  607  (*),  oii 
Yousouff-Salaheddin,  de  glorieuse  mémoire,  parut  à  la  tête  des  Kurdes, 
des  Ayoubites  et  des  Turcs-Méliks  et  fit  cesser  cette  injuste  usurpation, 
en  délivrant  l'une  et  l'autre  ville,  après  d'incroyables  efforts  et  une  hor- 
rible effusion  de  sang  humain.  Mais  laissons  ces  faits  et  événements  des 
anciens  temps  ;  il  suffit  de  se  rappeler  la  haine  invétérée  qu'ont  les 
chrétiens  —  personne  ne  l'ignore  —  pour  les  musulmans  en  général,  et 
le  dépit  qu'ils  éprouvent  en  voyant  ces  derniers  maîtres  de  Jérusalem. 
Que  Dieu  veuille  donc  humilier,  dans  ce  monde,  et  punir,  dans  l'autre, 
du  châtiment  éternel  tous  ceux  qui,  transformant  le  bien  en  mal,  per- 
mettront dorénavant  aux  navires  des  Francs  d'aborder  à  Souès!  Voyez 
les  Indes,  réfléchissez  sur  le  but  final  que  se  proposent  ces  gens-là,  et 

n  II  y  a  parachronisme  :  Salahddain  prit  Jérusalem  l'an  de  l'hégire  583  (1187)  ;  il 
mourut  ea  589  (1192).  V.  la  traduction  italienne  de  ce  firman  dans  Hainm  er-Fwnrf, 
gruben  des  Orients, 


76  APPENDICE 

VOUS  ne  leur  perraetirez  jamais  cette  navigation.  Ayez  bien  soin  de  sur- 
veiller tous  ceux  qui  la  favoriseraient,  et  de  les  punir,  au  besoin,  de  châti- 
ments exemplaires  et  inouïs,  tels  qu'ils  les  méritent,  car  sachez  qu'il  ne 
sera  admis  aucune  justification  par  des  excuses  et  prétextes  quelconques. 
Emprisonnez  les  capitaines  de  tous  les  navires  francs  qui  entreront  dans 
ledit  port,  ce  qui,  à  l'égard  des  Anglais  sera  conforme  k  la  déclaration 
susmentionnée  de  l'ambassadeur  d'Angleterre  :  celui-ci  les  ayant  décla- 
rés corsaires,  rebelles  à  leur  souverain,  nous  aussi  les  considérons  comme 
tels,  et  méritant  par  conséquent  la  peine  de  la  prison  et  de  la  conûscation 
de  leurs  biens. 

Informez  notre  Sublime-Porte  de  tout  ce  qui  arrivera  à  ce  sujet  :  ce  sera 
à  nous  à  prendre  les  résolutions  nécessaires  à  l'égard  des  individus  qui 
oseraient  trangresser  nos  ordres. 

Sachez  donc,  vous  qui  êtes  le  vézir,  que  tel  est  notre  volonté.  La  grande 
part  que  vous  avez  eue  dans  le  maniement  des  affaires  de  l'Etat  doit  vous 
faire  bien  comprendre  toute  l'importance  de  cette  affaire.  Tenez-vous-le 
pour  dit,  vous  autres  mollah,  béy ,  commandants,  docteurs  et  odjak. 
Nous  vous  ordonnons  de  nouveau  de  veiller  avec  la  plus  grande  attention 
sur  l'innovation  dont  il  s'agit,  qui  est  dangereuse  pour  la  religion  et  l'Etat 
k  la  fois.  Conformez-vous  à  nos  ordres,  et  que  notre  parole  vous  inspire 
une  juste  crainte,  car  autrement  —  nous  le  jurons  par  Dieu  —  vous  en- 
courrez notre  indignation  et  les  peines  les  plus  sévères.  Conviés  par  les 
dogmes  de  la  foi  mahométane,  instruits  par  l'histoire,  vous  devez  applau- 
dir à  notre  détermination  souveraine,  et  l'exécuter  conséquemraent,  et  si 
jamais  vos  conseils  et  vos  exhortations  n'étaient  pas  écoutés,  informez-en 
tout  de  suite  la  Sublime-Porte. 

IV.    —    Traité  {*)  entre  la  France  et  l'Egypte,  en  date  do  Caire  le  9 

janvier  1985  (37  sàfer  1199). 

Que  Dieu  soit  loué  ! 
Le  motif  de  cette  écriture  est  qu'on  a  établi  entre  le  plus  distingué  des 
commandants,  Amurat-Béy,  prince  de  la  Caravane,  que  Dieu  conserve, 
augmente  et  rende  éternelle  la  fidélité,  et  le  plus  distingué  entre  ses 
égaux,  le  seigneur  estimé  Beysade  Truguet,  qui  actuellement  est  dans  la 
bien  gardée  ville  du  Caire,  qui  vient  de  Constantinople,  envoyé  par  le 

(')  Zinkeise  n  est  le  seul  historien  qui  mentionne  ce  traité  ainsi  que  la  convention 
qui  suit.  Il  en  a  eu  sous  les  yeux  des  copies  annexées  à  une  dépêche  du  10  octobre 
1785  de  M.  de  Dietz,  chargé  d'affaires  de  Prusse  près  la  Sublime-Porte,  laquelle  est 
conservée  aux  Archives  secrètes  d'État  à  Berlin.  Nous  possédons  depuis  longtemps, 
et  nous  avons  puisé  à  une  source  privée,  les  copies  que  nous  donnons  de  ces  deux  im- 
portants documents. 


APPENDICE  77 

plus  distingué  et  le  plus  noble  entre  les  chrétiens,  M.  l'ambassadeur  de 
France,  comte  de  Choiseul,  que  Dieu  garde  et  seconde. 

On  a  fait  de  plein  gré  la  capitulation  qui  suit,  par  rapport  aux  vais- 
seaux des  négociants  français,  qui  viendront  des  Indes  au  port  du  Suée 
chargés!  des  diverses  marchandises  des  susdites  Indes,  capitulations  et 
conventions  qui  devront  être  gardées  exactement  et  devront  sortir  en 
leur  entier  effet  à  l'arrivée  du  hatti-scherif  de  la  Sublime  Porte,  que  Di'^u 
protège;  et  si  par  hasard  les  bâtiments  français  des  Indes  entrassent  k 
Suez  avant  l'arrivée  du  hatti-scherif,  ils  jouiront  de  toute  sorte  de  siireté 
selon  la  forme  et  teneur  de  cette  écriture. 

1.  Tous  les  vaisseaux  des  négociants  français  pourront  aborder  dans 
tous  les  ports  qui  dépendent  du  gouvernement  d'Egypte  et  on  ne  pourra 
prétendre  d'eux  aucun  droit  au  delà  de  ce  que  payent  les  vaisseaux  turcs  ; 
personne  n'osera  approcher  d'eux  sous  prétexte  de  visiter  les  effets,  qui 
sont  chargés  sur  les  dits  vaisseaux, personne  ne  pourra  les  obliger  de  dé- 
charger leurs  biens  dans  les  ports,  oii  ils  aborderont,  mais  les  Français 
seront  les  maîtres  de  faire  tout  ce  que  bon  leur  semblera;  de  même,  h 
leur  arrivée  à  Suez  ils  ne  devront  payer  pour  les  droits  d'ancrage  rien 
au  delà  de  ce  que  payent  les  vaisseaux  turcs.  Si  jamais  les  vaisseaux  fran- 
çais, soit  de  guerre  ou  marchands,  venaient  à  souffrir  quelques  dommages 
de  la  mer  ou  de  toute  autre  manière,  le  commandant  de  Suez,  qui  dé- 
pend du  gouvernement  du  Caire,  sera  obligé  de  leur  donner  toute  aide 
et  assistance,  et  il  devra  leur  fournir  tout  ce  dont  il  pourront  avoir  besoin, 
au  prix  le  plus  juste,  sans  rien  prétendre  au  delà  de  ce  qu'il  mérite. 

2.  Si  par  malheur  quelqu'un  des  bâtiments  français  faisait  naufrage 
dans  un  des  ports  qui  dépendent  du  gouvernement  du  Caire,  les  com- 
mandants du  Caire  seront  obligés  de  lui  donner  toute  sorte  d'assistance 
et  de  protection  avec  chaleur  et  empressement  pour  le  recouvrement  de 
leurs  effets  ;  les  négociants  français  maîtres  des  marchandises  payeront  des 
gens  qui  travaillent  au  recouvrement,  et  recevront  en  entier  les  effets  re- 
couvrés, et,  lorsqu'ils  vendront  ces  effets,  payeront  la  douane  qu'on  fixera 
ci-après. 

3.  Les  vaisseaux  de  guerre  français  qui,  par  ordre  de  leur  souverain, 
convoyèrent  et  protégeront  les  vaisseaux  marchands,  seront  toujours 
exempts  de  tout  droit  d'ancrage  et  de  tout  autre  droit,  et  si  les  capitaines, 
les  commandants  ou  autres  de  ces  vaisseaux  de  guerre  veulent  descendre 
à  terre,  personne  ne  pourra  les  en  empêcher,  ni  leur  faire  le  moindre 
mal  ni  la  moindre  demande  ;  ils  pourront  faire  à  leur  gré  provision  d'eau 
ou  tout  autre  provision,  tant  à  Suez,  que  dans  tout  autre  endroit  ;  eux  et 
leurs  vaisseaux  seront  respectés  et  protégés,  et  si  quelqu'un  s'avisait  de 
les  molester,  ou  de  leur  faire  du  mal,  les  commandants  du  Caire  châtie- 
ront les  coupables.  On  rendra  aussi  aux  commandants  et  aux  capitaines 


78  APPENDICE 

de  ces  vaisseaux  les  honneurs  qui  leurs  conviennent  et  même  au  delà  de 
toute  autre  nation. 

/j.  Si  les  vaisseaux  marchands  ne  pouvaient  point  arriver  à.  Suez,  ni 
faire  leur  retour  aux  Indes,  et  par  là  obligés  de  mouiller  au  port  de  Jar 
ou  dans  tous  autres  ports,  qui  dépendent  de  l'Egypte ,  les  commandants 
du  Caire  seront  obligés  de  leur  envoyer  des  gens  pour  les  protéger,  et 
pour  mettre  en  sûreté  leurs  effets  et  les  conduire  avec  toute  sûreté  au 
Caire. 

5.  Si  quelque  Musulman,  dans  la  dépendance  des  commandants  du 
Caire  avait  des  disputes  avec  quelque  Français  et  qu'il  en  reçût  du  mal, 
soit  en  fait,  ou  en  paroles,  on  en  portera  la  plainte  aux  commandants  du 
Caire,  ceux-ci  feront  subir  la  peine  au  Musulman  qu'il  aura  méritée,  et 
par  contre  si  ce  sera  le  Français  qui  aura  tort,  il  sera  envoyé  au  com- 
mandant de  son  vaisseau  ou  à  son  consul,  pour  être  puni  selon  sa  faute. 

6.  Tous  les  négociants  français  qui  viendront  de  leur  pays  par  la  voie 
d'Alexandrie  pour  passer  aux  Indes,  ainsi  que  ceux  qui  viendront  des 
Indes  pour  se  rendre  en  France,  pourront  l'exécuter  sans  la  moindre  dif- 
ficulté, personne  ne  pourra  les  en  empêcher,  et  personne  aussi  n'osera 
visiter  leur  équipage,  leurs  hardes,  ou  leurs  lettres;  par  contre,  ils  de- 
vront jouir  de  toute  considération,  commodité  et  sûreté,  ils  pourront  pren- 
dre les  provisions  et  l'eau  dans  tout  endroit  que  bon  leur  semblera  et 
autant  qu'ils  en  voudront,  à  leur  gré. 

7.  Si  de  la  part  du  roi  de  France  venait  un  consul  pour  résider  au 
Caire,  il  sera  reçu  avec  tous  les  honneurs  de  la  part  des  commandants  du 
Caire  ainsi  que  ses  officiers  et  dépendants,  on  lui  donnera  selon  l'usage 
les  Janissaires  à  sa  porte,  on  lui  promet  toute  sûreté  et  tranquilité,  et  qu'il 
ne  lui  arrivera  aucun  mal,  on  lui  promet  aussi  toute  sorte  de  considéra- 
tion et  d'estime,  même  au  delà  de  tout  autre  consul  de  nation  étrangère. 

8.  Lorsque  les  vaisseaux  français  arriveront  au  port  de  Suez,  le  pro- 
tecteur des  Français,  qui  sera  établi  à  Suez  même,  ira  à  bord  pour  en  voir 
le  chargement,  et  en  envoyer  la  note  au  consul,  ou  au  vice-consul,  les 
Français  amèneront  leurs  vaisseaux  eux-mêmes  où  bon  leur  semblera, 
sans  que  personne  ose  prétendre  de  leur  donner  aide  ou  conseil  touchant 
Tendroit  propre  au  mouillage  ;  personne  aussi  ne  s'avisera  d'aller  à  bord 
de  ces  vaisseaux  qu'avec  la  permission  des  capitaines.  Ceux-ci  déciiarge- 
ront  et  chargeront  eux-mêmes  leurs  bâtiments,  sans  qu'un  seul  matelot 
étranger  ose  s'en  mêler,  eux-mêmes  établiront  leur  pilote,  et  qui  que  ce 
soit  ne  pourra  s'approcher  des  canols  et  barques  de  leurs  vaisseaux  char- 
gés de  leurs  effets. 

9.  Soit  de  la  part  du  commandant  de  Suez,  soit  de  la  part  de  toute  autre 
personne,  il  n'y  aura  qui  que  ce  soit  qui  prétende  visiter  les  marchandises, 
seulement  ceux  qui  seront  envoyés  de  la  part  du  Pacha  et  des  comman- 


APPENDICE  7« 

dants  du  Caire  corapteront  1r  nombre  des  balles  de  toileries,  et  appo- 
seront le  sceau  et  en  formeront  une  noté,  qu'ils  enverront  au  Caire,  et 
lorsque  la  marchandise  sera  au  Caire  dans  les  magasins  des  négociaots 
français,  à  la  présence  du  proposé  par  le  Pacha  et  par  nous,  on  ôiera  le 
sceau,  on  ouvrira  les  balles  des  marchandises  et  on  fixera  la  douane  qu'on 
établira  ci-après. 

10.  Pour  ce  qui  concerne  la  douane,  les  négociants  français  payeront 
sur  toutes  les  marchandises  qu'ils  apporteront  des  Indes,  de  quelque  en- 
droit que  ce  soit,  quatre  pour  cent  au  Pacha  et  deux  pour  cent  à  Son  Ex- 
cellence le  prince  du  Pavillon,  commandant  de  l'Egypte;  on  prendra  la 
douane  des  toileries,  en  nature,  et  on  prendra  la  douane  des  drogues,  épi- 
ceries et  autres  articles,  en  argent,  et  cette  douane  payée,  les  négociants 
français  seront  les  maîtres  de  vendre  leurs  eflets  en  Egypte  ou  de  les  en- 
voyer hors  du  royaume  oii  bon  leur  semblera,  sans  payer  rien  de  plus  et 
sans  la  moindre  empêchement. 

11.  Pour  fixer  la  douane  des  drogues  et  épiceries,  on  en  fera  l'estime 
sur  les  montres  ;  mais  si  la  marchandise  se  trouve  meilleure  que  la  montre, 
ce  sera  une  tromperie,  qui  sera  à  leur  charge,  parce  qu'ils  seront  obli- 
gés de  donner  les  marchandises  au  prix  qu'on  aura  évaluée  la  montre, 
et  on  leur  accorde  pour  le  profit,  dépenses,  douane,  cinquante  pour  cent 
au  delà  de  ce  qu'elle  aura  été  estimée. 

12.  Quant  au  café  ,  s'ils  en  ont  quelque  quantité  pour  leur  usage  ou 
pour  des  présents  à  leurs  amis,  ils  payeront  la  douane  d'usage. 

13.  S'ils  apportent  des  marchandises  propres  pour  leur  pays  qu'or- 
dinairement ils  font  passer  par  l'Océan,  on  établira  une  douane  sur  la 
facture  et  ils  payeront  trois  pour  cent,  maison  leur  accordera  des  facilités 
pour  les  engager  à  se  prévaloir  de  cette  route.  S'il  y  a  quelque  soup- 
çon que  la  marchandise  ne  soit  pas  de  la  qualité  désignée  dans  la  facture, 
on  ouvrira  quelques  balles  pour  la  vérifier;  si  la  qualité  répond  à  la  fac- 
ture, on  ne  louchera  pas  aux  balles  restantes,  mais  s'il  y  a  de  la  différence, 
on  les  ouvrira  toutes  et  on  prendra  sur  la  totalité  la  douane  de  six  pour 
cent. 

16,  Les  négociants  et  les  capitaines  ne  seront  nullement  obligés  de 
faire  des  présents  à  qui  que  ce  soit,  soit  commandant,  ou  autre,  comme 
présent  d'usage  ;  et  si  quelqu'un  de  son  propre  gré  fait  quelque  présent, 
ce  sera  sans  conséquence  pour  les  autres,  et  ce  ne  pourra  jamais  être  re- 
gardé comme  un  présent  d'usage  ou  de  droit  pour  tout  autre,  de  sorte 
que  les  négociants,  les  capitaines  et  les  autres  Français  seront  toujours 
les  maîtres  de  faire  ou  de  ne  point  faire  des  donations. 

15.  Aussitôt  qu'arriveront  les  vaisseaux  marchands  à  Suez,  le  gou- 
vernement enverra  des  gens  pour  conduire  leur  chargement  au  Caire, 
avec  tout  le  soin  et  avec  toute  la  sûreté,  sans  risque  de  surprise  de  la  part 


80  APPENDICE 

des  Arabes,  et,  le  bon  Dieu  en  aide,  nous  répondons  de  tout  événement 
pour  la  sûreté  de  la  part  des  Arabes,  et  pour  empêcher  toute  sorte  de 
malheur. 

16.  Si  jamais  les  commandants  du  Caire  voulaient  chasser  les  susdits 
négociants  français  des  Indes,  et  ne  voulaient  plus  les  recevoir  au  Caire, 
ils  leurs  accorderont  le  temps  d'un  an  entier  pendant  lequel  ces  négo- 
ciants seront  fort  tranquilles  dans  leur  maison,  et  pourront  vendre  leurs 
marchandises  à  leur  gré,  sans  qu'ils  aient  à  souffrir  aucune  perte,  dommage 
ou  insulte,  et  l'année  échue  ils  partiront  avec  leurs  associés  en  tout  hon- 
neur et  en  entière  sûreté. 

17.  Si  quelque  autre  nation  européenne  demandait  des  conditions 
pour  le  commerce  de  l'Inde  plus  avantageuses  pour  elle  que  les  présen- 
tes, la  nation  française  sera  toujours  avantagée  au  delà  de  toute  autre 
nation. 

Toutes  ces  conditions  et  conventions  ont  été  établies  et  fixées  entre  les 
parties  contractantes  et  agréées  avec  satisfaction  entière,  afin  qu'elles 
subsistent  entre  les  deux  puissances  encore  à  l'avenir,  tant  de  la  part  des 
commandants  du  Caire  actuels,  et  de  leurs  successeurs,  que  de  la  part  des 
ambassadeurs  et  des  consuls  français  actuels  et  de  leurs  successeurs. 

Conditions  certaines,  positions  fermes,  perpétuelles,  acceptées  en  tout 
et  partout  comme  ci-dessus. 

Le  27  sâffer  1199,  c'est  le  9  janvier  1785. 

Amurat  béy  Osman  kiaya  Soliman  Chietkadar 

Prince  du  pavillon  Mustafzan  Mustafan 

et  ex-prince  de  la  Bascetieu  Halen 

caravane.  Halen  (*)  Truguet. 

V.  —  Convention  entre  le  chevalier  de  Trngnet  et  le  grand  douanier 
Tenssonpli  Cassab,  en  date  du  Caire  le  S 3  janvier  1985  {tZ  ré- 
biul-éwel  1199). 

Convention,  que  Dieu  veuille  assurer,  passée  entre  le  béyzade  Truguet, 
aujourd'hui  ici  présent  au  Caire,  envoyé  par  son  excellence  M.  le  comte 
de  Choiseul,  ambassadeur  du  roi  de  France  à  Constantinople,  et  nous 
Joseph  Gassab,  fermier-général.  —  Après  les  capitulations  fixées,  et  si- 
gnées entre  M.  le  chevalier  de  Truguet,  et  le  prince  Amurat-béy  et  prince 

(')  Défigurés  comme  ils  le  sont,  plusieurs  de  ces  noms  ont  mis  en  défaut  la  perspi- 
cacité de  plus  d'un  orientaliste  que  nous  avons  consulté.  Toutefois,  en  remplaçant 
Amurat  Binj  \)&v  Mourad-héy ,  nous  croyons  reconnaître  dans  Chietkadar  le  nom  de 
Ketkhouda^  dans  Mustafzan  celui  de  èîoustapha  Sawi  et  dans  Basceticr  celui  Aq  Bachih- 
tiar.  (V.  le  préambule  de  la  convention  du  23  janvier  qui  suit,  et  notre  note  au  bas 
de  la  page.) 


APPENDICE  81 

de  la  Caravane  en  présence  et  avec  l'attestation  et  la  signature  de  l'émir 
Soliman  Ghietkada-Mustafagan  (*)  et  l'émir  Osman  Kiaya-Basachlia. 

1°.  Le  sieur  Joseph  Cassai)  assure  sur  sa  conscience  et  sur  sa  foi,  et 
fait  serment  qu'il  veillera,  aidera,  et  protégera  la  nation  française,  et  les 
négociants,  qui  des  Indes  viendront  à  Suez  ,  et  fera  tout  ce  qui  sera 
en  son  pouvoir  pour  rendre  les  afl'aires  entre  eux  et  les  commandants  du 
Caire  de  toute  utilité;  et,  en  retour  de  cela,  on  lui  accordera  les  avanta- 
ges qu'on  va  décrire. 

2».  S'il  survenait  quelque  événement  qui  piit  donner  du  préjudice  ou 
faire  du  tort  aux  négociants  français  susdits,  de  quelque  nature  que  cola 
fût,  le  sieur  Joseph  s'oblige  sur  sa  conscience  d'en  donner  tout  de  suite 
l'avis  au  consul  et  aux  négociants,  et  de  leur  donner  aussi  les  con- 
seils qu'il  croira  les  plus  avantageux  et  les  plus  salutaires,  et  il  ne  pré- 
férera jamais  les  intérêts  de  toute  autre  nation  aux  intérêts  de  la  nation 
française. 

3".  Le  sieur  Joseph  sera  toujours  le  médiateur  entre  les  négociants 
français  et  les  commandants  du  pays,  et  éloignera  autant  qu'il  le  pourra 
toute  sorte  d'extorsion  ou  de  complot,  et  tachera,  autant  que  sera  en  son 
pouvoir,  de  mettre  ces  négociants  en  considération  auprès  des  comman- 
dants du  pays. 

II".  Si  le  sieur  Joseph  venait  k  découvrir  que  quelqu'un  des  négociants 
français  eût  fait  quelque  tromperie  dans  le  commerce,  il  en  préviendra 
M.  le  consul,  à  qui  il  appartient  de  le  châtier,  mais  il  se  gardera  bien 
d'accuser  le  coupable  aux  commandants  du  Caire  ;  le  consul  fera  justice 
et  condamnera  celui  qui  sera  en  faute. 

5°.  Le  sieur  Joseph  aura  sur  tous  les  effets  des  négociants  français  un 
et  demi  pour  cent.  Il  prendra  ce  droit-là  en  nature,  sur  les  toileries,  et  en 
argent,  sur  les  drogues,  épiceries  et  les  marchandises  restantes,  à  teneur 
de  l'estime. 

6°.  Le  sieur  Joseph,  sur  toutes  les  marchandises,  qui  viendront  des  Indes 
et  que  les  négociants  français  envoyèrent  en  Turquie,  aura  aussi  trois 
pour  cent,  mais  cela  doit  être  caché  aux  commandants  du  Caire. 

1°.  Le  sieur  Joseph,  pour  les  effets  que  les  Français  expédieront  dans 
leur  pays,  voie  d'Alexandrie  ou  de  Daraiette,  aura  un  et  demi  pour  cent, 
à  teneur  de  ce  qu'on  a  établi  avec  les  commandants. 

8".  Les  marchandises  qui  viendront  de  France,  pour  être  embarquées 
à  Suez  pour  les  Indes,  payeront  trois  pour  cent  de  douane,  à  Alexandrie 
ou  au  Caire,  sans  rien  de  plus,  et  à  Suez  elles  seront  exemptes  de  tout 
droit. 


(*)  Dans  une  autre  copie  de  cette  convention,  que  nous  avons  pu  nous  procurer, 
nous  lisons  Moustafazay. 

T    ir.  6 


82  APPENDICE 

9".  Si  le  sieiir  Joseph  abandonnait  la  place  de  douanier,  on  compte 
qu'il  fera  tout  son  possible  pour  faire  confirmer  et  agréer  ces  conditions 
par  .son  successeur,  ce  dont  nous  sommes  d'accord. 

A  teneur  de  tout  ceci,  on  est  d'accord  avec  le  sieur  Joseph  Cassab 
qu'il  ne  pourra  augmenter  ni  diminuer  les  conditions  de  la  douane,  ou 
de  tout  autre  ;  qu'il  sera  le  protecteur,  le  surintendant  et  le  bon  con- 
seiller des  négociants  français,  qui  viendront  par  la  voie  de  Suez,  de 
même  que  pour  les  marchandises  qui  viendront  de  Marseille  pour  le 
Suez,  et  pour  les  effets,  pour  la  consommation  de  l'Egypte,  et  de  la  Tur- 
quie, le  mieux  qu'il  le  pourra  en  sa  conscience,  et  comme  réellement  il 
a  promis  pour  tout  ce  qui  a  été  déclaré  ci-dessus,  et  prie  le  bon  Dieu 
qu'ainsi  soit. 

Tous  les  négociants  français  aussi  seront  tenus  et  obligés  à  la  manuten- 
tion de  tous  ces  articles  et  au  payement  de  ces  douanes,  ils  doivent 
être  sincères  sans  tromperie  ou  subterfuge  en  tout  ce  qu'on  a  déclaré 
ci-dessus. 

La  signature  et  le  cachet  ferment  l'instrument;  écrit  le  12  Rebïulawel, 
1199,  c'est  le  23  janvier  1785. 

JussuF  Cassab,  —  be  macatdal  eî  davanin  (*).  Truguet. 

11.  —  Arrêté  du  directoire  exécutif,  en  date  du  IIS  avril  199S 

(%5zilcadé  f^^Z). 

...  Il  (le  général  Bonaparte)  fera  couper  l'isthme  de  Suez,  et  il  prendra 
toutes  les  mesures  nécessaires  pour  assurer  la  libre  et  exclusive  posses- 
sion de  la  mer  Rouge  à  la  république  française. 

Il  améliorera  par  tous  les  moyens  qui  seront  en  son  pouvoir,  etc. 

\n.  .-  Arrêté  du  directoire  exécutif,  en  date  du  13  avril  1998 

(35  zilcadé  1 S 1 3). 

Le  Directoire  exécutif  arrête: 

An.  1.  Les  frégates  de  la  République  qui  se  trouvent  à  l'Ile-de-France 
se  rendront  dans  le  port  de  Suez,  oii  elles  seront  sous  les  ordres  du  citoyen 
Bonaparte,  général  en  chef  de  l'armée  d'Orient. 

An.  2.  A  cet  effet,  elles  mettront  à  la  voile  immédiatement  après  la  ré- 
ception du  présent  arrêté. 

Art.  3.  Elles  amèneront  avec  elles  tous  les  bâtiments  de  transport,  ca- 
pables défaire  le  trajet,  qui  se  trouvent  dans  les  différents  ports  de  l'Ile- 
de-France  et  de  la  Réunion. 

Art.  Z|.  Le  présent  arrêté  ne  sera  pas  imprimé. 

Le  général  en  chef  de  l'armée  d'Orient  est  chargé  de  son  exécution. 

(')M.  Roscalla  Acade,  professeur  d'arabe  et  de  turc,  à  Paris,  pense  qu'il  fau- 
drait lire  :  bè-m^  caldal-ed-davanin,  qui  répondrait  à  -.fermier  des  douanes. 


APPENDICE  83 

VIII.  —  Lettre  du  général  Bonaparte  an  cliérif  de  la  Mecque 
Ghalibibn  •  Monssnïd  ,  en  date  du  Caire  le  S5  août  1998 
(13  rébiul-éwel    1»1.3). 

Dieu  est  clément  et  miséricordieux. 

Je  vous  ai  fait  savoir  mon  arrivée  au  Caire,  h  la  tête  de  l'armée  fran- 
çaise. 

Vous  verrez  par  les  lettres  que  vous  écrivent  le  divan  et  les  principaux 
négociants  du  Caire  que  j'ai  nommé  émir  Iladji-Moustapha-béy,  kiaya 
de  Seyd-Aboubekre,  pacha,  gouverneur  d'Egypte.  Il  escortera  la  caravane 
avec  des  forces  qui  la  mettront  h  l'abri  des  Arabes, 

Faites  connaître  à  tous  les  négociants  et  fidèles  que  les  Musulmans 
n'ont  pas  de  meilleurs  amis  que  nous.  De  même,  que  tous  les  cliérifs  et 
que  tous  ceux  qui  employent  leur  temps  et  leurs  moyens  à  instruire  les 
peuples  et  h  propager  les  maximes  du  saint  livre  n'ont  pas  de  plus  zélés 
protecteurs. 

Assurez  tous  les  négociants  que  non-seulement  le  commerce  n'a  rien  h 
craindre,  mais  qu'il  sera  spécialement  protégé. 

Je  veillerai  toujours  aux  intérêts  de  la  Sacrée  Câba  dont  je  me  fais  gloire 
d'être  le  protecteur  ;  je  vous  prie  de  croire  aux  sentiments  d'estime  et  à 
la  considération  que  j'ai  pour  vous. 

RÉPOIVSE 

[Suscription.)  Avec  le  secours  du  ciel  que  cette  lettre  parvienne  au 
Caire  et  soit  remise  h  l'émir  Bonaparte,  l'ami  de  la  Sacrée  Câba.  Que 
Dieu  le  dirige  dans  ses  voies. 

Au  nom  de  Dieu  clément,  miséricordieux,  etc. ,  salut  de  paix  sur  notre 
seigneur  Mohammed,  le  dernier  de  tous  les  prophètes  et  le  prince  des  en- 
voyés de  Dieu.  Salut  de  paix  soit  aussi  sur  sa  famille  et  sur  les  apôtres  de 
sa  mission  divine. 

Suit  le  grand  sceau  du  chérif,  ou  on  lit  :  L'esclave  du  Tout-Puissant, 
Ghalib-Moussaïd,  l'an  de  l'hégire  1202  (époque  de  son  avènement). 

Chérif  Ghalib,  fils  de  Moussaïd,  prince  de  la  Mecque,  à  l'émir  Bona- 
parte, le  protecteur  des  Oulémas  et  l'ami  de  la  Sacrée  Cuba  (*). 

Après  vous  avoir  fait  mes  salutations,  je  dois  vous  informer  que  j'ai 
reçu  votre  lettre  et  que  j'en  ai  compris  le  contenu  ;  j'ai  vu  notamment 
que  vous  avez  donné  au  Kiaya  du  pacha  du  Caire  la  charge  de  conduc- 
teur de  la  caravane  des  pèlerins  musulmans,  et  je  n'ai  pu  qu'applaudir  à 
cette  disposition. 

(*)  Il  n'y  a  point  dans  l'original  arabe  :  le  protecteur  des  oulémas  et  l'ami  de  la 
sacrée  Câba.  V.  Sacy,  Chrestomalhie  arabe.  Paris,  1827. 


su  APPENDICE 

Vous  me  dites  que  vous  êtes  résolu  d'encourager  les  pèlerins  musul- 
mans à  visiter  la  maison  de  Dieu  et  qu'ils  demandent  sûreté  et  protection 
de  notre  part.  Il  n'y  a  pas  de  doute  qu'ils  ne  soient  ici  efficacement  pro- 
tégés et  que  personne  ne  s'opposera  à  ce  qu'ils  visitent  paisiblement  la 
Sacrée  Câba  et  le  mausolée  du  Prophète.  Le  Seigneur  n'a  ordonné  la 
construction  de  sa  sainte  maison  que  pour  en  faire  le  rendez-vous  de  l'is- 
lamisme. Ainsi  chacun  pourra  venir  s'acquitter,  selon  la  coutume,  du  de- 
voir du  pèlerinage  et  il  n'y  aura  rien  à  craindre  pour  lui. 

Quant  à  ce  que  vous  me  dites  au  sujet  des  encouragements  à  donner 
au  commerce  du  café,  sachez  que  les  négociants  de  l'Hedjaz  ne  sont  point 
encore  assez  rassurés  contre  les  vexations  qu'ils  avaient  coutume  d'es- 
suyer ci-devant  de  la  part  des  Mamlouks  (*j,  et  si  vous  avez  l'intention 
de  donner  à  ce  commerce  toute  l'extension  dont  il  est  susceptible,  prenez 
quelques  mesures  pour  les  tranquilliser,  et  faites  leur  connaître  le  droit 
que  vous  exigerez  d'eux  sur  les  cafés  et  les  autres  marchandises.  Si  vous 
prenez  ce  parti,  vous  les  verrez  accourir  en  foule.  Autrement ,  la 
crainte  d'être  inquiétés  dans  leurs  opérations  les  empêchera  d'aller  en 
Egypte. 

Ce  que  vous  dites  aussi  au  sujet  des  Arabes^  qui  pourraient  maltraiter 
les  pèlerins  musulmans,  cela  n'aura  sûrement  pas  lieu,  avec  le  secours  de 
Dieu  et  de  votre  puissante  protection. 

Salut  de  paix  sur  celui  qui  suit  la  direction  du  salut. 

IX.  —  Instructions  dn  général  Bonaparte  an  général  Bon,  en  date  du 
Caire  le  le'  décembre  1998  (S %  djémazinl-akhir  1%13). 

Vous  vous  rendrez  demain,  citoyen  général,  à  Birket-el-Hadji.Vous  par- 
tirez après  demain,  avant  le  jour,  de  cet  endroit  pour  vous  rendre  avec  la 
plus  grande  diligence  à  Suez.  Il  serait  à  désirer  que  vous  puissiez  y  arri- 
ver le  ik  au  soir,  ou  le  15  avant  midi. 

Vous  m'enverrez  tous  les  jours  un  exprès  arabe,  auquel  vous  ferez  con- 
naître que  je  donnerai  plusieurs  piastres,  lorsqu'il  me  remettra  vos  lettres. 

Vous  aurez  avec  vous,  indépendamment  des  troupes  que  le  chef  de  l'état- 
major  vous  a  annoncées,  le  citoyen  Col  lot,  enseigne  de  vaisseau,  avec 
dix  matelots  et  le  maallem  cophte  qui  aura  aussi  huit  ou  dix  de  ses  gens 
avec  lui. 

Vous  trouverez  à  Suez  toutes  les  citernes  que  j'ai  fait  remplir. 

Votre  premier  soin,  en  y  arrivant,  sera  de  nommer  un  officier  pour 
commander  la  place.  Le  citoyen  CoUot  remplira  les  fonctions  de  com- 

(*)  Les  mots  de  fa  part  des  Mamelouks  ne  se  trouvent  point  dans  l'original  arabe. 
V.  Sac  Y,  /.  c. 


APPENDICE  85 

mandant  des  armes  du  port,  et  les  officiers  du  génie  et  do  l'artillerie,  qu'y 
envoient  les  généraux  Caiïarelli  et  Dommartin,  commanderont  ces  armes 
dans  cette  place.  Le  maallem  cophte  remplira  les  fonctions  de  7nazis  ou 
inspecteur  des  douanes. 

Votre  première  opération  sera  de  faire  remplir  toutes  les  citernes  qui  ne 
sont  pas  pleines,  et  défaire  un  accord  avec  les  Arabes  de  Thor  pour  qu'ils 
continuent  à  vous  fournir  de  l'eau,  qui  existe  dans  les  citernes  de  réserve. 

Vous  ferez  retrancher,  autant  qu'il  vous  sera  possible,  tout  le  Suez  ou 
une  partie  du  Suez,  de  manière  à  être  à  l'abri  des  attaques  des  Arabes,  et 
à  avoir  une  batterie  de  gros  canons  qui  battent  la  mer. 

Vous  vivrez  dans  la  meilleure  intelligence  avec  tous  les  patrons  des 
bâtiments  venant  de  Yambo  ou  de  Djedda,  et  vous  leur  écrirez  pour  les 
assurer  qu'ils  peuvent,  en  toute  sûreté,  continuer  leur  commerce,  qu'ils 
seront  spécialement  protégés. 

Vous  lâcherez  de  vous  procurer,  parmi  les  bâtiments  qui  viennent  h 
Suez,  une  ou  deux  des  meilleures  felouques  qui  se  trouvent  dans  ce  port, 
que  vous  ferez  armer  en  guerre. 

Vingt-quatre  heures  après  votre  arrivée,  vous  m'enverrez,  toujours  par 
des  Arabes,  et  en  duplicata,  un  mémoire  sur  votre  situation  militaire,  sur 
celle  des  citernes,  et  sur  la  situation  du  pays  et  le  nombre  des  bâtiments. 

Vous  ferez  tout  ce  qui  sera  possible  pour  encourager  le  commerce,  et 
rien  pour  l'alarmer. 

Dès  l'instant  que  je  saurai  votre  arrivée,  je  vous  enverrai  un  second 
convoi  de  biscuit. 

Vous  ferez  commencer  sur  le  champ  les  travaux  nécessaires  pour  mettre 
tout  le  Suez  à  l'abri  des  attaques  des  Arabes,  et  si  vous  ne  trouvez  pas 
dans  cette  place  un  assez  grand  nombre  de  pièces  pour  mettre  en  batterie, 
indépendamment  des  deux  que  vous  emmenez  avec  vous,  je  vous  en  ferai 
passer  d'autres. 

Mon  intention  est  que  vous  restiez  dans  cette  place  assez  de  temps  pour 
y  faire  des  fortifications,  afin  que  la  compagnie  Omar,  les  marins  et 
les  canonniers  suffisent  pour  la  défendre  contre  les  entreprises  des  Arabes, 
et  si  ces  forces  n'étaient  pas  suffisantes,  vous  me  le  manderiez;  alors,  je 
les  renforcerais  de  quelques  troupes  grecques. 

Je  vous  recommande  de  ra'écrire  deux  fois  par  jour,  par  des  Arabes. 

Vous  m'enverrez  toutes  les  nouvelles  que  vous  pourrez  recueillir  soit 
sur  la  Syrie,  soit  sur  Djedda,  soit  sur  la  Mecque. 

X.  —  Lettre  du  général  Bonaparte   au   divan   du  Caire,  en   date  de 
Belbéis  le  S  janvier  1 799  (25  rédjeb  1213). 

J'ai  reçu  la  lettre  fort  obligeante  que  vous  m'avez  écrite.  Je  l'ai  lue  avec 


86  APPENDICE 

le  plaisir  que  l'on  éprouve  toujours  lorsqu'on  pense  à  des  gens  que  l'on 
estime,  et  sur  l'attachement  desquels  on  compte. 

Dans  peu  de  jours  je  serai  au  Caire. 

Je  m'occupe  en  ce  moment  à  faire  les  opérations  nécessaires  pour  dési- 
gner l'endroit  par  où  l'on  peut  passer  les  eaux  pour  joindre  le  Nil  et  la 
Mer  Rouge.  Cette  communication  a  existé  jadis,  car  j'en  ai  trouvé  la 
trace  en  plusieurs  endroits. 

J'ai  appris,  etc. 

XI.  —  Lettre  du  général  Bonaparte  an  eliérif  de  la  Itlecqne,  en  date 
du  Caire  le  25  janvier  179»  (18  chùban   1213). 

J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  écrite.  J'en  ai  compris  le  contenu. 
Je  vous  envoie  le  règlement  que  j'ai  fait  pour  la  douane  de  Suez.  Mon 
intention  est  de  la  faire  exécuter  ponctuellement.  Je  ne  doute  pas  que  les 
négociants  de  l'Hedjaz  ne  voient  avec  gratitude  la  diminution  que  j'ai 
faite  pour  le  plus  grand  avantage  du  commerce,  ot  vous  pouvez  les  assu- 
rer qu'ils  jouiront  ici  de  la  plus  ample  protection.  Toutes  les  fois  que  vous 
aurez  besoin  de  quelque  chose  en  Egypte,  vous  n'avez  qu'à  me  le  faire 
savoir,  et  je  me  ferai  un  plaisir  de  vous  donner  des  marques  de  mon 
estime. 

XII.  —  Tarif  (extrait)  dn  droit  des  douanes  de  Sonez,  en  date  du 
...  janvier  1999  (...  chàkan  1213). 

Bonaparte,  général  en  chef. 

Article  1.  Il  sera  perçu  vingt  pataquès,  de  90  médins  l'une,  pour  chaque 
barque  de  café  qui  arrivera  à  Suez  :  le  payement  de  ce  droit  sera  fait  en 
totalité  au  Caire,  dans  la  caisse  du  payeur  général, 

Art.  2.  Il  sera  payé,  en  outre  des  vingt  pataquès  ci-dessus  fixées, 
soixante  et  dix-huit  médins  par  barque  de  café,  qui  seront  affectés  aux  frais 
de  régie  de  la  douane  du  café,  ainsi  qu'il  sera  déterminé  ci-après. 

Art.  3.  Tout  privilège  d'importation  de  café,  en  exception  de  droit, 
demeure  aboli  :  le  chérif  de  la  Mecque  pourra  seul  en  introduire,  en  Egypte 
cinq  cents  barques,  franches  des  droits  ci-dessus  établis. 

Art.  li.  Le  droit  d'entrée  sur  les  drogues,  qui  arriveront  à  Suez,  sera 
perçu  et  payé  au  Caire,  dans  la  caisse  du  payeur  général,  conformément 
au  tarif  qui  termine  le  présent  arrêté. 

Art.  5.  Le  droit  d'entrée  sur  toutes  les  mousselines,  étoffes,  châles  et 
toileries,  sera  de  cinq  pour  cent  de  leur  valeur,  il  sera  payé  en  argent  au 
Caire,  comme  il  est  dit  à  l'article  précédent. 

Art.  6.   Les  cafés,   drogues,  étoffes,  toileries,   et  toute  marchandise 


APPENDICE  87 

qu'on  aura  voulu  introduire  en  contrebande,  seront  saisies  et  confisquées 
au  profit  de  la  Hépublique  :  le  contrebandier  sera  en  outre  puni  d'un  mois 
de  prison,  et  d'une  amende  quadruple  du  droit  qu'auraient  payé  les  mar- 
chandises saisies  en  contrebande. 

Art.  7.  Le  vingtième  des  marchandises  saisies  en  contrebandesera  dé- 
livré aux  personnes  qui  auront  dénoncé  et  prouvé  la  contrebande  et  opéré 
la  saisie  des  dites  marchandises  :  la  répartition  de  ce  vingtième  sera  ré- 
glée par  l'administrateur  des  finances. 

Art.  8.  Il  sera  entretenu  deux  barques  armées  pour  empêcher  la  con- 
trebande et  poursuivre  les  contrebandiers,  et  trois  escouades  de  guerre, 
composées  chacune  de  quatre  hommes.  Le  général  commandant  ci  Suez 
et  le  commandant  de  la  marine  donneront  tous  les  secours  nécessaires 
pour  réprimer  la  contrebande. 

Art.  9.  Le  capitaine  ou  patron  de  chaque  bâtiment  qui  arrivera  à  Suez, 
chargé  de  café,  drogues  ou  d'autres  marchandises,  payera  cinq  pataquès 
de  90  raédins,  dans  la  caisse  de  la  douane  à  Suez. 

Art.  10.  Le  capitaine  ou  patron  de  chaque  bâtiment  qui  partira  de  Suez 
pour  aller  à  Djedda  porter  ou  charger  des  marchandises,  paiera  à  la 
douane  de  Suez,  savoir,  les  plus  forts  bâtiments,  huit  pataquès  de  90 
médins;  les  moyens,  quatre  pataquès,  et  les  plus  petits  deux  jialaques. 

Art.  11.  Tout  bâtiment  étranger,  arrivant  d'Europe  k  Suez,  payera  un 
droit  d'ancrage  de  cinquante  pataquès  de  90  médins;  les  bâtiments  fran- 
çais seront  exempts  de  tous  droits. 

(Sagy,  Chrestomathie,  etc.) 

X8II.  —  Lettre  dn  général  Bonaparte  ù,  l'imani  de  Mascate,  du  quar'* 
tier  général  du  Caire   le   S5  janvier    179»    (28    cliâban  1213). 

Je  vous  écris  cette  lettre  pour  vous  faire  connaître  ce  que  vous  aves 
déjà  appris  sans  doute,  l'arrivée  de  l'armée  française  en  Egypte. 

Gomme  vous  avez  été  de  tout  temps  notre  ami,  vous  devez  être  con- 
vaincu du  désir  que  j'ai  de  proléger  tous  les  habitants  de  votre  nation  et 
que  vous  les  engagiez  à  venir  â  nous,  où  ils  trouveront  protection  pour 
leur  commerce. 

Je  vous  prie  aussi  de  faire  parvenir  cette  lettre  à  Tippo-Sahib  par  la 
première  occasion  qui  se  trouvera  pour  les  Indes. 

XIV.  —  Lettre  du  général  Bonaparte  an  chérif  de  la  Mecque  , 
en  date  du  quartier-général  dn  Caire,  le  30  juin  1999  (26nio- 
harrem  1314). 

Au  nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux  ! 

Il  n'y  a  pas  d'autre  Dieu  que  Dieu,  et  j\Iahomet  est  son  prophète! 


88  APPENDICE 

J'ai  reçu  votre  lettre  et  j'en  ai  compris  le  contenu.  J'ai  donné  les  or- 
dres pour  que  tout  ce  qui  peut  persuader  de  l'estime  et  de  l'amitié  que 
j'ai  pour  vous  soit  fait. 

J'espère  que,  la  saison  prochaine,  vous  ferez  partir  une  grande  quan- 
tité de  bâtiments  chargés  de  café  et  de  marchandises  des  Indes.  Ils  seront 
toujours  protégés. 

Je  vous  remercie  de  ce  que  vous  avez  fait  passer  mes  lettres  aux  Indes 
et  à  l'Ile  de  France.  Faites-y  passer  celle-ci  et  envoyez-moi  la  réponse. 

Croyez  à  l'estime  que  j'ai  pour  vous  et  au  cas  que  je  fais  de  votre  amitié. 

JLV,  —  Lettre  da  premier  consal  Bonaparte  à  l'emperear  de  Russie 
(Alexandre  !«>-},  en  date  du  S9  février  1801  (13  cliéwai  1215). 

J'ai  reçu  la  lettre  de  V.  M.  du  18  décembre;  elle  m'annonce,  etc. 

Je  recommande  à  V.  M.  les  prisonniers  français,  qui  sont  dans  les 
bagnes  de  Constantinople. 

Les  Anglais  tentent  un  débarquementdans  l'Egypte.  L'intérêt  de  toutes 
les  puissances  de  la  Méditerranée,  comme  de  celle  de  la  mer  Noire,  est 
que  l'Egypte  reste  à  la  France.  Le  canal  de  Suez,  qui  joindrait  les  mers 
de  l'Inde  à  la  Méditerranée,  est  déjà  tracé  ;  c'est  un  travail  facile  et  de 
peu  de  temps,  qui  peut  produire  des  avantages  incalculables  au  commerce 
russe.  SiV.  M.  est  toujours  dans  l'opinion,  qu'elle  a  manifestée  souvent,  de 
faire  faire  une  partie  du  commerce  du  Nord  par  le  midi,  elle  peut  atta- 
che;* son  nom  à  une  aussi  grande  entreprise,  qui  aura  tant  d'influence  sur 
la  situation  future  du  continent,  en  intervenant  auprès  de  la  Porte  dans 
les  affaires  d'Egypte. 

Dans  le  traité  de  paix  qui  a  été  conclu  entre  la  France  et  l'Autriche 
V.  M.  aura  vu,  etc. 

XVI.  —  Mémoire  (*)  de  M.  F.  de  Lesseps  an  paclia  d'Egypte  (Moham- 
med-Saïd),  en  date  du  camp  de  Maréa  (désert  Libyqae)  le  i  5  no- 
vembre 1854(2%  sàfer  1391). 

La  jonction  de  la  mer  Méditerranée  et  de  la  mer  Rouge  par  un  canal 
navigable  est  une  entreprise  dont  l'utilité  a  appelé  l'attention  de  tous  les 
grands  hommes  qui  ont  régné  ou  passé  en  Egypte  :  Sésostris,  Alexandre, 
César,  le  conquérant  arabe  Amrou,  Napoléon  l''  (**)  et  Mohammed  Ali. 

(*)  Nous  avons  emprunté  les  pièces  XVI  à  XXIV  à  l'ouvrage  Percement  de  l'isthme 
de  Suez,  par  M.  F.  de  Lesseps.  Paris,  185i-I856. 

(")  Dans  UD  mémoire,  sans  date,  du  marquis  d'Argenson  (Journal  et  mémoires  du 
marquis  d'Argenson^  publiés  par  la  Société  de  l'Histoire  de  France),  que  uous  noua 
réservons  de  donner  ailleurs,  nous  lisons  le  passage  suivant  :  «  Dans  mon  projet  de 


APPENDICE  89 

Ce  canal,  communiquant  avec  le  Nil,  a  déjà  existé  dans  l'antiquité 
pendant  une  première  période  de  cent  ans  jusque  vers  le  milieu  du  neu- 
vième siècle  avant  l'hégire,  pendant  une  seconde  période  de  hk5  ans 
depuis  le  règne  des  premiers  successeurs  d'Alexandre  jusque  vers  le 
quatrième  siècle  avant  l'hégire,  et  enfin  pendant  une  troisième  période 
de  130  ans  après  la  conquête  arabe. 

Napoléon,  dès  son  arrivée  en  Egypte,  chargea  une  commission  d'in- 
génieurs de  rechercher  s'il  serait  possible  de  rétablir  cette  ancienne  voie 
de  navigation  ;  la  question  fut  résolue  d'une  manière  affirmative,  et  lors- 
que le  savant  M.  Lepère  lui  remit  le  rapport  delà  commission,  au  mo- 
ment de  son  départ  pour  la  France,  il  dit  :  La  chose  est  grande,  ce  ne 
sera  pas  moi  qui  maintenant  pourrai  l'accomplir;  mais  le  gouvernement 
turc  trouvera  peut-être  un  jour  sa  conservation  et  sa  gloire  dans  V exécu- 
tion de  ce  projet. 

Le  moment  est  arrivé  de  réaliser  la  prédiction  de  Napoléon.  L'œu- 
vre du  percement  de  l'isthme  de  Suez  est  certainement  destinée,  plus 
que  tout  autre,  à  contribuer  à  la  conservation  de  l'empire  ottoman,  et  à 
démontrer  à  ceux  qui  proclamaient  naguère  sa  décadence  et  sa  ruine 
qu'il  possède  encore  une  existence  féconde,  et  qu'il  est  capable  d'ajou- 
ter une  page  brillante  k  l'histoire  de  la  civilisation  du  monde. 

Pourquoi  les  gouvernements  et  les  peuples  de  l'Occident  se  sont-ils 
réunis  pour  maintenir  le  Grand-Seigneur  dans  la  possession  de  Constan- 
tinople,  et  pourquoi  celui  qui  a  voulu  menacer  celte  situation  a-t-il  ren- 
contré l'opposition  armée  de  l'Europe  ?  Parce  que  le  passage  de  la  Médi- 
terranée à  la  mer  Noire  a  une  telle  importance,  que  la  puissance  euro- 
péenne qui  en  deviendrait  maîtresse  dominerait  toutes  les  autres,  et  ren- 
verserait un  équilibre  que  tout   le  monde  est  intéressé  k  conserver. 

Que  l'on  établisse  sur  un  autre  point  de  l'empire  ottoman  une  position 
semblable  et  encore  plus  importante,  que  l'on  fasse  de  l'Egypte  le  pas- 
sage du  commerce  du  monde  par  le  percement  de  l'isthme  de  Suez,  l'on 
créera  en  Orient  une  double  situation  inébranlable  ;  car,  pour  ce  qui 
concerne  le  nouveau  passage,  les  grandes  puissances  européennes,  par 
la  crainte  de  voir  l'une  d'elles  s'en  emparer  un  jour,  regarderont  comme 
une  question  vitale  la  nécessité  d'en  garantir  la  neutralité. 

croisade  pour  christianiser,  en  peu  de  temps,  le  gouvernement  des  pays  du  reste  de 
l'Europe  et  voisinage,  comptera-on  pour  rien  de  prodigieux  avantages  de  commerce, 
par  exemple,  de  faire  un  beau  canal  de  communication  de  la  mer  du  Levant  avec  la 
mer  Rouge,  et  que  ce  canal  appartînt  en  commun  à  tout  le  monde  chrétien?  Quelle 
épargne  pour  les  marchands  et  quel  bon  marché  pour  les  marchandises  en  ne  faisant 
plus  le  tour  d'Afrique  avec  tant  de  périls  et  de  dépenses  !  » 

Le  marquis  d'Argenson  avait  été  ministre  des  affaires  étrangères,  sous  Louis  XV,  du 
26  avril  1744  au  3  janvier  1747.  Il  mourut  en  1757. 


m  APPENDICE 

M.  Lepère  demandait,  il  y  a  cinquante  ans,  10,000  ouvriers,  quatre 
années  de  travail  et  30  à  kO  millions  de  francs,  pour  l'exécution  du 
canal  de  Suez;  il  concluait  à  la  possibilité  du  percement  direct  de 
l'istlime  vers  la  Méditerranée. 

M.  Paulin  Talabot,  l'un  des  trois  célèbres  ingénieurs  choisis,  il  y  a 
dix  ans,  par  la  Société  d'Etude  du  Canal  des  Deux  Mers,  avait  adopté  la 
voie  indirecte  d'Alexandrie  à  Suez,  en  profitant  du  barrage  pour  la  tra- 
versée du  Nil.  Il  évaluait  la  dépense  totale  à  130  millions  pour  le  canal 
et  à  20  millions  pour  le  port  et  la  rade  de  Suez. 

M.  Linant-Bey,  qui  depuis  trente  années  dirige  avec  habileté  des  tra- 
vaux de  canalisation  en  Egypte,  qui  a  fait  sur  les  lieux  de  la  question  du 
Canal  des  Deux  Mers  l'étude  de  toute  sa  vie,  et  dont  l'opinion  mérite  une 
sérieuse  attention,  avait  proposé  de  trancher  l'isthme  sur  une  ligne  pres- 
que directe,  dans  sa  partie  la  plus  étroite,  en  établissant  un  grand 
port  intérieur  dans  le  bassin  du  lac  Timsah  et  en  rendant  abordables 
aux  plus  grands  navires  les  passages  de  Péluse  et  de  Suez  sur  la 
Méditerranée  et  la  mer  Rouge. 

Le  général  du  génie  Gallice-Bey,  auteur  et  directeur  des  fortifications 
d'Alexandrie,  avait  de  son  côté  présenté  à  Mohamed-Ali  un  projet  de 
percement  direct  de  l'isthme,  conforme  au  plan  proposé  par  M.  Linant- 
Bey.  M.  Moug;el-Bey,  directeur  des  travaux  de  barrage  ômK\\,  ingénieur 
en  chef  des  ponts  et  chaussées,  avait  également  entretenu  Mohammed- 
Ali  de  la  possibilité  et  de  l'utilité  du  percement  de  l'isthme  de  Suez  ;  et, 
en  18/(0,  sur  la  demande  de  M.  le  comte  de  Walewski,  alors  en  mission 
en  Egypte,  il  fut  chargé  de  faire  des  démarches  préliminaires  auxquelles 
de  graves  événements  ne  permirent  pas  de  donner  suite. 

Un  examen  approfondi  déterminera  celui  des  tracés  qui  conviendra  le 
raieux;  mais,  l'entreprise  étant  reconnue  exécutable,  il  n'y  a  plus  que  le 
choix  à  faire.  Toutes  les  opérations  à  entreprendre,  quelque  difficiles 
qu'elles  puissent  être,  ont  cessé  d'effrayer  l'art  moderne;  leur  réussite 
ne  pourrait  plus  être  mise  en  doute  aujourd'hui  :  c'est  une  question  d'ar- 
gent que  l'esprit  d'entreprise  et  d'association  ne  manquera  pas  de  résou- 
dre, si  les  bénéfices  qui  devront  en  résulter  sont  en  rapport  avec  la  dé- 
pense. 

H  est  facile  de  démontrer  que  la  dépense  du  canal  de  Suez,  en  admet- 
tant le  devis  le  plus  élevé,  n'est  pas  hors  de  proportion  avec  l'utilité  et 
les  profits  de  cette  grande  œuvre,  qui  abrégerait  de  plus  de  moitié  la 
distance  qui  sépare  des  Indes  les  principales  contrées  de  l'Europe  et  de 
l'Amérique. 


APPENDICE 


91 


Ce  résultat  est  rendu  évident  dans  le  tableau  suivant,  dressé  par  le  pro- 
fesseur de  géologie,  M.  Cordier  : 


INDICATION 

DES   PORTS   D'EDKOPE   ET   D'AMÉRIQCE 


Constantinople Lieues 

Malte — 

Trieste — 

Marseille — 

Cadix — 

Lisbonne — 

Bordeaux. .  , — 

Le  Havre — 

Londres — 

Liverppol — 

Amsterdam — 

Saint-Pétersbourg — 

New-York — 

Nouvelle-Orléans. .'. — 


Distance 

JUSQU'A  BOMBAY 


PAR  LB 

CA^AL  DE 

SUEZ 


1,800 
2,062 
2,3'i0 
2,374 

2,^24 

2,r.oo 

2,800 
2,82/1 
3,100 
3,050 
3,100 
3,700 
3,761 
3,724 


PAR 

L'ATLAN- 

IIQDE 


6,100 

5,800 
5,060 
5,650 
5,200 
5,350 
5,650 
5,800 
5,050 
5,900 
5,950 
C,550 
6,200 
6,i50 


/l,300 

3,778 
3,020 
3,276 
2,976 
2,850 
2,850 
2,970 
2,850 
2,850 
2,8r0 
2,850 
2,439 
2,726 


Devant  de  pareils  chiffres  les  commentaires  deviennent  inutiles  ;  ils 
font  voir  que  toutes  les  nations  de  l'Europe,  et  même  les  Étals-Unis 
d'Amérique,  sont  également  intéressées  à  l'ouverture  du  canal  de  Suez, 
aussi  bien  qu'à  la  neutralité  rigoureuse  et  inviolable  de  ce  passage. 

Mohammed-Saïd  a  déjà  compris  qu'il  n'a  pas  d'œuvre  à  exécuter  qui, 
par  sa  grandeur  et  l'utilité  de  ses  résultats,  puisse  entrer  en  parallèle 
avec  celle  que  je  lui  propose.  Pour  son  règne,  quel  beau  titre  de  gloire  ! 
Pour  l'Egypte,  quelle  source  intarissable  de  richesses  !  Les  noms  des 
souverains  égyptiens  qui  ont  élevé  les  Pyramides,  ces  monuments  inutiles 
de  l'orgueil  humain,  restent  ignorés.  Le  nom  du  prince  qui  aura  ouvert 
le  grand  canal  maritime  de  Suez  sera  béni  de  siècle  en  siècle  jusqu'à  la 
postérité  la  plus  reculée. 

Le  pèlerinage  de  la  Mecque  assuré  en  tout  temps  et  devenu  facile 
pour  tous  les  musulmans;  une  impulsion  immense  donnée  à  la  naviga- 
tion à  vapeur  et  aux  voyages  de  long  cours  ;  les  pays  qui  bordent  la  mer 
Rouge  et  le  golfe  Persique ,  la  côte  orientale  d'Afrique  ,  l'Inde  ,  le 
royaume  de  Siam,  la  Cochinchine,  le  Japon,  le  vaste  empire  de  la  Chine, 
qui  ne  compte  pas  moins  de  300  millions  d'habitants,  les  îles  Philippines, 
l'Australie  et  cet  immense  archipel  vers  lequel  tend  à  se  porter  Téiuigra- 
tion  delà  vieille  Europe,  rapprochés  de  près  de  3,000  lieues  du  bassin  de 
la  Méditerranée  et  du  nord  de  l'Europe,  tels  sont  les  effets  soudains, 
immédiats  du  percement  de  l'isthme  de  Suez. 


92  APPENDICE 

On  a  calculé  que  la  navigation  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  par  le  cap 
de  Bonne  Espérance  et  le  cap  Horn  peut  entretenir  un  mouvement  annuel 
de  6  millions  de  tonneaux,  et  que  sur  la  moitié  seulement  de  ce  tonnage 
le  commerce  du  monde  réaliserait  un  bénéfice  de  150  raillions  de  francs 
par  an,  en  faisant  passer  les  navires  par  le  golfe  Arabique.  Il  est  hors  de 
doute  que  le  canal  de  Suez  donnera  lieu  à  une  augmentation  considéra- 
ble de  tonnage;  mais,  en  comptant  seulement  sur  3  millions  de  ton- 
neaux, on  obtiendra  encore  un  produit  annuel  de  30  millions  de  francs 
parla  perception  d'un  droit  de  10  francs  par  tonneau,  droit  qui  pourrait 
être  réduit  en  proportion  de  l'accroissement  de  la  navigation. 

Après  avoir  indiqué  sommairement  les  avantages  financiers  de  l'entre- 
prise, occupons-nous  de  ses  avantages  politiques  généraux,  que  nous 
croyons  également  incontestables. 

Tout  ce  qui  a  pour  résultat  de  contribuer  à  Textension  du  commerce, 
de  l'industrie  et  de  la  navigation  du  monde  est  surtout  avantageux  k  l'An- 
gleterre, puissance  qui  l'emporte  sur  toutes  les  autres  par  l'importance  de 
sa  marine,  de  sa  production  manufacturière  et  de  ses  relations  commer- 
ciales. 

Un  déplorable  préjugé,  fondé  sur  l'antagonisme  politique  qui  a  si  long- 
temps et  si  malheureusement  existé  entre  la  France  et  l'Angleterre,  a  pu 
seul  accréditer  l'opinion  que  l'ouverture  du  canal  de  Suez,  utile  aux  inté- 
rêts de  la  civilisation  et  du  bien-être  général,  nuirait  à  ceux  de  la  Grande- 
Bretagne.  L'alliance  des  deux  peuples  placés  à  la  tête  de  la  civilisation, 
alliance  qui  a  déjà  démontré  la  possibilité  de  solutions  regardées  jus- 
qu'ici comme  impossibles  par  les  traditions  vulgaires,  permettra,  parmi 
tant  d'autres  bienfaits,  d'examiner  avec  impartialité  cette  immense  ques- 
tion du  canal  de  Suez,  de  se  rendre  un  compte  exact  de  son  influence  sur 
la  prospérité  des  peuples,  et  de  faire  considérer  comme  une  hérésie  la 
croyance  qu'une  entreprise  destinée  à  abréger  de  moitié  la  distance  entre 
l'occident  et  l'orient  du  globe  ne  convient  pas  à  la  Grande-Bretagne, 
maîtresse  de  Gibraltar,  de  Malte,  des  îles  Ioniennes,  d'Aden,  d'établisse- 
ments importants  sur  la  côte  orientale  d'Afrique,  de  l'Inde,  de  Singapour, 
de  l'Australie. 

L'Angleterre,  aussi  bien  et  plus  encore  que  la  France,  doit  donc  vou- 
loir le  percement  de  cette  langue  de  terre  de  30  lieues  que  tout  homme, 
préoccupé  des  questions  de  civilisation  et  de  progrès,  ne  peut  voir  sur  la 
carte  sans  éprouver  le  plus  vif  désir  de  faire  disparaître  le  seul  obstacle 
laissé  par  la  Providence  sur  la  grande  route  du  commerce  du  monde. 

Le  chemin  de  fer  d'Alexandrie  à  Suez  seul  est  insuffisant.  Il  ne  pourra 
acquérir  une  importance  réelle  et  n'aura  de  revenus  assurés  que  lorsqu'il 
deviendra  l'auxiliaire  du  canal  maritime  de  Suez.  L'achèvement  de  la  voie 
ferrée,  si  utile  aux  voyageurs  et  désirée  avec  raison  par  l'Angleterre,  sera 


APPENDICE  93 

alors  une  nécessité  et  ne  sera  plus  une  charge  pour  le  gouvernement 
égyptien. 

L'Allemagne  applaudira  également  h  tous  les  efforts  qui  seront  faits 
pour  la  canalisation  de  l'isthme.  Ce  sera  pour  elle  le  complément  de  la 
libre  navigation  du  Danube  et  de  l'affranchissement  des  bouches  de  la 
Sulina.  ■    • 

L'Autriche  y  verra  l'agrandissement  de  Trieste  et  de  Venise,  des  dé- 
bouchés ouverts  aux  produits  des  provinces  de  l'Empire  et  du  royaume 
de  Hongrie,  dont  le  canal  projeté  du  Danube  à  la  mer  Noire  facilitera 
l'exportation. 

La  Russie  trouvera  dans  l'ouverture  du  canal  de  Suez  une  juste  satis- 
faction à  son  aspiration  nationale  vers  l'Orient.  La  mission  de  civilisation 
dévolue  au  czar  sur  les  nombreuses  populations  dont  il  est  l'arbitre  peut 
encore  suffire  à  la  plus  noble  ambition.  Les  nouveaux  débouchés  qui  se- 
ront ouverts  pacifiquement  à  leur  activité  et  à  leur  besoin  d'expansion 
leur  seront  plus  profitables  qu'une  politique  de  conquêtes  et  de  domina- 
tion exclusive,  qu'il  n'est  plus  possible  à  aucune  nation  de  faire  triompher 
aujourd'hui. 

Les  États-Unis  d'Amérique,  dont  les  relations  avec  l'Indo-Chine  pren- 
nent, depuis  plusieurs  années,  un  immense  développement,  l'Espagne 
avec  ses  îles  Philippines,  la  Hollande  avec  Java,  Sumatra  et  Bornéo,  les 
villes  autrefois  si  florissantes  de  la  côte  d'Italie,  les  ports  de  la  Grèce, 
toutes  les  nations  enfin  s'empresseront  de  prendre  part  h  une  œuvre  qui 
augmentera  leurs  richesses  ou  leur  en  créera  de  nouvelles,  et  pour  le 
succès  de  laquelle  je  crois  pouvoir  promettre  à  S.  A.  Mohammed-Saïd  le 
concours  actif  et  énergique  des  hommes  éclairés  de  tous  les  pays. 

XVII. —  Firman  de  concessioo  du  pacha  d'Egypte  (Molianimed-Kaïd) 
accordé  A  M.  de  Lesseps,  en  date  da  Caire  le  30  novembre  1M54 
(9  rébinl-éwel  129  t). 

Notre  ami  M.  Ferdinand  de  Lesseps  ayant  appelé  notre  attention  sur 
les  avantages  qui  résulteraient  pour  l'Egypte  de  la  jonction  de  la  mer  Mé- 
diterranée et  de  la  mer  Rouge  par  une  voie  navigable  pour  les  grands 
navires,  et  nous  ayant  fait  connaître  la  possibilité  de  constituer,  à  cet  effet, 
une  compagnie  formée  de  capitalistes  de  toutes  les  nations,  nous  avons 
accueilli  les  combinaisons  qu'il  nous  a  soumises,  et  lui  avons  donné,  par 
ces  présentes,  pouvoir  exclusif  de  constituer  et  de  diriger  une  compagnie 
universelle  pour  le  percement  de  l'isthme  de  Suez  et  l'exploitation  d'un 
canal  entre  les  deux  mers,  avec  faculté  d'entreprendre  ou  de  faire  entre- 
prendre tous  travaux  et  constructions,  à  la  charge  par  la  compagnie  de 
donner  préalablement  toute  indemnité  aux  particuliers  en  cas  d'expro- 


9/1  APPENDICE 

prialion  pour  cause  d'iilililé  publique;  le  tout  dans  les  limites  et  avec  les 
coiulilions  et  charges  qui  sont  déterminées  dans  les  articles  qui  suivent  : 

Article  1.  M.  Ferdinand  de  Lesseps  constituera  une  compagnie,  dont 
nous  lui  confions  la  direction,  sous  le  nom  de  Compagnie  universelle  du 
canal  maritime  de  Suez,  pour  le  percement  de  l'isthme  de  Suez,  l'exploi- 
tation d'un  passage  propre  à  la  grande  navigation,  Ja  fondation  ou  l'ap- 
propriation de  deux  entrées  suffisantes,  l'une  sur  la  Méditerranée,  l'autre 
sur  la  mer  Rouge,  et  l'établissement  d'un  ou  deux  ports. 

Art.  2.  Le  directeur  de  la  Compagnie  sera  toujours  nommé  par  le 
gouvernement  égyptien  et  choisi,  autant  que  possible,  parmi  les  action- 
naires les  plus  intéressés  dans  l'entreprise. 

Al  t.  3.  La  durée  de  la  concession  est  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans,  à 
partir  du  jour  de  l'ouverture  du  canal  des  deux  mers. 

Art.  h.  Les  travaux  seront  exécutés  aux  frais  exclusifs  de  la  Compagnie, 
à  laquelle  tous  les  terrains  nécessaires  n'appartenant  pas  à  des  particuliers 
seront  concédés  à  titre  gratuit.  Les  fortifications  que  le  gouvernement 
jugera  à  propos  d'établir  ne  seront  point  à  la  charge  de  la  Compagnie. 

Art.  5.  Le  gouvernement  égyptien  recevra  annuellement  de  la  Compa- 
gnie quinze  pour  cent  des  bénéfices  nets  résultant  du  bilan  de  la  Société, 
sans  préjudice  des  intérêts  et  dividendes  revenant  aux  actions  qu'il  se  ré- 
serve de  prendre  pour  son  compte  lors  de  leur  émission  et  sans  aucune 
garantie  de  sa  part  dans  l'exécution  des  travaux  ni  dans  les  opérations  de 
h  Compagnie.  Le  reste  des  bénéfices  nets  sera  réparti  ainsi  qu'il  suit  : 

75  %  au  profit  de  la  Compagnie, 

10  °/o  au  profit  des  membres  fondateurs. 

Art.  <j.  Les  tarifs  des  droits  de  passage  du  canal  de  Suez,  concertés 
entre  la  Compagnie  et  le  vice-roi  d'Egypte  et  perçus  par  les  agents  de  la 
Compagnie,  seront  toujours  égaux  pour  toutes  les  nations,  aucun  avan- 
tage particulier  ne  pouvant  jamais  être  stipulé  au  profit  exclusif  d'aucune 
d'elles. 

Art.  7.  Dans  le  cas  où  la  Compagnie  jugerait  nécessaire  de  rattacher 
par  une  voie  navigable  le  Nil  au  passage  direct  de  l'islhme,  et  dans  celui 
où  le  canal  maritime  suivrait  un  tracé  indirect  desservi  par  l'eau  du  Nil, 
le  gouvernement  égyptien  abandonnerait  à  la  Compagnie  les  terrains  du 
domaine  public  aujourd'hui  incultes  qui  seraient  arrosés  et  cultivés  à  ses 
frais  ou  par  ses  soins. 

La  Compagnie  jouira,  sans  impôts,  desdits  terrains  pendant  dix  ans,  à 
partir  du  jour  de  l'ouverture  du  canal  ;  —  durant  les  89  ans  qui  resteront 
à  s'écouler  jusqu'à  l'expiration  de  la  concession,  elle  paiera  la  dîme  au 
gouvernement  égyptien;  après  quoi,  elle  ne  pourra  continuer  à  jouir  des 
terrains  ci-dessus  mentionnés  qu'autant  qu'elle  paiera  audit  gouvernement 
un  impôt  égal  à  celui  qui  sera  affecté  aux  terrains  de  même  nature. 


APPENDICE  95 

Art.  8.  Pour  éviter  toute  dilliculté  au  sujet  des  terrains  qui  seront 
abandonnés  à  la  Compagnie  concessionnaire,  un  plan  dressé  par  M.  Li- 
nant-Bey,  notre  commissionnaire  ingénieur  auprès  de  la  Compagnie,  in- 
diquera les  terrains  concédés,  tant  pour  la  traversée  et  les  établissements 
du  canal  maritime  et  du  canal  d'alimentation  dérivé  du  Nil,  que  pour  les 
exploitations  de  culture,  conformément  aux  stipulations  de  l'art.  7. 

Il  est,  en  outre,  entendu  que  toute  spéculation  est,  dès  à  présent,  inter- 
dite sur  les  terrains  du  domaine  public  h  concéder,  et  que  les  terrains  ap- 
partenant antérieurement  à  des  particuliers,  et  que  les  propriétaires  vou- 
dront plus  tard  faire  arroser  par  les  eaux  du  canal  d'alimentation  exécuté 
aux  frais  de  la  Compagnie,  paieront  une  redevance  de par  feddan  cul- 
tivé (ou  une  redevance  fixée  amiablement  entre  le  gouvernement  égyptien 
et  la  Compagnie). 

Art.  9.  Il  est  enfin  accordé  h  la  Compagnie  concessionnaire  la  faculté 
d'extraire  des  raines  et  carrières  appartenant  au  domaine  public,  sans 
payer  de  droits,  tous  les  matériaux  nécessaires  aux  travaux  du  canal  et 
aux  constructions  qui  en  dépendent,  de  même  qu'elle  jouira  de  la  libre 
entrée  de  toutes  les  machines  et  matériaux  qu'elle  fera  venir  de  l'étranger 
pour  l'exploitation  de  sa  concession. 

Art.  10.  A  l'expiration  de  la  concession,  le  gouvernement  égyptien  sera 
substitué  à  la  Compagnie,  jouira  sans  réserve  de  tous  ses  droits  et  en- 
trera en  pleine  possession  du  canal  des  deux  mers  et  de  tous  les  établisse- 
ments qui  en  dépendront.  Un  arrangement  amiable  ou  par  arbitrage  dé- 
terminera l'indemnité  k  allouer  à  la  Compagnie  pour  l'abaudou  de  son 
matériel  et  des  objets  mobiliers. 

Art.  11.  Les  statuts  de  la  Société  nous  seront  ultérieurement  soumis 
par  le  directeur  de  la  Compagnie  et  devront  être  revêtus  de  notre  appro- 
bation. Les  modifications  qui  pourraient  être  introduites  plus  tard  devront 
préalablement  recevoir  notre  sanction.  iLesdits  statuts  mentionneront  les 
noms  des  fondateurs,  dont  nous  nous  réservons  d'approuver  la  liste.  Cette 
liste  comprendra  les  personnes  dont  les  travaux,  les  éludes,  les  soins  ou 
les  capitaux  auront  antérieurement  contribué  à  l'exécution  de  la  grande 
entreprise  du  canal  de  Suez. 

Art.  12.  Nous  promettons  enfin  notre  bon  et  loyal  concours  et  celui  de 
tous  les  fonctionnaires  de  l'Egypte  pour  faciliter  l'exécution  et  l'exploi- 
tation des  présents  pouvoirs. 

XVIII.  —  Lettre  du  pacha  d'Egypte   à  RI.  de  Lesseps,  en  date  du  ZO 

mai  f  855  (Sramazan  1371}. 

A  mon  dévoué  ami,  de  haute  naissance  et  de  rang  élevé,  Monsieur 

Ferdinand  de  Lesseps, 

La  concession  accordée  à  la  Compagnie  universelle  du  canal  de  Suez 


96  APPENDICE 

devant  être  ratifiée  par  S,  M.  I.  le  Sultan,  je  vous  remets  cette  copie  pour 
que  vous  la  conserviez  par  devers  vous.  Quand  aux  travaux  relatifs  au 
creusement  du  canal  de  Suez,  ils  ne  seront  commencés  qu'après  l'auto- 
risation de  la  Sublime  Porte. 

JLIX,  —  Lettre  du  grand- irézir  (Réchid-pacha)  aa  pacha  d'Egypte,  en 
date  du  1"  mars  1855  (IS  djéniaziul-akliir  1%91). 

Votre  très-humble  serviteur  a  l'honneur  de  vous  exposer  ce  qui  suit  : 
M.  Ferdinand  de  Lesseps  retourne  maintenant  auprès  de  V.  A.  En  effet, 
ainsi  qu'elle  a  daigné  nous  le  faire  connaître,  c'est  un  hôte  qui  mérite  par 
lui-même  toute  espèce  d'égards  et  de  considération.  L'objet  de  sa  venue 
ici  a  été  relatif  à  l'affaire  du  canal,  entreprise  des  plus  utiles.  Pendant  son 
séjour  à  Gonstantinople,  j'ai  eu  l'avantage  de  le  voir  plusieurs  fois  et  de 
l'entretenir  longuement  sur  bien  des  matières.  Il  a  eu  aussi  l'honneur 
d'être  présenté  à  S.  H.  le  Sultan  et  d'être  de  sa  part  l'objet  de  la  plus 
haute  bienveillance. 

Conformément  à  l'ordre  impérial  émané  au  sujet  de  l'entreprise  si  in- 
téressante du  canal,  la  question  se  trouve  actuellement  à  l'étude  du  conseil 
des  minisires.  M.  de  Lesseps,  ne  pouvant  attendre  la  fin  des  conférences, 
a  décidé  son  départ  d'ici.  Dans  peu  j'aurai  à  en  faire  connaître  le  résultat 
détaillé  à  V.  A. 

XX.  —  Rapport  de  M.  de  Lesseps  an  pacha  d'Egypte,  en  date  du  camp 
delUaréale  30  avril  1855  (13  chàban  1291). 

J'ai  eu  l'honneur  de  soumettre  à  V.  A.  le  mémoire  de  ses  ingénieurs 
MM.  Linant-Béy  et  Mougel-Béy  sur  la  canalisation  de  l'isthme  de  Suez. 

Ce  travail  est  destiné  à  servir  d'avant-projet  pour  le  percement  de 
l'isthme.  H  est  accompagné  d'une  carte  indiquant  la  configuration  et  la 
nature  du  sol.  Il  a  mérité  l'approbation  de  V.  A.,  qui  m'a  invité  à  lui 
donner  la  plus  grande  publicité,  afin  d'appeler  sur  une  question  qui  inté- 
resse le  monde  entier  l'attention,  l'examen  et  les  observations  de  tous  les 
hommes  compétents  de  l'Europe  et  de  l'Amérique. 

V.  A.  a  décidé  d'envoyer  immédiatement  aux  conseillers  de  S.  M.  I.  le 
Sultan  les  explications  qu'ils  réclament  pour  ratifier  le  projet  de  la  com- 
munication des  deux  mers.  Je  me  rendrai,  de  mon  côté,  directement  en 
Europe.  Je  m'empresserai  de  faire  imprimer  et  de  publier  les  documents 
officiels  de  l'affaire,  ainsi  que  l'avant-projet  de  MM.  Linant-Béy  et  Mou- 
gel-Béy. Des  dispositions  seront  prises  à  l'effet  de  recueillir,  dans  un  délai 
fixé,  les  opinions  des  hommes  compétents  qui  voudront  bien  apporter  à 
l'entreprise  le  concours  de  leurs  lumières. 


APPENDICE  97 

Pendant  ce  temps,  vos  ingénieurs  prépareront  les  éléments  de  leur 
projet  définitif. 

Lorsque  ce  projet  définitif  sera  achevé,  et  lorsque  les  observations  re- 
çues de  chaque  pays  auront  pu  formerun  corps  de  doctrine,  il  sera  pro- 
cédé à  la  nomination  d'une  commission  d'ingénieurs  connus  parleurs  Ira- 
vaux  hydrauliques  et  choisis  en  Angleterre,  en  France,  en  Allemagne  et 
en  Hollande.  Cette  commission  donnera  son  opinion  sur  le  projet  des  in- 
génieurs de  V.  A.,  indiquera  les  modifications  ou  les  changements  qu'elle 
croira  devoir  adopter.  Tous  les  moyens  seront  mis  fi  sa  disposition  pour 
visiter  l'isthme  de  Suez,  si  elle  juge  nécessaire  de  voir  les  localités  avant 
de  prononcer. 

V.  A.  a  voulu,  dès  à  présent,  circonscrire  dans  de  certaines  limites  les 
études  des  tracés.  Après  avoir  passé  en  revue  les  nombreux  projets  pré- 
sentés aux  gouvernements  ou  au  public  depuis  plus  de  cinquante  ans,  elle 
laisse  toute  liberté  d'appliquer  les  moyens  que  la  science  reconnaîtra  les 
meilleurs  pour  faire  communiquer  entre  elles  la  Mer  Rouge  et  la  Médi- 
terranée par  la  coupure  deVisthmede  Suez,  sur  tel  ou  tel  point  de  l'isthme, 
à  l'est  du  cours  du  Nil  ;  mais  elle  a  déclaré  qu'elle  n'autoriserait  pas  la 
Compagnie  du  grand  canal  maritime  de  Suez  h  adopter  un  tracé  qui 
aurait  pour  point  de  départ  la  côte  de  la  Méditerranée  à  l'ouest  de  la 
branche  de  Damiette  et  qui  traverserait  le  cours  du  Nil. 

Ce  sera  seulement  après  l'adoption  du  tracé  de  communication  des 
deux  mers  et  lorsque  tous  les  avantages  et  toutes  les  obligations  de  ceux 
qui  prendront  part  à  l'entreprise  seront  bien  déterminés,  que  les  capita- 
listes et  le  public  seront  appelés  à  souscrire  des  actions,  et  que  les  repré- 
sentants des  intéressés  décideront  en  dernier  ressort  sur  toutes  les  ques- 
tions se  rattachant  h  l'administration,  à  l'exécution  et  à  l'exploitation  de 
l'entreprise. 

Permettez-moi  maintenant  de  signalera  V.  A.  les  travaux  préparatoires 
auxquels  auront  à  se  livrer  dès  h  présent  MM.  Linant-Béy  et  Mougel-Béy 
avant  de  présenter  leur  projet  définitif. 

Ils  devront  : 

1°  Tracer  sur  le  terrain  la  ligne  du  canal  maritime  dans  ses  détails, 
avec  tous  ses  angles,  toutes  ses  courbes  et  rapporter  celte  ligne  ainsi  tracée 
sur  un  plan  ; 

2°  Faire  le  nivellement  le  long  de  cette  ligne  qu'ils  prolongeront  dans 
les  deux  mers  jusqu'à  une  profondeur  de  dix  mètres  d'eau  ; 

3°  Lever  des  profils  en  travers  partout  où  la  forme  du  terrain  l'exigera; 

h"  Procéder  aux  sondages  le  long  de  la  ligne  et  pousser  ces  sondages  jus- 
qu'à dix  mètres  au-dessous  du  niveau  des  basses  mers  de  la  Méditerranée  ; 

5"  Recueillir  des  échantillons  des  diverses  natures  de  terrains  décou- 
vertes dans  leurs  opérations  ; 

T.  ri.  7 


98  APPENDICE 

G'  Fixer  les  prix  élémentaires  de  la  main-d'œuvre  et  de  tous  les  maté- 
riaux qui  seront  employés  dans  la  construction  du  canal  ; 

7°  Établir  les  bases  positives  qui  serviront  à  évaluer  la  quantité  d'ou- 
vriers en  tous  genres  nécessaires  à  l'exécution  des  travaux. 

J'aurai  soin  de  mon  côté  de  recueillir  les  documents  statistiques  les 
plus  récents  qui  permettront  de  fixer  l'évaluation  minimum  des  produits. 

Lorsque  le  moment  arrivera  de  commencer  les  travaux  du  canal  mari- 
time, on  devra  faire  venir  d'Europe  un  grand  nombre  de  machines  et  une 
quantité  considérable  de  matériaux,  des  bois,  des  fers,  de  la  houille,  etc., 
etc.  La  Compagnie  du  canal  de  Suez  trouvera  des  avantages  de  siireté, 
d'économie  et  de  facilité  de  transport  qui  n'existent  pas  aujourd'hui,  dans 
le  chemin  de  fer  continué  jusqu'à  Suez  et  dans  l'établissement  de  la  Société 
de  Remorquage,  à  laquelle  se  lie  l'amélioration  du  canal  Mahraoudié  ainsi' 
que  sa  communication  avec  le  port  d'Alexandrie. 

Les  correspondances  que  j'ai  reçues  de  l'Europe  témoignent  de  l'intérêt 
toujours  croissant  avec  lequel  le  projet  de  l'ouverture  de  l'isthme  est  par- 
tout accueilli.  Parmi  les  personnes  qui  m'ont  spontanément  offert  leur 
concours,  il  en  est  qui  ont  rais  à  ma  disposition  des  sommes  considérables 
pour  contribuer  aux  premières  dépenses  de  l'entreprise.  Ces  offres  s'élèvent 
déjà  à  plus  de  15  millions  de  francs.  Je  n'ai  pas  pensé  qu'il  y  ei^it  lieu 
d'en  profiter,  mais  j'ai  inscrit  ceux  qui  les  ont  faites,  et  V.  A.  a  trouvé 
juste  de  leur  réserver  un  avantage  de  priorité  à  l'époque  de  la  répartition 
des  actions. 

V.  A.  a  déjà  arrêté  une  première  liste  de  soixante  membres  fondateurs 
remplissant  les  conditions  voulues  par  Tarlicle  11  du  firman.  V.  A.,  qui 
me  laisse  le  soin  de  la  compléter  par  l'adjonction  des  personnes  qui  m'au- 
ront aidé  en  Europe  ou  en  Amérique  dans  la  fondation  de  l'œuvre,  a 
désiré  que  le  nombre  total  ne  s'élevât  pas,  autant  que  possible,  au  delà 
de  cent. 

V.  A.  a  bien  voulu  approuver  la  nomination  provisoire  de  M.  Ruysscnaërs, 
consul  général  des  Pays-Bas,  en  qualité  d'agent  supérieur  de  la  Compa- 
gnie en  Egypte.  Il  méritait  à  tous  égards  ce  témoignage  de  confiance. 

Tels  sont  les  actes  préliminaires  qui  ont  paru  à  V.  A.  devoir  aider  à  la 
réussite  de  sa  grande  entreprise.  Je  vous  prie,  Monseigneur,  de  me  faire 
connaître  si  j'ai  bien  compris  vos  intentions. 

XXï"  —  Lettre  dn  pacha  d'Egypte  à  M.  de  Lesseps,  en  date  du  âO  mai 

1 8  5  5  (»  ramazan  1391). 

A  mon  dévoué  ami,  de  haute  naissance  et  de  rang  élevé,  monsieur 

Ferdinand  de  Lesseps. 

J'ai  pris  connaissance  du  rapport  que  vous  m'avez  adressé  le  30  avril, 


APPENDICE  99 

et  j'ai  approuvé  co  document,  qui  devra  vous  tenir  lieu  d'instructions, 
J'iii  apprécié  le  zèle  que  vous  avez  déployé  dans  cette  afiaire,  l'intérêt 
tout  amical  que  vous  y  avez  pris,  et  j'en  ai  éprouvé  une  véritable  satisfac- 
tion. 

WII.  —  Acte  de  concession  et  cnlilcr  des  charges  ponr  la  constmc 
tioii  et  l'exploitation   du  canal  maritime  do  Suez  et  dépendances, 
remis  par  le  paclia  d'Fgyptc  ù.  ITI.  de  Losseps,  en  date  d'Alexan- 
drie le  5  janvier  1H5G  {2C»  rëbiul-akhir  137  3). 

Nous  Mohammed-Saïd-Pacha,  Vice-roi  d'Egypte, 

Vu  notre  acte  de  concession  en  date  du  30  novembre  1854,  par  lequel 
nous  avons  donné  h  notre  ami  M.  Ferdinand  de  Lesseps  pouvoir  exclusif 
à  l'cflet  de  constituer  et  diriger  une  Compagnie  universelle  pour  le  perce- 
ment de  l'istbme  de  Suez,  l'exploitation  d'un  passage  propre  à  la  grande 
navigation,  la  fondation  ou  l'appropriation  de  deux  entrées  suffisantes, 
l'une  sur  la  Méditerranée,  l'autre  sur  la  mer  Rouge,  et  l'établissement 
d'un  ou  de  deux  ports  ; 

M.  Ferdinand  de  Lesseps  nous  ayant  représenté  que,  pour  constituer 
la  Compagnie  sus-indiquée  dans  les  formes  et  conditions  généralement 
adoptées  pour  les  sociétés  de  cette  nature,  il  est  utile  de  stipuler  d'avance 
dans  un  acte  plus  détaillé  et  plus  complet,  d'une  part,  les  charges,  obli- 
gations et  redevances  auxquelles  cette  Société  sera  soumise,  d'autre  part, 
les  concessions,  immunités  et  avantages  auxquels  elle  aura  droit,  ainsi 
que  les  facilités  qui  lui  seront  accordées  pour  son  administration  : 

Avons  arrêté,  comme  suit,  les  conditions  de  la  concession  qui  fait  l'ob- 
jet des  présentes. 

§  1"'.  —  CHARGES. 

Art.  1".  La  Société  fondée  par  notre  ami  M.  Ferdinand  de  Lesseps,  en 
vertu  de  notre  concession  du  30  novembre  185Z|,  devra  exécuter  à  ses  frais, 
risques  et  périls,  tous  les  travaux  et  constructions  nécessaires  pour  l'éta- 
blissement : 

r  D'un  canal  approprié  5,  la  navigation  maritime,  entre  Suez  dans  la 
mer  Rouge,  et  le  golfe  de  Péluse  dans  la  mer  Méditerranée  ; 

2°  D'un  canal  d'irrigation  approprié  Ji  la  navigation  fluviale  du  Nil,  joi- 
gnant le  fleuve  au  canal  maritime  susmentionné; 

3°  De  deux  branches  d'irrigation  et  d'alimentation  dérivées  du  précédent 
canal  et  portant  leurs  eaux  dans  les  deux  directions  de  Suez  et  de  Péluse. 

Les  travaux  seront  conduits  de  manière  à  être  terminés  dans  un  délai  de 
six  années,  sauf  les  empêchements  et  retards  provenant  de  force  majeure. 

Art.  2.  La  Compagnie  aura  la  faculté  d'exécuter  les  travaux  dont  elle  est 


100  APPENDICE 

chargée,  par  elle-même  et  en  régie,  ou  de  les  faire  exécuter  par  des  en- 
trepreneurs au  moyen  d'adjudications  ou  de  marchés  h  forfait.  Dans  tous 
les  cas,  les  quatre  cinquièmes  au  moins  des  ouvriers  employés  h  ces  tra- 
vaux seront  Égyptiens. 

Art.  3.  Le  canal  approprié  à  la  grande  navigation  maritime  sera  creusé 
à  la  profondeur  et  à  la  largeur  fixées  par  le  programme  de  la  Commission 
scientifique  internationale. 

Conformément  à  ce  programme,  il  prendra  son  origine  au  port  même  de 
Suez;  il  empruntera  le  bassin  dit  des  Lacs  Amers  et  le  lac  Timsah  ;  il 
viendra  déboucher  dans  la  Méditerranée  en  un  point  du  golfe  de  Péluse 
qui  sera  déterminé  dans  les  projets  définitifs  à  dresser  par  les  ingénieurs  de 
la  Compagnie. 

Art.  k.  Le  canal  d'irrigation  approprié  à  la  navigation  fluviale  dans  les 
conditions  dudit  programme,  prendra  naissance  h  proximité  de  la  ville  du 
Caire,  suivra  la  vallée  (ouadée)  Toniilat  (ancienne  terre  de  Gessen),  et 
débouchera  dans  le  grand  canal  maritime  au  lac  Timsah. 

Art.  5.  Les  dérivations  du  canal  précédent  s'en  détacheront  en  amont 
du  débouché  dans  le  lac  Timsah;  de  ce  point  elles  seront  dirigées,  d'un 
côté  sur  Suez,  de  l'autre  côté  sur  Péluse,  parallèlement  au  grand  canal 
maritime. 

Art.  6.  Le  lac  Timsah  sera  converti  en  un  port  intérieur  propre  à  rece- 
voir des  bâtiments  du  plus  fort  tonnage. 

La  Compagnie  sera  tenue,  en  outre,  si  cela  est  nécessaire  :  1°  de  cons- 
truire un  port  d'abri  à  l'entrée  du  canal  maritime  dans  le  golfe  de  Péluse; 
2°  d'améliorer  le  port  et  la  rade  de  Suez,  de  manière  à  ce  que  les  navires 
y  soient  également  abrités. 

Art.  7.  Le  canal  maritime,  les  ports  en  dépendant,  ainsi  que  le  canal 
de  jonction  du  Nil  et  le  canal  de  dérivation,  seront  constamment  entrete- 
nus en  bon  état  par  la  Compagnie  et  h  ses  frais. 

Art.  8.  Les  propriétaires  riverains  qui  voudront  faire  arroser  leurs  terres 
au  moyen  de  prise  d'eau  tirées  des  canaux  construits  par  la  Compagnie, 
pourront  en  obtenir  d'elle  la  concession  moyennant  le  payement  d'une  in- 
demnité ou  d'une  redevance  dont  le  chiffre  sera  fixé  dans  les  conditions  de 
l'article  17  ci-après. 

Art.  9.  Nous  nous  réservons  de  déléguer,  au  siège  administratif  de  la 
Compagnie,  un  commissaire  spécial  dont  le  traitement  sera  payé  par  elle, 
et  qui  représentera,  près  de  son  administration,  les  droits  et  les  intérêts 
du  gouvernement  égyptien  pour  l'exécution  des  dispositions  du  présent. 

Si  le  siège  administratif  de  la  Société  est  établi  ailleurs  qu'en  Egypte, 
la  Compagnie  sera  tenue  de  se  faire  représenter  h  Alexandrie  par  un  agent 
supérieur  nanti  de  tous  les  pouvoirs  nécessaires  pour  assurer  la  bonne  mai-- 
che  du  service  et  les  rapports  de  la  Compagnie  avec  notre  gouvernement. 


APPENDICE  101 

§  2.    —  CONCESSIONS, 

Art,  10.  Pour  la  construction  des  canaux  et  dépendances  mentionnés 
dans  les  articles  qui  précédent,  le  gouvcrneraent  égyptien  abandonne  k  la 
Compagnie,  sans  aucun  impôt  ni  redevance,  la  jouissance  de  tous  les 
terrains,  n'appartenant  pas  k  des  particuliers,  qui  pourront  être  néces- 
saires. 

Il  lui  abandonne  également  la  jouissance  de  tous  les  terrains  aujour- 
d'hui incultes  n'appartenant  pas  à  des  particuliers,  qui  seront  arrosés  et 
mis  en  culture  par  ses  soins  et  à  ses  frais,  avec  cette  différence  :  1"  que 
les  terrains  compris  dans  cette  dernière  catégorie  seront  exempts  de  tout 
impôt  pendant  dix  ans  seulement,  h  dater  de  leur  mise  en  rapport  ; 
2"  que,  passé  ce  terme,  ils  seront  soumis,  pendant  le  reste  de  la  concession, 
aux  obligations  et  aux  impôts  auxquels  seront  assujetties,  dans  les  mômes 
circonstances,  les  terres  des  autres  provinces  de  l'Egypte;  3"  que  la  Com- 
pagnie pourra  ensuite,  par  elle-même  ou  par  ses  ayants-droit,  conserver 
la  jouissance  de  ces  terrains  et  des  prises  d'eau  nécessaires  k  leur  fertili- 
sation, k  charge  de  payer  au  gouvernement  égyptien  les  impôts  établis  sur 
les  terres  dans  les  mêmes  conditions. 

Art.  11.  Pour  déterminer  l'étendue  et  les  limites  des  terrains  concédés 
k  la  Compagnie,  dans  les  conditions  du  §  2  de  l'article  10  qui  précède,  il 
est  référé  aux  plans  ci-annexés;  étant  expliqué  qu'auxdits  plans  les  ter- 
rains concédés  pour  la  construction  des  canaux  et  dépendances,  sans  im- 
pôt ni  redevance,  conformément  au  §  1^'',  sont  teintés  en  noir,  et  que  les 
terrains  concédés  pour  être  mis  en  culture  en  payant  certains  droits, 
conformément  au  §  2  sont  teintés  en  bleu. 

Sera  considéré  comme  nui  tout  acte  fait  postérieurement  à  notre  acte 
du  30  novembre  185/j,  qui  aurait  pour  conséquence  de  créer  k  des  parti- 
culiers, contre  la  Compagnie,  ou  des  droits  k  indemnité  qui  n  existaient 
pas  alors  sur  les  terrains,  ou  des  droits  k  indemnité  plus  considérables 
que  ceux  auxquels  ils  auraient  pu  prétendre  k  cette  époque. 

Art.  12.  Le  gouvernement  égyptien  livrera,  s'il  y  a  lieu,  à  la  Compagnie, 
les  terrains  de  propriété  particulière  dont  la  possession  sera  nécessaire 
à  l'exécution  des  travaux  et  k  l'exploitation  de  la  concession,  à  charge 
par  elle  de  payer  aux  ayants-droit  de  justes  indemnités. 

Les  indenmités  d'occupation  temporaire  ou  d'expropriation  définitive 
seront,  autant  que  possible,  réglées  amiablement;  en  cas  de  désaccord, 
elles  seront  fixées  par  un  tribunal  arbitral  procédant  sommairement  et 
composé  :  1°  d'un  arbitre  choisi  par  la  Compagnie  ;  2°  d'un  arbitre  choisi 
par  les  intéressés;  3°  d'un  tiers  arbitre  désigné  par  nous. 

Les  décisions  du  tribunal  arbitral  seront  exécutoires  immédiatement  et 
sans  appel. 


102  APPENDICE 

Art.  13.  Le  gouvernement  égyptien  accorde  à  la  Compagnie  conces- 
sionnaire, pour  toute  la  durée  de  la  concession,  la  faculté  d'extraire  des 
mines  et  carrières  appartenant  au  domaine  public,  sans  payer  aucun  droit, 
impôt  ni  indemnité,  tous  les  matériaux  nécessaires  aux  travaux  de  cons- 
truction et  d'entretien  des  ouvrages  et  établissements  dépendant  de  l'en- 
treprise. 

Il  exonère  en  outre  la  Compagnie  de  tous  les  droits  de  douane,  d'entrée 
et  autres,  pour  l'introduction  en  Egypte  de  toutes  machines  et  matières 
quelconques  qu'elle  fera  venir  de  l'étranger  pour  les  besoins  de  ses  divers 
services  en  cours  de  construction  ou  d'exploitation. 

Art.  14.  Nous  déclarons  solennellement,  pour  nous  et  nos  successeurs, 
sous  la  réserve  de  ia  ratification  de  S  M.  Impériale  le  Sultan,  le  grand  ca- 
nal maritime  de  Suez  h.  Péluse  et  les  ports  en  dépendant,  ouverts  à  tou- 
jours, comme  passages  neutres,  à  tout  navire  de  commerce  traversant 
d'une  mer  à  l'autre,  sans  aucune  distinction,  exclusion  ni  préférence  de 
personnes  ou  de  nationalités,  moyennant  le  payement  des  droits  et  l'exé- 
cution des  règlements  établis  par  la  Compagnie  universelle  concession- 
naire pour  l'usage  dudit  canal  et  dépendances. 

Ar.  15.  Enconsequenc.edu  principe  posé  dans  l'article  précédent,  hi 
Compagnie  universelle  concessionnaire  ne  pourra,  dans  aucun  cas,  ac- 
corder à  aucun  navire,  compagnie  ou  particulier,  aucuns  avantages  ou  fa- 
veurs qui  ne  soient  accordés  à  tous  autres  navires,  compagnies  ou  parti- 
culiers, dans  les  mêmes  conditions. 

Art.  16.  La  durée  de  la  Société  est  fixée  à  99  années,  h  compter  de  l'a- 
chèvement des  travaux  et  de  l'ouverture  du  canal  maritime  à  la  grande 
navigation. 

A  l'expiration  de  cette  période,  le  gouvernement  égyptien  rentrera  en 
possession  du  canal  maritime  construit  par  la  Compagnie,  à  charge  par  lui, 
dans  ce  cas,  de  reprendre  tout  le  matériel  et  les  approvisionnements  affec- 
tés au  service  maritime  de  l'entreprise  et  d'en  payer  à  la  Compagnie  la 
valeur  telle  qu'elle  sera  fixée,  soit  araiableraent,  soit  à  dire  d'experts. 

Néanmoins,  si  la  Compagnie  conservait  la  concession  par  périodes  suc- 
cessives de  99  années,  le  prélèvement  stipulé  au  profit  du  gouvernement 
égyptien  par  l'article  18  ci-après  serait  porté  pour  la  seconde  période  h 
20  0/0,  pour  la  troisième  période  h  25  0/0,  et  ainsi  de  suite,  h  raison  de 
5/00  d'augmentation  pour  chaque  période,  sans  que  toutefois  ce  prélè- 
vement puisse  jamais  dépasser  35  0/0  des  produits  nets  de  l'entreprise. 

Art.  17.  Pour  indemniser  la  Compagnie  des  dépenses  de  construction, 
d'entretien  et  d'exploitation  qui  sont  mises  à  sa  charge  par  les  présentes, 
nous  l'autorisons,  dès  h  présent,  et  pendant  toute  la  durée  de  sa  jouis- 
sance, telle  qu'elle  est  déterminée  par  les  §§  l*"^  et  3  de  l'article  précé- 
dent, à  établir  et  percevoir,  pour  le  passage  dans  les  canaux  et  les  ports 


APPE^D1CK  103 

en  dépendant,  des  droits  de  navigation,  de  pilotage,  de  remorquage,  de 
halage  ou  de  stationnement,  suivant  des  tarifs  qu'elle  pourra  modifier  à 
toute  époque  sous  la  condition  expresse  : 

1"  De  percevoir  ces  droits,  sans  aucune  exception  ni  faveur,  sur  tous 
les  navires  dans  des  conditions  identiques  ; 

2°  De  publier  les  tarifs,  trois  mois  avant  la  mise  en  vigueur,  dans  les 
capitales  et  les  principaux  ports  de  commerce  des  pays  intéressés  ; 

3"  De  ne  pas  excéder,  pour  le  droit  spécial  de  navigation,  le  cliiOVe 
maximum  de  dix  francs  par  tonneau  de  capacité  des  navires  et  par  tête 
de  passager. 

La  Compagnie  pourra,  également,  pour  toutes  les  prises  d'eau  accor- 
dées à  la  demande  de  particuliers,  en  vertu  de  l'article  8  ci-dessus,  per- 
cevoir, d'après  des  tarifs  qu'elle  fixera,  un  droit  proportionnel  à  la  quan- 
tité d'eau  absorbée  et  à  l'étendue  des  terrains  arrosés. 

Art.  18.  Toutefois,  en  raison  des  concessions  de  terrains  et  autres 
avantages  accordés  h  la  Compagnie  par  les  articles  qui  précèdent,  nous 
réservons,  au  profit  du  gouvernement  égyptien,  un  prélèvement  de  15  0/û 
sur  les  bénéfices  nets  de  chaque  année  arrêtés  et  répartis  par  l'assemblée 
générale  des  actionnaires. 

Art.  19.  La  liste  des  membres  fondateurs  qui  ont  concouru  par  leurs 
travaux,  leurs  études  et  leurs  capitaux,  à  la  réalisation  de  l'entreprise 
avant  la  fondation  de  la  Société,  sera  arrêtée  par  nous. 

Après  le  prélèvement  stipulé  au  profit  du  gouvernement  égyptien  par 
l'article  18  ci-dessus,  il  sera  attribué  dans  les  produits  nets  annuels  de 
l'entreprise,  une  partie  de  10  0/0  aux  membres  fondateurs  ou  à.  leurs  hé- 
ritiers ou  ayants-cause. 

Art.  20.  Indépendamment  du  temps  nécessaire  à  l'exécution  des  tra- 
vaux, notre  ami  et  mandataire  M.  Ferdinand  de  Lesseps  présidera  et  di- 
rigera la  Société,  comme  premier  fondateur,  pendant  dix  ans  à  partir  du 
jour  où  s'ouvrira  la  période  de  jouissance  de  la  concession  de  99  années, 
aux  termes  de  l'article  16  ci-dessus. 

Art.  21.  Sont  approuvés  les  statuts  ci-annexés  dé  la  Société  créée  sous 
la  domination  de  Compagnie  universelle  du  canal  maritime  de  Suez,  la 
présente  approbation  valant  autorisation  de  constitution,  dans  la  forme 
des  sociétés  anonymes,  à  dater  du  jour  où  le  capital  social  sera  entière- 
ment souscrit. 

Art.  22.  Comme  témoignage  de  l'intérêt  que  nous  attachons  au  suc- 
cès de  l'entreprise,  nous  promettons  à  la  Compagnie  le  loyal  concours  du 
gouvernement  égyptien,  et  nous  invitons  expressément  par  les  présentes 
les  fonctionnaires  et  agents  de  tous  les  services  de  nos  administrations  à 
lui  donner  en  toute  circonstance  aide  et  protection. 

Nos  ingénieurs,  Linant-Bey  et  Mougel-Bey,  que  nous  mettons  h  la  dis- 


lOZi  APPENDICE 

position  de  la  Compagnie  pour  la  direction  et  la  conduite  des  travaux  or- 
donnés par  elle,  auront  la  surveillance  supérieure  des  ouvriers,  et  seront 
cliargés  de  l'exécution  des  règlements  qui  concerneront  la  mise  en  œuvre 
des  travaux. 

Art.  23.  Sont  rapportées  toutes  dispositions  de  notre  ordonnance  du 
trente  novembre  mil-liuit-cent-cinquanle-quatre,  et  autres  qui  se  trouve- 
raient en  opposition  avec  les  clauses  et  conditions  du  présent  cahier  des 
charges,  lequel  fera  seul  loi  pour  la  concession  à  laquelle  il  s'applique. 

XXIII.  —  Lettre  du  pacha  d'Egypte  à  IVI.  de  Lesseps.  en  date  d'Alexan- 
drie le  5  janvier  1856  (26  rébiul  akliir  13  9%]. 

A  mon  dévoué  ami,  de  haute  naissance  et  de  rang  élevé,  monsieur 

Ferdinand  de  Lesseps. 

La  concession  accordée  à  la  Compagnie  universelle  du  canal  de  Suez 
devant  être  ratifiée  par  S.  M.  I.  le  Sultan,  je  vous  remets  cette  copie  au- 
thentique afin  que  vous  puissiez  constituer  ladite  Compagnie  financière. 

Quant  aux  travaux  relatifs  au  percement  de  l'isthme,  elle  pourra  les 
exécuter  elle-même  dès  que  l'autorisation  de  la  Sublime-Porte  m'aura  été 
accordée. 

XXI^'.  —  Règlement  pour  les  ouvriers  employés  aux  travaux  du  ca- 
nal, eu  date  d  Alexandrie  le  âO  juillet  1856  (19  zilcadé  1S93}. 

Nous  Mohammed-Saïd-Pacha,  vice-roi  d'Egypte,  voulant  assurer 
l'exécution  des  travaux  du  canal  maritime  de  Suez,  pourvoir  au  bon  trai- 
tement des  ouvriers  égyptiens  qui  y  seront  employés,  et  veiller  en  même 
temps  aux  intérêts  des  cultivateurs,  propriétaires  et  entrepreneurs  du 
pays,  avons  établi,  de  concert  avec  M.  Ferdinand  de  Lesseps,  comme 
président-fondateur  de  la  Compagnie  universelle  dudit  canal,  les  dispo- 
sitions suivantes  : 

Art.  1".  Les  ouvriers  qui  seront  employés  aux  travaux  de  la  Compa- 
gnie seront  fournis  par  le  gouvernement  égyptien,  d'après  les  demandes 
des  ingénieurs  en  chef  et  suivant  les  besoins. 

Art.  2.  La  paie  allouée  aux  ouvriers  sera  fixée  suivant  les  prix  payés, 
en  moyenne,  pour  les  travaux  des  particuliers,  ci  la  somme  de  deux  pias- 
tres et  demie  à  trois  piastres  par  jour,  non  compris  les  rations  qui  seront 
délivrées  en  nature  par  la  Compagnie  pour  la  valeur  d'une  piastre. 

Les  ouvriers  au-dessous  de  douze  ans  ne  recevront  qu'une  piastre, 
mais  ration  entière. 

Les  rations  en  nature  seront  distribuées  par  jour  ou  tous  les  deux  ou 


APPENDICE  105 

trois  jours  à  l'avance  ;  et  dans  le  cas  où  l'on  serait  assuré  que  les  ouvriers 
qui  en  feront  la  demande  seront  en  état  de  pourvoir  k  leur  nourriture, 
la  ration  leur  sera  donnée  en  argent. 

La  paye  en  argent  aura  lieu  toutes  les  semaines.  Cependant  la  Compa- 
gnie ne  comptera,  pendant  le  premier  mois,  que  la  moitié  de  la  paye, 
jusqu'à  ce  qu'elle  ail  accumulé  une  réserve  de  quinze  jours  de  solde, 
après  quoi,  la  paye  entière  sera  délivrée  aux  ouvriers. 

Le  soin  de  fournir  de  l'eau  potable  en  abondance  pour  tous  les  besoins 
des  ouvriers  est  à  la  charge  de  la  Compagnie. 

Art.  3.  La  lâche  imposée  aux  ouvriers  ne  dépassera  pas  celle  qui  est 
fixée  dans  l'administration  des  Ponls-et-Chaussées  en  Egypte,  et  qui  a 
été  adoptée  dans  les  grands  travaux  de  canalisation  exécutés  pendant  ces 
dernières  années. 

Le  nombre  des  ouvriers  employés  sera  fixé  en  prenant  en  considéra- 
tion les  époques  des  travaux  de  l'agriculture. 

Art.  4.  La  police  des  chantiers  sera  faite  par  les  officiers  et  agents  du 
gouvernement,  sous  les  ordres  et  suivant  les  instructions  des  ingénieurs 
en  chef,  conformément  à  un  règlement  spécial  qui  recevra  notre  appro- 
bation. 

Art.  5.  Les  ouvriers  qui  n'auront  pas  rempli  leur  tâche  seront  soumis 
à  une  diminution  de  salaire,  qui  ne  sera  pas  moindre  du  tiers  et  qui  sera 
proportionnée  au  déficit  de  l'ouvrage  commandé.  Ceux  qui  déserteront 
perdront,  par  ce  seul  fait,  les  quinze  jours  de  solde  en  réserve;  le  mon- 
tant en  sera  versé  à  la  caisse  de  l'hôpital,  dont  il  sera  parlé  h  l'article 
suivant.  Ceux  qui  apporteraient  du  trouble  dans  les  chantiers  seront  pri- 
vés également  des  quinze  jours  de  solde  en  réserve.  Ils  seront,  en  outre, 
passibles  d'une  amende  qui  sera  versée  â  la  caisse  de  l'hôpital. 

Art.  6.  La  Compagnie  sera  tenue  d'abriter  les  ouvriers,  soit  sous  des 
tentes,  soit  dans  des  hangars  ou  maisons  convenables.  Elle  entretiendra 
un  hôpital  et  des  ambulances,  avec  tout  le  personnel  et  tout  le  matériel 
nécessaire  pour  traiter  les  malades  â  ses  frais. 

Art.  7.  Les  frais  de  voyage  des  ouvriers  engagés  et  de  leurs  familles, 
depuis  le  lieu  de  leur  départ  jusqu'à  leur  arrivée  sur  les  chantiers,  seront 
à  la  charge  de  la  Compagnie. 

Chaque  ouvrier  malade  recevra  à  l'hôpital  ou  dans  les  ambulances, 
outre  les  soins  que  réclamera  son  état,  une  paye  d'une  piastre  et  demie 
pendant  tout  le  temps  qu'il  ne  pourra  pas  travailler. 

Art.  8.  Les  ouvriers  d'art,  tels  qiie  maçons,  charpentiers,  tailleurs  de 
pierre,  forgerons,  etc.,  etc.,  recevront  la  paye  que  le  gouvernement  a 
l'usage  de  leur  allouer  pour  ses  travaux,  outre  la  ration  de  vivres  ou  la 
valeur  de  cette  ration. 

Art.  9.  Lorsque  des  militaires  appartenant  au  service  actif  seront  em- 


lOG  APPENDICE 

ployés  aux  travaux,  la  Compagnie  déboursera  pour  chacun  d'eux,  h  titre 
de  haute  paye,  de  solde  ordinaire  ou  d'entretien,  une  somme  égale  à  a 
paye  des  ouvriers  civils. 

Art.  10.  Toutes  les  coiiffes  nécessaires  pour  le  transport  des  terres  et 
des  matériaux,  ainsi  que  la  poudre  pour  l'exploitation  des  carrières,  se- 
ront fournies  par  le  gouvernement  à  la  Compagnie,  au  prix  de  revient, 
pourvu  que  la  demande  en  ait  été  faite  aux  moins  trois  mois  à  l'avance. 

Art.  11.  Nos  ingénieurs  Linant-Bey  et  Mougel-Bey,  que  nous  mettons 
à  la  disposition  de  la  Compagnie  pour  la  direction  et  la  conduite  des  tra- 
vaux, auront  la  surveillance  supérieure  des  ouvriers,  et  s'entendront  avec 
l'administrateur  délégué  de  la  Compagnie  pour  aplanir  les  difticullés  qui 
pourraient  survenir  dans  l'exécution  du  présent  décret. 

XYV.  —  Dépêche  du  Kiiînistre  des  afTaires  étrangères  (Alî-paelia)  de 
la  Subiiiuc-Poi'te  aux.  ambassadeurs  ottoutaus  à  Paxis  et  à  Lon- 
dres, eu  date  du  G  avril  l!!i(i3  (lO  cliéwan  1S80). 

Monsieur  l'ambassadeur,  lorsque ,  il  y  a  quelques  années ,  la  Su* 
blimePorte  fut  saisie  de  la  question  du  canal  de  Suez,  elle  se  réserva 
de  poser  ses  conditions  sur  les  autres  parties  du  projet  de  contrat  qui  lui 
fut  soumis,  et  déclara  qu'elle  désirerait  voir  une  entente  établie  au  préa- 
lable entre  les  deux  grandes  puissances  maritimes,  sur  les  garanties 
extérieures  que  l'ouverture  d'une  voie  de  cette  importance  exigeait 
Cette  entente  n'a  pas  eu  lieu  jusqu'ici,  et  le  nouveau  gouverneur-général 
de  l'Egypte,  S.  A.  Ismaïl-Pacha,  ayant  adressé  au  gouvernement  de 
S.  M.  I.  le  Sultan  la  demande  officielle,  par  une  lettre  au  grand- visir,  de 
régulariser  sa  position  à  cet  égard  et  de  lui  donner  des  instructions  clai- 
res et  précises  sur  ce  qu'il  devra  faire  et  dire,  nous  nous  sommes  trouvé 
en  devoir  de  lui  faire  connaître  toutes  les  conditions  auxquelles  l'autori- 
sation de  la  Sublime-Porte  a  toujours  été  subordonnée  conditions  que, 
par  l'ordre  de  notre  auguste  maître,  nous  soumettons  h  l'appréciation 
équitable  et  bienveillante  des  augustes  alliés  de  Sa  Majesté  Impériale. 

Nous  nous  sentons  d'autant  plus  obligés  de  nous  prononcer  sans  plus 
de  retard,  que  nous  avons  le  regret  de  voir  les  travaux  de  plus  en  plus 
avancer  sans  la  solution  préalable  des  importantes  questions  qui  s'y 
rattachent.  Force  nous  a  été  donc  de  dire  franchement  ce  que,  considérée 
sous  le  point  de  vue  des  intérêts  de  l'empire,  il  faudra  pour  que  cette 
œuvre  puisse  devenir  réalisable  avec  l'autorisation  du  souverain  du  pays. 

Il  n'entre  pas  dans  la  pensée  de  la  Porte  de  vouloir  empêcher  la 
réalisation  d'une  entreprise  qui  pourrait  être  d'utilité  générale;  mais 
elle  ne  saurait  y  consentir  1"  qu'avec  la  certitude  d'avoir  des  stipula- 
tions internationales  qui  en  garantiraient,  à  l'instar  des  Dardanelles  et 


APPENDICE  107 


du  Bosphore,  la  neutralité  complète  ;  2"  qu'à  des  conditions  de  nature  h 
sauvegarder  et  à  assurer  les  importants  intérêts  qu'elle  est  appelée  à  pro- 


téger. 


Or,  le  projet  actuel  n'otTre  aucune  des  garanties  indispensables. 

Il  y  a  surtout  deux  faits  qui  ont,  dès  l'origine,  attiré  notre  attention  la 
plus  sérieuse.  Les  voici  :  1°  malgré  l'abolition  dans  l'empire  de  la  cor- 
vée, malgré  le  dernier  décret  du  vice-roi  établissant  la  même  prohi- 
bition, les  travaux  préparatoires  ne  s'effectuent  que  par  le  seul  concours 
de  ce  régime.  L'administration  égyptienne  contraint  vingt  mille  hommes 
par  mois  à  abandonner  leurs  labours  et  leurs  familles  pour  aller^travailler 
au  canal. 

Ces  gens  sont  obligés  de  retourner  dans  leurs  foyers  h  leurs  propres 
frais,  et  la  plupart  d'entre  eux  ayant  une  distance  très-considérable  à 
parcourir,  sans  compter  les  pertes  qu'ils  éprouvent  de  l'abandon  forcé 
de  leurs  intérêts.  Le  nombre  des  bras  ainsi  distrait  de  l'agriculture,  de 
l'industrie  et  du  commerce,  ne  se  borne  pas  à  vingt  mille.  Tandis  que 
vingt  mille  ouvriers  travaillent,  quarante  mille  sont  en  chemin  ou  occupés 
à  se  préparer  pour  s'y  rendre,  de  sorte  que  soixante  mille  hommes  sont 
conlinuellement  enlevés  h.  leurs  foyers  et  h  leurs  affaires. 

Je  crois  superflu  de  m'étendre  sur  les  effets  désastreux  d'un  pareil 
système.  Ces  inconvénients  sautent  aux  yeux.  La  Sublime-Porte  se  voit 
dans  l'impossibilité  de  sanctionner  la  pratique  d'une  telle  mesure  en 
Egypte,  tandis  qu'elle  ne  la  permettrait  pas  dans  les  autres  parties  de 
l'empire. 

Le  second  des  deux  faits  dont  je  parle  plus  haut  est  celui  qui  con- 
siste à  concéder  k  la  Compagnie,  avec  des  canaux  d'eau  douce,  tout  le 
territoire  qui  les  environne.  Selon  le  projet  de  contrat^  partout  où  les 
canaux  s'étendraient,  la  Compagnie  aurait  le  droit  de  revendiquer,  en 
toute  propriété,  les  terrains  qui  les  bordent.  De  cette  manière,  les  villes 
de  Suez,  de  Tirasah  et  de  Port-Saïd,  ainsi  que  toutes  les  frontières  de  la 
Syrie,  passeraient  naturellement  et  forcément  dans  les  mains  d'une  coia- 
pagnie  anonyme,  composée  en  grande  partie  d'étrangers  soumis  aux  juri- 
dictions et  aux  autorités  de  leurs  pays  respectifs.  Il  ne  tiendrait  donc 
qu'à  la  Compagnie  de  créer  sur  des  points  importants  du  territoire  de 
de  l'Empire  ottoman  des  colonies  presque  indépendantes  de  cet  empire. 

Nous  pensons  qu'il  n'y  a  pas  un  gouvernement,  ayant  quelque  sen- 
timent de  son  indépendance  et  de  ses  devoirs,  qui  puisse  souscrire  à  une 
transaction  de  cette  nature. 

Par  conséquent,  la  Sublime-Porte  manquerait  à  tous  ses  devoirs,  per- 
drait l'estime  de  tous  ses  amis,  et  laisserait  s'établir  un  état  de  choses 
destiné  à  amener  de  continuels  conflits,  si  elle  ne  déclarait  pas  que  cette 
clause  n'aura  jamais  sa  sanction. 


108  APPENDICE 

En  résumé,  le  consentement  de  la  Sublime-Porte  est  et  doit  être 
indissolublement  lié  à  la  solution  préalable  des  trois  questions  suivantes, 
savoir  :  la  stipulation  de  la  neutralité  du  canal,  l'abolition  du  travail 
forcé,  et  l'abandon  par  la  Compagnie  de  k  clause  qui  concerne  les  ca- 
naux d'eau  douce  et  la  concession  des  terrains  environnants.  Une  fois 
ces  trois  points  décidés  le  gouvernement  de  S.  M.  le  Sultan,  d'accord  avec 
S.  A.  Israaïl-Pacha,  s'empressera  de  prendre  en  sérieuse  considération 
chacun  des  autres  articles  du  projet  de  contrat. 

Quant  cl  l'ensemble  du  contrat  en  question,  il  n'existe  qu'à  l'état  de 
projet.  Vous  savez  qu'il  n'a  jamais  été  approuvé  par  la  Sublime-Porte.  La 
Compagnie  elle-même  nç  saurait  dire  qu'elle  ignorait  la  nécessité  d'obte- 
nir au  préalable  la  sanction  de  la  Sublime-Porte,  puisque  cet  article 
figure  dans  le  projet  de  contrat  comme  une  des  conditions  fondamentales 
de  sa  concession.  On  sait,  en  outre,  que  plus  tard,  quand  j\l.  de  Lesseps 
demandait  de  nouvelles  faveurs  au  défunt  vice-roi  pour  la  Compagnie,  il 
s'engageait,  par  contrat,  d'obtenir  cette  franchise  dans  un  terme  de  dix- 
huit  mois,  engagement  qui  n'a  jamais  été  rempli. 

Or  la  Sublime-Porte  s'adresse  en  particulier  et  avec  la  plus  grande 
confiance  à  ses  deux  plus  sincères  alliés,  pour  leur  demander  ce  qu'ils 
auraient  fait  dans  une  circonstance  semblable.  Devons-nous  laisser  une 
société  anonyme  s'établir  sur  le  territoire  de  l'empire,  s'y  arroger  des 
droits  que  la  Sublime-Porte  ne  pourrait  lui  reconnaître,  par  suite  d'une 
concession  promise  par  le  haut  personnage  qui  gouverne  ce  territoire, 
sous  la  souveraineté  du  Sultan,  h.  la  condition  expresse  d'obtenir  la  con- 
firmation du  souverain  territorial  ? 

Tout  ce  qu'il  nous  reste  h  faire  pour  donner  une  nouvelle  preuve  de 
la  bonne  volonté  dont  notre  auguste  maître  se  trouve  animé,  c'est  de  ré- 
péter encore  une  fois  que,  malgré  les  infractions  dont  nous  avons  à  nous 
plaindre,  une  fois  les  clauses  inadmissibles  que  je  signale  ci-dessus  reti- 
rées, nous  serons  prêts  à  examiner  les  autres  dispositions  du  contrat 
sans  la  moindre  piévention.  Selon  la  plus  stricte  équité,  la  Compagnie 
n'aurait  pas  le  droit  de  dire  qu'elle  a  fait  déjà  des  dépenses. 

Elle  savait  qu'une  des  principales  conditions  du  contrat  n'étant  pas 
remplie,  elle  faisait  ces  dépenses  à  ses  risques  et  périls.  Cependant, 
disposée  à  prendre  en  considération  les  intérêts  privés  qui  se  trouvent 
engagés  dans  cette  entrejjrise,  la  Sublime-l^orle  tâchera  conjointement 
avec  S.  A  Ismaïl-Pacha,  de  combiner  les  moyens  nécessaire  pour  ren- 
dre l'argent  que  la  Compagnie  aura  dépensé,  dans  le  cas  où  elle  ne 
voudrait  pas  continuer  les  travaux  sans  des  avantages  qui  ne  pourraient 
pas  lui  être  concédés,  et  alors  ladite  Compagnie  devra  naturellement 
céder  les  ouvrages  déjà  commencés  et  tous  les  terrains  qu'elle  retient 
comme  propriété. 


APPENOrCR  109 

Nous  devons  ajouter  aussi  que,  dans  l'Iiypotlièsc  prévue  plus  liaut, 
où  la  Compagnie  renonceriiit  à  la  poursuite  de  l'œuvre  projetée,  la  Su- 
blime-Porte, sincèrement  désireuse  de  faire  tout  ce  qui  dépend  d'elle 
pour  faciliter  toutes  les  coraraunicalions,  et  toujours  de  concert  avec  le 
vice-roi,  adopterait  les  mesures  les  plus  propres  ci  en  réaliser  l'exé- 
cution. 

Nous  sommes  certains.  Monsieur  l'ambassadeur,  que  les  explications 
franches  et  loyales  qui  ])récèdent  ne  manqueront  pas  de  rencontrer 
l'entière  approbation  du  cabinet  de  S.  M.  l'Empereur  (la  Reine).  En  con- 
séquence,je  vous  invite  h  lire  cette  dépêche  h  M.  le  ministre  des  all'aires 
étrangères  et  h  lui  en  laisser  copie. 
Veuillez,  etc. 

XXVI.  —  Lettre  dn  pacba  d'î'gypte  (Isniaïl)  à  M.  de  liCsseps.  en  date 
du  Caire  lé  18  août  1  8<i3  (3  rébial  éwel  1  380). 

Mon  cher  monsieur  de  Lesseps, 

Vous  n'ignorez  pasqu'hla  suite  de  la  lettre  vizirielle  que  la  Sublime- 
Porte  m'avait  envoyée  au  sujet  du  canal,  j'ai  fait  faire  des  démarches  à 
Gonstantinople,  et  qu'elle  m'a  autorisé  h  traiter  directement  avec  la  Com- 
pagnie pour  nous  entendre  sur  les  modifications  h  apporter  dans  l'acte 
concernant  la  Compagnie,  de  manière  à  enlever  les  points  qui  ont  jusqu'il 
présent  motivé  son  refus  d'autorisation.  Vous  savez  de  plus,  mon  cher 
monsieur  de  Lesseps,  que  depuis  mon  avènement  à  la  vice-royauté,  ce 
que  j'ai  cherché,  c'est  la  régularisation  de  cette  grande  alTaire.  La  régula- 
riser, c'est  parvenir  sûrement  et  facilement  h  son  exécution,  but  que  tous 
deux  nous  nous  proposons.  L'autorisation  que  j'ai  obtenue  de  la  Sublime- 
Porte  de  traiter  avec  la  Compagnie  est  déjà  un  acheminement  vers  cette 
régularisation. 

Les  objections  de  la  Sublime-Porte,  ainsi  que  vous  le  savez,  portent 
sur  le  mode  de  travail  actuel  et  sur  les  terrains. 

Nubar-Pacha  est  chargé  par  moi  de  traiter  et  de  régler  ces  questions 
avec  vous.  ,Ie  suis  certain  que  l'entente  s'établira  sans  difliculté  entre  vous, 
persuadé  que  je  suis  des  sentiments  de  conciliation  qui  vous  animent  et 
du  désir  que  vous  partagez  avec  uioi  de  voir  cette  grande  entreprise  régu- 
larisée dans  sa  marche  et  à  l'abri,  dans  l'avenir,  de  toutes  difficultés  et  de 
toutes  entraves. 

La  Porte  m'a  accordé  six  mois  de  temps  pour  m'enlendrc  avec  la 
Compagnie.  Ce  délai  passé,  et  cela  sans  entente,  la  question  doit  retour- 
ner à  Gonstantinople  et  sortir  de  mon  pouvoir. 

J'aime  h  croire  que  nous  n'arriverons  pas  là,  car  les  propositions  que 
Nubar-Pacha  est  chargé  de  vous  faire  en  mon  nom  concilient,  dans  mon 


110  APPENDICE 

opinion,  tous  les  intérêts  qui  se  raltaclient  à  cette  grauile  œuvre.  La  Porte, 
en  outre,  d'accord  en  cela  avec  l'esprit  qui  vous  a  toujours  guidé  dès  le 
principe,  me  charge  de  faire  examiner  les  dimensions,  profondeur  et 
largeur  du  canal,  de  manière  à  ce  qu'il  ne  soit  purement  et  simplement 
qu'une  voie  commerciale,  et  non  point  un  canal  oii  pourraient  passer  des 
bâtiments  de  guerre.  Comme  la  Compagnie  n'a  pas  encore  fixé  elle-même 
d'une  manière  dcfuiitive  les  dimensions  du  canal  maritime,  je  réserverai 
pour  la  suite  l'examen  de  cette  question. 

XZILVII.  —  Lettre  de  ^'onbar-pacha  an  président  de  la  Compagnie 
pour  le  canal  de  Snez,  en  date  du  13  octobre  18G3  (38  rébinl- 
akhir  1380). 

Rîonsieur  le  président,  les  propositions  que  Son  Altesse  le  vice-roi 
m'a  chargé  de  faire  à  la  Compagnie ,  par  sa  lettre  du  18  août  qui  m'ac- 
crédite auprès  de  vous,  sont  les  suivantes  : 

Réduction  du  nombre  actuel  des  ouvriers  au  chiffre  de  6,000  hommes, 
le  nombre  actuel  des  contingents  étant,  sous  tous  les  rapports,  préju- 
diciable au  pays  et  aux  intérêts  de  l'agriculture.  Ce  contingent  de  6,000 
serait  fourni  pour  concourir  aux  travaux  d'une  manière  permanente. 

Augmentation  du  salaire  actuel ,  qui  n'est  point  rémunérateur  :  le 
vice-roi  croit  juste,  équitable  et  nécessaire  que  ce  salaire  soit  porté  à 
2  fr.  par  jour.  Il  considère  ce  chiffre  comme  rémunérant  le  fellah  de 
son  travail  et  de  son  absence  forcée  de  son  village  et  de  son  champ. 

Suppression  de  la  concession  des  terrains  :  le  vice-roi  offre,  comme 
compensation,  de  prendre  pour  compte  de  son  gouvernement  tout  le 
canal  d'eau  douce,  ainsi  que  cela  a  déjà  eu  lieu  pour  la  partie  du  Caire 
au  Ouadi,  de  rembourser  h  la  Compagnie  les  frais  qu'elle  a  faits  pour  la 
partie  déjà  creusée  de  ce  canal,  et  de  le  terminer  jusqu'à  Suez,  en  se 
conformant  aux  dimensions  de  largeur  et  de  profondeur  établies. 

Ces  propositions,  monsieur  le  président,  sont  faites  dans  l'intérêt  de 
l'Egypte  aussi  bien  que  dans  celui  de  la  grande  entreprise  que  vous 
poursuivez  d'accord  avec  Son  Altesse.  Ces  deux  intérêts  n'ont  Jamais 
été  séparés  par  le  vice-roi,  qui  les  a  toujours  considérés  comme  étroite- 
ment liés  ensemble. 

XVIII.  —  Rapport  du  ministre  des  alFalrcs  étrangères  (Dronyn»dc« 
Lliuys)  à  IV'apoIéon  m,  en  date  du  3  mars  18G4  (34  ramazan  1380j. 

Sire,  le  vice-roi  d'Egypte  ayant  écrit  à  Votre  Majesté  pour  lui  deman- 
der de  vouloir  bien  prononcer  elle-même  sur  certaines  questions  encore 
pendantes  entre  le  gouvernement  égyptien  et  la  Compagnie  de  l'isthme  de 


APPENDICE  111 

Suez,  vous  avez  daigné  répondre  à  Israaïl  pacha  que  vous  défériez  h  son 
désir. 

Votre  Majesté  a,  en  môme  temps,  exprimé  la  volonté  de  faire  préalable- 
ment examiner  ces  questions  par  une  commission  oflVant  toutes  les  ga- 
ranties d'impartialité  et  de  lumières.  Afin  de  répondre  h  cet  égard  aux 
intentions  de  Votre  Majesté,  et  conformément  h  ses  ordres,  j'ai  l'honneur 
de  lui  proposer,  pour  faire  partie  de  cette  con]mission  : 

MM.  Thouvene!,  sénateur,  comme  président; 
Mallet,  sénateur; 
Suin,  sénateur; 

Gouin,  député  au  Corps  législatif; 
Duvergier,  conseiller  d'Etat. 

Si  Votre  Majesté  daigne  agréer  ces  noms,  je  m'empresserai  d'adresser 
une  lettre  d'avis  aux  personnes  désignées,  et  de  mettre  h  leur  disposition 
tous  les  documents  qui  pourraient  leur  être  nécessaires. 

Je  suis  avec  respect,  etc. 
Approuvé 
.  NAPOLÉON. 

XXIX.  —  Article  du  «  Moniteur  universel  »  en  date  fia  fl  ."î  mars  f  8<>4 

(6  chéwal  1380). 

Nous  croyons  devoir  donner  les  renseignements  suivants  au  sujet  de  la 
commission  récemment  instituée  par  l'Empereur. 

Lorsque  des  dissentiments  ont  éclaté  entre  le  vice-roi  d'Egypte  et  la 
Compagnie  de  l'isthme  de  Suez,  l'Empereur  a  chargé  S.  Exe.  le  duc  de 
Morny  de  lui  faire  un  rapport  sur  les  questions  en  litige. 

Ce  rapport  posait  entre  l'Egypte  et  la  Compagnie  les  bases  d'une  tran- 
saction qui  parut  équitable  à  l'Empereur.  Les  conclusions  en  furent  com- 
muniquées au  vice-roi  d'Egypte,  qui  pria  l'Empereur  de  trancher  lui- 
même  les  points  qui  n'avaient  pas  élé  délinitivement  adoptés  par  les  deux 
parties.  C'est  dans  ce  but  que  l'Empereur,  acceptant  cet  arbitrage,  a  for- 
mé la  commission  présidée  par  M.  Thouvenel. 

Au  moment  du  tirage  de  cette  feuille,  nous  lisons  dans  le  Moniteur  le  do- 
cument que  nous   reproduisons  ci-après. 

Sentence  arbitrale  de  IVapolêon  III.   en  date  de  Fontainebleau    le 
a  juillet  1864  (1  sàfer   1281). 

NAPOLÉON, 

Par  la  grâce  de  Dieu  et  la  volonté  nationale,  Empereur  des  Français, 


112  APPENDICE 

A  touscGiix  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut  : 

Vus  le  coniprouîis  signéle  21  avril  186/|  par  : 

S.  Exe.  Nubar-Pacha,  mandataire  spécial  de  S.  A.  le  vice-roi  d'Egypte, 

Et  M.  Ferdinand  de  Lesseps,  au  nom  et  comme  président  fondateur  de 
la  Compagnie  universelle  du  canal  de  Suez, 

Dont  l'art.  2  est  ainsi  conçu  : 

Sa  Majesté  est  suppliée  de  prononcer  sur  les  questions  ainsi  formulées  : 

1°  La  suppression  de  la  corvée  étant  acceptée  en  principe,  quelle  est  la 
nature  et  la  valeur  du  règlement  du  20  juillet  1856  sur  l'emploi  des  ou- 
vriers indigènes? 

2°  Quelle  serait  l'indemnité  à  laquelle  l'annulation  de  ce  règlement 
peut  donner  lieu  ?  Le  fondé  de  pouvoirs  du  vice-roi  se  déclarant  autorisé 
h  promettre  que  la  clause  stipulée  en  l'article  2  du  second  acte  de  con- 
cession et  cahier  des  charges  du  5  janvier  1856  sera  rapportée  ; 

3°  La  portion  du  canal  d'eau  douce  non  rétrocédée  au  vice-roi  parla 
convention  du  18  mars  1863  doit-elle  continuer  d'appartenir  à  la  Compa- 
gnie pendant  la  durée  déterminée  par  l'acte  de  concession  comme  une 
annexe  indispensable  du  canal  maritime?  Dans  le  cas  contraire,  quelles 
sont  les  conditions  auxquelles  la  rétrocession  pourrait  en  être  opérée  et 
que  les  parties  s'engagent  dès  k  présent  à  accepter? 

k°  Les  cartes  et  plans  qui,  aux  termes  de  l'article  8  de  l'acte  de  conces- 
sion du  30  novembre  185/j  et  de  l'article  11  de  celui  du  5  janvier  1856, 
devaient  être  dressés,  ne  l'ayant  pas  été,  quelle  est  l'étendue  des  terrains 
nécessaires  à  la  construction  et  à  l'exploitation  dn  canal  maritime  (et  du 
canal  d'eau  douce  s'il  est  conservé  à  la  Compagnie),  dans  les  conditions 
propres  à  assurer  la  prospérité  de  l'entreprise  ? 

5°  Quelle  est  l'indemnité  due  à  la  compagnie,  à  raison  de  la  rétroces- 
sion acceptée  en  principe  des  terrains  dont  il  est  fait  mention  dans  les  ar- 
ticles 7  et  8  de  l'acte  de  concession  de  185Zi  et  dans  les  articles  10,  11  et 
12  de  celui  de  1856? 

Vu  le  rapport  delà  commission  instituée  par  notre  décision,  en  date  du 
3  mars  186f»  ; 

Considérant,  sur  la  première  question,  que,  pour  apprécier  la  pensée 
qui  a  présidé  au  règlement  du  20  juillet  1856  et  le  caractère  de  cet  acte, 
il  convient  de  rapprocher  les  dispositions  qu'il  renferme  de  celles  qui 
sont  contenues  dans  les  deux  firmans  de  concession  en  date  des  30  no- 
vembre 185/4  et  5  janvier  1856  : 

Que  celles-ci,  après  avoir  autorisé  la  constitution  de  la  Compagnie,  in- 
diquent le  but  pour  lequel  elle  doit  être  établie,  déterminent  les  charges 
el  les  obligations  qui  lui  sont  imposées  et  lui  assurent  les  avantages  dont 
elle  doit  jouir; 

Que  ces  stipulations  ont  créé  pour  la  Compagnie  et  pour  le  gouverne- 


APPENDICE  113 

meiU  (lu  vice-roi  des  ciisagemonls  réciproques  de  l'exécution  desquels  il 
ne  leur  a  pas  été  permis  do  s'allVancliir  ;  que,  notamuieiit,  l'article  2  du 
2"  firman,  eu  laissant  à  la  Compagnie  la  faculté  d'exécuter  les  travaux 
dont  elle  est  ch'argée,  par  elle-même  ou  par  des  entrepreneurs,  exige  que 
les  quatre  cinquièmes  au  moins  des  ouvriers  employés  à  ces  travaux  soient 
Égyptiens  ; 

Qu'au  moment  oùcette  condition  a  été  imposée  par  le  vice-roi  et  accep- 
tée par  la  Compagnie  il  a  nécessairement  été  entendu  par  l'un  et  par 
l'autre  que  les  ouvriers  nécessaires  pour  composer  les  quatre  cinquièmes 
de  ceux  qui  seraient  emj)loyés  aux  travaux  seraient  mis,  par  le  vice-roi,  à 
la  disposition  de  la  Compagnie  ; 

Que  celle-ci  n'aurait  pas  consenti  à  se  soumettre  h  une  semblable  con- 
dition si,  de  son  côté,  Ife  vice-roi  ne  lui  avait  pas  assuré  les  moyens  de 
l'accomplir  ; 

Que  cette  pensée,  sous-entendue  dans  le  second  firman  de  concession, 
a  été  formellement  exprimée  dans  l'article  1"  du  règlement  du  20  juillet 
1856  portant  :  «  Les  ouvrieis  qui  seront  employés  aux  travaux  de  la  Com- 
pagnie seront  fournis  par  le  gouvernement  égyptien,  d'après  les  demandes 
des  ingénieurs  en  chef  et  suivant  les  besoins  ; 

Que  cet  article  a  par  lui-même  un  sens  très-clair  ;  que  d'ailleurs  lors- 
qu'on le  rapproche  des  stipulations  des  deux  firmans,  on  aperçoit  ii3  lien 
étroit  qui  les  unit,  et  l'on  reconnaît  que  la  disposition  du  règlement  n'est 
que  le  corollaire  de  celles  qui  l'ont  précédée,  qu'elle  a  le  même  caractère, 
la  même  force  obligatoire  ; 

Que  toutes  les  autres  parties  du  règlement  sont  en  harmonie  parfaite 
avec  l'article  !"■  et  confirairint  l'inlerpr-étaLioa  qui  vient  de  lui  être  don- 
née; 

Qu'en  effet,  immédiatement  après  la  promesse  du  gouvernement  égyp- 
tien de  fournir  des  ouvriers,  l'acte  constate  l'engagement  corrélatif  de  la 
Compagnie  de  leur  payer  le  prix  de  leur  travail,  de  leur  fournir  les  vivres 
nécessaires,  de  leur  procurer  des  habitations  convenables,  d'entretenir  un 
hô|)ital  et  des  ambulances,  de  traiter  les  malades  à  ses  frais,  de  payer 
également  les  frais  de  voyage  depuis  le  lieu  du  déjjart  jusqu'à  l'arrivée 
surlcs-;  chantiers;  enfin,  de  rembourser  au  gouvernement  égyptien,  au  prix 
de  revient,  les  couffes  nécessaires  pour  le  transport  des  terres,  et  la  poudre 
pour  l'exploitation  des  carrières,  que  celui-ci  devait  fournir  ; 

Que  ces  diverses  obligations ,  détaillés  avec  soin  dans  le  règlement, 
n'étaient  pour  la  Compagnie  que  la  contre-partie  de  celles  qu'avait  prises 
le  gouvernement  égyptien;  qu'ainsi  elles  présentaient  dans  leur  ensemble 
les  éléments  d'un  véritable  contrat; 

Que  l'intitulé  de  l'acte  n'est  point  incompatible  avec  le  caractère  con- 
ventionnel qui  lui  est  attribué  par  la  nature  des  stipula  tions  qu'il  ren- 

T.    II.  8 


IIÛ  APPENDICE 

renne;  qu'à  la  vérité  c'est  du  vice-roi  seul  que  le  règlement  est  émfiné 
mais  que  les  deux  firmans  de  concession  ont  élé  faits  dans  la  même 
forme,  et  que  cependant  leur  caractère  contractuel  n'a  pas  été  et  ne  sau- 
rait èlre  sérieusement  contesté;  qu'enfin  le  vice-roi  dit  expressément  dans 
le  préambule  de  l'acte  que  c'est  de  concert  avec  M.  de  Lesseps  qu'il  en  a 
établi  les  dispositions;  que  cette  expression  n'indique  pas  seulement 
qu'un  avis  a  élé  demandé  au  directeur  de  la  Compagnie;  qu'il  exprime 
que  le  concours  de  sa  volonté  a  paru  nécessaire  et  a  été  obtenu;  qu'il  est 
bien  évident  que,  sans  ce  concours  il  eût  été  impossible  d'assujettir  la 
Compagnie  aux  obligations  multipliées  qui  lui  ont  élé  imposées  et  qu'elle 
a  ensuite  exécutées; 

Que  de  ce  qui  précède  il  résulte  que  le  règlement  du  20  juillet  185G, 
notamment  dans  la  disposition  de  l'article  l*"",  a  les  caractères  et  l'autorité 
d'un  contrat; 

Considérant,  sur  la  seconde  question,  que  lorsque  des  conventions  ont 
été  librement  formées  pai'  le  consentement  de  parties  capables  et  éclai- 
jées,  elles  doivent  être  fidèlement  exécutées;  que  celle  des  parties  con- 
tractantes qui  refuse  ou  néglige  d'accomplir  ses  engagements  est  tenue 
de  réparer  le  dommage  qui  résulte  de  son  infraction  à  la  loi  qu'elle  s'est 
volontairement  imposée;  qu'en  général,  et  sauf  k  tenir  compte  des  cir- 
constances et  des  motifs  de  l'infraction,  la  réparation  consiste  dans  une 
indemnité  représentant  la  perte  qu'éprouve  l'autre  partie  et  le  bénéfice 
dont  elle  est  privée;  que,  sans  méconnaître  la  force  et  la  vérité  de  ces 
principes,  on  a  fait  remarquer,  au  nom  du  gouvernement  égyptien,  que, 
par  une  réserve  expresse  insérée  à  la  fin  de  chacun  des  firmans  de  con- 
cession, le  commencement  des  travaux,  c'est-à-dire  l'exécution  des  con- 
ventions, était  subordonné  à  l'autorisation  de  la  Sublime-Porte;  qu'en 
fait,  cette  autorisation  n'ayant  jamais  été  accordée,  l'inexécution  des  con- 
ventions ne  peut  être  légitimement  reprochée  au  vice-roi  d'Egypte  et  ne 
saurait  justifier  une  demande  en  dommages-intérêts  dirigée  contre  lui  ; 

Qu'il  est  incontestable  que  la  clause  suspensive  de  la  convention  aurait 
dû  pioduire  l'eflet  qui  a  été  indiqué  au  nom  du  vice-roi  si  les  choses 
étaient  restées  entières;  mais  que  les  faits  accomplis  depuis  la  date  des 
firmans,  et  auxquels  le  vice-roi  a  concouru,  au  moins  avec  autant  d'acti- 
vité et  de  détermination  que  la  Compagnie,  ont  profondément  modifié  les 
situations  respectives  ; 

Que  la  Compagnie  s'est  engagée  dans  l'exécution  des  travaux,  non-seu- 
lement avec  l'assentiment  du  vice-roi,  mais  même  obéissant  à  l'impul- 
sion qu'elle  a  reçue  de  lui  ; 

Qu'il  serait  souverainement  injuste  que  les  conséquences  fâcheuses 
d'une  résolution  prise  et  suivie  de  concert  fussent  entièrement  laissées  à  la 
charge  de  l'un  des  intéressés; 


APPENDICE  115 

Que,  d'ailleurs,  les  stipulations  qui  ont  réglé  les  rapports  (lu  gûuvernemenl 
égyptien  et  de  la  Compagnie,  considérées  dans  leur  ensemble,  constituent 
la  concession  d'un  grand  travail  d'utilité  publique  en  vue  duquel  ont  été 
accordés  des  avantages  formant  une  subvention  sans  laquelle  l'entreprise 
n'aurait  pas  eu  lieu  ; 

Que  lorsque,  par  suite  d'un  événement  que  les  deux  parties  contrac- 
tantes ont  dii  prévoir  et  dont  elles  ont  d'un  commun  accord  consenti  à 
courir  les  chances,  le  gouvernement  se  trouve  hors  d'état  de  piocurer  à 
la  Compagnie  les  avantages  qu'il  lui  avait  assurés  et  que  celle-ci  continue 
néanmoins  les  importants  travaux  dont  le  pays  tout  entier  doit  profiter,  il 
est  Juste  que  des  indemnités  représentatives  des  avantages  inhérens  h 
la  concession  soient  allouées  par  le  gouvernement  égyptien  à  la  Compa- 
gnie ; 

Que  ces  bases  étant  posées,  pour  parvenir  h  déterminer  le  montant  de 
l'indemnité  due  en  raison  de  la  substitution  des  machines  ou  des  ouvriers 
européens  aux  ouvriers  égyptiens,  il  faut  comparer  la  somme  à  laquelle  se 
seraient  élevées  les  dépenses  des  travaux  s'ils  avaient  été  exécutés  par  les 
ouvriers  égyptiens,  aux  conditions  énoncées  dans  le  règlement  du  20  juillet 
1856,  et  la  somme  que  coûteront  les  travaux  qui  devront  être  exécutés 
par  les  moyens  que  la  Compagnie  est  désormais  obligée  d'employer; 

Que  le  cube  des  terrains  à  extraire  peut  être  déterminé  très-approxi- 
raativement  d'après  la  configuration  des  lieux,  telle  qu'elle  est  établie  par 
les  plans  et  d'après  les  dimensions  qui  ont  été  assignées  au  canal; 

Que,  déduction  faite  des  travaux  qui  sont  déjà  exécutés,  il  reste 
23,700,000  mètres  cubes  à  draguer  ; 

Que,  d'un  autre  côté,  le  changement  des  moyens  d'exécution  aui'a  pour 
résultat  d'augmenter  le  prix  du  mètre  à  sec  de  1  Ir.  19  c. ,  el  celui  du 
mètre  cube  à  draguer  de  0  fr.  15  c.  ;  qu'en  multipliant  13,700,000  mè- 
tres par  1  fr.  19  c.  et  32,000,000  par  0  fr.  15  c,  on  trouve  que  l'accrois- 
sement de  la  dépense  pour  les  travaux  à  sec  sera  de  28,200,000  fr. 

Et  pour  les  terrains  à  draguer,  de  Zi, 800, 000 

Ensemble,  33,000,000 

Que  des  calculs  analogues  appliqués  aux  travaux  d'art  démontrent  que 
la  Compagnie  sera  obligée  de  supporter  de  ce  chef  uo  surcroît  de  dépenses 
s'élevant  à  5,000,000  Ir.  ; 

Que  c'est  donc  aune  somme  totale  de  38,000,000  fr.  que  doit  s'élever 
celte  partie  de  l'indemnité; 

Que,  dans  le  cours  des  débats,  on  a  fait  remarquer  avec  raison  que  la 
Compagnie  n'était  pas  autorisée  à  prétendre  que  les  salaires  et  le  prix  des 
denrées  n'éprouveraient  aucune  augmentation  pendant  la  durée  des  tra- 
vaux, ou  que,  du  moins,  d'après  les  termes  du  règlement,  elle  n'aurait 
pas  à  supporter  les  conséquences  de  la  hausse  qui  pourrait  survenir; 


116  APPENDICE 

Que,  pour  justifier  iino  pareille  prétention,  il  n'eût  fallu  rien  moins 
qu'une  stipulation  fornielle  et  que  le  règlement  ne  la  contient  pas  ; 

Qu'en  tenant  compte  de  l'augmentation  qui  a  déjà  eu  lieu,  et  en  appré- 
ciant les  éventualités  de  l'avenir,  le  prix  de  la  journée,  qui  en  moyenne 
était,  aux  termes  du  règlement,  de  86  centimes,  doit  être  évaluée  à  1  fr. 
05  c;  mais  que  cette  élévation  du  prix  de  la  journée  a  été  l'un  des  élé- 
mens  des  calculs  qui  ont  fait  adopter  le  chiffre  de  38,000,000  fr.  ;  qu'ainsi 
cette  fixation  ne  doit  pas  être  modifiée; 

Qu'en  second  lieu,  au  nom  du  gouvernement  égyptien,  il  a  été  allégué 
que,  depuis  le  cûramenceraent  des  travaux,  les  salaires  qui  ont  été  payés 
aux  ouvriers  et  les  rations  qui  leur  ont  été  fournies  ne  l'ont  pas  toujours 
été  au  taux  déterminé  par  le  règlement,  et  l'on  a  soutenu  que  la  Compa- 
gnie doit  imputer  sur  l'indemnité  les  sommes  dont  elle  a  pu  profiter  par 
l'effet  de  cette  inexécution  partielle  de  sa  convention,  alors  même  qu'elle 
aurait  été,  comme  tout  porte  à  le  penser,  le  résultat  d'une  erreur  ; 

Que  cette  réclamation  est  bien  fondée,  que  la  Compagnie  ne  peut  de- 
mander à  litre  d'indemnité  que  ce  qui  sera  effectivement  déboursé  par 
elle  en  excédant  des  prévisions  qu'autorisait  le  règlement  du  20  juil- 
let 1856,  qu'en  exigeant  la  réparation  des  pertes  que  peut  lui  causer 
l'inexécution  du  contrat  de  la  part  du  vice-roi,  elle  doit  tenir  compte  des 
avantages  qui  ont  pu  résulter  pour  elle  des  infi  actions  qui  lui  sont  per- 
sonnelles ; 

Qu'une  somme  de  /i, 500, 000  francs  a  été  réellement  payée  en  moins  sur 
les  salaires  ou  sur  la  fourniture  des  rations;  qu'elle  doit  être  défalquée  du 
montant  de  l'indemnité,  qui  se  trouverait  ainsi  réduiLe  à  33,500,000  fr.  ; 

Mais  qu'une  réclamation  a  été  formée  par  la  Compagnie  ;  qu'elle  a 
demandé  qu'une  somme  de  9,000,000  de  francs  lui  fût  allouée  pour  les 
intérêts  d'une  année  des  capitaux  engagés  dans  l'opération,  temps  du- 
rant lequel  ces  travaux  seront  prolongés; 

Que  cette  demande  devrait  être  accueillie  en  entier,  si  la  prolongation 
de  la  durée  des  travaux  pouvait  être  imputée  au  gouvernement  égyptien  ; 
mais,  qu'en  réalité  les  conditions  imposées  par  la  Sublime-Porte  sont 
un  fait  indépendant  de  la  volonté  du  vice-roi;  que  c'est  par  un  événe- 
ment de  force  majeure  que  les  travaux  auront  une  durée  plus  longue  que 
celle  qui  leur  avait  été  assignée  ;  que  dès  lors,  soii  en  raison  même  de 
la  nature  de  l'événement,  soit  en  raison  des  rapports  qui  continuent  à 
subsister  entre  le  vice-roi  et  la  Compagnie,  il  est  équitable  qu'ils  supportent 
par  moitié  la  somme  de  9  millions,  c'est-à-dire  6,500,000  fr.  chacun;  que 
cette  somme  de  6,500,000  fr.  ajoutée  à  celle  de  33,500,000  fr.  ,  portent 
l'indemnité,  pour  l'objet  spécial  qui  vient  d'être  examiné,  à  38,000,000 
de  francs; 

Considérant,  sur  la  troisième  question,  que  les  firmaas  des  30  uovem- 


APPENDICE  117 

bre  185/i  et  5  janvier  1856,  en  faisant  à  la  Compagnie  la  concession  du 
canal  d'eau  douce,  lui  assuraient  des  avantages  et  lui  donnaient  des  ga- 
ranties qui  ont  dû  être  considérées  par  elle  comme  essentielles  pour  le 
succès  de  son  entreprise  ; 

Que.  dans  l'origine  et  aux  termes  des  firmans,  le  canal  d'eau  douce 
devait  prendre  naissance  à  proximité  de  la  ville  du  Caire,  joindre  le  Nil 
au  canal  maritime  et  s'étendriî  par  des  brandies  d'alimentation,  d'irriga- 
tion et  même  de  navigation,  dans  les  deux  directions  de  i*eluze  et  de 
Suez  ;  mais  que,  par  une  convention  en  date  du  18  mars  1863,  les  con- 
ditions de  la  concession  ont  été  gravement  modifiées  ;  que  notamment  la 
Compagnie  a  renoncé  au  droit  qui  lui  avait  été  conféré  d'exécuter  par 
elle-même  la  portion  du  canal  entre  le  Caire  et  le  canal  du  Ouady,  déjà 
ouvert  cl  la  navigation  ; 

Que,  d'ailleurs,  la  Sublime-Porte  a  prétendu  que  la  rétrocession  du 
canal  d'eau  douce  était  la  conséquence  nécessaire  de  la  rétrocession  des 
terrains; 

Que,  dans  cette  situation,  il  convient,  tout  en  reconnaissant  les  droits 
des  parties,  de  rechercher  à  concilier  leurs  intérêts  ; 

Que  la  concession  du  canal  d'eau  douce,  au  moment  oii  elle  a  été  faite, 
oITrait  à  la  Compagnie  un  triple  avantage  ;  elle  lui  assurait  la  libre  dispo- 
sition de  l'eau  nécessaire  à  la  mise  en  mouvement  des  machines  employées 
aucreusement  du  canal  maritime  et  à  l'alimentation  des  ouvriers;  elledevait 
lui  fournir  le  moyen  d'arroser  les  terres  qui  lui  étaient  concédées;  et, 
enfin,  elledevait  lui  procurer  les  bénéfices  résultant  des  droits  à  établir 
sur  la  navigation  et  d'autres  taxes  de  même  nature  : 

Que  le  maintien  de  la  concession  dans  toute  son  étendue  et  avec  toutes 
ses  conséquences  ne  pourrait  êtie  utilement  accordé  à  la  Compagnie, 
qu'autant  que  la  Sublime-Porte  consentirait  à  donner  son  appprobation; 

Que  ce  qui,  dans  la  situation  où  est  placée  aujourd'hui  la  Compagnie,  a 
pour  elle  un  intérêt  capital,  c'est  que  le  canal  soit  terminé  promptement, 
et  dans  des  conditions  telles  qu'il  fournisse  toujours  toute  l'eau  néces- 
saire à  l'exécution  des  travaux  et  à  l'alimentation  des  ouvriers  ; 

Que,  pour  atteindre  ce  but,  il  n'est  pas  absolument  indispensable  que  la 
concession  soit  maintenue  dans  les  termes  et  pour  la  durée  qui  avaient 
été  fixés  par  les  firmans;  qu'il  suffit  de  confier  à  la  Compagnie  l'achève- 
nieni  du  canal  et  de  lui  en  laisser  la  jouissance  et  l'entretien  ; 

Que,  dans  ce  nouvel  état  de  choses,  les  travaux  que  la  Compagnie  a 
déjà  faits  et  ceux  qu'elle  aura  encore  à  exécuter  pour  l'achèvement  du 
canal  seront  à  la  charge  du  gouvernement  égyptien  ; 

Que,  par  conséquent,  celui-ci  devra  rembourser  le  prix  des  uns  et  des 
autres,  en  outre  de  payer  les  frais  d'entretien  ; 

Que,  satisfaction  étant  ainsi  donnée  à  ce  premier  intérêt,  il  ne  restera 


118  APPENDICE 

plus  qu'h  régler  les  indemnités  qui  peuvent  être  dues  en  raison  de  la  pri- 
vation des  autres  avantages  que  la  concession  devait  produire  pour   la 

Compagnie; 

Qu'avant  de  s'occuper  de  cette  fixation,  il  convient  de  déterminer  les 
sOQMues  dont  la  Compagnie  est  dès  aujourd'hui  créancière  pour  les  travaux 
faits,  et  celles  qu'elle  aura  à  réclamer  ultérieurement  pour  les  travaux  qui 
restent  b.  l'aire  ; 

Qu'il  résulte  des  documents  produits  par  les  parties  et  des  explications 
qu'elles  ont  données  conlradictoirement,  que  la  dépense  des  ouvrages  déjà 
exécutés  s'élève  k  7,500,000  fr.  ; 

Que,  dans  cette  somme  est  comprise  celle  de  3,750,000  fr.  représen- 
tant :  {'  la  portion  des  frais  généraux  de  l'entreprise  qui  doit  êti-e  suppor- 
tée par  les  travaux  du  canal  d'eau  douce,  et  2»  l'intérêt  des  capitaux  en- 
gagés dans  l'opération  pendant  le  temps  durant  lequel  les  travaux  seront 
prolongés; 

Que  ces  deux  causes  réunies  justifient  la  demande  formée  par  la  Com- 
pagnie de  la  somme  sus-énoncée  de  3,750,000  fr.  ; 

Que,  pour  les  travaux  qui  ne  sont  point  terminés,  la  dépense  s'élèvera 
à  la  somme  de  2,500,000  francs,  qui  réunie  à  celle  de  7,500,000  f.,  don- 
nera un  total  de  10  raillions; 

Que  les  droits  de  navigation  et  les  péages  de  différente  nature,  dont  la 
jouissance  était  assurée  à  la  Compagnie  par  les  firmans  de  concession  et 
dont  elle  se  trouvera  dépouillée,  doivent  être  évalués,  afin  que  l'iademnilé 
due  de  ce  chef  soit  également  allouée  ; 

Que,  déduction  faite  des  frais  d'entretien,  charge  naturelle  de  la  jouis- 
sance du  canal,  la  valeur  de  cette  jouissance  doit  être  fixée  ti  6  millions 
de  francs. 

Considérant,  sur  la  quatrième  question,  que  la  compagnie  en  cessant 
d'être  concessionnaire  du  canal  d'eau  douce,  doit,  ainsi  qu'il  vient  d'être 
dit,  rester  chargée  de  son  achèvement  et  de  son  entretien  ;  qu'en  consé- 
quence il  est  nécessaire  de  déterminer  pour  le  canal  d'eau  douce,  comme 
pour  le  canal  maritime,  l'étendue  du  terrain  qu'exigent  l'établissement  et 
l'exploitation  ;  que  les  termes  même  du  compromis  indiquent  clairement 
dans  quel  esprit  doit  être  examinée  cette  question  ; 

Qu'il  y  est  dit,  en  effet,  que  l'étendue  des  terrains  deviaêtre  fixée  dans 
des  conditions  proj,res  à  assurer  (a  prospérité  de  ^entreprise; 

Qu'elle  ne  doit  donc  pas  être  restreinte  k  l'espace  qui  sera  matérielle- 
ment occupé  par  les  canaux  mêmes,  par  leurs  francs-bords  et  par  les 
chemins  de  halage  ; 

Que,  pour  donner  aux  besoins  de  l'exploitation  une  entière  et  complète 
satisfaction,  il  faut  que  la  Compagnie  puisse  établir  k  proximité  des  ca- 
naux, des  dépôts,  des  magasins,  des  ateliers,  des  ports,  dans  les  lieux  où 


APPEINDICE  119 

leur  utililé  sera  reconnue,  et,  enfin,  des  hnbitanls  convenables  pour  les 
gardiens,  les  surveillants,  les  ouvriers  chargés  des  travaux  d'entretien  et 
pour  tous  les  préposés  à  l'administration; 

Qu'il  est,  en  outre,  convenable  d'accorder,  comme  accessoires  des  lia- 
bitaiions,  des  terrains  qui  puissent  être  cultivés  en  jardins  et  fournir 
quelques  approvisionnements  dans  des  lieux  privés  de  tontes  ressources 
de  ce  genre  ; 

Qu'enfin  il  est  indispensable  que  la  Compagnie  puisse  disposer  de  ter- 
rains suffisants  pour  y  faire  les  plantations  et  les  travaux  destinés  h  pro- 
léger les  canaux  contre  l'invasion  des  sables  et  k  assurer  leur  conservation; 

Mais  qu'il  ne  doit  rien  être  alloué  au-delà  de  ce  qui  est  nécessaire  pour 
pourvoir  amplement  aux  divers  services  qui  viennent  d'être,  indiqués; 
que  la  Compagnie  ne  peut  avoir  la  prétention  d'obtenir,  dans  des  vues  de 
spéculation,  une  étendue  quelconque  de  terrains,  soit  pour  livrer  à  la 
culture,  soit  pour  y  élever  des  constructions,  soit  pour  les  céder,  lorsque 
la  population  aura  augmenté; 

Que  c'est  en  se  renfermant  dans  ces  limites  qu'a  dii  être  déterminé  sur 
tout  le  parcours  des  canaux  le  périmètre  des  terrains  dont  la  jouissance, 
pendant  la  durée  de  la  concession,  est  nécessaire  à  leur  établissement,  à 
leur  exploitation  et  à  leur  conservation  ; 

Considérant,  sur  la  cinquième  question,  que  la  rétrocession  des  terrains 
concédés  à  la  Compagnie  n'a  pu  être  consentie  qu'avec  l'intention  réci- 
proque d'obtenir  et  d'accorder  une  indemnité; 

Que  la  Compagnie  n'a  dîi  renoncer  aux  avantages  de  la  concession 
qu'en  comptant  sur  la  compensation  de  ces  avantages,  et  que  le  gouver- 
nement égyptien  n'a  pu  avoir  la  pensée  de  profiter  de  la  valeur  qu'auront 
les  terrains  lorsqu'ils  seront  fécondés  par  l'irrigation  sans  en  donner  l'é- 
quivalent ; 

Qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  'a  concession  des  terrains  était 
une  des  conditions  essentielles  de  l'entreprise,  une  partie  importante  de 
la  rénuméralion  des  travaux  ; 

Que,  par  conséquent,  la  Compagnie,  en  y  renonçant,  a  droit  d'en 
exiger  la  représentation  ; 

Que,  soit  que  l'on  (  onsulle  les  termes  des  firmans,  soit  que  l'on  s'atta- 
che aux  diverses  publications  qui  ont  été  faites  pendant  le  cours  des  tra- 
vaux, on  est  conduit  à  reconnaître  que  le  gouvernement  égyptien  n'a 
point  entendu  concéder  et  que  la  Compagnie  n'a  pas  eu  la  pensée  d'ac- 
quérir une  étendue  illimitée  de  terrains; 

Que  la  commune  intention  clairement  manifestée  a  été  de  borner  l'éten- 
due de  la  concession  aux  terrains  à  l'irrigation  desquels  pourrait  pourvoir 
l'eau  prise  dans  le  canal  d'eau  douce  ; 

Qu'il  est  dès  lors  facile  d'eu  fixer  avec  certitude  le  périmètre; 


l':0  APPENDICE 

Qu'en  t'iïct,  d'une  jiart,  on  connaît  le  volume  d'eau  que  le  canal  jioui, 
en  raison  do  ses  dimensions  et  les  besoins  de  la  navigation  satisfaits,  four- 
nir pour  l'irrigation  des  terres; 

Que.  d'autre  part,  on  sait  la  quantité  d'eau  qui  est  nécessaire  pour 
l'irrigation  de  ciiaque  hectare  ; 

Que  d'après  ces  données,  la  concession  doit  comprendre  63,000  hecta- 
res, sur  lesquels  doivent  être  déduits  3,000  hectares  qui  font  partie  des 
emplacements  affectés  aux  besoins  de  l'exploitation  du  canal  maritime  ; 

Que  cette  fixation  est  en  harmonie  avec  celle  qui  avait  été  arrêtée  entre 
les  représentants  de  la  Compagnie  et  ceux  du  vice-roi  dans  les  cartes 
cadastrales  diessées  en  exécution  de  l'article  8  du  firman  du  30  novem- 
bre 185/i  et  de  l'article  11  du  firman  du  5  janvier  1856;  que  si  ces  cartes 
ont  plus  tard,  en  1858,  été  anéanties  d'un  commun  accord,  la  difficulté 
qui  a  déterminé  à  les  annuler  ne  portail  point  sur  l'étendue  des  terrains 
qui  devaient  être  compris  dans  la  concession  comme  susceptibles  d'être 
arrosés  ; 

Que  l'estimation  des  60,000  hectares  qui  sont,  en  définitive,  rétrocédés 
au  gouvernement  égyptien,  présente  sans  doute  de  sérieuses  difficultés, 
puisque  ce  n'est  point  d'après  leur  état  actuel  que  des  terrains  doivent 
être  appréciés  ;  et  qu'en  recherchant  quelle  sera  leur  valeur  dans  l'avenir, 
on  se  trouve  en  présence  de  chances  fort  diverses  et  de  nombreuses 
éventualités  ;  que,  cependant,  il  y  existe  certains  éléments  de  calcul 
auxquels  on  peut  accorder  une  grande  confiance;  que,  notamment,  la 
quoii'é  de  l'impôt  des  terres  cultivées  peut  servir  à  déterminer  le  revenu, 
lequel  capitalisé  comme  il  doit  l'être,  eu  égard  à  la  situation  économique 
et  financière  de  l'Egypte,  indique  la  valeur  vénale  de  la  terre; 

Qu'en  calculant  d'après  ces  données,  le  prix  de  l'hectare  doit  être  tixé 
à  5U0  Ir.; 

Que  si  cette  évaluation  a  été  contestée,  elle  n'a  point  cependant  paru, 
aux  parties  intéressées  elles-mêmes,  s'éloigner  beaucoup  de  la  vérité; 

Qu'elle  n'a  d'ailleurs  été  adoptée  qu'après  avoir  pris  en  sérieuse  con- 
sidération, d'une  part,  les  sommes  qui  devront  être  dépensées  pour  la 
mise  en  vigueur  des  terres  et,  de  l'autre,  l'augmentation  de  prix  que  doit 
produire  l'exploitation  du  canal  maridme,  et,  en  outre,  celle  qui  peut 
résulter  de  l'introduction  de  nouvelles  cultures  ; 

Qu'en  résumé  l'indemnité  due  par  le  gouvernement  égyptien,  par 
suite  de  la  rétrocession  des  terrains,  s'élève  à  la  somme  de  30  millions. 

Considérant,  qu'après  avoir  apprécié  les  divers  éléments  dont  doit  se 
composer  l'indemnité,  il  n'est  pas  possible  de  les  assimiler  en  ce  qui  tou- 
che les  époques  d'exigibilité; 

Que  les  uns  représentent  des  sommes  déjà  dépensées,  les  autres  des 
avances  qui  doivent  être  faites  h  des  époques  assez  rapprochées,  et  que 


APPENDICE  121 

certaines  ;illocatioii.s  qu'il  a  été  juste  d'accorder  à  la  Compagnie  sont  pour 
elle  la  compensation  d'avantages  ou  de  bénéfices  qui  n(!  devaient  se  réa- 
liser que  dans  un  avenir  éloigné  et  qui  étaient  subordonnés  à  l'exécution 
des  travaux  dispendieux  ; 

Oue,  par  exemple,  dans  la  première  catégorie  est  comprise  la  somme 
de  7,500,000  francs  qui  a  été  dépensée  pour  la  partie  du  canal  d'eau 
douce  qui  est  déjà  exécutée  ; 

Que,  dans  la  dernière,  au  contraire,  doivent  évidemment  figurer  les 
30  millons  repiéseiilaiit  la  vah.ur  d'avinir  des  terrains  rétrocédés; 

Que  c'est  en  tenant  compte  de  ces  niderences  qu'ont  été  fixées  la 
quotité  et  l'échéance  des  annuités  qui,  réunies,  composent  l'iiidemnilé 
totale  de  Sh  millions  de  francs  mise  à  la  charge  du  gouvernement  égyptien; 

Par  ces  motifs,  nous  avons  décidé  cl  décidons  ce  qui  suit  : 

Sur  la  prcmih'e  (jiœstion. 

Le  règlement  du  20  juillet  !856  a  les  caractères  d'un  contrat;  il  contient 
des  engagements  réciproques  qui  devaient  être  exécutés  par  le  vice-roi  et 
pur  la  Comi)agnie. 

Sur  la  seconde  question. 

L'indemnité  à  laquelle  donne  lieu  l'annulation  du  règlement  du  20  juil- 
let 1856  est  fixée  à  trente-huit  millions  de  francs  (38,000,000  fr.). 

Sur  la  troii^ième  queslion. 

La  rétrocession  du  canal  d'eau  douce  est  faite  dans  les  termes  et  avec 
les  garanties  ci-après  : 

1°  La  partie  du  canal  comprise  entre  le  Ouady,  Timsah  et  Suez  est 
rétrocédée,  comme  la  première  partie,  au  gouvernement  égyptien  ;  mais 
la  jouissance  exclusive  en  sera  laissé  à  la  Compagnie  jusqu'à  l'entier 
achèvement  du  canal  maritime,  sans  qu'il  puisse  être  pratiqué  aucune 
prise  d'eau  sans  le  consentement  de  la  Compagnie  ; 

2°  Le  gouvernemenl  égyptien  maintiendra  l'alimentation  de  ce  canal 
par  celui  de  Zagasig  ;  il  exécutera,  en  outre,  les  travaux  de  la  partie  qui 
lui  a  déjàélé  rétrocédée,  conformément  à  la  convention  du  18  mars  1863, 
et  mettra  cette  première  section  en  communication  avec  la  seconde  au 
point  de  jonction  du  Ouady,  pour  assurer  en  tout  temps  son  alimentation; 

3°  La  Compagnie  sera  tenue  de  terminer  les  travaux  restant  ii  faire 
pour  mettre  le  canal  du  Ouady  h  Suez  dans  toutes  les  dimensions  conve- 
nues en  état  de  réception  ; 

W  Pendant  toute  la  durée  de  la  concession  du  canal  maritime,  la  Com- 
pagnie sera  cliargée  d'onlretenir  le  canal  d'eau  douce  en  parfait  état, 
depuis  le  Ouady  jusqu'à  Suez  ;  mais  l'entretien  sera  aux  frais  du  gouver- 
nement égyptien,  qui  devra  indemniser  la  Compagnie,  au  moyen  d'un 
abonnement  annuel  de  300,000  francs,  si  mieux  il  n'aime  payer  les  frais 
d'entretien  sur  mémoire;  il  sera  tenu  de  faire  connaître  son  option  à  la 


122  APPENDICE 

Compagnie  dans  l'année  qui  commencera  à  courir  du  jour  de  la  livraison 
du  canal.  La  Compagnie  devra  gai'nir  les  digues  de  plantations  pour  pré- 
venir les  éboulemenls  et  l'eflet  de  la  mobilité  des  sables. 

L'abonnement  de  300,000  fr.  recevra  son  application  au  fur  et  à  me- 
sure de  l'avancement  des  travaux  et  au  prorata  de  la  longueur  de  cha- 
cune des  parties  achevées  ;  il  sera  révisé  tous  les  six  ans  ; 

5°  La  hauteur  des  eaux  sera  maintenue  dans  le  canal  : 

Dans  les  hautes  eaux  du  Nii,  k  2  m.  50 

A  l'étiage  moyen,  à  2  m. 

Au  i)lus  bas  éliage,  au  minimum  de  1  m. 

6°  La  Compagnie  prélèvera  sur. le  débit  du  canal  soixante-dix  mille 
mètres  cubes  d'eau  par  jour,  pour  l'alimentation  des  populations  établies 
sur  le  parcours  des  canaux,  l'arrosage  des  jardins,  le  fonctionnement  des 
machines  destinées  à  l'entretien  des  canaux  et  de  celles  des  établissements 
industriels  se  rattachante  leur  exploitation,  l'irrigation  des  semis  et  plan- 
tations pratiqués  sur  le»  dunes  et  autres  terrains  non  naturellement  irri- 
gables compris  dans  les  zones  réservées  le  long  des  canaux;  enfin  l'ap- 
privisionnemeiit  des  navires  traversant  le  canal  maritime. 

La  Compagnie  aura  la  servitude  de  passage  sur  les  terrains  que  devront 
traverser  les  rigoles  et  conduites  d'eau  nécessaires  au  prélèvement  des 
70,000  mètres; 

1°  A  partir  de  l'entier  achèvement  du  canal  maritime,  la  Compagnie 
n'aura  plus  sur  le  canal  d'eau  douce  que  la  jouissance  appartenant  aux 
sujets  égyptiens,  sans  toutefois  que  jamais  ses  barques  et  bâtiments  puis- 
sent être  soumis  à  aucun  droit  de  navigation;  l'alimentation  d'eau  douce 
en  ligne  directe  à  Port-Saïd  sera  toujours  amenée  par  les  moyens  que  la 
Compagnie  jugera  convenable  d'employer  à  ses  frais; 

8°  La  Compagnie  cesse  d'avoir  les  droits  de  cession  de  prise  d'eau,  de 
navigation,  de  pilotage,  remorquage,  halage  ou  stationnement  k  elle  accor- 
dés sur  le  canal  d'eau  douce  par  les  articles  8  et  17  de  l'acte  de  conces- 
sion du  5  janvier  1856  ; 

9°  En  dehors  des  écluses  en  construction  à  Ismailia  et  k  Suez  et  des 
trois  autres  écluses  sur  la  dérivation  de  Suez,  il  ne  pourra  être  établi  au- 
cun ouvrage  fixe  ou  mobile  sur  le  canal  d'eau  douce  et  ses  dépendances 
que  d'un  commun  accord  entre  le  gouvernement  égyptien  et  la  Com- 
pagnie. 

10°  Le  gouvernement  égyptien  payera  à  la  Compagnie  une  somme  de 
dix  millions  de  francs  (10,000,000  fr.),  savoir  :  sept  millions  cinq  cent 
mille  francs  (7,500,000  francs)  pour  les  travaux  exécutés,  la  portion  des 
frais  généraux  et  les  intérêts  des  avances,  et  deux  millions  cinq  cent 
mille  francs  (2,500,000  fr.)  pour  les  travaux  qui  restent  à  exécuter. 

11°  Le  gouvernement  égyptien  paiera  à  la  Compagnie  une  somme  de 


APPENDICE  d23 

six  millions  de  francs  (6,000,000  de  IV.)  en  compensation  des  droits  de  na- 
vigation et  autres  redevances  dont  la  Compagnie  est  privée. 

Sur  la  quatrième  question. 

Le  périmètre  des  terrains  nécessaires  ci  l'établissement,  rcxploilalion 

et  la  conservation  du  canal  d'eau  douce  et  du  canal  maritime  est  lixé  à 
dix  mille  deux  cent  soixante-quatre  hectares  (10,264  hectares)  pour  le 
canal  maritime  et  à  neuf  mille  six  cents  hectares  (9,600  hectares),  pour 
le  canal  d'eau  douce,  lesquels  sont  répartis  ainsi  qu'il  suit. 

CANAL    MARITIME 

AFRIQUE  ASIE 

N»                                                                                                                               hect.  hect. 

1  Port  Saïd 600  » 

2,  Du  port  Saïd  à  El  ï'erdane 1,152  1,152 

3.  Rosel  Ech 30  oO 

U.  Kantara 100  100 

5.  D'El  l'ardane  à  Tirasah 1,350  270 

6.  Canal  de  jonction  avec  le  canal  d'eau  douce 200  » 

7.  Ville  d'Ismaïlia Zi50  » 

8.  Port  d'Ismaïlia,  dans  le  lac  Timsah  (canal  «n  Asie).  .  .        ûôO  120 

9.  Du  lac  Timsah  aux  Lacs-Amers, 850  3/i0 

10.  Traversée  des  Lacs-Amers 700  700 

11.  Des  Lacs- A  mers  aux  lagunes  de  Suez î,000  /jOO 

12.  Traversée  des  lagunes  de  Suez.  . 60  60 

13.  Chenal  du  port  'de  Suez 150  200 

Totaux 0,892  3,372 

CANAL    d'eau    douce 

KOKD  SUD 

N"                                                                                                                                      hect.  hect. 

1.  De  l'extrémité  du  canal  ù  construire  par  le  gouverne- 

ment égyptien  jusqu'au  Ras  El  Ouady 500  » 

2.  Du  Ras  El  Ouady  à  l'extrémité  du  lac  Maxama 200  3,000 

3.  Du  lac  Maxama  à  Kéfiche /|20  2,1 00 

li.  De  Kéfiche  à  Ismaïlia , 300 

Totaux 1,/|20  5,100 

EST  OUEST 

N»                                                                                                                                     hect.  hect. 

5.  De  Néfiche  aux  Lacs-Amers >,  2,500 

6  et  7.  Contours  des  Lacs-Amers 300  200 

8.  Gare  de  Suez 30  50 

Totaux 3J0  2,750 


m  APPENDICE 

Su?'  la  cinquième  question. 

L'indemnité  due  à  la  Compagnie,  à  raison  de  la  rétrocession  des  ter- 
rains,^esl  lixée  à  trente  raillions  de  francs  (30,000  OÔO  fr.). 

RÉSUMÉ. 

L'indemnité  totale  due  à  la  Compagnie,  et  s'élevant  à  la  somme  de 
quatre-vingt-quatre  raillions  de  francs  (8/j,000,000  fr.),  lui  sera  payée 
par  le  gouvernement  égyptien  par  annuités,  ainsi^qu'il  suit  : 

La  première  somrae  allouée  de  38  raillions  sera  payéeeo  six  annuités  di- 
visible pur  semestres.  Les  huit  premiers  semestres  seront  de  3,250,600  fr. 
chacun,  et  les  quatre  derniers  de  3  millions  chacun.  Le  premier  sera 
exigible  le  1"  novembre  186/j,  et  les  paiements  continueront,  de  semestre 
en  seraeslre,  jusqu'à  l'entière  libération  de  la  somme  de  30  millions. 

La  somme  de  30  millions  allouée  pour  l'indemnité  des  terrains  rétro- 
cédés sera  divisée  en  dix  annuités  de  3  millions  chacune.  La  première 
iinnuité  sera  exigible  seulement  après  l'entière  libération  de  la  somrae 
de  38  millions  ci-dessus,  c'est-à-dire  le  1"  novembre  1870,  et  les  paie- 
ments continueront,  d'année  en  année,  jusqu'à  l'entière  libération  de  la 
somrae  de  30  millions. 

Lasorame  de  6  raillions,  allouée  pour  l'indemnité  des  droits  sur  le  ca- 
nal d'eau  douce,  sera  divisée  en  dix  annuités  de  600,000  francs  chacune, 
payable  aux  mêmes  échéances  que  les  annuités  ci-dessus  fixées  pour  l'in- 
demnité de  30  millions.      ^^ 

Enfin,  la  somme  de  10  millions,  allouée  pour  les  travaux  exécutés  et  à 
exécuter  au  canal  d'eau  douce,  sera  payée  dans  l'année  de  la  livraison  du- 
dit  canal. 

Fait  à  Fontainebleau,  etc. 


TRAITÉ  DE  PAIX 

du  27  mars  1802  (-22  zilcadé  1216). 


APPENDrCE 

W  1.  Note  relative  à  la  négociation  et  à  la  date  <hi.  traité. 

I.  Articles  préliminaires  de  paix  entre  la  répahlique  française  et  la 
Grande-Bretagne,  en  date  de  Londres  le  i"  octobre  1801  ('22 
djémaziul-éwel  1216). 
II.  Protocole  d'une  conférence  entre  les  plénipoteiii.idires  français  et 
britannique,  en  date  d'Amie^is  le  18  février  1802  (15  chéival 
1216). 

III.  Protocole  d'une  conférence  entre  les  mêmes,  en  date  da  21  février 

1802  (18  chéwal  1216). 

IV.  Protocole  d'une  conférence  entre  les  mêmes,  en  date  du  9  murs 

1802  (5  zilcadé  121G). 
V.  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  à  Joseph  Bonaparte,  en  date 

du  9  mars  1802  (5  zilcadé  1216). 
VF.  Lettre  du  même  au  même,  en  date  du  22  mars  1802  (18  zilcadé 

1216). 
VII.  Lettre  du  premier  consul  Boimparte  au  ministre  des  relations  exté- 
rieures, en  date  du  2/i  mars  1802  (20  zilcadé  121C). 


TRAITE    DE    PAIX 

entre  la  république  française,  le  roi  d'Espagne  et  la  république  batavc,  d'une  part, 
et  la  Grande-Bretague,  de  l'autre,  eu  date  d'Amiens  le  27  mars  1802 

(22  zilcadé  1216). 

Le  premier  consul  de  la  république  française,  au  nom  du  peuple 
français,  et  S.  M.  le  roi  du  royaume-uni  de  la  Grande-Bretagne  et 
d'Irlande,  également  animés  du  désir  de  faire  cesser  les  calamités 
de  la  guerre,  ont  posé  les  fondements  de  la  paix  par  les  articles 
préliminaires  signés,  à  Londres,  le  1"=' octobre  1801.  (9  vendémiaire 
an  IX.) 

Et  comme,  par  l'article  XV  desdits  préliminaires,  il  a  été  convenu 


126  TRAITÉ  DE  PAIX 

qu'il  serait  nommé,  de  part  et  d'autre,  des  plénipotentiaires,  qui 
se  rendraient  à  Amiens  pour  y  procéder  à  la  j-édaction  du  traité 
définitif,  de  concert  avec  les  alliés  des  puissances  contractantes, 

Le  premier  consul  de  la  république  française,  au  nom  du  peuple 
français,  a  nommé  le  citoyen  Joseph  Bonaparte,  conseiller  d'Etat; 
et  Sa  Majesté  le  roi  du  royaume-uni  delà  Grande-Bretagne  etd'ir- 
lande,  le  marquis  de  Cornvvallis,  chevalier  de  l'ordre  très-illustre 
de  la  Jarretière,  conseiller  privé  de  Sa  Majesté,  général  de  ses  ar- 
mées, etc.  ; 

Sa  Majesté  le  roi  d'Espagne  et  des  Indes  et  le  gouvernement 
d'État  de  la  république  batave  ont  nommé  pour  leurs  plénipoten- 
tiaires, savoir:  Sa  iVlajestécatholique,  Don  Joseph  Nicolas  de  Azara, 
son  conseiller  d'État,  chevalier  Grand-Croix  de  Charles  III,  ambassa- 
deur extraordinaire  de  SaMajesté  près  la  république  française,  etc. , 
et  le  gouvernement  d'État  de  la  république  batave,  Roger  Jean 
Schimmelpenninck,  son  ambassadeur  extraordinaire  près  de  la  ré- 
publique française. 

Lesquels,  après  s'être  dûment  communiqué  leurs  pleins  pou- 
voirs, qui  sont  transcrits  à  la  suite  du  présent  traité,  sont  convenus 
des  articles  suivants  : 

Article  1.  Il  y  aura  paix,  amitié  et  bonne  intelligence,  entre  Sa 
Majesté  le  roi  du  royaume-uni  de  la  Grande-Bretagne  et  d'Irlande, 
ses  héritiers  et  successeurs,  d'une  part;  et  la  république  française, 
Sa  Majesté  le  roi  d'Espagne,  ses  héritiers  et  successeurs,  et  la  répu- 
blique batave,  d'autre  part.  Les  parties  contractantes  apporteront  la 
plus  grande  attention  à  maintenir  une  parfaite  harmonie  entre  elles 
et  leurs  États,  sans  permettre  que,  de  part  ni  d'autre,  on  commette 
aucune  sorte  d'hostilité  par  terre  ou  par  mer,  pour  quelque  cause 
et  sous  quelque  prétexte  que  ce  puisse  être.  Elles  éviteront  soigneu- 
sement tout  ce  qui  pourrait  altérer  à  l'avenir  l'union  heureusement 
rétablie,  et  ne donnei ont  aucun  secours  ni  protection,  soit  directe- 
ment soit  indirectement,  à  ceux  qui  voudraient  porter  préjudice  à 
aucune  d'elles. 

Art.  2.  Tous  les  prisonniers,  faits  de  part  et  d'autre,  tant  par 
terre  que  par  mer,  et  les  otages,  enlevés  ou  donnés  pendant  la  guerre 
et  jusqu'à  ce  jour,  seront  restitués  sans  rançon,  dans  six  semaines  au 
plus  tard,  à  compter  du  jour  de  l'éichangedes  ratifications  du  présent 
traité,  et  en  payant  les  dettes  qu'ils  auraient  contractées  pendant 
leur  captivité.  Chaque  partie  contractante  soldera  respectivement 


D'A!\1TENS  DE  1802  127 

les  avances  qui  auraient  été  faites  par  aucunes  des  parties  contrac- 
tantes, pour  la  subsistance  etl'entretien  des  prisonniers  dans  le  pays 
où  ils  ont  été  détenus.  H  sera  nommé  de  concert,  pour  cet  eflet,  une 
commission  spécialement  chargée  de  constater  et  dérégler  la  com- 
pensation qui  pourra  être  due  à  l'une  ou  à  l'autre  des  puissances 
contractantes.  On  fixera  également,  de  concert,  l'époque  et  le  lieu  où 
se  rassembleront  les  commissaires  qui  seront  chargés  de  l'exécution 
de  cet  article,  et  qui  porteront  en  compte,  non-seulement  les  dé- 
penses faites  pour  les  prisonniers  des  nations  respectives,  mais 
aussi  pour  les  troupes  étrangères  qui,  avant  d'être  prises,  étaient 
à  la  solde  et  à  la  disposition  de  l'une  des  parties  contractantes. 

Art.  3.  Sa  Majesté  britannique  restitue  à  la  république  française 
et  à  ses  alliés,  savoir  :  Sa  Majesté  catholique  et  la  république  batave, 
toutes  les  possessions  et  colonies  qui  leur  appartenaient  respectivs- 
ment,  et  qui  ont  été  occupées  ou  conquises  par  les  forces  britanni- 
que dans  le  cours  de  la  guerre,  à  l'exception  de  l'île  delà  Trinité  et 
des  possessions  hollandaises  dans  l'île  de  Ceylan. 

Art.  [\.  Sa  Majesté  catholique  cède  et  garantit  en  toute  propriété 
et  souverainement  à  Sa  Majesté  britannique  l'île  de  la  Trinité. 

Art.  3.  La  république  batave  cède  et  garantit  en  toute  propriété 
et  souveraineté,  à  Sa  Majesté  britannique  toutes  les  possessions  et 
établissements  dans  l'île  de  Ceylan,  qui  appartenaient  avant  la 
guerre  à  la  république  des  Provinces-Unies  ou  à  la  compagnie  des 
Indes-Orientales. 

Art.  6.  Le  cap  de  Bonne-Espérance  reste  à  la  république  batave 
en  toute  souveraineté,  comme  cela  avait  lieu  avant  la  guerre.  Les 
bâtiments  de  toute  espèce,  appartenant  aux  autres  parties  contrac- 
tantes, auront  la  faculté  d'y  relâcher  et  d'y  acheter  les  approvision- 
nements nécessaires  comme  auparavant,  sans  payer  d'autres  droits 
que  ceux  auxquels  la  république  batave  assujélit  les  bâtiments  de 
sa  nation. 

Art.  7.  Les  territoires  et  possessions  de  Sa  Majesté  très-fidèle 
sont  maintenus  dans  leur  intégrité,  tels  qu'ils  étaientavantla  guerre. 
Cependantles  limites  des  Guyanes  française  et  portugaise  sont  fixées 
à  la  rivière  d'Arawari,  qui  se  jette  dans  l'Océan  au-dessus  du  Cap 
Nord,  près  de  l'île  Neuve  et  de  l'île  de  la  Pénitence,  environ  à  un 
degré  un  tiers  de  latitude  septentrionale.  Ces  limites  suivront  la  ri- 
vière d'Arawari,  depuis  son  embouchure  la  plus  éloignée  du  Cap 
Nord  jusqu'à  sa  source,  et  ensuite  une  ligne  droite  tirée  de  cette 


128  TRAITÉ  DE  PAIX 

source  jusqu'au  Rio-Bianco,  vers  l'Ouest.  En  conséquence,  la  rive 
septentrionale  de  la  rivière  d'Arawari  depuis  sa  dernière  embou- 
chure jusqu'à  sa  source,  et  les  terres  qui  se  trouvent  au  Nord  de  la 
ligne  délimites  fixées  ci-dessus,  appartiendront  en  toute  souverai- 
neté à  la  république  française.  La  rive  méridionale  de  la  dite  rivière, 
à  partir  de  la  même  embouchure,  et  toutes  les  terres  au  Sud  de  la 
dite  ligne  des  limites  appartiendront  à  Sa  Majesté  très-fidèle.  La 
navigation  delà  rivière  d'Arawari,  dans  tout  son  cours,  sera  com- 
mune aux  deux  nations.  Les  arrangements,  qui  ont  lieu  entre  les 
cours  de  Madrid  et  de  Lisbonne,  pour  la  rectification  de  leurs  fron- 
tières en  Europe,  seront  toutefois  exécutés  suivant  les  stipulations 
du  traité  de  Badajoz. 

Art.  8.  Les  territoires,  possessions  et  droits  de  la  Sublime-Porte 
sont  maintenus  dans  leur  intégrité,  tels  qu'ils  étaient  avant  la 
guerre. 

Art.  9.  La  république  des  Sept-lles  est  reconnue. 

Art.  10.  Les  îles  de  Malte,  de  Gozo  et  de  Comino,  seront  rendues 
à  l'Ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  pour  être  par  lui  tenues  aux 
mêmes  conditions,  auxquelles  il  les  possédaient  avant  la  guerre,  et 
sous  les  stipulations  suivantes  : 

1.  Leschevaliersdel'Ordre,  dontles  langues  continueront  de  sub- 
sister après  l'échange  des  ratifications  du  présent  traité,  sont  invités 
à  retournera  Malte  aussitôt  que  l'échange  aura  eu  lieu,  ils  y  for- 
meront un  chapitre  général  et  procéderont  à  l'élection  d'un  Grand- 
Maître,  choisi  parmi  les  natifs  des  nations  qui  conservent  des  lan- 
gues; à  moins  qu'elle  n'ait  été  déjà  faite  depuis  l'échange  des  ratifi- 
cations des  préliminaires.  Il  est  entendu  qu'une  élection,  faite  depuis 
cette  époque,  sera  seule  considérée  comme  valable,  à  l'exclusion  de 
toute  autre,  qui  aurait  eu  heu  dans  un  temps  antérieur  à  la  dite 
époque. 

2.  Les  gouvernements  de  la  l'épubUque  française  et  de  la  Grande- 
Bretagne,  désirant  mettre  l'Ordre  et  l'île  de  Malte  dans  un  état 
d'indépendance  entière  à  leur  égard,  conviennent  qu'il  n'y  aura 
désormais  ni  langue  française,  ni  anglaise,  et  que  nul  individu 
appartenant  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  puissances  ne  pourra  être 
admis  dans  l'Ordre. 

3.  Il  sera  établi  une  langue  maltaise,  qui  sera  entretenue  par  les 
revenus  territoriaux  et  les  droits  commerciaux  de  l'île  :  cette  langue 
aura  des  dignités  qui  lui  seront  propres,  des  traitements  et  une  au- 


D'AMIENS  DE  1802  129 

berge  :  les  preuves  de  noblesse  ne  seront  pas  nécessaires  pour  l'ad- 
mission des  chevaliers  de  la  dite  langue;  ils  seront  d'ailleurs  ad- 
missibles à  toutes  les  charges,  et  jouiront  de  tous  les  privilèges, 
comme  les  chevaliers  des  autres  langues.  Les  emplois  municipaux, 
administratifs,  civils,  judiciaires  et  autres,  dépendants  du  gouver- 
nements de  l'île,  seront  occupés,  au  moins  par  moitié,  par  des 
habitants  des  îles  de  Malte,  Gozo  et  Comino. 

h.  Les  forces  de  Sa  Majesté  britannique  évacueront  l'île  et  ses 
dépendances,  dans  les  trois  mois  qui  suivront  l'échange  des  ratifi- 
cations, ou  plutôt  si  faire  se  peut.  A  cette  époque,  elle  sera  remise 
à  l'Ordre  dans  l'état  où  elle  se  trouve,  pourvu  que  le  Grand-Maître, 
ou  des  commissaires  pleinement  autorisés,  suivant  les  statuts  de 
l'Ordre,  soient  dans  la  dite  île  pour  en  prendre  possession,  et  que 
la  force,  qui  doit  ôtre  fournie  par  Sa  Majesté  sicilienne,  comme  il 
est  ci-après  stipulé,  y  soit  arrivée. 

5.  La  moitié  de  la  garnison,  pour  le  moins,  sera  toujours  compo- 
sée de  Maltais  natifs:  pour  le  restant  l'Ordre  aura  la  faculté  de  re- 
cruter parmi  les  natifs  des  pays  seuls,  qui  continuent  de  posséder 
des  langues.  Les  troupes  maltaises  auront  des  officiers  maltais.  Le 
commandement  en  chef  de  lagariùson,  ainsi  que  la  nomination  des 
officiers  appartiendront  au  Grand-Maître,  et  il  ne  pourra  s'en  dé- 
mettre, même  temporairement,  qu'en  faveur  d'un  chevalier,  d'après 
l'avis  du  Conseil  de  l'Ordre. 

6.  L'indépendance  des  îles  de  Malte,  de  Gozo  et  de  Comino,  ainsi 
que  le  présent  arrangement,  sont  mis  sous  la  protection  et  garantie 
de  la  France,  de  la  Grande-Bretagne,  de  l'Autriche,  de  l'Espagne, 
de  la  Russie  et  de  la  Prusse. 

7.  La  Neutralité  permanente  de  l'Ordre  et  de  l'île  de  Malte,  avec 
ses  dépendances,  est  proclamée. 

8.  Les  ports  de  Malte  seront  ouverts  au  commerce  et  à  la  naviga- 
tion de  toutes  les  nations,  qui  y  payeront  des  droits  égaux  et  modé- 
rés; ces  droits  seront  appliqués  à  l'entretien  de  la  langue  maltaise, 
comme  il  est  spécifié  dans  le  paragraphe  3,  à  celui  des  établisse- 
ments civils  et  militaires  de  l'île,  ainsi  qu'à  celui  d'un  lazaret  gé- 
néral, ouvert  à  tous  les  pavillons. 

9.  Les  Etats  barbaresque  sont  exceptés  des  dispositions  des  deux 
paragraphes  précédents  jusqu'à  ce  que,  par  le  moyen  d'un  arrange- 
ment que  procureront  les  parties  contractantes,  le  système  d'hosti- 
lités, qui  subsiste  entre  les  dits  États  barbaresques,  l'Ordre  de  saint 

r.  IL  9 


130  TRAITÉ  DE  PAIX 

Jean,  elles  puissances  possédant  des  langues,  ou  concourant  à  leur 
composition,  ait  cessé. 

10.  L'Ordre  sera  régi  quant  au  spirituel  et  au  temporel,  par  les 
mêmes  statuts,  qui  étaient  en  vigueur  lorsque  les  chevaliers  sont 
sortis  de  l'île,  autant  qu'il  n'y  est  pas  dérogé  par  le  présent 
traité. 

H.  Les  dispositions,  contenues  dans  les  paragraphes  3,  5,  7,  8, 
et  10,  seront  converties  en  lois  et  statuts  perpétuels  de  l'Ordre, 
dans  la  forme  usitée;  et  le  Grand-Maître,  ou,  s'il  n'était  pas  dans 
l'île  au  moment  où  elle  sera  remise  à  l'Ordre,  son  représentant,  ainsi 
que  ses  successeurs,  seront  tenus  de  faire  serment  de  les  observer 
ponctuellement. 

12.  Sa  Majesté  sicilienne  sera  invitée  à  fournir  deux  mille 
hommes  natifs  de  ses  Etats,  pour  servir  de  garnison  dans  les  diffé- 
rentes forteresses  des  dites  îles.  Cette  force  y  restera  un  an,  à  dater 
de  leur  restitution  aux  Chevaliers  ;  et,  si,  à  l'expiration  de  ce  terme, 
l'Ordre  n'avait  pas  encore  levé  la  force  suffisante,  au  jugement  des 
puissances  garantes,  pour  servir  de  garnison  dans  ll'île  et  ses  dé- 
pendances, telle  qu'elle  est  spécifiée  dans  le  paragraphe  5,  les 
troupes  napolitaines  y  resteront  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  rempla- 
cées par  une  autre   force,  jugée  suffisante  par  lesdites  puissances. 

13.  Les  différentes  puissances  désignées  dans  le  paragraphe  6, 
savoir,  la  France,  la  Grande-Bretagne,  l'Autriche,  l'Espagne,  la 
Russie  et  la  Prusse,  seront  invitées  à  accéder  aux  présentes  stipu- 
lations. 

Art.  11.  Les  troupes  françaises  évacueront  le  royaume  de  Naples 
et  l'Etat  romain  ;  les  forces  anglaises  évacueront  pareillement  Porto- 
Ferrajo,  et  généralement  tous  les  ports  et  îles,  qu'elles  occuperaient 
dans  la  Méditerranée  ou  dans  l'Adriatique. 

4rt.  12.  Les  évacuations,  cessions  et  restitutions,  stipulées  par 
le  présent  traité^  seront  exécutées  pour  l'Europe,  dans  le  mois  ; 
pour  le  continent  et  les  mers  d'Amérique  et  d'Afrique,  dans  les  trois 
mois;  pour  le  continent  et  les  mers  d'Asie,  dans  les  six  mois,  qui 
suivront  la  ratification  du  présent  traité  définitif,  excepté  dans  le 
cas  où  il  y  est  spécialement  dérogé. 

Art  13,  Dans  tous  les  cas  de  restitution,  convenus  par  le  présent 
traité,  les  fortifications  seront  rendues  dans  l'état  où  elles  se  trou- 
vaient au  moment  de  la  signature  des  préliminaires,  et  tous  les  ou- 
vrages, qui  auront  été  construits  depuis  l'occupation,  resteront  in- 


D'AMIENS  DE  1802  13i 

tacts.  Il  est  convenu,  en  outre,  que,  dans  tous  les  cas  de  cession  sti- 
pulés, il  sera  alloué  aux  habitants,  de  quelque  condition  ou  nation 
qu'ils  soient,  un  terme  de  trois  ans,  à  compter  de  la  notification  du 
présent  traité,  pour  disposer  de  leurs  propriétés  acquises  et  possé- 
dées, soit  avant  soit  pendant  la  guerre  actuelle,  dans  lequel  terme 
de  trois  ans,  ils  pourront  exercer  librement  leur  religion  et  jouir  de 
leurs  propriétés.  La  même  faculté  est  accordée,  dans  les  pays  res- 
titués, à  tous  ceux,  soit  habitants  ou  autres,  qui  y  auront  fait  des 
établissements  quelconques,  pendant  le  temps  où  ces  pays  étaient 
possédés  par  la  Grande-Bretagne.  Quant  aux  habitants  des  pays 
restitués  ou  cédés,  il  est  convenu,  qu'aucun  d'eux  ne  pourra  être 
poursuivi,  inquiété  ou  troublé  dans  sa  personne,  ou  dans  sa  pro- 
priété, sous  aucun  prétexte,  à  cause  de  sa  conduite  ou  opinion  poli- 
tique, ou  de  son  attachement  à  aucune  des  parties  contractantes, 
ou  pour  toute  autre  raison,  si  ce  n'est  pour  des  dettes  contractées 
envers  des  individus,  ou  pour  des  actes  postérieurs  au  présent 
traité. 

Art.  là.  Tous  les  séquestres,  mis  de  part  et  d'autre  sur  les  fonds, 
revenus  et  créances,  de  quelqu' espèce  qu'ils  soient,  appartenant  à 
une  des  puissances  contractantes,  ou  à  ses  citoyens  ou  sujets,  seront 
levés  immédiatement  après  la  signature  de  ce  traité  définitif.  La 
décision  de  toutes  réclamations  entre  les  individus  des  nations  res- 
pectives, pour  dettes,  propriétés,  effets  ou  droits  quelconques,  qui, 
conformément  aux  usages  reçus  et  au  droit  des  gens,  doivent  être 
reproduites  à  l'époque  de  la  paix,  sera  renvoyée  devant  les  tribu- 
naux compétents,  et  dans  ce  cas  il  sera  rendu  une  prompte  et 
entière  justice  dans  les  pays,  où  les  réclamations  seront  faites  res- 
pectivement. 

Art.  15.  Les  pêcheries  sur  les  côtes  de  Terre-Neuve  et  des  îles 
adjacentes  et  dans  le  golfe  de  Saint-Laurent,  sont  remises  sur  le 
même  pied  où  elles  étaient  avant  la  guerre.  Les  pêcheurs  français 
de  Terre-Neuve,  et  les  habitants  des  îles  Saint-Pierre  et  Miquelon, 
pourront  couper  les  bois,  qui  leur  seront  nécessaires,  dans  les  baies 
de  Fortune  et  du  Désespoir,  pendant  la  pi'emière  année,  à  compter 
de  la  notification  du  présent  traité. 

Art.  1(5.  Pour  prévenir  tous  les  sujets  de  plaintes  et  de  contesta- 
tions, qui  pourraient  naître  à  l'occasion  des  prises,  qui  auraient  été 
faites  en  mer  après  la  signature  des  articles  préliminaires,  il  est 
réciproquement  convenu  que  les  vaisseaux  et  effets ,  qui  pourraient 


132  TRAITÉ  DE  PAIX 

avoir  été  pris  dans  la  Manche  et  dans  les  mers  du  Nord  après  l'es- 
pace de  douze  jours,  à  compter  de  l'échange  des  ratifications  des 
articles  préliminaires,  seront  de  part  et  d'autre  restitués  ;  que  le 
terme  sera  d'un  mois,  depuis  la  Manche  et  les  mers  du  Nord  jus- 
qu'aux îles  Canaries  inclusivement,  soit  dans  l'Océan,  soit  dans  la 
Méditerranée;  de  deux  mois,  depuis  les  îles  Canaries  jusqu'à  l'équa- 
teur;  et  enfin  de  cinq  mois,  dans  toutes  les  autres  parties  du  monde, 
sans  aucune  exception  ni  autre  distinction  plus  particulière  de  temps 
et  de  lieu. 

Art.  17.  Les  ambassadeurs,  ministres  et  autres  agents  des  puis- 
sances contractantes,  jouiront  respectivement,  dans  les  États  des 
dites  puissances,  des  mêmes  rangs,  privilèges,  prérogatives  et  im- 
munités, dont  jouissaient,  avant  la  guerre,  les  agents  de  la  même 
classe. 

Art.  18.  La  branche  de  la  maison  de  Nassau,  qui  était  établie 
dans  la  ci-devant  république  des  Provinces-Unies,  actuellement 
la  république  batave,  y  ayant  fait  des  pertes,  tant  en  propriétés 
particulières,  que  par  le  changement  de  Constitution  adoptée  dans 
ce  pays,  il  lui  sera  procuré  une  compensation  équivalente  pour  les 
dites  pertes. 

Art.  19.  Le  présent  traité  définitif  de  paix  est  déclaré  commun  à 
la  Sublime  Porte  ottomane,  alliée  de  S.  M.  britannique,  et  la  Su- 
blime-Porte sera  invitée  à  transmettre  son  acte  d'accession  dans  le 
plus  court  délai  possible. 

Art.  20.  Il  est  convenu,  que  les  parties  contractantes,  sur  les  ré- 
quisitions faites  par  elles  respectivement,  ou  par  leurs  ministres  ou 
officiers  duement  autorisés  à  cet  effet,  seront  tenues  de  livrer  en  jus- 
tice les  personnes  accusées  des  crimes  de  meurtre,  de  falsification 
ou  banqueroute  frauduleuse,  commis  dans  la  juridiction  de  la  par- 
tie requérante,  pourvu  que  cela  ne  soit  fait  que  lorsque  févideuce 
du  crime  sera  si  bien  constatée,  que  les  lois  du  lieu,  où  l'on  décou- 
vrira la  personne  ainsi  accusée,  auraient  autorisé  sa  détention  et  sa 
traduction  devant  la  justice,  au  cas  que  le  crime  y  eût  été  commis  : 
les  frais  de  la  prise  de  corps  e.t  de  la  traduction  en  justice  seront  à 
la  charge  de  ceux  qui  feront  la  réquisition.  Bien  entendu  que  cet 
article  ne  regarde  en  aucune  manière  les  crimes  de  meurtres,  de 
lalsification  ou  de  banqueroute  frauduleuse,  commis  antérieurement 
à  la  conclusion  de  ce  traité  définitif. 

Art.  21.  Les  parties  contractantes  promettent  d'observer  sincère- 


D'AMIENS  DE  i80'2  13;5 

ment  et  ele  bonne  foi  tous  les  articles  contenus  au  présent  traité,  et 
elles  ne  souftViront  pas,  qu'il  y  soit  fait  de  contravention  directe  ou 
indirecte  par  leurs  citoyens  ou  sujets  respectifs,  et  les  susdites 
parties  contractantes  se  garantissent  généralement  et  réciproque- 
ment toutes  les  stipulations  du  présent  traité. 

Art.  22.  Le  présent  traité  sera  ratifié  par  les  parties  contractantes 
dans  l'espace  de  trente  jours,  ou  plutôt  si  laire  se  peut,  et  les  rati- 
fications en  due  forme  seront  échangées  à  Paris. 

En  foi  de  quoi,  nous  soussignés  plénipotentiaires  avons  signé  de 
notre  main,  et  en  vertu  de  nos  pleins  pouvoirs  respectifs,  le  présent 
traité  définitif,  et  y  avons  fait  apposer  nos  cachets  respectifs. 

Fait  à  Amiens  le  27  mars  1802,  ce  6  germinal  an  10  de  la  ré- 
publique française. 

Joseph  Bonaparte.  J.  Nicolas  de  Azara. 

cornwallis.  r.  j.  schimmelpenninck. 


APPEUïDICK 


(N"  1).  —  ['endant  sa  mission  à  Constantinople,  en  (novembre-décembre) 
1801  (Voyez  N"  1  de  l'Appendice  aux  préliminaires  du  9  octobre  1801),  le  colo- 
nel Sébastian!  avait  fait  remettre,  par  l'envoyé  de  Prusse,  une  note  à  la 
Sublime-Porte  tendant  h  accélérer  la  conclusion  de  la  paix,  et  contenant 
les  bases  de  négociation  suivantes  :  1"  maintien  de  l'intégrité  de  l'empire 
ottoman  in  statu  quo  ante  bellum;  2°  adoption  pour  l'Egypte  de  la  même 
forme  de  gouvernement  que  celle  pour  les  autres  provinces,  et  suppression, 
par  conséquent,  du  gouvernement  des  béys-mamelouks  ;  3"  confirmation  des 
capitulations,  et  jouissance  par  la  France  des  avantages  de  commerce  sur  le 
pied  des  nations  les  plus  favorisées.  En  réponse  à  cette  note,  et  après  s'être 
concerté  avec  les  représentants  de  ses  alliés,  le  divan  communiqua  au  co- 
lonel Sébastiani,  par  l'entremise  de  l'envoyé  de  Prusse,  un  «projet  de  traite 
de  paix  définitif  »  rédigé  en  huit  articles,  et  auquel  étaient,  en  outre,  joints 
plusieurs  «  articles  que  la  P.  0.  désirerait  être  proposés  à  Amiens,  par  le 
plénipotentiaire  français,  -i  (*).  Approuvées  par  Sébastiani,  les  instructions 

(*)  Le  projet  de  traité  de  paix  et  les  articles  que  la  P.  O.  désirait,  etc.,  se  trouvent 
annexés,  en  copie,  à  une  dépêche  de  l'envoyé  de  Prusse,  M.  de  Knobelsdorf,  du  28  dé- 
cembre 1801,  conservée  aux  arcliives  secrètes  d'État,  à  Berlin.  —  L'article  relatif  aux 
béys-mamelouks  (V.  N<>  1,  VI  de  l'Appendice  aux  préliminaires  de.  1802,  1. 1,  p.  512)  était 
conçu  en  ces  termes  :  Quoique  de  l'intention  de  ki  Porte  ottomane  d'éloigner  les  béys 


iSti  APPENDICE 

transmises  à  rambassadeur  ottoman,  ù  Paris,  lui  ordonnaient  de  se  rendre  à 
Amiens  et  de  signer  la  paix  avec  la  France,  »  de  concert  et  avec  l'interven- 
tion de  l'empereur  de  llussie  et  du  roi  d'Angleterre,  »  mais  de  conclure  la 
paix  «  purement  et  simplement  en  conformité  des  préliminaires,  »  si  le 
plénipotentiaire  français  ne  voulait  pas  admettre  les  stipulations  proposées 
par  la  Sublime  Porte,  et  que  les  plénipotentiaires  des  puissances  alliées 
s'associassent  ù.  son  refus.  Le  premier  consul  persista  à  vouloir  faire  sa  paix 
avec  le  sultan,  séparément,  à  Paris,  et  défendit  à  l'ambassadeur  ottoman 
d'aller  à  Amiens.  Aali-éfendi  s'en  référa  à  sa  cour,  mais  la  paix  fut  signée  le 
27  mars,  avant  qu'il  pût  recevoir  les  instructions  qu'il  avait  demandées  par 
un  courrier  expédié  à  Constantinople  le  18  février.  (Zinkeisen,  T.  Vif, 
pag.  129-13/1.) 

«  Une  singularité  remarquable  est)),ditSchoell  {Histoire  abrégée  des  Traites 
de  Paix,  etc.  Paris,  15  vol.,  1816-1818.),  «  que,  dès  le  26  mars,  la  conclusion 
de  la  paix  fut  officiellement  annoncée  à  Paris  comme  ayant  eu  lieu  le  25. 
Cette  paix  ne  fut  signée  que  le  27,  mais  le  ministre  de  la  Grande-Bretagne 
ayant  reçu,  dès  le  25,  un  courrier  qui  l'autorisait  à  la  signer,  les  deux  plé- 
nipotentiaires dressèrent  un  protocole  par  lequel  ils  s'engagèrent  à  signer  le 
le  traité  convenu,  dès  que  l'expédition  des  instruments  serait  achevée. 

I.  —  Articles  prclimin aires  de  paix  entre  la  république  française  et. 
la  Grande-Bretagne,  en  date  de  Londres  le  !««•  octobre  1801  (83  djé- 
mazîul-éwel  t2tG), 

Le  premier  consul  de  la  république  française,  au  nom  du  peuple  fran- 
çais, et  S.  M.  le  roi  du  royaume-uni  de  ia  Grande-Bretagne  et  d'Irlande, 
animés  d'un  désir  égal  de  faire  cesser  les  calamités  d'une  guerre  destruc- 
tive, etc. 

1.  Aussitôt  que  les  préliminaires  seront  signés  et  ratifiés,  l'amitié  sin- 
cère sera  rétablie  entre  la  république  française  et  S.  M.  brilanique,  par 
terre  et  par  mer.  En  conséquence,  et  pour  que  toutes  hoslililés  cessent 
immédiatement  entre  les  deux  puissances,  et  entre  elles  et  leurs  alliés  res- 
pectivement, les  ordres  seront  transmis,  etc. 

5.  L'Egypte  sera  restituée  à  la  Sublime-Porte,  dont  les  territoires  et  pos- 
sessions seront  mainienus  dans  leur  intégrité,  tels  qu'ils  étaient  avant  la 
guerre  actuelle. 

8.  La  république  des  Sept-Iles  sera  reconnue  par  la  république  fran- 
çaise. 

15.  Les  présents  articles  préliminaires  seront  ratifiés  et  les  ratifications 
échangées,  ii  Londres,  dans  le  terme  de  quinze  jours  pour  tout  délai,  et 
aussitôt  après  leur  ratification,  il  sera  nommé  de  part  et  d'autre,  des  plé- 

de  l'Egypte  il  réswKe  (''vidcmmenl  que  le  commerce  ne  sera  plus  inquiété,  la  Porte  otto- 
mane se  déclare  prûte  à  pourvoir  à  ce  que  les  négociants  français  ne  soient  jauiait»  ex- 
posés aux  vexations  des  béys.  (V,  Z  i  h  k  e  isen,  T.  VII.) 


APPENDICE  ils 

nipotenliaires,  qui  se  rendront  k  Amiens  pour  procéder  k  la  rédaction  du 
traité  définitif,  de  concert  avec  li;s  alliés  des  puissances  contractantes. 


II.  —  Protocole  «l'une  conférence  entre  les  plénipotentiaires  Tran- 
^•ais  et  Itritaunitiue,  en  date  d'Amiens  le  18  février  180!S  (15  ché- 
wal  1210). 

Les  plénipotentiaires  de  la  république  française  et  de  S.  M.  britanique 
s'élant  réunis,  lord  Cornwallis  a  répété  ce(pi'il  a  eu  l'honneur  d'annoncer 
au  citoyen  Joseph  Bonaparte  dans  la  conférence,  savoir  : 

Que  la  Porte  ottomane  ayant  accédé  formellement  aux  préliminaires  de 
paix  entre  S.  M.  britannique  et  la  république  française  et  leurs  alliés 
respectifs,  etayant  communiqué  au  gouvernement  anglais  qu'elle  a  refusé 
de  ratifier  le  traité  conclu  après,  avec  la  France,  par  Aali-éfendi,  son  ex- 
ambassadeur à  Paris  ;  en  conséquence,  ayant  nommé  le  même  Aali-éfendi 
son  plénipotentiaire  au  congrès  d'Amiens  pour  conconrir  à  la  paix  défini- 
tive, le  gouvernement  britanique  devait  demander  que  la  Porte  ottomiine 
fût  admise  ou  comme  partie  contractante  ou  comme  partie  accédante  au 
traité. 

Lord  Cornwallis  ajoute,  etc. 

m.  —  Protocole  d'nnc  conférence  entre  les  plénipotentiaires  fran- 
çais et  britannique,  en  date  d'Amiens  le  21  février  1803  (18  ché- 
wal  121V). 

Les  plénipotentiaires  de  la  république  française  et  de  S.  M.  britannique 
s'étant  réunis,  le  citoyen  Joseph  Bonaparte  a  demandé  l'insertion  au  pro- 
tocole de  la  note  suivante,  en  réponse  k  la  déclaration  de  lord  Cornwallis 
.contenue  dans  le  protocole  de  la  conférence  du  29  pluviôse  (13  février), 
relativement  à  la  Porte  ottomane. 

Les  préliminaires  de  paix  ont  été  signés  entre  la  France  et  la  Porte  ; 
ils  ont  été  ratifiés  par  celle-ci  avec  cette  simple  restriction  conçue  en  ces 
termes  :  autant  qu'ils  ne  seraient  pas  contraires  au  traité  de  Londres. 
Gonmie  ils  ne  sont  pas  contraires  à  ce  traité,  le  gouvernement  français 
les  regarde  comme  simplement  et  dûment  ratifiés.  Le  Grand-Seigneur 
dans  une  lettre  au  premier  consul,  lui  a  témoigné  le  désir  de  traiter  direc- 
tement avec  la  France,  et  de  convertir  en  traité  définitif  les  articles  préli- 
minaires. En  conséquence,  l'ambassadeur  de  la  Porte,  à  Paris,  a  reçu  les 
pleins  pouvoir  et  les  instructions  nécessaires. 

Cet  ambassadeur  a  été  présenté  au  premier  consul,  et  lui  a  paru  con- 
vaincu que  la  France  lui  était  aujourd'hui  nécessaire;  qu'il  était  prêta 
signer  la  paix  définitive,  mais  qu'il  devait,  par  honnêteté  et  déférence, 
en  prévenir  le  ministre  anfjlais.  Le  premier  consul  a  consenti  à  ce  que 


136  APPENDICE 

le  niinislre  otloman  écrivît  sur  le  champ  au  ministre  anglais,  pour  lui 
faire  part  de  cette,  déraarclie,  et  la  paix  définitive  sera  conclue  avec  la 
Krance.  Toute  paix  qui  ne  serait  pas  faite  directement  entre  deux  aussi 
grandes  puissances  que  la  Porte  et  la  France  pourrait-ètre  une  trêve,  mais 
ne  serait  que  chimérique. 

Il  est  dans  le  système  diplomatique  deux  espèces  d'alliances  :  l'alliance 
naturelle  et  l'alliance  accidentelle.  L'alliance  de  l'Angleterre  avec  la  Porte 
n'étant  qu'accidentelle,  la  France  à  dû  stipuler,  dans  les  préliminaires,  la 
cessation  des  hostilités,  mais  les  arrangements  particuliers  doivent  être  di- 
rectement traités  :  agir  autrement,  ce  serait  mettre  ces  deux  puissances  au 
rang  des  puissances  du  second  ordre,  et  l'une  et  l'autre  sont  au  rang  des 
puissances  du  premier  ordre. 

Tout  ce  dont  peut  assurer  le  plénipotentiaire  français,  c'est  :  !•  qu'il  n'y 
aura  dans  ce  traité  aucun  article  secret  (*);  2°  qu'il  sera  entièrement  basé 
sur  les  préliminaires.  Toute  autre  prétention  ne  serait  pas  admissible. 

En  réponse,  etc. 

IV.  —  Protocole  d'ane  conférence  entre  les  plénipotentiaires  fran- 
çais et  britannique,  en  date  d'Amiens  le  9  mars  1802  (5  zil- 
cadé  1216). 

Les  plénipotentiaires  de  la  république  française  et  de  S.  M.  britan- 
nique s'étant  réunis,  lord  Gornwallis  a  demandé  l'insertion  au  protocole 
de  la  note  suivante,  en  réponse  à  ce  que  le  citoyen  Joseph  Bonaparte  a 
exposé  dans  la  sienne,  insérée  au  protocole  du  2  ventôse  (21  février), 
relativement  à  la  Porte  ottomane. 

Lord  Gornwallis  a  communiqué  h  son  gouvernement  ainsi  qu'à  l'am- 
bassadeur de  la  Sublime-Porte,  à  Paris,  cette  note  du  plénipotentiaire  fran- 
çais. 

Il  doit  dire  que  l'ambassadeur  lui  avait  déjà  annoncé,  en  date  du 
10  janvier,  qu'il  avait  reçu  les  ordres  de  la  Sublime-Porte  de  se  rendre  h 
Amiens  pour  traiter  la  paix  définitive  avec  la  France,  de  concert  avec  les 
alliés  (le  la  Sublime-Porte,  et  qu'il  s'était  adressé,  en  conséquence,  au 
ministre  des  relations  extérieures  de  la  république  française,  qui  se  trou- 
vait pour  lors  à  Lyon, 

Le  même  ambassadeur,  répondant  à  la  communication  susmentionnée 
de  ce  qui  s'était  passé  à  son  égard  entre  les  plénipotentiaires  français  et 
britannique,  a  témoigné  à  lord  Gornwallis,  en  date  du  '27  février,  ce  qui 
suit  : 

Que  n'ayant  pas  reçu  de  réponse  de  la  part  du  ministre  des  relations 
extérieures  aux  premières  démarches  qu'il  avait  faites  pour  être  admis 

(•)  l'oyez  le  traité  de  paix  en  date  du  26  Juin  1802, 


Al'I'EiNDlCE  137 

au  congrès  d'Amiens,  il  avait  renouvelé  celte  demande  lorsque  ce  ministre 
fut  de  retour  à  Paris; 

Que,  pour  le  même  eiïet,  il  s'était  présenté  au  premier  consul  de  la 
République  Irançaise,  qui  lui  avait  lépondu  qu'il  n'était  pas  nécessaire 
qu'il  se  rendit  au  congrès,  et  qu'il  pouvait  traiter  directement  ù  Paris, 
attendu  qu'une  explication  avait  eu  lieu  entre  le  gouvernement  français 
et  le  cabinet  britannique  au  sujet  de  la  paix  entre  la  France  et  le  Por- 
tugal, dont  le  cas  était  semblable  ix  celui  qui  existait  entre  la  France  et 
la  Sublime-Porte  ; 

Qu'ayant  répondu  qu'il  ne  pourrait  rien  faire  sans  communiquer  avec 
les  alliés  de  la  Sublime-Porte,  il  lui  avait  été  insinué  d'écrire,  h  ce  suj(3t, 
au  minisire  de  S.  M.  britannique  à  Londres; 

Qu'ayant  consulté  ses  instructions  il  avait  informé  le  ministre  des 
relations  extérieures  qu'il  n'était  point  autorisé  à  correspondre  avec  le 
cabinet  britannique,  mais  seulement  de  se  concerter  avec  le  plénipoten- 
tiaire au  congrès  d'Amiens  ; 

Qu'il  n'avait  encore  reçu  aucune  réponse  ultérieure  et  catégorique  h 
sa  demande  de  la  part  du  ministre  des  relations  extérieures; 

Et  que,  finalement,  il  persistait  toujours  à  demander  son  admission  au 
congrès. 

Le  citoyen  Joseph  Bonaparte  verra  lui-même  combien  cet  exposé  de 
l'ambassadeur  ottoman  lui-même  difiere  de  ce  qui  est  marqué  dans  la 
note  insérée  dans  le  protocole  du  21  ventôse  (21  février). 

11  en  résulte  que  l'ambassadeur  n'a  reçu  d'autres  pleins  pouvoirs  ni 
d'autres  instructions  que  celles  qui  lui  ordonnent  de  se  rendre  h  Amiens 
pour  y  traitei'  la  paix  définitive  de  concert  avec  les  alliés  de  la  Sublime- 
Porte. 

Lord  Cornwallis  prendra  cette  occasion  pour  se  permettre  d'observer, 
sur  ce  que  le  premier  consul  paraît  avoir  dit  à  l'ambassadeur  ottoman, 
qu'il  ne  peut  pas  y  avoir  une  parité  exacte  dans  ses  cas  entre  la  France 
et  le  Portugal  et  la  France  et  la  Sublime-Porte, 

L'ex-ambassadeur  de  la  Porte  a  fait  an  traité  avec  la  France,  à  Paris, 
postérieurement  aux  préliminaires  signés  à  Londres.  La  Sublime-Porte  a 
jugé  à  propos  de  se  refuser  à  ratifier  le  traité,  et  d'adhérer  aux  ])rélimi- 
naires;  c'est  ce  qu'oile  a  communiqué  au  gouvernement  briiannique.  Le 
Portugal,  au  contraire,  ne  paraît  pas  s'être  refusé  à  ratifier  son  traité 
avec  la  France;  or  donc,  son  cas  ne  saurait  être  considéré  comme  sem- 
blable à  celui  qui  existe  entre  !a  Sublime-Porte  et  la  France. 

Le  gouvernement  britannique  ayant  vu  le  susdit  protocole  du  2  ventôse 
(21  février),  et  ia  réponse  de  l'ambassadeur  ottoman  sur  ce  qui  s'y  trouve 
exposé,  a  ordonné  h  lord  Gornwallis  de  renouveler  sa  demande  au  pléni- 
potentiaire de  la  république  française  pour  que  la  Porte  ottomane  soit 


138  APPENDICE 

admise  ou  comme  partie  conlractaïUe,  ou  comme  partie  accédante  au 
traité  définiîit'de  paix. 

Lord  Gornwallis  a  donc  l'honneur  de  prier  le  citoyen  Joseph  Bonaparte 
d'admettre,  de  sa  part,  les  instances  les  plus  fortes  qu'il  est  chargé  de  lui 
faire  à  cet  égard. 

Le  citoyen  Joseph  Bonaparte,  etc. 


V.  —  Lettre  dn  premier  consul  Bonaparte  à  Joseph  Bonaparte,  en 
date  du  9  mars  1803  (5  zilcadé   ISIC). 

Je  rerois  votre  lettre  du  18  ventôse.  J'accepte,  quoique  h  regret,  la 
formule  :  «  La  Sublime-Porte  est  invitée  à  accéder  au  présent  traité.  » 

.Mon  intention  n'est  pas  moins  de  faire  un  traité  avec  la  Sublime-Porte, 
car  enfin  cet  niticle  ne  termine  pas  tous  nos  différends.  W'ayant  pas,  dans 
ce  moment-ci,  les  pièces  sous  les  yeux,  je  ne  sais  pas  s'il  y  a  un  article 
qui  garantisse  l'intégrité  de  la  Turquie.  Cet  article  paraît  nécessaire  à 
mettre. 

Au  reste,  je  vous  donne  toute  la  latitude  convenable  pour  signer  dans 
la  nuit.  Vous  serez  en  conférence  lorsque  vous  recevrez  ce  courrier;  je 
ne  pense  pas  qu'il  arrive  avant  neuf  heures  du  soir. 

Je  crois,  comme  vous,  extrêmement  important  de  ne  plus  perdre  un 
instant.  Faites  donc  tout  ce  qui  est  possible  pour  terminer,  et  signez. 

Vsus  aurez  soin  de  me  faire  connaître,  dans  votre  réponse,  si  le 
courrier  est  arrivé  avant  neuf  heures,  lui  ayant,  dans  ce  cas,  promis 
600  francs. 

J'attends  mon  courrier  demain,  avant  midi. 


VI.  —  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  A  Joseph  Bonaparte,  en 
date  du  93  mars  fl!^03  (18  zilcadé   lâlG). 

On  m'a  mis  sous  les  yeux  votre  dernière  lettre.  Votre  conduite,  et 
surtout  l'esprit  de  retenue  que  vous  avez  montré  est  convenable. 

Il  paraît  qu'aujourd'hui  nous  sommes  en  rapprochement.  Otto  mande 
que,  quant  aux  prisonniers,  etc. 

Mettre  l'article  de  la  Turquie  le  dernier,  et  en  ôter  les  mots  alliée  de 
la  Grande-Bretagne  est  aussi  imporlant;  sans  quoi  il  faudra  dire  :  alliée 
de  la  Russie,  de  l'empereur,  ancienne  alliée  de  la  France.  C'est  un  article 
fort  important,  parce  que  ces  mots  seuls  donneraient  k  l'Angleterre  une 
es|)èce  de  suprématie  qui  n'est  pas  convenable  pour  nous. 

Je  viens  de  recevoir,  etc. 


APPENDICE  139 

Vil.  —  Lettre  du  premier  consul  ISunaparte  au  ministre  des  rela- 
tions extérieures  (Talleyrand).  eu  date  du  'il  mars  IHOS  (30  zil- 
eadé  13t4i). 

Vous  trouverez  ci-joint,  etc. 

De  tous  les  articles  de  la  Porte,  le  plus  convenable,  c'est  la  troisième 
rédaction.  Si,  cependant,  il  était  possible,  il  faudrait  supprimer  les  deux 
dernières  lignes,  qui  commencent  par  :  elle  est  invitée,  etc. 

Quant  à  l'article  10,  etc. 

Quant  aux  Barbaresques,  il  faut  faire  sentir,  en  mettant  au  protocole, 
ou,  ce  qui  est  la  même  chose,  par  une  note,  combien  il  est  inconvenant 
que  l'ordre  de  Malte,  institué  pour  faire  la  guerre  aux  Barbaresques,  les 
reçoive  dans  ses  ports,  d'où  ils  ravageront  les  États  du  Pape;  comment 
le  Portugal,  qui  est  constamment  en  guerre  avec  les  Barbaresques  pour- 
rait-il souffrir  que  les  vaisseaux  marchands,  sortant  du  port  de  Malte, 
soient  capturés  par  les  Barbaresques?  Que  cela  bouleverse  toutes  les  idées 
et  s'éloigne  de  la  nature  des  choses;  que  le  mezzo  termine  serait  de  ne 
pas  parler  des  Barbaresques  ;  que,  si  le  plénipotentiaire  n'a  en  vue  que 
Gènes,  j'obligerai  bien,  quand  il  me  plaira,  les  Barbaresques  h.  respecter 
le  pavillon  génois. 

Du  reste,  après  avoir  tenu  bon,  et  surtout  pris  acte  de  la  présentation 
de  la  note  ou  de  l'insertion  au  protocole,  le  plénipotentiaire  français  est 
autorisé  à  passer  outre,  et  ne  retardera  pas  d'une  heure  la  signature  du 
traité  pour  cet  article  ;  il  me  suflira  seulement  de  constater  que  ce  sont 
les  Anglais  qui  ont  voulu  celte  absurde  injustice. 

Ainsi  le  plénipotentiaire  français  est  autorisé  à  signer,  en  ôtant  le  mot 
noble  h  la  rédaction  de  l'article  de  Malte,  le  moi  prince  d'Orange  que 
nous  ne  pouvons  pas  reconnaître,  en  prenant  la  troisième  rédaction  de  la 
Turquie,  et  en  présentant  deux  notes,  l'une  relative  aux  émigrés  che- 
valiers de  Malte,  l'autre  relative  aux  Barbaresques. 


ACTE   D'ACCESSIOM 

de  Sélim  III  au  traité  d'Amiens,  en  date  du  13  mai  1802  (11  moharrcm  1217). 

Moi,  qui,  par  la  grâce  continuelle  et  les  bienfaits  non  interrom- 
pus de  l'Être  impassible  et  invariable,  de  l'auteur  suprême  de  tout 
pouvoir  et  bien  être,  du  fondateur  de  l'édifice  durable  et  glorieux 
du  califat,  et  à  l'aide  des  miracles  généralement  salutaires  de  notre 
grand  prophète  Mohammed-Moustapha,  le  chef  des  prophètes,  le 
conducteur  des  personnes  saintes,  le  soleil  des  deux  mondes  (que 
la  plus  grande  bénédiction  repose  sur  lui  et  sur  ses  compagnons!), 


140  APPENDICE 

—  suis  le  serviteur  et  seigneur  de  la  Mecque,  de  Médine,  de  la 
sainte  Jérusalem  et  de  ses  temples,  de  ces  lieux  hauts  et  sacrés, 
vers  lesquels  tous  les  peuples  dirigent  leurs  prières,  le  calife  su- 
prême et  le  monarque  heureux  de  tant  de  grands  pays,  provinces, 
villes,  places  fortes  et  châteaux,  qui  sont  situés  en  Romélie  et  Nato- 
lie,  sur  les  mers  Blanche  et  Noire,  en  Hedjaz  et  Irak,  et  qui  exci- 
tent la  jalousie  des  potentats  de  la  terre  ; 

Moi,  qui  suis  le  sultan,  fils  du  sultan,  et  l'empereur,  fils  de  l'em- 
pereur, le  sultan  Ghazi-Sélim-khan,  fils  du  sultan  Moustapha-khan, 
fils  du  sultan  Ahmed-khan. 

Que,  par  le  présent  et  haut  acte  de  notre  empire  et  califat,  il  soit 
notoire  qu'en  conséquence  de  l'article  XIX  du  traité  de  paix  défi- 
nitive qui  a  été  conclu  et  signé,  au  congrès  d'Amiens,  le  22'"*  jour 
de  la  lune  zilcadé  de  l'an  passé  1216,  ou  27  mars  1802,  de  l'ère 
chrétienne,  entre  les  plénipotentiaires  du  premier  consul  de  la  ré- 
publique française,  au  nom  du  peuple  français,  ainsi  que  de  la 
cour  d'Espagne  et  de  la  république  batave,  et  entre  le  plénipoten- 
tiaire de  S.  M.  le  roi  des  royaumes  unis  de  la  Grande-Bretagne  et 
de  l'Irlande,  —  la  Sublime-Porte  est  comprise  dans  ce  traité,  com- 
muniqué à  elle  et  ratifié  par  lesdites  puissances,  et  que  la  Sublime- 
Porte,  l'alliée  de  Sa  dite  Majesté  le  roi  d'Angleterre,  a  été  invitée  à 
accéder  à  ce  traité  dans  le  plus  court  délai  possible. 

Et,  puisque  la  cessation  entière  des  maux  de  la  guerre  et  la  re- 
cherche des  moyens  salutaires  qui  puissent  rétablir  la  tranquillité 
générale,  et  fonder  le  bien-être  des  peuples,  font  l'objet  de  nos  vœux 
impériaux  les  plus  ardents,  nous  accédons  aux  articles  et  stipula- 
tions du  susdit  traité,  qui  sont  relatifs  à  notre  Sublime-Porte  ou 
peuvent  la  concerner;  et  nous  les  adoptons,  comme  s'ils  étaient 
insérés  ici  mot  à  mot,  déclarant  en  même  temps,  qu'ils  seront  à 
jamais  gardés  et  observés,  et  proclamant  solennellement  que  la 
paix  et  les  liens  heureux  de  l'amitié  sont  rétablis  entre  notre  Su- 
blime-Porte et  la  sérénissime  république  française,  ainsi  qu'entre 
les  habitantsdes  deux  états  respectifs. 

En  foi  de  quoi  le  présent  acte  d'accession  a  été  muni  de  notre 
glorieuse  signature  impériale.  Et,  comme  nous  avons  accédé  ainsi, 
de  notre  côté  impérial,  aux  articles  et  stipulations  du  susdit  traité, 
qui  sont  relatifs  à  notre  Sublime-Porte  ou  peuvent  la  concerner, 
il  est  hors  de  doute  qu'ils  seront  strictement  observés. 

Donné  le  11""  jour  de  la  lune  moharrcm  l'an  de  l'hégire  1217. 


APPENDICE  l/il 


TRAITÉ  DE  PAIX 

du  £6  juin  1802  (2/t  sàfi.-r  J217). 


APPENDICE 

N*  \.  Rapports  de  la  France  avec  C empire  oUuina/i. 

I.  Lettre  de  Louis  XIV  à  Mohammed  IV,  en  date  du  12  janvier 

1662  (21  djémaziul-éwel  1072). 
IL  Lettre  de  Louis  XIV  au  grand-vézir,  en  date  du  12  Janvier  1662 

(21  djémazial-cwel  1072). 
m.  Lettre  de  Louis  XIV  à  son  charge  d'affaires  de  Roboli,  en  date  du 

20  janvier  1662  (29  djémaziul-chvel  1072). 
IV.  Lettre  du  grand-vézir  à  Louis  XIV,  en  date  du  ..  1662  (...1072). 
V.  Lettre  de  Moliammed  IV  à  Louis  XIV,  en  date  du  commence- 
ment de  juin  1669  {commencement  de  moluurem  1080). 
VI.  Lettre  du  caïmécam  Moastapha-pacJui  à  AL  de  Lionne,  même  date. 
VU.  Lettre  de  l'ambassadeur  Suléyman-agha  à  M.  de  Lionne,  en  date 
de  Paris  le...  décembre  1669  (...  rédjeb-chàban  1080). 
VIII.   Mémoire  présenté  à  Louis  XIV  pjar  le  chevalier  d'Arvleux,  en  date 
du  20  janvier  I67u  (27  chdban  1081). 
IX.  Lettre  du  ministre   des  affaires  étrangères  au  grand-vézir ,  en  date 

de  Fontainebleau  le  16  août  1671  (10  rébiul-akhir  1082). 
X,   Lettre  de  l'ambassadeur  de  Nointel  au  grand-vézir,  en  date  des 
premiers  jours  de  mars  1672  {coinmenccment  de  zilcadé  108:). 

XI.  Lettre  du  grand-vézir  à  l'aml)assadear  de  Xointel,  en  date  d'An- 

drinople  mi-7nai  1672  {mi-moharrem  1083). 

XII.  Lettre  de   l'ambassadeur  de  Xointel  au  grand-vézir,  en  date  du 

16  juin  1672  (19  su  fer  1083). 

XIII.  Lettre  de  Mohammed  IV  à  Louis  XIV,  en  date  d'A/nlrinople  mi- 

juin  1673  (//«  sdfer  1Û8/|). 

XIV.  Lettre  du  grand-vézir  à  Louis  XIV,  en  date  d'Andrinople  mi-juin 

1673  [fin  sàfer  1084), 
XV.  Lettre  du  comte  Desalleurs  à  Ahmed-pacha,  en  date  de  Paris  le 

23  décembre  17/i6  (9  zilhidjé  1159). 
XVI.  Dépèche  de  l'ambassadeur  de  Cuslellane  au  ministre  des  affaires 

étrangères,  en  date  du  23  mars  17i7  (11  rébiul-éwel  1160). 
XVII.  Dépèche  de  Vambassadeur  de  Desalleurs  au  ministre  des  affaires 

étrangères,  en  date  du  15  avril  17/i9  (26  réJiiul-akhir  1162). 


lZi2  APPENDICE 

XVI II.  Note  de  la  Sublime- Porte  à  l'ambassadeur  de  Vergennes,  en  date 

du...  mai  ilÇ,lx  (...  dlcadé  1177). 
XIX.  Mémoire  présenté  à  Louis  XV  par  le  comte  de  Vergennes,  en  date 

du  ..  1769  (1182-83). 
XX.  Résumé  d'une  note  de  l'ambassadeur  de  Choiseul-Gouffier  à  la 

Sublime-Porte,  en  date  du  2i  septembre  179"i  (7  sdfer  1207). 
XXÏ.  Résumé  de  la  réponse  à  la  note  qui  précède,  en  date  du  16  octobre 

1792(29  sa  fer  1207). 
XXII.  Résumé  des  instructions  du  comité  diplomatique  de  la  Convention 

au  citoyen  Sémonville,  en  date  du...  1792  (...  1207). 

XXIII.  Résumé  d'une  lettre  du  comte  de  Provence  {Louis  XVUl),  en  date 

de  Eamm  le  28  janvier  1793  (15  djémaziul-akhir  1207). 

XXIV.  Résumé  des  instructions  du  comité  diplomatique  de  la  Convention 

nationale  au  citoyen  Descarches,  en  date  du...  1793  (...  1207). 
XXV.  Résumé  d'une  note  collective  des  représoitants  d'Autriche,  de  Prusse 
et  de  Russie  remise  à  la  Sublime-Porte  le  1"  avril  1793  (19  châ- 
ban  1207). 
XXVI.  Résumé  d'une  note  des  mêmes  à  la  Sublime-Porte ,  en  date  du 

k  juin  1793  (2Zi  chévml  1207). 
XXVIi,  Résumé  d'une  conférence  du  citoyen  Descorches  avec  le  réis-éfendi, 

tenue  le  28  août  1793  (20  moharrem  1208). 
XXVIII.  Résumé  d'une  convention  entre  la  Sublime-Porte  et  la  république 
française,  signée  le  30  août  1793  (22  moharrem  1208). 

XXIX.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  public,  en  date 

du  11  octobre  1795  (27  rébiid-éivel  1210).  —  Copie  des  annexes 
71"  2  et  n°  3.  —  Note  du  général  Bonaparte  au  Comité  de  salut 
public,  en  date  du  30  août  1795. 

XXX.  Dèjiéche  de  l'envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  public,  en  date 

du  17  octobre  1795  (3  rébiul-akhir  1210). 
XXXI.  Dépèche  de  l'envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  public ,  en  date 
du  19  octobre  1795  (5  rébiul-akhir  1210).  —  Copie  d'une  dépê- 
che du  citoyen  Cara  Saint-Cyr,  en  date  du  2  mai  1798.  — 
Extrait  d'une  lettre  de  Constantinople  en  date  du  2  novembre 
1795. 
XXXII.  Dépêche  de  f  envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  public ,  en  date 
du  2  novembre  1795  (19  rébiul-akhir  1210).  —  Leti?-e  du  réis- 
éfendi  au  Comité  de  salut  public,  en  date  du  29  octobre  1795. 

XXXIII.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  public,  en  date 

du  22  décembre  1795  (10  djémaziul-akhir  1210). 

XXXIV.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  public,  en  date 

du  23  avril  1796  (15  chéwal  1210). 
XXXV.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  Comité  de  salut  publie,  en  date 

du  27  mai  1796  (20  zilcadé  1210). 
XXXVI.  Lettre  du  ministre  des  relations  extérieures  au  président  du  direc- 
toire exécutif,  en  date  du  22  juin  1796  (16  zilhidjé  1210). 
XXXVn.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  ministre  des  relations  extérieures, 
en  date  du  9  juillet  1796  (3  moharrem  1211). 


AI'PENDICfc:  1^3 

XXXVIII.  DépMie  de  i'envoi/é  Vcnii/wr  au  minUlrc  dexrelatiom  extérieures, 
en  date  du  18  uuàt  17%  (13  mfer  l'211). 
XXXIX.  Béchi/JVement  d'une  dcjn'che  de  Penvoyé  Verni7iûc  au  ministre  des 
relations  extérieures,  en  date  du  ô  octobre  1796  (6  rébiul-akhir 
1211). 
XL..  Dépêche  de  l'ambassadeur  Aubert  Du  Bayel  an  rninisire  des  rela- 
tions extérieures,  en  date  du  7  novembre  1796  (6  djémaziul-évjel 
1211). 
XLI.  Projet  d'une  convention  secrète  entre  la  Sublime-Porte  et  la  ré- 
publique française  en  date  du...  1796  (12H). 
XLil.  Décldffrcment  d'une  dépêche   de  l'ambassadeur  Aubert  Du  Bayct 
au  ininistrre  des  relations  extérieures,  en  date  du  18  février  1797 
(20  chàban  1211). 
XLIII.  Lettre  de  créance  de  l'ambassadeur  Aali-éfendi  à  Paris,  en  date 

du...  mars  1797  (...  ramazan  12U). 
XLIV.  Dépèche  de  l'ambassadeur  Aubert  Du  Bayet  au  ministre  des  rela- 
tions extérieures,  en  date  du  2Zi  mars  1797  (25  ruinazan  1211). 
XLV.  Dépêche  de  l'ambassadeur  Aubert  Du  Bayet  au  ministre  des  rela- 
tions extérieures,  en  date  du  10  novembre  1797  (20  djémaziul- 
éxoel  1212). 
XLVI.  Instructions  d\i  premier  consul  Bonaparte  à  l'ambassadeur  Brune, 
en  date  de  Suinl-Cloud  lei8oetohrciS0'2{'20  d.jémaz-iul-akhir\.'2\l). 
XLVII.  Dépêche  de  V ambassadeur  Brune  au  premier  consul  Bonaparte,  en 

date  du  20  juillet  1803  (30  rébiul-éwel  1218). 
XLVIII.  Message  du  pjremier  consul  Bo)<aparte  au  Sénat  conservateur,  en 
date  du  id  janvier  180/i  (3  ché^val  1218). 
XLIX.  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  au  citoyen  Régnier^  en  date  du 
1k  janvier  1804  (11  chéwal  1218). 
L.  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  à  l'ambassadeur  Brune,  en 

date  de  La  Malmaison  le  ih  rnars  1804  (2  zilhidjé  12!  8). 
LI.  Lettre  de  Sélim  III  au  premier  consul  Bonaparte,  en  date  du 

8  mai  1804  (27  moharrem  1219). 
LU.  Dépêche  de  l'ambassadeur  Brune  au  premier  consul  Bonaparte, 
en  date  du  22  mai  1804  (11  sdfer  1319).  —  Annexe  n"  1  ;  Pro- 
cès-verbal de  l'audience  de  M.  Jaubert  chez  le  sultan.  —  iV°  2  : 
Note  de  l'ambassadeur  Brune  à  la  Sublime- Porte,  en  date  du 
S  ma7-s  1804.  —  N"  3  :  Firman  en  date  du  12  mars  1804. 
Lin.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 

de  Saint-Cloud  le  6  juillet  1804  (26  rébiul-akhir  1219). 
LIV.  Lettre  de  Napoléon  /"  à  l'ambassadeur  Brune,  en  date  de  Pont- 

de-Briques  le  27  juillet  1804  (18  rébiul-akhir  1219). 
LV.  Lettre  de  Napoléoi  I"  au  secrétaire-interprète  Jaubert,  en  date 

d'Ostende  le  15  ffowH804  (8  djémaziul-éwel  1219). 
LVI.  Lettre  de  Napoléon  P'  à  Sélim  III,  en  date  du  30  janvier  1805 

(29  chéwal  1219). 
LVII.  Lettre  de  l'ambassadeur  Halei-éfendi  à  Napoléon  1*',  en  date  du 
21  février  1805  (21  zilcadé  1219). 


1/j/,  APPENDICE 

LVIII.  Lettre  de  Napoléon  /"  au  ministre  des  affaires  étrangère^  en  date 
de  Saint-Cloud  le  21  mai  1806  (3  réhiul-cwel  1221). 
LIX.  Discours  de  l'ambassadeur  Mouhih-éfendi,  prononcé  à  son  au- 
dience du  5  juin  1806  (18  rébiul-éivel  1221).  —  Réponse  de  Na- 
poléon I". 
LX.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 
de  Saint-Cloud  le  11  juin  1806  (2û  rébiul-éivel  1221). 
LXI.  Lettre  du  même  au  même,  en  date  de  Saint-Cloud  le  19  juin  1806 

(2  rébiul-akhir  1221). 
LXIl.  Lettre  de  Napoléon  1"  à  Sélim  lU,  en  date  de   Saint-Cloud  le 

20  juin  1806  (3  rébiul-akhir  1221). 
LXIII.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  prince  Eugène,  en  date  de  Saint-Cloud 

le  28  juin  1806  (11  rébiul-akhir  1221). 
LXIV.   Lettre  du  même  au  même,  en  date  de  Saint-Cloud  le  3  juillet  1806 
(16  rébiul-akhir  1221). 
LXV    Lettre  de  Napoléon  1"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 

de  Saint-Cloud  le  28  juillet  1806  (11  djémaziul-éwel  1221). 
LXVI.  Note  de  l'ambassadeur  Sébastiani  à  la  Sublime-Porte,  en  date  du 

16  septembre  1806  (3  rédjeb  1221). 
LXVII.  Lettre  de  Napoléon  I"  à  Sélim  III,  en  date  de  Berlin  le  11  no- 

vemhre  1806  (29  châban  1221). 
LXVllF.  Lettre  de  Sélim  III  à  Napoléon  I",  en  date  du  30  iiovembre  1806 
(19  ramazan  1221). 
LXIX.  Lettre  de  Napoléon  1"  à  Sélim  III,  en  date  du  camp  de  Poscn 
le  i"  décembre  1806  (20  ramazan  1221). 
LXX.  Lettre  de  Najwléon  I"  à  l'ambassadeur  Sébastiani,  en  date  de  Po- 

sen  le  1"  Décembre  1806  (20  ramazan  1221). 
LXXI.  Lettre  de  Sélim  III  a  Napoléon  I",  en  date  du  8  décembre  1806 

(27  ramazan  1221). 
LXXII.    Lettre  de  Napoléon  I"  à  l'archichancelier  Cambacérès,  en  date  de 

Posen  le  11  décembre  1806  (30  ramazan  1221). 
LXXni.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  grand-duc  de  Berg,  en  date  de  Posen 

le  13  décembre  1806  (2  chéival  1221). 
J.XXIV.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 

de  Paluki  le  27  décembre  1806  (16  chéwal  1221). 
LXXV.  Note  pour  le  Moniteur,  rédigée  par  Napoléon  i",  en  date  de  Pul- 

tusk  le  30  décembre  180G  (19  dœwal  1221). 
LXX VI.  Lettre  de  Napoléon  1"  à  Sélim  III,  en  date  de  Varsovie  le  V  jan- 
vier 1807  (21  cliéival  1221). 
LXXV II.  Lettre  de  Napoléon  1"  à  Sélim  III,  en  date  de  Varsovie  /e  20  jan- 
vier 1807  (11  zilcadé  1221). 
LXXVIII.  Dépêche  du  ministre  des  affaires  étrangères  à  l'ambassadeur  Sébas- 
tiani, en  date  du  10  janvier  1807  (11  zilcadé  1221). 
IXXIX.  Lettre  du  maréchal  Berthier  au  général  Marmont,  en  date  de  Var- 
sovie le  29  janvier  1807  (20  zilcadé  1221). 
LXXX.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 
de  Varsovie  le  29  janvier  1807  (20  zilcadé  1221). 


APPENDICE  165 

LXXXr.  Note  (lo  l'ambassadeur  Sébastianià  la  Sublime-Porte,  en  date  du... 

1807  (...  12'2l). 
LXXXII.  Lettre  de  Sclim  III  à  Napoléon  1",  en  date  du   9  frrrirr  1807 

(1  zilhidjé  1221), 
LXXXIII.  Dcpî'chc  {chiffrée)   de  l'ambassadeur  Sébastiani  au  ministre  des 

affaires  étrangères,  en  date  du  9  février  1807  (1  zilhidjé  illi). 
LXXXIV.  Message  de  Napoléon  I"  au  Sénat,  lu   le  17  février  1807  (9  zil- 
hidjé 1221). 
LXXXV.  Dépêche   (chiffrée)    de   l'ambassadeur   Sébastiani  au  ministre  des 
affaires  étrangères,  en  date  du  20  février  1807  (12  zilhidjé  1221). 
LXXXVI.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 

d'Osterode  le  3  mars  1807  (23  zilhidjé  1221). 
LXXXVI  I.   Lettre  de   Sélim   III  à   Napoléon  I",  en  date  du   9  mars  1807 

(29  zilhidjé  1221). 
LXXXVIII.   Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 
d'Osterode  le  11  mars  1807  (l  moharrem  1222). 
LXXXIX.  Lettre  du   même  au  même,  en  dote  d'Osterode  le  11   mars  1807 
(1  mohanem  1222). 
XC.  Lettre  de  Napoléon  P'  au  prince  Eugène,  en  date  d'Osterode   le 

12  mars  1807  (2  moharrem  1222). 
XCr.  Lettre  cV Aali-pacha  (de   Yanina)  à  Napoléon  I" ,  en  date  du... 

1807  (...  1222). 
XCII.  Réponse  de  Napoléon  I"  à  la  lettre  d' Aali-pacha,  en  date  de  Tilsitt 

le  9  juillet  1807  (3  djémaziul-éivel  1222). 
XCII[.  Dépêche  du  ministre  des  affaires  étrangères  à  l'ambassadeur  Sébas- 
tiani, en  date  du  1  septembre  1807  (h  rédjeb  1222). 
XCIV.   Rapjiort  du  ministre  des  affaires  étrangères  à  Napoléon  I" ,  en 

date  de  Varsovie  le  28  novembre  1807  (27  rajnazan  1222). 
XCV.  Dépêche   (extrait)   de   l'ambassadeur   Sébastiani  au  ministre   des 
affaires  étrangères,  en  date  du  10  décembre  1807  (9  chéival  i  222). 
XCVI.  Résumé  d'une  dépêche  du  ministre  des  affaires  étrangères  à  l'am- 
bassadeur Sébastiani,  en  date  du  13  janvier  1808   (ià  zilcadé 
1222). 
XCV  IL  Résumé  d'une  dépêche  de  l'ambassadeur  Sébastiani  au  ministre  des 
affaires  étrangères,   en  date  du   15  février  1808    (17  zilhidjé 
1222). 
XCVni.  Résumé  d'une  lettre  de  Moustapha  IV  à  Napoléon  1",  en  date  du 
h  mars  1808  (9  moharrem  1223), 
XCIX.   Résumé  d'une  dépêche  de  l'ambassadeur  Sébastiani  au  ministre  des 
affaires  étrangères,  en  date  du  14  mars,  1808   (19   moharrem 
1223). 
G.  Lettre  de  M.  de  Verninac  au   ministre  des  affaires  étrangères,  en 

date  de  Paris  le  23  mai  1808  (27  rébinl-éwel  1223). 
Cl.  Mémoire  adressé  par  le  génércd  Sébastiani  à  Napoléon  I",  en  date 

du  V2  juillet  1808  (18  djémaziul-éwel  1223). 
CH.  Rapport  du  ministre  des  affaires   étrangères  à  Napoléon  1",   en 

date  du  5  novembre  1808  (16  ramazan  1223). 
T.  II.  10 


iliG  APPENDICE 

CriT.  Rapport  du  même  au  même,  ni  date  du  1  décembre  1808  (12  chc- 

ical  1223). 
CIV.  Lettre  de  Karn-Gcorge  Petrovitch  à  Napoléon  1" ,  en  date  de  Bel- 
grade le  16  août  1S09  (5  rédjeh  1226). 
CV.  Rapport  du  ministre  des  affaires  étrangères   à   Napoléon  I",  en 
date  du  25  mai  1810  (20  réhiul-akhir  1225). 
N  2.  Note  sur  l'article  deuxième  du  traité. 

I.  Note-circulaire  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  des  puis- 
sances étrangères,  en  date  du  1  janvier  1807  (8  zilcadé  1221). 
II.  N'ote  de  l'ambassadeur  de  Latour-Mauhourg  à  la  Snblime-Porte, 

en  date  du  9  avril  1809  (23  su  fer  1226). 
m.  Note-circulaire  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  des  puis- 
sances étrangères)  en  date  du  10  avril  1809  (21  sùfer  1226). 
IV.   Note  de  Vambassadeur  de  Latour-Maubourg  à  la  Sublime-Porte, 
en  date  du..i  avril  1809  {fin  sâfer  1226). 
A^°  3.  Note  sur  la  formule  de  ratification  de  l'original  turc  du  traité. 
N°  à»  Note  relative  îi  l'article  secret  du  traité. 


TÎSAITE    DE   PAIX 
en  date  de  Paris  le  2G  juin  1802,(24  sàfer  1217). 

Le  premier  consul  de  la  république  française,  ail  nom  du  peuple 
français,  et  le  sublime  empire  ottoman,  voulant  rétablir  les  rap- 
ports primitifs  de  paix  et  d'amitié,  qui  ont  existé  de  tout  temps 
entre  la  France  et  la  Sublime-Porte,  ont  nommé,  dans  cette  vue, 
pour  ministres  plénioptentiaires,  savoir  :  le  premier  consul,  au 
ïiom  du  peuple  français,  le  citoyen  Charles-Maurice  Talleyrand, 
ministre  des  relations  extérieures  de  la  république  française,  et  la 
Sublime-Porte  ottomane,  Esséid-Mohammcd-Saïd-Ghalib-Éfendi, 
rapporteur  actuel,  secrétaire  intime  et  directeur  des  affaires  étran- 
gères; lesquels,  après  avoir  échangé  leurs  pleins  pouvoirs,  sont 
convenus  des  articles  suivants: 

Article  1.  11  y  aura  à  l'avenir  paix  et  amitié  entre  la  république 
française  et  la  Sublime-Porte.  Les  hotilités  cesseront  désormais  et 
pour  toujours  entre  les  deux  états.  [Appendice  N"  1.) 

Art.  2.  Les  traités  ou  capitulations  qui,  avant  l'époque  de  la 
guerre,  déterminaient  respectivement  les  rapports  de  toute  espèce 
qui  existaient  entre  les  deux  puissances,  sont  entièrement  renou- 
velés. En  conséquence  de  ce  renouvellement,  et  en  exécution  des 


TRAITÉ  DE  PAIX  DE  1802  1Z|7 

articles  des  anciennes  capitulations,  en  vertu  desquels  les  Français 
ont  le  droit  de  jouir,  dans  les  états  de  la  Sublime-Porte,  de  tous  les 
avantages  qui  ont  été  accordés  à  d'autres  puissances,  la  Sublime- 
Porte  consent  à  ce  que  les  vaisseaux  du  commerce  français,  por- 
tant pavillon  français,  jouissent  désormais,  sans  aucune  contesta- 
tion, du  droit  d'entrer  et  naviguer  librement  dans  la  mer  Noire.  La 
Sublime-Porte  consent  de  plus  à  ce  que  lesdits  vaisseaux  français, 
à  leur  entrée  et  à  leur  sortie  de  cette  mer,  et  pour  tout  ce  qui  peut 
favoriser  leur  libre  navigation,  soient  entièrement  assimilés  aux 
vaisseaux  marchands  des  nations  qui  naviguent  dans  la  mer  Noire. 
(N'2). 

La  Sublime-Porte  et  le  gouvernement  de  la  république  prendront 
de  concert  des  mesures  eiïicaces  pour  purger  de  toute  espèce  de 
forbans  les  mers  qui  servent  à  la  navigation  des  vaisseaux  mar- 
chands des  deux  états.  La  Sublime -Porte  promet  de  protéger  con- 
tre toute  espèce  de  piraterie  la  navigation  des  vaisseaux  marchands 
français  sur  la  mer  Noire. 

Il  est  entendu  que  les  avantages  accordés  aux  Français  par  le 
présent  article,  dans  l'empire  ottoman,  sont  également  assurés  aux 
sujets  et  au  pavillon  de  la  Sublime-Porte,  dans  les  mers  et  sur  le 
territoire  de  la  république  française. 

Art.  3.  La  république  française  jouira,  dans  les  pays  ottomans 
qui  bornent  ou  avoisinent  la  mer  Noire,  tant  pour  son  commerce 
que  pour  les  agents  et  commissaires  des  relations  commerciales 
qui  pourront  être  établis  dans  les  lieux  où  les  besoins  du  commerce 
français  rendront  cet  établissement  nécessaire,  des  mêmes  droits, 
privilèges  et  prérogatives  dont  la  France  jouissait,  avant  la  guerre, 
dans  les  autres  parties  des  états  de  la  Sublime-Porte,  en  vertu  des 
anciennes  capitulations. 

Art.  h.  La  Sublime-Porte  accepte  en  ce  qui  la  concerne,  le  traité 
conclu  à  Amiens,  entre  la  France  et  l'Angleterre,  le  li  germinal 
an  X  (1216,  zilcadé  22).  Tous  les  articles  de  ce  traité  qui  sont  rela- 
tifs à  la  Sublime-Porte  sont  formellement  renouvelés  dans  le  pré- 
sent traité. 

Art.  5.  La  république  française  et  la  Sublime-Porte  se  garan- 
tissent mutuellement  l'intégrité  de  leurs  possessions. 

Art.  6.  Les  restitutions  et  compensations  dues  aux  agents  des 
deux  puissances,  ainsi  qu'aux  citoyens  et  sujets  dont  les  biens  ont 
été  confisqués  ou  séquestrés  pendant  la  guerre,  seront  réglées,  avec 


1Û8  TRAITÉ  DE  PAIX  DE  1802 

équité,  par  un  arrangement  particulier  qui  sera  fait  à  Constanti- 
nople  entre  les  deux  gouvernements. 

Art.  7.  En  attendant  qu'il  soit  pris  de  concert,  de  nouveaux  ar- 
rangements sur  les  discussions  qui  ont  pu  s'élever  relativement  aux 
droits  de  douane^  on  se  conformera  à  cet  égard,  dans  les  deux  pays, 
anx  anciennes  capitulations. 

Art.  8.  S'il  existe  encore  des  prisonniers  de  guerre  qui  soient 
détenus,  par  suite  de  la  guerre,  clans  les  deux  états,  ils  seront  im- 
médiatement mis  en  liberté,  sans  rançon. 

Art.  9.  La  république  française  et  la  Sublime-Porte  ayant  voulu, 
par  le  présent  traité,  se  placer  dans  les  états  l'une  de  l'autre  sur  le 
pied  de  la  puissance  la  plus  favorisée,  il  est  entendu  qu'elles  s'ac- 
s' accordent  respectivement,  dans  les  deux  états,  tous  les  avantages 
qui  pourraient  être  ou  avoir  été  accordés  à  d'autres  puissances, 
comme  si  lesdits  avantages  étaient  expressément  stipulés  dans  le 
présent  traité. 

Art.  10.  Les  ratifications  du  présent  traité  seront  échangées,  à 
Paris,  dans  l'espace  de  quatre-vingt  jours,  ou  plutôt,  si  faire  se 
peut.  (N»3.) 

Fait  à  Paris  le  6  messidor  anX  de  la  république  française,  et  le 
2Zi  sâfer-ulkhaïr  de  l'année  de  l'hégire  1217. 

Celui  qui  est  comblé  des  grâces 
du  Très-Haut,  l'aïuedji,  plénipolen-        Gu.-Maur.  Talleyrand. 
tiaire  de  la  Sublime-Porte, 

Esséid-Mohammed-Saïd-Ghalib. 

article  additionnel  et  secret. 

La  France  s'engage  à  ne  pas  obliger,  contre  son  gré,  la  Subli- 
me-Porte à  prendre  part  dans  les  guerres  qu'elle  pourrait  avoir  à 
soutenir  contre  d'autres  puissances.  (N"  à.) 

APPE«ÏDICE 

(N'  1).  —  Les  documents  relatifs  à  l'histoire  des  rapports  de  la  France 
avec  l'empire  ottoman,  que  nous  avons  donnés,  s'arrêtent  au  règne  de 
Louis  XIII.  Depuis  cette  époque  jusqu'à  la  Révolution,  la  politique  de  la 
France  en  Orient  n'a  eu  pour  objet  aucun  intérêt  direct  de  quelque  impor- 
tance. Joints  à  ceux  que  nous  avons  publiés  à  l'Appendice  aux  préliminaires 


APPENDICE  IZi'J 


du  1801,  les  actes  qui  suivent  forment  un  recueil  de  pièces,  qui  embrasse 
la  période  depuis  Louis  XIV  jusqu'à  Napoléon  [".Nous  avons  réservé  la 
place  que  leur  objet  spécial  leur  assignait  h  plusieurs  documents  apparte- 
nant à  cette  même  période. 


I.  —  Lettre  de  Louis  XIV  t\  Mohammed  ■%',  en  date  du  1  S  janvier  10C2 

(31  djémaziul-éwcl  1093). 

Au  très-haut,  très-puissant,  très-excellent,  très-magnanime  et  invin- 
cible prince,  le  Grand-Seigneur  des  musulmans,  sultan  Mohammed,  en  qui 
tout  honneur  et  vertu  abonde,  notre  très-cher  et  parfait  ami.  Dieu  aug- 
mente Votre  Grandeur  et  Votre  Majesté  avec  une  heureuse  fin  ! 

Nous  n'avons  jamais  pu  imputer  aux  propres  mouvements  de  V.  H.  le 
mauvais  traitement  qui  a  été  fait  ti  la  personne  du  sieur  de  la  Haye,  notre 
ambassadeur,  et  à  son  fils,  destiné  par  nous  à  la  même  charge;  mais  plu- 
tôt Il  l'instigation  de  quelques  personnes  qui  voudraient  rompre  la  bonne 
correspondance  qui  a  été  si  longtemps  entre  nous  et  nos  empires.  Et 
comme  nous  avons  sujet  de  croire,  sur  ce  qui  nous  a  été  écrit  de  votre 
part,  que  V.  H.  a  dessein  de  continuer  cette  amitié  et  cette  bonne  intelli- 
gence, nous  aussi,  pour  concourir  avec  vous  dans  le  même  sentiment,  sou- 
haitons d'entretenir  à  votre  Porte  un  ambassadeur  à  la  place  du  sieur  de 
la  Haye.  Pour  lequel  eflet,  n'ayant  personne  parmi  nos  sujets  qui  soit 
plus  éclairé  dans  les  choses  qui  regardent  les  affaires  et  les  (onctions  de 
celle  ambassade  que  le  sieur  de  la  Haye,  fils,  nous  l'avons  choisi  pour  cet 
emploi.  Aussi,  nous  l'enverrons  avec  joie  d'abord  que  nous  serons  sûrs 
de  la  réception  et  du  traitement  favorable  qui  lui  sera  fait;  c'est  ce  que 
nous  attendons  de  V.  H.,  réservant  à  l'informer  plus  particulièrement  par 
le  sieur  de  la  Haye,  fils,  des  choses  qui  pourront  contribuer  h  entretenir 
la  bonne  correspondance  que  nous  souhaitons  avoir  avec  vous. 

Sur  quoi  nous  prions  Dieu,  etc. 

il.  —  Lettre  lie  Louis  XIV  au  «jrand-vézir,  en  date  du  13  janvier  10G3 

(31   djémaziul-éTvcl  107  3). 

Très-illustre  et  magnifique  seigneur,  quoique  les  insultes  faites  à  la  per- 
sonne du  sieur  de  la  Haye,  notre  ambassadeur,  et  à  son  fils,  que  nous 
avons  destiné  à  la  même  charge,  nous  aient  touché  autant  qu'elles  de- 
vaient toucher  un  prince  victorieux,  qui  tient  les  premiers  rangs  sur  les 
rois  chrétiens,  et  qui  gouverne  une  des  plus  belliqueuses  nations  de  la 
terre;  néanmoins,  ayant  été  informé  que  ces  violences  sont  venues  de  la 
malice  de  quelques  personnes  qui  voulaient  par  là  rompre  l'alliance  ;  que 
le  Grand-Seigneur  n'a  jamais  eu  dessein  de  nous  offenser;  et  qu'au  con- 
traire il    est  toujours  clans  lessentimenls  et  dans  l'intention  de  conserver 


150  APPENDICE 

l'ancienne  amitié,  qui  est  depuis  tant  d'années  entre  nos  États  et  nos  su- 
jets :  nous,  n'ayant  pas  le  dessein  de  nous  éloigner  de  celte  alliance,  en- 
verrons notre  ambassadeur  ordinaire  à  sa  Haute-Porte  ;  et  ayant  jeté  les 
yeux  sur  le  sieur  de  la  Haye,  fils,  le  ferons  partir  aussitôt  que  faire  se 
pourra  pour  cet  emploi.  Mais  comme  nous  souhaitons  d'avoir  des  assu- 
rances de  la  bonne  réception  qui  lui  sera  faite,  nous  vous  donnons  avis  de 
nos  intentions  par  la  présente„^afin  que,  conforméuient  au  désir  que  vous 
nous  avez  témoigné  avoir  de  l'ancienne  amitié,  et  l'alliance  que  nous 
avons  toujours  entretenue  avec  Sa  Hautesse,  nous  puissions  prier  Dieu, 
très-illustre  et  magnifique  seigneur,  qu'il  vous  tienne  et  garde. 

III.    —    I^cttre  de  Louis  XIV  »  son  chargé   d'affaires  de  Roboli,  en 
date  du  âO  janvier  1GG$  (S9  djcmaziul-éwel  lOViS). 

A  notre  cher  et  bien-aimé  le  sieur  de  Roboli,  agent  de  nos  affaires  à 
Constanlinople. 

Cher  et  bien-aimé,  l'envie  que  nous  avons  de  continuer  avec  les  Turcs 
l'amitié  et  la  bonne  intelligence,  qui  a  été  si  longtemps  entre  nous  et  nos 
empires,  et  d'entretenir  nos  anciennes  alliances,  fait  que  nous  avons  résolu 
d'écrire  à  leur  empereur,  et  à  son  vézir,  afin  de  savoir  comment  ils  veu- 
lent recevoir  le  sieur  de  la  Haye,  fils,  et  quels  honneurs  ils  lui  rendront,  en 
réparation  de  la  violence  faite  contre  le  droit  des  gens  à  sa  personne,  et  à 
celle  du  sieur  de  la  Haye,  le  père,  notre  ambassadeur.  Nous  vous  écri- 
vons la  présente  pour  vous  ordonner  de  présenter  au  vézir  les  secrétaires 
du  Pressoiret  la  Fontaine,  que  nous  avons  chargés  de  nos  dépêches  avec 
ordre  de  nous  en  rapporter  la  réponse,  dont  vous  solliciterez  l'expédition. 
Vous  nous  la  rapporterez  vous-même,  si  elle  n'est  pas  conforme  à  la  réso- 
lution que  nous  avons  prise  de  n'accepter  qu'en  la  personne  du  sieur  de  la 
Haye,  fils,  la  satisfaction  qui  nous  est  due  pour  l'afi^ront  fait  par  des  inso- 
lents à  notre  ambassadeur,  et  à  son  fils  ;  voulant  cependant  qu'avant  votre 
départ  vous  assembliez  tous  les  marchands  français  de  Gonstantinople, 
afin  qu'ils  puissent  choisir  un  d'entre  eux  pour  leur  chef.  Mais  si  la  ré- 
ponse est  telle  que  nous  avons  sujet  de  l'attendre,  nous  consentons  que 
vous  demeuriez  toujours  à  cette  cour  en  qualité  de  notre  agent  jusqu'à 
l'arrivée  du  sieur  de  la  Haye,  et  voulons  que  vous  nous  envoyiez  cette  ré- 
l)onse  i)ar  les  secrétaires  du  Pressoir  et  la  Fontaine,  à  quoi  vous  ne  ferez 
faute  :  car  tel  est  notre  plaisir. 

IV.  —  Lettre  du  grand-vézir  &  Louis  XIV,  en  date  du IGGS 

(....    10V3). 

Au  Irès-gloi'ieux  entre  les  sublimes  princes  chrétiens,  choisi  entre 
les  grands  et  les  sublimes  de  la  religion  du  Messie,  médiateur  des  af- 


APPENDICE  151 

f aires  de  toute  la  nation  du  Nazaréen,  seigneur  de  majesté  et  de  réputa- 
tation,  maître  de  grandeur  et  de  puissance,  Louis,  empereur  de  l-'rance, 
la  fin  des  join's  duquel  puisse  être  heureuse  ! 

Après  les  salutations  qui  regardent  l'amitié,  et  que  demandent  l'amour 
eiran'eclion,  V.  M.  saura  que  lu  lettre,  qui  a  été  envoyée  à  votre  ami,  par 
les  honorables  du  Pressoir  et  la  Fontaine,  m'a  été  délivrée  par  le  sieur 
de  Roboli,  agent  et  avocat  de  l'ambassade  à  la  haute  et  impériale  Porte, 
dont  le  contenu,  à  ce  que  nous  avons  compris,  est,  comme  Y.  M.  le 
donne  h  entendre,  touchant  une  entière  amitié  et  une  bonne  correspon- 
dance. V.  M.  sait  que  l'accroissement  de  cette  amitié  qui  s'augmente  tous 
les  jours,  procède  de  l'observation  honorable  des  conditions  et  des  ca- 
pitulations faites  entre  les  deux  parties.  Par  la  grâce  du  Très-Haut,  la 
sublime  et  impériale  Porte  de  ce  très-beureux,  très-puissant,  très-valeu- 
reux, très-magnifique  et  très-fort  empereur,  mon  maître,  le  soutien  des 
Musulmans,  de  qui  Dieu  bénisse  les  armes  d'un  double  succès,  est,  comme 
tout  le  monde  sait,  toujours  ouverte  à  nos  amis,  et  à  tous  autres,  sans 
aucun  obstacle,  et  particulièrement  h  V.  M.  qui  est  notrq  ami,  et  qui  a 
longtemps  été  en  alliance  avec  la  sérénissime  maison  des  Ottomans,  la- 
quelle Dieu  atTermisse  jusqu'au  jour  de  la  balance.  Car,  c'est  une  vérité 
très-constante  qu'il  n'est  arrivé  de  côté  ni  d'autre  aucune  action  con- 
traire h  la  foi  promise.  Et  d'autant  que  pour  donner  un  mouvement  à 
cette  ancienne  et  bonne  correspondance,  et  pour  faire  que  les  conditions 
de  celte  alliance  soient  observées  comme  il  faut,  V.  M,  veut  envoyer  ici, 
selon  l'ancienne  coutume,  la  personne  considérable  entre  les  nobles  de 
la  cour  de  V.  M.  ,  le  sieur  Denis  de  la  Haye,  fds  du  dernier  ambassadeur, 
lequel  est  un  sujet  de  réputation,  et  votre  gentilhomme  de  créance,  de 
qui  les  jours  puissent  finir  avec  prospérité.  Nous  avons  exposé,  selon  le 
souhait  de  V.  M.  ,  votrtî  demande  au  très-haut  trône  du  très-heureux, 
très-mystérieux  et  très-grand  empereur,  mon  maître,  qui  a  écouté  cette 
demande  avec  des  marques  de  satisfaction,  et  l'a  approuvée  avec  un 
regard  impérial  et  favorable.  C'est  pourquoi  nous  vous  écrivons  cette  lettre 
d'ami,  pour  vous  informer  de  ses  intentions  qui  sont  que,  si,  selon  l'an- 
cienne coutume,  votre  ambassadeur  arrive,  moyennant  la  grâce  de  Dieu, 
il  celte  très-haute  Porte  avec  des  lettres  d'amitié  de  la  part  de  V.  M.  ;  il 
sera  honoré  de  la  part  de  l'empereur,  et  traité  selon  la  coutume.  Les  ca- 
pitulations impériales  seront  renouvelées;  l'ornement  d'affection  de  part 
et  d'autre  sera  confirmé,  et  pour  l'établissement  ellicace  d'une  bonne 
paix  entre  les  deux  empires  une  lettre  impériale  sera  envoyée  à  V.  M. 
de  qui  la  sanlé  puisse   être  heureuse  et  accompagnée  de  prospérité. 


152  APPENDICE 

V.  —  Lettre  de  Itloliauinietl  IV  à  Louis  XIW,  en  date  du  camp  de 
DoglianJji  (près  de  Larissa)  au  coninicuccment  de  juin  1GC9 
(coninicncenient  de  luoharrcui  iO^iO). 

Gloiredesprinces  majestueuxde  la  croyancede  Jésus-Christ,  choisi  entre 
les  grands  lumineux  dans  la  religion  chrétienne;  arbitre  et  paciûcateur 
des  affaires  qui  naissent  dans  la  communauté  des  Nazaréens  ;  dépositaire 
de  la  gravité,  de  l'éminence  et  de  la  douceur;  possesseur  de  la  voie  qui 
conduit  h  l'honneur  et  à  la  gloire,  l'empereur  de  France,  notre  ami  Louis. 
Que  la  fin  de  ses  desseins  soit  terminée  par  le  bonheur  et  la  prospérité  ! 

Celle  haule  et  impériale  marque  vous  étant  parvenue,  vous  saurez  que 
depuis  le  temps  très-éloigné  que  les  empereurs  de  France,  vos  prédé- 
cesseurs, ont  contracté  cette  ancienne  alliance  avec  la  sûre  et  ferme  fa- 
mille des  Ottomans,  chef  et  soutien  redoutable  de  la  loi  mahométane,  ils 
ont  vécu  jusqu'à  ces  jours  bienheureux  avec  tant  d'union,  d'amitié  et  de 
sincérité,  que  les  pays  et  les  peuples  ayant  toujours  joui,  du  repos  et  de  la 
tranquillité,  cette  bonne  intelligence  s'est  augmentée  d'une  telle  manière 
que  n'ayant  souffert  aucune  altération,  ni  aucun  changement,  on  peut 
dire  qu'elle  a  été  établie  pour  la  paix  de  tout  le  monde,  pour  le  règle- 
ment et  pour  l'ordre  des  affaires  des  hommes. 

Voire  ambassadeur  Denis  de  la  Haye  Ventelay,  l'exemple  des  seigneurs 
chrétiens  (que  Dieu  veuille  conduire  et  diriger!),  résidant  au  soleil  tran- 
quille de  notre  puissante  Porte,  secours  des  empires  les  j)lus  éloignés,  et 
l'asile  des  grands  du  siècle,  a  toujours  été  sous  l'ombre  permanente  de 
notre  justice  avec  honneur  et  civilité.  Vos  sujets  et  vos  marchands  qui 
voyagent  par  terre  et  par  mer,  abordant  à  tous  les  havres  et  ports  de 
notre  empire,  pour  y  faire  leur  trafic,  ont  joui  de  toute  la  protection,  de 
toute  la  paix,  et  de  tout  le  repos  qui  leur  ont  été  nécessaires  dans  leurs 
besoins,  et,  selon  qu'il  a  été  accordé  par  nos  traités  impériaux,  et  par 
notre  pure  et  parfaite  justice ,  ils  n'ont  souffert  aucun  dommage,  et  il 
n'est  pas  arrivé  la  moindre  chose  qui  ait  dû  altérer  la  bonne  foi,  l'amitié, 
l'affeclion,  et  la  sincérité  qui  est  entre  nous  depuis  si  longtemps. 

Maintenant  votre  dit  ambassadeur  a  fait  savoir  à  notre  pompeux  et 
puissant  trône  impérial  qu'il  était  rappelé,  et  comme  nous  ne  savons  pas 
si  cela  est  vi  ai  ou  non,  ni  quel  a  été  le  sujet  et  la  cause,  nous  vous  avons 
envoyé  un  de  nos  confidenls  des  plus  capables  et  des  plus  estimés  entre 
nos  serviteurs,  nommé  Soliman,  notre  domestique,  le  modèle  des  glorieux 
et  illustres  personnages,  et  l'appui  des  grands  (dont  la  gloire  soit  aug- 
mentée !),  avec  notre  puissante  et  magniflque  lettre  impériale  de  la  part 
de  notre  haute  et  sublime  Porte.  Loisque,  moyennant  la  volonté  de  Dieu, 
il  sera  heureusement  arrivé,  il  est  nécessaire  qu'on  nous  fasse  savoir  s'il 
est  vrai  ou  non  que  votre  ambassadeur  soit  rappelé  ;   qu'elle  en  est   la 


Al'PKNDICE  153 

cause  ou  le  prétexte,  et  pourquoi  selon  l'ancienne  coutume,  et  l'amitif^. 
que  vous  avez  toujours  eue  avec  noire  Porte,  on  n'en  envoie  j)as  un 
autre  b.  sa  place  ;  puisque,  comme  vous  l'avez  désiré,  votre  ambassadeur 
résidant  sous  l'ombre  de  notre  puissance  à  la  Porte  y  a  été  traité  avec  les 
honneurs  et  les  civilités  portées  par  nos  capitulations,  comme  il  pourra  le 
témoigner  lui-même.  Permettez  aussi  que  sans  aucun  retardement  notre 
susdit  serviteur  s'en  revienne. 

La  paix  de  Dieu  vivant,  distributeur  des  grâces,  soit  sur  vous  ! 

Ecrit  dans  les  premiers  jours  de  moharrem,  etc. 

VI.  —  Lettre  du  eaïiuéeani  moustapha-paeha  au  ministre  des  affaires 
étrangères  ^Lionne),  vn  date  des  preiuîers  jours  de  juin  IVGU  (pre- 
miers jours  de  moharrem  1080). 

Au  premier  ministre  de  l'empereur  de  France,  qui  est  le  modèle  des 
princes  chrétiens  et  le  protecteur  des  grands,  M.  de  Lionne,  son  cher 
conseiller  et  notre  bon  ami,  que  Dieu  veuille  inspirer  et  diriger  en  bien  ! 

Après  vous  avoir  présenté  nos  saluls,  et  les  souhaits  d'une  affection 
ferme,  et  de  la  constance  qui  doit  être  inséparable  de  l'amitié  par  laquelle 
nous  vous  déclarons  avec  sincérité  que  le  pompeux,  magnifique  et  puis- 
sant empereur,  mon  maître,  soutien  du  monde,  roi  des  rois  victorieux, 
ayant  anciennement  fait  alliance  avec  l'empereur  de  France  et  contracté 
amitié  avec  lui  par  la  paix,  elle  a  été  augmentée  de  jour  en  jour  jusqu'à 
présent,  et  les  marchands  comme  les  autres  sujets  qui  vont  par  terre 
et  par  mer  trafiquer,  dans  les  états  du  Grand-Seigneur,  ayant  eu  le  plai- 
sir de  trouver  du  profit  dans  leur  commerce,  n'y  ont  jamais  rien  souffert 
qui  ait  contrevenu  à  la  i)aix,  ni  troublé  leur  repos. 

Gela  étant  ainsi,  le  Grand- Seigneur  désirant  savoir  la  cause  pour  la- 
quelle S. M.  rappelle  son  ambassadeur  résidant  à  la  Porte,  source  de  tout 
honneur,  sans  en  envoyer  un  autre  h  sa  place,  en  même  temps,  il  a  dé- 
pêché vers  elle  une  personne  illustre,  digne  de  louange,  pleine  de  force 
et  de  vénération,  appelle  Soliman-Aga  (dont  la  gloire  soit  perpétuelle!), 
avec  une  lettre  impériale  et  puissance  pour  la  lui  jjrésenter. 

Ainsi,  vous  prendrez  la  peine  de  nous  faire  savoir  par  la  réponse  de 
la  présente  le  sujet  qu'a  S.  M.  de  rappeler  l'ambassadeur  qui  réside 
présentement  à  la  porte  impériale,  l'appui  des  princes,  conformément 
aux  anciens  traités,  puisqu'on  n'a  fait  aucun  mauvais  traitement  à  ses 
sujets,  ni  rien  attenté  contre  les  lois  de  la  justice  qui  ait  pu  faire  de  la 
peine  aux  marchands,  ni  aux  autres  Français,  ni  qui  ait  pu  rompre  l'al- 
liance et  l'amitié  entre  eux,  contractée  depuis  si  longtemps. 

llenvoyez  prompleinont  à  la  Porte  le  dit  Soliman,  sans  le  faire  retar- 
der, vous  souhaitant  loutes  les  dispositions  nécessaires  à  l'entretien 
d'une  parfaite  amitié,  et  d'une  parfaite  correspondance  inviolable. 


lôZi  APPENDICE 

TH.  —  Lettre  de  l'auibassadeur  Muléyman-aiilia  au  ministre  des  af- 
faires étrangères,  en  date  de  Paris,  le  ..  décembre  IfittO  (..  réd* 
jeh-chàbau  10»0). 

Mon  puissant  et  fortuné  seigneur  soit  sain  et  sauf,  et  puisse  vivre  long- 
temps ! 

Le  sujet  de  la  requête  que  j'envoie  h  Monseigneur  est  qu'il  y  a  déjà 
longtemps  que  noire  empereur  m'a  envoyé  ici.  Jl  dit  présenleraenl  :  la 
réponse  de  la  lettre  que  j'ai  écrite  à  l'empereur  de   France,   mon  ami, 
viendra  bientôt.  Il  est  tous  les  jours  dans  cette  attente.  Je  vous  supplie, 
Monseigneur,  de  m'obtenir  la  grâce  que  S.  M.  me  donne  bientôt  la  ré- 
ponse à  ladite  lettre  et  la  permission  de  m'en  retourner.  Si  Monseigneur 
demande  quels  sont  les  tourments  et  les  peines  que  je  souH're,   il  sauia 
que,  jusqu'à  Lyon,  je  n'ai  pas  entendue  une  parole  désobligeante  de  tous 
les  Français  que  j'ai  vus  jusqu'alors.  Tout  notre  voyage  s'est  passé  h  rue 
et  il  jouer  ;  nous  avons  vécu  ensemble  avec  la  même  amitié  qu'un  père  a 
pour  ses  enfants.  Depuis,  il  nous  est  comparu  le  nommé  Lassur,  disant  : 
Je  suis  venu  pour  distribuer  ce  qu'on  a  ordonné  pour  votre  nourriture  ; 
il  nous  a  toujours  montré  un  visage  d'indignation.  Depuis  ce  jour-là  jus- 
(ju'à  présent,  il  nous  a  toujours  traité  avec  des  paroles  amères,   et  outre 
les  léponses  fâcheuses  et  peu  honnêtes  qu'il  nous  donnait,  lorsque  quel- 
qu'un de  mes  gens  ou  de  mes  serviteurs  s'adressant  à  lui,  lui  disait: 
Donnez-nous  ce  que  le  roi  a  ordonné  pour  notre  subsistance,  il  leur  dit 
des  injures,  et  ne  leur  donne  rien  hors  la  chair  de  mouton.  Il  n'apporte 
et  ne  nous  donne  rien  que  ce  qu'il  peut  trouver   à  vil  prix;  des  poules 
qu'il  devrait  nous  donner,  nous  n'en  avons  que  les  maigres  et  les  sèches. 
Le  cuisinier  lui  dit  :  On  ne  saurait  manger  de  cela,  vous  en  devriez  don- 
ner des  meilleures;  il  le  querelle  d'abord  et  le  charge  de  mille   injures. 
Il  devrait  nous  donner  des  chandelles  sur  le  chemin,  nous  avons  couché 
en  beaucoup  d'endroits  sans  en  avoir,   non  plus  que  du  pain  et  de  la 
viande.  Si  je  l'appelais  pour  lui  en  parler,  je  n'entendais  jamais  que  des 
injures.  Quelque  abondance  et  bon  marché  que  nous  trouvassions  sur  les 
chemins,  il  ne  nous  apportait  que  ([uelques  grappes  de  raisin  pourries.  Si 
je  lui  disais  alors:  qu'est-ce  que  cela,  j'en  étais  grondé  de  la  belle  ma- 
nière. Pardessus  tout,  il  n'a  pas  voulu  être  seul  à  nous  faire  soufl'rir  sa 
méchante  humeur.  Il  amis  de  son  parti  M.  de  la  Gibertie  qui  nous  con- 
duit ;  il  l'a  instruit  à  sa  façon,  et  depuis  que  nous  sommes  arrivés  en   ce 
jjays,  nous  en  avons  le  même  traitement.  Si  quelque   pauvre  Turc  qui  a 
été  mis  en  liberté  vient  pour  parler  à  nous,  il  l'en  empêche,  il  le  gronde, 
et  le  chasse  en  notre  présence.  11  refuse  l'entrée  k  ceux  qui  viennent 
nous  visiter,  et,  comme  cela,  il  nous  empêche  de  les  voir.  Si  je  le  prie  de 
ne  point  les  molester  et  de  les  laisser  venir,  mes  paroles  sont  inutiles,  et 


APPENDICE  155 

il  fait  tout  ce  qu'il  peut  pour  que  nos  gens  ne  sortent  point  hors  la  porte. 
11  est  vrai,  Monseigneur,  que  nous  avons  dessein  d'aclieter  quelque  chose 
en  ce  pays,  et  comme  nous  ne  savons  pas  la  langue  franraise,  nous  prions 
nos  ennemis  qui  vont  et  viennent  de  nous  en  apporter,  comme  seraient 
des  montres  d'horloge,  et  d'autres  choses  qu'ils  prennent  la  peine  de  choi- 
sir, pour  donner  celles  qui  sont  les  i)lus  agréables  ;  mais  ils  ne  sauraient 
parvenir  jusqu'à  nous.  Il  n'y  a  que  Dieu  qui  puisse  savoir  le  nombre  in- 
fini de  déplaisirs  que  ces  deux  hommes  nous  font  souffrir.  Nous  vous  fai- 
sons savoir,  Monseigneur,  l'état  dans  lequel  nous  sommes.  Nos  maux 
vous  seront  connus,  et  vous  pouvez  commander,  Monseigneur,  ce  que 
nous  aurons  h  faire.  Dieu  veuille  donner  sa  sainte  bénédiction  h  l'empe- 
reur de  France,  pour  tout  ce  que  nous  avons  mangé  et  bu  par  sa  bonté, 
et  dans  l'étendue  de  sa  félicité.  Dieu  lui  donne  longue  vie,  et  à  vous  aussi, 
Monseigneur,  par  la  tête  de  votre  fortuné  empereur,  par  votre  chère  et 
noble  tête,  et  pour  l'amour  de  Dieu,  mettez-nous  en  liberté  en  nous  déli- 
vrant des  mains  de  ces  deux  personnes.  C'est  sur  cela..  Monseigneur,  que 
nous  attendons  vos  ordres. 

VIII.  —  mémoire  présente  ik  Louis  XIV  par  le  chevalier  «l'Arvieux, 
en  date  du  30  janvier  lOfO  (3  7  eliàban  108I). 

Sire,  puisque  V.  M.  m'a  commandé  de  lui  donner  mes  sentiments  par 
écrit  sur  les  affaires  de  Gonstantinople  et  sur  le  commerce  du  Levant,  je 
me  sens  obligé  de  lui  représenter  que  V.  M.  n'ayant  aucun  intérêt  dans 
les  États  du  Grand-Seigneur,  ni  de  commerce  avec  lui  que  pour  favoriser 
le  trafic  que  ses  sujets  font  au  Levant,  ce  n'est  que  pour  ce  sujet  qu'elle 
a  contractée  cette  alliance  depuis  si  longtemps,  et  qu'elle  tient  un  ambas- 
sadeur à  la  Porte.  Le  bien  du  commerce  étant  donc  le  principal  motif  de 
l'ambassade,  on  ne  doit  pas  tant  songer  à  ce  qui  peut  lui  être  avantageux 
qu'on  ne  doive  prendre  garde  aussi  de  bien  prés  à  ce  qui  peut  toucher 
l'honneur  et  la  gloire  de  V.  M.  parmi  des  peuples  méprisants,  ennemis 
de  notre  religion,  et  dont  les  souverains  s'estiment  au-dessus  de  tous  les  po- 
tentats du  monde,  bien  loin  qu'ils  voulussent  souffrir  d'égaux,  nonobstant 
ce  qu'on  a  pu  faire  connaître  à  Soliman-Aga  dans  les  audiences  qu'il  a  eues. 

Ce  n'est  plus  par  une  ancienne  habitude  ((u'il  semble  qu'on  ait  plus  de 
considération  pour  V.  M.  que  pour  les  autres  rois  qui  ont  traité  depuis 
avec  la  Porte.  Elle  est  en  droit  d'avoir  le  pas  devant  eux  et  on  ne  le  dis- 
pute pas  à  ses  ambassadeurs,  quand  les  ministres  du  Grand-Seigneur 
sont  raisonnables  et  bien  intentionnés;  mais  comme  les  Anglais  particu- 
lièrement font  toujours  leur  possible  pour  empiéter  sur  cette  préémi- 
nence, contre  ce  qui  est  porté  par  nos  capitulations,  ils  n'épargnent  point 
la  dépense,  corrompent  les  ministres  du  Grand-Seigneur  ix  force  de   pré- 


156  APPENDICE 

sents,  et  donnent  bien  de  l'exercice  à  vos  ambassadeurs  qui,  voulant  se 
soutenir  simj3lement  par  leurs  droits,  n'aiment  guère  à  acheter  ce  qui 
leur  est  légitimement  dû  :  il  en  est  souvent  arrivé  du  désordre,  lorsque  les 
ambassadeurs  de  V.  M.  ont  été  aussi  vigoureux  à  se  maintenir  que  les 
officiers  du  Grand-Seignenr  étaient  quelquefois  ignorants  sur  la  coutume 
pour  accorder  la  proséance  et  répondre  aux  autres  nations  qui  les  pour- 
suivaient pour  de  l'argent. 

Les  capitulations  auraient  dû  régler  ces  sortes  de  prétentions;  on  les 
montre  toujours  dès  qu'il  y  a  quelque  chose  à  contester  et  la  plupart  du 
temps  sans  aucun  profit,  parce  que  l'intérêt  particulier  étoufTe  le  senti- 
ment de  la  justice  dans  le  cœur  de  ceux  qui  doivent  l'administrer,  et 
quand  ils  n"ont  pas  envie  de  nous  la  rendre  sur  nos  traités,  et  sur  toutes 
les  écritures  que  le  Grand-Seigneur  a  données  sur  ce  point,  ils  disent 
nelteaient  pour  défense  que  cela  est  trop  vieux,  que  les  rois  peuvent  faire 
de  nouvelles  lois  dans  leurs  royaumes,  et  que  leurs  sentiments  et  leurs 
inclinations  ne  sont  pas  toujours  les  mêmes.  Ainsi,  ce  n'est  non-seulement 
pas  une  nécessité  qu'elles  soient  renouvelées  et  confirmées  dans  tous 
leurs  articles,  aussi  bien  que  pour  ceux  qu'il  plaira  à  V.  M.  d'y  faire 
ajouter,  il  est  besoin  aussi  de  faire  la  même  chose  toutes  les  fois  qu'un 
nouveau  prince  apportera  du  changement  dans  cet  empire,  et  comme  cela 
chacun  sera  obligé  d'observer  ses  conventions. 

Il  semble  que  V.  M.  veut  être  traitée  d'égal  avec  le  Grand-Seigneur. 
Elle  ne  doit  pas  songer  à  lui  envoyer  un  ambassadeur  à  la  Porte  qu'il 
n'en  tînt  un  eu  France  pour  répondre  du  traitement  que  le  nôtre  recevrait 
auprès  du  Grand-Seigneur;  les  afTaires  cuiraient  bien  mieux,  et  ils  n'au- 
raient garde  de  les  mécontenter  ni  de  violer  aucun  article  des  traités  qu'on 
aurait  fait  avec  eux.  Cela  paraît  pourtant  impossible,  si  l'on  considère 
que  le  Grand-Seigneur  n'envoie  ses  ambassadeurs  qu'à  l'empereur  d'Alle- 
magne, à  cause  du  voisinage  et  des  guerres  qu'ils  se  font  l'un  h  l'autre,  à 
mesure  qu'il  en  est  besoin,  et  pour  des  affaires  qui  ne  les  obligent  pas  à 
une  longue  résidence.  Il  en  envoie  en  Perse  et  aux  autres  princes  maho- 
rnétans  de  la  môme  manière  ;  il  en  enverrait  bien  en  France  et  ailleurs  si 
son  intérêt  l'y  conviait,  mais  ce  n'est  point  du  tout  leur  coutume  d'en 
tenir  en  résidence  chez  leurs  confédérés.  Les  empereurs  ottomans  re- 
çoivent agréablement  tous  ceux  que  les  princes  chrétiens  leur  envoient, 
pourvu  qu'ils  aient  bien  des  présents  h  offrir,  et  qu'ils  trouvent  leur 
compte  dans  les  propositions  qu'ils  viennent  leur  offrir.  Ils  se  font 
comme  cela  un  honneur  et  une  grandeur  singulière  d'être  recherchés  de 
tous,  et  de  ne  demander  l'amitié  de  pas  un. 

La  relation  de  Larissa  fait  voir  clairement  que  le  grand-vézir  n'a  pas 
voulu  donner  aucun  avantage  à  la  France,  en  y  envoyant  un  ambassadeur 
dans  les  formes  comme  on  lui  avait  proposé. 


APPENDICE  157 

Il  a  envoyé  Solimaii-Aga  à  V.  M.  sans  aucun  caractère,  pour  lui  pré- 
senter seulement  sa  lettre,  attendre  sa  réponse,  et  s'en  retourni-r  ensuite, 
sous  ce  prétexte  qu'il  fallait  savoir  par  lui  dans  (juelle  inlenlinn  serait 
V.  M.,  et  quel  traitement  il  recevrait  en  Franco  pour  se  résoudre  ensuite 
h  envoyer  une  personne  de  plus  grande  considération. 

Cependant,  c'est  une  nécessité  de  régler  nos  affaires  avec  la  Porte, 
attendu  les  griefs  qu'il  y  a  de  l'un  (!t  de  l'autre  côté,  afin  de  faire  cesser 
dorénavant  tous  les  maux  dont  les  sujets  de  V.  M.,  trafiquant  au  Levant 
ont  été  accabiésjusqu'aujourd'luii. 

Voici,  Sire,  les  griefs  de  V.  M.  dont  celui  qu'elle  nommera  pour  Cons- 
fantinople  doit  se  plaindre. 

L'insulte  qu'on  a  faite  Ji  M.  de  la  ilaye,  son  ambassadeur. 

Les  vexations  continuelles  qu'on  a  faites  depuis  si  longtemps  aux  Fran- 
çais qui  résident  dans  les  échelles  du  Levant,  par  une  infinité  d'avanies 
qui  ont  ruiné  le  commerce  et  causé  les  dettes  delà  nation. 

L'équipage  de  deux  vaisseaux  égorgés  par  Baba-Hassan,  corsaire 
d'Alexandrie  d'Egypte,  leurs  facultés  pillées,  et  les  navires  coulés  k  fond. 

L'avanie  de  22  mille  piastres  que  Hassan-Aga  a  faite  à  Séide  suivie  de 
l'assassinat  des  députés,  du  premier  trucheman,  des  janissaires  et  de  tous 
ceux  qui  les  conduisaient  à  Gonstantinople  pour  s'en  plaindre  au  Grand- 
Seigneur. 

L'alliance  que  le  Grand-Seigneur  a  faite  avec  les  Génois,  et  la  récep- 
tion de  leur  ministre  contre  la  volonté  et  l'intention  deV.  M. 

L'augmentation  des  douanes  et  l'imposition  de  nouveaux  droits  qu'on 
fait  payer  aux  Français,  à  l'exclusion  des  autres  nations. 

La  permission  que  le  Grand-Seigneur  donne  aux  étrangers  d'entrer 
dans  ses  États  sous  toute  autre  bannière  que  celle  de  France,  et  contre 
l'article  de  nos  capitulations. 

Le  mépris  et  les  mauvais  traitements  qu'on  fait  aux  Français  et  le  peu 
de  justice  qu'on  leur  rend  dans  les  affaires  qui  leur  arrivent,  dans  les 
gouvernements  particuliers,  comme  à  la  Porte. 

La  bonne  foi  des  traités  qui  est  violée  dans  plusieurs  de  ses  articles  sur 
les  prérogatives  qui  ont  été  accordées  à  V.  M.,  en  faveur  de  ses  sujets. 

L'injustice  que  le  grand-vézir  a  faite  au  sieur  Saint-Jacques,  marchand 
de  Marseille,  dans  une  affaire  qu'il  avait  contre  un  Arménien,  l'ayant  con- 
damné k  payer  dix-huit  mille  écus  sur  la  simple  déposition  des  témoins 
du  pays,  contre  ce  qui  est  porté  par  les  capiculations,  et  dont  V.  M.  sait 
la  conséquence. 

Je  passe  beaucoup  d'autres  griefs  qui  sont  connus  de  tout  le  monde 
pour  n'ennuyer  pas  V.  M.  par  la  longueur  de  ce  mémoire. 

Les  griefs  que  le  Grand-Seigneur  peut  avoir  contre  nous  sont  ceux  qui 
suivent  : 


i58  APPENDICE 

La  prise  de  Gigcri  par  les  armées  de  V.  M.  ;  le  Grand-Seiçiieur  veut 
bien  qu'elle  se  venge  des  maux  que  nous  font  les  barbares  ;  il  ne  trouve 
pas  mauvais  que  nous  les  faisions  esclaves,  et  que  nous  prenions  ou  brû- 
lions leurs  armements,  mais  il  ne  veut  pas  aussi  que  nous  nous  rendions 
les  maîtres  de  leurs  places,  parce  qu'elle  lui  appartiennent. 

Le  secours  que  V.  M.  a  envoyé  en  Hongrie,  et  la  défaite  de  leurs  trou- 
pes Ji  la  bataille  de  Saint-Gothard. 

Les  troupes  que  V.  M.  envoie  en  Candie  .depuis  si  longtemps,  dont  ils 
n'avaient  jamais  rien  dit  croyant  qu'elles  y  allaient  sans  ses  ordres.  La 
mort  de  M.  le  duc  de  Beaufort,  et  les  derniers  secours  qu'elle  lui  a  don- 
nés avec  ses  armées  navales,  sous  le  commandant  de  ses  généraux,  tant 
par  mer  que  par  terre,  font  demander  par  le  Grand-Seigneur  si  on  peut 
être  de  ses  amis  et  lui  faire  la  guerre  tout  ensemble. 

La  prodigieuse  quantité  d'armements  particuliers,  avec  laquelle  nos 
Français  pillent  les  sujets  du  Grand-Seigneur,  par  mer  et  par  terre,  sous 
les  bannières  de  Malle,  de  Savoie,  d'Espagne,  de  Gènes,  de  Livourne,  de 
Venise  et  de  tous  les  autres  ennemis. 

Les  Français  qui  se  mettent  au  service  de  leurs  ennemis  dont  les  ga- 
lères du  Grand-Seigneur  sont  remplies,  quoique  nous  ayons  la  paix  avec 
Uiii 

Le  trafic  que  les  Français  ont  fait  dans  ses  États  en  monnaie  de 
France,  fausse,  et  particulièrement  en  ces  pièces  de  cinq  sols,  fabriquées 
hors  le  royaume,  qui  ont  infecté  l'empire  ottoman. 

Le  peu  de  cas  qu'on  prétendra  que  V.  M.  ait  fait  de  la  lettre  du  Grand- 
Seigneur,  suivant  le  rapport  que  Soliman-Aga  aura  dû  en  faire  h  son  re- 
tour. 

L'enlèvement  du  chevalier  Beaujeu,  qui  était  prisonnier  d'État  dans 
les  Sept-Tours,  et  des  autres  esclaves. 

Les  salves  de  canon  et  de  mousqueterie  que  les  vaisseaux  de  V.  M.  ont 
faites,  pendant  toute  une  nuit,  dans  le  port  de  Gonstantinople,  qui  ont 
alarmé  toute  la  ville,  et  ont  été  la  cause  que  beaucoup  de  femmes  se  sont 
blessées  par  la  peur. 

Les  volées  de  canon  que  les  mêmes  vaisseaux  ont  tirées  vers  les  Dar- 
danelles dont  les  boulets  ont  causé  du  dommage  dans  les  villages  et  dans 
la  campagne. 

VoiUi  bien  des  raisons,  Sire,  dont  il  y  a  réciproquement  à  se  plaindre  ; 
on  a  fait  la  guerre  en  Europe  pour  de  moindres  sujets,  et  je  ne  crois  pas 
qu'on  puisse  dire  que  nous  ayons  véritablement  la  paix  avec  le  Grand-Sei- 
gneur, si  on  ne  renouvelle  cette  allianco  sur  le  môme  pied,  que  s'il  n'y 
avait  jamais  eu  rien  entre  V.  M.  et  lui. 

Je  ne  crois  pas.  Sire,  que  cela  se  puisse  faire  aisément^  ni  que  nous 
voyions  un  succès  favorable  b.  la  négociation  de  celle  affaire,  si  on  ne  leur 


APPENDICE  159 

donne  le  temps  de  désirer  un  anibassadonr,  de  demander  la  cause  pour- 
quoi il  n'y  en  a  point  à  la  Porto  de  la  part  de  V.  M.  et  d'oiïrir  telle  satis- 
faction qu'elle  jugera  à  propos  de  demander,  pour  le  bien  de  ses  sujets. 
Les  Turcs  sont  fièrement  |)révenus  des  besoins  qu'on  a  de  leur  pays, 
quoique  les  Français  puissent  se  passer  de  ce  commerce,  ayant,  grâce  h 
Dieu,  dans  votre  royaume,  tout  ce  qui  est  nécessaire  h  leur  cnlrelicn,  lis 
sont  imbus  de  cette  vanité  que  la  Porte  est  l'asile  et  le  recours  de  tous  les 
princes  de  la  terre;  V.  M.  l'aura  vu  dans  la  lettre  du  Grand-Seigneur. 
Leur  superstition  les  porte  à  croire  que  toutes  les  nations  chrétiennes  doi- 
vent leur  être  soumises  ;  cela  leur  est  confirmé  par  les  offrandes  qu'on  va 
leur  faire  pour  avoir  leur  amilié,  et  ils  ne  feignent  pas  de  nous  dire,  lors- 
que nous  nous  plaignons  de  leurs  injustices,  que,  si  nous  quittions  leur 
pays  lorsqu'ils  nous  auraient  crevé  un  œil,  nous  y  retournerions  le  len- 
demain afin  qu'ils  nous  arrachassent  l'autre. 

lisseront  bien  mieux  confirmés  dans  cette  opinion,  si  après  ce  que 
V.  M.  a  lait  dire  au  grand-vézir  par  son  ambassadeur,  ce  que  M.  de 
Lionne  a  dit  à  Soliman-Aga,  et  par  toutes  les  démonstrations  qu'on  a 
faites  de  vouloir  traiter  d'égal  avec  le  Grand-Seigneur,  et  de  ne  se  soucier 
plus  de  leur  commerce  ni  de  leur  amilié  que  quand  on  aura  donné  salis- 
faction  à  V.  RI.  sur  la  justice  qu'elle  lui  demande,  on  leur  jette  à  la  tête 
un  ambassadeur,  une  nouvelle  compagnie  de  marchands  pour  grossir  le 
commerce  du  Levant,  et  une  quantité  de  jeunesse  pour  apprendre  les  lan- 
gues, qui  ne  sauraient  servir  d'interprètes  de  plus  de  vingt  ans  d'aujour- 
d'hui, et  tout  cela  dans  le  même  temps  que  V.  M.  envoie  ses  vaisseaux 
pour  ramener  M.  de  la  Haye,  et  qu'elle  proteste  de  ne  vouloir  plus  tenir 
d'ambassadeur  à  la  Porte;  ce  n'estguèrele  moyen  de  les  en  persuader. 

Il  est  constant  que  le  Grand-Seigneur  aurait  déjà  rompu  avec  nous  sur 
les  griefs  dont  j'ai  parlé,  s'il  avait  pu  se  passer  dé  notre  commerce.  Celui 
des  Vénitiens,  des  Anglais,  des  Hollandais  et  des  Génois  fournit  son  empire 
de  tout  ce  qu'ils  peuvent  désirer,  et  qui  n'est  point  dans  les  états  du  Grand- 
Seigneur,  comme  sont  les  draps  d'or  et  de  laine,  le  papier,  le  plomb, 
l'étain,  et  les  épiceries,  mais  pas  un  ne  leur  porte  de  l'argent  comptant 
que  les  Français,  parce  qu'il  est  plus  propre  à  leur  trafic.  Si  ce  transport 
cessait,  le  Grand-Seigneur  n'aurait  pas  pour  payer  ses  troupes  ;  les  cara- 
vanes de  Perse  n'apporteraient  plus  leurs  soies,  parce  que  les  plus  belles 
ne  se  vendent  que  pour  de  l'argent.  Le  mal  que  l'interdiction  de  ce  trafic 
causerait  mettrait  tout  en  désordre  parmi  la  milice  et  parmi  ses  sujets, 
qui  ne  subsistent  que  de  cela  ;  et  la  crainte  de  quelque  mauvaise  suite  fera 
toujours  que  le  Grand-Seigneur  ne  se  déclarera  contre  V.  M.  qu'à  la 
dernière  extrémité  et  le  plus  tard  qu'il  pourra,  sachant  d'ailleurs  par  le 
secours  qu'elle  donne  contre  lui  que  c'est  le  seul  potentat  du  monde  qu'il 
a  le  plus  à  craindre,  tant  sur  mer  que  sur  terre,  à  cause  du  voisinage, 


160  APPENDICE 

et  par  les  progrès  que  ses  armes  victorieuses  font  tous  les  jours  clans  les 
étals  de  ses  ennemis. 

Cela  supposé,  quelle  nécessité  y  a-t-il,  Sire,  de  s'empresser  pour  aller 
vers  eux,  quand  nous  sommes  assurés  de  pouvoir  utilement  les  faire  venir 
à  nous  par  un  petit  témoignage  d'indifférence?  Il  ne  s'agit  ici  que  de 
l'honneur  de  V.  M.  et  d'un  rétablissement  du  commerce.  Celui-ci  ne  s'en 
est  pas  trouvé  plus  mal  sous  la  conduite  d'un  agent,  lorsque,  après  le 
retour  du  vieux  M.  de  la  Haye.  V.  M.  a  été  quelque  temps  sans  y  envoyer 
un  ambassadeur.  Le  sieur  Roboli,  quoique  marié  à  Constantinople,  et 
dont  les  enfants  sont  écrits  sur  le  rôle  des  sujets  du  Grand-Seigneur, 
obtenait  aisément  et  favorablement  tout  ce  qu'il  demandait  en  faveur  de 
notre  nation.  Les  sujets  de  V.  M.  n'ont  jamais  été  molestés  pendant  qu'il 
faisait  cette  fonction.  Le  Grand-Seigneur  avait  ordonné  à  tous  les  gou- 
verneurs de  ses  provinces  de  caresser  le  Français,  et  tout  cela,  parce 
qu'il  craignait  que  V.  M.  ne  lui  envoyât  plus  d'ambassadeurs,  quoiqu'il 
eût  protesté  au  sieur  Roboli  que  l'insulte  qu'on  avait  faite  à  M.  de  la  Haye 
n'était  qu'à  sa  personne  privée,  et  non  à  celle  de  l'ambassadeur. 

Quant  h.  ce  qui  regarde  l'honneur  et  la  gloire  de  V.  M.,  comme  c'est  à 
votre  ambassadeur  à  qni  on  en  peut  donner  des  atteintes,  il  me  semblerait 
nécessaire  de  ne  point  compromettre  une  personne  qui  doit  représenter 
celle  de  V.  M.  que  toutes  les  difTicultés  ne  soient  éclaircies,  et  qu'elle  n'eût 
reçu  auparavant  une  réparation  générale  de  toutes  les  infractions  qu'on 
a  faites  à  nos  traités  par  un  renouvellement  d'alliance,  par  la  confirmation 
des  anciennes  capitulations  et  par  l'addition  des  articles  que  V.  M.  de- 
mande à  celles  qu'on  doit  faire  avec  le  Grand-Seigneur  régnant,  et  que 
toutes  les  prétentions  ne  fussent  réglées  d'une  manière  h  n'y  plus  mettre 
la  main. 

Ainsi  il  me  semblerait  plus  avantageux,  pour  bien  des  raisons  que  je 
dirai  après,  que  V.  M.  ne  tînt  qu'un  agent  pour  le  commerce  h  la  Porte 
du  Grand-Seigneur,  ou  avec  celle  autre  qualité  qu'elle  jugerait  à  propos 
de  lui  donner,  qui  ne  laisserait  pas  de  faire  tout  ce  qu'un  ambassadeur 
ferait,  jusqu'à  ce  que,  selon  la  disposition  des  affaires,  et  l'air  dont  le 
Grand-Seignenr  et  ses  ministre  s'y  prendraient  pour  satisfaire  aux  pré- 
tentions de  V.  M.,  elle  trouve  bon  de  lui  envoyer  un  ambassadeur,  étant 
persuadé  autant  que  je  le  suis  par  expérience  qu'ils  ne  seraient  pas  long- 
temps sans  lui  crier  miséricorde,  et  que  cette  intermission  leur  donnerait 
cruellement  martel  en  tète. 

Comme  il  ne  s'agirait  plus  directement  des  affaires  de  V.  M.  pendant 
le  séjour  de  cet  agent,  et  qu'on  ne  parlerait  plus  que  de  celles  des  mar- 
chands, le  commerce  y  trouverait  quelque  avantage  que  les  ambassadeurs 
ne  lui  procurent  pas. 

Il  semble  que  la  protection  du  commerce  soit  une  fonction  au-dessous 


APPENDFCK  161 

de  celle  d'un  ambassadeur.  Tous  ceux  qu'on  a  vus  à  la  Porte  n'y  sont 
descendus  qu'avec  bien  de  la  peine  ;  et  quand  la  tyrannie  des  pachas  obli- 
geait le  corps  des  marchands  d'avoir  recours  h  lui  pour  leur  en  faire  faire 
raison,  on  avait  le  chagrin  d'y  faire  bien  de  la  dépense  sans  rien  obtenir 
et,  la  plupart  du  temps,  on  ne  recevait  d'eux,  pour  tout  remède  par  leurs 
réponses,  qu'un  conseil  d'accomoder  les  affaires  sur  les  lieux  du  mieux 
qu'on  le  pourrait,  et  de  ne  point  les  porter  l'i  Constantinople. 

La  dignité  d'ambassadeur  mérite  bien  que  celui  qui  en  est  honoré  la 
fasse  valoir,  qu'il  se  distingue  du  commun  des  gens,  et  que  chacun  ait  du 
respect  pour  son  caractère;  mais  ils  portent  cela  si  haut  que,  sans  consi- 
dérer les  intentions  que  V.  M.  a  pour  un  commerce  qui  est  le  sujet  de 
cette  ambassade,  ou  ils  n'écoutent  point  les  plaintes  des  marchands,  ou 
ils  les  méprisent  à  un  point  qu'ils  n'oseraient  plus  se  montrer,  ou  ils  ne 
se  soucient  guère  de  leur  intérêt,  leur  disant  qu'ils  ne  sont  là  que  pour 
ceux  de  V.  M.,  et  qu'ils  fassent  comme  ils  pourront. 

Un  ambassadeur  sur  ce  pied-là  ne  voudra  pas  se  donner  la  peine  de 
contester  les  intérêts  des  marchands,  ni  les  chicanes  qui  naissent  tous 
les  jours  de  leur  trafic.  Un  agent  le  ferait  mieux,  et  supposé  qu'à  l'égard 
des  Turcs  un  ambassadeur  n'eût  que  les  intérêts  de  V.  M.  à  ménager, 
comment  pourrait-il  traiter  avec  eux  pour  quelque  nouvel  établissement 
du  commerce,  ou  pour  celui  des  Indes  orientales  qu'on  voudrait  faire 
passer  à  Suez  par  la  mer  Rouge,  sans  donner  quelque  impression  au 
Grand-Seigneur  que  V.  M.  a  d'autres  desseins  que  ceux  de  la  guerre,  qui 
est  le  métier  des  rois,  et  celui  que  V.  M.  fait  avec  un  succès  si  glorieux? 

Voilà,  Sire,  une  partie  des  avantages  que  le  commerce  tirerait  des  soins 
d'un  agent,  le  service  de  V.  M.  ne  se  ferait  pas  moins,  et  il  ne  lui  en 
coûterait  pas  tant.  Cet  agent  pourrait  s'entretenir  honnêtement  avec  les 
seize  mille  livres  que  le  commerce  de  Marseille  donne  tous  les  ans  à 
l'ambassadeur,  et  avec  les  émoluments  du  consulat,  en  attendant  que 
V.^,M.  eût  l'occasion  de  récompenser  ses  services  d'ailleurs,  et  que  le 
corps  du  commerce  payerait,  selon  la  coutume,  toutes  les  dépenses  qu'on 
est  obligé  de  faire,  et  sans  lesquelles  on  ne  vient  à  bout  de  rien. 

Il  y  aurait  encore  beaucoup  de  raisons  qui  seraient  plutôt  pour  envoyer 
un  agent  qu'un  ambassadeur,  quand  ce  ne  serait  que  par  la  considération 
de  ne  le  pas  exposer  aux  premiers  mouvements  d'une  nation,  dont  les 
manières  sont  ordinair-'inent  désobligeantes.  Tous  les  commencements 
sont  difficiles,  et  quand  !a  brutalité  des  Turcs  ferait  souffrir  quelque  chose 
à  l'envoyé,  V.  M.  ne  sera  pas  offensée  en  la  personne  d'un  agent,  comme 
elle  le  serait  nécessairement  en  celle  d'un  ambassadeur.  Elle  pourrait  le 
dissimuler,  et  donner  par-là  quelque  chose  à  la  nécessité  des  affaires. 

Supposé  donc  que  V.  M.  fût  dans  le  dessein  de  ne  tenir  qu'un  agent 
à  Gonslantinop'e  jusqu'il  ce  qu'elle  pût  y  envoyer  un  ambassadeur,  il 

T.    II.  Il 


162  APPENDICE 

serait  bon  de  ne  pas  tant  donner  dans  la  qualilé  de  celui  qui  serait  des- 
tiné à  cet  emploi  qu'on  ne  songeât  aussi  ii  choisir  une  personne  qui  eût 
de  l'expérience  dans  le  coiiiiuerce,dans  la  navigation,  el  des  talents  i)ro- 
pres  à  servir  utilement  V.  M.  et  pour  empêcher  les  abus  et  friponneries 
qui  ont  ruiné  nos  alfaires  à  Gonstanlinople  et  dans  toutes  les  échelles  du 

Levant. 

Une  des  principales  causes  de  l'engagement  et  des  méchantes  affaires 
qui  arrivent  au  commerce  est  l'infulélilé  de  quelques  truchemans  du 
pays,  sujets  du  Grand-Seigneur,  desquels  il  faut  nécessairement  se  servir, 
parce  que  rarement  trouve-t-on  des  Français  qui  soient  assez  savants 
dans  les  langues  du  pays  pour  les  préférer  aux  autres.  Les  truchemans, 
qui  sont  sujets  du  Grand-Seigneur,  servent  tant  mal  que  bien  ceux  qui  les 
payent.  Il  sont  toujours  du  côté  des  Turcs,  pour  lesquels  ils  ont  des  com- 
plaisances et  des  souplesses  que  les  Français  n'auraient  pas.  Leurs 
appointements  sont  modiques.  Leur  attachement  à  ceux  qu'ils  servent  est 
faible,  parce  qu'ils  ne  sont  pas  rassurés  d'y  demeurer  toujours.  Il  faut 
pourtant  qu'ils  s'enrichissent  dans  ces  emplois,  et  quand  ils  ne  nous  sus- 
citent pas  de  mauvaises  affaires,  ils  partagent  du  moins  avec  ceux  qui 
font  les  avanies  et  s'accomodent  si  adroitement  qu'il  est  impossible  de 
s'en  défendre,  à  moins  que  d'en  savoir  autant  qu'eux-mêmes.  Ils  sont  tous 
parents  et  alliés  avec  ceux  des  autres  nations.  Ils  se  révèlent  les  secrets 
et  se  maintiennent  tous  les  uns  avec  les  autres  aux  dépens  de  leurs  maî- 
tres. Ils  se  taisent  quand  il  faudrait  parler  dans  les  audiences.  Ils  biaisent 
les  sentiments  des  magistrats,  quand  ils  craignent  de  déplaire  aux  Turcs, 
en  les  rapportant  dans  la  même  force.  Ils  tournent  les  demandes  et  ré- 
ponses comme  il  leur  plaît,  rompant  toutes  les  mesures  qu'on  aurait  ii 
prendre,  lorsqu'elles  ne  tombent  pas  dans  leur  sens.  Enfin,  on  est  mi- 
sérable lorsqu'on  ne  les  entend  pas.  On  a  beau  se  plaindre  de  leurs  vole- 
ries,  leur  intérêt,  leur  lâcheté,  et  la  crainte  du  bâton,  leur  fait  tout  entre- 
prendre, et  l'on  ne  saurait  rien  faire  sans  le  secours  de  leur  ministère. 

Une  autre  cause  de  désordre  provient  de  l'incapacité  de  certaines  per- 
sonnes qu'on  commet  à  radrainislralion  et  à  la  conduite  des  affaires  du 
Levant,  auxquelles  il  laut  être  comme  né,  ou  du  moins  y  avoir  acquis  de 
l'expérience  par  une  longue  résidence,  ou  par  une  grande  application. 
Ils  peuvent  être  très-habiles  gens  d'ailleurs,  mais  quand  il  faut  gouverner 
des  Turcs,  el  faire  jouer  des  ressorts  qui  nous  sont  inconnus  en  France, 
les  plussavants  s'y  trouvent  embarrassés.  On  ne  saurait  bien  vivre  avec  les 
Turcs  qu'on  ne  soit  accoutumé  â  leurs  manières,  qui  sont  surprenantes 
pour  des  nouveaux  venus. 

L'expérience  que  la  personne  proposée  doit  avoir  du  commerce  et  de 
la  navigation  sert  pour  connaître  des  différends,  des  affaires  du  négoce  et 
de  la  marine  entre  les  marchands  et  les  navigants,  pour  leur  rendre  justice, 


APPENDICE  163 

pour  décider  les  questions  qu'il  y  a  parmi  eux  à  tous  uioments,  tous 
les  procès  du  Levant  ne  se  faisant  quasi  que  sur  ces  sortes  de  matières. 
11  est  nécessaire  aussi  que  la  bonne  réputation  de  cette  personne  attire 
à  sa  connaissance  les  affaires  que  les  Turcs  ont  à  déraèlor  avec  nos  mar- 
chands. Ils  se  pourvoient  devant  leurs  juges  naturels  quands  ils  leur  de- 
mandent, et  il  leur  est  avantageux  qu'on  ne  les  assigne  pas  par-devant 
les  cadis  qui  sont  les  juges  des  Turcs,  et  ceux  qui  gagnent  leur  procès 
doivent  donner  dix  pour  cent  du  total  pour  les  épices. 

Un  agent  qui  saurait  parler,  lire  et  écrire  les  langues  du  pays,  et  par- 
ticulièrement la  turque,  serait  d'un  grand  secours  pour  terminer  aisément 
les  affaires,  pour  se  parer  de  la  friponnerie  et  de  l'infidélité  des  truchemans, 
et  pour  servir  utilement  V.  M.  dans  les  affaires  secrètes,  et  qu'on  ne  sau- 
rait leur  confier  sans  être  exposé  à  de  fâcheux  accidents. 

L'avantage  qu'on  retirerait  de  cette  intelligence,  c'est  qu'il  ne  serait 
pas  trompé  par  ses  truchemans  dans  les  audiences,  parce  qu'il  entendrait 
s'ils  rapportent  fidèlement  les  paroles  dans  le  même  sens  et  dans  la  même 
force;  et  quand  la  crainte  du  bûton  les  ferait  gauchir  dans  une  affaire 
d'imporlance,  l'agent  peut  prendre  la  parole  pour  le  redresser  et  parler 
lui-même  ;  que  s'il  n'en  est  pas  besoin,  il  peut  préparer  la  réponse  qu'il 
doit  donner,  tandis  que  la  personne  avec  qui  l'on  traite  fait  expliquer  sa 
proposition. 

Le  langage  acquiert  aisément  l'amitié  des  Turcs;  cette  facilité  de  s'ex- 
primer en  leur  manière  fait  mieux  connaître  les  intentions,  et  attire  une 
certaine  confiance  avec  laquelle  un  agent  peut  éviter  bien  de  méchantes 
affaires. 

Il  peut  traduire  lui-même  les  lettres  que  V.  M.  écrira  au  Grand-Sei- 
gneur, comme  celles  qu'il  lui  enverra  dans  les  occasions,  ou  les  faisant 
faire  par  autrui,  il  connaîtra  si  elles  son  traduites  et  expliquées  selon  le 
sens  et  les  intentions  de  ceux  qui  les  auraient  écrites. 

Ce  serait  aussi  d'une  grande  utilité  que  l'agent  pût  écrire,  en  turc,  lui- 
même  aux  ministres  et  officiers  du  Grand-Seigneur  ce  qu'on  n'oserait 
confier  à  la  fidélité  d'un  trucheraan. 

S'il  y  avait  occasion  de  faire  quelque  nouveau  traité  avec  le  Grand-Sei- 
gneur, l'agent  aurait  lui-même  cette  commodité  d'en  dresser  les  articles 
sur  les  mémoires  et  les  instructions  qui  lui  seraient  envoyés,  et  d'une 
manière  que  les  officiers  du  Grand-Seigneur  n'eussent  qu'à  les  transcrire 
et  les  mettre  dans  leur  style  ordinaire. 

Il  connaîtrait  si  les  commandements  et  les  autres  expéditions  qu'on 
obtient  de  la  Porte  pour  envoyer  aux  échelles  du  Levant  sont  conçues  dans 
les  formes  ;  si  les  qualités  de  V.  M.  y  sont  dans  leur  rang  ;  s'il  n'y  a  point 
de  termes  équivoques  qui  puissent  faire  obstacle  à  leur  exécution,  et  sur- 
lesquels  ceux  à  qui  elles  sont  adressées  sur  les  lieux  puissent  prendre 


164  APPENDICE 

quelque  prétexte  pour  les  éluder  ou  pour  les  rendre  inutiles,  ce  qui  arrive 
fort  souvent;  si  le  fait  dont  il  s'agit  n'y  est  pas  assez  nettement  exprimé 
pour  éviter  les  subtilités  et  les  chicanes  que  les  gens  de  lettres  pourraient 
avoir  quand  ces  dépêches  vont  contre  leurs  intérêts,  et  qui  obligent  sou- 
vent les  consuls  à  abandonner  leurs  prétentions  et  leurs  poursuites  pour 
ne  pas  ajouter  mal  sur  mal. 

Les  langues  peuvent  lui  servir  encore  mieux  pour  caresser  les  Turcs  en 
certaines  occasions,  où  il  faut  leur  donner  à  manger  et  h  boire  pour  en- 
tretenir leur  amitié,  ce  qui  se  fait  aisément  par  les  conversations  qu'on  a 
tête-à-têle  ;  on  est  bien  aise  quelquefois  de  faire  des  confidences  dont  on 
peut  se  prévaloir  pour  réussir  dans  les  affaires. 

Et  si  V.  M.  avait  quelque  chose  à  traiter  en  secret  avec  le  Grand-Sei- 
gneur ou  avec  ses  ministres,  il  n'y  aurait  pas  h  craindre  que  ses  affaires 
fussent  éventées  par  les  truchemans;  l'agent  en  parlerait  lui-même  en 
particulier,  et  il  prendrait  pour  cela  des  mesures  si  justes  que  V.  M.  en 
serait  bien  utilement  servie. 

Ce  fut  pour  toutes  ces  raisons.  Sire,  que  les  états  de  Hollande  choi- 
sirent le  s''  Varner  pour  leur  résidant  à  Gonstantinople.  Il  savait  très-bien 
parler,  lire  et  écrire  les  langues  du  pays.  Il  y  demeura  aussi  fort  long- 
temps, faisant  tout  par  lui-même  avec  un  succès  merveilleux.  Il  n'a  jamais 
rien  demandé  pour  sa  nation  qu'il  n'ait  obtenu.  Les  Français  et  les  An- 
glais avaient  même  recours  à  son  entremise,  lorsqu'il  leur  arrivait  des 
affaires  un  peu  épineuses. 

Une  personne  qui  aura  vu  l'air  dont  il  se  faut  gouverner  au  Levant, 
parmi  cette  diversité  de  nations,  saura  ménager  les  intérêts  de  V.  M. 
parmi  les  Anglais,  les  Hollandais  et  les  autres  nations  confédérées  avec 
la  Porte,  que  la  jalousie  des  préférences  et  le  trafic  rend  toujours  enne- 
mies de  la  nôtre,  quelque  paix  que  nous  ayons  avec  elles.  C'est  un  grand 
bien  pour  tous  quand  la  prudence  des  ministres  et  l'amitié  qu'ils  peuvent 
conserver  entre  eux  les  met  dans  une  union  à  se  soutenir  les  uns  les 
autres,  au  lieu  de  se  détruire  par  des  piques  qui  sont  ordinairement 
entr'eux. 

Puisque  "V.  M.  est  dans  la  résolution  de  ne  pas  rompre  encore  avec 
le  Grand-Seigneur,  il  serait  bon  de  faire  continuer  les  caresses  à  Soli- 
man-Aga  jusqu'à  son  embarquement,  et  de  lui  faire  donner  quelques  pré- 
sents de  draps  et  d'étoffes  qu'il  puisse  mettre  à  son  usage,  pour  lui  faire 
oublier  les  petits  chagrins  qu'il  témoigne  avoir  reçus,  afin  qu'il  fasse  des 
relations  favorables  de  nous  h  la  Porte.  Mais  comme  les  Turcs  n^osent 
pas  i)arler,  tant  parce  qu'ils  craignent  de  témoigner  de  l'estime  pour  les 
ennemis  de  leur  religion,  que  pour  faire  leur  cour  à  leur  maître  sur  sa 
grandeur  et  sur  sa  magnificence,  celui  qui  sera  nommé  pour  aller  h  Cons- 
lantinople  et  qui  portera  la  réponse  du  roi  avec  lui  doit  être  jirésent  à  la 


APPENDICE  165 

première  aiidienre  pour  l'obliger  à  dire  la  vérité,  sinon  qa'il  prît  la  parole 
et  en  fit  lui-même  une  fidèle  relation.  Je  fus  obligé,  à  Tunis,  de  faire  la 
môme  chose  à  l'audience  que  Baba-Ramadan  eut  à  son  retour,  où  le  divan 
étant  assemblé,  il  n'eut  jamais  le  courage  de  desserrer  les  dents,  et  ils 
n'auraient  jamais  su  les  honnêtetés  qu'il  avait  reçues  en  France,  si  je  ne 
les  avait  publiées  moi-même  en  sa  présence. 

Il  ne  me  reste  plus  rien  à  dire  sur  la  qualité  de  l'agent,  ni  sur  le  désa- 
vantage qu'il  y  aurait  d'envoyer  présentement  un  ambassadeur.  Voici  le 
projet,  Sire,  de  ce  que  le  premier  aurait  h  faire,  si  V.  M.  est  dans  le  des- 
sein de  le  préférer  au  second,  pour  un  cependant,  et  il  serait  alors  comme 
son  précurseur  dans  cette  ambassade. 

Après  qu'il  aura  reçu  les  instructions  et  les  ordres  de  V.  M.,  il  s'em- 
barquera avec  Soliman  sur  les  vaisseaux  qu'elle  ordonnera  pour  le  repas- 
ser à  Constantinople.  Cet  agent  sera  accompagné  de  cinq  ou  six  person- 
nes seulement,  tant  officiers  que  valets,  et  pendant  sa  route  il  observera 
les  intentions  de  l'envoyé,  lui  inspirera  de  bons  sentiments,  et  le  prépa- 
rera par  son  instruction  à  ce  qu'il  devra  dire. 

Etant  arrivé  à  Constantinople,  il  ira  à  l'audience  que  le  Grand-Seigneur 
donnera  à  Soliman-Aga,  pour  l'observer  et  pour  faire  ce  que  j'ai  dit  à 
l'article  précédent. 

Il  rendra  à  M.  de  la  Haye  les  dépêches  et  les  ordres  de  V.  M.  pour 
s'embarquer  sur  les  vaisseaux  immédiatement  après  l'audience  dans  la- 
quelle il  prendra  congé  du  Grand-Seigneur  et  de  ses  ministres,  après 
que,  leur  ayant  remis  les  ordres  de  V.  M.,  il  leur  fera  connaître  aussi  ses 
intentions,  de  la  manière  qu'elle  les  lui  aura  prescrites,  et  leur  dira 
qu'elle  ne  se  mêle  plus  de  rien,  que  s'ils  ont  quelque  proposition  à 
faire,  l'agent  la  recevra,  et  lui  donnera  sa  réponse. 

Les  vaisseaux  de  V.  M.  pourront  sortir  du  port  de  Constantinople  et 
s'en  aller  aux  îles  des  Princes  pour  attendre  les  avis  de  l'agent,  sur  la 
disposition  qu'il  verra  h  la  Porte  d'obtenir  quelque  satisfaction  ou  non, 
afin  de  se  résoudre  à  demeurer,  sur  l'espérance  de  régler  les  affaires  par 
l'absence  de  l'ambassadeur,  ou  de  s'embarquer  avec  lui  pour  repasser  en 
France,  et  laisser  le  sieur  Roboli  pour  prendre  soin  des  marchands,  si 
V.  M.  n'aime  mieux,  en  ce  cas,  de  le  faire  retirer,  et  donner  ordre  aux 
consuls  des  échelles  d'en  faire  autant  avec  leurs  marchands  sur  les  navires 
qui  se  trouveront  dans  leurs  ports,  ce  qui  leur  serait  encore  confirmé  par 
les  ordres  du  Grand-Seigneur,  que  l'agent  obtiendrait  de  la  Porte,  par 
lesquels  il  serait  enjoint  aux  pachas  et  à  ses  officiers  de  justice  de  faire 
payer  par  ses  sujets  ce  qui  serait  dû  aux  Français,  et  de  les  laisser  partir 
sans  empêchement.  Cette  démonstration  seule  les  embarrassait  beaucoup, 
pour  les  raisons  que  j'ai  dites  à  V.  M.,  et  les  obligerait  à  nous  satisfaire. 

Que  si  l'agent  connaît  que  le  Grand-Seigneur  soit  dans  le  dessein  de 


166  APPENDICE 

donner  contentement  à  V.  M.,  il  demeurera  à  Constantinople,  laissera 
partir  les  vaisseaux  avec  M.  de  la  Haye,  et,  en  faisant  les  fonctions  de 
l'ambassadeur,  il  s'appliquera  à  exécuter  ce  qui  sera  porté  par  les  ins- 
tructions et  les  ordres  qu'il  aura  de  V.  M.,  et  à  veiller  sur  toutes  les 
choses  qui  regarderont  le  bien  des  marchands  et  de  leur  commerce,  tout 
de  même  que  les  consuls  font  dans  leurs  ressorts  particuliers. 

Il  prendra  le  temps  et  l'occasion  de  faire  connaître  aux  ministres  du 
Grand-Seigneur  que  V.  M.  n'enverra  point  d'ambassadeur  à  la  Porte,  qu'au 
préalable  les  capitulations  ne  soient  renouvelées,  et  qu'on  ait  accordé  les 
articles  qu'elle  désire  d'y  faire  insérer  ;  et  au  cas  qu'il  les  voie  dans  la 
disposition  de  traiter,  l'agent  dressera  des  mémoires  sur  lesquels  il  rai- 
sonnera, et  tiendra  les  choses  signées  et  accordées  dans  un  état  que,  si 
elles  ne  peuvent  pas  se  conclure  d'abord,  on  puisse  le  faire  immédiate- 
ment après  l'arrivé  du  nouvel  ambassadeur,  si  tant  est  que  ce  soit  avce 
lui  qu'on  veuille  absolument  les  renouveler;  et  si  le  Grand-Seigneur  ne 
veut  pas  différer  la  satisfaction  de  V.  M.,  l'agent  accordera  et  réglera  les 
articles  d'une  manière  qu'on  n'ait  plus  que  la  peine  de  les  faire  exécuter. 

Immédiatement  après  le  renouvellement  des  capitulations,  l'agent  don- 
nera les  avis  à  V.  M.  de  tout  ce  qui  se  passera  pour  ces  affaires,  sur 
lesquels  elle  enverra  un  ambassadeur  tel  qu'elle  l'aura  jugé  propre  pour 
remplir  dignement  cette  fonction,  qui  passera  à  Constantinople  sur  telle 
quantité  de  vaisseaux  qu'il  plaira  à  V.  M.  de  lui  donner.  L'agent  lui  aura 
déjà  envoyé  les  passeports  du  Grand-Seigneur,  et  aura  préparé  sa  maison 
et  l'esprit  des  ministres  de  la  Porte  pour  le  recevoir  avec  toutes  les  céré- 
monies nécessaires  à  la  réparation  du  mépris  qu'il  ont  eu  pour  ses  pré- 
décesseurs; et  il  serait  beaucoup  mieux  comme  cela  que  de  l'exposer  h 
la  risée  de  toutes  les  autres  nations,  si,  après  être  venu  de  but-en-blanc 
pour  traiter,  et  avoir  fait  bien  des  présents  et  des  dépenses,  à  son  entrée 
et  pour  son  établissement,  il  se  voyait  obligé  de  s'en  retourner  sans 
rien  faire ,  ou  de  demeurer  avec  cette  mortification  de  commettre  le 
ressentiment  de  V.  M.  dans  un  temps  où  on  songera  peut-être  à  d'autres 
affaires. 

Ensuite  l'agent  ayant  donné  tous  ses  avis  et  tous  ses  mémoires  à  l'am- 
bassadeur qui  aura  déjà,  été  établi,  il  prendra  plusieurs  copies  des  nou- 
velles capitulations,  avec  les  commandements  du  Grand-Seigneur  qui 
seront  nécessaires  pour  les  faire  exécuter,  s'embarquera  sur  un  des  vais- 
seaux de  V.  M.  avec  ses  gens,  et  s'en  ira  avec  lui  h  toutes  les  échelles 
du  Levant  pour  les  établir,  et  pour  mettre  les  affaires  dans  un  état  qui 
puisse  couper  court  à  toutes  les  injustices  et  aux  avanies  qu'on  y  a  faites; 
prendra  des  mémoires  pour  la  liquidation  des  dettes  de  la  nation,  réglera 
avec  les  consuls  les  échanges  et  les  usures  qu'elle  payait  aux  sujets  du 
Grand-Seigneur,  s'instruira  de  tout  ce  qui  se  passe  sur  les  lieux  et  de 


APPENDICE  167 

tout  ce  qu'il  y  aurait  h  faire  pour  réparer  les  abus,  les  malversations,  et 
toutes  les  autres  clioses  qui  sont  au  prc^judice  et  h  la  destruction  du  com- 
merce; l'agent  commencera  par  Smyrne,  Napoli  de  Romanie,  Candie, 
Satalie,  puis  ira  h  Chypre,  à  Alep,  à  Tripoli  de  Syrie,  à  Béirout,  à  Seïde 
et  leurs  dépendances  ;  et  s'élant  arrêté  quelque  temps  en  Egypte  pour  y 
établir  ces  nouveaux  traités  et  les  ordres  du  Grand-Seigneur  (ce  qui  est 
un  peu  plus  mal  aisé  qu'ailleurs),  il  traitera  avec  le  pacha  et  avec  les  san- 
djacs,  qui  sont  les  princes  naturels  du  pays,  pour  le  commerce  de  la  mer 
lîouge.  Ensuite  de  quoi,  il  repassera  en  France  pour  rendre  compte  k 
V.  M.  etk  ses  ministres  de  ce  qu'il  aura  fait  pendant  une  ou  deux  années 
tout  au  |)lus  qu'il  pourrait  mettre  à  faire  ce  voyage. 

Voilà,  Sire,  ce  que  je  puis  représenter  à  V.  M.  des  choses  que  l'expé- 
rience peut  râ'avoir  apprises.  Elle  ordonnera  ce  qui  sera  plus  convenable 
à  sa  gloire,  au  bien  de  ses  sujets  et  à  celui  de  leur  commerce.  J'ai  obéi 
k  ses  ordres,  et  toutes  les  propositions  que  j'ai  pris  la  liberté  de  lui  faire 
ne  sont  que  sauf  son  meilleur  avis,  et  les  autres  lumières  que  V.  M. 
])Ourrait  avoir  de  quelque  personne  i)lus  éclairée  que  moi.  Je  supplie  bien 
humblement  V.  M.  d'être  persuadée  que  je  n'ai  rien  rais  dans  ce  mémoire 
qui  ne  soit  véritable,  et  je  voudrais  de  tout  mon  cœur  pouvoir  contribuer 
de  tout  ce  qui  dépend  de  moi  pour  en  voir  un  succès  aussi  heureux  que 
V.  M.  le  peut  désirer. 

IX.  —  Lettre  dn  ministre  des  affaires  étrangères  au  grand-vézir,  en 
date  de  Fontainebleau  le  IG  août  1691  (lO  rébiul-akliir  1082). 

Au  très-illustre  et  magnifique  seigneur,  le  premier  visir  de  l'Excelse 
Porte  du  Grand-Seigneur. 

Très-illustre  et  magnifique  seigneur,  le  glorieux  empereur,  mon  maître, 
n'étant  pas  satisfait  des  traitements  qui  ont  été  faits  à  la  Porte  à  M.  do 
Nointel,  son  ambassadeur,  lesquels  se  sont  trouvés  bien  contraires  aux 
paroles  qu'avait  donné  Soliman-Aga,  mutéferrika  ;  Sa  Majesté  donne 
ordre  maintenant  à  son  ambassadeur  de  s'embarquer  avec  tous  ses 
domestiques  sur  le  vaisseau  qu'elle  lui  envoie  pour  le  transporter  en 
France  sans  délai.  Elle  m'a  commandé  de  faire  savoir  sa  résolution  h 
Votre  Excellence  par  cette  lettre,  qui  lui  sera  présentée  par  le  sieur 
d'Arvieux,  que  je  lui  dépêche  exprès,  et  auquel  Votre  Excellence  pourra 
donner  toute  créance  sur  les  motifs  de  la  résolution  de  Sa  Majesté  impé- 
riale. 

Cependant,  je  prie  Dieu,  très-illustre,  très-excellent  et  très-magnifique 
seigneur,  qu'il  flugraente  votre  gloire  avec  fin  irès-heureuse. 


168  AP^E^DICE 

X.  —  Lettre  de  l'amliassadenr  de  IVointel  nu  r|rand-vézir,  en  date 
des  premiers  jours  de  mars  iG'iZ  (  eoninieneenient  de  zilcadé 
1083). 

Très-illustre  et  très-excellent  seigneur,  le  gentilliorame  que  le  très- 
puissant  empereur  de  France,  mon  maître,  m'a  envoyé  avec  ses  ordres 
exprès,  étant  arrivé  ici  avec  un  vaisseau,  après  un  long  voyage,  me  donne 
lieu  d'écrire  à  Votre  Excellence  pour  l'en  avertir,  et  lui  dire  que  je  suis 
tout  prêt  à  partir  pour  me  rendre  au  premier  jour  à  la  Sublime-Porte, 
pour  y  amener  avec  moi  ce  gentilhomme,  qui  aune  lettre  à  lui  rendre  de 
la  part  de  Son  Excellence  le  ministre  et  secrétaire  d'État  de  Sa  Majesté. 
J'attends  avec  impatience  la  réponse  de  Votre  Excellence  ,  désirant  avec 
une  passion  extrême  qu'elle  me  donne  occasion  de  contribuer  h  la  con- 
servation de  l'ancienne  amitié,  et  de  demeurer  ici  pour  être  le  témoin  des 
faveurs  et  de  la  justice  que  ses  sujets  et  les  marchands  français  recevront 
de  sa  puissante  protection  et  de  sa  grande  prudence. 

C'est  tout  ce  que  j'ai  à  lui  représenter  ;  je  la  supplie  aussi  de  donner 
créance  à  ce  que  la  Fontaine,  mon  drogman,  lui  dira  de  ma  part. 

Je  finis,  en  l'assurant  que  je  suis  avec  une  affection,  etc. 

XI.  —   Lettre  du  grand-vézir   à  l'ambassadeur  de  IVointel.  en  date 

d'Andrinople  mi-mai  167  3  (nii-nioliarreni  1083). 

Toi,  qui  es  l'ambassadeur  de  l'empereur  de  France,  résidant  à  la  Su- 
blime-Porte ottomane,  tu  sauras  qu'ayant  vu  par  ta  lettre  que  tu  veux 
venir  en  ces  quai  tiers,  vu  la  présente,  tu  ne  manqueras  de  partir  et  de 
t'y  rendre  au  plutôt  :  c'est  ce  que  j'ai  à  te  dire. 

XII.  —  Lettre  de  l'ambassadeur  de  Xointei  au  grand-vézir,  en  date 

du  IG  juin   167 S  (19  sàfer  1083). 

Très-illustre  et  très-excellent  seigneur,  je  n'ai  pas  trouvé  chez  le  caï- 
rnacani  les  ordres  de  Votre  JExcellence  pour  donner  les  expéditions  néces- 
saires et  convenables  au  vaisseau  de  guerre  de  l'empereur,  mon  maître, 
non  plus  qu'aux  vaisseaux  marchands,  comme  Panayotti  l'avait  promis  à 
mon  drogman  de  la  part  de  Votre  Excellence.  Ainsi,  voulant  éviter  que  la 
dignité  de  mon  maître  ne  soit  pins  aussi  méprisée  qu'elle  a  été  en  plu- 
sieurs choses  à  Andrinople.  et  que  Votre  Excellence  ignore  peut-être,  j'ai 
prié  le  seigneur  caïmacara  de  lui  dépêcher  un  courrier,  et  de  lui  dire  les 
choses  dont  je  l'ai  entretenu.  Je  n'ai  pas  voulu  manquer  de  lui  envoyer 
un  de  mes  janissaires  afin  que  cette  lettre  vous  fùl  rendue  plus  sûrement. 


APPENDICE  169 

pour  l'avenir  que  j'ai  encore  reçu  de  nouveaux  ordres  de  me  retirer 
depuis  mon  iirrivée  en  cette  ville.  Ainsi,  ne  voyant  rexécution  de  sa  pro- 
messe, ni  de  réponse  à  cette  lettre  qui  m'oblige  à  rester,  je  ne  puis  faire 
aulreuKînl  que  d'obéir  aux  ordres  de  mon  souverain,  ma  tète  en  répon- 
drait. 

Après  avoir  tenté  tous  les  moyens  pour  entretenir  une  amitié  do  près 
de  six  siècles,  et  n'y  avoir  point  trouvé  de  correspondance,  je  me  vois 
conlraint  de  me  retirer  de  quelque  manière  que  ce  soit. 

Je  lente  encore  ce  dernier  moyen  pour  ne  manquer  à  rien,  et  pour  faire 
voira  Votre  Excellence,  etc. 

XIII.  —  I^i'ltre  do  Molianinicd  IV  à  Louis  XIV,  en  date  d'Vndrinople 
mi-juin  I(>9»  (iin-sàfer  1084). 

• 

Au  plus  glorieux  des  princes  mnjeslueux  de  la  croyance  de  Jésus,  élu 
entre  les  grands,  magnifiques,  honorés  dans  la  nation  chrétienne,  pour 
être  l'arbitre  des  peuples  nazaréens,  notre  ami  l'empereur  de  France, 
Louis.  Dieu  veuille  prospérer  ses  desseins  et  diriger  ses  pas  dans  les  sen- 
tiers de  l'équité! 

Gloire  des  princes  majestueux  de  la  croyance  de  Jésus,  élu  entre  les 
grands,  magnifiques,  honorés  dans  la  religion  chrétienne  pour  être  l'arbi- 
tre de  la  communauté  du  peuple  nazaréen  ;  dépositaire  de  la  gravité, 
de  l'éminence  et  ne  la  douceur;  possesseur  du  chemin  qui  conduit  à 
l'h.onneur  et  à  la  gloire,  notre  ami,  l'empereur  de  France,  Louis.  Que 
Dieu  veuille  le  combler  de  bonheur  et  de  droiture  jusqu'à  la  fin  de  ses 
jours  et  lui  faciliter  les  sentiers  du  mérite  et  de  la  justice  ! 

Cette  lettre  haute  et  impériale  étant  arrivée  à  la  présence  de  V.  M., 
elle  saura  que  Charles-François-Olier,  marquis  de  Nointel,  qui  représente 
la  force  des  princes  de  la  nation  chrétienne,  et  l'appui  des  grands  de  la 
religion  de  Jésus,  (Dieu  veuille  prospérer  ses  desseins),  que  vous  avez 
envoyé  pour  résider  h  notre  sublime  et  inébranlable  Porle  (laquelle, 
par  la  grâce  infinie  du  créateur  glorifié,  et  par  l'assistance  favorable  du 
seigneur  victorieux  est  le  refuge  des  empereurs  du  siècle,  et  l'asile  des 
rois  de  ces  temps),  nous  a  rendu  votre  lettre,  et  le  contenu  d'icelle  ayant 
été  expliqué  au  pied  de  notre  trône  impérial,  possesseur  du  monde,  par 
l'entremise  de  nos  magnifiques  visirs  et  de  nos  honorables  ministres,  il 
nous  a  été  exposé  que,  depuis  un  très-long  temps  jusqu'à  ces  jours  bien- 
heureux, les  empereurs  de  France,  vos  ancêtres,  ont  entretenu  une  sin- 
cère, cordiale  et  parfaite  union  avec  la  fortunée,  illustre,  héroïque,  et 
triomphante  famille  des  Oîlomans^  et  que,  désirant  affermir  cette  bonne 
intelligence  contre  toute  sorte  de  changement  et  d'altération,  vous  de- 
mandiez que  les  traités  inipériaux  qui  avaient  été  accordés  par  nos  su- 


170  APPENDICE 

prèiues  aïeux,  de  glorieuse  mémoire,  fussent  renouvelés,  et  que,  pour  le 
bien  des  trafiquants,  on  y  ajoulât  certains  articles.  Nous  aussi,  faisant 
considération  sur  la  prière  qui  nous  a  été  faite,  et  voulant  conlribuer 
de  notre  part  h  celle  union  et  h  celle  amitié,  les  témoignages  nécessaires 
de  notre  immense  générosité  impériale,  sur  toutes  les  choses  que  vous  en 
espérez,  et  V.  M,  ayant  trouvé  dans  l'inclination  bienfaisante  de  Notre 
Hautesse  impériale,  abondante  en  lumières,  tout  l'agrément  et  toute  la 
disposition  qu'elle  pouvait  désirer  pour  cela,  les  anciennes  capitulations  ont 
été  renouvelées,  et  les  nouveaux  articles  y  sont  ajoutés.  Il  est  nécessaire 
aussi  que,  de  votre  pari,  ces  pactes  et  ces  accords,  qui  sont  les  fondements 
de  la  paix,  soient  observés,  et  exécutés  avec  tant  de  soin,  de  ponctualité  et 
de  diligence  que  la  tranquilité  et  les  avantages  que  les  étals  et  les  peuples 
en  recevront  puissent  être  augmentés  de  jour  en  jour.  Que  les  mar- 
chands et  les  autres  sujets  de  l'une  et  de  l'autre  part  allant  en  bon  ordre, 
avec  plaisir  et  en  toute  sûreté  par  terre  et  par  mer,  sous  la  bonne  foi  de 
nos  traités  impériaux,  soient  soigneux  d'éviter  les  désordres  dans  nos 
porls  et  passages,  et  toutes  les  autres  choses  qui  pourraient  y  contrevenir 
de  telle  sorte  que  les  marchands  et  les  navigateurs  puissent  ressentir  les 
effets  de  la  paix  et  de  l'amilié  qui  est  entre  nous. 
Écrit  vers  le  milieu  de  la  lune  de  sâfer,  etc. 

XIV.  —  Lettre  du  grand-vczîr  à  Louis  XIV,   eu  date  d'AudrinopIe 
mi-juiu  16^(3  (flu  sàfer  1084). 

Au  plus  glorieux  des  princes  majestueux  de  la  croyance  de  Jésus,  élu 
entre  les  grands,  magnifiques  de  la  nation  chrétienne  pour  être  le  média- 
teur entre  les  peuples  nazaréens,  l'empereur  de  France,  notre  ami,  Louis- 
le-Grand.  Dieu  veuille  prospérer  ses  desseins  et  diriger  ses  pas  dans  les 
sentiers  de  la  droiture! 

Gloire  des  princes  majestueux  de  la  croyance  de  Jésus,  élu  entre  les 
grands,  magnifiques,  honorés  dans  la  religion  chrétienne  pour  être  l'ar- 
•  bilre  et  le  médiateur  dans  la  communauté  du  peuple  nazaréen;  dépositaire 
de  la  gravité,  de  l'érainence  et  de  la  douceur  ;  possesseur  du  chemin  qui 
conduit  h  l'honnenr  et  à  la  gloire,  notre  ami,  l'empereur  de  France, 
Louis-le-Grand,  que  Dieu  veuille  combler  de  bonheur  et  de  droiture  jus- 
qu'à la  fin  de  ses  jours,  et  lui  faciliter  les  sentiers  du  mérite  et  de  la 
justice  ! 

Après  avoir  salué  V.  M.  avec  une  effusion  pure  et  sincère  et  l'avoir 
assurée  d'une  intégrité  de  correspondance  digne  de  la  véritable  amitié. 
elle  saura  que  le  très-puissant  et  invincible  empereur, le  Grand-Seigneur 
mon  maître  (asile  du  monde,  rois  des  rois,  image  d'Alexandre,  recours 
des  potentats  de  ce  temps,  refuge  des  rois  du  siècle,   dont  la  gloire,  la 


APPENDICE  171 

force  incomparable  et  les  victoires  soient  augmentées),  a  reçu  la  lettre  que 
vous  avez  envoyée  h  sa  haute,  sui)Iime,  heureuse,  i)uissantc  et  impériale 
Porte  par  le  marquis  de  Nointel,  modèle  et  appui  des  grands  de  la  religion 
de  Jésus-Christ,  que  vous  avez  envoyé  pour  y  résider;  lequel  m'a  rendu 
aussi  celle  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  dans  des  termes  si 
honnêtes  et  si  obligeants  qu'ils  me  font  connaître  que  vous  me  considérez 
comme  un  parfait  ami. 

La  susdite  lettre  ayant  été  traduite,  selon  l'usage  ordinaire,  et  le  sens 
qui  en  a  été  expose  au  pied  du  trône  impérial  lui  ayant  fait  entendre  que, 
pour  entretenir  la  paix  et  l'alliance  qui  est  établie  depuis  longtemps  jus- 
qu'à félicité  de  son  règne,  vous  désiriez  que  les  traités  et  les  accords  im- 
périaux fussent  renouvelés,  et  qu'on  y  ajoutât  quelques  articles  pour  l'a- 
vantage des  trafiquants;  et  voulant  leur  donner  quelque  marque  de  sa 
libéralité  et  d'une  inclination  bienfaisante,  digne  de  sa  magnificence  im- 
périale, il  a  accordé  <i  leur  prière  tout  ce  qui  lui  avait  été  demandé 
de  votre  part,  tant  à  votre  considération  qu'à  celle  de  vos  peuples,  en  re- 
nouvelant les  capitulations  de  la  manière  qne  vous  l'avez  souhaité,  avec 
une  lettre  pleine  d'amitié  pour  réponse  k  celle  que  vous  lui  avez  écrite,  par 
laquelle  vous  verrez  que  ses  intentions  royales  n'ont  point  d'autre  but  que 
de  vous  marquer  la  pure,  sincère  et  parfaite  amitié  qu'il  a  pour  V.  M.  ;  et 
comme  cette  paix  n'est  contractée  que  pour  la  tranquillité  des  états,  et  pour 
la  commodité  et  prospérité  des  peuples,  il  est  besoin  aussi  de  contribuer 
de  votre  part  tout  ce  qui  sera  nécessaire  afin  qu'elle  soit  soigneusement 
observée  et  exécutée,  et  que  les  marchands  et  autres  vos  sujets  jouissent 
sur  mer  et  sur  terre  de  la  sûreté,  de  la  bonne  foi,  du  repos  et  des  caresses 
qu'ils  doivent  attendre  d'un  traitement,  qui  puisse  correspondre  k  l'amitié 
qui  est  entre  nous. 

Le  sulut  soit  sur  celui  qui  est  dans  la  bonne  voie  ! 


XV.  —  Lettre  dn  comte  Desallcurs  (*)  à  Ahnied-paclia  {**),  en  date 
de  Paris  le  33  décembre  194<i  (9  zilhidjé  1159). 

M.  le  marquis  d'Argenson  m'ordonne  expressément  de  vous  écrire 

(*)  Le  comte  Roland  Desalleurs,  qui  servait  sous  les  ordres  du  marquis  d'Argensoa 
(ministre  des  afl'aircs  étrangères),  fut  nommé,  en  17^8,  ambassadeur  à  Gonstantinople, 
en  remplacement  de  M.  de  Castellane. 

(**)  Issu  d'une  famille  du  Limousin,  le  comte  (Claude-Alexandre)  de  Bonneval  avait 
d'abord  servi  la  France,  dans  la  marine  et  dans  l'armée  de  terre,  fut  disgracié  par  le 
ministre  de  la  guerre  Chamillard,  entra  après  au  service  de  l'Autriche,  dut  quitter  ce 
service  pour  avoir  insulté  le  prince  Eugène,  se  réfugia  enfin  à  Constantinople,  y  em- 
brassa l'islamisme  sous  le  nom  d'Ahmed,  et  fut  nommé  pac/ia  à  deux  queues.  Il  mou- 
rut, en  17/i7,  au  moment  où  il  se  disposait  à  s'éloigner  secrètement  de  Constantinople 
pour  rentrer  en  France. 


172  APPENDICE 

qu'il  est  essentiel  pour  la  France  que  vous  déterminiez  les  Turcs  à  faire 
une  diversion  en  Hongrie  ;  il  n'est  pas  de  leur  intérêt  que  la  reine  de 
Hongrie  reste  la  maîtresse  de  toute  l'Italie.  Il  est  dangereux  que  cela 
n'arrive,  si  elle  n'est  forcée  d'en  détourner  ses  troupes  pour  les  porter  h 
la  défense  de  ses  propres  états  ;  elles  ont  passé  le  Var  et  sont  actuelle- 
ment en  Provence.  Le  roi  a  fait  assembler  une  armée  à  Lyon,  qui  pourra 
faire  repentir  ses  ennemis;  cependant  S.  M.  serait  à  la  fin  forcée  de 
souscrire  une  paix  qui,  en  laissant  h  l'Autriche  ses  anciens  traités,  avec 
beaucoup  de  tioupes  aguerries,  la  laisserait  aussi  plus  formidable  aux 
Turcs;  leur  intérêt  exige  donc  qu'ils  s'arment  dans  l'occurrence  présente 
•  pour  concourir,  par  eux-mêmes,  à  la  diminution  de  cette  puissance;  le 
refus  de  leur  médiation  est  un  prétexte  raisonnable,  et  le  danger  de 
l'avenir  une  raison  qui  ne  leur  permet  pas  de  balancer.  Si  à  ces  raisons 
il  fallait  ajouter  des  présents,  j'ai  ordres  de  vous  dire  que  vous  pouvez 
promettre,  et  que  l'on  tiendra  vos  engagements;  il  faudra  cependant 
ne  pas  promettre  des  sommes  excessives,  et  se  réduire  à  cent  mille  écus, 
et  moins,  si  vous  le  pouviez,  et  h  la  condition  qu'ils  ne  seraient  remis 
que  lorsque  la  guerre  sera  commencée.  Vous  aurez  la  bonté  d'en  commu- 
niquer avec  M.  de  Gaslellane,  et  de  prendre  avec  lui  les  engagements  qui 
vous  paraîtront  convenables;  il  recevra  des  instructions  à  ce  sujet,  mais 
mon  cher  pacha,  j'ai  ordre  de  vous  présenter  un  motif  qui  vous  sera  bien 
cher  ;  le  roi  se  déterminerait  à  reconnaître  un  pareil  service,  et  si,  après 
l'avoir  rendu,  vous  vouliez  venir  dans  votre  patrie^,  et  vous  jeter  entre 
les  bras  d'un  maître,  auquel  votre  cœur  est  si  attaché,  vous  seriez  reçu 
non-seulement  avec  bonté,  mais  encore  de  façon  à  vous  faire  passer  vos 
jours  avec  distinction  et  avec  une  entière  aisance.  Je  suis  bien  flatté  de 
pouvoir  vous  porter  une  parole  si  conforme  à  vos  désirs.  Les  circonstan- 
ces ne  permettent  pas  en  ce  moment  de  faire  un  traité,  mais  vous  n'igno- 
rez pas  que,  quand  même  le  roi  ferait  sa  paix  avant  les  Turcs,  il  lui 
resterait  assez  de  moyens  pour  empêcher  quils  ne  souffrissent  d'avoir 
pris  son  parti.  Au  reste,  je  vous  répète  que  M.  de  Castellane  doit  avoir 
reçu  des  ordres  relatifs  à  ma  lettre,  et  qu'en  lui  communiquant  ce  que  je 
vous  écris  il  vous  le  confirmera  de  la  part  du  roi. 

Lo  cher  comte  a  passé  ici;  Dieu  sait  combien  nous  avons  parlé  de 
vous  et  de  votre  ami.  Je  vous  assure  de  mes  respects  et  je  salue  très- 
huml)lement  notre  ami. 

XVI.  —  n^'pêolic  fie  l'ambassadeur  de  Castellane  an  ministre  des 
affaires  «:'lrangères  (Puysîcux),  en  date  <lu  23  mars  l'S4'ï  (H  ré- 
biul-éwcl  fltOO). 

Depuis  la  lettre,  monsieur,  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire  le 
27  du  mois  passé,  par  la  voie  de  Venise,  j'ai  reçu  les  duplicata  des  trois 


APPENDICE  173 

dépêches  dont  vous  m'avez  honoré  les  30  novembre,  9  et  26  décembre 
passé,  avec  la  lettre  particulière  ([ue  vous  m'avez  adressée  pour  l'iiomme 
en  question;  c'est  M.  le  comte  de  Montaigu,  qui  me  les  a  fait  parvenir 
avec  la  lettre  du  1"  février,  arrivée  le  20  de  ce  mois.  Je  présiui/o  que  les 
originaux  sont  sur  un  des  deux  bâtiments  que  nous  attendons  ici  depuis 
longtemps.  Je  vais,  monsieur,  avoir  l'honneur  de  répondre  aux  réflexions 
que  les  dépêches  renferment,  en  vous  informant  de  deux  événements  qui 
vous  frapperaient  sans  doute  davantage,  si  mes  précédentes  relations  ne 
vous  avaient  déjà  convaincu  que  les  personnes  sur  qui  vous  faisiez  ici 
le  plus  de  fond  n'étaient  pas  à  beaucoup  près  aussi  essentielles  au  succès 
de  nos  vues  qu'on  peut  avoir  lâché  de  vous  le  persuader.  Je  parle  de 
Saïd-Éffendi  et  du  comte  de  Bonneval.  Le  premier  a  été  déposé  de  la 
charge  de  Kiaya,  qui  a  été  donnée  au  Tschaouch-Baclii,  et  le  second  est 
tombé  dans  une  léthargie  mortelle  ,  qu'on  attribue  h  une  goutte  re- 
montée. Je  savais  depuis  quelque  temps  que  le  grand-vézir  travaillait  à 
éloigner  Saïd-Éffendi  de  Consiantinople.  C'est  le  15  de  ce  mois  qu'il  a 
été  déposé.  Il  a  regardé  comme  une  grâce  qu'on  ne  lui  ait  pas  donné  les 
trois  queues  pour  l'envoyer  dans  quelque  mauvais  pachalik,  oii  il  aurait 
bientôt  dépensé  ce  qu'il  a  épargné  dans  le  peu  de  temps  qu'il  a  exercé  la 
charge  de  Kiaya.  II  est  rentré  dans  l'emploi  qu'il  avait  eu  auparavant  au 
bureau  des  finances.  Gomme  il  reste  à  Constantinople,  il  ne  serait  pas 
impossible  qu'il  s'élevât  de  nouveau  par  des  intrigues  h  quelque  poste 
plus  important.  Ainsi,  je  crois  de  mon  devoir,  monsieur,  de  v^ous  dire 
ce  que  j'en  pense. 

Je  vous  ai  marqué,  monsieur,  dans  ma  lettre  du  12  septembre,  qu'k 
l'audience  du  29  août,  qui  m'a  été  donnée  à  la  campagne,  Said-Éfïendi  n(! 
pouvait  s'y  trouver;  il  était  obligé  de  rester  à  la  Porte  pour  suppléer  <i 
l'absence  du  grand-vézir,  ce  qui,  ajoutai-je,  l'a  rais  fort  à  son  aise;  car 
la  composition  de  sa  contenance  n'aurait  pas  été  pour  lui  un  petit  em- 
barras; dans  cette  occasion,  je  tombai  dans  le  cas  d'une  amphibologie,  qui 
n'est  que  trop  fréquente  dans  notre  langue,  et  qui  vous  a  donné  lieu  de 
penser  que  je  voulais  parler  du  grand-vézir,  quoique  ces  dernières 
paroles  fussent  relatives  à  Saïd-Éffendi.  C'est  de  lui  que  je  voulais  dire 
qu'il  avait  été  charmé  de  ne  passe  trouver  à  cette  conférence,  parce  que, 
connaissant  son  caractère  timide,  indécis,  peu  obligeant,  et  uniquement 
occupé  de  lui-même  et  de  sa  fortune,  et  ayant  été  témoin  que,  lorsqu'il 
fut  nommé  ambassadeur  en  France,  il  affecta  devant  le  grand-vézir  de  se 
faire  interpréter  ce  que  je  lui  disais,  de  peur  qu'on  ne  le  soupçonnât  de 
savoir  le  français,  et  de  ne  pas  passer  pour  aussi  infidèle  que  ceux  dont 
il  parlait  la  langue;  je  ne  doutais  pas  qu'il  n'eût  été  embarrassé  h  com- 
poser sa  contenance  dans  un  entretien,  où  il  aurait  rougi  de  se  montrer 
zélé  ou  ingrat  envers  la  France  :  l'un  étant  aussi  périlleux  dans  sa  façon 


i7Z,  APPENDICE 

de  penser  que  l'autre  Otait  déslionnête.  Comme  vous  paraissez  surpris, 
monsieur,  que  l'on  puisse  former  le  moindre  doute  sur  la  reconnaissance 
de  Saïd-Éffendi  envers  la  France,  je  dois  vous  informer  à  ce  sujet  de 
quelques  anecdotes.  La  première,  que  Saïd-Élfendi,  après  avoir  consumé 
à  Paris,  par  des  fantaisies  et  ses  caprices,  les  bienfaits  du  roi,  prévoyant 
qu'il  retournerait  aussi  pauvre  qu'il  était  venu,  imagina  la  ressource  d'une 
donative  considérable  qui  lui  était  promise,  s'il  procurait  à  un  quidam 
l'emploi  de  fermier  général.  Le  refus  de  cette  grâce  est  le  premier  sujet 
de  sa  rancune,  Le  second  a  été  l'économie  dont  on  usa  avec  lui  à  Marseille 
ou,  suivant  lui,  la  chambre  ne  lui  donna  pas  aussi  abondamment  qu'il 
aurait  souhaité.  Rien  de  plus  injuste  que  cette  façon  de  penser  ;  il  en  a 
été  cependant  capable,  apparemment  par  le  vif  sentiment  de  sou  indi- 
gence, qui  était  telle  qu'il  ne  rapporta  de  son  ambassade  que  des  colifi- 
chets et  huit  mille  piastres  d'argent  comptant.  Il  avait  outre  cela  un  beau 
diamant,  dont  le  roi  lui  avait  fait  présent;  mais  il  lui  fut  enlevé  par  le  Kis- 
lar-Aga.  A  la  suite  de  cette  conférence  que  ce  premier  eunuque  eut  dans 
le  sérail  avec  le  sieur  de  Laria,  ce  drogman,en  relevant  dans  la  meilleure 
intention  du  monde  la  générosité  dont  on  avait  usé  envers  Saïd-Effendi,  fut 
la  cause  innocente  qu'on  acheva  de  le  dépouiller.  C'est  le  troisième  sujet 
de  la  rancune.  Ces  faits  m'ont  été  successivement  assurés  par  les  per- 
sonnes qui  avaient  le  plus  de  droit  h  sa  confiance,  et  le  dernier  entre 
autres  a  été  confirmé  par  M.  le  comte  de  Bonneval  lui-même;  en  sorte 
que,  bien  loin  de  le  regarder  comme  notre  ami,  vous  pouvez,  au  contraire, 
être  persuadé  qu'il  a  oublié  tout  ce  que  la  France  a  fait  pour  lui,  et  qu'il 
est  de  plus  ulcéré  contre  nous,  nonobstant  toutes  les  attentions  que  j'ai 
eues  pour  lui  depuis  son  retour  de  France.  Aussi,  monsieur,  bien  loin 
de  me  réjouir  de  sa  nomination  au  poste  de  Kiaya,  je  vous  prévins  que  je 
l'avais  démasqué  à  la  négociation  de  il  ko,  et  vous  donnai  h  entendre 
qu'il  nous  serait  tout  au  moins  inutile ,  outre  sa  timidité  naturelle  et 
les  motifs  de  rancune  dont  je  vous  ai  parlé.  Je  savais  qu'il  avait  puisé 
de  M.  de  Bonneval  le  préjugé  qui  a  toujours  été  un  obstacle  essentiel  à 
à  nos  vues;  je  veux  dire  cette  prévention  que  la  France  ne  veut  engager 
les  Turcs  dans  la  guerre  que  pour  s'en  débarraser  elle-même,  et  les  sa- 
crifier en  faisant  sa  paix.  C'est  en  173^,  temps  auquel  Saïd-Éffendi  et  le 
comte  de  Bonneval  entrèrent  dans  nos  affaires  de  Pologne,  que  les  plus 
modiques  inductions  du  procédé  de  la  France  h  la  paix  de  Ryswick  furent 
mises  dans  tout  leur  jour,  et  qu'on  fit  échouer  les  négociations  du  marquis 
de  Villeneuve,  en  exigeant  que  la  France  prît  des  engagements  par  écrit 
avec  la  Porte  pour  la  continuation  de  la  guerre.  C'est  à  cetle  école  que 
les  Turcs  ont  appris  à  se  méfier  de  nous,  et  que  Saïd-Éffendi  lui-même  a 
puisé  ses  principes,  dont  il  s'est  ouvertement  expliqué  même  en  cette 
occasion,  et  dont  vous  avez  vu,  par  la  suite  de  la  correspondance  du  comte 


APPENDICE  175 

Bonncval  avec  le  sieur  Pcyssonnel,  que  ni  l'un  ni  l'aulro  ne  se  sonl  jamais 
(Icparlis ,  ayant  toujours  insisté  sur  la  nécessité  indispensable  d'une 
alliance  avec  la  Porte.  J'ai  donc  prévu,  par  la  connaissance  de  toutes  les 
circonstances,  l'accomplissement  de  ce  que  je  vous  avais  prédit  par  mon 
mémoire  du  10  avril  1745,  que  le  système  de  la  Porte  serait  constamment 
de  ne  pas  se  brouiller  avec  ses  voisins,  et  de  tâcher  de  tirer  parti  de  celle 
conjecture  pour  se  procurer  quelques  avantages  de  la  part  de  la  cour  de 
Vienne,  par  la  voie  de  la  négociation  et  non  par  celle  des  armes.  Vous 
avez  vu  en  effet,  monsieur,  que  de  toutes  les  idées  que  nous  avons  four- 
nies cl  la  Porte,  aucune  n'a  pris  que  celle  de  retarder  la  réponse  à  l'inter- 
nonce  de  la  cour  de  Vienne,  en  la  faisant  dépendre  de  la  paix  des  États  de 
Toscane  avec  la  Porte  :  idée  qui  sert  h  les  trouver  conformes  au  système 
pacifique  des  Turcs,  puisqu'elle  se  lie  de  plus  en  plus  avec  cette  cour,  et 
à  diminuer  le  nombre  des  corsaires  qui  troublent  la  navigation  et  le  com- 
merce des  sujets  du  Grand-Seigneur  ;  je  ne  doute  pas  que,  si  la  cour  de 
Vienne  voulait  faire  encore  le  moindre  petit  sacrifice  du  côté  du  Banal,  la 
Porte  n'acceptât  avec  plaisir  de  renouveler  et  proroger  la  trêve  de  1  739. 
Je  vous  ai  annoncé  tout  ceci,  monsieur,  nonobstant  les  nouvelles  que 
nous  avions  de  la  paix  de  Perse,  et  vous  avez  vu  en  effet  que  cette  paix  a 
été  conclue  sans  que  le  système  de  la  Porte  ait  changé.  Tout  ce  qu'a  pro- 
duit cet  inconvénient,  c'est  qu'il  a  coupé  court  au  prétexte  dont  M.  de 
Bonneval  vous  amusait  pour  nourrir  vos  espérances,  en  sorte  que,  se 
voyant  réduit  au  pied  du  mur,  il  a  été  obligé  de  parler  clairement  et  con- 
formément à  la  vérité  ;  du  moins  c'est  ce  qu'il  a  fait  dans  les  billets  dont 
j'ai  eu  l'honneur  de  vous  envoyer  copie,  ignorant  ce  qu'il  peut  vous  avoir 
insinué  ailleurs.  Ces  détails,  monsieur,  sans  diminuer  le  regret  que  vous 
pouvez  avoir  à  la  confiance  qu'on  nous  avait  inspirée  pour  Saïd-Effendi 
et  le  comte  de  Bonneval,  pourront  contribuer  à  vous  consoler  de  la  mort 
prochaine  de  ce  dernier. 

11  y  a  environ  deux  mois  que  le  comte  de  Bonneval  fut  attaqué  d'une  flu- 
xion qu'on  croit  aujourd'hui  avoir  été  occasionnée  par  une  humeur  gout- 
teuse qui  s'est  jetée  sur  l'estomac  et  la  poitrine.  Il  pensa  l'année  dernière 
s'empoisonner  par  l'usage  du  vitriol.  Depuis,  il  a  considérablement  aug- 
menté son  mal,  et  l'a  rendu  passablement  incurable  par  le  fréquent  usage 
de  miel  détrempé  dans  l'eau  chaude,  contre  l'avis  des  médecins,  ravivant 
ensuite  cette  boisson  par  l'usage  des  liqueurs  fortes  et  spiritueuses.  Uii 
régime  extraordinaire  lui  a  procuré  des  évanouissements  qui  semblaient 
les  avant-coureurs  d'une  apoplexie;  il  s'alita,  il  y  a  une  quinzaine  de  jours, 
et  ne  s'est  plus  levé;  depuis,  il  donna  dans  un  autre  travers,  en  prenant 
une  quantité  extraordinaire  d'huile  d'amandss  douces.Ges  évanouissements 
étant  devenus  plus  fréquents,  il  tomba  le  17  de  ce  mois  dans  une  espèce 
d'assoupissement,  d'où  un  médecin  fort  entendu,  que  j'ai  auprès  de  moi, 


176  APPENDICE 

secondé  de  celui  qui  le  sert  ordinairement  le  firent  revenir;  en  sorte 
que  le  20  de  ce  mois,  ayant  reçu  vos  dépêches,  et  notamment  celle  par 
laquelle  vous  me  prescriviez  de  rendre  moi-même  et  en  main  propre  celle 
qui  était  pour  lui,  le  médecin  que  je  consultai  sur  son  état,  m'assura  qu'il 
y  avait  de  ramélioration,  et  que  le  malade  avait  toute  la  liberté  de  ses 
sens.  Je  vous  avoue,  monsieur,  que  votre  intention  étant  que  cette  lettre 
me  fût  communiquée  par  M.  de  Bonneval,  j'aurais  fort  souhaité  dans  une 
pareille  circonstance  que  vous  m'en  eussiez  envoyé  la  copie;  car  j'aurais 
pu  me  dispenser  de  la  lui  remettre  pour  éviter  de  compromettre  votre 
secret.  J'ai  bien  senti  tout  ce  qu'elle  avait  de  critique,  puisque  cette  pièce 
allait  augmenter  le  nombre  de  celles  qui  sont  à  la  veille  de  tomber  ou  entre 
les  mains  des  Turcs,  ou  au  pouvoir  de  personnes  peu  sûres.  Mais  enfin, 
monsieur,  je  me  dis  à  moi-même  que  l'obéissance  et  l'exécution  ponctuelle 
de  vos  ordres  étaient  le  parti  le  plus  raisonnable  que  j'eusse  h  prendre, 
cette  lettre,  a  laquelle  vous  me  renvoyiez  en  quelque  façon,  devant  natu- 
rellement renfermer  des  instructions  essentielles.  L'ignorance  m'aurait 
lié  les  mains  et  exposé  aux  reproches  de  ra'être  rais  dans  l'impossibilité 
d'exécuter,  le  comte  de  Bonneval  nous  manquant,  ce  qui  pouvait  intéres- 
ser le  service  du  roi.  J'allais  donc  le  21  de  ce  mois  passer  la  soirée  au 
palais  de  Naples,  qui  est  à  peu  de  distance  de  celui  du  comte  de  Bonneval, 
et  je  fis  confidence  au  bailli  de  Mnjo  que  je  serais  fâché  que  le  comte  mou- 
rût sans  lui   avoir  donné  la  consolation  de  lui  témoigner  la  part  que  je 
prenais  h  sa  situation.  Je  fis  même  ac^réer  à  ce  ministre  de  ne  pas  venir 
avec  moi,  à  cause  de  l'incognito  que  j'étais  bien  aise  de  garder  :  en  quoi 
mon  intention  fut  de  me  conformer  à  ce  que  vous  m'avez  recommandé 
sur  ce  point.  J'avais,  du  reste,  fait  prévenir  le  comte  de  Bonneval  de  la 
visite  que  j'allais  lui  rendre.  Soliman-Béy,  son  fils,  avait  disposé  toutes 
choses  pour  que  j'entrasse  dans  sa  chambre  avec  le  moins  d'éclat  qu'il 
se  pourrait.  Je  m'y  rendis  à  huit  heures,  sans  flambeau,  et  sans  autre 
suite  que  M.  Peyssonnel.  Je  trouvai  le  comte  ayant  entière  liberté  de  son 
esprit  ;  la  conversation  fut  polie  et  aussi  cordiale  que  la  circonstance  le 
permettait;  mais  quand  je  lui  remis  votre  lettre,  il  travailla  beaucoup 
pour  la  décacheter  à  cause  de  sa  grande  faiblesse  :  quand  elle  fut  ouverte, 
il  la  remit  à  M.  Peyssonnel   pour  qu'il  en  fit  la  lecture.  En  l'ouvrant,  on 
reconnut  qu'elle  était  chilTrée.  Eh  bien  !  me  dit  le  comte^  vous  la  ferez 
déchiftrer  par  M.  Peyssonnel  ;  je  lui  répondis  qu'elle  était  d'un  chiffre 
dont  lui  seul  avait  la  clef.  S'il  en  est  ainsi,  dit  le  comte,  je  ferai  venir 
demain  mon  secrétaire  Paul,  et  Soliman-Béy  lui  fera  déchiffrer  la  lettre, 
dont  je  vous  enverrai  l'original  et  la  copie.   En  sortant,  je   renvoyai 
,M.  Peyssonnel  à  Soliman-Béy,  qui  était  resté  dans  la  chambre  voisine  k 
celledu  malade  pour  amuser  quelques  personnes  étrangères  qui  y  étaient; 
je  le  fis  prévenir  que  j'avais  remis  une  lettre  au  comte,  qu'il  trouverait 


APPENDICE  177 

SOUS  son  oreiller,  et  que  par  rapport  à  son  importance,  il  était  essentiel 
au  service  qu'il  la  fît  (lécliiflVer,  el  qu'il  nie  fît  part  de  son  contenu.  Celte 
précaution  é!ait  nécessaire,  car,  quelque  temps  après,  le  comte  tomba 
dans  un  violent  accès  de  goutte,  et  depuis  lors  il  est  resté  dans  une  lé- 
thar^'ie  si  complète  qu'il  ne  prend  plus  d'alinienls  que  ceux  qu'on  peut 
lui  administrer  avec  une  cuillère,  et  ne  parle  plus.  Je  rae  suis  là,  mon- 
sieur, livré  à  la  discrétion  de  Soliman-Béy  et  de  Paul  pour  le  déchiffre- 
ment de  cette  lettre  et  pour  la  connaissance  de  son  contenu.  Soliman-Béy 
est  un  Milanais,  apostat,  àiïé  d'environ  /j5  années,  un  esprit  plus  solide 
que  brillant,  attentif,  au  reste,  à  ses  intérêt;;  et  à  son  avancement,  et  y 
travaillant  bien  plus  par  son  activité  et  ses  importunités  que  par  la  mo- 
dération et  la  discrétion  de  sa  conduite.  Il  a  profité  des  liaisons  du  comte 
pour  se  procurer  ici  des  amis  et  protecteurs;  il  exerce  depuis  plusieurs 
années  la  charge  de  coumbaradgi-bathi,  et  vit  dans  une  maison  séparée 
auprès  de  lui,  oij  il  a  épousé  une  fille  unique  d'un  renégat  vénitien.  Il  n'a 
pas  de  grands  talents,  ni  de  connaissances  fort  étendues,  mais  comme  il 
est  au  fait  des  négociations  du  comte,  et  ((u'il  peut  se  faire  que  le  minis- 
tère ottoman,  à  (julil  est  connu  par  ses  div(>rs  messages,  sera  bien  aise  de 
continuer  d'avoir  à  Péra  une  personne  à  portée  d'y  puiser  des  informa- 
tions sur  les  affaires  de  l'Europe,  il  y  a  lieu  de  croire  qu'on  le  maintiendra 
à  peu  près  dans  le  même  état  que  son  père  adoptif.  C'est  donc  un  homme 
bon  h  ménager,  et  un  canal  assez  naturel,  dans  la  circonstance  présente, 
pour  suppléer  aux  démarches  que  je  ne  pourrais  faire  moi-même,  sans 
inconvénient,  au  secret;  il  aurait  été  inutile  de  vouloir  user  de  réserve 
avec  lui,  puisqu'il  s'est  empuré  depuis  plusieurs  jours  des  papiers  du 
comte  qu'il  a  mis  en  lieu  de  sûreté.  Celte  opération  était  nécessaire,  car 
le  sieur  Peyssonnel,  qui  a  visité  le  comte  deux  fois,  fit  apercevoir  à  Soli- 
man-Béy que  le  portefeuille  ou  atlas  géographique  rempli  des  papiers  du 
comte  était  sur  un  cana[ié  k  la  merci  de  tout  le  monde.  C'est  sur  cet  avis 
que  Soliman-Béy  a  ramassé  depuis  tous  les  papiers  qu'il  a  pu  trouver.  Je 
ne  sais  pas  positivement  où  il  les  a  transportés,  mais  le  sieur  Chévrier, 
chancelier  de  Naples,  m'a  fait  connaître  hier  au  soir  qu'il  avait  les  plus 
importants.  Ce  chancelier  est  un  Genevois  qui  doit  vous  être  connu,  mon- 
sieur, par  un  mémoire  des  plus  malicieux  qu'il  répandit  en  Suisse,  il  y  a 
se|U  à  hiiil  ans,  contre  la  politique  de  la  France,  et  que  la  cour  jugea 
capable  de  faire  révolter  contre  nous  les  protestants,  en  sorte  qu'on  avait 
donné  des  ordres  réitérés  à  M.  de  Villeneuve  de  le  faire  enlever  comme 
un  esprit  très-dangereux,  quand  M.  Finochetti  le  fil  entrer  dans  les  affaires 
de  Naples,  oi!i  il  fit  un  voyage  el  fournil  des  projets  tant  qu'on  en  voulut, 
car  il  est  IVrlileen  ce  genre.  Il  en  aélé  récompensé  pir  la  place  de  chan- 
celier de  Naples,  h  la  modicité  de  laquelle  il  a  suppléé  par  des  douceurs 
qu'il  trouvait  dans  la  maison  du  comte,  ii  qui  il  a  été  toujours  fort  attaché. 

T.    II.  12 


176  APPENDICE 

C'est  k  lui  ([lie  Soliinan-Béy  remit,  la  12  au  soir,  la  lettre  en  question  h 
déchiffrer  ;  je  l'appris  par  Paul  que  j'envoyai  chez  lui  le  22  au  malin. 
Chévrier,  b.  qui  Paul  me  renvoya,  et  que  je  fis  appeler  aussi,  me  dit  qu'il 
y  avait  des  fautes  qui  l'empochaient  de  déchiffrer  une  i)artie  de  la  letirc  ; 
qu'il  entrevoyait  j)Ourtant  des  avantages  personnels  qu'on  faisait  espérer 
au  comte,  et  sur  lesquels  il  ne  pouvait  s' (expliquer  davantage  jusqu'il  ce 
que  le  comle  revînt  dans  un  état  h  pouvoir  y  donner  son  aveu,  mais  qu'il 
communiquerait,  après  en  avoir  pris  la  permission  de  Soliman-Béy,  ce 
qui  pouvait  concerner  le  service  du  roi,  cette  partie  se  trouvant  presque 
entièrement  déchiffîée.  Il  m'apporta,  en  effet,  hier  au  soir,  l'extrait  de  cette 
letlre,  dont  vous  trouverez  ci-joint  la  copie. 

Avant  d'entrer  dans  des  réflexions  qu'elle  peut  exiger,  j'ajouterai  qu'a- 
près la  lecture  de  votre  pièce,  j'envoyai  M.  Peyssonnel  chez  Soliman-béy 
pour  le  remercier  de  ma  part  de  cette  communication,  et  lui  dire  que  j'a- 
vais bien  des  raisons  de  regretter  M.  de  Bonneval,  mais  que  celte  lettre 
augmentait  infiniment  mes  regrets;  qu'au  reste,  je  souhaitais  de  trouver 
des  occasions  pour  contribuer  à  son  avancement,  et  (jue,  s'il  était  dans 
l'inteniion  de  continuer  de  prêter  ses  soins  aux  intérêts  de  la  France,  je 
serais  charmé  que  la  négociation  à  laquelle  celte  lettre  était  relative,  lui 
fournît  un  moyen  naturel  de  se  ménager  la  confidence  de  la  Porte.  Soli- 
man, très-sensible  à  ce  compliment,  dit  à  Peyssonnel  qu'il  me  piiait 
d'excuser  si  celle  communication  avait  été  imparfaite;  que  si  le  comte 
venait  en  santé,  il  ne  serait  peut-être  pas  si  scrupuleux;  qu'à  l'égard  de 
la  négociation,  il  trouvait  que  le  comte,  par  exf^ès  de  confiance  pour  Saïd- 
Éffendi,  avait  un  peu  négligé  le  réis-éffendi,  qui  n'était  pas  de  ses  amis; 
que  pour  lui,  il  avait  été  le  matin  même  voir  le  ministre,  afin  de  le  ren- 
dre favorable  aux  vues  qu'il  avait  de  se  faire  pourvoir  de  la  charge  de 
coumbaradgi-buchi ;  qu'au  reste  il  n'avait  jamais  beaucoup  aimé  à  se 
mêler  des  aifaires  d'autrui,  mais  qu'il  se  prêterait  pourtant  à  tout  ce  que 
la  France  pourrait  exiger  de  lui.  Le  sieur  Peyssonnel  lui  dit  que  son  éloi- 
gnement  des  affaires  était  la  preuve  d'un  jugement  solide,  mais  que  celle- 
ci  pouvait  bien  mériter  quelque  exception  :  ce  à  quoi  Soliman  n'eut  pas 
de  peine  de  convenir.  Il  me  reste  à  observer  à  présent,  monsieur,  que  les 
dernières  instructions  renfermées  tant  dans  les  lettres  dont  vous  m'avez 
honoré  que  dans  celles  à  M.  le  comte  de  Bonneval  diflèrent  des  précé- 
dentes :  1°  en  ce  que  vous  ne  demandiez  alors  que  des  démonstrations 
de  la  part  des  Turcs,  et  qu'h  présent  vous  souhaitez  qu'ils  agissent  réelle- 
ment et  prennent  les  armes  pour  empêcher  que  la  reine  de  tlongrie  ne 
s'empare  de  l'Italie;  et,  comme  ce  point  e:;t  délicat,  vous  souhaitez  qu'on 
puisse  l'oblenir,  autant  qu'il  se  poui'ra,  jiar  des  déinai'clies  indiiectes  et 
secrètes.  Si  Soliman-béy  supplée  à  celles  que  vous  attendiez  du  comte 
de  Bonneval,  elles  seront  indirectes;  pour  ce  qui  est  de  savoir  si  elles 


APPENDICE  179 

seront  secrètes,  vous  en  jugerez  vous-même,  monsieur,  par  tous  les  dé- 
tails dont  je  vous  ni  informé  sur  la  façon  dont  M.  le  comte  de  Bonnevai 
dirigeait  cette  affaire.  Quant  à  moi,  monsieur,  je  me  conformerai  à  ce  que 
vous  me  prescrivez  de  ne  donner  aucun  mémoire,  nonobstant  l'approba- 
tion que  vous  avez  donnée  à  celui  qui  fit  la  base  de  ma  conférence  du 
29  août  avec  le  grand-vézir.  2"  Vous  espérez,  monsieur,  que  les  Turcs, 
par  le  seul  motif  de  leur  propre  intérêt,  pourraient  entrer  dans  vos  vues; 
vous  permettez  aujourd'hui  d'ajouter  à  ce  motif  celui  des  présents  que 
l'on  pourrait  porter  à  cent  mille  écus.  Je  vous  prie  de  considérer,  mou- 
sieur,  que  nous  étions  venus  avec  M,  de  Bonnevai  jusqu'à  insinuer  que 
la  France  pourrait  faire  la  moitié  de  la  dépense  d'une  diversion,  et  que 
cette  insinuation  no  fit  que  blanchir  la  Porte,  qui  n'a  pas  reçu  cette  pro- 
position, quoique  j'offrisse  de  m'en  chargerai  référendum.  De  plus  nous 
serons  aiijouid'hui  entre  les  mains  du  réis-éft'endi,  et  ce  ministre,  suivant 
le  portrait  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  en  faire  dans  mon  mémoire 
de  1745,  est  très-habile  à  se  procurer  des  avantages;  mais  ce  ne  sont  pas 
les  avantages  seuls  qui  le  détermineront  à  déclarer  la  guerre  à  la  reine 
de  Hongrie;  il  faudra  qu'il  y  voie  clairement  l'intérêt  de  l'empire  ottoman 
et  su  tête  en  sûreté  contre  tous  les  événements;  alors  même  qu'en  faisant 
le  bien  public,  il  voudra  encore  y  trouver  son  profit  particulier,  mais  il 
ne  sacrifiera  pas  l'un  h  l'autre.  Voilà  du  moins  l'idée  que  j'ai  de  ce  minis- 
tre. 3°  La  réflexion  ci-dessus  en  amène  une  troisième,  qui  est  que  vos 
dernières  instructions  n'éloignent  pas  le  principal  obstacle  qui  s'est  tou- 
jours opposé  au  succès  de  vos  vues,  qui  est  l'embarras  que  la  Porte  pré- 
voit d'être  abandonnée,  si  elle  se  résout  à  faire  la  guerre  sans  engage- 
ment de  notre  part  de  la  continuer  jusqu'à  ce  que  les  Turcs  aient  fait 
leur  paix.  Celte  crainte,  sur  les  insinuations  réitérées  du  comte  de  Bon- 
nevai et  de  Saïd-Éflendi,  a  jeté  de  trop  profondes  racines  pour  que  je 
puisse  vous  flatter  que  des  clonatives  seront  suflisantes  pour  détruire  ce 
préjugé,  et  vaincre  ce  scrupule,  h"  Vous  avez  pu  voir,  monsieur,  par  mes 
dernière  relations  que  le  réis-effendi  a  rejeté  l'inaction  de  la  Porte  sur 
deux  fautes  qu'il  nous  reproche  :  l'une,  de  n'avoir  pas  accepté  la  média- 
lion  du  Grand-Seigneur;  l'autre,  de  n'avoir  aucunement  répondu  aux 
avances  faites  au  roi  de  Prusse  pour  une  alliance.  Il  sera  par  consé- 
quent bien  diilicile  de  lui  faire  entendre  que  la  Porte  peut  fonder  sa  dé- 
claration de  guerre  sur  le  refus  que  la  reine  de  Hongrie  a  fait  de  celte 
médiation,  puisqu'il  est  prévenu  que  ce  procédé  nous  est  tout  au  moins 
commun  avec  cette  princesse,  étant  instruit  vraisemblablement  des  dis- 
cours que  nous  avions  tenus  à  ce  sujet  à  la  cour  de  Pétersbourg,  quand 
nous  acceptions  i'inipéralrice  de  Russie  seule  et  unique  médiatrice. 
Et  pour  ce  qui  est  de  l'alliance  de  la  Porte  avec  le  roi  de  Prusse,  je  ne 
trouve  rien  ni  dans  vos  dépêches  ni  dans  celles  du  comte  de  Bonnevai, 


180  APPENDICE 

qui  puisse  guérir  la  Porle  de  la  rancune  qu'elle  a  du  mépris  qu'on  a  fait 
de  ses  avances.  Il  faut  que  celte  rancune  soit  bien  vive,  puisque,  la  der- 
nière fois  que  le  réis-éfl'endi  a  parlé  au  sieur  Fonlon,  il  a  avoué  qu'Ibra- 
him était  mort  de  regret  et  de  honte  des  espérances  qu'il  avait  données  à 
la  Porle  sur  les  succès  de  cette  négociation.  La  dernière  réflexion  sera, 
monsieur,  que  vos  inslruclions  arrivent  dans  un  temps  où  tout  doit  être 
presque  réglé  avec  l'internonce  Penkler,  et  qu'on  a  même  déjà  travaillé 
à  une  liste  d'esclaves  qu'on  doit  mettre  en  liberté,  à  la  prière  de  ce  mi- 
nistre, apparemment  en  échange  de  ceux  qui  seront  renvoyés  des  galères 
de  Livourne.  C'est  un  fait  que  je  tiens  des  Jésuites,  qui  Oiit  l'enirée  au 
bagne,  et  qui  suggèrent  et  s'intéressent  |)Our  ceux  qui  pourraient  être 
compris  dans  cette  liste;  et,  comme  le  réis-élTendidit  aussi  au  sieur  Fonton 
qu'il  attendait  l'arrivée  du  prochain  courrier,  il  y  a  apparence  qu'il 
rapportera  l'ultimatum  de  la  cuur  de  Vienne,  et  que  la  négociation  de 
M.  Penkler  se  trouvera  trop  avancée  pour  que  la  Porte  puisse  reculer(*). 

J'ai  eu  soin  d'informer,  monsieur,  le  bailli  de  Bocage  de  ce  que  j'avais 
découvert  ici  d'iniéressant  pour  l'ordre  de  Malte,  mais  je  ne  trouvai  pas 
à  propos  de  lui  communiquer  le  mémoire  du  comte  de  Bonneval,  le 
bruit  qui  s'était  lépandu  que  les  Maltais  avaient  coulé  à  bas  deux  caravel- 
les du  Grand-Seigneur  ne  s'étant  pas  confirmé.  Cette  affaire,  à  ce  qu'il 
paraît,  a  été  perdue  de  vue. 

Je  suis  avec  un  respect  infini,  etc. 


X.VII.  —  Dépêche  de  l'ambafssadeur  Desnllcurs  an  ministre  des  af- 
faires étrangères,  en  date  du  15  avril  l'3'4t>  (3îl  sàfer  li03). 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  un  compte  très-délaillé  sur  les  embarras, 
les  avantages  ou  les  difficultés  d'un  traité  d'amitié,  avec  la  Porte.  Un  des 
principaux  obstacles  à  surmonter  ici  pour  conclure  un  pareil  traité  pur 
et  simple,  c'est  qu'il  n'y  en  a  pas  d'exemple,  et  les  Turcs  sont  inûniment 

(*)  Voici,  en  résumé,  le  traité  d'alliance  offensive  et  défensive  que  M.  de  Castellane 
avait  cherché  de  conclure  avec  la  Turquin. 

La  Sublime-Porte  se  fera  représenter  par  des  plénipotentiaires  au  congrès  appelé  à 
rétablir  la  paix  en  Europe. 

La  Fiance  et  la  Sublime-Porte  s'engagent  à  obliger  le  grand-duc  de  Toscane  à  renon- 
cer à  la  couronne  impériale. 

Le  Grand-Seigneur  conservera  les  conquêtes  faites  en  Hongrie. 

La  guerre  sera  continuée  aussi  longtemps  que  le  grand-duc  de  Toscane  n'aura  pas 
renoncé  à  la  couronne  impériale. 

Tous  les  alliés  de  la  France  sont  compris  dans  le  traité. 

Ni  l'une  ni  l'autre  des  puissances  contractantes,  ni  aucune  des  puissances  comprises 
dans  le  traité,  ne  pourra  négocier  iéparémeni  la  paix  avec  le  grand-duc  de  Toscane  ni 
avec  la  reine  de  Hongrie. 


APPENDICE  181 

allachés  aux  usages.  Topal-Osman-pacha  avait  de  l'inclination  pour  la 
France,  il  devait  sa  liberté,  à  Malte,  à  un  Français;  Hagliib,  naturellement 
porté  pour  la  France,  Essaad-EtTendi,  protecteur  ouvert  de  la  Suède, 
étaient  tous  les  trois  commissaires  pour  la  paix.  Les  choses  ont  bien 
cliiingé  depuis  la  paix  de  Belgrade  :  le  prétendu  refus  de  la  médiation  de 
la  Porte  par  la  France,  le  traité  d'une  paix  perpétuelle  conclu  avec  la  cour 
de  Vienne  et  de  Russie,  ré[)uisement  amené  par  la  gueri'e  de  la  Perse, 
enfin  l'intention  particulière  du  Grand-Seigneur  ou  la  soumission  du  mi- 
nistère au  sérail,  j'intéiieur  de  tout  l'empire  assez  raal  affi'ctionné,  ont  fait 
adopter  le  système  pacifique  comme  l'unique  moyen  de  soutenir  le  Grand- 
Seigneur  sur  le  trône,  et  de  prévenir  une  révolution  générale;  je  me  suis 
attaché  à  faciliter  des  subsides  pour  la  Suède. 

XVIIÏ.  —   IVote   (extrait)  de  la   Sublînie-Porte  ù,  rambassadeur  de 
Vergenncs,  en  date  dn  .    .   mai  1964  (..  .  zilcadé  1199). 

A  notre  Irès-honoré  ami,  l'ambassadeur  de  France. 

Il  est  inutile  de  donner  des  indices  et  des  preuves  d'un  fait  de  notoriété 
publique,  qui  est  que  de  tout  temps  des  troupes  étrangères  sont  entrées  en 
Pologne,  et  que  non-seiilement  la  république,  notre  amie,  ne  s'y  est  point 
opposée,  mais  même  qu'elle  les  a  souvent  reçues  de  son  plein  gré,  à  titre 
d'hospitalité.  Ainsi,  si  la  Sublirae-Porte  devait  prendre  cette  affaire  (*) 
en  considération,  il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  taxer  cette  attention 
de  la  Sublime-Porte  d'infraction  aux  droits  de  la  liberté  de  la  république 
de  Pologne,  notre  amie.  Outre  cela,  comme  dans  les  capitulations  impé- 
riales données  lors  du  traité  de  Carlowitz,  il  n'y  a  pas  un  seul  article  qui 
ait  plus  ou  moins  trait  à  ce  point,  il  n'est  conséquemraent  pas  de  la  di- 
gnité de  la  Sublime-Porte  d'en  faire  une  matière  de  négociation,  et  d'y 
donner  des  soins  et  son  attention. 


XIX.  —    Mémoire  présenté  à  Lonis  XV  par  le  comte  de  Vergennes, 
en  date  du  {*)  ...    lïfi»  (1183-1183). 

La  politique  des  Turcs  étant  déjà  fort  affaiblie  par  les  disgrâces  qui 
signalèrent  la  fin  du  règne  de  iMahomet  IV,  l'incapacité  de  ses  successeurs 
les  plus  immédiats,  les  pertes  que  l'empire  essuya  dans  les  guerres  qui 
précédèrent  la  paix  de  Carlowitz  et  de  Passarowilz,  enfin  les  révoltes  qui 

(*)  Le  comte  de  Vergennes  avait  présenté  au  roi  ce  mémoire,  qui  se  trouve  dans 
Ségor,  Politique  de  tous  (es  cainnets  de  (Europe.,  etc.  Paris,  1801,  3  vol.,  quelques 
mois  après  son  retour  de  l'ambassade  à  Constautinople  :  il  avait  quitté  cette  capitale 
le  7  janvier  1769. 


182  APPENDICE 

firent  tomber  successivement  du  trône  des  princes  dignes  de  l'occuper,  ne 
la  rendirent  que  plus  languissante.  Loin  de  se  relever  de  sa  léthargie, 
elle  reçut,  sous  le  règne  du  sultan  Mahnioulh  un  déchet  plus  notable, 
dont  les  traces  profondes  s'efl'acent  diflicileraent. 

Ce  prince,  doué  de  qualités  suffisantes  pour  faire  un  règne  glorieux 
dans  un  état  réglé  et  soumis,  appelé  à  l'empire  par  l'eiTervescence  d'une 
sédition  populaire,  dirigea  tous  les  efforts  de  son  génie  à  prévenir  les 
attentats  de  son  peuple,  qu'il  redoutait  d'autant  ])lus  qu'il  lui  était  rede- 
vable de  son  élévation.  Toutes  ses  vues  se  concentrèrent  dans  l'intérêt 
de  sa  sûreté  personnelle;  l'emploi  des  moyens  les  plus  violents  ne  lui 
coula  rien  pour  l'affermir.  L'âge  augmentant  sa  défiance,  et  le  malheur 
qu'il  eut  d'être  privé  de  postérité,  aigrissant  ses  inquiétudes,  il  versa  des 
torrents  de  sang  pour  assurer  la  tranquillité  intérieure  de  Gonstantinople, 
qui  fut  dans  les  dernières  périodes  de  sa  vie  l'objet  capital,  peut-être 
même  l'unique,  de  sa  prévoyance  et  de  ses  soins.  Ce  n'est  pas  exagérer 
de  dire  que  ce  prince  avait,  en  quelque  manière,  circonscrit  les  bornes 
de  son  empire  dans  l'enceinte  de  sa  capitale. 

C'est  sous  le  règne  de  sultan  Mahmouth  que  la  Russie,  au  mépris  du 
traité  de  l^ruth,  alors  en  vigueur,  osa  écarter  à  main  armée,  du  trône  de 
la  Pologne  un  [)rince  que  les  vœux  unanimes  de  la  nation  y  avaient  rap- 
pelé. La  Porte  ottomane  fit,  dans  cette  occasion,  quelques  déclarations 
fortes  et  menaçantes  :  elles  furent  même  accompagnées  de  quelques  dé- 
monstrations; mais,  comme  celles-ci  ne  furent  suivies  d'aucun  effet  plus 
réel,  elles  ne  servirent  qu'à  constater  la  faiblesse  du  gouvernement 
ottoman. 

La  P»ussie,  enhardie  par  le  succès  de  sa  témérité,  ne  tarda  pas  à  porter 
des  coups  plus  directs  aux  Turcs.  L'invasion  de  la  Crimée  et  le  siège 
d'Azof  furent  le  prélude  de  la  guerre  qu'elle  leur  déclara,  et  dans  laquelle 
elle  entraîna  la  maison  d'Aulrich'\  On  ne  récapitulera  pas  ici  les  événe- 
ments d'une  guerre  qu'il  n'avait  pas  tenu  à  sultan  Mahmoulh  d'éviter. 
Comme  il  n'y  était  entré  que  malgré  lui,  il  ne  profita  des  succès  assez 
distingués  qu'il  y  eut,  que  pour  en  sortir  promptement.  Il  dut  à  la  média- 
lion  de  la  France  une  paix  assez  honorable,  c|uaiit  à  l'acfjuisition  qu'il  (it 
de  Belgrade  (année  1739),  mais  fatale,  par  rapport  h  la  révocation  de  tous 
les  traités  antérieurs  qui  existaient  entre  la  Porte  et  la  Russie. 

La  guerre  qui  s'alluma  ea  Allemagne,  peu  après  la  signature  des  traités 
de  Belgrade,  ne  rendit  la  politique  de  sultan  iVlahmouth,  ni  plus  élevée,  ni 
plus  ambitieuse.  Son  parti  était  pris  :  il  voulait  conserver  la  paix  au 
dehors,  pour  être  plus  assuré  de  celle  du  dedans;  il  vit  donc  passivement 
les  puissances  prétendantes  h  la  succession  de  la  maison  d'Autriche,  en 
disputer  les  dépouilles.  Si,  réveillé  par  différentes  insinuations,  il  se  dé- 
termina il  offrir  sa  médiation,  le  relus  qui  en  fut  l'ail  n'intéressa  pas  assez 


APPENDICE  183 

sa  gloire  pour  provoquer  son  ressentiment.  Ce  fui  môme  ù  la  suite  de  cette 
crise  que,  ne  voulant  point  laisser  lieu  h  des  défiances  h  la  cour  de  Vienne, 
il  consentit  de  convertir  avec  la  nouvelle  maison  d'Autriche  [Il kl)  dans 
une  paix  perpétuelle  la  trêve  de  trente  ans  qu'il  avait  stipulée  avec  l'an- 
cienne. 

La  paix  rétablie  en  Allemagne,  la  Russie  dont  l'ambition  ne  repose 
jamais,  commença  alors  ses  établissements  de  l'un  et  de  l'autre  côté  du 
Boryslhène,  et  notamment  celui  qui  est  connu  sous  le  nom  de  Nouvelle- 
Servie.  Quoique  ces  établissements,  considérés  relativement  à  leur  emi)la- 
cement,  ne  fussent  pas  formeliement  contraires  à,  la  lettre  du  deinier 
traité  de  paix,  cependant  ils  ne  devaient  pas  paraître  moins  olîensifs  aux 
OUomans.  Les  vastes  déserts  qui  servent  de  frontières  dans  cette  partie 
aux  deux  empires,  font  une  barrière  suffisante  pour  leur  sûreté  respective. 
La  Russie  ne  pouvait  donc  espérer  d'y  élever  des  forts,  ni  d'y  former  des 
lieux  de  dé{)ôl,  sans  annoncer  le  dessein,  non-seulement  de  resserrer  les 
Tartares  dans  leurs  communications,  mais  encore  de  se  mettre  en  mesure 
d'attaquer  avec  avantage  le  territoire  ottoman,  et  de  s'ouvrir  la  roule  à 
se  procurer  un  établissement  solide  sur  la  mer  Noire. 

Tout  alarmante  que  fùl  celte  vue,  il  se  passa  bien  du  temps  avant  que 
le  divan  se  laissât  convaincre  de  l'intérêt  qu'il  avait  à  y  mettre  des  obsta- 
cles. Enfin,  réveillé  par  les  cris  des  Tartares,  comme  par  les  représenta- 
tions de  ses  amis,  il  exigea  de  la  Russie  qu'elle  discontinuerait  ses  travaux; 
celle-ci  b>  promit  (en  175-4)  :  mais,  suivant  les  notions  que  l'on  a  été  à 
portée  d'avoir,  elle  ne  les  a  jamais  suspendus  entièrement;  elle  s'est  seu- 
lement contentée  de  les  pousser  avec  moins  de  vigueur. 

Un  mal  non  moins  réel  et  plus  durable  encore,  que  sultan  Mahmouth  a 
fait  à  son  empire,  est  qu'il  a  banni  cette  simi)lici!é  de  mœurs  et  l'esprit 
de  frugalité  qui  distinguaient  anciennement  sa  nation.  Ce  prince,  né  avec 
le  goût  fie  la  volupté,  de  la  luagnificence  et  du  luxe,  ne  distingua  essen- 
tiellement que  ceux  qui  savaient  servir  ses  passions  favorites.  Bientôt 
chacun  se  fit  une  étude  particulière  d'y  réussir  ;  c'était  la  voie  la  plus  sûre 
pour  s'ouvrir  l'accès  aux  honneurs,  aux  emplois  et  aux  grâces.  Le  goût  du 
prince  gagna  de  proche  en  proche,  chacun  s'épuisa  à  l'envi  pour  gratifier 
celui  du  monarque,  et  pour  satisfaire  le  sien  propre.  Les  richesses  que 
chacun  épargnait  auparavant,  pour  servir  l'état  dans  ses  besoins,  furent 
consommées  en  superfluilé;  le  luxe  enfantant  de  nouveaux  besoins,  l'avi- 
dité s'accrut  ;  tout  moyen  parut  légitime  pour  les  satisfaire  ;  les  Turcs, 
jadis  économes,  peut-être  même  avares,  mais  riches,  s'épuisèrent  en  pro- 
digalités; appauvris,  ils  sont  devenus  exlorsionnaires  et  tyrans. 

Sultan  Osman,  qui  succéda  ii  sultan  Mahmouth,  son  frère,  n'était  pas 
capable  de  réparer  les  brèches  que  l'administration  précédente  avait  fai- 
tes k  la  constitution  de  l'élat  et  à  l'esprit  national.  Parvenu  au  trône  à 


18^  appendjck: 

l'âge  de  cinquante-trois  ans,  il  était  encore  dnns  les  brassières  de  l'en- 
fance. En  sortant  de  sa  retraite,  il  voyait  pour  la  première  fois  des  êlres 
différents  de  ceux  qui  avaient  été  commis  à  sa  garde  ;  tout  était  nouveau 
pour  lui  et  l'amusait.  Son  règne  qui,  heureusement,  fut  très-court,  ne 
fut,  k  le  bien  prendre,  qu'un  tissu  de  légèretés,  d'inconséquences  et 
d'absurdités.  Dans  l'espace  de  moins  de  trois  ans  qu'il  occupa  le  trône,  on 
vit  jtliis  de  ministres  installés  et  destitués,  qu'on  n'en  voit  communément 
dans  le  cours  du  plus  long  règne.  Ceux-ci,  plus  occupés  de  résister  au 
choc  des  cabales,  que  de  soigner  les  intérêts  de  l'empire,  laissaient  flotter 
les  rênes  du  gouvernement  au  gré  du  hasard. 

Sultan  Mustapha,  actuellement  régnant,  qui  succéda,  en  1757,  à  sul- 
tan Osman,  n'arriva  pas  au  trône  aussi  dépourvu  de  connaissances  et  de 
lumières  que  son  prédécesseur.  Il  avait  été  témoin  des  disgrâces  de  sultan 
Ahmet  son  père,  dans  un  âge  oii  la  raison  est  assez  formée  pour  se  faire 
des  idées  vraies  :  il  avait  reçu  des  instructions  de  ce  prince,  qui  était  vrai- 
ment digne  d'un  meilleur  sort;  et  quoique,  par  l'ordre  de  la  naissance,  il 
diîl  se  considérer  comme  très-éloigné  du  trône,  son  caractère  mélancoli- 
que, qui  le  portait  à  la  vie  spéculative,  lui  avait  donné  la  facilité  de  fortifier 
ses  connaissances  par  l'étude  et  par  la  réflexion.  Il  ne  lui  manquait  que 
la  connaissance  des  hommes  et  l'expérience  des  affaires,  deux  choses  que 
le  temps  seul  peut  donner,  et  dont  lu  première  est  très-difficile  h  acquérir 
pour  un  souverain  mahométan,  qu'on  n'approche,  en  quelque  manière, 
que  pour  l'adorer. 

Ce  prince  eut  le  bonheur  de  rencontrer,  à  son  avènement  k  l'empire,  un 
grand-visir  sage  et  instruit,  et,  ce  qui  fait  son  éloge,  il  l'a  gardé  jusqu'à  ce 
que  la  mort  l'en  ail  privé,  quoique  l'ascendant  que  ce  ministre  avait  pris 
sur  l'ii,pt  qu'il  prétendait  conserver,  lui  fût  parfois  sensible  et  à  charge. 

Aidé  u'un  coopérateur  aussi  intelligent,  sultan  Mustapha  débuta  par 
des  reformes  très-sagps  et  très-uliles.  Il  a  retranché  beaucoup  de  dé|)enses 
superflues  et  a  diminué  celles  qui  étaient  suscejjtibles  de  l'être.  Il  a  rap- 
pelé l'ordre  dans  les  finances  ;  il  les  a  augmentées  considérablement,  en 
exiirpant  des  abus  qui  foulaient  le  trésor  public,  sans  que  le  sujet  en  reçut 
aucun  soulagement.  Des  règlements  qui  tendent  à  limiter  la  cupidité 
excitent  le  mécontentement  et  le  murmure  de  ceux  qui  sont  intéressés  à 
la  favorispr.  L'administration  de  ce  prince  a  éprouvé  beaucoup  de  criti- 
que et  de  censure;  on  l'a  taxé  personnellement  de  lésine  et  d'avarice 
sordide  ;  les  apparences  semblaient  désigner,  en  effet,  que  ce  reproche 
n'était  pas  tout-à-fait  injuste  :  mais  le  sultan,  qui  ne  pouvait  ignorer  les 
bruits  qu'on  semait,  n'en  a  tenu  aucun  compte.  Selon  lui,  l'argent  devait 
être  réservé  pour  la  guerre  ;  et,  si  jamais  elle  devenait  nécessaire,  on 
connaîtrait  s'il  était  avare.  L'événement  actuel  justifie,  en  effet,  que  ce 
prince,  en  s'exprimant  ainsi,  ne  disait  que  ce  qu'il  pensait. 


A^'p^:^nIC!^  185 

Si  sultan  Mustapha  a  pu  par  lui-même  faire  tics  réformes  utiles,  il  n'a 
pu  atteindre  à  toutes  celles  qu'il  se  proposait.  Ne  connaissant  d'autres 
amusements  et  d'autres  plaisirs  que  de  veiller  ci  la  conduite  de  ses  affai- 
res, il  n'a  rien  négligé  pour  rappeler,  par  le  précepte  et  par  l'exemple, 
cette  ancienne  frugalité  qui  faisait  la  force  de  son  empire.  Il  s'est  occupé 
d'éteindre  cette  soif  de  l'or  qu'ini  luxe  désordonné  a  allumée,  et  qui  a  cor- 
rompu tous  les  ordres  de  l'état,  enfin  de  donner  h  son  administration  cette 
vigueur  irâle,  (|ui  poul  seule  lui  assurer  au  deliors  le  degré  de  considéra- 
tion et  d'influence  auquel  la  puissance  ottomane  est  en  droit  de  prétendre. 

De  puissants  obstacles  s'y  sont  conslamment  opposés,  et  triompheraient 
vraisemblablement  encore  de  l'inclination  que  ce  prince  a  souvent  mon- 
trée jionr  la  guerre,  si  des  circonstances  qu'on  ne  pouvait  guère  prévoir, 
n'avaient  forcé  la  révolution  qui  vient  de  s'opérer  dans  le  système  otto- 
man. Ceci  demande  explication  :  mais,  comme  cette  matière  se  trouve 
élroitement  liée  avec  les  négociations  dont  le  chevalier  de  Vergennes  a 
été  chargé  ù  Constantinople,  il  se  réserve  de  la  traiter  suivant  l'ordre  des 
temps  et  des  choses. 

Le  roi  voyant  dans  les  empiét3raents  successifs  que  la  Russie  se  per- 
mettait sur  la  Suède  et  sur  la  Pologne,  dont  elle  usurpait  l'indépendance 
et  les  droits,  ce  que  l'Europe  avait  à  craindre  de  l'ambition  de  cett'i 
puissance  orgueilleuse,  sa  majesté  jugea  devoir  lui  imposer  une  digue  qui 
pût  la  resserrer  et  la  contenir  (*).  Les  Turcs  sont  les  seuls  qui,  par  leur 
situalion,  peuvent  la  former  avec  succès.  Engagés,  par  des  intérêts  plus 
directs  que  ceux  de  la  France,  h  prévenir  que  celte  puissance,  déjà  trop 
vaste,  n'acquière  de  nouvelles  forces  par  l'assujettissement  des  nations 
qui  l'avoisinent  à  l'occident,  sa  majesté  jugea  devoir  leur  communiquer 
sa  prévoyance  et  ses  vues  ;  elle  ne  leur  proposait  rien  qui  pûl  leur  être  à 
charge,  et  par  conséquent  les  effrayer;  il  ne  s'agissait  que  d'établir  un 
concert  éventuel  pour  les  cas  ultérieurs  qui  pourraient  se  présenter  rela- 
tivement h  la  Pologne. 

Ce  fut  dans  les  dernières  années  du  règne  du  sultan  Mahmouth,  que  le 
feu  comte  Desalleurs  fut  chargé  de  faire  cette  ouverture  au  ministère 
ottoman.  On  ne  peut  donner  assez  d'éloges  k  la  sagesse  avec  laquelle  cet 
ambassadeur  conduisit  cette  négociation  ;  mais  il  avait  les  circonstances 
contre  lui.  Le  système  du  grand-seigneur  était  fixé;  il  voulait  s  -n  repos, 
et  ne  voulait  pas  s'affecter  des  objets  d'une  prévoyance  éloignée.  L'incurie 
dominante  triompha  de  la  sagacité  du  négociateur  :  son  zèle  et  son  habi- 
leté ne  purent  obtenir,  après  bien  des  mouvements,  que  des  espérances 
vagues  et  des  expectatives  illimitées,  lesquelles,  h  le  bien  prendre,  étaient 
des  réponses  absolument  déclinaloites. 

C)  Correspondance  secrète  de  sa  majesté  avec  le  comte  Desalleurs. 


186  APPENDICE 

Cet  ambassndeur  étant  niorl,  il  plut  au  roi  de  jeter  les  yeux  sur  le  che- 
valier de  Vergennes,  pour  lui  confier  la  gestion  de  ses  affaires  à  Constan- 
linople.  Sa  majesté  lui  fil  oonlirraer  les  instructions  qui  avaient  été  données 
à  son  prédécesseur;  elle  le  chargea  de  niellre  dans  l'exécution  de  ses 
ordres  la  phis  gronde  activité.  La  circonstance  était  pressante.  La  France 
se  voyait  h  la  veille  d'une  guerre  maritime  avec  l'Angleterre;  on  s'atten- 
dait bien  que  celle-ci  voudrait  l'étendre  sur  le  continent,  et,poi!r'ceteiret, 
qu'elle  cherchait  à  attirer  les  Russes  en  Allemagne,  soit  pour  tenir  le  roi 
de  Prusse  en  échec,  soit  pour  l'atlaquer,  si,  fidèle  à  ses  engagements 
avec  la  France,  il  attaquait  lui-même  l'électoral  d'Hanovre,  Le  grand  objet 
alors  était  donc  d'engager  les  Turcs,  par  le  motif  de  la  conservation  de 
l'intégrité  des  droits  du  territoire  de  la  Pologne,  à  interdire  aux  Russes 
le  passage  par  ce  royaume.  Jamais  la  circonstance  ne  pouvait  être  moins 
heureuse.  Sultan  Osman  régnait  ;  la  faiblesse  et  les  vices  de  son  gouver- 
nement étaient  si  k  découvert,  que  son  propre  ministère  ne  les  dissimulait 
pas.  Vainement  le  chevalier  de  Vergennes  agit-il  par  des  offices  directs  et 
par  des  pratiques  secrètes,  employa-t-il  la  ressource  du  raisonnement, 
et,  ce  qui  est  quelquefois  plus  efficace,  celle  des  présents  et  des  promes- 
ses :  il  ne  put  rien  avancer  ;  la  léthargie  était  incurable.  D'ailleurs,  les 
révolutions  ministérielles,  qui  se  succédaient  coup  sur  coup,  le  remet- 
taient sans  cesse  an  point  d'où  il  était  parti.  Quoique  son  zèle  et  sa 
constance  ne  se  démentissent  point,  ses  progrès  n'en  furent  ni  plus  réels, 
ni  plus  satisfaisants. 

C'est  dans  cet  état  des  choses  qu'une  révolution  des  moins  attendues 
changea  la  face  des  affaires  et  des  connexions  dans  la  chrétienté.  Le  roi 
d'Angleterre,  comme  il  avait  été  prévu,  voulant  pourvoir  à  la  sûreté  de 
ses  états  d'Allemagne,  resserra,  par  un  traité  d'alliance  et  de  subsides, 
les  liens  qui  l'unissaient  déjà  k  la  Russie.  Cette  puissance,  lui  garantis- 
sant ses  possessions  allemandes,  s'obligeait  à  lui  fournir  un  corps  nom- 
breux de  troupes  pour  sa  défense. 

Le  roi  de  Prusse,  intimidé  par  cette  nouvelle  convention,  appréhen- 
dant de  voir  la  Prusse  innondée  par  un  essaim  de  troupes  russes  (et  vrai- 
semblablement aussi  que  la  cour  de  Vienne  ne  choisît  celle  conjoncture 
que  pour  revendifjuer  la  Silésie),  se  replia  sur  l'Angleterre,  et  convint 
avec  sa  majesté  britannique  d'un  traité  d'alliance  et  de  garantie  mu- 
tuelle. 

Cette  double  défection  de  l'Angleterre  et  de  la  Prusse,  qui  manquaient 
chacune  de  leur  côté  à  leurs  alliés  respectifs,  produisit  un  changement 
aussi  subit  que  total  dans  le  système  de  l'Europe  ;  la  France  et  la  cour  de 
Vienne,  dont  l'état  habituel  était  de  s'observer  avec  défiance,  s'unirent 
aussitôt;  un  traité  de  neutralité,  d'amitié  et  d'alliance,  scella  le  lien  de 
leur  union  ;  la  cour  de  Pétersbourg,  étroitement  altachée  pour  lors  à  celle 


Af'PENDICK  187 

de  Vienne,  ne  crut  pas  devoir  s'en  séparer;  les  engagements  qu'elle  venait 
de  prendre  avec  l'Angleterre  cessèrent  de,  lui  paraître  utiles  ;  elle  accéda 
à  la  liaison  que  la  France  et  la  maison  d'Autriche  venaient  de  former 
enlr'elles. 

Cet  événement  n'avait  rien  que  de  très-naturel  pour  des  yeux  instruits 
et  éclairés  (*)  :  mais  les  Turcs  ne  le  sont  pas.  Accoutumés,  depuis  plus  de 
deux  siècles,  à  considérer  l'aujitié  de  la  France,  priticipalemcnt  en  raison 
de  son  opposition  constante,  et  qu'ils  supposaient  invincible,  aux  intérêts 
delà  maison  d'Autriche,  ils  n'apprirent  qu'avec  la  plus  grande  surprise 
que  deux  cours  qu'ils  réputaient  inconciliables  venaient  de  s'unir  par 
les  liens  les  plus  étroits  de  l'amitié  et  de  l'alliance.  Mais  leur  surprise  ne 
tarda  pas  à  dégénérer  dans  un  sentiment  plus  chagrin  et  plus  aigre,  lors- 
que, le  traité  leur  ayant  été  communiqué,  ils  observèrent  que  la  France 
n'avait  pas  jugé  devoir  les  excepter  des  cas  où  elle  serait  obligée  d'admi- 
nistrer des  secours  à  son  nouvel  allié. 

Ce  fut  très-inutilement  qu'on  leur  opposa  les  raisons  les  plus  solides 
pour  leur  faire  comprendre  que  la  France  n'avait  pu  faire  autrement  que 
ce  qu'elle  avait  fait;  il  n'y  avait  pas  lieu  de  craindre  qu'elle  se  séparât  de 
cette  amitié  et  qu'elle  pût  jamais  se  prêter  à  des  ice<^ur-es  offensives  et 
hostiles  contre  l'empire  ottoman.  L'impression  était  faite;  il  n'y  avait  que 
le  rétablissement  de  l'exception  omise,  qui  put  l'elTacer.  Celle-ci  éudt 
apparemment  impossible,  puisqu'elle  n'a  pas  été  suppléée  et  qu'elle  ne 
l'est  pas  encore  (**). 

Toute  défavorable  que  fût  cette  impression,  l'effet  en  aurait  été  peu 
sensible,  si  le  règne  de  sultan  Osman  avait  été  plus  long,  ou  si  la  guerre 
qui  s'alluma  en  Allemagne,  peu  après  la  conclusion  de  l'alliance  de  Ver- 
sailles avait  été  moins  traversée  par  des  événements  fâcheux.  En  Turquie, 
comme  en  beaucoup  d'autres  endroits,  les  succès  influent  sur  l'opinion  et 
sur  la  considération. 

(*)  On  voit,  par  ce  passage  et  ce  qui  le  précède,  combien  M.  de  Vergennes,  instruit 
des  véritables  causes  du  changement  de  système  de  la  France,  était  loin  de  désap- 
prouver l'alliance  défensive  de  1756.  L'omission  de  l'article  qu'il  désirait  pour  rassu- 
rer les  Turcs,  fut  réparée  par  la  garantie  qu'on  exigea  de  l'empereur,  et  par  les  décla- 
rations subséquentes  que  firent,  à  différentes  reprises,  nos  ambassadeurs  à  la  Porte. 
Malgré  les  nœuds  qui  liaient  la  France  et  l'Autriche,  le  cabinet  de  Versailles  n'a  pas 
cessé  de  donner  au  grand-seigneur  des  secours  en  ingénieurs,  en  officiers  d'artilleiie. 
Si  ces  secours  ont  été  insuffisants,  il  faut  en  accuser,  non  le  traité  de  1756,  mais  l'opi- 
niâtre fanatisme  des  Turcs,  qui  ont  toujours  refusé  l'admission  des  vaisseaux  français 
dans  la  mer  .>ioire,et  l'incorporation  des  soldats  français  avec  leurs  troupes.  (Ségur.)'' 

(*')  La  guerre  des  Turcs  contre  la  Russie  suspend  leur  prévention.  La  conduite  du 
vicomte  do  Vergennes  a  contribué  à  l'affaiblir  ;  les  sûretés  qu'il  s'est  mis  sur  la  voie 
de  faire  procurer  à  la  Porte,  do  la  part  de  la  cour  do  Vienne,  sont  un  service  réel 
dont  on  a  paru  tenir  compte.  Toutefois,  il  serait  de  la  plus  haute  importance,  pour 
l'avenir,  de  faire  rétablir  cette  exception.  {Séffur.) 


188  APPENDICE 

Sultan  Mustapha,  en  raoïitaiil  sur  le  trône,  adopta  les  préventions  que 
les  liaisons  de  la  cour  de  France  avec  la  cour  de  Vienne  avaient  répan- 
dues. Son  visir  ne  négligea  rien  pour  les  aigrir.  Ce  prenjier  ministre  ne 
pardonnait  pas  à  la  cour  de  Vienne  lu  surprise  qu'elle  avait  faite  à 
l'empire  ottoman,  lorsque,  sous  prétexte  de  contribuer,  par  sa  média- 
tion, à  rétablir  la  paix  entre  la  Porte  et  la  Russie,  elle  avait  retiré  furlive- 
naent  son  ambassadeur,  envahi  le  territoire  oltouian,  et  s'était  emparée 
de  Nissa  (1737).  Sa  rancune,  à  cet  égard,  était  si  forte,  qu'elle  s'étendait 
à  tout  ce  qui  avait  des  liaisons  avec  cette  même  cour.  C'est  du  moins  le 
seul  prétexte  plausible  auquel  on  croit  pouvoir  rapporter  l'aliénation  qu'il 
montra  constamment,  pendant  tout  son  long  ministère,  pour  les  intérêts 
de  la  France.  Il  ne  linl  pas  k  lui  de  la  faire  partager  à  son  maître.  Dans 
l'inlention  de  décrier  cette  puissance,  il  fallait  qu'il  la  lui  eût  dépeinte 
sous  des  couleurs  liien  sombres,  puisque  le  sultan,  se  déliant  apparemment 
des  exagérations  de  son  ministre,  jugea  à  propos  de  s'adresser  au  sieur  de 
Vergennes  par  le  moyen  d'une  personne  tierce,  pour  savoir  quelles  étaient 
la  nature  et  l'essence  des  engagements  de  la  France  avec  la  maison  d'Au- 
triche, et  s'il  était  possible  que  la  première  piit  jamais  être  entraînée  par 
l'autre  dans  une  ruplure  ouverte  avec  son  empire.  Les  éclaircissements 
préliminaires  que  le  sieur  de  Vergennes  donna  h  sa  hautesse,  et  ceux 
plus  affirraatifs  qu'il  eut  ordre  ensuite  de  communiquer  à  la  Porte,  paru- 
rent satisfaire  ce  prince,  et  ils  auraient  vraisemblablement  détruit  toutes 
les  préventions,  si  l'ambassadeur  avait  pu  condescendre  à  la  demande  de 
la  Porte,  qui  en  exigeait  la  déclaration  par  écrit. 

Quoique  les  circonstances  dont  a  l'honneur  de  rendre  compte,  rendis- 
sent la  position  du  sieur  de  Vergennes  délicaie  et  critique,  cependant  il 
ne  perdit  de  vue,  dans  aucun  temps,  les  objets  qui  étaient  confiés  h  son 
zèle.  11  ne  pouvait  plus,  comme  dans  les  commencements  de  sa  résidence, 
diriger  l'attention  des  Turcs  vers  les  projets  des  cours  de  Vienne  et  de 
Pélersbouig.  Il  devait,  au  contraire,  prévenir  qu'il  n'arrivât  rien  qui 
barrât  les  efforts  qu'elles  faisaient  pour  le  soutien  d'une  cause  qui  était 
devenue  commune  à  la  France  :  mais,  en  soignant  cette  partie  de  sa  mis- 
sion, il  n'abandonna  pas  le  fil  des  affaires  de  Pologne,  et  il  n'en  arriva, 
dans  ces  entrefaites,  aucune  entre  la  république  et  la  Porte,  dont  il  n'eût 
la  direction,  ou  dans  laquelle  il  ne  s'assurât  une  influence  principale. 
(Correspondance  secrète  de  sa  majesté  avec  le  sieur  de  Vergennes.) 

Il  ne  fut  pas  [)0ssible  d'empêclier  que  la  Porte,  éblouie  par  les  succès 
étonnants  que  le  roi  de  Prusse  obtenait  sur  les  efforts  combinés  des  deux 
impératrices,  ne  le  considérât  comme  un  ami  intéressant,  et  ne  se  l'attachât 
par  un  traité  d'amitié  et  de  commerce.  Ce  n'était  pas  tout  ce  que  ce  prince 
recherchait;  il  voulait  être  l'allié  des  Turcs  et  les  intéresser  à  sa  dé- 
fense. Dans  les  derniers  temps  de  la  guerre,  les  conjonctures  étaient 


APPENDICE    .  180 

séduisantes;  la  Honcrrie  était  déçainie  de  troupes;  la  maison  d'Autriche 
paraissait  épuisée;  la  Russie  rahandonnait  ;  d'auxiliaire,  elle  était  enne- 
mie; les  étendards  suisses  flottaient  dans  le  cainj)  prussien  ;  le  L'rand- 
visir,  Roguib-Méliémet-paclia,  était  avitle  de  gloire  ;  il  voyait  l'occasion 
d'en  acquérir  à  bon  marclié  ;  il  ne  voulait  pas  la  laisser  échapper  :  le  coup 
était  prêt  à  partir,  lorsque  la  mine  fut  évenlée;  elle  resta  sans  elTet.  Il 
était  de  l'intérêt  de  la  France  que  les  Turcs  n'embarrassassent  pas  le 
rétablissement  de  la  tranquillité  publique  par  une  division  dont  les  suites 
auraient  pu  être  funestes  à  la  maison  d'Autriche;  ils  ne  le  firent  point  (*). 

L'Europe  commençait  fi  peine  à  goûter  les  prémices  de  la  paix,  lorsque 
la  mort  d'Auguste  III,  roi  de  Pologne,  ouvrit  une  nouvelle  scène  dont  le 
dénouement  peut  être  encore  aussi  éloigné  qu'il  par;iît  incertnin.  La 
Russie,  alliée  du  roi  de  Prusse,  crut,  à  l'aide  de  cette  coojiér.ilion,  pouvoir 
disposer  du  trône  de  ce  royaume;  la  lassitude  de  toutes  les  grandes  puis- 
sance de  l'Europe  lui  faisait  une  sûreté  qu'elles  ne  formeraient  pas  des 
obstacles  insurmontables  à  son  dessein  :  elle  n'avait  à  en  craindre  que  de 
la  part  des  Turcs;  elle  sut,  avec  le  secours  de  ses  artifices  ordinaires,  les 
faire  accéder  à  ses  vues.  Ceux-ci,  inditTérents  pour  la  maison  de  Saxe, 
qui  s'était  peu  souciée  de  rechercher  et  de  cultiver  leur  amitié,  donnè- 
rent dans  le  piège  que  la  Russie  leur  tendit  en  les  invitant  à  se  déclarer 
pour  un  roi  Piast.  Ils  crurent  qu'un  pareil  choix  qui  honorerait  la  na- 
tion  polonaise,  sans  déroger  k  sa  liberté,  ferait  tout  à  la  fuis  la  convenance 
de  la  Pologne  et  de  celle  de  ses  voisins  :  mais  ils  ne  comprirent  pas  assez 
tôt  que  le  but  de  la  czariue  était  bien  moins  de  laisser  un  choix  libre 
aux  Polonais,  que  de  le  fixer  sur  celui  d'entr'eux  qu'elle  s'était  proposé 
d'élever. 

Lors  qu'ensuite  il  connurent  distinctement  où  tendaient  les  manèges  et 
les  mesures  de  cette  princesse,  ils  tentèrent  de  s'y  opposer;  ils  donnèr-^int 
pour  cet  effet  l'exclusion  à  Stanislas-Auguste  :  mais  ils  s'y  prirent  si  mala- 
droitement que  cette  démarche  ne  servit  qu'à  accélérer  l'élection  de  celui 
qu'ils  voulaient  éloigner  du  trône. 

La  Porte,  peu  sensible  à  ce  que  sa  gloire  et  sa  dignité  exigeaient  d'elle, 
ne  se  ressentit  pas,  comme  elle  le  devait,  du  peu  d'égards  que  la  Russie 
lui  avait  témoignée  dans  cette  occasion.  Fascinée  de  nouveau  par  des 
assurances  captieuses  et  par  les  promesses  frauduleuses  que  cette  puis- 
sance lui  fit,  et  dont  le  détail  n'a  jamais  été  bien  connu,  elle  consentit  à 

(')  Cet  événement,  qui  n'a,  pour  ainsi  dire,  pas  été  remarqué,  n'est  pas  le  moins 
intéressant  de  l'ambassade  du  sieur  de  Vergenues,  Un  mémoire  dans  lequel,  à  la  fa- 
veur des  ordres  secrets  de  sa  majesté,  il  exposa  les  suites  funestes,  pour  la  Pologne, 
du  parti  que  la  Porte  était  sur  le  point  de  prendre,  ramena  le  grand-seigneur,  et 
avec  lui  les  chefs  de  la  loi  et  plusieurs  membres  du  divan,  à  des  combinaiions  plus 
équitables  que  celles  que  le  grand-vizir  avait  fait  adopter.  (.ÇpV/Hr.'» 


190  •     APPENDICE 

ce  qu'elle  continuât,  avec  un  nombre  de  troupes  limité,  l'ouvrage  de  la 
prétendue  rélormalidn  qu'clla  s'était  permis  d'étiblir  en  Pologne.  La 
Porte,  se  bornant  à  dilVérer  la  reconnaissance  de  l'élection  au  trône  du 
candicat  qu'elle  en  avait  exclu,  vit  sans  inquiétude  et  sans  jalousie  la 
Russie  détruire  la  mesure  que  les  Polonais  avaient  commencé  à  prendre 
pour  l'amélioration  de  leur  gouvernement,  et  replonger  la  république 
dans  le  chaos  de  l'anarchieet  delacoiifusion.  0  n  pourrait  même  dire, 
sans  craindre  de  trop  s'avancer,  que  les  minisires  du  divan  applaudis- 
saient aux  motifs  de  prévoyance  qui  dirigeaient  la  conduite  de  la  cour 
de  Pétersbonrg.  Aussi  prévenus  qu'ils  le  sont  que  les  puissances  chrétien- 
nes ne  peuvent  j)as  leur  vouloir  plus  de  bien  qu'ils  ne  leur  en  veulent 
eux-mêmes,  ils  appréhenderaient,  si  la  Pologne  pouvait  regagner  de  la 
force  et  de  la  consistance,  que  ses  efforts  et  ses  vues  ne  portassent  contre 
l'empire  ottoman  :  comme  si  la  république  pouvait  méconnaître  que  le 
seul,  le  véritable  ennemi  contre  lequel  elle  doit  se  prémunir  et  s'armer, 
est  la  puissance  qui  en  veut  h  sa  liberté  et  h  son  indépendance  souveraine. 

La  Porte,  indifférente  et  passive  sur  l'usurpation  que  la  Russie  faisait 
des  droits  constitutionnels  de  la  Pologne,  le  fut  moins  sur  l'invasion  qu'on 
craignait  de  son  territoire.  Réveillée  par  les  conseils  et  les  exhortations 
de  la  France,  elle  comprit  que  la  Russie,  sous  la  couleur  d'une  démarca- 
tion de  limites  avec  la  Pologne,  visait  à  un  démembrement  de  territoire, 
lequel,  par  son  étendue  et  par  son  emplacement,  serait  incouimode  et 
nuisible  aux  intérêts  de  l'empire  ottoman.  La  Porte  s'en  expliqua  de  ma- 
nière à  faire  sentir  qu'elle  ne  souffrirait  pas  paisiblement  un  accaparement 
quelconque.  La  négociation  entamée  sur  le  l'ait  des  limites,  quoiqu'assez 
avancée,  se  ralentit  tout-à-coup  :  on  ignore  si  elle  a  été  reprise  depuis  ; 
mais  elle  ne  paraît  pas  avoir  fait  aucun  progrès  considérable. 

Tel  était  l'état  des  choses  à  la  fin  de  la  diète  ordinaire  de  l'année  1766. 
La  Russie  avait  lieu  de  s'applaudir  de  la  docilité  qu'elle  y  avait  rencon- 
trée; tout  s'était  passé  au  gré  de  sa  volonté  ;  l'article  seul  des  dissidents 
et  des  Grecs  désunis,  dans  le  rétablissement  de  leurs  prétendus  anciens 
droits,  avait  éprouvé  de  la  résistance.  Cette  opposition  irrita  l'orgueil  de 
la  Russie  ;  elle  croyait  avoir  droit  à  l'obéissance  passive  des  Polo)iais; 
elle  résolut  de  les  y  contraindre  :  assui'ée  que  les  dissidents,  dont  tout 
l'espoir  reposait  dans  sa  protection,  ne  se  refuseraient  à  aucune  de  ses 
vues,  elle  songea  à  les  réunir  dans  un  corps  de  confédération  qu'elle 
fer-ait  mouvoir  à  son  gré.  Cette  trame  fut  ourdie  dans  le  plus  gi-and  secret  : 
cependant  celui-ci  fut  pénétré  ;  la  Porte  en  fut  informée  à  l'avance  :  on 
lui  fit  connaître  le  désordre  extrême  qu'un  projet  aussi  révoltant  ne  pou- 
vait manquer  de  produire;  qu'une  guerre  civile  et  religieuse  en  serait  la 
suite  ;  que  l'ijujlnasement  foi-mé,  1(js  fronlièi'es  ottomanes  pourraient  n'ê- 
tre pas  épargnées;  qu'on  était  à  temps  de  le  prévenii-,  mais  que,  j)our  y 


APPENDICE  191 

obvier,  il  n'y  en  avait  point  k  perdre,  et  qu'il  fallait  presser  la  cour  de 
Pélcrsl)Ourg  d>'.  rappeler,  sans  plus  de  délai,  les  troupes  qu'elle  avait  en 
Pologne.  La  Poitc  voyait  le  mal,  et  elle  en  crai;;iiait  les  suites;  mais, 
concentrée  dans  le  goût  du  repos,  elle  répugnait  au  remède  qu'on  lui 
indiquait,  parce  que,  ne  pouvant  être  assurée  que  la  Russie  se  prêterait  à 
retirer  ses  troupes  sur  la  réquisition  qu'elle  en  ferait,  elle  ne  voulait  pas 
se  compromettre  et  former  l'engagement  qu'elle  était  déterminée  d'éviter. 
La  Porte,  incertaine  du  parti  qu'elle  avait  h  prendre,  et  n'en  prenant  au- 
cun, la  Russie  eut  les  mains  libres  pour  entreprendre  tout  ce  qu'elle  vou- 
lut,  les  dissidents  se  confédérèreiit  et  reçurent  de  cette  puissance  l'assu- 
rance d'une  protection  victorieuse. 

Le  zèle  religieux  que  la  Russie  fiffichait  pour  leur  cause,  quoique  réalisé 
par  les  effets,  n'était  cependant  qu'un  voile  dont  son  ambition  se  couvrait 
pour  atteindre  à  un  but  et  plus  flatteur  et  plus  intéressant.  La  réunion 
(les  dissidents,  sous  l'étendard  de  sa  protection,  lui  assurait  un  parti  nom- 
breux; mais  elle  voulait  dominer  sur  le  corps  entier  de  la  république. 
Des  garanties  non  avouées  ou  faussement  interprétées  avaient  jusque-là 
servi  de  fondement  h  son  régime  et  h  son  despotisme.  Ce  titre  était  trop 
caduc,  il  ne  pouvait  même  se  soutenir  ;  elle  s'occupa  de  s'en  procurer  un 
plus  réel  et  plus  durable. 

Le  mécontentement  de  la  nation  polonaise  contre  son  roi  était  général; 
la  Russie  connut  le  parti  qu'elle  pouvait  en  retirer  ;  elle  affiîcta  de  le  par- 
tager; elle  annonça  que  son  intention  était  de  faire  redresser  tous  les 
griefs  quelconques;  et  gagnant,  par  cet  artifice,  la  confiance  des  mécon- 
tents, elle  les  conduisit  par  degrés  h  former  la  dernièi'e  confédération 
générale,  laquelle,  par  l'enchaînement  des  événements,  est  devenue  la 
cause  essentielle  de  leur  ruine  et  de  l'asservissement  de  leur  patrie. 

L'objet  de  ce  Mémoire  n'étant  pas  de  tracer  l'histoire  des  troubles  et 
des  malheurs  de  la  Pologne,  on  se  borne  à  crayonner  les  traits  les  plus 
saillants,  ceux  qui  ont  le  rapport  le  plus  immédiat  avec  les  affaires  que 
le  sieur  de  Vergennes  a  été  chargé  de  soigner.  Ainsi  on  passe  rapidement 
sur  les  moyens  illégaux  que  la  Russie  mit  en  œuvre  pour  faire  requérir 
sa  garantie,  et  sur  les  violences  de  toute  espèce,  et  sur  les  actes  de 
tyrannie  dont  elle  ne  rougit  pas  de  se  souiller  pour  en  obtenir  la  con- 
cession. 

Le  tableau  en  a  été  mis  régulièrement  et  fidèlement  sous  les  yeux  de 
la  Porte.  S'il  n'a  pas  fait  toute  l'impression  à  laquelle  il  aurait  été  natu- 
rel de  s'attendre,  ce  n'est  pas  qu'on  ait  jamais  négligé  de  le  rendre  frap- 
pant et  énergique;  mais  l'aveuglement  était  volontaire,  il  fallait  des 
ressorts  plus  puissants  que  ceux  du  raisonnement  pour  en  triompher. 

11  n'est  pas  tout  à  fait  surprenant  que  les  Turcs,  distinguant  mal  les 
rapports  politiques  des  rapports  religieux,  n'aient  pas  saisi  l'intérêt  qu'il 


192  APPENDICE 

leur  conipélait  de  prendre  à  la  question  des  dissidents.  Dans  leurs  princi- 
pes, un  latin  ou  un  grec,  un  catholique  ou  un  protestant,  sont  des  êtres 
également  séparés  d'eux,  et  ils  ne  concevaient  pas  qu'une  dififérence  sur 
quelques  articles  de  croyance  dût  priver  des  citoyens  libres  des  droits  de 
leur  naissance  et  de  la  société.  Pour  lout  dire,  la  cause  des  dissidents 
leur  paraissait  plus  juste  que  celle  de  leurs  adversaires.  Mais  ce  qui  a  dît 
parfiître  inconccvabie  est  le  flegme,  en  quelque  sorte  stupide,  avec  lequel 
les  Turcs  ont  vu  la  Russie  rpcherclier,  poursuivre  et  f.iire  décerner  une 
garantie,  dont  l'objet  réel  était  de  mettre  le  roi  de  Pologne  dans  la  dépen- 
dance la  plus  absolue,  et,  sans  la  soumettre  tout  à  fait  à  la  condition  d'une 
province  russe,  la  lier  cependant  si  étroitement  qu'elle  ne  pût  avoir  de 
mouvement  et  d'action  que  par  l'impulsion  de  la  puissance  garante. 

Les  lumières  n'ont  pas  manqué  aux  Turcs  pour  s'éclairer  sur  les  con- 
séquences d'un  accaparement  aussi  monstrueux.  Que  n'a-t-on  pas  fait 
l^our  leur  faire  sentir  que  la  Russie,  manutentrice  des  libertés  et  des 
droits  de  la  Pologne  qu'elle  ravissait,  chargée  d'assurer  la  tranquillité 
intérieure  d'un  élat  où  l'union  et  la  concorde  sont  impossibles  ei  qu'elle 
se  garderait  bien  d'y  rétablir,  se  créait  des  prétextes  intarissables  pour 
s'y  perpétuer  armée,  pour  en  usurper  l'empire  souverain  ;  et  qu'elle  ne 
pouvait  avoir  d'autre  but  que  de  s'y  mettre  en  situation  et  en  mesure, 
après  s'être  assurée  de  sa  nouvelle  conquête,  de  fondre  sur  l'empire  otto- 
man et  de  lui  porter  les  coups  les  plus  sensibles  et  les  plus  funestes  ?  Ces 
réflexions,  quoique  vraies,  effleuraient  à  peine  l'attention  des  ministres 
du  divan  :  à  les  entendre,  peu  importait  que  la  Russie  se  fît  décerner  un 
droit  qu'elle  exerçait  de  fait  depuis  plus  d'un  demi-siècle,  sans  qu'il  en 
fût  résulté  aucun  inconvénient  bien  notable  ;  après  tout,  il  suffirait  que  la 
Russie  ne  se  mît  pas  en  devoir  de  conquérir  physiquement  la  Pologne  ;  la 
Porte  saurait  toujours  bien  restreindre  son  influence,  lorsqu'il  lui  con- 
viendrait de  l'entreprendre. 

Ces  sophisines  et  bien  d'autres,  que  la  pusillanimité,  peut-être  même 
la  corru[)tion,  enfantait,  ne  Sont  jamais  demeurés  sans  réponse;  ils  ont 
été  soigneusement  éclaircis  et  réfutés.  Mais  quelque  convaincantes  que 
fussent  les  répliques,  ce  ne  fut  pas  sans  peine  que  la  Porte,  pressée  par 
Tios  vives  remontrances,  et  jugeant  par  la  tournure  que  prenaient  les 
affaires  dans  la  diète  extraordinaire,  assemblée  en  1767,  que  tout  y  succé- 
dait au  gré  de  la  Russie,  se  détermina  k  lequérir  cette  puissance  de  bor- 
ner à  ce  dernier  acte  de  sa  tyrannie  ses  entreprises  et  ses  usurpations,  et, 
pour  cet  efTet,  de  retirer  d'abord,  après  la  clôture  de  la  diète,  toutes  les 
troupes  qu'elle  tenait  en  Pologne. 

Il  y  a  lieu  de  croire  qu^  lu  Porte,  en  faisant  celte  demande,  déférait 
plus  à  une  impulsion  étrangère  qu'à  un  sentunent  profondément  senti  de 
son  intérêt,  puisqu'après  en  avoir  obtenu  la  piomesse  elle  n'a  fait  que 


APPENDICE  193 

de  faibles  efforts  pour  en  procurer  l'accomplissement.  Loin  que  laconfé- 
dérolion  de  Bar,  qui  éclata  dans  ces  entrefaites,  rendît  les  olficos  et  les 
démarches  du  divan  plus  actifs  pour  presser  l'évacuation  demandée,  elle 
lui  parut  au  contraire  un  motif  suffîsant  pour  autoriser  la  Russie  à  diffi- 
rer  l'exécution  de  ses  promesses,  k  se  maintenir  armée  en  Pologne,  et  à 
y  continuer  ses  rigueurs  et  ses  violences.  Ni  l'arrogance  des  Russes  qui 
osaient  faire  flotter  audacieusement  leurs  étendards  sur  les  bords  du  Nies- 
ter,,  ni  l'intégrité  des  frontières  ottomanes  violée  et  outragée  en  plus 
d'une  occasion,  n'avaient  pu  écliaulTer  la  tiédeur  de  la  Porte  et  provoquer 
son  ressentiment.  Si  parfois  elle  en  laissait  apercevoir  quelque  légère 
nuance,  l'ombre  d'une  satisfaction  l'appaisait  et  la  calmait  aussitôt;  elle 
voyait  avec  douhuir  les  flots  d'un  sang  qu'elle  jugeait  innocent  couler  k  sa 
vue;  son  humanité  en  était  révoltée  ;  elle  aurait  pu  empêcher  ce  tissu 
d'horreurs,  elle  ne  voulait,  qu'en  détourner  la  vue.  C'était  inutilement  que 
les  motifs  les  plus  sacrés  réclamaient  à  l'envi  son  appui  et  sa  protection 
pour  une  cause  qui,  à  le  bien  prendre,  était  celle  de  l'empire  ottoman  ; 
ses  administrateurs  ne  prétendaient  que  se  dispenser  d'y  prendre  part, 
et  éloigner  d'eux  l'objet  qui,  en  excitant  leurs  inquiétudes,  leur  repro- 
chait leur  mollesse  et  leur  incurie.  Ils  demandèrent  h  la  Russie  qu'elle 
éloignât  ses  troupes  du  Niesler,  et  désormais  qu'elles  ne  pussent  s'avan- 
cer qu'à  une  certaine  distance  de  leurs  frontières.  Celte  demande  n'a- 
vait rien  qui  gênât  la  Russie  :  la  confédération  de  Bar  était  dispersée  ;  les 
chefs  et  les  membres  étaient  réfugiés  en  Moldavie;  les  troupes  mêmes, 
qui  avaient  été  employées  en  Podolie,  devenaient  nécessaires  pour  réduire 
la  confédération  deCracovie;  la  Porte  n'exigeant  de  la  Russie  que  ce  qu'il 
était  de  son  intérêt  de  prévenir,  celle-ci  sortait  au  meilleur  marché  d'un 
pas  glissant  et  critique,  il  est  assez  apparent  qu'elle  en  aurait  été  quitte 
pour  cette  légère  condescendance,  si  l'orgueil  qui  sen.ble  faire  le  carac- 
tère dominant  de  tons  les  individus  russes,  n'avait  pas  produit  un  inci- 
dent dans  lequel  un  instant  a  changé  la  face  du  système  ottoman.  C'est  de 
l'affaire  de  Batta,  dans  la  petite  Tartarie,  qu'il  est  question.  Les  détails  en 
sont  connus.  Les  Russes  ont  tenté  de  s'en  disculper  et  de  la  rejeter  sur 
les  paysans  révoltés  de  l'Ukraine  ;  mais  il  est  avéré  qu'elle  a  été  l'ouvrage 
des  Cosaques- Zaporowiens.  Cette  justification,  tout  insubsistante  qu'elle 
fût,  aurait  pu  trouver  cependant  des  défenseurs  et  du  créiit,  si  elle  avait 
pu  prévenir  l'eflroi  qui  s'empara  des  esprits.  La  peur  fit,  dans  celte  occa- 
sion, ce  que  la  dignité,  la  justice  et  la  convenance  n'avaient  pu  opérer. 

Les  ministres  ottomans,  considérant  l'invasion  de  Batta  comme  une 
agression  préméditée,  et  croyant  déjà  voir  les  Russes  dans  le  centre  de  la 
Moldavie,  sentirent  à  quoi  les  exposaient  leur  coupable  négligence  et  l'en- 
durcissement volontaire  avec  lequel  ils  s'étaient  constamment  refusés  à 
toutes  les  exhortations  amicales  et  à  toutes  les  remontrances  les  plus  so- 

T.   u.  13 


19i  APPENDICE 

lides  qui  h^iir  avaient  été  faites.  Leur  frayeur  ne  connaissant  point  d'arrêt, 
on  vit  éclore  avec  la  rapidité  la  plus  surprenante  une  foule  immense  de 
dispositions  et  de  préparatifs  militaires,  qui  caractérisent  bien  éminem- 
ment les  ressources  innombrables  de  l'empire  ottoman,  et  ce  qu'il  serait 
en  état  de  faire,  s'il  était  administré  par  des  personnes  habiles  et  ver- 
tueuses. Les  ministres  ottomans  ne  bornèrent  pas  leur  vigilance  à  pour- 
voir h  la  sûreté  de  celles  de  leurs  frontières  qu'ils  supposaient  menacées; 
mais  voulant  savoir  précisément  à  quoi  s'en  tenir  avec  la  Russie,  le  rési- 
dent de  cette  puissance  lut  appelé  chez  le  réis-elTendi,  lequel,  ci  la  suite 
de  difierentes  explications,  lui  déclara  expressément  que  la  paix  ne  sub- 
sisterait qu'autant  que  la  cour  de  Pélersbourg  retirerait,  sans  plus  de  dé- 
lai, toutes  les  troupes  généralement  quelconques  qu'elle  avait  introduites 
en  Pologne. 

Cette  sommation  fut  faite  d'un  ton  et  d'un  style  qui  n'annonçaient  pas 
que  la  Porte  fût  disposée  à  s'en  relâcher;  et  les  préparatifs  militaires 
qu'elle  n'a  pas  discontinués  depuis,  indiquaient  assez  qu'elle  voulait  être 
satisfaite.  Toutefois  la  Russie  n'en  a  tenu  compte.  Elle  no  voulait  faire 
sortir  ses  troupes  de  la  Pologne  qu'autant  que  toutes  les  affaires,  pour 
lesquelles  elle  les  y  avait  fait  entrei',  seraient  terminées  et  arrangées,  co 
qui  revient  à  dire  autant  que  la  république  seraient  entièrement  asservie. 
Une  oflre  aussi  captieuse;,  qui  ne  fixait  ni  terme,  ni  bornes  aux  entrepri- 
ses et  aux  usurpations  de  la  Russie,  ne  iiouvanl  être  interprétée  autre- 
ment que  comme  un  refus  formel  d'acquiescer  h  la  demande  de  la  Porte, 
celle-ci  s'est  enfin  déterminée  au  seul  parti  qui  lui  restait  h  prendre,  et 
qui  pouvait  sauver  sa  gloire  comme  ses  intérêts.  Le  résident  de  Russie, 
mandé  chez  le  grand-visir,  ayant  ratifié  verbalement  le  contenu  de  la  ré- 
ponse qu'il  avait  donnée  précédemment  par  écrit,  et  détruit  jusqu'à  la 
moindre  espérance  de  quelque  modification  satisfaisante,  il  fut  arrêté  et 
conduit,  par  ordre  du  Grand-Seigneur,  au  château  des  Sept-ïours,  où  il 
est  détenu  et  gardé  en  prisonnier  d'état  avec  toutes  les  personnes  em- 
ployées dans  son  ministère. 

Celte  démarche  a  été  le  prélude  de  la  déclaration  de  guerre  que  sa 
haulesse  a  résolu  de  faire  aux  Russes;  et,  peu  de  jours  après  la  détention 
du  sieur  ObrescotT,  elle  a  été  notifiée  à  tous  les  ordres  de  l'état  dans  un 
grand  divan,  convoqué  h  cet  eflet  au  sérail.  Depuis  on  redouble  de  vi- 
gueur et  d'activité,  soit  pour  pourvoir  â  la  sûreté  des  frontières  pendant 
l'hiver,  soit  pour  se  mettre  en  état  d'ouvrir  la  campagne  prochaine  avec 
éclat  et  avec  succès.  Ceux-ci  ne  i)araîtraienl  pas  équivoques,  si  l'abon- 
dance et  la  force  des  moyens  sulfisaienl  pour  les  déterminer.  Les  Turcs 
ont  immensément  de  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  guerre,  et  pour  la 
faire  longtemps  :  hommes,  argent,  artillerie,  munitions,  subsistances,  tout 
cela  abonde;  mais  ils  manquent  essentiellement  de  chefs  et  d'olliciers 


APPENDICE  195 

qui  aient  les  connaissances  et  l'expérience  militaires.  Cependant,  si  la 
constance  ne  les  abandonne  pas,  il  est  vraisemblable  qu'en  essuyant 
même  dos  défaites  ils  réussiront  à  réduire  l'orgueil  de  la  Russie,  hupielle, 
déjà  fort  épuisée  (*),  soit  par  les  dépenses  de  la  dernière  guerre  en  Prusse 
et  en  Silésie,  soil  par  celles  dans  lesquelles  ses  intrigues  en  Pologne  l'ont 
constituée,  ne  doit  pas  être  dans  une  situation  assez  prospère  pour  four- 
nir longtemps  aux  frais  d'une  guerre  aussi  onéreuse  que  celle  où  elle  se 
trouve  engagée  contre  l'empire  ottoman. 

Tel  est  en  abrégé  l'exposé  ingénu  delà  négociation  principale,  et  même 
la  seule  qui  a  dû  fixer  l'attention  et  les  soins  du  sieur  de  Vergennes,  et 
l'état  véritable  dans  lequel  il  laisse  les  alTaires,  en  se  démettant  de  cette 
ambassade.  Il  est  bien  éloigné  de  s'attribuer  la  moindre  part  du  mérite 
de  l'heureuse  révolution  qui  vient  d'éclorc  ;  elle  est  l'ouvrage  des  cir- 
constances, et  la  gloire  en  est  due  à  la  divine  Providence  (**),  qui  seule  a 
le  droit  de  les  produire.  C'est  elle  qui  suscite  le  vengeur  qui  va  enfin  oppo- 
ser une  digue  aux  cruautés  et  aux  atrocités  dont  la  Piussie  s'est  souillée. 
Puisse  cette  même  Providence  donner  h  ce  vengeur  son  glaive  et  son  ar- 
mure pour  humilier  celte  puissance  orgueilleuse,  et  la  renfermer  dans  les 
bornes  de  la  modération  et  de  la  justice  !  Celle  que  le  sieur  de  Vergennes 
ose  implorer  de  la  clémence  de  sa  majesté  et  de  son  conseil,  et  qu'il  se 
flatte  de  mériter,  est  delà  persuader  que,  dans  aucun  temps,  son  zèle  n'a 
été  refroidi  par  les  obstacles.  Il  connaissait  la  difliculté  de  l'entreprise, 
lorsque  M.  le  duc  de  Glioiseul  le  chargea  de  la  tenter.  Sa  réponse  parti- 
culière à  ce  ministre,  du  26  mai  1706,  en  est  la  preuve.  Mais  tout  insur- 
montable qu'elle  parût  alors,  quelque  peu  d'espérance  qu'il  y  eût  de 
l'aplanir,  le  sienr  de  Vergennes  n'en  a  pas  travaillé  moins  assidûment 
pour  faire  germer,  éclore  et  fortifier  les  dispositions  qui  ont  enfin  éclaté. 
La  carrière  était  ouverte  à  son  émulation  :  il  l'a  suivie  avec  ardeur  et 
constance,  sans  s'en  laisser  détourner  par  les  dégoûts  qu'il  n'y  a  que  trop 
souvent  rencontrés.  Arrivé  au  terme  qui  intéressait  la  prévoyance  de  sa 
majesté  et  celle  de  son  conseil,  il  est  consolant  pour  le  sieur  de  Vergen- 
nes de  devoir  transmettre  le  soin  des  ail'aires  à  un  successeur  dont  les  ta- 
lents, les  lumières  et  le  bon  emploi  qu'il  en  sait  faire,  ont  déjà  décidé  la 

(')  M.  de  Vergennes  était  peut-être  celui,  de  tous  nos  diplomates,  qui  connaissait 
le  mieux  tous  les  rapports  qui  existaient  entre  les  diverses  puissances  de  l'Europe. 
C'était  un  politique  aussi  sage  qu'éclairé;  ses  vues  étaient  droites,  ses  intentions  paci- 
fiques :  personne  ne  fut  plus  fécond  que  lui  en  moyens  conciliatoires  ;  mais  comme  il 
n'était  pas  militaire,  il  ne  voyait  pas  l'impossibilité  où  se  trouvaient  les  Turcs  de  ré- 
sister aux  Russes.  La  bravoure  et  le  nombre  des  troupes  ottomanes  fascinaient  ses 
yeux.  Il  espérait  que  le  courage  des  janissaires  humilierait  l'orgueil  moscovite,  et 
deux  fois  l'événemeut  a  démenti  ses  prédictions.  (Scgur.) 

{")  Il  est  assez  singulier  de  voir  ici  l'ambassadeur  du  fils  aîné  de  l'Église  se  féliciter 
de  la  guerre  que  la  Providence  fait  déclarer  aux  chrétiens  par  les  musulmans.  {Ségur.) 


196  APPENDICE 

réputation.  Il  reste  à  souhaiter  que  le  honneur  couronnant  son  liabilelé,  il 
réussise  à  s'assurer,  dans  la  direction  des  opérations  de  la  guerre  et  de 
celles  de  la  paix,  une  influence  assez  directe  pour  la  rendre  utile  aux  vues 
ultérieures  de  notre  auguste  monarque.  Cette  acquisition  est  d'autant  plus 
nécessaire  h  rechercher  que,  les  Turcs  paraissant  vouloir  établir  le  théâ- 
tre de  la  guerre  en  Pologne,  il  est  à  craindre, ^^en  premier  lieu,  que  le 
remède  qu'ils  vont  porter  aux  Polonais,  ne  soit  tout  aussi  cruel  que  le 
mal  dont  ils  entreprennent  de  les  guérir.  L'indiscipline  des  armées  otto- 
manes et  les  ravages  qu'elles  font,  même  dans  leur  propre  pays,  sont 
connus.  Que  n'en  auront,  d'une  part,  à  souffrir  les  provinces  polonaises 
où  elles  pénétreront?  En  second  lieu,  les  Turcs  n'entreprenant  cette 
guerre  qu'à  contre-cœur,  et  parce  qu'il  n'a  pas  été  dans  leur  choix  de 
s'en  dispenser,  il  pourra  bien  arriver,  surtout  si  leurs  armes  ne  sont  pas 
heureuses,  qu'ils  saisiront,  pour  en  sortir,  les  premières  ouvertures  qu'on 
leur  présentera,  sans  trop  se  mettre  en  peine  de  faire  réintégrer  les  Polo- 
nais dans  leurs  droits  et  leurs  libertés,  et  de  leur  en  assurer  la  paisible 
jouissance.  Qui  sait  même  si  le  démembrement  de  la  Pologne  ne  pourrait 
pas  faire  le  sceau  de  la  réconciliation  entre  les  deux  parties  belligérantes  ? 
On  doit  s'attendre  d'ailleurs  que  l'Angleterre,  toujours  zélée  pour  les 
intérêts  de  la  Russie,  ne  négligera  rien  pour  préparer  les  voies  à  un 
accommodement,  et  pour  se  donner  le  mérite  et  la  gloire  de  l'avoir 
procuré. 

Tout  incertaines  que  puissent  paraître  les  vues  qu'on  prend  la  liberté 
de  proposer,  elles  semblent  cependant  devoir  intéresser  la  prévoyance  et 
l'attention  du  négociateur  et  faire  l'objet  principal  de  ses  soins. 

Il  doit  paraître  étrange  que  la  Porte,  si  intéressée  à  maintenir  la  Polo- 
gne dans  son  état  de  liberté  et  d'indépendance,  et  à  prévenir  qu'aucune 
puissance  ne  puisse  y  usurper  une  influence  aussi  prédominante,  pour 
disposer  des  volontés  et  des  ressources  de  la  république,  ait  été  si  lente 
à  s'éclairer  sur  un  intérêt  aussi  précieux,  et  à  le  soigner.  Mais,  indépen- 
damment de  la  faiblesse,  et  peut-être  de  la  corruption,  qu'on  peut,  ii  juste 
titre,  reprocher  à  quelques-uns  des  ministres  du  divan,  qui,  dans  cette 
période  de  ton:ps,  ont  tenu  les  rênes  du  gouvernement,  on  doit  encore 
considérer  que  les  combinaisons  des  Turcs  sont  très-éloignées  de  celles 
des  puissances  chrétiennes.  Le  système  d'équilibre  qui  tient  l'Europe  dans 
une  vigilance,  et  peut-être  dans  une  agitation  continuelle,  qui  fait  qu'on 
ne  peut  tirer  un  coup  de  fusil,  dans  une  de  ses  extrémités,  sans  qu'il 
retentisse  aussitôt  à  l'autre;  ce  système  est  étranger  aux  Turcs,  lesquels, 
concentrés  en  eux-mêmes  et  dans  la  vaste  étendue  de  leur  empire,  croient 
avoir  dans  leur  puissance  des  motifs  suffisants  pour  être  indifférents  à 
tout  ce  que  nous  désignons  par  intérêts  relatifs,  persuadés  qu'ils  auront 
toujours  dans  leurs  ressources  propres  et  intérieures,  les  moyens  néces- 


APPENDICE  197 

saires  pour  faire  échouer  les  projets  de  ceux  qui  voudraient  les  attaquer 
dans  leurs  intérêts  directs.  Cette  façon  de  penser  et  de  sentir  est  consa- 
crée par  leur  foi  religieuse,  qui,  en  leur  interdisant  une  participa- 
tion trop  directe  dans  les  affaires  des  chrétiens,  leur  t'ait  un  précepte  de 
ne  pouvoir  faire  la  guerre  à  une  puissance  avec  laquelle  ils  sont  en  paix, 
lorsqu'elle  ne  contrevient  pas  directement  et  formellement  aux  traités. 
Plus  d'une  fois,  on  a  envisagé  coiiyne  des  défaites  vaines  et  frivoles  les 
obstacles  que  les  Turcs  empruntent  de  leur  loi,  parce  que,  prévenu  que 
le  grand-seigneur  est  un  souverain  despotique,  dont  la  volonté  arbitraire 
tient  lieu  de  la  loi,  on  se  persuade  volontiers  qu'il  n'a  qu'à  vouloir  la 
guerre  pour  la  faire.  Ce  despotisme  absolu  du  grand -seigneur  est  une 
erreur  ancienne,  que  la  constitution  ottomane  n'avoue  point.  Le  pouvoir 
de  ce  prince  est  grand  sans  doute  :  il  donne  et  il  ôte  les  emplois  h.  son 
gré  ;  il  dispose  des  fortunes  particulières;  les  trésors  que  son  sérail  ren- 
ferme sont  à  lui;  les  arsenaux,  ks  magasins,  tout  est  à  ses  ordres;  ses 
peuples  le  révèrent  comme  l'ombre  de  la  divinité  sur  la  terre,  et  lui 
obéissent  à  ce  titre.  En  tout  où  la  loi  n'est  pas  expresse,  sa  volonté  y 
supplée  ;  mais  cette  volonté  n'est  pas  si  indépendante  qu'elle  ne  doive 
avoir  l'aveu  des  ordres  de  l'état,  entre  lesquels  celui  de  l'uléma  est  le  plus 
nécessaire,  parce  que,  gardien  et  interprète  de  la  loi,  c'est  lui  qui  légi- 
time ou  qui  réprouve  les  résolutions  et  les  entreprises. 

Il  peut  paraître  étonnant  que  les  empereurs  ottomans  aient  laissé  pren- 
dre un  aussi  grand  ascendant  à  un  corps  qui  limite  et  resserre  leur  auto- 
rité :  mais  l'élonnement  cesse,  lorsqu'on  considère  que  l'empire  devant 
sa  naissance,  son  accroissement  et  sa  conservation  à  la  religion,  celle-ci 
a  dû  et  doit  encore  faire  le  pivot  principal  sur  lequel  porte  la  machine  du 
gouvernement.  Ce  n'est  pas  cependant  que  le  Grand-Seigneur,  s'il  le  vou- 
lait absolument,  ne  pût  faire  la  guerre  sans  le  consentement  de  l'uléiua, 
pourvu  qu'il  fût  assuré  du  concours  des  milices  qu'on  désigne  sous  le  nom 
d'odjack.  Maître  des  trésors  et  des  magasins,  rien  ne  ferait  obstacle  à  ce 
que  sa  volonté  eût  son  effet;  mais  si  la  guerre  était  malheureuse,  le  res- 
sort de  l'enthousiasme  et  du  fanatisme,  dont  l'uléma  seul  dispose,  lui  man- 
quant, la  couronne  du  martyre  promise  et  assurée  à  tous  ceux  qui  per- 
dent la  vie  dans  une  guerre  déclarée  sainte,  n'étant  plus  la  récompense 
de  ceux  qui  succomberaient  dans  celle-là,  l'ardeur  que  ce  prince  aurait 
su  inspirer  à  sa  milice  et  à  son  peuple,  se  convertirait  bien  vite  en  indi- 
gnation et  en  fureur  ;  et,  dans  ce  cas,  nul  doute  que  la  perte  de  son  trône 
ne  fût  le  fruit  de  la  témérité  de  son  entreprise. 

Si  le  gouvernement  en  général  trouve,  dans  la  loi  mahométane,  des 
raisons  et  des  prétextes  pour  se  déterminer  difficilement  à  la  guerre,  ceux 
qui  sont  préposés  à  l'administration,  trouvent,  dans  leur  situation  et  dans 
leur  convenance,  des  motifs  bien  puissants  pour  la  craindre  et  pour  l'é- 


198  APPENDICE 

viter.  La  constituUcii  ottomane,  semblable  à  une  marâtre,  ne  peut  former 
(les  citoyens  zélés  et  patriotiques.  Plus  un  ministre  se  rend  recomraanda- 
ble  par  des  services  éclatants  et  illustres,  plus  ils  se  trouve  en  butte  aux 
traits  de  l'envie  et  aux  coups  de  la  disgrâce.  Le  bien  qu'il  (ait  ne  lui  est 
pas  ordinairement  compté,  et,  le  plus  souvent,  on  le  rend  responsable  du 
mal  qu'il  ne  peut  erapéclier. 

Si  un  grand-visir  est  heureux  k  la  têt,e  des  armées,  la  crainte  que  TafTec- 
tion  des  ministres  ne  le  rende  trop  puissant  et  trop  ambitieux  fait  un 
grief:  sa  propre  réputation  tourne  contre  lui,  et  la  perle  de  sa  place  en 
est  la  conséquence.  Est-il  maUieureux  dans  ses  entreprises;  essuie- t-il 
des  revers,  il  lui  en  coûte  ordinairement  la  têle.  Que  la  disgrâce  le  pré- 
vienne, ou  qu'une  mort  naturelle  le  dérobe  au  choc  des  cabales  et  aux 
soupçons  de  son  maître,  le  souvenir  de  son  mérite  et  de  ses  services  s'en- 
sevelit avec  lui  ;  ses  richesses  deviennent  la  dépouille  du  prince  ;  sa  fa- 
mille est  replongée  dans  la  médiocrité  dont  il  l'avait  tirée,  et  le  mérite 
trop  éclatant  du  père  est  volontiers  un  motif  sufTisant  pour  fermer  l'accès 
des  honneurs  et  de  la  fortune  aux  enfants,  parce  qu'il  est  dans  l'ordre 
de  la  politique  ottomane  de  ne  pas  souQVir  qu'il  s'élève  des  familles  riches 
et  puissantes,  lesquelles,  se  perpétuant,  pourraient  donner  de  l'ombrage 
et  de  l'inquiétude.  Les  gens  de  loi  sont  les  seuls  qui,  parleur  état,  sont 
affranchis  de  cette  tyrannie.  Leur  fortune  et  leur  vie  ne  sont  point  h  la 
disposition  du  prince,  qui  ne  peut  les  punir  que  par  l'exil,  à  moins  cepen- 
dant que  leur  excès  ou  leurs  crimes  n'engagent  leur  ordre  à  les  dégrader 
et  à  les  expulser,  auquel  cas  ils  tombent  dans  la  main  du  prince.  Ces 
exemples  sont  très-rares,  quoique  rien  ne  semblerait  devoir  être  plus 
commun;  mais  chacun  est  dans  le  cas  d'user  d'indulgence  envers  son 
confrère,  parce  qu'il  en  est  peu  qui  n'en  aient  besoin  pour  eux-mêmes. 
Il  est  inconcevable  jusqu'à  quel  point  l'impunité  a  porté  la  corruption  et 
la  rapacité  dans  cet  ordre. 

Ce  qui  a  été  dit  plus  haut,  relativement  à  la  situation  d'un  grand-visir, 
peut  s'adapter  à  celle  de  tous  les  ministres  inférieurs,  et  de  tout  ce  qui 
ti^nt  généralement  aux  emplois  civils  et  politiques.  Ceux-ci,  n'étant,  pour 
ainsi  dire,  que  de  passage  dans  les  emplois,  songent  bien  moins  à  procu- 
rer l'avantage  de  l'empire  que  le  leur  propre;  leur  principale  vue  est  de 
s'enrichir,  soit  pour  satisfaire  leur  cupidité  et  leur  luxe,  soit  pour  acqué- 
rir des  amis  puissants  qui  aident  h  leur  avancement.  En  paix,  les  produits 
de  leurs  offices  sont  grands  et  les  dépenses  médiocres;  c'est  le  contraire 
en  temps  de  guerre.  D'ailleurs,  la  richesse  de  tout  ce  qui  est  connu  sous 
le  nom  de  lidçjial,  et  qui  comprend  tout  ce  qui  n'est  point  uléma  ou 
odjack,  consiste  dans  des  bénéfices  militaires  qui  exigent  une  prestation 
de  services  et  de  secours  dans  les  cas  de  guerre.  Les  douceurs  d'une  belle 
paix  ont  tellement  amolli  les  feudataires,  que  ceux-ci,  dérogeant  à  l'es- 


Al'I'ElVniCK  199 

prit  de  l'inslilution  primitive  do  ces  fiefs,  ont  prodigué  ci  des  dépenses 
agréables  ou  frivoles  un  arirent  qu'ils  devaient  réserver  pour  le  temps  oîi 
l'emploi  en  deviendrait  nécessaire.  Leur  reveau  ne  suffisant  point  à  leur 
luxe,  ils  se  sont  constitués  dans  des  dettes,  et  se  trouvent  fort  embarras- 
sés présentement  que,  dOnués  d'argent  et  de  crédit,  ils  manquent  de 
ressources  pour  se  uietlre  eux-niènics  en  équipages,  pour  se  présenler 
en  campagne  avec  le  nombre  des  gens  requis  par  la  condition  de  leurs 
fiefs,  et  par-Ui  se  trouvent  exposés  h  en  èlre  dépouillés.  Aussi  le  nombre 
est-il  grand  de  ceux  qui  sont  mécontents  de  la  guerre  qui  vient  diî  s'allu- 
mer; et  à  l'exception  des  milices  qui  la  considèrent  comme  une  route 
d'avancement,  et  de  la  populace  qui  espère  d'y  trouver  les  moyens  de 
s'arracher  à  la  misère  et  à  l'indigence,  il  est  peu  de  gens  d'un  autre  état 
qui  ne  voient  avec  déplaisir  la  nécessité  dans  laquelle  l'empire  s'est  trouvé 
de  recourir  h  ce  moyen  extrême.  Le  trait  étant  lancé,  et  ne  pouvant  vrai- 
semblablement plus  retourner  que  teint  du  sang  de  l'ennemi,  il  peut  ôlre 
aussi  inutile  que  dilTicile  de  savoir  au  vrai  ce  que  les  ministres  actuels 
pensent  relativement  h  la  guerre  qu'ils  vont  faire  :  mais  comme  un 
compte  rendu  ne  peut  être  censé  complet,  s'il  n'y  est  fait  mention  de  ceux 
(lui  ont  le  principal  maniement  des  affaires,  le  sieur  de  Vergennes  ne  croit 
pas  pouvoir  se  dispenser  de  ce  devoir  d'obéissance  et  d'exactitude,  quel- 
que délicate  que  soit  la  tâche  de  donner  une  idée  juste  des  personnes  avec 
lesquelles  on  ne  peut  contracrer  aucune  liaison  et  aucune  habitude  per- 
sonnelle. 

Kicbandgi-IMehemet-Emin-pacha,  qui  remplit  la  place  de  grand-visir, 
est,  sans  contredit,  un  homme  de  beaucoup  de  génie,  et  il  n'en  fallait  pas 
un  médiocre  pour  s'élever  aussi  rapidement  qu'il  l'a  fait  au  poste  érai- 
nent  où  il  vient  de  parvenir.  Fils  d'un  marchand  circassien,  il  en  a  suivi 
l'état  dans  sa  première  jeunesse;  et  il  paraissait  s'y  destiner  entièrement, 
lorsque  des  circonstances  heureuses  lui  ouvrirent  l'entrée  dans  le  bureau 
du  mecktoupdgi-edendi,  qui  est  le  secrétaire  intime  du  grand-visir,  et 
l'engagèrent  à  quitter  le  négoce  pour  les  affaires.  Sa  sagacité  naturelle  le 
distinguant  bientôt,  de  commis  qu'il  était  du  raecktoupdgi,  il  fut  fait  meck- 
toupdgi  lui-même,  et,  dans  cette  qualité,  ministre  de  la  Porte.  Il  remplis- 
sait cet  emploi,  lorsque  la  mort  d'Auguste  lil  fit  vaquer  le  trône  de  Polo- 
gne. Le  réis-effendi  alors  en  place,  accablé  par  l'âge  et  par  les  infirmités, 
ne  pouvait  sulfire  aux  affaires,  le  mecktoupdgi  fut  chargé  de  l'aider,  et  il 
sut  se  rendre  si  utile  dans  celte  coopération,  que  la  mort  ayant  enlevéle 
réis-fffendi,  il  fut  pourvu  de  cette  charge,  qu'il  ne  garda  que  peu  de 
mois,  attendu  que  le  Grand-Seigneur,  qui  avait  connu  son  mérite, voulut 
se  l'attacher  plus  imraédialeraent  :  pour  cet  effet,  il  le  créa,  en  llGk, 
pacha  â  trois  queues,  et  lui  conféra  le  titre  de  nichandgi.  Depuis,  ce 
prince,  qui  n'a  cessé  de  16  consulter,  l'a  honoré  de  son  alliance  en  le 


200  APPENDICE 

fiançant  à  la  sultane  sa  fille  aînée  ;  et  il  est  vraisemblable  qu'il  aurait 
moins  lardé  de  l'élever  h  la  place  de  grand-visir,  si  son  âge  peu  avancé 
n'y  avait  fait  obstacle.  On  ne  lui  donne  pas  plus  de  quarante-six  ans. 
Dans  le  court  espace  que  ce  paclia  a  été  employé  dans  le  ministère  poli- 
tique, c'est  lui  qui  fut  l'auteur  de  l'exclusion  donnée  à  Stanislas-Auguste, 
et  de  certaines  conditions  qu'on  exigea  de  la  Russie,  dont  la  connais- 
sance n'a  jamais  été  rendue  publique.  Si  l'on  ne  peut  refuser  à  ce  visir 
de  grands  talents  et  d'heureuses  qualités,  une  connaissance  |)ratique  des 
affaires  delà  Porte,  une  élocution  noble  et  facile,  on  ne  doit  pas  dissi- 
muler aussi  qu'il  a  de  grands  défauts  et  bien  dangereux  pour  une  per- 
sonne qui  est  à  la  tête  d'une  grande  administration.  Souverainement 
prévenu  de  lui-même  et  de  la  supériorité  de  son  mérite,  la  moindre  con- 
tradiction, l'ombre  de  la  résistance  le  choque  et  l'irrite,  et,  dans  son 
impétuosité,  il  ne  met  point  de  bornes  k  son  ressentiment.  Le  sieur  de 
Vergennes  n'a  jamais  eu  à  s'en  plaindre  :  il  n'a  eu,  au  contraire,  qu'à  se 
se  louer  de  ses  bons  procédés,  tandis  qu'il  était  dans  le  ministère  et  de- 
puis qu'il  en  était  sorti.  Ce  premier  ministre  paraît  encore  dans  les  mêmes 
dispositions  à  son  égard  :  mais  l'amitié  des  Turcs  n'est  pas  toujours  un 
gage  de  leur  efficacité. 

Umar-Effendi,  qui  remplit  la  place  de  kyaya-béy,  est  aussi  froid  et  tran- 
quille que  le  grand-visir  est  vif  el  impétueux.  Il  a  l'esprit  souple,  délié, 
et  singulièrement  soupçonneux  et  rusé.  Depuis  près  de  quaire  ans  qu'il 
est  dans  le  ministère,  il  a  acquis  l'expérience  des  affaires.  Dans  le  prin- 
cipe, il  était  un  des  partisans  les  plus  zélés  des  principes  pacifiques  ;  mais 
lor.-qu'il  s'est  aperçu  que  le  grand-seigneur,  irrité  des  outrages  qu'il  avait 
reçus  des  Russes,  songeait  sérieusement  à  s'en  ressentir,  il  n'a  pas  ba- 
lancé à  renoncer  h  sa  première  opinion  et  à  se  rendre  le  plus  ardent 
coupérateur  des  vues  de  guerre.  C'est  ainsi  qu'il  a  réussi  à  échapper  à 
l'orage  qui  a  renversé  l'ancien  ministère,  et  à  se  soutenir  et  à  se  conser- 
ver dans  son  poste,  où  il  s'est  procuré  une  influence  d'autant  plus  prin- 
cipale, qu'il  a  eu  le  secret  de  faire  tomber  la  charge  de  réis-effendi  sur 
un  sujet,  lequel,  manquant  de  la  capacité  nécessaire  pour  la  remplir,  a 
un  besoin  continuel  du  kyaya-béy  pour  couvrir  son  incapacité  et  son 
insuffisance. 

Les  trois  ministres  dont  on  vient  de  tracer  une  esquisse  sont  les  seuls 
sur  lesquels  repose  toute  l'administration  des  affaires  politiques,  qu'ils  ne 
peuvent  cependant  déterminer  et  finir  sans  les  avoir  consultées  avec  le 
mufti  et  avec  les  chefs  de  la  loi.  Celui  qui  a  présidé  au  changement  de 
scène  qui  vient  d'éclater,  mais  qui  n'en  a  pas  été  l'auteur,  n'existe  plus. 
Vieillard  plus  qu'octogénaire,  il  suivait  bien  moins  son  propre  mouve- 
ment qu'il  ne  le  prenait  du  corps  auquel  il  présidait,  et  celui-ci  le  rece- 
vait de  Peri-Zadé  Osman-Molhili,  le  plus  ancien  des  cadileskers,  et,  dans 


APPENDICK  201 

celte  qualité,  le  chef  de  l'uléma;  c'est  celui  quia  été  en  dernier  lieu 
diklaré  mufti.  Ce  nouveau  pontife,  qui  sort  d'une  des  plus  anciennes  fa- 
milles de  son  corps,  qui  compte  plusieurs  muftis  parmi  ses  aïeux,  jouit 
du  plus  grand  crédit  dans  l'uléma,  et  de  la  plus  haute  réputation  dans 
le  public.  Son  éloquence,  à  laquelle  rien  ne  résiste,  le  rend  l'arbitre  des 
conseils,  et  son  génie  hardi  et  élevé  ne  s'effraie  point  de  la  grandeur  des 
enireprises.  Rien  ne  lui  paraît  disproportionné  k  la  puissance  ottomane. 
Il  ne  l'ut  jamais  bien  disposé  pour  les  Russes.  Ses  principes  à  cet  égard, 
qui  étaient  connus,  rendaient  les  ministres  de  la  Porte  très-attentifs  à 
l'écarter  et  h  limiter  son  influence.  L'alVaire  de  ilalta  lui  a  fait  perdre  la 
place  qui  lui  convenait,  et  l'on  peut  le  regarder,  a  juste  titre,  comme 
l'auteur  de  la  révolution  du  système  ottoman,  et  des  vigoureuses  résolu- 
tions qui  en  sont  la  conséquence. 

Le  mémoire  qu'on  vient  de  lire  laisse  peu  d'observations  à  faire.  M.  de  Vergennes 
a  parfaitement  tracé  l'histoire  de  la  politique  ottomane,  et  le  tableau  de  sa  situation. 
Cette  situation  critique  s'aggrave  de  jour  en  jour,  et  cet  immense  colosse  s'approche 
de  plus  en  plus  de  sa  chute  :  tous  les  symptômes  de  dissolution  annoncent  sa  mort;  et, 
lorsqu'il  sera  totalement  tombé,  le  partage  de  ses  vastes  débris  allumera  de  nouvelles 
guerres  auxquelles  la  France  doit  s'attendre  et  se  préparer.  Le  {jouvernement  français 
a  certainement  accéléré  la  ruine  des  Turcs,  non  par  son  système  fédératif,  mais  par  la 
faute  qu'il  a  commise  en  leur  faisant  faire  seuls  la  guerre  à  Catherine  II.  L'empire 
ottoman  effrayait  encore  l'imagination  par  le  souvenir  de  sou  antique  puissance,  de  ses 
rapides  invasions,  de  ses  nombreux  triomphes.  La  guerre  malheureuse  qui  termina  la 
paix  humiliante  de  Kainardgy,  et  la  seconde  guerre  suscitée  par  l'Angleterre  et  la 
Prusse  en  1787,  ont  appris  à  l'univers  le  secret  de  la  faiblesse  actuelle  des  musulmans; 
et  les  principales  puissances  de  l'Europe,  en  se  liguant  pour  les  défendre,  auraient 
encore  beaucoup  de  peine  à  les  garantir  d'une  ruine  que  tout  paraît  rendre  inévitable. 

Il  ne  faut  cependant  pas  croire,  comme  on  le  dit  communément,  que  les  Turcs  soient 
dégénérés.  Ils  ont  la  môme  vaillance  et  le  même  fanatisme  qui  firent  autrefois  trem- 
bler le  monde  entier,  et  étendirent  les  triomphes  du  Croissant  des  extrémités  de  l'Asie 
à  celles  de  l'Europe  :  mais,  s'ils  sont  restés  les  mômes,  tout  est  changé  autour  d'eux. 
Les  puissances  chrétiennes  se  sont  civilisées,  peuplées,  aguerries  :  leurs  troupes  régu- 
lières, leur  tactique  savante,  leurs  forteresses  hérissées  de  bastions,  leur  foudroyante 
artillerie,  leurs  invincibles  baïomiettes,  rendent  inutiles  tous  les  efforts  de  ces  braves 
et  indisciplinés  janissaires,  qui  cherchent  encore,  le  sabre  à  la  main,  la  palme  du  mar- 
tyre, mais  qui  ne  trouvent  que  celle  de  la  gloire. 

Une  autre  cause  hâte  leur  perte;  le  gouvernement  turc  est  théocratique.  Tout  état, 
ainsi  constitué,  devient  une  république  anarchique  de  prêtres  lorsque  le  prince  n'est 
pas  guerrier:  un  empereur  triomphant  peut,  seul  eu  imposer  à  l'uléma;  et  depuis  long- 
temps, les  sultans  amollis,  ne  se  montrant  plus  à  la  tête  des  aimées,  perdent  la  force 
que  leur  aurait  donnée  la  victoire 

Les  pachas,  dont  les  yeux  ne  sont  pas  éblouis  par  le  cimeterre  de  leurs  monarques, 
se  révoltent  tour-à  tour  contre  eux;  et  l'empire,  entouré  de  voisins  menaçants,  et  dé- 
chiré par  des  guerres  civiles,  offre  une  proie  riche  et  facile  au  premier  général  russe 
qui,  sans  s'arrêter  à  des  sièges  inutiles,  voudia  marcher  tout  dioit  à  Constantinople. 
En  vain  la  Porte  espère-t-eile  d'être  à  l'abri  de  ce  danger  par  la  protection  d'une  des 
deux  grandes  puissances  germaniques;  leur  opposition  qui  se  balance,  laisse  à  la  Rus- 
sie assez  de  hberté  pour  cette  conquête.  La  France,  lorsqu'elle  a  une  marine,  est  seule 


202  APPENDICE 

en  état  de  retarder  cotte  grande  révolution  :  mais  il  faudrait  qu*elle  obtînt  l'admjssion 
dfî  son  pavillon  dans  la  mer  Noire;  et  l'une  des  plus  graves  fautes  du  gouvernement 
français  (faute  qu'on  ne  lui  a  cependant  jamais  encore  reprochée)  est  de  n'avoir  pas 
exiicé  des  Turcs  cette  admission. 

Il  a  toujours  employé,  avec  ces  ennemis  des  chrétiens,  le  langage  de  la  modération 
et  de  l'amiiié,  et  ils  ne  sont  accessibles  qu'à  celui  des  menaces. 

Un  fait  suffira  pour  prouver  ce  que  j'avance.  Les  Autrichiens  et  les  Russes,  ennemis 
de  la  Porte,  ont  obtenu  d'elle,  pour  leurs  navires  marchands,  une  libre  navigation  sur 
la  mer  Noire,  qu'elle  a  toujours  interdite  à  la  France  son  alliée.  Nous  la  demandions 
amicalement,  elle  nous  la  refusait  ;  les  cours  impériales  l'exigeaient  les  armes  à  la  main, 
on  la  leur  accordait.  Cet  exemple  est  un  trait  de  llimière  qui  doit  apprendre  com- 
ment il  faut  traiter  avec  le  divan.  En  un  mot,  la  France  n'a  que  deux  partis  à  pren- 
dre :  celui  d'empêcher  le  démembrement  de  l'empire  ottoman,  ou  d'y  coopérer.  Dans  le 
premier  cas,  il  faut  que  ses  troupes  et  ses  vai-sseaux  puissent  aborder  aux  rivages 
qu'elle  veut  défendre  ;  dans  le  second,  elle  doit  prévenir  ses  rivaux,  et  s'emparer  des 
pays  et  des  ports  qui  peuvent  lui  assurer  le  commerce  du  Levant.  [Scijur.) 

'W.,  —  Ri^sniiK'  d'une  note  «le  raniltassadeur  de  rlioîsrtil-fîioiinier  à 
la  Sublime -Porte,  en  date  du  34  septembre  1  993  {%  sàfcr  iSOV). 

Les  récents  événements  arrivés  en  France  annulent  les  pouvoirs  con- 
férés par  son  souverain  au  soussigné.  Il  ne  peut  plus  agir  comme  ambas- 
sadeur, ni  répondre  de  la  protection  due  aux  sujets  français  au  Levant. 
Il  prie,  par  conséquent,  la  Sublime-Porte  de  prendre  elle-même  les  me- 
sures propres  à  garantir  la  sûreté  nécessaire  aux  ministres  de  la  religion 
catholique  et  aux  sujets  fidèles  du  roi. 

(D'après  Zinkeisen,  Geschichte,  etc.) 

\XI.  —  Résumé  de  la  réponse  de  la  Knblime-Porte.  en  date  dit 
16  octobre  1993  (29  sàfer  1  207). 

La  Sublime-Porte  fait  connaître  h  l'ambassadeur  que,  dans  le  but  d'era- 
pècher  toute  interruption  dans  la  gestion  des  affaires,  il  est  nécessaire 
qu'il  continue  de  rester  à  son  poste,  jusqu'il  son  remplacement  par  un 
autre  ambassadeur,  ou  du  moins  par  un  chargé  d'affaires. 

(D'après  ZiNKF.isiiiN.) 

XXII.  —  Résumé  des  înstriietîons  du  comité  diplomatique  de  la 
Convention  nationale  au  citoyen  Sémonville  (*),  en  date  du  ... 
l'S93  { laOÎ) 

Le  nouveau  ministre  national  doit  chercher  surtout  h  rompre  la  coali- 
(')  Après  avoir  été  nommé  ministre  plénipotentiaire  près  la  cour  de  Sardaigne,  qui  ne 


APPENDICE  203 

lion  formée  contre  la  France  par  l'Aulriclift,  la  Prusse  et  la  Uussie,  et  le 
meilleur  moyen  d'obtenir  ce  résultai  sera  de  tâcher  de  diviser  ces  puis- 
sances. Il  est  vrai  qu'on  ne  saurait  compter  sur  une  assistance  directe,  k 
ce  sujet,  de  la  part  de  la  Turquie,  mais  la  Sublime-Porîe  pourrait  être 
très-utile  en  se  mêlant  seulement,  par  exemple,  des  affaires  de  Pologne, 
et  en  lâchant  de  mettre  en  discorde  îosdites  puissances  dans  ce  pays-là. 
Pour  atteindre  plus  facilement  ce  but,  Sémonville  pourra  disposer  de 
8  millions  de  livres,  dont  deux  millions  doivent  être  exclusivement  em- 
ployés k  corrompre  les  entours  du  ^'rand-vézir  et  du  l'éis-éifendi,  et  b. 
entretenir  de  bons  es|)ions  auprès  de  l'internoncc  d'Autriche  et  des  repré- 
sentants prussien  et  russe;  car  il  est  irès-imporlanl  de  s'assurer  comment 
chacun  de  ces  ministres  représente,  à  sa  cour,  les  affaires  polonaises.  Si 
le  grand-vézir  se  déclarait  en  faveur  de  la  Pologne,  Sémonville  lui  pro- 
mettra en  présent  h  frégates,  des  canons,  de  la  poudre  et  des  munitions, 
et  l'envoi  de  plusieurs  officiers  distingués.  Mais  il  faut  agir  avec  d'autant 
plus  de  promptitude  qu'il  s'est  répandu  le  bruit  d'un  nouveau  partage 
imminent  de  la  Pologne  entre  lesdites  trois  puissances,  et  qu'il  est  con- 
séquemmenl  urgent  de  semer  la  discorde  entr'elles. 

Le  citoyen  Sémonville  est  chargé  enfin  de  sonder  la  Porte  si,  en  cas 
d'événements  malheureux  en  France  pour  les  patriotes,  elle  était  disposée 
à  accorder  aux  chefs  de  ces  derniers  el  à  leurs  partisans  un  asile  en  Candie 
ou  à  Chypre,  ou  à  leur  vendre  une  île  quelconque  de  l'Archipel  au  plus 
haut  prix,  et  moyennant  de  riches  présents  pour  tous  les  ministres  in- 
fluents de  la  Porte.  Ils  y  arriveraient  alors  avec  d'immenses  trésors,  et  ils 
n'y  resteraient  que  jusqu'au  moment  où  les  troubles  et  les  luttes  en 
France,  qui  ne  cesseront  de  continuer,  leurs  permettraient  de  reparaître 
sur  la  scène. 

(D'après  Zinkilisen.) 

voulut  pas  le  reconnaître  en  cette  qualité,  Sémonville  (Charles-Louis  Huguet,  marquis 
de)  fut  désigné,  en  179.',  pour  remplacer  le  comte  de  Choiseul-GoufBer,  à  Constantino- 
ple.  Les  démarches  des  représentants  d'Autriche,  de  Prr.sse  et  de  Russie  déterminèrent 
le  divan  à  ne  point  reconnaître  et  recevoir  cet  agent  de  la  convention.  Le  grand-vézir 
écrivit  au  ministre  des  aff;;ires  étrangères  (Lebrun)  que  le  gouvernement  ottoman  ne 
pouvait  recevoir  comme  ambassadeur  Sémonville,  «  qui  avait  donné  des  preuves  d'un 
caractère  et  d'un  naturel  qui  l'avaient  porté  à  des  démarches  hardies  et  inconsidé- 
rées »,  et  demandait  la  nomination  d'un  autre  ambassadenr,  dont  «  la  modération  et 
la  conduite  lui  assureraient  la  confiance  de  la  Sublime-Porte  ».  Sémonville  reçut 
pourtant  Tordre,  au  mois  de  juillet  1793,  de  se  rendre  à  sa  destination,  mais  il  fut  ar- 
rêté, en  Italie,  par  des  commissaires  autrichiens,  et  détenu  jusqu'en  1795,  où  il  fut 
échangé,  avec  d'autres  prisonniers,  contre  Marie-Thérèse-Charlotte  (duchesse  d'Angou- 
lême),  fille  de  Louis  XVI. 


204  APPE^DICE 

XXIII.  —  Résamé  d'une  lettre  du  comte  de  Provence  (Louis  XVIII) 
à  Sélim  III,  en  date  de  Hanim  (\VestphaIie)  le  28  janvier  1993 
(15  djéniaziul-akhir  1207). 

Dans  la  confiance  que  m'inspirent  vos  érainentes  qualités,  j'ai  recours 
à  V.  M.  impériale.  11  est  digne  de  vos  vertus  de  défendre  la  cause  de  tous 
les  rois.  Votre  Hautesse,  dont  l'auguste  maison  est  depuis  si  longues  an- 
nées alliée  à  la  famille  des  Bourbons,  ne  saurait  voir  avec  indifférence 
le  malheur  qui  vient  de  la  frapper.  C'est  un  rôle  digne  de  vous  que  de 
terrasser  par  votre  puissance  la  liorde  des  monstres  qui  ont  trempé  leurs 
mains  dans  le  sang  du  meilleur  des  rois,  et  dont  les  doctrines  criminelles 
tendent  à  renverser  tous  les  trônes  de  l'univers. 

(D'après  Zinkeisen.) 

XXIV.  —  Résumé  des  instructions  du  comité  diplomatique  de  la 
Convention  nationale  au  citoyen  Descorehes  ('),  en  date  du  ..  . 
IÎÎI3   (    ....   120Î) 

Le  citoyen  Descorehes  se  rendra  par  Venise  et  Raguse  à  Conslanli- 
nople,  sous  le  nom  d'Aubri,  négociant,  avec  une  petite  suite  de  trois  per- 
sonnes seulement.  Aussitôt  arrivé,  il  s'y  mettra  en  communication  avec 
le  négociant  Florenville.  Il  joindra  ses  efforts  aux  siens  pour  se  faire 
reconnaître  par  la  Poite  comme  envoyé  extraordinaire  de  la  république, 
et  tâchera  de  faire  entrer  le  divan  dans  les  vues  de  cette  dernière,  relati- 
vement aux  affaires  de  Pologne.  Si  la  Porte  ne  voulait  pas  le  reconnaître 
comme  représentant  de  la  république,  il  cherchera  à  la  brouiller  avec  les 
ministres  d'Autriche,  de  Russie  et  de  Prusse,  et  lui  proposera  un  traité 
d'alliance,  en  lui  promettant  tous  les  secours  possibles  de  la  part  de  la 
république,  au  cas  d'une  guerre  contre  les  deux  empereurs.  Pour  assurer 
le  succès  de  sa  mission,  il  pourra  disposer  de  k  millions  de  livres. 

(D'après  Zinkeisen.) 

XX%\  —  Résumé  d'une  note  collective  des  représentants  d'Autriche 
(baron  Herbert),  de  Prusse  (n.  de  Haobelsdorf)  et  de  Russie  (M.  de 
Kwasto^v),  remise  à  la  Sublime-Porte  le  1*'°  avril  1993  (19  cbà- 
ban   ISU?). 

Les  soussignés  croiraient  porter  atteinte  à  la  dignité  de  leurs  souverains 
tl  de  la  Sublime-Porte,  s'ils  pensaien!  qu'on  devrait  peser  dans  la  même 
balance  la  cause  des  deux  parties  belligérantes  et  leur  droit  à  l'observa- 
tion d'une  neutralité  consciencieuse.  Et  ce  sont  cependant  les  Français, 

(*)  V.  T.  I.,p.  542,  note  2. 


APPENDICE  205 

les  assassins  de  leur  roi,  les  destructeurs  de  toutes  les  lois  divir.es  et 
humaines,  dont  la  forme  du  fiouvernemeni  actuel  n'est  point  encore  re- 
connue par  la  Sublime-Porte,  qui,  sous  ses  yeux  et  au  inépris  de  la  neu- 
tralité, osent  se  permettre,  d'une  manière  directe  ou  indirecte,  les  excès 
les  plus  coupables  envers  les  cours  qui  sont  ses  anciennes  alliées. 

La  Sublime-Porte  connaît,  sans  doute,  ces  excès.  La  cocarde  tricolore 
est  portée  comme  un  signe  de  guerre;  l'arbre,  dit  de  la  liberté,  est  impu- 
demment planté  au  milieu  de  l'hôtel  de  l'ambassade  de  France,  sans  la 
permission  de  la  Su!)lime-Porte,  et  en  dépit  de  son  impartialité  pour  la 
royauté  ou  pour  la  république  ;  on  outrage,  au  milieu  des  plus  abomina- 
bles orgies,  les  noms  sacrés  de  tous  les  souverains;  leurs  représentants 
sont  publiquement  offensés,  nuit  et  jour,  par  des  chansons  indécentes  et 
les  propos  les  plus  insultants  :  telle  est,  depuis  trois  mois,  la  conduite 
des  Français  dans  cette  capitale,  triste  fruit  des  principes  dont  ils  font 
parade,  et  résultat  nécessaire  de  l'anarchie  qui  règne  entr'eux. 

Comme  la  Sublime- Poi  te  a  déjà  officiellement  fait  connaître  qu'elle  a 
adopté  le  système  d'une  stricte  neutralité,  les  soussignés  ne  peuvent  dif- 
férer plus  longtemps  leurs  plaintes  légitimes.  En  conséquence,  ils  ont 
l'honneur  de  lui  demander,  au  nom  de  leurs  cours,  qu'il  soit  déft^nJu  de 
porter  la  cocarde  française  tant  dans  cette  capitale  que  dans  les  Échelles. 
Elle  pouvait  être  tolérée  lorsqu'elle  pouvait  être  considérée  comme  un  si- 
gne non  équivoque  des  opinions  de  ceux  qui  la  portaient.  Mais  depuis  le 
meurtre  de  S.  M.  le  roi  très-chrétien,  elle  est  devenue  le  signe  caracté- 
ristique de  la  révolte  et  du  régicide.  L'honneur  et  une  saine  politique  ne 
permettent  plus  à  un  souverain  étranger  de  la  tolérer  dans  ses  États,  et 
les  Français  honorables  de  Constantinople  ont  d'eux-mêmes  cessé  de  la 
porter,  lorsque  la  nouvelle  de  cet  horrible  événement  a  été  connue. 

Mais  celte  remarque  sur  la  cocarde  devient  bien  plus  importante  rela- 
tivement à  Varbre  de  la  liberté,  ce  monument  odieux  de  la  sédition  et  de 
la  perfidie,  qui,  sous  les  yeux  des  ministres  étrangers,  a  été  planté  en 
face  d'un  jialais  impérial,  et  ce,  dans  un  temps  oii  les  puissances  les  plus 
faibles  et  les  plus  insignifiantes  l'ont  sévèrement  défendu  dans  leurs  Étals. 
Les  soussignés  demandent  avec  instance,  conséqueniment,  que  la  Su- 
bjme-Porte  fasse,  sans  délai,  abattre  cet  arbre,  car  il  prouverait,  aussi 
longtemps  qu'il  resterait  debout,  une  inconcevable  tolérance  et  une  par- 
tialité évidente  de  sa  part,  et  ne  ferait  qu'alimenter  les  espérances  et  la 
témérité  des  instigateurs  français. 

Ils  demandent,  en  outre,  que  l'Iiôtid  de  l'ambassadeur  de  France  ne 
soit  habité  que  par  un  n)inistre  formellement  reconnu,  et  ne  soit  point 
profané  en  servant  d'asile  au  premier  scéléiat  venu. 

Les  soussignés  se  llaltent  de  l'espoir  de  recevoir  sur  tous  ces  objets 
une  prompte  et  satisfaisante  réponse,  qu'ils  puissent  transmettre  à  leurs 


206  APPENDICE 

cours  comme  une  preuve  des  senlimeiils  d'amitié  de  la  Sublime-Porte, 
de  son  système  d'une  parfaite  neuiralité,  et  de  son  impartialité  inébranla- 
lable  dans  cette  cause  de  tous  les  souverains. 

(D'après  Zinkeisen.) 

XWI.  —  Résumé  d'une  note  des  représentants  dMatriehe,  de  Prusse 
et  de  Uussic  à  la  i^ubliuie-Porte,  en  date  du  4  juin  IVilS  (34  clic- 
wal  1209). 

Gomment  la  Sublime-Porte  peut-elle  prétexter  l'ignorance  de  faits 
qui  se  passent  sous  les  yeux  de  tout  le  monde?  Les  choses  sont  par- 
venues à  ce  point  que  les  Jacobins  se  vantent  dans  leurs  pays  que  a  Sa 
Hautesse,  en  signe  d'alliance,  se  décore  des  couleurs  nationales  et  re- 
garde avec  intérêt  l'arbre  sacré  de  la  liberté.  »  Les  festins  nocturnes 
et  les  hurlements  républicains  des  Jacobins  dans  les  rues  do  Péra,  et 
jusque  sous  les  fenêtres  des  représentants  des  puissances  amies  de  la 
Sublime-Porle,  sont-ils  peut-être  un  secret,  après  que  l'autorité  elle- 
même  a  été  obligée  d'y  intervenir  itérativeraent  par  la  force  ?  Pourquoi 
tQ!(3,e-t-on  encore  les  excitations  d'un  des  plus  dangereux  agents  des 
Jacobins,  le  nommé  Gaudin  ,  qui ,  depuis  six  mois ,  se  livre  tranquil- 
lement à  ses  impudentes  menées?  G'est  bien  lui  qui ,  auteur  du  mémoire 
des  Français  où  ils  demandent  la  révocation  du  comte  Choiseul,  a  appelé 
les  ministres  de  tous  les  souverains  ,  sans  distinction  ,  «perfides  agents 
du  despotisme,  »  et  a  répandu  un  grand  nombre  de  pamphlets  pour  sou- 
lever le  peuple.  Dans  un  de  ces  pauqjblets,  on  trouve  ,  entre  autres ,  le 
passage  suivant  :  «Peuple  malheureux,  jusqu'à  quand  courberas-tu 
aveuglément  ta  nuque  sous  l'épée  qui  te  menace  sans  cesse  ?  Il  est  temjîs 
enfin  qu'éclairé  sur  ta  situation  tu  te  décides  à  secouer  le  joug  qui  t'op- 
prime dans  ce  pays  de  l'esclavage  !  » 

Mais,  en  tous  cas,  la  Sublime-Porte  ne  doit  pas  permettre  l'arrivée  k 
Constantinople  de  l'émissaire  Descorches  ,  que  les  régicides  ont  accrédité 
auprès  d'elle  ,  ni  tolérer  plus  longtemps  la  profanation  de  l'hôtel  fran- 
çais, ni  exposer  les  archives  de  l'ambassade  au  danger  de  la  destruction. 
Est-ce  bien  observer  la  neutralité,  ou  plutôt  une  preuve  de  la  partialité 
la  plus  évidente ,  lorsque  la  Porte  permet  aux  instigateurs  français  de 
pareils  excès  coupables,  et  qu'ede  ferme  l'oreille  aux  représentations 
des  ministres  soussignés?  Goux-ci  ne  veulent,  pourtant,  que  la  ramener 
à  la  stricte  neutralité  qu'elle  professe  en  paroles,  mais  dont,  par  le 
fait,  elle  est  très-éloignée;  qu'elle  songe  seulement  que  les  préjudices 
que  lui  causerait  la  froideur  des  puissances  ses  amies  ne  sauraient  ja- 
mais être  compensés  par  l'amitié  de  la  république,  diîl-elle  môme,  ce 
qui  est  impossible,  se  consolider  et  durer  cent  ans. 

(D'après  Zinkeisein.) 


APPENDICE  207 

XXVII.  —  Résumé  d'une  eoufcren<Mi  ilu  citoyen  Descorclirf*  avec  lo 
réiiï^efl'cnili,  tenue  le  38  août  fSOS  (20  muliarreni   ISOM). 

Le  citoyen  Descorches  expose  que  la  situation  de  la  R6|)iibli(iue  est 
exlrèmcnieiit  critique.  La  résistance  collective  de  toutes  les  puissances 
l'a  a  réduite  presqu'à  l'extrémité.  »  La  France  attend  par  conséquent  tout 
de  la  Suhlime- Porte,  h  qui  elle  a  toujours  donné  des  preuves  d'amitié, 
noannéuient  en  empêchant  plusieurs  l'ois  le  démembrement  de  l'empire 
ottoman.  La  république  pourra  tenir  encore  cette  année,  mais  si  la  Poite 
l'abandonnait  et  que  la  royauté  fût  rétablie,  alors  tout  serait  perdu  ;  le 
seul  moyen  de  saint  serait  une  guerre  contre  la  Russie.  Il  a  conséquem- 
menl  reçu  l'ordre  de  la  Convention  nationale  de  conclure  avec  la  Sublime- 
Porte  un  traité  portant  que  la  France  ratifierait  toutes  les  promesses 
qu'elle  ferait  à  l'Angleterre,  si  cette  puissance  restait  neutre  et  n'en- 
travait pas  la  navigation  et  le  commerce  de  la  république,  et  que  celle-ci 
serait  alors  prête  à  secourir  la  Porte  avec  des  vaisseaux,  des  troupes  et 
des  munitions  de  guerre  de  toute  espèce,  et  à  contracter,  en  général, 
tous  les  engagements  que  la  Porte  pourrait  désirer. 

Le  réis-éllendi  répond  au  citoyen  Descorches  en  l'assurant  que  la  ré- 
publifiue  ne  sera  en  aucun  cas  abandonnée  par  la  Porte,  et  en  lui  commu- 
niquant qu'il  allait  soumettre  tout  à  la  décision  du  Grand-Seigneur  et  du 

divan. 

(D'après  Zinkeisein.) 

XXVIII.  —  Résumé  d'une  convention  entre  la  Sublime-Porte  et  la 
répnhlifiue  française ,  signée  par  le  citoyen  Descorches  le  !tO 
août   I7U3  (Z'i  moharrem   i308). 

1.  La  république  française  ratifiera  toutes  les  promesses  que  la  Sublime- 
Porte  ferait  à  la  Grande-Bretagne,  si  celle-ci  restait  neutre. 

2.  En  ce  cas,  la  république  française  fournira  à  la  Sublime- Porte 
12  vaisseaux  de  ligne,  12  frégates,  6  bombardes  et  50  navires  de  trans- 
port avec  des  troupes  et  des  munitions  pour  tout  le  tein|)s  de  la  guerre. 
Les  frais  d^eniretien  de  ces  forces  seront  h  la  charge  de  la  Sublime- 
Porte,  mais  la  république  française  les  lui  rembourseraaussitôt  qu'elle  se 
consolidera. 

3.  Le  parti  républicain  s'engage  même,  au  cas  du  rétablissement  de  la 
royauté,  de  déterminer  le  roi  à  rembourser  lesdits  frais  h  la  Sublime- 
Porte. 

(D'après  Zinkeisein.) 


208  APPENDICE 

XX.IX.  —  Dépêche  de  TeiiToyé  Terninac  (*)  an  comité  de  saint  public, 
en  date  du  1 1  octobre  1995  (2  7  rébiui-cwel  12iO). 

Fera  lez-Constantinople  le  19  vendémiaire  an  4*. 

L envoyé  de  la  république  française  près  la  Porte  ottomane  aux  représen- 
tants du  peuple,  membres  du  comité  de  salut  public. 

Citoyens  représentants,  j'ai  reçu,  par  notre  établissement  de  poste,  le 
Iriplicata  de  votre  dépêclie  du  20  thermidor,  qui  répond  à  quelques 
objets  particuliers  de  ma  correspondance. 

{*)  Arrivé  à  Constantinople  le  14  mai  1795,  Vernioac  qui,  tout  en  étant  un  ardent 
républicain,  joignait  à  beaucoup  de  prudence  une  grande  modération,  parvint,  sans 
peine,  à  se  faire  reconnaître  par  la  Sublime-Porte  comme  envoyé  extraordinaire  et 
ministre  plénipoteniiairc  de  la  république.  Il  eut  son  audience  solennelle  du  sultan  le 
1"  juin  :  dans  celle  du  grand-vézir,  celui-ci  le  qualifia  de  citoyen^  mot  qu'il  prononça 
en  français,  comme  intraduisible  en  turc.  Outre  un  quadruple  traité  d'alliance  entre 
la  France,  la  Porte,  la  Prusse  et  la  Suède,  que  Verninac  était  chargé  de  conclure,  il 
devait  aider  le  gouvernement  ottoman  dans  ses  réformes  militaires,  en  lui  procurant 
un  bon  nombre  d'officiers  distingués.  Beaucoup  d'officiers,  royalistes  comme  républi- 
cains, cherchaient  alors  à  rntror  au  service  de  la  Porte,  et  il  est  digne  de  remarque, 
dit  Zinkeisen,  que  Napoléon  Bonaparte,  ce  génie  militaire  qui  devait  bientôt  dominer  le 
monde,  avait  aussi  songé  sérieusement  à  se  rendre  à  Constantinople  pour  se  mettre  à 
la  tête  de  rartillerie  du  Grand-Seignrur.  Nous  donnons  à  la  suite  de  cette  note  l'écrit 
que  Napoléon  adressa  à  ce  sujet,  le  30  août  1795,  au  comité  de  salut  public,  et  que 
nous  copions  de  la  Correspondance  de  Napoléon  I". 

Verninac  ne  réussit  point  dans  sa  mission  et  fut  remplacé  au  mois  d'octobre  1796 
par  le  général  Aubert  du  Bayet,  ex-ministre  de  la  guerre.  Napoléon,  premier  consul, 
l'avait  nommé  préfet  du  Rhône  :  disgracié  après,  comme  ennemi  du  système  impé- 
rial, il  paraît  néanmoins  avoir  pu  obtenir,  <n  1808,  d'être  attaché  au  ministère  des 
affaires  étrangères.  (F.  plus  bas  la  pièce  cotée  C.)  Verninac  mourut  en  1822. 

Note  dn  général  Bonaparte. 

Dans  un  temps  où  l'impératrice  de  Russie  a  resserré  les  liens  qui  l'unissent  à  l'Au- 
triche, il  est  de  1  intérêt  de  la  France  de  faire  tout  ce  qui  dépend  d'elle  pour  rendre 
plus  redoutables  les  moyens  militaires  de  la  Turquie. 

Cette  puissance  a  des  milices  nombreuses  et  braves,  mais  fort  ignorantes  sur  les 
principes  de  l'art  de  guerre. 

La  formation  et  le  service  de  l'artillerie,  qui  influe  si  puissamment  dans  notre 
tactique  moderne  sur  le  gain  des  batailles,  et  presque  exclusivement  sur  la  prise  et 
la  défense  des  places  fortes,  est  encore  dans  son  enfance  en  Turquie. 

La  Porte,  qui  l'a  senti,  a  plusieurs  fois  demandé  des  officiers  d'artillerie  et  du  gé- 
nie ;  nous  y  en  avons  effectivement  quelque.s-uns  dans  ce  moment  ci  ;  mais  ils  ne  sont 
ni  assez  nombreux  ni  assez  instruits  pour  produire  un  résultat  de  quelque  consé- 
quence. 

Le  général  Bonaparte,  qui   a  acquis  quelque  réputation  en  commandant  l'artillerie 


A1>PFNDICE  209 

J'ai  reçu  en  même  temps  le  duplicata  de  celle  du  22  du  même  mois, 
dont  le  duplicata  ii)'était  déjà  parvenu  et  ;i  laquelle  j'ai  répondu. 

Voire  n"  7,  dans  lequel  vous  m'avez  lait  connaître  vos  inlenlions  rela- 
livement  à  M.  de  Mouradja,  est  arrivé. 

Les  différends  survenus  entre  la  Porie  et  la  légation  de  Russie,  dont  je 
vous  ai  rendu  compte  dans  ma  dernière  lettre,  sont  bien  loin  d'être  ter- 
minés. 

Les  esprits  s'aliènent  chaque  jour  davantage  de  part  et  d'autre.  Je 
vous  ai  marqué  que  l'envoyé  de  Russie  avait  déclaré,  dans  une  note 
adressée  au  grand-vézir,  qu'il  ne  communiquerait  plus  avec  le  réis- 
éffendi. 

La  Porte  était  embarrassée. 

Quelques  hommes  timides  se  voyant  à  la  veille  d'une  rupture  qui  les 
étonnait,  envisagée  si  près,  conseillèrent  d'envoyer  le  premier  interprète 
chez  le  ministre  de  Russie  pour  le  satisfaire  par  quelques  mots  d'excuse. 

Cet  avis  détestable  avait  prévalu. 

Je  n'en  fus  pas  plutôt  informé  que  je  fis  presser  instamment  le  prince 
Morouzi  de  ne  pas  se  prêter  à  être  l'instrument  de  la  honteuse  concilia- 
tion projetée. 

Mes  sollicitations  le  trouvèrent  très-disposé. 

Il  rae  fit  dire  qu'il  se  démettrait  plutôt  de  son  emploi  ;  et  pour  le  con- 
firmer dans  cette  résolution  généreuse,  je  lui  écrivis  la  lettre  ci-jointe, 
n°  1,  en  même  temps  je  présentai  k  la  Porte  la  note  n"  2. 

Ces  démarches  produisirent  le  meilleur  effet  possible.  Le  réis-éffendi 
fâché  d'avoir  écouté  un  moment  des  conseils  pusillanimes,  et  déconcerté 
par  mon  indignation,  m'envoya  son  homme  de  confiance  pour  m'assurer 
que  la  démarche  dont  il  avait  été  question  n'aurait  pas  lieu  ;  qu'il  ne 
sacrifierait  aucunement  la  dignité  de  la  Porte,  et  qu'il  ferait  ce  que  je 
jugerais  convenable. 

Ce  furent  les  propres  termes  de  son  message. 

Ces  circonstances  me  paraissant  propres  à  nos  affaires,  je  fis  remettre 
la  note  n°  3,  et  je  la  fis  appuyer  par  les  démarches  indirectes  les  plus 
vives. 

Le  message  confidentiel  du  réis-éffendi  est  dans  des  termes  encore 
plus  forts  que  le  premier. 

de  nos  armées  en  différentp.s  circonstances,  et  spécialement  au  siège  de  Toulon,  s'offre 
pour  passer  en  Turquie  avec  une  mission  du  gouvernement  ;  il  mèneia  avec  lui  six 
ou  sept  officiers,  dont  chacun  aura  une  connaissance  particulière  des  sciences  relati- 
ves à  l'art  de  la  guerre. 

S'il  peut,  dans  cette  nouvelle  carrière,  rendre  les  armées  turques  plus  redoutables, 
et  perfectionner  la  défense  des  places  forces  de  cet  empire,  il  croira  avoir  rendu  un 
service  signalé  à  la  patrie,  et  avoir,  à  son  retour,  bien  mérité  d'elle. 

T.    II.  lÛ 


210  APPENDICE 

En  même  temps  j'appris  que  mes  noies  avaient  été  mises  sous  les  yeux 
du  Grand-Seigneur,  que  ce  prince  les  avaient  entièrement  approuvées  ; 
qu'il  avait  ordonné  qu'on  tint  ferme  vis-Ji-vis  de  la  légation  de  Russie, 
et  qu'à  ce  sujet  il  avait  montré  beaucoup  d'humeur  de  ce  que  les 
ministres  n'avaient  point  encore  terminé  les  arrangements  proposés  par 
la  république. 

Voilà  ce  qui  s'est  passé  du  côté  de  la  Porte  et  du  mien. 

Quand  à  la  légation  de  Russie,  elle  s'est  donnée  tous  les  mouvements 
possibles  pour  ol)lenir  satisfaction,  menaces,  intrigues,  intervention  de 
l'ambassadeur  d'Angleterre,  elle  a  employé  tout  ce  qui  était  à  sa  dispo- 
sition. 

Ne  pouvant  y  réussir,  le  ministre  a  déclaré  que  si  au  départ  du  cour- 
rier (c'est  aujourd'hui)  l'on  n'avait  pas  accédé  à  sa  demande,  il  en  ren- 
drait compte  à  sa  cour  et  attendrait  ses  ordres. 

Les  choses  en  sont  là. 

Vous  approuverez,  j'espère,  citoyens  représentants,  la  conduite  que 
j'ai  tenue  dans  cette  all'aire. 

Restée  secrète,  elle  aurait  pu  être  étouffée  entre  les  deux  partis. 

La  publicité  que  je  lui  ai  donnée,  plaçant  les  acteurs  sous  les  yeux  de 
toute  l'Europe,  les  forcera  à  mettre  de  la  lierté  dans  leurs  mesures  res- 
pectives, et  mûrira  les  germes  de  la  division  déjà  existante. 

Vous  ne  blâmerez  point,  je  me  flatte,  la  déclaration  que  je  fis  dans  ma 
première  note  que,  si  la  Porte  s'abandonnait  à  la  démarche  huuiiliante 
dont  il  était  question,  je  retirerais  les  propositions  que  j'avais  faites, 
la  république  fière  et  triomphante  ne  pouvant  pas  traiter  avec  un  mi- 
nistère inconsidéré. 

Je  sens  déjà  les  effets  de  la  marche  que  j'ai  tenue. 

Le  hoAtichèrif  du  Grand-Seigneur,  pour  le  traitement  que  nous  dési- 
rons, est  sorti.  La  négociation  s'avance,  je  vous  en  ferai  un  rapport 
circonstancié  paj-  mou  prochain  courrier  de  l'expédition  duquel  je  vais 
m'occuper. 

Il  serait  bon  que  vous  voulussiez  bien  ordonner  que  l'on  insérât  dans 
les  journaux  un  avis  fidèle  du  démêlé  existant  entre  la  Porte  et  les 
Busses. 

{Signé,  R.  Verninac. 
(yE.  Copie.) 


APPENDICE  211 

ANNEXE   N°    2    (*). 

Copie  d'une  note   présentée  i^  la  Knblinie-Porte  le    I  3   Tendénùaire 
l'an  4e  de  la  répnbli<|ue  franvalse. 

L'envoyé  extraordinaire  de  la  république  française  près  la  Sublime- 
Porle  ottomane  vient  d'être  infoimé  que  Son  Excellence  le  réis-effendy 
se  disposait  à  terminer  son  diflérend  avec  la  légation  de  Russie  en  lui 
envoyant  des  excuses  de  sa  part  par  l'iiiierpréte  de  la  Sul)limc-Porte. 

Quelqu'étrange  que  soit  ce  bruit,  on  l'accompagne  de  circonstances 
si  vraisemblables  que,  malgré  la  haute  ojjiiiion  que  l'envoyé  extraordi- 
naire de  la  république  a  de  !a  dignité  et  de  la  fierté  de  la  nation  otto- 
mane et  de  son  auguste  chef,  il  ne  peut  se  refuser  à  le  croire. 

Affecté  au  dernier  point  de  cette  résolution  de  Son  Excellence  Effendy, 
l'envoyé  extraordinaire  ne  peut  s'empêcher  d'avertir  la  Sublime-Porte 
qu'elle  portera  à  sa  hautesse  et  à  la  considération  du  nom  musulman  un 
coup  plus  funeste  que  la  perte  de  dix  batailles.  Toute  l'Europe  verra  dans 
l'indigne  démarche  que  la  Sublime-Porte  est  près  de  faire  la  preuve  la 
plus  marquante  de  faiblesse  et  d'assujettissement  à  la  Russie. 

Et  tandis  que  ses  ennemis  en  tireront  l'heureux  augure  qu'on  peut 
l'humilier  sans  danger  et  l'attaquer  avec  succès,  ses  amis  conclueront 
qu'ils  doivent  se  détacher  d'elle. 

Pénétré  de  ces  considérations,  l'envoyé  extraordinaire  de  la  répu- 
blique française  se  voit  (quoique  à  regret)  obligé  de  déclarer  à  la  Su- 
blime-Porte que,  si  la  démarche  projetée  par  son  excellence  le  réis- 
effendy  s'exécute,  les  propositions  d'alliance  qu'il  a  faites  devront  èlre 
regardées  comme  non  avenues. 

La  république,  fière  et  triomphante,  ne  pouvant  point  traiter  avec  un 
ministère  qui  aurait  perdu  tout  soin  de  la  gloire  de  son  maître  ;  qui  serait 
devenu  l'objet  des  discours  méchants  de  toute  l'Europe  ;  qui,  en  un  mot, 
se  serait  reconnu  vassal  et  tributaire  de  la  Russie. 

Attendu  l'extrême  importance  de  cette  déclaration,  l'envoyé  extraor- 
dinaire de  la  république  française  demande  qu'elle  soit  mise  sous  les 
yeux  de  sa  hautesse  elle-même.  Il  espère  que  sa  hautesse  l'accueillera 
comme  la  marque  la  plus  forte  qu'il  puisse  lui  donner  de  son  attachement 
pour  ses  intérêts  et  pour  l'honneur  de  son  nom. 


(•)  L'annexe  n"  1  ne  se  trouve  pas  jointe  à  la  dépêche. 


212  APPENDICE 


ANNEXE   N"    3. 


Copie  d'une  lettre  remise  à  la  Sublime-Porte  le  1 5  vendémiaire  l'an 

4«  de  la  république  française. 

La  considération  de  la  Sublime-Porte  n'appartient  pas  à  elle  seule,  elle 
est  aussi  la  propriété  de  ses  arais  et  de  ses  alliés.  Et  comme  tout  alTront 
qu'elle  recevrait  rejaillirait  sur  eux,  ils  ont  incontestablement  le  droit  de 
veiller  à  ce  qu'il  ne  soit  porté  aucune  atteinte  à  sa  ^doire. 

La  Sublime-Porte  ne  disputera  siirement  pas  à  ses  alliés  l'exercice  d'un 
droit  si  fortement  fondé  sur  l'amitié  la  plus  vive  et  la  plus  sincère.  C'est 
eu  conséquence  d'un  tel  principe  que  l'envoyé  extraordinaire  de  la  ré- 
publique française  s'est  élevé,  dans  la  note  du  13  de  ce  mois,  contre  la 
démarche  que  la  Sublime-Porte  paraissait  disposée  à  faire  à  l'égard  d'une 
légation  ennemie,  et  qu'il  ajoute  aujourd'hui  aux  considérations  de  senti- 
ment et  de  dignité  énoncées  dans  cette  note  quelques  raisonnements 
puisés  dans  le  droit  et  dans  la  nature  des  circonstances. 

L'envoyé  extraordinaire  posera  d'abord  en  principe  que,  dans  l'état 
présent  des  choses,  ce  n'est  point  ia  légation  moscovite,  mais  bien  la 
Sublime -Porte  qui  est  grièvement  offensée. 

En  effet,  quel  plus  grand  outrage  peut-on  faire  à  un  gouvernement  in- 
dépendant que  de  lui  dire,  sur  la  cause  la  plus  légère  :  je  ne  veux  plus 
communiquer  avec  votre  ministre  ;  ou  en  d'autres  termes,  renvoyez  ce 
ministre  et  nommez-en  un  autre  ;  ce  langage  est  intolérable  ;  il  n'est 
aucune  des  puissances  barbaresques,  tributaires  de  la  Sublime-Porte,  qui 
ne  s'en  tînt  offensée  et  qui  n'en  tirât  venj^eance  à  l'instant  même. 

L'envoyé  de  Russie  n'a  pu  se  le  permettre  (|u'en  comptant  sur  le  plus 
profond  abaissement  de  la  part  de  la  Sublime  Porte,  et  cela  même  est  une 
sanglante  injure  ,  et  quel  sujet  demande  une  satisfaction  aussi  écla- 
tante? —  Parce  que  le  ministre  d'un  grand  empire  excédé  des  impor- 
tunités  d'un  interprète  s'est  livré  contre  lui  à  un  mouvement  de  vivacité 
bien  excusable  san^j  doute,  puisqu'il  a  sa  source  dans  l'indignation  pro- 
fonde que  doivent  donner  h  tout  bon  musulman  les  procédés  passés  et 
présents  de  la  Russie.  Mais  ce  tort,  si  c'en  est  un,  n'est  nullement 
grave.  Un  interprête  doit  être  revêtu  de  la  confiance  des  deux 
cours. 

La  Sublime-Porte  peut  bien  dire  à  un  ministre  étranger  :  i'inter|)rête 
que  vous  m'envoyez  a  votre  estime,  mais  il  n'a  pas  la  mienne;  vous 
pouvez  bien  le  rendre  l'organe  de  vos  secrets,  mais  il  ne  le  sera  pas  des 
miens.  On  ne  peut  nier  que  la  Sublime-Porte  ait  ce  droit. 

Dès  lors  comment  lui  faire  un  crime  d'avoir,  dans  un  moment  d'humeur. 


APPENDICE  213 

témoigné  sa  méfiance  à  l'interprète  lui-même?  que  sera-ce  lorsque  cet 
ii)lerj)réte  est  un  liaîlre  chargé  du  mépiis  public,  et  que  le  ministre  de 
la  nation  qu'il  a  vendue  a  ordre  de  faire  jeter  dans  les  cliaînes  ?  —  11  est 
donc  constant  que  le  fait  pour  réparation  (lu(|U('l  l'envoyé  de  Russie  ne 
demande  rien  moins  que  le  déshonneur  de  l'empire,  est  un  tort  très-léger, 
et  sur  lequel  il  suffisait  d'une  simple  explication. 

Il  n'est  pas  moins  constant  qne  c'est  la  Snblime-Porte  qui  se  trouve 
aujourd'hui  offensée,  et  que  c'est  elle  dont  la  majesté  violée  a  droit  à  des 
salisfartions. 

Quelques  personnes  poussées  d'un  esprit  de  timidité  bien  dangereux 
pour  l'empire  chercheront  peut-être,  dans  des  exemples,  une  autorité  pour 
la  démarche  dont  il  est  question.  Mais  on  peut  leur  répondre  que  les  cas 
ne  se  ressemblent  point  ;  que  dans  ceux  que  l'on  peut  citer  il  s'agit  de 
missions  amies,  incapables  de  tout  avantage  d'une  démarche  amicale  pour 
couvrir  la  Porte  de  honte  aux  yeux  de  tonte  l'Europe.  On  peut  leur  ré- 
pondre surtout  que  ces  exemples  sont  reçus,  et  qu'aucun  ne  remonte 
même  jusqu'à  l'époque  du  règne  de  Mustapha,  de  glorieuse  mémoire. 
D'ailleurs  ce  que  des  ministres  pervers  se  sont  permis  ne  doit  point  servir 
d'antorilé  à  des  ministres  fidèles  ;  et  s'il  faut  recourir  à  des  exemples, 
c'est  dans  les  fastes  glorieux  des  Sélim,  des  Soliman,  des  Amurat,  des 
Mahomet,  c'est  dans  le  principe  de  l'islamisme  et  des  fondateurs  de 
l'empire,  que  des  ministres  probes  doivent  les  prendre. 

D'après  ces  considérations,  toutes  puisées  dans  l'intérêt  de  la  Sublime- 
Porte,  l'envoyé  <  xtraordinaire  de  la  république  française  est  d'avis  que 
la  Sublime-Porte,  loin  de  céder  à  l'insolente  demande  du  ministre  de 
Piussie,  doit  au  contraire  en  adresser  ses  justes  plaintes  à  sa  cour  ;  que 
sans  plus  de  délai  les  liens  projetés  entre  la  république  française,  la 
Suède  et  la  Sublime-Porte  doivent  être  formés  ;  que  la  Sublime-Porte 
doit,  pour  donner  à  la  république  française  une  preuve  réelle  d'atta- 
chement, déclarer  à  la  cour  de  Vienne,  que  si  elle  ne  se  retire  promp- 
tement  de  la  coalition  dirigée  contre  la  république,  elle  sera  obligée 
d'aller  au  secours  de  son  alliée,  ht  que  la  Sublime-Porte  doit,  de  concert 
avec  la  république,  pnr  le  don  immédiat  de  subsides  promis  à  la  Suède, 
mettre  cette  puissance  à  même  de  faire  dans  le  Nord,  contre  l'ennemi 
commun,  une  diversion  avantageuse. 

Toutes  les  cours  de  l'Europe  informées  par  leurs  ministres  auprès  de 
la  Sublime-Porte,  du  différend  qui  existe  entre  elle  et  la  Russie,  vont 
avoir  les  yeux  ouverts  sur  la  conduite  que  tiendra  la  Sublime-Porte  dans 
cette  grande  circonstance.  Elles  chercheront  dans  cette  conduite  ses  sen- 
timents, ses  principes,  et  le  secret  de  sa  situation  présente. 

L'envoyé  extraordinaire  ne  dira  plus  qu'un  mol  :  si  la  Sublime-Porte 
se  montre   noble  et  flère,  elle  aura  des  admirateurs,  des  amis,  des  alliés 


214  APPENDICE 

qui  soutiendront  la  gloire  du  sultan  Sélim,  si  elle  se  montre  luirable  et 
laible,  elle  éloignera  d'elle  tout  le  monde. 

{M.  Copie.) 

\.W.,  ~    Dépcclie  de   l'envoyé    Verninac  au  comité  de  salut  public, 
en  date  du  1 9  octobre  19U5  (3  rébiul-akhir  ISIO). 

Fera  lez-ConstantinopIe  le  25  vendémiaire 
an  4'  de  la  république  une  et  indivisible. 


L'envoyé  extraordinaire  de  la  république  près  la  Porte  ottomane  aux 
représentants  du  peuple,  membres  du  Comité  de  salut  public. 

Citoyens  représentants,  les  directions  nouvelles  que  vous  me  donnez, 
citoyens  représentants,  ne  pouvaient  arriver  plus  à  propos.  Elles  m'ont 
trouvé  à  la  veille  de  l'ouverture  des  conférences,  laquelle  a  eu  lieu  en 
etîet  avant  hier.  Je  n'ai  pas  été  surpris  que  vous  désiriez  que  je  modère 
l'activité  de  mes  démarches  à  faire  déclarer  les  Turcs.  Le  mouvement 
vers  la  paix  qui  se  fait  sentir  assez  généralement,  et  la  politique  équivo- 
que de  la  cour  de  Berlin,  en  éclaircissant  à  mes  yeux  comme  aux  \ôlres 
la  circonspection  de  la  Porte,  m'avaient  fait  juger  aussi  qu'il  ne  conve- 
nait point  de  forcer  entièrement  la  mesure,  et  si  je  n'avais  point  ralenti 
mes  instances  c'est  que,  bien  siir  de  pouvoir  arrêter  les  Turcs  au  point 
où  il  le  faudrait,  je  ne  voyais  que  de  l'avantage  à  faire  prendre  à  leurs 
rapports  avec  nous  et  à  leurs  préparatifs  un  caractère  de  nature  à  alar- 
mer nos  ennemis  :  au  reste,  les  choses  en  sont  au  point  oîi  vous  les  dési- 
rez. Je  suis  en  mesure  d'effectuer  avec  la  Porte  le  traité  projeté,  si  vous 
le  trouvez  convenable  ;  et,  en  attendant,  les  dispositions  militaires  seront 
poursuivies  avec  activité.  Vous  pouvez  compter  sur  l'assurance  que  je 
vous  en  donne,  et  dont  vous  trouverez  des  gages  dans  le  rapport  que  je 
vais  vous  faire,  succinctement,  de  la  conférence  que  j'eus  le  23  du  cou- 
rant avec  le  réis-éfendi. 

L'entretien  roula  d'abord  sur  les  affaires  générales.  Je  fis  remarquer 
au  ministre  l'heureuse  circonstance  de  la  paix  avec  l'Espagne,  qui  a 
diminué  de  moitié  les  forces  navales  de  l'Angleterre  dans  la  Méditerra- 
née, et  qui  nous  a  permis  de  porter  vers  l'Italie  une  partie  considérable 
de  l'armée  des  Pyrénées;  moyen  pour  la  république  de  prendre  incessa- 
ment  dans  le  raidi  la  même  supériorité  que  sur  les  autres  points.  Je  lui 
fis  envisager,  dans  le  passage  du  Piliin  heureusement  effectué,  l'avanlaiJie 
acquis  à  la  république  de  dicter  la  paix  à  i'empire  ;  je  lui  montrai,  duns  la 
constitution  républicaine  déciétée  par  la  convention  nationale,  le  terme 


APPENDICE  215 

des  mnuveinenls  intérieurs  do  la  France,  l'accord  de  la  liberté  et  du  re- 
pos, l'union  d'un  gouvernement  paternel  et  de  la  sûreté  des  propriétés  et 
des  personnes  :  puis,  passant  h  l'objet  de  la  conférence,  je  lui  observai 
que  nous  avions  à  nous  féliciter  l'un  et  l'autre  de  ce  cpie  les  deux  États 
en  étaient  au  point  que  nous  n'avions  nul  besoin  de  nous  donner  mutuel- 
lement des  assurances  sur  leurs  sentiments  respectifs.  Le  ministre  appuya 
celle  observation  en  termes  très'-airectuoux. 

Venvoijé  de  la  république.  —  Son  Excallence  connaît  la  proposition 
du  gouvernement  français  et  les  vues  relatives  à  l'intérêt  comnuiii  de  la 
république  et  de  la  Porte  et  au  bien  général  de  l'Europe.  Elle  agréera 
sûrement  l'impatience  où  je  suis  de  connaître,  de  mon  côté,  le  travail  im- 
portant qu'elle  a  fait  sur  le  même  objet,  et  que  je  sais  avoir  obtenu  le 
suflVage  de  sa  hautesse  et  de  tous  les  grands  de  l'empire. 

Le  réis-cfendi.  —  Les  ouvertures  que  vous  nous  avez  faites  m'enga- 
gent à  examiner  la  question  de  nos  intérêts  extérieurs  dans  ses  rai)ports 
les  plus  étendus,  .l'ai  cru  qu'il  était  possible  et  utile  d'accroître  nos  liai- 
sons j)olitiques  et  d'admettre  plusieurs  puissances  dans  le  système  que 
nous  nous  proposons, 

•En  conséquence,  je  me  suis  déterminé,  en  acceptant  les  arrangements 
que  la  république  française  nous  olTre,  à  travailler  à  nous  assurer  de  la 
Suède,  du  Danemark,  de  l'Espagne,  de  la  Hollande  et  de  la  Prusse,  et  sa 
hautesse  m'a  autorisé  à  cet  eflet. 

L envoyé  de  la  république.  —  Vous  proposez-vous  de  négocier  à  la  fois 
avec  toutes  ces  puissances,  et  de  ne  terminer  avec  les  unes  qu'en  termi- 
nant avec  les  autres? 

Le  réis-éfendi.  —  Ce  n'est  point  \h  mon  projet.  Nous  allons  conclure 
d'abord  avec  la  république  française,  et  nous  nous  concerterons  avec  elle 
pour  le  reste. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Je  crois  que  la  plupart  de  ces  négocia- 
tions ne  rencontreront  pas  de  grandes  difficultés  ;  des  intérêts  communs 
les  rendront  faciles  ;  mais  il  en  est  une  qui  me  semble  ne  devoir  pas 
avoir  une  issue  prompte  et  heureuse,  celle  avec  la  Prusse.  La  Prusse,  par 
hciine  et  par  jalousie  contre  l'Autriche  et  par  crainte  de  la  Russie,  s'inté- 
resse sans  doute  à  l'empire  ottoman  ;  n)ais  dans  ce  moment  un  intérêt 
plus  immédiat  l'emporte  sur  ces  considérations. 

Le  réis-éfendi.  —  Vous  voulez  parler  de  la  Pologne? 

L'envoyé  de  la  république.  —  Oui,  le  roi  de  Prusse  est  entièreuienî 
absorbé  dans  les  travaux  du  partage  de  ce  malheureux  pays,  et  il  est  à 
craindre  qu'il  ne  suboi'dounât  en  ce  moment  tout  autre  avantage  à  celui 
de  se  procurer  dans  ce  partage  la  portion  qu'il  désire.  Au  reste,  vous 
pouvez  juger  de  ses  sentiments  par  les  insinuations  que  vous  fait  sou  mi- 
nistre. Sont-elles  anulogues  au  système  que  nous  traitons? 


216  APPENDICE 

Le  rèis-éfmdi.  —  Au  contraire.  Elles  tendent  à  nous  inspirer  de 
grands  ménapreiuents  pour  la  Russie,  et  liier  il  nous  a  fait  assurer  que 
l'intention  de  l'impératrice  à  noire  égard  étaient  eniièiement  pacifique, 
et  nous  a  invités  à  nous  abstenir  de  tout  ce  qui  pouvait  amener  de  la  mé- 
sintelligence. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Ces  démarches  officieuses  sont  la  preuve 
de  ce  que  je  disais  tout  à  l'heure,  que  le  roi  de  Prusse  sacrifie  tout  en  ce 
moment  à  ses  vues  sur  la  Pologne.  Il  veut  faire  prévaloir  ses  prétentions 
auprès  de  l'impératrice.  D'ailleurs,  il  craint  qu'une  déclaration  de  guerre 
entre  vous  et  la  Russie,  obligeant  celle-ci  k  retirer  de  la  Pologne  ki  plus 
grande  partie  de  ses  forces,  il  n'y  survienne  une  insurrection  nouvelle 
contre  laquelle  l'Autriche  et  lui  se  trouveraient  trop  faibles.  Au  reste, 
votre  .excellence  sait-elle  quelque  chosa  de  positif  sur  le  sort  de  la  Po- 
logne? 

Le  réis-éfendi.  —  On  n'est  point  encore  d'accord  sur  le  partage. 

L'envoyé  de  la  république.  —  J'ai  les  mêmes  nouvelles,  et  il  m'est  re- 
venu une  circonstance  dont  il  est  bon  que  votre  excellence  soit  informée. 
Luchesini  pressait  à  Vienne  le  cabinet  autrichien  de  terminer  avec  lui  la 
consleslation  existante  entre  les  deux  cours  sur  une  portion  du  territoire 
polonais;  on  lui  anno?iça  que  l'ambassadeur  de  l'empereur,  auprès  de 
son  maître,  était  chargé  de  porter  à  Berlin  une  réponse  catégorique.  Cette 
réponse  s'est  trouvée  être  la  communication  d'une  convfMition  signée  le 
trois  janvier  dernier  entre  les  deux  cours  impériales,  par  laquelle  l'impé- 
ratrice s'est  obligée  de  faire  céder  à  l'Autriche  le  palatinat  de  Lublin,  de 
Clieiii;,  ÙQ  Sandomir,  et  les  villes  de  Varsovie  et  de  Cracovie  avec  leurs 
districts. 

Le  réis-éfendi.  —  J'avais  appris  celte  particularité  dans  les  mêmes 
tern"^s. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Il  est  impossible  que  la  Pologne  ne 
devienne 'pas  sujet  de  guerre.  L'impératrice  se  sert  de  prétendues  oppo- 
sitions de  l'Autriche  et  de  la  Prusse  pour  les  tenir  l'une  et  l'autre  dans  sa 
dépendance,  les  faire  coopérer  toutes  les  deux  à  ses  vues,  et  entretenir 
entre  elles  de  l'aigreur;  mais  ce  jeu  doit  enfin  cesser.  L'impératrice,  plus 
portée  au  fond  pour  l'Autriche,  heurtera  difficilement  les  projets  du  roi 
de  Prusse,  et  excitera  le  ressentiment  de  celui-ci,  et  il  naîtra  sans  doute 
alors  quelqu'événement  dont  nous  pouirons  tirer  avantage.  Le  gouverne- 
ment français  travaille  en  ce  moment  l'esprit  de  ce  prince,  et  peut-être  ne 
sera  l-il  pas  très-difficile  de  le  mettre  dans  la  voie  de  ses  véritables  inté- 
rêts. Je  crois  que  les  démarches  de  la  Sublime-Porte,  à  son  égard,  doi- 
vent tendre  uniquement  h  l'éloigner  de  plus  en  plus  de  la  coalition  et  k 
lui  faire  voir  qu'ii  est  amusé  par  l'impératrice. 

Le  léi'i'éfendi.  —  C'est  ce  que  nous  ferons  :  au  reste,  comptez  que  les 


APPENDICE  217 

nsimiations  de  son  minislie  ne  nous  él)ranlenl  point.  Nous  savons  qu'en 
l)enser,  et  noiîs  ne  rabattrons  rien  des  mesures  auxquelles  nous  nous 
sommes  déterminés.  Mais  pour  revenir  au  sujet  de  cette  conférence,  vou- 
lez-vous renvoyer  <i  un  autre  jom-  on  traiter  anjourd'iini  même  la  ques- 
tion des  conditions  respectives? 

L'envoyé  de  la  rèpvblique.  —  11  se  fait  tard  ;  je  pense  que  nous  ferons 
bien  de  remettre  la  chose. 

Le  réis-f^ffndi.  —  Volontiers.  D'ailleurs,  je  serai  bien  aise  de  causer 
avec  vous  familièrement  pendant  quelqu(is  moments  et  de  vous  faire  voir 
ma  bil)liotliè(|ue  française. 

Là-dessus  il  se  leva  et  alla  me  chercher  divers  livres  français,  tels  que 
l'Histoire  du  traité  de  paix  de  Westplialie,  les  Mémoires  d'Rstrades, 
ceux  de  Torci,  les  compagnes  de  Louis  XV,  la  Monarchie  Prussienne  par 
Mirabeau,  des  Allas  et  autres  ouvrages.  Il  s'en  entretint  de  rai'.nière  à 
me  faire  juger  qu'il  s'en  était  fait  interpréter  des  morceaux. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Votre  Excellence  paraît  avoir  |)0ur  les 
arts  et  les  sciences  de  l'Lurope  un  penchant  qu'il  serait  bien  utile  de  pro- 
pager dans  cet  empire. 

Le  réis-éfendi.  —  Je  ne  suis  ni  superstitieux,  ni  fanatique,  et  je  sens 
le  besoin  que  nous  avons  de  sortir  des  ombres  où  nous  sommes;  tous  mes 
efforts  sont  dirigés  vers  ce  but.  M;iis  nous  ne  pouvons  aller  vite.  Il  faut 
composer  avec  des  préjugés  jiuissants.  Il  faut  surtout  se  garder  d'ennemis 
plus  puissants  encore,  lesquels  se  servent  de  ces  préjugés  pour  détiuireles 
hommes  éclairés  qui  leur  font  ombrage. 

Venvoyé  de  la  ré(jublique.  —  A  mon  avis,  le  meilleur  moyen  pour 
avancer  serait  de  former  à  Paris  un  établissement  pour  vingt-quatre 
jeunes  gens  de  neuf  à  dix  ans,  à  qui  l'on  apprendrait  d'abord  la  langue  et 
ensuite  un  art  utile;  au  bout  de  dix  années,  il  serait  sorti  de  cet  établis- 
sement un  assez  grand  nombre  d'élèves  pour  répandre  k  Constantinople 
le  goîit  et  la  connaissance  des  arts  et  des  sciences  les  plus  nécessaires. 

Le  réis-éfendi.  — J'ai  eu  cette  idée  et  je  désire  de  l'exécuter. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Vos  ministies  auprès  des  gouvernements 
étrangers  seront  aussi  un  grand  acheminemenl  an  même  but,  mais  h  pro- 
pos de  cela,  quand  est-ce  que  vous  enverrez  un  ambassadeur  en  France? 

Le  réis-éfendi.  —  Je  cherche  dans  ce  moment  un  ministre  capable  de 
cette  mission.  Il  y  sera  pourvu  avant  que  les  ministres  nommés,  il  y  a 
quelques  temps  pour  les  autres  cours,  ne  partent.  Si  je  n'avgis  pas  été 
f.iit  réis-éfendi,  j'ain'ais  désiré  de  tout  mon  cœur  d'être  envoyé  à 
Paris. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Aucun  choix  n'aurait  pu  être  aussi 
agréable  au  çouverncmenl  français;  mais  vous  êtes  trop  nécessaire  ici. 

L'entretien  tomba  sur  des  objets  particuliers. 


218  APPENDICE 

Le  ministre  me  parla  de  sa  mission  h  Vienne,  des  émigrés  qu'il  y  avait 
vus,  de  leur  jaclance,  de  leur  frivolité,  m'interrogea  sur  les  personnes 
les  plus  marquantes  de  l'Europe,  me  fit  des  questions  d'histoire  et  de 
politique,  passant  légèrement  d'un  sujet  h  l'autre,  mêlant  quelquefois  h  sa 
langue  des  mots  français  et  faisant  allusion  k  des  faits  connus.  Je  croyais 
réellement  ne  plus  converser  avec  un  Turc.  lime  demanda,  en  me  quit- 
tant, mon  amitié,  et  m'assura  que  je  pouvais  compter  sur  la  sienne  dans 
toutes  les  circonstances  ;  au  reste,  il  m'avait  donné  de  ses  sentiments  quel- 
ques jours  auparavant  la  preuve  la  plus  forte  qu'un  Turc  puisse  donner  h 
un  franc,  surtout  à  un  franc  constitué  en  dignité;  il  m'avait  fait  une 
demande  de  \k\s  choisis,  dont  je  m'étais  empressé  de  lui  envoyer  secrète- 
ment une  caisse. 

Vous  voyez,  citoyens  représentants,  que  je  suis  parfaitement  à  même 
d'exécuter  les  ordres  que  vous  me  donnerez  relativement,  soit  à  la  paix, 
soit  à  la  guerre.  Jusqu'à  de  nouvelles  instructions,  je  gagnerai  du  temps 
et  ne  précipiterai  rien.  Cependant,  je  pense  qu'il  convient  de  laisser  ii  la 
négociation  son  même  cours  et  de  rédiger  les  conditions  et  les  proposi- 
tions respectives;  puisque  au  fond  vous  resterez  les  maîtres  d'accepter  ou 
d'ajourner. 

Le  citoyen  Rivais  m'avait  fait  part  des  difficultés  élevées  par  le  Régent 
au  sujet  du  traité  secret  conclu  avec  M.  de  Stact  et  dont  vous  me  donnez 
communication.  Je  crois  ce  prince  de  bonne  foi.  Son  pays  a  des  besoins, 
et  lui-même  a  toujours  compté,  je  crois,  obtenir  de  la  république  un  don 
qui  le  mît  à  même  d'encourir  les  événements  que  les  haines  et  les  intrigues 
auxquels  sa  bonne  conduite  à  notre  égard   l'a  exposé  peuvent  amener. 
Il  me  semble  qu'il  ii'y  a  que  le  motif  respectable  de  la  détresse  des  finan- 
ces publiques  qui  puisse  engager  le  gouvernement  à  ne  pas  être  généreux 
avec  la  Suède.  Au  surplus,  le  Régent  ne  presse  pas  moins  le  divan  qu'il 
ne  vous  presse  vous-même.  Le  Grand-Seigneur  s'est  déterminé  à  conti- 
nuer l'ancien  subside  et  à  en  payer  les  arrérages,  mais  rien  encore  n'a 
été  compté.  Dans  le  cas  où  le  grand  plan  que  vous  vous  êtes  proposé 
devra  s'exécuter,  la  république  et  la  Porte  ne  sauront  mieux  faire  que 
d'aider  la  Suède,  en  prenant  toutefois  les  précautions  nécessaires  pour 
que  les  sommes  accordées  ne  soient  pas  détournées  de  leur  destination; 
mais  ,  ainsi  que  je  l'ai  dit  dans  une  de  mes  précédentes  dépêches,  il  me 
paraît  souverainement  utile  d'annoncer  au  Régent  que  les  arrangements  k 
prendre  avec  lui  doivent  coïncider  avec  ceux  qu'il  convient  de  prendre 
avec  la  Porte.  En  attendant  il  suffit,  je  crois,  de  l'aider  b.  soutenir  sa  neu- 
tralité armée. 

Les  frégatf's  de  Smyrne  éi)uisent  toutes  mes  facultés,  et  la  commission 
de  la  marine  ne  me  faisant  point  de  remise,  je  n'ai  pu  finir  encore  avec 
M.  Mouradgea,  dont  au  reste  la  démarche  ne  m'avait  point  paru  plus  déli- 


APPENDICE  210 

cate  qu'il  vous-môme.  Je  ne  sais  s'il  avait  rendu  de  très-criands  services  k 
mon  |)rédécesseur;  raais  je  sais  que  j'avais  mis  un  prix  Irès-convenable 
aux  complaisances  qu'il  avait  eues  pour  moi.  Je  suivrai  vos  ordres  et  ferai 
qu'il  soit  content. 

Mon  oi)inion,  citoyens  leprésentants,  est  tellement  conforme  à  la  vôtre 
sur  la  circonspection  avec  lacpielle  il  convient  d'appnyer  les  émissaires 
que  les  Polonais  de  Paris  et  d(>.  Venise  se  pi'oposent  d'envoyer  dans  dilïé- 
reiites  cours,  que  je  désire  qu'il  ne  s'en  présente  point  ti  Gonstauliiiople. 
Il  y  aurait  tout  au  moins  inutilité. 

J'attends  avec  impatience  le  courrier  prochain,  qui,  je  présume, 
apporte  la  nouvelle  de  l'acceptation  de  la  constitution.  Les  coalisés  se  flat- 
tetit  qu'elle  aura  éprouvé  des  difficultés;  c'est  une  preuve  qu'ils  la  crai- 
gnent. 

(Signé)  Pi.  Vermnac. 
Pour  copie  conforme 

Le  ministre  des  relations  extérieures 

(Signé)  Cli.  Delacroix. 

{JE.  Copie  authentique.) 

XXXI.  —   Dépêche  de  l'envoyé  Terninac  au  comité  de  salut  puitlic, 
en  date  du   19  octobre  1995  (5  rébiul-akliir   13  lO). 

Péra  lez-Constantinople  le  27  vendémiaire 
au  4*  de  la  république  une  et  indivisible. 

L'envoyé  extraordinaire  de  la  république  française  près  la  Porte 
ottomane  aux  citoyens  représentants  du  peuple,  membres  du  Comité 
de  salut  public. 

Citoyens  représentants,  mon  courrier,  destiné  à  porter  ma  dépêche 
numéro  19,  n'étant  pas  encore  parti,  je  vai'^  vous  faire  part  de  quelques 
circonstances  que  j'ai  apprises  depuis  la  confection  de  cette  dépêche. 

L'envoyé  de  Russie  a  entièrement  baissé  son  ton  vis-à-vis  de  la  Porte. 
Il  a  fuit  intervenir  les  ministres  d'An2;leleire  et  de  Prusse,  et  au  lieu  de 
la  disgrâct;  du  réis-éfendi,  qu'il  avait  d'ahord  (icuiaiidée,  au  lieu  de 
menaces  et  de  hauteurs,  il  n'est  plus  queslioii  aujourd'hui  que  d'une 
explication  amicale  avec  ce  même  téis-éfcndi,  dune  conférence  concilia- 
toire  où  l'envoyé  amènerait  le  drogman  Fonton,  lequel  serait  reçu  avec 
quelques  mots  de  politesse  par  le  ministre. 

La  Porte,  satisfaite  du  bon  effet  de  sa  fermeté,  fait  attendre  sa  réponse 
sur  la  proposition  de  ce  moyen  d'accommodement,  et  il  est  vraisemblable 
qu'elle  ne  l'acceptera  pas,  ou  que  du  moins  elle  y  fera  des  modifications. 

Ce  changement  de  langage  et  de  conduite  de  l'envoyé  de  Russie,  le  soin 


'JOO  APPENDICE 

qu'il  a  pris  de  faire  assurer  h  la  Porte,  par  le  ministre  d'Angleterre,  que  sa 
cour  n'a  que  des  intentions  paciliques,  prouvent  évidemment  que  l'impé- 
ratrice craint  qu'il  ne  lui  survienne  des  embarras  de  ce  côté-ci,  et  qu'elle 
n'est  pas  en  mesure  |)Our  les  soutenir.  J'en  ai  fait  l'observation  h  la 
Porte. 

Indépendamment  des  affaires  de  la  Pologne  et  de  la  guerre  oîi  elle  se 
trouve  engagée  contre  la  France,  à  titre  d'auxiliaire,  il  est  un  événement 
dont  je  vais  vous  faire  part  qui  doit  la  porter  à  éviter  une  rupture  avec  la 
Porte. 

L'eunuque  Mehmed-Kan,  (le  Narsès  de  la  Perse),  vient  de  s'emparer 
de  la  Géorgie  et  en  a  chassé  le  prince  Héraclius,  tributaire  et  protégé  de 
la  Russie.  La  cause  de  la  guérie  a  été,  comme  je  vous  l'ai  mandé,  le  refus 
fait  par  le  prince  Héraclius  de  renvoyer  de  ses  élnts  des  Persans  qui  s'y 
étaient  réfugiés  pendant  la  révolution  qui  s'est  opérée  en  Perse. 

Il  y  avait  garnison  russe  dans  la  capitale  de  la  Géorgie,  qui  est  une 
espèce  de  fief  de  la  Russie.  Comment  l'impératrice  prendra-t-elle  cet 
événement? 

La  Porte  a  dépêché  à  Mehmed-Kan  un  émissaire  pour  le  féliciter  et 
])réparer  la  voie  à  des  liaisons  entre  elle  et  le  conquérant, 

Mcbmed-Kan  peut  devenir  un  ennemi  delà  Russie  bien  autrement  ter- 
rible et  tiangereux  que  Piigartchef. 

Je  vous  ai  envoyé  copie  des  instructions  que  je  remis  aux  deux  natura- 
listes Brugnerer  et  Olivier,  lors  de  leur  départ  pour  la  Perse. 

Si  vous  jugiez  qu'il  est  utile  de  leur  donner  plus  de  latitude  et  d'essor, 
veuillez  me  faire  parvenir  proraptement  des  ordres,  et  je  ne  perdrai  pas 
un  moment  pour  les  exécuter. 

Je  viens  d'être  informé  que  la  Porte  avait  insinué  au  ministre  de  Prusse 
qu'elle  serait  bien  aise  de  savoir  si  la  cour  voyait  sans  alarmes  le  système 
d'oppression  que  la  Russie  exerçait  sur  tous  ses  voisins;  qu'il  lui  parais- 
sait que  le  roi  de  Prusse  était  inîéressé  à.  s'opposer  k  ce  système,  au  lieu 
de  le  favoriser,  et  que  si  telles  étaient  ses  intentions,  la  Porte  lui  ferait 
volontiers  part  des  siennes  à  cet  égard. 

Le  ministre  de  Prusse  a  répondu  que  les  ouvertures  lui  semblaient 
mériter  d'être  prises  en  grande  considération;  qu'il  allait  les  transmettre 
à  sa  cour; 

Qu'au  reste  il  croirait  devoir  répéter  à  la  Porte  que  la  Russie  n'avait 
point  de  vues  hostiles  contre  elle. 

Vous  voyez,  citoyen  représentants,  que  la  Porte  ne  s'enhardit  pas  mal. 

Les  conseils  extraordinaires  sont  toujours  très-fréquents  et  les  prépa- 
ratifs continuent  h  se  faire  avec  activité. 

Je  vous  ai  fait  part  de  ma  situation  financière. 

Je  suis  endetté  et  je  manquerai  bientôt,  si  la  commission  de  la  marine  ne 


AI>l>Ei\l)lGl':  221 

nie  rembourse  pns  les  avances  considérables  que  j'ai  été  obligés  df  faire 
aux  frégates  de  Smyrne  (*). 

Il  y  a  ici  deux  agents  chargés  de  vendre  des  diamants  et  des  pierres 
précieuses  (**),  Ne  jugeriez-vous  pas  convenable  k  puiser  dans  leurs 
luains  les  fonds  nécessaires  à  mon  administration  ? 

{Signé)  R.  Verninac. 
Pour  copie  conforme 

Le  ministre  des  relations  extérieures 

(Signé)  Ch  :  Delacroix. 
(jE.   Copie  authentique). 

(•)  Jusqu'à  l'arrivée  de  l'ambassadeur  Brune,  les  représentants  de  la  république  se 
sont  toujours  trouvés  dans  une  grande  gOne  d'argent.  Voici  ce  qu'écrivait  à  ce  sujet,  le 
3  mai  1798  (17  zilcadé  1212),  au  ministre  des  relations  extérieures  le  citoyen  Gara 
S;iint-Cyr,  resté  chargé  des  affaires  après  la  mort  du  général  Aubert  Du  Bayet. 


Keliiiaus  eiié.ieiires. 


Extrait  d'une  dépêche  du  citoyen  Cara  Saint-Cyr,    scecétaire  d'am-  — 

bassade  à  Constantinople ,  14  floréal  an  VI.  PouricDircctore, 


le  ]3  messidor. 


Le  citoyen  Gara  Saint-Cyr  mande  que  la  flotte  de  l'empire  ottoraan,etr. 

Réduit  aux  derniers  expédients,  il  s'est  adressé  au  divan  poui'  qu'il  lui 
fût  délivré  en  forme  d'emprunt  une  somme  de  50  mille  |)ia3lres  turques. 
Il  en  en  a  obtenu  25  mille  de  la  meilleure  grâce  du  monde,  avec  l'assu- 
rance que  d'ici  à  peu  de  jours  il  pouvait  former  une  nouvelle  demande 
de  luême  nature. 

L'état  de  détresse  oii  se  trouve  ici  la  légation,  depuis  longtemps,  na 
peut  que  porter  une  grande  atteinte  à  l'influence  que  nous  devons  avoir. 
Le  ministre  de  la  marine,  dans  ce  moment,  refuse  encore  d'acquitter  les 
lettres  de  change  tirées  sur  lui  pour  les  frais  de  réparations  et  d'approvi- 
sionnements indispensables  à  la  frégate  La  Sérietise,  dont  un  négociant 
de  cette  échelle  avait  fait  l'avance.  Ce  refus  moraontané  ruine  toutes  nos 
ressources,  et  finirait,  si  le  gouvernement  n'y  porte  pas  une  attention  di- 
recte, par  mettre  les  agents  de  la  république  au  Levant  dans  le  plus  grand 
embarras. 

(")  Du  nombre  de  ces  joyaux  était  le  régent  :  c'est  ce  que  prouve  la  lettre  qui  suit, 
en  date  du  2  novembre  17;'5  (28  rébiul-akhir  1210). 

Nous  croyons  assez  curieux  de  noter  ici  que  Henri  IV  avait  envoyé  un  moule,  en 
cristal,  d'uubeau  diamant  à  son  ambassadeur,  M.  de  Brèves,  et  l'avait  chargé  d'offrir 
la  vente  de  ce  joyau  à  Mohammed  III.  Par  sa  lettre  du  11  mars  1590.  il  lui  recom- 
mandait de  prendre  chaudement  cette  affaire,  «  car  »,  lui  écrivait-il,  «  en  vérité  c'est 
une  pièce  rare  et  digue  de  luy,  laquelle  j'expose  en  vente  pour  employer  les  deniers 
qui  en  procéderont  à  faire  la  guerre  au  roy  d'Kspagne.  Partant,  je  vous  prie  que  ce 
Sei{jneur  l'achepte,  et  vous  me  ferés  service  agréable,  car  c'est  chose  que  j'ai  aussi 
très  à  coeur  j.  (Berger  de  Xivrey,  Recueil  des  lettres  missives  de  Henri  Tf^.  Paris, 
1848.  T.  IV,  p.  523.) 


Vente  du  l'iamant 
ilil  le  Re'gent. 


222  APPENDICE 

Extrait  d'une  lettre  de  Constantinople.  en  date  du  II  brumaire 
an  IV.  adrcsKée  par  les  citoyens  Perrein  et  Cablat  aux  citoyens 
composant  la  commission  des  approvisionnements  de  la  >épu- 
blique  française. 

732.  A.  K»  420.  D'^^s  cctte  lettre,  les  citoyens  Porrein  et  Gablat  rappellent  à  la  corarais- 
TunojiE.  sion  que  par  leur  précédente  du  19  vendémiaire  ils  la  prévinrent  du  parti 
qu'ils  avaient  pris  de  suspendre  toutes  démarches,  jusqu'à  des  nouveaux 
ordres  de  sa  part,  relativement  à  la  vente  du  Régent;  ils  annoncent  que 
depuis  ce  temps,  il  leur  a  été  fait  des  propositions;  que  sur  le  prix  qu'ils 
demandaient,  et  qui  est  de  6,/jOO  bourses,  ou  P.  t.  3,200,000  (la  bourse 
étant  de  «^00  piastres,)  montant  de  Vestimatioa  ou  maximum,  il  leur  a 
été  répondu  :  «  Mais  vous  le  laisseriez  bien  à  5,000  bourses  ou  P.  t. 
2,500,000,  »  d'où  ils  concluent  qu'on  peut  espérer  en  tirer  un  parti  plus 
avantageux  qu'ils  ne  l'avaient  jugé  d'abord. 

Au  surplus,  cette  espèce  d'offre  se  rapproche  beaucoup  du  prix  qui  leur 
est  fixé  pour  le  minimum,  et  qui  est  de  5,200  bourses,  ou  P.  t.  2,600,000. 
Ilsont  profité  de  celte  circonstance  pour  remettre  une  note  qui  ne  peut 
manquer  d'influer  sur  la  décision  du  Grand-Seigneur  ;  c'est  le  témoi- 
gnage de  l'ambassadeur  turc,  envoyé  en  France  en  1720,  consigné  dans 
le  rapport  de  son  voyage. 

Las  citoyens  Perrein  et  Coblat  espèrent  de  cet  état  de  choses  le  ré- 
sultat le  plus  avantageux  à  la  république,  mais,  disent-ils  en  finissant, 
il  faut  du  temps  à  la  lenteur  turque  pour  se  décider. 
Pour  extrait  conforme. 

Le  ministre  des  relations  extérieures 

{Signé)  Ch.  Delacroix, 
{JE.  Copie  authentique.) 

XXSLII.  —  Dépêche  do  l'envoyé  Terninac  au  comité  de  salut  publie, 
en  date  du  S  novembre  17  95  (19  réblul-akhir  iSIO). 

Péra  lez-Constantinople  le  11  brumaire 
an  4'  de  la  république. 

ReiJticLseiiérifsres.    Ueuvoué  extraordinaire  de  la  république  française  près  la  Porte  otto- 
■"  mane  aux  représentants  du  peuple,  membres  du  Comité  de  salut  public. 

Je  vous  annonçais,  dans  ma  dépêche  n°  16,  une  lettre  que  le  réis-effendi 
avait  préparée  pour  vous,  à  l'effet  de  vous  donner  une  assurance  directe 
des  bonnes  dispositions  de  la  Porte  relativement  aux  vues  de  la  répu- 
blique. 


API'ENDÎCE  223 

Jp.  VOUS  Ifansmets  aujourd'lini  cp|(«  lettre  avoc  la  traduction  qui  en  a 
été  fuilo  en  français  par  le  ('itoyon  IliiHin. 

J'espère  que  vous  en  serez  satisfaits  et  qu'elle  pourra  donner  lieu  h  une 
réponse  agréable  de  votre  part. 

Le  réis-efTendi  a  pensé  que  sa  lettre  serait  lue  h  la  convention  natio- 
nale, et  cette  idée  l'a  empêché  de  s'expliquer  plus  positivement  qu'il  ne  l'a 
fait. 

La  Porte,  au  reste,  ne  pouvait  faire  ce  me  semble  une  déclaration  plus 
solennelle  de  ses  sentiments.  —  Vous  ne  manquerez  pas  d'obsei'ver  que 
le  réis-ell'endi  a  pris  soin  d'annoncer  deux  fois,  dans  le  cours  de  la  lettre, 
qu'elle  était  écrite  d'ordre  ex|)rcs  du  Grand-Seigneur. 

Ma  seconde  conférence  a  eu  lieu  avec  le  réis-efîendi  le  8  du  courant, 
ainsi  que  je  vous  annonçais  que  cela  serait  dans  ma  dernière  dépêche. 

En  voici  la  relation. 

Le  réis-éfendi,  qui  ne  perd  jamais  l'occasion  de  parler  sur  les  diffé- 
rentes parties  de  l'économie  politique  des  états  européens,  a  d'abord  mis 
l'entretien  sur  les  finances,  le  commerce  et  l'administration  des  lazarets, 
sujet  que  la  circonstance  présente  de  la  peste  rend  intéressant.  J'omets  ce 
qui  s'est  dit  de  part  et  d'autre  sur  ces  matières,  comme  étant  étrangères  h 
la  négociation  ;  et  si  je  l'indique  ici,  c'est  pour  vous  faire  connaître  que 
l'esprit  des  ministres  ottomans  est  en  travail  sur  ce  qui  tient  à  la  prospé- 
rité des  États. 

Après  une  demi-heure  de  conversation  là-dessus,  nous  avons  passé  au 
sujet  de  la  conférence. 

Venvoijé  de  la  république.  —  Le  réis-efîendi  ne  pense-t-il  pas  qu'il 
est  bon  qu'avant  de  rien  traiter  nous  cherchions  à  fixer  nos  idées  sur  la 
publique  de  quelque  puissance,  et  sur  certaines  circonstances  qui  pa- 
raissent mériter  d'être  approfondies.  —  J'aurais  d'abord  quelques  ques- 
tions à  lui  faire  sur  lesquelles  je  le  prie  de  vouloir  bien  me  répondre. 

Le  réis-éfendi.  —  J'y  cousons. 

L envoyé  de  la  république.  —  L'Autriche  abandonnerait-elle  les  dis- 
tricts et  revenus  indiqués  par  les  Bosniaques? 

Le  réis-éfendi.  —  La  prétention  élevée  par  les  Bosniaques  était  con- 
traire au  traité.  —  C'est  un  fait  constant.  —  Cependant  l'Autriche  a  cédé 
en  partie;  elle  a  consenti  à  l'établissement  d'une  nouvelle  ligne  de  dé- 
niarcalion  qui  satisfait  les  Bosniaques. 

V envoyé  de  La  république.  —  Je  présume  que  la  Sublime-Porte  aura 
senti  que  l'Autriche  se  trouve  dans  la  nécessité  et  dans  des  circonstances 
à  ne  rien  lui  refuser. 

Le  réis-éfendi.  —  Elle  a  mis  de  la  condescendance  dans  celte  affaire, 
qui  au  surplus  était  peu  de  chose. 

L'envoyé  de  la  république.  —  La  Sublime-Porte  a-t-elle  reçu  quelque 


22'4  APPENDICE 

réponse  de  la  cour  de  Berlin,  sur  les  ouvertures  qu'elle  lui  a  fait  relative- 
ment aux  circonstances  présentes  ? 

Le  réis-éfindi.  —  Aucune  encore.  On  ne  conçoit  rien  à  la  politique 
du  roi  de  Prusse,  il  va  en  sens  contraire  de  ce  qu'il  se  propose.  —  Nous 
ne  cessons  de  le  lui  faire  dire. 

Son  assujettissement  à  l'impératrice,  la  correspondance  qu'il  tient,  dit- 
on,  lui-même  avec  elle,  le  conduisent  bien  mieux  à  son  but  que  n'aurait 
fait  une  démarche  toule  opposée;  mais  il  ne  peut  tardera  changer,  surtout 
si,  comme  nous  en  sommes  informés,  la  triple  alliance  a  été  signée  entre 
les  deux  cours  impériales  et  celle  de  Londres,  et  si  la  Bavière  a  éié  réel- 
lement promise  à  l'Autriche. 

L envoyé  de  la  république.  —  Le  roi  de  Prusse  s'est  trompé  :  il  n'a  vu 
l'affaire  de  Pologne  que  sous  un  seul  aspect  et  ne  s'est  point  élevé  au- 
dessus  de  quelques  intérêts  de  famille. 

C'est  ce  qui  a  donné  un  essor  incertain  et  timide  îi  sa  politique. 

Mais  (comme  le  fait  très-bien  observer  Votre  Excellence),  les  liaisons  de 
l'Angleterre,  de  l'Autriche  et  de  la  Russie,  en  le  forçant  de  songer  à  des 
alliances,  vont  le  ramener  au  système  qui  convient  à  son  pays,  et  c'est  à 
quoi  le  gouvernement  français  fait  travailler  avec  beaucoup  de  soin. 

Nous  espérons  de  mettre  la  politique  du  roi  de  Prusse  d'accord  avec 
elle-raênie.  —  Telles  sont  les  expressions  propres  dont  le  Comité  de 
salut  public  s'est  servi  en  écrivant  sur  ce  point. 

Le  réis-éfendi.  —  Comment  entendez-vous  cela? 

Est-ce  en  procurant  le  reste  de  la  Silésie,  ou  bien  quelques  portions  de 
l'Allemagne  au  roi  de  Prusse,  que  vous  voulez  mettre  sa  politique  d'accord 
avec  elle? 

Lenvoyé  de  la.  République.  —  Le  Comité  de  salut  public  ne  s'est  pas 
autrement  expliqué. 

Le  réis-éfendi.  —  J'apprends  avec  plaisir  que  le  gouvernement  fran- 
çais travaille  à  se  concilier  le  roi  de  Prusse.  —  Gela  prêtera  un  solide 
appui  à  nos  propres  démarches, 

L  envoyé  de  la  république.  —  Le  réis-effendi  a-t-il  connaissance  que 
les  trois  cours  de  Saint-Pétersbourg,  de  Vienne  et  de  Berlin  soient  d'accord 
sur  les  conditions  du  partage  de  la  Pologne? 

Le  réis-éfendi.  —  Nous  ne  savons  pas  qu'il  y  ait  rien  de  déterminé. 

Lenvoyé  de  la  république.  —  Monsieur  l'ambassadeur  d'Angleterre, 
près  la  Sublime-Porte,  part-il  dans  quelques  jours?  Se  propose-t-il  de 
prendre  congé  ? 

Le  réis-éfendi.  —  L'audience  de  congé  n'est  pas  de  rigueur,  lorsqu'un 
ambassadeur  ne  fait  qu'une  absence  et  qu'il  n'est  point  rappelé.  —  C'est 
le  cas  de  M.  Liston.  —  Au  reste,  ce  minisire  s'est  excusé  sur  la  circons- 
tance de  la  peste. 


API'F.NDICE  225 

L'envoyé  de  la  répuôla/ur.  —  A-l-il  |)ris  un  Irèi-^i'and  suin  de  rassurer 
la  Sublime-Porte  sur  les  cniinles  que  doit  nalurelleraenl  lui  donner  l'al- 
limice  de  l'Angleterre  avec  la  Russie? 

Le  réis-éfendi.  —  Tout  ce  qu'il  pourrait  nous  dire  à  cet  égard  ne 
nous  inspirerait  aucune  confiance. 

renvoyé  de  la  république.  —  Je  le  conçois,  mais  le  réis-éft^ndi  ne 
répond  point  calégoriquenicnl  ;  j'insiste  donc  et  je  demande  si  monsieur 
l'ambassadeur  d'Angleterre  partant  presqu'h  l'improvisle,  et  après  la  cer- 
titude d'une  alliance  entre  sa  cour  et  la  Russie,  a  pris  soin  de  rassurer  la 
Sublime-Porte  sur  ces  circonstances. 

Le  réis-éfendi.  —  Il  a  fort  cherché  à  nous  persuader  que  les  arran- 
gements pris  entre  le  roi  son  maître  et  l'impératrice  de  Russie  n'étaient 
relatifs  qu'à  la  France. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Il  est  très-raisonnable  de  supposer  que 
ces  arrangements  ne  se  bornent  pas  là. 

Les  ennemis  de  la  république  française  sont  assez  convaincus  qu'ils  ne 
réussiront  point  à  entamer  son  territoire,  et  désespèrent  aussi  de  pouvoir 
recouvrer  celui  qu'elle  a  conquis  sur  eux. 

Dans  cet  état  des  choses,  ils  doivent  chercher  ailleurs  le  dédommage- 
ment des  pertes  qu'ils  ont  éprouvées  et  des  trésors  qu'ils  ont  dissipés. 

L'alliance  des  deux  cours  impériales  et  de  celle  de  Londres  ne  peut 
avoir  d'autre  objet. 

Tout  porte  à  croire  que  l'Angleterre  s'est  déterminée  à  favoriser  les 
vues  de  l'impératrice,  sur  les  États  ottomans,  dans  l'espérance  d'obtenir 
d'elle  des  privilèges  de  douane  qui  mettraient  dans  ses  mains  tout  le 
commerce  du  Levant. 

Une  autre  considération  peut  aussi  avoir  déterminé  la  cour  de  Londres. 
Il  est  de  fait  que  cette  cour  désire  se  former  une  chaîne  d'états  depuis 
Gibraltar  jusqu'au  golfe  persique,  afin  de  presser  l'Inde  des  deux  côtés, 
et  d'exploiter  avec  toute  l'étendue  possible  le  commerce  de  cette  partie 
de  l'Asie,  celui  de  la  Perse,  de  la  mer  Rouge  et  de  l'Afrique. 

C'est  dans  cette  vue  qu'elle  a  acheté  plulôl  que  conquis  l'île  de  Corse  ; 
c'est  dans  la  même  vue  qu'elle  m  irchande  depuis  longtemps  l'île  de 
Malte. 

Si  donc  la  Russie  lui  a  permis  d'espérer  dans  le  partage  des  dépouilles 
des  Ottomans  l'une  des  trois  îles  de  Candie,  de  Rhodes  et  de  Chypre,  ou 
l'Egypte  dont  l'exlrêrae  fertilité  ne  peut  qu'exciter  la  cupidité  anglaise,  il 
ne  saurait  être  douteux  qu'elle  n'ait  entièrement  sacrifié  la  Sublime- 
Porte. 

J'invite  fortement  Votre  Excellence  à  se  pénétrer  de  ces  conjectures. 

Le  réis-éfendi.  —  Avez-vous  quelques  indices  qui  puissent  servir  de 
base? 

T.  n.  îû 


tî'jfi  APPENIUCE 

L'envoyé  de  la  rêijublique.  —  Pas  d'autres  à  la  vérité  que  ceux  que 
présentent  les  convenances  et  l'intérêt  des  puissances  alliées  et  leurs 
traités,  mais  ceux-là  ne  sunt  point  à  rejeter. 

/.eréis-éfendi.  — J'en  conviens,  cependant  je  crois  que  la  politique 
des  cours  alliées  est  dirigée  en  ce  moment  pour  ce  qui  regarde  la  Russie, 
contre  la  Pologne,  pour  ce  qui  concerne  l'Angleterre,  contre  la  France, 
et  quant  à  l'Autriche,  contre  la  Pologne,  la  France  et  la  Bavière. 

Au  reste,  quelles  que  soiant  les  intentions  des  unes  et  des  autres,  nous 
y  mettrons  obstacle,  j'espère,  et  c'est  des  moyens  d'y  parvenir  que  nous 
allons  traiter. 

La  conférence  durait  depuis  près  de  trois  heures. 

Conformément  au  système  de  temporisation  adopté  d'après  vos  der- 
nières instructions,  je  pris  occasion  de  l'heure  avancée  pour  demander 
que  nous  nous  ajournassions. 

Le  réis-éfendi  y  adhéra  en  me  disant  que  c'était  d'autant  plus  à  pro- 
pos qu'il  avait  à  me  donner  connaissance  d'une  lettre  qu'il  avait  préparée 
pour  vous,  d'après  les  ordres  exprès  du  Grand-Seigneur,  et  qu'il  allait 
me  remettre,  me  priant  de  vous  la  faire  parvenir  dans  le  plus  court  délai 
possible. 

Alors  i!  me  fit  faire  un  rapport  succint  par  le  drogman  de  la  Porte  du 
contenu  de  celte  lettre,  qui  est  celle  que  je  vous  envoie  aujourd'hui. 

Je  répondis  que  le  gouvernement  français  s'empresserait  de  satisfaire 
aux  demandes  de  la  Sublime-Porte,  et  qu'il  recevrait  avec  la  plus  vive 
sensibilité  l'assurance  de  ses  sentiments  à  l'égard  de  la  république. 

Je  renouvellai  en  même  temps  mes  instances  pour  que  les  préparatifs 
militaires  se  continuassent  avec  la  plus  grande  vigueur,  tandis  que  la  né- 
gociation marcherait. 

Que  c'était  le  moyen  d'éviter  la  guerre,  au  cas  où  elle  ne  fût  point  né- 
cessaire, de  la  bien  faire,  si  elle  était  indispensable. 

Je  l'assurai  au  surplus  que  les  vues  du  gouvernement  français  étaient 
pleinement  désintéressées,  et  qu'il  était  bien  loin  de  vouloir  jeter  la  Su- 
blime-Porte dans  des  embarras,  et  qu'il  ne  se  proposait  que  la  sûreté  de 
l'empire  ottoman  et  de  l'Europe. 

Ainsi  finit  cette  séance. 

Nous  nous  réunirons  de  nouveau  ces  jours- ci. 

Il  lut  convenu  qu'à  l'avenir  les  conférences  se  tiendraient  de  nuit,  afin 
que  les  minisires  étrangers  n'en  eussent  point  connaissance. 

Après  la  séance,  le  prince  Mourousi,  avec  lequel  nous  étions  restés,  le 
citoyen  Huflin,  Dantan  et  moi,  me  parla  avec  une  sorte  de  sensibilité  de 
la  niunière  honorable  avec  lequel  le  représentant  du  peuple  Boissy  d'An- 
glas  s'était  expliqué  sur  le  compte  de  l'impératrice  de  Russie,  dans  son 
rapport  sur  la  silualiou  iiilérieure  el  extérieure  de  la  république. 


APPENDICE  527 

Il  rae  dit  que  cela  était  contraire  à  l'esprit  de  mes  insinuations,  con- 
traire surtout  h  l'opinion  que  le  même  représentant  avait  émise  sur  celle 
princesse  dans  un  de  sos  précédents  discours. 

Je  lui  représentai  que  h;  représentant  du  peuple  Buissy  d'Angkis  avait 
voulu  établir  seulement  que  l'impératrice  s'était  déclarée  contre  la  répu- 
blique pour  des  motifs  autres  que  ceux  qu'elle  avouait,  puisqu'elle  s'était 
effoi'cée  durant  tout  son  règne  d'acclimater  les  arts,  les  sciences  (.'l  la 
philosophie  dans  son  empire,  et  ([u'au  reste  il  n'y  avait  rien  dans  le  ilis- 
cours  d'où  l'on  pût  induire  que  le  gouvernement  voulût  céder,  en  ([uoi  que 
ce  fût,  il  l'impératrice  de  Russie  le  véritable  intérêt  de  l'Europe. 

Les  affaires  de  Widdin  dont  je  vous  ai  parlé  dans  ma  précédente  lettre 
ne  sont  point  encore  terminés. 

Le  rebelle  Passvanl-Oglou  se  soutient  dans  cette  place  contre  une 
armée  de  30,000  hommes  qui  l'y  assiège. 

On  assure  qu'une  partie  de  la  garnison  est  déjà  insurgée  contre  lui,  et 
qu'il  ne  tardera  pas  à  en  être  abandonné. 

Il  paraît  que  la  Porte  préfère  de  le  réduire  de  cette  manière  plutôt  que 
de  vive  force,  étant  bien  aise  de  traîner  en  longueur,  et  de  se  conserver 
un  prétexte  de  tenir  une  armée  réunie  sur  la  frontière. 

Ce  qui  donne  quelque  crédit  à  cette  conjecture,  c'est  le  motif  môme 
dont  on  s'est  servi  pour  armer  contre  Passvant-Oglou  et  le  pousser  <i  la 
révolte. 

On  a  reconnu  qu'il  était  de  connivence  avec  les  rebelles  de  Belgrade, 
et  qu'il  leur  avait  promis  du  secours,  ce  qui  paraît  être  sans  fondement. 

Il  est  donc  vraisemblable  que  les  révoltes  supposées  ou  suscitées  à 
dessein  ont  été  employées  ou  destinées  par  la  Porte  b.  couvrir  des  ras- 
semblements et  des  établissements. 

La  Porte  en  est  réduite  à  de  pareils  expédients,  lorsqu'elle  ne  déclare  pas 
formellement  la  guerre,  attendu  que  l'on  ne  connaît  point  dansl'emjjire 
l'usage  dss  armées  d'observation  et  des  camps,  comme  dans  les  autres 
parties  de  l'Europe. 

(Signé)  Verninac. 
{M.  Copie.) 

ANNEXE 

Traduction  de  la    dépêche   ofOcielIe    du  réis-éfendi    au    comito 

de  salut  public. 

Aux  très-honorables,  très-estimables,  très-considérés  et  très -dignes     n.i.iioD»  eiéne^r.,. 
représentants  du  peuple  français,  composant  le  Comité  de  salut  public  ~ 

qui  e.^l  une  dépuiation  choisie,  spécialement  chargée  d'une  partie  im;n:- 


2J8  APPENDICE 

laiile  des  affairas  de  la  lépublique,  et  membres  de  la  Convention  natio- 
nale, c'est-à-dire  l'élite  de  la  nation  assemblée. 

Après  vous  avoir  offtrt  l'hommage  de  notre  haute  estime,  après  vous 
avoir  fait  l'offiande  des  premiers  de  nos  salutations  amicales,  nous  nous 
hâtons  d'entrer  avec  vous  dans  quelques  explications  dictées  par  los 
mêmes  senliments. 

Les  nœuds  indissolubles  de  la  cordialité  et  de  l'intimité  qui  se  sont  for- 
més et  resserrés  eiitie  nous  la  Sublime-Porte  et  la  république  française  ne 
lieniieut  à  aucune  cause  accidentelle,  ils  sont  plutôt  le  fruit  naturel  d'une 
douce  sympathie  qui,  dès  la  première  époque  de  l'existence  politique  des 
Ottomans  et  des  Français,  unit  étroitement  ces  deux  nations.  L'identité  de 
Iturs  intérêts  respectifs  et  une  infinité  d'autres  rapports,  non  moins  essen- 
tiels, cimentèrent  bientôt  cette  heureuse  union  qui  est,  elle-même,  la  source 
inépuisable  des  vœux  de  la  Sublime-Porte  pour  la  gloire  et  la  prospérité 
de  la  France. 

Aussi  ces  deux  considérations  ont-elles  été,  dans  tous  les  cas,  un  des 
premiers  objets  de  la  sollicitude  ottomane,  et  la  Sublime-Porte  n'a  cessé 
de  manifester  le  degré  éminent  de  son  intérêt  à  cet  égard. 

La  nation  et  la  république  française  de  leur  côté,  pénétrées  de  ces  témoi- 
gnages d'amitié,  n'ont  perdu  aucune  occasion  d'en  faire  éclater  leurs  juste 
reconnaissance,  et  elles  ont  notammment  employé  l'entremise  de  nos  amis 
les  deux  envoyés  de  la  république,  qui  se  sont  succédés  dans  la  résidence 
près  la  Sublime-Porte,  à  rendre  à  nos  maîtres  leurs  inaltérables  dispositions. 

Quelque  persuadés  que  nous  soyons  de  la  ponctualité  ae  ces  deux  mi- 
nistres à  nous  transmettre  en  retour  les  piotestalions  de  notre  parfaite 
réciprocité,  néanmoins  par  ampliation  et  d'après  un  ordre  suprême,  nous 
avons  été  autorisés  à  vous  renouveller  par  écrit,  et  d'une  manière  plus 
directe  et  plus  solennelle,  l'assurance  de  l'attacheaient  sincère  et  intime 
que  la  Sublime-Porte  professe  pour  la  république  française,  en  devenant 
nous-mêmes  auprès  de  vous  l'interprète  fidèle  de  ses  sentiments. 

Indépendamment  de  notre  ardeur  à  remplir  ces  vues  supérieures  et  les 
fonctions  de  notre  place,  notre  prédilection  innée  pour  les  Français  nous 
fera  attacher  le  plus  grand  prix  à  la  commission  qui  nous  était  confiée  au- 
prèsde  vous,  et  nous  nous  disposions  à  l'exécuter  avec  joie,  lorsque  les  ingé- 
nieurs et  autres  officiers  français,  que  la  Sublime -Porte  avait  désiré  d'at- 
tirer à  son  service,  sont  heureusement  arrivés  à  leur  destination. 

Cet  agréable  incident  a  été  un  surcroît  de  satisfaction  pour  le  ministère 
ottoman. 

J'ai  été  également  chargé  de  vous  en  manifester  tout  son  contentement 
en  vous  répétant  que  bon  dévouement  pour  la  république,  bien  loin  d'être 
jamais  susceptible  d'altériition,  ne  ferait  que  prendre  de  jour  en  jour  de 
nouveaux  accroissements, 


Al'i  F.NniCK  'i'iO 

La  bublinie- Porte  n'a  pu  voir  sinis  ;ulininition  que  les  représentants  du 
peuple  fianrais,  chargés  spécialenieni  des  a  (Ta  ires  [)oiitiquPs  de  la  France, 
animés  des  principes  de  justice  et  d'équité,  seule  hasiî  du  repos  et  du  bon- 
heur des  nations,  ne  sont  occupés  que  du  soin  de  faire  régner  la  modéra- 
lion  et  la  vertu,  qui  sont  les  moyens  les  plus  efficaces  pour  conserver  la 
haute  réputation  et  éterniser  la  gloire  que  les  Français  ont  acquise  par 
leur  succès  et  leurs  triomphes. 

Elle  applaudit  aux  efforts  et  aux  travaux  de  ces  sages  modérateurs  pour 
effacer  jusqu'au  souvenir  des  désastres  et  des  calamités  qui  ont  désolé  la 
France,  sous  la  dorainoliou  de  la  tourbe  des  oppresseurs. 

C'est  avec  une  véritable  émotion  que  la  Sublime-Porte  considère  le  zèle 
infatigable  des  mêmes  représentants  pour  rétablir  l'ordre  et  l'harmonie 
dans  toutes  les  parties  de  leur  administration,  pour  constituer  leur  gou- 
vernement républicain  sous  une  forme  quelconque,  convenable  h  la  di- 
gnité nationale  et  propre  à  assurer  la  tranquillité  et  les  droits  du  peuple 
français,  et  enfin  fonder,  par  le  retour  de  la  paix  et  de  la  concorde  géné- 
rale, non-seulement  la  félicité  de  la  France,  mais  encore  celle  de  l'univers 
entier. 

La  part  que  le  ministère  ottoman  prend  à  tout  ce  qui  intéresse  la  ré- 
publique, doit  être  la  juste  mesure  des  douces  sensations  qu'il  a  éprouvées 
à  la  vue  des  beureux  résultats  d'une  conduite  si  sage  et  si  constante. 

Ces  résultats  ne  nous  étaient  pas  moins  connus  que  la  pureté  des  inten- 
tions et  des  dispositions  des  Français  h  notre  égard,  ils  nous  en  avaient 
donné  des  preuves  si  louchantes  et  si  multipliées. 

Cependant  le  langage  que  notre  ami  Verninac,  envoyé  de  la  république 
française  près  la  Sublime-Porte,  nous  a  tenu,  depuis  son  arrivée,  a  encore 
ajouté  h  notre  conviction. 

Ce  ministre,  doué  de  toutes  les  qualités  qui  constituent  l'habile  inter- 
médiaire destiné  à  entretenir  l'amitié  qui  lie  les  deux  nations  depuis  un 
tomps  immémorial,  a  rempli  sa  mission  avec  fidélité  et  distinction.  Il  jus- 
tifie pleinement  la  bonne  opinion  que  la  république  ajustement  conçue 
de  ses  talents. 

L'envoi  qu'elle  a  fait  des  ingénieurs  et  des  officiers,  dont  nous  vous 
avons  déjà  parlé,  montre  combien  l'honneur  et  la  pro^périté  de  l'empire 
olLoujan  est  cher  aux  Français. 

Ce  service  signalé  a  élé  apprécié  par  la  Sublime-Porte  sous  tous  les 
rapports,  mais  singulièrement  sous  celui  du  moment. 

Sa  Hautesse,  le  très-puissant,  très-majestueux  et  très-formidable  empe- 
reur de  l'Asie  et  du  monde,  notre  maître  et  bienfaiteur,  depuis  son  avè- 
nement au  trône  de  ses  ancêtres,  consacre  simullanéiaent  bcs  précieux 
instants  au  gouvernement  inlérieur  de  son  empire,  pour  répandre  le  bon- 
heur sur  ses  sujets,  et  au  maniement  des  affaires  extérieures  pour  n)ainte- 


'230  APPENDICE 

nir  sa  baule  considération  dans  l'étranger.  —  Sa  Hautesse  se  charge 
elle-même  de  l'exécution  des  vues  supérieures  et  des  vastes  plans  qu'elle 
a  conçus  dans  sa  sagesse  qui  tient  de  l'inspiration,  et  à  celte  fin  elle  s'en- 
vironne de  tous  les  moyens  nécessaires. 

L'i  France,  en  lui  procurant  ceux  qui  dépendent  d'elle,  a  donc  coopéré 
h  l'accomplissement  des  desseins  bienfaisants  de  notre  auguste  maître,  et 
c'est  d'après  cette  considération  majeure  que  vous  devez  juger  de  la  sen- 
sibilité de  ses  ministres,  lorsqu'ils  ont  vu  arriver  les  ingénieurs  et  les 
autres  officiers  français. 

Des  artistes  d'un  autre  genre  seraient  très-nécessaires  dans  ce  moment. 
L'expérience  que  la  Sublirae-Porle  vient  de  faire  de  la  bonne  volonté 
inépuisable  des  Français  ne  lui  permet  pas  d'hésiter  à  y  recourir  pour  ce 
nouveau  besoin,  bien  sûre  que  l'expédition  de  ces  artistes,  tels  qu'ils 
sont  désignés  dans  la  note  ci-annexée,  sera  aussi  prompte  que  le  choix 
des  individus  sera  soigné  ;elle  s'en  réfère  avec  confiance  à  l'amitié  de  la 
république,  qui  n'en  admettra  aucun  sans  qu'au  préalable  elle  n'en  ait 
éprouvé  l'adresse  et  la  capacité. 

Tels  sont  les  objets  divers  qvUen  vertu  d'vn  ordre  formel  émané  de  sa 
Hautesse  nous  avons  dû  mettre  successivement  sous  vos  yeux  dans  la 
présente  dépêche.  —  A  son  arrivée  vous  vous  convaincrez  que  dans  tout 
son  contenu  nous  ne  sommes,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  que  l'organe 
fidèle  de  la  Sublime  Porte  auprès  de  vous  et  le  garant  de  ses  sentiments 
pour  la  république  française.  Nous  vous  invitons  à  donner  suite  à  nos 
correspondances,  en  nous  écrivant  de  temps  en  temps,  et  proportion- 
nellement à  la  rapidité  des  progrès  de  nos  liaisons,  et  pour  raffermir  ainsi 
de  plus  en  plus  les  fondements  de  l'amitié  et  de  l'estime  qui  unissent  nos 
deux  nations.  Ce  procédé  est  digne  de  votre  zèle  et  conforme  à  nos  vœux. 

Au  surplus,  puissent  les  combinaisons  qui  concourent  à  votre  bonheur 
et  à  votre  satisfaction  croître  et  se  multiplier. 

Écrit  le  15de  la  lune  de  rébiul-akhir  l'an  de  l'hégire  1210.  —  Celui 
qui  demande  le  secours  de  Dieu  :  Aboukir  Habib,  réis-éfendi,  ou  le 
chef  (les  bureaux  de  la  Porte  ottomane. 

Traduction  de  la  note  annexée  à  la  dépêche  officielle  du  réis-éfendi. 

Un  fondeur  de  canons  de  bronze. 

Un  ouvrier  faisant  des  moules  à  canons. 

Un  officier  ou  chef  de  ces  deux  officiers  sachant  lui-même  leur  métier. 

Trois  maîtres  armuriers  sachant  faire  des  platines  et  batteries  de  fusils. 

Deux  ouvriers  en  fer  faisant  les  ferrements  des  affûts  de  canon. 

Deux  charrons  faisant  les  affûts. 

l'otal  treize  individus. 

{M.  Traduction  officielle.) 


Tour  11'  Uircctoiic. 


AITENDICE  -^ol 

XXXIII.  —  n«'-p«"clic  de  l'onvoyc  Vcrninac  an  comité  «le  Nnliil  public, 
en  date  du  22  décembre   1795  (tO  djémnziui-akhir   12iO). 

PJra  Icz-Constnniinople  1  nivôso  an  ^i'  de  la 
République  française,  une  et  indivisible. 

L'envoyé  extraordinaire  de  la  république  française   près  la  Porte  otto-     nf-inoiK  m «r.nrj. 
manc  aux    citoyens  représentants  du  peuple,  composant  le  Comité  de 
salut  public. 

Citoyens  représentants, 

En  conséquence  du  système  que  j'ai  adopté,  etc.  Il  résulte  de  ce  qui  a  été 
dit  par  le  réis-éfendi  dans  celte  conférence  : 

Que  le  partage  de  la  Pologne  donne  de  vives  inquiétudes  à  la  Porte,  et 
qu'elle  serait  disposée  à  travailler  au  rétablissement  des  choses,  si  d'au- 
tres puissances,  et  notamment  la  république,  voulaient  y  coopérer  sérieu- 
sement; 

Qu'elle  estime  que  ce  rétablissement  ne  pourrait  point  s'opérer  si  l'on 
y  trouvait  le  roi  de  Prusse  contraire;  qu'en  conséquence  il  serait  bon  de 
s'assurer  de  ce  prince,  mais  qu'elle  craint  que  cela  ne  soit  impossible  ; 
qu'il  y  a  eu  déjà  des  ouvertures  faites  au  sujet  des  liaisons  à  former  entre 
les  deux  cours,  et  que  celle  de  Berlin  n'a  énoncé  que  des  dispositions  dé- 
fensives. 

Que,  la  guerre  continuant,  il  sera  facile  de  faire  déclarer  les  Turcs,  et 
que,  si  la  Porte  ne  s'explique  pas  tout-à-fait  ouvertement  là-dessus,  il 
faut  l'attribuer  à  la  tendance  qu'elle  a  cru  apercevoir  dans  le  gouverne- 
ment vers  une  paix  prochaine  et  générale; 

Que  la  Porte  désire  former  une  alliance  permanente  avec  la  république, 
et  qu'il  sera  possible  d'obtenir  pour  notre  commerce  et  pour  notre  navi- 
gation de  beaucoup  plus  grands  avantages  que  ceux  dont  nous  jouissons 
aujourd'hui. 

J'espère  que  vous  serez  satisfait,  etc. 

{Signé)  R.  Verninac. 
(yE.  Copie.) 

XXXIV.  —  Dépèche  de  l'envoyé  Verninac  an  ministre  des  relations 
extérieures  (Lacroix),  en  date  du  33  avril  19»6(15  chévvallSlO;. 

Extrait  d\ine  dépèche  du  citoyen  Verninac,  envoyé  de  la  république      Beairn.  f:i*r..urf., 
française  près  la  Porte  ot/omonp. 


rmir  le  iliie{  toire. 


Péra  lez-Constantinop!e  /j  floréal  an  ri. 

Dans  la  conférence  qu'il  a  eue,  etc. ,  etc.  Alors  la  conversation  roula  entre 
le  citoyen  Verninacel  le  réis-éfendi  sur  difl'érents  points,  comme  l'éUiblisse- 


232  APPENDICE 

ment  des  postes  dans  l'empire,  la  levée  des  impôts  Je  droit  de  confiscation 
p;ir  le  Grand-Seigneur  sur  les  biens  des  fonctionnaires  publics,  etc.;  puis 
V envoyé  de  la  république  lui  dit  :  N'avez-vous  rien  à  n.e  dire  au  sujet  du 
projet  de  traité  d';illiance  défensive  que  j'ai  rédigé  d'après  vos  vœux,  et 
que  je  vous  ai  fait  remettre? 

Le  réis-éfendi.  —  J'ai  à  vous  communiquer  un  contre-projet,  peu  dif- 
férent, et  dont  je  vous  donnerai  connaissance  dans  notre  première  entre- 
vue ;  il  m'a  paru  que  vous  n'aviez  pas  assez  fait  sentir  dans  votre  rédaction 
que  l'alliance  n'est  qu'éventuelle  ;  on  croirait  que  le  casus  foederU  s'ou- 
vre du  jour  même  de  la  signature,  et  que  la  présente  guerre  y  est  com- 
prise. La  Porte  et  le  gouvernement  français  doivent,  sans  doute,  se  con- 
certer et  se  combiner  sur  les  conjectures  actuelles;  mais  je  pense  que  le 
traité  qui  n'est  pas  une  chose  de  circonstances  doit  être  indépendant  de 
ces  conjectures. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Mon  projet  est  tout  à  fait  rédigé  dans  ce 
sens.  Je  prie  Son  Excellence  de  le  lire  avec  attention,  elle  en  sera  con- 
vaincue. 

Le  prince  Mourousi.  —  L'article  est  équivoque  sur  ce  point  :  la  répu- 
blique française  et  la  Porte  déclarent  (est-il  dit  dans  cet  article),  qu'il  y  a 
dans  ce  moment  entre  elles  bonne  intelligence  et  alliance  définitive.  Ces 
mots  :  dès  ce  moment,  n'annoncent-ils  point  un  effet  immédiat? 

L'envoyé  de  la  république,  —  Je  ne  l'aurais  pas  cru,  mais  cela  est  fort 
aisé  à  rectifier;  au  reste,  l'article  secret  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'é- 
ventualité. 

Le  prince  Mourousi.  —  Quel  est-il  ?  je  n'en  ai  point  trouvé  dans  la 
copie  qui  m'a  été  remise. 

L'envoyé  de  la  république.  —  Voici  cet  article  :  «  Le  présent  traité  ne 
«  stipulant  rien  de  positif  au  sujet  de  la  guerre  dans  laquelle  la  république 
«  française  se  trouve  engagée,  les  deux  parties  contractantes  déclarent 
((  qu'elles  se  concerteront  loyalement  là-dessus,  prenant  pour  base  les  sen- 
((  timents  et  les  principes  qui  ont  motivé  la  présente  alliance.  » 

Le  prince  Mourousi.  —  Nous  n'avions  pas  connaissance  de  cet  article  ; 
il  a  été  omis  dans  la  copie  que  monsieur  l'envoyé  a  fait  remettre  à  la 
Porte. 

Le  réis-éfendi.  —  Il  ne  nous  sera  pas  difficile  de  nous  entendre;  re- 
mettons cet  objet  à  notre  prochaine  conférence. 

11  était  tard,  on  se  sépara. 

{JE.  Extrait  original.) 


AprENDicii; 


233 


XX\1^.  Dépêche  de  l'envoyé  Vcrnlnnc  nn  ministre  des  relations 

extérieures,  en  date  du  2  7   raal   19»<>  (20  zilcadé   t2flO). 

Copie  d'une  dépêche  du  citoi/en  Verninac,  envoyé  extraordinaire  prés  la 

Porte  ottomane. 

Constantinople  le  8  prairial  an  4. 

J'ai  omis  de  vous  prévenir,  dans  ma  lettre  d'hier,  que  j'étais  d'accord     nruiimsf.i^h.ar-». 
avec  la  Porte  qu'elle  enverrait  un  ambassadeur  en  résidence  h  Paris.  Son  - 

choix  s'est  arrêté  sur  Ali-efendi,  homme  de  mérite,  qu'elle  avait  dési- 
gné depuis  six  mois  pour  ambassadeur  à  Berlin.  Le  départ  de  ce  mi- 
nistre s'effectuera  vraisemblablement  dans  deux  mois,  époque  à  laquelle 
on  présume  que  la  ratification  pourrait  être  arrivée.  On  m'a  déjà  sondé 
sur  la  nature  des  présents  qu'on  pourrait  faire  offrir. 

(M.  Copie.) 

XX.XVI.  —  Lettre  du  ministre  des  relations  extérieures  an  prési- 
dent  du  directoire  exécutif,  en  date  du  2%  juin  1996  (16  zil- 
hidjé   9ZÈO). 

Paris  le  4  mpssidor  de  l'an  4*  de  la 

république  française. 

(Vignette  allégorique  représentant  la  Liberté.) 
Liberté,  Égalité,  Fraternité. 

Le  ministre  des  relations  extérieures  au  citoyen  président  XfWomnwn-it. 

du  Directoire  exécutif.  — 

Citoyen  président,  NoT^'Lordre 

On  me  remet  dans  le  moment  le  déchiffrement  de  deux  dépêches  du  de  la  corre^ron- 

citoyen  Verninac,  en  date  du  15  floréal.   Il  marque  que  le  réis-efendi  Jpo*s'e'"reiate  le 

vient  de  lui  transmettre  un  contre-projet  du  traité  d'alliance  où  la  con-  num(<iodui)i:re«u 

■       '  ci  dessus  indiqué. 

cession  de  la  mer  Noire  est  stipulée. 
Salut  et  respect. 

[Signé)  Cii.  Delacroix. 
[M.  Original.) 

WJLWt.  —  Dépêche  d«  l'envoyé  Verninac  nu  ministre  des  relations 
extérieures,  en  date  du  9  juillet  1996  (3  mohnrrem  1211). 


Extrait  d'une  dépêche  du  citoyen  Verninac. 

Constantinople  21  messidor  an  h- 

.  Un  grand  concert  a  régné  dans  toutes  les  démarches  qu'il  a  faites  avec 
M.  le  ministre  de  Suède  près  de  la  Porte,  jusqu'au  moment  où,  la  nou- 


Rf, allons  fiiir  OQ  es. 

Pour  lidiiTCioire. 

le  11  fructidor 

un  4. 


23  i  APPENDICE 

velle  de  la  défection  de  la  Suède  est  arrivée  ;  prestation  de  subsides  par 
la  Porte,  armements  considérables,  places  fortes  garnies  d'une  manière 
respectable  ;  tels  ont  été  les  succès  de  ses  efforts,  pour  empêcher  la  ré- 
conciliation de  la  cour  de  Suède  avec  la  Russie.  Il  a  représenta  dans  une 
conférence  les  dangers  qui  menacent  l'empire  ottoman,  si  la  première 
était  asservie  àcelle  de  Russie,  qui  ne  tarr!erait  pas  à  tourner  ses  vues  vers 
l'Orient  ;  il  a  fait  sentir  le  découragement  que  le  changement  du  cabinet 
suédois  apporterait  dans  l'esprit  des  ministres  du  Danemarck,  et  l'abatte- 
ment qu'il  produirait  parmi  les  Polonais.  Alors  le  réis-efendi  lui  dit, 
malgré  les  procédés  odieux  de  la  Suède  dans  la  dernière  guerre,  malgré 
l'existence  du  traité  de  Drotningholm,  nous  avons  donné  des  subsides  à 
la  Suède  en  mars  dernier. 

Après  des  insinuations  fermes  à  la  Russie,  nous  avons  armé  et  fait  dire 
au  régent  que  l'on  ferait  tout  ce  que  les  circonstances  exigeraient.  Nous 
connaissons  cependant  la  correspondance  secrète  de  l'impératrice  avec 
le  jeune  roi,  nous  savions  qu'il  répugnait  au  mariage  projeté  et  qu'à  sa 
majorité  il  gouvernerait  selon  les  principes  de  son  père.  Que  nous  reste-t- 
il  h  faire  ? 

Mais,  a  répliqué  le  citoyen  Verninac,  la  Porte  s'est-elle  assez  expliquée 
sur  une  coopération  effective  de  ses  armées  ? 

Ses  mouvements,  a  répliqué  le  réis-éfendi  n'en  disaient-ils  pas  assez? 
devions-nous  déclarer  la  guerre  lorsque  la  Suède  ne  demandait  que  des 
subsides  et  des  démonstrations? 

Ici  le  drograan  de  la  Porte  ajouta  :  nous  réunirons  dans  une  conférence 
le  ministre  de  Suède  et  vous,  nous  constaterons  en  sa  présence  tout  ce 
que  nous  venons  d'avancer,  et  nous  opposerons  les  procès-verbaux  qui 
existent  à  tout  ce  qu'on  pourrait  articuler  de  contraire. 

Le  réis-éfendi  se  résume  en  disant  :  qu'il  sentait  les  conséquences 
de  la  défection  de  la  Suède,  qu'il  ferait  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour 
empêcher  ou  réparer  un  tel  incident. 

Le  citoyen  Verninac  lui  parla  alors  d'une  alliance  avec  la  république, 
projet  dont  il  parut  satisfuil.  L'harmonie  un  peu  troublée  étant  rétablie, 
ildilque  la  Porte  avait  permis  aux  frégates  de  celte  république  de  con- 
di'ire  les  bayles  jusqu'aux  Dardanelles,  ce  qui  est  une  prérogative;  que 
cette  proposition  n'aurait  d'autre  obstacle  à  vaincre  que  la  circonspec- 
tion et  la  faiblesse. 

D'après  ces  préliminaires,  le  citoyen  Verninac  en  fit  les  ouvertures 
au  hayle  qui  en  parut  très-flatté,  il  dit  qiie  le  sénat  regarderait  cette 
alliance  comme  un  événement  très-heureux; que  la  France  devait  devenir 
le  point  central  d'une  confédération  pour  sauver  l'Europe,  et  que  le  voi- 
hinage  des  troupes  autrichiennes  pouvaient  seules  mettre  obstacle  h  l'ef- 
ectuation  de  ce  projet. 


AI'l'ENDlCh  235 

Après  être  entré  dans  le  détail  des  maux  que  la  cour  de  Vienne  a  fait  à 
la  Valtelinc,  aux  Grisons,  à  la  Terre-ferme  de  A'enise,  au  port  de  Trieste  : 
Quel  commerce,  a-t-il  dit,  laisscra-t-elle  au  port  de  Venise?  Alors  il  de- 
manda au  citoyen  Verninac  ses  propositions  par  écrit  pour  les  transmettre, 
et  le  citoyen  Venlure  lui  remit  la  note  dont  il  envoya  copie. 

Il  propose  au  sénat  par  M.  Foscari  :  Une  alliance  entre  les  deux 
républiques  ;  la  nalure  des  choses  leur  ayant  donné  le  môme  ennemi, 
elles  doivent  s'unir.  Les  vues  de  l'Autriche  ne  sont  pas  équivoques,  elle 
veut  dominer  dans  l'Adriatique  après  avoir  envahi  les  contrées  orientales. 
La  cour  de  Pélersbourg,  son  alliée,  ne  menace  pas  moins  que  l'Autriche 
l'indépendance  de  Venise  ;  si  le  colosse  de  la  puissance  russe  s'établit 
sur  les  rives  du  Bosphore,  quel  espoir  reslera-t-il  aux  Vénitiens  de  con- 
server un  commerce  avantageux  et  de  garder  les  îles  de  Zinle,  de  Gorfou 
et  de  Géphalonie?  Des  bases  propres  h  empêcher  les  événements  indiqués 
(  t  h  réparer  le  mal  déjà  efïectué  doivent  convenir  au  sénat,  telle  est 
l'alliance  proposée  qui  sera  vue  avec  plaisir  par  la  cour  ottomane.  Le 
citoyen  Verninac  prie  monsieur  l'ambassadeur  d'en  donner  connaissance 
aux  inquisiteurs  de  l'Etat,  le  plus  secrètement  et  le  plus  promptement 
possible. 

Le  bayle,  en  recevant  cette  note,  promit  de  la  remettre  et  de  la  faire 
agréer  par  les  inquisiteurs.  Le  premier  secrétaire  Jacomachi  avait  confié 
au  citoyen  Venture  que  le  sénat,  craignant  que  les  Anglais  ne  vinssent 
couvrir  Trieste  avec  une  flotte,  et  poursuivre  des  corsaires  français  dans 
la  mer  Adriatique,  avait  armé  et  pris  des  mesures  pour  faire  respecter  la 
neutralité.  Elles  sont  en  effet  très-posilives. 

Dans  le  même  temps,  le  chargé  d'affaires  d'Espagne  lui  communiqua 
que  le  prince  de  la  Paix  venait  de  lui  écrire  que  l'alliance  aurait  lieu 
entre  la  république  et  l'Espagne,  qu'on  y  ferait  entrer  quelques  puis- 
sances de  second  ordre,  et  qu'il  fallait  employer  tous  ses  soins  pour 
tenir  les  Turcs  en  haleine.  M.  de  Bouligny  ajouta  qu'on  l'obligerait  de 
tonder  la  Porte  sur  les  liaisons  qne  sa  cour  désirait  de  former  avec  elle. 

Le  prince  Morousi  fut  tiès-content  de  l'espérance  donnée  par  M.  de 
lîouligny  d'une  alliance  entre  la  république  et  l'Espagne,  il  dit  que  la 
Porte  n'était  point  éloignée  des  vues  de  liaison  à  former  avec  l'Espagne, 
et  il  y  aura  prochainement  des  ouvertures. 

Le  but  de  l'alliance  est,  du  côté  de  l'Espagne,  de  se  procurer  des  con- 
cessions de  commerce  et  une  puissante  protection  auprès  des  états  bar- 
bnresques;  du  côté  de  la  Porte,  des  secours  marilimes  contre  la  Russie. 

Gonvient-il  à  la  France  de  permettre  cette  alliance?  Regardée  sous  le 
point  de  vue  du  commerce  et  de  la  navigation,  elle  paraît  compliquée. 

Dans  cette  même  entrevue  le  drogman  lui  fit  entendre  que  l'internonce 
impérial  avait  insinué  k  la  Porte  de  s'entremettre  ponr  faire  obtenir  h  sa 


23fi  APPENDICE 

cour  des  conditions  de  paix  raisonnable?.  Sur  sa  demande  qu'elles  seraient 
les  bases  que  le  gouvernement  adopterait  pour  traiter,  le  citoyen  Verninac 
répondit  qu'il  l'ignorait,  mais  qu'il  croyait  que  la  cession  des  Pays-Bas 
à  la  France  était  un  sacrifice  indispensable.  Alors  il  lui  demanda  qu'elles 
étaient  les  propositions  de  h  cour  de  Vienne.  On  ne  s'est  pas  expliqué 
ouvertement,  répondit-il,  mais  on  paraît  résigné  à  l'abandon  d'une  partie 
de  la  Belgique. 

Mais  pour  le  rassurer,  ainsi  que  la  Porte,  sur  la  crainte  que  celte  incor- 
poration n'ôtât  h  la  France  les  facilités  de  frapper  de  grands  coups  sur 
l'Autriche,  le  citoyen  Verninac  s'attacha  à  lui  prouver  que  ces  deux  puis- 
sances seraient  toujours  ennemies  et  que  la  république  par  sa  position  sur 
le  Rhin  pourrait  toujours  porter  la  guerre  dans  le  cœur  des  États  autri- 
chiens. 

Il  lui  observa  que  la  cour  de  Vienne  ne  s'était  pas  adressée  avec  bonne 
foi  à  la  Porte  pour  obtenir  la  paix,  lorsque  nos  succès  devaient  en  assu- 
rer la  conclusion;  qu'elle  n'avait  eu  en  vue  que  de  caresser  la  Porte,  afin 
de  conjurer  l'orage  dont  les  mouvements  des  Turcs  pouvaient  la  menacer. 

Le  prince  convint  de  la  solidité  de  ces  observations,  il  dit  même  que 
le  ministre  impérial  se  montrait  fort  inquiet,  huLuble,  presque  rampant. 
Quant  à  l'indécision  de  la  cour  de  Berlin,  M.  Morousi  articula  ces 
propres  paroles  :  «  Mais  pourquoi  ne  tenterions-nous  pas  de  faire,  en 
«  s' arrangeant  avec  l'Autriche,  ce  que  l'on  ne  ptut  faire  avec  la  Prusse.  » 
A  ce  langage,  le  citoyen  Verninac  répondit  que  l'Autriche  alliée  ou 
armée  était  une  ennemie  irréconciliable  de  la  France  ;  que  la  Prusse,  au 
contraire,  était  destinée  à  être  l'amie  de  la  république,  que  la  force  des 
choses  ramenait  cette  cour  aux  vrais  principes  dont  elle  avait  déviée  par 
quelques  circonstances  ou  intrigues. 

Le  prince  Morousi,  en  parlant  ainsi,  aurait-il  eu  l'intention  de  sonder  le 
citoyen  Verninac,  ou  le  ministre  impérial  lui  aurait-il  suggéré  de  sonder 
si  l'accession  de  sa  cour  à  nos  vues  sur  la  Pologne  faciliterait  un  arran- 
gement entre  elle  et  la  république  ? 

Les  Russes  n'ont  encore  rien  tenté  dans  la  Perse,  hors  de  la  Géorgie. 
I\!éhemet-Kan  fait  de  granJs  préparatifs,  mais  on  ignore  où  il  dirigera  ses 
pas. 

Plusieurs  lettres  de  Venise  portent  que  Stamati  s'est  dit  chargé  de 
toutes  les  opérations  relatives  à  la  Pologne. 

Voilk  le  tocsin  sonné  et  les  trois  cours  en  sont  bien  averties. 

Le  citoyen  Verninac  a  fait  panir  l'aga  de  B  )urnabade,  lieu  où  tous  les 
Français  de  cette  échelle  séjournent  l'été. 

Il  avait  frappé  un  Français,  parce  qu'il  chantait  en  passant  devant  la 
garde. 

(.E    Exlrait  ori'jinaL) 


APPli.M'ICK  lî^^ 

XXXVIII.  —  D<'pt^clic  de  l'envoyé  Vcrnînac  au  ministre  des  relations 
extérieures,  en  date  du   i»  août  l-SBtt  (13  sàfer  1211). 

Extrait  d' une  dépêche  du  citoyen  Verninac. 

Constaiitinople  1"  fructidor  an  û. 

Lo  réis-éfendi  et   le  drogman  de  la  Porte  ont  été  déposés  hier  malin.     R^r.>«is>utrtm^. 
Voici  les  circonst'incos  auxquelles  on  rapporte  cet  événement  marquant  :  "" 

Le  réis-éfendi  avait  assuré  le  grand-visir  et  le  (irand-Seigneur  que 
le  trailé  arrêté  entre  lui  et  le  citoyen  Vernina^c  serait  accepté  en  France. 

La  nouvelle  du  contraire  fut  pour  lui  un  coup  de  foudre.  Li  Porte  fut 
étonnée,  et  on  parut  en  conclure  que  le  Directoire  n'était  pas  disposé  à 
une  alliance  avec  elle. 

Dans  une  conférence  qui  eut  lieu  avec  lui,  le  grand-visir,  le  kiayahey, 
etc. ,  on  discuta  les  propositions  du  Directoire,  le  Grand-Seigneur  prononça 
le  fameux  mot  de  résignation  des  Turcs  {Allah  Kerim),  ce  qui  dans  la 
circonstance  voulait  dire  : 

La  France  ne  vaut  pas  de  notre  alliance,  eh  bien  !  livrons  nous  à  h 
Providence. 

On  ne  s'expliquait  point  cependant  sur  les  bases  proposées,  le  réis- 
éfendi  ne  disait  ni  oui  ni  non,  mais,  ayant  demandé  à  Dantan  si  le  citoyen 
Verninac  avait  le  pouvoir  de  faire  des  modifications  disant  que,  le  gou- 
vernement français  ne  connaissait  pas  les  Turcs,  qu'il  aurait  tout  obtenu 
de  la  Porte  s'il  avait  accueilli  le  trailé  ;  la  conséquence  était  claire  que  le 
divan  n'était  pas  dans  la  disposition  actuelle  d'accepter  les  conditions  du 
Directoire. 

Dès  ce  moment  les  relations  avec  la  Porte  devinrent  difficultueuses. 

Deux  affaires  principales  étaient  en  instance,  l'admission  de  Staraati 
et  l'expulsion  du  sieur  Chalgrin. 

Sur  le  r-"  arlicle,  la  Porte  depuis  le  refus  du  traité  s'énonçait  presque 
négativement.  —  Quant  au  sieur  Chalgrin,  qn  se  bornait  à  promettre  de  lui 
faire  porter  sa  cocarde  blanche  et  sa  livrée,  et  l'empêcher  de  se  faire  a 
l'avenir  précéder  d'un  jannissaire  ;  c'était  disait-on  tout  ce  qu'on  pouvait 
faire. 

Bientôt  la  mission  de  Russie  employa  tous  les  moyens  de  crainte  et  de 
séduction  pour  alarmer  les  ministres  de  la  Porte  sur  ses  liaisons  avec  la 
république,  et  la  défection  de  la  Suède  aidait  assez  à  ce  système. 

Dans  ces  conjonctures  délicates,  le  citoyen  Verninac  crut  devoir  les 
forcer  à  se  prononcer,  en  conséquence,  il  présenta  successivement  des 
notes  énergiques. 

Dans  la  première,  du  9  thermidor,  le  citoyen  Verninac  expose  que  la 


238  APPENDICE 

coui:  de  Londres  ne  méritait  pas  d'être  le   premier  gouvernement  vers 
lequel  la  Sublime-Porte  ail  envoyé  une  ambassade. 

D'après  l'ordre  du  Directoire,  il  demande  qu'elle  veuille  bien  tenir  un 
ambassadeur  auprès  de  la  république,  comme  celle-ci  en  tient  un  auprès 
de  la  Sublime-Porte. 

Dans  la  deuxième,  du  18  thermidor,  il  dit  que  le  Directoire,  occupé  de 
la  gloire  de  l'empire  ottoman,  lui  envoie  un  atelier  complet  pour  fondre 
et  forger  les  canons,  établir  les  affûts,  faire  et  réparer  les  fusils  et  les 
armes  blanches,  un  Irain  d'artillerie  volante  et  deux  compagnies  de  ca- 
nonniers  choisis  parmi  les  plus  habiles.  Il  fait  valoir  l'amitié  du  Directoire 
en  lui  envoyant  pour  ambassadeur  un  général  aussi  brave  qu'expérimenté, 
et,  pour  mieux  faire  apprécier  l'attachement  de  la  république  h  la  Sublime- 
Porte,  il  la  supplie  de  comparer  sa  conduite  à  celle  de  l'Angleterre,  alliée 
des  deux  plus  mortels  ennemis  de  la  Porte  :  la  Prusse  qui  par  la  conquête 
de  la  Pologne  menace  l'empire  ;  la  Suède,  qui  forme  une  alliance  mons- 
trueuse avec  la  Russie. 

Dans  la  troisième,  du  25  thermidor,  le  citoyen  Verninac  observe  à  l'é- 
gard du  sieur  Ghalgrin  qu'il  est  ici  le  chef  de  tous  les  consuls  français, 
traîtres  comme  lui,  et  de  tous  les  émigrés  ;  qu'il  entretient  dans  l'intérieur 
et  à  l'extérieur  une  correspondance  avec  nos  ennemis. 

Qu'il  n'est  point  Anglais,  et  que  la  Porte  est  interressée  à  ne  pas  souffrir 
de  pareilles  mélhamorphoses  ; 

Qu'un  Anglais  porterait  la  cocarde  noire  des  Anglais  et  non  la  cocarde 
blanche,  signe  caractéristique  des  ennemis  de  la  république. 

La  Sublime-Porte  est  trop  éclairée  pour  se  méprendre  sur  un  individu 
qui  se  fait  suivre  par  un  laquais  de  la  livrée  du  soi-disant  roi  de  France. 

Pour  ce  qui  est  du  citoyen  Stamati  on  répèle  qu'il  n'est  point  sujet 
ottoman,  raaisciioyen  français,  qu'on  ne  peut  lui  appliquer  le  firman,  et 
que,  quand  même  il  le  serait,  la  Sublime-Porle,  par  considération  pour  la 
république,  devait  en  faire  une  exception  comme  i  Tégard  de  M.  Mou- 
radgea. 

Le  citoyen  Verninac  insiste  'donc  sur  le  prompt  éloignement  du  sieur 
Ghalgrin,  sur  l'expulsion  des  ci-devant  consuls  de  France  dans  les  échelles 
du  Levant. 

Déserteurs  de  leur  patrie,  tels  que  Bulel,  Pavillon,  Amoreux,  etc. 

Sur  l'admission  du  citoyen  Stamati,  en  qualité  de  consul-général  de  la 
république  dans  les  provinces  ottomanes  situées  au-delà  du  Danube  ;  il 
insiste  nommément  sur  l'érection  d'un  tel  consulat-général  expressément 

demandée  dans  sa  note  du ,  à  l'égard  duquel  la  Sublime-Porte  ne  s'est 

pas  encore  expliquée. 

Dans  la  quatrième  note  du  22  messidor,  le  citoyen  Verninac  observe 
qu'il  se  voit  obligé  de  donner  un  caractère  très-grave  h  ses  réclamations 


APPENDICE  'j;;9 

contre  le  sieur  Clialgrin,  qui  s(Mlécore  publiquement  de  ministre  plénipo- 
t(Mitiaire  du  soi-disant  roi  de  France 

Ou'en  reconnaissant  le  principe  qui  lient  à  l'indépendance  des  nations, 
il  ne  saurait  s'étendre  jusqu'à  légitimer,  sur  un  sol  étranger,  le  séjour  de 
conspirateurs  et  de  traîtres,  pour  y  intriguer  contre  leur  patrie. 

Il  cite  les  États  neutres  qui  ont  éloigné  de  leur  territoire  les  émigrés, 
le  sénat  de  Venise  qui  a  fait  sortir  de  Vérone  le  prétendu  roi  de  France, 
et  il  ajoute  que  le  sieur  Clialgrin  doit  être  rangé  dans  la  classe  des  indi- 
vidus exceptés  du  droit  d'asile. 

Jl  en  développe  les  motifs. 

La  présence  du  sieur  Clialgrin  à  Constanlinople  pouvant  y  fomenter 
entre  les  républicains  et  les  émigrés  une  fermentation  active,  le  citoyen 
Verninac  espère  obtenir  de  l'amitié  ce  qu'elle  réclame  en  vertu  d'un  droit 
incontestable,  pour  obvier  à  des  désordres  que  le  séjour  du  sieur  Clialgrin 
et  dos  consuls  susmentionnés  produirait  sur  tous  les  points  de  l'empire. 

Le  citoyen  Verninac  ne  s'en  tint  pas  à  ces  notes,  il  a  fait  savoir  aux 
ministres  qu'il  voyait  avec  chagrin  des  causes  sérieuses  de  mésintelligence 
entre  les  deux  nations  ; 

(Jue  la  responsabilité  en  était  sur  leur  tête  : 

Il  fit  au  bostandgi-bachi,  en  qui  le  Grand-Seigneur  a  beaucoup  de  con- 
fiance, les  plaintes  les  plus  araères  pour  les  lui  transmettre. 

Il  y  a  trois  jours,  Rachid-efendi  qui  a  été  sept  ans  réis-éfendi,  d'un 
rare  mérite  et  consulté  sur  tout,  fit  prier  le  citoyen  Verninac  de  se  rendre 
au  désir  qu'il  avait  de  s'entretenir  avec  lui. 

Il  lui  dit  dans  cette  conférence,  de  la  part  du  grand-vizir,  de  ne  pas 
confondre  dans  son  mécontentement  la  Porte  avec  la  personne  qui  était 
chargée  des  affaires  politiques,  que  ce  qui  s'était  passé  ne  devait  être 
imputé  qu'il  celle-ci,  que  les  sentiments  et  les  dispositions  de  la  Porte 
étaient  toujours  les  même?,  qu'elle  s'entendrait  avec  lui  sûrement,  et  que 
la  grande  affaire  du  traité  serait  reprise  dans  quelquf^s  jours. 

Celte  communication  faite  le  28  du  mois  dernier  était  le  résultat  du 
Conseil  tenu  la  veille  chez  le  grand-vizir. 

Le  29,  le  prince  Morousi  ne  se  rendit  point  h  la  Porte. 

Le  réis-éfendi  y  était  pensif  et  morose. 

Le  30,  le  grand-vizir  proposa  à  Asmi-efendi,  ci-devant  ambassadeur  à 
Berlin  l'emploi  de  réis-éfendi;  il  ne  l'accepta  point. 

Mais  Bazirghian-Zadé-Rachid-efendi  l'agréa. 

Le  prince  Constantin  Ispilnnte  fut  fait  en  même  temps  drogman  de  la 
Porte. 

Après  le  désaveu  qui  a  été  donné  au  citoyen  Verninac,  de  la  part  du 
grand-vizir,  sur  les  dilllcultés  dont  il  a  à  se  plaindre,  on  doit  s'attendre 
que  la  mission  va  reprendre  sa  première  iulluence. 


240  APPENDICE 

Bientôt  l'on  verra  si  l'on  a  sacrifié  le  réis-éfendi  et  le  drogman  pour 
se  laver  des  petites  infidélités  faites  an  système  d'étroite  liivison. 

Si  au  contraire  Ghalgrin  n'est  pas  renvoyé,  si  Staniati  n'est  pas  admis, 
si  la  négociation  n'est  pas  reprise,  on  aura  la  preuve  que  les  deux  indi- 
vidus n'ont  été  disgraciés  que  pour  avoir  échoué  dans  cette  négociiition. 

Que  la  Porte  ne  veut  pas  se  brouiller  avec  l'Angleterre,  que  les  idées 
de  guerre  sont  plus  éloignées  que  jamais,  en  un  mot  que  tout  rétrograde. 

Si  au  lieu  de  fait  il  n'y  a  que  des  protestations,  la  question  sera  bientôt 
résolue. 

On  assure  que  le  nouveau  réis-éfendi  est  un  homme  froid,  sans  esprit 
et  sans  attraits  quelconques. 

Mais  on  fait  de  grands  éloges  du  nouveau  drogman,  très-instruit  et 
l)lein  de  talents. 

Il  a  très-bien  traduit  les  ouvrages  de  Vauban. 

Les  atfaires  de  Romélie  sont  terminées. 

On  a  envoyé  à  Constantinople  les  têtes  des  chefs  des  voleurs  dont  le 
plus  fameux  était  Simil. 

On  remarque  qu'on  ne  les  a  attaqués  que  lorsque,  après  la  défection  de 
la  Suède,  ils  ont  paru  abandonner  le  projet  de  faire  la  guerre. 

Le  citoyen  Verninac  témoigna  sa  surprise  au  réis-éfendi  de  ce  que 
les  troupes  repassaient  en  Asie,  celui-ci  échappa  de  dire  que  l'arrière 
saison  s'avançait,  mais  en  ayant  parlé  à  Rachid-efendi,  il  répondit  : 

La  guerre  est  tellement  prochaine  qu'il  ne  manque  que  de  la  déclarer. 

On  a  reçu  des  nouvelles  satisfaisantes  de  Perse. 

Nos  voyageurs  étaient  à  Kermnnskale  le  15  prairial  ;  ils  ont  an  arriver 
au  camp  de  Méhemed  vers  le  10  du  mois  suivant. 

On  ignore  sur  quel  point  celui-ci  aura  dirigé  son  imposante  armée. 

M.  Mouradgea  s'est  éloigné  du  citoyen  Verninac  depuis  quelque  teinp^, 
il  voit  beaucoup  l'envoyé  de  Russie. 

Il  lui  dit  dernièrement  à  dîner  chez  lui  qu'il  espérait  que  l'impératrice 
lirait  avec  plaisir  et  intérêt  son  histoire  des  Kans  de  Tartarie. 

Mouradgea  perdra  la  confiance  des  Français  et  des  Turcs,  sans  se  ré- 
concilier avec  la  Russie. 

Le  général  Dombrowsky  est  arrivé  à  Bukarest  et  a  été  bien  reçu  par  le 
prince. 

Il  a  écrit  au  citoyen  Verninac  qu'il  avait  trouvé  les  esprits  très-bien 
disposés  dans  la  partie  de  la  Pologne  qu'il  avait  parcourue. 

Par  post  scriptum  le  citoyen  Verninac  mande  : 

Que  Rachid-efendi  lui  a  fait  dire  par  Dantan  d'être  fort  tranquille. 

Que  le  réis-éfendi  n'avait  été  déposé  que  parce  qu'il  ne  pouvait  plus 
communiquer  avec  lui  d'une  manière  avantageuse  pour  les  deux  puis- 
sances. 


APPENDICE  *i4l 

Qu'on  n'avait  pas  les  mêmes  motifs  de  mécontentement  contre  le  prince 
Morouzi  ; 

Que  tout  va  marcher  ; 

Que  le  nouveau  réis-éfendi  est  un  honnête  homme,  que  s'il  n'a  pas 
beaucoup  de  lumières,  lui  Rachid  est  là,  pour  lui  donner  des  conseils  et  le 
diriger; 

Qu'il  agira  conformément  aux  sentiments  du  Grand-Seigneur  et  n'aura 
point  la  présomption  de  l'autre. 

Le  Bostandgi-Bachi  l'a  fait  féliciter  sur  son  avènement. 

Et  il  fait  assurer  que  toutes  les  difficultés  vont  être  aplanies. 

Pour  le  directoire,  le  28  vendémiaire  an  5. 
Reçu  le  30  vendémiaire  an  5. 

{M.   Extrait  original.) 

XXXrX.  —  DéchlfTremrnt  il'anc  dépêche  de  l'envoyé  Vcrninac  an 
ministre  des  relations  extérieures,  en  date  dn  9  octobre  1796 
(6  rébiol-akhir  tSll]. 

Constantinople  le  18  vendémiaire  an  5  de  la 
république  française. 


NoSO.  -  Puplicata, 


B.  464. 


Le  citoyen  Veiminac  au  citoyen  C/i,  Delacroix,  ministre  des  relations 

extérieures.  Déchiffrement  de 

ladépêcheN°30dtt 
Citoyen  ministre,  citoyen  Vemmac. 

J'ai  le  plaisir  de  pouvoir  vous  annoncer  que  mon  successeur  Aubert 
Du  Bayet  est  arrivé  heureusement,  le  11  du  courant,  en  cette  capitale. 

Il  vous  rendra  compte  lui-même  des  honneurs  et  des  témoignages  d'a- 
mitié qu'il  a  reçus  dans  sa  route,  soit  de  la  part  de  la  Porte,  soit  de  celle 
du  peuple  ottoman  et  notamment  à  Trawnick,  du  pacha  de  Bosnie,  et  à 
Philoppoli,  de  celui  de  Romélie. 

Je  me  réfère  là-dessus  à  son  propre  rapport. 

Il  aurait  désiré  que  son  entrée  dans  Constantinople  eiit  été  marquée 
par  des  distinctions,  et  jer  travaille  de  tout  mon  pouvoir  h  les  lui  obtenir, 
ainsi  que  vous  pourrez  en  juger  par  une  lettre  à  lui  adressée,  dont  je  vous 
envoie  ci-joint  copie. 

Mais  la  Porte,  après  en  avoir  délibéré,  avec  le  désir  de  trouver  le  moyen 
d'accéder  à  notre  prétention,  ne  crut  pas  pouvoir  rien  innover  au  cérémo- 
nial établi. 

Cela  détermina  le  général  Aubert  Du  Bayet  à  entrer  de  nuit  dans  la  ville. 

J'ai  accueilli  cet  ambassadeur  avec  les  sentiments  d'un  républicain  qui 
ne  voit  jamais  que  la  patrie. 

T  L    j  •         î  '  r.        1  ..  R.  13  frimaire 

La-dessus  encore,  je  m'en  réfère  à  son  propre  rapport.  an  ô"« 

T.    II.  16 


262  APPENDICE 

Je  m'en  remets  aussi  à  sa  loyauté  à  l'égard  de  l'état  dans  lequel  je  lui 
laisse  les  affaires. 

Il  aura  sûrement  la  justice  d'avouer  que  la  considératioii  et  l'amitié  pour 
la  république  sont  portées  dans  cet  empire  à  un  degré  dont  il  n'y  a  peut- 
être  pas  d'exemple  dans  aucun  autre  état  de  l'Europe. 

Il  est  réservé  au  citoyen  Aubert  Du  Bayet  de  tirer  de  grands  avan- 
tages de  ces  heureuses  dispositions,  et  déjà  il  a  pu  en  concevoir  l'espé- 
rance. 

A  cet  effet,  il  se  propose  de  faire  créer  Acki-paclia,  grand-visir.  Point 
de  doute,  s'd  réussit,  que  ce  personnage,  devenu  sa  créature,  ne  s'aban- 
donne entièrement  h.  ses  directions  et  que  l'effectuation  de  toutes  les  vues 
du  gouvernement  ne  s'en  suive. 

Ce  plan  est  séduisant. 

Connaissant  l'inimitié  qui  existe  entre  les  pachas  actuels  et  Acki-pacha, 
j'ai  engagé  le  général  Aubert  Du  Bayet  h  traiter  sans  intermédiaire,  s'il 
est  possible  cette  affaire  avec  le  Grand-Seigneur,  afin  d'obvier  aux  opposi- 
tions et  aux  déchirements. 

Le  grand-vizir  exposerait  certainement  sa  tête  pour  faire  tomber  celle 
d' Acki-pacha,  et  empêcher  son  élévation,  s'il  était  informé  de  l'entre- 
prise. 

Le  jour  même  de  l'arrivée  de  mon  successeur,  je  fus  engagé  par  le 
drogman  de  la  Porte  à  une  conférence. 

Ce  prince  s'y  ouvrit  h  moi  sur  la  disposition  où  serait  la  cour  de  Vienne 
de  traiter  de  la  paix  avec  la  république  sous  la  médiation  de  la  Porte,  et 
me  demanda  qu'elles  pourraient  être  les  conditions  préliminaires. 

Je  lui  répondis  que  je  n'avais  aucune  instruction  à  cet  égard,  mais  je 
présumais  que  le  Directoire  n'écouterait  des  propositions  qu'autant  qu'on 
poserait  pour  base  première  et  essentielle  la  cession,  de  la  part  de  l'em- 
pereur, de  la  Belgique  et  du  Luxembourg  ;  l'abandon  de  Mayenceet  de  ses 
fortifications  aux  troupes  de  la  république,  et  la  promesse  de  consentir, 
soit  en  qualité  de  chef  de  l'empire,  soit  en  celle  de  parent,  à  la  réunion 
de  tout  le  reste  du  pays  situé  à  la  gauche  du  Rhin. 

J'ajoutai  que,  si  la  Porte  voulait  rendre  l'offj'e  de  sa  médiation  agréa- 
ble à  la  république,  elle  devait  manifester  l'intention  d'être  garante  du 
traité  qui  pourrait  intervenir  sous  ses  auspices. 

Le  drogman  m'annonça  que  la  Porte  était  disposée  à  opérer  sur  ces 
bases  qu'il  trouvait  très-raisonnables,  et  que  quant  à  la  garantie  elle  se 
ferait  un  plaisir  d'en  prendre  l'engagement,  et  de  concourir  ainsi  à  assurer 
à  la  république  la  conservation  des  avantages  que  la  Porte  par  sa  média- 
lion  pourra  nous  procurer. 

Le  général  Du  Bayet  et  moi  le  revîmes  le  lendemain,  il  réitéra  les 
mêmes  ouvertures. 


APPENDICE  US 

Vraisemblablement  elles  auront  quelque  suite. 

J'ai  lieu  de  croire  que  la  cour  de  Vienne,  inquiète  de  nos  liaisons  avec 
la  Porte,  et  des  insinuations  sérieuses  qu'elle  en  a  Iréquerament  reçues, 
au  sujet  de  la  prolongation  de  la  guerre,  a  imaginé  de  l'interpeller  elle- 
même  comme  arbitre,  espérant  en  cela  conjurer  les  diversions  qu'elle  a 
pu  craindre,  ou  d'obtenir,  par  l'entremise  d'une  puissance  qu'elle  sait  nous 
être  agréable,  des  conditions  moins  fâcheuses. 

J'ai  vu  dernièrement  Ali-effendi  nommé  h  l'ambassade  de  Paris. 

C'est  un  homme  d'environ  /jO  ans,  né  enMorée,  très-épris  de  la  France, 
d'un  caractère  ouvert  et  facile. 

Il  est  au  comble  de  ses  vœux  d'avoir  été  choisi  et  préféré  pour  une  aussi 
belle  et  aussi  importante  mission. 

Le  gouvernement  aura  lieu,  j'espère,  d'être  satisfait  de  lui. 

C'est  ici,  citoyen  ministre,  ma  dernière  dépêche. 

Je  prendrai  ces  jours-ci  mon  audience  de  congé  et  me  mettrai  en  route 
a  la  fin  du  mois. 

Le  citoyen  Du  Bayet  que  j'aime,  et  que  je  m'honore  d'avoir  pour  mon 
successeur,  n'a  pas  besoin  que  mon  séjour  se  prolonge  davantage,  ayant  déjà 
acquis  toutes  les  connaissances  locales  qui  pouvaient  lui  être  nécessaires. 

Mon  voyage  sera  aussi  court  que  possible  dans  une  saison  qui  va  deve- 
nir rigoureuse. 

L'empressement  de  revoir  la  France,  après  deux  ans  d'absence,  me  fera 
surmonter,  j'espère,  toutes  les  difficultés. 

Salut  et  fraternité.  (Signé)  R.  Verninac. 

Post  smptum.  —  Ci-joint  la  circulaire  que  j'ai  adressée  aux  consuls  et 
autres  agents  du  Levant,  pour  leur  annoncer  mon  successeur. 

J'ai  omis  de  vous  dire,  citoyen  ministre,  que  j'ai  vu  dernièrement  le 
nouveau  prince  de  Moldavie,  et  que  dans  un  très-long  entrelien,  dans  le- 
quel il  s'est  épanché  avec  beaucoup  de  franchise, 

Il  m'a  protesté  de  son  attachement  pour  la  république,  du  grand  désir 
qu'il  a  de  voir  cimenter  entre  la  Porte  et  la  république  une  alliance 
sans  fin; 

Du  désir  oii  il  était  de  mériter  sa  protection  par  une  fidélité  constante 
aux  principes  politiques  qu'elle  se  propose  de  faire  prévaloir. 

{Signé)  R.  Verninac. 
Les  pièces  ci-mentionnées  se  trouvent  avec  X^primata. 

{M.  Duplicata  original.) 


2/i/j  APPENDICE 


XL.  —  Dépêehe  de  l'ambassadear  Aubert  Da  Bajet  an  ministre 
des  relations  extérieures,  en  date  du  9  novembre  1996  (G  djé- 
maziol-éwel  1211). 

Extrait  de  diverses  lettres  et  notes  du  citoyen  Aubert  Du  Bayet^ 
ambassadeur  de  la  république  prés  la  Porte. 

De  Pera  lez-Constantinople  le  17  brumaire  an  5. 


Relations  eitéiifores. 


Le  citoyen  Du  Bayet,  dans  une  lettre  au  citoyen,  etc. 
Pour  le  Directoire.       ^6  citoyen  Du  Bayet  envoie  copie  de  la  note  qu'il  a  remise  à  la  Su- 
blime-Porte, servant  de  préambule  aux  sept  articles  du  traité  d'alliance 
offensive  et  défensive. 

Cette  note  établit  que  l'Autriche  étant  désormais  tranquille  du  côté  du 
Rhin  par  la  paix  avec  les  Français,  et  la  Russie,  de  son  côté,  étant  assurée 
de  la  Suède,  il  est  à  craindre  que  ces  deux  puissances  ne  se  dirigent  con- 
tre elle;  qu'elle  ne  peut  trouver  sa  sûreté  que  dans  une  alliance  offensive 
et  défensive  avec  la  France,  qui  fera  par  terre  une  diversion  en  sa  faveur 
du  côté  de  l'Allemagne,  tandis  que  par  la  jonction  de  ses  forces  navales  à 
celles  du  Grand- Seigneur,  on  peut  anéantir  la  marine  russe  dans  la  mer 
Noire. 

Le  citoyen  Du  Bayet  envoie  copie  de  sa  lettre  au  prince  Ipsilanti, 
drogman  de  la  Porte,  etc. 

(iE.  Extrait  original). 

XLl.  —  Projet  d'une  convention  seerète  entre  la  Sublime-Porte  et 
la  république  française  1996.  (1211). 

Les  soussignés  déclarent  par  la  présente  convention  secrète  que  l'al- 
liance éventuelle  qui  vient  d'être  conclue  entre  la  Sublime-Porte  et  la 
république  Française  n'a  d'autre  objet  que  la  sûreté  mutuelle  de  deux 
étals  contre  les  nations  voisines,  savoir  l'Autriche  et  la  Russie,  puissances 
principales  de  l'empire  ottoman,  l'Autriche  et  l'Espagne,  puissances 
limitrophes  de  la  France;  de  sorte  que  les  hautes  parties  contractantes 
regardent  les  autres  états  européens,  et  surtout  les  alliés  de  l'une  et  de 
l'autre,  comme  formellement  exceptés  des  engagements  pris  par  la  susdite 
alliance. 

Mais  si,  dans  le  système  général  de  l'Europe  il  survenait  des  chan- 
gements et  des  événements  contraires  à  la  sûreté  et  aux  intérêts  politi- 
ques de  l'une  ou  de  l'autre  puissance  contractante,  elles  se  réservent  dans 
ce  cas,  de  prendre  la  chose   en  mûre  considération,  et  de  concerter  en- 


APPENDICE 


245 


semble  tout  ce  qui  serait  d'une  utilité  commune  et  conforme  k  l'esprit 
et  au  but  de  l'acte  solennel  qui  unit  les  deux  états. 

Les  parties  conviennent,  en  outre,  que  d'un  côté  la  république  fran- 
çaise emploiera  ses  bons  otilces  auprès  du  grand-maître  de  l'ordre  de  Malte 
pour  la  sûreté  du  commerce  et  de  la  navigation  des  sujets  ottomans,  et  de 
l'autre  côté,  la  Sublime-Porte  emploiera  ses  bons  offices  auprès  des  trois 
régences  barbaresques  pour  la  sûreté  du  commerce  et  de  la  navigation 
des  Français. 

La  Sublime-Porte,  pour  donner  k  la  nation  française  une  nouvelle  mar- 
que de  considération,  d'intérêt  et  d'attachement  réel,  lui  accordera  la 
libre  navigation  de  la  mer  Noire,  à  l'époque  de  la  pacification  générale, 
et  même  plutôt  si  les  circonstances  pouvaient  le  permettre. 

Elle  accordera,  en  même  temps,  à  la  nation  française  tous  les  privi- 
lèges et  tous  les  avantages  commerciaux  dont  jouissent,  dans  les  états  du 
Grand-Seigneur,  les  autres  nations  européennes,  môme  celles  qui  sont  les 
plus  favorisées. 

XLII.  —  Déchiffrement  d'ane  dépèche  de  l'ambassadeur  Aubert 
Du  Bayet  au  ministre  des  relations  extérieures,  en  date  du 
«8  février  1797  (SO  chàban  13 tl). 

Constantinople  le  30  pluviôse, 
an  5  de  la  république. 

Aubert  Du  Bayet  au  ministre  des  relations  extérieures. 


Déehififrcmentde 


Dubayet. 

Certifié, 
(Signé)  Campy. 

B.    5261. 


Si  dans  presque  toutes  mes  dépêches,  et  particulièrement  dans  celles 
des  5  et  12  pluviôse,  n"  30  et  47,  mon  impatience  à  produire  ici  des  i^^  j^  êche  n°  56 
effets  heureux  pour  la  république,  m'a  fait  vous  dire  avec  tant  d'amer-  du  citoyen  Auben 
lume  que  rien  ne  pourrait  triompher  de  l'apathique  indolence  des  Turcs, 
je  n'en  ai  pas  moins  réprimé  l'impétuosité  de  mon  caractère  pour  rame- 
ner sans  cesse  mes  négociations  près  de  la  Porte  à  ce  point  éminemment 
nécessaire  pour  nous  :  un  mouvement  de  leur  part  qui  donnât  décidément 
de  l'inquiétude  au  cabinet  de  Vienne.  Après  m'ètre  assuré  que  je  ne 
réussirais  jamais  à  faire  entrer  les  Turcs  sur  la  scène  guerrière  de  l'Eu- 
rope, et  à  leur  faire  prendre  une  part  active  dans  la  lutte  actuelle  par  le 
seul  sentiment  de  leur  dignité,  et  même  de  leur  propre  conservation,  j'ai 
pensé  que  j'aurais  plus  de  succès  en  ne  mettant  en  jeu  que  l'orgueil  na- 
tional, leur  haine  bien  prononcée  contre  les  Allemands  et  l'honneur  et  la 
gloire  du  règne  de  Sélin  III,  si,  par  l'intervention  magnanime  du  divan,  il 
forçait  l'empereur  d'Allemagne  à  recevoir  la  paix  que  nous  lui  offrons. 
Tous  les  moments  étaient  précieux  pour  moi,  je  sentais  à  la  marche  du 
soleil  que  la  saison  des  combats  allait  arriver,  et  comme,  dans  ma  cous- 


2Û6  APPENDICE 

cience  et  dans  mon  cœur,  je  suis  intimement  convaincu  qu'il  vaut  mieux 
encore,  pour  nous,  faire  cent  ans  la  guerre  que  de  céder  un  pouce  de  ter- 
rain de  la  rive  gauche  du  Rhin,  je  me  suis  dit  :  Forçons  les  Turcs  à  mar- 
cher d'une  manière  où  d'une  autre  sur  le  Danube,  et  nous  aurons  les  rives 
du  Rhin.  Fort  de  cette  opiniâtreté  patriotique  qui  vaut  mieux  que  du 
génie,  j'ai  provoqué  des  conférences  avec  le  réis-effendi  et  le  drogman 
de  la  Porte.  J'ai  ménagé  l'un  des  triumvirs  nommé  Tchelebi-ElTendi.  Je 
me  suis  empressé  de  voir  le  capitan-pacha  et  Rachid-Efl'eiidi,  l'un  des 
hommes  les  plus  inûuents  de  l'Empire.  Enfin  j'ai  fulminé  des  notes  h  la 
Porte.  Je  lui  ai  inspiré  une  juste  méfiance  contre  l'internonce,  que  je  lui 
ai  déclaré  en  outre  sans  crédit  et  méprisé  par  Thugut.  A  ma  demande, 
des  conseils  extraordinaires  se  sont  tenus,  et  le  Grand-Seigneur  a 
approuvé  le  résultat  suivant  :  On  a  signifié  à  l'internonce  que,  s'il  n'avait 
pas  de  pouvoir,  la  Sublime-Porte  allait  elle-même  expédier  un  courrier 
extraordinaire  pour  notifier  à  l'empereur  que,  fidèle  k  tous  les  traités,  sa 
hautesse  n'en  prétendrait  pas  moins  intervenir  avec  toute  la  grandeur  de 
son  empire  au  rétablissement  de  la  paix  entre  ses  alliés  depuis  trop  long- 
temps en  guerre;  mais  que  le  sentiment  de  sa  dignité,  en  offrant  sa 
médiation,  exigeait  qu'elle  l'appuyât  d'une  forte  armée  sur  ses  frontières. 
C'est  en  vain  que  l'internonce  a  fait  agir  l'envoyé  de  Russie,  lequel  a  fait 
déclarer  à  la  Sublime-Porte  que  son  maître  ne  verrait  pas  faire  obtenir 
des  conditions  dures  à  l'Empire  sans  y  être  sensible,  on  n'en  a  pas  tenu 
compte  ;  et  le  réis-eiïendi,  conduit  par  Rachid-Effendi  et  le  drogman 
m'a  fait  dire  que  je  pouvais  vous  expédier  un  courrier  pour  vous  faire 
connaître  le  résultat  positif  que  je  viens  de  vous  narrer.  Ici,  j'ajouterai 
encore  que,  pour  y  produire  un  plus  grand  éclat,  j'ai  demandé  et  obtenu 
qu'indépendamment  des  nouvelles  troupes  qu'on  prendrait  dans  la  Romélie 
et  la  Rosnie,  pour  être  envoyées  h  Belgrade,  on  ferait  partir  de  Constanti- 
noble  5  ou  6  régiments  dejannissairesavec  un  train  d'artillerie.  J'espère 
que  sous  peu  de  jours  le  tout  s'effectuera.  Enfin  la  Sublime-Porle,  s'oc- 
cupant  très-sérieusement  des  propositions  de  paix  qu'elle  avait  fait  faire 
à  l'empereur,  m'a  fait  demander  une  seconde  fois  qu'elles  étaient  les 
conditions  que  le  directoire  exécutif  y  mettait.  Voici  ma  réponse  qui  va 
servir  de  base  au  divan. 

«  Le  soussigné  ambassadeur  de  la  république  française  près  la  Su- 
«  blirae-Porte,  d'après  les  motifs  sacrés  de  haute  considération  et  d'in- 
<(  time  confiance  que  le  directoire  exécutif  professe  hautement  pour  Sa 
«  Majesté  Impériale  SélimlII,  a  fait  connaître  à  Son  Excellence  le  réis- 
«  effendi,  dans  leur  dernière  conférence,  la  dépêche  originale  qu'il  avait 
((  reçu  de  son  gouvernement. 

«  Ainsi,  le  soussigné  ne  peut  que  répéter  â  la  Sublime-Porte  que  le 
«  directoire  exécutif  accepte  sa  médiation,  de  préférence  à  toute  autre 


APPENDICE  2Û7 

((  puissance,  dans  la  guerre  actuelle  avec  l'empereur  d'Allemagne;  mais 
«que  celle  paix  pour  être  digne  et  de  la  république  française  et  de  son 
«  magnanime  allié,  le  (Irand-Seigneur,  ne  pouvait  qu'être  fondée  sur  les 
«  bases  de  l'honneur.  » 

«  En  conséquence,  le  soussigné  déclare  encore  que  le  directoire  exé- 
«  cutif  ne  saurait  jamais  renoncer  h  la  cession  de  tout  le  territoire  de  la 
((  rive  gauche  du  Rhin,  Rlayence,  Cassel,  etc.,  mais  missi  qu'il  se  prêtera 
(t  volontiers  à  procurer  des  indemnités  à  la  maison  d'Autriche  et  aux 
«  princes  à  qui  cette  cession  fait  perdre  une  partie  de  leurs  Etats  par  la 
((  sécularisation  des  principautés  ecclésiastiques  à  leur  bienséance,  tel 
«  qu'où  l'avait  fait  à  la  paix  de  Weslphalie,  en  sécularisant  en  faveur  de 
('.  la  Ilesse-Cassel  l'abbaye  de  llerschfeld. 

(t  Quant  à  l'Italie,  la  Sublime-Porte  dans  sa  sagesse  peut  aisément 
((  concevoir  qu'il  est  impossible  dès  aujourd'hui  de  fixer  d'une  manière 
{(  précise  les  bases  des  arrangements  que  la  paix  y  rendra  nécessaires  ; 
«  mais  le  soussigné  assure  de  nouveau,  au  nom  du  directoire  exécutif  : 
«  que  la  république  française  n'y  conservera  rien,  et  que  l'unique  soin  du 
«  directoire  executif  sera  de  profiter  de  la  prépondérance  que  nous  ont 
«  acquis  nos  triomphes  pour  ramener  dans  cette  belle  contrée  le  repos 
«  intérieur,  une  douce  sécurité,  l'abondance  et  le  bonheur.  Le  soussigné 
«  ambassadeur,  en  félicitant  la  Sublime-Porte  du  rôle  magnanime  que 
«  peut  jouer  Sélim  III  en  Europe,  en  se  prononçant  fortement  comme 
«  médiateur,  ose  l'inviter  à  se  hâter  dans  ses  déterminations.  Les  Alle- 
((  mands  et  les  Russes  mettront  autant  d'empressement  à  écarter  le  Grand- 
((  Seigneur  du  traité  h  conclure,  que  le  directoire  exécutif  attachera  de 
«  prix  à  ce  qu'il  y  paraisse  au  contraire  avec  une  véritable  grandeur.  » 

Cette  note,  qui  réunit  l'essence  de  nos  intérêts  politiques,  était  parfaite- 
ment conforme  aux  intentions  des  Turcs,  et  je  vous  assure  qu'aucun  mi- 
nistre républicain  ne  mettrait  plus  de  chaleur  à  nous  faire  faire  une  paix 
glorieuse  que  ne  le  feront  les  Turcs.  Ils  sont  intimement  convaincus  que 
les  Français  seuls  sont  leurs  vrais  amis.  Mais  cet  élan  précieux  que  je 
viens  d'obtenir  d'eux,  sera-t-il  soutenu?  Vous  jugez  bien  que  je  n'épar- 
gnerai ni  soins  ni  veilles.  D'ailleurs  le  drogman  Ypsilanti  nous  sert  avec 
tant  de  vérité,  que  j'ai  au  moins  l'espérance  d'être  instruit  de  toute  alté- 
ration qui  pourrait  survenir.  Au  reste,  l'empire  des  événements  et  notre 
bonheur  ordinaire  mèneront  le  tout,  comme  le  char  de  la  république,  à 
la  gloire  et  au  bonheur. 

La  Sublime-Porte  m'a  fait  pressentir  qu'elle  désirerait  faire  un  accomo- 
dement  sous  les  auspices  du  directoire  exécutif  avec  la  religion  de  Malte. 

Dans  la  supposition  qu'on  en  vînt  à  une  demande  formelle  d'interven- 
tion, je  vous  prie,  citoyen  ministre,  de  me  faire  accréditer  près  de  Malte. 


{M.  Primata  original.) 


A  oublié  de  signer 


2US 


APPENDICE 


litlaileis  eittrieares. 

2«'«  division  poli- 
tique. 


]|[LVIII.  —  Lettre  de  eréance  de  l'ambassadeur  ottoman  (itall-éfendi) 
à  Paris,  en  date  du...   mars  199'9  (.  ..  rauiazan  ISll). 

Traduction  de  la  lettre  de  créance  dont  est  porteur  Seyd-Ali-Efendi,  du 
corps  des  Cogiaghians  du  Divan  impérial,  et  actuellement  de  la  charge 
de  contrôleur  des  finances,  ambassadeur  de  la  Sublime-Porte  près  la 
République  française. 

FRONTISPICE  DU  DIPLÔME. 

Par  la  série  non  interrompue  des  grâces  inflnies  de  l'Être  suprême  qui 
a  posé  les  fondements  de  l'ordre  de  l'univers,  et  qui  a  assigné  à  tous  les 
peuples  le  mode  de  leur  existence,  béni  soit  son  essence  divine  qui  se 
dérobe  à  l'intelligence  du  savant  le  plus  éclairé. 

Par  l'influence  miraculeuse  de  celui  qui  est  assis  sur  le  trône  le  plus 
élevé  de  la  prophétie,  l'ami  de  l'Élernel,  l'intercesseur  puissant  du  jour 
du  jugement  dernier,  notre  glorieux  prophète  et  seigneur,  Mouharaed, 
l'élu  de  Dieu,  sur  qui,  comme  sur  sa  famille  et  les  apôtres  de  sa  mission, 
soient  répandus  les  saluts  les  plus  purs  et  les  plus  parfaits. 

Par  la  communion  des  âmes  bien  heureuses  de  ses  disciples  et  de  ses 
kalifs  orthodoxes,  puissent-elles  jouir  à  jamais  des  complaisances  divines. 

Enfin  par  le  maître  des  saints  qui  se  sont  distingués  dans  la  voie  du 
salut,  ainsi  que  de  tous  les  prédestinés. 

Ici  est  le  paraphe  du  Grand-Seigneur  portant  en  chifl're: 

L'empereur   sultan    Sélim,  fils   de    sultan    Moustapha 
toujours  victorieux. 

Moi,  qui  suis  le  serviteur  et  le  commandant  des  lieux  et  des  cités  les 
plus  nobles  et  les  plus  révérés,  points  de  direction  du  monde  et  sanc- 
tuaires sublimes  vers  lesquels  se  tournent  les  regards  de  tous  les  peuples  : 
la  Mecque,  la  majestueuse;  Médine,  la  lumineuse;  le  temple  sacré  de  Sa- 
lomon  et  Jérusalem,  la  sainte;  moi,  le  kalife  souverain  d'une  infinité  de 
provinces,  de  villes,  de  châteaux,  de  forteresses  situées  dans  la  Natolie  et 
la  Romélie,  sur  la  mer  Blanche  et  le  Pont-Euxin  dans  l'Hygias  et  l'Ira- 
que,  objet  de  la  jalousie  des  autres  rois. 

Le  sultan  fils  de  sultan,  l'empereur  Sélim-Khan,  fils  du  sultan  Mous- 
lapha-Khan,  fils  du  Sultan-Admet-Khan. 

Aux  chefs  distingués  parmi  les  grands  qui  professent  la  croyance  de 
Jésus,  les  soutiens  des  magnats  de  la  religion  du  Messie,  les  arbitres  des 
affaires  de  toutes  les  nations  chrétiennes,  revêtus  des  marques  d'honneur 
et  de  considération,  comblés  de  gloire  et  d'équité. 


APPENDICE  249 

Nos  très-chers  honorés  et  très-sincères  amis  delà  république  fran- 
çaise, que  leurs  fins  soient  lumineuses,  et  que  Dieu  les  dirige  dans  la  voie 
du  salut  éternel  ! 

A  la  réception  de  ce  noble  diplôme  impérial  vous  soit  notoire  que  les 
liens  qui  unissent  notre  Sublime-Porte  à  la  république  française  ne  sont  pas 
succeptibles  d'être  relâchés  par  la  main  destructive  du  temps;  que  le  mi- 
roir de  notre  union  ne  sera  jamais  terni  par  le  soufde  impur  de  l'envie, 

Que  les  lois  de  la  bonne  harmonie  qui  sont  si  religieusement  observées 
de  part  et  d'autre  s'affermiront  de  jour  en  jour  sur  des  bases  plus  solides 
encore;  que  depuis  longtemps  notre  intention  impériale  est  surtout  d'éta- 
blir des  relations  commerciales,  qui  sont  les  fruits  naturels  des  traités  et 
de  faciliter  aux  individus  de  ces  deux  puissances,  dans  leurs  étals  respec- 
tifs des  communications  libres  et  avantageuses,  en  assurant  partout  leur 
tranquillité;  et  qu'en  conséquence,  soit  pour  vous  faire  connaître  nos  vues 
sur  ce  dernier  objet  et  les  mettre  h  exécution,  soit  pour  étendre  les  rap- 
ports existants  de  manière  à  consolider  et  à  augmenter  l'amitié  et  la 
bonne  correspondance  qu'elles  se  sont  vouées  l'une  à  l'autre, 

Nous  avons  fait  choix  d'un  des  cogiaghians  de  notre  divan  impérial, 
serviteur  distingué  de  notre  Sublime-Porte  qui  a  fuit  ses  preuves  d'intel- 
ligence, de  droiture  et  de  fidélité  dans  des  affaires  importantes  de  notre 
empire,  qui  ont  été  confiées  à  sa  capacité  et  à  ses  talents. 

L'objet  de  Témulation  des  personnages  constitués  en  dignité,  la  réunion 
des  perfections  et  des  vertus,  doué  de  toutes  les  faveurs  divines,  Seyd  Ali, 
dont  la  gloire  soit  éternelle,  et  l'ayant  expédié  vers  vous  en  qualité  de 
notre  ambassadeur  après  avoir  ajouté  à  ses  dignités  la  charge  de  bach 
muhassébégi  (contrôleur  de  nos  finances),  une  des  premières  places  de 
notre  gouvernement  glorieux,  nous  lui  avons  remis  cette  lettre  gracieuse 
qu'il  est  chargé  de  vous  remettre. 

S'il  plaît  au  Très-Haut  à  la  réception  de  ce  diplôme  impérial,  quoiqu'il 
soit  superflu  d'expliquer  que  notre  plus  ardent  désir  est  ainsi  que  le  vôtre 
de  voir  consolider  de  plus  en  plus  et  à  perpétuité,  |)ar  des  moyens  réci- 
proquement avantageux,  cette  amitié  et  celte  estime  qui  subsistent  dans 
les  deux  peuples  et  qui  ne  peuvent  être  sujettes  ii  aucune  altération  ni 
décroissement, 

Cependant  pendant  la  résidence  de  notre  susdit  ambassadeur  auprès 
de  vous,  lorsque  vous  connaîtrez  les  propositions  amicales  qu'en  vertu  de 
sa  mission  il  a  reçu  ordre  de  vous  faire  de  la  part  de  Notre  Majesté  impé- 
riale, propositions  relatives  non-seulement  h  l'exécution  du  traité,  et  ten- 
dantes encore  à  resserrer  de  plus  en  plus  les  liens  de  la  bonne  corres- 
pondance, objet  qui  lui  a  été  spécialement  recommandé, 

Nous  sommes  pleinement  convaincus  que  vous  vous  empresserez  de  les 
accueillir  d'une  manière  convenable  h  la  dignité  des  deux  puissances,  per- 


250  APPENDICE 

siiadés  que  les  avantages  inappréciables  d'une  union  qui  fait  le  bonheur 
mutuel  des  deux  empires,  ne  puissent  que  s'accroître  de  jour  en  jour  par 
la  continuité  de  vos  soins  h.  observer  les  devoirs  de  l'amitié  et  à  rafTermir 
les  bases  de  la  bonne  harmonie. 

Et  tandis  que  vous  aurez  pour  notre  ambassadeur,  destiné  à  résider  au- 
près de  vous,  les  bons  procédés  et  les  égards  dus  h  sa  haute  mission, 
conformes  à  la  dignité  de  notre  Sublime-Porte  et  relatifs  aux  règles  de 
l'amitié  qui  se  sont  toujours  observées  à  l'envie  de  part  et  d'autre; 

Il  serait  superflu  de  vous  assurer  qu'avec  l'aide  du  Très- Haut  des 
avantages  incalculables  seront  de  jour  en  jour  le  fruit  de  cette  conduite 
amicale. 

Que  dans  nos  États  bien  gardés  ]es  négociants,  les  voyageurs  français 
et  tous  ceux  qui  vous  appartiennent  seront,  comme  ils  l'ont  toujours  été, 
favorablement  accueillis  et  efficacement  protégés. 

Salut  sur  celui  qui  suit  la  voie  droite. 

Traduit  par  moi,  secrétaire  interprète  de  la  République  française  pour 
les  langues  orientales,  à  Paris,  le  4  thermidor  an  5. 

(Signé)  Venture. 
Pour  copie  conforme 

Le  ministre  des  relations  extérieures 

(Signé)  Ch.  M.  Tailleyrand. 

(M.  Copie  authentique.) 


ItelitiOD^  rilérieures. 


5867. 


XLIV.  —  Dépêche  de  l'ambassadcDr  Aubert  Du  Bayct  an  ministre 
des  relations  extérieures,  en  date  du  S 4  mars  1999  (S 5  rania- 
zan  ISll). 


Pour  leDirectoire. 
le  IG  floréal. 

Le  citoyen  Au- 
bert  Du  Bayet  8e 
conformera  aux 
ordres  nouveaux 
qu'il  reçoit. 


Situation  (lu  gou- 
vernement turc. 


Extrait  d'une  dépêche  du  citoyen  Aubert  Du  Bayet. 

Constantiuople  le  h  germinal  an  5. 

Aubert  Du  Bayet  mande  qu'il  a  reçu  les  dépêches  du  ministre,  n°'  5  et 
6,  qui  lui  prescrivent  de  temporiser  sur  tout  traité  offensif  et  défensif 
avec  la  Porte,  ainsi  qu^une  très-grande  circonspection  dans  les  affaires  de 
la  Prusse  et  de  la  Russie;  mais  il  ajoute,  que  de  son  propre  mouvement, 
il  avait  depuis  quelque  temps  dirigé  toutes  ses  négociations  sur  ces  nou- 
velles bases.  Il  est  d'ailleurs  convaincu  que  nous  ne  devons  avoir  avec 
les  Turcs  que  des  transactions  de  commerce  ou  de  circonstances  ;  d'après 
la  situation  de  leur  gouvernement  profondément  endormi  dans  le  luxe 
et  la  mollesse,  et  où  l'autorité  ne  peut  atteindre  aux  extrémités  de  l'em- 
pire par  l'indolence  apathique  du  sultan  et  l'avarice  des  ministres,  l'inex- 
périence des  généraux  et  l'insubordination,  l'ignorance  et  la  barbarie 
des  soldats. 


APPENDICE  '261 

Le  citoyen  Aubert  Du  Bayet,  dans  un  entretien  avec  le  drogman  de  la    D^^aration  je  la 
Porte,  en  a  eu  l'assurance  ([u'il  avait  été  écrit  de  sa  part  à  l'empereur  Poite  a  rEmpc- 
d'un  ton  très-ferme,  pour  lui  notifier  l'intention  où  elle  était  d'intervenir  '^°^^' 
dans  la  médiation  aux  conditions  de  la  cei^sion  entière  de  la  rive  gauche  du 
Rhin,  sans  parler  de  l'Italie,  et  que  d'un  autre  côté,  les  termes  d'amitié 
où  en  était  la  république  avec  le  roi  de  Prusse,  avaient  inspiré  l'idée  de 
[■à\YQ  proposer  à  ce  monarque  de  se  joindre  étroitement  avec  la  Porte, 
pour  accélérer  le  plus  possible,  la  fin  heureuse  de  celte  négociation. 

Le  drogman  ajouta  que  si  déjà  les  troupes  et  les  canons  n'étaient  pas 
encore  partis  de  Constantinople,  il  fallait  en  imputer  la  faute  aux  len- 
teurs qu'occasionnait  le  Ramazan,  époque  d'intrigues  et  de  cabales. 

Ipsylanti  est  convenu  avec  le  citoyen  Aubert  Du  Bayet  que  le  ministère     ^^  Triumvint 
suprême  était  entravé  par  le  Triumvirat  qui  s'est  emparé  du  conseil  d'riseant  les  uf- 
d'état,  et  que  l'un  de  ses  triumvirs,  nommé  Tchelehy-Effendi,  avait  con- 
trarié l'établissement  de  nos  artistes. 

Le  citoyen  Aubert  Du  Bayet,  de  concert  avec  Ipsylanti,  se  propose  de    projet cVAubcrt 
travailler  à  son  exil,  comme  de  rapprocher  Acki,  pacha  de  Romélie,  du  du  Bayet  do  faire 

.  une  rc'volution 

Grand-Seigneur.  dans  le  minisibre 

Il  va  entreprendre  une  négociation  dont  les  principes  sont  généreux,  et  ottoman. 

dont  les  résultats  seront  extrêmement  utiles  à  la  république. 

C'était  à  l'atelier  de  Pampelone  que  se  passait  l'entretien  avec  Aubert  Plainte  de  du 

Du  Bayet,  et  celui-ci  lui  a  fait  sentir  combien  était  odieuse  la  parcimonie  parcimonie  "ITe  la 

dont  on  usait  envers  les  artistes  et  les  arquebusiers  dont  une  partie  a  été  po^'s '!•  l'egavd  des 

birtist&St 

obligée  de  retourner  en  France,  et  l'autre,  quoique  retenue  au  service  du 
Grand-Seigneur,  n'est  pas  payée.  —  Ces  plaintes  ont  produit  de  faire 
payer  à  l'atelier  dès  le  lendemain  un  mois  d'arrérages. 
Aly-Effendi,  ambassadeur  près  du  directoire  vient  de  s'embarquer  sur         °'^p'^'"' 

.     ,  »  .  *  de  l'ambassadeur 

un  tres-petit  bâtiment.  turc 

Le  citoyen  Lesseps  est  retenu  par  les  vents  contraires  aux  Dardanelles    p°'"'  '^^"°<=2- 

depuis  vingt  jours. 
Le  Capitaine-Pacha,  après  l'avoir  attendu  pendant  plus  de  quinze  mois, 

l)ressé  par  la  Porte,  a  donné  la  construction  de  son  bassin  à  un  i^uédois, 

nommé  Rode,  venu  exprès  de  Stokholm. 
Le  citoyen  Aubert  Du  Bayet  réclame  contre  une  somme  de  G, 000  francs     Réclamation  de 

qu'en   vertu  d'un  arrêté  du  directoire  on  lui  fait  sur  ses  appointements,   Duuayetsurune 

'■  ri  ■)     retenue  de  (JOOOtr. 

en  faveur  de  trois  officiers  envoyés  à  Constantinople  par  Bonaparte. 

Le  jeune  et  malheureux  prince  Moiouzi,  précédemment  drogman  de  Assassinat  a» 
la  Porte,  a  été  impitoyablement  assassiné  en  Chypre,  lieu  de  son  exil,  pas  jeune  prince  Mo- 
des émissaires  partis,  dit-on,  de  Constantinople.  '°"^'  en^ci}pre. 

(.E.  Extrait  originaL) 


262 


APPENDICE 


XL¥.  —  Dépêche  de  l'ambassadenr  Anbert  Du  Bayet  an  ministre 
des  relations  extérieures  (Talleyrand),  en  date  du  lO  novem- 
bre 1999  (%0  djémazinl-éwel  t21S). 

Pera  lez-Constantinople  le  20  brumaire, 
an  6  de  la  république  française  une  et  in- 
divisible. 


Triplicata. 
N»  4. 

Secrétariat 
général. 


Le  général  Aubert  Du  Bayet,  ambassades  de  la  République  française 
près  la  Porte  Ottomane,  au  ministre  des  relations  extérieures. 

C'est  au  moment  même,  citoyen  ministre,  où  je  pressais  le  plus  vive- 
ment la  Sublime-Porte  de  répondre  au  projet  d'alliance  éventuelle  et  au 
plan  de  campagne  dont  je  vous  ai  fait  part  dans  mes  dépêches  n"'  2  et  3, 
qu'un  courrier  extraordinaire,  expédié  par  le  ministre  ottoman  à  Vienne, 
nous  a  appris  que  la  paix  avait  été  conclue  le  17  octobre  entre  la  répu- 
blique française  et  l'empereur.  Ce  jour  même,  le  réis-éfendi  m'a  fait  no- 
tifier oftkiellement  l'intention  où  était  la  Sublime-Porte  d'acquiescer  à 
mes  propositions,  si  la  paix  n'était  venue  y  mettre  obstacle.  Comme  celte 
dépêche  ne  sera  point  chiflrée,  je  m'abstiens  de  faire  ici  toutes  les  ré- 
flexions dont  ce  texte  deviendrait  un  sujet  fertile.  Nous  ne  savons  pas 
encore  quelles  seront  les  conditions  du  nouveau  traité,  mais  le  caractère 
du  directoire  est  pour  moi  le  sûr  garant  des  avantages  de  cette  transac- 
tion. J'avoue  que,  dans  ma  politique,  la  rive  gauche  du  Rhin  est 
une  limite  à  laquelle  nous  ne  devons  pas  avoir  renoncé.  Je  ne  vous 
parle  donc  plus  de  mon  plan  de  campagne.  Je  pense  qu'il  faudra  main- 
tenant nous  occuper  essentiellement  de  nos  transactions  commerciales, 
des  changements  et  des  modifications  à  faire  à  nos  capitulations  avec 
la  Porte,  ainsi  que  de  la  confection  d'un  nouveau  code  consulaire,  civil 
et  politique.  Tout  ici  est  à  refaire.  Ce  sujet  m'amène  naturellement,  etc. 

{Signé)  Aubert  Du  Bayet. 

{M.  Triplicata  original.) 


XLVI.  —  Instructions  données  à  l'ambassadeur  Brune  par  ordre 
du  premier  consul  Bonaparte,  en  date  de  Saint-CIoud  le  18  oc- 
tobre 180%  (20  djémaziul-akhir  1S19). 

1°  L'intention  du  gouvernement  est  que  l'ambassadeur  àConstantinople 
reprenne,  par  tous  les  moyens,  la  suprématie  que  la  France  avait  depuis 
deux  cents  ans  dans  celte  capitale.  La  maison  qui  est  occupée  par  l'am- 
bassadeur est  la  plus  belle.  Il  doit  tenir  constamment  un  rang  au-dessus 
des  ambassadeurs  des  autres  nations,  et  ne  marcher  qu'avec  un  grand 


APPENDICE  253 

éclat.  Il  doit  reprendre  sous  sa  protection  tous  les  hospices  et  tous  les 
chrétiens  de  Syrie  et  d'Arménie,  et  spécialement  toutes  les  caravanes  qui 
visitent  les  Lieux-Saints. 

2°  Notre  commerce  doit  être  protégé  sous  tous  les  points  de  vue.  Dans 
l'état  de  faiblesse  oii  se  trouve  l'empire  ottoman,  nous  ne  pouvons  pas  es- 
pérer qu'il  fasse  une  diversion  en  noire  faveur  contre  l'Autriche,  il  ne  nous 
intéresse  donc  plus  que  sous  le  rapport  du  commerce.  Le  gouvernement  ne 
veut  souffrir  aucune  avanie  des  pachas,  et  la  moindre  insulte  à  nos  com- 
merçanls  doit  donner  lieu  h  des  explications  fort  vives,  et  conduire  notre 
ambassadeur  h  obtenir  une  satisfaction  éclatante.  On  doit  accoutumer  les 
pachas  et  béys  des  différentes  provinces  à  ne  regarder  désormais  notre 
pavillon  qu'avec  respect  et  considération. 

3°  Dans  toutes  les  circonstances,  on  ne  doit  pas  manquer  de  dire  et  de 
faire  sentir  que,  si  la  Russie  et  l'Autriche  ont  quelque  intérêt  de  localité 
à  se  partager  les  états  du  Grand-Seigneur,  l'intérêt  de  la  France  est  de 
maintenir  une  balance  entre  ces  deux  grandes  puissances.  On  doit  mon- 
trer des  égards  à  l'ambassadeur  de  Russie,  mais  se  servir  souvent  de  l'am- 
bassadeur de  Prusse,  qui  est  plus  sincèrement  dans  nos  intérêts. 

h"  S'il  survient  des  événements  dans  les  environs  de  Constantinople, 
offrir  sa  médiation  à  la  Porte,  et,  en  général,  saisir  toutes  les  occasions 
de  fixer  les  yeux  de  l'empire  sur  l'ambassadeur  de  France.  C'est  d'après 
ce  principe  que,  le  jour  de  la  fête  du  prophète,  il  n'y  a  point  d'inconvénient 
à  illuminer  le  palais  de  France  selon  l'usage  oriental,  après  toutefois  s'en 
être  expliqué  avec  la  Porte. 

En  fixant  les  yeux  du  peuple  sur  l'ambassadeur  de  France,  avoir  soin 
de  ne  jamais  choquer  ses  mœurs  et  ses  usages,  mais  faire  voir  que  nous 
nous  estimons  les  uns  les  autres. 

5°  Le  ministre  de  la  marine  a  des  ordres  pour  tenir  toujours  deux  frégates 
en  croisière  dans  les  mers  de  Syrie  et  d'Arménie  et  à  Constantinople.  Il 
y  aura  également  plusieurs  avisos.  L'ambassadeur  s'en  servira,  dans  les 
circonstances  nécessaires,  pour  s'entendre  avec  nos  commissaires  des  re- 
lations commerciales  et  protéger  notre  commerce. 

6"  Enfin,  on  désire  que  l'ambassadeur  se  procure  des  renseignements 
très-exacts  sur  les  différents  pachaliks  et  en  fasse  part  au  cabinet.  Il  doit 
même  pousser  ses  recherches  vers  la  Perse. 


N"  12. 
Expédié  le 


25/1  APPENDICE 

XLVII.    —   Dépêche    de    l'anibassadenr  Brune    au    premier   consul 
Bonaparte,  en  date  du  20  juillet  1803  (30  rébiul-éwel  1218). 

RÉPUBLIQUE    FRANÇAISE 

Therapia  le  1"  thermidor  an  11. 

Le  général  Brune,  conseiller  d'Etat,  ambassadeur  de  la  république 
Française  près  la  Sublime-Porte  au  premier  consul  Bonaparte. 

Citoyen  premier  consul,  depuis  la  dernière  dépêche,  etc. 
L'ambassadeur  ottoman  m'a  montré  les  présents  qu'il  est  chargé  de 
l'^f  thermidor  par  VOUS  ofTHr  :  ils  couslstent  en  trois  selles  et  housses  richement  ornées, 
lecoumcrBondy.  ^^^-^^  clievaux  et  uue  aigrette  de  diamants.  Il  y  a  des  châles  et  des  essences 
en  quantité  pour  madame  lîonaparle.  Le  Grand-Seigneur  a  choisi  lui-même 
dans  son  trésor  les  diamants  de  l'aigrette,  à  laquelle  on  a  maladroitement 
adapté  deux  agrafes,  croyant  que  cette  sorte  d'attache  était  plus  conve- 
nable à  la  forme  de  nos  chapeaux.  La  valeur  de  ces  présents  est  exagérée, 
mais  elle  est  effectivement  très-grande  dans  l'opinion,  puisqu'il  est  d'u- 
sage de  ne  faire  un  tel  présent  qu'aux  souverains,  etc. 

{Signé)  Brune. 
{M.  Original.) 

XLI'III.  —  Messaye  du  premier  consul  Bonaparte  au  Sénat  conser- 
vateur, en  date  do  16  janvier  1804  (3  chéwai  1218). 

L'empire  ottoman,  travaillé  par  des  intrigues  souterraines, 

aura,  dans  l'inlérèt  de  la  France,  l'appui  que  d'antiques   liaisons,  un 
récent  traité  et  sa  position  géographique  lui  donnent  droit  de  réclamer. 

XLIX.  —  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  an  citoyen  Régnier, 
en  date  du  24  janvier  1804  (11  chéwai  1218). 

Les  lettres  de  Drake  paraissent  fort  importantes.  Je  désirerais  que 
Méhée,  dans  son  prochain  bulletin,  dit  que  le  comité  avait  été  dans  la 
plus  grande  joie  de  la  pensée  que  Bonaparte  voulait  s'embarquer  à  Bou- 
logne, mais  qu'on  a  aujourd'hui  la  certitude  que  les  préparatifs  de  Bou- 
logne sont  de  fausses  démonstrations,  etc.  Le  véritable  projet,  culant 
qu'on  en  peut  juger  par  ses  relations  extérieures,  est  l'expédition  d'Ir- 
lande, etc.  Lne  autre  expédition  est  celle  de  la  Morée,  qui  est  décidé- 
ment arrêtée.   Bonaparte  a  /jO  mille  hommes  à  Tarente  ;  l'escadre  de 


APPENDICE  255 

Toulon  va  s'y  rendre;  il  espère  trouver  une  armée  auxiliaire  des  Grecs 
Irès-considcrablo. 
Il  faul,  etc. 

L.  —  Lettre  dn  premier  consul  Bonaparte  à  ramliassadenr  Brnnc, 
en  date  de  La  inalniaison  le  14  mars  1804  (3  zilhidjé  1318). 

Citoyen  général  Brune,  ambassadeur  ci  Gonstanlinople,  Jaubert  est  por- 
teur d'une  lettre  pour  l'empereur.  Elle  est  en  français  et  en  turc;  ainsi 
l'empereur  la  pourra  lire  sans  la  montrer  h  personne.  Jaubert  vous 
montrera  la  copie  (*).  Procurez-lui  les  moyens  de  la  remettre  lui-même, 
ou,  dans  tous  les  cas,  faites  comme  vous  jugerez  à  propos,  pourvu  que 
l'empereur  sache  que  celte  lettre  est  de  moi  et  qu'elle  n'est  que  pour  lui. 
11  y  a  plusieurs  jours  que  j'ai  fait  venir  l'ambassadeur  aux  Tuileries;  j'ai 
causé  avec  lui  dans  le  sens  de  ma  lettre.  Il  y  a  huit  jours  qu'il   a  dû  ex- 
pédier son  courrier  pour  en  rendre  compte.  Faites  savoir  à  l'empereur 
que,  quand  il  fera  sa  réponse,  il  vous  la  fasse  passer  directement.  Vous 
pourrez  éviter  la  curiosité  publique  en  disant  que  c'est  une  petite  lettre 
relative  aux  affaires  de  la  conspiration.  Vous  aurez  reçu  les  détails  relatifs 
à  celte  affaire,  et  le  rapport  du  grand-juge.  Quand  vous  lirez  ceci,  le  tri- 
bunal criminel  de  la  Seine  aura  prononcé. 

J'ai  reçu  votre  lettre  et  l'ai  lue  avec  grand  intérêt.  Ajoutez  foi  à  ce  que 
j'ai  écrit  à  l'empereur.  Je  désire  soutenir  l'empire;  je  désire  qu'il  puisse 
reprendre  un  peu  d'énergie  ;  et  profitez  de  ma  lettre  pour,  toutes  les  fois 
qu'il  sera  nécessaire,  communiquer  avec  l'empereur;  il  pourra  désigner 
un  homme  de  sa  confiance  particulière. 

Dans  la  position  actuelle  de  l'Europe,  ma  direction  est  toute  sur  l'An- 
gleterre. J'ai  à  Boulogne  1,000  canonnières  et  bateaux  qui  porteront 
100,000  hommes  et  10,000  chevaux. 

Nous  avons  des  nouvelles  des  Indes;  notre  escadre  y  est  arrivée  heu- 
reusement et  s'est  réunie  à  l'escadre  hollandaise.  Elles  font  le  plus  grand 
mal  h  l'Angleterre.  Geylan  est  en  pleine  révolte,  le  roi  fou,  et  l'Angle- 
terre très-agitée. 

La  mission  que  vous  avez  est  très-importante;  soit  que  je  marche  sur 
Londres,  soit  que  je  fasse  la  paix,  elle  aura  encore  une  plus  grande  im- 
portance. 

(*)  M.  de  Bielefeld,  représentant  de  Prusse  à  Constantinople,  était  mal  informé  en 
écrivant  à  sa  cour,  dans  ses  dépêches  du  10  et  24  mai  1804,  que  le  contenu  de  la  lettre 
du  premier  consul  était  resté  un  secret  même  pour  l'ambassadeur  Brune  (v.  Zinkeisen, 
ï.  VII);  mais  nous  ne  connaissons  encore  aujourd'hui  ijue  le  sens  de  cette  lellre  (qui 
n'est  pas  publiée  dans  la  Correspondance  de  Napoléon  I)  par  la  réponse  que  Sélim  III 
y  fit  les  mai  l£04,  et  que  nous  donnons  sous  le  numéro  suivant  (LI). 


256  APPENDICE 

Éclairez-nous  le  plus  possible  sur  les  affaires  de  la  Perse. 
Croyez  à  l'estime  que  je  vous  porte  et  au  désir  que  j'ai  de  vous  en 
donner  des  preuves  dans  toutes  les  circonstances. 

LI.  —  Lettre  de  Sélim   III   an  premier  consnl  Bonaparte,   en  date 
du  8  mai  1804  (27  moliarrem  1«19). 

Au  très-magnifique  Bonaparte,  premier  consul  de  la  République  française. 

Votre  lettre  amicale,  non  officielle  et  secrète,  m'est  parvenue  en  der- 
nier lieu.  —  J'en  ai  compris  mot  pour  mot  le  contenu.  Les  sentiments 
qui  y  sont  exprimés  ont  excité  toute  ma  satisfaction  et  ont  resserré  les 
nœuds  de  mon  amitié. 

Par  un  effet  de  l'attachement  que  vous  portez  à  ma  Sublime -Porte,  et 
pour  me  prouver  toute  l'étendue  de  votre  sollicitude  sur  mes  états,  vous 
me  marquez  que  certaines  personnes  m'avaient  fait  craindre  de  votre 
part  des  vues  hostiles  sur  TÉgypte  et  sur  la  Morée,  st  que,  de  son  côté, 
ajoutant  foi  à  ces  insinuations,  la  Sublime-Porte  s'était  occupée  de  quel- 
ques préparatifs. 

Vous  ajoutez  qu'en  réalité  vous  n'avez  jamais  eu  de  semblables  projets, 
et  que  vous  comptez  sur  la  plus  parfaite  sécurité. 

Tel  est  le  sens  de  cette  partie  de  votre  lettre  amicale.  Je  m'empresse  de 
vous  faire  franchement  la  réponse  suivante  : 

Indépendamment  de  ce  que  je  m'occupe  toujours  de  la  situation  et  des 
vues  de  ma  Sublime-Porte,  la  considération  et  l'estime  que  je  porte  per- 
sonnellement tant  à  la  nation  française,  qu'à  vous  en  particulier,  accrois- 
sent encore  la  bonne  harmonie  qui  exista  toujours  entre  mon  empire  et  la 
France,  et  que  je  reçus  en  héritage  de  mes  glorieux  ancêtres.  L'évi- 
dence de  ces  sentiments  n'a  besoin  ni  de  témoins  ni  de  preuves.  Il  en 
est  de  même  de  la  sécurité  parfaite  qui  doit  régner  entre  nos  deux  gou- 
vernements et  pour  laquelle  toute  espèce  d'explication  est  inutile. 

Des  dispositions  de  simple  prévoyance,  et  qui,  dans  tous  les  temps,  sont 
un  devoir  de  ceux  qui  gouvernent,  ont  fait  imaginer  à  certaines  per- 
sonnes qu'elles  étaient  l'effet  d'une  inquiétude  de  notre  part  relativement 
ù  la  France. 

Il  faut  que  ces  personnes  n'aient  pas  une  connaissance  approfondie  de 
l'état  des  choses,  car  les  principes  et  les  maximes  de  la  Sublime-Porte, 
depuis  le  premier  instant  de  son  existence  jusqu'à  ce  moment,  sont  con- 
nus de  tout  le  monde.  Elle  ne  se  permettra  jamais  la  moindre  infraction 
aux  traités  envers  aucune  puissance,  mais,  s'il  se  manifeste  en  quelque 
lieu  des  vues  hostiles  contre  elle,  elle  ne  manquera  pas  de  remplir  l'obli- 
gation où  elle  est  d'user  de  représailles. 


APPENDICE  257 

Dans  la  situation  des  aiïaires  de  l'Europe,  et  en  particulier  dans  l'équi- 
libre actui^l,  comme  il  circule  dans  le  public  toutes  sortes  de  bruits,  si  les 
liomm(^s  (l'État  ajoutaient  foi  h  ces  nouvelles  mensongères,  il  on  résulte- 
rait une  nullité  ahsdiue  d'opération  dans  la  politique. 

Grâces  à  Dieu,  quant  h  la  conservation  de  mes  États,  je  n'ai  jamais  eu 
aucune  crainte  et  s'il  était  nécessaire  de  chercher  dos  preuves  à  l'appui 
de  cette  asseriion,  le  nom])re  en  serait  incalculable. 

Entre  autres  ;  si  ces  rumeurs  eussiînt  fait  la  moindre  impression  sur 
mon  esprit,  aurais-je  fait  partir  un  de  mes  visirs,  tel  qu'Ibrahim  pacha, 
homme  jouissant  d'une  position  considérable  à  Scutary,  sur  les  rivages 
de  l'Albanie,  et  pouvant  au  besoin  lever  une  armée  de  cent  mille  horames 
d'élite,  pour  l'envoyer  au  centie  de  la  Romélie  ? 

En  second  lieu,  ayant  les  i)lus  grands  égards  et  la  plus  entière  con- 
fiance au  très-sincère  général  Brune,  votre  ambassadeur,  s'il  se  fut  élevé 
le  moindre  doute,  il  lui  aurait  été  demandé  une  explication  amicale. 

Une  autre  preuve  encore  que  les  inventeurs  de  ces  bruits,  témoins  de 
la  bonne  harmonie  qui  rè:ne  entre  la  France  et  la  Sublime-Porte,  et 
cherchant  à  jeter  du  trouble  entre  elles,  forgeaient  d'une  part  ces  nou- 
velles, tandis  que  de  l'autre,  h  la  faveur  de  pareilles  annonces,  ils  s'em- 
pressaient de  vous  persuader  de  choses  sans  fondement. 

C'est  que  dans  un  article  de  votre  lettre  amicale  il  est  dit  :  que  déjà 
votre  ambassadeur  éprouve  de  la  Sublime -Porte  un  manque  de  considé- 
ration. 

Les  devoirs  de  l'ancienne  amitié  qui  nous  lie,  les  obligations  que  nous 
impose  la  paix,  et  d'un  autre  côté  l'impulsion  naturelle  de  notre  carac- 
tère", nous  portant  ci  vouloir  qu'on  respecte  non-seulement  un  tel  ambas- 
sadeur mais  encore  vos  négociants,  vos  navigateurs  et  tout  ce  qui  vous 
appartient,  qu'on  appoite  la  plus  sérieuse  attention  à  terminer  leurs  af- 
faires, comment  un  procédé  contraire  pourraii-il  être  autorisé? 

Les  intrigants  de  tous  les  pays  sont  dans  l'usage  d'occasionner  du  re- 
froidissement et  de  jeter  du  trouble  dans  les  gouvernements,  par  de  sem- 
blables rapports  et  par  de  telles  calomnies.  C'est  une  chose  démontrée 
par  l'expérience. 

Le  général  Brune  a  reçu  des  honneurs  et  des  distinctions  supérieurs  h 
celles  dont  jouissaient  ses  égaux,  les  autres  ambassadeurs  auprès  de  ma 
Sublirae-Porte;  il  a  été  traité  avec  toutes  sortes  de  marques  de  considé- 
ration, taiit  autorisées  qu'interdites  pur  l'usage. 

Contre  l'étiquette  de  rai  Sublime-Porte,  il  a  eu  quelques  audiences  du 
grand-visir,  mon  représentant  absolu,  et  même  il  a  été  particulièrement  ad- 
mis k  ma  présence  impériale.  Je  laisse  k  la  sagesse  et  à  la  perspicacité  qui 
vous  distinguent  éminemment  le  soin  de  discerner  la  vérité,  et  de  vous  as- 
surer que  ceux  qui  vous  ont  fait  des  rapports  à  ce  sujet  s'en  sont  écarté.^. 

T.    II.  17 


05S  APPENDICE 

De  même,  ce  que  vous  ajoutez  relalivement  aux  ministres  de  ma  Su- 
Llime-Porte  ne  provient  que  de  malentendus. 

Ces  ministres  sont  mes  serviteurs  éprouvés  et  fidèles,  et  chacun  d'eux 
est  dévoué  à  mon  service  impérial.  Ils  sont  par  devoir  amis  de  mon  ami. 
En  conséquence  de  la  considération  et  de  l'estime  que  j'ai  pour  la  nation 
française  et  particulièrement  pour  votre  personne  ;  de  ma  volonté  su- 
prême qui  est  que  vos  agents,  vos  négociants  et  tous  les  Français  soient 
protégés  comme  ils  doivent  l'être,  tout  le  monde  sait  que  les  membres  du 
divan  et  les  ministres  de  ma  Sublime-Porte  mettent  tous  leurs  soins  à 
raoconiplissemenl  de  celte  volonté. 

Les  clioses  étant  ainsi,  ceux  qui  ont  été  calomnier  auprès  de  vous 
mon  ministère  n'ont  fait  que  prouver  de  même  la  fausseté  des  bruits  d'un 
manque  de  considération  envers  le  général  Brune;  c'est  ce  qu'il  est  de 
votre  sagesse  de  reconnaître. 

Une  pareille  explication  ne  peut-être  et  n'est  effectivement  considérée 
que  comme  l'effet  de  vos  bonnes  dispositions.  D'ailleurs,  si  elle  n'eut 
point  élé  provoquée  de  votre  part,  jamais  nous  n'aurions  pensé  à  vous 
écrire  sur  ces  matières,  et  il  serait  resté  un  nuage  entre  nous. 

Nous  regardons  donc  comme  une  chose  très-heureuse  qu'en  réponse 
à  votre  lettre  amicale  la  vérité  puisse  vous  être  clairement  exposée.  Ce 
qui  sous  ce  rapport  nous  cause  la  plus  grande  satisfaction. 

En  réponse  au  conseil  que  vous  me  donnez  de  sortir  de  mon  sérail  im- 
périal, pour  marcher  sur  mes  provinces  de  Romélie,  j'ai  résolu  de  vous  faire 
connaître  qu'en  voulant  assimiler  l'état  actuel  des  choses  à  celui  des  pre- 
miers temps  de  notre  glorieuse  dynastie  vous  ne  trouverez  aucun  terme 
de  comparaison. 

Dans  ces  premiers  temps  la  résidence  impériale  était  susceptible  d'être 
transférée  d'une  ville  à  l'autre,  comme  de  Brousse  à  Andrinople,  pour 
répandre  partout  l'éclat  de  la  puissance  et  de  la  souveraineté  de  notre 
illustre  maison  ;  pour  s'assurer  de  plus  en  plus  d'une  égale  soumission  de 
la  part  de  tous  leurs  vassaux  et  d'une  entière  obéissance  ci  leurs  ordres, 
nos  glorieux  ancêtres  étaient  forcés  de  marcher  en  personne. 

Mais,  grâce  au  Très-Haut,  les  fondements  de  mon  empire  étant  soli- 
des, mes  visirs  et  autres  grands  officiers  qui  sont  établis  sur  les  divers 
points,  étant  des  hommes  sûrs,  fidèles  et  allentii's  aux  moindres  signes  de 
ma  volonté  impériale,  je  suis  instruit  de  la  conduite  et  de  la  situation  de 
chacun  d'eux  et  surtout  de  ce  qui  concerne  les  armées,  les  habitants  et 
les  sujets  non-musulmans  de  mon  empire,  comme  si  j'étais  sur  les  lieux. 
Si  par  hasard  il  survient  quelque  désordre  ou  qu'un  de  mes  vassaux  se 
révolte,  ce  n'est  pas  un  de  ces  événements  qui  n'arrivent  que  de  nos 
jours;  peut-être  même  n'est-il  point  de  nations,  parmi  celles  qui  sonlre- 
coinuies  avoir  une  forme  de  gouvernement  indépendante,  chez  laquelle  il 


APPENDICE  '259 

ne  s'élève  de  temps  en  temps  des  rebelles  qui  troublent  l'ordre  public. 

Dans  l'empire  ottoman,  ceux  qui  se  rendent  coupables  de  pareils  at- 
tentats sont  loujours  atteints  par  le  châtiment  qui  leur  est  dû;  en  effet, 
vous  avez  dû  apprendre  qu'en  dernier  lieu,  un  grand  nombre  de  ces  .sédi- 
tieux avaient  été  passés  au  lil  de  l'épée. 

Il  a  été  choisi,  dans  toutes  les  provinces,  parmi  nos  ministres  et  autres 
agents,  des  hommes  capables,  auxquels  il  est  expressément  recommandé 
d'employer  tout  leur  pouvoir,  leur  zèle  et  leur  fidélité  à  gouverner  avec 
énergie  les  peuples  qui  leur  sont  confiés,  de  contenir  et  châtier  les  cou- 
pables et  de  protéger  les  pauvres  et  les  riches. 

Celui  d'entre  eux,  qui  s'écarterait  de  ses  devoirs,  ou  qui  se  permettrait 
la  moindre  négligence  h.  les  accomplir,  attirerait  sur  lui  les  réprimandes 
les  plus  sévères. 

Non-seulement  je  me  fais  rendre  compte  de  tout  ce  qui  concerne  les 
pays  soumis  à  ma  domination,  comme  si  j'étais  moi-même  présent  h  ce 
qui  se  passe,  mais  même  j'expédie  en  secret,  sur  les  lieux,  des  hommes  de 
ma  plus  intime  confiance. 

Depuis  mon  avènement  au  trône  du  califat,  je  me  suis  attaché  person- 
nellement à  instituer  d'une  manière  nouvelle  les  anciens  corps  de  trou- 
pes, ainsi  que  le  reste  de  l'armée. 

Je  les  fais  exercer  au  maniement  des  armes,  instruire  dans  la  tactique 
et  discipline,  en  sorte  que  l'accroissement  de  l'état  militaire  de  mon 
empire  ajoute  une  nouvelle  force  à  celle  qu'il  avait  déjà.  Je  ne  néglige 
aucuns  des  détails  relatifs  à  l'armement,  l'approvisionnement  et  le  recru- 
tement progressif  des  troupes,  k  la  construction  des  casernes,  non-seule- 
ment dans  le  lieu  de  ma  résidence  impériale,  mais  encore  au  dehors,  enfin 
à  la  nomination  des  généraux  et  des  officiers. 

Je  m'en  rapporte  au  récit  des  personnes  instruites,  pour  vous  informer 
jusqu'à  quel  point  ma  sollicitude  s'étend  sur  tous  ces  objets. 

Chaque  corps  de  troupes  ayant  des  jours  fixés  par  moi  pour  manœu- 
vrer, je  leur  inspire  une  noble  émulation  en  leur  faisant  faire  l'ex^ircice 
'd  feu,  en  ma  présence  impériale. 

Toutes  ces  dispositions  ont  été  prises  en  très-peu  de  temps  ;  en  un  mot, 
en  considérant  tous  mes  efforts  pour  affermir  ma  puissance  sur  terre  et 
sur  mer,  je  vois  avec  plaisir  que  tous  les  conseils  que  vous  me  donnez 
se  trouvent  parfaitement  conformes  à  mes  intentions. 

La  présente  lettre  amicale  vous  a  été  écrite  particulièrement,  de  pure 
amitié,  et  non  d'oflîce,  pour  vous  témoigner  mon  extrême  satisfaction  sur 
cette  conformité  de  sentiments,  pour  vous  faire  savoir  que  mon  désir  le 
plus  grand  est  de  voir  se  consolider  les  liens  d'amitié  sincère  et  d'heu- 
reuse harmonie  qui  subsistent  entre  nous,  pour  vous  dire  que  le  langage 
et  les  procédés  pleins  de  franchise  de  Séid-Huled-elendy,  mon  umbasia- 


260  APPENDICE 

dour  à  Paris  (ayant  rang  de  Bacli-Muhassebé)   doivent  être  garants  de 
l'arcroissement  journalier  de  mes  senlimenis  pour  vous. 

En  recevant  cette  lettre,  vous  ne  devez  point  douter  qu'en  même  temps 
que  vous  travaillez  h  effectuer  et  h  affermir  les  bases  de  la  paix,  de  noire 
côié,  nous  mettrons  tous  nos  soins  pour  ce  qui  peut  contribuer  à  la  ren- 
dre durable. 

{M.  Traduction  officielle.) 

IJI.  —  Dépêche  de  ranibassadeni*  Brnnc  an  premier  consul  Bona- 
parte, en  date  du  S  3  mai  1804  (11  sàfer  1319). 

RÉPUBLIQUE    FRANÇAISE 

Constantiiiople  le  2  prairial  an  12. 

N»  19.         Le  général  Brune,  conseiller  d'Etat,  ambassadeur  de  la  République  fran- 
çaise près  la  Sublime-Forte  au  premier  consul  Bonaparte. 

Citoyen  premier  consul, 

Vous  trouverez  ci-joint  n"  1  le  procès-verbal  de  l'audience  qui  a  eu 
lieu  pour  la  présentation  du  citoyen  Jaubert  et  la  remise  de  votre  lettre 
au  sultan  Selim.  La  réponse  de  ce  prince,  qui  a  été  confiée  au  citoyen 
Jaubert  par  le  grand-vésir,  est  en  grande  partie  l'ouvrage  des  ministres  : 
aussi  est-elle  pleine  d'assertions  fausses  et  contradictoires,  comme  vous 
pourrez  en  juger  par  mon  office  au  vésir  et  par  le  firman  général  publié 
en  conséquence  de  celte  affaire.  (Le  ministre  des  relations  extérieures 
vous  aura  sans  doute  donné  connaissance  de  ces  pièces  ;  elles  sont  jointes 
sous  n°'  2  et  3.)  Mais  en  même  temps  que  vous  verrez  dans  cette  réponse 
les  tristes  preuves  de  la  sécurité  dans  laquelle  le  Grand-Seigneur  est 
entretenu  par  son  ministère,  je  présume  que  vous  aimerez  le  détiil  qu'il 
vous  fait  de  ses  efforts  pour  la  formation  d'une  armée  légulière.  Cette 
espèce  de  compte  qu'il  vous  rend  est  un  témoignage  de  son  attachement 
personnel  à  la  France  et  de  l'estime  qu'il  a  pour  Bonaparte.  Nous  avons 
k  présent  la  certitude  que  la  vérité,  quelles  que  soient  les  interprétations 
des  ministres,  lui  est  parvenue  et  qu'il  l'a  entendue  de  vous,  et,  au  fond, 
il  ne  pouvait  guère,  sans  quelque  confusion,  avouer  cet  exposé  franc  et 
simple  que  vous  lui  présentez  avec  énergie,  m  lis  dans  le  langage  de  l'a- 
inilié.  Vous  lui  avez  montré  les  plaies  de  l'em|)ire,  vous  lui  avez  indiqué 
les  remèdes:  s'il  nie  les  maux,  il  y  a  peut-être  autant  de  vanité  souve- 
raine que  d'ignorance;  nous  pouvons  toujours  espérer  que  les  remèdes 
ne  seront  pas  entièrement  négligés. 

J'ai  été  un  peu  ir.quiel  ?ur  les  confidences  qu'on  aurait  pu  faire  aux 
Husses;  mais  en  relisant  votre  leilre,  j'y  découvre  une  réserve  si  belle  et 


Al>l'KM)ICI':  261 

une  hauteur  politique  si  bien  conservée  que  je  ne  présume  guère  qu'on  se 
soit  permis  une  telle  làchelé  sans  but  utile. 

Le  divan  paraît  éprouver  une  agitation  à  laquelle  votre  lettre  doit  avoir 
beaucoup  contribué.  Le  ministère  a  voulu  se  resserrer,  s'unir  davantage  : 
il  y  a  eu  des  visites  secrètes,  des  repas  chez  Jussuf-Aga,  kiaya  de  la  sul- 
tann-nière.  On  a  répandu  que  le  vésir  demandait  sa  démission.  Le  réis- 
ofcndi  montre  depuis  trois  jours  une  j)hysiono:»jie  inquiète.  Ibrahim- 
cfcndi,  kiaya-bey  ou  ministre  de  l'intérieur,  notre  ancien  ami,  a  vu  deux 
l'ois  le  sultan  et  s'est  deux  fois  entretenu  avec  lui.  Les  Mouromi^  qui  alTec- 
taient  une  politesse  de  dérision,  sont  aujourd'hui  d'une  politesse  souple, 
presque  basse. 

L'ambassadeur  Halet-efendi  a  expédié,  etc. 

(Signé)  Brune. 
(M.  Original.) 

annexe  IV°  1. 

Le  citoyen  Jaubert,  premier  secrétaire-interprète  du  gouvernement, 
chargé  de  remettre  une  dépêche  du  premier  consul  au  Grand-Seigneur, 
étant  anivé  à  Constnnlinople  le  samedi  1"  floréal,  an  12,  le  général  Brune 
r.ml)assadeur  de  la  république  près  la  Sul)lime-Porte,  fit  aussitôt  demander 
par  le  réis-efendi  une  audience  qui  fut  fixée  par  S.  IL  au  samedi  sui- 
vant. L'ambassadeur  reçut  l'invitation  suivante  du  prince  drogman  de  la 
Poi  le  : 

Monsieur  l'ambassadeur,  S.  E.  le  réis-efendy  rae  charge  de  vous 
écrire  que  Sallautesse,  notre  très-gracieux  souverain  et  maître,  désire  que 
vous  veuillez  bien  venir  avec  rotficier  qui  vient  d'arriver,  pour  présenter 
à  Sa  Hautesse  la  lettre  amicale  dont  ledit  officier  est  chargé  de  la  pirt  du 
premier  consul. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  la  plus  haute  considération, 
Monsieur  l'ambassadeur, 
De  Votre  Excellence 

Le  très-humble  et  très-obéissant  serviteur 

(Signé)  Charles  de  Callimachy. 

En  conséquence,  le  samedi  huit  floréal,  à  midi  et  demi,  l'ambassadeur 
et  le  citoyen  Jaubert  se  rendirent  à  la  pointe  du  sérail,  accompagnés  du 
citoyen  Francliini,  premier  drogman  de  la  légation  française.  Le  prince 
Callimachy  arrivait  dans  le  même  moment,  et  un  officier  du  palais  atten- 
dait le  géiéral-ambassadeur  et  le  citoyen  Jaubert  à  la  porte  des  jardins.  Us 
furent  imniéiliateraent  introduits  par  le  seliktar-aga,  et  le  bach  tchohadar 
dans  un  kiosk  où  se  trouvait  déjà  le  souverain. 


262  APPENDICE 

Ce  prince  était  assis  sur  un  sopha,  le  grand  vésir  était  debout  k  sa  droite, 
ainsi  que  le  hisler-aga,  le  seliklar-aga,  le  kliasnadar-aga,  le  bacli-lchoka- 
dar,  et  d'autres  grands  officiers. 

L'ambassadeur,  le  citoyen  Jaubert  et  le  citoyen  Franchini  étaient  h.  la 
distance  accoutumée,  en  face  du  sultan,  qui  les  invita  h  deux  reprises  de 
se  rapprocher  de  lui. 

L'ambassadeur,  s'adressantk  Sa  Hautesse,  s'exprima  en  ces  termes  : 
«Glorieux  et  invincible  empereur, 

((  J'ai  l'honneur  de  présenter  à  Votre  Hautesse  un  officier  français  dis- 
tingué par  son  grade,  sa  science  et  sa  fidélité  ;  le  citoyen  Jaubert  est 
chargé  de  remettre  k  V.  H.  une  lettre  du  grand  et  magnanime  Bonaparte, 
premier  consul  de  la  République  française,  votre  véritable  ami. 

((  Je  me  trouverais  heureux  d'avoir  de  plus  fréquentes  occasions  de  renou- 
veler de  vive  voix  à  V.  H.  l'expression  des  sentiments  de  vénération  dont 
je  suis  pénétré  pour  sa  personne  sacrée.  Je  prie  le  Tout-Puissant  qu'il  donne 
à  son  règne  toute  la  gloire  et  la  longue  durée  que  méritent  ses  vertus.  » 

Ces  paroles  furent  fidèlement  interprêtées  par  le  drograan  de  la  Porte. 
Aussitôt  le  sulta  nfit  répondre  par  son  grand-vésir  ce  qui  suit  : 

((  Sa  Hautesse  voyant  dans  cette  expédition  un  témoignage  d'amitié  de  la 
part  du  très-magnifique  Bonaparte,  premier  consul  de  la  République 
française,  en  a  éprouvé  le  plus  grand  plaisir.  L'attention  et  les  effurts  de 
S.  H.  sont  portés  de  la  manière  la  plus  efficace  à  tout  ce  qui  peut  conso- 
lider les  liens  d'amitié  et  de  bonne  intelligence  entre  la  Sublime-Porte  et 
la  République  française.  S.  H.  ne  doute  pas  que  le  premier  consul  ne 
soit  animé  des  mêmes  sentiments  envers  elle.  » 

Alors  le  citoyen  Jauberl  adressa,  en  turc,  ces  mots  au  Grand-Seigneur  : 

((  Le  premier  consul  Bonaparte  en  faisant  remettre  directement  cette 
lettre  à  S.  H.  a  désiré  qu'aucune  autre  personne  qu'Elle  n'en  prît  con- 
naissynce.  ))*■ 

Le  Grand-Seigneur  répondit  par  le  mot  affirmatif  O/sjm,  c'est- ci-dire 
que  cela  soit.  La  lettre  du  premier  consul  fut  aussitôt  remise  par  le  ci- 
toyen Jaubert  à  S.  H.,  qui  demanda  ensuite  au  général-ambassadeur  des 
nouvelles  du  premier  consul. 

L'ambassadeur  répondit  en  ces  termes  :  a  Le  premier  consul  se  porte 
bien,  et  il  fait  des  vœux  pour  votre  prospérité.  Votre  Hautesse  n'a  point 
de  meilleur  ami  que  lui.  Il  est  agréable  pour  moi  d'être  auprès  d'Elle 
l'organe  de  ses  sentiments,  et  d'avoir  pu  lui  exprimer  ce  que  j'éprouve 
pour  sa  personne.  » 

Le  Grand- Seigneur  dit  :  «  Bonaparte  est  mon  ami.  Je  vois  avec  plaisir 
l'antique  amitié  qui  unit  la  France  à  l'empire  ottoman  s'aiïermir  tous  les 
jours  davantage.  Je  désire  que  rien  ne  soit  négligé  pour  le  maintien 
d'une  bonne  harmonie  entre  les  deux  États.  » 


APPENDICE  •  2  Go 

S.  H.  demanda  ensuite  si  la  lellre  était  traduite. 

Le  citoyen  Jaubert  répondit  qu'elle  l'était. 

S.  H.  reprit  alors  la  parole  pour  témoigner  en  particulier  au  général 
Brune  la  satisfaction  qu'il  éprouvait  du  choix  que  le  premier  consul  avait 
fait  de  sa  personne  pour  résider  auprès  de  la  Sublime-Porte. 

Elle  donna,  en  mènie  temps,  des  ordres  pour  qu'on  fît  voira  l'ambassa- 
deur et  au  citoyen  Jaubert  les  jardins  du  sérail;  elle  se  relira  accompagné 
du  grand-vézir,  après  avoir  mis  la  lettre  du  prem.ier  consul  dans  son  sein. 

L'ambassadeur  et  le  citoyen  Jaubert  descendirent  dans  le  salon  d'été, 
avec  le  kisler-aga,  le  seliklar-aga  et  le  khasnadar-aga. 

Après  les  cérémonies  et  les  politesses  d'usage  dans  l'Orient,  ils  parcou- 
rurent ensemble  les  jardins  où  ils  rencontrèrent  le  grand-vézir  qui  les 
ramena  dans  le  salon  d'été,  et  voulut  obligeamment  qu'ils  prissent  avec 
lui  le  café,  le  sherbet  et  les  parfums. 

Dans  tous  ses  discours  Son  Altesse  manifesta  des  sentiments  conformes 
à  ceux  exprimés  par  son  souverain. 

L'ambassadeur  ayant  pris  congé  fut  reconduit  par  les  mêmes  officiers 
qui  l'avaient  accompagné. 

Quelques  jours  après  Son  Altesse  le  grand-vézir  fit  prévenir  le  citoyen 
Jaubert  qu'il  le  recevrait  au  palais  de  la  Sublime-Porte  le  samedi,  22  flo- 
réal, et  qu'il  lui  remeltrait  la  réponse  de  son  souverain  à  la  lettre  du  pre- 
mitfr  consul. 

En  conséquence,  le  citoyen  Jaubert,  accompagné  du  citoyen  Franchini, 
premier  drogman  de  France,  se  rendit  ce  jour  à  cette  invitation.  Il  fut 
introduit  par  Gallimachy  dans  les  appartements  du  grand-vézir  qui  l'ac- 
cueillit avec  les  plus  grands  égards,  lui  témoigna  dans  sa  conversation 
combien  il  avait  de  vénération  et  d'attachement  pour  le  premier  consul, 
et  tirant  de  son  sein  la  lettre  du  sultan,  son  maître,  après  en  avoir  baisé 
le  sceau,  la  confia  au  citoyen  Jaubert,  et  lui  dit  que  S.  H.  l'avait  scellée 
de  sa  main,  et  désirait  qu'il  la  remit  immédiatement  au  premier  consul. 

Le  grand-vézir,  en  même  temps,  donna  au  citoyen  Jaubert,  de  la  part 
de  S.  H.,  et  comme  gage  de  satisfaction,  une  tabatière  enrichie  de 
brillants. 

Après  avoir  pris  congé  du  Grand-Seigneur,  le  citoyen  Jaubert  se  rendit 
chez  le  réis-efendi  et  ensuite  chez  le  kiaya-bey  ;  ces  deux  ministres  l'ac- 
cueillirent avec  distinction.  Le  capitan-pacha  le  reçut  également  d'une 
manière  distinguée  et  lui  fit  voir  le  port  et  l'arsenal. 

Tous  les  officiers  et  agents  de  la  Sublime-Porte  ont  témoigné  dans  cette 
circonstance  des  sentiments  parfaitement  conformes  à  ceux  que  leur  sou- 
verain manifeste  hautement  envers  le  gouvernement  français. 

Pour  copie  conforme.  i^i(jné)  Brune. 

{JE.  Copie  authentique.) 


26 1  APPENDICE 

Annexe  1\'"  Z. 

Le  soussigné  ambassadeur  de  la  république  française  près  la  Sublime- 
ve.uôsean  iii,  poj-te  a  l'iionneur  d'adresser  sous  la  forme  d'office  à  S.  A.  le  graiid-vézir, 
—  le  résumé  suivant  des  observations  et  des  demandes  qui  ont  fait  la  matière 

de  la  conférence  du  jeudi,  17  de  ce  mois. 

L'état  actuel  de  nos  relations  politiques  et  commerciales  dans  l'empire 
ottoman  se  trouve  tellement  en  opposition  avec  les  intérêts  de  cet  empire, 
avec  les  sentiments  communs  du  glorieux  sultan  Séliiii  et  les  assurances 
données  en  son  nom  par  V.  A,,  que  j'ai  pu  présumer  que  vous  n'en  étiez 
pas  suffisaraent  informé.  J'ai  voulu  le  faire  connaître  à  V.  A.,  et  j'avoue  que 
les  difficultés  opposées  à  celte  entrevue  n'ont  fait  que  me  convaincre  de 
plus  en  plus  de  la  nécessité  de  ma  démarche. 

Que  fait-on  ?  —  L'on  arme  avec  éclat,  tous  les  arsenaux  sont  en  mou- 
vement, on  presse  les  levées  d'hommes  de  toutes  parts  et  toute  cette  agi- 
talion  guerrière  se  dirige,  dans  l'opinion,  contre  la  France,  on  le  dit 
hautement.  Vos  officiers,  vos  soldats,  vos  magistrats,  vos  peuples  endam- 
niés  par  cette  idée,  oublient  leurs  devoirs,  crient  h  la  trahison  ;  dans  un 
grand  nombre  d'échelles,  les  Français  sont  insultés,  raallrailés,  pillés. 
—  Nos  commissaires  outragés,  détenus  ou  forcés  de  quitter  leurs  postes. 
Ne  semble-t-il  pas  qu'on  veuille  amener  les  choses  k  ce  point  que  la 
France,  excédée  par  les  outrages  et  par  le  déni  de  justice,  se  trouve  réduite 
à  rompre  elle-même?  —  Certes,  l'on  parviendrait  ain.si  à  donner  de  la 
réalité  à  la  plus  absurde  calomnie,  car  celle  calomnie  a  déjà  des  effets  qui 
peuvent  produire  le  plus  juste  ressentiment. 

J'avais  prévu,  il  y  a  plusieurs  mois,  et  j'ai  fait  observer  à  plusieurs 
re[,rises,  l'enlraînement  d'un  tel  étal  de  choses.  —  V.  A.  peut  s'en 
convaincre  par  le  protocole  des  conféi*ences  que  j'ai  eues  avec  le  réis- 
cfendy.  —  Elle  verra  avec  quelle  loyauté  j'ai  combatlu  par  le  bon  sens, 
par  Jiotre  propre  intérêt,  par  des  preuves  officielles  eiifin,  cette  préten- 
due invasion  des  Français,  ap|)uyée  sur  un  mensonge  et  sur  un  fuit. 
savoir,  un  débarquement  d'armes  k  Maynaet  un  rassemblement  bi-Mi  natu- 
rel de  nos  troupes  dans  le  royaume  de  Naples.  —  Il  est  inconcevable  que 
dans  ces  circonstances  l'opinion  ne  se  soit  pas  tournée  contre  les  Anglais 
qui  par  Malle  et  par  leurs  escadres  peuvent  ravir  ou  troubler  plusieurs 
contrées  de  cet  empire.  —  Je  dois  rendre  justice  au  ministère  de  la 
Sublime-Porte.  —  Il  n'a  pas  cessé  de  me  montrer  une  pleine  cor.fiance  et 
de  me  dire  qu'il  ne  doutait  pas  de  la  fausseté  des  bruits  répandus,  mais 
les  événements  de  chaque  juur  viennent  contredire  tellement  ces  protes- 
tations d'amitié,  qu'il  m'est  impossible  de  ne  |)as  penser  que  dans  quelque 
pli  de  rautorité  se  trouve  caché  quelque  dessein  formel  de  nous  donner 
du  mécontentement. 


AIM'Ei\l)[CE  '265 

Je  pourrais  affliger  V.  A.  par  lo  délai!  de  toutes  les  vexations  que  l'on 
s'est  permises.  —  J'ai  réclamé  contre  les  unes  sans  obtenir  justice, 
d'autres  plus  récentes  seront  incessamment  exposée  dans  des  notes 
spéciales. 

A  Coron  le  commissaire  français  ne  peut  sortir  sans  être  insulté. 

A  Pdtras,  la  cocarde  nationale  a  été  arrachée  h  un  citoyi-n  français. 

—  A  Naples  de  Bomanie,  le  drapeau  français  a  été  criblé  de  balles,  le 
commissaire  a  pu  se  dérober  aux  poursuites  des  forcenés  qui  en  voulaient 
à  sa  vie,  il  est  à  Gonstanlinople  :  déjà  son  prédécesseur  s'était  retiré  par 
crainte  et  j'en  avais  prévenu  le  réis-efendy. 

Le  Vûïvode  d'' Athènes  viole  les  habilalions  et  les  propriétés  de  nos 
commerçants,  il  se  répand  en  injures  contre  la  France  et  son  commissaire; 
le  citoyen  Froment  Champ-la-Garde,  destiné  pour  le  commissariat  de 
Candie,  était  resté  malade  ii  la  6rtr/ee,  les  agas  de  cette  ville  l'ont  forcé 
d'en  sortir  (il  est  à  Smyrne).  —  Ces  mêmes  agas  se  comportent  envers  le 
citoyen  Roussel  de  manière  k  lui  interdire  tout  exercice  de  ses  fondions. 

—  Il  y  a  près  de  six  mois  que  le  commissaire  aux  Dardanelles,  dont  la 
vie  est  menacée  par  llademzadé,  attend  l'effet  de  mes  sollicitations  et  des 
promesses  du  ministère  pour  retourner  à  son  poste,  celui  (VBéraclée  est 
aussi  à  Cunstanlinople,  il  a  été  oulragé  par  l'aga  de  cette  ville.  Je  ne 
rappelle  point  h  V.  A.  les  attentats  qui  ont  eu  lieu  à  Alexandrie,  ils 
sont  communs  h  presque  toush^s  agents  des  [)uissances  européennes,  mais 
je  lui  dirai  que  les  Anglais  viennent  d'insulter  à  la  neutralité  de  cet 
empire. 

Un  brick  de  guerre  de  cette  nation  s'est  emparé  d'un  navire  français, 
mouillé  dans  le  port  de  .]Jilo,  ayant  ses  amarres  h  terre;  cette  conduite  est 
d'ailleurs  conséquente  aux  intrigues  qui  viennent  de  replonger  l'Egypte 
(lacs  de  nouvelles  discussions_,  intrigues  sur  lesquelles  j'avais  fait  des 
observations  et  des  ouvertures  amicales  à  S.  E.  le  réis-efendy.  Ji;  dirai 
à  V.  A.  qu'au  mépris  des  firmans  du  Grand  Seigneur,  plusieurs  Fran- 
çais gémissent  encore  esclaves  dans  plusieurs  parties  de  la  Natolie  et  de 
la  R(unélie,  que  sous  de  frivoles  prétextes  l'on  persiste  k  refuser  des 
bérats  pour  les  commissaires  de  Rosette  et  de  Varna,  que  l'on  garde  un 
absolu  silence  sur  la  restitution  des  dépôts  appartenant  h  la  chancellerie 
de  France.  —  Je  lui  dirai  enfin  que  presque  partout  les  douaniers  vexent 
le  commerce  français  par  des  séquestres,  des  avanies  ou  des  taxations 
absoUimeiit  contraires  h  l'usage  et  aux  capitulations.  —  Celui  de  Gonstan- 
linople donnait,  i!  y  a  peu  de  jours,  avec  aiïeclaiion,  en  présence  de  nos 
drcgraans,  ses  ordres  pour  le  transport  des  objets  nécessaires  h  la  pré- 
tendue déi'ense  de  laMorée. 

Il  répondait  h  nos  réclamations  que  leurs  marchandises  auraient  le 
même  sort  que  celles  séquestrées  avant  la  paix,  et  qu'il  se  donnerait  le 


'266  APPENDICE 

plaisir  de  les  mettre  à  l'enchère.   —  Cette  conduite  d'un  agent  de  h 
Sublime-Porte  à  Constanlinople  n'est-elle  pas,  sans  parler  d'injustice  ni 
d'inconvenance,  parfaitement  propre  à  ratTerrair  le  peuple  dans  l'idée 
d'une  agression  de  la  part  des  Français? 

J'ai  parcouru  avec  chagrin  cette  longue  énuraération  de  griefs  tous  plus 
ou  moins  injurieux,  presque  tous  opposés  aux  démonetrations  du  ministère, 
et  contraires  surtout  aux  sentiments  de  S.  H.  le  glorieux  sultan  Selim, 
comme  h.  ceux  de  V.  A.  —  Gomment  donc  est-on  parvenu  à  jeter  la 
Sublimi^Porte  dans  des  voies  si  extraordinaires?  — Il  faut  bien  l'avouer; 
c'est  à  l'aide  d'extraits  de  libelles  et  de  gazettes  que  l'on  calomnie  le 
gouvernement  français,  que  l'on  inspire  de  fausses  alarmes,  que  l'on  sug- 
gère de  perfides  conjectures,  c'est  avec  ces  armes  honteuses  que  l'on 
s'essaye  sur  le  sort  d'un  grand  empire.  — Sans  cesse  on  renouvelle  la 
mémoire  de  cette  guerre  dernière  dont  un  serment  d'amitié  mutuelle  a 
consacré  l'oubli.  —  Sans  cesse  l'on  alTecte  de  confondre  le  premier  con- 
sul avec  le  général  Bonaparte.  —  Gomme  général,  ce  grand  homme  dont 
la  France  et  l'Europe  s'honorent,  obéissait  alors  au  gouvernement  alors 
établi  dans  notre  patrie.  —  Aujourd'hui  il  est  chef  de  mon  gouvernement. 

—  Il  n'obéit  qu'aux  lois,  qu'à  l'impulsion  de  la  raison  et  de  la  gloire 
nationale.  —  Il  dirige  aujourd'hui  les  rapports  de  la  France  avec  les  puis- 
sances étrangères  ;  autrefois  il  était  dominé  par  l'instabilité  de  ces  rap- 
ports. —  Gomme  général,  il  n'avait  que  la  responsabilité  des  batailles,  et 
quel    guerrier  peut  se  vanter    d'une    aussi  riche  moisson  de  gloire? 

—  Comme  premier  consul,  il  se  charge  encore  de  la  responsabilité,  des 
motifs,  et  quelle  guerre  est  plus  légitime  que  celle  qu'il  soutient,  forcé  par 
la  violation  des  traités  et  par  l'agression  ? 

Ainsi  la  Sublime-Porle  s'estvue  tourmentéeparlespréjugésdu  passé,  par 
les  mensonges  du  présent  et  par  des  alarmes  sur  l'avenir;  on  a  trouvé 
qu'il  serait  brillant  en  politique  de  faire  rompre  par  elle-même  le  traité  de 
paix  récemment  conclu,  traité  qui  otTre  h  l'empire  ottoman  des  avantages 
dont  le  temps  doit  faire  de  plus  en  plus  ressortir  l'importance.  —  Il 
est  inutile  que  je  parle  ici  de  la  force  de  mon  gouvernement,  de  ses 
ressources  politiques  et  militaires,  il  me  suffit  d'énoncer  qu'une  provo- 
cation amènerait  les  conséquences  les  plus  fâcheuses. 

Pour  jeter  plus  de  clarté  encore  sur  la  nature  des  procédés  actuels  envers  la 
France,  je  crois  pouvoir  entretenir  un  instant  V.  A.  de  ce  qui  m'est  person- 
nel. Le  choix  que  le  premier  consul  a  fait  de  ma  personne  pour  résider  h 
Constantinople  m'avait  donné  une  vraie  salisfaclioii ,  non  que  j'eusse  des 
titres  ou  du  goût  pour  un  emploi  dans  la  diplomatie  ;  mais  parce  que 
j'aviiis  ciu  n'avoir  à  suivre  que  des  rapports  de  bonne  amitié,  et  que  la 
franchise  d'un  soldat,  un  peu  illustré  sur  les  champs  de  batailles,  suffisait 
jjour  représenter  et  la  dignité  et  la  loyauté  de  la  république  française. 


APPENDICE  '267 

—  Toutes  mes  démarches  ont  été  une  suite  de  celte  persuasion.  —  Les 
ministres  de  la  Sublime-Porte  peuvent  me  rendre  le  témoignage  que 
jamais  je  ne  les  ai  tracassés  par  des  suggestions,  que  je  me  suis  scrupu- 
leusement abstenu  de  tout  ce  qui  a  l'air  intrigue,  et  môme  de  toutes  deman- 
des qui  auraient  pu  êlre  considérées  comme  faveurs  particulières.  Je  me 
sentis  ami  véritable  des  Ottomans,  mes  observations  ont  toujours  eu  pour 
but  la  gloire  et  la  puissance  du  sultan  Sélim.  Toutes  les  occasions  de 
maintenir  la  bonne  harmonie,  je  les  ai  recherchées.  Toutes  les  mauvaises 
préventions  que  je  voyais  germer,  je  les  ai  attaquées  par  la  raison,  à 
chaque  grief,  j'ai  éclairé  la  Sublime-Porle  par  des  notes  exactes  sur  les 
faits  et  sur  nos  droits.  Le  déni  de  justice  aurait  pu  me  déconcerter  et  j'aurais 
pu  me  demander  avec  quelqu'impatience  qu'elle  était  donc  celte  force 
qui,  n'osant  montrer  ses  livrées  ennemies,  vous  jetlait  en  avant  comme 
les  enfants  perdus  de  son  ambition  ou  de  sa  haine.  —  Je  suis  au  con- 
traire resté  caime,  je  me  suis  obstiné  ci  bien  espérer  de  la  sagesse  de  vos 
derniers  conseils. 

J'avais  promis  de  donner  au  sullan  Sélim  une  preuve  de  ma  vénération 
et  de  mon  attachement  respecluenx  pour  son  auguste  personne,  en  solli- 
citant de  mon  gouvernement  des  instructions  et  des  pouvoirs  sur  des  objets 
que  S.  E.  le  réis-efendy  m'avait  dit  intéresser  particulièrement  Sa  Hau- 
tesse  ;  ces  objets  élant  relatifs  h  la  prospérité  du  commenîe  des  deux 
empires,  appellaient  par  leur  importance  des  formes  lentes  de  discussion. 
Le  premier  consul,  pour  donner  au  sultan  Sélim  une  preuve  de  ses  sen- 
timents d'amitié,  a  fait  hâter  le  travail  et  m'a  honoré  de  pleins  pouvoirs. 
Mais  quelle  convenance  y  aurait-il  d'enlàraer  une  telle  négociation  au 
milieu  d'apparences  hostiles?  —  J'ai  expédié  un  courrier  extraordinaire 
pour  informer  mon  gouvernement  de  l'état  des  choses,  et  le  prévenir 
que,  plein  de  confianee  dans  votre  sagesse  et  votre  loyauté,  je  demande- 
rais à  V.  A.  une  entrevue  pour  dissiper  tous  les  embarras  et  réparer 
tous  les  maux  qui  ont  résulté  des  conjectures  actuelles.  —  Ce  de- 
voir est  rempli.  J'ai  exposé  brièvement  et  fidèlement  h  V.  A.  l'é- 
tat de  nos  rapports;  je  la  prie  d'en  faire  part  au  vertueux  et  ma- 
gnanime sullan  Sélim,  en  assurant  Sa  Haulesse  que  personne  ne  désire 
plus  sincèrement  que  moi  la  prospérité  et  la  longue  durée  de  son  règne 
glorieux.  —  Il  m'est  inutile,  je  crois,  de  réclamer  ici  toutes  les  mesures 
de  détail  que  j'attends  du  travail  que  voudra  bien  faire  S.  E.  le  réis- 
efcndy  sur  mes  divers  ofïices.  Je  me  borne  h  demander  à  votre  V.  A. 
deux  firmans  généraux  dont  elle  sentira  la  nécessité  et  l'urgencç.  —  L'un, 
qui  proclame  dans  tout  l'empire  la  fausseté  des  bruits  sur  la  direction  des 
préparatifs  de  guerre  contre  la  France  et  la  continuation  d'une  amitié 
sincère  et  sans  nuage  entre  les  deux  Étals;  l'autre,  qui  fasse  sortir  des 
douanes  nos  marchandises  injustement  séquestrées  et  y  rétablisse  le  res- 
pect dû  aux  traités  et  aux  capitulations  impériales. 


28  ventôse  an  12. 


268  APPENDICE 

Ces  deux  mesures  sont  indispensablos  et  dans  les  règles  de  la  justice  la 
plus  ordinaire,  car  elles  ne  tendent  qu'à  la  sûreté  des  personnes  et  des 
propriétés  des  Français  en  Levant,  et  feront  ressortir  principalement  la 
bonne  liariuonie  qui  doit  exister  entre  la  France  et  l'empire  de  Sa  Hau- 
tesse. 

Le  soussigné  ambassadeur  de  la  république  franc  lise,  en  adressant  ce 
résumé  h  S.  A.  le  grand -vésir,  le  prie  d'agréer  l'expression  des 
sentiments  de  sa  plus  haute  considération,  et  les  vœux  qu'il  fait  pour  son 
bonheur  personnel,  ainsi  que  pour  la  prospérité  des  états  ottomans, 

{JE.  Copie  officielle.) 
Annexe  K"  3. 

Traduction  d'un  commandement  impérial  adressé  à  tous  les  juges  et  subs- 
tituts de  juges,  commandants,  notables  et  autres  autorités  constituées 
dans  las  divers  districts  situés  sur  la  côte  d'Asie  de  la  Méditerranée 
dans  toute  son  étendve. 

(En  caractère  rouge.) 

Extrait  en  conformité  de  Tordre   donné  de  vive   voix, 
après  les  titres  usités. 

En  conséquence  de  la  paix  conclue  en  dernier  lieu  entre  ma  Sublime- 
Porte  et  la  république  française,  l'observance  des  conditions  stipulées 
par  elles  devant  êlre  scrupuleusement  préservée  de  toute  espèce  d'altéra- 
tion, et  tous  les  moyens  employés  à  resserrer  les  liens  qui  les  unissent. 

Les  négociants  et  navigateurs  français  qui  vont  et  viennent  pour  leur 
commerce  diins  mes  états  bien  gardés,  devant  jouir  de  toute  protection  et 
défense;  et  l'allération  la  plus  suivie  devant  être  donnée  à  ce  qu'il  n'arrive 
rien  de  contraire  aux  traités  et  capitulations. 

Tous  ces  ordres  étaient  connus;  et  au  moment  même  où  l'on  voyait  croî- 
tre chaque  jour  l'amitié  sincère  qui  règne  entre  les  deux  puissances,  cer- 
tains bruits  mal  fondés,  des  commentaires  imposteurs  et  des  propos  dia- 
métralement opposés  aux  sentiments  qui  se  reportent  véritablement  l'une 
à  l'autre,  s'étant  répandus  et  propagés  partou?,  il  en  a  résulté  que  dans 
quelques  endroits  on  va  en  déployant  envers  les  commissaires,  les  négo- 
ciants et  les  voyageurs  français  des  procédés  de  froideur  qui  contrarient  ii 
la  fois  les  capitulations  et  mes  propres  intentions; 

Ce  qui  étant  revenu  à  mon  ouïe  impériale,  comme  ma  volonté  suprême 
est  que  les  susdites  rumeurs  soient  dissipées  et  détruites,  les  articles  de 
la  paix  convenus  entre  les  deux  puissances  soient  lidèlement  observés, 
et  que  tous  les  devoirs  de  l'amitié  et  de  l'intimité  soient  remplis  h  l'égard 


APPENDICE  269 

des  commissaires,  des  négociants  et  des  voyageurs  français,   le  présent 
ordre  a  été  expressément  et  décisivement  donné  et  envoyé  par 

Lors  donc  qu'il  vous  sera  notoire  que  je  ne  soudVirai  aucune  sorte  de 
mouvements  qui  s'éloigne  tant  soit  peu  des  conditions  de  la  paix  et  de 
l'union  qui  subsistent  entre  les  deux  puissances,  mais  qu'au  contraire 
ma  volonté  absolue  est  que  la  protection  due  aux  commissaires,  négo- 
ciants et  autres  Français  qui  naviguent  pour  leur  commerce,  dans  nos 
États  bien  gardés,  leur  soit  accordée,  et  que  l'on  fasse  défense  et  inhibition 
à  ceux  qui  contre  les  capitulations  osent  faire  circuler  les  bruits  et  les 
faussetés  sus  mentionnées  ; 

Lorstjue  vous  saurez  que  la  bonne  intelligence  et  l'amitié  prennent  de 
moment  en  moment  de  nouveaux  accroissements  entre  ma  Sublime-Porte 
et  la  république  française,  vous  vous  conformerez  à  mon  noble  comman- 
dement en  tenant  la  conduite  tracée  plus  haut. 

Vous  veillerez  à  ce  qu'il  ne  soit  manifesté,  par  qui  que  ce  soit,  la  moindre 
froideur  aux  cummissaires,  négociants  et  autres  voyageurs  français. 

Vous  donnerez  tous  vos  soins  à  leur  protection  et  h  l'entière  exécution 
envers  eux  des  conditions  des  traités  et  des  devoirs  de  l'amitié,  et  vous 
vous  al)sliendrez  de  tout  acte  contraire. 

Donné  h  Constantinople,  la  bien  gardée,  h  la  fin  de  la  lune  de  zilcadé, 
l'an  de  l'hégire  1218.  (C'est  à  dire  le  12  mars  180/,.) 

Traduitpar  moi,  soussigné,  interprète  du  palais  de  la  légation  française 
à  Constantinople,  le  28  ventôse  an  12. 

[Même  firman  pour  les  autorités  constituées  de  la  Bomélie,  de  la  Morée 
et  de  V Albanie). 

(Signé)  Antoine  Franxhini. 

Pour  copie  conforme 

(Siyné)  Brune. 
[M  Copie  authentique.) 

LUI.  —  Lettre  de  Napoléon  le*"  an  ministre  des  affaires  étrangères, 
en  date  de  ISaint  Clond  le  6  juillet  1804  (36  rébiul-akhir  12I9j. 

Monsieur  Talleyrand,  ministre  des  relations  extérieures,  Jaubert,  'ini 
arrive  de  Constantinople,  apporte  quelques  lettres  de  Champagny  que  j'ai 
ouvertes.  Vous  les  trouverez  ci-jointes.  Il  a  aussi  pour  M.  de  Cobenlzel 
une  lettre  qu'il  lui  portera  demain,  étant  extrêmement  fatigué  aujour- 
d'hui. Le  Grand-Seigneur  m'écrit  une  lettre  d'une  douzaine  de  pages,  qui 
est  une  espèce  de  reddition  de  compte  de  la  situation  de  son  empire. 


270  APPENDICE 

LI¥.  —  Lettre  de  IVapoIéon  I^''   ù   l'ambassadeur  Brnne,  en  date  de 
Pont-de-Briqucs  le  3  7  juillet   1 804  (18  rébiul-akhir   1319). 

Général  Brune,  mon  ambassadeur  à  Constantinople,  je  vous  expédie  le 
présent  courrier  pour  vous  donner  des  instructions  sur  la  conduite  à  tenir 
par  rapport  au  cabinet  russe. 

J'ai  reçu  par  le  ministre  de  la  Porte  près  de  moi  une  nouvelle  lettre  du 
sultan  Selim.  Elle  est  une  réponse  plus  franche  k  la  lettre  que  je  lui  ai 
écrite.  Je  me  réserve  de  lui  écrire  incessamment.  A  celte  occasion,  j'ai 
dit  à  son  ministre  que  la  Porte  se  perdait  par  faiblesse  ;  que  deux  choses 
l'effaceront  du  nombre  des  puissances,  sans  même  l'honneur  du  combat  : 
1°  de  souffrir  et  autoriser  l'établissement  des  Russes  à  Gurfou  et  de  favo- 
riser leur  passage  par  le  détroit  ;  2"  de  permettre  que  les  bâtiments  grecs 
de  l'Archipel  naviguent  sous  pavillon  russe. 

Vous  aurez  tenu  note,  sans  doute,  des  troupes  russes  passées  par  le  dé- 
troit. Je  ne  pense  pas  qu'il  soit  passé  plus  de  /t,000  hommes,  qui,  joints 
aux  1,500  déjà  passés,  font  5  k  6,000  hommes.  Quel  est  le  but  de  celle 
division  ?  11  ne  peut  y  en  avoir  qu'un,  celui  de  s'emparer  de  la  Morée  et  de 
profiter  du  moinentoùje  suis  occupé  de  la  guerre  contre  l'Angleterre,  pour, 
de  concert  avec  l'Autriche,  envahir  la  Turquie  européenne  ;  et  la  Porte 
est  assez  insensée  pour  laisser  ainsi  passer  des  troupes  évidemment  diri- 
gées contre  elle!  Vous  devez  vous  attacher  à  lui  faire  sentir  que  6,000  Rus- 
ses et  quatre  ou  cinq  fois  autant  ne  peuvent  m'inquiéter  en  Italie,  où  j'ai 
100,000  hommes  ;  mais  qu'au  contraire  6,000  Russes  peuvent  être  un 
point  d'ai)pui  pour  soulever  la  Morée,  contenir  les  troupes  de  l'Epire, 
dans  le  temps  oii  la  Russie  menacerait  Constantinople;  que  nous  ne  pou- 
vons pas  assurer  que  ce  parti  soit  pris  par  la  Russie,  mais  que  nécessai- 
rement la  Porte  la  conduira  à  ce  projet,  si  elle  continue  k  permettre 
le  passage  aux  troupes  russes  par  le  détroit;  qu'enfin  rien  n'est  plus 
dangereux  pour  elle  que  de  voir  les  Russes  établis  en  force  à  Corfou; 
que,  pour  ne  point  autoriser  une  pareille  usurpation,  j'ai  retiré  le  chargé 
d'affaires  que  j'avais  à.  Corfou,  et  que  je  ferai  faire  les  représentations  les 
plus  fortes  dès  que  je  pourrai  connyîlre  l'intention  et  les  résolutions  de 
la  Porle  sur  cet  objet. 

Quant  au  pavillon  grec,  le  remède  est  bien  simple  :  c'est  de  ne  point 
laisser  passer  le  détroit  aux  Grecs  sous  pavillon  non  turc,  de  faire  parcourir 
par  quelques  frégates  l'Archipel  pour  empêcher  les  Grecs  de  naviguer  sous 
ce  pavillon.  Si  la  Porte  continue  à  agir  autrement,  toute  la  Grèce  sera 
russe  et  le  Turc  chassé,  sans  pouvoir  môme  soutenir  une  guerre. 

J'ai  rappelé  liédouville  après  l'incartade  de  la  cour  de  Pétersbourg, 
qui  a  eue  l'ineptie  de  porter  le  deuil  du  duc  d'Enghien,  sans  tenir  à  lui  par 
aucune  liaison  de  parenté,  et  sans  qu'aucune  famille  tenant  aux  Bourbons 


APPRINDICli  271 

l'ait  irailée.  Je  n'ai  pu  que  retirer  mon  ambassadeur  de  Pétersbourg;  mais 
je  pense  que  les  choses  ne  peuvent  aller  plus  loin,  et  qu'elles  continueront 
à  rester  dans  cet  état  de  froideur,  vu  que,  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg 
étant  extrêmement  inconséquent,  on  ne  peut  attacher  aucune  foi  à  ses  dé- 
marches, presque  toutes  hasardées. 

11  est  convenable  que  vous  soyez  froid  avec  le  ministre  de  Russie,  et  que 
vous  fassiez,  dans  toutes  les  occasions,  apercevoir  aux  Turcs  que  je  n'en 
veux  pas  aux  Russes,  ni  ne  les  crains.  Vous  pourrez  môme  vous  expliquer 
assez  haut  sur  l'occupation  de  Corfoii  contre  le  traité,  sur  la  conduite 
qu'on  lient  avec  la  Porte,  ainsi  que  sur  les  hostilités  dont  on  use  envers 
la  Perse. 

Notre  situation  avec  l'Angleterre  est  des  plus  favorables.  On  ne  se  res- 
sent point  de  la  guerre  en  France,  en  raison  de  l'oppression  où  elle  tient 
l'Angleterre,  et  j'aiici  autour  de  moi  prèsde  120,001)  hommes  et  3,000  pé- 
niches et  chaloupes  canonnières,  qui  n'attendent  qu'un  vent  favorable 
pour  porter  l'aigle  impériale  sur  la  tour  de  Londres.  Le  temps  et  le  destin 
seuls  savent  ce  qu'il  en  sera. 

Ne  retenez  pas  mon  courrier  plus  de  huit  jours,  et  par  son  retour  fai- 
tes-moi part  exactement  du  nombre  de  troupes  russes  qui  ont  passé  par 
le  détroit,  des  préparatifs  des  Russes  dans  la  mer  Noire,  préparatifs  qu'il 
ne  faut  pas  évaluer  légèrement,  mais  qu'il  faut  approfondir  autant  qu'il 
vous  sera  possible,  enfin  de  la  situation  de  l'empire  ottoman  et  deses  dis- 
positions à  votre  égard. 

L\'.  —  Lettre  de   Kapoléon   I""   an  seerétaîre-interprète  Jauberf,  en 
date  d'Ostende  le  15  août  1804  1^8  djéuiaziul-éwel  1S19). 

Monsieur  Jaubert,  rendez-vous  auprès  de  l'ambassadeur  turc.  Faites-lui 
comprendre  que  la  Russie  veut  entrer  dans  des  opérations  contre  la  Tur- 
quie, et  qu'il  doit  donner  ces  renseignements  chez  lui,  qu'on  doit  s'y  tenir 
en  garde,  et  ne  plus  laisser  passer  de  troupes  russes.  Surveillez  M.  Belle- 
val,  sachez  ce  qu'il  dit  et  la  manière  dont  il  se  présente. 

LVI.     —    Lettre    de    INapoIcon     I"    à    Sclini    III,     en    date    du    30 
janvier  1805  {Z9  uhéwal  1%19J. 

Très-haut,  très-excellent,  très-puissant,  très-magnanime  et  invincible 
prince,  le  grand  empereur  des  Musulmans,  sultan  Sélim,  en  qui  tout 
honneur  et  vertu  abonde,  notre  très-cher  et  parfait  ami.  Dieu  veuille  aug- 
menter ta  grandeur  et  hautesse,  avec  (in  très-heureuse. 

Toi,  descendant  des  grands  Ottomans,  empereur  d'un  des  plus  grands 
empires  du  monde,  as-tu  cessé  de  régner?  Comment  soullVes-tu    que   la 


272  APPENDICE 

Russie  te  donne  (les  lois?  Tu  refuses  de  me  rendre  ce  que  je  te  rends  :  es-tu 
aveuglé  à  ce  point  surles  inlérêts?Si  la  Russie  a  15,('30homines  à  Corfou, 
crois-tu  que  c'est  contre  moi?  Ses  bâtiments  armés  prennent  l'habitude 
de  se  présenlcr  devant  Gonstantinople  :  es-tu  assez  aveugle  pour  ne  pas 
voir  qu'un  jour,  soit  sous  le  prétexte  de  ramener  en  Russie  les  troupes 
qui  sont  à  Corfou,  soil  sous  celui  d'accroître  ses  forces,  une  escadre  et 
une  armée  russes,  favorisées  par  les  Grecs,  envahiront  ta  capitale,  et  ton 
empire  aura  cessé  avec  toi?  Ta  dynastie  descendra  dans  la  nuit  de 
l'oubli.  Le  réis-efendi  te  trahit  ;  la  moitié  du  divan  est  vendue  h  la  Russie. 
La  mort  du  capitan-pacha  t'a  privé  de  ton  meilleur  ami.  Je  l'ai  prévenu 
deux  fois,  jeté  préviens  une  troisième.  Chasse  ton  divan,  puis  ton  réis- 
efendi,  et  règnedansConslanlinople,  ou  tu  le  perds.  Quant  à  moi,  j'ai  voulu 
être  ton  ami.  Si  tu  persistes  à  me  refuser  ce  que  la  France  a  eu  de,  tout 
temps,  le  premier  pas  à  Constanlinople,  si  tu  veux  -rester  servilement 
soumis  h.  tes  ennemis,  je  me  mettrai  aussi  contre  toi;  je  n'ai  jamais  été  un 
ennemi  faible.  Ton  divan  ne  prend  aucune  mesure  pour  rétablir  l'ordre  en 
E3:ypte  et  en  Syrie;  il  laisse  perdre  la  JMecque  et  Médine;  il  insulte  à  tes 
amis  et  se  prosterne  et  caresse  tes  ennemis  de  tous  les  temps.  La  Perse  a 
la  guerre;  elle  est  menacée  par  la  Russie,  et,  loin  de  la  secourir,  le  faible 
divan,  ou  p'.ulôt  les  traîtres  qui  le  mènent,  ne  savent  pas  même  interve- 
nir pour  elle;  ce  n'est  que  contre  moi  qu'ils  ont  du  courage.  Je  l'écris 
donc  à  toi,  tu  es  le  seul  ami  que  la  France  conserve  dans  le  sérail,  si  tou- 
tefois les  hommes  qui  se  sont  emparés  de  toutes  les  issues  de  ton  trône 
permettent  à  ma  lettre  de  l'arriver.  Réveille-loi,  Sélira.  Appelle  au  minis- 
tère tes  amis  ;  chasse  les  traîtres  ;  confie-toi  à  tes  vrais  amis,  la  France 
et  la  Prusse,  ou  iu  perdras  ton  pays,  ta  religion  et  ta  famille.  Tes  vrais 
ennemis  sont  les  Russes,  parce  qu'ils  veulent  régner  sur  la  mer  Noire,  et 
qu'ils  ne  le  peuvent  sans  avoir  Constanlinople;  parce  qu'ils  sont  de  la 
religion  des  Grecs,  qui  est  celle  de  la  moitié  de  tes  sujets.  J'attends  ta 
réponse,  pour  savoir  ce  que  je  dois  penser  et  faire.  Si  tu  ne  gouvernes 
plus,  si  tu  es  loul  à  fait  à  la  disposition  des  ennemis  de  la  France,  je  gé- 
mirai sur  l'aveuglement  et  la  mauvaise  politique  du  plus  ancien  allié  de 
la  France;  mais  je  comprendrai  que  le  destin,  qui  t'a  fait  si  grand,  veut 
détruire  l'empire  des  Suliman,des  Mouslapha,des  Séliui;  car  tout  change 
sur  la  terre,  tout  périt;  Dieu  seul  ne  périra  jamais.  Sur  ce,  je  prie  Dieu 
qu'il  augmente  lesjours  de  Ta  Hautesseel  les  remplisse  de  toutes  prospé- 
rités, avec  un  très-heureuse. 

Ton  très-cher  et  parfait  ami. 

{Signé)  Napoléon. 

En  mou  château  impérial  des  Tuileries,  etc. 


APPENDICE  273 

I^VII.   —    Lrltrc   de    rninhaNsadciir  ottoman  (llalet-ér«>ndi\,    à   IVapo- 
léon  l'S  en  date  du  21  février  1805  (2t   zilcadé   ISl»), 

Sire, 

Le  cléparl  duniaréclifil  Brune  de  Conslnntinople  ayant  donné  lieu  à 
mille  sinistre  conjectures  sur  les  rapports  heurcusen'ent  existants  er.tre 
l'ea^piie  français  et  la  Sublime-Porte,  j'en  ai  éprouvé  la  fâcheuse  consé- 
quence que  les  banquiers  chaigés  de  me  remettre,  en  cette  ville,  les  ap- 
pointements assignés,  par  mon  très-gracieux  maître,  à  la  place  que  j'oc- 
cupe rae  refusent,  dans  ce  moraent-ci,  tout  crédit  à  Paris. 

Réduit  îi  la  pénible  nécessité  de  pourvoir  aux  besoins  indispensables  de 
ma  nombreuse  suite,  à  qui  pourrais-je  m'adresser,  sire,  si  ce  n'est  h  Votre 
Majesté  impériale,  auprès  de  laquelle  j'ai  eu  le  bonheur  d'être  nommé 
ambassadeur  delà  Sublime-Porte,  et  qui  avec  une  bonté  égale  à  ses  au- 
tres éniinentes  qualités  m'a  enhardi  à  recourir  une  autrefois,  dans 
un  cas  pareil,  à  sa  haute  protection  ? 

Si  je  n'y  étais  forcé  par  la  plus  dure  nécessité,  je  n'oserais  pas  cer- 
tainement réclamer  encore  une  fois  le  secours  de  Votre  Majesté. 

Pénétré  de  reconnaissance  par  les  dons  généreux  que  j'ai  reçus  de  Votre 
Majesté,  je  la  supplie  aujourd'hui  de  permettre  seulement  à  son  ministre 
des  relations  extérieures  de  me  faire  l'avance  de  soixante  mille  francs  sur 
une  lettre  de  change  que  je  m'offre  à  lui  remettre,  et  que  le  directeur  de  la 
Monnaie,  à  Constantinople,  acquittera  ponctuellement  sur  la  somme  de 
50,000  piastres  de  mes  appointements  déjà  échus,  et  qui  se  trouvent  entre 
les  mains  de  ce  ministre  de  la  Sublime-Porte. 

Accablé  du  chagrin  que  me  donne  l'apparence  de  refroidissement  mani- 
festé par  le  départ  de  l'ambassadeur  français  de  Constantinople,  je  sens 
encore  plus  vivement,  sire,  le  poids  de  mes  embarras  domestiques,  et  je 
n'aurais  aucun  sujet  de  consolation,  si  la  bonté  avec  laquelle  Votre  Ma- 
jesté n'a  jamais  cessé  de  me  traiter  n'était  pas  toujours  présente  à  mon 
esprit. 

Je  la  réclame  dans  ce  moment  d'une  véritable  détresse,  sire,  en  met- 
tant à  ses  augustes  pieds  l'hommage  des  plus  profonds  respects,  avec  le- 
quel j'ai  l'honneur  d'être, 

Sire, 

De  Votre  Majesté 

Le  très-humble  et  très-obéissant  serviteur 

{Signé)  Sayd-Halet, 
ambassadeur  de  la  Sublime-Porte. 

{M.  Original.) 
T.  lî.  i,S 


•27^  Al'PHNDICE 

LYIII.  —  Lettre  de  IVapolcon  I'"^  au  ministre  des  affaires  étran- 
gùres,  en  date  de  Saint-Cloud  le  SI  mai  1800  (3  rébïul-éwel 
tZ'il). 

Monsieur  de  Talleyrand,  remeitez-moi  jeudi  un  rapport  sur  tout  ce  que 
vous  adit  Franchini,  et  sur  les  moyens  à  prendre  pour  soutenir  noire 
crédit  h  Gonstanlinople.  Je  crois  que  le  principal  est  d'y  envoyer  fré- 
qiieuiment  des  nouvelles.  Si  vous  n'avez  pas  encore  expédié  le  courrier 
que  vous  y  envoyez,  faites-le  partir  sur  le  champ;  il  pourra  être  porteur 
dos  lettres  de  l'ambassadeur.  J'ai  besoin  d'entretenir  avec  Cunstantinople 
de  fréquentes  coi'respoiidances,  parce  que  si  les  Turcs  venaient  à  se  laisser 
entraîner  h  de  nouveaux  torts  envers  moi,  cela  serait  d'un  mauvais  résul- 
tat pour  mes  affaires  deDalmatie.  Je  désire  donc  que,  si  aujourd'hui  votre 
lettre  au  réis-efendi  n'est  pas  partie,  elle  parte  sans  délai;  vous  annonce- 
rez le  général  Sébastiuiii  (*),  et  votre  courrier  prendra  les  dépêches  de  ce 
ministre.  Ecrivez  à  Berlin  qu'on  envoie  donc  quelqu'un  à  Constantinople. 
Autorisez  M.  Rullin  à  lécompenser  le  gouverneur  du  château  et  l'Armé- 
nien qui  a  bien  traité  .laubert,  et  les  autres  individus.  Laissez-le  maître  de 
faire  là-dessus  ce  qu'il  voudra. 

LYIII.  —  Discours  de   l'ambassadeur  extraordinaire  IHouhib-cfendi 
à  son  audience  du  5  juin   i80G   (IH  rébiul-é^vel  i)231). 

Sire,  S.  M.  l'empereur  de  toutes  les  Turquies,  maître  sur  les  deux  con- 
tinents et  sur  les  deux  mers,  serviteur  Gdèle  des  deux  villes  saintes,  le 
sultan  Sélim-Han,  dont  le  règne  soit  éternel!  m'envoie  à  S.  M.  impé- 
riale et  royale  Napoléon,  le  premier,  le  plus  grand  parmi  les  souverains  de 
la  croyance  du  Christ,  l'astre  éclatant  de  la  gloire  des  nations  occiden- 
tales, celui  quittent  d'une  main  ferme  l'épée  de  la  valeur  et  le  sceptre  de 
la  justice,  pour  lui  remettre  la  présente  lettre  impériale,  qui  contient  les 
félicitations  sur  l'avènement  au  trône  impérial  et  royal,  et  les  assurances 
d'un  attachement  pur  et  parfait. 

La  Sublime-Porte  n'a  cessé  de  faire  des  vœux  pour  la  prospérité  de  la 
France  et  pour  la  gloire  que  son  sublime  et  immortel  empereur  vient 
d'acquérir,  et  elle  a  \oulu  manifester  hautement  la  joie  qu'elle  en  ressea- 

(*)  Parti  de  Paris  au  mois  de  juin  1806,  l'ambassadeur  Sébastiani  avait  été  ctiargé  de 
proposer  ouvertume.nt  à  la  Sublime-Porte  l'alliaucc  de  la  France  contre  la  Russie  et  la 
Grande-Bretagne.  Ses  instructions  lui  enjoignaient  d'employer  les  moyens  de  persuasion 
d'ubord,  et,  s'ils  étaient  infructueux,  la  menace  pour  faire  rentrer  la  Turquie  dans  la 
i-phère  d'influence  de  la  France.  Si  la  guerre  venait  à  se  rallumer  dans  le  iNord,  il  de- 
vait brusquer  une  rupture  entre  la  Porte  et  la  Russie,  et  exciter  la  première  à  pruJiter 
de  l'occasion  pour  se  jeter  sur  la  Bessarabie  et  la  Crimée,  et  recouvrer  ces  précinuses 
provinces.  \Lcl'ebvre,  lliàl.  des  cabinets  de  l'Europe,  etc.  l^aris,  l»47,  tlU,  p.  14,  16  ) 


APPENDICE  275 

tait;  c'est  dans  cette  vue,  Sire,  ([ik;  mon  souverain,  toujours  magnanime, 
m'a  ordonné  de  nie  rendre  près  du  Irùne  de  V.  M.  iui|)ériale  et  royale,  pour 
la  féliciter  de  votre  avènement  au  trône,  et  pour  lui  dire([ue,  les  commu- 
nications ordinaires  ne  suffisant  |)as  dans  une  pareille  circonstaiice,  il  a 
voulu  envoyer  un  ambassadeur  spécial,  pour  signaler  d'une  manière  plus 
éclatante  les  sentiments  de  confiance,  d'attachement  et  d'admiration  dont 
il  est  pénétré  pour  un  prince  qu'il  regarde  comme  le  plus  ancien,  le  plus 
fidèle  et  le  plus  nécessaire  ami  de  son  empire. 

Réponse  de  IVapoIéon. 

Monsieur  l'ambassadeur,  votre  mission  m'est  agréable.  Les  assurances 
que  vous  me  donnez  des  sentiments  du  sultan  Sélim,  votre  maître,  vont  à 
mon  cœur.  Un  des  plus  grands,  des  plus  précieux  avantages  que  je  veux 
retirer  des  succès  qu'ont  obtenu  mes  armes,  c'est  de  soutenir  et  d'aider  le 
pius  utile  comme  le  plus  ancien  do  mes  alliés.  .Je  me  plais  à  vous  en 
donner  publiquement  et  solennellement  l'assurance.  Tout  ce  qui  arrivera 
d'heureux  ou  de  malheureux  aux  Ottomans  sera  heureux  ou  malheureux 
pour  la  France.  Monsieur  l'ambassadeur,  transmettez  ces  paroles  au  sul- 
tan Sélim;  qu'il  s'en  souvienne  toutes  les  fois  que  mes  ennemis,  qui  sont 
aussi  les  siens,  voudront  arriver  jusqu'il  lui.  Il  ne  peut  jamais  rien  avoir 
à  craindre  de  moi;  uni  avec  moi,  il  n'aura  jamais  à  redouter  la  puissance 
d'aucun  de  ses  ennemis. 

LIX.  —  Lettre  de  Napoléon  V  au  ministre  des  affaires  étrangères, 
en  date  de  l^aint-Cloud  le   1 1  juin  1800  (34  rébiul-éwel  l'i'îl). 

Monsieur  le  prince  de  Bénévent,  il  est  nécessaire  de  faire  une  réponse 
à  la  note  du  ministre  de  Russie,  du  30  mars,  que  vous  remettrez  h  l'am- 
bassadeur de  la  Porte  qui  est  ici.  Il  nous  sera  facile  de  démontrer  que  la 
Russie  ne  parle  pas  comme  une  puissance  amie  ou  alliée,  mais  comme 
une  puissance  souveraine;  que  s'il  est  vrai  qu'elle  veuille  si  fort  la  con- 
servation de  l'empire  ottoman,  pourquoi  ne  cesse-t-elle  pas  de  secourir 
les  Serviens  par  des  exhortations  et  de  l'argent?  Et  si  son  zèle  pour  les 
intérêts  de  la  Porte  est  tel  qu'elle  fait  un  plan  de  campagne  contre  la 
France,  qu'elle  suppose  vouloir  attaquer  la  Porte,  que  n'envoie-t-elle  un 
corps  de  3  à  Zt,00l)  hommes  contre  les  Serviens?  Cette  simple  démons- 
tration leur  ferait  voir  qu'ils  n'ont  rien  à  attendre  des  Russes  et  épargne- 
rait beaucoup  de  sang.  Mais  la  Russie  ne  prend  pas  elle-même  la  j)ein(; 
de  masquer  ses  intentions.  Est-ce  une  simple  intervention  en  faveur  des 
paysans?  Mais  ne  sait-on  pas  que  c'est  un  acte  d'hostilité  que  de  soutenir 
des  sujets  en  révolte  contre  leur  prince?  Lu   Russie  ne  devrail-c-lly  pas 


'27G  APPENDICE 

dire  aux  Serviens  :  Si  vous  êtes  prêts  à  poser  les  armes  à  livrer  les  chefs 
qui  vous  ont  égarés,  à  rentrer  dans  l'ordre,  jevous  obtiendrai  de  la  Porte 
l'oubli  du  passé?  Au  lieu  de  cela,  qu'ose  oiïrir  la  Russie?  De  proclamer 
l'indépendance  de  la  Servie.  C'est  là  justement  le  but  de  la  révolte  souf- 
flée parmi  les  Serviens.  C'est  le  développement  du  grand  plan  médité  de- 
puis longtemps  de  pousser  ainsi  les  Ottomans  du  côté  de  l'Asie.  Si  les 
Grecs  de  Servie  obtenaient  ce  qu'ont  obtenu  la  Moldavie  et  la  Valachie, 
l'indépendance,  la  Morée  et  les  autres  parties  de  l'empire  turc,  oii  il  y  a 
une  si  grande  quantité  de  Grecs,  aspireraient  au  même  dessein,  et  par 
là  la  chute  immédiate  de  l'empire  ottoman  serait  opérée.  Ainsi  donc  la 
Russie,  pour  cacher  les  véritables  actes  d'hostilité  qu'elle  commet  a  trouvé 
justes  les  propositions  des  Serviens.  Encourageant  leur  révolte,  elle  ose 
demander,  à  la  puissance  qu'elle  appelle  son  amie  et  son  alliée,  son  dés- 
honneur et  le  sacrifice  de  ses  intérêts. 

Le  reste  de  la  note  du  ministre  de  Russie  relative  à  la  Valachie  prouve 
tout  aussi  bien  le  ton  que  prend  la  Russie  envers  la  Porte.  De  quel  droit 
la  Russie  se  raêle-t-elle  des  affaires  de  la  Valachie?  La  Valachie  appartient- 
elle  à  la  Russie  ou  appartient-elle  à  la  Porte  ? 

Quant  aux  prétendues  notifications  à  l'Autriche,  cela  est  si  absurde 
qu'il  n'y  a  pas  d'observation  à  faire. 

Les  Serviens  et  les  ennemis  de  la  Porte  n'ont  aucune  intelligence  avec 
la  France  ;  elle  est  trop  prudente  pour  soutenir  des  rebelles.  Si  les  Ser- 
viens s'adressaient  à  l'empereur  des  Français,  il  en  instruirait  la  Porte  et 
ne  les  écouterait  qu'autant  qu'ils  poseraient  les  armes,  qu'ils  livreraient 
leurs  chefs  et  rétabliraient  les  choses  comme  par  le  passé.  Par  cette  con- 
duite différente  des  deux  puissances,  la  Porte  peut  juger  oii  sont  les  véri- 
tables amis.  Faites  enfin  une  note  Irès-détaillée  là-dessus,  que  vous  en- 
verrez à  M.  Ruffin,  pour  qu'il  la  présente  de  son  côté  avec  quelques  va- 
riantes. Faites  entrer  dans  celte  note  un  résumé  des  nouvelles  de  janvier. 
Retracez  la  conduite  des  Russes  avec  les  Turcs,  appuyez  sur  les  Grecs  qui 
naviguent  sous  pavillon  russe,  ce  que  la  France  n'a  jamais  exigé  pour 
elle. 

L,X.  —  Lettre  de  IVapoléon  I<^^   an   ministre  des  affaires  étrangères, 
en  date  de  l^iaint-Cioad  le  19  juin  1806  (3  rébiul  al<:hir  t2'£t). 

Monsieur  le  prince  de  Bénévent,  voici  la  réponse  à  faire  à  la  lettre 
d'Ali-Pacha  :  que  ses  bonnes  dispositions  me  sont  connues  ;  que  j'ai  reçu 
avec  pliiisir  son  sabre  ;  que  je  suis  ami  de  la  Sublime-Porte,  et  que  je  le 
distingue  ;  qu'il  faut  s'étudier  h  dompter  les  Serviens  et  à  contenir  les 
Grecs,  qui  sont  les  véritables  auxilaires  de  la  Russie  ;  qu'il  peut  compter 
sur  ma  protecliou  ;  qu'ayant  envoyé  une  partie  de  mes  flottes  dans  les 


APPENDICE  277 

grandes  Indes,  et  ayant  besoin  des  autres  pour  faire  une  descente  en 
Angleterre,  je  ne  puis  envoyer  dans  Corfou  une  (lotte  égale  h  colle  des 
Rnsses  et  des  Anglais,  mais  qu'il  ne  faut  rien  précipiter  ;  que  la  Russie 
s'est  résolue  h  me  remettre  les  bouches  de  Cattaro  ;  que,  par  ce  moyen, 
je  serai  à  portée  de  lui  fournir  tous  les  secours  possibles  ;  que  ses  bi\- 
timents  seront  toujours  bien  accueillis  dans  mes  ports,  et  que  j'ordonne 
que  des  présents  soient  faits  à  ceux  qui  ont  bien  traité  mon  corsaire 
L'E toile-de-Bonaparte.  Il  faudra  s'entendre  pour  cet  objet  avec  M.  Ma- 
rescalclii,  k  la  disposition  duquel  j'ai  mis  60,000  fr,  pour  présents  à 
faire.  Vous  écrirez  dans  ce  sens  à  M.  Pouqueville,  et  vous  lui  ajouterez 
que,  si  jamais  Corfou  tombe  en  mon  pouvoir,  je  ne  pourrai  le  confier  à 
une  meilleure  garde  i\ah.  celle  d'Ali-Pacha.  Il  faut  que  ma  lettre  et  les 
instructions  soient  rédigées  de  manière  que,  si  elles  étaient  soumises  à  la 
Porte,  elle  n'y  trouvât  rien  à  dire,  car  cela  ne  me  paraît  pas  si  clair  qu'à 
mes  agents,  et  je  crois  qu'Ali-Pacha  communique  beaucoup  de  choses  à  la 
Porte.  J'ai  envoyé  la  copie  de  ma  lettre  au  sultan  Sélira,  à  M.  Maret,  pour 
qu'il  la  fasse  transcrire  dans  la  forme  usitée.  Vous  la  ferez  traduire  en 
turc. 

LXI.  —  Lettre  de  ISapoléon  I"  à  Sélim  III.  en  date  de  8aInt-Clond, 
le  SO  juin  1806  (3  rébiul-akhir  1S21). 

Nous  avons  reçu,  de  la  main  de  votre  envoyé  extraordinaire,  la  lettre 
que  vous  avez  voulu  nous  écrire.  Nous  l'avons  entretenu  longuement  el 
secrètement  sur  les  vrais  intérêts  de  votre  empire  ;  nous  lui  avons  fait 
connaître  que  nous  étions  résolu  à  employer  toute  notre  puissance  à 
mettre  un  obstacle  aux  desseins  de  l'ennemi  de  la  Sublime-Porte.  Par 
celle-ci,  nous  voulons  lui  en  donner  h  sa  propre  personne  de  nouvelles 
assurances.  Nous  espérons  que  V.  H.  voudra  que  nos  sujets  soient  traités 
dans  ses  états  comme  les  sujets  d'une  puissance  son  alliée  depuis  trois 
cents  ans,  et  de  la  nation  la  plus  favorisée.  Et  si  V.  H.  veut  nous  permettre 
de  finir  par  un  conseil,  nous  lui  dirons  que  les  vrais  intérêts  de  son  em- 
pire veulent  qu'elle  ne  laisse  intervenir  aucune  puissance  étrangère  dans 
ses  discussions  avec  les  Serviens,  qu'elle  doit  employer  les  moyens  les 
plus  vigoureux  pour  soumettre  ces  rebelles,  qui  sont  excités  et  encoura- 
gés par  la  Russie  ;  la  demande  qu'elle  a  faite  de  leur  accorder  l'indé- 
pendance le  prouve  assez. 

Quant  à  la  Moldavie  et  à  la  Valachie ,  si  V.  H.  veut  que  ces  provinces 
ne  lui  échappent  pas,  elle  doit  saisir  toutes  les  occasions  favorables  d'y 
rappeler  les  anciennes  maisons  ;  les  princes  grecs  qui  les  gouvernent 
actuellement  sont  les  agents  des  Russes.  A  ces  mesures  elle  doit  ajouter 
celle  d'empêcher  les  lùliinents  russes  de  passer  le  Bosphore,  el  de  ne 


278  APPENDICE 

point  permettre  qu'aucun  bâtiment  grec  navigue  sous  pavillon  russe.  Que 
V.  [I.  méprise  les  menaces  de  ses  ennemis,  qui  ne  sont  pas  aussi  redou- 
tables qu'ils  veulent  le  faire  croire,  et  qu'elle  compte,  dans  toutes  les 
circonstances  sur  notre  assistance.  C'est  le  seul  prix  que  nous  attachons  à 
la  possession  de  la  Dalmatie  et  de  l'Albanie. 

Nous  avons  donné  ordre  à  notre  ambassadeur,  en  qui  nous  avons  pleine 
confiance,  d'employer  ses  talents  et  son  éloquence  à  convaincre  V.  IL  des 
sentiments  d'amitié  et  d'estime  qui  nous  animent  pour  elle. 

LXII.  —  Lc«re  de  TVapoK'on  I"  au  prince  Eugène,  en  date  de  iSaint- 
Cloud  le  28  juin  1806  (11  rébinl-akhir  1231). 

Mon  fils,  les  deux  bataillons  de  ma  garde  royale  qui  ont  été  k  Vienne 
forment  un  assez  beau  corps  ;  mais,  à  la  grande  armée,  ils  n'ont  pas  eu 
l'occasion  de  tirer  un  coup  de  fusil.  Il  serait  peut-être  convenable  de 
profiter  de  la  guerre  des  Monténégrins  pour  les  aguerrir.  Je  vous  laisse 
donc  le  maître,  si  vous  ne  voyez  point  d'objections,  de  faire  partir  un  de 
ces  bataillons,  complété  à  800  hommes,  pour  l'Albanie.  Vous  aurez  soin 
qu'il  y  ait  autant  déjeunes  gens  que  de  vieux  soldats.  Ce  serait  un  renfort 
que  je  prévois  pouvoir  être  utile  en  Albanie,  où  il  y  aurait  alors 
2,/iOO  Italiens,  sans  comprendre  lescanonniersel  les  sapeurs.  Ce  devra  être 
votre  affaire  d'expédier,  au  moins  tous  les  quinze  jours,  un  détachement 
d'une  centaine  d'hommes  pour  les  recruter,  de  manière  à  les  tenir  tou- 
jours au  complet.  Envoyez  un  général  italien  i)Our  commander  ces  deux 
bataillons  sous  les  ordres  du  général  Laudston.  Si  le  général  Pino  ne  peut 
pas  marcher  avec  cette  colonne  italienne,  envoyez-y  le  général  Lechi,  que 
le  roi  de  Naples  a  renvoyé,  et  qui  est  plus  accoutumé  à  la  guerre  que  les 
autres  généraux  italiens.  Je  suis  obligé  de  garnir  beaucoup  de  postes  ;  il 
faut  donc  augmenter  mon  armée  italienne  pour  que  je  puisse  employer 
quelques  bataillons  italiens  dans  la  Dalmatie  et  dans  l'Albanie.  Ils  s'aguer- 
riront dans  les  affaires  journalières  qu'ils  auront  avec  les  Monténégrins. 
Dans  tout  le  pays  de  Venise,  il  doit  être  facile  de  lever  des  bataillons,  car 
je  prévois  que  je  vais  faire  revenir  en  Italie  les  quatre  corps  italiens  que 
j'ai  h  l'armée  de  Naples,  afin  de  les  compléter  ;  et  avec  eux  et  les  nou- 
velles troupes  que  vous  lèverez  je  veux  soutenir  la  Dalmatie  et  l'Albanie, 
cl  faire  la  guerre  aux  Monténégrins. 

LXIII.    —    Lettre    de    Napoléon   l^*^    au    prince  Eugène,    en    date    de 
Saint-Cloud  le  3  juillet  1806  (15  rébiul-akhir   1221). 

Mon  fils,  il  paraît  que  le  général  Lauriston  se  laisse  bêtement  enfermer 
par  3  ou  /4,000  Monténégrins  ;  s'il  avait  marché  sur  eux  avec  toutes  ses 
troupes,  il  les  aurait  culbutés  et  leur  aurait  donné  une  bonne  l(ç;in.  S  s 


Al'I'ENrilCI-:  '.179 

lettres  ne  montrent  pas  un  caractère  bien  décidé.  De  qui  peut-il  sl' 
plaindre  si  les  forces  ne  sont  pas  réunies?  Pourquoi  n'a-l-il  pas  raarclié 
avec  toutes  ses  troupes?  Recommandez  au  général  Molilor  de  marcher 
h  fon  secours  et  de  lui  faire  passer  tous  les  moyens  pos.iibles.  Désormais 
il  n'a  plus  rien  à  craindre  pour  la  Didmatie. 

LXI%'.  —  Lcflrc  de  I\'apoI<^on  I"  an  ministre  des  afTaires  éfrangt^res, 
en  date  de  Saint-llond  le  2M  juillet  l^OU  (11  djémaziul-cwcl 
1221). 

Monsieur  de  Talleyrand,  vous  ferez  connaître  h  l'ambassadeur  otto- 
man que  les  Monténégrins  ont  violé  le  territoire  turc  par  la  faute  du 
commandant  du  petit  fort  turc  de  Zarina,  près  de  Ragusii;  vous  deman- 
derez la  destitution  de  ce  commandant,  et  en  même  temps  qu'il  soit  en- 
voyé un  nouveau  qui  ail  ordre  de  bien  s'entendre  avec  les  généraux 
français.  Vous  demanderez  qu'une  force  de  1,000  h  1,200  Turcs  soit  en- 
voyée pour  défendre  le  territoire  ottoman  contre  les  violations  des  Mon- 
ténégrins et  contenir  les  Grecs  du  district  de  Trébigné,  qui  se  sont  dé- 
clarés contre  les  Français  et  les  Turcs.  Si  la  Porte  le  désire,  je  ferai  payer 
ces  1,200  hommes  en  leur  donnant  une  bonne  paye  par  jour  k  chacun. 
Demandez  le  renvoi  du  pacha  de  Trébigné,  et  en  même  temps  que  son 
successeur  ait  des  ordres  pour  agir  de  concert  avec  les  Français;  enfin 
qu'il  soit  envoyé  au  pacha  de  Sciiiari  des  ordres  pour  s'entendre  avec  les 
Français  et  coopérer  à  la  réduction  des  Monténégrins.  Demandez  qu'on 
témoigne  de  la  satisfaction  au  petit  pacha  d'Ulovo,  qui  s'est  bien  conduit 
envers  les  Français.  —  L'ambassadeur  turc  pourra  envoyer  ses  dépêches 
par  le  courrier  extraordinaire  que  vous  enverrez  aussitôt  au  général 
Sébasliani,  que  vous  chargerez  de  presser  vivement  l'exécution  de  toutes 
ces  demandes  relatives  aux  divers  petits  pachas  de  l'Herzégovine. 

LXV.  —  IVote  (*)  de  l'anihassadetir  S^hastiant  à  la  ^nhlîmc-Porte,  en 
date  du   1»  septembre  1806  (3  rédjeb  1221). 

Le  soussigné  général  de  division,  ambassadeur  de  S.  M.  l'empereur  des 
Français,  roi  d'Italie,  a  l'honneur  de  soumettre  à  S.  E.  le  réis-efendi  les 
réflexions  suivantes  : 

Il  a  été  informé  d  une  manière  indirecte,  mais  positive,  que  la  légation 
de  Russie  a  présenté  à  la  Sublime-Porte  une  note  où  il  est  dit  que  l'em- 
pereur de  Russie  a  refusé  de  ratifier  le  traité  de  paix  signé  à  Paris  par 
son  plénipotentiaiié.  Ce  refus  place  l'Europe  dans  la  même  situation  où 
elle  était  il  y  a  six  semaines,  mais  il  dévoile  les  projets  de  la  Russie.  Le 

{')  Traduction  de  1  anglais. 


280  APPENDICE 

traité  de  paix  stipulant  l'indépendance  des  Sept-Iles,  stipulation  qui  éloi- 
gne les  Russes  de  la  Méditerranée  oii  ils  se  sont  établis  pour  attaquer 
l'empire  ottoman  sur  divers  points,  ne  pouvait  être  accepté  par  eux. 

La  république  de  Raguse  a  été  rendue  k  son  ancienne  indépendance 
sous  la  protection  de  la  Sublime-Porte;  cet  arrangement  est  contraire  aux 
vues  des  Russes,  parce  qu'il  les  empêche  de  conserver  leurs  intelli- 
gences avec  les  Monténégrins  et  les  rebelles  Servlens. 

C'est,  sans  doute,  l'article  stipulant  l'indépendance  de  l'empire  otto- 
man, et  l'intégrité  de  son  territoire,  qui  a  motivé  le  rejet  de  la  paix  à 
Saint-Pétersbourg.  La  Russie  a  compris  qu'elle  ne  pourra  plus  s'emparer 
des  provinces  de  l'empire  par  la  force  des  armes,  comme  elle  s'est  em- 
parée de  la  Crimée,  ou  les  extorquer  en  temps  de  paix,  comme  elle  a 
extorqué  la  Géorgie  et  le  passage  des  Dardannelles. 

Le  traité  de  paix,  enfin,  laissant  les  Français  en  Albanie  et  en  Dal- 
matie,  place  sur  les  frontières  de  la  Turquie  son  plus  ancien  allié  et  son 
plus  fidèle  ami,  qui  est  toujours  prêt  à  la  défendre.  Tels  sont  les  motifs 
déterminants  du  refus  du  cabinet  de  Saint-Péiersbourg. 

Je  ne  me  laisse  pas  aller  à  de  vaines  déclamations,  je  vous  soumets 
des  faits  :  je  vous  supplie  de  les  peser  avec  toute  l'attention  qu'ils  mé- 
ritent. 

Si,  dans  ces  circonstances  difficiles,  la  Porte  n'apprécie  pas  au  juste  ses 
dangers  et  sa  force,  si  elle  ne  prend  pas  la  résolution  qu'exigent  ses 
intérêts,  j'aurai  peut-être  bientôt  à  plaindre  son  sort  ! 

Le  soussigné  a  reçu  les  ordres  les  plus  positifs  de  S.  M.  l'empereur  des 
Français,  roi  d'Iialie,  de  déclarer  à  la  Sublime-Porte  que  non-seulement 
les  principes  d'amitié,  mais  aussi  ceux  de  la  stricte  neutralité  exigent  que 
le  passage  du  Bosphore  soit  fermé  aux  bâtiments  de  guerre  russes,  ainsi 
qu'à  toute  autre  navire  de  ceite  nation  chargé  de  troupes,  de  munitions 
ou  de  vivres;  et  que  la  Sublime-Porte  ne  pourrait  leur  laisser  ouvert  ledit 
passage  sans  commettre  un  acte  d'hostilité  envers  la  France,  et  sans 
autoriser  S.  M.  l'empereur  Napoléon-le-Grand  à  passer  par  le  territoire 
de  l'empire  ottoman  pour  combattre  l'armée  russe  sur  les  bords  du 
Dniester. 

Le  renouvellement  ou  la  continuation  de  l'alliance  avec  les  ennemis  de  la 
France,  comme  l'Angleterre  et  la  Russie  sera  non-seulement  une  violation 
manifeste  de  la  neutralité,  mais  aussi  une  participation  de  la  Sublime- 
Porte  à  la  guerre  que  ces  puissances  soutiennent  contre  la  France,  et 
S.  M.  se  verra  obligé  d'adopter  des  mesures  conformes  h  ses  intérêts  L't 
à  sa  dignité. 

La  Sublime-Porte  ne  peut  pas  entretenir  des  rapports  avec  deux  mis- 
sions de  Naples,  et  S.  M.  reni])ereur  des  Français  ne  saurait  toléier  que 
son  auguste  frère,  Napoléon-Joseph,  roi  de  Naples  et  des  Deux  Siciles,  ton- 


APPENDICE  281 

contre  ici  des  difliculiés  qu'il  n'éprouve  d'aucune  autre  puissance  amie 
de  la  France. 

S.  M.  l'empereur  a  une  forte  armée  en  Dalmatie  :  cette  armée  se  trouve 
réunie  pour  la  défense  de  l'empire  ottoman,  ii  moins  qu'une  conduite  équi- 
voque de  la  Sublime-Porte  ou  une  condescendance  envers  la  Russie  et 
l'Angleterre,  qui  la  mettrait  en  leur  pouvoir,  n'oblige  S.  M.  l'empereur 
des  Français  de  faire  marcher  ses  lorces  formidables  dans  un  but  entière- 
ment opposé  à  celui  qu'il  a  en  vue. 

S.  M.  a  ordonné  au  soussigné  d'exposer  ces  demandes  k  la  Sublime- 
Porte  de  la  manière  la  plus  amicale,  mais  la  plus  émM'gique,  afin  d'ol)tenir 
d'elle  une  réponse  par  écrit,  et  il  faut  espérer  que  cette  réponse  sera  posi- 
tive et  catégorique. 

Aucun  délai  ultérieur  ne  peut  être  accordé,  et  S.  M.  ne  doute  point 
que  la  Sublime-Porte  ne  veuille  lui  donner  les  assurances  qu'il  désire  et 
qui  sont  en  si  parfaite  harmonie  avec  les  intérêts  de  l'empire  ottoman. 

Le  soussigné  ne  veut  pas  faire  ici  un  vain  exposé  des  forces  formi- 
dables du  grand  Napoléon  :  ses  amis  en  connaissent  l'importance,  ses 
ennemis  en  ont  éprouvé  les  effets. 

Le  génie  de  son  Auguste  maître  est  bien  connu;  ses  résolutions  sont 
sages  et  promptes,  son  attachement  pour  S.  H.  est  sincère.  11  ne  cherche 
que  l'indépendance,  l'intégrité  et  la  gloire  de  la  Turquie.  Une  désire  rien. 
Il  ne  demande  rien.  Que  de  motifs  puissants  de  s'unir  à  lui  !  Quelle  rai- 
son y  aurait-il,  d'autre  part,  de  craindre  la  perte  de  sa  bonne  volonté,  de 
sa  bienveillance  en  adoptant  une  Jigne  de  conduite  timide,  incertaine  et 
hostile?  Dans  ces  circonstances,  la  réponse  de  la  Sublime-Porte  réglera 
la  conduite  de  mon  augusts  maître.  Que  les  ennemis  de  la  France  n'en 
imposent  point  à  la  Sublime -Porte;  ses  ennemis  ont  été  vaincus  et  ils  le 
seront  toujours.  Le  grand  Napoléon  emploiera  toutes  ses  ressources  pour 
la  gloire  de  S.  H.  Sélim  III,  et  si  ses  ressources  sont  immenses,  son  génie 
est  encore  plus  giand. 

La  présente  note  est  assez  importante  pour  être  soumise  à  la  profonde 
sagesse  de  S.  M.  l'empereur  Sélim  III,  et  V.  E.  est  priée  de  profiter  de  la 
plus  prochaine  occasion  de  la  mettre  sous  ses  yeux. 

Le  soussigné  prie  S.  E.  le  réis-efendi  d'agréer,  etc. 

LXVI.  --  Lettre  de  IN'apoIcon  I"    à    Séliiu  III,  en  date  de    Berlin  le 
il  novembre  180G    29  chàban  1231). 

Très-haut,  très-excellent,  très- puissant,  très-magnanime  et  invincible 
prince,  grand  empereur  des  Musulmans,  sultan  Sélim,  mon  très-cher  et 
parfait  ami.  Dieu  veuille  augmenter  votre  gloire  et  Hautesse,  avec  fin  très- 
heureuse! 


282  APPENDK^E 

Le  jour  même  où  vos  ennemis  vous  redemandaient  la  Moldavie  et  la 
Valachie,  en  vous  parlant  de  mes  désastres,  je  remportais  h  léna  une  mé- 
morable victoire,  et  je  marchais  h  d'autres  triomphes.  Les  armées  de 
Prusse  sont  détruites  ou  prisonnières.  Tout  le  pays  est  à  moi.  Je  suis  h 
Berlin,  à  Varsovie.  Je  poursuis  avec  300,000  hommes  mes  avantages,  et 
je  ne  ferai  la  paix  que  lorsque  vous  serez  rentré  en  possession  de  vos 
principautés  par  le  rétablissement  des  deux  hospodars  Callimachi  et 
Alexandre  Suzzo.  Reprenez  confiance.  Les  destins  ont  prorais  la  durée  de 
votre  empire;  j'ai  la  mission  de  le  sauver,  et  je  mets  en  commun  avec 
vous  mes  victoires.  Le  moment  est  venu  où  la  Sublime- Poi  te  doit  retrouver 
son  énergie  et  faire  marcher  ses  armées  pour  couvrir  Bender,  Choczim, 
toute  la  ligne  du  Dniester.  Je  sais  que  les  Russes  retirent  leurs  forces  de 
celte  frontière;  ils  se  dirigent  sur  moi;  je  les  cherche  et  vais  au-devant 
d'eux.  Ne  balancez  plus;  ils  ne  vous  trompent  que  par  impuissance.  Ils  se 
faisaient  livrer  vos  provinces;  la  valeur  ottomane  doit  les  fermer. 

Sur  ce,  je  prie  Dieu,  très-haut,  très-excellent,  très-puissant,  très-ma- 
gnanime et  invincible  piince,  notre  très-cher  et  parfait  ami,  qu'il  aug- 
mente les  jours  de  Votre  Hautesse  et  les  remplisse  de  toutes  prospérités, 
avec  fin  très-heureuse. 

Ecrit  en  notre  château  impérial,  à  Berlin,  etc. 

LXTII.  —  Lettre    de    •Sélim   III   à    IVapoIéon  I",  en    date   du  30 
novembre  1806  (19  ramazan  1S3I). 

Très-majestueux,  très-puissant,  très-auguste  empereur  et  padichah  de 
France,  notre  grand  ami  Napoléon. 

L'affection  pure  et  sincère  qui ,  depuis  un  temps  immémorial  subsiste 
physiquement  et  naturellement  entre  nos  empires,  restant  concentrée  dans 
le  fond  de  nos  caractères  personnels,  et  leur  parfaite  conformité  par  une 
suite  de  l'identité  de  nos  bonnes  intentions  parvenues  au  point  d'éclore, 
prenant  chaque  jour  plus  de  consistance,  il  était  évident  depuis  une  cer- 
taine époque,  que  notre  désir  et  notre  attente  réciproques  tenilaient  simul- 
tanément à  ce  que  les  fruits  salutaires  de  l'arbre  de  ramitiô,  si  heureuse- 
meni  planté  dans  nos  cœurs,  vinssent  enfin  orner  ie  plateau  du  grand  jour; 
surtout  à  la  suite  de  la  non-ratification  du  traité  bien  connu,  qui  avait  été 
signé  k  Paris,  nos  yeux,  comme  il  a  été  notifié  par  écrit  b.  Votre  Ma- 
jesté impériale,  étaient  fixés  sur  l'apparition  inuninente  des  consé(iuences 
propres  h  la  solution  de  l'affaire  et  que  nous  attendions  de  l'élévation 
généreuse  de  son  zèle,  lorsque  nous  avons  appris  de  nos  agents  (|u'elle 
même  à  la  tête  de  ses  invincibles  guerriers,  poursuivant  avec  célérité  son 
premier  objet,  avait  marché  sur  Berlin,  que  les  armées  qui  s'étaient  pré- 
sentées devant  Sa  Majesté  impériale  n'avait  pas  pu  soutenir  l'iuipéluosité 


A' lENDlCE  283 

irrésistible  de  ses  attaques»  que  dans  le  court  espace  de  quelques  jours 
toutes  les  forces  de  ses  agresseurs  avaient  été  anéanties,  qu'elle  avait 
d(''|)loyé  en  celte  occasion  une  vipjuenr  et  une  supériorité  de  manœuvres 
qui  méritent  d'ôlre  consignées  dans  les  fastes  de  l'art  militaire,  et  qu(!  la 
simple  préface  de  ce  succès  éclatant  peut  servir  d'ornement  à  l'histoire 
des  plus  hauts  faits  d'armes;  une  nouvelle  si  agréable  pour  nous  fut  immé- 
diatement confirmée  k  notre  Sublime-Porte  par  le  judicieux  général  Sébas- 
tian! qui  y  réside  en  qualité  d'ambassadeur  de  Votre  Majesté  impériale, 
et  la  vive  affection  que  nous  avons  vouée  h  votre  auguste  personne  est  la 
juste  mesure  dn  |)laisir  que  nous  ressentîmes  en  la  voyant  ainsi  couronnée 
de  nouve;iu  par  les  mains  de  la  Victoire. 

Bien  plus,  Votre  Majesté  impériale  à  son  entrée  triomphale  dans  la  ville 
de  Berlin,  ayant  voulu  s'adresser  h  notre  chargé  d'affaires  Yanco,  qui  s'y 
trouvait  de  résidence  de  notre  part,  et  celui-ci  ayant  par  un  courrier 
extraordinaire  rendu  compte  à  notre  Sublime-Porte  des  paroles  pleines 
de  bonté  et  des  ouvertures,  dont  Votre  Majesté  impériale  l'avait  honoré 
touchant  ses  vues  bienveillantes  pour  notre  personne,  d'après  le  rapj)ort 
qui  nous  en  a  été  fait,  nous  n'avons  pu  considérer  cette  démarche  et  ce 
langage  que  comme  une  nouvelle  preuve  de  ce  sentiment  précieux  qui  a 
excité  dans  notre  âme  un  surcroît  infini  de  reconnaissance. 

C'est  donc  spécialement  pour  nous  acquitter  du  devoir  de  féliciter  Votre 
Majesté  impériale  d'une  victoire,  qui  jette  la  terreur  dans  le  cœur  des 
ennemis,  que  nous  prenons  la  plume  en  ce  moment,  c'est  encore  pour  lui 
faire  connaître  toute  l'extase  de  notre  sensibilité  aux  témoignages  renou- 
velés en  dernier  lieu  par  Sa  Majesté  impériale  elle-même  de  ses  constantes 
dispositions  à  prendre  sur  elle  l'intérêt  de  notre  Sublime-Porte,  que  notre 
présente  lettre  amicale  lui  est  confidentiellement  adressée. 

De  tous  les  temps,  la  France  était  l'amie  sincère  et  l'alliée  naturelle  de 
notre  Sublime-Porte,  mais  déjà  l'on  aperçoit  tous  les  signes  avant-cou- 
reurs de  l'instant  prédestiné,  oîi  les  intentions  des  deux  cours  se  trouvant 
à  l'unisson,  la  puissance  doit  être  réduite  en  acte  et  donner  naissance  aux 
résultats  fortunés  qui  font  l'objet  de  nos  espérances. 

Jusqu'ici  nous  avions  entamé,  dans  le  silence  et  le  secret  tous  les  pré- 
paratifs nécessaires ,  niais  aujourd'hui  nous  procédons  ouvertement  au 
rassemblement  des  camps  à  former  sur  les  points  essentiels  ,  à  notre 
approvisionnement  en  munitions  et  matériaux  de  toute  espèce,  à  la  fortifi- 
cation de  nos  places  et  châteaux,  à  l'armement  de  nos  forces  navales,  à 
l'emploi  de  tous  les  moyens  de  précaution. 

L'ambassadeur  précité  de  Votre  Majesté  impériale  a  été  régulièrement 
instruit  de  tous  ces  détails  ainsi  que  des  autres  mesures  de  circonstance 
dont  nous  nous  occupons. 

Nous  devons  aussi  au  même  ambassadeur  la  justice  de  déclarer  que 


28Û  APPENDICE 

depuis  son  arrivée  k  notre  résidence  de  félicité,  surtout  dans  les  conjonc- 
tures délicates  et  épineuses,  il  n'a  cessé  de  manifester  de  concert  avec  nos 
ministres,  les  procédés  de  l'amitié  la  plus  active  ;  qu'il  a  en  toute  occasion, 
donné  k  notre  Sublime-Porte  et  directement  à  notre  personne  tous  les 
avis  et  informations  utiles,  et  que  son  zèle  mérite  un  témoignage  particu- 
lier de  notre  satisfaction. 

En  un  mot,  nos  intérêts  étant  communs,  ainsi  qu'il  a  déjà  été  dit,  le 
premier  de  nos  vœux  est  que  le  lien  du  sentiment  qui  unit  nos  deux  em- 
pires devienne  de  plus  en  plus  indissoluble. 

A  cet  effet,  nous  allons  envoyer  sans  retard  à  Votre  Majesté  impériale, 
un  ministre  chargé  de  négocier  pour  l'union  éternelle  de  notre  empire 
avec  la  France. 

Lorsque  cette  vérité  de  nos  senliments  sera  parfaitement  connue,  elle 
sera  persuadée  que  nous  attendons  d'elle  la  continuation  des  mêmes  dis- 
positions d'intérêt  et  d'amitié. 

{M.  Traduction  officielle.) 

LVIIl.  —  Lettre  de  IVapoIéon  I"  à   Sélini  III,   en   date  dn  camp  de 
Posen  le  1"  décembre  1806  (30  ramazan  12S1}. 

La  Prusse  qui  s'était  liguée  avec  la  Russie,  a  disparu  ;  j'ai  détruit  ses 
armées  et  je  suis  maître  de  ses  places  fortes. 

Mes  armées  sont  sur  la  Vistule,  et  Varsovie  est  en  mon  pouvoir. 

La  Pologne  prussienne  et  russe  se  lève  et  forme  ses  armées  pour  recon- 
quérir son  indépendance.  C'est  le  moment  de  reconquérir  la  tienne. 

Chasse  les  hospodars  rebelles,  que  la  plus  injuste  violence  t'a  obligé 
de  rétablir  au  mépris  de  ton  firman  qui  les  avait  déclarés  traîtres. 

Remets  en  place  tes  vrais  serviteurs,  et  les  hospodars  de  ton  choix. 

N  accorde  pas  aux  Serviens  ces  concessions  qu'ils  te  demandent  les 
armes  à  la  main. 

Fais  marcher  tes  troupes  sur  Choczim  :  tu  n'as  plus  rien  à  craindre  delà 
Russie. 

J'ai  chargé  mon  ambassadeur  de  contracter  avec  toi  les  engagements 
nécessaires.  Si  tu  as  été  prudent  jusqu'à  celte  heure,  une  plus  longue 
condescendance  envers  la  Russie  serait  faiblesse  et  perdrait  ton  empire. 

L\IX.  —  Lettre    de    Kapoléon   l^*^    ù   l'anibassadeiir  Sébastian!,    en 
date  de  Posen  le  1"  décembre  180«  (20  ramazan  1231). 

Vous  trouverez  ci-joint  les  imprimés  qui  vous  feront  connaître  l'étal  des 
choses.  Le  grand-duc  de  Rerg,  avec  100,000  hommes,  est  maître  de 
Varsovie.  Les  Russes,  qui  ont  voulu  défendre  cette  place  ont  été  battus  et 


APPENDICE  L'85 

chassés.  Je  suis  à  Posen,  maître  de  tout  le  pays  situé  entre  le  Rhin  et  la 
Vistule  ainsi  que  de  toutes  les  places  fortes.  Les  Polonais  se  lèvent,  et 
soixante  mille  sont  déjà  sous  les  armes.  Dans  cette  situation,  faites  à 
la  Porte  les  participations  nécessaires.  Il  faut  que  les  hospodars  du  choix 
de  la  Porte  soient  rétablis  et  les  partisans  des  Russes  chassés.  C'est  le 
moment  oii  la  Porte  peut  recouvrer  son  indépendance.  Vous  êtes  autorisé 
à  si<:ner  un  traité  secret,  oiïensif  et  défensif  par  lequel  je  garantirai  à  la 
Porte  l'intégrité  de  ses  provinces  de  Moldavie  et  de  Valachie,  et  de  la 
Servie.  Pressez-la  de  réunir  des  troupes  du  côté  de  Choczim,  et  je  m'en- 
gagerai à  ne  faire  la  paix  avec  les  Russes  que  de  concert  avec  elle.  Faites 
ce  qui  vous  sera  possible  pour  faire  sortir  la  Porte  de  son  engourdis- 
sement. Je  vous  envoie  une  lettre  pour  le  Grand- Seigneur;  vous  en  ferez 
faire  la  traduction  entière. 

LXX.  —  Lettre  de  Sélini  III    ù.   Napoléon  I",  en  date  da    8 
décembre  18Jt6  (3?  raniazan  1221). 

Très-majestueux,  très-puissant,  très-auguste  empereur  et  padischah  de 
France,  notre  grand  ami  iNapoléon. 

Comme,  dès  le  principe,  nous  étions  convaincus  qu'abstraction  faite  de 
l'ancienne  et  naturelle  conformité  d'intérêts  existant  entre  nos  empires, 
les  vues  et  les  projets  que  les  autres  nourrissent  sur  notre  empire,  depuis 
un  temps  immémorial,  n'ont  jamais  passé  par  l'esprit  de  la  cour  de  France, 
mais  qu'au  contraire  elle  chercha  toujours  des  moyens  d'augmenter  la 
puissance  et  la  dignité  de  l'empire  ottoman  et  de  maintenir  en  tout  temps 
son  indépendance  et  sa  gloire;  ma  volonté  sincère  était,  depuis  une  épo- 
que très-ancienne,  que  ces  premiers  liens  d'affection  et  d'amitié  prissent 
enfin  le  caractère  de  consistance  d'une  union  et  alliance,  et  dans  l'attente 
du  moment  prédestiné  ayant  toujours  l'œil  fixé  sur  la  manière  la  plus 
propre  à  faire  disparaître  sans  inconvénients  les  obstacles  accidentels, 
qui  survenaient  par  une  permission  supérieure,  je  n'étais  attentif  qu'aux 
choix  de  l'occasion. 

J'avais  déjà  cru  reconnaître  les  signes  avants-coureurs  de  l'instant 
propice  pour  réaliser  cette  volonté,  si  conformes  aux  intentions  des  deux 
cours,  si  analogues  à  leurs  intérêts,  dans  les  événements  qui  se  sont  pas- 
sés en  dernier  lieu,  lorsque  le  judicieux  général  Sébastian!,  andjassadeur 
de  Votre  Majesté  impériale,  résidant  près  ma  Sublime-Porte,  d'après  les 
ordres  qu'il  venait  de  recevoir,  y  exposa  les  mêmes  dispositions  de  la 
part  de  Votre  Majesté  impériale,  et  entra  en  explication  sur  les  mesures 
convenables  qu'elle  mettait  en  ce  moment  en  voie  d'exécution  de  la  ma- 
nière la  plus  avantageuse  à  l'objet  désiré. 

Je  me  décidai  aussitôt  d'après  les  sentiments  réciproques  d'affection 


286  APPENDICE 

et  de  loyauté,  à  faire  partir  un  agent  nommé  ad  hoc  pour  aller  traiter  de 
l'alliance  qui  doit  être  conclue  entre  nos  empires,  c'est  ce  que  j'avais  mar- 
qué k  Votre  Majesté  impériale  dans  la  dépêche  amicale  que  je  lui  adres- 
sai, il  y  a  quelques  jours,  pour  la  féliciter  sur  ses  victoires. 

Ledit  agent  choisi  et  aussi  revêtu  des  pouvoirs  rejjuis  doit  se  mettre 
en  route  incessamment. 

Mais  en  attendant  qu'il  ait  fait  ses  préparatifs  les  plus  indispensables, 
qu'il  se  soit  rendu  en  diligence  auprès  de  votre  Majesté  impériale  et  qu'il 
ait  pu  entrer  en  conférence  et  parvenir  ci  la  conclusion  d'un  acte  formel  dont 
il  est  chargé,  pour  ne  pas  perdre  du  temps  et  pour  satisfaire  un  moment 
plutôt  au  désir  de  voir  promptement  les  préliminaires  de  notre  alliance 
établis  sans  intermédiaire,  j'écris  à  votre  Majesté  impériale  la  présente 
dépêche  expresse,  que  je  regarde  pour  les  préliminaires  de  l'alliance. 

Et  c'est  à  cette  fin  que  je  l'expédie  à  Votre  Majesté  impériale. 

D'après  cela,  je  la  reconnais  dorénavant  mon  alliée  et  par  conséquent 
j'attends  de  son  amitié  que  nos  intérêts  respectifs  seront  communs,  et  que 
les  résultats  de  cette  union  à  jamais  durable  iront  toujours  croissant  et 
justifieront  mon  espérance. 

Nous  étions  occupés  (ainsi  que  nous  en  avions  prévenu  Votre  Majiisté 
impériale  par  notre  précédente  dépêche)  de  tous  les  préparatifs  néces- 
saires, et  nous  donnions  tous  nos  soins  à  rassembler  de  toutes  parts  nos 
forces  et  nos  moyens,  lorsque  nous  avons  appris  que  du  côté  du  Dniester 
l'armée  russe,  en  répandant  des  faits  controuvés,  avait  marché  droit  sur 
nos  frontières  impériales. 

Nous  avons  en  conséquence  doublé  et  multiplié  nos  préparatifs; 

Nous  avons  expédié  nos  commandements  impériaux  à  tous  nos  agents 
qui  se  trouvent  sur  nos  frontières  pour  leur  recommander  de  ne  point 
s'arrêter  aux  bruits  mensongers  propagés  contre  toute  vérité; 

De  se  comporter  suivant  les  circonstances  et  de  redoubler  de  zèle  et 
d'activité. 

Mettant  toute  notre  confiance  dans  les  grâces  du  Très-Haut,  nous  dé- 
ployons tous  nos  efforts  pour  nous  tenir  prêts  à  agir  par  terre  et  par  mer, 
et  nous  sommes  dans  l'impatience  de  recevoir  sans  cesse  des  nouvelles  de 
Votre  Majesté  impériale. 

Quant  aux  détails,  nous  nous  en  remettons,  soit  aux  rapports  circons- 
tanciés de  l'ambassadeur  de  Votre  Majesté  impériale,  soit  a  ce  que  lui  fera 
savoir  de  vive-voix  notre  susdit  plénipotentiaire  qui  a  déjà  un  pied  à  l'é- 
Irier  et  ne  tardera  pas  à  suivre  cette  dépêche. 

Dans  cette  affaire  salutaire  comme  en  toute  occasion,  nous  attendons 
que  Votre  Majesté  impériale,  persuadée  de  nos  bonnes  intentions,  s'em- 
pressera à  montrer  les  effets  d'une  amitié  bienveillante  conforme  aux  in- 
térêts de  notre  Sublime-Porte  ; 


APPENDICE  287 

Et  de  recommander  à  tous  ses  agents  d'accélérer  leurs  raouvemenls,  de 
faire  tout  leur  possible  pour  amener  une  heureuse  et  promjite  solution  de 
notre  alliance  ; 

Faire  tous  leurs  efforts  pour  affaiblir  les  adversaires  de  ce  côlélii; 

Et  de  conduire  les  choses  au  terme  convenable  que  les  circonstances 
pourraient  exiger. 

C'est  le  désir  de  notre  cœur. 

(M.  Traduction  officielle.) 

L\XI.  —  Lettre    do    IVapoléon    I*^'    ù    l'arcliicliancelier  Canibaeérès, 
en  date  de  Posen  le   1 1   décembre  180G  (30  raïuazan   1231). 

Mon  cousin,  je  reçois,  au  moment  même,  votre  lettre  du  l*'  décem- 
bre. Je  désire  que  vous  fassiez  venir  l'ambassadeur  de  la  Porte,  et  que 
vous  lui  fassiez  connaître  qu'il  est  convenable  qu'il  expédie  un  courrier  à 
Constantinople,  pour  instruire  son  gouvernement  de  tout  ce  qui  se  passe 
en  Europe.  Vous  lui  direz  que,  par  un  courrier  que  j'ai  reçu  de  Jassy  et 
qui  a  traversé  la  Pologne,  j'ai  appris  que  les  Russes  étaient  entrés  à  Jassy 
le  25  novembre;  que  les  pachas  de  Ghoczim  et  de  Bender,  s'étant  retirés 
dans  ces  forteresses,  y  sont  bloqués;  que,  dans  cet  état  de  choses,  il  est 
nécessaire  qu'il  instruise  la  Porte  que  je  suis  à  Varsovie,  maître  de  don- 
ner des  lois  et  de  la  secourir;  qu'il  fasse  connaître  à  son  gouvernement 
ja  situation  de  l'Europe  et  la  nécessité  de  tenir  bon;  que,  s'il  n'agit  dans 
cette  circonstance,  son  indépendance  est  perdue;  que  les  Russes  ne  peu- 
vent l'attaquer  sérieusement,  parce  que  je  les  occupe  ici;  qu'il  écrive  que 
j'ai  reçu  la  lettre  de  l'empereur  Sélim  ;  que  j'ai  bien  compris  son  con- 
tenu et  en  ai  été  content;  que  j'aime  l'empereur  Sélim  et  prends  beaucoup 
d'intérêt  à  lui. 

Faites  traduire  tous  les  bulletins  de  la  grande  armée  pendant  cette  cam- 
pagne et  la  campagne  dernière  en  turc  et  en  arabe,  et  envoyez-les  à  pro- 
fusion h.  Constantinople.  Faites-les  tirer  à  six  raille  exemplaires.  Faites  faire- 
une  petite  brochure  de  dix  pages,  bien  faite,  que  vous  soignerez  vous- 
même  et  que  vous  intitulerez  :  Un  vieil  ottoman  à  ses  frères.  Ce  sera  un 
appel  contre  les  Russes,  un  tableau  de  leur  politique  et  du  résultat  qu'ils 
veulent  obtenir.  Vous  en  ferez  imprimer  dix  mille  exemplaires  dans 
les  mêmes  langues.  Mais  il  faut  que  cela  soit  fait  en  huit  jours.  Vous  en 
enverrez  un  millier  au  vice-roi,  qui  les  fera  passer  en  Dalmatie  ;  un  mil- 
lier à  Marseille,  pour  les  donner  aux  bâtiments  qui  vont  dans  le  Levant; 
un  millier  à  mon  minibtre  à  Constantinople  ;  un  millier  à  mon  ministre  h 
Vienne  ;  vous  m'en  enverrez  aussi  un  millier  d'exemplaires.  Quand  l'ou- 
vrage sera  fait,  vous  le  ferez  montrer  indirectement  à  l'ambassadeur  turc, 
pour  savoir  ce  qu'il  en  dit  et  s'il  est  bien  écrit. 


288  APPENDICE 


LXXII.  —  Lettre  de  IVapoIéon  I"  an  grand-duc  de  Berg.  en  date  de 
Posen  le  13  décembre   t806  (S  cliéwal  1231). 

Vous  avez  mal  fait  d'annoncer  par  une  affiche  la  déclaralion  de  guerre 
entre  la  Russie  et  la  Porte.  Vous  deviez  la  faire  mettre  dans  les  journaux 
seulement,  et  non  pas  la  faire  afficher.  Cela  montre  de  la  faiblesse,  et  on 
a  l'air  de  se  confier  h  d'autres  qu'à  soi-même. 

LXXIII.  —  Lettre  de  IVapoléon  1"  an  ministre  des  affaires  étran- 
gères, en  date  de  Paluki  le  39  décembre  1806,  1  heure  du  ma- 
tin (16  chéwal  1231). 

Monsieur  le  prince  de  Bénévent,  je  reçois  votre  lettre  avec  les  dépêches 
de  Vienne  et  de  Constantinople  du  30  novembre.  De  Vienne,  il  faut  faire 
diriger  les  ambassadeurs  de  Turquie  et  d'Ispahan  sur  Varsovie.  D'ailleurs, 
j'ai  de  la  peine  à  croire  h  cette  violence  faite  à  M.  Reinbard.  Quand  cela 
se  confirmera,  il  faudra  voir  à  en  faire  autant  à  quelque  agent  russe. 

Les  affaires  vont  ici  fort  bien.  Les  Russes  sont  battus  partout.  Ils  ont 
perdu  plus  de  trente  pièces  de  canon,  etc.  Ecrivez  à  Constantinople  pour 
donner  la  nouvelle  que  le  feld-maréchal  Kamenski  a  été  trois  fois  battu 
de  sa  personne,  chassé  de  son  quartier-général  et  en  danger  d'être  pris. 
Ecrivez  à  Sébastiani  de  faire  pari  de  ces  nouvelles  à  Ispahan. 

LXXIV.  —  Note  à  publier  dans  le  Moniteur,  rédigée  par  Napo- 
léon I",  en  date  du  Pultnsk  le  30  décembre  1806  (19  chéwal 
1331). 

Il  paraîtrait  qu'ayant  de  si  grands  projets  sur  ses  voisins,  la  Russie 
devait  laisser  tranquille  la  France.  Telle  aurait  dû  être  sa  politique  si 
l'intérêt  de  la  Russie  guidait  ce  cabinet;  mais  ce  sont  les  passions  de 
celui  de  Saint-James  qui  le  guident.  Toutefois,  elle  procède  contre  la 
Porte,  en  mettant  de  côté  tous  les  égards  que  se  doivent  les  nations.  Au 
moment  où  ses  troupes  entraient  en  Moldavie,  elle  déclare  que  c'est  d'ac- 
cord avec  le  Grand-Seigneur;  elle  fait  imprimer  dans  toutes  les  gazettes 
et  colporter  par  tous  ses  agents  un  prétendu  traité  d'alliance  avec  la 
Porte  :  la  Porte  vient  de  la  démentir,  elle  court  aux  armes.  Pasvan-Oglou 
et  Mustapha-Baïractar,  successeur  de  Terzeriek-Oglou,  à  Rustchuk,  ont 
passé  le  Danube  et  occupé  Buckarest  avec  3,000  hommes,  ce  qui  a  arrêté 
la  marche  de  l'armée  russe.  La  Porte  fait  demander  des  explications  au 
ministre  de  Russie,  qui  a  répondu  qu'il  ne  savait  ce  que  cela  voulait  dire. 
Mustapha-Baïractar  et  le  pacha  de  Widdin,  instruits  que  les  Russes  avaient 
arrêté  le  consul  de  France,  ont  fait  arrêter  le  consul  de  Russie. 


APPENDICE  289 

Quatre  vaisseaux  anglais  sont  devant  Constantinopie  pour  '<in  imposer  à 
la  Porte;  ils  ne  lui  en  imposeront  pas,  et  l'Angleterre  agirait  contre  ses 
plus  cliers  intérêts  si  elle  secondait  les  prétentions  démesurées  de  la 
Russie.  D'ailleurs,  que  fera-t-elle?  elle  pillera  quelques  bâtiments,  mais 
tous  les  ports  de  la  Turquie  lui  seront  fermés,  et  les  pertes  qu'éprouvera 
son  commerce  porteront  conseil  à  sa  politique. 

Tous  les  prétendus  traités  d'alliance  entre  la  Porte  et  la  Russie,  qu'on 
a  colportés,  se  sont  trouvés  faux;  la  guerre  est  déclarée  entre  ces  deux 
puissances.  L'excès  des  maux  que  la  Russie  fait  k  la  Porte  ralliera  tous 
les  Musulmans  à  la  cause  commune  et  aux  intérêts  les  plus  cliers  de  leur 
patrie.  Déjà  Michelson  et  Dolgourouki,  qui  commandent  l'armée  russe, 
ont  fuit  demander  des  secours. 

Le  chah  de  Perse  se  prépare  aussi  à  repousser  l'injuste  agression  de 
la  Russie  et  à  entrer  en  Géorgie. 

LXSV.    —  Lettre  de  TVapoIcon  I<^'    à    Sélim  III,  en  date  de  Varsovie 
le  f' janvier  I807  (21   cliéwai  1231). 

Salut  et  bonheur  à  notre  très-grand  et  fidèle  ami!  Nos  usages  sont 
d'ouvrir  l'année  par  des  vœux  pour  ceux  qui  nous  sont  chers,  et  nos  pre- 
miers vœux  sont  pour  vous.  J'ai  reçu  avec  joie  les  lettres  de  Votre  Hau- 
tesse,  et  j'ai  vu  ses  nobles  intentions.  Vous  n'avez  pas  voulu  provoquer 
la  guerre  ;  on  vous  la  déclare.  Que  tout  son  poids  retombe  sur  les  enne- 
mis qui  envahissent  voire  empire!  Ils  ne  vous  avaient  demandé  d'éloigner 
de  la  Moldavie  et  de  la  Valachie  vos  serviteurs  fidèles  que  pour  s'ouvrir 
l'entrée  de  ces  provinces.  Mais  j'apprends  que  vos  armées  se  rassemblent, 
et  que,  averti  par  une  inspiration  d'en  haut  de  l'invasion  des  Russes  dans 
le  moment  roèrae  où  ils  passaient  le  Dniester,  vous  avez  résolu  de  leur 
opposer  toutes  vos  forces.  La  môme  voix,  qui,  pour  sauver  votre  empire, 
vous  révélait  la  marche  de  vos  ennemis,  vous  a  excité  à  m'envoyer  un  de 
vos  fidèles  ministres  pour  signer,  en  votre  nom,  le  traité  d'alliance  qui 
doit  nous  unir,  et  qui  assurera,  par  sa  conclusion,  une  garantie  à  votre 
puissance.  J'attends  votre  plénipotentiaire  :  il  me  dira  ce  que  vous  avez 
fait,  vos  projets,  vos  ressources,  et  nous  concerterons  ensemble  les  opé- 
rations de  la  guerre.  Je  suis  venu  jusque  dans  les  états  voisins  de  vos 
frontières  chercher  et  jioursuivre  nos  ennemis.  Une  armée  de  80,000 
Russes,  commandée  par  leurs  meilleurs  généraux,  a  été  enfoncée,  battue, 
chassée  sur  tous  les  points.  Elle  a  déjà  perdu  cinquante  lieues  de  pays, 
son  artillerie,  ses  bagages,  un  grand  nombre  de  morts  et  de  prisonniers. 
Le  moment  est  arrivé  de  faire  remonter  l'empire  ottoman  à  son  ancienne 
grandeur.  Il  n'y  a  pas  un  instant  à  perdre.  Vos  frontières  sont  envahies. 
Appelez  tous  vos  fidèles  sujets  à  la  défense  de  ce  qu'ils  ont  de  plus  cher. 

T.    11.  19 


290  APPENDICE 

Ce  sont  vos  villes,  vos  mosquées,  c'est  jusqu'au  nom  musulman  que  les 
Russes  voudraient  détruire,  et  les  projets  de  vos  ennemis  vous  forcent  h 
les  vaincre.  Je  prie  Dieu  qu'il  bénisse  vos  armes,  qu'il  augmente  les 
jours  de  Votre  Hautesse,  et  qu'il  les  remplisse  de  gloire  et  de  prospérité, 
avec  fin  très-heureuse. 
Écrit  en  notre  château  impérial  de  Varsovie,  etc. 


LXYVI.    —   Lettre  de  Napoléon  I"  sV  Sélim  III.  en  date  de  Varsovie 
le  30  janvier  180«  (11   zilcadc  1231). 

Très-haut,  très-excellent,  très-puissant,  très-magnanime  et  invincible 
prince,  le  grand  empereur  des  Musulmans^  sultan  Sélim,  en  qui  tout 
honneur  et  vertu  abondent,  mon  très-cher  et  parlait  ami.  Dieu  veuille 
augmenter  votre  gloire  et  Hautesse  avec  fin  très-heureuse  I 

J'ai  lu  avec  un  vif  intérêt  la  lettre  de  Votre  Hautesse.  J'ai  été  indigné, 
comme  elle,  de  la  proclamation  des  généraux  russes;  elle  a  pris  le  parti 
de  défendre  ses  états  :  elle  peut  être  certaine  que  je  la  seconderai  de  tous 
mes  moyens.  L'armée  russe  continue  à  fuir  devant  moi.  Le  moment  est 
venu  de  consolider  l'empire  des  Ottomans.  Il  faut  que  Votre  Hautesse 
prenne  toutes  les  mesures  énergiques  qu'offre  la  fidélité  de  ses  peuples 
pour  ne  laisser  à  nos  ennemis  communs  aucun  instant  de  repos.  Sur  ce, 
je  prie  Dieu,  très-haut,  très-excellent,  très-puissant,  très-magnanime  et 
invincible  prince,  notre  très-cher  et  parfait  ami,  qu'il  augmente  les  jours 
de  Votre  Hautesse  et  les  remplisse  de  toutes  prospérités,  avec  fin  très- 
heureuse. 

Écrit  en  notre  camp  impérial  de  Varsovie,  etc. 


LXXVII.  —  Dépêche  du  ministre  des  affaires  étrangères  sk  l'ambas- 
sadeur {Sébastian!,  en  date  du  âO  janvier  1809  (11  ziicadé  1331). 

Les  Russes  n'ont  pas  assez  de  troupes  en  Moldavie  et  en  Valachie 

pour  être  en  état  de  passer  le  Danube  ;  ils  n'ont  tout  au  plus  que  35,000 
hommes,  et  ce  sera  les  affaiblir  que  de  les  forcer  à  avoir  une  seconde 
armée  en  Crimée.  Il  faut  que  l'escadre  turque  agisse  dans  la  mer  Noire 
où  les  Russes  ne  sont  point  en  force  pour  leur  résister.  Il  faut  aussi  re- 
muer la  Perse  et  diriger  ses  efforts  vers  la  Géorgie.  Obtenez  de  la  Porte 
qu'elle  donne  au  pacha  d'Erzeroum  l'ordre  de  marcher  sur  cette  province 
avec  toutes  ses  forces.  Maintenez  les  bonnes  dispositions  du  prince  des 
Abazes,  et  excilez-Ie  à  prendre  part  à  la  grande  diversion  contre  l'ennemi 
commun.  Que  ce  prince,  le  pacha  d'Erzeroum,  les  Persans  et  la  Porte 


APPENDICE  S291 

allaqiiciit    en   mùmc  temps  la  Géor{5^ic,    la   Crimée  el   la   lîessarabie. 

(Lefebvue,  iihloircy  etc.) 


rWVIII,  —  l-e*<re  du  inaroclial  Rcrtliici'  adre.sst^c  par  oi'di-o  do 
IVapoIéon  ■•-•°  au  général  Marniont,  en  date  de  Varsovie  le  S!>  jan- 
vier f807  (20  zileadé   tZZi), 


Sa  Majesté  a  appris  avec  peine,  général,  etc. 

Un  courrier  parti  de  Constanlinople  le  2  janvier  arrive  ii  Varsovie.  Le 
."0  décembre,  la  Porte  avait  déclaré  solennellement  la  guerre  à  la  Russie, 
el,  le  29,  leur  ambassadeur  était  parti  avec  5  à  600  personnes,  grecques 
ou  autres,  attachées  îi  la  Russie.  Il  règne  à  Gonslanlinople  un  grand  enthou- 
siasme i)Our  la  guerre. 

L'armée  ennemie  du  général  Michelson,  forte  de  30  mille  hommes, 
avait  10,000  hommes  à  Buckarest;  les  Turcs  avaient  15  mille  hommes.  Il 
y  a  eu  quelques  escarmouches  de  peu  de  conséquence.  Vingt  régiments 
des  janissaires  sont  partis  de  Gonstantinople  ;  on  annonce  que  vingt  au- 
tres sont  partis  d'Asie  pour  passer  en  Europe.  Déjà  près  de  60  mille  hommes 
étaient  réunis  Ji  Rasow  ;  Pasvan-Oglou  en  a  20  mille. 

Le  courrier  dit  que  dans  toute  la  Turquie  on  déploie  la  meilleure  vo- 
lonté. Vous  connaissez,  général,  les  Turcs  de  l'Asie,  mais  ceux  d'Europe 
sont  meilleurs  ;  ils  sont  plus  accoutumés  au  genre  de  guerre  d'Europe,  et 
ils  ont  souvent  eu  des  succès.  Il  est  possible  que  l'armée  de  Michelson  ar- 
rive au  Danube  ;  mais  le  passera-t-elle?  on  ne  doit  pas  le  croire. 

L'intention  de  l'empereur,  général,  est  que  vous  envoyiez  cinq  ofllciers 
du  génie  et  autant  d'artillerie  à.  Gonstantinople.  Vous  écrirez  au  pacha  de 
Bosnie,  à  celui  de  Scutari,  qu'ils  vous  envoient  des  lirmans  que  ces  ofïï- 
ciers  sont  arrivés. 

Envoyez  des  oHiciers  d'état-raajor  aux  pachas  de  Bosnie  et  de  Bulgarie, 
et  aidez-les  de  tous  vos  moyens,  comme  conseils,  officiers,  approvisionne- 
ments et  munitions  dont  vous  pourrez  disposer.  I!  serait  possible  que  la 
Porte  demandât  un  corps  de  troupes,  et  ce  corps  ne  peut  avoir  qu'un  ob- 
jet, celui  de  garnir  le  Danube. 

L'empereur  n'est  pas  très-éloigné  de  vous  envoyer  avec  25  mille  hommes 
sur  Widdin,  et  alors  vous  rentreriez  dans  le  système  de  la  grande  armée, 
puisque  vous  en  feriez  l'extrême  droite;  et  25  mille  Français  qui  sou- 
tiendraient 60  mille  Turcs  obligeraient  les  Russes,  non  pas  à  laisser 
30  mille  hommes,  comme  ils  l'ont  fait,  mais  à  y  envoyer  une  armée  du 
double  ;  ce  qui  ferait  une  grande  diversion  pour  la  grande  armée  de  l'em- 
pereur. Mais  tout  cela  n'est  encore  qu'hypothétique. 

Ce  que  vous  pouvez  faire,  dans  ce  moment,  général,  c'est  d'envoyer 


292  APPENDICE 

vingt  ou  trente  officiers,  si  les  pachas  vous  les  demandent;  mais  ne  donnez 
point  de  troupes,  à  moins  que  cela  ne  soit  quelques  délachemenls,  à  cinq 
à  six  lieues  des  frontières,  pour  favoriser  quelques  expéditions. 

S.  M.  me  charge  de  vous  dire  que  vous  pouvez  compter  sur  les  Turcs 
comme  sur  de  véritables  alliés,  et  vous  êtes  autorisé  à  leur  fournir  ce  que 
vous  pourriez  en  cartouches,  canons,    poudre,  etc.,  s'ils  vousle  de- 
mandent. 

Un  ambassadeur  de  Perse  et  un  de  Constantinople  se  rendent  à  Varso- 
vie, et,  quand  vous  recevrez  cette  lettre,  ils  seront  déjà  arrivés  à  Vienne. 
Ces  deux  grands  empires  sont  de  cœur  attachés  à  la  France,  parce  que  la 
France  seule  peut  les  soutenir  contre  les  entreprises  ambitieuses  des  Rus- 
ses. Dans  cette  circonstance,  les  Anglais  hésitent  et  paraissent  vouloir 
rester  en  paix  avec  la  Porte.  Cette  dernière  puissance  s'est  servie  pour 
cela  de  la  menace  de  transporter  40  raille  hommes  jusqu'aux  portes  d'Is- 
pahan,  et  nos  relations  sont  telles  avec  la  Perse  que  nous  nous  porterions 
sur  rindus  ;  ce  qui  était  chimérique  autrefois  devient  assez  simple  dans  ce 
moment,  où  l'empereur  reçoit  fréquemment  des  lettres  des  sultans,  non 
des  lettres  d'emphase  et  trompeuses,  mais  dans  le  véritable  style  de 
crainte  contre  la  puissance  des  Russes,  et  portant  une  grande  confiance  dans 
la  protection  de  l'empire  français. 

Vous  devez  publier  que  vous  n'attendez  que  lesfirmans  de  la  Porte  pour 
passer  le  Danube  et  marcher  à  la  rencontre  des  Russes.  Il  sera  utile  que 
cela  se  redise  dans  le  pays;  cela  intimidera  les  Russes,  qui,  soldats  et 
officiers,  craignent  les  armées  françaises. 

Telle  est  la  situation  des  affaires. 

Envoyez  des  officiers  au  général  Sebastiani  pour  correspondre  avec  lui. 
L'éloignement  de  la  Dalmatie,  etc. 

Il  y  a  un  fort  près  de  Raguse  qui  paraît  influer  sur  la  défense  de  cette 
place,  et  il  est  possible  que  le  général  Sébastian!  obtienne  qu'il  soit  remis 
entre  nos  mains;  écrivez-lui  h  cet  égard. 

Jusqu'à  cette  heure  nous  paraissons  toujours  assez  bien  avec  l'Autiùche, 

qui,  etc. 

11  est  bon  que  des  officiers  français  parcourent  les  différentes  provinces 
de  la  Turquie.  Ils  feront  connaître  tout  le  bien  que  l'empereur  veut  au 
Grand-Seigneur;  cela  servira  à  exalter  les  têtes,  et  vous  en  obtiendrez  des 
renseignements,  que  vous  me  transmettrez. 

En  deux  mots,  général,  l'empereur  est  aujourd'hui  ami  sincère  de  la 
Turquie,  et  ne  désire  que  lui  faire  du  bien  ;  conduisez -vous  donc  en  con- 
séquence. 

L'empereur  regarde  comme  l'événement  le  plus  heureux,  dans  notre 
position,  celui  de  la  déclaration  de  guerre  de  la  Turquie:  car  déjà  des 
recrues  destinées  pour  l'armée  qui  nous  est  opposée  ont  été  envoyées  à 


APPEISDICE  293 

l'armée  de  Michelsoii.  Le  Bosplioro  aujourd'hui  fermé,  l'escadre  de  Cor- 
fou,  par  cela  seul,  cesse  d'ôlre  redoutable.  L'empereur  a  uu  bon  aident  h 
Janina;  écrivez-lui.  S.  M.  remarque  que  vous  ne  vous  enlretuetlez  pas 
assez  dans  IcsalTaires  des  pachas  de  Bulgarie,  de  Bosnie  et  de  Sculari,  avec 
lesquels  vous  devez  fréquemment  correspondre. 


LXXIX.  —  Lettre  de    IVnpoIéon    !*■•   au   ministre  des  affaires  étran- 
gères, en  date  de  Varsovie  le  29  janvier  1809  (30  zileadé  i'iZl). 

Monsieur  le  prince  de  Bénévent,  écrivez  à  Sébastiani  que  j'ai  donné 
l'ordre  au  général  Marmont,  d'aider  les  pachas,  qui  l'entourent,  en  muni- 
lions  de  guerre  et  en  secours  de  toute  espèce,  mais  que  je  ne  désire  point 
que  mes  troupes  puissent  s'éloigner  de  plus  de  six  lieues  de  la  Dalmatie, 
sans  m'en  être  entendu  avec  la  Porte  ;  et  que  je  ne  suis  pas  éloigné  d'envoyer 
aujourd'hui  25  mille  hommes  sur  le  Danube,  si  la  Porte  le  demande.  Écri- 
vez-lui qu'il  y  a  un  fort  près  de  Baguse  dont  l'occupation  par  mes  trou- 
pes serait  utile  pour  la  défense  de  Raguse.  On  pourrait  s'arranger,  et  la 
garnison  turque  pourrait  y  rester  mi-partie  avec  les  troupes  françaises.  Ce 
fort  est  peu  de  chose,  mais  il  est  important  par  sa  position.  Si  la  Porte 
veut,  je  lui  enverrai  6  vaisseaux  de  ligne  qui  navigueraient  dans  ia  mer 
Noire  avec  la  flotte  turque,  et  seraient  ensemble  les  maîtres  de  cette  mer. 
Mais  je  ne  puis  envoyer  ces  6  vaisseaux  qu'en  les  faisant  échapper  ;  il  faut 
donc  que  cela  soit  tenu  très-secret,  et  c'est  une  affaire  à  traiter  avec  le 
sultan  lui-même.  L'habileté  de  mes  marins  m'assurerait  la  supériorité  sur 
les  Russes,  ces  vaisseaux  étant  soutenus  par  12  ou  15  vaisseaux  turcs.  J'y 
embarquerai  quelques  compagnies  d'artillerie  pour  aider  à  la  défense  du 
Bosphore,  si  cela  convient  et  ne  donne  point  d'alarmes  (*). 


IiX\X.    —    IV'ote    de  Tanibassadenr    Sébastiani   à   la    Sablinie-Porte 
en  date  du  ...    1807   (.    .    1231). 

Le  soussigné  général  de  division,  ambassadeur  de  S.  M.  l'empereur  des 
Français,  roi  d'Italie,  a  l'honneur  de  communiquer  h  S.  E.  le  réis-éfendi 
la  lettre  qu'il  vient  de  recevoir  du  consul-général  de  France  à  Smyrne. 
S.E.  verra  à  quel  excès  se  sont  portés  les  Anglais.  Le  soussigné  demande 
officiellement  que  tous  les  Anglais  existant  h  Gonstantinople,  k  Smyrne  et 
dans  toutes  les  échelles  du  Levant,  soient  mis  en  état  d'arrestation,  et 

(*)  L  efebvre,  histoire,  etc., dit  que  Napoléon  I"  avait  lui-même  écrit,  le  ZQ  janvier^ 
au  sultan  pour  lui  proposer  ce  secours.  Celte  missive  ne  se  trouve  pourtant  pas  dans 
la  Correspondance  de  Napoléon  I'%  dont  le  dernier  (XIV*)  volume  publié  récemment 
contient  la  correspondance  de  l'empereur  jusqu'au  mois  de  mars  !807. 


295  APPENDICE 

leurs  propriétés  en  séquestre  afin  de  répondre  des  personnes  et  des  pro- 
priétés françaises  enlevées  par  les  Anglais.  La  Sublimc-Porle  rae  paraît  ne 
pas  pouvoir  balancer  h  prendre  cette  mesure,  les  propriétés  et  les  per- 
sonnes des  Français  étant  sous  la  garantie  de  S.  H.,  et  les  Anglais  ayant 
violé  les  droits  des  gens  en  ne  respectant  pas  le  territoire  des  États  de  la 
Sublime-Porte. 
Le  soussigné  saisit,  etc. 

(Signé)  Horace  Sébastiani. 

Pour  G.  G. 

(Signé)  Fl.  Fa  y  Latouu-Maubourg, 

2"  secrétaire  d'ambassade. 

(/E.  Copie  authentique.) 

LXXXI.  —   Lettre  de  Sélini  113   ù  IS'apoléon  I<->-,   en   date    du    9 
février  1809  (t   zilliidjé  12 SI). 

Très-auguste,  très-puissant  Irès-sîncère  empereur  et  pndicha  de 
France,  notre  grand  ami  Napoléon. 

Après  avoir  offert  à  Votre  Majesté  impériale  les  assurances  les  plus  po- 
sitives et  les  expressions  les  plus  énergiques  de  notre  amitié,  et  nous  être 
affectueusement  informé  de  l'état  de  sa  santé,  nous  nous  empressons  de 
lui  faire  l'exposé  amical  suivant. 

Être  exact  et  fidèle  à  la  correspondance  est  un  des  devoirs  qu'imposent 
l'estime  et  la  confiance  qui  unissent  deux  amis,  deux  alliés  loyaux  et  sin- 
cères. Ils  doivent  en  conséquence  s'appliquer  à  se  communiquer  l'un 
h  l'autre  leurs  bonnes  intentions  et  les  plus  secrètes  pensées  de  leur  mu- 
tuelle bienveillance.  Il  est  de  fait  que  ce  sentiment  a  pris  entre  nous 
une  consistance  telle  qu'il  devient  difiiciK;  de  l'exprimer  et  superflu  de 
cherchera  le  décrire  en  détail. 

Je  me  bornerai  à  annoncer  à  Votre  Majesté  impériale  que  sa  dépêche, 
en  réponse  de  celle  que  je  lui  avais  précédemment  adressée,  m'est  heur 
reusemenl  parvenue,  et  que  l'extrême  affection  que  Votre  Majesté  impé- 
riale y  manifeste  pour  ma  pGrsonne,  en  me  pénétrant  de  la  jilus  vive  re- 
connaissance, n'a  pu  qu'imprimer  un  nouveau  mouvement,  que  donner 
un  degré  de  plus  de  force  et  d'activité  h  une  propension  naturelle  envers 
Votre  Majesté  impériale  et  à  l'attachement  que  je  professe  pour  elle,  et  qui 
va  toujours  croissant. 

Quant  à  la  joie,  que  j'ai  ressentie  au  fond  de  mon  cœur  à  la  lecture  de 
la  glorieuse  victoire  que  Votre  Majesté  impériale  venait  de  remporter  sur 
notre  ennemi  commun,  et  dont  le  récit  est  contenu  dans  sa  dépêche,  je 
désespère  de  pouvoir  rendre  cette  vive  sensation;  et  cependant  c'est  d'a- 
près elle  que  je  me  hùle  de  féliciter  Votre  Majesté  impériale  sur  ce  suc- 


APPENDICE  â95 

ces  éclatant,  en  augurant  et  désirant  que  nous  ayons  à  nous  congratuler 
réciproquement  d'une  infinité  de  pareils  triomphes. 

Dans  ce  moment  même,  et  sans  être  arrêtées  par  la  saison  de  l'hiver, 
nos  troupes  entraînées  par  leur  ardeur  se  rassemblent  sur  le  Danube,  à 
Ismaïl. 

Notre  volonté  impériale  est  que,  dès  que  l'artillerie,  les  munitions  de 
guerre  et  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  fortification  et  la  défense 
de  nos  places,  convois  déjà  en  marche  depuis  longtemps,  seront  arrivés 
sur  les  lieux,  il  soit  incontinent  procédé  h  l'expulsion  de  l'ennemi,  qui 
avait  envahi  par  surprise  notre  territoire  ;  et  qu'après  avoir  opéré,  avec  la 
divine  assistance,  cette  heureuse  évacuation,  toutes  nos  forces  soient  di- 
rectement portées  sur  le  dit  ennemi,  dans  le  juste  espoir  que  le  Dieu  des 
armées  daignera  seconder  nos  efforts  pour  venger  de  trop  anciens 
affronts. 

Outre  cette  courageuse  avant-garde,  notre  camp  impérial  (que  la  vic- 
toire l'accompagne!)  doit  incessamment  s'ébranler  de  cette  résidence  de 
félicité.  Nous  n'hésitons  pas  k  présumer  de  la  justice  céleste  que  la  réu- 
nion qu'elle  a  permise  de  deux  glorieuses  puissances,  telles  que  la  Su- 
blime-Porte et  la  France,  par  l'intimité  qui  règne  entre  nos  deux  per- 
sonnes impériales,  ne  parvienne  à  faire  disparaître  de  la  surface  de  la 
terre  l'orgueilleuse  existence  de  notre  ennemi  naturel. 

D'après  ce  vœu  prononcé.  Votre  Majesté  impériale  peut  juger  de  l'em- 
pressement avec  lequel  j'attends  la  suite  de  sa  marche  triomphante, 
c'est-à-dire  l'annonce  de  la  fuite  absolue  de  l'ennemi  hors  de  la  Pologne, 
et  la  prise  de  possession  par  Votre  Majesté  impériale  de  la  partie  de  ce 
royaume  qu'il  s'était  appropriée. 

Elle  demande  dans  sa  dépêche  à  connaître  les  dispositions  militaires 
faites  à  ma  Sublime-Porte  afin  d'y  faire  concorder  son  propre  plan  de 
campagne  ;  elle  marque  qu'elle  voudrait  à  celte  fin  voir  arriver  le  pléni- 
potentiaire que  j'avais  député  vers  elle  ;  mais  comme  il  n'avait  cessé  de 
conférer  ici,  pendant  son  séjour,  avec  le  très-judicieux  Sébastiani,  ambas- 
sadeur de  Votre  Majesté  Impériale,  résidant  près  de  notre  Porte  de  féli- 
cité, notre  sincère  ami,  à  qui  tout  est  communiqué  confidentiellement,  sur 
les  mesures  relatives  à  la  guerre  et  aux  autres  objets.  Votre  Majesté  im- 
périale aura  déjà  été  instruite  de  tous  ces  détails  par  les  dépèches  de  son 
dit  ambassadeur.  Il  y  a  d'ailleurs  toute  apparence  que  notre  susdit 
plénipotentiaire,  parti  il  y  a  quelque  temps,  avec  ordre  de  se  rendre  en 
toute  diligence  auprès  de  Votre  Majesté  impériale  sera  dans  ces  jours-ci 
parvenu  aux  termes  de  son  voyage,  et  lui  aura  confirmé  les  rapports  de 
son  ambassadeur. 

Ce  ministre,  dans  un  entretien  qu'il  eut  en  dernier  lieu  avec  notre  per- 
sonne impériale,  nous  ayant  témoigné  le  désir  que  nous  reconnaissions  le 


^ 


296  APPENDICE 

prince  Joseph,  auguste  frère  de  Votre  Majesté  impériale  comme  roi  de 
Naples,  et  le  prince  Louis,  autre  frère  de  Votre  Majesté  impériale,  comme 
roi  d'Hollande;  par  une  conséquence  naturelle  de  la  considération  et  des 
égards  que  nous  nous' plaisons  à  devoir  à  l'auguste  maison  de  Votre  Ma- 
jesté impériale,  nous  ne  balançons  point  h  nous  réjouir  de  ce  surcroît  de 
splendeur  qu'elle  a  acquis;  et  la  satisfaction  de  lui  déclarer  et  manifester 
que  notre  Sublime-Porte  a  reconnu  et  reconnaît,  de  la  manière  désirée 
par  l'ambassadeur  de  Votre  Majesté  impériale,  tant  le  prince  Joseph  pour 
roi  de  Naples,  que  le  prince  Louis  pour  roi  d'Hollande,  n'est  pas  entrée 
pour  peu  dans  les  motifs  qui  nous  ont  induit  à  écrire  à  Votre  Majesté 
impériale  la  présente  lettre  amicale. 

A  son  heureuse  réception,  nous  nous  flattons  que  nos  deux  glorieuses 
cours  faisant,  en  bonnes  et  fidèles  alliées,  tous  leurs  efforts  contre  l'en- 
nemi commun,  et  Votre  Majesté  impériale  continuant  à  se  charger, 
comme  elle  l'a  fait  jusqu'à  présent,  de  tous  les  intérêts  de  notre  Sublime- 
Porte,  nous  en  cueillerons  constamment  les  fruits  salutaires;  aussi  ne  for- 
mons-nous aucun  autre  souhait  que  celui  delà  perpétuité  de  l'amitié  et  de 
la  confiance  qui  nous  unissent  h  Votre  Majesté  impériale  et  de  l'emploi  for- 
tuné de  tous  nos  moyens  combinés  pour  abattre  les  forces  et  l'orgueil  de 
notre  commun  ennemi. 

Au  surplus,  puisse  Votre  Majesté  impériale  jouir  éternellement  d'une 
santé  inaltérable,  et  régner  avec  toute  gloire  et  prospérité. 

{M.  Traduction  officielle.) 


LXXXll.  —  Dépêche  (chiffrée)  de  l'ambassadeur  ^tébastiani  au 
ministre  des  affaires  étrangères,  en  date  du  9  février  180îf 
(I   zilhidjé^lSSl). 

Monseigneur,  l'arrivée  du  ministre  ottoman  auprès  de  S.  M.  ne  vous 
laissera  aucun  doute  sur  les  intentions  de  la  Sublime-Porte;  le  gouverne- 
ment désire  s'allier  avecla  France  par  un  traité  solennel  et  son  ministre  a 
les  pouvoirs  nécessaires  pour  en  conclure  un  offensif  et  défensif  (*);  il  est 
même  autorisé  à  stipuler  le  passage  des  troupes  françaises  sur  quelques 

(*)  Napoléon  l"  avait  chargé  son  grand-écuyer,  M.  de€aulaincourt,  de  proposer  do 
sa  part  à  l'envoyé  turc  de  conclure  uu  traité  sur  les  bases  suivantes  :  l'alliance  que 
les  deux  puissances  contracteraient  seraient  offensive  et  défensive.  Elles  s'engage- 
raient à  ne  point  faire  la  paix  avec  la  Russie,  sans  s'être  préalablement  entendues.  La 
France  garantirait  à  la  Turquie  la.  conquête  de  la  Crimée,  si  les  armées  turques  parve- 
naient à  s'en  emparer,  ainsi  que  la  possession  de  la  Moldavie  et  de  la  Vaiachie,  et  l'in- 
tégrité de  son  territoire.  C'est  le  28  mai  que  ces  propositions  avaient  été  soumises  par 
M.  de  Caulaincourt  h  Emin-Effendi.  Soit  ignorance  du  véritable  état  de  choses,  ou 


APPENDICE  '  297 

porlions  du  territoire  turc.  S.  E.  lue  rendra  Injustice  de  penser  que  j'ai 
été  toujours  d'opinion  de  conclure  avec  la  Turquie  un  traité  formel  et  de 
ne  point  se  contenter  d'une  lettre  du  (Irand-Seignêur  ;  c'est  pour  cela  que 
j'ai  toujours  continué  à  demander  l'envoi  d'un  ministre  et  qu'il  est  parti. 
Le  prince  Morousi,  etc. 

(M.  Copie.) 


LXXXIII.    —    Message   de    !\'npoléon    I«"-    lu    au   sénat    par    l'arehi- 
Hiancelier  de  l'euipirc  le  I  î   février  tSOî  («  zilliidjé  1281). 


...  Nous  avons  aussi  ordonné  que  le  rapport  de  notre  ministre  des 
relations  extérieures  sur  les  dangers  de  la  Porte  ottomane  fût  mis  sous 
vos  yeux.  Témoin,  dès  les  premiers  temps  de  notre  jeunesse,  de 
tous  les  maux  que  produit  la  guerre,  notre  bonheur,  notre  gloire, 
notre  ambition,  nous  les  avons  placés  dans  les  conquêtes  et  les 
travaux  de  la  paix.  Mais  la  force  des  circonstances  dans  lesquelles  nous 
nous  trouvons,  mérite  notre  principale  sollicitude.  11  a  fallu  quinze  ans  de 
victoires  pour  donner  à  la  France  des  équivalents  de  ce  partage  de  la 
l'ologne,  qu'une  seule  campagne,  faite  en  1778,  aurait  empêché. 

Eh  !  qui  pourrait  la  calculer  la  durée  des  guerres,  le  nombre  des  cam- 
pagnes qu'il  faudrait  faire  un  jour  pour  réparer  les  malheurs  qui  résul- 
teraient de  la  perte  de  l'empire  de  Constantinoi)le,  si  l'amour  d'un  lâche 
repos  et  des  délices  de  la  grande  ville  l'emportait  sur  les  conseils  d'une 
sage  prévoyance?  Nous  laisserions  à  nos  neveux  un  long  héritage  de 
guerres  et  de  malheurs.  La  tiare  grecque,  relevée  et  triomphante  depuis 
la  Baltique  jusqu'à  la  Méditerranée,  on  verrait  de  nos  jours  nos  provinces 
attaquées  par  une  nuée  de  fanatiques  et  de  barbares  :  et  si  dans  cette 
lutte  trop  tardive  l'Europe  civilisée  venait  à  périr,  notre  coupable  indif- 
férence exciterait  justement  les  plaintes  de  la  postérité,  et  serait  un  titre 
d'opprobre  dans  l'histoire. 

L'empereur  de  Perse,  tourmenté  dans  l'intérieur  de  ses  états,  comme  le 
fut  pendant  soixante  ans  la  Pologne,  comme  l'est  depuis  vingt  ans  la  Tur- 
quie, par  la  politique  du  cabinet  de  Pélersbourg,  est  animé  des  mêmes 
sentiments  que  la  Porte,  a  pris  les  mêmes  résolutions,  et  marche  en  per- 
sonne sur  le  Caucase  pour  défendre  ses  frontières. 

Mais,  déjà  l'ambition  de  nos  ennemis  a  été  confondue,  leur  armée  a  été 
défaite  à  Pultusk  et  à  Golymin,  et  leurs  bataillons  épouvantés  fuient  au 
loin  à  l'aspect  de  nos  aigles. 

que  ses  instructions  fussent  insuffisantes,  l'ambassadeur  turc  n'avait  voulu  rien  signer. 
(Lcfebvre,  Uistoiie,  elc). 


298  APPENDICE 

Dans  de  pareilles  positions,  la  paix  pour  être  sûre  pour  nous,  doit  ga- 
rantir l'indépendance  entière  de  ces  deux  grands  empires.  Et  si  par  l'in- 
justice et  l'ambition  démesurée  de  nos  ennemis,  la  guerre  doit  se  conti- 
nuer encore,  nos  peuples  se  montreront  constamment  dignes,  etc. 

LXXXIV.  —  Décliifrrement  d'nne  dt^'pêche  de  l'ambassadeur  Sébas- 
tian! au  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date  du  ISO  février 
1809  {12  zilhidjé  ISSl). 

Monseigneur,  j'apprends  à  l'instant  que  9  vaisseaux  anglais  ont  déjà, 
passé  les  Dardanelles,  malgré  la  résistances  des  Turcs  ;  le  reste  de  l'es- 
cadre suivait,  et,  le  vent  favorisant  son  arrivée,  nous  nous  attendons  à  la 
voir  paraître  cette  nuit.  Je  ne  doute  pas  que  l'amiral  anglais  n'obtienne 
tout  ce  qu'il  demandera  ;  rien  n'est  prêt  pour  la  défense  de  Constan- 
tinople,  et  la  consternation  est  à  son  comble.  Je  viens  de  voir  le  grand - 
vésir  ;  il  pressait  les  travaux  et  faisait  assez  bonne  contenance  ;  mais,  je 
fais  des  elforls  inutiles  pour  réveiller  chez  les  autres  membres  du  gouver- 
nement un  courage  qui  n'existe  plus.  Ma  position  est  difficile  ;  cependant, 
je  ferai  un  effort  pour  qu'on  se  défende  encore  ici.  Je  serai  arrêté  si  les 
Anglais  le  veulent  ;  je  serai  renvoyé,  s'ils  se  bornent  h  cette  demande.  Je 
plains  nos  malheureux  négociants  ;  les  propriétés  sont  fort  exposées. 

{Signé)  Sébastianl 
P.  S.  (en  clah") 

Monseigneur,  M.  le  général  Sébastian!  est  fort  occupé  dans  ce  moment. 
11  fait  les  derniers  efforts  pour  engager  les  Turcs  à  se  défendre.  Son 
courrier  n'étant  pas  encore  parti  à  cause  de  l'impossibilité  où  il  a  été, 
dans  ce  moment  de  trouble,  de  trouver  des  chevaux,  il  me  charge  de  dire 
à  V.  E.  que  l'ennemi  est  devant  la  pointe  du  sérail  avec  dix  voiles.  Le 
reste  del  'escadre  suit. 

Constantinople  le  21  février  1807,  à  10  heures  du  matin. 

(Signé)  Fay  Latour-Maubourg. 
(/E.  Original.) 

LXXXV.  —  Lettre  de  Kapoléon  !»>'  an  ministre  des  affaires  étran« 
gères,  en  date  dOstcrode  le  S  mars  180T   (33  zilhidjé   1331). 

Monsieur  le  prince  de  IJénévent,  je  reçois  votre  lettre  du  28  février,  etc. 

Quel  traité  faire  avec  la  Perse?  Comment  voulez-vous  que  je  réponde 
k  cette  question  quand  vous  ne  m'avez  pas  encore  fait  remettre  le  mémoire 
de  M.  Jauberl,  qui  me  fasse  connaître  ce  que  c'est  que  la  Perse  ?  Ce  traité, 
d'ailleurs,  peut  se  faire  à  Paris,  c'est  le  moins  pressant.  Gela  est  différent 
pour  la  Porte,  mais,  tant  que  vous  ne  me  ferez  pas  connaître  ce  qu'elle 


APPENDICE  290 

veut,  quel  est  le  but  de  la  mission  de  son  ambassadeur,  je  ne  puis  vous 
envoyer  d'instruction. 

J'ai  lu  et  relu  la  lettre  de  M.  de  Stadion,  etc.  Que  veut  la  maison  d'Au- 
triche ?  je  ne  le  sais  pas.  Veut-elle  traiter  pour  garantir  l'intégrité  de  la 
Turquie?  j'y  consens.  Veut-elle  un  traité  par  lequel,  la  Russie  venant  à 
acquérir  un  accroissement  de  puissance  ou  de  territoire  en  Turquie,  les 
deux  puissances  feraient  cause  commune  pour  obtenir  l'équivalent.  Cela 
peut  encore  se  faire.  Enfin,  la  maison  d'Autriche,  etc. 

LXWVI.  —  Lettre  de  i^élig»  III  h  I^apoléon  I<"'.  en  date  Au 
9  mars  180'9  {Z9  zilhidjû  i'iZl). 

A  Sa  Majesté,  le  très-auguste,  très-puissant,  très-généreux  empereur 
et  padichah  de  France,  Napoléon,  notre  grand  ami. 

Après  avoir  offert  à  Votre  Majesté  impériale  les  assurances  dé  notre  sin- 
cère affection  et  lui  avoir  tenu  le  langage  de  la  pure  amitié,  en  montrant 
notre  juste  empressement  à  nous  informer  de  l'état  de  sa  santé,  nous 
croyons  devoir  mettre  sous  ses  yeux  l'exposé  amical  des  faits  suivants. 

Notre  camp  impérial  était  prêt  à  se  mettre  en  marche  contre  l'ennemi 
commun,  lorsque  l'ambassadeur  d'Angleterre,  après  avoir  rais  en  avant, 
au  nom  de  sa  cour,  des  propositions  froides  et  attentatoires  h  l'honneur,  à 
la  dignité  de  notre  sublime  couronne,  après  avoir  formellement  déclaré 
que,  dans  le  cas  de  rejet  absolu  desdiles  propositions,  il  a  ppellerait  à  son 
appui  les  forces  navales  de  sa  nation,  et  mettrait  dans  l'embarras  notre 
résidence  impériale  ;  s'étant  convaincu  qu'il  ne  serait  donné  de  notre 
part  aucune  suite  ni  aucune  attention  h  de  semblables  insinuations  com- 
minatoires, s'était  subitement  évadé  et  retire.^  hors  du  détroit. 

Immédiatement  après  cette  sortie  furtive,  et  sans  nous  laisser  le  temps 
de  fortifier  le  détroit,  ce  même  ambassadeur  se  présenta  avec  son  escadre 
en  face  du  port  de  notre  capitale  et,  dans  cet  appareil  menaçant,  il  fit  répéter 
ses  propositions  premières  en  renchérissant  sur  les  expressions  dans 
l'espoir  de  nous  intimider.  Votre  Majesté  impériale  saura  en  détail,  par  le 
compte  que  son  ambassadeur  le  général  Sébastiani  lui  en  aura  rendu, 
l'inutilité  de  l'Anglais  sur  ce  point,  la  promptitude  avec  laquelle  les  points 
de  nos  côtes  et  de  nos  environs  ont  été  fortifiés  et  mis  en  défense;  la  célé- 
rité employée  h  l'armement  et  à  la  sortie  de  notre  flotte  impériale;  la 
réponse  pleine  d'énergie  qui  a  été  faite  de  notre  part  au  ministre  de  la 
Grande-Bretagne,  dès  qu'il  nous  fut  connu  que  son  intention  était  de  nous 
entraîner  de  gré  ou  de  force  à  la  paix  et  à  l'alliance  avec  la  Russie  ;  la 
précipitation  qui  a  signalé  la  retraite  honteuse  de  l'escadre  anglaise  hors 
du  détroit,  après  avoir  été  témoin  occulaire  du  peu  de  jours  qui  nous 
avaient  suffi  pour  être  en  mesure  de  repousser  ses  attaques;  la  fermeté 


300  APPENDICE 

et  la  constance  que  l'on  devait  attendre  à  l'avenir  de  nos  eiïorls,  pour 
nous  défendre,  et  enfin  le  parti  que  nous  avions  pris,  de  prohiber  dans  les 
états  de  notre  empire  le  débit  et  la  circulation  de  tous  les  articles  pro- 
venant des  luanufaclures  de  l'Angleterre. 

Votre  susdit  ambassadeur  se  conformant  sans  doute  à  votre  volonté 
impériale,  mais  se  laissant  aussi  conduire  par  le  zèle  qui  constitue  son 
heureux  naturel,  n'avait  cessé,  depuis  son  arrivée  auprès  de  nous,  de 
déployer  en  toute  occasion  sa  franchise  et  son  dévouement,  mais  nous 
devons  témoigner  à  Votre  Majesté  impériale  le  succroît  remarquable  des 
satisfactions  qu'il  nous  a  donné  en  dernier  lieu,  au  sujet  des  nouvelles  for- 
tifications faites  pour  la  défense  de  notre  propre  résidence  par  son  activité 
et  son  assiduité  infatigables. 

Le  même  ambassadeur  nous  a  fidèlement  rapporté  tous  les  points  con- 
tenus dans  les  écrits  récemment  arrivés  de  la  part  de  votre  Majesté  impé- 
riale et  qui  nous  ont  causé  une  véritable  joie. 

C'est  en  partie  pour  en  informer  Votre  Majesté  impériale  que  nous 
nous  hâtons  de  lui  adresser  la  présente  dépêche  ;  nous  nous  flattons  qu'k 
sa  réception,  Voire  ^Jajesté  impériale  continuera  h  s'occuper,  comme  elle 
l'a  fait  jusqu'à  présent,  de  tous  les  moyens  propres  h  détruire  l'existence 
de  l'ennemi  commun. 

Le  29  de  la  lune  de  zilhidje  l'an  de  l'hégire  1221. 

{Sur  la  marge  à  droite  est  le  petit  paraphe  dont  la  légende  porte  le  nom 
de  sultan  Sélim,  à  côté  est  écrit  :  )  Celui  qui  demande  le  secours  du  sou- 
verain bienfaiteur, 

Sultan  Sélim-Khan,  empereur  de  la  maison  d'Olhman. 

[M.  Traduction  officielle.) 

LXXXVII.  —  Lettre  de  \'apoIéon  I**--  au  ministre  des  affaires 
étrangères,  en  date  d'Osterode  le  1 1  mars  1809,  3  heures  du 
matin  (t  moiiarrem   13S3). 

Rlonsieur  le  prince  de  Bénévent,  je  reçois  votre  lettre  du  8  mars  à 
cinq  heures  de  l'après-midi.  Puisque  la  Porte  ne  veut  pas  de  troupes  à 
Constanlinople,  ni  pour  la  Bosnie,  vous  pouvez  assurer  l'ambassadeur  qu'il 
n'en  sera  plus  question.  Quant  aux  officiers  qu'il  demande,  il  faut  qu'il  spé- 
cifie leur  nombre,  leur  grade,  leur  arme,  et  qu'il  en  fasse  une  demande 
positive  et   détaillée.  De  même  pour  l'ambassadeur  de  Perse,  etc. 

LXXX.%'111.  —  Lettre  de  IV'apoIéon  I«-r  au  ministre  des  alTaircs 
étrangères,  en  date  d'Osterodc  le  11  mars  1809  (t  moiiar- 
rem  12S2) 

Monsieur  le  prince  de  Bénévent,  je  ne  vois  pas  d'inconvénient  que  le 
général  Sébasliani  reçoive  l'ordre  du  Croissant,  mais  sans  y  mettre  d'im- 


APPENDICE  301 

portance,  et  comme  une  chose  agréable  h  la  Porte,  de  môme  que  la 
maison  de  campagne  que  la  Porte  veut  donner,  mais  cela  sans  éclat. 
P.  S.  Je  vous  envoie  deux  h  tires,  cic.  Faites  mettre  dans  le  journal  de 
Varsovie  le  succès  des  Turcs  contre  les  Russes,  ainsi  que  la  prise  qu'on 
(lit  qu'ils  ont  fait  de  deux  bâtiments  russes  dans  les  Dardanelles,  etc. 


LWXIX.    —    Lettre    de    IVapoU^on    !*'■'    nu    prince    Eugène,   en    tlate 
d'Osterude  le   13  nians   I807  (3  nioliarreui   1323). 

Mon  fils,  je  reçois  votre  lettre  du  21  février.  Le  général  Murraont 
avec  son  c(trps  doit  toujours  se  tenir  dans  des  positions  propres  à  reposer 
ses  troupes,  h  les  instruire,  li  les  organiser,  afin  d'agir  selon  les  circons- 
tances. La  Porte  n'a  point  fait  de  demande  de  troupes,  et  les  préjugés 
des  Bosniaques  et  même  des  Russes  sont  tels,  que  la  présence  d'une 
armée  française  à  Constantinople  et  sur  le  Danube  ne  saurait  leur  plaire. 
Il  faut  continuer  h  avoir  l'œil  sur  l'Autriche,  etc. 

XC.  —  Lettre  d'Aali- pacha  (de  Yanlna)  à  I\IapoIéon  !«•',  en  date 

du  ....    1807  (...    1333). 

Traduction  de  la  lettre  d^ Ali-pacha. , 

Gloire  du  plus  grand  des  monarques,  prédestiné  pour  être  le  premier 
parmi  les  chrétiens,  régulateur  puissant  des  choses  d'ici-bas,  toujours 
prompt  à  exécuter  les  actions  nobles  et  éclatantes,  possesseur  de  gloire  et 
de  grandeur,  glorieux,  niagniQque  et  bienfaisant  Napoléon,  empereur 
des  Français,  roi  d'Italie  et  d'autres  royaumes. 

J'ai  reçu,  en  son  temps,  par  M.  Bessière,  un  très-magnifique  et  dési- 
rable présent. 

En  daignant  abaisser  un  regard  bienveillant  sur  moi,  vous  m'avez  pro- 
curé un  bonheur  que  la  langue  ne  saurait  exprimer  ni  la  plume  décrire. 

Tout  ce  que  M.  Bessière  avait  écrit  sur  le  papier  de  sa  mémoire  m'a 
été  dit  parole  par  parole,  et  j'ai  senti  toute  l'importance  de  vos  avis. 
Si  l'ennemi  commun  se  présente  dans  aucun  des  endroits  que  je  com- 
mande, ou  qui  ra'avoisinent,  soyez  sur  qu'il  sera  combattu  avec 
ardeur. 

M.  Ponqueville,  votre  consul-général  en  Albanie,  sera  pour  moi 
ini  ami  précieux,  et  il  sera  traité  avec  toutes  les  distinctions  que  l'on 
doit  à  un  de  vos  gens.  Glorieux  empereur,  si  vous  m'accordez  la  j)rotec- 
tion  que  M.  Bessière  doit  solliciter  pour  moi,  j'aurai  plus  de  sécurité  que 
si  le  grand  Alexandre  revenait  au  monde  pour  rae  défendre. 

{JE.  Copie.) 


302  APPENDICE 

XCI.     —    Réponse  (*)   de  Napoléon   le   à  la  lettre    «rAali-pacha,    en 
date  de  Tilsitt  le  O  juillet  1807  (3  djcniaziul-éwel    1223). 

Tilsitt  le  0  juillet  1808. 
A  AH' Pacha. 

Très-illustre,  très -excellent  et  magnifique  seigneur. 

J'ai  rtçu  votre  lettre  que  m'a  rerais  votre  secrétaire.  J'en  ai  compris 
le  contenu.  Je  fais  cas  de  votre  amitié  et  je  vous  en  donne  la  preuve 
spéciale  de  mon  affection  dont  je  désire  que  vous  ressentiez  l'effet.  Je 
donne  l'ordre  h  mes  généraux  de  s'entendre  avec  vous.  La  paix  est  rétablie 
entre  moi  et  l'empereur  de  Russie;  la  Sublime-Porte  y  est  comprise.  Je 
recevrai  toujours  avec  plaisir  tout  ce  qui  viendra  de  votre  part. 

Sur  ce,  je  prie  Dieu,  très-illuslre,  très-excellent  et  magnifique  sei- 
gneur, qu'il  augmente  votre  gloire  avec  fin  heureuse. 

Ecrit  en  notre  quartier  impérial  de  Tilsitt  le  9  juillet  1807. 

]^C;il.  Dépêche  (**)  du  ministre  des  affaires  étrangères  à  l'am- 
bassadeur Sébastianî,  en  date  du  9  septembre  180Ï  ^4  rédjeb 
1222). 

....  Le  traité  de  Tilsitt  a  pu,  au  premier  instant,  mécontenter  la  Porte 
parce  qu'il  ne  remplissait  pas  toutes  ses  espérances.  Elle  ne  prétendait  à 
rien  moins  qu'à  recouvrer  la  Crimée  et  ci  étendre  son  empire  jusqu'à  ses 
anciemies  limites.  Mais  comment  a-t-elle  pu  s'aveugler  au  point  de  croire 
que,  dans  son  état  de  faiblesse,  lorsque  son  gouvernement  venait  d'être 
renversé,  et  que  cette  première  résolution  en  présageait  d'autres,  on  pût 
parvenir  à  d'aussi  grands  résultats  ?  Pouvaient-ils  être  l'ouvrage  de  ces 
armées  turques  si  mal  organisées,  qui  égorgent  leurs  chefs,  qui  ne  con- 
naissent aucune  tactique,  qui  n'ont  aucune  discipline  militaire  et  que 
20  000  Russes  ont  tenues  en  échec  pendant  toute  la  campagne?  Du 
reste  le  traité  de  Tilsitt  n'a-t-il  pas,  par  l'armistice,  garanti  ces  armées, 
que  vous  dites  réduites  à  10,000  hommes,  de  l'inévitable  destruction 
dont  elles  étaient  menacées?  N'a-t-il  pas  rendu  à  la  Porte  la  Valachieet  la 
Moldavie  qu'elle  n'avait  pu  défendre,  même  un  seul  jour?  Un  trait  de 
plume  a  fait  ce  que  le  grand-vézir  et  toutes  les  forces  ottomanes  n'au- 
raient pu  opérer    pendant   dix  ans  de    guerre.   La  France    avait-elle 

(*)  Cette  lettre  se  trouve,  en  minute  autographe  de  M.  Talleyrand,  aux  Archives  de 
l'Empire,  à  Paris.  Une  copie  de  cette  minute,  qui  s'y  trouve  cyalement ,  contient  le 
protocole  ou  le  formulaire  des  titres  donnés  à  Aali-paclia. 

(*';  Dictée  par  Napoléon  I"  à  M.  de  Champagoy. 


APPENDICE  303 

d'autres  engagements?  Quel  traité  la  liait  (i  la  Porte  ?...  Un  ambassadeur 
turc  a  été  envoyé  à  l'empereur,  a  passé  quinze'jours  auprès  de  lui  et  n'a 
rien  voulu  signer.  Les  liaisons  qui  existaient  entre  l'empereur  et  lesultan, 
sans  avoir  aucun  caractère  diplomatique,  déterminaient  sufiisamment  les 
rapports  des  deux  souverains.  Par  honneur,  par  délicatesse,  l'empereur 
pouvait  se  regarder  comme  lié  aux  intérêts  du  pays  ;  mais  ces  engage- 
ments ne  pouvaient  être  que  personnels.  Sélim  a  été  renversé  du  trùne. 
Son  successeur  s'est  montré  sous  des  rapports  qui  ne  pouvaient  faire  sup- 
poser qu'il  fiit  l'ami  de  la  France.  Quinze  jours  s'étaient  écoulés,  et  vous 
n'aviez  rien  reçu.  Aucune  notification,  aucun  ambassadeur  n'a  été  accrédité 
près  de  l'empereur  :  aucune  lettre  n'a  été  écrite,  et  les  vôtres  attestent  que 
les  liens  qui  avaient  uni  Sélim  ù.  la  France  étaient  un  obstacle  à  une  liai- 
son semblable  avec  Muslaplia,  les  faits  l'ont  prouvé.  Les  canonniers 
français,  envoyés  à  la  demande  de  la  Porte,  ont  été  renvoyés  par  le  nou- 
veau prince,  renvoyés  et  maltraités.  N'était-il  pas  évident  que.  la  Porte 
avait  changé  de  système?  Et  l'empereur  devait-il,  pour  ce  gouvernement 
inconstant,  capricieux  et  cruel,  se  refuser  à  une  paix  honorable  et  conti- 
nuer une  guerre  dont  lui  seul  supportait  tout  le  poids...  L'empereur 
espère  que  l'armistice  aura  été  conclu,  que  la  Porte  a  accepté  sa  média- 
tion, et  que  son  ambassadeur  est  en  chemin  pour  se  rendre  à  Paris.  Si 
cette  conjecture  est  fondée,  si  la  Porte  a  continué  de  se  confier  dans  l'a- 
mitié de  la  France,  l'empereur  la  soutiendra  encore  :  il  lui  assurera  la 
possession  de  la  iMoldavie  et  de  la  Valachie,  et  cette  puissance  aura 
encore  quelques  moments  de  végétation.  Mais  si  la  Porte  a  fait  la  paix 
avec  l'Angleterre,  si  elle  s'est  séparée  de  la  France,  regardez-la  comme 
perdue.  L'empereur  ne  se  refusera  point  au  projet  présenté  depuis  Tilsilt 
de  partager  ses  provinces,  et  son  existence  politique  aura  pris  Dn  avec 
l'année.  L'empereur  ne  veut  point  hâter  cette  ruine  inévitable  ;  il  sou- 
tiendra la  Porte,  tant  que  la  Porte  lui  restera  fidèle,  etc. 

(Lefeevre,  histoire,  etc.) 

XCIII.  —  Rapport  du  ministre  des  affaires  étrangères  (Clianipafiny) 
à  IVapoIéun  l<-'°,  en  date  de  Varsovie  le  S 8  novembre  I^O'ïf 
(3 'S  ramazan  1223). 

Sire,  la  Russie  cesse  de  dissimuler.  Elle  a  jeté  le  masque  dont  elle  avait 
jusqu'à  présent  essayé  de  se  couvrir.  Ses  troupes  sont  entrées  en  Mol- 
davie et  en  Valachie.  Elles  ont  assiégé  les  forteresses  de  Ghoczim  et  de 
Bender.  Les  garnisons  peu  nombreuses,  attaquées  à  l'improviste,  et  lors- 
qu'elles se  confiaient  en  la  foi  des  traités,  ont  dû  céder  à  la  supériorité 
du  nombre,  et  les  deux  forteresses  ont  été  occupées  par  les  Russes. 

Tout  ce  qui  est  sacré  parmi  les  hommes  a  été  foulé  aux  pieds.  Le  sang 


30Û  APPENDICE 

humain  coulait,  pendant  que  l'envoyé  de  Russie,  dont  la  présence  seule 
devait  être  la  preuve  et  le  garant  de  la  contiiuiation  de  l'état  de  paix,  était 
encore  à  Constantinople,  et  ne  cessait  d'y  donner  des  assurances  de  l'a- 
mitié de  son  souverain  pour  S.  H.  La  Porte  n'a  su  qu'elle  était  attaquée, 
elle  n'a  appris  que  ses  provinces  étaient  envahies  que  par  le  manifeste  du 
général  Michelson,  que  j'ai  l'honneur  démettre  sons  les  yeux  de  V.  M., 
et,  ce  qui  est  aussi  révoltant  que  bizarre,  au  moment  oi!i  la  Porte  recevait 
ce  manifeste,  l'envoyé  de  Russie,  protestant  qu'il  n'avait  reçu  aucune 
instruction  de  sa  cour,  et  qu'il  ne  croyait  pas  à  la  guerre,  paraissait  désa- 
vouer les  proclamations  des  généraux  russes,  et  révoquer  en  doute  l'en- 
trée des  armées  russes  sur  le  territoire  ottoman. 

A  quel  sort  l'Europe  serait-elle  réservée,  si  ses  destins  pouvaient  dé- 
pendre des  caprices  d'un  cabinet  qui  change  sans  cesse,  que  différentes 
fractions  divisent,  et  qui,  ne  suivant  que  ses  passions,  semble  ou  ignorer 
ou  méconnaître  les  sentiments,  les  procédés,  les  devoirs  qui  entretiennent 
la  civilisation  parmi  les  hommes. 

La  Porte  ottomane  avait  depuis  longtemps  la  certitude  qu'elle  avait  été 
trahie  par  le  prince  Ipsilanti,  hospodar  de  Valachie.  Le  prince  Morousi, 
hospodar  de  Moldavie,  ne  lui  inspirait  plus  entière  confiance.   Usant  de 
son  droit  incontestable  de  souveraineté,  elle  a  déposé  l'un  et  l'autre,  et 
les  remplaça  par  les  princes  Souzo  et  Gallimachi.  Cette  mesure  déplut  h 
la  Russie.  Son  envoyé  déclara  qu'il  quitterait  Constantinople,  si  les  hos- 
podars  destitués  n'étaient  pas  rétablis.  A  celte  époque,  une  inconcevable 
guerre  paraissait  sur  le  point  d'éclater  entre  la  France  et  la  Prusse.  Eton- 
née de  voir  en  mésintelligence  les  deux  puissances  les  plus  intéressées  à 
sa  conservation,  la  Porte  sentit  quel  avantage  leur  décision  donnerait  à 
son  ennemi  naturel.  Un  amiral  anglais  parut  avec  une  escadre,  et  signifia 
que  l'Angleterre  ferait  cause  commune  avec  les  Russes,  si  les  anciens  hos- 
podars  n'étaient  pas  rétablis.   La  Porte  céda  à  la  nécessité,  et  conjura 
l'orage  dont  elle  était  menacée,  en  remettant  en  place  les  hospodars 
qu'elle  venait  de  déclarer  traîtres,  et  en  déposant  les  hommes  de  son 
choix.  La  Russie  devait  être  satisfaite.  L'Angleterre  le  fut  au-delà  de  ses 
espérances.  La  Porte  avait  cru  et  dû  croire  que,  pour  prix  de  la  condes- 
cendance, elle  conserverait  la  paix  qu'elle  avait  si  chèrement,  si  doulou- 
reusement achetée.  Mais  la  nouvelle  de  la  guerre  déclarée  par  la  Prusse 
et  des  premières  hostilités  commises   ne  tarda  point  à  arriver  à  Saint- 
Pétersbourg.  La  cour  de  Russie  s'applaudit  intérieurement  d'une  guerre 
qui  mettait  aux  prises  deux  alliés  contre  lesquels  elle  nourissait  en  se- 
cret un  égal  ressentiment,  deux  puissances  qui  devaient  être  constamment 
d'accord  pour  s'opposer  à  ses  projets  contre  l'empire  ottoman.  Dès  lors, 
elle  ne  garda  plus  aucune  mesure.  Elle  expédia  au  général  Michelson 
l'ordre  d'entrer  en  Moldavie,  et  dévora  en  espérance  une  proie  qu'elle 


APPENDICE  305 

convoitait  depuis  tant  d'annéos,  et  qiie  l'nnion  de  la  France  et  de  la  Prusse 
l'avait  jusqu(!-lh  forcée  de  respecter.  Heureusement  pour  la  Turquie,  la 
guerre  de  la  Russie  n'a  duré  qu'un  moment,  et  l'armée  française  arrivant 
sur  la  Vistule,  lorsque  les  troupes  russes  se  concentraient  sur  le  Dnieper, 
les  a  forcées  de  rétrogader  el  d'accourir  pour  défendre  leurs  frontières 
menacées.  La  Porte  otiomano  a  senti  son  espoir  renaître.  Elle  a  sondé 
dans  toute  sa  profondeur  l'ahîme  que  sa  condescendance  avait  creusé 
sous  ses  pas.  Elle  a  reconnu  qu'un  miracle  l'avait  sauvée,  et  toute  la  Tur- 
quie a  couru  aux  armes  pour  être  désormais  l'inséparable  alliée  de  la 
France,  sans  le  secours  de  laquelle  elle  était  en  danger  de  périr. 

Le  29  décembre,  l'ambassadeur  russe  a  quitté  Constantinople  avec 
toutes  les  personnes  attachées  à  la  légation,  avec  tous  les  négociants 
russes  el  même  avec  les  négociants  grecs,  qui  étaient  à  Constantinople, 
sous  la  protection  de  la  Russie.  Tous  ont  été  respectés,  tous  ont  pu  se 
retirer  librement,  tandis  que  les  Russes  emmenaient  prisonnier  en  Russie 
le  consul  de  V.  M.  à  Yassy,  quoiqu'ils  lui  eussent  donné  des  passeports 
pour  se  retirer  par  l'Autriche. 

Le  30,  la  déclaration  de  guerre  de  la  Porte  a  été  proclamée  k  Constan- 
tinople. Les  marques  du  commandement  suprême,  i'épée  et  la  pelisse  ont 
été  envoyées  au  grand-vézir.  Le  cri  de  guerre  a  retenti  de  toutes  les  mos- 
quées. Tous  les  Ottomans  se  sont  montrés  unanimement  convaincus  que  la 
voie  des  armes  est  la  seule  ([ui  leur  reste  pour  préserver  leur  empire  de 
l'ambition  de  ses  ennemis. 

Peu  de  nations  ont  mis  dans  la  poursuite  de  leurs  desseins  autant  d'ar- 
tifice et  de  constance  que  la  Russie.  La  ruse  et  la  violence  qu'elle  a  tour 
à  tour  employées  pendant  soixaal.;  ans  contre  la  Pologne,  sont  encore 
les  armes  dont  elle  se  sert  contre  l'empire  ottoman.  Abusant  de  l'in- 
fluence que  depuis  les  dernières  guerres  elle  avait  acquise  sur  la  xMol- 
davie,  elle  a,  du  sein  de  ces  provinces,  soufflé  partout  l'esprit  de  sédi- 
tion et  de  révolte.  Elle  a  encouragé  les  serviteurs  rebelles  à  la  Porte. 
Elle  leur  a  fuit  passer  des  armes,  elle  leur  a  envoyé  dos  officiers  pour  les 
diriger.  Profitant  du  naturel  sauvage  des  Monténégrins  et  de  leur  pen- 
chant à  la  rapine,  elle  les  a  soulevés  et  armés.  Elle  a  pareillement,  et  pour 
ses  futurs  desseins,  armé  secrètement  la  Morée,  après  l'avoir  effrayée  de 
dangers  imaginaires  dont  elle  avait  adroitement  semé  le  bruit.  Elle  a  enfin, 
sous  les  prétextes  les  plus  frivoles,  continué  d'occuper  Corfou  et  les  au- 
tres îles  delà  mer  Ionienne,  dont  elle  avait  elle-même  reconnu  l'indépen- 
dance. L'exécution  de  ses  projets  étant  ainsi  préparée  par  tous  les  moyens 
que  l'artifice  et  Tintrigue  pouvaient  lui  fournir,  elle  a  saisi  habilement 
l'occasion  que  lui  offrait  la  guerre  de  la  France  et  de  la  Prusse,  et  marché 
ouvertement  à  son  but  avec  cette  violence  qui  ne  connaît  aucun  droit  ou 
n'en  respecte  aucun. 


T.    II. 


20 


306  APPENDICE 

Des  circonstances  aussi  graves  m'obligent  de  rappeler  à  V.  M.  la  con- 
duite que  tint  l'ancien  gou  verneraent  de  la  France,  à  une  époque  à  laquelle 
il  faut  remonter  pour  trouver  la  cause  des  événements  actuels.  De  toutes 
les  fautes  de  ce  gouvernement,  la  plus  impardonnable,  parce  qu'elle  a 
été  la  plus  funeste,  fut  de  souilrir,  comme  il  le  fit,  avec  une  inconvenable 
imprévoyance,  le  premier  partage  de  la  Pologne,  qu'il  aurait  pu  si  facile- 
ment empêcher.  Sans  ce  premier  partage,  les  deux  autres  n'auraient  pu 
s'effectuer  et  n'auraient  pas  même  étaient  tentés  à  l'époque  où  ils  furent 
faits.  La  Pologne  existerait  encore.  Sa  disparution  n'aurait  pas  laissé  un 
vide,  et  l'Europe  aurait  évité  les  secousses  et  les  agitations  qui  l'ont  tour- 
mentée, sans  relâche,  depuis  dix  ans. 

Le  cabinet  de  Versailles  aggrava  encore  cette  faute  en  laissant  la  Porte 
ottomane  seule  aux  prises  avec  les  Russes  et  forcée  aux  plus  douloureux 
sacriûces,  quand  il  pouvait  les  lui  épargner,  quand  il  lui  était  si  facile  de 
la  secourir,  soit,  en  1783,  après  la  paix  qu'il  venait  de  faire,  soit  cinq 
ans  plus  tard,  lorsque  commença  cette  guerre  qui  fui  terminée  par  la  dé- 
plorable paix  de  1791. 

Cet  oubli  des  intérêts  de  la  France  et  de  l'Europe  entière  aurait  encore 
aujourd'hui  pour  l'une  et  l'autre  des  conséquences  nouvelles  et  bien  plus 
funestes,  si  V.  M.  ne  les  avait  pas  rendues  impossibles. 

Mais  "V.  M.  a  tant  fait  pour  que  ses  ennemis  désirent  la  paix,  et  elle  a 
tant  fait  encore  pour  la  rendre  facile.  Car  on  ne  peut  pas  supposer  que  la 
Russie  s'aveugle  elle-même  au  point  de  renoncer  h  tous  les  bienfaits  de 
la  paix,  en  refusant,  de  prendre  le  seul  engagement  que  V.  M.  veuille 
exiger  d'elle,  celui  de  s'abstenir  désormais  des  entreprises  qu'elle  a  faites 
depuis  trente  ans  et  qu'elle  poursuit  ou  renouvelle  en  ce  moment  sur  les 
états  qui  l'avoisinent  au  midi,  et  de  reconnaître  l'indépendance  et  Tinté» 
grité  de  l'empire  ottoman,  qui  importent  si  essentiellement  à  la  politique 
de  la  France  et  au  repos  du  monde. 

{M.  Copie.) 

XCI¥.  —  Dépêche  (extrait)  de  l'ambassadcar  Sébastian!  an  mi- 
nistre des  affaires  étrangères,  en  date  du  lO  décembre  f809 
(9  chéwal  1223). 

Dans  une  entrevue  de  l'ambassadeur  avec  le  réis-éfendi,  celui-ci  lui 
dit: 

Un  négociateur  russe,  M.  Pozzo  di  Rorgo,  est  venu  nous  offrir,  de  la 
part  de  sa  cour,  l'évacuation  des  deux  provinces  avec  la  promesse  de  ne 
plus  s'immiscer  dans  leur  administration  ;  nous  avons  tout  refusé.  Les 
Anglais  ont  fait  mille  efforts  pour  nous  rapprocher  de  la  Russie  ;  nous 
avons  repoussé  leurs  propositions.  Ils  ont  voulu  nous  y  contraindre  par  la 
violence;  nous  avons  résisté.  Récemment  encore,  ils  nous  ont  fait  de 


APPENDICE  307 

nouvelles  ouvertures;  nous  sommes  resiés  fidèles  à  l'alliance  qui  nous 
unit  à  vous.  Lord  Paget  est  parti;  les  propriétés  di*s  Anglais  sont  con- 
fisquées, leurs  marchandises  sont  i)roliibées  et  nos  ports  sont  in- 
tertlits  à  leurs  vaisseaux.  Enfin,  monsieur  l'ambassadeur,  vous  avez  de- 
mandé que  la  paix,  au  lieu  d'être  négociée  à  Bucharest,  ce  qui  eût 
accéléré  sa  conclusion,  le  fût  à  Paris,  et  nous  y  avons  consenti.  Quel 
est  le  prix  de  tant  de  dévouement?  Le  traité  de  Tilsitt  est  ouvertement 
violé  par  les  Russes  :  non-seulement  ils  occupent  encore  la  Valachie 
et  la  Moldavie,  mais  chaque  jour  ils  reçoivent  de  nouveaux  renforts. 
Ils  envoient  aux  Sorviens  des  quantités  énormes  d'armes  et  de  munitions, 
et  un  agent  secret  de  la  cour  de  Saint-Pétersbourg  se  trouve  b.  Belgrade 
où  il  excite  plus  que  jamais  les  peuples  de  ces  contrées  à  la  révolte.  » 

(Lefebvre^  histoire,  etc.) 

\CV.  —  Résumé  d'nne  dépêche  du  ministre  des  affaires  étran- 
gères à  l'aniliassadcnr  Sébastian!,  en  date  du  13  janvier  1808 
(14  zilcadé   1323). 

L'ambassadeur  est  chargé  de  communiquer  à  la  Sublime-Porte  que 

l'empereur  a  cherché,  en  vain,  à  induire  la  Russie  à  évacuer  la  "Valachie 

et  la  Moldavie,  et  qu'elle  sera  probablement  forcée  d'acheter  la  paix  au 

prix  de  ces  deux  provinces. 

(Lefebvre,  histoire,  etc.) 

XCYI.  —  Résumé  d'une  dépèche  de  l'ambassadeur  ^ébasiiani  an 
ministre  des  affaires  étrangères,  en  date  du  15  février  1808 
(19  zilliidjé  133  2). 

Invité  à  se  rendre  ce  même  jour  (15  février)  à  la  Sublime-Porte,  l'am- 
bassadeur reçut  de  la  part  du  réis-éfendi  la  communication  verbale  sui- 
vante : 

S.  H.  a  remarqué  avec  un  extrême  chagrin  le  changement  qui  s'est 
opéré  dans  les  dispositions  de  la  France.  Jusqu'ici,  S.  M.  l'empereur  des 
Français  lui  avait  donné  des  témoignages  d'amitié  et  d'intérêt  qui  la  con- 
solaient de  l'incertitude  et  des  dangers  de  sa  position.  Aujourd'hui,  elle 
lui  fait  part  d'un  projet  qui  doit  entraîner  la  Turquie  dans  les  plus  affreux 
désordres,  et  elle  n'accompagne  une  communication  aussi  alarmante 
d'aucune  offre  de  secours,  d'aucune  promesse  d'assistance.  Jamais  la  Su- 
blime-Porte ne  consentira  à  céder  la  Moldavie  et  la  Valachie;  elle  préfé- 
rera mille  fois  la  guerre  h  une  pareille  humiliation.  S.  IL  est  accablée  de 
douleur  :  elle  a  résolu  d'écrire  elle-même  à  S.  M.  impériale,  et  de  lui  ex- 
[)oser  la  situatioQ  critique  dans  laquelle  se  trouve  son  empire. 

(Lefebvre,  histoire,  etc.) 


308  APPENDICE 

XCVII.  —  Résniné  d'une  lettre  de  Moustapha  IV  à  TVapoIéon  I*"',  en 
date  du  4  mars  1808  (9  moharrem   133  3). 

Le  sultan  rappelle  à  l'empereur  Napoléon  tous  les  témoignages  d'amilié 
que  son  gouvernement  lui  avait  donnés;  sa  bonne  loi  dans  l'exécution  de 
ses  engagements  ;  les  promesses  formelles  qui  lui  avaient  été  faites  après 
le  traité  de  Tilsitt.  Il  finit  par  solliciter  de  nouveau  la  protection  de  l'em- 
])ereur,  et  le  supplier  de  lui  garantir  l'intégrité  de  son  territoire. 

(Lefebvre  histoire,  etc.) 

Xl'TIII.  —  Résumé  d'une  dépêche  de  l'ambassadeur  Scbastîanî  au 
ministre  des  affaires  étrangères,  en  date  du  14  mars  t808 
(1»  moharrem  1233). 

Mouhib-éfendi  (ambassadeur  ottoman  à  Paris),  prévient  sa  cour  qu'elle 
ne  doit  plus  compter  sur  l'appui  de  la  France,  que  l'empereur  Napoléon 
est  irrévocablement  engagé  dans  les  voies  de  la  politique  russe,  et  que, 
si  son  nouvel  allié  l'exigeait  absolument,  il  n'hésiterait  pas  à  lui  sacrifier 
la  Turquie,  comme  il  lui  sacrifie  en  ce  moment  la  Suède. 

«  La  France  est  regardée  comme  un  alliée  infidèle  qui  a  trahi  la  Su- 
blime-Porte: cette  conviction  est  générale.  Il  est  impossible  de  la  dé- 
truire, et  la  Turquie  a  aujourd'hui  plus  de  haine  contre  la  France  que 
contre  la  Russie.  » 

(Lefebvre,  histoire,  etc.) 

XCI\'.  —  Lettre  de    IH.  de    Verninac  an  ministre  des  affaires  étran» 
gères,  en  date  du  23  mai  i808  (29  rébiul'éwel  1223). 

Monseigneur,  j'allai  rendre  visite,  hier,  h  l'embassadeur  turc,  ainsi 
que  j'ai  l'habitude  de  le  faire,  de  temps  à  autre.  Comme  il  dormait,  le 
premier  interprèle  me  proposa  un  tour  de  promenade  dans  le  jardin.  Cet 
interprète  est  M.  Theologo,  qui  fit  dernièrement  un  voyage  à  Bayonne. 
Après  quelques  moments  d'une  conversation  indifférente ,  ne  s'occupe-t- 
on pas  beaucoup  de  nous  dans  le  public,  me  dit-il?  On  assure,  répondis- 
je,  que  l'empereur  a  fait  prolonger  l'armistice,  et  je  vous  en  félicite.  —  La 
prolongation  de  l'armistice  n'est  rien,  si  l'on  ne  travaille  point  à  la  paix; 
il  n'en  est  pas  encore  question,  et  je  vois  avec  chagrin  que  la  Porte  ne 
prend  aucun  des  moyens  propres  àse  l'assui'er  prompte  et  avantageuse.  — 
Vous  n,e  surprenez,  ^lonsieur,  je  croyais  que  la  l'orte  la  ménageait  par 
tous  les  procédés  d'une  confiance  entière  envers  l'auguste  médiateur  qnien 
est  l'arbitre.  —  Je  m'expliquerai  franchement,  repartit  M.  Theologo,  et 
j'irai  droit  au  fait.  Aux  termes  du  traité  de  Tilsitt,  les  Russes  auraient  dû 


APPENDICE  [509 

« 

évacuer  la  Valacliic  o[  la  Moldavie;  noii-seuleniPiit  il  sont  restés  dans  les 
provinces,  mais  ils  s'y  sont  singulièi'enient  renforcés.  Or,  de  deux  choses 
l'uno:  celle  inexécution  du  traité  a  été  consentiepar  l'empereur  Napoléon, 
ou  elle  n'a  pas  son  assentiment  ;  c'est  une  infraction  que  s'est  permise  l'une 
des  parties  contractantes  ou  bien  c'est  une  modification  apportée  d'accord 
entre  elles  aux  engagements  qu'elles  avaient  pris  ensemble;  dans  le  pre- 
mier cas,  l'empereur  Napoléon,  qui  est  sans  doute  assez  puissant  pour 
l'aire  respecter  le  traité,  voudra-t-il  sacrifier  ii  cela  le  sang  de  ses  soldats 
et  les  intérêts  qui  Tunissent  à  la  l^ussie?  Dans  le  fond,  pouvons-nous  es- 
|)érer  qu'il  révoquera,  sans  la  considération  de  (pielque  avantage  personnel, 
l'acte  de  condescendance  auquel  il  a  pu  s'abandonner  en  faveur  de  son 
allié?  Dans  l'un  ou  l'autre  cas,  un  danger  grave  nous  presse,  et  ne  pouvant 
y  échapper  par  la  voie  des  armes,  nous  devons  recourir  à  la  ressource 
des  faibles.  Si  la  Russie  agit  sans  l'aveu  de  l'empereur,  obtenons  de  l'em- 
pereur, par  des  concessions,  qu'il  fasse  respecter  le  traité  ;  si  l'empereur 
a  relâché  le  lien  des  engagements  pris  à  ïiisitt,  méritons  par  la  même 
complaisance  qu'il  le  resserre.  Donnons  en  un  mot  à  une  puissance  qui 
n'est  pas  essentiellement  notre  ennemie,  pour  ne  rien  donner  à  celle  qui 
de  tout  temps  aspire  à  nous  anéantir,  ou  pour  éviter  d'être  la  proie  de 
l'une  ou  de  l'autre.  Cette  politique  est  le  seul  moyen  de  salut  dans  les 
circonstances  critiques  où  nous  sommes.  Mais  tout  indignée  qu'elle  est  par 
notre  position,  elle  ne  prévaudra  point  dans  le  divan  sur  les  préjugés  et 
les  sentiments  qui  y  dominent  ;  la  paix  ne  se  fera  point  ;  nous  serons  bat- 
tus et  notre  ruine  est  infaillible.  Ce  que  je  vous  dis  là,  continua  M.  Theo- 
lûgo,  j'eus  le  courage  de  le  dire  à  M.  l'ambassadeur  ces  jours  derniers; 
je  m'attachais  h  lui  faire  sentir  que  les  dillicullés  existantes  ne  pouvant  se 
résoudre  que  par  un  abandon  de  territoire,  il  ne  nous  restait  plus  cju'à  sa- 
voir bien  placer  nos  sacrifices  et  qu'à  les  faire  servir  à  nous  assurer  un 
protecteur  puissant,  qui  sauvât  du  moins  notre  existence  et  notre  gloire. 
L'ambassadeur  me  répondit  que  les  Français  étaient  autant  nos  ennemis 
que  les  Russes  et  tous  les  iulidèles  ;  que  la  Poi'le  rie  pouvait  rien  céder 
aux  uns  ni  aux  autres;  que  le  sandjac-chérif  (l'étendard  de  Mahoniel) 
dissiperait  toutes  les  armées  chrétiennes,  et  lorsque  je  lui  rappelais  les 
défaites  des  troupes  les  plus  renommées,  la  chute  de  tant  de  trônes,  et 
tout  ce  dont  nous  avons  été  les  témoins  depuis  quinze  ans  :  Vous  êtes 
chrétien  vous-même,  me  dit-il,  et  vous  désirez  notre  perte;  mais  vous 
devriez  rougir  de  vos  opinions  et  craindre  d'avoir  à  en  rendre  compte  à  la 
Porte?  Je  crains  si  peu,  m'ajouta  M.  Theologo,  les  suites  d'une  opinion 
que  je  crois  utile  au  bien  de  mon  souverain,  que  j'en  ai  fait  part  au  réis- 
erendi;je  lui  ai  envoyé  dernièrement  un  mémoire  entièrement  rédigé 
dans  le  sens  de  la  conversation  que  j'ai  avec  vous.  Ces  confidences  de 
M.  Theologo  m'étonnent  d'autant  plus  que,  depuis  qu'il  est  en  France,  il 


310  APPENDICE 

ne  m'avait  pas  dit  un  seul  mot  d'affaire,  et  s'était  tenu  dans  une  réserve 
extrême.  M.  Tiieologo,  en  me  parlant,  était  très-éniu  et  paraissait  affecté. 
Quoique  que  je  ne  proférasse  pas  un  mot  qui  dût  encourager  ses  épanche- 
raents,  il  me  paria  de  la  situation  intérieure  de  l'empire.  D'après  les  nou- 
velles particulières  qui  m'arrivent,  dit-il,  le  mal  est  au  comble,  h  peine 
avons  nous  pu  réunir  30,000  hommes  pour  opposer  aux  Russes  ;  tout  est  en 
défection  dansl'Asiejons'yrit  desKhalicl)érifs(coramandemenls  du  Grand- 
Seigneur  même)  ;  le  trésor  est  dénué;  les  Grecs  de  la  Péninsule  et  ceux 
d'au-delà  de  l'isthme  s'exaltent  de  plus  en  plus;  chacun  s'occupe  de 
l'avenir;  comme  Grec,  je  dois  entrevoir  avec  satisfaction  l'espérance  d'un 
changement;  comme  employé  de  la  Porte,  dans  un  poste  effrayant  de  res- 
ponsabilité, je  souffre  de  voir  qu'on  ne  prend  pas  lesmoyens  de  conjurer 
l'orage  ;  j'ai  fait  solliciter  mon  rappel,  par  mes  amis,  on  a  répondu  qu'il 
n'était  pas  encore  temps;  ma  position  est  la  plus  fâcheuse  du  monde. 

J'ai  cru,  monseigneur,  que  ces  ouvertures  de  M.  Tiieologo  pouvaient 
intéresser  le  bien  duservice  de  S.  M.,  et  cette  considération  me  détermine 
à  les  porter  à  votre  connaissance. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

{Signé)  Verninac. 
(M.  Original.) 

V.  —   mémoire    adressé  par    le    général  Séliastlani    à   IVapoléon  I'^', 
en  date  dn   13  juillet  «808  (18  djémazinl-éwel   13  33). 

Mémoire  sur  la  lurquie,  svr  la  Bussie  et  siir  V  Autriche., 
par  le  général  Sébastiani. 

12  juillet  1808.  Votre  Majesté  m'a  ordonné  de  lui  faire  un  rapport  sur  la  situation  actuelle 
de  l'empire  ottoman,  je  vais  lui  soumettre  les  observations  que  j'ai  été  k 
portée  de  faire  pendant  mon  séjour  k  Constantinople.  —  J'ai  cherché  k 
connaître  non-seulement  le  gouvernement  et  la  capitale  où  j'ai  résidé, 
mais  encore  les  différentes  provinces  de  cette  monarchie  ;  dans  toutes 
mes  recherches  je  n'ai  eu,  et  je  n'aurai  jamais  qu'un  but,  le  service  de 
Votre  Majesté. 
Situation  L'empire  ottoman  est  une  monarchie  militaire;  tant  que  les  princes  de 

inîéiicure.  ja  dynastie  régnante  ont  été  belliqueux,  qu'ils  ont  commandé  leurs  armées 
et  parcouru  leurs  provinces,  la  monarchie  a  été  florissante,  mais  depuis 
qu'ils  sont  renfermés  dans  le  sérail,  que  lesvézirs  et  les  pachas  comman- 
dent les  troupes,  et  que  le  divan  gouverne  l'État,  la  monarchie  est  tombée 
dans  l'abaissement  et  est  livrée  au  désordre. 

Votre  Majesté,  avant  mon  départ  pour  Constantinople,  en  me  parlant 
de  la  Turquie,  dit  :  Il  ne  faut  à  cet  empire  pour  le  relever  qu'un  prince 
courageux  qui  se  mette  à  la  tète  de  ses  janissaires,  qui  parcoure  ses 


APPENDICE  311 

provincos  et  ((iii  lasse  tomber  les  tôles  des  pachas  qui  méconnaissent 
son  autorité.  —  Toutes  les  oi)sei"vations  que  j'ai  pu  l'aire  dans  différentes 
circonstances  ont  confirmé  cette  vérité. 

Malheureusement  pour  l'empire  ottoman,  aucun  de  ses  princes  actuels 
n'a  les  qualités  qui  sont  nécessaires  pour  opérer  ce  changement. 

Sultan  Sélim,  homme  éclairé,  et  convaincu  de  la  nécessité  de  modifier 
la  constitution  de  l'État,  entreprit  peut-être  avec  trop  de  légèreté  des 
changements  qui,  en  ])lessant  la  religion  et  les  usages,  indisposèrent  la 
nation  et  surtout  les  ulémas  et  les  janissaires,  —  S'il  eût  été  doué  d'un 
courage  et  d'une  fermeté  même  ordinaires,  il  eiit  triomphé  de  tous  les 
obstacles,  mais  pusillanime  jusqu'à  l'excès,  il  fut  précipité  du  trône. 

Sultan  Moustapha  régnant,  n'a  point  la  lumière  de  son  prédécesseur  et 
en  a  toute  la  faiblesse.  —  Son  règne  me  paraît  devoir  amener  la  fin  de 
cette  dynastie,  car,  si  un  mouvement  populaire  le  renversait  lui-môroe  et 
plaçait  sur  le  trône  sultan  Mahmoud,  son  frère,  la  Turquie  serait  gouver- 
née par  un  prince  faible,  doux  et  valétudinaire,  atteint  d'une  épilepsie 
incurable. 

Voilà  les  seuls  rejetons  de  la  famille  des  Ottomans  qui  est  menacée  de 
s'éteindre  tout  naturellement.  —  Sultan  Sélim  n'a  pas  eu  d'enfants.  —  Sul- 
tan Moustapha  paraît  frappé  de  la  même  stérilité,  puisque  depuis  quatorze 
mois  aucune  de  ses  femmes  n'a  donné  de  signe  de  fécondité. 

La  faiblesse  des  princes  ottomans,  depuis  Mahomet  IV,  a  été  telle  que 
les  vastes  provinces  de  cet  empire  se  sont  pour  ainsi  dire  isolées,  et  les 
opinions  religieuses  forment  le  seul  centre  d'union,  auquel  se  rattachent 
encore  ses  parties.  —  Tous  les  pachas,  tant  d'Europe  que  de  l'Asie,  pres- 
que indépendants,  car  ils  ont  à  la  fois  l'administration  de  la  justice  et  des 
finances  de  leurs  provinces  jointe  h  la  puissance  militaire  ;  ils  font  servir 
les  forces  et  les  moyens  qu'ils  ont  à  leur  disposition  à  leur  propre  agran- 
dissement et  k  faire  la  guerre  à  leurs  voisins. 

Il  résulte  de  cet  état  des  provinces  que  les  tributs  n'entrent  plus  dans 
le  trésor  de  l'État,  et  aujourd'hui  les  finances  dont  le  sultan  et  le  divan 
gèrent  l'administration  ne  s'élèvent  pas  à  2k  millions  tournois,  parce 
qu'elles  ne  se  composent  plus  que  de  la  capitation  grecque  de  la  capitale 
et  des  environs,  du  produit  des  douanes  qui  est  presque  nul  depuis  la 
guerre  et  des  successions  des  employés  de  l'État.  —  Les  seules  ressources 
pécuniaires  que  pourra  trouver  le  Grand-Seigneur  dans  un  moment  de 
crise  et  de  besoin,  seront  les  avanies  que  l'on  fera  supporter  aux  Grecs 
et  aux  Juifs,  aux  Arméniens  et  aux  Turcs,  et  les  joyaux  de  la  couronne. 

Après  avoir  exposé  les  ressources  financières  de  l'empire  ottoman,  il 
est  utile  d'en  faire  connaître  les  forces  militaires.  Depuis  la  destruction  du 
corps  des  Nisam-Gédit,  des  troupes  de  nouvelle  création,  le  corps  des  ja- 
nissaires constitue  la  seule  infanterie  de  l'État,  les  Spahis  et  les  Tima- 


■6V2  APPENDICE 

riates  forraent  la  cavalerie.  —  Un  corps  de  canonniers  sous  le  nom  de 
Toptchis  d'à  peu  près  7,000  hommes  est  destiné  h  la  défense  des  cliàteaux 
des  Daidanelies  et  du  Bosphore  et  au  service  de  l'artillerie  en  campagne. 

Tous  les  Turcs  sont  soldats,  dès  qu'ils  sont  en  état  de  porter  les  armes  ; 
ils  doivent  marcher  à  la  voix  de  leur  souverain  et  de  la  religion,  mais 
l'esprit  d'isolement  des  provinces  est  tel  que  pendant  la  dernière  campa- 
gne, l'armée  vézirielle  du  Danube  ne  s'est  pas  élevée  à  plus  de  40,000 
hommes,  dont  15,000  avaient  été  levés  dans  Constantinople  et  10,000 
dans  Andi'inople  et  ses  environs  ;  le  reste  de  l'armée  se  composait  de 
quelques  corps  de  troupes  envoyés  par  des  pachas  et  d'un  petit  nombre 
de  vrais  croyants  d'Asie  qui,  de  leur  propre  moavemenl  et  poussés  par 
leur  zèle,  étaient  venus  grossir  l'armée. 

La  Turquie  européenne  au  delà  d'Andrinople  n'a  rien  fourni,  et  l'Asie, 
comme  on  l'a  dit,  n'a  donné  que  15,000  hommes. 

L'armée  du  grand-vésir  doit  êlre  évaluée  indépendamment  des  forces 
des  pachas  de  Ruslchuck  et  de  Widdin,  les  premières  se  montait  ni  à 
25,000  hommes  et  les  secondes  à  7  ou  8,000.  —  Ces  troupes  étaient 
infiniment  meilleures  et  plus  aguerries  que  celles  du  grand-vésir. 

Dans  un  moment  de  crise  et  de  danger,  l'armée  vézirielle  ne  s'élèvera 
pas  de  beaucoup  au-dessus  de  40,000  hommes,  mais  les  puissances  qui 
attaqueront  l'empire  ottoman  auront  à  combattre  toute  la  population  mu- 
suhnane  des  provinces  attaquées  et  une  grande  partie  de  celles  des  pro- 
vinces voisines. 

Le  Grand-Seigneur  a  des  ressources  considérables  en  artillerie  et  en 
munitions  de  guerre.  —  Son  matériel  d'artillerie  est  très-bon  et  plus  que 
suffisant  pour  les  besoins  de  son  armée. 

Les  forces  maritimes  de  l'empire  ottoman  se  composent  de  vingt-deux 
vaisseaux  de  ligne  en  état  de  tenir  la  mer,  dont  trois  à  trois  ponts,  de 
douze  frégates  et  autant  de  corvettes.  —  La  construction  de  tous  ces 
bâtiments  est  parfaite,  leur  armement  pourrait  êlre  également  bon,  car 
l'arsenal  de  Constantinople  offre  d'immenses  ressources. 

Dans  l'état  actuel  des  choses  la  SubiimePoile  ne  peut  pas  armer  au- 
delà  de  quinze  vaisseaux  avec  des  frégates  et  des  corvettes  en  proportion, 
encore  les  équipages  seront-ils  composés  d'hommes  qui  n'ont  aucune 
habitude  de  la  mer  et  que  l'on  prendra  daiis  les  rues  de  Constantinople. 

Les  excellenls  matelots  que  fournissaient  les  îles  de  l'Archipel  n'arri- 
vent plus  à  Constantinople  depuis  que  ces  îles  se  regardent  comme 
iniiépendanles  et  prêtes  à  passer  sous  une  autre  dominalion.  —  Les  offi- 
ciers qui  commandent  ces  forces  maritimes  n'ont  aucune  connaissance 
théorique  de  l'art  de  la  navigation  et  très-peu  d'expérience. 

Ju^qu'au  moment  de  la  déposition  de  sultan  Sélim,  la  Turquie  avait  eu 
un  gouvernement  faible  à  la  vérité,  mais  entouré  du  prestige  d<^s  idées 


APPENDICE  313 

religieuses.  —  Son  sr.ccpsseiir  n'a  obtenu  que  le  titre  pompeux  de  Padi- 
Sc/ia  et  le  droit  de  comniandrr  dans  le  sérail,  mais  l'autorité,  ou  plutôt 
ce  simulacre  de  puissance  qui  reste  encore  aux  anciennes  formes  de  la 
monarchie  est  entre  les  mains  des  ulémas,  et  particulièrement  entre  celles 
du  mufti  actuel,  le  même  qui  a  eu  une  grande  influence  lors  de  la  révo- 
lution dont  le  résultai  a  été  la  déposition  du  sultan  Sélim. 

Deux  fois  sullan  Mouslapiia  a  essayé  de  déposer  le  mufti  et  de  com- 
poser le   divan  de  ses  créatures,  et  deux  fois  il   a  couru   le  danger  de 
perdre  sa  couronne,  —  Les  affaires  se  traitent  chez  le  chef  de  la  loi  (pii 
commande  en  maître,  et  qui  toutes  les  fois  qu'on  veut  lui  disputer  sa  sou- 
veraine puissance  fait  réunir  et  soulever  les  janissaires.  —  Quoiqu'il  en 
soit,  le  sultan  et  le  mufti  n'exercent  leur  faible  autorité  que  dans  Cons- 
taotinople  et  dans  une  petite  partie  de  la  Bithynie.  Les  provinces  sont 
mécontentes,  la  cour  est  dans  le  mépris,  le  gouvernement  est  dans  une 
véritable  agonie,  mais  cette  agonie  peut  être  longue.  —  Un  ancien  nom, 
d'anciens  usages,  et  plus  que  tout  cela  le  centre  de  la  religion  réunissent 
les  Musulmans  animés  par  la  même  croyance,  et  je  ne  pense  pas  qu'à  moins 
d'un  schisme  religieux,  aucun  pacha  puisse  se  former  une  principauté 
indépendante  et  héréditaire;  il  serait  même  possible  qu'h  la  paix  le  sultan 
put  reprendre  les  rênes  du  gouvernement  de  la  capitale  et,  qu'il  se  main- 
tînt encore  quelques  années,  d'autant  plus  que  les  janissaires  n'ont  pas 
contre  lui  la  haine  qu'ils  avaient  contre  son  prédécesseur. 

Les  hommes  qui  composent  aujourd'hui  le  divan,  tant  au  camp  qu'à 
Gonstantinople,  sont  persuadés  que  la  durée  de  l'euipirc  dépend  de  la  con- 
servation de  la  bienveillance  de  Votre  Majesté,  et  que  cette  bienveillance 
ne  peut  être  conservée  que  par  l'état  de  guerre  avec  TAngleterre.  —  Des 
orages  fréquents  mais  momentanés  troubleront  la  tranquillité  de  Gonstan- 
tinople, causeront  la  perte  de  quelques  hommes  importants,  mais  le  mi- 
nistère quel  qu'il  soit  ne  s'écartera  jamais  du  principe  d'union  avec  la 
France.  —  Je  suis  même  obligé  de  dire  à  Votre  Majesté  une  vérité  bien 
constante  et  universellement  reconnue  :  L'Europe  est  pleine  d'admiration 
pour  le  vaste  génie  de  Volie  Majesté,  mais  l'Orient  reconnaît  dans  votre 
personne  sacrée  l'envoyé  de  Dieu.  Tous  ceux  qui  seront  employés  dans 
l'Orient,  par  ordre  de  Votre  Majesté,  doivent  être  bien  persuadés  de  celte 
vérité  et  y  coordonner  toutes  leurs  opérations.  M.  de  la  Tour-Maubourg 
connaît  bien  l'état  des  choses  en  Turquie,  et  par  son  zèle,  par  ses  lu- 
mières et  son  dévouement  à  Votre  Majesté,  il  est  en  état  de  remplir  ses 
intentions. 

11  nie  paraît  nécessaire  de  mettre  sous  les  yeux  de  Votre  Majesté  la  si- 
tuation de  la  population  grecque,  arménienne  et  juive  en  Turquie. 

Les  Arméniens,  tant  schismatiques  que  catholiques,  soiit  soumis  et  assez 
affectionnés  aux  Turcs,  ne  s'occupent  presque  pas  d'affaires  politiques  et 


314  APPENDICE 

ne  prendront  jamais  part  à  aucun  mouvement  ;  cependant  ils  sont  vérita- 
blement attachés  à  la  France  et  la  serviraient  avec  zèle  et  fidélité,  si  la 
France  occupait  quelques-uns  des  pays  qu'ils  habitent. 

On  compte  500,000  Arméniens  répandus  dans  l'ancienne  Arménie  et 
dans  d'autres  provinces  de  l'Asie.  — H  y  a  en  outre  /jO,000  Arméniens  à 
Constantinople,  dont  les  plus  riches  sont  les  banquiers  du  gouvernement 
et  des  seigneurs  Turcs, 

Les  Grecs  peuvent  être  divisés  en  quatre  classes  :  Grecs  d'Asie,  Grecs 
de  l'Archipel,  Grecs  habitants  de  l'ancienne  Grèce  et  Grecs  de  Constan- 
tinople. 

La  population  grecque  en  Asie  peut  s'élever  h  environ  150,000  âmes. 
Ces  Grecs,  adonnés  au  commerce  et  quelques-uns  à  la  culture  des  terres, 
ne  peuvent  être  envisagés  pour  le  moment  sous  aucun  point  de  vue  impor- 
tant. 

Les  Grecs  de  l'Archipel,  bons  navigateurs,  commerçants,  manufactu- 
riers dans  quelques  îles,  sont  animés  de  la  haine  la  plus  vive  contre  les 
Turcs,  se  regardent  comme  indépendants,  et  sont  prêts  k  lever  l'étendard 
de  la  révolte  en  faveur  d'une  puissance  qui  voudrait  occuper  l'Archipel. 
Ils  ont  préféré  les  Russes  à  toute  autre  puissance  et  par  aflfinité  de  reli- 
gion, et  parce  qu'ils  en  attendaient  la  liberté.  Depuis  la  guerre  conduite 
par  Orloffet  la  dernière  conduite  par  Siniavin,  leurs  espérances  ayant 
été  trompées  et  eux-mêmes  ayant  été  traités  avec  hauteur  et  dureté,  leurs 
regards  se  sont  tournés  vers  la  France. 

D'ailleurs,  doués  d'une  imagination  mobile  et  active,  ils  s'entretiennent 
chaque  jour  des  victoires  de  Votre  Majesté,  s'exaltent  par  des  récits  et 
nourrissent  le  désir  et  l'espoir  de  faire  partie  de  son  vaste  empire,  sur- 
tout depuis  la  conquête  deslles-lonniennes. 

Les  Grecs  qui  habitent  l'ancienne  Grèce,  la  Macédoine  et  l'Epire  sont 
animés  des  mêmes  sentiments  que  les  Grecs  de  l'Archipel,  étant  plus  bel- 
liqueux que  ceux-ci,  étant  de  plus  comprimés  et  vexés  par  les  Turcs,  ils 
saisiraient  avec  avidité  une  occasion  de  vengeance,  surtout  s'ils  pouvaient 
compter  sur  l'appui  de  la  France,  car  ils  ne  veulent  plus  s'exposer  aux 
malheurs  dont  ils  furent  accablés  pendant  l'avant-dernière  guerre  des 
Russes,  qui  les  abandonnèrent  h  la  fureur  de  leurs  ennemis.  Il  ne  faut  pas 
regarder  comme  ennemis  des  Turcs  les  Grecs  qui  habitent  la  portion  de  la 
Macédoine  qui  appartient  au  béy  de  Serès.  Comme  ce  Grec  les  traite  avec 
douceur  et  qu'il  les  favorise  pour  ainsi  dire  de  préférence  aux  Turcs,  que 
de  plus  ils  jouissent  d'une  grande  protection  pour  la  culture  et  le  com- 
merce du  coton  et  du  tabac,  source  de  leur  prospérité,  s'ils  ne  marchaient 
sous  les  drapeaux  de  leur  béy,  du  moins  ils  ne  prendraient  aucune  part 
aux  entreprises  contre  lui. 

La  population  grecque  de  la  Romélie,  de  la  Bosnie  et  de  la  Bulgarie,  su- 


APPENDICli  315 

perslilieiise,  vile,  timide,  disséminée,  loin  d'être  d'aucun  secours  à  une 
puissance  qui  attaquerait  ses  provinces,  lui  sera  ii  charge,  puisqu'il  faudra 
la  défendre  de  la  fureur  des  Turcs. 

Les  Grecs  de  Gonstantinople  sont  ou  boyards  ou  négociants,  ceux-ci 
ne  s'occupent  que  de  leur  commerce.  Les  boyards  ne  possédant  aucun 
immeuble,  n'ayant  aucune  industrie,  ne  vivent  que  des  ressources  (jui 
leur  sont  olfertes  par  les  principautés  de  Moldavie  et  de  Valacliio  ;  tant 
qu'ils  ont  eu  de  l'argent,  ils  ont  eu  accès  dans  les  maisons  des  ministres 
turcs,  mais,  aujourd'hui  qu'ils  sont  accablés  de  misère,  ils  sont  chargés  de 
tout  le  mépris  que  doivent  inspirer  les  hommes  les  plus  vils  et  les  plus 
abjects  qui  existent. 

Parmi  les  familles  de  princes,  celles  des  Sutzo  et  Callimachi  sont  les 
seules  attachées  \x  la  France.  Ils  ont  qnelqu'influencc,  mais  elle  ne  peut 
pas  balancer  celle  des  if oroj<si,  qui  avec  les  richesses  dont  ils  sont  encore 
possesseurs  se  sont  faits  des  protecteurs,  et  qui  portent  jusqu'à  l'exagéra- 
tion la  haine  contre  la  France.  —  Les  Grecs  de  Gonstantinople  n'ont  point 
d'influence  sur  les  Grecs  des  provinces,  ils  en  sont  même  haïs  parce  que 
dans  tous  les  temps  ils  se  sont  rendus  les  instruments  des  vexations  des 
Turcs. 

Pour  acquérir  de  l'influence  sur  les  Grecs,  il  faudrait  caresser  les  évê- 
queset  leurs  prêtres  qui,  parla  religion,  exercent  un  grand  pouvoir  sur 
leurs  concitoyens. 

Jamais  les  Russes  n'ont  entretenu  plus  de  correspondance,  plus  do  re- 
lations avec  les  Grecs  que  dans  ce  moment;  cependant,  je  ne  pense  pas 
qu'ils  puissent  être  pour  eux  d'un  grand  secours  dans  le  cas  d'une  inva- 
sion; ce  ne  serait  qu'après  plusieurs  années  que  la  population  grecque 
pourrait  être  d'une  grande  utilité  à  la  Russie. 

La  Servie  seule  fournirait  des  soldats  qui  combattraient  dans  les  rangs 
des  Russes,  parce  qu'ils  ont  eu  le  temps  de  s'aguerrir  et  de  s'orga- 
niser. 

Les  Juifs  nombreux  en  Turquie  ressemblent  aux  Juifs  des  autres  pays, 
ils  ne  s'occupent  que  de  trafiquer. 

Votre  Majesté  connaît  la  situation  extérieure  ou  politique  de  la  Tur- 
quie. 

Gette  puissance  se  regarde  comme  naturellement  amie  avec  la  France,        sitiution 
mais,  depuis  le  traité  de  Tilsitt,  les  intrigues  des  Grecs  et  plus  encore  les       extifriemc. 
insinuations  de  l'Autriche  lui  ont  fait  concevoir  les  inquiétudes  les  plus 
vives  et  les  plus  grands  soupçons. 

Ces  inquiétudes  cl  ces  soupçons  sont  entretenus  par  Ali-pacha,  qui  a  de 
l'influence  à  Gonstantinople;  malgré  tout  cela,  je  le  répète,  la  Turquie  ne 
se  passera  pas  un  seul  instant  du  système  d'union  avec  la  France;  jusqu'à 
ce  que  la  paix  de  la  Turquie  avec  la  Russie  ait  eu  lieu,  les  soupçons  elles 


316  APPENDICE 

inquiétudes  existeront  toujours.  — Je  nerae  suis  occupé  que  d'inspirer  aux 
ministres  et  aux  particuliers  sécurité  et  confiance,  afin  de  leur  faire  at- 
tendre avec  calme  l'issue  des  négociations. 

Depuis  mon  arrivée  h  Paris  je  suis  parvenu  à  inspirer  la  même  con- 
fiance à  l'ambassadeur  ottoman.  —  J'ai  écrit  dans  le  môme  sens  à  quel- 
ques ministres  cl  membres  du  corps  des  ulémas,  avec  lesquels  j'ai  con- 
servé des  rapports. 

Les  lettres  de  l 'ambassadeur  Moî/A/è-iE'/erïrf/ produiront  un  très -bon  effet, 
et  jusqu'à  présent  sa  correspondanceavait  été  dansun  sens  tout  contraire. 

La  Sublirae-Pcrte  est,  par  système,  ennemie  de  la  Russie  et  la  nation  otto- 
mane est  animée  de  la  haine  ia  ])lus  invétérée  comme  la  plus  active  contre 
la  Russie.  —  Le  divan  craint  la  Russie  et  sent  que  cette  puissance,  qui 
peut  attaquer  la  Turquie  sur  le  Danube,  sur  le  Phase  et  sur  le  Bosi)hore 
est  d'autant  plus  redoutable  que  les  Grecs  lui  sont  dévoués.  —  Ce  ne  fut 
qu'avec  une  répugnance  extrême  et  comptant  sur  l'appui  de  la  France 
que  les  Turcs  osèrent  déclarer  la  guerre  à  la  Russie  après  l'invasion  de  la 
Moldavie  et  de  la  Valacbie. 

Dans  tous  les  cas  la  Porte  craindra  et  ménagera  la  Russie  qui  exercera 
une  véritable  influence  h  Conslanlinople.  —  La  Porte  fera  des  sacrifices 
pour  obtenir  la  paix  dont  elle'sent  le  besoin  pressant,  mais,  si  elle  est 
obligée  de  céder  les  deux  provinces,  un  mouvement  insurrectionnel  à 
Constantinople  aura  lieu,  à  moins  que  le  traité  ne  se  fasse  de  l'aveu 
et  avec  le  concours  du  pacha  de  Ruslchuck,  qui  plus  que  tous  les  autres 
s'opposera  à  l'établissement  des  Russes  sur  le  Danube.  — Un  mouvement 
insurrectionnel  de  cette  nature  exposerait  à  de  grands  dangers  les  Fran- 
çais qui  sont  dans  Constantinople  et  ceux  des  autres  Échelles. 

La  Turquie  a  été  indignée  de  la  mauvaise  foi  des  Anglais  et  des  tenta- 
tives qu'ils  ont  faites  sur  Constantinople  et  sur  l'Égyple. 

Elle  continuera  son  état  de  guerre  avec  la  puissance  britannique,  m  lis 
plus  encore  pour  plaire  à  Votre  Majesté  que  pour  se  venger. 

L'Angleterre  a  effacé  par  ses  dernières  opérations  le  souvenir  des  ser- 
vices qu'elle  a  rendus  à  la  Turquie,  et  en  a  perdu  le  fruit  pour  toujours. 

L'Autriche  est  dans  le  n)épris  à  Constantinople,  et  depuis  la  défaite  de  Jo- 
seph II  dans  le  Banal,  les  Turcs  se  croient  en  état  non-seulement  de  résis- 
ter à  celle  puissance,  mais  en  raêiiie  temps  de  conquérir  ses  provinces. 

Les  Turcs  regardent  tout  le  reste  de  l'Europe  comme  appartenant  à  la 
1  rance,  et  celle  opinion  est  infiniment  avanlagouise. 

Quelques  observations  sur  V attaque  et  la  défense  de  la  Turquie. 

La  France  ou  la  Russie  peuvent  aisément  envahir  la  Turquie,  mais  la 
possession  tranquille  el  assurée  m'en  paraît  difficile. 


APPENDICE  317 

La  Turquie  sans  armée  n'^giilière,  sans  autres  places  l'niiiis  q\i'/smaïl cl 
Widdin,  n'est  pas  en  état  d'arrêter  la  marche  d'une  armée  européenne 
qui  se  dirigerait  sur  (lonslanlinople  ou  sur  tel  autre  point  de  l'empire. 

Cette  armée  rencontrerait  pourtant  des  obstacles  dans  les  troupes 
ottomanes  dévouées  h  la  Porte,  et  dans  les  po|)ulations  essentitUement 
belliqueuses  des  provinces  qu'elle  traverserait. 

Celle  armée  serait  harcelée  sur  ses  flancs  et  sur  ses  derrières,  ses 
transports  seraient  difliriles,  et  elle  trouverait  dans  le  pays  des  moyens  de 
subsistance  bien  peu  considérables,  et  parce  qu'il  offre  aujourd'hui  peu  de 
ressources,  et  parce  que  les  Turcs  altaqu-.'s  et  chassés  laisseraient  en  se 
retirant  les  traces  de  la  dévastation  la  plus  effrayante. 

Il  faudrait  donc  pour  attaquer  la  Turquie  avoir  d'avance  des  moyens 
de  subsistances  et  de  transport  bien  assurés. 

Il  est  facile  de  voir  que  la  possession  de  la  Turquie  offrira  bien  des 
difficultés  à.  la  puissance  qui  l'aura  envahie.  La  religion  musulmane  isole 
des  autres  nations  et  des  autres  religions  le  peuple  ottoman;  mais  elle 
l'établit  dans  un  état  de  guerre  contre  tous  les  infidèles. 

Les  Turcs  sont  très-superstitieux,  très-ennemis  des  chrétiens,  très-bra- 
ves, très-capables  de  porter  l'exaltation  de  la  haine  religieuse  jusqu'au 
martyre;  accoutumés  d'ailleurs  à  des  insurrections  continuelles,  {\  des 
guerres  intestines  toujours  renaissantes,  le  dernier  des  citoyens  devenant 
facilement  chef  de  partiel  commandant,  tous  les  jours  verraient  éclater 
des  révoltes  contre  l'armée  chrétienne. 

Les  villes  n'ayant  pas  même  d'enceinte,  aucune  place  forte  n'offrant  pas 
même  les  moyens  de  mettre  à  l'abri  le  matériel  de  l'arùllerie,  les  vivres 
et  les  armes,  il  faudrait  nécessairement  établir  des  camps  retranchés  sur 
dilïérents  points,  et  combattre  les  Turcs  jusqu'à  leur  destruction  ou  leur 
émigration;  s'il  était  possible  d'opérer  un  schisme  religieux  qui  renversât 
les  principes  de  la  religion  mahométane  et  qui  rompît  cette  barrière  qui 
la  sépare  de  toutes  les  autres  religions,  alors  la  possession  de  la  Turquie 
serait  aussi  facile  que  sa  conquête,  mais  ce  schisme  me  paraît  très  dif- 
ficile. 

La  Russie,  par  sa  position  géographique,  peut  plus  aisément  conquérir 
et  conserver  la  Turquie. 

Des  bords  du  Danube  oii  sont  les  troupes  Russes,  il  n'y  a  que  dix-huit 
jours  de  marche  pour  arriver  k  Constantiuopie,  deux  grandes  routes  car- 
rossables y  conduisant  :  l'une  par  Rustchuck,  Tij^nova,  Eski-Zara  QiAn- 
di-inople,  l'autre  par  Silistria,  Schumla,  Quarante  Eglises;  une  flotte  russe 
|)eut  agir  en  même  iemps  sur  Varna,  Sisépoli  et  Derkos,  en  appuyant  les 
opérations  de  la  gauche  de  l'armée  de  terre  et  lui  assurant  par  mer  ses 
approvisionnements. 

L'armée  russe  arrivant  à  Constantinople  par  terre,   et  secondée  par  la 


318  APPENDICE 

flolte,  s'empareiTiil  de  l'escadre  ottomane  qu'elle  armerait  aisément  avec 
les  Grecs  de  l'Arcliipel  accourus  en  foule,  elle  s'en  servirait  ensuite  comme 
moyen  de  défense;  —  d'ailleurs  ses  possessions  du  Phase  et  de  Crimée  et 
celles  d'Odessa  lui  offriraient  de  grandes  ressources  tant  en  hommes  qu'en 
munitions  de  toute  espèces.  —  Les  châteaux  du  Bosphore  ne  sont  h  pro- 
prement parler  que  des  batteries  pour  défendre  le  passage  et  n'offrent 
aucun  moyen  de  résistance  contre  les  attaques  par  terre. 

Les  Russes  arrivés  à  Constantinople,  maîtres  de  l'escadre  ottomane, 
ayant  de  plus  des  communications  aussi  sûres  que  promptes  par  mer, 
tireraient  encore  de  très-grands  avantages  de  tout  le  clergé  grec  et  no- 
tamment le  patriarcat  qui  y  réside;  c'est  par  son  moyen  qu'elle  propage- 
rait l'insurrection  servienne  et  chercherait  à  appeler  les  Grecs  de  toutes 
les  autres  provinces  h  la  défense  de  la  religion. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  pense  pas  que  la  Russie  elle-même  peut  de  long- 
temps posséder  l'intérieur  de  la  Turquie-Européenne;  non-seulement  elle 
aurait  à  combattre  la  haine  religieuse  des  Turcs,  mais  une  haine  de  nation 
très-exaltée. 

Les  Grecs  de  la  Bulgarie  et  de  la  Romélie  sur  lesquels  elle  paraît 
compter  ne  seraient  pour  elle  d'aucune  utilité,  mais  plutôt  à  charge. 

Tout  décèle  évidemment  de  la  part  de  la  Russie  le  désir  de  recom- 
mencer la  guerre  avec  la  Porte,  et  j'ai  cru  le  voir  aussi  bien  dans  les 
relations  politiques  avec  la  cour  de  Constantinople  que  dans  ses  rapports 
avec  les  Grecs  et  dans  la  position  de  son  armée. 

Les  armées  françaises  pourraient  agir  également  contre  la  Turquie,  et 
quoique  les  difTicultés  qu'elles  auraient  à  surmonter  surpassent  de  beau- 
coup celles  qui  s'opposeraient  aux  Russes,  il  n'est  point  douteux  qu'elles 
parviendraient  jusqu'à  Constantinople,  et  qu'elles  traverseraient  même 
l'Asie  si  Votre  Majesté  le  voulait. 

Deux  routes  d'opérations. militaires  contre  la  Turquie  s'offrent  à  l'ar- 
mée de  Dalmatie,  celle  de  Bosnie,  et  celle  littorale  de  l'Albanie. 

Je  joins  à  ce  mémoire  un  itinéraire  depuis  Spalato  jusqu'à  Constanti- 
nople, fait  par  M.  de  Tracy,  officier  du  génie  de  la  plus  grande  distinction, 
et  mon  aide  de  camp,  qui  a  suivi  lentement  cette  route  et  qui  l'a  observée 
avec  soin  ;  il  m'a  été  impossible  de  faire  faire  un  itinéraire  de  la  roule 
d'Albanie. 

La  route  de  Bosnie,  qui  est  la  plus  courte,  offre  pourtant  une  dislance 
d'environ  75  jours  de  marches  de  troupes. 

La  Bosnie,  dont  la  surface  est  d'environ  cinq  à  six  cents  lieues  carrées, 
offre  une  population  d'environ  600,000  âmes,  dont  500,000  Turcs, 
60,000  Grecs  et  /(0,OUO  Latins. 

Le  pays  est  montueux,  riche  en  bestiaux  et  produisant  du  blé  suflTi- 
samment  pour  la  consommation  de  ses  habitants. 


APPENDICE  319 

La  pins  riche  de  ses  productions  est  celle  du  fer  qu'on  exploite  en  assez 
grande  quiuililé  pour  que  i'exportalion  s'élève  ii  deux  ou  trois  millions 
tournois. 

Les  Bosniaques,  turcs  ou  chrétiens,  ne  parlent  qu'un  dialecte  de  la  lan- 
gue slave,  et  ignorent  entièrement  la  langue  turque.  Le  Pacha  de  Bosnie 
n'a  qu'un  fantôme  de  puissance,  le  pouvoir  réel  est  entre  les  mains 
ûWi/ans  ou  chefs  des  villes. 

La  Bosnie  est  de  toutes  les  Provinces  de  la  Turquie-Européenne  celle 
qui  entretient  le  moins  de  rapport  avec  la  capitale  de  rem{)ire  turc. 
C'est  en  Bosnie  que  se  trouve  l'cnthousiame  de  la  religion  dans  toute  sa 
force  ;  les  guerres  que  les  Bosniaques  ont  soutenu  contre  les  chrétiens  ont 
porté  leur  haine  an  dernier  degré  d'exaltation;  d'ailleurs  les  Bosniaques 
turcs  ne  sont  pas  des  soldats  oisifs  comme  les  habitants  turcs  du  reste  de 
la  Turquie-Européenne,  ils  sont  cultivateurs,  et  par  conséquent  prêts  à  se 
défendre  ou  à  périr  pour  la  conservation  de  leurs  propriétés. 

Après  avoir  traversé  la  Bosnie  et  une  petite  portion  de  l'ancienne 
Servie  révoltée,  on  se  trouve  sur  les  bords  du  Vardar^  dans  les  riches 
plaines  de  l'ancienne  Macédoine  dont  une  grande  partie  est  sous  le 
gouvernement  du  béy  de   Sérès. 

Cette  partie  de  la  Turquie  est  peut-être  la  plus  peuplée  et  celle  qui 
jouit  de  la  plus  grande  prospérité.  —  Le  béy,  dont  il  sera  parlé  dans  un 
mémoire  joint  à  celui-ci,  est  un  homme  sage  et  conïîidéré,  et  qui  aura 
pour  successeur  un  fils  qui  lui  ressemble. 

De  Sérès  deux  routes  conduisent  à  Constantinople,  l'une  par  Salonique 
et  les  bords  delà  mer  de  Marmara,  l'autre  par  Phiiippopoii  et  Andrinople; 
la  route  de  Salonique  offre  un  pays  mieux  cultivé,  celle  de  Philoppopoli 
est  un  peu  plus  courte. 

La  route  que  l'armée  française  pourrait  tenir  en  partant  de  Baguse  et 
de  Catto.ro,  se  dirigeant  sur  l'Albanie,  m'est  peu  connue,  elie  me  paraît 
pourtant  très-longue  et  très-difficile.  —  On  rencontre  dans  ce  pays  la 
meilleure  infanterie  turque,  les  Albanais. 

Le  pacha  de  Scutari  a  plus  de  consistance  que  tous  les  autres  pachas, 
parce  que  son  gouvernement  est  devenu  héréditaire  ;  on  trouve  ensuite 
le  petit  pachalik  àe  Berat,  les  montagnes  de  la  Chimère,  et  tous  les 
pachaliks  de  Yanina  jusqu'à  Salonique  oii  les  deux  routes  se  joignent. 

C'est  en  Albanie  qu'on  trouverait  toutes  les  difficultés  que  peut  oppo- 
ser un  peuple  belliqueux,  obstiné  h  la  guerre,  et  dirigé  par  un  homme 
ambitieux  et  féroce. 

La  route  de  l'Albanie  n'est  pas  carrossable.  C'est  peut-être  aussi  le  seul 

pays  de  la  Turquie  où  les  Grecs  pourraient  agir  contre  les  Turcs.  Je  ne 

pense  pas  cependant  que  l'on  puisse  beaucoup  compter  sur  cette  nation. 

La  France  peut  aussi  attaquer  la  Turquie  par  mer.  Une  expédition 


320  APPENDICE 

maritime  bh!n  combinée,  peut  franchir  les  Dardanelles,  arriver  à  Cons- 
tantinople,  y  débarquer  une  armée,  et  s'emparer  de  la  capitale.  —  On  ne 
pourrait  passer  les  Dardanelles  sans  s'exposer  h  un  danger  réel  d'échouer 
dans  cette  entreprise,  mais  en  faisant  un  petit  débarquement  dans  le  golfe 
de  Sa?vs,  on  s'emparerait  de  la  presqu'île  jusqu'à  Gallipoli.  —  Les  îles 
de  l'Archipel  qu'on  voudrait  occuper  se  livreraient  avec  empressement  h 
l'armée  française,  excepté  l'île  de  Candie,  dont  la  population  est  pour  la 
plus  grande  partie  mabométanne. 

L'occupation  des  îles  de  l'Archipel  offrirait  de  grandes  ressources 
pour  la  marine,  mais  cette  expédition  serait  dangereuse,  à  moins  que 
l'armée  de  terre  ne  fût  très-forte,  parce  que  la  population  de  Gonstanti- 
nople  est  très-considérable,  et  parce  que  tous  les  environs  de  l'Asie  et  de 
l'Europe  feraient  des  eflorts  inouïs  contre  cette  armée. 

Une  partie  plus  vulnérable  du  côté  de  la  mer,  c'est  la  Morée,  elle  pour- 
rait être  envahie  très-brusquement  et  la  conservation  en  serait  facile, 
parce  que  la  population  est  presqu'entièrement  grecque  et  qu'il  ne  s'agi- 
rait que  de  défendre  l'isthme  de  Corinthe  pour  entièrement  l'isoler  du 
coniinent. 

Zante  et  Céphalonie  faciliteraient  les  opérations,  on  trouverait  en 
Morée  de  grandes  ressources  en  blé,  et  VeU-Pacha  s'est  tellement  aliéné 
l'esprit  des  habitants,  que  l'on  pourrait  compter  sur  l'armement  et  le  con- 
cours  des  Maniotcs. 

Dans  le  cas  où  Votre  Majesté  voudrait  défendre  les  Turcs  contre  les 
Russes,  il  serait  difficile  de  décider  les  pachas  à  souffrir  le  passage  d'une 
armée  française,  et  ce  ne  serait  qu'après  que  les  Russes  auraient  passé 
le  Danube  que  l'armée  turque  serait  dispersée  et  les  affaires  désespérées, 
que  les  pachas  implorei'aient  le  secours  de  la  France. 

S'il  était  possible  que  ce  secours  arrivât  ii  temps,  il  n'est  pas  douteux 
qu'il  produirait  un  ij;rand  effet,  surtout  si  le  corps  de  troupes  était  con- 
duit par  un  général  qui  connût  le  pays  et  le  caractère  des  Musulmans, 
ainsi  que  la  manière  de  combattre  des  deux  nations,  des  Turcs  et  des 
Russes. 

Coup  (Tœil  sur  les  provinces  de  la  Turquie  prises  ensemble 

et  séparément. 

Les  élals  qui  composent  l'empire  ottoman  peuvent  se  diviser  en  Tur- 
quie d'Europe  et  Turquie  d'Asie. 

La  Tuiquie  d'Europe  est  gouvernée  par  un  grand  nombre  de  pachas  et 
de  béys,  mais  ceux  qui  ont  une  véritable  autorité  et  de  grands  moyens 
sont  au  nombre  de  quatre. 

Le  Pacha  de  Scutari  commande  à  toute  l'Albanie  supérieure;,  Ah-pacha 


APPENDICE  321  ■ 

de   Yanina  est  maître  de  toute  l'Albanie  inférieure,  de  la  Morée  et  de 
Négrepont. 

Jsynaël-béy  de  Sêrés  possède  la  plus  belle  et  la  plus  riche  partie  de  la 
Macédoine. 

Mustapha- Pacha  Ad  Rustchuck  commande  à  toutes  les  provinces  qui  s'é- 
lendenl  depuis  la  rive  droite  du  Danube  jusqu'aux  portes  de  Conslanti- 
nople. 

Les  autres  pachas  de  la  Turquie  d'Rurope,  tels  que  ceux  de  Bosnie,  de 
Widdin  et  de  Salonique  etc. ,  sont  loin  de  posséder  les  ressources  et  les 
avanta^^es  de  ceux  dont  je  viens  de  parler. 

Le  pacha  de  Scutari  est  puissant  par  la  position  du  pays  dont  il  est 
souverain  et  par  l'avantage  qu'il  a  eu  de  recevoir  comme  héritage  le  pou- 
voir qu'il  exerce,  et  les  richesses  qu'il  possède. 

Les  Albaniens  sont  les  meilleurs  soldats  de  l'infanterie  turque,  on  les 
appelle  Arnautes. 

Ali-pacha  de  Yanina,  né  à  Tébélen,  dans  les  montagnes  de  l'Albanie, 
s'est  élevé  des  derniers  rangs  de  la  milice  au  poste  éminent  qu'il  occupe. 
Soil  imniédiateuient  par  lui-même  ou  par  ses  deux  fils,  il  gouverne  l'an- 
cienne Grèce. 

Quoiqu'Ali-pacha  n'ait  pas  eu  les  avantages  que  le  pacha  de  Scutari 
avait  reçus  de  sa  naissance,  son  habileté,  son  audace,  un  très-long  exer- 
cice du  pouvoir,  l'avantage  d'être  né  dans  le  pays,  tout  contribue  à  le 
faire  regarder  comme  le  premier  d'une  race  de  princes  destinée  k  gou- 
verner ces  contrées  intéressantes  sous  tant  de  rapports,  de  la  nième  ma- 
nière que  les  différents  souverains,  à  peu  près  indépendants  en  Asie,  gou- 
vernaient les  provinces  qui  autrefois  étaient  de  simples  pachaliks. 

Les  pachas  de  Yanina  et  de  Scutari,  souvent  en  discussion  pour  leurs 
intérêts  particuliers,  sont  et  seront  toujours  unis  dans  les  circonstances 
vraiment  critiques. 

Jstnaël-béy  de  Sérés  est  un  vieillard  peu  guenier,  mais  juste  et  ferme 
dans  l'administration  et  dans  l'emploi  du  pouvoirabsolu  dontilest  revêtu. 
La  protection  qu'il  accorde  aux  rayas,  en  les  traitant  sur  le  même  pied 
que  les  Turcs,  lui  a  concilié  tous  les  cœurs  et  a  enrichi  ses  états  aux  dé- 
pens de  ceux  de  ses  voisins,  car  un  grand  nombre  de  rayas  vexés  dans 
les  pachaliks  voisins  sont  venus  chez  lui  et  y  ont  trouvé  sîireté  et  pro- 
tection. 

Il  a  des  finances  en  très-bon  état,  il  affecte  actuellement  une  grande 
déférence  aux  ordres  de  la  Porte,  mais  au  fait  il  est  parfaitement  indépen- 
dant; il  a  un  filsd'enviion  trente  ans  qui  paraît  destiné  à  lui  succédei',  il 
est  aimé  et  passe  pour  un  bon  militaire. 

Le  béy  de  Sérés  est  actuellement  très-uni  avec  Mustapha- Pacha  de  /lust- 
chuck,  qui  gouverne  un  pays  immense  et  qui  a  des  troupes  nuin!ji'i'u:-i(.'s. 

T.   II.  21 


322  AIPENDICE 

Mustapha-pacha  est  un  soldai  et  rien  de  plus;  encore  môme  il  se  pourrait 
que  l'existence  brillante  dont  il  jouit,  comparée  à  celle  qu'il  avait  autre- 
fois, eût  diminué  son  goût  pour  la  guerre. 

Il  paraît  qu'il  pense  plus  à  jouir  de  sa  fortune  présente  qu'à  des  idées 
d'agrandissement.  Cependant  son  union  intime  avec  Ismaël-béy  doit  don- 
ner quelqu'ombrage  et  le  rend  plus  redoutable. 

Au  reste,  il  est  tout  prêt  à  trahir  son  pays,  sitôt  qu'il  aperçoit  pour 
lui  quelqu' avantage  à  le  faire. 

Le  pachalik  de  Salonique,  qui  était  si  considérable  autrefois,  n'est  plus 
rien  à  présent. 

Le  pacha  actuel  est  l'ancien  pacha  de  Bosnie,  Méhémet-pacha,  homme 
d'esprit,  de  zèle,  dévoué  à  la  France.  11  était  kiaya  du  grand-vésir  Jussuf- 
pacha,  qui  commandait  l'armée  turque  en  Egypte,  il  avait  été  depuis 
pacha  du  Caire. 

Les  béys  qui  gouvernent  Salonique  y  causent  des  désordres  fréquents, 
et  souvent  le  pacha  nommé  par  la  Porte  est  fort  longtemps  sans  pouvoir 
être  admis  dans  la  ville  et  y  jouir  de  ses  droits,  qui  sont  bien  peu  consi- 
dérables. —  Le  pacha  a  des  revenus  très-modiques. 

Le  pachalik  de  Widdin  est  dans  le  même  cas  que  celui  de  Salonique, 
les  agrandissements  de  ses  voisins  et  la  révolte  des  Serviens  ont  resserré  ses 
limites  et  y  ont  diminué  son  importance. 

Depuis  lamort  de  Passwan-Oglou,  celte  province  a  cessé  de  jouer  un  rôle. 

Le  pacha  actuel  est  un  homme  faible  et  sans  caractère. 

Le  pachalik  de  Bosnie  est  par  sa  position  actuelle  moins  important 
qu'autrefois,  il  se  trouve  enclavé  dans  les  états  chrétiens  qui  peuvent  deve- 
nir des  ennemis  dangereux. 

Cette  province  est  pour  ainsi  dire  isolée  et  sans  communication  avec  les 
étals  musulmans,  depuis  la  révolte  de  la  Servie. 

Dans  les  observations  sur  les  moyens  d'attaque  et  de  défense  de  la 
Turquie,  on  a  doinié  une  idée  des  ressources  de  la  Bosnie,  pays  assez 
abondant  en  blé,  mais  surtout  en  bestiaux. 

On  a  fuit  connaître  le  caractère  ûer  et  sauvage  des  Bosniaques  qui  sup- 
portent avec  peine  toute  espèce  d'autorité. 

Les  pachas  nommés  par  la  Porte  ont  été  obligés  de  fixer  leur  résidence 
à  Truwnick,  parce  que  Bosna-Seraï,  qui  est  la  capitale,  est  trop  popu- 
leuse et  trop  difficde  à  maintenir  dans  l'ordre. 

ATiawnick  qui  est  une  ville  de  15  ti20,OU0  âmes,  c'est  avec  peine  que 
le  pacha  se  l'ait  obéir;  le  seul  moyen  que  puissent  employer  les  pachas 
jiour  exciter  les  peuples  à  marcher  pour  la  défense  de  l'empire,  c'est  l'in- 
fluence de  la  religion,  la  haine  des  mûJèles  et  le  besoin  qu'ont  tous  les 
viais  croyants  de  se  réunir  contre  les  chrétiens  non  pour  la  défense  de 
telle  ou  telle  province,  mais  pour  celle  de  leur  sainte  religion. 


APPENDICE  :;23 

Ce  qui  est  dit  ici-dessus  ne  doit  être  entendu  que  de  la  Bosnie  dans 
ses  anciennes  lin)iles,  car  actuellement  l'autorité  du  |)achu  s'étend  sur  la 
partie  de  la  Jert'i'e  située  entre  l'Albanie  et  lu  Servie  révoltée  jusqu'aux 
états  du  béy  de  Séres. 

Cette  partie  de  la  Servie  conservée  par  les  Turcs  est  peuplée  de  rayas 
animés  du  même  esprit  que  leurs  compatriotes  et  comprimés  par  la  pré- 
sence des  troupes  turques,  parmi  lesquelles  se  trouvent  beaucoup  d'Alba- 
nais. 

Cette  partie  de  l'ancienne  Servie  est  sans  cesse  agitée  par  des  révoltes 
et  dévastée  par  les  Serviens  et  les  Turcs. 

La  Turquie  d'Asie  est  gouvernée  en  grande  partie  par  des  princes  hé- 
réditaires. 

Les  pachas  nommés  par  la  Porte  ne  commandent  que  dans  la  moindre 
partie  de  ces  contrées. 

L'Asie-iMineure  presque  toute  entière  est  sous  la  puissance  de  trois 
princes  souverains,  et  qui  jouissent  des  avantages  de  la  souveraineté  de 
primogéniture. 

Ces  l'arailles  des  princes  sont  : 

Celles  de  Cara-Osman-Oqlou,  de  Tchiappan-Oglou  et  de  Tayar-Pacha 

Caran-Osnian-O'jlomisl  maître  d'une  grande  partie  de  l'Asie-.Vlineure 
connue  sous  le  nom  de  Karamanie. 

Il  gouverne  une  partie  de  la  Phrygie,  la  Carie,  la  Licie,  la  Cilicie,  en 
un  mot,  tout  le  littoral  jusqu'à  la  Syrie. 

Tchiappan-Oglou  comprend  dans  son  gouvernement  une  partie  de  la 
Bithynie,  la  Paphiagoaie  et  une  partie  du  royaume  de  Pont.  Il  s'étend 
jusqu'à  Angora;  sa  capitale  est  Amasie. 

Tayar-Pacha,  fils  de  Baltaliman- Pacha,  gouverne  la  plus  grande  partie 
du  royaume  de  Pont  et  s'étend  jusqu'à  la  Mingrélie.  (Nota)  La  capitale  de 
ce  royaume  est  Trébizonde. 

Ce  prince,  dernièrement  Caïmacam-pacha  à  Conslantinople,  s'était  fait 
un  grand  parti  par  son  opposition  au  nouveau  système  pour  l'organisation 
de  l'armée,  mais  sa  dernière  disgrâce  a  tout  à  fait  abattu  son  crédit. 

Avant  que  de  parler  des  pachas  nommés  par  la  Porte,  il  est  bon  d'ob- 
server que  celui  de  Bagdad  est  toujours  choisi  parmi  les  esclaves  du 
pacha,  son  prédécesseur. 

Ce  mode  d'héritage  ressemble  à  celui  en  usage  en  Egypte  où  les  Rla- 
luelucks,  d'abord  esclaves  d'un  béy,  héritent  de  ses  biens  et  de  son 
pouvoir. 

La  Mésopotamie  est  gouvernée  à  peu  près  de  la  même  manière  que 
l'Egypte. 

Ce  pachalik  important  à  cause  du  voisinage  du  golfe  Persique  est  à  peu 
près  indépendant. 


324  APPKNDICE 

Dcrnièremenl  la  Porle  avait  nommé  pour  succéder  au  pacha  qui  venait 
fie  mourir  JoussOLif,  pacha  d'Erzeroum,  mais  la  ville  de  Bagdad  s'est  op- 
posée avec  une  telle  force  h  ce  qu'il  vînt  y  commander,  que  la  Porle  s'est 
vue  forcée  de  confirmer  le  choix  que  les  habitants  avaient  faits  de  Suley- 
nian-pacha,  esclave  géorgien  dans  la  maison  de  son  prédécesseur.  Suley- 
man-Parh  i  était  fort  dévoué  à  la  France  et  avait  par  ce  moyen  mérité  sa 
prot 'Ctinn. 

Parmi  les  pacha! icks  auxquels  la  Porte  a  le  droit  de  nommer,  on 
compte  comme  un  des  plus  importants  celui  d'Erz^^rourn,  à  cause  de  sa 
position  limitrophe  relativement  àla  Géorgie,  que  les  Russesont  tout  récem- 
ment enlevée  aux  Persans.  Cette  province  est  encore  intéressante  à  cause 
de  ses  mines  de  fer  et  de  cuivre. 

Joussouf,  pacha  d'Erzeroum,  ancien  grand-vésir,  est  un  vieillard  qui 
conserve,  malgré  son  grand  âge,  beaucoup  d'esprit  et  de  caractère  :  — 
Autrefois,  il  était  fort  opposé  à  la  France;  il  vient  de  réunir  h  son  pacha- 
lik  celui  de  Diurhékir,  abondant  en  mines  de  fer  et  de  cuivre,  mais  peu 
peuplé. 

Quant  aux  pachalii;ks  d'Alep  et  de  Damas,  leur  importance  devient  moin- 
dre de  jour  en  jour. 

Alep  est  sans  cesse  déchirée  par  les  discussions  des  Janissaires  et  des 
Schérifs. 

La  population  de  la  ville  ne  diminue  cependant  pas,  mais  elle  se  re- 
peuple aux  dépens  des  campagnes  dont  les  habitants  vexés  par  les  Arabes 
cl  les  Kurdes  sont  obligés  de  se  réfugier  dans  la  ville. 

Damas  a  perdu  toute  son  importance  depuis  que  les  Vahabis,  devenus 
puissants  et  redoutables,  empéchenila  caravane  des  pèlerins  de  se  rendre 
h  la  Mecque,  et  menacent  même  d'envahir  lesdeux  pachalicks  d'Alep  et  de 
Damas. 

Les  Vahabis  sont  des  réformateurs  de  la  religion  de  Mahomet,  ils  ne 
reconnaissent  qu'une  partie  des  principes  consacrés  par  le  Koran.  Ils 
n'admettent  que  la  première  partie  de  la  profession  de  foi  musulmane; 
ces  rcformaleur.s,  plus  austères  et  plus  guerriers  que  les  musulmans,  ne 
tarderont  pas,  suivant  toute  appareuce,  à  étendre  leurs  conquêtes  dans 
toute  la  Palestine  et  la  Stjric,  peut-être  aussi  dans  la  Mésopotamie,  par- 
tout oii  les  Arabes  faciliteront  leuis  enti éprises;  mais  il  ne  parait  pas  pos- 
sible qu'ils  puissent  pénétrer  dans  l'Asie-Mineure  ni  même  dans  les  états 
de  Cara-Osman-Oglou,  qui  est  en  état  de  leur  opposer  une  vigoureuse 
résistance. 

Le  pachalik  d'/conium,  en  turc,  A'oruV,  jadis  le  berceau  de  la  grandeur 
ottomane,  est  tellement  diminué,  qu'il  en  a  perdu  son  importance.  Cepen- 
dant, son  territoire  est  riche  et  fertile. 


.api'i:m)u;i.  32 


o)iO 


Sfir  CnvDiêp  riiss»  rie  Mofd'ivie  et  de  Valnchic. 

L'année  turque  qui  horde  la  rive  droite  du  Danube  dppui=;  Orsowa  jus-^ 
qu'à  la  mer  Noire,  et  qui  forme  les  p;arnisons  de  Giurgiova,  d'Ismaïl,  de 
Widdin  et  d'Orsowa,  se  compose  toujours  de  25,000  hommes  du  pacha 
(le  Hustchuck,  dont  6,000  de  cavaler>,et  de  8,000  hommes  du  pacha  de 
Widdin  dont  3,000  de  cavalerie. 

L'armée  du  grand-vézir  à  Andrinople  est  d'environ  15,000  hommes, 
3,000  cavaliers  seulement. 

L'armée  russe  occupe  la  rive  gauche  du  Danube  et  enlrelienl  ses  cor- 
respondances avec  l'insurrection  servienne  par  l'île  d'Oslrou. 

L'armée  russe,  lors  de  mon  passagn,  avait  /i,000  hommes  dans  la  petite 
Valachie,  la  plus  grande  partie  de  ce  corps  se  trouvait  à  Grayova  et  four- 
nissait des  détachements  à  Zornitz  et  à  l'îhi  d'Ostrou. 

Le  général  Milloradowich,  qui  commande  toutes  les  autres  forces  russes 
qui  se  trouvent  dans  la  Valachie,  a  son  quartier  général  à  Bukarest, 
1,50'i  hommes  forment  la  garnison  de  cette  ville.  —  Le  général  Millora- 
dovvich  observe  et  garde  la  route  de  Giurgiova  et  de  Rustchuck  avec  un 
régiment  de  cosaques,  un  régiment  de  hussards  et  1,500  hommes  d'infan- 
terie, 2,000  hommes  seulement  observent  la  garnison  d'Ismaïl. 

Le  petit  parc  d'artillerie  du  corps  du  général  Milloradovi^ich  est  à 
Buf.co,  où  se  trouve  un  régiment  de  cavalerie  pour  le  garder. 

Le  général  Millorai'owich,  jeune,  bien  vu  h  la  cour,  aime  la  guerre  et 
la  fait  avec  distinclion  ;  il  professe  pour  Votre  Majesté  la  plus  grande 
admiration  et  le  respect  le  plus  profond.  Il  fait  l'accueil  le  plus  gracieux 
à  tous  les  Français  qui  passent  dans  son  commandement. 

Dévoué  entièrement  h  la  personne  de  l'empereur  Alexandre,  il  n'a 
d'autres  opinions,  d'autres  atTections  que  son  souverain. 

Il  se  prononce  ouvert(;ment  et  forlMivMit  contre  les  Anglais  et  eii  faveur 
des  Français  ;  il  a  pour  les  Grecs  la  plus  grande  aveision. 

La  province  de  Valachie  est  dans  un  état  de  misère  difficile  à  peindre. 

Le  séjour  de  l'armée  russe  qui  pèse  entièrement  sur  elle  et  la  rapacité 
lyipnlanti  l'ont  réduite  au  dernier  état  de  misère  ;  le  mécontentement 
des  boyards  et  du  peuple  est  très-grand,  mais  ce  mécontentement  est 
incapable  de  produire  aucun  effet.  —  Avilis  et  accoutumés  à  trembler 
sous  un  prince  grec  qui  n'avait  d'autres  troupes  que  deux  cents  Albanais, 
ils  ne  conçoivent  pas  la  possibilité  de  lésisler  à  l'autorité. 

Un  corps  d'environ  trois  mille  hommes  avec  la  plus  grande  partie  du 
parc  de  siège  se  trouve  à  Fockschan  sous  le  commandement  du  général 
Kaminski. 

Deux  régiments  de  cosaques,  placés  sur  les  bords  du  Séret,  entretien- 


326  APPENDICE 

nent  la  communication  avec  les  troupes  du  Bas-Danube,  fortes  d'environ 
3,000  hommes,  que  le  lieutenant-général  Kaminski  commande  également. 
Le  reste  des  troupes  de  l'armée  russe,  dont  la  totalité  peut  se  monter 
à  30,000  hommes,  se  trouve  sur  le  Dniester,  aux  environs  de  Bender,  et 
sur  le  Pnith. 

La  garnison  A'Jassi  oii  se  trouve  le  quartier  général  est  de  15,000  hom- 
raes. 

Cette  armée  de  30,000  hommes  s'est  plus  que  doublée  en  force  par 
l'arrivée  d'un  corps  de  25,000  hommes,  commandés  par  le  général  en 
chef  Kutusow,  que  j'ai  vu  à  lassi,  et  de  10,000  cosaques  commandés  par 
le  général  Glatoiv  que  j'ai  vu  également. 

L'armée  russe  s'est  accrue  de  10,000  hommes  d'infanterie  qui  for- 
maient l'année  dernière  la  garnison  des  Septs-Iles. 

Le  corps  de  troupes  du  général  Kntusoiv  est  cantonné  sur  la  rive 
gauche  du  Dniester,  aux  environs  de  Kiéw,  Kaminiek  et  Kotim. 

Les  10,000  cosaques  du  général  Glatow  sont  dans  les  environs  de  Ben- 
der et  même  sur  le  Pruth. 

Le  corps  du  général  Marcow,  venant  de  Corfou,  est  cantonné  h  Bofis- 
chan,  dans  la  partie  de  la  Moldavie  qui  est  limitrophe  de  la  Bukowine 
autrichienne. 

L'armée  russe,  qui  a  perdu  tant  de  monde  l'année  passée  par  des  ma- 
ladies causées  par  le  mauvais  air,  avait  déjà  vers  le  milieu  du  mois  de 
mai  un  grand  nombre  de  malades. 

L'armée  russe  n'a  presque  point  d'hôpitaux,  et  ceux  qui  existent  sont 
administrés  avec  tant  d'ignorance  et  si  peu  de  soins,  que  les  malheureux 
qui  y  sont  envoyés  y  périssent  presque  tous. 

Le  prince  Prosorowski  avait  demandé  à  sa  cour  la  permission  de 
réunir  toute  son  armée  et  de  la  faire  camper  sur  les  bords  du  Séret  et  du 
Pruth. 

Le  prince  maréchal  Prosorowski  est  un  vieillard  octogénaire,  qui  a  con- 
servé plus  de  forces  physiques  et  de  facultés  morales  qu'on  en  a  à  cet 
âge.  —  Je  doute  pourtant  qu'il  fût  en  état  de  résister  aux  fatigues  d'une 
campagne  active;  mais  le  général  Kutusow  lui  a  été  envoyé  pour  le  rem- 
placer, si  l'âge  et  les  infirmités  ne  permettaient  pas  au  vieux  maréchal  de 
conserver  son  commandement. 

Le  maréchal  Prosorowski,  très-laborieux  dans  son  cabinet,  s'occupe 
même  des  affaires  politiques.  Deux  agents  diplomatiques  pour  les  affaires 
des  Grecs,  le  sénateur  Kunitchow  et  M.  Baïkow,  sont  chargés  de  la  corres- 
pondance avec  M.  Rodofinikin  pour  les  affaires  de  Servie  et  des  relations 
secrètes  avec  tous  les  Grecs  importants  de  la  Turquie-Européenne. 

Le  maréchal  Prosorowski  désire  la  guerre  et  fera  tout  ce  qui  dépendra 
de  lui,  je  crois,  pour  y  parvenir. 


Al»l'Ei\DlCE  327 

Il  doit  son  couiraandemp.nt  k  la  bienveillance  de  l'inipératrice-mère. 

Le  vieux  maréchal  paraît  aussi  appartenir  au  syslèrao  d'union  avec  la 
France;  celui  qui  lui  appartient  encore  davantage  est  le  général  en  chef 
Kulusow,  il  m'a  dit  qu'il  n'avait  pas  obtenu  de  commandement  pendant  la 
dernière  campagne,  parce  qu'au  Sénat  et  au  Conseil  il  s'était  opposé  avec 
force  à  la  guerre  contre  la  France. 

Quelques  généraux  grecs,  employés  dans  l'armée  russe,  poussent  avec 
force  h  la  guerre  contre  la  Turquie,  et  appartiennent  entièrcmeut  au  parti 
anglais. 

Dans  toute  l'armée  russe  on  parle  hautement  et  avec  un  mépris  extrême 
contre  l'armée  autrichienne. 

Sur  r Autriche,  ses  provinces  et  son  armée. 

En  quittant  la  Moldavie,  je  suis  entré  dans  les  états  d'Autriche  par  la 
Bukovvine,  et  j'ai  parcouru  celte  province,  la  Galicie,  la  Silésie  autri- 
chienne et  la  Moravie. 

Quatre  régiments  d'infanterie  et  deux  régiments  de  hussards  sont  dans 
la  Bukowine  et  sont  sous  les  ordres  d'un  lieutenant-général  qui  réside  à 
Tchernovitz, 

Quatorze  régiments  d'infanterie  et  six  de  cavalerie,  dont  deux  de  hus- 
sards et  quatre  de  dragons,  occupent  la  Galicie,  depuis  Leraberg  jusqu'à 
Cracovie. 

Un  régiment  de  chasseurs  à  cheval  et  un  régiment  de  dragons  sont  dans 
cette  ville  et  dans  ses  environs  avec  trois  régiments  d'infanterie,  sous  les 
ordres  du  prince  d'Hohenzollern,  qui  a  un  commandement  séparé  mais 
dépendant  cependant  du  commandement  général  de  la  Galicie,  confié  au 
général  Bellegarde. 

Les  régiments  d'infanterie  et  de  cavalerie  sont  au  grand  complet  ;  leur 
habillement  et  leur  armement  sont  dans  le  meilleur  état,  on  se  ht\te  d'or- 
ganiser l'armée  de  réserve  qui  est  h.  proprement  parler  une  armée  de  rai- 
lices,  k  l'instar  de  l'armée  nationale  de  Piémont. 

M.  de  Wurraser,  gouverneur  civil  que  j'ai  vu  k  Lemberg,  le  fils  du  ma- 
réchal Wurmser,  m'a  dit  que,  pendant  les  dernières  campagnes  de  Votre 
Majesté  en  Pologne,  l'esprit  d'insurrection  avait  été  extrême  dans  toute  la 
Galicie  et  qu'il  avait  eu  beaucoup  de  peine  k  le  réprimer. 

La  Galicie  jouit  de  la  plus  grande  prospérité,  mais,  quoiqu'elle  appar- 
tienne depuis  trente  ans  k  la  maison  d'Autriche,  elle  est  plutôt  soumise 
que  fondue  dans  ses  étals. 

Les  grands  propriétaires  de  la  Galicie,  tels  que  les  princes  Czatorinski, 
Lubomirski,  etc.,  etc.,  sont  allachés  à  l'Aulriche  et  surtout  k  leurs  pro- 
priétés, et  ne  désirent  pas  la  guerre. 


•328  APPENLUCt: 

La  petile  noblesse  dérangée,  endettée  et  exclue  de  tous  les  emplois,  oc- 
cupés par  les  Autrichiens,  est  remuante,  avide  de  changements  politiques 
et  prête  à  se  joindre  à  une  armée  qui  agirait  en  Galicie  contre  l'armée 
autrichienne. 

Les  vieux  officiers  de  l'armée  autrichienne  désirent  la  paix  et  craignent 
la  guerre,  les  jeunes  gens  qui  voudraient  de  l'avancement  ne  cherchent 
que  la  guerre,  c'est  dans  la  Galicie  que  l'esprit  des  troupes  autrichiennes 
sera  le  plus  agité,  parce  qu'il  se  trouve  beaucoup  de  Polonais  dans  l'armée. 
D'ailleurs  les  ofTiciers  se  trouvent  souvent  en  contact  avec  les  genliis- 
honimes  polonais;  naturellement  indiscrets  et  légers,  ils  s'entretiennent 
sans  cesse  de  la  guerre  et  des  projets  de  la  Russie,  de  la  France  et  de 
l'Angleterre. 

Dans  l'état-iiinjor  de  l'armée  autrichienne  tous  les  officiers  généraux,  ap- 
partenant aux  familles  de  l'ancienne  noblesse,  sont  ouvertement  pour  la 
guerre. 

J'ai  rencontré  un  régiment  d'infanterie  à  Teschen,  deux  régiments  d'in- 
fiinterie  et  un  régiment  de  cavalerie  à  Olmutz,  deux  régiments  d'infanterie 
et  un  de  cavalerie  dansBrunn  et  ses  environs. 

Je  nie  suis  arrêté  trois  jours  à  Vienne  et  j'ai  vu  chez  le  général  An- 
dréossi,  les  ministres  autrichiens  et  le  corps  diplomatique. 

Il  m'est  impossible  d'avoir  une  opinion  formée  sur  l'esprit  qui  dirige 
aujourd'hui  le  cabinet  autrichien.  J'ai  cru  pourtant  remarquer  qu'il  était 
floltant  et  incertain.  Toute  l'ancienne  noblesse  de  l'Allemagne  pousse 
à  la  guerre  tt  à  l'union  avec  l'Angleterre  ;  des  sociétés  composées  de  fa- 
milles qui  ont  plus  ou  moins  de  rapports  avec  la  noblesse  d'empire. 

L'empereur  François,  heureux  dnns  son  intérieur,  époux  d'une  femme 
agiéable  et  aimable,  et  qui  a  reçu  une  très-bonne  éducation,  paraît  disposé 
h  écouter  les  conseils  de  son  épouse  et  encore  plus  ceux  de  sa  belle-mère, 
l'archiduchesse  Béatrix. 

On  ignorait  encore  à  Vienne  en  faveur  de  quelle  puissance  étaient  les 
dispositions  de  la  nouvelle  impératrice. 

Les  dispositions  de  l'Autriche  m'ont  paru  être  très-pacifiques,  non  par 
attachement  h  la  France,  car  je  crois  qu'elle  nous  hait  autant  que  l'Angle- 
terre elle-même.  —  La  cour  d'Autriche  caresse  la  cour  de  Pétersbourg, 
s'éloigne  le  moins  possible  de  la  cour  de  Londres,  cherche  à  plaire  à  la 
Prusse  et  Uiême  aux  petites  puissances  du  sud  de  l'Allemagne;  il  serait 
jiossible  que  les  craintes  que  l'on  cherche  à  lui  inspirer  lui  fissent  désirer 
une  nouvelle  coalition;  quelques  propos  indiscrets  des  officiers  de  l'armée 
de  Votre  Majesté,  l'opinion  des  faiseurs  de  projets  à  Paris  qui  tous  par- 
lent du  besoin  de  n  nveiser  l'Autriche,  pourraiont^'porter  cette  cour  à  des 
démarches  que  ses  inlérêls  et  ses  goûls  actuels  ne  lui  dicteraient  pas;  mais 
si  on  lui  donne  de  la  confiance,  si  on  fait  taire  ceux  qui  parlent  avec  légé- 


APl'EiVniCR  329 

reté  sur  son  compte,  l'Autriclie  dcMiieurera  tranquille  aussi  longtemps  que 
Voire  Majesté  le  désirera. 

Le  prince  Kurakin  a  été  presque  emharassant  pour  moi  h  Vienne,  parce 
que,  toutes  les  fois  que  je  l'ai  vu  chez  le  général  Andréossi,  il  a  cherché  à 
aborder  brusquement  les  questions  relatives  k  la  Turquie  que  j'ai  évitées 
avec  soin. 

J'ai  écarté  également  les  confidences  qu'il  était  disposé  à  me  faire  sur 
le  sort  de  l'empire  ottoman,  et  ji'  me  suis  contenté  de  lui  dire  toujours  que 
depuis  le  traité  de  Tilsitt  je  n'avais  pas  eu  l'occasion  de  traiter  aucune  af- 
faire importante  à  Conslantincple,  si  ce  n'était  celle  de  faciliter  par 
tous  les  moyens  possibles  le  rjpprocliement  des  cours  russes  et  ottomanes, 
et  de  favoiiser  dans  toutes  les  occasions  les  vues  et  les  intéiêts  de  Sa 
Majesté  l'empereur  Alexandre.  Mes  réponses  ont  paru  le  satisfaire,  et 
c'estavec  plaisir  que  j'ai  vu  M.  le  prince  Kurakin  se  prononcer  hautement 
et  avec  force  contre  l'Angleterre. 

Paris,  etc. 

(Signé)  Horace  Sébastian!. 

{M.  Original.) 


Cl.  —  Rapport  du  niinistre  des  affaires  étrangères  à  IVapoléon  !<>>', 
en  date  du  5  novenibrc   t808  (16  raniazan   13S3). 


Sire,  Votre  Majesté  trc^uvera  dans  la  correspondance  de  ce  joui'  une  dé- 
pêche de  Constaniinople  en  date  du  10  octobre.  Elle  ne  renferme  rien  de 
nouveau.  \ioustapha-Baïractar  gouverne  toujours  l'empire  turc  avec  vigi- 
lance et  sévéïilé.  li  br;ive  et  le  ressentintent  des  janissaires  et  des  ulé- 
mas, et  le  mécontentement  des  ministres  offensés  de  ses  manières  brus- 
ques et  grossières,  et  peut-être,  etc. 

Le  peuple  se  lasse  de  ne  pas  voir  la  paix  conclue  avec  les  Russes.  Il 
perd  toute  confiance  dans  la  France  ;  il  se  regarde  presque  comme  aban- 
donné par  elle.  L'impatience  de  Mousiapha-Baïractar  est  au  comble.  Les 
ministres  ont  beaucoup  de  peine  à  l'empêcher  de  recommencer  les  hosti- 
lités avant  le  retour  du  courrier  qu'il  avait  envoyé  en  France.  (Ce  cour- 
rier est  parti  de  Paris  en  même  temps  que  Voire  Majesté  pour  Erfurt.) 

Cette  dépèche  m'a  élé  apportée  par  M.  Boutin  officier  du  génie  qui  a, 
etc.,  etc. 

M.  Boutin  estime  à  û0,O00  hommes  les  forces  turques  sur  le  Danube, 
quoique  les  Turcs  les  fassent  monter  ài  80,000.  Il  estime  que  les  Busses 
peuvent  avoir  dans  la  Valachie  et  dans  la  Moldavie  au  moins  30,000 
hommes.  On  lui  a  dit  qu'ils  avalent  des  forces  considérables  au-d^dà  du 
Dniester.  Il  ne  doute  pas  que  les  Turcs  ne  succombent  promi)tement  dans 


330  APPENDICE 

la  lutte  qui  probablement  va  s'engager;  mais  il  croit  qu'ils  se  battront  en 
désespérés. 

Je  suis  avec  respect,  Sire,  etc.,  etc. 

{Signé)  Champagny. 
(M.  Original.) 


Cil-  —  Rapport  dn  ministre  des  affaires  étrangères  h  IVapoIéon  I«s 
en  date  da  !«>■  décembre  1808  (IS  chéwal  1S23). 


Sire,  le  secrétaire-interprète  de  l'ambassadeur  ottoman,  qui  me  témoigne 
beaucoup  de  bonne  volonté,  est  venu  me  prévenir  secrètement  d'une  vi- 
site que  l'ambassadeur  ottoman  a  rendu  à  M.  de  Rornanzoff.  Le  ministre 
russe  lui  avait  envoyé  samedi  dernier  le  prince  Gagarin  pour  lui  expri- 
mer le  désir  qu'il  avait  de  le  voir,  et  lundi  l'ambassadeur  s'est  rendu  à 
cette  invitation.  M.  de  Romonzoff  l'a  fort  bien  accueilli,  lui  a  donné  café 
et  confiture,  et  puis  est  entré  en  matière.  Il  lui  a  dit  que  la  Russie  n'était 
pas  ennemie  de  la  Turquie,  qu'au  contraire  elle  désirait  faire  avec  elle  une 
paix  solide,  que  le  prince  Prosoroswky  ^n^lW.  reçu  des  instructions  en  consé- 
quence, qu'il  allait  traiter  directement  avec  la  Porte,  et  qu'on  ne  deman- 
derait à  la  Porte  que  de  consentir  à  prendre  le  Danube  pour  limite  entre 
les  deux  états,  la  Russie  promettant  d'ailleurs  de  respecter  l'intégrité  de 
l'empire  turc. 

Ma  conférence  avec  l'ambassadeur  ottoman  devait  l'avoir  préparé  à  cette 
ouverture.  Il  en  a  cependant  été  très-élonné.  Il  avait  supposé  que  c'était 
la  faute  de  la  France  si  la  paix  ne  se  faisait  pas  avec  la  Russie,  et  les 
Morousi,  avec  lesquels  il  est  lié  et  en  correspondance,  lui  avaient  inspiré 
l'idée  que  la  Russie,  qui  se  déûa  toujours  de  la  France,  voulant  s'assurer 
l'amitié  de  la  Porte,  la  traiterait  avec  plus  de  faveur,  lorsqu'elle  négocierait 
directement  ave  celle.  Il  n'a  pas  répliqué  à  M.  de  Rornanzoff,  qui  a  essayé 
de  lui  démontrer  la  nécessité  de  cette  union,  mais  il  se  propose  d'envoyer 
un  courrier  à  sa  cour,  pour  lui  faire  part  de  cette  conversation.  Il  me  de- 
mande une  audience  pour  demain. 

J'ai  vu  lundi  M.  de  Rornanzoff;  il  ne  m'a  pas  fait  part  de  cet  entrelien, 
sans  doute  parce  qu'il  avait  à  m'entretenir  de  plus  grandes  affaires,  l'ex- 
pédition de  notre  courrier.  Mais  déjà  il  m'avait  prévenu  des  visites  par 
carte  que  lui  faisait  l'ambassadeur  ottoman  ;  et,  prévoyant  qu'il  serait  dans 
le  cas  de  le  voir,  il  m'avait  consulté  sur  ce  qu'il  devait  lui  dire  :  l'ambas- 
sadeur est  sorti  de  chez  lui  fort  triste  et  fort  mécontent. 

Voilà  ce  que  me  dit  l'interprète,  qui  souvent  se  plaint  à  moi  de  son 
ambassadeur.  Je  suis  bien  loind  'accordera  un  Grec  une  certaine  confiance, 
et  j'ai  toujours  regretté  d'être  obligé  d'admettre  un  pareil  intermédiaire 


APPENDICE  331 

entre  raml)nssadeur  et  moi.  On  court  risque  d'être  mal  entendu,  mal  tra- 
duit et  quelque  fois  d'être  trompé. 

La  correspondance  d'aujourd'hui  ne  me  fournit  aucune  lettre  h  mettre 
sous  les  yeux  de  S.  M. 

Je  suis  avec  respect,  Sire,  etc.,  etc. 

(Signé)  Champagny. 
{JE.  Original.) 


cm.  —  Lettre  {*)  de  Kara-George  Pétrovhcli,  chef  des  Serbes,  à 
IVapoIéon  l^>-^  en  date  de  Belgrade  le  IG  août  1809  (5  réd- 
jeb  1324). 

La  gloire  des  armes  et  des  faits  de  Votre  Majesté  impériale  remplit 
l'univers  entier.  Les  peuples  voient  en  votre  très-auguste  personne  leur 
défenseur  et  leur  législateur  :  la  nation  serbe  désire  participer  à  ce  bon- 
heur. Touinez  vos  regards,  sire,  vers  les  Slavo-Serbes,  qui  ne  manquent 
ni  de  courage  guerrier  ni  de  fidélité  envers  leurs  bienfaiteurs.  Le  temps 
et  l'occasion  démontreront  cette  vérité.  Que  votre  très-auguste  et  très- 
digne  Majesté  impériale  daigne,  par  sa  haute  promesse  de  la  protection 
de  la  grande  nation,  consoler  celui  qui  en  nourrit  le  plus  vif  espoir, 

De  voti  e  Majesté  impériale  le  très-humble  et  très-fidèle  serviteur 

{Signé)  Kara  George  Petrovitcts, 
Belgrade  le  16  aoiît  1809.  chef  de  la  nation  serbe. 


Cl  Y.  —  Rapport  dn  ministre  des  alTaires  étrangères  à  !S'apoléon  l'' 
en  date  du  25  mai  1810  (20  rchiul-akliir  1225). 

Sire,  j'ai  rendu  compte  à  V.  M.  de  l'arrivée  à  Paris  d'un  député 
servien,  le  même  qui  est  venu  à  Vienne  pendant  la  dernière  campagne. 
M.  de  Mériage  a  pris  sur  lui  de  lui  permettre  de  faire  ce  voyage,  que  je 
n'aurais  pas  autorisé  ne  pensant  point  que  telle  fut  l'intention  de  V.  M. 

Enfin,  il  est  ici  ;  je  n'ai  pas  jugé  convenable  d'avoir  des  rapports 
discrets  avec  lui  avant  que  V.  M.  ne  l'eût  permis  :  je  l'ai  mis  en  relation 
avec  un  chef  de  mes  bureaux,  et  j'ai  l'honneur  de  soumettre  à  V.  M.  le 
précis  de  l'entretien  que  le  député  servien  a  eu  avec  ce  chef,  et  les  diffé- 
rentes pièces  relatives  à  sa  mission  (**) .  Les  demandes  sont  les  mêmes  que 
celles  qui  ont  été  faites  l'année  dernière  à  V.  M.  ;  mais  la  proposition  de 


(*)  L'original,  en  serbe,  de  cette  lettre  fst  conservé  aux  Archives  de  fEmpirr^  à 
Paris  :  une  iraduciion  laline  se  trouve  au  verso  de  l'original. 
(*')  En  marge  :  le  fout  a  été  renvoyé  au  ministère  le  itijiiin. 


332  APPENDICE 

reraelire  à  sa  disposition  certaines  forteresses  n'est  pas  renouvelée.  Il  y 

a  de  plus  la  demande  d'un  secours  en  argent. 

Je  suis  avec  respect, 

Siie  , 

De  Votre  iM;ijeslé 

Le  très  (idèle  et  très-dévoué  serviteur  et  sujet 
(Signé)  Ghampagny,  duc  de  Cadore. 
[JE.  Original.) 

(N"  2).  —  Les  articles  59  et  83  des  lettres  patentes  de  17ZiO  (V.  T.  I.  p. 
202  et  2C9)  autorisaient,  sans  contredit,  la  France  à  réclanier,  en  1802,  le 
droit  de  navigation  dans  la  mer  Noire,  dont  jouissaient  les  Anglais,  les  Au- 
tricliien':,  les  Hollandais  et  les  Russes  La  stipulation  explicite  que  contient 
l'article  2  du  traité,  et  que  confirment  les  articles  7  et  1  de  la  convention 
de  1838  et  du  traité  de  commerce  de  1861,  n'avait  été  motivée  que  par  le 
renouvellement  du  droit  de  naviguer  dans  la  mer  Noire  qu'avait  obtenu 
l'Angleterre,  en  vertu  d'nne  note  adressée  à  l'ambassadeur  britannique  le 
31  octobre  1799,  à  la  suite  du  traité  d'alliance  contre  la  l'Yance  conclue 
avec  la  Sublime-Porte  au  mois  de  janvier  de  .'a  même  année. 

La  liberté  de  la  navigation  de  la  mer  Noire  a  été  stipulée,  en  faveur  de 
toutes  les  nations,  par  l'article  7  du  traité  de  paix  entre  la  Sublime  Porte 
et  la  Iiussie  signé  à  Andrinople,  le  IZi  septembre  1829,  et  a  été  confirmée 
par  les  articles  11  et  12  du  traité  de  paix  de  Paris  du  30  mars  1856. 

I.  —    TVote-circ'uIairc    de   la   Slublime-Porle    aux   représentants   des 
pnis!«anees  étrangères,   in    date   du    9   janvier    IHO'3    (8   zilcadé 

Étant  de  la  plus  grande  importance,  dans  ce  temps  de  guerre  entre  la 
Sublime-Porte  et  la  Russie,  de  mettre  en  usage  toutes  sortes  de  précau- 
tions contre  les  fraudes  et  les  ruses  connues  de  l'ennemi,  et  de  faire  la 
plus  grande  diligence  pour  empêcher  le  transport  des  munitions  dans  les 
différentes  Échelles  russes  situées  dans  la  mer  Noire;  de  ne  pas  permettre 
à  aucun  sujet  ottoman  d'aller  de  ce  côté-là  et  de  faire  parvenir  à  l'ennemi 
des  nouvelles  par  écrit  et  de  bouche;  de  couper  enfin  toute  communica- 
tion entre  les  pays  ottomans  et  la  Russie;  considérant  qu'il  est  très-dan- 
gereux et  contraire  à  la  sûreté  désirée  de  donner  passage  aux  bâtiments 
du  centre  de  la  capitale  pour  aller  chez  l'ennemi  ;  qu'en  temps  de  guerre 
ce  point-ci  exige  la  plus  grande  circonspection  ,  et  forme  un  des 
principaux  règlements  de  l'État;  considérant  qu'il  serait  de  toute  impos- 
sibilité de  prévenir  les  dangers  et  maintenir  le  bon  ordre  et  la  siireté,  pen- 
dant que  les  bâtiments  marchands  des  autres  puissances  amies  continue- 
raient à  naviguer  librement  dans  la  mer  Noire ,  l'ennemi  pouvant  avoir 


APPENDICE  333 

aisément  ses  ruses  sous  le  nombre  et  îu  diiïérence  de  tant  de  pavillons 
étrangers  ;  c'est  pour  toutes  ces  raisons  qu'à  l'avenir  le  canal  de  la  mer 
Noire  sera  fermé  jusqu'à  la  fm  de  ia  présente  guerre,  ou  peut-cire  (mal- 
gré la  conlinualion  de  la  guerre)  jusqu'à  ce  que  l'étal  (\e:>  choses  n'exige 
plus  une  pareille  précaution.  Par  cette  défense,  qui  s'étend  généralement 
à  tous  les  pavillons,  on  ne  croit  déroger  en  rien  à  la  permission  accordée, 
il  y  a  quelque  temps,  à  quel(|ue3  puissances  amies  de  naviguer  libie- 
ment  dans  la  mer  Noire.  Il  s'agit  simplement  d'une  mesure  de  guérie 
prise  pour  le  moment  et  dictée  par  les  circonstances.  La  Porte  ottomane 
e.^t  persuadée  que  cette  conduite  sera  approuvée  par  toutes  les  puis- 
sances qui  lui  sont  afTectionnées,  et,  s'il  plaît  à  Dieu,  après  la  paix  ou 
même  penilanl  la  guerre  (s'il  n'y  a  plus  rien  à  craindre),  ia  libre 
navigation  de  la  mer  Noire  reprendra  de  nouveau  son  cours  comme 
auparavant. 

Les  commandants  de  la  (lotte  impériale,  ainsi  que  les  gardiens  de  l'em- 
bouchure, ayant  eu  ordre  d'en  fermer  dès  ce  moment  le  passage,  on  en 
fait  part  par  la  i)résente  note  officielle  aux  ministres  des  puissances  amies, 
afin  qu'ils  en  donnent  connaissances  à  ceux  qu'il  appartient. 

II.  —  Note  do   chargé  d'affaires  de  Latonr-Maubourg  à  la  Sublime» 
Porte,  en  date  du  9  avril  i809  (33  sàter   1324). 

Monsieur  le  ministre, 

Votre  Excellence  a  dit  aujourd'hui  à  i\I.  Franchini,  drogman  de 
l'ambassade  de  France  que,  la  guerre  étant  au  moment  de  se  rallumer 
entre  l'empire  ottoman  et  la  Russie,  la  Sublin)e-Porte  songeait  à  fermer  le 
Bosphore  et  à  en  interdire  le  passage  aux  bâtiments  de  commerce. 

Dans  cette  circonstance,  et  tandis  qu'un  objet  de  cette  im|)ortance  n'est 
point  encore  décidé  et  s'agite  dans  les  conseils  du  ministre,  je  crois  devoir 
rappeler  à  V.  E.  que  le  point  principal  du  dernier  traité,  fait  à  Paris  entre 
la  France  et  la  Turquie,  établit  d'une  manière  formelle  et  irrévocable 
la  libre  navigation  des  bâtimeiUs  de  commerce  français  de  la  mer  Blanche 
dans  la  mer  Noire  ;  que  dans  ce  traité,  la  Sublime-Porte  ne  s'est  réser- 
vée, pour  aucun  cas,  la  faculté  d'interdire  ou  même  de  suspendre  momen- 
tanément celte  navigation,  de  sorte  que  la  Sublime-Porte,  en  l'interrom- 
pant, porterait  atteinte  au  traité  qui  fait  la  base  de  l'amitié  des  deux  em- 
pires. 

J'abandonne  ces  observations  à  la  prudence  des  ministres;  j'ai  cru 
devoir  les  faire,  afin  d'éviter,   s'il  se  peut,  des  événements  funestes. 

J'ajouterai  à  ceci  une  autre  observation.  Je  sais  que  des  vaisseaux  qui 
communiquent  entre  deux  pays  en  guerre  l'un  contre  l'antre  doivent 
s'abstenir  de  porter  de  l'un  à  l'autre  certains  objets  connus  sous  le  nom 


334  APPENDICE 

de  contrebande  de  guerre.  C'est  pourquoi  ayant  appris  que  des  capitaines 
français  partant  de  Gonslantinople  pour  Odessa  avaient  pris  à  bord  une 
certaine  quantité  de  soufre,  qui  est  au  nombre  de  ses  objets,  je  les  ai 
contraints  de  le  débarquer  et  de  le  laisser  à  Constantinople.  Jamais  au- 
cune infraction  aux  traités  et  aux  usages  établis  par  le  droit  des  gens 
ne  pourra  être  reprochée  k  la  France. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

III.  —  IVotc-circulaire  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  des 
puist»ances  étrangères,  en  date  du  lO  avril  £809  ('-£4  sàfer 
tS24). 

La  cour  de  Russie  ayant  profité  des  circonstances  pour  envahir  le  terri- 
toire de  l'empire  ottoman,  par  surprise,  et  usurper  de  la  même  manière  les 
forts  et  les  provinces  de  cet  empire,  contrairement  aux  traités  existants, 
et  sans  que  la  Sublime-Porte  eût  toléré  la  moindre  infraction  aux  engage- 
ments contractés  par  elle,  la  guerre  était  devenue  inévitable,  et  les  ar- 
mées respectives  allaient  agir,  lorsque  la  Russie  montra  des  dispositions 
pacifiques  et  équitables  et  demanda  un  armistice,  afin  de  restituer  à  la 
Sublime-Porte  les  provinces  et  les  forteresses  arbitrairement  occupées 
par  elle,  et  de  faire  la  paix  dans  un  bref  délai. 

La  Sublime-Porte,  de  son  côté,  désirant  suivre  son  système  favori 
d'empêcher  l'effusion  de  sang,  et  toujours  disposée  à  mettre  en  pratique 
sa  maxime  de  contribuer  à  atteindre  un  but  aussi  salutaire  qu'est  la 
sûreté  et  le  repos  de  l'humanité,  un  armistice  a  été,  en  conséquence, 
conclu  et  arrêlé  entre  les  deux  parties. 

Lorsque  la  guerre  éclata,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  et  dans  le  but 
d'empêcher  la  navigation  des  ports  et  aux  ports  russes  de  la  mer  Noire, 
et  d'intercepter  toute  communication  entre  la  Russie  et  les  étals  ottomans, 
il  avait  été  résolu  de  fermer  le  passage  de  la  dite  mer,  et  cette  résolution 
fut,  cl  son  temps,  communiquée  par  des  notes  officielles  aux  repré- 
sentants des  puissances  amies  de  la  Sublime-Porte. 

Celle  mesure  demeura  en  vigueur  jusqu'à  la  convention  pour  la 
suspension  des  hostilités,  mais,  attendu  qu'un  armistice  est  un  temps  de 
conciliation  et  de  paix,  il  fut  accordé  la  permission  aux  marchands  des 
puissances  amies  de  cet  empire  de  naviguer  dans  la  mer  susmentionnée, 
conformément  aux  droits  et  privilèges  qui  leur  ont  été,  au  temps  passé, 
octroyés  à  ce  sujet. 

Mais  aujourd'hui  la  Russie  suit,  de  nouveau,  une  ligne  de  conduite 
contraire  aux  règles  et  aux  principes  qui  sont  l'apanage  de  tout  gouver- 
nement indépendant,  et  elle  a  non-seulement  annoncé  que  ses  troupes 
allaient  recommencer  les  hostilités,  mais  elle  a  effectivement  attaqué  de 


APPENDICE  335 

nouveau  le  territoire  ottoman  ,  bicin  que  celte  agression  ait  été  repoussée 
(grâces  en  soient  rendues  au  Tout-1'uissaiU)  par  suite  de  la  délaile  que 
l'armée  russe  a  essuyée  du  côté  d'Islabozy  et  de  Giurgevo. 

Dans  cet  état  des  choses,  il  est  indispensable  d'empôclier  les  navires 
marchands  d'aller  des  étals  ottomans  en  Russie  et  vice  versa,  et  d'inter- 
rompre toute  communication  entre  les  deux  pays,  tant  par  nier  que  par 
terre,  en  fermant  le  détroit  de  la  mer  Noire.  Celte  mesure  n'aura  qu'un 
effet  provisoire  et  ne  durera  qu'aussi  longtemps  qu'il  n'y  aura  aucun 
inconvénient  de  permettre  de  nouveau,  aux  navires  appartenant  aux 
puissances  amies,  de  naviguer  et  faire  le  commerce,  comme  autrefois, 
dans  la  mer  Noire. 

Des  ordres  ayant  été  par  conséquent  envoyés  aux  officiers  de  la  marine 
impériale  et  aux  commandants  des  détroits  de  veiller  avec  soin  à  ce  que 
ces  derniers  soient  fermés,  et  celle  mesure  devant  être  aussi  portée  h  la 
connaissance  de  ceux  de  nos  amis  les  ministres  étrangers  qu'il  appar- 
tiendra, la  présente  note  officielle  a  élé  rédigée  et  est  transmise  à  notre 
ami  estimé  le  représentant  de... 

IV.  —  IVote  du  chargé  d'affaires  de  Latour-iMaubearg  à  la  Sublime- 
Porte,  en  date  du  . . .  avril  1809  (On  sàfer  1334). 

Le  soussigné  auditeur  au  conseil  d'état,  chargé  d'affaires  de  S.  M.  l'em- 
pereur des  Français,  roi  d'Italie,  Protecteur  de  la  Confédération  du  Rhin, 
près  la  Sublime-Porle,  a  reçu  la  note  du  10  avril  que  la  Sublime-Porte  lui 
a  adressée  pour  le  prévenir  qu'elle  avait  jugé  à  propos  d'interdire  aux 
bâtiments  de  commerce  l'entrée  et  la  navigation  de  la  mer  Noire. 

Le  soussigné,  en  lisant  les  articles  du  traité  conclu  à  Paris  entre  la 
France  ella  Sublime-Porte  signé  le  6  messidor  l'an  10(24  Safer-el-Haïr), 
et  dont  la  copie  est  ci-jointe,  trouve  dans  l'article  2  de  ce  traité  que  la 
Sublime-Porte  consent  à  ce  que  les  vaisseaux  de  commerce  français  jouis- 
sent à  l'avenir  et  sans  aucune  contestation  du  droit  d'entrer  et  de  navi- 
guer librement  dans  la  mer  Noire.  Le  soussigné  remarque  que  dans  le 
reste  du  traité  la  Sublime-Porte  ne  s'est  réservée,  dans  aucun  cas,  la  fa- 
culté d'ôter  aux  navires  français  ou  même  de  suspendre  âleur  égard  cette 
navigation. 

Le  soussigné  voit  en  conséquence  dans  la  clôture  de  la  mer  Noire  un 
acte  qui  détruit  ce  traité. 

Le  soussigné  pense  qu'une  erreur  ou  un  malentendu  aura  donné  lieu  à 
l'envoi  de  la  note  que  la  Sublime-Porte  lui  a  remise  et  à  laquelle  il  ré- 
pond; car,  s'il  n'en  était  pas  ainsi,  et  si  la  Sublime-Porte  avait  réellement 
l'intention  de  fermer  la  mer  Noire,  il  en  résulterait  qu'elle  veut  anéantir 
le  traité  qui  l'unit  à  la  France,  chose  que  le  soussigné  ne  peut  admettre. 


336  APPENDICE 

Lo  soussigné  croit  que  la  Sublime-Porte  n'est  point  dans  le  dessein  de  se 
priver  volontairement  de  l'amitié  de  la  France  ;  et  quand  cela  serait,  ce 
qu'à  Dieu  ne  plaise,  ne  conviendrait-il  pas  mieux  h  la  franchise  de  la 
Sublime-Porte  de  déclarer  nettemeni  qu'elle  veut  rompre  avec  la  France 
que  d'amener  cette  rupture  par  milles  voies  détournées? 

L'empereur  des  Français  est  un  grand  et  puissant  monarque.  Il  n'a  jus- 
qu'ici donné  à  la  Sublime-Porte  que  des  marques  d'attachement  et  d'a- 
mitié. Le  soussigné  supplie  la  Sublime-Porte,  et  cela  pour  la  gloire  de 
l'empire  ottoman,  de  prendre  ce  dernier  point  en  grande  considération. 

Le  soussigné  supplie  la  Sublime-Porte  aussi  de  considérer  que  l'empe- 
reur des  Français  ne  souffrira  point  qu'il  soit  enlevé  à  ses  sujets  un  droit 
qui  leur  est  assuré  par  les  traités. 

Le  soussigné  prie  également  la  Sublime-Porte  de  vouloir  bien  lui  don- 
ner par  écrit,  k  l'égard  de  celte  note,  de  plus  amples  explications. 

Le  soussigné  a  l'honneur,  etc. 

(N°  3).  — M.  Blanchi,  dans  le  Nouveau  guide  de  la  Conversation^  etc.,  que 
nous  avons  eu  l'occasion  de  citer,  dit  que  «dans  le  texte  turc,  cet  article  10 
est  immédiatement  suivi  d'une  conclusion  (Kathème)  dont  le  traducteur  officiel 
n'a  donné  ni  la  traduction,  ni  même  l'indication.  Par  cette  conclusion,  qui 
n'est,àque]quesdifrérencGsdetermesprès,  qu'une  reproductionde  l'art.  85  des 
anciennes  capitulations,  et  qui  tient  ici  lieu  de  ratification,  le  sultan,  après 
avoir  confirmé,  ratifié,  signé  et  scellé  le  nouveau  traité,  déclare  que,  tant 
que  de  la  part  du  premier  consul  de  la  république  française,  ou  de  ses 
successeurs,  ce  traité  continuera  d'être  observé,  et  qu'il  n'y  sera  porté 
aucune  atteinte,  il  promet  également  (lui  le  sultan)  que,  tant  de  sa  part  que 
de  celle  de  ses  successeurs,  des  grands  visirs,  des  hauts  dignitaires  de 
l'empire,  des  généraux,  des  troupes,  et  généralement  de  toutes  les  personnes 
soumises  à  l'obéissance  impériale,  ce  traité  sera  strictement  observé,  et 
qu'il  n'y  sera  porté  aucune  infraction.  »  M.  Blanchi  dit,  en  outre,  que  la  7ati- 
fication  porte  la  date  du  2Zi  rébiul-évvel  1217  (juillet  180'J),  et  que  le  2G  juin 
1802  (2û  sâfer  1217)  est  la  date  du  traité  préliminaire  signé  par  les  plénipoten- 
tiaires ù  Paris. 

Nous  ferons  remarquer  que  les  mots  écrits,  en  tête  de  l'original  turc,  de  la 
main  du  sultan  :  «  Le  présent  traité  a  été  ratifié  par  Notre  Majesté  impériale, 
pour  qu'il  soit  agi  en  conséquence,  »  et  le  préambule,  qn'i,  dans  l'instrument 
turc,  précède  les  articles  {V.  Blanchi,  /.  c.  p.  287;,  constituent  la  formule 
initiale,  et  le  paragraphe  suivant  fan.  10  est  la  formule  finale  de  la  ratification 
souveraine,  datée  du  2ù  rébiul-ewel  1217  =  23  juillet  1802.  —  La  date  du 
26  juin  1802  =  2/i  safer  1217  est  celle  du  traité  de  paix  définitif  :  les  articles 
préliminaires  en  avaient  été  signés,  à  Paris,  le  9  octobre  1801  =  djémaziul- 
akhir  1216. 

(N°  k).  —  Nous  ne  pouvons  donner  que  la  substance  de  cet  article:  nous  la 
trouvons  dans  leAmiveau  Guide, eic,.  par  Blanchi.  Cet  orientaliste  distingué, 


APPENDICE  337 

qui  vient  de  mourir  à  un  âge  très-avancé,  avait  été  chargé,  en  18!>6,  de  faire 
la  liste  de  tous  les  documents  turcs  relatifs  aux  rapports  do,  la  Krance  avec 
la  Sublime-Porte,  qui  sont  conservés  aux  archives  du  ministère  des  affaires 
étrangères. 

Voyez  le  protocole  du  21  février  1802  que  nous  avons  donné  à  ï Appendice 
au  traité  d'Amiens,  N"  1,  ///. 


t.  .1.  ^2 


338  AF>PENniCK 


ORDRE  IMPÉRIAL 

du  G  février  1806  (17  zilcadé  121^0). 


APPENDICE 


N"  1.  Note  relative  aux  négociations  pour  la  reconnaissance  du  titre  impérial  de 
Napoléon  1". 
T.  Note  de  la  Sublime-Porte  à   l'ambassadeur  Brune,   en  date  du 

20  juin  180Z|  (première  décade  de  rcbiul-éwel  1219). 
II.  Dépèche  de  l'ambassadeur  Brune  à  Napoléon  1",  en  date  du  28  juin 
180/1  (19  rébiul-éwel  1219). 

III.  Précis  d'une  conférence  de  l'ambassadeur  Brune  avec  le  réis-éfendi, 

tenue  le  'IQ  juin  180/»  (20  rébiul-éwel  l"il9). 

IV.  Précis  d'une  conférence  entre  les  mêmes,  tenue  le  20  septembre 

1804  (IZi  djémaziul-akhir  1219). 
V.  Dépèche  de  l'ambassadeur  Brune  à  Napoléon  I",  en   date  du 

29  septembre  180i  (23  djémaziul-akhir  1219). 
VI.  Résumé  d'une  note  de  l'ambassadeur  Brune  à  la  Sublime-Porte, 

en  date  du  U  octobre  180i  (28  djémaziul-akhir  1219). 
VII.  Précis  d'une  conférence  du  chargé  d'affaires  de  Prusse  avec  le  réis- 

éfendi,  tenue  le...  octobre  180/i  (...  rèdjeb  1219). 
VIII.  Résumé  d'une  note  de  l'envoyé  de  Russie  à  la  Sublime-Porte,  en 
date  du  7  octobre  180/i  (2  rédjeb  l'219). 
IX.  Résumé  d'une  note  du  chargé  d''uffaires  de  la  Grande-Bretagne  à 

la  Sublime-Porte,  en  date  du...  octobre  180/i  (...  rédjeb  1219). 
X.   Résumé  d'une  note  de  l'ambassadeur  Brune  à  la  Sublime-Porte, 

en  date  du  i/i  octobre  180/i  (9  rédjeb  1219). 
XI.  Résumé  d'une  note  de  la  Sublime-Porte  à  l'ambassadeur  Brune, 

en  date  du  17  octobre  180/i  (U  rédjeb  1219). 
XII.   Résumé  d'une  note  de  l'ambassadeur  Brune  à  la  Sublime-Porte, 
en  date  du  2Zi  octobre  180/i  (19  rédjeb  1219). 

XIII.  Résumé  d'une  note  de  l\anbassadeur  Brune  à  la  Sublime-Porte, 

en  date  du  7  novembre  180/i  (3  chàban  1219). 

XIV.  Résumé  d'une  dépêche  du  ministre  des  relations  extérieures  à  l'am- 

bassadeur Brune,  en  date  du...  novembre  iSOh  {....  chàban  1219). 

XV.  Dépêche  de  l'ambassadeur  Brune  à  JS'apoléon  I",  en  date  du  20  dé- 

cembre 180/1  (17  ramazan  1219). 
XVI.  Résumé  d'une  note  identique  de  renvoyé  de  Russie  et  du  chargé 
d'affaires  de  la  Grande-Bretagne  à  la  Sublime-Porte ,  en  date 
du  2o  décembre  ISOZi  (20  ramazan  1219). 


OP.nr.E  IMPÉIUAL  389 

XVII.  Lettre  de   Scllm  lit  à  Napoléun   I",  en   date  du   21  mm  i8'J5 

(21  sdfer  1220), 
XVIII.  Lettre  de  Napoléon  I"  (iii  ministre  des  affaires  étrangères,  en  date 
de  Pont-de-Briques  le  31  juillet  1805  {k  djémaziul-êivel  1220). 


ORg»KE:    UTIPEIfilAI^ 

adressé  à  la  Sublime-Porte,  on  date  du  6  février  1806  (17  zilcadé  1220). 

Comme  la  volonté  suprême  de  S.  II.  est  que  les  articles  des 
capitulations  qui  unissent  la  Sublime-Porte,  d'éternelle  durée,  à 
la  cour  de  France  soient  constamment  observés  ;  et  quoique  cette 
puissance  ait  été,  jusqu'à  présent,  désignée  par  le  nom  de  cour  de 
France,  il  faudra  absolument  insérer,  dorénavant,  dans  les  bérat  et 
les  firman  impériaux  le  titre  :  padichah  et  imperator  de  France. 

11  est,  en  conséquence,  expressément  ordonné  que  les  bérat  et 
les  firman  impériaux,  qui  seront  délivrés  à  l'avenir,  contiennent  le 
dit  titre  :  padichali  et  imperator  de  France.  {Appendice  N"  1). 


APPENDICE 

(N"  1).  —  Suivant  une  tradition  turque  se  rattachant  à  l'histoire  d'une 
princesse  française  tombée  entre  les  mains  des  corsaires,  et  qui,  devenue 
épouse  de  Mohammed  II,  avait  été  inutilement  réclamée  par  un   ambassa- 
deur du  roi  de  France,  celui-ci  aurait  reçu  du  sultan  le  titre  de  padichah. 
Quelque  fausse  que  soit  cette  tradition,  elle  sert  cependant  à  prouver  l'an- 
cienneté de  ce  titre,  dont  les  rois  de  France^  ont  longtemps  joui  exclusive- 
ment à  toutes  les  autres  tètes  couronnées  de  l'Europe.  ïNous  le  trouvons  tra- 
duit par  empereur  dans  les  lettres-patentes  de  1569  {V.  ï.  I,  p.  91),  et 
l'art.  ^6   des  lettres-patentes  de  l7/iO  {V.  ï.  I  p.  198)  constate  que  le  titre 
d''einpereur  a  été  attribué  ah  antiquo  à  Sa  Majesté.  Dans  les  instruments,  turcs 
et  français,  des  conventions  de  18oo  et  de  1838,  que  nous  donnons  plus  loin, 
le  roi  de  France  est  qualifié  de  padichah  et  d'empereur. 

Après  la  promulgation  du  senatus-consulte  du  il  mai  180/i,  l'ambassadeur 
Brune  s'empreasa  de  faire  des  démarches  pour  la  reconnaissance,  par  la 
Sublime-l'orte,  du  titre  impérial  décerné  à  iNapoléon.  Ces  démarches  étaient 
appuyées  par  la  Prusse  et  par  l'Autriche  :  celle-ci  avait  reconnu  le  nouveau 
titre  de  Napoléon  à  la  condition  qu'il  reconnût,  à  sou  tour,  la  dignité  impé- 
riale rendue  héréditaire  dans  la  maison  de  Habsbourg-Lorraine  par  Fran- 
çois II,  à  la  suite  de  sa  renonciation  à  la  couronne  d'Allemagne,  et  l'inter- 
nonce,  M.  de  Stiirmer,  était  chargé  d'obtenir  de  la  Subliuie-l'orte  la 
reconnaissance  du  titre  d'empereur  d'Autriche  que  François  U  avait  adopté 


3Û0  APPENDICE 

au  mois  d'août  I8O/1.  D'autre  part,  les  représentants  de  la  Grande-Bretagne  et 
de  Russie  s'opposaient  à  ce  que  le  divan  accédât  à  la  demande  de  l'ambassa- 
deur de  France.  ApK's  avoir  épuisé  tous  ses  moyens  d'action,  le  maréchal 
Brune  quitta,  au  mois  de  décembre,  la  capitale  de  la  Turquie,  en  confiant  les 
atfaires  de  l'ambassade  au  secrétaire  Pierre  l'arendier. 

Le  roi  de  Prusse  ne  réussit  point  à  calmer  l'irrit;.tion  de  Napoléon,  mais  ce 
dernier  résolut  cependant  de  tenter  un  dernier  effort  auprès  du  sultan  lui- 
même.  Il  écrivit  une  lettre  autographe  (*;  à  Sélim  III  pour  l'ungager  à  re- 
connaître son  titre  impérial,  et  Téchiirer  sur  la  «  trahison  »  des  ministres 
ottomans.  En  même  temps,  M.  de  Talleyrand  faisait  parvenir  à  l'ambassa- 
deur de  Turquie,  iïalet-éfendi,  une  note  contenant  des  accusations  contre 
les  ministres  de  la  Sublime-Porte,  et  la  déclaration  formelle  que,  si  la  re- 
connaissance du  titre  impérial  n'avait  pas  lieu,  la  France  se  verrait  obligée 
de  rompre  ses  relations  avec  l'empire  ottoman. 

Le  secrétaire-interprète  Jaubert  fut  le  porteur  de  cette  lettre.  Le  chargé 
d'affaires  de  France  sollicita  une  audience  du  sultan  :  il  lui  fut  répondu 
que,  vu  l'absence  d'un  ambassadeur,  l'étiquette  voulait  que  Jaubert  présen- 
tât lu  lettre  au  grand-vézir.  Pans  l'espoir  de  vaincre  celte  difficulté,  Paren- 
dier  adressa  successivement  deux  notes  très-énergiques  à  la  Sublime-Porte  : 
«  le  refus  de  l'audience,  »  était-il  dit  dans  la  deuxième  de  ces  notes,  «  se- 
rait considéré  comme  un  acte  d'hostilité,  et  obligerait  le  chargé  d'affaires 
à  demander  ses  passe-ports  et  à  quitter  Constantinople,  avec  tout  le  per- 
sonnel de  l'ambassade.  »  Le  réis-éfendi  proposa  alors  un  expédient  qu'il  eut 
beaucoup  de  peine  à  faire  approuver  par  M.  d'Italinski,  envoyé  de  Russie. 
Jaubert  se  trouva,  comme  par  hasard,  sur  le  chemin  de  Sélim  III,  se  ren- 
dant, le  2  mai,  à  son  palais  de  Kia'd-hané,  et  remit  la  lettre  de  Napoléon  à 
un  officier  de  la  suite,  des  mains  duquel  le  grand-seigneur  la  reçut.  Quinze 
jours  après,  le  grand-vézir  fit  appeler  le  premier  interprète  de  l'ambassade 
de  France,  Franchini,  et  l'informa  que,  suivant  les  ordres  du  sultan,  il  de- 
vait écrire  à  M.  de  Talleyrand  qu'il  avait  reçu  une  lettre  confidentielle  de 
Bonaparte  pour  son  maître,  l'en  remercier  au  nom  de  celui-ci  et  y  ajouter 
l'assurance  des  sentiments  d'amitié  de  S.  H.  pour  le  gouvernement  français. 
Franchini  feignit  d'abord  de  ne  pas  comprendre  le  grand-vézir,  et  ce  ne  fut 
qu'après  que  le  vézir  lui  eut  répété  trois  fois  cette  communication  qu'il  lui 
en  exprima  sa  surprise  en  termes  très-vifs.  Le  grand-vézir  lui  ayant  dit  que 
son  langage  pouvait  bien  ne  pas  être  conforme  à  ses  instructions,  Franchini 
sortit  de  sa  poche  et  lui  remit  une  note  signée  de  Parendier,  et  portant 
qu'une  missive  de  l'empereur  des  Français  exigeait  une  réponse  de  la  part 
du  sultan  lui-même,  et  qu'autrement  ce  serait  un  manque  d'égards  que  Na- 
Iioléon  considérerait  comme  une  déclaration  de  guerre.  Le  vézir  promit 
alors  à  1  ranchini  de  tâcher  d'induire  le  sultan  à  répondre  lui-même  à  Bo- 
naparte :  il  y  parvint  sans  difficulté.  Mais,  le  titre  impérial  de  Napoléon 
n'étant  pas  reconnu,  quel  protocole  serait-il  adopté  dans  la  réponse  du 
grand-seigneur?  Consulté  à  ce  sujet  par  le  réis-éfendi,  Jaubert  se  borna  à 
lépondre  qu'il  n'avait  pour  mission  que  d'apporter  à  Paris  la  réponse  de  Sa 

l*j  Otie  lettre  n'est  pas  publiée  dan&  la  Correspondance  de  Napoléon  /'^ 


API'KNDICK  341 

Ilautesse.  Enfin,  Sélim  III  adressa  à  Napoléon  la  lettre  que  nous  donnons 
dans  cet  Appendice  sous  la  cote  XVII.  le  titre  Majesté  y  est  employé  sans 
l'épithète  impériale.  Dans  le  projet  primitif  de  cette  réponse,  la  qualification 
de  Majesté  ne  se  trouvait  point,  et  la  suscrijition  devait  porter  le  nom  de 
Bonaparte.  Chargé  de  la  réponse  du  sultan  et  d'une  lettre  du  grand-vézir  à 
l'adresse  de  M.  de  Talleyrand,  Jaubert  partit,  à  la  fin  de  mai,  pour  Paris, 
porteur,  en  outre,  d'une  aigrette  en  brillants  et  d'un  sabre  garni  de  pierre- 
ries, que  le  grand-seigneur  envoyait  en  présents  à  Napoléon  I"'. 

Quelque  peu  satisfaisant  que  fût  pour  ce  dernier  le  résultat  de  la  mission 
de  Jaubert,  les  choses  en  restèrent  là  cependant  jusqu'au  traité  de  I^resbourg 
conclu  le  26  décembre  1805  entre  la  France  et  l'Autriche.  En  vertu  de  ce 
traité,  laDalmatie  ayant  été  cédée  à  la  France,  M.  de  Tayllerand  expédia, 
au  mois  de  janvier  1806,  son  secrétaire,  M.  Le  r.oux,  en  mission  extraordi- 
naire, à  Constantinople,  avec  une  lettre  au  grand-vézir  exprimant  à  la  Su- 
blime-Porte la  satisfaction  que  cette  cession  causait  au  gouvernement  fran- 
çais, en  vue  des  rapports  de  bon  voisinage  qu'elle  allait  ajouter  à  ceux 
d'amitié  existants  déjà  entre  lui  et  l'empire  ottoman.  M.  Le  Roux  était,  en 
même  temps,  chargé  de  demander  à  la  Sublime-Porte  la  reconnaissance  du 
titre  impérial  de  Napoléon.  Malgré  la  vive  opposition  de  M.  d'Italinski,  cette 
reconnaissance  eut  lieu  sans  discussion,  et  de  nouvelles  lettres  de  créance 
furent,  en  conséquence,  transmises  à  l'ambassadeur  ottoman  à  Paris. 

Ni  BiGNON,  ni  Lefebvre  ni  Thiers  n'ont  parlé  de  ces  négociations,  dont 
nous  avons  emprunté  l'historique  à  Zinkeisen. 

La  qualification  de  padichah  est  donné  aujourd'hui  par  la  Sublime-Porte  à 
tous  les  souverains  ayant  droit  au  titre  de  Majesté. 

Le  souverain  ottoman  a  été  traité  par  les  puissances  chrétiennes,  à  diver- 
ses époques,  de  sultan,  grand-sultan,  grand-seigneur ,  padichah,  empereur,  khan, 
autocrate,  de  hautes^e,  majesté,  majesté  impériale  ;  il  est  ordinairement  qua- 
lifié aujourd'hui  d'empereur  des  Ottomans  et  de  majesté  impériale. 

I.  —  IK'ote  de  la  Suhlinie-Porte  à  l'ambassadeur  Brune,  en  date  da 
20  juin   1804  (première  décade  de  réhiul-ewel  12f9). 

La  Sublime-Porte  a  été  informée,  par  le  contenu  de  la  note  que  S.  E. 
M.  l'ambassadeur  de  France  lui  a  présentée,  que  le  premier  consul  a  été 
fut  empereur  des  Français,  et  que  cette  haute  dignité,  n'étant  dévolue 
qu'aux  hommes,  devait,  à  défaut  d'héritiers  de  S.  M.  Napoléon,  se  trans- 
mettre aux  héritiers  des  princps  Joseph  et  Louis  Bonaparte.  Il  est  dit 
encore  dans  celte  note  que,  jusqu'à  ce  que  les  ministres  de  l'empereur 
des  Français  auprès  des  cours  étrangères,  comme  aussi  ceux  de  ces 
mêmes  cours  fini  résident  en  France,  aient  reçu  de  nouvelles  lettres  de 
créance  conçues  en  d'autres  termes,  il  sera  suppléé  aux  relations  olll- 
cielles  par  des  relations  confidentielles,  afin  qu'il  n'y  ait  pas  cessation  de 
rapports,  et  que  les  dispositions  existantes  de  bonne  intelligence  puissent 
être  entretenues. 


3Zi2  APiE^DICE 

Dans  sa  constante  sincérité,  la  Sublirae-Porte  prend  toute  la  part  pos- 
sible à  l'accroissement  d'estime,  à  l'élévation  de  dignilé  et  à  l'exaltation 
de  gloire  concernant  les  puissances  amies.  Par  suite  de  celte  disposition 
rt  des  rapports  d'amitié  et  de  bonne  intelligence  qui  ont,  de  tout  temps, 
subsisté  entre  les  deux  empires,  elle  fait  connaître  à  M.  l'ambassadeur 
que  l'événement  mentionné  ci-dessus,  assurant  le  bien-êlre  et  la  tranquil- 
lité des  Français,  ainsi  que  la  sùrelé  et  le  repos  de  tout  le  monde,  en 
général,  a  t(é  pour  elle  un  motif  d'une  satisfaction  réelle;  que,  conformé- 
ment à  la  susdite  note  de  M.  l'ambassadeur,  la  bonne  intelligence  entre 
les  deux  empires  sera  cultivée  par  des  relations  confidentielles,  jusqu'à  ce 
que  les  modifications  nécessaires  dnns  les  lettres  de  créance  respectives 
aient  été  adoptées;  et  que  l'entretien  de  l'amitié  entre  les  deux  puissances 
est  l'objet  de  la  plus  grande  sollicitude  de  la  Sublime  Porte. 

En  conséquence,  la  présente  note  a  été  rédigée  et  remise  à  M.  l'am- 
bassadeur. 

II.  —   Dépêche  de  l'anihassacleur  Brnne  ù  1%'apoléon  I",  en  date  du 

2S  juin  1804  (1»  rékiul-éwel  1319). 

Constantinople  le  9  messidor  an  12. 

Le  général  Brune,  ambassadeur  près  la  Sublime-Porte, 

A  S.  M.  l'empereur  des  Français. 

Sire,  j'adresse  à  votre  ministre  des  relations  extérieures  la  réponse 
faite  par  la  Sublime-Porte  à  l'office  par  lequel  je  lui  ai  notifié  l'élévation 
de  V.  M.  au  trône  impérial.  Je  ne  fatiguerai  pas  V.  M.  du  détail  des  né- 
gociations d(mt  cet  office  a  été  l'objet  ;  le  ministre  pourra  vous  en  rendre 
un  compte  fidèle.  L'empereur  de  France  est  reconnu  par  la  Sublirae- 
Porte  :  ce  qui  manque  à  cette  reconnaissance  ne  tient  h  aucune  difficulté 
essentielle,  et  dépend  de  quelqnes  formes  pour  les  lettres  de  créance  et 
les  titres;  j'ai  prié  le  ministre  de  me  transmettre  à  ce  sujet  les  ordres  et 
les  instructions  nécessaires.  J'attache  une  véritable  gloire  à  poser  ici  les 
fondements  des  rapports  de  l'empire  de  V.  M.  avec  l'empire  de  S.  H.,  etc. 

(Signé)  Brune. 
{JE.  Original.) 

III.  —    Précis   d'nne    conférence   de   ranibassedenr  Brune  avec   le 
réis-efendi,  tenue  le  3»  juin   1804  (20  rébiul-éwel  1219). 

Le  maréchal  Brune  déclare  au  réis-éfendi  que  la  Sublirae-Porte  doit 
absolument  reconnaître  le  titre  impérial  de  N.ipoléon. 

Le  réis-éfcndi  dit  que  la  Porte  ne  peut  pas  le  l'aire,  parce  qu'elle  ignore 
si  Na|)oléGn  a  rempli  toutes  les  conditions  et  les  formalités,  politiques  et 
religieuses,  que  les  souverains  chrétiens  exigent  mutuellement  pour  la 


APF'ENDICE  0/i3 

reconnaissance  de  la  dignilé  impériale,  et  que,  par  conséquent,  elle  doit 
suivre  h  ce  sujet  l'exemple  des  puissances  chrétiennes. 

L ambasmdevr  dit  qu'il  ne  peut  pas  trnnsm(!ltre  h  Paris  une  telle  ré- 
ponse. Le  chef  actuel  du  gouvernement  fiançais  est  su!)cntré,  quant  aux 
rapports  avec  les  cours  étrangères,  dans  tous  les  droits  de  l'anoienne 
royauté.  Le  refus  de  la  Sid)lime-Poile  de  lui  reconnaître  un  titre  qu'antre- 
fois  elle  donnait,  en  turc,  au  roi  de  Francs  est  donc  aiissi  peu  fondé 
qu'il  est  sur|)renant. 

Le  réis-èfmdi  [d\\.  observer  que  les  rois  de  France  ont  obtenu,  en  effet, 
le  titre  de  padichah,  mais  jamais  celui  à'imperator,  que  l'ambassadeur 
exige.  Si  celui-ci  veut  se  contenter  du  titre  de  padichah  et  en  faire  même 
l'objet  d'une  demande  par  écrit,  la  Sublime-Porte  consentira,  sans  diffi- 
cullé,  à  le  donner  h  Napoléon. 

IV.   —  Précis  d'une  conférence  de  l'ambassadeur  Brune  avec  le  réis» 
éfendi,  tenue  le  ISO  septembre  i804  (14  djémazinl-akbir  1219}. 

Le  réis-éfendi  fait,  confidentiellement,  connaître  il  l'ambassadeur  que 
la  Sublime-Porte  se  considère  engagée  par  les  articles  l  et  k  du  traité 
d'alliance  (1798)  à  ne  rien  faire  qui  pût  intéresser  la  Russie,  sans  la 
consulter.  Dans  la  question  de  la  reconnaissance  du  titre  impérial,  l'em- 
pereur Alexandre  a  même  un  intérêt  personnel,  puisqu'il  s'agit  de  la  créa- 
tion d'une  dignilé  égale  k  la  sienne.  D'ailleurs,  si  la  Sublime-Porte  juge 
nécessaire  de  se  concerter  avec  lui  à  ce  sujet,  elle  n'entend  pas  toutefois 
subordonner  sa  décision  à  celle  de  l'empereur  de  Russie,  et  elle  finira 
toujours,  malgré  son  opposition,  par  accéder  à  la  demande  de  la  France. 
11  s'agit  donc  d'une  question  de  temps,  d'autant  plus  que  la  résolution 
définitive  de  la  Sublime-Porte  dépend  aussi  de  l'aplanissement  des  diffi- 
cultés qui  existent  entre  la  France  et  la  Russie  :  elle  a  déjà  offert,  à  cet 
effet,  sa  mé<Jiation  au  cabinet  de  Saint-Pétersbourg,  et  elle  s'estimera  heu- 
rt use  de  parvenir  k  rétablir  la  bonne  intelligence  entre  les  deux  puis- 
sances. 

L'ambassadeur  fait  observer  au  réis-éfendi  que  le  traité  d'alliance  de 
1798  n'a  plus  de  force  obligatoire  [)our  la  Sublime-Porte  et  doit  être  con- 
sidéré comme  abrogé  par  les  tiaités  d'An)iens  et  de  Paris.  Quant  à  une 
médiation  de  la  Porte  entre  la  France  et  la  Russie,  il  ne  peut  pas  engager 
une  discussion  sur  ce  point,  d'autant  moins  que  ses  instructions  ne  con- 
tiennent rien  à  ce  suji^t. 

Le  léis-éfendi  pei'sisiant  dans  ses  déclarations,  l'ambassadeur  lui  com- 
nmuique  son  intenlion  d'informer,  par  un  courrier,  son  gouvernement  de 
lu  résolution  de  la  Sublime-Porte:  le  réis-éfendi  le  plie  de  susjjendre 
l'expédition  du  courrier  jusqu'à  lundi  et  l'ambassadeur  y  adhère. 


^[^l^  APPENDICE 

\.  —  Dépêche' d*e  Tninbassadenr  Brnne  à  Napoléon  I«',  en  date  du 
%9  septembre  1804  (23  djémaziul-akhir  1219). 

Constantinople  (Thérapia)  le  samedi  7  vendémiaire  an  13. 

Sire,  le  28  du  mois  dernier,  j'ai  eu  l'honneur  d'écrire  k  V.  M.  impé- 
riale que  je  devais  avoir  dans  une  prochaine  conférence  une  décision  sur 
ce  qui  avait  fait  l'objet  de  la  conférence  du  mardi  1k-  Il  y  a  eu,  dans  l'in- 
tervalle, divans  sur  divans  :  on  a  acrité  l'opinion  des  ministres  et  du  sou- 
verain par  tous  les  moyens  imaginables.  On  a  présenté  au  sultan  des 
lettres  de  Vienne  annonçant  que  le  gouvernement  français  avait  proposé 
à  l'Aulriche  des  plans  contre  la  Turquie;  on  lui  a  lu  des  traductions  de 
lettres  de  M.  de  Belleval,  qui  est  à  Paris  ;  on  a  fait  courir  le  bruit  d'échecs 
à  Boulogne,  de  troubles  prochains  en  France,  de  l'envoi  du  général  Lau- 
I  iston  h  Constantinople  :  enfin,  il  a  été  donné  à  S.  H.  une  information 
officielle  de  la  part  du  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  pour  lui  déclarer  que 
Mahmoud,  réis-éfendi  actuel,  est  un  ministre  très-éclairé,  très  fidèle, 
qui  ne  peut  avoir  d'ennemis  que  ceux  de  la  Turquie  et  de  la  Russie.  Ce- 
pendant, j'ai  appris  par  l'internonce,  par  l'envoyé  d'Espagne  et  par  divers 
rapports  particuliers  que  la  Sublime-Porte  devait  refuser  ou  notifier 
qu'elle  ne  reconnaîtrait  qu'après  l'empereur  Alexandre. 

Le  mercredi,  deuxième  complémentaire,  je  fus  informé  que  la  confé- 
rence aurait  lieu  le  lendemain.  J'écrivis  sur  le  champ  au  drograan  de 
la  Porte  que  j'avais  appris  qu'on  devait  me  donner  un  refus  et  que,  si  ce 
rapport  était  vrai,  je  ne  voulais  plus  de  conférence.  Mon  billet  parvint 
dans  la  nuit  au  prince  drogman,  qui  ne  put  voir  le  réis-éfendi  que  dans  la 
matinée  suivante-.  Ce  ministre  le  chargea  de  me  réjjondre  qu'il  n'y  avait 
jamais  eu  de  refus  dans  cette  affaire  ;  que  les  ministres  étaient  déjci  réunis 
à  Bébek  et  m'attendaient.  Malgré  le  vague  de  cette  réponse,  je  me  rendis 
au  lieu  fixé.  J'adresse  au  ministre  des  relations  extérieures  le  protocole 
de  cette  conférence.  Je  prieV.  M.  de  s'en  faire  rendre  compte;  je  dési- 
rerais même  qu'elle  le  lût  tout  entier  avec  attention  ;  il  se  réduit  à  ceci  ; 
la  Sublime-Porte  ne  refuse  pas,  mais  il  faut  s'arranger  avec  la  Russie; 
elle  y  est  obligée  par  le  traité  d'alliance  défensive  de  1798;  elle  espère 
réussir  dans  cette  négociation  ;  elle  offre  même  son  intervention  pour 
faire  cesser  le  refroidissement  actuel  entre  la  Russie  et  la  France. 

Sur  cette  réponse,  je  me  trouvais  porté  à  faire  un  éclat,  mais  comme 
je  ne  voyais  pas  que  S.  H.  eût  parlé,  je  retins  mon  indignation  et  je  me 
me  bornais  h  dire  que  j'allais  expédier  un  courrier.  Le  réis-éfendi  me 
pria  d'attendre  jusqu'au  lundi  suivant.  Ce  jour-lh,  2  vendémiaire,  on 
m'apporta  copie  d'un  halti-chérif  ou  ordre  de  la  main  de  S.  H.  qui  en- 
oint  à  ses  ministres  de  donner  toute  insistance  à  V arrangement.  Ainsi, 


APPENDICE  3Û5 

par  cette  réponse  entièrement  conforme  à  celles  de  la  conférence,  j'ai  la 
certitude  que  ce  serait  de  la  Russie  qu'il  faudrait  attendre  notre  titre,  que 
c'est  avec  la  Russie  que  la  Sublime-Porte  se  croit  obligée  de  délibérer 
de  toutes  nos  affaires,  et  qu'elle  persiste  à  donner  de  la  valeur  à  un  traité 
dont  la  citation  seule  est  un  affront  à  la  bonne  foi  et  une  violation  du  traité 
de  paix. 

V.  M.  ju?;era  qu'il  m'est  impossible  de  supporter  une  telle  position  : 
les  titres  dont  elle  m'a  honoré,  je  croiniis  en  paraître  indigne  si  j'acquies- 
çais à  la  moindre  déconsidération  de  mon  gouvernement;  mon  caractère 
perdrait  tout  lustre  comme  tout  crédit,  si  je  le  compromettais  par  une 
plus  longue  résignation.  Après  y  avoir  mûrement  réfléchi,  voici  le  parti 
auquel  je  me  suis  arrèlé.  Aussitôt  après  le  départ  de  mon  courrier,  j'en- 
voie Franchini  à  la  Porte  pour  savoir  s'il  y  a  une  décision  en  conséquence 
du  hatti-chrrif  ;  on  lui  fera  une  réponse  insignifiante  ;  il  demandera  dans 
quel  temps  à  peu  près  la  décision  pourra  être  prise;  on  lui  dira  qu'on  ne 
le  sait  pas,  mais  que  ce  sera  le  plus  tôt  possible,  ou  bien  on  lui  donnera 
un  terme  éloigné.  Alors,  il  déclarera  que  je  me  rends  près  de  V.  M.  im- 
périale pour  prendre  ses  ordres,  en  attendant  leur  décision,  et  il  deman- 
dera des  passeports.  Si  la  négociation  peut  aboutir  à  un  succès  digne  de 
la  France,  celte  démarche  seule  est  capable  de  le  forcer.  Ainsi,  je  resterai, 
s'ils  accordent,  s'ils  persistent,  je  partirai  et  je  fais  déjà  mes  préparatifs. 

Ce  parti  me  paraît  indispensable,  peut-être  pas  pour  le  succès,  mais  certai- 
nement pour  rhonneur  :  d'ailleurs,  il  n'entraîne  pas  de  rupture;  je  n'ai 
pas  la  plénitude  de  mes  fonctions  ;  les  grandes  relations  officielles  me  sont 
interdites  jusqu'à  la  reconnaissance;  les  communications  se  feront  plus 
convenablement  par  un  chargé  d'affaires  et  pourront  reprendre  l'éclat 
accoutumé  dès  que  les  circonstances  viendront  à  changer.  Il  est  inutile  de 
faire  observer  à  V.  M.  que  ses  lettres  de  créance  n'ont  pas  été  compro- 
mises; il  n'en  a  jamais  été  question.  Je  laisserai  à  y\.  Ruffin  les  instruc- 
tions nécessaires  pour  la  surveillance  des  mouvements  militaires  de  la 
Russie.  H  adresse  à  votre  ministre,  avec  la  conférence  du  3  complémen- 
taire,ma  lettre  au  drogman  de  la  Porte,  et  sa  réponse,  le  hatti-chérif 
et  les  traités  de  1798  dont  il  paraît  qu'on  n'avait  pas  connaissance  à 
P<iris,  lors  de  mon  départ,  ou  plutôt  qu'on  ne  supposait  pas  devoir  jamais 
altérer  nos  relations. 

Les  nouvelles  de  ce  pays,  etc. 

(Signé)  Brune. 
{M.  Original.) 


3Û6  APPENDICE 

YI.  —  Résumé  d'anc  note  de   l'ambassadeur  Brune    à   la    Sublime- 
Porte,  en  date  du  4  octobre  1804  (38  djémaziul-akhir  1219). 

Comme  la  Sublime-Porte  persiste  h  ne  pas  vouloir  reconnaîtrele  maréchal 
Biune  en  sa  qualité  d'ambassadeur,  celui-ci  ne  trouve  pas  convenable  de 
séjourner  plus  longtemps  à  Constantinople.  Il  prie,  par  conséquent,  que 
les  passeports  et  les  firmans  nécessaires  pour  son  voyage  lui  soient  remis 
au  plutôt,  car  il  désire  arriver  auprès  de  son  empereur  et  maître,  h  Paris, 
avant  les  fêtes  fixées  au  9  novembre  prochain. 

Vil.  —  Précis  d'une  conférence  du  chargé  d'affaires  de  Prusse 
(baron  de  Bielefeld)  avec  le  réis-éfendi,  tenue  le...  octobre  1804 
(...  rédjeb  1319) 

Après  avoir  fait  ressortir  le  caractère  confidentiel  de  cette  conférence, 
le  réis-éfendi  communique  au  baron  de  Bielefeld  le  résumé  de  sa  confé- 
rence du  20  septembre  avec  l'ambassadeur  de  France,  et  ajoute  les  expli- 
cations suivantes  : 

A  peineavait-on  appris  à  Saint-Pétersbourg  que  Bonaparte  avait  l'inten- 
tion d'adopter  le  litre  impérial,  el  d'en  informer  aussi  la  Sublime-  Porte, 
qu'on  s'empressa  d'adresser  à  M.  d'Italinski  une  dépêche  où  il  était 
enjuiiit  d'exprimer  au  divan  l'espoir  de  la  cour  de  Russie  qu'en  conformité 
du  traité  d'alliance,  il  ne  reconnaîtra  par  le  changement  survenu  dans  le 
gouvernement  de  la  république  française,  avantque  l'empereur  Alexandre 
ne  l'eût  reconnu,  et  que  les  différends  en  général,  entre  lui  elle  gouverne- 
ment français,  n'eussent  été  terminés  d'une  manière  satisfaisante.  La 
Sublime-Porte  a  été,  par  conséquent,  obligée  de  prendre  un  parti  dilatoire 
pour  arriver,  en  gagnant  du  temps,  à  obtenir  le  consentement  de  la 
Russie.  Plus  le  maréchal  Brune  insiste,  et  plus  .^J.  d'Italinski  met  de  l'é- 
nergie à  renouveler  l'assurance  que  l'empereur,  son  maître,  verrait  d'un 
très-mauvais  œil  que  la  Sublime-Porte  accédât  à  la  demande  du  gouver- 
nement français. 

VIII.  —  Résumé  d'une  note  de  l'envoyé  de  Russie  (M.  d'Italinski]  ù. 
la  Sublime-Porte,  en  date  du  9  octobre   1804  (3  rédjeb  1319). 

L'envoyé  de  Russie  se  flatte  de  l'espoir  que  la  Sublime-Porte  ne  se  lais- 
sera pas  dél(!rmiii(,'r  par  aucun  motif  à  reconnaître  l'empereur  Napoléon. 
Les  démarches  récentes  de  l'ambassadeur  de  France  obligent  M.  d'Italinski 
de  leveiiir  sur  cet  objet.  Le  séjour  des  troupes  françaises  kNaples, 
l'envoi  d'armes  et  de  munitions  aux  Souliotes,  les  menées  révolutionnaires 


AIM'ENniCE  li'il 

des  Français  en  Morée,  etc.,  sont  autant  de  preuves  que  Bonaparte  a  les 
desseins  les  plus  perfides  contre  l'empire  ottoman,  desseins  dont  il  ajourne 
provisoireraont  la  réalisation,  faute  de  moyens.  La  Russie  s'y  est  opposée 
par  des  représentations  convenables,  aussi  bien  que  par  l'envoi  dispen- 
dieux de  troupes  h  Corfou.  Elle  se  sert  môme  du  refus  de  donner  à 
Bonaparte  le  titre  impérial  comme  d'un  moyen  pour  combattre  ses 
usurpations  commises  aux  dépens  du  repos  de  l'Europe.  Il  y  a  lieu  donc 
d'espérer  qu'on  le  décidera,  au  moins,  à  retirer  ses  troupes  du  royaume 
de  Naples,  et  que  le  divan  verra  ainsi  disparaître  un  motif  d'apprélien- 
sions  légitimes.  Mais,  en  retour  de  ce  service,  l'empereur  Alexandre 
s'attend  à  ce  que  la  Sublime-Porte  agisse  absolument  de  concert  avec  lui, 
et  qu'elle  n'accorde  à  Bonaparte  ni  le  litre  d'empereur  ni  celui  de  padi- 
chal).  Au  cas  contraire,  l'empereur  devra  considérer  comme  rompue  son 
union  actuelle  avec  la  Porte,  et  le  soussigné  envoyé  de  Russie  sera  obligé 
de  quitter  sans  délai  Gonstantinople. 

IX.  —  Bcsnmc  d'une  note  dn  cliargé  d'affaires  de  la  Grande  Bre- 
tagne (Sir  Stratton)  à  la  Stublime- Porte ,  en  date  . . .  octobre 
1804  (...   rédjeb  1219). 

La  reconnaissance  par  la  Sublime-Porte  du  titre  impérial  de  Bonaparte 
aurait  pour  conséquence  immédiate  que  le  nouveau  représentant  de  la 
Grande-Bretagne,  sir  Arbutlinot,  qui  se  trouve  en  route  pour  Gonstan- 
tinople, suspendra  la  continuation  de  son  voya'^e  jusqu'à  ce  qu'd  ait  reçu 
l'assurance  que  la  Porte  ne  cédera  pas  à  la  pression  de  l'ambassadeur  de 
France. 


X.  —  Résumé  d'une    note    de   l'ambassadeur  Brune    ù.   la    Sublime- 
Porte,  en  date  du   14  oetobre   1804  ^9  rédjeb   1S19). 

Après  avoir  énuméré  les  griefs  du  gouvernement  français  contre  la 
Sublime-Porle,  l'ambassadeur  Brune  lui  reproche  surtout  sa  dépendance 
de  la  volonté  de  la  Russie. 

Il  exige  un  parfaite  parité  d'amitié  et  de  confiance  pour  la  France,  et 
finit  par  demander  de  nouveau  ses  passeports. 

Xi.     —    Résumé  d'une  note    de    la    Sublime-Porte    à   l'ambassadeur 
Brune,  en  date  du  1 9   octobre  1804  (12  rédjeb  1319). 

Par  suite  de  la  haute  estime  et  de  la  sincère  amitié  flout  les  deux  puis- 
sames  se  sont  toujours  donné  des  preuves  muluelies,  la  Sublime-Porte 
prend  la  plus  vive  part  à  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  la  tranquillité  et 


3Zi8  APPENDICE 

au  bien-être  de  la  France,  et  consentira  à  ajouter,  aussitôt  qu'elle  pourra 
le  concilier  avec  ses  intérêts,  le  titre  d'imperotor  à  celui  de  padichah 
donné  autrefois  au  roi  de  France.  S.  H.  a  été  informée  de  l'intention  de 
l'ambassadeur  de  quitter  Gonslantinople,  mais  elle  a  refusé  de  donner  son 
consentement  à  ce  départ,  parce  qu'elle  ne  psut  pas  approuver  que  l'am- 
bassadeur veuille  partir  sans  un  molif  suffisant.  Dans  sa  sagacité,  l'ambas- 
sadeur comprendra,  du  reste,  combien  il  serait  contraire  aux  intentions 
de  la  Sublime-Porte  s'il  quittait  Constantinople  sans  avoir  donné  à  cette 
dernière  le  temps  de  concilier,  suivant  sa  promesse,  cette  affaire  avec  ses 
propres  intérêts. 

XII.  —  Résumé  d'nne  note  de  rambassadeiir  Brune    à  la   Sublime- 

Porte,  en  date  du  24  octobre  1804  (19  rédjeb  1319). 

Le  généial  Bruue  déclare  de  nouveau  à  la  Sublime-Porte  qu'il  quittera 
Constantinople,  et  demande  ses  passeports. 

XIII.  —  Résumé  d'une  note  de  l'ambassadeur  Brune  à  la  Sublime- 
Porte,  en  date  du  9   novembre   1804  (3  cliâban   \Z\9). 

Tout  en  regrettant  qu'après  quatre  mois  de  négociations  la  Sublirae- 
Porte  persiste  dans  son  refus  de  reconnaître  le  titre  impérial,  l'ambas- 
sadeur, général  Brune,  ne  veut  plus  insister  sur  ce  point  et  lui  abandonne 
de  faire  ce  qu'elle  jugera  convenable.  Il  ne  peut  toutefois  s'abstenir  de  lui 
représenter,  encore  une  fois,  combien  elle  fait  mal  d'avoir  si  peu  d'égards 
pour  la  France,  sa  pins  ancienne  et  respectable  alliée,  à  une  époque 
précisément  où  les  affaires  de  l'Europe  et  de  l'empire  ottoman  en  parti- 
culier devraient  redoubler,  pour  le  divan,  le  prix  de  l'amitié  et  de  l'appui 
de  cette  puissance.  Il  doit  déplorer  de  voir  le  ministère  ottoman  sous 
l'influence  d'une  cour  étrangère  qui  l'oblige  k  suivre  une  marche  si  im- 
polilique,  et  le  maintient  dans  une  tutelle  humiliante,  sous  le  prétexte 
d'un  traité  d'alliance  auquel  le  changement  des  circonstances  a,  depuis 
longtemps,  enlevé  toute  valeur.  L'ambassadeur  voit  dans  cette  conduite 
une  malveillance  personnelle,  mais  cela  ne  l'empêche  pas  de  rendre  pleine 
et  entière  justice  aux  sentiments  du  sultan,  qui  paraît  conserver  toujours 
pour  la  France  l'attachement  hérité  de  ses  prédéceseurs.  Aussi  souhaite- 
t-il,  en  partant,  toute  prospérité  à  Sa  Hautesse. 

XIV.  —  Résumé  d'une  dépëelie  du  ministre  des  relations  extérieur 
res  (Talle^rand)  à  l'ambassadeur  Brune,  en  date  du  . . .  novem- 
bre 1804  (.    .  cbàban  I319j. 

S.  M.  l'era^jereur  Napoléon  ne  peut  dissimuler  la  surprise  que  lui 
causent  les  hésitations  continuelles  de  la  Sublime-Porte  de  reconnaître  sa 


Al'PENDICL  349 

nouvelle  dignité.  Il  existe  évidemment  une  faction  impie,  qui  s'appuie 
sur  la  protection  d'une  puissance  toute  ciiargée  des  déi)Ouillcs  de  l'einjjire 
ottoman.  La  Subliine-Poite  uublie  tous  les  égards  dus  k  la  France,  sa 
plus  ancienne  et  sincère  alliée,  en  duniianl  tison  ambassadeur  des  réponses 
dont  la  nature  incohérante  ne  trahit  que  trop  sa  confusion.  Une  telle  con- 
duite de  la  Porte  ne  peut,  d'ailleurs,  avoir  d'autre  motif  que  cette  dépen- 
dance humiliante  de  la  Russie,  qui  constitue  un  contraste  bien  étrange 
avec  l'ancien  orgueil  musulman.  Si  l'ambassadeur  n'obtient  pas,  dans  le 
délai  de  trois  jours,  la  reconnaissance  formelle  du  titre  iuipérial,  il  lui 
est  enjoint  par  l'empereur  de  quitter  Gunstantinople. 

\.\.  —  Dépêche  de  l'ambassadenr  Brune   à.   IVapoIéon    I'%    en   date 
du  ZO  décembre  1804  (19  raniazau  1219). 

t 

Kutchuk-tchekmedjé  (Ponte-Piccolo)  29  frimaire  au  13.^ 

Le  maréchal  Brune  à  S.  M.  l'empereur  des  Français. 

Sire,  l'état  de  la  négociation  sur  la  reconnaissance  et  le  protocole 
des  titres  ne  m'a  pas  permis  de  rester  plus  longtemps  dans  ma  résidence. 
Les  mauvais  temps  et  quelques  lueurs  d'espérance  ont  fait  que  je  m'y  suis 
trouvé  encore  pour  exécuter  les  derniers  ordres  de  V.  M.  Impériale, 
transmis  par  son  ministre  des  relations  extérieures.  J'adresse  à  S.  E. 
M.  de  Talleyrand,  les  copies  de  tous  les  actes  de  celte  affaire  depuis  le 
8  vendémiaire  dernier,  époque  du  départ  de  mon  courrier  Bondy.  Je 
désire  que  V.  M.  en  voie  toute  la  suite  pour  juger  ma  conduite,  et  s'as- 
surer que  mes  démarches  ont  été  toujours  conformes  à  la  dignité  de  mon 
caractère,  c'est-à-dire,  selon  la  gloire  de  V.  M.  et  la  grandeur  de  son 
empire  :  elle  verra  qu'avant  les  instructions  du  ministre  et  la  connais- 
sance de  la  note  remise  à  Halet-éfendi,  j'avais  tenu  au  grand-vézir  un 
langage  semblable  à  celui  que  l'on  tenait  à  l'ambassadeur  ottoman  à  Paris. 
On  a  essayé  de  me  retenir  par  des  offices  et  des  projets  d'offices  dans 
lesquels,  à  travers  les  équivoques  de  la  phrase  turque,  ou  démêlait  le 
double  dessein  de  me  faire  croire  à  la  reconnaissance  et  de  faire  croire 
le  contraire  aux  Russes.  Les  dispositions  de  ce  cabinet  se  trouvent  ainsi 
suffisamment  sondées  :  un  parti  nous  veut  du  mal,  il  est  puissant,  les 
Russes  le  dirigent;  un  autre  parti  nous  aime,  ne  désespère  pas,  mais  re- 
doute les  Russes;  enfin,  un  tiers  parti  pense  que  nous  nous  entendons  avec 
les  Russes  pour  jeter  cet  empire  dans  une  crise  et  amener  le  partage  de 
ses  provinces  d'Europe.  J'ai  quitté  le  palais  de  France  le  jeudi,  22  de  ce 
mois,  trois  jours  après  ma  notification  k  la  Porte  de  l'office  de  Paris.  Sur 
les  instances  du  vézir  exprimées  dans  une  lettre  du  drogman  de  la  Porte, 
et  sur  la  promesse  de  me  donner  une  réponse  le  lundi  suivant,  j'ai  attendu 


350  APPKNDFCI' 

quatre  jours  à  Kiaat-hané  :  en  iiiôiue  temps,  un  ex-ministre,  Atif-éfendi, 
m'écrivit  qu'il  était  nommé  plénipotentiaire  par  le  Grand-Seigneur,  pour 
arranger  l'affaire  dans  des  pourparlers  confidentiels.  Je  ne  rejetai  point 
ces  pourparlers,  mais  on  voulait  que  je  retournasse  au  palais  de  France  ;  il 
m'était  impossible  de  faire  une  telle  démarche.  Dans  cet  intervalle  d'at- 
tente, les  communications  verbales  qui  m'ont  été  f;iites  ont  toutes  indiqué 
Tinlention  de  me  séduire  par  des  déinoiislralions  amicales,  plutôt  que  de 
me  fixer  par  une  décisio;i  positive  et  franche  :  j'ai  quitté  Kiaat-hané 
avant-hier,  mardi,  27  frimaire,  et  je  me  trouve  à  Tutchuk-Tchékmédjé 
(Ponte-Piccolo),  où  je  fais  séjour  pour  écrire  à.  V.  M.  et  à  son  ministre. 
Le  temps  et  les  chemins  son  affreux  :  je  ne  pourrais  traverser  qu'avec 
lenteur  les  états  ottomans. 

Un  bâtiment  de  transport  russe,  etc.  {•Signé)    Brune. 

{M.  Original.) 

%,\i.  —  Résumé  d'nne  note  identique  de  l'envoyé  de  Russie  et  du 
chargé  d'affaires  de  la  Grande-Bretagne  à  la  l§ublime-Port<-,  en 
date  da  23  décembre  1804  (ZO  ramazan  1319). 

L'envoyé  de  Russie  (de  la  Grande-Bretagne)  proteste  contre  la  recon- 
naissance du  titre  impérial,  et  demande  que  la  Sublime-Porte  ne  se  laisse 
pas  induire,  par  le  départ  de  l'ambassadeur  de  France,  à  prendre  un  parti 
contraire  à  ses  intérêts  ainsi  qu'à  ses  engagements  envers  d'autres  puis- 
sances. 

XVll.  —  Lettre    de   Sélini  III   à   ]\apoléon  I",    en    date    du    31    mai 

1805   (31   sàfer  1320). 

fSuscription.j         Lettre  amicale  à  Sa  xMajesté,  notre  très-auguste  ami  Napoléon. 
/■TÎÛesj  A  Sa  Majesté,  notre  très-auguste,  très-sublime,  très-éminent,  très-sin- 

—  Gère,  intime  et  grand  ami. 

Nous  étions  dans  l'espoir  que  la  bonne  harmonie  et  l'intimité,  qui 
régnent  depuis  un  temps  immémorial  entre  ma  Sublime-Porte  et  la  cour 
de  France,  prenant  de  moment  en  moment  de  nouveaux  accroissements, 
les  bases  de  la  bonne  intelligence  ne  feraient  que  se  raffermir  entre  les 
deux  puissances. 

Nous  étions  surtout  dans  la  plus  intime  persuasion  de  l'estime  et  de 
l'affection  que  Voire  Majesté  porte  à  ma  personne  impériale,  lorsque  sa 
lettre  purement  amicale  et  confidentielle ,  qui  renferme  les  conseils  de 
son  amitié,  et  qu'elle  nous  avait  envoyée  avec  notre  ami  Jaubert,  me  fut 
remise  en  main  propre. 

Tout  le  contenu  de  cette  lettre,  tant  les  articles  retracés  ici  que  les 
particularités  qui  drivent  nous  être  réservées,  a  été  a|)[)récié  et  approfondi 


AI'PRNDIGK  351 

comme  le  reflet  physique  de  votre  bienveillance  et  de  votre  atlachemenl,  et 
cette  manière  directe  de  me  les  témoigner  m'a  causé  une  vive  satisfaction. 
Que  votre  auguste  personne  soit  douée  d'une  profonde  sagacité,  d'une 
perspicacité  extraordinaire,  d'une  générosité  d'âme  liéroïqne;  que  votre 
afleclueuse  considération  pour  moi  soit  mai-quée  au  coin  de  la  plus  grande 
loyauté,  ce  sont  là  des  vérités  qui,  depuis  longtemps,  ont  ac([uis  l'évidence 
dans  mon  cœur  impérial;  et  comme  ces  sentiments  n'ont  plus  besoin 
d'être  mis  k  de  nouvelles  épreuves ,  de  môme  il  est  superflu  de  chercher 
à  vous  démontrer  tout  l'accueil  fait  à  vos  conseils  salutaires,  qui,  n'étant 
que  les  précieuses  conséquences  de  ces  sentiments,  ont  été  reçus  et 
considérés  comme  tels  par  votre  sincère  ami. 

Il  ne  rappellera  pas  à  un  génie  aussi  transcendant  que  celui  de  Votre 
Majesté,  qui  calcule  jusqu'au  mouvement  le  plus  imperceptible  des  évé- 
nements de  ce  monde,  la  maxime  si  connue  que  chaque  chose  a  son 
époque  prédestinée,  et  qu'une  conduite  adaptée  aux  circonstances  de  lieu 
et  de  temps  peut  seule  nous  en  assurer  tous  les  bénéfices  ;  mais,  en  retour 
de  vos  dispositions  à  mettre  en  activité  votre  estime  et  votre  amitié  pour 
ma  personne  impériale,  je  dois  vous  déclarer  que,  de  mon  côté,  je  n'ai 
pas  un  moindre  désir  de  déployer  mon  affection  prête  à  prendre  un  plus 
grand  essor  et  à  acquérir  plus  de  consistance. 

Aussi,  l'objet  des  prières  que  nous  dirigeons  vers  le  Créateur  universel 
est-il  que  les  fondements  de  l'amitié  et  de  la  concorde,  qui  subsistent  si 
heureusement  entre  ma  Sublime-Porte  et  la  cour  de  France,  demeurent 
inébranlables  et  se  consolident  de  plus  en  plus. 

Dans  la  vue  de  vous  faire  connaître  le  gré  infini  que  je  sais  ci  votre 
amitié,  de  la  lettre  qu'elle  nous  a  adressée,  et  du  gracieux  empressement 
avec  lequel  vous  m'y  donnez  des  témoignages  si  touchants  de  votre 
bienveillante  prédilection  pour  ma  personne  impériale,  la  présente  réponse, 
également  confidentielle  et  amicale,  a  été  rédigée  et  vous  est  envoyée  par 
le  susdit  Jaubert. 

S'il  plail  au  Seigneur,  k  son  arrivée,  il  ne  vous  restera  aucun  doute 
que  la  permanence  et  l'augmentation  des  sentiments  que  nous  avons 
lieu  d'attendre  d'un  si  fidèle  ami,  et  de  l'emploi  de  tous  les  moyens  qui 
peuvent  resserrer  les  nœuds  de  l'ancienne  union  de  ma  Sublime-Porte 
avec  la  cour  de  France,  ne  soient  le  but  de  nos  vœux  et  de  nos  espérances, 

Et  que,  tant  que  Votre  Majesté  continuera  à  les  partager,  nous  ne 
soyons,  de  notie  côté,  très-empressé  à  concourir  au  raffermissement 
progessif  des  colonnes  de  l'amitié  qui  nous  unit. 

Le  21  de  la  lune  de  iiàfer  l'an  de  l'hégire  1220. 

{Sur  la  marge  droite  est  le  sceau  impérial,  et  à  côté  la  signature 
portant  :  )  L'ancien  ami  sultan  Sélim. 

(-E.   Traduction  officielle.) 


352  APPENDICE 

XVIII.  —  Lettre  de  Napoléon  I"  au  ministre  des  affaires  étran- 
gères, en  date  de  Pont«de-Briques  le  31  joillet  1805  (4  djéma- 
ziul-éwel  1S20). 

Je  ne  suis  point  de  votre  opinion  sur  le  protocole  avec  la  Porte.  Il  faut 
insister  pour  qu'elle  me  donne  le  même  titre  qu'à  l'empereur  d'Allemagne. 

( ''  0)  respondcth ce  de  y^  «/  o  '('on   J"'.  ) 


APPENDICE  353 


CONVENTION 

du  21  février  1833  (2  chéwal  1248). 


APPENDICE 

N"  1.  Note  relative  à  la  forme  de  l'accommodement  du  différend  turco-égijpfien. 
I.  Lettre  du  chargé  d'affaires  de  France  à  Ibrahim-pacha,  en  date 
du  28  janvier  1833  (8  ramazan  12/i8). 

II.  Réponse  d'IhruJdm-pacha  au  chargé  d'affaires  de  France,  en  date 
de  Kiatahia  le  5  février  1833  (16  ramazan  12/i8). 

m,  Note  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  France  et  d'An- 
gleterre, en  date  du  17  février  1833  (28  ramazan  12Z|8). 

IV.  Lettre  de  l'ambassadeur  de  France  à  Mohammed- Ali-pacha,  en 
date  du  22  février  1833  (3  chéwal  12/|8). 

V.  Lettre  du  même  à  Ibrahim-pacha,  même  date. 

VI.  Lettre  du  ministre  britannique  à  Ibrahim-pacha,  en  date  du  23  fé- 
vrier 1833  (4  chéwal  12Z|8). 
VIL  Dépêche  du  ministre  britannique  à  lord  Palmerston ,  en  date  du 

23  février  1833  (/i  chéwal  12Zi8). 
Vin.  Réponse  d' Ibrahim-pacha  au  minisire  britannique,  en  date  de  Kia- 
tahia le  1"  mars  1833  (10  chéwal  1248). 

IX.  Dépêche  du  ministre  britannique  à  lord  Palmerston^  en  date  du 
7  mars  1833  (16  chéwal  1248). 

X.  Réponse  de  Mohammed-Ali-pacha  à  l'ambassadeur  de  France,  en 
date  d'Alexandrie  le  8  mars  1833  (17  chéwal  1248). 

XI.  Note  remise,  au  nom  du  pacha  d'Egypte,  aux  consuls  généraux  de 
France  et  d'Angleterre  à  Alexandrie,  en  date  du...  mars  1833 
(...  chéiual  1248). 
XII.  Mémorandum  adressé  par  le  gouvernement  français  aux  agents 
diplomatiques,  en  date  du  21  mars  1833  (2  zilcadé  1248). 

XIII.  Lettre  du  ministre  britannique  à  Ibrahim-pacha,  en  date  du  29  ynars 

1833  (10  zilcadé  1248). 

XIV.  Dépêche  du  ministre  britannique  à  lord  Palmerston,  en  date  du 

31  tnars  1833  (12  zilcadé  12[i8). 
»      XV.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  15  avril  1833  (26  zilcadé 
1248). 
XVI.   Tevdjihat  publié  le  15  avril  1833  (26  zilcadé  1248). 
XVII.  Dépêche  du  ministre  britannique  à  lord  Palmerston,  en  date  du 
4  mai  1833  (15  zilhidjé  1248). 

T.   IL  23 


35Û  CONVENTION  DE  1833 

XVlll.  Firman  adressé  aux  fonctionnaires  de  VAnatolie,  en  date  du  5  mai 
1833  (IG  zilhidjc  12Zi8). 
XIX.  Lettre  d'ihrnhim-pacha  à  Mahmoud  II,  en  date  ini-mai  \83o  [fm- 
zillndjé  lL>/i8). 


m  date  du  21  février  1833  (2  chéwai  1248). 

Nous  soussigné  réis-éfendi  de  la  Sublime-Porte,  par  suite  d'une 
négociation  entre  S.  E.  l'ambassadeur  de  France  et  nous,  plein  de 
coufiance  dans  les  dispositions  bienveillantes  de  la  cour  de  France, 
qui  est  la  plus  ancienne  amie  de  S.  H.  le  sultan,  et  dans  les  qua- 
lités personnelles  de  M.  l'ambassadeur,  avons  accepté  les  bons 
offices  de  la  susdite  cour  dans  le  démêlé  survenu  entre  la  Sublime- 
Torte  et  Aloliammed-Aali-pacha,  gouverneur  de  l'Egypte,  à  condi- 
tion qu'elle  garantira  à  la  Sublime-Porte  l'acceptation  par  Moham- 
med-Aali-paclia ,  comme  condition  définitive  de  son  retour  à  la 
soumission  envers  la  Sublime-Porte,  des  grâces  que  S.  H.  a  daigné 
transmettre  à  ce  vézir  par  S.  E.  Halil -pacha,  conseiller  de  l'artil- 
lerie impériale  ;  grâces  aflectées  à  sa  soumission,  et  par  lesquelles 
lui  sont  conférés  les  départements  d'Acre,  de  Tripoli,  de  Syrie,  de 
Jérusalem  et  de  Naplouse. 

En  conséquence,  M.  l'ambassadeur  déclare,  au  nom  de  S.  M.  le 
très-magnifique  empereur  de  France,  qu'il  garantit  la  conclusion 
immédiate  d'un  accommodement  sous  ces  conditions,  et  que,  aussi- 
tôt que  la  clause  ci-après  relative  aux  secours  étrangers  aura  reçu 
son  exécution,  il  remplira  son  présent  engagement. 

La  Sublime-Porte,  de  son  côté,  s'engage  à  déclarer  et  annoncer 
qu'elle  renonce  à  toute  espèce  d'assistance  étrangère  qu  elle  se 
trouverait  avoir  demandée  en  raison  des  circonstances. 

C'est  ainsi  que  le  présent  instrument  a  été  olficiellement  signé  et 
échangé  entre  Al.  l'ambassadeur  et  nous. 


Le  2  chéwai  1248. 


El-Hadj-Mohammed-Akif, 
réh-éfendi. 


API>ENDICE  355 

APPEîlfUICE 

(N°  1).  —  Suivant  les  publicistes  français,  le  diffcrend  entre  le  sultan  et 
le  pacha  d'Egypte  aurait  été  terminé  eu  vertu  d'un  traité  i^'v^nd  à  Kiutaliia. 
C'est  une  erreur.  Dos  finnam  impériaux  firent  connaître  à  Moliammed-Ali  et 
à  son  fils,  Ibrahim,  les  concessions  du  sultan  qui  mirent  fin  à  la  question 
d'Egypte. 

Le  lecteur  trouvera  à  la  section  Russie  d'autres  documents  relatifs  i!i  cette 
question. 

I.  —  Lettre  du  ehartjé  «l'nfTaires  de  France  (baron  de  Varcnncs)  à 
Ibraiiîin-paclia ,  en  date  de  l'hérapia  le  'iH  janvier  fl^33  (  8 
raniazan   134S). 

Très-excellenl  et  magnifique  seigneur,  je  crois  de  mon  devoir  de  vous 
faire  connaître  que  la  Sublime-Porte,  désirant  mellre  un  terme  aux 
maux  que  la  guerre  attire  sur  les  populations  dont  la  Providence  lui  a 
confié  le  bien-êlre,  expédie  à  Alexandrie  rex-capita!i-paclia  Ilalil-pacha, 
accompagné  de  l'Ahraedji-élendi,  et  qu'elle  l'a  muni  de  pleins  pouvoirs 
nécessaires  pour  conclure  un  arrangement  déflnilif  avecS.  A.  Muhammed- 
Aali-pacha. 

Celte  détermination  de  la  Sublime-Porte  étant  une  consétjueiice  des  pro- 
positions que  j'ai  été  chargé  de  lui  transmettre  de  la  part  de  votre  illustre 
père,  je  me  trouve  dans  l'obligation  spéciale  de  vous  en  informer.  Ma 
qualité  de  représentant  d'une  puissance  qui,  bien  qu'elle  n'ait  pas  cessé 
un  instant  de  faire  des  vœux  pour  la  pros[)érilé  de  l'empire  ottoman,  a 
plus  d'un  titre  à  la  confiance  de  Mohummed-Aali,  pourrait  encore  m'auto- 
riser  à  en  entretenir  V.  A. 

Je  me  bornerai  à  lui  attester  l'état  des  choses,  dans  l'espoir  que  ,  re- 
connaissant que  des  procédés  hostiles  sont  devenus  sans  objet;  que  le 
blâme  et  la  responsabilité  en  retomberaient  aujourd'hui  sur  le  ursauleurs, 
et  qu'ils  pourraient  créer  des  difficultés  à  la  transaction  qui  se  traite,  elle 
jugera  à  propos  d'anèter  sa  marche  et  de  prescrire  ii  ses  différents  chefs 
de  corps  de  suspendre  également  leurs  mouvements.  Si,  conime  j'ose  m'en 
flatter,  V.  A.  adopte  cette  disposition,  je  suis  assuré  que,  sur  l'avis  qu'elle 
en  ferait  parvenir  aux  commandants  des  troupes  de  lu  Sublime -Porte,  ils 
s'empresseraient,  conformément  aux  ordres  qui  leur  ont  été  adressés,  de 
rester  de  même  dans  l'inaction. 

Elle  recevra  la  présente  par  un  courrier  qui  pourra  revenir  avec  la  ré- 
ponse dont  il  lui  plairait  de  m'honorer. 

Je  profite,  très-excellent  et  magnifique  seigneur,  de  celle  précieuse 
occasion  pour  offrir  h  V.  A.  l'hommage,  etc. 


356  APPENDICE 

II.  —  Réponse  d'Ibraliini-paclia  au  chargé  d'alFaircs  de  France,  en 
date  de  Kiutaliia  le  5  février   1833  (IG  raniazan  1348). 

Honorable,  éclairé,  affectionné,  et  bienveillant  ami,  monsieur  le  baron 
de  Varennes! 

J'ai  reçu  la  lettre  affectueuse  que  vous  m'avez  adressée  sous  la  date 
du  8  ramazan  12^8,  et  j'ai  pris  connaissance  de  son  contenu  amical. 

J'ai  précédemment  expliqué  en  détail,  par  intermédiaire,  à  la  Sublime- 
Porte  que  mon  départ  de  Koniéh  et  mon  intention  d'aller  h  Brousse  n'a- 
vaient aucun  autre  motif  que  la  rareté  des  vivres  et  le  manque  de  bois  , 
au  cœur  de  l'hiver,  et  que  ce  mouvement  de  ma  part  provenait  de  la  dif- 
ficulté que  j'éprouvais  de  pourvoir  aux  besoins  de  l'armée.  Ma  marche 
en  avant  a  donc  été  occasionnée  par  cette  nécessité.  Nous  voilà  arrivés 
à  Kiutahia,  dont  le  séjour  offrant  plus  de  facilités  sous  le  rapport  tant 
des  vivres  que  de  l'hiver,  je  m'y  arrêterai,  conformément  au  désir  de 
mon  père  et  bienfaiteur,  jusqu'à  ce  que  je  reçoive  de  sa  part  un  ordre  à 
ce  sujet. 

J'en  informe  la  Sublime-Porte,  et  j'espère  avoir  également  rempli  ainsi 
le  désir  amical  de  V.  E.,  dont  l'accomplissement  est  un  plaisir  pour 
moi. 

Je  profite  de  cette  occasion  pour  m'informer  de  l'état  de  votre  pré- 
cieuse santé. 

m.  —  IVote  (extrait)  de  la  Snblime-Porte  aux  représentants  de 
France  et  d'Angleterre,  en  date  du  19  février  1833  (38  rama- 
zan 1248). 

La  Sublime-Porte  a  informé  les  légations  de  France  et  d'Angleterre, 
qu'elle  s'est  fiée  aux  assurances,  fondées  comme  elles  sont  sur  de  simples 
paroles,  qu'elle  a  reçues  de  leur  part ,  que  Méhéraed-Ali-pacha  doit,  sans 
faute,  s'arranger  avec  nous  et  faire  sa  soumission. 

Le  fait  est,  cependant,  que  non-seulement  les  assurances  données  et 
qui  n'ont  eu  aucun  résultat,  ni  la  réponse  vague  d'Ibrahim-pacha,  qui  se 
borne  à  dire  qu'il  s'arrêtera  à  Kiutahia,  ne  sont  de  nature  à  rassurer  la 
Sublime-Porte  pleinement;  mais  malgré  que  ce  Pacha  affecte  dans  ce  mo- 
ment-ci de  vouloir  rester  à  Kiutahia,  on  entend  dire,  comme  une  chose 
certaine,  que  ses  gens  avancent,  en  se  répandant  aux  environs,  et  qu'il 
fait  même  venir  auprès  de  lui  les  troupes  qui  étaient  restées  en  arrière. 
M.  le  Ministre,  notre  ami,  conviendra  donc  sans  doute  que  les  faits,  quand 
on  considère  la  conduite  d'Ibrahim-pacha,  n'affaiblissent  que  trop  les  as- 
surances en  simples  paroles  données  par  les  deux  légations. 

Mais  la  Sublime-Porte,  qui  a  agi  dans  toute  celte  alfaire  avec  la  plus 


APPENDICE  357 

grande  franchise,  a  pris  sur  elle  de  donner  sans  cesse  des  conseils  éner- 
giques à  Méhéiued-Ali-paclia,  ainsi  qu'à  Ibrahim-pacha.  Enlr'autres  con- 
seils, Son  Altesse  le  Gaimacam -pacha  a  écrit  dernièreraenl  à  Ibraliim-pa- 
cha,  pour  l'engager  à  se  porter  en  arrière,  en  lui  faisant  sentir  que  tant 
qu'il  est  dans  ces  environs,  et  surtout  tant  qu'il  reste  à  Kiulahia,  nous  ne 
pouvons  pas  nous  croire  tout  h  fait  en  sûreté.  Mais  Ibrahini-pacha  ne  parle 
pas  de  retraite,  et  ne  dit  rien  de  rassurant  dans  sa  réponse.  C'est  pour- 
quoi Son  Altesse  le  Gaimacam  a  écrit  de  nouveau  aux  deux  pachas,  il  y  a 
quelques  jours,  dans  VoUjel  qu'Ibrahim  (piilte  absolument  Kiutahia  pour 
s'en  retourner,  et  que  l'on  fasse  cesser  les  désordres  qui  ont  eu  lieu  dans 
les  environs.  On  attend  leur  réponse. 

Si  Ibrahim-pacha  prolonge  son  séjour  h  Kiulahia,  s'il  continue  d'agir  de 
la  manière  qu'il  agit  à  présent,  la  Sublime-Porte  est  excusable  de  ne  pas 
mettre  une  véritable  confiance  dans  les  assurances,  en  paroles,  données, 
soit  par  lui,  soit  par  les  ambassades. 

Les  deux  ambassades  sont  donc  priées  d'écrire  à  Ibrahim-pacha,  d'une 
manière  analogue  aux  circonstances,  et  de  lui  faire  parvenir  leurs  lettres, 
après  s'être  concertées  ensemble,  par  un  employé  envoyé  exprès,  ainsi 
que  le  projet  en  était  arrêté  dernièrement. 

IV.  —  Lettre  do  l'anihassadear  de  France  (baron  Ronssin)  à  Mo- 
hammcd-Aali-paeha,  en  date  de  Tliérapia,  palais  de  France,  le 
23  février  1833  (13  chéwal  iS48). 

Très-illustre  et  magnifique  seigneur,  le  gouvernement  de  S.  H.  alarmé, 
avec  raison,  des  progrès  de  votre  fils  Ibrahim  et  de  son  attitude  équi- 
voque, a  accepté,  en  dernier  ressort,  l'assistance  matérielle  que  la  Russie 
avait  offerte.  Depuis  lors,  rassuré  par  les  démonstrations  conciliantes  de 

V.  A.,  il  eût  été  à  désirer  que  cette  assistance  piit  être  contreraandée  ; 
mais  par  une  de  ces  fatalités  qui,  plus  d'une  fois,  présagèrent  des  catas- 
trophes politiques,  l'escadre  russe  est  arrivée  et  a  jeté  l'ancre  dans  le  Bos- 
phore. Dans  cette  conjoncture,  qui  compromet  gravement  la  tranquillité 
de  l'Europe,  et  qui  met  l'empire  ottoman  dans  un  péril  imminent,  dont 
les  chances  doivent  être  partagées  par  V.  A.,  j'ai  entrepris,  de  concert 
avec  la  Sublime-Porte,  au  nom  du  gouvernement  du  roi,  de  vous  amener 
à  accepter  les  propositions  dont  Halil-pacha  était  porteur,  à  condition 
qu'il  serait  immédiatement  annoncé  à  l'envoyé  russe  que  votre  réconcilia- 
tion s'étant  opérée,  l'assistance  de  l'escadre  russe  serait  superflue  et  sa 
présence  sans  objet. 

Je  viens  donc  prier  V.  A,,  non  pas  dans  votre  intérêt  particulier  seule- 
ment, mais  dans  celui  même  de  votre  sûreté,  de  rappeler  votre  armée, 
sans  délai,  dans  les  limites  du  territoire  dont  l'administration  vous  a  été 
confiée,  et  de  revenir  à  ces  relations  naturelles  avec  la  Sublime-Porte, 


358  APF'ENDICE 

contractées  au  moment  où  vous  reçûtps  l'investiture  des  anciens  paclialiks 
ainsi  que  votre  fils  Ibrahim  ceux  de  Sainl-Jean-d'Acre,  Jérusalem,  Tri- 
poli de  Syrie  et  Naplouse.  La  modération  est  devenue  pour  V.  A.  une  né- 
cessité. Persister  dans  les  prétentions  que  vous  avez  soulevées,  ce  serait 
appeler  sur  votre  tête  des  conséquences  hien  désastreuses  qui,  je  n'en 
doute  pas,  éveilleront  vos  craintes.  La  France  tiendra  l'engagement  que 
j'ai  conlraclé  ;  elle  en  a  le  pouvoir  et  je  garantis  sa  volonté.  Il  ne  me  reste 
jilus  qu'a  espérer  que  vous  ne  nous  forcerez  pas  à  la  cruelle  nécessité 
d'attaquer  une  puissance  en  partie  notre  ouvrage,  et  de  ternir  une  gloire 
dont  je  suis  l'admirateur  sincère. 

C'est  mon  premier  aide-de-camp  qui  aura  l'honneur  de  remettre  ces 
dépêches.  Permettez-moi  de  le  recommander  à  votre  bienveillance.  Je 
joins  ici  copie  de  la  lettre  que  j'ai  adressée,  en  même  temps,  à  votre  fils 
ïhrahim-pacha. 

Je  saisis  cette  occasion,  très-excellent  et  magnifique  seigneur,  de  vous 
renouveler,  etc. 

\.    —  'livitre    de    l'ambassadenr    de    RoiifSfsin    à   Ibrahini-paclia,  en 
date  de  Thérapia,  palais    de  France,    le    ZZ  février  1833  (3  clié- 

wal  1248). 

Très-excellenl  et  magnifique  seigneur,  vous  verrez  par  le  contenu  de 
la  lettre  ci-jointe,  que  j'ai  adressée  à  S.  A.  le  vice-roi  d'Egypte,  votre 
ilhbtre  père,  le  récit  des  événements  désastreux  qui  sont  arrivés  à  Cons- 
tantinople,  ainsi  que  l'exposé  de  leurs  conséquences  inévitables. 

Sous  peine  de  voir  l'empire  ottoman  devenir  la  proie  de  la  Russie,  il 
faut  qu'une  nation  puissante  intervienne  de  tout  son  poids,  pour  ôter  le 
prétexte  d'une  invasion  qui  bouleverserait  l'Europe. 

Cette  nation  puissante,  c'est  la  France;  c'est  la  France  appuyée  sur 
l'assentiment  de  l'Angleterre;  la  France,  que  le  vice-roi  d'Egypte  a  long- 
temps comptée  au  nombre  de  ses  principaux  amis,  et  qui,  dans  ces  circons- 
tances a  droit  de  compter  sur  sa  déférence. 

Je  ne  doute  pas,  magnifique  seigneur,  de  la  coopération  franche  et  ira- 
médiale  que  vous  donnerez  à  l'exécution  de  ce  projet.  D'après  l'engage- 
ment que  j'ai  contracté,  au  nom  de  mon  gouvernement,  la  paix  doit  être 
considérée  comme  conclue  entre  l'Egypte  et  la  Porte  à  la  condition  de 
l'investiture  des  quatre  gouvernements  de  Saint-Jean-d'Acre,  Naplouse, 
Tripoli  de  Syrie  et  Jérusalem.  Aucune  modification  quelconque  ne  peut 
être  faite  à  celte  condition.  Toute  discussion  doit  cesser  sur  cet  objet,  et  il 
faut  immédiatement  mettre  un  terme  aux  hostilités. 

Je  vous  prie  donc,  magnifique  seigneur,  non-seulement  de  ne  pas  faire 
faire  un  seul  pas  en  avant  à  votre  armée,  mais  même  de  la  faire  rélrogra- 


API>H^^ICE  350 

der  de  manière  qu'elle  puisse  s'établir  sur  le  territoire  qui  a  été  concédé  h 
l'Kgypte. 

Ce  mouvement  est  indisiionsahlc  afin  de  faire  voir  îi  la  population  que  la 
guerre,  dont  elle  a  tant  soulTert,  est  enfin  terminée. 

Mon  aidede-canip,  le  porteur  de  celte  lettre,  a  l'ordre  do  m'apporter 
votre  rûponse.  J'ai  l'honneur  de  prier  Votre  Altesse  de  ne  pas  tarder  k  me 
la  transmettre. 

Recevez,  etc. 

VI.  —  liCttre  (extrait)  <Iu  ministre  britannique  (Iflanilcville)  î\  Ihra- 
hini-paclia,  en    date  «le   Tliérapia   le    33   février  1833    (4   ehéwal 

1848). 

La  Sublime-Porte  m'ayant  représente  le  grand  danger  auquel  elle  est 
exposée  par  la  présence  de  votre  armée  dans  le  voisinage  de  celte  capi- 
tale, et  m'ayant  invité  à  employer  tous  mes  efforts  pour  en.^ager  Votre 
Altesse  de  faire  cesser  ses  appréhensions  très-légitimes  par  la  retraite  de 
votre  armée  de  Riutahia,  je  considère  comme  étant  de  mon  devoir  d'accé- 
der à  cette  demande. 

Dans  ces  circonstances,  je  ne  saurais  assez  fortement  insister  auprès  de 
Votre  Altesse  sur  la  nécessité  de  retirer  de  Kiutahia  les  troupes  sous  votre 
commandement,  puisque,  en  persistant  h  occuper  votre  position  actuelle, 
et  en  refusant  d'adhérer  à  la  demande  de  la  Siiblirae-Porto,  vous  compro- 
mettez la  tranquillité  du  pays  voisin  de  la  capitale,  et  vous  faites  naître 
dans  l'esprit  des  ministres  turcs  des  doutes  sur  la  sincérité  de  vos  protes- 
tations et  de  S.  A.  Mohammed-Ali  relativement  à  vos  sentiments  de  dé- 
vouement et  de  soumission  envers  votre  souverain. 

¥11.  Dépêche  (extrait)  dn  ministre  Rfandeville  à  lord  Palmerston, 
ministre  des  affaires  étrangères,  en  date  de  Tliérapia  le  23  fé- 
vrier 1833  (4  cheval  1248). 

Quelques  jours  après  l'expédition  de  ma  dépêche  du  15  de  ce  mois, 
j'ai  reçu  une  note  officielle  du  réis-éfendi  où  il  est  dit  que  Ibrahim-paclia 
persiste  à  rester  à  Kiutahia,  que  ses  troupes  se  réparident  dans  les  alen- 
tours de  cette  ville  et  que  son  arrière-garde  allait  se  joindre  à  son  armée, 
bien  que  le  caïmacan-paclia  l'eijt  invité  k  se  retirer  de  Kiutahia,  car,  aussi 
longtemps  qu'il  occup-^ra  cette  position,  la  Porte  ne  peut  pas  se  croire  en 
sûreté.  Sa  Hautesse  a  écrit  de  nouveau,  tant  à  lui  qu'à  Mohammed-Ali, 
pour  obtenir  la  retraite  d'Ibrahim  et  la  cessation  des  désordres  que  la 
présence  de  son  armée  occasionne  dans  le  pays. 

Les  deux  ambassades  sont  conséqnemment  priées  d'écrire  h  Ibrahim- 
pacha,  de  l'engager  k  se  retirer  de  Kiutahia  et  d'expédier  leurs  lettres  par 


360  APPENDICE 

une  personne  attachée  à  l'ambassade,  ainsi  que  cela  a  été  précédemment 
convenu. 

Avant  de  faire  une  réponse  officielle  à  cette  note,  j'ai  voulu  que  l'inter- 
prète indiquât  au  réis-éfendi  une  grave  erreur  qui  y  domine.  Il  y  est  dit 
que  la  Porte  a  rpçu  de  moi  des  assurances  que  Moliammed-Ali  fera  sa 
soumission  au  sultan  et  se  prêtera  à  un  arrangement  avec  la  Porte,  tandis 
que  Son  Excellence  sait  parfaitement  que  je  n'ai  jamais  donné  des  assu- 
rances quelconques  à  ce  sujet.  Je  m'en  suis  rapporté  aux  assurances  de 
soumission  que  la  Porte  avaient  reçues  de  Mohammed-Ali,  assurances  qui 
avaient  été  confirmées  par  le  général  Mouraweffàson  retour  d'Alexandrie, 
ainsi  qu'à  la  halte  à  Kiutahia  de  l'armée  d'Ibrahim-pacha  :  me  demander 
d'exiger  de  lui  qu'il  se  retirât  de  celte  place,  c'était  me  demander  de  faire 
ce  que  je  craignais  devoir  être  peu  utile,  et  ce  qui  devait  m'exposer  à 
un  refus  ;  malgré  cela,  je  ne  me  refuserais  pas  à  écrire  à  Ibrahim-pacha 
dans  le  sens  comme  le  réis-effendi  me  l'a  demandé. 

J'ai  conséquemment  adressé  à  Ibrahim-pacha  une  lettre  que  la  Porte  a 
approuvée,  et  qui  sera  accompagnée  d'une  traduction  turque.  J'ai  l'hon- 
neur d'en  transmettre  une  copie  à  votre  seigneurie.  Elle  sera  remise  à 
Son  Altesse  par  l'aide-de-camp  de  l'ambassadeur  de  France,  qui  est  le 
porteur  de  la  lettre  que  Son  Excellence  a  écrite  à  cette  occasion  à  Ibra- 
him. 

YIII.  —  Réponse  d'Ifirahim-paclia  an  ministre  mandeville,  en  date 
da  1"  mars  1833  (lO  cliéwal  1»4$). 

Très-aimable,  très-bien  aimé  et  bienveillant  ami,  j'ai  pris  connaissance 
du  contenu  de  la  lettre  amicale  que  vous  m'avez  écrite  le  k  schewal 
(23  février)  pour  me  dire  de  me  retirer,  loin  d'avancer. 

Mon  armée  était  encore  à  Konia  lorsqu'un  aide-de-camp  russe  y  arriva 
de  la  part  de  M.  l'envoyé  de  Russie,  el  me  dit  de  ne  pas  avancer.  Ma 
réponse  fut,  que  d'après  les  devoirs  que  ma  commission  m'imposait,  je 
ne  pouvais  m'arrêter  sans  en  avoir  reçu  l'ordre. 

Arrivé  à  Kiutahia,  j'y  ai  reçu  de  la  part  de  mon  père^l'ordre  de  ne  pas 
avancer.  Pour  obéir  à  ses  ordres,  je  me  suis  arrêté  sur-le-champ,  et  j'en 
ai  donné  l'avis  tant  à  la  Sublime-Porte  qu'au  chargé  d'affaires  de  France, 
M.  le  baron  de  Varennes. 

Voilà  Monsieur,  ce  qui  en  est,  et  soit  que  j'avance,  soit  que  je  me 
retire,  je  ne  puis  agir  que  conformément  à  la  volonté  de  mon  père,  aux 
ordres  duquel  ma  conduite  est,  comme  vous  ne  l'ignorez  pas,  toujours 
assujétie. 

D'ailleurs,  on  a  écrit  sur  ce  point  à  mon  père,  et  sa  réponse  ne  peut  pas 
tarder  d'arriver.  Quant  au  soupçon  qu'on  a  que  je  marcherai  en  avant, 


APPENDICE  361 

ce  que  j'ai  dit  plus  haut  doit  le  faire  cesser.  J'attendrai  les  ordres  de  mon 
père,  et  quand  je  les  aurai  reçus,  je  les  mettrai  à  exécution  sans  perte  de 
temps. 

En  vous  informant  de  tout  ce  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire,  je 
saisis  cette  occasion  pour  demander  l'état  de  votre  santé. 

IX.  —  D<^pèrlie  tie  M.  lUandevilIe  ù  lord  PaIniers<on,  en  date 
de  Thérapia  le  9  mars  1833  (IC  chéwal  1S48). 

Mylord,  j'ai  l'honneur  de  transmettre,  ci-joint,  h  votre  seigneurie  la 
traduction  de  la  réponse  à  la  lettre  que,  sur  la  demande  de  la  Sublime- 
Porte,  j'ai  adressée  le  23  février  h  Ibrahim-pacha. 

Dans  cette  réponse,  S.  A.  explique  sa  marche  de  Konia  à  Kiutahia 
comme  ayant  été  une  conséquence  des  instructions  qu'il  avait  reçues  de 
son  père  Mohammed-Ali.  A  son  arrivée  dans  cette  ville,  il  reçut  l'ordre 
de  son  père  de  ne  plus  avancer,  et  il  y  resta  ;  qu'il  marche  en  avant  ou 
qu'il  se  retire  de  la  position  qu'il  occupe  actuellement,  il  réglera  toujours 
sa  conduite  suivant  la  volonté  et  les  ordres  .du  pacha  d'Egypte.  En  atten- 
dant, il  lui  a  écrit  à  ce  sujet,  et  une  réponse  arrivera  bientôt,  et  quels 
que  soient  les  ordres  quelle  contiendra,  il  les  exécutera  sans  délai. 

En  cédant  aux  instances  réitérées  du  réis-éfendi  d'écrire  à  Ibrahim- 
pacha,  je  ne  m'étais  nullement  attendu  k  recevoir  une  réponse  plus  satis- 
faisante que  celle  que  je  viens  de  recevoir,  et  ma  répugnance  d'adhérer 
au  désir  de  S.  E.  est  justifiée  par  le  peu  de  succès  de  la  démarche. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

X.    —     Réponse    de    SIohaninied-Aali-pacha    à    l'ambassadeur     do 
France,    en    date    d'Alexandrie   le    8    mars     1833    (11    chéwal 

1248). 

Monsieur  l'ambassadeur,  j'ai  reçu  votre  dépêche  en  date  du  22  février, 
laquelle  m'a  été  remise  par  votre  aide-de-camp. 

Dans  celte  lettre  vous  m'objectez  que  je  n'ai  pas  le  droit  de  réclamer 
d'autres  territoires  que  ceux  de  Saint-Jean-d'Acre,  de  Jérusalem,  de  Na- 
plouse  et  de  Tripoli  en  Syrie,  et  qu'en  conséquence  je  dois  retirer  immé- 
diatement mon  armée;  vous  me  déclarez  qu'en  cas  de  refus,  je  dois  ra'at- 
tendre  aux  plus  sérieuses  conséquences.  Votre  aide-de-camp,  par  suite 
des  instructions  que  vous  lui  avez  données,  a  ajouté  verbalement  que,  si 
je  persistais  dans  mes  prétentions,  une  flotte  combinée,  anglaise  et  fran- 
çaise, paraîtrait  devant  les  côtes  d'Egypte. 

De  grâce,  monsieur  l'ambassadeur,  en  vertu  de  quel  droit  exigez-vous 
de  moi  un  semblable  sacrifice? 

J'ai  pour  moi  la  nation  tout  entière  :  il  ne  tiendrait  qu'il  moi  de  soulever 


362  APPENDICE 

la  Rouraélie  et  l'Anatolie.  Avec  l'assistance  de  ma  nation,  je  puis  faire  en- 
core davantage.  Maître  de  tant  de  contrées,  victorieux  sur  tous  les  points, 
quand  déjà  l'opinion  publique  me  promettait  la  possession  de  la  Syrie 
tout  entière,  j'ai  retardé  la  marche  de  mes  troupes  uniquement  pour  épar- 
gner une  inutile  etlusion  de  sang,  et  me  donner  le  temps  de  consulter 
les  dispositions  de  la  politique  européenne;  et  pour  prix  de  celte  modé- 
ration et  des  nombreux  sacrifices  faits  par  une  nation,  dont  le  généreux 
appui  m'a  mis  en  état  de  remporter  tant  de  victoires  signalées,  on  me  de- 
mande maintenant  d'abandonner  le  pays  que  j'occupe  en  ce  moment,  de 
retirer  mon  armée  dans  une  petite  province  composée  de  h  districts, 
que  vous  appelez  un  pachalik!  N'est-ce  pas  prononcer  contre  moi  une 
sentence  de  mort  politique? 

Cependant,  j'ai  la  confiance  que  la  France  et  l'Angleterre  ne  refuseront 
pas  de  me  rendre  justice  et  de  reconnaître  mes  droits  :  leur  honneur  y 
est  intéressé.  Mais,  si  malheureusement  je  suis  trompé  dans  celte  espé- 
rance, je  m'en  remettrai  alors  à  la  volonté  de  Dieu,  et  préférant  une  mort 
glorieuse  à  l'ignominie,  je  me  dévouerai  avec  joie  à  la  cause  de  ma  na- 
tion, heureux  de  la  servir  jusqu'à  mon  dernier  soupir.  Telle  est  ma  réso- 
lution bien  arrêtée,  et  l'histoire  offre  plus  d'un  exemple  d'un  pareil  dé- 
vouement. 

Quoiqu'il  arrive,  j'espère  que  V.  E.  reconnaîtra  la  justice  de  mes  droits 
et  appuyera  l'acceptation  des  dernières  oppositions  que  j'ai  faites  par  l'in- 
termédiaire de  S.  E.  Halil-pacha. 

C'est  dans  cette  espérance,  monsieur  l'ambassadeur,  que  je  vous  écris 
cette  lettre  amicale,  et  que  je  la  remets  entre  les  mains  de  votre  aide-de- 
carap. 

XI.  —  niote  remisse   an    nom   du   pacha  d'Égypto  anx  oonsnls-gcnc- 
raux    de   France    et   d'Angleterre    à    Alexandrie,    en   date    du    ..  . 
mars  1833  (...   chéwal  1348). 

Avant-propos.  J'ai  parfaitement  saisi  l'esprit  de  vos  instructions  et 
conipiis  toute  l'étendue  de  l'intérêt  et  de  la  bienveillance  dont  l'empire 
ottoman  est  l'objet.  Comme  moi-même  je  n'ai  d'autre  désir  ni  d'autre 
pensée  que  de  soustraire  cet  empire  à  la  domination  des  Russes  qui  y 
commandent  en  maîtres,  et  de  délivrer  ma  malheureuse  nation  de  la 
honte  oii  elle  gémit;  ces  dispositions  bienveillantes  des  gouvernements 
anglais  et  français  se  trouvant  d'accord  avec  mes  propres  sentiments,  je 
crois  devoir  leur  en  exprimer  toute  ma  reconnaissance.  Néanmoins  les 
moyens  de  rendre  cet  empire  fort  et  puissant  étant  jugés  de  diverses  ma- 
nières, je  dois,  zélé  patriote,  déclarer  ici  mes  convictions  intimes  à  cet 
égard,  aûn  que  ces  deux  gouvernements  m'écoutanl    avec  la  justice  et 


APPENDICE  363 

l'iiiiparlialilé  qui  les  caract(^risent,  l'int(;rèt  qu'ils   professent  pour  mon 
pays  puisse  produire  es  iicureux  résultats  que  l'on  est  en  droit  d'espérer. 

1°  Son  Excellence,  M.  Roussin,  ambassadeur  de  France  près  la  Porte, 
voulant  ôter  tout  motif  aux  bâtiments  russes  arrivés  à  Constantinople  de 
s'y  arrêter,  m'a  écrit  une  lettre  pressante  pour  hâter  la  conclusion  de  la 
paix  entre  Conslanlinople  et  l'Egypte,  et  me  proposer  d'accepter  seule- 
ment les  quatre  districts  formant  le  gouvernement  de  Saïda.  Le  fait  est 
que  par  cette  démarche  il  a  dévié  du  système  de  bienveillante  protection 
adopté  comme  but  principal  ;  car  cette  proposition  n'entre  que  trop  dans 
les  vues  de  la  Russie,  qui  veut  ralïaiblisscmenl  de  l'Empire  ottoman. 

2°  La  Russie,  à  cause  de  son  voisinage  de  la  Turquie  et  de  ses  com- 
munications actuelles  avec  Conslantinople,  connaît  très-bien  l'inertie  de 
la  Porte  et  les  progrès  conlinuids  de  l'Egypte.  Lorsqu'elle  s'engage  à  ce 
que  la  seule  province  de  Saïda  soit  réunie  à  l'Egypte  et  k  ce  que  les  au- 
tres provinces  occupées  par  les  Égyptiens  restent  au  Grand-Seigneur 
dans  leur  ancien  dénuement,  son  but  est  de  conserver  la  supériorité 
qu'elle  a  acquise  et  de  détruire  l'empire  ottoman  dès  qu'elle  le  voudra. 
Cette  proposition  étant  donc  contraire  à  la  politique  de  l'Angleterre  et  de 
la  France,  il  faut  naturellement  ne  pas  l'accepter. 

3°  Les  provinces  que  l'Egypte  a  demandées  k  la  Porte  par  l'entremise 
de  Halil-pacha  l'ont  été  comme  les  gouvernements  ordinairement  accor- 
dés aux  autres  vézirs,  à  litre  de  nomination  révocable  et  non  pas  de 
propriélé  absolue.  Ces  provinces  si  susceptibles  de  culture  et  d'amé- 
liorations, pouvant  être  bientôt  cultivées  et  peuplées,  témoin  la  rapide 
prospérité  de  l'Egypte,  il  est  évident  que  le  profit  en  reviendrait  à  la  Porte, 
et  que  l'Angleterre,  la  France  et  les  autres  puissances  de  l'Europe,  à  cause 
des  rapports  résultant  de  leur  situation,  en  recueilleraient  toute  sorte 
d'avantages.  Dans  le  cas,  au  contraire,  où  ces  pays  continueraient  à  res- 
ter sous  l'autorité  de  la  Porte,  son  incurie  et  son  imprévoyance  les  laisse- 
raient éternellement  déserts  et  incultes,  et  loin  d'y  puiser  des  moyens 
d'afTermir  sa  puissance,  elle  ne  pourrait  y  trouver  aucune  force.  Qu'on 
les  réunisse  donc  à  l'Egypte,  et  on  les  verra  bientôt,  cultivés  et  peuplés, 
fournir  toules  les  ressources  dont  ils  sont  susceptibles.  De  celte  manière, 
la  Porte  deviendra  forte  et  puissante,  et  elle  se  trouvera  naturellement 
soulagée  de  l'oppression  de  la  Russie.  Si  l'intérêt  que  daigne  prendre  à  la 
Tui  quie  l'Angleterre  et  la  France  se  manifeste  par  de  pareils  effets,  ce 
sera  vraiment  un  grand  service  rendu  à  l'empire  ottoman,  et  moi-même 
aussi  je  me  verrai  au  comble  de  mes  vœux. 

h°  Toute  ma  nation,  sans  distinction  de  rang,  est  persuadée  que  telles 
ont  été  n)es  seules  intentions  en  me  dévouant  comme  je  l'ai  fait  et  en  expo- 
sant ma  fortune,  ma  famille  et  mes  meilleurs  serviteurs.  Dans  toute  l'A- 
rabie, dans  l'Analolie,  jusqu'aux  bords  de  la  mer  Noire,  c'est-à-dire  dans 


36Û  APPENDICE 

le  Daghestan  et  le  Lazistan,  en  Bosnie,  en  Romélie,  à  Constantinople 
même,  la  plupart  des  ministres,  des  ulémas  et  des  habitants  se  sont  adres- 
sés à  moi  :  ils  ra'ont  successivement  envoyé,  soit  ouvertement,  soit  en 
secret,  des  suppliques  et  des  dépêches  portant  que  toute  la  nation  mu- 
sulmane, révoltée  de  la  conduite  indigne  du  sultan  Mahmoud,  le  voit  avec 
répugnance,  et  que  n'ayant  pu  réussir  à  obfenir  de  lui,  par  la  douceur, 
l'organisation  de  ses  États,  ils  sont  forcés  de  rechercher  l'influence  d'un 
personnage  puissant;  que,  n'en  voyant  aujourd'hui  d'autre  que  moi  sur 
la  scène  du  monde,  ils  implorent  mon  appui  et  sollicitent  mon  assistance 
avec  la  plus  vive  ardeur. 

Que  les  pays  qu'en  présence  de  tant  de  vœux  et  de  suffrages  j'ai  de- 
mandés à  mon  gouvernement  me  soient  accordés,  et  bientôt,  j'espère, 
grâces  à  la  bienveillance  de  l'Angleterre  et  de  la  France,  je  réussirai  à 
augmenter  mon  revenu,  à  grossir  mon  armée,  à,  compléter  toutes  les  par- 
ties du  service,  et,  dès  qu'il  le  faudra,  on  me  verra,  toujours  vassal  fidèle 
de  mon  gouvernement,  aller  me  mesurer  avec  les  Russes. 

S'ils  venaient  à  manifester  leurs  perfides  desseins  contre  la  Turquie, 
uni  alors  à  toute  la  Perse  et  à  tout  le  Lesguistan,  j'irais  les  attaquer  et 
leur  causer  tant  de  pertes  que  ma  malheureuse  nation  serait  enfin  délivrée 
de  leur  cruelle  tyrannie.  Ces  considérations,  faciles  à  concevoir,  échap- 
pent encore  moins  à  la  Russie  qui  est  limitrophe  de  la  Turquie  :  aussi 
fait-elle  tous  ses  efforts  pour  qu'on  ne  m'accorde  pas  le  territoire  que  je 
demande;  cette  concession  est  trop  contraire  à  sa  politique,  pour  ne  pas 
travailler  à  l'empêcher.  L'Angleterre  et  la  France,  à  leur  tour,  n'iront 
pas  sans  doute  favoriser  les  vœux  de  la  Russie  au  détriment  de  leur  poli- 
tique et  contrairement  à  l'intérêt  qu'elles  prennent  à  l'empire  ottoman. 
Actuellement  que  ses  projets,  qui  semblent  jusqu'ici  cachés,  ont  été  dé- 
couverts, il  est  de  l'honneur  et  de  la  dignité  de  ces  deux  Gouvernements 
de  me  donner  le  témoignage  de  leur  bienveillant  intérêt. 

5°  Bref,  comme  je  suis  puissant  parmi  ma  nation,  conformément  à  notre 
code  sacré,  c'est-d-dire  en  vertu  des  fetvas  juridiques  que  m'ont  ouverte- 
ment envoyés  tous  les  uléiaas  de  l'Arabie  et  de  l'Anatolie,  je  suis  chargé 
par  la  loi  de  chercher  tous  les  moyens  de  rendre  forts  mon  gouvernement 
et  ma  nation.  Or,  ces  moyens  ne  pouvant  se  réaliser  qu'en  m'accordant 
les  pays  que  je  viens  de  demander,  je  suis  excusable  de  persister  à  les 
demander  jusqu'à  ce  qu'ils  me  soient  accordés.  Jusqu'à  présent,  je  n'ai 
travaillé  avec  tant  d'ardeur  que  pour  laisser  après  moi  quelque  renom 
dans  ce  monde. 

Lorsque  ma  nation  s'est  adressée  à  moi  avec  tant  de  confiance,  plutôt 
que  d'encourir  le  reproche  de  l'avoir  abandonnée  pour  chercher  mon  re- 
pos, je  serai  heureux  de  mourir  avec  gloire  en  me  dévouant  pour  elle. 
C'est  animé  de  ces  sentiments,  que  je  prie  humblement  l'Angleterre  et 


APPENDICE  365 

la  France  de  prendre,  h  mon  éc;ard,  une  décision  conforme  à  la  justice, 
à  l'équité  et  h  leur  propre  intérêt. 

XII. — lléiuorandum  adresse  par  le  ministre  des  affaires  étrangères 
(de  Broglie)  aux  agents  diplomatiques  français,  et  publié  dans  le 
«Moniteur  universel  »,  en  date  du  21  mars  1833  (3  zilcadé   1248). 

La  France  n'a  point  attendue  les  revers  essuyés  par  les  armées  ottomanes, 
dans  la  guerre  qui  s'est  allumée  entre  la  Porte  et  le  pacha  d' Egypte,  pour 
s'elTorcer  de  mettre  un  terme  k  celle  déplorable  lutte.  Dès  l'iiistant  oi!i  elle 
s'est  engagée,  le  gouvernement  du  roi  n'a  rien  négligé,  tant  h  Constan- 
linople  qu'cà  Alexandrie,  pour  inspirer  aux  deux  partis  le  désir  d'un  rap- 
prochement. 

Avant  la  prise  de  Saint-Jean-d'Acre,  des  pourparlers  avaient  déjà  eu  lieu 
entre  la  Porte  et  Mehmed-Ali;  le  gouvernement  français  employa   ses 
soins  pour  qu'il  en  résultât  un  accommodement.  Le  pacha  se  montrait 
prêt  à  la  conclure,  et  h  faire  acte  de  soumission  au  Grand -Seigneur, 
si  S.  H.  voulait  lui  accorder  l'investiture  de  la  Syrie  aux  mêmes  conditions 
devasselageet  de  tribut  que  le  gouvernement  de  l'Egypte;  le  commissaire 
ottoman   à  Alexandrie,   Nassif-éfendi ,  était  revenu  à   Constautinople 
porteur  de  propositions  conçues  dans  ce  sens.  Aussitôt  après  la  chute  de 
Saint-Jean-d'Acre,  en  juin  4831,  Mebmed-Ali  renouvela  ses  ouvertures 
par  l'intermédiaire  du  khasnadar  de  Nassif-éfendi,  qu'il  avait  retenu  près 
de  lui  à  cet  effet.  D'un  autre  côté,  le  chargé  d'affaires  de  France  à  Cons- 
tautinople, fidèle  à  ses  instructions,  faisait  tous  ses  eflbrls  pour  engager 
le  divan  à  négocier.  Mais  la  Porte,  qui  venait  de  déclarer  par  un  firman 
solennel  Mehmed-Ali  et  son  ûls,  Ibrabira-pacha,  traîtres  et  rebelles  ;  la 
Porte,  dont  l'armée  sous  les  ordres  de  Husséin-pacha,  marchait  sur  la 
Syrie,  se  montrait  peu  disposée  à  écouter  de  semblables  avis.  En  réponse 
à  ces  exhortations  amicales,  elle  objectait  qu'au  point  ou  se  trouvaient  les 
choses,  et  à  la  veille  d'entreprendre  une  campagne  dont  les  préparatifs 
avaient  été  très-coûteux,  il  ne   pouvait  convenir  à  sa  dignité  de  faire 
les  premiers  pas  vers  une  réconciliation.  On  sait  assez  quel  fut  le  sort  de 
cette  campagne,  dans  laquelle  les  événements  marchèrent  avec  tant  de 
rapidité.  Quelques  combats  avaient  suffi  pour  assurer  à  Ibrachim-pacha 
la  possession  de  la  Syrie,  et  l'armée  de  Husséin-pacha,  aaoissonnée  par 
les  maladies,  la  famine  et  le  fer  de  l'ennemi,  s'était  dispersée  devant 
l'armée  victorieuse  des  Égyptiens.  Au  commencement  d'août,  la  Syrie 
tout  entière  était  en  leur  pouvoir. 

A  cette  époque,  une  sorte  de  trêve  tacite  parut  avoir  suspendu  les 
hostilités.  Ibrahim,  qui  s'était  avancé  jusqu'à  Adana,  dans  l'Asie-Mineure, 
y  concentra  ses  forces ,  et  les  débris  de  l'armée  ottomane  se  rallièrent  à 


366  APPENDICE 

Koniah.  Pour  la  Porte,  ce  teoips  d'arrêt  attestait  l'iraposibilité  de 
reprendre  l'offensive  ;  pour  Mehmed-Ali  ,  cette  suspension  d'armes 
semblait  d'accord  avec  le  but  qu'il  venait  d'atteindre;  et,  en  effet,  le  pacha, 
maître  de  la  Syrie,  paraissait  ne  rien  demander  de  plus.  Dans  les 
premiers  jours  de  septembre,  il  fit  parvenir  au  capitan-pacha,  par 
l'intermédiaire  du  capitaine  Mansell,  commandant  la  frégate  anglaise 
r Alfred,  une  lettre  contenant  les  mêmes  propositions  de  paix  que  celles 
précédemment  apportées  \x  Constantinople  par  Nassif-éfendi.  La  Porte 
répondit,  par  l'organe  du  sérasquier-pacha  ,  qu'elle  était  disposée  à 
entrer  en  accommodement  sur  la  base  de  ses  ouvertures,  mais  que,  avant 
tout,  elle  avait  besoin  de  connaître  qut^lles  garanties  le  pacha  lui-même 
donnerait  de  l'exécution  de  ses  engagements.  Mehmed-Ali  ne  vit  là 
qu'une  réponse  dilatoire,  et  se  douta  que  la  Porte  ne  cherchait  qu'à 
gagner  du  temps,  pour  se  mettre  en  mesure  de  commencer  une  seconde 
campagne.  Du  reste,  il  continuait  de  protester  de  son  désir  de  faire  la 
paix  ;  et,  en  renouvelant  à  ce  sujet  les  plus  vives  assurances  au  consul- 
général  du  roi,  à  Alexandrie,  il  lui  déclarait  que,  si  Ibrahim-paclia  n'avait 
pas  dépassé  Adana,  c'était  d'après  l'ordre  qu'il  lui  avait  donné,  par 
déférence  pour  les  conseils  pacifiques  de  la  France. 

Le  gouvernement  du  roi,  en  apprenant  l'issue  de  la  campagne  de 
Syrie,  avait  espéré  que  la  Porte,  éclairée  sur  ses  intérêts,  et  suffisamment 
avertie  des  dangers  qui  menaçaient  l'empire,  serait  plus  accessible 
à  des  idées  de  conciliation,  et  que  le  moment  était  venu  de  reproduire, 
avec  plus  de  force  encore,  les  conseils  qu'il  lui  avait  déjà  adressés.  Il 
sentit  également  la  nécessité  de  faire  entendre  à  Mehmed-Ali  de  nouvelles 
et  pressantes  représentations  sur  l'urgence  de  s'arrêter  et  de  terminer,  par 
des  propositions  raisonnables  d'accomodement,  un  conflit  dont  les  résultats 
commençaient  à  exciter  les  plus  justes  inquiétudes  de  l'Europe.  Ce  fut 
dans  ce  double  but  que  ces  instructions  furent  simultanément  transmises 
au  chargé  d'affaires  de  France,  à  (Joustantinople,  et  au  consul  général 
de  France  en  Egypte.  Elle  prescrivaient  au  premier  de  redoubler  d'efforts 
pour  détourner  la  Porte  de  l'idée  d'affronter  de  nouveau  les  chances  de 
la  guerre;  elle  enjoignait  au  second  d'engager  Mehmed-Ali,  par  les 
considérations  les  plus  propres  à  faire  impression  sur  son  esprit,  à 
modérer  ses  prétentions  et  à  ménager  la  dignité  de  la  Porte,  en  prenant 
vis-à-vis  d'elle  l'initiative  des  négociations.  M.  Mimaut  devait  notifier 
au  pacha  que  le  gouvernement  du  roi,  ami  fidèle  de  la  Porte,  et  sincè- 
rement attaché  à  la  conservation  de  l'empire  ottoman,  désapprouvait 
d'avance,  de  la  manière  la  plus  formelle,  tout  projet  qui  tendrait  au 
renversement  du  sultan.  M.  Mimaut  devait  déclarer  enfin,  que  si  Meh- 
med-Ali, sourd  aux  conseils  de  la  raison,  et  ne  consultant  ni  les  vœux  ni 
les  intérêts  de  l'Europe,  marchait  à  la  conquête  de  l'Asie-Mineure,  au 


APPENDICE  367 

risque  d'ébranler  l'empire  jusque  dans  ses  fondements  ,  il  pouvait  s'at- 
tendre à  voir  la  France  intervenir  pour  mettre  un  frein  à  son  ambition, 
et  se  placer  au  premier  rang  des  défenseurs  du  sullaii. 

Jusqu'ici,  comme  on  a  pu  s'en  convaincre,  la  Porte  n'avait  fait  que  des 
réponses  assez  vagues  aux  ouvertures  de  Mebmed-Ali,  et  son  but  avait  élé 
de  gagner  du  temps  pour  se  préparer  h  tenter  de  nouveau  le  sort  des 
armes.  Une  nouvelle  ariiice  s'était  organisée  à  Oonstantinople,  sous  le 
commandement  du  grand-vésir,  et  d'un  autre  côlé,  le  sultan,  croyant 
pouvoir  s'autoriser  des  protestations  d'amitié  exprimées  par  Stralford- 
Canning,  lorsqu'il  avait  pris  congé  de  S.  H.,  envoyaà  Londres  Naraik-pacha, 
pour  demander  le  secours  de  quelques  vaisseaux  anglais  qui  se  réuni- 
raient à  la  flotte  du  capitan-pacha.  Mais  les  ministres  ottomans  désapprou- 
vaient, en  général,  comme  nuisible  à  la  considération  de  la  Porte,  et 
comme  pouvant  fournir  h.  Mehmed-Ali  lui-mêni(i  un  moyen  d'action 
redoutable  sur  l'esprit  des  musulmans,  ce  recours  à  l'intervention  armée 
d'une  puissance  chrétienne.  Appréciant  d'ailleurs  sous  son  véritable 
aspect  la  situation  de  l'empire,  et  convaincus  des  dangers  d'une  guerre  oii 
les  sympatliies  et  les  vœux  des  populations  se  manifestaient  en  faveur 
de  Mehmed-Ali,  ils  reconnaissaient  la  nécessité  ou  plutôt  l'urgence 
d'une  transaction.  Ce  fut  dans  ces  circonstances  que  M.  le  baron  de 
Varennes,  se  conformant  à  ses  instructions,  informa  le  réis-éfendi  des 
nouvelles  démarches  que  le  consul  général  du  roi  à  Alexandrie  avait 
reçu  l'ordre  de  faire  auprès  du  pacha,  et  offrit  nos  bons  offices  h.  la 
Porte  pour  faciliter  un  arrangement  entre  elle  et  Mehmed-Ali.  Sans 
accueillir  ni  repousser  cette  offre,  le  réis-éfendi  se  montra  disposé  k 
traiter  la  question,  lorsque  le  résultat  des  tentatives  de  M.  Mimaut 
serait  connu.  Aussitôt  après  celte  conférence,  M.  de  Varennes  écrivit  au 
consul  pour  l'inviter  à  redoubler  d'efforts  afin  d'amener  Mehmed-Ali  ci 
énoncer  des  propositions  aussi  modérées  que  possible,  et  dès  lors  suscep- 
tibles d'être  accueillies  par  le  divan. 

Celte  communication,  apportée  à  M.  Mimaut  par  un  bâtiment  de  la 
marine  royale,  lui  parvint  sur  la  fin  de  novembre,  et  peu  de  jours  après, 
le  consul  général,  k  la  suite  de  quelques  entretiens  avec  le  pacha,  et 
d'après  le  désir  de  celui-ci,  transmit  à  M.  de  Varennes  les  propositions 
suivantes  : 

Mehmed-Ali,  outre  ^'investiture  des  quatre  pachaliks  de  Syrie  ,  pour 
lesquels  il  s'engageait  à  payer  un  tribut  au  Grand-Seigneur,  demandait  la 
cession  du  district  d'Adana  par  le  motif  que  celte  contrée  fournit  en 
abondance  des  bois  de  construction.  Il  demandait  aussi,  mais  en  termes 
plus  vagues,  à  être  placé,  relativement  à  ses  rapports  avec  la  Porte, 
dans  une  situation  analogue  à  celles  des  anciens  deys  d'Alger  ;  enfin, 
il  était  prêt  à  traiter  sur  ces  bases,  aussitôt  que  le  divan  aurait  envoyé 


368  APPENDICE 

à  Alexandrie  un  plénipotentiaire  qui,  pour  mettre  à  couvert  la  dignité  de 
S.  H.,  serait  ostensiblement  chargé  de  faire  une  dernière  sommation  au 
pacha  :  à  l'arrivée  de  ce  négociateur,  l'ordre  immédiat  de  cesser  les  hosti- 
lités serait  expédié  aux  armées  respectives,  qui,  en  attendant,  garde- 
raient leurs  positions. 

Le  chargé  d'affaires  de  France  venait  de  communiquer  ces  propositions 
au  réis-éfendi,  sous  les  formes  les  plus  propres  à  faire  naître  un  rappro- 
chement, lorsqu'un  nouvel  et  grave  accident  vint  ajouter  une  compli- 
cation de  plus  à  toutes  celles  qu'il  s'agissait  déjà  d'écarter.  Le  général 
Mouraweff  arriva  à  Constantinople,  et  remit  au  sultan  une  lettre  par 
laquelle  l'empereur  de  Russie  offrait  à  S.  H.  le  secours  de  ses  forces  de 
terre  et  de  mer,  et  lui  annonçait  que  M.  de  Mouraweff  avait  l'ordre 
exprès  de  se  rendre  à  Alexandrie  (fia  de  décembre  1832),  pour  sommer 
le  pacha  de  rentrer  dans  le  devoir.  La  Porte  avait  une  réponse  bien 
simple  à  faire  augénéraUlouraweff:  c'était  de  lui  annoncer  qu'ayant  reçu 
des  ouvertures  formelles  d'accomodement  de  la  part  de  Mehmed-Ali,  et 
pouvant  entrer  en  négociation  avec  lui,  elle  n'était  plus,  pour  le  moment 
du  moins,  dans  le  cas  de  recourir  à  l'assistance  de  la  Russie.  M.  de  Va- 
rennes  en  donna  le  conseil  au  ministres  turcs,  en  s'engageant  à  faire  une 
nouvelle  démarche  auprès  de  Mehmed-Ali,  et  à  écrire  à  Ibrahim -pacha 
pour  l'engager  à  suspendre  sa  marche  ;  mais  l'indécision  de  la  Porte  ne 
lui  permit  pas  de  suivre  cet  avis.  Bientôt  d'ailleurs,  on  apprit  à  Cons- 
tantinople la  défaite  du  grand-vésir  à  Koniah  ,  et  l'entière  dispersion 
de  l'armée  qu'il  commandait.  Consterns5  par  cette  accablante  nou- 
velle, et  cédant  à  un  premier  mouvement  de  terreur,  le  sultan  écrivit 
à  l'empereur  Nicolas  pour  lui  annoncer  qu'il  acceptait  le  secours  de 
cinq  vaisseaux  et  de  sept  frégates,  et  qu'il  donnait,  en  outre,  son  assen- 
timent à  la  mission  de  M.  de  Mouraweff  en  Egypte.  Mais  peu  de  jours 
après,  le  Grand-Seigneur,  éclairé  sur  la  portée  de  cette  détermination 
par  les  représentations  de  la  plupart  de  ses  ministres,  et  surtout  par  les 
symptômes  de  mécontentement  qui  se  manifestaient  à  Constantinople, 
revint  h  d'autres  idées,  et  consentit  à  traiter  directement  avec  Mehmed- 
Ali.  Acceptant  donc  les  ouvertures  que  celui-ci  avait  fait  parvenir  par 
l'organe  du  chargé  d'affaires  de  France,  et  déférant  cette  fois  aux  conseils 
de  M.  de  Varennes,  la  Porte  se  décida  à  dépêcher  en  Egypte  l'ex-capitan- 
pachaHalil- pacha,  avec  la  mission  de  conclure  la  paix.  Elle  déclara  au 
ministre  de  Russie,  M.  Bouténeff,  qu'elle  n'était  plus  dans  le  cas  d'ac- 
cepter les  secours  de  son  gouvernement  ;  elle  fit  en  même  temps  tous 
ses  efforts  pour  dissuader  le  général  Mouraweff  à  se  rendre  à  Alexandrie, 
et  refusa  de  faire  accompagner  un  officier  qu'il  expédiait  au  camp 
d'Ibrahim.  M.  de  Mouraweff  objecta  la  nécessité  oii  il  était  d'obéir  aux 
instructions  de  sa  cour,  et  partit  le  4  janvier  pour  Alexandrie. 


APPENDICE  369 

Ces  instructions,  telles  que  le  gouvernement  russe  lui-même,  a  cru 
devoir  les  communiquer  aux  cabinets,  prescrivaient  effectivement  ix  M.  de 
Mouraweff  d'aller  en  Egypte  sommer  le  pacha  de  se  soumettre  au  Grand- 
Seigneur,  et,  en  cas  de  refus,  de  le  rendre  responsable  des  conséquences 
de  son  obstination.  Mais  on  y  disait  aussi  que  dans  l'hypothèse  où  le 
général  n'obtînt  par  l'adhésion  de  la  Porte  à  sa  mission  en  Kgypte,  le 
ministre  de  Russie  h  Conslantinople  devrait  notifier  h  Mehemed-Ali  ce 
que  M.  de  Mouraweff  avait  ordre  de  lui  signifier  de  vive-voix. 

Cependant  l'accord  le  plus  intime  s'était  établi  entre  le  chargé  d'affaires 
du  roi  et  la  Porte.  Non-seulement  le  ministre  ottoman  agréait  la  raéilia- 
tion  delà  France,  il  l'avait  même  sollicitée;  et,  sur  sa  demande  expresse, 
M.  de  Varennes  écrivit  h  Meheraed-Ali  et  k  Ibrahim-pacha,  au  premier, 
pour  le  maintenir  dans  les  dispositions  pacifiques  qu'il  avait  j^récédem- 
ment  annoncées;  au  seconti,  pour  l'informer  de  l'état  des  choses,  et  l'in- 
viter à  suspendre  sa  marche.  Ce  général  répandait  en  Asie  des  proclama- 
tions dans  lesquelles  il  indiquait  son  itinéraire  par  Kiutahia  et  par  Brousse, 
et  déclarait  se  rendre  à  Scutari  afin  que  les  ulémas  eussent  h  pronon- 
cer entre  le  Grand-Seigneur  et  lui.  Il  écrivit  au  caïmacam  qu'il  avait 
l'intention  de  venir  prendre  ses  quartiers  d'hiver  à  Brousse,  et  presqu'en 
même  temps,  il  répondait  au  chargé  d'affaires  de  France  qu'il  ne  pourrait 
arrêter  la  marche  de  ses  troupes  avant  d'avoir  reçu  les  ordres  de  son  père. 
Cette  réponse  renouvela  les  perplexités  et  les  craintes  du  Sultan,  qui, 
cédant  encore  une  fois  k  leur  impression,  fit  prévenir  le  ministre  de 
Russie  qu'il  agréait  éventuellement  les  secours  oflerts  par  l'empereur 
Nicolas,  et  qu'il  désirait  que  ces  secours^  consistant  en  vingt  mille  hommes 
de  troupes  de  terre  et  cinq  mille  hommes  de  troupes  de  débarquement, 
outre  l'escadre  de  Sébastopol,  fussent  tenus  prêts  pour  qu'il  piit  les  récla- 
mer au  besoin.  Néanmoins,  Ibrahim-pacha  n'avait  pas  encore  quitté 
Koniéh,  et  le  chargé  d'aff  lires  de  France  venait  de  lui  adresser  de  nouveau 
l'invitation  de  s'y  arrêter  (30  janvier).  Mais  bientôt  après,  le  sultan, 
ayant  appris  que  l'armée  égyptienne  s'était  mise  en  marche,  réclama  avec 
instance  les  secours  russes,  malgré  les  efforts  que  firent  ses  ministres 
pour  l'engager  à  ne  rien  précipiter.  Cependant  Ibrahim,  d'après  l'ordre  de 
son  père,  s'était  arrêter  k  Kiutahia,  et,  en  l'annonçanl  au  divan,  ainsi 
qu'à  M.  de  Varennes,  il  expliqua  son  mouvement  sur  cette  ville  par  la 
nécessité  de  procurer  k  ses  troupes  le  bois  et  les  subsistances  qu'il  ne 
trouvait  pas  dans  le  district  de  Koniéh.  Le  retour  du  général  Mouraweff  et 
les  nouvelles  qu'il  apporta  d'Alexandrie  achevèrent  de  rassurer  la  Porte. 

M.  de  Mouraweff,  arrivé  le  7  février  à  Coastantinople,  annonça  au 
divan  que  Mehemed-Ali  prolestait  solennellement  de  sa  soumission  au 
Grand-Seigneur  et  de  sa  ferme  résolution  de  s'entendre  promptement  avec 
Ilalil-pacha  sur  les  bases  d'une  transaction.  Voici,  d'après  les  dépêches 

T.   II.  24 


:wO  Al'Pl'M)ICE 

du  consul  géuj^ral  de  France  à  Alexandrie,  de  quelle  manière  le  général 
Mou raweff  avait  rempli  la  mission  dont  il  était  chargé  près  du  paclia.  Sa 
conduite  et  son  langage,  dans  cette  grave  circonstance,  présentent  un  con- 
traste bien  rcmaïquable  avec  ce  qu'il  avait  annoncé  à  la  Porte  avant  son 
départ  de  Constanlinople,  aussi  bien  qu'avec  les  inslrcutions  dont  il  était 
porteur, 

M.  de  Moiiraweff,  dans  plusieurs  conférences  avec  le  pacha,  lui  avait 
exprimé  dans  les  termes  les  plus  obligeants,  et  sur  le  ton  le  plus  amical, 
le  désir  qu'éprouvait  l'empereur  de  Russie  de  voir  cesser  une  lutte  funeste 
à  la  tranquillité  de  l'empire  ottoman  :  il  avait  déclaré  que  Sa  Majesté 
impériale  qui,  plus  que  personne,  appréciait  les  nobles  sentiments  de 
Meheroed-Ali,  lui  saurait  gré  de  ce  qu'il  ferait  pour  hâter  une  réconci- 
liation avec  la  Porte.  Le  pacha  avait  répondu,  sur  le  même  ton  de  préve- 
nance et  d'amitié,  que  la  paix  était  aussi  son  plus  vif  désir;  qu'à  plusieurs 
reprises  il  avait  fait  des  offres  d'accommodement  à  la  Porte;  que  derniè- 
rement encore  il  lui  avait  transmis  les  propositions  les  plus  formelles  par 
l'organe  du  chargé  d'affaires  de  France;  M.  de  Mouraweff  avait  alors 
annoncé  que  ces  explications  lui  suffisaient;  que  la  mission  qu'il  était  venu 
remplir  à  Alexandrie  était  toute  de  conciliation; que  la  Russie  n'entendait 
pas  intervenir  par  la  force  dans  l'arrangement  d'une  querelle  de  famille, 
et  qu'elle  serait  satisfaite  que  cet  arrangement  eût  lieu,  soit  k  l'amiable 
entre  les  deux  parties  intéressées,  soit  par  l'entremise  de  la  France  si 
toutes  deux  le  jugeaient  convenable.  De  son  côté  Mehemed-Ali,  par  une 
conséquence  naturelle  des  dispositions  dont  il  se  montrait  animé,  et 
voulant  donner  à  M.  de  Mouraweff"  un  témoignage  personnel  de  considéra- 
tion, avait  signé  en  sa  présence  l'ordre  à  Ibrahim-pacha  de  s'arrêter  et 
de  cesser  les  hostilités;  mesure  qui  répondait  d'ailleurs  à  l'engagement 
que,  peu  de  temps  auparavant,  Meheuied-Ali  avait  renouvelé  vis-à-vis  du 
consul  général  de  France. 

Ce  résumé  serait  incomplet,  si  l'on  n'ajoutait  iciqu'au  moment  oii  M.  de 
Mouraweff  et  Mimaul  obtenaient  ces  importants  résultats,  le  consul  général 
d'Autriche  obéissant  à  des  instructions  récentes  qu'il  avait  reçues  de  l'in- 
lernouce,  et  ignorant  encore  le  caractère  des  entreliens  qui  venait  d'avoir 
lieu  entie  M.  de  Mouraweff  et  le  pacha,  adressait  à  Mehemed-Ali  une 
communication  officielle  qui  bien  qu'elle  tendît  au  mêmebutquelam.ssion 
de  l'envoyé  russe,  contrastait  toutes  fois  de  la  manière  la  plus  singulière, 
par  les  termes  dans  lesquels  elle  était  conçue,  avec  le  langage  que  cet 
envoyé  avait  tenu  au  vice-roi.  En  effet,  au  lieu  d'apporter  dans  cette  com- 
munication le  ton  amical  et  conciliant  dont  M.  de  Mouraweff  s'était  cons- 
tamment servi  dans  les  siennes,  ce  fuient  une  sommation  et  des  menaces 
que  M.  Acerbi  fit  entendre  au  nom  de  l'Autriche.  Aussi  comprend-on  sans 
peine  que  M.  Acerbi  n'ait  pus  eu  à,  se  féliciter  de  l'accueil  fait  à  sa  démar- 


APPF.NDICC  371 

che.  Il  faut  d'ailleurs  observer  que,  Û6'\h  même  avant  l'arrivée  de  M.  de 
MourawelT,  Mel)emeil-Aii  était  informé  de  la  mission  confiée  par  la  Porte 
cl  Ilalil-paclia.  Ce  plénipotentiaire  de  Sa  Ilautesse  débarqua  enéclivement 
en  l\L,'yple  le  21  janvier,  porteur  d'un  firman  par  lequel  le  Grand- 
Seigneur  |iardonnait  àMeliemed-Ali,  et  des  concessions  que  ce  monarque 
était  déterminé  à  lui  faire  pour  prix  de  la  paix,  lesquelles  consistaient  dans 
l'investiture  des  gouvernements  d'Acre,  de  Tripoli,  de  Naplouse  et  de 
Jérusalem.  Mehemed-Ali  accueillit  l'envoyé  de  la  Porte  avec  le  plus  vif 
empressement,  le  combla  d'égards  et  de  dictinctions,et  bientôt  la  plus  par- 
faite entente  régna  dans  les  négociations. 

Mais,  quant  aux  conditions  qui  lui  étaient  offertes,  le  pacha,  comme 
il  était  naturel  de  s'y  attendre,  ne  les  trouva  proportionnées  ni  aux  exi- 
gences qu'il  avait  mises  en  avant,  ni  surtout  h  l'étendue  de  ses  succès. 
Insistant  donc  sur  les  clauses  que  lui-même  avait  déjà  signées,  il  réclama 
de  nouveau  l'investiture  de  toute  la  Syrie  et  la  cession  du  district  d'Adana. 
Dès  le  li  février,  ces  bases  d'accomoderaent  étaient  convenues  avec  Halil- 
pacha,  qui  les  transmit  ii  Constantinople  ,  pour  être  soumis  à.  l'accep- 
tation du  divan. 

Après  le  retour  de  M.  de  Mouraweff  dans  cette  capitale,  tout  motif  d'en 
appeler  à  l'intervention  de  la  Russie  avait  dû  cesser  pour  la  Porte,  et  l'on 
conçoit  que  son  premier  soin  devait  être  de  contremaiider  l'envoi  des 
secours  précédemment  réclamés.  Le  réis-efendi  annonça,  le  14  février, 
au  chargé  d'affaires  de  France  que,  dans  ce  but,  un  Mf'nnoradum  allait 
être  remis  à  M.  de  Bouténeff.  Mais  il  ne  paraît  pas  qu'il  en  ait  été  ainsi, 
et  cet  incident  peut  s'expliquer  par  la  crainte  qu'inspiraient  au  divan  le 
séjour  d'Ibrahim  à  Kiutahia  et  les  proclamations  qu'il  continu:iit  à  répandre 
en  Asie.  La  Porte  fit  connaître,  en  effet,  aux  différentes  légations,  par 
une  noie  qu'elles  reçurent  le  18  février,  que  le  Grand-Saigneur  ayant 
accepté  les  secours  offert  par  la  Russie,  n'attendait  plus,  pour  y  renoncer, 
que  la  nouvelle  de  la  retraite  de  l'armée  égyptienne.  M.  le  vice-amiral 
Roussin,  arrivé  la  veille  à  Constantinople,  ayant  insisté  pour  obtenir  du 
réis-éfendi  une  entrevue  qui,  malgré  la  solennité  du  baïram  ,  et  contrai- 
rement à  loutes  les  traditions,  lui  fut  immédiatement  accordée,  pressa 
d'autant  plus  la  Porte  d'ex[)édier  à  Sébastopol  les  contre-ordres  néces- 
saii'es,  pour  arrêter  le  départ  de  l'escadre  russe,  qu'on  venait  alors  de 
recevoir  de  Malil-pacha  les  nouvelles  les  plus  rassurantes  sur  le  résultat 
de  sa  mission,  et  que  ses  informations  étaient  confirmées  par  les  dépêches 
de  M.  Mimaut.  M.  le  vice-amiral  Roussin  offrait  d'ailleurs  de  mettre  un 
bâtiment  à  la  disposition  du  gouvernement  turc  pour  être  expédié  à  Sé- 
bastopol, et  proposait,  en  outre,  de  le  charger  de  la  conclusion  de  la  paix 
entre  le  sultan  et  Meheraed-Ali.  Le  réis-efendi  avait  promis  de  convoquer 
immédiatement  ui:  divan  et  d'y  appuyer  ces  propositions,  et.  le  20  février. 


272  APPENDICE 

l'ambassadeur  du  roi  attendait  qu'on  lui  fit  connaître  le  résultat  des  déli- 
bérations qui  devaient  avoir  lieu,  lorsque  ce  jour-lh  même,  une  escadre 
russe  de  dix  bâtiments  de  guerre  entra  dans  le  Bosphore.  M.  le  vice- 
amiral  Roussin  fit  déclarer  aussitôt  à  la  Porte  que,  en  présence  d'un 
événement  qui  changeait  d'une  manière  si  notable  la  situation  de  cette 
dernière,  il  croyait  devoir  suspendre  le  débarquement  de  ses  bagages, 
jusqu'àce  qu'elle  eût  réclamé  l'éloigneraent  d'une  force  étrangère  qu'elle- 
même  avait  cessé  d'envisager  comme  nécessaire  h  sa  sûreté.  Peu  d'heures 
après,  le  Grand-Seigneur  fit  annoncer  au  baron  Pioussin  que,  dans  les 
graves  conjonctures  où  se  trouvait  la  Porte,  il  ne  croyait  pouvoir  mieux, 
faire  que  de  solliciter  l'appui  de  la  France,  de  s'en  remettre  à  sa  vieille 
et  constante  amitié  pour  l'empire  ottoman,  et  que,  si  l'ambassadeur  du 
roi  voulait  garantir,  au  nom  de  la  France,  la  conclusion  de  la  paix  avec 
Méhmed-Ali  aux  conditions  portées  à  ce  vézir  par  Halil-Pacha,  le  départ 
de  l'escadre  russe  serait  immédiatement  réclamé.  M.  le  vice-amiral  Roussin 
en  ayant  pris,  et  bientôt  après  signé  l'engagement,  la  Porte  adressa,  ,1e 
2Zj,  à  la  légation  de  Russie  une  note  officielle  où  il  était  dit  que  l'affaire 
d'Egypte  ayant  été  traitée  officiellement  avec  l'ambassadeur  de  France  et 
décidée  au  gré  de  la  Sublime-Porte,  celle-ci,  conformément  à  ce  qu'elle 
avait  annoncé  à  l'ambassadeur,  s'adressait  à  l'envoyé  de  Russie  pour  qu'il 
fit  repartir,  au  premier  vent  favorable,  les  bâtiments  russes  arrivés  dans  le 
canal.  De  son  côté,  le  vice-amiral  Roussin  venait  de  faire  partir  ses  aides- 
de-camp  ;  l'un  pour  le  camp  d'Ibrahim,  avec  ordre  de  lui  intimer  l'invi- 
tation de  rentrer  en  Syrie,  l'autre  pour  Alexandrie,  afin  d'insister  auprès 
de  Méhemed-Ali  sur  le  rappel  immédiat  de  son  armée,  et  sur  l'accep- 
tation des  condilions  de  paix  offertes  par  la  Porte . 

Le  gouvernement  du  roi  a  donné  son  approbation  à  la  conduite  de 
M.  le  vice-amiral  Roussin,  et  en  même  temps  qu'il  lui  en  a  fait  parvenir 
l'expression,  il  a  prescrit  au  consul  général  de  S.  M.  à  Alexandrie,  non 
seulement  d'appuyer  auprès  de  Meh:ned-Ali  les  notifications  de  l'ambas- 
sadeur, mais  encore  de  lui  donner  clairement  k  entendre  qu'au  besoin  ces 
notifications  pourraient  être  soutenues  par  la  force. 

L'exposé  qui  précède,  et  dans  lequel  on  s'est  attaché  à  présenter  les 
faits  avec  autant  de  netteté  que  d'impartialité,  indique  suffisamment 
la  ligne  de  conduite  suivie  par  la  France  dans  les  diverses  phases  de  la 
nouvelle  crise  à  laquelle  l'Orient  est  livré.  Arrêter  entre  la  Porte  et  le 
plus  puissant  de  ses  feudalaires  un  conflit  qui  menaçait  à  la  fois  l'exis- 
tence de  l'empire  ottoman  et  le  système  politique  de  l'Europe,  tel  a  été 
con.-tamment  l'objet  de  la  politique  et  des  efforts  de  la  France,  dont  les 
vues  à  cet  égard  se  trouvent  d'accord  avec  celles  des  autres  puissances. 
En  poursuivant  le  même  but  que  la  Russie,  elle  n'a  différé  d'opinion  avec 
le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  que  par  le  choix  des  moyens  a  employer. 


Al'PENniCIi  373 

A  ses  yeux,  une  raédialion  pacifique  entre  lesbelligérants  était  la  vraie, la 
plus  naturelle  et  la  plus  utile  ù  suivre  pour  conjurer  des  périls  imminents. 
Pour  la  Porte,  sans  compliquer  par  des  dangers  d'une  autre  nature  une 
situation  déjà  Irop  alarmante,  une  intervention  armée,  telle  que  la  Russie 
s'est  proposée  de  l'exercer,  ne  semblait  propre,  au  contraire,  qu'à  faire 
naître  de  nouveaux  et  graves  embarras,  par  la  raison  qu'elle  ne  pouvait  se 
concilier  avec  le  principe  de  l'indépendance  de  la  Porte  Ottomane  et  avec 
les  garanties  qui  s'y  rattachent  pour  l'Europe.  Sous  ce  rapport,  la  ques- 
tion, jusqu'alors  circonscrite  à  un  débat  de  famille  entre  la  Porte  et  l'un 
de  ses  vézirs,  s'étendait  à  l'Europe  et  venait  en  aflécter  les  intérêts.  C'est 
aussi  le  jugement  qu'en  a  porté  l'Angleterre,  lorsque  après  le  désastre  de 
Koniéh  et  l'acceptation  que  la  Porte  avait  faite  des  secours  de  la  Russie, 
le  cabinet  de  Londres  a  hâté  le  départ  de  son  ambassadeur  pour  l'Egypte, 
et  que,  en  envoyant  un  nouveau  consul  général  à  Alexandrie,  il  lui  a 
prescrit  de  faire  entendre  à  Mehemed-Ali  un  langage  analogue  à  celui  que 
lui  tenait  déjà  le  consul  du  roi. 

Aujourd'hui  que  les  événements  ont  mis  la  France  dans  le  cas  d'im- 
primer à  son  attitude  un  caractère  encore  plus  prononcé,  le  gouver- 
nement du  roi,  fidèle  aux  princi[)es  d'une  politique  prévoyante,  et  accep- 
tant rengagement  qui  vient  d'être  contracté  en  son  nom  vis-à-vis  de  la 
Porte  Ottomane,  est  déterminé  à  en  poursuivre  l'accomplissement,  et  si, 
contre  son  attente,  des  mesures  plus  énergiques  devenaient  nécessaires 
pour  achever  l'œuvre  de  la  pacification  entreprise  par  ses  soins,  la  France 
ne  reculerait  pas  devant  les  conséquences  de  la  position  qu'elle  a  prise. 

XIII.  —  Lettre    de  IM.    Nandeville    à    Ibraliim-pacha,  en    date  de 
Thérapia  le  2»  mars  1833  (lO  zUcadc  1S48). 

Général,  la  Sublime-Porte  m'a  informé  que  V.  A.  a  été  autorisée  à  ter- 
miner des  négociations  dont  a  été  chargé  Halil-pacha,  pour  faire  ces- 
ser les  hostilités  qui  n'ont  que  trop  longtemps  causé  la  désolation  dans 
le  cœur  de  l'empire  ottoman. 

Le  sultan  a  daigné  conférer  à  S.  A.  Mohammed-Ali  le  gouvernement  de 
toute  la  Syrie,  avec  les  villes  d'Alep  et  de  Damas,  et  l'amedji  Réchid-béy 
va  apporter  cette  concession  à  V.  A. 

Le  baron  de  Varennes,  ex-chargé  d'affaires  de  France,  a  été  chargé  par 
l'ambassadeur  de  France  d'accompagner  l'amedji,  et  d'exposer  à  V.  A. 
le  danger  auquel  vous  vous  exposeriez  en  irritant  la  France  par  un  refus 
de  conclure  la  paix  aux  conditions  qui  vous  sont  actuellement  offertes. 

Quant  à  la  Grande-Bretagne,  les  sentiments  du  gouvernement  de  S. 
M.  sont  aujourd'hui  trop  bien  connus  à  S.  A.  Mohammed-Ali  pour  qu'il 
ne  puisse  avoir  aucun  doute  sur  l'impression  qu'un  tel  refus  causerait  au 


37Ù  APPENDICE 

gouverneraPiil  britannique,  ainsi  que  sur  les  conséquences  inévitables  qui 
en  résulteraient. 

En  conseillant  conséquemment  à  V.  A.  la  prompte  acceptation  des 
conditions  honorables  et  avantageuses  qui  vous  ont  été  accordées,  je  vous 
engage  forlemeni  d'adopter  une  mesure  si  conforme  à  vos  intérêts  et  à 
ceux  de  S.  A.  le  pacha  d'Egypte. 

Je  profite  de  l'occasion,  etc. 

XIV.  —  Dépêche  (extrait)  de  M.  Mandeville  à   lord  Palmerston,  en 
date  de  Thérapia  le  31  mars  1833  (13  zilcadé  1%48). 

Les  dernières  nouvelles  d'Alexandrie  relativement  au  rejet  par  Moham- 
med-Ali des  conditions  du  sultan,  et  à  ses  préparatifs  pour  recommencer 
les  hostilités,  si  S.  H.  n'acceptait  pas  ses  propositions,  ont  déterminé  la 
Sublime-Porte  à  charger  le  réis-éfendi  de  conférer  avec  les  représentants 
dos  trois  grandes  puissances,  dans  le  but  de  connaître  leur  opinion  parti- 
culière au  sujet  des  moyens  les  plus  propres  à  écarter  les  dangers  qui 
menacent  de  faire  crouler  cette  empire. 

Le  27  de  ce  mois,  j'allais,  par  conséquent,  voir  le  réis-éfendi  qui  m'a 
dit  qu'il  m'avait  invité  à  me  rendre  chez  lui,  comme  aussi  les  représen- 
tants de  France  et  de  Russie,  pour  nous  informer  de  l'élal  actuel  du  diffé- 
rend entre  Mohammed-Ali  et  la  Porte,  et  pour  obtenir  de  nous  des  avis 
et  des  conseils  sur  les  mesures  qu'il  serait  nécessaire  que  la  Porte  adop- 
tât dans  ces  circonstances  critiques. 

Je  répondis  que  je  connaissais  trop  bien  mon  insuffisance  pour  donner 
un  avis  à  la  Sublime-Porte  dans  les  matières  ordinaires,  et  que  dans  celle 
conjoncture  je  pouvais  moins  encore  offrir  mes  conseils  à  S.  E.  ;  mais 
que,  si  elle  désire  mon  opinion  personnelle  sur  quelque  question  particu- 
lière, et  qu'elle  me  fît  l'honneur  de  me  la  demander,  je  serai  toujours 
heureux  d'adhérer  à  son  désir;  que  j'ai  été  très-peiné  en  apprenant  l'in- 
succès des  démarches  de  S.  E.  et  de  l'ambassadeur  de  France  pour  arri- 
ver à  arranger  le  différend  entre  la  Sublime-Porte  et  le  pacha  d'Egypte, 
ainsi  que  les  demandes  exorbitantes  de  territoire  faites  par  Mohammed- 
Ali,  et  qui,  d'après  les  informations  que  j'ai  eues,  sont  celles-ci,  savoir; 
toute  la  Syrie,  les  villes  de  Damas  et  d'Alep,  les  pachaliks  d'Adana  et 
d'itcheli,  et  les  portsde  Sélefkeh  et  d'Alaya.  S.  E.  m'assura  que  c'était 
vrai,  et  qu'il  n'a  pas  demandé  le  gouvernement  de  ces  provinces  comme 
une  faveur  qu'un  souverain  accorderait  à  un  sujet,  mais  qu'il  a  dit  à  l'a- 
medji,  au  départ  de  celui-ci  d'Alexandrie,  que,  si  ce  qu'il  a  demandé  ne 
lui  est  pas  immédiatement  accordé,  il  avait  enjoint  îi  son  fds  Ibrahim, 
qu'il  a  chargé  des  ncgociations,  de  marcher  avec  son  armée  sur  Goustan- 
tinople,  et  qu'il  l'obtiendra  par  la  force  des  armes.  «  Et  maintenant, 


.\I'1>K\DICK  375 

(i  s.  E. ,  en  s'adiossant  à  moi,  jo  vous  prip  de  me  dire  quelles  mesures 
«  pensez-vous  qu'il  serait  le  plus  convenable  d'adopter  dans  cet  état  de 
((  choses  ?  » 

J'iiésilai  h  donner  une  réponse  sur  un  sujet  de  cette  importance,  et 
j'assurai  à  S.  E.  que  j'aurais  la  pins  [grande  rcpuf^nance  à  adhérer  à  son 
désir,  si  je  devais  penser  que  la  conduite  ultérieure  de  la  Porte  pouvait 
être  ré^'lée  seulement  d'après  mon  opinion;  mais  avant  de  l'émettre,  je 
désirerais  savoir  au  juste  si  Mohammed-Ali  cherche  à  obtenir  ces  gou- 
vernements à  perpétuité,  on  bien  aux  mêmes  conditions  auxquelles  exer- 
cent le  pouvoir,  dans  les  autres  provinces  de  la  Turquie,  les  gouverneurs 
nommés  par  le  sultan.  Il  me  fut  répondu  que  c'était  aux  mêmes  conditions 
que  les  autres  pachas;  alors,  je  dis  que  mon  avis,  puisque  S.  E.  insiste  à 
.ce  que  je  le  lui  donne,  était  le  suivant  :  aussi  longtemps  qu'une  résistance 
avec  chance  de  succès  était  possible,  je  serais  la  dernière  personne  qui 
conseillerait  de  subir  les  demandes  de  Mohammed-Ali,  et  la  Sublime- 
Porte  seulement  peut  juger  si  les  moyens  qu'elle  possède  sont  sufiisants 
pour  empêcher  l'armée  éu'ypiienne  de  marcher  plus  en  avant  ;  si  cela  n'é- 
tait pas  possible,  je  pensais  que,  quelque  dure  que  serait  la  nécessité  de 
consentir  à  ces  demandes,  le  mal,  tout  grand  qu'il  est,  serait  cependant 
moindre  que  celui  de  faire  de  ce  pays  le  théâtre  d'une  longue  et  sanglante 
lutte,  et  de  mettre  en  danger  l'existence  de  cette  capitale.  i'^Iais  est-on  ré- 
duit à  ces  cruelles  extrémités?  N'y  aurait-il  pas  quelque  moyen  terme 
propre  k  prévenir  ces  calamités,  qui  se  fût  présenté  à  l'esprit  de  Son  Ex- 
cellence? 

Après  une  courte  pause,  le  réis-éfendi  dit  :  «  Quoique  je  ne  sois  pas  au- 
«  torisé  à  vous  le  déclarer,  je  crois  que  la  Sublime-Porte  ferait  un  grand 
«  sacrifice  pour  le  maintien  de  la  paix  et  de  la  tranquillité,  et  donnerait  à 
«  Mohammed-Ali  la  plus  grande  partie  du  territoire  qu'il  demande  ;  nous 
«  pourrions,  par  exemple,  ajouter  aux  concessions  déjà  faites  les  gouver- 
((  nements  d'Alep  et  de  Damas,  mais  non  pas  Adana  et  Itcheli  et  les  ports  ; 
«  nous  ne  pouvons  jamais  y  renoncer  ;  et  si  ces  propositions  sont  ap- 
«  puyéespar  l'ambassadeur  de  France  et  par  vous,  nous  pensons  qu'Ibra- 
«  him-pacha,  que  son  père  a  chargé  des  négociations,  osera  à  peine  de 
((  se  refuser  à  les  accepter;  je  vous  prie,  par  conséquent,  de  voir  l'am- 
((  bassadeur  de  France,  de  conférer  avec  lui  sur  ces  pro|)Ositions  et  de 
«  vous  charger  de  cette  affaire  ;  je  ne  demande  pas  ni  à  S.  E.  ni  à  vous 
«  de  vous  rendre  auprès  d'ibrahira-pacha,  mais  il  me  semble  que  S.  E.  ne 
((  doit  pas  avoir  de  difficulté  à  lui  envoyer  l'ex-chargé  d'affaires,  M.  de 
((  Varennes,  qui,  en  faisant  cette  dernière  offre,  l'appuyerait  par  un  langage 
«  et  par  des  explications  touchant  les  sentiments  de  l'Angleterre  et  de  la 
((  France  pour  ce  pays  qui  seront  les  plus  propres  à  engager  Ibrahim- 
«  pacha  de  terminer  les  négociations  à  ces  conditions,  et  moi,  je  deman- 


376  APPENDICE 

«  derai  l'autorisalion  du  gouvernement  d'envoyer  radmedji  et  le  prince 
((  Vogoridi  pour  demander  k  S.  E.  sa  résolution  définitive  sur  cet  objet.  » 
J'acceptai  cette  proposition  et  je  promis  d'employer  tous  mes  ofïerls 
pour  induire  l'amiral  Roussin  à  y  consentir. 

En  retournant,  le  lendemain,  à  Tliérapia,  je  vis  l'ambassadeur  de  France, 
et  j'exposai  à  S.  E.,  en  détail,  les  propositions  du  réis-éfendi.  L'ambas- 
sadeur me  dit  qu'il  était  très-disposé  k  les  adopter  ;  qu'il  sera  charmé  de 
voir  M.  Vogoridi  et  l'amedji  pour  cette  affaire;  que  nous  pouvions  prépa- 
rer nos  lettres  à  Ibrahim-pacha,  et  que  M.  de  Varennes  serait  immédiate- 
ment expédié  au  quartier-général  de  l'armée  égyptienne. 

Le  29,  l'amedji  et  le  prince  Vagoridi  vinrent  chez  l'ambassadeur  de 
France  àThérapia,  et  il  fut  convenu  que  M.  de  Varennes  accompagnerait 
l'amedji  à  Kiutaya,  ou  k  tel  endroit  où  se  trouve  le  quartier-général  d'Ibra-  • 
him-pacha,  et  qu'il  serait  chargé  d'appuyer  les  négociations  du  plénipo- 
tentiaire turc  avec  Ibrahim-pacha,  et  de  déclarer  que  S.  A.  ne  doit  jamais 
s'attendre  au  consentement  de  la  France  k  la  cession  despachaliks  d'A- 
danaet  d'Itcheli,  avec  les  ports  de  Sélefkeh  et  d'Alaya,  et  que  le  gouver- 
nement français  serait  gravement  offensé  si  elle  se  refusait  k  conclure  la 
paix  aux  conditions  que  lui  offre  aujourd'hui  le  sultan,  savoir:  le  gouver- 
nement de  toute  la  Syrie  avec  les  villes  d'Alep  et  de  Daiuas. 

M.  de  Varennes  a  été  muni  aussi  d'une  lettre  de  ma  part  pour  Ibrahim- 
pacha,  où  j'informe  S.  A.  que  l'amedji  est  le  porteur  du  hatti-chérif  de 
la  concession  des  pachaliks  de  Syrie;  que  M.  de  Varennes  a  été  chargé 
par  l'ambassadeur  de  France  de  signaler  k  S.  A.  le  danger  auquel  il  s'ex- 
poserait en  indisposant  le  gouvernement  par  son  refus  de  conclure  la  paix 
k  ces  conditions,  et,  quant  au  gouvernement  de  S.  M.,  que  ses  sentiments 
sont  trop  bien  connus  k  Mohammed-Ali  pour  lui  laisser  le  moindre  doute 
au  sujet  de  l'impression  qu'un  tel  refus  produirait  sur  l'esprit  des  minis- 
tres de  Sa  Majesté.  T'ai  insisté  conséquemmenl  sur  la  prompte  acceptation 
de  ces  conditions  comme  étant  le  parti  le  plus  avantageux  pour  ses  inté- 
rêts et  ceux  de  son  père.  J'ai  l'honneur  de  transtnettre  ci-inclus  unecopie 
de  cette  lettre. 

L'amedji  et  M.  de  Varennes  ont  quitté  Constantinople.  Ils  ont  été,  par 
mer,  k  Moudania,  d'où  ils  se  rendront  ensemble  au  quartier-général  d'I- 
brahim-pacha. On  pourra  avoir  de  leurs  nouvelles  du  5  au  6  du  mois  pro- 
chain environ. 


X1^  —  Dépêche  (extrait)  de   M.  Itlande-ville    ù.  lord   Palmerston,  en 
date  du  15  avril  1833  (SO  zilcadé  1348). 

M.  de  Varennes  m'ainformé  que  Ibrahim-pacha,  lorsqu'il  lui  a  demandé 
une  réponse  k  la  lettre  qu'il  avait  apportée  de  ma  part  k  Son  Altesse,  lui 


APPFNDICE  377 

a  répondu  :  «  Ma  retraite  est  la  nieilieure  réponse  qne  je  puisse  faire  où 
que  vous  puissiez  apporter  au  ministre  d'Angleterre.  » 


XTI.—Tevdjiliat  (extrait)  publié  le  15  avril  18»3  (2G  zilcadé  1248). 

Les  eyalets  de  Natolie,  de  Sivas  et  d'Adana,  ainsi  que  les  sandjacs  de 
Brousse,  etc.,  etc.,  étant  placés  sous  la  dépendance  du  trésor  des  fer- 
mes de  l'empire,  et  devant  être  gérés  par  la  direction  de  la  monnaie,  il 
n'y  a  pas  lieu  à  pourvoir  aux  fonctions  supérieures  do  ces  provinces. 

Eyaîets  Noms  des  pachas. 

Abyssinie,  avec  lesandjacde  Djidda 
et  le  Cliéikliul-Naremlik  (admi- 
nistration des  fonds  pieux  atfec- 
tés  à  l'entretien  du  temple)  de  la 
Mecque Ibrahim-Pacha,  confirmé. 

Damas,  avec  la  cliarge  de  conduire 
les  pèlerins  iila  Mecque Halil-Rifat-pacha,  nommé. 

Egypte Moharamed-Ali-pacha,  confirmé. 

Alep Mohammed-Ali-pacha,  confirmé. 

Safet,  Saïd  et  Béirout Moliammed-Ali-pacha,  confirmé. 

Tripoli  de  Syrie Mohammed-Ali-pacha,  confirmé. 

Crète,  avec  le  commandement  mi- 
litaire de  la  forteresse  de  Candie.     Mohammed- Ali-pacha,  confirmé. 

Jérusalem,  Naplouse Moharamed-Ali-pacha,  confirmé. 

La  Canée  et  Rétymo,  avec  le  com- 
mandement militaire  de  ces  for- 
teresses      Moharamed-Ali-pacha_,  confirmé. 

Alaya , Halil-Rifaat-pacha,  confirmé. 

Ilchil Youssouph-pacha,  nommé. 

XVII.  —   Dépèche  (extrait)  de  M.  Mandeville  à  lord  Palnicrston,  en 
date  de  Thcrapia  le  4  mai  1833  (15  zilhidjé  1248). 

J'ai  l'honneur  d'informer  V.  S.  que  le  sultan  a  gracieusement  accordé, 
hier,  h  Ibrahim-Pacha  l'administration  du  pachalik  d'Adana,  en  le  nom- 
mant mouhassil  ou  receveur  des  revenus  de  la  couronne  dans  ce  district, 
et  qu'il  a  rehaussé  le  prix  de  cette  faveur  en  envoyant  à  Ibrahim,  pour 
ui  faire  cette  communication,  un  fonctionnaire  du  divan,  homme  de 
marque  et  frère  du  ministre  de  l'intérieur. 


378  APPE^DICE 

XVIII.  —  Firman  dé  la  SablîmC-Porte  anx  fonctionnaires  de  l'Ana- 
tolie,  en  date  dn  5  mai  1833  (16  zilliidjé  1S48). 

Les  assurances  de  fidélité  et  de  dévouement  que  m'ont  données,  en 
dernier  lieu,  le  gouverneur  d'Égyple  Méhémed -Ali-pacha  et  son  fils  Ibra- 
him ayant  été  agréées,  je  leur  ai  accordé  ma  bienveillance  impériale. 
Les  gouvernements  de  la  Crète  et  d'Egypte  ont  été  confirmés  à  Mélié- 
med-Ali.  Par  égard  pour  sa  demande  spéciale,  Je  lui  ai  accordé  les  dépar- 
lements de  D;iraas,  Tripoli  de  Syrie,  Saïda,  Safad,  Alep,  les  districts  de 
Jérusalem  et  de  Naplouse,  avec  la  conduite  des  pèlerins  et  le  commande- 
ment du  Tcherdé.  Son  fils  Ibrahim-pacha  a  eu  de  nouveau  le  titrede  cheïkh- 
ul-harem  de  la  Mekke  et  le  district  de  Djedda;  j'ai,  en  outre,  acquiescé  à 
la  demande  qu'il  m'a  faite  du  département  d'Adana,  régi  par  le  trésor  des 
Fermes,  à  titre  de  mohassil. 

D'après  l'équité,  l'humanité  et  la  clémence  dont  Dieu  m'a  doué,  j'or- 
donne à  qni  de  droit,  dans  les  diverses  parties  de  l'Anatolie,  de  ne  jamais 
rechercher  pour  le  passé  les  habitants  et  le?  notables,  et  d'oublier  les  évé- 
nements antérieurs.  Vous,  de  votre  côté,  vous  annoncerez  mes  généreuses 
dispositions  envers  tous  ceux  qui  se  trouvent  placés  sous  votre  autorité; 
vous  tâcherez  de  rassurer  les  esprits  à  ce  sujet,  et  vous  travaillerez  à  ob- 
tenir des  prières  pour  mon  auguste  personne,  c'a  la  part  du  peuple,  qui 
est  un  dépôt  de  Dieu  entre  mes  mains. 

C'est  afin  de  vous  en  informer  qu'à  paru  le  présent  firman,  conformé- 
ment à  mon  hatti-chérif.  Vous  ferez  donc  connaître  h  qui  de  droit  ma 
volonté  souveraine;  vous  tranquilliserez  les  habitants  et  vous  obtiendrez 
d'eux  des  prièi  es  pour  moi.  Ayez  soin  de  vous  y  conformer,  sans  permettre 
que  personne  soit  molesté,  contrairement  à  mes  intentions  suprêmes. 

XIX.  —  Lettre  d'Ibrahim-paclia  i\  Mahmoud  II,  en  date  mi- 
mai 1833  (fin-zilhidjé  1348). 

Mon  souverain,  le  très-majestueux,  très-magnanime,  très-redoutable, 
très-puissant,  très-grand  padichah,  notre  bienfaiteur  et  le  bienfaiteur  des 
liorames! 

Que  Dieu  accorde  à  Votre  Hautesse  une  vie  sans  fin,  et  fasse-t-il  de 
l'ombre  auguste  de  Votre  Hautesse  un  dais  pour  tous  les  hommes  et  pour 
mon  humble  tête  en  particulier! 

Par  un  effet,  sire,  de  vos  bontés  inépuisables,  vous  avez  daigné  m'ac- 
corder  gracieusement  le  gouvernement  d'Adana  comme  mohassilik. 

Rappelé  à  la  vie  par  cette  nouvelle  faveur  de  Votre  Hautesse,  le  temps 
de  ma  faible  existence  sera  consacré  en  entier  à  former  des  vœux  pour  la 


Af'F'ENDICE  379 

longue  durée  de  ses  jours  et  de  son  règne.  Mon  cœur  étant  pénétré  d'un 
sentiment  de  félicité,  je  n'ai  d'autre  désir  (et  Dion  m'en  est  témoin),  que 
d'agir  désormais  de  manière  h  mériter  les  hauts  sulTrages  de  Votre  Hau- 
tesse,  aussi  bien  que  d'avoir  les  occasions  de  lui  rendre  mes  services.  Et 
c'est  pour  lui  exprimer  ma  i  econnaissance  et  lui  rendre  de  très-liumhles 
actions  de  grâces,  que  j'ose  déposer  celte  humble  requête  au  pied  du  trône 
du  Irès-niajcstuGux,  très-gracieux,  très-redoutable,  très-puissant,  très- 
grand  padichali,  notre  auguste  maître  et  bienfaiteur,  le  bienfjiiteur  de  tous 
les  hommes. 


80  QUESTION  GRECQUE 


QUESTION   GRECQUE 

1829-1835  (13'j5.1251) 


DÉCLARATION  de  la  Suhlime-Porte  remise  aux  représentants  français  et  anglais, 

en  date  du  9  septembre  1829  (10  rébiul-éwel  1265). 
NOTE  des  représentants  français,  anglais  et  russe  à  la  Sublime-Porte,  en  date 

du  8  avril  1830  (15  chéival  12 A5). 
NOTE  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  français,  anglais  et  russe,  en  date 

du  llx  avril  1830  (1  zilcadé  12^5). 
ARRANGEMENT  entre  la  Sublime-Porte  et  les  représentants  français,  anglais  et 

russe,  en  date  du  21  juillet  1832  (23  sa  fer  1248). 
PROTOCOLE  en  date  du  21  juillet  1832  (23  sdfer  12^8). 
PROTOCOLE  en  date  de  LoJidres  le  30  août  1832  (3  rébiul-éivel  12û8). 
NOTE  delà  Sublime-Porte  aux  représentants  français,  anglais  et  russe,  en  date 

du  26  décembre  1832  (3  châban  12Zi8). 
NOTE  des  représentants  français,  anglais  et  russe  à  la  Sublime-Porte,  en  date 

du  7  décembre  1835  (16  châban  1251). 
NOTE  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  français^  anglais  et  russe,  en  date 

du  15  décembre  1835  (2Zi  châban  1251). 


APPENDICE 


I.  Note  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  France  et  de  la 

Grande-Bretagne,  en  date  du  15  août  1829  {\!x  sa  fer  12Z|5). 
IL  Article  1 0'  du  traité  de  paix  entre  la  Sublime-Porte  et  la  Russie, 

en  date  d'Andrinople  le  ilx  septembre  1829   (16  rébiul-éwel 

12Z|5), 
III.  Article  T  du  traité  d'alliance  entre  la  Sublime-Porte  et  la  Russie, 

en  date  du  8  juillet  1833  (20  sa  fer  1249). 


DECLABATIOX 

remise   par  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  France  et  de  la  Grande-Bretagne, 
eu  date  du  9  septembre  1829  (lO  nîbiul-éwel  12/i5). 

La  Sublime-Porte  déclare  que,  ayant  déjà  adhéré  au  traité  de 
Londres,  elle  promet  et  s'engage  de  plus  aujourd'hui,  vis-à-vis  des 


QUESTION  GRECQUE  381 

représentants  des  puissances  signataires  dudit  traité,  à  souscrire 
entièrement  à  toutes  les  déterminations  que  prendra  la  conférence 
de  Londres  relativement  à  son  exécution. 

Le  10  rébiul-ewel  12Zi5. 


XOTE 


des  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  Russie  à  la  Sublime-Porte, 
en  date  du   S  avril  1830  (15  chûwal  l'2!i5). 

Constantinople  le  8  avril  1830. 

Les  soussignés,  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne 
et  de  Russie,  ont  reçu  de  leurs  cours  respectives  l'ordre  de  notifier 
à  la  Sublime-Porte  les  résolutions  qu'elles  ont  arrêtées  en  commun 
relativement  à  la  Grèce. 

Avant  d'entrer  dans  le  détail  de  ces  résolutions,  les  soussignés 
rappelleront  sommairement  ici  les  vues  qui  ont  motivé  l'alliance  des 
trois  cours  entr'elles.  Remplir  un  devoir  impérieux  d'humanité  en 
mettant  un  terme  aux  troubles  qui  désolaient  ces  contrées  malheu- 
reuses ;  rendre  au  commerce  et  à  la  navigation  la  sécurité  qu'ils 
avaient  perdue  ;  préserver  l'Europe  d'une  conflagration  dentelle 
était  incessamment  menacée  par  la  durée  d'un  état  de  choses  incom- 
patible avec  son  repos  ;  asseoir  dès  lors  la  paix  sur  de  si  fortes  bases 
qu'il  ne  restât  à  l'avenir  que  le  moins  de  chances  possible  pour  la 
troubler  de  nouveau;  et  consolider  enfin  l'existence  même  de  l'em- 
pire ottoman  ;  telles  ont  été  les  vues  qui  ont  invariablement  dirigé 
les  trois  hautes  puissances,  vues  auxquelles  dans  ces  derniers  temps 
la  Sublime-Porte  elle-même  a  senti  la  nécessité  de  souscrire,  et  qui 
ont  dicté  aux  alliés  les  résolutions  que  les  soussignés  vont  avoir 
l'honneur  de  lui  faire  connaître. 

1.  La  Grèce  lormera  un  état  indépendant,  et  jouira  de  tous  les 
droits  politiques,  administratifs,  commerciaux,  attachés  à  une  indé- 
pendance complète. 

2.  En  considération  de  ces  avantages  accordés  au  nouvel  état,  et 
pour  déférer  au  désir  qu'a  exprimé  la  Porte  d'obtenir  la  réduction 
des  frontières  fixées  par  le  protocole  du  22  mars,  la  ligne  de  dé- 
marcation des  limites  de  la  Grèce  partira  de  l'embouchure  du  fleuve 


382  QUESTION  GHECQUE 

Aspropotamos,  remontera  ce  fleuve  jusqu'à  la  hauteur  du  lac  d'An- 
ghélocastro,  et  traversant  ce  lac,  ainsi  que  ceux  de  Vrachori  et  de 
Saurovitza,  elle  aboutira  au  mont  Artotina,  d'où  elle  suivra  la  crête 
du  Mont  Oxas,  la  vallée  de  Calouri  et  la  crête  du  Mont-OEta,  jus- 
qu'au golfe  de  Zéïtoun,  qu'elle  atteindra  à  l'embouchure  du  Sper- 
chius. 

Tous  les  territoires  et  pays  situés  au  sud  de  cette  ligne,  que  la 
conférence  a  indiqués  sur  la  carte  ci-jointe  (sub.  Lit.  F.)  appartien- 
dront à  la  Grèce;  et  tous  les  pays  et  territoires  situés  au  nord  de 
cette  même  ligne  continueront  à  faire  partie  de  l'empire  ottoman. 

Appartiendront  également  à  la  Grèce  l'île  de  Nègrepont  toute  en- 
tière, avec  les  îles  du  Diable  et  l'île  Skyro,  et  les  îles  connues  an- 
ciennement sous  le  nom  de  Cyclades,  y  comprise  l'île  d'Amorgo, 
situées  entre  le  36"=  et  le  39ulegré  de  latitude  nord,  et  le  26'  de  lon- 
gitude est,  du  méridien  de  Greenwich. 

3.  Le  gouvernement  de  la  Grèce  sera  monarchique,  et  hérédi- 
taire par  ordre  de  primogéniture.  Il  sera  confié  à  un  prince  qui  ne 
pourra  pas  être  choisi  parmi  ceux  des  familles  régnantes  dans  les 
états  signataires  du  traité  du  6  Juillet  1827,  et  portera  le  titre  de 
Prince  Souverain  de  la  Grèce.  Le  choix  de  ce  prince  fera  l'objet  de 
communications  et  de  stipulations  ultérieures. 

à.  Aussitôt  que  les  clauses  du  présent  protocole  auront  été  por- 
tées à  la  connaissance  des  parties  intéressées,  la  paix  entre  l'em- 
pire ottoman  et  la  Grèce  sera  censée  rétablie  ipso  facto,  et  les  sujets 
des  deux  états  seront  traités  réciproquement,  sous  le  rapport  des 
droits  de  commerce  et  de  navigation,  comme  ceux  des  autres  états 
en  paix  avec  l'empire  ottoman  et  la  Grèce. 

5.  Des  actes  d'amnistie  pleine  et  entière  seront  immédiatement 
publiés  par  la  Porte  ottomane  et  par  le  gouvernement  grec. 

L'acte  d'amnistie  de  la  Porte  proclamera  qu'aucun  Grec,  dans 
toute  l'étendue  de  ses  domaines,  ne  pourra  être  privé  de  ses  pro- 
priétés, ni  inquiété  aucunement,  à  raison  de  la  part  qu'il  aura  prise 
à  l'insurrection  de  la  Grèce.  L'acte  d'amnistie  du  gouvernement 
grec  proclamera  le  même  principe  en  faveur  de  tous  les  musulmans 
ou  chrétiens  qui  auraient  pris  parti  contre  sa  cause  ;  et  il  sera  de 
plus  entendu  et  publié  que  les  musulmans  qui  voudraient  continuer 
à  habiter  les  territoires  et  îles  assignés  à  la  Grèce,  y  conserveront 
leurs  propriétés,  et  y  jouiront  invariablement,  avec  leurs  familles, 
d'une  sécurité  parfaite. 


QURSTION  GUIiCOUK  383 

6.  La  Porte  ottomane  accordera  à  ceux  de  ses  sujets  grecs  qui 
désireraient  quitter  le  territoire  turc  un  délai  d'un  an  pour  vendre 
leurs  propriétés,  et  sortir  librement  du  pays. 

Le  gouvernement  grec  laissera  la  même  faculté  aux  habitants  de 
la  Grèce  qui  voudraient  se  trans[)orter  sur  le  territoire  turc. 

7.  Toutes  les  forces  grecques  de  terre  et  de  mer  évacueront  les 
territoires,  places  et  îles  qu'elles  oecupent  au  delà  de  la  ligne  assi- 
gnée aux  limites  de  laGrè^e  dans  le  §  2,  et  se  retireront  derrière 
cette  même  ligne  dans  le  plus  bref  délai.  Toutes  les  forces  turques 
de  terre  et  de  mer  qui  occupent  des  territoires,  places  ou  îles,  com- 
pris dans  les  limites  mentionnées  ci-dessus,  évacueront  ces  îles, 
places  et  territoires,  et  se  retireront  derrière  lesdites  limites,  et 
pareillement  dans  le  plus  bref  délai. 

8.  Chacune  des  trois  cours  conservera  la  faculté,  que  lui  assure 
l'art  VI.  du  traité  du  6  juillet  1827,  de  garantir  l'ensemble  des 
arrangements  et  clauses  qui  précèdent.  Les  actes  de  garantie,  s'il 
y  en  a,  seront  dressés  séparément.  L'action  et  les  effets  de  ces 
divers  actes  deviendront,  conséquemment  à  l'article  susdit,  l'objet 
de  stipulations  ultérieures  des  hautes-puissances. 

Aucune  troupe  appartenant  à  l'une  des  trois  puissances  contrac- 
tantes ne  pourra  entrer  sur  le  territoire  du  nouvel  état  grec,  sans 
l'assentiment  des  deux  autres  cours  signataires  du  traité. 

9.  Afin  d'éviter  les  collisions  qui  ne  manqueraient  pas  de  résul- 
ter, dans  les  circonstances  actuelles,  d'un  contact  entre  les  commis- 
saires démarcateurs  ottomans,  et  les  commissaires  démarcateurs 
grecs,  quand  il  s'agira  d'arrêter  sur  les  lieux  le  tracé  des  frontières 
de  la  Grèce,  il  est  convenu  que  ce  travail  sera  confié  à  des  commis- 
saires britannique,  français  et  russe,  et  que  chacune  des  trois 
cours  en  nommera  un.  Ces  commissaires,  munis  d'une  instruction, 
qui  se  trouve  ci-jointe  sub  Lit.  G,  arrêteront  le  tracé  desdites  fron- 
tières, en  suivant,  avec  toute  l'exatitude  possible,  la  hgne  indiquée 
dans  le  §2,  marqueront  cette  ligne  par  des  poteaux,  et  en  dresse- 
ront deux  cartes,  signées  par  eux,  dont  l'une  sera  remise  au  gou- 
vernement ottoman,  et  l'autre  au  gouvernement  grec. 

Ils  seront  tenus  d'achever  leurs  travaux  dans  l'espace  de  six 
mois.  En  cas  de  différence  d'opinion  entre  les  trois  commissaires,  la 
majorité  des  voix  décidera. 

Après  avoir  ainsi  rég'é  le  mode  d'existence,  et  l'étendue  du  nou- 
vel état  grec,  ainsi  que  la  nature  de  ses  rapports  avenir  avec  l'em- 


38a  QUESTIOJJ  GI\ECQUE 

pire  ottoman,  les  cours  alliées  ont  dû  s'occuper  du  choix  du  sou- 
verain qu'il  convenait  de  placer  à  sa  tête. 

Elles  ont  reconnu  que  S.  A.  le  prince  Léopold  de  Saxe-Gobourg 
offrait  à  la  Grèce,  à  la  Sublime-Porte,  et  à  l'Europe  entière,  toutes 
les  garanties  que  l'on  devait  désirer  dans  une  question  de  cette 
importance.  Elles  lui  ont  donc  offert,  sous  les  conditions  énumérées 
dans  les  trois  paragraphes  ci-dQssus,  le  gouvernement  du  nouvel 
état  grec,  avec  le  titre  de  prince  souverain  de  la  Grèce,  qui  passe- 
rait héréditairement  à  ses  descendants.  S.  A.  Royale  s'est  rendue  à 
leurs  vœux. 

Les  soussignés,  au  début  de  la  présente  note,  ont  rappelé  les 
vues  qui  n'ont  jamais  cessé  de  présider  aux  délibérations  des  cours. 
Les  déterminations  qu'elles  ont  finalement  adoptées  sont  d'accord 
avec  ces  vues  :  ce  serait  en  vain  que  l'on  objecterait  que  l'alliance 
a  pa  varier  quelquefois  dans  ce  qui  lui  semblait  pouvoir  conduire 
au  but  de  ses  efforts.  Elle  a  dû  marcher  avec  le  temps,  reconnaître 
les  nécessités  qu'il  entraînait  à  sa  suite,  et  se  régler  en  définitive 
sur  ce  que  l'expérience  la  mieux  démontrée,  la  raison  la  plus  pré- 
voyante, lui  faisaient  une  loi  d'accueillir.  En  lui  reconnaissant  la 
mission  de  pacifier  la  Grèce,  la  Sublime-Porte  n'a-t-elle  pas  sanc- 
tionné d'avance  toute  les  résolutions  qui  seraient  les  conséquences 
des  grands  principes  proclamés  par  les  cours  V  11  lui  sera  d'ailleurs 
aisé  de  se  convaincre,  par  un  examen  réfléchi  de  celles  dont  les 
soussignés  lui  ont  donné  plus  haut  communication,  que  dans  leur 
sollicitude  pour  elle,  les  cours  ont  accordé  à  ses  vrais  intérêts  toute 
la  part  dont  l'intérêt  général  de  l'Europe  leur  permettait  de  dispo- 
ser en  sa  faveur.  C'est  ainsi  que  si  la  Sublime-Porte  doit  céder  l'île 
de  Nègrepont  et  les  places  qu'elle  possède  dans  la  Grèce  orientale, 
elle  recouvre,  en  revanche,  la  Grèce  occidentale,  et  conserve,  au 
nord  de  CAspropotamos,  du  mont  Oxas,  et  du  mont  OË^«,des  terri- 
toires précédemment  assignés  aux  Grecs.  La  Sublime-Porte  ne  saurait 
oublier  en  outre,  que  l'alliance  impose  à  ces  derniers  l'obligation 
de  renoncer  à  l'île  de  Samos,  et  a  la  partie  de  celle  de  Candie  où 
jusqu'à  présent  ils  se  maintiennent. 

Les  cours  alliées  ont  par  là  répondu,  autant  qu'il  leur  était  pos- 
sible de  le  faire,  au  vœu  qu'avait  exprimé  la  Sublime-Porte,  pour 
que  la  délimitation  du  nouvel  état  grec  ne  s'étendît  pas  aussi  loin 
qu'on  se  l'était  proposé  d'abord;  et  si,  d'autre  part,  elles  ont  pris 
la  détermination  d'accorder  à  la  Grèce  une  indépendance  complète, 


QUESTION  GRECQUE  385 

si  elles  ont  définitivement  écarté  les  questions  de  tribut  et  d'indem- 
nité pécuniaire,  c'est  que  l'épuisement  de  la  Grèce  aurait  soumis  à 
d'incalculables  diflicullés  l'accomplissement  de  ces  conditions  ;  c'est 
que  les  rapports  qui  en  seraient  résultés  entre  les  deux  pays  n'au- 
raient pu  qu'amener  de  fâcheux  diirérends,  des  collisions  fréquentes, 
et,  selon  toute  apparence,  desinterventions  sans  fin;  l'alliance  n'a 
donc  consulté  dans  ses  décisions  que  le  bien  réel  de  l'empire  otto- 
man et  de  la  Grèce,  la  nécessité  d'assurer  la  paix  du  Levant,  et  le 
devoir  impérieux  de  prévenir  le  retour  de  complications  qui  mena- 
ceraient de  nouveau  la  paix  de  l'Europe. 

Il  est  presque  superflu  d'ajouter  que  les  cours  alliées  ne  sauraient 
tolérer  aucun  empiétement,  aucune  entreprise  du  nouvel  état  grec 
sur  l'empire  ottoman.  Sous  ce  rapport,  le  choix  du  prince  qui  va 
gouverner  la  Grèce,  son  caractère  et  ses  principes,  ofirent  à  la 
Sublime-Porte  de  puissants  motifs  de  sécurité.  C'est  une  garantie 
que  les  cours  lui  présentent  avec  confiance;  car  elles  n'en  connais- 
sent pas  de  meilleure  pour  elles-mêmes;  elles  n'en  connaissent  pas 
qui  puisse  contribuer  à  maintenir  entre  l'empire  ottoman  et  la 
Grèce  cette  paix  dont  tous  leurs  vœux  appellent  l'établissement  et 
la  conservation. 

Les  soussignés  sont  encore  chargés  par  elles  de  fixer  sur  un  objet, 
qu'elles  ont  vivement  à  cœur,  l'attention  du  gouvernement  de  Sa 
Hautesse;  ainsi  qu'il  l'ont  observé  déjà,  les  îles  de  Samos  et  de  Can- 
die doivent  rester  sous  la  domination  de  la  Porte,  et  être  indépen- 
dantes de  la  nouvelle  puissance  qu'il  a  été  convenu  d'établir  en 
Grèce;  toutefois  les  cours,  en  vertu  des  engagements  qu'elles  ont 
contractés  d'un  commun  accord,  se  croyent  tenus  d'assurer  aux 
habitants  de  Candie  et  de  Samos  une  sécurité  contre  toute  réaction 
quelconque,  à  raison  de  la  part  qu'ils  auraient  prise  aux  événements  _ 
antérieurs,  et  c'est  cette  sécurité  qu'elles  réclament  pour  eux  de  la 
Sublime-Porte,  en  lui  demandant  de  la  baser  sur  des  règlements 
précis  qui,  rappelant  leurs  anciens  privilèges  où  leur  accordant 
ceux  que  l'expérience  aurait  prouvé  leur  être  nécessaires,  offriraient 
à  ces  populations  une  protection  efficace  contre  des  actes  arbitraires 
et  oppressifs.  Les  trois  cabinets  se  plaisent  à  croire  que  dans  sa 
sagesse  éclairée,  la  Sublime-Porte  se  convaincra  elle-même  que,  at- 
tendu les  rapports  de  proximité  et  de  religion  qui  unissent  les  Grecs 
de  Samos  et  de  Candie  aux  sujets  du  nouvel  état,  une  administration 

T.  II.  26 


386  QUESTION  GRFXQUE 

équitable  et  douce  est  le  moyen  le  plus  certain  d'y  maintenir  sa 
domination  sur  des  bases  inébranlables. 

Les  soussignés  viennent  d'exposer  à  la  Sublime-Porte  ce  qu'ils 
avaient  l'ordre  de  lui  communiquer  au  nom  des  trois  cours;  elle 
appréciera,  ces  cours  du  moins  l'espèrent,  et  l'impartialité  qui  a 
dicté  leurs  décisions,  et  les  impérieux  motifs  qui  ne  leur  permettent 
pas  de  laisser  plus  longtemps  indécise  la  pacification  complète  du 
Levant.  Les  alliées  s'attendent  à  la  voir  adhérer  franchement  à  ces 
décisions;  ils  s'attendent  à  ce  qu'elle  fera  hautement  proclamer,  sans 
retard,  l'entière  cessation  des  hostilités,  à  ce  qu'elle  exécutera  égale- 
ment de  suite,  en  ce  qui  la  concerne,  les  dispositions  énoncées  dans 
la  présente  note,  et  particulièrement  celles  qui  ont  rapport  au  com- 
merce, à  la  navigation,  à  l'amnistie,  et  à  l'évacuation  paisible  des 
pays  qu'elle  va  cesser  d'occuper.  Les  mêmes  déclarations  sont  noti- 
fiées aux  Grecs  par  ordre  des  cours. 

Les  soussignés  aiment  à  penser  que  l'espoir  des  puissances  ne 
sera  pas  déçu;  et  que  sous  très-peu  de  jours,  ils  recevront  de  la 
Sublime-Porte  une  réponse  conforme  en  tout  aux  résolutions  des 
aUiées.  Mais  il  est  de  leur  devoir  d'observer  que  si  cette  réponse 
leur  était  refusée,  si  même  seulement  elle  devait  être  incomplète 
ou  tardive,  les  cours  n'en  procéderaient  pas  moins  à  l'accomplisse- 
sement  des  mesures  qu'elles  ont  arrêtées  dans  l'intérêt  général. 

Les  soussignés  ont  l'honneur  de  lui  offrir  les  assurances  de  leur 
haute  considération. 

G"   GUILLEMINOT.  —   GORDON.    —  RiBEAUPlERRE. 


KÎOTE 

de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  Russie, 
en  date  du  24  avril  1830  (1"  zilcadé  1245). 

La  SubUme-Porte  a  pris  connaissance  du  contenu  de  la  note  offi- 
cielle que  ses  nobles  amis,  les  représentants  des  trois  hautes  puis- 
sances, résidant  à  Constantinople,  lui  ont  remise,  et  dans  laquelle 
est  exposé  ce  qui  a  été  résolu,  en  dernier  heu,  dans  la  conférence 
de  Londres. 

Suivant  ledit  contenu,  d'après  la  délimitation  tracée  dans  la  carte 
annexée  à  la  même  note,  une  réponse  de  la  Sublime-Porte  conforme 


QL'ESTIO.N  GUliCQUE  387 

à  ce  quia  été  résolu  par  les  trois  puissances  est  ce  qu'elles  espèrent 
comme  moyen  de  mettre  lin  aux  troubles  existants  et  de  donner  les 
sûretés  nécessaires;  et  l'adiiésion  de  la  Sublime-Porte  à  ce  sujet 
terminerait  toute  espèce  de  discussions. 

Dans  cette  vue,  la  Sublime-Porte  donne  son  adhésion  ;  elle  ac- 
cepte ce  qui  a  été  résolu  comme  devant  ainsi  procurer  la  sécurité 
et  la  tranquillité  des  pays,  et  assurer  le  bonheur  et  la  paix  des 
hommes. 

Et  c'est  pour  en  donner  connaissance  à  LL.  EE.  nos  amis  susdits, 
afin  qu'ils  en  informent  leurs  cours  respectives,  que  la  présente 
note  oriicielle  a  été  rédigée,  et  leur  a  été  remise. 

Le  1"  zilcadé  12^5. 


en  date  du  21  juillet  1832  (23  sâfer  1248). 

Les  représentants  des  trois  puissances  signataires  du  traité  de 
Londres  du  6  juillet  1827,  savoir  : 

Le  très-honorable  sir  Stratford  Canning,  ambassadeur  extraordi- 
naire et  plénipotentiaire  de  S.  M.  Britannique,  en  mission  spéciale 
près  la  Sublime-Porte  ottomane, 

Le  sieur  Appollinaire  Bouteneff,  envoyé  extraordinaire  et  ministre 
plénipotentiaire  de  S.  M.  l'Empereur  de  toutes  les  Russies,  et 

Le  sieur  Jacques  Edouard  baron  Burignat  de  Varennes,  chargé 
d'affaires  de  S.  i\L  le  roi  des  Français, 

Ayant  fait  connaître  à  la  Sublime-Porte  ottomane  les  change- 
ments qu'il  était  nécessaire  de  faire  à  la  frontière  de  la  Grèce,  et 
lui  ayant  communiqué  l'objet  des  instructions  et  des  pouvoirs  dont 
ils  ont  été  munis  pour  lui  proposer  une  délimitation  définitive  sous 
la  condition  de  compenser  par  une  indemnité  équitable  les  domma- 
ges qui  en  résulteraient  ; 

La  Sublime-Porte,  animée  du  désir  de  consohder  les  arrangements 
auxquels,  en  considération  des  trois  cours  alliées  et  comptant  sur 
leurs  sentiments  sincères,  elle  avaitprécédemment  adhéré,  a  consenti 
à  entamer  une  négociation  à  cette  fin,  et  elle  en  a  chargé  deux  de 
ses  ministres,  savoir  : 


388  OUESTIOIN  GRECQUE 

S.  Exc.  Moustapha-Bedjer-éfendi ,  sérasker  des  Rouméliotes, 
actuellement  premier  médecin  de  Sa  Hautesse,  et 

S.  Exc.  Elhadj-iVlelmiet-Akif-éfendi,  réis-éfendi  actuel. 

Les  susdits  P.  P.  de  part  et  d'autre,  pénétrés  des  sentiments  de 
leurs  gouvernements  respectifs,  et  n'ayant  d'autres  vues  que  de 
terminer  l'affaire  grecque  d'une  manière  durable  et  propre  à  pré- 
venir toute  discussion  ultérieure  sur  cette  question,  se  sont  réunis 
plusieurs  fois  dans  ce  but  salutaire  et  le  résultat  complet  de  leurs 
conférences  a  été  consigné  dans  le  présent  document  échangé  entre 
les  parties,  comme  l'instrument  de  leur  transaction  finale. 

11  est  convenu  que: 

1°  En  ce  qui  concerne  la  délimitation  du  côté  de  TEst,  le  point 
extrême  de  la  séparation  des  deux  États  sera  fixé  à  l'embouchure 
de  la  petite  rivière  qui  coule  près  du  village  de  Graditza.  La  fron- 
tière remontera  cette  rivière  jusqu'à  sa  source,  puis  gagnera  la 
chaîne  du  mont  Othrix,  en  laissant  à  la  Grèce  le  passage  du  Rlomos, 
pourvu  que  la  crête  de  cette  chaîne  ne  soit  pas  dépassée  ;  de  là, 
elle  suivra,  dans  la  direction  de  l'Occident,  la  crête  de  la  même 
chaîne  dans  tout  son  cours,  et  notamment  le  point  de  Varibobo, 
pour  atteindre  la  sommité  qui,  sous  la  dénomination  de  Vélucchi, 
forme  le  nœud  des  trois  grandes  chaînes  de  montagnes  du  pays.  De 
cette  sommité  la  ligne  s'étendra,  en  se  conformant  autant  que  pos- 
sible aux  traits  saillants  du  pays,  à  travers  la  vallée  de  VAspropo- 
^amo5  jusqu'au  golfe  d'Arta,  aboutissant  à  ce  golfe  entre  Coprena 
et  Ménidif  de  telle  sorte,  en  tout  cas,  que  le  pont  de  Tatarina  ,  le 
défilé  et  la  tour  de  Macrinoros  soient  compris  dans  les  limites  de  la 
Grèce,  et  que  le  pont  de  Çoracos  et  les  safines  de  Coprena  restent 
à  la  Porte  ottomane. 

Ainsi,  le  littoral  du  golfe  d' Arta  au  Nord  et  à  l'Ouest  du  point  où 
la  frontière  en  touche  les  eaux  demeurera  à  l'empire  ottoman,  et 
le  littoral  de  ce  golfe  au  Midi  et  à  l'Occident  de  la  ligne  est  assigné 
à  l'État  grec  à  l'exception  du  fort  de  Pwita,  lequel  continuera  d'ap- 
partenir à  la  Porte,  avec  un  rayon  de  terre  qui  ne  sera  pas  de  moins 
d'une  demi-heure,  ni  de  plus  d'une  heure. 

Toutefois,  comme  les  représentants,  pleins  de  déférence  pour  le 
vœu  qui  a  été  émis  au  nom  de  Sa  Hautesse  relativement  à  la  partie 
du  district  de  Zéitoun  situé  à  la  gauche  du  Sperchius,  ont  accédé 
à  ce  qu'il  en  fût  référé  à  la  conférence  de  Londres,  sous  la  condition 
expresse  qu'il  ne  pourrait  en  résulter  aucun  retardement  pour  la 


QUESTION  ORRCQUE  389 

détermination  et  l'exécution  des  conséquences  de  l'ari-angcnient,  il 
est  devenu  nécessaire  de  prévoir  le  cas  éventuel  où  cette  fraction 
du  territoire  de  Zéitoun  resterait  à  l'empire  ottoman. 

La  frontière  du  côté  de  l'Est  partira  alors  de  l'embouchure  du 
fleuve  Sperchius,  et  en  remontera  la  rive  gauche  jusqu'au  point  de 
contact  des  districts  de  Zéitoun  et  de  Partadjick,  puis  elle  gagnera 
le  sommet  de  la  chaîne  d'Othrix,  en  suivant  la  limite  commune 
de  ces  deux  districts  et  la  ligne  la  plus  droite,  dans  le  cas  où  cette 
limite  commune  n'atteindrait  pas  le  sommet  de  la  chaîne  de 
l'Othrix. 

Elle  continuera  de  la  manière  indiquée  plus  haut,  pour  aboutir 
au  golfe  d'Arta. 

2°  En  ce  qui  concerne  l'indemnité  : 

Elle  demeure  fixée  à  la  somme  de  quarante  millions  de  piastres 
turques  pour  le  cas  où  les  parties  du  district  de  Zéitoun,  situées  à 
gauche  du  fleuve  Sperchius,  auraient  été,  par  suite  delà  décision  de 
la  conférence  de  Londres,  assignées  en  définitive  à  l'État  grec. 

Pour  le  cas  contraire,  où,  par  suite  de  la  décision  de  la  conférence 
de  Londres,  ces  parties  du  district  de  Zéitoun  devraient  continuer 
à  appartenir  à  l'empire  ottoman,  l'indemnité  que  recevra  la  Porte 
ottomane  demeure  fixée  à  la  somme  de  trente  millions  de  piastres 
turques. 

3°  Les  commissaires  des  trois  cours  procéderont  immédiatement 
à  la  démarcation  de  la  frontière  arrêtée  aujourd'hui.  Un  commis- 
saire sera  nommé  par  la  Sublime-Porte  pour  être  associé  aux  tra- 
vaux de  cette  démarcation.  Il  est  bien  entendu  qu'il  ne  saurait  ré- 
sulter aucun  retard  pour  cette  opération  soit  de  l'absence  d'un  ou 
de  deux  commissaires,  soit  de  toute  autre  cause.  Un  commissaire 
nommé  par  le  gouvernement  grec  pourra  coopérer  aux  mêmes  tra- 
vaux qui  devront  être  terminés  dans  l'espace  de  six  mois  à  dater  de 
ce  jour.  En  cas  de  dissidence  entre  les  commissaires,  les  questions 
seront  résolues  équitablement  à  la  majorité  des  voix. 

A"  L'indemnité  qui  est  due  à  la  Sublime-Porte,  en  vertu  du  pré- 
sent arrangement,  sera  payée  à  l'échéance  du  31  décembre  de  l'an- 
née courante,  jour  où,  conformément  à  l'article  suivant,  tous  les  ter- 
ritoires, sans  exception,  qui  doivent  composer  la  Grèce  seront  éva- 
cués, si  non  plutôt, par  les  troupes  et  autorités  de  la  Sublime-Porte. 
Ce  payement  sera  effectué  à  Constantinople  le  31  décembre  1832, 
au  cours  du  change  du  jour  de  la  signature  du  présent  instrument. 


890  QUESTION  GRECQUE 

en  traites  sur  Londres,  Paris,  Vienne  ou  Saint-Pétersbourg,  et  la 
Porte  sera  officiellement  informée  à  cet  égard,  lors  de  l'arrivée  de 
la  confirmation  formelle  de  cette  transaction. 

5°  Au  31  décembre  de  l'année  courante,  ou  plutôt  si  faire  se  peut, 
les  territoires  qui  font  l'objet  du  présent  arrangement  devront  être 
entièrement  évacués  par  les  troupes  et  autorités  ottomanes.  Quant 
au  territoires  antérieurement  assignés  à  la  Grèce,  et  quisont  encore 
occupés  par  la  Sublime-Porte,  ils  devront  être  également  évacués 
dans  le  même  délai,  de  sorte  qu'au  dit  jour  l'évacuation  de  tous  les 
territoires,  sans  exception,  qui  doivent  composer  la  Grèce,  aura  été 
dans  tous  les  cas  complètement  effectuée. 

6°  Le  fort  dePunta,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  devant  rester 
à  la  Porte  pour  compléter  la  défense  de  Prévésa  et  pour  mieux 
garantir  la  sûreté  de  son  commerce,  il  ne  pourra  s'y  trouver  qu'une 
garnison  suffisante  à  l'occupation  de  ce  poste;  il  s'entend  que  les 
autorités  ottomanes  n'apporteront  aucun  empêchement  aux  passages 
des  bâtiments  grecs,  et  sauf  les  droits  de  douane  et  autres  qui 
seraient  dûs  à  la  Sublime-Porte,  dans  les  cas,  où  les  bâtiments  relâ- 
cheraient à  Punta,  Prévésa  et  autres  échelles  turques  du  golfe 
d'Aria,  elles  ne  leur  demanderont  rien  pour  le  passage. 

1°  Un  terme  de  dix-huit  mois,  à  dater  du  jour  où  les  travaux  de 
la  démarcation  auront  été  achevés,  est  accordé  aux  particuliers, 
qui  voudraient  quitter  les  territoires  qui  font  l'objet  du  présent 
arrangement  et  vendre  leurs  propriétés.  Ce  terme  de  dix-huit  mois 
pourra,  dans  des  cas  spéciaux,  et  pour  des  circonstances  imprévues, 
être  prorogé  de  quelques  mois  ;  et  une  commission  d'arbitrage 
pourra  juger  de  la  validité  de  ces  motifs  d'exception  et  aider  à  ce 
que  les  ventes  se  fassent  à  un  prix  équitable. 

Les  mêmes  avantages  sont  accordés  aux  habitants  de  l'île  de 
TEubée  et  de  l'Attique,  et  aux  propriétaires  de  Thèbes,  qui  perce- 
vraient encore  aujourd'hui  leurs  revenus  légaux,  si  toutefois  ce 
district  se  trouvait  occupé  par  les  troupes  ottomanes  à  l'époque 
de  l'adhésion  de  la  Porte  aux  arrangements  précédents  du  3  fé- 
vrier 1830. 

Il  est  entendu  que  ces  particuliers  pourront  également  disposer, 
et  dans  le  même  terme,  des  intérêts  utiles  qu'ils  auraient,  soit  comme 
usufruitiers,  soit  comme  administrateurs  héréditaires,  dans  les  va- 
coufs,  dont  la  totalité  passe  à  l'Etat  grec. 

S*  Conformément  aux  stipulations  antérieures,  le  gouvernement 


QUESTION  GRECQUE  391 

du  nouveau  roi  de  la  Grèce  pourra  entrer  en  négociation  pour  régler 
ses  rapports  de  commerce  et  de  navigation  avec  la  Sublime-Porte, 
d'une  manière  réciproque,  et  des  agents  dûment  accrédités  de  part 
et  d'autre  seront  reçus  dans  les  ports  de  la  Turquie  et  delà  Grèce, 
selon  les  formes  usitées,  de  sorte  que  les  sujets  ottomans  auront  le 
droit  reconnu  de  trafiquer  à  leur  gré  dans  l'État  grec,  et  que  de 
leur  côté  les  Hellènes  cesseront  de  recourir  à  des  protections  étran- 
gères, pour  fréquenter  les  ports  et  échelles  de  l'empire  ottoman. 

Les  soussignés  plénipotentiaires  des  trois  cours  et  ceux  de  la 
Sublime-Porte,  ayant  terminé  les  conférences  qu'ils  ont  tenues  à 
l'efiet  d'arrêter  la  délimitation  définitive  de  la  Grèce,  comme  elle 
est  indiquée  ci-dessus,  reconnaissent  que,  vu  les  arrangements  con- 
signés d'un  commun  accord  dans  le  présent  instrument,  le  but  du 
traité  de  Londres  du  6  juillet  1827,  et  des  protocoles  qui  s'y  ratta- 
chent sous  diverses  dates,  se  trouve  complètement  atteint;  que  les 
négociations  prolongées  auxquelles  ces  stipulations  ont  donné  lieu 
sont  closes  de  manière  à  ne  jamais  se  renouveler,  enfin  que  la  ques- 
tion grecque  est  irrévocablement  résolue. 

La  confirmation  formelle  du  présent  arrangement  par  les  trois 
augustes  cours  sera  transmise  à  la  Sublime-Porte  dans  le  terme  de 
quatre  mois  à  dater  de  ce  jour,  et  cette  confirmation  aura  pour  le 
présent  acte  toute  la  force  d'une  ratification. 

Fait  à  Constantinople  le  9  (21)  juillet  1832  (le  23  de  la  lune  de 
sâfer  de  l'hégire  12Zi 8). 

Stratford  Canning.  —  A.  Bouteneff.  —  E.  B.  Varennes. 


PROTOCOIiE 

en  date  du  21  juillet  1832  (23  sâfer  1248). 

Les  ministres  ottomans  ayant  fait  valoir,  à  plusieurs  reprises, 
dans  le  cours  de  la  négociation  actuelle,  l'importance  de  certaines 
garanties  qu'ils  jugeaient  nécessaires  à  la  conservation  de  la  tran- 
quillité du  Levant,  savoir  : 

1°  Que  les  forces  de  terre  et  de  mer  de  l'État  grec  fussent  limi- 
tées au  nombre  suffisant  à  la  police  et  au  bon  ordre  du  pays  ; 

2°  Que  le  gouvernement  grec  et  les  particuliers  grecs  ne  rendis- 


392  QUESTION  GRECQUE 

sent  aucune  espèce  de  service  et  ne  donnassent  aucune  assistance 
aux  puissances,  gouvernements,  peuples  et  nations,  avec  lesquels 
la  Sublime-Porte  pourrait  être  en  guerre,  mais  qu'ils  observassent 
strictement  le  principe  de  la  neutralité.  En  revanche  la  Sublime- 
Porte  observerait  ce  même  principe  envers  le  gouvernement  grec  ; 

3°  Que  le  gouvernement  grec  fût  tenu  de  l'extradition  des  sujets 
du  Grand-Seigneur  qui  pourraient  se  réfugier  sur  le  territoire  grec, 
et  qui  seraient  réclamés  par  la  Porte  ; 

Leurs  Excellences  ayant  ajouté  que  ces  garanties  devraient  être 
comprises  dans  l'arrangement  et  ayant  demandé,  en  outre,  que 
trois  îles,  connues  sous  le  nom  des  îles  du  Diable,  savoir  :  Skiato, 
Scopélo  et  Hiliodrome  fussent  rétrocédées  à  la  Porte,  comme  essen- 
tielles par  leur  situation  à  la  sécurité  des  provinces  ottomanes  qui 
les  avoisinent  ; 

Les  représentants  des  trois  cours  ont  été  dans  le  cas  de  répondre 
que  ces  questions  étaient  tout  à  fait  hors  de  leur  compétence,  mais 
que  toutefois  ils  ne  refusaient  pas  à  les  faire  valoir  en  en  référant  à 
la  conférence  de  Londres  à  laquelle  il  appartient  de  leur  donner  la 
suite  qu'elles  peuvent  comporter. 

Le  présent  protocole  a  été  dressé  en  conséquence  de  l'exposé  qui 
précède,  pour  être  transmis  à  la  conférence  de  Londres  en  même 
temps  que  la  transaction  finale,  en  date  de  ce  jour,  signée  et  échan- 
gée entre  les  plénipotentiaires  respectifs. 

Fait  à  Constantinople  le  9  (21)  juillet  1832  (le  23  de  la  lune  sâ- 
ferl2Zi8  de  l'hégire). 

Stratford  Canning.  —  A.  Bouteneff.  —  E.  B.  Varennes. 


PBOTOCOIiE 

en  date  de  Londres  le  30  août  1832  (2  rébiul-éwel  12ZÎ8). 

Les  plénipotentiaires  des  trois  cours,  s' étant  réunis  en  conférence, 
ont  examiné  avec  la  plus  mûre  attention  l'arrangement  ci-joint,  ar- 
rêté le  21  juillet  de  la  présente  année,  à  Constantinople,  entre  les 
représentants  des  trois  cours  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et 
de  Piussie,  d'une  part,  et  la  Porte  ottomane,  de  l'autre,  pour  la  fixa- 
tion définitive  des  limites  continentales  de  la  Grèce. 


QUESTION  GRECQUE  393 

A  la  suite  de  cet  examen,  les  plénipotentiaires  des  trois  cours, 
sans  préjudice  de  la  sanction  directe  que  les  trois  cours  elles-mê- 
mes donneraient  à  l'arrangement  ci-dessus  mentionné,  ont  reconnu 
qu'il  répondait  complètement  aux  instructions  dont  les  représen- 
tants de  la  France,  de  la  Grande-lîrctagne  et  de  Russie  avaient  été 
munis  au  mois  de  septenibre  1831 ,  et  ont  procédé  à  l'exercice  de  la 
faculté  laissée  à  la  conférence  de  Londres  de  choisir  entre  les  deux 
lignes  de  démarcation  que  ledit  arrangement  indique. 

Considérant  que  l'an-angement  du  21  juillet  de  la  présente  année 
est  le  résultat  d'une  négociation  dont  le  but  essentiel  était  de  dé- 
terminer entre  l'empire  ottoman  et  le  nouvel  État  grec  une  fron- 
tière qui  procurât  à  l'un  et  à  l'autre  une  sécurité  aussi  parfaite  que 
possible  ;  que  la  Porte  ottomane  a  pleinement  adhéré  à  ce  principe 
que  la  seconde  ligne  de  démarcation  indiquée  dans  l'arrangement  de 
Constantinople  du  21  juillet  de  la  présente  année,  loin  d'offrir  cette 
sécurité  réciproque,  amènerait,  selon  toutes  les  notions  qui  sont 
parvenues  à  la  connaissance  de  la  conférence  de  Londres,  un  état  de 
possession  nmtuel  qui  ne  pourrait  que  faire  naître  des  collisions  et 
des  troubles  ;  enfin,  que,  d'après  ces  motifs,  la  seconde  ligne  dont 
il  vient  d'être  parlé  ne  remplirait  point  l'objet  de  la  négociation  qui 
avait  été  ouverte  avec  la  Porte  ottomane,  et  ne  satisferait  pas  aux 
intérêts  de  la  Turquie  et  de  la  Grèce,  que  cette  négociation  devait 
réciproquement  assurer  : 

Les  PP.  des  trois  cours,  usant  des  pouvoirs  dont  ils  sont  investis, 
adoptent  unanimement  la  première  ligne  de  démarcation  indiquée 
dans  l'arrangement  de  Constantinople  du  21  juillet  de  la  présente 
année,  et  déclarent  en  conséquence  comme  entendu  et  irrévocable- 
ment arrêté  que  : 

1°  En  ce  qui  concerne  la  délimitation  du  côté  de  l'Est  le  point 
extrême  de  la  séparation  des  deux  États  (l'empire  ottoman  et  la 
Grèce  indépendante)  sera  fixé  à  l'embouchure  de  la  petite  rivière 
jusqu'à  sa  source,  puis  gagnera  la  chaîne  du  mont  Othrix,  en  lais- 
sant à  la  Grèce  le  passage  de  Rlomos,  pourvu  que  la  crête  de  cette 
chaîne  ne  soii  pas  dépassée.  De  là,  elle  suivra,  dans  la  direction  de 
l'Occident, la  crètedelamême  chaîne  dans  tout  son  cours,  et  notam- 
ment le  point  de  Varibobo,  pour  atteindre  la  sommité  qui  sous  la 
dénomination  de  Vélucchi,  forme  le  nœud  des  trois  grandes  chaînes  de 
montagnes  du  pays.  De  cette  sommité  la  ligne  s'étendra,  en  se  con- 
formant autant  que  possible  aux  traits  saillants  du  pays,  à  travers  la 


3n  QUESTION  GRECQUE 

vallée  de  l'Aspropotamos  jusqu'au  golfe  d'Arta,  aboutissant  à  ce 
golfe  entre  Coprina  et  Ménidi,  de  telle  sorte,  en  tout  cas,  que  le 
pont  de  Tatarina,  le  défilé  et  la  tour  de  Macrinoros  soient  com- 
pris dans  les  limites  de  la  Grèce  et  que  le  pont  de  Coracos  et  les 
salines  de  Coprina  restent  à  la  Porte  ottomane.  Ainsi,  le  littoral 
du  golfe  d'Arta  au  Nord  et  à  l'Ouest  du  pont  où  la  frontière  en  tou- 
che les  eaux  demeurera  à  l'empire  ottoman,  et  le  littoral  de  ce 
golfe  au  Midi  et  à  l'Occident  de  la  ligne  est  assigné  à  l'Etat  grec, 
à  l'exception  du  fort  de  Punta,  lequel  continuera  à  appartenir  à 
la  Porte  avec  un  rayon  de  terre  qui  ne  sera  pas  moins  d'une  demie 
heure,  ni  de  plus  d'une  heure. 

2°  En  ce  qui  concerne  l'indemnité,  elle  demeure  fixée  à  la  somme 
de  quarante  millions  de  piastres  turques. 

Les  PP.  des  trois  cours  ont  déclaré,  en  outre,  que  la  conférence 
de  Londres  approuvait  et  confirmait,  sans  restriction  aucune,  tous 
les  autres  points  de  l'arrangement  de  Constantinople  de  la  présente 
année,  que  les  divers  points  auraient  à  être  observés  et  exécutés 
suivant  la  teneur  de  ce  même  arrangement,  et  qu'à  cet  effet  le  pré- 
sent protocole  soit  communiqué  d'un  côté  à  la  Porte  ottomane,  par 
les  soins  des  représentants  des  trois  cours  à  Constantinople,  et  de 
l'autre  à  la  régence  royale  grecque,  par  les  soins  du  plénipotentiaire 
de  S.  M.  le  roi  de  Bavière. 

Passant  ensuite  à  l'examen  du  protocole,  ci-annexé,  portant  aussi 
la  date  du  21  juillet  de  la  présente  année,  et  que  les  représentants 
de  la  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  la  Russie  près  la  Porte 
ottomane  se  sont  simplement  engagés  à  mettre  sous  les  yeux  de  la 
conférence  de  Londres,  les  PP.  des  trois  cours  ont  été  d'avis  que 
malgré  le  vif  empressement  avec  lequel  les  cours  se  plaisent  en  gé- 
néral à  accueillir  les  vœux  qui  leur  sont  exprimés  au  nom  du  sul- 
tan, elles  se  trouvent  dans  l'impossibilité  absolue  de  déférer  aux 
demandes  que  le  dit  protocole  énonce  de  la  part  de  la  Porte  otto- 
mane. 

En  effet,  quant  à  la  première  de  ces  demandes,  il  suffit  d'observer 
que  le  droit  d'entretenir  des  forces  de  terre  et  de  mer,  sans  en  li- 
miter le  nombre,  est  un  droit  inhérent  à  l'indépendance  d'un  Etat; 
que  l'indépendance  de  la  Grèce  et  tous  les  droits  qui  y  sont  inhé- 
rents ont  été  consacrés  par  le  protocole  du  3  février  1830  ;  que  la 
la  Porte  ottomane  a  pleinement  accédé  à  ce  protocole,  et  qu'en  con- 
séquence ni  les  cours  qui  l'ont  signé,  ni  la  Porte  ottomane  qui  y  a 


QUESTION  GRECQUE  395 

accédé  ne  sauraient  aujourd'hui,  sans  violer  leurs  engagements, 
restreindre  un  des  droits  que  ce  même  protocole  accorde  à  la  Grèce 
dans  toute  leur  plénitude. 

Les  mêmes  raisons  militent  contre  la  seconde  demande  du  gou- 
vcrnemeut  ottoman.  Le  droit  de  prendre  parti  dans  toute  guerre  qui 
éclate  entre  puissances  tierces  est  aussi  un  des  droits  inhérents  à 
l'indépendance  d'un  Etat,  à  moins  que  cet  Etat  n'ait  été  constitué 
et  déclaré  perpétuellement  neutre.  Ainsi,  ne  possédant  pas  le  béné- 
fice d'une  neutralité  perpétuelle,  elle  ne  saurait  être  légitimement 
tenue  d'en  remplir  les  obligations. 

Pour  ce  qui  est  de  la  troisième  demande  du  gouvernement  otto- 
man, les  PP.  des  trois  cours  ont  pensé  qu'elle  n'était  pas  du  res- 
sort de  la  conférence  de  Londres,  la  conférence  ne  pouvant  s'im- 
miscer dans  des  questions  qui  se  rattachent  à  la  législation  intérieure 
de  la  Grèce. 

Les  PP.  des  trois  cours  ont  finalement  observé  au  sujet  des  vœux 
exprimés  par  le  gouvernement  ottoman  qu'il  ne  s'est  jamais  agi  dans 
les  dernières  négociations  de  Gonstantinople  de  changer  les  limites 
insulaires  de  la  Grèce  ;  que  ces  limites  qui  comprennent  au  nombre 
des  îles  grecques  les  îles  dites  du  Diable,  savoir  :  Skiato,  Scopélo 
et  HilioJrome  ont  été  définitivement  établies  par  le  protocole  du 
3  février  1830,  auquel  la  Porte  ottomane  a  accédé;  que  la  position 
de  ces  trois  îles  n'offre  rien  de  menaçant  aux  provinces  turques  qui 
les  avoisinent,  et  queleur  rétrocession  ne  saurait  résulter  d'une  né- 
gociation qui  ne  devait  modifier  que  les  frontières  continentales  de 
la  Grèce,  au  moyen  d'une  indemnité  pécuniaire. 

Les  l'P.  des  trois  cours  sont  convenus  de  transmettre  le  présent 
protocole  aux  représentants  de  la  France,  de  la  Grande-Bretagne 
et  de  la  Russie  à  Gonstantinople,  et  au  plénipotentiaire  bavarois 
près  la  conférence  de  Londres  par  la  dépêche  et  la  note  ci-jointe. 

Mareuil.  —  Palmerston.   —   Libyen.  —  Matuszewich. 


de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  Frnnce,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  Russie, 
en  date  du  2(5  décembre  1832  (3  cbâban  1248). 

La  Sublime-Porte  a  pris  connaissance   du   contenu  de  la  note 
en  date  du  7  novembre  dernier  que  nos  amis,  MM.  les  réprésen- 


396  QUESTION  GRECQUE 

tants  des  trois  cours,  résidant  à  Gonstantinople,  lui  ont  présentée, 
relativement  à  l'élection  du  prince  Othon,  fils  du  roi  de  Bavière,  au 
trône  de  la  Grèce.  L'objet  de  cette  communication  lui  a  été  très- 
agréable. 

La  Sublime-Porte  confirme  de  son  côté  la  résolution  des  puissan- 
ces et  le  choix  qu'elles  ont  fait  du  prince  Othon  pour  être  roi  du  pays 
compris  dans  les  limites  arrêtées,  et  qui  seront  complètement  éta- 
blies entre  elle  et  les  trois  cours. 

Par  la  résolution  qui  vient  d'être  prise,  il  y  a  tout  lieu  de  s'at- 
tendre qu'avec  la  grâce  de  Dieu  les  troubles  cesseront  dans  les 
lieux  bornés  par  les  limites  qui  sont  arrêtées  et  qui  seront  établies; 
que  les  arrangements  qui  garantissent  le  repos  et  la  tranquillité  des 
populations  respectives  seront  observés  et  maintenus,  et  que  des 
rapports  de  bon  voisinage  existeront  entre  les  deux  états. 

C'est  pour  exprimer  son  espoir  que  la  plus  grande  attention  sera 
toujours  apportée  sur  tous  ces  points  que  la  SubUme-Porte  a  donné 
une  note  à  M.  le  ministre  d'Angleterre  et  à  M.  l'envoyé  de  Russie, 
et  qu'elle  a  remis  en  même  temps  la  présente  note  amicale  à 
M.  le  chargé  d'affaires  de  France,  en  lui  renouvelant  les  assurances 
de  sa  considération  la  plus  distinguée. 

Le  3  châban  1248. 


jvote: 

des  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  Russie  à  la  Sublime-Porte, 
en  date  de  Thérapia  (sur  le  Bosphore)  le  7  décembre  1835  (16  châban  1251). 

Les  représentants  des  trois  puissances  médiatrices  soussignés, 
ayant  été  informés  par  S.  E.  le  réis-éfendi  de  la  Sublime-Porte 
qu'il  avait  reçu  les  ordres  nécessaires  pour  accepter  la  carte  des 
frontières  de  la  Grèce,  dressée  parles  commissaires  démarcateurs, 
en  vertu  de  l'arrangement  du  9/21  juillet  1832,  se  sont  concertés 
pour  rédiger  la  présente  note  qui  doit  accompagner  la  remise  de  ce 
document,  et  y  consacrer  l'expression  de  leur  satisfaction  pour 
l'heureuse  conclusion  de  cette  affaire. 

Lesdits  soussignés  saisissent  avec  empressement  cette  occasion 
pour  renouveler  à  S.  E.  le  réis-éfendi  les  assurances  de  leur  haute 
considération. 

Baron  Roussm.  —  Ponsonby.  —  Bouteneff. 


APPENDICE  397 


JVOTE 


de  la  Sublime-Forte  aux  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  Russie, 
en  date  du  15  décembre  1835  (24  chàban  1251). 

La  carte  des  limites  finales  de  la  Gi'èce,  qui  accompagnait  la  note 
collective  remise  dernièrement  à  la  Sublime-Porte  par  nos  amis, 
les  représentants  des  trois  cours,  a  été  reçue  et  acceptée,  eu  égard 
à  l'engagement  et  aux  assurances  que  contenait  la  note  remise  par 
LL.  EB.  antérieurement.  C'est  pour  en  faire  la  déclaration  que  nous 
écrivons  et  donnons  à  nos  susdits  amis  la  présente  note  ofiicielle, 
en  saisissant  l'occasion  de  leur  offrir  les  assurances  de  notre  atta- 
chement. 

Le  2li  cliâban  1254. 


APPENDICE 

I.  —  Kote  de   la  Snblinie-Porte  aux  représentants  de  France  et  de 
la  Grande-Bretagne,  en  date  du  15  août  1829  (14  s&fer  1345). 

Mue  par  des  sentiments  de  bienveillance,  la  Sublime-Porte  adhère  au 
traité  de  Londres;  et  elle  accepte  les  propositions  que  LL.  EE.  les  am- 
bassadeurs lui  ont  faites  comme  étant  fondées  sur  les  bases  dudit  traité, 
aux  conditions  suivantes  : 

1°  Les  arrangements  qui  auront  lieu  se  borneront  uniquement  à  la 
Morée  et  aux  îles  Cyclades. 

2'  Le  tribut  qui  devra  être  payé  sera  établi  et  proportionné  d'une  ma- 
nière modérée  au  montant  qui  revenait  anciennement  au  trésor  de  la  Su- 
blime-Porte. 

3°  Tout  matériel  de  guerre  existant  dans  les  forteresses  sera  immédia- 
tement rendu  et  consigné  à  la  Sublime-Porte,  dans  l'état  oîi  il  se  trouvait 
avant  l'évacuation. 

4'  Il  sera  défendu  de  créer  et  de  faire  usage  de  bâtiments  de  guerre 
et  de  troupes  de  terre  au-delà  du  nombre  suffisant  de  soldats  pour  tenir 
les  habitants  en  ordre. 

5»  Aucun  Grec  ne  pourra  sortir  des  états  ottomans  pour  aller  s'établir 
dans  les  susdits  pays,  à  moins  qu'il  n'y  ait  été  originairement  domicilié. 

Conclusion  :  —  Les  articles  ci-dessus  ont  été  arrêtés  par  la  Sublime- 
Porte,  après  avoir  entendu  et  discuté  les  propositions   de  messieurs  les 


398  APPENDICE 

ambassadeurs.  En  foi  de  quoi,  la  présente  note  officielle  a  été  remise 
à  LL.  EE.  (*). 

II.  —  Article  10°  du  traité  de  paix  entre  la  Snblime-Porte  et  la 
Russie,  en  date  d'Andrinople  le  14  septembre  1839  (16  rébinl- 
éwel  1345). 

La  Sublime-Porte,  en  déclarant  son  entière  adhésion  aux  stipulations 
du  traité  conclu  à  Londres  le  24  juin  (6  juillet)  1827  entre  la  Russie,  la 
Grande-Bretagne  et  la  France,  accède  également  à  l'acte  arrêté  le  10 
(22)  mars  1829,  d'un  commun  accord,  entre  ces  mêmes  puissances,  sur 
la  base  dudit  traité,  et  contenant  les  arrangements  de  détails  relatifs  ii 
son  exécution  définitive.  Aussitôt  après  l'échange  des  rectifications  du 
présent  traité  de  paix,  etc. 

III.  —  Article  3^  da  traité  d'alliance  entre   la  Sublime-Porte   et    la 

Russie,  en  date  du  8  juillet  1833  (SO  sâfer  1349). 

Le  traité  conclu  à  Andrinople  le  H  septembre  1829,  ainsi  que  toutes  les 
transactions  antérieures  qui  y  sont  confirmées,  la  convention  signée  à 
Saint-Pétersbourg  le  \k  avril  1830,  l'arrangement  conclu  à  Gonstanti- 
nople  le  9  juillet  1832  relativement  à  la  Grèce,  et  les  articles  du  présent 
traité  d'alliance  sont  confirmés,  dans  tous  leurs  points^  comme  s'ils  étaient 
insérés,  mot  pour  mot,  dans  le  traité  susmentionné. 

(*)  Cette  note  avait  été  remise  au  comte  Guilleminot  et  à  Sir  Robert  Gardon  en  ré- 
ponse à  l'office  que,  par  suite  du  protocole  de  Londres  du  22  mars  1829,  ces  ambassa- 
deurs avaient  adressé  à  la  Sublime-Porte  le  9  juillet,  et  qui  contenait  les  bases  de  la 
négociation  pour  la  pacification  de  la  Grèce,  l'une  desquelles  était  la  suzeraineté  du 
Sultan.  En  confirmant  par  la  déclaration  du  9  septembre  1829  (Voir  plus  haut,  p.  380) 
son  adhésion  au  traité  de  juillet  1827,  qu'elle  renouvela  par  l'article  10"'  du  traité  de 
paix  avec  la  Russie,  en  date  du  14  septembre  1829,  la  Sublime-Porte  s'engagea,  de 
plus,  à  souscrire  à  toutes  les  déterminations  que  prendrait  la  Conférence  de  Londres,  et 
ratifia  ainsi  d'avance  le  protocole  du  3  février  1830,  qui  établit  l'indépendance  de  la 
Grèce. 


ILE  DE  SAMOS  399 


ILE  DE   SAMOS 


NOTE 


de  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  Russie, 
en  date  du  10  décembre  1832  (17  rédjeb  1268). 


APPENDICE 

N°  1.  Note  historique. 

1.  Réponse  de  S.  A.  le  prince  Léopold  de  Saxe-Cobourg  à  la  Note 
de  la  conférence  de  Londres,  en  date  de  Claremont  le  li  février 

1830  (17  chdban  12Zi5). 

II.  Protocole  de  la  conférence  de  Londres,  en  date  du  20  février  1830 
(26  châban  12Zi5). 

III.  Protocole  de  la  conférence  de  Londres,  en  date  du  16  novembre 

1831  (10  djéniaziul-akhir  12A7). 

IV.  Note  des  représentatifs  français ,  anglais  et  russe  à  la  Sublime- 

Porte,  en  date  du  26  décembre  1833  (13  châban  12Z|9). 

V.  Note  des  mêmes  représentants  aux  habitants  de  Samos,  en  date  du 

27  septembre  183/i  (23  djémaziul-éwel  1250). 


9fOTi: 


remise  par  la  Sublime-Porte  aux  représentants  de  France,  de  la  Grande-Bretagne  et 
de  Russie,  en  date  du  10  décembre  1832  (17  rédjeb  1248). 

La  Sublime-Porte  accorde  aux  habitants  de  l'île  de  Samos,  qui 
fait  partie  des  Etats  héréditaires  de  S. H.  le  sultan  Mahmoud-Khan, 
à  condition  qu'ils  soient  dorénavant  sujets  fidèles  de  l'empire  otto- 
man, les  concessions  suivantes  : 

1.  S.  H.  accorde  aux  Samiens,  amnistie  pleine  et  entière.  Aucun 
d'eux  ne  sera  recherché  pour  sa  conduite  passée,  et  leurs  personnes 
ainsi  que  leurs  biens  sont  assurés. 


AOO  ILE  DE  SAMOS 

2.  L'autorité  intérieure  de  l'île  résidera  dans  un  Conseil  composé 
de  membres  choisis,  suivant  l'usage,  parmi  les  notables  du  pays. 
Ce  conseil  aura  l'administration  générale  de  l'île  ;  il  réglera  les 
diverses  branches  de  cette  administration,  et  décidera  librement 
les  questions  relatives  à  l'exercice  du  culte,  au  commerce  et  à  la 
réparation  des  églises. 

3.  La  présidence  du  Conseil  appartiendra  au  chef  nommé  par  la 
Sublime-Porte  avec  le  titre  de  prince  de  Samos,  qui  sera  de  la  reli- 
gion des  Samiens,  et  qui  pourra  nommer  un  substitut  professant 
la  même  religion  que  lui.  Mais,  lorsque  ce  chef  sera  dans  le  cas  de 
se  rendre  en  personne  à  Samos,  il  lui  sera  adjoint,  pour  l'y  accom- 
pagner, un  éfendi  choisi  parmi  les  employés  civils,  afin  de  cons- 
tater la  manière  d'être  des  habitants  et  l'état  du  pays,  et  d'en  faire 
un  rapport  à  la  Sublime-Porte. 

h.  Le  chef  de  l'île  délivrera  aux  bâtiments  et  aux  bateaux  Sa- 
miens les  expéditions  dont  ils  auront  besoin  pour  naviguer,  et  les 
revenus  qui  en  résulteront  seront  considérés  comme  faisant  partie 
des  droits  spéciaux  de  sa  charge.  Il  entrera  dans  les  attributions 
de  ce  chef  de  permettre  le  séjour  des  étrangers  à  Samos  ou  de  les 
en  faire  renvoyer  au  besoin  parle  moyen  de  la  police  locale,  bien 
entendu  qu'il  n'en  résultera  aucune  atteinte  aux  privilèges  garan- 
tis parles  traités  de  la  Sublime-Porte  avec  les  Puissances.  En  outre, 
dans  toutes  les  délibérations  du  Conseil  sur  les  relations  extérieures, 
ce  chef  conservera  le  droit  de  veto. 

5.  Il  n'y  aura  absolument  pas  de  troupes  dans  l'île  de  Samos. 
Les  Samiens  payeront  directement  à  la  Sublime-Porte,  en  tout  et 
pour  tout,  un  kharadj  annuel  deAOO,000  piastres. 

6.  Des  députés  Samiens  viendront  se  présenter  à  Constantinople 
pour  mettre  aux  pieds  du  trône  de  S.  M.  impériale  l'hommage  de 
la  soumission  et  de  la  reconnaissance  des   Samiens. 

7.  Les  bases  d'où  découlent,  avec  le  pardon  des  habitants  de 
Samos,  les  bienfaits  de  l'organisation  donnée  à  leur  île,  qui  est 
encore  en  désordre,  seront  annoncées  et  communiquées  aux  Sa- 
miens comme  terme  final. 

8.  Le  métropolitain  de  Samos  sera,  comme  autrefois,  nommé 
par  le  patriarche  grec  de  Constantinople. 

Telles  sont  les  concessions  que  la  Sublime-Porte  a  jugé  à  propos 
défaire,  et  qui  sont  arrêtées,  nos  amis,  les  représentants  des  trois 
cours,  y  ayant  donné  leur  assentiment. 


APPENDICE  liOl 

La  présente  note  oflkiclle  est,  en  conséquence,  remise  à  MM.  les 
représentants  de  France,  delà  Grande-Bretagne  et  de  Russie. 

Le  17  rcdjebl2/i8. 


(N.  1).  —  Les  Samiens  se  joignirent,  en  1821,  à  la  lutte  que  les  autres 
habitants  de  la  Grèce  entreprirent  contre  laSublime-l'orte.  Malgré  les  efforts 
du  président  Capodistrias  auprès  de  la  conférence  de  Londres,  samos  ne 
fut  pas  comprise  dans  le  nombre  des  îles  du  nouvel  état  helléiiicjue.  Ilendue  à 
l'autorité  du  sultan,  elle  résista  d'abord  aux  mesures  coërcitives  employées 
contre  elle,  mais  finit  par  faire,  en  1835.  sa  soumission  à  la  Sublime-i^orte; 
cel'e-ci  confirma  les  concessions  que,  par  suite  d'une  entente  avec  les  repré- 
sentants destrois  cours  alliée-,  elle  avait  faites, on  18o'2, aux  liabitants  de  cette 
île,  et  dont  ceux-ci  continuent  de  jouir.  Outre  le  privilège  d'un  pavillon 
distinctif,  ils  avaient  déjà  obtenu  celui  d'être  gouvernés  par  un  coreli- 
gionnaire en  vertu  d'un  firman  émané,  en  faveur  des  chrétiens  en  géné- 
ral, vers  la  fin  de  l'année  1830. 

I.  —  Réponse  de  $$.  Ik.  le  prince  I>(*opoId  de  Saxe-Coliourg  ù.  la  note 
du  3  février  I830  de  la  eonférenee  fie  I  ondres,  en  date  de  l'Ia- 
remont,  le   1 1  février  1830  (17   eliâijan  1245). 

Le  soussigné  a  reçu,  le  [^  février,  la  lettre  que  les  plénipolenliaires  des 
trois  cours,  signataires  du  traité  du  6  juillet  1827,  lui  ont  fait  l'honneur  de 
lui  écrire,  et  par  laquelle,  en  conséquence  du  protocole  du  3  février  1830, 
ils  lui  offrent,  au  nom  des  hautes  puissances  alliées,  la  souveraineté  héré- 
ditaire de  la  Grèce. 

Le  soussigné  sent  profondément,  etc. 

Cependant,  il  croirait  u)al  ré|)ondre  à  la  confiance  qu'elles  daignent 
placer  en  lui,  si,  en  donnant  son  adliésion  aux  proiocoles  n"'  1,  2  et  3, 
du  3  février  1830,  il  ne  leur  soumettait  les  observations  suivantes  : 

]°  Que  les  hautes  puissances,  etc. 

2"  Que  les  habitants  grecs  des  îles  de  Candie  et  de  Samos,  qui  vont 
être  rendues  à  la  Porte,  aient  leur  position  religieuse  et  civile  tellement 
fixée  et  améliorée  par  l'intercession  des  hautes  puissances,  ainsi  que  par 
une  ample  application  du  traité  du  6  juillet,  qu'ils  puissent  se  trouver  à 
l'abri  de  toutes  vexHtions,  et  protégés  contre  tous  les  actes  qui  pourraient 
amener  une  effusion  de  sang.  Sur  ce  sujet,  qui  est  purement  dans  l'in- 
térêt de  l'humanité,  le  soussigné  se  réserve  de  plus  amples  communica- 
tions avec  les  plénipotentiaires  des  augustes  souverains. 

3°  Qu'il  veuille  plaire,  etc. 

T.  II.  26 


Û02  AI'PËNDICE 

II.  —  Protocole  de    la   conférence  de  Londres,   en   tlafe    du    20  fé- 
vrier 1830  (2G  chAban  1245). 

Les  plénipotentiaires  des  trois  cours  alliées  se  trouvant  réunis,  l'objet 
de  la  conférence  était  de  prendre  connaissance  de  la  réponse  de  S.  A.  R. 
le  prince  Léopold  de  Saxe-Cobourg  ii  la  note  collective,  etc.  Après  avoir 
examiné  les  observations  présentées  par  le  prince  Léopold  à  la  suite  de 
son  acceptation  de  la  souveraineté  de  la  Grèce,  qui  lui  a  été  offerte,  les 
plénipotentiaires  de  l'alliance  ont  arrêté  entre  eux  les  résolutions  sui- 
vantes, relativement  aux  cinq  points  indiqués  dans  la  réponse  de 
S.  A.  R  : 

1°  Les  intentions  des  trois  cours  sont  conformes,  etc. 

2°  Les  puissances  alliées  ne  sauraient  admettre  le  droit  d'intervention 
du  prince  souverain  de  la  Grèce  par  rapport  à  la  manière  dont  le  gou- 
vernement turc  exerce  son  autorités  Candie  ou  à  Saraos.  Ces  îles  doivent 
rester  sous  la  domination  de  la  Porte,  et  doivent  être  indépendantes  de  la 
nouvelle  puissance  que  l'on  est  convenu  d'établir  en  Grèce.  Cependant, 
les  puissances  alliées  s'empressent  de  déclarer  au  prince  Léopold,  pour  la 
propre  satisfaction  de  S.  A.  R.,  qu'en  vertu  d'un  engagement  qu'elles 
ont  contracté,  d'un  commun  accord,  elles  se  croient  tenues  d'assurer  aux 
habitants  de  Candie  et  de  Samos  une  sécurité  contre  toute  molestalion, 
en  raison  de  la  part  qu'ils  auraient  prises  dans  les  troubles  antécédents. 
Dans  le  cas  oii  l'autorité  turque  serait  exercée  d'une  manière  qui  pourrait 
blesser  l'humanité,  chacune  des  puissances  alliées,  sans  prendre  toutefois 
un  engagement  spécial  et  formel  à  cet  ellet,  croirait  de  son  devoir  d'in- 
terposer son  influence  auprès  de  la  Porte,  afin  d'assurer  aux  habitants  des 
îles  susmentionnées  une  protection  contre  des  actes  oppressifs  et  arbi- 
traires. 

3°  La  conférence  a  reconnu,  etc. 

■II.  —  Protocole    de    la    conférence  de  Londres,  en  date  du  16  no- 
vembre 1H31  (lO  djémaziul-akhir  1349). 

Les  plénipotentiaires  des  trois  cours  s'étant  réunis  en  conférence  ont 
pris  en  considération  la  nécessité  de  compléter,  sur  quelques  points,  les 
instructions  arrêtées  par  le  protocole  du  29  septembre  dernier  pour  les 
représentants  des  trois  cours  à  Constantinople,  et  pour  leurs  résidents 
en  Grèce, 

La  conférence  est  convenue  ii  cet  égard  que,  etc. 

Que  la  conférence  de  Londres,  par  suite  de  la  sollicitude  que  les  trois 
cours  ont  constamment  manifestée  en  faveur  de  l'île  de  Samos,  invitera 
leurs  représentants  il  Constantinople  à  ne  négligei' aucun  moyen  d'obtenir 


AIM'ENDICI':  Û03 

que  lo  iribul  annuel  des  SanVums  paisse  être  remis  tous  les  ans  à  la  Porte 
olloniane  par  les  députés  de  Sanios,  au  lieu  d'ôlre  prélevé  par  le  capitan- 
paolia. 
Que  les  négociations,  etc. 

IV.  —  Xot<'  «les  r^'prôscntanls  «le  France,  «le  la  Gi'an«le-Rretn(|nc  et 
«le  RuKsie  :V  lu  Suliliiue-Forle,  en  date  du  26  déecnikre  fl^iCtU 
(13  chàban   134«J). 

En  se  décidant  à  envoyer  une  commission  à  Samos  pour  essayer  une 
dernière  fois  de  ramener  à  l'obéissance,  par  des  voies  de  douceur,  la  po- 
pidalion  de  celle  île,  les  re()résenlanls  des  trois  puissances  médiatrices 
à  Constantinople  avaient  dû  prévoir  aussi  le  cas  où  les  insulaires  s'opi- 
niâtreraientdans  leurs  premières  résolutions,  et  ils  étaient  convenus  qu'un 
nouveau  refus  de  leur  part  mettrait  un  terme  à  l'intervention  bienveillante 
dont  les  trois  puissances  ont  usé  jusqu'ici  en  leur  faveur  auprès  de  1 1  Su- 
blime-Porte ottomane. 

Cette  déclaration  ayant  reçu,  par  l'organe  de  leurs  commissaires,  la 
plus  grande  publicité  h  Samos,  ses  chefs  actuels,  en  bravant  les  consé- 
quoncosd'un  relus,  se  sont  exposés  à  en  ressentir  les  effets.  Les  pavillons 
des  trois  puissances  ont  été  amenés  à  Samos,  et  les  représentants  ont 
donné  l'ordre  à  leurs  chancelleries  dans  les  ports  de  l'enjpire  ottoman 
d'enlever  aux  bâtiments  et  navires  des  Samiens  les  papiers  de  bord  qui 
pourraient  les  autoriser  à  naviguer  en  arborant  leurs  couleurs. 

L'adoption  de  ces  mesures  démontre  suffisamment  que  les  représen- 
tants regardent  leur  intervention  conciliatrice  comme  terminée,  et  dès 
lors  c'est  à  la  Porte  à  user  de  son  autorité  pour  ramener  les  Samiens  h 
l'obéissance. 

Dans  cet  état  de  choses,  les  représentants  défèrent  avec  d'autant  plus 
d'empressement  au  vœu  que  leur  avait  exprimé  la  Sublime-Porte  de  con- 
naître leur  opinion  sur  les  mesures  les  plus  propres  k  amener  une  solution 
prompte  et  satisfaisante  de  cette  affaire ,  qu'ils  aiment  àse  persuader  qu'elle 
n'aura  point  recours  k  des  moyens  extrêmes  dont  l'emploi,  toujours  fu- 
neste, serait  en  cette  occasion  plus  regrettable  encore,  puisqu'il  résulte 
des  informations  reçues  par  les  représentants  que  la  majorité  des  habitants 
de  Samos  est  disposée  k  se  soumettre. 

En  développant  donc  ici  leurs  prévisions  autant  que  les  chances  de 
l'avenir  peuvent  le  permettre,  il  semble  que  l'idée  d'un  blocus  ([ui  rece- 
vrait son  exécution  par  les  escadres  des  trois  puissances,  ainsi  que  la 
Porte  paraissait  le  désirer,  doit  le  céder  k  celle  d'un  état  de  siège  réalisé 
par  quelques  bâtiments  de  l'escadre  ottomane.  L'action  du  gouvernement 
de  S.  H.,  juste  et  naturelle,  offre  d'ailleurs  un  ensemble  de  moyens  com- 
plet, et  dont  il  peut  se  promettre  des  elfets  promi)ts  et  sûrs. 


Ii0!x  APPENDICE 

L'interruption  des  communications  effectuée  par  la  saisie  de  tous  les 
bâtiments  samiens  qui  paraîtraient  dans  les  ports  de  l'empire  ottoman  ; 
r6tal)lissemenl  d'un  cordon  de  3  à  AOO  hommes  sur  la  côte  d'Asie,  le 
long  du  canal  de  Samos,  ayant  pour  but  d'empêcher  l'approche  des  bar- 
ques de  ces  insulaires;  l'ordre  donné  au  gouverneur  turc  de  la  même  côte 
de  suspenilre  l'effet  des  transactions  par  les(|uelles  il  a  livré  à  un  certain 
nombre  de  Samiens  la  culture  des  terres  du  gouvernement  ;  la  déclaration 
de  la  mise  en  état  de  siège  de  l'île  de  Samos  notifiée  à  toutes  les  puissan- 
ces qui  comir.ercenl  dans  la  Méditerranée,  et  qui  éloignera  de  ses  ports 
les  bâtiments  de  ces  puissances  ;  l'envoi  de  deux  bâtiments  de  guerre, 
dont  l'un  pourra  mouiller  clans  la  baie  de  Vathy,  et  l'autre  dans  le  vieux 
port  de  Samos,  envoi  nécessaire  pour  rendre  effective  la  déclaration  de 
la  mise  en  état  de  siège,  appuyer  les  bonnes  dispositions  d'une  grande 
partie  de  la  population  et  effrayer  les  récalcitrants,  présentent  un  appareil 
de  mesures  modérées,  opportunes  et  peu  dispendieuses  que  la  Sublime- 
Porte  est,  dès  ce  moment,  obligée  d'employer  pour  parvenir  à  la  reddition 
de  l'île  de  Samos, 

La  configuration  montagneuse  de  son  territoire  exclut  entièrement 
l'emploi  de  troupes  de  terre.  Une  expédition  de  ces  troupes,  luttant  avec 
le  désavantage  du  terrain  et  l'inexpérience  des  localités,  serait  exposée  à 
rencontrer  la  plus  sérieuse  résistance.  D'ailleurs,  il  tie  faut  pas  perdre  de  vue 
que,  pour  entretenir  les  dispositions  favorables  que  le  dernier  message 
des  représentants  a  su  éveiller  parmi  les  Samiens,  le  commandant  du 
bâtiment  destiné  à  stationner  à  Vathy,  à  son  arrivée  dans  ce  port,  ferait 
bien  de  rassurer  la  population,  et  de  lui  promettre,  si  elle  consent  à  se 
soumettre,  la  conservation  des  privilèges  qui  lui  ont  été  accordés  par  le 
règlement  du  10  décembre  1832. 

En  terminant  le  précis  des  mesures  qui  leur  paraissent  les  plus  propres 
à  amener  la  reddition  de  Samos,  les  représentants  croient  avoir  rempli  les 
vœux  de  la  Sublime-Porte. 

\.  —  Xote  adressée  aux  habitants  de  l'île  de  Samos  par  les  repré- 
sentants de  France,  d'Angleterre  et  de  Russie  près  la  Sublime- 
Forte  ,  eu  date  du  37  septembre  1834  (23  djémaziul-éwel  t'iSO). 

Les  trois  puissances  signataires  du  traité  qui  a  annoncé  l'établissement 
du  royaume  de  la  (irèce,  voulant  étendre  leur  sollicitude  aux  habitants 
de  l'Ile  de  Samos,  leur  rappellent  qu'un  décret  de  S.  H.  du  10  décembre 
1832,  accorde  aux  Samiens,  comme  garantie  d'une  bonne  adLuinistration, 
l'avantage  d'être  gouvernés  par  un  chef  de  leur  religion,  leur  concitoyen, 
lequel  a  été  nommé  par  la  Sublime-Porte  sous  le  titre  de  prince  de  Samos. 
Jusqu'à  ()résent  la  situation  des  choses,  en  Orient,  avait  empêché  les 
trois  puissances  de  consacrer  une  attention  particulière  aux  affaires  de 


API'KNDICE  /j05 

l'île  de  Samos;  mais  la  pacification  de  toutes  les  parties  de  l'Orient  fait 
un  devoir  aux  ambassadeurs  soussignés  de  ne  pas  tolérer  plus  lonfilemps 
l'état  de  rébellion  dans  lequel  les  Samiens  ont  [)ersislé  jusqu'à  présent. 
C'est  pourquoi  trois  commissaires  ont  été  nommés  par  les  puissances, 
avec  ordre  de  se  rendre  à  Samos  et  de  recevoir  la  soumission  des  habi- 
tants à  l'autorité  du  grand-seiji;neur,  conformément  k  l'acte  du  10  décem- 
bre 1832.  Un  délai  de  deux  mois  est  accordé  aux  Samiens  pour  faire  leur 
sounnssion  complète  au  sultan.  Passé  ce  délai,  les  trois  puissances  retire- 
ront leur  médiation.  Alors,  il  ne  sera  plus  permis  aux  Samiens  de  navi- 
guer sous  un  iiutre  pavillon  que  sous  celui  du  sultan,  el  b's  liabiiiinls  de 
l'île  se  trouveront  exposés  à  toutes  les  suites  fàclieusi^s  d'une  lésistance 
irréfléchie  aux  ordres  du  grand-seigneur. 


A06  CO?JVENTION   UU  25  NOVEMBRE  1838 


CONVENTION 

en  date  du  25  novembre  1838  {9  ramnzan   1254). 


Pendant  le  long  intervalle  d'alliance  qui  a  heureusement  subsisté 
entre  la  France  et  la  Sublime-Porte,  des  capitulations  obtenues  de 
la  Porte,  et  des  traités  conclus  entre  les  deux  puissances  ont  réglé 
le  taux  des  droits  payables  sur  les  marchandises  exportées  de  Tur- 
quie, comme  sur  celles  importées  sur  les  domaines  du  grand-sei- 
gneur, et  ont  établis  et  consacré  les  droits,  privilèges,  immunités  et 
obligations  des  marchands  français  trafiquant  ou  résidant  dans 
rétendue  de  l'empire  ottoman.  Cependant,  depuis  l'époque  où  les 
capitulations  ont  été  révisées  pour  la  dernière  fois,  des  changeaients 
de  différente  nature  sont  survenus  tant  dans  l'administration  inté- 
rieure de  l'empire  turc  que  dans  ses  relations  extérieures  avec  les 
autres  puissances,  et  Sa  Majesté  l'empereur  des  Français  et  Sa 
Hautesse  le  sultan  sont  convenus  de  régler  de  nouveau  ,  par  un 
acte  spécial  et  additionnel,  les  rapports  commerciaux  de  leurs  su- 
jets, le  tout  dans  le  but  d'augmenter  le  commerce  entre  leurs  États 
respectifs,  comme  dans  celui  de  faciliter  davantage  l'échange  des 
produits  de  l'un  des  deux  pays  avec  ceux  de  l'autre  (*).  A  cet  effet, 
ils  ont  nommé  pour  leurs  plénipotentiaires  : 

Sa  Majesté  l'empereur  des  Français,  monsieur  Albin-Reine  baron 
Roussin,  vice-amiral,  pair  de  France,  membre  de  l'Académie  des 
Sciences,  grand'croix  de  l'ordre  impérial  de  la  Légion  d'Honneur, 
décoré  du  grand  ordre  du  Nichani-Ii'tihar,  grand'croix  de  l'ordre 
grec  du  Sauveur,  commandeur  de  l'ordre  de  la  Croix  du  Sud  du 
Rrésil,  son  ambassadeur  près  de  la  Sublime-Poite  ;  et 
Sa  Hautesse  le  sultan,  le  très-excellent  et  très-distingué  Méhem- 

(*;  L'instrument  français  i)orie,  avant  ce  préambule,  l'en-tête  suivant  :  t'onw«/(o« 
/oimnril  appendice  aux  cupilulalions  garanties  à  la  France  par  la  Porte  otlomane,  d 
miundanl  ou  muUifinnt,  dans  Cùilérêl  du  cunimrrce  et  de  la  navigation  des  deux  jiaijs, 
certaines  sti], ululions  contenues  dans  lis  capiliiUitioiis. 


CONVENTION  DU  25  NOVtViHUL,  I808  /|07 

med  Nouri-éfendi,  conseiller  d'état  au  département  des  alTaires 
étrangères,  tenant  le  portefeuille  de  ce  ministère  par  intérim,  dé- 
coré de  l'ordre  du  Nicliani-Ifiiliar  de  première  classe,  grand'croix 
de  Tordre  belge  de  Léopold  ;  et  le  très-excellent  et  très -distingué 
Moustafa-Kiani-béy,  membre  du  conseil  suprême  d'Etat,  président 
du  conseil  d'utilité  publique  et  du  conmierce,  ministre  d'État  de 
première  classe,  revêtu  des  décorations  allectées  à  ces  deux  em- 
plois; lesquels,  après  s'être  donnés  réciproquement  communication 
de  leurs  pleins  pouvoirs,  trouvés  dans  la  bonne  et  due  forme,  sont 
tombés  d'accord  sur  les  articles  suivants  : 

Article  1.  Tous  les  droits,  privilèges  et  immunités  qui  ont  été 
conférés  aux  sujets  ou  aux  bâtiments  français,  par  les  capitulations 
et  les  traités  existants,  sont  confirmés  aujourd'hui  et  pour  toujours, 
à  l'exception  de  ceux  qui  vont  être  spécialement  modifiés  par  la 
présente  convention,  et  il  est,  en  outre,  expressément  entendu  que 
tous  les  droits,  privilèges  et  immunités  que  la  Sublime-Porte  ac- 
corde aujourd'hui,  ou  pourrait  accorder  à  l'avenir  aux  bâtiments  et 
aux  sujets  de  tout  autre  puissance  étrangère,  seront  également  ac- 
cordés aux  sujets  et  aux  bâtiments  français,  qui  en  auront  de  droit 
l'exercice  et  la  jouissance. 

Art.  2.  Les  sujets  de  Sa  Majesté  l'empereur  des  Français,  ou  leurs 
ayants-cause,  pourront  acheter  dans  toutes  les  parties  de  l'empire 
ottoman,  soit  qu'ils  veuillent  en  faire  le  commerce  à  l'intérieur,  soit 
qu'ils  se  proposent  de  les  exporter,  tous  les  articles  sans  exception 
provenant  du  sol  ou  de  l'industrie  de  ce  pays.  La  Sublime-Porte 
s'engage  formellement  à  abolir  tous  les  monopoles  qui  frappent  les 
produits  de  l'agriculture  et  les  autres  productions  quelconques 
de  son  territoire ,  comme  aussi  elle  renonce  à  l'usage  des  te&- 
kéré  demandés  aux  autorités  locales  pour  l'achat  de  ces  marchan- 
dises, ou  pour  les  transporter  d'un  lieu  à  un  autre  quand  elles 
étaient  achetées.  Toute  tentative  qui  sera  faite  par  une  autorité 
quelconque  pour  forcer  les  sujets  français  à  se  pourvoir  de  sembla- 
bles permis  ou  teskéré  sera  considérée  comme  une  infraction  aux 
traités,  et  la  Sublime-Porte  punira  innnédiatement  avec  sévérité 
tous  vizirs  ou  autres  fonctionnaires  auquels  on  aurait  une  pareille 
infraction  à  reprocher,  et  elle  fera  indemniser  les  sujets  français  des 
pertes  ou  vexations  dont  ils  pourront  prouver  qu'ils  ont  eu  à  souf- 
frii'. 

Art.  0.  Les  marchands  français,  ou  leurs  ayants-cause,  (jui  achè- 


ÛOS  CONVENTIOIN  DU  25  NOVEMBRE  I808 

teront un  objet  quelconque  produit  du  sol  ou  de  l'industrie  delà 
Tnrquie,  dans  le  but  de  le  revendre  pour  la  consommation  dans 
l'intérieur  de  l'empire  ottoman,  payeront,  lors  de  l'achat  et  de  la 
vente,  les  mêmes  droits  qui  sont  payés  dans  les  circonstances  ana- 
logues par  les  sujets  musulmans,  ou  par  les  rayas  les  plus  favorisés 
parmi  ceux  qui  se  livrent  au  commerce  intérieur. 

Art.  h.  Tout  article,  produit  du  sol  ou  de  l'industrie  de  laTurquie, 
acheté  pour  l'exportation,  sera  transporté,  libre  de  tout  espèce  de 
charge  et  de  droits,  à  un  lieu  convenable  d'embarquement  par  les 
négociants  français  ou  leurs  ayants-cause;  arrivé  là,  il  payera  à 
son  entrée  un  droit  fixe  de  9  pour  100  de  sa  valeur,  en  remplace- 
ment des  anciens  droits  de  commerce  intérieur,  supprimés  par  la 
présente  convention  ;  à  sa  sortie,  il  payera  le  droit  de  3  pour  100 
anciennement  établi,  et  qui  demeure  subsistant.  Il  est  toutefois 
bien  entendu  que  tout  article  acheté  au  lieu  d'embarquement  pour 
l'exportation,  et  qui  aura  déjà  payé  à  son  entrée  le  droit  intérieur, 
ne  sera  plus  soumis  qu'au  seul  droit  primitif  de  3  pour  100. 

Art.  5.  Tout  article,  produit  du  sol  ou  de  l'industrie  de  la  France 
et  de  ses  dépendances,  et  toutes  marchandises,  de  quelque  espèce 
qu'elles  soient,  euibarquées  sur  des  bâtiments  français  et  étant  la 
propriété  de  sujets  français,  ou  apportées,  par  terre  ou  par  mer, 
d'autres  pays,  par  des  sujets  français,  seront  admis  comme  anté- 
rieurement dans  toutes  les  parties  de  l'empire  ottoman,  sans  au- 
cune exception,  moyennant  un  droit  de  3  pour  100  calculé  sur  la 
valeur  de  ces  articles. 

En  remplacement  de  tous  les  droits  de  commerce  intérieur  qui  se 
perçoivent  aujourd'hui  sur  lesdites  marchandises,  le  négociant 
français  qui  les  importera,  soit  qu'il  les  vende  au  lieu  d'arrivée, 
soit  qu'il  les  expédie  dans  l'intérieur  pour  les  y  vendre,  payera 
un  droit  additionnel  de  2  pour  100.  Si  ensuite  ces  marchandises 
sont  revendues  à  l'intérieur,  il  ne  sera  plus  exigé  aucun  droit  ni 
du  vendeur  ni  de  l'acheteur,  ni  de  celui  qui  les  ayant  achetées  dé- 
sirera les  expédier  au  dehors. 

Les  marchandises  qui  auront  payé  l'ancien  droit  d'importation  de 
2  pour  100  dans  un  port  pourront  être  envoyées  dans  un  autre 
port,  franches  de  tout  droit;  et  ce  n'est  que  lorsqu'elles  y  seront 
vendues  ou  transportées  de  celui-ci  dans  l'intérieur  du  pays  que  le 
droit  additionnel  de  2  pour  JOO  devra  être  acquitté. 

11  demeure  entendu  que  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  l'empe- 


CONVENTION  DU  25  NOVEMBRE  1838  Zl09 

reur  des  Français  ne  prétend  pas,  soit  par  cet  article,  soit  par  aucun 
autre  du  présent  traité,  stipuler  au  delà  du  sens  naturel  et  précis 
des  termes  employés,  ni  priver  en  aucune  manière  le  gouvernement 
de  Sa  Hautesse  de  l'exercice  de  ses  droits  d'administration  inté- 
rieure, en  tant  toutefois  que  ces  droits  ne  porteront  pas  une  at- 
teinte manifeste  aux  stipulations  des  anciens  traités,  et  aux  privi- 
lèges accordés,  par  la  présente  convention,  aux  sujets  français  et  à 
leurs  propriétés. 

Art.  0.  Les  sujets  français,  ou  leurs  ayants-cause,  pourront  li- 
brement trafiquer ,  dans  toutes  les  parties  de  l'empire  ottoman,  des 
marchandises  apportées  des  pays  étrangers  ;  et  si  ces  marchandises 
n'ont  payé  à  leur  entrée  que  le  droit  d'importation,  le  négociant 
français,  ou  son  ayant-cause ,  aura  la  fiiculté  d'en  trafiquer  en 
payant  le  droit  additionnel  de  2  pour  100,  auquel  il  serait  soumis 
pour  la  vente  des  propres  marchandises  qu'il  aurait  lui-même  im- 
portées, ou  pour  leur  transmission  faite  dans  l'intérieur  avec  l'in- 
tention de  les  y  vendre.  Ce  payement  une  fois  acquitté,  ces  mar- 
chandises seront  libres  de  tous  autres  droits,  quelle  que  soit  la 
destination  ultérieure  qui  sera  donnée  à  ces  marchandises. 

Art.  7.  Aucun  droit  quelconque  ne  sera  prélevé  sur  les  marchan- 
dises françaises,  produit  du  sol  ou  de  l'industrie  de  la  France  et  de 
ses  dépendances,  ni  sur  les  marchandises  provenant  du  sol  ou  de 
l'industrie  de  tout  autre  pays  étranger,  quand  ces  deux  sortes  de 
marchandises,  embarquées  sur  des  bâtiments  français,  appartenant 
à  des  sujets  français,  passeront  par  les  détroits  des  Dardanelles,  du 
Bosphore,  ou  de  la  mer  Noire  ;  soit  que  ces  marchandises  traver- 
sent ces  détroits  sur  les  bâtiments  qui  les  ont  apportées,  ou  qu'elles 
soient  transbordées  sur  d'autres  bâtiments,  ou  que,  devant  être 
vendues  ailleurs,  elles  soient,  pour  un  temps  limité,  déposées  à 
terre  pour  être  mises  à  bord  d'autres  bâtiments  et  continuer  leur 
voyage. 

Toutes  les  marchandises  importées  en  Turquie  pour  être  trans- 
portées dans  d'autres  pays,  ou  qui,  restant  entre  les  mains  de  l'im- 
portateur, seront  expédiées  par  lui  dans  d'autres  pays  pour  y  être 
vendues,  ne  payeront  que  le  premier  droit  d'importation  de  3  pour 
100,  sans  que,  sous  aucun  prétexte,  on  puisse  les  assujétir  à  d'au- 
tres droits. 

Art.  8.  Les  firmans  exigés  des  bâtiments  marchands  français,  à 
leurs  passage  dans  les  Dardanelles  et  dans  le  Bosphore,  leur  seront 


ZilO  CONVENTION  DU  '25  NOVEMBRE  1838 

toujours  délivrés  de  manière  à  leur  occasionner  le  moins  de  retard 
possible. 

Art.  9.  La  Sublime-Porte  consent  à  ce  que  la  législation  créée 
parla  présente  convention  soit  exécutable  dans  toutes  les  provinces 
de  l'empire  ottoman  (c'est-à-dire  dans  les  possessions  de  Sa  Hau- 
tesse  situées  en  Europe,  en  Asie  et  en  Egypte,  et  dans  les  autres 
parties  de  l'Afrique  appartenant  à  la  Sublime-Porte),  et  qu'elle  se- 
rait applicable  à  toutes  les  classes  de  sujets  ottomans. 

La  Sublime-Porte  déclare  aussi  ne  point  s'opposer  à  ce  que  les 
autres  puissances  étrangères  cherchent  à  faire  jouir  leur  commerce 
des  stipulations  contenues  dans  la  présente  convention. 

Art.  10.  Suivant  la  coutume  établie  entre  la  France  et  la  Su- 
blime-Porte, et  afin  de  prévenir  toutes  difficultés  et  tout  retard  dans 
l'estimation  de  la  valeur  des  articles  importés  en  Turquie  ou  expor- 
tés des  États  ottomans  par  les  sujets  français,  des  commissaires, 
versés  dans  la  connaissance  du  commerce  des  deux  pays,  ont  été 
nommés,  tous  les  quatorze  ans,  pour  fixer,  par  un  tarif,  la  somme 
d'argent,  en  monnaie  du  grand-seigneur,  qui  devra  être  payée  sur 
chaque  article.  Or,  le  terme  des  quatorze  ans  pendant  lequel  le 
dernier  tarif  doit  rester  en  vigueur  étant  expiré,  les  hautes  parties 
contractantes  sont  convenues  de  nommer  conjointement  de  nou- 
veaux commissaires,  pour  fixer  et  déterminer  le  montant  en  argent 
qui  doit  être  payé  par  les  sujets  français  comme  droit  de  3  pour  100 
sur  la  valeur  de  tous  les  articles  de  commerce  importés  et  exportés 
par  eux.  Lesdits  commissaires  s'occuperont  de  régler  avec  équité  le 
mode  de  payement  des  nouveaux  droits  auxquels  la  présente  con- 
vention soumet  les  produits  turcs  destinés  à  l'exportation,  et  dé- 
termineront les  lieux  d'embarquement  dans  lesquels  l'acquittement 
de  ces  droits  sera  le  plus  facile. 

Le  nouveau  tarif  établi  restera  en  vigueur  pendant  sept  années, 
à  dater  de  sa  fixation  ;  après  ce  terme,  chacune  des  hautes  parties 
contractantes  aura  le  droit  d'en  demander  la  révision  ;  mais  si,  pen- 
dant les  six  mois  qui  suivront  l'expiration  des  sept  premières  années, 
ni  l'une  ni  l'autre  n'use  de  cette  faculté,  le  tarif  continuera  d'avoir 
force  de  loi  pour  sept  autres  années,  à  dater  du  jour  où  les  pre- 
mières seront  expirées,  et  il  en  sera  de  même  à  la  fin  de  chaque 
période  successive  de  .sept  années  (*). 

(*)  y.  Grande-Bretagiif,  Appendice  uu  Traité  de  commerce  de  1833, 


CONVENTION  DU  25  NOVEMBUF.  IS.'iS 


AU 


Conclusion.  La  présente  convention  sera  ratifiée;  les  ratifications 
en  seront  échangées  à  Constantinople  clans  l'espace  de  trois  mois, 
ou  plus  tôt  si  faire  se  peut  ;  et  elle  ne  commencera  toutefois  à  être 
mise  à  exécution  qu'au  mois  de  mars  1839. 

Les  dix  articles  qui  précèdent  ayant  été  arrêtés  et  conclus,  le 
présent  acte  a  été  signé  par  nous,  et  il  est  remis  à  Son  Excellence  le 
plénipotentiaire  de  France,  en  échange  de  celui  qu'il  nous  remet 
lui-même. 

Fait  à  Constantinople  le  9  ramazan  125/i. 


MOHAMMED-NOURI, 

conseiller  au  département 
des  affaires  étrangères. 


MOUSTAPHA-KIANI, 

membre  du  conseil 
suprême  d'Etat. 


/il 2  KOTE  DU  27  JUILLET  1839 

NOTE 

du  27  juillet  1839  (15  djémaziul-éwel  1255). 


APPENDICE 


I.  Dépêche  du  baron  de  Bourqxieney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 
25  mai  1839  {à  rébiul-éwel  1255). 
H.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney ,  en  date  du 
30  mai  1839  (9  rébiul-éwel  1255). 
IIJ.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Granville,  en  date  du  ih  juin 

1839  (2  rébiul-akhir  1255). 
IV.  Dépéclie  du  baron  de  Bourqueney  cm  maréchal  Soult,  en  date  du 

17  Juin  1839  (4  rébiul-akhir  1255). 
V.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney ,  même  date. 
YI.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Granville,  en  date  du  19  juin 

1839  (6  rébiul-akhir  1255). 
VII.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

20  juin  1839  (7  rébiul-akhir  1255). 
VIII.  Instructions  de  l'amiral  Duper  ré  au  contre-amiral  Lalande,  en  date 
du  '26  juin  1839  (13  rébiul-akhir  1255). 
I.\.  Dppêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney ,  en  date  du 
27  juin  1839  (l/i  rébiul-akhir  1!255). 

X.  Projet  de  note  envoyé  par  le  maréchal  Soult  au  baron  Roussin  le 

..  juillet  1839  (..  rébiul-akhir  1255). 

XI.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourquoiey,  en  date  du 

G  juillet  1839  (23  rébiul-akhir  1255). 
XII.  Lettre  du  baron  Roussin  à  lord  Ponsonby,  en  date  cbi  7  juillet 
1839  (2Zi  rébiul-akhir  1255). 

XIII.  Dépêclie  de  lord  Granville  à  lord  Palmerston,  en  date  du  8  juillet 

1830  (25  rébiul-akhir  1255). 

XIV.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

9  juillet  1839  (26  rébiul-akhir  1255). 
XV.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  11  juillet  1839  (28  rébiul- 
akhir  1255). 
XVI.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  \^  juillet  1839  (29  rébiul- 
akhir  1255). 
XVII.  Déjiêche  du  maréchal  Soult  aux  représentants  français  à    Vienne, 
à  Londres,  à  Berlin,  à   Saint-Pétersboury  et  à  Constantinople, 
en  date  du  17  juillet  1839  (5  djémaziul-éwel  1255). 

XVIII.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  barun  de  Bourqueney,  même  date. 
XIX.  Note  du  baron  de  Bourqueney  à  lord  Palmerston,   en  date  du  19 
juillet  1839  (7  djémaziul-évxl  1255). 


NOTE  DU  27  JUILLET  18.".9  hi'ô 

XX.  Note  de  lord  Palmerston  au  baron  de  Bourqueney,  en  date  du  22 
juillet  183\)  (tO  djémaziul-cioel  1255). 
XXI.  Déprche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

23  juillet  1839  (Il  djéniaziul-éivel  1255). 
XXII.  Note  du  comte  de  Sainte-Aulaire  au  prince  de  Metlernich,méme  date. 

XXIII.  Note  du  prince  de  Mettcrnich  au  comte  de  Sainte-Aulaire,  en  date 

du  '2U  juillet  l839  (12  djémaziul-éwel  1255). 

XXIV.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney,  en  date  du 

26  juillet  1839  (l/i  djémaziul-éwel  1  '255). 
XXV.  Dépêche  Uu  maréchal  Soult  au  consul-général  de  France  à  Alexan- 

drie,  en  date  du  21  juillet  1839  (15  djémaziul-éwel  1J55). 
XXVI.   Dépêche  du  baron  de  Bourqueiœy  au  maréchal  Soult,  même  date. 
XXVIL   Nute  de  lord  Beauvale  au  prince  de  Mcllerinch,  même  date. 
XXVI IL  Note  du  prince  de  Metternich  à  lord  Beauvale,  en  date  du  28  juil- 
let 1839  (16  djémaziul-éwel  1255). 
XXIX.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

31  juillet  1839  (19  djémaziul-éwel  1255). 

XXX.  Dépêche  de  lord  Beauvale  à  lord  Pahnerston,  en  date  du  V  août 

1839  (20  djémaziul'éwel  i2ô5).  Annexe  :  Projet  de  déclaration. 

XXXI.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney,  même  date. 

XXXII.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du  3 

août  1839  (22  djênmziul-éwel  12r.5). 

XXXIII.  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  comte  de  Medem,  en  date  du 

6  août  1839  (25  djémaziul-éwel  1255). 

XXXIV.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney ,  même  date. 
XXXV.   Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Roussin,  même  date. 

XXXVI.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

9  août  1839  (28  djémaziul-éwel  1255). 
XXXVII.  Lettre  du  baron  de  Roussiii  à  lord  Ponsonby,  en  date  du  13  août 

1839  (2  djémaziul-akhir  1255). 
XXXVHL  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  comte  de  Medem,  en  date  du 

16  août  1839  (5  djémaziul-akhir  1255). 

XXXIX.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

17  août  1839  {6  djémaziul-akhir  1255). 

XL.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  18  août  1839  (7  djémaziul- 
akhir  1255). 
XLI.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney ,  en  date  du 

22  août  18:59  (11  djémaziul-akhir  1255). 
XLÏI.   Dépêche  du  général  Sébastiani  au   maréchal   Soult,   en  date  du  5 

septembre  13  j9  (25  djémaziul-akhir  1255). 
XLIII.  Dépêche  de  M.  Bulwer  à  lurd  Palmerston,  en  date  du  16  septem- 
bre 1839  (7  rédjeb  1255). 
XLIV.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult,  en  date  du  23 

septembre  1839  (16  rédjeb  1255). 
XLV.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastiani,  en  date  du  26 

septembre  1839  (17  rédjeb  1255). 
XLVL  Dépêche  de  lurd  Ponsonby  à  lord  Palmerston,  en  date  du  30  sep- 
tembre 1839  (21  rédjeb  1255). 


Um  NOTE  DU  27  JUILLET  1S:^9 

XLVn.  Note  du  baron  de  Roiissin  à  Réchid-pacha,  en  date  du  2  octoJyre 

1839  (23  rèdjeh  1255). 
XLVIII.  Dépèche  du  ijcncral  Sébistinni  au  maréchal  Soull,  en  date  du  3 
octobre  1839  (2'4  rédjeb  1255). 
XLL\.  Dépéchedumêmeaumême,endateduiO octobre lS3d{\.chdban  1255). 
L.  Dépêche  de  lord  Granville  à  lord  Palmerston,  en  date  du  Ix  no- 
vembre 1839  (26  chàban  1255). 
LL  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  à  M.  de  Kissélcf]',  en  date  du  22 

novembre  1839  (15  ramazan  1255). 
LIL   Dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastiani,  en  date  du  25 
novembre  1839  (17  ramazan  1255). 
LUI.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  9  décembre  1839  (2  chéival 

1255). 
LIV.  Discours  de  Louis-Philippe  prononcé  le  23  décembre  1 839  (16  ché- 

wal  1255). 
LV.  Dépèche  du  comte  de  Nesselrode  au  comte  de  Medem,  en  date  du  26 

décembre  1839  (19  chéival  1255). 
VLL  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  baron  de  Brunnoiv,  en  date  du 

i"  janvier  18î»0  (25  chéival  1255). 
LVIL  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult,  en  date  du  5 

janvier  181x0  (26  chéival  1255). 
LVin.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  20  janvier  18i0  (15  zil- 
cadé  1255). 
LIX.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Barante,  en  date  du  2/i 

janvier  1860  (19  zilcadé  1255). 
LX.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastiani,  en  date  du  26 
janvier  18^0  (21  zilcadé  1255). 
LXI.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult,  en  date  du  28 
♦  janvier  1840  (23  zilcadé  1255). 

LXIL  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult,  en  date  du 

1/i  février  I8/4O  (30  zilcadé  1255). 
LXIIL  Instruction  du  maréchal  Soult  à  M.  Guizot,  en  date  du  19  février 

18Û0  {IbZilhidjé  1255). 
LXIV.  Résumé  d'un  entretien  de  lord  Palmerston  avec  M.    Guizot,  le  h 

mars  1860  (29  Zilhidjé  1255). 
LXV.  Dépêche  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers,en  date  du  V2mars  1860  (8  mo- 

harrern  1256). 
LXVL  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  17  mars  1860  (13  moliar- 

rem  1256). 
LXVIL  Lettre  du  même  aumême,  même  date. 

LXVIiL  Note  de  M.  Guizot  à  Nouri-éfmdi,  en  datcdu  28  avril  \8h0  (25  sy;- 
fer  1256). 
LXIX.  Dépêche  de  M.  Tlders  à  M.  Guizot,  en  date  du  ii  juin  1860   (10 

réblul-qkhir  1256). 
LXX.  Lettre  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers,  en  date  du  15  juin  1860  (16  ré- 

binl-aLInr  1256). 
LXXI.  Note  de  M.  Guizut  à  Chékib-éfendi,  en  date  du  21  juin  1860  (20 
rébiul-akhir  1256), 


NOTE  DU  '27  JUILLET  1839  415 

LXXIL  Dépêche  de  M.    Guizot  à  M.  Tlders,   en  date  du  11  Juillet  18Z»0 

(11  djémaziul-éioel  l'-'56). 
LXXIIL   Mémorandum  remis  par  lord  Palmerslon  à  M.  Guizot,  en  date  du 

ib  juillet  18/!iO  (15  djémaziul-éwel  l'2ô6). 
LXXIV.  Lettre  de  M.    Thiers  à  M.  Guizot,  en  date  du  IQ  juillet  18/jO  (16 

djémaziul-éivel  1 25G). 
LXXV.  Dépêche  de  M.  Buiwer  à  lord  Palmerslon,  en  date  du  20  juillet 

18/|0  (-20  djémaziul-éivel  1256). 
LXXVL   Le l lie  de  Ji.  lldcrs  à  M.  Guizot,  en  date  du  11  juillet  (21  djéma- 

ziul-civel  1256). 
LXXVII    Dépêche  de  lord  Palmerslon  à  M.  Buiwer,  en  date  du  22  juillet 

18ZiO  (22  djémaziul-éwel  1256). 
LXXVin.  Mémorandum  remis  par  M.  Guizot  à  lord  Palmerslon,  en  date  du 

24  juillet  ISZiO  (2Zi  djénmziul-éwel  1256). 
LXXXIX.  Lettre  de  M.    Tlders  à  M,  Gidzot,  en  date  du  31  juillet  18/i0  (1 
djémaziul-akhir  1256). 
LXXK.  Dépêche  de  lord  Granville  à  lord  Palmerslon,  en  date  du  1"  août 

1840  (2  djémaziul-akhir  1256). 
LXXXL  Dépêche  de  lord  Palmerslon  à  lord  Granville,  en  date  du  Ix  août 

1840  (5  djémaziul-akhir  Î256). 
LXXXII.  Instruction  confidentielle  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  en  date  du  14 

août  18iO  {Ib  djémaziul-akhir  V25(j). 
LXXXilL  Dépêche  du  baron  de  Stinmer  au  prince  de  Metternich,  en  date  du 

17  août  1840  (18  djémaziul-akhir  1256). 
LXXXIV.  Rapport  du  baron  de  Testa  au  baron  de  Stùrmer,  même  date. 
LXXXV.  Note  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-pacha ,  en  date  du  19  août 

1840  (20  djémaziul-akhir  1256). 
LXXXVl.   Résumé  d'un  entretien  du  roi  des  Belges  avec  M.  Guizot  à  Londres 

le  19  août  1840  (20  djémaziul-akhir  1256). 
LXXXVIF.  R'^sumé  d'un  entretien  de  lord  Palmerslon  avec  M.  Guizot,  même 

date. 
LXXXVIIL   Dépêche  du  baron  de  Stùrmer  au  prince  de  Metternich,  en  date  du 
22  août  18^0  (23  djémaziul-akhir  1256). 
LXXXIX.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  en  date  du  23  août  1840  (:'4 
djémaziul-akhir  1256). 
ex.  Note  de  Réchid-pacha  au  comte  de  Pontois,  en  date  du  23  août 
1840  (24  djémaziul-akhir  1256). 
CXI.  Note  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-pacha,  en  date  du  2li  août 

1840  (25  djémaziul-akhir  1256). 
XCII.  Lettre  de  M.  Guizot  à  M,  Thiers,  même  date. 
XCIII.  Note  de  Réchid-pacha  au  comte  de  Pontois,  en  date  du  27  août 

1840  (28  djémaziul-akhir  1256). 
XCIV.  Dépêche  de  M.  Buiwer  à  lord  Palmerslon  en  date  du  28  août  1840 

(29  djémaziul-akhir  1256). 
XCV.  Note  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-pacha,  en  date  du   31   août 

1840  (3  rédjeh  1256). 
CXYL  Dépêche  de  lord  Palmerslon  à  M.  Buiwer,  même  date. 


/ilG  NOTE  DU  27  JUILLET  1839 

XCVIL  Lettre  de  M.  Thiers  à  M    Guizot  en  date  du  h  septembre  18û0  (7 

redjéh  1256). 
XCVIIL   Lettre  du  même  au  même  en  date  du  7  septembre  (10  rédjcb  1256). 
XCIX.  Lettre  du  même  au  même  en  date  du  8  septembre  18ZiO  (11  rédjeb 
1256). 
C.  Note  de  lord  Pabnerston  à  M.  Guizot,  en  date  du  9  septembre  18/i0 

(12  rédjeb  1256). 
CI.  Note  de  lord  Ponsonby  au  comte  de  Pontois,  en  date  du  16   sep- 

tembre  18/iO  (19  rédjeb  1256). 
en.  Note  de  lord  Pabnerston  à  M.  Guizot,  même  date. 
cm.  Note  du  comte  de  Pontois  à  lord  Ponsonby,  en  date  du  17  septem- 
bre 181x0  {20  rédjeb  \  2^6).    "" 
CIV.  Dépêche  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  même  date. 
CV.  Lettre  du  même  au  même,  même  date. 
CVL  Note  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-pacha,  même  date. 
CVII.  Note  de  M.  Guizot  à  lord  Pabnerston,  en  date  du  18  septembre 

18/iO  (21  rédjeb  1256). 
CVIII.  Note  du  même  au  même,  même  date. 
CfX.  Note  de  lord  Pabnerston  à  M.  Guizot,  même  date. 
ex.  Dépêche  de  M.  Bulwer  à  lord  Pabnerston,  même  date. 
CXI.  Note  de  lord  Palmerston  à  M.  Guizot,  en  date  du  22  septembre 
18/iO  (25  rédjeb  1256). 
CXII.  Lettre  de  M   Guizot  au  duc  de  Broglie,  en  date  du  23   septembre 

18i0  (26  rédjeb  1256). 
CXin.  Dépêche  de  M.   Thiers  à  M.  Guizot,  en  date  du  3  octobre  18/i0 

(6  châban  1256). 
CXIV.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Granville,  en  date  du6  octobre 
18/i0  (9  châban  12.96).  — Annexe  :  Résumé  d'une  communica- 
tion faite  par  le  prince  de  Metternich  au  gouvernement  français. 
CXV.   Circulaire  du  comte  de  Nesselrode  aux  légations  russes,  en  date  du 
8  octobre  18^0  (11  châban  1256). 
CXVI.   Dépêche  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  même  date. 
CXVII.  Note  de  lord  Palmerston  aux  représentatifs  autrichien,  prussien  et 

russe,  à  Londres,  même  date. 
CXVIII.  Note  du  baron  de  Schleinitz  à  lord  Palmerston,  en  date  du  9  oc- 
tobre 1840  (12  châban  1256). 
CXIX.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  même  date. 
CXX.  Note  du  Ixiroti  de  Neumann  à  lord  Palmerston,  en  date  du  12  oc- 
tobre 18ZiO  (15  châban  \im). 
CXXI.  Note  du  baron  de  Brunnow  à  lord  Palmerstoii,  même  date. 
CXX II.  Dépêche  de  lord  Granville  à  lord  Palmerston,  en  date  du  15  oc- 
tobre 18/jO  (18  châban  1256). 
CXXIII.  Dépêche  de  lord  Pabnerston  à  lord  Granville,  en  date  du  20  octo- 
bre 18ZiO  (23  châban  1256). 
CXXIV.  Projut  de  discours  présenté  au  roi  par  M.  Thiers,  le  20  octobre  IbZjO 
(23  châban  1256). 


NOTE    DU    27    JUILLET   1839  617 

CXXV.  Lciire  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  en  date  du  22  octobre  18.'j0  (25 

chdban  125G). 
CXXVL  Dépêche  de  lord  Granville  à  lord  Palmerston,  en  date  du  23  octo- 
bre 1860  (26  chdban  1256). 
CXXVn.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Ponsonby,  en  date  du  27  octo- 
bre 1860  (1  ramuzan  1256). 
CXXVm.  Dépêche  du  même  au  même,  en  date  du  2  novembre  1860  (7  rama- 
zan  1256). 
CXXIX.  Discours  de  Louis-Philippe  prononcé  le  5  novembre  1860  (10  ra- 

mazan  1256). 
CXXX.  Adresse  de  la  Chambre  des  Pairs  présentée  au  roi  le  19  novembre 
1860  (26  ramazan  1256). 
CXXXI.  Dépêche  de  lord  Granville  à  lord  Palmerston,  en  date  du  6  décem- 
bre 1860  (16  chéiual  1256). 
CXXXII.  Adresse  de  la  Chambre  des  Députés  présentée  au  roi  le  7  décembre 

1860  (19  chéival  1256). 
C'XXXIII,  Dépêche  de  M.  Bulwer  à  lord  Palmerston,  en  date  du  21  aoril  1861 
(28  sdfer  1257). 


WOTE 


collective  adressée  à  la  Sublime-Porte  par  les  représentants  d'Autriche,  de  France,  de 
la  Grande-Bretagne,  de  Prusse  et  de  Russie,  en  date  du  27  juillet  1839  (15  djémaziul- 
éwel  1255). 

Constantinople  ce  27  juillet  1839. 

Les  soussignés  ont  reçu,  ce  matin,  de  leurs  gouvernements 
respectifs  des  instructions  en  vertu  desquelles  ils  ont  l'honneur 
d'informer  la  Sublime-Porte  que  l'accord  sur  la  question  d'Orient 
est  assuré  entre  les  cinq  puissances  ,  et  de  l'engager  à  suspendre 
toute  détermination  définitive  sans  leur  concours,  en  attendant 
l'eftet  de  l'intérêt  qu'elles  lui  portent. 

PoNSONRY,  ambassadeur  d'Angleterre. 
Baron  de  StlIrmer,  internonce  d' Autriche. 
Comte  Ronigsmarck  ,  ministre  de  Prusse. 
Baron  Pigussin,  ambassadeur  de  France. 
A.  BouTENEFF,  ministre  de  Russie. 


APPE]¥D1CE 

Malgré  la  note  collective  signée  par  le  baron  Roussin  le  27  jaillct  1839,  la 
France  ne  fut  point  partie  contractante  h  la  convention  de  Londres,  (|iie 
T.  II.  27 


'll8  APPENDICE 

l'Autriche,  la  Grande-Bretagne,  la  Prusse  et  la  Russie  conclurent  avec  la 
Turquie  le  juillet  I8/4O,  pour  défendre  celle-ci  contre  Mohamed-Ali,  pacha 
d'Egypte.  Le  lecteur  trouvera  dans  les  documents  de  cet  appendice  les 
motif:;  de  cet  isolement  de  la  France,  et  y  verra  l'attitude  prise  par  elle 
jus;qu'ù  la  chute  du  ministère  'i'hiers.  Nous  donnons  plus  loin  {Convention  de 
18^1)  plusieurs  actes  qui  se  rattachent  à  la  rentrée  de  la  France  dans  le 
concert  européen,  et  nous  publierons  à  la  section  Autriche  (V.  Convention  de 
1840)  les  documents  les  plus  importants  relatifs  à  la  question  d'Egypte  et 
à  sa  solution. 

I.  —  Dépèche  du  chargé  d'affaires  de  France  (baron  Bourqueney) 
au  luinisîlre  des  affaires  étrangères  (niarcclial  8oult),  en  date 
de  Londres  le  25  mai   18  39  (4  rébiul-éwel  1355). 

Monsieur  le  Qiaréchal,  ainsi  que  je  l'annonçais  à  Votre  Excellence,  lord 
Palmerston  a  communiqué  sans  relard  à  tous  les  membres  du  conseil  la 
nouvelle  de  la  reprise  des  hostilités  entre  l'armée  turque  et  l'armée  égyp- 
tienne. Le  soir,  au  bal  qui  a  eu  lieu  chez  la  reine,  lord  Mell)ourne,  lord 
Laiisdowe,  lord  Normanby,  m'ont,  tous  les  trois,  à  diverses  reprises,  ex- 
posé l'aspect  sérieux  sous  lequel  ils  envisageaient  cet  événement  ;  ils  cher- 
chaient néanmoins  à  si^  persuader  encore  que  la  nouvelle  pouvait  ne  pas 
être  parfaitement  exacte,  et  ils  se  fondaient  sur  le  contraste  qu'elle  pré- 
sente avec  celles  qui  la  précédaient,  soit  de  Gonstantinople,  soit  d'A- 
lexandrie. Quoique  j'eusse  entouré  de  tout  le  secret  possible  ma  commu- 
nication, elle  avait  déjà  transpiré.  Dans  la  soirée  Reschid -Pacha,  qui  de- 
vait prendre  aujourd'hui  congé  de  la  reine,  informé  directement  par  lord 
Palmerston,  annonçait  tout  haut  qu'il  avait  suspendu  son  départ  ;  le  comte 
Orloff  savait  aussi  la  nouvelle,  et,  sans  la  commenter  dans  ses  conséquen- 
ces, il  en  proclamait  la  gravité  avec  affecl.ilion. 

Lord  Palmerston  a  désiré  me  voir  aujourd'hui.  Nous  avons  eu  une  nou- 
velle conférence  qui  a  duré  deux  heures.  Le  temps  me  manque  pour  en 
rendre  un  compte  détaillé  à  Votre  Excellence  ;  mais  j'aime  mieux  me  bor- 
ner aux  points  principaux  de  la  conversation  que  d'en  ajourner  une  analyse  . 
plus  complète. 

Lord  Palmerston  venait  de  recevoir  la  dépêche  de  lord  Granville  qui 
confirme  entièrement  celle  que  je  lui  ai  communiquée  hier,  et  qui  ajoute 
même  que  la  nouvelle  est  arrivée  à  Malte  de  deux  points  différents,  de  Syra 
et  d'Alexandrie.  Nous  avons  laissé  les  doutes  d'hier  de  côté,  et,  le  mal  ad- 
mis, il  ne  s'est  plus  agi  que  du  remède. 

Lord  Palmerston  a  commencé  par  rae  déclarer  qu'il  allait  rae  soumettre 
ses  vues  personnelles  sur  l'étal  de  la  question,  que  lundi  il  les  propose- 
rait ou  conseil,  mais  que  rien  n'y  serait  arrêté  il'uue  manière  définitive 
avant  les  réponses  de  Paris,  Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que,  dans  celle 
lon"ue  conversation,  j'ai   toujours  eu  soin  de  rae  présenter  comme  dé- 


APPENDICE  /,19 

pourvu  de  toute  instruction,  de  manière  qu'aucune  de  mes  paroles  ne  pas- 
sât pour  l'expression,  même  la  plus  allaiblie,  de  la  pensée  de  mon  gou- 
vernement. 

Lord  Palmerston,  monsieur  le  maréchal,  a  posé  d'abord  une  liypolhèse 
de  laquelle  découle  tout  l'ordre  d'idées  dans  lequel  il  s'est  placé  : 

«  Je  prends  pour  point  de  départ,  m'a-t-il  dit,  que  le  but  de  notre  po- 
litique commune  est  la  conservation  de  l'empire  ottoman,  comme  la  moins 
mauvaise  garantie  du  maintien  de  l'équilibre  européen  ;  il  y  a  chez  nous, 
comme  en  France,  une  certaine  opinion  favorable  au  développement  de 
la  puissance  égyptienne.  Cette  opinion,  le  cabinet  anglais  ne  la  parla^'e 
pas,  mais  c'est  une  des  difiicultés  nombreuses  qu'il  rencontre  sur  sa  route 
dans  les  affaires  d'Orient. 

«  La  conservation  de  l'empire  ottoman  admise  comme  but,  nous  avons 
à  le  défendre  de  ses  amis  et  de  ses  ennemis. 

a  L'événement  actuel  nous  surprend  et  nous  laisse  dans  l'ignorance  de 
ce  que  nous  avons  à  craindre  des  amis  de  l'empire  ottoman  ;  c'est  une 
éventualité  à  laquelle  nous  aurons  à  parer  plus  tard  ;  commençons  par  les 
ennemis. 

«  Le  fait  d'agression  (attribué  par  la  nouvelle  télégraphique  aux  Turcs) 
a  son  importance  morale,  car  il  y  a  un  principe  de  justice,  dont  nous  ne 
pouvons  méconnaître  la  puissance,  dans  une  première  disposition  h  faire 
retomber  les  conséquences  de  la  guerre  sur  l'agresseur;  mais  nous  devons 
en  même  temps  nous  rappeler  que  nous  ne  nous  sommes  jamais  portés 
garants  des  arrangements  de  Kutaieh,  (jue  nous  n'avons  jamais,  par  un  acte 
quelconque,  oblitéré  la  qualité  de  vassal  dans  !e  vainqueur  et  de  souverain 
dans  le  vaincu  ;  nous  avons  cédé  h  la  force  des  choses  ;  ces  choses  venant 
il  changer,  il  y  aurait  à  examiner  jusqu'à  quel  point  le  souverain  a  le  droit 
de  ressaisir  par  les  armes  ce  que  les  armes  du  vassal  lui  ont  enlevi\ 

«  Passons  encore  sur  le  fait  d'agression  et  supposons-le  résolu  en  fa- 
veur de  l'Egypte  ;  nous  ne  pouvons  vouloir  ni  que  le  pacha  victorieux  de 
nouveau  remette  l'empire  ottoman  au  bord  de  sa  ruine  et  le  force  à  se 
jeter  dans  les  bras  de  la  Russie,  ni  que  le  sultan,  excité  par  de  premiers 
succès  (succès  bien  douteux  !),  laisse  la  paix  de  l'Europe  en  péril  tout  le 
temps  qu'il  lui  plaira  d'aller  disputer  au  pacha  ses  dernières  conquêtes  et 
peut-être  ses  anciennes  possessions. 

«  Notre  premier  devoir  est  donc  d'arrêter  le  plus  tôt  possible  la  colli- 
sion si  malheureusement  entamée  :  avec  quels  moyens  d'action  ?  dans 
quelles  limites  ? 

«  Les  moyens  d'action  peuvent  être  de  deux  sortes  :  des  vaisseaux  et 
des  troupes  de  débarqueuienl.  J'ignore  s'il  entrerait  dans  les  vues  du 
gouvernement  français  d'envoyer  sur  le  théâtre  des  événements  un  corps 
expéditionnaire;  occupés  comme  nous  le  sommes  dans  l'Inde  et  en  Anié- 


û'20  APPKNDICE 

riqiie,  nous  ne  pourrions  y  paraître  nous-mêmes  avec  une  force  suffisante 
en  temps  ulile.  Celte  dernière  condition  s'appliquerait  aussi  Ji  l'interven- 
tion militaire  de  la  France,  car  un  corps  expéditionnaire  devrait  être  au 
moins  de  quinze  mille  hommes,  et  le  temps  de  le  réunir  et  de  l'embarquer 
ne  saurait  être  moins  de  deux  à  trois  mois.  Restent  donc  les  escadres. 
Celles-là  sont  sur  les  lieux,  et  peuvent  même  être  rapidement  accrues. 
Nous  avons  huit  vaisseaux  dans  l'Archipel  et  deux  dans  le  Tage.  Nos  es- 
cadres réunies  suffisent  k  tous  les  événements  de  mer. 

«  Les  instructions  de  nos  amiraux  devraient  prévoir  deux  cas  :  celui 
où,  en  se  présentant  sur  la  côte  de  Syrie,  ils  trouveraient  le  pacha  victo- 
rieux, celui  oii  ils  arriveraient  pour  assister  à  sa  défaite. 

«  Si  l'avantage  est  resté  aux  armes  du  pacha,  nos  amiraux  auraient  h 
lui  intimer  l'ordre  de  s'arrêter  dans  la  situation  oii  il  serait  à  leur  arrivée, 
sous  menace  de  voir  ses  communications  coupées  avec  Alexandrie  et  tout 
ravitaillement  par  mer  rendu  désormais  impossible.  Un  nombre  suffisant 
de  vaisseaux  paraîtrait  en  même  temps  devant  Alexandrie,  déclarerait  le 
port  en  état  de  blocus  jusqu'à  ce  qu'Ibrahim  eiit  reçu  l'ordre  de  son  père 
de  suspendre  sa  marche  victorieuse,  empêcherait  la  sortie  de  la  flotte 
égyptienne,  si  elle  était  dans  le  port,  et  ne  permettrait  sa  rentrée,  si  elle 
était  en  mer,  qu'après  l'acceptation  des  conditions  proposées. 

«  Si  l'armée  ottomane  a  commencé  par  des  succès,  la  môme  intimation 
sera  faite  au  pacha  qui  la  commande  ;  nos  amiraux  auraient  à  user  de  toute 
leur  influence  pour  le  déterminer  à  ne  pas  pousser  ses  avantages  au  delà 
d'une  portion  de  territoire  (qu'il  s'agirait  de  fixer  en  commun  ),  et  ils  lui 
annonceraient  qu'ils  demanderont  sans  retard  les  instructions  de  leur  gou- 
vernement pour  le  cas  éventuel  oii  leur  conseil  resterait  sans  efl'et.  Pen- 
dant ce  temps,  les  efl"orts  de  nos  deux  missions  à  Consiantinuple  s'exerce- 
raient sans  relâche  pour  contenir  le  Sultan  dans  les  bornes  d'une  sage  mo- 
dération. » 

Telle  est  en  peu  de  mots,  monsieur  le  maréchal,  l'action  navale  des 
deux  puissances,  telle  que  la  comprend  lord  Palmerston,  telle  qu'il  la 
proposera  lundi  au  conseil,  telle  qu'il  la  soumet  au  gouvernement  du  roi. 
Il  a  ajouté  comme  de  raison,  que  celte  action,  pour  être  efficace,  doit 
être  immédiate  et  qu'il  n'y  a  pas  un  moment  à  perdre  pour  combiner  les 
mouvements  de  nos  flottes,  et  préparer  les  instructions  de  nos  amiraux. 

Je  passe  à  l'action  diplomatique. 

Lord  Palmerston  est  d'avis  que  nous  nous  présentions  sans  retard  àVienne 
unis  d'intentions  et  d'elforts  pour  la  conservation  de  l'empire  ottoman, 
que  nous  y  exposions  franchement  le  but  que  nous  nous  proposons  d'at- 
teindre, et  que  nous  pressions  l'Autriche  d'y  concourir  par  tous  les  moyens 
en  son  pouvoir.  Une  démarche  de  môme  nature  aurait  lieu  en  même  temps 
à  Berlin. 


APPENDICE  i21 

«  Ici,  encore,  «a  repris  lord  Palraerston,  «nous  avons  deux  cas  diiïérents 
à  prévoir.  La  Porte  peut  avoir  déjà  imploré  el  reçu  les  secours  do  la  Rus- 
sie PII  hommes  et  en  vaisseaux  ;  elle  peut  les  avoir  demandés  et  la  Russie 
hésiter  à  les  accorder. 

«  Dans  le  premier  cas,  nous  devons  proposer  au  cabinet  autrichien  de 
s'unir  à  nous  pour  déclarer  que  l'Europe  occidentale  exige,  au  nom  de 
l'équilibre  européen,  que  les  troupes  auxiliaires  russes  rentrent  imniédia- 
tement  sur  leur  territoire  iiprès  avoir  accompli  l'objet  de  leur  mission,  cl 
sans  qu'il  puisse  en  résulter  pour  le  gouvernement  russe  ni  conquêtes,  ni 
stipulation  d'avantages  commerciaux  ou  politiques.  Celte  déclaration, 
quelle  que  fiît  sa  forme,  devrait  être  péremploire  au  fond,  et  ne  laisser  à 
la  Russie  aucune  incertitude  sur  les  conséquences  auxquelles  une  conduite 
opposée  à  celle  de  ses  alliés  l'exposerait  inévitablement. 

«  Dans  le  second  cas,  nous  presserions  la  cour  de  Vienne  de  proposer 
avec  nous  à  Pétersbourg  un  concert  préalable  entre  les  cinq  grandes 
puissances,  concert  dont  le  but  serait  le  maintien  de  l'indépendance  de 
l'empire  ottoman,  et  dont  l'action  se  fixerait  en  commun.  Nous  réglerions 
alors  le  rôle  auxiliaire  de  la  Russie,  et  nous  l'enfermerions  dans  les  limiles 
d'une  entente  commune. 

((  Dans  ces  deux  hypothèses,  nous  atténuerions,  autant  qu'il  est  en  nous, 
le  désastreux  effet  des  destinées  de  l'empire  ottoman  commises  unique- 
ment à  la  Russie.  » 

Tel  est,  monsieur  le  maréchal,  le  résumé  le  plus  fidèle  que  ma  mémoire 
a  pu  reproduire  de  mes  deux  conférences  avec  lord  Palmerston,  Je  crois 
avoir  rendu  sa  pensée  exacte.  J'ose  supplier  Votre  Excellence  de  vouloir 
bien  me  metlrele  plus  promptement  possible  à  même  de  lui  faire  connaî- 
tre le  jugement  qu'en  portera  le  gouvernement  du  roi. 
Veuillez  agréer,  etc. 

II.  —  Dépèche    «la   maréchal  Sonlt    aa   baron    de    Bonrqneney,    en 
date  da  30  mai  1839  (9  rébinl-éwel  1255). 

Monsieur,  j'ai  reçu  les  dépêches  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
ra'écrire  jusqu'au  N°  /jS  inclusivement.  Leur  contenu  étant  de  nature  à 
me  faire  penser  que  vous  aurez  bientôl  à  me  transmettre  des  informations 
plus  précises  sur  les  vues  du  cabinet  britannique,  par  rapport  à  l'état  ac- 
tuel de  l'Orient,  je  me  réserve  de  discuter  alors  quelques-unes  des  opi- 
nions que  vous  a  exprimées  à  ce  sujet  lord  Palmerston.  Je  me  bornerai 
pour  le  moment  à  remarquer  que  ce  ministre  me  semble  prendre  un  peu 
trop  facilement  son  parti  d'une  seconde  expédition  russe  à  Constanlino- 
ple,  moyennant  des  garanties  peut-être  illusoires  ;  je  crains  aussi  qu'il 
n'apprécie  pas  d'une  manière  sufiisamment  impartiale  la  position  respec- 


Z,22  APPENDICE 

tive  de  la  Porte  et  de  Méhémel-Ali.  A  Vienne,  on  est  à  cet  égard  dans 
des  dispositions  très-équitables.  Avant  même  de  connaître  les  derniors 
événements,  M.  de  Metlernich  venait  de  se  décider  k  une  importante  dé- 
marche. Frappé  du  danger  dont  les  chances  toujours  imminentes  d'une 
collision  entre  le  Sultan  et  son  puissant  vassal,  menaçaient  depuis  six  ans 
la  paix  du  monde,  il  allait,  suivant  ce  que  M.  le  comte  Appony  m'a  an- 
noncé de  sa  part,  charger  l'internonce  d'appeler  l'attention  de  la  Porte 
sur  la  convenance  d'un  arrangement  qui,  en  accordant  au  fils  de  Méliémet- 
Ali  l'hérédité  du  gouvernement  de  l'Egypte,  en  rassurant  par  conséquent 
le  vice-roi  sur  le  sort  de  sa  famille,  calmerait  en  lui  celte  agitation  inquiète 
tant  redoutée,  dit-on,  à  Gonstanlinople. 

Bien  qu'avant  d'avoir  reçu  des  informations  plus  complètes,  et  de  nous 
être  concertés  avec  nos  alliés,  nous  ne   puissions  évidemment  penser  à 
arrêier  une  détermination  définitive  sur  la  grave  question  qui  vient  de 
surgir,  il  est  certaines  mesures  préliminaires  tellement  indiquées  par  la 
situation,  que  nous  avons  dû  les  prendre  sur  le  champ.  On  sait  déjà  à 
Londres,  que  nous  avons  demandé  aux  chambres  de  nous  ouvrir  un  cré- 
dit destiné  à  couvrir  les  frais  des  armements  maritimes  qui  pourront  deve- 
nir nécessaires.  L'accueil  fait  k  cette  demande  prouve  qu'elle  sera  volée 
avec  empressement.  J'ai,  de  plus,   envoyé  à  M.  l'amiral  Roussin  et  à 
M.  Cochelet  des  instructions  qui  leur  prescrivent  d'insister  pour  que  les 
hostilités  cessent,  si  elles  ont  commencé,  et  pour  qu'en  tout  cas  les  ai'- 
mées  rentrent,  de  part  et  d'autre,  dans  les   positions  occupées  par  elL's 
avant  la  marche  des  Turcs  vers  le  point  frontière  des  territoires  respec- 
tifs. Ces  instructions  seront  remises  à  leur  destination  par  deux  de  mes 
officiers  d'ordonnance,  qui  se  rendront  ensuite,    l'un  en  Asie-Mineure, 
l'autre  en  Syrie,  à  l'effet  de  constater  l'état  des  choses,  et,  s'il  y  a  lieu, 
de  faire  entendre,  avec  énergie,  aux  deux  parties  des  paroles  de  prudence 
et  de   raison.   Enfin,   Monsieur,  je  viens  d'écrire  à  M.    de  Sle-Aulaire, 
à  M.  Bresson,  et  à  M.  de  B.irante,   pour  les  charger  de  s'enlendre  avec 
les  cabinets  au[)rès  desquels  ils  sont  accrédités,  sur  la  marche  à  suivre 
dans  les  conjonctures  actuelles.  J'ai  particulièrement  recommandé  à  M.  de 
Barante  de  s'attacher  à  pénétrer  si   le   gouvernement  russe  penserait  à 
étendre  la  portée  du  traité  d'Unkiar-Skélessi  à  un  état  de  choses  auquel  il 
ne  s'applique  évidemment  pas,  puisque  ses  stipulations  sont  formellement 
conçues  dans  la  prévision  d'une  attaque  dirigée  contre  la  Porte,  et  non 
d'une  lutte  dont  la  Porte  prendrait  elle-même  l'initiative.  Je  n'ai  pas  be- 
soin d'ajouter  que  M.  de  Barante  devra  mesurer  son  langage  den.anière  à 
éviter  ce  qui  pourrait  faire  supposer  que  nous  reconnaissons,  même  dans 
le  sens  le  plus  restreint,  la  validité  d'un   traité  contre  lequel  nous  avons 
protesté  en  1833,  comme  aussi  ce  qui  donnerait  à  croire  qu'indépendam- 
ment de  ce  traité,  ou  de  tout  autre  engagement  formel,  nous  fussions  dis- 


API'KNUICE  Zl'23 

posés  à  tolérer,  soit  le  renversement  du  trône  du  Sultan,  soit  le  déraeiu- 
breraent  de  l'empire. 

Veuillez,   Monsieur,  donner  connaissance  à  lord  Palmerston,  désinfor- 
mations contenues  dans  la  présente  dépêche. 
Recevez,  etc. 

III.  —  Dôpèolic  «In  niinKtro  dos  nfTairps  étrangères  (Palmerston), 
À  rnnihassacleiir  l>rit:)iinî(|ii<-  (lurii  (iranville),  à  Paris,  en  date 
dn   15  juin  18S9  (S  réhiul-aiiliir   13.15). 

Mylord,  je  dois  prier  V.  E.  de  communiquer  au  gouvernement  français 
que  les  nouvelles,  reçues  de  Marseille,  au  commrncement  des  liostilités, 
ont  déterminé  le  gouvernement  do  S.  M.  à  expédier  les  instructions  h 
l'amiral  M.  l{ol)ert  Slopford,sans  délai  ulléri^'ur,  afin  que  le  courrier  n'ar- 
rivât par  trop  tard  pour  le  départ  du  paquebot  de  Marseille,  et  parce  que 
V.  E.  nous  a  informé  que  le  gouvernement  français  approuve  la  teneur 
générale  de  ces  instructions. 

Si  des  communications  subséquentes  entre  les  deux  gouvernements 
amenaient  quelques   modifications   dans  ces  instructions,   il  sera  facile 
d'expédier  ces  modifications  plus  tard. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

IV,  —    Dépêche    (extrait)  du   baron    de    Bourc|neney    an    maréchal 
Soult,  en  date   du  17  juin  183»  (4  réhiul-akbir  1355). 

Hier  lord  Palmerston  m'a  écrit  pour  me  prier  de  passer  chez  lui,  m'an- 
nonçimt  qu'il  désirait  m'entretenir  des  affaires  d'Orient.  Je  m'y  suis 
rendu  sans  retard.  J'avais  évité  depuis  quelques  jours  de  presser  trop 
vivement  la  réponse  aux  ouvertures  que  Votre  Excellence  m'avait  chargé 
défaire  au  cabinet  anglais;  mais  la  réponse  annoncée,  j'ai  cru  devoir 
témoigner  le  plus  vif  empressement  de  la  rtcevoir  de  la  bouche  de  lord 
Palmerston. 

Lord  Palmerston  m'a  annoncé  que  le  Conseil  avait  enfin  délibéré  samedi 
sur  les  affaires  d'Orient,  et  qu'il  éti^it  à  même  de  me  communiquer  le  ré- 
sultat de  cette  délibération.  Il  a  eu  soin  d'ajouter  que  le  prince  Esterhazy 
ne  la  connaîtrait  qu'après  moi. 

«Vous  n'avez  eu  jusqu'ici,  «a  commencé  lord  Palmerston,»  que  mes  pro- 
pres impressions  sur  la  question  d'Orient;  je  vais  vous  donner  aujourd'hui 
l'opinion  arrêtée  du  Conseil  ;  celte  opinion,  je  vous  prie  de  la  porter  à  la 
connais>ance  de  votre  gouvernement,  mais  d'ajcuter,  en  la  trarsuiellant, 
que  nous  attendrons,  pour  agir,  le  jugement  qu'il  en  portera  lui-même.  » 

Je  vais,  monsieur  le  maréchal,  résumer,  aussi  sommairement  et  aussi 


l^•2t^  APPENDICE 

ndèlement  qu'il  nie  sera  possible,  tout  ce  que  ma  mémoire  a  retenu  et  ma 
raison  classé  du  résultat  des  délibérations  du  Conseil. 
Le  conseil  a  décidé  : 

Que  l'Angleterre  devait  marcher  dans  un  accord  intime  avec  la  France  ; 
que  tout  était  impossible  sans  cet  accord  :  tout  facile,  possible  au  moins, 
avec  lui. 

Le  Conseil  a  divisé  la  question  en  deux  parties  : 

1»  L'action  immédiate  pour  l'éventualité  d'un  conflit  déjà  commencé  enlre 
les  armées  lurqueet  égyptienne;  2°  la  négociation  de  l'arrangement  des- 
tiné à  rendre  le  retour  de  ce  conflit  impossible. 

L'envoi  immédiat  de  nos  deux  escadres  sur  la  côte  de  Syrie  a  été  jugé 
indispensable. 

Nos  amiraux  auraient  l'ordre,  s'ils  trouvaient  les  hostilités  commencées, 
de  sommer  les  deux  généraux  d'arrêter  sans  délai  la  marche  de  leurs  ar- 
mées, et  même  d'augmenter  le  rayon  de  distance  qui  séparait  encore,  il  y  a 
six  semaines,  les  deux  avant-gardes.  Leur  sommation  serait  accompagnée 
de  la  déclaration,  au  nom  de  leurs  gouvernemenls,  qu'à  Conslantinople 
et  à  Alexandrie  les  grandes  puissances  de  l'Europe  traitent  d'un  arrange- 
ment qui  doit  satisfaire  les  justes  prélenlions  des  deux  parties. 

Si  les  Turcs  refusaient  de  s'arrêter,  nos  amiraux  expédieraient  sans  re- 
tard à  Constanlinople  deux  officiel  s  de  nos  escadres  pour  annonce)-  à  nos 
ambassadeurs  le  refus  du  commandant  de  l'année  ottomane  d'obtempérer 
à  nos  conseils,  et  ils  le  rendraient  responsable  d'une  aussi  grave  atteinte 
portée  aux  relations  de  la  Porte  avec  toutes  les  j)uissances  de  l'Europe. 
Nos  escadres  conserveraient  une  attitude  expectante  sur  la  côte  de  Syrie. 

Si  les  Egyptiens  méprisaient  notre  sommation,  nos  amiraux  auraient 
l'ordre  d'empêcher  tout  ravitaillement  par  mer,  et  ils  détacheraient  une 
partie  considérable  de  l'escadre  sur  Alexandrie  où  nous  paraîtrions  en 
force  imposante  et  la  menace  du  blocus  à  la  bouche,  dans  le  cas  où  Mé- 
hémet-Ali  refuserait  d'arrêter  la  marche  de  son  fils. 

Le  Conseil  a  pensé  que  cette  démonstration  suffirait  pour  empêcher  les 
hostilités  d'éclater,  si  elles  n'avaient  pas  eu  lieu,  —  pour  les  arrêter,  si 
elles  avaient  déjà  commencé. 

Pendant  ce  temps,  nous  ouvririons  à  Constantinople  et  à  Alexandrie 
une  négociation  sur  la  double  base  de  la  constitution  de  l'iiérédité  de  l'E- 
gypte dans  la  famille  de  Méhémet-Ali  et  de  l'évacuation  de  la  Syrie  par 
les  troupes  égyptiennes.  L'opinion  du  Conseil  est  que  nous  ne  rencontrerions 
aucune  difficulté  sérieuse  à  Constantinople,  et  que,  s'il  s'en  présentait  à 
Alexandrie,  il  suffirait  d'y  convaincre  le  pacha  de  notre  union  pour  en 
triompher.  Le  Conseil  n'a  fixé  ni  lieu  ni  la  forme  de  la  négociation  ;  il  n'en 
a  que  posé  la  base  et  reconnu  l'indispensable  nécessité  pour  rasseoir  la 
paix  du  monde  sur  un  fondement  solide. 


APPENDICE  UIÔ 

Pour  le  su(xès  de  celte  négocialion,  le  Conseil  compte  sur  rellicacité 
de  la  coopération  de  l'Autriche  ;  mais  cette  coopération  doit  être,  selon 
lui,  dominée,  entraînée  par  l'union  de  nos  deux  cabinets.  Un  seul  doute 
à  Vienne  sur  cette  union,  et  nous  n'y  aurons  plus  que  des  paroles. 

Enfin,  monsieur  le  maréchal,  le  Conseil  a  examiné  le  cas  où,  désa- 
voués par  les  événements  au  delà  même  des  bornes  d'une  prévision  rai- 
sonnable, nous  trouverions  les  Russes  établis  à  Constanlinople,  ou  en 
marche  vers  la  capitale  de  l'empire  oUoman.  Cette  immense  question  a 
été  disculée  sous  la  profonde  impression  qu'a  causée  ici  la  phrase  de  la 
dépèche  du  n°  16  de  Votre  Excellence  :  «  Je  crains  qu'on  n'ait  pris  h 
Londres  bien  facilement  son  parti  d'une  nouvelle  expédition  russe.  »  Le 
Conseil  a  pensé  que,  dans  ce  cas,  nos  escadres  devraient  paraître  devant 
Constanlinople,  en  amies,  si  le  sultan  acceptait  nos  secours,  de  force  s'il 
les  refusait.  On  a  même  discuté  militairement  la  question  du  passage  des 
Dardanelles  ;  on  le  croit  possible,  mais  dangereux,  pendant  les  six  mois 
d'hiver  où  le  vent  souffle  do  la  Méditerranée.  On  le  regarde  comme  facile 
pendant  les  six  autres,  mais  avec  des  troupes  de  débarquement.  Je  n'ai 
pas  besoin  d'ajouter,  monsieur  le  maréchal,  que  ce  dernier  parti  n'est,  si 
je  puis  m'exprimer  ainsi,  qu'une  conjoncture  extrême,  mais  devant  la 
réalisation  de  laquelle  ma  conviction  est  qu'il  ne  tiendrait  qu'à  nous  d'em- 
pêcher l'Angleterre  de  reculer. 

Voilà,  monsieur  le  maréchal,  l'analyse  exacte  des  décisions  arrêtées 
par  le  Conseil  de  cabinet  qui  s'est  tenu  avant-hier.  Ma  dépèche  les  por- 
tera à  Votre  Excellence  avant  une  communication  plus  directe  et  plus 
détaillée  que  prépare  en  ce  moment  lord  Palmerston.  J'ai  insisté  sur  la 
rédaction  d'un  projet  d'instruction  aux  amiraux  ;  de  semblables  questions 
De  sauraient  être  trop  précisées.  Le  projet  sera  communiqué  par  lord 
Granville  à  Votre  Excellence. 

Le  prince  Esterhazy  m'a  remplacé  chez  lord  Palmerston.  Il  aura  reçu 
les  mêmes  ouvertures  que  celles  qui  venaient  de  m'ètre  faites  (à  certaines 
réticences  près).  Le  prince  est  plein  d'espoir  dans  le  succès  de  la  négocia- 
tion turco-égyptienne. 

L'ambassade  russe  écoute,  regarde,  mais  hésite  dans  son  action  comme 
dans  son  langage.  Nous  avons  eu  bien  des  Russes  depuis  un  mois  à  Lon- 
dres, monsieur  le  maréchal,  et  des  plus  haut  placés  dans  la  confiance  de 
l'empereur.  Je  hasarde  timidement  une  opinion  formée  à  la  hâte;  mais 
il  me  semble  évident  que  de  ce  côté-là  on  n'est  pas  prêt  non  plus  pour  les 
partis  extrêmes. 

J'ose  supplier  Votre  Excellence,  monsieur  le  maréchal,  de  vouloir  bien 
me  faire  connaître  aussitôt  qu'il  lui  sera  possible  l'opinion  que  se  sera 
formée  le  gouvernement  du  roi  du  plan  proposé  par  le  gouvernement  bri- 
tannique. Cette  opinion  sera  décisive  sur  la  marche  des  événements. 


Û26  APPENDICE 

Il  y  a  longtemps  que  je  n'avais  aussi  bien  senti  qu'aujourd'hui  de  quel 
poids  la  France  pèse  dans  la  balance  de  l'Europe, 


\,  —  Dt-iiêelie  «lu  niaréolial  Sonlt  an  1>aron  de  Bourqncne;^,  en  date 
du  19  juin  1839  (4  rébiul-akhir  1355). 


Monsieur,  je  réponds  h  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'é- 
crira le  l/{  de  ce  mois,  sous  le  N°  52. 

Ma  précédente  expédition  vous  a  fait  connaître  la  réponse  du  cabinet 
de  Vienne  à  nos  premières  communications  sur  les  affaires  d'Orient.  Vous 
trouverez  dans  les  extraits  ci-joinis  de  deux  dépêches  de  MM.  de  Barante 
el  Biesson,  les  seules  données  que  nous  ayons  encore  sur  les  dispositions 
de  la  Prusse  et  de  la  Russie.  A  Berlin,  je  vous  l'ai  déjà  dit,  on  est  tout 
disposé  à  s'unir,  pour  maintenir  la  paix,  aux  démarches  des  autres  |)uis- 
sances.  ASaint-Pétershourg,  où  nos  communications  n'étaient  pas  encore 
parvenues,  M.  de  Barante  supposait,  d'après  des  indices  dont  la  force  ne 
me  paraît  pas  décisive,  le  cabinet  russe  enclin  à  saisir  tout  prétexte  ho- 
norable de  ne  pas  se  jeter  dans  les  embarras  qu'entraînerait  l'application 
du  traité  d'Unkiar-Skélessi. 

Les  dépêches  arrivées,  il  y  a  trois  jours,  par  le  paquebot  de  l'Orient, 
ne  nous  ont  apporté  aucune  nouvelle  tant  soit  peu  importante.  Les  ar- 
mées étaient  toujours  en  présence  sur  le  bord  de  l'Ëuphrate;  il  y  avait 
même  eu  entre  quelques  soldats  une  légère  escarmouche;  mais  rien  n'an- 
nonçait, de  la  part  des  chefs,  la  volonté  d'en  venir  aux  mains.  S'il  faut  en 
croire,  d'ailleurs,  les  rapports  envoyés  par  Ibrahim-Pacha  à  son  père,  les 
Turcs  seraient  peu  en  mesure  de  commencer  les  hostilités.  Leur  armée 
ne  s'élèverait  pas  au-dessus  de  36,000  hommes  affaiblis  même  par  le  dé- 
faut d'approvisionnements  sufTisants,  el  parla  dé'^ertion.  Aussi,  commen- 
çait-on à  croire  h  Alexandrie  qu'il  n'y  aurait  pas  de  guerre;  c'était  même 
l'opinion  du  vice- roi.  A  Gonslantinople,  on  était  moins  rassuré,  parce 
que,  à  travers  les  protestations  pacifiques  de  la  Porte,  ses  intentions  hos- 
tiles éclataient  dans  l'empressement  qu'elle  mettait  à  chercher,  jusque 
dans  les  moindres  circonstances  et  dans  les  bruits  les  plus  invraisembla- 
bles, des  griefs  contre  Méliémet-Ali. 

Je  viens  de  résumer,  en  peu  de  mots,  l'état  des  choses  tel  qu'il  se  pré- 
sente en  ce  moment,  c'est-à-dire,  propre  à  justifier  encore  de  très-sé- 
rieuses in(iuiétu(!es.  Vous  en  jugerez  plus  complètement,  d'ailleurs,  par 
les  extraits  ci-joints  de  la  correspondance  d'Ej;y|jte  et  de  Constantinople. 

Je  vais  maintenant  vous  mettre  en  mesure  de  répondre  aux  questions 
que   vous  a  adressées  lord  Palmerston,  sur  l'opinion  que  s'est  formé  le 


AP1>ENDICE  i27 

gouvernement  du  roi  des  dispositions  à  prendre  dans  1(3  but  de  pourvoir 
aux  nécpssilés  du  moment. 

Le  gouvernement  du  roi  reconnaît  l'utilité  et  la  convenance  d'un  con- 
cert entre  les  grandes  puissances  pour  aviser  aux  moyens  d'assurer,  par 
une  altitude  et  un  langage  communs,  le  maintien  de  l'empire  ottoman  ;  il 
pense  que  c'est  à  Vienne  que  pourrait  èlre  établi,  de  la  manière  la  plus 
avantageuse,  le  siège  des  déiihérations  qui  s'ouvriront  à  cet  effet. 

Il  croit  que  pour  empêcher  les  liosiililés,  si  elles  n'ont  pas  encore 
éclaté,  ou  pour  y  mettre  fin,  si  malheureusement  elles  avaient  déjà  com- 
mencé, les  escadres  anglaise  et  franc  lise  doivent,  en  s'arrogeant  une 
sorte  de  médiation  armée,  se  constituer  maîtresses  de  la  mer;  imposer  aux 
forces  maritimes  de  TEtryple  et  de  la  Porte  une  entière  inaction  ;  et  les 
déterminer  même  à  rentrer  dans  leurs  ports,  si  elles  en  sont  sorties. 

L'escadre  anglaise  paraît  devoir  être  forte  de  dix  vaisseaux  de  ligne, 
sans  compter  les  autres  bâtiments.  La  nôtre  sera  portée  aussi  à  dix  vais- 
seaux, et  comptera,  de  plus,  quatre  ou  cinq  frégates,  avec  quatre  bateaux 
à  vapeur  et  d'autre  bâtiments  plus  légers.  Déjà,  sept  vaisseaux  sont  réunis 
à  Srayrne,  ou  en  roule  pour  .s'y  rendre.  Les  trois  autres  partiront  ti'ès- 
prochainement.  Il  importe  que  des  instructions,  non  pas  communes,  mais 
inspirées  par  une  pensée  identique,  et  que  les  deux  cours  se  communi- 
queraient au  préalable,  soient  envoyées,  sans  retard,  aux  commandants  des 
deux  escadres  pour  diriger  leurs  opérations.  Lorsqu'on  saura,  dans  l'O- 
rient, que  de  telles  forces  agissent  dans  un  même  esprit,  et  tendent  vers 
le  même  but,  il  n'est  pas  possible  de  supposer  que  soit  la  flotte  du  sultan, 
soit  celle  du  paclia,  veuille  s'exposer  à  lutter  contre  elles.  Je  dis  plus  : 
leur  développement,  en  rendant  la  guerre  presqu'impossible,  ôtera  à  la 
Russie  tout  prétexte  de  mettre  en  mouvement  sa  flotte  de  Sébaslopol,  ou 
même  son  armée  de  terre. 

Pour  mieux  atteindre  le  résultat  que  nous  avons  en  vue,  peut-être  se- 
rait-il à  propos  que  le  pavillon  autrichien  se  montrât  au  milieu  de  l'es- 
cadre combinée  française  et  anglaise  :  une  ou  deux  frégates,  avec  quel- 
ques bâtiments  légers  seraient  suffisantes  pour  cela.  Il  est  à  remarquer, 
au  surplus,  que  M.  de  Melternicli  en  a  déjà  exprimé  la  pensée. 

Telles  sont,  Monsieur,  les  mesures  qui  me  paraissent  devoir  être  adop- 
tées sans  relard,  si  l'on  ne  veut  pas  se  laisser  surprendre  par  les  événe- 
ments. J'arrive  à  celles  qui,  lorsque  dns  délibérations  formelles  seraient 
ouvertes  entre  les  cabinets,  pourraient  être  piises  pour  terminer  la  crise 
actuelle,  et  en  prévenir  à  jamais  le  renouvellement. 

Dans  le  cas  où  nos  déclarations  et  l'altitude  de  nos  escadres  n'auraient 
pu  empêcher  les  deux  parties  de  prendre  les  armes,  ou  ne  les  leur  auraient 
pas  fait  déposer  immédiatement,  la  nécessité  d'une  action  comnmne  des 
grandes  puissances  deviendrait  évidente;  et  il  n'y  a  pas  lieu  d'espérer 


628  APPENDICE 

qu'on  pût  alors  décider  la  Russie  à  ne  pas  intervenir  matériellement  dans 
une  question  où  ses  intérêts  seraient  si  directement  engagés.  Ce  qu'il  fau- 
drait obtenir,  c'est  que  son  action  fût  déterminée  et  limitée  de  concert 
avec  les  autres  cours  ;  c'est  qu'elle  se  liât  à  celle  que  la  France  et  l'An- 
gleterre auraient,  de  leur  côté,  h  exercer;  c'est  qu'enfin,  par  le  fait,  une 
convention  européenne  remplaçât  les  stipulations  d'Unkiar-Skélessi.  Je 
n'ignore  pas  tout  ce  qu'un  pareil  projet  rencontrerait  d'obstacles  de  la 
part  du  cabinet  de  Saint-Pétersbourg,  dont  la  politique  a  éié  constam- 
ment de  tenir,  autant  que  possible,  ses  relations  avec  la  Tuiquie,  en  de- 
hors du  droit  européen.  C'est  pour  le  même  motif  qu'on  est  fondé  à 
craindre  qu'il  ne  veuille  pas  se  prêter  à  des  négociations  suivies  par  voie 
de  conférences  permanentes.  Cependant,  il  aurait  peu  d'arguments  tant 
soit  peu  spécieux  à  faire  valoir  pour  repousser  des  combinaisons  évidem- 
ment sujigérées  par  le  désir  de  la  paix,  et  appuyées  par  tous  ses  alliés. 

Il  me  reste  à  parler  du  but  final  de  ces  négociations,  de  l'arrangement 
par  lequel  il  serait  possible  de  placer  le  sultan  et  son  puissant  vassal  dans 
une  situation  plus  satisfaisante  pour  l'un  et  pour  l'autre,  plus  rassurante 
pour  la  tranquillité  de  l'Orient  que  celle  où  ils  se  trouvent  depuis  six  an- 
nées. 

La  nécessité  de  concéder  à  Méhémet-Ali  l'investiture  héréditaire  d'une 
partie  au  moins  de  ses  possessions  actuelles,  paraît  maintenant  admise 
d'une  manière  à  peu  près  générale.  On  a  compris  qu'au  point  de  gran- 
deur où  il  est  paivenu,  le  besoin  d'assurer  l'avenir  de  sa  famille,  et  de 
la  mettre,  après  sa  mort,  à  l'abri  des  vengeances  de  la  Porte,  se  fait  sen- 
tir trop  impérieusement  à  son  esprit,  pour  qu'il  puisse  se  livrer  à  des  pen- 
sées vraiment  pacifiques,  tant  qu'il  n'aura  pas  obtenu  quelque  satisfaction 
à  cet  égard. 

D'un  autre  côté,  on  ne  peut  pas  se  flatter  de  l'espoir  que  la  Porte  con- 
sente à  lui  accorder  ce  surcroît  de  force  morale,  si,  par  compensation, 
on  ne  lui  donne  pas  à  elle  même  quelque  avantage  qui  lui  fournisse  une 
garantie  matérielle  contre  les  entreprises  éventuelles  d'un  ennemi  dont 
elle  aurait  ain.^i  accru  la  puissance.  La  nature  et  l'étendue  de  cet  avantage 
ne  sont  certes  pas  faciles  à  déterminer.  Lord  Palmerston  pense  qu'il  ne 
faudrait  pas  moins  que  la  rétrocession  de  la  Syrie  tout  entière.  A  Berlin, 
on  semble  admettre  que  le  sultan  pourrait  se  contenter  d'une  partie  seu- 
lement de  celte  province.  Quant  à  nous,  Monsieur,  nous  reconnaissons 
que  la  Porte  aurait  droit  à  uue  compensation  réelle,  mais  nous  croyons 
que  le  moment  d'en  fixer  la  nature  et  la  proportion  n'est  pas  arrivé; 
qu'une  question  pareille  ne  peut  être  résolue  que  d'après  des  données 
diverses  et  compliquées  dont  l'appréciation  ne  peut  être  l'œuvre  d'un  mo- 
ment; et  que  ce  point  doit  être  renvoyé  au  concert  qui,  si  nos  vues  vien- 
nent à  prévaloir,  s'êtabUra  entre  les  puissances. 


APPENDICE  Û29 

Veuillez,  Monsieur,  donner  lecture  h  lord  Palmerston  de  la  présente 
dépêche.  En  exposant  ainsi  au  cabinet  de  Londres,  l'ensemble  de  noire 
manière  de  voir  sur  les  graves  circonstances  du  moment,  nous  lui  don- 
nons un  gage  non  équivoque  de  la  confiance  qu'il  nous  inspire,  et  du  dé- 
sir que  nous  avons  de  marcher  avec  lui  dans  le  plus  parfait  accord.  Lord 
Palmerston  comprendra  de  lui-même  qu'au  nombre  des  idées  que  vous 
êtes  chargé  de  lui  faire  connaître,  il  en  est  d'hypothétiques,  et  que  les 
événements  ou  même  de  plus  mures  réHexions  peuvent  beaucoup  modi- 
fier. 

Recevez,  etc. 

P.  S.  —  Nous  attendons  impatiemment  votre  réponse  et  la  communi- 
cation que  lord  Palmerston  s'empressera  sans  doute  de  vous  faire  de  la 
décision  du  Cabinet  de  Londres,  au  sujet  des  délibérations  communes 
dont  nous  proposons  d'établir  le  siège  à  Vienne,  aussi  bien  que  des  ins- 
tructions destinées  à  l'amiral  Stopt'ord. 

VI.  —  Dépêche    de  lord  Palmerston   A,   lord  Ciranville,   en    date  du 
19  juin  1839  (6  rébiul-akhir  1355). 

Mylord,  l'écrit  ci-joint  renferme  le  résumé  des  instructions  que  le 
gouvernement  de  S.  M.  veut  donner  à  M.  Robert  Stopford,  commandant 
en  chef  des  forces  navales  de  S.  M.  dans  la  Méditerranée,  et  au  sujet 
desquelles  il  demande  h  connaître,  au  préalable,  l'opinion  du  gouverne- 
ment français. 

La  possibilité  de  l'arrivée  des  escadres  anglaise  et  française  à  Gons- 
tantinople,  au  cas  que  des  troupes  russes  occupassent  le  territoire  turc, 
est  la  partie  de  ces  instructions  qui  font  exiger  quelque  attention.  Il  pa- 
raît évident  qu'audit  cas  cette  mesure  serait  très-désirable,  et  que  ce 
serait  là  le  meilleur,  sinon  le  seul  moyen  de  neutraliser  réellement  les 
mauvaises  conséquences  qui  pourraient  résulter  de  l'entrée  des  Russes  en 
Turquie  ;  mais  si  ce  mouvement  devait  avoir  lieu  malgré  une  résistance 
vigoureuse  des  forts  turcs  des  Dardanelles,  il  ne  serait  pas  facile  de  le 
faire,  à  moins  que  la  flotte  ne  portât  des  troupes  qui  pourraient  être  dé- 
barquées pour  enlever  les  forts,  en  les  attaquant  par  les  derrières.  Cette 
opération  ne  serait  pas  difficile  et  n'exigerait  pas  beaucoup  de  troupes  ; 
car,  quoique  les  batteries  soient  redoutables  pour  les  bâtiments  à  cause  de 
l'étroilesse  du  canal,  de  la  force  du  courant  qui  descend  vers  la  Méditer- 
ranée, et  de  la  direction  identique  à  celle  du  courant  que  suit  le  vent, 
dans  cette  saison  de  l'année,  lesdits  forts  sont  cependant  faibles  du  côté 
de  terre,  et  pourraient  être  pris  l'un  après  l'autre  par  un  petit  corps  de 
troupes  qui  les  attaquerait  par  les  derrières. 

Mais  il  est  probable  que  si  l'armée  turque  a  été  défaite  et  que  les 


^30  APPENDICE 

Russes  fussent  entrés  en  Turquie,  le  suUan  accordera  avec  plaisir  !a 
l)eruiission  (s'il  ne  leur  a  pas  déjà  adressé  l'invitation)  aux  escadres 
anglaise  et  française  de  se  rendre  à  Gonslantinople;  et  comme  ces  esca- 
dres y  viendraient  en  amies  pour  protéj^'er  le  sultan  et  non  pas  en  enne- 
mies pour  l'attaquer,  il  si;ra  difficile  aux  Russes  de  lui  suggérer  un  motif 
plausible  pour  refuser  une  pareille  protection. 
Je  suis,  etc. 

\H,  D<^pèche    du   baron    de    Bourqueney  au  maréchal  Suult,  en 

date  du  ZO  juin   183»  (7  rébiul-akliir  1255). 

Monsieur  le  maréchal,  j'ai  reçu  hier  la  dépêche  N°  23  que  V.  E,  m'a 
fait  l'honneur  de  m'adresser  sous  la  date  du  17  juin,  avec  les  extraits  des 
dernières  correspondances  de  Péiersbonrg,  Vienne,  Berlin,  Gonslan- 
tinople et  Alexandrie.  J'ai  annoncé  à  lord  Palmerslon  que  j'avais  à  lui 
faire  une  communication,  au  nom  dn  gouvernement  du  roi,  sur  les 
affaires  d'Orient.  Lord  Palmerslon  m'avait  fixé  un  rendez-vous  le  jour 
même,  mais  la  séance  de  la  Chambre  des  communes  ayant  commencé 
par  un  vote  important  auquel  il  ne  pouvait  s'empêcher  de  prendre  part, 
ina  visite,  etc. 

Ma  dépêche  N^ôS,  qui  s'est  croisée  avec  celle  de  V.  E. ,  contenait  déjà 
une  réponse  à  la  plupart  des  questions  sur  lesquelles  V.  E.  me  charge 
de  provoquer  une  décision  du  cabinet  anglais  ;  ma  conférence  d'aujour- 
d'hui me  permettra  de  compléter  mes  informations. 

J'ai  remis  k  lord  Palmerslon  la  dépêche  de  V.  E,  et  je  l'ai  prié  de  la 
lire  lui-même  et  d'en  bien  peser  le  fond  et  la  forme. 

Lord  Palmerslon,  après  avoir  lu  la  dépêche,  m'a  dit  ces  propres 
paroles  :  «  Nous  nous  entendons  sur  tout,  noire  accord  sera  complet. 
Principes,  but,  moyens  d'exécution,  tout  est  plein  de  raison,  de  sim- 
plicité et  de  clairvoyance.  Ce  n'est  pas  la  communication  d'un  gouver- 
nement à  un  autre  gouvernement  ;  on  dirait  plutôt  qu'elle  a  lieu  entre 
collègues,  entre  les  membres  d'un  même  cabinet.  » 

J'ai  prié  alors  lord  Palmerslon  de  me  permettre  de  reprendre  succes- 
sivement les  points  sur  lesquels  j'apercevais  quelques  différences,  légères 
k  la  vérité,  mais  réelles,  entre  l'exposé  des  vues  du  gouvernement  du 
roi  et  l'opinion  du  cabinet  anglais  telle  qu'il  me  l'avait  développée  dans 
sa  dernière  conversation. 

J'ai  commencé  par  les  instructions  aux  amiraux  :  lord  Palmerslon  m'a 
dit  que  lord  Granville  avait  élé  chargé  de  communiquer  à  V.  E.  un  projet 
d'instructions  qui  se  rapprochait  tellement  de  l'esprit  tt  de  la  lettre  de 
la  dépêche  dont  il  venait  de  prendre  lecture  qu'il  regardait  la  question 
d'identité  comme  résolue.  Je  lui  ai  fait  observer  que  notre  action  navale 


élail  proposée  sous  la  forme  de  médiation  et,  par  conséquent,  avec  le 
caractère  d'impartialité  qui  convient  à  ce  rôle;  c'est-^i-dire  que  nous 
parlerions  le  même  langage  au  commandant  de  la  flotte  ottomane  et  à 
celui  de  la  flotte  éi;yptienne.  Lord  Palmerston  ne  s'est  plus  montré, 
comme  le  premier  jour,  opposé  h  ce  plan  ;  il  m'a  ajouté  que  dans  le 
projet  d'instructions  trar.smis  k  lord  (iranville,  pour  être  communiqué  à 
V.  E.,  on  proposerait  môme  de  séparer  les  deux  flottes  et  de  leur  faire 
prendre  h  l'une  la  route  de  Constantinople,  à  l'autre  celle  d'Alexandrie. 
Lord  Palmerston  a  partagé  de  plus,  l'opinion  écrite  par  V.  E.  sur  l'avan- 
tage de  réunir  ainsi  l'eirct  moral  que  ne  manquera  pas  de  produire  en 
Orient,  et  ailleurs,  ce  vaste  et  imposant  développement  de  nos  forces  ma- 
ritimes. 

Passant  des  instructions  aux  amiraux  Ji  la  force  respective  des  escadres, 
lord  Palmerston  a  appris  avec  une  véritable  satisfaction  l'accroissement 
que  nous  nous  apprêtions  à  donner  h  la  nôtre,  et  il  m'a  confirmé  que  la 
flotte  anglaise,  déjà  de  huit  vaisseaux  de  ligne,  serait  incessamment 
portée  à  dix,  qu'il  s'y  joindrait  quatre  ou  cinq  frégates,  trois  bâtiments 
à  va|)eur  et  un  nombre  assez  considérable  de  bâtiments  légers. 

Revenant  ensuite  au  cas  peu  vraisemblable  où  nos  escadres,  en  arrivant 
sur  les  côtes  de  Syrie,  trouveraient  déjà  les  Russes  en  marche  vers  le 
théâtre  de  l'événement,  lord  Palmerston  m'a  répété  que  le  cabinet 
anglais  proposait  que  nos  amiraux,  après  avoir  fait  aux  deux  parties  belli- 
gérantes la  sommation  de  cesser  les  hostilités,  s'adressassent  aux  ambas- 
sadeurs h  Constantinople,  pour  demander  à  la  Porte  l'entrée  de  nos  flottes 
dans  le  Bosphore.  Il  a  ajouté  qu'il  ne  concevait  pas  quel  prétexte  le 
sultan  pourrait  invoquer  pour  refuser  nos  secours,  sans  démasquer  une 
soumission  telle  à  l'influence  russe  que  cette  manifestation  nous  forcerait 
à  aviser  à  d'autres  moyens  pour  la  combattre  ou  la  partager. 

Du  reste,  monsieur  le  maréchal,  j'ai  trouvé  à  cet  égard  lord  Palmerston 
très-disposé  à  admettre,  comme  V.  E.  (et  se  fondant  aussi  sur  les  corres- 
pondances de  Pétersbourg  et  de  Vienne)  que  la  Russie  craindrait  en  ce 
moment  d'être  mise  en  demeure  d'exécuter  le  traité  d'Unkiar-Skélessi, 
et  qu'elle  n'est  nullement  prête  pour  une  rupture  avec  l'Europe  occi- 
dentale. 

Nous  avons  passé  ensuite  à  la  négociation  dont  V.  E.  propose  de 
fixer  le  siège  à  Vienne,  et  dont  sa  dépêche  expose  à  la  fois  les  principes 
et  le  but. 

Lord  Palmerston  sur  la  première  question,  celle  de  la  fixation  du  siège 
de  la  négociation,  m'a  demandé  la  permission  de  m'exposer  franchement 
les  doutes  qui  s'élevaient  dans  son  esprit.  11  m'a  dit  qu'il  redoutait  que 
l'influence  russe  ne  s'exercàt  plus  eflicacement  à  Vienne  sur  le  prince  de 
Metlernich  que  sur  le  comte  Appony  à  Paris,  ou  sur  le  prince  Esterhazy 


Zi32  APPENDICE 

à  Londres.  Je  lui  ai  fait  quelques-unes  des  objections  qui  se  présentaient 
tout  naturellement  à  mon  esprit  ;  je  lui  ai  dit  que  le  prince  de  Metternich 
serait  vraisemblablement  flatté  du  clioix  de  Vienne  comme  lieu  de  la 
négociation  ;  que  ce  sentiment  le  disposerait  mieux  au  concours  que  nous 
cherchons  ;  que,  dans  une  question  étrangère  à  la  politique  de  principe, 
et  oii  l'intérêt  autrichien  apparaissait  dans  toute  son  évidence  en  oppo- 
sition à  l'intérêt  russe,  le  prince  de  Metternich  serait  lui-même  contrôlé 
à  Vienne  plus  qu'ailleurs  par  une  opinion  autrichienne  très-prononcée. 
Enfin,  je  lui  ai  parlé  de  la  position  centrale  de  Vienne  comme  d'un  argu- 
ment décisif  en  faveur  du  choix  proposé.  Lord  Palmerston,  monsieur  le 
maréchal,  a  fini  par  me  dire  :  «  J'ai  pensé  tout  haut  devant  vous,  je  vois 
le  pour  et  le  contre,  et,  à  tout  prendre,  je  crois  que  le  pour  rempor- 
tera ;  mais  je  suis  obligé  de  consulter  le  cabinet,  je  vous  donnerai  sa 
décision.  »  Je  pense,  monsieur  le  maréchal,  quelle  sera  favorable. 

Quant  à  la  donnée  générale  de  la  négociation,  c'est-à-dire  la  concession 
de  l'hérédité  à  la  famille  de  Méhémed-Ali  et  la  compensation  territoriale 
du  sultan,  lord  Palmerston  m'a  répété  que  le  cabinet  anglais  entrait 
complètement  dans  les  vues  du  gouvernement  du  roi.  La  fixation  des 
limites  de  cette  compensation  territoriale  sera  sans  doute  matière  à  né- 
gociation ;  mais  lord  Palmerston  a  voulu  que  j'affirme  à  V.  E.  que,  du 
point  de  départ  au  but  de  la  négociation,  du  principe  à  l'exécution, 
l'accord  et  le  concert  le  plus  intime  ne  cesseraient  de  régner  entre  nos 
deux  cabinets. 

Voilà,  monsieur  le  maréchal,  l'analyse  exacte  de  la  conversation  que 
j'ai  eue  ce  matin  avec  lord  Palmerston.    . 

Lord  Palmerston  m'a  demandé  la  permission  de  communiquer  à  lord 
Melbourne  la  dépèche  V.  Ë.  J'ai  cru  ne  pas  devoir  refuser  cette  marque 
de  confiance. 

Veuillez  agréer,  etc. 

VIII.  -—  Instructions  du  ministre  de  la  marine  (Duperré)  an  com- 
mandant (Lalande)  de  la  station  du  Levant,  en  date  du  3G  juin 
1839  (13  réitiul-akhir  iS55). 

M.  le  contre-amiral,  déjà  quelques  actes  d'hostilité  paraissent  avoir  eu 
lieu  en  Syrie,  entre  les  troupes  du  Sultan  et  celles  du  vice-roi  d'Egypte. 
Un  puissant  intérêt  européen  existe  à  prévenir  ou  arrêter  les  effets  d'une 
collision,  et  c'est  là  le  but  que  se  propose  la  France,  aidée  de  ses  alliées; 
c'est  celui  que  vous  devez  chercher  à  atteindre  avec  l'escadre  sous  votre 
commandement,  soit  isolément,  soit  par  votre  coopération  avec  l'escadre 
de  Sa  Majesté  britannique  et  avec  la  station  navale  d'Autriche  dans  le  Le- 
vant, si,  comme  il  y  a  tout  lieu  de  le  croire,  cette  station  a  l'ordre  de  se 


joindre  .'lu.v  forces  navales  françaises  et  anglaises.  Vous  aurez  donc  h 
vous  concerter  avec  leurs  commandants  sur  les  moyens  de  rendre  la  co- 
opération edlcace.  De  son  côté,  sans  doute,  sir  Robert  Stopford  aura  reçu 
des  instructions  conformes  à  l'intérêt  puissant  qu'ont  les  deux  pays  dans 
la  conduite  d'une  aiïaire  dans  laquelle  leurs  vues  et  leur  but  sont  inden- 
tiques,  et  leurs  mesures  doivent  être  semblables. 

Il  doit  donc  y  avoir  entre  les  deux  amiraux  communication  réciproque 
de  leurs  instructions,  et  il  doit  s'établir  entre  eux  toute  la  confiance  et 
toute  la  franchise  propres  à  amener  dans  leurs  opérations  le  même  accord 
qui  existe  entre  les  deux  Gouvernements.  Lorsque  le  cas  exigera  concert 
et  coopération,  la  direction  supérieure  appartiendra  h  l'oilicier  le  plus 
élevé  ou  le  plus  ancien  en  grade. 

A  la  réception  des  présentes  instructions,  l'escadre  sous  vos  ordres  de- 
vra se  diri^zer  vers  les  côtes  de  Syrie. 

Dans  le  cas  de  la  rencontre  des  escadres  turque  et  égyptienne,  vous 
vous  allaclierez  à  rendre  impossible  une  collision,  en  vous  interposant 
entre  elles,  et  en  pressant  les  amiraux  de  rentrer  dans  leurs  ports  res- 
pectifs, et  vous  empêcherez  tout  arrivage  de  troupes  et  de  munitions  de 
guerre,  par  mer,  sur  le  théâtre  de  la  guerre. 

Vous  devrez  chercher  à  vous  mettre  immédiatement  en  communication 
avec  les  deux  généraux  en  chef,  soit  dans  la  baie  d'Alexandrette,  soit  sur 
tout  autre  point  le  plus  rapproché  des  lieux  occupés  par  les  deux  armées. 

Vous  ferez  tout  vos  elTorls  pour  leur  faire  proposer  et  accepter  une  sus- 
pension d'armes,  pendant  laquelle  les  puissances  entreront  en  négocia- 
lion  pour  amener  un  arrangement  mutuellement  satisfaisant  pour  la  Porte 
et  pour  le  pacha  d'Egypte.  Il  convient  de  faire  remarquer,  que  cet  arran- 
gement devant  être  fondé  sur  une  large  appréciation  des  grands  intérêts 
de  l'Europe,  et  non  pas  sur  les  éventualités  de  la  guerre,  aucune  des  deux 
parties  n'a  intérêt  à  continuer  les  hostilités  qui,  qu'elle  qu'en  fût  l'issue, 
ne  pourraient,  en  définitive,  améliorer  sa  situation;  il  sera  également  im- 
portant d'insister  pour  que  les  deux  armées  se  retirent  à  une  certaine  dis- 
tance l'une  de  l'autre. 

L'armistice  seia  constaté  par  une  convention  militaire  portant  que  la 
reprise  des  hostilités,  si  elle  avait  lieu,  devrait  être  dénoncée  au  moins  un 
mois  à  l'avance. 

Ces  démarches,  ces  dispositions,  soit  qu'elles  proviennent  d'un  des 
deux  commandants  des  escadres  agissant  isolément ,  soit,  en  cas  de  réu- 
nion des  deux  escadres,  qu'elles  aient  lieu  de  concert  et  avec  la  partici- 
pation de  l'un  et  de  l'autre,  ces  dispositions,  dis-je,  devront  être  portées 
immédiatement  k  la  connaissance  de  notre  ambassadeur  à  Constantinople, 
et  du  consul  général  k  Alexandrie,  et  l'avis  en  sera  transmis  en  France 
par  la  voie  la  plus  prompte. 

T.  i:  28 


Û3Û  APPENDICE 

Si  les  deux  généraux,  ou  l'un  d'eux,  se  refusaient  à  accéder  h  cet  armis- 
tice, l'ambassadeur  à  Constantinople  et  le  consul  général  h  Alexandrie  en 
seraient  immédiatement  informés,  comme  dans  le  cas  précédent,  afin 
qu'ils  eussent  à  réclamer  l'envoi  aux  généraux  en  Syrie  des  ordres  né- 
cessaires pour  les  faire  consentir  à  la  suspension  d'armes. 

Si  le  refus  venait  du  général  turc,  on  appellerait  son  attention  sur  la 
grave  responsabilité  qu'il  assumerait  en  cas  de  revers.  Il  lui  serait  signifié 
que,  dès  ce  moment,  la  voie  de  mer  serait  fermée  h  tout  secours  destiné  ci 
l'armée  ottomane,  tandis  que  notre  ambassadeur,  informé  du  refus,  agirait 
auprès  dn  sultan  pour  vaincre  cette  résistance. 

Si  le  refus,  au  contraire,  provenait  du  général  égyptien,  des  représen- 
tations analogues  lui  seraient  faites,  et  toute  communication  maritime  en- 
tre la  Syrie  et  l'Egypte  serait  immédiatement  fermée. 

Dans  l'un  ou  l'autre  cas,  les  deux  amiraux  se  concerteraient  sur  la  ré- 
partition des  forces  qu'il  serait  nécessaire  de  placer  soit  à  l'entrée  du 
détroit,  soit  devant  Alexandrette,  soit  enfin  sur  tel  point  du  territoire  de 
l'Asie-Mineure  qui  serait  jugé  convenable  pour  y  établir  un  blocus  étroi- 
tement serré,  et  ne  permettre  la  sortie  d'aucun  bâtiment  de  guerre  ou 
autre. 

Outre  le  concert  établi  entre  les  commandants  des  escadres  française 
et  anglaise,  et  même  le  commandant  de  la  station  autrichienne,  il  serait 
possible  qu'une  escadre  russe  ofi'rît  son  concours  ;  il  doit  être  bien  en- 
tendu qu'il  serait  admis  dans  un  but  pacifique  et  conforme  aux  présentes 
instructions. 

Ces  instructions  ont  pour  but,  de  pourvoir  aux  éventualités  qui  ont  pu 
être  actuellement  prévues.  11  en  est  d'autres  qui,  par  leur  nature  et  leur 
gravité,  exigeront  des  instructions  ultérieures  :  elles  vous  seront  adres- 
sées. Le  roi  s'en  rapporte,  pour  tout  le  reste,  au  zèle  et  à  l'habileté  du 
commandant  de  son  escadre,  aidé  de  ses  connaissances  locales,  et  de  la 
vieille  expérience  de  l'illustre  amiral  avec  lequel  il  va  se  trouver  en  rap- 
ports de  service. 

IX,  —  Dépêche    dii    maréchal  Sotilt    an   baron   de  Bonrqnene;^^   en 
date  dn  2*3  juin  183»  (14  réhiul-akhir  1255). 

L'approbation  donnée  par  le  cabinet  britannique  au  plan  que  vous  aviez 
été  chargé  de  communiquer  à  lord  Palmerston  pour  l'arrangement  des  af- 
faires d'Orient,  plan  qui  se  rapproche  tellement,  dans  toutes  ses  parties, 
desidéesdontceministrenousavail  lui-même  entretenus,  a  causé  une  vive 
satisfaction  au  gouvernement  du  roi.  Nous  trouvons  un  nouveau  gage  de 
cet  accord  dans  les  instructions  destinées  à  l'amiral  Stopford  et  dont  lord 
Granville  m'a  fait  connaître  la  substance.  L'esprit  dans  lequel  elles  sont 


APPENDICE  Û35 

conçues  nsl  générolonienl  en  lappoil  avec  notre  manière  de  voir  sur  les 
moyens  de  résoudre  la  crise  qui  menace  ia  paix  du  monde.  Vous  en  juge- 
rez par  la  conformité  de  ces  instructions  avec  celles  que  le  ministre  de  la 
marine  a  expédiées  aujourd'hui  môme  à  M.  l'amiral  Lalande.  Je  vous  en- 
voie copie  pour  que  vous  puissiez  les  mettre  sous  les  yeux  de  lord  Pal- 
raerston.  Nous  n'avons  pas  cru  devoir  y  toucher  un  point  bien  important, 
qui  eût  embarrassé  les  prévisions  de  l'amirauté  britannique,  l'hypothèse 
de  l'arrivée  des  forces  russes  c'iConstantinople.  Cela  tient  h  des  considéra- 
lions  que  je  vais  vous  expliquer  et  que  je  vous  prie  de  présenter  h  l'examen 
de  lord  Palraerston. 

Il  nous  a  paru  qu'en  se  préoccupant  uniquement  de  la  prolongation  du 
séjour  des  Russes  après  la  retraite  de  l'armée  égyptienne,  en  renvoyant  h 
celle  épotjue,  en  réservant  pour  ce  seul  cas  les  mesures  h  prendre  h  l'effet 
d'obtenir  le  passage  des  Dardanelles  pour  les  escadres  alliées,  le  cabinet 
de  Londres  n'a  pas  suffisamment  pourvu  aux  nécessités  de  la  situation  ; 
nous  pensons  qu'au  moment  môme  où  les  Russes  arriveraient  à  Constanti- 
nople,  les  grands  intérêts  sur  l'équilibre  européen,  et  plus  encore 
peut-être  les  susceptibilités  de  l'opinion  publique  justement  exigeante, 
demanderaient  que  les  pavillons  anglais  et  français  s'y  montrassent  aussi. 
Nous  croyons  donc  qu'au  lieu  d'attendre  les  événements  et  de  laisser  aux 
ambassadeurs  et  aux  amiraux  eux-mêmes  l'initiative  et  la  responsabilité  des 
actes  si  graves  qui  peuvent  prendre  naissance,  la  France  et  l'Angleterre 
doivent,  sans  perdre  un  moment  et  en  obtenant,  s'il  se  peut,  pour  cette 
démarche  l'assentiment  de  l'Autriche,  faire  demander  à  la  Porte  que  leurs 
vaisseaux  soient  admis  à  passer  les  Dardanelles  en  même  temps  que  les 
forces  russes  pénétreraient  dans  le  Bosphore,  et  h  concourir  avec  elles  à 
la  protection  du  trône  du  sultan.  Il  est  certain  que  la  Porte  livrée  à  elle- 
même  ne  saurait  manquer  d'accepter  avec  joie  les  garanties  nouvelles  qui 
lui  seraient  ainsi  offertes  contre  les  dangers  de  diverse  nature  auxquels 
sont  exposées  son  indépendance  et  sa  sûreté.  Si  une  influence  extérieure 
l'engageait  au  contraire  à  les  refuser,  un  tel  refus  serait  significatif,  et 
l'Angleterre  et  la  France  auraient  alors  h.  s'entendre  sur  les  résolutions  qu'il 
appellerait  de  leur  part  ;  mais  je  crois  que,  d'après  les  données  positives  que 
nous  avons  sur  ce  point,  il  serait  prématuré  de  confier  aux  amiraux  des 
pouvoirs  éventuels  et  en  quelque  sorte  hypothétiques  qui,  dans  des  cir- 
constances faciles  à  concevoir,  pourraient  entraîner  de  sérieuses  et  irré- 
médiables complications. 

Faites-moi  savoir,  je  vous  prie,  le  plus  tôt  possible  ce  que  pense  lord  Pal- 
merston  de  cette  proposition.  Si  le  cabinet  britannique  juge  à  propos  de 
l'adopter,  je  crois  qu'il  imjiorle  d'y  donner  suite  immédiatement,  le 
moindre  relard  pouvant  lui  ôter  toute  sa  valeur. 

Vous  avez  déjà  appris,  etc. 


436  APPENDICE 

X.  —  Projet  de  noie  envoyé  par  le  maréchal  Soult  îY  l'anibassa- 
dear  de  France  (baron  de  Roussiu),  à  Constantinoplc,  le  ...  juil- 
let ÏHti9  (.  ..  rébiul-akhir   1S55). 

Le  soussigné,  ambassadeur  de  France,  a  reçu  l'ordre  de  faire  la 
communication  suivante  à  S.  E.  M.  le  ministre  des  affaires  étrangères  de 
la  Sublime-Porte. 

Les  graves  événements  qui  viennent  d'éclater  en  Syrie,  imposent  h  la 
politique  des  cours  européennes  l'obligation  de  prévoir  jusqu'aux  chances 
les  plus  invraisemblables  de  la  crise  qu'ils  ont  fait  naître. 

Il  est  sans  doute  bien  peu  probable  qu'on  voie  renaître  aujourd'hui 
les  dangers  qui,  en  1833,  menaçaient  la  capitale  même  de  l'empire  otto- 
man, et  forçaient  la  Porte  à  accepter  un  appui  étranger.  Sans  parler  des 
autres  circonstances  qui,  depuis  lors,  se  sont  tant  modifiées,  il  y  a  tout 
lieu  d'espérer  que  les  efforts  des  grandes  puissances  européennes  pour 
arrêter  les  hostilités  à  peine  commencées,  préviendront  des  extrémités 
semblables. 

Encore  une  fois,  pourtant,  il  faut  tout  prévoir,  et  l'histoire  présente 
trop  d'exemples  d'accidents  innattendus  qui  ont  trompé  les  calculs  des 
gouvernements  les  plus  forts  et  les  plus  habiles,  pour  que  la  Sublime- 
Porte  puisse  considérer  comme  une  injure,  l'hypothèse  d'un  désastre 
qui  l'obligerait  de  nouveau  à  réclamer,  pour  sa  défense,  l'appui  de  ses 
alliés. 

Le  jour  oii  l'existence  du  trône  du  Sultan  serait  réellement  compro- 
mise, elle  les  trouverait  tous  disposés  à  lui  accorder  leur  concours  pour 
prévenir  une  catastrophe  qui,  en  ébranlant  l'équilibre  politique,  mettrait 
en  péril  la  paix  du  monde,  dont  le  maintien  les  intéresse  tous  au  même 
degré.  A  Pétersbourg,  à  Vienne,  à  Berlin,  à  Londres,  à  Paris,  il  n'y  a 
qu'un  sentiment  à  celte  égard. 

Dans  un  tel  état  de  choses,  la  Sublime-Porte  comprendrait  sans  doute 
que  le  moyen  le  plus  assuré  de  concilier  avec  une  nécessité  fâcheuse  oii 
elle  se  trouverait  réduite,  le  soin  de  sa  dignité  et  même  de  sa  sûrelé,  ce 
serait  de  demander,  non  pas  à  une  puissance  en  particulier,  mais  à  l'Eu- 
rope entière  l'appui  qui  lui  serait  devenu  indispensable.  Un  grand  empire 
ne  déchoit  pas,  en  effet,  en  se  plaçant  sous  la  protection  des  grands  inté- 
rêts européens.  Il  trouve  dans  la  diversité  même  de  ses  intérêts,  lorsqu'ils 
se  réunissent  pour  venir  à  son  aide,  la  garantie  certaine  que  cette  pro- 
tection ne  pourra  pas  se  transformer  en  une  suprématie  dangereuse  pour 
son  indépendance. 

Le  système  de  conduite  que  cette  considération  puissante  indique  à  la 
Sublime-Porle  est  d'ailleurs  le  seul  qui  s'accorde  avec  les  convenances  et 


APPENDICE  Zj37 

les  justes  susceptibililés  de  la  politique  des  grandes  cours,  dont  il  lui 
importe  certaiiieiiieiit  de  tenir  compte. 

Le  gouvernement  du  roi  a  donc  la  conviction  qu'il  va  au-devant  des 
intentions  de  la  Sublime-Porte  en  demandant  que,  dans  le  cas  où  les 
forces  de  terre  ou  de  mer  d'une  ou  de  plusieurs  des  cours  alliées  seraient 
appelées  à  Constantinople,  les  ordres  fussent  donnés  pour  ouvrir  immé- 
diatement le  passage  des  Dardanelles  h  une  escadre  française  qui  vien- 
drait, (le  sou  côlé,  protéger  le  trône  du  Sultan  contre  les  périls  dont 
l'imminence  aurait  déterminé  une  telle  mesure. 

Le  soussigné  prie  S.  E.  M.  le  ministre  des  affaires  étrangères  de  lui 
faire  parvenir,  le  plus  prompteraent  possible,  la  réponse  de  la  Sublime- 
Porte  à  cette  communication,  pour  qu'il  puisse,  ainsi  qu'il  en  a  l'ordre, 
l'envoyer  sur  le  champ  à  Paris. 

XI.  —  Dépêche  (extrait)  du  maréchal  Sonlt  au  baron  de  Bonrqueney, 
en  date  du  O  juillet  183»  (23  rébiul-akhir  1355). 

Le  gouvernement  du  roi  a  apppris  avec  une  vive  satisfaction  l'adhé- 
sion  du  cabinet  de  Londres  à  la  proposition   d'une  démarche  h  faire 
auprès  de  la  Porte,  à  l'effet  d'obtenir  le  passage  des  Dardanelles  pour  les 
escadres  de  France  et  d'Angleterre  dans  le  cas  où  les  forces  d'une  autre 
puissance  seraient  appelées  au  secours  de  Constantinople.  L'empresse- 
ment que  ce  cabinet  met  à  y  donner  suite  en  se  préparant  h  faire  passer  à 
lord  Ponsùnby  les  instructions  nécessaires  est  un  gage  non  équivoque  de 
la  sincérité  et  de  la  vivacité  de  cette  adhésion.  Cependant,  je  ne  sais  si  à 
Londres  on  s'est  bien  rendu  compte  d'un  accord  parfait  pour  la  forme 
aussi  bien  que  pour  le  fond,  dans  une  négociation  aussi  grave,  aussi  déli- 
cate, et  qui  va  se  trouver  confiée  à  deux  ambassadeurs  que  leurs  antécé- 
dents réciproques  disposent   malheureusement   assez  mal  à  un  pareil 
accord.  Pour  parer  autant  que  possible  à  ce  dernier  inconvénient,  j'avais 
fait  préparer  le  projet  de  note  ci-joint,  dans  l'intention  de  le  communi- 
quer préalablement  au  cabinet  britannique  pour  en  concerter  avec  lui  la 
rédaction  commune  et  définitive.  Comme  vous  le  verrez,  la  pensée  qui  y 
domine  est   de  donner  à  la  démarche  dont  il  s'agit  un  caractère   euro- 
péen. Il  pourra  se  faire  qu'il  arrive  lorsque  les  instructions  destinées  à 
lord  Ponsonby   seront   parties  ;  mais,  si  le  gouvernement   britannique 
approuvait  la  rédaction,  il  pourrait  envoyer  h  son  ambassadeur  des  ins- 
tructions supplémentaires....  M.  de  Sainte-Aulaire  donnera  connaissance 
h  M.  de  Metternich  de  la  mission  confiée  aux  deux  ambassadeurs,  et  il 
essayera  d'y  associer  l'internonce  dans  une  mesure  quelconque. 

Ce  que  vous  m'avez  fait  connaître  de  la  substance  des  instructions  que 
recevra  lord  Ponsonby  m'a  suggéré  une  réflexion  sur  laquelle  il  ne  serait 


/l38  APPENDICE 

pas  hors  de  propos  d'appeler rattenlion  de  lord  Palmerslon.  Demandera 
la  Perle  d'appeler,  dans  un  cas  donné,  le  secours  de  nos  escadres,  n'est-ce 
pas  en  quelque  sorte  lui  ménager  la  facilité  de  les  éloigner  des  Dardanel- 
les en  éludant  ou  en  retardant  cette  invitation,  au  moyen  de  quelque 
prétexte  plus  ou  moins  spécieux?  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  lui  demander 
simplement  de  donner  les  ordres  nécessaires  pour  que  ces  escadres  fussent 
leçues  dans  le  détroit,  au  moment  même  où  elles  s'y  présenteraient,  après 
l'accomplissement  de  la  condition  qui  leur  permettrait  de  s'y  montrer?  Je 
crois  qu'il  y  aurait  un  avantage  réei  à  nous  réserver  ainsi  l'initiative,  et 
c'est  dans  ce  sens  qu'est  rédigé  le  projet  que  je  vous  envoie. 

Les  nouvelles  d'Alexandrie  vont  jusqu'au  19  juin.  Le  vice-roi,  informé 
du  progrès  de  l'invasion  de  l'armée  ottomane  en  Syrie,  venait  de  faire  par- 
venir à  Ibrahim-Pacha  l'ordre  de  la  repousser  et  de  la  poursuivre  au-delà 
de  la  frontière,  lorsque  mon  officier  d'ordonnance,  M.  Cailler,  dont  je 
vous  avais  annoncé  la  mission,  est  arrivé  à  Alexandrie.  Le  vice-roi,  après 
avoir  écouté  les  représentations  que  M.  Cailler,  de  concert  avec  M.  Coche- 
lel,  lui  a  fait  entendre  de  ma  part,  a  consenti,  non  sans  une  répugnance 
facile  h  concevoir,  à  révoquer  l'autorisation  qu'il  avait  donné  à  Ibrahim, 
et  à  lui  enjoindre  de  se  borner  à  repousser  l'invasion,  et,  ce  résultat  ob- 
tenu, de  s'arrêter  là  oîi  il  se  trouverait.  C'est  M.  Cailler  lui-même  qui  a 
dû  porter  cet  ordre  ii  Ibrahim-Pacha Il  serait  difficile  de  ne  pas  re- 
connaître que  les  Turcs,  dans  toute  la  suite  de  cette  affaire,  semblent  se 
plaije  à  laisser  ti  leurs  adversaires  l'avantage  de  la  sincérité  et  de  la  mo- 
dération. 

Cette  observation  prend  un  caractère  d'évidence  bien  plus  incontesta- 
ble encore  lorsque  l'on  compare  l'accueil  que  le  vice-roi  a  fait  ci  nos 
conseils  h  celui  qu'ont  obtenu  à  Gonstantinople  les  avertissements  de 
M.  l'amiral  Roussin.  Vainemenî  cet  ambassadeur,  sans  se  laisser  décou- 
rager par  le  peu  de  succès  de  ses  précédentes  démarches,  a-l-il  cru  de- 
voir demander  des  explications  sur  la  sortie  de  la  flotte;  vainement,  après 
avoir  reçu  les  instructions  nouvelles  qu'on  lui  a  portées  de  ma  part,  est-il 
encore  revenu  à  la  charge  pour  ouvrir  les  yeux  du  sultan  sur  les  dangers 
dans  lesquels  il  se  précipite  ainsi  de  gaieté  de  cœur....  La  Porte  a  complè- 
tement jeté  le  masque  dont  elle  se  couvrait  encore  peu  de  jours  aupara- 
vant; elle  avoue  maintenant  ses  projets  hostiles  et  que  la  flotte  est  desti- 
née à  opérer  un  débarquement. 

C'est  une  chose  déplorable  que  le  refus  fait  par  lord  Ponsonby  d'appuyer 
les  représentations  de  son  collègue  ;  le  silence  seul  de  l'ambassadeur 
d'Angleterre,  dans  de  telles  conjonctures,  a  été  un  encouragement  donné 
aux  projets  téméraires  de  la  Porte.  Malheureusement,  cet  encouragement 
résulte  bien  plus  directement  encore  d'une  circonstance  étrange  à 
laquelle  l'ail  allusion  la  correspondance  de  !\L  l'amiral  Roussin,  celle  de 


APPENDICE  Û39 

la  promesse  d'un  envoi  de  forces  anglaises  à  Bassora,  dans  le  but  de 
prévenir  les  prétendus  projets  agressifs  des  Égyptiens.  Ce  ne  serait  pas 
un  des  moindres  dangers  d'une  pareille  mesure  que  le  prétexte  ou  plutôt 
la  justification  qu'elle  préparerait  h  une  occupation  de  Constanlinople 
par  une  armée  russe.  J'en  ai  parlé  à  lord  (iranville  avec  une  grande 
franchise,  tout  en  évitant  ce  qui  eût  pu  donner  à  mon  langage  l'appa- 
rence d'une  plainte  oflicielle.  Quant  à  vous,  Monsieur,  vous  vous  bor- 
nerez à  mettre  sous  les  yeux  de  lord  Palmerslon  les  documents  que  je 
vous  envoie  et  à  m'informer  des  éclaircissements  qu'il  jugera  h  propos 
de  vous  donner. 

XII.  —  Lettre  da  baron  de  Ronssin  à  l'ambassadenr  d'Angleterre 
(lorJ  Ponsonb.y),  en  date  de  Thérapia  le  ï  juillet  1839  («4  ré- 
biul-éwel  1355). 

Monsieur  l'ambassadeur  et  cher  collègue,  un  événement  grave  vient 
d'arriver;  j'apprends  directement  et  avec  certitude  que  le  capitan-paclia 
est  en  insurrection,  avec  sa  flotte,  contre  le  gouvernement  de  Sa  Hautesse, 
et  est  parti  pour  Pdiodes,  prétendant  que  ce  gouvernement  est  vendu  à  la 
Russie  ;  il  dit  avoir  envoyé  un  tatare  à  Hafiz-pacha  pour  l'engager  h  mar- 
cher avec  son  armée  sur  Conslantinople  pour  y  changer  le  gouvernement. 
Ce  tatare  serait  parti  le  2. 

La  tentative  du  capitan-pacha  est  folle  s'il  se  borne  h  rester  à  Rhodes 
avec  sa  flotte,  puisqu'il  n'a  aucun  moyen  d'y  subsister  longtemps;  mais 
il  peut  se  livrer  à  Méhémet-Ali,  à  qui,  dit-il,  il  a  proposé  la  paix.  Si  l'avis 
qu'il  a  donné  k  Hafiz-pacha  détermine  ce  général  en  chef  à  s'insurger  aussi 
contre  le  sultan,  ces  deux  chefs  des  forces  de  terre  et  de  mer  peuvent 
renverser  le  gouvernement  de  Sa  Hautesse  et  organiser  la  guerre  civile. 

Il  me  semble  que  la  conduite  de  nos  gouvernements  ne  peut  pas  être 
douteuse  dans  cette  circonstance  :  ils  sont  alliés  du  sultan  Abdoul-Medjld, 
et  leurs  vœux  seront  pour  lui;  je  viens  pour  le  compte  du  mien  d'en  don- 
ner l'assurance  au  gouvernement  de  Sa  Hautesse.  Comme  je  ne  fais  pas 
un  seul  doute  sur  la  parfaite  intelligence  qui  existe  entre  les  nôtres,  je 
vous  ofl're,  Monsieur  l'ambassadeur  et  cher  collègue,  de  m'unir  à  vous 
pour  nous  concerter  sur  toutes  les  mesures  que  nous  pouvons  avoir  à 
prendre,  et  sur  les  conseils  à  donner  au  gouvernement  de  Sa  Hautesse 
dans  cette  circonstance. 
Agréez,  etc. 

XIII.  —  Dépèche  de  lord  Gran ville    à    lord  Palnierston,  en  date  de 

Paris  le  »  joillet  1839  (25  rébiul-akhir  1355). 

Mylord,  le  maréchal  Soult  m'a  lu  la  note  qu'il  propose  de  faire  adresser 


ÛÛO  APPENDICE 

par  l'ambassadeur  de  France  à  la  Sublime-Porte  pour  demander  qu'une 
flotte  française  pût  passer  les  Dardanelles,  en  cas  que  l'armée  égyptienne 
approchât  de  Constantinople,  et  qu'un  secours  étranger  fût  demandé  pour 
la  défense  de  la  capitale.  Une  copie  de  cette  note  a  été  envoyée,  avant- 
hier  au  soir,  à  M.  de  Bourqueney,  pour  être  communiquée  h  V.  S.,  et 
S.  E.  espère  que  le  gouvernement  de  S.  M.  invitera  lord  Ponsonby  à 
adresser  au  gouvernement  turc  une  note  pareille,  pour  l'entrée  de  la  flotte 
anglaise  dans  les  Dardanelles,  et  qui  serait  présentée  en  même  temps  que 
celle  de  l'ambassadeur  de  France. 

Le  maréchal  dit  que  les  dernières  dépêches  du  comte  Sainte-Aulaire, 
de  Vienne,  sont  satisfaisantes. 

Le  prince  Metternich  était  impatient  de  voir  les  bâtiments  de  guerre 
autrichiens  se  joindre  à  ceux  de  l'Angleterre  et  de  la  France,  et  il  avait  des 
raisons  pour  croire,  d'après  les  dépèches  du  comte  Fiquelmont,  de  Saint- 
Pétersbourg,  que  le  gouvernement  russe  adhérera  à  la  proposition  de  faire 
stationner  la  flotte  combinée  dans  la  mer  de  Marmara  pour  protéger  Cons- 
tantinople. 

Les  dernières  nouvelles  arrivées  de  Constantinople  h  Vienne  portent 
que  le  sultan  est  très-mal,  et  le  médecin  allemand  qui  le  soigne  pense 
que,  quoiqu'il  puisse  vivre  jusqu'à  l'automne,  il  mourra,  très-probable- 
ment, avant  la  fin  du  mois. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

XIV.  —  Dépèche    du    baron    de   Bourqueney  au  ufiaréelial  îioult,  en 
date  du  !»    juillet  183»  {ZG  rêbiul-akliir  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  en  entrant  hier  chez  lord  Palmerston,  j'ai  cora- 
luencé  par  m'informer  si  le  courrier,  porteur  des  instructions  pour  lord 
Ponsonby,  était  en  roule  pour  sa  destination  ;  lord  Palmerston  m'a  ré- 
pondu que  l'expédition  n'était  pas  encore  complètement  prête  et  qu'elle 
ne  pouvait  l'être  avant  vingt-quatre  heures.  —  «  Je  m'en  félicite,  ai-je 
repris,  car  je  viens,  par  ordre  de  mon  gouvernement,  vous  proposer, 
dans  la  forme  de  votre  démarche  auprès  du  sultan,  une  modification  dont 
je  ne  doute  pas  que  vous  n'appréciiez  la  haute  convenance  ;  »  et  j'ai  com- 
mencé la  lecture  de  la  dépêche  de  Votre  Excellence.  Je  me  suis  arrêté  au 
troisième  paragraphe,  me  réservant  de  revenir  plus  tard  k  ceux  qui  ter- 
minent la  dépêche,  mais  insistant  pour  traiter  et  résoudre  séparément  la 
question  des  instructions  à  nos  ambassadeurs.  J'ai  remis  ensuite  à  lord 
Palmerston  le  projet  de  note  préparé  pour  l'amiral  Roussin. 

Lord  Palmerston,  monsieur  le  maréchal,  qui  avait  écouté  avec  la  plus 
sérieuse  attention  la  dépêche  de  Votre  Excellence  et  lu  lui-même,  en  en 
pesant  chaque  terme,  le  projet  de  note  de  l'ambassadeur  du  roi  h  Gonstan- 


AF'PENDICE  h'i\ 

tinoplc,  O4  rcn.lii  coinpiéteineiil  justice  à  la  poiiséi!  pûlili(|UG  sous  Tii;- 
fluence  de  laquelle  celte  note  avait  été  rédigée  Au  fond  il  reconnaît, 
avec  Votre  Excellence,  qu'il  y  a  pour  les  deux  cabinets  un  avantage  réel 
à  SG  réserver  l'initiative  de  la  démarche  en  demandant  immédiatement  à 
la  Porte  de  donner  les  ordres  nécessaires  pour  l'admission  de  nos  esca- 
dres, après  l'accomplissement  de  la  condition  à  laquelle  nous  subordon- 
nons nous-méines  cette  admission.  Dans  la  forme,  lord  Palmerston  croit 
que  la  première  partie  de  la  note,  malgré  toutes  les  précautions  de  lan- 
gage dont  elle  s'entoure,  l'ait  peut-être  au  sultan  un  tableau  trop  fidèle, 
mais  aussi  trop  sombre  de  sa  situation  ;  il  craint  que  l'expression  aussi 
franche  de  la  vérité  ne  le  dispose  pas  k  adhérer  à  notre  démarche;  il  ne 
doute  pas  que  ces  documents  ne  soient  communiqués  par  la  Porte  à  la 
Russie  le  jour  même  où  ils  arriveront  à  Constantinople,  et  il  redoute  l'a- 
bus que  la  Paissie  ferait,  sur  l'esprit  hautain  et  aveugle  du  sultan,  d'un 
langage  qu'elle  pourrait  lui  présenter  comme  humiliant  pour  sa  couronne. 
La  seconde  partie  de  la  note  et  toutes  les  considérations  sur  lesuuelles 
elle  fonde  l'accord  européen  lui  semblent  excellentes.  Du  reste,  lord  Pal- 
merston n'insiste  pas  même  sur  la  première  observation  ;  il  se  contente 
de  la  soumettre  aux  lumières  du  gouvernement  du  roi.  Seulement,  il  nous 
prévient  que  la  note  de  lord  Ponsonby  présentera  dans  cette  partie  de  sa 
rédaction  une  légère  différence  avec  celle  de  l'amiral  Roussio. 

Je  n'ai  pas  pu  m'empêcher,  monsieur  le  maréchal,  de  faire  observer  à 
lord  Palmerston  qu'il  n'y  avait  pas  moyen  d'échapper  ci  la  nécessité  de 
pressentir  et  de  faire  pressentir  une  catastrophe  dans  la  rédaction  d'une 
note  qui  avait  pour  but  d'offrir  les  moyens  de  la  prévenir,  et  qui  ne  fon- 
dait l'opportunité  de  la  démarche  que  sur  les  préliminaires  mêmes  de 
cette  catastrophe.  J'ai  ajouté  que  notre  action  sur  la  Porte,  depuis  les  évé- 
nements de  Syrie,  avait  toujours  consisté  à  effrayer  le  sultan  pour  le 
contenir  dans  les  bornes  de  la  modération,  h  lui  dire  enfin  la  vérité  pour 
le  rendre  sage:  «Vous  avez  raison,  «  a  repris  lord  Palmerston,  »  je 
reconnais  qu'il  y  a  là  une  nécessité  qui  nous  domine;  aussi,  je  ne 
repousse  pas  l'idée;  je  vais  même  jusqu'au  mot;  seulement,  je  crois  qu'il 
faut  être  sobre  au  développement.  » 

J'ai  promis  à  lord  Palmerston,  monsieur  le  maréchal,  de  faire  connaî- 
tre cette  observation  à  Votre  Excellence. 

J'ai  offert  à  lord  Palmerston  de  rendre  porteur  de  la  dépêche  de  lord 
Ponsonby  le  courrier  que  Votre  Excellence  se  dispose  à  envoyer  par  la 
voie  de  terre  à  l'amiral  Roussiii,  Lord  Palmerston  m'a  remercié;  il  se 
servira  nalurellementde  celui  qui  devait  partir  hier,  et  dont  le  départ  est 
retardé  de  quarante-huit  heures,  pour  faire  subir  aux  instructions  desti- 
nées à  lord  Ponsonby  les  modifications  proposées  par  le  gouvernemen 
du  roi. 


Ûi2  APPENDICE 

Le  courrier  anglais  passera  comme  le  vôtre,  monsieur  le  maréchal,  par 
Vienne,  et  lord  Beauvale,  comme  M.  de  Suint-Aulaire,  aura  ordre  de 
faire  tous  ses  efforts  pour  engager  le  cabinet  autrichien  h  s'associer  à  no- 
tre démarche. 

Cette  première  question  réglée,  j'ai  repris  la  dépèche  de  Votre  Excel- 
lence et  j'en  ai  achevé  la  lecture.  J'ai  ensuite  placé  sous  les  yeux  de  lord 
Palmerston  les  extraits  des  dernières  dépèches  de  l'ambassadeur  du  roi 
à  Constantinople;  puis  j'ai  ajouté  :  «  Je  ne  suis  chargé  d'aucune  plainte 
officielle;  quelques  faits  étranges  ont  eu  lieu;  j'ai  l'ordre  de  porter  à 
votre  connaissance  les  pièces  qui  les  constatent  et  d'attendre  les  éclair- 
cissements que  vous  croirez  devoir  donner  à  la  mutuelle  confiance  de 
nos  cabinets.  » 

Lord  Palmerston  a  sonné  et  s'est  fait  apporter  les  quatre  derniers  mois 
de  la  correspondance  de  lord  Ponsonby,  et  les  deux  dernières  années  de 
celle  du  colonel  Campbell. 

«  Occupons-nous  d'abord,  «  m'a-t-il  dit,  »de  ce  qui  concerne  lord  Pon- 
sonby; nous  reviendrons  ensuite  à  l'affaire  de  Bassora.  Je  tiens  d'a- 
bord à  vous  prouver  que  mes  instructions  n'ont  jamais  varié  sur  ce 
point  fondamental  que  le  rôle  de  l'ambasSwideur  d'Angleterre  à  Constan- 
tinople devait  être  de  contenir  les  penchants  guerriers  du  sultan.  Sur 
le  fond  même  de  la  question,  nulle  divergence  entre  vous  et  nous  :  que 
nous  nous  soyons  un  peu  plus  préoccupés  de  la  qualité  du  souverain 
que  de  celle  du  vassal,  que  nous  ayons  fait  pencher  la  balance  du  côté 
du  principe,  cela  est  vrai;  mais  c'est  que  pour  nous  le  fait  était  à  côté 
du  principe;  l'indépendance  et  la  stabilité  du  trône  du  sultan  nous 
semblaient  exiger  cette  partialité,  et  nous  avons  toujours  craint,  en 
blessant  l'orgueil  du  souverain  h  Constantinople,  de  donner  une  arme 
contre  nous  à  la  Russie.  Mais  je  vous  l'allirme,  nous  avons  constamment 
répété  à  lord  Ponsonby  :  Empêchez  la  guerre  d'éclater.  » 

Lord  Palmerston  m'a  fait  lire  alors  sept  ou  huit  dépêhes  écrites  par  lui 
à  lord  Ponsonby,  depuis  la  fia  de  janvier  jusqu'au  milieu  de  juin,  et  tou- 
tes fondées  sur  cette  donnée  générale. 

«  Maintenant,  u  a  repris  lord  Palmerston,  »  je  ne  saurais  vous  nier  que 
l'opinion  personnelle  de  lord  Ponsonby,  opinion  que  je  ne  partage  pas, 
a  toujours  été  opposée  au  mainùen  dw  atatu  quo  de  Kutaièh;  il  préfé- 
rait même  les  partis  extrêmes  comme  susceptibles  au  moins  d'un  dé- 
noùmenl  favorable;  mais  je  suis  fondé  à  croire  que,  dans  les  rapports 
officiels  de  Constantinople,  l'ambassadeur  a  fait  passer  ses  opinons  per- 
sonnelles après  ses  instructions.  C'est  du  moins  ce  que  je  dois  inférer 
de  sa  correspondance.  »  (Et  lord  Palmerston  m'a  lu  au  hasard  toutes  les 
dernières  dépèches  de  lord  Ponsonby  qui  constatait  ses  efforts  pacifiques 
auprès  de  la  Porte.) 


APPENDICE  Ull'd 

J'ai  fait  observer  h  iorcl  Palmerston  qu'il  me  semblait  bien  diOicile  que 
l'opinion  personnelle  de  l'ambassadeur,  facilement  pénétrée  sur  les  lieux 
et  transparente  même  à  travers  les  dépôclies  que  je  venais  de  lire,  n'eût 
pas  ôté  quelque  chose  à  l'eflicacité  de  son  action  pacifique  à  Constantino- 
ple.  Lord  Palmerston,  sans  abonder  dans  mon  sens,  m'a  répondu  de  ma- 
nière c\  me  prouver  qu'il  le  craignait  comme  moi. 

Dans  tout  autre  pays,  monsieur  le  maréchal,  la  conclusion  de  celte 
conversation  eût  été  le  changement  probable  de  lord  Ponsonby;  ici  les 
choses  se  passent  autrement:  les  affaires  extérieures  ne  passent  qu'après 
les  influences  intérieures. 

A  propos  du  refus  qu'avait  fait  lord  Ponsonby  de  s'associer  à  la  démar- 
che dont  l'amiral  Roussin  rend  compte  dans  sa  dépêche  du  14  juin,  j'ai 
demandé  à  lord  Palmerston  si  une  pareille  circonstance  se  renouvellerait 
encore,  après  l'étroite  union  qui  venait  de  se  manifester  entre  les  deux 
cabinets  sur  les  affaires  d'Orient.  Lord  Palmerston  m'a  dit  que  lord  Pon- 
sonby avait  déjà  reçu  et  recevrait  encore  prochainement  des  instructions 
officielles  et  confidentielles ,  qui  donneraient  un  tout  autre  caractère  à  son 
langage  et  à  sa  conduite. 

«  Je  viens,  «m'a  dit  lord  Palmerston,  »  à  l'affaire  de  Bassora.  Voici  plus 
de  deux  ans  que  nous  avons  engagé  Méhémet-Ali  à  ne  pas  étendre  son 
occupation  vers  le  golfe  persique  ;  à  nos  représentations  à  Alexandrie  il 
a  toujours  été  répondu  par  une  dénégation  des  faits.  Les  rapports  de  nos 
agents  n'ont  pas  tardé  à  nous  prouver  que  l'occupation  avait  réellement 
eu  lieu,  et  que  des  ofliciers  égyptiens  étaient  entrés  à  Bassora,  à  La- 
hesa  et  à  Katif,  et  menaçaient  la  petite  île  de  Baleraie,  sous  prétexte 
d'empêcher  qu'elle  ne  devînt,  contre  eux-mêmes,  un  foyer  d'insurrec- 
tion. Nous  avions  menacé  k  Alexandrie  d'employer  la  force  pour  empê- 
cher tout  établissement  égyptien  sur  la  côte  du  golfe  persique;  mais, 
avant  d'y  avoir  recours,  nous  avons  cru  devoir  nous  adresser  au  sou- 
verain de  droit  pour  demander  s'il  avait  donné  son  adhésion  à  cette 
extension  de  la  puissance  égyptienne;  sans  doute,  nous  savions  que  la 
réponse  serait  négative,  mais  nous  pensions  devoir  régulariser  ainsi 
notre  action.  Voilà  la  démarche  dont  il  est  question  dans  les  dépêches 
qne  vous  venez  de  me  lire.  Après  cela,  je  vous  ajouterai  qu'il  ne  s'est 
jamais  agi  que  de  l'envoi  d'un  bâtiment  de  guerre  et  nullement  de 
troupes  de  débarquement.  Cette  seule  démonstration  nous  a  paru  devoir 
être  plus  satisfaisante.  Je  dois  vous  ajouter  aussi  que  cette  question, 
toute  spéciale  pour  nous,  du  golfe  persique  n'a  rien  de  commun  avec 
les  événements  de  Syrie,  et  n'influera  en  quoi  que  ce  soit  sur  notre 
marche  dans  la  négociation  générale.  » 

J'ai  démandé  à  lord  Palmerston  s'il  ne  craignait  pas  qu'à  Constantino- 
ple  on  n'eiÀt  traduit  la  démarche  récente  de  lord  Ponsonby  en  un  encou- 


!iUIi  APPENDICE 

rageraent  donné  aux  propensions  belliqueuses  du  sultan.  A  cela  lord 
Paimerslon  m'a  répondu  que,  si  on  l'avait  fait,  c'est  qu'on  avait  voulu 
s'aveugler  sur  sa  portée,  parce  que  depuis  un  an  au  moins  on  savait  que 
celte  affaire  se  suivait  entre  le  gouvernement  anglais  et  le  pacha  d'É- 

gypte. 

Lord  Palmerstoai  m'a  mis  sous  les  yeux  toute  la  correspondance  du 
colonel  Campbell  depuis  novembre  1837,  et  j'avoue  qu'elle  établit  la 
question  sur  les  données  qu'il  venait  de  m'exposer. 

Ce  n'est  pas  à  moi  qu'il  appartient  de  décider  si  le  gouvernement  du 
roi  se  contentera  de  ces  explications  ;  mais  ce  que  je  puis  affirmera  Votre 
Excellence,  c'est  qu'ici  on  a  voulu  les  donner  satisfaisantes. 

Veuillez  agréer,  etc. 

W,  —  Uépèclic  du    baron   de    Bonrqueney    au   maréchal  Soult,  en 
date  du   II  juillet  1839  {ZH  rébiuLakliir  1S55). 

Monsieur  le  maréchal,  lord  Palmerston  donne  son  assentiment  le  plus 
absolu  au  projet  de  déclaration  par  lesquelles  les  puissances  s'engageraient 
à  maintenir  l'intégrité  de  l'empire  ottoman  et  à  n'accepter  aucune  part  de 
son  territoire.  Lord  Palmerston  est  prêt  à  faire  celte  déclaration  au  nom 
du  gouvernement  britannique,  et  il  propose  de  plus  au  gouvernement  du 
roi,  quand  toutes  les  déclarations  seront  parvenues  h  Vienne,  de  les  y 
réunir  sous  la  forme  la  plus  solennelle  d'un  engagement  général 

XYI.  —    Dépèche  du  baron  de  Bonrffueney    au    maréchal  Soult^    en 
date  du  IS  juillet  183»  (2(>  rcbiul-akhir  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  lord  Palmerston  venait  de  recevoir  son  courrier 
de  Vienne  au  moment  où  je  lui  ai  apporté  la  dépèche  n°  27  de  Votre 
Excellence  et  les  extraits  de  la  correspondance  de  M.  le  comte  de  Sainte- 
Aulaire.  A  la  lecture  que  je  lui  en  ai  donnée,  lord  Palmerston  a  répondu 
par  celle  des  dépêches  et  des  lettres  confidentielles  de  lord  Beauvale  :  il 
n'en  a  pas  omis  une  syllabe. 

Même  jugement  de  nos  ambassadeurs,  M.  le  maréchal,  ^ur  les  disposi- 
tions du  prince  de  Metternich  ;  même  espoir  d'entraîner  le  cabinet  autri- 
chien dans  notre  action  politique  à  Constantinople  ;  même  prévision  de  la 
mort  du  sultan  et  même  approbation  du  projet  de  déclarations  par  les- 
quelles les  puissances  européennes  s'engageraient  solennellement  au 
maintien  de  l'intégrité  de  l'empire  ottoman,  projet  dont  l'initiative  a  été 
prise  par  M.  de  Meiternich  dans  ses  conférences  successives  avec  M.  de 
Sainte-Aulaire  et  avec  lord  Beauvale. 


APPENDICE  [ilxb 

Ainsi  que  j'ai  eu  l'honneur  de  l'amionccr  hier  par  ma  dépèclie  n"  G2, 
lord  Palmerston  a  ratifié  sans  réserve  l'opinion  favorable  que  Volie 
Excellence  exprimait  sur  la  proposition  du  prince  de  Mclternich  de  toutes 
les  mesures  à  prendre.  Partant  toujours  de  cette  donnée  générale  que  la 
Russie  ne  peut  pas  en  ce  moment,  lord  Palmerston  croit  que  nous  obtien- 
drons son  concours.  Un  refus  nous  placerait  dans  un  autre  ordre  de  faits. 

Lord  Palmerston  m'a  demandé  si  le  gouvernement  du  roi,  favorable, 
comme  il  se  montrait,  h  la  pensée  de  M.  de  Mellernich,  avait  déjà  eu  le 
temps  d'arrêter  la  forme  môme  de  la  déclaration  ])ar  laquelle  il  répon- 
drait h  celle  du  cabinet  autrichien.  J'ni  dit  à  lord  Palmerston  que  je  ne 
savais  encore  rien  à  cet  égard.  C'est  alors  qu'il  m'a  chargé  de  consulter 
le  gouvernement  du  roi  sur  le  projet  de  réunir  à  Vienne,  en  un  acte  euro- 
péen, toutes  les  déclarations  individuelles  des  puissances  aussitôt  qu'elles 
seraient  parvenues  au  siège  de  la  négociation.  Depuis  que  lord  Palmerston 
s'est  rendu  h  l'avantage  de  laisser  prendre  à  la  négociation  la  route  de 
Vienne,  je  lui  dois  la  justice  de  reconnaître  qu'il  ne  s'est  pas  manifesté  en 
lui  la  plus  petite  arrière-pensée  d'en  rien  conservera  Londres,  au  delà  de 
la  part  de  direction  qui  appartient  naturellement  à  tout  cabinet  dans  ses 
rapports  avec  son  ambassadeur. 

Lord  Palmerston  ne  sera  pas  moins  empressé  de  connaître,  monsieur 
le  maréchal,  si  le  gouvernement  partage  l'opinion  qu'il  m'a  exprimée  hier, 
et  que  j'ai  déjà  eu  l'honneur  de  transmettre  à  Votre  Excellence,  sur  la 
nécessité  de  faire  de  la  mort  présumée  du  sultan  un  cas  d'admission  de 
nos  escadres  dans  la  mer  de  Marmara.  Ce  projet  entraîne  un  peu  plus  de 
latitude  et  de  responsabilité  dans  les  instructions  à  donner  à  nos  ambassa- 
deurs à  Constantinople  ;  car,  pour  une  semblable  éventualité,  ii  faut  néces- 
remcnt  les  laisser  juges  de  circonstances  dont  la  prévision  échappe  à  la 
dislance  où  nous  sommes  du  théâtre  de  l'événement. 

Dans  sa  dépêche  du  1"  juillet,  lord  Beauvale  appuie  vivement  auprès 
de  lord  Palmerston  le  projet  d'adjoindre  à  nos  escadres  sur  la  côte  de 
Syrie  quelques  bâtiments  russes  de  la  flotte  de  la  mer  Noire.  Les  argu- 
ment sont  habilement  présentés.  «  Nous  llattons  la  Russie  et  nous  l'en- 
chaînons dans  le  concert  européen  ;  nous  lui  enlevons  tout  prétexte 
d'user  de  son  influence  à  Constantinople  pour  faire  fermer  les  Darda- 
nelles à  nos  flottes;  enfin,  nous  lui  faisons  donner  un  gage,  car  c'en 
est  un  que  son  escadre  entre  les  deux  nôtres.  »  Ce  raisonnement  n'a 
point  ébranlé  jusqu'ici  l'opinion  que  lord  Palmerston  m'avait  déjà  expri- 
mée sur  la  fermeture  de  la  mer  de  Marmara  par  le  Bosphore  et  par  le 
détroit  des  Dardanelles.  La  manière  générale  d'envisager  cette  question 
demeure  la  môme,  moins,  bien  entendu,  l'exception  à  laquelle  nous  avons 
recours  en  ce  moment,  puisque  nous  avons  sur  la  route  de  Constantino- 
ple les  courriers  porteurs  de  la  demande  de  l'admission  de  nos  escadres 


^/i6  APPENDICE 

dans  un  cas  donné,  et  que  la  prévision  de  la  mort  du  sultan  vient  s'ajou- 
ter de  plus  aux  éventualités  qui  peuvent  la  rendre  nécessaire.  «  Mais,  «m'a 
dit  lord  Palraerston,  »  l'avantage  de  la  présence  des  bâtiments  russes  sur 
la  côte  de  Syrie  ne  me  semble  pas  assez  démontrée  pour  en  faire  un 
cas  de  déviation  de  principe;  »  et  il  a  ajouté  ce  fait  curieux  :  «  Lors- 
qu'en  1835  nous  revînmes  au  pouvoir,  je  me  rendis  chez  le  duc  de 
Wellington  ;  mes  rapports  avec  lui  me  permettaient  une  démarche  de 
confiance,  et  je  dis  au  duc  que  l'Orient  étant  appelé  à  jouer  un  grand 
rôle  dans  les  affaires  de  l'Europe,  je  tenais  essentiellement  à  connaître 
son  opinion  sur  les  deux  systèmes  qui  se  présentaient  èi  notre  politique, 
travailler  h  ouvrir  la  mer  de  Marmara  à  nos  flottes  et  conséquemment 
à  celles  des  autres  puissances,  ou  la  fermer  à  toutes,  y  compris  les  nô- 
tres. Le  duc  me  répondit  sans  hésitation  :  «  à  la  fermer  ;  nous  sommes 
dans  ces  parages  trop  loin  de  nos  ressources  et  la  Russie  louche  aux 
siennes.  »  Ce  mot,  «a  continué  lord  Palmerston,  m'a  frappé  comme  plein 
de  sens  et  de  raison.  » 

Lord  Palmerston  m'a  lu  la  dépêche  qu'il  adresse  à  lord  Glanricarde,  en 
réponse  à  la  dernière  communication  du  comte  de  Nesselrode.  Le  cabinet 
anglais  remercie  le  cabinet  de  Pétersbourg  de  l'empressement  avec  lequel 
il  offre  de  coopérer  h  restreindre  le  théâtre  de  la  lutte  entre  les  deux  par- 
ties belligérantes;  mais  il  insiste  sur  la  nécessité  de  rendre  impossible  le 
retour  des  événements  qui  pourraient  encore  compromettre  la  paix  du 
monde;  et  il  considère  un  arrangement  permanent  entre  la  Porte  et  Mé- 
hémet-Ali  comme  le  moyen  le  plus  sûr  d'atteindre  le  but  que  se  propo- 
sent les  puissances  de  l'Europe.  La  dépêche  revient  à,  plusieurs  reprises 
sur  l'étroite  union  qui  se  manifeste  entre  les  cabinets  de  Londres  et  de 
Paris,  union  qui  a  dicté  les  instructions  envoyées  aux  amiraux  comman- 
dant nos  escadres  dans  la  Méditerranée. 

Lord  Beauvale  avait  joint  à  sa  dépêche  du  2  juillet  h  lord  Palmerston 
une  lettre  particulière  de  lord  Ponsonby  que  venait  de  lui  apporter  la 
dernière  poste  de  Constantinople.  Lord  Palmerston  a  voulu  que  j'en 
prisse  lectute.  Je  crois  qu'il  tenait  h  prouver  que  lord  Ponsonby  ne  mé- 
nage pas  toujours  son  propre  cabinet.  C'était  un  appel  à  l'indulgence  de 
ses  collègues  et  des  cabinets  qu'ils  représentent.  Dans  cette  lettre,  lord 
Ponsonby  raisoiuie  sur  la  mort  du  sultan  comme  sur  un  fait  réalisé;  il 
.s'emporte  contre  la  politique  du  statu  quo  qui  a  perdu,  selon  lui,  l'Orient 
depuis  1832.  Il  dit  qu'il  n'y  a  pas  un  moment  à  perdre  pour  réparer  ses 
fautes.  Il  faut  que  nos  pavillons  flottent  devant  Constantinople,  que  l'Au- 
triche se  montre  déterminée  à  pousser  au  besoin  une  armée  en  avant,  etc. 
Constantinople  aux  Russes,  et  il  ne  reste  pas  une  seule  puissance  de  pre- 
mier ordre  en  Europe,  l'Angleterre  exceptée,  si  elle  veut  entrer  dans  un 
honteux  marché  avec  le  cabinet  de  Pétersbourg.  Tout  cela,  monsieur  le 


appendice:  hiii 

maréchal,  est  mêlé  d'idées  bonnes  et  mauvaises,  ingénieuses  presque  tou- 
jours, mais  souvent  innapplicahles.  Je  croyais  savoir  que  lord  Ponsonby 
n'est  pas  l'organe  bien  scrupuleux  de  la  politique  de  son  cabinet  ;  au- 
jourd'hui j'en  suis  sûr.  J'ose  supplier  Voire  Excellence  de  conserver  se- 
crète la  communication  que  je  ne  dois  qu'à  la  confiance  de  lord  Pal- 

merston. 

Veuillez  agréer,  etc. 


XVII.  —  Dcpêclic  «In  mar«''elial  Sonlt  aux  r4*i»r«'K«'n<an<s  français  à 
Vienne,  A  Londres»,  à  Itcriiii,  à  Saînt-Pétcrshoiii'u  vt  à  C'oii^itanli- 
nople,  en  date  du  19  juillet  183!)  (â  djéniaziul-én'el   1253). 

Monsieur  le..,.,  dans  la  crise  si  grave  oii  la  mort  du  sultan  Mahmoud, 
survenant  au  milieu  des  événements  qui  ont  marqué  les  derniers  mois  de 
son  règne,  vient  de  jeter  l'empire  ottoman,  l'union  des  grandes  puis- 
sances de  l'Europe  pouvait  seule  offrir  une  garantie  suffisante  pour  ras- 
surer les  amis  de  la  paix.  Des  communications  échangées  depuis  qu<;lque3 
semaines,  ont  heureusement  prouvé  que  cette  union  est  aussi  complète 
qu'il  était  possible  de  le  désirer.  Tous  les  cabinets  veulent  l'intégrité  et 
l'indépendance  de  la  monarchie  ottomane  sous  la  dynastie  actuellement 
régnante;  tous  sont  disposés  à  faire  usage  de  leurs  moyens  d'action  et 
d'influence  pour  assurer  le  maintien  de  cet  élément  si  essentiel  de  l'équi- 
libre politique;  et  ils  n'hésiteraient  pas  à  se  déclarer  contre  une  combi- 
naison quelconque  qui  y  porterait  atteinte.  Un  pareil  accord  de  senti- 
ments et  de  résolutions  devant  sullire,  lorsque  personne  ne  pourra  plus 
en  douter,  non-seulement  pour  prévenir  toute  tentative  contraire  à  ce 
grand  intérêt,  mais  même  pour  dissiper  des  inquiétudes  dont  la  seule 
existence  constitue  un  danger  véritable,  par  suite  de  l'agitation  qu'elles 
jettent  dans  les  esprits,  le  gouvernement  du  roi  croit  que  les  cabinets 
feraient  quelque  chose  d'important  pour  l'affermissement  de  la  paix,  en 
constatant  dans  des  documents  écrits  qu'ils  se  communiqueraient  récipro- 
quement, et  qui  nécessairement  ne  tarderaient  pas  h  avoir  une  publicité 
plus  ou  moins  complète,  l'exposé  des  intentions  qne  je  viens  de  rappeler. 
En  ce  qui  nous  concerne,  Monsieur  le..,.,  je  déclare  formellement  que 
ce  sont,  que  es  seront,  invariablement  les  nôtres,  et  je  vous  autorise  h 
laissera  monsieur  de  Metternich  une  copie  de  la  présente  dépèche,  après 
lui  en  avoir  donné  lecture.  Je  ne  doute  pas  que  le  gouvernement  autri- 
chien, dans  la  réponse  qu'il  croira  sans  doute  devoir  faire  à  la  lettre  par 
laquelle  vous  lui  transmettrez  cette  dépêche,  n'adhère  de  son  côté,  de  la 
manièi'c  la  plus  formelle  à  cette  profession  de  foi,  si  parfaitement  con- 
forme à  l'expression  souvent  reproduite  de  la  politique.  Si,  comme  j'ai 
lieu  d'espérer,  les  cabinets  de  Londres,  de  Pétersbourg,   et  de  Berlin, 


/i./|8  APPENDICE 

répondent  de  même  aux  communications  semblables  que  je  vais  leur 
faire  parvenir,  le  but  que  se  propose  le  gouvernement  du  roi  se  trouvera 
atteint. 

Sa  Majesté,  voulant  donner  un  témoignage  non  équivoque  des  disposi- 
tions dont  elle  est  animée  k  l'égard  de  ia  Porte,  m'a  ordonné  d'envoyer 
à  Monsieur  l'amiral  Roussin.  sans  attendre  l'avis  ofiioiel,  ni  même  la  con- 
firmation directe  de  la  mort  du  sultan  Mahmoud,  les  lettres  de  créance 
qui  l'accréditent  auprès  du  nouvel  empereur. 

Agréez,  etc. 

XVIII.  —  Dépêche    du   niarcclial  Sonlt    an    baron    tic   Bonrqaoney, 
en  date  du  19  juillet   1839  (5  djéniaziul-éwel  1255). 

Monsieur,  je  vous  ai  fait  connaître  par  le  télégraphe  la  mort  du  sultan 
Mahmoud,  dont  la  nouvelle  nous  était  parvenue  par  la  même  voie,  et  que 
les  dc;rnières  dépêches  de  Constantinople  annonçaient  déjà  comme  immi- 
nente. Il  est  à  craindre  que  l'ordre  envoyé  à  Hafiz-Pacha  d'arrêter  les 
hostilités  ne  lui  soit  arrivé  trop  tard  pour  empêcher  la  bataille  h  laquelle 
on  s'attendait.  Bien  qu'il  soit  difficile  de  prévoir  dès  à  présent  le  genre 
d'influence  que  ce  changement  de  règne  exercera  sur  les  destinées  de 
l'Orient,  il  est  évident  qu'on  est  arrivé  à  un  moment  de  crise  qui  réclame 
de  plus  en  plus  le  concours  loyal  et  sincère  de  tous  les  cabinets  pour  as- 
surer le  maintien  de  la  paix.  Il  m'a  paru  que  le  moment  était  venu  de 
donner  suite  h  l'idée  mise  en  avant  par  M.  de  Metternich,  de  garantir,  au 
moyen  d'un  échange  de  déclarations  diplomatiques,  le  maintien  de  l'inté- 
grité et  de  l'indépendance  de  l'empire  ottoman,  et  pour  éviter  tout  retard, 
je  me  suis  déterminé  à  prendre  moi-même  l'initiative  des  démarches  h 
faire  à  cet  effet.  La  dépêche  ci-jointe  formule,  en  ce  qui  nous  concerne^, 
l'engagement  dont  il  est  question.  Lord  Palmerslon  répondra  sans  doute 
à  la  communication  que  vous  lui  en  donnerez  en  termes  assez  précis  pour 
atteindre  le  but  que  nous  avons  en  vue. 


XIY.  —  ]^otc  du  baron  de  Itourqueney  à  lord  Palmcrston,  en  date 
du  19  juillet  18S»  {'S  djémaziul-cwcl  1355). 

Mylord,  je  m'acquilte  des  ordres  de  mon  gouvernement  en  transmet- 
tant, sans  relard,  h  V.  E.  copie  de  la  dépêche  que  je  viens  de  recevoir  de 
M.  le  maréchal  duc  de  Dalmalie,  sous  la  date  du  17  juillet. 

Le  gouvernement  du  roi,  mylord,  sait  d'avance  qu'il  trouvera  dans  le 
cabinet  de  S.  M.  britannique  des  principes  et  des  sentiments  conformes  ci 
ceux  qui  dirigent  et  qui  continueront  invariablement  h  diriger  sa  polili- 


AI'PI'.NDICE  liliQ 

que  dans  les  affaires  d'Orient;  mais  il  attache  un  véritable  prix  à  rece- 
voir un  nouveau  témoignage  de  cette  conformité. 
Je  prie  V.  E.  de  vouloir  bien  m'accuser  réception,  etc. 

XX,  —  Note  de  lord  l*alnicrston  au  baron  de  Itour(|ncncy,  en  date 

du  2 !S  juillet  18»0  (tO  djéniaziul-éwel   1355). 

Monsieur  le  baron,  j'ai  l'honneur  de  vous  accuser  réception  de  votre 
billet  du  19  de  ce  mois,  auquel  vous  avez,  joint,  d'après  l'ordre  de 
votre  gouvernement,  copie  d'une  dépêche  du  17  que  vous  avez  reçue  du 
duc  de  Dalmatie,  et  qui  a  trait  à  l'état  actuel  des  allaircs  en  Turquie. 

En  réponse,  je  dois  vous  exprimer  la  grande  satisfaction  avec  laquelle 
le  gouvernement  de  S.  M.  a  reçu  cette  communication,  et  je  ne  perds  pas 
un  moment  pour  vous  autorisera  assurer  votre  gouvernement  que  le  ca- 
binet britannique  désire,  comme  celui  de  France,  de  maintenir  l'intégrité 
et  l'indépendance  de  l'empire  ottoman  sous  la  dynastie  régnante,  et  (ju'il 
est  prêt  à  employer  toute  son  influence  et  tous  ses  moyens  d'aclion  pour 
conserver  cet  élément  essentiel  de  l'équilibre  européen,  et  qu'il  l'instar 
du  cabinet  français  il  n'hésiterait  point  h  se  déclarer  ouvertement  contre 
toute  combinaison  conçue  dans  un  esprit  contraire  aux  principes  sus- 
mentionnés. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

XXI.  —  Dépêche  du  baron   de    Bourqueney   au   niaréulial  Soult,  en 

date  du  %3  juillet  1839  (11  djémaziul-éwcl  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  je  viens  de  communiquer  h  lord  Palnierston  les 
deux  dépèches  télégraphiques  que  Votre  Excellence  m'a  fait  l'honneur  de 
ra'adresser  sous  la  date  d'hier  ;  elles  ont  naturellement  produit  une  très- 
pénible  impression  sur  son  esprit,  et  il  n'a  pas  été  maître  de  contenir  une 
exclamation  de  dépit  contre  l'aveuglement  qui  a  jeté  Mahmoud  et  son  em- 
pire au  devant  d'un  événement  aussi  désastreux. 

Toutefois,  monsieur  le  maréchal,  en  reportant  plus  fi'oidement  ses  re- 
gards sur  la  situation  générale,  et  partant  de  la  donnée  qu'Ibrahim-pacha 
n'aura  pas  suivi  ses  succès  jusqu'à  une  extrémité  inquiétante  pourlesalut 
même  de  l'empire  ottoman,  lord  Palmerston  a  été  peu  h  peu  ramené  à  une 
conclusion  analogue  à  celle  de  ses  premiers  raisonnements  au  moment  où 
je  lui  portai  la  nouvelle  de  la  mort  du  sultan.  Le  second  événement, 
comme  le  premier,  trouve,  selon  lui,  les  grandes  puissances  à  peu  près 
fixées  sur  les  moyens  de  prévenir  toute  complication  européenne;  l'échange 
entre  nos  deux  cabinets  des  déclarations  relatives  au  maintien  de  l'inté- 
grité et  de  l'indépendance  de  l'empire  ottoman  est  même  un  pas  de  plus 

T.   II.  '29 


450  APPENDICE 

dans  cette  voie  salutaire;  en  y  persévérant,  lord  Palmerston espère  qu'on 
préviendra  toute  catastrophe. 

Ce  n'est  pas  certes  que  son  esprit  ne  soit  en  môme  temps  frappé  du  dé- 
plorable abaissement  de  la  puissance  ottomane,  au  moment  oii  elle  vient 
de  passer  dans  les  mains  d'un  prince  de  seize  ans  ;  et  cet  abaissement  ne 
saurait  être  qu'une  cause  sérieuse  de  regrets  et  d'alarmes  pour  les  puis- 
sances protectrices  désintéressées  de  la  Porte.  Cette  réflexion  est  même 
accompagnée  chez  lord  Palmerston  d'un  penchant  naturel  au  soupçon  que 
la  Russie,  qui  ne  veut  pas  d'une  complication  européenne  actuelle,  mais 
qui  juge  l'alTaiblissemeiit  de  la  puissanceottomane  favorable  àsapolitique 
d'avenir,  a  poussé  sous  main  la  Porte  et  l'Egypte  à  la  dernière  collision  ; 
et  ce  soupçon  est  confirmé  chez  lui  par  les  efforts  récents  du  cabinet 
russe  pour  enfermer  la  lutte  dans  de  certaines  limites,  et  tracer  au  vain- 
queur présumé,  à  Ibrahim-Pacha,  la  route  vers  le  Diarbékir,  c'est-à-dire 
dans  une  direction  qui  ne  forcerait  pas  la  Porte  k  réclamer  l'exécution  du 
traité  d'Unkiar-Skélessi,  exécution  pour  laquelle  la  Russie  ne  se  croit  pas 
prête. 

Passant  de  ces  considérations  générales  au  côté  pratique  de  la  ques- 
tion, j'ai  demandé  à  lord  Palmerston  si  la  nouvelle  de  la  défaite  de  l'ar- 
mée turque  lui  semblait  devoir  apporter  quelque  modification  aux  me- 
sures déjà  adoptées,  par  nos  deux  cabinets,  dans  la  prévision  seule  de 
l'événement  qui  vient  de  se  réaliser.  Lord  Palmerston  m'a  répondu  qu'il 
n'y  voyait  jusqu'ici  aucune  nécessité  :  «  Nos  amiraux,  «  m'a-t-il  dit,»  ont 
dans  leurs  instructions  de  quoi  faire  face  à  l'événement  du  2/t  juin  ; 
Ibrahira-Pacha  aura  vraisemblablement  arrêté  de  lui-même  ses  pre- 
miers succès;  s'il  les  poursuivait,  les  commandants  de  nos  escadres 
ont  leur  conduite  tracée;  si,  d'un  autre  côté,  la  terreur  avait  jeté  de 
nouveau  la  Porte  dans  les  bras  de  la  Russie,  nos  premières  instruc- 
tions aux  ambassadeurs  leur  indiquent  péremptoirement  la  demande 
qu'ils  auront  à  adresser  à  la  Porte  pour  l'admission  de  nos  escadres 
dans  la  mer  de  Marmara.  C'est  à  Vienne  qu'il  faut  redoubler  d'efforts 
et  d'activité  pour  presser  la  conclusion  de  l'arrangement  permanent 
dont  les  bases  générales  ont  déjà  été  mises  en  avant  par  les  autres  puis- 
sances comme  limites  entre  lesquelles  devra  se  mouvoir  la  négociation. 
L'Egypte  sera  devenue  sans  doute  plus  exigeante;  mais  un  concert  eu- 
ropéen saura  triompher  de  tous  ces  obstacles.  » 
Tel   est,  monsieur  le  maréchal,  le  résumé  des  points  principaux  de  la 

conversation  de  lord  Palmerston 

Je  puis  ajouter  en  toute  confiance  que,  si  le  gouvernement  du  roi  entre- 
voyait la  nécessité  d'une  modification  à  la  marche  suivie  jusqu'à  ce  jour, 
toute  ouverture  de  lui  à  ce  sujet  sera  reçue  ici  avec  une  véritable  défé- 
rence. 


AI'PKNDICE  Û5l 

Lord  Palmerslon  a  voulu  que  jo  remerciasse  en  son  nom  Voire  Excel- 
lence de  ractivilé  et  de  l'exacUlude  denses  communications. 
Veuillez  agréer,  etc. 

XXII.  —  I\'ote  de  rauilias.sacleur  de  France  (comte  de  SaînteAu- 
laire)  au  ministre  des  afi'aires  étrangères  d'Autriciie  (Itletler- 
nicli),  eu  date  de  Vienne  le  23  juillet  1839  (Il  djémaziul-éwel 
1255). 

L'ambassadeur  du  roi  des  Français  a  reçu  l'ordre  de  communiquer  h 
S.  A.  M.  le  chancelier  de  cour  et  d'Étal  la  dépêche  dont  ci-joint  copie. 

En  déclarant  qu'il  veut  l'intégrité  cl  l'indépendance  de  l'empire  ottoman 
sous  la  dynastie  actuellement  régnante,  et  qu'il  est  disposé  k  faire  usai^e 
de  ses  moyens  d'action  et  d'influence  pour  assurer  le  maintien  de  cet  élé- 
ment si  nécessaire  à  l'équilibre  politique,  le  gouvernement  du  roi  ne 
lait  qu'adhérer  aux  sentiments  exprimés  si  souvent,  et  récemment  encore 
dans  des  termes  également  précis,  au  nom  de  S.  M.  Impériale  et  Royale. 

Mais  il  a  jugé  que  les  circonstances  actuelles  donneraient  de  l'utilité  h 
la  manifestation  écrite  et  réciproque  de  ces  sentiments  de  toutes  les  puis- 
sances, et  il  a  voulu,  pour  sa  part,  s'acquitter  de  ce  devoir  sans  perdre 
un  jour. 

XXIII.  —  IVote  du  prince  de  Nettcrnich  an  comte  de  Saînte-Aaiaire, 
en  date  du  24  juillet  183»  (13  djémaziul-éwel  1255). 

Le  soussigné,  etc.,  etc.,  a  l'honneur  d'accuser  à  Son  Excellence 
M.  l'ambassadeur  de  France,  etc.,  la  réception  de  l'office  qu'il  lui  a  fait 
celui  de  lui  adresser  hier,  et  il  s'empresse  d'y  faire  la  réponse  suivante  : 

L'empereur  ayant  à  cœur  de  s'expliquer  en  toute  occasion  avec  une  en- 
tière franchise  sur  ce  qu'il  croit  pouvoir  être  utile  au  maintien  de  la  paix 
générale,  et  ayant  considéré  l'événement  du  décès  du  sultan  Mahmoud 
comme  pouvant  faire  naître  des  chances  de  perturbations  graves  dans 
l'empire  ottoman,  dont  la  réaction  ne  tarderait  pas  à  se  faire  sentir  bien 
au  delà  des  frontières  de  cet  empire,  n'a  point  hésité  à  charger  le  soussi- 
gné, au  moment  même  où  Sa  Majesté  impériale  a  eu  lieu  de  se  convaincre 
que  la  vie  de  Sa  Hautesse  était  dans  un  danger  imminent,  de  faire  con- 
naître aux  cours  de  France,  de  Grande-Bretagne,  de  Russie,  et  de  Prusse, 
sa  ferme  détermination  de  suivre  la  ligne  politique  clairement  définie  dans 
les  points  suivants  : 

1°  Sa  Majesté  impériale  a  déclaré  qu'elle  était  décidée  à  ne  pas  s'écarter 
de  la  résolution,  qu'elle  avait  prise,  de  vouer  tous  ses  soins  et  ses  elTorls 
à  la  conservation  intacte  de  l'empire  ottoman  sous  la  dynastie  actuellement 


Z,52  APPENDICE 

régnante,  et  à  vouer  h  ce  but  tous  les  moyens  d'influence  et  d'action  dont 
elle  pourra  disposer. 

2"  Qu'il  résultait  de  celte  détermination  que  Sa  Majesté  impériale  se 
déclarerait  contre  toute  combinaison  qui  porterait  atteinte  à  l'indépendance 
de  l'autorité  souveraine  du  sullan,  et  h  l'intégrité  de  son  empire. 

3°  Que  i'em[)ereur  désirait  que  les  autres  puissances  prissent  une  déter- 
mination semblable  à  celle  qu'il  venait  d'énoncer,  et  qu'à  cet  efl'et,  Sa 
Majesté  impériale  sera  constamment  prêle  à  s'entendre  avec  elles,  afin  de 
s'assurer  par  la  franchise  de  leur  concours  les  moyens  d'atteindre  le  but 
qu'elle  se  propose. 

Rien  ne  saurait  être  plus  satisfaisant  pour  l'empereur  que  l'entier  assen- 
timent du  cabinet  français  aux  principes  qui,  dans  une  circonstance  aussi 
riche  dans  ses  conséquences  possibles,  servirait  dérègle  à  la  conduite  du 
cabinet  impérial. 

Le  soussigné  prie  M.  l'ambassadeur  de  vouloir  bien  transmettre  celte 
assurance  à  son  gouvernement,  et  il  saisit,  etc. 

XXIV.  —  Déprclie  du  maréchal  Soult  an  baron  de  Bourtiaency,  en 
date  du  26  juillet  fl»»9  (14  djémaziul-éwel   1255). 

J'ai  reçu  les  dépêches  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  ra'écrire  jus- 
qu'au N°  68  inclusivement.  La  réponse  faite  par  lord  Palmerslon  h  la 
déclaration  dont  je  vous  avais  chargé  de  lui  remettre  copie  est  de  tous 
points  satisfaisante.  Les  importantes  nouvelles,  arrivées  depuis  quelques 
jours,  de  l'Orient  ont  donné  à  l'état  des  choses  un  aspect  tout  nouveau. 
Quelque  inquiélude  qu'on  i)ût  concevoir  à  l'avance  sur  la  gravilé  des 
périls  auxquels  la  politique  adoptée  en  dernier  lieu  par  le  sullan  Mah- 
moud exposait  l'empire  ollonian,  l'événement  a  dépassé  toutes  les  con- 
jectures. Li  mort  du  sultan,  la  défaite  complète  de  l'armée  turque  en 
Syrie,  la  défection  de  la  flotte,  ont  mis  cet  Empire  dans  une  telle  situa- 
tion, que  désormais  la  protection  de  l'Europe  et  la  prudence  de  Méhéiuet- 
Ali  sont  les  seules  garanties  qui  restent  au  trône  du  jeune  Abdul-Medjid. 

Les  extraits  ci-joints  de  ma  correspondance  de  Gonstantinople  et  d'A- 
lexandrie vous  feront  connaître  les  circonstances  de  ces  grands  événe- 
ments. Vous  y  verrez  aussi  que  la  Porte,  peu  de  jours  après  la  mort  de 
Mahmoud,  lorsqu'elle  ignorait  encore  la  défection  de  la  flotte,  mais  lors- 
que sans  doute  elle  était  déjà  informée  de  la  défaite  d'Hafiz-Pacha,  a  an- 
noncé ofliciellement  aux  représentants  des  grandes  puissances,  l'inten- 
tion de  se  réconcilier  avec  le  vice-roi,  et  de  lui  faire  des  concessions  à 
cet  ell'et.  Vous  y  verrez  également  que  iMéhémet,  exalté  par  le  senti- 
ment de  la  supériorité  que  lui  donnaient  les  circonstances  nouvellement 
survenues,  se  montrait  disposé  à  de  grandes  exigences. 


APPENDICE  Û53 

La  rapidité  avec  laquelle  marclient  les  événements  p^^ut  sans  doute 
faire  craindre  que  la  crise  ne  se  dénoue,  d'unmoiuent  à  l'antre,  |)ar  quel- 
que arrangement  dans  lequel  les  puissances  européennes  irauroiit  pas  le 
temps  d'intervenir,  et  où,  par  conséquent,  les  intérêts  essentiels  de  la 
politique  générale  ne  seront  pas  pris  en  considération  sulTisante.  Ce  dan- 
ger est  une  conséquence  inévitable  de  la  distance  où  nous  sommes  de 
Constantinople  et  d'Alexandrie;  il  n'y  pas  moyen  d'y  remédier  d'une 
manière  absolue.  Je  pense  néanmoins  qu'il  convient  de  persister  dans  la 
marche  suivie  jusqu'à  présent,  et  qui  consiste,  en  substance,  k  subordonner 
à  un  concert,  aussi  intime  et  aussi  soutenu  que  possible,  entre  les  cabinets 
l'action  que  chacun  d'eux  est  en  mesure  (i'exercer  dans  la  question  d'O- 
rient. Pour  l'Angleterre  comme  pour  la  France,  pour  l'Autriche  aussi, 
bien  qu'elle  ne  le  proclame  pas  aussi  ouvertement,  le  principal,  le  véri- 
table objet  de  ce  concert,  c'est  de  contenir  la  Russie,  et  de  l'habituer  à 
traiter  en  commun  les  alTaires  orientales.  C'est  assez  dire  que  dans  les 
conjonctures  actuelles,  il  y  a  lieu  plus  que  jamais  de  travailler  à  la  res- 
serrer. 

Cela  posé,  je  crois  que  les  puissances,  tout  en  donnant  une  pleine  ap- 
probation aux  sentiments  conciliants  manifestés  parla  Porte,  doivent  l'en- 
gager à  ne  rien  précipiter,  et  à  ne  traiter  avec  le  vice-roi  que  moyennant 
l'intermédiaire  et  le  concours  de  ses  alliés,  dont  la  coopération  serait  sans 
doute  le  meilleur  moyen  de  lui  ménager  des  conditions  moins  désavanta- 
geuses et  mieux  garanties. 

Je  crois  qu'à  Alexandrie  ces  mêmes  puissances  doivent  tenir  au  vice- 
roi  un  langage  propre  à  lui  faiie  sentir  que,  quels  que  soient  les  avan- 
tages qu'il  vient  d'obtenir,  il  risquerait  de  les  compromettre  en  voulant 
les  pousser  trop  loin,  et  que,  s'il  prétendait,  dans  quelque  l'orme  ou  sous 
quelque  prétexte  que  ce  fût,  arracher  au  sultan  des  conditions  incompa- 
tibles avec  sa  dignité  et  la  sûreté  de  son  trône,  l'Europe  entière  inter- 
viendrait pour  s'y  opposer.  Pour  qu'un  tel  langage  ait  l'etTicacité  dési- 
rable, il  faut  que  les  consuls  soient  mis  en  mesure  de  le  tenir  simultané- 
ment et  en  termes  qui  prouvent  leur  parfiit  accord.  Il  faut  aussi  que  la 
fermeté,  j'ai  presque  dit  la  sévérité,  des  conseils  qu'il  exprimera,  soit 
tempérée  par  un  ton  de  modéralion  et  de  bienveillance  qui,  tout  en  avertis- 
sant la  prudence  de  Méhémel-Ali,  ne  blesse  pas  trop  fortement  son  or- 
gueil et  son  ambition.  Il  y  aurait  certainement  de  l'affectation  à  paraître 
croire  qu'après  les  succès  que  vient  de  lui  procurer  la  folle  conduite  de 
la  Porte  il  n'a  rien  à  attendre  de  plus  que  ce  qu'il  était  en  droit  de  de- 
mander auparavant.  Ce  serait  méconnaître  l'empire  des  faits,  les  néces- 
sités de  la  situation.  Si  le  vice-roi  acquérait  la  conviction  qu'il  ne  doit 
rien  espérer  de  l'équité  des  puissances,  il  se  révolterait  contre  leurs  re- 
présentations impérieuses,  et  son  iiritation  pourrait  amener,  d'un  moment 


Z,5/j  APPENDICE 

à  l'aulre,  des  conséquences  dont  la  seule  possibilité  est  de  nature  à 
effrayer  tout  esprit  prévoyant. 

Voilà,  Monsieur,  les  premières  impressions  que  le  gouvernement  du 
roi  a  reçues  des  dernières  nouvelles  de  l'Orient.  Veuillez  en  faire  part 
à  lord  Palmerston,  et  lui  demander  si  elles  sont  conformes  h  la  manière 
de  voir  du  cabinet  britannique.  Je  vous  ferai  bientôt  connaître  avec  plus 
de  détail  des  idées  que  je  n'ai  encore  eu  que  le  temps  d'ébaucher. 

Vous  remarquerez  dans  la  dépêche  de  l'amiral  Roussin,  où  il  rend 
compte  des  propositions  adressées  par  la  Porte  à  Méhémel-Ali,  celle  qui 
concéderait  h  ce  pacha  l'investiture  seukment  viagère  de  l'Egypte.  Notre 
ambassadeur  avait  mal  saisi  la  pensée  de  Nouri-éfendi.  Il  s'agissait  d'une 
investiture  héréditaire,  comme  cela  résulte  évidemment  de  deux  docu- 
ments joints  au  rapport  de  l'internonce  autrichien  sur  la  conférence  oii  ces 
rapports  ont  été  communiqués  aux  représentants  des  puissances,  et  de  la 
lettre  même  par  laquelle  le  grand-vézir  les  a  transmises  au  vice-roi. 

XXV.  —  Dépêche  du  niaréchal  Soalt  au  consul-général  de  France 
à  Alexandrie,  en  date  du  S 9  juillet  1839  (15  djéniazial-évrel 
125  5). 

Monsieur,  j'ai  reçu  les  dépêches  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'écrire  jusqu'au  N°  115  inclusivement.  Celles  de  M.  de  Lurde  me  sont 
également  parvenues. 

Le  gouvernement  du  roi  voit  avec  peine  que  les  avantages  obtenus  par 
Méhémet-Ali,  loin  de  lui  inspirer  la  modération  qui  conviendrait  si  bien  à 
la  position  forte  et  glorieuse  dans  laquelle  il  se  trouve  placé,  semblent 
avoir  éveillé  dans  son  esprit  et  des  espérances  et  des  projets  dont  rien  dans 
ces  derniers  temps  n'avait  indiqué  l'existence. 

Le  langage  qu'il  a  tenu  à  M.  de  Lurde  est  certainement  en  accord 
avec  l'intention ,  si  récemment  exprimée  par  lui  dans  les  instructions 
envoyées  à  Ibrahim-pacha,  de  s'en  remettre  pour  la  conclusion  de  sa 
querelle  avec  la  Porte,  aux  négociations  qu'allaient  entamer  les  puis- 
sances européennes.  Ces  instructions  par  cela  même  qu'elles  nous  avaient 
été  officiellement  communiquées,  et  qu'un  de  mes  officiers  d'ordonnance 
en  avait  été  rendu  porteur,  constituent  à  notre  égard  un  engagement  qui 
n'a  pu  être  rompu  par  des  faits  auxquels  nous  sommes  complètement 
étrangers. 

Le  gouvernement  du  roi  veut  croire  que  le  vice-roi,  promplement  rerais 
de  l'exaltation  qu'ont  pu  lui  causer  des  succès  aussi  rapides  que  com- 
plets, reviendra  à  des  dispositions  plus  dignes  de  sa  sagesse  et  de  son 
expérience  ;  qu'il  ne  voudra  pas  poursuivre  par  la  force,  le  but  de  son 
ambition,  et  qu'il  comprendra  que  les  conditions  même  que  la  violence 


APPENDICE  Ù55 

pourrail  arraclier  à  la  détresse  et  aux  terreurs  de  la  Porte  n'auraient  en 
réalité  aucun  caractère  définitif,  et  ne  donneraient  à  la  puissance  ([u'il  a 
fondée  que  des  bases  bien  insuffisantes,  si  elles  n'étaient  sanctionnées  par 
l'approbation  des  puissances  européennes. 

La  nécessité  de  cette  approbation  ne  résulte  pas,  Monsieur,  d'une  pro- 
tection arbitraire  de  ces  puissances.  S'il  ne  leur  est  pas  possible  de  laisser 
les  affaires  de  l'Orient  se  régler  sans  leur  concours,  c'est  que  leurs  inté- 
rêts essentiels  et  directs  sont  trop  fortement  engagés  ;  c'est  qu'elles  ne 
pourraient  tolérer  aucune  combinaison  qui,  dans  une  forme  ou  sous  un 
prétexte  quelconque,  porterait  atteinte  à  l'indépendance,  à  l'intégrité  de 
l'empire  ottoman,  ou  aux  droits  de  la  dynastie  régnante.  Cet  empire,  dans 
l'état  de  faiblesse  auquel  il  se  trouve  réduit,  n'a  pourtant  pas  cessé  d'être 
un  des  éléments  essentiels  de  l'équilibre  politique,  une  des  garanties  de 
la  paix  générale,  et  à  ce  titre  il  a  un  droit  absolu  à  notre  protection. 

Pour  vous  prouver  h  quel  point  les  vues  des  puissances  sont  arrêtées  à 
ce  sujet,  je  vous  envoie  la  copie  de  deux  déclarations  qui  viennent  d'être 
échangées  entre  les  cours  de  Londres  et  de  Paris.  Celle  qui  porte  ma  si- 
gnature a  été  envoyée  aussi  à  Vienne,  à  Berlin,  à  Saint-Pétersbourg,  et  je 
puis  d'autant  moins  douter  de  la  cohésion  du  cabinet  autrichien  que  c'est 
lui  qui  le  premier  a  eu  l'idée  de  cet  espèce  d'engagement  réciproque. 

Veuillez,  Monsieur,  faire  part  à  Méhéraet-Ali  du  contenu  de  cette  dé- 
pêche. Appelez  toute  son  attention  sur  les  considérations  si  graves  qui  y 
sont  développées.  Dites-lui  bien  que,  quelle  que  soit  la  sévérité  de  noire 
langage,  elle  est  encore  fort  au-dessous  du  degré  de  mécontentement  que 
sa  persistance  dans  des  prétentions  incompatibles  avec  l'intéiêt  général 
inspirerait  aux  autres  cabinets,  déjà  trop  portés  à  se  défier  de  ses  intentions. 
Dites-lui  que,  si  en  cette  occasion  comme  en  beaucoup  d'autres,  la  France 
est  la  première  à  lui  faire  entendre  des  conseils  que  peut-être  dans  le 
premier  moment  il  trouvera  rigoureux,  c'est  précisément  parce  que  la 
bienveillance  dont  nous  sommes  animés  à  son  égard  nous  fait  voir  avec  un 
vif  regret  les  voies  dangereuses  où  il  commence  à  entrer,  et  parce  que  nous 
voudrions  qu'il  ne  s'y  engageât  pas  au  point  de  compromettre  ses  grandes 
et  belles  destinées. 

Il  me  tarde  de  connaître  l'accueil  qu'il  aura  fait  aux  propositions  d'ac- 
commodement contenues  dans  la  lettre  que  lui  a  écrite  le  nouveau  grand- 
vézir.  Je  n'hésite  pas  à  dire  qu'elles  me  paraissent  parfaitement  propres  à 
devenir  tout  au  moins  la  base  d'une  négociation  sérieuse.  Je  ne  doute  pas 
que  M.  l'amiral  Roussin  ne  vous  ait  envoyé  le  texte  de  la  lettre  vézirielle. 
Je  le  désire  d'autant  plus  que  celle  qu'il  vous  a  écrite  lui-même,  pour 
vous  annoncer  le  démarche  do  la  Porte,  aurait  pu,  par  la  manière  dont  elle 
était  rédigée,  vous  faire  supposer  qu'il  s'agissait  simplement  de  confier  à 
Méliémet-Ali  l'investiture  viagère  de  l'Egypte. 


Il56  APPENDICE 

P.  S.  2S  juillet.  —  Je  vous  envoie  ci-joint.  Monsieur,  copie  des  instruc- 
tions que  M.  le  ministre  de  la  marine  adresse  aujourd'hui  même  à  l'a- 
miral Lalande.  Elles  sont  relatives  h  la  défection  du  capitan-pacha;  vous 
n'avez  point  à  en  donner  communication  actuelle  au  vice-roi,  mais  la  con- 
naissance que  vous  y  puiserez  de  nos  intentions  vous  servira  de  règle 
pour  réclamer  fortement  auprès  de  Son  Altesse  contre  tout  acte  ou  toute 
disposition  qui,  de  sa  part,  tendrait  à  mettre  obstacle  au  retour  delaflotte 
turque  à  Constantinople,  et  la  soutiendrait  dans  sa  désobéissance  aux  or- 
dres de  sa  cour. 

XXTI.  —  Dépêche  da  baron  tle  Bourqucnej  au  maréchal  ïiloult,  en 
date  du  S«  juillet  1839  (15  djéniazlul-éwel  1S55). 

Monsieur  le  maréchal,  j'ai  reçu  ce  matin  la  dépêche  télégraphique  par 
laquelle  Votre  Excellence  m'annonce  la  défection  du  capitan-pacha.  J'ai 
écrit  sans  retard  à  lord  Palmerston  pour  lui  communiquer  cette  impor- 
tante nouvelle.  Il  m'a  répondu  en  me  priant  de  me  rendre  à  deux  heures 
au  Foreign-ofTice  ;  il  devait  y  avoir  conseil  de  cabinet,  et  je  crois  qu'il 
était  bien  aise  de  consulter  ses  collègues  séance  tenante. 

Lord  Palmerston  est  sorti  du  conseil  pour  prendre  lecture  de  la  dépê- 
che télégraphique  ;  il  est  rentré  pour  la  communiquer  aux  autres  membres 
du  cabinet.  Le  résultat  de  leur  délibération  a  été  qu'avant  de  connaître 
le  développement  de  ce  nouvel  événement  il  n'y  avait  rien  à  modifier 
aux  précédentes  instructions. 

Un  courrier  de  Vienne,  parti  le  17  juillet,  est  arrivé  ce  matin  h  Londres. 
Il  apporte  des  nouvelles  de  Constantinople  jusqu'au  8.  La  trahison  du 
capitan-pacha  était  déjà  connue  à  celte  date.  Le  prince  Esterhazy  m'a 
donné  k  lire  la  dépêche  de  M.  de  Metternich  et  les  extraits  de  correspon- 
dance du  baron  de  Slurmer.  Le  tableau  de  l'internonce  est  bien  sombre. 
Le  prince  de  Metternich  écrit  au  prince  Esterhazy  qu'il  ne  faut  pas 
perdre  de  temps  à  gémir,  et  que  c'est  le  moment  de  resserrer  plus  forte- 
ment que  jamais  l'union  des  cinq  cours  dans  la  négociation  projetée  à 
Vienne. 

Lord  Palmerston  m'a  parlé  ce  matin  dans  le  même  sens  ;  il  est  d'avis 
de  presser  autant  que  possible  la  conclusion  de  l'arrangement  sous  le 
patronage  des  cinq  cours.  Il  dit  que  lord  Beauvale  est  suffisamment 
pourvu  d'instructions  et  de  pouvoirs  à  cet  effet;  ces  instructions  sont, 
comme  Votre  Excellence  le  sait,  l'hérédilé  dans  la  famille  de  Méhéniet- 
Ali  et  une  compensation  territoriale  pour  la  Porte  ottomane.  Je  sais  que, 
dans  la  pensée  du  cabinet  anglais,  cette  compensation  va  jusqu'à  la  rétro- 
cession complète  de  la  Syrie  ;  mais  je  ne  crois  pas  qu'il  en  fasse  une  con- 
dition sine  qua  non. 


APPENDICE  /l57 

Lord  Paliaerston  est  Irès-frappé  de  la  crainte  que  le  cabinet  russe  ne 
pousse  à  Gonstantinople  ci  un  arrangement  direct  entre  le  sultan  et  Mé- 
iiémet-Ali,  qui  fasse  échouer,  en  les  rendant  inutiles,  les  négociations  de 
Vienne  et  les  garanties  qui  en  découleront;  mais  il  pense  que,  même 
dans  le  cas  de  l'arrangement  direct  admis,  nous  devrons  continuer  nos 
efforts  pour  faire  sortir  du  concours  moral  des  quatre  cours  un  acte 
auquel  la  cinquième  ne  pourra  s'empêcher  de  souscrire. 

Veuillez  agréer,  etc. 

XXVII.  —  IVoto  de  ranil»a<4sadenr  d'Anrfletrrrc  (lord  Boauvalc)  an 
prince  de  Metternieli,  en  date  de  Vienne  le  2  9  jnillet  18:tt>  (15 
djéniaziul-é^vel  12  55). 

L'ambassadeur  d'Autriche  à  Londres  ayant  communiqué  au  secrétaire 
d'État  de  S.  M.  pour  les  affaires  étrangères  une  dépêche  de  S.  A.  le  chan- 
celier de  cour  et  d'État,  où  sont  exposés  les  principes  qui  dirigent  les 
conseils  et  déterminent  la  conduite  de  l'Autriche  dans  les  affaires  de  Tur- 
quie, le  gouvernement  britannique  se  croit  obligé  de  déclarer  qu'il  adhère 
complètement  aux  vues  et  aux  intentions  qui  s'y  trouvent  énoncées. 

Le  soussigné  ambassadeur  de  S.  M.  britannique  à  Vienne,  a  été  par 
conséquent  autorisé  h  déclarer,  et  il  déclare,  au  nom  de  sa  cour,  qu'elle 
est  déterminée  à  maintenir  l'intégrité  et  l'indépendanee  de  l'empire  turc 
sous  la  dynastie  actuelle,  et,  comme  une  conséquence  nécessaire  de  cette 
détermination,  qu'elle  ne  cherchera  point  h  profiter  de  l'état  actuel  des 
choses  pour  faire  des  acquisitions  territoriales  ou  obtenir  une  influence 
exclusive. 

Le  gouvernement  britannique  espère  avec  confiance  que  cette  décla- 
ration sera  échangée  par  les  autres  cours  d'Europe,  ses  amies  et  alliées, 
qui  ont  déjà  donné  des  preuves  de  sagesse  et  du  désintéressement  de 
leurs  vues  dans  cette  occasion,  et  en  premier  lieu  par  celle  de  S.  M.  impé- 
riale et  royale  apostolique,  k  laquelle  appartient  l'honneur  d'avoir  eu 
l'idée  de  cette  proposition. 

XXVIII.  —  \otc  dn  prince  de  îUetternîch  à  lord  Beanvalc,  en   date 

do  38  juillet  1839  (16  djéuiaziul-éwel  1255). 

Le  soussigné  a  l'honneur  d'accuser  à  Son  Excellence  mylord  Beauvale 
la  réception  de  l'office  qu'il  lui  a  adressé  en  date  d'hier. 

L'empereur,  dans  les  instructions  qu'il  a  fait  adresser  le  3  de  ce  mois 
à  son  ambassadeur  près  Sa  Majesté  britannique,  a  développé  avec  une 
entière  franchise  les  principes  qui  ont  invariablement  guidé  sa  politique 
à  l'égard  de  la  Porte  ottomane,  et  qui  continueront  à  lui  servir  de  règle. 


U5S  APPENDICE 

En  donnant  si  explicitement  son  plein  assentiment  à  ces  principes,  le  gou- 
vernement britannique  répond  non  seulement  aux  vœux,  mais  également 
à  l'attente  de  Sa  Majesté  impériale.  Convaincu  que  l'heureuse  identité  de 
vues  dont  ont  fait  preuve,  dans  la  présente  crise,  les  puissances  qui,  par 
une  saine  politique,  sont  le  plus  directement  appelées  à  influer  sur  les 
destinées  de  l'empire  ottoman,  offre  le  moyen  le  plus  efficace  d'en  assurer 
la  conservation,  le  cabinet  impérial  a  accueilli  avec  une  bien  vive  satis- 
faction, l'assurance  qu'à  l'égard  de  cette  question,  l'une  des  plus  graves 
du  jour,  il  existe  une  parfaite  uniformité  de  principes  entre  lui  et  le 
cabinet  britannique. 

Le  soussigné  a  l'honneur  d'inviter  Son  Excellence  mylord  Beauvale  à 
vouloir  bien  porter  cette  assurance  à  la  connaissance  de  sa  cour,  et  il  le 
prie,  en  même  temps,  d'agréer  pour  lui  celle  de  sa  haute  considération. 

XXIX.  —   Dépêche    du   baron   de    Bourqneney  an    maréchal  Sonlt, 
en  date  du  31  juillet  1839  (19  djéniaziul-éwel  1S55). 

Monsieur  le  maréchal,  hier,  au  moment  où  je  me  disposais  à  expédier 
le  porte-feuille  de  l'ambassade,  lord  Palmerston  m'a  écrit  pour  me  prier 
de  passer  chez  lui.  Il  venait  de  recevoir  son  courrier  de  Paris,  et  il  voulait 
mettre  sous  mes  yeux  la  correspondance  de  lord  Granville,  frappé  de 
quelques  différences  de  rédaction  entre  sa  dépêche  et  celle  que  je  lui 
avais  communiquée  la  veille. 

Lord  Granville,  Monsieur  le  maréchal,  écrit  le  26  au  soir  que  Votre 
Excellence  lui  a  déclaré  que  dans  l'opinion  du  gouvernement  du  roi  : 

«  Ni  la  désastreuse  défaite  de  l'armée  turque,  ni  la  trahison  du  capitan- 
pacha,  ni  l'attitude  abattue  du  divan,  ne  doivent  modifier  la  marche  que 
les  grandes  puissances  de  l'Europe  se  proposent  de  suivre;  que  tout  arran- 
gement fait  entre  le  sultan  et  Méhémet-Ali,  au  moment  où  les  conseillers 
de  l'empire  étaient  ou  paralysés  par  la  crainte,  ou  traîtreusement  occupés 
à  satisfaire  leur  ambition,  au  mépris  des  droits  de  leur  souverain,  devait 
être  considéré  comme  nul  et  quhine  déclaration  dans  ce  sens  devait  être 
faite  à  Méhémet-Ali.  »  —  Enfin,  Votre  Excellence  aurait  ajouté  qu'elle 
décrivait  le  jour  même  àVienne  à  V  ambassadeur  de  France  pour  lui  trans- 
mettre cette  opinion  du  gouvernement  du  roi,  et  l'engager  à  la  faire  par- 
tager au  cabinet  autrichien.  » 

Je  cite  textuellement  la  dépêche  de  lord  Granville. 

Lord  Palmerston  répond  h  lord  Granville  que  le  cabinet  anglais  adhère 
h  choque  syllabe  de  la  déclaration  de  Votre  Excellence;  que,  sans  s'être 
concertés,  les  deux  cabinets  sont  arrivés  d'eux-mêmes  à  une  conclusion 
parfaitement  identique,  et  que  rien  ne  prouve  mieux  la  communauté  du 
but  qu'ils  se  proposent  et  la  solidarité  du  sentiment  qui  les  anime. 


APPENDICE  Ù59 

Mais  lord  Palmerston  avait  remarqué  avec  inquiétude  quelques  diver- 
gences entre  la  déclaration  de  Votre  Excellence  rapportée  par  lord  Gran- 
ville  et  les  phrases  suivantes  de  la  dépêche  n°  31  qu'elle  m'a  fait  l'honneur 
de  ra'adresser  : 

«  Il  faut  faire  sentir  au  vice-roi  que,  quels  que  soient  les  avantages  qu'il 
vient  d'obtenir,  il  risquerait  de  les  compromettre  en  voulant  les  pousser 
trop  loin 

«  Il  y  aurait  de  l'affectation  à  paraître  croire  qu'après  les  succès  que 
vient  de  procurer  à  Méhéiuet-Aii  la  folle  agression  de  la  Porte  il  n'a  rien 
à  attendre  de  plus  que  ce  qu'il  était  en  droit  de  demander  auparavant  ; 
ce  serait  méconnaître  l'empire  des  faits  et  les  nécessités  de  la  situa- 
tion   » 

Je  me  suis  attaché,  Monsieur  le  maréchal,  ii  affaiblir  autant  qu'il  était 
en  moi  le  contraste  que  me  signalait  lord  Palmerston  ;  je  l'ai  même  réduit 
à  une  simple  nuance  de  rédaction;  j'ai  montré  la  pensée  qui  dominait  à  la 
fois  et  la  déclaration  de  Votre  Excellence  à  lord  Granville  et  la  dépêche 
qu'elle  m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire;  pensée  qui  consiste  à  empêcher  un 
arrangement  direct  entre  le  sultan  et  le  pacha,  dans  lequel  les  intérêts  de 
l'empire  ottoman  seraient  sacrifiés  à  un  ensemble  de  circonstances  désas- 
treuses, et  les  intérêts  de  l'Europe  privés  de  la  garantie  qu'ils  cherchent 
dans  une  transaction  conclue  sous  l'influence  des  grandes  puissances. 
Mais,  privé  d'informations  positives  sur  les  bases  mêmes  que  le  gouverne- 
ment du  roi  veut  donner  à  cet  arrangement,  je  ne  me  suis  point  laissé 
attirer  sur  ce  terrain  de  discussion.  Lord  Palmerston  n'a  cependant  pas 
laissé  échapper  l'occasion  de  me  formuler  plus  nettement  la  pensée  du 
cabinet  anglais,  et  il  m'a  dit  : 

«  Plus  je  réfléchis  à  cette  question  d'Orient  (et  je  vous  affirme  qu'il  n'y 
a  pas  dans  mon  esprit  une  seule  préoccupation  anglaise  exclusive),  plus 
j'arrive  à  cette  conclusion  que  la  France  et  l'Angleterre  ne  peuvent  que 
vouloir  identiquement  la  même  chose,  la  sécurité,  la  force  de  l'empire 
ottoman,  ou,  si  ces  mots  sont  trop  ambitieux,  son  retour  à  un  état  qui 
laisse  le  moins  de  chances  possible  à  une  intervention  étrangère.  Eh 
bien  !  cet  objet  nous  ne  l'obtiendrons  qu'en  séparant  le  sultan  et  son 
vassal  par  le  désert  ;  que  Méhémet-Ali  reste  maître  de  son  Egypte,  qu'il 
y  obtienne  l'hérédité  qui  a  fait  le  but  constant  de  ses  efforts,  mais  qu'il 
n'y  ait  plus  de  collision  possible  et  par  conséquent  pas  de  voisinage 
entre  ces  deux  puissances  rivales.  La  Piussie  convoite  (d'avenir)  les  pro- 
vinces d'Europe,  et  au  fond  de  son  cœur  elle  voit  avec  joie  les  provinces 
d'Asie  se  séparer  du  corps  ottoman.  Pouvons-nous  servir  cet  intérêt? 
Evidemment  non.  On  parle  des  ditTicultés  matérielles  que  nous  rencon- 
trerons pour  arriver  à  notre  but;  je  pense  que  Méhémet-Ali  ne  résistera 
pas  à  une  volonté  sincère  exprimée  en  commun  par  les  grandes  puis- 


/i60  APPENDICE 

sances;  mais  le  fît-il,  ses  droits  n'auront  pas  augmenté  par  le  mépris 
qu'il  aura  fait  des  conseils  de  l'Europe,  tout  en  sauvant  les  apparences; 
et  si  la  force  devenait  nécessaire,  le  résultat  ne  serait  ni  long  ni  dou- 
teux. » 

«  Telle  est,  «  a  continué  lord  Pnlmerslon,  »  l'opinion  bien  arrêtée  du 
cabinet  anglais;  si  nous  pensions  que  Méhémet-Ali  pût  s'asseoir  fort  et 
respecté  sur  le  trône  ottoman  et  posséder  l'empire  dans  son  indépendance 
et  son  intégrité,  nous  dirions  :  soit.  Mais  convaincus  que,  s'il  reste 
encore  quelque  chose  en  Turquie,  c'est  le  respect  religieux  pour  la 
famille  impériale,  et  que  jamais  l'empire  tout  entier  ne  consentira  à 
traiter  Méhémet-Ali  comme  un  descendant  du  prophète,  Dieu  nous 
garde  de  nous  embarquer  dans  une  semblable  politique!  Nous  aurions 
une  seconde  Amérique  du  Sud  en  Orient,  et  celle-là  aurait  des  voisins  qui 
ne  la  laisseraient  pas  éternellement  se  consumer  en  luttes  intérieures.  » 

J'ai  reproduit.  Monsieur  le  maréchal,  l'opinion  de  lord  Palmerston  avec 
le  style  même  de  la  conversation  avec  lequel  il  la  développait  ;  je  n'ai  pas 
besoin  d'ajouter  qu'elle  ne  répondait  nullement  à  une  pensée,  même  pré- 
sumée, du  gouvernement  du  roi,  mais  les  dernières  publications  de  la 
presse,  dans  les  deux  pays,  ont  mis  récemment  en  circulation  quelques 
idées  que  lord  Palmerston  saisissait  l'occasion  de  réfuter. 

J'ai  promis  à  lord  Palmerston,  en  le  quittant,  Monsieur  le  maréchal, 
que  j'appellerais  votre  attention  sur  la  légère  nuance  de  divergence  qu'il 
m'avait  signalée  entre  la  correspondance  de  lord  Granville  et  la  dernière 
dépêche  de  Votre  Excellence. 

D'après  les  instances  de  lord  Palmerston,  le  chargé  d'affaires  de  Prusse 
avait  prié  le  cabinet  prussien  de  s'expliquer  sur  les  bases  de  l'arrange- 
ment projeté  entre  le  sultan  et  Méhéraet-Ali.  M.  de  Werther  est  venu  me 
lire  la  réponse  confidentielle  qu'il  a  reçue  de  son  père.  Le  baron  de  Wer- 
ther établit  dans  cette  lettre  que  le  cabinet  prussien  ne  voulant  prendre 
aucune  inilialive  dans  la  question  d'Orient,  ce  n'est  point  l'opinion  de  son 
gouvernement,  mais  la  sienne  propre  qu'il  transmet  à  Londres,  et  cette 
opinion  est  que  les  bases  de  l'arrangement  doivent  être  l'hérédité  dans  la 
famille  de  Méhémet-Ali,  et  la  rétrocession  complète  de  la  Syrie  au  sultan. 
M.  de  Werther  a  communiqué  la  lettre  de  son  père  à  lord  Palmerston. 

Veuillez  agréer,  etc. 

X\.X.  —   Uopèche  de  lord  Beauvalc    à    lord  Palmerston,  en  date  du 
lo^  août  iM»U  (20  djcmazlul>éwcl  1355). 

J'ai  communiqué  au  prince  de  Melternich  la  substance  de  la  dépêche  de 
V.  S.  du  23  juillet,  et  je  suis  heureux  de  vous  informer  qu'il  s'associe  à 


APPKNDICE  ^01 

l'ensemble  des  vues  de  V.  S.  et  aux  conséquences  qui  en  découlent.  ïl.est 
dans  rallente  de  dépêches  qu'il  doit  recevoir  de  Russie,  et  il  a  prêché 
une  grande  prudence  dans  la  conduite  k  tenir  en  attendant.  Je  lui  ai  dit 
que  nous  avons  été  en  arrière  des  événements  pendant  deux  mois;  que 
nous  voulons  l'intégrité  de  l'empire  turc,  mais  que  nous  ne  faisons  rien 
pour  la  maintenir:  qu'il  sera  beaucoup  plus  difficile  de  la  rétablir  après 
qu'elle  aura  été  violée  que  d'arrêter  les  événements  au  point  où  ils  sont 
aujourd'hui  ;  que  les  dispositions  des  Turcs  k  se  débarrasser  de  notre  as- 
sistance et  la  tendance  à  la  révolte  des  pachas  exigent  que  nous  nous  mon- 
trions dans  une  attitude  plus  imposante  que  celle  que  nous  avions  prisejus- 
qu'ici  ;  que  par  application  de  ces  arguments  j'ai  couché  par  écrit  les  con- 
séquences qui  résultent  des  prémisses  que  nous  avons  adoptées  d'un 
commun  accord,  et  je  lui  ai  remis  l'écrit  dont  j'ai  l'honneur  de  vous  en- 
voyer ci-joint  copie.  Après  l'avoir  lu,  il  en  approuva  chaque  parole,  mais 
il  dit  qu'il  ne  pensait  pas  le  signer  sans  la  Russie,  car  si  une  démarche 
collective  était  faite  h  Gonslantinople  k  laquelle  M.  de  Bouténeff  ne  serait 
pas  associé,  les  Turcs  le  remarqueraient,  ce  qui  ferait  plus  de  mal  que  de 
bien.  Il  a  donc  proposé  que  cet  écrit  fut  envoyé  séparément  par  lui  k 
M.  de  Sliirraer  et  par  M.  de  Sainte-Aulaire  et  par  moi  à  nos  collègues  k 
Gonstantinople  pour  qu'ils  agissent  en  conséquence,  chacun  individuelle- 
ment. J'aireprésenté  l'insuffisance  et  l'incertitude  de  ce  moyen,  mais  ra'é- 
tant  aperçu  qu'il  doutait  du  concours  de  M.  de  Sainte-Aulaire  pour  la  dé- 
marche que  je  proposais,  je  lui  ai  demandé  si  je  pouvais  engager,  en  son 
nom,  cet  ambassadeur  de  l'entretenir  le  lendemain  de  cet  objet.  Il  y  a 
consenti.  J'ai  trouvé  en  M.  de  Sainte-Aulaire  un  chaud  partisan  de  ce 
plan  auquel  il  se  croyait  parfaitement  autorisé  par  ses  instructions  k  con- 
courir. Je  voudrais  suggérer  k  mon  gouvernement  que  des  pleins  pou- 
voirs et  des  instructions  fussent  envoyés  à  M.  de  Sainte-Aulaire  et  à  moi 
pour  nous  asseoir  et  traiter  k  cinq  ou  k  quatre  ou  à  trois.  M.  de  Saint-Au- 
laire  partage  mon  opinion  à  cet  égard,  et  conseillera  les  mêmes  choses  à 
son  gouvernement. 

Annexe. 

Projet  de   déclaration  proposé  par  Projet  modifié  par   M.  de  Sainte^ 
lord  Beauual \  Aulaire. 

Les  puissances,  voyant  dans  l'in-  Les  puissances,  voyant  dans  l'in- 
tégrité de  l'empire  turc  un  élément  tégrité  de  l'empire  turc  un  élément 
nécessaire  de  l'équilibre  européen,  nécessaire  de  l'équilibre  européen 
et  jugeant  que  toute  atteinte  à  cette  et  une  conviction  de  l'élat  de  paix 
intégrité  compromet  l'état  de  paix  qu'elles  sont  déterminées  k  raainte- 
qu'elles  sont  déterminées  à  mainte-  nir,  regarderont  toute  atteinte  k  cette 
nir,  regarderont  tout  pacha  qui  aura  intégrité  comme  un  acte  d'hostilité 
levé  l'étendard  de  la  révolte,  contre  envers  elles-mêmes. 


Z,62  APPENDICE 

son  souverain,  comme  exerçant  un 
acte  d'hostilité  envers  elles-mêmes. 

En  conséquence  de  cette  base,  et  En  conséquence  de  celte  base,  et 
considérant  les  négociations  entre  considérant  les  négociations  entre 
la  Porte  et  Méhraet-Ali  comme  ayant  la  Porte  et  Mélimet-Ali  comme 
été  imposées  h  la  première  par  une  ayant  été  imposées  à  la  première  par 
inévitable  nécessité,  les  puissances  une  inévitable  nécessité,  les  puis- 
ent résolu  de  prendre  en  considéra-  sances  ont  résolu  de  prendre  en  con- 
tion,  d'après  les  principes  établis  ci-  sidéra tion,  d'après  les  principes  éta- 
dessus,  les  résultats  de  ces  négocia-  blis  ci-dessus,  les  résultats  de  ces 
tions,  (quels  qu'ils  soient),  et  elles  négociations,  (quels  qu'ils  soient),  et 
ne  leur  attribueront  aucune  valeur  elles  ne  leur  attribueront  aucune  va- 
si  ce  n'est  en  tant  qu  'ils  pourraient  leur  si  ce  n'est  en  tant  qu'ils  pour- 
conduire  au  but  que  les  puissances  raient  conduire  au  but  que  les  puis- 
ent en  vue,  et  qu'elles  feront  les  plus  sances  ont  en  vue,  et  qu'elles  feront 
grands  efforts  d'atteindre.  les  plus  grands  efforts  d'atteindre. 

XXXI.   —    Dépêche   du    maréchal  Soult    au   baron    de    Bourqueney, 
en  date  du   !«''  août  1830  (SO  djéniaziul-éwel  1^55). 

Monsieur,  je  vous  envoie  la  copie  d'une  dépèche  télégraphique  que  je 
viens  de  recevoir  du  consul-général  de  France  à  Alexandrie.  Il  en  résulte 
que  la  flotte  ottomane  est  venue  le  H  juillet  se  mettre  à  la  disposition  de 
Méhémet-Ali,  qui  a  déclaré  l'intention  formelle  de  ne  la  rendre  à  la  Porte 
qu'après  que  le  grand-vézir  aurait  été  destitué  et  qu'on  lui  aurait  accordé 
pour  lui-même  l'investiture  héréditaire  du  pays  qu'il  gouverne.  En  faisant 
part  à  lord  Palraerston  de  celte  information,  veuillez  lui  demander  quelle 
est  l'opinion  du  cabinet  de  Londres  sur  l'attitude  nouvelle  que  la  France 
et  l'Angleterre  peuvent  se  trouver  appelées  à  prendre  par  suite  de  cette 
grave  complication. 

M.  de  Metiernich  a  fait  une  réponse  convenable  à  notre  déclaration  en 
faveur  de  l'indépendance  et  de  l'intégrilé  de  l'empire  ottoman.  D'après  ce 
que  m'écrit  M.  de  Sainte-Aulaire,  le  chancelier  d'Autriche,  qui  se  mon- 
trait naguère  fort  satisfait  des  intentions  manifestées  par  la  Russie,  en 
est  maintenant  assez  inquiet.  Il  paraît  que  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg, 
loin  de  continuer  les  assurances,  d'ailleurs  assez  vagues,  qu'il  avait  d'a- 
bord données  de  sa  volonté  d'agir  de  concert  avec  les  autres  puissances, 
se  refuse,  sous  d'assez  frivoles  prétextes,  à  tout  ce  qui  pourrrait  les  pré- 
ciser ou  les  traduire  en  actes  formels.  Ce  qui  me  surprend,  c'est  l'étonne- 
menl  que  M.  de  Metternich  paraît  en  éprouver.  Je  n'ai  jamais  pensé  que 
l'on  pût,  dans  la  question  actuelle,  amener  la  Russie  à  s'associer  franche- 
ment aux  autres  cabinets  dont  la  politique  est  si  différente  de  la  sienne  ; 
j'ai  cru  que  tout  en  paraissant  y  travailler,  tout  en  employant  les  formes 
les  plus  conciliantes,  on  devait  se  proposer  pour  unique  but  de  la  contenir, 
de  l'intimider  jusqu'à  un  certain  point,  par  la  démonstration  de  l'accord 


API'ENDICE  ^63 

des  autres  grandes  puissances,  unies  dans  un  même  intérôl.  Il  importerait 
pour  cela  que  les  puissances,  et  surtout  la  France  et  l'Angleterre,  tinssent 
au  cabinet  de  Pélersbourg  un  langage  absolument  uniforme  et  ne  fissent 
auprès  de  lui  que  des  démarches  concertées.  Aussi  n'ai-je  pas  vu  sans 
quelque  regret  celle  que  lord  Glanricarde  a  été  chargé  de  faire  auprès  de 
M.  de  Nesseirode. 

Le  gouvernement  russe  a  dû  naturellement  en  induire  que,  sur  un  point 
au  moins,  celui  des  limites  à  imposer  h  Méliémet-Ali,  l'Angleterre  s'at- 
tendait h  trouver  plus  de  sympathie  en  lui  que  dans  les  autres  cabinets  ; 
il  en  aura  conclu,  bien  à  tort  sans  doute,  qu'une  alliance  où  se  manifes- 
taient de  semblables  divergences  n'avait  rien  de  bien  homogène,  ni  de 
bien  imposant. 

Ce  n'est  pas  seulement  à  Pétersbourg  qu'il  est  essentiel,  je  crois,  de  ne 
rien  négliger  pour  faire  croire  à  Tunion  intime  des  cours  de  Londres  et 
de  Paris  ;  à  Vienne  aussi,  malgré  le  grand  intérêt  qui  semblerait,  au 
moins  momentanément,  devoir  imposer  silence  aux  préventions  étroites 
d'une  politique  surannée,  à  Vienne  on  n'est  que  trop  porté  à  accueillir, 
avec  une  sorte  de  satisfaction,  ce  qui  peut  faire  croire  que  cette  union 
n'existe  pas  ou  n'a  existé  qu'incomplètement.  M.  de  Metlernich  aflecte 
sans  cesse,  je  ne  sais  trop  dans  quel  but,  de  faire  entendre  à  notre  am- 
bassadeur qu'à  Paris  et  à  Londres  on  n'est  pas  d'accord,  et  qu'il  en  sait 
là-dessus  plus  qu'il  ne  veut  en  dire;  il  relève  avec  un  soin  minutieux 
les  moindres  circonstances  qui  peuvent  venir  à  l'appui  de  celte  assertion. 
C'est  ainsi  qu'en  dernier  lieu  il  faisait  remarquer  que  lord  Beauvale  n'a- 
vait pas  été  chargé,  comme  M.  de  Sainte-Aulaire,  d'engager  la  cour  de 
Vienne  à  réclamer  avec  nous  la  libre  admission  des  escadres  alliées  dans 
la  mer  de  Marmara.  C'est  ainsi  encore  qu'il  signalait  avec  exagération  les 
différences  des  instructions  données  aux  deux  amiraux. 

Veuillez,  Monsieur,  appeler  l'altenlion  de  lord  Palraerston  sur  les  con- 
sidérations que  je  viens  de  vous  indiquer.  Dans  la  franchise  de  notre  lan- 
gage, il  verra  sans  doute  un  témoignage  éclatant  du  désir  que  nous  avons 
de  maintenir  à  nos  relations  avec  le  cabinet  anglais  le  caractère  d'intimité 
si  impérieusement  réclamé  par  tous  les  grands  intérêts  européens. 

XXXII.  —  Dépèche  do  !>aron    de   Boarqueney    aa    niarécbal  Soult, 
en  date  du  3  août  183»  (30  djémaziul-éwel  1255). 

Monsieur  le  maréchal,  j'ai  écrit  immédiatement  à  lord  Palmerston  que 
Votre  Excellence  m'avait  chargé  à  la  fuis  et  de  lui  annoncer  l'entrée  de 
de  la  flotte  ottomane  à  Alexandrie  et  de  consulter  le  cabinet  anglais  sur 
l'altitude  nouvelle  que  la  France  et  l'Angleterre  pourraient  se  trouver  ap- 
pelées à  prendre  par  suite  de  cette  grave  complication. 


Û64  APPENDICE 

Lord  Palmerston  m'a  engagé  à  me  rendre  k  quatre  heures  au  Foreign- 
OfBce.  Un  conseil  avait  élé  convoqué  pour  deux  heures  ;  l'importante 
nouvelle  que  je  venais  de  transmettre  devait  être  l'objet  de  ses  délibéra- 
tions. 

Lord  Palmerston  est  sorti  du  conseil  accompagné  de  lord  Minlo;  il  m'a 
dit  en  entrant  dans  son  cabinet  que  le  premier  lord  de  l'Amirauté  assiste- 
rait à  notre  conférence. 

('  Le  conseil,  «  m'a  dit  lord  Palmerston,  »  vient  de  délibérer  sur  la  nou- 
velle que  le  gouvernement  français  a  bien  voulu  vous  charger  de  porter 
à  notre  connaissance.  Son  premier  soin  a  été  de  relire  les  instructions 
adressés  à  l'amiral  Stopford  ;  il  n'y  a  rien  trouvé  qui  pût  servir  de  direc- 
tion au  chef  de  notre  escadre  dans  la  circonstance  actuelle,  et  il  a  décidé 
qu'il  serait  envoyé  à  l'amiral  Stopford  des  instructions  plus  spéciales. 

a  Le  conseil  a  pensé  que  la  défection  consommée  du  capitan-pacha  ne 
pouvait  modifier  la  pensée  politique  qui  a  dirigé  votre  marche  et  la  nôtre 
depuis  six  semaines;  il  y  a  vu  au  contraire  un  motif  de  plus  de  persévé- 
rance et  de  progrès  dans  cette  même  ligne. 

«  Ce  principe  posé,  le  conseil  a  été  d'avis  que  nous  devions  erai)loyer 
les  moyens  de  coercition  pour  obtenir  la  restitution  de  la  flotte  ottomane. 
Ces  moyens  de  coercition  doivent  être  l'objet  même  des  instructions  à 
l'amiral  Stopford  et  ce  sont  ces  instructions  que  lord  Minto  et  moi  nous  al- 
lons rédiger  en  votre  présence.  » 

J'ai  répondu  à  lord  Palmerston  que  le  gouvernement  du  Roi  apprécie- 
rait beaucoup  cette  marque  de  confiance  ;  mais  j'ai  ajouté  que  j'étais  moi- 
même  sans  instructions,  que  je  n'avais  été  chargé  que  de  consulter  et  non 
àe, délibérer;  que  par  conséquent  aucune  de  mes  paroles  n'engagerait  en 
quoi  que  ce  soit  le  gouvernement  du  Roi.  Lord  Palmerston  a  dit  que  cela 
était  parfaitement  entendu,  et  il  a  pris  la  plume. 

Votre  Excellence  trouvera  joint  à  ma  dépêche  le  projet  d'instruction 
rédigé  séance  tenante  par  lord  Palmerston  et  lord  Minto. 

Le  but  est  la  restitution  de  la  flotte  ottomane  au  sultan  ;  les  moyens  de 
coercition  sont  gradués  sur  le  degré  de  résistance  que  la  sommation  des 
amiraux  rencontrera  de  la  part  de  Méhémet-Ali,  depuis  l'apparition  des 
flottes  alliées  devant  Alexandrie  jusqu'à  la  prise  de  possession  de  la  flotte 
égyptienne  et  au  blocus  du  port,  sauf  réserve  du  droit  des  neutres.  Lord 
Palmerston  et  lord  Minto  sont  partis  du  principe  que  la  flotte  égyptienne 
serait  en  mer,  parce  que,  comme  elle  ne  peut  rentrer  à  Alexandrie  sans 
s'alléger,  cette  opération  équivaut  à  un  désarmement,  et  Méhémet  ne  doit 
pas  pouvoir  se  passer  de  sa  flotte  en  ce  moment,  même  pour  les  besoins 
de  son  armée  en  Syrie.  On  laisse  aux  amiraux  beaucoup  de  latitude  dans 
le  choix  des  points  sur  lesquels  ils  auront  à  se  diriger  dans  telle  ou  telle 
éventualité. 


APPENDICE  Û65 

Enfin,  monsieur  le  maréchal,  une  instruction  supplémentaire  prévoit 
le  cas  où  le  cours  des  événements  amènerait  les  ambassadeurs  h  requérir, 
conformément  aux  ordres  de  leurs  cours,  la  présence  de  nos  flottes  dans 
le  Bosphore,  au  moment  même  oii  nos  amiraux  recevront  les  nouvelles 
instructions;  dans  cette  hypothèse,  les  amiraux  auraient  h  se  rendre  sans 
relard  à  cet  appel,  et  ils  réserveraient,  pour  une  époque  plus  éloignée, 
l'exécution  des  présentes  instructions. 

Tel  est  le  résumé  du  document  que  je  joins  h  ma  dépêche. 

Pénétrés  de  l'avantage  de  ne  pas  perdre  un  moment  dans  ces  graves 
circonstances,  mais  plus  encore  de  la  nécessité  de  n'agir  que  de  concert 
avec  nous,  lord  Palmerston  et  lord  Minto  m'ont  prié  avec  instance  de  trans- 
mettre ce  soir  môme  le  projet  d'instructions  à  Votre  Excellence.  Un  cour- 
rier de  l'Amirauté  anglaise  partira  demain  pour  Paris  et  se  mettra  lundi 
soir  à  la  dis|)Osition  de  lord  Granville.  Si  le  roi  approuve  le  projet  et 
croit  devoir  adresser  des  instructions  analogues  à  l'amiral  Lalande,  Votre 
Excellence  voudra  bien  l'annoncer  k  lord  Granville,  et  le  courrier  anglais 
continuera  sa  route  vers  Marseille;  dans  le  cas  contraire.  Votre  Excel- 
lence aura  également  la  bonté  de  prévenir  lord  Granville,  et  le  courrier 
attendra  à  Paris  de  nouvelles  instructions  de  Londres.  Les  objections  du 
gouvernement  du  roi,  s'il  croit  devoir  en  élever,  seront  pesées  ici  avec 
le  désir  sincère  d'arriver  à  une  entente  complète  entre  les  deux  cabi- 
nets. 

Je  n'ai  pas  cru  devoir  laisser  se  terminer  cette  conférence  sans  appeler 
la  plus  sérieuse  attention  de  lord  Palmerston  sur  les  consieérations  déve- 
loppées dans  la  dernière  dépêche  de  Votre  Excellence.  La  présence  de 
Lord  Minto  ne  m'a  paru  qu'un  encouragement  de  plus  à  signaler  au  gou- 
vernement anglais  l'abus  que  l'on  fait  en  Europe  des  divergences  qui  se 
manifestent  entre  nos  agents  extérieurs  et  les  conclusions  qu'on  en  tire 
contre  la  solidité  de  l'alliance  des  deux  cours.  J'ai  insisté  avec  une  cer- 
taine vivacité  sur  la  nécessité  de  concerter  préalablement  leurs  démarches, 
surtout  ti  Pétersbourg  ;  j'ai  cité  celle  de  lord  Glanricarde  comme  de  nature 
à  créer  de  fausses  impressions  en  accréditant  l'idée  que  le  cabinet  anglais 
cherchait  un  point  d'appui  auprès  du  cabinet  russe  dans  la  question  des 
limites  de  la  rétrocession  égi/ptienne^  question  si  secondaire  comparée  au 
but  que  nous  nous  proposons  tous,  l'établissement  du  principe  que  les  af- 
faires d'Orient  ne  se  traitent  plus  que  de  concert  entre  les  grandes  puis- 
sances de  l'Europe. 

Lord  Palmerston  et  lord  Minto  ont  pris  ces  observations  en  très-bonne 
part.  Lord  i'almerston  m'a  affirmé  que  lord  Glanricarde  avait  manqué  à 
ses  instructions,  s'il  avait  donné  à  sa  démarche  un  caractère  quelconque 
qui  ne  fût  pas  l'expression  de  la  parfaite  union  de  nos  deux  cabinets, 
T.  II.  30 


^66  APPENDICE 

Je  n'ai  point  voulu  étendre  davantage,  Monsieur  le  maréchal,  le  cercle 
des  récriminations;  mais  la  sincérité  de  mon  désir  d'entente  avec  le  ca- 
binet anglais  nous  donne  bien  parfois  le  droit  d'être  francs  avec  ses  orga- 
nes ;  celle  franchise  même  est  un  gage  de  plus  de  notre  loyauté,  et  je  puis 
vous  assurer  que  c'est  l'impression  qu'a  laissée  sur  lord  Palraerslon  et  sur 
lord  iMinto  la  lecture  que  j'ai  faite  à  haute  voix  de  la  dernière  dépêche  de 
Votre  Excellence. 

Veuillez  agréer,  etc. 

XXXIII.  —  Dépêche  dn  ministre  des  afTaires  étrangères  (Wessel- 
rode)  ù  l'ambassadeur  de  Kussie  (comte  de  Medcm),  ù.  Paris,  en 
date    du  6  août  1839  (35  djémaziul<éwcl  1355). 

M.  le  comte,  au  milieu  des  événements  qui  semblent  de  jour  en  jour 
aggraver  davantage  l'état  des  affaires  du  Levant,  l'empereur  a  ju'çé  néces- 
saire que  ses  représeiilanls  fussent  exactement  instruits  et  du  jugement 
qu'il  porle  sur  la  situation  actuelle  de  l'empire  ottoman,  et  des  détermina- 
tions qu'il  a  prises  pour  prévenir  les  dangers  qui  menacent  aujourd'hui  de 
compromettre  le  repos  de  l'Orient. 

C'est  d'ordre  exprès  de  notre  auguste  maître  que  je  me  fais  un  de- 
voir, M.  le  comte,  de  vous  faire  connaître  ses  pensées  et  ses  détermina- 
tions, de  la  manière  la  plus  positive. 

L'empereur  a  la  conscience  d'avoir  fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir 
pour  emp'êcher  un  conflit  entre  la  Turquie  et  l'Egypte.  Il  a  adressé  au' sul- 
tan Mahmoud  les  représentations  les  plus  sérieuses  pour  le  détourner  de 
l'idée  de  s'engager  dans  une  lutte  dont  notre  auguste  maître  prévoyait  les 
conséquences  déplorables. 

L'événement  n'a  que  trop  réalisé  nos  prévisions  et  justifié  nos  remon- 
trances. La  journée  du  13/25  juin  a  détruit  l'armée  turque.  La  trahison 
du  Capitan-Pacha  a  mis  le  comble  aux  malheurs  qui  ont  marqué  le  terme 
du  règne  du  sutan  Mahmoud. 

Malgré  tant  de  désastres,  son  fds  Abdoul-Medjid  est  monté  sur  le  trône, 
sans  que  son  avènement  ait  été  accompagné  de  scènes  de  désordre  et  de 
troubles  dont  l'histoire  de  Turquie  nous  ofTre  de  si  fréquents  exemples. 
Loin  de  là,  les  derniers  rapports  de  notre  ministre  àConslanlinople  attes- 
tent que  la  solennité  du  couronnement  a  été  célébrée  par  des  témoigna- 
ges unanimes  de  respect  et  de  (iJélité,  au  milieu  de  celte  immense  popu- 
lation de  la  capitale  de  l'e  iipire  ottoman,  dont  la  sécurité  n'a  pas  été  trou- 
blée un  seul  instant. 

D;ins  cet  étal  de  clioses,  l'empereur  ne  désespère  nullement  du  salul  de 
la  Porte,  pourvu  que  les  puissances  de  l'Europe  sachent  respecter  son  re- 
pos, et  que,  par  une  agitation  intempestive,  elles  ne  finissent  par  l'ébran- 
ler, luut  en  voulant  la  raffirmir. 


APPENDICE  UGl 

Peu  de  mots  suffiront,  M.  le  comte,  pour  vous  exposer  à  cet  égard  notre 
pensée  toute  entière. 

La  situation  oîi  la  Porte  se  trouve  aujourd'hui,  quelque  difficile  qu'elle 
soit,  n'est  pas  neuve  pour  elle.  Durant  une  longue  série  d'années,  elle  a 
toujours  commis  les  mêmes  fautes,  éprouvé  les  mêmes  désastres.  Mais 
guidée  par  uii  secret  instinct  de  sa  propre  conservation,  elle  a  toujours  su 
éviter  le  moment  fatal  qui  devait  amener  sa  chute. 

Aujourd'hui,  dirigée  par  la  même  pensée  de  conservation,  elle  est  h  la 
veille  de  transiger  encore  une  fois  avec  Méhémel-Ali.  Déjà,  elle  lui  a  fait 
parvenir  à  cet  effet  des  offres  de  conciliation,  dont  elle  s'est  empressée 
de  faire  part  aux  représentants  des  cinq  grandes  puissances.  De  plus,  elle 
leur  a  demandé  leur  appui  à  Alexandrie,  pour  déterminer  le  pacha  k  ac- 
cepter les  propositions  qu'elle  vient  de  lui  adresser. 

De  celte  manière,  la  tâche  que  les  cabinets  de  l'Europe  sont  appelés  à 
remplir,  leur  a  été  clairement  indiquée  par  la  Porte  elle-même.  Us  doivent 
appuyer  ses  démarches  à  Alexandrie  ;  décider  Méhémet-Ali  à  les  accepter  ; 
ne  point  permettre  qu'il  impose  au  sultan  des  conditions  plus  onéreuses  ; 
en  un  mot,  placer  le  pacha  dans  la  nécessité  d'adopter  les  bases  d'un  ar- 
rangement définitif  que  l'Europe  est  autorisée  à  considérer  comme  solide, 
parce  qu'il  est  équitable. 

Voilà,  M.  le  comte,  la  tâche  que  les  cabinets  de  l'Europe  auront  à  rem- 
plir. Four  atteindre  ce  but,  il  faut  que  leurs  efforts  soient  concentrés  à 
Alexandrie.  Tourner  leur  action  vers  Constantinople,  ce  serait  diriger 
leurs  forces  du  côté  d'où  le  danger  nu  vient  pas.  Là,  il  ne  faut  ni  agitation 
diplomatique,  ni  déployement  de  forces  militaires  :  il  ne  faut  que  du  re- 
pos. 

Cette  conviction  a  dicté  les  déterminations  de  l'empereur.  Au  milieu 
de  l'agitation  générale  que  la  crise  du  Levant  a  fait  naître,  il  n'a  éprouvé 
ni  inquiétude,  ni  impatience  d'agir.  Il  n'a  fait  aucune  démonstration.  Il 
n'a  envoyé  à  Constantinople  ni  un  vaisseau,  ni  un  soldat,  dans  la  ferme 
persuasion,  que  son  calme  ferait  à  la  Porte  plus  de  bien  que  ne  lui  en 
aurait  fait  son  armée  et  sa  flotte. 

Telle  est  l'attitude  que  l'empureur  a  prise. 

Or,  si  la  Russie,  dont  les  intérêts  les  plus  directs  se  trouvent  engagés 
dans  la  crise  actuelle,  et  dont  les  frontières  touchent  immédiatement  à 
celles  de  la  Turquie,  ne  se  montre  aujourd'hui  ni  inquiète,  ni  impatiente 
de  paraître  sur  le  théâtre  des  événements,  il  nous  semble  qu'à  plus  forte 
raison  les  puissances  dont  la  sécurité  n'est  nullement  compromise,  et  que 
de  grandes  distances  séparent  de  l'empire  ottoman,  peuvent,  sans  le 
moindre  inconvénient,  adopter  la  même  attitude,  et  modérer  leur  action. 

Dans  cette  attente,  notre  auguste  maître  se  plait  à  croire  que  le  gou- 
vernement français,   guidé  par  la  politique  pleine  de  prévoyance  qu'il  a 


Il6i  APPENDICE 

suivie  jusqu'à  ce  jour,  ne  cherchera  poiiil  à  compliquer  la  situation  de 
l'empire  oltomun  par  un  déployement  de  forces  navales,  qui,  au  lieu  d'im- 
poser la  paix  à  Alexandrie,  viendrait  la  troubler  à  Gonstantinople. 

Si  malheureusement  l'espoir  que  l'empereur  est  en  droit  de  fonder  sur 
la  modération  du  gouvernement  français  ne  se  réalisait  pas  ;  si  l'appari- 
tion d'une  escadre  étrangère  dans  la  mer  de  Marmara  venait  aggraver  l'é- 
tat (les  choses  à  Gonstantinople  ;  la  marche  que  la  Russie  aurait  à  suivre 
ne  serait  pas  douteuse.  En  présence  d'une  flotte  étrangère,  le  ministre  de 
l'empereur  proleslerait  formellement  contre  la  violation  flagrante  de  la 
fermeture  des  Dardanelles,  principe  que  la  Porte  a  considéré  de  tous 
temj)s  comme  une  règle  fondamentale  de  sa  politique,  et  qu'elle  s'est  en- 
gagée envers  nous  à  maintenir  invariablement  ;  il  déclarerait  qu'il  regarde 
cette  violation  comme  contraire  à  l'indépendance  de  la  Porte,  suspen- 
drait immédiatement  ses  fonctions,  et  quitterait  Gonstantinople.  Alors,  il 
ne  resterait  plus  à  l'empereur  qu'à  prendre  les  mesures  qu'il  jugerait  né- 
cessaires pour  rétablir  la  Porte  dans  son  entière  indépendance,  et  la  met- 
tre à  même  de  remplir  ses  engagements  envers  nous,  libre  de  toute  con- 
trainte étrangère. 

Telles  seraient,  M.  le  comte,  les  conséquences  inévitables  de  l'appari- 
tion d'une  escadre  française  dans  la  mer  de  Marmara. 

Comme  il  importe  plus  que  jamais  que  les  cabinets  de  l'Europe  se  ren- 
dent compte  à  eux-mêmes  de  leur  position  relative,  et  qu'ils  fassent 
preuve  à  cet  égard  de  la  plus  grande  sincérité  les  uns  envers  les  autres,  no- 
tre cabinet  a  pensé  qu'il  devait  au  gouvernement  français  un  exposé  clair 
et  positif  des  déterminations  que  nous  serions  forcés  de  prendre,  si  l'é- 
ventualité dont  je  viens  de  faire  mention  venait  jamais  à  se  réaliser.  En 
ce  cas,  le  parti  que  nous  aurions  à  prendre,  ne  dépendrait  pas  de  notre 
libre  choix  ;  il  nous  serait  imposé  par  les  nécessités  de  notre  politique 
aussi  bien  que  par  les  intérêts  les  plus  directs  de  notre  empire.  Un  coup- 
d'oeil  jeté  sur  la  carte  expliquera  la  différence  qui  existe  k  cet  égard  entre 
laposition  géograi)hique  de  la  Russie  et  celle  des  puissances  de  l'occident. 

En  effet,  lorsqu'on  1833  une  escadre  russe  vint  jeter  l'ancre  dans  le 
Bosphore,  sa  présence  ne  pouvait  être  considérée  ni  comme  une  menace 
dirigée  contre  la  marine  française,  ni  comme  une  atteinte  portée  à  la 
prospérité  commerciale  de  Marseille.  Mais  si  aujourd'hui  une  escadre  fran- 
çaise paraissait  à  Gonstantinople,  sa  présence  réagirait  directement  sur 
Odessa  et  sur  Sévastopol. 

Le  ministère  français  est  trop  éclairé  et  trop  équitable  pour  ne  pas  re- 
connaître la  différence  de  position  que  je  viens  de  signaler.  Ei)  1833 
nous  avons  prolégé  la  Porte,  sans  braver  les  puissances  de  l'occident.  En 
1839,  les  escadres  étrangères,  sans  protéger  la  Porte,  vii-'ndraient  insul- 
ter la  Russie. 


APPENDICE  469 

II  nous  suffît  d'avoir  clairement  clabli  celle  flislinrtion,  qui  nous  dis- 
pense d'entrer  à  ce  sujet  dans  de  plus  amples  développements.  D'ailleurs, 
notre  intention  n'est  point  ici  de  provoquer  une  discussion  quelconque  sur 
une  éventualité  qui,  nous  l'espérons,  ne  se  réalisera  pas  ;  notre  unique 
désir  est  simplement  de  mettre  le  cabinet  français  à  même  de  se  pénétrer 
des  intentions  et  des  intérêts  qui  servent  de  rèi^le  à  la  politique  delà  Rus- 
sie. Eclaircir  mutuellement  la  position  des  cabinets,  c'est  inronlestable- 
menl  le  moyen  le  plus  sûr  de  maintenir  le  parfait  accord  si  lieuicusenient 
établi  entre  eux  :  union  désirable,  parce  qu'elle  renfernie  en  elle,  ainsi  que 
M.  le  duc  de  Dalmalie  dans  une  de  ses  communications  récentes  l'a  si  bien 
observé,  la  garantie  la  plus  solide  pour  rassurer  les  amis  de  la  paix. 

C'est  dans  cet  espiit  de  conciliation  et  de  parfait  accord,  que  vous  êtes 
chargé  de  vous  acquitter  auprès  de  IVL  le  président  du  Conseil,  de  la  com- 
munication contenue  dans  la  présente  dépêche,  dont  vous  voudrez  bien  lui 
donner  lecture  et  remettre  copie. 

XXXIV.  —  Dépêche  du  niarëclial  Soult  au    baron   de    Bourqueney, 
en  date  du  6  août   1839  (25  djéniaziul-éwcl  1255). 

Monsieur,  j'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'adresser 
avec  le  projet  d'inslrnctions  aux  amiraux  qui  vous  a  été  remis  par  lord 
Palmerston,  pour  être  présenté  à  l'approbation  du  gouvernement  du  roi. 
Le  conseil,  qui  vient  d'en  délibérer,  n'a  |)as  jugé  qu'il  fût  possible  d'a- 
dhérer complètement  à  ce  projet.  Je  crains  que  le  cabinet  britanique,  sous 
la  première  impression  des  fâcheuses  nouvelles  arrivées  d'Alexandrie,  ne 
se  soit  pas  suffisamment  rendu  compte  de  l'ensemble  de  la  situation.  Les 
hostilités  sont  évidemment  terminées  en  Orient.  Ni  parterre,  ni  par  mer, 
personne  n'annonce  en  ce  moment  l'intention  de  les  continuer,  ou  plutôt 
de  les  reprendre.  D'un  côté,  on  n'en  a  plus  les  moyens,  à  supposer,  ce 
qui  est  douteux,  qu'on  en  eût  la  volonté.  De  l'autre,  on  n'y  a  aucun  inté- 
rêt, et  l'on  sait  assez  qu'on  ne  pourrait  le  faire  sans  s'exposer  à  de  très- 
graves  conséquences,  sans  compromettre  gratuitement  une  fort  belle  po- 
sition. Dans  cet  état  de  choses,  la  défection  de  la  flotte  ottomane  a  certai- 
nement de  fâcheux  et  très-regrettables  inconvénients  auxquels  nous  devons 
essayer  de  remédier  ;  mais  elle  ne  constitue  pas  un  de  ces  dangers  immi- 
nents propres  à  justifier  des  mesures  aussi  exliêmes  que  celles  qu'on  nous 
propose.  Celle  flotte,  dans  Ips  mains  de  Méhémet-Ali,  n'est  anjourd'l)ui 
([u'un  dépôt,  un  gage  à  l'aide  duquel  il  se  promet  d'obtenir  à  la  fois  l'in- 
vosliture  liéiédilaire  de  tout  ce  qu'il  possède.  La  France  et  l'Angleterre, 
tout  en  insistant  fortctut^ul  sur  l'invitation  que  nous  avons  déjà  fait  parve- 
nir à  Méliémei-Ali,  pai  nos  consuls,  de  restituer  les  vaisseaux  turcs,  doi- 
vent sans  doute  prendre  des  mesures  pour  que,  dans  le  cas  peu  probable 


Û70  APPENDICE 

OÙ  il  recommencerait  la  guerre,  il  ne  pût  s'en  faire  un  instrument  d'ail a- 
que  contre  la  Porte  ;  et  le  meilleur  moyen  peut-être  de  lui  en  ôter  l'envie, 
c'est  de  lui  déclarer  formellement  que  désormais  les  escadres  française 
et  anglaise  agiront  uniquement  dans  le  but  de  proléger  le  sultan  contre 
ses  agressions  ou  envaliissemenls  quelconques.  Toute  démarche,  toute 
démonstration  faite  dans  le  sens  que  je  viens  d'indiquer,  aurait  notre  ap- 
probation entière,  parce  que  nous  y  voyons  une  utilité  réelle  et  de  grandes 
chances  d'efficacité.  Mais  la  mesure  d'hostilité  contre  Méhéraet-Ali  ne  fa- 
ciliterait pas  le  plan  que  l'Angleterre  et  la  France  se  sont  proposé  de  con- 
cert. En  détruisant  l'escadre  égyptienne,  non-seulement  nous  n'en  don- 
nerions plus  de  force  à  la  Porte,  mais  nous  n'amènerions  pas  le  vice-roi 
à  se  désister  de  la  moindre  de  ses  prétentions.  La  puissance  matérielle  et 
morale  qu'il  exerce  aujourd'hui  sur  terre  rend  son  action  bien  moins  dé- 
pendante qu'on  ne  le  suppose  de  ses  forces  maritimes.  L'attaquer  lorsqu'il 
n'attaque  pas,  ce  serait  risquer  de  le  pousser  à  quelque  parti  extrême. 
Certain,  lorsqu'on  lui  aurait  enlevé  ses  vaisseaux,  de  n'avoir  plus  rien  à 
craindre  de  l'Europe  qui,  en  effet,  aurait  épuisé  contre  lui,  dans  un  but 
comparativement  bien  secondaire,  tous  ses  moyens  de  coaction,  il  en  con- 
clurait naturellement  qu'il  n'a  plus  rien  à  ménager  envers  elle;  et  en  sup- 
posant qu'il  ne  se  décidât  pas  à  faire  marcher  Ibrahim  sur  Constantinople 
même,  il  lui  suffirait,  pour  susciter  une  diversion  terrible,  de  provoquer 
dans  l'Asie-Mineure,  en  Macédoine,  en  Albanie,  quelque  soulèvement  de 
nature  à  ramener  la  question  de  l'intervention  Russe.  On  sait  malheureu- 
sement que  les  instruments  ne  lui  manqueraient  pas  à  cet  effet,  et  qu'il 
n'aurait  peut-être  pas  besoin,  pour  y  parvenir,  de  remuer  un  seul  de  ses 
soldats.  Dételles  éventualités  valent  certainement  la  peine  qu'on  les  pèse 
mûrement  avant  de  se  décider  à  les  braver.  J'ajouterai,  Monsieur,  qu'a 
Londres  on  semble  trop  se  préoccuper  de  l'agrandissement  de  Méhémet- 
Ali,  parce  qu'on  veut  toujours  considérer  ce  côté  de  la  question  sous  l'as- 
pect qu'il  aurait  s'il  s'agissait  d'un  état  européen.  Sans  doute,  entre  les 
mains  d'un  homme  tel  que  le  pacha  d'Egypte,  la  possession  de  territoires 
trop  considérables  peut  avoir  des  dangers  qui  expliquent  et  justident  les 
efforts  des  puissancespour  mettre  un  terme  à  ses  empiétements.  La  France 
est  la  première  à  le  reconnaître,  et  elle  n'a  cessé  de  travailler  à  contenir 
les  projets,  à  modérer  les  prétentions  de  ce  pacha;  mais  il  ne  faut  pas 
s'exagérer  le  mal  ;  l'empire  ottoman  même,  divisé  administrativement  par 
des  stipulations  auxquelles  la  clause  de  l'hérédité,  quelque  expresse  qu'elle 
fût,  pourrait  bien  d'ailleurs  ne  pas  donner  un  caractère  de  permanence 
définitive;  l'empire  ottoman,  uni,  malgré  le  pai'tage  plus  ou  moins  dura- 
ble, parle  lien  puissant  des  mœurs  et  de  la  religion,  n'en  continuera  pas 
moins  à  former,  en  face  des  puissances  européennes,  ce  grand  corps  dont 
l'existence  a  toujours  été  jugé  indispensable  au  maintien  de  l'équilibre  po- 


APPENDICE  Zi71 

litique.  Les  forces  qu'il  possède,  dans  l'une  et  l'autre  de  ses  divisions  ac- 
tuelles, concourent  également  à  ce  but;  et  je  ne  crains  pas  de  dire  qu'on 
ruinant  le  paclia  d'Egypte  on  travaillerait  eflicacenienl  à  la  destruction  de 
l'empire  ottoman.  Notre  politique  aujourd'hui,  comme  dès  le  commence- 
ment de  celte  crise,  doit  veiller  avant  tout  à  ce  que  Gonstantinople  ne  re- 
çoive de  protection  extérieure  qu'avec  notri'  commun  concours. 

Telles  sont,  Monsieur,  les  objections  qu'a  suggéré  au  gouvernement  du 
roi  la  proposition  du  cabinet  de  Londres,  et  qui  ne  lui  ont  pas  permis  d'y 
adhérer  entièrement.  Veuillez  les  faire  connaître  à  lord  Palmerston,  en 
lui  indiquant  la  marche  qui  nous  paraît  préférable.  Elle  consiste,  vous  le 
voyez,  à  réclamer  de  nouveau  la  restitution  de  la  flotte  ottomane,  et,  dans 
le  cas  ou  Méliémet-Ali  s'y  refuserait,  à  lui  déclarer  qu'il  doit  dorénavant 
considérer  les  escadres  alliées  comme  uniquement  et  spécialement  chargées 
de  repousser  toute  tentative  dirigée  contre  le  territoire  ou  l'autorité  de  la 
Porte.  Le  cabinet  anglais  en  y  réfléchissant,  reconnaîtra,  je  n'en  doute 
pas,  qu'une  telle  altitude  suflit  aux  besoins  du  moment,  que  sans  rien  com- 
promettre, elle  atteindra,  suivant  toute  apparence,  le  but  que  la  France 
et  l'Angleterre  ont  en  vue,  et  que,  placés  k  notre  grand  regret  dans  l'im- 
possibilité d'accéder  sans  réserve  au  projet  du  gouvernement  britan- 
nique, nous  ne  pouvions  mieux  lui  prouver  notre  confiance  absolue  et  l'ai- 
time  accord  de  notre  politique  avec  la  sienne. 
Recevez,  etc. 

XXXV.  —  Dépèche    dn    maréchal  Soult   au    baron    de   Boussin,  en 
date  du  6  août   1»39  (25  djéniaziul-éwel  iS55). 

M.  le  baron,  depuis  la  dernière  expédition  que  je  vous  ai  adressée, 
nous  avons  appris  l'entrée  de  la  flotte  turque  dans  le  port  d'Alexandrie, 
le  refus  fait  par  Méhémet  Ali  d'accéder  aux  propositions  de  la  Porte,  et 
les  conditions  exorbitantes  qu'il  met  aujourd'hui  à  un  arrangement.  Je 
n'ai  (las  besoin  de  vous  dire  que  ni  la  France  ni  les  autres  Puissances  ne 
peuvent  approuver  de  telles  exigence^-.  Nous  nous  concertons  en  ce 
moment  avec  le  cabinet  de  Londres,  sur  les  dispositions  qu'elles  peuvent 
rendre  nécessaires  de  notre  part  ;  el  j'ai  chargé  M.  Gochelet  de  déclarer 
au  vice-roi,  dans  les  termes  les  plus  formels,  qu'alors  même  qu'il  arra- 
cherait à  la  détresse  de  la  Porte  des  conditions  incompatibles  avec  la 
dignité  du  sultan,  ou  propres  à  compromettre  l'avenir  de  l'empire,  elles 
n'obtien  Iraient  pas  l'assentiment  des  puissances  européennes,  si  néces- 
saire cependant  pour  donner  quelque  valeur  et  quelque  solidité  à  un  tel 
arrangement. 

C'est  assez  vous  dire,  M.  le  baron,  que  le  gouvernement  du  roi  persiste 
dans  les  vues  que  vous  y  avez  trouvées  ;  —  que  la  Porte  ne  se  hâte  pas 


^72  APPENDICE 

de  conclure  avec  Méhéraet-Ali  ;  qu'elle  ne  fasse  rien  surtout  sans  le 
concours  de  ses  alliés  :  tels  sont  les  conseils  que  vous  ne  devez  pas  cesser 
de  lui  faire  entendre,  les  seuls  qui  se  concilient  avec  ses  intérêts  évidents; 
et  il  lui  sera  d'autant  plus  facile  de  les  suivre  que  le  vice-roi,  au  milieu 
de  toutes  ses  exigences,  annonce  pourtant  l'intention  de  ne  pas  les  ap- 
puyer par  là  force  des  armes.  Rien  n'oblige  donc  les  ministres  du  sultan 

à  se  hâter. 

Je  vous  ai  transmis,  par  le  dernier  paquebot,  la  réponse  de  l'Angleterre 
à  noire  déclaration  en  faveur  de  l'indépendance  et  de  l'intégrité  de  l'em- 
pire ottoman.  Celle  de  l'Autriche  m'est  parvenue  depuis  ;  elle  est  égale- 
lement  satisfaisante. 

Les  trois  cours  sont  unanimes  à  proclamer  la  nécessité  d'un  concert 
européen  pour  régler  les  affaires  de  l'Orient.  La  Russie  seule,  qui  avait 
d'abord  paru  admettre  la  convenance  de  ce  concert,  cherche  maintenant 
à  éluder,  sous  des  prétextes  plus  ou  moins  spécieux,  les  conséquences 
du  principe  qu'elle  n'ose  pas  contester  directement.  Un  &tatu  quo  dé- 
pourvu de  sanction,  exposé  par  conséquent  à  de  nouvelles  et  promptes 
vicissitudes,  c'est  incontestablement  ce  qui  lui  convient  le  mieux  dans 
l'Orient.  Il  se  pourrait  donc  qu'un  arrangement  direct  entre  la  Porte  et 
Méhémet-Ali  entrât  dans  ses  vues  ;  que  loin  de  le  contrarier,  elle  y  donnât 
secrètement  la  main  ;  et  s'il  était  vrai,  comme  quelques  indices  donnent 
lieu  de  le  supposer,  que  Nouri-éfendi  se  fût  rallié  à  la  politique  du  cabinet 
de  Saint-Pétersbourg,  il  y  aurait  lieu  de  concevoir  des  inquiétudes  dans 
ce  sens.  Je  ne  doute  pas  que  vous  n'y  veilliez  avec  soin. 

Veuillez  aussi  ne  pas  perdre  un  moment  de  vue  l'attitude  militaire  et 
navale  de  la  Russie,  du  côté  de  la  mer  Noire.  Dans  le  cas  oii  les  mou- 
vements que  vous  remarqueriez  vous  paraîtraient  indiquer  un  projet  de 
se  porter  sur  Constantinople,  vous  en  donneriez  sur  le  champ  avis  à 
M.  l'amiral  Lalande  qui  viendrait  aussi  prendre  position  à  Ténédos 
avec  son  escadre,  pour  être  prêt  à  franchir  le  détroit  des  Dardanelles,  si 
les  Russes  arrivaient  dans  le  Ros()hore. 

Vienne  étant  en  ce  moment  le  point  central  des  négociations  auxquelles 
donne  lieu  la  question  d'Orient,  comme  aussi  le  lieu  où  l'on  est  le  plus 
promptement  informé  de  l'ensemble  des  circonstances  qui  peuvent  en 
modifier  la  marche,  le  cabinet  britannique  a  autorisé  d'une  part  lord 
Beauvale  à  donner  à  lord  Ponsonby  les  informations  et  les  avis  propres 
à  le  diriger  utilement,  et  de  l'autre,  a  prescrit  à  ce  dernier  ambassadeur 
de  se  conformer  aux  directions  qu'il  recevra  de  son  collègue.  Vous 
voudrez  bien,  M.  le  baron,  avoir  égard  également  aux  communications 
de  M.  le  comte  Sainte-Aulaire,  qui  a  ordre  de  suivre  avec  vous  une  cor- 
respondance régulière. 

Veuillez  agréer,  etc. 


APPENDICE  /,73 


XXXVI.  —  DépAche    dn  baron  de    Ronrqncney  an  maréchal  §onIt, 
en  date  du  9  août   183»  (28  djéniaziul-éwcl  1255). 

Monsieur  le  maréchal,  lord  Paimerston  m'avait  annoncé  hier  que, 
d'après  les  nouvelles  de  Berlin  (les  informations  par  lord  Clanricarde 
sont  lentes  et  rares),  la  Russie  se  retirait  des  négociations  projetées  de 
Vienne.  M.  de  Kisselefl',  qui  m'a  succédé  chez  lord  Paimerston,  était 
chargé  d'une  communication  dans  ce  sens.  C'est  au  nom  du  respect  pour 
l'indépendance  des  États  souverains  que  le  cabinet  russe  décline  toute 
intervention  dans  les  aiïaircs  intérieures  de  la  Turquie.  Avant  les  événe- 
ments de  Syrie,  avant  la  mort  du  sultan,  quand  il  n'y  avait  d'autre  issue 
possible  que  la  guerre  aux  difl'érends  de  la  Porte  et  de  l'Egypte,  le  cabinet 
russe  avait  pu  partager  l'opinion  des  autres  puissances  de  l'Europe  sur 
l'ouverture  d'une  négociation  conduite  en  dehors  des  parties  mêmes  inté- 
ressées ;  mais  aujourd'hui  que  la  Porte  va  elle-même  au-devant  d'un 
rapprochement  et  adresse  k  l'Egypte  des  propositions  d'accommodement 
acceptables,  il  faut  laisser  marcher  la  négociation  à  Constanlinople,  et 
la  seconder  uniquement  de  ses  bons  o/Jîces ;  autrement  il  n'y  a  plus  de 
puissance  ottomane  indépendante.  Tel  est,  Monsieur  le  maréchal,  l'esprit 
de  la  démarche  de  M.  de  Nesselrode. 

Ce  n'est  pas  le  gouvernement  du  roi  qui  s'étonnera  de  cette  ouverture 
du  cabinet  de  Pétersbourg;  la  correspondance  de  Votre  Excellence  l'avait 
dix  fois  annoncée. 

Jci,  où  l'on  prend  facilement  ce  qu'on  désire  pour  ce  qu'on  croit,  on 
avait  été  plus  confiant,  non  pas  dans  la  sincérité  des  intentions  de  la 
Russie,  mais  dans  les  nécessités  de  sa  situation  européenne.  On  a  donc 
été  plus  surpris  qu'on  ne  le  sera  à  Paris,  mais  enfin  on  a  compris  les 
motifs  qui  ont  dicté  la  dernière  dépêche  de  M.  de  Nesselrode,  et  on  y 
voit  la  preuve  évidente  que,  si  le  cabinet  impérial  ne  croit  pas  le  moment 
arrivé  de  se  commettre  ouvertement  avec  l'Europe  sur  les  affaires  d'Orient, 
il  est  au  moins  décidé  à  lutter  diplomatiquement  contre  les  garanties 
écrites  qui  menaceraient  d'enchaîner  l'avenir. 

Lord  Paimerston  a  reçu  poliment  la  communication  de  M.  de  Kisseleff; 
mais  celui-ci  n'a  pas  dû  se  faire  illusion  sur  le  jugement  qu'il  en  poitnit. 

Tout  en  déférant  hier  au  vœu  manifesté  par  le  gouvernement  du  roi 
relativement  au  jH-ojet  d'instructions  aux  amiraux,  lord  Paimerston  est 
entré  plus  avant  que  de  coutume  dans  la  discussion  de  la  question  générale. 
En  réponse  à  cette  partie  de  la  dépêche  de  Votre  Excellence  qui  combat 
a  disposition  du  cabinet  anglais  h  se  préoccuper  trop  exclusivement  de 
réduire  les  limites  de  la  possession  égyptienne,  lord  Paimerston  m'a  dit, 
en  efïet,  que  c'était  chez  lui  et  chez  beaucoup  de  ses  collègues  un  point 


474  APPENDICE 

très-arrêté  qu'on  ne  ferait  quelque  chose  d'utile  et  de  durable  en  Orient 
que  si  l'on  parvenait  à  rendre  à  la  Porte  ottomane  les  provinces  que  lui 
ont  enlevées  les  conquêtes  de  Méhémet-Ali  :  «  je  ne  puis  assez  vous 
répéter,  «  a  repris  lord  Palraerston,  »  combien  cette  conviction  est  chez 
moi  indépendante  de  tonte  considération  politique  exclusivement  an- 
glaise; mais  je  suppose  l'Egypte  et  la  Syrie  héréditairement  investies 
dans  la  famille  de  Méhémet-Ali,  et  je  me  demande  comment  l'Europe 
peut  se  flatter  que  le  moindre  incident  ne  viendra  pas  briser  le  dernier 
et  faible  lien  qui  unira  ces  provinces  à  l'empire  ottoman.  L'indépen- 
dance viendra  comme  est  venue  l'hérédité  ;  et  savez-vous  alors  ce  qu'on 
dira  en  Europe  quand  la  Russie  reprendra  son  œuvre  de  convoitise 
sur  les  provinces  européennes?  C'est  que  l'empire  ottoman,  démembré 
par  la  séparation  d'une  partie  de  ses  provinces  d'Asie,  ne  vaut  plus  la 
peine  qu'on  risque  la  guerre  pour  le  maintenir. 

M  Voilà,  ))  a  continué  lord  Palmerston,  u  l'ordre  d'idées  dans  lequel  je 
me  place  pour  juger  celte  grande  question  ;  après  cela,  je  ne  crois  nulle- 
ment à  l'infaillibilité  de  mon  opinion;  je  conçois  parfaitement  qu'on 
en  ait  une  autre,  et  je  ne  cherche  aucune  préoccupation  française  dans 
l'opinion  exprimée  par  le  maréchal  Soult.  Je  crois  si  bien  à  la  bonne 
foi  de  cette  politique  que  voici  un  raisonnement  qui  la  confirmerait 
pour  moi  si  j'étais  tenté  d'en  douter.  La  France  a  besoin  d'exercer  de 
l'influence  en  Egypte,  cela  est  et  celu  doit  être;  c'est  une  de  ces  don- 
nées qu'il  faut  accepter  dans  la  politique  générale.  Eli  bien  !  vous 
voulez  faire  l'Egypte  plus  forte  que  nous  ne  le  voulons  nous-mêmes; 
et  cependant  votre  influence  sur  le  souverain,  quel  qu'il  soit,  d'Alexan- 
drie croîtrait  en  raison  de  sa  faiblesse!  Vous  voyez  si  je  cherche  une 
arrière-pensée  sous  la  divergence  de  nos  deux  points  de  vue.  » 

J'ai  répondu  à  lord  Palraerston  que  ses  raisonnements  supposaient 
résolue  une  question  au  moins  controversable,  celle  de  savoir  si,  dans  un 
avenir  plus  ou  moins  éloigné,  il  n'y  aurait  pas  pour  le  corps  ottoman  à 
recueillir,  en  Egypte  et  en  Syrie,  des  éléments  de  force  et  de  vitalité, 
éléments  que  ce  serait  une  bien  grande  erreur  de  disj^erser  s'ils  devaient 
un  jour  tourner  au  profit  du  corps  que  nous  voulons  sauver. 

((  Cela  est  vrai,  »  a  repris  lord  Palmerston,  «  et  je  conviens  avec  vous 
que  la  question  est  \h.  Eh  .'mon  Dieu!  mon  esprit  la  résout  par  la 
négative;  mais  le  cabinet  anglais  lui-même  a  comi)té  i)armi  ses  mem- 
bres des  hommes  qui  la  décidaient  aflirmativement.  » 

Votre  Excellence  reconnaîtra  sans  doute  qu'il  y  a  divergence  entre  les 
deux  cabinets  sur  un  point  grave;  mais  telle  est  l'identité  du  but  qu'ils 
se  proposent,  telle  est  l'absence  de  toute  défiance,  de  toute  arriére-pensée 
que,  dans  ma  conviction  intime,  de  légères  concessions  mutuelles  sur  les 


APPENDICE  475 

moyens  sulTiront  pour  maintenir  entre  les  deux  gouvernements  l'entente 
qui  a  jusqu'ici  présidé  à  leurs  démarclies,  et  qui  peut  seule  les  rendre 
elTicaces. 
Veuillez  agréer,  etc. 

XXWII.  —  Lettre  tia  baron  de  RousnIii    à    Ior«l  Ponsonby,  en  date 
de  Thérapia  le   1  3  août   1839  (2  djéniaxiul-akhir   1255). 

Mylord  et  cher  collè?;ue,  je  viens  de  recevoir  de  Salonique  le  même 
avis  que  Votre  Excellence  et  M.  l'inlornonce.  J'avais  déjà  expédié  ma 
lettre  h  M.  le  contre-amiral  Lalande,  pour  qu'il  agisse  exactement  comme 
l'amiral  Stopfort,  pour  détourner  le  bâtiment  d'égyptien  de  sa  mission  en 
Albanie. 

Ce  fait  me  rappelle  ce  que  nous  fîmes,  l'Angleterre  et  nous,  en  mars 
1833.  Nous  fîmes  amener  nos  pavillons  à  Smyrne  à  la  première  nouvelle 
de  l'arrivée  des  agents  de  Mébémet-Ali  dans  cette  ville.  Les  circonstances 
sont  les  mêmes  et  notre  conduite  aussi. 
Agréez,  etc. 

XXXYIII.  —  Dépêehn  dn  eomtc  de  I\esseIrode  au  eonite  de  Medem, 
en  date  du  IG  août  1839  (5  djémazinl-akhir  1255). 

Monsieur  le  comte,  le  prince  Gagarin  m'a  exactement  remis  l'expédition 
que  vous  m'avez  adressée  sous  la  date  du  27  juillet-8  août  ;  M.  le  baron 
de  Barante  a  bien  voulu  me  communiquer  de  son  côté  les  instructions 
que  le  cabinet  des  Tuileries  a  récemment  transmises  à  ses  représentants 
à  Vienne,  Constantinople,  et  Alexandrie, 

Veuillez,  M.  le  comte,  exprimer  à  iM.  le  président  du  Conseil,  le  juste 
intérêt  que  nous  attachons  aux  communications  que  M.  l'ambassadeur  de 
France  a  été  chargé  de  nous  faire.  Elles  viennent  entièrement  h  l'appui 
des  explications  que  M.  le  duc  de  Dalmatie  a  bien  voulu  vous  offrir 
verbalement.  D'une  part,  elles  attestent  le  vif  désir  que  le  gouvernement 
français  éprouve  de  voir  la  crise  du  Levant  promptement  terminée  par 
un  arrangeujent  pacifique  et  durable;  de  l'ouîre,  elles  nous  font  acquérir 
la  certitude  que  le  cabinet  des  Tuileries,  loin  d'accorder  aux  intérêts 
du  pacha  d'Egypte  une  injuste  préférence,  n'hésite  point  à  se  [îrononcer 
formellement  en  faveur  de  la  cause  du  Sultan. 

L'accord  qui  subsiste  ainsi  entre  les  intentions  de  la  France  et  celles 
des  autres  cabinets  de  l'Europe  nous  autorise  à  croire  que  les  efforts 
réunis  de  tous  réussiront,  encore  une  fois,  à  éloigner  les  dangers  dont 
l'existence  de  l'empire  ottoman  semble  menacée. 


Ù76  APPENDICE   " 

Quelle  que  soit  la  gravité  de  ces  dangers,  nous  ne  désespérons  nul- 
lement du  salut  de  la  Turquie,  pourvu  que  les  grandes  puissances  de 
l'Europe  persistent  unanimement  dans  la  ferme  résolution  de  soutenir  la 
cause  du  Sultan,  et  qu'elles  impriment  à  cet  effet,  aux  démarches  de  leurs 
représentants  à  Alexandrie  un  caractère  d'énergie,  qui  peut  seul  réussir 
à  vaincre  la  résistance  du  pacha  d'Egypte. 

S'il  en  était  autrement,  les  remontrances  des  cabinets  de  l'Europe  ne 
produiraient  aucune  impression  sur  l'esprit  de  Méhémet-Ali.  Il  ne  se 
prêterait  à  aucune  concession  équitable.  Il  resterait  en  possession,  et  de 
la  flotte  ottomane,  et  du  territoire  qu'il  a  occupé  même  au-delà  des 
limites  posées  par  l'arrangement  de  Kutahia.  En  un  raot,  il  ne  tiendrait 
aucun  compte  des  offres  de  conciliation  dont  les  représentants  alliés 
viennent  de  se  rendre  l'organe.  Leur  intervention  en  faveur  de  la  Porte 
demeurerait  ainsi  impuissante  et  stérile  ;  de  sorte  que  l'Europe  verrait 
avec  surprise  et  avec  regret  que  les  cabinets  réunis  de  Paris  ,  de 
Londres  ,  de  Vienne  et  de  Saint-Pétersbourg  se  reconnaissent  dans 
l'impossibilité  de  vaincre  la  résistance  d'un  pacha  d'Egypte  isolément 
opposée  à  la  volonté  unanime  de  toutes  les  grandes  puissances. 

Nous  abandonnons  au  cabinet  des  Tuileries  de  juger  de  l'impression 
qu'un  pareil  fait  devrait  produire  sur  l'opinion  de  tous  les  pays,  ainsi 
que  des  conséquences  regrettables  qui  en  résulteraient  pour  l'autorité 
morale  de  tous  les  gouvernements. 

Cette  considération  est  si  grave,  elle  intéresse  de  si  près  la  dignité 
des  cours  de  l'Europe,  qu'il  nous  suffit  de  l'avoir  signalée  ici  pour  être 
persuadés  qu'elle  ne  saurait  manquer  de  fixer  l'attention  sérieuse  du 
cabinet  des  Tuileries, 

Nous  ne  méconnaissons  pas,  il  est  vrai,  les  motifs  que  M.  le  duc  de 
Dalmatie  vous  a  exposés,  iM.  le  comte,  et  qui  inspirent  an  gouvernement 
français  un  éloignement  réel  pour  l'adoption  de  mesures  coercitives 
contre  l'Egypte.  Mais  une  fois  que  les  représentants  alliés  ont  spontané- 
ment offert  leur  intervention  à  la  Porte,  el  que  celle-ci  l'a  acceptée,  il 
serait  impossible  de  disconvenir  que  les  cabinets  de  l'Europe  ont  con- 
tracté envers  le  sultan  l'engagement  n  oral  d'assurer  à  ce  souverain  des 
conditions  plus  avantageuses  que  CL-lles  qu'il  aurait  pu  obtenir,  s'il  avait 
conclu  un  arrangement  direct  avec  le  pacha,  ainsi  que  le  divan  en 
avait  eu  d'abord  la  pensée,  détermination  que  la  Porte  aurait  déjà  mise 
à  exécution  depuis  longtemps,  si  les  représentants  alliés  ne  l'en  avaient 
empêché,  en  lui  offrant  leur  intervention. 

Il  en  résulte  nécessairement  que  le  sidtan,  pour  avoir  renoncé  h  l'avan- 
tage d'une  transaction  immédiate,  pour  avoii'  consenti  à  rester  sous  le 
poids  d'une  inct-riitude  de  jour  en  jour  plus  accablante  et  plus  dange- 
reuse; en  un  mot,  pour  avoir  placé  sa  confiance  dans  les  promesses  dts 


APPENDICE  Zj77 

cabinets  alliés,  se  trouve  aujourd'hui  pleinement  eu  droit  d'attendre  que 
ces  promesses  ne  restent  pas  sans  eiïtit. 

Or,  comment  les  grandes  puissances  répondront-elles  à  cette  juste 
attente  du  sultan,  si  elles  ne  se  déterminent  point  à  adopter  envers 
l'Egypte  une  attitude  plus  prononcée  et  plus  décisive  ? 

Nous  nous  bornerons,  M.  le  comte,  à  livrer  celle  question  k  l'examen 
consciencieux  du  cabinet  l'rançais. 

De  notre  côlé,  nous  ne  saurions  mieux  lui  faire  connaître  les  principes 
et  les  vues  qui  dirigent  la  politique  de  notre  auguste  maître  qu'en  vous 
autorisant  à  comumniquer  à  I\I.  le  duc  de  Dalmnlie  les  directions  dont 
Sa  Majesté  a  cru  devoir  munir  son  représentant  k  Constanlinople. 

Vous  trouverez  ci-joint  le  résumé  des  instructions  que  je  viens  de 
transmettre  à  ce  ministre.  Elles  lui  laissent  une  entièie  latitude  pour 
concourir,  de  concert  avec  ses  collègues,  à  faciliter  un  arrangement 
définitif  entre  la  Turquie  et  l'Egypte  ;  mais  elles  lui  prescrivent  aussi  les 
bornes,  au-delà  desquelles  il  lui  serait  impossible  de  porter  ses  démar- 
ches, à  moins  d'avoir  acquis  la  certitude  que  ses  collègues  ont  reçu  de 
eurs  cours  les  pouvoirs  nécessaires,  afin  d'appuyer  leurs  remontrances 
à  Alexandrie  par  des  mesures  propres  à  faire  respecter  la  médiation  des 
grandes  puissances  de  l'Europe. 

M.  de  Bouténeff  ne  tardera  pas  à  faire  connaître  à.  l'amiral  Roussin, 
comme  à  ses  autres  collègues^  l'esprit  dans  lequel  il  lui  est  prescrit 
d'agir.  L'intention  qui  a  présidé  à  la  rédaction  des  instructions  qu'il 
vient  de  recevoir  ne  saurait  être  méconnue.  Elle  n'a  qu'un  seul  but  : 
celui  d'imprimer  k  l'intervention  de  l'Europe  dans  les  affaires  d'Egypte 
un  caractère  d'énergie  qui  soit  de  nature  à  vaincre  la  résistance  de 
Méhémet-Ali;  à  faire  respecter  les  résolutions  unanimes  des  cabinets  ; 
enfin,  à  consolider  le  repos  du  Levant,  au  moyen  d'un  accommodement 
prompt  et  équitable. 

Ce  but  étant  d'accord  avec  les  vœux  de  toutes  les  puissances,  nous 
espérons  que  les  représentants  à  Constanlinople  recevront  des  directions 
qui  les  mettront  en  mesure  d'agir  dans  le  même  sens  que  noire  ministre; 
et  que  la  réunion  de  leurs  efforts  dirigés  vers  le  même  but  d'une 
manière  conforme  cà  la  dignité  des  grandes  puissances,  ne  tardera  point 
k  amener  la  crise  actu  die  à  une  solution  satisfaisante  pour  l'Egypte, 
équitable  pour  la  Porte,  et  honorable  pour  l'Europe. 

Tels  sont  les  vœux  que  notre  cabinet  n'hésite  pas  à  émettre,  dans  la 
ferme  persuasion  qu'ils  s'accordent  avec  l'intérêt  bien  entendu  de  toutes 
les  puissances  amies  de  la  paix. 

Veuillez,   M.   le  comte,  énoncer  cette  pensée  envers  M.  le  duc  de 
Dalmatie,  en  lui  donnant  lecture  de  la  présente  dépêche,  ainsi  que  du 
résumé  des  instructions  à  M.  de  Bouténeff,  qui  s'y  trouve  annexé. 
Recevez,  etc., 


478  APPENDICE 

XX\IX.  —  Dépêche  dn  baron   de    Bonrqneney  an  maréchal  Sonlt, 
en  date  du  t  9  août  1839  (6  djéniazinl-akhir  1255). 

Monsieur  le  raaréclial,  hier  soir  lord  Palmerston  a  reçu  des  nouvelles 
de  Conslantinople  du  29  juillet,  et  de  Vienne  du  10  août.  Les  premières 
annoncent  la  remise  de  la  note  collective  signée  par  les  ambassadeurs 
des  cinq  cours,  et  la  suspension  immédiate  de  la  négociation  directe  entre 
la  Porte  et  ^léhémet-Ali. 

Celles  de  Vienne  présentent  le  prince  de  Metternich  comme  s'avançant 
de  plus  en  plus  dans  la  voie  où  il  est  entré  et  confiant  dans  l'espoir  d'y 
entraîner  la  Russie,  ou  plutôt  de  l'empêcher  d'en  sortir  avec  éclat. 

C'est  sous  l'impression  de  ces  nouvelles  que  le  conseil  a  discuté  ce 
matin  le  projet  d'instructions  h  l'amiral  Stopford  pour  le  cas  spécial  de 
la  restitution  de  la  flotte  turque  ottomane. 

Le  conseil  a  approuvé  toute  la  portion  des  instructions  de  l'amiral 
Lalande  pour  le  cas  oîi  la  flotte  turque  serait  sous  voile. 

Pour  celui  cù  elle  serait  entrée  dans  le  port  d'Alexandrie,  il  a  pensé 
que  nos  consuls  devraient  sommer  le  vice-roi  de  la  restituer  sous  peine  de 
leur  retraite  ;  d'après  l'accord  qui  vient  de  se  manifester  à  Constantinople 
par  la  démarche  du  29  juillet  et  d'après  les  dispositions  de  plus  en  plus 
satisfaisantes  du  cabinet  autrichien,  il  a  émis  le  vœu  a  que  le  cabinet 
français  et  le  cabinet  anglais  envoyassent  leurs  instructions  pour  les 
amiraux  à  Vienne  et  proposassent  au  cabinet  autrichien  d'unir  son 
escadre  à  celles  de  la  France  et  de  l'Angleterre  pour  l'hypothèse  où  la 
flotte  ottomane  serait  en  mer,  dans  les  limites  d'actions  tracées  par 
le  projet  d'instructions  à  l'amiral  Lalande,  et  d'associer  son  consul 
général  aux  nôtres  pour  la  démarshe  proposée  dans  le  cas  où  la  flotte 
turque  serait  entrée  dans  le  port  d'Alexandrie.  » 

Enfin,  le  conseil,  examinant  le  projet  mis  en  avant  par  lord  Palmerston 
de  travailler  k  un  acte  de  garantie  de  l'intégrité  de  l'empire  ottoman, 
entre  la  France,  l'Autriche  et  l'Angleterre  (à  défaut  de  l'espoir  d'y  as- 
socier les  deux  autres  cours),  a  donné  la  plus  complète  approbation  à 
cette  proposition,  et  reconnu  en  même  temps  que  la  négociation  devait 
en  être  conduite  avec  une  grande  réserve  pour  ne  pas  effaroucher  la 
Russie  et  lui  donner  les  moyens  de  l'entraver.  Le  conseil  a  pensé  que  ce 
serait  véritablement  là  le  commencement  de  l'œuvre  de  paix  et  d'équi- 
libre dont  la  France  et  l'Angleterre  poursuivent  l'accomplissement. 

Depuis  le  commencement  de  la  crise  d'Orient,  je  n'avais  point  vu  lord 
Palmerston  aussi  satisfait  de  la  face  des  affaires. 
Veuillez  agréer,  etc. 


APPENDICE  Z|79 

XL.    —    D4>péclic  dn  linron    de    Boarc|iipney  an   niar«'-«>hal  Sonlt,  en 
date  du  18  août  183»    (9   djL-mazinl  akhir  1255). 

Monsieur  le  maréchal,...  je  n'ai  pu  rendre  qu'un  compte  bien  sommaire 
à  Votre  Excellence  des  dernières  nouvelles  de  Vienne  ;  mais  je  tenais  à 
l'informer  sans  délai  de  l'impression  profonde  qu'elles  avaient  produite 
sur  le  cabinet  anglais. 

Les  deux  faits  qui  dominent  tout,  Monsieur  le  maréchal,  sont  :  1°  La 
signature  de  M.  de  BoulénelT  apposée  à  une  note  collective  et  déclarant 
que  dans  l'accord  des  cinq  grandes  puissances  sur  les  uffaires  d''Orient, 
la  Porte  ottomane  trouve,  contre  les  dangers  de  sa  situation,  une  garantie 
assez  puissante  pour  interrompre  toute  négociation  directe  avec  le  vice- 
roi  ;  2°  l'interruption  immédiate  de  cette  même  négociation. 

Ni  les  dépêches  de  M.  de  Barante  à  Votre  Excellence,  ni  celles  de  lord 
Clanricarde  à  lord  Palmerslon,  ni  même  les  dernières  co'.nmunications 
du  prince  de  Melternich  ne  préparaient  nos  cours  à  cette  soudaine 
adhésion  du  ministre  de  Russie  à  une  démarche  de  celte  importance.  A 
Londres,  comme  k  Paris  sans  doute,  on  raisonnait  sur  la  donnée  géné- 
rale que  le  cabinet  russe,  non-seulement  déclinait  la  négociation  de 
Vienne,  mais  travaillait  à  la  rendre  inutile  en  favorisant  la  conclusion 
d'un  arrangement  direct  entre  le  souverain  et  le  vassal,  sans  inter- 
vention extérieure  quelconque,  au  moins  patente. 

Ici,  Monsieur  le  maréchal,  on  ne  s'est  pas  donné  grand'peine  pour 
expliquer  un  fait  en  contradiction  ouverte  avec  des  dispositions  qu'on  ne 
mettait  pas  même  en  doute  la  veille  du  jour  où  on  l'a  connu.  On  a  bien 
répété  :  «  La  Russie  ne  veut  pas,  la  Russie  ne  peut  pas.  M.  de  Boute- 
neff  a  entendu  prononcer  le  nom  des  Dardanelles  par  la  France  et 
l'Angleterre,  et  il  a  passé  outre  à  la  démarche.  »  (Ge'te  dernière  hypo- 
thèse demandait  alors  qu'on  attendît,  pour  prononcer  un  jugement  défi- 
nitif, que  le  ministre  eût  été  avoué  par  sa  cour.)  Mais  toutes  ces  considé- 
rations explicatives  ont  été  sacrifiées  au  fait  lui-même  et  on  s'est  dit  : 

((  Voici  la  Russie  entrée  dans  le  concours  par  un  acte  ofQciel  ;  elle  n'en 
sortirait  qu'en  provoquant  des  complications  pour  lesquelles  elle  n'est 

pas  prête.  » 

De  cette  première  donnée,  Mousieur  le  maréchal,  le  cabinet  anglais, 

dans  sa  délibération  d'hier,  a  conclu  que  le  moment  était  venu  de  laisser 

un  peu  reposer  l'attitude  comminatoire  et  ombrageuse  envers  le  cabinet 

russe,  sauf  à  la  reprendre  plus  tard  et  plus  tranchée  si  les  circonstances 

viennent  à  l'exiger. 
Il  a  pensé  de  plus  qu'un  acte  de  déférence  était  dû  au  prince  de 

Metternich  pour  sa  persévérance  dans  la  voie  où  il  est  entré  avec  la 


480  APPENDICE 

France  et  l'Angleterre  ,  persévérance  qui  se  manifestait  à  Vienne  le 
8  août  quand  on  y  avait  lieu  de  croire  que  le  cabinet  russe  déclinait  tout 
concert  avec  les  autres  puissances,  mais  dont  l'expression  est  devenue 
bien  plus  netta  et  bien  plus  péremptoire  le  10,  à  la  réception  des  nou- 
velles de  Constantinople  du  29  juillet. 

C'est  sous  l'empire  de  cette  double  impression,  Monsieur  le  maréchal, 
que  le  cabinet  anglais  a  proposé  de  porter  à  Vienne  nos  projets  d'ins- 
tructions aux  amiraux,  relntivement  à  la  défection  de  la  flotte  ottomane, 
afin  qu'il  n'y  eût  pas  un  seul  acte  du  drame  qui  commence  à  se  dérouler 
dont  la  France  et  l'Angleterre  parussent  vouloir  isoler  en  ce  moment  les 
puissances  alliées,  et  particulièrement  le  cabinet  aulricliien. 

Voire  Excellence  sait  enfin.  Monsieur  le  maréclial  ,  que"  le  cabinet 
anglais  n'a  pas  trouvé  suffisante  l'attitude  d'observation  ordonnée  à  nos 
amiraux  pour  le  cas  où  la  flotte  ottomane  serait  entrée  dans  le  port 
d'Alexandrie  et  où  le  vice-roi  refuserait  sa  restitution.  A  la  demande  de 
nos  agents  consulaires,  il  a  songé  à  des  moyens  de  coercition  morale, 
tels  que  la  retraite  de  nos  consuls-généraux  ;  mais  cette  partie  même  de 
la  question,  il  propose  également  au  gouvernement  du  roi  de  la  porter  à 
Vienne  et  de  l'y  traiter  en  commun  avec  le  cabinet  autrichien. 

Votre  Excellence  jugera  ,  par  ce  qui  précède,  du  changement  qui  s'est 
opéré  depuis  trente-huit  heures  dans  l'esprit  des  membres  du  cabinet 
anglais. 

On  n'admettait  pas  la  possibilité  du  concours  de  la  Russie  :  aujour- 
d'hui, on  l'espère. 

On  espérait  le  concours  de  l'Autriche  jusqu'au  bout  :  on  n'en  doute 
plus. 

Maintenant,  Monsieur  le  maréchal,  voici  je  crois  les  motifs  sur  lesquels 
se  fonde  la  satisfaction,  peut-être  bien  exagérée,  qui  se  manifeste  ici 
depuis  la  réception  des  nouvelles  de  Vienne  et  de  Constantinople 
relativement  à  l'ensemble  de  la  situation. 

On  part  du  principe  qu'une  fois  les  bases  de  l'arrangement  à  intervenir 
entre  le  sultan  et  le  vice-roi  consenties  par  les  cinq  puissances,  l'usage 
de  la  force  ne  sera  pas  même  nécessaire  pour  les  faire  accepter  à 
Méhéraet-Ali  ;  une  menace  suffira  en  cas  de  refus.  Relativement  à  ces 
bases,  on  croit  l'Autrivihe  plus  près  que  la  France  du  point  de  vue  du 
cabinet  anglais,  et  comme  on  sait  que  des  divergences  officiellement 
manifestées  entre  les  deux  grandes  puissances  maritimes  saperaient  tous 
les  fondements  de  l'œuvre  de  pacification  qu'on  poursuit,  on  se  flatte  que 
ces  divergences  se  fondront  plus  aisément  dans  le  concours  des  cinq 
puissances  que  dans  une  négociation  directe  à  deux,  ou  même  à  trois. 

Enfin,  Monsieur  le  maréchal,  une  fois  l'arrangement  entre  le  souverain 
et  le  vassal  accepté  et  garanti  par  les  puissances  de  l'Europe,  c'est-à-dire 


Al>PENniCE  Û81 

la  question  pratique  réglée,  on   est  sîir  de  trouver  îi  Paris,  et  on  espère 
rencontrer  à  Vienne ,   l'empressement   qu'on   éprouvera  ici   même    à 
couronner  cet  acte  de  paix,  dans  le  présent,  par  un  acte  diplomatique  qui 
assure  également  l'avenir. 
Veuillez  agréer,  etc. 

XLI    —    Déprclie  du  marcchal  Soiilt    an    baron  de  Bonrqacncy,  en 
date  du  Z'î  août  tHSit  (Il   djéiuazinl-akhir  1255). 

Le  gouvernement  du  roi  regarde  comme  une  circonstance  heureuse 
l'adhésion  de  la  Porte  à  la  démarche  par  laquelle  les  envoyés  des  cinq 
puissances  l'ont  engagée  h  ne  rien  conclure,  sans  leur  concours,  avec  le 
pacha  d'Egypte;  adhésion  dont  au  surplus  la  nouvelle  ne  m'est  pas 
encore  parvenue.  Cependant,  nous  ne  nous  rendons  pas  bien  compte  de 
la  joie  si  vive  que  cet  événement  paraît  avoir  causée  à  Vienne  et  surtout 
à  Londres.  Il  y  a,  ce  me  semble,  plus  que  de  l'exagération  k  conclui'e, 
de  ce  que  M.  de  Bouterieff  s'est  associé  h  celte  démarche ,  que  la  Russie 
se  décide  à  lier  désormais  son  action  ,  dans  la  question  d'Orient,  h  celle 
des  cours  alliées.  Un  résultat  de  celte  importance,  une  telle  déviation  des 
errements  d'une  politique  jusqu'à  présent  immuable,  ne  se  présument 
pas  ;  pour  y  croire,  les  preuves  les  plus  formelles  ne  seraient  pas  de  trop, 
et  ces  preuves  je  les  cherche  vainement  Bien  loin  de  là,  la  correspon- 
dance de  M.  de  Raranîe  me  montre  le  cabinet  de  Saint-Pétesbourg  per- 
sislani  plus  que  jamais  dans  ses  vues  d'isolement,  alors  niême  qu'il  se  croit 
obligé  de  faire  quelques  concessions  de  forme.  Au  surplus,  pour  appré- 
cier la  portée  vérital)le  de  l'acte  auquel  on  veut  rattacher  de  si  graves 
conséquences,  il  sufiit  de  se  rappeler  que,  parmi  les  arguments  allégués 
par  le  gouvernement  russe  pour  repousser  l'idée  d'une  conférence  établie 
à  Vienne,  figurait  celui  qui  consistait  h  dire  que  le  siège  de  la  négocia- 
tion serait  plus  naturollement  placé  h  Gonslanlinople  ;  c'est  qu'en  effet  la 
Russie,  par  l'ascendant  naturel  que  son  envoyé  exerce  sur  la  Porte,  y 
est  bien  mieux  placée  soit  pour  entraver,  soit  pour  influencer  les  négo- 
ciations. 

Si  j'insiste.  Monsieur,  sur  l'exagération  des  espérances  que  semble 
avoir  conçues  le  cabinet  de  Londres,  c'est  que  je  crains  que  ce  malen- 
tendu n'imprime  une  fausse  direction  h.  sa  politique,  et  ne  lui  fasse 
perdre  de  vue  le  but  essentiel  auquel  doivent  tendre  la  France  et 
l'Angleterre,  le  moyen  d'empêcher  que  la  Porte  ne  reton:!be  sous  le 
patronage  exclusif  et  dominant  d'une  des  grandes  puissances.  A  Londres, 
je  crois  m'apercevoir  qu'on  est  trop  rassuré  sur  ce  point  et  trop  enclin  à 
concentrer  toutes  ses  inquiétudes  sur  le  péril,  relativement  bien  secon- 
daire, de  l'agrandissement  exclusif  de  Méhénjet-Ali.  Si  l'expression  du 

T.   II.  31 


Zl82  APPENDICE 

dissenlioient  qui  existe  à  ce  sujet  entre  la  France  et  l'Angleterre  ne 
sortait  pas  du  cercle  des  communications  échangées  entre  les  deux 
gouvernements,  il  n'y  aurait  pas  un  grand  inconvénient;  malheureuse- 
ment;, j'acquiers  tous  les  jours  la  certitude  qu'il  n'en  est  pas  ainsi.  Le 
cabinet  de  Londres,  dominé  par  ses  préocupations,  ne  sait  pas  assez  les 
dissimuler  aux  autres  cabinets  ;  il  semble  quelquefois  voir  en  eux  des 
auxiliaires  dont  la  coopération  peut  l'aider  à  nous  ramener  à  sa  manière 
de  voir,  et  les  cours  auxquelles  s'adressent  ces  confidences,  se  méprenant 
sur  l'intention  qui  les  lui  dicte,  y  voient  le  principe  d'un  relâchement 
sérieux  dans  l'alliance  anglo-française.  Déjà  plus  d'un  indice  me  donne 
lieu  de  penser  que  telle  de  ces  cours  travaille  par  des  avances  adroite- 
ment calculées,  par  d'apparentes  concessions,  h  entraîner  le  gouverne- 
ment britannique  dans  une  voie  nouvelle.  Je  crains  peu  le  résultat 
définitif  de  ces  tentatives;  l'Angleterre  y  résistera  comme  nous  l'avons 
fait  nous-mêmes  à  d'autres  époques,  lorsqu'on  a  employé  à  notre  égard 
des  artifices  semblables.  Mais  Userait  fâcheux  que  de  simples  apparences 
pussent  donner  un  seul  moment  le  moindre  espoir  de  succès  aux 
auteurs  de  ces  machinations.  Il  n'en  faudrait  pas  davantage  pour  jeter  une 
perturbaiion  déplorable  dans  la  marche  de  la  politique  générale. 

Lord  Granville  ne  m'a  encore  rien  dit  des  nouvelles  vues  de  sa  cour 
par  rapport  aux  moyens  d'obtenir  la  restitution  de  la  flotte  ottomane.  Je 
pense  qu'à  Londres  on  aura  compris  l'inopportunité  du  rappel  éventuel 
des  consuls  au  moment  oii  la  décision  prise  à  Clonstantinople  rend  plus 
indispensable  que  jamais  la  présence  d'agents  européens  auprès  de 
Méhé  met-Ali. 

Ce  n'est  pas  M.  le  général  Baudrand  qui  se  rendra  à  Gonstantinople 
comme  je  vous  l'avais  annoncé.  Le  roi,  en  apprenant  les  noms  des 
personnes  chargées  par  les  empereurs  d'Autriche  et  de  Russie  d'une 
mission  analogue,  a  jugé  convenable  d'envoyer  un  officier  de  sa  maison, 
d'un  grade  moins  élevé. 

XLII.  —  Dépêche  de  l'ambassadeur  de  France  (général  Sébas- 
tian!) au  maréchal  Soult,  en  date  de  Londres  le  5  septembre 
18»»  (2.->  djémaziulakhir  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  j'ai  à  rendre  compte  à  Votre  Excellence  de  mon 
premier  entrelien  avec  lord  Palmerston. 

Avant  de  passer  en  revue  les  questions  que  nous  avons  disculées 
séparément,  je  dois  déclarer  à  Votre  Excellence  que  l'impression,  pour 
moi,  résultant  de  cette  conférence  est  que  le  cabinet  anglais  veut  comme 
nous,  au  même  degré  que  nous,  avec  aussi  peu  d'arrière-pensées  que 
nous,  le  maintien  de  l'indépendance  et  de  l'intégrité  de  l'enrpire  ottoman, 


AI'I'F.NDICI':  liH'à 

t't  (|iin  ce  but  il  veut  l'atteiiulre  pacifiquement  et  sans  compromettre  les 
grandes  puissances  entre  elles. 

J'ai  saisi  la  première  occasion  qui  m'était  oflerle  de  discuter  et  de 
combaltre  les  mesures  proposées  par  le  cabinet  anglais  et  communiquées 
par  M.  RuKver  à  Votre  Excellence. 

J'ai  d'abord  établi  d'une  manière  absolue  que  la  question  de  la  flotte 
ottomane  ne  devait  point  être  traitée  spécialement  et  |)réalablement  aux 
conditions  de  l'arrangement  final  h  intervenir  entre  le  sultan  et  le  pacha. 
J'ai  dit  que  nous  ne  devions  pas  user  noire  force  contre  un  incident, 
mais  la  réserver  tout  entière  pour  le  fait  principal.  J'ai  même  engagé 
lord  Pahnerslon  à  rédéchir  sérieusement  aux  conséquences  d'un  succès , 
c'est-à-dire  à  la  rentrée  de  la  flotte  ottomane  à  Constanlinople  avec  un 
corps  d'ofliciers  imbus  d'admiration  pour  iMéhémet-Ali  et  peu  rassurés 
eux-mêmes,  malgré  la  garantie  des  puissances,  contre  les  vengeances 
réactionnaires  de  la  Porte. 

Ces  derniers  arguments ,  Monsieur  le  maréchal  ,  ont  produit  de 
l'impression  sur  l'esprit  de  lord  Palmerston.  11  m'a  répondu  néanmoins 
que  si  les  puissances,  toutes  également  pénétrées  de  la  nécessité  de 
répiimer,  ou  plutôt  de  réparer  un  acte  aussi  coupable  de  la  part  d'un 
vassal  contre  son  souverain,  s'arrêtaient  devant  un  refus  péremptoire  de 
Méhémed-Ali,  il  ne  pourrait  h  son  tour  que  se  sentir  plus  encouragé  dans 
la  résistance  à  l'acceptation  d'un  arrangement  final. 

J'ai  fait  valoir  tous  les  motifs  qui  doivent  nous  détourner  d'une  dé- 
monstration armée  contre  l'île  de  Candie;  j'ai  parlé  du  parti  grec  qui 
pourrait  en  profiter  pour  proclamer  son  indépendance,  et  j'ai  ajouté  que 
ce  serait  répandre  dans  le  reste  de  l'empire  l'exemple  et  le  besoin  de 
soulèvements  intérieurs.  J'espère  avoir  réussi  à  convaincre  lord  Pal- 
merston quïl  n'y  avait  ni  opportunité  ni  avantage  réel  dans  l'occupation 
de  l'île  de  Candie  par  les  forces  de  l'Angleterre  et  de  la  France. 

J'ai  discuté  le  rappel  des  consuls-généraux  d'Alexandrie  et  j'ai  montré 
les  graves  inconvénients  qu'il  offrirait  en  nous  laissant  avec  le  vice-roi 
sans  organes  au  moment  où  nous  aurions  le  plus  pressant  besoin  d'agir 
sur  son  esprit  par  d'activés  communications. 

Lord  Beauvale,  Monsieur  le  ministre,  a  déjà  reçu  les  instructions  et 
les  pouvoirs  relatifs  à  la  flotte  ottomane;  je  ne  puis  donc  faire  espérer  à 
Votre  Excellence  que  ces  instructions  soient  rappelées  ou  même  modi- 
fiées; mais  la  question  étant  portée  au  centre  même  des  négociations, 
l'influen'^e  du  gouvernement  du  roi  pourra  s'y  exercer  d'une  manière 
puissante,  et  je  crois  que  de  Londres  même  on  signalera  à  lord  Beauvale 
les  points  sur  lesquels  il  ne  doit  pas  insister,  s'il  rencontre  la  voix  de  la 
France  tout  à  fait  opposée  à  celle  de  l'Angleterre. 

Je  ne  puis,  du  reste,  le  dissimuler  à  Votre  Excellence;  la  disposition 


Zi8i  APPENDICE 

du  cabinet  finglais  h  l'emploi  des  moyens  coercitifs  contre  Méhémel-Ali, 
soit  pour  obtenir  la  restitution  de  la  flotte  otloraane,  soit  pour  lui  faire 
accepter  exclusivement  l'hérédité  de  l'Egypte  comme  base  de  l'arrange- 
ment à  intervenir  avec  la  Porte,  peut  bien  de  temps  à  autre  céder  sur 
certains  points  aux  représentations  de  la  France^  mais  elle  reparaît 
toujours^  et  si  elle  rencontre  de  notre  part  une  répugnance  invincible  et 
absolue  à  l'emploi  d'un  moyen  de  coercition  quelconque  contre  le  vice- 
roi,  je  crains  que  Von  ne  se  persuade  ici  qu'il  est  inutile  de  continuer  une 
négociation  dans  laquelle  on  a  ôté  d'avance  à  ses  conseils  la  sanction 
même  éventuelle  de  la  force. 

J'ai  cherché  à  effrayer  lord  Palmerston  sur  les  conséquences  auxquelles 
exposeraient  la  paix  du  monde  les  partis  extrêmes  où  le  vice-roi  pourrait 
se  laisser  entraîner  si  les  puissances  persistent  h  lui  refuser  les  conditions 
qu'il  met  à  sa  réconciliation  avec  la  Porte.  Lord  Palmerston  m'a  répondu 
que  sans  doute  la  marche  sur  Constantinoplc  était  possible,  mais  qu'a- 
lors rien  ne  serait  plus  facile  aux  puissances  de  l'Europe  que  de  préserver 
la  capitale  de  l'empire  ottoman,  que  nous  y  concourrions  tous  avec  nos 
flottes,  et  la  Russie  avec  ses  soldats,  mais  qu'on  réglerait  les  forces  des 
troupes  russes  et  qu'on  fixerait  la  date  de  leur  départ.  «  Nous  arriverions 
«  ensemble,  a  continué  lord  Palmerston,  et  nous  partirions  ensemble. 
«  La  Russie  est  enchîiînée  en  ce  moment,  soyez-en  sûr.  Je  sais  très-bien 
«  que  cela  tient  à  ce  qu'elle  n'est  pas  prête  ;  mais  enfin  c'est  un  fait  et 
(<  nous  devons  en  profiter.  Elle  n'agira  pas  sans  nous,  et  si  elle  agit,  ce 
«  ne  sera  qu'avec  nous  et  comme  nous.  » 

Lord  Palmerston  m'a  parlé  des  dispositions  du  cabinet  prussien  et  du 
cabinet  de  Vienne,  comme  se  rapprochant  entièrement  de  celles  du 
cabinet  de  Londres  dans  tout  ce  qui  tient  à  la  fixation  des  bases  de 
l'arrangement  final  entre  la  Porte  et  le  vice-roi. 

Lord  Palmerston  a  répondu  à  la  dernière  communication  russe  par 
une  dépêche  à  lord  Glanricarde  dont  il  m'a  donné  lecture ,  et  par 
laquelle  il  établit  formellement  l'union  et  la  solidarité  de  la  France  et  de 
l'Angleterre  dans  tout  ce  qui  touche  à  l'entrée  éventuelle  de  nos  esca- 
dres dans  la  mer  de  Marmara. 

J'ai  redoublé  d'efforts  pour  ramener  le  point  de  vue  du  cabinet  anglais 
h  celui  du  gouvernement  du  roi.  Lord  Palmerston,  h  propos  de  la 
retraite  de  nos  cousuls-généraux  d'Alexandrie,  m'a  dit  qu'il  n'avait 
jamais  songé  à  étendre  cette  mesure  aux  agents  véritablement  consu- 
laires ;  que  ce  n'était  qu'à  cause  du  caractère  diplomatique  de  nos 
consuls-généraux  qu'il  avait  voulu  faire  de  leur  rappel  une  démonstra- 
tion de  mécontentement  des  puissances  contre  Méhémet- Ali  ;  mais  que 
nous  conserverions  a])rès  leur  départ,  s'il  s'effectuait,  de  véritables 
consiils  qui  pourraient  encore  nous  servir  d'organes  avec  le  vice-roi. 


APPENDICE  ^85 

Lord  Palraerston  m'a  annoncé  que  le  colonel  Campbell  serait  remplacé 
dans  tous  les  cas  par  un  autre  agent.  On  n'a  pas  approuvé  sa  conduite 
dans  les  derniers  événements  et  on  lui  donne  un  successeur.  Lord 
Palmerston  venait  de  recevoir  des  dépêches  de  Gonslantinople  qui  lui 
annoncent  qu'un  brick  égyptien  avait  porté  des  agents  du  vice-roi  à 
Salonique.  Lord  Ponsonby  a  donné  ordre  à  l'amiral  Stopford  de  pour- 
suivre le  brick  égyptien,  de  s'en  emparer,  et  de  faire  échouer  sa  mission. 
L'amiral  Roussin  a  donné  son  approbation  à  cette  mesure. 
Veuillez  agréer,  etc. 

XLIII.  —  Dépèche   du   ministre    lirituniilqiic    (  BSuIwer  )    s^  lord  Pal- 
merston, en  date  de  Paris  le  Iti  septembre  1^39  (7  rédjel»  tS55). 

Mylord,à  l'occasion  d'un  entretien  que  j'ai  eu  avec  le  maréchal  Soult, 
relativement  aux  affaires  d'Orient,  et  lorsque  j'insistai  sur  Li  nécessité 
d'agir  avec  promptitude  et  énergie  pour  les  arranger,  il  me  dit  qu'il  sera, 
sous  peu,  à  même  de  me  communiquer  les  vues  du  gouvernement  fran- 
çais à  ce  sujet,  et  il  a  avoué  qu'il  ne  faut  pas  permettre  au  pacha  d'Egypte 
de  garder  ni  Adana,  ni  Jlarach  ni  l'île  de  Candie.  «  Mais,  »  dit  le  maré- 
chal, «  obtenir  de  lui  la  Syrie,  cela,  je  crois,  est  hors  de  question.  »  J'ai 
demandé  au  maréchal  s'il  se  croyait  obligé  de  pourvoir  à  l'exécution  d'un 
arrangement  pour  lequel  se  prononcerait  le  gouvernement  français  lui- 
même,  et  que  la  Porte  accepterait?  Mais,  quoique  S.  E.  n'ait  pas  dit  que, 
si  Méhémet-Ali  n'acceptait  pas  les  conditions  que  la  France  approuverait, 
la  force  ne  sera  pas  employée  pour  le  contraindre  aies  accepter,  elle  n'a 
pas  voulu  dire  non  plus  que  la  force  sera  employée  à  cet  elTet,  et  je  crois 
toujours  que  le  gouvernement  de  S.  M.  peut  h  peine  espérer  que,  quelles 
que  soient  les  circonstances,  le  cabinet  français  se  laissera  persuader 
d'employer  des  mesures  coercitives  contre  le  vice-roi. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

XLIV.  —  Dépèche  du  f|énéral  ^ébastiani  au  maréchal  Soult,  en  date 
du  S 3  septembre   1»3»  (14  rédjeb  1255). 

Monsieur  le  maréchal,  lord  Palraerston  a  passé  ce  matin  quelques  heures 
à  Londres.  J'ai  h  rendre  compte  à  V,  E.  de  l'importante  conversation  que 
je  viens  d'avoir  avec  lui. 

Le  baron  de  Brunnow  propose,  au  nom  de  son  gouvernement,  de  ré- 
gler et  de  déflnir  la  part  d'action  coercitive  de  chacune  des  cinq  puis- 
sances contre  Méhémet-Ali  pour  assurer  un  arrangement  final  entre  le 
sultan  et  le  pacha.  Dans  ce  but,  une  convention  serait  signée  entre  les 
cinq  cours,  stipulant  que  la  France  et  l'Angleterre  se  serviront  de  leurs 
escadres  contre  Méhémet-Ali,  s'il  refuse  d'accepter  les  conditions;  que  la 


/i86  APPENDICE 

Russie,  dans  le  cas  où  Ibrahim-pacha  marcherait  sur  Gonstantinople,  em- 
ploierait son  armée  et  sa  flotte  dans  le  Bosphore  et  dans  l'Asie-Mineure, 
en  (leçfi  du  Taurus,  pour  protéger  l'existence  de  l'empire  ottoman  ;  mais 
qu'à  l'avenir  la  fermeture  du  Bosphore  et  du  détroit  des  Dardanelles  de- 
meurera un  principe  de  droit  public  européen,  et  que  la  Russie  s'engage 
h  ne  pas  renouveler  le  traité  d'Unkiar  Skelessi.  Il  serait  enfin  entendu, 
quoique  non  écrit,  que,  dans  !a  circonstance  actuelle,  la  dérogation  russe 
au  principe  de  fermeture  des  deux  détroits  aura  lieu  sans  que  les  puis- 
sances maritimes  s'en  autorisent  comme  d'une  cause  légitimant  la  pré- 
sence de  leurs  propres  vaisseaux  dans  le  Bosphore. 

Cette  convention,  la  Russie  la  présente  à  l'acceptation  des  quatre  puis- 
sances, mais  elle  est  prête  h  la  signer  ici  avec  trois,  si  la  cinquième,  si  la 
France  ne  croit  pas  devoir  en  accepter  les  stipulations. 

Telle  est.  Monsieur  le  maréchal,  la  substance  des  propositions  dont  le 
baron  de  Brunnow  est  l'organe;  je  n'ai  pas  besoin  d'en  caractériser  l'im- 
mense portée. 

Lord  Palmerston  m'a  dit  qu'il  réunirait  prochainement  les  membres  du 
cabinet  qui  se  trouvent  dans  le  voisinage  de  Windsor  ou  de  Londres,  et 
qu'il  leur  soumettrait  l'état  de  la  question  ;  mais  il  ne  m'a  pas  laissé 
ignorer  que  personnellement  il  était  favorable  à  l'acceptation  des  propo- 
sitions russes;  il  est  probable  que  la  détermination  du  cabinet  sera  con- 
forme à  l'opinion  de  lord  Palmerston. 

J'ai  demandé  quelles  bases  la  Russie  donnait  ci  l'arrangement  entre  le 
sultan  et  le  pncha;  lord  Palmerston  m'a  dit  que  M.  de  Brunnow  n'était 
chargé  d'aucune  proposition  à  cet  égard,  mais  que  le  cabinet  russe  se 
prononçait  comme  le  cabinet  anglais,  en  faveur  de  la  rétrocession  com- 
plète de  la  Syrie  et  de  ses  annexes. 

Lord  Palmerston  voudrait  ajouter  au  projet  russe  l'envoi  d'un  corps 
autrichien  on  Syrie  en  cas  de  résistance  du  vice -roi.  Ce  corps,  réuni  aux 
débris  de  l'armée  ottomane,  devrait  opérer  par  la  force  l'évacuation  des 
provinces  occupées  par  l'armée  égyptienne. 

J'ai  commencé.  Monsieur  le  maréchal,  par  déclarer  que  j'étais  sans 
instructions  du  gouvernement  du  roi  sur  la  plupart  des  queslions  qui  m'é- 
taient soumises;  mais  que  je  me  sentais  néanmoins  autorisé  h  repousser 
et  à  combattre,  au  moins  en  mon  nom,  presque  toutes  les  données  sur 
lesquelles  repose  le  nouveau  plan  proposé  par  la  Russie  et  presque  adopté 
par  l'Angleterre. 

But,  moyens,  facilité  d'exécution,  j'ai  tout  contesté.  J'ai  appuyé  sur 
cette  considération  que,  possesseur  héréditaire  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie, 
!\Iéhémet-Ali  retomberait  essentiellement  dans  la  sphère  d'influence  et 
d'action  des  deux  grandes  puissances  maritimes,  et  que  ces  mêmes  puis- 
sauces  pourraient  h  leur  tour  se  servir  des  forces  égyptiennes  pour  im- 


APPENDICE  /l87 

poser  h  la  Russie  dans  ses  projets  sur  Gonstanlinople.  Je  ne  l'aligucrai  pas 
Votre  Excellence  de  la  reproduction  des  arguments  dont  je  rae  suis  servi  ; 
ils  étaient  tous  puisés  dans  l'ordre  d'idées  et  de  faits  où  s'est  placé  le 
gouvernement  du  roi  dans  sa  correspondance  avec  l'ambassade. 

Il  m'est  démontré,  Monsieur  le  maréchal,  que  le  cabinet  anglais  regarda 
l'abolition  du  traité  d'Unkiar  Skelessi  comme  un  succès  suffisant  pour  sa 
l)olilique  actuelle  en  Orient.  Or,  ce  succès  il  ne  croit  pas  trop  le  payer 
par  son  assentiment  préalable  ci  l'apparition  des  forces  russes  dans  le  Bos- 
phore; et  d'ailleurs,  en  la  subordonnant  h  la  marche  d'Jbrahira-pacha  sur 
Constantinopie,  il  espère  poser  une  hypothèse  qui  ne  se  réalisera  pas. 

J'ai  dit  h  lor.l  Palmerston  que  la  convention  dont  il  venait  de  me  déve- 
lopper les  bases  passerait  en  Europe  pour  un  acte  de  faiblesse  et  de  pusil- 
lanimité envers  la  Russie.  Lord  Palmerston  la  considère  comme  un  acte 
d'habileté;  l'action  russe,  même  k  Constantinopie,  réglée,,  définie  d'a- 
vance par  le  concours  des  autres  puissances,  lui  paraît  toujours  l'action 
des  cinq  cours  et  l'abdication  du  protectorat  russe  exclusif. 

La  dernière  dépèche  de  Votre  Excellence  me  mettait  en  mesure  de  dé- 
montrer à  lord  Palmerston  combien  les  divers  cabinets  de  l'Europe  sont 
loin  jusqu'ici  de  s'associer  à  l'activité  et  à  l'énergie  des  mesures  actuelles 
contre  !\îéhéraet-Ali.  Lord  Palmerston  m'a  répondu  qu'il  ne  mettait  pas 
un  instant  en  doute  que  les  propositions  dont  M.  de  lîrunnow  était  por- 
teur ne  reçussent  le  plus  sincère  et  le  plus  cordial  appui  des  cabinets  de 
Vienne  et  de  Berlin. 

Le  prince  Esterhazy,  qui  a  vu  lord  Palmerston  aujourd'hui,  a  mis  en 
avant  le  défaut  d'instruction  de  sa  cour,  pour  éviter  de  se  prononcer  sur 
tous  les  nouveaux  projets  qui  lui  étaient  soumis,  et  particulièrement  sur 
l'envoi  d'un  corps  autrichien  en  Syrie;  mais,  évidemment,  il  est  convaincu 
que  le  plan  du  cabinet  russe  sera  approuvé  par  le  cabinet  de  Vienne. 

La  restitution  de  la  flotte  ottomane  est  maintenant  confondue  avec  la 
question  générale.  Lord  Palmerston  renonce  ci  la  détacher... 

Lord  Palmerston,  h  qui  j'ai  demandé  où  aurait  lieu  la  signature  de  la 
convention  qu'il  venait  de  m'analyser,  m'a  répondu:  «  Je  n'yavciis  pas 
songé,  mais  à  Londres  si  Ton  veut,  n 

Agréez,  etc. 

:i  LV.  —  Dépêche  dn  maréchal  Soiilt  an  général  Sébastian!,  en  date 
du  2G  septembre  18S9  (fS   rédjeb  12  55), 

Monsieur  le  comte,  j'ai  reçu  les  dépêches  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'écrire.  Les  craintes  que  nous  cuvions  conçues  sur  le  succès  de  la  tac- 
tique employée  par  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  pour  séparer  l'Angle- 
terre et  la  France,  et  conquérir  ainsi  dans  la  question  d'Orient  des  auxi- 
liairesbien  inattendus,  semblent  sur  le  point  d'être  justifiés  par  l'événement. 


llSS  APPENDICE 

C(i  n'est  pas  sans  un  étonnement  douloureux  que  nous  voyons  un  homoie 
aussi  éclairé  que  lord  Palinerston  accueillir  avec  tant  de  complaisance 
un  projet  tel  que  celui  qui  lai  a  été  présenté  par  M.  de  Brunnow  :  un  pro- 
jet qui,  au  prix  d'une   vaine  et  illusoire  concession  de  principe  annulée 
iniraédialeinent  en  fait  par  l'acte  même  qui  est  censé  la  consacrer,  tend  à 
donner  une  sanction  européenne  à  la  position  exceptionnelle  que  la  Rus- 
sie s'arroge  depuis  trop  longtemps  h  Gonstantinople,  Accepter,  consigner 
dans  une  convention  formelle  la  promesse  de  ne  pas  renouveler  le  traité 
d'Unkiar  Skélessi,  contre  lequel  la  France  et  l'Angleterre  ont  protesté  si 
expressément,  il  y  a  six  ans,*ce  serait  en  quelque  sorte  annuler  la  protes- 
tation, et  reconnaître  la  validité  de  l'acte  contre  lequel  elle  était  dirigée. 
Proclamer  dans  cette  même  convention  le  principe  de  la  clôture  des  deux 
détroits,   si  solennellement  consacré  par  le  temps,  par  le  consentement 
unanime  des  nations,  et  même  par  des  engagements  écrits,  ce  ne  serait  pas 
lui  donner  une  force  nouvelle,  ce  serait  bien  plutôt  l'affaiblir,  en  la  classant 
au  nombre  de  ces  stipulations  accidentelles  que  les  circonstances  amènent 
et  qu'elles  peuvent  emporter.  Ce  qu'il  faut  à  ce  principe,  incessamment 
menacé  par  l'ambition  d'une  grande  puissance,   ce  sont  des  garanties  qui 
en  assurent  l'inviolabilité,  ou  du  moins  qui  assurent  que,  lorsqu'il  sera 
absolument  nécessaire  d'y  déroger,  cette  dérogation  ne  pourra  compro- 
mettre les  grands  intérêts  qu'il  était  destiné  à  protéger.  Nous  n'avons  pas 
cessé  de  le  répéter  :  de  telles  garanties  ne  peuvent  résulter  que  de  l'ad- 
mission simultanée  des  forces  de  toutes  les  cours  alliées  dans  les  eaux  de 
Gonstantinople.  C'est  là  le  but  auquel  nous  nous  étions  efforcés  d'arriver, 
et  auquel,  un  moment,  l'Angleterre  et  l'Autriche  avaient  paru  tendre  avec 
nous.  Au  lieu  de  cela,  que  nous  propose-t-on  ?  Précisément  ce  que  nous 
repoussions  tous  d'abord,  ce  que  la  France  continue  à  repousser  comme 
le  triomphe  complet  de  la  politique  du  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  qui  n'a 
jamais  demandé  autre  chose  :  on  veut  que  les  forces  Russes  seules  pénè- 
trent dans  le  Bosphore,  tandis  que  celles  de  la  France  et  d'Angleterre  s'é- 
loigneraient des  Dardanelles  pour  aller  menacer  le  pacha  d'Egypte  ;  et  ce 
qui  est  plus  étrange,  on  prétend  nous  faire  croire  que   l'exclusion   dont 
nous  serions  ainsi  l'objet  cesserait  d'avoir  pour  nous  un  caractère  offen- 
sant par  cela  seul  que  nous  y  aurions  donné  notre  consentement.  Certes, 
en  exigeant  cette  exclusion,  la  Russie  révèle  sa  pensée  ;  si  elle  n'avait  d'au- 
tre désir  que  de  mettre  fui  aux  embarras  du  moment;  si,  satisfaite  de  l'in- 
fluence naturelle  que  sa  situation  lui  donnera  toujours  dans  l'empire  otto- 
man, elle  n'aspirait  pas  k  s'y  créer  peu  h  peu  des  droits  particuliers  au 
détriment  de  toutes  les  autres  puissances,  il  est  impossible  de  concevoir 
d'oii  pourrait  naître  la  répugnance  h  voir  flotter  les  pavillons  des  cours 
alliées  à  côté  du  sien,  sous  les  murs  de  Constanlinople.  Le  traité  même 
d'Unkiar    Skélessi  n'y  mettrait  pas  d'obstacle.  Qu'elle  y  consente,  et  la 


question  d'Oriont  sera  dégagée  de  sa  plus  sérieuse  dillicullé.  i\Iais  telle 
n'est  pas  sa  pensée.  Elle  veut,  je  l'ai  déjà  dit,  au  moyen  d'un  précédent 
établi  d'un  consentement  commun,  amener  l'Europe  h  sanctionner  la  po- 
sition exceptionnelle  qu'elle  a  d'abord  essayé  de  se  créer  sans  lu  partici- 
pation des  autres  cours.  Ce  qu'on  lui  concéderait  aujourd'hui  en  fait,  elle 
le  rèclamerait  plus  tard  comme  un  droit,  (;t  nous  serions  certainement 
bien  plus  mal  placés  i)Our  lui  refuser,  dans  des  conjonctures  analogues, 
l'espèce  de  privilège  dont  nous  aurions  une  fois  reconnu  en  sa  faveur  la 
convenance  et  la  nécessité.  Il  y  a  plus  :  ce  refus  deviendrait  presque  im- 
possible, parce  que  après  un  tel  précédent  il  prendrait  le  caractère  d'un 
caprice  malveillant.  Nous  ne  pouvons  donc,  M.  le  comte,  donner  notre 
assentiment  aux  propositions  de  M.  de  Brunnow.  Jamais,  de  notre  aveu, 
une  escadre  de  guerre  étrangère  ne  paraîtra  devant  Gonstantinople,  sans 
que  la  nôtre  ne  s'y  montre  aussi.  C'est  h  cette  seule  condition  que  nous 
pouvons  autoriser  l'infraction  du  principe  de  la  clôture  des  détroits,  et 
toute  autre  combinaison  rencontrerait,  dans  l'opinion  énergique  et  una- 
nime de  la  France,  des  obstacles  qui  ne  permettraient  pas  au  gouverne- 
ment du  roi  de  s'y  associer,  lors-nième  qu'il  ne  partagerait  pas,  en  effet, 
cette  répugnance  nationale  si  vive  et  si  profonde. 

Veuillez,  M.  le  comte,  donner  lecture  de  cette  dépêche  à  lord  Palmers- 
ton.  Le  cabinet  de  Londres  n'ayant  pas  encore  pris  de  résolution  définitive 
sur  la  grave  question  qui  y  est  traitée,  nous  aimons  à  croire  que  de  plus 
nmres  réflexions  lui  feront  repousser  les  propositions  de  la  Russie.  En 
tout  cas,  la  détermination  du  gouvernement  du  roi  est  irrévocable.  Quelles 
que  soient  les  conséquences  d'un  déplorable  dissentiment,  dîit-il  avoir 
pour  effet  l'accomplissement  du  projet  favori  de  la  Russie,  celui  de  nous 
isoler  de  nos  alliés,  ce  n'est  pas  nous  qui  en  aurons  encouru  la  faute 
si  nous  n'y  retrouvons  plus  ceux  qui  s'y  étaient  d'abord  placés  à  côté  de 
nous. 

Le  dernier  paquebot  de  l'Orient  ne  nous  a  apporté  aucune  information 
nouvelle  de  quelque  gravité,  mais  celles  qui  me  sont  parvenues  confir- 
ment de  plus  en  plus  l'opinion,  que  j'ai  depuis  longtemps  exprimée,  sur 
la  ferme  volonté  de  Méhémet-Ali  de  repousser  par  tous  les  moyens  les 
conditions  trop  rigoureuses  qu'on  voudrait  lui  imposer.  Ce  qui  n'est  pas 
moins  certain,  c'est  le  nombre  et  la  puissance  des  adhérents  qu'n  compte 
dans  toutes  les  parties  de  l'empire  ottoman.  Il  ne  faut  peut-être  qu'un 
moment  pour  l'embraser  tout  entier  et  pour  précipiter  l'Europe  elle-même 
dans  de  terribles  ébranlements.  C'est  là  le  danger,  l'immense  danger  que 
nous  redoutons,  et  dont  la  prévision  dirige  toutes  nos  démarches.  Puissent 
les  autres  gouvernements  l'apercevoir  enfin  comme  nous. 


/|90  APPENDICE 

XLVI.  —  Dépêche   de    lord  Pon8onl>y    à    lord  Palnicrston,    en   date 
du  30  septenilire  183»  (31  rédjcb  1358). 

Mylord,  raiobassadeur  de  France  m'a  informe  de  son  rappel,  et  m'a 
dit  qu'une  frégate  viendra  sans  délai  le  chercher.  J'ai  appris  celte  nou- 
velle avec  regret. 

J'ai  rhonneur,  etc. 

XLVII.  —  iVotc  du  baron  de  Rnnssin  an  ministre  des  affaires 
êtranyôres  (  Itéeliid-paclia  )  de  la  f^nbliuie-Porte ,  en  date  du 
'i  octobre   1839  (33  rédjeb  1355). 

Le  soussigné,  ambassadeur  de  France  près  !a  Sublime-Porte,  a  reçu  la 
note  que  Son  Excellence  Réchid-pacha,  ministre  des  affaires  étrangères, 
lui  a  fait  l'honneur  de  lui  adresser  le  28  septembre,  à  l'appui  de  la  note 
en  date  du  22  août  dernier,  qui  avait  élé  également  adressée  aux  repré- 
sentants des  grandescours  par  le  ministère  de  Sa  Hautesse. 

Ces  deux  communications  sont  une  preuve  trop  manifeste  des  justes 
sentiments  de  confiance  dont  s'est  montré  animée  la  Sublirae-Poite  envers 
le  gouvernement  du  roi  et  ceux  de  ses  augustes  alliés,  pour  que  le  soussi- 
gné ne  s'empresse  pas  de  les  transmettre  à  Paris.  Il  n'ajoutera  rien  aux 
considérations  qui  y  sont  développées  avec  autant  de  prudence  que  de  vé- 
rité, et  il  croirait  même  inutile  de  rappeler  que  les  dispositions  de  la 
France  à  l'égard  de  l'empire  ottoman  sont  toujours  aussi  amicales,  s'il 
n'était  heureux  lui-même  d'en  renouveler  aussi  souvent  que  possible  les 
assurances.  Le  soussigné  ne  doute  pas  que,  d'après  la  nouvelle  démarche 
de  la  Sublime-Porte,  le  gouvernement  du  roi  ne  cherche,  d'accord  avec 
ses  alliés,  à  régler  les  affaires  d'Orient  de  manière  à  affermir  l'empire 
ottoman  en  consolidant  la  paix  du  monde,  et  il  s'empressera  de  transmettre 
à  la  Sublime-Porte,  aussitôt  qu'il  les  aura  reçues  de  sa  cour,  les  décisions 
qu'elle  aura  prises  à  cet  égard. 

Son  Excellence  Réchid-pachu  en  adressant  aux  représentants  des  gran- 
des cours  sa  note  du  28  septembre,  avait  également  chargé  les  premiers 
drogmans  des  ambassades  de  France  et  d'Angleterre,  de  représenter  h,  ces 
ambassadeurs,  que  la  présence  de  leurs  flottes  au  mouillage  qu'elles  occu- 
pent maintenant  pouvait  faire  naître  des  complications  que  la  Sublime- 
Porte  a  intérêt  à  éviter;  que  les  mauvais  temps  qui  vont  régner  pendant 
plusieurs  mois  ne  permettraient  que  très-difficilement  h  ces  flottes  de  con- 
server leur  mouillage  actuel,  et  pourraient,  par  nécessité,  les  obliger  à 
entrer  dans  les  Dardanelles. 

Le  soussigné  reconnaît  combien  ces  réflexions  sont  fondées,  et  que  la 
Porte  est  parfaitement  dans  son  droit  en  adressant  aux  représentants  des 


APPENDICE  ^9i 

cours  amies  celte  demande  ofllcieuse  d'explication  que  des  susceptibilités 
élrangèresont  pu,  d'ailleurs,  lui  rendre  nécessaire.  Mais  le  soussigné  doit, 
de  son  côté,  rai^peler  à  la  Sublime-Porte  que  les  doux  gonvernenuînts,  en 
faisant  rapprocher  leurs  escadres  jusque  dans  la  baie  de  Ténédos,  ont 
voulu  donner  au  gouvernement  de  Sa  Ilautesse,  au  milieu  des  circons- 
tances de  la  plus  haute  gravité,  un  appui  moral  qui  paraissait  nécessaire 
pour  éviter  les  plus  fâcheuses  complications ,  que  la  sagesse  de  la 
Sublime-Porte  a  su,  du  reste,  empêcher.  Le  soussigné  ajoutera,  qu'il  ap- 
partient seulement  aux  gouvernements  qui  ont  décidé  celte  mesure,  de 
reconnaître  si  elle  est  encore  maintenant  utile,  et  qu'eux  seuls  pourront 
l)rescrire  aux  amiraux  de  s'éloigner  /oi'squ'ils  jugeront  que  celle  détermi- 
nation ne  serait  plus  à  regretter  pour  personne,  et  surtout  pour  la  Sublime- 
Porte. 

En  transmettant  au  gouvernement  du  roi  les  réflexions  inspirées  h  la 
Sublime-Porte  par  la  présence  des  escadres  française  et  anglaise,  le  sous- 
signé ne  doute  pas  qu'après  les  avoir  examinées  avec  tout  l'intérêt  qu'il 
accorde  aux  affaires  d'Orient  il  ne  s'empresse  de  prendre  la  détermina- 
tion la  plus  prudente,  et,  en  même  temps,  la  plus  utile  ti  l'affermissement 
de  l'empire  ottoman. 

Le  soussigné  saisit,  etc. 

XLVIII.  —    Dépêche  <1ii  général  Kélunslianî   au    maréchal  SouK,  en 
date  du  3  octobre  1839  (34  rédjch  1355). 

I 

Monsieur  le  maréchal,  le  cabinet  anglais  n'adhère  point  aux  proposi- 
tions du  cabinet  impérial  présentées  par  M.  le  baron  de  Brunnow.  Lord 
Palmerston  a  déclaré  ce  matin  h  l'envoyé  russe  que  la  France  ne  pouvait 
consentir  pour  sa  part  à  l'exclusion  des  flottes  alliées  de  la  mer  de  Mar- 
mara dans  l'éventualité  de  l'entrée  des  forces  russes  dans  le  Bosphore,  et 
que  l'Angleterre  ne  voulait  point  se  détacher  de  la  France  avec  laquelle 
elle  avait  marché  avec  une  parfaite  union  depuis  l'origine  de  la  négociation. 

Cela  posé,  au  lieu  de  la  convention  originairement  présentée  par  ie  ca- 
binet impérial,  lord  Palmerston  propose  un  acte  entre  les  cinq  puissances, 
par  lequel  elles  régleraient  leur  part  d'action  dans  la  crise  actuelle  des 
affaii'es  d'Orient,  mais  sans  privilège  acquis  au  pavillon  russe  à  l'exclu- 
sion des  pavillons  français,  anglais  et  autrichien,  La  Russie,  en  cas  de 
résistance  de  Méhémet-Ali  aux  conditions  qui  lui  seront  proposées,  s'en- 
gagerait à  se  servir  de  ses  troupes  en  Asie-Mineure,  mais  en  deçà  du 
Taurus.  L'indépendance  et  l'intégrité  de  l'empire  ottoman  dans  la  dy- 
nastie régnante  seraient  stipulées  pour  le  plus  long  espace  de  temps  pos- 
sible ;  enfin  la  clôture  des  détroits  deviendrait  un  principe  de  droit  pu- 
blic européen. 


/,92  APPENDICE 

Telle  est  l'importante  modification  apportée  aux  propositions  russes 
par  le  cabinet  britannique... 

De  l'acte  européen  que  je  viens  d'analyser,  passant  aux  conditions 
mêmes  de  l'arrangement  à  intervenir  entre  le  sultan  et  le  pacha,  lord 
Palmerston,  pressé  à  la  fois  et  par  mon  argumentation  et  par  le  désir, 
que  je  crois  sincère,  de  faire  un  acte  de  déférence  envers  la  France,  lord 
Palmerston,  a  consenti,  après  une  longue  discussion,  à  ajouter  à  l'investi- 
ture héi'édiiaire  de  l'Egypte  en  faveur  de  Méhémet-Ali,  la  possession  éga- 
lement héréditaire  du  pachalik  d'Acre.  La  ville  seule  seule  d'Acre  demeu- 
rerait à  la  Porte  et  la  frontière  partirait  du  glacis  de  la  place  dans  la  di- 
rection du  lac  Tabarié.  La  Porte  recouvrerait  tout  le  reste  de  la  Syrie,  y 
compris  les  villes  saintes,  considération  d'un  poids  énorme  aux  yeux  du 
cabinet  anglais.  Cette  seconde  concession,  Monsieur  le  maréchal,  repose, 
je  dois  le  dire,  sur  la  donnée  que  le  gouvernement  du  roi,  une  fois  d'ac- 
cord avec  ses  alliés  sur  les  limites  territoriales  de  l'arrangement,  accep- 
tera sa  part  d'action  pour  y  contraindre  Méhémet-Ali  en  cas  de 
refus. 

Cette  nouvelle  situation  est  le  résultat  de  nos  efforts  persévérants  pour 
ramener  le  cabinet  anglais  au  point  de  vue  de  la  France  sur  la  question 
d'Orient.  Sans  doute,  le  retour  n'est  point  aussi  complet  que  nous  pour- 
rions le  désirer;  mais  il  y  a  un  immense  pas  de  fait  ;  je  crains,  je  l'avoue, 
que  ce  ne  soit  le  dernier. 

J'ai  demandé  comment  le  baron  de  Brunnow  avait  reçu  l'annonce  d'une 
aussi  grave  modification  dans  les  premières  dispositions  du  cabinet  bri- 
tannique. Lord  Palmerston  m'a  dit  qu'il  avait  pris  les  propositions  nou- 
velles ad  référendum.  Son  désappointement  a  dii  être  vif. 

Lord  Palmerston  me  parait  se  flatter  que  nous  amènerons  la  Piussie  à 
adhérer  à  l'acte  européen  qu'il  propose.  Je  ne  vois  pas  les  données 
sur  lesquelles  il  base  cette  confiance  ;  mais  quoi  qu'on  fasse  à  Saint- 
Pétersbourg,  il  n'en  est  pas  moins  de  la  dernière  importance  d'avoir 
arrêté  ici  tout  arrangement  en  dehors  de  la  France,  et  ramené  le  cabi- 
net anglais  à  son  premier  sentiment  du  besoin  de  notre  alliance. 
Veuillez  agréer,  etc. 

XLIX.    —    Dépêche    du   général  ISébastiani    au   maréchal  Sonlt,   en 
date  du  lO  octobre  183»  (1  cliâban  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  j'ai  donné  lecture  à  lord  Palmerston  de  la  der- 
nière dépêche  de  Votre  Excellence.  11  avait  été  déjà  directement  préparé 
par  M.  Buhver  à  la  nouvelle  que  la  concession  du  pachalik  d'Acre  n'était 
pas  jugée  suffisante  par  le  gouvernement  du  roi.  Cette  nouvelle  l'a  rejeté 
de  suite  dans  sou  ancien  système  d'argumentation.   Je  n'ai  laissé  aucune 


APPENDICE  493 

de  ses  objections  sans  réponse  ;  mais  j'ai  pu  facilement  me  convaincre  au- 
jourd'hui que  ce  seraient  une  tàclie  presque  sans  espoir  d'essayer  d'obte- 
nir quelque  chose  de  plus  que  cette  dernière  concession.  Lord  Palmers- 
ton  m'a  fait  valoir  le  sacrifice  fait  h  l'espoir  de  renouer  ses  premiers  liens 
avec  la  France,  et  il  m'a  donné  clairemenl  à  entendre  que,  si  le  cabinet 
anglais  se  trouvait  déçu  dans  celte  tentative,  il  serait  nécessairement 
forcé  de  chercher  ailleurs  l'appui  qu'il  ne  trouverait  pas  en  nous. 

Rien  ne  se  fera  ici  avant  qu'on  connaisse  d'une  manière  positive  et 
formelle  les  dernières  déterminations  du  gouvernement  du  roi...  Mon 
impression  est  que  le  cûbinet  anglais  reviendra  aux  premières  proposi- 
tions de  la  Russie,  si  les  dernières  concessions  sont  repoussées. 

Le  baron  de  Brunnow  s'embarque  le  13  pour  Rotterdam. 
Veuillez  agréer,  etc. 

li.  —    Dépêche    de    lord  Granvillc    à    lord  Palniorston,    en    date  da 
4  novembre   1839  ['Hi  cliàban   12.>.>). 

Mylord,  j'ai  eu  l'honneur  de  recevoir,  par  le  courrier  d'hier,  vos  dé- 
pêches du  premier  novembre. 

J'ai  communiqué,  aujourd'hui,  au  niaréclial  Soult,  les  instructions  trans- 
mises par  le  gouvernement  de  S.  M.  à  l'amiral,  M.  Robert  Stapford,  pour 
faire  aller  au  mouillage  de  Smyrne  la  Qotte  sous  ses  ordres.  Le  maré- 
chal m'a  remercié  de  cette  communication  ;  il  m'a  dit  que  le  gouverne- 
ment français  avait  envoyé  à  l'amiral  Lalande  les  mêmes  instructions, 
dont  il  m'enverra  une  copie. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

LI.    —    Dépôclie    dii  comte  de    IVesselrode    au   chargé   d'affaires   de 
Russie  (M.  de  Kisseieffj  à  Londres, 
en    date  du    3  2  novembre   183!>  (15  ramazan  1255]. 

Monsieur,  le  marquis  de  Clanricarde  vient  de  me  remettre  la  copie 
d'une  dépèche  dans  laquelle  le  principal  secrétaire  d'Etat  a  consigné  un 
exposé  circonstancié  des  entretiens  qu'il  a  eus  avec  le  baron  de  Brunnow, 
exposé  qui  est  entièrement  d'accord  avec  les  informations  que  ce  ministre 
nous  avait  transmises  au  moment  de  quitter  Londres. 

Il  résulte  des  communications  que  l'ambassadeur  d'Angleterre  était 
chargé  de  nous  faire,  que  le  cabinet  Britannique  est  disposé  à  adopter 
l'ensemble  de  nos  propositions,  à  l'exception  d'un  seul  point  h  l'égard 
duquel  il  croyait  devoir  demander  une  raoditlcaiion  qui,  si  elle  était 
acceptée  parnotre  cour,  amènerait  une  entente  immédiate  entre  la  Russie 
et  l'Angleterre  sur  les  alTaires  de  la  Turquie. 

Le  baron  de  Brunnow  nous  avait  déji  fait  connaître  les  considérations 


Z,9a  APPENDICE 

majeures  qui  obligeaient  le  ministère  anglais  à  insister  sur  cette  modifi- 
cation :  la  franciiise  et  la  confiance  avec  lesquelles  lord  Palniers- 
lon  s'élaii  énoncé  à  cet  égard,  vis-à-vis  de  lui,  ont  été  vivement  appréciées 
par  l'empereur.  Sa  Majesté  impériale  ne  saurait  ne  pas  reconnaître  la 
gravité  des  difTicullés  contre  lesquelles  le  ministère  anglais  aurait  à  lutter 
pour  faire  réussir  une  pareille  combinaison  ;  et  si,  par  une  preuve  de 
déférence,  noire  auguste  maître  peut  contribuer  à  les  lui  éviter,  il  éprou- 
vera une  sincèro  satisfaction  de  répondre  à  l'appel  que  le  gouvernement 
de  la  reine  vient  de  faire  h  son  amitié. 

D'ailleurs,  les  ouvertures  spontanées  que  l'empereur  avait  fait  adresser 
par  le  baron  de  Brunnow  au  cabinet  de  Londres,  et  qui  ont  été 
accueillies  avec  ce  sentiment  de  confiance  qu'un  exposé  aussi  sincère  des 
intentions  pacifiques  de  la  Russie  était  fait  pour  inspirer,  ont  suffisam- 
ment indiqué  le  but  que  Sa  Majesté  impériale  n'a  cessé  de  poursuivre  dès 
l'origine  des  fâcheuses  complications  qui  ont  surgi  en  Orient.  De  son  côté, 
le  cabinet  de  Londres  y  a  répondu  avec  la  même  franchise  et  avec  un  égal 
désir  de  faciliter  entre  toutes  les  puissances  une  entente  qui  mettrait  un 
terme  à  ces  comj)licalions,  et  assurerait  ainsi  le  salut  et  l'intégrité  de 
l'empire  ottoman.  C'est  là  en  effet  la  seule  pensée  qui  a  servi  constamment 
de  base  à  la  politique  de  l'empereur,  et  c'est  là  encore  la  règle  invariable 
qui  déterminera  sa  conduite  à  l'avenir  ;  guidé  par  ces  principes,  étrangers 
à  toute  vue  d'influence  ou  de  prépondérance  exclusive,  désireux  de  faire 
cesser  un  conflit  qui  pourrait  entraîner  la  chute  du  trône  du  Sultan,  notre 
auguste  maître  n'hésitera  jamais  à  mettre  de  côté  toute  considération 
d'amour-propre,  pour  atteindre  le  but  élevé  que  les  puissances  ont  en 
vue,  et  pour  écarter,  autant  qu'il  pourra  dépendre  de  lui,  les  obstacles 
qui  seuls  semblent  aujourd'hui  s'opposer  à  la  solution  de  la  question 
d'Orient. 

Je  me  félicite  en  conséquence  de  pouvoir  vous  annoncer,  Monsieur, 
que  l'empereur,  appréciant  toute  la  gravité  des  considérations  que  lord 
Palmerston  a  fait  valoir,  dans  la  vue  de  nous  démontrer  la  nécessité  oii 
était  l'Angleterre  d'insister  sur  la  coopération  d'une  partie  de  ses  forces 
navales,  dans  le  cas  où  un  péril  imminent  forcerait  la  Porte  ottomane  à 
avoir  recours  à  l'intervention  militaire  de  la  Russie,  Sa  Majesté  impériale 
est  disposée  à  adhérer  sous  ce  rapport  au  vœu  que  le  Cabinet  de  Londres 
lui  a  fait  manifester,  et  à  admettre,  si  l'hypothèse  dont  nous  avons  fait 
mention,  venait  à  se  réaliser,  que  le  pavillon  de  chacune  des  puissances 
qui  voudront  participera  l'action  commune,  soit  représenté  par  l'envoi  de 
quelques  bâtiments,  afin  de  constater  par  là  qu'elles  ont  toutes  concouru 
à  la  défense  et  à  la  protection  de  la  capitale  de  l'empire  ottoman.  Un 
arrangement  spécial  devra  fixer  le  nombre  de  ces  vaisseaux,  et  indiquer 
les  parages  où  il  devront  croiser  dans  la  mer  de  Marmara  près  du  détroit 


APPENDICE  /|9ô 

(les  Dardanelles,  de  nianiôio  ;i  piôvenir  tout  conlacl  avec  les  forces 
russes  destinées  à  luetlre  Constanlinople  à  l'abii  di;  loule  attaque  du 
côlé  du  B  >spliore. 

L'empereur,  en  adoptant  cette  résolution,  a  pensé  que  personne  n'était 
plus  à  même  de  légler  les  détails  de  l'arrangement  dont  il  s'agira  de 
convenir,  et  d'assurer  par  \h  le  succès  de  la  négociation  générale,  que 
celui  qui  l'a  conduite  dès  son  origine  à  l'entière  satisfaction  de  notre 
auguste  maître.  Je  viens  par  conséquent  d'inviter  le  baron  de  Bruunovv 
à  retourner  sans  délai  i\  Londres  pour  mettre  la  dernière  main  à  un 
arrangement  dont  les  points  les  plus  essentiels  se  trouvent  déjà  arrêtés, 
et  qui,  en  déterminant  les  moyens  d'action  que  les  puissances  contrac- 
tantes seraient  appelées  à  employer  pour  faire  adopter  leur  plan  à 
Rléhémet-Ali,  contribuerait  à  assurer  sur  des  bases  solides  la  pacilication 
du  Levant. 

Vous  voudrez  bien.  Monsieur,  annoncer  sans  retard  ii  lord  Palmerston 
les  déterminations  que  l'empereur  vient  de  prendre,  dont  je  crois  de 
mon  devoir  de  vous  prévenir  par  le  courrier  que  je  vous  expédie 
aujourd'hui. 

La  manière  distinguée  avec  laquelle  le  baron  de  Brunnow  s'est  acquitté 
de  la  mission  que  l'empereur  avait  daigné  lui  confier,  l'accueil  bienveil- 
lant dont  Sa  Majesté  la  reine  l'a  honoré,  et  la  justice  éclatante  que  le 
principal  secrétaire  d'État  s'est  plù  à  rendre  à  l'esprit  de  conciliation  et 
au  sentiment  de  modération  dont  il  a  été  constamment  animé,  nous  sont 
garants  que  le  choix  de  ce  plénipotentiaire  ne  pourra  qu'être  agréable 
au  cabinet  de  Londres. 

Veuillez  donner  lecture  de  la  présente  dépêche  à  lord  Palmerston  el 
lui  en  laisser  copie,  s'il  vous  en  témoignait  le  désir. 
Recevez,  etc. 

LU.  —  Dépêche  du  maréchaS  Soult  au  général  Sébastiani,    en  date 
da  9  décembre  1830  (Z  chenal  1255). 

Monsieur  le  comte,  ainsi  que  vous  me  l'avez  annoncé,  lord  Granville 
m'a  communiqué  une  longue  dépêche  de  lord  Pahner^ton,  relalive  à  la 
question  d'Oi  ient,  dont  l'objet  est  de  justifier  la  résolution  qu'a  prise  le 
gouvernemei.t  de  Londres  de  rejeter  le  plan  d'accommodement  proposé 
par  la  France.  Sans  reprendre,  un  à  un,  les  détails  bien  souvent  repro- 
duits dans  ma  correspondance,  je  crois  devoir  repousser  les  accusations 
élevées  dans  cette  dépêche  contre  la  marche  suivie  par  le  gouvernement 
du  roi,  et  répondre  à  quelques  assertions  erronées  qu'elle  me  paraît 
contenir. 

Je  commence  par  protester,  do  la  manière  la  plus  formelle,  contre 


Zi96  APPENDICE 

l'idée  qui  y  est  exprimée  que  la  France  s'est  constituée  la  protectrice  de 
Méliémet-Ali.  Celle  idée  a  élé  trop  souvent  mise  en  avant  pour  qu'il  me 
soit  possible  de  la  passer  sous  silence.  Non,  la  France  n'éprouve  pas  pour 
!\Iéliémet-Ali  aucune  prédilection  partiale.  L'unique  but  qu'elle  poursuit 
est  l'arrangement  des  affaires  d'Orient  sur  des  bases  solides  et  durables. 
Quand  aux  conditions  de  cet  arrangement,  les  pins  avantageuses  qu'il  soit 
possible  de  ménager  h  la  Porte  sans  exposer  la  paix  générale  à,  de  funestes 
perturbations,  sont  celles  que  nous  préférons;  mais  convaincus,  comme 
nous  l'avons  toujours  été,  que  le  plan  de  l'Angleterre  ne  serait  pas  accepté 
par  le  vice-roi,  et  que  pour  le  lui  imposer  il  faudrait  recourir  à  des 
mesures  extrêmes,  impraticables  peut-être,  et  en  tous  cas  bien  dangereuses, 
nous  n'avons  pu  l'accepter,  et  nous  avons  dit  hautement  quel  était  celui 
qui  nous  paraissait  le  plus  propre  à  assurer  tout  à  la  fois  l'intégrité  de 
l'empire  oltoman  et  le  maintien  de  la  paix. 

Lord  Palmerston  prétend,  il  est  vrai,  que  nous  avions  commencé  par 
approuver  les  propositions  du  cabinet  de  Londres.  J'ignore  absolument 
sur  quoi  peut  reposer  une  pareille  affn-malion,  qui  se  produit  pour  la 
première  fois,  et  que  je  ne  puis  rattacher  ii  aucune  des  communications 
échangées  sur  la  question  entre  les  deux  gouvernements.  Je  désire  que 
vous  me  fassiez  savoir  d'où  peu  provenir  un  pareil  malentendu. 

Ce  n'est  pas  d'ailleurs  sur  ce  seul  incident  que  lord  Palmerston  appuie 
le  reprochede  contradiction  qu'il  adresse  à  notre  politique.  Rappelant  l'em- 
pressement avec  lequel,  au  commencement  de  la  crise  actuelle,  nous  avons 
pris  l'initiative  de  l'appui  à  accorder  à  la  Porte,  il  prétend  démontrer  que 
notre  attitude  a  complètement  changé,  et  qu'en  proclamant  le  principe  de 
rintégritédel'empireottoman,  en  engageant  les  autres  puissances  aie  pro- 
clamer avec  nous,  nous  avions  d'avance  condamné  les  bases  que  mainte- 
nant nous  voulons  donner  h  la  réconciliation  de  la  Porte  avec  son  vassal. 

Il  m'est  impossible,  M.  le  comte,  d'admettre  cette  manière  de  poser  la 
question.  11  est  parfaitement  vrai,  et  le  gouvernement  du  roi  ne  peut  que 
se  plaire  à  le  voir  rappeler,  qu'il  a  le  premier  invité  les  puissances  à  se 
concerter  pour  sauver  la  Porte  de  l'orage  qu'elle  avait  imprudemment 
provoqué.  Il  est  également  certain  que  tandis  que  tous  les  autres  cabinets 
délibéraient  encore  sur  la  position  qu'ils  prendraient,  le  gouvernement 
du  roi  était  déjà  parvenu  à  arrêter  la  marche  d'Ibrahim-pacha  victorieux, 
et  que  par  ses  représentations  énergiques  et  incessantes,  trop  faiblement 
appuyées  par  ses  alliés,  il  avait  indiqué  à  l'ambition  de  Méhémet-Ali  les 
limites  au-delà  desquelles  il  rencontrerait  l'opposition  unanime  des 
puissances.  L'invitation  faite  à  la  Porte  par  l'ambassadeur  de  France,  de 
concert  avec  ses  collègues,  de  ne  conclure  rien  avec  le  vice-roi  sans  avoir 
consulté  les  cours  européennes,  l'engagement  échangé,  sur  notre  demande, 
entre  les  cours  de  Londres,  de  Vienne,  de  Berlin  et  de  Paris,  pour  la  pro- 


APPENDICE  /,97 

lection  de  l'indépendance  et  de  l'inlégrilé  de  l'Erapiro  ottoman,  sont  des  faits 
également  constants  et  que  je  n'entends  certes  ni  désavouer  ni  révoquer 
en  doute;  mais  pour  que  l'on  fût  autorisé  à  on  tirer  les  conséquences  que 
veut  en  tirer  lord  Palmerston,  il  faudrait  commencer  par  établir  que  les 
stipulations  de  notre  projet  sont  contraires  h  cette  intégrité,  à  cette  indé- 
pendance; et  c'est  ce  que  nous  n'admettons  en  aucune  façon. 

Sans  doute,  c'est  une  situation  fâcheuse  pour  un  souverain  que  la  nécps- 
sité  d'accorder  à  un  sujet  trop  puissant  l'investiture  héréditaire  des  terri- 
toires qu'il  gouverne;  mais  cette  nécessité,  dont  on  ne  prétendra  pas 
apparemment  nous  rendre  responseibles,  lord  Palmerston  la  reconnaît  lui- 
même,  puisqu'il  propose  aussi  en  faveur  de  Méhémet-Ali,  cette  investi- 
ture héréditaire,  appliquée  seulement  dans  de  moindres  proportions.  Le 
différend  existant  entre  la  France  et  l'Angleterre  ne  roule  donc  pas,  cela 
est  évident,  sur  une  question  de  principes,  mais  bien  sur  le  mode  d'appli- 
cation, sur  des  appréciations  de  détail.  Lord  Palmerston  admet  que  l'Em- 
pire ottoman  ne  serait  pas  démembré  si  la  seule  Egypte  était  concédée, 
comme  pachalic  héréditaire,  k  Méhémel-Ali  et  à  sa  postérité.  Nous  croyons 
que  le  démembrement  n'aurait  pas  lieu  davantage  si  à  l'Egypte  on  ajoutait 
la  Syrie,  en  consacrant  d'ailleurs  la  souveraineté  de  la  Porte  et  la  vassa- 
lité du  vice-roi  par  la  stipulation  formelle  du  tribut  en  argent  et  des 
secours  en  hommes  et  en  vaisseaux  qu'il  serait  tenu  de  lui  fournir.  Encore 
un  coup,  il  y  a  là,  entre  les  deux  cabinets,  non  pas  diversité  de  principes, 
mais  dissentiment  sur  leur  application  ;  et  aucun  des  deux  n'est  autorisé  à 
puiser  dans  ce  dissentiment  le  droit  d'accuser  l'autre  d'inconséquence  et 
de  contradiction. 

Lord  Palmerston  dit,  il  est  vrai,  que  pour  accorder  à  Méhémet-Ali  la 
totalité  de  ses  demandes  il  n'était  pas  nécessaire  d'annoncer  d'abord  l'in- 
tention de  donner  secours  à  la  Porte  contre  ses  exigences.  Pour  répondre 
cl  cette  objection,  il  suffit  d'établir  quelles  étaient  d'abord  ces  exigences, 
et  à  quel  point  nous  sommes  parvenus  à  les  réduire.  Méhémet-Ali,  dans  le 
principe,  non-seulement  repoussait  avec  emportement  l'idée  d'acheter 
l'hérédité  par  les  moindres  concessions  territoriales,  mais  déclarait  qu'il 
entendait  garder  les  districts  nouveaux  occupés  par  son  fds  après  la 
bataille  de  Nézib.  11  réclamait  de  plus,  comme  condition  absolue  d'une  paci- 
fiication,  le  renvoi  du  grand-vizir.  Aujourd'hui,  non-seulement  il  renonce 
à  ces  clauses  exorbitantes,  mais  il  consent,  sauf  des  restrictions  qui  ne 
sont  probablement  pas  son  dernier  mot,  à.  abandonner  l'île  de  Candie,  le 
district  d'Adana,  et  il  offre  encore  d'élever  la  somme  du  tribut  qu'il  paie  ii  la 
Porte.  Pourrait-on  soutenir  que  des  modifications  de  cette  importance 
ne  méritent  pas  d'être  prises  en  considération? 

Une  autre  objection  élevée  par  le  cabinet  de  Londres  c'est  que  nous 
aurions  rendu  nos  propositions  plus  acceptables  encore  en  repoussant 

T.  Il  32 


Û98  Al'PENDICE 

opiniâtrement,  et  de  la  façon  la  plus  péremptoire,  la  pensée  d'en  venir 
jamais  à  les  appuyer  par  des  moyens  coercitifs  dans  le  cas  où  elles  ne 
seraient  pas  accueillies  par  le  vice-roi.  En  fait,  celle  objection  n'a  plus 
de  portée,  aujourd'hui  que  Méliémet-Ali  a  adhéré  à  notre  plan,  mais  je 
dois  ajouter  qu'elle  est  fondée  sur  une  allégation  inexacte.  La  France  n'a 
pas  écarté,  d'une  manière  absolue,  la  prévision  des  mesures  coercitives  ; 
elle  n'a  pas  refusé  tl'en  délibérer  avec  les  autres  cours  ;  seulement,  elle  a 
demandé  qu'avant  de  s'occuper  des  moyens  d'exécution  on  commençât 
par  se  mettre  d'accord  sur  le  bul  à  atteindre,  et  aussi,  ce  qui  était  bien 
autrement  urgent,  ce  qui  touchait  à  des  questions  bien  autrement  déli- 
cates et  difficiles,  sur  le  mode  d'action  par  lequel  les  puissances  concour- 
raient â  la  défense  deConstanlinople,  dans  le  cas  oii  Ibrahim-pacha  pour- 
suivrait sa  course  victorieuse.  Les  motifs  qui  nous  faisaient  préférer  une 
semblable  marche  sont  évidents.  D'une  part,  l'intérêt  vraiment  important 
pour  l'Europe  est  celui  de  la  défense  de  Constantinople,  et  on  peut  même 
dire  que  tous  les  autres  intérêts,  sous  le  point  de  vue  Européen,  sont 
subordonnés  à  celui-là.  D'un  autre  côté,  tant  qu'on  n'était  pas  certain  de 
s'accorder  sur  les  conditions  à  présenter  â  Méhémet-Ali,  il  eût  été  plus  qu'inu- 
tile de  se  livrer  prématurément  à  la  discussion  des  voies  de  contrainte  aux- 
quelles il  pourrait  devenir  nécessaire  de  recourir  pour  forcer  son  consente- 
ment. Nous  avions,  d'ailleurs,  la  conviction  que  cette  pénible  nécessité  ne  se 
présenterait  pas  si  les  conditions  proposées  étaient  raisonnables,  et  l'évé- 
nement a  justifié  notre  manière  de  voir. 

Lord  Palmerslon,  parmi  les  arguments  qu'il  emploie  pour  démontrer 
l'impossibilité  prétendue  d'accéder  à  notre  projet,  fait  valoir  une  considé- 
ration dont  il  prétend  que  le  gouvernement  français  a  reconnu  la  force 
au  commencement  de  la  négociation  actuelle.  C'est  que  la  possession  des 
villes  saintes  de  l'Arabie  est  nécessaire  au  sultan.  Si,  par  la  possession,  il 
entend  le  droit  de  souveraineté,  il  a  parfaitement  raison  de  soutenir  que 
le  sultan,  dépouillé  de  ces  sanctuaires  de  l'Islamisme,  perdrait  une  por- 
tion du  prestige  religieux  sur  lequel  s'appuie  en  partie  sa  puissance.  Nous 
en  sommes  convaincus,  et  nous  mettons  un  si  grand  prix  à  la  conserva- 
lion  de  tous  les  éléments  de  cette  puissance,  que  lorsqu'il  y  a  quelques 
mois  on  répandit  le  bruit  que  les  agents  entretenus  par  le  sultan,  en  qualité 
de  chef  de  la  religion,  à  la  Mecque  et  h  Médine  avaient  été  expulsés  par  le 
vice-roi,  je  chargeai  le  consul-général  de  France  de  lui  faire  à  ce  sujet 
de  vives  représentations  ;  c'est  probablement  le  fait  auquel  lord  Palmerslon 
veut  faire  allusion.  Je  remarquerai  en  passant  que  ce  bruit,  aussi  bien  que 
tant  d'autres  répandus  à  Constantinople  contre  Méhémet-Ali,  était  com- 
plètement faux.  Qoiqu'il  en  soit,  aujourd'hui  comme  alors,  je  reconnais 
que  la  Porte  doit  garder  son  droit  de  souveraineté  sur  les  villes  saintes  et 
sur  l'Arabie   tout  comme  sur  la    totalité  des    autres  territoires    gou- 


APl'ENDfCE  Z,99 

vernéspar  In  vice-roi  et  sa  famille,  mais  jf;  ne  vois  pas  et  je  n'ai  jamais  dit 
qu'aucun  intérêt  moral  ou  malcriel  fùl  compromis,  parce  que  l'Arabie 
continuerait  à  être  placée  sousTatlministralion  du  vice-roi  ;  et  j'ajouterai, 
que  l'idée  de  changer  cet  état  de  choses,  établi  sans  contestation,  depuis 
vingt  ans,  se  présente  à  moi  comme  une  combinaison  nouvelle  qui  ne  pour- 
rait que  compliquer,  au  détriment  même  de  la  Porte,  une  question  si  diffi- 
cile déjh.  Le  fait  est  que  jusqu'ici  cette  idée  n'avait  pas  été  mise  en  avant, 
et  que  l'Arabie  était  universellement  considérée  comme  une  dépendance  de 
rÉgypte,  comme  liée  au  sort  de  ce  dernier  pays. 

J'ai  parcouru  en  quelque  sorte  le  cercle  des  objections  élevées  par  lord 
Palmerston  contre  notre  politique.  Je  crois  avoir  prouvé  qu'elles  reposent 
en  général  sur  des  malentendus  ou  des  erreurs  de  fait.  Dans  l'opinion  du 
cabinet  britannique, le  rappel  de  M.  l'amiral  Roussin  a  eu  pour  effet  d'atté- 
nuer la  force  morale  de  l'acte  qu'il  avait  signé  pour  promettre  à  la  Porte 
l'appui  de  la  France.  Je  ne  comprends  pas,  je  l'avoue,  comment  le  chan- 
gement d'un  agent  diplomatique  pourrait  amener  ce  résultat  en  présence 
de  la  déclaration  sans  cesse  renouvelée  par  le  gouvernement  du  roi  qu'il 
persiste  dans  sa  politique  bienveillante  pour  le  sultan.  Je  n'en  dirai  pas 
davantage,  et  le  cabinet  de  Londres  comprendra  que  je  n'entre  pas  dans 
des  explications  qui  prendraient  un  caractère  personnel. 

Lord  Palmerston,  dans  la  dépêche  à  laquelle  je  réponds_,  exprime 
le  regret  qu'il  éprouve  du  désaccord  survenu  entue  la  France  et  l'Angle- 
terre. Il  énumère  tout  ce  que  son  gouvernement  a  fait  pour  le  prévenir. 
Au  nombre  des  témoignages  de  condescendance  qu'il  nous  a  donnés,  il 
compte  l'abandon  des  mesures  de  rigueur  auxquelles  il  avait  proposé  de 
recourir  pour  forcer  Méhémet-Ali  à  restituer  préalablement  la  flotte  otto- 
mane. Peut-être,  M.  le  comte,  peut-être  serai-je  en  droit  de  remarquer 
que  ses  mesures  n'ont  pas  été  seulement  repoussées  par  la  France;  que 
toutes  les  autres  cours  les  ont  jugées  dangereuses,  impraticables,  et  d'un 
succès  à  peu  près  impossible  ;  et  que,  suivant  toute  apparence,  le  gouver- 
nement britannique  même,  livré  à  sa  seule  impulsion,  les  eût  écartées 
après  y  avoir  mieux  réfléchi.  Au  reste,  il  est  loin  de  ma  pensée  de  con- 
tester les  sentiments  conciliants  que  le  cabinet  de  Londres  a  apportés  dans 
cette  grande  alïaire.  Ils  ne  se  sont  arrêtés,  j'en  suis  bien  convaincu,  que 
devant  une  conviction  erronée  à  mon  avis,  mais  sincère  et  profonde.  Une 
conviction  non  moins  énergique,  quoique  contraire,  a  dû  également  sur- 
monter, dans  notre  esprit,  l'impulsion  des  sentiments  tout  aussi  bien- 
veilants  pour  nos  alliés  ;  elle  nous  a  réduits  à  la  nécessité  de  persister 
dans  un  fâcheux  dissentiment  ;  mais  on  nous  rendra  cette  justice  que 
nous  avons  fait,  aussi  longtemps  que  possible, tout  ce  qui  a  dépendu  de 
nous  pour  l'atténuer,  pour  le  dissimuler  aux  yeux  des  autres  cours. 
Je  me  suis  souvent  demandé,  M.  le  comte,  comment  il  se  faisait  que 


500  APPENDICE 

les  deux  cabinets  en  fussent  venus  h  ne  pas  s'entendre  sur  la  question 
qui  semblait  la  mieux  faite  pour  les  mettre  d'accord.  Je  vais  vous  dire 
toute  raa  faç m  de  pensée.  Gela  tient  surtout  à  ce  que  la  France  a  princi- 
palement eu  en  vue  le  côté  européen  de  la  question,  tandis  que  l'Angle- 
terre s'est  trop  préoccupée  des  considérations  relatives  h  la  position  res- 
pective de  la  Porte  et  du  vice-roi.  Nous  nous  sommes  proposé,  avant 
tout,  de  faire  sortir  de  la  crise  actuelle  l'annulation  dn  protectorat  exclusif 
et  dominant  que  la  Russie  commençait  à  faire  peser  sur  la  Porte,  ou  du 
moins,  d'empêcher  que  ce  protectorat  n'y  trouvât  une  nouvelle  occa- 
sion de  s'exercer  et  de  se  légitimer  en  quelque  sorte  ,  sans  négliger  le 
soin  de  préserver ,  en  Egypte  et  en  Syrie,  l'intégrité  de  l'Empire  otto- 
man ;  nous  avons  eu  constamment  présent  à  l'esprit  qu'il  n'était  pas 
moins  important  de  sauver  à  Constantinople  l'indépendance  de  cet  empire, 
celle  indépendance  sans  laquelle  l'intégrité  n'est  plus  qu'un  vain  mot. 
L'Angleterre  avait  paru  d'abord  se  diriger  vers  le  même  but  que  nous,  et 
obéir  à  la  même  pensée.  Ne  l'a-l  elle  pas,  depuis,  un  peu  perdu  de  vue?  Je 
serais  tenté  de  le  croire,  lorsque  je  remarque  que,  dans  la  dépêche  h  la- 
quelle je  réponds,  il  ne  se  trouve  pas  un  mot  dont  on  puisse  induire  que  le 
cabinet  de  Londres  voie  autre  chose  dans  la  solution  à  donner  à  la 
question  d'Orient  qu'un  règlement  territorial  plus  ou  moins  à  la  conve- 
nance du  sultan  et  du  vice-roi. 

Veuillez,  },].   le  comte,  donner  lecture  de  la  présente  dépêche  à  lord 
Palmerston  et  lui  en  laisser  copie. 
Agréez,  etc. 

S.SII,  —  Dépôclic  du  maréchal  ^onlt  an  f|«>néral  l§iébastiuni,  en  date 
du  9  décembre   £839  (S  ciiéwal  1355). 

...La  nouvelle  que  VOUS  me  donnez  du  prochain  retour  à  Londres  de 
M.  de  Brunnow,  muni  de  pleins  pouvoirs  pour  signer  une  convention  qui 
réglerait  sur  un  pied  d'égalité  les  rapports  de  protection  des  puissances  à 
l'égard  de  la  Porte,  a  excité,  comme  vous  pouvez  le  croire,  la  plus  sé- 
lieuse  attention  du  gouvernement  du  roi.  Nous  attendons  iujpatiemment 
les  détails.  S'ils  sont  tels,  en  effet,  que  doit  le  faire  supposer  le  langage 
de  lord  Palmerston,  si  par  conséquent  ils  emportent,  de  la  part  de  la 
Russie,  une  renonciation  effective  à  la  position  exceptionnelle  qu'elle 
s'attribuait  k  Constantinople,  si  l'addition  d'aucune  clause  secrète  ou  indi- 
recte ne  vient  paralyser  d'un  autre  côté  les  concessions  que  semble 
faire  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg,  je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  que 
la  détermination  de  ce  cabinet,  quel  qu'en  puisse  avoir  été  le  motif,  nous 
causera  une  très-vive  satisfaction.  Elle  nous  donnera  en  effet  gain  de 
ciusR  sur  le  point  qui  nous  a  paru  constamment  le  plus  important  dans  la 
question  d'Orient  ;  elle  nous  amènera  un  résultat  que  nous  avions  déjà  eu 


APPENDICE  501 

en  vue  et  que  depuis  quelque  temps  nous  désespérions  d'obtenir.  Vous  sa- 
vez en  effet  que,  dès  le  principe  de  la  négociation,  nous  nous  sommes  atta- 
chés h  en  faire  sortir  l'annulation  du  protectorat  exclusif  exercé  |)ar  la 
Russie  sur  le  sultan,  et  que  nous  avions  signalé  ce  but  à  nos  alliés  comme 
celui  qu'on  devait  s'cllbrccr  d'allcindre  par  tous  les  moyens.  Nous  avons 
dit  et  répété  sans  cesse  que  c'était  surtout  à  Gonslantinople  qu'il  fallait 
garantir  l'indépendance  de  la  Porte,  que  le  nœud  de  la  difficulté  élail-là. 
Ce  n'est  pas  notre  faute  si,  en  s'opiniàti'anl  trop  longtemps  à  le  voir  là  où 
il  n'était  pas,  dans  la  question,  relativement  secondaire  pour  l'Europe, 
des  rapports  du  sultan  avec  le  vice-roi,  on  a  multiplié  les  complications  et 
les  embarras  au  point  de  le?  rendre  presque  insolubles.  Il  est  enfin  per- 
mis d'espérer  qu'on  va  entrer  dans  la  bonne  voie;  certes,  ce  n'esl  p;is 
nous  qui  y  mettrons  obstacle  :  et  je  vous  le  répèle,  si  les  propositions  de  la 
Russie  sont  telles  qu'on  vous  l'a  dit,  si  elles  ne  contiennent  rien  de  plus, 
rien  au  moins  qui  en  altère  la  portée,  je  suis  prêt  à  vous  envoyer  l'autorisa- 
tion d'y  accéder  formellement.  Je  vais  plus  loin  :  le  gouvernement  du  roi, 
reconnaissant  avec  sa  loyauté  ordinaire  qu'une  convention  conclue  sur  de 
telles  bases  changerait  notablement  l'état  des  choses,  y  trouverait  un  mo- 
tif sufiisanl  pour  se  livrer  à  un  nouvel  examen  de  l'ensemble  de  la  ques- 
tion d'Orient,  même  dans  les  parties  sur  lesquelles  chacune  des  puis- 
sances semblait  avoir  trop  absolument  arrêté  son  opinion  pour  qu'il  fût 
possible  de  prolonger  la  discussion. 

Telle  est.  Monsieur  le  comte,  l'impression  que  nous  avons  reçue  de 
l'importante  nouvelle  que  vous  venez  de  me  transmettre.  Je  ne  dois  pas 
vous  cacher  au  surplus  que  j'ai  plutôt  le  désir  que  l'espoir  d'en  apprendre 
bientôt  l'entière  confirmation.  Je  crains,  je  l'avouerai,  que  les  proposi- 
tions confiées  k  M.  de  Bruunow  ne  contiennent  quelque  clause  insidieuse 
dont  l'existence  rendrait  notre  adhésion  impossible,  et  sans  doute  aussi 
déterminerait  un  nouveau  refus  de  la  part  du  cabinet  de  Londres.  Ce  qui 
me  confirme  dans  cette  inquiétude,  c'est  l'impossibilité  que  j'éprouve  àrae 
rendre  compte  des  motifs  qui  pourraient  décider  le  gouvernement  russe 
à  une  concession  juste  et  raisonnable  sans  doute,  mais  pour  laquulle  il 
avait  jusqu'à  présent  manifesté  une  si  invincible  répugnance.  Si  l'on  vou- 
lait même  supposer  que  sa  pensée  est  de  se  mettre  en  mesure  d'accorder, 
de  concert  avec  l'Angleterre,  une  protection  plus  efficace  à  la  Porte  et 
d'imposer  au  vice-roi  des  conditions  plus  rigoureuses,  cette  conjecture  se 
trouverait  démentie  par  ce  qui  se  passe  à  Constantinople.  Reschid-Pacha 
a  dit  en  effet  à  M.  de  Pontois  que  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  engageait 
la  Porte  à  traiter  directement  avec  Méhémet-Ali,  et  que  M.^de  Tatitschelf 
en  avait  donné  le  conseil  à  Vienne  à  l'ambassadeur  ottoman.  Un  semblable 
conseil,  fort  raisonnable  en  lui-même  à  notre  avis,  tant  que  la  situation  ne 
changera  pas,  n'en  est  pas  moins  très-extraordinaire  de  la  part  du  goii- 


502  APPENDICE 

vernement  qui  affecle  de  se  placer  dans  des  relations  d'intiinilé  avec 
l'Angleterre...  Lord  Palmerston  se  prévaut,  pour  s'affermir  dans  ses 
idées,  de  l'adhésion  qu'elles  reçoivent  du  chancelier  d'Autriche  ;  je  con* 
cois  la  tactique  qui  le  porte,  lorsqu'il  s'entretient  avec  vous,  h  présenter 
les  choses  sous  cet  aspect;  mais  j'ai  peine  h  croire  qu'il  regarde  réelle- 
ment comme  une  adhésion  les  déclarations  équivoques  du  cabinet  de 
Vienne.  L'Autriche,  après  avoir  approuvé  nos  propositions,  a  fini  par  ac- 
céder en  principe  à  celles  de  l'Angleterre,  mais  en  rejetant  les  moyens  de 
contrainte  qui  pouvaient  seuls  leur  donner  quelque  réalité.  Si  c'est  là  une- 
adhésion  suffisante  aux  yeux  de  lord  Palmerston,  il  n'est  certes  pas  diffi- 
cile à  contenter,  et  nous  serions  pour  le  moins  aussi  fondés  h  prétendre 
que  l'Autriche  est  entrée  dans  nos  idées. 

Quelques  mots  suffiront  pour  calmer  les  susceptibilités  que  lord  Palmers- 
ton vous  a  laissé  voir  au  sujet  de  la  formation  d'une  escadre  de  réserve  à 
Toulon.  La  nomination  de  M.  l'amiral  Rosamel  n'a  d'autre  but  que  de 
donner  éventuellement  un  chef  à  notre  escadre,  commandée  par  deux 
officiers  d'un  grade  égal,  ce  qui  peut  amener  des  inconvénients.  Il  n'est 
nullement  question  en  ce  moment  d'augmenter  nos  forces  navales,  et  si 
cela  arrivait,  nous  ne  manquerions  pas  d'en  donner  avis  à  nos  alliés. 

Les  dernières  nouvelles  de  Constantinople,  etc. 

LIV.  —  Discours    (extrait)  de  Louis-Philippe ,  prononcé    A    l'ouver- 
ture des  Cliambres,  le  13  décembre  1839  (t«  chéwal  (1355). 

Mes  rapports  avec  les  puissances  étrangères  ont  conservé  ce  caractère 
pacifique  et  bienveillant  que  prescrit  l'intérêt  commun  de  l'Europe.  Notre 
pavillon,  de  concert  avec  celui  de  la  Grande-Bretagne,  et  fidèle  à  l'esprit 
de  cette  union,  toujours  si  avantageuse  aux  intérêts  des  deux  pays,  a 
veillé  sur  l'indépendance  et  la  sûreté  immédiate  de  l'empire  ottoman. 
Notre  politique  est  toujours  d'assurer  la  conservation  et  l'intégrité  de  cet 
empire,  dont  l'existence  est  si  essentielle  au  maintien  de  la  paix  géné- 
rale. Nos  efforts  ont  au  moins  réussi  à  arrêter  dans  l'Orient  le  cours  des 
hostilités  que  nous  avions  voulu  prévenir;  et,  quelles  que  soient  les  com- 
plications qui  résultent  delà  diversité  des  intérêts,  j'ai  l'espérance  que 
l'accord  des  grandes  puissances  amènera  bientôt  une  solution  équitable 
et  pacifique. 

LV.  —  Dépêche  du  comte   de    IVesscIrode  au    comte   de   Ifledem,  en 
date  du  Z6  décembre  1839  (19  chéwai  1355}. 

Monsieur  le  comte,  j'ai  reçu  la  dépêche  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  m'adresser,  pour  m'accuser  la  réception  de  mon  expédition  du  22  no- 
vembre, et  dans  laquelle  vous  rendez  compte  au  ministère  impérial  des 


APPENDICE  50o 

plaintes  que  vous  avait  faites  le  chef  du  cabinet  français,  relativement  à 
la  nature  incomplète  et  tardive  de  nos  dernières  communications  au  sujet 
du  retour  de  M.  le  baron  de  Brunnow  en  Angleterre.  Bien  qu'il  ne  nous 
soit  pas  absolument  démontré  qu'en  cette  occasion  nos  communications 
aux  cours  de  Vienne  et  de  Berlin  aient  été  plus  détaillées,  puisqu'il  ne 
s'agissait  que  de  leur  annoncer  un  seul  fait,  l'adoption  de  la  modification 
demandée  par  l'Angleterre  h  nos  premières  ouvertures  ;  bien  qu'éga- 
lement le  retard  de  peu  de  jours  qu'a  subi  la  dépêche  qui  vous  était 
adressée  tienne  purement  à  des  combinaisons  insignifiantes  dans  l'arran- 
gement du  départ  de  nos  courriers  ;  néanmoins,  M.  le  comte,  nous  ad- 
mettrons la  réclamation  comme  fondée,  et  nous  allons  y  répondre  avec 
une  entière  franchise. 

Nous  conviendrons  donc  que  dans  les  derniers  temps  nos  explications 
avec  la  France  ont  été  empreintes  d'une  certaine  réserve,  et  que  celles 
que  nous  avons  données  à  nos  autres  alliés,  portaient,  peut-être,  un  carac- 
tère plus  marqué  d'empressement  et  d'abandon.  Celte  réserve  avait  ses 
motifs,  et  nous  ne  prétendons  point  les  dissimuler.  C'est  que  depuis 
longtemps,  M.  le  comte,  nous  avions  cru  nous  apercevoir  que  la  France 
apportait  dans  ses  jugements  sur  notre  politique  en  Orient  des  dispo- 
sitions moins  favorables  que  les  autres  puissances  ;  c'est  que  celles-ci 
nous  témoignaient  plus  de  confiance  et  d'équité  :  qu'h  l'égard  de  l'Egypte 
leurs  vues  s'identifiaient  d'avantage  avec  les  nôtres  ;  et  que,  comme  nous, 
elles  pensaient  trouver  dans  la  conduite  du  gouvernement  français  plus 
de  penchant  pour  le  vassal  que  pour  le  souverain  légitime.  C'est  que,  dans 
la  question  du  différend  à  régler  entre  le  sultan  et  Méhémet-Ali,  la  France 
ne  semblait  voir  qu'une  question  purement  secondaire.  Elle  mettait  à 
la  représenter  comme  européenne,  avant  tout, —  une  affectation  dont  le 
but  nous  était  palpable.  C'est  qu'en  un  mot  le  langage  qu'elle  adressait 
à  nos  alliés,  et  celui  que  tenaient  les  feuilles  plus  particulièrement  des- 
tinées cl  soutenir  à  l'intérieur  la  popularité  de  son  ministère,  portaient 
ouvertement  l'empreinte  d'un  sentiment  peu  juste,  peu  amical,  envers  la 
Russie. 

Ce  qui  n'était  qu'une  présomption  vient  de  se  convertir  en  fait  par 
la  dépêche  que  le  maréchal  Soult  a  récemment  adressée  au  gouvernement 
anglais,  pour  défendre  contre  les  objections  de  celui-ci  son  opinion  sur 
le  plan  de  pacification  à.  elTecluer  entre  l'Egypte  et  la  Porte.  Dans  cette 
pièce,  qui  se  rapporte  exclusivement  aux  divergences  qui  se  sont  mani- 
festées entre  les  deux  cabinets,  celui  des  Tuileries  a  cru  devoir  gra- 
tuitement nous  faire  entrer  dans  l'arène  de  la  discussion,  en  appelant  sur 
nous  particulièrement  la  vigilance  et  l'attention  de  l'Angleterre.  Il  y  avoue 
explicitement  que  l'indépendance  de  l'empire  ottoman  le  préoccupe  pour 
le  moins  autant  que  son  intégrité  même  ;  et  qu'à  ses  yeux  il  est  peut-être 


50/(  APPENDICE 

plus  iiuporlant  de  proléger  l'une  contre  nous,  que  d'assurer  l'aulre 
contre  l'Egypte.  Il  y  reproche  à  l'Angleterre  de  perdre  de  vue  ce  qu'il 
appelle  le  côté  européen  de  la  question,  pour  ne  s'occuper  que  de  la 
partie  égyptienne  ;  il  y  insinue  enfin  que,  s'il  existe  aujoard'hui  entre  la 
Grande-Bretagne  et  la  France  un  dissentiment  fâcheux,  ce  dissentiment 
vient  uniquement  de  ce  que,  dans  la  pacification  du  Levant,  la  Grande- 
Bretagne  ne  voit  autre  chose  qu'un  arrangement  territorial,  plus  ou  moins 
avantageux,  à  obtenir  en  faveur  du  sultan,  tandis  qu'au  contraire  la 
France  s'est  constamment  proposée  d'en  faire  avant  tout  sortir  l'annu- 
lation du  protectorat  exclusif  et  dominant  que  nous  faisons,  suivant  son 
expression,  jieser  sur  la  Porte  ottomane  ! 

Voilà,  certes,  des  aveux  nettement  articulés  ;  et  si  nous  pouvons  re- 
procher au  cabinet  français  de  méconnaître  nos  vraies  intentions,  il  ne 
nous  accusera  sûrement  pas  de  nous  méprendre  sur  les  siennes. 

Gomme  la  dépêche  qui  renferme  les  allégations  que  je  viens  de  citer, 

ne  nous  est  point  adressée,  nous  ne  nous  sentirions  point  autorisés  à  y 

répondre  directement.  Mais  puisque-,  d'un  autre  côté  ,  le  maréchal  Soult 

a  pris  vis-à-vis  de  vous  l'initiative  des  réclara  allons,  il  ne  nous  sera  pas 

défendu  de  lui  faire  entendre  les  nôtres. 

Le  protectorat  exclusif  de  la  Russie  !  Nous  l'avouons,  après  toutes  les 
preuves  de  désintéressement  qu'à  données  l'empereur  dans  ces  derniers 
temps,  nous  avons  été  surpris  de  voir  se  reproduire  un  pareil  fantôme. 
Le  gouvernement  français  perdrait-il  de  vue  qu'au  moment  où  nous 
parlons  l'empereur  n'a  mis  encore  en  mouvement  ni  un  soldat,  ni  un 
vaisseau,  tandis  que  les  bâliments  français  sillonnent  les  eaux  de  la 
Méditerranée,  et  ancraient  encore,  il  y  a  peu,  dans  le  voisinage  des 
Dardanelles?  Etait-ce  donc  ce  protectorat  exclusif  que  nous  cherchions 
lorsqu'en  1833,  avant  que  le  désespoir  du  Sultan  l'eîit  porté  à  appeler 
notre  assistance,  nous  avons  adjuré  les  puissances  maritimes  de  le  se- 
courir contre  le  pacha?  Etait-ce  celui  que  nous  voulions  conserver, 
lorsque  dès  le  commencement  de  la  crise  actuelle,  nous  avons  été  les 
premiers  à  éveiller  sur  la  siluation  de  l'Orient  la  commune  sollicitude 
de  ces  mêmes  puissances  ;  à  les  engager  à  contenir  Méhémet-Ali  dans 
des  limites  infranchissables  ;  à  les  presser,  et  la  France  en  particulier, 
d'employer  au  besoin  contre  lui  des  mesures  coercitives  ?  Si  comme  on 
l'a  tant  de  fois  soutenu,  le  traité  d'Unkiar  Skélessi  avait  eu  pour  but  de 
nous  assurer  cette  protection  exclusive,  aurions-nous  comme  nous  l'avons 
fait,  employé  nos  conseils  et  nos  efforls  à  prévenir  l'application  de  ses 
clauses  ?  La  France  ne  sait-elle  pas  que  loin  de  nous  prévaloir  de  cet 
acte,  nous  nous  sommes  spontanément  déclarés  prêts  à  en  faire  l'aban- 
don, si  nous  obtenions  en  échange  la  reconnaissance  d'un  principe  de 
droit  public  européen,  qui,  à  la  vérilé,  fermerait  bien  aux  pavillons 


APPENDICE  505 

étrangers  l'accès  de  l'un  des  deux  détroits  de  Constanlinuple,  mais  qui 
à  nos  propres  bâliuicnts  interdirait  l'entrée  de  l'autre?  Faut-il  enfin, 
rappeler  au  gouverneiuent  français  que  môme  antérieurement  aux  der- 
nières concessions  que  nous  venons  de  faire,  nous  avions,  spontanément 
encore,  proposé  que,  s'il  devenait  nécessaire  de  faire  avancer  notre  (lotie 
et  nos  troupes  au  secours  de  la  capitale  du  Sultan,  cette  mesure  serait 
dépouillée  de  tout  caractère  isolé,  qu'elle  ne  serait  point  Russe  exclusi- 
vement, mais  proclamée  solennellement  comme  une  mesure  européenne? 

Ces  faits  devant  être  pour  la  France  aussi  patents  qu'ils  le  sont  pour 
les  autres  cabinets,  on  serait  presque  tenté  de  se  demander,  M.  le  comte, 
si  c'est  bien  sérieusement  qu'elle  a  pu  élever  contre  nous  des  allégations 
pareilles  à  celle  que  renferme  la  dépêche  du  maréclial  Soult,  ou  si  elle 
a  voulu  les  employer  en  faveur  de  son  plan  de  pacitivUilion,  comme  un 
moyen  de  négociation  dans  ses  discussions  avec  l'Angleterre,  en  réveil- 
lant sur  notre  compte  d'anciennes  appréliensions  que  nous  avons  si  heu- 
reusement réussi  k  effacer. 

Si  (ce  que  nous  sommes  assuréuient  loin  de  penser)  telle  avait  été 
effectivement  l'intention  du  cabinet  des  Tuileries,  sa  conduite  en  cette 
occasion  présenterait  avec  la  nôtre  un  contraste  bien  remarquable. 
Lorsque  ce  sont  manifestés  les  preuiiers  symptômes  d'un  dissentiment 
entre  les  deux  puissances  maritimes  sur  les  moyens  de  concilier  la  sé- 
curité du  Sultan  avec  les  prétentions  du  pacha  d'Egypte,  qu'aurions-nous 
fait,  nous  le  demandons  à  la  France,  si,  comme  elle  le  suppose  si  gra- 
tuitement, notre  intention  avait  été  de  l'isoler  en  la  séparant  de  l'An- 
gleterre ?  Evidemment,  nous  aurions  cherché  à  envenimer  ce  dissen- 
timent, à  l'exploiter,  à  le  convertir,  s'il  eut  été  possible,  en  mésintel- 
ligence. Nous  nous  serions  efforcés  d'exagérer  encore  aux  yeux  du 
cabinet  anglais  la  partialité  qu'il  reproclie  à  la  France  en  faveur  du  pacha 
d'Egypte. 

Nous  eussions  abondé  avec  empressement  dans  le  sens  de  ses  idées, 
et  soutenu  énergiquement  son  plan  de  pacification  contre  celui  mis  en 
avant  par  la  France.  Bien  loin  de  là,  nous  avons  parlé  aux  deux  puis- 
sances le  langage  de  la  conciliation.  Quoique  h  la  vérité  le  plan  delord 
Palmerston  nous  semblât  plus  favorable  que  celui  du  gouvernement  fran- 
çais à  la  sécurité  future  de  la  Porte  ottomane,  bien  qu'il  fût  certainement 
aussi  plus  conforme  à  la  dignité  des  cinq  cours  intervenantes,  après  les 
offres  de  médiation  qu'elles  avaient,  de  leur  propre  mouvement,  adressées 
au  Grand-Seigneur,  nous  nous  sommes  bornés  h  engager  les  deux  ca- 
binets à  chercher  à  rapprocher  leurs  idées.  Nous  leur  avons  déclaré,  que 
si  elles  parvenaient  par  des  concessions  réciproques  à  se  rencontrer  à 
mi-chemin,  et  h.  convenir  d'un  moyen-terme,  nous  étions  prêts  à  adoptci- 
ie  plan  dont  ils  pourriiicul  tomber  d'accoid,    pourvu  seulement  que  ce 


506  APPENDICE 

plan  fût  accepté  par  la  Porte,  et  précédé  d'une  entente  commune  sur  ses 
moyens  d'exécution. 

Ce  n'est  pas  plus  pour  isoler  la  France,  et  pour  nous  passer  de  son 
concours,  qu'à  l'époque  des  propositions  dont  nous  avons  chargé  le 
baron  de  Brunnow  nous  nous  sommes  en  premier  lieu  adressés  à  l'An- 
gleterre. C'est  parce  que,  nous  l'avons  dit  et  le  répétons  au  gouvernement 
français,  l'Angleterre  nous  avait  témoigné  des  dispositions  plus  confiantes, 
c'est  parce  que  les  vues  de  celte  puissance  k  l'égard  du  vice-roi  d'Egypte 
coïncidaient  davantage  avec  les  nôtres,  et  qu'au  besoin  elle  était  d'a- 
vance délerminée  à  les  appuyer  par  des  moyens  d'action. 

Mais  de  ce  que  nous  avons  pris  vis-h-vis  d'elle  l'initiative  d'ouvertures 
préalables  sur  un  arrangement  k  discuter  plus  tard  avec  les  autres  ca- 
binets, s'ensuit-il  donc  nécessairement  que  notre  dessein  fut  d'en  exclure 
la  France?  Si  une  pareille  initiative  devait  impliquer  cette  exclusion, 
pourquoi  l'Autriche,  pourquoi  la  Prusse,  ne  l'ont-elles  pas  aussi  inter- 
prétée pour  elles-mêmes  ?  D'où  vient  qu'aucune  de  ces  deux  puissances 
n'avait  songé  à  s'en  formaliser  ?  Leur  amour-propre  est-il  moins 
exigeant,  ou  nous  ont-elles  rendu  plus  de  justice  ? 

Il  est  temps,  M.  le  comte,  que  les  méfiances  et  les  récriminations 
fassent  place  enfin  à  une  plus  saine  appréciation  de  nos  vues  politiques. 
L'empereur  a  fait  assez  de  sacrifices  d'amour-propre  au  désir  de  l'union 
et  de  la  paix,  pour  avoir  droit  d'en  obtenir  quelques-uns  en  échange.  Sa 
Majesté  ne  s'est  pas  bornée  à  de  purs  sacrifices  d'opinion,  elle  a  offert 
au  bien  commun  des  concessions  de  fait  autrement  importantes.  C'est  bien 
le  moins  que  l'on  renonce  d'un  autre  côlé  à  des  préventions  qui  n'ont 
plus  de  fondement.  Si  malgré  tant  de  preuves  de  désintéressement  et 
d'abnégation,  l'empereur  continuait  à  voir  ses  intentions  méconnues;  si, 
tout  en  acceptant  ses  concessions  on  essayait  de  les  exploiter  dans  un 
but  de  popularité,  en  les  représentant  comme  dérivant  d'une  autre  source 
que  de  sa  spontanéité  libre  et  entière  ;  si  dans  l'arrangement  qu'il  s'agit 
de  conclure  on  s'efforçait  de  compliquer  la  négociation  par  de  nouvelles 
exigences,  en  agitant  des  questions,  en  soulevant  des  éventualités  étran- 
gères à  la  crise  actuelle  ;  si,  enfin,  sous  prétexte  de  faire  entrer  la  Turquie 
dans  le  système  européen,  on  tentait  de  uous  enlever,  non  cette  prépon- 
dérance exclusive,  à  laquelle  nous  n'avons  jamais  prétendu,  mais  cette 
part  légitime  d'influence  à  laquelle  la  Paissie  ne  renoncera  point  ;  alors, 
M.  le  comte,  ayant  épuisé  la  mesure  de  la  modération  et  de  la  condes- 
cendance, notre  auguste  maître  pourrait  se  voir  forcé  de  se  replacer  sur 
le  terrain  qu'il  occupait  avant  ses  premières  propositions,  et  il  ne  res- 
terait plus  à  Sa  Majesté  qu'à  attendre  avec  calme  les  événements,  ne 
prenant  conseil,  pour  les  régler,  que  du  soin  de  sa  dignité  et  des  intérêts 
de  son  empire. 


APPENDICE  507 

Tel  ne  sera  point  le  cas,  nous  aimons  à  l'espérer.  Quand  le  cabinet 
français  s'exprimait  comme  il  a  fait  dans  la  dépèche  précitée,  il  était 
encore  dans  l'ignorance  de  l'importante  modification  que  nous  avons 
consenti  i  apporter  h  la  teneur  originelle  de  nos  ouvertures.  Mais  après 
le  gage  éclatant  que  l'empereur  vient  de  donner  de  sa  loyauté,  Sa  Ma- 
jesté n'admet  pas  la  possibilité  qu'il  en  puisse  exister  encore.  Que  la 
France  apporte  donc  à  la  négociation  qui  va  s'ouvrir  des  dispositions 
conformes  à  cet  acte  de  conciliation,  et  nous  nous  féliciterons  sincère- 
ment de  la  voir  y  prendre  la  part  que  sonrùle  et  sa  position  lui  assignent. 
L'empereur  vous  a  déjà  chargé,  et  il  vous  charge  itérativement,  d'assurer 
le  cabinet  des  Tuileries  de  tout  le  prix  qu'il  attache  à  une  coopération 
qui,  aux  yeux  de  la  majorité,  ne  peut  que  contribuer  ci  asseoir  la  paci- 
fication du  Levant  sur  des  fondements  plus  solides. 

Veuillez,  M.  le  comte,  exprimer  cet  espoir  et  cette  opinion  au  chef  du 

cabinet  français,  en  lui  donnant  communication  et  copie  de  la  présente 

dépèche. 

Recevez,  etc. 

LWI.  —  Dépêche  dit  comte  de  IVesselrode  à  l'envoyé  de  Russie  (Iia- 
ron  de  Bruonoir)  à  Londres,  en  date  du  1"  janvier  1840  (35 
ché^val  1353). 

Monsieur  le  baron,  nous  venons  d'avoir  indirectement  connaissance 
de  la  dépèche  adressée  par  le  maréchal  Soult,  le  25  novembre,  au  comte 
Sébastiani,  et  dans  laquelle  le  cabinet  des  Tuileries  justifie  l'attitude  qu'il 
a  prise  en  opposition  au  point  de  vue  adopté  par  l'Angleterre  dans  les 
discussions  qui  ont  eu  lieu  entre  les  deux  gouvernements,  au  sujet  du 
plan  de  pacification  à  effectuer  entre  la  Porte  et  le  pacha  d'Egypte. 

Comme  ce  n'est  point  à  nous,  M.  le  baron,  que  cette  dépêche  a  été 
adressée,  et  que  nous  n'en  avons  eu  connaissance  que  par  une  voie,  indi- 
recte, nous  ne  nous  sentirions  point  appelés  h  nous  expliquer  sur  des  di- 
vergences d'opinions  qui  concernent  plus  particulièrement  les  cabinets  de 
Paris  et  de  Londres,  si  le  gouvernement  français  n'avait  jugé  à  propos 
de  nous  mêler  dans  la  discussion,  en  ajoutant  k  sa  réponse  un  passage 
dont  la  tendance  est  évidemment  dirigée  contre  nous. 

Il  ne  nous  appartient  donc  pas  de  nous  prononcer  ici  sur  la  manière 
dont  la  France  entend  concilier  ses  vues  concernant  l'intégrité  de  l'em- 
pire ottoman  avec  celles  de  l'Angleterre.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas 
non  plus  sur  la  prétention  qu'elle  met  en  avant  d'avoir  pris  l'initiative 
de  l'appui  offert  à  la  Porte  ottomane.  Si  elle  croit  avoir  contribué  plus 
qu'aucun  autre  des  cabinets  alliés  à  appeler  sur  le  sultan  la  sollicitude 
de  l'Europe,  et,  par  ses  représentations  énergiques,  indiqué  la  première  à 
Méhémet-Ali,  les  limites  au-delà  desquelles  il  rencontrerait  l'opposition 


508  APPENDICE 

des  puissances,  nous  ne  sommes  nullement  disposés  à  lui  conlesler  cette 
satisfaction.  11  nous  sullit  que  le  bien  ait  été  opéré,  les  hostilités  suspen- 
dues, le  pacha  contenu  jusqu'ici  dans  les  bornes  qu'il  ne  devait  pas  fran- 
chir. Nous  nous  félicitons  de  ce  résultat,  sans  demander  qui  des  autres  ou 
de  nous  s'est  présenté  pour  l'obtenir  en  première  ligne.  Mois  ce  qui  nous 
a  surpris,  ce  qui  devait  en  efl'et  nous  surprendre,  c'est  le  doute  jeté  sur 
nos  intentions  à  l'égard  de  l'indépendance  du  sultan  ;  c'est  l'accusation 
portée  contre  nous  de  faire,  suivant  l'expression  du  cabinet  français, 
peser  sur  la  Porte  ottomane  un  protectorat  exclusif  et  dominant.  Est-il 
besoin  de  rappeler  que  loin  de  vouloir  protéger  exclusivement  le  sultan, 
loin  de  nous  prévaloir  de  notre  traité  d'alliance  avec  la  Porte,  nous  avons 
au  contraire  été  les  premiers  h  en  prévenir  l'application,  et  h  réclamer 
pour  elle  l'assistance  des  cours  maritimes,  eu  les  engageant,  à  plusieurs 
reprises,  et  de  la  manière  la  plus  pressante,  à  faire  usage  de  tous  leurs 
moyens  d'action  auprès  du  pacha  rebelle  ?  Si,  dès  l'origine  des  complica- 
tions, nos  avertissements  avaient  été  suivis,  si  l'on  avait  agi  à  Alexandrie 
sans  tourner  les  yeux  à  Gonstanlinople,  si  l'on  s'était  préoccupé  un  peu 
moins  exclusivement  de  ce  que  la  France  appelle  le  côté  européen  de  la 
question,  dès  longtemps  la  paix  eiît  été  rétablie  en  Orient,  et  nous  n'au- 
rions pas  à  chercher  si  laborieusement  le  dénouement  de  la  crise  actuelle. 
Mais  toutes  récriminations  sont  aussi  loin  de  notre  pensée  qu'elles  seraient 
présentement  inutiles. 

Pour  répondre  victorieusement  aux  allégations  du  gouvernement  fran- 
çais, il  nous  suflira  d'un  seul  fait,  et  ce  fait,  M.  le  baron,  c'est  celui  de 
votre  présence  k  Londres.  Quant  au  cabinet  britannique,  nous  aimons  à 
lui  rendre  la  justice  qu'il  n'avait  pas  attendu  votre  second  envoi  en 
Angleterre  pour  apprécier  et  reconnaître  la  loyauté  de  la  politique  de 
l'empereur.  Nous  n'avons  donc  pas  un  seul  instant  admis  la  pensée  que 
les  insinuations  de  la  France  aient  pu  faire  sur  lui  la  moindre  impression. 
Nous  devons  néanmoins  lui  faire  remarquer  que  dans  les  circonstances  du 
moment  un  langage  pareil  à  celui  de  la  France  pouvait  entraîner  des  con- 
séquences infiniment  regrettables.  Avec  un  cabinet  moins  conciliant  que 
Je  nôtre,  et  plus  susceptible  de  céder  à  un  premier  mouvement,  la  négo- 
ciation qui  va  s'entamer  pouvait  en  souffrir  gravement.  Que  Lord  Pal- 
roeston  veuille  bien  y  faire  attention.  Avouer  aussi  hautement  que  vient 
de  le  faire  le  maréchal  Soult  que,  dans  la  pacification  du  Levant,  son  but 
principal  a  été  moins  cette  pacification  elle-même  que  l'annulation  de 
notre  prétendue  prépondérance  en  Orient;  déclarer  en  termes  si  peu 
couverts  qu'à  ses  yeux  il  est  encore  plus  important  de  protéger  contre 
nous  l'indépendance  de  la  Porte,  que  d'assurer  sou  intégrité  de  la  part 
du  pacha  ;  insinuer  enfin  que,  dans  l'opinion  de  la  France,  la  cause  du 
dissentiment  qui  s'est  récemment  manifesté  entre  elle  et  la  Grande-Breta- 


APPENDICE  509 

gne  vient  surtout  de  ce  que  colle-ci  a  cessé  de  suivre  le  môme  but,  d'o- 
béir îi  T|a  même  pensée,  c'est-à-dire  aux  mêmes  défiances  ;  est-ce  là,  nous 
le  demandons  au  |)rincipal  secrétaire  d'État,  un  moyen  bien  eflicace  de 
nous  rattaciier  à  l'œuvre  com.mune  ?  Ne  serions-nous  pas  quelque  peu 
fondés  à  nous  prévaloir  de  pareilles  dispositions  pour  nous  refuser  d'as- 
socier la  France  à  un  arrangement  qui,  pour  être  mené  à  l)onne  fin,  a 
besoin  de  reposer  sur  une  coïncidence  de  vues,  et  sur  une  confiance  ré- 
ciproque ?  Telle  n'est  pourtant  point,  M.  le  baron,  l'intenlion  de  l'empe- 
reur. La  politique  de  notre  auguste  maître  est  trop  élevée,  trop  au-dessus 
des  susceptibilités  et  des  petitesses  de  l'amour-propre,  pour  qu'il  soit 
tenté  de  leur  sacrifier  l'intérêt  majeur  du  moment,  et  pour  qu'il  n'ap- 
porte pas  à  ses  déterminations  le  degré  de  mesure  qu'il  sait  toujours  met- 
tre dans  ses  paroles.  Ce  n'est  pas  dans  l'instant  même,  oii  par  les  conces- 
cessions  qu'il  a  faites  au  maintien  de  la  paix  européenne  il  vient  de  don- 
ner au  monde  la  preuve  la  plus  éclatante  de  son  abnégation  qu'il  se  lais- 
sera détourner  par  un  semblable  incident  du  noble  but  qu'il  se  propose. 
Sa  Majesté  fait  d'ailleurs  la  part  des  circonstances  dans  lesquelles  a  été 
écrite  la  dépèche  du  gouvernement  français.  Sous  les  impressions  erro- 
nées auxquelles  votre  mission  en  Angleterre  avait  donné  naissance,  il  est 
concevable  à  la  rigueur  que  le  cabinet  des  Tuileries  ait  cru  pouvoir  adop- 
tera notre  égard  un  langage  si  peu  conforme  à  nos  intentions  véritables. 
II  ignorait  d'ailleurs  encore  les  modifications  que  nous  avons  consenti  à 
apportera  la  teneur  de  nos  premières  propositions. 

Aujourd'hui  qu'il  en  est  instruit,  il  nous  paraît  impossible  d'admettre 
qu'il  se  refuse  plus  longtemps  à  reconnaître  combien,  dans  la  question 
d'Orient,  les  vues  de  notre  cabinet  sont  pures.  Nous  avons  dès-lors  tout 
lieu  d'espérer  qu'il  apportera  d'autres  dispositions  à  la  conclusion  d'un 
arrangement  dont  nous  ne  prétendons  pas  plus  l'écarter  en  ce  moment 
que  nous  n'avons  voulu  le  faire  lors  de  votre  premier  voyage  à  Londres. 
Veuillez  donc,  M.  le  baron,  en  communiquant  la  présente  dépêche  au 
principal  secrétaire  d'État,  l'assurer  de  notre  part,  que  le  langage  du 
cabinet  français  ne  change  rien  à  notre  attitude.  En  relevant  les  alléga- 
tions si  gratuitement  articulés  par  ce  cabinet,  nous  n'avons  fait  qu'obéir  à 
la  nécessité  oîi  il  nous  avait  lui-même  placés  de  ne  point  les  passer  sous 
silence. 

Recevez,  etc. 

L\'IB.  —  Dépêche  du  général  Sébastiani  an  maréchal  Sonlt,  en  date 
du  5  janvier  1840  (3 G  chéival  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  ainsi  qu'il  me  l'avait  promis,  lordPalmerston  m'a 
donné  lecture  de  la  rédaction  laissée  entre  ses  mains  par  W.  de  Brunnow. 


510  APPENDICE 

Après  l'avoir  comraenlée  et  discutée  dans  ses  détails,  il  s'était  engagé  h 
m'en  envoyer  copieaujourd'liui  assez  lot  pour  que  jepusse  l'expédier  ce  soir 
k  Paris  et  la  prendre  pour  base  du  compte  rendu  de  notre  entretien.  A  la 
communication  textuelle  du  libellé  russe,  lord  Palraerston  substitue  une 
espèce  derésuraé  fort  incomplet,  dont  je  vais  essayer  de  combler  les  lacu- 
nes. J'ai  suivi  avec  assez  de  soin  la  lecture  d'bier  pour  me  croire  sûr  de 
ne  rien  omettre  d'important. 

Pour  donner  un  corps  aux  idées  du  cabinet  de  Saint-Pétersbourg,  tout 
en  évitant  de  leur  imprimer  un  caractère  officiel,  la  finesse  de  l'envoyé 
russe  a  eu  recours  à  un  expédient  étrange  :  il  les  a  consignées  dans 
une  dépêche  officielle  adressée  à  un  autre  agent  de  la  Russie. 

C'est  au  sujet  de  sa  rencontre  h  Calais  avec  M.  de  Neumann  que  M.  de 
Brunnow  exprime  à  M.  de  TatischefT  la  satisfaction  que  lui  causent  l'envoi 
de  l'agent  autrichien,  l'accord  entre  les  deux  cours  de  Pétersbourg  et  de 
Vienne,  dont  cette  mission  est  le  gage,  et  l'espoir  que  M.  de  Neumann  re- 
cevra les  pouvoirs  nécessaires  pour  concourir  aux  grands  résulats  que  l'em- 
pereur son  maître  l'a  cliargé  de  poursuivre  à  Londres. 

Vient  alors  le  développement  détaillé  de  la  politique  et  du  plan  russes 
sur  la  question  d'Orient. 

La  cour  de  Pétersbourg  propose  : 

((  Que  le  différend  entre  la  Porte  et  le  pacha  soit  définitivement  réglé 
sous  la  garantie  des  puissances  par  un  partage  territorial  ; 

((  Que  la  part  offerte  au  pacha  avec  l'investiture  héréditaire  soit  V Egypte 
et  la  Syrie  jusqu'à  la  forteresse  d'Acre  comme  limite  ;  que  la  rétrocession 
de  toutes  les  autres  possessions  détenues  par  Méhémet-Ali  soit  effectuée 
immédiatement; 

«  Qu'en  cas  de  résistance  de  la  part  du  pacha  un  choix  soit  fait  dans 
les  diverses  mesures  coercitives  suceessiveraent  débattues  dans  les  commu- 
nications antérieures  des  cabinets; 

«  Qu'on  mette  à  exécution  immédiate  et  vigoureuse  toutes  celles  qui 
seront  de  nature  à  hâter  la  solution;  qu'on  s'abstienne  de  celles  qui  sem- 
bleraient entamer  le  droit  qu'on  veut  faire  triompher; 

«  Qu'ainsi  on  envoie  des  forces  maritimes  b.  la  hauteur  d'Alexandrette, 
parce  que  leur  objet  évident  sera  d'inquiéter  le  flanc  de  l'armée  d'Ibrahim  ; 
mais  qu'on  évite  de  déclarer  les  côtes  de  la  Syrie  en  état  de  blocus,  parce 
que  ce  serait  agir  comme  si  l'on  était  en  hostilité  avec  le  souverain  légi- 
time de  territoires  occupés  momentanément  par  un  sujet  révolté; 

«Que  l'on  dirige,  qu'on  protège  une  expédition  turque  sur  Candie,  mais 
qu'on  ne  retire  pas  les  consuls  d'Alexandrie,  parce  que  ce  serait  traiter  trop 
en  souverain  un  pacha  victorieux;  ce  serait  d'ailleurs  se  priver  des  avan- 
tages de  moyens  d'influence  et  d'information  importants  à  conserver,  et 
compromettre  en  môme  temps  les  intérêts  commerciaux  des  puissances  ; 


APPENDIΠ 511 

(t  La  partie  iin^co-cgypticnneda  la  question  ainsi  décidée,  on  s'occupera 
concurremment  h  Londres  de  lu  partie  européenne; 

((  Le  mode  d'intervention  de  la  Russie,  au  cas  où  elle  serait  appelée 
par  la  Porte,  sera  convenu  et  réglé  entre  les  puissances  ; 

«  La  Russie,  dans  l'évenlualilé  de  la  marche  d'Ibrahim  sur  Conslanti- 
nople  et  de  l'appel  du  Divan,  franchù^a  le  Bosphore  avec  des  troupes  de 
débca^quement  et  sera  chargée  de  la  défense  de  Constant inople  au  nom  de 
l'Europe; 

Les  autres  puissances  pourront  alors  faire  passer  les  Dardanelles  à  quel- 
ques bâtiments  de  guerre  qui  croiseront  dans  les  eaux  de  la  mer  de  Mar- 
mara, de  Brousse  à  Gallipoli  ; 

«  Le  nombre  de  ces  bâtiments  sera  de  deux  à  trois  pour  chaque  pa- 
villon ; 

«  Une  fois  le  but  que  se  proposent  les  puissances  atteint  par  la  sou- 
mission de  Méhéraet-Ali,  la  Porte  rentrera  en  pleine  et  immuable  posses- 
sion du  droit  de  clôture  des  deux  détroits  à  tous  les  pavillons  européens. 

«  Ce  droit  sera  également  et  formellement  consacré  en  principe  dans 
la  convention  à  intervenir  à  Londres,  préalablement  à  toute  action  en 
Orient. 

0  On  est  sûr  de  l'accord  de  l'Autriche,  de  l'Angleterre  et  même  de  la 
Prusse,  sur  tous  les  points  ci-dessus  mentionnés  ;  on  espère  que  la  France 
ne  voudra  pas  s'isoler  des  autres  puissances  et  unira  son  action  à  la  leur. 

«  C'est  à /OMS  les  cabinets  que  s'adressent  les  idées  de  l'empereur  ;  c'est 
un  intérêt  européen  qu'il  a  h  cœur  de  consacrer,  etc..  » 

Telle  est  en  substance.  Monsieur  le  maréchal  (et,  je  le  répète,  je  crois 
ma  mémoire  fidèle),  cette  dépêche  confidentielle,  le  seul  document  écrit 
qu'il  y  ait  encore  sur  la  négociation  suivie  par  M.  de  Brunnow. 

Le  temps  me  manque  pour  entrer  dans  quelques  développements.  Je  dois 
cependant  consigner  ici  une  information  qui  ne  sera  pas  sans  intérêt  pour 
Votre  Excellence.  Hier,  arrivé  au  paragraphe  relatif  à  la  part  à  faire  ci 
Méhémet-Ali,  c'est-à-dire  à  la  cession  de  la  Syrie  jusqu'à  Saint-Jean 
d'Acre  lord  Palmerston,  interrompant  sa  lecture,  m'a  dit  :  «J'ai  vivement 
«  combattu  cette  idée  dans  mes  entretiens  avec  xM.  de  Brunnow;  elle  com- 
«  promettrait  le  principe  :  V Egypte  seule  et  le  désert  pour  frontière,  voilà 
«  le  vrai.  J'ai  ramené  AL  de  Brunnow  et  je  suis  sûr  de  l'adhésion  des  deux 
«  autres,  n 

Veuillez  agréer,  etc. 

LTIII.  —  Dépêche  du  général  Sébastian!  an  maréchal  Sonlt,  en  date 
du  26  janvier  1840  (15  zilcadé  1255). 

Monsieur  le  maréchal, lord  Palmerston  m'avait  annoncé  qu'avant 

d'arrêter  le  projet  dont  la  rédaction  lui  a  été  confiée,  et  dont  nous  nous 


515  APPENDICE 

étions  entretenus  Ji  plusieurs  reprises  depuis  la  dernière   réunion  du  ca- 
binet, il  comptait  m'en  donner  connaissance,  ce  qu'il  a  fait  ce  matin. 

Ce  projet  n'étant  encore  effectivement  qu'h.  l'état  d'ébauche,  et  lord 
Palmerston  ayant  paru  vouloir  consulter  mon  avis  personnel  plutôt  que 
produire  le  formulédéfinitif  des  propositions  britanniques,  j'oserais  prier 
Votre  Excellence  de  réserver  h  cette  communication  tout  son  caractère 
conûdentiel. 

Ce  projet  est  celui  d'une  convention  en  huit  articles,  précédés  d'un 
py^éambule. 

La  convention  ne  se  conclut  pas,  comme  dans  le  plan  primitif,  entre 
les  grandes  puissances,  mnxsbien  entre  les  grandes  puissances  d'une  part  et 
la  Porte  de  l'autre. 

Le  préambule  a  pour  objet  de  poser  la  question  dans  ce  sens  :  «  Les 
puissances,  convaincues  que  l'intégrité  et  le  repos  de  l'empire  ottoman 
importent  à  l'équilibre  comme  k  la  paix  de  l'Europe,  et  prenant,  d'un 
commun  accord,  en  considération  les  circonstances  où  se  trouve  le  sultan, 
mettent  à  sa  disposition  les  secours  dont  il  peut  avoir  besoin  pour  assurer 
la  tranquillité  de  son  empire  et  la  soumission  de  son  vassal  aux  condi- 
litjns  qu'il  lui  lui  convient  de  lui  offrir.  » 

Le  sultan  déclare  qu'il  accorde  à  Méhéraet  l'investiture  héréditaire  de 
l'Egypte,  à  la  condition  de  la  rétrocession  immédiate  des  autres  territoires 
occupés  par  le  pacha. 

Au  cas  où  la  rétrocession  serait  refusée  et  où  un  mouvement  de  l'ar- 
mée égyptienne  viendrait  à  menacer  Conslantinople,  le  sultan  appellera 
le  secours  des  puissances. 

Ces  secours,  dont  la  force  et  la  composition  seront  déterminées  de  con- 
cert entre  les  puissances  contractantes,  agiront  en  même  temps. 

Le  sultan  demandera  simultanément  l'envoi  à  la  Russie  de  six  vais- 
seaux et  de  deux  frégates  portant  à  bord  des  troupes  de  débarquement 
(lord  Palmerston  n'en  a  pas  encore  fixé  le  nombre,  mais  il  compte  pro- 
poser 15,000  hommes)  qui  franchiront  le  Bosphore. 

A  la  France  et  à  l'Angleterre,  six  vaisseaux  et  deux  frégates  (trois 
vaisseaux  et  une  frégate  pour  chaque  pavillon)  qui  passeront  les  Darda- 
nelles et  iront  croiser  sur  les  côtes  d'Asie. 

A  l'Autriche,  un  détachement  de  son  escadre  qui  suivra  les  pavillons 
anglais  et  français  dans  la  mer  de  Marmara. 

Le  sultan  étant  provisoirement  privé  de  sa  flotte  par  la  défection  du 
capitan-pacha,  sur  sa  demande  les  escadres  combinées  couperont  les 
communications,  entre  l'Egypte  et  les  côtes  de  Syrie,  aux  vaisseaux  du 
vice-roi,  et  arrêteront  tout  transport  de  munitions  de  guerre  ou  de 
bouche. 

Les  puissances  mettront  de  plus  ii  la  disposition  du  sultan  un  convoi 


>.: 


APPENDICE  513 

suffisant  pour  protéger  la  route  et  l'arrivée  du  gouverneur  qu'il  lui  plaira 
d'envoyer  à  Candie  ;  ces  forces  contribueront  aussi,  par  des  moyens  ma- 
ritimes, à  assurer  le  rétablissement  de  l'autorité  de  la  Porte  dans 
l'île. 

Le  but  que  se  propose  le  sultan,  en  appelant  le  secours  des  puissances 
dans  les  eaux  de  la  mer  de  Marmara,  une  fois  atteint,  ces  secours  les 
quitteront,  comme  ils  auront  été  admis,  en  même  temps. 

La  clôture  des  deux  détroits  à  tous  les  pavillons  de  guerre  est  formel- 
lement reconnue  comme  droit  permanent  et  inaliénable  de  la  Porte,  et 
fait  désormais,  comme  par  le  passé,  partie  du  droit  public  européen. 

Toutefois,  la  Porte  garantit  en  temps  de  paix,  à  tous  les  pavillons  mar- 
chands, le  libre  accès  des  eaux  de  Constantinople;  aussi  k  toute  frégate 
portant  à  son  poste  un  envoyé  diplomatique,  à  la  condition  qu'une  seule 
frégate  k  la  fois,  par  chaque  pavillon,  sera  admise  dans  la  mer  de  Mar- 
mara. 

Tel  est  en  substance  le  projet  dont  lord  Palmerston  m'a  donné  lec- 
ture. 

Votre  Excellence  voit  que  les  mesures  contre  le  pacha  se  bornent  à 
l'obstacle  opposé  au  ravitaillement  de  l'armée  d'Ibrahim  d'une  part,  et 
de  l'autre  k  l'envoi  et  k  la  protection  éventuelle  d'un  gouverneur  turc  à 
Candie.  On  ne  parle  plus  ni  de  blocus  ni  d'aucun  autre  moyen  de  co-ac- 
tion  quelconque.  Votre  Excellence  remarquera  aussi  qu'il  n'est  question 
d'aucune  communication  k  faire  à  Alexandrie  ;  les  puissances  ne  recon- 
naissent point  au  pacha  d'existence  indépendante  ,  c'est  k  la  Porte  seule 
qu'elles  s'adressent. 

Le  projet  a  été  communiqué  déjà  à  MM.  de  Briionow  et  Neumann. 

M.  de  Briinnov^f  a  élevé  des  objections  sur  la  forme  même  du  projet,  et 
insiste  pour  qu'on  revienne  au  plan  primitif  d'une  convention  des  puis" 
sances  entre  elles^  qui  agiraient  ensuite  vis-à-vis  de  la  Porte  en  consé- 
quence des  clauses  convenues. 

11  est  inutile  de  dire  à  Votre  Excellence  que,  consulté  sur  ce  point  par 
lord  Palmerston,  je  n'ai  rien  négligé  de  ce  que  j'ai  cru  propre  à  le  confirmer 
dans  sa  résolution,  et  que,  toute  réserve  faite  sur  le  fond  même  de  la 
question,  j'ai  cru  devoir,  quant  à  la  forme,  indiquer  la  préférence  pour 
celle  qui  tendait  davantage  k  lui  assurer  le  caractère  européen. 

Si  je  suis  bien  informé  du  reste,  le  dissentiment  de  M.  de  Briinnow 
ne  se  bornerait  pas  à  la  forme  seule  de  la  convention  projetée.  Mais  jus- 
qu'ici, la  manifestation  de  ce  dissentiment  aétécontenue.  M.  de  Neumann, 
à  en  croire  un  rapport  assez  digne  de  foi,  serait  moins  réservé  et  laisserait 
voir  le  désappointement  que  lui  cause  le  plan  du  cabinet  anglais.  En  tout, 
les  deux  envoyés  spéciaux  sont  évidemment  mécontents  et  déconcertés 
de  la  tournure  actuelle  de  la  négociation  qui  leur  a  été  confiée. 

T.  II.  33 


514  APPENDICE 

Lord  Palmerston  a  aussi  provoqué  raon  avis  sur  l'utilité  et  la  conve- 
nance que  pourrait  avoir  l'insertion  d'un  article  complémentaire  par  le- 
quel les  ambassadeurs  des  puissances  à  Constantinople  seraient  chargés 
de  veiller  à  l'exécution  de  la  convention.  J'ai  cru  devoir  encourager  cette 
idée,  qui  permettrait  et  impliquerait  même  le  séjour  dans  la  mer  de 
Marmara  de  vaisseaux  aux  ordres  de  nos  représentants  à  Constanti- 
nople. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  le  point  de  départ  de  toute  opinion 
énoncée  par  moi  dans  cet  entretien,  a  été  celui  de  l'ignorance  la  plus  en- 
tière des  intentions  du  gouvernement  du  Roi,  et  que  je  n'ai  pas  dit  un  mot 
qui  pût  avoir,  pour  lord  Palmerston,  d'autre  valeur  que  celle  de  raon 
opinion  personnelle.  Je  dois  seulement  mentionner  ici  Tobservalion  faite 
par  lord  Palmerston  en  terminant  la  lecture  de  son  projet  :  «  Qu'il  en 
«  avait  calculé  la  rédaction  de  manière  à  ce  qu'il  fût  facile  à  la  France  de 
a  l'accepter  et  de  se  rallier  à  l'action  commune  des  puissances.  » 

Avant  d'être  officiellement  communiqué  au  gouvernement  du  Roi,  ce 
projet  pourra  recevoir,  soit  de  lord  Palmerston  lui-même,  soit  du  conseil 
britannique,  des  modifications  importantes. 

Quant  au  conseil,  je  crois  sa  majorité,  sinon  son  unanimité,  assurée 
aux  idées  de  lord  Palmerston.  Les  entretiens  que  j'ai  eus  ces  jours-ci 
avec  plusieurs  de  ses  membres  me  portent  à  croire  leur  opinion  arrêtée. 
Je  n'ai  rien  négligé  dans  ces  conversations  pour  faire  bien  apprécier  à 
chacun  les  véritables  motifs  qui  ont  dirigé  la  politique  du  gouvernement 
du  roi,  et  pour  les  pénétrer  de  la  sincérité  du  désir  et  de  la  volonté  qui 
l'animent  de  maintenir,  autant  qu'on  le  lui  rendra  possible,  l'accord  le 
plus  complet  avec  ses  alliés. 
Veuillez  agréer,  etc. 

LIX.  —  Dépêche  da  maréchal  Sonlt  ù.  l'ambassadcnr  de  France 
(baron  de  Barante)  :\  Saint-Pétersbourg,  en  date  da  34  janvier 
1840  (19  zilcadé  1355). 

M.  le  baron, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer  le  texte  d'une  dépêche  écrite  par  M.  de 
Nesselrode  à  M.  de  Médera,  qui,  ainsi  qu'il  en  avait  l'ordre,  m'en  a  rerais 
copie,  après  m'en  avoir  donné  lecture.  La  forme  et  le  fond  de  cette  dépêche 
m'ont,  je  dois  vous  le  dire,  également  surpris.  Dans  les  observations 
que  je  vais  vous  présenter  à  ce  sujet  je  ne  tiendrai  compte  que  du 
fond. 

La  marche  suivie  par  lecabinet  de  Saint-Pétersbourg  dans  l'incident  de 
la  mission  de  M.  deBrtinnow,  n'avait  pas  causé  une  telle  surprise  au  gou- 
vernement du  Roi,  que  j'eusse  cru  devoir  en  faire  l'objet  d'une  réclama- 
lion.  Aussi  n'était-ce  nullement  à  titre  de  plainte  que  j'en  avais  parlé  à 


APPENDICE  515 

M.  de  Médem.  J'avais  voulu  seulement  bien  établir  qne  ce  qu'il  y  avait 
dans  cette  marche  de  peu  conforme  aux  protestations  générales  d'inten- 
tions conciliantes  et  de  désir  d'arriver  à  un  accord  européen,  ne  m'avait 
pas  échappé.  Dois-je  supposer  que  M.  de  Médem  avait  mal  compris  ma 
pensée,  et,  en  la  transmettant  h  son  gouvernement,  en  avait  assez  exa- 
géré la  portée  pour  qu'on  ait  jugé  nécessaire  d'y  répondre  d'une  manière 
aussi  solennelle?  Ou  bien  dois-je  croire  que  le  cabinet  de  Saint-Péters- 
bourg, sans  s'abuser  lui-même  sur  le  véritable  sens  de  mes  paroles,  a  saisi 
le  premier  prétexte  qui  s'est  offert  k  lui,  de  nous  faire  parvenir,  sous  forme 
de  récrimination,  l'expression  d'un  mécontentement  d'ailleurs  bien  peu 
fondé?  Je  serais  porté  k  admettre  plutôt  cette  dernière  supposition,  en 
voyant  combien  peu  cette  prétendue  réponse  se  réfère  à  ce  qu'elle  sem- 
ble avoir  pour  but  de  réfuter. 

Quoiqu'il  en  soit,  sans  entrer  dans  une  polémique  dont  le  moindre  in- 
convénient serait  de  ne  pouvoir  conduire  ci  aucun  résultat,  je  vais  m'ex- 
pliquer  en  peu  de  mots  sur  quelques-uns  des  points  principaux  traités 
dans  la  dépêche  de  M.  de  Nesselrode. 

Le  gouvernement  du  Roi  n'a  jamais  songé  îi  enlever  k  la  Russie  sa  part 
légitime  d'influence  dans  les  affaires  de  l'Orient;  il  sait  qu'elle  doit  être 
grande  pour  être  en  accord  avec  la  nature  des  choses  ;  ce  que  nous 
avons  voulu,  ce  que  nous  voulons  encore,  c'est  que  les  autres  Puissances 
ne  soient  pas  déshéritées  de  celle  qui  leur  appartient  également,  c'est 
qu'elles  en  trouvent,  la  garantie  non  pas  uniquement  dans  la  modération 
personnelle  du  souverain  de  la  Russie,  mais  bien  dans  un  ensemble  de 
mesures  politiques  combinées  pour  la  protection  efficace  de  tous  les 
droits  et  de  tous  les  intérêts* 

Demander  que  ces  droits  et  ces  intérêts  ne  soient  pas  k  h  merci  d'une 
puissance  k  laquelle  il  ne  manquerait,  pour  abuser  de  sa  prépondérance, 
que  la  volonté  de  le  faire  ,  exiger  d'autres  sûretés  que  la  générosité  et  la 
sagesse  d'une  des  parties,  ce  n'est  certes  pas,  quoiqu'on  en  dise,  lui  té- 
moigner une  injurieuse  défiance,  c'est  tout  simplement  faire  acte  de 
prudence  et  de  dignité.  Je  ne  puis  donc  reconnaître  que  dans  la  surveil- 
lance attentive,  inquiète  si  l'on  veut,  que  nous  portons  sur  la  situation  de 
Constantinople,  il  y  ait  rien  dont  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  ait  le 
droit  de  s'offenser. 

Le  gouvernement  du  Roi  serait  bien  autrement  fondé  k  réclamer  contre 
les  assertions  sans  cesse  renouvelées,  qui  le  présentent  comme  se  préoc- 
cupant exclusivement,  dans  la  question  d'Orient,  des  intérêts  du  pacha 
d'Egypte,  et  y  sacrifiant  ceux  de  la  Porte.  Après  les  dénégations  appuyées 
d'arguments  si  convaincants,  qu'il  a  tant  de  fois  opposées  k  ces  imputa- 
tions malveillantes,  il  devait  peu  s'attendre,  peut-être,  k  les  voir  repro- 
duites dans  la  dépêche  de  M.  de  Nesselrode.  Ce  n'est  pas  d'ailleurs  sans 


616  APPENDICE 

une  satisfaction  réelle  qu'il  y  trouve  l'assurance  que  M.  de  Brûnnow  a  la 
mission  de  travailler,  à  faire  cesser  sur  le  point  délicat  du  règlement  ter- 
ritorial de  la  question  d'Orient,  les  dissentiments  partiels  de  l'Angleterre 
et  de  la  France,  —  dissentiments  qui  ne  sauraient  être  que  temporaires 
entre  deux  cabinets  unis  par  des  liens  si  étroits.  Les  informations  que 
j'avais  recueillies  au  sujet  des  instructions  données  b.  cet  envoyé  m'avaient 
fait  craindre  au  contraire  que  la  Russie,  en  adhérant  purement  et  simple- 
ment au  plan  le  plus  défavorable  au  vice-roi,  ne  tendît  à  rendre  plus  dif- 
ficile un  rapprochement  entre  les  idées  des  cabinets  de  Londres  et  de 
Paris.  Nous  en  avions  été  d'autant  plus  surpris,  que  le  gouvernement  im- 
périal, en  manifestant  à  plusieurs  reprises  son  regret  de  ce  qu'on  n'avait 
pas  laissé  au  mois  de  juillet  dernier  la  Porte  et  le  pacha  s'arranger  direc- 
tement, avait  autorisé  h  penser  qu'il  eût  adhéré  sans  peine  même  à  des 
conditions  beaucoup  plus  avantageuses  pour  le  pacha  que  celles  que  nous 
proposons  aujourd'hui.  Certes,  un  changement  aussi  complet  dans  sa  ma- 
nière de  voir  n'eut  pas  trouvé,  à  beaucoup  près,  une  justification  suffi- 
sante dans  le  simple  fait  de  la  médiation  olTerte  le  27  juillet  à  la  Porte, 
puisque  cette  offre  n'impliquait  en  aucune  façon,  de  la  part  des  puis- 
saniîes,  la  promesse  d'une  intervention  matérielle  dirigée  dans  le  but  de 
faire  obtenir  au  sultan  des  stipulations  déterminées. 

Voilà,  M.  le  baron,  ce  que  j'avais  à  vous  dire  sur  la  lettre  de  M.  de 
Nesseirode.  Vous  voudrez  bien  lire  à  ce  Ministre  la  présente  dépêche  et 
lui  en  laisser  copie. 

Agréez,  etc. 

LX.  —  Dépêche  du  maréchal  Soult  aa  général  Sébastianl,  en  date 
dn  S»  janvier  1840  (SI   zilcadé  1X55). 

M.  le  comte,  j'ai  reçu  la  dépèche  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'écrire  sous  le  N"  9.  L'importance  des  informations  qu'elle  contient 
a  fixé  la  plus  sérieuse  attention  du  gouvernement  du  Roi.  Vous  com-. 
prendrez  que  je  ne  m'explique  pas  encore  d'une  manière  complète  sur 
la  communication  de  lord  Palmerston.  Le  caractère  tout  confidentiel  de 
cette  communication,  dont  les  bases  mêmes,  et  à  plus  forte  raison  la 
rédaction,  n'étaient  pas  encore  définitivement  arrêtées  par  le  cabinet 
britannique,  appelle  d'autant  moins  de  notre  part  une  réponse  immédiate 
et  officielle  que,  dans  une  pareille  matière,  le  fond  ne  peut  guère  être 
apprécié  indépendamment  de  la  forme.  Quoiqu'il  en  soit,  et  sans  m'ar- 
rêter  h  des  points  de  détail  qui  pourraient  demander  des  éclaircissements, 
je  n'hésite  pas  à  dire  qu'en  ce  qui  concerne  le  mode  de  la  protection  à 
accorder  h  la  Porte  contre  un  mouvement  éventuel  d'Ibrahim- pacha  sur 
Constanlinople,  les  niodificalions  proposées  par  lord  Palmerston  au  plan 


APPENDICE  517 

du  cabinet  de  Saint-Pétersbourg,  me  paraissent  constituer  une  amélio- 
ration considérable.  L'idée  de  faire  intervenir  la  Porte  dans  le  traité 
qui  réglerait  ce  mode  de  protection,  est  surtout  une  conception  très- 
heureuse  et  d'une  grande  portée. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  approuver  également  dans  le  projet  de 
lord  Palraerston,  ce  qui  se  rapporte  aux  arrangements  territoriaux  à 
conclure  entre  le  Sultan  et  Je  vice-roi.  Nous  persistons  à  croire  que  ce 
ministre  ne  tient  i)as  suffisamment  compte  des  ressources  de  Méliémet- 
Ali,  de  l'énergie  de  son  caractère,  et  de  l'impossibilité  morale  qu'un 
homme  de  cette  trempe  accepte,  sans  résistance,  des  conditions  qui  lui 
ôleraient  avec  une  si  grande  partie  de  sa  puissance  matérielle,  toute  la 
force  d'opinion  dans  laquelle  réside  son  principal  appui.  Plutôt  que  de 
les  subir,  je  suis  convaincu  qu'il  s'exposerait  aux  plus  grandes  extrémités, 
et  que,  tout  en  s'abstenant  peut-être  de  marcher  sur  Gonslaiitinople,  il 
n'hésiterait  pas  à  envahir  la  Mésopotamie,  à  enlever  à  la  Porte  des  pro- 
vinces dont  les  ressources  lui  permettraient  d'opposer  aux  résolutions 
des  puissances  la  résistance  la  plus  énergique. 

Contre  de  telles  entreprises,  que  pourraient  les  moyens  de  co-action 
indiqués  par  le  nouveau  projet  anglais  ?  Que  pourrait  même  l'inter- 
vention russe  dans  les  limites  où  il  tend  h  la  contenir  ?  n'est-il  pas 
évident  qu'une  fois  entrées  dans  cette  voie,  les  puissances  n'auraient 
d'autre  alternative  que  de  reculer  devant  l'audacieuse  attitude  de  Méhé- 
met-Ali  ou  de  recourir  au  seul  moyen  réel  de  proléger  la  Porte  en 
autorisant  l'intervention  russe  dans  le  sens  le  plus  étendu  ?  A  moins 
d'abandonner  le  Sultan  à  sa  faiblesse,  ne  seraient-elles  pas  forcées  de 
souffrir  qu'une  armée  impériale  traversât  l' Asie-Mineure  et  la  Syrie, 
pour  refouler  jusqu'en  Egypte  les  soldats  du  vice-roi  ?  Je  ne  pense  pas 
que  cette  extrémité  put  convenir  à  l'Angleterre,  plus  qu'elle  ne  nous  con- 
viendrait à  nous-mêmes. 

En  vous  signalant  l'insuffisance  des  voies  coërcilives  proposées  par  le 
cabinet  de  Londres,  j'ai  voulu  surtout  vous  faire  remarquer  ce  qu'il  y  a  de 
contradictoire  entre  la  grandeur  des  concessions  demandées  à  Méhémel- 
Ali  et  la  faiblesse  des  moyens  par  lesquels  on  se  propose  de  les  lui  arra- 
cher. Sans  doute  le  cabinet  de  Londres  se  persuade  que  ce  pacha  cédera 
à  la  première|démonstration  des  puissances,  et  que,  hors  d'état  de  suffire 
longtemps  aux  charges  d'un  statu  quo  rendu  plus  gênant  et  plus  onéreux 
pour  lui  par  l'espèce  de  blocus  qu'on  établirait  sur  la  côte  de  Syrie,  il 
s'empressera  de  s'y  soustraire  en  acceptant  l'arrangement  qui  lui  sera 
offert.  Je  crois  fermement  que  c'est  une  erreur,  et  que,  même  en  ad- 
mettant, ce  qui  n'est  guère  probable,  que  Méhémet-Aii  ne  se  fît  pas  un 
jeu  de  jeter  l'Europe  dans  les  complications  les  plus  effrayantes  plutôt  que 
de  se  soumettre  aux  injonctions  des  puissances,  la  prolongation  du  statu 


518  APPENDICE 

quo  actuel,  avecses  incertitudes  et  ses  dangers,  serait  tout  au  moins  la 
conséquence  de  sa  résistance  passive.  Il  faudrait  étrangement  méconnaître 
la  situation  respective  des  deux  parties  pour  croire  que  cette  prolon" 
gation  fût  plus  désavantageuse  au  vice-roi  qu'au  Sultan. 

Dans  l'état  où  la  Porte  est  aujourd'hui  réduite,  elle  a  particulièrement 
besoin  pour  se  remettre,  pour  reprendre  le  degré  de  consistance  et  de 
solidité  exigé  par  l'intérêt  général,  de  repos,  de  sécurité,  d'un  sentiment 
de  conûance  dans  l'avenir.  De  tels  avantages  sont  Jjien  autrement  im- 
portants pour  elle  que  celui  de  recouvrer  immédiatement  la  possession 
de  quelques  provinces  qu'elle  serait  peut-être  fort  embarrassée  d'avoir 
à  gouverner,  et  dont,  en  tous  cas,  la  souveraineté  lui  serait  conservée. 
Mais  la  Porte  ne  peut  recueillir  ces  avantages  que  par  une  prompte  ré- 
conciliation avec  Méliémet-Ali  ;  et  pour  que  cette  réconciliation  ait 
quelque  chance  de  durée,  il  faut  qu'elle  repose  sur  des  bases  qui  soient 
dans  une  juste  proportion  avec  la  force  et  la  puissance  des  parties  con- 
tractantes. 

Telles  sont,  M.  le  comte,  les  raisons  qui  nous  font  considérer  comme 
dangereuse  et  impraticable  la  tentative  d'imposer  à  Méhémet-Ali  les  con- 
ditions énoncées  dans  la  communication  de  lord  Palmerslon.  Il  n'y  a  de 
notre  part  ni  obstination,  ni  prédilection  aveugle,  ni  engagement  d'au- 
cune sorte.  Nos  motifs  sont  tous  puisés  dans  l'intérêt  général,  dans  la 
force  des  choses,  et  dans  des  convictions  profondes.  Que  lord  Palmerston 
les  considère  surtout  comme  inspirés  par  le  plus  vif  désir  de  nous  en- 
tendre, et  d'établir  entre  nos  deux  gouvernements  cette  identité  de  vues 
et  de  tendances  qui  serait  la  meilleure  garantie  de  la  paix  du  monde 
comme  des  intérêts  des  deux  pays. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  que  le  gouvernement  du  Pioi  s'en  rap- 
porte  entièrement  à  vous  quant  au  choix  du  moment  et  de  la  forme  qui 
vous  paraîtront  les  plus  propres  à  produire  avec  avantage  les  arguments 
que  je  viens  de  vous  suggérer. 
Agréez,  etc. 

1,XI.  —  Dépêche  du  général  SébastianI  au  maréchal  Soulti  en  date 
dn  38  janvier  1840  (33  zilcadé  1355). 

Monsieur  le  maréchal,  je  quitte  lord  Palmerston.  Il  vient  de  ra'annoncer 
que  le  conseil,  consulté  par  lui  sur  la  question  de  savoir  si  la  convention 
projetée  devait  être  conclue  entre  les  cinq  puissances  seulement,  ou  bien 
entre  les  puissances  et  la  Porte,  s'était  prononcée  pour  le  dernier  avis,  et 
avait  décidé  à  l'unanimité  que  le  sultan  devait  être  appelé  comme  partie 
contractante. 

Celte  résolution,  la  seule  qu'ail  encore  défiuitivemeut  arrêtée,  dans 


Al'PENDICt  519 

celte  afl'aire,  le  cabinet  britannique,  semble  ajourner  i'orcément  non  seu- 
lenienl  la  conclusion,  mais  le  débat  de  la  négociation  commencée,  et  en 
reculer  la  n.'piise  de  tout  le  temps  nécessaire  à  l'arrivée  d'un  plénipoten- 
tiaire turc.  Malgré  la  jubte  impatience  qu'elle  doit  éprouver  de  voir  se 
résoudre  une  question  si  remplie  dedilîlcultés  et  de  périls,  peut-être  V.  E. 
irouvera-t-elle  que  ce  délai,  avec  les  chances  de  conciliation  et  de  retour 
qu'il  ouvre  devant  nous,  avec  les  embarras  nouveaux  et  croissants  qu'il 
apporte  à  l'atlilude  et  aux  démarches  des  deux  plénipotentiaires  autri- 
chien et  russe,  n'est  pas  sans  avantage  pour  la  politique  du  gouvernement 
du  Roi,  et  qu'il  est  permis  de  voir  un  sticcès  dans  tout  retard  opposé  par 
le  gouvernement  anglais  à  l'empressement  et  à  l'activité  de  MiM.  de  Uriin- 
now  et  Neumann.  Telle  est  du  moins  ma  propre  conviction,  et,  jusqu'à 
nouvel  ordre  de  V.  E. ,  elle  dirigera  ici  raa  conduite  et  mes  paroles. 

Vous  ne  verrez  pas  non  plus  sans  quelque  satisfaction,  monsieur  le  ma- 
réchal, la  décision  du  cabinet  britannique  tendre  à  placer  déEnitivemeot 
les  droits  de  la  Porte  et  les  stipulations  conclues  par  elle  dans  le  droit 
public  européen. 

V.  E.  reconnaîtra  aussi  que,  malgré  les  alternatives  et  les  oscillations 
quotidiennes  que  subit  forcément  une  négociation  oii  tant  d'intérêts  op- 
posés et  puissants  se  trouvent  en  présence  et  en  lutte,  (oscillations  dont 
ma  correspondance  doit  réfléchir  les  retours  et  même  les  contradictions), 
aucun  intérêt  sérieux  pour  nous  n'a  encore  été  compromis,  aucune  posi- 
tion importante  n'a  encore  été  prise. 

Quant  à  la  question  territoriale,  lord  Palmerston  vient  de  me  dire  qu'il 
tâcherait  de  faire  la  plus  large  part  qu'il  lut  possible,  dans  ses  idées, 
d'accorder  à  Méhémet-Ali,  afin  de  ménager  à  la  France  la  facilité  d'accep- 
ter les  bases  de  l'arrangement  à  intervenir. 
Veuillez  agréer,  etc. 

LXII.  —  Drpâche  du  baron  de  Bour<|arnry  au   maréchal  Soalt ,  en 
date  du  14  février  I840  (30  zileadû  1255). 

Monsieur  le  maréchal, 

J'allais  me  retirer,  lorsque  lord  Palmerston  m'a  forcé,  pour  ainsi  dire, 
à  lui  demander  s'il  s'était  passé  quelque  chose  de  nouveau  depuis  sa  der- 
nière conversation  avec  le  général  Sébastiani  sur  les  affaires  d'Orient  : 
«  Rien,  m'a  dit  lord  Palmerston  ;  j'ai  même  renoncé,  quant  h  présent,  à 
la  rédaction  de  ce  protocole  sur  lequel  j'avais  prié  le  général  Sébastiani 
de  pressentir  son  gouvernement.  Je  modère  Y  empressement  du  négocia- 
teur russe,  et])nisque  M.  Guizot  doit  arriver  prochainement  à  Londres,  sars 
doute  dépositaire  de  la  dernière  et  complète  pensée  du  cabinet  français, 
je  crois  beaucoup  plus  convenable  d'attendre  qu'il  soit  ici  pour  rouvrir  la 
discussion.  »  —  «  Ainsi,  ai-je  repris,  non-seulement  il  ne  se  fait,  mais  il 


520  APPENDICE 

ne  se  prépare  rien  dans  l'intervalle?  — Non,  m'a  répondu  lord  Pal- 
raerston,  absolument  rien.  »  Je  m'étais  contenté  de  sourire  au  mot 
à' empressement  appliqué  par  lord  Palmerston  au  négociateur  russse  ;  d'a- 
bord, afin  qu'il  vît  bien  que  je  ne  confondais  pas  ce  qui  tient  au  rôle 
personnel  du  négociateur  avec  une  urgence  prétendue  d'instructions  de 
sa  cour  ;  ensuite  parce  que  le  projet  de  protocole  mis  à  la  charge  du  ba- 
ron de  Briinnow,  comme  initiative,  est  répudié  par  lui  dans  ses  entretiens 
confidentiels,  et  que  je  ne  voulais  pas  que  lord  Palmerston  me  crût  igno- 
rant de  cette  circonstance.  Je  n'ai  rien  ajouté,  Monsieur  le  maréchal,  à 
cette  courte  digression  ;  d'abord  il  n'était  ni  dans  mes  instructions,  ni 
dans  mon  rôle  d'aborder  la  question  dans  son  ensemble,  et  je  sais  par  ex- 
périence combien  il  faut  être  sobre  de  provocation  à  ces  axiomes  échap- 
pés au  premier  mouvement  qui  lient  ici,  plus  que  partout  ailleurs,  et  qui 
chargent  trop  souvent  l'avenir  de  difficultés.  Le  terrain  est  net  aujour- 
d'hui; la  négociation  est  véritablement  suspendue,  et  le  nouvel  ambassa- 
deur du  Roi  y  entrera  avec  le  secret  de  la  faiblesse  de  ses  adversaires. 
Cette  situation  est  bonne,  quoique  encore  délicate  ;  je  ne  voudrais  pas 
avoir  à  me  reprocher  un  mot  qui  pîit  la  modifier  d'ici  à  l'arrivée  de 
M.  Guizot. 

Le  baron  de  Briinnow  répond  aux  questions  qu'on  lui  adresse  sur  son 
départ,  qu'il  n'a  encore  reçu  aucun  contre-ordre  de  sa  cour,  et  que  ses 
instructions  lui  prescrivaient  de  quitter  Londres  pour  se  rendre  à  Darms- 
tadt  le  20  février  ;  mais  il  ajoute  que  le  voyage  du  grand-duc  impérial 
est  retardé,  et  que  cette  circonstance  lui  semble  naturellement  devoir  en- 
traîner l'ajournement  du  sien.  Au  fait,  il  a  l'air  de  préparer  les  esprits  à 
la  prolongation  de  son  séjour. 

Veuillez  agréer,  etc. 

liXIlI.  —  Instructions  du  maréchal  Soiilt  à  l'ambassadcnr  de  Franco 
(Guizot)  à  Londres,  en  date  du  19  février  1840  (15  zilhidjé  1255). 

Monsieur,  au  moment  oii  vous  allez  prendre  la  direction  de  l'ambassade 
de  Londres,  une  question  domine  et,  on  pourrait  dire,  absorbe  l'ensemble 
de  nos  relations  avec  la  Grande  Bretagne.  Exposer  l'état  actuel  de  cette 
question,  la  marche  qu'elle  a  suivie  jusqu'à  présent  et  le  sens  dans  lequel 
le  gouvernement  du  Roi  se  propose  de  continuer  à  la  diriger,  ce  sera  donc 
vous  indiquer  tout  à  la  fois,  et  le  but  que  vous  devez  vous  efforcer  d'at- 
teindre, et,  autant  qu'on  peut  le  faire  à  l'avance,  )a  ligne  de  conduite  que 
vous  avez  à  suivre  pour  y  arriver. 

Dix  mois  se  sont  à  peine  écoulés  depuis  le  jour  oi!i  l'imminence  d'une 
rupture  entre  la  Porte  et  le  vice-roi  d'Egypte  vint  avertir  les  grandes 
puissances  de  la  nécessité  de  pourvoir  ci  la  conservation  et  au  rétablis- 


APPENDICE  521 

seinent  de  la  paix.  La  France  prit,  à  cet  égard,  une  honorable  initiative. 
Deux  pensées  ont  conslament  présidé  aux  propositions  qu'elle  asuccessi- 
veraeut  adressées  à  ses  alliés  :  faire  sortir,  s'il  se  pouvait,  de  cette  crise 
ou  plutôt  des  moyens  par  lesquels  on  la  terminerait,  un  étal  de  choses 
qui,  en  plaçant  la  Porte  sous  le  protectorat  collectif  de  l'Europe,  mit  fm, 
par  le  fait,  au  protectorat  exclusif  consacré  en  faveur  de  la  Russie  par  le 
traité  d'Unkiar-Skelessi;  établir  entre  le  sultan  et  son  vassal  des  rapports 
tels  que  le  droit  et  le  fait  y  trouvassent  une  sulfisante  garantie,  et  que,  par 
conséquent,  un  sentiment  d'irritation  défiante  ne  les  maintînt  pas,  l'un  à 
l'égard  de  l'autre,  dans  une  attitude  d'hostilité  toujours  menaçante  pourja 
tranquillité  du  monde. 

De  ces  deux  projets  du  gouvernement  du  Roi,  le  premier,  il  ne  l'ignorait 
pas,  était  très-difïîcile  k  accomplir  d'une  manière  absolue.  Il  était  peu 
vraisemblable  que  la  Russie  se  prêtât  volontairement  k  abdiquer  une  posi- 
tion exceptionnelle,  qu'elle  n'avoue  pas  en  termes  explicites,  mais  vers 
laquelle  ses  efforts  se  sont  constamment  dirigés  ;  il  était  également  peu 
probable  que  les  autres  grandes  puissances,  dont  le  concours  énergique 
eîit  pu  seul  lui  imposer  cette  résignation,  y  missent  l'ensemble  et  la  vi- 
gueur nécessaires.  A  défaut  d'un  résultat  aussi  complet,  qui  d'ailleurs  ne 
pouvait  être  obtenu  que  si  on  parvenait  à  le  lier  étroitement  à  la  solution 
des  difficultés  provenant  de  la  situation  respective  du  Sultan  et  du  pacha, 
un  autre  résultat,  important  encore,  a  été  atteint  par  l'effet  des  démarches 
et  des  déclarations  respectives  qu'ont  amenées  les  ouvertures  du  gouver- 
nement français  :  il  est  d«venu  évident  pour  tout  le  monde  que  celles  même 
des  grandes  puissances  qui  n'osaient  nous  prêter  une  assistance  suffisam- 
ment efficace  contre  le  cabinet  russe,  s'associaient  pourtant  sur  ce  point 
à  notre  pensée.  La  Russie  a  dû  reconnaître,  par  conséquent,  que,  si  elle 
ne  voulait  pas  les  mécontenter  et  les  rapprocher  de  nous,  elle  devait  éviter 
dans  l'Orient  toute  manifestation  trop  éclatante  de  ses  prétentions  ambi- 
tieuses, toute  affectation  de  prépotence  et  de  suprématie. 

Le  second  objet  que  nous  avions  en  vue  était  plus  pratique,  plus  immé- 
diat. Après  avoir  suspendu  les  hostilités,  il  s'agissait  d'en  prévenir  le 
renouvellement ,  en  réglant  les  conditions  de  la  pacification  de  l'Orient. 
Toutes  les  puissances  étaient  d'accord  sur  ce  point  :  c'est  que  pour  donner 
à  Méhémet-Ali  une  position  stable  et  définitive,  propre  k  le  rassurer  sur 
l'avenir  de  ses  enfants  et  à  lui  inspirer  avec  la  sécurité  le  désir  du  repos, 
il  fallait  lui  concéder,  sous  la  souveraineté  de  la  Porte,  l'administraiion 
héréditaire  d'une  portion  des  territoires  soumis  à  son  pouvoir,  en  lui  faisant 
acheter  cette  concession  au  prix  de  la  rétrocession  du  surplus  de  ces  ter- 
ritoires. Ce  principe  admis,  quelle  devait  être  l'étendue  de  celte  rétro- 
cession et,  par  conséquent,  la  limite  des  pays  abandonnés  au  vice-roi  et 
il  sa  famille?  C'était  li  la  question  à  résoudre. 


522  APPENDICE 

Divers  plans,  vous  le  savez,  furent  indiqués  à  cet  effet.  Je  me  bornerai 
à  rappeler  ceux  que  mirent  en  avant  les  cabinets  de  Londres  et  de  Paris, 
parce  que  c'est  dans  ces  deux  systèmes  que  tous  les  autres  sont  venus  se 
fondre  successivement. 

Le  gouvernement  du  Pioi  a  cru,  et  croit  encore,  que  dans  la  position  où 
se  trouve  Méhémel-Ali,  lui  offrir  moins  que  l'hérédité  de  l'Egypte  et  de  la 
Syrie  jusqu'au  mont  Taurus,  c'est  s'exposer  de  sa  part  à  un  refus  certain 
qu'il  appuierait  au  besoin  par  une  résistance  désespérée  dont  le  contre- 
coup ébranlerait  et  peut-être  renverserait  l'empire  ottoman  ;  il  croit  que 
la  Porte,  rentrant  en  possession  de  l'île  de  Candie,  du  district  d'Adana,  de 
l'Arabie,  et  conservant  sur  la  Syrie  et  l'Egypte  un  droit  de  souveraineté 
consacré  par  diverses  conditions  mises  à  la  charge  du  vice-roi  et  de  sa  fa- 
mille, serait  replacée  dans  une  situation  plus  forte,  plus  honoiable,  plus 
élevée  qu'elle  n'était  peut-être  en  droit  de  s'y  attendre  après  les  impru- 
dences du  dernier  sultan. 

Le  cabinet  de  Londres,  au  contraire,  se  montre  convaincu  de  l'impossi- 
bilité de  rendre  à  l'empire  ottoman  une  consistance  suffisante  et  d'imposer 
à  l'ambition  de  Méhémet-Ali  des  barrières  efTicaces,  tant  qu'on  ne  l'aura 
pas  renfermé  dans  les  limites  delà  seule  Egypte;  il  regarde  comme  indu- 
bitable la  prompte  soumission  de  ce  pacha  aux  injonctions  de  l'Europe, 
dès  qu'il  aurait  la  certitude  que  les  puissances  sont  unanimement  résolues 
à  les  appuyer  par  des  moyens  de  co-action. 

Vous  savez,  monsieur,  quelles  ont  été  jusqu'à  présent  les  suites  de  ce 
fâcheux  dissentiment.  A  peine  est-il  devenu  public,  malgré  nos  efforts 
pour  le  dissimuler,  que  le  cabinet  de  Saint-Pétersbourg  s'est  empressé 
de  saisir  l'occasion  qu'il  a  cru  entrevoir  de  rompre  l'alliance  de  la  France 
avec  l'Angleterre.  Je  ne  reproduirai  pas  ici  les  détails  des  deux  missions 
successivement  confiées  à  M.  de  Brûnnow  :  il  me  suffira  de  les  résumer 
en  disant  que  les  propositions  portées  à  Londres  par  ce  diplomate  ne  re- 
celaient au  fond  qu'une  seul  pensée,  enveloppée,  il  est  vrai,  de  conces- 
sions apparentes  et  presque  dérisoires  aux  préventions  de  l'Angleterre 
contre  Méhémet-Ali,  et  k  sa  jalousie  de  l'influence  russe  à^Gonstantincple. 
Celte  pensée,  à  peine  déguisée,  c'était  celle  d'amener  le  cabinet  britan- 
nique à  signer  un  acte  que  la  France  ne  pût  pas  souscrire,  et  qui,  par 
conséquent,  proclamât  la  scission  des  deux  cabinets. 

Le  rôle  que  l'Autriche  et  la  Prusse  ont  joué  en  celte  circonstance  est 
pénible  à  rappeler,  parce  qu'il  prouve  qu'il  est  des  préjugés,  des  préoc- 
cupations, des  entraînements  auxquels  certains  cabinets  ne  sauront 
jamais  résister,  lorsque  l'occasion  de  s'y  livrer  se  présentera  h  eux. 
Ces  deux  cours  qui,  jusqu'alors,  avaient  presque  complètement  approuvé 
nos  vues  et  nos  propositions  sur  les  affaires  d'Orient,  ont  à  peine  entrevu 
la  possibilité  d'une  alliance  formée  contre  nous,  sur  des  bases  toutes  con- 


APPENDICE  523 

Iraires,  qu'abandonnant  leurs  convictions,  désavouant  leur.?  déclarations 
antérieures,  elles  se  sont  empressées  d'adhérer  par  avance  k  la  ligue  qui 
semblait  au  moment  de  se  conclure. 

Heureusement,  monsieur,  celte  combinaison  a  échoué,  et  elle  ne  pou- 
vait manquer  d'échouer,  parce  que  l'accord  fortuit  d'une  animosité  invé- 
térée avec  un  dépit  passager  ne  sulTit  pas  pour  concilier  des  incompati- 
bilités réelles,  et  pour  rendre  identiques  des  inléréls,  non-seulement  di- 
vers, mais  opposés.  Nous  en  étions  certains  d'avance,  et  c'est  pour  cela 
qu'au  moment  même  où  le  langage  du  cabinet  de  Londres  semblait  an- 
noncer la  prochaine  conlusion  des  arrangements  dont  on  nous  menaçait, 
le  gouvernement  du  Roi  s'est  contenté  d'opposer  une  altitude  calme  et 
une  force  d'inerlie  à  l'agitation  des  autres  cours.  Aujourd'hui,  tout  est 
arrêté,  et,  après  quelques  tentatives  embairassées  pour  nous  déguiser  le 
véritable  état  des  choses,  lord  Palmerston  a  fini  par  nous  faire  donner 
spontanément  l'assurance  que  rien  ne  se  ferait  avant  votre  arrivée. 

Telles  sont,  monsieur,  les  circonstances  au  milieu  desquelles  va  com- 
mencer votre  mission.  L'œuvre  que  vous  avez  à  entreprendre  n'est  pas 
autre  que  celle  qui  avait  été  recommandée  à  votre  prédécesseur.  Les  dis- 
positions du  gouvernement  du  Roi  h  l'égard  de  la  Grande  Bretagne  sont 
aussi  bienveillantes,  aussi  conciliantes  qu'à  aucune  autre  époque.  Les  mo- 
difications nombreuses  que  nous  avons  déjà  apportées  à  nos  propositions 
primitives,  les  efforts,  souvent  heureux,  que  nous  n'avons  cessé  de  faire 
pour  amener  le  vice-roi  d'Egypte  à  y  adhérer,  disent  assez  le  prix  que 
nous  mettons  à  nous  rapprocher  de  nos  alliés,  à  leur  faciliter  les  moyens 
de  s'entendre  avec  nous.  Au  point  où  les  choses  en  sont  venues,  nous  ne 
nous  rendons  pas  bien  compte,  je  l'avoue,  de  ce  qu'il  nous  serait  pos- 
sible d'ajouter  à  ces  concessions  successives  sans  altérer  la  base  raème 
de  notre  système,  fondé,  je  le  dis  hautement,  non  pas  sur  des  idées 
arbitraires,  mais  sur  une  conviction  profonde,  qu'il  ne  dépend  pas  de  nous 
de  changer.  Cependant,  nous  sommes  loin  de  prétendre  qu'il  ne  peut  pas 
se  présenter  quelque  combinaison  heureuse  dans  laquelle  on  trouverait 
un  moyen  de  transaction.  Si  elle  s'ofl'rail  à  nous,  sans  nous  laisser  rebuter 
par  le  peu  d'accueil  fait  à  nos  précédentes  démarches,  nous  nous  empres- 
serions de  la  communiquer  au  cabinet  de  Londres.  Dan«  le  cas,  au  con- 
traire, où  elle  viendrait  de  lui,  nous  l'examinerions  avec  loyauté,  avec 
bienveillance,  avec  un  sincère  désir  de  la  trouver  acceptable.  Vous  pou- 
vez en  donner  l'assurance  à  lord  Palmerston. 

Tout  ceque  vous  ferez,  monsieur,  dans  les  limites  que  je  viensd'indiquer, 
pour  resserrer  les  liens  un  peu  relâchés  de  notre  alliance  avec  le  cabinet 
de  Londres,  aura  la  pleine  approbation  du  gouvernement  du  Roi.  Je  dois 
pourtant  y  mettre  deux  restrictions  :  la  première,  qu'il  est  presque  su- 
perflu d'indiquer,  c'est  ou'à  moins  d'une  autorisation  formelle  et  spé- 


524  APPENDICE 

ciale,  vous  ne  devez  prendre  part  à  aucun  acte,  apposer  aucune  signa- 
ture dont  l'effet  serait  d'engager  la  France.  La  seconde,  c'est  que  vous 
aurez  à  éviter  soigneusement  tout  ce  qui  tiendrait  à  nous  faire  entrer 
dans  la  voie  des  conférences  et  des  protocoles  ;  il  est  trop  évident,  d'a- 
près ce  qui  s'est  passé  en  dernier  lieu,  que  nous  aurions  souvent  la 
chance  de  nous  y  trouver  isolés. 

Je  ne  vous  parle  aujourd'hui  que  de  la  question  d'Orient  ;  comme 
j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  dire,  c'est  en  elle  que  se  concentre  en  ce  mo- 
ment la  nature  de  nos  relations  avec  le  gouvernement  brilanique.  J'au- 
rai soin,  lorsque  les  conjonctures  le  rendront  nécessaire,  de  vous  faire 
parvenir  les  directions  que  réclameront  les  autres  points  esssentiels  de 
la  politique  générale. 

Agréez,  monsieur,  etc., 

£,XIV.  —  Résnmé  d'un  entretien  de  lord  Palnierston  avec  SI.  Guizot, 
le  4  mars   1840  (S9  zUhidjé  1355). 

Guizot.  — Je  n'ai  et  ne  puis  encore  avoir  reçu,  mylord,  sur  les  affaires 
d'Orient  et  sur  l'idée  que  s'en  forme  le  nouveau  cabinet,  aucune  instru- 
tion  positive. 

Palmerston.  —  Tant  mieux;  nous  causerons  plus  librement  sur  la 
question  même  ;  nous  avons  besoin  de  tout  nous  dire. 

Guizot.  —  Je  m'en  féliciterai,  mylord  ;  je  ne  suis  pas  un  diplomate  de 
profession  ;  c'est  au  gouvernement  intérieur  de  mon  pays  que  j'ai  pris 
quelque  part  ;  c'est  l'étal  des  esprits  dans  les  chambres  et  dans  le  public  que 
je  désire  mettre  sous  les  yeux  de  votre  gouvernement.  L'unanimité  est 
grande  chez  nous  sur  la  question  d'Orient  ;  nos  débats  mêmes  en  témoi- 
gnent ;  j'ose  dire  que  je  serai  en  même  temps,  auprès  de  vous,  l'organe 
des  intentions  du  gouvernement  du  Roi  et  de  l'opinion  générale  du  pays. 
Ce  n'est  pas,  mylord,  que  le  gouvernement  du  Roi  se  dirige,  dans  cette 
affaire,  d'après  les  préjugéspublics  et  les  prenne  pour  règle  de  sa  politique  ; 
il  en  est  de  fort  accrédités,  de  fort  bruyants,  auxquels  il  est  bien  loin  de 
s'associer.  Vous  entendez  sans  cesse  parler  en  Angleterre  des  prétentions 
ambitieuses,  des  vues  d'agrandissement  de  la  France,  et  vous  ne  partagez 
certainement  pas,  à  ce  sujet,  toutes  les  craintes  dont  on  vous  assiège.  Nous 
aussi,  mylord,  nous  avons  nos  méfiances  populaires  ;  à  nous  aussi  on  parle 
sans  cesse  de  l'ambition  et  des  projets  d'agrandissement  de  l'Angleterre  ; 
elle  veut  s'emparer  de  Candie,  dominer  seule  en  Egypte  et  en  Syrie.  Le 
gouvernement  du  Roi  sait  fort  bien  que  ces  rumeurs  n'ont  aucun  fondement. 
Il  est  parfaitement  convaincu  que  votre  gouvernement  est  trop  sage  pour 
vouloir,  en  Orient,  autre  chose  que  le  maintien  de  la  paix  et  de  l'ordre 
établi  entre  les  États.  Nous  regardons,  mylord,  l'intérêt  français  et  l'in- 
térêt anglais  dans  celle  question,  je  veux  dire  l'intérêt  supérieur  et  domi- 


APPENDICE  525 

nant  des  deux  pays,  comme  semblables.  Vous  voulez,  nous  voulons  comme 
vous,  que  l'empire  ottoman  subsiste  et  tienne  sa  place  dans  l'équilibre  eu- 
ropéen. Pour  nous,  comme  pour  vous,  c'est  h  Constantinople  qu'est  la 
grande  question;  c'est  la  sûreté  et  l'indépendance  de  Constantinople  que, 
vous  et  nous,   avons   h  cœui-  de  garantir.  Les  événements  ont  élevé  en 
Egypte  et  en  Syrie  une  autre  question  sur  laquelle  on  peut  croire  que  nous 
ne  sommes  pas  aussi  unanimes;  mais  cette  question  nouvelle  n'empôche 
pas  que  celle  de  Constantinople  ne  demeure  la  question  première,  essen- 
tielle. Ce  sont  les  événements  de  Syrie  qui  nous  obligent  à  nous  occuper 
de  Constantinople;  mais  c'est  toujours  ci  Constantinople  qu'est,  pour  vous 
comme  pour   nous,   la  grande  affaire  ;   c'est  toujours  en   vue  de  Cons- 
tantinople, et  pour  arriver  à  une  bonne  solution  de  la  question   qui 
réside  là,  que  toutes  les  autres  questions  doivent  être  considérées  et 
résolues.  Eh  bien  !  mylord,  pour  que  la  question  de  Constantinople  soit 
résolue  comme  il  convient  h  vous,  h  nous,  h  la  paix  et  à  l'équilibre  de 
l'Europe,  il  faut  que  la  question  d'Egypte  soit  résolue  pacifiquement,  par 
un  arrangement  agréé  du  sultan  et  du  pacha,  et  qui  règle  définitivement, 
de  leur  aveu,  leur  situation  réciproque.  Quel  doit  être  cet  arrangement, 
quelle  délimitation  territoriale  en  résultera  entre  les  deux  rivaux,  ce  sont 
là  des  questions  graves  sans  doute,  mais  h  nos  yeux,  secondaires.  Que  le 
sultan  ou  le  pacha  possède  telle  ou  telle  étendue  de  territoire,  cela  nous 
préoccupe  peu  ;  ce  qui  nous  préoccupe  beaucoup,  c'est  que  l'Orient  ne  soit 
pas  livré  aux  chances  d'un  grand  trouble,  qu'on  n'y  mette  pas  le  feu  en  y 
employant  la  force.  Pensez-y  bien,  mylord,  consultez  le  passé  ;  tout  évé- 
nement, toute  secousse  en  Orient  compromet  la  sûreté  et  l'indépendance  de 
Constantinople  en  y  favorisant  les  progrès  de  l'influence  que,  vous  et  nous, 
souhaitons  d'y  restreindre.  Tout  emploi  de  la  force  en  Orient  tourne  au  proflt 
de  la  Russie  ;  d'abord,  parce  que  c'est  toujours  la  Russie  qui  paraît  sur  cette 
scène  avec  les  forces  les  plus  considérables  ;  ensuite,  parce  que  tout  emploi 
de  la  force,  toute  grande  secousse  amène  des  chances  qu'il  est  impossible 
de  prévoir,  et  dont  la  Russie  est,  plus  que  toute  autre  puissance,  en  me- 
sure de  profiter.  Permettez-moi,  mylord,  de  vous  adresser  une  question  : 
je  sais  que  vous  avez  regardé  l'arrangement  conclu  à  Kutahié,  en  1833, 
comme  mauvais,  et  je  n'en  veux  pas  discuter  en  ce  moment  le  mérite; 
pourtant  si  l'on  eût  pu,  il  y  a  quelque  mois,  avant  l'explosion  delà  nouvelle 
lutte  entre  le  sultan  et  le  pacha,  garantir  la  durée  de  l'arrangement  de 
Kutahié  pour  dix  ans,  pour  le  reste  de  la  vie  de  Méhémet-Aii,  vous  auriez, 
à  coup  sûr,  accepté  ce  statu  quo  comme  un  bien  réel,  comme  un  gage  de 
sécurité  pour  l'empire  ottoman,  et,  par  conséquent,  pour  l'Europe.  Pour- 
quoi? Parce  que  ce  qui  importe  avant  tout  à  l'Europe,  en  Orient,  c'est  la 
paix,  1  absence  de  tout  ébranlement  qui  ouvre  des  perspectives  et  des 
chances  à  l'ambition  étrangère. 


526  APPENDICE 

Pahnerston.  —  Le  stolu  quo  de  l'arrangement  de  Kutahié  était  impos- 
sible, l'ambition  de  Méh6mel-Ali  va  toujours  croissant;  il  n'a  jamais 
pu  se  conlenir  dans  ses  limites. 

Guizot.  — Pardon,  mylord;  je  ne  doute  pas  que  Méliémet-Ali  ne  soit 
fort  ambitieux  ;  mais  on  ne  peut,  dans  cette  dernière  occurrence,  le  char- 
ger du  tort  de  l'agression. 

Palmerston.  —  Oui,  je  sais  qu'on  dit  cela  en  France,  mais  on  se  trompe  ; 
c'est  sur  le  territoire  turc,  non  sur  le  territoire  égyptien  que  la  bataille 
de  Nezib  a  été  livrée. 

Guizot.  —  Il  est  vrai,  mylord  ;  mais  le  territoire  égyptien  avait  été  préa- 
lablement envahi  par  les  Turcs  ;  ils  avaient  occupé  plusieurs  villages 
égyptiens;  Aïn-Tab,  oii  ils  étaient  d'abord  entrés,  est  sur  le  territoire 
égyptien. 

Palmerston.  —  Peu  importe  que,  ce  jour-là,  le  sultan  ou  le  pacha  ait 
été  l'agresseur  ;  dans  leur  situation  réciproque,  il  ne  pouvait  manquer 
d'y  avoir  un  agresseur;  comment  contenir  un  vassal  ambitieux  et  un 
souverain  irrité  ayant  leurs  armées  en  présence,  sans  frontières  fortes  et 
bien  précises?  Ce  qui  vient  d'arriver  devait  arriver,  et  recommencerait 
toujours.  Nous  aurions  dû  le  prévoir  en  1833.  Je  l'ai  dit  alors,  et  j'ai  de- 
mandé qu'on  prît  d'autres  mesures  que  l'arrangement  de  Kulahié.  Mais 
nous  avions  ici  d'autres  affaires  pressantes  ;  le  cabinet  n'a  pas  voulu. 
Nous  avons  eu  tort.  Il  ne  faut  pas  que  nous  retombions  dans  la  même 
faute.  Il  faut  que  nous  prévenions  le  retour  d'événements  pareils  h  ceux 
dont  nous  sommes  si  embarrassés.  Le  moyen,  c'est  de  rendre  le  sultan 
plus  fort,  le  pacha  plus  faible,  et  de  prévenir  entre  eux  ce  contact  habi- 
tuel, inévitable,  qui  tente,  k  chaque  instant,  l'ambition  de  l'un  et  la  ven- 
geance de  l'autre.  Pour  fortifier  l'Empire  ottoman,  il  faut  lui  rendre  une 
partie  des  territoires  qu'il  a  perdus  ;  la  Syrie  est  une  province  peuplée 
et  riche  ;  la  Porte  en  tirera  des  hommes  et  de  l'argent  ;  elle  résistera 
alors  bien  mieux  au  pacha  qui,  de  son  côté,  aura  bien  moins  d'occasions 
et  de  moyens  de  l'attaquer. 

Guizot.  —  Croyez-vous,  mylord,  que  vous  fortifierez  réellement  l'Em- 
pire ottoman  en  lui  rendant  plus  de  territoires  ?  Ne  nous  repaissons  pas 
d'illusions  ;  cet  Empire  n'est  pas  mort,  mais  il  se  meurt  ;  il  tombe  en 
lambeaux;  nous  pouvons  prolonger  sa  vie,  mais  non  le  ressusciter  effecti- 
vement. Vous  ne  lui  rendrez  pas,  avec  la  Syrie,  la  force  de  la  gouverner 
et  de  la  garder;  l'anarchie,  le  pillage,  la  violence  et  l'impuissance  tur- 
ques reprendront  possession  de  cette  province,  et  vous  serez  responsable 
de  son  sort  ;  vous  serez  obligé  tantôt  d'y  réprimer,  tantôt  d'y  soutenir 
les  Turcs.  Je  suppose  que  vous  ayez  réussi;  je  suppose  Méhémet-Ali 
dompté,  refoulé  en  Egypte  :  croyez-vous  qu'il  se  résigne,  et  qu'il  renonce  k 
son  ambition,  que  vous  jugez  si  indomptable  ?  Non,  mylord  ;  il  a  fait  ses 


APPENDICE  527 

preuves  de  persévérance  et  d'adresse  ;  il  reprendra  ses  desseins  ;  il  tra- 
vaillera à  reconquérir  la  Syrie.  Les  moyens  ne  lui  manqueront  pas  ; 
quand  Méliémet-Ali  possède  la  Syrie,  c'est  le  sultan  qui  y  a  des  intelli- 
gences et  qui  y  fomente  des  rébellions  ;  quand  le  sultan  la  possédera, 
ce  sera  le  pacha  qui  fomentera  les  rébellions,  rendra  précaire  la  domina- 
lion  de  son  rival,  et  ressaisira  peut-être  bientôt  la  sienne.  Au  lieu  d'avoir 
assuré  la  domination  de  la  Porte,  vous  aurez  au  contraire  échaulTé  la  lutte, 
aggravé  le  trouble  et  préparé  de  nouveaux  hasards  dont  la  Russie  sera, 
comme  toujours,  la  première  h  profiler. 

Palmerston.  —  Vous  avez  trop  mauvaise  opinion  de  l'Empire  ottoman, 
et  vous  n'êtes  pas  au  courant  de  la  disposition  actuelle  du  gouvernement 
russe.  Un  État  qui  est  un  cadavre,  un  corps  sans  âme,  et  qui  tombe  en 
lambeaux,  ce  sont  là  des  figures  auxquelles  il  ne  faut  pas  croire  ;  qu'un 
État  malade  retrouve  des  territoires  pour  y  lever  de  l'argent  et  des 
hommes,  qu'il  remette  de  la  régularité  dans  son  administration,  il  se 
guérira,  il  redeviendra  fort.  C'est  ce  qui  arrive  déjà  en  Turquie  ;  lehatti- 
schérifT  de  Reschid-Pacha  s'exécute  ;  sss  bons  effets  se  développent.  Et 
quant  à  la  Russie,  soyez  sûr  que  sa  disposition  à  se  concerter  avec  les 
autres  puissances  sur  les  affaires  d'Orient  est  sérieuse.  Je  ne  dis  pas  que 
le  désir  de  nous  diviser,  vous  et  nous,  ne  soit  pour  rien  dans  sa  conduite  ; 
mais  elle  désire  aussi  de  ne  pas  rester  en  Orient  dans  la  situation  où  elle 
s'est  mise  ;  son  traité  d'Unkiar-SkIélessi  lui  pèse;  si  des  troubles  éclatent 
en  Turquie,  si  Méhéraet-Ali  menace  Constantinople,  si  la  Porte  réclame 
le  secours  russe,  aux  termes  du  traité,  l'empereur  Nicolas  est  décidé  à 
l'exécuter  ;  il  croit  que  son  honneur  le  lui  prescrit  ;  mais  cette  nécessité 
ne  lui  plaît  point;  il  prévoit  que,  ni  vous,  ni  nous,  ne  le  laisserions  faire, 
et  il  ne  veut  pas  engager  cette  lutte  ;  il  cherche  à  se  placer  sur  un  ter- 
rain moins  compromettant.  Il  est  de  notre  intérêt,  du  vôtre,  de  l'intérêt 
de  l'Europe  de  lui  en  faciliter  les  moyens.  Saisissons  celte  disposition  de 
la  Russie  pendant  qu'elle  existe  ;  profitons-en  pour  ramener  la  question 
ottomane  dans  le  droit  public  européen.  Ce  sera  pour  nous  tous  un  grand 
avantage  d'avoir  détruit,  sans  combat,  ce  protectorat  exclusif  qui  nous 
inspire  de  si  justes  méfiances,  et  d'avoir  lié  par  les  traités  la  puissance  qui 
voulait  se  l'arroger. 

Guizot.  —  Je  souhaite  que  vous  ayez  raison  sur  l'un  et  l'autre  point, 
mylord  ;  je  souhaite  que  l'Empire  ottoman  retrouve  de  la  force  et  que  la 
Russie  renonce  à  le  dominer  en  le  protégeant.  Mais  l'abdication  russe  me 
paraît  bien  douteuse,  et  quant  à  la  restauration  turque,  les  dangers  que 
court  en  ce  moment  l'Empire  ottoman  sont  plus  pressants  que  ne  seront 
prompts  les  remèdes  dont  vous  parlez.  Dans  les  suppositions  les  plus 
favorables,  cet  Empire  ne  sera  de  longtemps  en  état  de  se  suflire  à  lui- 
même,  et  quand  de  grands  désordres  intérieurs  lui  imposeront  de  grands 


528  APPENDICE 

eflbrls,  pendant  longtemps  encore  ce  seront  des  forces  étrangères,  c'est-à- 
dire  des  Russes,  qui  viendront  le  protéger. 

Palmerston.  —  Quand  les  Russes  viendront  en  vertu  d'un  traité  et  au 
nom  de  l'Europe,  le  danger  ne  sera  plus  le  même  ;  et  le  but  une  fois  at- 
teint, ils  s'en  iront. 

Guizot.  —  Je  crois  à  la  vertu  des  traités,  mylord  ;  je  crois  à  la  loyauté 
des  souverains;  mais  je  crois  aussi  à  l'empire  des  situations,  des  passions, 
et  d'une  politique  séculaire.  Ce  sera  beaucoup  saus  doute  que  les  Russes 
sortent  de  Turquie  après  y  être  venus;  mais,  même  quand  ils  en  seront 
sortis,  ce  sera  un  grand  raal.'qu'ils  y  soient  venus.  Et  qui  vous  dit  qu'ils  en 
pourront  sortir  promptement  ?  Qui  vous  dit  que  la  guerre,  une  fois  allu- 
mée en  Syrie,  ne  durera  pas  plus  longtemps  que  vous  ne  l'aurez  prévu  ? 
Le  pacha  a  là  une  armée  considérable  ;  il  peut,  même  quand  ses  commu- 
nications par  mer  seront  interrompues,  la  soutenir  et  la  pourvoir  dans  le 
pays  même  et  par  la  voie  de  terre.  Déjà,  dit-on,  il  en  organise  les 
moyens  à  travers  le  désert  et  la  Palestine  ;  on  parle  de  cinq  raille  chameaux 
réunis  dans  ce  dessein.  Vous  ne  débarquerez  pas  en  Syrie  des  troupes 
anglaises  ;  l'Autriche  n'y  enverra  pas  les  siennes  ;  contre  toutes  les  difficul- 
tés de  cette  guerre,  partout  où  elle  éclatera,  en  Syrie  comme  dans  l'Asie 
Mineure  et  à  Constantinople,  ce  seront  des  Russes  qui  seront  chargés  de 

la  soutenir. 

Palmerston.— Hq^  troupes  anglaises,  non  ;  nous  n'en  avons  pas  à  mettre 
là  ;  des  troupes  autrichiennes...,  eh!  eh!  on  ne  sait  pas,  on  ne  sait  pas... 
D'ailleurs  il  ne  serait  peut-être  pas  nécessaire  que  des  Russes  vinssent 
dans  l'Asie  Mineure  ou  en  Syrie  ;  on  pourrait  débarquer  en  Egypte  même, 
au  cœur  de  la  puissance  de  Méhéraet-Ali,  un  corps  turco-russe;  il  n'a 
là  que  de  mauvaises  troupes,  des  ouvriers  ;  il  faudrait  qu'il  rappelât  son 
armée  de  Syrie. 

Guizot.  —  Mylord,  nous  avons  fait  cette  épreuve  ;  nous  savons  ce 
qu'elle  exige  d'efforts  et  ce  qu'elle  fait  courir  de  chances;  vous  n'aurez  pas 
là  une  meilleure  armée  ni  un  plus  grand  capitaine  que  nous  n'y  en  avons 
eu  en  1798.  Mais  permettez-moi  de  revenir  à  la  question  même  :  pour- 
quoi tous  ces  efforts?  Pourquoi  faire  courir  à  la  paix  de  l'Orient,  à  la 
sécurité  de  la  Porte  et  de  l'Europe,  tant  de  hasards?  Pour  refuser 
l'hérédité  à  un  vieillard  de  soixante-douze  ans.  Qu'est-ce  donc  que 
l'hérédité  en  Orient,  mylord,  dans  celte  société  violente  et  précaire,  dans 
ces  familles  nombreuses  et  désunies?  L'histoire  de  Méhémet-Ali  n'est 
pas  un  fait  nouveau  dans  l'Empire  ottoman;  plus  d'un  pacha,  avant  lui, 
s'est  élevé,  a  fait  des  conquêtes,  s'est  rendu  puissant  et  presque  indépen- 
dant. Qu'a  fait  la  Porte  ?  Elle  a  attendu  ;  les  pachas  sont  morts,  leurs  fils 
se  sont  divisés,  et  la  Porte  a  ressaisi  ses  territoires  et  son  pouvoir.  C'est 
encore  ici  pour  elle  la  meilleure  chance  et  la  conduite  la  plus  pru  dente. 


APPENDICE  529 

Paîmerston.  —  Il  y  a  du  vrai  dans  ce  que  vous  dites  là;  l'hérédité 
n'aurait  peut-être  pas  grande  valeur.  Pourtant,  Ibraliim-Paclia  est  un 
cher  habile,  aimé  de  ses  troupes,  meilleur  administrateur  que  son  père, 
dit-on  ;  il  a  auprès  de  lui  des  olUciers  capables,  des  Français.  Nous  nous 
disons  tout,  n'est-ce  pas?  Est-ce  que  la  France  ne  serait  pas  bien  aise  de 
voir  se  fonder,  en  Egypte  et  en  Syrie,  une  puissance  nouvelle  et  indépen- 
dante, qui  fût  presque  sa  création  et  devînt  nécessairement  son  alliée  ? 
Vous  avez  la  régence  d'Alger  ;  entre  vous  et  votre  allié  d'Egypte,  que 
resterait-il?  Presque  rien,  ces  pauvres  États  de  Tunis  et  de  Tripoli. 
Toute  la  côte  d'Afrique  et  une  partie  de  la  côte  d'Asie  sur  la  Méditer- 
ranée, depuis  le  Maroc  jusqu'au  golfe  d'Alexandrctte,  serait  ainsi  en 
votre  pouvoir  et  sous  votre  influence.  Gela  ne  peut  nous  convenir. 

Guizot.  —  Vous  avez  raison,  mylord  ;  nous  nous  disons  tout,  et  nous 
pouvons  bien  librement  nous  tout  dire,  car  nos  paroles  ne  disposent  pas 
de  l'avenir.  Ce  qu'il  amènera  peut-être  un  jour,  quelles  nouvelles  com- 
binaisons d'États  et  de  politique  pourront  se  former  tout  autour  de  la 
Méditerranée,  je  n'en  sais  rien,  ni  vous,  mylord,  ni  personne.  Nous  pou- 
vons amuser  notre  esprit  à  tenter  de  le  prévoir  ;  mais  ce  n'est  certaine- 
ment pas  sur  de  telles  hypothèses  ni  par  de  tels  pressentiments  que  notre 
politique  doit  aujourd'hui  se  régler.  Le  gouvernement  du  Roi  ne  manquera 
jamais  à  ses  devoirs  envers  les  destinées  de  la  France  ;  mais  il  est  con- 
vaincu que  le  grand  intérêt  français  est  maintenant  la  durée  de  la  paix, 
ratïermissement  de  l'ordre  européen,  le  développement  régulier  des  di- 
vers États  contenus  chacun  dans  ses  limites.  C'est  là.  notre  politique, 
mylord  ;  c'est  aussi  la  vôtre  ;  et,  en  vérité,  je  ne  comprendrais  pas  qu'en 
Orient  nous  n'agissions  pas  de  concert,  lorsque,  en  dehors  ou  au-dessus 
de  toutes  les  dissidences  secondaires  ou  futures,  nous  y  avons  si  évidem- 
ment le  môme  intérêt  et  le  môme  dessein.  —  Permettez-moi,  mylord, 
de  vous  faire  tout  simplement,  à  briile-pourpoint,  une  question  directe  : 
Y  a-t-il^  dans  cette  affaire,  quelque  chose  de  plus  avancé  que  nous  ne 
savons  ?  On  a  dit  ailleurs,  on  a  du  moins  donné  ïi  croire  que  la  négocia- 
tion dont  nous  nous  occupons  ici  était  presque  conclue,  et  les  moyens  de 
co-aclion  à  employer  contre  Méhéraet-Ali  presque  réglés.  Y  a-t-il  k  cela 
quelque  chose  de  vrai  ? 

Paîmerston.  —  11  n'y  a  rien,  absolument  rien  de  plus  que  ce  que  vous 
savez.  —  Voici  deux  projets  d'arrangement,  de  traité,  si  l'on  veut,  entre 
toutes  les  puissances,  sur  cette  affaire.  Le  premier  est  de  moi  ;  c'est  une 
pure  ébauche,  une  simple  rédaction  de  mes  propres  idées,  que  je  n'ai  pas 
montrée  Ji  mes  collègues.  Le  second  est  une  ébauche  analogue  qui  me 
vient  des  puissances  du  continent.  Lisez-les  tous  les  deux.  * 

(•)  Ces  projets  étaient  conçus,  en  principe,  dans  des  systèmes  différents  :  le  projet 
de  lord  Paîmerston  était  un  traité  entre  les  cinq  puissances  et  la  Porte  ottomane  ; 

T.  II.  34 


530  APPENDICE 

LXV,  —  Dépêche  (extrait)  de  M.  Guizot  au  ministre  des  alTaires  étran- 
gt^res  (Tiiiers),  en  date  do  1%  mars  184%  (8  moharrem  i0  56). 

Je  suis  maintenant  convaincu  que  lord  Palraerston  n'a  aucun  dessein 
de  rien  faire  ni  de  rien  décider  avant  l'arrivée  du  plénipotentiaire  turc; 
nous  avons  donc  du  temps.  Mais  je  dois  faire  observer  dès  aujourd'hui  à 
Votre  Excellence  que  cet  avantage  deviendrait  peut-être  un  danger,  si 
nous  nous  laissions  aller  à  supposer  que,  parce  qu'il  ne  se  fait  rien  à  pré- 
sent, il  ne  se  fera  rien  plus  tard,  et  que  nous  serons  définitivement  dis- 
pensés de  prendre  une  résolution  parce  que  nous  n'en  sommes  pas  pressés 
immédiatement.  Plus  j'observe,  plus  je  me  persuade  que  le  cabinet  bri- 
tannique croit  les  circonstances  favorables  pour  régler  les  alTaires  d'Orient 
et  veut  sérieusement  en  profiter.  Il  aime  beaucoup  mieux  agir  de  concert 
avec  nous  ;  il  est  disposé  h  nousfaire  des  concessions  pour  établir  ce  con- 
cert. Cependant,  si,  de  notre  côté,  nous  n'arrivions  à  rien  de  positif,  si 
nous  paraissions  ne  vouloir  qu'ajourner  toujours  et  convertir  toutes  les 
diflicultés  en  impossibilités,  un  moment  viendrait,  je  pense,  oti,  par  quel- 
que résolution  soudaine,  le  cabinet  britannique  agirait  sans  nous  et  avec 
d'autres,  plutôt  que  de  ne  rien  faire.  Le  temps  peut  nous  servir  beaucoup 
pour  amener  ce  cabinet  au  plan  de  conduite  et  aux  arrangements  qui  nous 
paraissent  sages  et  praticables;  mais  si  nous  n'employions  pas  le  temps  à 
marcher  effectivement  vers  un  tel  résultat,  je  craindrais  fort,  je  l'avoue, 
qu'en  définitive  il  ne  tournât  contre  nous. 

LXVI.  —  Dépêche  (extrait)  de  IV.  Gnizot  à  M.  Thiers,  en  date  du 
IV  mars  i840  (19  moharrem  135G). 

Il  y  aurait  plus  d'inconvénient  que  d'avantage  à  faire,  de  la  dépêche 
que  Votre  Excellence  vient  de  ra'adresser,  un  usage  officiel.  Je  crois  que, 
si  j'en  donnais  communication,  même  partielle  et  par  simple  voie  de  lec- 
ture, à  lord  Palmerston,  elle  le  porterait  peut-être  à  des  résolutions  ex- 
dans le  second,  les  cinq  puissances  ne  traitaient  qu'entre  elles,  et  la  Porte  recevait  et 
acceptait  leurs  proposions.  Cette  différence  essentielle  mise  de  côté,  les  deux  projets 
ne  différaient  pas  beaucoup  d'ailleurs  ;  ils  contenaient  l'un  et  l'autre  :  1°  l'engagement 
des  cinq  puissances  do  garantir  l'Empire  ottoman  contre  toute  nouvelle  attaque  du 
pacha  d'Egypte  et  toute  invasion  au  delà  du  Taurus  ;  2"  le  règlement,  dans  ce  cas,  du 
mode  d'occupation  de  Constantinople  et  de  la  mer  de  Marmara  ;  enfin  l'indication 
des  moyens  à  employer  contre  le  pacha  d'Egypte,  dans  le  cas  où  il  se  refuserait  aux 
injouctions  du  sultan  et  des  cinq  puissances.  Sauf  l'emploi  des  flottes  européennes  pour 
intercepter  les  communications  entre  l'Egypte  et  la  Syrie,  et  pour  seconder  les  insurrec- 
tions locales  ou  les  débarquements  des  forces  turques  ou  alliées,  ces  moyens  de  co-ac- 
tion  étaient  très-vaguement  indiqués,  et  aboutissaient  à  l'engagement  de  se  concerter 
de  nouveau  si  des  mesures  plus  active?  devenaient  nécessaires. 


APPENDICE  531 

trêracs,  comme  contenant,  non  un  refus  de  nous  associer  h  des  confé- 
rences, ce  qu'il  ne  demande  point,  mais  un  refus  de  continuer  ii  négocier 
de  concert  avec  les  quatre  puissances,  par  simple  voie  de  conversation  et 
dans  l'unique  but  de  se  mettre  d'accord  sur  quelque  arrangement.  Lord 
Paimerston  met,  à  ce  concert,  une  extrême  importance  ;  soit  parce  que 
son  amour-propre  y  est  engagé,  soit  parce  qu'il  le  regarde  comme  le  seul 
moyen  de  profiter  de  la  disposition  de  la  Russie  à  abandonner  le  protec- 
torat exclusif  de  Gonslantinople,  et  à  prendre  simplement  sa  place  dans 
le  protectorat  européen.  Le  cabinet  anglais  ne  demandera  pas  mieux,  je 
pense,  que  de  nous  voir  traiter  de  cette  grande  afiaire  surtout  avec  lui  et 
par  son  entremise  ;  la  position  qui  lui  est  faite  par  là  lui  convient,  et  nous 
pouvons,  de  notre  côté,  en  tirer  parti.  Mais  la  cessation  de  toute  commu- 
nication sur  la  question  d'Orient  avec  les  trois  autres  puissances  conti- 
nentales, l'abandon  ofilciel  de  .tout  travail  pour  amener,  entre  elles  et 
nous,  un  concert  efficace,  embarrasseraient,  irriteraient,  non-seulement 
l'Autriche  et  la  Prusse,  qui  se  montrent  en  ce  moment  bien  disposées, 
mais  peut-être  le  cabinet  anglais  lui-même,  et  altéreraient  la  situation  ac- 
tuelle dans  ce  qu'elle  a  de  favorable. 

LXtII.  —  Lettre  (extrait)  de  M.  Gnizot  ù  IVI.  Tliiers,  en  date  du 
19  mars  1840  (13  moharrcm  125G). 

Il  est  possible  que  nous  puissions  rentrer  dans  la  politique  d'attente  et 
de  difficultés  sans  cesse  renouvelées,  au  bout  de  laquelle  nous  entre- 
voyons, en  Orient,  le  maintien  du  statu  quo;  mais  il  se  peut  aussi  que  les 
événements  se  précipitent,  et  que  nous  nous  trouvions  bientôt  obligés  de 
prendre  un  parti.  Si  cela  arrive,  l'alternative  oi!i  nous  serons  placés  sera 
celle-ci  :  Ou  nous  mettre  d'accord  avec  l'Angleterre  en  agissant  avec  elle 
dans  la  question  de  Gonstantinople  et  en  obtenant  d'elle,  dans  la  question 
de  Syrie,  des  concessions  pour  Méhéraet-Ali  ;  ou  nous  retirer  de  l'atTaire, 
la  laisser  se  conclure  entre  les  quatres  puissances,  et  nous  tenir  à  l'écart 
en  attendant  les  événements.  Je  n'affirme  pas  que,  dans  ce  cas,  la  con- 
clusion entre  les  quatre  puissances  soit  certaine;  de  nouvelles  difficultés 
peuvent  survenir;  je  dis  seulement  que  cette  conclusion  me  paraît  proba- 
ble, et  que,  si  nous  ne  faisons  pas  la  tentative  d'amener  entre  nous  et 
l'Angleterre,  sur  la  question  de  Syrie,  une  transaction  dont  le  pacha  doive 
se  contenter,  il  faut  s'attendre  à  l'autre  issue  et  s'y  tenir  préparés. 

LXVIII,  —  IVote  de  M.  Gnizot  à  l'ambassadeur  plénipotentiaire  de 
la  Sublime -Porte  (Xouri-éfendi),  en  date  du  S8  avril  184»  (35  sâ- 
fer   1356). 

Le  soussigné, ambassadeur  extraordinaire  et  plénipotentiaire  de  Sa  Majesté 
le  roi  des  Français  auprès  de  sa  Majesté  la  reine  de  la  Grande  JJretagne, 


532  APPENOrCE 

a  l'honneur  d'informer  Son  Excellence  M.  l'ambassadeur  plénipotentiaire 
de  la  Sublirae-Porte,  que  conformément  aux  instructions  qu'il  a  reçues  du 
gouvernement  du  Roi, il  est  prêt  à  rechercher,  avec  les  représentants  des 
cours  d'Autriche,  de  la  Grande  Bretagne,  de  Prusse  et  de  Russie,  les 
meilleurs  moyens  d'amener  en  Orient  un  arrangement  qui  mette  un  terme 
à  un  état  de  choses  aussi  contraire  au  vœu  commun  des  cinq  puissances 
qu'aux  intérêts  de  la  Porte  ottomane. 

Le  soussigné  prie  Son  Excellence  M.  l'am'oassadeur  de  la  Sublime- 
Porte,  d'agréer,  etc. 

LXIX.  —  Dépêche  (extrait)  de  M.  Tliicrs  :\  M.  Gnizot,  en  date  du 
11  juin  1840  (lO  rébiul-akhir  1356). 

Les  informations  que  contiennent  vos  dernières  dépêches  sur  l'aspect 
que  présente  en  ce  moment  à  Londres  la  question  d'Orient  ont  fixé  tonte 
l'attention  du  gouvernement  du  Roi. La  communication  du  nouvel  ambas- 
sadeur ottoman,  manifestation  si  expressive  des  dangers  auxquels  la  pro- 
longation du  statu  quo  exposerait  la  Porte,  ne  change   pourtant  pas  la 
situation  ;  et,  bien  qu'elle  appelle  de  notre  part  une  réponse  un  peu  plus 
développée  que  celle  que  vous  avez  faite  au  précédent  ambassadeur,  il  est 
évident  que  vous  n'avez  pas  à  vous  placer  sur  un  autre  terrain.  Nous  n'en- 
tendons certainement  pas  ôter   toute  signification   à  la  démarche  du 
27  juillet  1839,  dont  la  Porte  ne  cesse  de  se  prévaloir;  mais  il  nous  est 
impossible  de  ne  pas  faire  remarquer  qu'on  en  dénature  complètement  la 
portée,  parce  qu'on  perd  de  vue  les  circonstances  dans  lesquelles  elle  a 
été  faite.  Les  puissances,  avant  la  mort  du  sultan  Mahmoud,  avant  la  ba- 
taille de  Nézib  et  la  défection  de  la  flotte  turque,  n'avaient  d'autre  préoc- 
cupation que  d'empêcher  une  collision  entre  la  Porte  et  le  pacha,  et  de  les 
réconcilier  par  une  interposition  tout  à  fait  pacifique.  Comment  croire 
qu'au  moment  môme  où  la  Porte,  par  un  concours  de  circonstances  dues 
en  très-grande  partie  à  ses  imprudentes  provocations,  se  trouvait  si  gra- 
vement compromise,  ces  mêmes  puissances,  changeant  tout  à  coup  de  po- 
litique, aient  pris  envers  elle  l'engagement  de  lui  faire  obtenir,  même  par 
la  force,  ce  qu'elle  avait  eu  en  vue  en  attaquant  Méhémet-Ali  malgré  leurs 
représentations  ?  Évidemment,  telle  n'a  pas  été  leur  pensée.  Ce  qu'elles 
se  sont  proposé,  c'est  de  donner  à  la  Porte  un  appui  moral  qui  relevât  son 
courage  et  l'empêchât  de  subir  complètement  le  joug  de  son    puissant 
vassal.  Ce  but  a  été  atteint.  C'est  Ik  le  véritable  état  de  la  question.  Au 
surplus,  monsieur  l'ambassadeur,  je  m'en  rapporte  entièrement  à  vous  pour 
la  mesure  elles  termes  de  la  réponse  que  vous  aurez  à  faire  à  l'ambassadeur 
ottoman....  Je  vois,  dans  le  consentement  donné  aujourd'hui  par  le  ca- 
binet de  Londres  à  un  arrangement  qui  maintiendrait  le  vice-roi  enposses- 


APPENDICE  533 

sion  de  la  ville  de  Saint- Jean  d'Acre,  un  progrès  réel  vers  des  idées  de 
conciliation.  C'est  à  ce  litre  seulement  que  j'y  applaudis,  car  il  ne  dépend 
pas  de  moi  de  voir,  dans  cette  concession  unique,  la  base  pratique  d'une 
transaction. 


LXX.  —  Lettre  (extrait)  de  Itl.  Ciuizot  :^  M.  Thiers,  en  date  du  f  5  juin 
1840  (14  rébiul-akkir  125A). 

M.  de  Neuraann  et  M.  de  Bulow  sont  de  nouveau  prêts  à  laisser  au 
pacha  l'É'-rypte  héridilaireraent  et  la  Syrie  viagèrement,  pourvu  qu'il 
rende  Adana  en  Candie.  Ils  ont  fait  un  pas  de  plus  ;  ils  se  disent  disposés 
à  déclarer  cela  h  lord  Pahnerstou  et  à  lui  demander  formellement  d'y 
accéder  ;  ils  croient  que  iM.  de  Briinnow  se  joindrait  à  eux  dans  ce  sens. 
Vous  m'avez  répondu  le  19  :  —  «  Certainement,  si  on  arrivait  h  céder  la 
Syrie  (virgule)  et  l'Egypte  héréditairement  au  pacha  ,  on  mettrait  la 
raison  du  côté  des  cinq  puissances,  et  nous  ferions  de  grands  efforts  pour 
réussir.  lAIaisla  tète  du  pacha  est  bien  vive,  et  l'on  n'est  siir  de  rien  avec 
lui.  Dans  tous  les  cas,  une  telle  résolution  serait  une  grande  conquête 
pour  nous,  et  nous  changerions  sur  le  chani])  d'attitude.  —  Je  pense  que 
vous  vous  êtes  bien  souvenu,  en  me  répondant,  de  ce  que  je  vous  avais 
dit,  que  votre  réponse  se  rapportait  à  un  arrangement  qui  donnerait  au 
pacha  l'Egypte  héréditairement  et  la  Syrie  viagèrement ,  et  que  votre 
virgule  après  la  Syrie,  tandis  qu'il  n'y  en  a  point  entre  V Egypte  et  le 
mot  héréditairement,  a  bien  cette  signification.  Cependant,  j'ai  besoin  de 
le  savoir  positivement,  et  je  vous  prie  de  me  le  dire.  Nous  touchons 
peut-être  à  la  crise  de  l'affaire.  Ce  pas  de  plus  dont  je  vous  parlais,  et 
qui  consiste,  de  la  part  de  l'Autriche  et  de  la  Prusse,  à  déclarer  à  lord 
Palmerston  qu'il  faut  se  résigner  à  laisser  viagèrement  la  Syrie  au  pacha 
et  faire  à  la  France  cette  grande  concession,  ce  pas,  dis-je,  se  fait,  si  je 
ne  me  trompe,  en  ce  moment.  Les  collègues  de  lord  Palmerston,  d'une 
part,  les  ministres  d'Autriche  et  de  Prusse  de  l'autre,  pèsent  sur  lui,  en 
ce  moment,  pour  l'y  décider.  S'ils  l'y  décident  en  effet,  ils  croiront,  les 
uns  et  les  autres,  avoir  remporté  une  grande  victoire  et  être  arrivés  à  des 
propositions  d'arrangement  raisonnables.  Il  importe  donc  extrêmement 
que  je  connaisse  bien  vos  intentions  à  ce  sujet;  car  de  mon  langage, 
quelque  réservé  qu'il  soit,  peut  dépendre,  ou  la  prompte  adoption  d'un 
arrangement  sur  ces  bases,  ou  un  revirement  par  lequel  lord  Palmerston, 
profitant  de  l'espérance  déçue  et  de  l'humeur  de  ses  collègues  et  des 
autres  plénipotentiaires,  les  rengagerait  brusquement  dans  son  système, 
et  leur  ferait  adopter,  à  quatre,  son  projet  de  retirer  au  pacha  la  Syrie, 
et  l'emploi,  au  besoin,  des  moyens  de  coercition.  On  fera  beaucoup^ 
beaucoup,  dans  le  cabinet  et  parmi  les  plénipotentiaires,  pour  n'agir  qu'à 


53Û  APPENDICE 

cinq,  de  concert  avec  nous,  et  sans  coercition.  Je  ne  vous  réponds  pas 
qu'on  fasse  tout,  et  qu'une  conclusion  h  quatre  soit  absolument  impos- 
sible. Nous  pouvons  être,  d'un  instant  b.  l'autre^,  placés  dans  cette  aller- 
native  :  ou  bien  l'Egypte  héréditairement  et  la  Syrie  viagèrement  au 
pacha,  moyennant  la  cession  des  villes  saintes,  de  Candie  et  d'Adana,  et 
par  un  arrangemen  k  cinq  ;  ou  bien  la  Syrie  retirée  au  pacha  par  un 
arrangement  à  quatre,  et  par  voie  de  coercition,  s'il  y  a  lieu.  Je  ne  donne 
pas  pour  certain  que,  le  premier  arrangement  échouant,  le  second  s'ac- 
complira ;  mais  je  le  donne  pour  possible.  Notre  principale  force  est 
aujourd'hui  dans  le  travail  commun  de  presque  tous  les  membres  du 
cabinet  et  des  ministres  d'Autriche  et  de  Prusse  pour  amener  lord  Pal- 
merston  h  céder  la  Syrie.  Si,  après  avoir  réussi  dans  ce  travail,  ils  n'en 
recueillent  pas  le  fruit  d'un  arrangement  définitif  et  unanime,  je  ne  ré- 
ponds pas,  je  le  répète,  de  ce  qu'ils  feront.  Donnez-moi,  je  vous  prie, 
pour  cette  hypothèse,  votre  pensée  précise  et  des  instructions. 

LXXI.  —  IVotc  de  M.  Guizot  à  l'anibassadenr  ottoman  (Chékib^éfcn- 
di),  en  date  da  ISI  juin  1840  (30  rébiul-akhir  135G). 

Le  soussigné,  ambassadeur  extraordinaire  et  plénipotentiaire  de  S.  M. 
le  roi  des  Français  auprès  de  S.  M.  Britannique,  a  reçu  la  note  que  S.  Ex. 
Gliékib-éfendi,  ambassadeur  de  la  Sublime-Porte  auprès  de  S.  M.  Britan- 
nique, lui  a  fait  l'honneur  de  lui  adresser,  ainsi  qu'aux  représentants  des 
cours  d'Angleterre,  d'Autriche,  de  Prusse  et  de  Russie,  en  date  du  31  mai 
dernier. 

Le  soussigné  pense,  comme  S.  Ex.  M.  l'ambassadeur  de  la  Sublime- 
Porte,  que  l'empire  ottoman  se  trouve  dans  une  situation  fort  critique, 
que  l'incertitude  et  les  délais  dans  l'ajustement  de  la  question  d'Orient 
ont,  en  Turquie,  des  conséquences  graves  et  alarmantes,  et  que  la  néces- 
sité de  la  solution  de  cette  question  devient  de  jour  en  jour  plus  urgente. 

Le  soussigné  se  félicite  d'apprendre  que  S.  Ex.  M.  l'ambassadeur  de 
la  Sublime-Porte,  muni  des  pouvoirs  les  plus  amples  pour  concerter,  avec 
les  plénipotentiaires  des  cinq  puissances,  un  arrangement  basé  sur  des 
principes  équitables  et  qui  renferme  les  garanties  d'une  paix  durable 
pour  l'Empire  ottoman,  apportera  toutes  les  facilités  qui  dépendront  de 
lui  pour  aider  à  lever  les  obstacles  qui  pourraient  s'opposera  la  conclu- 
sion d'un  tel  arrangement. 

Le  soussigné  est  persuadé  en  outre,  ainsi  que  S.  Ex.  M.  l'ambassadeur 
de  la  Sublime-Porte,  que  la  continuation  de  l'union  entre  les  cinq  puissan- 
ces est  le  plus  sûr  moyen  de  parvenir  à  un  résultat  si  désirable. 

En  conséquence,  le  soussigné  a  l'honneurdc  répondre  à  S.  Ex.  M.  l'aui- 
bassadeur  de  la  Sublime-Porte  qu'il  fera  tous  ses  elTorts,  de  concert  avec 


APPENDICE  535 

les  plénipotentiaires  d'Anfilcterre,  d'Autriche,  de  Prusse  et  de  Russie, 
pour  mettre  fin,  |)ar  un  arrangement  aussi  prompt  qu'il  sera  possible  de 
l'obtenir,  à  un  mal  toujours  croissant  et  qui  menace  la  paix  de  l'Orient. 
Le  soussigné  a  l'honneur  d'oflrir  à  S.  Ex.  M.  l'ambassadeur,  etc. 

I.XXII.  —  Dépêche   de  M.  Guixot    A    M.  Thiorn.  pn  date  da  1 1  jail- 
let  1840  (Il  djétuaziul-éwel  1S50). 

Monsieur  le  président  du  conseil,  depuis  que  la  proposition  de  couper 
la  Syrie  en  deux,  en  laissante  Méhémet-Alila  forteresse  et  une  |)artie  du 
pachalik  de  Saint-Jean  d'Acre,  a  été  écartée,  lord  Palmerston  a  paru  éviter 
la  conversation  sur  les  atïaires  d'Orient.  Je  l'ai  engagée  une  ou  deux  fois, 
plutôt  pour  bien  établir  la  politique  du  gouvernement  du  Roi  que  pour  ten- 
ter de  faire  faire,  par  la  discussion  directe,  un  nouveau  pas  à  la  question. 
Lord  Palmerston  m'a  répondu  en  homme  qui  persiste  dans  ses  idées, 
mais  ne  croit  pas  le  moment  propice  pour  agir,  et  veut  gagner  du  temps. 

Il  n'a,  en  effet,  pendant  plusieurs  semaines,  comme  je  l'ai  déjà  mandé  à 
Voire  Excellence,  ni  entretenu  le  cabinet  des  affaires  d'Orient,  ni  même 
communiqué  k  ses  collègues  la  dernière  note  de  Ghékib-éfendi. 

Cependant  le  travail  de  i)lusieurs  membres,  soit  du  cabinet,  soit  du 
corps  diplomatique,  en  faveur  d'un  arrangement  qui  eût  pour  base  la  con- 
cession héréditaire  de  l'Egypte  et  la  concession  viagère  de  la  Syrie  au  pa- 
cha, continuait  :  j'en  suivais  le  progrès  sans  m'y  associer.  Conformément 
aux  instructions  de  Votre  Excellence,  je  n'ai  ni  accueilli  cette  idée,  ni  dé- 
couragé, par  une  déclaration  préalable  et  absolue,  ceux  qui  en  cherchaient 
le  succès. 

C'est  dans  cet  état  de  l'affaire  et  des  esprits  qu'est  arrivée  ici  la  nou- 
velle de  la  destitution  de  Khosrew-Pacha  et  de  la  démarche  directe  de  Mé- 
bémet-Ali  auprès  du  sultan.  Elle  ne  m'a  pas  surpris.  Votre  Excellence 
m'avait  communiqué  une  dépèche  de  M.  Cochelet,  du  26  mai,  qui  annon- 
çait de  la  part  du  pacha  cette  intention.  J'avais  tenu  cette  dépèche  abso- 
lument secrète;  mais  j'ai  appris  depuis,  qu'une  lettrede  .M.le  comte  Appony, 
en  date  du  16  juin,  si  je  suis  bien  informé,  avait  annoncé  au  baron  de 
Neuraann  la  prédiction  de  M.  Cochelet.  La  dépêche  télégraphique  par  la- 
quelle ce  dernier  a  instruit  Votre  Excellence  de  la  démarche  de  Méliémet- 
Ali  était  aussi  du  16  juin.  En  sorte  que,  par  une  coïncidence  singulière,  le 
même  jour,  M.  Cochelet  mandait  d'Alexandrie,  comme  un  fait  accompli, 
ce  que  M.  le  comte  Appony  écrivait  de  Paris,  d'après  une  dépêche  de 
M.  Cochelet,  disait-il,  comme  un  fait  probable  et  prochain. 

Quand  donc  le  fait  même  est  parvenu  h  Londres,  lord  Palmerston  et  les 
trois  autres  plénipotentiaires  n'en  ont  guère  été  plus  surpris  que  moi.  Ils 
n'y  ont  vu,  ou  du  moins  ils  se  sont  crus  en  droit  de  n'y  voir  qu'un  acte 


536  APPENDICE 

depuis  longtemps  concerté  entre  le  pacha  et  la  France  qui,  à  Constantino- 
ple  comme  à  Alexandrie,  avait  travaillé  à  le  préparer. 

L'effet  de  l'acte  en  a  éprouvé  uneassez  notable  altération.  Non-seulement 
il  a  perdu  quelque  chose  de  l'importance  que  la  spontanéité  et  la  nouveauté 
devaient  lui  assurer  ;  mais  les  dispositions  de  lord  Palmerston  et  des  trois 
autres  plénipotentiaires  se  sont  visiblement  modifiées.  Ils  ont  considéré  la 
démarche  de  Méhémet-Ali  et  son  succès  :1°  comme  la  ruine  de  la  note  du 
27  juillet  1839  et  de  l'action  commune  des  cinq  puissances;  2°  comme  le 
triomphe  complet  et  personnel  de  la  France  à  Alexandrie  et  à  Constanti- 
nople. 

Dès  lors,  ceux  qui,  dans  l'espoir  d'obtenir  l'action  commune  des  cinq 
puissances,  poursuivaient  l'arrangement  fondé  sur  la  concession  hérédi- 
taire de  l'Egypte  et  la  concession  viagère  de  la  Syrie,  se  sont  arrêtés  dans 
leur  travail,  et  semblent  y  avoir  tout  à  fait  renoncé. 

De  son  côté,  lord  Palmerston  s'est  montré  tout  à  fait  disposé  à  agir,  et, 
dans  deux  conseils  successifs,  tenus  les  Zj  et  8  de  ce  mois,  il  a  présenté 
au  cabinet,  avec  une  obstination  pleine  d'ardeur,  ses  idées  et  son  plan  de 
conduite  dans  l'hypothèse  d'un  arrangement  à  quatre. 

Rien  n'a  été  résolu.  Le  cabinet  s'est  montré  divisé.  Les  adversaires  du 
plan  de  lord  Palmerston  ont  insisté  sur  la  nécessité  d'attendre  les  nouvelles 
de  Constantinople;  on  s'est  ajourné  à  un  nouveau  conseil.  Mais  lord  Pal- 
merston est  pressant;  lespuissances,  dit-il,  sont  engagées  d'honneur  à  régler, 
par  leur  intervention  et  de  la  manière  la  plus  favorable  à  la  Porte,  les  af- 
faires d'Orient.  Elles  l'ont  promis  au  sultan.  Elles  se  le  sont  promis  entre 
elles.  La  démarche  de  Méhémet  -Ali  ne  saurait  les  en  détourner.  C'est  un 
acte  au  fond  peu  significatif,  qui  ne  promet,  de  la  part  du  pacha,  point  de 
concession  importante,  qui  ne  changera  ni  la  situation,  ni  la  politique  de 
la  Porte,  qui  n'amènera  donc  point  la  pacification  qu'on  en  espère,  et  n'aura 
d'autre  effet  que  d'entraver,  si  l'on  n'y  prend  garde,  les  négociations  entre 
les  puissances,  et  d'empêcher  qu'elles  ne  marchent  elles-mêmes  au  but 
qu'elles  se  sont  proposé.  Cependant,  l'occasion  d'agir  est  favorable.  L'in- 
surrection de  la  Syrie  contre  Méhémet-Ali  est  sérieuse.  Un  spectateur  in- 
différent, lord  Francis  Egerton,  qui  vient  de  traverser  la  Syrie  en  remon- 
tant de  Jérusalem  vers  l' Asie-Mineure,  écrit  que  les  insurgés  sont  nom- 
breux, animés,  que  l'administration  d'Ibrahim-Pacha  est  violente,  vexa- 
toire,  détestée.  Lord  Palmerston  se  prévaut  beaucoup  de  ces  renseigne- 
ments. Il  insiste  en  même  temps  sur  les  vues  d'agrandissement  et  de  domi- 
nation de  la  France  dans  la  Méditerranée.  L'appui  donné  par  la  France  au 
pacha  d'Ézyple  n'a,  selon  lui,  point  d'autre  motif.  Il  parle  de  l'Algérie, 
de  l'extension  de  notre  établissement  africain.  Il  s'adresse  enfin  aux  sen- 
timents de  susceptibilité  et  de  jalousie  nationale, surtout  auprès  des  torys, 
et  pour  se  ménager  quelque  faveur  dans  une  partie  de  l'opposition. 


APPENDICE  537 

Toutes  les  fois  que  l'occasion  s'en  présente,  partout  où  je  puis  engager 
avec  quelqu'un  des  liorames  qui  influent  sur  la  question,  quelque  entretien, 
je  combats  vivement  ces  idées.  Je  rappelle  toutes  les  considérations  que 
j'ai  fait  valoir  depuis  quatre  mois,  et  dont  je  ne  fatiguerai  pas  Votre  Excel- 
lence. Je  m'étonne  de  l'interprétation  qu'on  essaye  de  donner  à  la  démar- 
che que  vient  de  faire  Méliéract-Ali.  Quoi  de  plus  naturel,  de  plus  facile 
h  prévoir,  de  plus  inévitable  que  celte  démarche?  Depuis  un  an  bientôt, 
les  puissances  essayent  de  régler  les  affaires  d'Orient  et  n'en  viennent  pas 
à  bout.  Ls  pacha,  de  son  côté,  a  déclaré  que  la  présence  de  Khosrew  au 
pouvoir  était,  pour  lui,  le  principal  obstacle  à  un  retour  confiant  et  déci- 
sif vers  le  sultan.  Khosrew  est  écarté.  Qu'est-il  besoin  de  supposer  une 
longue  préparation,  un  travail  diplomatique  pour  expliquer  ce  qu'a  fait  le 
pacha?  Il  a  fait  ce  qu'il  avait  lui-même  annoncé,  ce  que  lui  indiquait  le 
plus  simple  bon  sens.  La  France,  il  est  vrai,  a  donné  et  donne  encore  à 
Alexandrie  des  conseils,  mais  des  conseils  de  modération,  de  concession, 
des  conseils  qui  n'ont  d'autre  objet  que  de  rétablir  en  Orient  la  paix,  et 
dans  le  sein  de  l'empire  ottoman  la  bonne  intelligence  et  l'union,  seul 
gage  de  la  force  comme  de  la  paix.  11  serait  bien  étrange  de  voir  les  puis- 
sances s'opposer  à  son  rétablissement,  ne  pas  vouloir  que  la  paix  revienne 
si  elles  ne  la  ramènent  pas  de  leur  propre  main,  et  se  jeter  une  seconde 
fois  entre  le  suzerain  et  le  vassal  pour  les  séparer  de  nouveau,  au  moment 
où  ils  se  rapprochent.  Il  y  a  un  an,  cette  intervention  se  concevait;  on 
pouvait  craindre  que  la  Porte  épuisée,  abattue  |)ar  sa  défaite  de  la  veille, 
ne  se  livrât  pieds  et  poings  liés  au  pacha,  et  n'acceptât  des  conditions  pé- 
rilleuses pour  l'avenir.  Mais  aujourd'hui,  après  ce  qui  s'est  passé  depuis 
un  an,  quand  la  Porte  a  retrouvé  de  l'appui,  quand  le  pacha  prend  lui- 
même,  avec  une  modération  empressée,  l'iniative  du  rapprochement,  quel 
motif,  quel  prétexte  pourrait-on  alléguer  pour  s'y  opposer,  pour  le  retar- 
der d'un  jour?  Ce  serait  un  inconcevable  spectacle.  Il  est  impossible  qne 
l'Europe  le  donne  ;  il  est  impossible  qne  l'Europe  qui,  depuis  un  an,  parle 
de  la  paix  de  l'Orient  comme  de  son  seul  vœu,  entrave  la  paix  qui  com- 
mence à  se  rétablir  d'elle-même  entre  les  Orientaux,  et  par  leurs  propres 
efforts. 

Ce  langage  frappe  en  général  ceux  à  qui  je  l'adresse  ;  mais  je  ne  puis 
le  tenir  aussi  haut  et  aussi  fréquemment  que  je  le  voudrais,  car  lord  Pal- 
merston  s'applique  â  ne  pas  m'en  fournir  les  occasions.  Il  agit  surtout 
dans  l'intérieur  du  cabinet;  il  dit  que,  puisque  la  France  a  tenté  une  poli- 
tique séparée  et  personnelle,  les  autres  puissances  peuvent  bien  en  faire 
autant  ;  il  promet  à  ses  collègues  l'adhésion  positive  de  l'Autriche.  Il  leur 
donne  enfin  à  entendre  que  si  ses  plans  étaient  repoussés,  il  ne  saurait 
rester  dans  le  cabinet,  ei  les  place  ainsi  entre  l'adoption  de  sa  politique 
et  la  crainte  d'un  chranlement  ministériel. 


538  APPENDICE 

L'affaire  est  donc  en  ce  moment  dans  un  état  de  crise.  Rien,  je  le  ré- 
[)ète,  n'est  décidé  ;  la  dissidence  et  l'agitation  sont  grandes  dans  le  ca- 
binet; ceux  des  ministres  qui  ne  partagent  pas  les  vues  de  lord  Palracrston 
insistent  fortement  pour  que  l'on  attende  des  nouvelles  de  Constantinople  ; 
ceux  dont  l'opinion  est  flottante  se  montrent  enclins  à  ce  délai;  tous, 
quelle  que  soit  leur  pente,  laissent  entrevoir  de  l'hésitation  et  du  trouble. 
Il  y  a  donc  bien  des  chances  pour  qu'on  n'arrive  pas  encore  à,  des  réso- 
lutions définitives  et  efficaces.  Tout  en  gardant  une  altitude  tranquille  et 
réservée,  je  ne  négligerai  rien  pour  agir  sur  ces  esprits  divisés  et  incer- 
tains. Mais  pendant  que  les  choses  sont  encore  en  suspens  à  Londres,  il 
est  bien  h  désirer  que  la  démarche  de  Méhémel-Ali  obtienne  à  Constanti- 
nople le  succès  qu'on  en  peut  attendre,  car  on  ne  saurait  se  dissimuler 
que  le  plan  d'un  arrangement  à  quatre  en  a  reçu  ici  une  impulsion  mar- 
quée, et  fait  en  ce  moment  des  progrès. 

/>.  s.  —  J'ai  lieu  de  croire,  d'après  un  renseignement  qui  m'arrive  de 
bonne  source,  que  la  seule  chose  qui  ait  été  à  peu  près  décidée  dans  les 
conseils  du  h  et  du  8,  c'est  que  les  quatre  puissances  répondraient  à  la 
dernière  note  de  Chékib-éfendi  par  une  note  dans  laquelle  seraient  re- 
produites, sinon  textuellement,  du  moins  en  substance,  les  intentions  et 
les  promesses  de  la  note  du  27  juillet  1839.  Cette  nouvelle  note  sera-t-elle 
collective  à  quatre,  ou  individuelle,  mais  semblable  pour  les  quatre  ?  Quelle 
en  sera  la  rédaction  'Quelles  propositions  d'arrangement  y  seront  annexées 
et  communiquées  en  même  temps  à  la  France  pour  demander  son  adhé- 
sion ?  Aucune  de  ces  questions  n'est  encore  résolue.  On  les  reprendra  pro- 
bablement dans  le  conseil  qui  doit  avoir  lieu  aujourd'hui.  Des  courriers 
ont  été  expédiés  ces  jour-ci  à  Vienne  et  à  Saint-Pétersbourg. 

LXXIII.  —  MéinoraïKlnui  remis  par  lord  Palnierston  à  l'ambassa- 
deur de  France  (Guizot),  en  date  du  15  juillet  1840  (15  fljéma- 
ziul-éwcl  1356). 

Le  gouvernement  français  a  reçu  dans  tout  le  cours  des  négociations 
qui  commencèrent  l'automne  de  l'année  passée,  les  preuves  les  plus 
réitérées,  les  plus  manifestes,  et  les  plus  incontestables,  non  seulement 
du  désir  des  cours  d'Autriche,  de  la  Grande  Bretagne,  de  Prusse,  et  de 
Russie,  d'arriver  à  une  entente  avec  le  gouvernement  français  sur  les 
arrangements  nécessaires  pour  effectuer  la  pacification  du  Levant,  mais 
aussi  de  la  grande  importance  que  ces  cours  n'ont  jamais  cessé  d'attacher 
h  l'effet  moral  que  produiraient  l'union  et  le  concours  des  cinq  puissances 
dans  une  affaire  d'un  intérêt  si  grave  et  si  intimement  liée  au  maintien  de 
la  paix  européenne.  Les  quatre  cours  ont  vu  avec  le  plus  profond  regret 
que  tous  leurs  efforts  pour  atteindre  leur  but  ont  été  infructueux;  et  mal- 
gré que,  tout  dernièrement,  elles  aient  proposé  h  la  France  de  s'associer 


Al'PENDICE  539 

avec  elles  pour  faire  exécuteriin  arrangement  entre  le  sultan  et  Méliéiuel- 
Ali,  fondé  sur  des  idées  qui  avaient  élé  émises  vers  la  fin  de  l'année  der- 
nière par  l'ambassadeur  de  France  ci  Londres,  cependant  le  gouvernement 
français  n'a  pas  cru  pouvoir  prendre  part  h  cet  arrangement,  et  a  fait 
dépendre  son  concours  avec  les  aulres  puissances  de  conditions  (pie  ces 
puissances  ont  jugées  incompatibles  avec  le  maintien  de  l'indépendance  et 
de  l'intégrité  de  l'empire  ottoman, et  avec  le  repos  futur  de  l'Europe. 

Dans  cet  état  de  choses,  les  quatre  cours  n'avaient  d'autre  choix  que 
d'abandonner  aux  chances  de  l'avenir  les  grandes  affaires  qu'elles  avaient 
pris  l'engagement  d'arranger,  et  ainsi  de  constater  leur  impuissance,  et 
de  livrer  la  paix  européenne  à  des  dangers  toujours  croissants;  ou  bien 
de  prendre  la  résolution  de  marcher  en  avant  sans  la  coopération  de  la 
France,  et  d'amener  au  moyen  de  leurs  efforts  réunis  une  solution  des 
complications  du  Levant,  conforme  aux  engagements  que  les  quatre  cours 
ont  contractés  envers  le  sultan,  et  propre  à  assurer  la  paix  future. 

Placées  entre  ces  deux  choix,  et  pénétrées  de  l'urgence  d'une  décision 
immédiate,  eten  rapport  avecles  graves  intérêts  qui  s'y  trouvent  engagés, 
les  quatre  cours  ont  cru  de  leur  devoir  d'opter  pour  la  dernière  de  ces 
deux  alternatives  ;  et  elles  viennent  par  conséquent  de  conclure  avec  le 
sultan  une  convention  destinée  à  résoudre  d'une  manière  satisfaisante  les 
complications  actuellement  existantes  dans  le  Levant. 

Les  quatre  cours,  en  signant  cette  convention,  n'ont  pu  ne  pas  sentir  le 
plus  vif  regret  de  se  trouver  ainsi  pioraentanément  séparées  de  la  France, 
dans  une  affaire  essentiellement  européenne;  mais  ce  regret  se  trouve 
diminué  par  les  déclarations  réitérées  que  le  gouvernement  français  leur 
a  faites,  —  qu'il  n'a  rien  à  objecter  aux  arrangements  que  les  quatre 
puissances  désirent  faire  accepter  par  Méhémet-Ali,  si  Méhéraet-x\li  y  con- 
sent; que,  dans  aucun  cas,  la  France  ne  s'opposera  aux  mesures  que  les 
quatre  cours,  de  concert  avec  le  sultan,  pourront  juger  nécessaires  pour 
obtenir  l'assentiment  du  pacha  d'Egypte  ;  et  que  le  seul  motif  qni  a  em- 
pêché la  France  de  s'associer  aux  autres  puissances  k  cette  occasion,  dérive 
de  considérations  de  divers  genres  qui  rendraient  impossible  au  gouver- 
nement français  de  prendre  part  k  des  mesures  coërçitives  contre  Méhémet- 
Ali. 

Les  quatre  cours  donc  entretiennent  l'espoir  fondé  que  leur  séparation 
d'avec  la  France,  h  ce  sujet,  ne  sera  que  de  courte  durée,  et  ne  portera 
aucune  atteinte  aux  relations  de  sincère  amitié  qu'elles  désirent  si  vive- 
ment conserver  avec  la  France  ;  mais,  de  plus,  elles  s'adressent  avec 
instance  au  gouvernement  français  afin  d'en  obtenir  du  moins  l'appui  moral, 
malgré  qu'elles  ne  peuvent  en  espérer  une  coopération  matérielle. 

L'influence  du  gouvernement  français  est  puissante  à  Alexandrie  :  et 
les  quatre  cours  ne  pourraient-elles  pas  espérer,  et  même  demander  de 


540  APPENDICE 

l'amitié  du  gouvernement  français,  que  cette  influence  s'exerce  auprès  de 
Méhéraet-Ali,  dans  le  but  d'amener  ce  pacha  à  donner  son  adhésion  aux 
arrangements  qui  lui  vont  être  proposés  par  le  sultan? 

Si  le  gouvernement  français  pouvait,  de  cette  manière, contribuer  effica 
cément  ti  mettre  un  terme  aux  complications  du  Levant,  ce  gouvernement 
acquérerait  un  nouveau  titre  ii  la  reconnaissance  et  à  l'estime  de  tous  les 
amis  de  la  paix. 

LXXIV.  —  Lettre  (extrait)    de   M.    Tliîers    à   M.    Gnîzot,  en   date  du 
16  juillet  1840  (IG  djcmaziul-éwel  1*^56). 

Mon  cher  collègue,  je  trouve  fort  graves  les  nouvelles  que  vous  m'en- 
voyez ;  mais  il  ne  faut  pas  s'en  émouvoir,  et  tenir  bon.  Les  Anglais  s'en- 
gagent dans  une  périlleuse  tentative  ;  s'isoler  de  la  France  sera,  pour 
eux,  plus  fécond  en  conséquences  qu'ils  ne  l'imaginent.  Mais  il  ne  faut 
pas  se  laisser  intimider,  et  attendre  avec  tout  le  sang-froid  que  vous  savez 
garder  sur  votre  visage  comme  dans  le  fond  de  votre  âme.  Nous  n'aurons 
pas,  vous  et  moi,  traversé  un  plus  dangereux  défdé  ;  mais  nous  ne  pou- 
vons pas  faire  autrement.  A  l'origine,  on  aurait  pu  tenir  une  autre  con- 
duite; mais  depuis  la  note  du  27  juillet  1839,  il  n'est  plus  temps. 

Vous  pouvez  juger  maintenant  si  j'avais  raison  de  dire  aux  ministres 
du  12  mai  que  cette  note  était  la  plus  grande  faute  qu'ont  pût  commettre. 
C'est  l'ornière  dans  laquelle  le  char  a  échoué,  et  de  laquelle  nous  n'avons 
encore  pu  l'arracher. 

liXXV.  —  Dépêclie    de    M.  Bolwer    à   lord  Palmerston,    en    date  du 
SO  juillet  1840  (20  djémaziul-éwel  1356). 

J'ai  demandé,  ce  matin,  à  M»  Thiers  (*),  si  la  nouvelle  qui  contient 
ma  dépêche  d'aujourd'hui,  au  sujet  du  départ  de  la  flotte  pour  Tunis,  était 
vraie?  M.  Thiers  répondit  :  «  Ce  n'est  pas  le  temps  de  demander  ou  de 
donner  des  explications:  l'alliance  entre  l'Angleterre  et  la  France  est 
finie.  M.  Guizot  a  été  officiellement  informé  que  les  quatre  puissances  ont 
conclu  une  convention,  à  laquelle  on  ne  nous  a  pas  même  demandé  si 
nous  voulions  accéder.  Ceci,  du  reste,  ne  signifie  rien;  c'est  seulement 
une  affaire  de  forme;  je  me  plains  plus  sérieusement  du  fond  de  la  chose. 
Je  ne  comprends  pas  l'alliance  dans  les  petites  questions  et  le  désaccord 
dans  les  grandes.    Si  l'Angleterre   se  sépare  de  nous   dans    la   question 

(*)  Le  maréchal  Soult  et  ses  collègues  ayant  donné  leur  démission,  un  nouveau 
ministère  fut  créé  par  ordonnance  royale  du  1"  mars.  M.  Thiers  y  entra  comme  pré- 
sident du  conseil  et  ministre  des  affaires  étrangères  ;  le  baron  Roussin,  qui  avait  été 
rappelé  de  Consiantinople,  m  septembre  1839,  remplaça  l'amiral  Duperré  au  minis- 
tère de  la  marine. 


APPENDICE  541 

d'Orient,  celle  séparation  sera  générale.  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  \n 
France  s'isolera  :  elle  a  confiance  dans  sa  force,  d'autant  plus  que  le 
gouvernement  a  toute  la  population  de  la  France  derrière  lui,  dans  cette 
question.  C'est  pourquoi,  s'il  se  présentait  le  cas  ou  la  dignité  ou  les  in- 
térêts de  la  France,  de  mon  pays,  me  fissent  un  devoir  d'agir,  j'agirai  réso- 
lument et  sans  crainte.  Je  le  regrette  profondément,  mais,  dans  l'état  oii 
sont  les  affaires  aujourd'hui,  je  vois  des  éventualités  qui  pourraient  trou- 
bler la  paix  de  l'Europe.  » 

Je  répondis  que,  comme  je  n'étais  pas  informé  de  ce  dont  il  me  parlait, 
je  n'en  pouvais  rien  dire  de  positif,  mais  que  j'étais  sûr,  etc. 

LXXVI.  —  Lettre  (extrait)   de    M.    Thicrs    à    M.   Gnizot,    en    date  du 
21  juillet   1840(31   djéniaziul-éwel   1250), 

Votre  dernière  dépêche  m'a  beaucoup  surpris.  D'après  vos  précé- 
dentes nouvelles  ,  le  gouvernement  s'attendait  que  l'agitation  qui  se 
manifestait  depuis  quelques  jours  dans  le  cabinet  anglais  aboutirait 
à  une  proposition  semblable  à  peu  près  à  celle  que  M.  de  Neumann  vous 
avait  fait  pressentir,  et  qui  consistait  à  donner  h  Méhéraet-Ali  l'Egypte 
héréditairement,  la  Syrie  viagèreraent,  en  laissant  à  la  France  le  choix 
de  s'associer  ou  non  à  une  telle  proposition.  Le  parti  pris  par  les 
puissances  d'agir  h  quatre,  sans  mettre  la  France  en  demeure  de  s'asso- 
cier à  l'action  commune,  est  un  procédé  fort  naturel  de  la  part  des 
cabinets  qui  n'ont  pas  vécu  dans  notre  alliance  depuis  dix  ans,  mais 
fort  étrange  et  fort  peu  explicable,  par  des  motifs  satisfaisants,  de  la 
part  de  l'Angleterre  qui  faisait  profession,  depuis  1830,  d'être  notre 
lidèle  alliée.  Se  plaindre  est  peu  digne  de  la  part  d'un  gouvernement 
aussi  haut  placé  que  celui  de  la  France;  mais  il  faut  prendre  acte  d'une 
telle  conduite,  et  lai^^ser  voir  qu'elle  nous  éclaire  sur  les  vues  de 
l'Angleterre  et  sur  la  marche  que  la  France  aura  à  suivre  dans  l'avenir. 
Désormais,  elle  est  libre  de  choisir  ses  amis  et  ses  ennemis,  suivant  l'in- 
térêt du  moment  et  le  conseil  des  circonstances.  Il  faut  sans  bruit,  sans 
éclat,  afiicher  cette  indépendance  de  relations  que  la  France  sans  doute 
n'avait  jamais  abdiquée,  mais  qu'elle  devait  subordonner  ix  l'intérêt  de 
son  alliance  avec  l'Angleterre.  Aujourd'hui,  elle  n'a  plus  à  consulter 
d'autres  convenances  que  les  siennes.  L'Europe  ni  l'Angleterre  ,  en 
particulier,  n'auront  rien  gagné  à  son  isolement.  Toutefois,  je  vous  le 
répète,  ne  faites  aucun  éclat  ;  bornez-vous  à  celte  froideur  que  vous 
avez  montrée,  me  dites-vous,  et  que  j'approuve  complètement.  Il  faut 
que  cette  froideur  soit  soutenue.  Les  quatre  puissances  qui  viennent  de 
sceller,  à  propos  de  la  question  d'Orient,  une  si  singulière  alliance,  ne 
sauraient  être  longtemps  d'accord  ;  alors  la  France,  en  prononçant  à 


542  APPENDICE 

propos  ses  préférences,  fera  sentir  à  l'Europe  tout  le  poids  de  son 
influence. 

LXXVII.  — •  Dépêche  de  lord  Palmerston    ù.   M.  Bnlnrer,  en  date  du 
3 S  juillet  1840  (33  «Ijémaziul-éwel  13  56). 

Monsieur,  j'accuse  réception  de  votre  dépêciie  du  20  de  ce  mois,  par 
laquelle  vous  m'informez  que  M.  Thiers  vous  a  dit  que  l'alliance  entre 
l'Angleterre  et  la  France  était  finie,  et  je  dois  vous  exprimer  l'entière 
approbation  du  gouvernement  de  S.  M.,  quant  au  langage  que  vous  avez 
tenu  à  celte  occasion.  Je  vous  engage,  toutefois,  de  dire  à  M.  Thiers,  si 
jamais  il  vous  faisait  encore  cette  même  observation,  que  ce  n'est  pas 
l'Angleterre  qui  s'est  séparée  delà  France,  mais  que  c'est  la  France  qui 
s'est  séparée  de  l'Angleterre;  que  les  vues  et  la  politique  de  l'Angleterre 
au  sujet  des  affaires  turques  ont  été  toujours  les  mêmes  et  n'ont  jamais 
varié;  que  nous  avons  cru  longtemps  que  la  France  était  d'accord  avec 
nous,  et  que  cette  opinion  paraissait  s'appuyer  sur  les  dispositions  où  était 
la  France,  en  1835,  de  conclure  une  convention  avec  l'Angleterre  pour 
soutenir  le  sultan  contre  Méhémet-Ali,  et  sur  ce  fait  que  la  France  a  été 
signataire  de  la  note  collective  du  mois  de  juillet  1839. 

Si  le  gouvernement  français  a  depuis  changé  sa  politique,  ou  si,  n'ayant 
pas  alors  franchement  déclaré  sa  politique,  nous  l'avons  longtemps  mal 
comprise,  la  faute  n'en  est  pas  au  gouvernement  anglais,  bien  que  celui- 
ci  doive,  en  tout  cas,  regretter  également  une  divergence  d'opinion 
entre  la  France  et  l'Angleterre  dans  des  questions  pratiques. 

Mais  le  gouvernement  de  S.  M.  est  persuadé  que,  quelle  que  soit  la  con- 
trariété passagère  ou  le  déplaisir  que  la  conclusion  de  la  convention  entre 
les  quatre  puissances  ait  produit  chez  les  minisires  français,  ces  derniers 
se  convaincront,  en  réfléchissant  avec  calme,  qu'il  n'y  a  rien,  ni  dans  l'es- 
prit ni  dans  la  lettre  de  cette  convention,  qui  pût  être  considéré  comme 
hostile  à  la  France,  et  que,  dans  les  circonstances  du  moment,  les  quatre 
puissances  étaient  obligées  de  la  conclure. 

Pour  ce  qui  est  de  la  remarque  de  M.  Thiers,  que  la  France  n'a  pas 
même  été  invitée  à  accéder  à  la  convention,  je  dois  faire  observer  que  la 
convention  n'est  qu'une  constatation  formelle  de  l'engagement  pris  par  les 
quatre  puissances  d'assister  la  Porte  dans  l'exécution  de  certains  arran- 
gements; que  le  gouvernement  de  S.  M.  a  vainement  travaillé,  pendant 
les  huit  ou  dix  derniers  mois,  pour  persuader  le  gouvernement  français 
de  concourir  h  ces  arrangements,  et  que,  après  le  récent  refus  définitif 
de  ce  gouvernement,  il  eîlt  été  plus  qu'inutile  de  demander  h  la  France  de 
rétracter  son  récent  refus  et  de  signer  une  convention,  pour  l'exécution 
d'un  plan  auquel  elle  s'était  positivement  refusée,  quinze  jours  aupara- 
vant, à  prêter  son  concours.  J'ai  l'honneur,  etc. 


APPENDICE  543 

LXXVIII.  —  IMeiuorandniu  romis  par  M.  Gaizot  ù  lord  Palmerston, 
en  date  du  S4  juillet  1840  («4  djéniaziul-éwel  1256). 

La  France  a  toujours  désiré,  dans  l'affaire  d'Orient,  marcher  d'accord 
avec  la  Grande  Bretagne,  l'Autriche,  la  Prusse  et  la  Russie.  Elle  n'a 
jamais  été  mue  dans  sa  conduite  que  par  l'inlérél  de  la  paix.  Elle  n'a 
jamais  jugé  les  propositions  qui  lui  ont  été  faites,  que  d'un  point  de  vue 
général,  et  jamais  du  point  de  vue  de  son  intérêt  particulier  ;  car  aucune 
puissance  n'est  plus  désintéressée  qu'elle  en  Orient. 

Jugeant  de  ce  point  de  vue,  elle  a  considéré  comme  mal  conçus  tous 
les  projets  qui  avaient  pour  but  d'arracher  à  Méhémet-Ali,  par  la  force 
des  armes,  les  portions  de  l'Empire  turc  qu'il  occupe  actuellement.  La' 
France  ne  croit  pas  cela  bon  pour  le  sultan,  car  on  tendrait  ainsi  à  lui 
donner  ce  qu'il  ne  pourrait  ni  administrer  ni  conserver.  Elle  ne  le  croit 
pas  bon  non  plus  pour  la  Turquie  en  général,  et  pour  le  maintien  de 
l'équilibre  européen  ;  car,  on  affaiblirait,  sans  profit  pour  le  suzerain,  un 
vassal  qui  pourrait  aider  puissamment  à  la  commune  défense  de  l'empire. 
*  Toutefois,  ce  n'est  là  qu'une  question  de  système  sur  laquelle  il  peut 
exister  beaucoup  d'avis  divers.  Mais  la  France  s'est  surtout  prononcée 
contre  tout  projet  dont  l'adoption  devait  entraîner  l'emploi  de  la  force, 
parce  qu'elle  ne  voyait  pas  distinctement  les  moyens  dont  les  cinq  puis- 
sances pouvaient  disposer.  Ces  moyens  lui  semblaient  ou  insuffisants,  ou 
plus  funestes  que  l'état  de  choses  auquel  on  voulait  porter  remède. 

Ce  qu'elle  pensait  k  ce  sujet,  la  France  le  pense  encore,  et  elle  a 
quelques  raisons  de  croire  que  cette  opinion  n'est  pas  exclusivement  la 
sienne.  Du  reste,  on  ne  lui  a  adressé,  dans  les  dernières  circonstances, 
aucune  proposition  positive  sur  laquelle  elle  eût  h  s'expliquer.  Il  ne  faut 
pas  imputer  à  des  refus  qu'elle  n'a  pas  été  en  mesure  de  faire,  la  déter- 
mination que  l'Angleterre  lui  communique,  sans  doute  au  nom  des  quatre 
puissances. 

Mais,  au  surplus,  sans  insister  sur  la  question  que  pourrait  faire  naître 
cette  manière  de  procéder  à  son  égard,  la  France  le  déclare  de  nouveau  : 
elle  considère  comme  peu  rélléchie,  comme  peu  prudente,  une  conduite 
qui  consistera  à  prendre  des  résolutions  sans  moyen  de  les  exécuter  par 
des  moyens  insuffisants  ou  dangereux. 

L'insurrection  de  quelques  populations  du  Liban  est  sans  doute  l'occa- 
sion qu'on  a  cru  pouvoir  saisir  pour  y  trouver  les  moyens  d'exécution  qui 
jusque  là  ne  s'étaient  pas  montrés.  Est-ce  un  moyen  bien  avouable,  et 
surtout  bien  utile  à  l'empire  turc,  d'agir  ainsi  contre  le  vice-roi?  On  veut 
rétablir  un  peu  d'ordre  et  d'obéissance  dans  toutes  les  parties  de  l'Empire, 
et  on  y  fomente  des  insurrections!  On  ajoute  de  nouveaux  désordres  à  ce 


5Uh  APPENDTCE 

désordre  déjJi  général,  que  toutes  les  puissances  déplorent  dans  l'intérêt 
de  la  paix.  Et  ces  populations,  réussira-t-on  à  les  soumettre  à  la  Porte 
après  les  avoir  soulevées  contre  le  vice-roi? 

Toutes  ces  questions,  on  ne  les  a  certainement  pas  résolues.  Mais  si 
cette  insurrection  est  comprimée,  si  le  vice-roi  est  de  nouveau  possesseur 
assuré  de  la  Syrie,  s'il  n'en  est  que  plus  irrité,  plus  difficile  k  persuader, 
et  qu'il  réponde  aux  sommations  par  des  refus  positifs,  quels  sont  les 
moyens  des  quatre  puissances  ? 

Assurément,  après  avoir  employé  une  année  à  les  chercher,  on  ne  les 
aura  pas  découverts  récemment;  et  on  aura  créé,  soi-même,  un  nouveau 
danger,  le  plus  grave  de  tous.  Le  vice-roi,  excité  par  les  moyens  em- 
ployés contre  lui,  le  vice-roi  que  la  France  avait  contribué  à  retenir,  peut 
passer  le  Taurus  et  menacer  de  nouveau  Gonstantinople. 

Que  feront  encore  les  quatre  puissances  dans  ce  cas?  Quelle  sera  la 
manière  de  pénétrer  dans  l'empire  pour  y  secourir  le  sultan?  La  France 
pense  qu'on  a  préparé  là,  pour  l'indépendance  de  l'empire  ottoman  et 
pour  la  paix  générale,  un  danger  plus  grave  que  celui  dont  les  menaçait 
l'ambition  du  vice-roi. 

Si  toutes  ces  éventualités,  conséquence  de  la  conduite  qu'on  va  tenir, 
n'ont  pas  été  prévues,  alors  les  qugtres  puissances  se  seraient  engagées 
dans  une  voie  bien  obscure  et  bien  périlleuse.  Si,  au  contraire,  elles  ont 
été  prévues,  et  si  les  moyens  d'y  faire  face  sont  arrêtés,  alors  les  quatre 
puissances  en  doivent  la  connaissance  à  l'Europe,  et  surtout  à  la  France 
qui  s'est  toujours  associée  au  but  commun,  5.  la  France  dont  encore  au- 
jourd'hui elles  réclament  le  concours  moral,  dont  elles  invoquent  l'in- 
lluence  à  Alexandrie, 

Le  concours  moral  de  la  France  dans  une  conduite  commune  était  une 
obligation  de  sa  part.  Il  n'en  est  plus  une  dans  la  nouvelle  situation  oii 
semblent  vouloir  se  placer  les  puissances.  La  France  ne  peut  plus  être 
mue  désormais  que  par  ce  qu'elle  doit  à  la  paix,  et  ce  qu'elle  se  doit  à 
elle-même.  La  conduite  qu'elle  tiendra,  dans  les  graves  circonstances  oii 
les  quatre  puissances  viennent  de  placer  l'Europe,  dépendra  de  la  solu- 
tion qui  sera  donnée  à  toutes  les  questions  qu'elle  vient  d'indiquer.  Elle 
aura  toujours  en  vue  la  paix  et  le  maintien  de  l'équilibre  actuel  entre  les 
états  de  l'Europe.  Tous  ses  moyens  seront  consacrés  à  ce  double  but. 

LXXIX.  —  Lettre  (extrait)    de   M.  Tliiers   à   M.  Gaizot,    en   date   du 
31  juillet  t840  (1  djéniaziul*akhir  1556). 

Je  ne  vous  ai  pas  écrit  depuis  plusieurs  jours  parce  que  je  n'ai  pas  eu 

un  seul  instant  à  moi.  Les  résolutions  à  prendre,  les  ordres  à  donner, 

lacorrespondance  à  écrire  moi-môme  dans  toutes  les  cours,  tout  cela  m'a 


APPENDICE  5A5 

conipl(ilcmnnt  aIisorb(''.  J'ai  reçu  toutes  vos  excellentes  lettres.  Je  ne  vous 
dis  qu'un  mol  on  réponse  :  tenez  ferme.  Soyez  froid  et  sévère,  excepté 
avec  ceux  qui  sont  nos  amis.  Je  n'ai  rien  h  changer  à  votre  conduite, 
sinon  h  la  rendre  plus  ferme  encore,  s'il  est  possible,  sans  mettre  contre 
nous  l'amour-proprc  de  ceux  qui  peuvent  changer  les  résolutions  de 
l'Angleterre.  Le  roi  va  passer  vingt  jours  ii  Eu.  .Te  vous  y  donne  rendez- 
vous  de  sa  part,  le  vendredi  7  août.  Si  vous  voulez  un  grand  bâtiment  k 
vapeur,  le  Véloce  ira  vous  chercher  h  Brighton, 

liXXX.  —  Dôpèehc    de   lord  Granvillc    à    lord    Palnicrsfon.  en  date 
du  !<'■-  août  1H40  (S   djémaziul-akhlr  12.-Ï6). 

Mylord,  j'ai  l'honneur  de  vous  envoyer  le  «  Moniteur  n  de  ce  jour,  qui 
contient  deux  ordonnances  royales  appelant  k  l'activité  les  soldats  de  la 
classe  des  années  1836  et  1839,  qui  n'ont  pas  encore  servi. 

Le  môme  <(  Moniteur  »  dit  aussi  qu'une  ordonnance  royale  datée   du 
i29  juillet  a  été  rendue,  pour  ouvrir  le  crédit  qu'exigera  l'augmentation 
de  la  marine,  moyennant  dix  mille  marins,  cinq  vaisseaux  de  ligne,  treize 
frégates  et  neuf  bateaux  h  vapeur. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

lAXXI.  —  Dépêche    do    lord  Palnierston    s\    lord  Gran ville,  en  da<e 
du  4  août   flS40  (5  djémazinl-akliir   i25G). 

Myiord,  la  dépêche  de  V.  E.,  du  premier  août,  avec  le  «  Moniteur  » 
contenant  les  ordonnances  pour  la  levée  d'un  plus  grand  nombre  de 
troupes  et  de  marins,  est  parveniie  h  cet  office. 

Cette  mesure,  nullement  provoquée,  comme  elle  est,  par  les  procédés 
des  quatre  puissances,  et  absolument  inutile  pour  repousser  une  attaque 
contre  la  France,  dont  elle  serait  menacée  ou  qui  se  pourrait  imaginer, 
ne  peut-être  considérée  que  comme  une  menace,  et,  par  suite,  que 
comme  un  affront  gratuit  fait  par  la  France  aux  quatre  puissances. 

Mais  le  gouvernement  de  S.  M.  n'a  pas  l'intention  d'en  prendre  con- 
naissance d'une  manière  quelconque,  et  ne  veut  ni  demander  au  gou- 
vernement français  des  explications  sur  le  but  de  l'armement  des  cinq 
vaisseaux  de  ligne  et  de  la  levée  de  dix  mille  marins,  ni  s'adresser  au 
Parlement  pour  d'autres  forces  navales  ou  pour  un  crédit. 

Faire  l'un  ou  l'autre,  ce  serait  donner  k  cet  étrange  procédé  du  gou- 
vernement français  une  importance  qu'il  ne  mérite  pas.  Le  gouvernement 
de  S.  M.  continuera  k  suivre  la  ligne  de  conduite  qu'il  s'est  tracée  sans 
faire  attention  aux  armements  de  la  France,  et  agira  absolument  comme 
si  rien  de  semblable  ne  fût  arrivé. 

La  flotte  anglaise  dans  la  Méditerranée  sera  d'une  force  Irès-sufiîsanle 

T.  II.  35 


5Û6  APPENDICE 

))Oiii'  faire  tout  ce  qui  sera  nécessaire  par  suite  des  engagements  du  traité 
du  15  juillet.  La  force  de  cette  flotte  sera  aussi  largement  suffisante  pour 
la  garantir  contre  toute  molestation  ou  insulte  de  la  part  d'une  escadre 
quelconque  que  les  Français  jugeraient  à  propos  d'envoyer  dans  le  Le- 
vant; et  si  quelque  procédé  de  l'escadre  française  amenait  une  collision, 
ce  que  le  gouvernement  de  S.  M.  espère  que  le  gouvernement  français 
aura  la  prudence  et  la  sagesse  d'éviter,  le  gouvernement  de  S.  M.  n'a 
point  de  crainte  quant  à  son  résultat. 

Mais  ce  qui  doit  assurément  frapper  tout  observateur  impartial,  c'est 
que,  si  la  France  veut  conserver  la  paix,  cet  armement,  qui  n'est  qu'un 
étalage  d'irritation,  n'est  point  propre  ci  inspirer  cette  cordialité  mutuelle 
qui  est  de  l'essence  de  la j paix;  et  que,  d'autre  part,  si  le  gouvernement 
français  veut  lu  guerre,  cet  armement  donne  la  mesure  de  l'insuffisance 
des  ressources  avec  lesquelles  il  est  préparé  à  commencer  la  lutte. 

Le  gouvernement  de  S.  M.  toutefois,  entretient  avec  confiance  l'espoir 
et  l'opinion  que  le  gouvernement  français  veut  la  conservation  de  la  paix, 
malgré  ces  démonstrations  hostiles  ;  mais  s'il  en  était  autrement,  la  cou- 
ronne est  toujours  à  même  de  convoquer  le  Parlement  dans  la  quinzaine, 
pour  lui  demander  les  moyens  qui  seraient  nécessaires  au  cas  qu'il  fallût 
proléger  les  intérêts  et  soutenir  l'honneur  du  pays. 
Je  suis,  etc. 

LXXXII.  —  iBStrnctions  confidentielles  de    M.  Thiers    à    M.  Guizot, 
en  date  du  14  aoïkt  1840  (15  djémaziul-akhir  125G). 

(c  Deux  projets  : 

i"  Le  statu  quo  garanti  ; 

2°  La  médiation  de  la  France. 

«  Premier  projet.  Les  cinq  puissances  garantiraient  l'état  actuel  des 
possessions  ottomanes,  dont  l'arrangement  de  Kulahié  serait  la  base.  Le 
pacha  n'aurait  aucune  hérédité.  Si  le  pacha,  ou  lout  autre,  voulait  enva- 
hir les  États  du  sultan,  les  cinq  puissances,  la  France  comprise,  emploie- 
vaient  leurs  forces  contre  l'envahisseur.  L'avantage  de  ce  projet  est  de 
ne  pas  exiger  de  recours  nu  pacha. 

Deuxième  projet.  Le  paclia  chargerait  la  France  de  traiter  pour  lui.  La 
France  négocieiait  pour  le  compte  du  pacha,  et  les  quatre  puissances 
traiteraient  de  nouveau  avec  elle.  L'Egypte  héréditaire  et  la  Syrie  viagère 
feraient  la  base  de  l'arrangement.  Ce  projet  a  l'inconvénient  tie  dépendre 
il'une  circonstance  étrangère  à  nos  volontés,  c'est  que  le  pacha  demande 
{\  la  ï^'rance  de  négocier  pour  lui. 

Ce  second  projet  ne  devrait  être  proposé  que  s'il  y  avait  chance  de  le 
faire  accuellir,  de  manière  surtout  à  ne  pas  compromettre  la  dignité  de 


APPENDICE  647 

la  France  en  ayant  l'air  de  vouloir  la  faire  rentrer  dans  une  négociation 
qu'on  lui  a  fermée. 

LXXXIII. —  Dépêche  de  rinlernonee  d*Aa<rIchc  (Itaron  de  ^ttikrmcr) 
au  prince  de  llcttcrnicii,  en  date  de  (JouNtantinopIe,  le  1 1  août 
1840  (18  djcniay.iul-akbir   IS5(i). 

Mon  Prince,  M.  le  ministre  des  affaires  étrangères  vient  d'envoyer 
M.  Franceschi  chez  mes  collèi^ues  d'Angleterre,  de  Russie,  de  Prusse,  et 
chez  moi,  pour  nous  faire  la  communication  suivante  : 

M.  l'ambassadeur  de  France  a  fait  dire  hier,  le  16  de  ce  mois,  par 
son  drogman  à  Récliid-pacha  : 

Qu'il  a  l'ordre  de  lui  signifier  :  que  le  gouvernement  français,  le  roi 
et  la  nation,  considèrent  comme  une  injure  faite  par  le  plénipotentiaire 
ottoman  à  la  France,  la  conclusion  du  traité  qu'il  a  signé  à  Londres  sans 
le  concours  et  à  l'insu  du  plénipotentiaire  français,  et  qui  a  pour  objet 
une  question  où  la  France,  dès  le  principe,  a  été  partie  intégrante  ; 

Que  le  gouvernement  français  s'opposera  de  tous  ses  moyens  à  toute 
intervention  armée  contre  le  paclia  d'Egypte  ; 

Qu'il  attend,  pour  se  décider,  le  résultat  des  démarches  qu'il  fait  faire 
dans  ce  moment  auprès  des  cabinets  de  Vienne  et  de  Berlin,  aûn  d'en 
obtenir  l'annulation  du  traité  ; 

Que,  loin  d'employer,  comme  on  le  lui  demandait,  son  influence  morale 
auprès  du  pacha  pour  le  porter  à  la  soumission,  il  lui  accordera  toute 
l'assistance  qui  est  en  son  pouvoir  pour  l'aider  à  résister  à  l'intervention 
étrangère  ; 

Qu'il  réunira  ses  efforts  aux  siens  pour  soulever  les  populations  d'Asie 
et  d'Europe  contre  l'administration  actuelle  en  Turquie,  dont  le  gouver- 
nement français  se  déclare  l'ennemi,  et  qu'il  considère  comme  celui  du 
pays  ; 

Que  M.  de  Pontois  fera  connaître  au  sultan  et  à  toute  la  nation  musul- 
mane, que  la  France,  loin  d'avoir  pris  part  à  une  convention  dirigée 
contre  les  intérêts  de  l'Islamisme,  la  condamne  hautement,  et  s'opposera 
à  son  exécution. 

Réchid-pacha  a  répondu,  que  ce  langage  a  d'autant  plus  lieu  de  le 
surprendre,  que  la  France  avait  elle-même  concouru  à  la  note  collective 
du  27  Juillet  de  l'année  dernière.  La-dessus,  le  drogman  de  France  a 
répliqué,  que  M.  de  Pontois  avait  prévu  cette  objection,  mais  que  d'abord 
le  gouvernement  français  avait  accepté,  sans  avoir  jamais  approuvé,  la 
co-opération  de  son  ambassaleur  à  cette  démarche  ;  qu'au  surplus,  il 
s'agit  ici  de  mesures  coërcitives  dont  il  n'est  fait  aucune  mention  dans 
la  note  susdite,  et  que  c'est  contre  ces  mesures  que  a  France  se  prononce 
en  ce  moment. 


5i8  APPENDICE 

Le  pacha  a  répondu  :  «  Je  suis  profoiidcm  mU  ainigé  de  la  déclaralion 
que  vous  venez  de  me  faire,  car  j'ai  toujours  considéré  la  France  comme 
une  des  plus  anciennes  amies  de  la  Porte  ;  il  ne  dépend  pas  de  moi 
d'empêcher  la  réalisation  d'un  acte  auquel  la  Porte  ne  s'est  décidée 
qu'avec  le  concours  de  quatre  de  ses  alliées,  et,  quels  qu'en  puissent  être 
ses  résultats,  le  gouvernement  turc  s'y  résignera.  »  Il  a  ajouté  que,  si 
M.  de  Pontois  veut  faire  connaître  au  sultan  ce  qu'il  vient  de  lui  faire 
dire  par  son  drograan,  le  pacha  est  prêt  à  l'accompagner  h  l'audience  de 
ce  monarque  pour  lequel  il  ne  saurait  avoir  rien  de  caché. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  h  Voire  Altesse  combien  Réchid-pacha  a 
trouvé  dur  et  hostile  le  langage  que  le  gouvernement  français  a  chargé 
Sun  ambassadeur  de  tenir  à  la  Porte  dans  cette  circonstance. 

M.  Franceschi  m'a  raconté,  que  Piéchid-pacha  ayant  été  appelé  hier 
chez  le  sultan,  sa  Hautesse  lui  avait  donné  connaissance  d'une  lettre  que 
la  sultane  mère  venait  de  recevoir  de  l'ex-capilan  pacha,  on  ne  sait  par 
quelle  occasion,  mais  probablement  par  le  bateau  à  vapeur  français 
arrivé  le  14  de  ce  mois.  Dans  cette  lettre,  Ahmed-Fevzi-pacha,  après 
avoir  assuré  à  la  sultane  que  Méhéraet-Ali  était  inébranlable  dans  sa 
résolution  de  résister,  ajoute  qu'il  dépend  de  lui  de  révolutionner  toutes 
les  provinces  d'Asie  et  d'Europe  ;  et  il  adjure,  implore,  et  supplie  la 
sultane  d'interposer  son  influence  auprès  de  son  fils,  pour  évitera 
la  nation  les  maux  dont  elle  est  menacée,  et  peut-êlre  la  chute  de 
l'Empire. 

Ces  notions  m'ont  paru  assez  importantes  pour  les  porter  à  la  con- 
naissance de  Voire  Altesse,  par  une  estafette  qui  partira  demain  h  l'aube 
du  jour. 

Agréez,  etc., 

LXXXIl'.  —  Rapport  du  secrétairc-interprèle  ilc  Tinter  nonciature 
d'Autriche  (baron  de  Testa)  an  baron  de  Stiïruicr,  en  date  du 
19  août  1840  (18  djémaziul-aiihir  1356). 

Son  Excellence  Réchid-pacha  m'a  dit  aujourd'hui,  que  M.  l'ambassa- 
deur de  France  lui  a  failfaire  hier,  par  l'intermédiaire  de  M.  Cor,  la  décla- 
ration suivante  :  que  dès  l'avènement  au  trône  du  Sultan  Abdul-Medjid, 
la  France  n'avait  pas  voulu  l'intervenlioa  étrangère  dans  Tatraire  Turco- 
Egyptienne  ;  que  malgré  ses  conseils  réitérés,  la  Porte  venait  de  con- 
clure à  Londres  une  convention  que  la  France  regardait  comme  une  injure; 
que  la  France  avait  espéré  qu'avant  delà  signer,  Ghékib-Efendi  en  aurait 
prévenu  l'ambassadeur  de  France  à  Londres;  que  la  France  est  par  con- 
sr-quent  tout  à  fait  contre  l'administration  actuelle  de  la  Turquie  ;  qu'elle 
ferait  conniiîlre  ses  intentions  à  toute  la  nation  niusuhniine  ;  et  qu'elle 


Al'PENDlCE  5.'|9 

favoriserait  toutes  les  combinaisons  et  tous  les  inflividus  contraires  au 
système  politique  notiiol;  que  non  seulement  elle  n'eni|)loierait  pas  son 
influence  auprès  (h;  Méliémel-Ali,  dans  le  sens  désiré  par  les  quatre  cours, 
mais  qu'elle  soutiendrait  au  contraire  le  pacha  d'Egypte,  si  les  intérêts  et 
la  dignité  de  la  France  l'exigent;  que  M.  de  Pontois  demanderait,  s'il  le 
fallait,  une  audience  de  S.  H.  pour  lui  dire  tout  cela;  enfin,  que  ceci 
n'était  pas  le  langage  de  M.  Tliiers  seulement,  mais  celui  de  toute  la  nation 
française. 

{1  Août,  18/iO.  {Sig7ié)  Baron  détesta. 

Je  trouve  parfaitement  exact  ce  rapport ,  et  il  conlient  tout  ce  qui  m'a 

été  dit  par  M.  Cor. 

{Signé)  RECuiu. 
Balta  Liman,  le  21  Aoiit,  1810. 

LXXXV.  —  IN'ote  «le  raiuliassadcur  de  France  (comte  de  Pontoi.s) 
il  Itécliid-pacha.  en  date  de  Tliérapia,  le  l!l  août  1840  (20  djé- 
niaziul-akliir    1350). 

Monsieur  le  minisire,  il  vient  de  m'être  rapporté  qu'il  a  été  donné 
communication  à  MM.  lesrcprésentants  des  cours  d'Autriche,  delà  Grande- 
Bretagne,  de  Prusse  et  de  Russie,  d'une  prétendue  déclaration  faite,  en 
mon  nom,  au  gouvernement  de  S.  H.,  et  annonçant,  de  la  part  de  la 
France,  l'intention  de  soutenir  la  cause  de  Méhémet-Ali  et  de  favoriser 
l'insurrection  des  populations  placées  sous  l'autorité  de  la  Sublime-Porte. 

Je  crois  devoir  vous  déclarer  oITiciellement,  M.  le  n  inistre,  que,  si 
cette  communication  a  été  réellement  faite  ta  MM.  les  représentants  des 
quatre  cours,  elle  est  fondée  sur  deux  assertions  complètement  inexactes, 
et  que  je  rends,  dès  à  présent,  son  auteur  responsable  de  toutes  les  con- 
séquences qu'elle  peut  avoir. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

LXXX%I.  —  Bésiinié  d'nn  entretien  du  roi  des  Belges  (Léopold) 
avec  M.  Guizot,  à  Londres,  le  19  août  1840  (SO  djéiuaziul-akiiir 
125<i). 

Le  roi.  —  Entendons-nous  bien,  et  rendons-nous  compte  bien  exacte- 
ment de  ce  que  nous  voulons  faire;  c'est  le  système  du  statu quo  garanti 
par  les  cinq  puissances,  et  garanti  au  profit  de  tous  comme  contre  tous, 
que  je  vais  exposer  et  soutenir. 

Guizot.  —  Oui,  sire,  et  les  avantages  en  sont  si  grands,  si  évidents 
que,  si  rien  n'était  compromis,  tout  le  monde,  j'ose  le  dire,  s'empresse- 
rait de  l'adopter.  Ce  système  vide  à  la  fois  toutes  les  questions,  celle 
d'Alexandrie  comme  celle  de  Conslantinople  ;  il  dissipe  les  périls  du  pré- 


550  APPENDICE 

sent  et  prévient  ceux  de  l'avenir;  il  ne  met  l'Europe  à  la  merci,  ni  du 
sultan,  ni  du  pacha.  Les  cinq  puissances  traitent  ensemble,  et  elles  n'ont 
rien  à  demander  ni  h  attendre  de  personne  pour  mettre  leurs  résolutions 
en  vigueur.  On  ne  peut  pas  dire  que  ce  système  est  trop  favorable  h 
l\Iél)émet-Ali,  car,  d'une  part,  il  ne  lui  accorde  point,  pas  plus  en  Egypte 
qu'en  Syrie,  l'hérédité  qui  est  le  but  avoué  de  son  ambition;  d'autre  part, 
il  lui  interdit  toute  ambition  nouvelle,  tout  agrandissement  territorial,  en 
associant  la  France  aux  mesures  de  coercition  qui  seraient  alors  prises 
contre  lui.  Certes,  il  n'y  a  aucune  politique  qui  donne  au  repos  de  l'Eu- 
rope, plus  de  garanties,  et  qui  prouve,  de  la  part  des  puissances  décidées 
k  l'adopter,  plus  de  désintéressement. 

Le  roi.  —  Cela  est  vrai,  parfaitement  vrai,  mais  la  question  n'est  pas 
entière  ;  les  objections,  les  difficultés  ne  manqueront  pas.  Il  y  a  un  autre 
système  dont  vous  vouliez  me  parler. 

Guizot.  —  Oui,  sire,  et  le  voici.  Dans  le  cas  où  le  pacha,  sommé  par 
la  Porte,  demanderait  à  la  France  de  traiter  pour  lui,  et  où  les  quatre 
puissances,  de  leur  côté,  manifesteraient,  sur  cette  demande  du  pacha, 
le  désir  de  rentrer  en  négociation  avec  la  France,  l'Egypte  héréditaire 
et  la  Syrie  viagère  pourraient  êtie,  dans  l'opinion  du  gouvernement  du 
roi,  la  base  de  l'arrangement.  Mais,  je  dois  le  répéter  à  Votre  Majesté, 
sur  ce  second  système  comme  sur  le  premier,  dont  Votre  Majesté  a[elle- 
même  suggéré  l'idée,  la  France  n'a  rien  à  demander  ni  à  oflVir,  et  sa 
dignité  ne  lui  permet  de  reparaître,  dans  une  question  qu'on  a  essayé  de 
résoudre  sans  elle,  que  lorsqu'on  y  sentira  la  nécessité  de  sa  présence. 
J'ajoute  que  le  second  système  a  le  grave  inconvénient  d'exiger  le  recours 
au  pacha  ;  et  si  le  pacha  refuse  son  assentiment,  il  peut,  en  passant  le 
Taurus  et  en  menaçant  Constantinople,  plonger  l'Europe  dans  cette 
extrême  confusion  que  nous  voulons  tous  éviter.  » 

Le  roi.  —  Oui,  mais  dans  le  cas  où,  pour  adopter  le  système  du  statu 
quo  garanti  au  profit  de  tous,  on  exigerait  de  Méhémet-Ali  quelque  con- 
cession, celle  du  district  d'Adana  par  exemple,  de  sorte  que  le  statu  quo 
ne  fût  pas  exactement,  pour  le  pacha,  celui  de  l'arrangement  de  Kutahié, 
que  croiriez-vous  possible? 

Guizot.  —  Je  n'ai,  sire,  aucune  instruction  à  ce  sujet. 

LXXXYII.    —    Résumé    d'nn    entretien    de    lord    Palmerston    avec 
m.  GuiiEOt,  le   19  août  1840  (20  djémazinl-akhir  1256). 

Palmerston.  —  Je  voudrais  bien  causer  un  moment  avec  vous  ce  soir. 

Je  voulais  vous  parler  de  vos  affaires  à  Windsor,  mais  dans  ces  maisons 
royales  on  fait  rarement  ce  que  l'on  veut;  le  temps  et  la  liberté 
manquent. 


APPENDICE  551 

Gvizot.  —  Pour  moi,  inylortl,  si  je  ne  vui.3  ai  rien  dit  là,  c'est  que  jo 
n'avais  rien  h  vous  dire;  rien  n'est  changé  pour  nous  depuis  mon  dernier 
entretien  avec  vous  ;  nous  ne  sommes  pas  dans  les  événements  ;  nous  les 
attendons,  et  en  attendant,  nous  nous  conduisons  selon  notre  prévoyance. 

Palmerston,  —  Je  retourne  demain  h  Windsor  ;  j'en  reviendrai  après- 
demain  soir  ;  lundi,  je  conduirai  lady  Palmerston  dans  l'île  de  Wight; 
j'irai  de  là  à  Tiverlon  voir  mes  constituants  et  assister  h  nos  courses 
locales.  Je  ne  serai  de  retour  à  Londres  qu'au  commencement  de  la  se- 
maine suivante  ;  je  pense  que  nous  saurons  alors  quelque  chose  d'Alexan- 
drie. 

Guizot.  —  Est-ce  que  rien  ne  vous  est  encore  revenu  sur  les  proposi- 
tions de  la  Porte  au  pacha? 

Palmerston.  —  Non  ;  il  y  a  eu  quelque  retard  dans  les  courriers;  les 
propositions  doivent  avoir  été  faites  au  pacha,  ou  lui  être  faites  à  peu  près 
en  ce  moment. 

Guizot.  —  Elles  auront  donc  été  faites  avant  l'échange  des  ratifica- 
tions? 

Palmerston.  —  Oui. 

Guizot.  —  Et  toutes  les  ratifications  sont-elles  arrivées? 

Palmerston.  Oui;  celles  de  la  Russie  sont  venues  avant-hier,  il  ne 
manque  plus  que  celles  de  la  Porte  elle-même.  M.  Thiers,  à  son  retour 
du  château  d'Eu,  a  parlé  h  lord  Granville  des  instructions  données  à  vos 
amiraux;  je  sais  qu'elles  sont  très-modérées,  très-prudentes,  et  que  vous 
leur  prescrivez  d'éviter  avec  hoin  tout  malentendu,  tout  conflit. 

Guizot.  —  Les  instructions  du  gouvernement  du  roi  sont  exactement 
conformes  à  sa  politique.  Il  désire  que  la  paix  ne  soit  pas  troublée.  Il  ne 
va  pas  au  devant  des  périls  qu'il  n'a  pas  faits;  il  s'appliquera,  au  con- 
traire, à  les  détourner. 

Palmerston.  —  L'amiral  Stopford  restera  à  son  poste,  quoique  son 
temps  de  service  soit  fini  et  que,  selon  la  règle,  il  eût  pu  être  rappelé. 
C'est  un  homme  très-sage  et  qui  s'est  toujours  bien  entendu  avec  les 
amiraux  français. 

Guizot.  —  On  peut,  je  crois,  en  dire  autant  de  l'amiral  Hugon. 

Palmerston. — Le  roi  Léopold  m'a  parlé  de  son  idée  :  un  traité  entre  les 
cinq  puissances  qui  garantisse  le  statu  quo  de  l'empire  ottoman. 

Guizot.  —  Nous  avons  déjà,  mylord,  causé  plus  d'une  fois,  vous  et 
moi,  bien  qu'un  peu  en  passant,  de  cette  solution;  elle  est  eflicace  et 
simple.  Elle  assure  à  la  Porte  un  protectorat  incontesté.  Elle  n'accorde 
point  au  pacha  ce  qu'il  demande,  et  ne  lente  point  de  lui  retirer,  par  la 
force,  ce  qu'il  possède.  Elle  maintient  la  paix  dans  le  présent  et  la  garan- 
tit dans  l'avenir.  Elle  unit  les  cinq  puissances  dans  une  action  commune 
aussi  bien  que  dans  une  même  intention.  Mais  il  est  clair  qu'un   même 


552  APl'ENDIGE 

traité  général  ne  pourrait  se  conclure  qu'autant  qu'il  ferait  tomber   et 
remplacerait  tous  les  traités  partiels  qui  l'auraient  précédé. 

Palmerston.  —  Cela  est  vrai,  et  c'est  ce  qui  n'est  pas  possible  à  pré- 
sent. Un  traité  a  éié  conclu  entre  quatre  puissances,  non  clans  un  but 
général  et  permanent,  comme  serait  celui  dont  nous  parlons,  mais  dans  un 
but  spécial  et  momentané.  Ce  traité  partiel  doit  suivre  son  cours,  et  lors- 
qu'il aura  atteint  son  but,  le  traité  général  pourra  fort  bieii  prendre  place. 
Aujourd'hui  il  faut  attendre  les  événements. 

Guizot.  —  Oui,  luylord;  mais  nous  prévoyons  les  événements  autre- 
ment que  vous;  nous  regardons  comme  tiès-diflicile,  comme  im[)0ssible, 
peut-être,  ce  qui  vous  paraît  facile,  et  comme  très-périlleux  ce  qui  vous 
paraît  sans  danger.  Et  pendant  que  votre  trailé  partiel  suivra  son  cours, 
la  paix  de  l'Orient,  l'équilibre  de  l'Europe,  la  paix  de  l'Europe  pourront 
fort  bien  être  compromis  sans  retour. 

Palmerston.  —  Je  sais  que  vous  pensez  ainsi.  On  verra.  Si  les  événe- 
ments vous  donnent  raison,  alors  comme  alors.  Au  fond,  nous  avons, 
vous  elnous,  en  Orient,  la  même  politique  générale  et  permanente.  S'il 
fallait  faire  venir  des  armées  russes  en  Asie,  l'Angleterre  n'y  serait  pro- 
bablement pas  plus  disposée  que  la  France.  Nous  chercherions  alors 
d'autres  moyens,  et  ce  qui  n'est  pas  possible  aujourd'hui  léserait  peut-être 
alors.  En  attendant,  nous  essayerons  de  ce  qui  a  été  convenu,  les  moyens 
maiitimes. 

Guizot.  —  Mylord,  que  vont  faire  réellement  vos  flottes? 

Palmerston.  —  Elles  intercepteront  toute  communication  avec  l'Egypte 
et  la  Syrie,  et  fourniront  au  sultan  les  moyens  de  transport  dont  il  pourra 
avoir  besoin.  Nous  n'établirons  aucun  blocus.  Nous  nous  trouvons  ici 
dans  la  même  situation  où  nous  avons  été  naguère,  vous  et  nous,  sur  les 
côtes  d'Espagne.  Méhémct-Ali  n'est  pas  un  souverain,  pas  plus  que  ne 
l'était  don  Carlos;  nous  n'avons  pas,  à  son  égard,  le  droit  belligérant; 
le  sultan  aurait  seul  le  droit  de  blocus.  Il  fera  ce  qu'il  pourra  avec  ses 
propres  forces.  Pour  nous,  nous  ne  nous  mettrons  en  conflit  ni  avec  les 
intérêts  commerciaux,  ni  avec  les  droits  des  neutres.  Nous  ne  le  pouvons 
pas. 

Guizot.  —  Est-il  vrai,  rnyîord,  que  vous  augmentiez  votre  flotte  de 
quelques  vaisseaux? 

Palmerston  —  Oui,  nous  allons  la  porter  à  seize.  Vous  portez,  en  ce 
moment,  la  vôtre  à  dix-huit.  Vous  préparez  même  cinq  vaisseaux  de  plus, 
ce  qui  vous  donnerait  une  prépondérance  que  nous  ne  saurions  accepter. 
Je  ne  sais  pas  bien  à  quelle  époque  vos  cinq  vaisseaux  pourraient  être 
prêts;  mais  si  cet  accroissement  annoncé  se  réalisait,  nous  serions  obli- 
gés, soilde  convoquer  le  Parlement  pour  lui  demander  de  plus  puissants 
moyens,  soit  d'inviter  une  partie  de  la  Hutte  russe  à  venir  nous  joindre 


Al'PL>iDICE  553 

dans  laMéclilerraiiéo,  ce  qui  nous  dcplaiialt  l'oit,  car  nous  n'avons  nulle 
envie  d'ajoulc-r  encore,  de  ce  c(Mé,  aux  apparences  d'intiiuilé. 

LXXXVIII.  —  l>(>i>ôclic  ilii  hiiroii    de    StiïriM<-r  an  priiiot;  <!«'  ra<>((er- 
nieli,  en  date  du  'i'i  uoùt   184U  (2:t  djéuiaxiul-akliir  125(»). 

Une  communication  importante  et  toul-à-fait  inattendue,  nous  a  été 
faite  iiier  par  M.  l'ambassadeur  de  France,  à  mes  collègues  d'Angleterre, 
de  Russie  et  de  Prusse,  et  à  moi.  M.  le  comte  de  Ponlois  ayant  été  retenu 
chez  lui  par  une  indisposition,  il  chargea  son  premier  secrétaire  d'ambas- 
sade, M.  Hisde  iiutenval,  de  se  rendre  successivement  chez  chacun  de 
nous.  Étant  allé  chez  Réchid-pacha  à  l'heure  où  il  passait  chez  moi  (je 
suis  le  seul  qu'il  n'ait  pas  trouvé),  il  pria  en  conséquence  M.  le  chargé 
d'affaires  de  Russie,  qui  loge  le  plus  près  de  moi,  de  m'informerde  l'objet 
de  sa  visite. 

M.  de  Butenval  dit  b.  M.  de  Titow  qu'il  avait  été  chargé  par  M.  de 
Ponlois,  de  nous  demander  s'il  était  vrai  que  la  Porte  nous  eût  adressé 
une  note  ou  toute  autre  communication  par  écrit,  où  elle  nous  aurait 
fait  part  d'un  message  qui  lui  serait  parvenu  de  la  paît  de  l'ambassade 
de  France?  M.  de  Titow  lui  ayant  répondu  que  la  Porte  ne  nous  avait  rien 
écrit  à  ce  sujet,  M.  de  Butenval  lui  dit  que,  d'après  ce  qui  était  revenu 
à  M.  de  Poutois,  elle  nous  avait  fait  savoir  que  la  France  voulait  sou- 
tenir Méhémet-Ali  de  tous  ses  moyens,  et  l'aider  à  révolutionner  ce  pays 
et  que,  dans  ce  cas,  l'ambassadeur  lui  avait  enjoint  de  noua  déclarer 
que  ces  deux  assertions  étaient  également  fausses.  Il  ajouta  ensuite,  dans 
le  cours  de  la  conversation,  que  le  gouvernement  français  ne  veut  nulle- 
ment cacher  son  jeu;  qu'il  s'est  prononcé  ouvertement  en  désapprouvant 
la  convention,  et  surtout  les  mesures  coërcitives,  qu'il  croit  très-dange- 
reuses ;  et  que,  par  conséquent,  il  se  tient  à  l'écart.  M.  de  ïitow  lui  ayant 
fait  observer  qne  cette  approbation  était  purement  une  manifestation  d'o- 
pinion, et  que  chaque  puissance  était  libre  d'avoir  la  sienne,  M.  de  Bu- 
tenval répliqua  qu'une  désapprobation  accompagnée  d'un  armement  avait 
un  grand  poids  quand  elle  vient  d'une  puissance  coinuîe  la  France  ;  et 
que.  de  tout  ce  qu'il  venait  de  lui  dire  de  l'altitudeprise  par  son  gouver- 
nement, il  ne  résultait  aucunement  que  celui-ci  ne  suivît  dès  demain,  s'il 
le  fallait,  telle  ligne  de  conduite  que  sa  dignité  et  ses  intérêts  lui  trace- 
raient, 

M.  de  ïitow  me  dit  que  d'après  l'impression  que  lui  a  laissée  tout  cet 
entretien,  il  croyait  pouvoir  admettre  comme  k  peu  près  certain,  que  la 
France  n'emploierait  jamais  des  mesures  matérielles  ptuir  assister  Mché- 
met-Ali,  mais  qu'elle  voulait  entraver  l'exécution  de  lu  convenlioii  du 
15  juillet. 


554  APPENDICE 

!\I.  le  comte  de  Konigsmarck  a  reçu  de  M.  de  Butenval  lamême  commu- 
nication, mais  sans  que  celui-ci,  se  bornant  au  fait,  îiû  entré  dans  aucun 
développement,  et  sans  que  M.  le  ministre  de  Prusse,  de  son  côté,  y  eût 
donné  lieu  par  une  question  ou  observation  quelconque.  La  seule  nuance 
qu'il  y  ait  eu,  cette  fois,  dans  les  paroles  de  M.  de  Butenval,  c'est  qu'en 
protestant  contre  l'imputation  faite  h  la  France  de  vouloir  révolutior.ner 
la  Turquie,  il  ajouta  qu'elle  ne  voulait  révolutionner  ni  ce  pays  ni  aucun 
autre. 

M.  l'ambassadeur  d'Angleterre  vient  de  m'adresser  le  billet  ci-joint 
pour  me  faire  part  de  la  communication  que  M.  de  Pontois  lui  a  fait  faire, 
et  de  l'entretien  qu'il  a  eu  avec  M.  de  Butenval,  et  sur  lequel  il  a  bien 
voulu  me  donner  les  détails  les  plus  circonstanciés. 

Je  ne  sais  encore  que  penser  de  tout  cela,  M.  de  Pontois  avait-il  fait 
dire  ab  iralo  à  Réchid-pacha  ce  qu'il  se  croit  obligé  de  rétracter  aujour- 
d'imi?  Et  dans  ce  cas,  comment  se  serait-il  pei-mis  d'affirmer  que  ce 
langaçie  lui  a  été  prescrit  par  son  gouvernement?  Ou  bien,  M.  Thiers  a- 
t-il  cru  que  ces  menaces  feraient  un  tel  elTet  sur  les  Turcs,  qu'ils  se  jette- 
raient à  genoux  devant  l'ambassadeur,  et  que  non-seulement  ils  se  refu- 
seraient à  ratifier  la  convention,  mais  qu'ils  se  déclareraient  prêts  à  faire 
tout  cequ'il  voudrait  ?  Dans  ce  cas,  l'événement  aurait  cruellement  trompé 
l'attente  de  M.  le  président  du  conseil.  Les  Turcs  ont  trop  de  bon  sens 
pour  se  faire  des  ennemis  de  quatre  alliés  puissants  et  sincères,  pour  se 
jeter  entre  les  bras  d'un  gouvernement  qui,  dans  l'isolement  où  il  s'est 
placé  volontairement,  ne  saurait  jamais  leur  offrir  les  mêmes  avantages. 
Ils  se  sont  empressés  de  porter  à  notre  connaissance  l'espèce  de  déclara- 
lion  de  guerre  que  leur  a  faite  la  France,  et  lorsque  M.  de  Pontois  aura 
su  cela,  et  qu'il  aura  été  informé  du  peu  d'effet  qu'avait  produit  sur  nous 
son  langage,  ainsi  que  de  la  démarche  collective  que  nous  avons  faite 
(notre  visite  chez  Réchid-pacha,  le  18  au  soir,  à  laquelle  nous  avons 
donné  exprès  la  plus  grande  publicité)  pour  rassurer  la  Porte,  il  aura 
pensé  que  cela  pourrait  mener  son  gouvernement  trop  loin,  faire  naître 
cette  guerre  dont  on  nous  menace,  et  qu'il  ne  peut  être  dans  l'intérêt  de 
la  France  de  susciter. 

Si  cette  supposition  est  fondée,  il  ne  s'agit  plus  que  d'examiner  com- 
ment M.  de  Pontois  s'y  est  pris  pour  réparer  le  mal  qu'il  a  cru  avoir  fait. 
D'après  la  connaissance  que  j'ai  du  caractère  de  Réchid-pacha,  je  suis  prêt 
à  garantir  qu'il  n'a  pas  altéré  un  mot  de  ce  que  lui  a  dit  le  drogman  de 
l'ambassade  de  France.  Ce  drogman  (M.  Cor)  est  un  homme  personnelle- 
ment dévoué  au  pacha,  et  d'un  caractère  doux  et  conciliant;  ce  n'est  donc 
pas  lui  qui  aura  envenimé  le  message,  qu'il  a  cherché  au  contraire  à  adoucir 
autant  qu'il  a  pu,  en  assurant  le  pacha  (d'après  ce  que  j'ai  su  depuis)  com- 
bien le  devoir  qu'il  avait  à  remplir  était  pénible  pour  lui.  M.  Franceschi, 


APPENDICE  555 

que  le  pacha  envoya  chez  nous  pour  nous  laire  part  du  message  de  M.  de 
Pontoip,  a  beaucoup  trop  d'esprit  et  d'habitude  des  afTairos  jiour  supposer 
qu'il  eût  mal  saisi  les  paroles  du  pacha  dans  une  circonstance  aussi 
importante.  Il  en  avait  d'ailleurs  noté  les  principaux  points  dans  son  cale- 
pin pour  ne  pas  se  tromper,  et  ce  sont  ces  notes  que  j'ai  eues  devant  mes 
mes  yeux  en  rédigeant  mon  rapport  à  votre  Altesse,  que  j'ai  lu  et  relu  en- 
suite avec  M.  Franceschi,  qui  m'a  dit  qu'il  n'y  avait  pas  une  syllabe  à 
changer,  ei  que  c'était  Ici  exactement  ce  que  le  pacha  lui  avait  dit.  Gela 
est  si  vrai,  qu'ayant  été  chez  lord  Ponsonby  après  avoir  été  cliez  moi,  il 
se  référa  auprès  de  cet  ambassadeur  à  mon  rapport,  que  celui-ci  me  de- 
manda pour  en  envoyer  une  copie  à  lord  Palmerston.  En  outre,  pendant 
quei\l.  Franceschi  se  rendît  chez  nous,  Réchid-pacha  fit  la  môme  commu- 
nication au  secrétaire  interprète,  baron  de  Testa,  dont  le  rapport,  que  j'ai 
eu  l'honneur  de  soumettre  k  voire  Altesse,  s'accorde,  à  quelques  nuances 
près,  pour  le  fond  avec  le  message  que  nous  a  fait  M.  Franceschi.  Enfin, 
le  jour  de  notre  visite  chez  Réchid-pacha  (le  18  de  ce  mois),  ce  ministre 
nous  répéta  en  partie  les  paroles  de  M.  Cor,  et  se  plaignit  à  nous  de  ce 
qu'elles  renfermaient  d'outrageant  pour  une  puissance  indépendante. 

11  fallait  donc  croire  que  M.  de  Ponlois,  pour  se  tirer  d'affaire,  donne  au- 
jourd'hui un  démenti  formel  h  Réchid-pacha,  auquel  ce  démenti  pourra 
peut-être  susciter  quelque  désagrément,  en  commençant  ainsi  à  rainer  l'ad- 
ministration actuelle.  A'^oilii  ce  que  nous  devions  tirer  au  clair  dans  l'inté- 
rêt de  Réchid-pacha  et  de  la  vérité.  Je  suis  convenu  avec  MM.  le  comte 
de  Konigsmarck  et  de  Tilow,  que  j'enverrais  dès  le  lendemain  le  baron  de 
Testa  chez  le  pacha,  pour  informer  ce  ministre  et  l'avertir  de  se  mettre 
en  garde.  J'ai  chargé  M.  de  Testa  de  lui  lire  non  seulement  ma  dépêche 
à  votre  Altesse,  qui  contient  le  message  tel  qu'il  a  été  rendu  par  M.  Fran- 
ceschi, mais  aussi  celui  que  lui-même  m'avait  adressé,  et  de  me  rendre 
un  compte  fulèle  des  observations  auxquelles  ces  deux  pièces  auraient 
pu  avoir  donné  lieu  de  la  part  du  pacha,  ainsi  que  des  passages,  s'il  y  en 
a,  qu'il  trouverait  inexacts  ou  dont  sa  mémoire  ne  pourrait  garantir  l'au- 
thenticité. 

Votre  Altesse  daignera  voir,  par  le  rapport  ci-joint  de  M.  de  Testa, 
comment  il  s'est  acquitté  de  cette  commission.  A  ce  rapport  s'est  trouvé 
annexé  un  autre,  rectifié,  sur  le  message  de  l'ambassadeur  de  France, 
que  Réchid-pacha  a  apostille  de  sa  propre  main  pour  attester  la  vérité  de 
son  contenu.  En  comparant  les  assertions  qui  s'y  trouvent  avec  celles 
que  renferme  le  message  tel  qu'il  nous  a  été  rendu  par  M.  Franceschi,  on 
est  obligé  de  convenir  que,  quelle  que  soit  la  différence  des  termes  et 
l'ordre  dans  lequel  se  suivent  les  idées,  les  points  prmcipaux  restent  les 
mêmes. 

M.  Franceschi  nousa  dit  que  «le  gouvernement  français  unirait  ses  ef- 


556  APPENDICE 

lorts  à  ceux  de  Méhémet-Ali  pour  soulever  les  populations  d'Asie  et  d'Eu- 
rope. »  Réchid-pacliane  garantit  pas  cette  expression,  mais  bien  celle  que 
la  «  France  est  tout-à-l'ait  contre  l'administration  aciuelle  de  la  Turquie; 
qu'elle  fera  connaître  ses  intenlions  k  toute  la  nation  musulmane;  et 
qu'elle  favorisera  toutes  les  combinaisons  et  tous  les  individus  contraires 
au  système  politique  actuel.  » 

M.  Franceschi  nous  a  dit,  en  outre,  que  la  France,  loin  d'employer 
son  influence  morale  auprès  du  pacha  pour  le  porter  à  la  soumission,  lui 
accordera  toute  l'assistance  qui  est  en  son  pouvoir  pourl'aider  à  résistera, 
une  intervention  étrangère.  D'après  le  rapport  rectifié  du  baron  de  Testa, 
cette  menace  n'aurait  été  que  conditionnelle,  c'est-à-dire,  elle  ne  serait 
effectuée  que  si  les  intérêls  et  la  dignité  de  la  France  l'exigent. 

Réchid-pacha,  avec  qui  j'ai  passé  la  soirée  hier,  m'a  raconté  que  le 
message  que  M.  de  Ponlois  lui  avait  fait  faire  et  qu'il  voudrait  nier  au- 
jourd'hui, a  été  fait  à  tous  les  functionnaires  publics;  qu'on  s'était  servi 
envers  plusieurs  d'entre  eux  de  termes  encore  plus  forts  qu'envers  lui; 
que  M.  Cor  a  dit  au  grand-vizir,  que  le  «  gouvernement  français  voudrait 
pouvoir  faire  annoncer  du  haut  de  chaque  minaret  ce  qu'il  venait  de  lui 
dire  de  la  part  de  son  ambassadeur;  »  que  l'on  ne  s'était  pas  borné  à  ces 
communications,  mais  qu'on  s'était  efforcé  de  répandre  le  message  de 
M.  dePontoisdans  le  public  ;  et  que  tous  les  habitants  de  Gonstantinople 
en  avaient  été  informés  presque  en  même  temps  que  lui;  que  M.  Cor  avait 
dit  à  M.  Rouet  (ie  secrétaire  particulier  de  Réchid-pacha),  que  la  France 
était  déterminée  à  faire  éloigner  toute  l'administration  actuelle  et  ses 
adhérents,  pour  parvenir  à  effectuer  un  arrangement  direct  entre  le  sultan 
et  Méhéraet-Ali  ;  que  M.  de  Rutenval  avait  dit  au  même  individu,  qu'il 
fallait  que  quelqu'un  cédât  dans  cette  affaire,  et  que  ce  ne  serait  pas  la 
France. 

Réchid-pacha  regrette,  comme  de  raison,  de  n'avoir  pas  dit  à  M.  Cor, 
dans  le  temps,  qu'un  message  aussi  important  que  celui  qu'il  venait  de  lui 
faire,  ne  saurait  être  communiqué  que  par  écrit,  afin  que  l'on  ne  puisse 
pas  se  méprendre  sur  la  valeur  des  termes. 

Outre  la  communication  faite  par  M.  de  Pontois  aux  quatre  représen- 
tants, cet  ambassadeur  en  a  adressé  une  pour  le  même  objet,  par  écrit, 
à  Réchid-pacha.  Sa  lettre  se  trouve  ci-jointe  ainsi  que  la  réponse  de  ce 
dernier. 


LXXXIX.  —  Lettre  ^extrait)  de  M.  Thiers    à    M.  Gnizot,  en    date  du 
23  août  1840  (24  djémaziul-akliir  1256). 

Depuis  son  avènement,  il  (l'empereur  de  Russie)  n'a  pas  été  plus  joyeux. 
Il  triomphe,  non  pas  d'être  exposé  au  voyage  d'Orient,  mais  d'avoir  brouillé 


APPENDICE  557 

la  Franco  avec  l'Ans^lelorre.  Il  tionl  co  résultat  pour  immense,  et  ne  dis- 
•simule  pas  les  espérances  qu'il  en  conçoit.  Il  regarde  comme  dur  d'être 
obligé  éventuellement  d'agir  en  Orient,  car  il  n'est  pas  si  préparé  qu'il 
veut  le  paraître;  mais  il  n'en  fera  pas  moins  tout  ce  qu'il  faudra  pour 
amener  la  brouille  de  la  France  et  de  l'Angleterre  au  dernier  terme.  Il  a 
dit  qu'il  exécuterait  la  convention  du  15  juillet  ix  lui  seul,  f^'il  le  fallait. 

XC.  —    IVofc    de    R^oliiil-parlin    an    cOnitc    de    Pontois,    en    «late    de 
Thérapia,  le  3»  août   I8IO  (24  djéniazial-akiilr   125»). 

Monsieur  l'ambassadeur,  j'ai  reçu  l'ofiice  que  V.  E.  m'a  fait  l'honneur 
de  m'écrire  le  19  de  ce  mois  au  sujet  du  message  dont  elle  avait  chargé 
M.  Cor  auprès  de  moi,  relativement  à  la  manière  dont  le  gouvernement 
français  envisageait  la  convention  du  15  juillet. 

Je  m'empresse,  M.  l'ambassadeur,  de  reproduire  ici  textuellement, 
tels  que  me  les  a  rapportés  M.  Cor,  les  deux  passages  de  ce  messa-ze 
que  V,  E.  signale  comme  ayant  été  inexactement  répétés. 

«  La  France  est  tout  k  fciit  contre  l'administration  actuelle  de  la  Tur- 
«  quie;  elle  fera  connaître  ses  intentions  à  toute  la  nation  musulmane,  et 
«  elle  favorisera  toutes  les  combinaisons  et  tous  les  individus  contraires  au 
«  système  politique  actuel  ;  elle  n'emploiera  non-seulement  pas  son  in- 
«  lluence  auprès  de  Melicmet-AIi  dans  le  sens  désiré  par  les  quatre  cours, 
«  mais  elle  soutiendra  au  contraire  le  pacha  d'Egypte,  si  les  intérêts  et 
«  la  dignité  de  la  France  l'exigent.  » 

Voilà,  monsieur  l'ambassadeur,  ce  que  m'a  dit  M.  Cor.  Ayant  vu  hier 
cet  interprète  à  la  Porte,  et  lui  ayant  répété  ses  paroles,  il  est  convenu 
que  c'étaient  bien  à  peu  près  celles  dont  il  s'était  servi,  k  la  seule  diffé- 
rence qu'il  croyait  n'avoir  pas  employé  le  mot  a  individus,  »  en  disant 
que  la  France  favoriserait  toute  combinaison  contraire  au  système  actuel 
du  gouvernement  turc. 

Je  profite  de  cetle  occasion,  etc. 

XCI.  —   Notç    «lu    oonïte    de    Pontois    à    Réeliid-paclia,    en    date    du 
%4  août  1840  (25  djéinaziul-akliir   l3.->(i). 

Monsieur  le  Ministre,  j'ai  l'honneur  d'accuser  récep! ion  à  Votre  Excel- 
lence de  sa  lettre  en  date  du  23  de  ce  mois. 

Je  commencerai  par  vous  faire  observer,  M.  le  Minisire,  que  la  dénéga- 
tion de  M.  Cor  ne  s'applique  pas  seulement  aux  mots  signalés  dans  votre 
lettre  comme  formant  l'unique  différence  enire  sa  version  et  la  vôtre,  mais 
que  cet  interpiète  affirme  en  outre  n'avoir  dit  h  Votre  Excellence,  ni  à 
aucune  autre  personne,  «  que  la  France  soutiendra  le  pacha  d'Egypte  si 
ses  intérêts  et  sa  dignité  l'exigent,  d  et  s'être  borné  h  déclarer,  confor- 


558  APPENDICE 

niément  à  l'esprit  et  h  la  lettre  de  ses  instructions,  «  que  la  France  se 
croira  désormais  en  droit  de  ne  prendre  conseil  que  de  ses  intérêts  et  de 
son  honneur.  » 

J'iijoulerai,  qu'en  admettant  même  que  les  expressions  dont  s'est  servi 
M.  Cor  fussent  textuellement  celles  que  lui  attribue  la  lettre  de  Votre  Ex- 
cellence, elles  n'auraient  nullement  le  sens  que  paraît  leur  avoir  prêté  la 
communication  faite  aux  représentants  des  cours  signataires  de  la  conven- 
tion de  Londres,  c'est-à-dire,  qu'elles  n'impliqueraient  ni  une  déterrai- 
nation  déjà  arrêtée  de  la  part  de  la  France  de  soutenir  la  cause  de  Méhé- 
met-Ali,  ni  la  pensée  d'exciter  des  soulèvements  dans  l'empire  ottoman. 

Je  suis  donc  en  droit  de  me  plaindre  hautement  de  la  fausse  interpré- 
tation donnée  à  mes  paroles,  et  de  l'usage  qui  en  a  été  fait.  J'espère  que 
la  réparation  due  au  représentant  de  la  France  ne  lui  sera  pas  refusée. 

XCII.   —   Lettre    (extrait)    de    M.  Ciaizot    à   M.    Thiers,    en    date    da 
S4  août  184  0  (35  djémaziul-aklnir  t25U). 

Le  roi  Léopold  et  lord  Melbourne  ont,  avec  quelque  peine,  décidé  lord 
Palmerston  à  écrire  à  lord  Granville  une  dépêche  qui  vous  sera  communi- 
quée, et  qui  contiendra  d'abord  de  nouvelles  explications  sur  le  sens  de 
la  convention  du  15  juillet  dernier  et  les  intentions  spéciales  de  l'Angle- 
terre dans  cet  acte.  Pas  la  moindre  pensée  d'hostilité  ni  de  négligence 
envers  la  France.  Aucune  vue  d'agrandissement  quelconque  en  Orient. 
L'adhésion  pure  et  simple  et  pratique  à  la  note  du  27  juillet  1839,  conçue 
dans  l'unique  dessein  de  maintenir  l'indépendance  et  l'intégrité  de  l'em- 
pire ottoman.  Ceci  sera  destiné  à  répondre  aux  susceptibilités,  aux  inquié- 
tudes, aux  pressentiments  sinistres  de  la  France.  Puis  viendra  l'indication 
que,  malgré  la  convention  du  15  juillet  dernier,  et  même  en  en  supposant 
le  succès,  l'Orient  sera  bien  loin  d'être  réglé.  La  situation  générale  de 
l'empire  ottoman  et  ses  rapports  avec  l'Europe  resteront  en  l'air.  Allusion 
à  la  convenance,  à  la  nécessité  d'un  grand  traité  entre  les  cinq  puissances, 
pour  garantir,  envers  et  contre  tous,  l'état  actuel  des  possessions  de  la 
Porte.  Ouverture  à  la  France  pour  rentrer  ainsi  dans  l'affaire. — Eh  bien  ! 
oui,  a  dit  lord  Palmerston,  je  ferai  le  premier  pas  (/'//  viouethe  first). 

Dans  la  pensée  de  lord  Melbourne,  m'a  dit  le  roi  Léopold,  la  convention 
du  15  juillet  dernier  serait  absorbée  et  abolie  par  le  traité  général^  s'il  se 
concluait.  Lord  Palmerston  n'en  est  pas  encore  là. 

Je  vous  donne  cela  comme  je  l'ai  reçu,  sans  me  charger  de  concilier  et 
de  faire  marcher  ensemble  ces  deux  traités,  l'un  spécial,  l'autre  général 
et  ne  réglant  pourtant  pas  ce  que  le  spécial  a  réglé;  l'un  s'exécutant  pen- 
dant que  l'autre  se  négocie  ;  le  grand  traité  destiné  à  subir  le  petit,  si  le 
petit  réussit,  et  à  le  remplacer  s'il  échoue.  Je  vois  surtout  là  une  manière 


APPENDICE  559- 

de  nous  rappeler  dans  l'affaire,  et  une  initiative  indirectement  prise  envers 
nous,  Jicet  effet. 

La  dépèclie  de  lord  Pulmerslon  h  lord  Granville  ne  contiendra  aucune 
demande  d'explication  sur  les  armements  de  la  France.  On  espère  que, 
dans  votre  réponse,  vous  caractériserez  vous  même  ces  armements,  et 
toute  la  politique  comme  les  mesures  actuelles  de  la  France,  d'une  façon 
qui  exclue  toute  idée  de  menace  et  d'ambition  belligérante.  Le  roi  Léopold 
regarde  ceci  comme  important,  surtout  pour  les  cabinets  continentaux. 

Sur  ceci,  j'ai  dit  à  l'instant  qu'en  écartant  de  nos  préparatifs  toute  idée 
de  menace  et  d'ambition  belligérante,  vous  ne  voudriez,  h  coup  sûr,  rien 
donner  à  entendre  qui  en  atténuât  le  moins  du  monde  l'importance  et 
l'effet,  ni  qui  altérât  en  rien  l'attitude  que  la  France  croyait  devoir  prendre 
et  voulait  garder.  Mon  insistance  a  été  bien  comprise  et  bien  acceptée. 

Voilà  pour  cette  dépêche  projetée  qui,  du  reste,  n'était  pas  encore  ré- 
digée iiier.  Lord  Palmerston  y  travaillait. 

XCIII.  —  Kote  de  Réchid-paclia    an   comte  de  Pontols,  en    date  du 
2  9  août  1840  (3H  djéniasEinl-akhir    l'i^G). 

Monsieur  l'ambassadeur, 

En  réponse  à  la  lettre  que  votre  Excellence  m'a  fait  l'honneur  de  m'é- 
crire  le  24  de  ce  mois,  je  ne  puis  que  lui  répéter,  en  ce  qui  concerne  le 
message  de  M.  Cor,  que  la  version  que  j'en  ai  donnée  dans  mon  office 
du  22,  est  la  seule  que  ma  mémoire  me  permette  de  considérer  comme 
exacte.  J'ajouterai,  M.  l'ambassadeur,  que  je  ne  saurais  répondre  que  de 
cette  version  là,  et  que  je  reste  dès  lors  étranger  à  toute  autre  version, 
ainsi  qu'à  toutes  les  interprétations  dont  son  Excellence  pense  avoir  à  se 
plaindre  aujourd'hui. 

Quant  à  l'usage  qui  a  été  fait  du  message,  je  n'hésite  pas  à  déclarer  que 
je  l'ai  en  effet  communiqué  à  quelques-unes  des  cours  amies  de  la  Sublime- 
Porte;  et  j'aime  à  me  persuader  que  votre  Excellence  n'aura  rien  vu  dans 
cette  démarche  qui  puisse  paraître  contraire  à  la  pratique  diplomatique 
dans  des  circonstances  analogues.  D'ailleurs,  M.  Cor,  loin  de  manifester  le 
désir  que  ce  message  n'acquît  pas  de  la  publicité,  en  a  fait  au  contraire 
l'objet  de  communications  oilicielles  envers  les  autres  ministres  de  la  Su- 
blime-Porte, auxquels  il  a  même  ajouté,  qu'il  monterait  sur  les  minarets 
pour  faire  connaître  à  la  nation  entière  la  manière  dont  son  gouvernement 
envisageait  l'état  actuel  des  choses. 

D'après  ce  qui  précède,  votre  Excellence  est  sans  doute  trop  équitable 
pour  ne  pas  reconnaître  que  ce  serait  plutôt  au  gouvernement  ottoman  à 
désirer  une  réparation,  puisque  M.  Cor  a  déclaré  que  la  France  était 
contre  l'administration  actuelle  ;  lorsque  cette  administration  a  laconscience 


5G0  APrENDICE 

(le  n'avoir  exercé  aucun  acte  que  le  gouvernement  français  pût  consi- 
dérer comme  dirigé  contre  ses  droits,  et  de  s'être  bornée  h  défendre  ceux 
de  son  souverain  dans  les  circonstances  dont  il  s'agit. 
Je  profite  de  cette  occasion,  etc., 

XCIII.  —  Dépêche    de    IVI.   Biilwcr    iï    lord  Palmerston,    en    date  du 
SM  août  1840  (SO  djêmaziul  akliir   1356). 

Mylord,  dans  un  entretien  que  j'ai  eu  hier  avec  M.  Thiers,  j'ai  cru  ra'a- 
percevoir  qu'il  a  un  vif  désir  d'arriver  b.  quelque  arrangement  qui  rendît 
possible  l'entrée  de  la  France  au  traité  entre  les  qnatre  puissances,  mais 
il  a  ajouté  qu'il  ne  fera  aucune  espèce  de  proposition,  et  que,  tout  animé 
qu'il  soit  du  désir  de  la  paix,  il  y  avait  cependant  certaines  choses  (il  n'a 
pas  dit  quelles  choses)  qui  le  détermineraient,  plutôt  que  de  s'y  soumettre, 
h  mettre  le  feu  aux  quatre  coins  du  monde,  et  qu'il  était  certain  d'en- 
traîner avec  lui  la  nation  française. 

Le  journal  de  M.  Thiers,  «  le  Constitutionnel  »  de  ce  matin  parle  dans 
les  termes  les  plus  forts  de  la  nouvelle  offense  qui  serait  faite  h  la  France, 
si  des  mesures  étaient  prises  en  Orient  pour  l'exécution  du  traité  avant  sa 
ratification.  J'ai  appris  d'autres  circonstances  encore  qui  me  font  croire 
que  le  président  du  conseil  a  tenu  dans  le  cabinet  un  langage  plus  haut 
que  ses  collègues.  J'ai,  pour  ma  part,  toujours  l'idée  que,  les  événements 
ayant  leurs  cours,  le  moment  arrivera  probablement  où  M.  Thiers  propo- 
sera quelque  plan  d'action  ou  donnera  sa  démission  ;  mais,  en  attendant, 
il  y  en  a  un.  Cette  expression  m'a  convaincu  qu'il  doit  se  trouver  dansune 
espèce  de  lutte  contre  le  parti  de  paix  qui  se  forme,  et  j'apprends  que, 
comme  c'est  la  saison  de  la  réunion  des  conseils  généraux,  on  se  donnera 
quelque  peine  pour  s'assurer  de  l'état  général  de  l'opinion  parmi  les  clas- 
ses influentes  dans  les  départements.  Les  journaux,  pourtant,  tiennent 
un  langage  guerrier,  par  lequel  on  est  toujours  sûr  d'exciter  toujours  les 
sentiments  des  hommes  de  ce  pays. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

XCIV.  —  Note  du    comte  de    Pontois  A.   It«'-eliid-pae1ia  ,  en    date    dn 
31  août  1840  (3  rcdjck   IS.IO). 

Monsieur  le  ministre,  j'ai  reçu  dans  la  journée  d'hier  la  lettre  que  V.  E. 
m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire  en  date  du  27  de  ce  mois  ;  je  vais  la  trans- 
mettre à  mon  gouvernement  dont  j'attendrai  les  ordres. 

Je  ne  prolongerai  pas  une  discussion,  pour  le  moment  inutile.  Il  me  suf- 
fira de  prendre  acte  aujourd'hui  de  l'assurance  que  me  donne  V.  E.  d'être 
demeurée  étrangère  à  l'interprétation  contre  laquelle  j'ai  dû  protester 
hautement,  parce  qu'elle  était  contraire  Ji  la  vérité,  et  tendait  à  calomnier 


APPENDICE  661 

les  dispositions  bien  connues  de  la  France  envers  la  Sublirae-Porte,  et  les 
motifs  qui  lui  l'ont  désapprouver  et  conibuttre  le  périlleux  système  dans 
lequel  s'engage  aujourd'hui  le  divan. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

XCV,  —    Dépâclic    de    lord    Paiinerston    A   M.    Bulwer,    en    date    du 
31    août    lHIO(3  rédjcl*  125G). 

Monsieur,  différentes  circonstances  m'ont  empêché  de  vous  transmettre 
plus  lot,  et  par  votre  entremise  au  gouvernement  français,  quelques  ob- 
servations que  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  désire  faire  sur  le  mémo- 
randum qui  m'a  été  remis  le  "-Ik  juillet  par  l'ambassadeur  de  France  à  cette 
cour,  en  réponse  au  mémorandum  que  j'avais  remis  îi  Son  Excellence  le 
17  du  même  mois  ;  mais  actuellement  je  viens  remplir  cette  lâche. 

C'est  avec  une  grande  satisfaction  que  le  gouvernement  de  Sa  Majesté 
a  remarqué  le  ton  amical  du  mémorandum  français  et  les  assurances  qu'il 
contient  du  vif  désir  de  la  France  de  maintenir  la  paix  et  l'équilibre  des 
puissances  en  Europe.  Le  mémorandum  du  17  juillet  a  été  conçu  dans  un 
esprit  tout  aussi  amical  envers  la  France;  et  le  gouvernement  de  Sa 
Majesté  est  tout  aussi  empressé  que  lu  France  peut  l'être  de  conserver  la 
paix  de  l'Europe  et  de  prévenir  le  moindre  dérangement  dans  l'équilibre 
existant  entre  les  puissances. 

Le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a  également  vu  avec  plaisir  les  décla- 
rations contenuesdans  leme»ioraîîrfwm français,  portant  que  laFrancedé- 
sire  agir  de  concert  avec  les  quatre  autres  puissances  en  ce  qui  concerne 
les  affaires  du  Levant  ;  qu'elle  n'a  jamais  été  poussée  dans  ces  questions  par 
d'autres  motifs  que  par  le  désir  de  maintenir  la  paix;  et  que,  dans  l'opi- 
nion qu'elle  se  formait,  elle  n'a  jamais  été  influencée  par  des  intérêts  par- 
ticuliers qui  lui  soient  propres,  étant  en  fait  aussi  désintéressée  que  toute 
autre  puissance  peut  l'être  dans  les  affaires  du  Levant. 

Les  sentiments  du  gouvernement  de  Sa  Majesté  sont,  sur  ces  points,  à 
tous  égards  semblables  k  ceux  du  gouvernement  français  et  y  correspon- 
dent entièrement;  car  en  premier  lieu,  dans  tout  le  cours  des  négociations 
ouvertes  sur  cette  question  pendant  plus  de  douze  mois,  le  désir  em- 
pressé du  gouvernement  britannique  a  été  constamment  qu'un  concert  fiît 
établi  entre  les  cinq  puissances,  et  que  toutes  cinq  elles  accédassent  kune 
ligne  de  conduite  commune  ;  et  le  gouvernement  de  Sa  Majesté,  sans  de- 
voir s'en  référer,  pour  preuve  de  ce  désir,  aux  différentes  propositions 
qui  ont  été  faites  de  temps  en  temps  au  gouvernement  français,  et  aux- 
quelles il  est  fait  allusion  dans  le  mémorandum  de  la  France,  peut  affirmer 
sans  crainte  qu'aucune  puissance  de  l'Europe  ne  peut  être  moins  influen- 
cée que  ne  l'est  la  Grande-Bretagne  par  des  vues  particulières,  ou  partout 

T.  II.  3G 


562  APPENDICE 

désir  et  espérance  d'avantages  exclusifs  qui  naîtraient  pour  elle  de  la  con- 
clusion des  affaires  du  Levant;  bien  au  contraire,  l'intérêt  de  la  Grande- 
Bretagne  dans  ces  affaires  s'identifie  avec  celui  de  l'Europe  en  général, 
et  se  trouve  placé  dans  le  maintien  de  l'intégrité  et  de  l'indépendance  de 
l'empire  ottoman,  comme  étant  une  sécurité  pour  la  conservation  de  la 
paix,  et  un  élément  essentiel  de  l'équilibre  général  des  puissances. 

C'est  à  ces  principes  que  le  gouvernement  français  a  promis  son  plein 
concours,  et  qu'il  l'a  offert  dans  plus  d'une  circonstance,  et  spécialement 
dans  une  dépêche  du  maréchal  Soult,  en  date  du  17  juillet  1839,  dépêche 
qui  a  été  communiquée  officiellement  aux  quatre  puissances;  il  l'a  encore 
offert  dans  une  note  collective  du  27  juillet  1839  et  dans  le  discours  du 
roi  des  Français  aux  Chambres,  en  décembre  1839. 

Dans  ces  documents,  le  gouvernement  français  fait  connaître  sa  déter- 
mination de  maintenir  l'intégrité  et  l'indépendance  de  l'empire  ottoman, 
sous  la  dynastie  actuelle,  comme  un  élément  essentiel  de  l'équilibre 
des  puissances,  comme  une  sûreté  pour  la  conservation  delà  paix;  et 
dans  une  dépèche  du  maréchal  Soult  il  a  également  assuré  que  sa  résolu- 
tion était  de  repousser,  par  tous  ses  moyens  d'action  et  d'influence,  toute 
combinaison  qui  pourrait  être  hostile  au  maintien  de  cette  intégrité  et 
de  cette  indépendance. 

En  conséquence,  les  gouvernements  de  la  Grande-Bretagne  et  de  France 
sont  parfaitement  d'accord,  quant  aux  objets  vers  lesquels  leur  politique, 
en  ce  qui  concerne  les  aflaires  d'Orient,  doit  tendre,  et  quant  aux  prin- 
cipes fondamentaux  d'après  lesquels  cette  politique  doit  être  guidée;  la 
seule  difl'érence  qui  existe  entre  les  deux  gouvernements  est  une  diffé- 
rence d'opinion,  quant  aux  moyens  qu'ils  jugent  les  plus  propres  pour 
atteindre  cette  fin  commune  :  point  sur  lequel,  ainsi  que  l'observe  le  me- 
morandam  français,  on  peut  s'attendre  à  voir  se  rencontrer  différentes 
opinions. 

Sur  ce  point,  il  s'est  élevé,  en  effet,  une  grande  différence  d'opinion 
entre  les  deux  gouvernements,  différence  qui  semble  être  devenue  plus 
forte  et  plus  prononcée,  à  mesure  que  les  deux  gouvernements  ont  plus 
complètement  expliqué  leurs  vues  respectives,  ce  qui,  pour  le  moment,  a 
empêché  les  deux  gouvernements  d'agir  de  concert  pour  atteindre  le  but 
commun. 

D'un  côté,  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a  manifesté  à  diverses  re- 
prises l'opinion  qu'il  serait  impossible  de  maintenir  l'intégrité  de  l'empire 
turc  et  de  conserver  l'indépendance  du  trône  du  sultan,  si  Méhémel-Ali 
devait  être  laissé  en  possession  de  la  Syrie.  Le  gouvernement  de  Sa  Ma- 
jesté a  établi  qu'il  considère  la  Syrie  comme  la  clef  militaire  de  la  Tur- 
quie asiatique,  et  que  si  Méhémet-Ali  devait  continuer  h  occuper  cette 
province,  outre  l'Egypte,  il  pourrait  en  tout  temps  menacer  Bagdad  du 


APPENDICE  563 

côté  du  midi,  Diarhekir  et  Erzeroum  du  cùlé  de  l'est,  Koniali,  Brousse  et 
GoiislniUinople  du  côté  du  nord;  que  le  même  esprit  auibitieux  qui  a 
poussé  Méhémel-Ali,  en  d'autres  circonstances,  à  se  révolter  contre  son 
souverain,  le  porterait  bientôt  derechef  à  piendre  les  armes  pour  de  nou- 
veaux envahissements,  et  que  dans  ce  but  il  conserverait  toujours  une 
grande  armée  sur  i)ied;  que  le  sultan,  d'un  autre  côlé,  devrait  être  conti- 
nuellement en  garde  contre  le  danger  qui  le  menacerait  et  serait  également 
obligé  de  rester  armé;  qu'ainsi  le  sultan  et  Méhémet-Ali  continueraient 
d'entretenir  de  fortes  armées  pour  s'observer  l'un  l'autre;  qu'une  collision 
devrait  nécessairement  éclater  par  suite  de  ces  continuels  soupçons  et 
de  ces  alarmes  mutuelles,  quand  même  il  n'y  aurait  d'aucun  côlé  une 
agression  préméditée  ;  que  toute  collision  de  ce  genre  devait  nécessaire- 
ment conduire  à  une  intervention  étrangère  dans  l'intérieur  de  l'empire 
turc,  et  qu'une  telle  intervention,  ainsi  provoquée,  conduirait  aux  plus 
sérieux  difTérends  entre  les  puissances  de  l'Europe. 

Le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a  signalé  comme  probable,  sinon 
comme  certain,  un  danger  plus  grand  que  celui-ci,  en  conséquence  de 
l'occupation  continue  de  la  Syrie  par  Méhéraet-Ali,  à  savoir  que  le  pacha, 
se  liant  sur  sa  force  militaire  et  fatigué  de  sa  position  politique  de  sujet, 
exécuterait  une  inlenlion  qu'il  a  franchement  avoué  aux  puissances  d'Eu- 
rope qu'il  n'abandonnerait  jamais,  et  se  déclarerait  lui-même  indépendant. 
Une  pareille  déclaration  de  sa  part  serait  incontestablement  le  démem- 
brement de  l'empire  ottoman,  et,  ce  qui  plus  est,  ce  démembrement  pour- 
rait arriver  dans  des  circonstances  telles  qu'elles  rendraient  plus  difficile 
aux  puissances  d'Europe  d'agir  ensemble  pour  forcer  le  pacha  à  rétracter 
une  pareille  déclaration,  qu'il  ne  l'est  aujourd'hui  de  combiner  leurs  ef- 
forts pour  le  contraindre  h  évacuer  la  Syrie. 

Le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a,  en  conséquence,  invariablement 
prétendu  que  toutes  les  puissances  qui  désiraient  conserver  l'intégrité  de 
l'Empire  turc  et  maintenir  l'indépendance  du  trône  du  sultan,  devaient 
s'unir  pour  aider  ce  dernier  à  rétablir  son  autorité  directe  en  Syrie. 

Le  gouvernement  français,  d'un  autre  côté,  a  avancé  que  Wéhéraet-Ali 
une  fois  assuré  de  l'occupation  permanente  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie, 
resterait  un  fidèle  sujet  et  deviendrait  le  plus  ferme  soutien  du  sultan  ;  que 
le  sultan  ne  pourrait  gouverner  si  le  pacha  n'était  en  possession  de  celte 
province,  dont  les  ressources  militaires  et  financières  lui  seraient  alors 
d'une  j)lus  grande  utilité  que  si  elle  était  entre  les  mains  du  sultan  lui- 
même  ;  qu'on  peut  avoir  une  confiance  entière  dans  la  sincérité  du  re- 
noncement de  Méhémet-Ali  à  toute  vue  ultérieure  d'ambition,  et  dans  ses 
protestations  de  dévouement  fidèle  à  son  souverain;  que  le  pacha  est  un 
vieillard,  et  qu'à  sa  mort,  en  dépit  de  tout  don  héréditaire  fait  à  sa  famille, 
l'ensemble  de  puissance  qu'il  a  acquis  retournerait  au  sultan,  parce  que 


56A  APPENDICE 

loules  possessions  des  pays  mahoraétans,  quelle  que  soit  leur  constitution, 
ne  sont  réellement  autre  chose  que  des  possessions  h  vie. 

Le  gouvernement  français  a,  en  outre,  soutenu  que  Méhémet-Ali  ne 
voudra  jamais  librement  consentir  à  évacuer  la  Syrie;  et  que  les  seuls 
moyens  dont  les  puissances  d'Europe  peuvent  user  pour  le  contraindre  se- 
raient :  ou  bien  des  opérations  sur  mer, ce  qui  serait  insuffisant,  ou  des 
opérations  par  terre,  ce  qui  serait  dangereux;  que  des  opérations  sur 
mer  n'expulseraient  pas  les  Égyptiens  de  la  Syrie  et  exciteraient  seule- 
ment Méhémet-Ali  à  diriger  une  attaque  sur  Gonstanlinople;  et  que  les 
mesures  auxquelles  on  pourrait  avoir  recours,  en  pareil  cas,  pour  dé- 
fendre la  capitale,  mais  bien  plus  encore  toute  opération  par  terre  par  les 
troupes  des  puissances  alliées  pour  expulser  l'armée  de  Méhémet  de  la 
Syrie,  deviendraient  plus  fatales  à  l'Empire  turc  que  ne  pourrait  l'être 
l'état  de  choses  auquel  ces  mesures  seraient  destinées  h  remédier. 

A  ces  objections,  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  répliqua  qu'on  ne 
pouvait  faire  aucun  fond  sur  les  protestations  actuelles  de  Méhémet-Ali  ; 
que  son  ambition  est  insatiable  et  ne  fait  que  s'accroître  par  le  succès;  et 
que  donner  k  Méhémet-Ali  la  l'acuité  d'envahir  et  laisser  à  sa  portée  des 
objets  de  convoitise,  ce  serait  semer  des  germes  certains  de  nouvelles  col- 
lisions; que  la  Syrie  n'est  pas  plus  éloignée  de  Gonstanlinople  qu'un  grand 
nombre  de  provinces  bien  administrées  ne  le  sont,  dans  d'autres  États,  de 
de  leur  capitale,  et  qu'elle  peut  être  gouvernée  de  Gonslantinople  tout 
aussi  bien  que  d'Alexandrie  ;  qu'il  est  impossible  que  les  ressources  de 
de  celle  province  puissent  èlre  aussi  utiles  au  sultan  entre  les  mains  d'un 
chef  qui  peut,  à  luut  moment,  tourner  ces  ressources  contre  ce  dernier, 
qu'elles  le  seraient  si  elles  étaient  dans  les  mains  et  à  la  disposition  du 
sultan  lui-même;  qu'Ibrahim,  ayant  une  armée  sous  ses  ordres,  avait  le 
moyen  d'asssurer  sa  propre  succession,  lors  du  décès  de  Méhémet-Ali,  à 
tout  pouvoir  dont  celui-ci  serait  en  possession  à  sa  mort;  et  qu'il  ne  serait 
pas  convenable  que   les  grandes  puissances  conseillassent   au  sultan  de 
conclure  un  arrangement  public  avec  iMéhémet-Ali  dans  l'intention  se- 
crète et  éventuelle  de  rompre  cet  arrangement  à  la  première  occasion 
opportune. 

Néanmoins,  le  gouvernement  français  maintint  son  opinion  et  refusa 
de  prendre  part  à  l'arrangement  qui  supposait  l'emploi  de  mesures  coër- 
cilives. 

Mais  le  mémorandum  français  élablit  que  : 
«  Dans  les  dernières  circonstances,  il  n'a  pas  été  fait  k  la  France  de 
proposition  positive  sur  laquelle  elle  fût  appelée  ci  s'expliquer,  et  que 
conséquemment  la  délerminution  que  l'Angleterre  lui  a  communiquée  dans 
le  mémorandum  du  17  juillet,  sans  doule  au  nom  des  quatre  puissances, 
ne  devait  pas  être  imputée  ii  des  refus  que  la  France  n'avait  pas  faits.  » 


APPENDICE  565 

Ce  passage  me  force  h  vous  rappeler  en  peu  de  mots  le  cours  général 
de  la  négociation. 

La  première  opinion  conrun  par  le  gouvernement  rie  Sa  Majesté  et  don 
il  fut  donné  connaissance  aux  quatre  puissances,  la  France  comprise,  en 
1839,  était  que  les  seuls  arrangements  entre  le  sultan  et  Méliémet-Ali  qui 
pourraient  assurer  un  état  de  paix  permanent  dans  le  Levant,seraient  ceux 
qui  borneraient  le  pouvoir  délégué  ix  Méliémet-Ali  à  l'Egypte  seule,  et  ré-  ' 
tabliraient  l'autorité  directi;  du  sultan  dans  touie  la  Syrie,  aussi  bien  h 
Constantinople  que  dans  toutes  les  villes  saintes,  en  interposant  ainsi  le 
désert  entre  la  puissance  directe  du  sultan  et  la  province  dont  l'adminis- 
tration resterait  au  pacha.  Et  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  proposa 
qu'en  compensation  de  l'évacuation  de  la  Syrie,  Méhémet-Ali  reçût  l'as- 
surance que  ses  descendants  mâles  lui  succéderaient  comme  gouverneurs 
de  l'Egypte,  sous  la  suzeraineté  du  sultan. 

A  cette  proposition,  le  gouvernement  français  fit  des  objections  en  di- 
sant qu'un  tel  arrangement  serait  sans  doute  le  meilleur,  s'il  y  avait  moyen 
de  le  mettre  à  exécution  ;  mais  que  Méhémet-Ali  résisterait,  et  que  toute 
mesure  de  violence  quelles  alliés  pourraient  employer  pour  le  l'aire  céder, 
produirait  des  effets  qui  pourraient  être  plus  dangereux  pour  la  paix  de 
l'Europe  et  pour  l'indépendance  de  la  Porte,  que  ne  pourrait  l'être  l'état 
actuel  des  choses  entre  le  sultan  et  Méhémet-Ali.  Mais,  quoique  le  gou- 
vernement français  refusât  ainsi  d'accéder  au  plan  de  l'Angleterre,  cepen- 
dant, durant  un  long  espace  de  temps  qui  s'écoula  ensuite,  il  n'eut  pas  à 
proposer  de  plan  qui  lui  fût  propre. 

Cependant,  en  septembre  1839,  le  comte  Sébastiani,  ambassadeur  fran- 
çais à  la  cour  de  Londres,  proposa  de  tracer  une  ligne  de  l'est  à  l'ouest  de 
la  mer,  h  peu  près  versBeyrouth,  audéserl  près  de  Damas,  et  de  déclarer 
que  tout  ce  qui  serait  au  midi  de  cette  ligne  serait  administré  par  Mé- 
hémet-Ali et  tout  ce  qui  serait  au  nord  le  serait  par  l'autorité  immédiate 
du  sultan  ;  et  l'ambassadeur  de  France  donna  à  entendre  au  gouvernement 
de  Sa  Majesté  que,  si  un  pareil  arrangement  était  admis  par  les  cinq  puis- 
sances, la  France  s'unirait,  en  cas  de  besoin  aux  quatre  puissances,  pour 
l'emploi  de  mesures  coërcitives  ayant  pour  but  de  forcer  Méhémet-Ali  â 
s'y  soumettre. 

Mais  je  fis  remarquer  au  comte  Sébastiani  qu'un  pareil  arrangement 
serait  sujet,  quoiqu'à  un  moindre  degré,  à  toutes  les  objections  qui  s'appli- 
quent à  la  position  actuelle  et  relative  des  deux  parties,  et  que,  par  suite, 
le  gouvernement  de  Sa  Majesté  ne  pouvait  y  accéder.  J'observai  qu'il  pa- 
raissait inconséquent,  de  la  part  de  la  France,  de  vouloir  employer,  pour 
forcer  Méhémet-Ali  à  souscrire  â  un  arrangement  qui  serait  évidemment 
incomplet  et  insuffisant  pour  le  but  qu'on  se  proposait,  des  mesures  coër- 
citives auxquelles  elle  se  refuserait  pour  le  contraindre  à  consentir  à 


56G  APPENDICE 

l'arrangement  proposé  par  Sa  ;\lajesté  dont,  aux  yeux  de  la  France  môme, 
l'exécution  atteindrait  entièrement  le  but  proposé. 

A  ce  raisonnement,  le  comte  Sébastian!  répliqua  que  les  objections 
avancées  par  le  gouvernement  français  pour  employer  des  mesures  coër- 
cilives  contre  Méhémet-Ali  étaient  fondées  sur  des  conr.idérations  de 
régime  intérieur,  et  que  ces  objections  seraient  écartées  si  le  gouvernement 
français  était  en  mesure  de  prouver  h  la  nation  et  aux  chambres  qu'il 
avait  obtenu  pour  Méhéraet-Ali  les  meilleures  conditions  possibles,  et  que 
celui-ci  avait  refusé  d'accepter  ces  conditions. 

Cette  insinuation  n'ayant  pas  été  admise  par  le  gouvernement  de  Sa 
Mnjesté,  le  gouvernement  français  communiqua,  le  27  septembre  1839, 
et  officiellement,  son  propre  plan,  qui  était  que  Méhéraet-Ali  serait  fait 
gouverneur  héréditaire  d'Egypte  et  de  toute  la  Syrie,  et  gouverneur  à  vie 
de  Candie,  ne  rendant  autre  chose  que  l'Arabie  et  le  district  d'Adana. 
Le  gouvernement  français  ne  dit  même  pas,  au  reste,  s'il  savait  si  Méhémet- 
Ali  voudrait  adhérera  cet  arrangement,  et  il  ne  déclara  pas  non  plus  que, 
s'il  refusait  d'y  accéder,  la  France  prendrait  des  mesures  coërcitives  pour 
l'y  contraindre. 

Évidemment  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  ne  pouvait  consentir  à  ce 
plan,  qui  était  susceptible  de  plus  d'objections  que  l'état  de  choses  actuel; 
d'autant  plus  que  donner  b.  Méhéraet-Ali  un  titre  légal  et  héréditaire  au 
tiers  de  l'empire  ottoman,  qu'il  n'occupe  maintenant  que  par  la  force, 
c'eût  été  tout  d'abord  introduire  un  démembrement  réel  de  l'empire.  Mais 
le  gouvernement  de  Sa  Majesté,  pour  prouver  son  désir  empressé  d'en  venir, 
sur  ces  questions,  à  une  entente  avec  la  France,  établit  qu'il  ferait  céder 
son  objection  bien  fondée  h  toute  extension  du  pouvoir  de  Méhéraet-Ali 
au  delà  de  l'Égype,  et  qu'il  se  joindrait  au  gouvernement  français  pour 
recommanderai!  sultan  d'accorder  à  Méhémet-Ali,  outre  le  pachalik  d'E- 
gypte, l'administration  de  la  partie  basse  de  la  Syrie,  bornée  au  nord  par 
une  ligne  tirée  du  cap  Garmel,  à  l'extrémité  méridionale  du  lac  Tibérias, 
et  par  une  ligne  de  ce  point  au  golfe  d'Akaba,  pourvu  que  la  France  voulût 
s'engager  à  coopérer  avec  les  quatre  puissances  à  des  mesures  coërcitives, 
si  Méhémet-Ali  refusait  cette  offre. 

Mais  cette  proposition  ne  fut  pas  agréée  par  le  gouvernement  français, 
qui  déclara  maintenant  ne  pouvoir  coopérer  aux  mesures  coërcitives,  ni 
participera  un  arrangement  auquel  Méhémet-Ali  ne  voudrait  pas  consentir. 

Pendant  le  temps  que  ces  discussions  avaient  lieu  avec  la  France,  une 
négociation  séparée  avait  lieu  entre  l'Angleterre  et  la  Russie,  dont  tous 
les  détails  et  les  transactions  ont  été  portés  à  la  connaissance  de  la  France. 
La  négociation  avec  la  France  fut  suspendue  pendant  quelque  temps,  au 
commencement  de  cette  année  :  1°  parce  qu'on  s'attendait  à  un  change- 
ment de  ministère,  et  2°  parce  que  ce  changement  eut  lieu.  Mais  au  mois  de 


APPENDICE  567 

mai,  le  baron  de  Neiimann  et  inoi-inème  nous  résolûmes,  sur  l'avis  de  nos 
gouvernements  respectifs,  de  faire  un  dernier  elïorl  afin  d'enfrager  la 
France  à  entrer  dans  le  traité  à  conclnn;  avec  les  (|uatrc  autres  puis- 
sances, et  nous  soumîmes  au  gouvernement  français,  par  l'entremise  de 
M.  Guizot,  une  autre  proposition  d'arrangement  à  intervenir  entre  le  sul- 
tan et  Méhéraet-Ali.  Lue  objection  mise  en  avant  parle  gouvernement 
français  aux  dernières  propositions  de  l'Angleterre  fut  que,  bien  qu'on 
voulût  donner  à  Méhémet-Ali  la  forte  position  qui  s'étend  du  mont  Carmel 
au  mont  Takir,  on  le  priverait  de  la  foiteresse  d'Acre. 

Pour  détruire  cette  objection,  le  baron  de  Neumann  et  moi  nous  pro- 
posâmes, par  l'intermédiaire  de  .M.  Guizot,  que  les  frontières  du  nord  de 
celle  partie  de  la  Syrie,  qui  serait  administrée  par  le  pacha,  s'étendraient 
depuis  le  cap  de  Nakara  jusqu'au  dernier  point  nord  du  lac  Tibérias,  de 
manière  à  renfermer  dans  ses  limites  la  forteresse  d'Acre,  et  que  les  fron- 
tières de  l'est  s'étendraient  le  long  de  la  côte  ouest  du  lac  Tibérias  ;  nous 
déclarâmes  que  le  gouvernement  de  cette  partie  de  la  Syrie  ne  pourrait 
être  donné  i  Méhémet-Ali  que  sa  vie  durant,  et  que  ni  l'Angleterre,  ni 
l'Aulrichc  ne  pouvaient  consentir  à  accorder  l'hérédité  à  Méhémet-Ali 
pour  aucune  partie  de  la  Syrie.  Je  déclarai  de  plus  à  M.  Guizot  que  je  ne 
pouvais  aller  plus  loin  en  fait  de  concessions,  dans  la  vue  d'obtenir  la  coo- 
pération de  la  France,  et  que  c'était  donc  notre  dernière  proposition.  Le 
baron  de  Neumann  et  moi  nous  fîmes  séparément  celte  communication  à 
M.  Guizot,  le  baron  de  Neumann  d'abord,  et  moi  le  lendemain.  M.  Guizot  me 
répondit  qu'il  ferait  connaître  cette  proposition  à  son  gouvernement,  ainsi 
que  les  circonstances  que  je  lui  avais  exposées,  et  qu'il  me  ferait  savoir 
la  réponse  dès  qu'il  l'aurait  reçue.  Peu  de  temps  après,  les  plénipoten- 
tiaires d'Autriche,  de  Prusse  et  de  Russie  m'informèrent  qu'ils  avaient 
tout  lieu  de  croire  que  le  gouvernement  français,  au  lieu  de  décider  cette 
proposition  lui-même,  l'avait  transmise  â  Alexandrie  pour  connaître  la 
décision  de  Méhémet-Ali  ;  que  c'était  placer  les  quatre  puissances  qui 
s'occupaient  de  cette  affaire,  non  pas  en  face  de  la  France,  mais  de  Méhé- 
met-Ali ;  que,  sans  parler  du  délai  qui  en  résultait,  c'était  ce  que  leurs 
cours  respectives  n'avaient  jamais  eu  l'intention  de  faire,  et  ce  h  quoi 
elles  n'avaient  pas  non  plus  l'intention  de  consentir,  que  le  gouvernement 
français  avait  ainsi  placé  les  plénipotentiaires  dans  une  situation  fort  em- 
barrassante. 

Je  convins  avec  eux  que  leurs  objections  étaient  justes  à'I'égard  de  la 
conduite  qu'ils  attribuaient  au  gouvernement  français,  mais  que  M.  Guizot 
ne  m'avait  rien  dit  sur  ce  que  l'on  ferait.  On  avait  fait  connaître  à  Méhé- 
met-Ali que  le  gouvernement  français  était  en  ce  moment  tout  occupé  de 
questions  parlementaires,  et  pouvait  naturellement  demander  quelque 
temps  pour  faire  une  réponse  â  nos  propositions  ;  qu'il  ne  pouvait  d'ailleurs 


5(i8  APPENDICE 

y  avoir  un  grand  mal  h  un  délai  dans  celte  circonstance.  Vers  la  fin  d(; 
juin,  je  pense  que  c'est  le  27, M.  Guizot  vint  chez  moi  et  me  lut  une  lettre 
qui  lui  avait  été  adressée  par  M.  Thiers,  contenant  la  réponse  du  gouver- 
vernenient  français  à  notre  proposition. Cette  réponse  était  un  refus  formel. 
M.  Tliiers  disait  :  «  Que  le  gouvernement  français  savait,  d'une  manière 
positive,  que  Méhémet-Ali  ne  consentirait  pas  k  la  division  de  la  Syrie,  k 
moins  qu'il  n'y  fût  forcé,  que  la  France  ne  pouvait  coopérer  aux  mesures 
à  prendre  contre  Méhémet-Ali  dans  cette  circonstance,  et  que  par  consé- 
quent elle  ne  pouvait  participer  à  l'arrangement  projeté.  » 

La  France  ayant  refusé  d'accéder  à  Vultimatum  de  l'Angleterre,  les 
plénipotentiaires  des  quatre  puissances  durent  examiner  quelle  serait  la 
marclie  à  adopter  par  leurs  gouvernements. 

La  position  des  cinq  puissances  était  celle-ci  :  toutes  cinq  avaient  dé- 
claré être  convaincues  qu'il  était  essentiel,  dans  des  intérêts  d'équilibre  et 
pour  préserver  la  paix  de  l'Europe,  de  conserver  l'indépendance  et  l'inté- 
grité de  l'empire  ottoman,  sous  la  dynastie  actuelle  ;  toutes  les  cinq  avaieii  t 
déclaré  qu'elles  emploieraient  tous  leurs  moyens  d'influence  pour  maintenir 
cette  intégrité  et  cette  indépendance  ;  mais  la  France,  d'un  côté,  soutint 
que  le  meilleur  moyen  pour  arriver  à  ce  résultat  était  d'abandonner  le 
sultan  à  la  merci  de  Méhémet-Ali,  et  de  lui  conseiller  de  se  soumettre 
aux  conditions  que  Méhémct  lui  imposerait,  afin  de  conserver  la  paix,  sine 
quà  non;  tandis,  que,  d'un  autre  côté,  les  quatre  puissances  regardèrent 
une  plus  longue  occupation  militaire  des  provinces  du  sultan  par  Méhé- 
met-Ali comme  devant  détruire  l'intégrité  de  l'empire  turc  et  être  fatale 
à  son  indépendance  ;  elles  crurent  donc  qu'il  était  nécessaire  de  renfermer 
Méhémet-Ali  dans  une  limite  plus  étroite. 

Après  environ  deux  mois  de  délibérations,  la  France  non-seulement 
refusa  de  consentir  au  plan  proposé  par  les  quatre  puissances  comme  ulti- 
matum de  leur  part,  mais  elle  déclara  de  nouveau  qu'elle  ne  pouvait 
s'associer  à  aucun  arrangement  auquel  Méhémet-Ali  ne  consentirait  pas 
de  son  propre  mouvement  et  sans  qu'on  l'y  forçât.  Il  ne  resta  donc  aux 
quatre  puissances  d'autre  alternative  que  d'adopter  le  principe  posé  par  la 
France,  qui  consistait  dans  la  soumission  entière  du  sultan  aux  demandes  de 
Méhémet,  ou  d'agir  d'après  leurs  principes  qui  consistaient  à  contraindre 
Méhémet-Ali  à,  accepter  un  arrangement  compatible  ,  quant  à  la  forme, 
avec  les  droits  du  sultan,  et  quant  au  fond,  avec  l'intégrité  de  l'empire 
ottoman.  Dans  la  première  hypothèse,  on  aurait  obtenu  la  coopération  de 
la  France;  dans  la  seconde,  on  devait  s'en  passer. 

Le  vif  désir  des  quatre  puissances  d'obtenir  la  coopération  de  la  France 
a  été  assez  manifesté  par  les  oft"res  qu'elles  ont  faites  pendant  plusieurs 
mois  de  négociations.  Elles  en  connaissaient  bien  la  valeur,  non-seulement 
par  rapport  à  l'objet  qu'elles  ont  actuellement  en  vue,  mais  encore  par 


APPENDICE  569 

rapport  aux  inlércts  généraux  et  perraanen'.s  de  l'Europe.  Mais  ce  qui  leur 
manquait,  et  ce  qu'elles  esliinaient,  c'était  la  coopération  de  la  France 
pour  maintenir  la  paix,  pour  obtenir  la  sécurité  fiiiurf;  de  l'Kiu'ope,  pour 
arriver  h  l'exécution  pratique  des  |)rincipes  aux(|ue!s  les  cinq  puissances 
avaient  déclaré  vouloir  concourir.  Elles  estimaient  la  coopération  de  la 
France,  non-seulement  pour  elle-même,  i)our  l'avantage  et  l'oppor- 
tunité du  moment,  mais  pour  le  bien  qu'elle  devait  procurer  et  pour  les 
conséquences  futures  qui  devaient  en  résulter.  Elles  désiraient  coopérer 
avec  la  France  pour  faire  le  bien,  mais  elles  n'étaient  pas  préparées  îi 
coopér<*r  avec  elle  pour  faire  le  mal. 

Croyant  donc  que  la  politique  conseillée  par  la  France  était  injuste  et 
nullement  judicieuse  envers  le  sultan,  qu'elle  pouvait  occasionner  des 
malheurs  en  Europe,  qu'elle  ne  se  coordonnait  pas  avec  les  engagements 
publics  des  cinq  puissances,  et  qu'elle  était  incompatible  avec  les  prin- 
cipes qu'elles  avaient  mis  sagement  en  avant,  les  quatre  puissances  sen- 
tirent qu'elles  ne  pouvaient  faire  le  sacrifice  qu'on  exigeait  d'elles,  et 
mettre  ce  prix  à  la  coopération  de  la  France;  si,  en  effet,  on  peut  appeler 
coopération  ce  qui  devait  consister  i  laisser  suivre  aux  événements  leur 
cours  naturel.  Ne  pouvant  donc  adopter  les  vues  de  la  France,  les  quatre 
puissances  se  sont  déterminées  à  accomplir  leur  mission. 

Mais  cette  détermination  n'avait  pas  été  imprévue,  et  les  éventualités  q  ui 
devaient  s'ensuivre  n'avaient  pas  été  cachées  k  la  France.  Au  contraire,  à 
diverses  reprises,  pendant  la  négociation,  et  pas  plus  tard  que  le  1"  oc- 
tobre dernier,  j'avais  déclaré  à  l'ambassadeur  français  que  notre  désir  de 
rester  unis  avec  la  France  sur  celle  affaire  devait  avoir  une  limite  ;  que 
nous  désirions  marcher  en  avant  avec  la  France,  mais  que  nous  n'étions 
pas  disposés  à  nous  arrêter  avec  elle,  et  que,  si  elle  ne  pouvait  trouver 
moyen  d'entrer  en  accommodement  avec  les  quatre  puissances,  elle  ne 
pouvait  être  étonnée  de  voir  celles-ci  s'entendre  entre  elles  et  agir  sans  la 
France. 

Le  comte  Sébastianl  me  répondit  qu'il  prévoyait  que  nous  en  agitions 
ainsi,  et  qu'il  pouvait  prédire  le  résultat  :  que  nous  devions  tâcher  de  ter- 
miner nos  arrangements  sans  la  participation  de  la  France  et  que  nous 
trouverions  que  nos  moyens  étaient  insulTisants  ;  que  la  France,  serait 
spectatrice  passive  et  tranquille  des  événements;  qu'après  une  année  ou 
une  année  et  demie  d'efforts  inutiles,  nous  reconnaîtrions  que  nous  nous 
sommes  trompés,  que  nous  nous  adresserions  alors  à  la  France,  et  que 
cette  puissance  coopérerait  à  arranger  ces  affaires  aussi  amicalement  après 
que  nous  aurions  échoué  qu'elle  l'eût  fait  avant  notre  tentative,  et  qu'alors 
elle  nous  persuaderait  probablement  d'accéder  à  des  clioses  auxquelles 
nous  refusions  de  concourir  pour  le  moment. 

De  semblables  significations  furent  également  faites  à  M.  Guizot,  relati- 


570  APPENDICE 

veraent  à  la  ligne  que  suivraient  probablement  les  quatre  puissances,  si 
elles  ne  réussissaient  pas  à  en  venir  h  un  arrangement  avec  la  France. 
C'est  pourquoi  le  gouvernement  français  ayant  refusé  Vultimatum  des 
quatre  puissances,  et  ayant,  en  le  refusant,  posé  de  nouveau  un  principe 
de  conduite  qu'il  savait  ne  pouvoir  être  adopté  par  les  quatre  puissances, 
principe  qui  consistait  notamment  en  ce  qu'il  ne  pouvait  se  faire  aucun 
règlement  entre  le  sultan  et  son  sujet,  si  ce  n'est  aux  conditions  que  le 
sujet  pourrait  accepter  spontanément,  ou,  en  d'autres  termes,  dicter,  le 
gouvernement  français  dut  s'êlre  préparé  à  voir  les  quatre  puissances 
agir  sans  la  France;  et  les  quatre  puissances,  ainsi  déterminées,  ne  pou- 
vaient, ajuste  titre,  être  représentées  comme  se  séparant  elles-mêmes  de 
la  France,  ou  comme  excluant  la  France  de  l'arrangement  d'une  grande 
affaire  européenne.  Ce  fut  au  contraire  la  France  qui  se  sépara  des  quatre 
puissances,  car  ce  fut  la  Fi'ance  qui  se  posa  pour  elle-même  un  principe 
d'action  qui  rendit  impossible  sa  coopération  avec  les  autres  quatre  puis- 
sances. 

Et  ici,  sans  chercher  à  m'étendre  sur  des  observations  de  controverse 
relativement  au  passé,  je  trouve  tout  à  fait  nécessaire  de  remarquer  que 
cette  séparation  volontaire  de  la  France  n'était  pas  purement  produite 
par  le  cours  des  négociations  à  Londres,  mais  que,  à  moins  que  le  gou- 
vernement de  Sa  Majesté  n'eût  été  étrangement  induit  en  erreur,  elle 
avait  encore  eu  lieu  d'une  manière  plus  décidée  dans  le  cours  des  négo- 
ciations à  Conslantinople.  Les  cinq  puissances  ont  déclaré  au  sultan,  par 
la  note  collective  qui  a  été  remise  à  la  Porte,  le  27  juillet  1839,  par  leurs 
représentants  à  Conslantinople,  que  leur  union  était  assurée,  et  ceux-ci 
lui  avaient  demandé  de  s'abstenir  de  toutes  négociations  directes  avec 
!Méhémet-Ali,  et  de  ne  faire  aucun  arrangement  avec  le  pacha  sans  le 
concours  des  cinq  puissances.  Mais  cependant  le  gouvernement  de  Sa 
Majesté  a  de  bonnes  raisons  de  croire  que,  depuis  quelques  mois,  le  re- 
présentant français  à  Conslantinople  a  isolé  la  France,  d'une  manière 
tranchée,  des  quatre  autres  puissances,  en  ce  qui  concerne  les  ques- 
tions auxquelles  celte  note  se  rapj)ortait,  et  qu'il  a  pressé  vivement  et  à 
plusieurs  reprises  la  Porte  de  négocier  directement  avec  Méhémet-Ali,  et 
de  conclure  un  arrangement  avec  le  pacha,  non-seulement  sans  le  con- 
cours des  quatre  autres  puissances,  mais  encore  sous  la  seule  médiation 
de  la  France,  et  conformément  aux  vues  particulières  du  gouvernement 
français. 

En  ce  qui  concerne  la  ligne  de  conduite  suivie  par  la  Grande-Bretagne, 
le  gouvernement  français  doit  reconnaître  que  les  vues  et  les  opinions  du 
gouvernement  de  Sa  Majesté  sur  les  affaires  d'Orient  n'ont  jamais  varié 
le  moins  du  monde,  depuis  le  commencement  de  ces  négociations,  excepté 
en  ce  que  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a  offert  de  modifier  ces  vues 


APPENDICE  571 

et  ces  opinions  dans  l'intention  d'obtenir  la  coopération  de  la  France. 
Ces  vues  et  opinions  ont  de  tout  temps  été  exprimées  franchement  et  sans 
réserve  au  gouvernement  français,  ei  ont  été  constamment  appuyées,  au- 
près de  ce  gouvernement,  de  la  manière  la  plus  pressante  par  des  argu- 
ments qui  paraissaient  concluants  au  gouvernement  de  Sa  Majesté.  Dès 
les  premiers  pas  de  la  négociation,  les  déclarations  de  principes,  faites 
par  le  gouvernement  français  sur  les  moyens  d'exécution,  difTéraienl  de 
celles  du  gouvernement  britannique;  la  France  n'a  certainement  pas  le 
droit  de  qualifier  de  dissidence  inattendue  entre  la  France  et  l'Angleterre, 
celle  que  le  gouvernement  français  reconnaît  avoir  existé  depuis  long- 
temps. Si  les  intentions  et  les  opinions  du  gouvernen)erit  français,  relati- 
vement aux  moyens  d'exécution,  ont  subi  un  changement  depuis  l'ouver- 
ture des  négociations,  la  France  n'a  certainement  pas  le  droit  d'imputer 
h  la  Grande-Bretagne  une  div-ergence  de  politique  qui  provient  d'un  chan- 
gement de  la  part  de  la  France,  et  nullement  de  l'Angleterre. 

Mais  de  toute  manière,  quand,  de  cinq  puissances,  quatre  se  sont  trou- 
vées d'accord  sur  une  ligne  de  conduite,  et  que  la  cinquième  a  résolu  de 
poursuivre  une  conduite  entièrement  différente,  il  ne  serait  pas  raison- 
nable d'exiger  que  les  quatre  abandonnassent,  par  déférence  pour  la 
cinquième,  les  opinions  dans  lesquelles  elles  se  confirment  de  jour  en 
jour  davantage,  et  qui  ont  trait  à  une  question  d'une  importance  vitale 
pour  les  intérêts  majeurs  et  futurs  de  l'Europe. 

Mais  comme  la  France  continue  ci  s'en  tenir  aux  principes  généraux 
dont  elle  a  fait  déclaration  au  commencement,  et  à  soutenir  qu'elle  consi- 
dère le  maintien  de  l'intégrité  et  de  l'indépendance  de  l'Empire  turc, 
sous  la  dynastie  actuelle,  comme  nécessaire  pour  la  conservation  de  l'é- 
quilibre des  puissances  et  pour  assurer  !a  paix  ;  comme  la  France  n'a 
jamais  méconnu  que  l'arrangement  que  les  quatre  puissances  ont  l'inten- 
tion d'amener  entre  le  sultan  et  le  pacha  fût,  s'il  pouvait  être  exécuté,  le 
meilleur  et  le  plus  complet,  et  connue  les  objections  de  la  France  s'appli- 
quent, non  à  la  fin  qu'on  se  propose,  mais  aux  moyens  par  lesquels  on 
doit  arriver  à  cette  fin,  son  opinion  étant  que  cette  fin  est  bonne,  mais 
que  les  moyens  sont  insuffisants  et  dangereux,  le  gouvernement  de  Sa 
Majesté  a  la  confiance  ((ue  l'isolement  de  la  France  des  autres  quatre  puis- 
sances, isolement  que  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  regrette  on  ne  peut 
plus  vivement,  ne  peut  pas  être  de  longue  durée. 

Car  lorsque  les  quatre  puissances  réunies  au  sultan  seront  parvenues 
à  amener  un  pareil  arrangement  entre  la  Porte  et  ses  sujets,  arrange- 
ment compatible  avec  l'intégrité  de  l'Empire  ottoman  et  avec  la  paix 
future  de  l'Europe,  il  ne  restera  plus  de  dissidence  entre  la  France  et  ses 
alliés,  et  il  ne  peut  rien  y  avoir  qui  puisse  empêcher  la  France  de  concou- 
rir avec  les  quatre  puissances  à  tels  autres  engagements  pour  l'avenir  qui 


572  APPENDICE 

pourront  paraître  nécessaires  pour  donner  une  stabilité  convenable  aux 
bons  effets  de  l'intervention  des  quatre  puissances  en  faveur  du  sultan, 
et  pour  préserver  l'Empire  ottoman  de  tout  retour  de  danger. 

Le  gouvernement  de  Sa  Majesté  attend  avec  impatience  le  moment  où 
la  France  sera  en  position  de  reprendre  sa  place  dans  l'union  des  puis- 
sances, et  il  espère  que  ce  moment  sera  hâté  par  l'entier  développement 
de  l'influence  morale  de  la  France.  Quoique  le  gouvernement  français  ait, 
pour  des  raisons  qui  lui  sont  propres,  refusé  de  prendre  part  aux  mesures 
de  coercition  contre  Méhémet-Ali,  certainement  cegouvernementne peut 
rien  objecter  h  l'emploi  de  ces  moyens  de  persuasion  pour  porter  le  pacba 
à  se  soumettre  aux  arrangements  qui  doivent  lui  être  proposés,  et  il  est 
évident  qu'il  y  a  plus  d'un  argument  qui  peut  être  mis  en  avant  et  plus 
d'une  considération  de  prudence  qui  peut  être  appuyée  auprès  du  pacha 
avec  plus  d'efficacité  par  la  France,  comme  puissance  neutre  ne  prenant 
aucune  part  à  ces  affaires,  que  par  les  quatre  puissances  qui  sont  active- 
ment engagées  à  l'exécution  des  mesures  de  contrainte. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a  la  confiance  que 
l'Europe  reconnaîtra  la  moralité  du  projet  qui  a  été  rais  en  avant  par  les 
quatre  puissances,  car  leur  but  est  désintéressé  et  juste  :  elles  ne'  cher- 
chent pas  h  recueillir  quelques  avantages  particuliers  des  engagements 
qu'elles  ont  contractés  ;  elles  ne  cherchent  k  établir  aucune  influence 
exclusive,  ni  à  faire  aucune  acquisition  de  territoire,  et  le  but  auquel 
elles  tendent  doit  être  aussi  profitable  à  la  France  qu'h  elles-mêmes  parce 
que  la  France,  ainsi  qu'elles-mêmes,  est  intéressée  au  maintien  de  l'é- 
quilibre des  puissances  et  à  la  conservation  de  la  paix  générale. 

Vous  transmettrez  officiellement  à  M.  Thiers  une  copie  de  cette  dé- 
pêche. 

Je  suis,  etc. 

XCVI.  —   Lettre  (extrait)    de    M.  Thiers   sk    M.   Gnizot,    en    date  du 
4  septembre  1840  (9  rcdjeb  1%56). 

La  fameuse  note  n'arrange  rien  ;  elle  empirerait  la  situation  plutôt  qu'elle 
ne  l'améliorerait,  si  nous  voulions  être  susceptibles.  C'est  exactement  le 
mémorandum  du  17  juillet,  augmenté  de  récriminations  sur  le  passé,  de- 
mandant une  seconde  fois  notre  influence  morale,  et  offrant,  après  l'exé- 
cution du  traité  du  1 5  juillet,  de  nous  admettre  encore  au  nombre  des  cinq, 
pour  garantir  l'Empire  turc  contre  les  dangers  dont  il  pourrait  être  éven- 
tuellement menacé.  Gela,  interprété  au  vrai,  signifie  qu'après  avoir  accepté 
l'alliance  russe  contre  Méhémet-Ali,  l'Angleterre  nous  ferait  l'honneur 
d'accepter  l'alliance  française  contre  les  Russes.  On  n"est  pas  plus  accom- 
modant en  vérité,  et  nous  aurions  bien  tort  de  nous  plaindre.  Il  valait 


APPENDICE  573 

mieuxen  rester  sur  la  mémorandum  du  17  juillet.  Toutefois,  il  ne  faut  pa 
prendre  ceci  eu  aigreur.  Il  faut  (Hre  froid  et  indifférent,  dire  que  cette  note 
ajouleniil  au  mauvais  procédé,  si  nous  voulions  prendre  les  choses  en  mau- 
vaise part,  car  lorsque  le  traité  du  15  juillet  nous  a  si  vivement  blessés, 
nous  dire  qu'on  l'exécutera,  et  qu'après  l'exécution  on  se  mettra avecnous, 
c'est  redoubler  le  mal.  Mais  il  faut  dire  cela  accessoirement,  sans  y  in- 
sister, sans  en  faire  une  réponse  oflicielle,  par  forme  de  confidence,  afin 
qu'on  sache  que  nous  ne  nous  tenons  pas  pour  satisfaits.  11  faut  éviter  que 
cette  démarche  devienne  une  nouvelle  cause  de  mécontentement  entre  les 
d'^ux  cours;  mais  il  faut  se  gaidej"  de  laisser  dire  aux  Anglais  qu'ils  nous 
ont  donné  une  satisfaction.  La  réponse  olRcielle  sera  faite  avec  calme,  avec 
mesure,  avec  beaucoup  d'égards  pour  l'Angleterre  ;  mais  elle  maintiendra 
notre  dire  et  notre  droit.  Elle  n'est  pas  très-urgente. 

XCVII.  —    Lettre  (extrait)    de    M.  Thiers    ii    M.  Ciuizot,  en    date    du 
7   septembre   1M40  (tO  rédjeb  I3  5G). 

M.  de  Sainte-Aulaire  a  reçu,  à  Konigswarth,  du  prince  Metternich,  une 
communication  semblable.  Les  reproches  adressés  de  Vienne  à  M.  de 
Ponlois  étaient  absolument  les  mêmes  que  vous  avez  recueillis.  Il  avait  an- 
noncé la  guerre  immédiate,  dans  tous  les  cas,  quoi  qu'on  fît  en  Syrie;  il 
avait  annoncé  que  nous  allions  nous  réunir  à  Méhémet-Ali  pour  insurger 
l'Asie-Mineure  et  mettre  l'Empire  ottoman  en  confusion.  Je  n'ai  pas  besoin 
de  vous  dire  qu'il  n'y  a  pas  un  mot  de  vrai  dans  tout  cela;  vous  pouvez 
le  déclarer  en  mon  nom.  J'ai  reçu  avant-hier  une  longue  dépèche  de  M.  de 
Pontois  qui  ne  dit  pas  un  mot  de  tout  cela,  et  qui  ne  permet  pas  de  rien 
supposer  de  pareil.  Les  instructions  données  à  Constantinople  étaient  con- 
formes aux  instructions  données  aux  autres  agents,  et  M.  de  Pontois  n'était 
pas  homme  à  les  outre-passer.  Je  ne  doute  pas  qu'il  n'ait  tenu  un  langage 
très-énergique,  qu'il  ne  se  soit  plaint  vivement  de  la  Porte,  de  son  infidé- 
lité à  notre  antique  alliance,  qu'il  n'ait  qualifié  de  conduite  coupable  et 
imprudente  celle  de  Reschid-pacha,  qu'il  ne  lui  ait  dit  que  Méhéinet-Ali 
soulèverait  tout  l'Empire  ottoman  ;  mais  j'allirme  qu'il  n'a  pas  dit  tout  ce 
que  lui  prête  Reschid-pacha.  Il  n'est  pas  d'ailleurs  vrai  qu'on  ait  voulu 
empêcher  la  ratification  du  traité  du  15  juillet;  c'était  trop  impossible  pour 
que  M.  de  Pontois  le  tentai.  Mais  il  a  voulu  faire  peur  d'une  manière  gé- 
nérale; il  a  réussi,  et  Reschid  s'en  est  vengé  en  le  dénonçant  aux  quatre 
cours.  Voilà  tout.  Maintenant  il  faut  nier,  sans  affaiblir  l'efTet  produit  par 
M.  de  Pontois.  Il  faut  se  borner  h  nier  un  point,  l'annonce  de  notre  con- 
cours accordé  à  Méhémet-Ali  pour  insurger  l'Asie-Muioure.  Il  faut  faire 
cette  simple  phrase  :  «  Myiord,  nous  avons  trop  bl!\mé  ce  qui  se  fait  en 
Syrie  pour  l'imiter  en  Asie- Mineure.  Gela  pourra  bien  arriver,  ujais  non 


67Z|  APPENDICE 

pas  par  notre  faute  et  par  nos  suggestions.  Quant  au  langage  menaçant, 
on  ne  peut  pas  répoûdre  du  style  des  agents  et  de  la  fidélité  des  traduc- 
teurs. M.  de  Pontois  a  dit  vrai  s'il  a  déclaré  que,  dans  certains  cas,  la 
France  ne  resterait  pas  spectatrice  inactive  de  ce  qui  se  passerait  en 
Orient.  »  Je  n'ai  pas  la  prétention  de  vous  dicter  vos  discours  ;  vous  y 
êtes  plus  habile  que  moi;  mais  c'est  là,  je  crois,  le  bon  ton  à  prendre. 

XCYIII.  —  Lettre  (extrait    de    M.  Thiers    à    M.    Gnizot,    en    date  du 
8  septembre  1840  (11  rédjeb  1256). 

Demandez  comment  il  se  fait  qu'avant  les  ratifications,  avant  surtout 
l'expiration  des  délais,  on  ait  pu  commencer  à  opérer  en  Syrie  contre 
Beyrouth. 

En  vérité,  cela  est  peu  séant  et  peu  légal  en  fait  de  droit  des  gens.  Du 
reste,  adieu  les  moyens  coërcitifs  !  La  Syrie  ne  remue  pas  ;  l'émir  Béchir 
reste  fidèle  à  Méhemel-Ali  ;  Ibrahira-paciia,  avec  toutes  ses  forces,  revient 
pour  écraser  les  gens  qui  seraient  tentés  de  débarquer.  Il  ne  reste  plus, 
si  les  choses  se  passent  ainsi,  qu'à  donner  au  peuple  anglais  le  spectacle 
satisfaisant  de  l'intervention  russe. 

XCIX.  IVotc  de   lord  Palmerston   à  M.  Gnizot,  en  date  du  9  sep- 
tembre 1840  (13  rédjeb  135G). 

Le  soussigné,  principal  secrétaire  d'Etat  de  S.  M.  pour  les  affaires  étran- 
gères, conformément  à  ce  qui  a  été  convenu  entre  lui  et  M.  Guizot,  am- 
bassadeur extraordinaire  et  plénipotentiaire  de  S.  M.  le  roi  des  Français 
près  cette  cour,  a  j'honneur  de  transmettre  à  M.  Guizot  l'extrait  d'une 
dépêche  que  le  gouvernement  de  S.  M.  a  reçue,  il  y  a  quelques  jours,  de 
lord  Ponsonby,  ainsi  que  copie  de  l'annexe  y  mentionnée. 

Avant  même  que  le  soussigné  eût  eu  l'honneur  de  montrer  ces  papiers 
à  M.  Guizot,  le  gouvernement  de  S.  M.  était  persuadé  que  le  message 
que  M.  de  Pontois  a  voulu  envoyer  à  la  Porte  doit  avoir  été  très-dénaturé 
par  la  personne  qui  en  était  le  porteur,  ou  bien  que  M.  de  Pontois  doit 
avoir  fait  une  pareille  communication  absolument  sans  instructions  ou 
sans  autorisation  de  son  gouvernement,  et  en  contradiction  directe  avec 
ses  instructions,  puisque  le  langage  de  M.  de  Pontois  à  cette  occasion  était 
entièrement  en  désaccord  avec  celui  du  gouvernement  français  envers 
l'ambassadeur  de  S.  M.  h  Paris,  avec  celui  de  M.  Guizot  envers  le  gou- 
vernement de  S.  M.  à  Londres,  et,  d'après  ce  qu'en  connaît  le  gouver- 
nement de  S.  M.,  avec  celui  des  agents  français  à  Alexandrie  envers  Méhe- 
niet-Ali.  Car,  à  Paris,  M.  Thiers,  en  retournant  dernièrement  de  la  réu- 
nion qui  a  eu  lieu  au  château  d'Eu,  avait  assuré  lord  Granville  que  les 
ordres  les  plus  positifs  avaient  été  envoyés  aux  amiraux  français  dans  le 


APPENDICE  575 

Levant  d'éviter  tout  ce  qui  pourrait  amener  une  collision  entre  les  na- 
vires de  guerre  français  et  anglais;  k  Londres,  M.  Guizot,  avant  et  après 
sa  visite  au  château  d'Eu,  a  toujours  dit  au  soussigné  que  les  ariuements  de 
la  Franceétaient  une  mesure  dépure  précautionet  nullement  faits  en  vue 
d'une  agression  ;  que  la  France  veut  rester,  pour  le  moment,  parfaite- 
ment tranquille,  mais  que  le  gouvernement  français,  pensant  que  les  me- 
sures à  prendre  en  Orient  pouvaient  amener  des  événements  qui  affecte- 
raient l'équilibre  général  ou  altéreraient  l'état  de  possession  des  puis- 
sances européennes,  ou  qui  influeraient  d'une  manière  quelconque  sur  les 
intérêts  directs  de  la  France,  a  jugé  à  propos  de  garder  une  attitude 
d'cbservation  ;  et  à  Alexandrie,  les  agents  français  sont  sensés  avoir  dé- 
claré àMéhémet-Ali  que  la  France  n'a  nullement  l'intention  de  prendre 
les  armes  pour  le  soutenir.  Il  était  donc  évident  pour  le  gouvernement 
de  S.  M.  que  M.  de  Ponlois  ne  peut  pas  avoir  été  autorisé  par  le  gouver- 
nement français  k  tenir,  k  Gonstantinople,  un  langage  qui  est  absolument 
l'inverse  de  celui  que  le  gouvernement  français  a  tenu  partout  ailleurs,  et 
ce,  d'autant  plus  que  le  langage  de  M.  dePontois  est  en  opposition  directe 
avec  toutes  les  déclarations  publiques  et  officielles  faites  par  le  gouverne- 
ment français  relativement  aux  principes  qui  sont  la  base  de  la  politique 
de  la  France  dans  les  affaires  de  l'empire  ottoman. 

Le  soussigné  voit  avec  beaucoup  de  plaisir  que  h  conviction  du  gou- 
vernement de  S.  M.  se  trouve  confirmée  par  l'opinion  que  M.  Guizot  lai  a 
énoncée,  quoique  d'ailleurs  M.  Guizot  lui  eût  dit  qu'il  n'a  reçu  aucune  in- 
formation de  son  gouvernement  sur  cet  objet,  et  qu'il  n'en  savait  que  ce 
que  le  soussigné  lui  a  exposé.  En  transmettant  ainsi  k  M.  Guizot  les  ])a- 
piers  ci-joints,  afin  de  les  faire  connaître  au  gouvernement  français,  le 
soussigné  doit  assurer  M.  Guizot  qu'il  ne  fait  point  cette  communication 
parce  que  le  gouvernement  de  S.  M.  doute  de  la  sincérité  et  de  la  bonne 
foi  du  gouvernement  français,  mais  parce  qu'il  est  convenable  que,  dans 
une  affaire  d'une  si  grande  importance  pour  la  paix  de  l'Europe,  le  gou- 
vernement français  connaisse  combien  le  langage  qui  est  attribué  à  un  de 
ses  agents  diplomatiques  diffère  de  celui  qu'a  tenu  le  gouvernement  fran- 
çais lui-même. 

Le  soussigné  a  l'honneur,  etc. 

C.  —  Kofe  de  lord  Ponsonby  au  comte  fie  Pontois,  en  date  dn 
16  septembre  1840  (lU  rcdjeb  13.>ti). 

Monsieur  l'ambassadeur,  je  prends  la  liberté  d'informer  Votre  Excel- 
lence, en  sa  qualité  d'ambassadeur  d'un  souverain  qu'une  étroite  amitié 
unit  à  la  reine  que  j'ai  l'honneur  de  servir,  que,  S.  M.  le  sultan  ayant 
demandé  l'aide  des  forces  navales  de  Sa  Majesté,  elles  vont  être  employées 


576  APPENDICE 

h  effectuer  le  blocus  des  ports  d'Egypte  et  de  Syrie  ordonné  par  la  Su- 
blime-Porte. J'ose  importuner  Votre  Excellence,  de  cette  communication, 
afin  d'éviter  tout  inconvénient  qui  pourrait  résulter,    pour  les  intérêts 
français,  de  l'ignorance  des  faits. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

CI.  —  Note  de  lord  Palnierston  s!i  M.  Gnizot,  en  date  du  16  sep- 
tembre 1840  (19  rédjeb   1S56). 

Le  soussigné,  etc.,  a  eu  l'honneur,  le  17  juillet,  d'informer  M.  Guizot, 
etc.,  qu'une  convention  relative  aux  affaires  de  la  Turquie  avait  été  signée 
le  15  dudit  mois  entre  les  plénipotentiaires  d'Autriche,  de  la  Grande-Bre- 
tagne, de  Prusse  et  de  Russie,  d'une  part,  et  les  plénipotentiaires  de  la 
Porte,  de  l'autre.  Les  ratifications  ayant  maintenant  été  échangées,  le 
soussigné  a  l'honneur  de  transmettre  à  M.  Guizot,  pour  l'information  du 
gouvernement  français,  une  copie  de  celle  convention  ainsi  que  de  ses 
annexes. 

Le  soussigné  ne  peut  faire  cette  communication  à  S.  E.  M.  Guizot,  sans 
lui  exprimer  de  nouveau  les  très-sincères  l'egrets  du  gouvernement  de  Sa 
Majesté,  que  les  objections  qui  ont  empêché  le  gouvernement  français  de 
s'associer  aux  mesures  à  l'exécution  desquelles  cette  convention  a  pourvu, 
aient  créé  un  obstacle  qui  a  empêché  la  France  d'être  partie  contractante 
dans  cet  acte.  Mais  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  a  la  confiance  que  le 
cabinet  des  Tuileries  verra  dans  les  dispositions  de  cette  convention  des 
preuves  incontestables  que  les  quatre  puissances  ,  en  prenant  les  engage- 
ments qu'elle  contient,  ont  été  animées  par  un  désir  désintéressé  de  main- 
tenir les  principes  de  politique  à  l'égard  de  la  Turquie,  que  la  France  a, 
en  plus  d'une  occasion,  clairement  et  solennellement  déclaré  être  les  siens  ; 
qu'elles  n'ont  cherché  à  obtenir,  par  les  arrangements  qu'elles  ont  en 
vue,  aucun  avantage  exclusif  pour  elles-mêmes,  et  que  le  grand  objet 
qu'elles  se  proposent  est  le  maintien  de  l'équilibre  actuel  des  puissances 
européennes,  et  de  détourner  des  événements  qui  pourraient  troubler  la 
paix  générale. 

Le  soussigné  a  l'honneur,  etc. 

CJII.  —  Kote  da  comte  de  Pontois  à  lord  Ponsonby,  en  date  du 
19  septembre  1840  (30  rédjeb  1»56). 

Monsieur  l'ambassadeur,  j'ai  l'honneur  d'accuser  réception  à  Votre 
Excellence,  de  la  lettre  qu'elle  a  bien  voulu  m'écrire,  en  date  d'hier,  pour 
me  donner  connaissance  de  la  part  que  les  forces  navales  de  Sa  Majesté 
britannique  vont  être  appelées  à  prendre  à  l'exécution  du  blocus  des  ports 
d'Egypte  et  de  Syrie  ordonné  par  le  sultan. 


APPENDICE  577 

En  vous  priant  d'agréer  mes  reraercîmenls  de  cette  communication 
ofTicieuse,  je  crois  devoir,  M.  l'ambassadeur,  vous  prévenir  de  l'impossi- 
bilité où  je  me  trouve  d'en  faire  l'usage  indiqué  dans  votre  lettre.  J'aurai, 
en  effet,  l'honneur  de  vous  faire  observer,  sans  entrer  dans  l'examen  du 
côté  politique  de  la  mesure  dont  il  s'agit,  et  des  objections  qu'elle  peut 
soulever  sous  ce  rapport,  qu'un  blocus  ne  saurait,  en  principe,  avoir 
d'existence  légale  et  devenir  obligatoire  pour  le  commerce  étranger, 
qu'après  l'expiration  des  délais  qui  doivent,  conformément  'i  l'usage  et 
aux  règles  du  droit  des  gens,  suivre  la  notification  officielle  et  régulière 
de  cette  mesure. 

Je  prie  Votre  Excellence  d'agréer,  etc. 

cm.  —  Dépêche  de  M.  Thiers  A  91.  Gnizot,  en  date  du  19  scpteiu> 

bre  1840  (20  rédjeb  1256). 

Monsieur  l'ambassadeur,  Méhémet-Ali,  cédant  à  nos  pressantes  ins- 
tances, vient  de  se  décider  à  une  grande  concession.  Il  consent  à  rendre 
immédiatement  au  sultan  Adana,  Candie,  les  villes  saintes,  bornant  ainsi 
ses  prétentions  à  l'investiture  héréditaire  de  l'Egypte  et  à  la  possession 
viagère  de  la  Syrie.  Je  ne  puis  croire  que  des  conditions  aussi  raisonna- 
bles ne  soient  pas  acceptées.  Les  repousser,  ce  serait  évidemment  réduire 
le  pacha  à  la  nécessité  de  défendre  par  les  armes  son  existence  politique, 
et  j'ai  la  conviction  qu'il  n'hésiterait  pas  à  le  faire.  J'ajouterai  que  ce 
n'est  pas  le  gouvernement  du  Roi  qui  lui  demanderait  d'ajouter  de  nou- 
veaux sacrifices  à  ceux  qu'il  vient  d'offrir.  Les  puissances  se  verraient 
sans  doute  obligées,  pour  surmonter  la  résistance  de  Méhémet-Ali,  de 
recourir  h  des  moyens  extrêmes;  et  parmi  ces  moyens,  il  en  est  qui  peut- 
être  rencontreraient  quelques  obstacles  de  notre  part;  il  en  est  d'autres 
auxquels  nous  nous  opposerions  très-certainement;  on  ne  doit  se  faire, 
à  cet  égard,  aucune  illusion.  Il  importe  donc  que  les  propositions  si  con- 
ciliantes de  Méhémet-Ali  obtiennent  l'assentiment  de  la  Porte  et  de  ses 
alliés.  J'ajouterai  que  cet  assentiment  ne  saurait  être  trop  prompt,  la 
situation  des  choses  étant  telle,  que,  d'un  moment  à  l'autre,  ce  qui  est  à 
présent  jjralicable,  et  facile  même,  peut  devenir  absolument  impossible. 
Dans  ces  circonstances,  le  gouvernement  du  Roi,  immolant  à  l'intérêt  de 
!a  paix  des  susceptibilités  trop  bien  justifiées  cependant,  n'hésite  pas  à 
faire  un  appel  à  la  sagesse  des  cours  alliées.  Je  viens  d'en  écrire  à  Vienne, 
ii  Berlin  et  à  Constantinople.  Veuillez,  monsieur  l'ambassadeur,  en  entre- 
tenir aussi  le  cabinet  de  Londres.  Je  vous  laisse  juge  de  la  forme  que  vous 
devrez  donner  k  celte  communication. 

Quelques  personnes  ont  pensé,  tant  h  Alexandrie  qu'à  Constantinople, 
que  la  Porte  pourrait  préférer,  aux  stipulations  proposées,  un  autre  ar- 

T.  II.  37 


578  APPENDICE 

rangement  qui,  donnant  seulement  h  Méhémet-Ali  l'Egypte  et  le  pr\clif\lik 
d'Acre,  conlormément  au  traité  du  15  juillet,  conférerait  à  son  fils  Ibra- 
him-Pacha l'investiture  des  trois  autres  pachaliks  syriens.  Nous  croyons 
que  ce  plan  pourrait  aussi  être  accepté. 

CIV.  —  Lettre  (extrait)   de    M.  Thiers    :\    M.   Guizot,   en   date  du  19 
septemlu-e  1840  (30  rédjeb  1356). 

Voyant  qu'il  fallait  placer  la  résistance  \h  oh  nous  la  placions,  et  sa- 
chant, par  un  dernier  envoi  postérieur  à  notre  entrevue  à  Eu,  que  nous 
la  placions  dans  l'Egypte  héréditaire  et  la  Syrie  viagère,  le  vice-roi  a 
fait  les  concessions  que  nous  demandions,  et  a  résumé  enfin  ses  préten- 
tions dans  l'Egypte  héréditaire  et  la  Syrie  viagère.  Mais  au-deUi  il  n'y  îl 
plus  de  concession  à  espérer,  car  il  ne  feia  que  celles  que  nous  lui  arra- 
cherons, et  nous  ne  lui  en  demanderons  pas  une  au-delà  de  l'Egypte 
héréditaire  et  de  la  Syrie  viagère.  Tenez  cela  pour  infaillible.  Il  a  fait  cette 
concession  pour  obtenir  notre  appui  et  nous  engager  tout  à  fait  h  sa  cause. 
C'était  son  intention  évidente.  Maintenant,  après  avoir  poussé  jusque  là, 
il  y  a,  pour  nous,  une  sorte  d'engagement  moral  de  lui  prêter  notre  appui 
lorsqu'il  se  renferme,  à  notre  demande,  dans  les  limites  de  la  raison  et 
de  la  modération. 

Peut-être  va-t-on  conclure,  de  ce  qu'il  a  dit  aux  quatre  consuls,  qu'il 
va  tout  céder  ;  c'est  une  illusion  qu'il  faut  détruire.  Il  leur  a  déclaré 
qu'il  acceptait  l'hérédité  de  l'Egypte,  et  que,  pour  le  surplus,  il  s'en  rap- 
portait à  la  magnanimité  du  sultan.  Voici  ce  qu'il  a  entendu,  et  il  l'a  ex- 
pliqué h  Rifaat-bey.  Il  a  entendu  qu'il  prenait  d'abord  l'hérédité  de 
l'Egypte,  et  se  résignait  à  la  possession  viagère  de  la  Syrie,  de  Candie  et 
d'Adana.  C'est  d'après  nos  instances  qu'il  a  consenti  à  entendre  par  ces 
mots  la  possession  héréditaire  de  l'Egypte  et  la  possession  viagère  de 
la  Syrie  seule.  Vous  avez  là  la  dernière  concession  possible. 

CV.  —  T%oie  du  comte  de  Pontois  à  Réeliid  pacha,  en  date  du 
19  septembre   1S40  (20  rédjeb  1956). 

L'ambassadeur  de  France  vient  de  recevoir  la  note  olïicielle  que  lui 
a  adressée  la  Sublime-Porte  pour  lui  donner  connaissance  de  la  déter- 
mination qu'elle  a  cru  devoir  prendre,  de  bloquer  les  ports  et  échelles  de 
l'Egypte  et  de  la  Syrie. 

Il  va  s'empresser  de  transmettre  cette  note  à  son  gouvernement,  en 
regrettant  de  ne  pouvoir  lui  faire  connaître  également  le  caractère  précis  de 
la  mesure  qui  vient  d'être  adoptée,  les  principes  de  droit  maritime  qui 


APPENDICK  579 

régleront  son  exécution,  et  les  ell'els  qu'elle  aura  pour  le  commerce 
étranger, 

L'Ambassadeur  de  France,  sans  entrer  pour  le  moment  dans  l'examen 
du  côté  politique  de  la  mesure  dont  il  s'agit,  et  des  objections  qu'elle  peut 
soulever  sous  ce  rapport,  croit  de  son  devoir  de  faire  observer,  dès  à  pré- 
sent, h  la  Sublime-Porle,  qu'un  blocus  ne  saurait  en  principe  avoir  d'exis- 
tence légale,  et  devenir  obligatoire  pour  le  commerce  et  les  suj»Us  des 
puissances  étrangères,  qu'après  l'accomplissement  des  forinalilés,  cl 
l'expiration  des  délais  prescrits  par  les  droits  des  gens  et  par  l'usage. 

CVI.  —  Kote  de   ill.  Guizot    à   lord  Palnierston,  en   date  da  18  sep- 
tembre  1840  (2  2  rédjcb   12.>0). 

Le  soussigné,  etc.,  a  l'honneur  d'informer  sou  Excellence  U.  le  prin- 
cipal secrétaire  d'Etat  de  Sa  Majesté  Britannique  pour  les  affaires  étran- 
gères, qu'il  a  reçu  et  transmis  au  gouvernement  du  Roi  la  copie  que 
son  Excellence  a  fait  au  soussigné  l'honneur  de  lui  envoyer,  de  la  conven- 
tion, y  compris  ses  trois  annexes,  signée  le  i5  juillet  dernier  par  les 
plénipotentiaires  d'Autriche,  de  la  Grande  Bretagne,  de  Prusse  et  de 
Russie  d'une  part,  et  par  le  plénipotentiaire  de  la  Porte  de  l'autre,  ainsi 
que  la  note  en  date  du  16  septembre  qui  accompagnait  cette  communi- 
cation. 

Le  soussigné,  etc. 

CVII.  —  IVote  de  ITI.  Guizot  ù  lord  Palmerston,   en  date  du  18   sep- 
tembre 1840  (31  rédjeb  12  56). 

Le  soussigné,  ambassadeur  extraordinaire  et  plénipotentiaire  de  Sa 
Majesté  le  roi  des  Français  auprès  de  Sa  Majesté  britannique,  a  l'honneur 
d'informer  son  Excellence  M.  le  principal  secrétaire  d'Etat  de  Sa  Majesté 
britannique  pour  les  affaires  étrangères,  qu'il  a  reçu  et  transmis  au  gou- 
vernement du  Roi  les  extraits  que  son  Excellence  a  fait  au  soussigné  l'hon- 
neur de  lui  communiquer,  de  deux  dépêches  écrites  de  Constantinople, 
en  date  du  17  août  dernier,  l'une  par  lord  Ponsonby,  ambassadeur  de  Sa 
Majesté  britannique,  l'autre  par  M.  le  baron  de  Sturmer,  internonce  de  Sa 
Majesté  l'empereur  d'Autriche  à  Constantinople,  et  relatives  aux  commu- 
nications faites  récemment  à  la  Porte  ottomane  par  son  Excellence  M.  de 
Poiitois^  ambassadeur  de  Sa  Majesté  le  roi  des  Français  auprès  de  Sa  Hau- 
tesse  le  sultan. 

Ainsi  que  le  soussigné  a  déjà  eu  l'honneur  d'en  exprimer  la  conviction 
à  M.  le  secrétaire  d'État  des  affaires  étrangères,  les  renseignements  con- 
tenus dans  ces  dépèches,  au  sujet  desdiles  communications,  sont  inexacts, 


580  APPENDICE 

et  M.   de  Pontois,  selon  ses  instructions,  a   tenu  à  Gonstantinople  un 
langage  conforme  à  celui  que  le  gouvernement  du  Roi  a  tenu  lui-même  h 
Paris,  et  fait  tenir,  soil  à  Londres,    soit  ailleurs,  par  ses  représentants. 
Lorsque  M.  le  principal  secrétaire  d'État  de  Sa  Majesté  britannique  pour 
les  affaires  étrangères  fil  au  soussigné  l'honneur  de  lui  remettre  le  Me- 
morandum  du   17  juillet  dernier,  dans  lequel  on  lisait  que  «  le  gouverne- 
ment français  avait  plusieurs  fois  déclaré  que,  dans  aucun  eus,  la  France 
ne  s'opposerait  aux  mesures  que  les  quatre  cours,  de  concert  avec  le  sul- 
tan, pourraient  juger  nécessaires  pour  obtenir  l'assentiment  du  pacha 
d'Egypte,  »  le  soussigné  se  liâla  de  faire  observer  qu'il  ne  pouvait  accep- 
ter cette  expression  dans  aucun  cas,  et  qu'il  était  certain  de  n'avoir  ja- 
mais lien  dit  qui  l'autorisât  ;  "  le  gouvernement  du  Roi,  »  dit-il  alors  à 
M.    le  secrétaire  d'État  des  affaires  étrangèrfs,  «  ne  se  fait,  à  coup  sûr, 
le  champion  armé  de  personne,  et  ne  compromettra  jamais,  pour   Les 
seuls  intérêts  du  pacha  d'Egypte,  la  paix  et  les  intérêts  de  la  France.  Mais 
si  les  mesures  adoptées  contre  le  pacha  par  les  quatre  puissances  avaient, 
aux  yeux  du  gouvernement  du  Roi,  ce  caractère  ou  celte  conséquence  que 
l'équilibre  actuel  des  Élats  européens  en  fût  altéré,  il  ne  saurait  y  consen- 
tir; il  verrait  alors  ce  qu'il  lui  conviendrait  de  faire;  et  il  gardera  tou- 
jours, à  cet  égard,  sa  pleine  liberté.  » 

Le  21  juillet  suivant,  lorsque  le  soussigné  eut  l'honneur  de  lire  et  de 
remettre  à  M.  le  principal  secrétaire  d'Étal  pour  les  affaires  étrangères,  la 
réponse  du  gouvernement  du  Roi  au  Mémorandum  du  17  juillet,  celte  ré- 
ponse, en  faisant  allusion  au  désir  témoigné  par  les  quatre  puissances, 
que  la  France  continuât  de  leur  prêter  sou  concours  moral  à  Alexandrie, 
se  terminai!  par  le  paragraphe  suivant  : 

«  Le  concours  moral  de  la  France,  dans  une  conduite  commune,  était 
une  obligation  de  sa  pail.  Il  n'en  est  plus  une  dans  la  nouvelle  situation 
où  semblent  vouloir  la  placer  les  puissances.  La  France  ne  peut  plus  être 
mue  désormais  que  parce  qu'elle  doit  à  la  paix  et  ce  qu'elle  se  doit  à  elle- 
même.  La  conduite  qu'elle  liendra,  dans  les  graves  circonstances  où  les 
quatre  puissances  viennent  déplacer  l'Europe,  dépendra  de  la  solution  qui 
sera  donnée  à  toutes  les  questions  qu'elle  vient  d'indiquer.  » 

El  le  soussigné,  en  insistant  de  tout  son  pouvoir  sur  la  gravité  de  la  si- 
tuation où  l'Europe  allait  entrer,  eut  Thonneur  de  répétera  M.  lepritîcipal 
secrétaire.  d'État  de  Sa  Majeslé  britannique,  que  «  la  France  y  garderait 
sa  pleine  liberté,  ayant  toujours  en  vue  la  paix,  le  maintien  de  l'équi- 
libre actuel  entre  les  Élats  de  l'Europe,  et  le  soin  de  sa  dignité  et  de  ses 
propres  intérêts.  » 

Le  soussigné  (!sl  autorisé  à  déclarer,  que  ces  intentions  du  gouverne- 
raeiit  du  Roi,  qu'il  a  manifestées  au  moment  même  où  il  a  eu  con;iaissance 
de  la  convention  conclue  par  les  quatre  puissances,  et  dans  sa  réponse 


APPENDICE  581 

au  Mémorandum  an  17  juill(;t,  sont  constamment  demeuréps  et  cleraeurent 
conslamm'jnt  les  mémos;  et  que  ce  sont  les  intentions  dont  M.  dePontois 
a  été  l'interprète  auprès  de  la  Sublirae-Porle,  en  s'eiror(;ant,  comme  un 
ancien  et  sincère  ami,  de  l'éclairer  sur  la  situation  où  elle  se  plaçait,  et 
sur  les  périls  qui  pouvaient  en  résulter  pour  elle. 
Le  soussigné  a  l'honneur,  etc., 

CVlll. —  IV'otc  de  lord  Palniorsfon    à    M.  Guizot,  en   date  dn   IH  «icii- 
temhrc   1840  (St   rédjvb   12.KS). 

Le  soussigné,  principal  secrétaire  d'Elat  de  Sa  Majesté  pour  les  aiïaires 
étrangères,  en  se  référant  k  la  note  qu'il  a  eu  l'iionntur  d'adresser,  le  16 
de  ce  mois,  à  M.  Guizot,  ambassadeur  extraordinaire  et  plénipotentiaire 
de  S.  M.  le  roi  des  Français  auprès  de  celte  cour,  afin  de  communiquer 
à  Son  Excellence  la  convention  du  15  juillet,  avec  ses  annexes,  relative- 
ment aux  affaires  de  Turquie,  a  maintenant  l'honneur  de  transmettre  à 
Son  Excellence,  pour  l'information  du  gouvernement  français,  copie  du 
protocole  d'une  conférence  tenue  au  Foreing-Oftice  par  les  plénipoten- 
tiaires de  la  Grande-Bretagne,  d'Autriche,  de  Prusse,  de  Russie  et  de 
Turquie,  après  l'échange  des  ratifications  de  ladite  convention.  En  vertu 
de  ce  protocole,  les  quatre  puissances  s'engagent  à  ne  chercher,  dans 
l'exécution  des  engagements  résultant  de  la  convention  susmentionnée, 
aucune  acquisition  territoriale,  aucune  influence  exclusive,  aucun  avan- 
tage commercial  pour  leurs  sujets,  que  ceux  des  autres  nations  ne  puissent 
également  obtenir. 

Le  gouvernement  français  verra  dans  celte  déclaration  une  preuve  de 
plus  du  désintéressement  qui  anime  les  quatre  puissances  dans  les  efforts 
qu'elles  font  pour  arranger  les  affaires  de  Turquie. 

Le  soussigné  a  l'honneur,  etc. 

CIX.  —  Dépêche  (extrait)  de  IM.   Bulwer    â  lord  Palmer.ston,  en  date 
du  18  septembre   1840  (31    rédjeb  \Z'»i%). 

J'ai  eu  deux  ou  trois  visites  d'un  personnage  français  qui  désire  par- 
venir à  quelque  arrangement  de  la  question  actuelle,  propre,  pense-l-il,  à 
satisfaire  toutes  les  parties.  Voici  l'idée  qu'il  a  suggérée  :  une  note  de  la 
Turquie,  par  laquelle  elle  conjurerait  les  grandes  puissances  européennes 
de  s'abstenir  de  tout  acted'hostilité  entre  elles,  etoflrirait  de  faire  quelques 
concessions,  si  cela  pouvait  les  mettre  d'accord  pour  la  défendre  toutes 
ensemble.  Je  lui  dis  que  je  craignais  qu'il  ne  fût  impossible  d'essayer  de 
réaliser  ce  plan,  car,  quand  même  d'autres  ditficullés  n'existeraient  pas, 
il  y  aurait  l'obstacle  insurmontable  du  langage  de  la  France,  qui  a  dit 


582  APPENDICE 

qu'elle  n'emploiera  jamais  la  force  contre  le  pacha;  et  qu'il  était  clair, 
par  conséquent,  que  les  concessions  que  feraient  les  autres  puissances, 
afin  de  s'assurer  le  concours  de  la  France,  devraient  être  assez  larges  pour 
contenter  Méhémet-Ali,  et  qu'ainsi  nous  n'aurions  fait  autre  chose  que 
prendre  une  voie  détournée  pour  céder  h  ce  personnage,  a  Mais,  »  dit-il, 
((  si  la  France  consentait  h  contraindre  le  pacha,  au  besoin?  >;  Alors,  lui 
répondis-je,  nous  aurons  le  temps  d'en  causer.  —  Il  est  venu  aujourd'hui 
chez  moi,  et  il  m'a  dit  avoir  vu  M.  Thiers,  et  qu'il  est  convaincu  que  le 
gouvernement  français  consentirait,  moyennant  une  légère  concession,  h 
accéder  au  traité  du  15  juillet,  et  à  contraindre  le  pacha,  s'il  n'acceptait 
pas  les  conditions  qui  lui  seraient  offertes;  que  le  gouvernement  français 
ne  pouvait  toutefois  faire  aucune  proposition  de  cette  nature  s'il  n'était 
assez  sur  qu'elle  serait  acceplée,  mais  que,  si  je  lui  disais  qu'elle  le  sera, 
il  s'engageait  à  ce  qu'elle  soit  faite. 

Désirant  ra'assurer  si  le  plan  auquel  il  faisait  allusion  était  celui  qu'of- 
frait maintenant  Méhémet-Ali,  ou  plus  que  cela,  je  lui  dis  que,  suivant 
mon  avis,  le  gouvernement  de  Sa  Majesté  ne  consentira  pas  à  ce  dont 
nous  parlions.  «  Je  vous  dis  franchement,  »  me  dit-il,  «  que  je  crois 
que  quelque  chose  de  moins  pourrait  être  donné  par  voix  de  compromis.  » 
—  «  Quoi?  le  pachalik  de  Tripoli?  »  dis-je.  —  «  Oui,  »  dit-il,  «  je  crois 
que  le  pachalik  de  Tripoli  suffira.  » 

Comme  je  sais  qu'il  a  vu  plusieurs  ministres,  et  M.  Thiers  deux  fois, 
dans  l'intervalle  de  ce  peu  de  jours,  je  désire  faire  connaître  à  Votre  Sei- 
gneurie le  résumé  de  ce  qui  s'est  passé  entre  nous. 

ex.  —  Note  de  lord  PaTmerston   à    M.  Giiizot,    en   date    du  2%  sep- 
tembre 1840  (35  rcdjcb  1356). 

Le  soussigné,  principal  secrétaire  d'État  de  Sa  Majesté  pour  les  affaires 
étrangères,  a  eu  l'honneur  de  recevoir  la  note  que  M.  Guizot,  ambassa- 
deur extraordinaire  et  plénipotentiaire  de  S.  M.  le  roi  des  Français  près 
celte  cour,  lui  a  adressée  en  date  du  18  de  ce  mois,  en  réponse  l\  la  note 
du  9,  par  laquelle  le  soussigné  a  transmis  à  M.  Guizot  des  extraits  de  dé- 
pêches de  Constantinople,  relatifs  à  des  communications  faites  par  M.  de 
Pontois  et  le  minisire  turc,  Réchid-Pacha. 

En  se  référant  au  passage  de  la  noie  de  M.  Guizot,  oh  Son  Excellence 
récapitule  ce  qu'elle  a  dit  au  soussigné  au  sujet  du  terme  «dans  aucun  cas)^ 
employé  dans  le  mémorandum  du  15  juillet,  le  soussigné  a  l'honneur  de 
lui  faire  observer  que,  en  réponse  à  la  remarque  faite  par  M.  Guizot,  il 
avait  expliqué  alors  k  Son  Excellence,  ce  qu'il  saisit  l'occasion  de  répéter, 
que  le  terme  dont  il  s'agit  n'avait  nullement  cette  signification  :  que  la 
France  s'était  engagée  h  consentir  à  des  mesurea  ou  à  des  ariangeraenls 


APPENDICE  583 

pouvant  «altérer  l'équilibre  actuel  des  états  furopéons.  »  Le  passage  y 
relalil'  du  memorundmi  se  rap])(>rii)  unif|ii('n>enl  aux  uiesures  (k  c()i';rcilion 
nécessaires  pour  la  réalisaliuii  dos  arraiigeuienls  sli])ulés  dans  le  traité,  el 
ces  arrangements  sont  laits  pour  maintenir,  el  non  pas  pour  altérer  l'équi- 
libre des  états  européens. 
Le  soussigné  a  l'honneur,  etc. 

C\t.  -Tf  li^ttre  <lc  Ifl.  Ciulzut  au  duo  «le  llroglio,  en  date  du 
as  septeuilitc  I840  («<>  rédjcb   1«5U), 

La  situation  devient  grave.  Je  veux  vous  dire  ce  que  je  pense,  loul  co 
que  je  pense.  Je  ne  connais  pas  bien  l'état  des  esprits  en  France.  Je  ne 
puis  apprécier  ce  qu'il  commande  ou  permet  au  gouvernement.  Mais  à  ne 
considérer  que  les  choses  en  elles-mêmes,  j'ai  un  avis,  et  nous  touchons 
peut-être  à  l'un  de  ces  moments  où  c'est  un  devoir  impérieux  de  n'agir 
que  selon  son  propre  avis. 

Pepnis  l'origine  des  négociations,  le  thème  de  notre  politique  a  été 
celui-ci:  —  «  Nous  n'avons  en  Orient  qu'un  seul  intéiêt,  un  seul  désir, 
le  môme  que  celui  de  l'Angleterre,  de  l'Aulriclie,  de  la  Prusse.  Nous  vou- 
lons l'intégrité  et  l'indépendance  de  l'empire  ottoman.  Nous  repoussons 
tout  accroissement  de  territoire  qu  d'influence  au  profit  de  toute  puissance 
européenne.  Dans  l'intérieur  de  l'empire  ottoman,  entre  les  musulmans, 
entre  le  sultan  el  le  pacha  d'Egypte,  la  répartition  des  territoires  nous 
touche  peu.  Si  le  sultan  possédait  Ui  Syrie,  nous  dirions  :  «  Qu'il  la  garde.  ») 
Si  le  pacha  consent  à  la  lendre,  nous  dirons  ;«  Soit.  »  C'est  là,  selon  nous, 
une  petite  question.  Mais  si  on  tente  de  résoudre  cette  j)elile  question  par 
la  force  ,  c'est-à-dire  do  chasser  le  pacha  de  la  Syrie,  aussitôt  s'élèveront 
les  grandes  questloqs  dopt  l'Orient  peut  devenir  le  théâtre.  Le  pacha 
résistera.  Il  résistera  à  tout  risque,  au  risque  de  la  ruine  de  l'empire 
ottoman,  ^i  du  sa  propre  ruine.  Sa  vésistance  amènera  les  puissances 
chrétiennes,  et  ^u-dessus  de  toutes,  la  Russie,  an  sein  de  l'emnireottoman, 
chance  imminente  que  cet  empire  soit  mis  en  pièces  et  l'Europe  en  feu, 
Nous  ne  voulons  pas  de  cette  chance.  C'est  pourquoi  nous  voulons  entre 
le  sultan  et  le  pacha  une  transaction  qui  soit  acceptée  des  deux  parts,  et 
qui  maintienne  en  Orient  la  paix,  seul  gage  de  l'indépençiunce  (le  l'eni-. 
pire  ptloman,  par  conséquent  de  la  paix  de  l'J^urope. 

i\  ce  thème  de  la  politique  française ,  lord  Palmerston  a  opposé 
celui-ci  : 

La  paix  n'est  pas  possible  en  Orient,  tant  que  le  pacha  d'I^gyple  possé^ 
dera  la  Syrie.  Il  est  trop  fort  et  le  sultan  trop  faible.  Il  faut  que  la  Syrie 
retourne  au  sultan.  L'intégrité  et  l'indépendance  de  l'empire  ottoman 
soiU  à  çe  \}ï'\l'.  ^i  IP  iHiQhii  U8  Ye^l  |)as  mm^  la  ^yn^i  il  n'y  '^  point  de 


58i  APPEINinCE 

danger  à  employer  la  force  pour  la  lui  ôter.  Au  dernier  moment,  le  pacha 
cédera  ou  résistera  peu.  Quand  même  il  résisterait,  le  danger  ne  naîtrait 
point;  les  puissances  européennes  sont  bien  assez  fortes  pour  chasser  le 
pacha  de  la  Syrie.  Aucune  d'elles  ne  veut  rien  de  plus.  La  Russie  elle- 
même  ajourne  son  ancienne  politique.  Elle  renonce  au  protectorat  exclu- 
sif qu'en  fait  elle  exerçait  sur  la  Porte,  et  que,  par  le  traité  d'Unkiar-Ské- 
lessi,  elle  avait  tenté  d'ériger  en  droit.  Elle  consent  à  le  voir  remplacé 
par  un  protectorat  européen.  Ainsi,  pour  l'empire  ottoman,  la  Syrie  est 
une  question  vitale.  Pour  l'Europe,  aucune  question  redoutable  ne  s'élè- 
vera à  côté  de  celle-ci.  D'une  part,  il  y  a  nécessité  d'employer  la  force  ; 
de  l'autre,  il  n'y  a,  dans  l'emploi  de  la  force,  aucun  danger. 

Entre  ces  deux  politiques,  plusieurs  transactions  ont  été  tentées  : 
1°  Tentative  française.  L'Egypte  et  la  Syrie  appartiendront  héréditaire- 
ment au  pacha.  L'Arabie,  Candie  et  le  district  d'Adana  seront  restitués  au 
sultan.  2°  Tentative  anglaise.  Le  pacha  aura  l'Egypte  héréditairement,  et 
la  plus  grande  partie  du  pachalik  de  Saint-Jean  d'Acre,  y  compris  cette 
place,  viagèrement.  Il  rendra  tout  le  reste.  3°  Ouverture  autrichienne.  Le 
pacha  aura  l'Egypte  héréditairement  et  la  Syrie^viagèrement.  Il  rendra 
l'Arabie,  Candie  et  Adana. 

Toutes  ces  tentatives  ont  échoué  î  1°  parce  que  la  France,  fidèle  à  son 
fhèrae,  a  toujours  refusé  de  donner  formellement,  à  ces  transactions,  la 
sanction  de  la  coercition,  en  cas  de  refus  de  pacha  ;  2"  parce  que  lord 
Palmerston,  fidèle  aussi  à  son  thème,  a  toujours  refusé  de  laisser  au 
pacha  la  Syrie. 

Pour  avoir  des  chances  de  succès,  l'ouverture  de  l'Autriche  aurait  eu 
besoin,  d'abord  d'être  vivement  poussée  par  l'Autriche  et  la  Prusse  d'une 
part,  par  la  France  de  l'autre,  ensuite  d'être  sanctionnée  par  la  coercition 
unanime  en  cas  de  refus  du  pacha.  Ces  deux  conditions  lui  ont  également 
manqué. 

Pendant  le  cours  de  ces  essais  de  transaction,  un  double  travail  se  pour- 
suivait; 1°  En  Orient  par  la  France,  pour  amener,  sans  le  concours  des 
autres  puissances,  un  arrangement  direct  entre  le  sultan  et  le  pacha;  2"  à 
Londres,  par  lord  Palmerston,  pour  amener,  en  laissant  la  France  en  de- 
hors, un  arrangement  à  quatre  qui  assurât,  par  la  force,  la  restitution  de 
la  Syrie  au  sultan. 

L'explosion  de  la  tentative  d'arrangement  direct  entre  le  sultan  et  le 
pacha,  coïncidant  avec  l'insurrection  de  la  Syrie  contre  le  pacha,  a  décidé 
la  conclusion  de  l'arrangement  entre  les  quatre  puissances,  et  la  signature 
de  la  convention  du  15  juillet, 

La  convention  du  15  juillet,  c'est  le  thème  de  lord  Palmerston  mis  en 
pratique,  rien  de  moins,  rien  de  plus.  Il  n'y  a  là  point  de  coalition  géné- 
rale et  permanente  contre  la  France,  sa  révolution^  son  gouvernement. 


APPENDICE  585 

Ce  n'est  point  la  résurrection  de  la  Sainte-Alliance.  Il  n'y  a  point  de 
rapprochement  et  de  concert  entre  des  ambitions  naguère  rivales.  Ce 
n'est  point  une  préface  au  partage  de  l'empire  ottoman. 

Non-seulement  il  n'y  a,  en  fait,  rien  de  cela  dans  la  convention  du 
15  juillet,  mais  rien  de  seuddable  non  plus  en  intention,  et  si,  dans  l'état 
actuel  des  choses,  l'une  des  quatre  puissances  essayait  d'y  mettre  ou  d'en 
faire  sortir  cela,  l'alliance  se  dissoudrait. 

Il  y  a,  dans  la  convention  du  15  juillet  : 

Pour  V Angleterre  :  1°  L'alTaiblissement  du  pacha  d'Egypte,  vassal  Irop 
puissant  de  la  Porte,  ami  trop  puissant  de  la  France;  2"  l'abolition  du 
protectorat  exclusif  de  la  Russie  sur  la  Porte,  c'est-à-dire  la  Porte  forti- 
fiée, la  Russie  et  la  France  contenues  ; 

Pour  r Autriche  et  la  Prusse:  Les  mêmes  résultats  que  pour  l'Angle- 
terre; plus  une  alliance  de  ces  deux  puissances  avec  l'Angleterre,  ce  qui 
amène  quelque  aftaiblissement  de  la  Russie  ; 

Pour  la  Russie  enfin  :  L'ajournement  de  son  ambition  et  le  sacrifice  de 
sa  dignité  en  Orient;  mais  en  revanche  :  1"  la  séparation  de  la  France  et 
de  l'Angleterre  ;  2°  le  terme  des  engagements  périlleux  qu'elle  avait  con- 
tractés par  le  traité  d'Unkiar-Skélessi  ;  3"  tout  cela  sans  perte  réelle  de  la 
position  et  de  l'avenir  russes  envers  la  Porte,  probablement  même  avec  un 
affaiblissement  général  des  musulmans. 

La  convention  du  15  juillet, ainsi  rendue  à  son  vrai  sens  pour  les  quatre 
puissances  qui  l'ont  signée,  qu'y  a-t-il,  pour  la  France,  soit  dans  la  con- 
vention même,  soit  dans  la  façon  dont  elle  a  été  conclue? 

Il  y  a  une  offense  et  des  dangers. 

Pour  conclure  la  convention,  on  s'est  caché  de  la  France. Puis,  on  s'est 
excusé,  en  disant  que  la  France  aussi  s'était  cachée  des  quatre  puissances 
pour  tenter  défaire  conclure,  entre  le  sultan  et  le  pacha,  un  arrangement 
direct.  C'est  là  un  mauvais  procédé  ;  mais  ce  n'est  pas  l'offense  réelle. 

L'offense  réelle,  c'est  le  peu  de  compte  que  l'Angleterre  a  tenu  de 
l'alliance  française.  Elle  l'a  risquée,  elle  l'a  sacrifiée  pour  un  intérêt  très- 
secondaire,  le  retrait  immédiat  de  la  Syrie  au  pacha.  La  France  proposait 
le  statu  quo.  L'alliance  française  valait  bien  pour  l'Angleterre  l'ajourne- 
ment, jusqu'à  la  mort  du  pacha,  des  plans  de  lord  Palmerslnn,  sur 
l'Orient. 

Les  dangers  du  traité  sont  ceux  que  la  France,  depuis  l'origine  des 
négociations,  n'a  cessé  de  signaler  :  1"  la  résistance  obstinée  du  pacha  ; 
2"  l'ébranlement,  peut-être  le  bouleversement  de  l'empire  ottoman  ;  3° 
les  quatre  puissances  entraînées  au  delà  de  leur  but  par  la  nature  des 
moyens  qu'elles  seront  forcées  d'employer,  et  toutes  les  grandes  ques- 
tions, tous  les  événements  auxquels  peut  donner  lieu  leur  intervention 
armée  dans  l'empire  ottoman,  s'élevant  tout  à  coup  à  propos  de  la  petite 


586  appendice; 

question  de  la  Syrie.  Voilh  ce  qu'il  y  a,  pour  nous,  dans  la  convention  du 
15  jiiilleî.  Voilà  les  motifs,  qui  ont  déterminé  notre  altitude  et  nos 
préparatifs;  motifs,  à  coup  si^ir,  très-légitimes  et  suffisants.  On  a  bien 
légèrement  renoncé  à  notre  intimité.  On  a  bien  légèrement  ouvert  en 
Europe  des  chances  redoutables.  Nous  avons  ressenti  l'offense  et  pourvu 
au  danger.  Maintenant  la  convention  s'exécute.  Elle  s'exécute  sérieuse- 
ment, dans  son  but  avoué.  Quelle  conduite  prescrivent  au  gouvernement 
français,  d'abord  l'intérêt  national,  ensuite  la  politique  qu'il  a  constam- 
ment exprimée  et  soutenue  dans  le  cours  de  l'affaire? 

La  France  doit-elle  faire  la  guerre  pour  conserver  la  Syrie  au  pacha 
d'Egypte? 

Evidemment,  ce  n'est  pas  là  un  intérêt  assez  grand  pour  devenir  uncas 
de  guerre,  La  France,  qiii  n'a  pas  fait  la  guerre  pour  affranchir  la  Polo- 
gne de  la  Russie  et  l'Italie  de  l'Autriche,  ne  peut  raisonnablement  la 
faire  pour  que  la  Syrie  soit  aux  mains  du  pacha  et  non  du  sultan. 

La  guerre  serait  ou  orientale  et  maritime,  ou  continentale  et  générale. 
Maritime ,  l'inégalité  des  forces ,  des  dommages  et  des  périls  est 
incontestable.  Continentale  et  générale,  la  France  ne  pourrait  soutenir  la 
guerre  qu'en  la  rendant  révolutionnaire,  c'est-à-dire  en  abandonnant  la 
politique  honnête,  sage  et  utile  qu'elle  a  suivie  depuis  1830,  et  en  transfor-: 
niant  elle-même  l'aliiance  des  quatre  puissances  en  coalition  ennemie. 

L'inléièt  de  la  France  ne  lui  conseille  donc  point  de  faire,  de  la  ques- 
tion de  Syrie,  un  cas  de  guerre. 

La  politique  jusqu'ici  exprimée  et  soutenue  par  la  France,  quaiH  à 
l'Orient,  ne  le  lui  permet  pas.  Nous  avons  hautement  et  constamment  dit 
que  la  distribution  des  territoires  entre  le  sultan  et  le  pacha  nous  impor- 
tait peu  ;  que  si  le  pacha  voulait  rendre  au  sultan  la  Syrie,  nous  n'y  objec-^ 
tions  ])oint  ;  que  la  prévoyance  de  son  refus,  de  sa  résistance,  et  des  pérjla 
qui  en  devaient  naître  pour  l'empire  ottoman  et  la  paix  de  l'Europe,  était 
le  motif  do  notre  opposition  aux  moyens  de  coercition.  En  faisant  la 
guerre  pour  conserver  au  pacha  la  Syrie,  nous  nous  donnerions  à 
nous-mêmes  un  éclatant  démenti,  un  de  ces  démentis  qui  affaiblissent  en 
décriant. 

Est-ce  à  dire  que  la  France  n'ait  rien  à  faire  que  d'assister,  l'arme  &\\ 
bras,  à  l'exécution  de  la  convention  du  15  juillet,  et  que  son  langage, 
son  attitude,  ses  préparatifs,  doivent  rester,  en  tous  cas,  une  pure 
démonstration  ? 

Certainement  non. 

Si  le  pacha  résiste,  et  que  les  mesures  de  coercition  employées  par  les 
quatre  puissances  se  compliquent  et  se  prolongent,  alors  ce  que  la  France 
a  annoncé  peut  se  réaliser.  La  question  de  Syrie  peut  soulever  d'autres 
questions.   La  guerre   peut  naître  spontanément,  nécessairement,   par 


APPENDICE  587 

quelque  incident  imprévu,  au  milieu  d'une  situation  périlleuse  et  tendue. 

Si  la  guerne  naît  de  la  sorte,  non  par  la  volonté  et  le  l'ait  de  la  France, 
mais  par  suite  d'une  situation  que  la  France  n'a  point  créée,  la  France 
doit  accepter  la  guerre.  D'ici  là,  elle  doit  se  tenir  prête  h  l'accepter, 

Il  se  peut  aussi,  et  c'est,  h  mon  avis,  la  chance  la  plus  probable,  que, 
dans  le  cours  des  mesures  de  coercition  tentées  en  vertu  du  traité  du  15 
juillet,  les  quatre  puissances  soient  amenées  h.  intervenir  dans  l'enipire 
ottoman  d'une  façon  qui  oblige  la  France  à  y  paraître  elle-même,  non 
pour  faire  la  guerre  k  la  Porte,  ni  aux  quatre  puissances,  mais  pour  pren- 
dre elle-même,  dans  l'intérêt  de  sa  dignité  et  de  l'avenir,  des  sûretés, 
des  garanties.  Si  des  armées  européennes  entraient  en  Asie,  si 
des  forces  européennes  s'établissaient  sur  tel  ou  tel  point  de  l'empire 
ottoman,  soit  de  la  côte,  soit  de  l'intérieur,  si  des  troupes  russes  occu- 
paient Conslantinople  et  des  flottes  anglaises  et  russes  la  mer  de  Mar- 
mara, dans  ces  divers  cas  et  dans  tel  autre  qu'on  ne  saurait  déterminer 
d'avance,  la  France  pourrait  et  devrait  peut-être  intervenir,  à  son 
tour,  sur  le  théâtre  des  événements,  et  y  faire  acte  de  présence.  Quels 
seraient  ces  actes  ?  On  ne  peut  pas,  on  ne  doit  pas  le  dire  d'avance,  pas 
plus  que  les  cas  auxquels  ils  correspondraient  ;  tout  ce  qu'on  peut  dire, 
c'est  que  la  France  doit  être  décidée  et  prête  h  les  accomplir.  La 
guerre  pourrait  naître  de  ces  actes  ;  elle  serait  alors  inévitable  et  légitime. 
Je  penche  à  croire  qu'elle  n'en  naîtrait  pas,  et  que  les  quatre  puisances, 
h  leur  tour,  supporteraient  beaucoup  de  la  part  de  la  France  plutôt  que 
d'entrer  en  guerre  avec  elle,  quand  elle  aurait  fait  preuve  à  la  fois  de  mo- 
dération et  (le  vigueur. 

Voilà,  mon  cher  ami,  après  mûre  réflexion,  la  seule  conduite  qui  me 
paraisse  prudente,  conséquente  et  digne,  j'ajouterai  loyale.  J'ai  été  sur 
le  point  d'écrire  cela  à  M.  Thiers  lui-même,  J'y  ai  renoncé.  Je  ne  veux 
pas  qu'il  puisse  me  supposer  la  prétention  de  lui  dicter  sa  politiqi<e,  ou 
quelque  préméditation  de  séparation.  Mais,  d'une  part,  je  désire  qu'il 
sache  bien  ce  que  je  pense  ;  de  l'autre,  j'ai  besoin  de  savoir  moi-môme 
où  il  en  est,  et  s'il  se  propose  de  marcher  dans  cette  ligne-là  ;  car,  pour 
mon  compte,  je  n'en  pourrais  suivre  une  autre.  C'est  à  vous  que  je 
m'adresse  pour  être  édifié  à  ce  sujet,  bien  sùv  que  vous  comprendrez 
l'importance  que  j'y  attache.  Vous  pouvez  faire  de  ma  lettre  tel  usage  que 
vous  voudrez,  soit  la  montrer,  soit  la  garder  pour  vous  seul,  selon  ce  qui 
vous  paraîtra  bon.  Je  m'en  rapporte  à  vous  pour  faire  arriver,  comme  il 
convient,  la  vérité  que  je  dis,  et  pour  lu'envoyer  celle  que  je  demande. 

exil.  —  Lettre  du   due   de  Broglic  à  y%.  Giiizot  ,    en  date  du  1"  oc- 
tobre 1840(4   ehùlian   tS.ïU). 

Il  est  avéré  désormais  pour  tout  le  ruonde,  et  lord  Palmerslon  en  con- 


588  APPENDICE 

vient  lui-même,  que  l'envoi  de  M.  Walewski  a  eu  pour  objet  d'obtenir  des 
concessions  du  pacha,  et  non  de  le  pousser  à  une  résistance  aveugle  et 
opinâtre.  Il  est  avéré  pour  tout  le  monde  que  le  résultat  de  notre  inter- 
vention à  Alexandrie  a  été,  non  de  réduire,  mais  d'augmenter  ces  conces- 
sions. La  limite  en  est  atteinte,  du  moins  quant  h  la  France  et  à  ses  efforts. 
Elle  ne  prendra  plus  l'initiative  pour  demander  au  pacha  de  nouveaux 
sacrifices;  elle  trouve  le  terrain  pris,  d'après  ses  conseils,  sacre  et  conci- 
liant ;  pourvu  que  le  pacha  s'y  contienne,  pourvu  qu'il  se  garde  de  faire 
une  pointe  au  delà  du  Taurus,  pourvu  qu'il  se  borne  à  concentrer  ses  trou- 
pes sur  le  littoral  de  la  Syrie  et  à  défendre  sa  position  actuelle,  il  peut 
compter  sur  l'approbation  et  sur  les  bons  otïices  de  la  France,  sans  pré- 
judice des  déterminations  ultérieures  auxquelles  certaines  éventualités 
pourraient  la  porter,  dans  son  propre  intérêt,  mais  sans  aucun  engage- 
ment direct  ou  indirect,  pour  aucun  cas  quelconque.  C'est  là  la  substance 
d'une  dépêche  envoyée  à  M.  Cochelet.  La  même  déclaration  a  été  faite 
aux  ambassadeurs.  Son  but  est,  dans  le  cas  où  le  pacha  jugerait  à  propos 
de  tout  céder,  de  lui  en  laisser  la  responsabilité.  Je  trouve  cela,  pour  ma 
part,  raisonnable  et  digne.  Cela  est  d'ailleurs  conséquent;  nous  avons 
refusé  notre  appui  moral  au  traité  du  15  juillet,  en  nous  réservant  d'agir 
ainsi  qu'il  nous  paraîtrait  sage  et  convenable  ;  demander  au  pacha  plus 
que  ce  qu'il  concède  aujourd'hui,  ce  serait  lui  demander  d'adhérer  au 
traité  du  15  juillet.  Qu'il  le  fasse,  s'il  le  juge  h  propos  ;  mais  ce  n'est  pas 
à  nous  de  l'y  pousser. 

Cela  posé,  qu'y  a-t-il  à  faire  ? 

Trois  choses,  à  ce  qu'il  me  semble  : 

1°  Reculer,  autant  qu'il  sera  possible,  la  convocation  des  Chambres  ; 
éviter,  autant  que  possible,  d'être  poussé,  bon  gré  mal  gré,  à  des  engage- 
ments de  tribune  ;  gagner  du  temps  ; 

2°  Accueillir  sans  hauteur,  sans  humeur,  mais  aussi  sans  duperie,  les 
ouvertures  qui  pourraient  nous  être  faites  à  la  suite  des  propositions  du 
pacha,  de  quelque  part  qu'elles  viennent;  les  discuter  pour  ce  qu'elles 
peuvent  valoir,  et  ne  repousser  péremptoirement  qne  les  offres,  directes 
ou  détournées,  d'adhérer  au  traité  du  15  juillet.  11  y  a  malheureusement, 
quant  ci  présent  et  jusqu'à  ce  que  l'impuissance  de  ce  traité  ait  été  démon- 
trée par  les  faits,  très -peu  à  espérer  de  ces  ouvertures  :  supposé,  ce  qui 
est  douteux,  qu'il  nous  en  soit  fait.  Entre  le  traité  et  les  propositions  du 
pacha,  il  n'y  a  point  de  marge  réelle,  point  d'intermédiaire  véritable. 
Nous  ne  pouvons  adhérer  au  traité.  La  Prusse  et  l'Autriche  môme  accepte- 
raient peut-être  les  propositions;  mais  ni  l'une  ni  l'autre  n'ont  réellement 
voix  au  chapitre.  La  présomption  hautaine  de  celui  qui  dispose  en  maître 
du  cabinet  anglais  ne  lui  permettra  pas  de  céder;  et  la  Russie,  qui  perd 
toute  position  politique  si  la  France  et  l'Angleterre  se  réconcilient,  qui 


APPENDICE  589 

a  tout  sacrifié  pour  amener  la  rupture,  tout  joué  sur  celte  carte,  la  Russie 
ne  se  prêtera  probablement  à  rien.  Quoi  qu'il  en  soit,  encore  un  coup, 
attendre  et  ne  rien  rejeter  sans  discussion,  ne  montrer  ni  irritation  ni  dé- 
pit, et  s'il  y  a  moyen  de  traiter,  saisir  l'occasion  ; 

3"  Enfin  continuer  avec  ardeur  et  persévérance  les  préparatifs  d'arme- 
mement,  n'en  point  faire  étalage,  mais  ne  rien  suspendre  et  ne  rien 
négliger,  pousser  ces  préparatifs  quant  au  personnel,  jusqu'aux  limites 
légales,  quant  au  matériel  et  aux  forliftcallûns,  jusqu'aux  limites  du  possi- 
ble. Être  en  position,  le  moment  venu,  de  n'avoir  plus  à  demander  aux 
chambres  qu'une  augnienlaiion  de  personnel  k  verser  dans  des  cadres 
déjii  posés  et  la  ratification  de  ce  qui  a  été  fait  sans  elles.  Gela  est  de  la 
dernière  importance;  (luelle  que  soit  l'issue  de  tout  ceci,  il  faut  que  la 
France  en  tire  un  armement  conq)let,  que  l'imprévoyance  de  gouverne- 
ment représentatif  ne  permet  d'obtenir  que  dans  les  moments  d'urgence 
et  d'appréhension. 

Qu'arrivera-t-il  en  définitive? 

Personne  ne  peut  le  dire  d'avance  ;  mais  on  peut  du  moins,  selon  la 
méthode  que  les  mathématiciens  nomment  méthode  exhaustive,  poser  un 
certain  nombre  d'alternatives  entre  lesquelles  la  solution  doit  nécessai- 
rement se  trouver. 

Le  pacha  fera-t-il  une  pointe  sur  Gonstantinople,  et  amènera-t-il  par  là 
un  casus  fœderis  qui  dégénérerait,  selon  toute  apparence,  en  casus 
belli?  C'est  une  chance  qui  paraît  peu  probable  ;  soit  que  les  concessions 
obtenues  de  lui  proviennent  de  sa  faiblesse  ou  de  sa  raison,  elles  écar- 
tent, du  moins  quant  à  présent,  celte  appréhension. 
Cédera-t-il  tout? 

M.  Thiers  ne  le  craint  pas.  J'avoue  que,  quant  h  moi,  je  n'en  serais 
nullement  étonné.  Si  cela  arrive,  nous  n'y  pouvons  rien.  La  précaution 
prise  par  la  dépèche  dont  je  vous  parlais  en  commençant,  est  notre  seule 
sauvegarde;  mais  il  est  clair  que  nous  ne  ferons  pas  la  guerre  pour  lui 
reconquérir  ce  qu'il  lui  plaira  d'abandonner. 

Résistera-t-il  avec  avantage?  Réussira-t-il  à  garder  le  littoral  ,  à  jeter 
dans  la  mer  quiconque  débarquerait? 

C'est  là  notre  belle  carte  ;  c'est  celle  sur  laquelle  nous  avons  mis  à  la 
loterie.  Si  le  numéro  sort,  tout  ira  bien.  Si  le  traité  est  convaincu  d'im- 
puissance et  que  les  alliés  soient  mis  en  demeure  d'en  conclure  un  autre 
qui  livre  décidément  la  Turquie  à  la  Russie,  nous  aurons  beau  jeu,  soit  à 
Berlin,  soit  à  Vienne,  soit  même  dans  le  bein  du  cabinet  anglais,  pour  en 
prévenir  l'adoption. 

Reste  enfin,  et  malheureusement  c'est  ici  l'hypothèse  la  plus  vraisem- 
blable, reste  que  le  pacha  résiste  à  grand'peine,  et  qu'il  s'engage,  entre 
lui  et  les  alliés,  une  lutte  prolongée  qui  le  menace  de  sa  ruine. 


590  APPENDICE 

Si  cela  arrive,  logiquement,  nous  serions  tenus  de  rester  spectateurs 
impassibles;  pratiquement,  il  est  possible  que  la  position  devienne  inte- 
nable, que  l'honneur,  que  le  mouvement  de  l'opinion  nous  forcent  d'in- 
tervenir. 

Sous  quelle  forme,  en  quel  sens,  dans  quelle  mesure,  à  propos  de  quelle 
circonstance  celle  intervention  aurait-elle  lieu?  11  est  impossible  de  le 
dire  d'avance  ;  ce  qui  importe,  c'est  de  tenir  la  position  aussi  longtemps 
qu'elle  sera  tenable,  et  de  ne  rien  faire  qui  puisse  la  compromettre  d  priori 
et  de  dessein  prémédité. 

Ainsi,  par  exemple,  il  importe  de  tenir  notre  flotte  ensemble,  de  ne 
point  l'éparpiller,  de  la  maintenir  à  une  distance  suffisante  du  théâtre  des 
hostilités,  de  ne  se  livrer  à  aucune  demi-mesure,  à  aucune  de  ces  inter- 
ventions de  détail  qui  ne  portent  aucun  fruit  décisif  et  qui  engagent  sans 
secourir. 

L'avantage  d'une  position  isolée,  au  milieu  de  ses  inconvénients,  c'est 
de  ne  dépendre  de  personne,  de  faire  ce  que  l'on  fait,  rien  de  moins,  rien 
de  plus,  et  d'avoir,  jusqu'au  dernier  moment,  le  choix  du  parti  qu'on 
prendra.  L'avantage  particulier  de  la  France,  dans  la  position  actuelle, 
c'est  que,  s'il  y  a  guerre,  on  ne  la  lui  fera  pas,  c'est  elle  qui  la  fera.  Une 
faut  perdre  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  deux  avantages,  en  se  mettant  à  la 
merci  des  accidents  et  des  amiraux.  Ainsi,  comme  premier  plan  de  con- 
duite, n'envoyer  la  flotte  sur  le  théâtre  des  hostilités  qu'avec  des  instruc- 
tions positives,  pour  faire  ou  pour  interdire  quelque  chose  de  précis  et  de 
défini;  et  se  réserver  par  là,aubesoin,de  commencer  l'intervention  quand 
et  comme  on  voudra,  de  la  commencer  par  une  sommation  à  la  Prusse  et 
à  l'Autriche  et  par  une  menace  de  leurs  frontières,  si  c'est  alors  le  moyen 
qui  paraît  le  meilleur;  en  un  mot,  rester  dans  une  expectative  armée, 
mais  immobile,  jusqu'au  moment  où  l'on  croira  devoir  en  sortir  par 
quelque  acte  énergique  et  prémédité,  voilà  ce  que  la  prudence  semble 
commander. 

Et  non-seulement  c'est  là  la  conduite  prudente,  mais  c'est  là  la  con- 
duite honnête.  Il  s'agit  en  effet  d'engager  une  lutte  terrible  et  d'où  dépend 
le  sort  du  pays  ;  il  est  juste  et  honnêie  qu'il  en  ait  le  choix. 

Il  ne  faut  pas  que  le  roi  et  le  pays  se  réveillent  un  beau  matin  en  guerre 
avec  l'Europe  par  suite  d'un  i^ialentendu,  d'une  élourderie  ou  d'une  bra- 
vade. Quand  le  moment  sera  venu,  s'il  doit  venir,  il  faut  que  le  roi  et  le 
pays  en  délibèrent  ;  s'ils  jugent  que  le  cabinet  a  tort  de  croire  l'honneur 
de  la  France  compromis  par  une  plus  longue  inaction,  le  cabinet  se  reti- 
rera, et  d'autres  suivront  une  politique  conforme  à  leur  opinion.  Si  le 
roi  et  le  pays  sont  de  l'avis  du  cabinet,  alors,  mais  alors  seulement,  il 
faudra  prendre  son  parti.  Prétendre  soutenir  une  telle  lutte  sans  avoir, 
de  cœur  et  d'enthousiasme,  le  roi  et  le  pays  avec  soi,  ce  serait  folie. 


APPENDICE  !)9l 

Voilà,  mon  cher  ami,  le  résultat  de  nos  conversations.  Je  vous  le  trans- 
mets, tout  en  sachant  bien  que  les  événements  disposent  des  esprits  et 
des  volontés,  et  que  ce  qui  paraît  le  meilleur  peut,  ii  l'épreuve,  être  bien 
déconcerté. 

Ceci  était  le  résumé  fidèle  du  point  où  nous  étions  avant-hier  soir. 
Hier  malin,  la  nouvelle  du  bombaidoment  de  Heyroulh  est  ariivée.  Ce 
n'est  rien  de  plus  que  ce  h  quoi  l'on  devait  s'alleiulrc  ;  mais  l'émoi  est 
grand,  et  Dieu  veuille  qu'on  ne  se  lance  pas  dans  des  résolutions  préci- 
pitées. J'y  ferai  de  mon  mieux.  Il  y  a  eu,  dans  la  journée,  un  conseil  qui 
n'a  abouti  à  rien.  On  a  parlé  de  convoquer  les  Chambres,  On  a  parlé 
d'envoyer  la  flotte  pour  protéger,  par  sa  présence,  Alexandrie,  en  lais- 
sant tout  le  reste  suivre  son  cours  naturel.  Les  opinions  ont  été  divisées, 
et  déjli,  la  seconde  dépêche  télégraphique  étant  plus  tranquille  que  la 
première,  il  y  a  de  la  détente.  Je  vous  tiendrai  au  courant. 

CXIII.   —  Dépêche  da  ministre  des  afTairos  étrangères  (Thiers)  à 
M.  Gnizot,  en  date  da  3  octobre   1840  (O  châlian  125«). 

M.  l'ambassadeur,  vous  avez  eu  connaissance  de  la  dépêche  que  lord 
Palraerston  a  écrite  à  M.  Buhver,  pour  expliquer  la  conduite  du  gouver- 
nement britannique  dans  l'importante  négociation  qui  s'est  terminée  par  le 
traité  du  15  juillet.  Cette  dépêche,  dont  je  me  plais  à  reconnaître  que  le 
ton  est  parfaitement  convenable  et  modéré,  contient  cependant  des  asser- 
tions et  des  raisonnements  qu'il  est  impossible  au  gouvernement  du  Roi 
de  laisser  établir.  Sans  doute,  pour  ne  pas  aggraver  une  situation  déjii  si 
menaçante,  il  vaudrait  mieux  laisser  le  passé  dans  l'oubli,  et  ne  pas 
revenir  sur  des  contestations  trop  souvent  renouvelées  ;  mais,  outre  que 
lord  Palmerston  aurait  droit  de. trouver  mauvais  que  sa  communication 
restât  sans  réponse,  il  importe  de  représenter,  dans  sa  vérité,  la  conduite 
respective  de  chaque  cour,  pendant  celte  négociiition.  La  dépêclic  de 
lord  Palmerston,  communiquée  Ji  toutes  les  légations  sous  la  forme  d'exem- 
plaires imprimés,  est  déjà,  devenue  publique.  Il  était  donc  indispensa- 
ble d'y  faire  une  réponse.  Celle  que  je  vous  envoie,  et  dont  je  souhaite 
que  le  cabinet  britannique  ne  croie  pas  avoir  à  se  plaindre,  donnera  aux 
faits  qui  se  sont  passés  entre  les  divers  cabinets  le  sens  véritable  qu'ils 
nous  semblent  avoir.  Vous  voudrez  bien  en  laisser  copie  au  secrétaire 
d'État  de  Sa  Majesté  britannique. 

Si  j'ai  bien  saisi  l'ensemble  de  l'exposé  par  lord  Palmerston,  on  pour- 
rait le  résumer  comme  il  suit  : 

«  La  Grande  Bretagne,  co:nplètement  désintéressée  dans  la  question 
d'Orient  n'a  poursuivi  qu'un  seul  but:  c'est  l'indépendance  et  l'intégrité 
de  l'empire  ottoman.  C'est  ce  but  qu'elle  a  proposé  à  toutes  les  cours, 


592  APPENDICE 

qu'elles  ont  toutes  adopté,  qu'elles  ont  toutes  poursuivi,  la  France  comme 
les  autres.  Dans  ce  but,  il  fallait  réduire  à  de  moindres  proportions  les 
prétentions  démesurées  du  vice-roi  d'Egypte,  il  fallait  éloigner  le  plus 
possible  du  Taurus  les  possessions  et  les  armées  de  cet  ambitieux  vas- 
sal. Ce  qu'il  y  avait  de  mieux,  c'était  de  mettre  le  désert  entre  le  sultan 
et  le  pacha,  c'était  de  réduire  Méhémet-Ali  à  l'Egypte,  et  de  rendre  la 
Syrie  au  sultan  Abdul-Medjid.  Le  désert  de  Syrie  aurait  alors  servi  de 
barrière  entre  les  deux  états,  et  rassuré  l'empire  ottoman,  et  l'Europe, 
intéressée  au  salut  de  cet  empire,  contre  l'ambition  de  la  famille 
Egyptienne. 

«  C'est  toujours  là  ce  que  l'Angleterre  a  proclamé  à  toutes  les  époques 
de  la  négociation.  La  France,  par  la  note  collective  signée  à  Constanti- 
nople,  le  27  juillet  1839,  par  une  circulaire  adressée  le  17  du  même 
mois  h  toutes  les  cours,  la  France  avait  semblé  adhérer  au  principe  com- 
mun, en  proclamant  d'une  manière  aussi  absolue  que  les  autres  cabinets, 
l'indépendance  de  l'empire  ottoman. 

«Cependant,  elle  s'est  ensuite  éloignée  de  ce  principe,  en  demandant, 
au  profit  du  vice-roi,  un  démembrement  de  l'empire,  incompatible  avec 
son  existence.  Dans  le  désir  de  s'assurer  le  concours  de  la  France,  les 
quatre  cabinets,  signataires  du  15  juillet,  ont  fait  auprès  d'elle  des  ins- 
tances réitérées  pour  l'amener  à  leurs  vues.  Ils  lui  ont  même  fait  des 
sacrifices  considérables,  car  ils  ont  ajouté  à  l'Egypte,  héréditairement  con- 
cédée, le  pachalik  d'Acre,  moins  la  place  de  ce  nom  ;  et  ensuite  ils  ont 
consenti  à  y  joindre  la  place  elle-même  ;  mais  tous  ces  sacrifices  sont 
demeurés  inutiles  ;  la  France  a  persisté  à  s'éloigner  du  principe  que  les 
cinq  cabinets  avaient  cru  devoir  proclamer  en  commun. 

«  Les  autres  cours  n'ont  pas  pu  la  suivre  dans  cette  voie.  Quelque  dé- 
sir qu'elles  éprouvassent  de  s'assurer  son  concours,  elles  ont  diî  enfin  se 
séparer  d'elle,  et  signer  un  acte  qui  ne  doit  pas  la  surprendre,  car  elle 
avait  été  plus  d'une  fois  avertie  que,  si  on  ne  parvenait  pas  à  s'entendre, 
il  faudrait  bien  finir  par  résoudre  à  quatre  la  question  qu'on  ne  pouvait 
résoudre  à  cinq.  Quatre.cabinets,  étant  d'accord  sur  une  question  de  la 
plus  haute  impoi'tance,  ne  pouvaient  pas  indéfiniment  accorder  ci  un  cin- 
quième le  sacrifice  de  leurs  vues  et  de  leurs  intentions  parfaitement 
désintéressées.  En  effet,  lord  Palraerston  avait  soigneusement  répété  à 
l'ambassadeur  de  France,  que  la  proposition  contenue  depuis  dans  le 
traité  du  15  juillet,  était  son  uUnnatum,  et  que  cette  proposition  refusée, 
il  n'en  ferait  plus  d'autre.  Il  a  bien  fallu  passer  outre,  et  ne  pas  laisser 
périr  l'empire  ottoman  ])ar  de  trop  longues  hésitations.  Les  quatre  cours 
ne  sauraient  être  accusées  d'avoir  voulu  offenser  la  France  en  cette  occa- 
sion. 

«D'ailleurs,  en  agissant  ainsi,  les  quatre  cabinets  se  rappelaient  que  la 


APPENDICE  593 

France  avait,  au  mois  de  septembre  1839,  par  l'organe  de  son  ambassa- 
deur à  Londres,  proposé  un  plan  d'arrangement  fondé,  à  peu  de  choses 
près,  sur  les  mêmes  bases  que  le  traité  du  15  juillet;  que  plus  tard,  en 
combattant  le  projet  présenté  par  l'Angleterre,  elle  avait  reconnu  que, 
sauf  la  difliculté  et  le  danger  des  moyens  d'exécution,  il  serait  incontesta- 
blement préférable  à  tout  autre;  qu'enfin,  en  toute  occasion,  elle  avait 
manifesté  l'intention  de  ne  mettre  aucun  obstacle  à  ses  moyens  d'exécu- 
tion. Ils  devaient  donc  penser  que  si,  pour  des  considérations  particulières, 
elle  refusait  de  se  joindre  à  eux  pour  contraindre  Méhémet-Ali  par  la 
force,  elle  ne  mettrait  du  moins  aucun  obstacle  Meurs  efforts,  que  même 
elle  les  seconderait  par  l'emploi  de  son  influence  morale  à  Alexandrie. 
Les  quatre  cabinets  espèrent  encore  que,  lorsque  le  traité  du  15  juillet 
aura  reçu  son  accomplissement,  la  France  se  joindra  de  nouveau  à  eux 
pour  assurer  d'une  manière  définitive  le  maintien  de  l'empire  ottoman.  » 

Telle  est,  si  je  ne  me  trompe,  l'analyse  exacte  et  rigoureuse  de  l'exposé 
que  lord  Palmerston  et  les  quatre  cours  en  général  ne  cessent  de  faire  des 
négociations  auxquelles  a  donné  lieu  la  question  turco-égyptienne. 

D'après  cet  exposé,  la  France  aurait  été  inconséquente; 

Elle  aurait  voulu,  et  ne  voudrait  plus,  l'intégrité  et  l'indépendance  de 
l'empire  ottoman  ; 

Les  quatre  cours  auraient  fait  des  sacrifices  réitérés  à  ses  vues  ; 

Elles  auraient  fini  par  lui  présenter  un  ultimatum  fondé  sur  une  an- 
cienne proposition  de  son  propre  ambassadeur  ; 

Elles  n'auraient  passé  outre  qu'après  cet  ultimatum  refusé; 

Elles  auraient  droit  d'être  surprises  de  la  manière  dont  la  France  a 
accueilli  le  traité  du  15  juillet,  car,  d'après  ses  propres  déclarations,  on 
aurait  dû  s'attendre  qu'elle  donnerait  à  ce  traité  plus  qu'une  adhésion 
passive,  et  au  moins  son  influence  morale. 

Le  récit  exact  des  faits  répondra  complètement  à  cette  manière  de  pré- 
senter les  négociations. 

Lorsque  la  Porte,  marconseillée,  renouvela  ses  hostilités  contre  le  vice- 
roi,  et  perdit  à  la  fois  son  armée  de  terre  et  sa  flotte,  lorsqu'à  toutes  ces 
pertes  se  joignit  la  mort  du  sultan  Mahmoud,  quelle  fut  la  crainte  de 
l'Angleterre  et  de  la  France,  alors  toutes  deux  parfaitement  unies?  Leur 
crainte  fut  de  voir  Ibrahim,  victorieux,  franchir  le  Taurus,  menacer 
Constantinople,  et  amener  à  l'instant  même  les  Russes  dans  la  capitale 
de  l'empire  ottoman.  Tout  ce  qu'il  y  a  en  Europe  d'esprits  éclairés  s'as- 
socia à  cette  inquiétude. 

Quelles  furent  à  ce  sujet  les  propositions  de  lord  Palmerston?  Une  pre- 
mière fois,  en  son  nom  personnel,  une  seconde  fois,  au  nom  de  son  cabi- 
net, il  proposa  à  la  France  de  réunir  deux  flottes,  l'une  anglaise,  l'autre 
française,  de  les  diriger  vers  les  côtes  de  la  Syrie,  d'adresser  une  som- 

T.   i[.  «^8 


594  APPENDICE 

mation  aux  deux  parties  belligérantes,  afin  deles  obliger  à  suspendre  les 
hostilités  ;  d'appuyer  cette  sommation  par  les  moyens  luarilimes  ;  puis, 
de  réunir  les  deux  flottes,  et  de  demander  à  la  Porte  l'entrée  des  Darda- 
nelles, ou  même  de  forcer  ce  célèbre  passage,  si  la  lutte  entre  le  Pacha 
et  le  Sultan  avait  amené  les  Russes  à  Constantinople. 

Ce  que  l'Angleterre,  et,  avec  elle,  tous  les  politiques  prévoyants  en- 
tendaient alors  par  l'intégrité  et  l'indépendance  de  l'Empire  Ottoman, 
c'était  donc  de  le  préserver  de  la  protection  exclusive  des  armées  russes  ; 
et,  pour  prévenir  le  cas  de  cette  protection,  d'empêcher  le  vice-roi  de 
marcher  sur  Constantinople. 

La  France  entra  pleinement  dans  cette  pensée.  Elle  employa  son  in- 
fluence auprès  deMéhémet-Ali  et  de  son  fils  pour  arrêter  l'armée  égyp- 
tienne victorieuse;  elle  y  réussit;  et,  pour  parer  au  danger  plus  sérieux 
de  voiries  armées  russes  à  Constantinople,  elle  pensa  qu'avant  de  forcer 
les  Dardanelles,  il  convenait  de  demander  h  la  Porte  son  consentement 
à  l'entrée  des  deux  flottes,  dans  le  cas  où  un  corps  de  troupes  russes  au- 
rait franchi  le  Bosphore. 

L'Angleterre  accéda  à  ces  propositions,  et  les  deux  cabinets  furent  par- 
faitement d'accord.  Les  mots  d'indépendance  et  d'intégrité  de  l'empire  ot- 
toman ne  signifiaient  pas  alors,  on  ne  saurait  trop  le  faire  remarquer, 
qu'on  enlèverait  à  Méhémet-Ali  telle  ou  telle  partie  des  territoires  qu'il 
occupait,  mais  qu'on  l'empêcherait  de  marcher  sur  la  capitale  de  l'em- 
pire, et  d'attirer  par  la  présence  des  soldats  égyptiens  la  présence  des  sol- 
dats russes. 

Le  secrétaire  d'Etat  de  Sa  Majesté  britannique,  s'entretenant  à  ce  sujet 
avec  M.  de  Bourqueney,  le  25  mai  et  le  20  juin,  reconnaissait  qu'il  y  avait 
en  France  et  en  Angleterre  une  opinion  en  faveur  de  la  famille  Egyptienne; 
qu'en  France  cette  opinion  était  beaucoup  plus  générale  ;  que,  par  suite, 
le  gouvernement  français  devait  être  beaucoup  plus  favorable  que  le  gou- 
vernement anglais  à  Méhémet-Ali  ;  que  c'était  là  sans  doute  une  difficulté 
de  la  situation  ;  mais  que  c'était  une  considération  secondaire  ;  qu'une 
considération  supérieure  devait  dominer  toutes  les  autres  :  c'était  le  be- 
soin de  sauver  l'empire  ottoman  d'une  protection  exclusive,  et  tôt  ou  tard 
mortelle  pour  lui,  si  la  France  et  l'Angleterre  ne  s'entendaient  pas. 

La  France  partageait  ces  idées.  Sa  politique  tendait  conséquemment  à 
un  double  but,  celui  d'arrêter  le  vice-roi,  lorsque,  de  vassal  puissant  mais 
soumis,  il  passerait  au  rôle  de  vassal  insoumis  et  menaçant  le  trône  de  son 
maître;  et  de  substituer  à  la  protection  exclusive  d'une  puissance,  celle 
des  cinq  puissances  prépondérantes  en  Europe. 

C'est  dans  ces  vues  qu'elle  signa  en  commun  la  note  du  27  juillet,  note 
tendant  à  placer  la  protection  des  cinq  cours  entre  le  sultan  vaincu  et  le 
pacha  victorieux;  c'est  dans  ce  sens  qu'elle  adressa,  le  17  juillet,  une  cir- 


APPENDICE  595 

ciilaire  îi  toutes  les  cours,  pour  provoquer  une  profession  commune  de 
respect  pour  l'intégrité  de  l'empire  ottoman.  C'est  dans  ces  vues  qu'elle 
proposa  la  première  d'associer  l'Autriche,  la  Prusse,  et  la  Russie  elle- 
même,  k  toutes  les  résolutions  relatives  h  la  question  turco-égyptienne. 

Lord  Palmerstoii  se  rappellera  sans  doute  qu'il  était  moins  disposé  que 
la  France  à  provoquer  ce  concours  général  des  cinq  puissances  ;  et  le 
cabinet  français  ne  peut  que  se  souvenir  avec  un  vif  regret,  en  comparant 
le  temps  d'alors  au  temps  d'aujourd'hui,  que  c'était  sur  la  France  surtout 
que  le  cabinet  anglais  croyait  pouvoir  compter  pour  assurer  le  salut  de 
l'empire  turc. 

Personne  n'était  disposé  à  croire  alors  que  l'intégrité  de  l'Empireotto- 
raan  consistât  dans  la  limite  qui  séparerait  en  Syrie  les  possessions  du 
sultan  et  du  vice-roi.  Tout  le  monde  la  faisait  consister  dans  un  double 
fait  :  empêcher  Ibrahim  de  menacer  la  capitale,  et  dispenser  les  Russes 
de  la  secourir.  La  France  partageait,  avec  tous  les  cabinets,  cette  croyance 
à  laquelle  elle  est  restée  fidèle. 

L'Autriche  et  la  Prusse  adhérèrent  aux  vues  de  la  France  et  de  l'Angle- 
terre. La  cour  de  Russie  refusa  de  prendre  part  aux  conférences  qui  de- 
vaient se  tenir  à.  Vienne  dans  le  but  de  généraliser  le  protectorat  euro- 
péen à  l'égard  du  sultan.  Elle  approuvait  peu  l'empressement  des  puis- 
sances d'Occident  à  se  mêler  de  la  question  d'Orient.  «  L'empereur,  »  di- 
sait M.  de  Nesselrode,  dans  une  dépèche  écrite  le  6  août  1839,  à  M.  de 
Médem,  et  communiquée  officiellement  au  gouvernement  français,  «l'em- 
pereur ne  désespère  nullement  du  salut  de  la  Porte^,  pourvu  que  les  puis- 
sances de  l'Europe  sachent  respecter  son  repos,  et  que,  par  une  agitation 
intempestive,  elles  ne  finissent  par  l'ébranler,  tout  en  voulant  le  raffermir.  » 
La  cour  de  Russie  jugeait  donc  peu  convenable  de  s'interposer  entre  le 
sultan  elle  pacha,  croyait  qu'il  suffisait  d'empêcher  le  vice-roi  de  menacer 
Constantinople,  et  semblait  regarder  un  arrangement  direct  comme  la 
ressource  la  plus  convenable  à  cette  situation.  «  Du  reste,  »  disait  encore 
M.  de  Nesselrode  à  l'ambassadeur  de  France,  au  commencement  d'août 
1839,  «  un  peu  plus,  un  peu  moins  de  Syrie,  donné  ou  ôté  au  pacha,  nous 
touche  peu.  Notre  seule  condition,  c'est  que  la  Porte  soit  libre  dans  le 
consentement  qu'elle  donnera.  » 

A  cette  époque  donc,  les  quatre  cours,  d  epuis  signataires  dutraité 
du  15  juillet,  les  quatre  cours  n'étaient  pas,  comme  on  voudrait  le  faire 
croire  aujourd'hui,  unies  de  vues,  en  présence  de  la  France  seule  dissi- 
dente, empêchant  tout  accordpar  ses  refus  perpétuels. 

Le  danger  s'était  éloigné  depuis  qu'Ibrahim  avait  suspendu  sa  marche 
victorieuse.  Les  deux  parties  belligérantes  étaient  en  présence  :  le  pacha 
tout  puissant,  le  Sultan  vaincu  et  sans  ressources  ;  mais  immobiles  tous 
les  deux,  grâce  à  l'intervention  de  la  France.  Le  cabinet  britannique 


596  APPENDICE 

proposa  d'arracher  la  flotte  turque  des  mains  de  Méliémet-Âli.  La  France 
s'y  refusa,  craignant  de  provoquer  de  nouvelles  hostilités.  Alors  commença 
le  funeste  dissentiment  qui  a  séparé  la  France  de  l'Angleterre,  et  qu'il  faut 
à  jamais  regretter,  dans  l'intérêt  de  la  paix  et  de  la  civilisation  du 
monde. 

Les  mauvaises  dispositions  du  cabinet  britannique  contre  le  vice-roi 
d'Egypte  éclatèrent  avec  beaucoup  de  vivacité  :  la  France  chercha  à  les 
tempérer.  Le  cabinet  britannique,  sur  les  représentations  de  la  France, 
appréciant  le  danger  d'un  acte  de  vive  force,  renonça  à  recouvrer  la 
flotte  turque  par  des  moyens  violens  ;  cette  proposition  n'eut  pas  de 
suite. 

Il  était  devenu  nécessaire  de  s'expliquer  enfin,  pour  savoir  de  quelle 
manière  se  viderait  la  question  territoriale  entre  le  sultan  et  le  vice-roi. 
Le  dissentiment  entre  les  vues  de  la  France  et  de  l'Angleterre  éclata  plus 
vivement.  Lord  Palmerston  déclara,  qu'à  ses  yeux,  le  vice-roi  devait  re- 
cevoir l'Egypte  héréditairement,  mais  que,  pour  prix  de  cette  hérédité, 
il  devait  abandonner  immédiatement  les  villes  saintes,  l'île  de  Candie,  le 
district  d'Adana,  et  la  Syrie  tout  entière.  Toutefois  il  modifia  un  peu  ses 
premières  vues,  et  consentit  à  joindre  à  la  possession  héréditaire  de  l'E- 
gypte, la  possession  héréditaire  aussi  du  pachalik  d'Acre,  moins  la  place 
d'Acre. 

La  France  n'admit  point  ces  propositions.  Elle  jugea  que  le  vice-roi, 
vainqueur  du  sultan  à  Nézib.sans  avoirété  l'agresseur,  ayant  de  plus  con- 
senti à  s'arrêter,  quand  il  pouvait  fondre  sur  l'empire  et  renverser  le  trône 
du  sultan,  méritait  plus  de  ménagements.  Elle  pensa  que,  de  la  part  des 
puissances  qui  l'avaient  engagé,  en  1833,  à  accepter  les  conditions  de 
Kutahia,  il  y  aurait  peu  d'équité  h  lui  imposer  des  conditions  beaucoup 
plus  rigoureuses,  alors  qu'il  n'avait  rien  fait  pour  perdre  le  bénéfice  de 
cette  transaction.  Elle  crut  qu'en  lui  enlevant  les  villes  saintes,  l'île  de 
Candie,  le  district  d'Adana,  position  offensive,  et  qui,  restituée  h  la  Porte 
lui  rendait  toute  sécurité,  on  devait  lui  assurer  la  possession  héréditaire 
de  l'Egypte  et  de  la  Syrie.  La  victoire  de  Nézib,  gagnée  sans  agression 
de  sa  part,  aurait  pu  seule  lui  valoir  l'hérédité  de  ses  possessions  depuis 
le  Nil  jusqu'au  Taurus.  Mais  en  tenant  la  victoire  de  Nézib  pour  non  ave- 
nue, en  faisant  acheter  à  Méhémet-Ali  l'hérédité  au  prix  d'une  partie  de 
ses  possessions  actuelles,  il  y  avait  du  moins  rigoureuse  justice  à  ne  pas 
lui  enlever  plus  que  Candie,  Adana,  et  les  villes  saintes.  D'ailleurs,  la 
France  demandait  par  quels  moyens  on  prétendait  réduire  Méhémet-Ali  ? 
Sans  doute  les  cabinets  européens  étaient  forts  contre  lui,  lorsqu'il  voulait 
menacer  Constaniinople  ;  dans  ce  cas,  des  flottes  dans  ia  mer  de  iMarmara 
suflisaient  pour  l'arrêter.  Mais  pour  lui  ôter  la  Syrie,  quels  moyens  avait- 
on  ?  Des  moyens  peu  efficaces,  comme  un  blocus;  peu  légitimes,  comme 


APPENDICE  597 

des  provocations  k  l'insurrection  ;  très-dangereux,  très-contraires  au  but 
proposé,  comme  une  armée  russe!  La  France  proposa  donc,  en  septem- 
bre 1839,  d'adjuger  au  vice-roi  l'iiérédilé  de  l'Egypte  ri  l'hérédité  de  la 
Syrie.  Jamais  à  aucune  époque  de  la  négociation,  la  France  n'a  proposé 
autre  chose,  excepté  dons  ces  derniers  temps,  lorsqu'elle  a  conseillé  au 
vice-roi  de  se  contenter  de  la  possession  viagère  de  la  Syrie.  J'ai  examiné 
les  dépêches  antérieures  h  mon  administration,  et  je  n'y  ai  vu  nulle  part 
que  le  général  Sébastian!  ait  été  autorisé  à  proposer  la  délimitation  con- 
tenue dans  le  traité  du  15  juillet,  ou  qu'H  ait  spontanément  pris  sur  lui 
de  la  proposer.  Je  lui  ai  demandée  lui-même  quels  étaient  ses  souvenir.^  i\ 
cet  égard,  et  il  m'a  adirraé  qu'il  n'avait  fait  aucune  proposition  de  ce 
genre.  La  France  donc  proposa  en  1839  l'attribution  au  vice-roi  de  l'hé- 
rédité de  l'Egypte  et  de  l'hérédité  de  la  Syrie.  Elle  fut  raaiheureusement 
en  dissentiment  complet  avec  l'Angleterre. 

Ce  dissentiment,  à  jamais  regrettable,  fut  bientôt  connu  de  l'Europe 
entière.  Tout  à  coup,  et  comme  par  enchantement,  il  fil  cesser  les  diver- 
gences qui  avaient  séparé  les  quatre  cours,  et  amena  entre  elles  un  subit 
accord. 

L'Autriche,  qui  d'abord  avait  donné  une  pleine  adhésion  à  nos  propo- 
sitions, qui,  sur  le  point  de  notifier  cette  adhésion  à  Londres,  n'avait, 
nous  disait-elle,  suspendu  celte  notification  que  pour  nous  donner  le  temps 
de  nous  mettre  d'accord  avec  l'Angleterre,  l'Autriche  commença  à  dire, 
qu'entre  la  France  et  l'Angleterre,  elle  se  prononcerait  pour  celles  des 
deux  cours  qui  accorderait  la  plus  grande  étendue  de  territoire  au  sultan. 
Il  est  vrai  qu'alors  elle  protestait  encore  contre  la  pensée  de  recourir  à 
des  moyens  coërcitifs,  dont  elle  était  la  première  à  proclamer  le  danger. 
La  Prusse  adopta  le  sentiment  de  l'Autriche.  La  Russie  envoya  à  Londres 
M.  de  Brunnow,  en  septembre  1839,  pour  faire  ses  propositions.  La  Rus- 
sie, qui  naguère  repoussait  comme  peu  convenable  l'idée  d'une  interven- 
tion européenne  entre  le  sultan  et  le  vice-roi,  et  ne  semblait  voir  de 
ressources  que  dans  un  arrangement  direct  ,  la  Russie  adhérait 
maintenant  à  tous  les  arrangements  territoriaux  qu'il  plairait  h  l'Angle- 
terre d'adopter,  et  demandait,  qu'en  cas  de  reprises  des  hostilités,  on  la 
laissât,  au  nom  des  cinq  cours,  couvrir  Constantinople  avec  une  armée, 
tandis  que  les  flottes  anglaise  et  française  bloqueraient  la  Syrie. 

Ces  proposilions  réalisaient  justement  la  combinaison  que  l'Angleterre 
avait  jusque  là  regardée  comme  la  plus  dangereuse  pour  l'empire  otto- 
man,—  la  protection  d'une  armée  russe;  combinaison  redoutable,  non 
par  la  possibilité  qu'une  armée  russe  pût  être  tentée  de  rester  définitive- 
ment à  Constantinople,  mais  uniquement  parce  que  la  Russie,  ajoutant 
ainsi  au  fait  de  1833,  un  second  fait  exactement  semblable,  aurait  créé  en 
sa  faveur  l'autorité  des  précédents.  Ces  propositions  ne  furent  point  ac- 


598  PENDIGE 

cueillies.  M.  de  Brunnow  quitta  Londres,  et  y  revint  en  Janvier  18 /lO,  avec 
des  propositions  nouvelles.  Elles  différaient  des  premières  en  ce  qu'elles 
accordaient  à  la  France  et  à  l'Angleterre  la  faculté  d'introduire  chacune 
trois  vaisseaux  dans  une  partie  limitée  de  la  mer  de  Marmara,  pendant 
que  les  troupes  russes  occuperaient  Constantinople. 

La  négociation  s'est  arrêtée  là  pendant  plusieurs^raois,  depuis  le  mois  de 
février  jusqu'à  celui  de  juillet  1840.  Dans  cette  intervalle  un  nouveau 
ministère  et  un  nouvel  ambassadeur  ont  été  chargés  des  affaires  de  la 
France.  Le  cabinet  français  a  toujours  répété  qu'il  ne  croyait  pas  juste 
de  retrancher  la  Syrie  du  nombre  des  possessions  égyptiennes  ;  que,  s'il 
était  possible  que  le  vice-roi  y  consentît,  la  France  ne  pouvait  être,  pour 
le  vice-roi,  plus  ambitieuse  que  lui-même  ;  mais,  que,  s'il  fallait  lui  arra- 
cher la  Syrie  par  la  force,  le  gouvernement  du  Roi  ne  voyait,  pour  y  réus- 
sir, que  des  moyens  ou  inefficaces,  ou  dangereux ,  et  que,  dans  ce  cas,  il 
s'isolerait  des  autres  cours  et  tiendrait  une  conduite  tout  à  fait  séparée. 

Pendant  que  le  cabinet  français  tenait  ce  langage  à  Londres  avec  fran- 
chise et  persévérance,  l'ambassadeur  français  à  Constantinople  ne  cher- 
chait pas  à  négocier  un  arrangement  direct  entre  le  sultan  et  le  vice-roi; 
il  ne  donnait  pas,  ainsi  que  semble  le  croire  lord  Palmerston  sans  l'affir- 
mer, il  ne  donnait  pas,  le  premier,  l'exemple  de  la  séparation.  Jamais  no- 
tre représentant  à  Constantinople  n'a  tenu  la  conduite  qu'on  lui  prête  ; 
jamais  les  instructions  du  gouvernement  du  Roi  ne  lui  ont  prescrit  une 
pareille  marche.  Sans  doute  la  France  n'a  cessé  de  travailler  à  un  rappro- 
chement entre  le  sultan  et  le  vice-roi,  h  les  disposer  l'un  et  l'autre  à  de 
raisonnables  concessions,  h  faciliter  ainsi  la  tâche  délicate  dont  l'Europe 
s'était  imposé  l'accomplissement  ;  mais  nous  avons  constamment  recom- 
mandé, tant  à  M.  le  comte  de  Ponlois  qu'à  M.  Cochelet,  d'éviter  avec  le 
plus  grand  soin  tout  ce  qui  eiit  pu  être  considéré  comme  une  tentative  de 
mettre  à  l'écart  les  autres  puissances,  et  ils  ont  été  scrupuleusement  fidèles 
à  cette  recommandation. 

L'Angleterre  avait  à  choisir  entre  la  Russie  lui  offrant  l'abandon  du 
vice-roi,  à  condition  de  faire  adopter  les  propositions  de  M.  de  Brunnow, 
c'est-à-dire,  l'exécution  consentie  par  l'Europe  du  traité  d'Unkiar-Ské- 
lessi,  et  la  France  ne  demandant  qu'une  négociation  équitable  et  modérée 
entre  le  sultan  et  Méhémet-Ali,  une  négociation  qui  prévînt  de  nouvelles 
hostilités,  et,  à  la  suite  de  ces  hostilités,  le  cas  plus  dangereux  pour  l'in- 
tégrité de  l'empire  ottoman,  —  le  protection  directe  et  matérielle  d'un 
seul  État  puissant. 

Avant  de  faire  son  choix  définitif  entre  la  Russie  et  la  France,  le  ca- 
binet de  Londres  ne  nous  a  pas  fait  les  offres  réitérées  dont  on  parle,  pour 
nous  amener  à  ses  vues.  Seseffortssesont  bornés  aune  seule  proposition. 
En  1839^  on  accordait  au  vice-roi  [la  possession  héréditaire  de  l'Egypte 


APPENDICE  599 

et  du  pachiilik  d'Acre,  moins  la  citadelle.  En  IS^iO,  lord  Palmorslon 
nous  proposa  de  lui  accorder  le  pachalik  d'Acre,  avec  la  citadelle  de  plus 
mais  avec  l'hérédité  de  moins.  Assurément,  c'était  lii  retrancher  de  !a 
première  offre  pUis  qu'on  y  ajoutait,  et  on  ne  pouvait  pas  dire  que  ce  fût 
une  proposition  nouvelle  ni  surtout  plus  avantageuse. 

Mais  celte  proposition,  si  peu  digne  du  titre  de  proposilioa  nouvelle,  car 
elle  ne  contenait  aucun  avantage  nouveau,  n'avait  en  rien  le  caractère 
d'un  ultimatum.  Elle  ne  nous  fut  nullement  présentée  ainsi.  Nous  étions 
si  loin  de  la  considérer  sous  cet  aspect,  que,  sur  une  insinuation  de  MM.  de 
Bfilowet  de  Neumann,  nous  concevions  l'espérance  d'obtenir  pour  le  vi- 
ce-roi la  possession  viagère  do  toute  la  Syrie,  jointe  à  la  possession  hé- 
réditaire de  l'Egypte.  Sur  l'afllrmation  de  MM.  de  Biilow  et  de  Noumann, 
que  cette  proposition,  si  elle  était  faite,  serait  la  dernière  concession  de 
lord  Palraerslon,  nous  envoyâmes  M.  Eugène  Périer  k  Alexandrie  pour 
disposer  le  vice-roi  à  consentir  à  un  arrangement  qui  nous  semblait  le 
dernier  possible.  Ce  n'était  pas,  comme  le  dit  lord  Palmerslon,  faire  dé- 
pendre la  négociation  de  la  volonté  du  pacha  d'Egypte,  mais  disposer 
les  volontés  contraires  et  les  amener  à  un  arrangement  amiable  qui  pré- 
vînt le  cruel  spectacle  donné  aujourd'hui  au  monde. 

La  France  avait  quelque  droit  de  penser  qu'une  si  longue  négociation 
ne  se  terminerait  pas  sans  une  dernière  explication  ;  que  la  grande  et 
utile  alliance  qui,  depuis  dix  ans,  la  liait  à  l'Angleterre,  ne  se  dissou- 
drait pas  sans  un  dernier  effort  de  rapprochement.  Les  insinuations  qui 
lui  avaient  été  faites,  et  qui  tendaient  à  faire  croire  que  peut-être  oa 
accorderait  la  possession  viagère  de  la  Syrie  au  vice-roi,  devaient  l'entre- 
tenir dans  cette  espérance.  Tout  à  coup,  le  17  juillet,  lord  Palmerston 
appelle  au  Forein g- Office  l'ambassadeur  de  France,  et  lui  apprend  qu'un 
traité  est  signé  depuis  l'avant-veille  ;  il  le  lui  apprend  sans  môme  lui  don- 
ner connaissance  du  texte  de  ce  traité.  Le  cabinet  français  a  dû  en  être 
surpris.  Il  n'ignorait  pas  sans  doute  que  les  trois  i  ours  du  continent 
avaient  adhéré  aux  vues  de  l'Angleterre  ;  que,  par  conséquent,  un  arran- 
gement des  quatre  cours  sans  la  France  était  possible  ;  mais  il  ne  devait 
pas  croire  que  cet  arrangement  aurait  lieu  sans  qu'on  l'en  eùl  préalable- 
ment averti,  et  que  l'alliance  fiançaise  serait  aussi  promptemeiil  sacrifiée. 

L'offre  que  le  vice-ioi  a  faite,  en  juin,  au  sultan,  de  restituer  la  flulte 
turque,  et  dont  on  a  craint  de  voir  sortir  un  arrangement  direct  secrète- 
ment proposé  par  nous;  la  possibilité  qui  s'est  offerte  à  cette  époque 
d'insurger  la  Syrie,  paraissent  être  les  deux  motifs  qui  ont  fait  succéder 
à  une  longue  inertie  dans  le  cabinet  anglais  une  résolution  aussi  soudaine. 
Si  le  cabinet  britanni(jue  avait  voulu  avoir  avec  nous  une  dernière  et 
franche  explication,  le  cabinet  français  aurait  pu  lui  démontrer  que 
l'offre  de  renvoyer  lu  Hotte  n'était  pas  uue  combinaison  de  la  France 


600  APPENDICE 

pour  amener  un  arrangement  direct,  car  elle  n'a  connu  cette  offre 
qu'après  qu'elle  a  été  faite  ;  peut-être  aussi  aurait-il  pu  lui  persuader 
que  le  soulèvement  de  la  Syrie  était  un  moyen  peu  digne  et  peu  sûr. 

Tels  sont  les  faits  dont  la  France  affirme  la  vérité  avec  la  sincérité  et  la 
loyauté  qui  conviennent  à  une  grande  nation. 

Il  en  résulte  évidemment  :  — 

1°  Que  l'indépendance  et  l'intégrité  de  l'empire  ottoman  ont  été  en- 
tendus, au  début  de  la  négociation,  comme  la  France  les  entend  au- 
jourd'hui :  non  pas  comme  une  limite  territoriale  plus  ou  moins  avanta- 
geuse entre  le  sultan  et  le  vice-roi,  mais  comme  une  garantie  des 
cinq  cours  contre  une  marche  offensive  de  Méhéraet-Ali,  et  contre  la 
protection  exclusive  d'une  seule  des  cinq  puissances. 

2°  Que  la  France,  loin  de  modifier  ses  opinions  en  présence  des  quatre 
cours  toujours  unies  de  vues,  d'intentions  et  de  langage,  a  toujours  au 
contraire  entendu  la  question  turco-égyptienne  d'une  seule  manière  , 
tandis  qu'elle  a  vu  les  quatre  cours,  d'abord  en  désaccord,  s'unir  ensuite 
dans  l'idée  de  sacriûer  le  vice-roi,  et  l'Angleterre,  satisfaite  de  ce  sacri- 
fice, se  rapprocher  des  trois  autres,  et  former  une  union,  il  est  vrai, 
très-persévérante  aujourd'hui  dans  ses  vues,  très-soudaine,  très-inquié- 
tante dans  ses  résolutions. 

3°  Qu'on  n'a  pas  fait  à  la  France  de  sacrifices  réitérés  pour  l'attirer  au 
projet  des  quatre  cours,  puisqu'on  s'est  borné  à  lui  offrir,  en  1839,  de 
joindre  à  l'Egypte  le  pachalik  d'Acre,  sans  la  place  d'Acre,  mais  avec 
l'hérédité  de  ce  pachalik,  et  à  lui  offrir  en  1840,  le  pachalik  d'Acre  avec 
la  place,  mais  sans  l'hérédité. 

li"  Qu'elle  n'a  pas  été  avertie,  comme  on  le  dit,  que  les  quatre  cours 
allaient  passer  outre  si  elle  n'adhérait  pas  à  leurs  vues;  que,  tout  au  con- 
traire, elle  avait  quelques  raisons  de  s'attendre  à  de  nouvelles  proposi- 
tions ,  quand,  à  la  nouvelle  du  départ  de  Sarai-bey  pour  Constantinople 
et  de  l'insurrection  de  Syrie,  on  a  soudainement  signé,  sans  l'en  préve- 
nir, le  traité  du  15  juillet,  dont  on  ne  lui  a  donné  connaissance  que  lors- 
qu'il était  déjà  signé,  et  communication  que  deux  mois  plus  tard. 

5°  Enfin  qu'on  n'a  pas  droit  de  compter  sur  son  adhésion  passive  à 
l'exécution  de  ce  traité,  puisque,  si  elle  a  surtout  insisté  sur  la  difficulté 
des  moyens  d'exécution,  elle  n'a  toutefois  jamais  professé,  pour  le 
but,  pas  plus  que  pour  les  moyens,  une  indifférence  qui  permît  de  conclure 
qu'elle  n'interviendrait  en  aucun  cas  dans  ce  qui  se  passerait  en  Orient; 
que,  bien  loin  de  là,  elle  a  toujours  déclaré  qu'elle  s'isolerait  des  quatre 
autres  puissances,  si  certaines  résolutions  étaient  adoptées;  que  Jamais 
aucun  de  ses  agens  n'a  été  autorisé  à  dire  une  parole  de  laquelle  on  pût 
conclure  que  cet  isolement  serait  l'inaction  ;  et  qu'elle  a  toujours  entendu, 
comme  elle  entend  encore,  se  réserver  à  cet  égard  sa  pleine  liberté. 


APPENDICE  601 

Le  cabinet  français  ne  reviendrait  point  sur  de  telles  contestations,  si 
la  note  de  lord  Palraerslon  ne  lui  en  faisait  un  devoir  rigoureux.  Mais  il 
est  prêt  à  les  mellre  tout  b.  fait  en  oubli,  pour  traiter  le  fond  des  choses, 
et  attirer  l'attention  du  secrétaire  d'Etat  de  Sa  Majesté  britannique  sur 
le  côté  vraiment  grave  de  la  situation. 

L'existence  de  l'empire  turc  est  en  péril  ;  l'Angleterre  s'en  préoccupe, 
et  elle  a  raison;  toutes  les  puissances  amies  de  la  paix  doivent  s'en 
préoccuper  aussi;  mais  comment  faut-il  s'y  prendre  pour  raffermir  cet  em- 
pire ?  Lorsque  les  sultans  de  Gonstantinople,  n'ayant  plus  la  force  de 
régir  les  vastes  provinces  qui  dépendaient  d'eux,  ont  vu  la  Moldavie,  la 
Valachie,  et  plus  récemment  la  Grèce,  s'échapper  insensiblement  de 
leurs  mains,  comment  s'y  est-on  pris?  A-t-on,  par  une  décision  euro- 
péenne appuyée  sur  des  troupes  russes  et  des  flottes  anglaises,  cherché  à 
restituer  aux  sultans  des  sujets  qui  leur  échappaient?  Assurément  non.  On 
n'a  pas  essayé  l'impossible.  On  ne  leur  a  pas  rendu  la  possession  et  l'ad- 
ministration directe  des  provinces  qui  se  détachaient  de  l'empire.  On  ne 
leur  a  laissé  qu'une  suzeraineté  presque  nominale  sur  la  Valachie.  On  les 
a  tout  à  fait  dépossédés  de  la  Grèce.  Est-ce  par  esprit  d'injustice  ?  Non 
certainement.  Mais  l'empire  des  faits,  plus  fort  que  les  résolutions  des 
cabinets,  a  empêché  de  restituer  à  la  Porte  soit  la  suzeraineté  directe  de 
la  Moldavie  et  de  la  Valachie,  soit  l'administration  même  indirecte  de  la 
Grèce;  et  la  Porte  n'a  eu  de  repos  que  depuis  que  ce  sacrifice  a  été 
franchement  opéré.  Quelle  vue  a  dirigé  les  cabinets  dans  ces  sacrifices? 
C'est  de  rendre  indépendantes,  c'est  de  soustraire  à  l'ambition  de  tous  les 
états  voisins,  les  portions  de  l'empire  turc  qui  s'en  séparaient.  Ne  pouvant 
refaire  un  grand  tout,  on  a  voulu  que  les  parties  détachées  restassent  des 
états  indépendants  de  tous  les  empires  environnants. 

Un  fait  semblable  vient  de  se  produire  depuis  quelques  années,  relati- 
vement à  l'Egypte  et  la  Syrie  :  l'Egypte  a-t-elle  jamais  été  véritablement 
sous  l'empire  des  sultans?  Personne  ne  le  pense  ;  et  personne  ne  croirait 
aujourd'hui  pouvoir  la  faire  gouverner  directement  de  Gonstantinople.  On 
en  juge  apparemment  ainsi,  puisque  les  quatre  cours  décernent  à 
Méhémet-Ali  l'hérédité  de  l'Egypte,  en  réservant  toutefois  la  suzeraineté 
au  sultan.  Elles-mêmes,  en  cela,  entendent  comme  la  France  l'intégrité 
de  l'empire  ottoman  ;  elles  se  bornent  à  vouloir  lui  conserver  tout  ce 
qu'il  pourra  retenir  sous  son  autorité.  Elles  veulent,  autant  que  possible, 
un  lien  de  vasselage  entre  l'empire  et  ses  parties  détachées.  Elles  veulent, 
en  un  mot,  tout  ce  que  veut  la  France.  Les  quatre  cours,  en  attribuant  au 
vassal  heureux  qui  a  su  gouverner  l'Egypte  l'hérédité  de  cette  province, 
lui  attribuent  encore  le  pachalik  d'Acre,  mais  elles  lui  refusent  les  trois 
autres  pachaliks  de  Damas,  d'Alep,  de  Tripoli  :  elles  appellent  cela  sauver 
l'intégrité  de  l'empire  ottoman!  Ainsi,  l'intégrité  de  l'empire  ottoman 


602  APPENDICK 

est  sauvée,  même  quand  on  ne  détache  de  plus  Tripoli,  Damas,  el  Alep  ! 
Nous  le  disons  franchement,  une  telle  thèse  ne  saurait  se  soutenir  grave- 
ment devant  l'Europe. 

Evidemment,  il  ne  saurait  y  avoir,  pour  donner  ou  retirer  ces  pachaliks 
à  Méhéraet-Ali,  que  des  raisons  d'équité  et  de  politique.  Le  vice-roi 
d'Egypte  a  fondé  un  état  vassal  avec  génie  et  avec  suite.  Il  a  su  gouver- 
ner l'Egypte,  et  même  la  Syrie,  que  jamais  les  sultans  n'avaient  pu  gou- 
verner, lies  musulmans,  depuis  longteras  humiliés  dans  leur  juste  fierté, 
voient  en  lui  un  prince  glorieux  qui  leur  rend  le  sentiment  de  leur  force. 
Pourquoi  affaiblir  ce  vassal  utile,  qui,  une  fois  séparé  par  une  frontière  bien 
choisie  des  États  de  son  maître,  deviendra  pour  lui  le  plus  précieux  des 
auxiliaires?  Il  a  aidé  le  sultan  dans  sa  lutte  contre  la  Grèce  ;  pourquoi  ne 
l'aiderait-il  pas  dans  sa  lutte  contre  des  voisins  d'une  religion  hostile  à  la 
sienne?  Son  intérêt  répond  de  lui,  à  défaut  de  sa  fidélité.  Quand  Gons- 
tantinople  sera  menacée,  Alexandrie  sera  en  péril,  Méhémet-Ali  le  sait 
bien,  el  prouve  tous  les  jours  qu'il  le  comprend  parfaitement. 

Il  faut,  pour  garder  l'intégrité  de  l'empire  ottoman  depuis  Gonstanti- 
nople  jusqu'à  Alexajidrie,  il  faut  h  la  fois  le  sultan  et  le  pacha  d'Egypte, 
celui-ci  soumis  à  celui-là  par  un  lien  de  vasselage.  Le  Taurus  est  la  ligne  de 
séparation  indiquée  entre  eux.  Mais  on  veut  ôter  au  pacha  d'Egypte  les 
clefs  du  Taurus  :  soit  ;  qu'on  les  rende  à  la  Porte,  et,  pour  cela,  qu'on 
retire  le  district  d'Adana  à  Méhémet-Ali.  On  veut  lui  ôter  aussi  la  clef  de 
l'Archipel;  qu'on  lui  refuse  Candie  :  il  y  consent.  La  France,  qui  n'avait 
pas  promis  son  influence  morale  au  traité  du  15  juillet,  mais  qui  la  doit 
tout  entière  à  la  paix,  a  conseillé  ces  sacrifices  à  Méhémet-Ali;  et  il  les 
a  faits.  Mais,  en  vérité,  pour  lui  ôter  encore  deux  ou  trois  pachaliks,  et  les 
donner,  non  au  sultan,  mais  à  l'anarchie;  pour  assurer  ce  singulier 
triomphe  de  l'intégrité  de  l'emjjire  ottoman,  déjà  privé  de  la  Grèce,  de 
l'Egypte,  du  pachalik  d'Acre  ;  appeler  sur  cette  intégrité  le  seul  danger 
sérieux  qui  la  menace,  celui  que  l'Angleterre  trouvait  si  sérieux  l'année 
dernière,  que  pour  le  prévenir  elle  proposait  de  forcer  les  Dardanelles, 
c'est  là  une  manière  bien  singulière  de  pourvoir  à  ces  grands  intérêts  ! 

Admettons  cependant,  pour  un  moment,  que  les  vues  du  cabinet  bri- 
tannique soient  mieux  entendues  que  celles  du  cabinet  français;  l'alliance 
de  la  France  ne  valait-elle  pas  mieux,  pour  l'intégrité  de  l'empire  oUo- 
man  et  pour  la  paix  du  monde,  que  telle  ou  telle  délimitation  en  Syrie  ? 

On  ne  s'alarmerait  pas  tant  sur  l'intégrité  de  l'empire  ottoman,  si  on 
ne  craignait  de  grands  bouleversements  de  territoire  dans  le  inonde,  si 
on  ne  craignait  la  guerre,  qui  seule  rend  ces  bouleversements  possibles. 
Or,  pour  les  prévenir,  quelle  était  la  combinaison  la  plus  efficace?  N'était- 
ce  pas  l'alliance  de  la  France  et  de  l'Angleterre?  Depuis  Gadix  jusqu'aux 
bords  de  l'Oder  et  du  Danube,  demandez-le  aux  peuples.  Demandez-leur 


APPENDICE  G03 

ce  qu'ils  pensent  h  cet  égard,  et  ils  répondront  que  c'est  cette  alliance 
qui  depuis  dix  ans  a  sauvé  la  paix  et  l'indépendance  des  Étals,  sans  nuire 
à  la  liberté  des  nations, 

On  dit  que  cette  alliance  n'est  pas  rompue,  qu'elle  renaîtrait  après  le 
but  atteint  par  le  traité  du  15  juillet.  Quand  on  aura  poursuivi  à  quatre, 
sans  nous,  et  malgré  nous,  un  but  en  soi  mauvais,  que  du  moins  nous 
avons  cru  et  déclaré  tel,  quand  on  l'aura  poursuivi  par  une  alliance  trop 
semblable  à  ces  coalitions  qui  ont  depuis  cinquante  ans  ensanglanté  l'Eu- 
rope, croire  qu'on  trouvera  la  France  sans  défiance,  sans  ressentiment 
d'une  telle  offense,  c'est  se  faire  de  sa  fierté  nationale  une  idée  qu'elle  n'a 
jamais  donnée  au  monde. 

On  a  donc  sacrifié  gratuitement,  pour  un  résultat  secondaire,  une 
alliance  qui  a  maintenu  l'indépendance  et  l'inlégrilé  de  l'empire  ottoman 
beaucoup  plus  sûrement  que  ne  le  fera  le  traité  du  15  juillet  . 

On  dira  que  la  France  pouvait  aussi  faire  la  même  réflexion,  et  qu'elle 
pouvait,  si  la  question  des  limites  en  Syrie  lui  paraissait  secondaire,  se 
rendre  aux  vues  de  l'Angleterre,  et  acheter  par  ce  sacrifice  le  maintien 
de  l'alliance. 

A  cela  il  y  a  une  réponse  fort  simple.  La  France,  une  fois  d'accord  sur 
le  but  avec  ses  alliés,  aurait  fait,  non  pas  de  ces  sacrifices  essentiels 
qu'aucune  nation  ne  doit  à  une  autre,  mais  celui  de  sa  manière  de  voir 
sur  certaines  questions  de  limites.  Elle  vient  de  le  prouver  par  les  con- 
cessions qu'elles  a  demandées  et  obtenues  du  vice-roi.   Mais  oir  ne  lui 
a  pas  laissé  le  choix.  On  lui  a  fait  part  d'une  nouvelle  alliance,  quand 
déjà  elle  était  conclue.   Depuis,  toujours    fidèle  à  sa  politique  paci- 
fique, elle  n'a  cessé  de  conseiller  au  vice-roi  d'Egypte  la  plus  parfaite 
modération.  Bien  qu'armée  et  libre  de  son  action,  elle  fera  tous  ses  efforts 
pour  éviter  au  monde  des  douleurs  et  des  catastrophes.  Sauf  les  sacrifi- 
ces qui  coûteraient  h  son  honneur,  elle  fera  tous  ceux  qu'elle  pourra 
pour  maintenir  la  paix;  et  si  aujourd'hui  elle  tient  ce  langage  au  cabinet 
britannique,  c'est  moins  pour  se  plaindre  que  pour  prouver  la  loyauté  de 
sa  politique,  non-seulement  h  la  Grande  Bretagne,  mais  au  monde,  dont 
aucun  État  aujourd'hui,  quelque  puissant  qu'il  soit,  ne  saurait  mépriser 
l'opinion.  Le  secrétaire  d'Étal  de  Sa  Majesté  britannique  a  voulu  prouver 
son  bon  droit  :  le  secrétaire  d'État  de  Sa  Majesté  le  roi  des  Français  doit 
aussi  Ji  son  roi  et  h  son  pays,  de  prouver  la  conséquence,  la  loyauté  de  la 
politique  française,  dans  la  grave  question  d'Orient. 
Agréez,  etc. 

P. S.  8  Octobre.  —  Pendant  que  j'écrivais  cette  dépèche,  M.  l'ambas- 
sadeur, de  déplorables  événements  sont  venus  ajouter  encore  à  la  gravité 
de  la  situation.  Aux  démarches  conciliantes  du  vice-roi  d'Egypte,  on  a 


604  APPENDICE 

répondu  par  les  plus  violentes  hostilités.  La  Porte,  cédant  à  de  funestes 
conseils,  a  prononcé  sa  déchéance.  Il  ne  s'agit  plus  seulement  de  res- 
treindre la  puissance  de  Méhémet-Ali  ;  on  veut  le  faire  disparaître  de  la 
face  du  monde  politique. 

Si  c'étaient  là  les  intentions  sérieuses  des  puissances  unies  par  le 
traité  du  15  juillet,  s'il  fallait  voir  dans  ce  qui  vient  de  se  passer,  autre 
chose  que  l'entraînement  presque  involontaire  d'une  situation  fausse  dont 
on  n'a  pas  su  prévoir  les  conséquences,  en  vérité  il  y  aurait  à  déses- 
pérer du  rétablissement  de  l'harmonie  entre  les  grandes  puissances.  En 
conséquence,  je  crois  devoir  ajouter  à  la  présente  communication  la  note 
ci-jointe. 

CXIV.  —  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Granville,  en  date  du 
6  octobre   1840  (9  chàban  135«). 

Mylord,  le  gouvernement  de  S.  M.  a  été  informé  qu'au  commencement 
de  septembre,  le  prince  de  Metternich  a  communiqué,  par  un  canal  inter- 
médiaire, au  gouvernement  français,  l'opinion  renfermée  dans  l'écrit  que 
j'envoie  ci  joint  à  V.  E.;  mais  le  gouvernement  de  S.  M.  n'a  pas  appris  ce 
que  le  gouvernement  français  a  fait  à  ce  sujet.  Je  dois  conséquemment  invi- 
ter V.  E.  à  profiter  d'une  occasion,  en  vous  entretenant  avec  M.  Thiers, 
pour  faire  allusion ,  accidentellement,  à  l'opinion  énoncée  par  le  prince 
de  Metternich,  et  pour  lui  demander  s'il  a  fait  quelque  chose  à  cet  égard? 

J'ai  l'honneur,  etc. 

Annexe. 

Résumé  d'une  communication  faite  par  le  prince  de  Metternich  au 

gouvernement  français. 

Si  j'étais  le  ministre  français,  voici  la  position  que  je  choisirais  : 

Après  les  éclaircissements  qui  m'auraient  été  donnés,  et  après  avoir 
pris  connaissance  du  texte  de  la  convention  du  15  Juillet,  je  déclarerais  : 

1°  Que  la  France  proclame  aujourd'hui  comme  elle  n'a  cessé  de  le  faire 
jusqu'ici,  son  adhésion  au  principe  qui  sert  de  base  à  la  convention. 

2°  Que  la  France  ne  saurait  en  faire  autant  en  ce  qui  concerne  les 
mesures  coërcitives  dont  l'exécution  a  commencé  ;  non  que  la  France  ait 
l'intention  de  séparer  les  moyens  du  but,  mais  parce  qu'elle  ne  saurait  voir 
dans  les  moyens  adoptés  ceux  qui  peuvent  conduire  au  but  avec  sûreté. 

3»  Qu'en  conséquence,  la  France  ne  saurait  s'associer  à  l'emploi  des 
mesures  coërcitives,  mais  qu'elle  restera  fidèle  au  principe  de  soutenir 
l'empire  ottoman  et  le  trône  du  sultan. 

h°  Que  dans  le  cas  où  l'événement  constaterait  l'ineflicacité  des  moyens 
coërcitifs,  et  où  par  conséquent  il  résulterait  de  leur  emploi  des  dangers 


APPENDICE  605 

pour  hi  Porte  ottomane,  la  France  se  déclarera  prête  à  prendre  en  con- 
sidération avec  la  Porte  et  les  autres  puissances,  les  moyens  les  plus 
propres  de  secourir  l'empire  ottoman,  et  à  mettre  ces  moyens  à  exécution 
selon  les  circonstances  du  moment. 

CXV.    —    Circulaire    du    comte   de    IV'essclrode  aux  agents  diplonta- 
tiques  russes,  en  date  du  H  octobre  IHIO  (11  chûban  1256). 

Monsieur,  les  ratifications  de  la  Convention  du  3-15  juillet  viennent 
d'être  échangées  h  Londres  entre  la  Porte  ottomane,  la  Grande-Bretagne, 
l'Autriche,  la  Prusse  et  la  Russie. 

Je  me  hâte  en  conséquence  de  vous  en  transmettre  une  copie,  en  vous 
priant,  monsieur,  de  vouloir  bien  en  donner  communication  officielle  au 
gouvernement  auprès  duquel  vous  vous  trouvez  accrédité. 

Les  puissances  signataires  attendaient  avec  impatience  qu'il  leur  fût 
permis  de  faire  connaître  h  l'Europe  cette  transaction  importante,  pour 
fixer  l'opinion  générale  au  sujet  de  sa  teneur  réelle,  et  pour  rectifier  les 
idées  erronées  ou  incomplètes  auxquelles  elle  a  pu  donner  lieu.  Il  suffira 
pour  cela  d'une  lecture  attentive  de  l'acte  même  et  des  pièces  qui  en  font 
partie.  En  le  concluant,  les  puissances  n'ont  eu  d'autre  but  que  celui 
qu'elles  s'étaient  proposé  dès  l'origine,  c'est-à-dire,  d'assurer  sur  une 
forte  base  le  maintien,  sous  la  dynastie  actuelle,  de  l'intégrité  et  de  l'in- 
dépendance de  l'empire  ottoman.  En  offrant,  pour  atteindre  ce  but  salu- 
taire, leurs  secours  à  la  Sublime-Porte,  elles  n'ont  fait  que  remplir  l'enga- 
gement qu'elles  avaient  pris  envers  elle  par  la  note  collective  que  leurs 
représentants  àConstantinople  lui  avaient  adressée  le  27  juillet  de  l'année 
dernière,  au  moment  oii  le  sultan,  pressé  par  un  vassal  rebelle  et  réduit 
à  ses  propres  ressources,  était  sur  le  point  de  céder,  par  une  nécessité 
impérieuse,  aux  exigences  du  vainqueur.  Détourner  la  Porte  ottomane 
d'accepter  par  un  arrangement  direct  avec  le  pacha  d'Egypte,  les  condi- 
tions qui  lui  étaient  imposées  à  cette  époque,  c'était  de  la  part  des  puis- 
sances, contracter  vis-à-vis  d'elle  une  obligation  d'honneur  de  lui  pro- 
curer, par  leur  intervention,  des  conditions  plus  avantageuses.  La  cons- 
cience de  cette  obligation  a  dicté  aux  cours  signataires  les  stipulations  re- 
latives à  toute  la  partie  territoriale  de  l'arrangement,  et  déterminé  les  li- 
mites qu'elles  ont  cru  devoir  assigner  à  la  puissance  héréditaire  et  viagère 
du  pacha.  Le  respect  le  plus  scrupuleux  pour  l'indépendance  du  sultan, 
pour  ses  droits  de  souveraineté,  ressort  d'une  manière  évidente,  de  la 
lettre  et  de  l'esprit  du  traité.  En  effet,  c'est  au  sultan  qu'appartient  l'ini- 
tiative des  propositions  à  faire  au  vice-roi  d'Egypte.  C'est  à  la  réquisition 
du  sultan  que  sont  prises  les  mesures  de  force  ayant  pour  but  d'en  amener 
l'adoption.  Si  les  événements  devaient  appeler  les  forces  de  terre  et  de 


606  APPENDICE 

nier  des  alliés  au  secours  de  Constanlinople,  et  qu'il  fallût  mettre  les  deux 
détroits  des  Dardanelles  et  du  Bosphore  à  l'abri  d'une  agression,  c'est  en- 
core ti  l'invitation  du  sultan  que  celte  résolution  serait  prise;  c'est  avec 
son  autorisation  expresse,  qu'il  serait  temporairement  dérogé  au  principe 
en  vertu  duquel  l'entrée  de  ces  deux  détroits  a  été  de  tous  temps  fermée 
aux  vaisseaux  de  guerre  des  puissances  étrangères;  et  il  est  bien  entendu 
que  cette  exception  temporaire,  accordée  aux  seules  puissances  dont  la 
Porte  aurait  réclamé  l'appui,  ne  saurait  en  rien,  sur  ce  point,  altérer  ses 
droits  permanents.  A  cette  partie  de  la  transaction,  se  rattache  en  outre, 
en  ce  qui  concerne  en  particulier  la  Russie,  une  considération  importante. 
Dans  le  cas  oii  la  coopération  des  puissances  serait  jugée  nécessaire  pour 
mettre  Constanlinople  à  l'abri  d'une  agression,  il  est  établi  que  c'est  en  com- 
mun que  cette  coopération  sera  concertée.  Le  fait  seul  d'un  pareil  concert 
réduira  à  leur  juste  valeur  les  imputations  malveillantes  qui  attribuaient  à 
la  Russie  l'intenlion  de  vouloir  s'arroger  exclusivement  la  protection  de 
l'empire  ottoman. 

Tels  sont  les  principaux  trmts  qui  caractérisent  la  convention  que  j'ai 
aujourd'hui  l'honneur  cie  vous  communiquer.  Une  parfaite  unanimité  a 
présidé  aux  vues  des  cabinets  qui  en  ont  posé  les  bases  ;  un  égal  accord 
les  anime  dans  la  ferme  détermination  qu'ils  ont  prise  d'en  poursuivre 
l'exécution. 

Pour  assurer  à  cette  exécution  un  nouveau  gage  de  promptitude  et  de 
solidité,  ils  auraient  vivement  désiré  obtenir  l'appui  et  le  concours  du 
gouvernement  français.  Ce  désir  n'a  cessé  de  les  guider  depuis  l'ouverture 
des  négociations  qui  ont  précédé  le  traité,  et  ce  sont  les  efforts  qu'ils  ont 
faits  dans  ce  but,  qui  en  ont  si  longtemps  reculé  le  terme.  Mais,  le  cabinet 
des  Tuileries  n'ayant  pu  tomber  d'accord  avec  eux  sur  le  principe  des  me- 
sures coërcitives,  mesures  que  de  leur  côlé  ils  regardaient  comme  indis- 
pensable de  prévoir,  pour  amener  la  soumission  de  Méhémet-Ali,  ils  se  sont 
vus,  non  sans  un  regret  profond,  dans  la  nécessité  de  renoncer  k  une  coo- 
pération si  désirable.  Néanmoins,  comme  le  gouvernement  français,  tout 
en  objectant  contre  les  moyens,  s'est  constamment  déclaré  d'accord  avec 
les  quatre  autres  cours  sur  le  but  qu'elles  se'proposaient  d'atteindre,  elles 
se  Ualtent  que  la  position  qu'il  a  choisie  dans  la  question  d'Orient,  ne  fera 
point  tort  à  sa  solution  finale.  Elles  se  croient  d'autant  plus  fondées  h. 
l'espérer,  que  le  désintéressement  complet  qui  a  servi  de  base  à  la  con- 
vention du  3-15  juillet,  est  de  nature  à  enlever  aux  gouvernements  qui 
n'en  font  point  parl:e,  tout  motif  d'opposition  ou  même  d'inquiétude  ; 
qu'en  accordant  leur  assistance  au  sultan,  elles  n'ont  eu  en  vue  seulement 
que  le  maintien  de  la  paix  en  Europe  ;  qu'elles  ne  recherchent  pour  elles- 
mêmes,  dans  les  résultats  de  cette  convention,  aucun  avantage  particulier, 
aucun  agrandissement  de  territoire,  aucune  influence  exclusive;  et  qu'elles 


APPENDICE  607 

se  sont  donné  îi  ce  sujet  tous  les  gages  qu'on  pouvait  attendre  de  leur 
loyauté. 

Veuillez,  Monsieur,  en  coniniuniquaiit  le  traité  au  gouvernement.,,  lui 
faire  part  en  même  temps  de  toutes  les  considérations  que  je  viens  d'ex- 
poser ici.  Nous  nous  flattons  qu'il  voudra  bien  les  envisager  sous  le  même 
point  de  vue  que  nous,  et  ne  point  refuser  son  approbation  à  une  transac- 
tion qui,  dans  la  pensée  de  ceux  qui  l'ont  conclue,  n'a  d'autre  but  que  le 
maintien  de  l'autoriié  légitime  et  le  rétaf)lisseraent  de  la  paix  du  Levant, 
d'où  dépend  celle  de  l'Europe  entière.  Le  sutïrage  des  autres  cabinets 
constituerait  en  ce  moment  aux  yeux  des  puissances  signataires  de  la  con- 
vention, un  appui  moral  important.  Il  servirait  h  accélérer  l'ellet  salutaire 
de  leur  action,  et  ajouterait  une  garantie  puissante  à  toutes  celles  que 
leur  union  offre  ii  la  tranquillité  du  monde. 


FIN   DU   TOME   DEUXIEME 


TABLE  PAR  ORDRE  CHRONOLOfllQUE 

DES  MATIÈRES  llOiMENUES  DANS   l,K  DKIXlKMi;   \ 


TRAITÉS,    COIVVEMTIONS,    PROTOCOLES,    ETC. 

1775 

l'.igcs 
Mars 7.  ISrande-Bretngne,  Egypte.  Traité  de  commerce  et  de  navi- 
gation  {Il  moliarreni  1189) 71 

1785 
Janvier.  ..     9,  France,  Egypte.  Traité  par  rapport  aux  vaisseaux  des  négo- 
ciants français  venant  des  Indes  au  port  de  Suez  (27  sâfer  1 199).     76 

—  23.  Porte  ottomane,  France.  Convention  entre  le  chevalier  de 

Trnguel  et  le  grand  douanier  Youssouph  Cassab,  pour  la  pro- 
tection à  accorder  aux  négociants  français  venant  des  Indes  à 
Suez  (12  rébiul-éwel  1199) SO 

1796 

—  —     Porte  ottomane,  France.  Projet  d'une  convention  secrète 

(lail) 244 

1800 

Janvier  ...  24.  Porte  ottomane,  France.  Convention  d'El-Arich  pour  l'éva- 
cuation de  l'Egypte  par  les  troupes  françaises  (28  châban  1214),      7 

Avril 21.  Porte  ottomane.  France.  Capitulation  du  Caire  (26  zilcadé 

1 214) 18 

1801 

Mars 18.  France,  Crandc-Bretagne.  Capitulation  de  la  garnison  d'A- 

boukir  (3  zilcadé  1215) 30 

Juin 27.  Porte  ottomane,  France,  Grande-Bretagne  Conven- 
tion pour  l'évacuation  du  Caire  par  les  troupes  françaises 
(16  sàfer  1216) 31 

Aoû'  ...  .30.  Porte  ottomane,  France,  Grande-Uretagne.  Capitula- 
tion de  l'armée  d'Alexandrie  (20  rébiul-akliir  1216j 37 

Ociobie. ...      I.  France,  Grande-Bretagne.  Articles  préliminaires  de  paix, 

restitution  de  l'Egypte  à  la  Porte  (22  djémaziul-éwel  1216). .   . .    134 

180L' 
Féviier. ...   18.  France.  Grande-Bretagne.  Protocole  d'une  conférence.  — 
Demande  du  gouvernement  anglais  pour  l'admission  de  la  Porie 
comme  partie  contractante  et  accédante  au  traité  (15  ch  wal 
121ii) 125 

—  21.  France,  Grande-Br<'(agne.  J'rotocole  d'une  conférence,  ré- 

ponse du  plénipotentiaire  français  à  la  demande  du  plénipoten- 
tiaire anglais  dans  lu  srance  du  18  (18  chéwai    I21U) 1!5 


610  TAULE  l'AIV  UliDlΠ ClinONOLOGlQUE 

1802 

Page* 
Mars 0.  Frnnce.  Granilc- Bretagne.  Protocole  d'une  conrérence  con- 
tenant le  renouvellement  de  la  deni.mde  du  gouvernement  an- 
glais d'admettre  la  Porte  comme  partie  contractante  ou  acc(5- 
diinle  au  traité  (ô  zilcadé  121G^ i;{(i 

—  26.  Frnnce.  Leitre  du  premier  consul  à  M.  de  Talleyrand  porlant 

m  idifications  à  intioduiie  dans  la  rédaction  du  traité  à  interve- 
nir entre  la  Grande-Bretagne,  l'Espagne,  la  République  Batavc 
et  l.i  Tur((  lie  (20  zilcadé  121()) 13<.t 

—  37.  France,  Espagne.  République  batave.  Grande-Bre- 

tagne. Traité  de  paix  d'Amiens  (22  zilcadé  1216) 123 

iMii 13.  Porte  ottomane.  Accession  de  Selim  III  au  traité  d'Anveiis 

du  27  mars  1 1 1  mohariem  1217) 1 39 

Juin 26.  Porte  ottomane,  France,  Traité  de  paix  (24  sâfer  1217). .  . .   H6 

1829 

Septembic.  l/i.  Porte  ottomane,  Russie.  Art.  10  du  traité  de  paix  d'Andri- 

mple  pour  accéder  à  l'acte  du  22  marsl829  (16  rébiul-éwel  1245)    398 

1833 

Février..  , .  "25.  Porte  ottomane,  France.  Convention  au  sujet  de  la  média- 
tion de  la  France  entre  la  Porte  et  l'Egypte  (2  chéwal  12/18)  .  .  oôi 

1838 

Novembre.  23.  Porte  ottomane,  France.  Convention  formant  appendice 
aux  capitulations  gar;uilies  à  la  France  et  amendant  ou  modi- 
fiant, dans  l'intérêt  du  commerce  et  de  la  navigation  des  deux 
pajs,  certaines  stipulations  contenues  dans  les  capitulations 
(9  ramazan  12.Î4) 405 

1863 

Deccnibic. .     0.   Porte  ottomane.  Consuls.    Convention  entre  Djézaïrii-Ali- 

Pacha,  gouverneur  de  l'Egypte  et  les  consuls  (20  chàbaii  1218  .     07 


II 

COMRESPO.NDAiN'CLS,     DÉPÊCHE.S,    \OTKS,    MEMORANDL'MS,    LTC. 

16G2 

Jauvii  I.  .  .  12.  France.  Lettic  de  Louis  XIV  à  Mohammed  IV,  proposant  d'en- 
voyer le  sieur  de  La  Haye  fils,  comme  aniba.s>adeiir  (?1  'Iji'jua- 
ziul-éwel  1072) l/i<.) 

—  —  France.  Leitre  de  Louis  XIV  au  grami-vézir  au  sujet  de  l'envoi 

du  bioiii-  de.   La  Haye  fiis,  comme  ambass:ideur  (21  djémaziul- 
éwel  1072) 1  V.i 

—  20.   France.  Lrttre  de  Louis  XIV  à  son  chargé  d'atTaires  do  Roboli, 

l'invitanl  à  re.^ier  à  Coi.iiantinople  jus(|u'à  l'inrivée  du  sieur  de 

La  Haye(2')djémjziul-éwel  1072) 150 

—  —   Porte  ottomane.  Lettre  du  grand-vézir  à  Louis  XIV,  approuvant 

l'envoi  du  sieur  de  La  Haye  fi's,  comme  amba.-?aileur  '1072).  .    I.jO 


DES  MATIÈRES  CONTEMJF.S  f.A.NS  1,K   l>i:[  XIÈMn  VOIX'MK         (ill 

IfifiO 

Juin —  Porte  uttoniane.  I.ettro  do  Moliamnicil  IV  ;i  Louis  XIV  lui  an- 
nonçant le  départ  d'un  envoyé  au  sujet  du  rappel  de  smi  umhas- 

sndcur  (moliurroin  1080) 102 

—  —  Porte  otioniniie.  Lt'ltro  du  (!aïmecani  Moii>tapliapaclia  à 
M.  do.  Lionne,  niini«tre  dos  airaites  étrangères  de  France  au  si;- 
jet  du  rappel  de  l'ambassadeur  français  (moharrem  1080) 1  j.'5 

Décembre..  —  Porte  ottomane.  Lottrt>  do  l'ambassadeur  Suh'ynian-a^ba  au 
ministre  dos  alïairos  étrangères  de  France,  dom:uulant  une  ré- 
ponse à  la  lettre  do  MolKimmcd  IV  et  la  permisMon  de  s't  ii  re- 
tourner (rédjcb-cbàban  108  ) Ij'i 

1()70 

Janvioi'. . . .  20  France.  Mémoire  présenté  ;\  Louis  XIV  par  le  chevalier  d'Ar- 
vieux  au  sujet  des  aHairos  de  Consiantiiiop'e  et  du  commirco 
du  Levant  (27  cliâban  1081) 1  S-j 

1671 

Août IG.  France.  Loilre  du  miuistro   dos  .-iffaires  étrangères  au   grand- 

vézir,  lui  annonçant  le  rappel  de  l'ambassaiieur  de  Xointol  ilO 
rébiul-akhir  1082) 1G7 

1G72 

Mars —  France.  Lettre  do  rambassadour  de  iXointel  au  grand-vézir  lui 

demandant  audience  (zilcadé   1082) HiS 

Mai —  Porte  ottomane.  Loitro  du  g;Miid-vézir  à  1\L  do  X'ointol  eu  lé- 

ponse  à  sa  Ic'tre  de  mars  inii-molinrrom  1083) KiS 

Juin 16.  France.  Lettre  do  M.  de,  Nointol  au  c,raiu!-vézir  lui  annonçant  sua 

déjiart  (19  sàfcr  1083) 1(;S 


167; 


i) 


—  —  Porte  ottomane.  Lettre  de  Moliamniod  IV  à  Louis  XIV  au  sujet 

du  renouvcllomcnt  des  anciennes  capitulations  ((in  sàlVr  1081).  l(i',) 

Juin —  Porte  ottomane.  Lettre  du  grand-vézir  à  Louis  XV  pour  le 

renoivellement  dos  anciennes  capitulations  (fin  fâfer  108/|}.  ...    171 

t7/i6 

Décenibie. .    23,   Fratjee.    Lottic  du  coinle  Dosalieurs   ;\  Ahiiiod-Paclia  au  suj   t 

d'une  divers'on  des  Turcs  en  Hongrie  (0  zi'hidjé  11.t9' 171 

17/|7 

.Mars o.  France.  Dé,  ùclie  de  l'ambassadeur  de  Caslellane  à  M.  de  Puy- 

sioux.  ministie  des  afTaie.s étrangères.—  Hapports  avec  le  comte 

do  1  onncval  ;  11  rébiul  éu\  1  1160; 172 

.\oùt 15    France.  Dépotliv!  de  l'ambassadeur  Desalloius  au  inii.i.slic  dos 

affaires  étrangères  au  sujet  d'un  traité  d';unii^é  avec  la  i'orto 
(2'.)  -ixUv  ll(i2; 180 

17()'| 

Mai —    PorJe  «ttomant;    Xoïc  à  l'ambassadi  ur  de  Veigennes  au  sujet 

i\v  r.^otive  >.v  iioup(s  étraogèrcseï  Pologne  izilcadé  1177).    ..    181 


erj  TABLE  l'Ail  OliDUK  CJJUONOLOC.IQUE 

1769 

Mai —  France.  Mémoire  présrnté  par  M.  dt>  Vergenncs  à  Louis  XIV, 

retraçant  l'iiistorique  d'  la  politi(]Uc  ottomane  et  le  tableau  de 
sa  situation  (1182-1183) 181 

177/1 

—  —  Porte   ottomane.  Firman  pour  inlei-dire  l'enti'éc  du  port  de 

Supz  aux  navires  anglais  (1187-1188) 71 

1779 

—  —  Porte  ottomane.  Firman  pour  interdire  l'approche  des  côtes 

do  Suez  aux  navires  francs,  la  mer  de  Suez  étant  la  route  privi- 
légiée du  pèlirinage  de  la  Me:quc  (11931 73 

1792 

Septembre.  24.  France.  Note  de  l'ambassadeur  de  Choiseul  Gouffier.  —  Les  évé- 
nements arrivés  en  France  annuUent  ses  pouvoirs  (7  sâferl207.)  202 

Octobre.. .   16.  Poric  ottomane.  Héponse  à  la  note  de  M.  de  Choiseul  Gouffier 

du  2'4  septembre  (29  sâfer  1207) 202 

—  —    France.  Instruction  du  comité  diplomatique  de  la  convention  na- 

tionale au  citoyen  Sémonville  (1207) 202 

1793 

Janvier. ...  28.  France.  Lettre  du  comte  de  Provence  à  Sélim  III,  lui  deman- 
dant de  défendre  sa  cause  (15  djémaziul-akliir  1207) 204 

—  —  France,  Instructions  du  comité  diplomatique  de  la  convention 

nationale  au  citoyen  Descorches  (1207) 204 

Avril 1.  Antriche,  Prusse,  Russie.  Note  de  leurs  représentants  à  la 

Sublime-Porte,  demandant  la  suppression  de  la  cocarde  fran- 
çaise à  Constantinople  et  dans  les  Échelles,  etc.,  etc.,  (19  châban 

l'.'07) 20/1 

Juin 4.  .tutriche,  Prusse,  Russie.  Note  de  leurs  représentants  à  la 

Sublime-Porte   contre  l'ydmission  de  l'envoyé  Descorches  (24 

chéwai  1207) 206 

Août...      .   28.  France.  Conférence  du  citoyen  Descorches  avec  le   reïs-éfendi 

au  sujet  d'un  traité  à  conclure  avec  la  Porte  (20  moharrem  1208).  207 

—  30.  Porte  ottomane,  France.  Convention  (résumé)  signée  par  le 

citoyen  Descorches  (22  moharrem  1208) 207 

1795 

Octobre...  11.  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  comité  de  salut  public 
au  sujet  dos  diflérends  survenus  entre  la  Porte  et  la  légation  de 
Russie  (27  rébiuléwel  1210) 208 

—  J7.  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  comité  de  salut  public 

rendant  compte  d'une  conférence  avec  le  reïs-éfendi  (3  rébiul- 
akhir  1210) 214 

—  10.  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  comité  de  salut  pu- 

blic, au  sujet  des  différends  entre  la  Porte  et  la  Russie  (5  rébiul- 

akhir  1210)    21'.) 

Novembre..  ".  France.  Di'péche  de  l'envoyé  Verninac  au  comité  de  salut  publii; 
envoyant  une  lettie  du  reïs-éfendi  sur  le.s  bonnes  dispositions 
delà  l'orlc  (19  rébiul-akhir  1210) 'j'2i 


DES  MATIÈIIES  COINTENUES  DAiNS  LE  DEIJ\H>ME  VOLUME 


1795 


613 

Pages 


Avril. 

Mui. . 
Juin. 


Juillet.. 


Août. 


Octobre. 


Décembre..  22.  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  comité  de  salut  public 
;u:  snjot  dos  iiKiuiétudes  de  la  Porte  relativement  au  passage  de 
la  Pologne,  etc.  (10  djcmaziul-akhir  1210) 231 

179G 

23.  Franee.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  ministre  des  relations 
extérieures  Lacroix  au  sujet  d'un  traité  d'alliance  offensive  et 
défensive  avec  la  Porte  (1,5  cliéwal  1210) 231 

27.  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  sujet  de  l'envoi  en 

France  d'Ali-cfendi  comme  ambassadeur  (20  zilcadé  1210) 233 

2-i.  France.  Lettre  du  ministre  des  relations  extérieures  au  président 
du  directoire  exécutif,  annonçant  la  réception  de  deux  dépêches 
du  citoyen  Verninac  qui  a  reçu  du  reis-éfendi  un  contre-projet 
d  alliance  stipulant  la  concession  de  la  mer  Noire  (16  zilhidjé 

1210) 533 

0.  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  ministre  des  relations 
extérieures.  Rapports  avec  les  ambassadeurs  de  Venise  et  d'Es- 
pagne (3  moharrem  1212) 233 

18,  France.  Dépêche  de  l'envoyé  Verninac  au  ministre  des  relations 
extérieures  au  sujet  des  causes  de  la  déposition  du  reis-efcndi 

et  du  drogman  de  la  Porte  (13  sàfer  1211) 137 

9.  France.  Dépêche  chiffrée  de  l'envoyé  Verninac  au  ministre  des 
relations  extérieures  au  sujet  de  l'arrivée  de  son  successeur  le 

général  Aubert  du  Bayet  (6  rébiul-akhir  1211  j 2^il 

Novembre  7.  France.  Dépèclie  de  l'ambassadeur  Aubert  du  Bayet  au  ministre 
des  relations  extérieures  au  sujet  de  sa  remise  à  la  Porte  de  sa 
noie  servant  de  préambule  au  traité  d'alliance  (G  djémaziul-éwel 
12 11) -JMi 

1797 

IS.  France.  Dépêche  de  l'ambassadeur  Aubert  du  Bayet  au  ministre 
des  relations  extérieures  au  sujet  de  la  médiation  de  la  Porte 
entre  le  directoire  et  l'empereur  d'Allemagne  (20  châban  1211).   2^5 

—  Porte  ottomane.  Lettre  de  créance  d'Aali-éfendi,  ambassadeur 

à  Paris  (ramazan  1211) 2^8 

—  2ti.  France.  Dépêche  de  l'ambassadeur  Aubert  du  Bayet  au  ministre 

des  relations  extérieures  (-25  ramazan  1211) i>50 

Novembre..  10.  France.  Dépêche  de  l'ambassadeur  Aubert  du  Bayet  au  ministre; 
des  relations  extérieures  sur  l'effet  produit  par  l'annonce  de  la 
paix  conclue  entre  la  république  française  et  l'empereur  (20  djé- 
maziul-éwel)    252 

1798 

Avril 12.  France.  Arrêté  du  directoire  exécutif  donnant  ordre  an  général 

Bonaparte  de  faire  couper  l'isthme  de  Suez  et  d'assurer  à  la 
France  l'exclusive  possession  delà  mer  Rouge  (35  zilcadé  1212).    82 

—  12.  France.  Arrêté  du   directoire  exécutif  donnant  ordre  aux  fré- 

gates françaises  qui  se  trouvent  à  l'île  de  France  de  se  rendre 

dans  le  port  de  Suez  (25  zilcadé  1212) 82 

.\(iùi 2  j.  France.  Lettre  du  général  Bonaparte  au  chérif  d(;  la  Mecque  au 

sujet  de  la   protection  assurée  aux   négociants  (13  rébiul-éwel 
1213; 83 


Février. 


Mars 


61Û  TABLE  PAPi  ORDRE  CHRONOLOGTOUE 

1798 

Pages 
Décembre.     1.  France.  Instructions  du  général  lîonaparfo  au  général  Bon  pour 

rocciipation  do  Snuz  {22  diéniaziul-akhir  1213) 84 

1799 

Janvier. ...  2.  France.  Lettre  du  général  Bonaparte  au  divan  du  Caire  annon- 
çant qu'il  s'occupe  des  opérations  nécessaires  pour  désigner 
fendroit  par  où  peuvent  passer  les  eaux  pour  joindre  le  Nil  et 
la  mer  Rouge  (25  rédjeb  1213) 85 

—  25.  Franee.  Lettre  du  général  Bonaparte  au  cliéril'  de  la  Mecque, 

lui  envoyant  le  règlement  pour  la  douane  do  Suez. —  Suit  le  tarif 
du  droit  des  douanes  (18  châban  121.3) 80 

—  —  France.  Lettre  du  général  Bonaparte  à  l'Iman  de  Mascate  lui  an- 

nonçant l'arrivée  de  l'armée  française  en  Egypte  et  l'invitant  à 
faire  parvenir  cette  lettre  à  Tippo-S  ihib  (28  châban  1213) 87 

•luin 30.  France.  Lettre  du  général  Bonaparte  au  chérif  de  la  Mecque 

pour  l'engager  à  faire  partir  une  grande  quantité  de  bâtiments 
chargés  de  café  et  de  marchandise  des  Indes,  en  lui  assurant 
leur  protection  (26  moharrem  1 21  i).   87 

Novembre,.  15.  France.  Lettre  de  Bonaparte  à  Laplaco  au  sujet  de  la  réunion 
d'une  troupe  de  comédiens  pour  l'Egypte  (16  djémaziul-akhir 
121/i) 1 

—  18.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Moustapha-Rasikhi-efendi  ministre 

des  afl'aires  ^étrangères  à  Moustapha  au  sujet  des  lettres  du  gé- 
néral Kléber  (19  djémaziul  akliir  1214) 1 

Déceiiibre  .     2.  France.  Proclamation  du  premier  consul  Bonaparte  à  l'armée 

d(;rient  (4  rédjeb  1214).. 3 

—  Porte  ottomane.  Lettre  du  grand-vézir  au  général  Kléber  au 
sujet  de  l'évacuation  de  l'Egypte  par  les  troupes  françaises 
(rédjeb  1214) 3 

1800 

J;uivier. ...    —   Porte  ottomane.  Lfttre  du  grand-vézir  au  général  kléber.  — 

Évacuation  de  l'Egypte  (chàbau  121  't) 5 

—  13.  Porte  ottomane.  Lettre  du  grand-vézir  au  général  Kléber,  ;iu 

sujet  des  conférences  sur  l'évacualion  de  l'Egypte  (16  châban 
1214)... 4 

—  18.  France.  Lettre  du  général  Kléber  au  grand-vézir.  —  Négociations 

pour  l'éxacuation  de  l'Egypte  (21  châban  1214) 0 

Févriei....   21.  Grande-Bretagne.  Lettre  du   coniuiodoïc   Sidiiey    Sniiih    au 

général  Kléber.  — Exécution  du  24  janvier  (20  ramazan  1214K  .  11 
Mars 8.  Cirandc-Bretagne.    L'ttrc   du    commodore   Sidn>'y   Smith    à 

f'oussielgue,  administrateur  général  des  finances.—  Obstacles  à 

l'exécution  de  la  convention  du  24  janvier  (11  chéwai  1214).    . .     li 

—  18.  Grande-Bretagne.  Proclamation  du  général  Klél  er  portant  à 

la  connaissance  do  l'armée  la  hïitrc!  de  l'amiral  anglais  Keitli 
refusant  toute  capitulation  à  moins  que  l'armée  française  ne  se 
rinde  pri>.onni(;ic  de  guerre  (21  chéwai  121  i) i;i 

—  --  Port»'  oltomane.  Lettre  du  grand-vézir  au  comn;udori- Siiliiey 

Smitli,  dimiandani  rcxéciiio:!  entière  de  la  cotiV'Ution  du  2V 
janvier  (ché\v;il  121V' 1  > 


DES  MATiftRKS  CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  VOLUME        til'. 


1800  Vmuos 

Mnrs 10.  France.  Lettre  du  général  Kléber  :m  grand-vézir  annonçant  qu'en 

présence  de  l'opposition  du  gouvernement  anglais  à  l'exécution 
de  la  convention  du  2'i  janvier,  l'état  de  guerre  a  recommencé 
(22  cht'wal  12U) 15 

—  V8.  Grande-Bretagne.  Ordre  secret  des  lords  de  l'amirauté    à 

lord  Keith,  donnant  ordre  de  ne  pas  empêcher  l'exécution  de  la 

convention  du  24  janvier  (2  zilcadé  1214) 16 

Avril 20.  France.  Lettre  du  citoyen  Poussielguc  à  l'amiral  Keif,  drman- 

d;uit  la  révocation  des  ordres  qui  empêchent  l'ext^cution  de  la 
convention  du  24  janvier  (2 j  zilcadé  1214) l"* 

—  2o.  Crande-Br*tagne.  Lettre  de  l'amiral  Keith  au  citoyen  l'ous- 

si^-lgu';  en  réponse  à  sa  lettre  du  20  (2S  zilcadé  1214) 19 

Mai Ij.  France.  Lettre  du  piemier  consul  au  ministn;  des  relations  exté- 
rieures pour  l'inviter  à  détruire  les  bruits  désapprobatifs  sur 
la  capitulation  des  troupns  françaises  en  Egypte  (20  filhidjé 

1214) 20 

Juin. .    .    .   15.  France.  Ordre  du  jour  du  général  Menou  après  l'assassinat  du 

général  Kléber  (22  moharrem  1215) 21 

—  20.  France.  Lettre  du  général  Menou  au  commodore  Smith  au  sujet 

de  la  marche  à  suivre  pour  l'exécution  de  la  convention  du  24 
janvier  (27  moharrem  1215) 22 

—  22.  Grande-Bretagne.  Lettre  du   commodore  Smith  au  général 

Menou,  en  réponse  à  sa  lettre  du  20  (iO  moharrem  1215) 23 

Juillet —  Porte  ottomane.  Communication  à  l'envoyé  de  Prusse,  M.  de 

Rnobelsdorf,  demandant  les   bons  offices   de   la   Prusse    pour 

l'évacuation  de  l'Egypte  (rébiul-éucl  1215) 25 

Novembre..   13.  Porte  ottomane.  Lettre  du  divan  du  Caire  au  premier  consul 

Bonaparte  (25  djémaziul-akhir  1215) 2(i 

—  20.  France.  Pioclamation  du  général  Menou  aux  habitants  du  Caire 

(3  rédjpb  1215) 28 

1801 

Janvier.  ...  9  France.  Lettre  du  général  Menou  aux  cheiks  Abouket  et  Baraket 
pour  les  remercier  de  l'appui  qu'ils  ont  donné  aux  Français 
(17  chàban  1215) 29 

Février....  27.  France.  Lettre  du  premier  consul  Bonaparte  à  l'empereur 
Alexandre  1"  de  Russie  an  sujet  des  avantages  pour  le  commerce 
russe  du  canal  de  Suez  (13  chéwal  1215) 88 

Mars 5.  Proclamation  du  général  Menou  aux  habitants  de  l'Egypte,  pour 

les  inviter  au  calme  (19  chéwal  1215) oO 

Juin 29.  France.  Proclamation  du  général  Belliard  aux  habitants  de  l'E- 
gypte, leui'  annonçant  la  conclusio)i  de  la  paix  (18  sàfer  1216).     30 

1802 
.Mais 9.  Ldtre  du  premier  consul  à  Joseph  Bonaparte,  acceptant  l'invita- 
tion à  la  Porte  d'accéder  au  traité,  mais  se  réservant  de  faire 
un  traité  avec  cette  puissance  ,5  zilcadé  1210) 138 

—  2J.  France.  Lettre,  du  i)romi<T  consul  à  Joseph  Bonaparte  au  sujet 

de  l'article  relatif  à  la  lurquie  à  mettre  en  dernier,  iii  suppri- 
mant les  mots  :  aHicc  ilc  la  CruiKle-ISrelafjiic  (18  zilcadé  .1216).    LSO 
OctuliU'   ..   18    France.   Instructions  du  lucmier  consul  à  lambuisadcur  lirune 

(20  djémaziul-;.khir  121") 252 


616 


Janvier.. 


Février.. 


Mars.. 


Juillet.    . . . 
Septembre. 

Novembre  2 


Janvier. 


Février. 


Mars. 


Mai... 


TA  BLE  PAR  OIIDIΠ CIIKOAOLOCIQUE 
1803 

Pages 

L>5.  Franco.  Dépêche  du  général  Brune  ambassadeur  à  Constanti- 
nople  au  premier  consul  sur  la  négociation  relative  aux  béys 
d'Egypte  (Ki  chéwal  1217) 45 

30.  France.  Rapport  du  colonel  Sébastiani  au  premier  consul  (21 

cliéwai  1217).. t\6 

!i.  France.  Dépèche  du  général  Brune  au  premier  consul  au  sujet 

des  béys  d'Egypte  (28  chéwal  J  217) Gl 

21.  Crande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Whitworth  à  Paris  à  lord 
Hawkesbury,  ministre  des  affaires  étrangères,  rapportant  une 
conversation  avec  le  premier  consul  (28  chéwal  1217) G'J 

15.  Grande-Bretagne.  Note  du  ministre  des  affaires  étrangères 
à  Andreossi,  ambassadeur  de  France  à  Londres,  au  sujet  du 
rapport  du  colonel  Sébastiani  (21  zilcadé  1217) 63 

25.  Porte  ottomane.  Lettre  du  drogman  de  la  Sublime-Porte  à 
l'ambassadeur  de  France,  Brune,  pour  lui  annoncer  l'évacuation 
entière  d'Alexandrie  par  les  troupes  anglaises  (1  zilhidjé  1217),     04 

20.  Porte  ottomane.  Lettre  d'Ibrahim-béy  et  d'Osman-béy  au 
premier  consul  Bonaparte,  lui  demandant  sa  médiation  auprès 
de  la  Porte  pour  obtenir  la  paix  (26  zilcadé  1217) 64 

28.  France.  Note  de  l'ambassadeur  de  France  à  Londres  au  ministre 
des  affaires  étranjières  de  S.  M.  britannique  en  réponse  à  la 
note  du  1 5  (  i  zilhidjé  1217) 65 

20.  France.  Dépêche  du  général  Brune  au  suj3t  des  présents  en- 

voyés au  premier  consul  par  la  Porte  (20  rébiul-éwel  1218) . . .  254 
28.  France.  Lettre  du  premier  consul  au  ministre,des  relations  ex- 
térieures au  sujet  de  la  secte  des  Wohabites(11  djémaziul-akhir 

1218) - 6G 

4.  France.  Lettres  du  premier  consul  au  ministre  des  relations  ex- 
térieures, l'invitant  à  écrire  à  M.  Lesseps  d'accuser  réception  de 
la  lettre  d'Osman-béy  du  20  mars  (9  châban  1218) 66  et  67 

ISOû 

IC.  France.  Message  du  premier  consul  au  sénat  sur  l'appui  donné 

par  h-,  France  à  la  Porte  (3  chéwal  1218) 254 

24 .  France.  Lettre  du  premier  consul  au  citoyen  Régnier,  pour  faire 
répandre  le  bruit  d'une  expédition  en  Irlande  et  en  Morée  (11 
chéwal  1218) 254 

10.  Porte  ottomane.  Firman  de  la  Sublime-Porte  à  Djézaïrli-Ali- 
Pacha,  au  sujet  de  la  protection  à  accorder  aux  consuls  établis 
à  Alexandrie  (fin  chéwal  1218) 68 

14.  France.  Lettre  du  premier  consul  au  général  Brune  lui  envoyant 
une  lettre   pour  Sélim   III   par  les   soins  du  citoyen  Jaubert 

(2  zilhidjé  1218) 255 

8.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Sélim  III  au  premier  consul  en 
n'ponse  à  celle  envoyée  par  l'entremise  du  citoyen  Jaube  t.  (27 
moharrem  1219) 256 

21.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Sélim  III  à  Napoléon  1",  au  sujet 

de  !-es  bons  feciitimcnts  pour  sa  personne  (21  sàfer  1220) 350 

'.2.  France  Dépêche  du  général  Brum;  iiu  premier  consul  sur  la 
présentation  du  citoyen  Jaubert  au  sultan  Sélim  et  conienant 
une  noie  sous  foimc  d'office  au  grand-vé«ir  (11  sàfer  J21!>). .    .  260 


DES  MATIÈRES  CONTENUES  DA.XS  LE  DKLXIK.MK   \Ol,lMI-.         til7 

Page» 

Juin 20.   Porte  ottomane.  Aote  adressée  par  la  Sublime-Porte  à  l'ain- 

bassadeur  Brune  au  sujet  de  l'élévation  du  premier  consul  à 
l'empire  (1"  décade  rébiul-évvel  1219) .3 il 

—  28.    France.  Dépéclu,'  du  g(:n('Tal  Biuiie  a  Napoh'on  l'"^  lui  envoyant 

la  note  de  la  Porte  du  20  juin  (Ht  rébiul-éwel  1-219) 3.'|2 

—  29.   Porte  oitoinaue,  Frnnee.  Conférence  du  R(is-éfendi  avec  le 

général  Brune  au  sujet  du  titre  d'Imperator  à  reconnaître  à  Na- 
poléon I"  par  la  Porte  ^20  rébiul-éwel  1219) 3?i2 

Juilii't....     0.   France.  Lettre  de  Napoléon  I«' à  M.  de  Talleyrand  sur  l'arrivée 

de  M.  Jaubert  de  Constantinople  (20  rébiul-akliir  1219) 269 

—  17.  France.  Lettre  de  Napoléon  1='  au  général  Brunti  lui  envoyant 

des  instructions  sur  la  conduite  à  tenir  par  rapport  au  cabinet 
russe  (18  rébiul-akhir  1219) 270 

—  21.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  prince  de  Talleyrand  insistant 

pour  que  la  Porte  lui  donne  le  môme  titre  qu'à  l'empereur  d'Al- 
lemagne (4  djémaziul-évvel  1220) 352 

Août   l'}.  France.  Lettre  de  Napoléon  I»' au  secrétaire  interprète  Jaubert 

lui  donnant  ordre  de  voir  l'ambassadeur  turc  au  sujet  des  pro- 
jets de  la  Russie  (0  djéraaziul-éwel  1219) i7  j 

Septembre  20.  Porte  ottomane,  France.  Conférence  du  Reïs-éfendi  avec  le 
général  Brune,  au  sujet  de  la  reconnaissance  de  l'empereur  Na- 
poléon par  la  Porte  [lli  djémaziul-akliir  1219) 343 

—  29.  France.  Dépêche  du  général  Brune  à  Napoléon  1",  au  sujet  de 

sa  position  vis-à-vis  des  hésitations  de  la  Porte  à  reconnaître 
Napoléon  l"  comme  empereur  des  Français  (23  djémaziul-akhir 

1219) 344 

Octobre. . .     4.   France.  Note  du  général  Brune  à  la  Porte  demandant  ses  passe 

ports  (;:8  djémaziul-akliir  1-219). .    340 

—  —    Porte  ottomane,  Prusse.  Conférence  du  baron  de  Biélefeld 

chargé  d'affaires  de  Prusse  avec  le  Reïs-éfendi  sur  les  empêche- 
ments mis  parla  Russie  à  la  reconnaissance  par  la  Poite  de 
Napoléon  I"  comme  empereur  (rédjeb  1219) 340 

—  7.  Russie.  Note  de  M.  dltalinski  envoyé  de  Russie  à  la  Sublime- 

Porte,  contre  la  reconnaissance  par  la  Turquie  de  Napoléon  l" 
comme  empereur  (2  redjeb  1219) J40 

—  —    (birande-Bretagnc.  Note  de  sir  Stration  chargé  d'affaires  de  la 

Grande-Bretagne  à  la  Porte  annonçant  la  rupture  des  relations 
si  la  Turquie  reconnaît  l'empereur  Napoléon  (rédjeb  1219)     .  347 

—  14.  France.  Note  du  général  Brune  à  la  Sublime-Porte,  lui  repro- 

chant sa  dépendance  de  la  volonté  de  la  Russie  et  demandant 
de  nouveau  ses  passe-ports  (9  rédjeb  1219) 347 

—  17.  Porte  ottomane.  Note  au  {jénéral  Brune  en  réponse  à  celle  du 

14  octobre  (12  rédjeb  1219) 347 

—  24.  France.  Note  du  général  Brune  à  la  Sublime-Porte  demandant 

de  nouveau  ses  passe-ports  (19  rédjeb  1-219) 348 

Novembre.  7.  France.  Note  du  général  Brune  à  la  Sublime-Porte  exprimant  le 
regret  de  voir  le  ministère  ottoman  sous  Tinfluence  dune  cour 
étrangère  qui  le  maintient  dans  une  tutelle  humiliante  (3  chà- 
iKin    I219> ,. 3'48 

i.    il.  [\() 


618 


TABLE  PAIi  ORDRE  CHRONOLOlîIOUE 


180/1 

Pages 
Novembre.  —    France.   Dépèche  du   prince  de   Talleyraud   à  l'ambassadeur 
Brune  lui  enjoignant,  dans  le  cas  où  la  Porte  ne  reconnaîtrait 
pas  le  titre  impérial  dans  les  3  jours,  de  quitter  Constantinople 

(châbanl2l9) 348 

Décembre.  20.  France.  Dépèche  du  maréchal  Brune  à  Napoléon  I"  au  sujet  de 

son  départ  de  Constantinople  (17  ramazan  1219) 349 

—  23.  Grande-Bretagne,  Russie.  Note  protestant  contre  la  recon- 
naissance par  la  Porte  de  Napoléon  I"  comme  empereur  (20 
ramazan  1219) • 350 

1805 

Janvier. ...  30.  France.  Lettre  de  Napoléon  1"  à  Sélim  III,  au  sujet  des  desseins 

de  la  Russie  (29  chéwal  1219) 271 

Février. ...     0.  Porte  ottomane.  Ordre  pour  insérer  dans  les  firmans  le  titre 

de  padechah  et  imperator  de  France  (17  zilcadé  1220) 339 

21.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Halet-éfendi  ambassadeur  à  Paris 

à  Napoléon  I"  au  sujet  d'une  avance  de  60,000  francs  contre 
.     une  lettre  de  change  sur  Constantinople  (21  zilcadé  1219) 273 

Mai 21.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"  à  M.  de  Talleyrand  pour  lui  diie 

d'annoncer  l'envoi  à  Constantinople  du  général  Sébastian!  (3  ré- 
biul-évvei  1221) 274 

Juin 5.  Porte  ottomane.  Discours  de  Mouhib-éfendi  à  Napoléon  1", 

en  lui   présentant  une  lettre  de  félicitation  du  sultan  sur  son 
avènement  au  Irone  impérial  (18  rébiul-éwel  1221) 274 

—  11.  France.  Lettre  de  Napoléon  l"  au  prince  de  Bénévent  au  sujet 

des  menées  de  la  Russie  en  Turquie  (24  rébiul-éwel  1221) 275 

—  19.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"^  au  prince  de  Bénévent  au  sujet 

d'une  réponse  à  faire  à  Ali-pacha  (2  rébiul-akhir  1 221) 270 

—  20.  France.  Lettre  de  Napoléon  I  '  à  Sélim  III  (3  rébiul-akhir  1221).  277 

—  28.  France.  Lettre  de  Napoléon  1"  au  prince  Eugène  au  sujet  de 

l'envoi  de  troupes  en  Albanie  (11  rébiul-akhir  1221) 278 

Juillet 3.  France.  Lettre  de  Napoléon  l"  au  prince  Eugène  au  sujet  de  la 

position  du  général  Lauriston  au  Monténégro  (15  rébiul-akhir 
1221) 278 

—  28.  France.  Lettre  de  Napoléon  l"  au  prince  de  Talleyrand  au  sujet 

de  la  violation  du  territoire  turc  par  les  Monténégrins  (11  djé- 

maziul-éwel  1221) 279 

Septembre.  16.  France.  Note  du  général  Sébastiani  ambassadeur  à  Constanti- 
nople à  la  Sublime-Porte  (3  rédjeb  1221) 27!i 

Novembre..  11.  France.  Lettre  de  Napoléon  P"^  à  Sélim  III  lui  annonçant  ses 

victoires  sur  la  Prusse  (29  châban  1221) 281 

30.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Sélim  III  à  Napoléon  I"  (19  rama- 
zan 1221) 282 

Décembre.,     l.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"  à  Sélim  III  (20  ramazan  1221). ..  i84 

1.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"  au  général  Sébastiani  l'autorisant 

à  signer  avec  la  Porte  un  traité  secret  lui  garantissant  la  Molda- 
vie, la  Valachie  et  la  Servie  (20  ramazan  1221) -84 

^  8.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Sélim  III  à  Napoléon  I"  annonçant 

l'envoi  d'un  agent  pour  conclure  une  alliance  (27  ramazan  12211.  285 


DES  MATIKP.ES  CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  VOLUME        V>{9 

1805 

Pages 
Décembre.   11.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"  à  rarchicliancelier  Cambacérès 
lui  donnant  ordre  d'envoyer  un  courrier  à  (lonstantinople  pour 
annoncer  à  la  Porte  les  événennents  accomplis  en  Europe  (30  ra- 
niazan  1221) IS7 

—  13.  France.  Lettre  de  Napoléon  I*'  au  grand-duc  de  Berg  contre  l'an- 

nonce par  afliche  de  la  déclaration  de  guerre  entre  la  Porte  et 
la  Russie  (2  chéwal  1221) i;88 

—  27.  France.  Lettic  de  Napoléon  P''  au  prince  de  Bénévent,  le  char- 

geant d'annoncer  à  Constantinoplc  ses  victoires  sur  la  Russie 

(2  chéwal  1221) 288 

—  30.  France.  Note  rédigée  par  Napoléon  1"  pour  être  publiée  dans  lo 

Moniteur  au  sujet  des  rapports  entre  la  Porte  et  la  Russie  (19 
chéwal  1221) 288 

1807 

Janvier 1.  France.  Lettre  de  Napoléon  1"  à  Sélim  III  (21  ciiéwal  1221). . .   280 

—  "i.  Porte  ottomane.  Note  circulaire  aux  représentants  des  puis- 

sances  étrangères  annonçant  la    fermeture  de  la  mer  Noire 

(8  zilcadé  1221) 332 

—  20.  France.  Lettre  de  Napoléon  I"  à  Sélim  III  (11  zilcadé  1221). . .  290 
20.  France.  Dépêche  du  prince  de  Talleyrand  au  général  Sébastiani 

sur  les  mesures  à  prendre  par  la  Porte  contre  la  Russie  (11  zil- 
cadé 1221) i90 

—  29.  France.  Lettre  du  maréchal  Berthier  adressée  par  ordre  de  Na- 

poléon l"  au  général  Marmont  lui  donnant  ordre  d'envoyer 
des  officiers  du  génie  à  Constantinoplc  (20  zilcadé  1221) 291 

—  29.  France.  Lettre  de  Napoléon  I'"  au  prince  de  Talleyrand  pour  lui 

dire  d'écrire  au  général  Sébastiani  au  sujet  de  l'ordre  qu'il  a 
donné  au  général  Marmont  d'aider  les  pachas  en  munition  de 
guerre  et  secours  d'argent  (20  z.lcadé  1221) 293 

—  —  France.  Note  du  général  Sébastiani  à  la  Porte  demandant  l'ar- 

restation des  Anglais  résidants  en  Turquie  et  la  mise  sous  sé- 
questre de  leurs  propriétés  (1221) 293 

Février.. .  .     9.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Sélim  III  à  Napoléon  l"  (1  zilhidjé 

1221) 294 

—  9.  France.  Lettre  du  général  Sébastiani  au  prince  de  Talleyrand  au 

sujet  du  désir  de  la  Porte  de  conclure  un  traité  offensif  et  dé- 
fensif  avec  la  France  (1  zilhidjé  1221} 290 

—  17,  France.  Message  de  Napoléon  I"  au  sénat  pour  lui  annoncer  la 

communication  du  rapport  du  ministre  des  afl'aires  étrangères 
sur  les  dangers  de  la  Porte  (9  zilhidjé  1221) 297 

—  20.  France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  prince  de  Talleyrand 

sur  l'entrée  des  vaisseaux  anglais  dans  les  Dardanelles  (12  zil- 
hidjé 1221) 298 

Mars 3.  France.  Lettre  de  Napoléon  I''  au  prince  de  Talleyrand  sur  les 

vues  de  l'Autriche  (23  zilhidjé  1221) 298 

—  9.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Sélim  III  à  Napoléon  I"  au  sujet 

de  l'arrivée  de  l'escadre  anglaise  devant  Constantinople  (29  zil- 
hidjé 1220) 299 


620  TABLE  PAU  OKDP.R  GtmO\OLO(UQUfc: 

1807 

Pages 

Mars 11.  France.  Lettre  de  i\apoléon  l"'  au  prince  de  Talleyraiid  au  sujet 

d'une  demande  de  la  Porte  d'envoi  d'ofliciers  français  (1  mohar- 
rem  1222) 300 

—  11.  France.  Lettre  de  Napoléon  !"■  au  prince  de  Talleyrand  autori- 

sant le  général  Sébastiani  à  recevoir  la  croix  du  Croissant 
(1  moharrem  1222) 300 

—  12.  France.  Lettre  de  Napoléon  1"  au  prince  Eugèûe  lui  envoyant 

ses  instructions  (2  moharrem  1222) 301 

—  —    Porte  ottomane.  Lettre  d'Aali-paclia  (de  Yanina)  à  Napoléon 

I"  réclamant  sa  protection  (1222) 301 

Juillet 9.  France.  Réponse  de  Napoléon  1*   à  la  lettre  d'AaIi-pacha  (3  djé- 

maziul-éwel  122:2} 302 

Septem;  re.     7.  France.  Dépêche  de  M.  de  Champa^ny  au  général  Sébastiani, 

au  sujet  du  traité  de  Tilsilt  (4  rédjeb  1222) 302 

Novembre  .  28.  France.  Rapport  de  M.  de  Champagny  à  Napoléon  !"■  sur  l'en- 
trée des  Russes  en  Moldavie  et  en  Valachie  (27  ramazan  1222).  303 

Décembre. .  10.  France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  ministre  des  affaires 
étrangères,  rendant  compte  d'une  entrevue  avec  le  Reîs-éfendi 
(9  chéwal  1222) 306 

1808 

Janvier..  . .  13.  France.  Dépèche  du  ministre  des  affaires  étrangères  au  général 
Sébastiani  sur  la  probabilité  pour  la  Porte  d'être  forcée  d'ache- 
ter la  paix  au  prix  de  la  Valachie  et  de  la  Moldavie  (14  zilcadé 
1222) .*'^ 307 

Février....  15.  France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  ministre  des  affaires 
étrangères  au  sujet  d'une  communication  du  Reîs-éfendi  (17 
zilhidjé  1222) .   30  7 

Mars 4.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Moustapha  IV  à,  Napoléon  I"  de- 
mandant sa  protection  pour  la  garantie  de  l'intégrité  du  terri- 
toire turc  (9  moharrem  1228; 308 

—  1/4.  France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  ministre  des  affaires 

étrangères  au  sujet  des  bruits  de  l'alliance  de  la  France  avec  la 
Russie  (19  moharrem  1223) 308 

Avril 2.  Analyse  d'un  mémoire  de  M.  Hamelin  présenté  à  Napoléon  I"  au 

sujet  des  avantages  que  l'Égypie  offrirait,  comme  colonie  pour 
le  passage  du  commerce  des  Indes  (5  sàfer  1223) 70 

Mai 23.  France.  Lettre  de  M.  de  Verninac  au  ministre  des  affaires  étran- 
gères, relatant  une  entrevue  avec  l'ambassadeur  turc  (27  rébiul- 
éwel  1223) 308 

Juillet.  ...  12.  France.  Mémoire  du  général  Sébastiani  sur  la  Turquie,  la  Rus- 
sie et  l'Autriche  (18  djémaziul-éwel  1223) 310 

Novembre  ,  3.  France.  Rapport  de  M.  de  Champagny  à  Napoléon  l"  sur  la  situa- 
tion h.  Constantinople  (16  ramazan  1223} 329 

Décembre..  1.  France.  Rapport  de  M.  de  Champagny  à  Napoléon  I"'  au  sujet 
d'une  visite  de  l'ambassadeur  ottoman  au  ministre  de  Russie 
12  chéwal  1223) 330 

1809 
Avril 9.  France.    Note   de  M.   de   Latour-Maubonrg   chargé    d'affaires 


DES  .MATIEKES  CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  \0LL'\1E        (iJl 

1809 

Paffes 
!i  la  Sublime-Porte  réclamant  contre  la  fermeture  du  Bosphore 

(23  sâter  1  •_»2'i) 333 

Mars 10.  Porte  ottomane.  Note  circulaire  aux  représentants  dos  puis- 

saccps  étrangères  annonçant  la  fermeture  d'i  détroit  de  la  mer 
Noire  (2/i  sâfer  122/i) 334 

—  —  France.  Note  de   M.  de  l.atour-Maubourg  à   la  Porte,  contre  la 

clôture  de  la  mer  Noire  'fin  sâfer  1224) 335 

—  16.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Kara  George  Petrovitch  chef  des 

Serbes  demandant  à  Napoléon  I"  sa  pro»ectioii  (5  rédjeb  1224).  331 

1810 

Mai 25.  France.  Rapport  de  M.  de  Champagny  à  Napoléon  V'  au  sujet 

de  l'arrivée  à  Paris  d'un  député  servien  (20  rébiul-akhir  1225).  331 

1829 

Août 15.  Porte  ottomane.  Note  aux  représentants  de  la  France  et  de  la 

Grande-Bretagne  pour  adhérer  au  traité  de  Londres  du  6  juillet 
1827(1/1  sàfer  124i) 397 

Septembre,  9.  Porte  ottomane.  Déclaration  de  la  Porte  aux  représentants  de 
la  Fiance  et  de  la  Grande-Bretagne  pour  souscrire  aux  déter- 
minations de  la  conférence  de  Londres  relativement  à  la  Grèce. 
(10  rébiul-éwel  1245) 380 

1830 

Février  ...  11.  Saxe-Cobourii.  Réponse  du  prince  Léopold  ^  la  note  du  ode 
la  conférence  de  Londres  lui  offrant  la  couronne  de  Grèce  (17 
châban  1245) 401 

—  20.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Protocole  de  la  confé- 

rence de  Londres  contenant  la  réponse  à  la  note  du  1 1  du  prince 

Léopold  de  Saxe-Cobourg  (26  chàban  1245) 402 

Avril 8.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Note  des  représentants 

des  3  puissances  à  la  Sublime-Porte  pour  notifier  les  résolutions 
arrêtées  en  commun  au  sujet  de  la  Grèce  (15  chéwal  1245) ...  381 

—  24.  Porte  ottomane.  Note  de  !a  Sublime-Porte  aux  représentants 

de  la  France,  de  la  Grande-Bretagne  et  de  la  Russie  en  réponse 
à  leur  note  du  8  avril  (1"  zilcadé  1245) 386 

1831 

Novembre. .  16.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Protocole  de  la  con- 
férence de  Londres»  au  sujet  du  tribut  annuel  à  remettre  par  les 
Samiens  à  la  Porte  (10  djémaziul-akhir  1247) 402 

1832 

Juillet 21.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Arrangement  pour  les 

affaires  de  Grèce  (23  sâfer  1 248) .387 

—  21.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Protocole  d'une  con- 

férence tenue  à  Constantirioplc  sur  les  affaires  de  Grèce   pour 

être  transmis  à  la  conférence  de  Londres  (23  sâfer  1248)  5!»l 

Août .iO.  France,  Grande-Brelaiine,  Russie.  Protocole  de  la  confé- 
rence de  Londres  sur  la  fixation  défiuitiTc  des  frontières  conti- 
nentales de  la  Grèce  ^2  rébiul-éwel  12',8) 392 


6'i'2  TABLE  PAR  ORDRE  CHRONOLOGIQUE 

1832 

Pages 

Décembre  .  lo.  Porte  ottomane.  Note  remise  aux  représentants  de  la  France, 
de  la  Grande-Bretagne  et  de  la  Russie,  contenant  les  concessions 

faites  aux  habitants  de  l'Ile  de  Samos  (17  rédjeb  1248) 399 

20.   Porte  ottomane.  Noie  aux  représentants  de  la  France,  de  la 

Grande-Bretagne  et  de  la  Russie  au  sujet  de  leur  note  du  7  no- 
vembre (3  chàban  12&8) 395 

1833 

Janvier. .  28.  France.  Lettre  du  baron  de  Varennes  chargé  d'affaires  de  France 
à  Ibraliim-Pacha,  au  sujet  de  la  conclusion  d'un  arrangement 
définitif  entre  la  Porte  et  l'Egypte  (8  ramazan  1248} 355 

Février.. . .  5.  Egypte.  Réponse  d'Ibrahira-pacha  à  la  lettre  du  28  janvier  du  ba- 
ron de  Varennes  (16  ramazan  1248) 356 

17,  Porte  ottomane.  Note  de  la  Sublime-Porte  aux  représentants 

de  la  France  et  de  l'Angleterre  pour  leur  demander  d'intervenir 

auprès  d'Ibrahim-pacha  (28  ramazan  1248) 356 

22    France.  Lettre  du  baron  Roussin,  ambassadeur  de  France  à  Mo- 

hammed-Aali-pacha,  l'engageant  à  accepter  sans  retard  les  pro- 
positions de  la  Porte  (13  chéwal  1248) 357 

—  ~  France.  Lettre  du  baron  Roussin  à  Ibraliim-pacha  lui  envoyant 

copie  de  sa  lettre  à  Mohammed-Aali-pacha  (3  chéwal  1248).., .  358 
-23,  Grande-Bretagne.  Lettre  de  M.  Mandeville,  ministre  d'Angle- 
terre à  Ibrahim-pacha  insistant  auprès  de  lui  sur  la  nécessité 
de  retirer  ses  troupes  de  Kintahia  (4  chéwal  1248) 359 

—  —  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  M.  Mandeville  à  lord  Palmers- 

ton,  pour  l'aviser  de  l'envoi  de  sa  lettre  à  Ibrahim-pacha  (4  ché- 
wal 124») 359 

Mars 1 .  Egypte.  Réponse  d'Ibrahim-pacha  à  la  lettre  de  M.  Mandeville 

du  23  février  (10  chéwal  1248) 360 

—  7,  Grande-Bretagne.   Dépêche  de  M.  Mandeville  à  Lord  Pal- 

merston  lui  envoyant  la  lettre  d'Ibrahim-pacha  du  l"'  mars 
(IG  chéwal  1248) 301 

—  8.  Egypte.  Réponse  de  Mohammed-Aali-pacha  à  la  lettre  du  22  fé- 

vrier du  baron  Roussin  (II  chéwal  1248) 361 

—  —  Egypte.  Note  remise  au  nom  du  pacha  aux  consuls  généraux  de 

France,  d'Angleterre  et  d'Alexandrie  (chéwal  1248) 562 

—  21.  France.  Mémorandum  du  duc  de  Broglie,  ministre  des  affaires 

étrangères  aux  agents  diplomatiques  de  la  France  à  l'étranger 
au  sujet  du  conflit  entre  la  Turquie  et  l'Egypte  (3  zilcadé  1248).  305 

29 .  Grande-Bretagne.  Lettre  de  M.Mandeville  à  Ibrahim-pacha  lui 

conseillant  d'accepter  les  propositions  delà  Porte  (10  zilcadé  1248).  373 

—  31.   Grande-Bretagne.  Dépèche  de  M.   Mandeville  à   lord  Pal- 

merston  au  sujet  de  la  résolution  de  la  Porte  de  conférer  avec  les 
trois  grandes  puissances  pour  mettre  fin  au  conflit  avec  l'Egypte 

(12  zilcadé  1248) 374 

Avril 15.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  M.    Mandeville    à  lord  Pal- 

merston,  annonçant  la  retraite  d'ibrahim-pacha  (26  zilcadé  1248).  376 

—  15.  Porte  ottomane.  Liste  des  pachas  des  Éyalets  (26  zilcadé  1 248).  377 
Mai 4.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  M.  Mandeville  à  lord  Palmers- 


DES  MATIÈIiES  CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  VOLLME        623 

,    .  Pages 
ton  lui  annonçant  que  le  sullan  a  accordé  à  Ibrahim-paclia  l'ad- 
ministration du  paclialik  d'Adana  (1 5  zilhidjé  12/i8) 377 

Mai j.   Porte  ottomane.  Firman  de  la  Porto  aux  fonctionnaires  de 

l'Anatolie  leur  ordonnant  de  ne  pas  rccliercher  pour  le  passé  les 
habitants  et  les  notables  et  d'oublier  les  événements  antérieurs 
(16  zilhidjé  1248) 378 

—  —  Egypte.  Lettre  d'Ibrahim-pacha  à  Malimoud  II  le  remerciant  de 

sa  nomination  au  gouvernement  d'Adana  (fin  zilhidjé  12Ji8). ..  .  378 
Juillet..  ..     8.   Porte  ottomane,  Russie.  Article  2  du  traité  d'alliance  con- 
firmant les  traités  (20  sàferl2.VJ) ..   308 

Décembre..  20.  France.  Grande-Bretagne,  Russie.  Note  des  représentants 
à  la  Sublime-Porte  pour  faire  cesser  leur  intervention  en  faveur 
des  habitants  de  l'Ile  de  Samos  (13  châban  1249) 403 

1834 

Septembre.  27.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Note  aux  habitants  de 
l'Ile  de  Samos  annonçant  l'arrivée  de  commissaires  pour  rece- 
voir leur  soumission  (23  djémaziul-éwel  1250} 404 

1835 

Décembre.  7.  France,  Grande-Bretagne,  Russie.  Note  de  leurs  repré- 
sentants à  la  Sublime-Porte  pour  accompagner  la  remise  de  la 
carte  des  frontières  de  la  Grèce  (16  cliàban  1251) 396 

—  15.  Porte  ottomane.  Note  aux  rcpréjentants  de  la  France,  de  la 

Grande-Bretagne  et  de  la  Russie,  pour  déclarer  l'acceptation  de 
la  carte  des  liaiites  finales  de  la  Grèce  (24  chàban  1254)..    ...  39 

1839 

Mai 25.  France.  Dépêche  du  baron  Bourgueney  à  Londres  au  maréchal 

Soult  rapportant  une  conversation  avec  lord  Palmerston  au  su- 
jet de  la  reprise  des  hostilités  entre  la  Porte  et  l'Egypte  (4  rc- 
biul-éwel  1255) [^l^ 

—  30.  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney  en 

réponse  à  celle  du  25  mai  (9  rébiul-éwel  1255) 421 

Juin 15.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Gran- 

ville  à  Paris  annonçant  l'envoi  d'instructions  à  l'amiral  Stopford 
(2  rébiul-akhir  1255) /jo 

—  17.  France.  Dépèche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult 

au  sujet  des  délibérations  du  conseil  des  ministres  à  Londres 
(4  rébiul-akhir  1255) ^2 

—  17.  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney  au 

sujet  d'une  réponse  à  donner  à  lord  Palmerston  sur  l'opinion 
du  gouvernement  français  (4  rébiul-akhir  1255) 426 

—  10.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Gran- 

ville  pour  lui  communiquer  les  instruciions  à  envoyer  à  l'ami- 
ral Stopford  et  demander  l'opinion  du  gouvernement  français 
(6  rébiul-akhir  1255) 420 

—  20.  France.  Dépêche  dn  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult  eu 

réponse  à  cslledu  17  juin  (7  rébiul-akhir  1255) 430 

—  26.  France.  Instruction   de  l'amiral  Duperré  à   l'amiral  Lalande 

commandr^nt  la  station  du  Levant  (13  rébiul-akhir  1255) 432 


o 


o 


02/|  TABLE  PAIi  OHDHE  GHRONOLOCilQUE 

1839 

P.iges. 

Juin.  ...  27,  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney 
contenant  des  considérations  sur  l'hypothè.se  de  l'arrivée  des 
Russes  à  Constantinopie  (16  rébiul-akhir  1255) ..   li^k 

Juillet —  France.  Projet  de  note  envoyé  par  le  maréchal  Soult  au  baron 

de  Roiissin  à  Constantinople  pour  demander  l'ouverture  des 
Dardanelles  à  une  escadre  française,  dans  le  cas  où  les  forces 
de  terre  ou  de  mer  d'une  ou  de  plusieurs  des  cours  alliées  se- 
raient appelées  à  Constantinoplo  (rébiul  akliir  1255) 'i?6 

—  fi.   France.  Dépêche  du  maréchal  Sonlt  au  baron  de  Bourqueney 

.iu  sujet  de  l'accord  avec  la  Grande-Bretagne  dans  la  démarche 
auprès  de  la  Porte  pour  l'ouverture  du  passage  des  Dardanelles 
(23  rébiul-akhir  1255) 4'^ 

—  7.   Lettres  du  baron  Roussin  ambassadeur  à  Constantinople  à  l'am- 

bassadeur d'Angleterre  lord  Ponsonby  au  sujet  des  mesures  à 
prendre  en  présence  de  l'insurrection  du  Capitan-pacha  (24  ré- 
biul-éwel  1255) 430 

—  8.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord   Granville   à   lord   Pal- 

merston  an  sujet  de  la  note  de  la  France  au  baron  de  Roussin 
(25  rébiul-aldiir  1255) i39 

—  9.  France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult  au 

sujet  des  instructions  de  lord  Palmerston  à  lord  Ponsonby 
(26  rébiul-akhir  1253) .    440 

—  Jl,  France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult 

sur  l'assentiment  de  lord  Palmerston  au  projet  de  déclaration 
des  puibsances  de  l'intégrité  de  l'empire  ottoman  (28  rébiul- 
akhir  1255) 444 

—  1  2.  France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult  au 

sujet  des  nouvelles  apportées  de  Vienne  au  Uoreiga  office  (26  ré- 
biul-akhir 1255) hhh 

—  17.  France.   Dépêche  du  maréchal   Soult  aux  représentants  de  la 

France  à  Vienne,  Londres,  Berlin,  Saint-Pétersbourg,  Constan- 
tinople, sur  l'accord  des  grandes  puissances  vis-à-vis  de  l'empire 
ottoman  (5  djémaziul-éwel  1255) 4'i7 

—  19.  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney  nu 

sujet  de  la  mort  du  sultan  (5  djémaziul-éwel  1255) 448 

—  19.  France.  Note  du  baron  de  Bourqueney  à  lord  Palmerston  pour 

lui  transmettre  la  dépêche  du  17  du  maréchal  Soult  (7  djéma- 
ziul-éwel 1255) 448 

—  22.  Orande-Brelagne.  Réponse  de  lord  Palmerston  à  la  note  du 

19  du  baron  de  Bourqueney  (10  djémaziul-éwel  1255) 4'j9 

—  23.  Franee.   Dépèche  du  baron  de   Bourqueney  au  maréchal  Soult, 

rapportant  une  conversation  avec  lord  Palmerston  sur  la  situa- 
tion causée  par  la  mort  du  sultan  (Il  djémaziul-éwel  1255). . .  449 

—  23.  France.  Note  du  comte  de  Sainte-Aulaire  à  Vienne,  au  prince 

de  Metternich,  déclarant  que  la  France  veut  l'intégrité  de  l'em- 
pire ottoman  sous  la  dynastie  actuellement  régnante  (Il  djéma- 
ziul-éwel 1255) 451 

—  24.  Autriche.  Note  du  prince  de  Metternich  au  comte  de  Sainte-Au- 

laire en  réponse  à  sa  note  du  23  (12  djémaziul-éwel  1255) 451 

—  26.  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney  à 


DES  MATIKKES  CONTENUES  DANS  LE  DEUXII^ME  VOLUME        625 

18.39 

Page» 
Londres,  au  sujet  des  événements  accomplis  à  Constantinoplu 

et  en  Syrie  (1/i  djûma/iul-éwel  1255)  .   452 

Juillet.    ..     27.  Autric'lie,  France,  Grande- Bro(agn4>,  PruNNo.  ItuHNie. 

Note  à  la  Porte  pour  annoncer  leur  accord  sur  la  question  d'O- 
rient (15  djémaziul-éwel  1255) Vi7 

—  27.  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  consul  général  de  France 

à  Ak'xandrie  pour  rappeler  Méhémet-Ali  à  la  modération  (15 
djémaziul-éwcl  1255) 'i5.'i 

—  —  France.  Dépêche  du  baron  de  Bourquency  au  maréchal  Souk 

donnant  l'opinion  de  lord  Paimerston  de  presser  la  conclusion 
de  l'arrangement  des  affaires  d'Orient  sous  le  patronage  des 
cinq  cours  (15  djémaziul-éwel  12 ')5) 450 

—  —  Grande-Bretagne.  Note  de  lord  Beauvale  au  prince  de  Met- 

ternich  donnant  l'adhésion  de  son  gouvernement  aux  vues  de 
l'Autriclie  (15  djémaziul-éwel  1255) 457 

—  28.  Autriche.  Note  du  prince  de  Metternich  à  lord  Beauvale  en  ré- 

ponse à  sa  note  du  27  (16  djémaziul-éwel  1255) /i57 

—  31.  France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult  sur 

une  divergence  entre  la  correspondance  de  lord  Granville  et  sa 

dernière  dépêche  (19  djémaziul-éwel  1255) /i.ig 

Aoù'  ....  1.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Beauvale  à  lord  Paimers- 
ton, lui  envoyant  un  projet  de  déclaration  proposé  par  lui  et 
modifié  par  M.  de  Sainte-Aulaire  (20  djémaziul-éwel  1255) 460 

—  —  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney 

lui  demandant  l'opinion  du  cabinet  anglais  sur  l'altitude  à 
prendre  par  suite  des  prétentions  nouvelles  de  Méhémet-AIi 
(20  djémaziul-éwel  1255) 462 

—  3.   France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqu^ney  au  maréchal  Soult  en 

réponse  à  sa  dépêche  du  1"  (22  djémaziul-éwel  1255) i63 

—  6.  RuMsie.  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  comte  de  Médera  à 

Paris  sur  les  déterminations  prises  par  la  Russie  en  présence 
des  événements  d'Orient  (•25  djémaziul-éwel  1255) hM 

—  —  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Bourqueney  en 

'-  éponse  à  celle  du  3  (25  djémaziul-éwel  1255) 469 

—  —  France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron   Roussin  contre 

les  exigences  de  Méhémet-Ali  (25  djémaziul-éwel  1255) 471 

—  9.   France.  Lépôche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Sou't  au 

sujet  du  refus  d'intervention  de  la  Russie  dans  les  affaires  de 
Turquie  i28  djémaziul-éwel  1255) 473 

—  13.  France.  Lettre  du  baron  Roussin  à  lord  Ponsonby,  au  sujet  de  lu 

mission  d'un  bâtiment  égyptien  en  Albanie  (2  djémaziul-akhir  1255)  475 
— •          16.  RnsKÎe.  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  comte  de  .Médem, 
au  sujet  des  intentions  de  la  Russie  dans  les  affaires  d'Orient 
(5  djémaziul-akhir  1255) 47.-J 

—  17.   France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal   Soult 

rapportant  les  décisions  du  conseil  des  ministres  anglais  (6  djé- 
maziul-akhir 1255) ^78 

—  IS.  France.  Dépêche  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult  au 

sujet  de  l'adhésion  de  la  Russie  à  l'accord  des  grandes  puissances 
dans  les  affaires  d'Orient  (7  djémaziul-akliir  1255; 4^9 


626 

Août 22. 

Septembre.    5. 

—  16. 

—  23. 

—  26. 

—  30. 
Octobre...     2. 


—  10. 
Novembre,  fi. 

—  22. 
Décembre.  9. 


—  J3. 

—  26. 


Janvier....     1 


TABLE  PAR  ORDRE  CFIRONOLOGIQUE 

1839 

Pages 

France.  Dépêche  du  maréchal  Soultau  baron  de  Bourqueney  en 
réponse  à  celle  du  18  (11  djémaziul-akhir  1255) 481 

France.  Dépêche  du  général  Sébastian!  ambassadeur  à  Londres 
rapportant  son  premier  entretien  avec  lord  Palmerston  au  sujet 
des  aflaires  d'Orient  (25  djémaziul-akhir  1255) 1^482 

Grande-Bretagne.  Dépêche  de  M.  Bulwer,  au  sujet  du  peu 
de  dispositions  du  gouvernement  français  à  employer  des  me- 
sures coercitives  contre  Méhémet-Ali  (7  rédjeb  1255) ù85 

France.  Dépèche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult  sur 
la  proposition  d'une  convention  par  la  Russie  (14  rédjeb  1255).  485 

France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastiani  refu- 
sant de  donner  son  assentiment  aux  propositions  de  la  Russie 
(17  rédjeb  1255) 487 

Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Ponsonby  à  lord  Palmers- 
ton pour  lui  annoncer  le  rappel  de  l'ambassadeur  français  de 
Constantinople  (21  rédjeb  1255) 490 

France.  Note  du  baron  de  Roussin  à  Réchid  pacha,  au  sujet  du 
mouillage  des  escadres  anglaise?:  et  fraAçaises,  dans  la  baie  de 
Ténédos  (23  rédjeb  1255) 490 

France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult  con- 
tenant la  proposition  de  lord  Palmerston  d'un  acte  entre  les  5 
puissances  réglant  leur  part  d'action  dans  la  crise  d'Orient  (24 
rédjeb  1255) 491 

France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult  au  su- 
jet des  concessions  demandées  par  Méhéraet-Ali  (1  châban  12  J5).  492 

Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Granville  à  lord  Palmers- 
ton sur  les  instructions  du  gouvernement  français  à  l'amiral 
Lalande  (26  châban  1255) 493 

Russie.  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  à  M.  de  Kisseleff  à 
Londres,  au  sujet  des  ouvertures  du  baron  de  Brunow  au  cabi- 
net anglais  (15  ramazan  1255) ...   493 

France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastiani  au 
sujet  du  rejet  par  lord  Palmerston  du  plan  d'accommodement 
proposé  par  la  France  (2  chéwal  1255) 495 

France.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastiani,  au 
sujet  de  la  nouvelle  du  retour  à  Londres  de  M.  de  Brunow  muni 
de  pleins  pouvoirs  pour  signer  une  convention  (2  chéwal  1255).  500 

France.  Discours  de  Louis-Philippe  à  l'ouverture  des  cham- 
bres. Extrait  sur  les  afl'aii'es  d'Orient  (16  chéwal  1255) 502 

Russie.  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  comte  de  Médem 
contenant  des  explications  à  donner  au  gouvernement  français 
(19  chéwal  1255) 502 

18iO 

Russie.  Dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au  baron  de  Brunnow 
au  sujet  de  la  dépêche  du  maréchal  Soult  au  général  Sébasiiani 
justifiant  l'altitude  du  cabinet  des  Tuileries  en  opposition  au 
point  di;  vue  adopté  pur  l'Anglett'rre  (.25  chéwal  1255) 507 

France.  Dépêche  du  général  Sébastiani  au  maréchal  Soult  lui 
envoyant  des  renseignements  sur  les  idées  libellées  par  M.  du 


DES  MATIÈRES  CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  VOLUME        6'i7 

I8IZ1 

Pages 

Brunow  à  lord  Palmerston  (26  chéwal  1255) •'JOO 

Janvier.  ..  20.  France.  Dépôche  du  général  Sébastian!  au  maréchal  Soult  à 
Londres  sur  un  projet  que  lui  a  communiqué  lord  Palmerston 
pour  terminer  le  différend  entre  le  sultan  et  le  pacha  d'Egypte 
(15  ziicadé  1255) 511 

—  24.   Franee.  Dépêche  du  maréchal  Soult  au  baron  de  Barante  à  Saint- 

Pétersbourg  en  réponse  à  la  dépêche  du  comte  de  Nesselrode  au 
comte  de  Médem  du  26  décembre  1839  (10  zilcadé  1255) 514 

—  26.  France.  Déptehe  du  maréchal  Soult  au  général  Sébastian!  en 

réponse  à  celle  du  20  janvier  (21  zilcadé  1255) 516 

—  28.  France.  Dôpêche  du  général  Sébastian!  au  maréchal  Soult  pour 

lui  annoncer  que  le  conseil  a  décidé  que  la  convention  projetée 
devra  être  conclue  conjointement  entre  les  cinq  puissances  et  la 

Porte  (23  zilcadé  1255) 518 

Février.  ...  H.  France.  Dépéclie  du  baron  de  Bourqueney  au  maréchal  Soult, 
annonçant  que  lord  Palmerston  attendra  l'arrivée  de  M.  Guizot 
à  Londres  pour  rouvrir  la  discussion  (30  zilcadé  1255) 510 

—  10.  France.  Instructions  du  maréchal  Soult  àM.  Guizot  à  son  départ 

comme  ambassadeur  à  Londres  (15  zilhidjé  1255) 520 

Mars à-  France.  Dépêche  de  M.  Guizot  rendant  compte  d'un  entretien 

avec  lord  Palmerston  (29  zilhidjé  1255) 52i 

—  12.  France.  Dépêche  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers. —  Lord  Palmerston 

avant  de  rien  décider  attendra  l'arrivée  du  plénipotentiaire  turc 
(8  n-.oharrem  1256) 530 

—  17.  France.  Dépêche  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers.  Lord  Palmerston  mit 

une  extrême  importance  au  concert  des  cinq  puissances  (13  mo- 
harrem  1256) 530 

—  17.  France.  Lettre  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers  au  sujet  de  l'alterna- 

tive soit  de  se  mettre  d'accord  avec  l'Angleterre,  soit  de  se  te- 
nir à  l'écart  et  attendre  les  événements  (13  moharrem  1256). . .  531 

Avril 28.  France.   Note  de  M.  Guizot  à  Nouri-éfendi,   ambassadeur  de 

Turquie  à  Londres. —  Il  est  prêt  à  rechercher  avec  les  représen- 
tants des  quatre  autres  puissances  les  moyens  d'amener  un  ar- 
rangement en  Orient  (25  sàfer  125fi).   ...     531 

Juin 11 .  France.  Dépêche  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot.  —  Le  but  des  puis- 
sances a  été  de  donner  un  appui  moral  à  la  Porte  contre  son 
puissant  vassal,  c'est  là  le  véritable  état  de  la  question  (10  ré- 
biul-r.khir  1256) 532 

—  15.  France.  Lettre  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers.  —  L'Autriche  et  la 

Prusse  sont  prêtes  à  laisser  au  pacha  l'Egj-pte  héréditairement 
etla  Syrie  viagèrement  (14  rébiul  1256) 533 

—  Î1.   France.  Note  de  M.  Guizot  à  Chékibéfeudi.  —  Il  fera  tous  ses 

eflorts  de  concert  avec  les  autres  plénipotentiaires  pour  arriver 

à  un  prompt  arrangement  20  rébiul-akhir  1256 534 

Juillet  .    .  It.  France.  Dépêche  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers  au  sujet  de  l'effet 
produit  par  la  destitution  de  Khosrew-pacha  (11  djémaziul-éwel 
1256) SS.'i 

—  15.  Grande-Bretagne.  Mémorandum  remis  par  lord  Palmeistou  à 

M.  Guizot   (1  o  djémaziul-éwel  1256) 538 

—  16.   France.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot.  —  Il  ne  faut  pass'é- 


e'J8  TABLE  l'AK  ORDRE  GHROINOLOGIOUE 

18-'i0 

Pages 

mouvoir  mais  tenir  bon  (16  djémaziul-éwcl  1256) 5'i0 

Juillet    ..     20.  Wrande-Bretagne.  Dépêche  de  M.  Biilwer  à  lord  Palmerston. 

Conversation  avec  M.  Thiers  (20  djémaziul  éwel  1256) 5/|0 

—  21.   France.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot.  Son  étonnement  de 

l'abandon  de  l'Angleterre-,  la  France  est  maintenant  libre  de 
choisir  ses  amis  et  ses  ennemis  (21  djémaziul-éwel  1256) 5il 

—  22.   Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  M.  Bulwer 

en  réponse  à  la  dépêche  du  20  juillet  (20  djémaziul-évsfel  1256).  54l' 

—  2li-  France.  Mémorandum  français  rpmis  par  M.  Guizot  à  lord  Pal- 

merston {'l!i  djémnziul-éwel  1256) S^.'i 

—  31.   France.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot,  pour  lui  recommander 

de  tenir  ferme  (1  djémaziut-akhir  1256) SW 

Août 1.   Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Granville  à  Paris  à  lord 

Palmerston.  —  Appel  des  classes  de  1836  et  1839  et  crédit  pour 
augmentation  de  la  marine  française  (2  djémaziul-akhir  1256)..   56"> 

—  h.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Palmersion  à  lord  Gran- 

ville, en  réponse  de  sa  dépêche  du  1*^'  août  (5  djémaziul-akhir 
1256) 545 

—  14.   France.  Instructions  confidentielles  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot 

(15  djémaziul-akhir  1256) 546 

—  17.  Autriche.  Dépêche  de  l'internouce  à  Constantinople  au  prince 

de  Metternich  au  sujet  d'une  communication  faite  à  Fiéchid- 
pacha  par  le  drogmau  de  l'ambassadeur  de  France  (18  djéma- 
ziul-akhir 1256) 547 

—  —  Antrîche.  Rapport  du  baron  de  Testa  interprète  de  l'internonce 

sur  la  communication  mentionnée  dans  la  dépêche  du  môme 
jour  (18  djémaziul-akhir  1256) 548 

—  19.  France.  Note  du  comte  de  Pontois  ambassadeur  de  France  à 

Constantinople  à  Rechid-pacha  contre  l'interprétation  donnée 
à  la  communication  qu'il  lui  a  fait  faire  par  son  drogman  (20 
djémaziul-akhir  1256) 549 

—  19.   France.   Conversation  de  M.  Guizot  avec  le  roi  Léopold  de  Bel- 

gique (20  djémaziul-akhir  1256) 549 

—  —  France.  Entretien  de  M.  Guizot  avec  lord  Palmerston  (20  djéma- 

ziul-akhir 1256) 550 

—  22.   Autriche.  Dépêche  du  baron  de  Stiirmer  au  prince  de  Metter- 

nich. —  Communication  de  M.  de  Pantois  à  Rechid-pacha  (23 
djémaziul-akhir  1256) 553 

—  23.  France.  Lettre  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers.  —  Joie  de  la  Russie 

(24  djémaziul-akhir  1256) 556 

—  23,  Turqnîe.  Note  de  Rechid-pacha  au  comte  de  Pontois  en  réponse 

à  sa  note  du  19  (-'4  djémaziul-akhir  1256) 557 

—  24.   France.  Note  du  comte  de  Pontois  àRechid  pacha  en  réponse  à 

sa  note  du  23  (25  djémaziul-akhir  1250) 557 

—  24.   France.  Lettre  de  M.  Guizot  à  M.  Thiers.  —  ''ntervention  du 

roi  Léopold  ec  de  lord  Melbourne  auprès  de  lord  Palmerston 
(2.~)  djémaziul-akhir  J 2)6) 558 

—  27.    Porte  ottomane.  Note  de  Rechid-paclia  an  comte  de  Pontois 

en  réponse  à  sa  note  du  24  (28  djémaziul-akhir  1256) 559 

—  28.    Grande-Bretagne.  Dépêche  de  M.  Bulwer  à  Lord  Palmerston. 


DES  MATIÈKES  GOiNTKNUES  DANS  LE   DEUXIÈVIE  VOf.UVlK         629 

JS/iU 

fagct. 

Possibilité  d'un  arrangement  avec  la  France  (20  djémaziul-akhir 

1-256) 560 

Août. .  .   .   :i\ .   France.  Note  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-pacli;i  en  réponse  à 

sa  note, du  27  (2  rédjeb  125(!) 560 

—  —    Grande-Bretagne.  Dépùche  do  lord  Palmersion  à  M.  Bulwer. 

—  Réponse  au.  mémorandum  français  du  2/i  juillet  (3  rédjeb 

1256) 561 

Septembre.    6.     France.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Gnizot.  —  Réponse  de  lord 

Palmcrston  du  31  août  (7  rédjeb  125l>) 572 

—  7.  France.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizor.  —  Communication  du 

comte  de  Pontois  à  Récbid-pacha  (10  rédjeb  I5,'>6) 573 

—  8.  France.  Lettre  de  AL  Thiers  à  M.  Guizor.  —  Demande  d'expli- 

cations sur  les  opérations  contre  Bèyroui  (11  rédjeb  1250).  . . .   :.~U 

—  9.    (lirande-Brctagne.  Note  de  iord  Palmerston  à  M.  Guizot.  — 

Goirimunication  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-paclia  (12  rédjeb 
1256) 574 

—  10.   Grande- Bretagne    Note  de  lord  Ponsonby  au  comte  de  Pon- 

tois. —  Annonce  du  blocus  des  ports  d'Egypte  et  de  Syrie  (19 
rédjeb  1250) 575 

—  —  Grande-Bretagne   iVote  de  lord  Palmerston  à  M.  Guizot  pour 

lui  annoncer  la  conclusion  d'une  convention  signée  le  15  rela- 
tivement aux  affaires  de  la  Turquie  (19  rédjeb  1256) 576 

—  17.   France.  Note  du  comte  de  Pontois  à  lord  Ponsonby  en  répouse 

à  sa  note  du  16  (20  rédjeb  1256) 570 

—  —    France.  Dépêche  de  M.  Thiers  ;i  M.  Guizot.  Concessions  de 

MéliémetAli  (20  rédjeb  1256) 577 

r  .   France.  Lettre  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot.  —  Limite  des  conces- 
sions de  Méhémet-Ali  (20  rédjeb  1256) 57a 

—  —    France.  Note  du  comte  de  Pontois  à  Réchid-pacha.  —  Blocus 

des  ports  d'Kgypte  et  de  Syrie  (20  rédjeb  1256) j7g 

—  1«.   FranccNote  de  M.  Guizot  à  lord  Palmerston.  —  Accusé  de  ré- 

ception ds  sa  note  du  16  (21  rédjeb  12.J6) 574» 

—  —    France.  Note  de  M.  Guizot  à  lord  Palmerston.  —  Réponse  à  la 

note  du  16  (il  rédjeb  1256) ,. .   579 

—  —  Grande-Bretagne.  Note  de  lord  Palmerston  h  M.  Guizot. — En- 

voi de  la  copie  du  protocole  d'une  conférence  pour  les  affaires 
de  Turquie  (21  rédjeb  1256) 58i 

—  18.   Grande-Bretagne.  Dépêche  de  M.  Bulwer  à  lord  Palmerston. 

—  Démarches  d'un  personnage  français  en  vue  d'une  entente 
entre  ht  France  et  l'Angleterre  (21  rédjeb  1250) 58J 

—  22.   Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  M.  Guizot  en 

réponse  à  sa  note  du  18  (25  rédjeb  1256) 582 

—  "J3.   France.  Lettre  de  M.  Guizot  au  duc  de  Broglic.  —  Les  vues  sur 

la  position  de  la  France  dans  les  affaires  d'Orient  (26  rédjeb 

1 256) 583 

Octobre  .  .     1 .   France.  Lettre  du  duc  de  Broglie  à  M.  Guizot,  en  réponse  à  sa 

lettre  du  23  septembre  {U  cliàban  1256) 087 

—  3.  France.  Dépêche  de  M.  Thiers  à  M.  Guizot.  —  Réponse  au  mé- 

morandum anglais  du  31  août  (6  chàban  1256) 59] 

—  »>.  Grande-Bretagne.  Dépêche  de  lord  Palmerston  à  lord  Gran- 


6o0 


Octobre. 


Novembre . 


Mars 

Avril 
Mai. 


Janvier.. 


Juillet. 


\vril. 


Août . 


Octobre 


Mars. 


TABLE  PAR  ORDRE  CHRONOLOGIQUE 
1840 

Pages 

ville  au  sujet  d'une  communication  du  prince  de  Metternich  au 

gouvernement  français  (9  cliâban  1256) OO/i 

,  8.  Russie.  Circulaire  du  comte  de  Nesseirode  aux  agents  diploma- 
tiques de  la  Russie  à  l'étranger  au  sujet  de  la  convention  du  15 
juillet  et  des  vues  de  la  Russie  dans  les  affaires  d'Orient  (li 
chàban  1256) (iOO 

1854 

lô.  France.  Mémoire  de  M.  de  Lesseps  à  Moharamed-Said,  pacha 
d'Egypte,  sur  la  jonction  de  la  mer  Méditerranée  et  de  la  mer 
Rouge  par  un  canal  à  Suez  (22  sâfer  1271) 88 

30.  Egypte.  Firman  de  concession  du  pacha  d'Egypte  à  M.  de  Les- 
seps pour  le  percement  de  l'isthme  de  Suez  (9  rébiul-éwel  1271).    9a 

1855 

1.  Porte  ottomane.  Lettre  de  Rechid-pacha  au  pacha  d'Egypte 
lui  annonçant  que  la  question  du  percement  de  l'isthme  de  Suez 
est  à  l'étude  du  conseil  des  ministres  (12  djémaziul-akhir  1271).     9(» 

30  .  France.  Rapport  de  M.  de  Lesseps  au  pacha  d'Egypte  sur  la  ca- 
nalisation de  l'isthme  de  Suez  (13  chàban  3271) 90 

20.  Egypte.  Lettre  du  pacha  d'Egypte  à  M.  de  Lesseps  au  sujet  de 
l'autorisation  par  la  Sublime-Porte  des  travaux  de  percement 
de  l'isthme  de  Suez  (3  ramazan  1271) 95 

20.  Egypte.  Lettre  du  pacha  d'Egypte  à  M.  de  Lesseps,  approuvant 

son  rapport  du  30  avril  (3  ramazan  1271) 98 

1856 

5.  Egypte.  Acte  de  concession  du  pacha  à  M.  de  Lesseps  et  cahier 
des  charges  pour  la  construction  et  l'exploitation  du  canal  ma- 
ritime de  Suez  et  dépendances  (26  rébiul-akhir  1272) 99 

5.  Egypte.  Lettre  du  pacha  d'Egypte  à  M.  de  Lesseps  soumettant  à 
l'autorisation  de  la  Porte  la  concession  du  canal  de  Suez  (26  ré- 
biul-akhir 1272) lOi 

20.  Egypte.  Règlement  pour  les  ouvriers  employés  aux  travaux  du 

canal  de  Suez  (17  zilcadé  1272) 104 

1863 

6.  Porte  ottomane.  Dépêche  d'Aali-pacha  aux  ambassadeurs  de 
la  Porte  à  Paris  et  à  Londres  au  sujet  du  percement  de  l'istlmn; 
de  Suez  (16  chéwal  1280) 106 

18.  Egypte.  Lettre  du  pacha  Ismail  à  M.  de  Lesseps  au  sujet  des 
modifications  à  apporter  dans  l'acte  concernant  la  compagnie 
pour  le  percement  de  l'isthme  de  Suez  (3  rébiul-éwel  1280). ..  109 

12.  Egypte.  Lettre  de  Noubar-pacha  au  président  de  la  compagnie 
pour  le  canal  de  Suez  portant  les  propositions  du  vice-roi  (23 
rébiul-akhir  1280) „   110 

1864 
3.  France.  Rapport  de  M.  Drouyn  de  Lhuys  proposant  la  nomina- 


DES  MATIÈRKS  CONTENUES  DANS  LE  DEUXIÈME  VOLUME         CÛM 

186Û 

l'ilgl'S 

tion  d'une  commission  pour  l'examen  des  questions  pendantes 
entre  le  gouvernement  égyptien  et  la  compagnie  de  l'Isthme  de 
Suez  (24  ramazan  1280) UO 

Juin. ...  15.  France.  Article  du  Moniteur  universel  donnant  des  renseigne- 
ments au  sujet  du  rapport  de  la  commi.ssion  instituée  pour 
l'examen  de  l'affaire  de  Suez  à  la  suite  duquel  le  pacha  a  référé 
à  l'arbitrage  de  l'empereur  (6  chéwal  1280) 111 

•'"••l'ît 6.  France.  Sentence  arbitrale  de  Napoléon  III  dans  l'affaire  de 

l'Isthme  de  Suez  (1  sâfer  1281) Ul 


FIS    DE   LA    TABLE    DES    MATIÈRKS   DU    DEUXIÈME   VOLUME 


JX  Testa,    Ignace  de,   baron 
8ii.6  Recueil  des  traités  de  la 

I864,  Porte  Ottomane 
T^   ■ 

t.  2 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY