PURCHASED FOR THE
UNÎVERSITY OF TORONTO LIBRARY
FROM THE
CANADA COUNCIL SPECIAL GRANT
FOR
ISLAMIC STUDIES
RECUEIL DES TRAITÉS
DE LA
POUTE OTTOMANE
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RFXUFJL DES TRAITÉS
I)K LA
PORTE OTTOMANE
LES PUISSANCES ÉTRANGÈRES
DEPUIS LE PREMIER TRAITÉ CONCLU, tN 1536, ENTRE SULEYMAN I ET FRANÇ0I5 I
JUSQU'A N05 JOURS
T.E BARON 1. 1)1^] T1':STA
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FRANCE
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PARIS
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TABLE ANALYTIOUE DES MATIÈRES
DU DEUXIEME VOLUME.
(Voir à la Hii du volume la Table chronologique.)
Pages.
Affaires d'Orient. — 1839-18/10.
Diflërend entre la Porte ottomane et le pacha d'Egypte du
25 mai 18o9 au 8 octobre 18/tO /4I2 — 609
Convention avec la Porte ottomane.
Convention conclue le 25 novembre 1838, formant appen-
dice aux capitulations garanties à la France et amendant
ou modifiant, dans l'intérêt du commerce et de la navi-
gation des deux pays, certaines stipulations contenues
dans les capitulations 40G
Différend turco-égyptien.
Documents y relatifs du 28 janvier 1833 au mois de mai 1833. 353 — 379
Expédition d'Egypte.
Suite des documents y relatifs du 17 novembre 1799 au 2
avril 1808 1
Négociations pour la reconnaissance du titre impérial de Napoléon I".
Documents y relatifs du 20 juin I8O/1 au G février 180(5. . 339 — 352
Question grecque.
Pièces y relatives du 9 septembre 1829 au 15 décembre 1835. 380 — .'-,m8
Piopporb avec la Sublime-Porte.
Mohammed IV et Louis XIV lZi9 — 1 70
Mahmoud 1" et Louis XV 171 — 180
Moustapha III et Louis XV 181 — 202
Sélim III et la République française 202 — 219
Sélim III et le Directoire 219 — 252
Sélim III et le Premier consul 252 — 2G0
Sélim m et Napoléon l" 2G0 — 301
Moustapha IV et Napoléon 1" 301 — 329
Mahmoud II et Napoléon 1" 329—332
Sumos {lie de).
Notes et protocoles relatifs aux habitants de l'Ile do Samos
du 11 février 1830 au 27 septembre 183^ 3i)9 — /|05
VI TAPF.F A.Wf.YTIOt'K l'I i^RLXIKMK VOl.f'VIR
Sur:-.
V^ifi
nocuiuents relatifs uu pei'cemciil de Pisthiiu' de Suez de
I77i;iu 6 juillet 186ii 71
Trniti' de poix d'Amiens.
Traité conclu le 27 mars 1802 entre la Képublique fran-
çaise, l'Espagne et la l'.épul)lique batave d'une part, et la
(•rande-Bretagne de l'autre, maintenant l'intégrité des
territoires, possessions et droits de la Sublime-Porte tels
qu'ils étaient avant la guerre, suivi des pièces qui s'y rat-
tachent 125
Traite de judr d'' Amiens.
Traité conclu le 26 juin 1802 entre la Sublime-Porte et le
Premier consul JZjG
IMlKMIÈRli IWr.TIK
PORTE OTTOMANE
ET FRANCE
FRANCE
(suite.)
APPEIVDICE
aux prélimiuaires du 9 octobre 1801 (1 djémaziul-akhir 1216)
LKXII. — Lettre du premier consul Bonaparte au luinislre de l'inté-
rieur (Laplace), en date de Paris le 15 novembre 1999 (l<> djé-
maziul.akhir 1314).
Les consuls de la République me chargent, citoyen ministre, de vous
inviter à vous occuper de suite des moyens de rassembler une troupe de
comédiens pour l'Egypte. Il serait bon qu'il y eût quelques danseuses. Le
ministre de la Marine vous fournira des moyens de transport.
LXXIII. — Lettre du ministre des affaires éfran(|ëres (IVIoustaplia<>
Rasikhi-éfendi), de la Sublime-Porte, ik Tloustapha-paclia, en date
du 18 novembre 1999(19 djémaziul-akhir 1314).
Mon magnifique, puissant, généreux, clément seigneur et maître.
Le contenu de toutes les lettres qui sont parvenues de la part du géné-
ral en chef français, l'honoré général Kléber,à mon puissant, miséricor-
dieux bienfaiteur et maître, le grand-visir, généralissime des armées otto-
manes, a été bien compris par Sa Hautesse et par moi, votre serviteur, qui
occupe acluGlleraent la place de réis-éfendi. Quoique le général, votre ami,
m'ait paru, sous différents rapports, être un homme sage, prévoyant et intel-
ligent, je ne puis approuver ni comprendre sa manière d'écrire, où l'on trouve
quelques phrases qu'on no peut saisir, et qui peuvent être expliquées de
différentes manières. Il dit, d'un côté, quelanaUon française, ancienne amie
delà Sublime-Porte n'avait pas le moindre avis de l'occupation de l'Egypte
par l'armée française, opérée par l'instigation d'une bande séditieuse; que
le conseil, ayant discuté sur une affaire si mauvaise et sinistre, était sincè-
rement porté k faire la paix avec la Sublime-Porte : il dit de plus d'être
notre ennemi, et il conteste de l'être. De l'autre côté, il dit être prêt à
tout, même à se battre contre les armées de la Sublime-Porte. Tantôt il
veut évacuer l'Egypte , tantôt il fait voir qu'il voudrait faire cette évacua-
tion d'une manière à n'avoir rien à craindre. D'un côté, il fait changer la
face des affaires en n'expliquant pas clairement qu'il ne se propose pas
T. II. 1
2 APPENDICE
d'évacuer l'Egypte ; de l'autre côté, après avoir allégué l'opinion de la
nation française relativement t'i l'invasion derEgypte,il ditqu^ pour n'être
pas réprimandé par cette môme nation et par le directoire exécutif, pour
avoir quitté l'Egypte, il veut être muni d'un titre qui est impossible. Le
moyen de comprendre comment un homme intelligent peut écrire des
phrases qui se croisent les unes avec les autres, de sorte que ce qu'il pa-
raît vouloir faire dans un endroit s'oppose, et fait changer de face à ce
qu'il demande dans un autre ? Il est certain que, si le général mettait sous
ses propres yeux et examinait attentivement ses écrits et la signification
véritable qui doit y être donnée par ceux à qui ils sont adressés, il ne
pourrait que s'apercevoir de l'opposition des phrases qui s'y trouvent,
et du jugement que l'on doit en porter. Si le général croit que ceux à
qui il envoie ses écrits ne se pénètrent pas de leur véritable signification,
il se trompe ; il se trompe encore, s'il croit qu'il n'y a pas des personnes
capables d'approfondir le véritable sens des clioses ; des hommes intelli-
gents et sages, dont le but est de conseiller et d'arranger les affaires, ne
doivent pas d'ailleurs avoir de pareilles fantaisies. Le général, votre ami
doit être convaincu, le premier, que des formes pareilles de traiterpeuvent
être comparées à des bâtisses transparentes, dont tous les contours ont
toujours été connus à la Sublime-Porte, qui découvrit les choses les plus
cachées, et qui développe les affaires les plus embarrassées et les plus
compliquées. Puisque le général^ votre ami, désire empêcher l'effusion du
sang humain, pourquoi ne pas diriger ses paroles et ses actions vers le
véritable but? pourquoi ne pas faire en sorte que ses intentions soient tou-
jours pures et constantes, que toutes ses expressions- soient sincères et
loyales, que toutes ses phrases soient conformes les unes aux autres? Voilà
la conduite qui doit être tenue par tous ceux qui agissent loyalement, en
hommes sans dissimulation, et qui ont pris leur parti.
Quoique ni V, E. ni moi, votre serviteur, n'ayons aucune destina-
lion spéciale dans cette affaire, tous les hommes qui aiment le bien, doi-
vent contribuer à ce qu'elle prenne une bonne tournure et qu'elle ait un
heureux succès. J'ai pensé, en conséquence, que je devais expliquer tout
ce qui pourrait rencontrer quelque difficulté d'une manière toujours digne,
et conforme h l'étal et au mérite des di;ux parties.
Si l'on finit par traiter d'une mitnière conforme h celle que j'ai annoncé?,
que les paroles et les faits soient toujours conformes les uus aux autres,
tout ira bien, et tout sera bientôt arrangé; et comme il est très-clair et
évident que l'on ne pourrait que faire naître des difficultés à la réussite de
l'affaire que l'on traite par des paroles et par des faits qui se croiseraient
les uns les autres, Ton espère que dorénavant, avec la grâce du Très-
Haut, tout sera énoncé d'une manière claire et <^vidente, et que la sincé-
rité des intentions des deux parties sera exprimée, de sorte qu'il n'y aura
APPENDICE 3
pas le moindre doute ni équivoque. Je vous prie de croire digne de votre
attention ce que j'ai eu l'iionneur de vous exposer, mon magnifique, puis-
sant, généreux, clément seigneur et maître.
LXXIV. — Proclamation da premier consul Bonaparte sk l'armée
d Orient, en date de Pari» le Z dt'cembre 1 7»» (4 rcdjcb 1214).
Soldats, les consuls de la république s'occupent souvent de l'armée
d'Orient.
La France connaît toute l'iniluence de vos conquêtes pour la restaura-
tion de son commerce et de la civilisation du monde.
L'Europe entière vous regarde.
Je suis souvent en pensée avec vous.
Dans quelque situation que les hasards de la guerre vous mettent,
soyez toujours les soldats de Rivoli et d'Aboukir : vous serez invincibles.
Portez à Kléber cette confiance sans bornes que vous aviez en moi;
il la mérite.
Soldats, songez au jour oii, victorieux, vous rentrerez sur le territoire
sacré ; ce sera un jour de gloire et de joie pour la nation entière.
LSLXV. — Lettre du grand-vézir an général Kléber, en date dn quar-
tier-général de Gaza le > . . décembre 1999 ( . • . rédjcb 1314).
Au modèle des princes de la nation du Messie, au soutien des grands
de la secte de Jésus, h l'honoré et estimé Kléber (dont la Gn puisse être
heureuse !), un des généraux de France.
Salut et amitié.
J'ai reçu et j'ai compris le contenu de la lettre que vous m'avez direc-
tement envoyée par Moussa, tartare, en réponse à celles que je vous ai
précédemment écrites. Je pense que les dépêches que j'ai fait remettre à
l'officier que vous aviez envoyé h bord du vaisseau du commandant an-
glais Smith, mon honoré ami, vous sont parvenues.
Vous m'avez écrit que vous voulez évacuer l'Egypte, et que les arran-
gements qui seront proposés et pris pour effectuer celte évacuation se-
raient conformes à la dignité et k l'équité de la Sublime-Porte, ainsi
qu'aux devoirs de l'alliance qu'elle a contractée, et au droit des gens,
afin d'épargner, parce moyen, l'effusion du sang. Vous m'avez fait savoir,
plusieurs fois, que vous désiriez ouvrir des conférences pour traiter de
l'évacuation de l'Egypte, et que, si malgré ces avances, la Sublime-Porte
ne secondait pas de pareilles dispositions, vous n'étiez plus responsable
devant Dieu ni devant les hommes du sang qui serait répandu. Préférant
alors moi-même de traiter avec vous sur des propositions aussi raisonna-
bles, j'ai consenti à l'ouverture des conférences.
»i APPENDICE
Le commandant Smitli, mon ami, vient de m'écrire qu'il s'était tout
récemment rendu avec son vaisseau devant Damielle, et qu'il n'avait pas
trouvé les délégués que vous avez consenti k envoyer à son bord ; mais
que les mauvais temps l'ont forcé de quitter les parages de Damiette,
et d'aller jusqu'à Jaffa, d'où il se rendrait de nouveau devant Damiette,
avec l'espérance de trouver vos délégués, et que s'ils n'y sont pas encore
arrivés, il se portera vers Alexandrie. Cependant, une aile de mon armée se
trouve déjà devant El-Arich, et, les troupes musulmanes commençant k dé-
truire par des escarmouciies les Français qui s'y trouvent, il est impossible
qu'il n'y ait pas du sang répandu. Les circonstances ne me permettant pas
de retarder la marche de mon armée ; nous ne pourrions, en conséquence,
prendre des arrangements conciliatoires, si nous ne profitions pas du temps
qui s'écoule. Si donc vous êtes toujours dans les dispositions que vous avez
manifestées, il importe que vous vous hâtiez de faire arriver vos pléni-
potentiaires à bord du vaisseau de mon ami Smith. Mais, comme les vents
contraires et les mauvais temps ont été les motifs du retard qui a eu lieu
jusqu'à présent, j'ai écrit au commandant Smith que, dans !e cas oii vos
délégués seraient à son bord, il les conduisit au quartier-général de Gaza,
où ils seront à l'abri de pareils accidents et des orages. Mais, si vous
n'avez pas encore envoyé vos délégués à bord du commandant Smith,
et que vous soyez toujours disposé à terminer l'afTaire de l'évacua-
tion de l'Egypte sans effusion de sang, je vous engage à envoyer par
terre vos délégués à Gaza. Dès qu'ils y seront rendus, il n'y aura plus
d'hostilités de part ni d'autre. Dès que vos envoyés seront à Gaza, j'in-
viterai le commandant Smith à s'y rendre, et l'on s'occupera d'arranger
et de consolider l'affaire de l'évacuation de l'Egypte, dans l'endroit qui
sera désigné à cet effet, sur le rivage de cette ville.
Comme vous me mandez, dans toutes vos dépêches, que votre volonté
n'est point de répandre du sang, et que le succès de l'affaire dont il s'agit
serait un moyen de rétablir l'ancienne amitié entre la Sublime-Porte ei
les Français, je vous fais savoir par la présente, dont le tartare Moussa
est porteur, que de pareilles dispositions ne peuvent jamais être rejetées
par la Sublime-Porte, parce qu'une semblable conduite serait contraire à
notre équité et à notre loi.
J'espère que lorsque vous aurez reçu cette lettre, et que vous en aurez
compris le contenu, vous agirez ainsi que vous l'annoncez dans vos let-
tres précédentes, et d'une manière conforme à votre intelligence et à la
connaissance supérieure que vous avez des affaires.
LXXVI. — Lettre du grand-vézir an «jénéral Kléber. en date de In
plaine d'El-Arieh le 1 3 janvier 1 800 (Ki ciiàban 1214).
Le tarlare Moussa m'a apporté votre réponse. Jusqu'à présent toutes
APPENDICE 5
les ledres que vous avez écrites, tant h moi qu'à Monstapha-paclia, témoi-
gnaient de votre part l'inlenHon d'évacuer l'Egypte, pour éviter l'eirusion
du sang, et renouer les nœuds d'amitié qui unissaient autrefois la France
avec la Porte. Vous nous avez dit que vous nous enverriez bienlôt des
commissaires ponr conl'érer avec nous au sujet de l'évacuation, et que la
manière dont les commissaires s'occuperaient de ménager les intérêts de
la Porte prouverait combien vous désiriez sincèrement la paix et le bien
des deux nations.
MaiS; dans la lettre que je viens de recevoir, vous mettez h l'évacuation
la condition que la Porte se détachera des puissances qui lui sont alliées,
et qu'elle rompra avec elles. Cette clause ne s'accorde nullement avec
les intentions amicales et pacifiques que vous prétendez avoir. Si vous
voulez vous-même y réfléchir, vous sentirez que la Porte ne peut accepter
une condition si contraire au traité d'alliance qu'elle a contracté avec les
puissances ses amies.
Quoique vos commissaires ne soient pas encore venus, j'espère qu'ils
arriveront sous peu de jcurs. Aussitôt qu'ils seront ici, ils s'abouche-
ront avec les plénipotentiaires de la Porte et le commandant anglais
Smilh. S'ils proposent la clause susdite, ou tout autre semblable qui
blesserait les intérêts de la Porte ou de ses alliés, nous ne l'accepterons
point, et vous renouvellerez ainsi l'effusion du sang ; mais s'ils sont véri-
tablement animés du désir de terminer les choses à l'amiable, ils consen-
tiront avant tout à une prompte évacuation de l'Egypte, qui est l'article
premier et fondamental de la pacification souhaitée.
Nous apporterons les meilleures intentions à ces entretiens. Si vos
commissaires y mettent aussi de la bonne volonté, il suffira d'une ou
deux conférences pour terminer la négociation.
Faites-moi savoir, en définitif, quel est le parti auquel vous vous arrêtez.
LXXVII. — Lettre du grand-vézir au général Kléber, en date du
quartier-général à El-Arich, le . . . janvier i800 ( • . • chàban
1214).
Au modèle des princes de la nation du Messie, au soutien des grands
de la secte de Jésus, à l'honoré et estimé général français Kléber, dont la
fin puisse être heureuse. Salut.
J'ai reçu, et j'ai compris le contenu de la lettre que vous m'avez derniè-
rement adressée. Vous m'écrivez que vous vous êtes mis ces jours-ci en
marche, accompagné d'une légère escorte, pour être à portée de donner
les réponses nécessaires aux conditions que je vous proposerai, relative-
ment à l'heureuse affaire de l'évacuation de l'Egypte que vous désirez, ou
bien à la bataille , et que vous vous êtes acheminé vers Belbéis et Sa-
6 APPENDICE
léiiiéh, pour y attendre les réponses h vos dernières dépêches. Vous me
dites aussi que si vos délégués n'étaient pas encore arrivés h mon quar-
tier-général, il serait convenable de vous envoyer deux grands de la
Porte pour conférer sur l'affaire en question, et la terminer le plus tôt
possible.
Votre loyauté ne croit pas convenable de verser le sang, et comme vous
désirez l'heureuse réussite de la bonne affaire concernant l'évacuation de
l'Egypte, el qui est un prélude à la paix, et que vous avez marché dans le
chemin de la justice, ainsi que vous me l'avez écrit par le passé, il est
clair que, d'après mon zèle et ma loyauté, je ne consentirai pas non plus
à l'effusion du sang. 11 est évident aussi que votre départ du Caire, et votre
marche vers ces contrées, n'a pour but que de faire croire à votre justice
et votre loyauté, et d'accélérer, d'une manière avantageuse pour la Su-
blirae-Porle, le terme de l'heureuse all'aire de l'évacuation de l'Egypte,
qui doit être le prélude de la paix et de la tranquillité.
Je dois vous prévenir que vos délégués, qui sont arrivés ces jours-ci
à mon quartier-général, ont déjà ouvert les conférences, et que, malgré
votre assurance concernant le plein succès de l'affaire dont il s'agit, con-
formément à la loyauté et au zèle qui vous font aimer, ils rendent difficile
la réussite de cette si bonne affaire de l'évacuation.
La Sublime-Porte est depuis trois siècles amie de la France ; mais,
étant destiné par mon souverain à m'emparer et à délivrer, par la voie
des armes ou sans combattre, l'Egypte, dont les Français se sont emparés
à l'imprévu, il est certain qu'avec le secours du Très-Haut je dois faire
mon jjossible pour y parvenir. Votre désir étant réellement d'évacuer
l'Egypte, sans vous battre, loin de vouloir l'effusion du sang, mon désir
esl conforme au vôtre.
Je vous ai écrit cette lettre pour vous dire qu'il dépend de votre vo-
lonté de vous comporter d'après la préférence que vous aurez donnée h.
l'un des deux partis, de vous battre ou de ne point vous battre.
Quand vous aurez reçu la présente, et que vous en aurez compris le
contenu, j'espère que vous vous conduirez toujours suivant votre loyauté
et votre franchise.
LXXVIII. — Lettre du gént^ral Kl<';bcr au grand-vézir, en date du
quartier- géuéral de Saléhiéh le 18 janvier 1800 ( SI ehàban
iSS14).
J'ai reçu à Saléhiéh la dernière lettre que V. E. m'a fait l'honneur de
ra'adresser par le tartare Moussa, resté à Kathyé, par malentendu.
Actuellement que nos plénipotentiaires sont arrêtés au quartier-géné-
ral de V. E., et que j'ai rapproché le mien de manière à rendre nos com-
munications aus.si promptes que suivies, j'ai tout lieu d'espérer que nous
APPENDICE 7
nous enlendrons mieux, et que nos négociations obtiendront bientôt le
résultat lieuroux que V. E. paraît désirer autant que moi. J'envoie à mes
plénipotentiaires des instructions en conséquence. Ils ne rejetteront à
l'avenir que ce qui pourrait être contraire à la gloire et à la sûreté de
l'armée, dont le coniraanderaent m'est confié.
LXXIX. — Convention en date d'El.J&rick le 24 janvier 1800 (S8
chàban t'iH).
L'armée française voulant donner une preuve de ses désirs d'arrêter
l'effusion du sang, et de voir cesser les malheureuses querelles surve-
nues entre la République française et la Sublime-Porte, consent à évacuer
l'Egypte, d'après les dispositions de la présente convention, espérant que
cette concession pourra être un acheminement à la pacification générale
(le l'Europe.
Art. 1" L'armée française se retirera avec armes, bagages et effets,
sur Alexandrie, Rosette et Aboukir, pour y être embarquée et transportée
en France, tant sur ses bâtiments que sur ceux qu'il sera nécessaire que
la Sublime-Porte lui fournisse; et, pour que lesdits bâtiments puissent
être promplement préparés, il est convenu qu'un mois après la ratifica-
tion de la présente il sera envoyé au château d'Alexandrie un commis-
saire, avec 30 personnes, de la part de la Sublime-Porte.
Art. 2. Il y aura un armistice de trois mois en Egypte, à compter du
jour de la signature de la pré;sente convention; et cependant, dans le cas
où la trêve expirerait avant que lesdits bâtiments à fournir par la Sublime-
Porte fussent prêts, ladite trêve sera prolongée jusqu'à ce que l'embar-
quement puisse être complètement etfectué; bien entendu que, de part et
d'autre, on emploiera tous les moyens possibles pour la tranquillité des
armées et des habitants, dont la trêve est l'objet, ne soit point troublée.
Art. 3. Le transport de l'armée française aura lieu, d'après le règle-
ment des commissaires, nommés à cet effet par la Sublime-Porte et par
le général en chef Kléber, et si, lors de l'embarquement, il survenait quel-
que discussion entre lesdits commissaires sur cet objet, il en sera nommé
un par M. le coramodore Sidney-Smith, qui décidera les différends d'a-
près les règlements maritimes de l'Angleterre.
Art. /|. Les places de Kathyé et Saléhyé seront évacuées par les troupes
françaises le huitième jour_, et au plus tard le dixième jour après la ratifi-
cation de la présente convention. La ville de Mansoura sera évacuée le
quinzième jour; Damietle et Belbéis le vingtième jour; Soués sera évacué
six jouis avant le Caire; les autres places situées par la rive orientale du
Nil seront évacuées le dixième jour ; le Delta sera évacué quinze jours
g APPENDICE
après l'évacualioii du Caire. Lu l'ive occidentale du Nil, el, ses dépen-
dances resleronl entre les mains des Français jusqu'à l'évacualion du
Caire, et cependant, comme elles doivent être occupées par l'armée fran-
çaise jusqu'à ce que toutes les troupes soient descendues de la Haute-
Egypte, ladite rive occidentale et ses dépendances pourront n'être éva-
cuées qu'à l'expiration de la trêve, s'il est impossible de les évacuer plus
tôt. Les places évacuées par l'armée seront remises à la Sublime-Porte
dans l'état où elles se trouvent actuellement.
Art. 5. La ville du Caire sera évacuée dans le délai de quarante jours,
si cela est possible, et au plus tard dans quarante-cinq jours, à compter
du jour de la ratification de la présente.
Art. 6. Il est expressément convenu que la Sublime-Porte apportera tous
les soins pour que toutes les troupes françaises des diverses places de la
rive occidentale du Nil, qui se replieront avec armes et bagages vers leur
quartier-général, ne soient, pendant leur route, inquiétées ni molestées
dans leurs personnes, biens et honneur, soit de la part des habitants de
l'Egypte, soit par les troupes de l'armée impériale ottomane.
Art. 7. En conséquence de l'article ci-dessus, et pour prévenir toutes
discussions et hostilités, il sera pris des mesures pour que les troupes tur-
ques soient toujours suffisamment éloignées des troupes françaises.
Art. 8 Aussitôt après la ratification de la présente convention, tous les
Turcs et autres nations, sans distinction, sujets de la Sublime-Porte, dé-
tenus ou retenus en France, ou au pouvoir des Français en Egypte, seront
mis en liberté et réciproquement tous les Français détenus dans toutes les
villes el échelles de l'empire ottoman, ainsi que toutes les personnes de
quelque nation qu'elles soient, attachées aux légations et consulats fran-
çais, seront également mises en liberté.
Art. 9. La restitution des biens et des propriétés des habitants et des
sujets de part et d'autre, ou le remboursement de leur valeur aux pro-
priétaires, commencera immédiatement après l'évacuation de l'Egypte, et
sera réglée à Gonstantinople parles commissaires, nommés respectivement
pour cet objet.
Art. 10. Aucun habitant de l'Egypte, de quelque religion qu'il soii, ne
sera inquiété, ni dans &a personne, ni dans ses biens, pour les liaisons
qu'il pourra avoir eues avec les Français, pendant leur occupation de
l'Egypte.
Art. H. Il sera délivré à l'armée française, tant de la Sublime-Porte,
que des cours ses alliées, c'est-à-dire, celle de la Russie et delà Grande-
Bretagne, les passe-ports, sauf-conduits et convois nécessaires pour assu-
rer son retour en France.
Art. 12. Lorsque l'armée française d'Egypte sera embarquée, la Su-
blime-Porte, ainsi que ses alliées, promettent que jusqu'à son retour sur
APPENDICE n
le continent de la France, elle ne sera niillemenl inquiétée ; comme de
son côté, le général en ciief Kléber, et l'armée française en Kgypte pro-
mettent de ne commettre, pendant ledit temps, aucune liostililé ni contre
les flottes ni contre les pays de la Sublime-Porte et de ses alliés, et que
les bâtiments, qui transporteront ladite arméf, ne s'arrêteront k aucune
autre côte qu'à celle de la France, h moins de nécessité absolue.
Art. 13. En conséquence de la trêve de trois mois, stipulée ci-dessus
avec l'armée française pour l'évacuation de l'Egypte, les parties contrac-
tantes conviennent que, si dans l'intervalle de ladite trêve, quelques
bâtiments de France, à l'insu des commandements des Hottes alliées, en-
traient dans le port d'Alexandrie, ils en partiront, après avoir pris l'eau
et k's vivres nécessaires, et retourneront en France, munis des passe-
ports des cours alliées, et, dans le cas, où quelques-uns desdits bâtiments
auraient besoin de réparation, ceux-là seuls pourront rester jusqu'à ce
que lesdites réparations soient acbevées, et partiront aussitôt après pour
Frarxe, comme les précédents, après le premier vent favorable.
Art. 14. Le général en chef Kléber, pourra envoyer sur le champ en
France un aviso, auquel il sera donné les saufs-conduits nécessaires,
pour que ledit aviso puisse prévenir le gouvernement français de l'éva-
cuation de l'Egypte.
Art. 15. Étant reconnu que l'armée française a besoin de subsistances
journalières pendant les trois mois, dans lesquels elle doit évacuer l'E-
gypte, et pour trois autres mois à compter du jour où elle sera embar-
quée, il est convenu qu'il lui sera fourni les quantités nécessaires de blé,
viande, riz, orge et paille, suivant l'état, qui en est présentement remis par
les plénipotentiaires français, tant pour le séjour que pour le voyage.
Celles desdites quantités, que l'armée aura retirées de ses magasins après
la ratification de la présente, seront déduites de celles à fournir par la
Sublime-Porte.
Art. 16. A compter du jour de la ratification de la présente convention,
l'armée française ne prélèvera aucune contribution quelconque en Egypte,
mais, au contraire, elle abandonnera à la Sublime-Porte les contributions
ordinaires exigibles, qui lui resteraient à lever jusqu'à son départ, ainsi
que les chameaux, dromadaires, munitions, canons et autres objets lui
appartenant, qu'elle ne jugera pas à propos d'emporter; de môme que
les magasins de grains, provenant des contributions déjà levées, et enfin
les magasins de vivres. Ces objets seront examinés et évalués par des
commissaires envoyés en Egypte à cet effet par la Sublime-Porte, et par
le commandant des forces britanniques, conjointement avec les préposés
du général en chef Kléber, et remis par les premiers au taux de l'évalua-
tion ainsi faite, jusqu'à la concurrence de la somme de trois mille bourses,
qui sera nécessaire à l'armée française pour accélérer ses mouvements
10 APPENDICE
et son embarquement ; et, si les objets ci-dessus désignés ne produisaient
pas cette somme, le déficit sera avancé par la Sublime-Porte, h titre de
prêt, qui sera remboursé par le gouvernement français sur le billet des
commissaires, préposés par le général en chef Kléber pour recevoir la-
dite somme.
Art. 17. L'armée fran(;aise ayant des frais à faire pour évacuer l'Egypte,
elle recevra, après la ratification de la présente convention, la somme ci-
dessus stipulée dans l'ordre suivant :
Le quinzième jour, cinq cent bourses; le trentième jour, cinq cents
bourses; le quarantième jour, trois cents autres bourses ; le cinquantième
jour, trois cents autres bourses; le soixantième jour, trois cents autres
bourses; le soixante-dixième jour, trois cents autres bourses ; le quatre-
vingtième jour, trois cents autres bourses ; et, enfin, le quatre-vingt-
dixième jour, cinq cents autres bourses.
Toutes lesdites bourses de cinq cents piastres turques chacune, les-
quelles seront reçues en prêt des personnes commises à cet effet par la
Sublime-Porte; et pour faciliter l'exécution desdites dispositions, la Su-
blime-Porîe enverra, immédiatement après l'échange des ratifications, des
commissaires dans la ville du Caire et dans les autres villes occupées par
l'armée.
Art. 18. Les contributions que les Français pourront avoir perçues
après la date de la ratiflcation, et avant la notification delà présente con-
vention dans les divers points de l'Egypte, seront déduites sur le montant
des trois mille bourses ci-dessus stipulées.
Art. 19. Pour faciliter et accélérer l'évacuation des places, la naviga-
tion des bâtiments français de transport, qui se trouveront dans les ports
de l'Egypte, sera libre pendant les trois mois de trêve, depuis Damiette,
Rosette, jusqu'à Alexandrie, et d'Alexandrie à Rosette et Damiette.
Art. 20. La sûreté de l'Europe exigeant les plus grandes précautions,
pour empêcher que la contagion de la peste n'y soit transportée, aucune
personne malade ou soupçonnée d'être atteinte de celte maladie ne sera
embarquée ; mais les malades pour cause de peste, ou pour autre maladie,
qui ne permettrait pas leur transport dans le délai convenu pour l'évacua-
tion, demeureront dans les hôpitaux, où ils se trouveront, sous la sauve-
garde de son altesse le suprême vizir, et seront soignés par des officiers
de santé français, qui resteront auprès d'eux jusqu'à ce que leur guérisoii
leur permettra de pailir, ce qui aura lieu le plutôt possible. Les articles
11 et 12 de celte convention leur seront appliqués comme au reste de
l'armée, et le commandant en chef de l'armée française s'engagea donner
les ordres les plus stricts aux différents officiers, commandant les troupes
embarquées, de ne pas permettre que les bâtiments les débarquent dans
d'autres ports que ceux qui seront indiqués par les officiers de santé,
APPENDICE 11
comme offrant les plus grandes facilités pour faire la quarantaine, utile,
usitée et nécessaire.
Art. 21. Toutes les diflicullés qui pourraient s'élever, et qui ne se-
raient pas prévues par la présente convention seront terminées à l'amiable
entre les commissaires délégués h cet effet par le suprême vizir et le gé-
néral en chef Kléber, de manière à faciliter l'évacuation.
JiVl. 22. Le présent ne sera valable qu'après les ratifications respecti-
ves, lesquelles devront être échangées dans le délai de huit jours, en suite
de laquelle ratification, la présente convention sera religieusement ob-
servée de part et d'autre.
Fait, signé et scellé de nos sceaux respectifs au camp des conférences
près d'El-Arich, le h pluviôse an 8 de la République française, 2/i janvier
1800, V. st., et le 28 de la lune de châban l'an de l'hégire 12U.
t Le général de division Desaix.
^ '^ *' j Le citoyen Poussielgue.
Plénipotentiaires du général Kléber.
J Moustapha-Rachid-Éfendi, î^é'/îferrfar.
^ "^ M Moustapha-Rasikhi-Éfendi, 7'éisul-kiuttab.
Plénipotentiaires de S. A. le grand-vézir.
Pour copie conforme à l'expédition française remise aux ministres
turcs, en échange de leur expédition en turc.
(Signés) Desaix. — Poussielgue.
LXXX. — Lettre du commodore |i>idney Smith au général Kléber, en
date de Cbypre (à bord du TIGRE) le 3 1 février 1 800 (S6 raniazan
Monsieur le général, je reçois à l'instant la lettre ci-incluse à votre
adresse. Elle estaccorapagnée d'ordres qui m'auraient empêché d'acquies-
cer à la conclusion d'une convention entre S. A. le grand-vizir et vous,
autrement que sous les conditions y énoncées, si je les avais reçus à
temps. Maintenant que cette convention a eu lieu d'un commun accord,
selon notre traité d'alliance avec la Porte, pendant que nous ignorions
celte restriction, je ne conçois pas la possibilité de son infraction. En
même temps, je dois vous avouer que la chose ne me paraît pas assez
claire pour que je puisse vous la garantir autrement que par ma déter-
mination de soutenir ce quia été fait, en tant que cela dépend de moi. Je
suis au désespoir que ces lettres aient été retardées en route. Si vous n'a-
viez rien évacué, il n'y aurait pas de mai que les choses restassent comme
elles étaient au commencement des conférences jusqu'à l'arrivée des ins-
tructions conformes aux circonstances. Il est à observer que ces dépêches
12 APPENDICE
sont d'ancienne dale (V' janvier), écrites après des ordres venus de Lon-
dres au vice-amiral lord Keitli, en date du 15 au 17 décembre, évidem-
ment dictés par l'idée que vous traitiez séparément avec les Turcs, et
pour empêcher l'exécution de toute mesure contraire h notre traité d'al-
liance. Mais maintenant qu'on est mieux instruit, et que laconvenlionest
réellement ratiliée, je ne doute pas que la restriction ne soit levée avant
l'arrivée des transports. Je juge de votre embarras, monsieur le général,
par le mien ; peut-être, avec la bonne foi qui vous caractérise, pourrions-
nous aplanir des difficultés insurmontables. Je m'empresse de me rendre
devant Alexandrie pour y rencontrer voire réponse. Vous voyez, mon-
sieur le général, que je m'en rappoite encore une fois à votre libéralité
sur celte question vraiment difficile, certain qu'en tout cas vous me ferez
la justice de croire h la loyauté de mes intentions.
LXXILI. — Lettre du commodore $$idney Smith an citoyen Poussiel-
gue (administrateur général des Onances), en date (à bord du
TIGRE) du 8 marfs 1 800 ( 1 1 cliéwal 1 S 1 4 ).
Je me suis empressé de me rendre devant Alexandrie à l'instant que
j'ai pu compléter l'approvisionnement de mon vaisseau, pour vous faire
part, d'une manière détaillée, des obstacles que mes supérieurs ont mis à
l'exécution de toute convention de la nature de celle que j'ai cru devoir
admettre, n'ayant pas alors reçu les instructions contraires, qui me sont
parvenues en Chypre le 22 février, en date du 10 janvier. Quant à moi-
même, je n'hésiterais pas de passer par-dessus tout arrangement d'an-
cienne date, pour soutenir ce qui a été fait le 24, et le 31 janvier ; mais
ce serait tendre un piège k mes braves antagonistes, si je les encoura-
geais à s'embarquer ; je le dois à l'armée française et à moi-même de ne
pas lui laisser ignorer cet état actuel des choses, que je travaille cepen-
dant à changer. En tout cas, je me trouve entre elle et les fausses impres-
sions qui ont dicté une mesure de cette nature ; et, comme je connais la
libéralité de mes supérieurs, je ne doute pas de pouvoir produire sur leur
esprit la môme conviction que j'ai moi-même, en faveur de la mesure
que nous avons adoptée ensemble. Un entretien avec vous me mettrait à
même de vous communiquer l'origine et la nature de celte restriction ; et
je vous propose de faire le voyage sur une frégate anglaise, jusqu'au com-
mandant en chef de la flotte nouvellement arrivée dans la Méditerranée,
pour conférer avec lui là-dessus. Je compte beaucoup sur vos lumières
et l'esprit conciliateur, qui a facilité les moyens de nous entendre, pour
appuyer mes raisonnements sur l'impossibilité de revenir sur ce qui a été
si formellement fait. Après une discussion détaillée et une mûre délibéra-
tion, je vous propose donc. Monsieur, de venir encore une fois h mon
APPENDICE 13
hord, pour conférer sur ce qu'il y a h faire dans les circonstances diffici-
les où nous nous trouvons. Je regarde de sang-froid la responsabilité
grave à laquelle je nie trouve exposé ; il y va de ma vie, je le sais, mais
je préférerais la perdre d'une manière non méritée que la conserver mé-
ritant non-seulement la mort, mais le déshonneur.
L\X\II.— Proclamation dii général Kléber, en date du (gnartier-gé-
ncral du C aire le 1 8 mars 1 808 (3 1 chéwai 1314).
Soldats! Voici la lettre qui vient de ra'être adressée par le commandant
en chef de la flotte anglaise dans la Méditerranée :
A bord du vaisseau la Reine Charlotte le 8 janvier 1800 (11 cliâban 121/ij.
Monsieur,
Je vous préviens que j'ai reçu des ordres positifs de S. M. de ne con-
sentir à aucune capitulation avec l'armée française que vous commandez
en Egypte et en Syrie, à moins qu'elle ne mette bas l^s armes et ne se
rende prisonnière de guerre, et n'abandonne tous les vaisseaux et muni-
tions des port et ville d'Alexandrie aux puissances alliées; qu'en cas de
capitulation, je ne dois permetti'e à aucunes troupes de retourner en
France avant qu'elles n'aient été échangées. Je crois également néces-
saire de vous informer que tous les vaisseaux ayant des troupes françai-
ses à bord, et faisant voile de ce pays, munis de passe-ports, signés par
d'autres que ceux qui ont le droit d'en accorder, seront forcés par les
officiers des vaisseaux que je commande de rester à Alexandrie; enfin,
que les bâtiments qui seront rencontrés retournant en Europe avec des
passe-ports accordés en conséquence d'une capitulation part'culière avec
une des puissances alliées, seront retenus comme prises, et tous [les in-
dividus à bord considérés comme prisonniers de guerre.
{Signé) Keith.
Soldats ! nous saurons répondre à une telle insolence par des victoires.
Préparez-vous ii combattre.
LXXXII3. — Lettre du grand-véztr an conimodore Sidney Smith, en
date du Caire le . . . mars ISOO (. . . cliéwal 1314)
Il est superflu de vous faire savoir qu'il a été convenu, dans les confé-
rences qui ont eu lieu à El-Arich, entre mes plénipotentiaires et ceux de
l'honoré général Kléber, que les escadres de la Sublime-Porte, celles de
l'Angleterre et de la Russie, n'auraient pas inquiété les bâtiments sur les-
quels doivent s'embarquer les Fran(;ais qui évacueront l'Egypte. Ces con-
ventions vous ont été connues, et elles ont été stipulées d'après votre avis,
^[^ APPENDICE
en vertu de voire qualité de ministre plénipotentiaire ; vous étiez convenu
en même temps que la Porte aurait fourni des firmans de route, et que
vous auriez donné des passe-ports aux Français qui seraient sortis de
l'Egypte en toute sûreté, avec armes et bagages, et remis lesdit passe-
ports à lord Nelson, qui se serait chargé de les faire arriver sains et saufs
dans les ports de France.
D'après cela, il est évident qu'il est de toute nécessité que celte con-
vention soit complètement exécutée, sans qu'il puisse y être mis aucune
opposition. Cependant, le général en chef Kléber vient de ra'envoyer co-
pie d'une lettre que vous lui écrivez, et dans laquelle vous lui faites part
des ordres de lord Keith, mon honoré ami, amiral de l'escadre de S. M.
britannique dans la Méditerranée, qui sont contraires à l'exécution de la
convention. Quoique vous n'ayez pas encore reçu la lettre de lord Keith,
qui contient les susdits ordres, votre lettre ayant singulièrement affecté le
général Kléber, son excellence Moustapha-pacha a fait savoir, par des
dépêches réitérées, qu'il se refusait à évacuer le Caire. Comme vous
mandez à ce général, en lui faisant part des ordres de lord Keith, qu'il
serait nécessaire d'ouvrir de nouvelles conférences pour prendre des
arrangements en conséquence, il a élevé des doutes sur la libre sortie des
Français de l'Egypte, et a déclaré qu'il n'évacuerait l'Egypte que lors-
qu'il serait pleinement rassuré. Cependant l'époque ou le Caire aurait dû
être évacué, conformément à la convention, étant arrivée, et cette infrac-
tion au traité mettant dans le cas de recommencer les hostilités, mais
étant convaincu que le général Kléber ne s'est point conformé au traité à
cet égard que parce qu'il a eu connaissance et a été très-alTecté des diffi-
cultés opposées par lord Keith, et qu'il désirait, avant d'en venir à cette
mesure, être rassuré de ce côté, on s'est borné à lui faire donner l'assu-
rance que l'Angleterre ne mettrait aucun obstacle à l'arrivée de l'armée
française dans les ports de France.
11 est inutile de vous dire qu'il est certain que lord Keith n'était point
instruit de l'évacuation de l'Egypte, lorsqu'il a expédié ses dépêches, et
que vous auriez dû lui en donner connaissance avant d'écrire au général
français des lettres qui devaient nécessairement lui donner de l'inquiétude ;
vous devez donc montrer le plus grand zèle pour faire exécuter complète-
ment tous les articles de cette convention, passée entre la Sublime-Porte
et les Fiançais qui sont en Egypte, et à laquelle vous avez participé
comme plénipotentiaire de votre cour ; vous y êtes d'autant plus obligé
que, conformément à l'alliance que la Sublime-Porte a contractée avec
l'Angleterre, et par laquelle cette puissance garantit l'intégrité de l'em-
pire ottoman, vous devez mettre tout en oeuvre afin que l'Egypte soit
remise le plus tôt possible sous sa domination.
L'ambassadeur extraordinaire de S. M. Britannique près la Sublime-
APPENDICE .15
Porte, lord Elgiii , notre arai, lui a présenté plusieurs mémoires dans
lesquels il dit que son roi n'apportera aucune diflicultés dans les conven-
tions qu'elle voudra passer pour l'évacuation de l'Egypte; que sa volonté,
à cet égard, sera toujours exécutée, et que S, M. Britannique se confor-
mera toujours aux articles du traité d'alliance qui unit les deux puis-
sances; d'après cela, il est de notre devoir de faire cesser promplement
les diflicultés que votre lettre a npporlées à l'entière exécution de la con-
vention passée pour l'évacuation de l'Egypte.
Je vous écris la présente afin que, mettant tous vos soins à ce que rien
n'arrive de contraire k notre alliance et k la convention stipulée, vous
m'expédiez le plus tôt possible une dépêche tendant 'i rassurer le général
Kléber, par la certitude que vous me donnerez que les bâtiments, sur les-
quels seront embarqués les Français, ne seront nullement inquiétés par les
bâtiments anglais, et que ceux-ci, au contraire, les feront parvenir sains
et saufs dans leur patrie ; et que, conformément à notre alliance, vous et
tous les préposés de votre cour employerez tous vos moyens afin que les
articles de la convention soient pleinement exécutés. Quand la présente
vous sera parvenue, j'espère que vous ferez tout ce qui tendra à resser-
rer notre alliance, et surtout à faire exécuter la convention, et que vous
vous empresserez de m'envoyer la lettre que je vous demande.
liXXXIV. — Lettre da général Kléber au grand vézir, en date du 1 9
mars I800 (3S cliéwal 1214).
L'armée dont le commandement m'est confié ne trouve point, dans les
dispositions qui m'ont été faites de la part de V. A., une garantie suflisante
contre les prétentions injurieuses, et contre l'opposition du gouvernement
anglais â l'exécution de notre traité. En conséquence, il a été résolu, ce
matin, au conseil de guerre, que ces propositions seraient rejetées, et que
la ville du Caire ainsi que ses forts demeureraient occupés par les troupes
françaises jusqu'à ce que j'aie reçu du commandant en chef de la flotte
anglaise, dans la Méditerrannée, une lettre directement contraire â celle
qu'il m'a adressée le 8 janvier, et que j'aie entre les mains les passe-ports
signés par ceux qui ont le droit d'en accorder.
D'après cela, toutes les conférences ultérieures entre nos commissaires
deviennent inutiles, et les deux armées doivent dès cet instant être con-
sidérées comme en état de guerre.
La loyauté que j'ai apportée dans l'exécution ponctuelle de nos conven-
tions donnera h V. A. la mesure des regrets que me fait éprouver une rup-
ture aussi extraordinaire, dans ces circonstances, que contraire aux avan-
tages communs de la république française et de la Sublime-Porte. J'ai
assez prouvé combien j'étais animé du désir de faire renaître les liaisons
16 APPENDICE
d'intérêt et d'amitié qui unissaient depuis longtemps les deux puissances.
J'ai tout fait pour rendre manifeste la pureté de mes intentions. Toutes
les nations y applaudiront, et Dieu soutiendra par la victoire la justice de
ma cause. Le sang que nous sommes prêts à répandre rejaillira sur les
auteurs de celte nouvelle dissension.
Je préviens aussi V. A. que je garde comme otage, à mon quartier gé-
néral, son excellence Mouslapha-pacha, jusqu'à ce que le général Galbo,
retenu à Damiette, soit arrivé à Alexandrie avec sa famille et sa suite, et
qu'il ait pu me rendre compte du traitement qu'il a éprouvé des officiers
de l'armée ottomane, sur lesquels on me fait des rapports très-extraordi-
naires.
La sagesse accoutumée de V. A. lui fera distinguer aisément de quelle
part viennent les nuages qui s'élèvent; mais rien ne pourra altérer la
grande considération et l'amitié bien sincère que j'ai pour elle.
LXXliLV. — Ordre secret des lords de l'amirauté à lord Keith, en date
du 38 mars 1800 (S zilcadé IS14).
Lord Grenville nous a informés, par une lettre en date de ce jour que,
conformément aux ordres de S. M., il devait vous être signifié qu'elle
désapprouvait les conditions de la capitulation de l'armée française en
Egypte, dont elle a eu connaissance par des dépêches nouvellement reçues
de lord Elgin et de sir Sidney Smith. Ces conditions paraissaient au roi
plus avantageuses pour l'ennemi, qu'il ne devait l'espérer d'après sa si-
tuation, et d'ailleurs préjudiciables aux intérêts des alliés, en mettant à la
disposition du gouvernement français un corps considérable de troupes
disciplinées. Le roi ne considère point le capitaine sir Sidney Smith
comme ayant eu le droit d'entrer dans un accord de cette nature, ni de le
sanctionner au nom de S. M. Cet officier n'était revêtu d'aucune autorité
spéciale pour cet effet; et ce n'était point dans un cas semblable que le
capitaine, commandant les lorces de S. M. sur la côte d'Egypte, pou-
vait prendre de pareils engagements sans l'adjonction de son officier
supérieur. Mais le général français paraît avoir vu dans sir Sidney un
homme qu'il croyait, de >onne foi, suffisamment autorisé, et une partie du
traité a été de suite mise à exécution par l'ennemi, de manière que si le
traité était annulé (en ce qui concerne la part que l'officier de S. M. y a
pris), l'armée française ne pourrait être replacée dans la situation où elle se
trouvait préalablement. D'après ces considérations, S. M. voulant observer
scrupuleusement la foi publique, juge à propos que les officiers ne fas-
sent rien qui puisse être incompatible avec les engagements auxquels sir
Sidney Smith a donné, par une mesure erronée, la sanction du nom
de S. M.
APPENDICE 17
Lord Gronville nous a aussi prévenus que, dans cette vue, il transmet-
tra au comte Elgin les ordres de S. M., pour récrier avec la Porte la forme
des passe-porls qui seront accordés au nom du roi, non comme partie
accédant h la capitulation, mais comme alliéede la Turquie. La volonté de
S. M. est que lesdits passe-ports, ainsi que les autres passe-ports qui
pourraient avoir été accordés (irrégulièrement), dans l'intervalle, par sir
Sidney Smitli, soient respectés. Quoique les circonstances susmentionnées
aient engagé S. M. h ne point troubler l'exécution du traité de la Porte,
elle ne se croit pas obligée d'autoriser ses ofTiciers k y prendre une part
active, ni à fournir pour cet efl'et aucun convoi ni transport. Cependant,
si l'on s'adressait à vous pour obtenir la liberté d'envoyer des cartels de
France en Egypte, afin de transporter l'armée, conformément h la capi-
tulation, votre seigneurie accorderait des passe-ports, toutefois avec les
restrictions et les précautions nécessaires. Pour empêcher les abus qui
pourraient résulter de cette libsrté, votre seigneurie aura soin de donner
des ordres convenables aux commandants des vaisseaux qui sont sous ses
ordres, et de prévenir sir Sidney Smith de la volonté de S. M. Si vous
pouviez découvrir, de la part des Turcs ou des Russes, l'intention d'em-
pêcher l'exécution de la capitulation, ou de commettre quelque acte d'hos-
tilité contre l'armée française, soit avant ou après son embarquement,
nous recommandons à votre seigneurie de ne rien négliger pour leur
persuader d'adopter les mesures les plus compatibles avec la fidèle ob-
servation des engagements contractés envers l'ennemi.
LXXXl'I. — Lettre du citoyen Ponsslelgne à l'amiral Kelth. en date
(ik bord de LA CO^'i^TilIVCE) du 30 avril 1800 (25 zilcadé 1214).
Mylord, au moment de quitter l'Egypte pour retourner en France, en
vertu de la convention signée à El-Arich, j'ai appris à Alexandrie les
obstacles, que vos ordres apportaient à l'exécution de cette conven-
tion, quoiqu'elle eût déjà eu en partie son effet, avec cette bonne foi que
devait inspirer la loyauté des parties contractantes. — Je me suis décidé
à me rendre auprès de vous, mylord , pour vous demander de révo-
quer vos ordres, en mettant sous vos yeux tous les motifs qui doivent
vous y déterminer, ou pour vous prier, dans le cas où vous ne pourriez
pas prendre ce parti, de me faire remettre promptemenl en France, afin
que le gouvernement français traite directement cette affaire avec le
gouvernement anglais. Il s'agit peut être de la vie de 50,000 hommes,
qui peuvent s'égorger aujourd'hui sans aucun motif, puisque, d'après le
traité solennellement fait avec les Anglais, les Russes et les Turcs, tout
était terminé.
Je n'ai pas de pouvoirs ad hoc pour la démarche que je fais auprès de
T. II. 2
18 APf*ÉNt)ÏCE
VOUS, niylord ; il n'en était pas besoin, pour réclamer une chose qui se-
rait de droit entre les nations les moins civilisées; elle me paraissait si
juste et si simple, elle était d'ailleurs si urgente, que je n'ai pas cru de-
voir attendre les ordres du général Kléber, qui, j'en étais sûr, ne voudrait
pas consentir i\ ce qu'il fût apporté la moindre modiûcation au traité,
quoique sa fidélité à l'exécuter eût rendu sa position beaucoup moins
avantageuse. Au moment où nous conclûmes la convention à El-Arich,
sous la simple garantie de la loyauté anglaise, nous étions loin de pré-
voir que les obstacles viendraient de cette môme puissance, la plus libé-
rale de celles avec lesquelles nous traitions. Au reste, mylord, je ne suis
pas militaire ; toutes mes fonctions sont terminées. Deux ans de fatigue
et de maladie m'ont rendu indispensable mon retour dans mon pays. Je
n'aspire plus qu'à m'y reposer auprès de ma femme et de mes enfants ;
heureux, si je puis porter aux familles des Français que j'ai laissés en
Egypte la nouvelle que vous avez fait cesser les derniers obstacles qui
s'opposaient à leur retour.
LXXXVII. — Capitulation du Caire, en date da 21 avril 1800 (26
«ilcadé 1214).
Art. 1" Le général en chef accorde un délai de trois jours, à compter
de demain, 2 floréal, jusqu'au 5, pour les préparatifs nécessaires au dé-
part des troupes ottomanes et des Mamlouks.
Demain, à sept heures du matin, tous les quartiers de la ville du Caire,
situés sur la rive gauche du canal, dans toute la longueur de la ville, se-
ront abandonnés par les troupes ottomanes, et occupés par les Français.
Art. 2. Les troupes ottomanes et les Mamlouks pourront emporter
leurs bagages et leurs armes, mais les pièces d'artillerie seront laissées
par eux dans les lieux où elles sont en ce moment établies dans la ville
du Caire.
Art. 3. Le général en chef fournira aux troupes mentionnées ci-dessus
cent chameaux chargés de biscuit, et cent charges d'orge ou de fèves : il
leur laisse la faculté de requérir dans la ville du Caire le supplément né-
cessaire de ces bêtes de somme, et un nombre suflisant d'autres, pour le
transport desquelles il leur sera fourni de cent à deux cents chameaux à
Saléhiéh.
Art. /|. Les Osmanlis et les Mamlouks sortiront de la ville du Caire, par
la porte des Victoires, à La pointe du jour, le 5 floréal, correspondant au
30 du mois zilhidjé ; ils s'arrangeront de manière à ce qu'à midi précis
aucun individu faisant partie des susdites troupes, autres que les blessés
qui seront reçus et traités dans les hôpitaux français, ne se trouvent dans
la ville. Ces troupes camperont le même jour à quatre heures de marche
APPENDICE 19
(le la ville du Caire, le deuxième h Belbéis, le troisième h Koraïm, et le
quatrième h Saléhièh, où, conformément à leur demande, elles séjourne-
ront quarante-liuit heures pour taire de l'eau, et continueront ensuite leur
route pour la Syrie, en passant par Katlliyéh et El-Aricli.
Art. 5. Pour garantir ces troupes mentionnées ci-dessus de toute in-
sulte, elles seront sous la protection du général de division Régnier, ayant
avec lui un de ses généraux de brigade, et l'escorte suffisante.
Art. 6. Tous les prisonniers français, qui pourraient être au pouvoir des
Osmanlis ou des Mamlouks, seront rendus et échangés contre un pareil
nombre de prisonniers musulmans au pouvoir des Français.
Art. 7. Le général en chef accorde un pardon général et particulier aux
habitants du Caire et de toute l'Egypte, qui auraient pu prendre parti pour
les ennemis des Français, mais aucun habitant du Caire ne pourra sortir de
la ville pour suivre l'armée ottomane.
Art. 8. Pour assurer la garantie des articles ci-dessus, les ennemis don-
neront au général en chef, comme otage, le personnage immédiatement
au-dessous de Nassif-pacha, et les Mamlouks un béy du premier ordre.
Les Français, de leur côté, fourniront un officier général.
Art. 9. Les échanges d'otages se feront demain, à sept heures du matin,
sur la place Ezbekyéh, par les chargés de pouvoir du général en chef
Kléber, et ceux de Nassif-pacha et d'Ibrahim-béy.
On conviendra de suite des dispositions particulières sur les deux rives
du canal.
Au Caire, le premier floréal an 8 de la République française.
(Signés) Kléber. — Nassif-Pacha. — Osman-Effendi. — Ibrahim-Bét.
(A. Galland), Tableau de l" Egypte pendant le séjour de r armée fran-
çaise, etc. PariSj au XI).
LX.XXVIII, — Lettre de raniiral Keith au citoyen Poussielgae, en
date (à bord du MIIVOTAUBE, devant Gênes) du ZS avril 1800(28
zilcadé 1214).
Monsieur, j'ai reçu la lettre, que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
aujourd'hui. Je dois vous informer que je n'ai jamais donné aucun ordre,
ni autorisation, en opposition à la convention passée entre le grand-
visir et le général Kléber, n'ayant jamais reçu à cet égard d'instruction
des ministres du roi. D'après cela, j'ai pensé que Sa Majesté ne devait
prendre aucune part à cette affaire. Mais, depuis que le traité a été con-
clu, Sa Majesté voulant montrer à ses alliés les égards qu'elle a pour eux,
j'ai reçu des instructions qui accordent le passage aux troupes françaises,
et je n'ai pas perdu un instant pour envoyer en Egypte Tordre de les
laisser retourner en France, sans les troubler dans leur voyage. Cepen-
20 APPENDICE
danl, j'ai cru de mon devoir envers le roi, et ceux de ses alliés dont les
états se trouvent dans les mers où ces troupes doivent passer, de deman-
der qu'elles ne reviennent pas en un seul corps, ni sur des vaisseaux de
guerre ou armés en guerre. J'ai demandé aussi que les vaisseaux de
cartel ne portassent pas de marchandises; ce qui est contraire aux lois
des nations. J'ai aussi demandé au général Kléber sa parole d'honneur
que ni lui ni son armée ne commettraient aucune hostilité envers les
les puissances coalisées; et je ne doute pas que le général Kléber ne
trouve ces conditions parfaitement raisonnables. — Le capitaine Hay a
reçu mes ordres pour vous laisser retourner en France avec l'adjudant-
général Cambis, aussitôt son arrivée à Livourne.
LXXXrX. — licttrc da premier consnl Bonaparte au nalnistre des re-
lations extérieures, en date de Lausanne le 15 mai 1800 (20 zil-
hidjé 1214).
J'ai reçu de Toulon, citoyen ministre, beaucoup de lettres de généraux
et, entre autres, du général Menou. Il paraît que la capitulation est désap-
prouvée par tous les gens éclairés et plusieurs hommes de cœur de l'armée.
L'ordonnateur en chef de cette armée ayant envoyé l'état exact des troupes
qui la composent, je le renvoie aux consuls pour qu'ils le fassent mettre
dans le Moniteur. Lorsque cet article paraîtra, je désire que vous en fas-
siez faire plusieurs, dont le but serait de faire sentir que, si je fusse resté
en Egypte, cette colonie serait encore à nous; comme, si je fusse resté en
France, nous n'aurions pas perdu l'Italie.
Il est bon, à celte occasion, de rappeler qu'à Aboukir /j,000 Français
battirent 20,000 Turcs et prirent le pacha; qu'à Damiette le général Ver-
dier, avec 800 iiorames, battit ^,000 janissaires, et que le grand-visir
n'avait pascertaineraentau-delàde30,O00 hommes, ramassisdetousles pays
que 8,000 Françaisauraientraisendéroute ; qu'il est d'autant plus mallieu-
reux que l'on évacue l'Egypte que, par les précautions prises, la peste n'avait
fait cette année aucun ravage, et que, depuis la fin de la guerre de la
Vendée, l'escadre de Brest, qui portait 6,000 hommes et beaucoup de mu-
nitions, serait parvenue à jeter, un mois plus tôt ou plus tard, du secours en
Egypte; que la cour de Londres n'a donné l'ordre délaisser passer l'armée
que sur les observations de M. Smith, qui a prouvé la faiblesse de l'armée
du grand-vizir et la force de l'armée française ; elle est telle, que le grand-
vizir, avec son camp à Bel-béys, n'ose pas s'avancer au Caire, et a poussé la
condescendance jusqu'à payer trois raillions pour satisfaire l'armée fran-
çaise ; et, si l'armée d'Égypie a connu que l'Angleterre s'oppose à son
retour en France, il n'est aucun doute quelle n'ait battu le grand-visir
forcé à repasser le désert, et reconquis l'Egypte.
APPEiNDlCE 21
Vous sentez que tout cela est nécessaire à dire. Spécialement pour ôter
jusqu'à l'ombre du soupçon, dont les ennemis du gouvernement parais-
sent vouloir se targuer.
\C. — Ordre da jour du général Mcnou, en date du quartier-général
du Caire le 15 juin 1800 (2 2 nioharrem 1215)/
Soldats, un horrible attentat vient de vous enlever un général que vous
chérissiez et respectiez. Un ennemi, qui ne mérite que le mépris et l'indi-
gnation du monde entier, un ennemi qui n'avait pu vaincre les Français,
commandés parle bon Kléber, a eu la lâcheté de lui envoyer un assassin.
Je vous dénonce, je dénonce au monde entier le grand-vézir, chef de
cette armée que vous avez détruite dans les plaines du Matharich et
d'Héliopolis. C'est lui qui de concert avec son aglia des janissaires a
mis le poignard à la main du nommé Soleyman-el-Alepi, qui, parti de
Ga7a depuis 32 jours, nous a enlevé hier, par le plus noir des assassi-
nats, celui dont la mémoire doit être chère à tout bon Français.
Soldats, Kléber avait dissipé, en marchant k votre tête, cette nuée de
barbares qui de l'Europe et de l'Asie étaient venus fondre sur l'Egypte.
Kléber, en dirigeant vos invincibles cohortes avait reconquis l'Egypte
entière en dix jours de temps.
Kléber avait tellement restauré les finances de l'armée que tout l'arriéré
était payé, et la solde mise au courant.
Kléber, par les règlements les plus sages, avait réformé une grande
partie des abus presque inévitables dans les grandes administrations.
Le plus bel hommage que vous puissiez rendre à la mémoire du brave
Kléber est de conserver cette attitude fière et imposante qui fait trem-
bler vos ennemis partout où vous portez vos pas ; c'est de vous astreindre
vous-mêmes à celte discipline qui fait la force des armées.
C'est de vous rappeler sans cesse que vous êtes des républicains, et que
partout vous devez donner l'exemple de la moralité et de l'obéissance à
vos chefs, comme vous donnez partout celui du courage et de l'audace
dans les combats.
Soldais, l'ancienneté de grade m'a porté provisoirement au comman-
dement de l'armée. Je n'ai à vous offrir qu'un attachement sans bornes à
la république, à la liberté et à la prospérité de la France.
J'invoquerai les mânes de Kléber; j'invoquerai le génie de Bonaparte;
et, marchant au milieu de vous, nous travaillerons tous de concert pour
l'intérêt de la république.
L'armée connaîtra incessamment tous les détails de l'horrible assas-
sinat, ainsi que de la procédure qui a lieu pour la recherche et punition
de l'assassin et de ses complices.
22 APPENDICE
XCI. — Lettre dn général Menou an commodore Smith, en date du
quartier-général dn Caire le SOjnin 1800(39 nioharrem 1S15).
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'iionneur de m'é-
crire en date du 9 juin, à bord du Tigre^ devant Rhodes. L'horrible
assassinat commis sur la personne du général en chef, Kléber, ayant privé
l'armée française de son chef, j'en ai pris le commandement.
Vos alliés, les Turcs, n'ayant pu vaincre les Français ii Matharich, ont
employé, pour se venger, l'arme du poignard, cette arme qui n'est que
celle des lâches. Un janissaire parti de Gaza, il y a aujourd'hui quarante-
deux jours, a été envoyé pour commettre cet horrible crime. Les Fran-
çais aiment à croire que les Osmanlis seuls sont coupables. Cet assassinat
doit être dénoncé à toutes les nations, et toutes ont intérêt à le venger.
La marche que vous avez tenue, Monsieur, relativement à la conven-
tion qui avait été faite à El-Arich, me trace parfaitement celle que je
dois tenir. Vous avez demandé la ratification de votre gouvernement; je
dois également demander celle des consuls, qui gouvernent aujourd'hui
la république française, pour toute espèce de traité, qui pourrait être
conclu entre l'armée que je comm ande, les Anglais et leurs alliés. C'est
la seule marche légale, la seule convenable dans les négociations qui
pourront avoir lieu.
Ainsi que vous, Monsieur, j'abhorre les fléaux de la guerre ; ainsi que
vous, Monsieur, je désire de voir la fin des maux qui affligent l'univers :
Mais je ne me départirai jamais de tout ce qui peut tenir à l'honneur de
la république française et de ses armées. Je suis bien convaincu, que
cette façon de penser doit être aussi la vôtre. La bonne foi et la moralité
doivent présider aux traités que font entre elles les nations. Les répu-
blicains français ne connaissent pas ce que c'est que les ruses de guerre-^
dont il est parlé dans le papier de M. Morieze : ils n'ont d'autres règles de
conduite que courage dans le combat, générosité après la victoire, et
bonne foi dans les traités.
Cent cinquante Anglais sont prisonniers ici. Si je n'avais consulté que
la générosité républicaine, je les aurais envoyés sans les considérer
comme prisonniers : car, échoués sur la côte d'Egypte, ils n'ont pas été
pris les armes à la main, et je suis bien assuré que les consuls de la ré-
publique française m'eussent approuvé. Mais vos alliés, parla plus vile de
toutes les conduites, ont retenu le citoyen Baudot, chef de brigade, aide-
de-camp du général Kléber, lorsque sa personne devait être sacrée pour
les nations les plus barbares. Il avait été envoyé en parlementaire : j'ai
donc été forcé, contre mes principes et contre mon opinion, d'user de re-
présailles envers vos compatriotes : ils ne seront relâchés qu'au moment
Al'I'ENDICE ?3
OÙ le citoyen Baudot arrivera îi Daiuiette. ïjà, il doit être (îcliangô contre
Mustaplia-Pacha et quelques commissaires turcs. Si, comme je ne puis en
douter, Monsieur, vous avez de l'influence parmi vos alliés, cette alTaire
devra bientôt être terminée : elle intéresse votre honneur et compromet
éminemment cent cinquante de vos compatriotes.
J'ai l'honneur de vous répéter, Monsieur, que ce sera avec l'enthou-
siasme de la satisfaction que je verrai terminer une guerre qui, depuis
si longtemps, désole le monde entier : mais, quand de grandes nations
traitent ensemble, ce ne doit être que sous des conditions également ho-
norables pour toutes les deux, et avantageuses pour leur prospérité.
XCll. — Lettre (1) du comniodorc j^ildney f^îniith an général Nenon,
en date de YaOa le S S juin f 800 (S 9 moharrem 1S15).
Monsieur le général, j'ai reçu ce soir la lettre que vous m'avez fait
l'honneur de m'écrire le 20 juin. Au moment, oii je m'attendais h voirie
général Kléber, sous les auspices les plus favorables et les plus heureux,
j'apprends avec le plus vif chagrin et la plus grande douleur sa mort tra-
gique. J'en ai fait part sur-le-champ au grand-vézir et aux ministres ot-
tomans, dans les termes que vous m'annoncez ce triste événement ; et il
n'a rien moins fallu que la certitude et les détails, avec lesquels vous me
donnez cette nouvelle, pour que leurs excellences y ajoutassent foi. Le
grand-vézir m'a déclaré, formellementet officiellement, qu'il n'avait pas la
moindre connaissance de ceux qui ont commis cet assassinat, et je suis
très-sûr que sa déclaration est vraie et sincère : et, sans entrer dans les
détails de ce malheureux événement, qui me cause une peine inexpri-
mable, je me contenterai de répondre aux articles de votre lettre, qui ont
Irait à nos affaires.
Si le grand-vézir a retenu, à son camp, l'aide-de-camp Baudot, qui lui
avait été envoyé à Jebil-il-Illam, c'est que son excellence n'avait pas jugé à
propos de laisser sortir personne du camp, au moment qu'il se voyait en-
vironné de ses ennemis. Baudot était arrêté à Jebil-il-I!lam, comme les of-
ficiers turcs, destinés à servir réciproquement avec lui d'otages, étaient
retenus au Caire. Cet aide-de-camp a été envoyé à l'escadre ottomane,
pour être échangé comme vous le désirez; et, dans cet intervalle, son ex-
cellence le capitan-pacha étant arrivée ici, son absence de l'escadre a fait
différer l'échange désiré. Quand son excellence sera de retour à son esca-
dre, comme l'aide-de-camp Baudot est devant Alexandrie, l'affaire de l'é-
change pourrait s'y conclure, si vous le jugiez à propos. Mais je ne vois
(l) Traduite du turc : l'original de cette lettre était en français. (V. Nouvelles poli-
tiques^ année 1600}.
24 APPENDICE
pas pourquoi vous faites dépendre d'une affaire, qui ne regarde que vous el
la Porte, la mise en liberté de 150 Anglais qui ont fait naufrage au cap
Brulos. J'attends de votre loyauté et de votre justice que, suivant les règles
convenues entre nos deux nations pour l'échange réciproque de nos pri-
sonniers, auquel nous sommes autorisés à travailler, vous permettrez le
retour du capitaine Brutal, de ses officiers et de son équipage. Le's pro-
messes que vous nie faites, dans l'espérance de la réciprocité de ma part,
ne peuvent être appliquées à cette circonstance, et je crois superflu de
vous offrir en réciprocité la promesse de mes bons offices en faveur d'une
personne qui se trouve dans une position fâcheuse, que j'ai moi-même
éprouvée (à Paris). Je suis persuadé que le grand-vézir mettra le sceau
de la généreuse et haute approbation à tous les procédés honnêtes que
nous aurons les uns pour les autres. Les ruses de la guerre ne sont con-
nues ni de vous, ni de nous ; et, outre que je continuerai à me comporter
envers vous avec la même franchise et la même loyauté, que je l'ai fait
jusqu'à présent, j'employerai fortement tous mes efforts pour qu'aucune
personne, sur laquelle je puis avoir quelque influence ne tienne une con-
duite contraire à ces principes. Soyez persuadé que les dispositions hos-
tiles, qui ont été annoncées par de premières oppositions, et qui ont ac-
quis de l'extension et de la publicité, peuvent se calmer par les moyens
que les circonstances présentes fourniront aux deux parties, de corres-
pondre et de s'entendre réciproquement, et qu'à la fin nous serons unis par
les liens d'une sincère amitié. En attendant, nous ferons la guerre avec
les moyens que nous avons employés jusqu'à présent contre vous, et
ceux que nous pouvons encore nous procurer ; et nous tâcherons de nous
rendre dignes de l'estime de vos braves troupes.
Les hoslililés que vous avez commises sans attendre la réponse de
l'amiral Keith, qui n'avait pas eu connaissance de la convention conclue
pour l'évacuation de l'Egypte, ont servi de règle à notre conduite. Je
n'avais pas demandé à ma cour sa ratification ; je n'avais cherché qu'à
lever quelques difficultés imprévues, qui avaient pu s'opposer au retour
des Français dans leur patrie. Le général Kléber, dans les derniers pré-
liminaires qui ont été arrêtés, n'ayant pas fait entendre que le traité qui
devait suivre, avait besoin de la ratification des consuPs qui gouvernent
aujourd'hui la France, cette condition que vous mettez dans vos préli-
minaires semble être un refus d'évacuer l'Egypte, et le grand-vézir m'a
chargé de vous demander à ce sujet une réponse claire et précise. Vous
désirez, comme moi, la fin du fléau de la guerre qui désole tout l'uni-
vers.
Il est dans votre pouvoir d'écarter un des obstacles qui s'opposent à
a paix, en évacuant l'Egypte aux conditions convenues avec le général
Kléber ; et, si vous vous y refusez, nous employerons tous nos moyens et
APPENDICE 25
ceux de nos alliés pour vous y contraindre, k des conditions qui pourront
bien ne pas vous être si avantageuses. Je ne puis pas vous dissimuler,
combien il m'en coûterait de remplir ce devoir; mais l'évacuation de l'E-
gypte étant un point si intéressant pour le bien de l'humanité, les voies
des conférences et des correspondances, pour faire les dispositions néces-
saires h celte fin, sont toujours ouvertes. Comme l'amiral sous les ordres
duquel je suis se trouve à des distances éloignées de moi, je suis autorisé
à souscrire à tels arrangements que les circonstances nécessiteront ; et
quoique par la nature des événements je ne sois pas dans le cas de voms
faire aucune nouvelle proposition, cependant je suis prêt et disposé à
entendre toutes celles que vous voudriez me taire. Je puis vous déclarer
ofllciellement que j'employerai tous mes etTorts et tous mes moyens
pour erapêcber toute démarche inconsidérée, et pour m'opposer ci toutes
vexations de la part de qui que ce soit. Je remplirai h la lettre les ins-
tructions précises de ma cour : je connais ses principes fondés sur la
plus exacte équité et la plus parfaite loyauté. Ma conduite sera conforme
à ces principes, et tous mes efforts tendront à remplir mon devoir en
servant ses intérêts.
Comme il n'est pas encore certain sur quel point je vais me porter, je
vous prie de me faire deux expéditions de votre réponse. Vous adresserez
l'une à Alexandrie, et l'autre à JaiTa, au camp du grand-vézir.
XCIII. — Communication faite par la 8ultIime>Porte à l'envoyé de
Pru»«se (lU. de Knobelsdorf), en date de lia- juillet 1800 (première
décade de rébiul-évrcl iS15).
Notification officielle faite par leurs excellences le Kiaya-Béy et le
Reis-Effendi de la part et au nom du Sultan, pour être transmise à Sa
Majesté le roi de Prusse par le canal de son ministre.
C'est le sultan qui parle. Je sais très-bien que le roi de Prusse est mon
ancien ami et allié naturel. Jamais je ne saurais oublier les services qu'il
m'a rendus au congrès de F»eiclienbach, à l'occasion de la paix avec les
Autrichiens, en se chargeant des intérêts de la Porte. Je sais également
qu'il est accoutumé k regarder mes intérêts comme les siens propres. Son
zèle et son amitié pour moi se font connaître de plus en plus par ses com-
munications, et par les conseils amicals qu'il donne, dans les ciiconstances
actuelles, à la Porte, par son ministre ici. Il est certain que de tout temps
le roi de Prusse a été celui qui a maintenu la gloire et l'équilibre en
Europe. On voit clairement que s'il n'entre dans les aflaires générales
du moment, cet équilibre ne pourra se rétablir, non plus que la sûreté
et la tranquillité qui en résultent. Quoiqu'on pourrait espérer le retour
de la tranquillité, d'autant que l'ordre des choses en France paraît être
26 APPENDICE
plus régulier qu'il ne l'était auparavant, la Porte ne se décidera jamais
d'entrer pour aucune affai'e en négociation avec les Français sans l'inter-
vention d'un monarque aussi puissant et bienveillant, son ami. Gomme
l'objet de notre inimitié avec les Français est l'affaire de l'Egypte, Sa
Majesté prussienne voulant obliger les deux parties en ajoutant à sa gloire,
il serait nécessaire qu'elle daignât, avant toutes choses, employer ses
bons olTices et son influence pour faciliter l'évacuation de l'Egypte en
très-peu de temps, soit par des moyens amicaux, soit par la force des
armes. Cependant le roi de Prusse, en se chargeant et s'occupant de son
côté de cette affaire pour en faciliter la fin et ses suites, obligerait les
Français mêmes, et la Porte ajouterait au nombre de ses obligations
envers lui encore celle-ci, et serait pénétrée de reconnaissance par ce
service essentiel de la part du roi de Prusse. Quand même avant cette
époque l'affaire viendrait à se terminer de ce côté-ci, comme on l'espère
et comme on en est presque assuré, aussitôt que cette affaire serait finie,
on sait combien la Porte se trouverait honorée de ce que le roi de Prusse
interviendra pour concilier le traité de paix. Elle désire infiniment qu'un
ami aussi loyal et sincère s'en trouve le médiateur. A cet effet elle prie Sa
Majesté prussienne qu'en daignant prendre en mûre délibéraiion les
événements d'Italie, qui ont donné lieu à l'armistice actuel, elle veuille
faire des propositions de sa médiation aux Français, la leur faire agréer,
et d'en donner alors avis à la Porte, laquelle s'entendra avec ses alliés
d'un conseil convenable pour les animer à la paix générale, à laquelle on
concourra aisément, si Sa Majesté voulait encore faire de sa part des insi-
nuations à ces mêmes alliés. Voilà comme cette affaire essentielle se ter-
minerait heureusement sous sa médiation et augmenterait sa gloire et sa
renommée dans l'univers ! La Porte a été charmée d'apprendre que l'em-
pereur de Russie se trouve dans des dispositions favorables envers elle et
le Sultan, et les réciprocités d'amitié et de confiance n'ayant d'autres
vues que d'affermir cette bonne façon de l'intervention du roi de Prusse
dans les aftaires ci-dessus énoncées, le Sultan charge son ministre de
communiquer officiellement cet exposé à l'envoyé de Prusse, pour qu'il
le transmette au roi, son maître, en lui témoignant de sa part les senti-
ments de la plus étroite amitié et reconnaissance.
(ZiNKEiSEN, Geschichte, etc., t. VIÏ,)
XCIV. — Lettre da divan du Caire au premier consul Bonaparte, en
date du 1 a novemlirp i 800 («5 djéniazinl-akhir 121 5).
Les ulc?na au Kaire, les princes et notables de l'Egypte, composant l'as-
semblée du divan de l'Egypte, séant au Kaire, ville sainte et bien gardée,
A l'illustre, le très-haut, le très-puissant prince, le général Bonaparte,
APPENDICE 97
premier parmi les chefs des gouverneurs de la république des Français.
Que Dieu qui Ta choisi parmi les hommes, et lui a donné le pouvoir
de vaincre, le désir de pacifier, cl la sagesse pour gouverner, se serve
toujours de lui pour répandre le bonheur et la gloire sur la terre!
Que Dieu le conserve dans les périls; qu'il l'éclairé pendant la paix, et
qu'il lui permette d'accomplir tout le bien qu'il a toujours désiré de faire
à la France et à l'Egypte ! Que Dieu ne lui ôte rien de ce qu'il lui a
donné !
Que le salut et la paix soient sur notre très-haut et très-puissant Sei-
gneur Mahomet, prophète de Dieu !
Vous nous avez solennellement promis, très-illustre et très-généreux
prince, que vos yeux seraient toujours fixés sur ce pays, et nous avons
confiance dans vos paroles, et ce que Dieu veut est nécessaire.
Vous avez vaincu une partie du monde, et tous les lieux où vous n'avez
pas encore porté vos armes ont été épouvantés. L'Egypte a connu vos
exploits; les pays environnants ont envoyé des hommes pour vous voir,
et tous les pays qui sont à l'Orient, jusqu'au bout de la terre, savent que
Dieu vous a destiné à des victoires sans bornes.
Mais votre clémence et votre sagesse surpassent votre renommée. Tous
les habitants de l'Egypte, nos amis, et dont les intérêts nous seront tou-
jours chers, ceux qui cultivent la terre et ceux qui vivent dans les cités,
les femmes (que Dieu garde lui-même leur vertu !), les pauvres, les ri-
ches, les jeunes gens, les vieillards, tous se réunissent, et se servent de
nous pour vous parler; car, ils nous entendent, et nous les entendons;
nous ne faisons qii'un. Ils demandent à Dieu que vous soyez toujours vain-
queur et toujours désirant de faire le bien, toujours aimant les pauvres,
toujours respectant et protégeant notre très-sainte et très-glorieuse reli-
gion, donnant l'exemple du respect pour nos femmes qui sont, avec notre
religion, ce que nous avons de plus précieux.
Vous nous avez traités après votre victoire, comme si nous vous eus-
sions appelé dans ce pays, pour être notre juge ; Dieu l'a ainsi commandé,
et ce que Dieu commande est nécessaire. Vous avez empêché ou vous
atez puni tout le mal qui aurait pu être fait pendant les moments de trou-
bles. Les Français n'ont point cherché l'oppression, et leurs vertus vien-
nent de la volonté de Dieu ; car tout arrive comme il l'a réglé, et vous
reviendrez en Egypte, si Dieu le permet.
Vous avez apparu dans ce pays comme un éclair de Dieu, et vous avez
disparu aussi rapidement, parce que vous avez dit qu'un autre objet vous
appelait. Vous allez partout où il est utile que vous soyez; et nous avons
appris des Français, nos amis, dont la joie a été la nôtre, que vous avez
passé sur des montagnes avec votre canon, et que vous êtes arrivé au mo-
ment où l'on avait besoin de vous pour vaincre, et que vous avei vaincu.
28 APPENDICE
Nous avons remercié Dieu de vos succès, et nous vous avons appelé Vépée
de Dieu.
Nous vous dirons, parce que cela est vrai, que les nations de l'Egypte
et les Français ne l'ont plus qu'un peuple. Cette union se fortifie de jour
en jour par les soins de votre très-honoré, très-sage, très-illustre ami
Abdallah Menou. Que Dieu veille sur lui, et le récompense de sa clé-
mence ! Votre exemple et vos discours sont dans son cœur; il respecte et
il approuve notre très-sainte et très-glorieuse religion ; il veut le respect
pour notre très-saint prophète, pour nos femmes et pour les pauvres. 11
a réglé la justice qui vient de Dieu, et quia sa source dans notre reli-
gion; et il l'a rétablie telle qu'elle était sous nos premiers princes. Il a
mis dans le gouvernement un ordre qui lui permettra d'abroger plusieurs
impôts.
Nous remercions Dieu de vous avoir inspiré de le choisir pour nous
gouverner.
Nous vous demandons que vous n'oubliiez point que l'Egypte est voire
pays ; que l'honneur de sa capitale est le vôtre ; que les habitants vous
aiment et vous attendent; que notre religion, que vous aimez, vous ap-
pelle; que vous lui avez fait des promesses, et que le jour est marqué où
l'union des deux nations, de la vôtre et de la nôtre, doit être consom-
mée ; car Dieu le veut ainsi.
(A. Galland, Tableau de l'Egypte, etc.)
XCV. — Proclamation du général Menou aux habiiantfs de l'Egypte,
en date du quartier-général du Caire le SO novembre 1800 (3 ré-
djebl315).
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Il n'y a de Dieu que Dieu, Mahomet est son prophète.
Habitants de l'Egypte, le Koran, qui est le livre de justice par excel-
lence, a défendu le vol sous les peines les plus sévères. Dans tous les pays
oîi il existe de bons gouvernements et des hommes craignant Dieu, les
voleurs sont punis par les châtiments les plus sévères.
Hier, j'ai ordonné qu'on tranchât la tête aux nommés Ali-Mohammed,
A'ii-Ahraed et Ibrahim, voleurs de profession. Depuis longtemps, ces
hommes troublaient le repos public ; ils attendaient les voyageurs sur les
chemins, ils les dépouillaient, et souvent les massacraient. J'ai donc dû
leur ôter la puissance de nuire. Ils étaient indignes de vivre; ils ont subi
la peine de mort. Tous ceux qui se conduiront ainsi seront punis de la
même manière. La république française et son premier consul, le géné-
ral Bonaparte, que les grands d'Egypte nomment l'épée de Dieu, m'ont
ordonné de veiller sans cesse à votre repos et à votre tranquillité. Je veux,
APPENDICE 29
pour obéir à leur ordre, que tous lesliahilanfs de l'Egypte puissent voya-
ger de jour et de nuit sans redouter les voleurs ; vaquer h leurs travaux
et à leur commerce, sans craindre d'être dépouillés, battus et souvent
assassinés. Habitants de TÉgyple. dénoncez-moi tous ceux qui veillent
porter atteinte aux lois et à votre repos ; je les ferai rentrer dans la pous-
sière.
Habitants de l'Egypte, rappelez-vous ce qui est arrivé lors du dernier
siège du Kaire. Des hommes pervers vous avaient donné de mauvais con-
seils et vous avaient entraînés dans la révolte; votre sang a coulé, je veux
vous éviter de semblables malheurs. Hier, j'ai ordonné qu'on tranchât la
tète au nommé Youssouf, marchand de beurre. Il a voulu exciter le trou-
ble parmi les habitants du Kaire, en publiant à haute voix qu'il ne fal-
lait rien vendre aux Français, parce que les Osmanlis allaient arriver. Les
hommes qui veulent exciter du mouvement sont vos ennemis; ils cher-
chent à vous entraîner à la révolte, parce qu'ils savent bien que la ven-
geance des Français serait terrible, et que des milliers d'entre vous per-
draient la vie. Croyez aux avertissements que je vous donne ; je suis vo-
tre meilleur ami. Vaquez à vos affaires, cultivez vos terres et repoussez
tous les mauvais conseils. Tous ceux qui se conduiront comme le mé-
chant Youssouf seront punis de mort.
XCVI. — Lettre du général lUenou aux cliéikhs Abonket et Baraket,
en date dn quartier-général du Caire le 3 janvier 1801 (19 chà-
ban 1215).
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Il n'y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète.
Les hommes généreux et bienfaisants reçoivent toujours la récompense
de leurs bonnes actions. J'ai appris que vous aviez sauvé trois Français
qui avaient fait naufrage près du village où vous habitez ; que vous leur
aviez donné des vêtements, ainsi que tout ce qui était nécessaire pour
leur subsistance. J'ai également appris que vous aviez empêché qu'ils ne
tombassent entre les mains des quarante brigands qui voulaient les enlever;
que même vous et les habitants de votre village aviez pris les armes pour
les défendre, et qu'ensuite vous les aviez conduits h Béni-Ssouef. Le gou-
vernement français est toujours empressé de témoigner sa reconnaissance b.
ceux qui se conduisent bien ; j'envoie à chacun de vous une pelisse,
comme gage de mon amitié, et je remets à vous et à votre village le quart
des impositions que vous auriez dû payer pour l'année courante. Que Dieu
et son prophète vous donnent de longs jours, et vous fassent jouir de tout
le bonheur que vous méritez !
30 APPENDICE
XCVI. — Proclamation «lu général Menon anx habitants de l'Egypte,
en date du «luartier-gcnéral da Caire le 5 mars 180i (1!> chéwal
1915).
Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
Il n'y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète.
C'est Dieu qui dirige les armées ; il donne la victoire b. qui il lui plaît;
l'épé flamboyante de son ange précède toujours les Français, et anéantit
ses ennemis. Les Anglais, qui partout sont les oppresseurs du genre hu-
niain, viennent de paraître sur les côtes; s'ils mettent pied à terre, ils
seront culbutés dans la mer. Les Osmanlis, poussés par ces mômes Anglais,
font aussi des mouvements ; s'ils s'avancent, ils rentreront dans la pous-
sière des déserts, qui les engloutira.
Vous, habitants de l'Egypte et du Kaire, je vous préviens que si vous
vous conduisez, ainsi que le doivent faire des hommes craignant Dieu,
si vous restez tranquilles dans vos maisons, si vous vaquez à vos affaires
comme de coutume, vous n'avez rien à craindre ; mais je vous préviens
aussi que s'il arrivait à quelqu'un d'entre vous de vouloir exciter ses mou-
vements, et de se révolter contre le gouvernement français, je le jure au
nom de Dieu et de son prophète, sa tête tombera h l'instant. Rappelez-
vous ce qui est arrivé lors du dernier siège du Kaire. Le sang de vos
pères, de vos enfants, de vos femmes, a coulé dans toute l'Egypte, et
principalement dans la ville du Kaire ; vos propriétés ont été pillées et
ravagées ; vous avez été taxés à de très-fortes contributions extraordi-
naires. Mettez bien dans votre esprit tout ce que je viens de vous dire.
Salut à qui est dans la bonne voie, malheur à qui s'en écarte I
XCVIIl» — Capitulation de la garnison d'Aboukir» en date du 18
mars 1801 (3 zUcadé 1215).
Article 1. La garnison du fort d'Aboukir sortira i?e/)o«sc : La garnison
-, , 1 , 1 i se rendra prisonnière,
avec les honneurs de la guerre, drapeaux déployés, sortira avec les hon-
mèches allumées; elle sera conduite à Alexandrie "^ Jè'^^ a^y'^jlf' E^sl ' s^es
par mer pour y être échangée pour un nombre égal armes sur le glacis, sera
de prisonniers, et s'engage à ne servir qu'après son SeT'^' ^^''^ ^^ '^
échange.
Art. 2. Les ofiiciers conserveront leurs armes Réponse .- Accordé,
, . , , 1 1 . «• » t sauf les meubles qui
dans tous les cas ; les meubles et eliets seront em- doivent tous rester dans
portés, autant que faire se pourra, tant pour les la place, tout le monde
' . ^ , Ti ) r • ■ devant Ctre embarque
officiers que pour les troupes. Il n est fait mention avant trois heures,
dans cet article que d'effets particuliers, n'ayant au-
cun rapport aux effets militaires.
APPENDtCE 31
Art. 3. Il sera accordé vingl-quatre heures à la Réponse: L'article 2^
, , , , , . répond à celui-ci.
garnison pour déposer les bagages avant la sortie.
Art. h' Tout ce qui appartient aux fortifications, néponse .- Convenu,
à l'artillerie et autres cfTets, tels que munitions de
bouche, seront remis au pouvoir du vainqueur dans
la teneur actuelle, après l'inventaire fait et constaté
par les officiers des deux années et les agents civils :
les papiers relatifs au service de la place seront éga-
lement réunis.
Art. 5. Les articles non prévus seront rappelés et J^^po'nse .-L'article 3;
'■ ' ' répond i celui-ci. — Ni
terminés par les deux parties. Les conditions ne les Grecs ni les Fgyp-
peuvent avoir lieu que dans les vingt-quatre heures, dÏÏs^^c.ïhûL?o7"'
après l'arrêté de la capitulation.
{Signé) Dalhgusie, colonel. — Vinache, chef du bataillon du génie,
commandant les ty'oupes et le fort
d^Aboukir.
Approuvé par le commandant en chef
(Signé) J. HoPE, adjudant général.
XCIX. — Convention conclue entre les citoyens Donzelof , f|énéral de
brigade, Morand, gént^ral de Itrigade, et Tarayre, chef de lirigade,
de la part dn général de division Belliard, et Osman-béy, de la part
da grand-vézir, Isaac-béy, de la part dn capitan-paclia, et le bri-
gadier-général Hope, commandant en chef de l'armée britannique,
en date da S'a juin 1801 (16 sàfer 1%16).
Les commissaires ci-dessus nommés s'étant réunis, et ayant conféré,
après l'échange de leurs pouvoirs respectifs, sont convenus des articles
suivants:
Art. 1. Les troupes françaises de toutes armes et leurs auxiliaires, sous
le commandement du général de division Belliard, évacueront la ville du
Caire, la citadelle, les forts deBoulac, Gaza, et toute cette partie qu'elles
occupent maintenant.
Art. 2. Les troupes françaises et leurs auxiliaires se rendront, par terre,
h Bosette, en suivant la rive gauche du Nil, avec leurs armes, bagages,
artillerie de campagne et munitions, pour y être embarquées et trans-
portées dans les ports français sur la Méditerranée, avec leurs armes,
artillerie, bagages et effets, aux frais des puissances alliées. L'embarquc-
des dites troupes françaises et auxiliaires se fera aussitôt que possible,
mais pour le plus tard dans les cinquante jours qui suivront la date de
la ratification de la présente convention. Il est convenu aussi que lesdites
32 APPENDICE
troupes seront conduites dans les ports de France susmentionnés par la
route la plus directe et la plus prompte.
Art. 3. A dater de la signature et de la ratification de la présente con-
vention, les hostilités cesseront de part et d'autre. Le fort de Sulkowsky
et la porte des Pyramides de la ville de Gizé seront remis à l'armée com-
binée. La ligne des postes avancés des armées respectives sera déter-
minée par des commissaires nommés à cet effet, et les ordres les plus posi-
tifs seront donnés pour qu'elle ne soit pas dépassée, afin de prévenir toute
dispute; et, s'il s'en élevait quelqu'une, elle serait terminée à l'amiable.
Art. h- Douze jours après la ratification de la présente convention, la
cité du Caire, la citadelle, les forts de la ville de Boulac seront évacués
par les troupes françaises et leurs auxiliaires, qui se retireront chez
Ibrahim-béy, à l'île de Roda et dépendances, aux forts de Fourcroy et
Gizé, d'où ils partiront , aussitôt que possible, et dans cinq jours au plus
tard, pour se rendre sur les points désignés pour l'embarquement. Les
généraux commandant les armées britannique et ottomane, s'engagent
en conséquence à fournir à leurs dépens tout ce qui sera nécessaire pour
transporter de Gizé, le plus tôt possible, les troupes françaises et leurs
auxiliaires.
Art. 5. La marche et le campement des troupes françaises et auxiliaires
seront réglés par les ji;énéraux des armées respectives, ou par les officiers
nommés de part et d'autre; mais il est clairement compris que, con-
formément h cet article, les joui's de marche et de campement seront
fixés par les généraux des armées combinées, et conséquemment que les
troupes françaises et auxiliaires seront accompagnées par des commis-
saires anglais et turcs, chargés de leur fournir les provisions nécessaires
pendant leur route.
Art. 6. Les bagages, munitions et autres articles transportés par eau,
seront escortés par des détachements français et par des bateaux armés
appartenant aux puissances alliées.
Art. 7. Les troupes françaises et auxiliaires, depuis l'instant de leur
départ de Gizé jusqu'à celui de leur embarquement , recevront leur sub-
sistance d'après les règlements de l'armée française, et depuis le jour de
leur embarquement jusqu'à leur débarquement en France d'après les
règlements de la marine anglaise.
Art. 8. Les commandants de terre et de mer des forces britanniques et
turques fourniront des vaisseaux pour les transports des troupes françaises
cl auxiliaires dans les ports de France sur la Méditerranée, aussi bien
que pour celui de tous les Français et autres personnes employées au ser-
vice de l'armée. Tout ce qui est relatif à ce point, ainsi qu'aux subsis-
tances sera réglé par les commissaires nommés à cet effet par le général de
division IJelliard, et par les commandants en chef de terre et de mer des
APPENDICE 33
force.s combinées. Aussitôt que la présente convention aura été ratifiée,
les commissaires se transporteront h Rosette ou à Ahoukir, à l'effet de
faire tous les préparatifs nécessaires pour l'enabarciuemenl.
Art. 9. Les puissances alliées fourniront quatre vaisseaux (ou davan-
tage, s'il est possible), propres à transporter les chevaux, les tonnes d'eau
et les fourrages suflisîints pour le voyage.
Art. 10. Les troupes françaises et auxiliaires recevront de.«! puissances
combinées un convoi suffisant pour i)rotéger leur retour en France. Les
Français embarqués, les puissances alliées leur garantissent que, jusqu'au
moment de leur arrivée sur le continent delà République française, ils ne
seront molestés en aucune manière. De son côté, le général de division
Belliard, ainsi que les troupes sous son commandement, s'engagent à ne
commettre aucun acte d'hoslililé, pendant ledit espace de temps, contre
la flotte ou les pays soumis à Sa Majesté britannique, ou ceux de la Sublime-
Porte.
Les vaisseaux eaiployés à transporter lesdites troupes ou les autres
sujets de la République française ne toucheront à aucun port de France,
excepté dans le cas d'une absolue nécessité. Lescommandants des troupes
britanniques, ottomanes et françaises contractent réciproquement les
mêmes engagements durant le temps que les troupes françaises resteront
en Egypte, depuis la ratification delà présente convention jusqu'au moment
de leur embarquement. Le général de division Belliard, commandant les
troupes françaises et auxiliaires, garantit, au nom de son gouvernement,
que les vaisseaux, employés pour transporter et protéger les troupes fran-
çaises, ne seront point détenus dans les ports dii France, après le débar-
quement desdites troupes, et que leurs commandants auront la liberté
d'acheter, à leurs frais, les provisions qui leur seront nécessaires à leur
retour. Le général Belliard garantit aussi, au nom de son gouvernement,
que lesdits vaisseaux ne seront point inquiétés à leur retour dans les ports
des puissances combinées, pourvu qu'ils ne tentent eux-mêmes aucune
opération militaire, ou n'y contribuent en aucune manière.
Art. 11. Toutes les administrations, les membres de la commission des
arts et sciences, en un mot, toutes les personnes attachées à l'armée fran-
çaise jouiront des mêmes avantages que les militaires. Tous les membres
de ladite commission des arts et sciences emporteront aussi avec eux, non-
seulement tous les papiers relatifs à leur mission, mais encore leurs
papiers particuliers, ainsi que tous les autres articles qui y ont quelque
rapport.
Art. 12. Tous les habitants de l'Egypte, de quelque nation qu'ils puissent
être, qui voudront suivre les troupes françaises auront la liberté de le
faire, et, après leur départ, leurs familles ne seront point inquiétées ni leurs
bien conlisqués.
T. II. 8
3Zi APPENDICE
Art. 13. Aucun habitant de l'Egypte, quelle que soit sa religion, qui dé-
sirera suivre les troupes Franç;iises, n'aura rien à souffrir, soit dans sa
personne, soit dans ses biens, à raison des engagements qu'il aura pu
contracter avec les Français pendant leur séjour eu Egypte, pourvu qu'il
se conforme aux lois du pays.
Art, Ik- Les malades, qui ne pourront supporter le transport, seront
mis dans un hôpital, et servis par les médecins français et autres per-
sonnes de leur pays, jusqu'à leur rétablissement, époque à laquelle ils
seront envoyés en France aux mêmes conditions que les troupes. Les
commandants des armées alliées s'engagent à fournir tous les objets qui
peuvent paraître réellement nécessaires dans cet hôpital : les avances
faites à ce sujet seront ren)bourséespar le gouvernement français.
Art. 15. Lorsque les places et forts, mentionnés dans la présente con-
vention, seront rerais, on nommera des commissaires pour recevoir l'ar-
tillerie, les munitions, magasins, papiers, archives, places et autres effets
publics, que les Français devront laisser au pouvoir des alliés.
Art. 16. Un vaisseau sera expédié, aussitôt que possible, par le com-
mandant de marine des puissances alliées, pour conduire à Toulon un
offh ier et un commissaire, chargés de porter la présente convention au
gouvernement français.
Art. 17. Toutes difficultés ou disputes qui pourraient s'élever concer-
nant l'exécution de la présente convention, seront terminées h l'amiable
par des commissaires, nommés de part et d'autre.
An. 18. Immédiatement après la ratification de la présente convention,
tous les prisonniers anglais ou ottomans, détenus au Caire, seront mis
en liberté, et les commandants en chef des puissances alliées rendront
également les prisonniers français, qui sont dans leur camp respectif.
Art. 19. Dix officiers de l'armée anglaise, du grand-vésir et du capitan-
pacha seront échangés contre un nombre égal d'offjciers français du
même grade, pour servir comme otages pour l'exécution du présent traité.
Aussitôt que les troupes françaises auront débarqué dans les ports de
France, les otages seront réciproquement rendus.
Art. 20. La présente convention sera portée et communiquée, par un
officier français, au général Menou, à Alexandrie, lequel pourra l'accep-
ter pour les Français et leurs auxiliaires (de terre ou de mer), qui sont
avec lui dans la place susdite, pourvu que son acceplaiion soit notifiée au
général commandant les troupes anglaises, devant Alexandrie, dans les
deux mois qui suivront la date de celui oh celte communication leur aura
été faite.
Art. 21. La présente convention sera ratifiée par les commandants en
chef des armées respectives dans les vingt-quatre heures après sa signa-
ture.
APPENDICE 35
Fait par quadruple, au lieu des conlerences entre les deux armées,
le 8 messidor an 9, h midi (27 juin 1801), et le 16 sàfer 1216.
(DouzELOT, général de brig. (Joun Hope, brigadier gén.
(5<'^Més)(MoRAiND, général de brig. (5i^nes)<0sMAN-BÉy.
(Tarayre, chef de brigade, (Isaag-béy.
Approuvé {Signé) J. Helt Hutchinson, ^ene-
ral en chef.
Approuvé de la part de lord Keitii {Signé) J. Stivenson, capitaine de
la marine royale.
Nous avons approuvé les articles de la présente convention pour l'éva-
cuation de l'Egypte et la remise à la Porte ottomane
{Signé) Hadji-Youssouff-Zia, vézir.
Nousavons approuvé comme ci-dessus {Signé) Hussein - pacha, capoudan-
déryâ.
Approuvé et ratifié la présente convention le 9 messidor an 9 de la
République française.
{Signé) Le général de division Belliard.
C. — Note additionnelle et explicative de la convention da 29 juin
1801 (le sâfer 1216).
Article 1. Il est entendu que l'artillerie de campagne, que le corps de
troupes françaises et auxiliaires, aux ordres du général de division Bel-
liard, emmène dans sa retraite du Caire, pour être transportée avec lui
en France, est de deux bouches à feu de campagne, du calibre de douze
à celui de deux, par bataillon, et une par escadron , avec les caissons et
munitions qui leur sont affectés.
Art. 2. Il est en outre entendu que les troupes françaises, embarquées
à bord des vaisseaux de guerre, auront, dès le moment ou elles seront à
bord, leurs armes et leurs munitions déposées dans les lieux destinés à
cet effet, sous la surveillance du commandant du vaisseau ; lesquelles ar-
mes et munitions lîur seront remises au moment du débarquement en
France, conformément à la convention, et que les troupes dudit corps
d'armée, qui seront embarquées sur des bâtiments non armés en guerre,
conserveront, pendant leur séjour à bord de ces bâtiments, leurs armes
et munitions, et seront sous la police de leurs officiers.
Art. 3. La femme, la fille, l'aide-de-camp et tous les effets du général
en chef Menou, seront transportés du Caire à Alexandrie sur un bâti-
ment fourni à cet effet par les puissances alliées.
36 APPEND
Art. A. Les femmes des officiers, soldats et autres Français de la garni-
son d'Alexandrie et qui se trouvent au Caire dans ce moment, pourront se
rendre librement à Alexandrie, et il leur sera accordé à cet elTet les
moyens de transport, qui leur seront nécessaires ; et, dans le cas oii elles
ne seraient pas reçues ii Alexandrie, elles seront transportées en France
avec le corps d'armée aux ordres du général de division Belliard, ou
aussitôt que possible, et jouiront de tous les avantages de ladite conven-
tion.
Art. 5. Les femmes françaises, qui appartiennent tant au corps des
troupes aux ordres du général de division Belliard, qu'aux employés et
autres Français ii la suite des dits corps, seront embarquées avec leurs
maris, et jouiront des rations de vivres et autres avantages stipulés dans
la convention, d'après les règlements maritimes d'Angleterre.
Art. 6. Les bagages et effets, appartenant à des corps ou à des parti-
culiers de la garnison d'Alexandrie, s'il s'en trouvait au Caire, seront
transportés et déposés à Rosette, ou embarqués, s'il est possible.
Alt. 7. Le directeur-général et comptable des revenus publics pourra
se rendre h Alexandrie, ou y envoyer un de ses employés, et il lui sera
donné pour cela toutes les facilités possibles.
Art. 8. Si, parmi les otages donnés et rendus par les généraux, com-
mandant les armées et corps de iroupes respectives, il se trouve des
ofliciers de l'armée de terre, il sera libre aux généraux de terre et de
mer des trois puissances de les remplacer par des officiers de l'armée de
mer, de même grade, au moment de l'embarquement.
Art. 9. Les chevaux et chameaux, que le corps de troupes aux ordres
du général de division Belliard laisserait en Egypte, seront remis au mo-
ment de l'embarquement h des commissaires nommés par les généraux
des puissances alliées pour les recevoir.
Art. 10. 11 est entendu que les fortifications seront remises, sans aucune
dégradation, et les mines indiquées aux officiers du génie.
Fait au camp des conférences, entre les deux armées, le 8 messidor an 9 ,
(27 juin 1^01), et le 16 sâfer 1216.
/DONZELOT, géné7\ de brig. /John Hope, brigad. général.
(^'/^wes)) Morand, général de brig. (5'/^nes))0sMAN-BÉY.
|TARAYRE,c/(e/ c/e brigade. (IsAAc-BéY.
Cl, — Proclamation du général Belliard anx habitants de l'Égypto,
en date du Caire le 29 juin 180I (18 sâfer 1216).
Par la volonté de Dieu, tout-puissant, la paix vient de se conclure
entre les armées française, anglaise et oUomane ; mais par cet arrange-
APPENDICE 37
mciil vos personnos, vos rolij^Mons et vos propriétés ne cesseront d'être
respectées: les trois puissances en prennent rengagement formel, comme
vous pouvez en juger par les deux articles du traité de paix transcrits
ci-après.
Suit le texte des articles 12 eM3 de la convention du 11 juin 1801,
qui précède.
Habitants du Caire et de l'Egypte, de toutes les religions ! Vous voyez,
jusqu'au dernier moment les Français n'ont cessé de veiller à, voire
repos et à votre sûreté: montrez-vous digne de tout ce que nous avons
l'ait pour vous, en ne vous écartant pas de la bonne voie ; songez toujours
que Dieu est puissant, que c'est lui qui dirige toutes choses.
CII. — Capitulation de Tarmée d'Alexandrie, en date du 30 août
1801 (20 rcbÎHl-akhir 121C).
Article 1. A compter du jour présent jusqu'au 30 Réponse: Refusé,
ffuclidor (17 septembre), il y aura continuation de
trêve et suspension d'armes entre l'armée française
et les armées combinées de S. M. britannique
et de la Sublime-Porte aux mêmes conditions qui
subsistent maintenant, à l'exception d'une conven-
tion amicale qui sera faite entre les généraux res-
pectifs des deux armées pour l'établissement d'une
nouvelle ligne d'avant postes, à l'effet d'éviter tout
prétexte d'hostilités entre les troupes.
Art. 2. Dans les cas où l'armée française ne re- Réponse : Refusé,
cevrait pas de secours suffisants avant l'époque men-
tionnée dans l'article précédent, l'armée évacuera
les forts et les camps retranchés d'Alexandrie aux
conditions suivantes.
Art. 3. L'armée française se retirera, le premier néponse : Quarante-
jour complémentaire de l'ère française (18 septera- pSiSfsignét cVsî-"
bre), dans la ville d'Alexandrie et les forts adjoints, à-dire, le 2 septembre,
„f „„™„n • 11-. I . I . i\ midi, les camps re-
et remettra aux puissances alliées le camp retranche tranchés, le fort Turc et
au-devant de la ligne des Arabes, le fort Turc, le '•-' ^oj' <^" Vivier seront
(.,,,,.. , Ml • . ■ remis aux puissances al-
lort du Vivier, avec leur artillerie et munitions. nées, il en sera de même
de leurs munitions et
de k'ur artillerie. Les
troupes françaises éva-
cueront la ville, les forts
et les dépendances d'A-
lexandrie dix jours après
la signature de la capitu-
lation, qui sera l'époque
de leur embarquement.
Ârl. li. Tout individu faisant partie de l'armée néponse .• Accordé,
38 APPENDICE
pourvu qu'il ne soit française ou attaché à cette armée par des relations
appartient au gouverne- civiles OU militaires, les troupes auxiliaires de clia-
ment de la république que nation de quelque Days, religion, ou de quel-
fraocaise, antre que les ^ » n * • ^ i,, ■ .. . ,,
eftets, bagages et autres que puissance qu elles aient été sujettes avant 1 ar-
articies appartenant aux j-jy^^g ^g l'armée française, conserveront leurs nro-
Français ou a leurs au- " '
xiiiaires, qui ont servi priétés, de quelque nature qu'elles soient, leurs
ïaîurd^pïis'^sk mois! effets, papiers, etc., qui ne pourront être sujets à
Entendu qu'il en est de auCUn exaiuen.
même de tous les indi-
vidus attachés à l'armée
française soit dans des
fonctions civiles, soit
dans des fonctions mili-
taires, de quelque na-
tion, pays ou religion
qu'ils puissent être.
Réponse : Les troupes Art. 5. Les forces françaises, les troupes auxiliai-
SSeuouSn! 1-es et tous les individus décrits dans l'article précé-
dividusdésigaés en l'art, dent, seront embarqués dans le port d'Alexandrie,
dànsTeTportsd'Aiexan- entre les 5 et les 10 de vendémiaire de l'an dix de
drie (à moins qu'à la la république (du 27 septembre au 2 octobre) au
suite dune convention , , , . . ,
amicale il ne soit trouvé plus tard avec leurs armes, munitions, bagages,
plus avantageux d'en jy^jg gj propriétés de toute espèce, papiers officiels,
embarquer une partie ^ ^ i » i i »
à Aboukir) aussitôt que dépôts. Chaque bataillon et escadron aura une pièce
p?êts.''^'£?"puissa™ces de campagne et ses muiiitions; le tout pour être
alliées s'engagent en transporté à l'un des ports de la république fran-
Sécuier ^"rembarq^ue- Ç'iise sur la Méditerranée, lequel sera déterminé par
ment, s'il est possible, \q général en chef de l'armée française.
dix jours après la signa-
ture de la capitulation.
L'armée française rece-
vra tous les honneurs
de la guerre, emmènera
de plus dix pièces de ca-
non de i à 8 et 10 char-
ges de poudre pour
chacune, eîle sera trans-
portée dans un port
français de la Méditer-
ranée.
Réponse : Refusé. Les Art. 6. Les vaisseaux de guerre français, avec
dSSt^oTiiïsont?'^ 'eur équipage complet, tous les vaisseaux marchands
à quelque nation ou individus qu'ils puissent appar-
tenir, même ceux des nations en guerre avec les
puissances alliées, ou ceux qui appartiennent à des
propriétaires ou marchands, qui étaient sujets des
puissances alliées avant l'arrivée des Français, par-
tiront avec l'armée française, de telle sorte que les
vaisseaux de guerre soient restitués au gouverne-
APPENDICE
ment français, et les vaisseaux marchands à leurs
possesseurs ou uyanl-cause.
Art, 7. Chaque \aisseau français qui, à compter du
présent jour jusqu'au 30 fructidor (17 septembre),
arriverait des ports de la république française ou
de ses alliées dans les ports ou la rade d'Alexan-
drie, sera compris dans la présente capitulation.
Tout vaisseau de guerre ou marchand, appartenant
à la France ou aux alliées de la répal»lique, qui
arrivera dans la rade ou les ports d'Alexandrie,
dans les 20 jours qui suivront l'évacuation de la
place, ne sera pas considéré comme prise légale,
mais sera remis en liberté avec son équipage et sa
cargaison, et serafourni de passe-ports par lespuis-
sances alliées.
Art, 8. Les troupes françaises et leurs auxiliaires,
les agents civils et militaires attachés à l'armée, et
tous les autres individus désignés dans les précé-
dents articles, seront embarqués soit sur des vais-
seaux français ou autres actuellement dans les ports
d'Alexandrie, autant qu'ils seront en état d'être mis
en mer, soit sur des vaisseaux de S. M. britannique
et de la Sublime -Porte, dans le terme fixé par le
cinquième article.
Art. 9. Des commissaires seront nommés de part
et d'autre pour régler le nombre de vaisseaux qui
doivent être employés, le nombre dhommes qu'on
doit y embarquer, et généralement prévoir toutes
les difficultés qui pourront s'élever au sujet de l'exé-
cution de la présente capitulation. Ces commissaires
conviendront des positions qui seront prises par les
vaisseaux actuellement dans le port d'Alexandrie,
et ceux quipourjont être fournis par les puissances
alliées, de sorte que, par l'effet des mesures qui se-
ront prises, on puisse éviter toute occasion de diffé-
rends entre les équipages des différentes nations.
Art, 10. Les marchands et propriétaires de bâti-
ments, de quelque nation ou religion qu'ils soient,
les habitants de l'Egypte ou de tout autre pays, qui
peuvent se trouver maintenant à Alexandrie, Syriens,
Goplites, Aral)es ou Juifs etc., etc., qui voudront sui-
vre l'armée française seront embarqués avec elle et
39
néponse: Refusé.
Péponse : Tous ces dé-
tails seront T'églés par
l'amiral anglais et par
un officier de la marine
française, nommé par
le général en chef.
Réponse : Tout objet
de commerce et de mar-
chandisp, soit dans la
ville d'Alexandrie, soit
à bord des vaisseaux
qui sont dans le port,
sera remis provisoire-
ment à la disposition
des puissances alliées,
pour ôlrc ensuite défini-
tivement soumis aux
jègles, qui seront déter-
minées par l'usage et
les lois établis entre les
nations. Les particu-
liers commerçant au-
ront la faculté de suivre
l'armée française, ou de
rester en Egypte avec
toute siiretc.
Réponse : Accepté.
Réponse : Les troupes
et tous ceux qui seront
embarqués avec elles
seront nourris, durant
leur passage et jusqu'à
leur arrivée en France
aux dépens des puissan-
ces alliées, suivant l'u-
sage établi dans la ma-
rine anglaise.
Réponse : Les consuls
et autres agens publics
des puissances alliées
de la république fran-
çaise auront la liberté
de rester ou de se reti-
rer, suivant qu'ils le
jugeront convenable.
Leurs propriétés et ef-
fets de lout genre, ainsi
que leurs papiers, leur
seront conservés, pourvu
qu'ils se conduisent avec
loyauté etconformément
aux lois des nations.
Réponse : Accordé. Les
vaissi-aux destinés aux
hôpitaux seront prépa-
rés pour recevoir ceux
APPENDICE
jouiront des mêmes avantages que celte armée : ils
auront la liberté d'emponer leurs propriétés, de
quelque nature qu'elles soient, et de laisser des pou-
voirs pour disposer de ce qu'ils ne pourront point
emporter avec eux. Toute convention, ventes et
stipulations de commerce, de quelque nature qu'elles
soient, faites par eux, seront strictement exécutées
et seront maintenus par les généraux de S. M. bri-
tannique et la Sublime-Porte. Ceux qui préfére-
ront de rester en Egypte un certain temps, pour
leurs affaires particulières, auront la liberté de le
faire, et auront toute protection de la part des puis-
sances alliées. Ceux également qui désireraient
s'établir en Egypte, seront investis de tous les pri-
vilèges et droits dont ils étaient en possession avant
l'arrivée des Français.
Art. 11. Aucun habitant d'Egypte ou de toute
autre nation, de quelque religion qu'il soit, ne
pourra être recherché pour sa conduite pendant le
temps où les Français ont occupé leurs pays, et par-
ticulièrement pour avoir pris les armes pour eux ou
pour avoir été employés par eux.
Art. 12. Les troupes et tous ceux qui seront em-
barqués avec elles seront nourris, durant leur pas-
sage et jusqu'à leur arrivée en France, aux dépens
des puissances alliées, etconformément aux règles
établies dans la marine française. Les puissances
alliées fourniront tout ce qui est nécessaire pour
l'embarquement.
Art. 13. Les consuls du commerce et tous autres
agens publics des différentes puissances alliées de la
république française continueront de jouir de tons
les privilèges et droits qui sont accordés par les
nations civilisées aux agents diplomatiques. Leurs
propriétés et tous leurs effets et papiers seront res-
pectés et placés sous la protection des puissances
alliées. Ils auront la liberté de se retirer ou de res-
ter, suivant qu'ils le jugeront à propos.
Art. \h- Les malades qui seront jugés par le con-
seil de santé de l'armée en état d'être transportés,
seront embarqués, en même temps que l'armée, sur
AITE.NDICE Zil
les bâtiments d'hnpilaux convenablement fournis de Qui pourraient tomber
, , , . • » 1 i . , 1 • . ' malades pendant leur
remèdes, de provision et de tout autre objet neces- passage. Us conseils de
saire à leur situation, ef ils seront suivis par des ^'"^"'^ ^^s deux armées
. . _, , , , . se concerteront ensom-
cbirurgiens français. Ceux des malades qui ne se- bie sur les moyens à
ront point en état d'entreprendre le vovaore seront employer à l'égard de
•^ f^ ^ ° ceux des malades, qui,
laissés aux soins et h l'humanité des puissances al- étant attaqués de maïa-
liées. Des médecins français et tous autres secours doiven^t^'îdnr Sr de
de même nature leur seront laissés pour les soigner, communications avec
et ils seront entretenu*; aux dépens des puissances
alliées, qui les renverront en Franceaussilùtque leur
santé pourra le permettre, avec tous les (.'frets h eux
appartenant, de la même manière qu'il a été pro-
posé pour le reste de l'armée.
Art. 15. Des bâtiments de transport pour seize néponse: Accordé,
chevaux seront fournis avec les choses nécessaires à
leur subsistance pendant le passage.
Art. 16. Les individus composant l'institut d'É- néponse .• Les mem-
gypteet la commission des arts, emporteront avec roTt empmï'àv^^^^^^^^
eux tous les papiers, plans, mémoires, collections tous les instruments
,.i • t • • Il t . 1 . 1) . .. d'art et de sciences
d histoire naturelle, et tous les monuments d arts et qu'ils ont apportés de
d'antiquités, qu'ils ont recueillis en Egypte. France; mais les ma-
nuscrits arabes, les sta-
tues et autres collec-
tions, qui ont été faites
pour la République
française, seront consi-
dérés comme propriété
publique et remis à la
disposition des géné-
raux des armées combi-
nées.
Arl. 17. Les bâtiments qui seront employés h néponse .- Accordé,
, , i> ' f • -. •!• • • le commandant di; l'ar-
Iransporter larraee irauçaise et ses auxiliaires, aussi ^^^ française s'enga-
bien que les autres personnes qui doivent l'accom- géant réciproquement à
.. , . , ne pas permettre qii'au-
pagner, seront escortés par des vaisseaux de guerre cun des vaisseaux soit
appartenant aux puissances alliées, qui s'engagent "i^'^^^té pendant leur
' ' ^ '^ séjour en France ou à
lormcUenient à ne pas soufTrir qu'ils soient molestés leurretour, promettant
en aucune n;anièredurant_ leur voyage. La sûreté S'^I^'iuiï cToÏÏ
des bâtiments qui pourraient être séparés par la nécessaires, conforme-
ra. „« .1^ i„ «„~ -1 . -1 . ment à la pratique cens-
force, de la tempête ou autres accidents, sera ga- tante des puissances eu-
ranlie par les généraux des forces alliées. Les bà- l'opéennes.
timents, qui transporteront l'armée française ne
pourront toucher, sous quelque prétexte que ce
soit, aucune autre côte que celles de France, à moins
d'une absolue nécessité.
Art. 18. A l'époque où les camps et les forts se- néponse :'Accordé.
42 APPENDICE
ront remis en conformité des dispositions du troi-
sième arlicie, les prisonniers en Egypte seront
rendus de part et d'autre.'
Réponse : Accordé, Art. 19. Des commissaires seront nommés pour
|!?a"ns de^^i^vii^iret de! recevoir l'artillerie de la place et des forts, les mu-
forts d'Alexandrie, ain?i nitions, magasins, plans et autres articles que les
que tous ceux du pays, „ • i • » • n-^ j i- .
soient remis aux com- Français laissent aux puissances alliées ; des listes
missaires anglais. Les gt inventaires en Seront signés par les comniissai-
batteries, casernes et
antres bâtiments pu- res des difierentes puissances, a mesure que les
bJics seront également f^^jg g[ magasins scront remis aux puissances al-
remis dans 1 état oii ils ° ^
se trouvent actuelle- liées.
ment.
jiéponse : Accordé, Art. 20. Il sera accordé un passe-port à un vais-
mais si c'est un bâti- gçJ^^ ^.jg guerre français pour conduire à Toulon,
ment français, il ne sera o . r ?
pas armé, immédiatement après la remise des camps et forts
susmentionnés, les officiers chargés par le comman-
dant en chef de porter à son gouvernement la pré-
sente capitulation.
Réponse : Il sera re- ' Art. 21. En livrant les camps et forts mentionnés
commandanTe"iXide ^"^ précédents articles, des otages seront remis de
l'armée française, qua- part et d'autre à, l'effet de garantir l'exécuiion du
tre officiers de rang . . . -tx n „ . i • • • i rr ■
comme otages, savoir, pi'f^sent traité. Ils seront choisis parmi les officiers
un officier delà marine, ^q j-aiit; des armées respectives, savoir quatre pour
un de l'armée britanni- ,, ," » . , ,, , t -. .
que, deux de l'armée 1 armée trançaise, deux pour larmée britannique et
turque. Le commandant (jeux pour l'armée de la Sublime-Porte. Les quatre
en chef de larmee Iran- ' '
çaise remettra égale- Otages de l'armée française seront embarqués sur
du conl^iiandant%n^dief '^ vaisseau-commandant de l'escadre, et les quatre
de l'armée britannique Otages de l'drmée anglaise et turque sur un des bâti-
qnatre officiers de rang. . • . i ? . i f i i»
Les otages seront re- luents qui portera le commandant en chef de 1 ar-
mis, de part et d'au- ^^ée française oii les lieutenants-généraux. Ils seront
tre, à l'époque de l'ein- , . . , , -, x,
barquemeut. réciproquement remis à leur arrivée en France.
Réponse : Xccovdé. Art. 22. S'il s'élève quelques difficultés pendant
l'exécution de la présente capitulation, elles seront
réglées i l'amiable par les commissaires des armées.
I Abdallah, Jacques-François Menou, général en chef
l de l'armée française.
.ç. , JKeith, amiral.
iJ. Hely HuTcnmsoN, commandant en chef
[Hussein, capoudan- pacha.
James Kempt, lieutenant-colonel et secrétaire.
APPENDICE li3
cm. — Lettre (rihraliini-béy ot d'Osman-hcy an premier censnl
Bonaparte, en date du . . . I402 ( . . . ISlf).
Traduction littérale du turk.
Lettre écrite par Ibrahim-béy, chéikh-el-beled, et Osraan-béy, el-Bar-
dissi, au premier consul de la République.
De la part d'Ibrabim-béy, chéikh-el-beled, et d'Osinan-béy, successeur
de feu Mourad-béy, au très-redoutable, très-puissant, très-honoré premier
consul Bonaparte.
Par un elTet de la volonté de Dieu, et de notre peu de sagesse, il nous
est survenu des événements dont la nouvelle a dii parvenir jusqu'il vous.
Le général Kléber avait conclu avec notre père Miirad-béy un traité
portant que dans le cas oii, par suite d'arrangements avec la Sublime-
Porte, les Français évacueraient l'Egypte, la conservation des béys se-
rait garantie et assurée sur le même pied qu'autrefois.
Mais ces deux personnages sont morts, et les généraux anglais, sans
cependant avoir égard aux promesses de siiretéqui nous avaient été faites
par les Fiançais, nous ont dit: u il a été convenu par uii traité avec la
Sublime-Porle que vous resterez en Egypte. »
Quelques-uns d'entre nous différant d'opinion sur cette promesse, nous
avons eu une entrevue avec le capitan-pacba Hussein, qui nous a dit:
«il ne vous sera fait aucun mal, restez dans les pays qui vous ont été
assignés. »
Cette assurance nous ayant été confirmée par des protestations et des
serments inviolables, nous y avons entièrement ajoulé foi: tout concourait
à nous tranquilliser.
Le capitan-pacba se rendit à Alexandrie deux mois avant nous; au
bout de ce temps, il nous y appelle, et, d'après ce qui s'était passé, nous
nous y rendîmes sans crainte. Trois beures après notre arrivée, nos lentes
furent diessées dans un lieu voisin d'Aboukir,
Après quinze jours d'attente, nous témoignâmes au capitan-pacba de
voir le général anglais. « Mon désir, » nous dit-il, «est de m'y rendre
aussi demain, princes ; faites marcher votre troupe par terre, ctnous irons
ensemble par mer. «En conséquence, nous descendîmes dansune felouque,
et vers le milieu du chemin nous fûmes assaillis par des navires qui'con-
tenaient environ quatre-cents hommes armés de fusil. Par la volonté de
Dieu, Osman-béy, gergavis, Osman-béy, achbar, Moharamed-béy, man-
foukli, Mourad-béy, le jeune, et Ibrahim, kiahia, y perdirent la vie.
Quant à nous, couverts de blessures, nous fumes emprisonnés dans les
navires, mais le général nous fil mettre en liberté, ainsi que les béys qui
/,i APPENDICE
avaientétéeraprisonnésauKaire parle grand-vézir.Nous demandâmes alors
à la Sublime-Porlela perraissionde rester en Egypte : elle nous futrefusée.
Devenus rebelles envers le grand-vézir, nous fîmes assembler tous les
béys et tous les soldats pour nous retirer dans la Haute-Egypte.
Nous vous avons adressé une lettre amicale pour nous informer de vos
dispositions à notre égard, et pour vous prévenir que nous somraesprêts à
combattre les Osmanlis.
Votre haute intelligence et vos conceptions sublimes vous ont rendu
l'arbitre de sept empires et le conquérant le plus célèbre; partout où
vous avez porté vos armes, vous avez porté la victoire. Vous êtes venu
et vous avez arraché l'Egypte de nos mains ; vous nous avez forcés de
fuir dans les déserts les plus arides, et d'y supporter mille fatigues.
Il ne convient pas à votre gloire de nous abandonner sans patrie, pour
favoriser les Osmanlis parjures, oppresseurs autant que scélérats. Sachant
d'ailleurs que jamais les Turcs ne sauraient venir à bout de nous enlever
le Kaire, vous ne nous laisserez pas exposés à de nouveaux maUieurs.
Nous nous jettons à vos pieds, et nous nous mettons sous vos ordres,
qui seront sacrés pour nous. Voici ce que nous osons espérer de vous :
ou, que par votre intercession auprès de la Sublime-Porte, vous nous fus-
siez sortir du Kaire en Egypte de la manière qui vous paraîtra convenable,
ou que vous nous fassiez passer des secours.
Nous osons vous prier, pour ce qui concerne notre résidence en Egypte,
de mettre tous vos soins à ce que nous y soyons comme autrefois, et de
croire que, quoi que vous puissiez désirer de nous, vous nous trouverez
disposés à l'obéissance.
Nous avons paru pendant quelque temps abandonner les intérêts de la
République française et pencher en faveur des Anglais ; en voici la raison.
Après la mort du général Kléber, le général Abdallah Menou, musul-
man, a manqué d'habileté dans l'art de la guerre. D'ailleurs, les arrange-
ments pris entre le grand-vézir et le capitan-pacha étaient de nature à
pouvoir nous inquiéter, d'après le rapport des espions.
Le général anglais nous garantissait notre conservation en Egypte, et
nous servait d'appui, ce qui nous inspirait de la conûance.
Lorsque nous avons appris que les Anglais avaient été la cause du
massacre des béys, leur imposture nous est devenue manifeste. Leur man-
que de foi a été telle qu'il est impossible de l'exprimer.
L'état actuel des Anglais en ce pays, notre conduite, vous seront expli-
qués plus au long par le porteur de cette lettre nommé Giuseppo\ et si
un homme tel que vous devient notre protecteur, les troupes osmanlis
seront bientôt combattues.
Nous craignons, si vous ne venez à notre aide, que, notre nombre dimi-
nuant de jour en jour, et celui des Turcs s'accroissant successivement,
AIM^ENDICE /l5
notre perle ne devienne certaine. Nous espérons d'abord en Dieu, mais
ensuite en vous qui êtes notre seul api)ui, afin que vous daigniez n)(;tlre
vos soins à nous faire rétablir en Egypte; nous ne vous demandons d'y
rester qu'en qualité de fondés de pouvoirs de votre part ; amis, ennemis,
tout nous sera commun ; k l'ombre de votre protection, nous trouverons
la célébrité.
Votre gloire, qui s'est répandue dans les sept climats et dans les quatre
parties du monde, deviendra raille fois plus grande.
Dans tout ce qui vous concerne, et dans tout ce que vous pouvez dési-
rer de nous, vous ne trouverez jamais la moindre négligence de noire
part ; nous sommes prêts à mettre la main à l'œuvre pour votre service,
Dieu ne l'ignore pas.
C'est pour avoir l'honneur de vous exposer ce qui précède que nous
vous avons écrit cette lettre amicale; nous vous aurions expressément
envoyé un de nos Kaclief, c'était notre dessein, mais les ports étant
remplis d'Anglais et de Turcs, nous n'avons pas osé.
Tout ce que le porteur de celle lettre pourra vous dire étant comme
de nous, nous espérons tout par la sollicitude de notre sultan.
ç. . ( Ibrahlm-béy, caimakam du Kaire.
( Osman-béy-Bardissi, mir-léwal.
Post-ScriptAim. Monsieur Giuseppo s'étant trouvé présent dans toutes
nos affaires, il en a pris une connaissance entière, et il pourra vous don-
ner les détails qu'il est impossible d'écrire. Tout ce qu'il pourra vous rap-
porter est vrai et vous daignerez y ajouter foi.
{M. Traduction officielle.)
CIV. — Dépèche de l'ambassadeur Brune au premier consul Bona-
parte, en date du 25 janvier 180» (16 ehéwal 1S17).
RÉPUBLIQUK FRANÇAISE.
N° 1.
^ ,. , ,. , Fera lez-ConstantinopIe, 5 pluviôse an XI, voie de Vienne.
Duplicata expédié par
le navire de Marseille ^^ général Brune, conseiller d'État, ambassadeur
/a Conception, capitaine ,,„,,,• , -icii- r>.
^ji^^^j^g de la République française près la bublime-Porle,
au premier consul Bonaparte.
Citoyen premier Consul,
L'arrivée d'un ambassadeur à Constanlinople était bien nécessaire pour
faire cesser, d'une pari, la nullité absolue de nos affaires et de notre in-
fluence, et, de l'autre, l'espèce de dépendance oii la Porte ottomane se
trouve vis-à-vis des gouvernements qui, etc.
[iQ APPENDICE
Lord Elgin n'a pas dissimulé, etc., car il lui fallait rester encore
quelques jours, pour terminer une négociation relative aux béys d'Egypte.
Celte négociation, sur laquelle nos Français d'ici n'avaient la moindre
notion, avait pour objet de régler avec le sort des béys certaines condi-
tions au moyen desquelles l'Angleterre auraitcontinuédeprotégerrÉgypte.
Mon arrivée, à laquelle on ne croyait plus, même au palais de France, a
fait presser lord Elgin ; il a sacrifié une partie de ses vues, et il est
résulté un arrangement auquel on ne donne ni le nom de traité ni celui
de convention ; ce sont simplement des instructions adressées au pacha
du Caire. La Porte accorde aux béys l'oubli du passé et les confine dans
la Haute-Egypte, entre Assuan et Asna (carte de D'Anville) : le général
Siuart doit déclarer à la face de tout le pays que l'Angleterre n'exerce
plus aucune protection, et un aide-de-camp de ce générai doit porter cet
arrangement en Egypte. Lord Elgin désirant lui-même aller à Alexandrie,
le ministre ottoman lui a remontré d'une manière officielle que sa présence
dans ce pays détruirait probablement les idées d'une entière soumission,
et il est parti sur une frégate, etc. Dans ces entrefaites, le réis-efTendi
me communiquait la convention sur les béys ; je lui en adresse des plaintes
dans une note confidentielle, sans date ni signature; cette forme de
notes diplomatiques, inusitée à la Porte, est admise, et j'obtiens le chan-
gement de l'article qui concerne le séjour des Français en Egypte.
J'adresse au ministre des relalious extérieures les pièces relatives à cette
affaire, etc.
{Signé) Brune.
(jE. Original.)
V\. — Rapport du colonel Sébastiani an premier consul Bonaparte,
pnblié par «le Moniteur universel » du 30 janvier t803 (6 chéwai
1219).
Le 29 fructidor an X, je me suis embarqué à Toulon, à bord de la
Cornélie; le 8 vendémiaire je suis arrivé h Tripoli; j'ai écrit de suite au
baron Cederstrom, contre-amiral suédois, ainsi qu'au ministre du pacha,
pour leur offrir ma médiation, afin de terminer les différends élevés entre
la cour de Suède et la Régence. Ma médiation a été agréée; le ministre
et le contre-amiral se sont rendus à la maison commissariale de France,
et nous avons entamé la négociation. Les deux parties étaient fort éloi-
gnées : le pacha demandait une somme très-considérable et une augmen-
tation dans la rétribution annuelle. Il s'appuyait d'un traité fait, il y a
deux ans, par un envoyé du roi de Suède, qui lui assurait un payement
de deux cent quarante-cinq mille piastres fortes et une annuité de vingt
mille : il ajoutait que deux ans de guerre l'avaient obligé à des dépenses
extraordinaires, et qu'il usait de modération en se conformant au traité
APPENDICE Û7
dont il est question iM. de GedersIrOra n'offrait, au nom de sa cour,
que cent mille piastres. Après beaucoup de débats, je parvins à leur faire
signer un traité, qui Cxe le payement de la rançon h cent cinquante mille
piastres, et l'annuité à huit mille.
Le 9 vendémiaire je fus présenté, avec beaucoup de pompe, au pacha,
qui me reçut de la manière la plus distinguée. L'échange des ratifications
du traité de paix (;ut lieu, et la République italienne fut solennellement
reconnue. Je fis arborer son pavillon sur la maison coramissariale de
France,. et il fut salué, par la frégate et par la place, de vingt et un coups
de canon.
Ce ne fut pas sans difficulté que le pacha consentit à reconnaître
cette République. Il craignait que toute l'Italie ne fût compromise dans
cette nouvelle République, et qu'il ne fiit par conséquent obligé de res-
pecter indistinctement tous les bâtiments de commerce de cette partie de
l'Europe ; ce qui aurait détruit sa marine. Je lui donnai les explications
nécessaires, et particulièrement celles qui étaient à la portée de son
esprit, et il me répondit : « Enfin je vois que je puis être en paix avec
(lia République italienne, sans trop blesser mes intérêts; mais cela
« fîit-il encore plus difficile, je le ferai, puisque le grand Bonaparte le
« désire! »
Le pacha de Tripoli est un homme brave et entreprenant, ami des
Français. Les Anglais ont fourni des secours à son frère, qui est dans ce
moment à Derné sans moyen et sans crédit. Son projet serait de soulever
le pays contre le béy.
Les affaires politiques et administratives de la Régence sont gérées
par Seid-Muhammed-el-Deghais, ministre du pacha. Cet homme est plein
de sagacité et a même quelques notions sur la politique d'Europe. Il a
voyagé en France, et conserve pour notre patrie un sentiment d'affection
dominant.
Le 10 vendémiaire je suis parti de Tripoli; le 2^ je suis arrivé à
Alexandrie. Le même jour je me suis rendu chez le général Stuart, com-
mandant les forces anglaises de terre et de mer. Je lui ai communiqué
l'ordre du ministre des relations extérieures, qui m'enjoignait de me ren-
dre à Alexandrie, et si les Anglais occupaient encore la place, de de-
mander une prompte évacuation, et l'exécution du traité d'Amiens.
D'abord le général Stuart me dit que l'évacuation de la place aurait
lieu sous peu ; mais voyant que j'insistais, et que je désirais une réponse
moins vague, il me déclara qu'il n'avait aucun ordre de sa cour de quit-
ter Alexandrie, et qu'il croyait même y passer l'hiver.
Le général Stuart est un homme d'un esprit médiocre. Il a pour aide-
de-camp un émigré français^ appelé le chevalier de Sades, homme d'es-
prit, ennemi de la France; il a beaucoup d'influence sur le général.
ûS APPENDICE
Je fus le même jour voir Khourchid-Alimed, pacha d'Alexandrie, et
le capitan-béy, commandant les forces de mer ottomanes.
Après les compliments d'usage et quelques mots agréables pour la
Sublime-Porte, je leur annonçai que les agents du commerce français
allaient se rendre en Egypte. Cette communication leur fit le plus grand
plaisir^ et ils ne me cachèrent point qu'ils voyaient avec peine le séjour
des Anglais dans ce pays. Je leur dis que ce séjour ne pouvait se prolon-
ger encore longtemps, et que la paix générale ne laissait aucun doute sur
leur prochain départ.
Le 25, je fus voir le cheik El-Messiry.
Je vis également ce jour-lk le cheik. Ibrahim Muphti.
Le 26, je fus visiter la coupure du khalidj, qui a formé le lac Maréo-
lis ; l'écoulement des eaux du lac Madié est encore très-fort ; et si la
Porte ne se hâte de rétablir ce canal important, les éboulements qui ont
lieu sur la petite langue de terre, qui sépare les deux lacs, rendront l'ou-
verture tellement considérable, qu'il sera impossible d'y travailler. Je ne
pense pas que l'ingénieur suédois, envoyé par la Porte pour diriger ces
travaux, ait les talents nécessaires. La formation du lac Maréotis paraît
avoir contribué à la salubrité de l'air. La ville n'a, dans ce moment, que
de l'eau saumûtre qu'elle tire des puits du Marabou. Ce petit fort est
armé; il s'y trouve une garde anglaise et turque, pour protéger les habi-
tants qui y viennent puiser.
J'employai la journée du 27 à parcourir la ville, et à recevoir diffé-
rents individus qui vinrent me voir.
Le 28, je partis pour me rendre au Kaire, escorté par deux officiers
français que j'avais pris à bord de la frégate. Les vents contraires m'obli-
gèrent à rentrer dans le port.
Le lendemain je fus à Aboukir, oii je passai la nuit. Je profitai -de
cette occasion pour visiter en détail le fort, qui est dans le plus grand dé-
labrement.
Le 30 j'arrivai à Roselle, après avoir visité, en montant, le fort Ju-
lien; je vil, ce jour-là môme, Osman, aga et douanier de la ville, ainsi
que tous les chrétiens qui s'y trouvent.
Le 1" brumaire, je fus ii Faoné, où je vis le commandant de la place,
le cadi et les cheiks ; je reçus de ces derniers, et de tous ceux que j'ai
entretenus, des protestations d'attachement pour le premier Consul.
Je passai le lendemain à P.ahmanié, où je vis le cheik Muhammed
Abou-AIy. Le fort de cette ville est presque entièrement détruit.
Je vis le 3, à Menouf, le cheik Abdin, que le premier Consul avait
nommé cadi. Les autres cheiks de cette ville, qui vinrent me voir chez
lui, me tinrent les mêmes discours que les cheiks de Faoné. Je leur dis :
« Le premier Consul aime beaucoup voire pays ; il en parle souvent, il
APPENDICK ^9
s'intéresse h votre bonheur ; il ne vous oubliera point et vous reconi-
niandera à la Porte. 11 a l'ail la paix avec l'Europe, et ce pays se ressen-
lira de l'inlérèl qu'il y prend et du souvenir qu'il conserve aux pauvres
cbeiks d'Egypte. »
Muhammed Kachef-Zourba-Mulzelleui, qui commandait i\ Menouf lors
de mon passage dans celte ville, a eu la tète tranchée, d'après une
accusation d'intelligence avec les Mameluks.
Les deux forts de Menouf sont détruits.
J'arrivai le même jour Ji lîouiak. .T'envoyai immédiatement le citoyen
Jaubert prévenir le pacha du Ivaire de mon arrivée.
Le lendemain malin, k, le pacha m'envoya trois cents hommes de ca-
valerie et deux cents hommes d'infanterie, commandés par les princi-
paux officiers de sa maison, pour m'accompagner chez lui au bruit d'un
grand nombre de salves d'artillerie.
Rendu chez le pacha, je lui dis : « La paix vient de se conclure en-
tre la République française cl la Sublime-Porte : les anciennes relations
d'amitié et de commerce vont êtres rétablies, et je suis chargé par le
grand Consul Bonaparte de vous assurer de sa bienveillance et de vous
annoncer l'arrivée des commissaires de commerce français en Egypte. »
Le pacha me répondit : « La bienveillance dont le premier Consul m'ho-
nore me pénètre de reconnaissance, et ses agents commerciaux recevront
ici l'accueil le plus amical. »
Je me rendis ensuite dans la maison que le Pacha m'avait fait pré-
parer.
Je reçus, le même jour, la visite de tous les principaux du pays, et
celle des intendants copies.
Le 5, je me rendis chez le Pacha : j'eus avec lui une longue confé-
rence. Je lui parlai en ces termes : « Le premier Consul prend k vous
et au pays que vous gouvernez un intérêt très vif, et désire contribuer
à voire bonheur; il m'a chargé de vous offrir sa médiation, pour vous
pacifier avec les beys. »
Le Pacha me remercia vivement et sincèrement de l'intérêt du pre-
mier Consul pour sa personne : mais il me protesta qu'il avait l'ordre le
plus positif de sa cour, de Jaire une guerre d'extermination aux béys,
et de n'entrer en aucun arrangement avec eux. Je lui observai que les
affaires malheureuses pour les troupes ollomanes, qui avaient eu Heu (car
elles venaient d'être batlues cinq fois de suite par les Mameluks), ren-
daient la position très-critique, et que cette obstination l'exposait à per-
dre cette province. Il me donna alors communication des ordres de la
Porte, et je vis, fi n'en pouvoir douter, qu'il ne lui était pas possible de
se prêter à aucun acommodemenl. Je le prévins que j'étais dans l'inten-
tion de voir les différents cheiks du Kaire, ainsi que madame Murad-Béy.
T. II. U
50 APPENDICE
et de visiter les environs et les fortifications de la ville. Il ordonna aussi-
tôt que la garde qu'il m'avait envoyée m'accompagnât partout où je vou-
drais aller, en me disant qu'il serait enchanté de pouvoir contribuer à me
rendre le séjour du Kaire agréable.
Li.' même jour , je commençai mes visites par le cheik Abdalla-el-
Chercanoï. Il est de la grande mosquée. Comme j'étais attendu chez lui,
il y avait fait venir un nombre considérable de cheiks. La conversation
ne roula que sur l'intérêt que le premier Consul prend h l'Egypte, sur sa
puissance, sur sa gloire, sur son estime et sa bienveillance pour les savants
cheiks du Kaire. Leurs réponses exprimaient leur attachement pour sa
personne.
Il faudrait avoir été timoin, comme moi, de l'enthousiasme qu'exci-
tait la vue du portrait du premier Consul pour se faire une idée de l'exal-
tation de leurs sentiments. Je l'ai donné à tous les principaux cheiks du
Kaire et des villes que j'ai parcourues.
Le 0, j'allai voir le cheik Oraer-El-Bekry, prince des shérifs; il était
malade, et je ne vis que son fils.
Le cheik Suleiman-El-Fayoumy me reçut avec beaucoup d'amitié, et
m'assura de son admiration sans bornes pour le premier Consul. Les
citoyens Jaubert et Berge m'ont certifié que jamais les habitants du Kaire
n'avaient témoigné autant d'attachement à la France que lors de ïuon
arrivée. Lorsque nous passions dans les rues, tout le monde se levait et
nous saluait. Leurs astrologues font tous les jours des prédictions sur ce
qui concerne le premier Consul.
Le 7, j'allai visiter madame Murad-Bey; déjà son intendant était
passé chez moi, pour me prier de lui accorder une entrevue. Je lui fis
connaître que le premier Consul m'avait chargé d'interposer ma médiation
pour les pacifier avec la Sublime Porte; mais que le Pacha avait ordre de
ne point entrer en négociation.
J'employai ce même jour et les suivants à visiter la citadelle, l'île de
Roda, Gizé, Boulak et tous les autres petits forts qui environnent la ville.
Les soldats turcs murmuraient de me voir parcourir et visiter les forts;
mais je feignais de ne pas les entendre, et je continuais mes courses et
mes observations.
Le 7, en revenant du fort Dupuy , un soldat me menace de sou yata-
gan. Gomme il avait l'air ivre, et que les habitants de la ville témoignaient
hautement leur indignation contre lui, je ne m'arrêtai point à ses menaces,
et je continuai ma route. Un moment après, passe à cheval devant moi
Mustapha Oukil, un des premiers de la ville. En passant, il reproche à
mes sais de marcher devant un Français, elles menace de la bastonnade
après mon départ. Je crus ne devoir pas garder le silence sur une pareille
insulte ; et, rentré chez moi, j'envoyai le citoyen Jaubert auprès du Pacha,
APPENDICE 51
pour me plaindre et demander une prompte réparation. Je lui déclarai
que j'entendais que cet homme se rendît chez moi publiquement pour me
demander pardon, se mettre à ma disposition, et implorer ma pitié. Il se
Irouva que Mustapha était très-protégé du Pacha, et l'on chercha à arran-
ger la chose autrement ; mais j'insistai en déclarant formellement au Pacha
que, si cette réparation n'avait pas lieu de la manière dont je l'avais de-
mandée, je partirais sur-le-champ, et que j'écrirais immédiatement à
Paris et à Constantin ople pour me plaindre.
Cette déckralion produisit l'effet que j'en attendais, et Mustapha
effrayé se rendit le lendemain chez moi conduit par M. Piosetti, me de-
manda publiquement pardon et se mit à ma disposition. Je lui dis que
mon premier mouvement avait été de lui faire trancher la tète, et que je
n'avais accordé sa vie qu'aux sollicitations du Pacha et de M. Rosetti ;
mais que, s'il lui arrivait dorénavant d'insulter des Français ou des gens
de leur suite, sa perte serait inévitable.
Cette affaire, qui se divulgua à l'instant dans la ville, produisit le
meilleur effet.
Le même jour, on chercha à exciter les Albanais contre moi. Deux
lettres venant de Rosette, et écrites par des protégés anglais, assuraient
que Ton avait signalé, sur les côtes de la Natolie, une flotte française de
trois cents voiles; que nous marchions sur Constantinnple, et que mon
séjour en Egypte n'avait d'autre but que de les tromper et de les endor-
mir sur leurs dangers. Je fis venir chez moi le négociant qui avait reçu
la lettre ; je le sommai de me la remettre, ce qu'il fit aussitôt : je l'envoyai
à l'instant au Pacha lui-même, en lui faisant dire que ces nouvelles ab-
surdes étaient répandues pour occasionner des désordres, et pour cher-
cher à altérer la bonne harmonie qui existait entre la France et la Su-
blime Porte ; que j'en garantissais la fausseté sur ma tête.
Le Pacha avait connu le piège, et n'en avait point été la dupe. Il me
communiqua même une lettre du général Stuart, qu'il venait de recevoir
et à laquelle était joint un ordre du jour du premier Consul, lors de son
commandement de l'armée d'Orient. Cet ordre du jour, du mois de fruc-
tidor an VII, rappelait aux Égyptiens que Constantinople était tributaire
de l'Arabie, et que le temps était venu de rendre au Kaire sa sui)rématie,
et de détruire en Orient l'Empire des Osmanlis. Le général Stuart priait
le pacha du Kaire de se bien pénétrer de l'esprit de cet ordre, et de voir
après quelle devait être la sincérité de notre attachement et de notre
paix avec les Turcs.
Je fus indigné de voir qu'un militaire d'une des nations les plus poli-
cées de l'Europe se dégradât au point de chercher à me faire assassiner au
moyen d'insinuations de cette nature. Il a été trompé dans son attente.
Le Pacha m'a prodigué, jusqu'au moment de mon départ, les traitements
52 APPENDICE
les plus flatteurs, et le commissaire anglais au Kaire a été témoin de l'at-
tachement de cette ville aux Français.
Les deux personnages les plus influents aujourd'hui auprès du Pacha
du Kaire sont Rosetti et Maharouki ; ils détestent également la France, et
sont en guerre ouverte entre eux. On croit généralement que Rosetti a
trahi la cause des béys, et qu'il est maintenant pour les Osmanlis. Cepen-
dant cet homme astucieux se ménage la faveur des Mameluks, s'ils sont
vainqueurs. Il fait dans ce moment avec le Pacha un commerce de safran
et de grains, qui en peu de temps a augmenté sa fortune de plusieurs
raillions.
Scherif-EfTendi, avant mon départ, a été nommé pacha de Jedda, et
remplacé par Najaï-Eflendi, qui est en route pour se rendre au Kaire. Il
a refusé son pachalic, et compte s'en retourner à Constantinople, après
avoir été en pèlerinage à la Mecque.
Mohammed, pacha du Kaire , est un esclave de la Géorgie, élevé dans
la maison du capitan-pacha, h qui il est eiUièreraent dévoué ; il a beau-
coup du caractère de son maître. Le cheik El-Sadat, malgré les vexations
qu'il a essuyées après le départ du général Ronaparte, m'a fait prier de
lui envoyer le citoyen Jaubert, à qui il a protesté le plus grand atta-
chement à la personne du premier Consul : « Le séjour de ce grand
homme en Egypte, m'a-t-il dit, n'a été marqué que par des bienfaits,
et ma patrie ne doit s'en ressouvenir qu'en le bénissant : il était juste
et bon. »
J'ai vu plusieurs cheiks d'Arabes; tous se plaignent des Osmanlis.
Le mutessib, ou chef de la police du Kaire, c'est Zou'f-Fukiar, ancien
intendant du premier Consul.
J'ai reçu une députation des moines du mont Sinai, que j'avais déjà
recommandés au Pacha ; j'ai écrit à leur supérieur, pour l'assurer de la
bienveillance et de la protection du premier Consul. Les moines de la
propagande, au Kaire, que j'ai rerais sous la protection nationale dont ils
jouissaient avant la guerre, ont célébré un oflice solennel et chanté un
Te Deum en actions de grâces pour la prospérité du premier Consul. J'ai
assisté à cette cérémonie à laquelle étaient accourus tous les chrétiens du
Kaire ; j'ai assuré les Pères de la propagande qu'ils rentraient dans la
jouissance de tous leurs anciens privilèges.
La veille de mon départ (le 11), j'ai vu encore le Pacha ; je lui ai re-
commandé tous les chrétiens généralement, ainsi que les Turcs qui, pen-
dant le séjour de l'armée française en Egypte, avaient eu des relations
avec elle ; il m'a non-seulement promis de les respecter, mais même de
les traiter avec bonté.
Le 12, je suis parti dans une kange du Pacha pour me rendre à Da-
niiette. Le Pacha me fit escorrcr jusqu'il Boulak avec les mômes honneurs
APPENDICE 53
que le jour de mon arrivée. J'avaisécrit au capitaine Gourdin de se rendre
h Daraiette avec la frégate, afin de passer en Syrie.
Le U brumaire, je m'arrêtai quelques moments à Séménoud , et en-
suite h Mansoura, où je vis le commandant de la ville et le cheik Esseid
Muhammed-el-Ghenaoni, qui vinrent me visiter, ainsi que tous les autres
cheiks. Je leur parlai dans les mômes termes qu'aux autres différents
cheiks de l'Egypte, et j'en reçus les mêmes protestations d'attachement.
La tour de Mansoura est détruite.
Le môme soir j'arrivai à Damiette.
Je me rendis le lendemain chez Ahmed- Pacha- llchil, créature du
grand-vézir; il me rendit ma visite le môme jour, et il s'est parfaitement
conduit avec moi pendant tout mon séjour dans celte ville.
Le 16, je fus visiter le fort de Lesbé et les tours du Bogaz. On n'a
pas continué les travaux du fort, qui est en mauvais état : les tours du
Bogaz sont bien entretenues. Il y a une garnison de deux cents hommes
dans le fort et dans les tours.
Le 17, je reçus la visite du fils de Hassan-Toubar ; son influence sur
les habitants du lac Mensalé est toujours la même.
Le 18, je passai à Sénenié, oii je vis le cheik Ibrahim El-Behloul,
celui qui se conduisit si bien lorsque les Français, sous les ordres du gé-
néral Vial, furent pris et cernés. Le premier Consul avait exempté son
village de toutes contributions.
J'ai vu à Daraiette tous les cheiks, et notamment Aly-Khafaki, que le
premier Consul avait revêtu d'une pelisse. Il jouit d'un très-grand crédit
et conserve beaucoup d'attachement pour la France.
Il existe à Damiette deux chrétiens qui ont un vrai mérite et qui
peuvent nous être fort utiles ; ce sont MM. Bazile et don Bazile: ils ont
de l'intelligence, une fortune très-considérable, et jouissent d'une très-
grande considération.
En Egypte, chefs, commerçants, uléma, peuple, tout aime k s'en-
tretenir (lu premier Consul, tous l'ont des vœux pour son bonheur. Toutes
les nouvelles qui le concernent se répandent d'Alexandrie, ou de Da-
miette, aux Pyramides, aux grandes Cataractes, avec une rapidité éton-
nante.
Le 23 bruraiare, la frégate arriva au Bogaz de Diaraetle, et je partis
inimédiatemeut pour Acre, où je fus rendu le 28.
Le 29 au matin, j'envoyai b. Djezar- Pacha les citoyens Jaubert et
Lagrange, avec une lettre, dans laquelle je lui mandais que, la paix étant
conclue entre la Krance et la Porte, on allait rétablir les relations de
commerce sur le pied où elles étaient avant la guerre, et que j'étais chargé
par le premier Consul de conférer avec lui sur cet objet. Je le priais de
me répondre par écrit b'il était dans l'intention de s'entretenir avec moi.
56* APPENDICE
Quelques heures après les citoyens Jaubort et Lagrange lurent de retour.
Djezar les avait reçus assez froidement. 11 leur avait dit que je pouvais
me rendre auprès de lui, mais il n'avait voulu répondre que verbalement.
Tout le monde m'avait conseillé de ne point le voir sans une assurance
écrite par lui-même ; mais, malgré ces avis timides et le refus obstiné
qu'il fit de me répondre par lettre, je me décidai k me rendre l'i l'instant
mèmek Acre. •
Je descendis chez le commissaire de la République des Sept-Ues.
Un moment après, ledrogman du Pacha, informé de mon arrivée, vint
me prendre pour me conduire chez Djezar qui me reçut dans un appar-
tement où il était seul, et où il n'y avait pour tous meubles qu'un tapis.
11 avait à côté de lui un pistolet à quatre coups, une carabine h vent, un
sabre et une hache. Après s'être informé des nouvelles de ma santé, il
me demanda si j'étais bien persuadé que, lorsque l'heure de notre fin était
sonnée dans le ciel, rien ne pouvait changer notre destinée. Ma réponse
fut que je croyais comme lui, au fatalisme. 11 continua k parler long-
temps dans ce sens, et je vis qu'il affectait une extrême simplicité, qu'il
voulait passer pour un homme d'esprit, et, qui plus est, pour un homme
juste. Il me répéta plusieurs fois : « On dit que Djezar est barbare, il
« n'est que juste et sévère. Priez le premier Consul, ajouta-t-il, de ne
« pas m'envoyer, pour commissaire des relations commerciales un borgne
<( ou un boiteux, parce que l'on ne manquerait pas de dire que c'est
« Djezar qui l'a mis dans cet état. » Un moment après, il me dit encore:
« Je désire que le commissaire que vous enverrez, s'établisse à Seïde :
« outre que ce port est le plus commerçant de mes États, cet agent ne
(i serait pas nécessaire ici; j'y serai moi-môme le commissaire français,
« et vos compatriotes y recevront l'accueil le plus amical. J'estime beau-
ci coup les Français. Bonaparte est petit de corps, mais c'est le plus grand
« des hommes ; aussi je sais qu'on le regrette beaucoup au Kaire, et qu'on
(( l'y voudrait avoir encore. »
Je lui avais dit quelques mots sur la paix entre la France et la Su-
blime Porte, et il répondit: « Savez-vous pourquoi je vous reçois et que
« j'ai du plaisir à vous voir ? C'est parce que vous venez sans firman : je
« ne fais aucun cas des ordres du Divan, et j'ai le plus profond mépris
« |)Our son vézir borgne. On dit Djezar est un Bosnien, un homme de
<( rien, un homme cruel, mais en attendant je n'ai besoin de personne et
« l'on me recherche. Je suis né pauvre; mon père ne m'a légué que son
t( courage : je me suis élevé à force de travaux, mais cela ne me donne
« point d'orgueil, car tout finit, et aujourd'hui peut-être ou demain Dje-
« zar lui-même finira, non qu'il soit vieux , comme le disent ses
«ennemis » (et dans ce moment il se mit ii faire le maniement des
armes à la manière des Mameluks, ce qu'il exécuta avec beaucoup d'agi-
APPENDICK 55
lité) « mais parce que Dieu l'aura ainsi ordonné. Le roi de France, qui
« était puissant, a péri : Nabuchodonosor le plus grand des rois de son
« temps fut tué par un moucheron, etc. » Il me débita d'autres sentences
du même genre, et me parla ensuite des motifs ([ui l'avaient décidé h faire
la guerre h l'armée française. Dans tous ses discours, on remarquait
aisément qu'il désirait se raccommoder avec le premier Consul, et qu'il
redoutait son courroux.
Voici Tapologue dont il se servit pour me démontrer les raisons qui
l'avaient porté à la résistance. « Un esclave noir, me dit-il, après un long
(I voyage où il avait soulTert tous les genres de privations, arrive dans un
« petit champ de cannes à sucre ; il s'y arrête, se repaît de cette liqueur
(1 délicieuse et se détermine à s'établir dans ce champ. Un moment après,
(( passent deux voyageurs qui se suivaient. Le premier lui dit: Salamalec
« (le salut soit avec toi). — Le diable t'emporte, lui répond l'esclave noir.
« Le second voyageur s'approche de lui et lui demande pourquoi il avait
t répondu aussi mal h un propos plein de bonté. J'avais de bonnes rai-
« sons pour cela, répliqua-t-il ; si ma réponse eîît été amicale, cet homme
« m'aurait accosté, se serait assis auprès de moi ; il aurait partagé ma
« nourriture, l'aurait trouvée bonne;, et aurait cherché k en avoir la pro-
« priété exclusive. »
J'ai recommandé à Djezar les chrétiens, et surtout les couvents de
Nazareth et de Jérusalem : il m'a assuré qu'il les traiterait avec beaucoup
d'égards. Je n'ai pas oublié les Mutualis ; j'ai reçu les mêmes assurances
en leur faveur. Djezar m'a, différentes fois, répété que sa parole valait
plus que des traités. Notre conversation fut interrompue, pendant quelques
moments, par une musique militaire assez agréable, qu'il fit exécuter.
Son palais est bâti avec beaucoup de goût et d'élégance, mais, pour
parvenir aux appartements, il faut faire une infinité de détours. Au bas de
l'escalier se trouve la prison, dont la porte est toujours ouverte depuis
midi jusqu'au soir. En passant, je vis une foule de malheureux qui y
étaient entassés. On remarque, dans la cour, douze pièces de campagne,
avec leurs caissons, extrêmement bien tenues. Jamais je n'ai vu un spec-
tacle plus hideux et plus révoltant que celui du ministre de Djezar que
je rencontrai en sortant. Le Pacha lui a fait arracher un œil et couper
les oreilles et le nez. J'ai vu dans la ville plus de cent individus dans
le même état. En voyant les domestiques de Djezar, et même les habi-
tants d'Acre, OQ se croit dans un repaire de brigands prêts à vous
assassiner : ce monstre a imprimé le cachet de son caractère atroce sur
tout ce qui l'entoure.
J'ai eu lieu de voir k Acre le procurateur de la Propagande et celui de
la Terre sainte. C'est du premier et du commissaire des Sept-Iles que je
tiens des 1 enseignements exacts sur l'état actuel de la Syrie et sur les
56 APPENDICE
fortifications d'Acre, que je n'ai pu voir qu'en partie : il ne m'a pas été
permis de les visiter. Le procurateur delà Terre sainte a été pénétré de
reconnaissance envers le premier Consul pour la protection qu'il accorde
à ces moines ; il m'a assuré que ma recommandation auprès de Djezar
leur sera fort utile. «■ Il fait tout, m'a-t-il dit, pour se raccommoder avec
le premier Consul. » Ce qu'il y a de certain , c'est que Djezar a fort bien
traité un bâtiment français qui avait été à Acre avant mon arrivée.
Djezar occupe toute la Palestine, à l'exception de Jalla, où Abouma-
rak, pacha, se trouve assiégé, depuis cinq mois, par neuf mille hommes.
Ce siège empêche Djezar de faire, avec autant de vigueur qu'il le voudrait,
la guerre à l'émir des Druzes : ce dernier ne lui a rien voulu payer depuis
un an.
Tripoli est tranquille dans ce moment : il n'en est pas de même
d'Alep, d'où le Pacha a été chassé. Damas a consommé sa rél)ellion contre
la Porte ; non-seulement le pacha du Divan en a été chassé, mais l'aga,
qui commandait la citadelle pour tous les Turcs, a été livré par ses sol-
dats et a eu la tête tranchée. Ce pachalic est resté au pacha rebelle, Ab-
dalla, qui est une créature de Djezar : ce dernier venait de lui donner
l'ordre et les moyens d'escorter les pèlerins de la Mecque. En un mot,
presque toute la Syrie est k Djezar, et lesOsmanlis y sont détestés comme
en Egypte.
Les Mutualis vivent tranquilles dans leurs villages : on les a cepen-
dant obligés à quitter les bords de la mer.
Aboumarak en est aux dernières extrémités : c'est un homme décon-
sidéré et d'une cruauté qui égale, si elle ne surpasse pas, celle de Djezar ;
les chrétiens le redoutent encore davantage et en éprouvent toutes les ava-
nies possibles. Les moines du couvent de JalTa se sont retirés à Jérusalem.
Le 30 brumaire je partis d'Acre, et, comme les vents étaient con-
traires pour me rendre à JalTa, je fis voile pour Zante, où j'arrivai le 13
frimaire. Je descendis le même jour, mais on nous mit en quarantaine.
J'obtins cependant de me rendre chez le gouverneur et le commissaire
français , escorté par des gardes de santé.
J'appris bientôt que l'île et la République étaient divisées en difié-
rents partis, et que la tranquillité même était menacée. Je fis réunir
quelques membres des autorités constituées et les principaux de la ville
chez le gouverneur, M. Calicliiopolo. Après leur avoir parlé de l'intérêt
que le premier Consul prend à leur bonheur, je les engageai, en son nom,
à déposer cet esprit de parti qui les déchirait, et à attendre, dans le silence
des passions, la nouvelle Constitution que les puissances, garantes de
leur souveraineté et de leur indépendance, se préparaient à leur donner.
Ce peu de mots fut accueilli avec enthousiasme et tous crièrent :
« Vive la France! Vive Bonaparte ! » Ces cris furent réitérés, à ma sortie,
Al'PKNniCI-: 67
par plus de quatre mille personnes qui m'accompagnèrent jusqu'au port.
Lo îïouverneur et le commandant russe en furent alarmés ; et j'appris le
lendemain, par le commissaire français, qu'on avait mis en prison deux
personnes des plus influentes ; mais que, sur ses instances, et craignant
mes reproches, on les avait fait relâcher dans la nuit. J'allai h la consigne ;
j'y fis venir le gouverneur. Je lui parlai avec force sur l'irrégularité de
sa conduite. Il fut atterré, et promit de ne voir dans ceux qui avaient
crié : Vive le premier Consul ! que de bons citoyens, et de les traiter
comme tels.
Comme il avait envoyé dans la nuit un courrier à son gouvernement,
et que j'avais lieu de croire qu'il lui avait fait un rapjjort inlidèle, j'écrivis
aussitôt au chargé d'affaires de la République k Corfou, pour l'informer
de ce qui s'était passé ; et, immédiatement après, je me rais en route pour
Messine.
Je ne m'écarterai point de la vérité, en assurant que les îles de la
mer Ionienne se déclareront françaises, dès qu'on le voudra.
Armée anglaise en Efjypte.
Cette armée , commandée par le général Sluart , est forte de quatre
mille quatre cent trente hommes comme il paraît par la situation ci-des-
sous : elle occupe en entier et exclusivement Alexandrie et les
forts environnants. Les Turcs qui formaient la garnison de quelques-uns
de ces forts, en ont été chassés. Dernièrement, le général anglais a fait
occuper Demanhour par cent hommes d'infanterie et cent cavaliers, sous
prétexte de contenir les Arabes. Les Anglais ne font aucun des travaux
nécessaires à l'entretien des forts ; les palissades en sont presque entière-
ment détruites, et les éboulements occasionnés par l(;s pluies ont infini-
ment dégradé toutes ces nouvelles fortifications. Ils n'occupent aucun des
ouvrages qui sont hors de l'enceinte des Arabes, et toutes les redoutes
extérieures, qui existaient lors du départ de l'armée française , sont
détruites.
Le pacha du Kaire fournit à l'armée anglaise du blé, du riz, du bois
et de la viande, sans en tirer aucun paiement. Les consommations sont
triples de ce qu'elles devraient être ; il s'y commet de très-grandes
dilapidations.
La plus grande mésintelligence règne entre le général Stuart et le
Pacha.
Situation de l'armée.
Le régiment de Dillon (émigrés) kôO hommes.
Chasseurs britanniques [idem) 550
A reporter. 1000 hommes.
68 . APPENDICE
Report 1000 hommes.
Régiment de Rolle (suisse) GOO
Régiment de Watteville [idem) C80
Le 10* régiment d'infanterie (anglais) . . 600
Le 61* régiment d'infanterie {idem) 650
Le 88* réyiment d'infanterie {idem) 400
Dragons du 26* régiment {idem) 350
Artillerie (idem) 150
Total 4430 hommes.
Armée turque.
Miihammed, pacha du Kaire, qui a pris, on ne sait pas pourquoi, le
titre de vice-roi d'Egypte, ne commande pas ses troupes en personne.
Muhammed-Aly-Sur-Chersmé, qui en avait le coramanderaent lors de
mon arrivée, a été tué devant Gizé; elles sont aujourd'hui sous les ordres
de Jussuf Kiahia. Taïr est pacha des Arnaoutes, qui composent la très-
grande majorité de cette armée, qui se monte k environ seize mille
hommes, distribués comme il est expliqué ci-après. Elle reçoit de temps
en temps des renforts, qui viennent débarquer à Aboukir, mais elle
souffre beaucoup parla désertion.
Khourchid-Ahraed, pacha à deux queues, est à Alexandrie avec six
cents hommes, qui n'y occupent aucune fortification. Ce pacha est, pour
ainsi dire, prisonnier des Anglais.
Aboukir. — Ce fort est en mauvais état ; on n'y a pas fait la moindre
réparation depuis sa prise : les brèches n'ont été ni déblayées, ni réparées.
La grosse tour en est en partie détruite ; tout ce qui regarde la tour est
ouvert. Le fort et la tour sont armés de deux pièces de 2/(, de cinq pièces
de petit calibre, et de deux mortiers de 12 pouces ; le tout en très-mau-
vais état: il est occupé par cent Albanais, commandés par Mustapha-Aga,
et tirés des troupes du pachalic d'Alexandrie.
Le fort Julien. — Ce fort est très-dégradé et occupée par quinze
hommes seulement.
Burloz. — La tour est armée de deux pièces et occupé par les habi-
tants du village, qui en ont la garde, et qui sont soldés par le Pacha.
Rahmaniè. — Ce fort a été presque détruit par les inondations : il est
occupé par vingt-cinq hommes.
Menouf. — Les deux tours de la ville sont ruinées et abandonnées.
La province de Menouf est occupée par cinq cents hommes.
Baiilnk. — Les deux tours sont armées et occupées par trente hommes.
L'Okel-d'Aly-Béy a été rendu à son ancien usage. Le fort de la Pluie-
d'Eau, l'aqueduc, la citadelle du Kaire, la porte Babe-El-Nassr, et l'en-
ceinte jusqu'à la porte Babe-El-Adid, le fort Soulkcwsky, le fort Quentin
et la ferme d'Ibrahim-Béy sont occupés et armés. La partie qui regarde la
APPENDICE 59
Haute-Égypte, et qui garantit des tentatives ennemies de ce côté-là, est
bien entretenue. L'armement de ces différents forts est le môme que les
Français y laissèrent, mais il n'est pas entretenu et est par conséquent
fort dégradé. La maison d'Elfi-Béy, occupé par le Pacha, est le seul point
que les Turcs aient fortifié : j'en ai fait lever le plan par le capitaine
Berge, et je le joins ici. La ferme d'Ibrahim-Béy n'a plus d'une fortifi-
cation que le nom. Le fort Dupuy est tombé en ruine et est abandonné ;
la rampe et la boiserie en ont été enlevées. Les tours environnantes sont
armées, mais pas occupées. Les travaux du fort de l'Institut n'ont point
été continués. Ce fort est presque détruit, et n'est point occupé. Les ponts
de Gisé et de la ferme d'Ibrahim-béy n'existent plus.
La poudrière de Roudag est détruite : le Kilomètre, quoique armé,
n'est pas occupé.
Gisé est également en très-mauvais état ; l'arsenal n'existe plus ; la
partie de l'enceinte qui fait face à la Haute-Egypte est la seule entretenue.
Birket-EL-Hadji est abandonné.
Belbéis et Salahié sont également abandonnés et en partie détruits.
Mansonra. — La tour de la ville est détruite. La province de Mansoura
est occupée par cinq cents hommes.
Lesbéh est en aussi mauvais état que tout le reste. Les Turcs, loin
d'achever les ouvrages commencés, ne font pas même ceux qui sont né-
cessaires à l'entretien de la place. L'armement en est très-mauvais ; les
affûts ne supporteraient pas deux coups de canon. Les deux tours du
Bogaz sont armées et en assez bon état. Le fort et les tours sont occupés
par une garnison de deux cents hommes tirés du pachalic de Damielte.
Les tours de Dibé et d'Oumfarége sont détruites.
La province de Damiette est occupée par six cents hommes.
Cathié. — Ce fort n'existe plus : les Arabes y sont revenus et y re-
construisent leur village.
El-Arich. — Le Pacha a fait réparer ce fort et en a commis la garde
aux habitants : j'en ai vu le cheik ci Damiette, qui y était venu chercher
dix pièces de canon pour l'armer.
Suez est occupé par cent Osuianlis; il n'y a point d'Anglais.
Récapitulation et répartition des troupes turques en Egypte.
A Alexandrie 600 hommes.
A Aboukir 100
Au fort Julien 15
A Rosette 200
A Rahmanié 25
Dans la province de Menouf. 500
A reporter 1440
60 APPENDICE
Report 1440
Au Kaire, Boulak et Gizé 5000
A Suez 100
Dans la province de Mansoura 500
Dans la province de Damiette et province de Lisbeh COO
Total 7640
Forces disponibles.
Infanterie , COO hommes.
Cavalerie 2000
Artillerie 500
Total 3100
Il est inutile d'ajouler que ce n'est pas là une armée : ce sont des
hommes mal armés, sans discipline, sans confiance dans leurs chefs, et
énervés par des excès de débauche. Les chefs ressemblent en tout à leurs
soldats : ignorant jusqu'aux premiers éléments de l'art militaire, et con-
duits uniquement par l'appât des richesses, ils ne songent qu'à s'enrichir,
et à trouver les moyens de se retirer avec sûreté. Six mille Français suffi-
raient aujourd'hui pour conquérir l'Egypte.
Armée des Mameluks.
L'armée des béys est composée de trois mille Mameluks, de trois
mille cinq cents Arabes de la tribu Ababdé de Ghark, et de trois mille
cinq cents delà tribu Binialy. Muliammed-Béy-Elfy a épousé la fille du
cheik de la première, et Maarzouk-Béy, fils d'Ibrahim-Béy, la fille du
cheikdela tribu Binialy. Le pouvoir, dans cette armée, se partage entre
Ibrahiro-Bey (qui est le chef), Elfy-Béy et Osman-Béy, qui a succédé à
Murad-Béy. Leur quartier-général est à Djergé. Ils ont quatre-vingts dé-
serteurs français, qui forment un petit corps d'artillerie. Jusqu'à présent
ils ont battu les Turcs dans toutes les rencontres, et les Égyptiens les
préfèrent aux Osmanlis. Toute la Haute-Egypte leur est soumise.
Syrie.
Acre. — L'enceinte de celte place a été réparée: la porte en a été
couverte par un petit ouvrage à cornes, et la tour de l'angle de l'enceinte
par une demi-lune. On a fait également une petite flèche en avant du
palais du Pacha. Tous les ouvrages sont bien entretenus. La partie la plus
faible est celle qui regarde la mer, et particulièrement le point qui défend
l'entrée du port.
Les forces de Djezar se montent dans ce moment, à environ treize ou
quatorze mille hommes, dont neuf mille employés au siège de JalTa; Jéru-
APPENDICE 61
salera et Nazarelli sont occupés par l(!s troupes du paclia d'Acre. Les Na-
plousains servent contre Aboumarak.
Jaffa. — Le vézir, après la prise de l'Egypte, en a fait reconstruire
l'enceinte, qui, dans ce moment, est dans le plus mauvais état. Abouma-
rak, pacha de la Palestine, qui défond celtcplace, y a quatre mille hommes
de garnison.
Gaza est occupé par quatre cents hommes de troupes d' Aboumarak.
L'émir des Druzes a refusé à Dje/ar sa contribution annuelle et a fait
des armements imposants. Le Pacha attend la prise de Jalfa pour l'atta-
quer. Les Anglais ont voulu intervenir comme médiateurs entre l'Émir et
Djezar, mais ce dernier a refusé leur médiation.
La Porte a, dans ce moment, peu de rapports avec la Syrie.
CVI. — Dépêche de Tanshassadenr Brime an premier eoiisnl ltona«
parte, en date du 4 février 1803 (S8 cliéwai 1317).
N° 2.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
M. Van Dedem lils
n'ayant pu se charger Pera lez-Constantinople, IG pluviôse an XI.
de cette dépêche, elle a
été expédiée par le na- ^6 général Brune, conseiller d'Etat, ambassa-
vire la cnnception, de dcurde la Piépublique française près la Sublime
Marseilie,capitaineTho- po^te, au i)remier Consul Bonaparte.
mas.
Citoyen premier consul,
Je profite de l'occasion du jeune Van-Dedem, etc.
Le réis-effendi m'a réitéré l'assurance que l'arrangement sur les béys
n'est qu'un simple acte de pardon ; que lord Elgin, au moment de mon
arrivée, a fait vainement tous ses efforts pour ajouter h cet acte une sti-
pulation de garantie de la part de l'Angleterre, et que les Anglais n'ont
d'autre rôle dans celte alTaire que celui do porter l'acte à Alexandrie et
de déclarer que les béys ne peuvent jamais prétendre à leur protection ;
cette assurance m'a été donnée avec toutes les démarches de l'amitié : le
réis-effendi parle bien le français, il l'a appris en Angleterre, et on le fait
passer pour un zélé partisan des intérêts britanniques; il a supposé
([u'on m'en avait donné cette impression, et m'a dit que je m'aperce-
vrais qu'il n'était point du tout Anglais, mais qu'il était obligé encore de
dissimuler jusqu'à l'évacuation de l'Egypte, et en me demandant mon
amitié, etc.
{Signé) Brune.
(M. Original.)
62 APPENDICE
CVII. — Dépêche de l'amliassadeur brîfanniqnc (lord 1Vliit«'orth), à
Paris, an ministre des affaires étrangères (lord Havikesburg), en
date dn 21 février 1803 (38 chéwai ISiV).
Mylord, à peine la dernière dépêche, dans laquelle je vous rendais
compte de ma conférence avec M. Talleyrand était -elle partie, que ce
ministre me fil parvenir une note, par laquelle il m'informait que le pre-
mier Consul désirait que je vinsse le trouver aux Tuileries, sur les neuf
heures. Il me reçut dans son cabinet avec assez de cordialité, et, après
avoir parlé sur diiïérents sujets pendant quelques minutes, il m'invita à
m'asseoir : il s'assit lui-même de l'autre côté de la table qui nous sépa-
rait, et entra en matière. Il me dit qu'il sentait que, après ce qui s'était
passé entre moi et M. Talleyrand, il était nécessaire qu'il me fît connaître
ses sentiments de la manière la plus claire et la plus authentique, afin que
je les communiquasse h S. M. ;" qu'il concevait que ce moyen serait plus
eflicace, venant de lui personnellement, que s'il se servait d'un intermé-
diaire. 11 ajouta qu'il était vivement affecté que le traité d'Amiens, au
lieu d'amener la conciliation et tous les effets naturels de la paix, n'eût
produit qu'une jalousie et une méfiance continuelle et toujouis croissante,
et que cette méfiance était à présent devenue si forte qu'elle devait néces-
sairement occasionner un résultat fâcheux. Il fit alors l'énumération des
provocations réitérées qu'il prétendait avoir reçues des Anglais. Il éta-
blit pour premier grief la non -évacuation de Malte et d'Alexandrie
comme nous étions tenus de les évacuer. A cet égard, il dit, etc. Il revint
sur le chapitre de l'Egypte, et me dit que, s'il avait eu le plus petit désir
de s'en emparer, il aurait pu le faire, il y avait un mois, en envoyant
25,000 hommes à Aboukir, qui se seraient rendus maîtres de tout ce pays,
malgré les 4,000 hommes de troupes anglaises qui étaient à Alexandrie ;
que cette garnison, loin d'être un moyen de protéger l'Egypte, ne ser-
vait qu'à lui fournir un prétexte de l'envahir ; quHl ne le ferait pas, quel-
que pût être son désir d'en faire une colonie, parce qu'il ne croyait pas
que cette acquisition valût le danger d'une guerre dans laquelle on pour-
rait peut-être le regarder comme l'agi^esseur, et qui lui ferait perdre plus
qu'il ne pourrait gagner, puisque tôt ou tard l'Egypte appartiendrait à la
France, soit par la chute de l'empiy^e ottoman, soit par quelque accomode-
ment avec la Porte. Pour preuve de son désir, etc. Il dit qu'il n'avait pas
châtié les Algériens, parce qu'il ne voulait pas exciter la jalousie des autres
puissances, mais qu'il espérait que l'Angleterre , la Russie et la France
sentiraient un jour qu'il était de leur intérêt de détruire ce repaire de
brigands, et de les forcer à vivre plutôt de la culture de leur terre que du
pillage qu'ils exercent. — Dans le peu de mots que j'ai dit dans cette con-
versation (car dans l'espace de deux heures qu'a duré cet entretien, j'ai eu
APPENDICE 63
très-peu l'occasion de parler), je me suis renfermé facilement dons la te-
neur lies instructions que vous m'avez données, je les ai présentées au
premier Consul d'une manière aussi forte que je l'avais fait avec M. Tal-
leyrand, et j'ai beaucoup insisté sur la sensation que la publication du
rapport du colonel Sébastian! avait causée en Angleterre, ofi les vues delà
France sur l'JÉgypte doivent toujours exciter la plus grande vigilance et
un sentiment de jalousie : — il soutint que ce qui devait nous convaincre
de son désir de la paix, était, d'un côté, le peu davantage qu'il avait à re-
commencer la guerre, et, de l'autre, la facilité avec laquelle il aurait pu
s'emparer de l'Egypte avec les mêmes vaisseaux et les mômes troupes
qui allaient de la Méditerranée à. Saint-Domingue ; entreprise qui aurait
reçu l'approbation de l'Europe entière, et particulièrement des Turcs,
qui, h plusieurs reprises, l'avaient invité à se joindre à eux, à l'elTet de
nous forcer à évacuer leur territoire. — Je ne prétends pas, etc.
... Il faut pourtant observer qu'il n'affecta point, ainsi que l'avait
fait M. Talleyrand d'attribuer h la mission du colonel Sébastiani des
motifs imiquemenl commerciaux, mais qu'il la représenta comme de-
venue nécessaire, sous un point de vue militaire, par rinfraclion que
nous avons faite au traité d'Amiens.
CYIII. — IV'ote du ministre des affaires étrangères de S, M. britan"
nique à l'ambassacleur de France (Andréossi) à Londres, en date
du 15 mars i803 (31 zilcadé 1S19).
Le soussigné, principal secrétaire d'Étal de S. M., ayant le départe-
ment des affaires étrangères, etc., etc. Pendant que S. M. était animée
de ces sentiments pacifiques et modérés, et disposée à en faire les mobiles
de sa conduite, son attention a été particulièrement engagée par la pu-
blication très-extraordinaire du rapport ofTiciel du colonel Sébastiani au
premier Consul. Ce rapport contient les insinuations et les accusations les
plus inexcusables contre le gouvernement de S. M., contre l'officier cora-
mandant ses forces en Egypte et contre l'armée britannique dans ce pays-
là; accusations et insinuations entièrement dénuées de fondement, et
telles, qu'elles auraient obligé S. M. à demander la satisfaction qu'ont
droit d'attendre l'une de l'autre, dans des occasions de celle nature, des
puissances indépendantes et dans un élat d'amitié. Ce rapport découvre,
de plus, des vues injurieuses au plus haut degré aux intérêts des posses-
sions de S. M. et directement contraires, etc. Aucune satisfaction n'a été
donnée; aucune explication ne s'en est suivie: mais, au contraire, les
soupçons de S. M., touchant les vues du gouvernement français au sujet
de l'empire turc, ont été fortifiés et confirmés par les événements subsé-
quents.
Dans ces circonstances, etc.
ÛU Al'PENDICE
CIX.. — Lettre d'ibraliim-béy et d'Osman -b6y-El«Bardissi an premier
eonsnl Bonaparte, en date de la Uante>Égyptc le !2 0 mars 1803
(36 zilcadé 1219).
Premier Consul, nous connaissons votre clémence et votre générosité
envers ceux qui se mettent sous voire protection. Ces nobles qualités
sont connues de l'univers entier, ainsi que la franchise et la loyauté de
la nation que vous gouvernez.
Premier Consul, nous nous réfugions en vous, priant l'Eternel et V. E.
de jeter sur notre sort un regard favorable. Si quelqu'un d'entre nous
eut précédemment le malheur de vous déplaire, il en a été bien puni par
les châtiments qui furent l'efTet de la colère divine, et par tout ce que
nous avons souffert jusqu'à ce moment. Mais Dieu est miséricordieux, il
pardonne à ses serviteurs et il aime ceux qui sont cléments comme lui.
Nous savons que vous désirez la félicité des hommes et la tranquillité
de vos serviteurs. Vous avez donné la paix au monde, tous les peuples ont
joui de ses bienfaits, et personne n'a plus connu le malheur, personne....
si ce n'est nous. Nous le savons, ce n'est point l'intention de votre âme
généreuse.
Dieu nous entend. Nous vous supplions de vouloir bien être le média-
teur entre la Sublime Porte et nous, pour obtenir la paix et le rétablisse-
ment de notre autorité d'une manière conforme à nos anciens usages.
Lorsque voire envoyé Sébastiani vous fit parvenir nos salutations, cela
nous encouragea, nous, et nos enfants, les Mamlouks, à recourir à vous
pour vous exposer notre situation malheureuse , espérant que vous dai-
gneriez étendre jusqu'à nous vos faveurs, en considération de Murat-
béy, votre ancien ami.
Nous ne cessons d'offrir à Dieu nos vœux pour la conservation de vos
jours et pour votre prospérité.
(y^'. Traduction officielle.)
CX< — lietlre du droginan de la Siultlime-Portc it l'ambassadeur
Brune, en date du 25 mars 1803 (1" zilhidje 131 9).
Copie. — Lettre du prince Gallimachy au général Brune.
A la Sublime-Porte, le 13/25 mars 1803.
M. l'ambassadeur, c'est de la part de S. E. le réis-effendi que j'ai
l'honneur d'informer V. E. qu'un Tatar extraordinaire, parti du Caire le
25 du mois passé, et arrivé aujourd'hui, vient de nous donner la nouvelle
de l'embarquement des troupes anglaises, et de l'évacuation entière
d'Alexandrie. Le susdit Tatar n'a apporté aucune dépèche y relative, car
APPENDICE 65
il était expédié de la part de S. E, le pacha du Caire pour d'autres objets ;
mais il a déposé avec assurance que deux jours avant son départ
d'Alexandrie un Tatar était expédié portant la nouvelle de l'évacuation ;
que lui-môme a vu positivement toutes les troupes anglaises s'embarquer et
faire voile; et qu'enûn il a rencontré le Tatar annoncé si près d'ici qu'il
pourra bien arriver ce soir ou demain.
J'espère être cv même de faire part bientôt h V. E. de l'arrivée de cet
autre Tatar en question, ainsi que des détails plus circonstanciés.
En attendant, je prie M. le général ambassadeur, de vouloir bien agréer
les assurances d'estime et de respect avec lesquels j'ai l'honneur d'être
de Votre Excellence — le très-humble et très-obéissant serviteur —
{Signé) Charles de Callimachy.
Pour copie conforme
(Signé) Brune.
(^. Copie authentiqué.)
CJLl. — I%Ioto de l'ambassadenr de France à Londres an ministre
des affaires étrangères de S. M. britannique, en date da S 8 mars
1803 (4 zilliidjé 1319).
Le soussigné à mis sous les yeux de son gouvernement, la note écrite
par Son Excellence lord Hewkesbury ; il a reçu l'ordre de faire aux
observations qu'elle contient, la réponse suivante :
Cette note paraît, etc.
Lord Hawkesbury parle de l'article d'un journal où l'on a imprimé un
rapport d'un colonel français. On pourrait se dispenser, dans de graves
discussions, de répondre sur cet objet; mais, enfln, il n'est ni long ni dif-
ficile de le faire.
Un colonel de l'armée anglaise a imprimé, en Angleterre, un ouvrage
rempli des plus atroces et des plus dégoûtantes calomnies contre l'ar-
mée française et son général. Les mensonges de cet ouvrage ont été dé-
mentis par l'accueil fait au colonel Sébastiani ; la publicité de son rap-
port était en même temps une réfutation et une réparation que l'armée
française avait le droit d'attendre.
A son arrivée en Egypte, cet officier, à son grand étonnement, a trouvé
l'armée anglaise, qui devait l'avoir évacuée, et les Turcs extrêmement
alarmés de cette permanence de l'armée anglaise, ainsi que de ses liai-
sons avec les rebelles du pays, en révolte ouverte contre la Sublime-
Porte.
Il a dû concevoir que les traités qui nous lient h la Porte, et par les-
quels nous lui avons garanti l'intégrité de ses possessions, nous obli-
geaient à nous joindre à elle; car il était simple de penser que l'Angle-
T. II. 5
66 APPENDICE
terre voulait déclarer la guerre, dès l'instant qu'elle ne voulait pas exé-
cuter les articles du traité. Car enfin, la France n'est pas réduite à un
tel état d'abaissement, que l'on puisse exécuter ou non les traités faits
avec elle. De là, les recherches que cet officier a (ailes sur les forces
qui se trouvaient en Egypte, et sur la position qu'occupait l'armée
anglaise.
Mais depuis, l'Egypte est rentrée sous la domination de son souverain
légitime, et l'idée d'une rupture entre les deux nations, par rapport à
l'obligation contractée avec la Porte, se trouve évanouie.
Il n'existe donc qu'un seul objet, etc.
CXII. — liettre dn premier consnl Bonaparte an ministre des rela-
tions extérieures, en date da 38 septembre 1803(li djémazinl-
akliîr l»i8).
Je vous prie, citoyen ministre, d'expédier un courrier à Constanti-
nople avec une lettre en chiffres à votre agent à Alep, pour lui faire con-
naître que, si la prise de la Mecque et de Djeddah se confirme, il prenne
les moyens d'écrire au chef des Wahabites. Il lui écrira d'abord simple-
ment que le consul Bonaparte désire savoir si les Français qui pourraient
naviguer dans la mer Rouge, ou se trouver dans les pays qu'il occupe-
rait, seraient protégés par lui, et si, dans le cas oii ils viendraient en
Syrie et en Egypte, ils seraient sûrs d'être préservés du pillage et d'être
considérés comme amis.
Sur sa réponse, il écrira et tâchera de se procurer des renseignements
sur la force et la situation de cette nouvelle secte.
Vous écrirez, etc.
P. S. — Si les Wohabites marchaient sur la Syrie ou sur l'Egypte, il
est nécessaire que notre agent à Alep soit autorisé à nous expédier un
bâtiment exprès, soit.... soit grec, qui débarquerait, soit à Tarente, soit
à Venise. Je mets de l'insistance à être prévenu avant tout le monde de
la véritable force de cette secte.
CXIII. — Lettre dn premier consul Bonaparte an ministre des rela-
tions extérieures, en date dn !S4 novembre 1803 (9 chàban 13t8).
Je vous prie, citoyen ministre, d'envoyer copie de cette dépêche au
général Brune, pour qu'il porte des plaintes sur la manière dont on se
comporte avec noire agent â Latakieh.
Écrivez en chiffre au citoyen Lesseps qu'il doit se rendre au Caire ;
qu'il a eu tort de montrer la lettre des Mameluks au pacha du Caire ;
APPENDICE 67
qu'il doit envoyer en France, par la voie la plus sûre, tout ce qu'il saura
des béys, sans en rien communiquer aux Turcs.
11 doit faire dire principalement à Osraan-béy que j'ai reçu sa lettre;
que j'en ai compris le contenu ; que j'aime les Mameluks, parce qu'ils
sont braves, et surtout les Mameluks de Mourad-béy, parce qu'ils ont été
avec nous et ont fait partie de l'armée française ; que mon intention était,
dans toutes les circonstances, de les favoriser et de les protéger ; qu'ils
peuvent donc compter là-dessus. Qu'il fasse dire à la veuve de Mourad-
béy que j'ai reçu sa lettre ; que j'ai donné l'ordre spécial aux agents fran-
çais, qui sont en Egypte, de la protéger; que je veux qu'elle n'ait rien à
craindre, et qu'elle n'ait besoin de rien, parce que Mourad-béy a fini par
être ami de la France, qu'il est mort dans ces sentiments, et qu'ainsi je
serai toujours ami de sa famille.
CXIV. — Lettre du premier consul Bonaparte an ministre des rela-
tions extérieures , en date du 34 novembre i 803 (9 «hàban 121 H),
Je désire, citoyen ministre, que vous écriviez une lettre en chiffre au
citoyen Lesseps, commissaire des relations extérieures au Caire, et que
vous preniez la précaution de la lui envoyer par un homme qui ira s'em-
barquer àTrieste, sur le premier bâtiment qui partira pour Alexandrie,
de manière que vous ayez double garantie pour l'arrivée de celte lettre.
Vous direz au citoyen Lesseps de faire connaître à Ibrahim-béy et k
Osman-béy que j'ai reçu leur lettre, et que j'en approuve le contenu ; que
j'ai fait parler à la Porte pour ce qui les regarde, mais qu'il est difficile
d'espérer quelque chose de ce côté ; que je leur veux du bien, et que je
désire leur en donner des preuves ; qu'en attendant qu'il soit pris un parti
définitif, je serais porté à leur donner du secours, mais de manière à ne
pas nous brouiller encore avec la Porte ; qu'ils me fassent donc de suite
connaître la nature du secours dont ils peuvent avoir besoin.
Recommandez au citoyen Lesseps de rendre ses communications plus
fréquentes, en envoyant des exprès avec des lettres chiflrées, et avec les
plus grandes précautions, soit par Raguse, soit par Trieste.
CXV. — ConTention entre Djézaïrli-.%II-pacha, gouverneur d'Egypte,
et les consuls, en date d'Alexandrie le 6 déceniliro 1803 (20 ciiA-
ban 1318).
1. Les pavillons des puissances seront déployés, excepté ceux de Russie
et de Suède, dont les vice-consuls attendront les ordres de leurs consuls
généraux au Kaire.
2. Il sera établi une barrière à l'entrée du quartier franc, pour qu'on
68 APPENDICE
puisse fermer la nuit, et il sera placé par le commandant une garde fidèle
près ladite barrière pour maintenir la tranquillité.
3. Puisque les Francs n'ont pour se promener à côté de leurs maisons
d'autre place que celle appelée le Menseyeh, elle sera destinée à leurs di-
vertissements, et comme il n'est pas possible, malgré les ordres donnés,
d'empêcher les soldats qui passent en troupes de tirer des coups de fusil
à balle, l'exercice des troupes se fera dans une partie de la ville. Pour
que la tranquillité et la siireté du quartier franc soient conservées, les
troupes ne pourront plus y passer en masse. Cette place ne sera plus do-
rénavant le lieu de supplice des condamnés.
4. Dans le cas où il serait nécessaire de faire des proclamations dans
le quartier franc, on ne les fera pas à haute voix, mais on avertira les
consuls de ce dont il s'agira pour qu'ils prennent leurs mesures en consé-
quence.
5. On donnera lecture des capitulations dans un lieu d'assemblée où le
Cadi déposé devra intervenir, pour être réintégré et honoré de tous les
assistants.
6. Puisque sous de mauvais prétextes le nommé Khalil-Allah, chef des
porte-faix, a fait bâtonner deux de ses hommes, au service du consulat de
France, et leur a pris quatre-vingt dix piastres, cette somme devra être
rendue et le délinquant bien bâtonné, pour que pleine satisfaction soit
donnée ù notre ami le consul de France.
7. Les drogmans de nos amis les consuls recevront une satisfaction de
notre part.
8. Si l'on découvre les soldats qui ont tiré des coups de fusil à balle sur
les maisons de nos amis les consuls, ils seront punis sévèrement, et si on
ne peut les reconnaître, un bin-bachy se rendra chez tous les consuls
pour demander excuse de ces excès.
9. Puisque c'est par égard pour les puissances amies de la Porte que
l'on rend ces honneurs à leurs consuls, la publication du présent traité
sera faite dans toute la ville, pour que le peuple en ait connaissance.
10. Nous apposerons notre seing au bas de ces articles, et lorsque les
consuls retourneront à leurs habitations, ils seront honorés, respectés,
comme s'ils étaient nouvellement arrivés, après avoir reçu la satisfaction
qui leur est due. Nous leur donnerons des marques de notre amitié par
des saints de tous les forts lorsqu'ils hisseront leurs pavillons.
CXYI. — Firman de la Snblime-Porte ù. Ali*p«cha-DjézaïrU, en date
du lO février 1804 (fin-chéwai 1318).
D'après les traités subsistants entre la Sublime Porte et les puissances
européennes, amies de l'empire ottoman, la protection la plus particulière
APPENDICE 69
doit être accordée aux consuls établis, par bérat ou firraan, h. Alexandrie,
pour veiller aux affaires de leurs nationaux. Tel est le sens précis des
traité. Cependant, il est parvenu à ma connaissance impériale que les
troupes sous vos ordres, non contentes de tirer des coups de fusil contre
les maisons desdits consuls, situées dans le quartier franc, n'ont cessé de
se permettre toutes sortes d'excès tendant à troubler la tranquillité, et
que même, le 15 novembre dernier, des troupes, sous les ordres de Has-
san-béy et de votre Kiàya, ont tiré plusieurs coups de fusil contre les
fenêtres des maisons européennes; que les maisons consulaires n'ont pas
été à l'abri de ces insultes ; que l'on a même visé aux pavillons et aux ar-
moiries de ces maisons; que, malgré les représentations officielles desdits
consuls, vous n'avez pas fait cesser ces désordres; que n'ayant pas puni
les turbulents comme ils le méritaient, cette impunité n'a servi qu'à les
encourager; que les Européens, ne trouvant pas près de vous la sûreté
et la protection qu'ils ont droit d'attendre, ont pris le parti de s'éloi-
gner d'Alexandrie et de s'embarquer sur le vaisseau du Capitan-béy.
Ces faits sont diamétralement opposés aux droits de l'amitié et me dé-
plaisent beaucoup. Mon grand-vésir vous a déjà écrit pour vous prescrire
de punir les coupables, de veiller à la sûreté des consuls et commissaires
français, de leur donner la satisfaction requise, et de mettre tout en œu-
vre pour les faire jouir de la tranquillité que leur assurent les traités. Il
vous avait été donné à ce sujet des instructions précises, et on s'attendait
à une réponse de votre part ; comme vous n'en avez pas donné, il a été
décidé qu'il vous serait expédié un commissaire, porteur du présent com-
mandement. On lui a donné toutes les instructions nécessaires, il vous
les communiquera, et ce sera à vous de les peser mûrement.
Si les consuls et commissaires français ne sont pas encore retournés à
leurs maisons, s'il ne leur a pas été accordé la satisfaction nécessaire, au
moment où cet ordre impérial vous parviendra, il vous est expressément
enjoint d'inviter lesdits consuls et commissaires à revenir dans leurs mai-
sons, de veiller à leur pleine et entière sûreté, de faire saisir et punir
exemplairement les coupables, sans faveur ou partialité, de veiller à ce
que les troupes ne se permettent plus à l'avenir la moindre action con-
traire aux droits de l'hospitalité ; de maintenir l'exécution des traités, et
de faire en toute diligence votre rapport à ce sujet à ma Sublime-Porte.
D'après les liaisons d'amitié qui existent entre l'empire ottoman et les
puissances européennes, je ne verrai jamais d'un œil indifférent qu'elles
souffrent la moindre atteinte. Le commissaire chargé du présent comman-
dement vous le répétera de vive voix; vous aurez soin de vous y confor-
mer; et si jusqu'à présent vous n'avez pas rempli les intentions de ma
Sublime-Porte, au moment où vous recevrez le présent commandement,
il vous est prescrit d'inviter les consuls à retourner chez eux, de les ras-
7Ô APPENDICE
surer par tous les moyens possibles, de procéder sur le champ à la pu-
nition de tous les coupables sans exception, et sans vous laisser arrêter par
aucune considération ; de veiller à ce que tous les Européens en Egypte
n'éprouvent aucun mauvais traitement, ni delà part de vos troupes, ni de
la part de qui que ce soit.
Ma volonté impériale est que les Européens jouissent partout de la
tranquillité que leur assurent les traités. S'il parvient à ma connaissance
que ces traités ne sont pas respectés, si vous vous rendez coupable de la
moindre négligence dans l'exécution de mes ordres, si vous ne les exécu-
tez pas ponctuellement, sachez que rien au monde ne pourra vous justi-
fier, et que vous encourrez mon indignation. Vous aurez soin d'instruire
au plus tôt ma Sublime Porte de l'exécution des ordres qui vous sont
donnés.
Et vous, commissaire , en vous choisissant parmi vos égaux pour vous
donner cette commission délicate, j'entends que vous persuadiez Aali-
Pacha que la prudence exige qu'il suive de point en point les instruc-
tions qui vous ont été données de vive-voix, et que vous lui répéterez;
c'est-à-dire de ramener les consuls et commissaires français chez eux,
s'ils n'y sont pas encore retournés; de veiller à leur sûreté, de punir les
perturbateurs du repos public, en un mot, d'accorder toute la satisfaction
requise aux personnes lésées. Tels sont les ordres précis de ma hautesse.
Acquittez-vous bien de ma commission, donnez des preuves de votre in-
telligence et de votre zèle, et prenez garde de permettre la moindre ac-
tion contraire aux ordres qui vous sont prescrits.
CXYII. — TVote (sans date) du ministre des affaires étrangères (Cliam-
pagny) sur un mémoire présenté à ]\apoIéon I»' par RI. Hamelln,
en date de Milan le » avril 1808 (5 sâfer 1233).
Mémoire de M. Haraelin sur l'Egypte. — Remis par M. le chambellan
Bondy.
M. Hamelin, prévoyant le cas d'une seconde conquête de l'Egypte, sou-
met à S. M. un précis sommaire des connaissances qu'il a tâché d'acqué-
rir sur le pays, et demande à y être employé (ou partout ailleurs).
Son mémoire a pour objet d'établir tous les avantages que l'Egypte
offrirait comme colonie, si l'on perfectionnait sa culture, son commerce
et le système des contributions. La culture bien dirigée donnerait abon-
damment du sucre, de l'indigo, du coton, de la gomme, du séné, du lin
et du riz; le commerce encouragé établirait des relations très-intéressantes
avec l'intérieur de l'Afrique; enfin, les contributions assises avec régula-
rité deviendraient d'un très-grand produit.
M. Hamelin ne place pas dans les avantages que celte colonie pourrait
APPENDICE 71
offrir celui de devenir le passage du commerce des Indes. Tl pense que
le commerce préférera toujours la navigation de long cours à celle entre-
coupée qu'exigerait l'entrepôt de l'isthme de Suez.
(Ce mémoire serait intéressant à représenter, si l'on venait à s'occuper
de l'Egypte.)
{M. Minute autographe.)
Nous ajoutons ici plusieurs documents relatifs à l'histoire de Souès, et au
grand projet, dont M. F. de Lesseps poursuit avec ardeur, depuis 1856 , la
réalisation, de joindre, par le percement de l'isthme de Souès, la mer Rouge
et la Méditerranée.
SOCUMEUTTS RELATIFS A SOUÈS
I. — Firman de la Sublime-Porte en date da . . . 1974 (1189-1188).
Les liistoriens nous apprennent que les chrétiens, secte artificieuse et
entreprenante, ont, dès l'origine des temps, fait usage de la fourberie et
delà violence pour exécuter leurs projets ambitieux. Quelques-uns d'entre
eux s'introduisirent, déguisés en négociants, h Damas et à Jérusalem : de
la même manière ils sont parvenus h s'introduire clans l'Inde, ou les An-
glais on réduit les habitants en esclavage. Dernièrement aussi, encouragés
par les béys, des gens de la même nation se sont glissés en Egypte, et
il est k croire que, quand ils auront levé les cartes du pays, ils reviendront
pour en faire la conquête.
Afin de prévenir ces desseins dangereux, sur la première nouvelle de
ces opérations, nous avons enjoint à leur ambassadeur d'écrire à sa cour
afin qu'elle ait à défendre aux vaisseaux anglais de fréquenter le port de
Suez. Elle a accordé cette demande, et, en conséquence, si quelque bâti-
ment anglais ose y jeter l'ancre, sa cargaison sera^confisquée, toutes les
personnes h bord seront emprisonnées, jusqu'à ce que nous ayons fait con-
naître notre bon plaisir.
II. — Traité de commerce et de navigation entre la Grande-Bretagne
et l'Egypte, en date dn Caire le 9 mars 19 95 (4 moharrem 1189).
Art. 1. Liberté réciproque entière et parfaite de navigation et de com-
merce entre les sujets respectifs des parties contractantes, dans toute
l'étendue des domaines et provinces, sous leur gouvernement, dans l'Inde
et en Egypte.
Art. 2. En cas de rupture entre les deux nations, délai de six mois ac-
72 APPENDICE
cordé aux sujets respectifs pour se retirer oii bon leur semblera, avec
leurs familles, leurs biens, marchandises et effets ; ils seront protégés
pour le recouvrement de ce qu'ils auront à répéter soit du gouvernement
soit des personnes particulières.
Art. 3. Liberté de parcourir, par terre et par mer, les différents do-
maines sans aucune permission ou passe-port, d'y entrer, d'en partir, d'y
rester ou y passer, et d'y acheter en même temps les choses usuelles et
nécessaires à la subsistance.
Art. li. Les négociants des deux nations pourront apporter dans les
domaines respectifs telles marchandises que bon leur semblera, pourvu
que le débit n'en soit pas prohibé. Ils pourront acheter toutes espèces de
marchandises permises soit du fabricant soit de toute autre manière quel-
conque ; ils disposeront, comme ils le jugeront à propos, de celles qu'ils
auront apportées d'ailleurs, et ne seront assujettis ii aucune taxe pour
raison de la liberté de commerce.
Art. 5. Aucun sujet respectif ne pourra être saisi et détenu que pour
dettes et pour crimes. Les affaires concernant de petits délits et des con-
traventions commises par des Anglais seront décidées par leur chef rési-
dant au Caire, et les personnes coupables seront punies par lui seul,
comme il le jugera à propos.
Art. 6. Les sujets respectifs pourront gérer eux-mêmes les affaires ou
les confiera qui bon leur semblera; de même, ils seront libres de faire
charger et décharger leurs navires par leurs propres gens ou par telles
personnes qu'ils jugeront à propos d'employer, sans être tenus de payer
aucun salaire à quelle personne que ce soit.
Art. 7. Liberté de disposer par testament ou autrement des marchan-
dises et effets mobiliers, et, en cas de mort de quelque sujet, les héri-
tiers légitimes du décédé seront mis en possession des biens après, avoir
justifié de leur droit.
Art. 8. Les négociants des deux nations ne seront obligés de payer les
droits sur les marchandises chargées sur leurs navires qu'autant qu'ils les
feront débarquer, en tout ou en partie. Les Anglais ou autres proprié-
taires de celles arrivées au Caire, ou dans quelque autre endroit, pour-
ront, sans payer aucun droit quelconque, les faire rembarquer pour être
portées ailleurs dans le cas oii ils n'y voudraient pas les vendre.
Art. 9, Les marchandises du Bengale et de Madras, soit en pièces, soit
grosses, ou la porcelaine paieront G 1/2 pour cent de droit, qui seront
acquittés en nature, pour les marchandises en pièces, et en argent, pour
les grosses et la porcelaine. Ces articles venant de Surate ou de Bombay
paieront 8 pour cent de droit de la même manière. Les marchandises du cru
de l'Égyple ou qui y auraient été importées d'autres contrées pourront être
achetées par les Anglais et réexportées par eux, sans payer aucun droit.
APPENDICE 73
Art. 10. Les couimandants et subrécargues des bâlinienls anglais don-
neront, à leur arrivée à Suez, avis au béy du Caire du lieu d'oîi ils
viennent, et seront tenus de justifier au gouverneur de Suez qu'ils sont
sujets anglais et marchands de profession.
Art. 11. Les marchandises anglaises seront transportées de Suez et de
Tor au Caire, aux risques du béy du Caire, ou de tout autre prince
d'Egypte qui lui succédera par la suite.
Art. 12. Elles seront placées dans le magasin du marchand, après
qu'un commis de la douane en aura pris note, et elles ne pourront être
ouvertes qu'au Caire.
Art. 13. Les marchands anglais ne pourront livrer les marchandises
qu'ils auront vendues qu'après avoir prévenu le douanier de leur vente,
et qu'il aura envoyé quelqu'un pour recevoir les droits.
Art. 14. 11 ne sera rais aucun officier de douane à bord des navires qui
jetteront l'ancre à Suez, et ils ne pourront être visités après la déclaration
du déchargement de la cargaison. Ils n'auront à payer que 50 pataquès
d'arrivage et quelques légères sommes que les vaisseaux d'Egypte payent
aux Arabes de Tor, de Suez et du Caire.
En cas de contravention ou d'inconvénients occasionnés par inadvertance
ou autrement concernant l'observation du traité, on s'empressera d'y re-
médier de bon accord, et sans suspendre l'exécution du traité. Les sujets
respectifs qui seront trouvés en faute seront punis sévèrement.
Il ne sera fait aucun présent déterminé à qui que ce soit; cependant les
marchands pourront en faire à leur propre convenance, mais, dans aucun
cas, ils ne pourront y être forcés, sous aucun prétexte.
{Signé par) Mohammed-Abou-Dahab-Beg-Osman, cûdi du Caire, et les
quatre ouléma,
(d'Hauterive et de Cussy, Recueil des iraités de Commerce y etc.)
III. — FirmandclaSabUme-Porteendate du . . . l'999(. . . 1193).
(Hatti-chérif.) Nous ne voulons pas qu^ aucun navire franc s'approche
des côtes de Souès , ni ouvertement ni secrètement. La mer de Soués, en
outre^ est la route privilégiée du glorieux pèlerinage de la Mecque: en per-
mettre la libre navigation aux susdits navires, la favoriser et ne point
l'empêcher, ce serait trahir la religion, le souverain et tout V Islamisme.
Par conséquent , quiconque osera contrevenir au présent ordre recevra,
sans nul doute, le châtiinent mérité dans ce monde et dans Vautre: c'est
donc pour l'affaire la plus importante de l'Etat et de la foi qu'a été donné
cet ordre péremptoire et irrévocable ; conformez-vous-y avec zèle et em-
pressement; telle est notre volonté impériale.
7û APPENDICE
A notre vézir Ismaïl-Pacha, etc. ;
Au cadi du Caire, etc. ;
Au cheikh-béled et aux autres béys de l'Egypte, etc. ;
A notre commissaire le capidji-bachi Moustapha-Saiih-agha, etc. ;
Aux vénérables docteurs et chêrifVéld.fx et Békriyi ;
Aux chefs des quatre sectes et aux docteurs de récher, etc. ;
Aux chefs de l'état-major et aux officiers des sept odjak du Caire, etc.
Sachez tous que Souès étant le port de la Mecque et de Médiue, villes
d'illustre renommée, centres de la justice, lumières qui font reluire la
doctrine du prophète (dont Dieu veuille perpétuer la splendeur jusqu'à la
fin du monde !), il n'y a pas d'exemple qu'avant ces derniers temps les
nations étrangères, filles de l'erreur, navigassent dans ces mers-là; au
contraire, l'habitude constante des bâtiments anglais et des autres nations
qui font le commerce des Indes a toujours été de ne pas dépasser Djedda.
Du vivant d'Ali-béy seulement, un petit navire franc, venant de l'Ethiopie,
avait abordé à Souès, avec des présents de la part d'un inconnu pour ledit
béy, et il fut dit à celui-ci que le navire y était venu pour trouver un no-
lisement. Ce premier exemple suffit à ces Anglais pour croire qu'ils pour-
raient en tout temps fréquenter ledit port. En effet, du vivant de Moham-
met-Abou-Dahab, d'autres navires anglais chargés de tissus et d'autres
marchandises des Indes s'y sont présentés; le dit béy, par l'impulsion de
l'avarice, qui était la prétendue augmentation des droits de douane, man-
qua aussi à ses devoirs, et en conséquence non-seulement les Anglais, mais
les autres nations également établies aux Indes, se prévalant de ce pré-
texte spécieux, continuèrent à l'envi de fréquenter les ports de la mer de
Souès. Nous fûmes informés que les Anglais y avaient même construit des
magasms.
Aussitôt après que, par un rapport détaillé, nous eîimes connaissance
de ces conventions et innovations si contraires à la religion et aux plus
saints principes politiques d'état, nous ordonnâmes que les navires an-
glais ne fussent plus admis dans ledit port et ne pussent plus fréquenter
cette mer et ces côtes-là. Notre ordre fut en même temps communiqué 5.
l'ambassadeur d'Angleterre résidant près la Sublime-Porte, afin qu'il le
transmît à sa cour. Tant celle-ci que la compagnie des Indes nous fit con-
naître qu'à dater de l'année à la grecque, c'est-à-dire des premiers jours
d'octobre, il était sérieusement défendu aux marchands interlopes d'ap-
procher du port de Souès : de plus, au moment où le susdit ambassadeur
faisait une telle déclaration, son premier drogman informait la Sublime-
Porte qu'elle pouvait user du droit d'enlever et de confisquer les navires
et les marchandises des contrevenants, et même de celui d'emprisonner
et défaire esclaves les équipages. Ce fut précisément lorsque la Sublime-
Porte allait mettre à exécution ces mesures, que Vémir Sourour, chérif
APPENDICE 76
de la Mecque, lui exposa que, ne se contentant pas du commerce des
Indes, les Francs se permettaient aussi de venir charj^er du café etd'autres
produits du Yéraen, pour les transporter sur leurs navires h Souès, d'où il
résultait un grand préjudice pour le commerce et la douane de Djedda.
Tandis que ces Francs s'occupent, d'une part, de leur commerce, ils ne
manquent pas, de l'autre, de lever les i)lans de tous les endroits pouvant
se prêter à quelque projet éloigné et secret, pour en profiter en temps et
lieu, comme cela s'est malheureusement vu aux Indes et dans d'autres
ports. La Sublime -Porte devait donc prendre en considération cet état de
choses et y remédier.
Tout ce qui précède nous a été confirmé aussi par nos docteurs et par
nos historiographes, qui, en nous exposant les événements des siècles pas-
sés, nous ont fait voir que ces événements ont toujours été amenés par
la politique occulte des nations franques. En l'année 90O, on a vu les Por-
tugais, et après aussi les Hollandais, entreprendre de longs et pénibles
voyages pour pénétrer dans les Indes ; ils parurent d'abord comme mar-
chands honnêtes, paisibles et amis, mais accompagnés cependant de gens
instruits qui auraient pu faire, disaient-ils, quelque découverte de choses
utiles et curieuses : nation d'intelligence bornée, les Indiens ne conçurent
point de soupçons, mais ils payèrent cher cette confiance en perdant suc-
cessivement Ahmedabad, le Bengale, Surate et Madras, et en se trouvant
aujourd'hui eux-mêmes soumis h leur domination. Par suite de semblables
pratiques insidieuses, les Francs s'introduisirent, sous le manteau de
marchands honnêtes et tranquilles, dans la ville de Damas, l'année /lOO,
du temps des Fathimites, mais, aussitôt qu'éclatèrent ces dissensions
connues entre ces derniers et lei Abassides, ils levèrent le masque et
s'emparèrent de ladite ville et de Jérusalem, qui restèrent en leur pou-
voir durant un siècle, c'est-à-dire jusqu'à la moitié de l'année 607 (*), oii
Yousouff-Salaheddin, de glorieuse mémoire, parut à la tête des Kurdes,
des Ayoubites et des Turcs-Méliks et fit cesser cette injuste usurpation,
en délivrant l'une et l'autre ville, après d'incroyables efforts et une hor-
rible effusion de sang humain. Mais laissons ces faits et événements des
anciens temps ; il suffit de se rappeler la haine invétérée qu'ont les
chrétiens — personne ne l'ignore — pour les musulmans en général, et
le dépit qu'ils éprouvent en voyant ces derniers maîtres de Jérusalem.
Que Dieu veuille donc humilier, dans ce monde, et punir, dans l'autre,
du châtiment éternel tous ceux qui, transformant le bien en mal, per-
mettront dorénavant aux navires des Francs d'aborder à Souès! Voyez
les Indes, réfléchissez sur le but final que se proposent ces gens-là, et
n II y a parachronisme : Salahddain prit Jérusalem l'an de l'hégire 583 (1187) ; il
mourut ea 589 (1192). V. la traduction italienne de ce firman dans Hainm er-Fwnrf,
gruben des Orients,
76 APPENDICE
VOUS ne leur perraetirez jamais cette navigation. Ayez bien soin de sur-
veiller tous ceux qui la favoriseraient, et de les punir, au besoin, de châti-
ments exemplaires et inouïs, tels qu'ils les méritent, car sachez qu'il ne
sera admis aucune justification par des excuses et prétextes quelconques.
Emprisonnez les capitaines de tous les navires francs qui entreront dans
ledit port, ce qui, à l'égard des Anglais sera conforme k la déclaration
susmentionnée de l'ambassadeur d'Angleterre : celui-ci les ayant décla-
rés corsaires, rebelles à leur souverain, nous aussi les considérons comme
tels, et méritant par conséquent la peine de la prison et de la conûscation
de leurs biens.
Informez notre Sublime-Porte de tout ce qui arrivera à ce sujet : ce sera
à nous à prendre les résolutions nécessaires à l'égard des individus qui
oseraient trangresser nos ordres.
Sachez donc, vous qui êtes le vézir, que tel est notre volonté. La grande
part que vous avez eue dans le maniement des affaires de l'Etat doit vous
faire bien comprendre toute l'importance de cette affaire. Tenez-vous-le
pour dit, vous autres mollah, béy , commandants, docteurs et odjak.
Nous vous ordonnons de nouveau de veiller avec la plus grande attention
sur l'innovation dont il s'agit, qui est dangereuse pour la religion et l'Etat
k la fois. Conformez-vous à nos ordres, et que notre parole vous inspire
une juste crainte, car autrement — nous le jurons par Dieu — vous en-
courrez notre indignation et les peines les plus sévères. Conviés par les
dogmes de la foi mahométane, instruits par l'histoire, vous devez applau-
dir à notre détermination souveraine, et l'exécuter conséquemraent, et si
jamais vos conseils et vos exhortations n'étaient pas écoutés, informez-en
tout de suite la Sublime-Porte.
IV. — Traité {*) entre la France et l'Egypte, en date do Caire le 9
janvier 1985 (37 sàfer 1199).
Que Dieu soit loué !
Le motif de cette écriture est qu'on a établi entre le plus distingué des
commandants, Amurat-Béy, prince de la Caravane, que Dieu conserve,
augmente et rende éternelle la fidélité, et le plus distingué entre ses
égaux, le seigneur estimé Beysade Truguet, qui actuellement est dans la
bien gardée ville du Caire, qui vient de Constantinople, envoyé par le
(') Zinkeise n est le seul historien qui mentionne ce traité ainsi que la convention
qui suit. Il en a eu sous les yeux des copies annexées à une dépêche du 10 octobre
1785 de M. de Dietz, chargé d'affaires de Prusse près la Sublime-Porte, laquelle est
conservée aux Archives secrètes d'État à Berlin. Nous possédons depuis longtemps,
et nous avons puisé à une source privée, les copies que nous donnons de ces deux im-
portants documents.
APPENDICE 77
plus distingué et le plus noble entre les chrétiens, M. l'ambassadeur de
France, comte de Choiseul, que Dieu garde et seconde.
On a fait de plein gré la capitulation qui suit, par rapport aux vais-
seaux des négociants français, qui viendront des Indes au port du Suée
chargés! des diverses marchandises des susdites Indes, capitulations et
conventions qui devront être gardées exactement et devront sortir en
leur entier effet à l'arrivée du hatti-scherif de la Sublime Porte, que Di'^u
protège; et si par hasard les bâtiments français des Indes entrassent k
Suez avant l'arrivée du hatti-scherif, ils jouiront de toute sorte de siireté
selon la forme et teneur de cette écriture.
1. Tous les vaisseaux des négociants français pourront aborder dans
tous les ports qui dépendent du gouvernement d'Egypte et on ne pourra
prétendre d'eux aucun droit au delà de ce que payent les vaisseaux turcs ;
personne n'osera approcher d'eux sous prétexte de visiter les effets, qui
sont chargés sur les dits vaisseaux, personne ne pourra les obliger de dé-
charger leurs biens dans les ports, oii ils aborderont, mais les Français
seront les maîtres de faire tout ce que bon leur semblera; de même, h
leur arrivée à Suez ils ne devront payer pour les droits d'ancrage rien
au delà de ce que payent les vaisseaux turcs. Si jamais les vaisseaux fran-
çais, soit de guerre ou marchands, venaient à souffrir quelques dommages
de la mer ou de toute autre manière, le commandant de Suez, qui dé-
pend du gouvernement du Caire, sera obligé de leur donner toute aide
et assistance, et il devra leur fournir tout ce dont il pourront avoir besoin,
au prix le plus juste, sans rien prétendre au delà de ce qu'il mérite.
2. Si par malheur quelqu'un des bâtiments français faisait naufrage
dans un des ports qui dépendent du gouvernement du Caire, les com-
mandants du Caire seront obligés de lui donner toute sorte d'assistance
et de protection avec chaleur et empressement pour le recouvrement de
leurs effets ; les négociants français maîtres des marchandises payeront des
gens qui travaillent au recouvrement, et recevront en entier les effets re-
couvrés, et, lorsqu'ils vendront ces effets, payeront la douane qu'on fixera
ci-après.
3. Les vaisseaux de guerre français qui, par ordre de leur souverain,
convoyèrent et protégeront les vaisseaux marchands, seront toujours
exempts de tout droit d'ancrage et de tout autre droit, et si les capitaines,
les commandants ou autres de ces vaisseaux de guerre veulent descendre
à terre, personne ne pourra les en empêcher, ni leur faire le moindre
mal ni la moindre demande ; ils pourront faire à leur gré provision d'eau
ou tout autre provision, tant à Suez, que dans tout autre endroit ; eux et
leurs vaisseaux seront respectés et protégés, et si quelqu'un s'avisait de
les molester, ou de leur faire du mal, les commandants du Caire châtie-
ront les coupables. On rendra aussi aux commandants et aux capitaines
78 APPENDICE
de ces vaisseaux les honneurs qui leurs conviennent et même au delà de
toute autre nation.
/j. Si les vaisseaux marchands ne pouvaient point arriver à. Suez, ni
faire leur retour aux Indes, et par là obligés de mouiller au port de Jar
ou dans tous autres ports, qui dépendent de l'Egypte , les commandants
du Caire seront obligés de leur envoyer des gens pour les protéger, et
pour mettre en sûreté leurs effets et les conduire avec toute sûreté au
Caire.
5. Si quelque Musulman, dans la dépendance des commandants du
Caire avait des disputes avec quelque Français et qu'il en reçût du mal,
soit en fait, ou en paroles, on en portera la plainte aux commandants du
Caire, ceux-ci feront subir la peine au Musulman qu'il aura méritée, et
par contre si ce sera le Français qui aura tort, il sera envoyé au com-
mandant de son vaisseau ou à son consul, pour être puni selon sa faute.
6. Tous les négociants français qui viendront de leur pays par la voie
d'Alexandrie pour passer aux Indes, ainsi que ceux qui viendront des
Indes pour se rendre en France, pourront l'exécuter sans la moindre dif-
ficulté, personne ne pourra les en empêcher, et personne aussi n'osera
visiter leur équipage, leurs hardes, ou leurs lettres; par contre, ils de-
vront jouir de toute considération, commodité et sûreté, ils pourront pren-
dre les provisions et l'eau dans tout endroit que bon leur semblera et
autant qu'ils en voudront, à leur gré.
7. Si de la part du roi de France venait un consul pour résider au
Caire, il sera reçu avec tous les honneurs de la part des commandants du
Caire ainsi que ses officiers et dépendants, on lui donnera selon l'usage
les Janissaires à sa porte, on lui promet toute sûreté et tranquilité, et qu'il
ne lui arrivera aucun mal, on lui promet aussi toute sorte de considéra-
tion et d'estime, même au delà de tout autre consul de nation étrangère.
8. Lorsque les vaisseaux français arriveront au port de Suez, le pro-
tecteur des Français, qui sera établi à Suez même, ira à bord pour en voir
le chargement, et en envoyer la note au consul, ou au vice-consul, les
Français amèneront leurs vaisseaux eux-mêmes où bon leur semblera,
sans que personne ose prétendre de leur donner aide ou conseil touchant
Tendroit propre au mouillage ; personne aussi ne s'avisera d'aller à bord
de ces vaisseaux qu'avec la permission des capitaines. Ceux-ci déciiarge-
ront et chargeront eux-mêmes leurs bâtiments, sans qu'un seul matelot
étranger ose s'en mêler, eux-mêmes établiront leur pilote, et qui que ce
soit ne pourra s'approcher des canols et barques de leurs vaisseaux char-
gés de leurs effets.
9. Soit de la part du commandant de Suez, soit de la part de toute autre
personne, il n'y aura qui que ce soit qui prétende visiter les marchandises,
seulement ceux qui seront envoyés de la part du Pacha et des comman-
APPENDICE 7«
dants du Caire corapteront 1r nombre des balles de toileries, et appo-
seront le sceau et en formeront une noté, qu'ils enverront au Caire, et
lorsque la marchandise sera au Caire dans les magasins des négociaots
français, à la présence du proposé par le Pacha et par nous, on ôiera le
sceau, on ouvrira les balles des marchandises et on fixera la douane qu'on
établira ci-après.
10. Pour ce qui concerne la douane, les négociants français payeront
sur toutes les marchandises qu'ils apporteront des Indes, de quelque en-
droit que ce soit, quatre pour cent au Pacha et deux pour cent à Son Ex-
cellence le prince du Pavillon, commandant de l'Egypte; on prendra la
douane des toileries, en nature, et on prendra la douane des drogues, épi-
ceries et autres articles, en argent, et cette douane payée, les négociants
français seront les maîtres de vendre leurs eflets en Egypte ou de les en-
voyer hors du royaume oii bon leur semblera, sans payer rien de plus et
sans la moindre empêchement.
11. Pour fixer la douane des drogues et épiceries, on en fera l'estime
sur les montres ; mais si la marchandise se trouve meilleure que la montre,
ce sera une tromperie, qui sera à leur charge, parce qu'ils seront obli-
gés de donner les marchandises au prix qu'on aura évaluée la montre,
et on leur accorde pour le profit, dépenses, douane, cinquante pour cent
au delà de ce qu'elle aura été estimée.
12. Quant au café , s'ils en ont quelque quantité pour leur usage ou
pour des présents à leurs amis, ils payeront la douane d'usage.
13. S'ils apportent des marchandises propres pour leur pays qu'or-
dinairement ils font passer par l'Océan, on établira une douane sur la
facture et ils payeront trois pour cent, maison leur accordera des facilités
pour les engager à se prévaloir de cette route. S'il y a quelque soup-
çon que la marchandise ne soit pas de la qualité désignée dans la facture,
on ouvrira quelques balles pour la vérifier; si la qualité répond à la fac-
ture, on ne louchera pas aux balles restantes, mais s'il y a de la différence,
on les ouvrira toutes et on prendra sur la totalité la douane de six pour
cent.
16, Les négociants et les capitaines ne seront nullement obligés de
faire des présents à qui que ce soit, soit commandant, ou autre, comme
présent d'usage ; et si quelqu'un de son propre gré fait quelque présent,
ce sera sans conséquence pour les autres, et ce ne pourra jamais être re-
gardé comme un présent d'usage ou de droit pour tout autre, de sorte
que les négociants, les capitaines et les autres Français seront toujours
les maîtres de faire ou de ne point faire des donations.
15. Aussitôt qu'arriveront les vaisseaux marchands à Suez, le gou-
vernement enverra des gens pour conduire leur chargement au Caire,
avec tout le soin et avec toute la sûreté, sans risque de surprise de la part
80 APPENDICE
des Arabes, et, le bon Dieu en aide, nous répondons de tout événement
pour la sûreté de la part des Arabes, et pour empêcher toute sorte de
malheur.
16. Si jamais les commandants du Caire voulaient chasser les susdits
négociants français des Indes, et ne voulaient plus les recevoir au Caire,
ils leurs accorderont le temps d'un an entier pendant lequel ces négo-
ciants seront fort tranquilles dans leur maison, et pourront vendre leurs
marchandises à leur gré, sans qu'ils aient à souffrir aucune perte, dommage
ou insulte, et l'année échue ils partiront avec leurs associés en tout hon-
neur et en entière sûreté.
17. Si quelque autre nation européenne demandait des conditions
pour le commerce de l'Inde plus avantageuses pour elle que les présen-
tes, la nation française sera toujours avantagée au delà de toute autre
nation.
Toutes ces conditions et conventions ont été établies et fixées entre les
parties contractantes et agréées avec satisfaction entière, afin qu'elles
subsistent entre les deux puissances encore à l'avenir, tant de la part des
commandants du Caire actuels, et de leurs successeurs, que de la part des
ambassadeurs et des consuls français actuels et de leurs successeurs.
Conditions certaines, positions fermes, perpétuelles, acceptées en tout
et partout comme ci-dessus.
Le 27 sâffer 1199, c'est le 9 janvier 1785.
Amurat béy Osman kiaya Soliman Chietkadar
Prince du pavillon Mustafzan Mustafan
et ex-prince de la Bascetieu Halen
caravane. Halen (*) Truguet.
V. — Convention entre le chevalier de Trngnet et le grand douanier
Tenssonpli Cassab, en date du Caire le S 3 janvier 1985 {tZ ré-
biul-éwel 1199).
Convention, que Dieu veuille assurer, passée entre le béyzade Truguet,
aujourd'hui ici présent au Caire, envoyé par son excellence M. le comte
de Choiseul, ambassadeur du roi de France à Constantinople, et nous
Joseph Gassab, fermier-général. — Après les capitulations fixées, et si-
gnées entre M. le chevalier de Truguet, et le prince Amurat-béy et prince
(') Défigurés comme ils le sont, plusieurs de ces noms ont mis en défaut la perspi-
cacité de plus d'un orientaliste que nous avons consulté. Toutefois, en remplaçant
Amurat Binj \)&v Mourad-héy , nous croyons reconnaître dans Chietkadar le nom de
Ketkhouda^ dans Mustafzan celui de èîoustapha Sawi et dans Basceticr celui Aq Bachih-
tiar. (V. le préambule de la convention du 23 janvier qui suit, et notre note au bas
de la page.)
APPENDICE 81
de la Caravane en présence et avec l'attestation et la signature de l'émir
Soliman Ghietkada-Mustafagan (*) et l'émir Osman Kiaya-Basachlia.
1°. Le sieur Joseph Cassai) assure sur sa conscience et sur sa foi, et
fait serment qu'il veillera, aidera, et protégera la nation française, et les
négociants, qui des Indes viendront à Suez , et fera tout ce qui sera
en son pouvoir pour rendre les afl'aires entre eux et les commandants du
Caire de toute utilité; et, en retour de cela, on lui accordera les avanta-
ges qu'on va décrire.
2». S'il survenait quelque événement qui piit donner du préjudice ou
faire du tort aux négociants français susdits, de quelque nature que cola
fût, le sieur Joseph s'oblige sur sa conscience d'en donner tout de suite
l'avis au consul et aux négociants, et de leur donner aussi les con-
seils qu'il croira les plus avantageux et les plus salutaires, et il ne pré-
férera jamais les intérêts de toute autre nation aux intérêts de la nation
française.
3". Le sieur Joseph sera toujours le médiateur entre les négociants
français et les commandants du pays, et éloignera autant qu'il le pourra
toute sorte d'extorsion ou de complot, et tachera, autant que sera en son
pouvoir, de mettre ces négociants en considération auprès des comman-
dants du pays.
II". Si le sieur Joseph venait k découvrir que quelqu'un des négociants
français eût fait quelque tromperie dans le commerce, il en préviendra
M. le consul, à qui il appartient de le châtier, mais il se gardera bien
d'accuser le coupable aux commandants du Caire ; le consul fera justice
et condamnera celui qui sera en faute.
5°. Le sieur Joseph aura sur tous les effets des négociants français un
et demi pour cent. Il prendra ce droit-là en nature, sur les toileries, et en
argent, sur les drogues, épiceries et les marchandises restantes, à teneur
de l'estime.
6°. Le sieur Joseph, sur toutes les marchandises, qui viendront des Indes
et que les négociants français envoyèrent en Turquie, aura aussi trois
pour cent, mais cela doit être caché aux commandants du Caire.
1°. Le sieur Joseph, pour les effets que les Français expédieront dans
leur pays, voie d'Alexandrie ou de Daraiette, aura un et demi pour cent,
à teneur de ce qu'on a établi avec les commandants.
8". Les marchandises qui viendront de France, pour être embarquées
à Suez pour les Indes, payeront trois pour cent de douane, à Alexandrie
ou au Caire, sans rien de plus, et à Suez elles seront exemptes de tout
droit.
(*) Dans une autre copie de cette convention, que nous avons pu nous procurer,
nous lisons Moustafazay.
T ir. 6
82 APPENDICE
9". Si le sieiir Joseph abandonnait la place de douanier, on compte
qu'il fera tout son possible pour faire confirmer et agréer ces conditions
par .son successeur, ce dont nous sommes d'accord.
A teneur de tout ceci, on est d'accord avec le sieur Joseph Cassab
qu'il ne pourra augmenter ni diminuer les conditions de la douane, ou
de tout autre ; qu'il sera le protecteur, le surintendant et le bon con-
seiller des négociants français, qui viendront par la voie de Suez, de
même que pour les marchandises qui viendront de Marseille pour le
Suez, et pour les effets, pour la consommation de l'Egypte, et de la Tur-
quie, le mieux qu'il le pourra en sa conscience, et comme réellement il
a promis pour tout ce qui a été déclaré ci-dessus, et prie le bon Dieu
qu'ainsi soit.
Tous les négociants français aussi seront tenus et obligés à la manuten-
tion de tous ces articles et au payement de ces douanes, ils doivent
être sincères sans tromperie ou subterfuge en tout ce qu'on a déclaré
ci-dessus.
La signature et le cachet ferment l'instrument; écrit le 12 Rebïulawel,
1199, c'est le 23 janvier 1785.
JussuF Cassab, — be macatdal eî davanin (*). Truguet.
11. — Arrêté du directoire exécutif, en date du IIS avril 199S
(%5zilcadé f^^Z).
... Il (le général Bonaparte) fera couper l'isthme de Suez, et il prendra
toutes les mesures nécessaires pour assurer la libre et exclusive posses-
sion de la mer Rouge à la république française.
Il améliorera par tous les moyens qui seront en son pouvoir, etc.
\n. .- Arrêté du directoire exécutif, en date du 13 avril 1998
(35 zilcadé 1 S 1 3).
Le Directoire exécutif arrête:
An. 1. Les frégates de la République qui se trouvent à l'Ile-de-France
se rendront dans le port de Suez, oii elles seront sous les ordres du citoyen
Bonaparte, général en chef de l'armée d'Orient.
An. 2. A cet effet, elles mettront à la voile immédiatement après la ré-
ception du présent arrêté.
Art. 3. Elles amèneront avec elles tous les bâtiments de transport, ca-
pables défaire le trajet, qui se trouvent dans les différents ports de l'Ile-
de-France et de la Réunion.
Art. Z|. Le présent arrêté ne sera pas imprimé.
Le général en chef de l'armée d'Orient est chargé de son exécution.
(')M. Roscalla Acade, professeur d'arabe et de turc, à Paris, pense qu'il fau-
drait lire : bè-m^ caldal-ed-davanin, qui répondrait à -.fermier des douanes.
APPENDICE 83
VIII. — Lettre du général Bonaparte an cliérif de la Mecque
Ghalibibn • Monssnïd , en date du Caire le S5 août 1998
(13 rébiul-éwel 1»1.3).
Dieu est clément et miséricordieux.
Je vous ai fait savoir mon arrivée au Caire, h la tête de l'armée fran-
çaise.
Vous verrez par les lettres que vous écrivent le divan et les principaux
négociants du Caire que j'ai nommé émir Iladji-Moustapha-béy, kiaya
de Seyd-Aboubekre, pacha, gouverneur d'Egypte. Il escortera la caravane
avec des forces qui la mettront h l'abri des Arabes,
Faites connaître à tous les négociants et fidèles que les Musulmans
n'ont pas de meilleurs amis que nous. De même, que tous les cliérifs et
que tous ceux qui employent leur temps et leurs moyens à instruire les
peuples et h propager les maximes du saint livre n'ont pas de plus zélés
protecteurs.
Assurez tous les négociants que non-seulement le commerce n'a rien h
craindre, mais qu'il sera spécialement protégé.
Je veillerai toujours aux intérêts de la Sacrée Câba dont je me fais gloire
d'être le protecteur ; je vous prie de croire aux sentiments d'estime et à
la considération que j'ai pour vous.
RÉPOIVSE
[Suscription.) Avec le secours du ciel que cette lettre parvienne au
Caire et soit remise h l'émir Bonaparte, l'ami de la Sacrée Câba. Que
Dieu le dirige dans ses voies.
Au nom de Dieu clément, miséricordieux, etc. , salut de paix sur notre
seigneur Mohammed, le dernier de tous les prophètes et le prince des en-
voyés de Dieu. Salut de paix soit aussi sur sa famille et sur les apôtres de
sa mission divine.
Suit le grand sceau du chérif, ou on lit : L'esclave du Tout-Puissant,
Ghalib-Moussaïd, l'an de l'hégire 1202 (époque de son avènement).
Chérif Ghalib, fils de Moussaïd, prince de la Mecque, à l'émir Bona-
parte, le protecteur des Oulémas et l'ami de la Sacrée Cuba (*).
Après vous avoir fait mes salutations, je dois vous informer que j'ai
reçu votre lettre et que j'en ai compris le contenu ; j'ai vu notamment
que vous avez donné au Kiaya du pacha du Caire la charge de conduc-
teur de la caravane des pèlerins musulmans, et je n'ai pu qu'applaudir à
cette disposition.
(*) Il n'y a point dans l'original arabe : le protecteur des oulémas et l'ami de la
sacrée Câba. V. Sacy, Chrestomalhie arabe. Paris, 1827.
su APPENDICE
Vous me dites que vous êtes résolu d'encourager les pèlerins musul-
mans à visiter la maison de Dieu et qu'ils demandent sûreté et protection
de notre part. Il n'y a pas de doute qu'ils ne soient ici efficacement pro-
tégés et que personne ne s'opposera à ce qu'ils visitent paisiblement la
Sacrée Câba et le mausolée du Prophète. Le Seigneur n'a ordonné la
construction de sa sainte maison que pour en faire le rendez-vous de l'is-
lamisme. Ainsi chacun pourra venir s'acquitter, selon la coutume, du de-
voir du pèlerinage et il n'y aura rien à craindre pour lui.
Quant à ce que vous me dites au sujet des encouragements à donner
au commerce du café, sachez que les négociants de l'Hedjaz ne sont point
encore assez rassurés contre les vexations qu'ils avaient coutume d'es-
suyer ci-devant de la part des Mamlouks (*j, et si vous avez l'intention
de donner à ce commerce toute l'extension dont il est susceptible, prenez
quelques mesures pour les tranquilliser, et faites leur connaître le droit
que vous exigerez d'eux sur les cafés et les autres marchandises. Si vous
prenez ce parti, vous les verrez accourir en foule. Autrement , la
crainte d'être inquiétés dans leurs opérations les empêchera d'aller en
Egypte.
Ce que vous dites aussi au sujet des Arabes^ qui pourraient maltraiter
les pèlerins musulmans, cela n'aura sûrement pas lieu, avec le secours de
Dieu et de votre puissante protection.
Salut de paix sur celui qui suit la direction du salut.
IX. — Instructions dn général Bonaparte an général Bon, en date du
Caire le le' décembre 1998 (S % djémazinl-akhir 1%13).
Vous vous rendrez demain, citoyen général, à Birket-el-Hadji.Vous par-
tirez après demain, avant le jour, de cet endroit pour vous rendre avec la
plus grande diligence à Suez. Il serait à désirer que vous puissiez y arri-
ver le ik au soir, ou le 15 avant midi.
Vous m'enverrez tous les jours un exprès arabe, auquel vous ferez con-
naître que je donnerai plusieurs piastres, lorsqu'il me remettra vos lettres.
Vous aurez avec vous, indépendamment des troupes que le chef de l'état-
major vous a annoncées, le citoyen Col lot, enseigne de vaisseau, avec
dix matelots et le maallem cophte qui aura aussi huit ou dix de ses gens
avec lui.
Vous trouverez à Suez toutes les citernes que j'ai fait remplir.
Votre premier soin, en y arrivant, sera de nommer un officier pour
commander la place. Le citoyen CoUot remplira les fonctions de com-
(*) Les mots de fa part des Mamelouks ne se trouvent point dans l'original arabe.
V. Sac Y, /. c.
APPENDICE 85
mandant des armes du port, et les officiers du génie et do l'artillerie, qu'y
envoient les généraux Caiïarelli et Dommartin, commanderont ces armes
dans cette place. Le maallem cophte remplira les fonctions de 7nazis ou
inspecteur des douanes.
Votre première opération sera de faire remplir toutes les citernes qui ne
sont pas pleines, et défaire un accord avec les Arabes de Thor pour qu'ils
continuent à vous fournir de l'eau, qui existe dans les citernes de réserve.
Vous ferez retrancher, autant qu'il vous sera possible, tout le Suez ou
une partie du Suez, de manière à être à l'abri des attaques des Arabes, et
à avoir une batterie de gros canons qui battent la mer.
Vous vivrez dans la meilleure intelligence avec tous les patrons des
bâtiments venant de Yambo ou de Djedda, et vous leur écrirez pour les
assurer qu'ils peuvent, en toute sûreté, continuer leur commerce, qu'ils
seront spécialement protégés.
Vous lâcherez de vous procurer, parmi les bâtiments qui viennent h
Suez, une ou deux des meilleures felouques qui se trouvent dans ce port,
que vous ferez armer en guerre.
Vingt-quatre heures après votre arrivée, vous m'enverrez, toujours par
des Arabes, et en duplicata, un mémoire sur votre situation militaire, sur
celle des citernes, et sur la situation du pays et le nombre des bâtiments.
Vous ferez tout ce qui sera possible pour encourager le commerce, et
rien pour l'alarmer.
Dès l'instant que je saurai votre arrivée, je vous enverrai un second
convoi de biscuit.
Vous ferez commencer sur le champ les travaux nécessaires pour mettre
tout le Suez à l'abri des attaques des Arabes, et si vous ne trouvez pas
dans cette place un assez grand nombre de pièces pour mettre en batterie,
indépendamment des deux que vous emmenez avec vous, je vous en ferai
passer d'autres.
Mon intention est que vous restiez dans cette place assez de temps pour
y faire des fortifications, afin que la compagnie Omar, les marins et
les canonniers suffisent pour la défendre contre les entreprises des Arabes,
et si ces forces n'étaient pas suffisantes, vous me le manderiez; alors, je
les renforcerais de quelques troupes grecques.
Je vous recommande de ra'écrire deux fois par jour, par des Arabes.
Vous m'enverrez toutes les nouvelles que vous pourrez recueillir soit
sur la Syrie, soit sur Djedda, soit sur la Mecque.
X. — Lettre du général Bonaparte au divan du Caire, en date de
Belbéis le S janvier 1 799 (25 rédjeb 1213).
J'ai reçu la lettre fort obligeante que vous m'avez écrite. Je l'ai lue avec
86 APPENDICE
le plaisir que l'on éprouve toujours lorsqu'on pense à des gens que l'on
estime, et sur l'attachement desquels on compte.
Dans peu de jours je serai au Caire.
Je m'occupe en ce moment à faire les opérations nécessaires pour dési-
gner l'endroit par où l'on peut passer les eaux pour joindre le Nil et la
Mer Rouge. Cette communication a existé jadis, car j'en ai trouvé la
trace en plusieurs endroits.
J'ai appris, etc.
XI. — Lettre du général Bonaparte an eliérif de la Itlecqne, en date
du Caire le 25 janvier 179» (18 chùban 1213).
J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite. J'en ai compris le contenu.
Je vous envoie le règlement que j'ai fait pour la douane de Suez. Mon
intention est de la faire exécuter ponctuellement. Je ne doute pas que les
négociants de l'Hedjaz ne voient avec gratitude la diminution que j'ai
faite pour le plus grand avantage du commerce, ot vous pouvez les assu-
rer qu'ils jouiront ici de la plus ample protection. Toutes les fois que vous
aurez besoin de quelque chose en Egypte, vous n'avez qu'à me le faire
savoir, et je me ferai un plaisir de vous donner des marques de mon
estime.
XII. — Tarif (extrait) dn droit des douanes de Sonez, en date du
... janvier 1999 (... chàkan 1213).
Bonaparte, général en chef.
Article 1. Il sera perçu vingt pataquès, de 90 médins l'une, pour chaque
barque de café qui arrivera à Suez : le payement de ce droit sera fait en
totalité au Caire, dans la caisse du payeur général,
Art. 2. Il sera payé, en outre des vingt pataquès ci-dessus fixées,
soixante et dix-huit médins par barque de café, qui seront affectés aux frais
de régie de la douane du café, ainsi qu'il sera déterminé ci-après.
Art. 3. Tout privilège d'importation de café, en exception de droit,
demeure aboli : le chérif de la Mecque pourra seul en introduire, en Egypte
cinq cents barques, franches des droits ci-dessus établis.
Art. li. Le droit d'entrée sur les drogues, qui arriveront à Suez, sera
perçu et payé au Caire, dans la caisse du payeur général, conformément
au tarif qui termine le présent arrêté.
Art. 5. Le droit d'entrée sur toutes les mousselines, étoffes, châles et
toileries, sera de cinq pour cent de leur valeur, il sera payé en argent au
Caire, comme il est dit à l'article précédent.
Art. 6. Les cafés, drogues, étoffes, toileries, et toute marchandise
APPENDICE 87
qu'on aura voulu introduire en contrebande, seront saisies et confisquées
au profit de la Hépublique : le contrebandier sera en outre puni d'un mois
de prison, et d'une amende quadruple du droit qu'auraient payé les mar-
chandises saisies en contrebande.
Art. 7. Le vingtième des marchandises saisies en contrebandesera dé-
livré aux personnes qui auront dénoncé et prouvé la contrebande et opéré
la saisie des dites marchandises : la répartition de ce vingtième sera ré-
glée par l'administrateur des finances.
Art. 8. Il sera entretenu deux barques armées pour empêcher la con-
trebande et poursuivre les contrebandiers, et trois escouades de guerre,
composées chacune de quatre hommes. Le général commandant ci Suez
et le commandant de la marine donneront tous les secours nécessaires
pour réprimer la contrebande.
Art. 9. Le capitaine ou patron de chaque bâtiment qui arrivera à Suez,
chargé de café, drogues ou d'autres marchandises, payera cinq pataquès
de 90 raédins, dans la caisse de la douane à Suez.
Art. 10. Le capitaine ou patron de chaque bâtiment qui partira de Suez
pour aller à Djedda porter ou charger des marchandises, paiera à la
douane de Suez, savoir, les plus forts bâtiments, huit pataquès de 90
médins; les moyens, quatre pataquès, et les plus petits deux jialaques.
Art. 11. Tout bâtiment étranger, arrivant d'Europe k Suez, payera un
droit d'ancrage de cinquante pataquès de 90 médins; les bâtiments fran-
çais seront exempts de tous droits.
(Sagy, Chrestomathie, etc.)
X8II. — Lettre dn général Bonaparte ù, l'imani de Mascate, du quar'*
tier général du Caire le S5 janvier 179» (28 cliâban 1213).
Je vous écris cette lettre pour vous faire connaître ce que vous aves
déjà appris sans doute, l'arrivée de l'armée française en Egypte.
Gomme vous avez été de tout temps notre ami, vous devez être con-
vaincu du désir que j'ai de proléger tous les habitants de votre nation et
que vous les engagiez à venir â nous, où ils trouveront protection pour
leur commerce.
Je vous prie aussi de faire parvenir cette lettre à Tippo-Sahib par la
première occasion qui se trouvera pour les Indes.
XIV. — Lettre du général Bonaparte an chérif de la Mecque ,
en date du quartier-général dn Caire, le 30 juin 1999 (26nio-
harrem 1314).
Au nom de Dieu clément et miséricordieux !
Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et j\Iahomet est son prophète!
88 APPENDICE
J'ai reçu votre lettre et j'en ai compris le contenu. J'ai donné les or-
dres pour que tout ce qui peut persuader de l'estime et de l'amitié que
j'ai pour vous soit fait.
J'espère que, la saison prochaine, vous ferez partir une grande quan-
tité de bâtiments chargés de café et de marchandises des Indes. Ils seront
toujours protégés.
Je vous remercie de ce que vous avez fait passer mes lettres aux Indes
et à l'Ile de France. Faites-y passer celle-ci et envoyez-moi la réponse.
Croyez à l'estime que j'ai pour vous et au cas que je fais de votre amitié.
JLV, — Lettre da premier consal Bonaparte à l'emperear de Russie
(Alexandre !«>-}, en date du S9 février 1801 (13 cliéwai 1215).
J'ai reçu la lettre de V. M. du 18 décembre; elle m'annonce, etc.
Je recommande à V. M. les prisonniers français, qui sont dans les
bagnes de Constantinople.
Les Anglais tentent un débarquementdans l'Egypte. L'intérêt de toutes
les puissances de la Méditerranée, comme de celle de la mer Noire, est
que l'Egypte reste à la France. Le canal de Suez, qui joindrait les mers
de l'Inde à la Méditerranée, est déjà tracé ; c'est un travail facile et de
peu de temps, qui peut produire des avantages incalculables au commerce
russe. SiV. M. est toujours dans l'opinion, qu'elle a manifestée souvent, de
faire faire une partie du commerce du Nord par le midi, elle peut atta-
che;* son nom à une aussi grande entreprise, qui aura tant d'influence sur
la situation future du continent, en intervenant auprès de la Porte dans
les affaires d'Egypte.
Dans le traité de paix qui a été conclu entre la France et l'Autriche
V. M. aura vu, etc.
XVI. — Mémoire (*) de M. F. de Lesseps an paclia d'Egypte (Moham-
med-Saïd), en date du camp de Maréa (désert Libyqae) le i 5 no-
vembre 1854(2% sàfer 1391).
La jonction de la mer Méditerranée et de la mer Rouge par un canal
navigable est une entreprise dont l'utilité a appelé l'attention de tous les
grands hommes qui ont régné ou passé en Egypte : Sésostris, Alexandre,
César, le conquérant arabe Amrou, Napoléon l'' (**) et Mohammed Ali.
(*) Nous avons emprunté les pièces XVI à XXIV à l'ouvrage Percement de l'isthme
de Suez, par M. F. de Lesseps. Paris, 185i-I856.
(") Dans UD mémoire, sans date, du marquis d'Argenson (Journal et mémoires du
marquis d'Argenson^ publiés par la Société de l'Histoire de France), que uous noua
réservons de donner ailleurs, nous lisons le passage suivant : « Dans mon projet de
APPENDICE 89
Ce canal, communiquant avec le Nil, a déjà existé dans l'antiquité
pendant une première période de cent ans jusque vers le milieu du neu-
vième siècle avant l'hégire, pendant une seconde période de hk5 ans
depuis le règne des premiers successeurs d'Alexandre jusque vers le
quatrième siècle avant l'hégire, et enfin pendant une troisième période
de 130 ans après la conquête arabe.
Napoléon, dès son arrivée en Egypte, chargea une commission d'in-
génieurs de rechercher s'il serait possible de rétablir cette ancienne voie
de navigation ; la question fut résolue d'une manière affirmative, et lors-
que le savant M. Lepère lui remit le rapport delà commission, au mo-
ment de son départ pour la France, il dit : La chose est grande, ce ne
sera pas moi qui maintenant pourrai l'accomplir; mais le gouvernement
turc trouvera peut-être un jour sa conservation et sa gloire dans V exécu-
tion de ce projet.
Le moment est arrivé de réaliser la prédiction de Napoléon. L'œu-
vre du percement de l'isthme de Suez est certainement destinée, plus
que tout autre, à contribuer à la conservation de l'empire ottoman, et à
démontrer à ceux qui proclamaient naguère sa décadence et sa ruine
qu'il possède encore une existence féconde, et qu'il est capable d'ajou-
ter une page brillante k l'histoire de la civilisation du monde.
Pourquoi les gouvernements et les peuples de l'Occident se sont-ils
réunis pour maintenir le Grand-Seigneur dans la possession de Constan-
tinople, et pourquoi celui qui a voulu menacer celte situation a-t-il ren-
contré l'opposition armée de l'Europe ? Parce que le passage de la Médi-
terranée à la mer Noire a une telle importance, que la puissance euro-
péenne qui en deviendrait maîtresse dominerait toutes les autres, et ren-
verserait un équilibre que tout le monde est intéressé k conserver.
Que l'on établisse sur un autre point de l'empire ottoman une position
semblable et encore plus importante, que l'on fasse de l'Egypte le pas-
sage du commerce du monde par le percement de l'isthme de Suez, l'on
créera en Orient une double situation inébranlable ; car, pour ce qui
concerne le nouveau passage, les grandes puissances européennes, par
la crainte de voir l'une d'elles s'en emparer un jour, regarderont comme
une question vitale la nécessité d'en garantir la neutralité.
croisade pour christianiser, en peu de temps, le gouvernement des pays du reste de
l'Europe et voisinage, comptera-on pour rien de prodigieux avantages de commerce,
par exemple, de faire un beau canal de communication de la mer du Levant avec la
mer Rouge, et que ce canal appartînt en commun à tout le monde chrétien? Quelle
épargne pour les marchands et quel bon marché pour les marchandises en ne faisant
plus le tour d'Afrique avec tant de périls et de dépenses ! »
Le marquis d'Argenson avait été ministre des affaires étrangères, sous Louis XV, du
26 avril 1744 au 3 janvier 1747. Il mourut en 1757.
m APPENDICE
M. Lepère demandait, il y a cinquante ans, 10,000 ouvriers, quatre
années de travail et 30 à kO millions de francs, pour l'exécution du
canal de Suez; il concluait à la possibilité du percement direct de
l'istlime vers la Méditerranée.
M. Paulin Talabot, l'un des trois célèbres ingénieurs choisis, il y a
dix ans, par la Société d'Etude du Canal des Deux Mers, avait adopté la
voie indirecte d'Alexandrie à Suez, en profitant du barrage pour la tra-
versée du Nil. Il évaluait la dépense totale à 130 millions pour le canal
et à 20 millions pour le port et la rade de Suez.
M. Linant-Bey, qui depuis trente années dirige avec habileté des tra-
vaux de canalisation en Egypte, qui a fait sur les lieux de la question du
Canal des Deux Mers l'étude de toute sa vie, et dont l'opinion mérite une
sérieuse attention, avait proposé de trancher l'isthme sur une ligne pres-
que directe, dans sa partie la plus étroite, en établissant un grand
port intérieur dans le bassin du lac Timsah et en rendant abordables
aux plus grands navires les passages de Péluse et de Suez sur la
Méditerranée et la mer Rouge.
Le général du génie Gallice-Bey, auteur et directeur des fortifications
d'Alexandrie, avait de son côté présenté à Mohamed-Ali un projet de
percement direct de l'isthme, conforme au plan proposé par M. Linant-
Bey. M. Moug;el-Bey, directeur des travaux de barrage ômK\\, ingénieur
en chef des ponts et chaussées, avait également entretenu Mohammed-
Ali de la possibilité et de l'utilité du percement de l'isthme de Suez ; et,
en 18/(0, sur la demande de M. le comte de Walewski, alors en mission
en Egypte, il fut chargé de faire des démarches préliminaires auxquelles
de graves événements ne permirent pas de donner suite.
Un examen approfondi déterminera celui des tracés qui conviendra le
raieux; mais, l'entreprise étant reconnue exécutable, il n'y a plus que le
choix à faire. Toutes les opérations à entreprendre, quelque difficiles
qu'elles puissent être, ont cessé d'effrayer l'art moderne; leur réussite
ne pourrait plus être mise en doute aujourd'hui : c'est une question d'ar-
gent que l'esprit d'entreprise et d'association ne manquera pas de résou-
dre, si les bénéfices qui devront en résulter sont en rapport avec la dé-
pense.
H est facile de démontrer que la dépense du canal de Suez, en admet-
tant le devis le plus élevé, n'est pas hors de proportion avec l'utilité et
les profits de cette grande œuvre, qui abrégerait de plus de moitié la
distance qui sépare des Indes les principales contrées de l'Europe et de
l'Amérique.
APPENDICE
91
Ce résultat est rendu évident dans le tableau suivant, dressé par le pro-
fesseur de géologie, M. Cordier :
INDICATION
DES PORTS D'EDKOPE ET D'AMÉRIQCE
Constantinople Lieues
Malte —
Trieste —
Marseille —
Cadix —
Lisbonne —
Bordeaux. . , —
Le Havre —
Londres —
Liverppol —
Amsterdam —
Saint-Pétersbourg —
New-York —
Nouvelle-Orléans. .'. —
Distance
JUSQU'A BOMBAY
PAR LB
CA^AL DE
SUEZ
1,800
2,062
2,3'i0
2,374
2,^24
2,r.oo
2,800
2,82/1
3,100
3,050
3,100
3,700
3,761
3,724
PAR
L'ATLAN-
IIQDE
6,100
5,800
5,060
5,650
5,200
5,350
5,650
5,800
5,050
5,900
5,950
C,550
6,200
6,i50
/l,300
3,778
3,020
3,276
2,976
2,850
2,850
2,970
2,850
2,850
2,8r0
2,850
2,439
2,726
Devant de pareils chiffres les commentaires deviennent inutiles ; ils
font voir que toutes les nations de l'Europe, et même les Étals-Unis
d'Amérique, sont également intéressées à l'ouverture du canal de Suez,
aussi bien qu'à la neutralité rigoureuse et inviolable de ce passage.
Mohammed-Saïd a déjà compris qu'il n'a pas d'œuvre à exécuter qui,
par sa grandeur et l'utilité de ses résultats, puisse entrer en parallèle
avec celle que je lui propose. Pour son règne, quel beau titre de gloire !
Pour l'Egypte, quelle source intarissable de richesses ! Les noms des
souverains égyptiens qui ont élevé les Pyramides, ces monuments inutiles
de l'orgueil humain, restent ignorés. Le nom du prince qui aura ouvert
le grand canal maritime de Suez sera béni de siècle en siècle jusqu'à la
postérité la plus reculée.
Le pèlerinage de la Mecque assuré en tout temps et devenu facile
pour tous les musulmans; une impulsion immense donnée à la naviga-
tion à vapeur et aux voyages de long cours ; les pays qui bordent la mer
Rouge et le golfe Persique , la côte orientale d'Afrique , l'Inde , le
royaume de Siam, la Cochinchine, le Japon, le vaste empire de la Chine,
qui ne compte pas moins de 300 millions d'habitants, les îles Philippines,
l'Australie et cet immense archipel vers lequel tend à se porter Téiuigra-
tion delà vieille Europe, rapprochés de près de 3,000 lieues du bassin de
la Méditerranée et du nord de l'Europe, tels sont les effets soudains,
immédiats du percement de l'isthme de Suez.
92 APPENDICE
On a calculé que la navigation de l'Europe et de l'Amérique par le cap
de Bonne Espérance et le cap Horn peut entretenir un mouvement annuel
de 6 millions de tonneaux, et que sur la moitié seulement de ce tonnage
le commerce du monde réaliserait un bénéfice de 150 raillions de francs
par an, en faisant passer les navires par le golfe Arabique. Il est hors de
doute que le canal de Suez donnera lieu à une augmentation considéra-
ble de tonnage; mais, en comptant seulement sur 3 millions de ton-
neaux, on obtiendra encore un produit annuel de 30 millions de francs
parla perception d'un droit de 10 francs par tonneau, droit qui pourrait
être réduit en proportion de l'accroissement de la navigation.
Après avoir indiqué sommairement les avantages financiers de l'entre-
prise, occupons-nous de ses avantages politiques généraux, que nous
croyons également incontestables.
Tout ce qui a pour résultat de contribuer à Textension du commerce,
de l'industrie et de la navigation du monde est surtout avantageux k l'An-
gleterre, puissance qui l'emporte sur toutes les autres par l'importance de
sa marine, de sa production manufacturière et de ses relations commer-
ciales.
Un déplorable préjugé, fondé sur l'antagonisme politique qui a si long-
temps et si malheureusement existé entre la France et l'Angleterre, a pu
seul accréditer l'opinion que l'ouverture du canal de Suez, utile aux inté-
rêts de la civilisation et du bien-être général, nuirait à ceux de la Grande-
Bretagne. L'alliance des deux peuples placés à la tête de la civilisation,
alliance qui a déjà démontré la possibilité de solutions regardées jus-
qu'ici comme impossibles par les traditions vulgaires, permettra, parmi
tant d'autres bienfaits, d'examiner avec impartialité cette immense ques-
tion du canal de Suez, de se rendre un compte exact de son influence sur
la prospérité des peuples, et de faire considérer comme une hérésie la
croyance qu'une entreprise destinée à abréger de moitié la distance entre
l'occident et l'orient du globe ne convient pas à la Grande-Bretagne,
maîtresse de Gibraltar, de Malte, des îles Ioniennes, d'Aden, d'établisse-
ments importants sur la côte orientale d'Afrique, de l'Inde, de Singapour,
de l'Australie.
L'Angleterre, aussi bien et plus encore que la France, doit donc vou-
loir le percement de cette langue de terre de 30 lieues que tout homme,
préoccupé des questions de civilisation et de progrès, ne peut voir sur la
carte sans éprouver le plus vif désir de faire disparaître le seul obstacle
laissé par la Providence sur la grande route du commerce du monde.
Le chemin de fer d'Alexandrie à Suez seul est insuffisant. Il ne pourra
acquérir une importance réelle et n'aura de revenus assurés que lorsqu'il
deviendra l'auxiliaire du canal maritime de Suez. L'achèvement de la voie
ferrée, si utile aux voyageurs et désirée avec raison par l'Angleterre, sera
APPENDICE 93
alors une nécessité et ne sera plus une charge pour le gouvernement
égyptien.
L'Allemagne applaudira également h tous les efforts qui seront faits
pour la canalisation de l'isthme. Ce sera pour elle le complément de la
libre navigation du Danube et de l'affranchissement des bouches de la
Sulina. ■ •
L'Autriche y verra l'agrandissement de Trieste et de Venise, des dé-
bouchés ouverts aux produits des provinces de l'Empire et du royaume
de Hongrie, dont le canal projeté du Danube à la mer Noire facilitera
l'exportation.
La Russie trouvera dans l'ouverture du canal de Suez une juste satis-
faction à son aspiration nationale vers l'Orient. La mission de civilisation
dévolue au czar sur les nombreuses populations dont il est l'arbitre peut
encore suffire à la plus noble ambition. Les nouveaux débouchés qui se-
ront ouverts pacifiquement à leur activité et à leur besoin d'expansion
leur seront plus profitables qu'une politique de conquêtes et de domina-
tion exclusive, qu'il n'est plus possible à aucune nation de faire triompher
aujourd'hui.
Les États-Unis d'Amérique, dont les relations avec l'Indo-Chine pren-
nent, depuis plusieurs années, un immense développement, l'Espagne
avec ses îles Philippines, la Hollande avec Java, Sumatra et Bornéo, les
villes autrefois si florissantes de la côte d'Italie, les ports de la Grèce,
toutes les nations enfin s'empresseront de prendre part h une œuvre qui
augmentera leurs richesses ou leur en créera de nouvelles, et pour le
succès de laquelle je crois pouvoir promettre à S. A. Mohammed-Saïd le
concours actif et énergique des hommes éclairés de tous les pays.
XVII. — Firman de concessioo du pacha d'Egypte (Molianimed-Kaïd)
accordé A M. de Lesseps, en date da Caire le 30 novembre 1M54
(9 rébinl-éwel 129 t).
Notre ami M. Ferdinand de Lesseps ayant appelé notre attention sur
les avantages qui résulteraient pour l'Egypte de la jonction de la mer Mé-
diterranée et de la mer Rouge par une voie navigable pour les grands
navires, et nous ayant fait connaître la possibilité de constituer, à cet effet,
une compagnie formée de capitalistes de toutes les nations, nous avons
accueilli les combinaisons qu'il nous a soumises, et lui avons donné, par
ces présentes, pouvoir exclusif de constituer et de diriger une compagnie
universelle pour le percement de l'isthme de Suez et l'exploitation d'un
canal entre les deux mers, avec faculté d'entreprendre ou de faire entre-
prendre tous travaux et constructions, à la charge par la compagnie de
donner préalablement toute indemnité aux particuliers en cas d'expro-
9/1 APPENDICE
prialion pour cause d'iilililé publique; le tout dans les limites et avec les
coiulilions et charges qui sont déterminées dans les articles qui suivent :
Article 1. M. Ferdinand de Lesseps constituera une compagnie, dont
nous lui confions la direction, sous le nom de Compagnie universelle du
canal maritime de Suez, pour le percement de l'isthme de Suez, l'exploi-
tation d'un passage propre à la grande navigation, Ja fondation ou l'ap-
propriation de deux entrées suffisantes, l'une sur la Méditerranée, l'autre
sur la mer Rouge, et l'établissement d'un ou deux ports.
Art. 2. Le directeur de la Compagnie sera toujours nommé par le
gouvernement égyptien et choisi, autant que possible, parmi les action-
naires les plus intéressés dans l'entreprise.
Al t. 3. La durée de la concession est de quatre-vingt-dix-neuf ans, à
partir du jour de l'ouverture du canal des deux mers.
Art. h. Les travaux seront exécutés aux frais exclusifs de la Compagnie,
à laquelle tous les terrains nécessaires n'appartenant pas à des particuliers
seront concédés à titre gratuit. Les fortifications que le gouvernement
jugera à propos d'établir ne seront point à la charge de la Compagnie.
Art. 5. Le gouvernement égyptien recevra annuellement de la Compa-
gnie quinze pour cent des bénéfices nets résultant du bilan de la Société,
sans préjudice des intérêts et dividendes revenant aux actions qu'il se ré-
serve de prendre pour son compte lors de leur émission et sans aucune
garantie de sa part dans l'exécution des travaux ni dans les opérations de
h Compagnie. Le reste des bénéfices nets sera réparti ainsi qu'il suit :
75 % au profit de la Compagnie,
10 °/o au profit des membres fondateurs.
Art. <j. Les tarifs des droits de passage du canal de Suez, concertés
entre la Compagnie et le vice-roi d'Egypte et perçus par les agents de la
Compagnie, seront toujours égaux pour toutes les nations, aucun avan-
tage particulier ne pouvant jamais être stipulé au profit exclusif d'aucune
d'elles.
Art. 7. Dans le cas où la Compagnie jugerait nécessaire de rattacher
par une voie navigable le Nil au passage direct de l'islhme, et dans celui
où le canal maritime suivrait un tracé indirect desservi par l'eau du Nil,
le gouvernement égyptien abandonnerait à la Compagnie les terrains du
domaine public aujourd'hui incultes qui seraient arrosés et cultivés à ses
frais ou par ses soins.
La Compagnie jouira, sans impôts, desdits terrains pendant dix ans, à
partir du jour de l'ouverture du canal ; — durant les 89 ans qui resteront
à s'écouler jusqu'à l'expiration de la concession, elle paiera la dîme au
gouvernement égyptien; après quoi, elle ne pourra continuer à jouir des
terrains ci-dessus mentionnés qu'autant qu'elle paiera audit gouvernement
un impôt égal à celui qui sera affecté aux terrains de même nature.
APPENDICE 95
Art. 8. Pour éviter toute dilliculté au sujet des terrains qui seront
abandonnés à la Compagnie concessionnaire, un plan dressé par M. Li-
nant-Bey, notre commissionnaire ingénieur auprès de la Compagnie, in-
diquera les terrains concédés, tant pour la traversée et les établissements
du canal maritime et du canal d'alimentation dérivé du Nil, que pour les
exploitations de culture, conformément aux stipulations de l'art. 7.
Il est, en outre, entendu que toute spéculation est, dès à présent, inter-
dite sur les terrains du domaine public h concéder, et que les terrains ap-
partenant antérieurement à des particuliers, et que les propriétaires vou-
dront plus tard faire arroser par les eaux du canal d'alimentation exécuté
aux frais de la Compagnie, paieront une redevance de par feddan cul-
tivé (ou une redevance fixée amiablement entre le gouvernement égyptien
et la Compagnie).
Art. 9. Il est enfin accordé h la Compagnie concessionnaire la faculté
d'extraire des raines et carrières appartenant au domaine public, sans
payer de droits, tous les matériaux nécessaires aux travaux du canal et
aux constructions qui en dépendent, de même qu'elle jouira de la libre
entrée de toutes les machines et matériaux qu'elle fera venir de l'étranger
pour l'exploitation de sa concession.
Art. 10. A l'expiration de la concession, le gouvernement égyptien sera
substitué à la Compagnie, jouira sans réserve de tous ses droits et en-
trera en pleine possession du canal des deux mers et de tous les établisse-
ments qui en dépendront. Un arrangement amiable ou par arbitrage dé-
terminera l'indemnité k allouer à la Compagnie pour l'abaudou de son
matériel et des objets mobiliers.
Art. 11. Les statuts de la Société nous seront ultérieurement soumis
par le directeur de la Compagnie et devront être revêtus de notre appro-
bation. Les modifications qui pourraient être introduites plus tard devront
préalablement recevoir notre sanction. iLesdits statuts mentionneront les
noms des fondateurs, dont nous nous réservons d'approuver la liste. Cette
liste comprendra les personnes dont les travaux, les éludes, les soins ou
les capitaux auront antérieurement contribué à l'exécution de la grande
entreprise du canal de Suez.
Art. 12. Nous promettons enfin notre bon et loyal concours et celui de
tous les fonctionnaires de l'Egypte pour faciliter l'exécution et l'exploi-
tation des présents pouvoirs.
XVIII. — Lettre du pacha d'Egypte à RI. de Lesseps, en date du ZO
mai f 855 (Sramazan 1371}.
A mon dévoué ami, de haute naissance et de rang élevé, Monsieur
Ferdinand de Lesseps,
La concession accordée à la Compagnie universelle du canal de Suez
96 APPENDICE
devant être ratifiée par S, M. I. le Sultan, je vous remets cette copie pour
que vous la conserviez par devers vous. Quand aux travaux relatifs au
creusement du canal de Suez, ils ne seront commencés qu'après l'auto-
risation de la Sublime Porte.
JLIX, — Lettre du grand- irézir (Réchid-pacha) aa pacha d'Egypte, en
date du 1" mars 1855 (IS djéniaziul-akliir 1%91).
Votre très-humble serviteur a l'honneur de vous exposer ce qui suit :
M. Ferdinand de Lesseps retourne maintenant auprès de V. A. En effet,
ainsi qu'elle a daigné nous le faire connaître, c'est un hôte qui mérite par
lui-même toute espèce d'égards et de considération. L'objet de sa venue
ici a été relatif à l'affaire du canal, entreprise des plus utiles. Pendant son
séjour à Gonstantinople, j'ai eu l'avantage de le voir plusieurs fois et de
l'entretenir longuement sur bien des matières. Il a eu aussi l'honneur
d'être présenté à S. H. le Sultan et d'être de sa part l'objet de la plus
haute bienveillance.
Conformément à l'ordre impérial émané au sujet de l'entreprise si in-
téressante du canal, la question se trouve actuellement à l'étude du conseil
des minisires. M. de Lesseps, ne pouvant attendre la fin des conférences,
a décidé son départ d'ici. Dans peu j'aurai à en faire connaître le résultat
détaillé à V. A.
XX. — Rapport de M. de Lesseps an pacha d'Egypte, en date du camp
delUaréale 30 avril 1855 (13 chàban 1291).
J'ai eu l'honneur de soumettre à V. A. le mémoire de ses ingénieurs
MM. Linant-Béy et Mougel-Béy sur la canalisation de l'isthme de Suez.
Ce travail est destiné à servir d'avant-projet pour le percement de
l'isthme. H est accompagné d'une carte indiquant la configuration et la
nature du sol. Il a mérité l'approbation de V. A., qui m'a invité à lui
donner la plus grande publicité, afin d'appeler sur une question qui inté-
resse le monde entier l'attention, l'examen et les observations de tous les
hommes compétents de l'Europe et de l'Amérique.
V. A. a décidé d'envoyer immédiatement aux conseillers de S. M. I. le
Sultan les explications qu'ils réclament pour ratifier le projet de la com-
munication des deux mers. Je me rendrai, de mon côté, directement en
Europe. Je m'empresserai de faire imprimer et de publier les documents
officiels de l'affaire, ainsi que l'avant-projet de MM. Linant-Béy et Mou-
gel-Béy. Des dispositions seront prises à l'effet de recueillir, dans un délai
fixé, les opinions des hommes compétents qui voudront bien apporter à
l'entreprise le concours de leurs lumières.
APPENDICE 97
Pendant ce temps, vos ingénieurs prépareront les éléments de leur
projet définitif.
Lorsque ce projet définitif sera achevé, et lorsque les observations re-
çues de chaque pays auront pu formerun corps de doctrine, il sera pro-
cédé à la nomination d'une commission d'ingénieurs connus parleurs Ira-
vaux hydrauliques et choisis en Angleterre, en France, en Allemagne et
en Hollande. Cette commission donnera son opinion sur le projet des in-
génieurs de V. A., indiquera les modifications ou les changements qu'elle
croira devoir adopter. Tous les moyens seront mis fi sa disposition pour
visiter l'isthme de Suez, si elle juge nécessaire de voir les localités avant
de prononcer.
V. A. a voulu, dès à présent, circonscrire dans de certaines limites les
études des tracés. Après avoir passé en revue les nombreux projets pré-
sentés aux gouvernements ou au public depuis plus de cinquante ans, elle
laisse toute liberté d'appliquer les moyens que la science reconnaîtra les
meilleurs pour faire communiquer entre elles la Mer Rouge et la Médi-
terranée par la coupure deVisthmede Suez, sur tel ou tel point de l'isthme,
à l'est du cours du Nil ; mais elle a déclaré qu'elle n'autoriserait pas la
Compagnie du grand canal maritime de Suez h adopter un tracé qui
aurait pour point de départ la côte de la Méditerranée à l'ouest de la
branche de Damiette et qui traverserait le cours du Nil.
Ce sera seulement après l'adoption du tracé de communication des
deux mers et lorsque tous les avantages et toutes les obligations de ceux
qui prendront part à l'entreprise seront bien déterminés, que les capita-
listes et le public seront appelés à souscrire des actions, et que les repré-
sentants des intéressés décideront en dernier ressort sur toutes les ques-
tions se rattachant h l'administration, à l'exécution et à l'exploitation de
l'entreprise.
Permettez-moi maintenant de signalera V. A. les travaux préparatoires
auxquels auront à se livrer dès h présent MM. Linant-Béy et Mougel-Béy
avant de présenter leur projet définitif.
Ils devront :
1° Tracer sur le terrain la ligne du canal maritime dans ses détails,
avec tous ses angles, toutes ses courbes et rapporter celte ligne ainsi tracée
sur un plan ;
2° Faire le nivellement le long de cette ligne qu'ils prolongeront dans
les deux mers jusqu'à une profondeur de dix mètres d'eau ;
3° Lever des profils en travers partout où la forme du terrain l'exigera;
h" Procéder aux sondages le long de la ligne et pousser ces sondages jus-
qu'à dix mètres au-dessous du niveau des basses mers de la Méditerranée ;
5" Recueillir des échantillons des diverses natures de terrains décou-
vertes dans leurs opérations ;
T. ri. 7
98 APPENDICE
G' Fixer les prix élémentaires de la main-d'œuvre et de tous les maté-
riaux qui seront employés dans la construction du canal ;
7° Établir les bases positives qui serviront à évaluer la quantité d'ou-
vriers en tous genres nécessaires à l'exécution des travaux.
J'aurai soin de mon côté de recueillir les documents statistiques les
plus récents qui permettront de fixer l'évaluation minimum des produits.
Lorsque le moment arrivera de commencer les travaux du canal mari-
time, on devra faire venir d'Europe un grand nombre de machines et une
quantité considérable de matériaux, des bois, des fers, de la houille, etc.,
etc. La Compagnie du canal de Suez trouvera des avantages de siireté,
d'économie et de facilité de transport qui n'existent pas aujourd'hui, dans
le chemin de fer continué jusqu'à Suez et dans l'établissement de la Société
de Remorquage, à laquelle se lie l'amélioration du canal Mahraoudié ainsi'
que sa communication avec le port d'Alexandrie.
Les correspondances que j'ai reçues de l'Europe témoignent de l'intérêt
toujours croissant avec lequel le projet de l'ouverture de l'isthme est par-
tout accueilli. Parmi les personnes qui m'ont spontanément offert leur
concours, il en est qui ont rais à ma disposition des sommes considérables
pour contribuer aux premières dépenses de l'entreprise. Ces offres s'élèvent
déjà à plus de 15 millions de francs. Je n'ai pas pensé qu'il y ei^it lieu
d'en profiter, mais j'ai inscrit ceux qui les ont faites, et V. A. a trouvé
juste de leur réserver un avantage de priorité à l'époque de la répartition
des actions.
V. A. a déjà arrêté une première liste de soixante membres fondateurs
remplissant les conditions voulues par Tarlicle 11 du firman. V. A., qui
me laisse le soin de la compléter par l'adjonction des personnes qui m'au-
ront aidé en Europe ou en Amérique dans la fondation de l'œuvre, a
désiré que le nombre total ne s'élevât pas, autant que possible, au delà
de cent.
V. A. a bien voulu approuver la nomination provisoire de M. Ruysscnaërs,
consul général des Pays-Bas, en qualité d'agent supérieur de la Compa-
gnie en Egypte. Il méritait à tous égards ce témoignage de confiance.
Tels sont les actes préliminaires qui ont paru à V. A. devoir aider à la
réussite de sa grande entreprise. Je vous prie, Monseigneur, de me faire
connaître si j'ai bien compris vos intentions.
XXï" — Lettre dn pacha d'Egypte à M. de Lesseps, en date du âO mai
1 8 5 5 (» ramazan 1391).
A mon dévoué ami, de haute naissance et de rang élevé, monsieur
Ferdinand de Lesseps.
J'ai pris connaissance du rapport que vous m'avez adressé le 30 avril,
APPENDICE 99
et j'ai approuvé co document, qui devra vous tenir lieu d'instructions,
J'iii apprécié le zèle que vous avez déployé dans cette afiaire, l'intérêt
tout amical que vous y avez pris, et j'en ai éprouvé une véritable satisfac-
tion.
WII. — Acte de concession et cnlilcr des charges ponr la constmc
tioii et l'exploitation du canal maritime do Suez et dépendances,
remis par le paclia d'Fgyptc ù. ITI. de Losseps, en date d'Alexan-
drie le 5 janvier 1H5G {2C» rëbiul-akhir 137 3).
Nous Mohammed-Saïd-Pacha, Vice-roi d'Egypte,
Vu notre acte de concession en date du 30 novembre 1854, par lequel
nous avons donné h notre ami M. Ferdinand de Lesseps pouvoir exclusif
à l'cflet de constituer et diriger une Compagnie universelle pour le perce-
ment de l'istbme de Suez, l'exploitation d'un passage propre à la grande
navigation, la fondation ou l'appropriation de deux entrées suffisantes,
l'une sur la Méditerranée, l'autre sur la mer Rouge, et l'établissement
d'un ou de deux ports ;
M. Ferdinand de Lesseps nous ayant représenté que, pour constituer
la Compagnie sus-indiquée dans les formes et conditions généralement
adoptées pour les sociétés de cette nature, il est utile de stipuler d'avance
dans un acte plus détaillé et plus complet, d'une part, les charges, obli-
gations et redevances auxquelles cette Société sera soumise, d'autre part,
les concessions, immunités et avantages auxquels elle aura droit, ainsi
que les facilités qui lui seront accordées pour son administration :
Avons arrêté, comme suit, les conditions de la concession qui fait l'ob-
jet des présentes.
§ 1"'. — CHARGES.
Art. 1". La Société fondée par notre ami M. Ferdinand de Lesseps, en
vertu de notre concession du 30 novembre 185Z|, devra exécuter à ses frais,
risques et périls, tous les travaux et constructions nécessaires pour l'éta-
blissement :
r D'un canal approprié 5, la navigation maritime, entre Suez dans la
mer Rouge, et le golfe de Péluse dans la mer Méditerranée ;
2° D'un canal d'irrigation approprié Ji la navigation fluviale du Nil, joi-
gnant le fleuve au canal maritime susmentionné;
3° De deux branches d'irrigation et d'alimentation dérivées du précédent
canal et portant leurs eaux dans les deux directions de Suez et de Péluse.
Les travaux seront conduits de manière à être terminés dans un délai de
six années, sauf les empêchements et retards provenant de force majeure.
Art. 2. La Compagnie aura la faculté d'exécuter les travaux dont elle est
100 APPENDICE
chargée, par elle-même et en régie, ou de les faire exécuter par des en-
trepreneurs au moyen d'adjudications ou de marchés h forfait. Dans tous
les cas, les quatre cinquièmes au moins des ouvriers employés h ces tra-
vaux seront Égyptiens.
Art. 3. Le canal approprié à la grande navigation maritime sera creusé
à la profondeur et à la largeur fixées par le programme de la Commission
scientifique internationale.
Conformément à ce programme, il prendra son origine au port même de
Suez; il empruntera le bassin dit des Lacs Amers et le lac Timsah ; il
viendra déboucher dans la Méditerranée en un point du golfe de Péluse
qui sera déterminé dans les projets définitifs à dresser par les ingénieurs de
la Compagnie.
Art. k. Le canal d'irrigation approprié à la navigation fluviale dans les
conditions dudit programme, prendra naissance h proximité de la ville du
Caire, suivra la vallée (ouadée) Toniilat (ancienne terre de Gessen), et
débouchera dans le grand canal maritime au lac Timsah.
Art. 5. Les dérivations du canal précédent s'en détacheront en amont
du débouché dans le lac Timsah; de ce point elles seront dirigées, d'un
côté sur Suez, de l'autre côté sur Péluse, parallèlement au grand canal
maritime.
Art. 6. Le lac Timsah sera converti en un port intérieur propre à rece-
voir des bâtiments du plus fort tonnage.
La Compagnie sera tenue, en outre, si cela est nécessaire : 1° de cons-
truire un port d'abri à l'entrée du canal maritime dans le golfe de Péluse;
2° d'améliorer le port et la rade de Suez, de manière à ce que les navires
y soient également abrités.
Art. 7. Le canal maritime, les ports en dépendant, ainsi que le canal
de jonction du Nil et le canal de dérivation, seront constamment entrete-
nus en bon état par la Compagnie et h ses frais.
Art. 8. Les propriétaires riverains qui voudront faire arroser leurs terres
au moyen de prise d'eau tirées des canaux construits par la Compagnie,
pourront en obtenir d'elle la concession moyennant le payement d'une in-
demnité ou d'une redevance dont le chiffre sera fixé dans les conditions de
l'article 17 ci-après.
Art. 9. Nous nous réservons de déléguer, au siège administratif de la
Compagnie, un commissaire spécial dont le traitement sera payé par elle,
et qui représentera, près de son administration, les droits et les intérêts
du gouvernement égyptien pour l'exécution des dispositions du présent.
Si le siège administratif de la Société est établi ailleurs qu'en Egypte,
la Compagnie sera tenue de se faire représenter h Alexandrie par un agent
supérieur nanti de tous les pouvoirs nécessaires pour assurer la bonne mai--
che du service et les rapports de la Compagnie avec notre gouvernement.
APPENDICE 101
§ 2. — CONCESSIONS,
Art, 10. Pour la construction des canaux et dépendances mentionnés
dans les articles qui précédent, le gouvcrneraent égyptien abandonne k la
Compagnie, sans aucun impôt ni redevance, la jouissance de tous les
terrains, n'appartenant pas k des particuliers, qui pourront être néces-
saires.
Il lui abandonne également la jouissance de tous les terrains aujour-
d'hui incultes n'appartenant pas à des particuliers, qui seront arrosés et
mis en culture par ses soins et à ses frais, avec cette différence : 1" que
les terrains compris dans cette dernière catégorie seront exempts de tout
impôt pendant dix ans seulement, h dater de leur mise en rapport ;
2" que, passé ce terme, ils seront soumis, pendant le reste de la concession,
aux obligations et aux impôts auxquels seront assujetties, dans les mômes
circonstances, les terres des autres provinces de l'Egypte; 3" que la Com-
pagnie pourra ensuite, par elle-même ou par ses ayants-droit, conserver
la jouissance de ces terrains et des prises d'eau nécessaires k leur fertili-
sation, k charge de payer au gouvernement égyptien les impôts établis sur
les terres dans les mêmes conditions.
Art. 11. Pour déterminer l'étendue et les limites des terrains concédés
k la Compagnie, dans les conditions du § 2 de l'article 10 qui précède, il
est référé aux plans ci-annexés; étant expliqué qu'auxdits plans les ter-
rains concédés pour la construction des canaux et dépendances, sans im-
pôt ni redevance, conformément au § 1^'', sont teintés en noir, et que les
terrains concédés pour être mis en culture en payant certains droits,
conformément au § 2 sont teintés en bleu.
Sera considéré comme nui tout acte fait postérieurement à notre acte
du 30 novembre 185/j, qui aurait pour conséquence de créer k des parti-
culiers, contre la Compagnie, ou des droits k indemnité qui n existaient
pas alors sur les terrains, ou des droits k indemnité plus considérables
que ceux auxquels ils auraient pu prétendre k cette époque.
Art. 12. Le gouvernement égyptien livrera, s'il y a lieu, à la Compagnie,
les terrains de propriété particulière dont la possession sera nécessaire
à l'exécution des travaux et k l'exploitation de la concession, à charge
par elle de payer aux ayants-droit de justes indemnités.
Les indenmités d'occupation temporaire ou d'expropriation définitive
seront, autant que possible, réglées amiablement; en cas de désaccord,
elles seront fixées par un tribunal arbitral procédant sommairement et
composé : 1° d'un arbitre choisi par la Compagnie ; 2° d'un arbitre choisi
par les intéressés; 3° d'un tiers arbitre désigné par nous.
Les décisions du tribunal arbitral seront exécutoires immédiatement et
sans appel.
102 APPENDICE
Art. 13. Le gouvernement égyptien accorde à la Compagnie conces-
sionnaire, pour toute la durée de la concession, la faculté d'extraire des
mines et carrières appartenant au domaine public, sans payer aucun droit,
impôt ni indemnité, tous les matériaux nécessaires aux travaux de cons-
truction et d'entretien des ouvrages et établissements dépendant de l'en-
treprise.
Il exonère en outre la Compagnie de tous les droits de douane, d'entrée
et autres, pour l'introduction en Egypte de toutes machines et matières
quelconques qu'elle fera venir de l'étranger pour les besoins de ses divers
services en cours de construction ou d'exploitation.
Art. 14. Nous déclarons solennellement, pour nous et nos successeurs,
sous la réserve de ia ratification de S M. Impériale le Sultan, le grand ca-
nal maritime de Suez h. Péluse et les ports en dépendant, ouverts à tou-
jours, comme passages neutres, à tout navire de commerce traversant
d'une mer à l'autre, sans aucune distinction, exclusion ni préférence de
personnes ou de nationalités, moyennant le payement des droits et l'exé-
cution des règlements établis par la Compagnie universelle concession-
naire pour l'usage dudit canal et dépendances.
Ar. 15. Enconsequenc.edu principe posé dans l'article précédent, hi
Compagnie universelle concessionnaire ne pourra, dans aucun cas, ac-
corder à aucun navire, compagnie ou particulier, aucuns avantages ou fa-
veurs qui ne soient accordés à tous autres navires, compagnies ou parti-
culiers, dans les mêmes conditions.
Art. 16. La durée de la Société est fixée à 99 années, h compter de l'a-
chèvement des travaux et de l'ouverture du canal maritime à la grande
navigation.
A l'expiration de cette période, le gouvernement égyptien rentrera en
possession du canal maritime construit par la Compagnie, à charge par lui,
dans ce cas, de reprendre tout le matériel et les approvisionnements affec-
tés au service maritime de l'entreprise et d'en payer à la Compagnie la
valeur telle qu'elle sera fixée, soit araiableraent, soit à dire d'experts.
Néanmoins, si la Compagnie conservait la concession par périodes suc-
cessives de 99 années, le prélèvement stipulé au profit du gouvernement
égyptien par l'article 18 ci-après serait porté pour la seconde période h
20 0/0, pour la troisième période h 25 0/0, et ainsi de suite, h raison de
5/00 d'augmentation pour chaque période, sans que toutefois ce prélè-
vement puisse jamais dépasser 35 0/0 des produits nets de l'entreprise.
Art. 17. Pour indemniser la Compagnie des dépenses de construction,
d'entretien et d'exploitation qui sont mises à sa charge par les présentes,
nous l'autorisons, dès h présent, et pendant toute la durée de sa jouis-
sance, telle qu'elle est déterminée par les §§ l*"^ et 3 de l'article précé-
dent, à établir et percevoir, pour le passage dans les canaux et les ports
APPE^D1CK 103
en dépendant, des droits de navigation, de pilotage, de remorquage, de
halage ou de stationnement, suivant des tarifs qu'elle pourra modifier à
toute époque sous la condition expresse :
1" De percevoir ces droits, sans aucune exception ni faveur, sur tous
les navires dans des conditions identiques ;
2° De publier les tarifs, trois mois avant la mise en vigueur, dans les
capitales et les principaux ports de commerce des pays intéressés ;
3" De ne pas excéder, pour le droit spécial de navigation, le cliiOVe
maximum de dix francs par tonneau de capacité des navires et par tête
de passager.
La Compagnie pourra, également, pour toutes les prises d'eau accor-
dées à la demande de particuliers, en vertu de l'article 8 ci-dessus, per-
cevoir, d'après des tarifs qu'elle fixera, un droit proportionnel à la quan-
tité d'eau absorbée et à l'étendue des terrains arrosés.
Art. 18. Toutefois, en raison des concessions de terrains et autres
avantages accordés h la Compagnie par les articles qui précèdent, nous
réservons, au profit du gouvernement égyptien, un prélèvement de 15 0/û
sur les bénéfices nets de chaque année arrêtés et répartis par l'assemblée
générale des actionnaires.
Art. 19. La liste des membres fondateurs qui ont concouru par leurs
travaux, leurs études et leurs capitaux, à la réalisation de l'entreprise
avant la fondation de la Société, sera arrêtée par nous.
Après le prélèvement stipulé au profit du gouvernement égyptien par
l'article 18 ci-dessus, il sera attribué dans les produits nets annuels de
l'entreprise, une partie de 10 0/0 aux membres fondateurs ou à. leurs hé-
ritiers ou ayants-cause.
Art. 20. Indépendamment du temps nécessaire à l'exécution des tra-
vaux, notre ami et mandataire M. Ferdinand de Lesseps présidera et di-
rigera la Société, comme premier fondateur, pendant dix ans à partir du
jour où s'ouvrira la période de jouissance de la concession de 99 années,
aux termes de l'article 16 ci-dessus.
Art. 21. Sont approuvés les statuts ci-annexés dé la Société créée sous
la domination de Compagnie universelle du canal maritime de Suez, la
présente approbation valant autorisation de constitution, dans la forme
des sociétés anonymes, à dater du jour où le capital social sera entière-
ment souscrit.
Art. 22. Comme témoignage de l'intérêt que nous attachons au suc-
cès de l'entreprise, nous promettons à la Compagnie le loyal concours du
gouvernement égyptien, et nous invitons expressément par les présentes
les fonctionnaires et agents de tous les services de nos administrations à
lui donner en toute circonstance aide et protection.
Nos ingénieurs, Linant-Bey et Mougel-Bey, que nous mettons h la dis-
lOZi APPENDICE
position de la Compagnie pour la direction et la conduite des travaux or-
donnés par elle, auront la surveillance supérieure des ouvriers, et seront
cliargés de l'exécution des règlements qui concerneront la mise en œuvre
des travaux.
Art. 23. Sont rapportées toutes dispositions de notre ordonnance du
trente novembre mil-liuit-cent-cinquanle-quatre, et autres qui se trouve-
raient en opposition avec les clauses et conditions du présent cahier des
charges, lequel fera seul loi pour la concession à laquelle il s'applique.
XXIII. — Lettre du pacha d'Egypte à IVI. de Lesseps. en date d'Alexan-
drie le 5 janvier 1856 (26 rébiul akliir 13 9%].
A mon dévoué ami, de haute naissance et de rang élevé, monsieur
Ferdinand de Lesseps.
La concession accordée à la Compagnie universelle du canal de Suez
devant être ratifiée par S. M. I. le Sultan, je vous remets cette copie au-
thentique afin que vous puissiez constituer ladite Compagnie financière.
Quant aux travaux relatifs au percement de l'isthme, elle pourra les
exécuter elle-même dès que l'autorisation de la Sublime-Porte m'aura été
accordée.
XXI^'. — Règlement pour les ouvriers employés aux travaux du ca-
nal, eu date d Alexandrie le âO juillet 1856 (19 zilcadé 1S93}.
Nous Mohammed-Saïd-Pacha, vice-roi d'Egypte, voulant assurer
l'exécution des travaux du canal maritime de Suez, pourvoir au bon trai-
tement des ouvriers égyptiens qui y seront employés, et veiller en même
temps aux intérêts des cultivateurs, propriétaires et entrepreneurs du
pays, avons établi, de concert avec M. Ferdinand de Lesseps, comme
président-fondateur de la Compagnie universelle dudit canal, les dispo-
sitions suivantes :
Art. 1". Les ouvriers qui seront employés aux travaux de la Compa-
gnie seront fournis par le gouvernement égyptien, d'après les demandes
des ingénieurs en chef et suivant les besoins.
Art. 2. La paie allouée aux ouvriers sera fixée suivant les prix payés,
en moyenne, pour les travaux des particuliers, ci la somme de deux pias-
tres et demie à trois piastres par jour, non compris les rations qui seront
délivrées en nature par la Compagnie pour la valeur d'une piastre.
Les ouvriers au-dessous de douze ans ne recevront qu'une piastre,
mais ration entière.
Les rations en nature seront distribuées par jour ou tous les deux ou
APPENDICE 105
trois jours à l'avance ; et dans le cas où l'on serait assuré que les ouvriers
qui en feront la demande seront en état de pourvoir k leur nourriture,
la ration leur sera donnée en argent.
La paye en argent aura lieu toutes les semaines. Cependant la Compa-
gnie ne comptera, pendant le premier mois, que la moitié de la paye,
jusqu'à ce qu'elle ail accumulé une réserve de quinze jours de solde,
après quoi, la paye entière sera délivrée aux ouvriers.
Le soin de fournir de l'eau potable en abondance pour tous les besoins
des ouvriers est à la charge de la Compagnie.
Art. 3. La lâche imposée aux ouvriers ne dépassera pas celle qui est
fixée dans l'administration des Ponls-et-Chaussées en Egypte, et qui a
été adoptée dans les grands travaux de canalisation exécutés pendant ces
dernières années.
Le nombre des ouvriers employés sera fixé en prenant en considéra-
tion les époques des travaux de l'agriculture.
Art. 4. La police des chantiers sera faite par les officiers et agents du
gouvernement, sous les ordres et suivant les instructions des ingénieurs
en chef, conformément à un règlement spécial qui recevra notre appro-
bation.
Art. 5. Les ouvriers qui n'auront pas rempli leur tâche seront soumis
à une diminution de salaire, qui ne sera pas moindre du tiers et qui sera
proportionnée au déficit de l'ouvrage commandé. Ceux qui déserteront
perdront, par ce seul fait, les quinze jours de solde en réserve; le mon-
tant en sera versé à la caisse de l'hôpital, dont il sera parlé h l'article
suivant. Ceux qui apporteraient du trouble dans les chantiers seront pri-
vés également des quinze jours de solde en réserve. Ils seront, en outre,
passibles d'une amende qui sera versée â la caisse de l'hôpital.
Art. 6. La Compagnie sera tenue d'abriter les ouvriers, soit sous des
tentes, soit dans des hangars ou maisons convenables. Elle entretiendra
un hôpital et des ambulances, avec tout le personnel et tout le matériel
nécessaire pour traiter les malades â ses frais.
Art. 7. Les frais de voyage des ouvriers engagés et de leurs familles,
depuis le lieu de leur départ jusqu'à leur arrivée sur les chantiers, seront
à la charge de la Compagnie.
Chaque ouvrier malade recevra à l'hôpital ou dans les ambulances,
outre les soins que réclamera son état, une paye d'une piastre et demie
pendant tout le temps qu'il ne pourra pas travailler.
Art. 8. Les ouvriers d'art, tels qiie maçons, charpentiers, tailleurs de
pierre, forgerons, etc., etc., recevront la paye que le gouvernement a
l'usage de leur allouer pour ses travaux, outre la ration de vivres ou la
valeur de cette ration.
Art. 9. Lorsque des militaires appartenant au service actif seront em-
lOG APPENDICE
ployés aux travaux, la Compagnie déboursera pour chacun d'eux, h titre
de haute paye, de solde ordinaire ou d'entretien, une somme égale à a
paye des ouvriers civils.
Art. 10. Toutes les coiiffes nécessaires pour le transport des terres et
des matériaux, ainsi que la poudre pour l'exploitation des carrières, se-
ront fournies par le gouvernement à la Compagnie, au prix de revient,
pourvu que la demande en ait été faite aux moins trois mois à l'avance.
Art. 11. Nos ingénieurs Linant-Bey et Mougel-Bey, que nous mettons
à la disposition de la Compagnie pour la direction et la conduite des tra-
vaux, auront la surveillance supérieure des ouvriers, et s'entendront avec
l'administrateur délégué de la Compagnie pour aplanir les difticullés qui
pourraient survenir dans l'exécution du présent décret.
XYV. — Dépêche du Kiiînistre des afTaires étrangères (Alî-paelia) de
la Subiiiuc-Poi'te aux. ambassadeurs ottoutaus à Paxis et à Lon-
dres, eu date du G avril l!!i(i3 (lO cliéwan 1S80).
Monsieur l'ambassadeur, lorsque , il y a quelques années , la Su*
blimePorte fut saisie de la question du canal de Suez, elle se réserva
de poser ses conditions sur les autres parties du projet de contrat qui lui
fut soumis, et déclara qu'elle désirerait voir une entente établie au préa-
lable entre les deux grandes puissances maritimes, sur les garanties
extérieures que l'ouverture d'une voie de cette importance exigeait
Cette entente n'a pas eu lieu jusqu'ici, et le nouveau gouverneur-général
de l'Egypte, S. A. Ismaïl-Pacha, ayant adressé au gouvernement de
S. M. I. le Sultan la demande officielle, par une lettre au grand- visir, de
régulariser sa position à cet égard et de lui donner des instructions clai-
res et précises sur ce qu'il devra faire et dire, nous nous sommes trouvé
en devoir de lui faire connaître toutes les conditions auxquelles l'autori-
sation de la Sublime-Porte a toujours été subordonnée conditions que,
par l'ordre de notre auguste maître, nous soumettons h l'appréciation
équitable et bienveillante des augustes alliés de Sa Majesté Impériale.
Nous nous sentons d'autant plus obligés de nous prononcer sans plus
de retard, que nous avons le regret de voir les travaux de plus en plus
avancer sans la solution préalable des importantes questions qui s'y
rattachent. Force nous a été donc de dire franchement ce que, considérée
sous le point de vue des intérêts de l'empire, il faudra pour que cette
œuvre puisse devenir réalisable avec l'autorisation du souverain du pays.
Il n'entre pas dans la pensée de la Porte de vouloir empêcher la
réalisation d'une entreprise qui pourrait être d'utilité générale; mais
elle ne saurait y consentir 1" qu'avec la certitude d'avoir des stipula-
tions internationales qui en garantiraient, à l'instar des Dardanelles et
APPENDICE 107
du Bosphore, la neutralité complète ; 2" qu'à des conditions de nature h
sauvegarder et à assurer les importants intérêts qu'elle est appelée à pro-
téger.
Or, le projet actuel n'otTre aucune des garanties indispensables.
Il y a surtout deux faits qui ont, dès l'origine, attiré notre attention la
plus sérieuse. Les voici : 1° malgré l'abolition dans l'empire de la cor-
vée, malgré le dernier décret du vice-roi établissant la même prohi-
bition, les travaux préparatoires ne s'effectuent que par le seul concours
de ce régime. L'administration égyptienne contraint vingt mille hommes
par mois à abandonner leurs labours et leurs familles pour aller^travailler
au canal.
Ces gens sont obligés de retourner dans leurs foyers h leurs propres
frais, et la plupart d'entre eux ayant une distance très-considérable à
parcourir, sans compter les pertes qu'ils éprouvent de l'abandon forcé
de leurs intérêts. Le nombre des bras ainsi distrait de l'agriculture, de
l'industrie et du commerce, ne se borne pas à vingt mille. Tandis que
vingt mille ouvriers travaillent, quarante mille sont en chemin ou occupés
à se préparer pour s'y rendre, de sorte que soixante mille hommes sont
conlinuellement enlevés h. leurs foyers et h leurs affaires.
Je crois superflu de m'étendre sur les effets désastreux d'un pareil
système. Ces inconvénients sautent aux yeux. La Sublime-Porte se voit
dans l'impossibilité de sanctionner la pratique d'une telle mesure en
Egypte, tandis qu'elle ne la permettrait pas dans les autres parties de
l'empire.
Le second des deux faits dont je parle plus haut est celui qui con-
siste à concéder k la Compagnie, avec des canaux d'eau douce, tout le
territoire qui les environne. Selon le projet de contrat^ partout où les
canaux s'étendraient, la Compagnie aurait le droit de revendiquer, en
toute propriété, les terrains qui les bordent. De cette manière, les villes
de Suez, de Tirasah et de Port-Saïd, ainsi que toutes les frontières de la
Syrie, passeraient naturellement et forcément dans les mains d'une coia-
pagnie anonyme, composée en grande partie d'étrangers soumis aux juri-
dictions et aux autorités de leurs pays respectifs. Il ne tiendrait donc
qu'à la Compagnie de créer sur des points importants du territoire de
de l'Empire ottoman des colonies presque indépendantes de cet empire.
Nous pensons qu'il n'y a pas un gouvernement, ayant quelque sen-
timent de son indépendance et de ses devoirs, qui puisse souscrire à une
transaction de cette nature.
Par conséquent, la Sublime-Porte manquerait à tous ses devoirs, per-
drait l'estime de tous ses amis, et laisserait s'établir un état de choses
destiné à amener de continuels conflits, si elle ne déclarait pas que cette
clause n'aura jamais sa sanction.
108 APPENDICE
En résumé, le consentement de la Sublime-Porte est et doit être
indissolublement lié à la solution préalable des trois questions suivantes,
savoir : la stipulation de la neutralité du canal, l'abolition du travail
forcé, et l'abandon par la Compagnie de k clause qui concerne les ca-
naux d'eau douce et la concession des terrains environnants. Une fois
ces trois points décidés le gouvernement de S. M. le Sultan, d'accord avec
S. A. Israaïl-Pacha, s'empressera de prendre en sérieuse considération
chacun des autres articles du projet de contrat.
Quant cl l'ensemble du contrat en question, il n'existe qu'à l'état de
projet. Vous savez qu'il n'a jamais été approuvé par la Sublime-Porte. La
Compagnie elle-même nç saurait dire qu'elle ignorait la nécessité d'obte-
nir au préalable la sanction de la Sublime-Porte, puisque cet article
figure dans le projet de contrat comme une des conditions fondamentales
de sa concession. On sait, en outre, que plus tard, quand j\l. de Lesseps
demandait de nouvelles faveurs au défunt vice-roi pour la Compagnie, il
s'engageait, par contrat, d'obtenir cette franchise dans un terme de dix-
huit mois, engagement qui n'a jamais été rempli.
Or la Sublime-Porte s'adresse en particulier et avec la plus grande
confiance à ses deux plus sincères alliés, pour leur demander ce qu'ils
auraient fait dans une circonstance semblable. Devons-nous laisser une
société anonyme s'établir sur le territoire de l'empire, s'y arroger des
droits que la Sublime-Porte ne pourrait lui reconnaître, par suite d'une
concession promise par le haut personnage qui gouverne ce territoire,
sous la souveraineté du Sultan, h. la condition expresse d'obtenir la con-
firmation du souverain territorial ?
Tout ce qu'il nous reste h faire pour donner une nouvelle preuve de
la bonne volonté dont notre auguste maître se trouve animé, c'est de ré-
péter encore une fois que, malgré les infractions dont nous avons à nous
plaindre, une fois les clauses inadmissibles que je signale ci-dessus reti-
rées, nous serons prêts à examiner les autres dispositions du contrat
sans la moindre piévention. Selon la plus stricte équité, la Compagnie
n'aurait pas le droit de dire qu'elle a fait déjà des dépenses.
Elle savait qu'une des principales conditions du contrat n'étant pas
remplie, elle faisait ces dépenses à ses risques et périls. Cependant,
disposée à prendre en considération les intérêts privés qui se trouvent
engagés dans cette entrejjrise, la Sublime-l^orle tâchera conjointement
avec S. A Ismaïl-Pacha, de combiner les moyens nécessaire pour ren-
dre l'argent que la Compagnie aura dépensé, dans le cas où elle ne
voudrait pas continuer les travaux sans des avantages qui ne pourraient
pas lui être concédés, et alors ladite Compagnie devra naturellement
céder les ouvrages déjà commencés et tous les terrains qu'elle retient
comme propriété.
APPENOrCR 109
Nous devons ajouter aussi que, dans l'Iiypotlièsc prévue plus liaut,
où la Compagnie renonceriiit à la poursuite de l'œuvre projetée, la Su-
blime-Porte, sincèrement désireuse de faire tout ce qui dépend d'elle
pour faciliter toutes les coraraunicalions, et toujours de concert avec le
vice-roi, adopterait les mesures les plus propres ci en réaliser l'exé-
cution.
Nous sommes certains. Monsieur l'ambassadeur, que les explications
franches et loyales qui ])récèdent ne manqueront pas de rencontrer
l'entière approbation du cabinet de S. M. l'Empereur (la Reine). En con-
séquence,je vous invite h lire cette dépêche h M. le ministre des all'aires
étrangères et h lui en laisser copie.
Veuillez, etc.
XXVI. — Lettre dn pacba d'î'gypte (Isniaïl) à M. de liCsseps. en date
du Caire lé 18 août 1 8<i3 (3 rébial éwel 1 380).
Mon cher monsieur de Lesseps,
Vous n'ignorez pasqu'hla suite de la lettre vizirielle que la Sublime-
Porte m'avait envoyée au sujet du canal, j'ai fait faire des démarches à
Gonstantinople, et qu'elle m'a autorisé h traiter directement avec la Com-
pagnie pour nous entendre sur les modifications h apporter dans l'acte
concernant la Compagnie, de manière à enlever les points qui ont jusqu'il
présent motivé son refus d'autorisation. Vous savez de plus, mon cher
monsieur de Lesseps, que depuis mon avènement à la vice-royauté, ce
que j'ai cherché, c'est la régularisation de cette grande alTaire. La régula-
riser, c'est parvenir sûrement et facilement h son exécution, but que tous
deux nous nous proposons. L'autorisation que j'ai obtenue de la Sublime-
Porte de traiter avec la Compagnie est déjà un acheminement vers cette
régularisation.
Les objections de la Sublime-Porte, ainsi que vous le savez, portent
sur le mode de travail actuel et sur les terrains.
Nubar-Pacha est chargé par moi de traiter et de régler ces questions
avec vous. ,Ie suis certain que l'entente s'établira sans difliculté entre vous,
persuadé que je suis des sentiments de conciliation qui vous animent et
du désir que vous partagez avec uioi de voir cette grande entreprise régu-
larisée dans sa marche et à l'abri, dans l'avenir, de toutes difficultés et de
toutes entraves.
La Porte m'a accordé six mois de temps pour m'enlendrc avec la
Compagnie. Ce délai passé, et cela sans entente, la question doit retour-
ner à Gonstantinople et sortir de mon pouvoir.
J'aime h croire que nous n'arriverons pas là, car les propositions que
Nubar-Pacha est chargé de vous faire en mon nom concilient, dans mon
110 APPENDICE
opinion, tous les intérêts qui se raltaclient à cette grauile œuvre. La Porte,
en outre, d'accord en cela avec l'esprit qui vous a toujours guidé dès le
principe, me charge de faire examiner les dimensions, profondeur et
largeur du canal, de manière à ce qu'il ne soit purement et simplement
qu'une voie commerciale, et non point un canal oii pourraient passer des
bâtiments de guerre. Comme la Compagnie n'a pas encore fixé elle-même
d'une manière dcfuiitive les dimensions du canal maritime, je réserverai
pour la suite l'examen de cette question.
XZILVII. — Lettre de ^'onbar-pacha an président de la Compagnie
pour le canal de Snez, en date du 13 octobre 18G3 (38 rébinl-
akhir 1380).
Rîonsieur le président, les propositions que Son Altesse le vice-roi
m'a chargé de faire à la Compagnie , par sa lettre du 18 août qui m'ac-
crédite auprès de vous, sont les suivantes :
Réduction du nombre actuel des ouvriers au chiffre de 6,000 hommes,
le nombre actuel des contingents étant, sous tous les rapports, préju-
diciable au pays et aux intérêts de l'agriculture. Ce contingent de 6,000
serait fourni pour concourir aux travaux d'une manière permanente.
Augmentation du salaire actuel , qui n'est point rémunérateur : le
vice-roi croit juste, équitable et nécessaire que ce salaire soit porté à
2 fr. par jour. Il considère ce chiffre comme rémunérant le fellah de
son travail et de son absence forcée de son village et de son champ.
Suppression de la concession des terrains : le vice-roi offre, comme
compensation, de prendre pour compte de son gouvernement tout le
canal d'eau douce, ainsi que cela a déjà eu lieu pour la partie du Caire
au Ouadi, de rembourser h la Compagnie les frais qu'elle a faits pour la
partie déjà creusée de ce canal, et de le terminer jusqu'à Suez, en se
conformant aux dimensions de largeur et de profondeur établies.
Ces propositions, monsieur le président, sont faites dans l'intérêt de
l'Egypte aussi bien que dans celui de la grande entreprise que vous
poursuivez d'accord avec Son Altesse. Ces deux intérêts n'ont Jamais
été séparés par le vice-roi, qui les a toujours considérés comme étroite-
ment liés ensemble.
XVIII. — Rapport du ministre des alFalrcs étrangères (Dronyn»dc«
Lliuys) à IV'apoIéon m, en date du 3 mars 18G4 (34 ramazan 1380j.
Sire, le vice-roi d'Egypte ayant écrit à Votre Majesté pour lui deman-
der de vouloir bien prononcer elle-même sur certaines questions encore
pendantes entre le gouvernement égyptien et la Compagnie de l'isthme de
APPENDICE 111
Suez, vous avez daigné répondre à Israaïl pacha que vous défériez h son
désir.
Votre Majesté a, en môme temps, exprimé la volonté de faire préalable-
ment examiner ces questions par une commission oflVant toutes les ga-
ranties d'impartialité et de lumières. Afin de répondre h cet égard aux
intentions de Votre Majesté, et conformément h ses ordres, j'ai l'honneur
de lui proposer, pour faire partie de cette con]mission :
MM. Thouvene!, sénateur, comme président;
Mallet, sénateur;
Suin, sénateur;
Gouin, député au Corps législatif;
Duvergier, conseiller d'Etat.
Si Votre Majesté daigne agréer ces noms, je m'empresserai d'adresser
une lettre d'avis aux personnes désignées, et de mettre h leur disposition
tous les documents qui pourraient leur être nécessaires.
Je suis avec respect, etc.
Approuvé
. NAPOLÉON.
XXIX. — Article du « Moniteur universel » en date fia fl ."î mars f 8<>4
(6 chéwal 1380).
Nous croyons devoir donner les renseignements suivants au sujet de la
commission récemment instituée par l'Empereur.
Lorsque des dissentiments ont éclaté entre le vice-roi d'Egypte et la
Compagnie de l'isthme de Suez, l'Empereur a chargé S. Exe. le duc de
Morny de lui faire un rapport sur les questions en litige.
Ce rapport posait entre l'Egypte et la Compagnie les bases d'une tran-
saction qui parut équitable à l'Empereur. Les conclusions en furent com-
muniquées au vice-roi d'Egypte, qui pria l'Empereur de trancher lui-
même les points qui n'avaient pas élé délinitivement adoptés par les deux
parties. C'est dans ce but que l'Empereur, acceptant cet arbitrage, a for-
mé la commission présidée par M. Thouvenel.
Au moment du tirage de cette feuille, nous lisons dans le Moniteur le do-
cument que nous reproduisons ci-après.
Sentence arbitrale de IVapolêon III. en date de Fontainebleau le
a juillet 1864 (1 sàfer 1281).
NAPOLÉON,
Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français,
112 APPENDICE
A touscGiix qui ces présentes lettres verront, salut :
Vus le coniprouîis signéle 21 avril 186/| par :
S. Exe. Nubar-Pacha, mandataire spécial de S. A. le vice-roi d'Egypte,
Et M. Ferdinand de Lesseps, au nom et comme président fondateur de
la Compagnie universelle du canal de Suez,
Dont l'art. 2 est ainsi conçu :
Sa Majesté est suppliée de prononcer sur les questions ainsi formulées :
1° La suppression de la corvée étant acceptée en principe, quelle est la
nature et la valeur du règlement du 20 juillet 1856 sur l'emploi des ou-
vriers indigènes?
2° Quelle serait l'indemnité à laquelle l'annulation de ce règlement
peut donner lieu ? Le fondé de pouvoirs du vice-roi se déclarant autorisé
h promettre que la clause stipulée en l'article 2 du second acte de con-
cession et cahier des charges du 5 janvier 1856 sera rapportée ;
3° La portion du canal d'eau douce non rétrocédée au vice-roi parla
convention du 18 mars 1863 doit-elle continuer d'appartenir à la Compa-
gnie pendant la durée déterminée par l'acte de concession comme une
annexe indispensable du canal maritime? Dans le cas contraire, quelles
sont les conditions auxquelles la rétrocession pourrait en être opérée et
que les parties s'engagent dès k présent à accepter?
k° Les cartes et plans qui, aux termes de l'article 8 de l'acte de conces-
sion du 30 novembre 185/j et de l'article 11 de celui du 5 janvier 1856,
devaient être dressés, ne l'ayant pas été, quelle est l'étendue des terrains
nécessaires à la construction et à l'exploitation dn canal maritime (et du
canal d'eau douce s'il est conservé à la Compagnie), dans les conditions
propres à assurer la prospérité de l'entreprise ?
5° Quelle est l'indemnité due à la compagnie, à raison de la rétroces-
sion acceptée en principe des terrains dont il est fait mention dans les ar-
ticles 7 et 8 de l'acte de concession de 185Zi et dans les articles 10, 11 et
12 de celui de 1856?
Vu le rapport delà commission instituée par notre décision, en date du
3 mars 186f» ;
Considérant, sur la première question, que, pour apprécier la pensée
qui a présidé au règlement du 20 juillet 1856 et le caractère de cet acte,
il convient de rapprocher les dispositions qu'il renferme de celles qui
sont contenues dans les deux firmans de concession en date des 30 no-
vembre 185/4 et 5 janvier 1856 :
Que celles-ci, après avoir autorisé la constitution de la Compagnie, in-
diquent le but pour lequel elle doit être établie, déterminent les charges
el les obligations qui lui sont imposées et lui assurent les avantages dont
elle doit jouir;
Que ces stipulations ont créé pour la Compagnie et pour le gouverne-
APPENDICE 113
meiU (lu vice-roi des ciisagemonls réciproques de l'exécution desquels il
ne leur a pas été permis do s'allVancliir ; que, notamuieiit, l'article 2 du
2" firman, eu laissant à la Compagnie la faculté d'exécuter les travaux
dont elle est ch'argée, par elle-même ou par des entrepreneurs, exige que
les quatre cinquièmes au moins des ouvriers employés à ces travaux soient
Égyptiens ;
Qu'au moment oùcette condition a été imposée par le vice-roi et accep-
tée par la Compagnie il a nécessairement été entendu par l'un et par
l'autre que les ouvriers nécessaires pour composer les quatre cinquièmes
de ceux qui seraient emj)loyés aux travaux seraient mis, par le vice-roi, à
la disposition de la Compagnie ;
Que celle-ci n'aurait pas consenti à se soumettre h une semblable con-
dition si, de son côté, Ife vice-roi ne lui avait pas assuré les moyens de
l'accomplir ;
Que cette pensée, sous-entendue dans le second firman de concession,
a été formellement exprimée dans l'article 1" du règlement du 20 juillet
1856 portant : « Les ouvrieis qui seront employés aux travaux de la Com-
pagnie seront fournis par le gouvernement égyptien, d'après les demandes
des ingénieurs en chef et suivant les besoins ;
Que cet article a par lui-même un sens très-clair ; que d'ailleurs lors-
qu'on le rapproche des stipulations des deux firmans, on aperçoit ii3 lien
étroit qui les unit, et l'on reconnaît que la disposition du règlement n'est
que le corollaire de celles qui l'ont précédée, qu'elle a le même caractère,
la même force obligatoire ;
Que toutes les autres parties du règlement sont en harmonie parfaite
avec l'article !"■ et confirairint l'inlerpr-étaLioa qui vient de lui être don-
née;
Qu'en effet, immédiatement après la promesse du gouvernement égyp-
tien de fournir des ouvriers, l'acte constate l'engagement corrélatif de la
Compagnie de leur payer le prix de leur travail, de leur fournir les vivres
nécessaires, de leur procurer des habitations convenables, d'entretenir un
hô|)ital et des ambulances, de traiter les malades à ses frais, de payer
également les frais de voyage depuis le lieu du déjjart jusqu'à l'arrivée
surlcs-; chantiers; enfin, de rembourser au gouvernement égyptien, au prix
de revient, les couffes nécessaires pour le transport des terres, et la poudre
pour l'exploitation des carrières, que celui-ci devait fournir ;
Que ces diverses obligations , détaillés avec soin dans le règlement,
n'étaient pour la Compagnie que la contre-partie de celles qu'avait prises
le gouvernement égyptien; qu'ainsi elles présentaient dans leur ensemble
les éléments d'un véritable contrat;
Que l'intitulé de l'acte n'est point incompatible avec le caractère con-
ventionnel qui lui est attribué par la nature des stipula tions qu'il ren-
T. II. 8
IIÛ APPENDICE
renne; qu'à la vérité c'est du vice-roi seul que le règlement est émfiné
mais que les deux firmans de concession ont élé faits dans la même
forme, et que cependant leur caractère contractuel n'a pas été et ne sau-
rait èlre sérieusement contesté; qu'enfin le vice-roi dit expressément dans
le préambule de l'acte que c'est de concert avec M. de Lesseps qu'il en a
établi les dispositions; que cette expression n'indique pas seulement
qu'un avis a élé demandé au directeur de la Compagnie; qu'il exprime
que le concours de sa volonté a paru nécessaire et a été obtenu; qu'il est
bien évident que, sans ce concours il eût été impossible d'assujettir la
Compagnie aux obligations multipliées qui lui ont élé imposées et qu'elle
a ensuite exécutées;
Que de ce qui précède il résulte que le règlement du 20 juillet 185G,
notamment dans la disposition de l'article l*"", a les caractères et l'autorité
d'un contrat;
Considérant, sur la seconde question, que lorsque des conventions ont
été librement formées pai' le consentement de parties capables et éclai-
jées, elles doivent être fidèlement exécutées; que celle des parties con-
tractantes qui refuse ou néglige d'accomplir ses engagements est tenue
de réparer le dommage qui résulte de son infraction à la loi qu'elle s'est
volontairement imposée; qu'en général, et sauf k tenir compte des cir-
constances et des motifs de l'infraction, la réparation consiste dans une
indemnité représentant la perte qu'éprouve l'autre partie et le bénéfice
dont elle est privée; que, sans méconnaître la force et la vérité de ces
principes, on a fait remarquer, au nom du gouvernement égyptien, que,
par une réserve expresse insérée à la fin de chacun des firmans de con-
cession, le commencement des travaux, c'est-à-dire l'exécution des con-
ventions, était subordonné à l'autorisation de la Sublime-Porte; qu'en
fait, cette autorisation n'ayant jamais été accordée, l'inexécution des con-
ventions ne peut être légitimement reprochée au vice-roi d'Egypte et ne
saurait justifier une demande en dommages-intérêts dirigée contre lui ;
Qu'il est incontestable que la clause suspensive de la convention aurait
dû pioduire l'eflet qui a été indiqué au nom du vice-roi si les choses
étaient restées entières; mais que les faits accomplis depuis la date des
firmans, et auxquels le vice-roi a concouru, au moins avec autant d'acti-
vité et de détermination que la Compagnie, ont profondément modifié les
situations respectives ;
Que la Compagnie s'est engagée dans l'exécution des travaux, non-seu-
lement avec l'assentiment du vice-roi, mais même obéissant à l'impul-
sion qu'elle a reçue de lui ;
Qu'il serait souverainement injuste que les conséquences fâcheuses
d'une résolution prise et suivie de concert fussent entièrement laissées à la
charge de l'un des intéressés;
APPENDICE 115
Que, d'ailleurs, les stipulations qui ont réglé les rapports (lu gûuvernemenl
égyptien et de la Compagnie, considérées dans leur ensemble, constituent
la concession d'un grand travail d'utilité publique en vue duquel ont été
accordés des avantages formant une subvention sans laquelle l'entreprise
n'aurait pas eu lieu ;
Que lorsque, par suite d'un événement que les deux parties contrac-
tantes ont dii prévoir et dont elles ont d'un commun accord consenti à
courir les chances, le gouvernement se trouve hors d'état de piocurer à
la Compagnie les avantages qu'il lui avait assurés et que celle-ci continue
néanmoins les importants travaux dont le pays tout entier doit profiter, il
est Juste que des indemnités représentatives des avantages inhérens h
la concession soient allouées par le gouvernement égyptien à la Compa-
gnie ;
Que ces bases étant posées, pour parvenir h déterminer le montant de
l'indemnité due en raison de la substitution des machines ou des ouvriers
européens aux ouvriers égyptiens, il faut comparer la somme à laquelle se
seraient élevées les dépenses des travaux s'ils avaient été exécutés par les
ouvriers égyptiens, aux conditions énoncées dans le règlement du 20 juillet
1856, et la somme que coûteront les travaux qui devront être exécutés
par les moyens que la Compagnie est désormais obligée d'employer;
Que le cube des terrains à extraire peut être déterminé très-approxi-
raativement d'après la configuration des lieux, telle qu'elle est établie par
les plans et d'après les dimensions qui ont été assignées au canal;
Que, déduction faite des travaux qui sont déjà exécutés, il reste
23,700,000 mètres cubes à draguer ;
Que, d'un autre côté, le changement des moyens d'exécution aui'a pour
résultat d'augmenter le prix du mètre à sec de 1 Ir. 19 c. , el celui du
mètre cube à draguer de 0 fr. 15 c. ; qu'en multipliant 13,700,000 mè-
tres par 1 fr. 19 c. et 32,000,000 par 0 fr. 15 c, on trouve que l'accrois-
sement de la dépense pour les travaux à sec sera de 28,200,000 fr.
Et pour les terrains à draguer, de Zi, 800, 000
Ensemble, 33,000,000
Que des calculs analogues appliqués aux travaux d'art démontrent que
la Compagnie sera obligée de supporter de ce chef uo surcroît de dépenses
s'élevant à 5,000,000 Ir. ;
Que c'est donc aune somme totale de 38,000,000 fr. que doit s'élever
celte partie de l'indemnité;
Que, dans le cours des débats, on a fait remarquer avec raison que la
Compagnie n'était pas autorisée à prétendre que les salaires et le prix des
denrées n'éprouveraient aucune augmentation pendant la durée des tra-
vaux, ou que, du moins, d'après les termes du règlement, elle n'aurait
pas à supporter les conséquences de la hausse qui pourrait survenir;
116 APPENDICE
Que, pour justifier iino pareille prétention, il n'eût fallu rien moins
qu'une stipulation fornielle et que le règlement ne la contient pas ;
Qu'en tenant compte de l'augmentation qui a déjà eu lieu, et en appré-
ciant les éventualités de l'avenir, le prix de la journée, qui en moyenne
était, aux termes du règlement, de 86 centimes, doit être évaluée à 1 fr.
05 c; mais que cette élévation du prix de la journée a été l'un des élé-
mens des calculs qui ont fait adopter le chiffre de 38,000,000 fr. ; qu'ainsi
cette fixation ne doit pas être modifiée;
Qu'en second lieu, au nom du gouvernement égyptien, il a été allégué
que, depuis le cûramenceraent des travaux, les salaires qui ont été payés
aux ouvriers et les rations qui leur ont été fournies ne l'ont pas toujours
été au taux déterminé par le règlement, et l'on a soutenu que la Compa-
gnie doit imputer sur l'indemnité les sommes dont elle a pu profiter par
l'effet de cette inexécution partielle de sa convention, alors même qu'elle
aurait été, comme tout porte à le penser, le résultat d'une erreur ;
Que cette réclamation est bien fondée, que la Compagnie ne peut de-
mander à litre d'indemnité que ce qui sera effectivement déboursé par
elle en excédant des prévisions qu'autorisait le règlement du 20 juil-
let 1856, qu'en exigeant la réparation des pertes que peut lui causer
l'inexécution du contrat de la part du vice-roi, elle doit tenir compte des
avantages qui ont pu résulter pour elle des infi actions qui lui sont per-
sonnelles ;
Qu'une somme de /i, 500, 000 francs a été réellement payée en moins sur
les salaires ou sur la fourniture des rations; qu'elle doit être défalquée du
montant de l'indemnité, qui se trouverait ainsi réduiLe à 33,500,000 fr. ;
Mais qu'une réclamation a été formée par la Compagnie ; qu'elle a
demandé qu'une somme de 9,000,000 de francs lui fût allouée pour les
intérêts d'une année des capitaux engagés dans l'opération, temps du-
rant lequel ces travaux seront prolongés;
Que cette demande devrait être accueillie en entier, si la prolongation
de la durée des travaux pouvait être imputée au gouvernement égyptien ;
mais, qu'en réalité les conditions imposées par la Sublime-Porte sont
un fait indépendant de la volonté du vice-roi; que c'est par un événe-
ment de force majeure que les travaux auront une durée plus longue que
celle qui leur avait été assignée ; que dès lors, soii en raison même de
la nature de l'événement, soit en raison des rapports qui continuent à
subsister entre le vice-roi et la Compagnie, il est équitable qu'ils supportent
par moitié la somme de 9 millions, c'est-à-dire 6,500,000 fr. chacun; que
cette somme de 6,500,000 fr. ajoutée à celle de 33,500,000 fr. , portent
l'indemnité, pour l'objet spécial qui vient d'être examiné, à 38,000,000
de francs;
Considérant, sur la troisième question, que les firmaas des 30 uovem-
APPENDICE 117
bre 185/i et 5 janvier 1856, en faisant à la Compagnie la concession du
canal d'eau douce, lui assuraient des avantages et lui donnaient des ga-
ranties qui ont dû être considérées par elle comme essentielles pour le
succès de son entreprise ;
Que. dans l'origine et aux termes des firmans, le canal d'eau douce
devait prendre naissance à proximité de la ville du Caire, joindre le Nil
au canal maritime et s'étendriî par des brandies d'alimentation, d'irriga-
tion et même de navigation, dans les deux directions de i*eluze et de
Suez ; mais que, par une convention en date du 18 mars 1863, les con-
ditions de la concession ont été gravement modifiées ; que notamment la
Compagnie a renoncé au droit qui lui avait été conféré d'exécuter par
elle-même la portion du canal entre le Caire et le canal du Ouady, déjà
ouvert cl la navigation ;
Que, d'ailleurs, la Sublime-Porte a prétendu que la rétrocession du
canal d'eau douce était la conséquence nécessaire de la rétrocession des
terrains;
Que, dans cette situation, il convient, tout en reconnaissant les droits
des parties, de rechercher à concilier leurs intérêts ;
Que la concession du canal d'eau douce, au moment oii elle a été faite,
oITrait à la Compagnie un triple avantage ; elle lui assurait la libre dispo-
sition de l'eau nécessaire à la mise en mouvement des machines employées
aucreusement du canal maritime et à l'alimentation des ouvriers; elledevait
lui fournir le moyen d'arroser les terres qui lui étaient concédées; et,
enfin, elledevait lui procurer les bénéfices résultant des droits à établir
sur la navigation et d'autres taxes de même nature :
Que le maintien de la concession dans toute son étendue et avec toutes
ses conséquences ne pourrait êtie utilement accordé à la Compagnie,
qu'autant que la Sublime-Porte consentirait à donner son appprobation;
Que ce qui, dans la situation où est placée aujourd'hui la Compagnie, a
pour elle un intérêt capital, c'est que le canal soit terminé promptement,
et dans des conditions telles qu'il fournisse toujours toute l'eau néces-
saire à l'exécution des travaux et à l'alimentation des ouvriers ;
Que, pour atteindre ce but, il n'est pas absolument indispensable que la
concession soit maintenue dans les termes et pour la durée qui avaient
été fixés par les firmans; qu'il suffit de confier à la Compagnie l'achève-
nieni du canal et de lui en laisser la jouissance et l'entretien ;
Que, dans ce nouvel état de choses, les travaux que la Compagnie a
déjà faits et ceux qu'elle aura encore à exécuter pour l'achèvement du
canal seront à la charge du gouvernement égyptien ;
Que, par conséquent, celui-ci devra rembourser le prix des uns et des
autres, en outre de payer les frais d'entretien ;
Que, satisfaction étant ainsi donnée à ce premier intérêt, il ne restera
118 APPENDICE
plus qu'h régler les indemnités qui peuvent être dues en raison de la pri-
vation des autres avantages que la concession devait produire pour la
Compagnie;
Qu'avant de s'occuper de cette fixation, il convient de déterminer les
sOQMues dont la Compagnie est dès aujourd'hui créancière pour les travaux
faits, et celles qu'elle aura à réclamer ultérieurement pour les travaux qui
restent b. l'aire ;
Qu'il résulte des documents produits par les parties et des explications
qu'elles ont données conlradictoirement, que la dépense des ouvrages déjà
exécutés s'élève k 7,500,000 fr. ;
Que, dans cette somme est comprise celle de 3,750,000 fr. représen-
tant : {' la portion des frais généraux de l'entreprise qui doit êti-e suppor-
tée par les travaux du canal d'eau douce, et 2» l'intérêt des capitaux en-
gagés dans l'opération pendant le temps durant lequel les travaux seront
prolongés;
Que ces deux causes réunies justifient la demande formée par la Com-
pagnie de la somme sus-énoncée de 3,750,000 fr. ;
Que, pour les travaux qui ne sont point terminés, la dépense s'élèvera
à la somme de 2,500,000 francs, qui réunie à celle de 7,500,000 f., don-
nera un total de 10 raillions;
Que les droits de navigation et les péages de différente nature, dont la
jouissance était assurée à la Compagnie par les firmans de concession et
dont elle se trouvera dépouillée, doivent être évalués, afin que l'iademnilé
due de ce chef soit également allouée ;
Que, déduction faite des frais d'entretien, charge naturelle de la jouis-
sance du canal, la valeur de cette jouissance doit être fixée ti 6 millions
de francs.
Considérant, sur la quatrième question, que la compagnie en cessant
d'être concessionnaire du canal d'eau douce, doit, ainsi qu'il vient d'être
dit, rester chargée de son achèvement et de son entretien ; qu'en consé-
quence il est nécessaire de déterminer pour le canal d'eau douce, comme
pour le canal maritime, l'étendue du terrain qu'exigent l'établissement et
l'exploitation ; que les termes même du compromis indiquent clairement
dans quel esprit doit être examinée cette question ;
Qu'il y est dit, en effet, que l'étendue des terrains deviaêtre fixée dans
des conditions proj,res à assurer (a prospérité de ^entreprise;
Qu'elle ne doit donc pas être restreinte k l'espace qui sera matérielle-
ment occupé par les canaux mêmes, par leurs francs-bords et par les
chemins de halage ;
Que, pour donner aux besoins de l'exploitation une entière et complète
satisfaction, il faut que la Compagnie puisse établir k proximité des ca-
naux, des dépôts, des magasins, des ateliers, des ports, dans les lieux où
APPEINDICE 119
leur utililé sera reconnue, et, enfin, des hnbitanls convenables pour les
gardiens, les surveillants, les ouvriers chargés des travaux d'entretien et
pour tous les préposés à l'administration;
Qu'il est, en outre, convenable d'accorder, comme accessoires des lia-
bitaiions, des terrains qui puissent être cultivés en jardins et fournir
quelques approvisionnements dans des lieux privés de tontes ressources
de ce genre ;
Qu'enfin il est indispensable que la Compagnie puisse disposer de ter-
rains suffisants pour y faire les plantations et les travaux destinés h pro-
léger les canaux contre l'invasion des sables et k assurer leur conservation;
Mais qu'il ne doit rien être alloué au-delà de ce qui est nécessaire pour
pourvoir amplement aux divers services qui viennent d'être, indiqués;
que la Compagnie ne peut avoir la prétention d'obtenir, dans des vues de
spéculation, une étendue quelconque de terrains, soit pour livrer à la
culture, soit pour y élever des constructions, soit pour les céder, lorsque
la population aura augmenté;
Que c'est en se renfermant dans ces limites qu'a dii être déterminé sur
tout le parcours des canaux le périmètre des terrains dont la jouissance,
pendant la durée de la concession, est nécessaire à leur établissement, à
leur exploitation et à leur conservation ;
Considérant, sur la cinquième question, que la rétrocession des terrains
concédés à la Compagnie n'a pu être consentie qu'avec l'intention réci-
proque d'obtenir et d'accorder une indemnité;
Que la Compagnie n'a dîi renoncer aux avantages de la concession
qu'en comptant sur la compensation de ces avantages, et que le gouver-
nement égyptien n'a pu avoir la pensée de profiter de la valeur qu'auront
les terrains lorsqu'ils seront fécondés par l'irrigation sans en donner l'é-
quivalent ;
Qu'il ne faut pas perdre de vue que 'a concession des terrains était
une des conditions essentielles de l'entreprise, une partie importante de
la rénuméralion des travaux ;
Que, par conséquent, la Compagnie, en y renonçant, a droit d'en
exiger la représentation ;
Que, soit que l'on ( onsulle les termes des firmans, soit que l'on s'atta-
che aux diverses publications qui ont été faites pendant le cours des tra-
vaux, on est conduit à reconnaître que le gouvernement égyptien n'a
point entendu concéder et que la Compagnie n'a pas eu la pensée d'ac-
quérir une étendue illimitée de terrains;
Que la commune intention clairement manifestée a été de borner l'éten-
due de la concession aux terrains à l'irrigation desquels pourrait pourvoir
l'eau prise dans le canal d'eau douce ;
Qu'il est dès lors facile d'eu fixer avec certitude le périmètre;
l':0 APPENDICE
Qu'en t'iïct, d'une jiart, on connaît le volume d'eau que le canal jioui,
en raison do ses dimensions et les besoins de la navigation satisfaits, four-
nir pour l'irrigation des terres;
Que. d'autre part, on sait la quantité d'eau qui est nécessaire pour
l'irrigation de ciiaque hectare ;
Que d'après ces données, la concession doit comprendre 63,000 hecta-
res, sur lesquels doivent être déduits 3,000 hectares qui font partie des
emplacements affectés aux besoins de l'exploitation du canal maritime ;
Que cette fixation est en harmonie avec celle qui avait été arrêtée entre
les représentants de la Compagnie et ceux du vice-roi dans les cartes
cadastrales diessées en exécution de l'article 8 du firman du 30 novem-
bre 185/i et de l'article 11 du firman du 5 janvier 1856; que si ces cartes
ont plus tard, en 1858, été anéanties d'un commun accord, la difficulté
qui a déterminé à les annuler ne portail point sur l'étendue des terrains
qui devaient être compris dans la concession comme susceptibles d'être
arrosés ;
Que l'estimation des 60,000 hectares qui sont, en définitive, rétrocédés
au gouvernement égyptien, présente sans doute de sérieuses difficultés,
puisque ce n'est point d'après leur état actuel que des terrains doivent
être appréciés ; et qu'en recherchant quelle sera leur valeur dans l'avenir,
on se trouve en présence de chances fort diverses et de nombreuses
éventualités ; que, cependant, il y existe certains éléments de calcul
auxquels on peut accorder une grande confiance; que, notamment, la
quoii'é de l'impôt des terres cultivées peut servir à déterminer le revenu,
lequel capitalisé comme il doit l'être, eu égard à la situation économique
et financière de l'Egypte, indique la valeur vénale de la terre;
Qu'en calculant d'après ces données, le prix de l'hectare doit être tixé
à 5U0 Ir.;
Que si cette évaluation a été contestée, elle n'a point cependant paru,
aux parties intéressées elles-mêmes, s'éloigner beaucoup de la vérité;
Qu'elle n'a d'ailleurs été adoptée qu'après avoir pris en sérieuse con-
sidération, d'une part, les sommes qui devront être dépensées pour la
mise en vigueur des terres et, de l'autre, l'augmentation de prix que doit
produire l'exploitation du canal maridme, et, en outre, celle qui peut
résulter de l'introduction de nouvelles cultures ;
Qu'en résumé l'indemnité due par le gouvernement égyptien, par
suite de la rétrocession des terrains, s'élève à la somme de 30 millions.
Considérant, qu'après avoir apprécié les divers éléments dont doit se
composer l'indemnité, il n'est pas possible de les assimiler en ce qui tou-
che les époques d'exigibilité;
Que les uns représentent des sommes déjà dépensées, les autres des
avances qui doivent être faites h des époques assez rapprochées, et que
APPENDICE 121
certaines ;illocatioii.s qu'il a été juste d'accorder à la Compagnie sont pour
elle la compensation d'avantages ou de bénéfices qui n(! devaient se réa-
liser que dans un avenir éloigné et qui étaient subordonnés à l'exécution
des travaux dispendieux ;
Oue, par exemple, dans la première catégorie est comprise la somme
de 7,500,000 francs qui a été dépensée pour la partie du canal d'eau
douce qui est déjà exécutée ;
Que, dans la dernière, au contraire, doivent évidemment figurer les
30 millons repiéseiilaiit la vah.ur d'avinir des terrains rétrocédés;
Que c'est en tenant compte de ces niderences qu'ont été fixées la
quotité et l'échéance des annuités qui, réunies, composent l'iiidemnilé
totale de Sh millions de francs mise à la charge du gouvernement égyptien;
Par ces motifs, nous avons décidé cl décidons ce qui suit :
Sur la prcmih'e (jiœstion.
Le règlement du 20 juillet !856 a les caractères d'un contrat; il contient
des engagements réciproques qui devaient être exécutés par le vice-roi et
pur la Comi)agnie.
Sur la seconde question.
L'indemnité à laquelle donne lieu l'annulation du règlement du 20 juil-
let 1856 est fixée à trente-huit millions de francs (38,000,000 fr.).
Sur la troii^ième queslion.
La rétrocession du canal d'eau douce est faite dans les termes et avec
les garanties ci-après :
1° La partie du canal comprise entre le Ouady, Timsah et Suez est
rétrocédée, comme la première partie, au gouvernement égyptien ; mais
la jouissance exclusive en sera laissé à la Compagnie jusqu'à l'entier
achèvement du canal maritime, sans qu'il puisse être pratiqué aucune
prise d'eau sans le consentement de la Compagnie ;
2° Le gouvernemenl égyptien maintiendra l'alimentation de ce canal
par celui de Zagasig ; il exécutera, en outre, les travaux de la partie qui
lui a déjàélé rétrocédée, conformément à la convention du 18 mars 1863,
et mettra cette première section en communication avec la seconde au
point de jonction du Ouady, pour assurer en tout temps son alimentation;
3° La Compagnie sera tenue de terminer les travaux restant ii faire
pour mettre le canal du Ouady h Suez dans toutes les dimensions conve-
nues en état de réception ;
W Pendant toute la durée de la concession du canal maritime, la Com-
pagnie sera cliargée d'onlretenir le canal d'eau douce en parfait état,
depuis le Ouady jusqu'à Suez ; mais l'entretien sera aux frais du gouver-
nement égyptien, qui devra indemniser la Compagnie, au moyen d'un
abonnement annuel de 300,000 francs, si mieux il n'aime payer les frais
d'entretien sur mémoire; il sera tenu de faire connaître son option à la
122 APPENDICE
Compagnie dans l'année qui commencera à courir du jour de la livraison
du canal. La Compagnie devra gai'nir les digues de plantations pour pré-
venir les éboulemenls et l'eflet de la mobilité des sables.
L'abonnement de 300,000 fr. recevra son application au fur et à me-
sure de l'avancement des travaux et au prorata de la longueur de cha-
cune des parties achevées ; il sera révisé tous les six ans ;
5° La hauteur des eaux sera maintenue dans le canal :
Dans les hautes eaux du Nii, k 2 m. 50
A l'étiage moyen, à 2 m.
Au i)lus bas éliage, au minimum de 1 m.
6° La Compagnie prélèvera sur. le débit du canal soixante-dix mille
mètres cubes d'eau par jour, pour l'alimentation des populations établies
sur le parcours des canaux, l'arrosage des jardins, le fonctionnement des
machines destinées à l'entretien des canaux et de celles des établissements
industriels se rattachante leur exploitation, l'irrigation des semis et plan-
tations pratiqués sur le» dunes et autres terrains non naturellement irri-
gables compris dans les zones réservées le long des canaux; enfin l'ap-
privisionnemeiit des navires traversant le canal maritime.
La Compagnie aura la servitude de passage sur les terrains que devront
traverser les rigoles et conduites d'eau nécessaires au prélèvement des
70,000 mètres;
1° A partir de l'entier achèvement du canal maritime, la Compagnie
n'aura plus sur le canal d'eau douce que la jouissance appartenant aux
sujets égyptiens, sans toutefois que jamais ses barques et bâtiments puis-
sent être soumis à aucun droit de navigation; l'alimentation d'eau douce
en ligne directe à Port-Saïd sera toujours amenée par les moyens que la
Compagnie jugera convenable d'employer à ses frais;
8° La Compagnie cesse d'avoir les droits de cession de prise d'eau, de
navigation, de pilotage, remorquage, halage ou stationnement k elle accor-
dés sur le canal d'eau douce par les articles 8 et 17 de l'acte de conces-
sion du 5 janvier 1856 ;
9° En dehors des écluses en construction à Ismailia et k Suez et des
trois autres écluses sur la dérivation de Suez, il ne pourra être établi au-
cun ouvrage fixe ou mobile sur le canal d'eau douce et ses dépendances
que d'un commun accord entre le gouvernement égyptien et la Com-
pagnie.
10° Le gouvernement égyptien payera à la Compagnie une somme de
dix millions de francs (10,000,000 fr.), savoir : sept millions cinq cent
mille francs (7,500,000 francs) pour les travaux exécutés, la portion des
frais généraux et les intérêts des avances, et deux millions cinq cent
mille francs (2,500,000 fr.) pour les travaux qui restent à exécuter.
11° Le gouvernement égyptien paiera à la Compagnie une somme de
APPENDICE d23
six millions de francs (6,000,000 de IV.) en compensation des droits de na-
vigation et autres redevances dont la Compagnie est privée.
Sur la quatrième question.
Le périmètre des terrains nécessaires ci l'établissement, rcxploilalion
et la conservation du canal d'eau douce et du canal maritime est lixé à
dix mille deux cent soixante-quatre hectares (10,264 hectares) pour le
canal maritime et à neuf mille six cents hectares (9,600 hectares), pour
le canal d'eau douce, lesquels sont répartis ainsi qu'il suit.
CANAL MARITIME
AFRIQUE ASIE
N» hect. hect.
1 Port Saïd 600 »
2, Du port Saïd à El ï'erdane 1,152 1,152
3. Rosel Ech 30 oO
U. Kantara 100 100
5. D'El l'ardane à Tirasah 1,350 270
6. Canal de jonction avec le canal d'eau douce 200 »
7. Ville d'Ismaïlia Zi50 »
8. Port d'Ismaïlia, dans le lac Timsah (canal «n Asie). . . ûôO 120
9. Du lac Timsah aux Lacs-Amers, 850 3/i0
10. Traversée des Lacs-Amers 700 700
11. Des Lacs- A mers aux lagunes de Suez î,000 /jOO
12. Traversée des lagunes de Suez. . 60 60
13. Chenal du port 'de Suez 150 200
Totaux 0,892 3,372
CANAL d'eau douce
KOKD SUD
N" hect. hect.
1. De l'extrémité du canal ù construire par le gouverne-
ment égyptien jusqu'au Ras El Ouady 500 »
2. Du Ras El Ouady à l'extrémité du lac Maxama 200 3,000
3. Du lac Maxama à Kéfiche /|20 2,1 00
li. De Kéfiche à Ismaïlia , 300
Totaux 1,/|20 5,100
EST OUEST
N» hect. hect.
5. De Néfiche aux Lacs-Amers >, 2,500
6 et 7. Contours des Lacs-Amers 300 200
8. Gare de Suez 30 50
Totaux 3J0 2,750
m APPENDICE
Su?' la cinquième question.
L'indemnité due à la Compagnie, à raison de la rétrocession des ter-
rains,^esl lixée à trente raillions de francs (30,000 OÔO fr.).
RÉSUMÉ.
L'indemnité totale due à la Compagnie, et s'élevant à la somme de
quatre-vingt-quatre raillions de francs (8/j,000,000 fr.), lui sera payée
par le gouvernement égyptien par annuités, ainsi^qu'il suit :
La première somrae allouée de 38 raillions sera payéeeo six annuités di-
visible pur semestres. Les huit premiers semestres seront de 3,250,600 fr.
chacun, et les quatre derniers de 3 millions chacun. Le premier sera
exigible le 1" novembre 186/j, et les paiements continueront, de semestre
en seraeslre, jusqu'à l'entière libération de la somme de 30 millions.
La somme de 30 millions allouée pour l'indemnité des terrains rétro-
cédés sera divisée en dix annuités de 3 millions chacune. La première
iinnuité sera exigible seulement après l'entière libération de la somrae
de 38 millions ci-dessus, c'est-à-dire le 1" novembre 1870, et les paie-
ments continueront, d'année en année, jusqu'à l'entière libération de la
somrae de 30 millions.
Lasorame de 6 raillions, allouée pour l'indemnité des droits sur le ca-
nal d'eau douce, sera divisée en dix annuités de 600,000 francs chacune,
payable aux mêmes échéances que les annuités ci-dessus fixées pour l'in-
demnité de 30 millions. ^^
Enfin, la somme de 10 millions, allouée pour les travaux exécutés et à
exécuter au canal d'eau douce, sera payée dans l'année de la livraison du-
dit canal.
Fait à Fontainebleau, etc.
TRAITÉ DE PAIX
du 27 mars 1802 (-22 zilcadé 1216).
APPENDrCE
W 1. Note relative à la négociation et à la date <hi. traité.
I. Articles préliminaires de paix entre la répahlique française et la
Grande-Bretagne, en date de Londres le i" octobre 1801 ('22
djémaziul-éwel 1216).
II. Protocole d'une conférence entre les plénipoteiii.idires français et
britannique, en date d'Amie^is le 18 février 1802 (15 chéival
1216).
III. Protocole d'une conférence entre les mêmes, en date da 21 février
1802 (18 chéwal 1216).
IV. Protocole d'une conférence entre les mêmes, en date du 9 murs
1802 (5 zilcadé 121G).
V. Lettre du premier consul Bonaparte à Joseph Bonaparte, en date
du 9 mars 1802 (5 zilcadé 1216).
VF. Lettre du même au même, en date du 22 mars 1802 (18 zilcadé
1216).
VII. Lettre du premier consul Boimparte au ministre des relations exté-
rieures, en date du 2/i mars 1802 (20 zilcadé 121C).
TRAITE DE PAIX
entre la république française, le roi d'Espagne et la république batavc, d'une part,
et la Grande-Bretague, de l'autre, eu date d'Amiens le 27 mars 1802
(22 zilcadé 1216).
Le premier consul de la république française, au nom du peuple
français, et S. M. le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et
d'Irlande, également animés du désir de faire cesser les calamités
de la guerre, ont posé les fondements de la paix par les articles
préliminaires signés, à Londres, le 1"=' octobre 1801. (9 vendémiaire
an IX.)
Et comme, par l'article XV desdits préliminaires, il a été convenu
126 TRAITÉ DE PAIX
qu'il serait nommé, de part et d'autre, des plénipotentiaires, qui
se rendraient à Amiens pour y procéder à la j-édaction du traité
définitif, de concert avec les alliés des puissances contractantes,
Le premier consul de la république française, au nom du peuple
français, a nommé le citoyen Joseph Bonaparte, conseiller d'Etat;
et Sa Majesté le roi du royaume-uni delà Grande-Bretagne etd'ir-
lande, le marquis de Cornvvallis, chevalier de l'ordre très-illustre
de la Jarretière, conseiller privé de Sa Majesté, général de ses ar-
mées, etc. ;
Sa Majesté le roi d'Espagne et des Indes et le gouvernement
d'État de la république batave ont nommé pour leurs plénipoten-
tiaires, savoir: Sa iVlajestécatholique, Don Joseph Nicolas de Azara,
son conseiller d'État, chevalier Grand-Croix de Charles III, ambassa-
deur extraordinaire de SaMajesté près la république française, etc. ,
et le gouvernement d'État de la république batave, Roger Jean
Schimmelpenninck, son ambassadeur extraordinaire près de la ré-
publique française.
Lesquels, après s'être dûment communiqué leurs pleins pou-
voirs, qui sont transcrits à la suite du présent traité, sont convenus
des articles suivants :
Article 1. Il y aura paix, amitié et bonne intelligence, entre Sa
Majesté le roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande,
ses héritiers et successeurs, d'une part; et la république française,
Sa Majesté le roi d'Espagne, ses héritiers et successeurs, et la répu-
blique batave, d'autre part. Les parties contractantes apporteront la
plus grande attention à maintenir une parfaite harmonie entre elles
et leurs États, sans permettre que, de part ni d'autre, on commette
aucune sorte d'hostilité par terre ou par mer, pour quelque cause
et sous quelque prétexte que ce puisse être. Elles éviteront soigneu-
sement tout ce qui pourrait altérer à l'avenir l'union heureusement
rétablie, et ne donnei ont aucun secours ni protection, soit directe-
ment soit indirectement, à ceux qui voudraient porter préjudice à
aucune d'elles.
Art. 2. Tous les prisonniers, faits de part et d'autre, tant par
terre que par mer, et les otages, enlevés ou donnés pendant la guerre
et jusqu'à ce jour, seront restitués sans rançon, dans six semaines au
plus tard, à compter du jour de l'éichangedes ratifications du présent
traité, et en payant les dettes qu'ils auraient contractées pendant
leur captivité. Chaque partie contractante soldera respectivement
D'A!\1TENS DE 1802 127
les avances qui auraient été faites par aucunes des parties contrac-
tantes, pour la subsistance etl'entretien des prisonniers dans le pays
où ils ont été détenus. H sera nommé de concert, pour cet eflet, une
commission spécialement chargée de constater et dérégler la com-
pensation qui pourra être due à l'une ou à l'autre des puissances
contractantes. On fixera également, de concert, l'époque et le lieu où
se rassembleront les commissaires qui seront chargés de l'exécution
de cet article, et qui porteront en compte, non-seulement les dé-
penses faites pour les prisonniers des nations respectives, mais
aussi pour les troupes étrangères qui, avant d'être prises, étaient
à la solde et à la disposition de l'une des parties contractantes.
Art. 3. Sa Majesté britannique restitue à la république française
et à ses alliés, savoir : Sa Majesté catholique et la république batave,
toutes les possessions et colonies qui leur appartenaient respectivs-
ment, et qui ont été occupées ou conquises par les forces britanni-
que dans le cours de la guerre, à l'exception de l'île delà Trinité et
des possessions hollandaises dans l'île de Ceylan.
Art. [\. Sa Majesté catholique cède et garantit en toute propriété
et souverainement à Sa Majesté britannique l'île de la Trinité.
Art. 3. La république batave cède et garantit en toute propriété
et souveraineté, à Sa Majesté britannique toutes les possessions et
établissements dans l'île de Ceylan, qui appartenaient avant la
guerre à la république des Provinces-Unies ou à la compagnie des
Indes-Orientales.
Art. 6. Le cap de Bonne-Espérance reste à la république batave
en toute souveraineté, comme cela avait lieu avant la guerre. Les
bâtiments de toute espèce, appartenant aux autres parties contrac-
tantes, auront la faculté d'y relâcher et d'y acheter les approvision-
nements nécessaires comme auparavant, sans payer d'autres droits
que ceux auxquels la république batave assujélit les bâtiments de
sa nation.
Art. 7. Les territoires et possessions de Sa Majesté très-fidèle
sont maintenus dans leur intégrité, tels qu'ils étaientavantla guerre.
Cependantles limites des Guyanes française et portugaise sont fixées
à la rivière d'Arawari, qui se jette dans l'Océan au-dessus du Cap
Nord, près de l'île Neuve et de l'île de la Pénitence, environ à un
degré un tiers de latitude septentrionale. Ces limites suivront la ri-
vière d'Arawari, depuis son embouchure la plus éloignée du Cap
Nord jusqu'à sa source, et ensuite une ligne droite tirée de cette
128 TRAITÉ DE PAIX
source jusqu'au Rio-Bianco, vers l'Ouest. En conséquence, la rive
septentrionale de la rivière d'Arawari depuis sa dernière embou-
chure jusqu'à sa source, et les terres qui se trouvent au Nord de la
ligne délimites fixées ci-dessus, appartiendront en toute souverai-
neté à la république française. La rive méridionale de la dite rivière,
à partir de la même embouchure, et toutes les terres au Sud de la
dite ligne des limites appartiendront à Sa Majesté très-fidèle. La
navigation delà rivière d'Arawari, dans tout son cours, sera com-
mune aux deux nations. Les arrangements, qui ont lieu entre les
cours de Madrid et de Lisbonne, pour la rectification de leurs fron-
tières en Europe, seront toutefois exécutés suivant les stipulations
du traité de Badajoz.
Art. 8. Les territoires, possessions et droits de la Sublime-Porte
sont maintenus dans leur intégrité, tels qu'ils étaient avant la
guerre.
Art. 9. La république des Sept-lles est reconnue.
Art. 10. Les îles de Malte, de Gozo et de Comino, seront rendues
à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, pour être par lui tenues aux
mêmes conditions, auxquelles il les possédaient avant la guerre, et
sous les stipulations suivantes :
1. Leschevaliersdel'Ordre, dontles langues continueront de sub-
sister après l'échange des ratifications du présent traité, sont invités
à retournera Malte aussitôt que l'échange aura eu lieu, ils y for-
meront un chapitre général et procéderont à l'élection d'un Grand-
Maître, choisi parmi les natifs des nations qui conservent des lan-
gues; à moins qu'elle n'ait été déjà faite depuis l'échange des ratifi-
cations des préliminaires. Il est entendu qu'une élection, faite depuis
cette époque, sera seule considérée comme valable, à l'exclusion de
toute autre, qui aurait eu heu dans un temps antérieur à la dite
époque.
2. Les gouvernements de la l'épubUque française et de la Grande-
Bretagne, désirant mettre l'Ordre et l'île de Malte dans un état
d'indépendance entière à leur égard, conviennent qu'il n'y aura
désormais ni langue française, ni anglaise, et que nul individu
appartenant à l'une ou à l'autre de ces puissances ne pourra être
admis dans l'Ordre.
3. Il sera établi une langue maltaise, qui sera entretenue par les
revenus territoriaux et les droits commerciaux de l'île : cette langue
aura des dignités qui lui seront propres, des traitements et une au-
D'AMIENS DE 1802 129
berge : les preuves de noblesse ne seront pas nécessaires pour l'ad-
mission des chevaliers de la dite langue; ils seront d'ailleurs ad-
missibles à toutes les charges, et jouiront de tous les privilèges,
comme les chevaliers des autres langues. Les emplois municipaux,
administratifs, civils, judiciaires et autres, dépendants du gouver-
nements de l'île, seront occupés, au moins par moitié, par des
habitants des îles de Malte, Gozo et Comino.
h. Les forces de Sa Majesté britannique évacueront l'île et ses
dépendances, dans les trois mois qui suivront l'échange des ratifi-
cations, ou plutôt si faire se peut. A cette époque, elle sera remise
à l'Ordre dans l'état où elle se trouve, pourvu que le Grand-Maître,
ou des commissaires pleinement autorisés, suivant les statuts de
l'Ordre, soient dans la dite île pour en prendre possession, et que
la force, qui doit ôtre fournie par Sa Majesté sicilienne, comme il
est ci-après stipulé, y soit arrivée.
5. La moitié de la garnison, pour le moins, sera toujours compo-
sée de Maltais natifs: pour le restant l'Ordre aura la faculté de re-
cruter parmi les natifs des pays seuls, qui continuent de posséder
des langues. Les troupes maltaises auront des officiers maltais. Le
commandement en chef de lagariùson, ainsi que la nomination des
officiers appartiendront au Grand-Maître, et il ne pourra s'en dé-
mettre, même temporairement, qu'en faveur d'un chevalier, d'après
l'avis du Conseil de l'Ordre.
6. L'indépendance des îles de Malte, de Gozo et de Comino, ainsi
que le présent arrangement, sont mis sous la protection et garantie
de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Autriche, de l'Espagne,
de la Russie et de la Prusse.
7. La Neutralité permanente de l'Ordre et de l'île de Malte, avec
ses dépendances, est proclamée.
8. Les ports de Malte seront ouverts au commerce et à la naviga-
tion de toutes les nations, qui y payeront des droits égaux et modé-
rés; ces droits seront appliqués à l'entretien de la langue maltaise,
comme il est spécifié dans le paragraphe 3, à celui des établisse-
ments civils et militaires de l'île, ainsi qu'à celui d'un lazaret gé-
néral, ouvert à tous les pavillons.
9. Les Etats barbaresque sont exceptés des dispositions des deux
paragraphes précédents jusqu'à ce que, par le moyen d'un arrange-
ment que procureront les parties contractantes, le système d'hosti-
lités, qui subsiste entre les dits États barbaresques, l'Ordre de saint
r. IL 9
130 TRAITÉ DE PAIX
Jean, elles puissances possédant des langues, ou concourant à leur
composition, ait cessé.
10. L'Ordre sera régi quant au spirituel et au temporel, par les
mêmes statuts, qui étaient en vigueur lorsque les chevaliers sont
sortis de l'île, autant qu'il n'y est pas dérogé par le présent
traité.
H. Les dispositions, contenues dans les paragraphes 3, 5, 7, 8,
et 10, seront converties en lois et statuts perpétuels de l'Ordre,
dans la forme usitée; et le Grand-Maître, ou, s'il n'était pas dans
l'île au moment où elle sera remise à l'Ordre, son représentant, ainsi
que ses successeurs, seront tenus de faire serment de les observer
ponctuellement.
12. Sa Majesté sicilienne sera invitée à fournir deux mille
hommes natifs de ses Etats, pour servir de garnison dans les diffé-
rentes forteresses des dites îles. Cette force y restera un an, à dater
de leur restitution aux Chevaliers ; et, si, à l'expiration de ce terme,
l'Ordre n'avait pas encore levé la force suffisante, au jugement des
puissances garantes, pour servir de garnison dans ll'île et ses dé-
pendances, telle qu'elle est spécifiée dans le paragraphe 5, les
troupes napolitaines y resteront jusqu'à ce qu'elles soient rempla-
cées par une autre force, jugée suffisante par lesdites puissances.
13. Les différentes puissances désignées dans le paragraphe 6,
savoir, la France, la Grande-Bretagne, l'Autriche, l'Espagne, la
Russie et la Prusse, seront invitées à accéder aux présentes stipu-
lations.
Art. 11. Les troupes françaises évacueront le royaume de Naples
et l'Etat romain ; les forces anglaises évacueront pareillement Porto-
Ferrajo, et généralement tous les ports et îles, qu'elles occuperaient
dans la Méditerranée ou dans l'Adriatique.
4rt. 12. Les évacuations, cessions et restitutions, stipulées par
le présent traité^ seront exécutées pour l'Europe, dans le mois ;
pour le continent et les mers d'Amérique et d'Afrique, dans les trois
mois; pour le continent et les mers d'Asie, dans les six mois, qui
suivront la ratification du présent traité définitif, excepté dans le
cas où il y est spécialement dérogé.
Art 13, Dans tous les cas de restitution, convenus par le présent
traité, les fortifications seront rendues dans l'état où elles se trou-
vaient au moment de la signature des préliminaires, et tous les ou-
vrages, qui auront été construits depuis l'occupation, resteront in-
D'AMIENS DE 1802 13i
tacts. Il est convenu, en outre, que, dans tous les cas de cession sti-
pulés, il sera alloué aux habitants, de quelque condition ou nation
qu'ils soient, un terme de trois ans, à compter de la notification du
présent traité, pour disposer de leurs propriétés acquises et possé-
dées, soit avant soit pendant la guerre actuelle, dans lequel terme
de trois ans, ils pourront exercer librement leur religion et jouir de
leurs propriétés. La même faculté est accordée, dans les pays res-
titués, à tous ceux, soit habitants ou autres, qui y auront fait des
établissements quelconques, pendant le temps où ces pays étaient
possédés par la Grande-Bretagne. Quant aux habitants des pays
restitués ou cédés, il est convenu, qu'aucun d'eux ne pourra être
poursuivi, inquiété ou troublé dans sa personne, ou dans sa pro-
priété, sous aucun prétexte, à cause de sa conduite ou opinion poli-
tique, ou de son attachement à aucune des parties contractantes,
ou pour toute autre raison, si ce n'est pour des dettes contractées
envers des individus, ou pour des actes postérieurs au présent
traité.
Art. là. Tous les séquestres, mis de part et d'autre sur les fonds,
revenus et créances, de quelqu' espèce qu'ils soient, appartenant à
une des puissances contractantes, ou à ses citoyens ou sujets, seront
levés immédiatement après la signature de ce traité définitif. La
décision de toutes réclamations entre les individus des nations res-
pectives, pour dettes, propriétés, effets ou droits quelconques, qui,
conformément aux usages reçus et au droit des gens, doivent être
reproduites à l'époque de la paix, sera renvoyée devant les tribu-
naux compétents, et dans ce cas il sera rendu une prompte et
entière justice dans les pays, où les réclamations seront faites res-
pectivement.
Art. 15. Les pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve et des îles
adjacentes et dans le golfe de Saint-Laurent, sont remises sur le
même pied où elles étaient avant la guerre. Les pêcheurs français
de Terre-Neuve, et les habitants des îles Saint-Pierre et Miquelon,
pourront couper les bois, qui leur seront nécessaires, dans les baies
de Fortune et du Désespoir, pendant la pi'emière année, à compter
de la notification du présent traité.
Art. 1(5. Pour prévenir tous les sujets de plaintes et de contesta-
tions, qui pourraient naître à l'occasion des prises, qui auraient été
faites en mer après la signature des articles préliminaires, il est
réciproquement convenu que les vaisseaux et effets , qui pourraient
132 TRAITÉ DE PAIX
avoir été pris dans la Manche et dans les mers du Nord après l'es-
pace de douze jours, à compter de l'échange des ratifications des
articles préliminaires, seront de part et d'autre restitués ; que le
terme sera d'un mois, depuis la Manche et les mers du Nord jus-
qu'aux îles Canaries inclusivement, soit dans l'Océan, soit dans la
Méditerranée; de deux mois, depuis les îles Canaries jusqu'à l'équa-
teur; et enfin de cinq mois, dans toutes les autres parties du monde,
sans aucune exception ni autre distinction plus particulière de temps
et de lieu.
Art. 17. Les ambassadeurs, ministres et autres agents des puis-
sances contractantes, jouiront respectivement, dans les États des
dites puissances, des mêmes rangs, privilèges, prérogatives et im-
munités, dont jouissaient, avant la guerre, les agents de la même
classe.
Art. 18. La branche de la maison de Nassau, qui était établie
dans la ci-devant république des Provinces-Unies, actuellement
la république batave, y ayant fait des pertes, tant en propriétés
particulières, que par le changement de Constitution adoptée dans
ce pays, il lui sera procuré une compensation équivalente pour les
dites pertes.
Art. 19. Le présent traité définitif de paix est déclaré commun à
la Sublime Porte ottomane, alliée de S. M. britannique, et la Su-
blime-Porte sera invitée à transmettre son acte d'accession dans le
plus court délai possible.
Art. 20. Il est convenu, que les parties contractantes, sur les ré-
quisitions faites par elles respectivement, ou par leurs ministres ou
officiers duement autorisés à cet effet, seront tenues de livrer en jus-
tice les personnes accusées des crimes de meurtre, de falsification
ou banqueroute frauduleuse, commis dans la juridiction de la par-
tie requérante, pourvu que cela ne soit fait que lorsque févideuce
du crime sera si bien constatée, que les lois du lieu, où l'on décou-
vrira la personne ainsi accusée, auraient autorisé sa détention et sa
traduction devant la justice, au cas que le crime y eût été commis :
les frais de la prise de corps e.t de la traduction en justice seront à
la charge de ceux qui feront la réquisition. Bien entendu que cet
article ne regarde en aucune manière les crimes de meurtres, de
lalsification ou de banqueroute frauduleuse, commis antérieurement
à la conclusion de ce traité définitif.
Art. 21. Les parties contractantes promettent d'observer sincère-
D'AMIENS DE i80'2 13;5
ment et ele bonne foi tous les articles contenus au présent traité, et
elles ne souftViront pas, qu'il y soit fait de contravention directe ou
indirecte par leurs citoyens ou sujets respectifs, et les susdites
parties contractantes se garantissent généralement et réciproque-
ment toutes les stipulations du présent traité.
Art. 22. Le présent traité sera ratifié par les parties contractantes
dans l'espace de trente jours, ou plutôt si laire se peut, et les rati-
fications en due forme seront échangées à Paris.
En foi de quoi, nous soussignés plénipotentiaires avons signé de
notre main, et en vertu de nos pleins pouvoirs respectifs, le présent
traité définitif, et y avons fait apposer nos cachets respectifs.
Fait à Amiens le 27 mars 1802, ce 6 germinal an 10 de la ré-
publique française.
Joseph Bonaparte. J. Nicolas de Azara.
cornwallis. r. j. schimmelpenninck.
APPEUïDICK
(N" 1). — ['endant sa mission à Constantinople, en (novembre-décembre)
1801 (Voyez N" 1 de l'Appendice aux préliminaires du 9 octobre 1801), le colo-
nel Sébastian! avait fait remettre, par l'envoyé de Prusse, une note à la
Sublime-Porte tendant h accélérer la conclusion de la paix, et contenant
les bases de négociation suivantes : 1" maintien de l'intégrité de l'empire
ottoman in statu quo ante bellum; 2° adoption pour l'Egypte de la même
forme de gouvernement que celle pour les autres provinces, et suppression,
par conséquent, du gouvernement des béys-mamelouks ; 3" confirmation des
capitulations, et jouissance par la France des avantages de commerce sur le
pied des nations les plus favorisées. En réponse à cette note, et après s'être
concerté avec les représentants de ses alliés, le divan communiqua au co-
lonel Sébastiani, par l'entremise de l'envoyé de Prusse, un «projet de traite
de paix définitif » rédigé en huit articles, et auquel étaient, en outre, joints
plusieurs « articles que la P. 0. désirerait être proposés à Amiens, par le
plénipotentiaire français, -i (*). Approuvées par Sébastiani, les instructions
(*) Le projet de traité de paix et les articles que la P. O. désirait, etc., se trouvent
annexés, en copie, à une dépêche de l'envoyé de Prusse, M. de Knobelsdorf, du 28 dé-
cembre 1801, conservée aux arcliives secrètes d'État, à Berlin. — L'article relatif aux
béys-mamelouks (V. N<> 1, VI de l'Appendice aux préliminaires de. 1802, 1. 1, p. 512) était
conçu en ces termes : Quoique de l'intention de ki Porte ottomane d'éloigner les béys
iSti APPENDICE
transmises à rambassadeur ottoman, ù Paris, lui ordonnaient de se rendre à
Amiens et de signer la paix avec la France, » de concert et avec l'interven-
tion de l'empereur de llussie et du roi d'Angleterre, » mais de conclure la
paix « purement et simplement en conformité des préliminaires, » si le
plénipotentiaire français ne voulait pas admettre les stipulations proposées
par la Sublime Porte, et que les plénipotentiaires des puissances alliées
s'associassent ù. son refus. Le premier consul persista à vouloir faire sa paix
avec le sultan, séparément, à Paris, et défendit à l'ambassadeur ottoman
d'aller à Amiens. Aali-éfendi s'en référa à sa cour, mais la paix fut signée le
27 mars, avant qu'il pût recevoir les instructions qu'il avait demandées par
un courrier expédié à Constantinople le 18 février. (Zinkeisen, T. Vif,
pag. 129-13/1.)
« Une singularité remarquable est)),ditSchoell {Histoire abrégée des Traites
de Paix, etc. Paris, 15 vol., 1816-1818.), « que, dès le 26 mars, la conclusion
de la paix fut officiellement annoncée à Paris comme ayant eu lieu le 25.
Cette paix ne fut signée que le 27, mais le ministre de la Grande-Bretagne
ayant reçu, dès le 25, un courrier qui l'autorisait à la signer, les deux plé-
nipotentiaires dressèrent un protocole par lequel ils s'engagèrent à signer le
le traité convenu, dès que l'expédition des instruments serait achevée.
I. — Articles prclimin aires de paix entre la république française et.
la Grande-Bretagne, en date de Londres le !««• octobre 1801 (83 djé-
mazîul-éwel t2tG),
Le premier consul de la république française, au nom du peuple fran-
çais, et S. M. le roi du royaume-uni de ia Grande-Bretagne et d'Irlande,
animés d'un désir égal de faire cesser les calamités d'une guerre destruc-
tive, etc.
1. Aussitôt que les préliminaires seront signés et ratifiés, l'amitié sin-
cère sera rétablie entre la république française et S. M. brilanique, par
terre et par mer. En conséquence, et pour que toutes hoslililés cessent
immédiatement entre les deux puissances, et entre elles et leurs alliés res-
pectivement, les ordres seront transmis, etc.
5. L'Egypte sera restituée à la Sublime-Porte, dont les territoires et pos-
sessions seront mainienus dans leur intégrité, tels qu'ils étaient avant la
guerre actuelle.
8. La république des Sept-Iles sera reconnue par la république fran-
çaise.
15. Les présents articles préliminaires seront ratifiés et les ratifications
échangées, ii Londres, dans le terme de quinze jours pour tout délai, et
aussitôt après leur ratification, il sera nommé de part et d'autre, des plé-
de l'Egypte il réswKe (''vidcmmenl que le commerce ne sera plus inquiété, la Porte otto-
mane se déclare prûte à pourvoir à ce que les négociants français ne soient jauiait» ex-
posés aux vexations des béys. (V, Z i h k e isen, T. VII.)
APPENDICE ils
nipotenliaires, qui se rendront k Amiens pour procéder k la rédaction du
traité définitif, de concert avec li;s alliés des puissances contractantes.
II. — Protocole «l'une conférence entre les plénipotentiaires Tran-
^•ais et Itritaunitiue, en date d'Amiens le 18 février 180!S (15 ché-
wal 1210).
Les plénipotentiaires de la république française et de S. M. britanique
s'élant réunis, lord Cornwallis a répété ce(pi'il a eu l'honneur d'annoncer
au citoyen Joseph Bonaparte dans la conférence, savoir :
Que la Porte ottomane ayant accédé formellement aux préliminaires de
paix entre S. M. britannique et la république française et leurs alliés
respectifs, etayant communiqué au gouvernement anglais qu'elle a refusé
de ratifier le traité conclu après, avec la France, par Aali-éfendi, son ex-
ambassadeur à Paris ; en conséquence, ayant nommé le même Aali-éfendi
son plénipotentiaire au congrès d'Amiens pour conconrir à la paix défini-
tive, le gouvernement britanique devait demander que la Porte ottomiine
fût admise ou comme partie contractante ou comme partie accédante au
traité.
Lord Cornwallis ajoute, etc.
m. — Protocole d'nnc conférence entre les plénipotentiaires fran-
çais et britannique, en date d'Amiens le 21 février 1803 (18 ché-
wal 121V).
Les plénipotentiaires de la république française et de S. M. britannique
s'étant réunis, le citoyen Joseph Bonaparte a demandé l'insertion au pro-
tocole de la note suivante, en réponse k la déclaration de lord Cornwallis
.contenue dans le protocole de la conférence du 29 pluviôse (13 février),
relativement à la Porte ottomane.
Les préliminaires de paix ont été signés entre la France et la Porte ;
ils ont été ratifiés par celle-ci avec cette simple restriction conçue en ces
termes : autant qu'ils ne seraient pas contraires au traité de Londres.
Gonmie ils ne sont pas contraires à ce traité, le gouvernement français
les regarde comme simplement et dûment ratifiés. Le Grand-Seigneur
dans une lettre au premier consul, lui a témoigné le désir de traiter direc-
tement avec la France, et de convertir en traité définitif les articles préli-
minaires. En conséquence, l'ambassadeur de la Porte, à Paris, a reçu les
pleins pouvoir et les instructions nécessaires.
Cet ambassadeur a été présenté au premier consul, et lui a paru con-
vaincu que la France lui était aujourd'hui nécessaire; qu'il était prêta
signer la paix définitive, mais qu'il devait, par honnêteté et déférence,
en prévenir le ministre anfjlais. Le premier consul a consenti à ce que
136 APPENDICE
le niinislre otloman écrivît sur le champ au ministre anglais, pour lui
faire part de cette, déraarclie, et la paix définitive sera conclue avec la
Krance. Toute paix qui ne serait pas faite directement entre deux aussi
grandes puissances que la Porte et la France pourrait-ètre une trêve, mais
ne serait que chimérique.
Il est dans le système diplomatique deux espèces d'alliances : l'alliance
naturelle et l'alliance accidentelle. L'alliance de l'Angleterre avec la Porte
n'étant qu'accidentelle, la France à dû stipuler, dans les préliminaires, la
cessation des hostilités, mais les arrangements particuliers doivent être di-
rectement traités : agir autrement, ce serait mettre ces deux puissances au
rang des puissances du second ordre, et l'une et l'autre sont au rang des
puissances du premier ordre.
Tout ce dont peut assurer le plénipotentiaire français, c'est : !• qu'il n'y
aura dans ce traité aucun article secret (*); 2° qu'il sera entièrement basé
sur les préliminaires. Toute autre prétention ne serait pas admissible.
En réponse, etc.
IV. — Protocole d'ane conférence entre les plénipotentiaires fran-
çais et britannique, en date d'Amiens le 9 mars 1802 (5 zil-
cadé 1216).
Les plénipotentiaires de la république française et de S. M. britan-
nique s'étant réunis, lord Gornwallis a demandé l'insertion au protocole
de la note suivante, en réponse à ce que le citoyen Joseph Bonaparte a
exposé dans la sienne, insérée au protocole du 2 ventôse (21 février),
relativement à la Porte ottomane.
Lord Gornwallis a communiqué h son gouvernement ainsi qu'à l'am-
bassadeur de la Sublime-Porte, à Paris, cette note du plénipotentiaire fran-
çais.
Il doit dire que l'ambassadeur lui avait déjà annoncé, en date du
10 janvier, qu'il avait reçu les ordres de la Sublime-Porte de se rendre h
Amiens pour traiter la paix définitive avec la France, de concert avec les
alliés (le la Sublime-Porte, et qu'il s'était adressé, en conséquence, au
ministre des relations extérieures de la république française, qui se trou-
vait pour lors à Lyon,
Le même ambassadeur, répondant à la communication susmentionnée
de ce qui s'était passé à son égard entre les plénipotentiaires français et
britannique, a témoigné à lord Gornwallis, en date du '27 février, ce qui
suit :
Que n'ayant pas reçu de réponse de la part du ministre des relations
extérieures aux premières démarches qu'il avait faites pour être admis
(•) l'oyez le traité de paix en date du 26 Juin 1802,
Al'I'EiNDlCE 137
au congrès d'Amiens, il avait renouvelé celte demande lorsque ce ministre
fut de retour à Paris;
Que, pour le même eiïet, il s'était présenté au premier consul de la
République Irançaise, qui lui avait lépondu qu'il n'était pas nécessaire
qu'il se rendit au congrès, et qu'il pouvait traiter directement ù Paris,
attendu qu'une explication avait eu lieu entre le gouvernement français
et le cabinet britannique au sujet de la paix entre la France et le Por-
tugal, dont le cas était semblable ix celui qui existait entre la France et
la Sublime-Porte ;
Qu'ayant répondu qu'il ne pourrait rien faire sans communiquer avec
les alliés de la Sublime-Porte, il lui avait été insinué d'écrire, h ce suj(3t,
au minisire de S. M. britannique à Londres;
Qu'ayant consulté ses instructions il avait informé le ministre des
relations extérieures qu'il n'était point autorisé à correspondre avec le
cabinet britannique, mais seulement de se concerter avec le plénipoten-
tiaire au congrès d'Amiens ;
Qu'il n'avait encore reçu aucune réponse ultérieure et catégorique h
sa demande de la part du ministre des relations extérieures;
Et que, finalement, il persistait toujours à demander son admission au
congrès.
Le citoyen Joseph Bonaparte verra lui-même combien cet exposé de
l'ambassadeur ottoman lui-même difiere de ce qui est marqué dans la
note insérée dans le protocole du 21 ventôse (21 février).
11 en résulte que l'ambassadeur n'a reçu d'autres pleins pouvoirs ni
d'autres instructions que celles qui lui ordonnent de se rendre h Amiens
pour y traitei' la paix définitive de concert avec les alliés de la Sublime-
Porte.
Lord Cornwallis prendra cette occasion pour se permettre d'observer,
sur ce que le premier consul paraît avoir dit à l'ambassadeur ottoman,
qu'il ne peut pas y avoir une parité exacte dans ses cas entre la France
et le Portugal et la France et la Sublime-Porte,
L'ex-ambassadeur de la Porte a fait an traité avec la France, à Paris,
postérieurement aux préliminaires signés à Londres. La Sublime-Porte a
jugé à propos de se refuser à ratifier le traité, et d'adhérer aux ])rélimi-
naires; c'est ce qu'oile a communiqué au gouvernement briiannique. Le
Portugal, au contraire, ne paraît pas s'être refusé à ratifier son traité
avec la France; or donc, son cas ne saurait être considéré comme sem-
blable à celui qui existe entre !a Sublime-Porte et la France.
Le gouvernement britannique ayant vu le susdit protocole du 2 ventôse
(21 février), et ia réponse de l'ambassadeur ottoman sur ce qui s'y trouve
exposé, a ordonné h lord Gornwallis de renouveler sa demande au pléni-
potentiaire de la république française pour que la Porte ottomane soit
138 APPENDICE
admise ou comme partie conlractaïUe, ou comme partie accédante au
traité définiîit'de paix.
Lord Gornwallis a donc l'honneur de prier le citoyen Joseph Bonaparte
d'admettre, de sa part, les instances les plus fortes qu'il est chargé de lui
faire à cet égard.
Le citoyen Joseph Bonaparte, etc.
V. — Lettre dn premier consul Bonaparte à Joseph Bonaparte, en
date du 9 mars 1803 (5 zilcadé ISIC).
Je rerois votre lettre du 18 ventôse. J'accepte, quoique h regret, la
formule : « La Sublime-Porte est invitée à accéder au présent traité. »
.Mon intention n'est pas moins de faire un traité avec la Sublime-Porte,
car enfin cet niticle ne termine pas tous nos différends. W'ayant pas, dans
ce moment-ci, les pièces sous les yeux, je ne sais pas s'il y a un article
qui garantisse l'intégrité de la Turquie. Cet article paraît nécessaire à
mettre.
Au reste, je vous donne toute la latitude convenable pour signer dans
la nuit. Vous serez en conférence lorsque vous recevrez ce courrier; je
ne pense pas qu'il arrive avant neuf heures du soir.
Je crois, comme vous, extrêmement important de ne plus perdre un
instant. Faites donc tout ce qui est possible pour terminer, et signez.
Vsus aurez soin de me faire connaître, dans votre réponse, si le
courrier est arrivé avant neuf heures, lui ayant, dans ce cas, promis
600 francs.
J'attends mon courrier demain, avant midi.
VI. — Lettre du premier consul Bonaparte A Joseph Bonaparte, en
date du 93 mars fl!^03 (18 zilcadé lâlG).
On m'a mis sous les yeux votre dernière lettre. Votre conduite, et
surtout l'esprit de retenue que vous avez montré est convenable.
Il paraît qu'aujourd'hui nous sommes en rapprochement. Otto mande
que, quant aux prisonniers, etc.
Mettre l'article de la Turquie le dernier, et en ôter les mots alliée de
la Grande-Bretagne est aussi imporlant; sans quoi il faudra dire : alliée
de la Russie, de l'empereur, ancienne alliée de la France. C'est un article
fort important, parce que ces mots seuls donneraient k l'Angleterre une
es|)èce de suprématie qui n'est pas convenable pour nous.
Je viens de recevoir, etc.
APPENDICE 139
Vil. — Lettre du premier consul ISunaparte au ministre des rela-
tions extérieures (Talleyrand). eu date du 'il mars IHOS (30 zil-
eadé 13t4i).
Vous trouverez ci-joint, etc.
De tous les articles de la Porte, le plus convenable, c'est la troisième
rédaction. Si, cependant, il était possible, il faudrait supprimer les deux
dernières lignes, qui commencent par : elle est invitée, etc.
Quant à l'article 10, etc.
Quant aux Barbaresques, il faut faire sentir, en mettant au protocole,
ou, ce qui est la même chose, par une note, combien il est inconvenant
que l'ordre de Malte, institué pour faire la guerre aux Barbaresques, les
reçoive dans ses ports, d'où ils ravageront les États du Pape; comment
le Portugal, qui est constamment en guerre avec les Barbaresques pour-
rait-il souffrir que les vaisseaux marchands, sortant du port de Malte,
soient capturés par les Barbaresques? Que cela bouleverse toutes les idées
et s'éloigne de la nature des choses; que le mezzo termine serait de ne
pas parler des Barbaresques ; que, si le plénipotentiaire n'a en vue que
Gènes, j'obligerai bien, quand il me plaira, les Barbaresques h. respecter
le pavillon génois.
Du reste, après avoir tenu bon, et surtout pris acte de la présentation
de la note ou de l'insertion au protocole, le plénipotentiaire français est
autorisé à passer outre, et ne retardera pas d'une heure la signature du
traité pour cet article ; il me suflira seulement de constater que ce sont
les Anglais qui ont voulu celte absurde injustice.
Ainsi le plénipotentiaire français est autorisé à signer, en ôtant le mot
noble h la rédaction de l'article de Malte, le moi prince d'Orange que
nous ne pouvons pas reconnaître, en prenant la troisième rédaction de la
Turquie, et en présentant deux notes, l'une relative aux émigrés che-
valiers de Malte, l'autre relative aux Barbaresques.
ACTE D'ACCESSIOM
de Sélim III au traité d'Amiens, en date du 13 mai 1802 (11 moharrcm 1217).
Moi, qui, par la grâce continuelle et les bienfaits non interrom-
pus de l'Être impassible et invariable, de l'auteur suprême de tout
pouvoir et bien être, du fondateur de l'édifice durable et glorieux
du califat, et à l'aide des miracles généralement salutaires de notre
grand prophète Mohammed-Moustapha, le chef des prophètes, le
conducteur des personnes saintes, le soleil des deux mondes (que
la plus grande bénédiction repose sur lui et sur ses compagnons!),
140 APPENDICE
— suis le serviteur et seigneur de la Mecque, de Médine, de la
sainte Jérusalem et de ses temples, de ces lieux hauts et sacrés,
vers lesquels tous les peuples dirigent leurs prières, le calife su-
prême et le monarque heureux de tant de grands pays, provinces,
villes, places fortes et châteaux, qui sont situés en Romélie et Nato-
lie, sur les mers Blanche et Noire, en Hedjaz et Irak, et qui exci-
tent la jalousie des potentats de la terre ;
Moi, qui suis le sultan, fils du sultan, et l'empereur, fils de l'em-
pereur, le sultan Ghazi-Sélim-khan, fils du sultan Moustapha-khan,
fils du sultan Ahmed-khan.
Que, par le présent et haut acte de notre empire et califat, il soit
notoire qu'en conséquence de l'article XIX du traité de paix défi-
nitive qui a été conclu et signé, au congrès d'Amiens, le 22'"* jour
de la lune zilcadé de l'an passé 1216, ou 27 mars 1802, de l'ère
chrétienne, entre les plénipotentiaires du premier consul de la ré-
publique française, au nom du peuple français, ainsi que de la
cour d'Espagne et de la république batave, et entre le plénipoten-
tiaire de S. M. le roi des royaumes unis de la Grande-Bretagne et
de l'Irlande, — la Sublime-Porte est comprise dans ce traité, com-
muniqué à elle et ratifié par lesdites puissances, et que la Sublime-
Porte, l'alliée de Sa dite Majesté le roi d'Angleterre, a été invitée à
accéder à ce traité dans le plus court délai possible.
Et, puisque la cessation entière des maux de la guerre et la re-
cherche des moyens salutaires qui puissent rétablir la tranquillité
générale, et fonder le bien-être des peuples, font l'objet de nos vœux
impériaux les plus ardents, nous accédons aux articles et stipula-
tions du susdit traité, qui sont relatifs à notre Sublime-Porte ou
peuvent la concerner; et nous les adoptons, comme s'ils étaient
insérés ici mot à mot, déclarant en même temps, qu'ils seront à
jamais gardés et observés, et proclamant solennellement que la
paix et les liens heureux de l'amitié sont rétablis entre notre Su-
blime-Porte et la sérénissime république française, ainsi qu'entre
les habitantsdes deux états respectifs.
En foi de quoi le présent acte d'accession a été muni de notre
glorieuse signature impériale. Et, comme nous avons accédé ainsi,
de notre côté impérial, aux articles et stipulations du susdit traité,
qui sont relatifs à notre Sublime-Porte ou peuvent la concerner,
il est hors de doute qu'ils seront strictement observés.
Donné le 11"" jour de la lune moharrcm l'an de l'hégire 1217.
APPENDICE l/il
TRAITÉ DE PAIX
du £6 juin 1802 (2/t sàfi.-r J217).
APPENDICE
N* \. Rapports de la France avec C empire oUuina/i.
I. Lettre de Louis XIV à Mohammed IV, en date du 12 janvier
1662 (21 djémaziul-éwel 1072).
IL Lettre de Louis XIV au grand-vézir, en date du 12 Janvier 1662
(21 djémazial-cwel 1072).
m. Lettre de Louis XIV à son charge d'affaires de Roboli, en date du
20 janvier 1662 (29 djémaziul-chvel 1072).
IV. Lettre du grand-vézir à Louis XIV, en date du .. 1662 (...1072).
V. Lettre de Moliammed IV à Louis XIV, en date du commence-
ment de juin 1669 {commencement de moluurem 1080).
VI. Lettre du caïmécam Moastapha-pacJui à AL de Lionne, même date.
VU. Lettre de l'ambassadeur Suléyman-agha à M. de Lionne, en date
de Paris le... décembre 1669 (... rédjeb-chàban 1080).
VIII. Mémoire présenté à Louis XIV pjar le chevalier d'Arvleux, en date
du 20 janvier I67u (27 chdban 1081).
IX. Lettre du ministre des affaires étrangères au grand-vézir , en date
de Fontainebleau le 16 août 1671 (10 rébiul-akhir 1082).
X, Lettre de l'ambassadeur de Nointel au grand-vézir, en date des
premiers jours de mars 1672 {coinmenccment de zilcadé 108:).
XI. Lettre du grand-vézir à l'aml)assadear de Xointel, en date d'An-
drinople mi-7nai 1672 {mi-moharrem 1083).
XII. Lettre de l'ambassadeur de Xointel au grand-vézir, en date du
16 juin 1672 (19 su fer 1083).
XIII. Lettre de Mohammed IV à Louis XIV, en date d'A/nlrinople mi-
juin 1673 (//« sdfer 1Û8/|).
XIV. Lettre du grand-vézir à Louis XIV, en date d'Andrinople mi-juin
1673 [fin sàfer 1084),
XV. Lettre du comte Desalleurs à Ahmed-pacha, en date de Paris le
23 décembre 17/i6 (9 zilhidjé 1159).
XVI. Dépèche de l'ambassadeur de Cuslellane au ministre des affaires
étrangères, en date du 23 mars 17i7 (11 rébiul-éwel 1160).
XVII. Dépèche de Vambassadeur de Desalleurs au ministre des affaires
étrangères, en date du 15 avril 17/i9 (26 réJiiul-akhir 1162).
lZi2 APPENDICE
XVI II. Note de la Sublime- Porte à l'ambassadeur de Vergennes, en date
du... mai ilÇ,lx (... dlcadé 1177).
XIX. Mémoire présenté à Louis XV par le comte de Vergennes, en date
du .. 1769 (1182-83).
XX. Résumé d'une note de l'ambassadeur de Choiseul-Gouffier à la
Sublime-Porte, en date du 2i septembre 179"i (7 sdfer 1207).
XXÏ. Résumé de la réponse à la note qui précède, en date du 16 octobre
1792(29 sa fer 1207).
XXII. Résumé des instructions du comité diplomatique de la Convention
au citoyen Sémonville, en date du... 1792 (... 1207).
XXIII. Résumé d'une lettre du comte de Provence {Louis XVUl), en date
de Eamm le 28 janvier 1793 (15 djémaziul-akhir 1207).
XXIV. Résumé des instructions du comité diplomatique de la Convention
nationale au citoyen Descarches, en date du... 1793 (... 1207).
XXV. Résumé d'une note collective des représoitants d'Autriche, de Prusse
et de Russie remise à la Sublime-Porte le 1" avril 1793 (19 châ-
ban 1207).
XXVI. Résumé d'une note des mêmes à la Sublime-Porte , en date du
k juin 1793 (2Zi chévml 1207).
XXVIi, Résumé d'une conférence du citoyen Descorches avec le réis-éfendi,
tenue le 28 août 1793 (20 moharrem 1208).
XXVIII. Résumé d'une convention entre la Sublime-Porte et la république
française, signée le 30 août 1793 (22 moharrem 1208).
XXIX. Dépêche de l'envoyé Verninac au Comité de salut public, en date
du 11 octobre 1795 (27 rébiid-éivel 1210). — Copie des annexes
71" 2 et n° 3. — Note du général Bonaparte au Comité de salut
public, en date du 30 août 1795.
XXX. Dèjiéche de l'envoyé Verninac au Comité de salut public, en date
du 17 octobre 1795 (3 rébiul-akhir 1210).
XXXI. Dépèche de l'envoyé Verninac au Comité de salut public , en date
du 19 octobre 1795 (5 rébiul-akhir 1210). — Copie d'une dépê-
che du citoyen Cara Saint-Cyr, en date du 2 mai 1798. —
Extrait d'une lettre de Constantinople en date du 2 novembre
1795.
XXXII. Dépêche de f envoyé Verninac au Comité de salut public , en date
du 2 novembre 1795 (19 rébiul-akhir 1210). — Leti?-e du réis-
éfendi au Comité de salut public, en date du 29 octobre 1795.
XXXIII. Dépêche de l'envoyé Verninac au Comité de salut public, en date
du 22 décembre 1795 (10 djémaziul-akhir 1210).
XXXIV. Dépêche de l'envoyé Verninac au Comité de salut public, en date
du 23 avril 1796 (15 chéwal 1210).
XXXV. Dépêche de l'envoyé Verninac au Comité de salut publie, en date
du 27 mai 1796 (20 zilcadé 1210).
XXXVI. Lettre du ministre des relations extérieures au président du direc-
toire exécutif, en date du 22 juin 1796 (16 zilhidjé 1210).
XXXVn. Dépêche de l'envoyé Verninac au ministre des relations extérieures,
en date du 9 juillet 1796 (3 moharrem 1211).
AI'PENDICfc: 1^3
XXXVIII. DépMie de i'envoi/é Vcnii/wr au minUlrc dexrelatiom extérieures,
en date du 18 uuàt 17% (13 mfer l'211).
XXXIX. Béchi/JVement d'une dcjn'che de Penvoyé Verni7iûc au ministre des
relations extérieures, en date du ô octobre 1796 (6 rébiul-akhir
1211).
XL.. Dépêche de l'ambassadeur Aubert Du Bayel an rninisire des rela-
tions extérieures, en date du 7 novembre 1796 (6 djémaziul-évjel
1211).
XLI. Projet d'une convention secrète entre la Sublime-Porte et la ré-
publique française en date du... 1796 (12H).
XLil. Décldffrcment d'une dépêche de l'ambassadeur Aubert Du Bayct
au ininistrre des relations extérieures, en date du 18 février 1797
(20 chàban 1211).
XLIII. Lettre de créance de l'ambassadeur Aali-éfendi à Paris, en date
du... mars 1797 (... ramazan 12U).
XLIV. Dépèche de l'ambassadeur Aubert Du Bayet au ministre des rela-
tions extérieures, en date du 2Zi mars 1797 (25 ruinazan 1211).
XLV. Dépêche de l'ambassadeur Aubert Du Bayet au ministre des rela-
tions extérieures, en date du 10 novembre 1797 (20 djémaziul-
éxoel 1212).
XLVI. Instructions d\i premier consul Bonaparte à l'ambassadeur Brune,
en date de Suinl-Cloud lei8oetohrciS0'2{'20 d.jémaz-iul-akhir\.'2\l).
XLVII. Dépêche de V ambassadeur Brune au premier consul Bonaparte, en
date du 20 juillet 1803 (30 rébiul-éwel 1218).
XLVIII. Message du pjremier consul Bo)<aparte au Sénat conservateur, en
date du id janvier 180/i (3 ché^val 1218).
XLIX. Lettre du premier consul Bonaparte au citoyen Régnier^ en date du
1k janvier 1804 (11 chéwal 1218).
L. Lettre du premier consul Bonaparte à l'ambassadeur Brune, en
date de La Malmaison le ih rnars 1804 (2 zilhidjé 12! 8).
LI. Lettre de Sélim III au premier consul Bonaparte, en date du
8 mai 1804 (27 moharrem 1219).
LU. Dépêche de l'ambassadeur Brune au premier consul Bonaparte,
en date du 22 mai 1804 (11 sdfer 1319). — Annexe n" 1 ; Pro-
cès-verbal de l'audience de M. Jaubert chez le sultan. — iV° 2 :
Note de l'ambassadeur Brune à la Sublime- Porte, en date du
S ma7-s 1804. — N" 3 : Firman en date du 12 mars 1804.
Lin. Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étrangères, en date
de Saint-Cloud le 6 juillet 1804 (26 rébiul-akhir 1219).
LIV. Lettre de Napoléon /" à l'ambassadeur Brune, en date de Pont-
de-Briques le 27 juillet 1804 (18 rébiul-akhir 1219).
LV. Lettre de Napoléoi I" au secrétaire-interprète Jaubert, en date
d'Ostende le 15 ffowH804 (8 djémaziul-éwel 1219).
LVI. Lettre de Napoléon P' à Sélim III, en date du 30 janvier 1805
(29 chéwal 1219).
LVII. Lettre de l'ambassadeur Halei-éfendi à Napoléon 1*', en date du
21 février 1805 (21 zilcadé 1219).
1/j/, APPENDICE
LVIII. Lettre de Napoléon /" au ministre des affaires étrangère^ en date
de Saint-Cloud le 21 mai 1806 (3 réhiul-cwel 1221).
LIX. Discours de l'ambassadeur Mouhih-éfendi, prononcé à son au-
dience du 5 juin 1806 (18 rébiul-éivel 1221). — Réponse de Na-
poléon I".
LX. Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étrangères, en date
de Saint-Cloud le 11 juin 1806 (2û rébiul-éivel 1221).
LXI. Lettre du même au même, en date de Saint-Cloud le 19 juin 1806
(2 rébiul-akhir 1221).
LXIl. Lettre de Napoléon 1" à Sélim lU, en date de Saint-Cloud le
20 juin 1806 (3 rébiul-akhir 1221).
LXIII. Lettre de Napoléon I" au prince Eugène, en date de Saint-Cloud
le 28 juin 1806 (11 rébiul-akhir 1221).
LXIV. Lettre du même au même, en date de Saint-Cloud le 3 juillet 1806
(16 rébiul-akhir 1221).
LXV Lettre de Napoléon 1" au ministre des affaires étrangères, en date
de Saint-Cloud le 28 juillet 1806 (11 djémaziul-éwel 1221).
LXVI. Note de l'ambassadeur Sébastiani à la Sublime-Porte, en date du
16 septembre 1806 (3 rédjeb 1221).
LXVII. Lettre de Napoléon I" à Sélim III, en date de Berlin le 11 no-
vemhre 1806 (29 châban 1221).
LXVllF. Lettre de Sélim III à Napoléon I", en date du 30 iiovembre 1806
(19 ramazan 1221).
LXIX. Lettre de Napoléon 1" à Sélim III, en date du camp de Poscn
le i" décembre 1806 (20 ramazan 1221).
LXX. Lettre de Najwléon I" à l'ambassadeur Sébastiani, en date de Po-
sen le 1" Décembre 1806 (20 ramazan 1221).
LXXI. Lettre de Sélim III a Napoléon I", en date du 8 décembre 1806
(27 ramazan 1221).
LXXII. Lettre de Napoléon I" à l'archichancelier Cambacérès, en date de
Posen le 11 décembre 1806 (30 ramazan 1221).
LXXni. Lettre de Napoléon I" au grand-duc de Berg, en date de Posen
le 13 décembre 1806 (2 chéival 1221).
J.XXIV. Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étrangères, en date
de Paluki le 27 décembre 1806 (16 chéwal 1221).
LXXV. Note pour le Moniteur, rédigée par Napoléon i", en date de Pul-
tusk le 30 décembre 180G (19 dœwal 1221).
LXX VI. Lettre de Napoléon 1" à Sélim III, en date de Varsovie le V jan-
vier 1807 (21 cliéival 1221).
LXXV II. Lettre de Napoléon 1" à Sélim III, en date de Varsovie /e 20 jan-
vier 1807 (11 zilcadé 1221).
LXXVIII. Dépêche du ministre des affaires étrangères à l'ambassadeur Sébas-
tiani, en date du 10 janvier 1807 (11 zilcadé 1221).
IXXIX. Lettre du maréchal Berthier au général Marmont, en date de Var-
sovie le 29 janvier 1807 (20 zilcadé 1221).
LXXX. Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étrangères, en date
de Varsovie le 29 janvier 1807 (20 zilcadé 1221).
APPENDICE 165
LXXXr. Note (lo l'ambassadeur Sébastianià la Sublime-Porte, en date du...
1807 (... 12'2l).
LXXXII. Lettre de Sclim III à Napoléon 1", en date du 9 frrrirr 1807
(1 zilhidjé 1221),
LXXXIII. Dcpî'chc {chiffrée) de l'ambassadeur Sébastiani au ministre des
affaires étrangères, en date du 9 février 1807 (1 zilhidjé illi).
LXXXIV. Message de Napoléon I" au Sénat, lu le 17 février 1807 (9 zil-
hidjé 1221).
LXXXV. Dépêche (chiffrée) de l'ambassadeur Sébastiani au ministre des
affaires étrangères, en date du 20 février 1807 (12 zilhidjé 1221).
LXXXVI. Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étrangères, en date
d'Osterode le 3 mars 1807 (23 zilhidjé 1221).
LXXXVI I. Lettre de Sélim III à Napoléon I", en date du 9 mars 1807
(29 zilhidjé 1221).
LXXXVIII. Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étrangères, en date
d'Osterode le 11 mars 1807 (l moharrem 1222).
LXXXIX. Lettre du même au même, en dote d'Osterode le 11 mars 1807
(1 mohanem 1222).
XC. Lettre de Napoléon P' au prince Eugène, en date d'Osterode le
12 mars 1807 (2 moharrem 1222).
XCr. Lettre cV Aali-pacha (de Yanina) à Napoléon I" , en date du...
1807 (... 1222).
XCII. Réponse de Napoléon I" à la lettre d' Aali-pacha, en date de Tilsitt
le 9 juillet 1807 (3 djémaziul-éivel 1222).
XCII[. Dépêche du ministre des affaires étrangères à l'ambassadeur Sébas-
tiani, en date du 1 septembre 1807 (h rédjeb 1222).
XCIV. Rapjiort du ministre des affaires étrangères à Napoléon I" , en
date de Varsovie le 28 novembre 1807 (27 rajnazan 1222).
XCV. Dépêche (extrait) de l'ambassadeur Sébastiani au ministre des
affaires étrangères, en date du 10 décembre 1807 (9 chéival i 222).
XCVI. Résumé d'une dépêche du ministre des affaires étrangères à l'am-
bassadeur Sébastiani, en date du 13 janvier 1808 (ià zilcadé
1222).
XCV IL Résumé d'une dépêche de l'ambassadeur Sébastiani au ministre des
affaires étrangères, en date du 15 février 1808 (17 zilhidjé
1222).
XCVni. Résumé d'une lettre de Moustapha IV à Napoléon 1", en date du
h mars 1808 (9 moharrem 1223),
XCIX. Résumé d'une dépêche de l'ambassadeur Sébastiani au ministre des
affaires étrangères, en date du 14 mars, 1808 (19 moharrem
1223).
G. Lettre de M. de Verninac au ministre des affaires étrangères, en
date de Paris le 23 mai 1808 (27 rébinl-éwel 1223).
Cl. Mémoire adressé par le génércd Sébastiani à Napoléon I", en date
du V2 juillet 1808 (18 djémaziul-éwel 1223).
CH. Rapport du ministre des affaires étrangères à Napoléon 1", en
date du 5 novembre 1808 (16 ramazan 1223).
T. II. 10
iliG APPENDICE
CriT. Rapport du même au même, ni date du 1 décembre 1808 (12 chc-
ical 1223).
CIV. Lettre de Karn-Gcorge Petrovitch à Napoléon 1" , en date de Bel-
grade le 16 août 1S09 (5 rédjeh 1226).
CV. Rapport du ministre des affaires étrangères à Napoléon I", en
date du 25 mai 1810 (20 réhiul-akhir 1225).
N 2. Note sur l'article deuxième du traité.
I. Note-circulaire de la Sublime-Porte aux représentants des puis-
sances étrangères, en date du 1 janvier 1807 (8 zilcadé 1221).
II. N'ote de l'ambassadeur de Latour-Mauhourg à la Snblime-Porte,
en date du 9 avril 1809 (23 su fer 1226).
m. Note-circulaire de la Sublime-Porte aux représentants des puis-
sances étrangères) en date du 10 avril 1809 (21 sùfer 1226).
IV. Note de Vambassadeur de Latour-Maubourg à la Sublime-Porte,
en date du..i avril 1809 {fin sâfer 1226).
A^° 3. Note sur la formule de ratification de l'original turc du traité.
N° à» Note relative îi l'article secret du traité.
TÎSAITE DE PAIX
en date de Paris le 2G juin 1802,(24 sàfer 1217).
Le premier consul de la république française, ail nom du peuple
français, et le sublime empire ottoman, voulant rétablir les rap-
ports primitifs de paix et d'amitié, qui ont existé de tout temps
entre la France et la Sublime-Porte, ont nommé, dans cette vue,
pour ministres plénioptentiaires, savoir : le premier consul, au
ïiom du peuple français, le citoyen Charles-Maurice Talleyrand,
ministre des relations extérieures de la république française, et la
Sublime-Porte ottomane, Esséid-Mohammcd-Saïd-Ghalib-Éfendi,
rapporteur actuel, secrétaire intime et directeur des affaires étran-
gères; lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, sont
convenus des articles suivants:
Article 1. 11 y aura à l'avenir paix et amitié entre la république
française et la Sublime-Porte. Les hotilités cesseront désormais et
pour toujours entre les deux états. [Appendice N" 1.)
Art. 2. Les traités ou capitulations qui, avant l'époque de la
guerre, déterminaient respectivement les rapports de toute espèce
qui existaient entre les deux puissances, sont entièrement renou-
velés. En conséquence de ce renouvellement, et en exécution des
TRAITÉ DE PAIX DE 1802 1Z|7
articles des anciennes capitulations, en vertu desquels les Français
ont le droit de jouir, dans les états de la Sublime-Porte, de tous les
avantages qui ont été accordés à d'autres puissances, la Sublime-
Porte consent à ce que les vaisseaux du commerce français, por-
tant pavillon français, jouissent désormais, sans aucune contesta-
tion, du droit d'entrer et naviguer librement dans la mer Noire. La
Sublime-Porte consent de plus à ce que lesdits vaisseaux français,
à leur entrée et à leur sortie de cette mer, et pour tout ce qui peut
favoriser leur libre navigation, soient entièrement assimilés aux
vaisseaux marchands des nations qui naviguent dans la mer Noire.
(N'2).
La Sublime-Porte et le gouvernement de la république prendront
de concert des mesures eiïicaces pour purger de toute espèce de
forbans les mers qui servent à la navigation des vaisseaux mar-
chands des deux états. La Sublime -Porte promet de protéger con-
tre toute espèce de piraterie la navigation des vaisseaux marchands
français sur la mer Noire.
Il est entendu que les avantages accordés aux Français par le
présent article, dans l'empire ottoman, sont également assurés aux
sujets et au pavillon de la Sublime-Porte, dans les mers et sur le
territoire de la république française.
Art. 3. La république française jouira, dans les pays ottomans
qui bornent ou avoisinent la mer Noire, tant pour son commerce
que pour les agents et commissaires des relations commerciales
qui pourront être établis dans les lieux où les besoins du commerce
français rendront cet établissement nécessaire, des mêmes droits,
privilèges et prérogatives dont la France jouissait, avant la guerre,
dans les autres parties des états de la Sublime-Porte, en vertu des
anciennes capitulations.
Art. h. La Sublime-Porte accepte en ce qui la concerne, le traité
conclu à Amiens, entre la France et l'Angleterre, le li germinal
an X (1216, zilcadé 22). Tous les articles de ce traité qui sont rela-
tifs à la Sublime-Porte sont formellement renouvelés dans le pré-
sent traité.
Art. 5. La république française et la Sublime-Porte se garan-
tissent mutuellement l'intégrité de leurs possessions.
Art. 6. Les restitutions et compensations dues aux agents des
deux puissances, ainsi qu'aux citoyens et sujets dont les biens ont
été confisqués ou séquestrés pendant la guerre, seront réglées, avec
1Û8 TRAITÉ DE PAIX DE 1802
équité, par un arrangement particulier qui sera fait à Constanti-
nople entre les deux gouvernements.
Art. 7. En attendant qu'il soit pris de concert, de nouveaux ar-
rangements sur les discussions qui ont pu s'élever relativement aux
droits de douane^ on se conformera à cet égard, dans les deux pays,
anx anciennes capitulations.
Art. 8. S'il existe encore des prisonniers de guerre qui soient
détenus, par suite de la guerre, clans les deux états, ils seront im-
médiatement mis en liberté, sans rançon.
Art. 9. La république française et la Sublime-Porte ayant voulu,
par le présent traité, se placer dans les états l'une de l'autre sur le
pied de la puissance la plus favorisée, il est entendu qu'elles s'ac-
s' accordent respectivement, dans les deux états, tous les avantages
qui pourraient être ou avoir été accordés à d'autres puissances,
comme si lesdits avantages étaient expressément stipulés dans le
présent traité.
Art. 10. Les ratifications du présent traité seront échangées, à
Paris, dans l'espace de quatre-vingt jours, ou plutôt, si faire se
peut. (N»3.)
Fait à Paris le 6 messidor anX de la république française, et le
2Zi sâfer-ulkhaïr de l'année de l'hégire 1217.
Celui qui est comblé des grâces
du Très-Haut, l'aïuedji, plénipolen- Gu.-Maur. Talleyrand.
tiaire de la Sublime-Porte,
Esséid-Mohammed-Saïd-Ghalib.
article additionnel et secret.
La France s'engage à ne pas obliger, contre son gré, la Subli-
me-Porte à prendre part dans les guerres qu'elle pourrait avoir à
soutenir contre d'autres puissances. (N" à.)
APPE«ÏDICE
(N' 1). — Les documents relatifs à l'histoire des rapports de la France
avec l'empire ottoman, que nous avons donnés, s'arrêtent au règne de
Louis XIII. Depuis cette époque jusqu'à la Révolution, la politique de la
France en Orient n'a eu pour objet aucun intérêt direct de quelque impor-
tance. Joints à ceux que nous avons publiés à l'Appendice aux préliminaires
APPENDICE IZi'J
du 1801, les actes qui suivent forment un recueil de pièces, qui embrasse
la période depuis Louis XIV jusqu'à Napoléon [".Nous avons réservé la
place que leur objet spécial leur assignait h plusieurs documents apparte-
nant à cette même période.
I. — Lettre de Louis XIV t\ Mohammed ■%', en date du 1 S janvier 10C2
(31 djémaziul-éwcl 1093).
Au très-haut, très-puissant, très-excellent, très-magnanime et invin-
cible prince, le Grand-Seigneur des musulmans, sultan Mohammed, en qui
tout honneur et vertu abonde, notre très-cher et parfait ami. Dieu aug-
mente Votre Grandeur et Votre Majesté avec une heureuse fin !
Nous n'avons jamais pu imputer aux propres mouvements de V. H. le
mauvais traitement qui a été fait ti la personne du sieur de la Haye, notre
ambassadeur, et à son fils, destiné par nous à la même charge; mais plu-
tôt Il l'instigation de quelques personnes qui voudraient rompre la bonne
correspondance qui a été si longtemps entre nous et nos empires. Et
comme nous avons sujet de croire, sur ce qui nous a été écrit de votre
part, que V. H. a dessein de continuer cette amitié et cette bonne intelli-
gence, nous aussi, pour concourir avec vous dans le même sentiment, sou-
haitons d'entretenir à votre Porte un ambassadeur à la place du sieur de
la Haye. Pour lequel eflet, n'ayant personne parmi nos sujets qui soit
plus éclairé dans les choses qui regardent les affaires et les (onctions de
celle ambassade que le sieur de la Haye, fils, nous l'avons choisi pour cet
emploi. Aussi, nous l'enverrons avec joie d'abord que nous serons sûrs
de la réception et du traitement favorable qui lui sera fait; c'est ce que
nous attendons de V. H., réservant à l'informer plus particulièrement par
le sieur de la Haye, fils, des choses qui pourront contribuer h entretenir
la bonne correspondance que nous souhaitons avoir avec vous.
Sur quoi nous prions Dieu, etc.
il. — Lettre lie Louis XIV au «jrand-vézir, en date du 13 janvier 10G3
(31 djémaziul-éTvcl 107 3).
Très-illustre et magnifique seigneur, quoique les insultes faites à la per-
sonne du sieur de la Haye, notre ambassadeur, et à son fils, que nous
avons destiné à la même charge, nous aient touché autant qu'elles de-
vaient toucher un prince victorieux, qui tient les premiers rangs sur les
rois chrétiens, et qui gouverne une des plus belliqueuses nations de la
terre; néanmoins, ayant été informé que ces violences sont venues de la
malice de quelques personnes qui voulaient par là rompre l'alliance ; que
le Grand-Seigneur n'a jamais eu dessein de nous offenser; et qu'au con-
traire il est toujours clans lessentimenls et dans l'intention de conserver
150 APPENDICE
l'ancienne amitié, qui est depuis tant d'années entre nos États et nos su-
jets : nous, n'ayant pas le dessein de nous éloigner de celte alliance, en-
verrons notre ambassadeur ordinaire à sa Haute-Porte ; et ayant jeté les
yeux sur le sieur de la Haye, fils, le ferons partir aussitôt que faire se
pourra pour cet emploi. Mais comme nous souhaitons d'avoir des assu-
rances de la bonne réception qui lui sera faite, nous vous donnons avis de
nos intentions par la présente„^afin que, conforméuient au désir que vous
nous avez témoigné avoir de l'ancienne amitié, et l'alliance que nous
avons toujours entretenue avec Sa Hautesse, nous puissions prier Dieu,
très-illustre et magnifique seigneur, qu'il vous tienne et garde.
III. — I^cttre de Louis XIV » son chargé d'affaires de Roboli, en
date du âO janvier 1GG$ (S9 djcmaziul-éwel lOViS).
A notre cher et bien-aimé le sieur de Roboli, agent de nos affaires à
Constanlinople.
Cher et bien-aimé, l'envie que nous avons de continuer avec les Turcs
l'amitié et la bonne intelligence, qui a été si longtemps entre nous et nos
empires, et d'entretenir nos anciennes alliances, fait que nous avons résolu
d'écrire à leur empereur, et à son vézir, afin de savoir comment ils veu-
lent recevoir le sieur de la Haye, fils, et quels honneurs ils lui rendront, en
réparation de la violence faite contre le droit des gens à sa personne, et à
celle du sieur de la Haye, le père, notre ambassadeur. Nous vous écri-
vons la présente pour vous ordonner de présenter au vézir les secrétaires
du Pressoiret la Fontaine, que nous avons chargés de nos dépêches avec
ordre de nous en rapporter la réponse, dont vous solliciterez l'expédition.
Vous nous la rapporterez vous-même, si elle n'est pas conforme à la réso-
lution que nous avons prise de n'accepter qu'en la personne du sieur de la
Haye, fils, la satisfaction qui nous est due pour l'afi^ront fait par des inso-
lents à notre ambassadeur, et à son fils ; voulant cependant qu'avant votre
départ vous assembliez tous les marchands français de Gonstantinople,
afin qu'ils puissent choisir un d'entre eux pour leur chef. Mais si la ré-
ponse est telle que nous avons sujet de l'attendre, nous consentons que
vous demeuriez toujours à cette cour en qualité de notre agent jusqu'à
l'arrivée du sieur de la Haye, et voulons que vous nous envoyiez cette ré-
l)onse i)ar les secrétaires du Pressoir et la Fontaine, à quoi vous ne ferez
faute : car tel est notre plaisir.
IV. — Lettre du grand-vézir & Louis XIV, en date du IGGS
(.... 10V3).
Au Irès-gloi'ieux entre les sublimes princes chrétiens, choisi entre
les grands et les sublimes de la religion du Messie, médiateur des af-
APPENDICE 151
f aires de toute la nation du Nazaréen, seigneur de majesté et de réputa-
tation, maître de grandeur et de puissance, Louis, empereur de l-'rance,
la fin des join's duquel puisse être heureuse !
Après les salutations qui regardent l'amitié, et que demandent l'amour
eiran'eclion, V. M. saura que lu lettre, qui a été envoyée à votre ami, par
les honorables du Pressoir et la Fontaine, m'a été délivrée par le sieur
de Roboli, agent et avocat de l'ambassade à la haute et impériale Porte,
dont le contenu, à ce que nous avons compris, est, comme Y. M. le
donne h entendre, touchant une entière amitié et une bonne correspon-
dance. V. M. sait que l'accroissement de cette amitié qui s'augmente tous
les jours, procède de l'observation honorable des conditions et des ca-
pitulations faites entre les deux parties. Par la grâce du Très-Haut, la
sublime et impériale Porte de ce très-beureux, très-puissant, très-valeu-
reux, très-magnifique et très-fort empereur, mon maître, le soutien des
Musulmans, de qui Dieu bénisse les armes d'un double succès, est, comme
tout le monde sait, toujours ouverte à nos amis, et à tous autres, sans
aucun obstacle, et particulièrement h V. M. qui est notrq ami, et qui a
longtemps été en alliance avec la sérénissime maison des Ottomans, la-
quelle Dieu atTermisse jusqu'au jour de la balance. Car, c'est une vérité
très-constante qu'il n'est arrivé de côté ni d'autre aucune action con-
traire h la foi promise. Et d'autant que pour donner un mouvement à
cette ancienne et bonne correspondance, et pour faire que les conditions
de celte alliance soient observées comme il faut, V. M, veut envoyer ici,
selon l'ancienne coutume, la personne considérable entre les nobles de
la cour de V. M. , le sieur Denis de la Haye, fds du dernier ambassadeur,
lequel est un sujet de réputation, et votre gentilhomme de créance, de
qui les jours puissent finir avec prospérité. Nous avons exposé, selon le
souhait de V. M. , votrtî demande au très-haut trône du très-heureux,
très-mystérieux et très-grand empereur, mon maître, qui a écouté cette
demande avec des marques de satisfaction, et l'a approuvée avec un
regard impérial et favorable. C'est pourquoi nous vous écrivons cette lettre
d'ami, pour vous informer de ses intentions qui sont que, si, selon l'an-
cienne coutume, votre ambassadeur arrive, moyennant la grâce de Dieu,
il celte très-haute Porte avec des lettres d'amitié de la part de V. M. ; il
sera honoré de la part de l'empereur, et traité selon la coutume. Les ca-
pitulations impériales seront renouvelées; l'ornement d'affection de part
et d'autre sera confirmé, et pour l'établissement ellicace d'une bonne
paix entre les deux empires une lettre impériale sera envoyée à V. M.
de qui la sanlé puisse être heureuse et accompagnée de prospérité.
152 APPENDICE
V. — Lettre de Itloliauinietl IV à Louis XIW, en date du camp de
DoglianJji (près de Larissa) au coninicuccment de juin 1GC9
(coninicncenient de luoharrcui iO^iO).
Gloiredesprinces majestueuxde la croyancede Jésus-Christ, choisi entre
les grands lumineux dans la religion chrétienne; arbitre et paciûcateur
des affaires qui naissent dans la communauté des Nazaréens ; dépositaire
de la gravité, de l'éminence et de la douceur; possesseur de la voie qui
conduit h l'honneur et à la gloire, l'empereur de France, notre ami Louis.
Que la fin de ses desseins soit terminée par le bonheur et la prospérité !
Celle haule et impériale marque vous étant parvenue, vous saurez que
depuis le temps très-éloigné que les empereurs de France, vos prédé-
cesseurs, ont contracté cette ancienne alliance avec la sûre et ferme fa-
mille des Ottomans, chef et soutien redoutable de la loi mahométane, ils
ont vécu jusqu'à ces jours bienheureux avec tant d'union, d'amitié et de
sincérité, que les pays et les peuples ayant toujours joui, du repos et de la
tranquillité, cette bonne intelligence s'est augmentée d'une telle manière
que n'ayant souffert aucune altération, ni aucun changement, on peut
dire qu'elle a été établie pour la paix de tout le monde, pour le règle-
ment et pour l'ordre des affaires des hommes.
Voire ambassadeur Denis de la Haye Ventelay, l'exemple des seigneurs
chrétiens (que Dieu veuille conduire et diriger!), résidant au soleil tran-
quille de notre puissante Porte, secours des empires les j)lus éloignés, et
l'asile des grands du siècle, a toujours été sous l'ombre permanente de
notre justice avec honneur et civilité. Vos sujets et vos marchands qui
voyagent par terre et par mer, abordant à tous les havres et ports de
notre empire, pour y faire leur trafic, ont joui de toute la protection, de
toute la paix, et de tout le repos qui leur ont été nécessaires dans leurs
besoins, et, selon qu'il a été accordé par nos traités impériaux, et par
notre pure et parfaite justice , ils n'ont souffert aucun dommage, et il
n'est pas arrivé la moindre chose qui ait dû altérer la bonne foi, l'amitié,
l'affeclion, et la sincérité qui est entre nous depuis si longtemps.
Maintenant votre dit ambassadeur a fait savoir à notre pompeux et
puissant trône impérial qu'il était rappelé, et comme nous ne savons pas
si cela est vi ai ou non, ni quel a été le sujet et la cause, nous vous avons
envoyé un de nos confidenls des plus capables et des plus estimés entre
nos serviteurs, nommé Soliman, notre domestique, le modèle des glorieux
et illustres personnages, et l'appui des grands (dont la gloire soit aug-
mentée !), avec notre puissante et magniflque lettre impériale de la part
de notre haute et sublime Porte. Loisque, moyennant la volonté de Dieu,
il sera heureusement arrivé, il est nécessaire qu'on nous fasse savoir s'il
est vrai ou non que votre ambassadeur soit rappelé ; qu'elle en est la
Al'PKNDICE 153
cause ou le prétexte, et pourquoi selon l'ancienne coutume, et l'amitif^.
que vous avez toujours eue avec noire Porte, on n'en envoie j)as un
autre b. sa place ; puisque, comme vous l'avez désiré, votre ambassadeur
résidant sous l'ombre de notre puissance à la Porte y a été traité avec les
honneurs et les civilités portées par nos capitulations, comme il pourra le
témoigner lui-même. Permettez aussi que sans aucun retardement notre
susdit serviteur s'en revienne.
La paix de Dieu vivant, distributeur des grâces, soit sur vous !
Ecrit dans les premiers jours de moharrem, etc.
VI. — Lettre du eaïiuéeani moustapha-paeha au ministre des affaires
étrangères ^Lionne), vn date des preiuîers jours de juin IVGU (pre-
miers jours de moharrem 1080).
Au premier ministre de l'empereur de France, qui est le modèle des
princes chrétiens et le protecteur des grands, M. de Lionne, son cher
conseiller et notre bon ami, que Dieu veuille inspirer et diriger en bien !
Après vous avoir présenté nos saluls, et les souhaits d'une affection
ferme, et de la constance qui doit être inséparable de l'amitié par laquelle
nous vous déclarons avec sincérité que le pompeux, magnifique et puis-
sant empereur, mon maître, soutien du monde, roi des rois victorieux,
ayant anciennement fait alliance avec l'empereur de France et contracté
amitié avec lui par la paix, elle a été augmentée de jour en jour jusqu'à
présent, et les marchands comme les autres sujets qui vont par terre
et par mer trafiquer, dans les états du Grand-Seigneur, ayant eu le plai-
sir de trouver du profit dans leur commerce, n'y ont jamais rien souffert
qui ait contrevenu à la i)aix, ni troublé leur repos.
Gela étant ainsi, le Grand- Seigneur désirant savoir la cause pour la-
quelle S. M. rappelle son ambassadeur résidant à la Porte, source de tout
honneur, sans en envoyer un autre h sa place, en même temps, il a dé-
pêché vers elle une personne illustre, digne de louange, pleine de force
et de vénération, appelle Soliman-Aga (dont la gloire soit perpétuelle!),
avec une lettre impériale et puissance pour la lui jjrésenter.
Ainsi, vous prendrez la peine de nous faire savoir par la réponse de
la présente le sujet qu'a S. M. de rappeler l'ambassadeur qui réside
présentement à la porte impériale, l'appui des princes, conformément
aux anciens traités, puisqu'on n'a fait aucun mauvais traitement à ses
sujets, ni rien attenté contre les lois de la justice qui ait pu faire de la
peine aux marchands, ni aux autres Français, ni qui ait pu rompre l'al-
liance et l'amitié entre eux, contractée depuis si longtemps.
llenvoyez prompleinont à la Porte le dit Soliman, sans le faire retar-
der, vous souhaitant loutes les dispositions nécessaires à l'entretien
d'une parfaite amitié, et d'une parfaite correspondance inviolable.
lôZi APPENDICE
TH. — Lettre de l'auibassadeur Muléyman-aiilia au ministre des af-
faires étrangères, en date de Paris, le .. décembre IfittO (.. réd*
jeh-chàbau 10»0).
Mon puissant et fortuné seigneur soit sain et sauf, et puisse vivre long-
temps !
Le sujet de la requête que j'envoie h Monseigneur est qu'il y a déjà
longtemps que noire empereur m'a envoyé ici. Jl dit présenleraenl : la
réponse de la lettre que j'ai écrite à l'empereur de France, mon ami,
viendra bientôt. Il est tous les jours dans cette attente. Je vous supplie,
Monseigneur, de m'obtenir la grâce que S. M. me donne bientôt la ré-
ponse à ladite lettre et la permission de m'en retourner. Si Monseigneur
demande quels sont les tourments et les peines que je souH're, il sauia
que, jusqu'à Lyon, je n'ai pas entendue une parole désobligeante de tous
les Français que j'ai vus jusqu'alors. Tout notre voyage s'est passé h rue
et il jouer ; nous avons vécu ensemble avec la même amitié qu'un père a
pour ses enfants. Depuis, il nous est comparu le nommé Lassur, disant :
Je suis venu pour distribuer ce qu'on a ordonné pour votre nourriture ;
il nous a toujours montré un visage d'indignation. Depuis ce jour-là jus-
(ju'à présent, il nous a toujours traité avec des paroles amères, et outre
les léponses fâcheuses et peu honnêtes qu'il nous donnait, lorsque quel-
qu'un de mes gens ou de mes serviteurs s'adressant à lui, lui disait:
Donnez-nous ce que le roi a ordonné pour notre subsistance, il leur dit
des injures, et ne leur donne rien hors la chair de mouton. Il n'apporte
et ne nous donne rien que ce qu'il peut trouver à vil prix; des poules
qu'il devrait nous donner, nous n'en avons que les maigres et les sèches.
Le cuisinier lui dit : On ne saurait manger de cela, vous en devriez don-
ner des meilleures; il le querelle d'abord et le charge de mille injures.
Il devrait nous donner des chandelles sur le chemin, nous avons couché
en beaucoup d'endroits sans en avoir, non plus que du pain et de la
viande. Si je l'appelais pour lui en parler, je n'entendais jamais que des
injures. Quelque abondance et bon marché que nous trouvassions sur les
chemins, il ne nous apportait que ([uelques grappes de raisin pourries. Si
je lui disais alors: qu'est-ce que cela, j'en étais grondé de la belle ma-
nière. Pardessus tout, il n'a pas voulu être seul à nous faire soufl'rir sa
méchante humeur. Il amis de son parti M. de la Gibertie qui nous con-
duit ; il l'a instruit à sa façon, et depuis que nous sommes arrivés en ce
jjays, nous en avons le même traitement. Si quelque pauvre Turc qui a
été mis en liberté vient pour parler à nous, il l'en empêche, il le gronde,
et le chasse en notre présence. 11 refuse l'entrée k ceux qui viennent
nous visiter, et, comme cela, il nous empêche de les voir. Si je le prie de
ne point les molester et de les laisser venir, mes paroles sont inutiles, et
APPENDICE 155
il fait tout ce qu'il peut pour que nos gens ne sortent point hors la porte.
11 est vrai, Monseigneur, que nous avons dessein d'aclieter quelque chose
en ce pays, et comme nous ne savons pas la langue franraise, nous prions
nos ennemis qui vont et viennent de nous en apporter, comme seraient
des montres d'horloge, et d'autres choses qu'ils prennent la peine de choi-
sir, pour donner celles qui sont les i)lus agréables ; mais ils ne sauraient
parvenir jusqu'à nous. Il n'y a que Dieu qui puisse savoir le nombre in-
fini de déplaisirs que ces deux hommes nous font souffrir. Nous vous fai-
sons savoir, Monseigneur, l'état dans lequel nous sommes. Nos maux
vous seront connus, et vous pouvez commander, Monseigneur, ce que
nous aurons h faire. Dieu veuille donner sa sainte bénédiction h l'empe-
reur de France, pour tout ce que nous avons mangé et bu par sa bonté,
et dans l'étendue de sa félicité. Dieu lui donne longue vie, et à vous aussi,
Monseigneur, par la tête de votre fortuné empereur, par votre chère et
noble tête, et pour l'amour de Dieu, mettez-nous en liberté en nous déli-
vrant des mains de ces deux personnes. C'est sur cela.. Monseigneur, que
nous attendons vos ordres.
VIII. — mémoire présente ik Louis XIV par le chevalier «l'Arvieux,
en date du 30 janvier lOfO (3 7 eliàban 108I).
Sire, puisque V. M. m'a commandé de lui donner mes sentiments par
écrit sur les affaires de Gonstantinople et sur le commerce du Levant, je
me sens obligé de lui représenter que V. M. n'ayant aucun intérêt dans
les États du Grand-Seigneur, ni de commerce avec lui que pour favoriser
le trafic que ses sujets font au Levant, ce n'est que pour ce sujet qu'elle
a contractée cette alliance depuis si longtemps, et qu'elle tient un ambas-
sadeur à la Porte. Le bien du commerce étant donc le principal motif de
l'ambassade, on ne doit pas tant songer à ce qui peut lui être avantageux
qu'on ne doive prendre garde aussi de bien prés à ce qui peut toucher
l'honneur et la gloire de V. M. parmi des peuples méprisants, ennemis
de notre religion, et dont les souverains s'estiment au-dessus de tous les po-
tentats du monde, bien loin qu'ils voulussent souffrir d'égaux, nonobstant
ce qu'on a pu faire connaître à Soliman-Aga dans les audiences qu'il a eues.
Ce n'est plus par une ancienne habitude ((u'il semble qu'on ait plus de
considération pour V. M. que pour les autres rois qui ont traité depuis
avec la Porte. Elle est en droit d'avoir le pas devant eux et on ne le dis-
pute pas à ses ambassadeurs, quand les ministres du Grand-Seigneur
sont raisonnables et bien intentionnés; mais comme les Anglais particu-
lièrement font toujours leur possible pour empiéter sur cette préémi-
nence, contre ce qui est porté par nos capitulations, ils n'épargnent point
la dépense, corrompent les ministres du Grand-Seigneur ix force de pré-
156 APPENDICE
sents, et donnent bien de l'exercice à vos ambassadeurs qui, voulant se
soutenir simj3lement par leurs droits, n'aiment guère à acheter ce qui
leur est légitimement dû : il en est souvent arrivé du désordre, lorsque les
ambassadeurs de V. M. ont été aussi vigoureux à se maintenir que les
officiers du Grand-Seignenr étaient quelquefois ignorants sur la coutume
pour accorder la proséance et répondre aux autres nations qui les pour-
suivaient pour de l'argent.
Les capitulations auraient dû régler ces sortes de prétentions; on les
montre toujours dès qu'il y a quelque chose à contester et la plupart du
temps sans aucun profit, parce que l'intérêt particulier étoufTe le senti-
ment de la justice dans le cœur de ceux qui doivent l'administrer, et
quand ils n"ont pas envie de nous la rendre sur nos traités, et sur toutes
les écritures que le Grand-Seigneur a données sur ce point, ils disent
nelteaient pour défense que cela est trop vieux, que les rois peuvent faire
de nouvelles lois dans leurs royaumes, et que leurs sentiments et leurs
inclinations ne sont pas toujours les mêmes. Ainsi, ce n'est non-seulement
pas une nécessité qu'elles soient renouvelées et confirmées dans tous
leurs articles, aussi bien que pour ceux qu'il plaira à V. M. d'y faire
ajouter, il est besoin aussi de faire la même chose toutes les fois qu'un
nouveau prince apportera du changement dans cet empire, et comme cela
chacun sera obligé d'observer ses conventions.
Il semble que V. M. veut être traitée d'égal avec le Grand-Seigneur.
Elle ne doit pas songer à lui envoyer un ambassadeur à la Porte qu'il
n'en tînt un eu France pour répondre du traitement que le nôtre recevrait
auprès du Grand-Seigneur; les afTaires cuiraient bien mieux, et ils n'au-
raient garde de les mécontenter ni de violer aucun article des traités qu'on
aurait fait avec eux. Cela paraît pourtant impossible, si l'on considère
que le Grand-Seigneur n'envoie ses ambassadeurs qu'à l'empereur d'Alle-
magne, à cause du voisinage et des guerres qu'ils se font l'un h l'autre, à
mesure qu'il en est besoin, et pour des affaires qui ne les obligent pas à
une longue résidence. Il en envoie en Perse et aux autres princes maho-
rnétans de la môme manière ; il en enverrait bien en France et ailleurs si
son intérêt l'y conviait, mais ce n'est point du tout leur coutume d'en
tenir en résidence chez leurs confédérés. Les empereurs ottomans re-
çoivent agréablement tous ceux que les princes chrétiens leur envoient,
pourvu qu'ils aient bien des présents h offrir, et qu'ils trouvent leur
compte dans les propositions qu'ils viennent leur offrir. Ils se font
comme cela un honneur et une grandeur singulière d'être recherchés de
tous, et de ne demander l'amitié de pas un.
La relation de Larissa fait voir clairement que le grand-vézir n'a pas
voulu donner aucun avantage à la France, en y envoyant un ambassadeur
dans les formes comme on lui avait proposé.
APPENDICE 157
Il a envoyé Solimaii-Aga à V. M. sans aucun caractère, pour lui pré-
senter seulement sa lettre, attendre sa réponse, et s'en retourni-r ensuite,
sous ce prétexte qu'il fallait savoir par lui dans (juelle inlenlinn serait
V. M., et quel traitement il recevrait en Franco pour se résoudre ensuite
h envoyer une personne de plus grande considération.
Cependant, c'est une nécessité de régler nos affaires avec la Porte,
attendu les griefs qu'il y a de l'un (!t de l'autre côté, afin de faire cesser
dorénavant tous les maux dont les sujets de V. M., trafiquant au Levant
ont été accabiésjusqu'aujourd'luii.
Voici, Sire, les griefs de V. M. dont celui qu'elle nommera pour Cons-
fantinople doit se plaindre.
L'insulte qu'on a faite Ji M. de la ilaye, son ambassadeur.
Les vexations continuelles qu'on a faites depuis si longtemps aux Fran-
çais qui résident dans les échelles du Levant, par une infinité d'avanies
qui ont ruiné le commerce et causé les dettes delà nation.
L'équipage de deux vaisseaux égorgés par Baba-Hassan, corsaire
d'Alexandrie d'Egypte, leurs facultés pillées, et les navires coulés k fond.
L'avanie de 22 mille piastres que Hassan-Aga a faite à Séide suivie de
l'assassinat des députés, du premier trucheman, des janissaires et de tous
ceux qui les conduisaient à Gonstantinople pour s'en plaindre au Grand-
Seigneur.
L'alliance que le Grand-Seigneur a faite avec les Génois, et la récep-
tion de leur ministre contre la volonté et l'intention deV. M.
L'augmentation des douanes et l'imposition de nouveaux droits qu'on
fait payer aux Français, à l'exclusion des autres nations.
La permission que le Grand-Seigneur donne aux étrangers d'entrer
dans ses États sous toute autre bannière que celle de France, et contre
l'article de nos capitulations.
Le mépris et les mauvais traitements qu'on fait aux Français et le peu
de justice qu'on leur rend dans les affaires qui leur arrivent, dans les
gouvernements particuliers, comme à la Porte.
La bonne foi des traités qui est violée dans plusieurs de ses articles sur
les prérogatives qui ont été accordées à V. M., en faveur de ses sujets.
L'injustice que le grand-vézir a faite au sieur Saint-Jacques, marchand
de Marseille, dans une affaire qu'il avait contre un Arménien, l'ayant con-
damné k payer dix-huit mille écus sur la simple déposition des témoins
du pays, contre ce qui est porté par les capiculations, et dont V. M. sait
la conséquence.
Je passe beaucoup d'autres griefs qui sont connus de tout le monde
pour n'ennuyer pas V. M. par la longueur de ce mémoire.
Les griefs que le Grand-Seigneur peut avoir contre nous sont ceux qui
suivent :
i58 APPENDICE
La prise de Gigcri par les armées de V. M. ; le Grand-Seiçiieur veut
bien qu'elle se venge des maux que nous font les barbares ; il ne trouve
pas mauvais que nous les faisions esclaves, et que nous prenions ou brû-
lions leurs armements, mais il ne veut pas aussi que nous nous rendions
les maîtres de leurs places, parce qu'elle lui appartiennent.
Le secours que V. M. a envoyé en Hongrie, et la défaite de leurs trou-
pes Ji la bataille de Saint-Gothard.
Les troupes que V. M. envoie en Candie .depuis si longtemps, dont ils
n'avaient jamais rien dit croyant qu'elles y allaient sans ses ordres. La
mort de M. le duc de Beaufort, et les derniers secours qu'elle lui a don-
nés avec ses armées navales, sous le commandant de ses généraux, tant
par mer que par terre, font demander par le Grand-Seigneur si on peut
être de ses amis et lui faire la guerre tout ensemble.
La prodigieuse quantité d'armements particuliers, avec laquelle nos
Français pillent les sujets du Grand-Seigneur, par mer et par terre, sous
les bannières de Malle, de Savoie, d'Espagne, de Gènes, de Livourne, de
Venise et de tous les autres ennemis.
Les Français qui se mettent au service de leurs ennemis dont les ga-
lères du Grand-Seigneur sont remplies, quoique nous ayons la paix avec
Uiii
Le trafic que les Français ont fait dans ses États en monnaie de
France, fausse, et particulièrement en ces pièces de cinq sols, fabriquées
hors le royaume, qui ont infecté l'empire ottoman.
Le peu de cas qu'on prétendra que V. M. ait fait de la lettre du Grand-
Seigneur, suivant le rapport que Soliman-Aga aura dû en faire h son re-
tour.
L'enlèvement du chevalier Beaujeu, qui était prisonnier d'État dans
les Sept-Tours, et des autres esclaves.
Les salves de canon et de mousqueterie que les vaisseaux de V. M. ont
faites, pendant toute une nuit, dans le port de Gonstantinople, qui ont
alarmé toute la ville, et ont été la cause que beaucoup de femmes se sont
blessées par la peur.
Les volées de canon que les mêmes vaisseaux ont tirées vers les Dar-
danelles dont les boulets ont causé du dommage dans les villages et dans
la campagne.
VoiUi bien des raisons, Sire, dont il y a réciproquement à se plaindre ;
on a fait la guerre en Europe pour de moindres sujets, et je ne crois pas
qu'on puisse dire que nous ayons véritablement la paix avec le Grand-Sei-
gneur, si on ne renouvelle cette allianco sur le môme pied, que s'il n'y
avait jamais eu rien entre V. M. et lui.
Je ne crois pas. Sire, que cela se puisse faire aisément^ ni que nous
voyions un succès favorable b. la négociation de celle affaire, si on ne leur
APPENDICE 159
donne le temps de désirer un anibassadonr, de demander la cause pour-
quoi il n'y en a point à la Porto de la part de V. M. et d'oiïrir telle satis-
faction qu'elle jugera à propos de demander, pour le bien de ses sujets.
Les Turcs sont fièrement |)révenus des besoins qu'on a de leur pays,
quoique les Français puissent se passer de ce commerce, ayant, grâce h
Dieu, dans votre royaume, tout ce qui est nécessaire h leur cnlrelicn, lis
sont imbus de cette vanité que la Porte est l'asile et le recours de tous les
princes de la terre; V. M. l'aura vu dans la lettre du Grand-Seigneur.
Leur superstition les porte à croire que toutes les nations chrétiennes doi-
vent leur être soumises ; cela leur est confirmé par les offrandes qu'on va
leur faire pour avoir leur amilié, et ils ne feignent pas de nous dire, lors-
que nous nous plaignons de leurs injustices, que, si nous quittions leur
pays lorsqu'ils nous auraient crevé un œil, nous y retournerions le len-
demain afin qu'ils nous arrachassent l'autre.
lisseront bien mieux confirmés dans cette opinion, si après ce que
V. M. a lait dire au grand-vézir par son ambassadeur, ce que M. de
Lionne a dit à Soliman-Aga, et par toutes les démonstrations qu'on a
faites de vouloir traiter d'égal avec le Grand-Seigneur, et de ne se soucier
plus de leur commerce ni de leur amilié que quand on aura donné salis-
faction à V. RI. sur la justice qu'elle lui demande, on leur jette à la tête
un ambassadeur, une nouvelle compagnie de marchands pour grossir le
commerce du Levant, et une quantité de jeunesse pour apprendre les lan-
gues, qui ne sauraient servir d'interprètes de plus de vingt ans d'aujour-
d'hui, et tout cela dans le même temps que V. M. envoie ses vaisseaux
pour ramener M. de la Haye, et qu'elle proteste de ne vouloir plus tenir
d'ambassadeur à la Porte; ce n'estguèrele moyen de les en persuader.
Il est constant que le Grand-Seigneur aurait déjà rompu avec nous sur
les griefs dont j'ai parlé, s'il avait pu se passer dé notre commerce. Celui
des Vénitiens, des Anglais, des Hollandais et des Génois fournit son empire
de tout ce qu'ils peuvent désirer, et qui n'est point dans les états du Grand-
Seigneur, comme sont les draps d'or et de laine, le papier, le plomb,
l'étain, et les épiceries, mais pas un ne leur porte de l'argent comptant
que les Français, parce qu'il est plus propre à leur trafic. Si ce transport
cessait, le Grand-Seigneur n'aurait pas pour payer ses troupes ; les cara-
vanes de Perse n'apporteraient plus leurs soies, parce que les plus belles
ne se vendent que pour de l'argent. Le mal que l'interdiction de ce trafic
causerait mettrait tout en désordre parmi la milice et parmi ses sujets,
qui ne subsistent que de cela ; et la crainte de quelque mauvaise suite fera
toujours que le Grand-Seigneur ne se déclarera contre V. M. qu'à la
dernière extrémité et le plus tard qu'il pourra, sachant d'ailleurs par le
secours qu'elle donne contre lui que c'est le seul potentat du monde qu'il
a le plus à craindre, tant sur mer que sur terre, à cause du voisinage,
160 APPENDICE
et par les progrès que ses armes victorieuses font tous les jours clans les
étals de ses ennemis.
Cela supposé, quelle nécessité y a-t-il, Sire, de s'empresser pour aller
vers eux, quand nous sommes assurés de pouvoir utilement les faire venir
à nous par un petit témoignage d'indifférence? Il ne s'agit ici que de
l'honneur de V. M. et d'un rétablissement du commerce. Celui-ci ne s'en
est pas trouvé plus mal sous la conduite d'un agent, lorsque, après le
retour du vieux M. de la Haye. V. M. a été quelque temps sans y envoyer
un ambassadeur. Le sieur Roboli, quoique marié à Constantinople, et
dont les enfants sont écrits sur le rôle des sujets du Grand-Seigneur,
obtenait aisément et favorablement tout ce qu'il demandait en faveur de
notre nation. Les sujets de V. M. n'ont jamais été molestés pendant qu'il
faisait cette fonction. Le Grand-Seigneur avait ordonné à tous les gou-
verneurs de ses provinces de caresser le Français, et tout cela, parce
qu'il craignait que V. M. ne lui envoyât plus d'ambassadeurs, quoiqu'il
eût protesté au sieur Roboli que l'insulte qu'on avait faite à M. de la Haye
n'était qu'à sa personne privée, et non à celle de l'ambassadeur.
Quant h. ce qui regarde l'honneur et la gloire de V. M., comme c'est à
votre ambassadeur à qni on en peut donner des atteintes, il me semblerait
nécessaire de ne point compromettre une personne qui doit représenter
celle de V. M. que toutes les difTicultés ne soient éclaircies, et qu'elle n'eût
reçu auparavant une réparation générale de toutes les infractions qu'on
a faites à nos traités par un renouvellement d'alliance, par la confirmation
des anciennes capitulations et par l'addition des articles que V. M. de-
mande à celles qu'on doit faire avec le Grand-Seigneur régnant, et que
toutes les prétentions ne fussent réglées d'une manière h n'y plus mettre
la main.
Ainsi il me semblerait plus avantageux, pour bien des raisons que je
dirai après, que V. M. ne tînt qu'un agent pour le commerce h la Porte
du Grand-Seigneur, ou avec celle autre qualité qu'elle jugerait à propos
de lui donner, qui ne laisserait pas de faire tout ce qu'un ambassadeur
ferait, jusqu'à ce que, selon la disposition des affaires, et l'air dont le
Grand-Seignenr et ses ministre s'y prendraient pour satisfaire aux pré-
tentions de V. M., elle trouve bon de lui envoyer un ambassadeur, étant
persuadé autant que je le suis par expérience qu'ils ne seraient pas long-
temps sans lui crier miséricorde, et que cette intermission leur donnerait
cruellement martel en tète.
Comme il ne s'agirait plus directement des affaires de V. M. pendant
le séjour de cet agent, et qu'on ne parlerait plus que de celles des mar-
chands, le commerce y trouverait quelque avantage que les ambassadeurs
ne lui procurent pas.
Il semble que la protection du commerce soit une fonction au-dessous
APPENDFCK 161
de celle d'un ambassadeur. Tous ceux qu'on a vus à la Porte n'y sont
descendus qu'avec bien de la peine ; et quand la tyrannie des pachas obli-
geait le corps des marchands d'avoir recours h lui pour leur en faire faire
raison, on avait le chagrin d'y faire bien de la dépense sans rien obtenir
et, la plupart du temps, on ne recevait d'eux, pour tout remède par leurs
réponses, qu'un conseil d'accomoder les affaires sur les lieux du mieux
qu'on le pourrait, et de ne point les porter l'i Constantinople.
La dignité d'ambassadeur mérite bien que celui qui en est honoré la
fasse valoir, qu'il se distingue du commun des gens, et que chacun ait du
respect pour son caractère; mais ils portent cela si haut que, sans consi-
dérer les intentions que V. M. a pour un commerce qui est le sujet de
cette ambassade, ou ils n'écoutent point les plaintes des marchands, ou
ils les méprisent à un point qu'ils n'oseraient plus se montrer, ou ils ne
se soucient guère de leur intérêt, leur disant qu'ils ne sont là que pour
ceux de V. M., et qu'ils fassent comme ils pourront.
Un ambassadeur sur ce pied-là ne voudra pas se donner la peine de
contester les intérêts des marchands, ni les chicanes qui naissent tous
les jours de leur trafic. Un agent le ferait mieux, et supposé qu'à l'égard
des Turcs un ambassadeur n'eût que les intérêts de V. M. à ménager,
comment pourrait-il traiter avec eux pour quelque nouvel établissement
du commerce, ou pour celui des Indes orientales qu'on voudrait faire
passer à Suez par la mer Rouge, sans donner quelque impression au
Grand-Seigneur que V. M. a d'autres desseins que ceux de la guerre, qui
est le métier des rois, et celui que V. M. fait avec un succès si glorieux?
Voilà, Sire, une partie des avantages que le commerce tirerait des soins
d'un agent, le service de V. M. ne se ferait pas moins, et il ne lui en
coûterait pas tant. Cet agent pourrait s'entretenir honnêtement avec les
seize mille livres que le commerce de Marseille donne tous les ans à
l'ambassadeur, et avec les émoluments du consulat, en attendant que
V.^,M. eût l'occasion de récompenser ses services d'ailleurs, et que le
corps du commerce payerait, selon la coutume, toutes les dépenses qu'on
est obligé de faire, et sans lesquelles on ne vient à bout de rien.
Il y aurait encore beaucoup de raisons qui seraient plutôt pour envoyer
un agent qu'un ambassadeur, quand ce ne serait que par la considération
de ne le pas exposer aux premiers mouvements d'une nation, dont les
manières sont ordinair-'inent désobligeantes. Tous les commencements
sont difficiles, et quand !a brutalité des Turcs ferait souffrir quelque chose
à l'envoyé, V. M. ne sera pas offensée en la personne d'un agent, comme
elle le serait nécessairement en celle d'un ambassadeur. Elle pourrait le
dissimuler, et donner par-là quelque chose à la nécessité des affaires.
Supposé donc que V. M. fût dans le dessein de ne tenir qu'un agent
à Gonslantinop'e jusqu'il ce qu'elle pût y envoyer un ambassadeur, il
T. II. Il
162 APPENDICE
serait bon de ne pas tant donner dans la qualilé de celui qui serait des-
tiné à cet emploi qu'on ne songeât aussi ii choisir une personne qui eût
de l'expérience dans le coiiiiuerce,dans la navigation, el des talents i)ro-
pres à servir utilement V. M. et pour empêcher les abus et friponneries
qui ont ruiné nos alfaires à Gonstanlinople et dans toutes les échelles du
Levant.
Une des principales causes de l'engagement et des méchantes affaires
qui arrivent au commerce est l'infulélilé de quelques truchemans du
pays, sujets du Grand-Seigneur, desquels il faut nécessairement se servir,
parce que rarement trouve-t-on des Français qui soient assez savants
dans les langues du pays pour les préférer aux autres. Les truchemans,
qui sont sujets du Grand-Seigneur, servent tant mal que bien ceux qui les
payent. Il sont toujours du côté des Turcs, pour lesquels ils ont des com-
plaisances et des souplesses que les Français n'auraient pas. Leurs
appointements sont modiques. Leur attachement à ceux qu'ils servent est
faible, parce qu'ils ne sont pas rassurés d'y demeurer toujours. Il faut
pourtant qu'ils s'enrichissent dans ces emplois, et quand ils ne nous sus-
citent pas de mauvaises affaires, ils partagent du moins avec ceux qui
font les avanies et s'accomodent si adroitement qu'il est impossible de
s'en défendre, à moins que d'en savoir autant qu'eux-mêmes. Ils sont tous
parents et alliés avec ceux des autres nations. Ils se révèlent les secrets
et se maintiennent tous les uns avec les autres aux dépens de leurs maî-
tres. Ils se taisent quand il faudrait parler dans les audiences. Ils biaisent
les sentiments des magistrats, quand ils craignent de déplaire aux Turcs,
en les rapportant dans la même force. Ils tournent les demandes et ré-
ponses comme il leur plaît, rompant toutes les mesures qu'on aurait ii
prendre, lorsqu'elles ne tombent pas dans leur sens. Enfin, on est mi-
sérable lorsqu'on ne les entend pas. On a beau se plaindre de leurs vole-
ries, leur intérêt, leur lâcheté, et la crainte du bâton, leur fait tout entre-
prendre, et l'on ne saurait rien faire sans le secours de leur ministère.
Une autre cause de désordre provient de l'incapacité de certaines per-
sonnes qu'on commet à radrainislralion et à la conduite des affaires du
Levant, auxquelles il laut être comme né, ou du moins y avoir acquis de
l'expérience par une longue résidence, ou par une grande application.
Ils peuvent être très-habiles gens d'ailleurs, mais quand il faut gouverner
des Turcs, el faire jouer des ressorts qui nous sont inconnus en France,
les plussavants s'y trouvent embarrassés. On ne saurait bien vivre avec les
Turcs qu'on ne soit accoutumé â leurs manières, qui sont surprenantes
pour des nouveaux venus.
L'expérience que la personne proposée doit avoir du commerce et de
la navigation sert pour connaître des différends, des affaires du négoce et
de la marine entre les marchands et les navigants, pour leur rendre justice,
APPENDICE 163
pour décider les questions qu'il y a parmi eux à tous uioments, tous
les procès du Levant ne se faisant quasi que sur ces sortes de matières.
11 est nécessaire aussi que la bonne réputation de cette personne attire
à sa connaissance les affaires que les Turcs ont à déraèlor avec nos mar-
chands. Ils se pourvoient devant leurs juges naturels quands ils leur de-
mandent, et il leur est avantageux qu'on ne les assigne pas par-devant
les cadis qui sont les juges des Turcs, et ceux qui gagnent leur procès
doivent donner dix pour cent du total pour les épices.
Un agent qui saurait parler, lire et écrire les langues du pays, et par-
ticulièrement la turque, serait d'un grand secours pour terminer aisément
les affaires, pour se parer de la friponnerie et de l'infidélité des truchemans,
et pour servir utilement V. M. dans les affaires secrètes, et qu'on ne sau-
rait leur confier sans être exposé à de fâcheux accidents.
L'avantage qu'on retirerait de cette intelligence, c'est qu'il ne serait
pas trompé par ses truchemans dans les audiences, parce qu'il entendrait
s'ils rapportent fidèlement les paroles dans le même sens et dans la même
force; et quand la crainte du bûton les ferait gauchir dans une affaire
d'imporlance, l'agent peut prendre la parole pour le redresser et parler
lui-même ; que s'il n'en est pas besoin, il peut préparer la réponse qu'il
doit donner, tandis que la personne avec qui l'on traite fait expliquer sa
proposition.
Le langage acquiert aisément l'amitié des Turcs; cette facilité de s'ex-
primer en leur manière fait mieux connaître les intentions, et attire une
certaine confiance avec laquelle un agent peut éviter bien de méchantes
affaires.
Il peut traduire lui-même les lettres que V. M. écrira au Grand-Sei-
gneur, comme celles qu'il lui enverra dans les occasions, ou les faisant
faire par autrui, il connaîtra si elles son traduites et expliquées selon le
sens et les intentions de ceux qui les auraient écrites.
Ce serait aussi d'une grande utilité que l'agent pût écrire, en turc, lui-
même aux ministres et officiers du Grand-Seigneur ce qu'on n'oserait
confier à la fidélité d'un trucheraan.
S'il y avait occasion de faire quelque nouveau traité avec le Grand-Sei-
gneur, l'agent aurait lui-même cette commodité d'en dresser les articles
sur les mémoires et les instructions qui lui seraient envoyés, et d'une
manière que les officiers du Grand-Seigneur n'eussent qu'à les transcrire
et les mettre dans leur style ordinaire.
Il connaîtrait si les commandements et les autres expéditions qu'on
obtient de la Porte pour envoyer aux échelles du Levant sont conçues dans
les formes ; si les qualités de V. M. y sont dans leur rang ; s'il n'y a point
de termes équivoques qui puissent faire obstacle à leur exécution, et sur-
lesquels ceux à qui elles sont adressées sur les lieux puissent prendre
164 APPENDICE
quelque prétexte pour les éluder ou pour les rendre inutiles, ce qui arrive
fort souvent; si le fait dont il s'agit n'y est pas assez nettement exprimé
pour éviter les subtilités et les chicanes que les gens de lettres pourraient
avoir quand ces dépêches vont contre leurs intérêts, et qui obligent sou-
vent les consuls à abandonner leurs prétentions et leurs poursuites pour
ne pas ajouter mal sur mal.
Les langues peuvent lui servir encore mieux pour caresser les Turcs en
certaines occasions, où il faut leur donner à manger et h boire pour en-
tretenir leur amitié, ce qui se fait aisément par les conversations qu'on a
tête-à-têle ; on est bien aise quelquefois de faire des confidences dont on
peut se prévaloir pour réussir dans les affaires.
Et si V. M. avait quelque chose à traiter en secret avec le Grand-Sei-
gneur ou avec ses ministres, il n'y aurait pas h craindre que ses affaires
fussent éventées par les truchemans; l'agent en parlerait lui-même en
particulier, et il prendrait pour cela des mesures si justes que V. M. en
serait bien utilement servie.
Ce fut pour toutes ces raisons. Sire, que les états de Hollande choi-
sirent le s'' Varner pour leur résidant à Gonstantinople. Il savait très-bien
parler, lire et écrire les langues du pays. Il y demeura aussi fort long-
temps, faisant tout par lui-même avec un succès merveilleux. Il n'a jamais
rien demandé pour sa nation qu'il n'ait obtenu. Les Français et les An-
glais avaient même recours à son entremise, lorsqu'il leur arrivait des
affaires un peu épineuses.
Une personne qui aura vu l'air dont il se faut gouverner au Levant,
parmi cette diversité de nations, saura ménager les intérêts de V. M.
parmi les Anglais, les Hollandais et les autres nations confédérées avec
la Porte, que la jalousie des préférences et le trafic rend toujours enne-
mies de la nôtre, quelque paix que nous ayons avec elles. C'est un grand
bien pour tous quand la prudence des ministres et l'amitié qu'ils peuvent
conserver entre eux les met dans une union à se soutenir les uns les
autres, au lieu de se détruire par des piques qui sont ordinairement
entr'eux.
Puisque "V. M. est dans la résolution de ne pas rompre encore avec
le Grand-Seigneur, il serait bon de faire continuer les caresses à Soli-
man-Aga jusqu'à son embarquement, et de lui faire donner quelques pré-
sents de draps et d'étoffes qu'il puisse mettre à son usage, pour lui faire
oublier les petits chagrins qu'il témoigne avoir reçus, afin qu'il fasse des
relations favorables de nous h la Porte. Mais comme les Turcs n^osent
pas i)arler, tant parce qu'ils craignent de témoigner de l'estime pour les
ennemis de leur religion, que pour faire leur cour à leur maître sur sa
grandeur et sur sa magnificence, celui qui sera nommé pour aller h Cons-
lantinople et qui portera la réponse du roi avec lui doit être jirésent à la
APPENDICE 165
première aiidienre pour l'obliger à dire la vérité, sinon qa'il prît la parole
et en fit lui-même une fidèle relation. Je fus obligé, à Tunis, de faire la
môme chose à l'audience que Baba-Ramadan eut à son retour, où le divan
étant assemblé, il n'eut jamais le courage de desserrer les dents, et ils
n'auraient jamais su les honnêtetés qu'il avait reçues en France, si je ne
les avait publiées moi-même en sa présence.
Il ne me reste plus rien à dire sur la qualité de l'agent, ni sur le désa-
vantage qu'il y aurait d'envoyer présentement un ambassadeur. Voici le
projet, Sire, de ce que le premier aurait h faire, si V. M. est dans le des-
sein de le préférer au second, pour un cependant, et il serait alors comme
son précurseur dans cette ambassade.
Après qu'il aura reçu les instructions et les ordres de V. M., il s'em-
barquera avec Soliman sur les vaisseaux qu'elle ordonnera pour le repas-
ser à Constantinople. Cet agent sera accompagné de cinq ou six person-
nes seulement, tant officiers que valets, et pendant sa route il observera
les intentions de l'envoyé, lui inspirera de bons sentiments, et le prépa-
rera par son instruction à ce qu'il devra dire.
Etant arrivé à Constantinople, il ira à l'audience que le Grand-Seigneur
donnera à Soliman-Aga, pour l'observer et pour faire ce que j'ai dit à
l'article précédent.
Il rendra à M. de la Haye les dépêches et les ordres de V. M. pour
s'embarquer sur les vaisseaux immédiatement après l'audience dans la-
quelle il prendra congé du Grand-Seigneur et de ses ministres, après
que, leur ayant remis les ordres de V. M., il leur fera connaître aussi ses
intentions, de la manière qu'elle les lui aura prescrites, et leur dira
qu'elle ne se mêle plus de rien, que s'ils ont quelque proposition à
faire, l'agent la recevra, et lui donnera sa réponse.
Les vaisseaux de V. M. pourront sortir du port de Constantinople et
s'en aller aux îles des Princes pour attendre les avis de l'agent, sur la
disposition qu'il verra h la Porte d'obtenir quelque satisfaction ou non,
afin de se résoudre à demeurer, sur l'espérance de régler les affaires par
l'absence de l'ambassadeur, ou de s'embarquer avec lui pour repasser en
France, et laisser le sieur Roboli pour prendre soin des marchands, si
V. M. n'aime mieux, en ce cas, de le faire retirer, et donner ordre aux
consuls des échelles d'en faire autant avec leurs marchands sur les navires
qui se trouveront dans leurs ports, ce qui leur serait encore confirmé par
les ordres du Grand-Seigneur, que l'agent obtiendrait de la Porte, par
lesquels il serait enjoint aux pachas et à ses officiers de justice de faire
payer par ses sujets ce qui serait dû aux Français, et de les laisser partir
sans empêchement. Cette démonstration seule les embarrassait beaucoup,
pour les raisons que j'ai dites à V. M., et les obligerait à nous satisfaire.
Que si l'agent connaît que le Grand-Seigneur soit dans le dessein de
166 APPENDICE
donner contentement à V. M., il demeurera à Constantinople, laissera
partir les vaisseaux avec M. de la Haye, et, en faisant les fonctions de
l'ambassadeur, il s'appliquera à exécuter ce qui sera porté par les ins-
tructions et les ordres qu'il aura de V. M., et à veiller sur toutes les
choses qui regarderont le bien des marchands et de leur commerce, tout
de même que les consuls font dans leurs ressorts particuliers.
Il prendra le temps et l'occasion de faire connaître aux ministres du
Grand-Seigneur que V. M. n'enverra point d'ambassadeur à la Porte, qu'au
préalable les capitulations ne soient renouvelées, et qu'on ait accordé les
articles qu'elle désire d'y faire insérer ; et au cas qu'il les voie dans la
disposition de traiter, l'agent dressera des mémoires sur lesquels il rai-
sonnera, et tiendra les choses signées et accordées dans un état que, si
elles ne peuvent pas se conclure d'abord, on puisse le faire immédiate-
ment après l'arrivé du nouvel ambassadeur, si tant est que ce soit avce
lui qu'on veuille absolument les renouveler; et si le Grand-Seigneur ne
veut pas différer la satisfaction de V. M., l'agent accordera et réglera les
articles d'une manière qu'on n'ait plus que la peine de les faire exécuter.
Immédiatement après le renouvellement des capitulations, l'agent don-
nera les avis à V. M. de tout ce qui se passera pour ces affaires, sur
lesquels elle enverra un ambassadeur tel qu'elle l'aura jugé propre pour
remplir dignement cette fonction, qui passera à Constantinople sur telle
quantité de vaisseaux qu'il plaira à V. M. de lui donner. L'agent lui aura
déjà envoyé les passeports du Grand-Seigneur, et aura préparé sa maison
et l'esprit des ministres de la Porte pour le recevoir avec toutes les céré-
monies nécessaires à la réparation du mépris qu'il ont eu pour ses pré-
décesseurs; et il serait beaucoup mieux comme cela que de l'exposer h
la risée de toutes les autres nations, si, après être venu de but-en-blanc
pour traiter, et avoir fait bien des présents et des dépenses, à son entrée
et pour son établissement, il se voyait obligé de s'en retourner sans
rien faire , ou de demeurer avec cette mortification de commettre le
ressentiment de V. M. dans un temps où on songera peut-être à d'autres
affaires.
Ensuite l'agent ayant donné tous ses avis et tous ses mémoires à l'am-
bassadeur qui aura déjà, été établi, il prendra plusieurs copies des nou-
velles capitulations, avec les commandements du Grand-Seigneur qui
seront nécessaires pour les faire exécuter, s'embarquera sur un des vais-
seaux de V. M. avec ses gens, et s'en ira avec lui h toutes les échelles
du Levant pour les établir, et pour mettre les affaires dans un état qui
puisse couper court à toutes les injustices et aux avanies qu'on y a faites;
prendra des mémoires pour la liquidation des dettes de la nation, réglera
avec les consuls les échanges et les usures qu'elle payait aux sujets du
Grand-Seigneur, s'instruira de tout ce qui se passe sur les lieux et de
APPENDICE 167
tout ce qu'il y aurait h faire pour réparer les abus, les malversations, et
toutes les autres clioses qui sont au prc^judice et h la destruction du com-
merce; l'agent commencera par Smyrne, Napoli de Romanie, Candie,
Satalie, puis ira h Chypre, à Alep, à Tripoli de Syrie, à Béirout, à Seïde
et leurs dépendances ; et s'élant arrêté quelque temps en Egypte pour y
établir ces nouveaux traités et les ordres du Grand-Seigneur (ce qui est
un peu plus mal aisé qu'ailleurs), il traitera avec le pacha et avec les san-
djacs, qui sont les princes naturels du pays, pour le commerce de la mer
lîouge. Ensuite de quoi, il repassera en France pour rendre compte k
V. M. etk ses ministres de ce qu'il aura fait pendant une ou deux années
tout au |)lus qu'il pourrait mettre à faire ce voyage.
Voilà, Sire, ce que je puis représenter à V. M. des choses que l'expé-
rience peut râ'avoir apprises. Elle ordonnera ce qui sera plus convenable
à sa gloire, au bien de ses sujets et à celui de leur commerce. J'ai obéi
k ses ordres, et toutes les propositions que j'ai pris la liberté de lui faire
ne sont que sauf son meilleur avis, et les autres lumières que V. M.
])Ourrait avoir de quelque personne i)lus éclairée que moi. Je supplie bien
humblement V. M. d'être persuadée que je n'ai rien rais dans ce mémoire
qui ne soit véritable, et je voudrais de tout mon cœur pouvoir contribuer
de tout ce qui dépend de moi pour en voir un succès aussi heureux que
V. M. le peut désirer.
IX. — Lettre dn ministre des affaires étrangères au grand-vézir, en
date de Fontainebleau le IG août 1691 (lO rébiul-akliir 1082).
Au très-illustre et magnifique seigneur, le premier visir de l'Excelse
Porte du Grand-Seigneur.
Très-illustre et magnifique seigneur, le glorieux empereur, mon maître,
n'étant pas satisfait des traitements qui ont été faits à la Porte à M. do
Nointel, son ambassadeur, lesquels se sont trouvés bien contraires aux
paroles qu'avait donné Soliman-Aga, mutéferrika ; Sa Majesté donne
ordre maintenant à son ambassadeur de s'embarquer avec tous ses
domestiques sur le vaisseau qu'elle lui envoie pour le transporter en
France sans délai. Elle m'a commandé de faire savoir sa résolution h
Votre Excellence par cette lettre, qui lui sera présentée par le sieur
d'Arvieux, que je lui dépêche exprès, et auquel Votre Excellence pourra
donner toute créance sur les motifs de la résolution de Sa Majesté impé-
riale.
Cependant, je prie Dieu, très-illustre, très-excellent et très-magnifique
seigneur, qu'il flugraente votre gloire avec fin irès-heureuse.
168 AP^E^DICE
X. — Lettre de l'amliassadenr de IVointel nu r|rand-vézir, en date
des premiers jours de mars iG'iZ ( eoninieneenient de zilcadé
1083).
Très-illustre et très-excellent seigneur, le gentilliorame que le très-
puissant empereur de France, mon maître, m'a envoyé avec ses ordres
exprès, étant arrivé ici avec un vaisseau, après un long voyage, me donne
lieu d'écrire à Votre Excellence pour l'en avertir, et lui dire que je suis
tout prêt à partir pour me rendre au premier jour à la Sublime-Porte,
pour y amener avec moi ce gentilhomme, qui aune lettre à lui rendre de
la part de Son Excellence le ministre et secrétaire d'État de Sa Majesté.
J'attends avec impatience la réponse de Votre Excellence , désirant avec
une passion extrême qu'elle me donne occasion de contribuer h la con-
servation de l'ancienne amitié, et de demeurer ici pour être le témoin des
faveurs et de la justice que ses sujets et les marchands français recevront
de sa puissante protection et de sa grande prudence.
C'est tout ce que j'ai à lui représenter ; je la supplie aussi de donner
créance à ce que la Fontaine, mon drogman, lui dira de ma part.
Je finis, en l'assurant que je suis avec une affection, etc.
XI. — Lettre du grand-vézir à l'ambassadeur de IVointel. en date
d'Andrinople mi-mai 167 3 (nii-nioliarreni 1083).
Toi, qui es l'ambassadeur de l'empereur de France, résidant à la Su-
blime-Porte ottomane, tu sauras qu'ayant vu par ta lettre que tu veux
venir en ces quai tiers, vu la présente, tu ne manqueras de partir et de
t'y rendre au plutôt : c'est ce que j'ai à te dire.
XII. — Lettre de l'ambassadeur de Xointei au grand-vézir, en date
du IG juin 167 S (19 sàfer 1083).
Très-illustre et très-excellent seigneur, je n'ai pas trouvé chez le caï-
rnacani les ordres de Votre JExcellence pour donner les expéditions néces-
saires et convenables au vaisseau de guerre de l'empereur, mon maître,
non plus qu'aux vaisseaux marchands, comme Panayotti l'avait promis à
mon drogman de la part de Votre Excellence. Ainsi, voulant éviter que la
dignité de mon maître ne soit pins aussi méprisée qu'elle a été en plu-
sieurs choses à Andrinople. et que Votre Excellence ignore peut-être, j'ai
prié le seigneur caïmacara de lui dépêcher un courrier, et de lui dire les
choses dont je l'ai entretenu. Je n'ai pas voulu manquer de lui envoyer
un de mes janissaires afin que cette lettre vous fùl rendue plus sûrement.
APPENDICE 169
pour l'avenir que j'ai encore reçu de nouveaux ordres de me retirer
depuis mon iirrivée en cette ville. Ainsi, ne voyant rexécution de sa pro-
messe, ni de réponse à cette lettre qui m'oblige à rester, je ne puis faire
aulreuKînl que d'obéir aux ordres de mon souverain, ma tète en répon-
drait.
Après avoir tenté tous les moyens pour entretenir une amitié do près
de six siècles, et n'y avoir point trouvé de correspondance, je me vois
conlraint de me retirer de quelque manière que ce soit.
Je lente encore ce dernier moyen pour ne manquer à rien, et pour faire
voira Votre Excellence, etc.
XIII. — I^i'ltre do Molianinicd IV à Louis XIV, en date d'Vndrinople
mi-juin I(>9» (iin-sàfer 1084).
•
Au plus glorieux des princes mnjeslueux de la croyance de Jésus, élu
entre les grands, magnifiques, honorés dans la nation chrétienne, pour
être l'arbitre des peuples nazaréens, notre ami l'empereur de France,
Louis. Dieu veuille prospérer ses desseins et diriger ses pas dans les sen-
tiers de l'équité!
Gloire des princes majestueux de la croyance de Jésus, élu entre les
grands, magnifiques, honorés dans la religion chrétienne pour être l'arbi-
tre de la communauté du peuple nazaréen ; dépositaire de la gravité,
de l'éminence et ne la douceur; possesseur du chemin qui conduit à
l'h.onneur et à la gloire, notre ami, l'empereur de France, Louis. Que
Dieu veuille le combler de bonheur et de droiture jusqu'à la fin de ses
jours et lui faciliter les sentiers du mérite et de la justice !
Cette lettre haute et impériale étant arrivée à la présence de V. M.,
elle saura que Charles-François-Olier, marquis de Nointel, qui représente
la force des princes de la nation chrétienne, et l'appui des grands de la
religion de Jésus, (Dieu veuille prospérer ses desseins), que vous avez
envoyé pour résider h notre sublime et inébranlable Porle (laquelle,
par la grâce infinie du créateur glorifié, et par l'assistance favorable du
seigneur victorieux est le refuge des empereurs du siècle, et l'asile des
rois de ces temps), nous a rendu votre lettre, et le contenu d'icelle ayant
été expliqué au pied de notre trône impérial, possesseur du monde, par
l'entremise de nos magnifiques visirs et de nos honorables ministres, il
nous a été exposé que, depuis un très-long temps jusqu'à ces jours bien-
heureux, les empereurs de France, vos ancêtres, ont entretenu une sin-
cère, cordiale et parfaite union avec la fortunée, illustre, héroïque, et
triomphante famille des Oîlomans^ et que, désirant affermir cette bonne
intelligence contre toute sorte de changement et d'altération, vous de-
mandiez que les traités inipériaux qui avaient été accordés par nos su-
170 APPENDICE
prèiues aïeux, de glorieuse mémoire, fussent renouvelés, et que, pour le
bien des trafiquants, on y ajoulât certains articles. Nous aussi, faisant
considération sur la prière qui nous a été faite, et voulant conlribuer
de notre part h celle union et h celle amitié, les témoignages nécessaires
de notre immense générosité impériale, sur toutes les choses que vous en
espérez, et V. M, ayant trouvé dans l'inclination bienfaisante de Notre
Hautesse impériale, abondante en lumières, tout l'agrément et toute la
disposition qu'elle pouvait désirer pour cela, les anciennes capitulations ont
été renouvelées, et les nouveaux articles y sont ajoutés. Il est nécessaire
aussi que, de votre pari, ces pactes et ces accords, qui sont les fondements
de la paix, soient observés, et exécutés avec tant de soin, de ponctualité et
de diligence que la tranquilité et les avantages que les étals et les peuples
en recevront puissent être augmentés de jour en jour. Que les mar-
chands et les autres sujets de l'une et de l'autre part allant en bon ordre,
avec plaisir et en toute sûreté par terre et par mer, sous la bonne foi de
nos traités impériaux, soient soigneux d'éviter les désordres dans nos
porls et passages, et toutes les autres choses qui pourraient y contrevenir
de telle sorte que les marchands et les navigateurs puissent ressentir les
effets de la paix et de l'amilié qui est entre nous.
Écrit vers le milieu de la lune de sâfer, etc.
XIV. — Lettre du grand-vczîr à Louis XIV, eu date d'AudrinopIe
mi-juiu 16^(3 (flu sàfer 1084).
Au plus glorieux des princes majestueux de la croyance de Jésus, élu
entre les grands, magnifiques de la nation chrétienne pour être le média-
teur entre les peuples nazaréens, l'empereur de France, notre ami, Louis-
le-Grand. Dieu veuille prospérer ses desseins et diriger ses pas dans les
sentiers de la droiture!
Gloire des princes majestueux de la croyance de Jésus, élu entre les
grands, magnifiques, honorés dans la religion chrétienne pour être l'ar-
• bilre et le médiateur dans la communauté du peuple nazaréen; dépositaire
de la gravité, de l'érainence et de la douceur ; possesseur du chemin qui
conduit h l'honnenr et à la gloire, notre ami, l'empereur de France,
Louis-le-Grand, que Dieu veuille combler de bonheur et de droiture jus-
qu'à la fin de ses jours, et lui faciliter les sentiers du mérite et de la
justice !
Après avoir salué V. M. avec une effusion pure et sincère et l'avoir
assurée d'une intégrité de correspondance digne de la véritable amitié.
elle saura que le très-puissant et invincible empereur, le Grand-Seigneur
mon maître (asile du monde, rois des rois, image d'Alexandre, recours
des potentats de ce temps, refuge des rois du siècle, dont la gloire, la
APPENDICE 171
force incomparable et les victoires soient augmentées), a reçu la lettre que
vous avez envoyée h sa haute, sui)Iime, heureuse, i)uissantc et impériale
Porte par le marquis de Nointel, modèle et appui des grands de la religion
de Jésus-Christ, que vous avez envoyé pour y résider; lequel m'a rendu
aussi celle que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire dans des termes si
honnêtes et si obligeants qu'ils me font connaître que vous me considérez
comme un parfait ami.
La susdite lettre ayant été traduite, selon l'usage ordinaire, et le sens
qui en a été expose au pied du trône impérial lui ayant fait entendre que,
pour entretenir la paix et l'alliance qui est établie depuis longtemps jus-
qu'à félicité de son règne, vous désiriez que les traités et les accords im-
périaux fussent renouvelés, et qu'on y ajoutât quelques articles pour l'a-
vantage des trafiquants; et voulant leur donner quelque marque de sa
libéralité et d'une inclination bienfaisante, digne de sa magnificence im-
périale, il a accordé <i leur prière tout ce qui lui avait été demandé
de votre part, tant à votre considération qu'à celle de vos peuples, en re-
nouvelant les capitulations de la manière qne vous l'avez souhaité, avec
une lettre pleine d'amitié pour réponse k celle que vous lui avez écrite, par
laquelle vous verrez que ses intentions royales n'ont point d'autre but que
de vous marquer la pure, sincère et parfaite amitié qu'il a pour V. M. ; et
comme cette paix n'est contractée que pour la tranquillité des états, et pour
la commodité et prospérité des peuples, il est besoin aussi de contribuer
de votre part tout ce qui sera nécessaire afin qu'elle soit soigneusement
observée et exécutée, et que les marchands et autres vos sujets jouissent
sur mer et sur terre de la sûreté, de la bonne foi, du repos et des caresses
qu'ils doivent attendre d'un traitement, qui puisse correspondre k l'amitié
qui est entre nous.
Le sulut soit sur celui qui est dans la bonne voie !
XV. — Lettre dn comte Desallcurs (*) à Ahnied-paclia {**), en date
de Paris le 33 décembre 194<i (9 zilhidjé 1159).
M. le marquis d'Argenson m'ordonne expressément de vous écrire
(*) Le comte Roland Desalleurs, qui servait sous les ordres du marquis d'Argensoa
(ministre des afl'aircs étrangères), fut nommé, en 17^8, ambassadeur à Gonstantinople,
en remplacement de M. de Castellane.
(**) Issu d'une famille du Limousin, le comte (Claude-Alexandre) de Bonneval avait
d'abord servi la France, dans la marine et dans l'armée de terre, fut disgracié par le
ministre de la guerre Chamillard, entra après au service de l'Autriche, dut quitter ce
service pour avoir insulté le prince Eugène, se réfugia enfin à Constantinople, y em-
brassa l'islamisme sous le nom d'Ahmed, et fut nommé pac/ia à deux queues. Il mou-
rut, en 17/i7, au moment où il se disposait à s'éloigner secrètement de Constantinople
pour rentrer en France.
172 APPENDICE
qu'il est essentiel pour la France que vous déterminiez les Turcs à faire
une diversion en Hongrie ; il n'est pas de leur intérêt que la reine de
Hongrie reste la maîtresse de toute l'Italie. Il est dangereux que cela
n'arrive, si elle n'est forcée d'en détourner ses troupes pour les porter h
la défense de ses propres états ; elles ont passé le Var et sont actuelle-
ment en Provence. Le roi a fait assembler une armée à Lyon, qui pourra
faire repentir ses ennemis; cependant S. M. serait à la fin forcée de
souscrire une paix qui, en laissant h l'Autriche ses anciens traités, avec
beaucoup de tioupes aguerries, la laisserait aussi plus formidable aux
Turcs; leur intérêt exige donc qu'ils s'arment dans l'occurrence présente
• pour concourir, par eux-mêmes, à la diminution de cette puissance; le
refus de leur médiation est un prétexte raisonnable, et le danger de
l'avenir une raison qui ne leur permet pas de balancer. Si à ces raisons
il fallait ajouter des présents, j'ai ordres de vous dire que vous pouvez
promettre, et que l'on tiendra vos engagements; il faudra cependant
ne pas promettre des sommes excessives, et se réduire à cent mille écus,
et moins, si vous le pouviez, et h la condition qu'ils ne seraient remis
que lorsque la guerre sera commencée. Vous aurez la bonté d'en commu-
niquer avec M. de Gaslellane, et de prendre avec lui les engagements qui
vous paraîtront convenables; il recevra des instructions à ce sujet, mais
mon cher pacha, j'ai ordre de vous présenter un motif qui vous sera bien
cher ; le roi se déterminerait à reconnaître un pareil service, et si, après
l'avoir rendu, vous vouliez venir dans votre patrie^, et vous jeter entre
les bras d'un maître, auquel votre cœur est si attaché, vous seriez reçu
non-seulement avec bonté, mais encore de façon à vous faire passer vos
jours avec distinction et avec une entière aisance. Je suis bien flatté de
pouvoir vous porter une parole si conforme à vos désirs. Les circonstan-
ces ne permettent pas en ce moment de faire un traité, mais vous n'igno-
rez pas que, quand même le roi ferait sa paix avant les Turcs, il lui
resterait assez de moyens pour empêcher quils ne souffrissent d'avoir
pris son parti. Au reste, je vous répète que M. de Castellane doit avoir
reçu des ordres relatifs à ma lettre, et qu'en lui communiquant ce que je
vous écris il vous le confirmera de la part du roi.
Lo cher comte a passé ici; Dieu sait combien nous avons parlé de
vous et de votre ami. Je vous assure de mes respects et je salue très-
huml)lement notre ami.
XVI. — n^'pêolic fie l'ambassadeur de Castellane an ministre des
affaires «:'lrangères (Puysîcux), en date <lu 23 mars l'S4'ï (H ré-
biul-éwcl fltOO).
Depuis la lettre, monsieur, que j'ai eu l'honneur de vous écrire le
27 du mois passé, par la voie de Venise, j'ai reçu les duplicata des trois
APPENDICE 173
dépêches dont vous m'avez honoré les 30 novembre, 9 et 26 décembre
passé, avec la lettre particulière ([ue vous m'avez adressée pour l'iiomme
en question; c'est M. le comte de Montaigu, qui me les a fait parvenir
avec la lettre du 1" février, arrivée le 20 de ce mois. Je présiui/o que les
originaux sont sur un des deux bâtiments que nous attendons ici depuis
longtemps. Je vais, monsieur, avoir l'honneur de répondre aux réflexions
que les dépêches renferment, en vous informant de deux événements qui
vous frapperaient sans doute davantage, si mes précédentes relations ne
vous avaient déjà convaincu que les personnes sur qui vous faisiez ici
le plus de fond n'étaient pas à beaucoup près aussi essentielles au succès
de nos vues qu'on peut avoir lâché de vous le persuader. Je parle de
Saïd-Éffendi et du comte de Bonneval. Le premier a été déposé de la
charge de Kiaya, qui a été donnée au Tschaouch-Baclii, et le second est
tombé dans une léthargie mortelle , qu'on attribue h une goutte re-
montée. Je savais depuis quelque temps que le grand-vézir travaillait à
éloigner Saïd-Éffendi de Consiantinople. C'est le 15 de ce mois qu'il a
été déposé. Il a regardé comme une grâce qu'on ne lui ait pas donné les
trois queues pour l'envoyer dans quelque mauvais pachalik, oii il aurait
bientôt dépensé ce qu'il a épargné dans le peu de temps qu'il a exercé la
charge de Kiaya. II est rentré dans l'emploi qu'il avait eu auparavant au
bureau des finances. Gomme il reste à Constantinople, il ne serait pas
impossible qu'il s'élevât de nouveau par des intrigues h quelque poste
plus important. Ainsi, je crois de mon devoir, monsieur, de v^ous dire
ce que j'en pense.
Je vous ai marqué, monsieur, dans ma lettre du 12 septembre, qu'k
l'audience du 29 août, qui m'a été donnée à la campagne, Said-Éfïendi n(!
pouvait s'y trouver; il était obligé de rester à la Porte pour suppléer <i
l'absence du grand-vézir, ce qui, ajoutai-je, l'a rais fort à son aise; car
la composition de sa contenance n'aurait pas été pour lui un petit em-
barras; dans cette occasion, je tombai dans le cas d'une amphibologie, qui
n'est que trop fréquente dans notre langue, et qui vous a donné lieu de
penser que je voulais parler du grand-vézir, quoique ces dernières
paroles fussent relatives à Saïd-Éffendi. C'est de lui que je voulais dire
qu'il avait été charmé de ne passe trouver à cette conférence, parce que,
connaissant son caractère timide, indécis, peu obligeant, et uniquement
occupé de lui-même et de sa fortune, et ayant été témoin que, lorsqu'il
fut nommé ambassadeur en France, il affecta devant le grand-vézir de se
faire interpréter ce que je lui disais, de peur qu'on ne le soupçonnât de
savoir le français, et de ne pas passer pour aussi infidèle que ceux dont
il parlait la langue; je ne doutais pas qu'il n'eût été embarrassé h com-
poser sa contenance dans un entretien, où il aurait rougi de se montrer
zélé ou ingrat envers la France : l'un étant aussi périlleux dans sa façon
i7Z, APPENDICE
de penser que l'autre Otait déslionnête. Comme vous paraissez surpris,
monsieur, que l'on puisse former le moindre doute sur la reconnaissance
de Saïd-Éffendi envers la France, je dois vous informer à ce sujet de
quelques anecdotes. La première, que Saïd-Élfendi, après avoir consumé
à Paris, par des fantaisies et ses caprices, les bienfaits du roi, prévoyant
qu'il retournerait aussi pauvre qu'il était venu, imagina la ressource d'une
donative considérable qui lui était promise, s'il procurait à un quidam
l'emploi de fermier général. Le refus de cette grâce est le premier sujet
de sa rancune, Le second a été l'économie dont on usa avec lui à Marseille
ou, suivant lui, la chambre ne lui donna pas aussi abondamment qu'il
aurait souhaité. Rien de plus injuste que cette façon de penser ; il en a
été cependant capable, apparemment par le vif sentiment de sou indi-
gence, qui était telle qu'il ne rapporta de son ambassade que des colifi-
chets et huit mille piastres d'argent comptant. Il avait outre cela un beau
diamant, dont le roi lui avait fait présent; mais il lui fut enlevé par le Kis-
lar-Aga. A la suite de cette conférence que ce premier eunuque eut dans
le sérail avec le sieur de Laria, ce drogman,en relevant dans la meilleure
intention du monde la générosité dont on avait usé envers Saïd-Effendi, fut
la cause innocente qu'on acheva de le dépouiller. C'est le troisième sujet
de la rancune. Ces faits m'ont été successivement assurés par les per-
sonnes qui avaient le plus de droit h sa confiance, et le dernier entre
autres a été confirmé par M. le comte de Bonneval lui-même; en sorte
que, bien loin de le regarder comme notre ami, vous pouvez, au contraire,
être persuadé qu'il a oublié tout ce que la France a fait pour lui, et qu'il
est de plus ulcéré contre nous, nonobstant toutes les attentions que j'ai
eues pour lui depuis son retour de France. Aussi, monsieur, bien loin
de me réjouir de sa nomination au poste de Kiaya, je vous prévins que je
l'avais démasqué à la négociation de il ko, et vous donnai h entendre
qu'il nous serait tout au moins inutile , outre sa timidité naturelle et
les motifs de rancune dont je vous ai parlé. Je savais qu'il avait puisé
de M. de Bonneval le préjugé qui a toujours été un obstacle essentiel à
à nos vues; je veux dire cette prévention que la France ne veut engager
les Turcs dans la guerre que pour s'en débarraser elle-même, et les sa-
crifier en faisant sa paix. C'est en 173^, temps auquel Saïd-Éffendi et le
comte de Bonneval entrèrent dans nos affaires de Pologne, que les plus
modiques inductions du procédé de la France h la paix de Ryswick furent
mises dans tout leur jour, et qu'on fit échouer les négociations du marquis
de Villeneuve, en exigeant que la France prît des engagements par écrit
avec la Porte pour la continuation de la guerre. C'est à cetle école que
les Turcs ont appris à se méfier de nous, et que Saïd-Éffendi lui-même a
puisé ses principes, dont il s'est ouvertement expliqué même en cette
occasion, et dont vous avez vu, par la suite de la correspondance du comte
APPENDICE 175
Bonncval avec le sieur Pcyssonnel, que ni l'un ni l'aulro ne se sonl jamais
(Icparlis , ayant toujours insisté sur la nécessité indispensable d'une
alliance avec la Porte. J'ai donc prévu, par la connaissance de toutes les
circonstances, l'accomplissement de ce que je vous avais prédit par mon
mémoire du 10 avril 1745, que le système de la Porte serait constamment
de ne pas se brouiller avec ses voisins, et de tâcher de tirer parti de celle
conjecture pour se procurer quelques avantages de la part de la cour de
Vienne, par la voie de la négociation et non par celle des armes. Vous
avez vu en effet, monsieur, que de toutes les idées que nous avons four-
nies cl la Porte, aucune n'a pris que celle de retarder la réponse à l'inter-
nonce de la cour de Vienne, en la faisant dépendre de la paix des États de
Toscane avec la Porte : idée qui sert h les trouver conformes au système
pacifique des Turcs, puisqu'elle se lie de plus en plus avec cette cour, et
à diminuer le nombre des corsaires qui troublent la navigation et le com-
merce des sujets du Grand-Seigneur ; je ne doute pas que, si la cour de
Vienne voulait faire encore le moindre petit sacrifice du côté du Banal, la
Porte n'acceptât avec plaisir de renouveler et proroger la trêve de 1 739.
Je vous ai annoncé tout ceci, monsieur, nonobstant les nouvelles que
nous avions de la paix de Perse, et vous avez vu en effet que cette paix a
été conclue sans que le système de la Porte ait changé. Tout ce qu'a pro-
duit cet inconvénient, c'est qu'il a coupé court au prétexte dont M. de
Bonneval vous amusait pour nourrir vos espérances, en sorte que, se
voyant réduit au pied du mur, il a été obligé de parler clairement et con-
formément à la vérité ; du moins c'est ce qu'il a fait dans les billets dont
j'ai eu l'honneur de vous envoyer copie, ignorant ce qu'il peut vous avoir
insinué ailleurs. Ces détails, monsieur, sans diminuer le regret que vous
pouvez avoir à la confiance qu'on nous avait inspirée pour Saïd-Effendi
et le comte de Bonneval, pourront contribuer à vous consoler de la mort
prochaine de ce dernier.
11 y a environ deux mois que le comte de Bonneval fut attaqué d'une flu-
xion qu'on croit aujourd'hui avoir été occasionnée par une humeur gout-
teuse qui s'est jetée sur l'estomac et la poitrine. Il pensa l'année dernière
s'empoisonner par l'usage du vitriol. Depuis, il a considérablement aug-
menté son mal, et l'a rendu passablement incurable par le fréquent usage
de miel détrempé dans l'eau chaude, contre l'avis des médecins, ravivant
ensuite cette boisson par l'usage des liqueurs fortes et spiritueuses. Uii
régime extraordinaire lui a procuré des évanouissements qui semblaient
les avant-coureurs d'une apoplexie; il s'alita, il y a une quinzaine de jours,
et ne s'est plus levé; depuis, il donna dans un autre travers, en prenant
une quantité extraordinaire d'huile d'amandss douces.Ges évanouissements
étant devenus plus fréquents, il tomba le 17 de ce mois dans une espèce
d'assoupissement, d'où un médecin fort entendu, que j'ai auprès de moi,
176 APPENDICE
secondé de celui qui le sert ordinairement le firent revenir; en sorte
que le 20 de ce mois, ayant reçu vos dépêches, et notamment celle par
laquelle vous me prescriviez de rendre moi-même et en main propre celle
qui était pour lui, le médecin que je consultai sur son état, m'assura qu'il
y avait de ramélioration, et que le malade avait toute la liberté de ses
sens. Je vous avoue, monsieur, que votre intention étant que cette lettre
me fût communiquée par M. de Bonneval, j'aurais fort souhaité dans une
pareille circonstance que vous m'en eussiez envoyé la copie; car j'aurais
pu me dispenser de la lui remettre pour éviter de compromettre votre
secret. J'ai bien senti tout ce qu'elle avait de critique, puisque cette pièce
allait augmenter le nombre de celles qui sont à la veille de tomber ou entre
les mains des Turcs, ou au pouvoir de personnes peu sûres. Mais enfin,
monsieur, je me dis à moi-même que l'obéissance et l'exécution ponctuelle
de vos ordres étaient le parti le plus raisonnable que j'eusse h prendre,
cette lettre, a laquelle vous me renvoyiez en quelque façon, devant natu-
rellement renfermer des instructions essentielles. L'ignorance m'aurait
lié les mains et exposé aux reproches de ra'être rais dans l'impossibilité
d'exécuter, le comte de Bonneval nous manquant, ce qui pouvait intéres-
ser le service du roi. J'allais donc le 21 de ce mois passer la soirée au
palais de Naples, qui est à peu de distance de celui du comte de Bonneval,
et je fis confidence au bailli de Mnjo que je serais fâché que le comte mou-
rût sans lui avoir donné la consolation de lui témoigner la part que je
prenais h sa situation. Je fis même ac^réer à ce ministre de ne pas venir
avec moi, à cause de l'incognito que j'étais bien aise de garder : en quoi
mon intention fut de me conformer à ce que vous m'avez recommandé
sur ce point. J'avais, du reste, fait prévenir le comte de Bonneval de la
visite que j'allais lui rendre. Soliman-Béy, son fils, avait disposé toutes
choses pour que j'entrasse dans sa chambre avec le moins d'éclat qu'il
se pourrait. Je m'y rendis à huit heures, sans flambeau, et sans autre
suite que M. Peyssonnel. Je trouvai le comte ayant entière liberté de son
esprit ; la conversation fut polie et aussi cordiale que la circonstance le
permettait; mais quand je lui remis votre lettre, il travailla beaucoup
pour la décacheter à cause de sa grande faiblesse : quand elle fut ouverte,
il la remit à M. Peyssonnel pour qu'il en fit la lecture. En l'ouvrant, on
reconnut qu'elle était chilTrée. Eh bien ! me dit le comte^ vous la ferez
déchiftrer par M. Peyssonnel ; je lui répondis qu'elle était d'un chiffre
dont lui seul avait la clef. S'il en est ainsi, dit le comte, je ferai venir
demain mon secrétaire Paul, et Soliman-Béy lui fera déchiffrer la lettre,
dont je vous enverrai l'original et la copie. En sortant, je renvoyai
,M. Peyssonnel à Soliman-Béy, qui était resté dans la chambre voisine k
celledu malade pour amuser quelques personnes étrangères qui y étaient;
je le fis prévenir que j'avais remis une lettre au comte, qu'il trouverait
APPENDICE 177
SOUS son oreiller, et que par rapport à son importance, il était essentiel
au service qu'il la fît (lécliiflVer, el qu'il nie fît part de son contenu. Celte
précaution é!ait nécessaire, car, quelque temps après, le comte tomba
dans un violent accès de goutte, et depuis lors il est resté dans une lé-
thar^'ie si complète qu'il ne prend plus d'alinienls que ceux qu'on peut
lui administrer avec une cuillère, et ne parle plus. Je rae suis là, mon-
sieur, livré à la discrétion de Soliman-Béy et de Paul pour le déchiffre-
ment de cette lettre et pour la connaissance de son contenu. Soliman-Béy
est un Milanais, apostat, àiïé d'environ /j5 années, un esprit plus solide
que brillant, attentif, au reste, à ses intérêt;; et à son avancement, et y
travaillant bien plus par son activité et ses importunités que par la mo-
dération et la discrétion de sa conduite. Il a profité des liaisons du comte
pour se procurer ici des amis et protecteurs; il exerce depuis plusieurs
années la charge de coumbaradgi-bathi, et vit dans une maison séparée
auprès de lui, oij il a épousé une fille unique d'un renégat vénitien. Il n'a
pas de grands talents, ni de connaissances fort étendues, mais comme il
est au fait des négociations du comte, et ((u'il peut se faire que le minis-
tère ottoman, à (julil est connu par ses div(>rs messages, sera bien aise de
continuer d'avoir à Péra une personne à portée d'y puiser des informa-
tions sur les affaires de l'Europe, il y a lieu de croire qu'on le maintiendra
à peu près dans le même état que son père adoptif. C'est donc un homme
bon h ménager, et un canal assez naturel, dans la circonstance présente,
pour suppléer aux démarches que je ne pourrais faire moi-même, sans
inconvénient, au secret; il aurait été inutile de vouloir user de réserve
avec lui, puisqu'il s'est empuré depuis plusieurs jours des papiers du
comte qu'il a mis en lieu de sûreté. Celte opération était nécessaire, car
le sieur Peyssonnel, qui a visité le comte deux fois, fit apercevoir à Soli-
man-Béy que le portefeuille ou atlas géographique rempli des papiers du
comte était sur un cana[ié k la merci de tout le monde. C'est sur cet avis
que Soliman-Béy a ramassé depuis tous les papiers qu'il a pu trouver. Je
ne sais pas positivement où il les a transportés, mais le sieur Chévrier,
chancelier de Naples, m'a fait connaître hier au soir qu'il avait les plus
importants. Ce chancelier est un Genevois qui doit vous être connu, mon-
sieur, par un mémoire des plus malicieux qu'il répandit en Suisse, il y a
se|U à hiiil ans, contre la politique de la France, et que la cour jugea
capable de faire révolter contre nous les protestants, en sorte qu'on avait
donné des ordres réitérés à M. de Villeneuve de le faire enlever comme
un esprit très-dangereux, quand M. Finochetti le fil entrer dans les affaires
de Naples, oi!i il fit un voyage el fournil des projets tant qu'on en voulut,
car il est IVrlileen ce genre. Il en aélé récompensé pir la place de chan-
celier de Naples, h la modicité de laquelle il a suppléé par des douceurs
qu'il trouvait dans la maison du comte, ii qui il a été toujours fort attaché.
T. II. 12
176 APPENDICE
C'est k lui ([lie Soliinan-Béy remit, la 12 au soir, la lettre en question h
déchiffrer ; je l'appris par Paul que j'envoyai chez lui le 22 au malin.
Chévrier, b. qui Paul me renvoya, et que je fis appeler aussi, me dit qu'il
y avait des fautes qui l'empochaient de déchiffrer une i)artie de la letirc ;
qu'il entrevoyait j)Ourtant des avantages personnels qu'on faisait espérer
au comte, et sur lesquels il ne pouvait s' (expliquer davantage jusqu'il ce
que le comle revînt dans un état h pouvoir y donner son aveu, mais qu'il
communiquerait, après en avoir pris la permission de Soliman-Béy, ce
qui pouvait concerner le service du roi, cette partie se trouvant presque
entièrement déchiffîée. Il m'apporta, en effet, hier au soir, l'extrait de cette
letlre, dont vous trouverez ci-joint la copie.
Avant d'entrer dans des réflexions qu'elle peut exiger, j'ajouterai qu'a-
près la lecture de votre pièce, j'envoyai M. Peyssonnel chez Soliman-béy
pour le remercier de ma part de cette communication, et lui dire que j'a-
vais bien des raisons de regretter M. de Bonneval, mais que celte lettre
augmentait infiniment mes regrets; qu'au reste, je souhaitais de trouver
des occasions pour contribuer à son avancement, et (jue, s'il était dans
l'inteniion de continuer de prêter ses soins aux intérêts de la France, je
serais charmé que la négociation à laquelle celte lettre était relative, lui
fournît un moyen naturel de se ménager la confidence de la Porte. Soli-
man, très-sensible à ce compliment, dit à Peyssonnel qu'il me piiait
d'excuser si celle communication avait été imparfaite; que si le comte
venait en santé, il ne serait peut-être pas si scrupuleux; qu'à l'égard de
la négociation, il trouvait que le comte, par exf^ès de confiance pour Saïd-
Éffendi, avait un peu négligé le réis-éffendi, qui n'était pas de ses amis;
que pour lui, il avait été le matin même voir le ministre, afin de le ren-
dre favorable aux vues qu'il avait de se faire pourvoir de la charge de
coumbaradgi-buchi ; qu'au reste il n'avait jamais beaucoup aimé à se
mêler des aifaires d'autrui, mais qu'il se prêterait pourtant à tout ce que
la France pourrait exiger de lui. Le sieur Peyssonnel lui dit que son éloi-
gnement des affaires était la preuve d'un jugement solide, mais que celle-
ci pouvait bien mériter quelque exception : ce à quoi Soliman n'eut pas
de peine de convenir. Il me reste à observer à présent, monsieur, que les
dernières instructions renfermées tant dans les lettres dont vous m'avez
honoré que dans celles à M. le comte de Bonneval diflèrent des précé-
dentes : 1° en ce que vous ne demandiez alors que des démonstrations
de la part des Turcs, et qu'h présent vous souhaitez qu'ils agissent réelle-
ment et prennent les armes pour empêcher que la reine de tlongrie ne
s'empare de l'Italie; et, comme ce point e:;t délicat, vous souhaitez qu'on
puisse l'oblenir, autant qu'il se poui'ra, jiar des déinai'clies indiiectes et
secrètes. Si Soliman-béy supplée à celles que vous attendiez du comte
de Bonneval, elles seront indirectes; pour ce qui est de savoir si elles
APPENDICE 179
seront secrètes, vous en jugerez vous-même, monsieur, par tous les dé-
tails dont je vous ni informé sur la façon dont M. le comte de Bonnevai
dirigeait cette affaire. Quant à moi, monsieur, je me conformerai à ce que
vous me prescrivez de ne donner aucun mémoire, nonobstant l'approba-
tion que vous avez donnée à celui qui fit la base de ma conférence du
29 août avec le grand-vézir. 2" Vous espérez, monsieur, que les Turcs,
par le seul motif de leur propre intérêt, pourraient entrer dans vos vues;
vous permettez aujourd'hui d'ajouter à ce motif celui des présents que
l'on pourrait porter à cent mille écus. Je vous prie de considérer, mou-
sieur, que nous étions venus avec M, de Bonnevai jusqu'à insinuer que
la France pourrait faire la moitié de la dépense d'une diversion, et que
cette insinuation no fit que blanchir la Porte, qui n'a pas reçu cette pro-
position, quoique j'offrisse de m'en chargerai référendum. De plus nous
serons aiijouid'hui entre les mains du réis-éft'endi, et ce ministre, suivant
le portrait que j'ai eu l'honneur de vous en faire dans mon mémoire
de 1745, est très-habile à se procurer des avantages; mais ce ne sont pas
les avantages seuls qui le détermineront à déclarer la guerre à la reine
de Hongrie; il faudra qu'il y voie clairement l'intérêt de l'empire ottoman
et su tête en sûreté contre tous les événements; alors même qu'en faisant
le bien public, il voudra encore y trouver son profit particulier, mais il
ne sacrifiera pas l'un h l'autre. Voilà du moins l'idée que j'ai de ce minis-
tre. 3° La réflexion ci-dessus en amène une troisième, qui est que vos
dernières instructions n'éloignent pas le principal obstacle qui s'est tou-
jours opposé au succès de vos vues, qui est l'embarras que la Porte pré-
voit d'être abandonnée, si elle se résout à faire la guerre sans engage-
ment de notre part de la continuer jusqu'à ce que les Turcs aient fait
leur paix. Celte crainte, sur les insinuations réitérées du comte de Bon-
nevai et de Saïd-Éflendi, a jeté de trop profondes racines pour que je
puisse vous flatter que des clonatives seront suflisantes pour détruire ce
préjugé, et vaincre ce scrupule, h" Vous avez pu voir, monsieur, par mes
dernière relations que le réis-effendi a rejeté l'inaction de la Porte sur
deux fautes qu'il nous reproche : l'une, de n'avoir pas accepté la média-
lion du Grand-Seigneur; l'autre, de n'avoir aucunement répondu aux
avances faites au roi de Prusse pour une alliance. Il sera par consé-
quent bien diilicile de lui faire entendre que la Porte peut fonder sa dé-
claration de guerre sur le refus que la reine de Hongrie a fait de celte
médiation, puisqu'il est prévenu que ce procédé nous est tout au moins
commun avec cette princesse, étant instruit vraisemblablement des dis-
cours que nous avions tenus à ce sujet à la cour de Pétersbourg, quand
nous acceptions i'inipéralrice de Russie seule et unique médiatrice.
Et pour ce qui est de l'alliance de la Porte avec le roi de Prusse, je ne
trouve rien ni dans vos dépêches ni dans celles du comte de Bonnevai,
180 APPENDICE
qui puisse guérir la Porle de la rancune qu'elle a du mépris qu'on a fait
de ses avances. Il faut que celte rancune soit bien vive, puisque, la der-
nière fois que le réis-éfl'endi a parlé au sieur Fonlon, il a avoué qu'Ibra-
him était mort de regret et de honte des espérances qu'il avait données à
la Porle sur les succès de cette négociation. La dernière réflexion sera,
monsieur, que vos inslruclions arrivent dans un temps où tout doit être
presque réglé avec l'internonce Penkler, et qu'on a même déjà travaillé
à une liste d'esclaves qu'on doit mettre en liberté, à la prière de ce mi-
nistre, apparemment en échange de ceux qui seront renvoyés des galères
de Livourne. C'est un fait que je tiens des Jésuites, qui Oiit l'enirée au
bagne, et qui suggèrent et s'intéressent |)Our ceux qui pourraient être
compris dans cette liste; et, comme le réis-élTendidit aussi au sieur Fonton
qu'il attendait l'arrivée du prochain courrier, il y a apparence qu'il
rapportera l'ultimatum de la cuur de Vienne, et que la négociation de
M. Penkler se trouvera trop avancée pour que la Porte puisse reculer(*).
J'ai eu soin d'informer, monsieur, le bailli de Bocage de ce que j'avais
découvert ici d'iniéressant pour l'ordre de Malte, mais je ne trouvai pas
à propos de lui communiquer le mémoire du comte de Bonneval, le
bruit qui s'était lépandu que les Maltais avaient coulé à bas deux caravel-
les du Grand-Seigneur ne s'étant pas confirmé. Cette affaire, à ce qu'il
paraît, a été perdue de vue.
Je suis avec un respect infini, etc.
X.VII. — Dépêche de l'ambafssadeur Desnllcurs an ministre des af-
faires étrangères, en date du 15 avril l'3'4t> (3îl sàfer li03).
J'ai l'honneur de vous rendre un compte très-délaillé sur les embarras,
les avantages ou les difficultés d'un traité d'amitié, avec la Porte. Un des
principaux obstacles à surmonter ici pour conclure un pareil traité pur
et simple, c'est qu'il n'y en a pas d'exemple, et les Turcs sont inûniment
(*) Voici, en résumé, le traité d'alliance offensive et défensive que M. de Castellane
avait cherché de conclure avec la Turquin.
La Sublime-Porte se fera représenter par des plénipotentiaires au congrès appelé à
rétablir la paix en Europe.
La Fiance et la Sublime-Porte s'engagent à obliger le grand-duc de Toscane à renon-
cer à la couronne impériale.
Le Grand-Seigneur conservera les conquêtes faites en Hongrie.
La guerre sera continuée aussi longtemps que le grand-duc de Toscane n'aura pas
renoncé à la couronne impériale.
Tous les alliés de la France sont compris dans le traité.
Ni l'une ni l'autre des puissances contractantes, ni aucune des puissances comprises
dans le traité, ne pourra négocier iéparémeni la paix avec le grand-duc de Toscane ni
avec la reine de Hongrie.
APPENDICE 181
allachés aux usages. Topal-Osman-pacha avait de l'inclination pour la
France, il devait sa liberté, à Malte, à un Français; Hagliib, naturellement
porté pour la France, Essaad-EtTendi, protecteur ouvert de la Suède,
étaient tous les trois commissaires pour la paix. Les choses ont bien
cliiingé depuis la paix de Belgrade : le prétendu refus de la médiation de
la Porte par la France, le traité d'une paix perpétuelle conclu avec la cour
de Vienne et de Russie, ré[)uisement amené par la gueri'e de la Perse,
enfin l'intention particulière du Grand-Seigneur ou la soumission du mi-
nistère au sérail, j'intéiieur de tout l'empire assez raal affi'ctionné, ont fait
adopter le système pacifique comme l'unique moyen de soutenir le Grand-
Seigneur sur le trône, et de prévenir une révolution générale; je me suis
attaché à faciliter des subsides pour la Suède.
XVIIÏ. — IVote (extrait) de la Sublînie-Porte ù, rambassadeur de
Vergenncs, en date dn . . mai 1964 (.. . zilcadé 1199).
A notre Irès-honoré ami, l'ambassadeur de France.
Il est inutile de donner des indices et des preuves d'un fait de notoriété
publique, qui est que de tout temps des troupes étrangères sont entrées en
Pologne, et que non-seiilement la république, notre amie, ne s'y est point
opposée, mais même qu'elle les a souvent reçues de son plein gré, à titre
d'hospitalité. Ainsi, si la Sublirae-Porte devait prendre cette affaire (*)
en considération, il ne sera pas hors de propos de taxer cette attention
de la Sublime-Porte d'infraction aux droits de la liberté de la république
de Pologne, notre amie. Outre cela, comme dans les capitulations impé-
riales données lors du traité de Carlowitz, il n'y a pas un seul article qui
ait plus ou moins trait à ce point, il n'est conséquemraent pas de la di-
gnité de la Sublime-Porte d'en faire une matière de négociation, et d'y
donner des soins et son attention.
XIX. — Mémoire présenté à Lonis XV par le comte de Vergennes,
en date du {*) ... lïfi» (1183-1183).
La politique des Turcs étant déjà fort affaiblie par les disgrâces qui
signalèrent la fin du règne de iMahomet IV, l'incapacité de ses successeurs
les plus immédiats, les pertes que l'empire essuya dans les guerres qui
précédèrent la paix de Carlowitz et de Passarowilz, enfin les révoltes qui
(*) Le comte de Vergennes avait présenté au roi ce mémoire, qui se trouve dans
Ségor, Politique de tous (es cainnets de (Europe., etc. Paris, 1801, 3 vol., quelques
mois après son retour de l'ambassade à Constautinople : il avait quitté cette capitale
le 7 janvier 1769.
182 APPENDICE
firent tomber successivement du trône des princes dignes de l'occuper, ne
la rendirent que plus languissante. Loin de se relever de sa léthargie,
elle reçut, sous le règne du sultan Mahnioulh un déchet plus notable,
dont les traces profondes s'efl'acent diflicileraent.
Ce prince, doué de qualités suffisantes pour faire un règne glorieux
dans un état réglé et soumis, appelé à l'empire par l'eiTervescence d'une
sédition populaire, dirigea tous les efforts de son génie à prévenir les
attentats de son peuple, qu'il redoutait d'autant ])lus qu'il lui était rede-
vable de son élévation. Toutes ses vues se concentrèrent dans l'intérêt
de sa sûreté personnelle; l'emploi des moyens les plus violents ne lui
coula rien pour l'affermir. L'âge augmentant sa défiance, et le malheur
qu'il eut d'être privé de postérité, aigrissant ses inquiétudes, il versa des
torrents de sang pour assurer la tranquillité intérieure de Gonstantinople,
qui fut dans les dernières périodes de sa vie l'objet capital, peut-être
même l'unique, de sa prévoyance et de ses soins. Ce n'est pas exagérer
de dire que ce prince avait, en quelque manière, circonscrit les bornes
de son empire dans l'enceinte de sa capitale.
C'est sous le règne de sultan Mahmouth que la Russie, au mépris du
traité de l^ruth, alors en vigueur, osa écarter à main armée, du trône de
la Pologne un [)rince que les vœux unanimes de la nation y avaient rap-
pelé. La Porte ottomane fit, dans cette occasion, quelques déclarations
fortes et menaçantes : elles furent même accompagnées de quelques dé-
monstrations; mais, comme celles-ci ne furent suivies d'aucun effet plus
réel, elles ne servirent qu'à constater la faiblesse du gouvernement
ottoman.
La P»ussie, enhardie par le succès de sa témérité, ne tarda pas à porter
des coups plus directs aux Turcs. L'invasion de la Crimée et le siège
d'Azof furent le prélude de la guerre qu'elle leur déclara, et dans laquelle
elle entraîna la maison d'Aulrich'\ On ne récapitulera pas ici les événe-
ments d'une guerre qu'il n'avait pas tenu à sultan Mahmoulh d'éviter.
Comme il n'y était entré que malgré lui, il ne profita des succès assez
distingués qu'il y eut, que pour en sortir promptement. Il dut à la média-
lion de la France une paix assez honorable, c|uaiit à l'acfjuisition qu'il (it
de Belgrade (année 1739), mais fatale, par rapport h la révocation de tous
les traités antérieurs qui existaient entre la Porte et la Russie.
La guerre qui s'alluma ea Allemagne, peu après la signature des traités
de Belgrade, ne rendit la politique de sultan iVlahmouth, ni plus élevée, ni
plus ambitieuse. Son parti était pris : il voulait conserver la paix au
dehors, pour être plus assuré de celle du dedans; il vit donc passivement
les puissances prétendantes h la succession de la maison d'Autriche, en
disputer les dépouilles. Si, réveillé par différentes insinuations, il se dé-
termina il offrir sa médiation, le relus qui en fut l'ail n'intéressa pas assez
APPENDICE 183
sa gloire pour provoquer son ressentiment. Ce fui môme ù la suite de cette
crise que, ne voulant point laisser lieu h des défiances h la cour de Vienne,
il consentit de convertir avec la nouvelle maison d'Autriche [Il kl) dans
une paix perpétuelle la trêve de trente ans qu'il avait stipulée avec l'an-
cienne.
La paix rétablie en Allemagne, la Russie dont l'ambition ne repose
jamais, commença alors ses établissements de l'un et de l'autre côté du
Boryslhène, et notamment celui qui est connu sous le nom de Nouvelle-
Servie. Quoique ces établissements, considérés relativement à leur emi)la-
cement, ne fussent pas formeliement contraires à, la lettre du deinier
traité de paix, cependant ils ne devaient pas paraître moins olîensifs aux
OUomans. Les vastes déserts qui servent de frontières dans cette partie
aux deux empires, font une barrière suffisante pour leur sûreté respective.
La Russie ne pouvait donc espérer d'y élever des forts, ni d'y former des
lieux de dé{)ôl, sans annoncer le dessein, non-seulement de resserrer les
Tartares dans leurs communications, mais encore de se mettre en mesure
d'attaquer avec avantage le territoire ottoman, et de s'ouvrir la roule à
se procurer un établissement solide sur la mer Noire.
Tout alarmante que fùl celte vue, il se passa bien du temps avant que
le divan se laissât convaincre de l'intérêt qu'il avait à y mettre des obsta-
cles. Enfin, réveillé par les cris des Tartares, comme par les représenta-
tions de ses amis, il exigea de la Russie qu'elle discontinuerait ses travaux;
celle-ci b> promit (en 175-4) : mais, suivant les notions que l'on a été à
portée d'avoir, elle ne les a jamais suspendus entièrement; elle s'est seu-
lement contentée de les pousser avec moins de vigueur.
Un mal non moins réel et plus durable encore, que sultan Mahmouth a
fait à son empire, est qu'il a banni cette simi)lici!é de mœurs et l'esprit
de frugalité qui distinguaient anciennement sa nation. Ce prince, né avec
le goût fie la volupté, de la luagnificence et du luxe, ne distingua essen-
tiellement que ceux qui savaient servir ses passions favorites. Bientôt
chacun se fit une étude particulière d'y réussir ; c'était la voie la plus sûre
pour s'ouvrir l'accès aux honneurs, aux emplois et aux grâces. Le goût du
prince gagna de proche en proche, chacun s'épuisa à l'envi pour gratifier
celui du monarque, et pour satisfaire le sien propre. Les richesses que
chacun épargnait auparavant, pour servir l'état dans ses besoins, furent
consommées en superfluilé; le luxe enfantant de nouveaux besoins, l'avi-
dité s'accrut ; tout moyen parut légitime pour les satisfaire ; les Turcs,
jadis économes, peut-être même avares, mais riches, s'épuisèrent en pro-
digalités; appauvris, ils sont devenus exlorsionnaires et tyrans.
Sultan Osman, qui succéda ii sultan Mahmouth, son frère, n'était pas
capable de réparer les brèches que l'administration précédente avait fai-
tes k la constitution de l'élat et à l'esprit national. Parvenu au trône à
18^ appendjck:
l'âge de cinquante-trois ans, il était encore dnns les brassières de l'en-
fance. En sortant de sa retraite, il voyait pour la première fois des êlres
différents de ceux qui avaient été commis à sa garde ; tout était nouveau
pour lui et l'amusait. Son règne qui, heureusement, fut très-court, ne
fut, k le bien prendre, qu'un tissu de légèretés, d'inconséquences et
d'absurdités. Dans l'espace de moins de trois ans qu'il occupa le trône, on
vit jtliis de ministres installés et destitués, qu'on n'en voit communément
dans le cours du plus long règne. Ceux-ci, plus occupés de résister au
choc des cabales, que de soigner les intérêts de l'empire, laissaient flotter
les rênes du gouvernement au gré du hasard.
Sultan Mustapha, actuellement régnant, qui succéda, en 1757, à sul-
tan Osman, n'arriva pas au trône aussi dépourvu de connaissances et de
lumières que son prédécesseur. Il avait été témoin des disgrâces de sultan
Ahmet son père, dans un âge oii la raison est assez formée pour se faire
des idées vraies : il avait reçu des instructions de ce prince, qui était vrai-
ment digne d'un meilleur sort; et quoique, par l'ordre de la naissance, il
diîl se considérer comme très-éloigné du trône, son caractère mélancoli-
que, qui le portait à la vie spéculative, lui avait donné la facilité de fortifier
ses connaissances par l'étude et par la réflexion. Il ne lui manquait que
la connaissance des hommes et l'expérience des affaires, deux choses que
le temps seul peut donner, et dont lu première est très-difficile h acquérir
pour un souverain mahométan, qu'on n'approche, en quelque manière,
que pour l'adorer.
Ce prince eut le bonheur de rencontrer, à son avènement k l'empire, un
grand-visir sage et instruit, et, ce qui fait son éloge, il l'a gardé jusqu'à ce
que la mort l'en ail privé, quoique l'ascendant que ce ministre avait pris
sur l'ii,pt qu'il prétendait conserver, lui fût parfois sensible et à charge.
Aidé u'un coopérateur aussi intelligent, sultan Mustapha débuta par
des reformes très-sagps et très-uliles. Il a retranché beaucoup de dé|)enses
superflues et a diminué celles qui étaient suscejjtibles de l'être. Il a rap-
pelé l'ordre dans les finances ; il les a augmentées considérablement, en
exiirpant des abus qui foulaient le trésor public, sans que le sujet en reçut
aucun soulagement. Des règlements qui tendent à limiter la cupidité
excitent le mécontentement et le murmure de ceux qui sont intéressés à
la favorispr. L'administration de ce prince a éprouvé beaucoup de criti-
que et de censure; on l'a taxé personnellement de lésine et d'avarice
sordide ; les apparences semblaient désigner, en effet, que ce reproche
n'était pas tout-à-fait injuste : mais le sultan, qui ne pouvait ignorer les
bruits qu'on semait, n'en a tenu aucun compte. Selon lui, l'argent devait
être réservé pour la guerre ; et, si jamais elle devenait nécessaire, on
connaîtrait s'il était avare. L'événement actuel justifie, en effet, que ce
prince, en s'exprimant ainsi, ne disait que ce qu'il pensait.
A^'p^:^nIC!^ 185
Si sultan Mustapha a pu par lui-même faire tics réformes utiles, il n'a
pu atteindre à toutes celles qu'il se proposait. Ne connaissant d'autres
amusements et d'autres plaisirs que de veiller ci la conduite de ses affai-
res, il n'a rien négligé pour rappeler, par le précepte et par l'exemple,
cette ancienne frugalité qui faisait la force de son empire. Il s'est occupé
d'éteindre cette soif de l'or qu'ini luxe désordonné a allumée, et qui a cor-
rompu tous les ordres de l'état, enfin de donner h son administration cette
vigueur irâle, (|ui poul seule lui assurer au deliors le degré de considéra-
tion et d'influence auquel la puissance ottomane est en droit de prétendre.
De puissants obstacles s'y sont conslamment opposés, et triompheraient
vraisemblablement encore de l'inclination que ce prince a souvent mon-
trée jionr la guerre, si des circonstances qu'on ne pouvait guère prévoir,
n'avaient forcé la révolution qui vient de s'opérer dans le système otto-
man. Ceci demande explication : mais, comme cette matière se trouve
élroitement liée avec les négociations dont le chevalier de Vergennes a
été chargé ù Constantinople, il se réserve de la traiter suivant l'ordre des
temps et des choses.
Le roi voyant dans les empiét3raents successifs que la Russie se per-
mettait sur la Suède et sur la Pologne, dont elle usurpait l'indépendance
et les droits, ce que l'Europe avait à craindre de l'ambition de cett'i
puissance orgueilleuse, sa majesté jugea devoir lui imposer une digue qui
pût la resserrer et la contenir (*). Les Turcs sont les seuls qui, par leur
situalion, peuvent la former avec succès. Engagés, par des intérêts plus
directs que ceux de la France, h prévenir que celte puissance, déjà trop
vaste, n'acquière de nouvelles forces par l'assujettissement des nations
qui l'avoisinent à l'occident, sa majesté jugea devoir leur communiquer
sa prévoyance et ses vues ; elle ne leur proposait rien qui pûl leur être à
charge, et par conséquent les effrayer; il ne s'agissait que d'établir un
concert éventuel pour les cas ultérieurs qui pourraient se présenter rela-
tivement h la Pologne.
Ce fut dans les dernières années du règne du sultan Mahmouth, que le
feu comte Desalleurs fut chargé de faire cette ouverture au ministère
ottoman. On ne peut donner assez d'éloges k la sagesse avec laquelle cet
ambassadeur conduisit cette négociation ; mais il avait les circonstances
contre lui. Le système du grand-seigneur était fixé; il voulait s -n repos,
et ne voulait pas s'affecter des objets d'une prévoyance éloignée. L'incurie
dominante triompha de la sagacité du négociateur : son zèle et son habi-
leté ne purent obtenir, après bien des mouvements, que des espérances
vagues et des expectatives illimitées, lesquelles, h le bien prendre, étaient
des réponses absolument déclinaloites.
C) Correspondance secrète de sa majesté avec le comte Desalleurs.
186 APPENDICE
Cet ambassndeur étant niorl, il plut au roi de jeter les yeux sur le che-
valier de Vergennes, pour lui confier la gestion de ses affaires à Constan-
linople. Sa majesté lui fil oonlirraer les instructions qui avaient été données
à son prédécesseur; elle le chargea de niellre dans l'exécution de ses
ordres la phis gronde activité. La circonstance était pressante. La France
se voyait h la veille d'une guerre maritime avec l'Angleterre; on s'atten-
dait bien que celle-ci voudrait l'étendre sur le continent, et,poi!r'ceteiret,
qu'elle cherchait à attirer les Russes en Allemagne, soit pour tenir le roi
de Prusse en échec, soit pour l'atlaquer, si, fidèle à ses engagements
avec la France, il attaquait lui-même l'électoral d'Hanovre, Le grand objet
alors était donc d'engager les Turcs, par le motif de la conservation de
l'intégrité des droits du territoire de la Pologne, à interdire aux Russes
le passage par ce royaume. Jamais la circonstance ne pouvait être moins
heureuse. Sultan Osman régnait ; la faiblesse et les vices de son gouver-
nement étaient si k découvert, que son propre ministère ne les dissimulait
pas. Vainement le chevalier de Vergennes agit-il par des offices directs et
par des pratiques secrètes, employa-t-il la ressource du raisonnement,
et, ce qui est quelquefois plus efficace, celle des présents et des promes-
ses : il ne put rien avancer ; la léthargie était incurable. D'ailleurs, les
révolutions ministérielles, qui se succédaient coup sur coup, le remet-
taient sans cesse an point d'où il était parti. Quoique son zèle et sa
constance ne se démentissent point, ses progrès n'en furent ni plus réels,
ni plus satisfaisants.
C'est dans cet état des choses qu'une révolution des moins attendues
changea la face des affaires et des connexions dans la chrétienté. Le roi
d'Angleterre, comme il avait été prévu, voulant pourvoir à la sûreté de
ses états d'Allemagne, resserra, par un traité d'alliance et de subsides,
les liens qui l'unissaient déjà k la Russie. Cette puissance, lui garantis-
sant ses possessions allemandes, s'obligeait à lui fournir un corps nom-
breux de troupes pour sa défense.
Le roi de Prusse, intimidé par cette nouvelle convention, appréhen-
dant de voir la Prusse innondée par un essaim de troupes russes (et vrai-
semblablement aussi que la cour de Vienne ne choisît celle conjoncture
que pour revendifjuer la Silésie), se replia sur l'Angleterre, et convint
avec sa majesté britannique d'un traité d'alliance et de garantie mu-
tuelle.
Cette double défection de l'Angleterre et de la Prusse, qui manquaient
chacune de leur côté à leurs alliés respectifs, produisit un changement
aussi subit que total dans le système de l'Europe ; la France et la cour de
Vienne, dont l'état habituel était de s'observer avec défiance, s'unirent
aussitôt; un traité de neutralité, d'amitié et d'alliance, scella le lien de
leur union ; la cour de Pétersbourg, étroitement altachée pour lors à celle
Af'PENDICK 187
de Vienne, ne crut pas devoir s'en séparer; les engagements qu'elle venait
de prendre avec l'Angleterre cessèrent de, lui paraître utiles ; elle accéda
à la liaison que la France et la maison d'Autriche venaient de former
enlr'elles.
Cet événement n'avait rien que de très-naturel pour des yeux instruits
et éclairés (*) : mais les Turcs ne le sont pas. Accoutumés, depuis plus de
deux siècles, à considérer l'aujitié de la France, priticipalemcnt en raison
de son opposition constante, et qu'ils supposaient invincible, aux intérêts
delà maison d'Autriche, ils n'apprirent qu'avec la plus grande surprise
que deux cours qu'ils réputaient inconciliables venaient de s'unir par
les liens les plus étroits de l'amitié et de l'alliance. Mais leur surprise ne
tarda pas à dégénérer dans un sentiment plus chagrin et plus aigre, lors-
que, le traité leur ayant été communiqué, ils observèrent que la France
n'avait pas jugé devoir les excepter des cas où elle serait obligée d'admi-
nistrer des secours à son nouvel allié.
Ce fut très-inutilement qu'on leur opposa les raisons les plus solides
pour leur faire comprendre que la France n'avait pu faire autrement que
ce qu'elle avait fait; il n'y avait pas lieu de craindre qu'elle se séparât de
cette amitié et qu'elle pût jamais se prêter à des ice<^ur-es offensives et
hostiles contre l'empire ottoman. L'impression était faite; il n'y avait que
le rétablissement de l'exception omise, qui put l'elTacer. Celle-ci éudt
apparemment impossible, puisqu'elle n'a pas été suppléée et qu'elle ne
l'est pas encore (**).
Toute défavorable que fût cette impression, l'effet en aurait été peu
sensible, si le règne de sultan Osman avait été plus long, ou si la guerre
qui s'alluma en Allemagne, peu après la conclusion de l'alliance de Ver-
sailles avait été moins traversée par des événements fâcheux. En Turquie,
comme en beaucoup d'autres endroits, les succès influent sur l'opinion et
sur la considération.
(*) On voit, par ce passage et ce qui le précède, combien M. de Vergennes, instruit
des véritables causes du changement de système de la France, était loin de désap-
prouver l'alliance défensive de 1756. L'omission de l'article qu'il désirait pour rassu-
rer les Turcs, fut réparée par la garantie qu'on exigea de l'empereur, et par les décla-
rations subséquentes que firent, à différentes reprises, nos ambassadeurs à la Porte.
Malgré les nœuds qui liaient la France et l'Autriche, le cabinet de Versailles n'a pas
cessé de donner au grand-seigneur des secours en ingénieurs, en officiers d'artilleiie.
Si ces secours ont été insuffisants, il faut en accuser, non le traité de 1756, mais l'opi-
niâtre fanatisme des Turcs, qui ont toujours refusé l'admission des vaisseaux français
dans la mer .>ioire,et l'incorporation des soldats français avec leurs troupes. (Ségur.)''
(*') La guerre des Turcs contre la Russie suspend leur prévention. La conduite du
vicomte do Vergennes a contribué à l'affaiblir ; les sûretés qu'il s'est mis sur la voie
de faire procurer à la Porte, do la part de la cour do Vienne, sont un service réel
dont on a paru tenir compte. Toutefois, il serait de la plus haute importance, pour
l'avenir, de faire rétablir cette exception. {Séffur.)
188 APPENDICE
Sultan Mustapha, en raoïitaiil sur le trône, adopta les préventions que
les liaisons de la cour de France avec la cour de Vienne avaient répan-
dues. Son visir ne négligea rien pour les aigrir. Ce prenjier ministre ne
pardonnait pas à la cour de Vienne lu surprise qu'elle avait faite à
l'empire ottoman, lorsque, sous prétexte de contribuer, par sa média-
tion, à rétablir la paix entre la Porte et la Russie, elle avait retiré furlive-
naent son ambassadeur, envahi le territoire oltouian, et s'était emparée
de Nissa (1737). Sa rancune, à cet égard, était si forte, qu'elle s'étendait
à tout ce qui avait des liaisons avec cette même cour. C'est du moins le
seul prétexte plausible auquel on croit pouvoir rapporter l'aliénation qu'il
montra constamment, pendant tout son long ministère, pour les intérêts
de la France. Il ne linl pas k lui de la faire partager à son maître. Dans
l'inlention de décrier cette puissance, il fallait qu'il la lui eût dépeinte
sous des couleurs liien sombres, puisque le sultan, se déliant apparemment
des exagérations de son ministre, jugea à propos de s'adresser au sieur de
Vergennes par le moyen d'une personne tierce, pour savoir quelles étaient
la nature et l'essence des engagements de la France avec la maison d'Au-
triche, et s'il était possible que la première piit jamais être entraînée par
l'autre dans une ruplure ouverte avec son empire. Les éclaircissements
préliminaires que le sieur de Vergennes donna h sa hautesse, et ceux
plus affirraatifs qu'il eut ordre ensuite de communiquer à la Porte, paru-
rent satisfaire ce prince, et ils auraient vraisemblablement détruit toutes
les préventions, si l'ambassadeur avait pu condescendre à la demande de
la Porte, qui en exigeait la déclaration par écrit.
Quoique les circonstances dont a l'honneur de rendre compte, rendis-
sent la position du sieur de Vergennes délicaie et critique, cependant il
ne perdit de vue, dans aucun temps, les objets qui étaient confiés h son
zèle. 11 ne pouvait plus, comme dans les commencements de sa résidence,
diriger l'attention des Turcs vers les projets des cours de Vienne et de
Pélersbouig. Il devait, au contraire, prévenir qu'il n'arrivât rien qui
barrât les efforts qu'elles faisaient pour le soutien d'une cause qui était
devenue commune à la France : mais, en soignant cette partie de sa mis-
sion, il n'abandonna pas le fil des affaires de Pologne, et il n'en arriva,
dans ces entrefaites, aucune entre la république et la Porte, dont il n'eût
la direction, ou dans laquelle il ne s'assurât une influence principale.
(Correspondance secrète de sa majesté avec le sieur de Vergennes.)
Il ne fut pas [)0ssible d'empêclier que la Porte, éblouie par les succès
étonnants que le roi de Prusse obtenait sur les efforts combinés des deux
impératrices, ne le considérât comme un ami intéressant, et ne se l'attachât
par un traité d'amitié et de commerce. Ce n'était pas tout ce que ce prince
recherchait; il voulait être l'allié des Turcs et les intéresser à sa dé-
fense. Dans les derniers temps de la guerre, les conjonctures étaient
APPENDICE . 180
séduisantes; la Honcrrie était déçainie de troupes; la maison d'Autriche
paraissait épuisée; la Russie rahandonnait ; d'auxiliaire, elle était enne-
mie; les étendards suisses flottaient dans le cainj) prussien ; le L'rand-
visir, Roguib-Méliémet-paclia, était avitle de gloire ; il voyait l'occasion
d'en acquérir à bon marclié ; il ne voulait pas la laisser échapper : le coup
était prêt à partir, lorsque la mine fut évenlée; elle resta sans elTet. Il
était de l'intérêt de la France que les Turcs n'embarrassassent pas le
rétablissement de la tranquillité publique par une division dont les suites
auraient pu être funestes à la maison d'Autriche; ils ne le firent point (*).
L'Europe commençait fi peine à goûter les prémices de la paix, lorsque
la mort d'Auguste III, roi de Pologne, ouvrit une nouvelle scène dont le
dénouement peut être encore aussi éloigné qu'il par;iît incertnin. La
Russie, alliée du roi de Prusse, crut, à l'aide de cette coojiér.ilion, pouvoir
disposer du trône de ce royaume; la lassitude de toutes les grandes puis-
sance de l'Europe lui faisait une sûreté qu'elles ne formeraient pas des
obstacles insurmontables à son dessein : elle n'avait à en craindre que de
la part des Turcs; elle sut, avec le secours de ses artifices ordinaires, les
faire accéder à ses vues. Ceux-ci, inditTérents pour la maison de Saxe,
qui s'était peu souciée de rechercher et de cultiver leur amitié, donnè-
rent dans le piège que la Russie leur tendit en les invitant à se déclarer
pour un roi Piast. Ils crurent qu'un pareil choix qui honorerait la na-
tion polonaise, sans déroger k sa liberté, ferait tout à la fuis la convenance
de la Pologne et de celle de ses voisins : mais ils ne comprirent pas assez
tôt que le but de la czariue était bien moins de laisser un choix libre
aux Polonais, que de le fixer sur celui d'entr'eux qu'elle s'était proposé
d'élever.
Lors qu'ensuite il connurent distinctement où tendaient les manèges et
les mesures de cette princesse, ils tentèrent de s'y opposer; ils donnèr-^int
pour cet effet l'exclusion à Stanislas-Auguste : mais ils s'y prirent si mala-
droitement que cette démarche ne servit qu'à accélérer l'élection de celui
qu'ils voulaient éloigner du trône.
La Porte, peu sensible à ce que sa gloire et sa dignité exigeaient d'elle,
ne se ressentit pas, comme elle le devait, du peu d'égards que la Russie
lui avait témoignée dans cette occasion. Fascinée de nouveau par des
assurances captieuses et par les promesses frauduleuses que cette puis-
sance lui fit, et dont le détail n'a jamais été bien connu, elle consentit à
(') Cet événement, qui n'a, pour ainsi dire, pas été remarqué, n'est pas le moins
intéressant de l'ambassade du sieur de Vergenues, Un mémoire dans lequel, à la fa-
veur des ordres secrets de sa majesté, il exposa les suites funestes, pour la Pologne,
du parti que la Porte était sur le point de prendre, ramena le grand-seigneur, et
avec lui les chefs de la loi et plusieurs membres du divan, à des combinaiions plus
équitables que celles que le grand-vizir avait fait adopter. (.ÇpV/Hr.'»
190 • APPENDICE
ce qu'elle continuât, avec un nombre de troupes limité, l'ouvrage de la
prétendue rélormalidn qu'clla s'était permis d'étiblir en Pologne. La
Porte, se bornant à dilVérer la reconnaissance de l'élection au trône du
candicat qu'elle en avait exclu, vit sans inquiétude et sans jalousie la
Russie détruire la mesure que les Polonais avaient commencé à prendre
pour l'amélioration de leur gouvernement, et replonger la république
dans le chaos de l'anarchieet delacoiifusion. 0 n pourrait même dire,
sans craindre de trop s'avancer, que les minisires du divan applaudis-
saient aux motifs de prévoyance qui dirigeaient la conduite de la cour
de Pétersbonrg. Aussi prévenus qu'ils le sont que les puissances chrétien-
nes ne peuvent j)as leur vouloir plus de bien qu'ils ne leur en veulent
eux-mêmes, ils appréhenderaient, si la Pologne pouvait regagner de la
force et de la consistance, que ses efforts et ses vues ne portassent contre
l'empire ottoman : comme si la république pouvait méconnaître que le
seul, le véritable ennemi contre lequel elle doit se prémunir et s'armer,
est la puissance qui en veut h sa liberté et h son indépendance souveraine.
La Porte, indifférente et passive sur l'usurpation que la Russie faisait
des droits constitutionnels de la Pologne, le fut moins sur l'invasion qu'on
craignait de son territoire. Réveillée par les conseils et les exhortations
de la France, elle comprit que la Russie, sous la couleur d'une démarca-
tion de limites avec la Pologne, visait à un démembrement de territoire,
lequel, par son étendue et par son emplacement, serait incouimode et
nuisible aux intérêts de l'empire ottoman. La Porte s'en expliqua de ma-
nière à faire sentir qu'elle ne souffrirait pas paisiblement un accaparement
quelconque. La négociation entamée sur le l'ait des limites, quoiqu'assez
avancée, se ralentit tout-à-coup : on ignore si elle a été reprise depuis ;
mais elle ne paraît pas avoir fait aucun progrès considérable.
Tel était l'état des choses à la fin de la diète ordinaire de l'année 1766.
La Russie avait lieu de s'applaudir de la docilité qu'elle y avait rencon-
trée; tout s'était passé au gré de sa volonté ; l'article seul des dissidents
et des Grecs désunis, dans le rétablissement de leurs prétendus anciens
droits, avait éprouvé de la résistance. Cette opposition irrita l'orgueil de
la Russie ; elle croyait avoir droit à l'obéissance passive des Polo)iais;
elle résolut de les y contraindre : assui'ée que les dissidents, dont tout
l'espoir reposait dans sa protection, ne se refuseraient à aucune de ses
vues, elle songea à les réunir dans un corps de confédération qu'elle
fer-ait mouvoir à son gré. Cette trame fut ourdie dans le plus gi-and secret :
cependant celui-ci fut pénétré ; la Porte en fut informée à l'avance : on
lui fit connaître le désordre extrême qu'un projet aussi révoltant ne pou-
vait manquer de produire; qu'une guerre civile et religieuse en serait la
suite ; que l'ijujlnasement foi-mé, 1(js fronlièi'es ottomanes pourraient n'ê-
tre pas épargnées; qu'on était à temps de le prévenii-, mais que, j)our y
APPENDICE 191
obvier, il n'y en avait point k perdre, et qu'il fallait presser la cour de
Pélcrsl)Ourg d>'. rappeler, sans plus de délai, les troupes qu'elle avait en
Pologne. La Poitc voyait le mal, et elle en crai;;iiait les suites; mais,
concentrée dans le goût du repos, elle répugnait au remède qu'on lui
indiquait, parce que, ne pouvant être assurée que la Russie se prêterait à
retirer ses troupes sur la réquisition qu'elle en ferait, elle ne voulait pas
se compromettre et former l'engagement qu'elle était déterminée d'éviter.
La Porte, incertaine du parti qu'elle avait h prendre, et n'en prenant au-
cun, la Russie eut les mains libres pour entreprendre tout ce qu'elle vou-
lut, les dissidents se confédérèreiit et reçurent de cette puissance l'assu-
rance d'une protection victorieuse.
Le zèle religieux que la Russie fiffichait pour leur cause, quoique réalisé
par les effets, n'était cependant qu'un voile dont son ambition se couvrait
pour atteindre à un but et plus flatteur et plus intéressant. La réunion
(les dissidents, sous l'étendard de sa protection, lui assurait un parti nom-
breux; mais elle voulait dominer sur le corps entier de la république.
Des garanties non avouées ou faussement interprétées avaient jusque-là
servi de fondement h son régime et h son despotisme. Ce titre était trop
caduc, il ne pouvait même se soutenir ; elle s'occupa de s'en procurer un
plus réel et plus durable.
Le mécontentement de la nation polonaise contre son roi était général;
la Russie connut le parti qu'elle pouvait en retirer ; elle affiîcta de le par-
tager; elle annonça que son intention était de faire redresser tous les
griefs quelconques; et gagnant, par cet artifice, la confiance des mécon-
tents, elle les conduisit par degrés h former la dernièi'e confédération
générale, laquelle, par l'enchaînement des événements, est devenue la
cause essentielle de leur ruine et de l'asservissement de leur patrie.
L'objet de ce Mémoire n'étant pas de tracer l'histoire des troubles et
des malheurs de la Pologne, on se borne à crayonner les traits les plus
saillants, ceux qui ont le rapport le plus immédiat avec les affaires que
le sieur de Vergennes a été chargé de soigner. Ainsi on passe rapidement
sur les moyens illégaux que la Russie mit en œuvre pour faire requérir
sa garantie, et sur les violences de toute espèce, et sur les actes de
tyrannie dont elle ne rougit pas de se souiller pour en obtenir la con-
cession.
Le tableau en a été mis régulièrement et fidèlement sous les yeux de
la Porte. S'il n'a pas fait toute l'impression à laquelle il aurait été natu-
rel de s'attendre, ce n'est pas qu'on ait jamais négligé de le rendre frap-
pant et énergique; mais l'aveuglement était volontaire, il fallait des
ressorts plus puissants que ceux du raisonnement pour en triompher.
11 n'est pas tout à fait surprenant que les Turcs, distinguant mal les
rapports politiques des rapports religieux, n'aient pas saisi l'intérêt qu'il
192 APPENDICE
leur conipélait de prendre à la question des dissidents. Dans leurs princi-
pes, un latin ou un grec, un catholique ou un protestant, sont des êtres
également séparés d'eux, et ils ne concevaient pas qu'une dififérence sur
quelques articles de croyance dût priver des citoyens libres des droits de
leur naissance et de la société. Pour lout dire, la cause des dissidents
leur paraissait plus juste que celle de leurs adversaires. Mais ce qui a dît
parfiître inconccvabie est le flegme, en quelque sorte stupide, avec lequel
les Turcs ont vu la Russie rpcherclier, poursuivre et f.iire décerner une
garantie, dont l'objet réel était de mettre le roi de Pologne dans la dépen-
dance la plus absolue, et, sans la soumettre tout à fait à la condition d'une
province russe, la lier cependant si étroitement qu'elle ne pût avoir de
mouvement et d'action que par l'impulsion de la puissance garante.
Les lumières n'ont pas manqué aux Turcs pour s'éclairer sur les con-
séquences d'un accaparement aussi monstrueux. Que n'a-t-on pas fait
l^our leur faire sentir que la Russie, manutentrice des libertés et des
droits de la Pologne qu'elle ravissait, chargée d'assurer la tranquillité
intérieure d'un élat où l'union et la concorde sont impossibles ei qu'elle
se garderait bien d'y rétablir, se créait des prétextes intarissables pour
s'y perpétuer armée, pour en usurper l'empire souverain ; et qu'elle ne
pouvait avoir d'autre but que de s'y mettre en situation et en mesure,
après s'être assurée de sa nouvelle conquête, de fondre sur l'empire otto-
man et de lui porter les coups les plus sensibles et les plus funestes ? Ces
réflexions, quoique vraies, effleuraient à peine l'attention des ministres
du divan : à les entendre, peu importait que la Russie se fît décerner un
droit qu'elle exerçait de fait depuis plus d'un demi-siècle, sans qu'il en
fût résulté aucun inconvénient bien notable ; après tout, il suffirait que la
Russie ne se mît pas en devoir de conquérir physiquement la Pologne ; la
Porte saurait toujours bien restreindre son influence, lorsqu'il lui con-
viendrait de l'entreprendre.
Ces sophisines et bien d'autres, que la pusillanimité, peut-être même
la corru[)tion, enfantait, ne Sont jamais demeurés sans réponse; ils ont
été soigneusement éclaircis et réfutés. Mais quelque convaincantes que
fussent les répliques, ce ne fut pas sans peine que la Porte, pressée par
Tios vives remontrances, et jugeant par la tournure que prenaient les
affaires dans la diète extraordinaire, assemblée en 1767, que tout y succé-
dait au gré de la Russie, se détermina k lequérir cette puissance de bor-
ner à ce dernier acte de sa tyrannie ses entreprises et ses usurpations, et,
pour cet efTet, de retirer d'abord, après la clôture de la diète, toutes les
troupes qu'elle tenait en Pologne.
Il y a lieu de croire qu^ lu Porte, en faisant celte demande, déférait
plus à une impulsion étrangère qu'à un sentunent profondément senti de
son intérêt, puisqu'après en avoir obtenu la piomesse elle n'a fait que
APPENDICE 193
de faibles efforts pour en procurer l'accomplissement. Loin que laconfé-
dérolion de Bar, qui éclata dans ces entrefaites, rendît les olficos et les
démarches du divan plus actifs pour presser l'évacuation demandée, elle
lui parut au contraire un motif suffîsant pour autoriser la Russie à diffi-
rer l'exécution de ses promesses, k se maintenir armée en Pologne, et à
y continuer ses rigueurs et ses violences. Ni l'arrogance des Russes qui
osaient faire flotter audacieusement leurs étendards sur les bords du Nies-
ter,, ni l'intégrité des frontières ottomanes violée et outragée en plus
d'une occasion, n'avaient pu écliaulTer la tiédeur de la Porte et provoquer
son ressentiment. Si parfois elle en laissait apercevoir quelque légère
nuance, l'ombre d'une satisfaction l'appaisait et la calmait aussitôt; elle
voyait avec douhuir les flots d'un sang qu'elle jugeait innocent couler k sa
vue; son humanité en était révoltée ; elle aurait pu empêcher ce tissu
d'horreurs, elle ne voulait, qu'en détourner la vue. C'était inutilement que
les motifs les plus sacrés réclamaient à l'envi son appui et sa protection
pour une cause qui, à le bien prendre, était celle de l'empire ottoman ;
ses administrateurs ne prétendaient que se dispenser d'y prendre part,
et éloigner d'eux l'objet qui, en excitant leurs inquiétudes, leur repro-
chait leur mollesse et leur incurie. Ils demandèrent h la Russie qu'elle
éloignât ses troupes du Niesler, et désormais qu'elles ne pussent s'avan-
cer qu'à une certaine distance de leurs frontières. Celte demande n'a-
vait rien qui gênât la Russie : la confédération de Bar était dispersée ; les
chefs et les membres étaient réfugiés en Moldavie; les troupes mêmes,
qui avaient été employées en Podolie, devenaient nécessaires pour réduire
la confédération deCracovie; la Porte n'exigeant de la Russie que ce qu'il
était de son intérêt de prévenir, celle-ci sortait au meilleur marché d'un
pas glissant et critique, il est assez apparent qu'elle en aurait été quitte
pour cette légère condescendance, si l'orgueil qui sen.ble faire le carac-
tère dominant de tons les individus russes, n'avait pas produit un inci-
dent dans lequel un instant a changé la face du système ottoman. C'est de
l'affaire de Batta, dans la petite Tartarie, qu'il est question. Les détails en
sont connus. Les Russes ont tenté de s'en disculper et de la rejeter sur
les paysans révoltés de l'Ukraine ; mais il est avéré qu'elle a été l'ouvrage
des Cosaques- Zaporowiens. Cette justification, tout insubsistante qu'elle
fût, aurait pu trouver cependant des défenseurs et du créiit, si elle avait
pu prévenir l'eflroi qui s'empara des esprits. La peur fit, dans celte occa-
sion, ce que la dignité, la justice et la convenance n'avaient pu opérer.
Les ministres ottomans, considérant l'invasion de Batta comme une
agression préméditée, et croyant déjà voir les Russes dans le centre de la
Moldavie, sentirent à quoi les exposaient leur coupable négligence et l'en-
durcissement volontaire avec lequel ils s'étaient constamment refusés à
toutes les exhortations amicales et à toutes les remontrances les plus so-
T. u. 13
19i APPENDICE
lides qui h^iir avaient été faites. Leur frayeur ne connaissant point d'arrêt,
on vit éclore avec la rapidité la plus surprenante une foule immense de
dispositions et de préparatifs militaires, qui caractérisent bien éminem-
ment les ressources innombrables de l'empire ottoman, et ce qu'il serait
en état de faire, s'il était administré par des personnes habiles et ver-
tueuses. Les ministres ottomans ne bornèrent pas leur vigilance à pour-
voir h la sûreté de celles de leurs frontières qu'ils supposaient menacées;
mais voulant savoir précisément à quoi s'en tenir avec la Russie, le rési-
dent de cette puissance lut appelé chez le réis-elTendi, lequel, ci la suite
de difierentes explications, lui déclara expressément que la paix ne sub-
sisterait qu'autant que la cour de Pélersbourg retirerait, sans plus de dé-
lai, toutes les troupes généralement quelconques qu'elle avait introduites
en Pologne.
Cette sommation fut faite d'un ton et d'un style qui n'annonçaient pas
que la Porte fût disposée à s'en relâcher; et les préparatifs militaires
qu'elle n'a pas discontinués depuis, indiquaient assez qu'elle voulait être
satisfaite. Toutefois la Russie n'en a tenu compte. Elle no voulait faire
sortir ses troupes de la Pologne qu'autant que toutes les affaires, pour
lesquelles elle les y avait fait entrei', seraient terminées et arrangées, co
qui revient à dire autant que la république seraient entièrement asservie.
Une oflre aussi captieuse;, qui ne fixait ni terme, ni bornes aux entrepri-
ses et aux usurpations de la Russie, ne iiouvanl être interprétée autre-
ment que comme un refus formel d'acquiescer h la demande de la Porte,
celle-ci s'est enfin déterminée au seul parti qui lui restait h prendre, et
qui pouvait sauver sa gloire comme ses intérêts. Le résident de Russie,
mandé chez le grand-visir, ayant ratifié verbalement le contenu de la ré-
ponse qu'il avait donnée précédemment par écrit, et détruit jusqu'à la
moindre espérance de quelque modification satisfaisante, il fut arrêté et
conduit, par ordre du Grand-Seigneur, au château des Sept-ïours, où il
est détenu et gardé en prisonnier d'état avec toutes les personnes em-
ployées dans son ministère.
Celte démarche a été le prélude de la déclaration de guerre que sa
haulesse a résolu de faire aux Russes; et, peu de jours après la détention
du sieur ObrescotT, elle a été notifiée à tous les ordres de l'état dans un
grand divan, convoqué h cet eflet au sérail. Depuis on redouble de vi-
gueur et d'activité, soit pour pourvoir â la sûreté des frontières pendant
l'hiver, soit pour se mettre en état d'ouvrir la campagne prochaine avec
éclat et avec succès. Ceux-ci ne i)araîtraienl pas équivoques, si l'abon-
dance et la force des moyens sulfisaienl pour les déterminer. Les Turcs
ont immensément de tout ce qui est nécessaire pour la guerre, et pour la
faire longtemps : hommes, argent, artillerie, munitions, subsistances, tout
cela abonde; mais ils manquent essentiellement de chefs et d'olliciers
APPENDICE 195
qui aient les connaissances et l'expérience militaires. Cependant, si la
constance ne les abandonne pas, il est vraisemblable qu'en essuyant
même dos défaites ils réussiront à réduire l'orgueil de la Russie, hupielle,
déjà fort épuisée (*), soit par les dépenses de la dernière guerre en Prusse
et en Silésie, soil par celles dans lesquelles ses intrigues en Pologne l'ont
constituée, ne doit pas être dans une situation assez prospère pour four-
nir longtemps aux frais d'une guerre aussi onéreuse que celle où elle se
trouve engagée contre l'empire ottoman.
Tel est en abrégé l'exposé ingénu delà négociation principale, et même
la seule qui a dû fixer l'attention et les soins du sieur de Vergennes, et
l'état véritable dans lequel il laisse les alTaires, en se démettant de cette
ambassade. Il est bien éloigné de s'attribuer la moindre part du mérite
de l'heureuse révolution qui vient d'éclorc ; elle est l'ouvrage des cir-
constances, et la gloire en est due à la divine Providence (**), qui seule a
le droit de les produire. C'est elle qui suscite le vengeur qui va enfin oppo-
ser une digue aux cruautés et aux atrocités dont la Piussie s'est souillée.
Puisse cette même Providence donner h ce vengeur son glaive et son ar-
mure pour humilier celte puissance orgueilleuse, et la renfermer dans les
bornes de la modération et de la justice ! Celle que le sieur de Vergennes
ose implorer de la clémence de sa majesté et de son conseil, et qu'il se
flatte de mériter, est delà persuader que, dans aucun temps, son zèle n'a
été refroidi par les obstacles. Il connaissait la difliculté de l'entreprise,
lorsque M. le duc de Glioiseul le chargea de la tenter. Sa réponse parti-
culière à ce ministre, du 26 mai 1706, en est la preuve. Mais tout insur-
montable qu'elle parût alors, quelque peu d'espérance qu'il y eût de
l'aplanir, le sienr de Vergennes n'en a pas travaillé moins assidûment
pour faire germer, éclore et fortifier les dispositions qui ont enfin éclaté.
La carrière était ouverte à son émulation : il l'a suivie avec ardeur et
constance, sans s'en laisser détourner par les dégoûts qu'il n'y a que trop
souvent rencontrés. Arrivé au terme qui intéressait la prévoyance de sa
majesté et celle de son conseil, il est consolant pour le sieur de Vergen-
nes de devoir transmettre le soin des ail'aires à un successeur dont les ta-
lents, les lumières et le bon emploi qu'il en sait faire, ont déjà décidé la
(') M. de Vergennes était peut-être celui, de tous nos diplomates, qui connaissait
le mieux tous les rapports qui existaient entre les diverses puissances de l'Europe.
C'était un politique aussi sage qu'éclairé; ses vues étaient droites, ses intentions paci-
fiques : personne ne fut plus fécond que lui en moyens conciliatoires ; mais comme il
n'était pas militaire, il ne voyait pas l'impossibilité où se trouvaient les Turcs de ré-
sister aux Russes. La bravoure et le nombre des troupes ottomanes fascinaient ses
yeux. Il espérait que le courage des janissaires humilierait l'orgueil moscovite, et
deux fois l'événemeut a démenti ses prédictions. (Scgur.)
{") Il est assez singulier de voir ici l'ambassadeur du fils aîné de l'Église se féliciter
de la guerre que la Providence fait déclarer aux chrétiens par les musulmans. {Ségur.)
196 APPENDICE
réputation. Il reste à souhaiter que le honneur couronnant son liabilelé, il
réussise à s'assurer, dans la direction des opérations de la guerre et de
celles de la paix, une influence assez directe pour la rendre utile aux vues
ultérieures de notre auguste monarque. Cette acquisition est d'autant plus
nécessaire h rechercher que, les Turcs paraissant vouloir établir le théâ-
tre de la guerre en Pologne, il est à craindre, ^^en premier lieu, que le
remède qu'ils vont porter aux Polonais, ne soit tout aussi cruel que le
mal dont ils entreprennent de les guérir. L'indiscipline des armées otto-
manes et les ravages qu'elles font, même dans leur propre pays, sont
connus. Que n'en auront, d'une part, à souffrir les provinces polonaises
où elles pénétreront? En second lieu, les Turcs n'entreprenant cette
guerre qu'à contre-cœur, et parce qu'il n'a pas été dans leur choix de
s'en dispenser, il pourra bien arriver, surtout si leurs armes ne sont pas
heureuses, qu'ils saisiront, pour en sortir, les premières ouvertures qu'on
leur présentera, sans trop se mettre en peine de faire réintégrer les Polo-
nais dans leurs droits et leurs libertés, et de leur en assurer la paisible
jouissance. Qui sait même si le démembrement de la Pologne ne pourrait
pas faire le sceau de la réconciliation entre les deux parties belligérantes ?
On doit s'attendre d'ailleurs que l'Angleterre, toujours zélée pour les
intérêts de la Russie, ne négligera rien pour préparer les voies à un
accommodement, et pour se donner le mérite et la gloire de l'avoir
procuré.
Tout incertaines que puissent paraître les vues qu'on prend la liberté
de proposer, elles semblent cependant devoir intéresser la prévoyance et
l'attention du négociateur et faire l'objet principal de ses soins.
Il doit paraître étrange que la Porte, si intéressée à maintenir la Polo-
gne dans son état de liberté et d'indépendance, et à prévenir qu'aucune
puissance ne puisse y usurper une influence aussi prédominante, pour
disposer des volontés et des ressources de la république, ait été si lente
à s'éclairer sur un intérêt aussi précieux, et à le soigner. Mais, indépen-
damment de la faiblesse, et peut-être de la corruption, qu'on peut, ii juste
titre, reprocher à quelques-uns des ministres du divan, qui, dans cette
période de ton:ps, ont tenu les rênes du gouvernement, on doit encore
considérer que les combinaisons des Turcs sont très-éloignées de celles
des puissances chrétiennes. Le système d'équilibre qui tient l'Europe dans
une vigilance, et peut-être dans une agitation continuelle, qui fait qu'on
ne peut tirer un coup de fusil, dans une de ses extrémités, sans qu'il
retentisse aussitôt à l'autre; ce système est étranger aux Turcs, lesquels,
concentrés en eux-mêmes et dans la vaste étendue de leur empire, croient
avoir dans leur puissance des motifs suffisants pour être indifférents à
tout ce que nous désignons par intérêts relatifs, persuadés qu'ils auront
toujours dans leurs ressources propres et intérieures, les moyens néces-
APPENDICE 197
saires pour faire échouer les projets de ceux qui voudraient les attaquer
dans leurs intérêts directs. Cette façon de penser et de sentir est consa-
crée par leur foi religieuse, qui, en leur interdisant une participa-
tion trop directe dans les affaires des chrétiens, leur t'ait un précepte de
ne pouvoir faire la guerre à une puissance avec laquelle ils sont en paix,
lorsqu'elle ne contrevient pas directement et formellement aux traités.
Plus d'une fois, on a envisagé coiiyne des défaites vaines et frivoles les
obstacles que les Turcs empruntent de leur loi, parce que, prévenu que
le grand-seigneur est un souverain despotique, dont la volonté arbitraire
tient lieu de la loi, on se persuade volontiers qu'il n'a qu'à vouloir la
guerre pour la faire. Ce despotisme absolu du grand -seigneur est une
erreur ancienne, que la constitution ottomane n'avoue point. Le pouvoir
de ce prince est grand sans doute : il donne et il ôte les emplois h. son
gré ; il dispose des fortunes particulières; les trésors que son sérail ren-
ferme sont à lui; les arsenaux, ks magasins, tout est à ses ordres; ses
peuples le révèrent comme l'ombre de la divinité sur la terre, et lui
obéissent à ce titre. En tout où la loi n'est pas expresse, sa volonté y
supplée ; mais cette volonté n'est pas si indépendante qu'elle ne doive
avoir l'aveu des ordres de l'état, entre lesquels celui de l'uléma est le plus
nécessaire, parce que, gardien et interprète de la loi, c'est lui qui légi-
time ou qui réprouve les résolutions et les entreprises.
Il peut paraître étonnant que les empereurs ottomans aient laissé pren-
dre un aussi grand ascendant à un corps qui limite et resserre leur auto-
rité : mais l'élonnement cesse, lorsqu'on considère que l'empire devant
sa naissance, son accroissement et sa conservation à la religion, celle-ci
a dû et doit encore faire le pivot principal sur lequel porte la machine du
gouvernement. Ce n'est pas cependant que le Grand-Seigneur, s'il le vou-
lait absolument, ne pût faire la guerre sans le consentement de l'uléiua,
pourvu qu'il fût assuré du concours des milices qu'on désigne sous le nom
d'odjack. Maître des trésors et des magasins, rien ne ferait obstacle à ce
que sa volonté eût son effet; mais si la guerre était malheureuse, le res-
sort de l'enthousiasme et du fanatisme, dont l'uléma seul dispose, lui man-
quant, la couronne du martyre promise et assurée à tous ceux qui per-
dent la vie dans une guerre déclarée sainte, n'étant plus la récompense
de ceux qui succomberaient dans celle-là, l'ardeur que ce prince aurait
su inspirer à sa milice et à son peuple, se convertirait bien vite en indi-
gnation et en fureur ; et, dans ce cas, nul doute que la perte de son trône
ne fût le fruit de la témérité de son entreprise.
Si le gouvernement en général trouve, dans la loi mahométane, des
raisons et des prétextes pour se déterminer difficilement à la guerre, ceux
qui sont préposés à l'administration, trouvent, dans leur situation et dans
leur convenance, des motifs bien puissants pour la craindre et pour l'é-
198 APPENDICE
viter. La constituUcii ottomane, semblable à une marâtre, ne peut former
(les citoyens zélés et patriotiques. Plus un ministre se rend recomraanda-
ble par des services éclatants et illustres, plus ils se trouve en butte aux
traits de l'envie et aux coups de la disgrâce. Le bien qu'il (ait ne lui est
pas ordinairement compté, et, le plus souvent, on le rend responsable du
mal qu'il ne peut erapéclier.
Si un grand-visir est heureux k la têt,e des armées, la crainte que TafTec-
tion des ministres ne le rende trop puissant et trop ambitieux fait un
grief: sa propre réputation tourne contre lui, et la perle de sa place en
est la conséquence. Est-il maUieureux dans ses entreprises; essuie- t-il
des revers, il lui en coûte ordinairement la têle. Que la disgrâce le pré-
vienne, ou qu'une mort naturelle le dérobe au choc des cabales et aux
soupçons de son maître, le souvenir de son mérite et de ses services s'en-
sevelit avec lui ; ses richesses deviennent la dépouille du prince ; sa fa-
mille est replongée dans la médiocrité dont il l'avait tirée, et le mérite
trop éclatant du père est volontiers un motif sufTisant pour fermer l'accès
des honneurs et de la fortune aux enfants, parce qu'il est dans l'ordre
de la politique ottomane de ne pas souQVir qu'il s'élève des familles riches
et puissantes, lesquelles, se perpétuant, pourraient donner de l'ombrage
et de l'inquiétude. Les gens de loi sont les seuls qui, parleur état, sont
affranchis de cette tyrannie. Leur fortune et leur vie ne sont point h la
disposition du prince, qui ne peut les punir que par l'exil, à moins cepen-
dant que leur excès ou leurs crimes n'engagent leur ordre à les dégrader
et à les expulser, auquel cas ils tombent dans la main du prince. Ces
exemples sont très-rares, quoique rien ne semblerait devoir être plus
commun; mais chacun est dans le cas d'user d'indulgence envers son
confrère, parce qu'il en est peu qui n'en aient besoin pour eux-mêmes.
Il est inconcevable jusqu'à quel point l'impunité a porté la corruption et
la rapacité dans cet ordre.
Ce qui a été dit plus haut, relativement à la situation d'un grand-visir,
peut s'adapter à celle de tous les ministres inférieurs, et de tout ce qui
ti^nt généralement aux emplois civils et politiques. Ceux-ci, n'étant, pour
ainsi dire, que de passage dans les emplois, songent bien moins à procu-
rer l'avantage de l'empire que le leur propre; leur principale vue est de
s'enrichir, soit pour satisfaire leur cupidité et leur luxe, soit pour acqué-
rir des amis puissants qui aident h leur avancement. En paix, les produits
de leurs offices sont grands et les dépenses médiocres; c'est le contraire
en temps de guerre. D'ailleurs, la richesse de tout ce qui est connu sous
le nom de lidçjial, et qui comprend tout ce qui n'est point uléma ou
odjack, consiste dans des bénéfices militaires qui exigent une prestation
de services et de secours dans les cas de guerre. Les douceurs d'une belle
paix ont tellement amolli les feudataires, que ceux-ci, dérogeant à l'es-
Al'I'ElVniCK 199
prit de l'inslilution primitive do ces fiefs, ont prodigué ci des dépenses
agréables ou frivoles un arirent qu'ils devaient réserver pour le temps oîi
l'emploi en deviendrait nécessaire. Leur reveau ne suffisant point à leur
luxe, ils se sont constitués dans des dettes, et se trouvent fort embarras-
sés présentement que, dOnués d'argent et de crédit, ils manquent de
ressources pour se uietlre eux-niènics en équipages, pour se présenler
en campagne avec le nombre des gens requis par la condition de leurs
fiefs, et par-Ui se trouvent exposés h en èlre dépouillés. Aussi le nombre
est-il grand de ceux qui sont mécontents de la guerre qui vient diî s'allu-
mer; et à l'exception des milices qui la considèrent comme une route
d'avancement, et de la populace qui espère d'y trouver les moyens de
s'arracher à la misère et à l'indigence, il est peu de gens d'un autre état
qui ne voient avec déplaisir la nécessité dans laquelle l'empire s'est trouvé
de recourir h ce moyen extrême. Le trait étant lancé, et ne pouvant vrai-
semblablement plus retourner que teint du sang de l'ennemi, il peut ôlre
aussi inutile que dilTicile de savoir au vrai ce que les ministres actuels
pensent relativement h la guerre qu'ils vont faire : mais comme un
compte rendu ne peut être censé complet, s'il n'y est fait mention de ceux
(lui ont le principal maniement des affaires, le sieur de Vergennes ne croit
pas pouvoir se dispenser de ce devoir d'obéissance et d'exactitude, quel-
que délicate que soit la tâche de donner une idée juste des personnes avec
lesquelles on ne peut contracrer aucune liaison et aucune habitude per-
sonnelle.
Kicbandgi-IMehemet-Emin-pacha, qui remplit la place de grand-visir,
est, sans contredit, un homme de beaucoup de génie, et il n'en fallait pas
un médiocre pour s'élever aussi rapidement qu'il l'a fait au poste érai-
nent où il vient de parvenir. Fils d'un marchand circassien, il en a suivi
l'état dans sa première jeunesse; et il paraissait s'y destiner entièrement,
lorsque des circonstances heureuses lui ouvrirent l'entrée dans le bureau
du mecktoupdgi-edendi, qui est le secrétaire intime du grand-visir, et
l'engagèrent à quitter le négoce pour les affaires. Sa sagacité naturelle le
distinguant bientôt, de commis qu'il était du raecktoupdgi, il fut fait meck-
toupdgi lui-même, et, dans cette qualité, ministre de la Porte. Il remplis-
sait cet emploi, lorsque la mort d'Auguste lil fit vaquer le trône de Polo-
gne. Le réis-effendi alors en place, accablé par l'âge et par les infirmités,
ne pouvait sulfire aux affaires, le mecktoupdgi fut chargé de l'aider, et il
sut se rendre si utile dans celte coopération, que la mort ayant enlevéle
réis-fffendi, il fut pourvu de cette charge, qu'il ne garda que peu de
mois, attendu que le Grand-Seigneur, qui avait connu son mérite, voulut
se l'attacher plus imraédialeraent : pour cet effet, il le créa, en llGk,
pacha â trois queues, et lui conféra le titre de nichandgi. Depuis, ce
prince, qui n'a cessé de 16 consulter, l'a honoré de son alliance en le
200 APPENDICE
fiançant à la sultane sa fille aînée ; et il est vraisemblable qu'il aurait
moins lardé de l'élever h la place de grand-visir, si son âge peu avancé
n'y avait fait obstacle. On ne lui donne pas plus de quarante-six ans.
Dans le court espace que ce paclia a été employé dans le ministère poli-
tique, c'est lui qui fut l'auteur de l'exclusion donnée à Stanislas-Auguste,
et de certaines conditions qu'on exigea de la Russie, dont la connais-
sance n'a jamais été rendue publique. Si l'on ne peut refuser à ce visir
de grands talents et d'heureuses qualités, une connaissance |)ratique des
affaires delà Porte, une élocution noble et facile, on ne doit pas dissi-
muler aussi qu'il a de grands défauts et bien dangereux pour une per-
sonne qui est à la tête d'une grande administration. Souverainement
prévenu de lui-même et de la supériorité de son mérite, la moindre con-
tradiction, l'ombre de la résistance le choque et l'irrite, et, dans son
impétuosité, il ne met point de bornes k son ressentiment. Le sieur de
Vergennes n'a jamais eu à s'en plaindre : il n'a eu, au contraire, qu'à se
se louer de ses bons procédés, tandis qu'il était dans le ministère et de-
puis qu'il en était sorti. Ce premier ministre paraît encore dans les mêmes
dispositions à son égard : mais l'amitié des Turcs n'est pas toujours un
gage de leur efficacité.
Umar-Effendi, qui remplit la place de kyaya-béy, est aussi froid et tran-
quille que le grand-visir est vif el impétueux. Il a l'esprit souple, délié,
et singulièrement soupçonneux et rusé. Depuis près de quaire ans qu'il
est dans le ministère, il a acquis l'expérience des affaires. Dans le prin-
cipe, il était un des partisans les plus zélés des principes pacifiques ; mais
lor.-qu'il s'est aperçu que le grand-seigneur, irrité des outrages qu'il avait
reçus des Russes, songeait sérieusement à s'en ressentir, il n'a pas ba-
lancé à renoncer h sa première opinion et à se rendre le plus ardent
coupérateur des vues de guerre. C'est ainsi qu'il a réussi à échapper à
l'orage qui a renversé l'ancien ministère, et à se soutenir et à se conser-
ver dans son poste, où il s'est procuré une influence d'autant plus prin-
cipale, qu'il a eu le secret de faire tomber la charge de réis-effendi sur
un sujet, lequel, manquant de la capacité nécessaire pour la remplir, a
un besoin continuel du kyaya-béy pour couvrir son incapacité et son
insuffisance.
Les trois ministres dont on vient de tracer une esquisse sont les seuls
sur lesquels repose toute l'administration des affaires politiques, qu'ils ne
peuvent cependant déterminer et finir sans les avoir consultées avec le
mufti et avec les chefs de la loi. Celui qui a présidé au changement de
scène qui vient d'éclater, mais qui n'en a pas été l'auteur, n'existe plus.
Vieillard plus qu'octogénaire, il suivait bien moins son propre mouve-
ment qu'il ne le prenait du corps auquel il présidait, et celui-ci le rece-
vait de Peri-Zadé Osman-Molhili, le plus ancien des cadileskers, et, dans
APPENDICK 201
celte qualité, le chef de l'uléma; c'est celui quia été en dernier lieu
diklaré mufti. Ce nouveau pontife, qui sort d'une des plus anciennes fa-
milles de son corps, qui compte plusieurs muftis parmi ses aïeux, jouit
du plus grand crédit dans l'uléma, et de la plus haute réputation dans
le public. Son éloquence, à laquelle rien ne résiste, le rend l'arbitre des
conseils, et son génie hardi et élevé ne s'effraie point de la grandeur des
enireprises. Rien ne lui paraît disproportionné k la puissance ottomane.
Il ne l'ut jamais bien disposé pour les Russes. Ses principes à cet égard,
qui étaient connus, rendaient les ministres de la Porte très-attentifs à
l'écarter et h limiter son influence. L'alVaire de ilalta lui a fait perdre la
place qui lui convenait, et l'on peut le regarder, a juste titre, comme
l'auteur de la révolution du système ottoman, et des vigoureuses résolu-
tions qui en sont la conséquence.
Le mémoire qu'on vient de lire laisse peu d'observations à faire. M. de Vergennes
a parfaitement tracé l'histoire de la politique ottomane, et le tableau de sa situation.
Cette situation critique s'aggrave de jour en jour, et cet immense colosse s'approche
de plus en plus de sa chute : tous les symptômes de dissolution annoncent sa mort; et,
lorsqu'il sera totalement tombé, le partage de ses vastes débris allumera de nouvelles
guerres auxquelles la France doit s'attendre et se préparer. Le {jouvernement français
a certainement accéléré la ruine des Turcs, non par son système fédératif, mais par la
faute qu'il a commise en leur faisant faire seuls la guerre à Catherine II. L'empire
ottoman effrayait encore l'imagination par le souvenir de sou antique puissance, de ses
rapides invasions, de ses nombreux triomphes. La guerre malheureuse qui termina la
paix humiliante de Kainardgy, et la seconde guerre suscitée par l'Angleterre et la
Prusse en 1787, ont appris à l'univers le secret de la faiblesse actuelle des musulmans;
et les principales puissances de l'Europe, en se liguant pour les défendre, auraient
encore beaucoup de peine à les garantir d'une ruine que tout paraît rendre inévitable.
Il ne faut cependant pas croire, comme on le dit communément, que les Turcs soient
dégénérés. Ils ont la môme vaillance et le même fanatisme qui firent autrefois trem-
bler le monde entier, et étendirent les triomphes du Croissant des extrémités de l'Asie
à celles de l'Europe : mais, s'ils sont restés les mômes, tout est changé autour d'eux.
Les puissances chrétiennes se sont civilisées, peuplées, aguerries : leurs troupes régu-
lières, leur tactique savante, leurs forteresses hérissées de bastions, leur foudroyante
artillerie, leurs invincibles baïomiettes, rendent inutiles tous les efforts de ces braves
et indisciplinés janissaires, qui cherchent encore, le sabre à la main, la palme du mar-
tyre, mais qui ne trouvent que celle de la gloire.
Une autre cause hâte leur perte; le gouvernement turc est théocratique. Tout état,
ainsi constitué, devient une république anarchique de prêtres lorsque le prince n'est
pas guerrier: un empereur triomphant peut, seul eu imposer à l'uléma; et depuis long-
temps, les sultans amollis, ne se montrant plus à la tête des aimées, perdent la force
que leur aurait donnée la victoire
Les pachas, dont les yeux ne sont pas éblouis par le cimeterre de leurs monarques,
se révoltent tour-à tour contre eux; et l'empire, entouré de voisins menaçants, et dé-
chiré par des guerres civiles, offre une proie riche et facile au premier général russe
qui, sans s'arrêter à des sièges inutiles, voudia marcher tout dioit à Constantinople.
En vain la Porte espère-t-eile d'être à l'abri de ce danger par la protection d'une des
deux grandes puissances germaniques; leur opposition qui se balance, laisse à la Rus-
sie assez de hberté pour cette conquête. La France, lorsqu'elle a une marine, est seule
202 APPENDICE
en état de retarder cotte grande révolution : mais il faudrait qu*elle obtînt l'admjssion
dfî son pavillon dans la mer Noire; et l'une des plus graves fautes du gouvernement
français (faute qu'on ne lui a cependant jamais encore reprochée) est de n'avoir pas
exiicé des Turcs cette admission.
Il a toujours employé, avec ces ennemis des chrétiens, le langage de la modération
et de l'amiiié, et ils ne sont accessibles qu'à celui des menaces.
Un fait suffira pour prouver ce que j'avance. Les Autrichiens et les Russes, ennemis
de la Porte, ont obtenu d'elle, pour leurs navires marchands, une libre navigation sur
la mer Noire, qu'elle a toujours interdite à la France son alliée. Nous la demandions
amicalement, elle nous la refusait ; les cours impériales l'exigeaient les armes à la main,
on la leur accordait. Cet exemple est un trait de llimière qui doit apprendre com-
ment il faut traiter avec le divan. En un mot, la France n'a que deux partis à pren-
dre : celui d'empêcher le démembrement de l'empire ottoman, ou d'y coopérer. Dans le
premier cas, il faut que ses troupes et ses vai-sseaux puissent aborder aux rivages
qu'elle veut défendre ; dans le second, elle doit prévenir ses rivaux, et s'emparer des
pays et des ports qui peuvent lui assurer le commerce du Levant. [Scijur.)
'W., — Ri^sniiK' d'une note «le raniltassadeur de rlioîsrtil-fîioiinier à
la Sublime -Porte, en date du 34 septembre 1 993 {% sàfcr iSOV).
Les récents événements arrivés en France annulent les pouvoirs con-
férés par son souverain au soussigné. Il ne peut plus agir comme ambas-
sadeur, ni répondre de la protection due aux sujets français au Levant.
Il prie, par conséquent, la Sublime-Porte de prendre elle-même les me-
sures propres à garantir la sûreté nécessaire aux ministres de la religion
catholique et aux sujets fidèles du roi.
(D'après Zinkeisen, Geschichte, etc.)
\XI. — Résumé de la réponse de la Knblime-Porte. en date dit
16 octobre 1993 (29 sàfer 1 207).
La Sublime-Porte fait connaître h l'ambassadeur que, dans le but d'era-
pècher toute interruption dans la gestion des affaires, il est nécessaire
qu'il continue de rester à son poste, jusqu'il son remplacement par un
autre ambassadeur, ou du moins par un chargé d'affaires.
(D'après ZiNKF.isiiiN.)
XXII. — Résumé des înstriietîons du comité diplomatique de la
Convention nationale au citoyen Sémonville (*), en date du ...
l'S93 { laOÎ)
Le nouveau ministre national doit chercher surtout h rompre la coali-
(') Après avoir été nommé ministre plénipotentiaire près la cour de Sardaigne, qui ne
APPENDICE 203
lion formée contre la France par l'Aulriclift, la Prusse et la Uussie, et le
meilleur moyen d'obtenir ce résultai sera de tâcher de diviser ces puis-
sances. Il est vrai qu'on ne saurait compter sur une assistance directe, k
ce sujet, de la part de la Turquie, mais la Sublime-Porîe pourrait être
très-utile en se mêlant seulement, par exemple, des affaires de Pologne,
et en lâchant de mettre en discorde îosdites puissances dans ce pays-là.
Pour atteindre plus facilement ce but, Sémonville pourra disposer de
8 millions de livres, dont deux millions doivent être exclusivement em-
ployés k corrompre les entours du ^'rand-vézir et du l'éis-éifendi, et b.
entretenir de bons es|)ions auprès de l'internoncc d'Autriche et des repré-
sentants prussien et russe; car il est irès-imporlanl de s'assurer comment
chacun de ces ministres représente, à sa cour, les affaires polonaises. Si
le grand-vézir se déclarait en faveur de la Pologne, Sémonville lui pro-
mettra en présent h frégates, des canons, de la poudre et des munitions,
et l'envoi de plusieurs officiers distingués. Mais il faut agir avec d'autant
plus de promptitude qu'il s'est répandu le bruit d'un nouveau partage
imminent de la Pologne entre lesdites trois puissances, et qu'il est con-
séquemmenl urgent de semer la discorde entr'elles.
Le citoyen Sémonville est chargé enfin de sonder la Porte si, en cas
d'événements malheureux en France pour les patriotes, elle était disposée
à accorder aux chefs de ces derniers el à leurs partisans un asile en Candie
ou à Chypre, ou à leur vendre une île quelconque de l'Archipel au plus
haut prix, et moyennant de riches présents pour tous les ministres in-
fluents de la Porte. Ils y arriveraient alors avec d'immenses trésors, et ils
n'y resteraient que jusqu'au moment où les troubles et les luttes en
France, qui ne cesseront de continuer, leurs permettraient de reparaître
sur la scène.
(D'après Zinkilisen.)
voulut pas le reconnaître en cette qualité, Sémonville (Charles-Louis Huguet, marquis
de) fut désigné, en 179.', pour remplacer le comte de Choiseul-GoufBer, à Constantino-
ple. Les démarches des représentants d'Autriche, de Prr.sse et de Russie déterminèrent
le divan à ne point reconnaître et recevoir cet agent de la convention. Le grand-vézir
écrivit au ministre des aff;;ires étrangères (Lebrun) que le gouvernement ottoman ne
pouvait recevoir comme ambassadeur Sémonville, « qui avait donné des preuves d'un
caractère et d'un naturel qui l'avaient porté à des démarches hardies et inconsidé-
rées », et demandait la nomination d'un autre ambassadenr, dont « la modération et
la conduite lui assureraient la confiance de la Sublime-Porte ». Sémonville reçut
pourtant Tordre, au mois de juillet 1793, de se rendre à sa destination, mais il fut ar-
rêté, en Italie, par des commissaires autrichiens, et détenu jusqu'en 1795, où il fut
échangé, avec d'autres prisonniers, contre Marie-Thérèse-Charlotte (duchesse d'Angou-
lême), fille de Louis XVI.
204 APPE^DICE
XXIII. — Résamé d'une lettre du comte de Provence (Louis XVIII)
à Sélim III, en date de Hanim (\VestphaIie) le 28 janvier 1993
(15 djéniaziul-akhir 1207).
Dans la confiance que m'inspirent vos érainentes qualités, j'ai recours
à V. M. impériale. 11 est digne de vos vertus de défendre la cause de tous
les rois. Votre Hautesse, dont l'auguste maison est depuis si longues an-
nées alliée à la famille des Bourbons, ne saurait voir avec indifférence
le malheur qui vient de la frapper. C'est un rôle digne de vous que de
terrasser par votre puissance la liorde des monstres qui ont trempé leurs
mains dans le sang du meilleur des rois, et dont les doctrines criminelles
tendent à renverser tous les trônes de l'univers.
(D'après Zinkeisen.)
XXIV. — Résumé des instructions du comité diplomatique de la
Convention nationale au citoyen Descorehes ('), en date du .. .
IÎÎI3 ( .... 120Î)
Le citoyen Descorehes se rendra par Venise et Raguse à Conslanli-
nople, sous le nom d'Aubri, négociant, avec une petite suite de trois per-
sonnes seulement. Aussitôt arrivé, il s'y mettra en communication avec
le négociant Florenville. Il joindra ses efforts aux siens pour se faire
reconnaître par la Poite comme envoyé extraordinaire de la république,
et tâchera de faire entrer le divan dans les vues de cette dernière, relati-
vement aux affaires de Pologne. Si la Porte ne voulait pas le reconnaître
comme représentant de la république, il cherchera à la brouiller avec les
ministres d'Autriche, de Russie et de Prusse, et lui proposera un traité
d'alliance, en lui promettant tous les secours possibles de la part de la
république, au cas d'une guerre contre les deux empereurs. Pour assurer
le succès de sa mission, il pourra disposer de k millions de livres.
(D'après Zinkeisen.)
XX%\ — Résumé d'une note collective des représentants d'Autriche
(baron Herbert), de Prusse (n. de Haobelsdorf) et de Russie (M. de
Kwasto^v), remise à la Sublime-Porte le 1*'° avril 1993 (19 cbà-
ban ISU?).
Les soussignés croiraient porter atteinte à la dignité de leurs souverains
tl de la Sublime-Porte, s'ils pensaien! qu'on devrait peser dans la même
balance la cause des deux parties belligérantes et leur droit à l'observa-
tion d'une neutralité consciencieuse. Et ce sont cependant les Français,
(*) V. T. I.,p. 542, note 2.
APPENDICE 205
les assassins de leur roi, les destructeurs de toutes les lois divir.es et
humaines, dont la forme du fiouvernemeni actuel n'est point encore re-
connue par la Sublime-Porte, qui, sous ses yeux et au inépris de la neu-
tralité, osent se permettre, d'une manière directe ou indirecte, les excès
les plus coupables envers les cours qui sont ses anciennes alliées.
La Sublime-Porte connaît, sans doute, ces excès. La cocarde tricolore
est portée comme un signe de guerre; l'arbre, dit de la liberté, est impu-
demment planté au milieu de l'hôtel de l'ambassade de France, sans la
permission de la Su!)lime-Porte, et en dépit de son impartialité pour la
royauté ou pour la république ; on outrage, au milieu des plus abomina-
bles orgies, les noms sacrés de tous les souverains; leurs représentants
sont publiquement offensés, nuit et jour, par des chansons indécentes et
les propos les plus insultants : telle est, depuis trois mois, la conduite
des Français dans cette capitale, triste fruit des principes dont ils font
parade, et résultat nécessaire de l'anarchie qui règne entr'eux.
Comme la Sublime- Poi te a déjà officiellement fait connaître qu'elle a
adopté le système d'une stricte neutralité, les soussignés ne peuvent dif-
férer plus longtemps leurs plaintes légitimes. En conséquence, ils ont
l'honneur de lui demander, au nom de leurs cours, qu'il soit déft^nJu de
porter la cocarde française tant dans cette capitale que dans les Échelles.
Elle pouvait être tolérée lorsqu'elle pouvait être considérée comme un si-
gne non équivoque des opinions de ceux qui la portaient. Mais depuis le
meurtre de S. M. le roi très-chrétien, elle est devenue le signe caracté-
ristique de la révolte et du régicide. L'honneur et une saine politique ne
permettent plus à un souverain étranger de la tolérer dans ses États, et
les Français honorables de Constantinople ont d'eux-mêmes cessé de la
porter, lorsque la nouvelle de cet horrible événement a été connue.
Mais celte remarque sur la cocarde devient bien plus importante rela-
tivement à Varbre de la liberté, ce monument odieux de la sédition et de
la perfidie, qui, sous les yeux des ministres étrangers, a été planté en
face d'un jialais impérial, et ce, dans un temps oii les puissances les plus
faibles et les plus insignifiantes l'ont sévèrement défendu dans leurs Étals.
Les soussignés demandent avec instance, conséqueniment, que la Su-
bjme-Porte fasse, sans délai, abattre cet arbre, car il prouverait, aussi
longtemps qu'il resterait debout, une inconcevable tolérance et une par-
tialité évidente de sa part, et ne ferait qu'alimenter les espérances et la
témérité des instigateurs français.
Ils demandent, en outre, que l'Iiôtid de l'ambassadeur de France ne
soit habité que par un n)inistre formellement reconnu, et ne soit point
profané en servant d'asile au premier scéléiat venu.
Les soussignés se llaltent de l'espoir de recevoir sur tous ces objets
une prompte et satisfaisante réponse, qu'ils puissent transmettre à leurs
206 APPENDICE
cours comme une preuve des senlimeiils d'amitié de la Sublime-Porte,
de son système d'une parfaite neuiralité, et de son impartialité inébranla-
lable dans cette cause de tous les souverains.
(D'après Zinkeisen.)
XWI. — Résumé d'une note des représentants dMatriehe, de Prusse
et de Uussic à la i^ubliuie-Porte, en date du 4 juin IVilS (34 clic-
wal 1209).
Gomment la Sublime-Porte peut-elle prétexter l'ignorance de faits
qui se passent sous les yeux de tout le monde? Les choses sont par-
venues à ce point que les Jacobins se vantent dans leurs pays que a Sa
Hautesse, en signe d'alliance, se décore des couleurs nationales et re-
garde avec intérêt l'arbre sacré de la liberté. » Les festins nocturnes
et les hurlements républicains des Jacobins dans les rues do Péra, et
jusque sous les fenêtres des représentants des puissances amies de la
Sublime-Porle, sont-ils peut-être un secret, après que l'autorité elle-
même a été obligée d'y intervenir itérativeraent par la force ? Pourquoi
tQ!(3,e-t-on encore les excitations d'un des plus dangereux agents des
Jacobins, le nommé Gaudin , qui , depuis six mois , se livre tranquil-
lement à ses impudentes menées? G'est bien lui qui , auteur du mémoire
des Français où ils demandent la révocation du comte Choiseul, a appelé
les ministres de tous les souverains , sans distinction , «perfides agents
du despotisme, » et a répandu un grand nombre de pamphlets pour sou-
lever le peuple. Dans un de ces pauqjblets, on trouve , entre autres , le
passage suivant : «Peuple malheureux, jusqu'à quand courberas-tu
aveuglément ta nuque sous l'épée qui te menace sans cesse ? Il est temjîs
enfin qu'éclairé sur ta situation tu te décides à secouer le joug qui t'op-
prime dans ce pays de l'esclavage ! »
Mais, en tous cas, la Sublime-Porte ne doit pas permettre l'arrivée k
Constantinople de l'émissaire Descorches , que les régicides ont accrédité
auprès d'elle , ni tolérer plus longtemps la profanation de l'hôtel fran-
çais, ni exposer les archives de l'ambassade au danger de la destruction.
Est-ce bien observer la neutralité, ou plutôt une preuve de la partialité
la plus évidente , lorsque la Porte permet aux instigateurs français de
pareils excès coupables, et qu'ede ferme l'oreille aux représentations
des ministres soussignés? Goux-ci ne veulent, pourtant, que la ramener
à la stricte neutralité qu'elle professe en paroles, mais dont, par le
fait, elle est très-éloignée; qu'elle songe seulement que les préjudices
que lui causerait la froideur des puissances ses amies ne sauraient ja-
mais être compensés par l'amitié de la république, diîl-elle môme, ce
qui est impossible, se consolider et durer cent ans.
(D'après Zinkeisein.)
APPENDICE 207
XXVII. — Résumé d'une eoufcren<Mi ilu citoyen Descorclirf* avec lo
réiiï^efl'cnili, tenue le 38 août fSOS (20 muliarreni ISOM).
Le citoyen Descorches expose que la situation de la R6|)iibli(iue est
exlrèmcnieiit critique. La résistance collective de toutes les puissances
l'a a réduite presqu'à l'extrémité. » La France attend par conséquent tout
de la Suhlime- Porte, h qui elle a toujours donné des preuves d'amitié,
noannéuient en empêchant plusieurs l'ois le démembrement de l'empire
ottoman. La république pourra tenir encore cette année, mais si la Poite
l'abandonnait et que la royauté fût rétablie, alors tout serait perdu ; le
seul moyen de saint serait une guerre contre la Russie. Il a conséquem-
menl reçu l'ordre de la Convention nationale de conclure avec la Sublime-
Porte un traité portant que la France ratifierait toutes les promesses
qu'elle ferait à l'Angleterre, si cette puissance restait neutre et n'en-
travait pas la navigation et le commerce de la république, et que celle-ci
serait alors prête à secourir la Porte avec des vaisseaux, des troupes et
des munitions de guerre de toute espèce, et à contracter, en général,
tous les engagements que la Porte pourrait désirer.
Le réis-éllendi répond au citoyen Descorches en l'assurant que la ré-
publifiue ne sera en aucun cas abandonnée par la Porte, et en lui commu-
niquant qu'il allait soumettre tout à la décision du Grand-Seigneur et du
divan.
(D'après Zinkeisein.)
XXVIII. — Résumé d'une convention entre la Sublime-Porte et la
répnhlifiue française , signée par le citoyen Descorches le !tO
août I7U3 (Z'i moharrem i308).
1. La république française ratifiera toutes les promesses que la Sublime-
Porte ferait à la Grande-Bretagne, si celle-ci restait neutre.
2. En ce cas, la république française fournira à la Sublime- Porte
12 vaisseaux de ligne, 12 frégates, 6 bombardes et 50 navires de trans-
port avec des troupes et des munitions pour tout le tein|)s de la guerre.
Les frais d^eniretien de ces forces seront h la charge de la Sublime-
Porte, mais la république française les lui rembourseraaussitôt qu'elle se
consolidera.
3. Le parti républicain s'engage même, au cas du rétablissement de la
royauté, de déterminer le roi à rembourser lesdits frais h la Sublime-
Porte.
(D'après Zinkeisein.)
208 APPENDICE
XX.IX. — Dépêche de TeiiToyé Terninac (*) an comité de saint public,
en date du 1 1 octobre 1995 (2 7 rébiui-cwel 12iO).
Fera lez-Constantinople le 19 vendémiaire an 4*.
L envoyé de la république française près la Porte ottomane aux représen-
tants du peuple, membres du comité de salut public.
Citoyens représentants, j'ai reçu, par notre établissement de poste, le
Iriplicata de votre dépêclie du 20 thermidor, qui répond à quelques
objets particuliers de ma correspondance.
{*) Arrivé à Constantinople le 14 mai 1795, Vernioac qui, tout en étant un ardent
républicain, joignait à beaucoup de prudence une grande modération, parvint, sans
peine, à se faire reconnaître par la Sublime-Porte comme envoyé extraordinaire et
ministre plénipoteniiairc de la république. Il eut son audience solennelle du sultan le
1" juin : dans celle du grand-vézir, celui-ci le qualifia de citoyen^ mot qu'il prononça
en français, comme intraduisible en turc. Outre un quadruple traité d'alliance entre
la France, la Porte, la Prusse et la Suède, que Verninac était chargé de conclure, il
devait aider le gouvernement ottoman dans ses réformes militaires, en lui procurant
un bon nombre d'officiers distingués. Beaucoup d'officiers, royalistes comme républi-
cains, cherchaient alors à rntror au service de la Porte, et il est digne de remarque,
dit Zinkeisen, que Napoléon Bonaparte, ce génie militaire qui devait bientôt dominer le
monde, avait aussi songé sérieusement à se rendre à Constantinople pour se mettre à
la tête de rartillerie du Grand-Seignrur. Nous donnons à la suite de cette note l'écrit
que Napoléon adressa à ce sujet, le 30 août 1795, au comité de salut public, et que
nous copions de la Correspondance de Napoléon I".
Verninac ne réussit point dans sa mission et fut remplacé au mois d'octobre 1796
par le général Aubert du Bayet, ex-ministre de la guerre. Napoléon, premier consul,
l'avait nommé préfet du Rhône : disgracié après, comme ennemi du système impé-
rial, il paraît néanmoins avoir pu obtenir, <n 1808, d'être attaché au ministère des
affaires étrangères. (F. plus bas la pièce cotée C.) Verninac mourut en 1822.
Note dn général Bonaparte.
Dans un temps où l'impératrice de Russie a resserré les liens qui l'unissent à l'Au-
triche, il est de 1 intérêt de la France de faire tout ce qui dépend d'elle pour rendre
plus redoutables les moyens militaires de la Turquie.
Cette puissance a des milices nombreuses et braves, mais fort ignorantes sur les
principes de l'art de guerre.
La formation et le service de l'artillerie, qui influe si puissamment dans notre
tactique moderne sur le gain des batailles, et presque exclusivement sur la prise et
la défense des places fortes, est encore dans son enfance en Turquie.
La Porte, qui l'a senti, a plusieurs fois demandé des officiers d'artillerie et du gé-
nie ; nous y en avons effectivement quelque.s-uns dans ce moment ci ; mais ils ne sont
ni assez nombreux ni assez instruits pour produire un résultat de quelque consé-
quence.
Le général Bonaparte, qui a acquis quelque réputation en commandant l'artillerie
A1>PFNDICE 209
J'ai reçu en même temps le duplicata de celle du 22 du même mois,
dont le duplicata ii)'était déjà parvenu et ;i laquelle j'ai répondu.
Voire n" 7, dans lequel vous m'avez lait connaître vos inlenlions rela-
livement à M. de Mouradja, est arrivé.
Les différends survenus entre la Porie et la légation de Russie, dont je
vous ai rendu compte dans ma dernière lettre, sont bien loin d'être ter-
minés.
Les esprits s'aliènent chaque jour davantage de part et d'autre. Je
vous ai marqué que l'envoyé de Russie avait déclaré, dans une note
adressée au grand-vézir, qu'il ne communiquerait plus avec le réis-
éffendi.
La Porte était embarrassée.
Quelques hommes timides se voyant à la veille d'une rupture qui les
étonnait, envisagée si près, conseillèrent d'envoyer le premier interprète
chez le ministre de Russie pour le satisfaire par quelques mots d'excuse.
Cet avis détestable avait prévalu.
Je n'en fus pas plutôt informé que je fis presser instamment le prince
Morouzi de ne pas se prêter à être l'instrument de la honteuse concilia-
tion projetée.
Mes sollicitations le trouvèrent très-disposé.
Il rae fit dire qu'il se démettrait plutôt de son emploi ; et pour le con-
firmer dans cette résolution généreuse, je lui écrivis la lettre ci-jointe,
n° 1, en même temps je présentai k la Porte la note n" 2.
Ces démarches produisirent le meilleur effet possible. Le réis-éffendi
fâché d'avoir écouté un moment des conseils pusillanimes, et déconcerté
par mon indignation, m'envoya son homme de confiance pour m'assurer
que la démarche dont il avait été question n'aurait pas lieu ; qu'il ne
sacrifierait aucunement la dignité de la Porte, et qu'il ferait ce que je
jugerais convenable.
Ce furent les propres termes de son message.
Ces circonstances me paraissant propres à nos affaires, je fis remettre
la note n° 3, et je la fis appuyer par les démarches indirectes les plus
vives.
Le message confidentiel du réis-éffendi est dans des termes encore
plus forts que le premier.
de nos armées en différentp.s circonstances, et spécialement au siège de Toulon, s'offre
pour passer en Turquie avec une mission du gouvernement ; il mèneia avec lui six
ou sept officiers, dont chacun aura une connaissance particulière des sciences relati-
ves à l'art de la guerre.
S'il peut, dans cette nouvelle carrière, rendre les armées turques plus redoutables,
et perfectionner la défense des places forces de cet empire, il croira avoir rendu un
service signalé à la patrie, et avoir, à son retour, bien mérité d'elle.
T. II. lÛ
210 APPENDICE
En même temps j'appris que mes noies avaient été mises sous les yeux
du Grand-Seigneur, que ce prince les avaient entièrement approuvées ;
qu'il avait ordonné qu'on tint ferme vis-Ji-vis de la légation de Russie,
et qu'à ce sujet il avait montré beaucoup d'humeur de ce que les
ministres n'avaient point encore terminé les arrangements proposés par
la république.
Voilà ce qui s'est passé du côté de la Porte et du mien.
Quand à la légation de Russie, elle s'est donnée tous les mouvements
possibles pour ol)lenir satisfaction, menaces, intrigues, intervention de
l'ambassadeur d'Angleterre, elle a employé tout ce qui était à sa dispo-
sition.
Ne pouvant y réussir, le ministre a déclaré que si au départ du cour-
rier (c'est aujourd'hui) l'on n'avait pas accédé à sa demande, il en ren-
drait compte à sa cour et attendrait ses ordres.
Les choses en sont là.
Vous approuverez, j'espère, citoyens représentants, la conduite que
j'ai tenue dans cette all'aire.
Restée secrète, elle aurait pu être étouffée entre les deux partis.
La publicité que je lui ai donnée, plaçant les acteurs sous les yeux de
toute l'Europe, les forcera à mettre de la lierté dans leurs mesures res-
pectives, et mûrira les germes de la division déjà existante.
Vous ne blâmerez point, je me flatte, la déclaration que je fis dans ma
première note que, si la Porte s'abandonnait à la démarche huuiiliante
dont il était question, je retirerais les propositions que j'avais faites,
la république fière et triomphante ne pouvant pas traiter avec un mi-
nistère inconsidéré.
Je sens déjà les effets de la marche que j'ai tenue.
Le hoAtichèrif du Grand-Seigneur, pour le traitement que nous dési-
rons, est sorti. La négociation s'avance, je vous en ferai un rapport
circonstancié paj- mou prochain courrier de l'expédition duquel je vais
m'occuper.
Il serait bon que vous voulussiez bien ordonner que l'on insérât dans
les journaux un avis fidèle du démêlé existant entre la Porte et les
Busses.
{Signé, R. Verninac.
(yE. Copie.)
APPENDICE 211
ANNEXE N° 2 (*).
Copie d'une note présentée i^ la Knblinie-Porte le I 3 Tendénùaire
l'an 4e de la répnbli<|ue franvalse.
L'envoyé extraordinaire de la république française près la Sublime-
Porle ottomane vient d'être infoimé que Son Excellence le réis-effendy
se disposait à terminer son diflérend avec la légation de Russie en lui
envoyant des excuses de sa part par l'iiiierpréte de la Sul)limc-Porte.
Quelqu'étrange que soit ce bruit, on l'accompagne de circonstances
si vraisemblables que, malgré la haute ojjiiiion que l'envoyé extraordi-
naire de la république a de !a dignité et de la fierté de la nation otto-
mane et de son auguste chef, il ne peut se refuser à le croire.
Affecté au dernier point de cette résolution de Son Excellence Effendy,
l'envoyé extraordinaire ne peut s'empêcher d'avertir la Sublime-Porte
qu'elle portera à sa hautesse et à la considération du nom musulman un
coup plus funeste que la perte de dix batailles. Toute l'Europe verra dans
l'indigne démarche que la Sublime-Porte est près de faire la preuve la
plus marquante de faiblesse et d'assujettissement à la Russie.
Et tandis que ses ennemis en tireront l'heureux augure qu'on peut
l'humilier sans danger et l'attaquer avec succès, ses amis conclueront
qu'ils doivent se détacher d'elle.
Pénétré de ces considérations, l'envoyé extraordinaire de la répu-
blique française se voit (quoique à regret) obligé de déclarer à la Su-
blime-Porte que, si la démarche projetée par son excellence le réis-
effendy s'exécute, les propositions d'alliance qu'il a faites devront èlre
regardées comme non avenues.
La république, fière et triomphante, ne pouvant point traiter avec un
ministère qui aurait perdu tout soin de la gloire de son maître ; qui serait
devenu l'objet des discours méchants de toute l'Europe ; qui, en un mot,
se serait reconnu vassal et tributaire de la Russie.
Attendu l'extrême importance de cette déclaration, l'envoyé extraor-
dinaire de la république française demande qu'elle soit mise sous les
yeux de sa hautesse elle-même. Il espère que sa hautesse l'accueillera
comme la marque la plus forte qu'il puisse lui donner de son attachement
pour ses intérêts et pour l'honneur de son nom.
(•) L'annexe n" 1 ne se trouve pas jointe à la dépêche.
212 APPENDICE
ANNEXE N" 3.
Copie d'une lettre remise à la Sublime-Porte le 1 5 vendémiaire l'an
4« de la république française.
La considération de la Sublime-Porte n'appartient pas à elle seule, elle
est aussi la propriété de ses arais et de ses alliés. Et comme tout alTront
qu'elle recevrait rejaillirait sur eux, ils ont incontestablement le droit de
veiller à ce qu'il ne soit porté aucune atteinte à sa ^doire.
La Sublime-Porte ne disputera siirement pas à ses alliés l'exercice d'un
droit si fortement fondé sur l'amitié la plus vive et la plus sincère. C'est
eu conséquence d'un tel principe que l'envoyé extraordinaire de la ré-
publique française s'est élevé, dans la note du 13 de ce mois, contre la
démarche que la Sublime-Porte paraissait disposée à faire à l'égard d'une
légation ennemie, et qu'il ajoute aujourd'hui aux considérations de senti-
ment et de dignité énoncées dans cette note quelques raisonnements
puisés dans le droit et dans la nature des circonstances.
L'envoyé extraordinaire posera d'abord en principe que, dans l'état
présent des choses, ce n'est point ia légation moscovite, mais bien la
Sublime -Porte qui est grièvement offensée.
En effet, quel plus grand outrage peut-on faire à un gouvernement in-
dépendant que de lui dire, sur la cause la plus légère : je ne veux plus
communiquer avec votre ministre ; ou en d'autres termes, renvoyez ce
ministre et nommez-en un autre ; ce langage est intolérable ; il n'est
aucune des puissances barbaresques, tributaires de la Sublime-Porte, qui
ne s'en tînt offensée et qui n'en tirât venj^eance à l'instant même.
L'envoyé de Russie n'a pu se le permettre (|u'en comptant sur le plus
profond abaissement de la part de la Sublime Porte, et cela même est une
sanglante injure , et quel sujet demande une satisfaction aussi écla-
tante? — Parce que le ministre d'un grand empire excédé des impor-
tunités d'un interprète s'est livré contre lui à un mouvement de vivacité
bien excusable san^j doute, puisqu'il a sa source dans l'indignation pro-
fonde que doivent donner h tout bon musulman les procédés passés et
présents de la Russie. Mais ce tort, si c'en est un, n'est nullement
grave. Un interprête doit être revêtu de la confiance des deux
cours.
La Sublime-Porte peut bien dire à un ministre étranger : i'inter|)rête
que vous m'envoyez a votre estime, mais il n'a pas la mienne; vous
pouvez bien le rendre l'organe de vos secrets, mais il ne le sera pas des
miens. On ne peut nier que la Sublime-Porte ait ce droit.
Dès lors comment lui faire un crime d'avoir, dans un moment d'humeur.
APPENDICE 213
témoigné sa méfiance à l'interprète lui-même? que sera-ce lorsque cet
ii)lerj)réte est un liaîlre chargé du mépiis public, et que le ministre de
la nation qu'il a vendue a ordre de faire jeter dans les cliaînes ? — 11 est
donc constant que le fait pour réparation (lu(|U('l l'envoyé de Russie ne
demande rien moins que le déshonneur de l'empire, est un tort très-léger,
et sur lequel il suffisait d'une simple explication.
Il n'est pas moins constant qne c'est la Snblime-Porte qui se trouve
aujourd'hui offensée, et que c'est elle dont la majesté violée a droit à des
salisfartions.
Quelques personnes poussées d'un esprit de timidité bien dangereux
pour l'empire chercheront peut-être, dans des exemples, une autorité pour
la démarche dont il est question. Mais on peut leur répondre que les cas
ne se ressemblent point ; que dans ceux que l'on peut citer il s'agit de
missions amies, incapables de tout avantage d'une démarche amicale pour
couvrir la Porte de honte aux yeux de tonte l'Europe. On peut leur ré-
pondre surtout que ces exemples sont reçus, et qu'aucun ne remonte
même jusqu'à l'époque du règne de Mustapha, de glorieuse mémoire.
D'ailleurs ce que des ministres pervers se sont permis ne doit point servir
d'antorilé à des ministres fidèles ; et s'il faut recourir à des exemples,
c'est dans les fastes glorieux des Sélim, des Soliman, des Amurat, des
Mahomet, c'est dans le principe de l'islamisme et des fondateurs de
l'empire, que des ministres probes doivent les prendre.
D'après ces considérations, toutes puisées dans l'intérêt de la Sublime-
Porte, l'envoyé < xtraordinaire de la république française est d'avis que
la Sublime-Porte, loin de céder à l'insolente demande du ministre de
Piussie, doit au contraire en adresser ses justes plaintes à sa cour ; que
sans plus de délai les liens projetés entre la république française, la
Suède et la Sublime-Porte doivent être formés ; que la Sublime-Porte
doit, pour donner à la république française une preuve réelle d'atta-
chement, déclarer à la cour de Vienne, que si elle ne se retire promp-
tement de la coalition dirigée contre la république, elle sera obligée
d'aller au secours de son alliée, ht que la Sublime-Porte doit, de concert
avec la république, pnr le don immédiat de subsides promis à la Suède,
mettre cette puissance à même de faire dans le Nord, contre l'ennemi
commun, une diversion avantageuse.
Toutes les cours de l'Europe informées par leurs ministres auprès de
la Sublime-Porte, du différend qui existe entre elle et la Russie, vont
avoir les yeux ouverts sur la conduite que tiendra la Sublime-Porte dans
cette grande circonstance. Elles chercheront dans cette conduite ses sen-
timents, ses principes, et le secret de sa situation présente.
L'envoyé extraordinaire ne dira plus qu'un mol : si la Sublime-Porte
se montre noble et flère, elle aura des admirateurs, des amis, des alliés
214 APPENDICE
qui soutiendront la gloire du sultan Sélim, si elle se montre luirable et
laible, elle éloignera d'elle tout le monde.
{M. Copie.)
\.W., ~ Dépcclie de l'envoyé Verninac au comité de salut public,
en date du 1 9 octobre 19U5 (3 rébiul-akhir ISIO).
Fera lez-ConstantinopIe le 25 vendémiaire
an 4' de la république une et indivisible.
L'envoyé extraordinaire de la république près la Porte ottomane aux
représentants du peuple, membres du Comité de salut public.
Citoyens représentants, les directions nouvelles que vous me donnez,
citoyens représentants, ne pouvaient arriver plus à propos. Elles m'ont
trouvé à la veille de l'ouverture des conférences, laquelle a eu lieu en
etîet avant hier. Je n'ai pas été surpris que vous désiriez que je modère
l'activité de mes démarches à faire déclarer les Turcs. Le mouvement
vers la paix qui se fait sentir assez généralement, et la politique équivo-
que de la cour de Berlin, en éclaircissant à mes yeux comme aux \ôlres
la circonspection de la Porte, m'avaient fait juger aussi qu'il ne conve-
nait point de forcer entièrement la mesure, et si je n'avais point ralenti
mes instances c'est que, bien siir de pouvoir arrêter les Turcs au point
où il le faudrait, je ne voyais que de l'avantage à faire prendre à leurs
rapports avec nous et à leurs préparatifs un caractère de nature à alar-
mer nos ennemis : au reste, les choses en sont au point oîi vous les dési-
rez. Je suis en mesure d'effectuer avec la Porte le traité projeté, si vous
le trouvez convenable ; et, en attendant, les dispositions militaires seront
poursuivies avec activité. Vous pouvez compter sur l'assurance que je
vous en donne, et dont vous trouverez des gages dans le rapport que je
vais vous faire, succinctement, de la conférence que j'eus le 23 du cou-
rant avec le réis-éfendi.
L'entretien roula d'abord sur les affaires générales. Je fis remarquer
au ministre l'heureuse circonstance de la paix avec l'Espagne, qui a
diminué de moitié les forces navales de l'Angleterre dans la Méditerra-
née, et qui nous a permis de porter vers l'Italie une partie considérable
de l'armée des Pyrénées; moyen pour la république de prendre incessa-
ment dans le raidi la même supériorité que sur les autres points. Je lui
fis envisager, dans le passage du Piliin heureusement effectué, l'avanlaiJie
acquis à la république de dicter la paix à i'empire ; je lui montrai, duns la
constitution républicaine déciétée par la convention nationale, le terme
APPENDICE 215
des mnuveinenls intérieurs do la France, l'accord de la liberté et du re-
pos, l'union d'un gouvernement paternel et de la sûreté des propriétés et
des personnes : puis, passant h l'objet de la conférence, je lui observai
que nous avions à nous féliciter l'un et l'autre de ce cpie les deux États
en étaient au point que nous n'avions nul besoin de nous donner mutuel-
lement des assurances sur leurs sentiments respectifs. Le ministre appuya
celle observation en termes très'-airectuoux.
Venvoijé de la république. — Son Excallence connaît la proposition
du gouvernement français et les vues relatives à l'intérêt comnuiii de la
république et de la Porte et au bien général de l'Europe. Elle agréera
sûrement l'impatience où je suis de connaître, de mon côté, le travail im-
portant qu'elle a fait sur le même objet, et que je sais avoir obtenu le
suflVage de sa hautesse et de tous les grands de l'empire.
Le réis-cfendi. — Les ouvertures que vous nous avez faites m'enga-
gent à examiner la question de nos intérêts extérieurs dans ses rai)ports
les plus étendus, .l'ai cru qu'il était possible et utile d'accroître nos liai-
sons j)olitiques et d'admettre plusieurs puissances dans le système que
nous nous proposons,
•En conséquence, je me suis déterminé, en acceptant les arrangements
que la république française nous olTre, à travailler à nous assurer de la
Suède, du Danemark, de l'Espagne, de la Hollande et de la Prusse, et sa
hautesse m'a autorisé à cet eflet.
L envoyé de la république. — Vous proposez-vous de négocier à la fois
avec toutes ces puissances, et de ne terminer avec les unes qu'en termi-
nant avec les autres?
Le réis-éfendi. — Ce n'est point \h mon projet. Nous allons conclure
d'abord avec la république française, et nous nous concerterons avec elle
pour le reste.
L'envoyé de la république. — Je crois que la plupart de ces négocia-
tions ne rencontreront pas de grandes difficultés ; des intérêts communs
les rendront faciles ; mais il en est une qui me semble ne devoir pas
avoir une issue prompte et heureuse, celle avec la Prusse. La Prusse, par
hciine et par jalousie contre l'Autriche et par crainte de la Russie, s'inté-
resse sans doute à l'empire ottoman ; n)ais dans ce moment un intérêt
plus immédiat l'emporte sur ces considérations.
Le réis-éfendi. — Vous voulez parler de la Pologne?
L'envoyé de la république. — Oui, le roi de Prusse est entièreuienî
absorbé dans les travaux du partage de ce malheureux pays, et il est à
craindre qu'il ne suboi'dounât en ce moment tout autre avantage à celui
de se procurer dans ce partage la portion qu'il désire. Au reste, vous
pouvez juger de ses sentiments par les insinuations que vous fait sou mi-
nistre. Sont-elles anulogues au système que nous traitons?
216 APPENDICE
Le rèis-éfmdi. — Au contraire. Elles tendent à nous inspirer de
grands ménapreiuents pour la Russie, et liier il nous a fait assurer que
l'intention de l'impératrice à noire égard étaient eniièiement pacifique,
et nous a invités à nous abstenir de tout ce qui pouvait amener de la mé-
sintelligence.
L'envoyé de la république. — Ces démarches officieuses sont la preuve
de ce que je disais tout à l'heure, que le roi de Prusse sacrifie tout en ce
moment à ses vues sur la Pologne. Il veut faire prévaloir ses prétentions
auprès de l'impératrice. D'ailleurs, il craint qu'une déclaration de guerre
entre vous et la Russie, obligeant celle-ci k retirer de la Pologne ki plus
grande partie de ses forces, il n'y survienne une insurrection nouvelle
contre laquelle l'Autriche et lui se trouveraient trop faibles. Au reste,
votre .excellence sait-elle quelque chosa de positif sur le sort de la Po-
logne?
Le réis-éfendi. — On n'est point encore d'accord sur le partage.
L'envoyé de la république. — J'ai les mêmes nouvelles, et il m'est re-
venu une circonstance dont il est bon que votre excellence soit informée.
Luchesini pressait à Vienne le cabinet autrichien de terminer avec lui la
consleslation existante entre les deux cours sur une portion du territoire
polonais; on lui anno?iça que l'ambassadeur de l'empereur, auprès de
son maître, était chargé de porter à Berlin une réponse catégorique. Cette
réponse s'est trouvée être la communication d'une convfMition signée le
trois janvier dernier entre les deux cours impériales, par laquelle l'impé-
ratrice s'est obligée de faire céder à l'Autriche le palatinat de Lublin, de
Clieiii;, ÙQ Sandomir, et les villes de Varsovie et de Cracovie avec leurs
districts.
Le réis-éfendi. — J'avais appris celte particularité dans les mêmes
tern"^s.
L'envoyé de la république. — Il est impossible que la Pologne ne
devienne 'pas sujet de guerre. L'impératrice se sert de prétendues oppo-
sitions de l'Autriche et de la Prusse pour les tenir l'une et l'autre dans sa
dépendance, les faire coopérer toutes les deux à ses vues, et entretenir
entre elles de l'aigreur; mais ce jeu doit enfin cesser. L'impératrice, plus
portée au fond pour l'Autriche, heurtera difficilement les projets du roi
de Prusse, et excitera le ressentiment de celui-ci, et il naîtra sans doute
alors quelqu'événement dont nous pouirons tirer avantage. Le gouverne-
ment français travaille en ce moment l'esprit de ce prince, et peut-être ne
sera l-il pas très-difficile de le mettre dans la voie de ses véritables inté-
rêts. Je crois que les démarches de la Sublime-Porte, à son égard, doi-
vent tendre uniquement h l'éloigner de plus en plus de la coalition et k
lui faire voir qu'ii est amusé par l'impératrice.
Le léi'i'éfendi. — C'est ce que nous ferons : au reste, comptez que les
APPENDICE 217
nsimiations de son minislie ne nous él)ranlenl point. Nous savons qu'en
l)enser, et noiîs ne rabattrons rien des mesures auxquelles nous nous
sommes déterminés. Mais pour revenir au sujet de cette conférence, vou-
lez-vous renvoyer <i un autre jom- on traiter anjourd'iini même la ques-
tion des conditions respectives?
L'envoyé de la rèpvblique. — 11 se fait tard ; je pense que nous ferons
bien de remettre la chose.
Le réis-f^ffndi. — Volontiers. D'ailleurs, je serai bien aise de causer
avec vous familièrement pendant quelqu(is moments et de vous faire voir
ma bil)liotliè(|ue française.
Là-dessus il se leva et alla me chercher divers livres français, tels que
l'Histoire du traité de paix de Westplialie, les Mémoires d'Rstrades,
ceux de Torci, les compagnes de Louis XV, la Monarchie Prussienne par
Mirabeau, des Allas et autres ouvrages. Il s'en entretint de rai'.nière à
me faire juger qu'il s'en était fait interpréter des morceaux.
L'envoyé de la république. — Votre Excellence paraît avoir |)0ur les
arts et les sciences de l'Lurope un penchant qu'il serait bien utile de pro-
pager dans cet empire.
Le réis-éfendi. — Je ne suis ni superstitieux, ni fanatique, et je sens
le besoin que nous avons de sortir des ombres où nous sommes; tous mes
efforts sont dirigés vers ce but. M;iis nous ne pouvons aller vite. Il faut
composer avec des préjugés jiuissants. Il faut surtout se garder d'ennemis
plus puissants encore, lesquels se servent de ces préjugés pour détiuireles
hommes éclairés qui leur font ombrage.
Venvoyé de la ré(jublique. — A mon avis, le meilleur moyen pour
avancer serait de former à Paris un établissement pour vingt-quatre
jeunes gens de neuf à dix ans, à qui l'on apprendrait d'abord la langue et
ensuite un art utile; au bout de dix années, il serait sorti de cet établis-
sement un assez grand nombre d'élèves pour répandre k Constantinople
le goîit et la connaissance des arts et des sciences les plus nécessaires.
Le réis-éfendi. — J'ai eu cette idée et je désire de l'exécuter.
L'envoyé de la république. — Vos ministies auprès des gouvernements
étrangers seront aussi un grand acheminemenl an même but, mais h pro-
pos de cela, quand est-ce que vous enverrez un ambassadeur en France?
Le réis-éfendi. — Je cherche dans ce moment un ministre capable de
cette mission. Il y sera pourvu avant que les ministres nommés, il y a
quelques temps pour les autres cours, ne partent. Si je n'avgis pas été
f.iit réis-éfendi, j'ain'ais désiré de tout mon cœur d'être envoyé à
Paris.
L'envoyé de la république. — Aucun choix n'aurait pu être aussi
agréable au çouverncmenl français; mais vous êtes trop nécessaire ici.
L'entretien tomba sur des objets particuliers.
218 APPENDICE
Le ministre me parla de sa mission h Vienne, des émigrés qu'il y avait
vus, de leur jaclance, de leur frivolité, m'interrogea sur les personnes
les plus marquantes de l'Europe, me fit des questions d'histoire et de
politique, passant légèrement d'un sujet h l'autre, mêlant quelquefois h sa
langue des mots français et faisant allusion k des faits connus. Je croyais
réellement ne plus converser avec un Turc. lime demanda, en me quit-
tant, mon amitié, et m'assura que je pouvais compter sur la sienne dans
toutes les circonstances ; au reste, il m'avait donné de ses sentiments quel-
ques jours auparavant la preuve la plus forte qu'un Turc puisse donner h
un franc, surtout à un franc constitué en dignité; il m'avait fait une
demande de \k\s choisis, dont je m'étais empressé de lui envoyer secrète-
ment une caisse.
Vous voyez, citoyens représentants, que je suis parfaitement à même
d'exécuter les ordres que vous me donnerez relativement, soit à la paix,
soit à la guerre. Jusqu'à de nouvelles instructions, je gagnerai du temps
et ne précipiterai rien. Cependant, je pense qu'il convient de laisser ii la
négociation son même cours et de rédiger les conditions et les proposi-
tions respectives; puisque au fond vous resterez les maîtres d'accepter ou
d'ajourner.
Le citoyen Rivais m'avait fait part des difficultés élevées par le Régent
au sujet du traité secret conclu avec M. de Stact et dont vous me donnez
communication. Je crois ce prince de bonne foi. Son pays a des besoins,
et lui-même a toujours compté, je crois, obtenir de la république un don
qui le mît à même d'encourir les événements que les haines et les intrigues
auxquels sa bonne conduite à notre égard l'a exposé peuvent amener.
Il me semble qu'il ii'y a que le motif respectable de la détresse des finan-
ces publiques qui puisse engager le gouvernement à ne pas être généreux
avec la Suède. Au surplus, le Régent ne presse pas moins le divan qu'il
ne vous presse vous-même. Le Grand-Seigneur s'est déterminé à conti-
nuer l'ancien subside et à en payer les arrérages, mais rien encore n'a
été compté. Dans le cas où le grand plan que vous vous êtes proposé
devra s'exécuter, la république et la Porte ne sauront mieux faire que
d'aider la Suède, en prenant toutefois les précautions nécessaires pour
que les sommes accordées ne soient pas détournées de leur destination;
mais , ainsi que je l'ai dit dans une de mes précédentes dépêches, il me
paraît souverainement utile d'annoncer au Régent que les arrangements k
prendre avec lui doivent coïncider avec ceux qu'il convient de prendre
avec la Porte. En attendant il suffit, je crois, de l'aider b. soutenir sa neu-
tralité armée.
Les frégatf's de Smyrne éi)uisent toutes mes facultés, et la commission
de la marine ne me faisant point de remise, je n'ai pu finir encore avec
M. Mouradgea, dont au reste la démarche ne m'avait point paru plus déli-
APPENDICE 210
cate qu'il vous-môme. Je ne sais s'il avait rendu de très-criands services k
mon |)rédécesseur; raais je sais que j'avais mis un prix Irès-convenable
aux complaisances qu'il avait eues pour moi. Je suivrai vos ordres et ferai
qu'il soit content.
Mon oi)inion, citoyens leprésentants, est tellement conforme à la vôtre
sur la circonspection avec lacpielle il convient d'appnyer les émissaires
que les Polonais de Paris et d(>. Venise se pi'oposent d'envoyer dans dilïé-
reiites cours, que je désire qu'il ne s'en présente point ti Gonstauliiiople.
Il y aurait tout au moins inutilité.
J'attends avec impatience le courrier prochain, qui, je présume,
apporte la nouvelle de l'acceptation de la constitution. Les coalisés se flat-
tetit qu'elle aura éprouvé des difficultés; c'est une preuve qu'ils la crai-
gnent.
(Signé) Pi. Vermnac.
Pour copie conforme
Le ministre des relations extérieures
(Signé) Cli. Delacroix.
{JE. Copie authentique.)
XXXI. — Dépêche de l'envoyé Terninac au comité de salut puitlic,
en date du 19 octobre 1995 (5 rébiul-akliir 13 lO).
Péra lez-Constantinople le 27 vendémiaire
au 4* de la république une et indivisible.
L'envoyé extraordinaire de la république française près la Porte
ottomane aux citoyens représentants du peuple, membres du Comité
de salut public.
Citoyens représentants, mon courrier, destiné à porter ma dépêche
numéro 19, n'étant pas encore parti, je vai'^ vous faire part de quelques
circonstances que j'ai apprises depuis la confection de cette dépêche.
L'envoyé de Russie a entièrement baissé son ton vis-à-vis de la Porte.
Il a fuit intervenir les ministres d'An2;leleire et de Prusse, et au lieu de
la disgrâct; du réis-éfendi, qu'il avait d'ahord (icuiaiidée, au lieu de
menaces et de hauteurs, il n'est plus queslioii aujourd'hui que d'une
explication amicale avec ce même téis-éfcndi, dune conférence concilia-
toire où l'envoyé amènerait le drogman Fonton, lequel serait reçu avec
quelques mots de politesse par le ministre.
La Porte, satisfaite du bon effet de sa fermeté, fait attendre sa réponse
sur la proposition de ce moyen d'accommodement, et il est vraisemblable
qu'elle ne l'acceptera pas, ou que du moins elle y fera des modifications.
Ce changement de langage et de conduite de l'envoyé de Russie, le soin
'JOO APPENDICE
qu'il a pris de faire assurer h la Porte, par le ministre d'Angleterre, que sa
cour n'a que des intentions paciliques, prouvent évidemment que l'impé-
ratrice craint qu'il ne lui survienne des embarras de ce côté-ci, et qu'elle
n'est pas en mesure |)Our les soutenir. J'en ai fait l'observation h la
Porte.
Indépendamment des affaires de la Pologne et de la guerre oîi elle se
trouve engagée contre la France, à titre d'auxiliaire, il est un événement
dont je vais vous faire part qui doit la porter à éviter une rupture avec la
Porte.
L'eunuque Mehmed-Kan, (le Narsès de la Perse), vient de s'emparer
de la Géorgie et en a chassé le prince Héraclius, tributaire et protégé de
la Russie. La cause de la guérie a été, comme je vous l'ai mandé, le refus
fait par le prince Héraclius de renvoyer de ses élnts des Persans qui s'y
étaient réfugiés pendant la révolution qui s'est opérée en Perse.
Il y avait garnison russe dans la capitale de la Géorgie, qui est une
espèce de fief de la Russie. Comment l'impératrice prendra-t-elle cet
événement?
La Porte a dépêché à Mehmed-Kan un émissaire pour le féliciter et
])réparer la voie à des liaisons entre elle et le conquérant,
Mcbmed-Kan peut devenir un ennemi delà Russie bien autrement ter-
rible et tiangereux que Piigartchef.
Je vous ai envoyé copie des instructions que je remis aux deux natura-
listes Brugnerer et Olivier, lors de leur départ pour la Perse.
Si vous jugiez qu'il est utile de leur donner plus de latitude et d'essor,
veuillez me faire parvenir proraptement des ordres, et je ne perdrai pas
un moment pour les exécuter.
Je viens d'être informé que la Porte avait insinué au ministre de Prusse
qu'elle serait bien aise de savoir si la cour voyait sans alarmes le système
d'oppression que la Russie exerçait sur tous ses voisins; qu'il lui parais-
sait que le roi de Prusse était inîéressé à. s'opposer k ce système, au lieu
de le favoriser, et que si telles étaient ses intentions, la Porte lui ferait
volontiers part des siennes à cet égard.
Le ministre de Prusse a répondu que les ouvertures lui semblaient
mériter d'être prises en grande considération; qu'il allait les transmettre
à sa cour;
Qu'au reste il croirait devoir répéter à la Porte que la Russie n'avait
point de vues hostiles contre elle.
Vous voyez, citoyen représentants, que la Porte ne s'enhardit pas mal.
Les conseils extraordinaires sont toujours très-fréquents et les prépa-
ratifs continuent h se faire avec activité.
Je vous ai fait part de ma situation financière.
Je suis endetté et je manquerai bientôt, si la commission de la marine ne
AI>l>Ei\l)lGl': 221
nie rembourse pns les avances considérables que j'ai été obligés df faire
aux frégates de Smyrne (*).
Il y a ici deux agents chargés de vendre des diamants et des pierres
précieuses (**), Ne jugeriez-vous pas convenable k puiser dans leurs
luains les fonds nécessaires à mon administration ?
{Signé) R. Verninac.
Pour copie conforme
Le ministre des relations extérieures
(Signé) Ch : Delacroix.
(jE. Copie authentique).
(•) Jusqu'à l'arrivée de l'ambassadeur Brune, les représentants de la république se
sont toujours trouvés dans une grande gOne d'argent. Voici ce qu'écrivait à ce sujet, le
3 mai 1798 (17 zilcadé 1212), au ministre des relations extérieures le citoyen Gara
S;iint-Cyr, resté chargé des affaires après la mort du général Aubert Du Bayet.
Keliiiaus eiié.ieiires.
Extrait d'une dépêche du citoyen Cara Saint-Cyr, scecétaire d'am- —
bassade à Constantinople , 14 floréal an VI. PouricDircctore,
le ]3 messidor.
Le citoyen Gara Saint-Cyr mande que la flotte de l'empire ottoraan,etr.
Réduit aux derniers expédients, il s'est adressé au divan poui' qu'il lui
fût délivré en forme d'emprunt une somme de 50 mille |)ia3lres turques.
Il en en a obtenu 25 mille de la meilleure grâce du monde, avec l'assu-
rance que d'ici à peu de jours il pouvait former une nouvelle demande
de luême nature.
L'état de détresse oii se trouve ici la légation, depuis longtemps, na
peut que porter une grande atteinte à l'influence que nous devons avoir.
Le ministre de la marine, dans ce moment, refuse encore d'acquitter les
lettres de change tirées sur lui pour les frais de réparations et d'approvi-
sionnements indispensables à la frégate La Sérietise, dont un négociant
de cette échelle avait fait l'avance. Ce refus moraontané ruine toutes nos
ressources, et finirait, si le gouvernement n'y porte pas une attention di-
recte, par mettre les agents de la république au Levant dans le plus grand
embarras.
(") Du nombre de ces joyaux était le régent : c'est ce que prouve la lettre qui suit,
en date du 2 novembre 17;'5 (28 rébiul-akhir 1210).
Nous croyons assez curieux de noter ici que Henri IV avait envoyé un moule, en
cristal, d'uubeau diamant à son ambassadeur, M. de Brèves, et l'avait chargé d'offrir
la vente de ce joyau à Mohammed III. Par sa lettre du 11 mars 1590. il lui recom-
mandait de prendre chaudement cette affaire, « car », lui écrivait-il, « en vérité c'est
une pièce rare et digue de luy, laquelle j'expose en vente pour employer les deniers
qui en procéderont à faire la guerre au roy d'Kspagne. Partant, je vous prie que ce
Sei{jneur l'achepte, et vous me ferés service agréable, car c'est chose que j'ai aussi
très à coeur j. (Berger de Xivrey, Recueil des lettres missives de Henri Tf^. Paris,
1848. T. IV, p. 523.)
Vente du l'iamant
ilil le Re'gent.
222 APPENDICE
Extrait d'une lettre de Constantinople. en date du II brumaire
an IV. adrcsKée par les citoyens Perrein et Cablat aux citoyens
composant la commission des approvisionnements de la >épu-
blique française.
732. A. K» 420. D'^^s cctte lettre, les citoyens Porrein et Gablat rappellent à la corarais-
TunojiE. sion que par leur précédente du 19 vendémiaire ils la prévinrent du parti
qu'ils avaient pris de suspendre toutes démarches, jusqu'à des nouveaux
ordres de sa part, relativement à la vente du Régent; ils annoncent que
depuis ce temps, il leur a été fait des propositions; que sur le prix qu'ils
demandaient, et qui est de 6,/jOO bourses, ou P. t. 3,200,000 (la bourse
étant de «^00 piastres,) montant de Vestimatioa ou maximum, il leur a
été répondu : « Mais vous le laisseriez bien à 5,000 bourses ou P. t.
2,500,000, » d'où ils concluent qu'on peut espérer en tirer un parti plus
avantageux qu'ils ne l'avaient jugé d'abord.
Au surplus, cette espèce d'offre se rapproche beaucoup du prix qui leur
est fixé pour le minimum, et qui est de 5,200 bourses, ou P. t. 2,600,000.
Ilsont profité de celte circonstance pour remettre une note qui ne peut
manquer d'influer sur la décision du Grand-Seigneur ; c'est le témoi-
gnage de l'ambassadeur turc, envoyé en France en 1720, consigné dans
le rapport de son voyage.
Las citoyens Perrein et Coblat espèrent de cet état de choses le ré-
sultat le plus avantageux à la république, mais, disent-ils en finissant,
il faut du temps à la lenteur turque pour se décider.
Pour extrait conforme.
Le ministre des relations extérieures
{Signé) Ch. Delacroix,
{JE. Copie authentique.)
XXSLII. — Dépêche do l'envoyé Terninac au comité de salut publie,
en date du S novembre 17 95 (19 réblul-akhir iSIO).
Péra lez-Constantinople le 11 brumaire
an 4' de la république.
ReiJticLseiiérifsres. Ueuvoué extraordinaire de la république française près la Porte otto-
■" mane aux représentants du peuple, membres du Comité de salut public.
Je vous annonçais, dans ma dépêche n° 16, une lettre que le réis-effendi
avait préparée pour vous, à l'effet de vous donner une assurance directe
des bonnes dispositions de la Porte relativement aux vues de la répu-
blique.
API'ENDÎCE 223
Jp. VOUS Ifansmets aujourd'lini cp|(« lettre avoc la traduction qui en a
été fuilo en français par le ('itoyon IliiHin.
J'espère que vous en serez satisfaits et qu'elle pourra donner lieu h une
réponse agréable de votre part.
Le réis-efTendi a pensé que sa lettre serait lue h la convention natio-
nale, et cette idée l'a empêché de s'expliquer plus positivement qu'il ne l'a
fait.
La Porte, au reste, ne pouvait faire ce me semble une déclaration plus
solennelle de ses sentiments. — Vous ne manquerez pas d'obsei'ver que
le réis-ell'endi a pris soin d'annoncer deux fois, dans le cours de la lettre,
qu'elle était écrite d'ordre ex|)rcs du Grand-Seigneur.
Ma seconde conférence a eu lieu avec le réis-efîendi le 8 du courant,
ainsi que je vous annonçais que cela serait dans ma dernière dépêche.
En voici la relation.
Le réis-éfendi, qui ne perd jamais l'occasion de parler sur les diffé-
rentes parties de l'économie politique des états européens, a d'abord mis
l'entretien sur les finances, le commerce et l'administration des lazarets,
sujet que la circonstance présente de la peste rend intéressant. J'omets ce
qui s'est dit de part et d'autre sur ces matières, comme étant étrangères h
la négociation ; et si je l'indique ici, c'est pour vous faire connaître que
l'esprit des ministres ottomans est en travail sur ce qui tient à la prospé-
rité des États.
Après une demi-heure de conversation là-dessus, nous avons passé au
sujet de la conférence.
Venvoijé de la république. — Le réis-efîendi ne pense-t-il pas qu'il
est bon qu'avant de rien traiter nous cherchions à fixer nos idées sur la
publique de quelque puissance, et sur certaines circonstances qui pa-
raissent mériter d'être approfondies. — J'aurais d'abord quelques ques-
tions à lui faire sur lesquelles je le prie de vouloir bien me répondre.
Le réis-éfendi. — J'y cousons.
L envoyé de la république. — L'Autriche abandonnerait-elle les dis-
tricts et revenus indiqués par les Bosniaques?
Le réis-éfendi. — La prétention élevée par les Bosniaques était con-
traire au traité. — C'est un fait constant. — Cependant l'Autriche a cédé
en partie; elle a consenti à l'établissement d'une nouvelle ligne de dé-
niarcalion qui satisfait les Bosniaques.
V envoyé de La république. — Je présume que la Sublime-Porte aura
senti que l'Autriche se trouve dans la nécessité et dans des circonstances
à ne rien lui refuser.
Le réis-éfendi. — Elle a mis de la condescendance dans celte affaire,
qui au surplus était peu de chose.
L'envoyé de la république. — La Sublime-Porte a-t-elle reçu quelque
22'4 APPENDICE
réponse de la cour de Berlin, sur les ouvertures qu'elle lui a fait relative-
ment aux circonstances présentes ?
Le réis-éfindi. — Aucune encore. On ne conçoit rien à la politique
du roi de Prusse, il va en sens contraire de ce qu'il se propose. — Nous
ne cessons de le lui faire dire.
Son assujettissement à l'impératrice, la correspondance qu'il tient, dit-
on, lui-même avec elle, le conduisent bien mieux à son but que n'aurait
fait une démarche toule opposée; mais il ne peut tardera changer, surtout
si, comme nous en sommes informés, la triple alliance a été signée entre
les deux cours impériales et celle de Londres, et si la Bavière a éié réel-
lement promise à l'Autriche.
L envoyé de la république. — Le roi de Prusse s'est trompé : il n'a vu
l'affaire de Pologne que sous un seul aspect et ne s'est point élevé au-
dessus de quelques intérêts de famille.
C'est ce qui a donné un essor incertain et timide îi sa politique.
Mais (comme le fait très-bien observer Votre Excellence), les liaisons de
l'Angleterre, de l'Autriche et de la Russie, en le forçant de songer à des
alliances, vont le ramener au système qui convient à son pays, et c'est à
quoi le gouvernement français fait travailler avec beaucoup de soin.
Nous espérons de mettre la politique du roi de Prusse d'accord avec
elle-raênie. — Telles sont les expressions propres dont le Comité de
salut public s'est servi en écrivant sur ce point.
Le réis-éfendi. — Comment entendez-vous cela?
Est-ce en procurant le reste de la Silésie, ou bien quelques portions de
l'Allemagne au roi de Prusse, que vous voulez mettre sa politique d'accord
avec elle?
Lenvoyé de la. République. — Le Comité de salut public ne s'est pas
autrement expliqué.
Le réis-éfendi. — J'apprends avec plaisir que le gouvernement fran-
çais travaille à se concilier le roi de Prusse. — Gela prêtera un solide
appui à nos propres démarches,
L envoyé de la république. — Le réis-effendi a-t-il connaissance que
les trois cours de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Berlin soient d'accord
sur les conditions du partage de la Pologne?
Le réis-éfendi. — Nous ne savons pas qu'il y ait rien de déterminé.
Lenvoyé de la république. — Monsieur l'ambassadeur d'Angleterre,
près la Sublime-Porte, part-il dans quelques jours? Se propose-t-il de
prendre congé ?
Le réis-éfendi. — L'audience de congé n'est pas de rigueur, lorsqu'un
ambassadeur ne fait qu'une absence et qu'il n'est point rappelé. — C'est
le cas de M. Liston. — Au reste, ce minisire s'est excusé sur la circons-
tance de la peste.
API'F.NDICE 225
L'envoyé de la répuôla/ur. — A-l-il |)ris un Irèi-^i'and suin de rassurer
la Sublime-Porte sur les cniinles que doit nalurelleraenl lui donner l'al-
limice de l'Angleterre avec la Russie?
Le réis-éfendi. — Tout ce qu'il pourrait nous dire à cet égard ne
nous inspirerait aucune confiance.
renvoyé de la république. — Je le conçois, mais le réis-éft^ndi ne
répond point calégoriquenicnl ; j'insiste donc et je demande si monsieur
l'ambassadeur d'Angleterre partant presqu'h l'improvisle, et après la cer-
titude d'une alliance entre sa cour et la Russie, a pris soin de rassurer la
Sublime-Porte sur ces circonstances.
Le réis-éfendi. — Il a fort cherché à nous persuader que les arran-
gements pris entre le roi son maître et l'impératrice de Russie n'étaient
relatifs qu'à la France.
L'envoyé de la république. — Il est très-raisonnable de supposer que
ces arrangements ne se bornent pas là.
Les ennemis de la république française sont assez convaincus qu'ils ne
réussiront point à entamer son territoire, et désespèrent aussi de pouvoir
recouvrer celui qu'elle a conquis sur eux.
Dans cet état des choses, ils doivent chercher ailleurs le dédommage-
ment des pertes qu'ils ont éprouvées et des trésors qu'ils ont dissipés.
L'alliance des deux cours impériales et de celle de Londres ne peut
avoir d'autre objet.
Tout porte à croire que l'Angleterre s'est déterminée à favoriser les
vues de l'impératrice, sur les États ottomans, dans l'espérance d'obtenir
d'elle des privilèges de douane qui mettraient dans ses mains tout le
commerce du Levant.
Une autre considération peut aussi avoir déterminé la cour de Londres.
Il est de fait que cette cour désire se former une chaîne d'états depuis
Gibraltar jusqu'au golfe persique, afin de presser l'Inde des deux côtés,
et d'exploiter avec toute l'étendue possible le commerce de cette partie
de l'Asie, celui de la Perse, de la mer Rouge et de l'Afrique.
C'est dans cette vue qu'elle a acheté plulôl que conquis l'île de Corse ;
c'est dans la même vue qu'elle m irchande depuis longtemps l'île de
Malte.
Si donc la Russie lui a permis d'espérer dans le partage des dépouilles
des Ottomans l'une des trois îles de Candie, de Rhodes et de Chypre, ou
l'Egypte dont l'exlrêrae fertilité ne peut qu'exciter la cupidité anglaise, il
ne saurait être douteux qu'elle n'ait entièrement sacrifié la Sublime-
Porte.
J'invite fortement Votre Excellence à se pénétrer de ces conjectures.
Le réis-éfendi. — Avez-vous quelques indices qui puissent servir de
base?
T. n. îû
tî'jfi APPENIUCE
L'envoyé de la rêijublique. — Pas d'autres à la vérité que ceux que
présentent les convenances et l'intérêt des puissances alliées et leurs
traités, mais ceux-là ne sunt point à rejeter.
/.eréis-éfendi. — J'en conviens, cependant je crois que la politique
des cours alliées est dirigée en ce moment pour ce qui regarde la Russie,
contre la Pologne, pour ce qui concerne l'Angleterre, contre la France,
et quant à l'Autriche, contre la Pologne, la France et la Bavière.
Au reste, quelles que soiant les intentions des unes et des autres, nous
y mettrons obstacle, j'espère, et c'est des moyens d'y parvenir que nous
allons traiter.
La conférence durait depuis près de trois heures.
Conformément au système de temporisation adopté d'après vos der-
nières instructions, je pris occasion de l'heure avancée pour demander
que nous nous ajournassions.
Le réis-éfendi y adhéra en me disant que c'était d'autant plus à pro-
pos qu'il avait à me donner connaissance d'une lettre qu'il avait préparée
pour vous, d'après les ordres exprès du Grand-Seigneur, et qu'il allait
me remettre, me priant de vous la faire parvenir dans le plus court délai
possible.
Alors i! me fit faire un rapport succint par le drogman de la Porte du
contenu de celte lettre, qui est celle que je vous envoie aujourd'hui.
Je répondis que le gouvernement français s'empresserait de satisfaire
aux demandes de la Sublime-Porte, et qu'il recevrait avec la plus vive
sensibilité l'assurance de ses sentiments à l'égard de la république.
Je renouvellai en même temps mes instances pour que les préparatifs
militaires se continuassent avec la plus grande vigueur, tandis que la né-
gociation marcherait.
Que c'était le moyen d'éviter la guerre, au cas où elle ne fût point né-
cessaire, de la bien faire, si elle était indispensable.
Je l'assurai au surplus que les vues du gouvernement français étaient
pleinement désintéressées, et qu'il était bien loin de vouloir jeter la Su-
blime-Porte dans des embarras, et qu'il ne se proposait que la sûreté de
l'empire ottoman et de l'Europe.
Ainsi finit cette séance.
Nous nous réunirons de nouveau ces jours- ci.
Il lut convenu qu'à l'avenir les conférences se tiendraient de nuit, afin
que les minisires étrangers n'en eussent point connaissance.
Après la séance, le prince Mourousi, avec lequel nous étions restés, le
citoyen Huflin, Dantan et moi, me parla avec une sorte de sensibilité de
la niunière honorable avec lequel le représentant du peuple Boissy d'An-
glas s'était expliqué sur le compte de l'impératrice de Russie, dans son
rapport sur la silualiou iiilérieure el extérieure de la république.
APPENDICE 527
Il rae dit que cela était contraire à l'esprit de mes insinuations, con-
traire surtout h l'opinion que le même représentant avait émise sur celle
princesse dans un de sos précédents discours.
Je lui représentai que h; représentant du peuple Buissy d'Angkis avait
voulu établir seulement que l'impératrice s'était déclarée contre la répu-
blique pour des motifs autres que ceux qu'elle avouait, puisqu'elle s'était
effoi'cée durant tout son règne d'acclimater les arts, les sciences (.'l la
philosophie dans son empire, et ([u'au reste il n'y avait rien dans le ilis-
cours d'où l'on pût induire que le gouvernement voulût céder, en ([uoi que
ce fût, il l'impératrice de Russie le véritable intérêt de l'Europe.
Les affaires de Widdin dont je vous ai parlé dans ma précédente lettre
ne sont point encore terminés.
Le rebelle Passvanl-Oglou se soutient dans cette place contre une
armée de 30,000 hommes qui l'y assiège.
On assure qu'une partie de la garnison est déjà insurgée contre lui, et
qu'il ne tardera pas à en être abandonné.
Il paraît que la Porte préfère de le réduire de cette manière plutôt que
de vive force, étant bien aise de traîner en longueur, et de se conserver
un prétexte de tenir une armée réunie sur la frontière.
Ce qui donne quelque crédit à cette conjecture, c'est le motif môme
dont on s'est servi pour armer contre Passvant-Oglou et le pousser <i la
révolte.
On a reconnu qu'il était de connivence avec les rebelles de Belgrade,
et qu'il leur avait promis du secours, ce qui paraît être sans fondement.
Il est donc vraisemblable que les révoltes supposées ou suscitées à
dessein ont été employées ou destinées par la Porte b. couvrir des ras-
semblements et des établissements.
La Porte en est réduite à de pareils expédients, lorsqu'elle ne déclare pas
formellement la guerre, attendu que l'on ne connaît point dansl'emjjire
l'usage dss armées d'observation et des camps, comme dans les autres
parties de l'Europe.
(Signé) Verninac.
{M. Copie.)
ANNEXE
Traduction de la dépêche ofOcielIe du réis-éfendi au comito
de salut public.
Aux très-honorables, très-estimables, très-considérés et très -dignes n.i.iioD» eiéne^r.,.
représentants du peuple français, composant le Comité de salut public ~
qui e.^l une dépuiation choisie, spécialement chargée d'une partie im;n:-
2J8 APPENDICE
laiile des affairas de la lépublique, et membres de la Convention natio-
nale, c'est-à-dire l'élite de la nation assemblée.
Après vous avoir offtrt l'hommage de notre haute estime, après vous
avoir fait l'offiande des premiers de nos salutations amicales, nous nous
hâtons d'entrer avec vous dans quelques explications dictées par los
mêmes senliments.
Les nœuds indissolubles de la cordialité et de l'intimité qui se sont for-
més et resserrés eiitie nous la Sublime-Porte et la république française ne
lieniieut à aucune cause accidentelle, ils sont plutôt le fruit naturel d'une
douce sympathie qui, dès la première époque de l'existence politique des
Ottomans et des Français, unit étroitement ces deux nations. L'identité de
Iturs intérêts respectifs et une infinité d'autres rapports, non moins essen-
tiels, cimentèrent bientôt cette heureuse union qui est, elle-même, la source
inépuisable des vœux de la Sublime-Porte pour la gloire et la prospérité
de la France.
Aussi ces deux considérations ont-elles été, dans tous les cas, un des
premiers objets de la sollicitude ottomane, et la Sublime-Porte n'a cessé
de manifester le degré éminent de son intérêt à cet égard.
La nation et la république française de leur côté, pénétrées de ces témoi-
gnages d'amitié, n'ont perdu aucune occasion d'en faire éclater leurs juste
reconnaissance, et elles ont notammment employé l'entremise de nos amis
les deux envoyés de la république, qui se sont succédés dans la résidence
près la Sublime-Porte, à rendre à nos maîtres leurs inaltérables dispositions.
Quelque persuadés que nous soyons de la ponctualité ae ces deux mi-
nistres à nous transmettre en retour les piotestalions de notre parfaite
réciprocité, néanmoins par ampliation et d'après un ordre suprême, nous
avons été autorisés à vous renouveller par écrit, et d'une manière plus
directe et plus solennelle, l'assurance de l'attacheaient sincère et intime
que la Sublime-Porte professe pour la république française, en devenant
nous-mêmes auprès de vous l'interprète fidèle de ses sentiments.
Indépendamment de notre ardeur à remplir ces vues supérieures et les
fonctions de notre place, notre prédilection innée pour les Français nous
fera attacher le plus grand prix à la commission qui nous était confiée au-
prèsde vous, et nous nous disposions à l'exécuter avec joie, lorsque les ingé-
nieurs et autres officiers français, que la Sublime -Porte avait désiré d'at-
tirer à son service, sont heureusement arrivés à leur destination.
Cet agréable incident a été un surcroît de satisfaction pour le ministère
ottoman.
J'ai été également chargé de vous en manifester tout son contentement
en vous répétant que bon dévouement pour la république, bien loin d'être
jamais susceptible d'altériition, ne ferait que prendre de jour en jour de
nouveaux accroissements,
Al'i F.NniCK 'i'iO
La bublinie- Porte n'a pu voir sinis ;ulininition que les représentants du
peuple fianrais, chargés spécialenieni des a (Ta ires [)oiitiquPs de la France,
animés des principes de justice et d'équité, seule hasiî du repos et du bon-
heur des nations, ne sont occupés que du soin de faire régner la modéra-
lion et la vertu, qui sont les moyens les plus efficaces pour conserver la
haute réputation et éterniser la gloire que les Français ont acquise par
leur succès et leurs triomphes.
Elle applaudit aux efforts et aux travaux de ces sages modérateurs pour
effacer jusqu'au souvenir des désastres et des calamités qui ont désolé la
France, sous la dorainoliou de la tourbe des oppresseurs.
C'est avec une véritable émotion que la Sublime-Porte considère le zèle
infatigable des mêmes représentants pour rétablir l'ordre et l'harmonie
dans toutes les parties de leur administration, pour constituer leur gou-
vernement républicain sous une forme quelconque, convenable h la di-
gnité nationale et propre à assurer la tranquillité et les droits du peuple
français, et enfin fonder, par le retour de la paix et de la concorde géné-
rale, non-seulement la félicité de la France, mais encore celle de l'univers
entier.
La part que le ministère ottoman prend à tout ce qui intéresse la ré-
publique, doit être la juste mesure des douces sensations qu'il a éprouvées
à la vue des beureux résultats d'une conduite si sage et si constante.
Ces résultats ne nous étaient pas moins connus que la pureté des inten-
tions et des dispositions des Français h notre égard, ils nous en avaient
donné des preuves si louchantes et si multipliées.
Cependant le langage que notre ami Verninac, envoyé de la république
française près la Sublime-Porte, nous a tenu, depuis son arrivée, a encore
ajouté h notre conviction.
Ce ministre, doué de toutes les qualités qui constituent l'habile inter-
médiaire destiné à entretenir l'amitié qui lie les deux nations depuis un
tomps immémorial, a rempli sa mission avec fidélité et distinction. Il jus-
tifie pleinement la bonne opinion que la république ajustement conçue
de ses talents.
L'envoi qu'elle a fait des ingénieurs et des officiers, dont nous vous
avons déjà parlé, montre combien l'honneur et la pro^périté de l'empire
olLoujan est cher aux Français.
Ce service signalé a élé apprécié par la Sublime-Porte sous tous les
rapports, mais singulièrement sous celui du moment.
Sa Hautesse, le très-puissant, très-majestueux et très-formidable empe-
reur de l'Asie et du monde, notre maître et bienfaiteur, depuis son avè-
nement au trône de ses ancêtres, consacre simullanéiaent bcs précieux
instants au gouvernement inlérieur de son empire, pour répandre le bon-
heur sur ses sujets, et au maniement des affaires extérieures pour n)ainte-
'230 APPENDICE
nir sa baule considération dans l'étranger. — Sa Hautesse se charge
elle-même de l'exécution des vues supérieures et des vastes plans qu'elle
a conçus dans sa sagesse qui tient de l'inspiration, et à celte fin elle s'en-
vironne de tous les moyens nécessaires.
L'i France, en lui procurant ceux qui dépendent d'elle, a donc coopéré
h l'accomplissement des desseins bienfaisants de notre auguste maître, et
c'est d'après cette considération majeure que vous devez juger de la sen-
sibilité de ses ministres, lorsqu'ils ont vu arriver les ingénieurs et les
autres officiers français.
Des artistes d'un autre genre seraient très-nécessaires dans ce moment.
L'expérience que la Sublirae-Porle vient de faire de la bonne volonté
inépuisable des Français ne lui permet pas d'hésiter à y recourir pour ce
nouveau besoin, bien sûre que l'expédition de ces artistes, tels qu'ils
sont désignés dans la note ci-annexée, sera aussi prompte que le choix
des individus sera soigné ;elle s'en réfère avec confiance à l'amitié de la
république, qui n'en admettra aucun sans qu'au préalable elle n'en ait
éprouvé l'adresse et la capacité.
Tels sont les objets divers qvUen vertu d'vn ordre formel émané de sa
Hautesse nous avons dû mettre successivement sous vos yeux dans la
présente dépêche. — A son arrivée vous vous convaincrez que dans tout
son contenu nous ne sommes, ainsi qu'il a été dit plus haut, que l'organe
fidèle de la Sublime Porte auprès de vous et le garant de ses sentiments
pour la république française. Nous vous invitons à donner suite à nos
correspondances, en nous écrivant de temps en temps, et proportion-
nellement à la rapidité des progrès de nos liaisons, et pour raffermir ainsi
de plus en plus les fondements de l'amitié et de l'estime qui unissent nos
deux nations. Ce procédé est digne de votre zèle et conforme à nos vœux.
Au surplus, puissent les combinaisons qui concourent à votre bonheur
et à votre satisfaction croître et se multiplier.
Écrit le 15de la lune de rébiul-akhir l'an de l'hégire 1210. — Celui
qui demande le secours de Dieu : Aboukir Habib, réis-éfendi, ou le
chef (les bureaux de la Porte ottomane.
Traduction de la note annexée à la dépêche officielle du réis-éfendi.
Un fondeur de canons de bronze.
Un ouvrier faisant des moules à canons.
Un officier ou chef de ces deux officiers sachant lui-même leur métier.
Trois maîtres armuriers sachant faire des platines et batteries de fusils.
Deux ouvriers en fer faisant les ferrements des affûts de canon.
Deux charrons faisant les affûts.
l'otal treize individus.
{M. Traduction officielle.)
Tour 11' Uircctoiic.
AITENDICE -^ol
XXXIII. — n«'-p«"clic de l'onvoyc Vcrninac an comité «le Nnliil public,
en date du 22 décembre 1795 (tO djémnziui-akhir 12iO).
PJra Icz-Constnniinople 1 nivôso an ^i' de la
République française, une et indivisible.
L'envoyé extraordinaire de la république française près la Porte otto- nf-inoiK m «r.nrj.
manc aux citoyens représentants du peuple, composant le Comité de
salut public.
Citoyens représentants,
En conséquence du système que j'ai adopté, etc. Il résulte de ce qui a été
dit par le réis-éfendi dans celte conférence :
Que le partage de la Pologne donne de vives inquiétudes à la Porte, et
qu'elle serait disposée à travailler au rétablissement des choses, si d'au-
tres puissances, et notamment la république, voulaient y coopérer sérieu-
sement;
Qu'elle estime que ce rétablissement ne pourrait point s'opérer si l'on
y trouvait le roi de Prusse contraire; qu'en conséquence il serait bon de
s'assurer de ce prince, mais qu'elle craint que cela ne soit impossible ;
qu'il y a eu déjà des ouvertures faites au sujet des liaisons à former entre
les deux cours, et que celle de Berlin n'a énoncé que des dispositions dé-
fensives.
Que, la guerre continuant, il sera facile de faire déclarer les Turcs, et
que, si la Porte ne s'explique pas tout-à-fait ouvertement là-dessus, il
faut l'attribuer à la tendance qu'elle a cru apercevoir dans le gouverne-
ment vers une paix prochaine et générale;
Que la Porte désire former une alliance permanente avec la république,
et qu'il sera possible d'obtenir pour notre commerce et pour notre navi-
gation de beaucoup plus grands avantages que ceux dont nous jouissons
aujourd'hui.
J'espère que vous serez satisfait, etc.
{Signé) R. Verninac.
(yE. Copie.)
XXXIV. — Dépèche de l'envoyé Verninac an ministre des relations
extérieures (Lacroix), en date du 33 avril 19»6(15 chévvallSlO;.
Extrait d\ine dépèche du citoyen Verninac, envoyé de la république Beairn. f:i*r..urf.,
française près la Porte ot/omonp.
rmir le iliie{ toire.
Péra lez-Constantinop!e /j floréal an ri.
Dans la conférence qu'il a eue, etc. , etc. Alors la conversation roula entre
le citoyen Verninacel le réis-éfendi sur difl'érents points, comme l'éUiblisse-
232 APPENDICE
ment des postes dans l'empire, la levée des impôts Je droit de confiscation
p;ir le Grand-Seigneur sur les biens des fonctionnaires publics, etc.; puis
V envoyé de la république lui dit : N'avez-vous rien à n.e dire au sujet du
projet de traité d';illiance défensive que j'ai rédigé d'après vos vœux, et
que je vous ai fait remettre?
Le réis-éfendi. — J'ai à vous communiquer un contre-projet, peu dif-
férent, et dont je vous donnerai connaissance dans notre première entre-
vue ; il m'a paru que vous n'aviez pas assez fait sentir dans votre rédaction
que l'alliance n'est qu'éventuelle ; on croirait que le casus foederU s'ou-
vre du jour même de la signature, et que la présente guerre y est com-
prise. La Porte et le gouvernement français doivent, sans doute, se con-
certer et se combiner sur les conjectures actuelles; mais je pense que le
traité qui n'est pas une chose de circonstances doit être indépendant de
ces conjectures.
L'envoyé de la république. — Mon projet est tout à fait rédigé dans ce
sens. Je prie Son Excellence de le lire avec attention, elle en sera con-
vaincue.
Le prince Mourousi. — L'article est équivoque sur ce point : la répu-
blique française et la Porte déclarent (est-il dit dans cet article), qu'il y a
dans ce moment entre elles bonne intelligence et alliance définitive. Ces
mots : dès ce moment, n'annoncent-ils point un effet immédiat?
L'envoyé de la république, — Je ne l'aurais pas cru, mais cela est fort
aisé à rectifier; au reste, l'article secret ne laisse aucun doute sur l'é-
ventualité.
Le prince Mourousi. — Quel est-il ? je n'en ai point trouvé dans la
copie qui m'a été remise.
L'envoyé de la république. — Voici cet article : « Le présent traité ne
« stipulant rien de positif au sujet de la guerre dans laquelle la république
« française se trouve engagée, les deux parties contractantes déclarent
(( qu'elles se concerteront loyalement là-dessus, prenant pour base les sen-
(( timents et les principes qui ont motivé la présente alliance. »
Le prince Mourousi. — Nous n'avions pas connaissance de cet article ;
il a été omis dans la copie que monsieur l'envoyé a fait remettre à la
Porte.
Le réis-éfendi. — Il ne nous sera pas difficile de nous entendre; re-
mettons cet objet à notre prochaine conférence.
11 était tard, on se sépara.
{JE. Extrait original.)
AprENDicii;
233
XX\1^. Dépêche de l'envoyé Vcrnlnnc nn ministre des relations
extérieures, en date du 2 7 raal 19»<> (20 zilcadé t2flO).
Copie d'une dépêche du citoi/en Verninac, envoyé extraordinaire prés la
Porte ottomane.
Constantinople le 8 prairial an 4.
J'ai omis de vous prévenir, dans ma lettre d'hier, que j'étais d'accord nruiimsf.i^h.ar-».
avec la Porte qu'elle enverrait un ambassadeur en résidence h Paris. Son -
choix s'est arrêté sur Ali-efendi, homme de mérite, qu'elle avait dési-
gné depuis six mois pour ambassadeur à Berlin. Le départ de ce mi-
nistre s'effectuera vraisemblablement dans deux mois, époque à laquelle
on présume que la ratification pourrait être arrivée. On m'a déjà sondé
sur la nature des présents qu'on pourrait faire offrir.
(M. Copie.)
XX.XVI. — Lettre du ministre des relations extérieures an prési-
dent du directoire exécutif, en date du 2% juin 1996 (16 zil-
hidjé 9ZÈO).
Paris le 4 mpssidor de l'an 4* de la
république française.
(Vignette allégorique représentant la Liberté.)
Liberté, Égalité, Fraternité.
Le ministre des relations extérieures au citoyen président XfWomnwn-it.
du Directoire exécutif. —
Citoyen président, NoT^'Lordre
On me remet dans le moment le déchiffrement de deux dépêches du de la corre^ron-
citoyen Verninac, en date du 15 floréal. Il marque que le réis-efendi Jpo*s'e'"reiate le
vient de lui transmettre un contre-projet du traité d'alliance où la con- num(<iodui)i:re«u
■ ' ci dessus indiqué.
cession de la mer Noire est stipulée.
Salut et respect.
[Signé) Cii. Delacroix.
[M. Original.)
WJLWt. — Dépêche d« l'envoyé Verninac nu ministre des relations
extérieures, en date du 9 juillet 1996 (3 mohnrrem 1211).
Extrait d'une dépêche du citoyen Verninac.
Constantinople 21 messidor an h-
. Un grand concert a régné dans toutes les démarches qu'il a faites avec
M. le ministre de Suède près de la Porte, jusqu'au moment où, la nou-
Rf, allons fiiir OQ es.
Pour lidiiTCioire.
le 11 fructidor
un 4.
23 i APPENDICE
velle de la défection de la Suède est arrivée ; prestation de subsides par
la Porte, armements considérables, places fortes garnies d'une manière
respectable ; tels ont été les succès de ses efforts, pour empêcher la ré-
conciliation de la cour de Suède avec la Russie. Il a représenta dans une
conférence les dangers qui menacent l'empire ottoman, si la première
était asservie àcelle de Russie, qui ne tarr!erait pas à tourner ses vues vers
l'Orient ; il a fait sentir le découragement que le changement du cabinet
suédois apporterait dans l'esprit des ministres du Danemarck, et l'abatte-
ment qu'il produirait parmi les Polonais. Alors le réis-efendi lui dit,
malgré les procédés odieux de la Suède dans la dernière guerre, malgré
l'existence du traité de Drotningholm, nous avons donné des subsides à
la Suède en mars dernier.
Après des insinuations fermes à la Russie, nous avons armé et fait dire
au régent que l'on ferait tout ce que les circonstances exigeraient. Nous
connaissons cependant la correspondance secrète de l'impératrice avec
le jeune roi, nous savions qu'il répugnait au mariage projeté et qu'à sa
majorité il gouvernerait selon les principes de son père. Que nous reste-t-
il h faire ?
Mais, a répliqué le citoyen Verninac, la Porte s'est-elle assez expliquée
sur une coopération effective de ses armées ?
Ses mouvements, a répliqué le réis-éfendi n'en disaient-ils pas assez?
devions-nous déclarer la guerre lorsque la Suède ne demandait que des
subsides et des démonstrations?
Ici le drograan de la Porte ajouta : nous réunirons dans une conférence
le ministre de Suède et vous, nous constaterons en sa présence tout ce
que nous venons d'avancer, et nous opposerons les procès-verbaux qui
existent à tout ce qu'on pourrait articuler de contraire.
Le réis-éfendi se résume en disant : qu'il sentait les conséquences
de la défection de la Suède, qu'il ferait ce qui était en son pouvoir pour
empêcher ou réparer un tel incident.
Le citoyen Verninac lui parla alors d'une alliance avec la république,
projet dont il parut satisfuil. L'harmonie un peu troublée étant rétablie,
ildilque la Porte avait permis aux frégates de celte république de con-
di'ire les bayles jusqu'aux Dardanelles, ce qui est une prérogative; que
cette proposition n'aurait d'autre obstacle à vaincre que la circonspec-
tion et la faiblesse.
D'après ces préliminaires, le citoyen Verninac en fit les ouvertures
au hayle qui en parut très-flatté, il dit qiie le sénat regarderait cette
alliance comme un événement très-heureux; que la France devait devenir
le point central d'une confédération pour sauver l'Europe, et que le voi-
hinage des troupes autrichiennes pouvaient seules mettre obstacle h l'ef-
ectuation de ce projet.
AI'l'ENDlCh 235
Après être entré dans le détail des maux que la cour de Vienne a fait à
la Valtelinc, aux Grisons, à la Terre-ferme de A'enise, au port de Trieste :
Quel commerce, a-t-il dit, laisscra-t-elle au port de Venise? Alors il de-
manda au citoyen Verninac ses propositions par écrit pour les transmettre,
et le citoyen Venlure lui remit la note dont il envoya copie.
Il propose au sénat par M. Foscari : Une alliance entre les deux
républiques ; la nalure des choses leur ayant donné le môme ennemi,
elles doivent s'unir. Les vues de l'Autriche ne sont pas équivoques, elle
veut dominer dans l'Adriatique après avoir envahi les contrées orientales.
La cour de Pélersbourg, son alliée, ne menace pas moins que l'Autriche
l'indépendance de Venise ; si le colosse de la puissance russe s'établit
sur les rives du Bosphore, quel espoir reslera-t-il aux Vénitiens de con-
server un commerce avantageux et de garder les îles de Zinle, de Gorfou
et de Géphalonie? Des bases propres h empêcher les événements indiqués
( t h réparer le mal déjà efïectué doivent convenir au sénat, telle est
l'alliance proposée qui sera vue avec plaisir par la cour ottomane. Le
citoyen Verninac prie monsieur l'ambassadeur d'en donner connaissance
aux inquisiteurs de l'Etat, le plus secrètement et le plus promptement
possible.
Le bayle, en recevant cette note, promit de la remettre et de la faire
agréer par les inquisiteurs. Le premier secrétaire Jacomachi avait confié
au citoyen Venture que le sénat, craignant que les Anglais ne vinssent
couvrir Trieste avec une flotte, et poursuivre des corsaires français dans
la mer Adriatique, avait armé et pris des mesures pour faire respecter la
neutralité. Elles sont en effet très-posilives.
Dans le même temps, le chargé d'affaires d'Espagne lui communiqua
que le prince de la Paix venait de lui écrire que l'alliance aurait lieu
entre la république et l'Espagne, qu'on y ferait entrer quelques puis-
sances de second ordre, et qu'il fallait employer tous ses soins pour
tenir les Turcs en haleine. M. de Bouligny ajouta qu'on l'obligerait de
tonder la Porte sur les liaisons qne sa cour désirait de former avec elle.
Le prince Morousi fut tiès-content de l'espérance donnée par M. de
lîouligny d'une alliance entre la république et l'Espagne, il dit que la
Porte n'était point éloignée des vues de liaison à former avec l'Espagne,
et il y aura prochainement des ouvertures.
Le but de l'alliance est, du côté de l'Espagne, de se procurer des con-
cessions de commerce et une puissante protection auprès des états bar-
bnresques; du côté de la Porte, des secours marilimes contre la Russie.
Gonvient-il à la France de permettre cette alliance? Regardée sous le
point de vue du commerce et de la navigation, elle paraît compliquée.
Dans cette même entrevue le drogman lui fit entendre que l'internonce
impérial avait insinué k la Porte de s'entremettre ponr faire obtenir h sa
23fi APPENDICE
cour des conditions de paix raisonnable?. Sur sa demande qu'elles seraient
les bases que le gouvernement adopterait pour traiter, le citoyen Verninac
répondit qu'il l'ignorait, mais qu'il croyait que la cession des Pays-Bas
à la France était un sacrifice indispensable. Alors il lui demanda qu'elles
étaient les propositions de h cour de Vienne. On ne s'est pas expliqué
ouvertement, répondit-il, mais on paraît résigné à l'abandon d'une partie
de la Belgique.
Mais pour le rassurer, ainsi que la Porte, sur la crainte que celte incor-
poration n'ôtât h la France les facilités de frapper de grands coups sur
l'Autriche, le citoyen Verninac s'attacha à lui prouver que ces deux puis-
sances seraient toujours ennemies et que la république par sa position sur
le Rhin pourrait toujours porter la guerre dans le cœur des États autri-
chiens.
Il lui observa que la cour de Vienne ne s'était pas adressée avec bonne
foi à la Porte pour obtenir la paix, lorsque nos succès devaient en assu-
rer la conclusion; qu'elle n'avait eu en vue que de caresser la Porte, afin
de conjurer l'orage dont les mouvements des Turcs pouvaient la menacer.
Le prince convint de la solidité de ces observations, il dit même que
le ministre impérial se montrait fort inquiet, huLuble, presque rampant.
Quant à l'indécision de la cour de Berlin, M. Morousi articula ces
propres paroles : « Mais pourquoi ne tenterions-nous pas de faire, en
« s' arrangeant avec l'Autriche, ce que l'on ne ptut faire avec la Prusse. »
A ce langage, le citoyen Verninac répondit que l'Autriche alliée ou
armée était une ennemie irréconciliable de la France ; que la Prusse, au
contraire, était destinée à être l'amie de la république, que la force des
choses ramenait cette cour aux vrais principes dont elle avait déviée par
quelques circonstances ou intrigues.
Le prince Morousi, en parlant ainsi, aurait-il eu l'intention de sonder le
citoyen Verninac, ou le ministre impérial lui aurait-il suggéré de sonder
si l'accession de sa cour à nos vues sur la Pologne faciliterait un arran-
gement entre elle et la république ?
Les Russes n'ont encore rien tenté dans la Perse, hors de la Géorgie.
I\!éhemet-Kan fait de granJs préparatifs, mais on ignore où il dirigera ses
pas.
Plusieurs lettres de Venise portent que Stamati s'est dit chargé de
toutes les opérations relatives à la Pologne.
Voilk le tocsin sonné et les trois cours en sont bien averties.
Le citoyen Verninac a fait panir l'aga de B )urnabade, lieu où tous les
Français de cette échelle séjournent l'été.
Il avait frappé un Français, parce qu'il chantait en passant devant la
garde.
(.E Exlrait ori'jinaL)
APPli.M'ICK lî^^
XXXVIII. — D<'pt^clic de l'envoyé Vcrnînac au ministre des relations
extérieures, en date du i» août l-SBtt (13 sàfer 1211).
Extrait d' une dépêche du citoyen Verninac.
Constaiitinople 1" fructidor an û.
Lo réis-éfendi et le drogman de la Porte ont été déposés hier malin. R^r.>«is>utrtm^.
Voici les circonst'incos auxquelles on rapporte cet événement marquant : ""
Le réis-éfendi avait assuré le grand-visir et le (irand-Seigneur que
le trailé arrêté entre lui et le citoyen Vernina^c serait accepté en France.
La nouvelle du contraire fut pour lui un coup de foudre. Li Porte fut
étonnée, et on parut en conclure que le Directoire n'était pas disposé à
une alliance avec elle.
Dans une conférence qui eut lieu avec lui, le grand-visir, le kiayahey,
etc. , on discuta les propositions du Directoire, le Grand-Seigneur prononça
le fameux mot de résignation des Turcs {Allah Kerim), ce qui dans la
circonstance voulait dire :
La France ne vaut pas de notre alliance, eh bien ! livrons nous à h
Providence.
On ne s'expliquait point cependant sur les bases proposées, le réis-
éfendi ne disait ni oui ni non, mais, ayant demandé à Dantan si le citoyen
Verninac avait le pouvoir de faire des modifications disant que, le gou-
vernement français ne connaissait pas les Turcs, qu'il aurait tout obtenu
de la Porte s'il avait accueilli le trailé ; la conséquence était claire que le
divan n'était pas dans la disposition actuelle d'accepter les conditions du
Directoire.
Dès ce moment les relations avec la Porte devinrent difficultueuses.
Deux affaires principales étaient en instance, l'admission de Staraati
et l'expulsion du sieur Chalgrin.
Sur le r-" arlicle, la Porte depuis le refus du traité s'énonçait presque
négativement. — Quant au sieur Chalgrin, qn se bornait à promettre de lui
faire porter sa cocarde blanche et sa livrée, et l'empêcher de se faire a
l'avenir précéder d'un jannissaire ; c'était disait-on tout ce qu'on pouvait
faire.
Bientôt la mission de Russie employa tous les moyens de crainte et de
séduction pour alarmer les ministres de la Porte sur ses liaisons avec la
république, et la défection de la Suède aidait assez à ce système.
Dans ces conjonctures délicates, le citoyen Verninac crut devoir les
forcer à se prononcer, en conséquence, il présenta successivement des
notes énergiques.
Dans la première, du 9 thermidor, le citoyen Verninac expose que la
238 APPENDICE
coui: de Londres ne méritait pas d'être le premier gouvernement vers
lequel la Sublime-Porte ail envoyé une ambassade.
D'après l'ordre du Directoire, il demande qu'elle veuille bien tenir un
ambassadeur auprès de la république, comme celle-ci en tient un auprès
de la Sublime-Porte.
Dans la deuxième, du 18 thermidor, il dit que le Directoire, occupé de
la gloire de l'empire ottoman, lui envoie un atelier complet pour fondre
et forger les canons, établir les affûts, faire et réparer les fusils et les
armes blanches, un Irain d'artillerie volante et deux compagnies de ca-
nonniers choisis parmi les plus habiles. Il fait valoir l'amitié du Directoire
en lui envoyant pour ambassadeur un général aussi brave qu'expérimenté,
et, pour mieux faire apprécier l'attachement de la république h la Sublime-
Porte, il la supplie de comparer sa conduite à celle de l'Angleterre, alliée
des deux plus mortels ennemis de la Porte : la Prusse qui par la conquête
de la Pologne menace l'empire ; la Suède, qui forme une alliance mons-
trueuse avec la Russie.
Dans la troisième, du 25 thermidor, le citoyen Verninac observe à l'é-
gard du sieur Ghalgrin qu'il est ici le chef de tous les consuls français,
traîtres comme lui, et de tous les émigrés ; qu'il entretient dans l'intérieur
et à l'extérieur une correspondance avec nos ennemis.
Qu'il n'est point Anglais, et que la Porte est interressée à ne pas souffrir
de pareilles mélhamorphoses ;
Qu'un Anglais porterait la cocarde noire des Anglais et non la cocarde
blanche, signe caractéristique des ennemis de la république.
La Sublime-Porte est trop éclairée pour se méprendre sur un individu
qui se fait suivre par un laquais de la livrée du soi-disant roi de France.
Pour ce qui est du citoyen Stamati on répèle qu'il n'est point sujet
ottoman, raaisciioyen français, qu'on ne peut lui appliquer le firman, et
que, quand même il le serait, la Sublime-Porle, par considération pour la
république, devait en faire une exception comme i Tégard de M. Mou-
radgea.
Le citoyen Verninac insiste 'donc sur le prompt éloignement du sieur
Ghalgrin, sur l'expulsion des ci-devant consuls de France dans les échelles
du Levant.
Déserteurs de leur patrie, tels que Bulel, Pavillon, Amoreux, etc.
Sur l'admission du citoyen Stamati, en qualité de consul-général de la
république dans les provinces ottomanes situées au-delà du Danube ; il
insiste nommément sur l'érection d'un tel consulat-général expressément
demandée dans sa note du , à l'égard duquel la Sublime-Porte ne s'est
pas encore expliquée.
Dans la quatrième note du 22 messidor, le citoyen Verninac observe
qu'il se voit obligé de donner un caractère très-grave h ses réclamations
APPENDICE 'j;;9
contre le sieur Clialgrin, qui s(Mlécore publiquement de ministre plénipo-
t(Mitiaire du soi-disant roi de France
Ou'en reconnaissant le principe qui lient à l'indépendance des nations,
il ne saurait s'étendre jusqu'à légitimer, sur un sol étranger, le séjour de
conspirateurs et de traîtres, pour y intriguer contre leur patrie.
Il cite les États neutres qui ont éloigné de leur territoire les émigrés,
le sénat de Venise qui a fait sortir de Vérone le prétendu roi de France,
et il ajoute que le sieur Clialgrin doit être rangé dans la classe des indi-
vidus exceptés du droit d'asile.
Jl en développe les motifs.
La présence du sieur Clialgrin à Constanlinople pouvant y fomenter
entre les républicains et les émigrés une fermentation active, le citoyen
Verninac espère obtenir de l'amitié ce qu'elle réclame en vertu d'un droit
incontestable, pour obvier à des désordres que le séjour du sieur Clialgrin
et dos consuls susmentionnés produirait sur tous les points de l'empire.
Le citoyen Verninac ne s'en tint pas à ces notes, il a fait savoir aux
ministres qu'il voyait avec chagrin des causes sérieuses de mésintelligence
entre les deux nations ;
(Jue la responsabilité en était sur leur tête :
Il fit au bostandgi-bachi, en qui le Grand-Seigneur a beaucoup de con-
fiance, les plaintes les plus araères pour les lui transmettre.
Il y a trois jours, Rachid-efendi qui a été sept ans réis-éfendi, d'un
rare mérite et consulté sur tout, fit prier le citoyen Verninac de se rendre
au désir qu'il avait de s'entretenir avec lui.
Il lui dit dans cette conférence, de la part du grand-vizir, de ne pas
confondre dans son mécontentement la Porte avec la personne qui était
chargée des affaires politiques, que ce qui s'était passé ne devait être
imputé qu'il celle-ci, que les sentiments et les dispositions de la Porte
étaient toujours les même?, qu'elle s'entendrait avec lui sûrement, et que
la grande affaire du traité serait reprise dans quelquf^s jours.
Celte communication faite le 28 du mois dernier était le résultat du
Conseil tenu la veille chez le grand-vizir.
Le 29, le prince Morousi ne se rendit point h la Porte.
Le réis-éfendi y était pensif et morose.
Le 30, le grand-vizir proposa à Asmi-efendi, ci-devant ambassadeur à
Berlin l'emploi de réis-éfendi; il ne l'accepta point.
Mais Bazirghian-Zadé-Rachid-efendi l'agréa.
Le prince Constantin Ispilnnte fut fait en même temps drogman de la
Porte.
Après le désaveu qui a été donné au citoyen Verninac, de la part du
grand-vizir, sur les dilllcultés dont il a à se plaindre, on doit s'attendre
que la mission va reprendre sa première iulluence.
240 APPENDICE
Bientôt l'on verra si l'on a sacrifié le réis-éfendi et le drogman pour
se laver des petites infidélités faites an système d'étroite liivison.
Si au contraire Ghalgrin n'est pas renvoyé, si Staniati n'est pas admis,
si la négociation n'est pas reprise, on aura la preuve que les deux indi-
vidus n'ont été disgraciés que pour avoir échoué dans cette négociiition.
Que la Porte ne veut pas se brouiller avec l'Angleterre, que les idées
de guerre sont plus éloignées que jamais, en un mot que tout rétrograde.
Si au lieu de fait il n'y a que des protestations, la question sera bientôt
résolue.
On assure que le nouveau réis-éfendi est un homme froid, sans esprit
et sans attraits quelconques.
Mais on fait de grands éloges du nouveau drogman, très-instruit et
l)lein de talents.
Il a très-bien traduit les ouvrages de Vauban.
Les atfaires de Romélie sont terminées.
On a envoyé à Constantinople les têtes des chefs des voleurs dont le
plus fameux était Simil.
On remarque qu'on ne les a attaqués que lorsque, après la défection de
la Suède, ils ont paru abandonner le projet de faire la guerre.
Le citoyen Verninac témoigna sa surprise au réis-éfendi de ce que
les troupes repassaient en Asie, celui-ci échappa de dire que l'arrière
saison s'avançait, mais en ayant parlé à Rachid-efendi, il répondit :
La guerre est tellement prochaine qu'il ne manque que de la déclarer.
On a reçu des nouvelles satisfaisantes de Perse.
Nos voyageurs étaient à Kermnnskale le 15 prairial ; ils ont an arriver
au camp de Méhemed vers le 10 du mois suivant.
On ignore sur quel point celui-ci aura dirigé son imposante armée.
M. Mouradgea s'est éloigné du citoyen Verninac depuis quelque teinp^,
il voit beaucoup l'envoyé de Russie.
Il lui dit dernièrement à dîner chez lui qu'il espérait que l'impératrice
lirait avec plaisir et intérêt son histoire des Kans de Tartarie.
Mouradgea perdra la confiance des Français et des Turcs, sans se ré-
concilier avec la Russie.
Le général Dombrowsky est arrivé à Bukarest et a été bien reçu par le
prince.
Il a écrit au citoyen Verninac qu'il avait trouvé les esprits très-bien
disposés dans la partie de la Pologne qu'il avait parcourue.
Par post scriptum le citoyen Verninac mande :
Que Rachid-efendi lui a fait dire par Dantan d'être fort tranquille.
Que le réis-éfendi n'avait été déposé que parce qu'il ne pouvait plus
communiquer avec lui d'une manière avantageuse pour les deux puis-
sances.
APPENDICE *i4l
Qu'on n'avait pas les mêmes motifs de mécontentement contre le prince
Morouzi ;
Que tout va marcher ;
Que le nouveau réis-éfendi est un honnête homme, que s'il n'a pas
beaucoup de lumières, lui Rachid est là, pour lui donner des conseils et le
diriger;
Qu'il agira conformément aux sentiments du Grand-Seigneur et n'aura
point la présomption de l'autre.
Le Bostandgi-Bachi l'a fait féliciter sur son avènement.
Et il fait assurer que toutes les difficultés vont être aplanies.
Pour le directoire, le 28 vendémiaire an 5.
Reçu le 30 vendémiaire an 5.
{M. Extrait original.)
XXXrX. — DéchlfTremrnt il'anc dépêche de l'envoyé Vcrninac an
ministre des relations extérieures, en date dn 9 octobre 1796
(6 rébiol-akhir tSll].
Constantinople le 18 vendémiaire an 5 de la
république française.
NoSO. - Puplicata,
B. 464.
Le citoyen Veiminac au citoyen C/i, Delacroix, ministre des relations
extérieures. Déchiffrement de
ladépêcheN°30dtt
Citoyen ministre, citoyen Vemmac.
J'ai le plaisir de pouvoir vous annoncer que mon successeur Aubert
Du Bayet est arrivé heureusement, le 11 du courant, en cette capitale.
Il vous rendra compte lui-même des honneurs et des témoignages d'a-
mitié qu'il a reçus dans sa route, soit de la part de la Porte, soit de celle
du peuple ottoman et notamment à Trawnick, du pacha de Bosnie, et à
Philoppoli, de celui de Romélie.
Je me réfère là-dessus à son propre rapport.
Il aurait désiré que son entrée dans Constantinople eiit été marquée
par des distinctions, et jer travaille de tout mon pouvoir h les lui obtenir,
ainsi que vous pourrez en juger par une lettre à lui adressée, dont je vous
envoie ci-joint copie.
Mais la Porte, après en avoir délibéré, avec le désir de trouver le moyen
d'accéder à notre prétention, ne crut pas pouvoir rien innover au cérémo-
nial établi.
Cela détermina le général Aubert Du Bayet à entrer de nuit dans la ville.
J'ai accueilli cet ambassadeur avec les sentiments d'un républicain qui
ne voit jamais que la patrie.
T L j • î ' r. 1 .. R. 13 frimaire
La-dessus encore, je m'en réfère à son propre rapport. an ô"«
T. II. 16
262 APPENDICE
Je m'en remets aussi à sa loyauté à l'égard de l'état dans lequel je lui
laisse les affaires.
Il aura sûrement la justice d'avouer que la considératioii et l'amitié pour
la république sont portées dans cet empire à un degré dont il n'y a peut-
être pas d'exemple dans aucun autre état de l'Europe.
Il est réservé au citoyen Aubert Du Bayet de tirer de grands avan-
tages de ces heureuses dispositions, et déjà il a pu en concevoir l'espé-
rance.
A cet effet, il se propose de faire créer Acki-paclia, grand-visir. Point
de doute, s'd réussit, que ce personnage, devenu sa créature, ne s'aban-
donne entièrement h. ses directions et que l'effectuation de toutes les vues
du gouvernement ne s'en suive.
Ce plan est séduisant.
Connaissant l'inimitié qui existe entre les pachas actuels et Acki-pacha,
j'ai engagé le général Aubert Du Bayet h traiter sans intermédiaire, s'il
est possible cette affaire avec le Grand-Seigneur, afin d'obvier aux opposi-
tions et aux déchirements.
Le grand-vizir exposerait certainement sa tête pour faire tomber celle
d' Acki-pacha, et empêcher son élévation, s'il était informé de l'entre-
prise.
Le jour même de l'arrivée de mon successeur, je fus engagé par le
drogman de la Porte à une conférence.
Ce prince s'y ouvrit h moi sur la disposition où serait la cour de Vienne
de traiter de la paix avec la république sous la médiation de la Porte, et
me demanda qu'elles pourraient être les conditions préliminaires.
Je lui répondis que je n'avais aucune instruction à cet égard, mais je
présumais que le Directoire n'écouterait des propositions qu'autant qu'on
poserait pour base première et essentielle la cession, de la part de l'em-
pereur, de la Belgique et du Luxembourg ; l'abandon de Mayenceet de ses
fortifications aux troupes de la république, et la promesse de consentir,
soit en qualité de chef de l'empire, soit en celle de parent, à la réunion
de tout le reste du pays situé à la gauche du Rhin.
J'ajoutai que, si la Porte voulait rendre l'offj'e de sa médiation agréa-
ble à la république, elle devait manifester l'intention d'être garante du
traité qui pourrait intervenir sous ses auspices.
Le drogman m'annonça que la Porte était disposée à opérer sur ces
bases qu'il trouvait très-raisonnables, et que quant à la garantie elle se
ferait un plaisir d'en prendre l'engagement, et de concourir ainsi à assurer
à la république la conservation des avantages que la Porte par sa média-
lion pourra nous procurer.
Le général Du Bayet et moi le revîmes le lendemain, il réitéra les
mêmes ouvertures.
APPENDICE US
Vraisemblablement elles auront quelque suite.
J'ai lieu de croire que la cour de Vienne, inquiète de nos liaisons avec
la Porte, et des insinuations sérieuses qu'elle en a Iréquerament reçues,
au sujet de la prolongation de la guerre, a imaginé de l'interpeller elle-
même comme arbitre, espérant en cela conjurer les diversions qu'elle a
pu craindre, ou d'obtenir, par l'entremise d'une puissance qu'elle sait nous
être agréable, des conditions moins fâcheuses.
J'ai vu dernièrement Ali-effendi nommé h l'ambassade de Paris.
C'est un homme d'environ /jO ans, né enMorée, très-épris de la France,
d'un caractère ouvert et facile.
Il est au comble de ses vœux d'avoir été choisi et préféré pour une aussi
belle et aussi importante mission.
Le gouvernement aura lieu, j'espère, d'être satisfait de lui.
C'est ici, citoyen ministre, ma dernière dépêche.
Je prendrai ces jours-ci mon audience de congé et me mettrai en route
a la fin du mois.
Le citoyen Du Bayet que j'aime, et que je m'honore d'avoir pour mon
successeur, n'a pas besoin que mon séjour se prolonge davantage, ayant déjà
acquis toutes les connaissances locales qui pouvaient lui être nécessaires.
Mon voyage sera aussi court que possible dans une saison qui va deve-
nir rigoureuse.
L'empressement de revoir la France, après deux ans d'absence, me fera
surmonter, j'espère, toutes les difficultés.
Salut et fraternité. (Signé) R. Verninac.
Post smptum. — Ci-joint la circulaire que j'ai adressée aux consuls et
autres agents du Levant, pour leur annoncer mon successeur.
J'ai omis de vous dire, citoyen ministre, que j'ai vu dernièrement le
nouveau prince de Moldavie, et que dans un très-long entrelien, dans le-
quel il s'est épanché avec beaucoup de franchise,
Il m'a protesté de son attachement pour la république, du grand désir
qu'il a de voir cimenter entre la Porte et la république une alliance
sans fin;
Du désir oii il était de mériter sa protection par une fidélité constante
aux principes politiques qu'elle se propose de faire prévaloir.
{Signé) R. Verninac.
Les pièces ci-mentionnées se trouvent avec X^primata.
{M. Duplicata original.)
2/i/j APPENDICE
XL. — Dépêehe de l'ambassadear Aubert Da Bajet an ministre
des relations extérieures, en date du 9 novembre 1996 (G djé-
maziol-éwel 1211).
Extrait de diverses lettres et notes du citoyen Aubert Du Bayet^
ambassadeur de la république prés la Porte.
De Pera lez-Constantinople le 17 brumaire an 5.
Relations eitéiifores.
Le citoyen Du Bayet, dans une lettre au citoyen, etc.
Pour le Directoire. ^6 citoyen Du Bayet envoie copie de la note qu'il a remise à la Su-
blime-Porte, servant de préambule aux sept articles du traité d'alliance
offensive et défensive.
Cette note établit que l'Autriche étant désormais tranquille du côté du
Rhin par la paix avec les Français, et la Russie, de son côté, étant assurée
de la Suède, il est à craindre que ces deux puissances ne se dirigent con-
tre elle; qu'elle ne peut trouver sa sûreté que dans une alliance offensive
et défensive avec la France, qui fera par terre une diversion en sa faveur
du côté de l'Allemagne, tandis que par la jonction de ses forces navales à
celles du Grand- Seigneur, on peut anéantir la marine russe dans la mer
Noire.
Le citoyen Du Bayet envoie copie de sa lettre au prince Ipsilanti,
drogman de la Porte, etc.
(iE. Extrait original).
XLl. — Projet d'une convention seerète entre la Sublime-Porte et
la république française 1996. (1211).
Les soussignés déclarent par la présente convention secrète que l'al-
liance éventuelle qui vient d'être conclue entre la Sublime-Porte et la
république Française n'a d'autre objet que la sûreté mutuelle de deux
étals contre les nations voisines, savoir l'Autriche et la Russie, puissances
principales de l'empire ottoman, l'Autriche et l'Espagne, puissances
limitrophes de la France; de sorte que les hautes parties contractantes
regardent les autres états européens, et surtout les alliés de l'une et de
l'autre, comme formellement exceptés des engagements pris par la susdite
alliance.
Mais si, dans le système général de l'Europe il survenait des chan-
gements et des événements contraires à la sûreté et aux intérêts politi-
ques de l'une ou de l'autre puissance contractante, elles se réservent dans
ce cas, de prendre la chose en mûre considération, et de concerter en-
APPENDICE
245
semble tout ce qui serait d'une utilité commune et conforme k l'esprit
et au but de l'acte solennel qui unit les deux états.
Les parties conviennent, en outre, que d'un côté la république fran-
çaise emploiera ses bons otilces auprès du grand-maître de l'ordre de Malte
pour la sûreté du commerce et de la navigation des sujets ottomans, et de
l'autre côté, la Sublime-Porte emploiera ses bons offices auprès des trois
régences barbaresques pour la sûreté du commerce et de la navigation
des Français.
La Sublime-Porte, pour donner k la nation française une nouvelle mar-
que de considération, d'intérêt et d'attachement réel, lui accordera la
libre navigation de la mer Noire, à l'époque de la pacification générale,
et même plutôt si les circonstances pouvaient le permettre.
Elle accordera, en même temps, à la nation française tous les privi-
lèges et tous les avantages commerciaux dont jouissent, dans les états du
Grand-Seigneur, les autres nations européennes, môme celles qui sont les
plus favorisées.
XLII. — Déchiffrement d'ane dépèche de l'ambassadeur Aubert
Du Bayet au ministre des relations extérieures, en date du
«8 février 1797 (SO chàban 13 tl).
Constantinople le 30 pluviôse,
an 5 de la république.
Aubert Du Bayet au ministre des relations extérieures.
Déehififrcmentde
Dubayet.
Certifié,
(Signé) Campy.
B. 5261.
Si dans presque toutes mes dépêches, et particulièrement dans celles
des 5 et 12 pluviôse, n" 30 et 47, mon impatience à produire ici des i^^ j^ êche n° 56
effets heureux pour la république, m'a fait vous dire avec tant d'amer- du citoyen Auben
lume que rien ne pourrait triompher de l'apathique indolence des Turcs,
je n'en ai pas moins réprimé l'impétuosité de mon caractère pour rame-
ner sans cesse mes négociations près de la Porte à ce point éminemment
nécessaire pour nous : un mouvement de leur part qui donnât décidément
de l'inquiétude au cabinet de Vienne. Après m'ètre assuré que je ne
réussirais jamais à faire entrer les Turcs sur la scène guerrière de l'Eu-
rope, et à leur faire prendre une part active dans la lutte actuelle par le
seul sentiment de leur dignité, et même de leur propre conservation, j'ai
pensé que j'aurais plus de succès en ne mettant en jeu que l'orgueil na-
tional, leur haine bien prononcée contre les Allemands et l'honneur et la
gloire du règne de Sélin III, si, par l'intervention magnanime du divan, il
forçait l'empereur d'Allemagne à recevoir la paix que nous lui offrons.
Tous les moments étaient précieux pour moi, je sentais à la marche du
soleil que la saison des combats allait arriver, et comme, dans ma cous-
2Û6 APPENDICE
cience et dans mon cœur, je suis intimement convaincu qu'il vaut mieux
encore, pour nous, faire cent ans la guerre que de céder un pouce de ter-
rain de la rive gauche du Rhin, je me suis dit : Forçons les Turcs à mar-
cher d'une manière où d'une autre sur le Danube, et nous aurons les rives
du Rhin. Fort de cette opiniâtreté patriotique qui vaut mieux que du
génie, j'ai provoqué des conférences avec le réis-effendi et le drogman
de la Porte. J'ai ménagé l'un des triumvirs nommé Tchelebi-ElTendi. Je
me suis empressé de voir le capitan-pacha et Rachid-Efl'eiidi, l'un des
hommes les plus inûuents de l'Empire. Enfin j'ai fulminé des notes h la
Porte. Je lui ai inspiré une juste méfiance contre l'internonce, que je lui
ai déclaré en outre sans crédit et méprisé par Thugut. A ma demande,
des conseils extraordinaires se sont tenus, et le Grand-Seigneur a
approuvé le résultat suivant : On a signifié à l'internonce que, s'il n'avait
pas de pouvoir, la Sublime-Porte allait elle-même expédier un courrier
extraordinaire pour notifier à l'empereur que, fidèle k tous les traités, sa
hautesse n'en prétendrait pas moins intervenir avec toute la grandeur de
son empire au rétablissement de la paix entre ses alliés depuis trop long-
temps en guerre; mais que le sentiment de sa dignité, en offrant sa
médiation, exigeait qu'elle l'appuyât d'une forte armée sur ses frontières.
C'est en vain que l'internonce a fait agir l'envoyé de Russie, lequel a fait
déclarer à la Sublime-Porte que son maître ne verrait pas faire obtenir
des conditions dures à l'Empire sans y être sensible, on n'en a pas tenu
compte ; et le réis-eiïendi, conduit par Rachid-Effendi et le drogman
m'a fait dire que je pouvais vous expédier un courrier pour vous faire
connaître le résultat positif que je viens de vous narrer. Ici, j'ajouterai
encore que, pour y produire un plus grand éclat, j'ai demandé et obtenu
qu'indépendamment des nouvelles troupes qu'on prendrait dans la Romélie
et la Rosnie, pour être envoyées h Belgrade, on ferait partir de Constanti-
noble 5 ou 6 régiments dejannissairesavec un train d'artillerie. J'espère
que sous peu de jours le tout s'effectuera. Enfin la Sublime-Porle, s'oc-
cupant très-sérieusement des propositions de paix qu'elle avait fait faire
à l'empereur, m'a fait demander une seconde fois qu'elles étaient les
conditions que le directoire exécutif y mettait. Voici ma réponse qui va
servir de base au divan.
« Le soussigné ambassadeur de la république française près la Su-
« blirae-Porte, d'après les motifs sacrés de haute considération et d'in-
<( time confiance que le directoire exécutif professe hautement pour Sa
« Majesté Impériale SélimlII, a fait connaître à Son Excellence le réis-
« effendi, dans leur dernière conférence, la dépêche originale qu'il avait
(( reçu de son gouvernement.
« Ainsi, le soussigné ne peut que répéter â la Sublime-Porte que le
« directoire exécutif accepte sa médiation, de préférence à toute autre
APPENDICE 2Û7
(( puissance, dans la guerre actuelle avec l'empereur d'Allemagne; mais
«que celle paix pour être digne et de la république française et de son
« magnanime allié, le (Irand-Seigneur, ne pouvait qu'être fondée sur les
« bases de l'honneur. »
« En conséquence, le soussigné déclare encore que le directoire exé-
« cutif ne saurait jamais renoncer h la cession de tout le territoire de la
(( rive gauche du Rhin, Rlayence, Cassel, etc., mais missi qu'il se prêtera
(t volontiers à procurer des indemnités à la maison d'Autriche et aux
« princes à qui cette cession fait perdre une partie de leurs Etats par la
(( sécularisation des principautés ecclésiastiques à leur bienséance, tel
« qu'où l'avait fait à la paix de Weslphalie, en sécularisant en faveur de
('. la Ilesse-Cassel l'abbaye de llerschfeld.
(t Quant à l'Italie, la Sublime-Porte dans sa sagesse peut aisément
(( concevoir qu'il est impossible dès aujourd'hui de fixer d'une manière
{( précise les bases des arrangements que la paix y rendra nécessaires ;
« mais le soussigné assure de nouveau, au nom du directoire exécutif :
« que la république française n'y conservera rien, et que l'unique soin du
« directoire executif sera de profiter de la prépondérance que nous ont
« acquis nos triomphes pour ramener dans cette belle contrée le repos
« intérieur, une douce sécurité, l'abondance et le bonheur. Le soussigné
« ambassadeur, en félicitant la Sublime-Porte du rôle magnanime que
« peut jouer Sélim III en Europe, en se prononçant fortement comme
« médiateur, ose l'inviter à se hâter dans ses déterminations. Les Alle-
(( mands et les Russes mettront autant d'empressement à écarter le Grand-
(( Seigneur du traité h conclure, que le directoire exécutif attachera de
« prix à ce qu'il y paraisse au contraire avec une véritable grandeur. »
Cette note, qui réunit l'essence de nos intérêts politiques, était parfaite-
ment conforme aux intentions des Turcs, et je vous assure qu'aucun mi-
nistre républicain ne mettrait plus de chaleur à nous faire faire une paix
glorieuse que ne le feront les Turcs. Ils sont intimement convaincus que
les Français seuls sont leurs vrais amis. Mais cet élan précieux que je
viens d'obtenir d'eux, sera-t-il soutenu? Vous jugez bien que je n'épar-
gnerai ni soins ni veilles. D'ailleurs le drogman Ypsilanti nous sert avec
tant de vérité, que j'ai au moins l'espérance d'être instruit de toute alté-
ration qui pourrait survenir. Au reste, l'empire des événements et notre
bonheur ordinaire mèneront le tout, comme le char de la république, à
la gloire et au bonheur.
La Sublime-Porte m'a fait pressentir qu'elle désirerait faire un accomo-
dement sous les auspices du directoire exécutif avec la religion de Malte.
Dans la supposition qu'on en vînt à une demande formelle d'interven-
tion, je vous prie, citoyen ministre, de me faire accréditer près de Malte.
{M. Primata original.)
A oublié de signer
2US
APPENDICE
litlaileis eittrieares.
2«'« division poli-
tique.
]|[LVIII. — Lettre de eréance de l'ambassadeur ottoman (itall-éfendi)
à Paris, en date du... mars 199'9 (. .. rauiazan ISll).
Traduction de la lettre de créance dont est porteur Seyd-Ali-Efendi, du
corps des Cogiaghians du Divan impérial, et actuellement de la charge
de contrôleur des finances, ambassadeur de la Sublime-Porte près la
République française.
FRONTISPICE DU DIPLÔME.
Par la série non interrompue des grâces inflnies de l'Être suprême qui
a posé les fondements de l'ordre de l'univers, et qui a assigné à tous les
peuples le mode de leur existence, béni soit son essence divine qui se
dérobe à l'intelligence du savant le plus éclairé.
Par l'influence miraculeuse de celui qui est assis sur le trône le plus
élevé de la prophétie, l'ami de l'Élernel, l'intercesseur puissant du jour
du jugement dernier, notre glorieux prophète et seigneur, Mouharaed,
l'élu de Dieu, sur qui, comme sur sa famille et les apôtres de sa mission,
soient répandus les saluts les plus purs et les plus parfaits.
Par la communion des âmes bien heureuses de ses disciples et de ses
kalifs orthodoxes, puissent-elles jouir à jamais des complaisances divines.
Enfin par le maître des saints qui se sont distingués dans la voie du
salut, ainsi que de tous les prédestinés.
Ici est le paraphe du Grand-Seigneur portant en chifl're:
L'empereur sultan Sélim, fils de sultan Moustapha
toujours victorieux.
Moi, qui suis le serviteur et le commandant des lieux et des cités les
plus nobles et les plus révérés, points de direction du monde et sanc-
tuaires sublimes vers lesquels se tournent les regards de tous les peuples :
la Mecque, la majestueuse; Médine, la lumineuse; le temple sacré de Sa-
lomon et Jérusalem, la sainte; moi, le kalife souverain d'une infinité de
provinces, de villes, de châteaux, de forteresses situées dans la Natolie et
la Romélie, sur la mer Blanche et le Pont-Euxin dans l'Hygias et l'Ira-
que, objet de la jalousie des autres rois.
Le sultan fils de sultan, l'empereur Sélim-Khan, fils du sultan Mous-
lapha-Khan, fils du Sultan-Admet-Khan.
Aux chefs distingués parmi les grands qui professent la croyance de
Jésus, les soutiens des magnats de la religion du Messie, les arbitres des
affaires de toutes les nations chrétiennes, revêtus des marques d'honneur
et de considération, comblés de gloire et d'équité.
APPENDICE 249
Nos très-chers honorés et très-sincères amis delà république fran-
çaise, que leurs fins soient lumineuses, et que Dieu les dirige dans la voie
du salut éternel !
A la réception de ce noble diplôme impérial vous soit notoire que les
liens qui unissent notre Sublime-Porte à la république française ne sont pas
succeptibles d'être relâchés par la main destructive du temps; que le mi-
roir de notre union ne sera jamais terni par le soufde impur de l'envie,
Que les lois de la bonne harmonie qui sont si religieusement observées
de part et d'autre s'affermiront de jour en jour sur des bases plus solides
encore; que depuis longtemps notre intention impériale est surtout d'éta-
blir des relations commerciales, qui sont les fruits naturels des traités et
de faciliter aux individus de ces deux puissances, dans leurs étals respec-
tifs des communications libres et avantageuses, en assurant partout leur
tranquillité; et qu'en conséquence, soit pour vous faire connaître nos vues
sur ce dernier objet et les mettre h exécution, soit pour étendre les rap-
ports existants de manière à consolider et à augmenter l'amitié et la
bonne correspondance qu'elles se sont vouées l'une à l'autre,
Nous avons fait choix d'un des cogiaghians de notre divan impérial,
serviteur distingué de notre Sublime-Porte qui a fuit ses preuves d'intel-
ligence, de droiture et de fidélité dans des affaires importantes de notre
empire, qui ont été confiées à sa capacité et à ses talents.
L'objet de Témulation des personnages constitués en dignité, la réunion
des perfections et des vertus, doué de toutes les faveurs divines, Seyd Ali,
dont la gloire soit éternelle, et l'ayant expédié vers vous en qualité de
notre ambassadeur après avoir ajouté à ses dignités la charge de bach
muhassébégi (contrôleur de nos finances), une des premières places de
notre gouvernement glorieux, nous lui avons remis cette lettre gracieuse
qu'il est chargé de vous remettre.
S'il plaît au Très-Haut à la réception de ce diplôme impérial, quoiqu'il
soit superflu d'expliquer que notre plus ardent désir est ainsi que le vôtre
de voir consolider de plus en plus et à perpétuité, |)ar des moyens réci-
proquement avantageux, cette amitié et celte estime qui subsistent dans
les deux peuples et qui ne peuvent être sujettes ii aucune altération ni
décroissement,
Cependant pendant la résidence de notre susdit ambassadeur auprès
de vous, lorsque vous connaîtrez les propositions amicales qu'en vertu de
sa mission il a reçu ordre de vous faire de la part de Notre Majesté impé-
riale, propositions relatives non-seulement h l'exécution du traité, et ten-
dantes encore à resserrer de plus en plus les liens de la bonne corres-
pondance, objet qui lui a été spécialement recommandé,
Nous sommes pleinement convaincus que vous vous empresserez de les
accueillir d'une manière convenable h la dignité des deux puissances, per-
250 APPENDICE
siiadés que les avantages inappréciables d'une union qui fait le bonheur
mutuel des deux empires, ne puissent que s'accroître de jour en jour par
la continuité de vos soins h. observer les devoirs de l'amitié et à rafTermir
les bases de la bonne harmonie.
Et tandis que vous aurez pour notre ambassadeur, destiné à résider au-
près de vous, les bons procédés et les égards dus h sa haute mission,
conformes à la dignité de notre Sublime-Porte et relatifs aux règles de
l'amitié qui se sont toujours observées à l'envie de part et d'autre;
Il serait superflu de vous assurer qu'avec l'aide du Très- Haut des
avantages incalculables seront de jour en jour le fruit de cette conduite
amicale.
Que dans nos États bien gardés ]es négociants, les voyageurs français
et tous ceux qui vous appartiennent seront, comme ils l'ont toujours été,
favorablement accueillis et efficacement protégés.
Salut sur celui qui suit la voie droite.
Traduit par moi, secrétaire interprète de la République française pour
les langues orientales, à Paris, le 4 thermidor an 5.
(Signé) Venture.
Pour copie conforme
Le ministre des relations extérieures
(Signé) Ch. M. Tailleyrand.
(M. Copie authentique.)
ItelitiOD^ rilérieures.
5867.
XLIV. — Dépêche de l'ambassadcDr Aubert Du Bayct an ministre
des relations extérieures, en date du S 4 mars 1999 (S 5 rania-
zan ISll).
Pour leDirectoire.
le IG floréal.
Le citoyen Au-
bert Du Bayet 8e
conformera aux
ordres nouveaux
qu'il reçoit.
Situation (lu gou-
vernement turc.
Extrait d'une dépêche du citoyen Aubert Du Bayet.
Constantiuople le h germinal an 5.
Aubert Du Bayet mande qu'il a reçu les dépêches du ministre, n°' 5 et
6, qui lui prescrivent de temporiser sur tout traité offensif et défensif
avec la Porte, ainsi qu^une très-grande circonspection dans les affaires de
la Prusse et de la Russie; mais il ajoute, que de son propre mouvement,
il avait depuis quelque temps dirigé toutes ses négociations sur ces nou-
velles bases. Il est d'ailleurs convaincu que nous ne devons avoir avec
les Turcs que des transactions de commerce ou de circonstances ; d'après
la situation de leur gouvernement profondément endormi dans le luxe
et la mollesse, et où l'autorité ne peut atteindre aux extrémités de l'em-
pire par l'indolence apathique du sultan et l'avarice des ministres, l'inex-
périence des généraux et l'insubordination, l'ignorance et la barbarie
des soldats.
APPENDICE '261
Le citoyen Aubert Du Bayet, dans un entretien avec le drogman de la D^^aration je la
Porte, en a eu l'assurance ([u'il avait été écrit de sa part à l'empereur Poite a rEmpc-
d'un ton très-ferme, pour lui notifier l'intention où elle était d'intervenir '^°^^'
dans la médiation aux conditions de la cei^sion entière de la rive gauche du
Rhin, sans parler de l'Italie, et que d'un autre côté, les termes d'amitié
où en était la république avec le roi de Prusse, avaient inspiré l'idée de
[■à\YQ proposer à ce monarque de se joindre étroitement avec la Porte,
pour accélérer le plus possible, la fin heureuse de celte négociation.
Le drogman ajouta que si déjà les troupes et les canons n'étaient pas
encore partis de Constantinople, il fallait en imputer la faute aux len-
teurs qu'occasionnait le Ramazan, époque d'intrigues et de cabales.
Ipsylanti est convenu avec le citoyen Aubert Du Bayet que le ministère ^^ Triumvint
suprême était entravé par le Triumvirat qui s'est emparé du conseil d'riseant les uf-
d'état, et que l'un de ses triumvirs, nommé Tchelehy-Effendi, avait con-
trarié l'établissement de nos artistes.
Le citoyen Aubert Du Bayet, de concert avec Ipsylanti, se propose de projet cVAubcrt
travailler à son exil, comme de rapprocher Acki, pacha de Romélie, du du Bayet do faire
. une rc'volution
Grand-Seigneur. dans le minisibre
Il va entreprendre une négociation dont les principes sont généreux, et ottoman.
dont les résultats seront extrêmement utiles à la république.
C'était à l'atelier de Pampelone que se passait l'entretien avec Aubert Plainte de du
Du Bayet, et celui-ci lui a fait sentir combien était odieuse la parcimonie parcimonie "ITe la
dont on usait envers les artistes et les arquebusiers dont une partie a été po^'s '!• l'egavd des
birtist&St
obligée de retourner en France, et l'autre, quoique retenue au service du
Grand-Seigneur, n'est pas payée. — Ces plaintes ont produit de faire
payer à l'atelier dès le lendemain un mois d'arrérages.
Aly-Effendi, ambassadeur près du directoire vient de s'embarquer sur °'^p'^'"'
. , » . * de l'ambassadeur
un tres-petit bâtiment. turc
Le citoyen Lesseps est retenu par les vents contraires aux Dardanelles p°'"' '^^"°<=2-
depuis vingt jours.
Le Capitaine-Pacha, après l'avoir attendu pendant plus de quinze mois,
l)ressé par la Porte, a donné la construction de son bassin à un i^uédois,
nommé Rode, venu exprès de Stokholm.
Le citoyen Aubert Du Bayet réclame contre une somme de G, 000 francs Réclamation de
qu'en vertu d'un arrêté du directoire on lui fait sur ses appointements, Duuayetsurune
'■ ri ■) retenue de (JOOOtr.
en faveur de trois officiers envoyés à Constantinople par Bonaparte.
Le jeune et malheureux prince Moiouzi, précédemment drogman de Assassinat a»
la Porte, a été impitoyablement assassiné en Chypre, lieu de son exil, pas jeune prince Mo-
des émissaires partis, dit-on, de Constantinople. '°"^' en^ci}pre.
(.E. Extrait originaL)
262
APPENDICE
XL¥. — Dépêche de l'ambassadenr Anbert Du Bayet an ministre
des relations extérieures (Talleyrand), en date du lO novem-
bre 1999 (%0 djémazinl-éwel t21S).
Pera lez-Constantinople le 20 brumaire,
an 6 de la république française une et in-
divisible.
Triplicata.
N» 4.
Secrétariat
général.
Le général Aubert Du Bayet, ambassades de la République française
près la Porte Ottomane, au ministre des relations extérieures.
C'est au moment même, citoyen ministre, où je pressais le plus vive-
ment la Sublime-Porte de répondre au projet d'alliance éventuelle et au
plan de campagne dont je vous ai fait part dans mes dépêches n"' 2 et 3,
qu'un courrier extraordinaire, expédié par le ministre ottoman à Vienne,
nous a appris que la paix avait été conclue le 17 octobre entre la répu-
blique française et l'empereur. Ce jour même, le réis-éfendi m'a fait no-
tifier oftkiellement l'intention où était la Sublime-Porte d'acquiescer à
mes propositions, si la paix n'était venue y mettre obstacle. Comme celte
dépêche ne sera point chiflrée, je m'abstiens de faire ici toutes les ré-
flexions dont ce texte deviendrait un sujet fertile. Nous ne savons pas
encore quelles seront les conditions du nouveau traité, mais le caractère
du directoire est pour moi le sûr garant des avantages de cette transac-
tion. J'avoue que, dans ma politique, la rive gauche du Rhin est
une limite à laquelle nous ne devons pas avoir renoncé. Je ne vous
parle donc plus de mon plan de campagne. Je pense qu'il faudra main-
tenant nous occuper essentiellement de nos transactions commerciales,
des changements et des modifications à faire à nos capitulations avec
la Porte, ainsi que de la confection d'un nouveau code consulaire, civil
et politique. Tout ici est à refaire. Ce sujet m'amène naturellement, etc.
{Signé) Aubert Du Bayet.
{M. Triplicata original.)
XLVI. — Instructions données à l'ambassadeur Brune par ordre
du premier consul Bonaparte, en date de Saint-CIoud le 18 oc-
tobre 180% (20 djémaziul-akhir 1S19).
1° L'intention du gouvernement est que l'ambassadeur àConstantinople
reprenne, par tous les moyens, la suprématie que la France avait depuis
deux cents ans dans celte capitale. La maison qui est occupée par l'am-
bassadeur est la plus belle. Il doit tenir constamment un rang au-dessus
des ambassadeurs des autres nations, et ne marcher qu'avec un grand
APPENDICE 253
éclat. Il doit reprendre sous sa protection tous les hospices et tous les
chrétiens de Syrie et d'Arménie, et spécialement toutes les caravanes qui
visitent les Lieux-Saints.
2° Notre commerce doit être protégé sous tous les points de vue. Dans
l'état de faiblesse oii se trouve l'empire ottoman, nous ne pouvons pas es-
pérer qu'il fasse une diversion en noire faveur contre l'Autriche, il ne nous
intéresse donc plus que sous le rapport du commerce. Le gouvernement ne
veut souffrir aucune avanie des pachas, et la moindre insulte à nos com-
merçanls doit donner lieu h des explications fort vives, et conduire notre
ambassadeur h obtenir une satisfaction éclatante. On doit accoutumer les
pachas et béys des différentes provinces à ne regarder désormais notre
pavillon qu'avec respect et considération.
3° Dans toutes les circonstances, on ne doit pas manquer de dire et de
faire sentir que, si la Russie et l'Autriche ont quelque intérêt de localité
à se partager les états du Grand-Seigneur, l'intérêt de la France est de
maintenir une balance entre ces deux grandes puissances. On doit mon-
trer des égards à l'ambassadeur de Russie, mais se servir souvent de l'am-
bassadeur de Prusse, qui est plus sincèrement dans nos intérêts.
h" S'il survient des événements dans les environs de Constantinople,
offrir sa médiation à la Porte, et, en général, saisir toutes les occasions
de fixer les yeux de l'empire sur l'ambassadeur de France. C'est d'après
ce principe que, le jour de la fête du prophète, il n'y a point d'inconvénient
à illuminer le palais de France selon l'usage oriental, après toutefois s'en
être expliqué avec la Porte.
En fixant les yeux du peuple sur l'ambassadeur de France, avoir soin
de ne jamais choquer ses mœurs et ses usages, mais faire voir que nous
nous estimons les uns les autres.
5° Le ministre de la marine a des ordres pour tenir toujours deux frégates
en croisière dans les mers de Syrie et d'Arménie et à Constantinople. Il
y aura également plusieurs avisos. L'ambassadeur s'en servira, dans les
circonstances nécessaires, pour s'entendre avec nos commissaires des re-
lations commerciales et protéger notre commerce.
6" Enfin, on désire que l'ambassadeur se procure des renseignements
très-exacts sur les différents pachaliks et en fasse part au cabinet. Il doit
même pousser ses recherches vers la Perse.
N" 12.
Expédié le
25/1 APPENDICE
XLVII. — Dépêche de l'anibassadenr Brune au premier consul
Bonaparte, en date du 20 juillet 1803 (30 rébiul-éwel 1218).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Therapia le 1" thermidor an 11.
Le général Brune, conseiller d'Etat, ambassadeur de la république
Française près la Sublime-Porte au premier consul Bonaparte.
Citoyen premier consul, depuis la dernière dépêche, etc.
L'ambassadeur ottoman m'a montré les présents qu'il est chargé de
l'^f thermidor par VOUS ofTHr : ils couslstent en trois selles et housses richement ornées,
lecoumcrBondy. ^^^-^^ clievaux et uue aigrette de diamants. Il y a des châles et des essences
en quantité pour madame lîonaparle. Le Grand-Seigneur a choisi lui-même
dans son trésor les diamants de l'aigrette, à laquelle on a maladroitement
adapté deux agrafes, croyant que cette sorte d'attache était plus conve-
nable à la forme de nos chapeaux. La valeur de ces présents est exagérée,
mais elle est effectivement très-grande dans l'opinion, puisqu'il est d'u-
sage de ne faire un tel présent qu'aux souverains, etc.
{Signé) Brune.
{M. Original.)
XLI'III. — Messaye du premier consul Bonaparte au Sénat conser-
vateur, en date do 16 janvier 1804 (3 chéwai 1218).
L'empire ottoman, travaillé par des intrigues souterraines,
aura, dans l'inlérèt de la France, l'appui que d'antiques liaisons, un
récent traité et sa position géographique lui donnent droit de réclamer.
XLIX. — Lettre du premier consul Bonaparte an citoyen Régnier,
en date du 24 janvier 1804 (11 chéwai 1218).
Les lettres de Drake paraissent fort importantes. Je désirerais que
Méhée, dans son prochain bulletin, dit que le comité avait été dans la
plus grande joie de la pensée que Bonaparte voulait s'embarquer à Bou-
logne, mais qu'on a aujourd'hui la certitude que les préparatifs de Bou-
logne sont de fausses démonstrations, etc. Le véritable projet, culant
qu'on en peut juger par ses relations extérieures, est l'expédition d'Ir-
lande, etc. Lne autre expédition est celle de la Morée, qui est décidé-
ment arrêtée. Bonaparte a /jO mille hommes à Tarente ; l'escadre de
APPENDICE 255
Toulon va s'y rendre; il espère trouver une armée auxiliaire des Grecs
Irès-considcrablo.
Il faul, etc.
L. — Lettre dn premier consul Bonaparte à ramliassadenr Brnnc,
en date de La inalniaison le 14 mars 1804 (3 zilhidjé 1318).
Citoyen général Brune, ambassadeur ci Gonstanlinople, Jaubert est por-
teur d'une lettre pour l'empereur. Elle est en français et en turc; ainsi
l'empereur la pourra lire sans la montrer h personne. Jaubert vous
montrera la copie (*). Procurez-lui les moyens de la remettre lui-même,
ou, dans tous les cas, faites comme vous jugerez à propos, pourvu que
l'empereur sache que celte lettre est de moi et qu'elle n'est que pour lui.
11 y a plusieurs jours que j'ai fait venir l'ambassadeur aux Tuileries; j'ai
causé avec lui dans le sens de ma lettre. Il y a huit jours qu'il a dû ex-
pédier son courrier pour en rendre compte. Faites savoir à l'empereur
que, quand il fera sa réponse, il vous la fasse passer directement. Vous
pourrez éviter la curiosité publique en disant que c'est une petite lettre
relative aux affaires de la conspiration. Vous aurez reçu les détails relatifs
à celte affaire, et le rapport du grand-juge. Quand vous lirez ceci, le tri-
bunal criminel de la Seine aura prononcé.
J'ai reçu votre lettre et l'ai lue avec grand intérêt. Ajoutez foi à ce que
j'ai écrit à l'empereur. Je désire soutenir l'empire; je désire qu'il puisse
reprendre un peu d'énergie ; et profitez de ma lettre pour, toutes les fois
qu'il sera nécessaire, communiquer avec l'empereur; il pourra désigner
un homme de sa confiance particulière.
Dans la position actuelle de l'Europe, ma direction est toute sur l'An-
gleterre. J'ai à Boulogne 1,000 canonnières et bateaux qui porteront
100,000 hommes et 10,000 chevaux.
Nous avons des nouvelles des Indes; notre escadre y est arrivée heu-
reusement et s'est réunie à l'escadre hollandaise. Elles font le plus grand
mal h l'Angleterre. Geylan est en pleine révolte, le roi fou, et l'Angle-
terre très-agitée.
La mission que vous avez est très-importante; soit que je marche sur
Londres, soit que je fasse la paix, elle aura encore une plus grande im-
portance.
(*) M. de Bielefeld, représentant de Prusse à Constantinople, était mal informé en
écrivant à sa cour, dans ses dépêches du 10 et 24 mai 1804, que le contenu de la lettre
du premier consul était resté un secret même pour l'ambassadeur Brune (v. Zinkeisen,
ï. VII); mais nous ne connaissons encore aujourd'hui ijue le sens de cette lellre (qui
n'est pas publiée dans la Correspondance de Napoléon I) par la réponse que Sélim III
y fit les mai l£04, et que nous donnons sous le numéro suivant (LI).
256 APPENDICE
Éclairez-nous le plus possible sur les affaires de la Perse.
Croyez à l'estime que je vous porte et au désir que j'ai de vous en
donner des preuves dans toutes les circonstances.
LI. — Lettre de Sélim III an premier consnl Bonaparte, en date
du 8 mai 1804 (27 moliarrem 1«19).
Au très-magnifique Bonaparte, premier consul de la République française.
Votre lettre amicale, non officielle et secrète, m'est parvenue en der-
nier lieu. — J'en ai compris mot pour mot le contenu. Les sentiments
qui y sont exprimés ont excité toute ma satisfaction et ont resserré les
nœuds de mon amitié.
Par un effet de l'attachement que vous portez à ma Sublime -Porte, et
pour me prouver toute l'étendue de votre sollicitude sur mes états, vous
me marquez que certaines personnes m'avaient fait craindre de votre
part des vues hostiles sur TÉgypte et sur la Morée, st que, de son côté,
ajoutant foi à ces insinuations, la Sublime-Porte s'était occupée de quel-
ques préparatifs.
Vous ajoutez qu'en réalité vous n'avez jamais eu de semblables projets,
et que vous comptez sur la plus parfaite sécurité.
Tel est le sens de cette partie de votre lettre amicale. Je m'empresse de
vous faire franchement la réponse suivante :
Indépendamment de ce que je m'occupe toujours de la situation et des
vues de ma Sublime-Porte, la considération et l'estime que je porte per-
sonnellement tant à la nation française, qu'à vous en particulier, accrois-
sent encore la bonne harmonie qui exista toujours entre mon empire et la
France, et que je reçus en héritage de mes glorieux ancêtres. L'évi-
dence de ces sentiments n'a besoin ni de témoins ni de preuves. Il en
est de même de la sécurité parfaite qui doit régner entre nos deux gou-
vernements et pour laquelle toute espèce d'explication est inutile.
Des dispositions de simple prévoyance, et qui, dans tous les temps, sont
un devoir de ceux qui gouvernent, ont fait imaginer à certaines per-
sonnes qu'elles étaient l'effet d'une inquiétude de notre part relativement
ù la France.
Il faut que ces personnes n'aient pas une connaissance approfondie de
l'état des choses, car les principes et les maximes de la Sublime-Porte,
depuis le premier instant de son existence jusqu'à ce moment, sont con-
nus de tout le monde. Elle ne se permettra jamais la moindre infraction
aux traités envers aucune puissance, mais, s'il se manifeste en quelque
lieu des vues hostiles contre elle, elle ne manquera pas de remplir l'obli-
gation où elle est d'user de représailles.
APPENDICE 257
Dans la situation des aiïaires de l'Europe, et en particulier dans l'équi-
libre actui^l, comme il circule dans le public toutes sortes de bruits, si les
liomm(^s (l'État ajoutaient foi h ces nouvelles mensongères, il on résulte-
rait une nullité ahsdiue d'opération dans la politique.
Grâces à Dieu, quant h la conservation de mes États, je n'ai jamais eu
aucune crainte et s'il était nécessaire de chercher dos preuves à l'appui
de cette asseriion, le nom])re en serait incalculable.
Entre autres ; si ces rumeurs eussiînt fait la moindre impression sur
mon esprit, aurais-je fait partir un de mes visirs, tel qu'Ibrahim pacha,
homme jouissant d'une position considérable à Scutary, sur les rivages
de l'Albanie, et pouvant au besoin lever une armée de cent mille horames
d'élite, pour l'envoyer au centie de la Romélie ?
En second lieu, ayant les i)lus grands égards et la plus entière con-
fiance au très-sincère général Brune, votre ambassadeur, s'il se fut élevé
le moindre doute, il lui aurait été demandé une explication amicale.
Une autre preuve encore que les inventeurs de ces bruits, témoins de
la bonne harmonie qui rè:ne entre la France et la Sublime-Porte, et
cherchant à jeter du trouble entre elles, forgeaient d'une part ces nou-
velles, tandis que de l'autre, h la faveur de pareilles annonces, ils s'em-
pressaient de vous persuader de choses sans fondement.
C'est que dans un article de votre lettre amicale il est dit : que déjà
votre ambassadeur éprouve de la Sublime -Porte un manque de considé-
ration.
Les devoirs de l'ancienne amitié qui nous lie, les obligations que nous
impose la paix, et d'un autre côté l'impulsion naturelle de notre carac-
tère", nous portant ci vouloir qu'on respecte non-seulement un tel ambas-
sadeur mais encore vos négociants, vos navigateurs et tout ce qui vous
appartient, qu'on appoite la plus sérieuse attention à terminer leurs af-
faires, comment un procédé contraire pourraii-il être autorisé?
Les intrigants de tous les pays sont dans l'usage d'occasionner du re-
froidissement et de jeter du trouble dans les gouvernements, par de sem-
blables rapports et par de telles calomnies. C'est une chose démontrée
par l'expérience.
Le général Brune a reçu des honneurs et des distinctions supérieurs h
celles dont jouissaient ses égaux, les autres ambassadeurs auprès de ma
Sublirae-Porte; il a été traité avec toutes sortes de marques de considé-
ration, taiit autorisées qu'interdites pur l'usage.
Contre l'étiquette de rai Sublime-Porte, il a eu quelques audiences du
grand-visir, mon représentant absolu, et même il a été particulièrement ad-
mis k ma présence impériale. Je laisse k la sagesse et à la perspicacité qui
vous distinguent éminemment le soin de discerner la vérité, et de vous as-
surer que ceux qui vous ont fait des rapports à ce sujet s'en sont écarté.^.
T. II. 17
05S APPENDICE
De même, ce que vous ajoutez relalivement aux ministres de ma Su-
Llime-Porte ne provient que de malentendus.
Ces ministres sont mes serviteurs éprouvés et fidèles, et chacun d'eux
est dévoué à mon service impérial. Ils sont par devoir amis de mon ami.
En conséquence de la considération et de l'estime que j'ai pour la nation
française et particulièrement pour votre personne ; de ma volonté su-
prême qui est que vos agents, vos négociants et tous les Français soient
protégés comme ils doivent l'être, tout le monde sait que les membres du
divan et les ministres de ma Sublime-Porte mettent tous leurs soins à
raoconiplissemenl de celte volonté.
Les clioses étant ainsi, ceux qui ont été calomnier auprès de vous
mon ministère n'ont fait que prouver de même la fausseté des bruits d'un
manque de considération envers le général Brune; c'est ce qu'il est de
votre sagesse de reconnaître.
Une pareille explication ne peut-être et n'est effectivement considérée
que comme l'effet de vos bonnes dispositions. D'ailleurs, si elle n'eut
point élé provoquée de votre part, jamais nous n'aurions pensé à vous
écrire sur ces matières, et il serait resté un nuage entre nous.
Nous regardons donc comme une chose très-heureuse qu'en réponse
à votre lettre amicale la vérité puisse vous être clairement exposée. Ce
qui sous ce rapport nous cause la plus grande satisfaction.
En réponse au conseil que vous me donnez de sortir de mon sérail im-
périal, pour marcher sur mes provinces de Romélie, j'ai résolu de vous faire
connaître qu'en voulant assimiler l'état actuel des choses à celui des pre-
miers temps de notre glorieuse dynastie vous ne trouverez aucun terme
de comparaison.
Dans ces premiers temps la résidence impériale était susceptible d'être
transférée d'une ville à l'autre, comme de Brousse à Andrinople, pour
répandre partout l'éclat de la puissance et de la souveraineté de notre
illustre maison ; pour s'assurer de plus en plus d'une égale soumission de
la part de tous leurs vassaux et d'une entière obéissance ci leurs ordres,
nos glorieux ancêtres étaient forcés de marcher en personne.
Mais, grâce au Très-Haut, les fondements de mon empire étant soli-
des, mes visirs et autres grands officiers qui sont établis sur les divers
points, étant des hommes sûrs, fidèles et allentii's aux moindres signes de
ma volonté impériale, je suis instruit de la conduite et de la situation de
chacun d'eux et surtout de ce qui concerne les armées, les habitants et
les sujets non-musulmans de mon empire, comme si j'étais sur les lieux.
Si par hasard il survient quelque désordre ou qu'un de mes vassaux se
révolte, ce n'est pas un de ces événements qui n'arrivent que de nos
jours; peut-être même n'est-il point de nations, parmi celles qui sonlre-
coinuies avoir une forme de gouvernement indépendante, chez laquelle il
APPENDICE '259
ne s'élève de temps en temps des rebelles qui troublent l'ordre public.
Dans l'empire ottoman, ceux qui se rendent coupables de pareils at-
tentats sont loujours atteints par le châtiment qui leur est dû; en effet,
vous avez dû apprendre qu'en dernier lieu, un grand nombre de ces .sédi-
tieux avaient été passés au lil de l'épée.
Il a été choisi, dans toutes les provinces, parmi nos ministres et autres
agents, des hommes capables, auxquels il est expressément recommandé
d'employer tout leur pouvoir, leur zèle et leur fidélité à gouverner avec
énergie les peuples qui leur sont confiés, de contenir et châtier les cou-
pables et de protéger les pauvres et les riches.
Celui d'entre eux, qui s'écarterait de ses devoirs, ou qui se permettrait
la moindre négligence h. les accomplir, attirerait sur lui les réprimandes
les plus sévères.
Non-seulement je me fais rendre compte de tout ce qui concerne les
pays soumis à ma domination, comme si j'étais moi-même présent h ce
qui se passe, mais même j'expédie en secret, sur les lieux, des hommes de
ma plus intime confiance.
Depuis mon avènement au trône du califat, je me suis attaché person-
nellement à instituer d'une manière nouvelle les anciens corps de trou-
pes, ainsi que le reste de l'armée.
Je les fais exercer au maniement des armes, instruire dans la tactique
et discipline, en sorte que l'accroissement de l'état militaire de mon
empire ajoute une nouvelle force à celle qu'il avait déjà. Je ne néglige
aucuns des détails relatifs à l'armement, l'approvisionnement et le recru-
tement progressif des troupes, k la construction des casernes, non-seule-
ment dans le lieu de ma résidence impériale, mais encore au dehors, enfin
à la nomination des généraux et des officiers.
Je m'en rapporte au récit des personnes instruites, pour vous informer
jusqu'à quel point ma sollicitude s'étend sur tous ces objets.
Chaque corps de troupes ayant des jours fixés par moi pour manœu-
vrer, je leur inspire une noble émulation en leur faisant faire l'ex^ircice
'd feu, en ma présence impériale.
Toutes ces dispositions ont été prises en très-peu de temps ; en un mot,
en considérant tous mes efforts pour affermir ma puissance sur terre et
sur mer, je vois avec plaisir que tous les conseils que vous me donnez
se trouvent parfaitement conformes à mes intentions.
La présente lettre amicale vous a été écrite particulièrement, de pure
amitié, et non d'oflîce, pour vous témoigner mon extrême satisfaction sur
cette conformité de sentiments, pour vous faire savoir que mon désir le
plus grand est de voir se consolider les liens d'amitié sincère et d'heu-
reuse harmonie qui subsistent entre nous, pour vous dire que le langage
et les procédés pleins de franchise de Séid-Huled-elendy, mon umbasia-
260 APPENDICE
dour à Paris (ayant rang de Bacli-Muhassebé) doivent être garants de
l'arcroissement journalier de mes senlimenis pour vous.
En recevant cette lettre, vous ne devez point douter qu'en même temps
que vous travaillez h effectuer et h affermir les bases de la paix, de noire
côié, nous mettrons tous nos soins pour ce qui peut contribuer à la ren-
dre durable.
{M. Traduction officielle.)
IJI. — Dépêche de ranibassadeni* Brnnc an premier consul Bona-
parte, en date du S 3 mai 1804 (11 sàfer 1319).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Constantiiiople le 2 prairial an 12.
N» 19. Le général Brune, conseiller d'Etat, ambassadeur de la République fran-
çaise près la Sublime-Forte au premier consul Bonaparte.
Citoyen premier consul,
Vous trouverez ci-joint n" 1 le procès-verbal de l'audience qui a eu
lieu pour la présentation du citoyen Jaubert et la remise de votre lettre
au sultan Selim. La réponse de ce prince, qui a été confiée au citoyen
Jaubert par le grand-vésir, est en grande partie l'ouvrage des ministres :
aussi est-elle pleine d'assertions fausses et contradictoires, comme vous
pourrez en juger par mon office au vésir et par le firman général publié
en conséquence de celte affaire. (Le ministre des relations extérieures
vous aura sans doute donné connaissance de ces pièces ; elles sont jointes
sous n°' 2 et 3.) Mais en même temps que vous verrez dans cette réponse
les tristes preuves de la sécurité dans laquelle le Grand-Seigneur est
entretenu par son ministère, je présume que vous aimerez le détiil qu'il
vous fait de ses efforts pour la formation d'une armée légulière. Cette
espèce de compte qu'il vous rend est un témoignage de son attachement
personnel à la France et de l'estime qu'il a pour Bonaparte. Nous avons
k présent la certitude que la vérité, quelles que soient les interprétations
des ministres, lui est parvenue et qu'il l'a entendue de vous, et, au fond,
il ne pouvait guère, sans quelque confusion, avouer cet exposé franc et
simple que vous lui présentez avec énergie, m lis dans le langage de l'a-
inilié. Vous lui avez montré les plaies de l'em|)ire, vous lui avez indiqué
les remèdes: s'il nie les maux, il y a peut-être autant de vanité souve-
raine que d'ignorance; nous pouvons toujours espérer que les remèdes
ne seront pas entièrement négligés.
J'ai été un peu ir.quiel ?ur les confidences qu'on aurait pu faire aux
Husses; mais en relisant votre leilre, j'y découvre une réserve si belle et
Al>l'KM)ICI': 261
une hauteur politique si bien conservée que je ne présume guère qu'on se
soit permis une telle làchelé sans but utile.
Le divan paraît éprouver une agitation à laquelle votre lettre doit avoir
beaucoup contribué. Le ministère a voulu se resserrer, s'unir davantage :
il y a eu des visites secrètes, des repas chez Jussuf-Aga, kiaya de la sul-
tann-nière. On a répandu que le vésir demandait sa démission. Le réis-
ofcndi montre depuis trois jours une j)hysiono:»jie inquiète. Ibrahim-
cfcndi, kiaya-bey ou ministre de l'intérieur, notre ancien ami, a vu deux
l'ois le sultan et s'est deux fois entretenu avec lui. Les Mouromi^ qui alTec-
taient une politesse de dérision, sont aujourd'hui d'une politesse souple,
presque basse.
L'ambassadeur Halet-efendi a expédié, etc.
(Signé) Brune.
(M. Original.)
annexe IV° 1.
Le citoyen Jaubert, premier secrétaire-interprète du gouvernement,
chargé de remettre une dépêche du premier consul au Grand-Seigneur,
étant anivé à Constnnlinople le samedi 1" floréal, an 12, le général Brune
r.ml)assadeur de la république près la Sul)lime-Porte, fit aussitôt demander
par le réis-efendi une audience qui fut fixée par S. IL au samedi sui-
vant. L'ambassadeur reçut l'invitation suivante du prince drogman de la
Poi le :
Monsieur l'ambassadeur, S. E. le réis-efendy rae charge de vous
écrire que Sallautesse, notre très-gracieux souverain et maître, désire que
vous veuillez bien venir avec rotficier qui vient d'arriver, pour présenter
à Sa Hautesse la lettre amicale dont ledit officier est chargé de la pirt du
premier consul.
J'ai l'honneur d'être avec la plus haute considération,
Monsieur l'ambassadeur,
De Votre Excellence
Le très-humble et très-obéissant serviteur
(Signé) Charles de Callimachy.
En conséquence, le samedi huit floréal, à midi et demi, l'ambassadeur
et le citoyen Jaubert se rendirent à la pointe du sérail, accompagnés du
citoyen Francliini, premier drogman de la légation française. Le prince
Callimachy arrivait dans le même moment, et un officier du palais atten-
dait le géiéral-ambassadeur et le citoyen Jaubert à la porte des jardins. Us
furent imniéiliateraent introduits par le seliktar-aga, et le bach tchohadar
dans un kiosk où se trouvait déjà le souverain.
262 APPENDICE
Ce prince était assis sur un sopha, le grand vésir était debout k sa droite,
ainsi que le hisler-aga, le seliklar-aga, le kliasnadar-aga, le bacli-lchoka-
dar, et d'autres grands officiers.
L'ambassadeur, le citoyen Jaubert et le citoyen Franchini étaient h. la
distance accoutumée, en face du sultan, qui les invita h deux reprises de
se rapprocher de lui.
L'ambassadeur, s'adressantk Sa Hautesse, s'exprima en ces termes :
«Glorieux et invincible empereur,
(( J'ai l'honneur de présenter à Votre Hautesse un officier français dis-
tingué par son grade, sa science et sa fidélité ; le citoyen Jaubert est
chargé de remettre k V. H. une lettre du grand et magnanime Bonaparte,
premier consul de la République française, votre véritable ami.
(( Je me trouverais heureux d'avoir de plus fréquentes occasions de renou-
veler de vive voix à V. H. l'expression des sentiments de vénération dont
je suis pénétré pour sa personne sacrée. Je prie le Tout-Puissant qu'il donne
à son règne toute la gloire et la longue durée que méritent ses vertus. »
Ces paroles furent fidèlement interprêtées par le drograan de la Porte.
Aussitôt le sulta nfit répondre par son grand-vésir ce qui suit :
(( Sa Hautesse voyant dans cette expédition un témoignage d'amitié de la
part du très-magnifique Bonaparte, premier consul de la République
française, en a éprouvé le plus grand plaisir. L'attention et les effurts de
S. H. sont portés de la manière la plus efficace à tout ce qui peut conso-
lider les liens d'amitié et de bonne intelligence entre la Sublime-Porte et
la République française. S. H. ne doute pas que le premier consul ne
soit animé des mêmes sentiments envers elle. »
Alors le citoyen Jauberl adressa, en turc, ces mots au Grand-Seigneur :
(( Le premier consul Bonaparte en faisant remettre directement cette
lettre à S. H. a désiré qu'aucune autre personne qu'Elle n'en prît con-
naissynce. ))*■
Le Grand-Seigneur répondit par le mot affirmatif O/sjm, c'est- ci-dire
que cela soit. La lettre du premier consul fut aussitôt remise par le ci-
toyen Jaubert à S. H., qui demanda ensuite au général-ambassadeur des
nouvelles du premier consul.
L'ambassadeur répondit en ces termes : a Le premier consul se porte
bien, et il fait des vœux pour votre prospérité. Votre Hautesse n'a point
de meilleur ami que lui. Il est agréable pour moi d'être auprès d'Elle
l'organe de ses sentiments, et d'avoir pu lui exprimer ce que j'éprouve
pour sa personne. »
Le Grand- Seigneur dit : « Bonaparte est mon ami. Je vois avec plaisir
l'antique amitié qui unit la France à l'empire ottoman s'aiïermir tous les
jours davantage. Je désire que rien ne soit négligé pour le maintien
d'une bonne harmonie entre les deux États. »
APPENDICE • 2 Go
S. H. demanda ensuite si la lellre était traduite.
Le citoyen Jaubert répondit qu'elle l'était.
S. H. reprit alors la parole pour témoigner en particulier au général
Brune la satisfaction qu'il éprouvait du choix que le premier consul avait
fait de sa personne pour résider auprès de la Sublime-Porte.
Elle donna, en mènie temps, des ordres pour qu'on fît voira l'ambassa-
deur et au citoyen Jaubert les jardins du sérail; elle se relira accompagné
du grand-vézir, après avoir mis la lettre du prem.ier consul dans son sein.
L'ambassadeur et le citoyen Jaubert descendirent dans le salon d'été,
avec le kisler-aga, le seliklar-aga et le khasnadar-aga.
Après les cérémonies et les politesses d'usage dans l'Orient, ils parcou-
rurent ensemble les jardins où ils rencontrèrent le grand-vézir qui les
ramena dans le salon d'été, et voulut obligeamment qu'ils prissent avec
lui le café, le sherbet et les parfums.
Dans tous ses discours Son Altesse manifesta des sentiments conformes
à ceux exprimés par son souverain.
L'ambassadeur ayant pris congé fut reconduit par les mêmes officiers
qui l'avaient accompagné.
Quelques jours après Son Altesse le grand-vézir fit prévenir le citoyen
Jaubert qu'il le recevrait au palais de la Sublime-Porte le samedi, 22 flo-
réal, et qu'il lui remeltrait la réponse de son souverain à la lettre du pre-
mitfr consul.
En conséquence, le citoyen Jaubert, accompagné du citoyen Franchini,
premier drogman de France, se rendit ce jour à cette invitation. Il fut
introduit par Gallimachy dans les appartements du grand-vézir qui l'ac-
cueillit avec les plus grands égards, lui témoigna dans sa conversation
combien il avait de vénération et d'attachement pour le premier consul,
et tirant de son sein la lettre du sultan, son maître, après en avoir baisé
le sceau, la confia au citoyen Jaubert, et lui dit que S. H. l'avait scellée
de sa main, et désirait qu'il la remit immédiatement au premier consul.
Le grand-vézir, en même temps, donna au citoyen Jaubert, de la part
de S. H., et comme gage de satisfaction, une tabatière enrichie de
brillants.
Après avoir pris congé du Grand-Seigneur, le citoyen Jaubert se rendit
chez le réis-efendi et ensuite chez le kiaya-bey ; ces deux ministres l'ac-
cueillirent avec distinction. Le capitan-pacha le reçut également d'une
manière distinguée et lui fit voir le port et l'arsenal.
Tous les officiers et agents de la Sublime-Porte ont témoigné dans cette
circonstance des sentiments parfaitement conformes à ceux que leur sou-
verain manifeste hautement envers le gouvernement français.
Pour copie conforme. i^i(jné) Brune.
{JE. Copie authentique.)
26 1 APPENDICE
Annexe 1\'" Z.
Le soussigné ambassadeur de la république française près la Sublime-
ve.uôsean iii, poj-te a l'iionneur d'adresser sous la forme d'office à S. A. le graiid-vézir,
— le résumé suivant des observations et des demandes qui ont fait la matière
de la conférence du jeudi, 17 de ce mois.
L'état actuel de nos relations politiques et commerciales dans l'empire
ottoman se trouve tellement en opposition avec les intérêts de cet empire,
avec les sentiments communs du glorieux sultan Séliiii et les assurances
données en son nom par V. A,, que j'ai pu présumer que vous n'en étiez
pas suffisaraent informé. J'ai voulu le faire connaître à V. A., et j'avoue que
les difficultés opposées à celte entrevue n'ont fait que me convaincre de
plus en plus de la nécessité de ma démarche.
Que fait-on ? — L'on arme avec éclat, tous les arsenaux sont en mou-
vement, on presse les levées d'hommes de toutes parts et toute cette agi-
talion guerrière se dirige, dans l'opinion, contre la France, on le dit
hautement. Vos officiers, vos soldats, vos magistrats, vos peuples endam-
niés par cette idée, oublient leurs devoirs, crient h la trahison ; dans un
grand nombre d'échelles, les Français sont insultés, raallrailés, pillés.
— Nos commissaires outragés, détenus ou forcés de quitter leurs postes.
Ne semble-t-il pas qu'on veuille amener les choses k ce point que la
France, excédée par les outrages et par le déni de justice, se trouve réduite
à rompre elle-même? — Certes, l'on parviendrait ain.si à donner de la
réalité à la plus absurde calomnie, car celle calomnie a déjà des effets qui
peuvent produire le plus juste ressentiment.
J'avais prévu, il y a plusieurs mois, et j'ai fait observer à plusieurs
re[,rises, l'enlraînement d'un tel étal de choses. — V. A. peut s'en
convaincre par le protocole des conféi*ences que j'ai eues avec le réis-
cfendy. — Elle verra avec quelle loyauté j'ai combatlu par le bon sens,
par Jiotre propre intérêt, par des preuves officielles eiifin, cette préten-
due invasion des Français, ap|)uyée sur un mensonge et sur un fuit.
savoir, un débarquement d'armes k Maynaet un rassemblement bi-Mi natu-
rel de nos troupes dans le royaume de Naples. — Il est inconcevable que
dans ces circonstances l'opinion ne se soit pas tournée contre les Anglais
qui par Malle et par leurs escadres peuvent ravir ou troubler plusieurs
contrées de cet empire. — Je dois rendre justice au ministère de la
Sublime-Porte. — Il n'a pas cessé de me montrer une pleine cor.fiance et
de me dire qu'il ne doutait pas de la fausseté des bruits répandus, mais
les événements de chaque juur viennent contredire tellement ces protes-
tations d'amitié, qu'il m'est impossible de ne |)as penser que dans quelque
pli de rautorité se trouve caché quelque dessein formel de nous donner
du mécontentement.
AIM'Ei\l)[CE '265
Je pourrais affliger V. A. par lo délai! de toutes les vexations que l'on
s'est permises. — J'ai réclamé contre les unes sans obtenir justice,
d'autres plus récentes seront incessamment exposée dans des notes
spéciales.
A Coron le commissaire français ne peut sortir sans être insulté.
A Pdtras, la cocarde nationale a été arrachée h un citoyi-n français.
— A Naples de Bomanie, le drapeau français a été criblé de balles, le
commissaire a pu se dérober aux poursuites des forcenés qui en voulaient
à sa vie, il est à Gonstanlinople : déjà son prédécesseur s'était retiré par
crainte et j'en avais prévenu le réis-efendy.
Le Vûïvode d'' Athènes viole les habilalions et les propriétés de nos
commerçants, il se répand en injures contre la France et son commissaire;
le citoyen Froment Champ-la-Garde, destiné pour le commissariat de
Candie, était resté malade ii la 6rtr/ee, les agas de cette ville l'ont forcé
d'en sortir (il est à Smyrne). — Ces mêmes agas se comportent envers le
citoyen Roussel de manière k lui interdire tout exercice de ses fondions.
— Il y a près de six mois que le commissaire aux Dardanelles, dont la
vie est menacée par llademzadé, attend l'effet de mes sollicitations et des
promesses du ministère pour retourner à son poste, celui (VBéraclée est
aussi à Cunstanlinople, il a été oulragé par l'aga de cette ville. Je ne
rappelle point h V. A. les attentats qui ont eu lieu à Alexandrie, ils
sont communs h presque toush^s agents des [)uissances européennes, mais
je lui dirai que les Anglais viennent d'insulter à la neutralité de cet
empire.
Un brick de guerre de cette nation s'est emparé d'un navire français,
mouillé dans le port de .]Jilo, ayant ses amarres h terre; cette conduite est
d'ailleurs conséquente aux intrigues qui viennent de replonger l'Egypte
(lacs de nouvelles discussions_, intrigues sur lesquelles j'avais fait des
observations et des ouvertures amicales à S. E. le réis-efendy. Ji; dirai
à V. A. qu'au mépris des firmans du Grand Seigneur, plusieurs Fran-
çais gémissent encore esclaves dans plusieurs parties de la Natolie et de
la R(unélie, que sous de frivoles prétextes l'on persiste k refuser des
bérats pour les commissaires de Rosette et de Varna, que l'on garde un
absolu silence sur la restitution des dépôts appartenant h la chancellerie
de France. — Je lui dirai enfin que presque partout les douaniers vexent
le commerce français par des séquestres, des avanies ou des taxations
absoUimeiit contraires h l'usage et aux capitulations. — Celui de Gonstan-
linople donnait, i! y a peu de jours, avec aiïeclaiion, en présence de nos
drcgraans, ses ordres pour le transport des objets nécessaires h la pré-
tendue déi'ense de laMorée.
Il répondait h nos réclamations que leurs marchandises auraient le
même sort que celles séquestrées avant la paix, et qu'il se donnerait le
'266 APPENDICE
plaisir de les mettre à l'enchère. — Cette conduite d'un agent de h
Sublime-Porte à Constanlinople n'est-elle pas, sans parler d'injustice ni
d'inconvenance, parfaitement propre à ratTerrair le peuple dans l'idée
d'une agression de la part des Français?
J'ai parcouru avec chagrin cette longue énuraération de griefs tous plus
ou moins injurieux, presque tous opposés aux démonetrations du ministère,
et contraires surtout aux sentiments de S. H. le glorieux sultan Selim,
comme h. ceux de V. A. — Gomment donc est-on parvenu à jeter la
Sublimi^Porte dans des voies si extraordinaires? — Il faut bien l'avouer;
c'est à l'aide d'extraits de libelles et de gazettes que l'on calomnie le
gouvernement français, que l'on inspire de fausses alarmes, que l'on sug-
gère de perfides conjectures, c'est avec ces armes honteuses que l'on
s'essaye sur le sort d'un grand empire. — Sans cesse on renouvelle la
mémoire de cette guerre dernière dont un serment d'amitié mutuelle a
consacré l'oubli. — Sans cesse l'on alTecte de confondre le premier con-
sul avec le général Bonaparte. — Gomme général, ce grand homme dont
la France et l'Europe s'honorent, obéissait alors au gouvernement alors
établi dans notre patrie. — Aujourd'hui il est chef de mon gouvernement.
— Il n'obéit qu'aux lois, qu'à l'impulsion de la raison et de la gloire
nationale. — Il dirige aujourd'hui les rapports de la France avec les puis-
sances étrangères ; autrefois il était dominé par l'instabilité de ces rap-
ports. — Gomme général, il n'avait que la responsabilité des batailles, et
quel guerrier peut se vanter d'une aussi riche moisson de gloire?
— Comme premier consul, il se charge encore de la responsabilité, des
motifs, et quelle guerre est plus légitime que celle qu'il soutient, forcé par
la violation des traités et par l'agression ?
Ainsi la Sublime-Porle s'estvue tourmentéeparlespréjugésdu passé, par
les mensonges du présent et par des alarmes sur l'avenir; on a trouvé
qu'il serait brillant en politique de faire rompre par elle-même le traité de
paix récemment conclu, traité qui otTre h l'empire ottoman des avantages
dont le temps doit faire de plus en plus ressortir l'importance. — Il
est inutile que je parle ici de la force de mon gouvernement, de ses
ressources politiques et militaires, il me suffit d'énoncer qu'une provo-
cation amènerait les conséquences les plus fâcheuses.
Pour jeter plus de clarté encore sur la nature des procédés actuels envers la
France, je crois pouvoir entretenir un instant V. A. de ce qui m'est person-
nel. Le choix que le premier consul a fait de ma personne pour résider h
Constantinople m'avait donné une vraie salisfaclioii , non que j'eusse des
titres ou du goût pour un emploi dans la diplomatie ; mais parce que
j'aviiis ciu n'avoir à suivre que des rapports de bonne amitié, et que la
franchise d'un soldat, un peu illustré sur les champs de batailles, suffisait
jjour représenter et la dignité et la loyauté de la république française.
APPENDICE '267
— Toutes mes démarches ont été une suite de celte persuasion. — Les
ministres de la Sublime-Porte peuvent me rendre le témoignage que
jamais je ne les ai tracassés par des suggestions, que je me suis scrupu-
leusement abstenu de tout ce qui a l'air intrigue, et môme de toutes deman-
des qui auraient pu êlre considérées comme faveurs particulières. Je me
sentis ami véritable des Ottomans, mes observations ont toujours eu pour
but la gloire et la puissance du sultan Sélim. Toutes les occasions de
maintenir la bonne harmonie, je les ai recherchées. Toutes les mauvaises
préventions que je voyais germer, je les ai attaquées par la raison, à
chaque grief, j'ai éclairé la Sublime-Porle par des notes exactes sur les
faits et sur nos droits. Le déni de justice aurait pu me déconcerter et j'aurais
pu me demander avec quelqu'impatience qu'elle était donc celte force
qui, n'osant montrer ses livrées ennemies, vous jetlait en avant comme
les enfants perdus de son ambition ou de sa haine. — Je suis au con-
traire resté caime, je me suis obstiné ci bien espérer de la sagesse de vos
derniers conseils.
J'avais promis de donner au sullan Sélim une preuve de ma vénération
et de mon attachement respecluenx pour son auguste personne, en solli-
citant de mon gouvernement des instructions et des pouvoirs sur des objets
que S. E. le réis-efendy m'avait dit intéresser particulièrement Sa Hau-
tesse ; ces objets élant relatifs h la prospérité du commenîe des deux
empires, appellaient par leur importance des formes lentes de discussion.
Le premier consul, pour donner au sultan Sélim une preuve de ses sen-
timents d'amitié, a fait hâter le travail et m'a honoré de pleins pouvoirs.
Mais quelle convenance y aurait-il d'enlàraer une telle négociation au
milieu d'apparences hostiles? — J'ai expédié un courrier extraordinaire
pour informer mon gouvernement de l'état des choses, et le prévenir
que, plein de confianee dans votre sagesse et votre loyauté, je demande-
rais à V. A. une entrevue pour dissiper tous les embarras et réparer
tous les maux qui ont résulté des conjectures actuelles. — Ce de-
voir est rempli. J'ai exposé brièvement et fidèlement h V. A. l'é-
tat de nos rapports; je la prie d'en faire part au vertueux et ma-
gnanime sullan Sélim, en assurant Sa Haulesse que personne ne désire
plus sincèrement que moi la prospérité et la longue durée de son règne
glorieux. — Il m'est inutile, je crois, de réclamer ici toutes les mesures
de détail que j'attends du travail que voudra bien faire S. E. le réis-
efcndy sur mes divers ofïices. Je me borne h demander à votre V. A.
deux firmans généraux dont elle sentira la nécessité et l'urgencç. — L'un,
qui proclame dans tout l'empire la fausseté des bruits sur la direction des
préparatifs de guerre contre la France et la continuation d'une amitié
sincère et sans nuage entre les deux Étals; l'autre, qui fasse sortir des
douanes nos marchandises injustement séquestrées et y rétablisse le res-
pect dû aux traités et aux capitulations impériales.
28 ventôse an 12.
268 APPENDICE
Ces deux mesures sont indispensablos et dans les règles de la justice la
plus ordinaire, car elles ne tendent qu'à la sûreté des personnes et des
propriétés des Français en Levant, et feront ressortir principalement la
bonne liariuonie qui doit exister entre la France et l'empire de Sa Hau-
tesse.
Le soussigné ambassadeur de la république franc lise, en adressant ce
résumé h S. A. le grand -vésir, le prie d'agréer l'expression des
sentiments de sa plus haute considération, et les vœux qu'il fait pour son
bonheur personnel, ainsi que pour la prospérité des états ottomans,
{JE. Copie officielle.)
Annexe K" 3.
Traduction d'un commandement impérial adressé à tous les juges et subs-
tituts de juges, commandants, notables et autres autorités constituées
dans las divers districts situés sur la côte d'Asie de la Méditerranée
dans toute son étendve.
(En caractère rouge.)
Extrait en conformité de Tordre donné de vive voix,
après les titres usités.
En conséquence de la paix conclue en dernier lieu entre ma Sublime-
Porte et la république française, l'observance des conditions stipulées
par elles devant êlre scrupuleusement préservée de toute espèce d'altéra-
tion, et tous les moyens employés à resserrer les liens qui les unissent.
Les négociants et navigateurs français qui vont et viennent pour leur
commerce diins mes états bien gardés, devant jouir de toute protection et
défense; et l'allération la plus suivie devant être donnée à ce qu'il n'arrive
rien de contraire aux traités et capitulations.
Tous ces ordres étaient connus; et au moment même où l'on voyait croî-
tre chaque jour l'amitié sincère qui règne entre les deux puissances, cer-
tains bruits mal fondés, des commentaires imposteurs et des propos dia-
métralement opposés aux sentiments qui se reportent véritablement l'une
à l'autre, s'étant répandus et propagés partou?, il en a résulté que dans
quelques endroits on va en déployant envers les commissaires, les négo-
ciants et les voyageurs français des procédés de froideur qui contrarient ii
la fois les capitulations et mes propres intentions;
Ce qui étant revenu à mon ouïe impériale, comme ma volonté suprême
est que les susdites rumeurs soient dissipées et détruites, les articles de
la paix convenus entre les deux puissances soient lidèlement observés,
et que tous les devoirs de l'amitié et de l'intimité soient remplis h l'égard
APPENDICE 269
des commissaires, des négociants et des voyageurs français, le présent
ordre a été expressément et décisivement donné et envoyé par
Lors donc qu'il vous sera notoire que je ne soudVirai aucune sorte de
mouvements qui s'éloigne tant soit peu des conditions de la paix et de
l'union qui subsistent entre les deux puissances, mais qu'au contraire
ma volonté absolue est que la protection due aux commissaires, négo-
ciants et autres Français qui naviguent pour leur commerce, dans nos
États bien gardés, leur soit accordée, et que l'on fasse défense et inhibition
à ceux qui contre les capitulations osent faire circuler les bruits et les
faussetés sus mentionnées ;
Lorstjue vous saurez que la bonne intelligence et l'amitié prennent de
moment en moment de nouveaux accroissements entre ma Sublime-Porte
et la république française, vous vous conformerez à mon noble comman-
dement en tenant la conduite tracée plus haut.
Vous veillerez à ce qu'il ne soit manifesté, par qui que ce soit, la moindre
froideur aux cummissaires, négociants et autres voyageurs français.
Vous donnerez tous vos soins à leur protection et h l'entière exécution
envers eux des conditions des traités et des devoirs de l'amitié, et vous
vous al)sliendrez de tout acte contraire.
Donné h Constantinople, la bien gardée, h la fin de la lune de zilcadé,
l'an de l'hégire 1218. (C'est à dire le 12 mars 180/,.)
Traduitpar moi, soussigné, interprète du palais de la légation française
à Constantinople, le 28 ventôse an 12.
[Même firman pour les autorités constituées de la Bomélie, de la Morée
et de V Albanie).
(Signé) Antoine Franxhini.
Pour copie conforme
(Siyné) Brune.
[M Copie authentique.)
LUI. — Lettre de Napoléon le*" an ministre des affaires étrangères,
en date de ISaint Clond le 6 juillet 1804 (36 rébiul-akhir 12I9j.
Monsieur Talleyrand, ministre des relations extérieures, Jaubert, 'ini
arrive de Constantinople, apporte quelques lettres de Champagny que j'ai
ouvertes. Vous les trouverez ci-jointes. Il a aussi pour M. de Cobenlzel
une lettre qu'il lui portera demain, étant extrêmement fatigué aujour-
d'hui. Le Grand-Seigneur m'écrit une lettre d'une douzaine de pages, qui
est une espèce de reddition de compte de la situation de son empire.
270 APPENDICE
LI¥. — Lettre de IVapoIéon I^'' ù l'ambassadeur Brnne, en date de
Pont-de-Briqucs le 3 7 juillet 1 804 (18 rébiul-akhir 1319).
Général Brune, mon ambassadeur à Constantinople, je vous expédie le
présent courrier pour vous donner des instructions sur la conduite à tenir
par rapport au cabinet russe.
J'ai reçu par le ministre de la Porte près de moi une nouvelle lettre du
sultan Selim. Elle est une réponse plus franche k la lettre que je lui ai
écrite. Je me réserve de lui écrire incessamment. A celte occasion, j'ai
dit à son ministre que la Porte se perdait par faiblesse ; que deux choses
l'effaceront du nombre des puissances, sans même l'honneur du combat :
1° de souffrir et autoriser l'établissement des Russes à Gurfou et de favo-
riser leur passage par le détroit ; 2" de permettre que les bâtiments grecs
de l'Archipel naviguent sous pavillon russe.
Vous aurez tenu note, sans doute, des troupes russes passées par le dé-
troit. Je ne pense pas qu'il soit passé plus de /t,000 hommes, qui, joints
aux 1,500 déjà passés, font 5 k 6,000 hommes. Quel est le but de celle
division ? 11 ne peut y en avoir qu'un, celui de s'emparer de la Morée et de
profiter du moinentoùje suis occupé de la guerre contre l'Angleterre, pour,
de concert avec l'Autriche, envahir la Turquie européenne ; et la Porte
est assez insensée pour laisser ainsi passer des troupes évidemment diri-
gées contre elle! Vous devez vous attacher à lui faire sentir que 6,000 Rus-
ses et quatre ou cinq fois autant ne peuvent m'inquiéter en Italie, où j'ai
100,000 hommes ; mais qu'au contraire 6,000 Russes peuvent être un
point d'ai)pui pour soulever la Morée, contenir les troupes de l'Epire,
dans le temps oii la Russie menacerait Constantinople; que nous ne pou-
vons pas assurer que ce parti soit pris par la Russie, mais que nécessai-
rement la Porte la conduira à ce projet, si elle continue k permettre
le passage aux troupes russes par le détroit; qu'enfin rien n'est plus
dangereux pour elle que de voir les Russes établis en force à Corfou;
que, pour ne point autoriser une pareille usurpation, j'ai retiré le chargé
d'affaires que j'avais à. Corfou, et que je ferai faire les représentations les
plus fortes dès que je pourrai connyîlre l'intention et les résolutions de
la Porle sur cet objet.
Quant au pavillon grec, le remède est bien simple : c'est de ne point
laisser passer le détroit aux Grecs sous pavillon non turc, de faire parcourir
par quelques frégates l'Archipel pour empêcher les Grecs de naviguer sous
ce pavillon. Si la Porte continue à agir autrement, toute la Grèce sera
russe et le Turc chassé, sans pouvoir môme soutenir une guerre.
J'ai rappelé liédouville après l'incartade de la cour de Pétersbourg,
qui a eue l'ineptie de porter le deuil du duc d'Enghien, sans tenir à lui par
aucune liaison de parenté, et sans qu'aucune famille tenant aux Bourbons
APPRINDICli 271
l'ait irailée. Je n'ai pu que retirer mon ambassadeur de Pétersbourg; mais
je pense que les choses ne peuvent aller plus loin, et qu'elles continueront
à rester dans cet état de froideur, vu que, le cabinet de Saint-Pétersbourg
étant extrêmement inconséquent, on ne peut attacher aucune foi à ses dé-
marches, presque toutes hasardées.
11 est convenable que vous soyez froid avec le ministre de Russie, et que
vous fassiez, dans toutes les occasions, apercevoir aux Turcs que je n'en
veux pas aux Russes, ni ne les crains. Vous pourrez môme vous expliquer
assez haut sur l'occupation de Corfoii contre le traité, sur la conduite
qu'on lient avec la Porte, ainsi que sur les hostilités dont on use envers
la Perse.
Notre situation avec l'Angleterre est des plus favorables. On ne se res-
sent point de la guerre en France, en raison de l'oppression où elle tient
l'Angleterre, et j'aiici autour de moi prèsde 120,001) hommes et 3,000 pé-
niches et chaloupes canonnières, qui n'attendent qu'un vent favorable
pour porter l'aigle impériale sur la tour de Londres. Le temps et le destin
seuls savent ce qu'il en sera.
Ne retenez pas mon courrier plus de huit jours, et par son retour fai-
tes-moi part exactement du nombre de troupes russes qui ont passé par
le détroit, des préparatifs des Russes dans la mer Noire, préparatifs qu'il
ne faut pas évaluer légèrement, mais qu'il faut approfondir autant qu'il
vous sera possible, enfin de la situation de l'empire ottoman et deses dis-
positions à votre égard.
L\'. — Lettre de Kapoléon I"" an seerétaîre-interprète Jauberf, en
date d'Ostende le 15 août 1804 1^8 djéuiaziul-éwel 1S19).
Monsieur Jaubert, rendez-vous auprès de l'ambassadeur turc. Faites-lui
comprendre que la Russie veut entrer dans des opérations contre la Tur-
quie, et qu'il doit donner ces renseignements chez lui, qu'on doit s'y tenir
en garde, et ne plus laisser passer de troupes russes. Surveillez M. Belle-
val, sachez ce qu'il dit et la manière dont il se présente.
LVI. — Lettre de INapoIcon I" à Sclini III, en date du 30
janvier 1805 {Z9 uhéwal 1%19J.
Très-haut, très-excellent, très-puissant, très-magnanime et invincible
prince, le grand empereur des Musulmans, sultan Sélim, en qui tout
honneur et vertu abonde, notre très-cher et parfait ami. Dieu veuille aug-
menter ta grandeur et hautesse, avec (in très-heureuse.
Toi, descendant des grands Ottomans, empereur d'un des plus grands
empires du monde, as-tu cessé de régner? Comment soullVes-tu que la
272 APPENDICE
Russie te donne (les lois? Tu refuses de me rendre ce que je te rends : es-tu
aveuglé à ce point surles inlérêts?Si la Russie a 15,('30homines à Corfou,
crois-tu que c'est contre moi? Ses bâtiments armés prennent l'habitude
de se présenlcr devant Gonstantinople : es-tu assez aveugle pour ne pas
voir qu'un jour, soit sous le prétexte de ramener en Russie les troupes
qui sont à Corfou, soil sous celui d'accroître ses forces, une escadre et
une armée russes, favorisées par les Grecs, envahiront ta capitale, et ton
empire aura cessé avec toi? Ta dynastie descendra dans la nuit de
l'oubli. Le réis-efendi te trahit ; la moitié du divan est vendue h la Russie.
La mort du capitan-pacha t'a privé de ton meilleur ami. Je l'ai prévenu
deux fois, jeté préviens une troisième. Chasse ton divan, puis ton réis-
efendi, et règnedansConslanlinople, ou tu le perds. Quant à moi, j'ai voulu
être ton ami. Si tu persistes à me refuser ce que la France a eu de, tout
temps, le premier pas à Constanlinople, si tu veux -rester servilement
soumis h. tes ennemis, je me mettrai aussi contre toi; je n'ai jamais été un
ennemi faible. Ton divan ne prend aucune mesure pour rétablir l'ordre en
E3:ypte et en Syrie; il laisse perdre la JMecque et Médine; il insulte à tes
amis et se prosterne et caresse tes ennemis de tous les temps. La Perse a
la guerre; elle est menacée par la Russie, et, loin de la secourir, le faible
divan, ou p'.ulôt les traîtres qui le mènent, ne savent pas même interve-
nir pour elle; ce n'est que contre moi qu'ils ont du courage. Je l'écris
donc à toi, tu es le seul ami que la France conserve dans le sérail, si tou-
tefois les hommes qui se sont emparés de toutes les issues de ton trône
permettent à ma lettre de l'arriver. Réveille-loi, Sélira. Appelle au minis-
tère tes amis ; chasse les traîtres ; confie-toi à tes vrais amis, la France
et la Prusse, ou iu perdras ton pays, ta religion et ta famille. Tes vrais
ennemis sont les Russes, parce qu'ils veulent régner sur la mer Noire, et
qu'ils ne le peuvent sans avoir Constanlinople; parce qu'ils sont de la
religion des Grecs, qui est celle de la moitié de tes sujets. J'attends ta
réponse, pour savoir ce que je dois penser et faire. Si tu ne gouvernes
plus, si tu es loul à fait à la disposition des ennemis de la France, je gé-
mirai sur l'aveuglement et la mauvaise politique du plus ancien allié de
la France; mais je comprendrai que le destin, qui t'a fait si grand, veut
détruire l'empire des Suliman,des Mouslapha,des Séliui; car tout change
sur la terre, tout périt; Dieu seul ne périra jamais. Sur ce, je prie Dieu
qu'il augmente lesjours de Ta Hautesseel les remplisse de toutes prospé-
rités, avec un très-heureuse.
Ton très-cher et parfait ami.
{Signé) Napoléon.
En mou château impérial des Tuileries, etc.
APPENDICE 273
I^VII. — Lrltrc de rninhaNsadciir ottoman (llalet-ér«>ndi\, à IVapo-
léon l'S en date du 21 février 1805 (2t zilcadé ISl»),
Sire,
Le cléparl duniaréclifil Brune de Conslnntinople ayant donné lieu à
mille sinistre conjectures sur les rapports heurcusen'ent existants er.tre
l'ea^piie français et la Sublime-Porte, j'en ai éprouvé la fâcheuse consé-
quence que les banquiers chaigés de me remettre, en cette ville, les ap-
pointements assignés, par mon très-gracieux maître, à la place que j'oc-
cupe rae refusent, dans ce moraent-ci, tout crédit à Paris.
Réduit îi la pénible nécessité de pourvoir aux besoins indispensables de
ma nombreuse suite, à qui pourrais-je m'adresser, sire, si ce n'est h Votre
Majesté impériale, auprès de laquelle j'ai eu le bonheur d'être nommé
ambassadeur delà Sublime-Porte, et qui avec une bonté égale à ses au-
tres éniinentes qualités m'a enhardi à recourir une autrefois, dans
un cas pareil, à sa haute protection ?
Si je n'y étais forcé par la plus dure nécessité, je n'oserais pas cer-
tainement réclamer encore une fois le secours de Votre Majesté.
Pénétré de reconnaissance par les dons généreux que j'ai reçus de Votre
Majesté, je la supplie aujourd'hui de permettre seulement à son ministre
des relations extérieures de me faire l'avance de soixante mille francs sur
une lettre de change que je m'offre à lui remettre, et que le directeur de la
Monnaie, à Constantinople, acquittera ponctuellement sur la somme de
50,000 piastres de mes appointements déjà échus, et qui se trouvent entre
les mains de ce ministre de la Sublime-Porte.
Accablé du chagrin que me donne l'apparence de refroidissement mani-
festé par le départ de l'ambassadeur français de Constantinople, je sens
encore plus vivement, sire, le poids de mes embarras domestiques, et je
n'aurais aucun sujet de consolation, si la bonté avec laquelle Votre Ma-
jesté n'a jamais cessé de me traiter n'était pas toujours présente à mon
esprit.
Je la réclame dans ce moment d'une véritable détresse, sire, en met-
tant à ses augustes pieds l'hommage des plus profonds respects, avec le-
quel j'ai l'honneur d'être,
Sire,
De Votre Majesté
Le très-humble et très-obéissant serviteur
{Signé) Sayd-Halet,
ambassadeur de la Sublime-Porte.
{M. Original.)
T. lî. i,S
•27^ Al'PHNDICE
LYIII. — Lettre de IVapolcon I'"^ au ministre des affaires étran-
gùres, en date de Saint-Cloud le SI mai 1800 (3 rébïul-éwel
tZ'il).
Monsieur de Talleyrand, remeitez-moi jeudi un rapport sur tout ce que
vous adit Franchini, et sur les moyens à prendre pour soutenir noire
crédit h Gonstanlinople. Je crois que le principal est d'y envoyer fré-
qiieuiment des nouvelles. Si vous n'avez pas encore expédié le courrier
que vous y envoyez, faites-le partir sur le champ; il pourra être porteur
dos lettres de l'ambassadeur. J'ai besoin d'entretenir avec Cunstantinople
de fréquentes coi'respoiidances, parce que si les Turcs venaient à se laisser
entraîner h de nouveaux torts envers moi, cela serait d'un mauvais résul-
tat pour mes affaires deDalmatie. Je désire donc que, si aujourd'hui votre
lettre au réis-efendi n'est pas partie, elle parte sans délai; vous annonce-
rez le général Sébastiuiii (*), et votre courrier prendra les dépêches de ce
ministre. Ecrivez à Berlin qu'on envoie donc quelqu'un à Constantinople.
Autorisez M. Rullin à lécompenser le gouverneur du château et l'Armé-
nien qui a bien traité .laubert, et les autres individus. Laissez-le maître de
faire là-dessus ce qu'il voudra.
LYIII. — Discours de l'ambassadeur extraordinaire IHouhib-cfendi
à son audience du 5 juin i80G (IH rébiul-é^vel i)231).
Sire, S. M. l'empereur de toutes les Turquies, maître sur les deux con-
tinents et sur les deux mers, serviteur Gdèle des deux villes saintes, le
sultan Sélim-Han, dont le règne soit éternel! m'envoie à S. M. impé-
riale et royale Napoléon, le premier, le plus grand parmi les souverains de
la croyance du Christ, l'astre éclatant de la gloire des nations occiden-
tales, celui quittent d'une main ferme l'épée de la valeur et le sceptre de
la justice, pour lui remettre la présente lettre impériale, qui contient les
félicitations sur l'avènement au trône impérial et royal, et les assurances
d'un attachement pur et parfait.
La Sublime-Porte n'a cessé de faire des vœux pour la prospérité de la
France et pour la gloire que son sublime et immortel empereur vient
d'acquérir, et elle a \oulu manifester hautement la joie qu'elle en ressea-
(*) Parti de Paris au mois de juin 1806, l'ambassadeur Sébastiani avait été ctiargé de
proposer ouvertume.nt à la Sublime-Porte l'alliaucc de la France contre la Russie et la
Grande-Bretagne. Ses instructions lui enjoignaient d'employer les moyens de persuasion
d'ubord, et, s'ils étaient infructueux, la menace pour faire rentrer la Turquie dans la
i-phère d'influence de la France. Si la guerre venait à se rallumer dans le iNord, il de-
vait brusquer une rupture entre la Porte et la Russie, et exciter la première à pruJiter
de l'occasion pour se jeter sur la Bessarabie et la Crimée, et recouvrer ces précinuses
provinces. \Lcl'ebvre, lliàl. des cabinets de l'Europe, etc. l^aris, l»47, tlU, p. 14, 16 )
APPENDICE 275
tait; c'est dans cette vue, Sire, ([ik; mon souverain, toujours magnanime,
m'a ordonné de nie rendre près du Irùne de V. M. iui|)ériale et royale, pour
la féliciter de votre avènement au trône, et pour lui dire([ue, les commu-
nications ordinaires ne suffisant |)as dans une pareille circonstaiice, il a
voulu envoyer un ambassadeur spécial, pour signaler d'une manière plus
éclatante les sentiments de confiance, d'attachement et d'admiration dont
il est pénétré pour un prince qu'il regarde comme le plus ancien, le plus
fidèle et le plus nécessaire ami de son empire.
Réponse de IVapoIéon.
Monsieur l'ambassadeur, votre mission m'est agréable. Les assurances
que vous me donnez des sentiments du sultan Sélim, votre maître, vont à
mon cœur. Un des plus grands, des plus précieux avantages que je veux
retirer des succès qu'ont obtenu mes armes, c'est de soutenir et d'aider le
pius utile comme le plus ancien do mes alliés. .Je me plais à vous en
donner publiquement et solennellement l'assurance. Tout ce qui arrivera
d'heureux ou de malheureux aux Ottomans sera heureux ou malheureux
pour la France. Monsieur l'ambassadeur, transmettez ces paroles au sul-
tan Sélim; qu'il s'en souvienne toutes les fois que mes ennemis, qui sont
aussi les siens, voudront arriver jusqu'il lui. Il ne peut jamais rien avoir
à craindre de moi; uni avec moi, il n'aura jamais à redouter la puissance
d'aucun de ses ennemis.
LIX. — Lettre de Napoléon V au ministre des affaires étrangères,
en date de l^aint-Cloud le 1 1 juin 1800 (34 rébiul-éwel l'i'îl).
Monsieur le prince de Bénévent, il est nécessaire de faire une réponse
à la note du ministre de Russie, du 30 mars, que vous remettrez h l'am-
bassadeur de la Porte qui est ici. Il nous sera facile de démontrer que la
Russie ne parle pas comme une puissance amie ou alliée, mais comme
une puissance souveraine; que s'il est vrai qu'elle veuille si fort la con-
servation de l'empire ottoman, pourquoi ne cesse-t-elle pas de secourir
les Serviens par des exhortations et de l'argent? Et si son zèle pour les
intérêts de la Porte est tel qu'elle fait un plan de campagne contre la
France, qu'elle suppose vouloir attaquer la Porte, que n'envoie-t-elle un
corps de 3 à Zt,00l) hommes contre les Serviens? Cette simple démons-
tration leur ferait voir qu'ils n'ont rien à attendre des Russes et épargne-
rait beaucoup de sang. Mais la Russie ne prend pas elle-même la j)ein(;
de masquer ses intentions. Est-ce une simple intervention en faveur des
paysans? Mais ne sait-on pas que c'est un acte d'hostilité que de soutenir
des sujets en révolte contre leur prince? Lu Russie ne devrail-c-lly pas
'27G APPENDICE
dire aux Serviens : Si vous êtes prêts à poser les armes à livrer les chefs
qui vous ont égarés, à rentrer dans l'ordre, jevous obtiendrai de la Porte
l'oubli du passé? Au lieu de cela, qu'ose oiïrir la Russie? De proclamer
l'indépendance de la Servie. C'est là justement le but de la révolte souf-
flée parmi les Serviens. C'est le développement du grand plan médité de-
puis longtemps de pousser ainsi les Ottomans du côté de l'Asie. Si les
Grecs de Servie obtenaient ce qu'ont obtenu la Moldavie et la Valachie,
l'indépendance, la Morée et les autres parties de l'empire turc, oii il y a
une si grande quantité de Grecs, aspireraient au même dessein, et par
là la chute immédiate de l'empire ottoman serait opérée. Ainsi donc la
Russie, pour cacher les véritables actes d'hostilité qu'elle commet a trouvé
justes les propositions des Serviens. Encourageant leur révolte, elle ose
demander, à la puissance qu'elle appelle son amie et son alliée, son dés-
honneur et le sacrifice de ses intérêts.
Le reste de la note du ministre de Russie relative à la Valachie prouve
tout aussi bien le ton que prend la Russie envers la Porte. De quel droit
la Russie se raêle-t-elle des affaires de la Valachie? La Valachie appartient-
elle à la Russie ou appartient-elle à la Porte ?
Quant aux prétendues notifications à l'Autriche, cela est si absurde
qu'il n'y a pas d'observation à faire.
Les Serviens et les ennemis de la Porte n'ont aucune intelligence avec
la France ; elle est trop prudente pour soutenir des rebelles. Si les Ser-
viens s'adressaient à l'empereur des Français, il en instruirait la Porte et
ne les écouterait qu'autant qu'ils poseraient les armes, qu'ils livreraient
leurs chefs et rétabliraient les choses comme par le passé. Par cette con-
duite différente des deux puissances, la Porte peut juger oii sont les véri-
tables amis. Faites enfin une note Irès-détaillée là-dessus, que vous en-
verrez à M. Ruffin, pour qu'il la présente de son côté avec quelques va-
riantes. Faites entrer dans celte note un résumé des nouvelles de janvier.
Retracez la conduite des Russes avec les Turcs, appuyez sur les Grecs qui
naviguent sous pavillon russe, ce que la France n'a jamais exigé pour
elle.
L,X. — Lettre de IVapoléon I<^^ an ministre des affaires étrangères,
en date de l^iaint-Cioad le 19 juin 1806 (3 rébiul al<:hir t2'£t).
Monsieur le prince de Bénévent, voici la réponse à faire à la lettre
d'Ali-Pacha : que ses bonnes dispositions me sont connues ; que j'ai reçu
avec pliiisir son sabre ; que je suis ami de la Sublime-Porte, et que je le
distingue ; qu'il faut s'étudier h dompter les Serviens et à contenir les
Grecs, qui sont les véritables auxilaires de la Russie ; qu'il peut compter
sur ma protecliou ; qu'ayant envoyé une partie de mes flottes dans les
APPENDICE 277
grandes Indes, et ayant besoin des autres pour faire une descente en
Angleterre, je ne puis envoyer dans Corfou une (lotte égale h colle des
Rnsses et des Anglais, mais qu'il ne faut rien précipiter ; que la Russie
s'est résolue h me remettre les bouches de Cattaro ; que, par ce moyen,
je serai à portée de lui fournir tous les secours possibles ; que ses bi\-
timents seront toujours bien accueillis dans mes ports, et que j'ordonne
que des présents soient faits à ceux qui ont bien traité mon corsaire
L'E toile-de-Bonaparte. Il faudra s'entendre pour cet objet avec M. Ma-
rescalclii, k la disposition duquel j'ai mis 60,000 fr, pour présents à
faire. Vous écrirez dans ce sens à M. Pouqueville, et vous lui ajouterez
que, si jamais Corfou tombe en mon pouvoir, je ne pourrai le confier à
une meilleure garde i\ah. celle d'Ali-Pacha. Il faut que ma lettre et les
instructions soient rédigées de manière que, si elles étaient soumises à la
Porte, elle n'y trouvât rien à dire, car cela ne me paraît pas si clair qu'à
mes agents, et je crois qu'Ali-Pacha communique beaucoup de choses à la
Porte. J'ai envoyé la copie de ma lettre au sultan Sélira, à M. Maret, pour
qu'il la fasse transcrire dans la forme usitée. Vous la ferez traduire en
turc.
LXI. — Lettre de ISapoléon I" à Sélim III. en date de 8aInt-Clond,
le SO juin 1806 (3 rébiul-akhir 1S21).
Nous avons reçu, de la main de votre envoyé extraordinaire, la lettre
que vous avez voulu nous écrire. Nous l'avons entretenu longuement el
secrètement sur les vrais intérêts de votre empire ; nous lui avons fait
connaître que nous étions résolu à employer toute notre puissance à
mettre un obstacle aux desseins de l'ennemi de la Sublime-Porte. Par
celle-ci, nous voulons lui en donner h sa propre personne de nouvelles
assurances. Nous espérons que V. H. voudra que nos sujets soient traités
dans ses états comme les sujets d'une puissance son alliée depuis trois
cents ans, et de la nation la plus favorisée. Et si V. H. veut nous permettre
de finir par un conseil, nous lui dirons que les vrais intérêts de son em-
pire veulent qu'elle ne laisse intervenir aucune puissance étrangère dans
ses discussions avec les Serviens, qu'elle doit employer les moyens les
plus vigoureux pour soumettre ces rebelles, qui sont excités et encoura-
gés par la Russie ; la demande qu'elle a faite de leur accorder l'indé-
pendance le prouve assez.
Quant à la Moldavie et à la Valachie , si V. H. veut que ces provinces
ne lui échappent pas, elle doit saisir toutes les occasions favorables d'y
rappeler les anciennes maisons ; les princes grecs qui les gouvernent
actuellement sont les agents des Russes. A ces mesures elle doit ajouter
celle d'empêcher les lùliinents russes de passer le Bosphore, el de ne
278 APPENDICE
point permettre qu'aucun bâtiment grec navigue sous pavillon russe. Que
V. [I. méprise les menaces de ses ennemis, qui ne sont pas aussi redou-
tables qu'ils veulent le faire croire, et qu'elle compte, dans toutes les
circonstances sur notre assistance. C'est le seul prix que nous attachons à
la possession de la Dalmatie et de l'Albanie.
Nous avons donné ordre à notre ambassadeur, en qui nous avons pleine
confiance, d'employer ses talents et son éloquence à convaincre V. IL des
sentiments d'amitié et d'estime qui nous animent pour elle.
LXII. — Lc«re de TVapoK'on I" au prince Eugène, en date de iSaint-
Cloud le 28 juin 1806 (11 rébinl-akhir 1231).
Mon fils, les deux bataillons de ma garde royale qui ont été k Vienne
forment un assez beau corps ; mais, à la grande armée, ils n'ont pas eu
l'occasion de tirer un coup de fusil. Il serait peut-être convenable de
profiter de la guerre des Monténégrins pour les aguerrir. Je vous laisse
donc le maître, si vous ne voyez point d'objections, de faire partir un de
ces bataillons, complété à 800 hommes, pour l'Albanie. Vous aurez soin
qu'il y ait autant déjeunes gens que de vieux soldats. Ce serait un renfort
que je prévois pouvoir être utile en Albanie, où il y aurait alors
2,/iOO Italiens, sans comprendre lescanonniersel les sapeurs. Ce devra être
votre affaire d'expédier, au moins tous les quinze jours, un détachement
d'une centaine d'hommes pour les recruter, de manière à les tenir tou-
jours au complet. Envoyez un général italien i)Our commander ces deux
bataillons sous les ordres du général Laudston. Si le général Pino ne peut
pas marcher avec cette colonne italienne, envoyez-y le général Lechi, que
le roi de Naples a renvoyé, et qui est plus accoutumé à la guerre que les
autres généraux italiens. Je suis obligé de garnir beaucoup de postes ; il
faut donc augmenter mon armée italienne pour que je puisse employer
quelques bataillons italiens dans la Dalmatie et dans l'Albanie. Ils s'aguer-
riront dans les affaires journalières qu'ils auront avec les Monténégrins.
Dans tout le pays de Venise, il doit être facile de lever des bataillons, car
je prévois que je vais faire revenir en Italie les quatre corps italiens que
j'ai h l'armée de Naples, afin de les compléter ; et avec eux et les nou-
velles troupes que vous lèverez je veux soutenir la Dalmatie et l'Albanie,
cl faire la guerre aux Monténégrins.
LXIII. — Lettre de Napoléon l^*^ au prince Eugène, en date de
Saint-Cloud le 3 juillet 1806 (15 rébiul-akhir 1221).
Mon fils, il paraît que le général Lauriston se laisse bêtement enfermer
par 3 ou /4,000 Monténégrins ; s'il avait marché sur eux avec toutes ses
troupes, il les aurait culbutés et leur aurait donné une bonne l(ç;in. S s
Al'I'ENrilCI-: '.179
lettres ne montrent pas un caractère bien décidé. De qui peut-il sl'
plaindre si les forces ne sont pas réunies? Pourquoi n'a-l-il pas raarclié
avec toutes ses troupes? Recommandez au général Molilor de marcher
h fon secours et de lui faire passer tous les moyens pos.iibles. Désormais
il n'a plus rien à craindre pour la Didmatie.
LXI%'. — Lcflrc de I\'apoI<^on I" an ministre des afTaires éfrangt^res,
en date de Saint-llond le 2M juillet l^OU (11 djémaziul-cwcl
1221).
Monsieur de Talleyrand, vous ferez connaître h l'ambassadeur otto-
man que les Monténégrins ont violé le territoire turc par la faute du
commandant du petit fort turc de Zarina, près de Ragusii; vous deman-
derez la destitution de ce commandant, et en même temps qu'il soit en-
voyé un nouveau qui ail ordre de bien s'entendre avec les généraux
français. Vous demanderez qu'une force de 1,000 h 1,200 Turcs soit en-
voyée pour défendre le territoire ottoman contre les violations des Mon-
ténégrins et contenir les Grecs du district de Trébigné, qui se sont dé-
clarés contre les Français et les Turcs. Si la Porte le désire, je ferai payer
ces 1,200 hommes en leur donnant une bonne paye par jour k chacun.
Demandez le renvoi du pacha de Trébigné, et en même temps que son
successeur ait des ordres pour agir de concert avec les Français; enfin
qu'il soit envoyé au pacha de Sciiiari des ordres pour s'entendre avec les
Français et coopérer à la réduction des Monténégrins. Demandez qu'on
témoigne de la satisfaction au petit pacha d'Ulovo, qui s'est bien conduit
envers les Français. — L'ambassadeur turc pourra envoyer ses dépêches
par le courrier extraordinaire que vous enverrez aussitôt au général
Sébasliani, que vous chargerez de presser vivement l'exécution de toutes
ces demandes relatives aux divers petits pachas de l'Herzégovine.
LXV. — IVote (*) de l'anihassadetir S^hastiant à la ^nhlîmc-Porte, en
date du 1» septembre 1806 (3 rédjeb 1221).
Le soussigné général de division, ambassadeur de S. M. l'empereur des
Français, roi d'Italie, a l'honneur de soumettre à S. E. le réis-efendi les
réflexions suivantes :
Il a été informé d une manière indirecte, mais positive, que la légation
de Russie a présenté à la Sublime-Porte une note où il est dit que l'em-
pereur de Russie a refusé de ratifier le traité de paix signé à Paris par
son plénipotentiaiié. Ce refus place l'Europe dans la même situation où
elle était il y a six semaines, mais il dévoile les projets de la Russie. Le
{') Traduction de 1 anglais.
280 APPENDICE
traité de paix stipulant l'indépendance des Sept-Iles, stipulation qui éloi-
gne les Russes de la Méditerranée oii ils se sont établis pour attaquer
l'empire ottoman sur divers points, ne pouvait être accepté par eux.
La république de Raguse a été rendue k son ancienne indépendance
sous la protection de la Sublime-Porte; cet arrangement est contraire aux
vues des Russes, parce qu'il les empêche de conserver leurs intelli-
gences avec les Monténégrins et les rebelles Servlens.
C'est, sans doute, l'article stipulant l'indépendance de l'empire otto-
man, et l'intégrité de son territoire, qui a motivé le rejet de la paix à
Saint-Pétersbourg. La Russie a compris qu'elle ne pourra plus s'emparer
des provinces de l'empire par la force des armes, comme elle s'est em-
parée de la Crimée, ou les extorquer en temps de paix, comme elle a
extorqué la Géorgie et le passage des Dardannelles.
Le traité de paix, enfin, laissant les Français en Albanie et en Dal-
matie, place sur les frontières de la Turquie son plus ancien allié et son
plus fidèle ami, qui est toujours prêt à la défendre. Tels sont les motifs
déterminants du refus du cabinet de Saint-Péiersbourg.
Je ne me laisse pas aller à de vaines déclamations, je vous soumets
des faits : je vous supplie de les peser avec toute l'attention qu'ils mé-
ritent.
Si, dans ces circonstances difficiles, la Porte n'apprécie pas au juste ses
dangers et sa force, si elle ne prend pas la résolution qu'exigent ses
intérêts, j'aurai peut-être bientôt à plaindre son sort !
Le soussigné a reçu les ordres les plus positifs de S. M. l'empereur des
Français, roi d'Iialie, de déclarer à la Sublime-Porte que non-seulement
les principes d'amitié, mais aussi ceux de la stricte neutralité exigent que
le passage du Bosphore soit fermé aux bâtiments de guerre russes, ainsi
qu'à toute autre navire de ceite nation chargé de troupes, de munitions
ou de vivres; et que la Sublime-Porte ne pourrait leur laisser ouvert ledit
passage sans commettre un acte d'hostilité envers la France, et sans
autoriser S. M. l'empereur Napoléon-le-Grand à passer par le territoire
de l'empire ottoman pour combattre l'armée russe sur les bords du
Dniester.
Le renouvellement ou la continuation de l'alliance avec les ennemis de la
France, comme l'Angleterre et la Russie sera non-seulement une violation
manifeste de la neutralité, mais aussi une participation de la Sublime-
Porte à la guerre que ces puissances soutiennent contre la France, et
S. M. se verra obligé d'adopter des mesures conformes h ses intérêts L't
à sa dignité.
La Sublime-Porte ne peut pas entretenir des rapports avec deux mis-
sions de Naples, et S. M. reni])ereur des Français ne saurait toléier que
son auguste frère, Napoléon-Joseph, roi de Naples et des Deux Siciles, ton-
APPENDICE 281
contre ici des difliculiés qu'il n'éprouve d'aucune autre puissance amie
de la France.
S. M. l'empereur a une forte armée en Dalmatie : cette armée se trouve
réunie pour la défense de l'empire ottoman, ii moins qu'une conduite équi-
voque de la Sublime-Porte ou une condescendance envers la Russie et
l'Angleterre, qui la mettrait en leur pouvoir, n'oblige S. M. l'empereur
des Français de faire marcher ses lorces formidables dans un but entière-
ment opposé à celui qu'il a en vue.
S. M. a ordonné au soussigné d'exposer ces demandes k la Sublime-
Porte de la manière la plus amicale, mais la plus émM'gique, afin d'ol)tenir
d'elle une réponse par écrit, et il faut espérer que cette réponse sera posi-
tive et catégorique.
Aucun délai ultérieur ne peut être accordé, et S. M. ne doute point
que la Sublime-Porte ne veuille lui donner les assurances qu'il désire et
qui sont en si parfaite harmonie avec les intérêts de l'empire ottoman.
Le soussigné ne veut pas faire ici un vain exposé des forces formi-
dables du grand Napoléon : ses amis en connaissent l'importance, ses
ennemis en ont éprouvé les effets.
Le génie de son Auguste maître est bien connu; ses résolutions sont
sages et promptes, son attachement pour S. H. est sincère. 11 ne cherche
que l'indépendance, l'intégrité et la gloire de la Turquie. Une désire rien.
Il ne demande rien. Que de motifs puissants de s'unir à lui ! Quelle rai-
son y aurait-il, d'autre part, de craindre la perte de sa bonne volonté, de
sa bienveillance en adoptant une Jigne de conduite timide, incertaine et
hostile? Dans ces circonstances, la réponse de la Sublime-Porte réglera
la conduite de mon augusts maître. Que les ennemis de la France n'en
imposent point à la Sublime -Porte; ses ennemis ont été vaincus et ils le
seront toujours. Le grand Napoléon emploiera toutes ses ressources pour
la gloire de S. H. Sélim III, et si ses ressources sont immenses, son génie
est encore plus giand.
La présente note est assez importante pour être soumise à la profonde
sagesse de S. M. l'empereur Sélim III, et V. E. est priée de profiter de la
plus prochaine occasion de la mettre sous ses yeux.
Le soussigné prie S. E. le réis-efendi d'agréer, etc.
LXVI. -- Lettre de IN'apoIcon I" à Séliiu III, en date de Berlin le
il novembre 180G 29 chàban 1231).
Très-haut, très-excellent, très- puissant, très-magnanime et invincible
prince, grand empereur des Musulmans, sultan Sélim, mon très-cher et
parfait ami. Dieu veuille augmenter votre gloire et Hautesse, avec fin très-
heureuse!
282 APPENDK^E
Le jour même où vos ennemis vous redemandaient la Moldavie et la
Valachie, en vous parlant de mes désastres, je remportais h léna une mé-
morable victoire, et je marchais h d'autres triomphes. Les armées de
Prusse sont détruites ou prisonnières. Tout le pays est à moi. Je suis h
Berlin, à Varsovie. Je poursuis avec 300,000 hommes mes avantages, et
je ne ferai la paix que lorsque vous serez rentré en possession de vos
principautés par le rétablissement des deux hospodars Callimachi et
Alexandre Suzzo. Reprenez confiance. Les destins ont prorais la durée de
votre empire; j'ai la mission de le sauver, et je mets en commun avec
vous mes victoires. Le moment est venu où la Sublime- Poi te doit retrouver
son énergie et faire marcher ses armées pour couvrir Bender, Choczim,
toute la ligne du Dniester. Je sais que les Russes retirent leurs forces de
celte frontière; ils se dirigent sur moi; je les cherche et vais au-devant
d'eux. Ne balancez plus; ils ne vous trompent que par impuissance. Ils se
faisaient livrer vos provinces; la valeur ottomane doit les fermer.
Sur ce, je prie Dieu, très-haut, très-excellent, très-puissant, très-ma-
gnanime et invincible piince, notre très-cher et parfait ami, qu'il aug-
mente les jours de Votre Hautesse et les remplisse de toutes prospérités,
avec fin très-heureuse.
Ecrit en notre château impérial, à Berlin, etc.
LXTII. — Lettre de •Sélim III à IVapoIéon I", en date du 30
novembre 1806 (19 ramazan 1S3I).
Très-majestueux, très-puissant, très-auguste empereur et padichah de
France, notre grand ami Napoléon.
L'affection pure et sincère qui , depuis un temps immémorial subsiste
physiquement et naturellement entre nos empires, restant concentrée dans
le fond de nos caractères personnels, et leur parfaite conformité par une
suite de l'identité de nos bonnes intentions parvenues au point d'éclore,
prenant chaque jour plus de consistance, il était évident depuis une cer-
taine époque, que notre désir et notre attente réciproques tenilaient simul-
tanément à ce que les fruits salutaires de l'arbre de ramitiô, si heureuse-
meni planté dans nos cœurs, vinssent enfin orner ie plateau du grand jour;
surtout à la suite de la non-ratification du traité bien connu, qui avait été
signé k Paris, nos yeux, comme il a été notifié par écrit b. Votre Ma-
jesté impériale, étaient fixés sur l'apparition inuninente des consé(iuences
propres h la solution de l'affaire et que nous attendions de l'élévation
généreuse de son zèle, lorsque nous avons appris de nos agents (|u'elle
même à la tête de ses invincibles guerriers, poursuivant avec célérité son
premier objet, avait marché sur Berlin, que les armées qui s'étaient pré-
sentées devant Sa Majesté impériale n'avait pas pu soutenir l'iuipéluosité
A' lENDlCE 283
irrésistible de ses attaques» que dans le court espace de quelques jours
toutes les forces de ses agresseurs avaient été anéanties, qu'elle avait
d(''|)loyé en celte occasion une vipjuenr et une supériorité de manœuvres
qui méritent d'ôlre consignées dans les fastes de l'art militaire, et qu(! la
simple préface de ce succès éclatant peut servir d'ornement à l'histoire
des plus hauts faits d'armes; une nouvelle si agréable pour nous fut immé-
diatement confirmée k notre Sublime-Porte par le judicieux général Sébas-
tian! qui y réside en qualité d'ambassadeur de Votre Majesté impériale,
et la vive affection que nous avons vouée h votre auguste personne est la
juste mesure dn |)laisir que nous ressentîmes en la voyant ainsi couronnée
de nouve;iu par les mains de la Victoire.
Bien plus, Votre Majesté impériale à son entrée triomphale dans la ville
de Berlin, ayant voulu s'adresser h notre chargé d'affaires Yanco, qui s'y
trouvait de résidence de notre part, et celui-ci ayant par un courrier
extraordinaire rendu compte à notre Sublime-Porte des paroles pleines
de bonté et des ouvertures, dont Votre Majesté impériale l'avait honoré
touchant ses vues bienveillantes pour notre personne, d'après le rapj)ort
qui nous en a été fait, nous n'avons pu considérer cette démarche et ce
langage que comme une nouvelle preuve de ce sentiment précieux qui a
excité dans notre âme un surcroît infini de reconnaissance.
C'est donc spécialement pour nous acquitter du devoir de féliciter Votre
Majesté impériale d'une victoire, qui jette la terreur dans le cœur des
ennemis, que nous prenons la plume en ce moment, c'est encore pour lui
faire connaître toute l'extase de notre sensibilité aux témoignages renou-
velés en dernier lieu par Sa Majesté impériale elle-même de ses constantes
dispositions à prendre sur elle l'intérêt de notre Sublime-Porte, que notre
présente lettre amicale lui est confidentiellement adressée.
De tous les temps, la France était l'amie sincère et l'alliée naturelle de
notre Sublime-Porte, mais déjà l'on aperçoit tous les signes avant-cou-
reurs de l'instant prédestiné, oîi les intentions des deux cours se trouvant
à l'unisson, la puissance doit être réduite en acte et donner naissance aux
résultats fortunés qui font l'objet de nos espérances.
Jusqu'ici nous avions entamé, dans le silence et le secret tous les pré-
paratifs nécessaires , niais aujourd'hui nous procédons ouvertement au
rassemblement des camps à former sur les points essentiels , à notre
approvisionnement en munitions et matériaux de toute espèce, à la fortifi-
cation de nos places et châteaux, à l'armement de nos forces navales, à
l'emploi de tous les moyens de précaution.
L'ambassadeur précité de Votre Majesté impériale a été régulièrement
instruit de tous ces détails ainsi que des autres mesures de circonstance
dont nous nous occupons.
Nous devons aussi au même ambassadeur la justice de déclarer que
28Û APPENDICE
depuis son arrivée k notre résidence de félicité, surtout dans les conjonc-
tures délicates et épineuses, il n'a cessé de manifester de concert avec nos
ministres, les procédés de l'amitié la plus active ; qu'il a en toute occasion,
donné k notre Sublime-Porte et directement à notre personne tous les
avis et informations utiles, et que son zèle mérite un témoignage particu-
lier de notre satisfaction.
En un mot, nos intérêts étant communs, ainsi qu'il a déjà été dit, le
premier de nos vœux est que le lien du sentiment qui unit nos deux em-
pires devienne de plus en plus indissoluble.
A cet effet, nous allons envoyer sans retard à Votre Majesté impériale,
un ministre chargé de négocier pour l'union éternelle de notre empire
avec la France.
Lorsque cette vérité de nos senliments sera parfaitement connue, elle
sera persuadée que nous attendons d'elle la continuation des mêmes dis-
positions d'intérêt et d'amitié.
{M. Traduction officielle.)
LVIIl. — Lettre de IVapoIéon I" à Sélini III, en date dn camp de
Posen le 1" décembre 1806 (30 ramazan 12S1}.
La Prusse qui s'était liguée avec la Russie, a disparu ; j'ai détruit ses
armées et je suis maître de ses places fortes.
Mes armées sont sur la Vistule, et Varsovie est en mon pouvoir.
La Pologne prussienne et russe se lève et forme ses armées pour recon-
quérir son indépendance. C'est le moment de reconquérir la tienne.
Chasse les hospodars rebelles, que la plus injuste violence t'a obligé
de rétablir au mépris de ton firman qui les avait déclarés traîtres.
Remets en place tes vrais serviteurs, et les hospodars de ton choix.
N accorde pas aux Serviens ces concessions qu'ils te demandent les
armes à la main.
Fais marcher tes troupes sur Choczim : tu n'as plus rien à craindre delà
Russie.
J'ai chargé mon ambassadeur de contracter avec toi les engagements
nécessaires. Si tu as été prudent jusqu'à celte heure, une plus longue
condescendance envers la Russie serait faiblesse et perdrait ton empire.
L\IX. — Lettre de Kapoléon l^*^ ù l'anibassadeiir Sébastian!, en
date de Posen le 1" décembre 180« (20 ramazan 1231).
Vous trouverez ci-joint les imprimés qui vous feront connaître l'étal des
choses. Le grand-duc de Rerg, avec 100,000 hommes, est maître de
Varsovie. Les Russes, qui ont voulu défendre cette place ont été battus et
APPENDICE L'85
chassés. Je suis à Posen, maître de tout le pays situé entre le Rhin et la
Vistule ainsi que de toutes les places fortes. Les Polonais se lèvent, et
soixante mille sont déjà sous les armes. Dans cette situation, faites à
la Porte les participations nécessaires. Il faut que les hospodars du choix
de la Porte soient rétablis et les partisans des Russes chassés. C'est le
moment oii la Porte peut recouvrer son indépendance. Vous êtes autorisé
à si<:ner un traité secret, oiïensif et défensif par lequel je garantirai à la
Porte l'intégrité de ses provinces de Moldavie et de Valachie, et de la
Servie. Pressez-la de réunir des troupes du côté de Choczim, et je m'en-
gagerai à ne faire la paix avec les Russes que de concert avec elle. Faites
ce qui vous sera possible pour faire sortir la Porte de son engourdis-
sement. Je vous envoie une lettre pour le Grand- Seigneur; vous en ferez
faire la traduction entière.
LXX. — Lettre de Sélini III ù. Napoléon I", en date da 8
décembre 18Jt6 (3? raniazan 1221).
Très-majestueux, très-puissant, très-auguste empereur et padischah de
France, notre grand ami iNapoléon.
Comme, dès le principe, nous étions convaincus qu'abstraction faite de
l'ancienne et naturelle conformité d'intérêts existant entre nos empires,
les vues et les projets que les autres nourrissent sur notre empire, depuis
un temps immémorial, n'ont jamais passé par l'esprit de la cour de France,
mais qu'au contraire elle chercha toujours des moyens d'augmenter la
puissance et la dignité de l'empire ottoman et de maintenir en tout temps
son indépendance et sa gloire; ma volonté sincère était, depuis une épo-
que très-ancienne, que ces premiers liens d'affection et d'amitié prissent
enfin le caractère de consistance d'une union et alliance, et dans l'attente
du moment prédestiné ayant toujours l'œil fixé sur la manière la plus
propre à faire disparaître sans inconvénients les obstacles accidentels,
qui survenaient par une permission supérieure, je n'étais attentif qu'aux
choix de l'occasion.
J'avais déjà cru reconnaître les signes avants-coureurs de l'instant
propice pour réaliser cette volonté, si conformes aux intentions des deux
cours, si analogues à leurs intérêts, dans les événements qui se sont pas-
sés en dernier lieu, lorsque le judicieux général Sébastian!, andjassadeur
de Votre Majesté impériale, résidant près ma Sublime-Porte, d'après les
ordres qu'il venait de recevoir, y exposa les mêmes dispositions de la
part de Votre Majesté impériale, et entra en explication sur les mesures
convenables qu'elle mettait en ce moment en voie d'exécution de la ma-
nière la plus avantageuse à l'objet désiré.
Je me décidai aussitôt d'après les sentiments réciproques d'affection
286 APPENDICE
et de loyauté, à faire partir un agent nommé ad hoc pour aller traiter de
l'alliance qui doit être conclue entre nos empires, c'est ce que j'avais mar-
qué k Votre Majesté impériale dans la dépêche amicale que je lui adres-
sai, il y a quelques jours, pour la féliciter sur ses victoires.
Ledit agent choisi et aussi revêtu des pouvoirs rejjuis doit se mettre
en route incessamment.
Mais en attendant qu'il ait fait ses préparatifs les plus indispensables,
qu'il se soit rendu en diligence auprès de votre Majesté impériale et qu'il
ait pu entrer en conférence et parvenir ci la conclusion d'un acte formel dont
il est chargé, pour ne pas perdre du temps et pour satisfaire un moment
plutôt au désir de voir promptement les préliminaires de notre alliance
établis sans intermédiaire, j'écris à votre Majesté impériale la présente
dépêche expresse, que je regarde pour les préliminaires de l'alliance.
Et c'est à cette fin que je l'expédie à Votre Majesté impériale.
D'après cela, je la reconnais dorénavant mon alliée et par conséquent
j'attends de son amitié que nos intérêts respectifs seront communs, et que
les résultats de cette union à jamais durable iront toujours croissant et
justifieront mon espérance.
Nous étions occupés (ainsi que nous en avions prévenu Votre Majiisté
impériale par notre précédente dépêche) de tous les préparatifs néces-
saires, et nous donnions tous nos soins à rassembler de toutes parts nos
forces et nos moyens, lorsque nous avons appris que du côté du Dniester
l'armée russe, en répandant des faits controuvés, avait marché droit sur
nos frontières impériales.
Nous avons en conséquence doublé et multiplié nos préparatifs;
Nous avons expédié nos commandements impériaux à tous nos agents
qui se trouvent sur nos frontières pour leur recommander de ne point
s'arrêter aux bruits mensongers propagés contre toute vérité;
De se comporter suivant les circonstances et de redoubler de zèle et
d'activité.
Mettant toute notre confiance dans les grâces du Très-Haut, nous dé-
ployons tous nos efforts pour nous tenir prêts à agir par terre et par mer,
et nous sommes dans l'impatience de recevoir sans cesse des nouvelles de
Votre Majesté impériale.
Quant aux détails, nous nous en remettons, soit aux rapports circons-
tanciés de l'ambassadeur de Votre Majesté impériale, soit a ce que lui fera
savoir de vive-voix notre susdit plénipotentiaire qui a déjà un pied à l'é-
Irier et ne tardera pas à suivre cette dépêche.
Dans cette affaire salutaire comme en toute occasion, nous attendons
que Votre Majesté impériale, persuadée de nos bonnes intentions, s'em-
pressera à montrer les effets d'une amitié bienveillante conforme aux in-
térêts de notre Sublime-Porte ;
APPENDICE 287
Et de recommander à tous ses agents d'accélérer leurs raouvemenls, de
faire tout leur possible pour amener une heureuse et promjite solution de
notre alliance ;
Faire tous leurs efforts pour affaiblir les adversaires de ce côlélii;
Et de conduire les choses au terme convenable que les circonstances
pourraient exiger.
C'est le désir de notre cœur.
(M. Traduction officielle.)
L\XI. — Lettre do IVapoléon I*^' ù l'arcliicliancelier Canibaeérès,
en date de Posen le 1 1 décembre 180G (30 raïuazan 1231).
Mon cousin, je reçois, au moment même, votre lettre du l*' décem-
bre. Je désire que vous fassiez venir l'ambassadeur de la Porte, et que
vous lui fassiez connaître qu'il est convenable qu'il expédie un courrier à
Constantinople, pour instruire son gouvernement de tout ce qui se passe
en Europe. Vous lui direz que, par un courrier que j'ai reçu de Jassy et
qui a traversé la Pologne, j'ai appris que les Russes étaient entrés à Jassy
le 25 novembre; que les pachas de Ghoczim et de Bender, s'étant retirés
dans ces forteresses, y sont bloqués; que, dans cet état de choses, il est
nécessaire qu'il instruise la Porte que je suis à Varsovie, maître de don-
ner des lois et de la secourir; qu'il fasse connaître à son gouvernement
ja situation de l'Europe et la nécessité de tenir bon; que, s'il n'agit dans
cette circonstance, son indépendance est perdue; que les Russes ne peu-
vent l'attaquer sérieusement, parce que je les occupe ici; qu'il écrive que
j'ai reçu la lettre de l'empereur Sélim ; que j'ai bien compris son con-
tenu et en ai été content; que j'aime l'empereur Sélim et prends beaucoup
d'intérêt à lui.
Faites traduire tous les bulletins de la grande armée pendant cette cam-
pagne et la campagne dernière en turc et en arabe, et envoyez-les à pro-
fusion h. Constantinople. Faites-les tirer à six raille exemplaires. Faites faire-
une petite brochure de dix pages, bien faite, que vous soignerez vous-
même et que vous intitulerez : Un vieil ottoman à ses frères. Ce sera un
appel contre les Russes, un tableau de leur politique et du résultat qu'ils
veulent obtenir. Vous en ferez imprimer dix mille exemplaires dans
les mêmes langues. Mais il faut que cela soit fait en huit jours. Vous en
enverrez un millier au vice-roi, qui les fera passer en Dalmatie ; un mil-
lier à Marseille, pour les donner aux bâtiments qui vont dans le Levant;
un millier à mon minibtre à Constantinople ; un millier à mon ministre h
Vienne ; vous m'en enverrez aussi un millier d'exemplaires. Quand l'ou-
vrage sera fait, vous le ferez montrer indirectement à l'ambassadeur turc,
pour savoir ce qu'il en dit et s'il est bien écrit.
288 APPENDICE
LXXII. — Lettre de IVapoIéon I" an grand-duc de Berg. en date de
Posen le 13 décembre t806 (S cliéwal 1231).
Vous avez mal fait d'annoncer par une affiche la déclaralion de guerre
entre la Russie et la Porte. Vous deviez la faire mettre dans les journaux
seulement, et non pas la faire afficher. Cela montre de la faiblesse, et on
a l'air de se confier h d'autres qu'à soi-même.
LXXIII. — Lettre de IVapoléon 1" an ministre des affaires étran-
gères, en date de Paluki le 39 décembre 1806, 1 heure du ma-
tin (16 chéwal 1231).
Monsieur le prince de Bénévent, je reçois votre lettre avec les dépêches
de Vienne et de Constantinople du 30 novembre. De Vienne, il faut faire
diriger les ambassadeurs de Turquie et d'Ispahan sur Varsovie. D'ailleurs,
j'ai de la peine à croire h cette violence faite à M. Reinbard. Quand cela
se confirmera, il faudra voir à en faire autant à quelque agent russe.
Les affaires vont ici fort bien. Les Russes sont battus partout. Ils ont
perdu plus de trente pièces de canon, etc. Ecrivez à Constantinople pour
donner la nouvelle que le feld-maréchal Kamenski a été trois fois battu
de sa personne, chassé de son quartier-général et en danger d'être pris.
Ecrivez à Sébastiani de faire pari de ces nouvelles à Ispahan.
LXXIV. — Note à publier dans le Moniteur, rédigée par Napo-
léon I", en date du Pultnsk le 30 décembre 1806 (19 chéwal
1331).
Il paraîtrait qu'ayant de si grands projets sur ses voisins, la Russie
devait laisser tranquille la France. Telle aurait dû être sa politique si
l'intérêt de la Russie guidait ce cabinet; mais ce sont les passions de
celui de Saint-James qui le guident. Toutefois, elle procède contre la
Porte, en mettant de côté tous les égards que se doivent les nations. Au
moment où ses troupes entraient en Moldavie, elle déclare que c'est d'ac-
cord avec le Grand-Seigneur; elle fait imprimer dans toutes les gazettes
et colporter par tous ses agents un prétendu traité d'alliance avec la
Porte : la Porte vient de la démentir, elle court aux armes. Pasvan-Oglou
et Mustapha-Baïractar, successeur de Terzeriek-Oglou, à Rustchuk, ont
passé le Danube et occupé Buckarest avec 3,000 hommes, ce qui a arrêté
la marche de l'armée russe. La Porte fait demander des explications au
ministre de Russie, qui a répondu qu'il ne savait ce que cela voulait dire.
Mustapha-Baïractar et le pacha de Widdin, instruits que les Russes avaient
arrêté le consul de France, ont fait arrêter le consul de Russie.
APPENDICE 289
Quatre vaisseaux anglais sont devant Constantinopie pour '<in imposer à
la Porte; ils ne lui en imposeront pas, et l'Angleterre agirait contre ses
plus cliers intérêts si elle secondait les prétentions démesurées de la
Russie. D'ailleurs, que fera-t-elle? elle pillera quelques bâtiments, mais
tous les ports de la Turquie lui seront fermés, et les pertes qu'éprouvera
son commerce porteront conseil à sa politique.
Tous les prétendus traités d'alliance entre la Porte et la Russie, qu'on
a colportés, se sont trouvés faux; la guerre est déclarée entre ces deux
puissances. L'excès des maux que la Russie fait k la Porte ralliera tous
les Musulmans à la cause commune et aux intérêts les plus cliers de leur
patrie. Déjà Michelson et Dolgourouki, qui commandent l'armée russe,
ont fuit demander des secours.
Le chah de Perse se prépare aussi à repousser l'injuste agression de
la Russie et à entrer en Géorgie.
LXSV. — Lettre de TVapoIcon I<^' à Sélim III, en date de Varsovie
le f' janvier I807 (21 cliéwai 1231).
Salut et bonheur à notre très-grand et fidèle ami! Nos usages sont
d'ouvrir l'année par des vœux pour ceux qui nous sont chers, et nos pre-
miers vœux sont pour vous. J'ai reçu avec joie les lettres de Votre Hau-
tesse, et j'ai vu ses nobles intentions. Vous n'avez pas voulu provoquer
la guerre ; on vous la déclare. Que tout son poids retombe sur les enne-
mis qui envahissent voire empire! Ils ne vous avaient demandé d'éloigner
de la Moldavie et de la Valachie vos serviteurs fidèles que pour s'ouvrir
l'entrée de ces provinces. Mais j'apprends que vos armées se rassemblent,
et que, averti par une inspiration d'en haut de l'invasion des Russes dans
le moment roèrae où ils passaient le Dniester, vous avez résolu de leur
opposer toutes vos forces. La môme voix, qui, pour sauver votre empire,
vous révélait la marche de vos ennemis, vous a excité à m'envoyer un de
vos fidèles ministres pour signer, en votre nom, le traité d'alliance qui
doit nous unir, et qui assurera, par sa conclusion, une garantie à votre
puissance. J'attends votre plénipotentiaire : il me dira ce que vous avez
fait, vos projets, vos ressources, et nous concerterons ensemble les opé-
rations de la guerre. Je suis venu jusque dans les états voisins de vos
frontières chercher et jioursuivre nos ennemis. Une armée de 80,000
Russes, commandée par leurs meilleurs généraux, a été enfoncée, battue,
chassée sur tous les points. Elle a déjà perdu cinquante lieues de pays,
son artillerie, ses bagages, un grand nombre de morts et de prisonniers.
Le moment est arrivé de faire remonter l'empire ottoman à son ancienne
grandeur. Il n'y a pas un instant à perdre. Vos frontières sont envahies.
Appelez tous vos fidèles sujets à la défense de ce qu'ils ont de plus cher.
T. 11. 19
290 APPENDICE
Ce sont vos villes, vos mosquées, c'est jusqu'au nom musulman que les
Russes voudraient détruire, et les projets de vos ennemis vous forcent h
les vaincre. Je prie Dieu qu'il bénisse vos armes, qu'il augmente les
jours de Votre Hautesse, et qu'il les remplisse de gloire et de prospérité,
avec fin très-heureuse.
Écrit en notre château impérial de Varsovie, etc.
LXYVI. — Lettre de Napoléon I" sV Sélim III. en date de Varsovie
le 30 janvier 180« (11 zilcadc 1231).
Très-haut, très-excellent, très-puissant, très-magnanime et invincible
prince, le grand empereur des Musulmans^ sultan Sélim, en qui tout
honneur et vertu abondent, mon très-cher et parlait ami. Dieu veuille
augmenter votre gloire et Hautesse avec fin très-heureuse I
J'ai lu avec un vif intérêt la lettre de Votre Hautesse. J'ai été indigné,
comme elle, de la proclamation des généraux russes; elle a pris le parti
de défendre ses états : elle peut être certaine que je la seconderai de tous
mes moyens. L'armée russe continue à fuir devant moi. Le moment est
venu de consolider l'empire des Ottomans. Il faut que Votre Hautesse
prenne toutes les mesures énergiques qu'offre la fidélité de ses peuples
pour ne laisser à nos ennemis communs aucun instant de repos. Sur ce,
je prie Dieu, très-haut, très-excellent, très-puissant, très-magnanime et
invincible prince, notre très-cher et parfait ami, qu'il augmente les jours
de Votre Hautesse et les remplisse de toutes prospérités, avec fin très-
heureuse.
Écrit en notre camp impérial de Varsovie, etc.
LXXVII. — Dépêche du ministre des affaires étrangères sk l'ambas-
sadeur {Sébastian!, en date du âO janvier 1809 (11 ziicadé 1331).
Les Russes n'ont pas assez de troupes en Moldavie et en Valachie
pour être en état de passer le Danube ; ils n'ont tout au plus que 35,000
hommes, et ce sera les affaiblir que de les forcer à avoir une seconde
armée en Crimée. Il faut que l'escadre turque agisse dans la mer Noire
où les Russes ne sont point en force pour leur résister. Il faut aussi re-
muer la Perse et diriger ses efforts vers la Géorgie. Obtenez de la Porte
qu'elle donne au pacha d'Erzeroum l'ordre de marcher sur cette province
avec toutes ses forces. Maintenez les bonnes dispositions du prince des
Abazes, et excilez-Ie à prendre part à la grande diversion contre l'ennemi
commun. Que ce prince, le pacha d'Erzeroum, les Persans et la Porte
APPENDICE S291
allaqiiciit en mùmc temps la Géor{5^ic, la Crimée el la lîessarabie.
(Lefebvue, iihloircy etc.)
rWVIII, — l-e*<re du inaroclial Rcrtliici' adre.sst^c par oi'di-o do
IVapoIéon ■•-•° au général Marniont, en date de Varsovie le S!> jan-
vier f807 (20 zileadé tZZi),
Sa Majesté a appris avec peine, général, etc.
Un courrier parti de Constanlinople le 2 janvier arrive ii Varsovie. Le
."0 décembre, la Porte avait déclaré solennellement la guerre à la Russie,
el, le 29, leur ambassadeur était parti avec 5 à 600 personnes, grecques
ou autres, attachées îi la Russie. Il règne à Gonslanlinople un grand enthou-
siasme i)Our la guerre.
L'armée ennemie du général Michelson, forte de 30 mille hommes,
avait 10,000 hommes à Buckarest; les Turcs avaient 15 mille hommes. Il
y a eu quelques escarmouches de peu de conséquence. Vingt régiments
des janissaires sont partis de Gonstantinople ; on annonce que vingt au-
tres sont partis d'Asie pour passer en Europe. Déjà près de 60 mille hommes
étaient réunis Ji Rasow ; Pasvan-Oglou en a 20 mille.
Le courrier dit que dans toute la Turquie on déploie la meilleure vo-
lonté. Vous connaissez, général, les Turcs de l'Asie, mais ceux d'Europe
sont meilleurs ; ils sont plus accoutumés au genre de guerre d'Europe, et
ils ont souvent eu des succès. Il est possible que l'armée de Michelson ar-
rive au Danube ; mais le passera-t-elle? on ne doit pas le croire.
L'intention de l'empereur, général, est que vous envoyiez cinq ofllciers
du génie et autant d'artillerie à. Gonstantinople. Vous écrirez au pacha de
Bosnie, à celui de Scutari, qu'ils vous envoient des lirmans que ces ofïï-
ciers sont arrivés.
Envoyez des oHiciers d'état-raajor aux pachas de Bosnie et de Bulgarie,
et aidez-les de tous vos moyens, comme conseils, officiers, approvisionne-
ments et munitions dont vous pourrez disposer. I! serait possible que la
Porte demandât un corps de troupes, et ce corps ne peut avoir qu'un ob-
jet, celui de garnir le Danube.
L'empereur n'est pas très-éloigné de vous envoyer avec 25 mille hommes
sur Widdin, et alors vous rentreriez dans le système de la grande armée,
puisque vous en feriez l'extrême droite; et 25 mille Français qui sou-
tiendraient 60 mille Turcs obligeraient les Russes, non pas à laisser
30 mille hommes, comme ils l'ont fait, mais à y envoyer une armée du
double ; ce qui ferait une grande diversion pour la grande armée de l'em-
pereur. Mais tout cela n'est encore qu'hypothétique.
Ce que vous pouvez faire, dans ce moment, général, c'est d'envoyer
292 APPENDICE
vingt ou trente officiers, si les pachas vous les demandent; mais ne donnez
point de troupes, à moins que cela ne soit quelques délachemenls, à cinq
à six lieues des frontières, pour favoriser quelques expéditions.
S. M. me charge de vous dire que vous pouvez compter sur les Turcs
comme sur de véritables alliés, et vous êtes autorisé à leur fournir ce que
vous pourriez en cartouches, canons, poudre, etc., s'ils vousle de-
mandent.
Un ambassadeur de Perse et un de Constantinople se rendent à Varso-
vie, et, quand vous recevrez cette lettre, ils seront déjà arrivés à Vienne.
Ces deux grands empires sont de cœur attachés à la France, parce que la
France seule peut les soutenir contre les entreprises ambitieuses des Rus-
ses. Dans cette circonstance, les Anglais hésitent et paraissent vouloir
rester en paix avec la Porte. Cette dernière puissance s'est servie pour
cela de la menace de transporter 40 raille hommes jusqu'aux portes d'Is-
pahan, et nos relations sont telles avec la Perse que nous nous porterions
sur rindus ; ce qui était chimérique autrefois devient assez simple dans ce
moment, où l'empereur reçoit fréquemment des lettres des sultans, non
des lettres d'emphase et trompeuses, mais dans le véritable style de
crainte contre la puissance des Russes, et portant une grande confiance dans
la protection de l'empire français.
Vous devez publier que vous n'attendez que lesfirmans de la Porte pour
passer le Danube et marcher à la rencontre des Russes. Il sera utile que
cela se redise dans le pays; cela intimidera les Russes, qui, soldats et
officiers, craignent les armées françaises.
Telle est la situation des affaires.
Envoyez des officiers au général Sebastiani pour correspondre avec lui.
L'éloignement de la Dalmatie, etc.
Il y a un fort près de Raguse qui paraît influer sur la défense de cette
place, et il est possible que le général Sébastian! obtienne qu'il soit remis
entre nos mains; écrivez-lui h cet égard.
Jusqu'à cette heure nous paraissons toujours assez bien avec l'Autiùche,
qui, etc.
11 est bon que des officiers français parcourent les différentes provinces
de la Turquie. Ils feront connaître tout le bien que l'empereur veut au
Grand-Seigneur; cela servira à exalter les têtes, et vous en obtiendrez des
renseignements, que vous me transmettrez.
En deux mots, général, l'empereur est aujourd'hui ami sincère de la
Turquie, et ne désire que lui faire du bien ; conduisez -vous donc en con-
séquence.
L'empereur regarde comme l'événement le plus heureux, dans notre
position, celui de la déclaration de guerre de la Turquie: car déjà des
recrues destinées pour l'armée qui nous est opposée ont été envoyées à
APPEISDICE 293
l'armée de Michelsoii. Le Bosplioro aujourd'hui fermé, l'escadre de Cor-
fou, par cela seul, cesse d'ôlre redoutable. L'empereur a uu bon aident h
Janina; écrivez-lui. S. M. remarque que vous ne vous enlretuetlez pas
assez dans IcsalTaires des pachas de Bulgarie, de Bosnie et de Sculari, avec
lesquels vous devez fréquemment correspondre.
LXXIX. — Lettre de IVnpoIéon !*■• au ministre des affaires étran-
gères, en date de Varsovie le 29 janvier 1809 (30 zileadé i'iZl).
Monsieur le prince de Bénévent, écrivez à Sébastiani que j'ai donné
l'ordre au général Marmont, d'aider les pachas, qui l'entourent, en muni-
lions de guerre et en secours de toute espèce, mais que je ne désire point
que mes troupes puissent s'éloigner de plus de six lieues de la Dalmatie,
sans m'en être entendu avec la Porte ; et que je ne suis pas éloigné d'envoyer
aujourd'hui 25 mille hommes sur le Danube, si la Porte le demande. Écri-
vez-lui qu'il y a un fort près de Baguse dont l'occupation par mes trou-
pes serait utile pour la défense de Raguse. On pourrait s'arranger, et la
garnison turque pourrait y rester mi-partie avec les troupes françaises. Ce
fort est peu de chose, mais il est important par sa position. Si la Porte
veut, je lui enverrai 6 vaisseaux de ligne qui navigueraient dans ia mer
Noire avec la flotte turque, et seraient ensemble les maîtres de cette mer.
Mais je ne puis envoyer ces 6 vaisseaux qu'en les faisant échapper ; il faut
donc que cela soit tenu très-secret, et c'est une affaire à traiter avec le
sultan lui-même. L'habileté de mes marins m'assurerait la supériorité sur
les Russes, ces vaisseaux étant soutenus par 12 ou 15 vaisseaux turcs. J'y
embarquerai quelques compagnies d'artillerie pour aider à la défense du
Bosphore, si cela convient et ne donne point d'alarmes (*).
IiX\X. — IV'ote de Tanibassadenr Sébastiani à la Sablinie-Porte
en date du ... 1807 (. . 1231).
Le soussigné général de division, ambassadeur de S. M. l'empereur des
Français, roi d'Italie, a l'honneur de communiquer h S. E. le réis-éfendi
la lettre qu'il vient de recevoir du consul-général de France à Smyrne.
S.E. verra à quel excès se sont portés les Anglais. Le soussigné demande
officiellement que tous les Anglais existant h Gonstantinople, k Smyrne et
dans toutes les échelles du Levant, soient mis en état d'arrestation, et
(*) L efebvre, histoire, etc., dit que Napoléon I" avait lui-même écrit, le ZQ janvier^
au sultan pour lui proposer ce secours. Celte missive ne se trouve pourtant pas dans
la Correspondance de Napoléon I'% dont le dernier (XIV*) volume publié récemment
contient la correspondance de l'empereur jusqu'au mois de mars !807.
295 APPENDICE
leurs propriétés en séquestre afin de répondre des personnes et des pro-
priétés françaises enlevées par les Anglais. La Sublimc-Porle rae paraît ne
pas pouvoir balancer h prendre cette mesure, les propriétés et les per-
sonnes des Français étant sous la garantie de S. H., et les Anglais ayant
violé les droits des gens en ne respectant pas le territoire des États de la
Sublime-Porte.
Le soussigné saisit, etc.
(Signé) Horace Sébastiani.
Pour G. G.
(Signé) Fl. Fa y Latouu-Maubourg,
2" secrétaire d'ambassade.
(/E. Copie authentique.)
LXXXI. — Lettre de Sélini 113 ù IS'apoléon I<->-, en date du 9
février 1809 (t zilliidjé 12 SI).
Très-auguste, très-puissant Irès-sîncère empereur et pndicha de
France, notre grand ami Napoléon.
Après avoir offert à Votre Majesté impériale les assurances les plus po-
sitives et les expressions les plus énergiques de notre amitié, et nous être
affectueusement informé de l'état de sa santé, nous nous empressons de
lui faire l'exposé amical suivant.
Être exact et fidèle à la correspondance est un des devoirs qu'imposent
l'estime et la confiance qui unissent deux amis, deux alliés loyaux et sin-
cères. Ils doivent en conséquence s'appliquer à se communiquer l'un
h l'autre leurs bonnes intentions et les plus secrètes pensées de leur mu-
tuelle bienveillance. Il est de fait que ce sentiment a pris entre nous
une consistance telle qu'il devient difiiciK; de l'exprimer et superflu de
cherchera le décrire en détail.
Je me bornerai à annoncer à Votre Majesté impériale que sa dépêche,
en réponse de celle que je lui avais précédemment adressée, m'est heur
reusemenl parvenue, et que l'extrême affection que Votre Majesté impé-
riale y manifeste pour ma pGrsonne, en me pénétrant de la jilus vive re-
connaissance, n'a pu qu'imprimer un nouveau mouvement, que donner
un degré de plus de force et d'activité h une propension naturelle envers
Votre Majesté impériale et à l'attachement que je professe pour elle, et qui
va toujours croissant.
Quant à la joie, que j'ai ressentie au fond de mon cœur à la lecture de
la glorieuse victoire que Votre Majesté impériale venait de remporter sur
notre ennemi commun, et dont le récit est contenu dans sa dépêche, je
désespère de pouvoir rendre cette vive sensation; et cependant c'est d'a-
près elle que je me hùle de féliciter Votre Majesté impériale sur ce suc-
APPENDICE â95
ces éclatant, en augurant et désirant que nous ayons à nous congratuler
réciproquement d'une infinité de pareils triomphes.
Dans ce moment même, et sans être arrêtées par la saison de l'hiver,
nos troupes entraînées par leur ardeur se rassemblent sur le Danube, à
Ismaïl.
Notre volonté impériale est que, dès que l'artillerie, les munitions de
guerre et tout ce qui est nécessaire pour la fortification et la défense
de nos places, convois déjà en marche depuis longtemps, seront arrivés
sur les lieux, il soit incontinent procédé h l'expulsion de l'ennemi, qui
avait envahi par surprise notre territoire ; et qu'après avoir opéré, avec la
divine assistance, cette heureuse évacuation, toutes nos forces soient di-
rectement portées sur le dit ennemi, dans le juste espoir que le Dieu des
armées daignera seconder nos efforts pour venger de trop anciens
affronts.
Outre cette courageuse avant-garde, notre camp impérial (que la vic-
toire l'accompagne!) doit incessamment s'ébranler de cette résidence de
félicité. Nous n'hésitons pas k présumer de la justice céleste que la réu-
nion qu'elle a permise de deux glorieuses puissances, telles que la Su-
blime-Porte et la France, par l'intimité qui règne entre nos deux per-
sonnes impériales, ne parvienne à faire disparaître de la surface de la
terre l'orgueilleuse existence de notre ennemi naturel.
D'après ce vœu prononcé. Votre Majesté impériale peut juger de l'em-
pressement avec lequel j'attends la suite de sa marche triomphante,
c'est-à-dire l'annonce de la fuite absolue de l'ennemi hors de la Pologne,
et la prise de possession par Votre Majesté impériale de la partie de ce
royaume qu'il s'était appropriée.
Elle demande dans sa dépêche à connaître les dispositions militaires
faites à ma Sublime-Porte afin d'y faire concorder son propre plan de
campagne ; elle marque qu'elle voudrait à celte fin voir arriver le pléni-
potentiaire que j'avais député vers elle ; mais comme il n'avait cessé de
conférer ici, pendant son séjour, avec le très-judicieux Sébastiani, ambas-
sadeur de Votre Majesté Impériale, résidant près de notre Porte de féli-
cité, notre sincère ami, à qui tout est communiqué confidentiellement, sur
les mesures relatives à la guerre et aux autres objets. Votre Majesté im-
périale aura déjà été instruite de tous ces détails par les dépèches de son
dit ambassadeur. Il y a d'ailleurs toute apparence que notre susdit
plénipotentiaire, parti il y a quelque temps, avec ordre de se rendre en
toute diligence auprès de Votre Majesté impériale sera dans ces jours-ci
parvenu aux termes de son voyage, et lui aura confirmé les rapports de
son ambassadeur.
Ce ministre, dans un entretien qu'il eut en dernier lieu avec notre per-
sonne impériale, nous ayant témoigné le désir que nous reconnaissions le
^
296 APPENDICE
prince Joseph, auguste frère de Votre Majesté impériale comme roi de
Naples, et le prince Louis, autre frère de Votre Majesté impériale, comme
roi d'Hollande; par une conséquence naturelle de la considération et des
égards que nous nous' plaisons à devoir à l'auguste maison de Votre Ma-
jesté impériale, nous ne balançons point h nous réjouir de ce surcroît de
splendeur qu'elle a acquis; et la satisfaction de lui déclarer et manifester
que notre Sublime-Porte a reconnu et reconnaît, de la manière désirée
par l'ambassadeur de Votre Majesté impériale, tant le prince Joseph pour
roi de Naples, que le prince Louis pour roi d'Hollande, n'est pas entrée
pour peu dans les motifs qui nous ont induit à écrire à Votre Majesté
impériale la présente lettre amicale.
A son heureuse réception, nous nous flattons que nos deux glorieuses
cours faisant, en bonnes et fidèles alliées, tous leurs efforts contre l'en-
nemi commun, et Votre Majesté impériale continuant à se charger,
comme elle l'a fait jusqu'à présent, de tous les intérêts de notre Sublime-
Porte, nous en cueillerons constamment les fruits salutaires; aussi ne for-
mons-nous aucun autre souhait que celui delà perpétuité de l'amitié et de
la confiance qui nous unissent h Votre Majesté impériale et de l'emploi for-
tuné de tous nos moyens combinés pour abattre les forces et l'orgueil de
notre commun ennemi.
Au surplus, puisse Votre Majesté impériale jouir éternellement d'une
santé inaltérable, et régner avec toute gloire et prospérité.
{M. Traduction officielle.)
LXXXll. — Dépêche (chiffrée) de l'ambassadeur ^tébastiani au
ministre des affaires étrangères, en date du 9 février 180îf
(I zilhidjé^lSSl).
Monseigneur, l'arrivée du ministre ottoman auprès de S. M. ne vous
laissera aucun doute sur les intentions de la Sublime-Porte; le gouverne-
ment désire s'allier avecla France par un traité solennel et son ministre a
les pouvoirs nécessaires pour en conclure un offensif et défensif (*); il est
même autorisé à stipuler le passage des troupes françaises sur quelques
(*) Napoléon l" avait chargé son grand-écuyer, M. de€aulaincourt, de proposer do
sa part à l'envoyé turc de conclure uu traité sur les bases suivantes : l'alliance que
les deux puissances contracteraient seraient offensive et défensive. Elles s'engage-
raient à ne point faire la paix avec la Russie, sans s'être préalablement entendues. La
France garantirait à la Turquie la. conquête de la Crimée, si les armées turques parve-
naient à s'en emparer, ainsi que la possession de la Moldavie et de la Vaiachie, et l'in-
tégrité de son territoire. C'est le 28 mai que ces propositions avaient été soumises par
M. de Caulaincourt h Emin-Effendi. Soit ignorance du véritable état de choses, ou
APPENDICE ' 297
porlions du territoire turc. S. E. lue rendra Injustice de penser que j'ai
été toujours d'opinion de conclure avec la Turquie un traité formel et de
ne point se contenter d'une lettre du (Irand-Seignêur ; c'est pour cela que
j'ai toujours continué à demander l'envoi d'un ministre et qu'il est parti.
Le prince Morousi, etc.
(M. Copie.)
LXXXIII. — Message de !\'npoléon I«"- lu au sénat par l'arehi-
Hiancelier de l'euipirc le I î février tSOî (« zilliidjé 1281).
... Nous avons aussi ordonné que le rapport de notre ministre des
relations extérieures sur les dangers de la Porte ottomane fût mis sous
vos yeux. Témoin, dès les premiers temps de notre jeunesse, de
tous les maux que produit la guerre, notre bonheur, notre gloire,
notre ambition, nous les avons placés dans les conquêtes et les
travaux de la paix. Mais la force des circonstances dans lesquelles nous
nous trouvons, mérite notre principale sollicitude. 11 a fallu quinze ans de
victoires pour donner à la France des équivalents de ce partage de la
l'ologne, qu'une seule campagne, faite en 1778, aurait empêché.
Eh ! qui pourrait la calculer la durée des guerres, le nombre des cam-
pagnes qu'il faudrait faire un jour pour réparer les malheurs qui résul-
teraient de la perte de l'empire de Constantinoi)le, si l'amour d'un lâche
repos et des délices de la grande ville l'emportait sur les conseils d'une
sage prévoyance? Nous laisserions à nos neveux un long héritage de
guerres et de malheurs. La tiare grecque, relevée et triomphante depuis
la Baltique jusqu'à la Méditerranée, on verrait de nos jours nos provinces
attaquées par une nuée de fanatiques et de barbares : et si dans cette
lutte trop tardive l'Europe civilisée venait à périr, notre coupable indif-
férence exciterait justement les plaintes de la postérité, et serait un titre
d'opprobre dans l'histoire.
L'empereur de Perse, tourmenté dans l'intérieur de ses états, comme le
fut pendant soixante ans la Pologne, comme l'est depuis vingt ans la Tur-
quie, par la politique du cabinet de Pélersbourg, est animé des mêmes
sentiments que la Porte, a pris les mêmes résolutions, et marche en per-
sonne sur le Caucase pour défendre ses frontières.
Mais, déjà l'ambition de nos ennemis a été confondue, leur armée a été
défaite à Pultusk et à Golymin, et leurs bataillons épouvantés fuient au
loin à l'aspect de nos aigles.
que ses instructions fussent insuffisantes, l'ambassadeur turc n'avait voulu rien signer.
(Lcfebvre, Uistoiie, elc).
298 APPENDICE
Dans de pareilles positions, la paix pour être sûre pour nous, doit ga-
rantir l'indépendance entière de ces deux grands empires. Et si par l'in-
justice et l'ambition démesurée de nos ennemis, la guerre doit se conti-
nuer encore, nos peuples se montreront constamment dignes, etc.
LXXXIV. — Décliifrrement d'nne dt^'pêche de l'ambassadeur Sébas-
tian! au ministre des affaires étrangères, en date du ISO février
1809 {12 zilhidjé ISSl).
Monseigneur, j'apprends à l'instant que 9 vaisseaux anglais ont déjà,
passé les Dardanelles, malgré la résistances des Turcs ; le reste de l'es-
cadre suivait, et, le vent favorisant son arrivée, nous nous attendons à la
voir paraître cette nuit. Je ne doute pas que l'amiral anglais n'obtienne
tout ce qu'il demandera ; rien n'est prêt pour la défense de Constan-
tinople, et la consternation est à son comble. Je viens de voir le grand -
vésir ; il pressait les travaux et faisait assez bonne contenance ; mais, je
fais des elforls inutiles pour réveiller chez les autres membres du gouver-
nement un courage qui n'existe plus. Ma position est difficile ; cependant,
je ferai un effort pour qu'on se défende encore ici. Je serai arrêté si les
Anglais le veulent ; je serai renvoyé, s'ils se bornent h cette demande. Je
plains nos malheureux négociants ; les propriétés sont fort exposées.
{Signé) Sébastianl
P. S. (en clah")
Monseigneur, M. le général Sébastian! est fort occupé dans ce moment.
11 fait les derniers efforts pour engager les Turcs à se défendre. Son
courrier n'étant pas encore parti à cause de l'impossibilité où il a été,
dans ce moment de trouble, de trouver des chevaux, il me charge de dire
à V. E. que l'ennemi est devant la pointe du sérail avec dix voiles. Le
reste del 'escadre suit.
Constantinople le 21 février 1807, à 10 heures du matin.
(Signé) Fay Latour-Maubourg.
(/E. Original.)
LXXXV. — Lettre de Kapoléon !»>' an ministre des affaires étran«
gères, en date dOstcrode le S mars 180T (33 zilhidjé 1331).
Monsieur le prince de IJénévent, je reçois votre lettre du 28 février, etc.
Quel traité faire avec la Perse? Comment voulez-vous que je réponde
k cette question quand vous ne m'avez pas encore fait remettre le mémoire
de M. Jauberl, qui me fasse connaître ce que c'est que la Perse ? Ce traité,
d'ailleurs, peut se faire à Paris, c'est le moins pressant. Gela est différent
pour la Porte, mais, tant que vous ne me ferez pas connaître ce qu'elle
APPENDICE 290
veut, quel est le but de la mission de son ambassadeur, je ne puis vous
envoyer d'instruction.
J'ai lu et relu la lettre de M. de Stadion, etc. Que veut la maison d'Au-
triche ? je ne le sais pas. Veut-elle traiter pour garantir l'intégrité de la
Turquie? j'y consens. Veut-elle un traité par lequel, la Russie venant à
acquérir un accroissement de puissance ou de territoire en Turquie, les
deux puissances feraient cause commune pour obtenir l'équivalent. Cela
peut encore se faire. Enfin, la maison d'Autriche, etc.
LXWVI. — Lettre de i^élig» III h I^apoléon I<"'. en date Au
9 mars 180'9 {Z9 zilhidjû i'iZl).
A Sa Majesté, le très-auguste, très-puissant, très-généreux empereur
et padichah de France, Napoléon, notre grand ami.
Après avoir offert à Votre Majesté impériale les assurances dé notre sin-
cère affection et lui avoir tenu le langage de la pure amitié, en montrant
notre juste empressement à nous informer de l'état de sa santé, nous
croyons devoir mettre sous ses yeux l'exposé amical des faits suivants.
Notre camp impérial était prêt à se mettre en marche contre l'ennemi
commun, lorsque l'ambassadeur d'Angleterre, après avoir rais en avant,
au nom de sa cour, des propositions froides et attentatoires h l'honneur, à
la dignité de notre sublime couronne, après avoir formellement déclaré
que, dans le cas de rejet absolu desdiles propositions, il a ppellerait à son
appui les forces navales de sa nation, et mettrait dans l'embarras notre
résidence impériale ; s'étant convaincu qu'il ne serait donné de notre
part aucune suite ni aucune attention h de semblables insinuations com-
minatoires, s'était subitement évadé et retire.^ hors du détroit.
Immédiatement après cette sortie furtive, et sans nous laisser le temps
de fortifier le détroit, ce même ambassadeur se présenta avec son escadre
en face du port de notre capitale et, dans cet appareil menaçant, il fit répéter
ses propositions premières en renchérissant sur les expressions dans
l'espoir de nous intimider. Votre Majesté impériale saura en détail, par le
compte que son ambassadeur le général Sébastiani lui en aura rendu,
l'inutilité de l'Anglais sur ce point, la promptitude avec laquelle les points
de nos côtes et de nos environs ont été fortifiés et mis en défense; la célé-
rité employée h l'armement et à la sortie de notre flotte impériale; la
réponse pleine d'énergie qui a été faite de notre part au ministre de la
Grande-Bretagne, dès qu'il nous fut connu que son intention était de nous
entraîner de gré ou de force à la paix et à l'alliance avec la Russie ; la
précipitation qui a signalé la retraite honteuse de l'escadre anglaise hors
du détroit, après avoir été témoin occulaire du peu de jours qui nous
avaient suffi pour être en mesure de repousser ses attaques; la fermeté
300 APPENDICE
et la constance que l'on devait attendre à l'avenir de nos eiïorls, pour
nous défendre, et enfin le parti que nous avions pris, de prohiber dans les
états de notre empire le débit et la circulation de tous les articles pro-
venant des luanufaclures de l'Angleterre.
Votre susdit ambassadeur se conformant sans doute à votre volonté
impériale, mais se laissant aussi conduire par le zèle qui constitue son
heureux naturel, n'avait cessé, depuis son arrivée auprès de nous, de
déployer en toute occasion sa franchise et son dévouement, mais nous
devons témoigner à Votre Majesté impériale le succroît remarquable des
satisfactions qu'il nous a donné en dernier lieu, au sujet des nouvelles for-
tifications faites pour la défense de notre propre résidence par son activité
et son assiduité infatigables.
Le même ambassadeur nous a fidèlement rapporté tous les points con-
tenus dans les écrits récemment arrivés de la part de votre Majesté impé-
riale et qui nous ont causé une véritable joie.
C'est en partie pour en informer Votre Majesté impériale que nous
nous hâtons de lui adresser la présente dépêche ; nous nous flattons qu'k
sa réception, Voire ^Jajesté impériale continuera h s'occuper, comme elle
l'a fait jusqu'à présent, de tous les moyens propres h détruire l'existence
de l'ennemi commun.
Le 29 de la lune de zilhidje l'an de l'hégire 1221.
{Sur la marge à droite est le petit paraphe dont la légende porte le nom
de sultan Sélim, à côté est écrit : ) Celui qui demande le secours du sou-
verain bienfaiteur,
Sultan Sélim-Khan, empereur de la maison d'Olhman.
[M. Traduction officielle.)
LXXXVII. — Lettre de \'apoIéon I**-- au ministre des affaires
étrangères, en date d'Osterode le 1 1 mars 1809, 3 heures du
matin (t moiiarrem 13S3).
Rlonsieur le prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 8 mars à
cinq heures de l'après-midi. Puisque la Porte ne veut pas de troupes à
Constanlinople, ni pour la Bosnie, vous pouvez assurer l'ambassadeur qu'il
n'en sera plus question. Quant aux officiers qu'il demande, il faut qu'il spé-
cifie leur nombre, leur grade, leur arme, et qu'il en fasse une demande
positive et détaillée. De même pour l'ambassadeur de Perse, etc.
LXXX.%'111. — Lettre de IV'apoIéon I«-r au ministre des alTaircs
étrangères, en date d'Osterodc le 11 mars 1809 (t moiiar-
rem 12S2)
Monsieur le prince de Bénévent, je ne vois pas d'inconvénient que le
général Sébasliani reçoive l'ordre du Croissant, mais sans y mettre d'im-
APPENDICE 301
portance, et comme une chose agréable h la Porte, de môme que la
maison de campagne que la Porte veut donner, mais cela sans éclat.
P. S. Je vous envoie deux h tires, cic. Faites mettre dans le journal de
Varsovie le succès des Turcs contre les Russes, ainsi que la prise qu'on
(lit qu'ils ont fait de deux bâtiments russes dans les Dardanelles, etc.
LWXIX. — Lettre de IVapoU^on !*'■' nu prince Eugène, en tlate
d'Osterude le 13 nians I807 (3 nioliarreui 1323).
Mon fils, je reçois votre lettre du 21 février. Le général Murraont
avec son c(trps doit toujours se tenir dans des positions propres à reposer
ses troupes, h les instruire, li les organiser, afin d'agir selon les circons-
tances. La Porte n'a point fait de demande de troupes, et les préjugés
des Bosniaques et même des Russes sont tels, que la présence d'une
armée française à Constantinople et sur le Danube ne saurait leur plaire.
Il faut continuer h avoir l'œil sur l'Autriche, etc.
XC. — Lettre d'Aali- pacha (de Yanlna) à I\IapoIéon !«•', en date
du .... 1807 (... 1333).
Traduction de la lettre d^ Ali-pacha. ,
Gloire du plus grand des monarques, prédestiné pour être le premier
parmi les chrétiens, régulateur puissant des choses d'ici-bas, toujours
prompt à exécuter les actions nobles et éclatantes, possesseur de gloire et
de grandeur, glorieux, niagniQque et bienfaisant Napoléon, empereur
des Français, roi d'Italie et d'autres royaumes.
J'ai reçu, en son temps, par M. Bessière, un très-magnifique et dési-
rable présent.
En daignant abaisser un regard bienveillant sur moi, vous m'avez pro-
curé un bonheur que la langue ne saurait exprimer ni la plume décrire.
Tout ce que M. Bessière avait écrit sur le papier de sa mémoire m'a
été dit parole par parole, et j'ai senti toute l'importance de vos avis.
Si l'ennemi commun se présente dans aucun des endroits que je com-
mande, ou qui ra'avoisinent, soyez sur qu'il sera combattu avec
ardeur.
M. Ponqueville, votre consul-général en Albanie, sera pour moi
ini ami précieux, et il sera traité avec toutes les distinctions que l'on
doit à un de vos gens. Glorieux empereur, si vous m'accordez la j)rotec-
tion que M. Bessière doit solliciter pour moi, j'aurai plus de sécurité que
si le grand Alexandre revenait au monde pour rae défendre.
{JE. Copie.)
302 APPENDICE
XCI. — Réponse (*) de Napoléon le à la lettre «rAali-pacha, en
date de Tilsitt le O juillet 1807 (3 djcniaziul-éwel 1223).
Tilsitt le 0 juillet 1808.
A AH' Pacha.
Très-illustre, très -excellent et magnifique seigneur.
J'ai rtçu votre lettre que m'a rerais votre secrétaire. J'en ai compris
le contenu. Je fais cas de votre amitié et je vous en donne la preuve
spéciale de mon affection dont je désire que vous ressentiez l'effet. Je
donne l'ordre h mes généraux de s'entendre avec vous. La paix est rétablie
entre moi et l'empereur de Russie; la Sublime-Porte y est comprise. Je
recevrai toujours avec plaisir tout ce qui viendra de votre part.
Sur ce, je prie Dieu, très-illuslre, très-excellent et magnifique sei-
gneur, qu'il augmente votre gloire avec fin heureuse.
Ecrit en notre quartier impérial de Tilsitt le 9 juillet 1807.
]^C;il. Dépêche (**) du ministre des affaires étrangères à l'am-
bassadeur Sébastianî, en date du 9 septembre 180Ï ^4 rédjeb
1222).
.... Le traité de Tilsitt a pu, au premier instant, mécontenter la Porte
parce qu'il ne remplissait pas toutes ses espérances. Elle ne prétendait à
rien moins qu'à recouvrer la Crimée et ci étendre son empire jusqu'à ses
anciemies limites. Mais comment a-t-elle pu s'aveugler au point de croire
que, dans son état de faiblesse, lorsque son gouvernement venait d'être
renversé, et que cette première résolution en présageait d'autres, on pût
parvenir à d'aussi grands résultats ? Pouvaient-ils être l'ouvrage de ces
armées turques si mal organisées, qui égorgent leurs chefs, qui ne con-
naissent aucune tactique, qui n'ont aucune discipline militaire et que
20 000 Russes ont tenues en échec pendant toute la campagne? Du
reste le traité de Tilsitt n'a-t-il pas, par l'armistice, garanti ces armées,
que vous dites réduites à 10,000 hommes, de l'inévitable destruction
dont elles étaient menacées? N'a-t-il pas rendu à la Porte la Valachieet la
Moldavie qu'elle n'avait pu défendre, même un seul jour? Un trait de
plume a fait ce que le grand-vézir et toutes les forces ottomanes n'au-
raient pu opérer pendant dix ans de guerre. La France avait-elle
(*) Cette lettre se trouve, en minute autographe de M. Talleyrand, aux Archives de
l'Empire, à Paris. Une copie de cette minute, qui s'y trouve cyalement , contient le
protocole ou le formulaire des titres donnés à Aali-paclia.
(*'; Dictée par Napoléon I" à M. de Champagoy.
APPENDICE 303
d'autres engagements? Quel traité la liait (i la Porte ?... Un ambassadeur
turc a été envoyé à l'empereur, a passé quinze'jours auprès de lui et n'a
rien voulu signer. Les liaisons qui existaient entre l'empereur et lesultan,
sans avoir aucun caractère diplomatique, déterminaient sufiisamment les
rapports des deux souverains. Par honneur, par délicatesse, l'empereur
pouvait se regarder comme lié aux intérêts du pays ; mais ces engage-
ments ne pouvaient être que personnels. Sélim a été renversé du trùne.
Son successeur s'est montré sous des rapports qui ne pouvaient faire sup-
poser qu'il fiit l'ami de la France. Quinze jours s'étaient écoulés, et vous
n'aviez rien reçu. Aucune notification, aucun ambassadeur n'a été accrédité
près de l'empereur : aucune lettre n'a été écrite, et les vôtres attestent que
les liens qui avaient uni Sélim ù. la France étaient un obstacle à une liai-
son semblable avec Muslaplia, les faits l'ont prouvé. Les canonniers
français, envoyés à la demande de la Porte, ont été renvoyés par le nou-
veau prince, renvoyés et maltraités. N'était-il pas évident que. la Porte
avait changé de système? Et l'empereur devait-il, pour ce gouvernement
inconstant, capricieux et cruel, se refuser à une paix honorable et conti-
nuer une guerre dont lui seul supportait tout le poids... L'empereur
espère que l'armistice aura été conclu, que la Porte a accepté sa média-
tion, et que son ambassadeur est en chemin pour se rendre à Paris. Si
cette conjecture est fondée, si la Porte a continué de se confier dans l'a-
mitié de la France, l'empereur la soutiendra encore : il lui assurera la
possession de la iMoldavie et de la Valachie, et cette puissance aura
encore quelques moments de végétation. Mais si la Porte a fait la paix
avec l'Angleterre, si elle s'est séparée de la France, regardez-la comme
perdue. L'empereur ne se refusera point au projet présenté depuis Tilsilt
de partager ses provinces, et son existence politique aura pris Dn avec
l'année. L'empereur ne veut point hâter cette ruine inévitable ; il sou-
tiendra la Porte, tant que la Porte lui restera fidèle, etc.
(Lefeevre, histoire, etc.)
XCIII. — Rapport du ministre des affaires étrangères (Clianipafiny)
à IVapoIéun l<-'°, en date de Varsovie le S 8 novembre I^O'ïf
(3 'S ramazan 1223).
Sire, la Russie cesse de dissimuler. Elle a jeté le masque dont elle avait
jusqu'à présent essayé de se couvrir. Ses troupes sont entrées en Mol-
davie et en Valachie. Elles ont assiégé les forteresses de Ghoczim et de
Bender. Les garnisons peu nombreuses, attaquées à l'improviste, et lors-
qu'elles se confiaient en la foi des traités, ont dû céder à la supériorité
du nombre, et les deux forteresses ont été occupées par les Russes.
Tout ce qui est sacré parmi les hommes a été foulé aux pieds. Le sang
30Û APPENDICE
humain coulait, pendant que l'envoyé de Russie, dont la présence seule
devait être la preuve et le garant de la contiiuiation de l'état de paix, était
encore à Constantinople, et ne cessait d'y donner des assurances de l'a-
mitié de son souverain pour S. H. La Porte n'a su qu'elle était attaquée,
elle n'a appris que ses provinces étaient envahies que par le manifeste du
général Michelson, que j'ai l'honneur démettre sons les yeux de V. M.,
et, ce qui est aussi révoltant que bizarre, au moment oi!i la Porte recevait
ce manifeste, l'envoyé de Russie, protestant qu'il n'avait reçu aucune
instruction de sa cour, et qu'il ne croyait pas à la guerre, paraissait désa-
vouer les proclamations des généraux russes, et révoquer en doute l'en-
trée des armées russes sur le territoire ottoman.
A quel sort l'Europe serait-elle réservée, si ses destins pouvaient dé-
pendre des caprices d'un cabinet qui change sans cesse, que différentes
fractions divisent, et qui, ne suivant que ses passions, semble ou ignorer
ou méconnaître les sentiments, les procédés, les devoirs qui entretiennent
la civilisation parmi les hommes.
La Porte ottomane avait depuis longtemps la certitude qu'elle avait été
trahie par le prince Ipsilanti, hospodar de Valachie. Le prince Morousi,
hospodar de Moldavie, ne lui inspirait plus entière confiance. Usant de
son droit incontestable de souveraineté, elle a déposé l'un et l'autre, et
les remplaça par les princes Souzo et Gallimachi. Cette mesure déplut h
la Russie. Son envoyé déclara qu'il quitterait Constantinople, si les hos-
podars destitués n'étaient pas rétablis. A celte époque, une inconcevable
guerre paraissait sur le point d'éclater entre la France et la Prusse. Eton-
née de voir en mésintelligence les deux puissances les plus intéressées à
sa conservation, la Porte sentit quel avantage leur décision donnerait à
son ennemi naturel. Un amiral anglais parut avec une escadre, et signifia
que l'Angleterre ferait cause commune avec les Russes, si les anciens hos-
podars n'étaient pas rétablis. La Porte céda à la nécessité, et conjura
l'orage dont elle était menacée, en remettant en place les hospodars
qu'elle venait de déclarer traîtres, et en déposant les hommes de son
choix. La Russie devait être satisfaite. L'Angleterre le fut au-delà de ses
espérances. La Porte avait cru et dû croire que, pour prix de la condes-
cendance, elle conserverait la paix qu'elle avait si chèrement, si doulou-
reusement achetée. Mais la nouvelle de la guerre déclarée par la Prusse
et des premières hostilités commises ne tarda point à arriver à Saint-
Pétersbourg. La cour de Russie s'applaudit intérieurement d'une guerre
qui mettait aux prises deux alliés contre lesquels elle nourissait en se-
cret un égal ressentiment, deux puissances qui devaient être constamment
d'accord pour s'opposer à ses projets contre l'empire ottoman. Dès lors,
elle ne garda plus aucune mesure. Elle expédia au général Michelson
l'ordre d'entrer en Moldavie, et dévora en espérance une proie qu'elle
APPENDICE 305
convoitait depuis tant d'annéos, et qiie l'nnion de la France et de la Prusse
l'avait jusqu(!-lh forcée de respecter. Heureusement pour la Turquie, la
guerre de la Russie n'a duré qu'un moment, et l'armée française arrivant
sur la Vistule, lorsque les troupes russes se concentraient sur le Dnieper,
les a forcées de rétrogader el d'accourir pour défendre leurs frontières
menacées. La Porte otiomano a senti son espoir renaître. Elle a sondé
dans toute sa profondeur l'ahîme que sa condescendance avait creusé
sous ses pas. Elle a reconnu qu'un miracle l'avait sauvée, et toute la Tur-
quie a couru aux armes pour être désormais l'inséparable alliée de la
France, sans le secours de laquelle elle était en danger de périr.
Le 29 décembre, l'ambassadeur russe a quitté Constantinople avec
toutes les personnes attachées à la légation, avec tous les négociants
russes el même avec les négociants grecs, qui étaient à Constantinople,
sous la protection de la Russie. Tous ont été respectés, tous ont pu se
retirer librement, tandis que les Russes emmenaient prisonnier en Russie
le consul de V. M. à Yassy, quoiqu'ils lui eussent donné des passeports
pour se retirer par l'Autriche.
Le 30, la déclaration de guerre de la Porte a été proclamée k Constan-
tinople. Les marques du commandement suprême, i'épée et la pelisse ont
été envoyées au grand-vézir. Le cri de guerre a retenti de toutes les mos-
quées. Tous les Ottomans se sont montrés unanimement convaincus que la
voie des armes est la seule ([ui leur reste pour préserver leur empire de
l'ambition de ses ennemis.
Peu de nations ont mis dans la poursuite de leurs desseins autant d'ar-
tifice et de constance que la Russie. La ruse et la violence qu'elle a tour
à tour employées pendant soixaal.; ans contre la Pologne, sont encore
les armes dont elle se sert contre l'empire ottoman. Abusant de l'in-
fluence que depuis les dernières guerres elle avait acquise sur la xMol-
davie, elle a, du sein de ces provinces, soufflé partout l'esprit de sédi-
tion et de révolte. Elle a encouragé les serviteurs rebelles à la Porte.
Elle leur a fuit passer des armes, elle leur a envoyé dos officiers pour les
diriger. Profitant du naturel sauvage des Monténégrins et de leur pen-
chant à la rapine, elle les a soulevés et armés. Elle a pareillement, et pour
ses futurs desseins, armé secrètement la Morée, après l'avoir effrayée de
dangers imaginaires dont elle avait adroitement semé le bruit. Elle a enfin,
sous les prétextes les plus frivoles, continué d'occuper Corfou et les au-
tres îles delà mer Ionienne, dont elle avait elle-même reconnu l'indépen-
dance. L'exécution de ses projets étant ainsi préparée par tous les moyens
que l'artifice et Tintrigue pouvaient lui fournir, elle a saisi habilement
l'occasion que lui offrait la guerre de la France et de la Prusse, et marché
ouvertement à son but avec cette violence qui ne connaît aucun droit ou
n'en respecte aucun.
T. II.
20
306 APPENDICE
Des circonstances aussi graves m'obligent de rappeler à V. M. la con-
duite que tint l'ancien gou verneraent de la France, à une époque à laquelle
il faut remonter pour trouver la cause des événements actuels. De toutes
les fautes de ce gouvernement, la plus impardonnable, parce qu'elle a
été la plus funeste, fut de souilrir, comme il le fit, avec une inconvenable
imprévoyance, le premier partage de la Pologne, qu'il aurait pu si facile-
ment empêcher. Sans ce premier partage, les deux autres n'auraient pu
s'effectuer et n'auraient pas même étaient tentés à l'époque où ils furent
faits. La Pologne existerait encore. Sa disparution n'aurait pas laissé un
vide, et l'Europe aurait évité les secousses et les agitations qui l'ont tour-
mentée, sans relâche, depuis dix ans.
Le cabinet de Versailles aggrava encore cette faute en laissant la Porte
ottomane seule aux prises avec les Russes et forcée aux plus douloureux
sacriûces, quand il pouvait les lui épargner, quand il lui était si facile de
la secourir, soit, en 1783, après la paix qu'il venait de faire, soit cinq
ans plus tard, lorsque commença cette guerre qui fui terminée par la dé-
plorable paix de 1791.
Cet oubli des intérêts de la France et de l'Europe entière aurait encore
aujourd'hui pour l'une et l'autre des conséquences nouvelles et bien plus
funestes, si V. M. ne les avait pas rendues impossibles.
Mais "V. M. a tant fait pour que ses ennemis désirent la paix, et elle a
tant fait encore pour la rendre facile. Car on ne peut pas supposer que la
Russie s'aveugle elle-même au point de renoncer h tous les bienfaits de
la paix, en refusant, de prendre le seul engagement que V. M. veuille
exiger d'elle, celui de s'abstenir désormais des entreprises qu'elle a faites
depuis trente ans et qu'elle poursuit ou renouvelle en ce moment sur les
états qui l'avoisinent au midi, et de reconnaître l'indépendance et Tinté»
grité de l'empire ottoman, qui importent si essentiellement à la politique
de la France et au repos du monde.
{M. Copie.)
XCI¥. — Dépêche (extrait) de l'ambassadcar Sébastian! an mi-
nistre des affaires étrangères, en date du lO décembre f809
(9 chéwal 1223).
Dans une entrevue de l'ambassadeur avec le réis-éfendi, celui-ci lui
dit:
Un négociateur russe, M. Pozzo di Rorgo, est venu nous offrir, de la
part de sa cour, l'évacuation des deux provinces avec la promesse de ne
plus s'immiscer dans leur administration ; nous avons tout refusé. Les
Anglais ont fait mille efforts pour nous rapprocher de la Russie ; nous
avons repoussé leurs propositions. Ils ont voulu nous y contraindre par la
violence; nous avons résisté. Récemment encore, ils nous ont fait de
APPENDICE 307
nouvelles ouvertures; nous sommes resiés fidèles à l'alliance qui nous
unit à vous. Lord Paget est parti; les propriétés di*s Anglais sont con-
fisquées, leurs marchandises sont i)roliibées et nos ports sont in-
tertlits à leurs vaisseaux. Enfin, monsieur l'ambassadeur, vous avez de-
mandé que la paix, au lieu d'être négociée à Bucharest, ce qui eût
accéléré sa conclusion, le fût à Paris, et nous y avons consenti. Quel
est le prix de tant de dévouement? Le traité de Tilsitt est ouvertement
violé par les Russes : non-seulement ils occupent encore la Valachie
et la Moldavie, mais chaque jour ils reçoivent de nouveaux renforts.
Ils envoient aux Sorviens des quantités énormes d'armes et de munitions,
et un agent secret de la cour de Saint-Pétersbourg se trouve b. Belgrade
où il excite plus que jamais les peuples de ces contrées à la révolte. »
(Lefebvre^ histoire, etc.)
\CV. — Résumé d'nne dépêche du ministre des affaires étran-
gères à l'aniliassadcnr Sébastian!, en date du 13 janvier 1808
(14 zilcadé 1323).
L'ambassadeur est chargé de communiquer à la Sublime-Porte que
l'empereur a cherché, en vain, à induire la Russie à évacuer la "Valachie
et la Moldavie, et qu'elle sera probablement forcée d'acheter la paix au
prix de ces deux provinces.
(Lefebvre, histoire, etc.)
XCYI. — Résumé d'une dépèche de l'ambassadeur ^ébasiiani an
ministre des affaires étrangères, en date du 15 février 1808
(19 zilliidjé 133 2).
Invité à se rendre ce même jour (15 février) à la Sublime-Porte, l'am-
bassadeur reçut de la part du réis-éfendi la communication verbale sui-
vante :
S. H. a remarqué avec un extrême chagrin le changement qui s'est
opéré dans les dispositions de la France. Jusqu'ici, S. M. l'empereur des
Français lui avait donné des témoignages d'amitié et d'intérêt qui la con-
solaient de l'incertitude et des dangers de sa position. Aujourd'hui, elle
lui fait part d'un projet qui doit entraîner la Turquie dans les plus affreux
désordres, et elle n'accompagne une communication aussi alarmante
d'aucune offre de secours, d'aucune promesse d'assistance. Jamais la Su-
blime-Porte ne consentira à céder la Moldavie et la Valachie; elle préfé-
rera mille fois la guerre h une pareille humiliation. S. IL est accablée de
douleur : elle a résolu d'écrire elle-même à S. M. impériale, et de lui ex-
[)oser la situatioQ critique dans laquelle se trouve son empire.
(Lefebvre, histoire, etc.)
308 APPENDICE
XCVII. — Résniné d'une lettre de Moustapha IV à TVapoIéon I*"', en
date du 4 mars 1808 (9 moharrem 133 3).
Le sultan rappelle à l'empereur Napoléon tous les témoignages d'amilié
que son gouvernement lui avait donnés; sa bonne loi dans l'exécution de
ses engagements ; les promesses formelles qui lui avaient été faites après
le traité de Tilsitt. Il finit par solliciter de nouveau la protection de l'em-
])ereur, et le supplier de lui garantir l'intégrité de son territoire.
(Lefebvre histoire, etc.)
Xl'TIII. — Résumé d'une dépêche de l'ambassadeur Scbastîanî au
ministre des affaires étrangères, en date du 14 mars t808
(1» moharrem 1233).
Mouhib-éfendi (ambassadeur ottoman à Paris), prévient sa cour qu'elle
ne doit plus compter sur l'appui de la France, que l'empereur Napoléon
est irrévocablement engagé dans les voies de la politique russe, et que,
si son nouvel allié l'exigeait absolument, il n'hésiterait pas à lui sacrifier
la Turquie, comme il lui sacrifie en ce moment la Suède.
« La France est regardée comme un alliée infidèle qui a trahi la Su-
blime-Porte: cette conviction est générale. Il est impossible de la dé-
truire, et la Turquie a aujourd'hui plus de haine contre la France que
contre la Russie. »
(Lefebvre, histoire, etc.)
XCI\'. — Lettre de IH. de Verninac an ministre des affaires étran»
gères, en date du 23 mai i808 (29 rébiul'éwel 1223).
Monseigneur, j'allai rendre visite, hier, h l'embassadeur turc, ainsi
que j'ai l'habitude de le faire, de temps à autre. Comme il dormait, le
premier interprèle me proposa un tour de promenade dans le jardin. Cet
interprète est M. Theologo, qui fit dernièrement un voyage à Bayonne.
Après quelques moments d'une conversation indifférente , ne s'occupe-t-
on pas beaucoup de nous dans le public, me dit-il? On assure, répondis-
je, que l'empereur a fait prolonger l'armistice, et je vous en félicite. — La
prolongation de l'armistice n'est rien, si l'on ne travaille point à la paix;
il n'en est pas encore question, et je vois avec chagrin que la Porte ne
prend aucun des moyens propres àse l'assui'er prompte et avantageuse. —
Vous n,e surprenez, ^lonsieur, je croyais que la l'orte la ménageait par
tous les procédés d'une confiance entière envers l'auguste médiateur qnien
est l'arbitre. — Je m'expliquerai franchement, repartit M. Theologo, et
j'irai droit au fait. Aux termes du traité de Tilsitt, les Russes auraient dû
APPENDICE [509
«
évacuer la Valacliic o[ la Moldavie; noii-seuleniPiit il sont restés dans les
provinces, mais ils s'y sont singulièi'enient renforcés. Or, de deux choses
l'uno: celle inexécution du traité a été consentiepar l'empereur Napoléon,
ou elle n'a pas son assentiment ; c'est une infraction que s'est permise l'une
des parties contractantes ou bien c'est une modification apportée d'accord
entre elles aux engagements qu'elles avaient pris ensemble; dans le pre-
mier cas, l'empereur Napoléon, qui est sans doute assez puissant pour
l'aire respecter le traité, voudra-t-il sacrifier ii cela le sang de ses soldats
et les intérêts qui Tunissent à la l^ussie? Dans le fond, pouvons-nous es-
|)érer qu'il révoquera, sans la considération de (pielque avantage personnel,
l'acte de condescendance auquel il a pu s'abandonner en faveur de son
allié? Dans l'un ou l'autre cas, un danger grave nous presse, et ne pouvant
y échapper par la voie des armes, nous devons recourir à la ressource
des faibles. Si la Russie agit sans l'aveu de l'empereur, obtenons de l'em-
pereur, par des concessions, qu'il fasse respecter le traité ; si l'empereur
a relâché le lien des engagements pris à ïiisitt, méritons par la même
complaisance qu'il le resserre. Donnons en un mot à une puissance qui
n'est pas essentiellement notre ennemie, pour ne rien donner à celle qui
de tout temps aspire à nous anéantir, ou pour éviter d'être la proie de
l'une ou de l'autre. Cette politique est le seul moyen de salut dans les
circonstances critiques où nous sommes. Mais tout indignée qu'elle est par
notre position, elle ne prévaudra point dans le divan sur les préjugés et
les sentiments qui y dominent ; la paix ne se fera point ; nous serons bat-
tus et notre ruine est infaillible. Ce que je vous dis là, continua M. Theo-
lûgo, j'eus le courage de le dire à M. l'ambassadeur ces jours derniers;
je m'attachais h lui faire sentir que les dillicullés existantes ne pouvant se
résoudre que par un abandon de territoire, il ne nous restait plus cju'à sa-
voir bien placer nos sacrifices et qu'à les faire servir à nous assurer un
protecteur puissant, qui sauvât du moins notre existence et notre gloire.
L'ambassadeur me répondit que les Français étaient autant nos ennemis
que les Russes et tous les iulidèles ; que la Poi'le rie pouvait rien céder
aux uns ni aux autres; que le sandjac-chérif (l'étendard de Mahoniel)
dissiperait toutes les armées chrétiennes, et lorsque je lui rappelais les
défaites des troupes les plus renommées, la chute de tant de trônes, et
tout ce dont nous avons été les témoins depuis quinze ans : Vous êtes
chrétien vous-même, me dit-il, et vous désirez notre perte; mais vous
devriez rougir de vos opinions et craindre d'avoir à en rendre compte à la
Porte? Je crains si peu, m'ajouta M. Theologo, les suites d'une opinion
que je crois utile au bien de mon souverain, que j'en ai fait part au réis-
erendi;je lui ai envoyé dernièrement un mémoire entièrement rédigé
dans le sens de la conversation que j'ai avec vous. Ces confidences de
M. Theologo m'étonnent d'autant plus que, depuis qu'il est en France, il
310 APPENDICE
ne m'avait pas dit un seul mot d'affaire, et s'était tenu dans une réserve
extrême. M. Tiieologo, en me parlant, était très-éniu et paraissait affecté.
Quoique que je ne proférasse pas un mot qui dût encourager ses épanche-
raents, il me paria de la situation intérieure de l'empire. D'après les nou-
velles particulières qui m'arrivent, dit-il, le mal est au comble, h peine
avons nous pu réunir 30,000 hommes pour opposer aux Russes ; tout est en
défection dansl'Asiejons'yrit desKhalicl)érifs(coramandemenls du Grand-
Seigneur même) ; le trésor est dénué; les Grecs de la Péninsule et ceux
d'au-delà de l'isthme s'exaltent de plus en plus; chacun s'occupe de
l'avenir; comme Grec, je dois entrevoir avec satisfaction l'espérance d'un
changement; comme employé de la Porte, dans un poste effrayant de res-
ponsabilité, je souffre de voir qu'on ne prend pas lesmoyens de conjurer
l'orage ; j'ai fait solliciter mon rappel, par mes amis, on a répondu qu'il
n'était pas encore temps; ma position est la plus fâcheuse du monde.
J'ai cru, monseigneur, que ces ouvertures de M. Tiieologo pouvaient
intéresser le bien duservice de S. M., et cette considération me détermine
à les porter à votre connaissance.
J'ai l'honneur, etc.
{Signé) Verninac.
(M. Original.)
V. — mémoire adressé par le général Séliastlani à IVapoléon I'^',
en date dn 13 juillet «808 (18 djémazinl-éwel 13 33).
Mémoire sur la lurquie, svr la Bussie et siir V Autriche.,
par le général Sébastiani.
12 juillet 1808. Votre Majesté m'a ordonné de lui faire un rapport sur la situation actuelle
de l'empire ottoman, je vais lui soumettre les observations que j'ai été k
portée de faire pendant mon séjour k Constantinople. — J'ai cherché k
connaître non-seulement le gouvernement et la capitale où j'ai résidé,
mais encore les différentes provinces de cette monarchie ; dans toutes
mes recherches je n'ai eu, et je n'aurai jamais qu'un but, le service de
Votre Majesté.
Situation L'empire ottoman est une monarchie militaire; tant que les princes de
inîéiicure. ja dynastie régnante ont été belliqueux, qu'ils ont commandé leurs armées
et parcouru leurs provinces, la monarchie a été florissante, mais depuis
qu'ils sont renfermés dans le sérail, que lesvézirs et les pachas comman-
dent les troupes, et que le divan gouverne l'État, la monarchie est tombée
dans l'abaissement et est livrée au désordre.
Votre Majesté, avant mon départ pour Constantinople, en me parlant
de la Turquie, dit : Il ne faut à cet empire pour le relever qu'un prince
courageux qui se mette à la tète de ses janissaires, qui parcoure ses
APPENDICE 311
provincos et ((iii lasse tomber les tôles des pachas qui méconnaissent
son autorité. — Toutes les oi)sei"vations que j'ai pu l'aire dans différentes
circonstances ont confirmé cette vérité.
Malheureusement pour l'empire ottoman, aucun de ses princes actuels
n'a les qualités qui sont nécessaires pour opérer ce changement.
Sultan Sélim, homme éclairé, et convaincu de la nécessité de modifier
la constitution de l'État, entreprit peut-être avec trop de légèreté des
changements qui, en ])lessant la religion et les usages, indisposèrent la
nation et surtout les ulémas et les janissaires, — S'il eût été doué d'un
courage et d'une fermeté même ordinaires, il eiit triomphé de tous les
obstacles, mais pusillanime jusqu'à l'excès, il fut précipité du trône.
Sultan Moustapha régnant, n'a point la lumière de son prédécesseur et
en a toute la faiblesse. — Son règne me paraît devoir amener la fin de
cette dynastie, car, si un mouvement populaire le renversait lui-môroe et
plaçait sur le trône sultan Mahmoud, son frère, la Turquie serait gouver-
née par un prince faible, doux et valétudinaire, atteint d'une épilepsie
incurable.
Voilà les seuls rejetons de la famille des Ottomans qui est menacée de
s'éteindre tout naturellement. — Sultan Sélim n'a pas eu d'enfants. — Sul-
tan Moustapha paraît frappé de la même stérilité, puisque depuis quatorze
mois aucune de ses femmes n'a donné de signe de fécondité.
La faiblesse des princes ottomans, depuis Mahomet IV, a été telle que
les vastes provinces de cet empire se sont pour ainsi dire isolées, et les
opinions religieuses forment le seul centre d'union, auquel se rattachent
encore ses parties. — Tous les pachas, tant d'Europe que de l'Asie, pres-
que indépendants, car ils ont à la fois l'administration de la justice et des
finances de leurs provinces jointe h la puissance militaire ; ils font servir
les forces et les moyens qu'ils ont à leur disposition à leur propre agran-
dissement et k faire la guerre à leurs voisins.
Il résulte de cet état des provinces que les tributs n'entrent plus dans
le trésor de l'État, et aujourd'hui les finances dont le sultan et le divan
gèrent l'administration ne s'élèvent pas à 2k millions tournois, parce
qu'elles ne se composent plus que de la capitation grecque de la capitale
et des environs, du produit des douanes qui est presque nul depuis la
guerre et des successions des employés de l'État. — Les seules ressources
pécuniaires que pourra trouver le Grand-Seigneur dans un moment de
crise et de besoin, seront les avanies que l'on fera supporter aux Grecs
et aux Juifs, aux Arméniens et aux Turcs, et les joyaux de la couronne.
Après avoir exposé les ressources financières de l'empire ottoman, il
est utile d'en faire connaître les forces militaires. Depuis la destruction du
corps des Nisam-Gédit, des troupes de nouvelle création, le corps des ja-
nissaires constitue la seule infanterie de l'État, les Spahis et les Tima-
■6V2 APPENDICE
riates forraent la cavalerie. — Un corps de canonniers sous le nom de
Toptchis d'à peu près 7,000 hommes est destiné h la défense des cliàteaux
des Daidanelies et du Bosphore et au service de l'artillerie en campagne.
Tous les Turcs sont soldats, dès qu'ils sont en état de porter les armes ;
ils doivent marcher à la voix de leur souverain et de la religion, mais
l'esprit d'isolement des provinces est tel que pendant la dernière campa-
gne, l'armée vézirielle du Danube ne s'est pas élevée à plus de 40,000
hommes, dont 15,000 avaient été levés dans Constantinople et 10,000
dans Andi'inople et ses environs ; le reste de l'armée se composait de
quelques corps de troupes envoyés par des pachas et d'un petit nombre
de vrais croyants d'Asie qui, de leur propre moavemenl et poussés par
leur zèle, étaient venus grossir l'armée.
La Turquie européenne au delà d'Andrinople n'a rien fourni, et l'Asie,
comme on l'a dit, n'a donné que 15,000 hommes.
L'armée du grand-vésir doit êlre évaluée indépendamment des forces
des pachas de Ruslchuck et de Widdin, les premières se montait ni à
25,000 hommes et les secondes à 7 ou 8,000. — Ces troupes étaient
infiniment meilleures et plus aguerries que celles du grand-vésir.
Dans un moment de crise et de danger, l'armée vézirielle ne s'élèvera
pas de beaucoup au-dessus de 40,000 hommes, mais les puissances qui
attaqueront l'empire ottoman auront à combattre toute la population mu-
suhnane des provinces attaquées et une grande partie de celles des pro-
vinces voisines.
Le Grand-Seigneur a des ressources considérables en artillerie et en
munitions de guerre. — Son matériel d'artillerie est très-bon et plus que
suffisant pour les besoins de son armée.
Les forces maritimes de l'empire ottoman se composent de vingt-deux
vaisseaux de ligne en état de tenir la mer, dont trois à trois ponts, de
douze frégates et autant de corvettes. — La construction de tous ces
bâtiments est parfaite, leur armement pourrait êlre également bon, car
l'arsenal de Constantinople offre d'immenses ressources.
Dans l'état actuel des choses la SubiimePoile ne peut pas armer au-
delà de quinze vaisseaux avec des frégates et des corvettes en proportion,
encore les équipages seront-ils composés d'hommes qui n'ont aucune
habitude de la mer et que l'on prendra daiis les rues de Constantinople.
Les excellenls matelots que fournissaient les îles de l'Archipel n'arri-
vent plus à Constantinople depuis que ces îles se regardent comme
iniiépendanles et prêtes à passer sous une autre dominalion. — Les offi-
ciers qui commandent ces forces maritimes n'ont aucune connaissance
théorique de l'art de la navigation et très-peu d'expérience.
Ju^qu'au moment de la déposition de sultan Sélim, la Turquie avait eu
un gouvernement faible à la vérité, mais entouré du prestige d<^s idées
APPENDICE 313
religieuses. — Son sr.ccpsseiir n'a obtenu que le titre pompeux de Padi-
Sc/ia et le droit de comniandrr dans le sérail, mais l'autorité, ou plutôt
ce simulacre de puissance qui reste encore aux anciennes formes de la
monarchie est entre les mains des ulémas, et particulièrement entre celles
du mufti actuel, le même qui a eu une grande influence lors de la révo-
lution dont le résultai a été la déposition du sultan Sélim.
Deux fois sullan Mouslapiia a essayé de déposer le mufti et de com-
poser le divan de ses créatures, et deux fois il a couru le danger de
perdre sa couronne, — Les affaires se traitent chez le chef de la loi (pii
commande en maître, et qui toutes les fois qu'on veut lui disputer sa sou-
veraine puissance fait réunir et soulever les janissaires. — Quoiqu'il en
soit, le sultan et le mufti n'exercent leur faible autorité que dans Cons-
taotinople et dans une petite partie de la Bithynie. Les provinces sont
mécontentes, la cour est dans le mépris, le gouvernement est dans une
véritable agonie, mais cette agonie peut être longue. — Un ancien nom,
d'anciens usages, et plus que tout cela le centre de la religion réunissent
les Musulmans animés par la même croyance, et je ne pense pas qu'à moins
d'un schisme religieux, aucun pacha puisse se former une principauté
indépendante et héréditaire; il serait même possible qu'h la paix le sultan
put reprendre les rênes du gouvernement de la capitale et, qu'il se main-
tînt encore quelques années, d'autant plus que les janissaires n'ont pas
contre lui la haine qu'ils avaient contre son prédécesseur.
Les hommes qui composent aujourd'hui le divan, tant au camp qu'à
Gonstantinople, sont persuadés que la durée de l'euipirc dépend de la con-
servation de la bienveillance de Votre Majesté, et que cette bienveillance
ne peut être conservée que par l'état de guerre avec TAngleterre. — Des
orages fréquents mais momentanés troubleront la tranquillité de Gonstan-
tinople, causeront la perte de quelques hommes importants, mais le mi-
nistère quel qu'il soit ne s'écartera jamais du principe d'union avec la
France. — Je suis même obligé de dire à Votre Majesté une vérité bien
constante et universellement reconnue : L'Europe est pleine d'admiration
pour le vaste génie de Volie Majesté, mais l'Orient reconnaît dans votre
personne sacrée l'envoyé de Dieu. Tous ceux qui seront employés dans
l'Orient, par ordre de Votre Majesté, doivent être bien persuadés de celte
vérité et y coordonner toutes leurs opérations. M. de la Tour-Maubourg
connaît bien l'état des choses en Turquie, et par son zèle, par ses lu-
mières et son dévouement à Votre Majesté, il est en état de remplir ses
intentions.
11 nie paraît nécessaire de mettre sous les yeux de Votre Majesté la si-
tuation de la population grecque, arménienne et juive en Turquie.
Les Arméniens, tant schismatiques que catholiques, soiit soumis et assez
affectionnés aux Turcs, ne s'occupent presque pas d'affaires politiques et
314 APPENDICE
ne prendront jamais part à aucun mouvement ; cependant ils sont vérita-
blement attachés à la France et la serviraient avec zèle et fidélité, si la
France occupait quelques-uns des pays qu'ils habitent.
On compte 500,000 Arméniens répandus dans l'ancienne Arménie et
dans d'autres provinces de l'Asie. — H y a en outre /jO,000 Arméniens à
Constantinople, dont les plus riches sont les banquiers du gouvernement
et des seigneurs Turcs,
Les Grecs peuvent être divisés en quatre classes : Grecs d'Asie, Grecs
de l'Archipel, Grecs habitants de l'ancienne Grèce et Grecs de Constan-
tinople.
La population grecque en Asie peut s'élever h environ 150,000 âmes.
Ces Grecs, adonnés au commerce et quelques-uns à la culture des terres,
ne peuvent être envisagés pour le moment sous aucun point de vue impor-
tant.
Les Grecs de l'Archipel, bons navigateurs, commerçants, manufactu-
riers dans quelques îles, sont animés de la haine la plus vive contre les
Turcs, se regardent comme indépendants, et sont prêts k lever l'étendard
de la révolte en faveur d'une puissance qui voudrait occuper l'Archipel.
Ils ont préféré les Russes à toute autre puissance et par aflfinité de reli-
gion, et parce qu'ils en attendaient la liberté. Depuis la guerre conduite
par Orloffet la dernière conduite par Siniavin, leurs espérances ayant
été trompées et eux-mêmes ayant été traités avec hauteur et dureté, leurs
regards se sont tournés vers la France.
D'ailleurs, doués d'une imagination mobile et active, ils s'entretiennent
chaque jour des victoires de Votre Majesté, s'exaltent par des récits et
nourrissent le désir et l'espoir de faire partie de son vaste empire, sur-
tout depuis la conquête deslles-lonniennes.
Les Grecs qui habitent l'ancienne Grèce, la Macédoine et l'Epire sont
animés des mêmes sentiments que les Grecs de l'Archipel, étant plus bel-
liqueux que ceux-ci, étant de plus comprimés et vexés par les Turcs, ils
saisiraient avec avidité une occasion de vengeance, surtout s'ils pouvaient
compter sur l'appui de la France, car ils ne veulent plus s'exposer aux
malheurs dont ils furent accablés pendant l'avant-dernière guerre des
Russes, qui les abandonnèrent h la fureur de leurs ennemis. Il ne faut pas
regarder comme ennemis des Turcs les Grecs qui habitent la portion de la
Macédoine qui appartient au béy de Serès. Comme ce Grec les traite avec
douceur et qu'il les favorise pour ainsi dire de préférence aux Turcs, que
de plus ils jouissent d'une grande protection pour la culture et le com-
merce du coton et du tabac, source de leur prospérité, s'ils ne marchaient
sous les drapeaux de leur béy, du moins ils ne prendraient aucune part
aux entreprises contre lui.
La population grecque de la Romélie, de la Bosnie et de la Bulgarie, su-
APPENDICli 315
perslilieiise, vile, timide, disséminée, loin d'être d'aucun secours à une
puissance qui attaquerait ses provinces, lui sera ii charge, puisqu'il faudra
la défendre de la fureur des Turcs.
Les Grecs de Gonstantinople sont ou boyards ou négociants, ceux-ci
ne s'occupent que de leur commerce. Les boyards ne possédant aucun
immeuble, n'ayant aucune industrie, ne vivent que des ressources (jui
leur sont olfertes par les principautés de Moldavie et de Valacliio ; tant
qu'ils ont eu de l'argent, ils ont eu accès dans les maisons des ministres
turcs, mais, aujourd'hui qu'ils sont accablés de misère, ils sont chargés de
tout le mépris que doivent inspirer les hommes les plus vils et les plus
abjects qui existent.
Parmi les familles de princes, celles des Sutzo et Callimachi sont les
seules attachées \x la France. Ils ont qnelqu'influencc, mais elle ne peut
pas balancer celle des if oroj<si, qui avec les richesses dont ils sont encore
possesseurs se sont faits des protecteurs, et qui portent jusqu'à l'exagéra-
tion la haine contre la France. — Les Grecs de Gonstantinople n'ont point
d'influence sur les Grecs des provinces, ils en sont même haïs parce que
dans tous les temps ils se sont rendus les instruments des vexations des
Turcs.
Pour acquérir de l'influence sur les Grecs, il faudrait caresser les évê-
queset leurs prêtres qui, parla religion, exercent un grand pouvoir sur
leurs concitoyens.
Jamais les Russes n'ont entretenu plus de correspondance, plus do re-
lations avec les Grecs que dans ce moment; cependant, je ne pense pas
qu'ils puissent être pour eux d'un grand secours dans le cas d'une inva-
sion; ce ne serait qu'après plusieurs années que la population grecque
pourrait être d'une grande utilité à la Russie.
La Servie seule fournirait des soldats qui combattraient dans les rangs
des Russes, parce qu'ils ont eu le temps de s'aguerrir et de s'orga-
niser.
Les Juifs nombreux en Turquie ressemblent aux Juifs des autres pays,
ils ne s'occupent que de trafiquer.
Votre Majesté connaît la situation extérieure ou politique de la Tur-
quie.
Gette puissance se regarde comme naturellement amie avec la France, sitiution
mais, depuis le traité de Tilsitt, les intrigues des Grecs et plus encore les extifriemc.
insinuations de l'Autriche lui ont fait concevoir les inquiétudes les plus
vives et les plus grands soupçons.
Ces inquiétudes cl ces soupçons sont entretenus par Ali-pacha, qui a de
l'influence à Gonstantinople; malgré tout cela, je le répète, la Turquie ne
se passera pas un seul instant du système d'union avec la France; jusqu'à
ce que la paix de la Turquie avec la Russie ait eu lieu, les soupçons elles
316 APPENDICE
inquiétudes existeront toujours. — Je nerae suis occupé que d'inspirer aux
ministres et aux particuliers sécurité et confiance, afin de leur faire at-
tendre avec calme l'issue des négociations.
Depuis mon arrivée h Paris je suis parvenu à inspirer la même con-
fiance à l'ambassadeur ottoman. — J'ai écrit dans le môme sens à quel-
ques ministres cl membres du corps des ulémas, avec lesquels j'ai con-
servé des rapports.
Les lettres de l 'ambassadeur Moî/A/è-iE'/erïrf/ produiront un très -bon effet,
et jusqu'à présent sa correspondanceavait été dansun sens tout contraire.
La Sublirae-Pcrte est, par système, ennemie de la Russie et la nation otto-
mane est animée de la haine ia ])lus invétérée comme la plus active contre
la Russie. — Le divan craint la Russie et sent que cette puissance, qui
peut attaquer la Turquie sur le Danube, sur le Phase et sur le Bosi)hore
est d'autant plus redoutable que les Grecs lui sont dévoués. — Ce ne fut
qu'avec une répugnance extrême et comptant sur l'appui de la France
que les Turcs osèrent déclarer la guerre à la Russie après l'invasion de la
Moldavie et de la Valacbie.
Dans tous les cas la Porte craindra et ménagera la Russie qui exercera
une véritable influence h Conslanlinople. — La Porte fera des sacrifices
pour obtenir la paix dont elle'sent le besoin pressant, mais, si elle est
obligée de céder les deux provinces, un mouvement insurrectionnel à
Constantinople aura lieu, à moins que le traité ne se fasse de l'aveu
et avec le concours du pacha de Ruslchuck, qui plus que tous les autres
s'opposera à l'établissement des Russes sur le Danube. — Un mouvement
insurrectionnel de cette nature exposerait à de grands dangers les Fran-
çais qui sont dans Constantinople et ceux des autres Échelles.
La Turquie a été indignée de la mauvaise foi des Anglais et des tenta-
tives qu'ils ont faites sur Constantinople et sur l'Égyple.
Elle continuera son état de guerre avec la puissance britannique, m lis
plus encore pour plaire à Votre Majesté que pour se venger.
L'Angleterre a effacé par ses dernières opérations le souvenir des ser-
vices qu'elle a rendus à la Turquie, et en a perdu le fruit pour toujours.
L'Autriche est dans le n)épris à Constantinople, et depuis la défaite de Jo-
seph II dans le Banal, les Turcs se croient en état non-seulement de résis-
ter à celle puissance, mais en raêiiie temps de conquérir ses provinces.
Les Turcs regardent tout le reste de l'Europe comme appartenant à la
1 rance, et celle opinion est infiniment avanlagouise.
Quelques observations sur V attaque et la défense de la Turquie.
La France ou la Russie peuvent aisément envahir la Turquie, mais la
possession tranquille el assurée m'en paraît difficile.
APPENDICE 317
La Turquie sans armée n'^giilière, sans autres places l'niiiis q\i'/smaïl cl
Widdin, n'est pas en état d'arrêter la marche d'une armée européenne
qui se dirigerait sur (lonslanlinople ou sur tel autre point de l'empire.
Cette armée rencontrerait pourtant des obstacles dans les troupes
ottomanes dévouées h la Porte, et dans les po|)ulations essentitUement
belliqueuses des provinces qu'elle traverserait.
Celle armée serait harcelée sur ses flancs et sur ses derrières, ses
transports seraient difliriles, et elle trouverait dans le pays des moyens de
subsistance bien peu considérables, et parce qu'il offre aujourd'hui peu de
ressources, et parce que les Turcs altaqu-.'s et chassés laisseraient en se
retirant les traces de la dévastation la plus effrayante.
Il faudrait donc pour attaquer la Turquie avoir d'avance des moyens
de subsistances et de transport bien assurés.
Il est facile de voir que la possession de la Turquie offrira bien des
difficultés à. la puissance qui l'aura envahie. La religion musulmane isole
des autres nations et des autres religions le peuple ottoman; mais elle
l'établit dans un état de guerre contre tous les infidèles.
Les Turcs sont très-superstitieux, très-ennemis des chrétiens, très-bra-
ves, très-capables de porter l'exaltation de la haine religieuse jusqu'au
martyre; accoutumés d'ailleurs à des insurrections continuelles, {\ des
guerres intestines toujours renaissantes, le dernier des citoyens devenant
facilement chef de partiel commandant, tous les jours verraient éclater
des révoltes contre l'armée chrétienne.
Les villes n'ayant pas même d'enceinte, aucune place forte n'offrant pas
même les moyens de mettre à l'abri le matériel de l'arùllerie, les vivres
et les armes, il faudrait nécessairement établir des camps retranchés sur
dilïérents points, et combattre les Turcs jusqu'à leur destruction ou leur
émigration; s'il était possible d'opérer un schisme religieux qui renversât
les principes de la religion mahométane et qui rompît cette barrière qui
la sépare de toutes les autres religions, alors la possession de la Turquie
serait aussi facile que sa conquête, mais ce schisme me paraît très dif-
ficile.
La Russie, par sa position géographique, peut plus aisément conquérir
et conserver la Turquie.
Des bords du Danube oii sont les troupes Russes, il n'y a que dix-huit
jours de marche pour arriver k Constantiuopie, deux grandes routes car-
rossables y conduisant : l'une par Rustchuck, Tij^nova, Eski-Zara QiAn-
di-inople, l'autre par Silistria, Schumla, Quarante Eglises; une flotte russe
|)eut agir en même iemps sur Varna, Sisépoli et Derkos, en appuyant les
opérations de la gauche de l'armée de terre et lui assurant par mer ses
approvisionnements.
L'armée russe arrivant à Constantinople par terre, et secondée par la
318 APPENDICE
flolte, s'empareiTiil de l'escadre ottomane qu'elle armerait aisément avec
les Grecs de l'Arcliipel accourus en foule, elle s'en servirait ensuite comme
moyen de défense; — d'ailleurs ses possessions du Phase et de Crimée et
celles d'Odessa lui offriraient de grandes ressources tant en hommes qu'en
munitions de toute espèces. — Les châteaux du Bosphore ne sont h pro-
prement parler que des batteries pour défendre le passage et n'offrent
aucun moyen de résistance contre les attaques par terre.
Les Russes arrivés à Constantinople, maîtres de l'escadre ottomane,
ayant de plus des communications aussi sûres que promptes par mer,
tireraient encore de très-grands avantages de tout le clergé grec et no-
tamment le patriarcat qui y réside; c'est par son moyen qu'elle propage-
rait l'insurrection servienne et chercherait à appeler les Grecs de toutes
les autres provinces h la défense de la religion.
Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que la Russie elle-même peut de long-
temps posséder l'intérieur de la Turquie-Européenne; non-seulement elle
aurait à combattre la haine religieuse des Turcs, mais une haine de nation
très-exaltée.
Les Grecs de la Bulgarie et de la Romélie sur lesquels elle paraît
compter ne seraient pour elle d'aucune utilité, mais plutôt à charge.
Tout décèle évidemment de la part de la Russie le désir de recom-
mencer la guerre avec la Porte, et j'ai cru le voir aussi bien dans les
relations politiques avec la cour de Constantinople que dans ses rapports
avec les Grecs et dans la position de son armée.
Les armées françaises pourraient agir également contre la Turquie, et
quoique les difTicultés qu'elles auraient à surmonter surpassent de beau-
coup celles qui s'opposeraient aux Russes, il n'est point douteux qu'elles
parviendraient jusqu'à Constantinople, et qu'elles traverseraient même
l'Asie si Votre Majesté le voulait.
Deux routes d'opérations. militaires contre la Turquie s'offrent à l'ar-
mée de Dalmatie, celle de Bosnie, et celle littorale de l'Albanie.
Je joins à ce mémoire un itinéraire depuis Spalato jusqu'à Constanti-
nople, fait par M. de Tracy, officier du génie de la plus grande distinction,
et mon aide de camp, qui a suivi lentement cette route et qui l'a observée
avec soin ; il m'a été impossible de faire faire un itinéraire de la roule
d'Albanie.
La route de Bosnie, qui est la plus courte, offre pourtant une dislance
d'environ 75 jours de marches de troupes.
La Bosnie, dont la surface est d'environ cinq à six cents lieues carrées,
offre une population d'environ 600,000 âmes, dont 500,000 Turcs,
60,000 Grecs et /(0,OUO Latins.
Le pays est montueux, riche en bestiaux et produisant du blé suflTi-
samment pour la consommation de ses habitants.
APPENDICE 319
La pins riche de ses productions est celle du fer qu'on exploite en assez
grande quiuililé pour que i'exportalion s'élève ii deux ou trois millions
tournois.
Les Bosniaques, turcs ou chrétiens, ne parlent qu'un dialecte de la lan-
gue slave, et ignorent entièrement la langue turque. Le Pacha de Bosnie
n'a qu'un fantôme de puissance, le pouvoir réel est entre les mains
ûWi/ans ou chefs des villes.
La Bosnie est de toutes les Provinces de la Turquie-Européenne celle
qui entretient le moins de rapport avec la capitale de rem{)ire turc.
C'est en Bosnie que se trouve l'cnthousiame de la religion dans toute sa
force ; les guerres que les Bosniaques ont soutenu contre les chrétiens ont
porté leur haine an dernier degré d'exaltation; d'ailleurs les Bosniaques
turcs ne sont pas des soldats oisifs comme les habitants turcs du reste de
la Turquie-Européenne, ils sont cultivateurs, et par conséquent prêts à se
défendre ou à périr pour la conservation de leurs propriétés.
Après avoir traversé la Bosnie et une petite portion de l'ancienne
Servie révoltée, on se trouve sur les bords du Vardar^ dans les riches
plaines de l'ancienne Macédoine dont une grande partie est sous le
gouvernement du béy de Sérès.
Cette partie de la Turquie est peut-être la plus peuplée et celle qui
jouit de la plus grande prospérité. — Le béy, dont il sera parlé dans un
mémoire joint à celui-ci, est un homme sage et conïîidéré, et qui aura
pour successeur un fils qui lui ressemble.
De Sérès deux routes conduisent à Constantinople, l'une par Salonique
et les bords delà mer de Marmara, l'autre par Phiiippopoii et Andrinople;
la route de Salonique offre un pays mieux cultivé, celle de Philoppopoli
est un peu plus courte.
La route que l'armée française pourrait tenir en partant de Baguse et
de Catto.ro, se dirigeant sur l'Albanie, m'est peu connue, elie me paraît
pourtant très-longue et très-difficile. — On rencontre dans ce pays la
meilleure infanterie turque, les Albanais.
Le pacha de Scutari a plus de consistance que tous les autres pachas,
parce que son gouvernement est devenu héréditaire ; on trouve ensuite
le petit pachalik àe Berat, les montagnes de la Chimère, et tous les
pachaliks de Yanina jusqu'à Salonique oii les deux routes se joignent.
C'est en Albanie qu'on trouverait toutes les difficultés que peut oppo-
ser un peuple belliqueux, obstiné h la guerre, et dirigé par un homme
ambitieux et féroce.
La route de l'Albanie n'est pas carrossable. C'est peut-être aussi le seul
pays de la Turquie où les Grecs pourraient agir contre les Turcs. Je ne
pense pas cependant que l'on puisse beaucoup compter sur cette nation.
La France peut aussi attaquer la Turquie par mer. Une expédition
320 APPENDICE
maritime bh!n combinée, peut franchir les Dardanelles, arriver à Cons-
tantinople, y débarquer une armée, et s'emparer de la capitale. — On ne
pourrait passer les Dardanelles sans s'exposer h un danger réel d'échouer
dans cette entreprise, mais en faisant un petit débarquement dans le golfe
de Sa?vs, on s'emparerait de la presqu'île jusqu'à Gallipoli. — Les îles
de l'Archipel qu'on voudrait occuper se livreraient avec empressement h
l'armée française, excepté l'île de Candie, dont la population est pour la
plus grande partie mabométanne.
L'occupation des îles de l'Archipel offrirait de grandes ressources
pour la marine, mais cette expédition serait dangereuse, à moins que
l'armée de terre ne fût très-forte, parce que la population de Gonstanti-
nople est très-considérable, et parce que tous les environs de l'Asie et de
l'Europe feraient des eflorts inouïs contre cette armée.
Une partie plus vulnérable du côté de la mer, c'est la Morée, elle pour-
rait être envahie très-brusquement et la conservation en serait facile,
parce que la population est presqu'entièrement grecque et qu'il ne s'agi-
rait que de défendre l'isthme de Corinthe pour entièrement l'isoler du
coniinent.
Zante et Céphalonie faciliteraient les opérations, on trouverait en
Morée de grandes ressources en blé, et VeU-Pacha s'est tellement aliéné
l'esprit des habitants, que l'on pourrait compter sur l'armement et le con-
cours des Maniotcs.
Dans le cas où Votre Majesté voudrait défendre les Turcs contre les
Russes, il serait difficile de décider les pachas à souffrir le passage d'une
armée française, et ce ne serait qu'après que les Russes auraient passé
le Danube que l'armée turque serait dispersée et les affaires désespérées,
que les pachas implorei'aient le secours de la France.
S'il était possible que ce secours arrivât ii temps, il n'est pas douteux
qu'il produirait un ij;rand effet, surtout si le corps de troupes était con-
duit par un général qui connût le pays et le caractère des Musulmans,
ainsi que la manière de combattre des deux nations, des Turcs et des
Russes.
Coup (Tœil sur les provinces de la Turquie prises ensemble
et séparément.
Les élals qui composent l'empire ottoman peuvent se diviser en Tur-
quie d'Europe et Turquie d'Asie.
La Tuiquie d'Europe est gouvernée par un grand nombre de pachas et
de béys, mais ceux qui ont une véritable autorité et de grands moyens
sont au nombre de quatre.
Le Pacha de Scutari commande à toute l'Albanie supérieure;, Ah-pacha
APPENDICE 321 ■
de Yanina est maître de toute l'Albanie inférieure, de la Morée et de
Négrepont.
Jsynaël-béy de Sêrés possède la plus belle et la plus riche partie de la
Macédoine.
Mustapha- Pacha Ad Rustchuck commande à toutes les provinces qui s'é-
lendenl depuis la rive droite du Danube jusqu'aux portes de Conslanti-
nople.
Les autres pachas de la Turquie d'Rurope, tels que ceux de Bosnie, de
Widdin et de Salonique etc. , sont loin de posséder les ressources et les
avanta^^es de ceux dont je viens de parler.
Le pacha de Scutari est puissant par la position du pays dont il est
souverain et par l'avantage qu'il a eu de recevoir comme héritage le pou-
voir qu'il exerce, et les richesses qu'il possède.
Les Albaniens sont les meilleurs soldats de l'infanterie turque, on les
appelle Arnautes.
Ali-pacha de Yanina, né à Tébélen, dans les montagnes de l'Albanie,
s'est élevé des derniers rangs de la milice au poste éminent qu'il occupe.
Soil imniédiateuient par lui-même ou par ses deux fils, il gouverne l'an-
cienne Grèce.
Quoiqu'Ali-pacha n'ait pas eu les avantages que le pacha de Scutari
avait reçus de sa naissance, son habileté, son audace, un très-long exer-
cice du pouvoir, l'avantage d'être né dans le pays, tout contribue à le
faire regarder comme le premier d'une race de princes destinée k gou-
verner ces contrées intéressantes sous tant de rapports, de la nième ma-
nière que les différents souverains, à peu près indépendants en Asie, gou-
vernaient les provinces qui autrefois étaient de simples pachaliks.
Les pachas de Yanina et de Scutari, souvent en discussion pour leurs
intérêts particuliers, sont et seront toujours unis dans les circonstances
vraiment critiques.
Jstnaël-béy de Sérés est un vieillard peu guenier, mais juste et ferme
dans l'administration et dans l'emploi du pouvoirabsolu dontilest revêtu.
La protection qu'il accorde aux rayas, en les traitant sur le même pied
que les Turcs, lui a concilié tous les cœurs et a enrichi ses états aux dé-
pens de ceux de ses voisins, car un grand nombre de rayas vexés dans
les pachaliks voisins sont venus chez lui et y ont trouvé sîireté et pro-
tection.
Il a des finances en très-bon état, il affecte actuellement une grande
déférence aux ordres de la Porte, mais au fait il est parfaitement indépen-
dant; il a un filsd'enviion trente ans qui paraît destiné à lui succédei', il
est aimé et passe pour un bon militaire.
Le béy de Sérés est actuellement très-uni avec Mustapha- Pacha de /lust-
chuck, qui gouverne un pays immense et qui a des troupes nuin!ji'i'u:-i(.'s.
T. II. 21
322 AIPENDICE
Mustapha-pacha est un soldai et rien de plus; encore môme il se pourrait
que l'existence brillante dont il jouit, comparée à celle qu'il avait autre-
fois, eût diminué son goût pour la guerre.
Il paraît qu'il pense plus à jouir de sa fortune présente qu'à des idées
d'agrandissement. Cependant son union intime avec Ismaël-béy doit don-
ner quelqu'ombrage et le rend plus redoutable.
Au reste, il est tout prêt à trahir son pays, sitôt qu'il aperçoit pour
lui quelqu' avantage à le faire.
Le pachalik de Salonique, qui était si considérable autrefois, n'est plus
rien à présent.
Le pacha actuel est l'ancien pacha de Bosnie, Méhémet-pacha, homme
d'esprit, de zèle, dévoué à la France. 11 était kiaya du grand-vésir Jussuf-
pacha, qui commandait l'armée turque en Egypte, il avait été depuis
pacha du Caire.
Les béys qui gouvernent Salonique y causent des désordres fréquents,
et souvent le pacha nommé par la Porte est fort longtemps sans pouvoir
être admis dans la ville et y jouir de ses droits, qui sont bien peu consi-
dérables. — Le pacha a des revenus très-modiques.
Le pachalik de Widdin est dans le même cas que celui de Salonique,
les agrandissements de ses voisins et la révolte des Serviens ont resserré ses
limites et y ont diminué son importance.
Depuis lamort de Passwan-Oglou, celte province a cessé de jouer un rôle.
Le pacha actuel est un homme faible et sans caractère.
Le pachalik de Bosnie est par sa position actuelle moins important
qu'autrefois, il se trouve enclavé dans les états chrétiens qui peuvent deve-
nir des ennemis dangereux.
Cette province est pour ainsi dire isolée et sans communication avec les
étals musulmans, depuis la révolte de la Servie.
Dans les observations sur les moyens d'attaque et de défense de la
Turquie, on a doinié une idée des ressources de la Bosnie, pays assez
abondant en blé, mais surtout en bestiaux.
On a fuit connaître le caractère ûer et sauvage des Bosniaques qui sup-
portent avec peine toute espèce d'autorité.
Les pachas nommés par la Porte ont été obligés de fixer leur résidence
à Truwnick, parce que Bosna-Seraï, qui est la capitale, est trop popu-
leuse et trop difficde à maintenir dans l'ordre.
ATiawnick qui est une ville de 15 ti20,OU0 âmes, c'est avec peine que
le pacha se l'ait obéir; le seul moyen que puissent employer les pachas
jiour exciter les peuples à marcher pour la défense de l'empire, c'est l'in-
fluence de la religion, la haine des mûJèles et le besoin qu'ont tous les
viais croyants de se réunir contre les chrétiens non pour la défense de
telle ou telle province, mais pour celle de leur sainte religion.
APPENDICE :;23
Ce qui est dit ici-dessus ne doit être entendu que de la Bosnie dans
ses anciennes lin)iles, car actuellement l'autorité du |)achu s'étend sur la
partie de la Jert'i'e située entre l'Albanie et lu Servie révoltée jusqu'aux
états du béy de Séres.
Cette partie de la Servie conservée par les Turcs est peuplée de rayas
animés du même esprit que leurs compatriotes et comprimés par la pré-
sence des troupes turques, parmi lesquelles se trouvent beaucoup d'Alba-
nais.
Cette partie de l'ancienne Servie est sans cesse agitée par des révoltes
et dévastée par les Serviens et les Turcs.
La Turquie d'Asie est gouvernée en grande partie par des princes hé-
réditaires.
Les pachas nommés par la Porte ne commandent que dans la moindre
partie de ces contrées.
L'Asie-iMineure presque toute entière est sous la puissance de trois
princes souverains, et qui jouissent des avantages de la souveraineté de
primogéniture.
Ces l'arailles des princes sont :
Celles de Cara-Osman-Oqlou, de Tchiappan-Oglou et de Tayar-Pacha
Caran-Osnian-O'jlomisl maître d'une grande partie de l'Asie-.Vlineure
connue sous le nom de Karamanie.
Il gouverne une partie de la Phrygie, la Carie, la Licie, la Cilicie, en
un mot, tout le littoral jusqu'à la Syrie.
Tchiappan-Oglou comprend dans son gouvernement une partie de la
Bithynie, la Paphiagoaie et une partie du royaume de Pont. Il s'étend
jusqu'à Angora; sa capitale est Amasie.
Tayar-Pacha, fils de Baltaliman- Pacha, gouverne la plus grande partie
du royaume de Pont et s'étend jusqu'à la Mingrélie. (Nota) La capitale de
ce royaume est Trébizonde.
Ce prince, dernièrement Caïmacam-pacha à Conslantinople, s'était fait
un grand parti par son opposition au nouveau système pour l'organisation
de l'armée, mais sa dernière disgrâce a tout à fait abattu son crédit.
Avant que de parler des pachas nommés par la Porte, il est bon d'ob-
server que celui de Bagdad est toujours choisi parmi les esclaves du
pacha, son prédécesseur.
Ce mode d'héritage ressemble à celui en usage en Egypte où les Rla-
luelucks, d'abord esclaves d'un béy, héritent de ses biens et de son
pouvoir.
La Mésopotamie est gouvernée à peu près de la même manière que
l'Egypte.
Ce pachalik important à cause du voisinage du golfe Persique est à peu
près indépendant.
324 APPKNDICE
Dcrnièremenl la Porle avait nommé pour succéder au pacha qui venait
fie mourir JoussOLif, pacha d'Erzeroum, mais la ville de Bagdad s'est op-
posée avec une telle force h ce qu'il vînt y commander, que la Porle s'est
vue forcée de confirmer le choix que les habitants avaient faits de Suley-
nian-pacha, esclave géorgien dans la maison de son prédécesseur. Suley-
man-Parh i était fort dévoué à la France et avait par ce moyen mérité sa
prot 'Ctinn.
Parmi les pacha! icks auxquels la Porte a le droit de nommer, on
compte comme un des plus importants celui d'Erz^^rourn, à cause de sa
position limitrophe relativement àla Géorgie, que les Russesont tout récem-
ment enlevée aux Persans. Cette province est encore intéressante à cause
de ses mines de fer et de cuivre.
Joussouf, pacha d'Erzeroum, ancien grand-vésir, est un vieillard qui
conserve, malgré son grand âge, beaucoup d'esprit et de caractère : —
Autrefois, il était fort opposé à la France; il vient de réunir h son pacha-
lik celui de Diurhékir, abondant en mines de fer et de cuivre, mais peu
peuplé.
Quant aux pachalii;ks d'Alep et de Damas, leur importance devient moin-
dre de jour en jour.
Alep est sans cesse déchirée par les discussions des Janissaires et des
Schérifs.
La population de la ville ne diminue cependant pas, mais elle se re-
peuple aux dépens des campagnes dont les habitants vexés par les Arabes
cl les Kurdes sont obligés de se réfugier dans la ville.
Damas a perdu toute son importance depuis que les Vahabis, devenus
puissants et redoutables, empéchenila caravane des pèlerins de se rendre
h la Mecque, et menacent même d'envahir lesdeux pachalicks d'Alep et de
Damas.
Les Vahabis sont des réformateurs de la religion de Mahomet, ils ne
reconnaissent qu'une partie des principes consacrés par le Koran. Ils
n'admettent que la première partie de la profession de foi musulmane;
ces rcformaleur.s, plus austères et plus guerriers que les musulmans, ne
tarderont pas, suivant toute appareuce, à étendre leurs conquêtes dans
toute la Palestine et la Stjric, peut-être aussi dans la Mésopotamie, par-
tout oii les Arabes faciliteront leuis enti éprises; mais il ne parait pas pos-
sible qu'ils puissent pénétrer dans l'Asie-Mineure ni même dans les états
de Cara-Osman-Oglou, qui est en état de leur opposer une vigoureuse
résistance.
Le pachalik d'/conium, en turc, A'oruV, jadis le berceau de la grandeur
ottomane, est tellement diminué, qu'il en a perdu son importance. Cepen-
dant, son territoire est riche et fertile.
.api'i:m)u;i. 32
o)iO
Sfir CnvDiêp riiss» rie Mofd'ivie et de Valnchic.
L'année turque qui horde la rive droite du Danube dppui=; Orsowa jus-^
qu'à la mer Noire, et qui forme les p;arnisons de Giurgiova, d'Ismaïl, de
Widdin et d'Orsowa, se compose toujours de 25,000 hommes du pacha
(le Hustchuck, dont 6,000 de cavaler>,et de 8,000 hommes du pacha de
Widdin dont 3,000 de cavalerie.
L'armée du grand-vézir à Andrinople est d'environ 15,000 hommes,
3,000 cavaliers seulement.
L'armée russe occupe la rive gauche du Danube et enlrelienl ses cor-
respondances avec l'insurrection servienne par l'île d'Oslrou.
L'armée russe, lors de mon passagn, avait /i,000 hommes dans la petite
Valachie, la plus grande partie de ce corps se trouvait à Grayova et four-
nissait des détachements à Zornitz et à l'îhi d'Ostrou.
Le général Milloradowich, qui commande toutes les autres forces russes
qui se trouvent dans la Valachie, a son quartier général à Bukarest,
1,50'i hommes forment la garnison de cette ville. — Le général Millora-
dovvich observe et garde la route de Giurgiova et de Rustchuck avec un
régiment de cosaques, un régiment de hussards et 1,500 hommes d'infan-
terie, 2,000 hommes seulement observent la garnison d'Ismaïl.
Le petit parc d'artillerie du corps du général Milloradovi^ich est à
Buf.co, où se trouve un régiment de cavalerie pour le garder.
Le général Millorai'owich, jeune, bien vu h la cour, aime la guerre et
la fait avec distinclion ; il professe pour Votre Majesté la plus grande
admiration et le respect le plus profond. Il fait l'accueil le plus gracieux
à tous les Français qui passent dans son commandement.
Dévoué entièrement h la personne de l'empereur Alexandre, il n'a
d'autres opinions, d'autres atTections que son souverain.
Il se prononce ouvert(;ment et forlMivMit contre les Anglais et eii faveur
des Français ; il a pour les Grecs la plus grande aveision.
La province de Valachie est dans un état de misère difficile à peindre.
Le séjour de l'armée russe qui pèse entièrement sur elle et la rapacité
lyipnlanti l'ont réduite au dernier état de misère ; le mécontentement
des boyards et du peuple est très-grand, mais ce mécontentement est
incapable de produire aucun effet. — Avilis et accoutumés à trembler
sous un prince grec qui n'avait d'autres troupes que deux cents Albanais,
ils ne conçoivent pas la possibilité de lésisler à l'autorité.
Un corps d'environ trois mille hommes avec la plus grande partie du
parc de siège se trouve à Fockschan sous le commandement du général
Kaminski.
Deux régiments de cosaques, placés sur les bords du Séret, entretien-
326 APPENDICE
nent la communication avec les troupes du Bas-Danube, fortes d'environ
3,000 hommes, que le lieutenant-général Kaminski commande également.
Le reste des troupes de l'armée russe, dont la totalité peut se monter
à 30,000 hommes, se trouve sur le Dniester, aux environs de Bender, et
sur le Pnith.
La garnison A'Jassi oii se trouve le quartier général est de 15,000 hom-
raes.
Cette armée de 30,000 hommes s'est plus que doublée en force par
l'arrivée d'un corps de 25,000 hommes, commandés par le général en
chef Kutusow, que j'ai vu à lassi, et de 10,000 cosaques commandés par
le général Glatoiv que j'ai vu également.
L'armée russe s'est accrue de 10,000 hommes d'infanterie qui for-
maient l'année dernière la garnison des Septs-Iles.
Le corps de troupes du général Kntusoiv est cantonné sur la rive
gauche du Dniester, aux environs de Kiéw, Kaminiek et Kotim.
Les 10,000 cosaques du général Glatow sont dans les environs de Ben-
der et même sur le Pruth.
Le corps du général Marcow, venant de Corfou, est cantonné h Bofis-
chan, dans la partie de la Moldavie qui est limitrophe de la Bukowine
autrichienne.
L'armée russe, qui a perdu tant de monde l'année passée par des ma-
ladies causées par le mauvais air, avait déjà vers le milieu du mois de
mai un grand nombre de malades.
L'armée russe n'a presque point d'hôpitaux, et ceux qui existent sont
administrés avec tant d'ignorance et si peu de soins, que les malheureux
qui y sont envoyés y périssent presque tous.
Le prince Prosorowski avait demandé à sa cour la permission de
réunir toute son armée et de la faire camper sur les bords du Séret et du
Pruth.
Le prince maréchal Prosorowski est un vieillard octogénaire, qui a con-
servé plus de forces physiques et de facultés morales qu'on en a à cet
âge. — Je doute pourtant qu'il fût en état de résister aux fatigues d'une
campagne active; mais le général Kutusow lui a été envoyé pour le rem-
placer, si l'âge et les infirmités ne permettaient pas au vieux maréchal de
conserver son commandement.
Le maréchal Prosorowski, très-laborieux dans son cabinet, s'occupe
même des affaires politiques. Deux agents diplomatiques pour les affaires
des Grecs, le sénateur Kunitchow et M. Baïkow, sont chargés de la corres-
pondance avec M. Rodofinikin pour les affaires de Servie et des relations
secrètes avec tous les Grecs importants de la Turquie-Européenne.
Le maréchal Prosorowski désire la guerre et fera tout ce qui dépendra
de lui, je crois, pour y parvenir.
Al»l'Ei\DlCE 327
Il doit son couiraandemp.nt k la bienveillance de l'inipératrice-mère.
Le vieux maréchal paraît aussi appartenir au syslèrao d'union avec la
France; celui qui lui appartient encore davantage est le général en chef
Kulusow, il m'a dit qu'il n'avait pas obtenu de commandement pendant la
dernière campagne, parce qu'au Sénat et au Conseil il s'était opposé avec
force à la guerre contre la France.
Quelques généraux grecs, employés dans l'armée russe, poussent avec
force h la guerre contre la Turquie, et appartiennent entièrcmeut au parti
anglais.
Dans toute l'armée russe on parle hautement et avec un mépris extrême
contre l'armée autrichienne.
Sur r Autriche, ses provinces et son armée.
En quittant la Moldavie, je suis entré dans les états d'Autriche par la
Bukovvine, et j'ai parcouru celte province, la Galicie, la Silésie autri-
chienne et la Moravie.
Quatre régiments d'infanterie et deux régiments de hussards sont dans
la Bukowine et sont sous les ordres d'un lieutenant-général qui réside à
Tchernovitz,
Quatorze régiments d'infanterie et six de cavalerie, dont deux de hus-
sards et quatre de dragons, occupent la Galicie, depuis Leraberg jusqu'à
Cracovie.
Un régiment de chasseurs à cheval et un régiment de dragons sont dans
cette ville et dans ses environs avec trois régiments d'infanterie, sous les
ordres du prince d'Hohenzollern, qui a un commandement séparé mais
dépendant cependant du commandement général de la Galicie, confié au
général Bellegarde.
Les régiments d'infanterie et de cavalerie sont au grand complet ; leur
habillement et leur armement sont dans le meilleur état, on se ht\te d'or-
ganiser l'armée de réserve qui est h. proprement parler une armée de rai-
lices, k l'instar de l'armée nationale de Piémont.
M. de Wurraser, gouverneur civil que j'ai vu k Lemberg, le fils du ma-
réchal Wurmser, m'a dit que, pendant les dernières campagnes de Votre
Majesté en Pologne, l'esprit d'insurrection avait été extrême dans toute la
Galicie et qu'il avait eu beaucoup de peine k le réprimer.
La Galicie jouit de la plus grande prospérité, mais, quoiqu'elle appar-
tienne depuis trente ans k la maison d'Autriche, elle est plutôt soumise
que fondue dans ses étals.
Les grands propriétaires de la Galicie, tels que les princes Czatorinski,
Lubomirski, etc., etc., sont allachés à l'Aulriche et surtout k leurs pro-
priétés, et ne désirent pas la guerre.
•328 APPENLUCt:
La petile noblesse dérangée, endettée et exclue de tous les emplois, oc-
cupés par les Autrichiens, est remuante, avide de changements politiques
et prête à se joindre à une armée qui agirait en Galicie contre l'armée
autrichienne.
Les vieux officiers de l'armée autrichienne désirent la paix et craignent
la guerre, les jeunes gens qui voudraient de l'avancement ne cherchent
que la guerre, c'est dans la Galicie que l'esprit des troupes autrichiennes
sera le plus agité, parce qu'il se trouve beaucoup de Polonais dans l'armée.
D'ailleurs les ofTiciers se trouvent souvent en contact avec les genliis-
honimes polonais; naturellement indiscrets et légers, ils s'entretiennent
sans cesse de la guerre et des projets de la Russie, de la France et de
l'Angleterre.
Dans l'état-iiinjor de l'armée autrichienne tous les officiers généraux, ap-
partenant aux familles de l'ancienne noblesse, sont ouvertement pour la
guerre.
J'ai rencontré un régiment d'infanterie à Teschen, deux régiments d'in-
fiinterie et un régiment de cavalerie à Olmutz, deux régiments d'infanterie
et un de cavalerie dansBrunn et ses environs.
Je nie suis arrêté trois jours à Vienne et j'ai vu chez le général An-
dréossi, les ministres autrichiens et le corps diplomatique.
Il m'est impossible d'avoir une opinion formée sur l'esprit qui dirige
aujourd'hui le cabinet autrichien. J'ai cru pourtant remarquer qu'il était
floltant et incertain. Toute l'ancienne noblesse de l'Allemagne pousse
à la guerre tt à l'union avec l'Angleterre ; des sociétés composées de fa-
milles qui ont plus ou moins de rapports avec la noblesse d'empire.
L'empereur François, heureux dnns son intérieur, époux d'une femme
agiéable et aimable, et qui a reçu une très-bonne éducation, paraît disposé
h écouter les conseils de son épouse et encore plus ceux de sa belle-mère,
l'archiduchesse Béatrix.
On ignorait encore à Vienne en faveur de quelle puissance étaient les
dispositions de la nouvelle impératrice.
Les dispositions de l'Autriche m'ont paru être très-pacifiques, non par
attachement h la France, car je crois qu'elle nous hait autant que l'Angle-
terre elle-même. — La cour d'Autriche caresse la cour de Pétersbourg,
s'éloigne le moins possible de la cour de Londres, cherche à plaire à la
Prusse et Uiême aux petites puissances du sud de l'Allemagne; il serait
jiossible que les craintes que l'on cherche à lui inspirer lui fissent désirer
une nouvelle coalition; quelques propos indiscrets des officiers de l'armée
de Votre Majesté, l'opinion des faiseurs de projets à Paris qui tous par-
lent du besoin de n nveiser l'Autriche, pourraiont^'porter cette cour à des
démarches que ses inlérêls et ses goûls actuels ne lui dicteraient pas; mais
si on lui donne de la confiance, si on fait taire ceux qui parlent avec légé-
APl'EiVniCR 329
reté sur son compte, l'Autriclie dcMiieurera tranquille aussi longtemps que
Voire Majesté le désirera.
Le prince Kurakin a été presque emharassant pour moi h Vienne, parce
que, toutes les fois que je l'ai vu chez le général Andréossi, il a cherché à
aborder brusquement les questions relatives k la Turquie que j'ai évitées
avec soin.
J'ai écarté également les confidences qu'il était disposé à me faire sur
le sort de l'empire ottoman, et ji' me suis contenté de lui dire toujours que
depuis le traité de Tilsitt je n'avais pas eu l'occasion de traiter aucune af-
faire importante à Conslantincple, si ce n'était celle de faciliter par
tous les moyens possibles le rjpprocliement des cours russes et ottomanes,
et de favoiiser dans toutes les occasions les vues et les intéiêts de Sa
Majesté l'empereur Alexandre. Mes réponses ont paru le satisfaire, et
c'estavec plaisir que j'ai vu M. le prince Kurakin se prononcer hautement
et avec force contre l'Angleterre.
Paris, etc.
(Signé) Horace Sébastian!.
{M. Original.)
Cl. — Rapport du niinistre des affaires étrangères à IVapoléon !<>>',
en date du 5 novenibrc t808 (16 raniazan 13S3).
Sire, Votre Majesté trc^uvera dans la correspondance de ce joui' une dé-
pêche de Constaniinople en date du 10 octobre. Elle ne renferme rien de
nouveau. \ioustapha-Baïractar gouverne toujours l'empire turc avec vigi-
lance et sévéïilé. li br;ive et le ressentintent des janissaires et des ulé-
mas, et le mécontentement des ministres offensés de ses manières brus-
ques et grossières, et peut-être, etc.
Le peuple se lasse de ne pas voir la paix conclue avec les Russes. Il
perd toute confiance dans la France ; il se regarde presque comme aban-
donné par elle. L'impatience de Mousiapha-Baïractar est au comble. Les
ministres ont beaucoup de peine à l'empêcher de recommencer les hosti-
lités avant le retour du courrier qu'il avait envoyé en France. (Ce cour-
rier est parti de Paris en même temps que Voire Majesté pour Erfurt.)
Cette dépèche m'a élé apportée par M. Boutin officier du génie qui a,
etc., etc.
M. Boutin estime à û0,O00 hommes les forces turques sur le Danube,
quoique les Turcs les fassent monter ài 80,000. Il estime que les Busses
peuvent avoir dans la Valachie et dans la Moldavie au moins 30,000
hommes. On lui a dit qu'ils avalent des forces considérables au-d^dà du
Dniester. Il ne doute pas que les Turcs ne succombent promi)tement dans
330 APPENDICE
la lutte qui probablement va s'engager; mais il croit qu'ils se battront en
désespérés.
Je suis avec respect, Sire, etc., etc.
{Signé) Champagny.
(M. Original.)
Cil- — Rapport dn ministre des affaires étrangères h IVapoIéon I«s
en date da !«>■ décembre 1808 (IS chéwal 1S23).
Sire, le secrétaire-interprète de l'ambassadeur ottoman, qui me témoigne
beaucoup de bonne volonté, est venu me prévenir secrètement d'une vi-
site que l'ambassadeur ottoman a rendu à M. de Rornanzoff. Le ministre
russe lui avait envoyé samedi dernier le prince Gagarin pour lui expri-
mer le désir qu'il avait de le voir, et lundi l'ambassadeur s'est rendu à
cette invitation. M. de Romonzoff l'a fort bien accueilli, lui a donné café
et confiture, et puis est entré en matière. Il lui a dit que la Russie n'était
pas ennemie de la Turquie, qu'au contraire elle désirait faire avec elle une
paix solide, que le prince Prosoroswky ^n^lW. reçu des instructions en consé-
quence, qu'il allait traiter directement avec la Porte, et qu'on ne deman-
derait à la Porte que de consentir à prendre le Danube pour limite entre
les deux états, la Russie promettant d'ailleurs de respecter l'intégrité de
l'empire turc.
Ma conférence avec l'ambassadeur ottoman devait l'avoir préparé à cette
ouverture. Il en a cependant été très-élonné. Il avait supposé que c'était
la faute de la France si la paix ne se faisait pas avec la Russie, et les
Morousi, avec lesquels il est lié et en correspondance, lui avaient inspiré
l'idée que la Russie, qui se déûa toujours de la France, voulant s'assurer
l'amitié de la Porte, la traiterait avec plus de faveur, lorsqu'elle négocierait
directement ave celle. Il n'a pas répliqué à M. de Rornanzoff, qui a essayé
de lui démontrer la nécessité de cette union, mais il se propose d'envoyer
un courrier à sa cour, pour lui faire part de cette conversation. Il me de-
mande une audience pour demain.
J'ai vu lundi M. de Rornanzoff; il ne m'a pas fait part de cet entrelien,
sans doute parce qu'il avait à m'entretenir de plus grandes affaires, l'ex-
pédition de notre courrier. Mais déjà il m'avait prévenu des visites par
carte que lui faisait l'ambassadeur ottoman ; et, prévoyant qu'il serait dans
le cas de le voir, il m'avait consulté sur ce qu'il devait lui dire : l'ambas-
sadeur est sorti de chez lui fort triste et fort mécontent.
Voilà ce que me dit l'interprète, qui souvent se plaint à moi de son
ambassadeur. Je suis bien loind 'accordera un Grec une certaine confiance,
et j'ai toujours regretté d'être obligé d'admettre un pareil intermédiaire
APPENDICE 331
entre raml)nssadeur et moi. On court risque d'être mal entendu, mal tra-
duit et quelque fois d'être trompé.
La correspondance d'aujourd'hui ne me fournit aucune lettre h mettre
sous les yeux de S. M.
Je suis avec respect, Sire, etc., etc.
(Signé) Champagny.
{JE. Original.)
cm. — Lettre {*) de Kara-George Pétrovhcli, chef des Serbes, à
IVapoIéon l^>-^ en date de Belgrade le IG août 1809 (5 réd-
jeb 1324).
La gloire des armes et des faits de Votre Majesté impériale remplit
l'univers entier. Les peuples voient en votre très-auguste personne leur
défenseur et leur législateur : la nation serbe désire participer à ce bon-
heur. Touinez vos regards, sire, vers les Slavo-Serbes, qui ne manquent
ni de courage guerrier ni de fidélité envers leurs bienfaiteurs. Le temps
et l'occasion démontreront cette vérité. Que votre très-auguste et très-
digne Majesté impériale daigne, par sa haute promesse de la protection
de la grande nation, consoler celui qui en nourrit le plus vif espoir,
De voti e Majesté impériale le très-humble et très-fidèle serviteur
{Signé) Kara George Petrovitcts,
Belgrade le 16 aoiît 1809. chef de la nation serbe.
Cl Y. — Rapport dn ministre des alTaires étrangères à !S'apoléon l''
en date du 25 mai 1810 (20 rchiul-akliir 1225).
Sire, j'ai rendu compte à V. M. de l'arrivée à Paris d'un député
servien, le même qui est venu à Vienne pendant la dernière campagne.
M. de Mériage a pris sur lui de lui permettre de faire ce voyage, que je
n'aurais pas autorisé ne pensant point que telle fut l'intention de V. M.
Enfin, il est ici ; je n'ai pas jugé convenable d'avoir des rapports
discrets avec lui avant que V. M. ne l'eût permis : je l'ai mis en relation
avec un chef de mes bureaux, et j'ai l'honneur de soumettre à V. M. le
précis de l'entretien que le député servien a eu avec ce chef, et les diffé-
rentes pièces relatives à sa mission (**) . Les demandes sont les mêmes que
celles qui ont été faites l'année dernière à V. M. ; mais la proposition de
(*) L'original, en serbe, de cette lettre fst conservé aux Archives de fEmpirr^ à
Paris : une iraduciion laline se trouve au verso de l'original.
(*') En marge : le fout a été renvoyé au ministère le itijiiin.
332 APPENDICE
reraelire à sa disposition certaines forteresses n'est pas renouvelée. Il y
a de plus la demande d'un secours en argent.
Je suis avec respect,
Siie ,
De Votre iM;ijeslé
Le très (idèle et très-dévoué serviteur et sujet
(Signé) Ghampagny, duc de Cadore.
[JE. Original.)
(N" 2). — Les articles 59 et 83 des lettres patentes de 17ZiO (V. T. I. p.
202 et 2C9) autorisaient, sans contredit, la France à réclanier, en 1802, le
droit de navigation dans la mer Noire, dont jouissaient les Anglais, les Au-
tricliien':, les Hollandais et les Russes La stipulation explicite que contient
l'article 2 du traité, et que confirment les articles 7 et 1 de la convention
de 1838 et du traité de commerce de 1861, n'avait été motivée que par le
renouvellement du droit de naviguer dans la mer Noire qu'avait obtenu
l'Angleterre, en vertu d'nne note adressée à l'ambassadeur britannique le
31 octobre 1799, à la suite du traité d'alliance contre la l'Yance conclue
avec la Sublime-Porte au mois de janvier de .'a même année.
La liberté de la navigation de la mer Noire a été stipulée, en faveur de
toutes les nations, par l'article 7 du traité de paix entre la Sublime Porte
et la Iiussie signé à Andrinople, le IZi septembre 1829, et a été confirmée
par les articles 11 et 12 du traité de paix de Paris du 30 mars 1856.
I. — TVote-circ'uIairc de la Slublime-Porle aux représentants des
pnis!«anees étrangères, in date du 9 janvier IHO'3 (8 zilcadé
Étant de la plus grande importance, dans ce temps de guerre entre la
Sublime-Porte et la Russie, de mettre en usage toutes sortes de précau-
tions contre les fraudes et les ruses connues de l'ennemi, et de faire la
plus grande diligence pour empêcher le transport des munitions dans les
différentes Échelles russes situées dans la mer Noire; de ne pas permettre
à aucun sujet ottoman d'aller de ce côté-là et de faire parvenir à l'ennemi
des nouvelles par écrit et de bouche; de couper enfin toute communica-
tion entre les pays ottomans et la Russie; considérant qu'il est très-dan-
gereux et contraire à la sûreté désirée de donner passage aux bâtiments
du centre de la capitale pour aller chez l'ennemi ; qu'en temps de guerre
ce point-ci exige la plus grande circonspection , et forme un des
principaux règlements de l'État; considérant qu'il serait de toute impos-
sibilité de prévenir les dangers et maintenir le bon ordre et la siireté, pen-
dant que les bâtiments marchands des autres puissances amies continue-
raient à naviguer librement dans la mer Noire , l'ennemi pouvant avoir
APPENDICE 333
aisément ses ruses sous le nombre et îu diiïérence de tant de pavillons
étrangers ; c'est pour toutes ces raisons qu'à l'avenir le canal de la mer
Noire sera fermé jusqu'à la fm de ia présente guerre, ou peut-cire (mal-
gré la conlinualion de la guerre) jusqu'à ce que l'étal (\e:> choses n'exige
plus une pareille précaution. Par cette défense, qui s'étend généralement
à tous les pavillons, on ne croit déroger en rien à la permission accordée,
il y a quelque temps, à quel(|ue3 puissances amies de naviguer libie-
ment dans la mer Noire. Il s'agit simplement d'une mesure de guérie
prise pour le moment et dictée par les circonstances. La Porte ottomane
e.^t persuadée que cette conduite sera approuvée par toutes les puis-
sances qui lui sont afTectionnées, et, s'il plaît à Dieu, après la paix ou
même penilanl la guerre (s'il n'y a plus rien à craindre), ia libre
navigation de la mer Noire reprendra de nouveau son cours comme
auparavant.
Les commandants de la (lotte impériale, ainsi que les gardiens de l'em-
bouchure, ayant eu ordre d'en fermer dès ce moment le passage, on en
fait part par la i)résente note officielle aux ministres des puissances amies,
afin qu'ils en donnent connaissances à ceux qu'il appartient.
II. — Note do chargé d'affaires de Latonr-Maubourg à la Sublime»
Porte, en date du 9 avril i809 (33 sàter 1324).
Monsieur le ministre,
Votre Excellence a dit aujourd'hui à i\I. Franchini, drogman de
l'ambassade de France que, la guerre étant au moment de se rallumer
entre l'empire ottoman et la Russie, la Sublin)e-Porte songeait à fermer le
Bosphore et à en interdire le passage aux bâtiments de commerce.
Dans cette circonstance, et tandis qu'un objet de cette im|)ortance n'est
point encore décidé et s'agite dans les conseils du ministre, je crois devoir
rappeler à V. E. que le point principal du dernier traité, fait à Paris entre
la France et la Turquie, établit d'une manière formelle et irrévocable
la libre navigation des bâtimeiUs de commerce français de la mer Blanche
dans la mer Noire ; que dans ce traité, la Sublime-Porte ne s'est réser-
vée, pour aucun cas, la faculté d'interdire ou même de suspendre momen-
tanément celte navigation, de sorte que la Sublime-Porte, en l'interrom-
pant, porterait atteinte au traité qui fait la base de l'amitié des deux em-
pires.
J'abandonne ces observations à la prudence des ministres; j'ai cru
devoir les faire, afin d'éviter, s'il se peut, des événements funestes.
J'ajouterai à ceci une autre observation. Je sais que des vaisseaux qui
communiquent entre deux pays en guerre l'un contre l'antre doivent
s'abstenir de porter de l'un à l'autre certains objets connus sous le nom
334 APPENDICE
de contrebande de guerre. C'est pourquoi ayant appris que des capitaines
français partant de Gonslantinople pour Odessa avaient pris à bord une
certaine quantité de soufre, qui est au nombre de ses objets, je les ai
contraints de le débarquer et de le laisser à Constantinople. Jamais au-
cune infraction aux traités et aux usages établis par le droit des gens
ne pourra être reprochée k la France.
J'ai l'honneur, etc.
III. — IVotc-circulaire de la Sublime-Porte aux représentants des
puist»ances étrangères, en date du lO avril £809 ('-£4 sàfer
tS24).
La cour de Russie ayant profité des circonstances pour envahir le terri-
toire de l'empire ottoman, par surprise, et usurper de la même manière les
forts et les provinces de cet empire, contrairement aux traités existants,
et sans que la Sublime-Porte eût toléré la moindre infraction aux engage-
ments contractés par elle, la guerre était devenue inévitable, et les ar-
mées respectives allaient agir, lorsque la Russie montra des dispositions
pacifiques et équitables et demanda un armistice, afin de restituer à la
Sublime-Porte les provinces et les forteresses arbitrairement occupées
par elle, et de faire la paix dans un bref délai.
La Sublime-Porte, de son côté, désirant suivre son système favori
d'empêcher l'effusion de sang, et toujours disposée à mettre en pratique
sa maxime de contribuer à atteindre un but aussi salutaire qu'est la
sûreté et le repos de l'humanité, un armistice a été, en conséquence,
conclu et arrêlé entre les deux parties.
Lorsque la guerre éclata, comme il a été dit ci-dessus, et dans le but
d'empêcher la navigation des ports et aux ports russes de la mer Noire,
et d'intercepter toute communication entre la Russie et les étals ottomans,
il avait été résolu de fermer le passage de la dite mer, et cette résolution
fut, cl son temps, communiquée par des notes officielles aux repré-
sentants des puissances amies de la Sublime-Porte.
Celle mesure demeura en vigueur jusqu'à la convention pour la
suspension des hostilités, mais, attendu qu'un armistice est un temps de
conciliation et de paix, il fut accordé la permission aux marchands des
puissances amies de cet empire de naviguer dans la mer susmentionnée,
conformément aux droits et privilèges qui leur ont été, au temps passé,
octroyés à ce sujet.
Mais aujourd'hui la Russie suit, de nouveau, une ligne de conduite
contraire aux règles et aux principes qui sont l'apanage de tout gouver-
nement indépendant, et elle a non-seulement annoncé que ses troupes
allaient recommencer les hostilités, mais elle a effectivement attaqué de
APPENDICE 335
nouveau le territoire ottoman , bicin que celte agression ait été repoussée
(grâces en soient rendues au Tout-1'uissaiU) par suite de la délaile que
l'armée russe a essuyée du côté d'Islabozy et de Giurgevo.
Dans cet état des choses, il est indispensable d'empôclier les navires
marchands d'aller des étals ottomans en Russie et vice versa, et d'inter-
rompre toute communication entre les deux pays, tant par nier que par
terre, en fermant le détroit de la mer Noire. Celte mesure n'aura qu'un
effet provisoire et ne durera qu'aussi longtemps qu'il n'y aura aucun
inconvénient de permettre de nouveau, aux navires appartenant aux
puissances amies, de naviguer et faire le commerce, comme autrefois,
dans la mer Noire.
Des ordres ayant été par conséquent envoyés aux officiers de la marine
impériale et aux commandants des détroits de veiller avec soin à ce que
ces derniers soient fermés, et celle mesure devant être aussi portée h la
connaissance de ceux de nos amis les ministres étrangers qu'il appar-
tiendra, la présente note officielle a élé rédigée et est transmise à notre
ami estimé le représentant de...
IV. — IVote du chargé d'affaires de Latour-iMaubearg à la Sublime-
Porte, en date du . . . avril 1809 (On sàfer 1334).
Le soussigné auditeur au conseil d'état, chargé d'affaires de S. M. l'em-
pereur des Français, roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin,
près la Sublime-Porle, a reçu la note du 10 avril que la Sublime-Porte lui
a adressée pour le prévenir qu'elle avait jugé à propos d'interdire aux
bâtiments de commerce l'entrée et la navigation de la mer Noire.
Le soussigné, en lisant les articles du traité conclu à Paris entre la
France ella Sublime-Porte signé le 6 messidor l'an 10(24 Safer-el-Haïr),
et dont la copie est ci-jointe, trouve dans l'article 2 de ce traité que la
Sublime-Porte consent à ce que les vaisseaux de commerce français jouis-
sent à l'avenir et sans aucune contestation du droit d'entrer et de navi-
guer librement dans la mer Noire. Le soussigné remarque que dans le
reste du traité la Sublime-Porte ne s'est réservée, dans aucun cas, la fa-
culté d'ôter aux navires français ou même de suspendre âleur égard cette
navigation.
Le soussigné voit en conséquence dans la clôture de la mer Noire un
acte qui détruit ce traité.
Le soussigné pense qu'une erreur ou un malentendu aura donné lieu à
l'envoi de la note que la Sublime-Porte lui a remise et à laquelle il ré-
pond; car, s'il n'en était pas ainsi, et si la Sublime-Porte avait réellement
l'intention de fermer la mer Noire, il en résulterait qu'elle veut anéantir
le traité qui l'unit à la France, chose que le soussigné ne peut admettre.
336 APPENDICE
Lo soussigné croit que la Sublime-Porte n'est point dans le dessein de se
priver volontairement de l'amitié de la France ; et quand cela serait, ce
qu'à Dieu ne plaise, ne conviendrait-il pas mieux h la franchise de la
Sublime-Porte de déclarer nettemeni qu'elle veut rompre avec la France
que d'amener cette rupture par milles voies détournées?
L'empereur des Français est un grand et puissant monarque. Il n'a jus-
qu'ici donné à la Sublime-Porte que des marques d'attachement et d'a-
mitié. Le soussigné supplie la Sublime-Porte, et cela pour la gloire de
l'empire ottoman, de prendre ce dernier point en grande considération.
Le soussigné supplie la Sublime-Porte aussi de considérer que l'empe-
reur des Français ne souffrira point qu'il soit enlevé à ses sujets un droit
qui leur est assuré par les traités.
Le soussigné prie également la Sublime-Porte de vouloir bien lui don-
ner par écrit, k l'égard de celte note, de plus amples explications.
Le soussigné a l'honneur, etc.
(N° 3). — M. Blanchi, dans le Nouveau guide de la Conversation^ etc., que
nous avons eu l'occasion de citer, dit que «dans le texte turc, cet article 10
est immédiatement suivi d'une conclusion (Kathème) dont le traducteur officiel
n'a donné ni la traduction, ni même l'indication. Par cette conclusion, qui
n'est,àque]quesdifrérencGsdetermesprès, qu'une reproductionde l'art. 85 des
anciennes capitulations, et qui tient ici lieu de ratification, le sultan, après
avoir confirmé, ratifié, signé et scellé le nouveau traité, déclare que, tant
que de la part du premier consul de la république française, ou de ses
successeurs, ce traité continuera d'être observé, et qu'il n'y sera porté
aucune atteinte, il promet également (lui le sultan) que, tant de sa part que
de celle de ses successeurs, des grands visirs, des hauts dignitaires de
l'empire, des généraux, des troupes, et généralement de toutes les personnes
soumises à l'obéissance impériale, ce traité sera strictement observé, et
qu'il n'y sera porté aucune infraction. » M. Blanchi dit, en outre, que la 7ati-
fication porte la date du 2Zi rébiul-évvel 1217 (juillet 180'J), et que le 2G juin
1802 (2û sâfer 1217) est la date du traité préliminaire signé par les plénipoten-
tiaires ù Paris.
Nous ferons remarquer que les mots écrits, en tête de l'original turc, de la
main du sultan : « Le présent traité a été ratifié par Notre Majesté impériale,
pour qu'il soit agi en conséquence, » et le préambule, qn'i, dans l'instrument
turc, précède les articles {V. Blanchi, /. c. p. 287;, constituent la formule
initiale, et le paragraphe suivant fan. 10 est la formule finale de la ratification
souveraine, datée du 2ù rébiul-ewel 1217 = 23 juillet 1802. — La date du
26 juin 1802 = 2/i safer 1217 est celle du traité de paix définitif : les articles
préliminaires en avaient été signés, à Paris, le 9 octobre 1801 = djémaziul-
akhir 1216.
(N° k). — Nous ne pouvons donner que la substance de cet article: nous la
trouvons dans leAmiveau Guide, eic,. par Blanchi. Cet orientaliste distingué,
APPENDICE 337
qui vient de mourir à un âge très-avancé, avait été chargé, en 18!>6, de faire
la liste de tous les documents turcs relatifs aux rapports do, la Krance avec
la Sublime-Porte, qui sont conservés aux archives du ministère des affaires
étrangères.
Voyez le protocole du 21 février 1802 que nous avons donné à ï Appendice
au traité d'Amiens, N" 1, ///.
t. .1. ^2
338 AF>PENniCK
ORDRE IMPÉRIAL
du G février 1806 (17 zilcadé 121^0).
APPENDICE
N" 1. Note relative aux négociations pour la reconnaissance du titre impérial de
Napoléon 1".
T. Note de la Sublime-Porte à l'ambassadeur Brune, en date du
20 juin 180Z| (première décade de rcbiul-éwel 1219).
II. Dépèche de l'ambassadeur Brune à Napoléon 1", en date du 28 juin
180/1 (19 rébiul-éwel 1219).
III. Précis d'une conférence de l'ambassadeur Brune avec le réis-éfendi,
tenue le 'IQ juin 180/» (20 rébiul-éwel l"il9).
IV. Précis d'une conférence entre les mêmes, tenue le 20 septembre
1804 (IZi djémaziul-akhir 1219).
V. Dépèche de l'ambassadeur Brune à Napoléon I", en date du
29 septembre 180i (23 djémaziul-akhir 1219).
VI. Résumé d'une note de l'ambassadeur Brune à la Sublime-Porte,
en date du U octobre 180i (28 djémaziul-akhir 1219).
VII. Précis d'une conférence du chargé d'affaires de Prusse avec le réis-
éfendi, tenue le... octobre 180/i (... rèdjeb 1219).
VIII. Résumé d'une note de l'envoyé de Russie à la Sublime-Porte, en
date du 7 octobre 180/i (2 rédjeb l'219).
IX. Résumé d'une note du chargé d''uffaires de la Grande-Bretagne à
la Sublime-Porte, en date du... octobre 180/i (... rédjeb 1219).
X. Résumé d'une note de l'ambassadeur Brune à la Sublime-Porte,
en date du i/i octobre 180/i (9 rédjeb 1219).
XI. Résumé d'une note de la Sublime-Porte à l'ambassadeur Brune,
en date du 17 octobre 180/i (U rédjeb 1219).
XII. Résumé d'une note de l'ambassadeur Brune à la Sublime-Porte,
en date du 2Zi octobre 180/i (19 rédjeb 1219).
XIII. Résumé d'une note de l\anbassadeur Brune à la Sublime-Porte,
en date du 7 novembre 180/i (3 chàban 1219).
XIV. Résumé d'une dépêche du ministre des relations extérieures à l'am-
bassadeur Brune, en date du... novembre iSOh {.... chàban 1219).
XV. Dépêche de l'ambassadeur Brune à JS'apoléon I", en date du 20 dé-
cembre 180/1 (17 ramazan 1219).
XVI. Résumé d'une note identique de renvoyé de Russie et du chargé
d'affaires de la Grande-Bretagne à la Sublime-Porte , en date
du 2o décembre ISOZi (20 ramazan 1219).
OP.nr.E IMPÉIUAL 389
XVII. Lettre de Scllm lit à Napoléun I", en date du 21 mm i8'J5
(21 sdfer 1220),
XVIII. Lettre de Napoléon I" (iii ministre des affaires étrangères, en date
de Pont-de-Briques le 31 juillet 1805 {k djémaziul-êivel 1220).
ORg»KE: UTIPEIfilAI^
adressé à la Sublime-Porte, on date du 6 février 1806 (17 zilcadé 1220).
Comme la volonté suprême de S. II. est que les articles des
capitulations qui unissent la Sublime-Porte, d'éternelle durée, à
la cour de France soient constamment observés ; et quoique cette
puissance ait été, jusqu'à présent, désignée par le nom de cour de
France, il faudra absolument insérer, dorénavant, dans les bérat et
les firman impériaux le titre : padichah et imperator de France.
11 est, en conséquence, expressément ordonné que les bérat et
les firman impériaux, qui seront délivrés à l'avenir, contiennent le
dit titre : padichali et imperator de France. {Appendice N" 1).
APPENDICE
(N" 1). — Suivant une tradition turque se rattachant à l'histoire d'une
princesse française tombée entre les mains des corsaires, et qui, devenue
épouse de Mohammed II, avait été inutilement réclamée par un ambassa-
deur du roi de France, celui-ci aurait reçu du sultan le titre de padichah.
Quelque fausse que soit cette tradition, elle sert cependant à prouver l'an-
cienneté de ce titre, dont les rois de France^ ont longtemps joui exclusive-
ment à toutes les autres tètes couronnées de l'Europe. ïNous le trouvons tra-
duit par empereur dans les lettres-patentes de 1569 {V. ï. I, p. 91), et
l'art. ^6 des lettres-patentes de l7/iO {V. ï. I p. 198) constate que le titre
d''einpereur a été attribué ah antiquo à Sa Majesté. Dans les instruments, turcs
et français, des conventions de 18oo et de 1838, que nous donnons plus loin,
le roi de France est qualifié de padichah et d'empereur.
Après la promulgation du senatus-consulte du il mai 180/i, l'ambassadeur
Brune s'empreasa de faire des démarches pour la reconnaissance, par la
Sublime-l'orte, du titre impérial décerné à iNapoléon. Ces démarches étaient
appuyées par la Prusse et par l'Autriche : celle-ci avait reconnu le nouveau
titre de Napoléon à la condition qu'il reconnût, à sou tour, la dignité impé-
riale rendue héréditaire dans la maison de Habsbourg-Lorraine par Fran-
çois II, à la suite de sa renonciation à la couronne d'Allemagne, et l'inter-
nonce, M. de Stiirmer, était chargé d'obtenir de la Subliuie-l'orte la
reconnaissance du titre d'empereur d'Autriche que François U avait adopté
3Û0 APPENDICE
au mois d'août I8O/1. D'autre part, les représentants de la Grande-Bretagne et
de Russie s'opposaient à ce que le divan accédât à la demande de l'ambassa-
deur de France. ApK's avoir épuisé tous ses moyens d'action, le maréchal
Brune quitta, au mois de décembre, la capitale de la Turquie, en confiant les
atfaires de l'ambassade au secrétaire Pierre l'arendier.
Le roi de Prusse ne réussit point à calmer l'irrit;.tion de Napoléon, mais ce
dernier résolut cependant de tenter un dernier effort auprès du sultan lui-
même. Il écrivit une lettre autographe (*; à Sélim III pour l'ungager à re-
connaître son titre impérial, et Téchiirer sur la « trahison » des ministres
ottomans. En même temps, M. de Talleyrand faisait parvenir à l'ambassa-
deur de Turquie, iïalet-éfendi, une note contenant des accusations contre
les ministres de la Sublime-Porte, et la déclaration formelle que, si la re-
connaissance du titre impérial n'avait pas lieu, la France se verrait obligée
de rompre ses relations avec l'empire ottoman.
Le secrétaire-interprète Jaubert fut le porteur de cette lettre. Le chargé
d'affaires de France sollicita une audience du sultan : il lui fut répondu
que, vu l'absence d'un ambassadeur, l'étiquette voulait que Jaubert présen-
tât lu lettre au grand-vézir. Pans l'espoir de vaincre celte difficulté, Paren-
dier adressa successivement deux notes très-énergiques à la Sublime-Porte :
« le refus de l'audience, » était-il dit dans la deuxième de ces notes, « se-
rait considéré comme un acte d'hostilité, et obligerait le chargé d'affaires
à demander ses passe-ports et à quitter Constantinople, avec tout le per-
sonnel de l'ambassade. » Le réis-éfendi proposa alors un expédient qu'il eut
beaucoup de peine à faire approuver par M. d'Italinski, envoyé de Russie.
Jaubert se trouva, comme par hasard, sur le chemin de Sélim III, se ren-
dant, le 2 mai, à son palais de Kia'd-hané, et remit la lettre de Napoléon à
un officier de la suite, des mains duquel le grand-seigneur la reçut. Quinze
jours après, le grand-vézir fit appeler le premier interprète de l'ambassade
de France, Franchini, et l'informa que, suivant les ordres du sultan, il de-
vait écrire à M. de Talleyrand qu'il avait reçu une lettre confidentielle de
Bonaparte pour son maître, l'en remercier au nom de celui-ci et y ajouter
l'assurance des sentiments d'amitié de S. H. pour le gouvernement français.
Franchini feignit d'abord de ne pas comprendre le grand-vézir, et ce ne fut
qu'après que le vézir lui eut répété trois fois cette communication qu'il lui
en exprima sa surprise en termes très-vifs. Le grand-vézir lui ayant dit que
son langage pouvait bien ne pas être conforme à ses instructions, Franchini
sortit de sa poche et lui remit une note signée de Parendier, et portant
qu'une missive de l'empereur des Français exigeait une réponse de la part
du sultan lui-même, et qu'autrement ce serait un manque d'égards que Na-
Iioléon considérerait comme une déclaration de guerre. Le vézir promit
alors à 1 ranchini de tâcher d'induire le sultan à répondre lui-même à Bo-
naparte : il y parvint sans difficulté. Mais, le titre impérial de Napoléon
n'étant pas reconnu, quel protocole serait-il adopté dans la réponse du
grand-seigneur? Consulté à ce sujet par le réis-éfendi, Jaubert se borna à
lépondre qu'il n'avait pour mission que d'apporter à Paris la réponse de Sa
l*j Otie lettre n'est pas publiée dan& la Correspondance de Napoléon /'^
API'KNDICK 341
Ilautesse. Enfin, Sélim III adressa à Napoléon la lettre que nous donnons
dans cet Appendice sous la cote XVII. le titre Majesté y est employé sans
l'épithète impériale. Dans le projet primitif de cette réponse, la qualification
de Majesté ne se trouvait point, et la suscrijition devait porter le nom de
Bonaparte. Chargé de la réponse du sultan et d'une lettre du grand-vézir à
l'adresse de M. de Talleyrand, Jaubert partit, à la fin de mai, pour Paris,
porteur, en outre, d'une aigrette en brillants et d'un sabre garni de pierre-
ries, que le grand-seigneur envoyait en présents à Napoléon I"'.
Quelque peu satisfaisant que fût pour ce dernier le résultat de la mission
de Jaubert, les choses en restèrent là cependant jusqu'au traité de I^resbourg
conclu le 26 décembre 1805 entre la France et l'Autriche. En vertu de ce
traité, laDalmatie ayant été cédée à la France, M. de Tayllerand expédia,
au mois de janvier 1806, son secrétaire, M. Le r.oux, en mission extraordi-
naire, à Constantinople, avec une lettre au grand-vézir exprimant à la Su-
blime-Porte la satisfaction que cette cession causait au gouvernement fran-
çais, en vue des rapports de bon voisinage qu'elle allait ajouter à ceux
d'amitié existants déjà entre lui et l'empire ottoman. M. Le Roux était, en
même temps, chargé de demander à la Sublime-Porte la reconnaissance du
titre impérial de Napoléon. Malgré la vive opposition de M. d'Italinski, cette
reconnaissance eut lieu sans discussion, et de nouvelles lettres de créance
furent, en conséquence, transmises à l'ambassadeur ottoman à Paris.
Ni BiGNON, ni Lefebvre ni Thiers n'ont parlé de ces négociations, dont
nous avons emprunté l'historique à Zinkeisen.
La qualification de padichah est donné aujourd'hui par la Sublime-Porte à
tous les souverains ayant droit au titre de Majesté.
Le souverain ottoman a été traité par les puissances chrétiennes, à diver-
ses époques, de sultan, grand-sultan, grand-seigneur , padichah, empereur, khan,
autocrate, de hautes^e, majesté, majesté impériale ; il est ordinairement qua-
lifié aujourd'hui d'empereur des Ottomans et de majesté impériale.
I. — IK'ote de la Suhlinie-Porte à l'ambassadeur Brune, en date da
20 juin 1804 (première décade de réhiul-ewel 12f9).
La Sublime-Porte a été informée, par le contenu de la note que S. E.
M. l'ambassadeur de France lui a présentée, que le premier consul a été
fut empereur des Français, et que cette haute dignité, n'étant dévolue
qu'aux hommes, devait, à défaut d'héritiers de S. M. Napoléon, se trans-
mettre aux héritiers des princps Joseph et Louis Bonaparte. Il est dit
encore dans celte note que, jusqu'à ce que les ministres de l'empereur
des Français auprès des cours étrangères, comme aussi ceux de ces
mêmes cours fini résident en France, aient reçu de nouvelles lettres de
créance conçues en d'autres termes, il sera suppléé aux relations olll-
cielles par des relations confidentielles, afin qu'il n'y ait pas cessation de
rapports, et que les dispositions existantes de bonne intelligence puissent
être entretenues.
3Zi2 APiE^DICE
Dans sa constante sincérité, la Sublirae-Porte prend toute la part pos-
sible à l'accroissement d'estime, à l'élévation de dignilé et à l'exaltation
de gloire concernant les puissances amies. Par suite de celte disposition
rt des rapports d'amitié et de bonne intelligence qui ont, de tout temps,
subsisté entre les deux empires, elle fait connaître à M. l'ambassadeur
que l'événement mentionné ci-dessus, assurant le bien-êlre et la tranquil-
lité des Français, ainsi que la sùrelé et le repos de tout le monde, en
général, a t(é pour elle un motif d'une satisfaction réelle; que, conformé-
ment à la susdite note de M. l'ambassadeur, la bonne intelligence entre
les deux empires sera cultivée par des relations confidentielles, jusqu'à ce
que les modifications nécessaires dnns les lettres de créance respectives
aient été adoptées; et que l'entretien de l'amitié entre les deux puissances
est l'objet de la plus grande sollicitude de la Sublime Porte.
En conséquence, la présente note a été rédigée et remise à M. l'am-
bassadeur.
II. — Dépêche de l'anihassacleur Brnne ù 1%'apoléon I", en date du
2S juin 1804 (1» rékiul-éwel 1319).
Constantinople le 9 messidor an 12.
Le général Brune, ambassadeur près la Sublime-Porte,
A S. M. l'empereur des Français.
Sire, j'adresse à votre ministre des relations extérieures la réponse
faite par la Sublime-Porte à l'office par lequel je lui ai notifié l'élévation
de V. M. au trône impérial. Je ne fatiguerai pas V. M. du détail des né-
gociations d(mt cet office a été l'objet ; le ministre pourra vous en rendre
un compte fidèle. L'empereur de France est reconnu par la Sublirae-
Porte : ce qui manque à cette reconnaissance ne tient h aucune difficulté
essentielle, et dépend de quelqnes formes pour les lettres de créance et
les titres; j'ai prié le ministre de me transmettre à ce sujet les ordres et
les instructions nécessaires. J'attache une véritable gloire à poser ici les
fondements des rapports de l'empire de V. M. avec l'empire de S. H., etc.
(Signé) Brune.
{JE. Original.)
III. — Précis d'nne conférence de ranibassedenr Brune avec le
réis-efendi, tenue le 3» juin 1804 (20 rébiul-éwel 1219).
Le maréchal Brune déclare au réis-éfendi que la Sublirae-Porte doit
absolument reconnaître le titre impérial de N.ipoléon.
Le réis-éfcndi dit que la Porte ne peut pas le l'aire, parce qu'elle ignore
si Na|)oléGn a rempli toutes les conditions et les formalités, politiques et
religieuses, que les souverains chrétiens exigent mutuellement pour la
APF'ENDICE 0/i3
reconnaissance de la dignilé impériale, et que, par conséquent, elle doit
suivre h ce sujet l'exemple des puissances chrétiennes.
L ambasmdevr dit qu'il ne peut pas trnnsm(!ltre h Paris une telle ré-
ponse. Le chef actuel du gouvernement fiançais est su!)cntré, quant aux
rapports avec les cours étrangères, dans tous les droits de l'anoienne
royauté. Le refus de la Sid)lime-Poile de lui reconnaître un titre qu'antre-
fois elle donnait, en turc, au roi de Francs est donc aiissi peu fondé
qu'il est sur|)renant.
Le réis-èfmdi [d\\. observer que les rois de France ont obtenu, en effet,
le titre de padichah, mais jamais celui à'imperator, que l'ambassadeur
exige. Si celui-ci veut se contenter du titre de padichah et en faire même
l'objet d'une demande par écrit, la Sublime-Porte consentira, sans diffi-
cullé, à le donner h Napoléon.
IV. — Précis d'une conférence de l'ambassadeur Brune avec le réis»
éfendi, tenue le ISO septembre i804 (14 djémazinl-akbir 1219}.
Le réis-éfendi fait, confidentiellement, connaître il l'ambassadeur que
la Sublime-Porte se considère engagée par les articles l et k du traité
d'alliance (1798) à ne rien faire qui pût intéresser la Russie, sans la
consulter. Dans la question de la reconnaissance du titre impérial, l'em-
pereur Alexandre a même un intérêt personnel, puisqu'il s'agit de la créa-
tion d'une dignilé égale k la sienne. D'ailleurs, si la Sublime-Porte juge
nécessaire de se concerter avec lui à ce sujet, elle n'entend pas toutefois
subordonner sa décision à celle de l'empereur de Russie, et elle finira
toujours, malgré son opposition, par accéder à la demande de la France.
11 s'agit donc d'une question de temps, d'autant plus que la résolution
définitive de la Sublime-Porte dépend aussi de l'aplanissement des diffi-
cultés qui existent entre la France et la Russie : elle a déjà offert, à cet
effet, sa mé<Jiation au cabinet de Saint-Pétersbourg, et elle s'estimera heu-
rt use de parvenir k rétablir la bonne intelligence entre les deux puis-
sances.
L'ambassadeur fait observer au réis-éfendi que le traité d'alliance de
1798 n'a plus de force obligatoire [)our la Sublime-Porte et doit être con-
sidéré comme abrogé par les tiaités d'An)iens et de Paris. Quant à une
médiation de la Porte entre la France et la Russie, il ne peut pas engager
une discussion sur ce point, d'autant moins que ses instructions ne con-
tiennent rien à ce suji^t.
Le léis-éfendi pei'sisiant dans ses déclarations, l'ambassadeur lui com-
nmuique son intenlion d'informer, par un courrier, son gouvernement de
lu résolution de la Sublime-Porte: le réis-éfendi le plie de susjjendre
l'expédition du courrier jusqu'à lundi et l'ambassadeur y adhère.
^[^l^ APPENDICE
\. — Dépêche' d*e Tninbassadenr Brnne à Napoléon I«', en date du
%9 septembre 1804 (23 djémaziul-akhir 1219).
Constantinople (Thérapia) le samedi 7 vendémiaire an 13.
Sire, le 28 du mois dernier, j'ai eu l'honneur d'écrire k V. M. impé-
riale que je devais avoir dans une prochaine conférence une décision sur
ce qui avait fait l'objet de la conférence du mardi 1k- Il y a eu, dans l'in-
tervalle, divans sur divans : on a acrité l'opinion des ministres et du sou-
verain par tous les moyens imaginables. On a présenté au sultan des
lettres de Vienne annonçant que le gouvernement français avait proposé
à l'Aulriche des plans contre la Turquie; on lui a lu des traductions de
lettres de M. de Belleval, qui est à Paris ; on a fait courir le bruit d'échecs
à Boulogne, de troubles prochains en France, de l'envoi du général Lau-
I iston h Constantinople : enfin, il a été donné à S. H. une information
officielle de la part du cabinet de Saint-Pétersbourg pour lui déclarer que
Mahmoud, réis-éfendi actuel, est un ministre très-éclairé, très fidèle,
qui ne peut avoir d'ennemis que ceux de la Turquie et de la Russie. Ce-
pendant, j'ai appris par l'internonce, par l'envoyé d'Espagne et par divers
rapports particuliers que la Sublime-Porte devait refuser ou notifier
qu'elle ne reconnaîtrait qu'après l'empereur Alexandre.
Le mercredi, deuxième complémentaire, je fus informé que la confé-
rence aurait lieu le lendemain. J'écrivis sur le champ au drograan de
la Porte que j'avais appris qu'on devait me donner un refus et que, si ce
rapport était vrai, je ne voulais plus de conférence. Mon billet parvint
dans la nuit au prince drogman, qui ne put voir le réis-éfendi que dans la
matinée suivante-. Ce ministre le chargea de me réjjondre qu'il n'y avait
jamais eu de refus dans cette affaire ; que les ministres étaient déjci réunis
à Bébek et m'attendaient. Malgré le vague de cette réponse, je me rendis
au lieu fixé. J'adresse au ministre des relations extérieures le protocole
de cette conférence. Je prieV. M. de s'en faire rendre compte; je dési-
rerais même qu'elle le lût tout entier avec attention ; il se réduit à ceci ;
la Sublime-Porte ne refuse pas, mais il faut s'arranger avec la Russie;
elle y est obligée par le traité d'alliance défensive de 1798; elle espère
réussir dans cette négociation ; elle offre même son intervention pour
faire cesser le refroidissement actuel entre la Russie et la France.
Sur cette réponse, je me trouvais porté à faire un éclat, mais comme
je ne voyais pas que S. H. eût parlé, je retins mon indignation et je me
me bornais h dire que j'allais expédier un courrier. Le réis-éfendi me
pria d'attendre jusqu'au lundi suivant. Ce jour-lh, 2 vendémiaire, on
m'apporta copie d'un halti-chérif ou ordre de la main de S. H. qui en-
oint à ses ministres de donner toute insistance à V arrangement. Ainsi,
APPENDICE 3Û5
par cette réponse entièrement conforme à celles de la conférence, j'ai la
certitude que ce serait de la Russie qu'il faudrait attendre notre titre, que
c'est avec la Russie que la Sublime-Porte se croit obligée de délibérer
de toutes nos affaires, et qu'elle persiste à donner de la valeur à un traité
dont la citation seule est un affront à la bonne foi et une violation du traité
de paix.
V. M. ju?;era qu'il m'est impossible de supporter une telle position :
les titres dont elle m'a honoré, je croiniis en paraître indigne si j'acquies-
çais à la moindre déconsidération de mon gouvernement; mon caractère
perdrait tout lustre comme tout crédit, si je le compromettais par une
plus longue résignation. Après y avoir mûrement réfléchi, voici le parti
auquel je me suis arrèlé. Aussitôt après le départ de mon courrier, j'en-
voie Franchini à la Porte pour savoir s'il y a une décision en conséquence
du hatti-chrrif ; on lui fera une réponse insignifiante ; il demandera dans
quel temps à peu près la décision pourra être prise; on lui dira qu'on ne
le sait pas, mais que ce sera le plus tôt possible, ou bien on lui donnera
un terme éloigné. Alors, il déclarera que je me rends près de V. M. im-
périale pour prendre ses ordres, en attendant leur décision, et il deman-
dera des passeports. Si la négociation peut aboutir à un succès digne de
la France, celte démarche seule est capable de le forcer. Ainsi, je resterai,
s'ils accordent, s'ils persistent, je partirai et je fais déjà mes préparatifs.
Ce parti me paraît indispensable, peut-être pas pour le succès, mais certai-
nement pour rhonneur : d'ailleurs, il n'entraîne pas de rupture; je n'ai
pas la plénitude de mes fonctions ; les grandes relations officielles me sont
interdites jusqu'à la reconnaissance; les communications se feront plus
convenablement par un chargé d'affaires et pourront reprendre l'éclat
accoutumé dès que les circonstances viendront à changer. Il est inutile de
faire observer à V. M. que ses lettres de créance n'ont pas été compro-
mises; il n'en a jamais été question. Je laisserai à y\. Ruffin les instruc-
tions nécessaires pour la surveillance des mouvements militaires de la
Russie. H adresse à votre ministre, avec la conférence du 3 complémen-
taire,ma lettre au drogman de la Porte, et sa réponse, le hatti-chérif
et les traités de 1798 dont il paraît qu'on n'avait pas connaissance à
P<iris, lors de mon départ, ou plutôt qu'on ne supposait pas devoir jamais
altérer nos relations.
Les nouvelles de ce pays, etc.
(Signé) Brune.
{M. Original.)
3Û6 APPENDICE
YI. — Résumé d'anc note de l'ambassadeur Brune à la Sublime-
Porte, en date du 4 octobre 1804 (38 djémaziul-akhir 1219).
Comme la Sublime-Porte persiste h ne pas vouloir reconnaîtrele maréchal
Biune en sa qualité d'ambassadeur, celui-ci ne trouve pas convenable de
séjourner plus longtemps à Constantinople. Il prie, par conséquent, que
les passeports et les firmans nécessaires pour son voyage lui soient remis
au plutôt, car il désire arriver auprès de son empereur et maître, h Paris,
avant les fêtes fixées au 9 novembre prochain.
Vil. — Précis d'une conférence du chargé d'affaires de Prusse
(baron de Bielefeld) avec le réis-éfendi, tenue le... octobre 1804
(... rédjeb 1319)
Après avoir fait ressortir le caractère confidentiel de cette conférence,
le réis-éfendi communique au baron de Bielefeld le résumé de sa confé-
rence du 20 septembre avec l'ambassadeur de France, et ajoute les expli-
cations suivantes :
A peineavait-on appris à Saint-Pétersbourg que Bonaparte avait l'inten-
tion d'adopter le litre impérial, el d'en informer aussi la Sublime- Porte,
qu'on s'empressa d'adresser à M. d'Italinski une dépêche où il était
enjuiiit d'exprimer au divan l'espoir de la cour de Russie qu'en conformité
du traité d'alliance, il ne reconnaîtra par le changement survenu dans le
gouvernement de la république française, avantque l'empereur Alexandre
ne l'eût reconnu, et que les différends en général, entre lui elle gouverne-
ment français, n'eussent été terminés d'une manière satisfaisante. La
Sublime-Porte a été, par conséquent, obligée de prendre un parti dilatoire
pour arriver, en gagnant du temps, à obtenir le consentement de la
Russie. Plus le maréchal Brune insiste, et plus .^J. d'Italinski met de l'é-
nergie à renouveler l'assurance que l'empereur, son maître, verrait d'un
très-mauvais œil que la Sublime-Porte accédât à la demande du gouver-
nement français.
VIII. — Résumé d'une note de l'envoyé de Russie (M. d'Italinski] ù.
la Sublime-Porte, en date du 9 octobre 1804 (3 rédjeb 1319).
L'envoyé de Russie se flatte de l'espoir que la Sublime-Porte ne se lais-
sera pas dél(!rmiii(,'r par aucun motif à reconnaître l'empereur Napoléon.
Les démarches récentes de l'ambassadeur de France obligent M. d'Italinski
de leveiiir sur cet objet. Le séjour des troupes françaises kNaples,
l'envoi d'armes et de munitions aux Souliotes, les menées révolutionnaires
AIM'ENniCE li'il
des Français en Morée, etc., sont autant de preuves que Bonaparte a les
desseins les plus perfides contre l'empire ottoman, desseins dont il ajourne
provisoireraont la réalisation, faute de moyens. La Russie s'y est opposée
par des représentations convenables, aussi bien que par l'envoi dispen-
dieux de troupes h Corfou. Elle se sert môme du refus de donner à
Bonaparte le titre impérial comme d'un moyen pour combattre ses
usurpations commises aux dépens du repos de l'Europe. Il y a lieu donc
d'espérer qu'on le décidera, au moins, à retirer ses troupes du royaume
de Naples, et que le divan verra ainsi disparaître un motif d'apprélien-
sions légitimes. Mais, en retour de ce service, l'empereur Alexandre
s'attend à ce que la Sublime-Porte agisse absolument de concert avec lui,
et qu'elle n'accorde à Bonaparte ni le litre d'empereur ni celui de padi-
chal). Au cas contraire, l'empereur devra considérer comme rompue son
union actuelle avec la Porte, et le soussigné envoyé de Russie sera obligé
de quitter sans délai Gonstantinople.
IX. — Bcsnmc d'une note dn cliargé d'affaires de la Grande Bre-
tagne (Sir Stratton) à la Stublime- Porte , en date . . . octobre
1804 (... rédjeb 1219).
La reconnaissance par la Sublime-Porte du titre impérial de Bonaparte
aurait pour conséquence immédiate que le nouveau représentant de la
Grande-Bretagne, sir Arbutlinot, qui se trouve en route pour Gonstan-
tinople, suspendra la continuation de son voya'^e jusqu'à ce qu'd ait reçu
l'assurance que la Porte ne cédera pas à la pression de l'ambassadeur de
France.
X. — Résumé d'une note de l'ambassadeur Brune ù. la Sublime-
Porte, en date du 14 oetobre 1804 ^9 rédjeb 1S19).
Après avoir énuméré les griefs du gouvernement français contre la
Sublime-Porle, l'ambassadeur Brune lui reproche surtout sa dépendance
de la volonté de la Russie.
Il exige un parfaite parité d'amitié et de confiance pour la France, et
finit par demander de nouveau ses passeports.
Xi. — Résumé d'une note de la Sublime-Porte à l'ambassadeur
Brune, en date du 1 9 octobre 1804 (12 rédjeb 1319).
Par suite de la haute estime et de la sincère amitié flout les deux puis-
sames se sont toujours donné des preuves muluelies, la Sublime-Porte
prend la plus vive part à tout ce qui peut contribuer à la tranquillité et
3Zi8 APPENDICE
au bien-être de la France, et consentira à ajouter, aussitôt qu'elle pourra
le concilier avec ses intérêts, le titre d'imperotor à celui de padichah
donné autrefois au roi de France. S. H. a été informée de l'intention de
l'ambassadeur de quitter Gonslantinople, mais elle a refusé de donner son
consentement à ce départ, parce qu'elle ne psut pas approuver que l'am-
bassadeur veuille partir sans un molif suffisant. Dans sa sagacité, l'ambas-
sadeur comprendra, du reste, combien il serait contraire aux intentions
de la Sublime-Porte s'il quittait Constantinople sans avoir donné à cette
dernière le temps de concilier, suivant sa promesse, cette affaire avec ses
propres intérêts.
XII. — Résumé d'nne note de rambassadeiir Brune à la Sublime-
Porte, en date du 24 octobre 1804 (19 rédjeb 1319).
Le généial Bruue déclare de nouveau à la Sublime-Porte qu'il quittera
Constantinople, et demande ses passeports.
XIII. — Résumé d'une note de l'ambassadeur Brune à la Sublime-
Porte, en date du 9 novembre 1804 (3 cliâban \Z\9).
Tout en regrettant qu'après quatre mois de négociations la Sublirae-
Porte persiste dans son refus de reconnaître le titre impérial, l'ambas-
sadeur, général Brune, ne veut plus insister sur ce point et lui abandonne
de faire ce qu'elle jugera convenable. Il ne peut toutefois s'abstenir de lui
représenter, encore une fois, combien elle fait mal d'avoir si peu d'égards
pour la France, sa pins ancienne et respectable alliée, à une époque
précisément où les affaires de l'Europe et de l'empire ottoman en parti-
culier devraient redoubler, pour le divan, le prix de l'amitié et de l'appui
de cette puissance. Il doit déplorer de voir le ministère ottoman sous
l'influence d'une cour étrangère qui l'oblige k suivre une marche si im-
polilique, et le maintient dans une tutelle humiliante, sous le prétexte
d'un traité d'alliance auquel le changement des circonstances a, depuis
longtemps, enlevé toute valeur. L'ambassadeur voit dans cette conduite
une malveillance personnelle, mais cela ne l'empêche pas de rendre pleine
et entière justice aux sentiments du sultan, qui paraît conserver toujours
pour la France l'attachement hérité de ses prédéceseurs. Aussi souhaite-
t-il, en partant, toute prospérité à Sa Hautesse.
XIV. — Résumé d'une dépëelie du ministre des relations extérieur
res (Talle^rand) à l'ambassadeur Brune, en date du . . . novem-
bre 1804 (. . cbàban I319j.
S. M. l'era^jereur Napoléon ne peut dissimuler la surprise que lui
causent les hésitations continuelles de la Sublime-Porte de reconnaître sa
Al'PENDICL 349
nouvelle dignité. Il existe évidemment une faction impie, qui s'appuie
sur la protection d'une puissance toute ciiargée des déi)Ouillcs de l'einjjire
ottoman. La Subliine-Poite uublie tous les égards dus k la France, sa
plus ancienne et sincère alliée, en duniianl tison ambassadeur des réponses
dont la nature incohérante ne trahit que trop sa confusion. Une telle con-
duite de la Porte ne peut, d'ailleurs, avoir d'autre motif que cette dépen-
dance humiliante de la Russie, qui constitue un contraste bien étrange
avec l'ancien orgueil musulman. Si l'ambassadeur n'obtient pas, dans le
délai de trois jours, la reconnaissance formelle du titre iuipérial, il lui
est enjoint par l'empereur de quitter Gunstantinople.
\.\. — Dépêche de l'ambassadenr Brune à. IVapoIéon I'% en date
du ZO décembre 1804 (19 raniazau 1219).
t
Kutchuk-tchekmedjé (Ponte-Piccolo) 29 frimaire au 13.^
Le maréchal Brune à S. M. l'empereur des Français.
Sire, l'état de la négociation sur la reconnaissance et le protocole
des titres ne m'a pas permis de rester plus longtemps dans ma résidence.
Les mauvais temps et quelques lueurs d'espérance ont fait que je m'y suis
trouvé encore pour exécuter les derniers ordres de V. M. Impériale,
transmis par son ministre des relations extérieures. J'adresse à S. E.
M. de Talleyrand, les copies de tous les actes de celte affaire depuis le
8 vendémiaire dernier, époque du départ de mon courrier Bondy. Je
désire que V. M. en voie toute la suite pour juger ma conduite, et s'as-
surer que mes démarches ont été toujours conformes à la dignité de mon
caractère, c'est-à-dire, selon la gloire de V. M. et la grandeur de son
empire : elle verra qu'avant les instructions du ministre et la connais-
sance de la note remise à Halet-éfendi, j'avais tenu au grand-vézir un
langage semblable à celui que l'on tenait à l'ambassadeur ottoman à Paris.
On a essayé de me retenir par des offices et des projets d'offices dans
lesquels, à travers les équivoques de la phrase turque, ou démêlait le
double dessein de me faire croire à la reconnaissance et de faire croire
le contraire aux Russes. Les dispositions de ce cabinet se trouvent ainsi
suffisamment sondées : un parti nous veut du mal, il est puissant, les
Russes le dirigent; un autre parti nous aime, ne désespère pas, mais re-
doute les Russes; enfin, un tiers parti pense que nous nous entendons avec
les Russes pour jeter cet empire dans une crise et amener le partage de
ses provinces d'Europe. J'ai quitté le palais de France le jeudi, 22 de ce
mois, trois jours après ma notification k la Porte de l'office de Paris. Sur
les instances du vézir exprimées dans une lettre du drogman de la Porte,
et sur la promesse de me donner une réponse le lundi suivant, j'ai attendu
350 APPKNDFCI'
quatre jours à Kiaat-hané : en iiiôiue temps, un ex-ministre, Atif-éfendi,
m'écrivit qu'il était nommé plénipotentiaire par le Grand-Seigneur, pour
arranger l'affaire dans des pourparlers confidentiels. Je ne rejetai point
ces pourparlers, mais on voulait que je retournasse au palais de France ; il
m'était impossible de faire une telle démarche. Dans cet intervalle d'at-
tente, les communications verbales qui m'ont été f;iites ont toutes indiqué
Tinlention de me séduire par des déinoiislralions amicales, plutôt que de
me fixer par une décisio;i positive et franche : j'ai quitté Kiaat-hané
avant-hier, mardi, 27 frimaire, et je me trouve à Tutchuk-Tchékmédjé
(Ponte-Piccolo), où je fais séjour pour écrire à. V. M. et à son ministre.
Le temps et les chemins son affreux : je ne pourrais traverser qu'avec
lenteur les états ottomans.
Un bâtiment de transport russe, etc. {•Signé) Brune.
{M. Original.)
%,\i. — Résumé d'nne note identique de l'envoyé de Russie et du
chargé d'affaires de la Grande-Bretagne à la l§ublime-Port<-, en
date da 23 décembre 1804 (ZO ramazan 1319).
L'envoyé de Russie (de la Grande-Bretagne) proteste contre la recon-
naissance du titre impérial, et demande que la Sublime-Porte ne se laisse
pas induire, par le départ de l'ambassadeur de France, à prendre un parti
contraire à ses intérêts ainsi qu'à ses engagements envers d'autres puis-
sances.
XVll. — Lettre de Sélini III à ]\apoléon I", en date du 31 mai
1805 (31 sàfer 1320).
fSuscription.j Lettre amicale à Sa xMajesté, notre très-auguste ami Napoléon.
/■TÎÛesj A Sa Majesté, notre très-auguste, très-sublime, très-éminent, très-sin-
— Gère, intime et grand ami.
Nous étions dans l'espoir que la bonne harmonie et l'intimité, qui
régnent depuis un temps immémorial entre ma Sublime-Porte et la cour
de France, prenant de moment en moment de nouveaux accroissements,
les bases de la bonne intelligence ne feraient que se raffermir entre les
deux puissances.
Nous étions surtout dans la plus intime persuasion de l'estime et de
l'affection que Voire Majesté porte à ma personne impériale, lorsque sa
lettre purement amicale et confidentielle , qui renferme les conseils de
son amitié, et qu'elle nous avait envoyée avec notre ami Jaubert, me fut
remise en main propre.
Tout le contenu de cette lettre, tant les articles retracés ici que les
particularités qui drivent nous être réservées, a été a|)[)récié et approfondi
AI'PRNDIGK 351
comme le reflet physique de votre bienveillance et de votre atlachemenl, et
cette manière directe de me les témoigner m'a causé une vive satisfaction.
Que votre auguste personne soit douée d'une profonde sagacité, d'une
perspicacité extraordinaire, d'une générosité d'âme liéroïqne; que votre
afleclueuse considération pour moi soit mai-quée au coin de la plus grande
loyauté, ce sont là des vérités qui, depuis longtemps, ont ac([uis l'évidence
dans mon cœur impérial; et comme ces sentiments n'ont plus besoin
d'être mis k de nouvelles épreuves , de môme il est superflu de chercher
à vous démontrer tout l'accueil fait à vos conseils salutaires, qui, n'étant
que les précieuses conséquences de ces sentiments, ont été reçus et
considérés comme tels par votre sincère ami.
Il ne rappellera pas à un génie aussi transcendant que celui de Votre
Majesté, qui calcule jusqu'au mouvement le plus imperceptible des évé-
nements de ce monde, la maxime si connue que chaque chose a son
époque prédestinée, et qu'une conduite adaptée aux circonstances de lieu
et de temps peut seule nous en assurer tous les bénéfices ; mais, en retour
de vos dispositions à mettre en activité votre estime et votre amitié pour
ma personne impériale, je dois vous déclarer que, de mon côté, je n'ai
pas un moindre désir de déployer mon affection prête à prendre un plus
grand essor et à acquérir plus de consistance.
Aussi, l'objet des prières que nous dirigeons vers le Créateur universel
est-il que les fondements de l'amitié et de la concorde, qui subsistent si
heureusement entre ma Sublime-Porte et la cour de France, demeurent
inébranlables et se consolident de plus en plus.
Dans la vue de vous faire connaître le gré infini que je sais ci votre
amitié, de la lettre qu'elle nous a adressée, et du gracieux empressement
avec lequel vous m'y donnez des témoignages si touchants de votre
bienveillante prédilection pour ma personne impériale, la présente réponse,
également confidentielle et amicale, a été rédigée et vous est envoyée par
le susdit Jaubert.
S'il plail au Seigneur, k son arrivée, il ne vous restera aucun doute
que la permanence et l'augmentation des sentiments que nous avons
lieu d'attendre d'un si fidèle ami, et de l'emploi de tous les moyens qui
peuvent resserrer les nœuds de l'ancienne union de ma Sublime-Porte
avec la cour de France, ne soient le but de nos vœux et de nos espérances,
Et que, tant que Votre Majesté continuera à les partager, nous ne
soyons, de notie côté, très-empressé à concourir au raffermissement
progessif des colonnes de l'amitié qui nous unit.
Le 21 de la lune de iiàfer l'an de l'hégire 1220.
{Sur la marge droite est le sceau impérial, et à côté la signature
portant : ) L'ancien ami sultan Sélim.
(-E. Traduction officielle.)
352 APPENDICE
XVIII. — Lettre de Napoléon I" au ministre des affaires étran-
gères, en date de Pont«de-Briques le 31 joillet 1805 (4 djéma-
ziul-éwel 1S20).
Je ne suis point de votre opinion sur le protocole avec la Porte. Il faut
insister pour qu'elle me donne le même titre qu'à l'empereur d'Allemagne.
( '' 0) respondcth ce de y^ «/ o '('on J"'. )
APPENDICE 353
CONVENTION
du 21 février 1833 (2 chéwal 1248).
APPENDICE
N" 1. Note relative à la forme de l'accommodement du différend turco-égijpfien.
I. Lettre du chargé d'affaires de France à Ibrahim-pacha, en date
du 28 janvier 1833 (8 ramazan 12/i8).
II. Réponse d'IhruJdm-pacha au chargé d'affaires de France, en date
de Kiatahia le 5 février 1833 (16 ramazan 12/i8).
m, Note de la Sublime-Porte aux représentants de France et d'An-
gleterre, en date du 17 février 1833 (28 ramazan 12Z|8).
IV. Lettre de l'ambassadeur de France à Mohammed- Ali-pacha, en
date du 22 février 1833 (3 chéwal 12/|8).
V. Lettre du même à Ibrahim-pacha, même date.
VI. Lettre du ministre britannique à Ibrahim-pacha, en date du 23 fé-
vrier 1833 (4 chéwal 12Z|8).
VIL Dépêche du ministre britannique à lord Palmerston , en date du
23 février 1833 (/i chéwal 12Zi8).
Vin. Réponse d' Ibrahim-pacha au minisire britannique, en date de Kia-
tahia le 1" mars 1833 (10 chéwal 1248).
IX. Dépêche du ministre britannique à lord Palmerston^ en date du
7 mars 1833 (16 chéwal 1248).
X. Réponse de Mohammed-Ali-pacha à l'ambassadeur de France, en
date d'Alexandrie le 8 mars 1833 (17 chéwal 1248).
XI. Note remise, au nom du pacha d'Egypte, aux consuls généraux de
France et d'Angleterre à Alexandrie, en date du... mars 1833
(... chéiual 1248).
XII. Mémorandum adressé par le gouvernement français aux agents
diplomatiques, en date du 21 mars 1833 (2 zilcadé 1248).
XIII. Lettre du ministre britannique à Ibrahim-pacha, en date du 29 ynars
1833 (10 zilcadé 1248).
XIV. Dépêche du ministre britannique à lord Palmerston, en date du
31 tnars 1833 (12 zilcadé 12[i8).
» XV. Dépêche du même au même, en date du 15 avril 1833 (26 zilcadé
1248).
XVI. Tevdjihat publié le 15 avril 1833 (26 zilcadé 1248).
XVII. Dépêche du ministre britannique à lord Palmerston, en date du
4 mai 1833 (15 zilhidjé 1248).
T. IL 23
35Û CONVENTION DE 1833
XVlll. Firman adressé aux fonctionnaires de VAnatolie, en date du 5 mai
1833 (IG zilhidjc 12Zi8).
XIX. Lettre d'ihrnhim-pacha à Mahmoud II, en date ini-mai \83o [fm-
zillndjé lL>/i8).
m date du 21 février 1833 (2 chéwai 1248).
Nous soussigné réis-éfendi de la Sublime-Porte, par suite d'une
négociation entre S. E. l'ambassadeur de France et nous, plein de
coufiance dans les dispositions bienveillantes de la cour de France,
qui est la plus ancienne amie de S. H. le sultan, et dans les qua-
lités personnelles de M. l'ambassadeur, avons accepté les bons
offices de la susdite cour dans le démêlé survenu entre la Sublime-
Torte et Aloliammed-Aali-pacha, gouverneur de l'Egypte, à condi-
tion qu'elle garantira à la Sublime-Porte l'acceptation par Moham-
med-Aali-paclia , comme condition définitive de son retour à la
soumission envers la Sublime-Porte, des grâces que S. H. a daigné
transmettre à ce vézir par S. E. Halil -pacha, conseiller de l'artil-
lerie impériale ; grâces aflectées à sa soumission, et par lesquelles
lui sont conférés les départements d'Acre, de Tripoli, de Syrie, de
Jérusalem et de Naplouse.
En conséquence, M. l'ambassadeur déclare, au nom de S. M. le
très-magnifique empereur de France, qu'il garantit la conclusion
immédiate d'un accommodement sous ces conditions, et que, aussi-
tôt que la clause ci-après relative aux secours étrangers aura reçu
son exécution, il remplira son présent engagement.
La Sublime-Porte, de son côté, s'engage à déclarer et annoncer
qu'elle renonce à toute espèce d'assistance étrangère qu elle se
trouverait avoir demandée en raison des circonstances.
C'est ainsi que le présent instrument a été olficiellement signé et
échangé entre Al. l'ambassadeur et nous.
Le 2 chéwai 1248.
El-Hadj-Mohammed-Akif,
réh-éfendi.
API>ENDICE 355
APPEîlfUICE
(N° 1). — Suivant les publicistes français, le diffcrend entre le sultan et
le pacha d'Egypte aurait été terminé eu vertu d'un traité i^'v^nd à Kiutaliia.
C'est une erreur. Dos finnam impériaux firent connaître à Moliammed-Ali et
à son fils, Ibrahim, les concessions du sultan qui mirent fin à la question
d'Egypte.
Le lecteur trouvera à la section Russie d'autres documents relatifs i!i cette
question.
I. — Lettre du ehartjé «l'nfTaires de France (baron de Varcnncs) à
Ibraiiîin-paclia , en date de l'hérapia le 'iH janvier fl^33 ( 8
raniazan 134S).
Très-excellenl et magnifique seigneur, je crois de mon devoir de vous
faire connaître que la Sublime-Porte, désirant mellre un terme aux
maux que la guerre attire sur les populations dont la Providence lui a
confié le bien-êlre, expédie à Alexandrie rex-capita!i-paclia Ilalil-pacha,
accompagné de l'Ahraedji-élendi, et qu'elle l'a muni de pleins pouvoirs
nécessaires pour conclure un arrangement déflnilif avecS. A. Muhammed-
Aali-pacha.
Celte détermination de la Sublime-Porte étant une consétjueiice des pro-
positions que j'ai été chargé de lui transmettre de la part de votre illustre
père, je me trouve dans l'obligation spéciale de vous en informer. Ma
qualité de représentant d'une puissance qui, bien qu'elle n'ait pas cessé
un instant de faire des vœux pour la pros[)érilé de l'empire ottoman, a
plus d'un titre à la confiance de Mohummed-Aali, pourrait encore m'auto-
riser à en entretenir V. A.
Je me bornerai à lui attester l'état des choses, dans l'espoir que , re-
connaissant que des procédés hostiles sont devenus sans objet; que le
blâme et la responsabilité en retomberaient aujourd'hui sur le ursauleurs,
et qu'ils pourraient créer des difficultés à la transaction qui se traite, elle
jugera à propos d'anèter sa marche et de prescrire ii ses différents chefs
de corps de suspendre également leurs mouvements. Si, conime j'ose m'en
flatter, V. A. adopte cette disposition, je suis assuré que, sur l'avis qu'elle
en ferait parvenir aux commandants des troupes de lu Sublime -Porte, ils
s'empresseraient, conformément aux ordres qui leur ont été adressés, de
rester de même dans l'inaction.
Elle recevra la présente par un courrier qui pourra revenir avec la ré-
ponse dont il lui plairait de m'honorer.
Je profite, très-excellent et magnifique seigneur, de celle précieuse
occasion pour offrir h V. A. l'hommage, etc.
356 APPENDICE
II. — Réponse d'Ibraliini-paclia au chargé d'alFaircs de France, en
date de Kiutaliia le 5 février 1833 (IG raniazan 1348).
Honorable, éclairé, affectionné, et bienveillant ami, monsieur le baron
de Varennes!
J'ai reçu la lettre affectueuse que vous m'avez adressée sous la date
du 8 ramazan 12^8, et j'ai pris connaissance de son contenu amical.
J'ai précédemment expliqué en détail, par intermédiaire, à la Sublime-
Porte que mon départ de Koniéh et mon intention d'aller h Brousse n'a-
vaient aucun autre motif que la rareté des vivres et le manque de bois ,
au cœur de l'hiver, et que ce mouvement de ma part provenait de la dif-
ficulté que j'éprouvais de pourvoir aux besoins de l'armée. Ma marche
en avant a donc été occasionnée par cette nécessité. Nous voilà arrivés
à Kiutahia, dont le séjour offrant plus de facilités sous le rapport tant
des vivres que de l'hiver, je m'y arrêterai, conformément au désir de
mon père et bienfaiteur, jusqu'à ce que je reçoive de sa part un ordre à
ce sujet.
J'en informe la Sublime-Porte, et j'espère avoir également rempli ainsi
le désir amical de V. E., dont l'accomplissement est un plaisir pour
moi.
Je profite de cette occasion pour m'informer de l'état de votre pré-
cieuse santé.
m. — IVote (extrait) de la Snblime-Porte aux représentants de
France et d'Angleterre, en date du 19 février 1833 (38 rama-
zan 1248).
La Sublime-Porte a informé les légations de France et d'Angleterre,
qu'elle s'est fiée aux assurances, fondées comme elles sont sur de simples
paroles, qu'elle a reçues de leur part , que Méhéraed-Ali-pacha doit, sans
faute, s'arranger avec nous et faire sa soumission.
Le fait est, cependant, que non-seulement les assurances données et
qui n'ont eu aucun résultat, ni la réponse vague d'Ibrahim-pacha, qui se
borne à dire qu'il s'arrêtera à Kiutahia, ne sont de nature à rassurer la
Sublime-Porte pleinement; mais malgré que ce Pacha affecte dans ce mo-
ment-ci de vouloir rester à Kiutahia, on entend dire, comme une chose
certaine, que ses gens avancent, en se répandant aux environs, et qu'il
fait même venir auprès de lui les troupes qui étaient restées en arrière.
M. le Ministre, notre ami, conviendra donc sans doute que les faits, quand
on considère la conduite d'Ibrahim-pacha, n'affaiblissent que trop les as-
surances en simples paroles données par les deux légations.
Mais la Sublime-Porte, qui a agi dans toute celte alfaire avec la plus
APPENDICE 357
grande franchise, a pris sur elle de donner sans cesse des conseils éner-
giques à Méhéiued-Ali-paclia, ainsi qu'à Ibrahim-pacha. Enlr'autres con-
seils, Son Altesse le Gaimacam -pacha a écrit dernièreraenl à Ibraliim-pa-
cha, pour l'engager à se porter en arrière, en lui faisant sentir que tant
qu'il est dans ces environs, et surtout tant qu'il reste à Kiulahia, nous ne
pouvons pas nous croire tout h fait en sûreté. Mais Ibrahini-pacha ne parle
pas de retraite, et ne dit rien de rassurant dans sa réponse. C'est pour-
quoi Son Altesse le Gaimacam a écrit de nouveau aux deux pachas, il y a
quelques jours, dans VoUjel qu'Ibrahim (piilte absolument Kiutahia pour
s'en retourner, et que l'on fasse cesser les désordres qui ont eu lieu dans
les environs. On attend leur réponse.
Si Ibrahim-pacha prolonge son séjour h Kiulahia, s'il continue d'agir de
la manière qu'il agit à présent, la Sublime-Porte est excusable de ne pas
mettre une véritable confiance dans les assurances, en paroles, données,
soit par lui, soit par les ambassades.
Les deux ambassades sont donc priées d'écrire à Ibrahim-pacha, d'une
manière analogue aux circonstances, et de lui faire parvenir leurs lettres,
après s'être concertées ensemble, par un employé envoyé exprès, ainsi
que le projet en était arrêté dernièrement.
IV. — Lettre do l'anihassadear de France (baron Ronssin) à Mo-
hammcd-Aali-paeha, en date de Tliérapia, palais de France, le
23 février 1833 (13 chéwal iS48).
Très-illustre et magnifique seigneur, le gouvernement de S. H. alarmé,
avec raison, des progrès de votre fils Ibrahim et de son attitude équi-
voque, a accepté, en dernier ressort, l'assistance matérielle que la Russie
avait offerte. Depuis lors, rassuré par les démonstrations conciliantes de
V. A., il eût été à désirer que cette assistance piit être contreraandée ;
mais par une de ces fatalités qui, plus d'une fois, présagèrent des catas-
trophes politiques, l'escadre russe est arrivée et a jeté l'ancre dans le Bos-
phore. Dans cette conjoncture, qui compromet gravement la tranquillité
de l'Europe, et qui met l'empire ottoman dans un péril imminent, dont
les chances doivent être partagées par V. A., j'ai entrepris, de concert
avec la Sublime-Porte, au nom du gouvernement du roi, de vous amener
à accepter les propositions dont Halil-pacha était porteur, à condition
qu'il serait immédiatement annoncé à l'envoyé russe que votre réconcilia-
tion s'étant opérée, l'assistance de l'escadre russe serait superflue et sa
présence sans objet.
Je viens donc prier V. A,, non pas dans votre intérêt particulier seule-
ment, mais dans celui même de votre sûreté, de rappeler votre armée,
sans délai, dans les limites du territoire dont l'administration vous a été
confiée, et de revenir à ces relations naturelles avec la Sublime-Porte,
358 APF'ENDICE
contractées au moment où vous reçûtps l'investiture des anciens paclialiks
ainsi que votre fils Ibrahim ceux de Sainl-Jean-d'Acre, Jérusalem, Tri-
poli de Syrie et Naplouse. La modération est devenue pour V. A. une né-
cessité. Persister dans les prétentions que vous avez soulevées, ce serait
appeler sur votre tête des conséquences hien désastreuses qui, je n'en
doute pas, éveilleront vos craintes. La France tiendra l'engagement que
j'ai conlraclé ; elle en a le pouvoir et je garantis sa volonté. Il ne me reste
jilus qu'a espérer que vous ne nous forcerez pas à la cruelle nécessité
d'attaquer une puissance en partie notre ouvrage, et de ternir une gloire
dont je suis l'admirateur sincère.
C'est mon premier aide-de-camp qui aura l'honneur de remettre ces
dépêches. Permettez-moi de le recommander à votre bienveillance. Je
joins ici copie de la lettre que j'ai adressée, en même temps, à votre fils
ïhrahim-pacha.
Je saisis cette occasion, très-excellent et magnifique seigneur, de vous
renouveler, etc.
\. — 'livitre de l'ambassadenr de RoiifSfsin à Ibrahini-paclia, en
date de Thérapia, palais de France, le ZZ février 1833 (3 clié-
wal 1248).
Très-excellenl et magnifique seigneur, vous verrez par le contenu de
la lettre ci-jointe, que j'ai adressée à S. A. le vice-roi d'Egypte, votre
ilhbtre père, le récit des événements désastreux qui sont arrivés à Cons-
tantinople, ainsi que l'exposé de leurs conséquences inévitables.
Sous peine de voir l'empire ottoman devenir la proie de la Russie, il
faut qu'une nation puissante intervienne de tout son poids, pour ôter le
prétexte d'une invasion qui bouleverserait l'Europe.
Cette nation puissante, c'est la France; c'est la France appuyée sur
l'assentiment de l'Angleterre; la France, que le vice-roi d'Egypte a long-
temps comptée au nombre de ses principaux amis, et qui, dans ces circons-
tances a droit de compter sur sa déférence.
Je ne doute pas, magnifique seigneur, de la coopération franche et ira-
médiale que vous donnerez à l'exécution de ce projet. D'après l'engage-
ment que j'ai contracté, au nom de mon gouvernement, la paix doit être
considérée comme conclue entre l'Egypte et la Porte à la condition de
l'investiture des quatre gouvernements de Saint-Jean-d'Acre, Naplouse,
Tripoli de Syrie et Jérusalem. Aucune modification quelconque ne peut
être faite à celte condition. Toute discussion doit cesser sur cet objet, et il
faut immédiatement mettre un terme aux hostilités.
Je vous prie donc, magnifique seigneur, non-seulement de ne pas faire
faire un seul pas en avant à votre armée, mais même de la faire rélrogra-
API>H^^ICE 350
der de manière qu'elle puisse s'établir sur le territoire qui a été concédé h
l'Kgypte.
Ce mouvement est indisiionsahlc afin de faire voir îi la population que la
guerre, dont elle a tant soulTert, est enfin terminée.
Mon aidede-canip, le porteur de celte lettre, a l'ordre do m'apporter
votre rûponse. J'ai l'honneur de prier Votre Altesse de ne pas tarder k me
la transmettre.
Recevez, etc.
VI. — liCttre (extrait) <Iu ministre britannique (Iflanilcville) î\ Ihra-
hini-paclia, en date «le Tliérapia le 33 février 1833 (4 ehéwal
1848).
La Sublime-Porte m'ayant représente le grand danger auquel elle est
exposée par la présence de votre armée dans le voisinage de celte capi-
tale, et m'ayant invité à employer tous mes efforts pour en.^ager Votre
Altesse de faire cesser ses appréhensions très-légitimes par la retraite de
votre armée de Riutahia, je considère comme étant de mon devoir d'accé-
der à cette demande.
Dans ces circonstances, je ne saurais assez fortement insister auprès de
Votre Altesse sur la nécessité de retirer de Kiutahia les troupes sous votre
commandement, puisque, en persistant h occuper votre position actuelle,
et en refusant d'adhérer à la demande de la Siiblirae-Porto, vous compro-
mettez la tranquillité du pays voisin de la capitale, et vous faites naître
dans l'esprit des ministres turcs des doutes sur la sincérité de vos protes-
tations et de S. A. Mohammed-Ali relativement à vos sentiments de dé-
vouement et de soumission envers votre souverain.
¥11. Dépêche (extrait) dn ministre Rfandeville à lord Palmerston,
ministre des affaires étrangères, en date de Tliérapia le 23 fé-
vrier 1833 (4 cheval 1248).
Quelques jours après l'expédition de ma dépêche du 15 de ce mois,
j'ai reçu une note officielle du réis-éfendi où il est dit que Ibrahim-paclia
persiste à rester à Kiutahia, que ses troupes se réparident dans les alen-
tours de cette ville et que son arrière-garde allait se joindre à son armée,
bien que le caïmacan-paclia l'eijt invité k se retirer de Kiutahia, car, aussi
longtemps qu'il occup-^ra cette position, la Porte ne peut pas se croire en
sûreté. Sa Hautesse a écrit de nouveau, tant à lui qu'à Mohammed-Ali,
pour obtenir la retraite d'Ibrahim et la cessation des désordres que la
présence de son armée occasionne dans le pays.
Les deux ambassades sont conséqnemment priées d'écrire h Ibrahim-
pacha, de l'engager k se retirer de Kiutahia et d'expédier leurs lettres par
360 APPENDICE
une personne attachée à l'ambassade, ainsi que cela a été précédemment
convenu.
Avant de faire une réponse officielle à cette note, j'ai voulu que l'inter-
prète indiquât au réis-éfendi une grave erreur qui y domine. Il y est dit
que la Porte a rpçu de moi des assurances que Moliammed-Ali fera sa
soumission au sultan et se prêtera à un arrangement avec la Porte, tandis
que Son Excellence sait parfaitement que je n'ai jamais donné des assu-
rances quelconques à ce sujet. Je m'en suis rapporté aux assurances de
soumission que la Porte avaient reçues de Mohammed-Ali, assurances qui
avaient été confirmées par le général Mouraweffàson retour d'Alexandrie,
ainsi qu'à la halte à Kiutahia de l'armée d'Ibrahim-pacha : me demander
d'exiger de lui qu'il se retirât de celte place, c'était me demander de faire
ce que je craignais devoir être peu utile, et ce qui devait m'exposer à
un refus ; malgré cela, je ne me refuserais pas à écrire à Ibrahim-pacha
dans le sens comme le réis-effendi me l'a demandé.
J'ai conséquemment adressé à Ibrahim-pacha une lettre que la Porte a
approuvée, et qui sera accompagnée d'une traduction turque. J'ai l'hon-
neur d'en transmettre une copie à votre seigneurie. Elle sera remise à
Son Altesse par l'aide-de-camp de l'ambassadeur de France, qui est le
porteur de la lettre que Son Excellence a écrite à cette occasion à Ibra-
him.
YIII. — Réponse d'Ifirahim-paclia an ministre mandeville, en date
da 1" mars 1833 (lO cliéwal 1»4$).
Très-aimable, très-bien aimé et bienveillant ami, j'ai pris connaissance
du contenu de la lettre amicale que vous m'avez écrite le k schewal
(23 février) pour me dire de me retirer, loin d'avancer.
Mon armée était encore à Konia lorsqu'un aide-de-camp russe y arriva
de la part de M. l'envoyé de Russie, el me dit de ne pas avancer. Ma
réponse fut, que d'après les devoirs que ma commission m'imposait, je
ne pouvais m'arrêter sans en avoir reçu l'ordre.
Arrivé à Kiutahia, j'y ai reçu de la part de mon père^l'ordre de ne pas
avancer. Pour obéir à ses ordres, je me suis arrêté sur-le-champ, et j'en
ai donné l'avis tant à la Sublime-Porte qu'au chargé d'affaires de France,
M. le baron de Varennes.
Voilà Monsieur, ce qui en est, et soit que j'avance, soit que je me
retire, je ne puis agir que conformément à la volonté de mon père, aux
ordres duquel ma conduite est, comme vous ne l'ignorez pas, toujours
assujétie.
D'ailleurs, on a écrit sur ce point à mon père, et sa réponse ne peut pas
tarder d'arriver. Quant au soupçon qu'on a que je marcherai en avant,
APPENDICE 361
ce que j'ai dit plus haut doit le faire cesser. J'attendrai les ordres de mon
père, et quand je les aurai reçus, je les mettrai à exécution sans perte de
temps.
En vous informant de tout ce que j'ai eu l'honneur de vous écrire, je
saisis cette occasion pour demander l'état de votre santé.
IX. — D<^pèrlie tie M. lUandevilIe ù lord PaIniers<on, en date
de Thérapia le 9 mars 1833 (IC chéwal 1S48).
Mylord, j'ai l'honneur de transmettre, ci-joint, h votre seigneurie la
traduction de la réponse à la lettre que, sur la demande de la Sublime-
Porte, j'ai adressée le 23 février h Ibrahim-pacha.
Dans cette réponse, S. A. explique sa marche de Konia à Kiutahia
comme ayant été une conséquence des instructions qu'il avait reçues de
son père Mohammed-Ali. A son arrivée dans cette ville, il reçut l'ordre
de son père de ne plus avancer, et il y resta ; qu'il marche en avant ou
qu'il se retire de la position qu'il occupe actuellement, il réglera toujours
sa conduite suivant la volonté et les ordres .du pacha d'Egypte. En atten-
dant, il lui a écrit à ce sujet, et une réponse arrivera bientôt, et quels
que soient les ordres quelle contiendra, il les exécutera sans délai.
En cédant aux instances réitérées du réis-éfendi d'écrire à Ibrahim-
pacha, je ne m'étais nullement attendu k recevoir une réponse plus satis-
faisante que celle que je viens de recevoir, et ma répugnance d'adhérer
au désir de S. E. est justifiée par le peu de succès de la démarche.
J'ai l'honneur, etc.
X. — Réponse de SIohaninied-Aali-pacha à l'ambassadeur do
France, en date d'Alexandrie le 8 mars 1833 (11 chéwal
1248).
Monsieur l'ambassadeur, j'ai reçu votre dépêche en date du 22 février,
laquelle m'a été remise par votre aide-de-camp.
Dans celte lettre vous m'objectez que je n'ai pas le droit de réclamer
d'autres territoires que ceux de Saint-Jean-d'Acre, de Jérusalem, de Na-
plouse et de Tripoli en Syrie, et qu'en conséquence je dois retirer immé-
diatement mon armée; vous me déclarez qu'en cas de refus, je dois ra'at-
tendre aux plus sérieuses conséquences. Votre aide-de-camp, par suite
des instructions que vous lui avez données, a ajouté verbalement que, si
je persistais dans mes prétentions, une flotte combinée, anglaise et fran-
çaise, paraîtrait devant les côtes d'Egypte.
De grâce, monsieur l'ambassadeur, en vertu de quel droit exigez-vous
de moi un semblable sacrifice?
J'ai pour moi la nation tout entière : il ne tiendrait qu'il moi de soulever
362 APPENDICE
la Rouraélie et l'Anatolie. Avec l'assistance de ma nation, je puis faire en-
core davantage. Maître de tant de contrées, victorieux sur tous les points,
quand déjà l'opinion publique me promettait la possession de la Syrie
tout entière, j'ai retardé la marche de mes troupes uniquement pour épar-
gner une inutile etlusion de sang, et me donner le temps de consulter
les dispositions de la politique européenne; et pour prix de celte modé-
ration et des nombreux sacrifices faits par une nation, dont le généreux
appui m'a mis en état de remporter tant de victoires signalées, on me de-
mande maintenant d'abandonner le pays que j'occupe en ce moment, de
retirer mon armée dans une petite province composée de h districts,
que vous appelez un pachalik! N'est-ce pas prononcer contre moi une
sentence de mort politique?
Cependant, j'ai la confiance que la France et l'Angleterre ne refuseront
pas de me rendre justice et de reconnaître mes droits : leur honneur y
est intéressé. Mais, si malheureusement je suis trompé dans celte espé-
rance, je m'en remettrai alors à la volonté de Dieu, et préférant une mort
glorieuse à l'ignominie, je me dévouerai avec joie à la cause de ma na-
tion, heureux de la servir jusqu'à mon dernier soupir. Telle est ma réso-
lution bien arrêtée, et l'histoire offre plus d'un exemple d'un pareil dé-
vouement.
Quoiqu'il arrive, j'espère que V. E. reconnaîtra la justice de mes droits
et appuyera l'acceptation des dernières oppositions que j'ai faites par l'in-
termédiaire de S. E. Halil-pacha.
C'est dans cette espérance, monsieur l'ambassadeur, que je vous écris
cette lettre amicale, et que je la remets entre les mains de votre aide-de-
carap.
XI. — niote remisse an nom du pacha d'Égypto anx oonsnls-gcnc-
raux de France et d'Angleterre à Alexandrie, en date du .. .
mars 1833 (... chéwal 1348).
Avant-propos. J'ai parfaitement saisi l'esprit de vos instructions et
conipiis toute l'étendue de l'intérêt et de la bienveillance dont l'empire
ottoman est l'objet. Comme moi-même je n'ai d'autre désir ni d'autre
pensée que de soustraire cet empire à la domination des Russes qui y
commandent en maîtres, et de délivrer ma malheureuse nation de la
honte oii elle gémit; ces dispositions bienveillantes des gouvernements
anglais et français se trouvant d'accord avec mes propres sentiments, je
crois devoir leur en exprimer toute ma reconnaissance. Néanmoins les
moyens de rendre cet empire fort et puissant étant jugés de diverses ma-
nières, je dois, zélé patriote, déclarer ici mes convictions intimes à cet
égard, aûn que ces deux gouvernements m'écoutanl avec la justice et
APPENDICE 363
l'iiiiparlialilé qui les caract(^risent, l'int(;rèt qu'ils professent pour mon
pays puisse produire es iicureux résultats que l'on est en droit d'espérer.
1° Son Excellence, M. Roussin, ambassadeur de France près la Porte,
voulant ôter tout motif aux bâtiments russes arrivés à Constantinople de
s'y arrêter, m'a écrit une lettre pressante pour hâter la conclusion de la
paix entre Conslanlinople et l'Egypte, et me proposer d'accepter seule-
ment les quatre districts formant le gouvernement de Saïda. Le fait est
que par cette démarche il a dévié du système de bienveillante protection
adopté comme but principal ; car cette proposition n'entre que trop dans
les vues de la Russie, qui veut ralïaiblisscmenl de l'Empire ottoman.
2° La Russie, à cause de son voisinage de la Turquie et de ses com-
munications actuelles avec Conslantinople, connaît très-bien l'inertie de
la Porte et les progrès conlinuids de l'Egypte. Lorsqu'elle s'engage à ce
que la seule province de Saïda soit réunie à l'Egypte et k ce que les au-
tres provinces occupées par les Égyptiens restent au Grand-Seigneur
dans leur ancien dénuement, son but est de conserver la supériorité
qu'elle a acquise et de détruire l'empire ottoman dès qu'elle le voudra.
Cette proposition étant donc contraire à la politique de l'Angleterre et de
la France, il faut naturellement ne pas l'accepter.
3° Les provinces que l'Egypte a demandées k la Porte par l'entremise
de Halil-pacha l'ont été comme les gouvernements ordinairement accor-
dés aux autres vézirs, à litre de nomination révocable et non pas de
propriélé absolue. Ces provinces si susceptibles de culture et d'amé-
liorations, pouvant être bientôt cultivées et peuplées, témoin la rapide
prospérité de l'Egypte, il est évident que le profit en reviendrait à la Porte,
et que l'Angleterre, la France et les autres puissances de l'Europe, à cause
des rapports résultant de leur situation, en recueilleraient toute sorte
d'avantages. Dans le cas, au contraire, où ces pays continueraient à res-
ter sous l'autorité de la Porte, son incurie et son imprévoyance les laisse-
raient éternellement déserts et incultes, et loin d'y puiser des moyens
d'afTermir sa puissance, elle ne pourrait y trouver aucune force. Qu'on
les réunisse donc à l'Egypte, et on les verra bientôt, cultivés et peuplés,
fournir toules les ressources dont ils sont susceptibles. De celte manière,
la Porte deviendra forte et puissante, et elle se trouvera naturellement
soulagée de l'oppression de la Russie. Si l'intérêt que daigne prendre à la
Tui quie l'Angleterre et la France se manifeste par de pareils effets, ce
sera vraiment un grand service rendu à l'empire ottoman, et moi-même
aussi je me verrai au comble de mes vœux.
h° Toute ma nation, sans distinction de rang, est persuadée que telles
ont été n)es seules intentions en me dévouant comme je l'ai fait et en expo-
sant ma fortune, ma famille et mes meilleurs serviteurs. Dans toute l'A-
rabie, dans l'Analolie, jusqu'aux bords de la mer Noire, c'est-à-dire dans
36Û APPENDICE
le Daghestan et le Lazistan, en Bosnie, en Romélie, à Constantinople
même, la plupart des ministres, des ulémas et des habitants se sont adres-
sés à moi : ils ra'ont successivement envoyé, soit ouvertement, soit en
secret, des suppliques et des dépêches portant que toute la nation mu-
sulmane, révoltée de la conduite indigne du sultan Mahmoud, le voit avec
répugnance, et que n'ayant pu réussir à obfenir de lui, par la douceur,
l'organisation de ses États, ils sont forcés de rechercher l'influence d'un
personnage puissant; que, n'en voyant aujourd'hui d'autre que moi sur
la scène du monde, ils implorent mon appui et sollicitent mon assistance
avec la plus vive ardeur.
Que les pays qu'en présence de tant de vœux et de suffrages j'ai de-
mandés à mon gouvernement me soient accordés, et bientôt, j'espère,
grâces à la bienveillance de l'Angleterre et de la France, je réussirai à
augmenter mon revenu, à grossir mon armée, à, compléter toutes les par-
ties du service, et, dès qu'il le faudra, on me verra, toujours vassal fidèle
de mon gouvernement, aller me mesurer avec les Russes.
S'ils venaient à manifester leurs perfides desseins contre la Turquie,
uni alors à toute la Perse et à tout le Lesguistan, j'irais les attaquer et
leur causer tant de pertes que ma malheureuse nation serait enfin délivrée
de leur cruelle tyrannie. Ces considérations, faciles à concevoir, échap-
pent encore moins à la Russie qui est limitrophe de la Turquie : aussi
fait-elle tous ses efforts pour qu'on ne m'accorde pas le territoire que je
demande; cette concession est trop contraire à sa politique, pour ne pas
travailler à l'empêcher. L'Angleterre et la France, à leur tour, n'iront
pas sans doute favoriser les vœux de la Russie au détriment de leur poli-
tique et contrairement à l'intérêt qu'elles prennent à l'empire ottoman.
Actuellement que ses projets, qui semblent jusqu'ici cachés, ont été dé-
couverts, il est de l'honneur et de la dignité de ces deux Gouvernements
de me donner le témoignage de leur bienveillant intérêt.
5° Bref, comme je suis puissant parmi ma nation, conformément à notre
code sacré, c'est-d-dire en vertu des fetvas juridiques que m'ont ouverte-
ment envoyés tous les uléiaas de l'Arabie et de l'Anatolie, je suis chargé
par la loi de chercher tous les moyens de rendre forts mon gouvernement
et ma nation. Or, ces moyens ne pouvant se réaliser qu'en m'accordant
les pays que je viens de demander, je suis excusable de persister à les
demander jusqu'à ce qu'ils me soient accordés. Jusqu'à présent, je n'ai
travaillé avec tant d'ardeur que pour laisser après moi quelque renom
dans ce monde.
Lorsque ma nation s'est adressée à moi avec tant de confiance, plutôt
que d'encourir le reproche de l'avoir abandonnée pour chercher mon re-
pos, je serai heureux de mourir avec gloire en me dévouant pour elle.
C'est animé de ces sentiments, que je prie humblement l'Angleterre et
APPENDICE 365
la France de prendre, h mon éc;ard, une décision conforme à la justice,
à l'équité et h leur propre intérêt.
XII. — lléiuorandum adresse par le ministre des affaires étrangères
(de Broglie) aux agents diplomatiques français, et publié dans le
«Moniteur universel », en date du 21 mars 1833 (3 zilcadé 1248).
La France n'a point attendue les revers essuyés par les armées ottomanes,
dans la guerre qui s'est allumée entre la Porte et le pacha d' Egypte, pour
s'elTorcer de mettre un terme k celle déplorable lutte. Dès l'iiistant oi!i elle
s'est engagée, le gouvernement du roi n'a rien négligé, tant h Constan-
linople qu'cà Alexandrie, pour inspirer aux deux partis le désir d'un rap-
prochement.
Avant la prise de Saint-Jean-d'Acre, des pourparlers avaient déjà eu lieu
entre la Porte et Mehmed-Ali; le gouvernement français employa ses
soins pour qu'il en résultât un accommodement. Le pacha se montrait
prêt à la conclure, et h faire acte de soumission au Grand -Seigneur,
si S. H. voulait lui accorder l'investiture de la Syrie aux mêmes conditions
devasselageet de tribut que le gouvernement de l'Egypte; le commissaire
ottoman à Alexandrie, Nassif-éfendi , était revenu à Constautinople
porteur de propositions conçues dans ce sens. Aussitôt après la chute de
Saint-Jean-d'Acre, en juin 4831, Mebmed-Ali renouvela ses ouvertures
par l'intermédiaire du khasnadar de Nassif-éfendi, qu'il avait retenu près
de lui à cet effet. D'un autre côté, le chargé d'affaires de France à Cons-
tautinople, fidèle à ses instructions, faisait tous ses eflbrls pour engager
le divan à négocier. Mais la Porte, qui venait de déclarer par un firman
solennel Mehmed-Ali et son ûls, Ibrabira-pacha, traîtres et rebelles ; la
Porte, dont l'armée sous les ordres de Husséin-pacha, marchait sur la
Syrie, se montrait peu disposée à écouter de semblables avis. En réponse
à ces exhortations amicales, elle objectait qu'au point ou se trouvaient les
choses, et à la veille d'entreprendre une campagne dont les préparatifs
avaient été très-coûteux, il ne pouvait convenir à sa dignité de faire
les premiers pas vers une réconciliation. On sait assez quel fut le sort de
cette campagne, dans laquelle les événements marchèrent avec tant de
rapidité. Quelques combats avaient suffi pour assurer à Ibrachim-pacha
la possession de la Syrie, et l'armée de Husséin-pacha, aaoissonnée par
les maladies, la famine et le fer de l'ennemi, s'était dispersée devant
l'armée victorieuse des Égyptiens. Au commencement d'août, la Syrie
tout entière était en leur pouvoir.
A cette époque, une sorte de trêve tacite parut avoir suspendu les
hostilités. Ibrahim, qui s'était avancé jusqu'à Adana, dans l'Asie-Mineure,
y concentra ses forces , et les débris de l'armée ottomane se rallièrent à
366 APPENDICE
Koniah. Pour la Porte, ce teoips d'arrêt attestait l'iraposibilité de
reprendre l'offensive ; pour Mehmed-Ali , cette suspension d'armes
semblait d'accord avec le but qu'il venait d'atteindre; et, en effet, le pacha,
maître de la Syrie, paraissait ne rien demander de plus. Dans les
premiers jours de septembre, il fit parvenir au capitan-pacha, par
l'intermédiaire du capitaine Mansell, commandant la frégate anglaise
r Alfred, une lettre contenant les mêmes propositions de paix que celles
précédemment apportées \x Constantinople par Nassif-éfendi. La Porte
répondit, par l'organe du sérasquier-pacha , qu'elle était disposée à
entrer en accommodement sur la base de ses ouvertures, mais que, avant
tout, elle avait besoin de connaître qut^lles garanties le pacha lui-même
donnerait de l'exécution de ses engagements. Mehmed-Ali ne vit là
qu'une réponse dilatoire, et se douta que la Porte ne cherchait qu'à
gagner du temps, pour se mettre en mesure de commencer une seconde
campagne. Du reste, il continuait de protester de son désir de faire la
paix ; et, en renouvelant à ce sujet les plus vives assurances au consul-
général du roi, à Alexandrie, il lui déclarait que, si Ibrahim-paclia n'avait
pas dépassé Adana, c'était d'après l'ordre qu'il lui avait donné, par
déférence pour les conseils pacifiques de la France.
Le gouvernement du roi, en apprenant l'issue de la campagne de
Syrie, avait espéré que la Porte, éclairée sur ses intérêts, et suffisamment
avertie des dangers qui menaçaient l'empire, serait plus accessible
à des idées de conciliation, et que le moment était venu de reproduire,
avec plus de force encore, les conseils qu'il lui avait déjà adressés. Il
sentit également la nécessité de faire entendre à Mehmed-Ali de nouvelles
et pressantes représentations sur l'urgence de s'arrêter et de terminer, par
des propositions raisonnables d'accomodement, un conflit dont les résultats
commençaient à exciter les plus justes inquiétudes de l'Europe. Ce fut
dans ce double but que ces instructions furent simultanément transmises
au chargé d'affaires de France, à (Joustantinople, et au consul général
de France en Egypte. Elle prescrivaient au premier de redoubler d'efforts
pour détourner la Porte de l'idée d'affronter de nouveau les chances de
la guerre; elle enjoignait au second d'engager Mehmed-Ali, par les
considérations les plus propres à faire impression sur son esprit, à
modérer ses prétentions et à ménager la dignité de la Porte, en prenant
vis-à-vis d'elle l'initiative des négociations. M. Mimaut devait notifier
au pacha que le gouvernement du roi, ami fidèle de la Porte, et sincè-
rement attaché à la conservation de l'empire ottoman, désapprouvait
d'avance, de la manière la plus formelle, tout projet qui tendrait au
renversement du sultan. M. Mimaut devait déclarer enfin, que si Meh-
med-Ali, sourd aux conseils de la raison, et ne consultant ni les vœux ni
les intérêts de l'Europe, marchait à la conquête de l'Asie-Mineure, au
APPENDICE 367
risque d'ébranler l'empire jusque dans ses fondements , il pouvait s'at-
tendre à voir la France intervenir pour mettre un frein à son ambition,
et se placer au premier rang des défenseurs du sullaii.
Jusqu'ici, comme on a pu s'en convaincre, la Porte n'avait fait que des
réponses assez vagues aux ouvertures de Mebmed-Ali, et son but avait élé
de gagner du temps pour se préparer h tenter de nouveau le sort des
armes. Une nouvelle ariiice s'était organisée à Oonstantinople, sous le
commandement du grand-vésir, et d'un autre côlé, le sultan, croyant
pouvoir s'autoriser des protestations d'amitié exprimées par Stralford-
Canning, lorsqu'il avait pris congé de S. H., envoyaà Londres Naraik-pacha,
pour demander le secours de quelques vaisseaux anglais qui se réuni-
raient à la flotte du capitan-pacha. Mais les ministres ottomans désapprou-
vaient, en général, comme nuisible à la considération de la Porte, et
comme pouvant fournir h. Mehmed-Ali lui-mêni(i un moyen d'action
redoutable sur l'esprit des musulmans, ce recours à l'intervention armée
d'une puissance chrétienne. Appréciant d'ailleurs sous son véritable
aspect la situation de l'empire, et convaincus des dangers d'une guerre oii
les sympatliies et les vœux des populations se manifestaient en faveur
de Mehmed-Ali, ils reconnaissaient la nécessité ou plutôt l'urgence
d'une transaction. Ce fut dans ces circonstances que M. le baron de
Varennes, se conformant à ses instructions, informa le réis-éfendi des
nouvelles démarches que le consul général du roi à Alexandrie avait
reçu l'ordre de faire auprès du pacha, et offrit nos bons offices h. la
Porte pour faciliter un arrangement entre elle et Mehmed-Ali. Sans
accueillir ni repousser cette offre, le réis-éfendi se montra disposé k
traiter la question, lorsque le résultat des tentatives de M. Mimaut
serait connu. Aussitôt après celte conférence, M. de Varennes écrivit au
consul pour l'inviter à redoubler d'efforts afin d'amener Mehmed-Ali ci
énoncer des propositions aussi modérées que possible, et dès lors suscep-
tibles d'être accueillies par le divan.
Celte communication, apportée à M. Mimaut par un bâtiment de la
marine royale, lui parvint sur la fin de novembre, et peu de jours après,
le consul général, k la suite de quelques entretiens avec le pacha, et
d'après le désir de celui-ci, transmit à M. de Varennes les propositions
suivantes :
Mehmed-Ali, outre ^'investiture des quatre pachaliks de Syrie , pour
lesquels il s'engageait à payer un tribut au Grand-Seigneur, demandait la
cession du district d'Adana par le motif que celte contrée fournit en
abondance des bois de construction. Il demandait aussi, mais en termes
plus vagues, à être placé, relativement à ses rapports avec la Porte,
dans une situation analogue à celles des anciens deys d'Alger ; enfin,
il était prêt à traiter sur ces bases, aussitôt que le divan aurait envoyé
368 APPENDICE
à Alexandrie un plénipotentiaire qui, pour mettre à couvert la dignité de
S. H., serait ostensiblement chargé de faire une dernière sommation au
pacha : à l'arrivée de ce négociateur, l'ordre immédiat de cesser les hosti-
lités serait expédié aux armées respectives, qui, en attendant, garde-
raient leurs positions.
Le chargé d'affaires de France venait de communiquer ces propositions
au réis-éfendi, sous les formes les plus propres à faire naître un rappro-
chement, lorsqu'un nouvel et grave accident vint ajouter une compli-
cation de plus à toutes celles qu'il s'agissait déjà d'écarter. Le général
Mouraweff arriva à Constantinople, et remit au sultan une lettre par
laquelle l'empereur de Russie offrait à S. H. le secours de ses forces de
terre et de mer, et lui annonçait que M. de Mouraweff avait l'ordre
exprès de se rendre à Alexandrie (fia de décembre 1832), pour sommer
le pacha de rentrer dans le devoir. La Porte avait une réponse bien
simple à faire augénéraUlouraweff: c'était de lui annoncer qu'ayant reçu
des ouvertures formelles d'accomodement de la part de Mehmed-Ali, et
pouvant entrer en négociation avec lui, elle n'était plus, pour le moment
du moins, dans le cas de recourir à l'assistance de la Russie. M. de Va-
rennes en donna le conseil au ministres turcs, en s'engageant à faire une
nouvelle démarche auprès de Mehmed-Ali, et à écrire à Ibrahim -pacha
pour l'engager à suspendre sa marche ; mais l'indécision de la Porte ne
lui permit pas de suivre cet avis. Bientôt d'ailleurs, on apprit à Cons-
tantinople la défaite du grand-vésir à Koniah , et l'entière dispersion
de l'armée qu'il commandait. Consterns5 par cette accablante nou-
velle, et cédant à un premier mouvement de terreur, le sultan écrivit
à l'empereur Nicolas pour lui annoncer qu'il acceptait le secours de
cinq vaisseaux et de sept frégates, et qu'il donnait, en outre, son assen-
timent à la mission de M. de Mouraweff en Egypte. Mais peu de jours
après, le Grand-Seigneur, éclairé sur la portée de cette détermination
par les représentations de la plupart de ses ministres, et surtout par les
symptômes de mécontentement qui se manifestaient à Constantinople,
revint h d'autres idées, et consentit à traiter directement avec Mehmed-
Ali. Acceptant donc les ouvertures que celui-ci avait fait parvenir par
l'organe du chargé d'affaires de France, et déférant cette fois aux conseils
de M. de Varennes, la Porte se décida à dépêcher en Egypte l'ex-capitan-
pachaHalil- pacha, avec la mission de conclure la paix. Elle déclara au
ministre de Russie, M. Bouténeff, qu'elle n'était plus dans le cas d'ac-
cepter les secours de son gouvernement ; elle fit en même temps tous
ses efforts pour dissuader le général Mouraweff à se rendre à Alexandrie,
et refusa de faire accompagner un officier qu'il expédiait au camp
d'Ibrahim. M. de Mouraweff objecta la nécessité oii il était d'obéir aux
instructions de sa cour, et partit le 4 janvier pour Alexandrie.
APPENDICE 369
Ces instructions, telles que le gouvernement russe lui-même, a cru
devoir les communiquer aux cabinets, prescrivaient effectivement ix M. de
Mouraweff d'aller en Egypte sommer le pacha de se soumettre au Grand-
Seigneur, et, en cas de refus, de le rendre responsable des conséquences
de son obstination. Mais on y disait aussi que dans l'hypothèse où le
général n'obtînt par l'adhésion de la Porte à sa mission en Kgypte, le
ministre de Russie h Conslantinople devrait notifier h Mehemed-Ali ce
que M. de Mouraweff avait ordre de lui signifier de vive-voix.
Cependant l'accord le plus intime s'était établi entre le chargé d'affaires
du roi et la Porte. Non-seulement le ministre ottoman agréait la raéilia-
tion delà France, il l'avait même sollicitée; et, sur sa demande expresse,
M. de Varennes écrivit h Meheraed-Ali et k Ibrahim-pacha, au premier,
pour le maintenir dans les dispositions pacifiques qu'il avait j^récédem-
ment annoncées; au seconti, pour l'informer de l'état des choses, et l'in-
viter à suspendre sa marche. Ce général répandait en Asie des proclama-
tions dans lesquelles il indiquait son itinéraire par Kiutahia et par Brousse,
et déclarait se rendre à Scutari afin que les ulémas eussent h pronon-
cer entre le Grand-Seigneur et lui. Il écrivit au caïmacam qu'il avait
l'intention de venir prendre ses quartiers d'hiver à Brousse, et presqu'en
même temps, il répondait au chargé d'affaires de France qu'il ne pourrait
arrêter la marche de ses troupes avant d'avoir reçu les ordres de son père.
Cette réponse renouvela les perplexités et les craintes du Sultan, qui,
cédant encore une fois k leur impression, fit prévenir le ministre de
Russie qu'il agréait éventuellement les secours oflerts par l'empereur
Nicolas, et qu'il désirait que ces secours^ consistant en vingt mille hommes
de troupes de terre et cinq mille hommes de troupes de débarquement,
outre l'escadre de Sébastopol, fussent tenus prêts pour qu'il piit les récla-
mer au besoin. Néanmoins, Ibrahim-pacha n'avait pas encore quitté
Koniéh, et le chargé d'aff lires de France venait de lui adresser de nouveau
l'invitation de s'y arrêter (30 janvier). Mais bientôt après, le sultan,
ayant appris que l'armée égyptienne s'était mise en marche, réclama avec
instance les secours russes, malgré les efforts que firent ses ministres
pour l'engager à ne rien précipiter. Cependant Ibrahim, d'après l'ordre de
son père, s'était arrêter k Kiutahia, et, en l'annonçanl au divan, ainsi
qu'à M. de Varennes, il expliqua son mouvement sur cette ville par la
nécessité de procurer k ses troupes le bois et les subsistances qu'il ne
trouvait pas dans le district de Koniéh. Le retour du général Mouraweff et
les nouvelles qu'il apporta d'Alexandrie achevèrent de rassurer la Porte.
M. de Mouraweff, arrivé le 7 février à Coastantinople, annonça au
divan que Mehemed-Ali prolestait solennellement de sa soumission au
Grand-Seigneur et de sa ferme résolution de s'entendre promptement avec
Ilalil-pacha sur les bases d'une transaction. Voici, d'après les dépêches
T. II. 24
:wO Al'Pl'M)ICE
du consul géuj^ral de France à Alexandrie, de quelle manière le général
Mou raweff avait rempli la mission dont il était chargé près du paclia. Sa
conduite et son langage, dans cette grave circonstance, présentent un con-
traste bien rcmaïquable avec ce qu'il avait annoncé à la Porte avant son
départ de Constanlinople, aussi bien qu'avec les inslrcutions dont il était
porteur,
M. de Moiiraweff, dans plusieurs conférences avec le pacha, lui avait
exprimé dans les termes les plus obligeants, et sur le ton le plus amical,
le désir qu'éprouvait l'empereur de Russie de voir cesser une lutte funeste
à la tranquillité de l'empire ottoman : il avait déclaré que Sa Majesté
impériale qui, plus que personne, appréciait les nobles sentiments de
Meheroed-Ali, lui saurait gré de ce qu'il ferait pour hâter une réconci-
liation avec la Porte. Le pacha avait répondu, sur le même ton de préve-
nance et d'amitié, que la paix était aussi son plus vif désir; qu'à plusieurs
reprises il avait fait des offres d'accommodement à la Porte; que derniè-
rement encore il lui avait transmis les propositions les plus formelles par
l'organe du chargé d'affaires de France; M. de Mouraweff avait alors
annoncé que ces explications lui suffisaient; que la mission qu'il était venu
remplir à Alexandrie était toute de conciliation; que la Russie n'entendait
pas intervenir par la force dans l'arrangement d'une querelle de famille,
et qu'elle serait satisfaite que cet arrangement eût lieu, soit k l'amiable
entre les deux parties intéressées, soit par l'entremise de la France si
toutes deux le jugeaient convenable. De son côté Mehemed-Ali, par une
conséquence naturelle des dispositions dont il se montrait animé, et
voulant donner à M. de Mouraweff" un témoignage personnel de considéra-
tion, avait signé en sa présence l'ordre à Ibrahim-pacha de s'arrêter et
de cesser les hostilités; mesure qui répondait d'ailleurs à l'engagement
que, peu de temps auparavant, Meheuied-Ali avait renouvelé vis-à-vis du
consul général de France.
Ce résumé serait incomplet, si l'on n'ajoutait iciqu'au moment oii M. de
Mouraweff et Mimaul obtenaient ces importants résultats, le consul général
d'Autriche obéissant à des instructions récentes qu'il avait reçues de l'in-
lernouce, et ignorant encore le caractère des entreliens qui venait d'avoir
lieu entie M. de Mouraweff et le pacha, adressait à Mehemed-Ali une
communication officielle qui bien qu'elle tendît au mêmebutquelam.ssion
de l'envoyé russe, contrastait toutes fois de la manière la plus singulière,
par les termes dans lesquels elle était conçue, avec le langage que cet
envoyé avait tenu au vice-roi. En effet, au lieu d'apporter dans cette com-
munication le ton amical et conciliant dont M. de Mouraweff s'était cons-
tamment servi dans les siennes, ce fuient une sommation et des menaces
que M. Acerbi fit entendre au nom de l'Autriche. Aussi comprend-on sans
peine que M. Acerbi n'ait pus eu à, se féliciter de l'accueil fait à sa démar-
APPF.NDICC 371
che. Il faut d'ailleurs observer que, Û6'\h même avant l'arrivée de M. de
MourawelT, Mel)emeil-Aii était informé de la mission confiée par la Porte
cl Ilalil-paclia. Ce plénipotentiaire de Sa Ilautesse débarqua enéclivement
en l\L,'yple le 21 janvier, porteur d'un firman par lequel le Grand-
Seigneur |iardonnait àMeliemed-Ali, et des concessions que ce monarque
était déterminé à lui faire pour prix de la paix, lesquelles consistaient dans
l'investiture des gouvernements d'Acre, de Tripoli, de Naplouse et de
Jérusalem. Mehemed-Ali accueillit l'envoyé de la Porte avec le plus vif
empressement, le combla d'égards et de dictinctions,et bientôt la plus par-
faite entente régna dans les négociations.
Mais, quant aux conditions qui lui étaient offertes, le pacha, comme
il était naturel de s'y attendre, ne les trouva proportionnées ni aux exi-
gences qu'il avait mises en avant, ni surtout h l'étendue de ses succès.
Insistant donc sur les clauses que lui-même avait déjà signées, il réclama
de nouveau l'investiture de toute la Syrie et la cession du district d'Adana.
Dès le li février, ces bases d'accomoderaent étaient convenues avec Halil-
pacha, qui les transmit ii Constantinople , pour être soumis à. l'accep-
tation du divan.
Après le retour de M. de Mouraweff dans cette capitale, tout motif d'en
appeler à l'intervention de la Russie avait dû cesser pour la Porte, et l'on
conçoit que son premier soin devait être de contremaiider l'envoi des
secours précédemment réclamés. Le réis-efendi annonça, le 14 février,
au chargé d'affaires de France que, dans ce but, un Mf'nnoradum allait
être remis à M. de Bouténeff. Mais il ne paraît pas qu'il en ait été ainsi,
et cet incident peut s'expliquer par la crainte qu'inspiraient au divan le
séjour d'Ibrahim à Kiutahia et les proclamations qu'il continu:iit à répandre
en Asie. La Porte fit connaître, en effet, aux différentes légations, par
une noie qu'elles reçurent le 18 février, que le Grand-Saigneur ayant
accepté les secours offert par la Russie, n'attendait plus, pour y renoncer,
que la nouvelle de la retraite de l'armée égyptienne. M. le vice-amiral
Roussin, arrivé la veille à Constantinople, ayant insisté pour obtenir du
réis-éfendi une entrevue qui, malgré la solennité du baïram , et contrai-
rement à loutes les traditions, lui fut immédiatement accordée, pressa
d'autant plus la Porte d'ex[)édier à Sébastopol les contre-ordres néces-
saii'es, pour arrêter le départ de l'escadre russe, qu'on venait alors de
recevoir de Malil-pacha les nouvelles les plus rassurantes sur le résultat
de sa mission, et que ses informations étaient confirmées par les dépêches
de M. Mimaut. M. le vice-amiral Roussin offrait d'ailleurs de mettre un
bâtiment à la disposition du gouvernement turc pour être expédié à Sé-
bastopol, et proposait, en outre, de le charger de la conclusion de la paix
entre le sultan et Meheraed-Ali. Le réis-efendi avait promis de convoquer
immédiatement ui: divan et d'y appuyer ces propositions, et. le 20 février.
272 APPENDICE
l'ambassadeur du roi attendait qu'on lui fit connaître le résultat des déli-
bérations qui devaient avoir lieu, lorsque ce jour-lh même, une escadre
russe de dix bâtiments de guerre entra dans le Bosphore. M. le vice-
amiral Roussin fit déclarer aussitôt à la Porte que, en présence d'un
événement qui changeait d'une manière si notable la situation de cette
dernière, il croyait devoir suspendre le débarquement de ses bagages,
jusqu'àce qu'elle eût réclamé l'éloigneraent d'une force étrangère qu'elle-
même avait cessé d'envisager comme nécessaire h sa sûreté. Peu d'heures
après, le Grand-Seigneur fit annoncer au baron Pioussin que, dans les
graves conjonctures où se trouvait la Porte, il ne croyait pouvoir mieux,
faire que de solliciter l'appui de la France, de s'en remettre à sa vieille
et constante amitié pour l'empire ottoman, et que, si l'ambassadeur du
roi voulait garantir, au nom de la France, la conclusion de la paix avec
Méhmed-Ali aux conditions portées à ce vézir par Halil-Pacha, le départ
de l'escadre russe serait immédiatement réclamé. M. le vice-amiral Roussin
en ayant pris, et bientôt après signé l'engagement, la Porte adressa, ,1e
2Zj, à la légation de Russie une note officielle où il était dit que l'affaire
d'Egypte ayant été traitée officiellement avec l'ambassadeur de France et
décidée au gré de la Sublime-Porte, celle-ci, conformément à ce qu'elle
avait annoncé à l'ambassadeur, s'adressait à l'envoyé de Russie pour qu'il
fit repartir, au premier vent favorable, les bâtiments russes arrivés dans le
canal. De son côté, le vice-amiral Roussin venait de faire partir ses aides-
de-camp ; l'un pour le camp d'Ibrahim, avec ordre de lui intimer l'invi-
tation de rentrer en Syrie, l'autre pour Alexandrie, afin d'insister auprès
de Méhemed-Ali sur le rappel immédiat de son armée, et sur l'accep-
tation des condilions de paix offertes par la Porte .
Le gouvernement du roi a donné son approbation à la conduite de
M. le vice-amiral Roussin, et en même temps qu'il lui en a fait parvenir
l'expression, il a prescrit au consul général de S. M. à Alexandrie, non
seulement d'appuyer auprès de Meh:ned-Ali les notifications de l'ambas-
sadeur, mais encore de lui donner clairement k entendre qu'au besoin ces
notifications pourraient être soutenues par la force.
L'exposé qui précède, et dans lequel on s'est attaché à présenter les
faits avec autant de netteté que d'impartialité, indique suffisamment
la ligne de conduite suivie par la France dans les diverses phases de la
nouvelle crise à laquelle l'Orient est livré. Arrêter entre la Porte et le
plus puissant de ses feudalaires un conflit qui menaçait à la fois l'exis-
tence de l'empire ottoman et le système politique de l'Europe, tel a été
con.-tamment l'objet de la politique et des efforts de la France, dont les
vues à cet égard se trouvent d'accord avec celles des autres puissances.
En poursuivant le même but que la Russie, elle n'a différé d'opinion avec
le cabinet de Saint-Pétersbourg que par le choix des moyens a employer.
Al'PENniCIi 373
A ses yeux, une raédialion pacifique entre lesbelligérants était la vraie, la
plus naturelle et la plus utile ù suivre pour conjurer des périls imminents.
Pour la Porte, sans compliquer par des dangers d'une autre nature une
situation déjà Irop alarmante, une intervention armée, telle que la Russie
s'est proposée de l'exercer, ne semblait propre, au contraire, qu'à faire
naître de nouveaux et graves embarras, par la raison qu'elle ne pouvait se
concilier avec le principe de l'indépendance de la Porte Ottomane et avec
les garanties qui s'y rattachent pour l'Europe. Sous ce rapport, la ques-
tion, jusqu'alors circonscrite à un débat de famille entre la Porte et l'un
de ses vézirs, s'étendait à l'Europe et venait en aflécter les intérêts. C'est
aussi le jugement qu'en a porté l'Angleterre, lorsque après le désastre de
Koniéh et l'acceptation que la Porte avait faite des secours de la Russie,
le cabinet de Londres a hâté le départ de son ambassadeur pour l'Egypte,
et que, en envoyant un nouveau consul général à Alexandrie, il lui a
prescrit de faire entendre à Mehemed-Ali un langage analogue à celui que
lui tenait déjà le consul du roi.
Aujourd'hui que les événements ont mis la France dans le cas d'im-
primer à son attitude un caractère encore plus prononcé, le gouver-
nement du roi, fidèle aux princi[)es d'une politique prévoyante, et accep-
tant rengagement qui vient d'être contracté en son nom vis-à-vis de la
Porte Ottomane, est déterminé à en poursuivre l'accomplissement, et si,
contre son attente, des mesures plus énergiques devenaient nécessaires
pour achever l'œuvre de la pacification entreprise par ses soins, la France
ne reculerait pas devant les conséquences de la position qu'elle a prise.
XIII. — Lettre de IM. Nandeville à Ibraliim-pacha, en date de
Thérapia le 2» mars 1833 (lO zUcadc 1S48).
Général, la Sublime-Porte m'a informé que V. A. a été autorisée à ter-
miner des négociations dont a été chargé Halil-pacha, pour faire ces-
ser les hostilités qui n'ont que trop longtemps causé la désolation dans
le cœur de l'empire ottoman.
Le sultan a daigné conférer à S. A. Mohammed-Ali le gouvernement de
toute la Syrie, avec les villes d'Alep et de Damas, et l'amedji Réchid-béy
va apporter cette concession à V. A.
Le baron de Varennes, ex-chargé d'affaires de France, a été chargé par
l'ambassadeur de France d'accompagner l'amedji, et d'exposer à V. A.
le danger auquel vous vous exposeriez en irritant la France par un refus
de conclure la paix aux conditions qui vous sont actuellement offertes.
Quant à la Grande-Bretagne, les sentiments du gouvernement de S.
M. sont aujourd'hui trop bien connus à S. A. Mohammed-Ali pour qu'il
ne puisse avoir aucun doute sur l'impression qu'un tel refus causerait au
37Ù APPENDICE
gouverneraPiil britannique, ainsi que sur les conséquences inévitables qui
en résulteraient.
En conseillant conséquemment à V. A. la prompte acceptation des
conditions honorables et avantageuses qui vous ont été accordées, je vous
engage forlemeni d'adopter une mesure si conforme à vos intérêts et à
ceux de S. A. le pacha d'Egypte.
Je profite de l'occasion, etc.
XIV. — Dépêche (extrait) de M. Mandeville à lord Palmerston, en
date de Thérapia le 31 mars 1833 (13 zilcadé 1%48).
Les dernières nouvelles d'Alexandrie relativement au rejet par Moham-
med-Ali des conditions du sultan, et à ses préparatifs pour recommencer
les hostilités, si S. H. n'acceptait pas ses propositions, ont déterminé la
Sublime-Porte à charger le réis-éfendi de conférer avec les représentants
dos trois grandes puissances, dans le but de connaître leur opinion parti-
culière au sujet des moyens les plus propres à écarter les dangers qui
menacent de faire crouler cette empire.
Le 27 de ce mois, j'allais, par conséquent, voir le réis-éfendi qui m'a
dit qu'il m'avait invité à me rendre chez lui, comme aussi les représen-
tants de France et de Russie, pour nous informer de l'élal actuel du diffé-
rend entre Mohammed-Ali et la Porte, et pour obtenir de nous des avis
et des conseils sur les mesures qu'il serait nécessaire que la Porte adop-
tât dans ces circonstances critiques.
Je répondis que je connaissais trop bien mon insuffisance pour donner
un avis à la Sublime-Porte dans les matières ordinaires, et que dans celle
conjoncture je pouvais moins encore offrir mes conseils à S. E. ; mais
que, si elle désire mon opinion personnelle sur quelque question particu-
lière, et qu'elle me fît l'honneur de me la demander, je serai toujours
heureux d'adhérer à son désir; que j'ai été très-peiné en apprenant l'in-
succès des démarches de S. E. et de l'ambassadeur de France pour arri-
ver à arranger le différend entre la Sublime-Porte et le pacha d'Egypte,
ainsi que les demandes exorbitantes de territoire faites par Mohammed-
Ali, et qui, d'après les informations que j'ai eues, sont celles-ci, savoir;
toute la Syrie, les villes de Damas et d'Alep, les pachaliks d'Adana et
d'itcheli, et les portsde Sélefkeh et d'Alaya. S. E. m'assura que c'était
vrai, et qu'il n'a pas demandé le gouvernement de ces provinces comme
une faveur qu'un souverain accorderait à un sujet, mais qu'il a dit à l'a-
medji, au départ de celui-ci d'Alexandrie, que, si ce qu'il a demandé ne
lui est pas immédiatement accordé, il avait enjoint îi son fds Ibrahim,
qu'il a chargé des ncgociations, de marcher avec son armée sur Goustan-
tinople, et qu'il l'obtiendra par la force des armes. « Et maintenant,
.\I'1>K\DICK 375
(i s. E. , en s'adiossant à moi, jo vous prip de me dire quelles mesures
« pensez-vous qu'il serait le plus convenable d'adopter dans cet état de
(( choses ? »
J'iiésilai h donner une réponse sur un sujet de cette importance, et
j'assurai à S. E. que j'aurais la pins [grande rcpuf^nance à adhérer à son
désir, si je devais penser que la conduite ultérieure de la Porte pouvait
être ré^'lée seulement d'après mon opinion; mais avant de l'émettre, je
désirerais savoir au juste si Mohammed-Ali cherche à obtenir ces gou-
vernements à perpétuité, on bien aux mêmes conditions auxquelles exer-
cent le pouvoir, dans les autres provinces de la Turquie, les gouverneurs
nommés par le sultan. Il me fut répondu que c'était aux mêmes conditions
que les autres pachas; alors, je dis que mon avis, puisque S. E. insiste à
.ce que je le lui donne, était le suivant : aussi longtemps qu'une résistance
avec chance de succès était possible, je serais la dernière personne qui
conseillerait de subir les demandes de Mohammed-Ali, et la Sublime-
Porte seulement peut juger si les moyens qu'elle possède sont sufiisants
pour empêcher l'armée éu'ypiienne de marcher plus en avant ; si cela n'é-
tait pas possible, je pensais que, quelque dure que serait la nécessité de
consentir à ces demandes, le mal, tout grand qu'il est, serait cependant
moindre que celui de faire de ce pays le théâtre d'une longue et sanglante
lutte, et de mettre en danger l'existence de cette capitale. i'^Iais est-on ré-
duit à ces cruelles extrémités? N'y aurait-il pas quelque moyen terme
propre k prévenir ces calamités, qui se fût présenté à l'esprit de Son Ex-
cellence?
Après une courte pause, le réis-éfendi dit : « Quoique je ne sois pas au-
« torisé à vous le déclarer, je crois que la Sublime-Porte ferait un grand
« sacrifice pour le maintien de la paix et de la tranquillité, et donnerait à
« Mohammed-Ali la plus grande partie du territoire qu'il demande ; nous
« pourrions, par exemple, ajouter aux concessions déjà faites les gouver-
(( nements d'Alep et de Damas, mais non pas Adana et Itcheli et les ports ;
« nous ne pouvons jamais y renoncer ; et si ces propositions sont ap-
« puyéespar l'ambassadeur de France et par vous, nous pensons qu'Ibra-
« him-pacha, que son père a chargé des négociations, osera à peine de
(( se refuser à les accepter; je vous prie, par conséquent, de voir l'am-
(( bassadeur de France, de conférer avec lui sur ces pro|)Ositions et de
« vous charger de cette affaire ; je ne demande pas ni à S. E. ni à vous
« de vous rendre auprès d'ibrahira-pacha, mais il me semble que S. E. ne
(( doit pas avoir de difficulté à lui envoyer l'ex-chargé d'affaires, M. de
(( Varennes, qui, en faisant cette dernière offre, l'appuyerait par un langage
« et par des explications touchant les sentiments de l'Angleterre et de la
(( France pour ce pays qui seront les plus propres à engager Ibrahim-
« pacha de terminer les négociations à ces conditions, et moi, je deman-
376 APPENDICE
« derai l'autorisalion du gouvernement d'envoyer radmedji et le prince
(( Vogoridi pour demander k S. E. sa résolution définitive sur cet objet. »
J'acceptai cette proposition et je promis d'employer tous mes ofïerls
pour induire l'amiral Roussin à y consentir.
En retournant, le lendemain, à Tliérapia, je vis l'ambassadeur de France,
et j'exposai à S. E., en détail, les propositions du réis-éfendi. L'ambas-
sadeur me dit qu'il était très-disposé k les adopter ; qu'il sera charmé de
voir M. Vogoridi et l'amedji pour cette affaire; que nous pouvions prépa-
rer nos lettres à Ibrahim-pacha, et que M. de Varennes serait immédiate-
ment expédié au quartier-général de l'armée égyptienne.
Le 29, l'amedji et le prince Vagoridi vinrent chez l'ambassadeur de
France àThérapia, et il fut convenu que M. de Varennes accompagnerait
l'amedji à Kiutaya, ou k tel endroit où se trouve le quartier-général d'Ibra- •
him-pacha, et qu'il serait chargé d'appuyer les négociations du plénipo-
tentiaire turc avec Ibrahim-pacha, et de déclarer que S. A. ne doit jamais
s'attendre au consentement de la France k la cession despachaliks d'A-
danaet d'Itcheli, avec les ports de Sélefkeh et d'Alaya, et que le gouver-
nement français serait gravement offensé si elle se refusait k conclure la
paix aux conditions que lui offre aujourd'hui le sultan, savoir: le gouver-
nement de toute la Syrie avec les villes d'Alep et de Daiuas.
M. de Varennes a été muni aussi d'une lettre de ma part pour Ibrahim-
pacha, où j'informe S. A. que l'amedji est le porteur du hatti-chérif de
la concession des pachaliks de Syrie; que M. de Varennes a été chargé
par l'ambassadeur de France de signaler k S. A. le danger auquel il s'ex-
poserait en indisposant le gouvernement par son refus de conclure la paix
k ces conditions, et, quant au gouvernement de S. M., que ses sentiments
sont trop bien connus k Mohammed-Ali pour lui laisser le moindre doute
au sujet de l'impression qu'un tel refus produirait sur l'esprit des minis-
tres de Sa Majesté. T'ai insisté conséquemmenl sur la prompte acceptation
de ces conditions comme étant le parti le plus avantageux pour ses inté-
rêts et ceux de son père. J'ai l'honneur de transtnettre ci-inclus unecopie
de cette lettre.
L'amedji et M. de Varennes ont quitté Constantinople. Ils ont été, par
mer, k Moudania, d'où ils se rendront ensemble au quartier-général d'I-
brahim-pacha. On pourra avoir de leurs nouvelles du 5 au 6 du mois pro-
chain environ.
X1^ — Dépêche (extrait) de M. Itlande-ville ù. lord Palmerston, en
date du 15 avril 1833 (SO zilcadé 1348).
M. de Varennes m'ainformé que Ibrahim-pacha, lorsqu'il lui a demandé
une réponse k la lettre qu'il avait apportée de ma part k Son Altesse, lui
APPFNDICE 377
a répondu : « Ma retraite est la nieilieure réponse qne je puisse faire où
que vous puissiez apporter au ministre d'Angleterre. »
XTI.—Tevdjiliat (extrait) publié le 15 avril 18»3 (2G zilcadé 1248).
Les eyalets de Natolie, de Sivas et d'Adana, ainsi que les sandjacs de
Brousse, etc., etc., étant placés sous la dépendance du trésor des fer-
mes de l'empire, et devant être gérés par la direction de la monnaie, il
n'y a pas lieu à pourvoir aux fonctions supérieures do ces provinces.
Eyaîets Noms des pachas.
Abyssinie, avec lesandjacde Djidda
et le Cliéikliul-Naremlik (admi-
nistration des fonds pieux atfec-
tés à l'entretien du temple) de la
Mecque Ibrahim-Pacha, confirmé.
Damas, avec la cliarge de conduire
les pèlerins iila Mecque Halil-Rifat-pacha, nommé.
Egypte Moharamed-Ali-pacha, confirmé.
Alep Mohammed-Ali-pacha, confirmé.
Safet, Saïd et Béirout Moliammed-Ali-pacha, confirmé.
Tripoli de Syrie Mohammed-Ali-pacha, confirmé.
Crète, avec le commandement mi-
litaire de la forteresse de Candie. Mohammed- Ali-pacha, confirmé.
Jérusalem, Naplouse Moharamed-Ali-pacha, confirmé.
La Canée et Rétymo, avec le com-
mandement militaire de ces for-
teresses Moharamed-Ali-pacha_, confirmé.
Alaya , Halil-Rifaat-pacha, confirmé.
Ilchil Youssouph-pacha, nommé.
XVII. — Dépèche (extrait) de M. Mandeville à lord Palnicrston, en
date de Thcrapia le 4 mai 1833 (15 zilhidjé 1248).
J'ai l'honneur d'informer V. S. que le sultan a gracieusement accordé,
hier, h Ibrahim-Pacha l'administration du pachalik d'Adana, en le nom-
mant mouhassil ou receveur des revenus de la couronne dans ce district,
et qu'il a rehaussé le prix de cette faveur en envoyant à Ibrahim, pour
ui faire cette communication, un fonctionnaire du divan, homme de
marque et frère du ministre de l'intérieur.
378 APPE^DICE
XVIII. — Firman dé la SablîmC-Porte anx fonctionnaires de l'Ana-
tolie, en date dn 5 mai 1833 (16 zilliidjé 1S48).
Les assurances de fidélité et de dévouement que m'ont données, en
dernier lieu, le gouverneur d'Égyple Méhémed -Ali-pacha et son fils Ibra-
him ayant été agréées, je leur ai accordé ma bienveillance impériale.
Les gouvernements de la Crète et d'Egypte ont été confirmés à Mélié-
med-Ali. Par égard pour sa demande spéciale, Je lui ai accordé les dépar-
lements de D;iraas, Tripoli de Syrie, Saïda, Safad, Alep, les districts de
Jérusalem et de Naplouse, avec la conduite des pèlerins et le commande-
ment du Tcherdé. Son fils Ibrahim-pacha a eu de nouveau le titrede cheïkh-
ul-harem de la Mekke et le district de Djedda; j'ai, en outre, acquiescé à
la demande qu'il m'a faite du département d'Adana, régi par le trésor des
Fermes, à titre de mohassil.
D'après l'équité, l'humanité et la clémence dont Dieu m'a doué, j'or-
donne à qni de droit, dans les diverses parties de l'Anatolie, de ne jamais
rechercher pour le passé les habitants et le? notables, et d'oublier les évé-
nements antérieurs. Vous, de votre côté, vous annoncerez mes généreuses
dispositions envers tous ceux qui se trouvent placés sous votre autorité;
vous tâcherez de rassurer les esprits à ce sujet, et vous travaillerez à ob-
tenir des prières pour mon auguste personne, c'a la part du peuple, qui
est un dépôt de Dieu entre mes mains.
C'est afin de vous en informer qu'à paru le présent firman, conformé-
ment à mon hatti-chérif. Vous ferez donc connaître h qui de droit ma
volonté souveraine; vous tranquilliserez les habitants et vous obtiendrez
d'eux des prièi es pour moi. Ayez soin de vous y conformer, sans permettre
que personne soit molesté, contrairement à mes intentions suprêmes.
XIX. — Lettre d'Ibrahim-paclia i\ Mahmoud II, en date mi-
mai 1833 (fin-zilhidjé 1348).
Mon souverain, le très-majestueux, très-magnanime, très-redoutable,
très-puissant, très-grand padichah, notre bienfaiteur et le bienfaiteur des
liorames!
Que Dieu accorde à Votre Hautesse une vie sans fin, et fasse-t-il de
l'ombre auguste de Votre Hautesse un dais pour tous les hommes et pour
mon humble tête en particulier!
Par un effet, sire, de vos bontés inépuisables, vous avez daigné m'ac-
corder gracieusement le gouvernement d'Adana comme mohassilik.
Rappelé à la vie par cette nouvelle faveur de Votre Hautesse, le temps
de ma faible existence sera consacré en entier à former des vœux pour la
Af'F'ENDICE 379
longue durée de ses jours et de son règne. Mon cœur étant pénétré d'un
sentiment de félicité, je n'ai d'autre désir (et Dion m'en est témoin), que
d'agir désormais de manière h mériter les hauts sulTrages de Votre Hau-
tesse, aussi bien que d'avoir les occasions de lui rendre mes services. Et
c'est pour lui exprimer ma i econnaissance et lui rendre de très-liumhles
actions de grâces, que j'ose déposer celte humble requête au pied du trône
du Irès-niajcstuGux, très-gracieux, très-redoutable, très-puissant, très-
grand padichali, notre auguste maître et bienfaiteur, le bienfjiiteur de tous
les hommes.
80 QUESTION GRECQUE
QUESTION GRECQUE
1829-1835 (13'j5.1251)
DÉCLARATION de la Suhlime-Porte remise aux représentants français et anglais,
en date du 9 septembre 1829 (10 rébiul-éwel 1265).
NOTE des représentants français, anglais et russe à la Sublime-Porte, en date
du 8 avril 1830 (15 chéival 12 A5).
NOTE de la Sublime-Porte aux représentants français, anglais et russe, en date
du llx avril 1830 (1 zilcadé 12^5).
ARRANGEMENT entre la Sublime-Porte et les représentants français, anglais et
russe, en date du 21 juillet 1832 (23 sa fer 1248).
PROTOCOLE en date du 21 juillet 1832 (23 sdfer 12^8).
PROTOCOLE en date de LoJidres le 30 août 1832 (3 rébiul-éivel 12û8).
NOTE delà Sublime-Porte aux représentants français, anglais et russe, en date
du 26 décembre 1832 (3 châban 12Zi8).
NOTE des représentants français, anglais et russe à la Sublime-Porte, en date
du 7 décembre 1835 (16 châban 1251).
NOTE de la Sublime-Porte aux représentants français^ anglais et russe, en date
du 15 décembre 1835 (2Zi châban 1251).
APPENDICE
I. Note de la Sublime-Porte aux représentants de France et de la
Grande-Bretagne, en date du 15 août 1829 {\!x sa fer 12Z|5).
IL Article 1 0' du traité de paix entre la Sublime-Porte et la Russie,
en date d'Andrinople le ilx septembre 1829 (16 rébiul-éwel
12Z|5),
III. Article T du traité d'alliance entre la Sublime-Porte et la Russie,
en date du 8 juillet 1833 (20 sa fer 1249).
DECLABATIOX
remise par la Sublime-Porte aux représentants de France et de la Grande-Bretagne,
eu date du 9 septembre 1829 (lO nîbiul-éwel 12/i5).
La Sublime-Porte déclare que, ayant déjà adhéré au traité de
Londres, elle promet et s'engage de plus aujourd'hui, vis-à-vis des
QUESTION GRECQUE 381
représentants des puissances signataires dudit traité, à souscrire
entièrement à toutes les déterminations que prendra la conférence
de Londres relativement à son exécution.
Le 10 rébiul-ewel 12Zi5.
XOTE
des représentants de France, de la Grande-Bretagne et de Russie à la Sublime-Porte,
en date du S avril 1830 (15 chûwal l'2!i5).
Constantinople le 8 avril 1830.
Les soussignés, représentants de France, de la Grande-Bretagne
et de Russie, ont reçu de leurs cours respectives l'ordre de notifier
à la Sublime-Porte les résolutions qu'elles ont arrêtées en commun
relativement à la Grèce.
Avant d'entrer dans le détail de ces résolutions, les soussignés
rappelleront sommairement ici les vues qui ont motivé l'alliance des
trois cours entr'elles. Remplir un devoir impérieux d'humanité en
mettant un terme aux troubles qui désolaient ces contrées malheu-
reuses ; rendre au commerce et à la navigation la sécurité qu'ils
avaient perdue ; préserver l'Europe d'une conflagration dentelle
était incessamment menacée par la durée d'un état de choses incom-
patible avec son repos ; asseoir dès lors la paix sur de si fortes bases
qu'il ne restât à l'avenir que le moins de chances possible pour la
troubler de nouveau; et consolider enfin l'existence même de l'em-
pire ottoman ; telles ont été les vues qui ont invariablement dirigé
les trois hautes puissances, vues auxquelles dans ces derniers temps
la Sublime-Porte elle-même a senti la nécessité de souscrire, et qui
ont dicté aux alliés les résolutions que les soussignés vont avoir
l'honneur de lui faire connaître.
1. La Grèce lormera un état indépendant, et jouira de tous les
droits politiques, administratifs, commerciaux, attachés à une indé-
pendance complète.
2. En considération de ces avantages accordés au nouvel état, et
pour déférer au désir qu'a exprimé la Porte d'obtenir la réduction
des frontières fixées par le protocole du 22 mars, la ligne de dé-
marcation des limites de la Grèce partira de l'embouchure du fleuve
382 QUESTION GHECQUE
Aspropotamos, remontera ce fleuve jusqu'à la hauteur du lac d'An-
ghélocastro, et traversant ce lac, ainsi que ceux de Vrachori et de
Saurovitza, elle aboutira au mont Artotina, d'où elle suivra la crête
du Mont Oxas, la vallée de Calouri et la crête du Mont-OEta, jus-
qu'au golfe de Zéïtoun, qu'elle atteindra à l'embouchure du Sper-
chius.
Tous les territoires et pays situés au sud de cette ligne, que la
conférence a indiqués sur la carte ci-jointe (sub. Lit. F.) appartien-
dront à la Grèce; et tous les pays et territoires situés au nord de
cette même ligne continueront à faire partie de l'empire ottoman.
Appartiendront également à la Grèce l'île de Nègrepont toute en-
tière, avec les îles du Diable et l'île Skyro, et les îles connues an-
ciennement sous le nom de Cyclades, y comprise l'île d'Amorgo,
situées entre le 36"= et le 39ulegré de latitude nord, et le 26' de lon-
gitude est, du méridien de Greenwich.
3. Le gouvernement de la Grèce sera monarchique, et hérédi-
taire par ordre de primogéniture. Il sera confié à un prince qui ne
pourra pas être choisi parmi ceux des familles régnantes dans les
états signataires du traité du 6 Juillet 1827, et portera le titre de
Prince Souverain de la Grèce. Le choix de ce prince fera l'objet de
communications et de stipulations ultérieures.
à. Aussitôt que les clauses du présent protocole auront été por-
tées à la connaissance des parties intéressées, la paix entre l'em-
pire ottoman et la Grèce sera censée rétablie ipso facto, et les sujets
des deux états seront traités réciproquement, sous le rapport des
droits de commerce et de navigation, comme ceux des autres états
en paix avec l'empire ottoman et la Grèce.
5. Des actes d'amnistie pleine et entière seront immédiatement
publiés par la Porte ottomane et par le gouvernement grec.
L'acte d'amnistie de la Porte proclamera qu'aucun Grec, dans
toute l'étendue de ses domaines, ne pourra être privé de ses pro-
priétés, ni inquiété aucunement, à raison de la part qu'il aura prise
à l'insurrection de la Grèce. L'acte d'amnistie du gouvernement
grec proclamera le même principe en faveur de tous les musulmans
ou chrétiens qui auraient pris parti contre sa cause ; et il sera de
plus entendu et publié que les musulmans qui voudraient continuer
à habiter les territoires et îles assignés à la Grèce, y conserveront
leurs propriétés, et y jouiront invariablement, avec leurs familles,
d'une sécurité parfaite.
QURSTION GUIiCOUK 383
6. La Porte ottomane accordera à ceux de ses sujets grecs qui
désireraient quitter le territoire turc un délai d'un an pour vendre
leurs propriétés, et sortir librement du pays.
Le gouvernement grec laissera la même faculté aux habitants de
la Grèce qui voudraient se trans[)orter sur le territoire turc.
7. Toutes les forces grecques de terre et de mer évacueront les
territoires, places et îles qu'elles oecupent au delà de la ligne assi-
gnée aux limites de laGrè^e dans le § 2, et se retireront derrière
cette même ligne dans le plus bref délai. Toutes les forces turques
de terre et de mer qui occupent des territoires, places ou îles, com-
pris dans les limites mentionnées ci-dessus, évacueront ces îles,
places et territoires, et se retireront derrière lesdites limites, et
pareillement dans le plus bref délai.
8. Chacune des trois cours conservera la faculté, que lui assure
l'art VI. du traité du 6 juillet 1827, de garantir l'ensemble des
arrangements et clauses qui précèdent. Les actes de garantie, s'il
y en a, seront dressés séparément. L'action et les effets de ces
divers actes deviendront, conséquemment à l'article susdit, l'objet
de stipulations ultérieures des hautes-puissances.
Aucune troupe appartenant à l'une des trois puissances contrac-
tantes ne pourra entrer sur le territoire du nouvel état grec, sans
l'assentiment des deux autres cours signataires du traité.
9. Afin d'éviter les collisions qui ne manqueraient pas de résul-
ter, dans les circonstances actuelles, d'un contact entre les commis-
saires démarcateurs ottomans, et les commissaires démarcateurs
grecs, quand il s'agira d'arrêter sur les lieux le tracé des frontières
de la Grèce, il est convenu que ce travail sera confié à des commis-
saires britannique, français et russe, et que chacune des trois
cours en nommera un. Ces commissaires, munis d'une instruction,
qui se trouve ci-jointe sub Lit. G, arrêteront le tracé desdites fron-
tières, en suivant, avec toute l'exatitude possible, la hgne indiquée
dans le §2, marqueront cette ligne par des poteaux, et en dresse-
ront deux cartes, signées par eux, dont l'une sera remise au gou-
vernement ottoman, et l'autre au gouvernement grec.
Ils seront tenus d'achever leurs travaux dans l'espace de six
mois. En cas de différence d'opinion entre les trois commissaires, la
majorité des voix décidera.
Après avoir ainsi rég'é le mode d'existence, et l'étendue du nou-
vel état grec, ainsi que la nature de ses rapports avenir avec l'em-
38a QUESTIOJJ GI\ECQUE
pire ottoman, les cours alliées ont dû s'occuper du choix du sou-
verain qu'il convenait de placer à sa tête.
Elles ont reconnu que S. A. le prince Léopold de Saxe-Gobourg
offrait à la Grèce, à la Sublime-Porte, et à l'Europe entière, toutes
les garanties que l'on devait désirer dans une question de cette
importance. Elles lui ont donc offert, sous les conditions énumérées
dans les trois paragraphes ci-dQssus, le gouvernement du nouvel
état grec, avec le titre de prince souverain de la Grèce, qui passe-
rait héréditairement à ses descendants. S. A. Royale s'est rendue à
leurs vœux.
Les soussignés, au début de la présente note, ont rappelé les
vues qui n'ont jamais cessé de présider aux délibérations des cours.
Les déterminations qu'elles ont finalement adoptées sont d'accord
avec ces vues : ce serait en vain que l'on objecterait que l'alliance
a pa varier quelquefois dans ce qui lui semblait pouvoir conduire
au but de ses efforts. Elle a dû marcher avec le temps, reconnaître
les nécessités qu'il entraînait à sa suite, et se régler en définitive
sur ce que l'expérience la mieux démontrée, la raison la plus pré-
voyante, lui faisaient une loi d'accueillir. En lui reconnaissant la
mission de pacifier la Grèce, la Sublime-Porte n'a-t-elle pas sanc-
tionné d'avance toute les résolutions qui seraient les conséquences
des grands principes proclamés par les cours V 11 lui sera d'ailleurs
aisé de se convaincre, par un examen réfléchi de celles dont les
soussignés lui ont donné plus haut communication, que dans leur
sollicitude pour elle, les cours ont accordé à ses vrais intérêts toute
la part dont l'intérêt général de l'Europe leur permettait de dispo-
ser en sa faveur. C'est ainsi que si la Sublime-Porte doit céder l'île
de Nègrepont et les places qu'elle possède dans la Grèce orientale,
elle recouvre, en revanche, la Grèce occidentale, et conserve, au
nord de CAspropotamos, du mont Oxas, et du mont OË^«,des terri-
toires précédemment assignés aux Grecs. La Sublime-Porte ne saurait
oublier en outre, que l'alliance impose à ces derniers l'obligation
de renoncer à l'île de Samos, et a la partie de celle de Candie où
jusqu'à présent ils se maintiennent.
Les cours alliées ont par là répondu, autant qu'il leur était pos-
sible de le faire, au vœu qu'avait exprimé la Sublime-Porte, pour
que la délimitation du nouvel état grec ne s'étendît pas aussi loin
qu'on se l'était proposé d'abord; et si, d'autre part, elles ont pris
la détermination d'accorder à la Grèce une indépendance complète,
QUESTION GRECQUE 385
si elles ont définitivement écarté les questions de tribut et d'indem-
nité pécuniaire, c'est que l'épuisement de la Grèce aurait soumis à
d'incalculables diflicullés l'accomplissement de ces conditions ; c'est
que les rapports qui en seraient résultés entre les deux pays n'au-
raient pu qu'amener de fâcheux diirérends, des collisions fréquentes,
et, selon toute apparence, desinterventions sans fin; l'alliance n'a
donc consulté dans ses décisions que le bien réel de l'empire otto-
man et de la Grèce, la nécessité d'assurer la paix du Levant, et le
devoir impérieux de prévenir le retour de complications qui mena-
ceraient de nouveau la paix de l'Europe.
Il est presque superflu d'ajouter que les cours alliées ne sauraient
tolérer aucun empiétement, aucune entreprise du nouvel état grec
sur l'empire ottoman. Sous ce rapport, le choix du prince qui va
gouverner la Grèce, son caractère et ses principes, ofirent à la
Sublime-Porte de puissants motifs de sécurité. C'est une garantie
que les cours lui présentent avec confiance; car elles n'en connais-
sent pas de meilleure pour elles-mêmes; elles n'en connaissent pas
qui puisse contribuer à maintenir entre l'empire ottoman et la
Grèce cette paix dont tous leurs vœux appellent l'établissement et
la conservation.
Les soussignés sont encore chargés par elles de fixer sur un objet,
qu'elles ont vivement à cœur, l'attention du gouvernement de Sa
Hautesse; ainsi qu'il l'ont observé déjà, les îles de Samos et de Can-
die doivent rester sous la domination de la Porte, et être indépen-
dantes de la nouvelle puissance qu'il a été convenu d'établir en
Grèce; toutefois les cours, en vertu des engagements qu'elles ont
contractés d'un commun accord, se croyent tenus d'assurer aux
habitants de Candie et de Samos une sécurité contre toute réaction
quelconque, à raison de la part qu'ils auraient prise aux événements _
antérieurs, et c'est cette sécurité qu'elles réclament pour eux de la
Sublime-Porte, en lui demandant de la baser sur des règlements
précis qui, rappelant leurs anciens privilèges où leur accordant
ceux que l'expérience aurait prouvé leur être nécessaires, offriraient
à ces populations une protection efficace contre des actes arbitraires
et oppressifs. Les trois cabinets se plaisent à croire que dans sa
sagesse éclairée, la Sublime-Porte se convaincra elle-même que, at-
tendu les rapports de proximité et de religion qui unissent les Grecs
de Samos et de Candie aux sujets du nouvel état, une administration
T. II. 26
386 QUESTION GRFXQUE
équitable et douce est le moyen le plus certain d'y maintenir sa
domination sur des bases inébranlables.
Les soussignés viennent d'exposer à la Sublime-Porte ce qu'ils
avaient l'ordre de lui communiquer au nom des trois cours; elle
appréciera, ces cours du moins l'espèrent, et l'impartialité qui a
dicté leurs décisions, et les impérieux motifs qui ne leur permettent
pas de laisser plus longtemps indécise la pacification complète du
Levant. Les alliées s'attendent à la voir adhérer franchement à ces
décisions; ils s'attendent à ce qu'elle fera hautement proclamer, sans
retard, l'entière cessation des hostilités, à ce qu'elle exécutera égale-
ment de suite, en ce qui la concerne, les dispositions énoncées dans
la présente note, et particulièrement celles qui ont rapport au com-
merce, à la navigation, à l'amnistie, et à l'évacuation paisible des
pays qu'elle va cesser d'occuper. Les mêmes déclarations sont noti-
fiées aux Grecs par ordre des cours.
Les soussignés aiment à penser que l'espoir des puissances ne
sera pas déçu; et que sous très-peu de jours, ils recevront de la
Sublime-Porte une réponse conforme en tout aux résolutions des
aUiées. Mais il est de leur devoir d'observer que si cette réponse
leur était refusée, si même seulement elle devait être incomplète
ou tardive, les cours n'en procéderaient pas moins à l'accomplisse-
sement des mesures qu'elles ont arrêtées dans l'intérêt général.
Les soussignés ont l'honneur de lui offrir les assurances de leur
haute considération.
G" GUILLEMINOT. — GORDON. — RiBEAUPlERRE.
KÎOTE
de la Sublime-Porte aux représentants de France, de la Grande-Bretagne et de Russie,
en date du 24 avril 1830 (1" zilcadé 1245).
La SubUme-Porte a pris connaissance du contenu de la note offi-
cielle que ses nobles amis, les représentants des trois hautes puis-
sances, résidant à Constantinople, lui ont remise, et dans laquelle
est exposé ce qui a été résolu, en dernier heu, dans la conférence
de Londres.
Suivant ledit contenu, d'après la délimitation tracée dans la carte
annexée à la même note, une réponse de la Sublime-Porte conforme
QL'ESTIO.N GUliCQUE 387
à ce quia été résolu par les trois puissances est ce qu'elles espèrent
comme moyen de mettre lin aux troubles existants et de donner les
sûretés nécessaires; et l'adiiésion de la Sublime-Porte à ce sujet
terminerait toute espèce de discussions.
Dans cette vue, la Sublime-Porte donne son adhésion ; elle ac-
cepte ce qui a été résolu comme devant ainsi procurer la sécurité
et la tranquillité des pays, et assurer le bonheur et la paix des
hommes.
Et c'est pour en donner connaissance à LL. EE. nos amis susdits,
afin qu'ils en informent leurs cours respectives, que la présente
note oriicielle a été rédigée, et leur a été remise.
Le 1" zilcadé 12^5.
en date du 21 juillet 1832 (23 sâfer 1248).
Les représentants des trois puissances signataires du traité de
Londres du 6 juillet 1827, savoir :
Le très-honorable sir Stratford Canning, ambassadeur extraordi-
naire et plénipotentiaire de S. M. Britannique, en mission spéciale
près la Sublime-Porte ottomane,
Le sieur Appollinaire Bouteneff, envoyé extraordinaire et ministre
plénipotentiaire de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, et
Le sieur Jacques Edouard baron Burignat de Varennes, chargé
d'affaires de S. i\L le roi des Français,
Ayant fait connaître à la Sublime-Porte ottomane les change-
ments qu'il était nécessaire de faire à la frontière de la Grèce, et
lui ayant communiqué l'objet des instructions et des pouvoirs dont
ils ont été munis pour lui proposer une délimitation définitive sous
la condition de compenser par une indemnité équitable les domma-
ges qui en résulteraient ;
La Sublime-Porte, animée du désir de consohder les arrangements
auxquels, en considération des trois cours alliées et comptant sur
leurs sentiments sincères, elle avaitprécédemment adhéré, a consenti
à entamer une négociation à cette fin, et elle en a chargé deux de
ses ministres, savoir :
388 OUESTIOIN GRECQUE
S. Exc. Moustapha-Bedjer-éfendi , sérasker des Rouméliotes,
actuellement premier médecin de Sa Hautesse, et
S. Exc. Elhadj-iVlelmiet-Akif-éfendi, réis-éfendi actuel.
Les susdits P. P. de part et d'autre, pénétrés des sentiments de
leurs gouvernements respectifs, et n'ayant d'autres vues que de
terminer l'affaire grecque d'une manière durable et propre à pré-
venir toute discussion ultérieure sur cette question, se sont réunis
plusieurs fois dans ce but salutaire et le résultat complet de leurs
conférences a été consigné dans le présent document échangé entre
les parties, comme l'instrument de leur transaction finale.
11 est convenu que:
1° En ce qui concerne la délimitation du côté de TEst, le point
extrême de la séparation des deux États sera fixé à l'embouchure
de la petite rivière qui coule près du village de Graditza. La fron-
tière remontera cette rivière jusqu'à sa source, puis gagnera la
chaîne du mont Othrix, en laissant à la Grèce le passage du Rlomos,
pourvu que la crête de cette chaîne ne soit pas dépassée ; de là,
elle suivra, dans la direction de l'Occident, la crête de la même
chaîne dans tout son cours, et notamment le point de Varibobo,
pour atteindre la sommité qui, sous la dénomination de Vélucchi,
forme le nœud des trois grandes chaînes de montagnes du pays. De
cette sommité la ligne s'étendra, en se conformant autant que pos-
sible aux traits saillants du pays, à travers la vallée de VAspropo-
^amo5 jusqu'au golfe d'Arta, aboutissant à ce golfe entre Coprena
et Ménidif de telle sorte, en tout cas, que le pont de Tatarina , le
défilé et la tour de Macrinoros soient compris dans les limites de la
Grèce, et que le pont de Çoracos et les safines de Coprena restent
à la Porte ottomane.
Ainsi, le littoral du golfe d' Arta au Nord et à l'Ouest du point où
la frontière en touche les eaux demeurera à l'empire ottoman, et
le littoral de ce golfe au Midi et à l'Occident de la ligne est assigné
à l'État grec à l'exception du fort de Pwita, lequel continuera d'ap-
partenir à la Porte, avec un rayon de terre qui ne sera pas de moins
d'une demi-heure, ni de plus d'une heure.
Toutefois, comme les représentants, pleins de déférence pour le
vœu qui a été émis au nom de Sa Hautesse relativement à la partie
du district de Zéitoun situé à la gauche du Sperchius, ont accédé
à ce qu'il en fût référé à la conférence de Londres, sous la condition
expresse qu'il ne pourrait en résulter aucun retardement pour la
QUESTION ORRCQUE 389
détermination et l'exécution des conséquences de l'ari-angcnient, il
est devenu nécessaire de prévoir le cas éventuel où cette fraction
du territoire de Zéitoun resterait à l'empire ottoman.
La frontière du côté de l'Est partira alors de l'embouchure du
fleuve Sperchius, et en remontera la rive gauche jusqu'au point de
contact des districts de Zéitoun et de Partadjick, puis elle gagnera
le sommet de la chaîne d'Othrix, en suivant la limite commune
de ces deux districts et la ligne la plus droite, dans le cas où cette
limite commune n'atteindrait pas le sommet de la chaîne de
l'Othrix.
Elle continuera de la manière indiquée plus haut, pour aboutir
au golfe d'Arta.
2° En ce qui concerne l'indemnité :
Elle demeure fixée à la somme de quarante millions de piastres
turques pour le cas où les parties du district de Zéitoun, situées à
gauche du fleuve Sperchius, auraient été, par suite delà décision de
la conférence de Londres, assignées en définitive à l'État grec.
Pour le cas contraire, où, par suite de la décision de la conférence
de Londres, ces parties du district de Zéitoun devraient continuer
à appartenir à l'empire ottoman, l'indemnité que recevra la Porte
ottomane demeure fixée à la somme de trente millions de piastres
turques.
3° Les commissaires des trois cours procéderont immédiatement
à la démarcation de la frontière arrêtée aujourd'hui. Un commis-
saire sera nommé par la Sublime-Porte pour être associé aux tra-
vaux de cette démarcation. Il est bien entendu qu'il ne saurait ré-
sulter aucun retard pour cette opération soit de l'absence d'un ou
de deux commissaires, soit de toute autre cause. Un commissaire
nommé par le gouvernement grec pourra coopérer aux mêmes tra-
vaux qui devront être terminés dans l'espace de six mois à dater de
ce jour. En cas de dissidence entre les commissaires, les questions
seront résolues équitablement à la majorité des voix.
A" L'indemnité qui est due à la Sublime-Porte, en vertu du pré-
sent arrangement, sera payée à l'échéance du 31 décembre de l'an-
née courante, jour où, conformément à l'article suivant, tous les ter-
ritoires, sans exception, qui doivent composer la Grèce seront éva-
cués, si non plutôt, par les troupes et autorités de la Sublime-Porte.
Ce payement sera effectué à Constantinople le 31 décembre 1832,
au cours du change du jour de la signature du présent instrument.
890 QUESTION GRECQUE
en traites sur Londres, Paris, Vienne ou Saint-Pétersbourg, et la
Porte sera officiellement informée à cet égard, lors de l'arrivée de
la confirmation formelle de cette transaction.
5° Au 31 décembre de l'année courante, ou plutôt si faire se peut,
les territoires qui font l'objet du présent arrangement devront être
entièrement évacués par les troupes et autorités ottomanes. Quant
au territoires antérieurement assignés à la Grèce, et quisont encore
occupés par la Sublime-Porte, ils devront être également évacués
dans le même délai, de sorte qu'au dit jour l'évacuation de tous les
territoires, sans exception, qui doivent composer la Grèce, aura été
dans tous les cas complètement effectuée.
6° Le fort dePunta, ainsi qu'il a été dit plus haut, devant rester
à la Porte pour compléter la défense de Prévésa et pour mieux
garantir la sûreté de son commerce, il ne pourra s'y trouver qu'une
garnison suffisante à l'occupation de ce poste; il s'entend que les
autorités ottomanes n'apporteront aucun empêchement aux passages
des bâtiments grecs, et sauf les droits de douane et autres qui
seraient dûs à la Sublime-Porte, dans les cas, où les bâtiments relâ-
cheraient à Punta, Prévésa et autres échelles turques du golfe
d'Aria, elles ne leur demanderont rien pour le passage.
1° Un terme de dix-huit mois, à dater du jour où les travaux de
la démarcation auront été achevés, est accordé aux particuliers,
qui voudraient quitter les territoires qui font l'objet du présent
arrangement et vendre leurs propriétés. Ce terme de dix-huit mois
pourra, dans des cas spéciaux, et pour des circonstances imprévues,
être prorogé de quelques mois ; et une commission d'arbitrage
pourra juger de la validité de ces motifs d'exception et aider à ce
que les ventes se fassent à un prix équitable.
Les mêmes avantages sont accordés aux habitants de l'île de
TEubée et de l'Attique, et aux propriétaires de Thèbes, qui perce-
vraient encore aujourd'hui leurs revenus légaux, si toutefois ce
district se trouvait occupé par les troupes ottomanes à l'époque
de l'adhésion de la Porte aux arrangements précédents du 3 fé-
vrier 1830.
Il est entendu que ces particuliers pourront également disposer,
et dans le même terme, des intérêts utiles qu'ils auraient, soit comme
usufruitiers, soit comme administrateurs héréditaires, dans les va-
coufs, dont la totalité passe à l'Etat grec.
S* Conformément aux stipulations antérieures, le gouvernement
QUESTION GRECQUE 391
du nouveau roi de la Grèce pourra entrer en négociation pour régler
ses rapports de commerce et de navigation avec la Sublime-Porte,
d'une manière réciproque, et des agents dûment accrédités de part
et d'autre seront reçus dans les ports de la Turquie et delà Grèce,
selon les formes usitées, de sorte que les sujets ottomans auront le
droit reconnu de trafiquer à leur gré dans l'État grec, et que de
leur côté les Hellènes cesseront de recourir à des protections étran-
gères, pour fréquenter les ports et échelles de l'empire ottoman.
Les soussignés plénipotentiaires des trois cours et ceux de la
Sublime-Porte, ayant terminé les conférences qu'ils ont tenues à
l'efiet d'arrêter la délimitation définitive de la Grèce, comme elle
est indiquée ci-dessus, reconnaissent que, vu les arrangements con-
signés d'un commun accord dans le présent instrument, le but du
traité de Londres du 6 juillet 1827, et des protocoles qui s'y ratta-
chent sous diverses dates, se trouve complètement atteint; que les
négociations prolongées auxquelles ces stipulations ont donné lieu
sont closes de manière à ne jamais se renouveler, enfin que la ques-
tion grecque est irrévocablement résolue.
La confirmation formelle du présent arrangement par les trois
augustes cours sera transmise à la Sublime-Porte dans le terme de
quatre mois à dater de ce jour, et cette confirmation aura pour le
présent acte toute la force d'une ratification.
Fait à Constantinople le 9 (21) juillet 1832 (le 23 de la lune de
sâfer de l'hégire 12Zi 8).
Stratford Canning. — A. Bouteneff. — E. B. Varennes.
PROTOCOIiE
en date du 21 juillet 1832 (23 sâfer 1248).
Les ministres ottomans ayant fait valoir, à plusieurs reprises,
dans le cours de la négociation actuelle, l'importance de certaines
garanties qu'ils jugeaient nécessaires à la conservation de la tran-
quillité du Levant, savoir :
1° Que les forces de terre et de mer de l'État grec fussent limi-
tées au nombre suffisant à la police et au bon ordre du pays ;
2° Que le gouvernement grec et les particuliers grecs ne rendis-
392 QUESTION GRECQUE
sent aucune espèce de service et ne donnassent aucune assistance
aux puissances, gouvernements, peuples et nations, avec lesquels
la Sublime-Porte pourrait être en guerre, mais qu'ils observassent
strictement le principe de la neutralité. En revanche la Sublime-
Porte observerait ce même principe envers le gouvernement grec ;
3° Que le gouvernement grec fût tenu de l'extradition des sujets
du Grand-Seigneur qui pourraient se réfugier sur le territoire grec,
et qui seraient réclamés par la Porte ;
Leurs Excellences ayant ajouté que ces garanties devraient être
comprises dans l'arrangement et ayant demandé, en outre, que
trois îles, connues sous le nom des îles du Diable, savoir : Skiato,
Scopélo et Hiliodrome fussent rétrocédées à la Porte, comme essen-
tielles par leur situation à la sécurité des provinces ottomanes qui
les avoisinent ;
Les représentants des trois cours ont été dans le cas de répondre
que ces questions étaient tout à fait hors de leur compétence, mais
que toutefois ils ne refusaient pas à les faire valoir en en référant à
la conférence de Londres à laquelle il appartient de leur donner la
suite qu'elles peuvent comporter.
Le présent protocole a été dressé en conséquence de l'exposé qui
précède, pour être transmis à la conférence de Londres en même
temps que la transaction finale, en date de ce jour, signée et échan-
gée entre les plénipotentiaires respectifs.
Fait à Constantinople le 9 (21) juillet 1832 (le 23 de la lune sâ-
ferl2Zi8 de l'hégire).
Stratford Canning. — A. Bouteneff. — E. B. Varennes.
PBOTOCOIiE
en date de Londres le 30 août 1832 (2 rébiul-éwel 12ZÎ8).
Les plénipotentiaires des trois cours, s' étant réunis en conférence,
ont examiné avec la plus mûre attention l'arrangement ci-joint, ar-
rêté le 21 juillet de la présente année, à Constantinople, entre les
représentants des trois cours de France, de la Grande-Bretagne et
de Piussie, d'une part, et la Porte ottomane, de l'autre, pour la fixa-
tion définitive des limites continentales de la Grèce.
QUESTION GRECQUE 393
A la suite de cet examen, les plénipotentiaires des trois cours,
sans préjudice de la sanction directe que les trois cours elles-mê-
mes donneraient à l'arrangement ci-dessus mentionné, ont reconnu
qu'il répondait complètement aux instructions dont les représen-
tants de la France, de la Grande-lîrctagne et de Russie avaient été
munis au mois de septenibre 1831 , et ont procédé à l'exercice de la
faculté laissée à la conférence de Londres de choisir entre les deux
lignes de démarcation que ledit arrangement indique.
Considérant que l'an-angement du 21 juillet de la présente année
est le résultat d'une négociation dont le but essentiel était de dé-
terminer entre l'empire ottoman et le nouvel État grec une fron-
tière qui procurât à l'un et à l'autre une sécurité aussi parfaite que
possible ; que la Porte ottomane a pleinement adhéré à ce principe
que la seconde ligne de démarcation indiquée dans l'arrangement de
Constantinople du 21 juillet de la présente année, loin d'offrir cette
sécurité réciproque, amènerait, selon toutes les notions qui sont
parvenues à la connaissance de la conférence de Londres, un état de
possession nmtuel qui ne pourrait que faire naître des collisions et
des troubles ; enfin, que, d'après ces motifs, la seconde ligne dont
il vient d'être parlé ne remplirait point l'objet de la négociation qui
avait été ouverte avec la Porte ottomane, et ne satisferait pas aux
intérêts de la Turquie et de la Grèce, que cette négociation devait
réciproquement assurer :
Les PP. des trois cours, usant des pouvoirs dont ils sont investis,
adoptent unanimement la première ligne de démarcation indiquée
dans l'arrangement de Constantinople du 21 juillet de la présente
année, et déclarent en conséquence comme entendu et irrévocable-
ment arrêté que :
1° En ce qui concerne la délimitation du côté de l'Est le point
extrême de la séparation des deux États (l'empire ottoman et la
Grèce indépendante) sera fixé à l'embouchure de la petite rivière
jusqu'à sa source, puis gagnera la chaîne du mont Othrix, en lais-
sant à la Grèce le passage de Rlomos, pourvu que la crête de cette
chaîne ne soii pas dépassée. De là, elle suivra, dans la direction de
l'Occident, la crètedelamême chaîne dans tout son cours, et notam-
ment le point de Varibobo, pour atteindre la sommité qui sous la
dénomination de Vélucchi, forme le nœud des trois grandes chaînes de
montagnes du pays. De cette sommité la ligne s'étendra, en se con-
formant autant que possible aux traits saillants du pays, à travers la
3n QUESTION GRECQUE
vallée de l'Aspropotamos jusqu'au golfe d'Arta, aboutissant à ce
golfe entre Coprina et Ménidi, de telle sorte, en tout cas, que le
pont de Tatarina, le défilé et la tour de Macrinoros soient com-
pris dans les limites de la Grèce et que le pont de Coracos et les
salines de Coprina restent à la Porte ottomane. Ainsi, le littoral
du golfe d'Arta au Nord et à l'Ouest du pont où la frontière en tou-
che les eaux demeurera à l'empire ottoman, et le littoral de ce
golfe au Midi et à l'Occident de la ligne est assigné à l'Etat grec,
à l'exception du fort de Punta, lequel continuera à appartenir à
la Porte avec un rayon de terre qui ne sera pas moins d'une demie
heure, ni de plus d'une heure.
2° En ce qui concerne l'indemnité, elle demeure fixée à la somme
de quarante millions de piastres turques.
Les PP. des trois cours ont déclaré, en outre, que la conférence
de Londres approuvait et confirmait, sans restriction aucune, tous
les autres points de l'arrangement de Constantinople de la présente
année, que les divers points auraient à être observés et exécutés
suivant la teneur de ce même arrangement, et qu'à cet effet le pré-
sent protocole soit communiqué d'un côté à la Porte ottomane, par
les soins des représentants des trois cours à Constantinople, et de
l'autre à la régence royale grecque, par les soins du plénipotentiaire
de S. M. le roi de Bavière.
Passant ensuite à l'examen du protocole, ci-annexé, portant aussi
la date du 21 juillet de la présente année, et que les représentants
de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie près la Porte
ottomane se sont simplement engagés à mettre sous les yeux de la
conférence de Londres, les PP. des trois cours ont été d'avis que
malgré le vif empressement avec lequel les cours se plaisent en gé-
néral à accueillir les vœux qui leur sont exprimés au nom du sul-
tan, elles se trouvent dans l'impossibilité absolue de déférer aux
demandes que le dit protocole énonce de la part de la Porte otto-
mane.
En effet, quant à la première de ces demandes, il suffit d'observer
que le droit d'entretenir des forces de terre et de mer, sans en li-
miter le nombre, est un droit inhérent à l'indépendance d'un Etat;
que l'indépendance de la Grèce et tous les droits qui y sont inhé-
rents ont été consacrés par le protocole du 3 février 1830 ; que la
la Porte ottomane a pleinement accédé à ce protocole, et qu'en con-
séquence ni les cours qui l'ont signé, ni la Porte ottomane qui y a
QUESTION GRECQUE 395
accédé ne sauraient aujourd'hui, sans violer leurs engagements,
restreindre un des droits que ce même protocole accorde à la Grèce
dans toute leur plénitude.
Les mêmes raisons militent contre la seconde demande du gou-
vcrnemeut ottoman. Le droit de prendre parti dans toute guerre qui
éclate entre puissances tierces est aussi un des droits inhérents à
l'indépendance d'un Etat, à moins que cet Etat n'ait été constitué
et déclaré perpétuellement neutre. Ainsi, ne possédant pas le béné-
fice d'une neutralité perpétuelle, elle ne saurait être légitimement
tenue d'en remplir les obligations.
Pour ce qui est de la troisième demande du gouvernement otto-
man, les PP. des trois cours ont pensé qu'elle n'était pas du res-
sort de la conférence de Londres, la conférence ne pouvant s'im-
miscer dans des questions qui se rattachent à la législation intérieure
de la Grèce.
Les PP. des trois cours ont finalement observé au sujet des vœux
exprimés par le gouvernement ottoman qu'il ne s'est jamais agi dans
les dernières négociations de Gonstantinople de changer les limites
insulaires de la Grèce ; que ces limites qui comprennent au nombre
des îles grecques les îles dites du Diable, savoir : Skiato, Scopélo
et HilioJrome ont été définitivement établies par le protocole du
3 février 1830, auquel la Porte ottomane a accédé; que la position
de ces trois îles n'offre rien de menaçant aux provinces turques qui
les avoisinent, et queleur rétrocession ne saurait résulter d'une né-
gociation qui ne devait modifier que les frontières continentales de
la Grèce, au moyen d'une indemnité pécuniaire.
Les l'P. des trois cours sont convenus de transmettre le présent
protocole aux représentants de la France, de la Grande-Bretagne
et de la Russie à Gonstantinople, et au plénipotentiaire bavarois
près la conférence de Londres par la dépêche et la note ci-jointe.
Mareuil. — Palmerston. — Libyen. — Matuszewich.
de la Sublime-Porte aux représentants de Frnnce, de la Grande-Bretagne et de Russie,
en date du 2(5 décembre 1832 (3 cbâban 1248).
La Sublime-Porte a pris connaissance du contenu de la note
en date du 7 novembre dernier que nos amis, MM. les réprésen-
396 QUESTION GRECQUE
tants des trois cours, résidant à Gonstantinople, lui ont présentée,
relativement à l'élection du prince Othon, fils du roi de Bavière, au
trône de la Grèce. L'objet de cette communication lui a été très-
agréable.
La Sublime-Porte confirme de son côté la résolution des puissan-
ces et le choix qu'elles ont fait du prince Othon pour être roi du pays
compris dans les limites arrêtées, et qui seront complètement éta-
blies entre elle et les trois cours.
Par la résolution qui vient d'être prise, il y a tout lieu de s'at-
tendre qu'avec la grâce de Dieu les troubles cesseront dans les
lieux bornés par les limites qui sont arrêtées et qui seront établies;
que les arrangements qui garantissent le repos et la tranquillité des
populations respectives seront observés et maintenus, et que des
rapports de bon voisinage existeront entre les deux états.
C'est pour exprimer son espoir que la plus grande attention sera
toujours apportée sur tous ces points que la SubUme-Porte a donné
une note à M. le ministre d'Angleterre et à M. l'envoyé de Russie,
et qu'elle a remis en même temps la présente note amicale à
M. le chargé d'affaires de France, en lui renouvelant les assurances
de sa considération la plus distinguée.
Le 3 châban 1248.
jvote:
des représentants de France, de la Grande-Bretagne et de Russie à la Sublime-Porte,
en date de Thérapia (sur le Bosphore) le 7 décembre 1835 (16 châban 1251).
Les représentants des trois puissances médiatrices soussignés,
ayant été informés par S. E. le réis-éfendi de la Sublime-Porte
qu'il avait reçu les ordres nécessaires pour accepter la carte des
frontières de la Grèce, dressée parles commissaires démarcateurs,
en vertu de l'arrangement du 9/21 juillet 1832, se sont concertés
pour rédiger la présente note qui doit accompagner la remise de ce
document, et y consacrer l'expression de leur satisfaction pour
l'heureuse conclusion de cette affaire.
Lesdits soussignés saisissent avec empressement cette occasion
pour renouveler à S. E. le réis-éfendi les assurances de leur haute
considération.
Baron Roussm. — Ponsonby. — Bouteneff.
APPENDICE 397
JVOTE
de la Sublime-Forte aux représentants de France, de la Grande-Bretagne et de Russie,
en date du 15 décembre 1835 (24 chàban 1251).
La carte des limites finales de la Gi'èce, qui accompagnait la note
collective remise dernièrement à la Sublime-Porte par nos amis,
les représentants des trois cours, a été reçue et acceptée, eu égard
à l'engagement et aux assurances que contenait la note remise par
LL. EB. antérieurement. C'est pour en faire la déclaration que nous
écrivons et donnons à nos susdits amis la présente note ofiicielle,
en saisissant l'occasion de leur offrir les assurances de notre atta-
chement.
Le 2li cliâban 1254.
APPENDICE
I. — Kote de la Snblinie-Porte aux représentants de France et de
la Grande-Bretagne, en date du 15 août 1829 (14 s&fer 1345).
Mue par des sentiments de bienveillance, la Sublime-Porte adhère au
traité de Londres; et elle accepte les propositions que LL. EE. les am-
bassadeurs lui ont faites comme étant fondées sur les bases dudit traité,
aux conditions suivantes :
1° Les arrangements qui auront lieu se borneront uniquement à la
Morée et aux îles Cyclades.
2' Le tribut qui devra être payé sera établi et proportionné d'une ma-
nière modérée au montant qui revenait anciennement au trésor de la Su-
blime-Porte.
3° Tout matériel de guerre existant dans les forteresses sera immédia-
tement rendu et consigné à la Sublime-Porte, dans l'état oîi il se trouvait
avant l'évacuation.
4' Il sera défendu de créer et de faire usage de bâtiments de guerre
et de troupes de terre au-delà du nombre suffisant de soldats pour tenir
les habitants en ordre.
5» Aucun Grec ne pourra sortir des états ottomans pour aller s'établir
dans les susdits pays, à moins qu'il n'y ait été originairement domicilié.
Conclusion : — Les articles ci-dessus ont été arrêtés par la Sublime-
Porte, après avoir entendu et discuté les propositions de messieurs les
398 APPENDICE
ambassadeurs. En foi de quoi, la présente note officielle a été remise
à LL. EE. (*).
II. — Article 10° du traité de paix entre la Snblime-Porte et la
Russie, en date d'Andrinople le 14 septembre 1839 (16 rébinl-
éwel 1345).
La Sublime-Porte, en déclarant son entière adhésion aux stipulations
du traité conclu à Londres le 24 juin (6 juillet) 1827 entre la Russie, la
Grande-Bretagne et la France, accède également à l'acte arrêté le 10
(22) mars 1829, d'un commun accord, entre ces mêmes puissances, sur
la base dudit traité, et contenant les arrangements de détails relatifs ii
son exécution définitive. Aussitôt après l'échange des rectifications du
présent traité de paix, etc.
III. — Article 3^ da traité d'alliance entre la Sublime-Porte et la
Russie, en date du 8 juillet 1833 (SO sâfer 1349).
Le traité conclu à Andrinople le H septembre 1829, ainsi que toutes les
transactions antérieures qui y sont confirmées, la convention signée à
Saint-Pétersbourg le \k avril 1830, l'arrangement conclu à Gonstanti-
nople le 9 juillet 1832 relativement à la Grèce, et les articles du présent
traité d'alliance sont confirmés, dans tous leurs points^ comme s'ils étaient
insérés, mot pour mot, dans le traité susmentionné.
(*) Cette note avait été remise au comte Guilleminot et à Sir Robert Gardon en ré-
ponse à l'office que, par suite du protocole de Londres du 22 mars 1829, ces ambassa-
deurs avaient adressé à la Sublime-Porte le 9 juillet, et qui contenait les bases de la
négociation pour la pacification de la Grèce, l'une desquelles était la suzeraineté du
Sultan. En confirmant par la déclaration du 9 septembre 1829 (Voir plus haut, p. 380)
son adhésion au traité de juillet 1827, qu'elle renouvela par l'article 10"' du traité de
paix avec la Russie, en date du 14 septembre 1829, la Sublime-Porte s'engagea, de
plus, à souscrire à toutes les déterminations que prendrait la Conférence de Londres, et
ratifia ainsi d'avance le protocole du 3 février 1830, qui établit l'indépendance de la
Grèce.
ILE DE SAMOS 399
ILE DE SAMOS
NOTE
de la Sublime-Porte aux représentants de France, de la Grande-Bretagne et de Russie,
en date du 10 décembre 1832 (17 rédjeb 1268).
APPENDICE
N° 1. Note historique.
1. Réponse de S. A. le prince Léopold de Saxe-Cobourg à la Note
de la conférence de Londres, en date de Claremont le li février
1830 (17 chdban 12Zi5).
II. Protocole de la conférence de Londres, en date du 20 février 1830
(26 châban 12Zi5).
III. Protocole de la conférence de Londres, en date du 16 novembre
1831 (10 djéniaziul-akhir 12A7).
IV. Note des représentatifs français , anglais et russe à la Sublime-
Porte, en date du 26 décembre 1833 (13 châban 12Z|9).
V. Note des mêmes représentants aux habitants de Samos, en date du
27 septembre 183/i (23 djémaziul-éwel 1250).
9fOTi:
remise par la Sublime-Porte aux représentants de France, de la Grande-Bretagne et
de Russie, en date du 10 décembre 1832 (17 rédjeb 1248).
La Sublime-Porte accorde aux habitants de l'île de Samos, qui
fait partie des Etats héréditaires de S. H. le sultan Mahmoud-Khan,
à condition qu'ils soient dorénavant sujets fidèles de l'empire otto-
man, les concessions suivantes :
1. S. H. accorde aux Samiens, amnistie pleine et entière. Aucun
d'eux ne sera recherché pour sa conduite passée, et leurs personnes
ainsi que leurs biens sont assurés.
AOO ILE DE SAMOS
2. L'autorité intérieure de l'île résidera dans un Conseil composé
de membres choisis, suivant l'usage, parmi les notables du pays.
Ce conseil aura l'administration générale de l'île ; il réglera les
diverses branches de cette administration, et décidera librement
les questions relatives à l'exercice du culte, au commerce et à la
réparation des églises.
3. La présidence du Conseil appartiendra au chef nommé par la
Sublime-Porte avec le titre de prince de Samos, qui sera de la reli-
gion des Samiens, et qui pourra nommer un substitut professant
la même religion que lui. Mais, lorsque ce chef sera dans le cas de
se rendre en personne à Samos, il lui sera adjoint, pour l'y accom-
pagner, un éfendi choisi parmi les employés civils, afin de cons-
tater la manière d'être des habitants et l'état du pays, et d'en faire
un rapport à la Sublime-Porte.
h. Le chef de l'île délivrera aux bâtiments et aux bateaux Sa-
miens les expéditions dont ils auront besoin pour naviguer, et les
revenus qui en résulteront seront considérés comme faisant partie
des droits spéciaux de sa charge. Il entrera dans les attributions
de ce chef de permettre le séjour des étrangers à Samos ou de les
en faire renvoyer au besoin parle moyen de la police locale, bien
entendu qu'il n'en résultera aucune atteinte aux privilèges garan-
tis parles traités de la Sublime-Porte avec les Puissances. En outre,
dans toutes les délibérations du Conseil sur les relations extérieures,
ce chef conservera le droit de veto.
5. Il n'y aura absolument pas de troupes dans l'île de Samos.
Les Samiens payeront directement à la Sublime-Porte, en tout et
pour tout, un kharadj annuel deAOO,000 piastres.
6. Des députés Samiens viendront se présenter à Constantinople
pour mettre aux pieds du trône de S. M. impériale l'hommage de
la soumission et de la reconnaissance des Samiens.
7. Les bases d'où découlent, avec le pardon des habitants de
Samos, les bienfaits de l'organisation donnée à leur île, qui est
encore en désordre, seront annoncées et communiquées aux Sa-
miens comme terme final.
8. Le métropolitain de Samos sera, comme autrefois, nommé
par le patriarche grec de Constantinople.
Telles sont les concessions que la Sublime-Porte a jugé à propos
défaire, et qui sont arrêtées, nos amis, les représentants des trois
cours, y ayant donné leur assentiment.
APPENDICE liOl
La présente note oflkiclle est, en conséquence, remise à MM. les
représentants de France, delà Grande-Bretagne et de Russie.
Le 17 rcdjebl2/i8.
(N. 1). — Les Samiens se joignirent, en 1821, à la lutte que les autres
habitants de la Grèce entreprirent contre laSublime-l'orte. Malgré les efforts
du président Capodistrias auprès de la conférence de Londres, samos ne
fut pas comprise dans le nombre des îles du nouvel état helléiiicjue. Ilendue à
l'autorité du sultan, elle résista d'abord aux mesures coërcitives employées
contre elle, mais finit par faire, en 1835. sa soumission à la Sublime-i^orte;
cel'e-ci confirma les concessions que, par suite d'une entente avec les repré-
sentants destrois cours alliée-, elle avait faites, on 18o'2, aux liabitants de cette
île, et dont ceux-ci continuent de jouir. Outre le privilège d'un pavillon
distinctif, ils avaient déjà obtenu celui d'être gouvernés par un coreli-
gionnaire en vertu d'un firman émané, en faveur des chrétiens en géné-
ral, vers la fin de l'année 1830.
I. — Réponse de $$. Ik. le prince I>(*opoId de Saxe-Coliourg ù. la note
du 3 février I830 de la eonférenee fie I ondres, en date de l'Ia-
remont, le 1 1 février 1830 (17 eliâijan 1245).
Le soussigné a reçu, le [^ février, la lettre que les plénipolenliaires des
trois cours, signataires du traité du 6 juillet 1827, lui ont fait l'honneur de
lui écrire, et par laquelle, en conséquence du protocole du 3 février 1830,
ils lui offrent, au nom des hautes puissances alliées, la souveraineté héré-
ditaire de la Grèce.
Le soussigné sent profondément, etc.
Cependant, il croirait u)al ré|)ondre à la confiance qu'elles daignent
placer en lui, si, en donnant son adliésion aux proiocoles n"' 1, 2 et 3,
du 3 février 1830, il ne leur soumettait les observations suivantes :
]° Que les hautes puissances, etc.
2" Que les habitants grecs des îles de Candie et de Samos, qui vont
être rendues à la Porte, aient leur position religieuse et civile tellement
fixée et améliorée par l'intercession des hautes puissances, ainsi que par
une ample application du traité du 6 juillet, qu'ils puissent se trouver à
l'abri de toutes vexHtions, et protégés contre tous les actes qui pourraient
amener une effusion de sang. Sur ce sujet, qui est purement dans l'in-
térêt de l'humanité, le soussigné se réserve de plus amples communica-
tions avec les plénipotentiaires des augustes souverains.
3° Qu'il veuille plaire, etc.
T. II. 26
Û02 AI'PËNDICE
II. — Protocole de la conférence de Londres, en tlafe du 20 fé-
vrier 1830 (2G chAban 1245).
Les plénipotentiaires des trois cours alliées se trouvant réunis, l'objet
de la conférence était de prendre connaissance de la réponse de S. A. R.
le prince Léopold de Saxe-Cobourg ii la note collective, etc. Après avoir
examiné les observations présentées par le prince Léopold à la suite de
son acceptation de la souveraineté de la Grèce, qui lui a été offerte, les
plénipotentiaires de l'alliance ont arrêté entre eux les résolutions sui-
vantes, relativement aux cinq points indiqués dans la réponse de
S. A. R :
1° Les intentions des trois cours sont conformes, etc.
2° Les puissances alliées ne sauraient admettre le droit d'intervention
du prince souverain de la Grèce par rapport à la manière dont le gou-
vernement turc exerce son autorités Candie ou à Saraos. Ces îles doivent
rester sous la domination de la Porte, et doivent être indépendantes de la
nouvelle puissance que l'on est convenu d'établir en Grèce. Cependant,
les puissances alliées s'empressent de déclarer au prince Léopold, pour la
propre satisfaction de S. A. R., qu'en vertu d'un engagement qu'elles
ont contracté, d'un commun accord, elles se croient tenues d'assurer aux
habitants de Candie et de Samos une sécurité contre toute molestalion,
en raison de la part qu'ils auraient prises dans les troubles antécédents.
Dans le cas oii l'autorité turque serait exercée d'une manière qui pourrait
blesser l'humanité, chacune des puissances alliées, sans prendre toutefois
un engagement spécial et formel à cet ellet, croirait de son devoir d'in-
terposer son influence auprès de la Porte, afin d'assurer aux habitants des
îles susmentionnées une protection contre des actes oppressifs et arbi-
traires.
3° La conférence a reconnu, etc.
■II. — Protocole de la conférence de Londres, en date du 16 no-
vembre 1H31 (lO djémaziul-akhir 1349).
Les plénipotentiaires des trois cours s'étant réunis en conférence ont
pris en considération la nécessité de compléter, sur quelques points, les
instructions arrêtées par le protocole du 29 septembre dernier pour les
représentants des trois cours à Constantinople, et pour leurs résidents
en Grèce,
La conférence est convenue ii cet égard que, etc.
Que la conférence de Londres, par suite de la sollicitude que les trois
cours ont constamment manifestée en faveur de l'île de Samos, invitera
leurs représentants il Constantinople à ne négligei' aucun moyen d'obtenir
AIM'ENDICI': Û03
que lo iribul annuel des SanVums paisse être remis tous les ans à la Porte
olloniane par les députés de Sanios, au lieu d'ôlre prélevé par le capitan-
paolia.
Que les négociations, etc.
IV. — Xot<' «les r^'prôscntanls «le France, «le la Gi'an«le-Rretn(|nc et
«le RuKsie :V lu Suliliiue-Forle, en date du 26 déecnikre fl^iCtU
(13 chàban 134«J).
En se décidant à envoyer une commission à Samos pour essayer une
dernière fois de ramener à l'obéissance, par des voies de douceur, la po-
pidalion de celle île, les re()résenlanls des trois puissances médiatrices
à Constantinople avaient dû prévoir aussi le cas où les insulaires s'opi-
niâtreraientdans leurs premières résolutions, et ils étaient convenus qu'un
nouveau refus de leur part mettrait un terme à l'intervention bienveillante
dont les trois puissances ont usé jusqu'ici en leur faveur auprès de 1 1 Su-
blime-Porte ottomane.
Cette déclaration ayant reçu, par l'organe de leurs commissaires, la
plus grande publicité h Samos, ses chefs actuels, en bravant les consé-
quoncosd'un relus, se sont exposés à en ressentir les effets. Les pavillons
des trois puissances ont été amenés à Samos, et les représentants ont
donné l'ordre à leurs chancelleries dans les ports de l'enjpire ottoman
d'enlever aux bâtiments et navires des Samiens les papiers de bord qui
pourraient les autoriser à naviguer en arborant leurs couleurs.
L'adoption de ces mesures démontre suffisamment que les représen-
tants regardent leur intervention conciliatrice comme terminée, et dès
lors c'est à la Porte à user de son autorité pour ramener les Samiens h
l'obéissance.
Dans cet état de choses, les représentants défèrent avec d'autant plus
d'empressement au vœu que leur avait exprimé la Sublime-Porte de con-
naître leur opinion sur les mesures les plus propres k amener une solution
prompte et satisfaisante de cette affaire , qu'ils aiment àse persuader qu'elle
n'aura point recours k des moyens extrêmes dont l'emploi, toujours fu-
neste, serait en cette occasion plus regrettable encore, puisqu'il résulte
des informations reçues par les représentants que la majorité des habitants
de Samos est disposée k se soumettre.
En développant donc ici leurs prévisions autant que les chances de
l'avenir peuvent le permettre, il semble que l'idée d'un blocus ([ui rece-
vrait son exécution par les escadres des trois puissances, ainsi que la
Porte paraissait le désirer, doit le céder k celle d'un état de siège réalisé
par quelques bâtiments de l'escadre ottomane. L'action du gouvernement
de S. H., juste et naturelle, offre d'ailleurs un ensemble de moyens com-
plet, et dont il peut se promettre des elfets promi)ts et sûrs.
Ii0!x APPENDICE
L'interruption des communications effectuée par la saisie de tous les
bâtiments samiens qui paraîtraient dans les ports de l'empire ottoman ;
r6tal)lissemenl d'un cordon de 3 à AOO hommes sur la côte d'Asie, le
long du canal de Samos, ayant pour but d'empêcher l'approche des bar-
ques de ces insulaires; l'ordre donné au gouverneur turc de la même côte
de suspenilre l'effet des transactions par les(|uelles il a livré à un certain
nombre de Samiens la culture des terres du gouvernement ; la déclaration
de la mise en état de siège de l'île de Samos notifiée à toutes les puissan-
ces qui comir.ercenl dans la Méditerranée, et qui éloignera de ses ports
les bâtiments de ces puissances ; l'envoi de deux bâtiments de guerre,
dont l'un pourra mouiller clans la baie de Vathy, et l'autre dans le vieux
port de Samos, envoi nécessaire pour rendre effective la déclaration de
la mise en état de siège, appuyer les bonnes dispositions d'une grande
partie de la population et effrayer les récalcitrants, présentent un appareil
de mesures modérées, opportunes et peu dispendieuses que la Sublime-
Porte est, dès ce moment, obligée d'employer pour parvenir à la reddition
de l'île de Samos,
La configuration montagneuse de son territoire exclut entièrement
l'emploi de troupes de terre. Une expédition de ces troupes, luttant avec
le désavantage du terrain et l'inexpérience des localités, serait exposée à
rencontrer la plus sérieuse résistance. D'ailleurs, il tie faut pas perdre de vue
que, pour entretenir les dispositions favorables que le dernier message
des représentants a su éveiller parmi les Samiens, le commandant du
bâtiment destiné à stationner à Vathy, à son arrivée dans ce port, ferait
bien de rassurer la population, et de lui promettre, si elle consent à se
soumettre, la conservation des privilèges qui lui ont été accordés par le
règlement du 10 décembre 1832.
En terminant le précis des mesures qui leur paraissent les plus propres
à amener la reddition de Samos, les représentants croient avoir rempli les
vœux de la Sublime-Porte.
\. — Xote adressée aux habitants de l'île de Samos par les repré-
sentants de France, d'Angleterre et de Russie près la Sublime-
Forte , eu date du 37 septembre 1834 (23 djémaziul-éwel t'iSO).
Les trois puissances signataires du traité qui a annoncé l'établissement
du royaume de la (irèce, voulant étendre leur sollicitude aux habitants
de l'Ile de Samos, leur rappellent qu'un décret de S. H. du 10 décembre
1832, accorde aux Samiens, comme garantie d'une bonne adLuinistration,
l'avantage d'être gouvernés par un chef de leur religion, leur concitoyen,
lequel a été nommé par la Sublime-Porte sous le titre de prince de Samos.
Jusqu'à ()résent la situation des choses, en Orient, avait empêché les
trois puissances de consacrer une attention particulière aux affaires de
API'KNDICE /j05
l'île de Samos; mais la pacification de toutes les parties de l'Orient fait
un devoir aux ambassadeurs soussignés de ne pas tolérer plus lonfilemps
l'état de rébellion dans lequel les Samiens ont [)ersislé jusqu'à présent.
C'est pourquoi trois commissaires ont été nommés par les puissances,
avec ordre de se rendre à Samos et de recevoir la soumission des habi-
tants à l'autorité du grand-seiji;neur, conformément k l'acte du 10 décem-
bre 1832. Un délai de deux mois est accordé aux Samiens pour faire leur
sounnssion complète au sultan. Passé ce délai, les trois puissances retire-
ront leur médiation. Alors, il ne sera plus permis aux Samiens de navi-
guer sous un iiutre pavillon que sous celui du sultan, el b's liabiiiinls de
l'île se trouveront exposés à toutes les suites fàclieusi^s d'une lésistance
irréfléchie aux ordres du grand-seigneur.
A06 CO?JVENTION UU 25 NOVEMBRE 1838
CONVENTION
en date du 25 novembre 1838 {9 ramnzan 1254).
Pendant le long intervalle d'alliance qui a heureusement subsisté
entre la France et la Sublime-Porte, des capitulations obtenues de
la Porte, et des traités conclus entre les deux puissances ont réglé
le taux des droits payables sur les marchandises exportées de Tur-
quie, comme sur celles importées sur les domaines du grand-sei-
gneur, et ont établis et consacré les droits, privilèges, immunités et
obligations des marchands français trafiquant ou résidant dans
rétendue de l'empire ottoman. Cependant, depuis l'époque où les
capitulations ont été révisées pour la dernière fois, des changeaients
de différente nature sont survenus tant dans l'administration inté-
rieure de l'empire turc que dans ses relations extérieures avec les
autres puissances, et Sa Majesté l'empereur des Français et Sa
Hautesse le sultan sont convenus de régler de nouveau , par un
acte spécial et additionnel, les rapports commerciaux de leurs su-
jets, le tout dans le but d'augmenter le commerce entre leurs États
respectifs, comme dans celui de faciliter davantage l'échange des
produits de l'un des deux pays avec ceux de l'autre (*). A cet effet,
ils ont nommé pour leurs plénipotentiaires :
Sa Majesté l'empereur des Français, monsieur Albin-Reine baron
Roussin, vice-amiral, pair de France, membre de l'Académie des
Sciences, grand'croix de l'ordre impérial de la Légion d'Honneur,
décoré du grand ordre du Nichani-Ii'tihar, grand'croix de l'ordre
grec du Sauveur, commandeur de l'ordre de la Croix du Sud du
Rrésil, son ambassadeur près de la Sublime-Poite ; et
Sa Hautesse le sultan, le très-excellent et très-distingué Méhem-
(*; L'instrument français i)orie, avant ce préambule, l'en-tête suivant : t'onw«/(o«
/oimnril appendice aux cupilulalions garanties à la France par la Porte otlomane, d
miundanl ou muUifinnt, dans Cùilérêl du cunimrrce et de la navigation des deux jiaijs,
certaines sti], ululions contenues dans lis capiliiUitioiis.
CONVENTION DU 25 NOVtViHUL, I808 /|07
med Nouri-éfendi, conseiller d'état au département des alTaires
étrangères, tenant le portefeuille de ce ministère par intérim, dé-
coré de l'ordre du Nicliani-Ifiiliar de première classe, grand'croix
de Tordre belge de Léopold ; et le très-excellent et très -distingué
Moustafa-Kiani-béy, membre du conseil suprême d'Etat, président
du conseil d'utilité publique et du conmierce, ministre d'État de
première classe, revêtu des décorations allectées à ces deux em-
plois; lesquels, après s'être donnés réciproquement communication
de leurs pleins pouvoirs, trouvés dans la bonne et due forme, sont
tombés d'accord sur les articles suivants :
Article 1. Tous les droits, privilèges et immunités qui ont été
conférés aux sujets ou aux bâtiments français, par les capitulations
et les traités existants, sont confirmés aujourd'hui et pour toujours,
à l'exception de ceux qui vont être spécialement modifiés par la
présente convention, et il est, en outre, expressément entendu que
tous les droits, privilèges et immunités que la Sublime-Porte ac-
corde aujourd'hui, ou pourrait accorder à l'avenir aux bâtiments et
aux sujets de tout autre puissance étrangère, seront également ac-
cordés aux sujets et aux bâtiments français, qui en auront de droit
l'exercice et la jouissance.
Art. 2. Les sujets de Sa Majesté l'empereur des Français, ou leurs
ayants-cause, pourront acheter dans toutes les parties de l'empire
ottoman, soit qu'ils veuillent en faire le commerce à l'intérieur, soit
qu'ils se proposent de les exporter, tous les articles sans exception
provenant du sol ou de l'industrie de ce pays. La Sublime-Porte
s'engage formellement à abolir tous les monopoles qui frappent les
produits de l'agriculture et les autres productions quelconques
de son territoire , comme aussi elle renonce à l'usage des te&-
kéré demandés aux autorités locales pour l'achat de ces marchan-
dises, ou pour les transporter d'un lieu à un autre quand elles
étaient achetées. Toute tentative qui sera faite par une autorité
quelconque pour forcer les sujets français à se pourvoir de sembla-
bles permis ou teskéré sera considérée comme une infraction aux
traités, et la Sublime-Porte punira innnédiatement avec sévérité
tous vizirs ou autres fonctionnaires auquels on aurait une pareille
infraction à reprocher, et elle fera indemniser les sujets français des
pertes ou vexations dont ils pourront prouver qu'ils ont eu à souf-
frii'.
Art. 0. Les marchands français, ou leurs ayants-cause, (jui achè-
ÛOS CONVENTIOIN DU 25 NOVEMBRE I808
teront un objet quelconque produit du sol ou de l'industrie delà
Tnrquie, dans le but de le revendre pour la consommation dans
l'intérieur de l'empire ottoman, payeront, lors de l'achat et de la
vente, les mêmes droits qui sont payés dans les circonstances ana-
logues par les sujets musulmans, ou par les rayas les plus favorisés
parmi ceux qui se livrent au commerce intérieur.
Art. h. Tout article, produit du sol ou de l'industrie de laTurquie,
acheté pour l'exportation, sera transporté, libre de tout espèce de
charge et de droits, à un lieu convenable d'embarquement par les
négociants français ou leurs ayants-cause; arrivé là, il payera à
son entrée un droit fixe de 9 pour 100 de sa valeur, en remplace-
ment des anciens droits de commerce intérieur, supprimés par la
présente convention ; à sa sortie, il payera le droit de 3 pour 100
anciennement établi, et qui demeure subsistant. Il est toutefois
bien entendu que tout article acheté au lieu d'embarquement pour
l'exportation, et qui aura déjà payé à son entrée le droit intérieur,
ne sera plus soumis qu'au seul droit primitif de 3 pour 100.
Art. 5. Tout article, produit du sol ou de l'industrie de la France
et de ses dépendances, et toutes marchandises, de quelque espèce
qu'elles soient, euibarquées sur des bâtiments français et étant la
propriété de sujets français, ou apportées, par terre ou par mer,
d'autres pays, par des sujets français, seront admis comme anté-
rieurement dans toutes les parties de l'empire ottoman, sans au-
cune exception, moyennant un droit de 3 pour 100 calculé sur la
valeur de ces articles.
En remplacement de tous les droits de commerce intérieur qui se
perçoivent aujourd'hui sur lesdites marchandises, le négociant
français qui les importera, soit qu'il les vende au lieu d'arrivée,
soit qu'il les expédie dans l'intérieur pour les y vendre, payera
un droit additionnel de 2 pour 100. Si ensuite ces marchandises
sont revendues à l'intérieur, il ne sera plus exigé aucun droit ni
du vendeur ni de l'acheteur, ni de celui qui les ayant achetées dé-
sirera les expédier au dehors.
Les marchandises qui auront payé l'ancien droit d'importation de
2 pour 100 dans un port pourront être envoyées dans un autre
port, franches de tout droit; et ce n'est que lorsqu'elles y seront
vendues ou transportées de celui-ci dans l'intérieur du pays que le
droit additionnel de 2 pour JOO devra être acquitté.
11 demeure entendu que le gouvernement de Sa Majesté l'empe-
CONVENTION DU 25 NOVEMBRE 1838 Zl09
reur des Français ne prétend pas, soit par cet article, soit par aucun
autre du présent traité, stipuler au delà du sens naturel et précis
des termes employés, ni priver en aucune manière le gouvernement
de Sa Hautesse de l'exercice de ses droits d'administration inté-
rieure, en tant toutefois que ces droits ne porteront pas une at-
teinte manifeste aux stipulations des anciens traités, et aux privi-
lèges accordés, par la présente convention, aux sujets français et à
leurs propriétés.
Art. 0. Les sujets français, ou leurs ayants-cause, pourront li-
brement trafiquer , dans toutes les parties de l'empire ottoman, des
marchandises apportées des pays étrangers ; et si ces marchandises
n'ont payé à leur entrée que le droit d'importation, le négociant
français, ou son ayant-cause , aura la fiiculté d'en trafiquer en
payant le droit additionnel de 2 pour 100, auquel il serait soumis
pour la vente des propres marchandises qu'il aurait lui-même im-
portées, ou pour leur transmission faite dans l'intérieur avec l'in-
tention de les y vendre. Ce payement une fois acquitté, ces mar-
chandises seront libres de tous autres droits, quelle que soit la
destination ultérieure qui sera donnée à ces marchandises.
Art. 7. Aucun droit quelconque ne sera prélevé sur les marchan-
dises françaises, produit du sol ou de l'industrie de la France et de
ses dépendances, ni sur les marchandises provenant du sol ou de
l'industrie de tout autre pays étranger, quand ces deux sortes de
marchandises, embarquées sur des bâtiments français, appartenant
à des sujets français, passeront par les détroits des Dardanelles, du
Bosphore, ou de la mer Noire ; soit que ces marchandises traver-
sent ces détroits sur les bâtiments qui les ont apportées, ou qu'elles
soient transbordées sur d'autres bâtiments, ou que, devant être
vendues ailleurs, elles soient, pour un temps limité, déposées à
terre pour être mises à bord d'autres bâtiments et continuer leur
voyage.
Toutes les marchandises importées en Turquie pour être trans-
portées dans d'autres pays, ou qui, restant entre les mains de l'im-
portateur, seront expédiées par lui dans d'autres pays pour y être
vendues, ne payeront que le premier droit d'importation de 3 pour
100, sans que, sous aucun prétexte, on puisse les assujétir à d'au-
tres droits.
Art. 8. Les firmans exigés des bâtiments marchands français, à
leurs passage dans les Dardanelles et dans le Bosphore, leur seront
ZilO CONVENTION DU '25 NOVEMBRE 1838
toujours délivrés de manière à leur occasionner le moins de retard
possible.
Art. 9. La Sublime-Porte consent à ce que la législation créée
parla présente convention soit exécutable dans toutes les provinces
de l'empire ottoman (c'est-à-dire dans les possessions de Sa Hau-
tesse situées en Europe, en Asie et en Egypte, et dans les autres
parties de l'Afrique appartenant à la Sublime-Porte), et qu'elle se-
rait applicable à toutes les classes de sujets ottomans.
La Sublime-Porte déclare aussi ne point s'opposer à ce que les
autres puissances étrangères cherchent à faire jouir leur commerce
des stipulations contenues dans la présente convention.
Art. 10. Suivant la coutume établie entre la France et la Su-
blime-Porte, et afin de prévenir toutes difficultés et tout retard dans
l'estimation de la valeur des articles importés en Turquie ou expor-
tés des États ottomans par les sujets français, des commissaires,
versés dans la connaissance du commerce des deux pays, ont été
nommés, tous les quatorze ans, pour fixer, par un tarif, la somme
d'argent, en monnaie du grand-seigneur, qui devra être payée sur
chaque article. Or, le terme des quatorze ans pendant lequel le
dernier tarif doit rester en vigueur étant expiré, les hautes parties
contractantes sont convenues de nommer conjointement de nou-
veaux commissaires, pour fixer et déterminer le montant en argent
qui doit être payé par les sujets français comme droit de 3 pour 100
sur la valeur de tous les articles de commerce importés et exportés
par eux. Lesdits commissaires s'occuperont de régler avec équité le
mode de payement des nouveaux droits auxquels la présente con-
vention soumet les produits turcs destinés à l'exportation, et dé-
termineront les lieux d'embarquement dans lesquels l'acquittement
de ces droits sera le plus facile.
Le nouveau tarif établi restera en vigueur pendant sept années,
à dater de sa fixation ; après ce terme, chacune des hautes parties
contractantes aura le droit d'en demander la révision ; mais si, pen-
dant les six mois qui suivront l'expiration des sept premières années,
ni l'une ni l'autre n'use de cette faculté, le tarif continuera d'avoir
force de loi pour sept autres années, à dater du jour où les pre-
mières seront expirées, et il en sera de même à la fin de chaque
période successive de .sept années (*).
(*) y. Grande-Bretagiif, Appendice uu Traité de commerce de 1833,
CONVENTION DU 25 NOVEMBUF. IS.'iS
AU
Conclusion. La présente convention sera ratifiée; les ratifications
en seront échangées à Constantinople clans l'espace de trois mois,
ou plus tôt si faire se peut ; et elle ne commencera toutefois à être
mise à exécution qu'au mois de mars 1839.
Les dix articles qui précèdent ayant été arrêtés et conclus, le
présent acte a été signé par nous, et il est remis à Son Excellence le
plénipotentiaire de France, en échange de celui qu'il nous remet
lui-même.
Fait à Constantinople le 9 ramazan 125/i.
MOHAMMED-NOURI,
conseiller au département
des affaires étrangères.
MOUSTAPHA-KIANI,
membre du conseil
suprême d'Etat.
/il 2 KOTE DU 27 JUILLET 1839
NOTE
du 27 juillet 1839 (15 djémaziul-éwel 1255).
APPENDICE
I. Dépêche du baron de Bourqxieney au maréchal Soult, en date du
25 mai 1839 {à rébiul-éwel 1255).
H. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney , en date du
30 mai 1839 (9 rébiul-éwel 1255).
IIJ. Dépêche de lord Palmerston à lord Granville, en date du ih juin
1839 (2 rébiul-akhir 1255).
IV. Dépéclie du baron de Bourqueney cm maréchal Soult, en date du
17 Juin 1839 (4 rébiul-akhir 1255).
V. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney , même date.
YI. Dépêche de lord Palmerston à lord Granville, en date du 19 juin
1839 (6 rébiul-akhir 1255).
VII. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
20 juin 1839 (7 rébiul-akhir 1255).
VIII. Instructions de l'amiral Duper ré au contre-amiral Lalande, en date
du '26 juin 1839 (13 rébiul-akhir 1255).
I.\. Dppêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney , en date du
27 juin 1839 (l/i rébiul-akhir 1!255).
X. Projet de note envoyé par le maréchal Soult au baron Roussin le
.. juillet 1839 (.. rébiul-akhir 1255).
XI. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourquoiey, en date du
G juillet 1839 (23 rébiul-akhir 1255).
XII. Lettre du baron Roussin à lord Ponsonby, en date cbi 7 juillet
1839 (2Zi rébiul-akhir 1255).
XIII. Dépêclie de lord Granville à lord Palmerston, en date du 8 juillet
1830 (25 rébiul-akhir 1255).
XIV. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
9 juillet 1839 (26 rébiul-akhir 1255).
XV. Dépêche du même au même, en date du 11 juillet 1839 (28 rébiul-
akhir 1255).
XVI. Dépêche du même au même, en date du \^ juillet 1839 (29 rébiul-
akhir 1255).
XVII. Déjiêche du maréchal Soult aux représentants français à Vienne,
à Londres, à Berlin, à Saint-Pétersboury et à Constantinople,
en date du 17 juillet 1839 (5 djémaziul-éwel 1255).
XVIII. Dépêche du maréchal Soult au barun de Bourqueney, même date.
XIX. Note du baron de Bourqueney à lord Palmerston, en date du 19
juillet 1839 (7 djémaziul-évxl 1255).
NOTE DU 27 JUILLET 18.".9 hi'ô
XX. Note de lord Palmerston au baron de Bourqueney, en date du 22
juillet 183\) (tO djémaziul-cioel 1255).
XXI. Déprche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
23 juillet 1839 (Il djéniaziul-éivel 1255).
XXII. Note du comte de Sainte-Aulaire au prince de Metlernich,méme date.
XXIII. Note du prince de Mettcrnich au comte de Sainte-Aulaire, en date
du '2U juillet l839 (12 djémaziul-éwel 1255).
XXIV. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney, en date du
26 juillet 1839 (l/i djémaziul-éwel 1 '255).
XXV. Dépêche Uu maréchal Soult au consul-général de France à Alexan-
drie, en date du 21 juillet 1839 (15 djémaziul-éwel 1J55).
XXVI. Dépêche du baron de Bourqueiœy au maréchal Soult, même date.
XXVIL Nute de lord Beauvale au prince de Mcllerinch, même date.
XXVI IL Note du prince de Metternich à lord Beauvale, en date du 28 juil-
let 1839 (16 djémaziul-éwel 1255).
XXIX. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
31 juillet 1839 (19 djémaziul-éwel 1255).
XXX. Dépêche de lord Beauvale à lord Pahnerston, en date du V août
1839 (20 djémaziul'éwel i2ô5). Annexe : Projet de déclaration.
XXXI. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney, même date.
XXXII. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du 3
août 1839 (22 djênmziul-éwel 12r.5).
XXXIII. Dépêche du comte de Nesselrode au comte de Medem, en date du
6 août 1839 (25 djémaziul-éwel 1255).
XXXIV. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney , même date.
XXXV. Dépêche du maréchal Soult au baron de Roussin, même date.
XXXVI. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
9 août 1839 (28 djémaziul-éwel 1255).
XXXVII. Lettre du baron de Roussiii à lord Ponsonby, en date du 13 août
1839 (2 djémaziul-akhir 1255).
XXXVHL Dépêche du comte de Nesselrode au comte de Medem, en date du
16 août 1839 (5 djémaziul-akhir 1255).
XXXIX. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
17 août 1839 {6 djémaziul-akhir 1255).
XL. Dépêche du même au même, en date du 18 août 1839 (7 djémaziul-
akhir 1255).
XLI. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney , en date du
22 août 18:59 (11 djémaziul-akhir 1255).
XLÏI. Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult, en date du 5
septembre 13 j9 (25 djémaziul-akhir 1255).
XLIII. Dépêche de M. Bulwer à lurd Palmerston, en date du 16 septem-
bre 1839 (7 rédjeb 1255).
XLIV. Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult, en date du 23
septembre 1839 (16 rédjeb 1255).
XLV. Dépêche du maréchal Soult au général Sébastiani, en date du 26
septembre 1839 (17 rédjeb 1255).
XLVL Dépêche de lurd Ponsonby à lord Palmerston, en date du 30 sep-
tembre 1839 (21 rédjeb 1255).
Um NOTE DU 27 JUILLET 1S:^9
XLVn. Note du baron de Roiissin à Réchid-pacha, en date du 2 octoJyre
1839 (23 rèdjeh 1255).
XLVIII. Dépèche du ijcncral Sébistinni au maréchal Soull, en date du 3
octobre 1839 (2'4 rédjeb 1255).
XLL\. Dépéchedumêmeaumême,endateduiO octobre lS3d{\.chdban 1255).
L. Dépêche de lord Granville à lord Palmerston, en date du Ix no-
vembre 1839 (26 chàban 1255).
LL Dépêche du comte de Nesselrode à M. de Kissélcf]', en date du 22
novembre 1839 (15 ramazan 1255).
LIL Dépêche du maréchal Soult au général Sébastiani, en date du 25
novembre 1839 (17 ramazan 1255).
LUI. Dépêche du même au même, en date du 9 décembre 1839 (2 chéival
1255).
LIV. Discours de Louis-Philippe prononcé le 23 décembre 1 839 (16 ché-
wal 1255).
LV. Dépèche du comte de Nesselrode au comte de Medem, en date du 26
décembre 1839 (19 chéival 1255).
VLL Dépêche du comte de Nesselrode au baron de Brunnoiv, en date du
i" janvier 18î»0 (25 chéival 1255).
LVIL Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult, en date du 5
janvier 181x0 (26 chéival 1255).
LVin. Dépêche du même au même, en date du 20 janvier 18i0 (15 zil-
cadé 1255).
LIX. Dépêche du maréchal Soult au baron de Barante, en date du 2/i
janvier 1860 (19 zilcadé 1255).
LX. Dépêche du maréchal Soult au général Sébastiani, en date du 26
janvier 18^0 (21 zilcadé 1255).
LXI. Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult, en date du 28
♦ janvier 1840 (23 zilcadé 1255).
LXIL Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult, en date du
1/i février I8/4O (30 zilcadé 1255).
LXIIL Instruction du maréchal Soult à M. Guizot, en date du 19 février
18Û0 {IbZilhidjé 1255).
LXIV. Résumé d'un entretien de lord Palmerston avec M. Guizot, le h
mars 1860 (29 Zilhidjé 1255).
LXV. Dépêche de M. Guizot à M. Thiers,en date du V2mars 1860 (8 mo-
harrern 1256).
LXVL Dépêche du même au même, en date du 17 mars 1860 (13 moliar-
rem 1256).
LXVIL Lettre du même aumême, même date.
LXVIiL Note de M. Guizot à Nouri-éfmdi, en datcdu 28 avril \8h0 (25 sy;-
fer 1256).
LXIX. Dépêche de M. Tlders à M. Guizot, en date du ii juin 1860 (10
réblul-qkhir 1256).
LXX. Lettre de M. Guizot à M. Thiers, en date du 15 juin 1860 (16 ré-
binl-aLInr 1256).
LXXI. Note de M. Guizut à Chékib-éfendi, en date du 21 juin 1860 (20
rébiul-akhir 1256),
NOTE DU '27 JUILLET 1839 415
LXXIL Dépêche de M. Guizot à M. Tlders, en date du 11 Juillet 18Z»0
(11 djémaziul-éioel l'-'56).
LXXIIL Mémorandum remis par lord Palmerslon à M. Guizot, en date du
ib juillet 18/!iO (15 djémaziul-éwel l'2ô6).
LXXIV. Lettre de M. Thiers à M. Guizot, en date du IQ juillet 18/jO (16
djémaziul-éivel 1 25G).
LXXV. Dépêche de M. Buiwer à lord Palmerslon, en date du 20 juillet
18/|0 (-20 djémaziul-éivel 1256).
LXXVL Le l lie de Ji. lldcrs à M. Guizot, en date du 11 juillet (21 djéma-
ziul-civel 1256).
LXXVII Dépêche de lord Palmerslon à M. Buiwer, en date du 22 juillet
18ZiO (22 djémaziul-éwel 1256).
LXXVin. Mémorandum remis par M. Guizot à lord Palmerslon, en date du
24 juillet ISZiO (2Zi djénmziul-éwel 1256).
LXXXIX. Lettre de M. Tlders à M, Gidzot, en date du 31 juillet 18/i0 (1
djémaziul-akhir 1256).
LXXK. Dépêche de lord Granville à lord Palmerslon, en date du 1" août
1840 (2 djémaziul-akhir 1256).
LXXXL Dépêche de lord Palmerslon à lord Granville, en date du Ix août
1840 (5 djémaziul-akhir Î256).
LXXXII. Instruction confidentielle de M. Thiers à M. Guizot, en date du 14
août 18iO {Ib djémaziul-akhir V25(j).
LXXXilL Dépêche du baron de Stinmer au prince de Metternich, en date du
17 août 1840 (18 djémaziul-akhir 1256).
LXXXIV. Rapport du baron de Testa au baron de Stùrmer, même date.
LXXXV. Note du comte de Pontois à Réchid-pacha , en date du 19 août
1840 (20 djémaziul-akhir 1256).
LXXXVl. Résumé d'un entretien du roi des Belges avec M. Guizot à Londres
le 19 août 1840 (20 djémaziul-akhir 1256).
LXXXVIF. R'^sumé d'un entretien de lord Palmerslon avec M. Guizot, même
date.
LXXXVIIL Dépêche du baron de Stùrmer au prince de Metternich, en date du
22 août 18^0 (23 djémaziul-akhir 1256).
LXXXIX. Lettre de M. Thiers à M. Guizot, en date du 23 août 1840 (:'4
djémaziul-akhir 1256).
ex. Note de Réchid-pacha au comte de Pontois, en date du 23 août
1840 (24 djémaziul-akhir 1256).
CXI. Note du comte de Pontois à Réchid-pacha, en date du 2li août
1840 (25 djémaziul-akhir 1256).
XCII. Lettre de M. Guizot à M, Thiers, même date.
XCIII. Note de Réchid-pacha au comte de Pontois, en date du 27 août
1840 (28 djémaziul-akhir 1256).
XCIV. Dépêche de M. Buiwer à lord Palmerslon en date du 28 août 1840
(29 djémaziul-akhir 1256).
XCV. Note du comte de Pontois à Réchid-pacha, en date du 31 août
1840 (3 rédjeh 1256).
CXYL Dépêche de lord Palmerslon à M. Buiwer, même date.
/ilG NOTE DU 27 JUILLET 1839
XCVIL Lettre de M. Thiers à M Guizot en date du h septembre 18û0 (7
redjéh 1256).
XCVIIL Lettre du même au même en date du 7 septembre (10 rédjcb 1256).
XCIX. Lettre du même au même en date du 8 septembre 18ZiO (11 rédjeb
1256).
C. Note de lord Pabnerston à M. Guizot, en date du 9 septembre 18/i0
(12 rédjeb 1256).
CI. Note de lord Ponsonby au comte de Pontois, en date du 16 sep-
tembre 18/iO (19 rédjeb 1256).
en. Note de lord Pabnerston à M. Guizot, même date.
cm. Note du comte de Pontois à lord Ponsonby, en date du 17 septem-
bre 181x0 {20 rédjeb \ 2^6). ""
CIV. Dépêche de M. Thiers à M. Guizot, même date.
CV. Lettre du même au même, même date.
CVL Note du comte de Pontois à Réchid-pacha, même date.
CVII. Note de M. Guizot à lord Pabnerston, en date du 18 septembre
18/iO (21 rédjeb 1256).
CVIII. Note du même au même, même date.
CfX. Note de lord Pabnerston à M. Guizot, même date.
ex. Dépêche de M. Bulwer à lord Pabnerston, même date.
CXI. Note de lord Palmerston à M. Guizot, en date du 22 septembre
18/iO (25 rédjeb 1256).
CXII. Lettre de M Guizot au duc de Broglie, en date du 23 septembre
18i0 (26 rédjeb 1256).
CXin. Dépêche de M. Thiers à M. Guizot, en date du 3 octobre 18/i0
(6 châban 1256).
CXIV. Dépêche de lord Palmerston à lord Granville, en date du6 octobre
18/i0 (9 châban 12.96). — Annexe : Résumé d'une communica-
tion faite par le prince de Metternich au gouvernement français.
CXV. Circulaire du comte de Nesselrode aux légations russes, en date du
8 octobre 18^0 (11 châban 1256).
CXVI. Dépêche de M. Thiers à M. Guizot, même date.
CXVII. Note de lord Palmerston aux représentatifs autrichien, prussien et
russe, à Londres, même date.
CXVIII. Note du baron de Schleinitz à lord Palmerston, en date du 9 oc-
tobre 1840 (12 châban 1256).
CXIX. Lettre de M. Thiers à M. Guizot, même date.
CXX. Note du Ixiroti de Neumann à lord Palmerston, en date du 12 oc-
tobre 18ZiO (15 châban \im).
CXXI. Note du baron de Brunnow à lord Palmerstoii, même date.
CXX II. Dépêche de lord Granville à lord Palmerston, en date du 15 oc-
tobre 18/jO (18 châban 1256).
CXXIII. Dépêche de lord Pabnerston à lord Granville, en date du 20 octo-
bre 18ZiO (23 châban 1256).
CXXIV. Projut de discours présenté au roi par M. Thiers, le 20 octobre IbZjO
(23 châban 1256).
NOTE DU 27 JUILLET 1839 617
CXXV. Lciire de M. Thiers à M. Guizot, en date du 22 octobre 18.'j0 (25
chdban 125G).
CXXVL Dépêche de lord Granville à lord Palmerston, en date du 23 octo-
bre 1860 (26 chdban 1256).
CXXVn. Dépêche de lord Palmerston à lord Ponsonby, en date du 27 octo-
bre 1860 (1 ramuzan 1256).
CXXVm. Dépêche du même au même, en date du 2 novembre 1860 (7 rama-
zan 1256).
CXXIX. Discours de Louis-Philippe prononcé le 5 novembre 1860 (10 ra-
mazan 1256).
CXXX. Adresse de la Chambre des Pairs présentée au roi le 19 novembre
1860 (26 ramazan 1256).
CXXXI. Dépêche de lord Granville à lord Palmerston, en date du 6 décem-
bre 1860 (16 chéiual 1256).
CXXXII. Adresse de la Chambre des Députés présentée au roi le 7 décembre
1860 (19 chéival 1256).
C'XXXIII, Dépêche de M. Bulwer à lord Palmerston, en date du 21 aoril 1861
(28 sdfer 1257).
WOTE
collective adressée à la Sublime-Porte par les représentants d'Autriche, de France, de
la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, en date du 27 juillet 1839 (15 djémaziul-
éwel 1255).
Constantinople ce 27 juillet 1839.
Les soussignés ont reçu, ce matin, de leurs gouvernements
respectifs des instructions en vertu desquelles ils ont l'honneur
d'informer la Sublime-Porte que l'accord sur la question d'Orient
est assuré entre les cinq puissances , et de l'engager à suspendre
toute détermination définitive sans leur concours, en attendant
l'eftet de l'intérêt qu'elles lui portent.
PoNSONRY, ambassadeur d'Angleterre.
Baron de StlIrmer, internonce d' Autriche.
Comte Ronigsmarck , ministre de Prusse.
Baron Pigussin, ambassadeur de France.
A. BouTENEFF, ministre de Russie.
APPE]¥D1CE
Malgré la note collective signée par le baron Roussin le 27 jaillct 1839, la
France ne fut point partie contractante h la convention de Londres, (|iie
T. II. 27
'll8 APPENDICE
l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie conclurent avec la
Turquie le juillet I8/4O, pour défendre celle-ci contre Mohamed-Ali, pacha
d'Egypte. Le lecteur trouvera dans les documents de cet appendice les
motif:; de cet isolement de la France, et y verra l'attitude prise par elle
jus;qu'ù la chute du ministère 'i'hiers. Nous donnons plus loin {Convention de
18^1) plusieurs actes qui se rattachent à la rentrée de la France dans le
concert européen, et nous publierons à la section Autriche (V. Convention de
1840) les documents les plus importants relatifs à la question d'Egypte et
à sa solution.
I. — Dépèche du chargé d'affaires de France (baron Bourqueney)
au luinisîlre des affaires étrangères (niarcclial 8oult), en date
de Londres le 25 mai 18 39 (4 rébiul-éwel 1355).
Monsieur le Qiaréchal, ainsi que je l'annonçais à Votre Excellence, lord
Palmerston a communiqué sans relard à tous les membres du conseil la
nouvelle de la reprise des hostilités entre l'armée turque et l'armée égyp-
tienne. Le soir, au bal qui a eu lieu chez la reine, lord Mell)ourne, lord
Laiisdowe, lord Normanby, m'ont, tous les trois, à diverses reprises, ex-
posé l'aspect sérieux sous lequel ils envisageaient cet événement ; ils cher-
chaient néanmoins à si^ persuader encore que la nouvelle pouvait ne pas
être parfaitement exacte, et ils se fondaient sur le contraste qu'elle pré-
sente avec celles qui la précédaient, soit de Gonstantinople, soit d'A-
lexandrie. Quoique j'eusse entouré de tout le secret possible ma commu-
nication, elle avait déjà transpiré. Dans la soirée Reschid -Pacha, qui de-
vait prendre aujourd'hui congé de la reine, informé directement par lord
Palmerston, annonçait tout haut qu'il avait suspendu son départ ; le comte
Orloff savait aussi la nouvelle, et, sans la commenter dans ses conséquen-
ces, il en proclamait la gravité avec affecl.ilion.
Lord Palmerston a désiré me voir aujourd'hui. Nous avons eu une nou-
velle conférence qui a duré deux heures. Le temps me manque pour en
rendre un compte détaillé à Votre Excellence ; mais j'aime mieux me bor-
ner aux points principaux de la conversation que d'en ajourner une analyse .
plus complète.
Lord Palmerston venait de recevoir la dépêche de lord Granville qui
confirme entièrement celle que je lui ai communiquée hier, et qui ajoute
même que la nouvelle est arrivée à Malte de deux points différents, de Syra
et d'Alexandrie. Nous avons laissé les doutes d'hier de côté, et, le mal ad-
mis, il ne s'est plus agi que du remède.
Lord Palmerston a commencé par rae déclarer qu'il allait rae soumettre
ses vues personnelles sur l'étal de la question, que lundi il les propose-
rait ou conseil, mais que rien n'y serait arrêté il'uue manière définitive
avant les réponses de Paris, Je n'ai pas besoin d'ajouter que, dans celle
lon"ue conversation, j'ai toujours eu soin de rae présenter comme dé-
APPENDICE /,19
pourvu de toute instruction, de manière qu'aucune de mes paroles ne pas-
sât pour l'expression, même la plus allaiblie, de la pensée de mon gou-
vernement.
Lord Palmerston, monsieur le maréchal, a posé d'abord une liypolhèse
de laquelle découle tout l'ordre d'idées dans lequel il s'est placé :
« Je prends pour point de départ, m'a-t-il dit, que le but de notre po-
litique commune est la conservation de l'empire ottoman, comme la moins
mauvaise garantie du maintien de l'équilibre européen ; il y a chez nous,
comme en France, une certaine opinion favorable au développement de
la puissance égyptienne. Cette opinion, le cabinet anglais ne la parla^'e
pas, mais c'est une des difiicultés nombreuses qu'il rencontre sur sa route
dans les affaires d'Orient.
« La conservation de l'empire ottoman admise comme but, nous avons
à le défendre de ses amis et de ses ennemis.
a L'événement actuel nous surprend et nous laisse dans l'ignorance de
ce que nous avons à craindre des amis de l'empire ottoman ; c'est une
éventualité à laquelle nous aurons à parer plus tard ; commençons par les
ennemis.
« Le fait d'agression (attribué par la nouvelle télégraphique aux Turcs)
a son importance morale, car il y a un principe de justice, dont nous ne
pouvons méconnaître la puissance, dans une première disposition h faire
retomber les conséquences de la guerre sur l'agresseur; mais nous devons
en même temps nous rappeler que nous ne nous sommes jamais portés
garants des arrangements de Kutaieh, (jue nous n'avons jamais, par un acte
quelconque, oblitéré la qualité de vassal dans !e vainqueur et de souverain
dans le vaincu ; nous avons cédé h la force des choses ; ces choses venant
il changer, il y aurait à examiner jusqu'à quel point le souverain a le droit
de ressaisir par les armes ce que les armes du vassal lui ont enlevi\
« Passons encore sur le fait d'agression et supposons-le résolu en fa-
veur de l'Egypte ; nous ne pouvons vouloir ni que le pacha victorieux de
nouveau remette l'empire ottoman au bord de sa ruine et le force à se
jeter dans les bras de la Russie, ni que le sultan, excité par de premiers
succès (succès bien douteux !), laisse la paix de l'Europe en péril tout le
temps qu'il lui plaira d'aller disputer au pacha ses dernières conquêtes et
peut-être ses anciennes possessions.
« Notre premier devoir est donc d'arrêter le plus tôt possible la colli-
sion si malheureusement entamée : avec quels moyens d'action ? dans
quelles limites ?
« Les moyens d'action peuvent être de deux sortes : des vaisseaux et
des troupes de débarqueuienl. J'ignore s'il entrerait dans les vues du
gouvernement français d'envoyer sur le théâtre des événements un corps
expéditionnaire; occupés comme nous le sommes dans l'Inde et en Anié-
û'20 APPKNDICE
riqiie, nous ne pourrions y paraître nous-mêmes avec une force suffisante
en temps ulile. Celte dernière condition s'appliquerait aussi Ji l'interven-
tion militaire de la France, car un corps expéditionnaire devrait être au
moins de quinze mille hommes, et le temps de le réunir et de l'embarquer
ne saurait être moins de deux à trois mois. Restent donc les escadres.
Celles-là sont sur les lieux, et peuvent même être rapidement accrues.
Nous avons huit vaisseaux dans l'Archipel et deux dans le Tage. Nos es-
cadres réunies suffisent k tous les événements de mer.
« Les instructions de nos amiraux devraient prévoir deux cas : celui
où, en se présentant sur la côte de Syrie, ils trouveraient le pacha victo-
rieux, celui oii ils arriveraient pour assister à sa défaite.
« Si l'avantage est resté aux armes du pacha, nos amiraux auraient h
lui intimer l'ordre de s'arrêter dans la situation oii il serait à leur arrivée,
sous menace de voir ses communications coupées avec Alexandrie et tout
ravitaillement par mer rendu désormais impossible. Un nombre suffisant
de vaisseaux paraîtrait en même temps devant Alexandrie, déclarerait le
port en état de blocus jusqu'à ce qu'Ibrahim eiit reçu l'ordre de son père
de suspendre sa marche victorieuse, empêcherait la sortie de la flotte
égyptienne, si elle était dans le port, et ne permettrait sa rentrée, si elle
était en mer, qu'après l'acceptation des conditions proposées.
« Si l'armée ottomane a commencé par des succès, la môme intimation
sera faite au pacha qui la commande ; nos amiraux auraient à user de toute
leur influence pour le déterminer à ne pas pousser ses avantages au delà
d'une portion de territoire (qu'il s'agirait de fixer en commun ), et ils lui
annonceraient qu'ils demanderont sans retard les instructions de leur gou-
vernement pour le cas éventuel oii leur conseil resterait sans efl'et. Pen-
dant ce temps, les efl"orts de nos deux missions à Consiantinuple s'exerce-
raient sans relâche pour contenir le Sultan dans les bornes d'une sage mo-
dération. »
Telle est en peu de mots, monsieur le maréchal, l'action navale des
deux puissances, telle que la comprend lord Palmerston, telle qu'il la
proposera lundi au conseil, telle qu'il la soumet au gouvernement du roi.
Il a ajouté comme de raison, que celte action, pour être efficace, doit
être immédiate et qu'il n'y a pas un moment à perdre pour combiner les
mouvements de nos flottes, et préparer les instructions de nos amiraux.
Je passe à l'action diplomatique.
Lord Palmerston est d'avis que nous nous présentions sans retard àVienne
unis d'intentions et d'elforts pour la conservation de l'empire ottoman,
que nous y exposions franchement le but que nous nous proposons d'at-
teindre, et que nous pressions l'Autriche d'y concourir par tous les moyens
en son pouvoir. Une démarche de môme nature aurait lieu en même temps
à Berlin.
APPENDICE i21
« Ici, encore, «a repris lord Palraerston, «nous avons deux cas diiïérents
à prévoir. La Porte peut avoir déjà imploré el reçu les secours do la Rus-
sie PII hommes et en vaisseaux ; elle peut les avoir demandés et la Russie
hésiter à les accorder.
« Dans le premier cas, nous devons proposer au cabinet autrichien de
s'unir à nous pour déclarer que l'Europe occidentale exige, au nom de
l'équilibre européen, que les troupes auxiliaires russes rentrent imniédia-
tement sur leur territoire iiprès avoir accompli l'objet de leur mission, cl
sans qu'il puisse en résulter pour le gouvernement russe ni conquêtes, ni
stipulation d'avantages commerciaux ou politiques. Celte déclaration,
quelle que fiît sa forme, devrait être péremploire au fond, et ne laisser à
la Russie aucune incertitude sur les conséquences auxquelles une conduite
opposée à celle de ses alliés l'exposerait inévitablement.
« Dans le second cas, nous presserions la cour de Vienne de proposer
avec nous à Pétersbourg un concert préalable entre les cinq grandes
puissances, concert dont le but serait le maintien de l'indépendance de
l'empire ottoman, et dont l'action se fixerait en commun. Nous réglerions
alors le rôle auxiliaire de la Russie, et nous l'enfermerions dans les limiles
d'une entente commune.
(( Dans ces deux hypothèses, nous atténuerions, autant qu'il est en nous,
le désastreux effet des destinées de l'empire ottoman commises unique-
ment à la Russie. »
Tel est, monsieur le maréchal, le résumé le plus fidèle que ma mémoire
a pu reproduire de mes deux conférences avec lord Palmerston, Je crois
avoir rendu sa pensée exacte. J'ose supplier Votre Excellence de vouloir
bien me metlrele plus promptement possible à même de lui faire connaî-
tre le jugement qu'en portera le gouvernement du roi.
Veuillez agréer, etc.
II. — Dépèche «la maréchal Sonlt aa baron de Bonrqneney, en
date da 30 mai 1839 (9 rébinl-éwel 1255).
Monsieur, j'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de
ra'écrire jusqu'au N° /jS inclusivement. Leur contenu étant de nature à
me faire penser que vous aurez bientôl à me transmettre des informations
plus précises sur les vues du cabinet britannique, par rapport à l'état ac-
tuel de l'Orient, je me réserve de discuter alors quelques-unes des opi-
nions que vous a exprimées à ce sujet lord Palmerston. Je me bornerai
pour le moment à remarquer que ce ministre me semble prendre un peu
trop facilement son parti d'une seconde expédition russe à Constanlino-
ple, moyennant des garanties peut-être illusoires ; je crains aussi qu'il
n'apprécie pas d'une manière sufiisamment impartiale la position respec-
Z,22 APPENDICE
tive de la Porte et de Méhémel-Ali. A Vienne, on est à cet égard dans
des dispositions très-équitables. Avant même de connaître les derniors
événements, M. de Metlernich venait de se décider k une importante dé-
marche. Frappé du danger dont les chances toujours imminentes d'une
collision entre le Sultan et son puissant vassal, menaçaient depuis six ans
la paix du monde, il allait, suivant ce que M. le comte Appony m'a an-
noncé de sa part, charger l'internonce d'appeler l'attention de la Porte
sur la convenance d'un arrangement qui, en accordant au fils de Méliémet-
Ali l'hérédité du gouvernement de l'Egypte, en rassurant par conséquent
le vice-roi sur le sort de sa famille, calmerait en lui celte agitation inquiète
tant redoutée, dit-on, à Gonstanlinople.
Bien qu'avant d'avoir reçu des informations plus complètes, et de nous
être concertés avec nos alliés, nous ne puissions évidemment penser à
arrêier une détermination définitive sur la grave question qui vient de
surgir, il est certaines mesures préliminaires tellement indiquées par la
situation, que nous avons dû les prendre sur le champ. On sait déjà à
Londres, que nous avons demandé aux chambres de nous ouvrir un cré-
dit destiné à couvrir les frais des armements maritimes qui pourront deve-
nir nécessaires. L'accueil fait k cette demande prouve qu'elle sera volée
avec empressement. J'ai, de plus, envoyé à M. l'amiral Roussin et à
M. Cochelet des instructions qui leur prescrivent d'insister pour que les
hostilités cessent, si elles ont commencé, et pour qu'en tout cas les ai'-
mées rentrent, de part et d'autre, dans les positions occupées par elL's
avant la marche des Turcs vers le point frontière des territoires respec-
tifs. Ces instructions seront remises à leur destination par deux de mes
officiers d'ordonnance, qui se rendront ensuite, l'un en Asie-Mineure,
l'autre en Syrie, à l'effet de constater l'état des choses, et, s'il y a lieu,
de faire entendre, avec énergie, aux deux parties des paroles de prudence
et de raison. Enfin, Monsieur, je viens d'écrire à M. de Sle-Aulaire,
à M. Bresson, et à M. de B.irante, pour les charger de s'enlendre avec
les cabinets au[)rès desquels ils sont accrédités, sur la marche à suivre
dans les conjonctures actuelles. J'ai particulièrement recommandé à M. de
Barante de s'attacher à pénétrer si le gouvernement russe penserait à
étendre la portée du traité d'Unkiar-Skélessi à un état de choses auquel il
ne s'applique évidemment pas, puisque ses stipulations sont formellement
conçues dans la prévision d'une attaque dirigée contre la Porte, et non
d'une lutte dont la Porte prendrait elle-même l'initiative. Je n'ai pas be-
soin d'ajouter que M. de Barante devra mesurer son langage den.anière à
éviter ce qui pourrait faire supposer que nous reconnaissons, même dans
le sens le plus restreint, la validité d'un traité contre lequel nous avons
protesté en 1833, comme aussi ce qui donnerait à croire qu'indépendam-
ment de ce traité, ou de tout autre engagement formel, nous fussions dis-
API'KNUICE Zl'23
posés à tolérer, soit le renversement du trône du Sultan, soit le déraeiu-
breraent de l'empire.
Veuillez, Monsieur, donner connaissance à lord Palmerston, désinfor-
mations contenues dans la présente dépêche.
Recevez, etc.
III. — Dôpèolic «In niinKtro dos nfTairps étrangères (Palmerston),
À rnnihassacleiir l>rit:)iinî(|ii<- (lurii (iranville), à Paris, en date
dn 15 juin 18S9 (S réhiul-aiiliir 13.15).
Mylord, je dois prier V. E. de communiquer au gouvernement français
que les nouvelles, reçues de Marseille, au commrncement des liostilités,
ont déterminé le gouvernement do S. M. à expédier les instructions h
l'amiral M. l{ol)ert Slopford,sans délai ulléri^'ur, afin que le courrier n'ar-
rivât par trop tard pour le départ du paquebot de Marseille, et parce que
V. E. nous a informé que le gouvernement français approuve la teneur
générale de ces instructions.
Si des communications subséquentes entre les deux gouvernements
amenaient quelques modifications dans ces instructions, il sera facile
d'expédier ces modifications plus tard.
J'ai l'honneur, etc.
IV, — Dépêche (extrait) du baron de Bourc|neney an maréchal
Soult, en date du 17 juin 183» (4 réhiul-akbir 1355).
Hier lord Palmerston m'a écrit pour me prier de passer chez lui, m'an-
nonçimt qu'il désirait m'entretenir des affaires d'Orient. Je m'y suis
rendu sans retard. J'avais évité depuis quelques jours de presser trop
vivement la réponse aux ouvertures que Votre Excellence m'avait chargé
défaire au cabinet anglais; mais la réponse annoncée, j'ai cru devoir
témoigner le plus vif empressement de la rtcevoir de la bouche de lord
Palmerston.
Lord Palmerston m'a annoncé que le Conseil avait enfin délibéré samedi
sur les affaires d'Orient, et qu'il éti^it à même de me communiquer le ré-
sultat de cette délibération. Il a eu soin d'ajouter que le prince Esterhazy
ne la connaîtrait qu'après moi.
«Vous n'avez eu jusqu'ici, «a commencé lord Palmerston,» que mes pro-
pres impressions sur la question d'Orient; je vais vous donner aujourd'hui
l'opinion arrêtée du Conseil ; celte opinion, je vous prie de la porter à la
connais>ance de votre gouvernement, mais d'ajcuter, en la trarsuiellant,
que nous attendrons, pour agir, le jugement qu'il en portera lui-même. »
Je vais, monsieur le maréchal, résumer, aussi sommairement et aussi
l^•2t^ APPENDICE
ndèlement qu'il nie sera possible, tout ce que ma mémoire a retenu et ma
raison classé du résultat des délibérations du Conseil.
Le conseil a décidé :
Que l'Angleterre devait marcher dans un accord intime avec la France ;
que tout était impossible sans cet accord : tout facile, possible au moins,
avec lui.
Le Conseil a divisé la question en deux parties :
1» L'action immédiate pour l'éventualité d'un conflit déjà commencé enlre
les armées lurqueet égyptienne; 2° la négociation de l'arrangement des-
tiné à rendre le retour de ce conflit impossible.
L'envoi immédiat de nos deux escadres sur la côte de Syrie a été jugé
indispensable.
Nos amiraux auraient l'ordre, s'ils trouvaient les hostilités commencées,
de sommer les deux généraux d'arrêter sans délai la marche de leurs ar-
mées, et même d'augmenter le rayon de distance qui séparait encore, il y a
six semaines, les deux avant-gardes. Leur sommation serait accompagnée
de la déclaration, au nom de leurs gouvernemenls, qu'à Conslantinople
et à Alexandrie les grandes puissances de l'Europe traitent d'un arrange-
ment qui doit satisfaire les justes prélenlions des deux parties.
Si les Turcs refusaient de s'arrêter, nos amiraux expédieraient sans re-
tard à Constanlinople deux officiel s de nos escadres pour annonce)- à nos
ambassadeurs le refus du commandant de l'année ottomane d'obtempérer
à nos conseils, et ils le rendraient responsable d'une aussi grave atteinte
portée aux relations de la Porte avec toutes les j)uissances de l'Europe.
Nos escadres conserveraient une attitude expectante sur la côte de Syrie.
Si les Egyptiens méprisaient notre sommation, nos amiraux auraient
l'ordre d'empêcher tout ravitaillement par mer, et ils détacheraient une
partie considérable de l'escadre sur Alexandrie où nous paraîtrions en
force imposante et la menace du blocus à la bouche, dans le cas où Mé-
hémet-Ali refuserait d'arrêter la marche de son fils.
Le Conseil a pensé que cette démonstration suffirait pour empêcher les
hostilités d'éclater, si elles n'avaient pas eu lieu, — pour les arrêter, si
elles avaient déjà commencé.
Pendant ce temps, nous ouvririons à Constantinople et à Alexandrie
une négociation sur la double base de la constitution de l'iiérédité de l'E-
gypte dans la famille de Méhémet-Ali et de l'évacuation de la Syrie par
les troupes égyptiennes. L'opinion du Conseil est que nous ne rencontrerions
aucune difficulté sérieuse à Constantinople, et que, s'il s'en présentait à
Alexandrie, il suffirait d'y convaincre le pacha de notre union pour en
triompher. Le Conseil n'a fixé ni lieu ni la forme de la négociation ; il n'en
a que posé la base et reconnu l'indispensable nécessité pour rasseoir la
paix du monde sur un fondement solide.
APPENDICE UIÔ
Pour le su(xès de celte négocialion, le Conseil compte sur rellicacité
de la coopération de l'Autriche ; mais cette coopération doit être, selon
lui, dominée, entraînée par l'union de nos deux cabinets. Un seul doute
à Vienne sur cette union, et nous n'y aurons plus que des paroles.
Enfin, monsieur le maréchal, le Conseil a examiné le cas où, désa-
voués par les événements au delà même des bornes d'une prévision rai-
sonnable, nous trouverions les Russes établis à Constanlinople, ou en
marche vers la capitale de l'empire oUoman. Cette immense question a
été disculée sous la profonde impression qu'a causée ici la phrase de la
dépèche du n° 16 de Votre Excellence : « Je crains qu'on n'ait pris h
Londres bien facilement son parti d'une nouvelle expédition russe. » Le
Conseil a pensé que, dans ce cas, nos escadres devraient paraître devant
Constanlinople, en amies, si le sultan acceptait nos secours, de force s'il
les refusait. On a même discuté militairement la question du passage des
Dardanelles ; on le croit possible, mais dangereux, pendant les six mois
d'hiver où le vent souffle do la Méditerranée. On le regarde comme facile
pendant les six autres, mais avec des troupes de débarquement. Je n'ai
pas besoin d'ajouter, monsieur le maréchal, que ce dernier parti n'est, si
je puis m'exprimer ainsi, qu'une conjoncture extrême, mais devant la
réalisation de laquelle ma conviction est qu'il ne tiendrait qu'à nous d'em-
pêcher l'Angleterre de reculer.
Voilà, monsieur le maréchal, l'analyse exacte des décisions arrêtées
par le Conseil de cabinet qui s'est tenu avant-hier. Ma dépèche les por-
tera à Votre Excellence avant une communication plus directe et plus
détaillée que prépare en ce moment lord Palmerston. J'ai insisté sur la
rédaction d'un projet d'instruction aux amiraux ; de semblables questions
De sauraient être trop précisées. Le projet sera communiqué par lord
Granville à Votre Excellence.
Le prince Esterhazy m'a remplacé chez lord Palmerston. Il aura reçu
les mêmes ouvertures que celles qui venaient de m'ètre faites (à certaines
réticences près). Le prince est plein d'espoir dans le succès de la négocia-
tion turco-égyptienne.
L'ambassade russe écoute, regarde, mais hésite dans son action comme
dans son langage. Nous avons eu bien des Russes depuis un mois à Lon-
dres, monsieur le maréchal, et des plus haut placés dans la confiance de
l'empereur. Je hasarde timidement une opinion formée à la hâte; mais
il me semble évident que de ce côté-là on n'est pas prêt non plus pour les
partis extrêmes.
J'ose supplier Votre Excellence, monsieur le maréchal, de vouloir bien
me faire connaître aussitôt qu'il lui sera possible l'opinion que se sera
formée le gouvernement du roi du plan proposé par le gouvernement bri-
tannique. Cette opinion sera décisive sur la marche des événements.
Û26 APPENDICE
Il y a longtemps que je n'avais aussi bien senti qu'aujourd'hui de quel
poids la France pèse dans la balance de l'Europe,
\, — Dt-iiêelie «lu niaréolial Sonlt an 1>aron de Bourqncne;^, en date
du 19 juin 1839 (4 rébiul-akhir 1355).
Monsieur, je réponds h la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'é-
crira le l/{ de ce mois, sous le N° 52.
Ma précédente expédition vous a fait connaître la réponse du cabinet
de Vienne à nos premières communications sur les affaires d'Orient. Vous
trouverez dans les extraits ci-joinis de deux dépêches de MM. de Barante
el Biesson, les seules données que nous ayons encore sur les dispositions
de la Prusse et de la Russie. A Berlin, je vous l'ai déjà dit, on est tout
disposé à s'unir, pour maintenir la paix, aux démarches des autres |)uis-
sances. ASaint-Pétershourg, où nos communications n'étaient pas encore
parvenues, M. de Barante supposait, d'après des indices dont la force ne
me paraît pas décisive, le cabinet russe enclin à saisir tout prétexte ho-
norable de ne pas se jeter dans les embarras qu'entraînerait l'application
du traité d'Unkiar-Skélessi.
Les dépêches arrivées, il y a trois jours, par le paquebot de l'Orient,
ne nous ont apporté aucune nouvelle tant soit peu importante. Les ar-
mées étaient toujours en présence sur le bord de l'Ëuphrate; il y avait
même eu entre quelques soldats une légère escarmouche; mais rien n'an-
nonçait, de la part des chefs, la volonté d'en venir aux mains. S'il faut en
croire, d'ailleurs, les rapports envoyés par Ibrahim-Pacha à son père, les
Turcs seraient peu en mesure de commencer les hostilités. Leur armée
ne s'élèverait pas au-dessus de 36,000 hommes affaiblis même par le dé-
faut d'approvisionnements sufTisants, el parla dé'^ertion. Aussi, commen-
çait-on à croire h Alexandrie qu'il n'y aurait pas de guerre; c'était même
l'opinion du vice- roi. A Gonslantinople, on était moins rassuré, parce
que, à travers les protestations pacifiques de la Porte, ses intentions hos-
tiles éclataient dans l'empressement qu'elle mettait à chercher, jusque
dans les moindres circonstances et dans les bruits les plus invraisembla-
bles, des griefs contre Méliémet-Ali.
Je viens de résumer, en peu de mots, l'état des choses tel qu'il se pré-
sente en ce moment, c'est-à-dire, propre à justifier encore de très-sé-
rieuses in(iuiétu(!es. Vous en jugerez plus complètement, d'ailleurs, par
les extraits ci-joints de la correspondance d'Ej;y|jte et de Constantinople.
Je vais maintenant vous mettre en mesure de répondre aux questions
que vous a adressées lord Palmerston, sur l'opinion que s'est formé le
AP1>ENDICE i27
gouvernement du roi des dispositions à prendre dans 1(3 but de pourvoir
aux nécpssilés du moment.
Le gouvernement du roi reconnaît l'utilité et la convenance d'un con-
cert entre les grandes puissances pour aviser aux moyens d'assurer, par
une altitude et un langage communs, le maintien de l'empire ottoman ; il
pense que c'est à Vienne que pourrait èlre établi, de la manière la plus
avantageuse, le siège des déiihérations qui s'ouvriront à cet effet.
Il croit que pour empêcher les liosiililés, si elles n'ont pas encore
éclaté, ou pour y mettre fin, si malheureusement elles avaient déjà com-
mencé, les escadres anglaise et franc lise doivent, en s'arrogeant une
sorte de médiation armée, se constituer maîtresses de la mer; imposer aux
forces maritimes de TEtryple et de la Porte une entière inaction ; et les
déterminer même à rentrer dans leurs ports, si elles en sont sorties.
L'escadre anglaise paraît devoir être forte de dix vaisseaux de ligne,
sans compter les autres bâtiments. La nôtre sera portée aussi à dix vais-
seaux, et comptera, de plus, quatre ou cinq frégates, avec quatre bateaux
à vapeur et d'autre bâtiments plus légers. Déjà, sept vaisseaux sont réunis
à Srayrne, ou en roule pour .s'y rendre. Les trois autres partiront ti'ès-
prochainement. Il importe que des instructions, non pas communes, mais
inspirées par une pensée identique, et que les deux cours se communi-
queraient au préalable, soient envoyées, sans retard, aux commandants des
deux escadres pour diriger leurs opérations. Lorsqu'on saura, dans l'O-
rient, que de telles forces agissent dans un même esprit, et tendent vers
le même but, il n'est pas possible de supposer que soit la flotte du sultan,
soit celle du paclia, veuille s'exposer à lutter contre elles. Je dis plus :
leur développement, en rendant la guerre presqu'impossible, ôtera à la
Russie tout prétexte de mettre en mouvement sa flotte de Sébaslopol, ou
même son armée de terre.
Pour mieux atteindre le résultat que nous avons en vue, peut-être se-
rait-il à propos que le pavillon autrichien se montrât au milieu de l'es-
cadre combinée française et anglaise : une ou deux frégates, avec quel-
ques bâtiments légers seraient suffisantes pour cela. Il est à remarquer,
au surplus, que M. de Melternicli en a déjà exprimé la pensée.
Telles sont, Monsieur, les mesures qui me paraissent devoir être adop-
tées sans relard, si l'on ne veut pas se laisser surprendre par les événe-
ments. J'arrive à celles qui, lorsque dns délibérations formelles seraient
ouvertes entre les cabinets, pourraient être piises pour terminer la crise
actuelle, et en prévenir à jamais le renouvellement.
Dans le cas où nos déclarations et l'altitude de nos escadres n'auraient
pu empêcher les deux parties de prendre les armes, ou ne les leur auraient
pas fait déposer immédiatement, la nécessité d'une action comnmne des
grandes puissances deviendrait évidente; et il n'y a pas lieu d'espérer
628 APPENDICE
qu'on pût alors décider la Russie à ne pas intervenir matériellement dans
une question où ses intérêts seraient si directement engagés. Ce qu'il fau-
drait obtenir, c'est que son action fût déterminée et limitée de concert
avec les autres cours ; c'est qu'elle se liât à celle que la France et l'An-
gleterre auraient, de leur côté, h exercer; c'est qu'enfin, par le fait, une
convention européenne remplaçât les stipulations d'Unkiar-Skélessi. Je
n'ignore pas tout ce qu'un pareil projet rencontrerait d'obstacles de la
part du cabinet de Saint-Pétersbourg, dont la politique a éié constam-
ment de tenir, autant que possible, ses relations avec la Tuiquie, en de-
hors du droit européen. C'est pour le même motif qu'on est fondé à
craindre qu'il ne veuille pas se prêter à des négociations suivies par voie
de conférences permanentes. Cependant, il aurait peu d'arguments tant
soit peu spécieux à faire valoir pour repousser des combinaisons évidem-
ment sujigérées par le désir de la paix, et appuyées par tous ses alliés.
Il me reste à parler du but final de ces négociations, de l'arrangement
par lequel il serait possible de placer le sultan et son puissant vassal dans
une situation plus satisfaisante pour l'un et pour l'autre, plus rassurante
pour la tranquillité de l'Orient que celle où ils se trouvent depuis six an-
nées.
La nécessité de concéder à Méhémet-Ali l'investiture héréditaire d'une
partie au moins de ses possessions actuelles, paraît maintenant admise
d'une manière à peu près générale. On a compris qu'au point de gran-
deur où il est paivenu, le besoin d'assurer l'avenir de sa famille, et de
la mettre, après sa mort, à l'abri des vengeances de la Porte, se fait sen-
tir trop impérieusement à son esprit, pour qu'il puisse se livrer à des pen-
sées vraiment pacifiques, tant qu'il n'aura pas obtenu quelque satisfaction
à cet égard.
D'un autre côté, on ne peut pas se flatter de l'espoir que la Porte con-
sente à lui accorder ce surcroît de force morale, si, par compensation,
on ne lui donne pas à elle même quelque avantage qui lui fournisse une
garantie matérielle contre les entreprises éventuelles d'un ennemi dont
elle aurait ain.^i accru la puissance. La nature et l'étendue de cet avantage
ne sont certes pas faciles à déterminer. Lord Palmerston pense qu'il ne
faudrait pas moins que la rétrocession de la Syrie tout entière. A Berlin,
on semble admettre que le sultan pourrait se contenter d'une partie seu-
lement de celte province. Quant à nous, Monsieur, nous reconnaissons
que la Porte aurait droit à uue compensation réelle, mais nous croyons
que le moment d'en fixer la nature et la proportion n'est pas arrivé;
qu'une question pareille ne peut être résolue que d'après des données
diverses et compliquées dont l'appréciation ne peut être l'œuvre d'un mo-
ment; et que ce point doit être renvoyé au concert qui, si nos vues vien-
nent à prévaloir, s'êtabUra entre les puissances.
APPENDICE Û29
Veuillez, Monsieur, donner lecture h lord Palmerston de la présente
dépêche. En exposant ainsi au cabinet de Londres, l'ensemble de noire
manière de voir sur les graves circonstances du moment, nous lui don-
nons un gage non équivoque de la confiance qu'il nous inspire, et du dé-
sir que nous avons de marcher avec lui dans le plus parfait accord. Lord
Palmerston comprendra de lui-même qu'au nombre des idées que vous
êtes chargé de lui faire connaître, il en est d'hypothétiques, et que les
événements ou même de plus mures réHexions peuvent beaucoup modi-
fier.
Recevez, etc.
P. S. — Nous attendons impatiemment votre réponse et la communi-
cation que lord Palmerston s'empressera sans doute de vous faire de la
décision du Cabinet de Londres, au sujet des délibérations communes
dont nous proposons d'établir le siège à Vienne, aussi bien que des ins-
tructions destinées à l'amiral Stopt'ord.
VI. — Dépêche de lord Palmerston A, lord Ciranville, en date du
19 juin 1839 (6 rébiul-akhir 1355).
Mylord, l'écrit ci-joint renferme le résumé des instructions que le
gouvernement de S. M. veut donner à M. Robert Stopford, commandant
en chef des forces navales de S. M. dans la Méditerranée, et au sujet
desquelles il demande h connaître, au préalable, l'opinion du gouverne-
ment français.
La possibilité de l'arrivée des escadres anglaise et française à Gons-
tantinople, au cas que des troupes russes occupassent le territoire turc,
est la partie de ces instructions qui font exiger quelque attention. Il pa-
raît évident qu'audit cas cette mesure serait très-désirable, et que ce
serait là le meilleur, sinon le seul moyen de neutraliser réellement les
mauvaises conséquences qui pourraient résulter de l'entrée des Russes en
Turquie ; mais si ce mouvement devait avoir lieu malgré une résistance
vigoureuse des forts turcs des Dardanelles, il ne serait pas facile de le
faire, à moins que la flotte ne portât des troupes qui pourraient être dé-
barquées pour enlever les forts, en les attaquant par les derrières. Cette
opération ne serait pas difficile et n'exigerait pas beaucoup de troupes ;
car, quoique les batteries soient redoutables pour les bâtiments à cause de
l'étroilesse du canal, de la force du courant qui descend vers la Méditer-
ranée, et de la direction identique à celle du courant que suit le vent,
dans cette saison de l'année, lesdits forts sont cependant faibles du côté
de terre, et pourraient être pris l'un après l'autre par un petit corps de
troupes qui les attaquerait par les derrières.
Mais il est probable que si l'armée turque a été défaite et que les
^30 APPENDICE
Russes fussent entrés en Turquie, le suUan accordera avec plaisir !a
l)eruiission (s'il ne leur a pas déjà adressé l'invitation) aux escadres
anglaise et française de se rendre à Gonslantinople; et comme ces esca-
dres y viendraient en amies pour protéj^'er le sultan et non pas en enne-
mies pour l'attaquer, il si;ra difficile aux Russes de lui suggérer un motif
plausible pour refuser une pareille protection.
Je suis, etc.
\H, D<^pèche du baron de Bourqueney au maréchal Suult, en
date du ZO juin 183» (7 rébiul-akliir 1255).
Monsieur le maréchal, j'ai reçu hier la dépêche N° 23 que V. E, m'a
fait l'honneur de m'adresser sous la date du 17 juin, avec les extraits des
dernières correspondances de Péiersbonrg, Vienne, Berlin, Gonslan-
tinople et Alexandrie. J'ai annoncé à lord Palmerslon que j'avais à lui
faire une communication, au nom dn gouvernement du roi, sur les
affaires d'Orient. Lord Palmerslon m'avait fixé un rendez-vous le jour
même, mais la séance de la Chambre des communes ayant commencé
par un vote important auquel il ne pouvait s'empêcher de prendre part,
ina visite, etc.
Ma dépêche N^ôS, qui s'est croisée avec celle de V. E. , contenait déjà
une réponse à la plupart des questions sur lesquelles V. E. me charge
de provoquer une décision du cabinet anglais ; ma conférence d'aujour-
d'hui me permettra de compléter mes informations.
J'ai remis k lord Palmerslon la dépêche de V. E, et je l'ai prié de la
lire lui-même et d'en bien peser le fond et la forme.
Lord Palmerslon, après avoir lu la dépêche, m'a dit ces propres
paroles : « Nous nous entendons sur tout, noire accord sera complet.
Principes, but, moyens d'exécution, tout est plein de raison, de sim-
plicité et de clairvoyance. Ce n'est pas la communication d'un gouver-
nement à un autre gouvernement ; on dirait plutôt qu'elle a lieu entre
collègues, entre les membres d'un même cabinet. »
J'ai prié alors lord Palmerslon de me permettre de reprendre succes-
sivement les points sur lesquels j'apercevais quelques différences, légères
k la vérité, mais réelles, entre l'exposé des vues du gouvernement du
roi et l'opinion du cabinet anglais telle qu'il me l'avait développée dans
sa dernière conversation.
J'ai commencé par les instructions aux amiraux : lord Palmerslon m'a
dit que lord Granville avait élé chargé de communiquer à V. E. un projet
d'instructions qui se rapprochait tellement de l'esprit tt de la lettre de
la dépêche dont il venait de prendre lecture qu'il regardait la question
d'identité comme résolue. Je lui ai fait observer que notre action navale
élail proposée sous la forme de médiation et, par conséquent, avec le
caractère d'impartialité qui convient à ce rôle; c'est-^i-dire que nous
parlerions le même langage au commandant de la flotte ottomane et à
celui de la flotte éi;yptienne. Lord Palmerston ne s'est plus montré,
comme le premier jour, opposé h ce plan ; il m'a ajouté que dans le
projet d'instructions trar.smis k lord (iranville, pour être communiqué à
V. E., on proposerait môme de séparer les deux flottes et de leur faire
prendre h l'une la route de Constantinople, à l'autre celle d'Alexandrie.
Lord Palmerston a partagé de plus, l'opinion écrite par V. E. sur l'avan-
tage de réunir ainsi l'eirct moral que ne manquera pas de produire en
Orient, et ailleurs, ce vaste et imposant développement de nos forces ma-
ritimes.
Passant des instructions aux amiraux Ji la force respective des escadres,
lord Palmerston a appris avec une véritable satisfaction l'accroissement
que nous nous apprêtions à donner h la nôtre, et il m'a confirmé que la
flotte anglaise, déjà de huit vaisseaux de ligne, serait incessamment
portée à dix, qu'il s'y joindrait quatre ou cinq frégates, trois bâtiments
à va|)eur et un nombre assez considérable de bâtiments légers.
Revenant ensuite au cas peu vraisemblable où nos escadres, en arrivant
sur les côtes de Syrie, trouveraient déjà les Russes en marche vers le
théâtre de l'événement, lord Palmerston m'a répété que le cabinet
anglais proposait que nos amiraux, après avoir fait aux deux parties belli-
gérantes la sommation de cesser les hostilités, s'adressassent aux ambas-
sadeurs h Constantinople, pour demander à la Porte l'entrée de nos flottes
dans le Bosphore. Il a ajouté qu'il ne concevait pas quel prétexte le
sultan pourrait invoquer pour refuser nos secours, sans démasquer une
soumission telle à l'influence russe que cette manifestation nous forcerait
à aviser à d'autres moyens pour la combattre ou la partager.
Du reste, monsieur le maréchal, j'ai trouvé à cet égard lord Palmerston
très-disposé à admettre, comme V. E. (et se fondant aussi sur les corres-
pondances de Pétersbourg et de Vienne) que la Russie craindrait en ce
moment d'être mise en demeure d'exécuter le traité d'Unkiar-Skélessi,
et qu'elle n'est nullement prête pour une rupture avec l'Europe occi-
dentale.
Nous avons passé ensuite à la négociation dont V. E. propose de
fixer le siège à Vienne, et dont sa dépêche expose à la fois les principes
et le but.
Lord Palmerston sur la première question, celle de la fixation du siège
de la négociation, m'a demandé la permission de m'exposer franchement
les doutes qui s'élevaient dans son esprit. 11 m'a dit qu'il redoutait que
l'influence russe ne s'exercàt plus eflicacement à Vienne sur le prince de
Metlernich que sur le comte Appony à Paris, ou sur le prince Esterhazy
Zi32 APPENDICE
à Londres. Je lui ai fait quelques-unes des objections qui se présentaient
tout naturellement à mon esprit ; je lui ai dit que le prince de Metternich
serait vraisemblablement flatté du clioix de Vienne comme lieu de la
négociation ; que ce sentiment le disposerait mieux au concours que nous
cherchons ; que, dans une question étrangère à la politique de principe,
et oii l'intérêt autrichien apparaissait dans toute son évidence en oppo-
sition à l'intérêt russe, le prince de Metternich serait lui-même contrôlé
à Vienne plus qu'ailleurs par une opinion autrichienne très-prononcée.
Enfin, je lui ai parlé de la position centrale de Vienne comme d'un argu-
ment décisif en faveur du choix proposé. Lord Palmerston, monsieur le
maréchal, a fini par me dire : « J'ai pensé tout haut devant vous, je vois
le pour et le contre, et, à tout prendre, je crois que le pour rempor-
tera ; mais je suis obligé de consulter le cabinet, je vous donnerai sa
décision. » Je pense, monsieur le maréchal, quelle sera favorable.
Quant à la donnée générale de la négociation, c'est-à-dire la concession
de l'hérédité à la famille de Méhémed-Ali et la compensation territoriale
du sultan, lord Palmerston m'a répété que le cabinet anglais entrait
complètement dans les vues du gouvernement du roi. La fixation des
limites de cette compensation territoriale sera sans doute matière à né-
gociation ; mais lord Palmerston a voulu que j'affirme à V. E. que, du
point de départ au but de la négociation, du principe à l'exécution,
l'accord et le concert le plus intime ne cesseraient de régner entre nos
deux cabinets.
Voilà, monsieur le maréchal, l'analyse exacte de la conversation que
j'ai eue ce matin avec lord Palmerston. .
Lord Palmerston m'a demandé la permission de communiquer à lord
Melbourne la dépèche V. Ë. J'ai cru ne pas devoir refuser cette marque
de confiance.
Veuillez agréer, etc.
VIII. -— Instructions du ministre de la marine (Duperré) an com-
mandant (Lalande) de la station du Levant, en date du 3G juin
1839 (13 réitiul-akhir iS55).
M. le contre-amiral, déjà quelques actes d'hostilité paraissent avoir eu
lieu en Syrie, entre les troupes du Sultan et celles du vice-roi d'Egypte.
Un puissant intérêt européen existe à prévenir ou arrêter les effets d'une
collision, et c'est là le but que se propose la France, aidée de ses alliées;
c'est celui que vous devez chercher à atteindre avec l'escadre sous votre
commandement, soit isolément, soit par votre coopération avec l'escadre
de Sa Majesté britannique et avec la station navale d'Autriche dans le Le-
vant, si, comme il y a tout lieu de le croire, cette station a l'ordre de se
joindre .'lu.v forces navales françaises et anglaises. Vous aurez donc h
vous concerter avec leurs commandants sur les moyens de rendre la co-
opération edlcace. De son côté, sans doute, sir Robert Stopford aura reçu
des instructions conformes à l'intérêt puissant qu'ont les deux pays dans
la conduite d'une aiïaire dans laquelle leurs vues et leur but sont inden-
tiques, et leurs mesures doivent être semblables.
Il doit donc y avoir entre les deux amiraux communication réciproque
de leurs instructions, et il doit s'établir entre eux toute la confiance et
toute la franchise propres à amener dans leurs opérations le même accord
qui existe entre les deux Gouvernements. Lorsque le cas exigera concert
et coopération, la direction supérieure appartiendra h l'oilicier le plus
élevé ou le plus ancien en grade.
A la réception des présentes instructions, l'escadre sous vos ordres de-
vra se diri^zer vers les côtes de Syrie.
Dans le cas de la rencontre des escadres turque et égyptienne, vous
vous allaclierez à rendre impossible une collision, en vous interposant
entre elles, et en pressant les amiraux de rentrer dans leurs ports res-
pectifs, et vous empêcherez tout arrivage de troupes et de munitions de
guerre, par mer, sur le théâtre de la guerre.
Vous devrez chercher à vous mettre immédiatement en communication
avec les deux généraux en chef, soit dans la baie d'Alexandrette, soit sur
tout autre point le plus rapproché des lieux occupés par les deux armées.
Vous ferez tout vos elTorls pour leur faire proposer et accepter une sus-
pension d'armes, pendant laquelle les puissances entreront en négocia-
lion pour amener un arrangement mutuellement satisfaisant pour la Porte
et pour le pacha d'Egypte. Il convient de faire remarquer, que cet arran-
gement devant être fondé sur une large appréciation des grands intérêts
de l'Europe, et non pas sur les éventualités de la guerre, aucune des deux
parties n'a intérêt à continuer les hostilités qui, qu'elle qu'en fût l'issue,
ne pourraient, en définitive, améliorer sa situation; il sera également im-
portant d'insister pour que les deux armées se retirent à une certaine dis-
tance l'une de l'autre.
L'armistice seia constaté par une convention militaire portant que la
reprise des hostilités, si elle avait lieu, devrait être dénoncée au moins un
mois à l'avance.
Ces démarches, ces dispositions, soit qu'elles proviennent d'un des
deux commandants des escadres agissant isolément , soit, en cas de réu-
nion des deux escadres, qu'elles aient lieu de concert et avec la partici-
pation de l'un et de l'autre, ces dispositions, dis-je, devront être portées
immédiatement k la connaissance de notre ambassadeur à Constantinople,
et du consul général k Alexandrie, et l'avis en sera transmis en France
par la voie la plus prompte.
T. i: 28
Û3Û APPENDICE
Si les deux généraux, ou l'un d'eux, se refusaient à accéder h cet armis-
tice, l'ambassadeur à Constantinople et le consul général h Alexandrie en
seraient immédiatement informés, comme dans le cas précédent, afin
qu'ils eussent à réclamer l'envoi aux généraux en Syrie des ordres né-
cessaires pour les faire consentir à la suspension d'armes.
Si le refus venait du général turc, on appellerait son attention sur la
grave responsabilité qu'il assumerait en cas de revers. Il lui serait signifié
que, dès ce moment, la voie de mer serait fermée h tout secours destiné ci
l'armée ottomane, tandis que notre ambassadeur, informé du refus, agirait
auprès dn sultan pour vaincre cette résistance.
Si le refus, au contraire, provenait du général égyptien, des représen-
tations analogues lui seraient faites, et toute communication maritime en-
tre la Syrie et l'Egypte serait immédiatement fermée.
Dans l'un ou l'autre cas, les deux amiraux se concerteraient sur la ré-
partition des forces qu'il serait nécessaire de placer soit à l'entrée du
détroit, soit devant Alexandrette, soit enfin sur tel point du territoire de
l'Asie-Mineure qui serait jugé convenable pour y établir un blocus étroi-
tement serré, et ne permettre la sortie d'aucun bâtiment de guerre ou
autre.
Outre le concert établi entre les commandants des escadres française
et anglaise, et même le commandant de la station autrichienne, il serait
possible qu'une escadre russe ofi'rît son concours ; il doit être bien en-
tendu qu'il serait admis dans un but pacifique et conforme aux présentes
instructions.
Ces instructions ont pour but, de pourvoir aux éventualités qui ont pu
être actuellement prévues. 11 en est d'autres qui, par leur nature et leur
gravité, exigeront des instructions ultérieures : elles vous seront adres-
sées. Le roi s'en rapporte, pour tout le reste, au zèle et à l'habileté du
commandant de son escadre, aidé de ses connaissances locales, et de la
vieille expérience de l'illustre amiral avec lequel il va se trouver en rap-
ports de service.
IX, — Dépêche dii maréchal Sotilt an baron de Bonrqnene;^^ en
date dn 2*3 juin 183» (14 réhiul-akhir 1255).
L'approbation donnée par le cabinet britannique au plan que vous aviez
été chargé de communiquer à lord Palmerston pour l'arrangement des af-
faires d'Orient, plan qui se rapproche tellement, dans toutes ses parties,
desidéesdontceministrenousavail lui-même entretenus, a causé une vive
satisfaction au gouvernement du roi. Nous trouvons un nouveau gage de
cet accord dans les instructions destinées à l'amiral Stopford et dont lord
Granville m'a fait connaître la substance. L'esprit dans lequel elles sont
APPENDICE Û35
conçues nsl générolonienl en lappoil avec notre manière de voir sur les
moyens de résoudre la crise qui menace ia paix du monde. Vous en juge-
rez par la conformité de ces instructions avec celles que le ministre de la
marine a expédiées aujourd'hui môme à M. l'amiral Lalande. Je vous en-
voie copie pour que vous puissiez les mettre sous les yeux de lord Pal-
raerston. Nous n'avons pas cru devoir y toucher un point bien important,
qui eût embarrassé les prévisions de l'amirauté britannique, l'hypothèse
de l'arrivée des forces russes c'iConstantinople. Cela tient h des considéra-
lions que je vais vous expliquer et que je vous prie de présenter h l'examen
de lord Palraerston.
Il nous a paru qu'en se préoccupant uniquement de la prolongation du
séjour des Russes après la retraite de l'armée égyptienne, en renvoyant h
celle épotjue, en réservant pour ce seul cas les mesures h prendre h l'effet
d'obtenir le passage des Dardanelles pour les escadres alliées, le cabinet
de Londres n'a pas suffisamment pourvu aux nécessités de la situation ;
nous pensons qu'au moment môme où les Russes arriveraient à Constanti-
nople, les grands intérêts sur l'équilibre européen, et plus encore
peut-être les susceptibilités de l'opinion publique justement exigeante,
demanderaient que les pavillons anglais et français s'y montrassent aussi.
Nous croyons donc qu'au lieu d'attendre les événements et de laisser aux
ambassadeurs et aux amiraux eux-mêmes l'initiative et la responsabilité des
actes si graves qui peuvent prendre naissance, la France et l'Angleterre
doivent, sans perdre un moment et en obtenant, s'il se peut, pour cette
démarche l'assentiment de l'Autriche, faire demander à la Porte que leurs
vaisseaux soient admis à passer les Dardanelles en même temps que les
forces russes pénétreraient dans le Bosphore, et h concourir avec elles à
la protection du trône du sultan. Il est certain que la Porte livrée à elle-
même ne saurait manquer d'accepter avec joie les garanties nouvelles qui
lui seraient ainsi offertes contre les dangers de diverse nature auxquels
sont exposées son indépendance et sa sûreté. Si une influence extérieure
l'engageait au contraire à les refuser, un tel refus serait significatif, et
l'Angleterre et la France auraient alors h. s'entendre sur les résolutions qu'il
appellerait de leur part ; mais je crois que, d'après les données positives que
nous avons sur ce point, il serait prématuré de confier aux amiraux des
pouvoirs éventuels et en quelque sorte hypothétiques qui, dans des cir-
constances faciles à concevoir, pourraient entraîner de sérieuses et irré-
médiables complications.
Faites-moi savoir, je vous prie, le plus tôt possible ce que pense lord Pal-
merston de cette proposition. Si le cabinet britannique juge à propos de
l'adopter, je crois qu'il imjiorle d'y donner suite immédiatement, le
moindre relard pouvant lui ôter toute sa valeur.
Vous avez déjà appris, etc.
436 APPENDICE
X. — Projet de noie envoyé par le maréchal Soult îY l'anibassa-
dear de France (baron de Roussiu), à Constantinoplc, le ... juil-
let ÏHti9 (. .. rébiul-akhir 1S55).
Le soussigné, ambassadeur de France, a reçu l'ordre de faire la
communication suivante à S. E. M. le ministre des affaires étrangères de
la Sublime-Porte.
Les graves événements qui viennent d'éclater en Syrie, imposent h la
politique des cours européennes l'obligation de prévoir jusqu'aux chances
les plus invraisemblables de la crise qu'ils ont fait naître.
Il est sans doute bien peu probable qu'on voie renaître aujourd'hui
les dangers qui, en 1833, menaçaient la capitale même de l'empire otto-
man, et forçaient la Porte à accepter un appui étranger. Sans parler des
autres circonstances qui, depuis lors, se sont tant modifiées, il y a tout
lieu d'espérer que les efforts des grandes puissances européennes pour
arrêter les hostilités à peine commencées, préviendront des extrémités
semblables.
Encore une fois, pourtant, il faut tout prévoir, et l'histoire présente
trop d'exemples d'accidents innattendus qui ont trompé les calculs des
gouvernements les plus forts et les plus habiles, pour que la Sublime-
Porte puisse considérer comme une injure, l'hypothèse d'un désastre
qui l'obligerait de nouveau à réclamer, pour sa défense, l'appui de ses
alliés.
Le jour oii l'existence du trône du Sultan serait réellement compro-
mise, elle les trouverait tous disposés à lui accorder leur concours pour
prévenir une catastrophe qui, en ébranlant l'équilibre politique, mettrait
en péril la paix du monde, dont le maintien les intéresse tous au même
degré. A Pétersbourg, à Vienne, à Berlin, à Londres, à Paris, il n'y a
qu'un sentiment à celte égard.
Dans un tel état de choses, la Sublime-Porte comprendrait sans doute
que le moyen le plus assuré de concilier avec une nécessité fâcheuse oii
elle se trouverait réduite, le soin de sa dignité et même de sa sûrelé, ce
serait de demander, non pas à une puissance en particulier, mais à l'Eu-
rope entière l'appui qui lui serait devenu indispensable. Un grand empire
ne déchoit pas, en effet, en se plaçant sous la protection des grands inté-
rêts européens. Il trouve dans la diversité même de ses intérêts, lorsqu'ils
se réunissent pour venir à son aide, la garantie certaine que cette pro-
tection ne pourra pas se transformer en une suprématie dangereuse pour
son indépendance.
Le système de conduite que cette considération puissante indique à la
Sublime-Porle est d'ailleurs le seul qui s'accorde avec les convenances et
APPENDICE Zj37
les justes susceptibililés de la politique des grandes cours, dont il lui
importe certaiiieiiieiit de tenir compte.
Le gouvernement du roi a donc la conviction qu'il va au-devant des
intentions de la Sublime-Porte en demandant que, dans le cas où les
forces de terre ou de mer d'une ou de plusieurs des cours alliées seraient
appelées à Constantinople, les ordres fussent donnés pour ouvrir immé-
diatement le passage des Dardanelles h une escadre française qui vien-
drait, (le sou côlé, protéger le trône du Sultan contre les périls dont
l'imminence aurait déterminé une telle mesure.
Le soussigné prie S. E. M. le ministre des affaires étrangères de lui
faire parvenir, le plus prompteraent possible, la réponse de la Sublime-
Porte à cette communication, pour qu'il puisse, ainsi qu'il en a l'ordre,
l'envoyer sur le champ à Paris.
XI. — Dépêche (extrait) du maréchal Sonlt au baron de Bonrqueney,
en date du O juillet 183» (23 rébiul-akhir 1355).
Le gouvernement du roi a apppris avec une vive satisfaction l'adhé-
sion du cabinet de Londres à la proposition d'une démarche h faire
auprès de la Porte, à l'effet d'obtenir le passage des Dardanelles pour les
escadres de France et d'Angleterre dans le cas où les forces d'une autre
puissance seraient appelées au secours de Constantinople. L'empresse-
ment que ce cabinet met à y donner suite en se préparant h faire passer à
lord Ponsùnby les instructions nécessaires est un gage non équivoque de
la sincérité et de la vivacité de cette adhésion. Cependant, je ne sais si à
Londres on s'est bien rendu compte d'un accord parfait pour la forme
aussi bien que pour le fond, dans une négociation aussi grave, aussi déli-
cate, et qui va se trouver confiée à deux ambassadeurs que leurs antécé-
dents réciproques disposent malheureusement assez mal à un pareil
accord. Pour parer autant que possible à ce dernier inconvénient, j'avais
fait préparer le projet de note ci-joint, dans l'intention de le communi-
quer préalablement au cabinet britannique pour en concerter avec lui la
rédaction commune et définitive. Comme vous le verrez, la pensée qui y
domine est de donner à la démarche dont il s'agit un caractère euro-
péen. Il pourra se faire qu'il arrive lorsque les instructions destinées à
lord Ponsonby seront parties ; mais, si le gouvernement britannique
approuvait la rédaction, il pourrait envoyer h son ambassadeur des ins-
tructions supplémentaires.... M. de Sainte-Aulaire donnera connaissance
h M. de Metternich de la mission confiée aux deux ambassadeurs, et il
essayera d'y associer l'internonce dans une mesure quelconque.
Ce que vous m'avez fait connaître de la substance des instructions que
recevra lord Ponsonby m'a suggéré une réflexion sur laquelle il ne serait
/l38 APPENDICE
pas hors de propos d'appeler rattenlion de lord Palmerslon. Demandera
la Perle d'appeler, dans un cas donné, le secours de nos escadres, n'est-ce
pas en quelque sorte lui ménager la facilité de les éloigner des Dardanel-
les en éludant ou en retardant cette invitation, au moyen de quelque
prétexte plus ou moins spécieux? Ne vaudrait-il pas mieux lui demander
simplement de donner les ordres nécessaires pour que ces escadres fussent
leçues dans le détroit, au moment même où elles s'y présenteraient, après
l'accomplissement de la condition qui leur permettrait de s'y montrer? Je
crois qu'il y aurait un avantage réei à nous réserver ainsi l'initiative, et
c'est dans ce sens qu'est rédigé le projet que je vous envoie.
Les nouvelles d'Alexandrie vont jusqu'au 19 juin. Le vice-roi, informé
du progrès de l'invasion de l'armée ottomane en Syrie, venait de faire par-
venir à Ibrahim-Pacha l'ordre de la repousser et de la poursuivre au-delà
de la frontière, lorsque mon officier d'ordonnance, M. Cailler, dont je
vous avais annoncé la mission, est arrivé à Alexandrie. Le vice-roi, après
avoir écouté les représentations que M. Cailler, de concert avec M. Coche-
lel, lui a fait entendre de ma part, a consenti, non sans une répugnance
facile h concevoir, à révoquer l'autorisation qu'il avait donné à Ibrahim,
et à lui enjoindre de se borner à repousser l'invasion, et, ce résultat ob-
tenu, de s'arrêter là oîi il se trouverait. C'est M. Cailler lui-même qui a
dû porter cet ordre ii Ibrahim-Pacha Il serait difficile de ne pas re-
connaître que les Turcs, dans toute la suite de cette affaire, semblent se
plaije à laisser ti leurs adversaires l'avantage de la sincérité et de la mo-
dération.
Cette observation prend un caractère d'évidence bien plus incontesta-
ble encore lorsque l'on compare l'accueil que le vice-roi a fait ci nos
conseils h celui qu'ont obtenu à Gonstantinople les avertissements de
M. l'amiral Roussin. Vainemenî cet ambassadeur, sans se laisser décou-
rager par le peu de succès de ses précédentes démarches, a-l-il cru de-
voir demander des explications sur la sortie de la flotte; vainement, après
avoir reçu les instructions nouvelles qu'on lui a portées de ma part, est-il
encore revenu à la charge pour ouvrir les yeux du sultan sur les dangers
dans lesquels il se précipite ainsi de gaieté de cœur.... La Porte a complè-
tement jeté le masque dont elle se couvrait encore peu de jours aupara-
vant; elle avoue maintenant ses projets hostiles et que la flotte est desti-
née à opérer un débarquement.
C'est une chose déplorable que le refus fait par lord Ponsonby d'appuyer
les représentations de son collègue ; le silence seul de l'ambassadeur
d'Angleterre, dans de telles conjonctures, a été un encouragement donné
aux projets téméraires de la Porte. Malheureusement, cet encouragement
résulte bien plus directement encore d'une circonstance étrange à
laquelle l'ail allusion la correspondance de !\L l'amiral Roussin, celle de
APPENDICE Û39
la promesse d'un envoi de forces anglaises à Bassora, dans le but de
prévenir les prétendus projets agressifs des Égyptiens. Ce ne serait pas
un des moindres dangers d'une pareille mesure que le prétexte ou plutôt
la justification qu'elle préparerait h une occupation de Constanlinople
par une armée russe. J'en ai parlé à lord (iranville avec une grande
franchise, tout en évitant ce qui eût pu donner à mon langage l'appa-
rence d'une plainte oflicielle. Quant à vous, Monsieur, vous vous bor-
nerez à mettre sous les yeux de lord Palmerslon les documents que je
vous envoie et à m'informer des éclaircissements qu'il jugera h propos
de vous donner.
XII. — Lettre da baron de Ronssin à l'ambassadenr d'Angleterre
(lorJ Ponsonb.y), en date de Thérapia le ï juillet 1839 («4 ré-
biul-éwel 1355).
Monsieur l'ambassadeur et cher collègue, un événement grave vient
d'arriver; j'apprends directement et avec certitude que le capitan-paclia
est en insurrection, avec sa flotte, contre le gouvernement de Sa Hautesse,
et est parti pour Pdiodes, prétendant que ce gouvernement est vendu à la
Russie ; il dit avoir envoyé un tatare à Hafiz-pacha pour l'engager h mar-
cher avec son armée sur Conslantinople pour y changer le gouvernement.
Ce tatare serait parti le 2.
La tentative du capitan-pacha est folle s'il se borne h rester à Rhodes
avec sa flotte, puisqu'il n'a aucun moyen d'y subsister longtemps; mais
il peut se livrer à Méhémet-Ali, à qui, dit-il, il a proposé la paix. Si l'avis
qu'il a donné k Hafiz-pacha détermine ce général en chef à s'insurger aussi
contre le sultan, ces deux chefs des forces de terre et de mer peuvent
renverser le gouvernement de Sa Hautesse et organiser la guerre civile.
Il me semble que la conduite de nos gouvernements ne peut pas être
douteuse dans cette circonstance : ils sont alliés du sultan Abdoul-Medjld,
et leurs vœux seront pour lui; je viens pour le compte du mien d'en don-
ner l'assurance au gouvernement de Sa Hautesse. Comme je ne fais pas
un seul doute sur la parfaite intelligence qui existe entre les nôtres, je
vous ofl're, Monsieur l'ambassadeur et cher collègue, de m'unir à vous
pour nous concerter sur toutes les mesures que nous pouvons avoir à
prendre, et sur les conseils à donner au gouvernement de Sa Hautesse
dans cette circonstance.
Agréez, etc.
XIII. — Dépèche de lord Gran ville à lord Palnierston, en date de
Paris le » joillet 1839 (25 rébiul-akhir 1355).
Mylord, le maréchal Soult m'a lu la note qu'il propose de faire adresser
ÛÛO APPENDICE
par l'ambassadeur de France à la Sublime-Porte pour demander qu'une
flotte française pût passer les Dardanelles, en cas que l'armée égyptienne
approchât de Constantinople, et qu'un secours étranger fût demandé pour
la défense de la capitale. Une copie de cette note a été envoyée, avant-
hier au soir, à M. de Bourqueney, pour être communiquée h V. S., et
S. E. espère que le gouvernement de S. M. invitera lord Ponsonby à
adresser au gouvernement turc une note pareille, pour l'entrée de la flotte
anglaise dans les Dardanelles, et qui serait présentée en même temps que
celle de l'ambassadeur de France.
Le maréchal dit que les dernières dépêches du comte Sainte-Aulaire,
de Vienne, sont satisfaisantes.
Le prince Metternich était impatient de voir les bâtiments de guerre
autrichiens se joindre à ceux de l'Angleterre et de la France, et il avait des
raisons pour croire, d'après les dépèches du comte Fiquelmont, de Saint-
Pétersbourg, que le gouvernement russe adhérera à la proposition de faire
stationner la flotte combinée dans la mer de Marmara pour protéger Cons-
tantinople.
Les dernières nouvelles arrivées de Constantinople h Vienne portent
que le sultan est très-mal, et le médecin allemand qui le soigne pense
que, quoiqu'il puisse vivre jusqu'à l'automne, il mourra, très-probable-
ment, avant la fin du mois.
J'ai l'honneur, etc.
XIV. — Dépèche du baron de Bourqueney au ufiaréelial îioult, en
date du !» juillet 183» {ZG rêbiul-akliir 1355).
Monsieur le maréchal, en entrant hier chez lord Palmerston, j'ai cora-
luencé par m'informer si le courrier, porteur des instructions pour lord
Ponsonby, était en roule pour sa destination ; lord Palmerston m'a ré-
pondu que l'expédition n'était pas encore complètement prête et qu'elle
ne pouvait l'être avant vingt-quatre heures. — « Je m'en félicite, ai-je
repris, car je viens, par ordre de mon gouvernement, vous proposer,
dans la forme de votre démarche auprès du sultan, une modification dont
je ne doute pas que vous n'appréciiez la haute convenance ; » et j'ai com-
mencé la lecture de la dépêche de Votre Excellence. Je me suis arrêté au
troisième paragraphe, me réservant de revenir plus tard k ceux qui ter-
minent la dépêche, mais insistant pour traiter et résoudre séparément la
question des instructions à nos ambassadeurs. J'ai remis ensuite à lord
Palmerston le projet de note préparé pour l'amiral Roussin.
Lord Palmerston, monsieur le maréchal, qui avait écouté avec la plus
sérieuse attention la dépêche de Votre Excellence et lu lui-même, en en
pesant chaque terme, le projet de note de l'ambassadeur du roi h Gonstan-
AF'PENDICE h'i\
tinoplc, O4 rcn.lii coinpiéteineiil justice à la poiiséi! pûlili(|UG sous Tii;-
fluence de laquelle celte note avait été rédigée Au fond il reconnaît,
avec Votre Excellence, qu'il y a pour les deux cabinets un avantage réel
à SG réserver l'initiative de la démarche en demandant immédiatement à
la Porte de donner les ordres nécessaires pour l'admission de nos esca-
dres, après l'accomplissement de la condition à laquelle nous subordon-
nons nous-méines cette admission. Dans la forme, lord Palmerston croit
que la première partie de la note, malgré toutes les précautions de lan-
gage dont elle s'entoure, l'ait peut-être au sultan un tableau trop fidèle,
mais aussi trop sombre de sa situation ; il craint que l'expression aussi
franche de la vérité ne le dispose pas k adhérer à notre démarche; il ne
doute pas que ces documents ne soient communiqués par la Porte à la
Russie le jour même où ils arriveront à Constantinople, et il redoute l'a-
bus que la Paissie ferait, sur l'esprit hautain et aveugle du sultan, d'un
langage qu'elle pourrait lui présenter comme humiliant pour sa couronne.
La seconde partie de la note et toutes les considérations sur lesuuelles
elle fonde l'accord européen lui semblent excellentes. Du reste, lord Pal-
merston n'insiste pas même sur la première observation ; il se contente
de la soumettre aux lumières du gouvernement du roi. Seulement, il nous
prévient que la note de lord Ponsonby présentera dans cette partie de sa
rédaction une légère différence avec celle de l'amiral Roussio.
Je n'ai pas pu m'empêcher, monsieur le maréchal, de faire observer à
lord Palmerston qu'il n'y avait pas moyen d'échapper ci la nécessité de
pressentir et de faire pressentir une catastrophe dans la rédaction d'une
note qui avait pour but d'offrir les moyens de la prévenir, et qui ne fon-
dait l'opportunité de la démarche que sur les préliminaires mêmes de
cette catastrophe. J'ai ajouté que notre action sur la Porte, depuis les évé-
nements de Syrie, avait toujours consisté à effrayer le sultan pour le
contenir dans les bornes de la modération, h lui dire enfin la vérité pour
le rendre sage: «Vous avez raison, « a repris lord Palmerston, » je
reconnais qu'il y a là une nécessité qui nous domine; aussi, je ne
repousse pas l'idée; je vais même jusqu'au mot; seulement, je crois qu'il
faut être sobre au développement. »
J'ai promis à lord Palmerston, monsieur le maréchal, de faire connaî-
tre cette observation à Votre Excellence.
J'ai offert à lord Palmerston de rendre porteur de la dépêche de lord
Ponsonby le courrier que Votre Excellence se dispose à envoyer par la
voie de terre à l'amiral Roussiii, Lord Palmerston m'a remercié; il se
servira nalurellementde celui qui devait partir hier, et dont le départ est
retardé de quarante-huit heures, pour faire subir aux instructions desti-
nées à lord Ponsonby les modifications proposées par le gouvernemen
du roi.
Ûi2 APPENDICE
Le courrier anglais passera comme le vôtre, monsieur le maréchal, par
Vienne, et lord Beauvale, comme M. de Suint-Aulaire, aura ordre de
faire tous ses efforts pour engager le cabinet autrichien h s'associer à no-
tre démarche.
Cette première question réglée, j'ai repris la dépèche de Votre Excel-
lence et j'en ai achevé la lecture. J'ai ensuite placé sous les yeux de lord
Palmerston les extraits des dernières dépèches de l'ambassadeur du roi
à Constantinople; puis j'ai ajouté : « Je ne suis chargé d'aucune plainte
officielle; quelques faits étranges ont eu lieu; j'ai l'ordre de porter à
votre connaissance les pièces qui les constatent et d'attendre les éclair-
cissements que vous croirez devoir donner à la mutuelle confiance de
nos cabinets. »
Lord Palmerston a sonné et s'est fait apporter les quatre derniers mois
de la correspondance de lord Ponsonby, et les deux dernières années de
celle du colonel Campbell.
« Occupons-nous d'abord, « m'a-t-il dit, »de ce qui concerne lord Pon-
sonby; nous reviendrons ensuite à l'affaire de Bassora. Je tiens d'a-
bord à vous prouver que mes instructions n'ont jamais varié sur ce
point fondamental que le rôle de l'ambasSwideur d'Angleterre à Constan-
tinople devait être de contenir les penchants guerriers du sultan. Sur
le fond même de la question, nulle divergence entre vous et nous : que
nous nous soyons un peu plus préoccupés de la qualité du souverain
que de celle du vassal, que nous ayons fait pencher la balance du côté
du principe, cela est vrai; mais c'est que pour nous le fait était à côté
du principe; l'indépendance et la stabilité du trône du sultan nous
semblaient exiger cette partialité, et nous avons toujours craint, en
blessant l'orgueil du souverain h Constantinople, de donner une arme
contre nous à la Russie. Mais je vous l'allirme, nous avons constamment
répété à lord Ponsonby : Empêchez la guerre d'éclater. »
Lord Palmerston m'a fait lire alors sept ou huit dépêhes écrites par lui
à lord Ponsonby, depuis la fia de janvier jusqu'au milieu de juin, et tou-
tes fondées sur cette donnée générale.
« Maintenant, u a repris lord Palmerston, » je ne saurais vous nier que
l'opinion personnelle de lord Ponsonby, opinion que je ne partage pas,
a toujours été opposée au mainùen dw atatu quo de Kutaièh; il préfé-
rait même les partis extrêmes comme susceptibles au moins d'un dé-
noùmenl favorable; mais je suis fondé à croire que, dans les rapports
officiels de Constantinople, l'ambassadeur a fait passer ses opinons per-
sonnelles après ses instructions. C'est du moins ce que je dois inférer
de sa correspondance. » (Et lord Palmerston m'a lu au hasard toutes les
dernières dépèches de lord Ponsonby qui constatait ses efforts pacifiques
auprès de la Porte.)
APPENDICE Ull'd
J'ai fait observer h iorcl Palmerston qu'il me semblait bien diOicile que
l'opinion personnelle de l'ambassadeur, facilement pénétrée sur les lieux
et transparente même à travers les dépôclies que je venais de lire, n'eût
pas ôté quelque chose à l'eflicacité de son action pacifique à Constantino-
ple. Lord Palmerston, sans abonder dans mon sens, m'a répondu de ma-
nière c\ me prouver qu'il le craignait comme moi.
Dans tout autre pays, monsieur le maréchal, la conclusion de celte
conversation eût été le changement probable de lord Ponsonby; ici les
choses se passent autrement: les affaires extérieures ne passent qu'après
les influences intérieures.
A propos du refus qu'avait fait lord Ponsonby de s'associer à la démar-
che dont l'amiral Roussin rend compte dans sa dépêche du 14 juin, j'ai
demandé à lord Palmerston si une pareille circonstance se renouvellerait
encore, après l'étroite union qui venait de se manifester entre les deux
cabinets sur les affaires d'Orient. Lord Palmerston m'a dit que lord Pon-
sonby avait déjà reçu et recevrait encore prochainement des instructions
officielles et confidentielles , qui donneraient un tout autre caractère à son
langage et à sa conduite.
« Je viens, «m'a dit lord Palmerston, » à l'affaire de Bassora. Voici plus
de deux ans que nous avons engagé Méhémet-Ali à ne pas étendre son
occupation vers le golfe persique ; à nos représentations à Alexandrie il
a toujours été répondu par une dénégation des faits. Les rapports de nos
agents n'ont pas tardé à nous prouver que l'occupation avait réellement
eu lieu, et que des ofliciers égyptiens étaient entrés à Bassora, à La-
hesa et à Katif, et menaçaient la petite île de Baleraie, sous prétexte
d'empêcher qu'elle ne devînt, contre eux-mêmes, un foyer d'insurrec-
tion. Nous avions menacé k Alexandrie d'employer la force pour empê-
cher tout établissement égyptien sur la côte du golfe persique; mais,
avant d'y avoir recours, nous avons cru devoir nous adresser au sou-
verain de droit pour demander s'il avait donné son adhésion à cette
extension de la puissance égyptienne; sans doute, nous savions que la
réponse serait négative, mais nous pensions devoir régulariser ainsi
notre action. Voilà la démarche dont il est question dans les dépêches
qne vous venez de me lire. Après cela, je vous ajouterai qu'il ne s'est
jamais agi que de l'envoi d'un bâtiment de guerre et nullement de
troupes de débarquement. Cette seule démonstration nous a paru devoir
être plus satisfaisante. Je dois vous ajouter aussi que cette question,
toute spéciale pour nous, du golfe persique n'a rien de commun avec
les événements de Syrie, et n'influera en quoi que ce soit sur notre
marche dans la négociation générale. »
J'ai démandé à lord Palmerston s'il ne craignait pas qu'à Constantino-
ple on n'eiÀt traduit la démarche récente de lord Ponsonby en un encou-
!iUIi APPENDICE
rageraent donné aux propensions belliqueuses du sultan. A cela lord
Paimerslon m'a répondu que, si on l'avait fait, c'est qu'on avait voulu
s'aveugler sur sa portée, parce que depuis un an au moins on savait que
celte affaire se suivait entre le gouvernement anglais et le pacha d'É-
gypte.
Lord Palmerstoai m'a mis sous les yeux toute la correspondance du
colonel Campbell depuis novembre 1837, et j'avoue qu'elle établit la
question sur les données qu'il venait de m'exposer.
Ce n'est pas à moi qu'il appartient de décider si le gouvernement du
roi se contentera de ces explications ; mais ce que je puis affirmera Votre
Excellence, c'est qu'ici on a voulu les donner satisfaisantes.
Veuillez agréer, etc.
W, — Uépèclic du baron de Bonrqueney au maréchal Soult, en
date du II juillet 1839 {ZH rébiuLakliir 1S55).
Monsieur le maréchal, lord Palmerston donne son assentiment le plus
absolu au projet de déclaration par lesquelles les puissances s'engageraient
à maintenir l'intégrité de l'empire ottoman et à n'accepter aucune part de
son territoire. Lord Palmerston est prêt à faire celte déclaration au nom
du gouvernement britannique, et il propose de plus au gouvernement du
roi, quand toutes les déclarations seront parvenues h Vienne, de les y
réunir sous la forme la plus solennelle d'un engagement général
XYI. — Dépèche du baron de Bonrffueney au maréchal Soult^ en
date du IS juillet 183» (2(> rcbiul-akhir 1355).
Monsieur le maréchal, lord Palmerston venait de recevoir son courrier
de Vienne au moment où je lui ai apporté la dépèche n° 27 de Votre
Excellence et les extraits de la correspondance de M. le comte de Sainte-
Aulaire. A la lecture que je lui en ai donnée, lord Palmerston a répondu
par celle des dépêches et des lettres confidentielles de lord Beauvale : il
n'en a pas omis une syllabe.
Même jugement de nos ambassadeurs, M. le maréchal, ^ur les disposi-
tions du prince de Metternich ; même espoir d'entraîner le cabinet autri-
chien dans notre action politique à Constantinople ; même prévision de la
mort du sultan et même approbation du projet de déclarations par les-
quelles les puissances européennes s'engageraient solennellement au
maintien de l'intégrité de l'empire ottoman, projet dont l'initiative a été
prise par M. de Meiternich dans ses conférences successives avec M. de
Sainte-Aulaire et avec lord Beauvale.
APPENDICE [ilxb
Ainsi que j'ai eu l'honneur de l'amionccr hier par ma dépèclie n" G2,
lord Palmerston a ratifié sans réserve l'opinion favorable que Volie
Excellence exprimait sur la proposition du prince de Mclternich de toutes
les mesures à prendre. Partant toujours de cette donnée générale que la
Russie ne peut pas en ce moment, lord Palmerston croit que nous obtien-
drons son concours. Un refus nous placerait dans un autre ordre de faits.
Lord Palmerston m'a demandé si le gouvernement du roi, favorable,
comme il se montrait, h la pensée de M. de Mellernich, avait déjà eu le
temps d'arrêter la forme môme de la déclaration ])ar laquelle il répon-
drait h celle du cabinet autrichien. J'ni dit à lord Palmerston que je ne
savais encore rien à cet égard. C'est alors qu'il m'a chargé de consulter
le gouvernement du roi sur le projet de réunir à Vienne, en un acte euro-
péen, toutes les déclarations individuelles des puissances aussitôt qu'elles
seraient parvenues au siège de la négociation. Depuis que lord Palmerston
s'est rendu h l'avantage de laisser prendre à la négociation la route de
Vienne, je lui dois la justice de reconnaître qu'il ne s'est pas manifesté en
lui la plus petite arrière-pensée d'en rien conservera Londres, au delà de
la part de direction qui appartient naturellement à tout cabinet dans ses
rapports avec son ambassadeur.
Lord Palmerston ne sera pas moins empressé de connaître, monsieur
le maréchal, si le gouvernement partage l'opinion qu'il m'a exprimée hier,
et que j'ai déjà eu l'honneur de transmettre à Votre Excellence, sur la
nécessité de faire de la mort présumée du sultan un cas d'admission de
nos escadres dans la mer de Marmara. Ce projet entraîne un peu plus de
latitude et de responsabilité dans les instructions à donner à nos ambassa-
deurs à Constantinople ; car, pour une semblable éventualité, ii faut néces-
remcnt les laisser juges de circonstances dont la prévision échappe à la
dislance où nous sommes du théâtre de l'événement.
Dans sa dépêche du 1" juillet, lord Beauvale appuie vivement auprès
de lord Palmerston le projet d'adjoindre à nos escadres sur la côte de
Syrie quelques bâtiments russes de la flotte de la mer Noire. Les argu-
ment sont habilement présentés. « Nous llattons la Russie et nous l'en-
chaînons dans le concert européen ; nous lui enlevons tout prétexte
d'user de son influence à Constantinople pour faire fermer les Darda-
nelles à nos flottes; enfin, nous lui faisons donner un gage, car c'en
est un que son escadre entre les deux nôtres. » Ce raisonnement n'a
point ébranlé jusqu'ici l'opinion que lord Palmerston m'avait déjà expri-
mée sur la fermeture de la mer de Marmara par le Bosphore et par le
détroit des Dardanelles. La manière générale d'envisager cette question
demeure la môme, moins, bien entendu, l'exception à laquelle nous avons
recours en ce moment, puisque nous avons sur la route de Constantino-
ple les courriers porteurs de la demande de l'admission de nos escadres
^/i6 APPENDICE
dans un cas donné, et que la prévision de la mort du sultan vient s'ajou-
ter de plus aux éventualités qui peuvent la rendre nécessaire. « Mais, «m'a
dit lord Palraerston, » l'avantage de la présence des bâtiments russes sur
la côte de Syrie ne me semble pas assez démontrée pour en faire un
cas de déviation de principe; » et il a ajouté ce fait curieux : « Lors-
qu'en 1835 nous revînmes au pouvoir, je me rendis chez le duc de
Wellington ; mes rapports avec lui me permettaient une démarche de
confiance, et je dis au duc que l'Orient étant appelé à jouer un grand
rôle dans les affaires de l'Europe, je tenais essentiellement à connaître
son opinion sur les deux systèmes qui se présentaient èi notre politique,
travailler h ouvrir la mer de Marmara à nos flottes et conséquemment
à celles des autres puissances, ou la fermer à toutes, y compris les nô-
tres. Le duc me répondit sans hésitation : « à la fermer ; nous sommes
dans ces parages trop loin de nos ressources et la Russie louche aux
siennes. » Ce mot, «a continué lord Palmerston, m'a frappé comme plein
de sens et de raison. »
Lord Palmerston m'a lu la dépêche qu'il adresse à lord Glanricarde, en
réponse à la dernière communication du comte de Nesselrode. Le cabinet
anglais remercie le cabinet de Pétersbourg de l'empressement avec lequel
il offre de coopérer h restreindre le théâtre de la lutte entre les deux par-
ties belligérantes; mais il insiste sur la nécessité de rendre impossible le
retour des événements qui pourraient encore compromettre la paix du
monde; et il considère un arrangement permanent entre la Porte et Mé-
hémet-Ali comme le moyen le plus sûr d'atteindre le but que se propo-
sent les puissances de l'Europe. La dépêche revient à, plusieurs reprises
sur l'étroite union qui se manifeste entre les cabinets de Londres et de
Paris, union qui a dicté les instructions envoyées aux amiraux comman-
dant nos escadres dans la Méditerranée.
Lord Beauvale avait joint à sa dépêche du 2 juillet h lord Palmerston
une lettre particulière de lord Ponsonby que venait de lui apporter la
dernière poste de Constantinople. Lord Palmerston a voulu que j'en
prisse lectute. Je crois qu'il tenait h prouver que lord Ponsonby ne mé-
nage pas toujours son propre cabinet. C'était un appel à l'indulgence de
ses collègues et des cabinets qu'ils représentent. Dans cette lettre, lord
Ponsonby raisoiuie sur la mort du sultan comme sur un fait réalisé; il
.s'emporte contre la politique du statu quo qui a perdu, selon lui, l'Orient
depuis 1832. Il dit qu'il n'y a pas un moment à perdre pour réparer ses
fautes. Il faut que nos pavillons flottent devant Constantinople, que l'Au-
triche se montre déterminée à pousser au besoin une armée en avant, etc.
Constantinople aux Russes, et il ne reste pas une seule puissance de pre-
mier ordre en Europe, l'Angleterre exceptée, si elle veut entrer dans un
honteux marché avec le cabinet de Pétersbourg. Tout cela, monsieur le
appendice: hiii
maréchal, est mêlé d'idées bonnes et mauvaises, ingénieuses presque tou-
jours, mais souvent innapplicahles. Je croyais savoir que lord Ponsonby
n'est pas l'organe bien scrupuleux de la politique de son cabinet ; au-
jourd'hui j'en suis sûr. J'ose supplier Voire Excellence de conserver se-
crète la communication que je ne dois qu'à la confiance de lord Pal-
merston.
Veuillez agréer, etc.
XVII. — Dcpêclic «In mar«''elial Sonlt aux r4*i»r«'K«'n<an<s français à
Vienne, A Londres», à Itcriiii, à Saînt-Pétcrshoiii'u vt à C'oii^itanli-
nople, en date du 19 juillet 183!) (â djéniaziul-én'el 1253).
Monsieur le..,., dans la crise si grave oii la mort du sultan Mahmoud,
survenant au milieu des événements qui ont marqué les derniers mois de
son règne, vient de jeter l'empire ottoman, l'union des grandes puis-
sances de l'Europe pouvait seule offrir une garantie suffisante pour ras-
surer les amis de la paix. Des communications échangées depuis qu<;lque3
semaines, ont heureusement prouvé que cette union est aussi complète
qu'il était possible de le désirer. Tous les cabinets veulent l'intégrité et
l'indépendance de la monarchie ottomane sous la dynastie actuellement
régnante; tous sont disposés à faire usage de leurs moyens d'action et
d'influence pour assurer le maintien de cet élément si essentiel de l'équi-
libre politique; et ils n'hésiteraient pas à se déclarer contre une combi-
naison quelconque qui y porterait atteinte. Un pareil accord de senti-
ments et de résolutions devant sullire, lorsque personne ne pourra plus
en douter, non-seulement pour prévenir toute tentative contraire à ce
grand intérêt, mais même pour dissiper des inquiétudes dont la seule
existence constitue un danger véritable, par suite de l'agitation qu'elles
jettent dans les esprits, le gouvernement du roi croit que les cabinets
feraient quelque chose d'important pour l'affermissement de la paix, en
constatant dans des documents écrits qu'ils se communiqueraient récipro-
quement, et qui nécessairement ne tarderaient pas h avoir une publicité
plus ou moins complète, l'exposé des intentions qne je viens de rappeler.
En ce qui nous concerne, Monsieur le..,., je déclare formellement que
ce sont, que es seront, invariablement les nôtres, et je vous autorise h
laissera monsieur de Metternich une copie de la présente dépèche, après
lui en avoir donné lecture. Je ne doute pas que le gouvernement autri-
chien, dans la réponse qu'il croira sans doute devoir faire à la lettre par
laquelle vous lui transmettrez cette dépêche, n'adhère de son côté, de la
manièi'c la plus formelle à cette profession de foi, si parfaitement con-
forme à l'expression souvent reproduite de la politique. Si, comme j'ai
lieu d'espérer, les cabinets de Londres, de Pétersbourg, et de Berlin,
/i./|8 APPENDICE
répondent de même aux communications semblables que je vais leur
faire parvenir, le but que se propose le gouvernement du roi se trouvera
atteint.
Sa Majesté, voulant donner un témoignage non équivoque des disposi-
tions dont elle est animée k l'égard de ia Porte, m'a ordonné d'envoyer
à Monsieur l'amiral Roussin. sans attendre l'avis ofiioiel, ni même la con-
firmation directe de la mort du sultan Mahmoud, les lettres de créance
qui l'accréditent auprès du nouvel empereur.
Agréez, etc.
XVIII. — Dépêche du niarcclial Sonlt an baron tic Bonrqaoney,
en date du 19 juillet 1839 (5 djéniaziul-éwel 1255).
Monsieur, je vous ai fait connaître par le télégraphe la mort du sultan
Mahmoud, dont la nouvelle nous était parvenue par la même voie, et que
les dc;rnières dépêches de Constantinople annonçaient déjà comme immi-
nente. Il est à craindre que l'ordre envoyé à Hafiz-Pacha d'arrêter les
hostilités ne lui soit arrivé trop tard pour empêcher la bataille h laquelle
on s'attendait. Bien qu'il soit difficile de prévoir dès à présent le genre
d'influence que ce changement de règne exercera sur les destinées de
l'Orient, il est évident qu'on est arrivé à un moment de crise qui réclame
de plus en plus le concours loyal et sincère de tous les cabinets pour as-
surer le maintien de la paix. Il m'a paru que le moment était venu de
donner suite h l'idée mise en avant par M. de Metternich, de garantir, au
moyen d'un échange de déclarations diplomatiques, le maintien de l'inté-
grité et de l'indépendance de l'empire ottoman, et pour éviter tout retard,
je me suis déterminé à prendre moi-même l'initiative des démarches h
faire à cet effet. La dépêche ci-jointe formule, en ce qui nous concerne^,
l'engagement dont il est question. Lord Palmerslon répondra sans doute
à la communication que vous lui en donnerez en termes assez précis pour
atteindre le but que nous avons en vue.
XIY. — ]^otc du baron de Itourqueney à lord Palmcrston, en date
du 19 juillet 18S» {'S djémaziul-cwcl 1355).
Mylord, je m'acquilte des ordres de mon gouvernement en transmet-
tant, sans relard, h V. E. copie de la dépêche que je viens de recevoir de
M. le maréchal duc de Dalmalie, sous la date du 17 juillet.
Le gouvernement du roi, mylord, sait d'avance qu'il trouvera dans le
cabinet de S. M. britannique des principes et des sentiments conformes ci
ceux qui dirigent et qui continueront invariablement h diriger sa polili-
AI'PI'.NDICE liliQ
que dans les affaires d'Orient; mais il attache un véritable prix à rece-
voir un nouveau témoignage de cette conformité.
Je prie V. E. de vouloir bien m'accuser réception, etc.
XX, — Note de lord l*alnicrston au baron de Itour(|ncncy, en date
du 2 !S juillet 18»0 (tO djéniaziul-éwel 1355).
Monsieur le baron, j'ai l'honneur de vous accuser réception de votre
billet du 19 de ce mois, auquel vous avez, joint, d'après l'ordre de
votre gouvernement, copie d'une dépêche du 17 que vous avez reçue du
duc de Dalmatie, et qui a trait à l'état actuel des allaircs en Turquie.
En réponse, je dois vous exprimer la grande satisfaction avec laquelle
le gouvernement de S. M. a reçu cette communication, et je ne perds pas
un moment pour vous autorisera assurer votre gouvernement que le ca-
binet britannique désire, comme celui de France, de maintenir l'intégrité
et l'indépendance de l'empire ottoman sous la dynastie régnante, et (ju'il
est prêt à employer toute son influence et tous ses moyens d'aclion pour
conserver cet élément essentiel de l'équilibre européen, et qu'il l'instar
du cabinet français il n'hésiterait point h se déclarer ouvertement contre
toute combinaison conçue dans un esprit contraire aux principes sus-
mentionnés.
J'ai l'honneur d'être, etc.
XXI. — Dépêche du baron de Bourqueney au niaréulial Soult, en
date du %3 juillet 1839 (11 djémaziul-éwcl 1355).
Monsieur le maréchal, je viens de communiquer h lord Palnierston les
deux dépèches télégraphiques que Votre Excellence m'a fait l'honneur de
ra'adresser sous la date d'hier ; elles ont naturellement produit une très-
pénible impression sur son esprit, et il n'a pas été maître de contenir une
exclamation de dépit contre l'aveuglement qui a jeté Mahmoud et son em-
pire au devant d'un événement aussi désastreux.
Toutefois, monsieur le maréchal, en reportant plus fi'oidement ses re-
gards sur la situation générale, et partant de la donnée qu'Ibrahim-pacha
n'aura pas suivi ses succès jusqu'à une extrémité inquiétante pourlesalut
même de l'empire ottoman, lord Palmerston a été peu h peu ramené à une
conclusion analogue à celle de ses premiers raisonnements au moment où
je lui portai la nouvelle de la mort du sultan. Le second événement,
comme le premier, trouve, selon lui, les grandes puissances à peu près
fixées sur les moyens de prévenir toute complication européenne; l'échange
entre nos deux cabinets des déclarations relatives au maintien de l'inté-
grité et de l'indépendance de l'empire ottoman est même un pas de plus
T. II. '29
450 APPENDICE
dans cette voie salutaire; en y persévérant, lord Palmerston espère qu'on
préviendra toute catastrophe.
Ce n'est pas certes que son esprit ne soit en môme temps frappé du dé-
plorable abaissement de la puissance ottomane, au moment oii elle vient
de passer dans les mains d'un prince de seize ans ; et cet abaissement ne
saurait être qu'une cause sérieuse de regrets et d'alarmes pour les puis-
sances protectrices désintéressées de la Porte. Cette réflexion est même
accompagnée chez lord Palmerston d'un penchant naturel au soupçon que
la Russie, qui ne veut pas d'une complication européenne actuelle, mais
qui juge l'alTaiblissemeiit de la puissanceottomane favorable àsapolitique
d'avenir, a poussé sous main la Porte et l'Egypte à la dernière collision ;
et ce soupçon est confirmé chez lui par les efforts récents du cabinet
russe pour enfermer la lutte dans de certaines limites, et tracer au vain-
queur présumé, à Ibrahim-Pacha, la route vers le Diarbékir, c'est-à-dire
dans une direction qui ne forcerait pas la Porte k réclamer l'exécution du
traité d'Unkiar-Skélessi, exécution pour laquelle la Russie ne se croit pas
prête.
Passant de ces considérations générales au côté pratique de la ques-
tion, j'ai demandé à lord Palmerston si la nouvelle de la défaite de l'ar-
mée turque lui semblait devoir apporter quelque modification aux me-
sures déjà adoptées, par nos deux cabinets, dans la prévision seule de
l'événement qui vient de se réaliser. Lord Palmerston m'a répondu qu'il
n'y voyait jusqu'ici aucune nécessité : « Nos amiraux, « m'a-t-il dit,» ont
dans leurs instructions de quoi faire face à l'événement du 2/t juin ;
Ibrahira-Pacha aura vraisemblablement arrêté de lui-même ses pre-
miers succès; s'il les poursuivait, les commandants de nos escadres
ont leur conduite tracée; si, d'un autre côté, la terreur avait jeté de
nouveau la Porte dans les bras de la Russie, nos premières instruc-
tions aux ambassadeurs leur indiquent péremptoirement la demande
qu'ils auront à adresser à la Porte pour l'admission de nos escadres
dans la mer de Marmara. C'est à Vienne qu'il faut redoubler d'efforts
et d'activité pour presser la conclusion de l'arrangement permanent
dont les bases générales ont déjà été mises en avant par les autres puis-
sances comme limites entre lesquelles devra se mouvoir la négociation.
L'Egypte sera devenue sans doute plus exigeante; mais un concert eu-
ropéen saura triompher de tous ces obstacles. »
Tel est, monsieur le maréchal, le résumé des points principaux de la
conversation de lord Palmerston
Je puis ajouter en toute confiance que, si le gouvernement du roi entre-
voyait la nécessité d'une modification à la marche suivie jusqu'à ce jour,
toute ouverture de lui à ce sujet sera reçue ici avec une véritable défé-
rence.
AI'PKNDICE Û5l
Lord Palmerslon a voulu que jo remerciasse en son nom Voire Excel-
lence de ractivilé et de l'exacUlude denses communications.
Veuillez agréer, etc.
XXII. — I\'ote de rauilias.sacleur de France (comte de SaînteAu-
laire) au ministre des afi'aires étrangères d'Autriciie (Itletler-
nicli), eu date de Vienne le 23 juillet 1839 (Il djémaziul-éwel
1255).
L'ambassadeur du roi des Français a reçu l'ordre de communiquer h
S. A. M. le chancelier de cour et d'Étal la dépêche dont ci-joint copie.
En déclarant qu'il veut l'intégrité cl l'indépendance de l'empire ottoman
sous la dynastie actuellement régnante, et qu'il est disposé k faire usai^e
de ses moyens d'action et d'influence pour assurer le maintien de cet élé-
ment si nécessaire à l'équilibre politique, le gouvernement du roi ne
lait qu'adhérer aux sentiments exprimés si souvent, et récemment encore
dans des termes également précis, au nom de S. M. Impériale et Royale.
Mais il a jugé que les circonstances actuelles donneraient de l'utilité h
la manifestation écrite et réciproque de ces sentiments de toutes les puis-
sances, et il a voulu, pour sa part, s'acquitter de ce devoir sans perdre
un jour.
XXIII. — IVote du prince de Nettcrnich an comte de Saînte-Aaiaire,
en date du 24 juillet 183» (13 djémaziul-éwel 1255).
Le soussigné, etc., etc., a l'honneur d'accuser à Son Excellence
M. l'ambassadeur de France, etc., la réception de l'office qu'il lui a fait
celui de lui adresser hier, et il s'empresse d'y faire la réponse suivante :
L'empereur ayant à cœur de s'expliquer en toute occasion avec une en-
tière franchise sur ce qu'il croit pouvoir être utile au maintien de la paix
générale, et ayant considéré l'événement du décès du sultan Mahmoud
comme pouvant faire naître des chances de perturbations graves dans
l'empire ottoman, dont la réaction ne tarderait pas à se faire sentir bien
au delà des frontières de cet empire, n'a point hésité à charger le soussi-
gné, au moment même où Sa Majesté impériale a eu lieu de se convaincre
que la vie de Sa Hautesse était dans un danger imminent, de faire con-
naître aux cours de France, de Grande-Bretagne, de Russie, et de Prusse,
sa ferme détermination de suivre la ligne politique clairement définie dans
les points suivants :
1° Sa Majesté impériale a déclaré qu'elle était décidée à ne pas s'écarter
de la résolution, qu'elle avait prise, de vouer tous ses soins et ses elTorls
à la conservation intacte de l'empire ottoman sous la dynastie actuellement
Z,52 APPENDICE
régnante, et à vouer h ce but tous les moyens d'influence et d'action dont
elle pourra disposer.
2" Qu'il résultait de celte détermination que Sa Majesté impériale se
déclarerait contre toute combinaison qui porterait atteinte à l'indépendance
de l'autorité souveraine du sullan, et h l'intégrité de son empire.
3° Que i'em[)ereur désirait que les autres puissances prissent une déter-
mination semblable à celle qu'il venait d'énoncer, et qu'à cet efl'et, Sa
Majesté impériale sera constamment prêle à s'entendre avec elles, afin de
s'assurer par la franchise de leur concours les moyens d'atteindre le but
qu'elle se propose.
Rien ne saurait être plus satisfaisant pour l'empereur que l'entier assen-
timent du cabinet français aux principes qui, dans une circonstance aussi
riche dans ses conséquences possibles, servirait dérègle à la conduite du
cabinet impérial.
Le soussigné prie M. l'ambassadeur de vouloir bien transmettre celte
assurance à son gouvernement, et il saisit, etc.
XXIV. — Déprclie du maréchal Soult an baron de Bourtiaency, en
date du 26 juillet fl»»9 (14 djémaziul-éwel 1255).
J'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de ra'écrire jus-
qu'au N° 68 inclusivement. La réponse faite par lord Palmerslon h la
déclaration dont je vous avais chargé de lui remettre copie est de tous
points satisfaisante. Les importantes nouvelles, arrivées depuis quelques
jours, de l'Orient ont donné à l'état des choses un aspect tout nouveau.
Quelque inquiélude qu'on i)ût concevoir à l'avance sur la gravilé des
périls auxquels la politique adoptée en dernier lieu par le sullan Mah-
moud exposait l'empire ollonian, l'événement a dépassé toutes les con-
jectures. Li mort du sultan, la défaite complète de l'armée turque en
Syrie, la défection de la flotte, ont mis cet Empire dans une telle situa-
tion, que désormais la protection de l'Europe et la prudence de Méhéiuet-
Ali sont les seules garanties qui restent au trône du jeune Abdul-Medjid.
Les extraits ci-joints de ma correspondance de Gonstantinople et d'A-
lexandrie vous feront connaître les circonstances de ces grands événe-
ments. Vous y verrez aussi que la Porte, peu de jours après la mort de
Mahmoud, lorsqu'elle ignorait encore la défection de la flotte, mais lors-
que sans doute elle était déjà informée de la défaite d'Hafiz-Pacha, a an-
noncé ofliciellement aux représentants des grandes puissances, l'inten-
tion de se réconcilier avec le vice-roi, et de lui faire des concessions à
cet ell'et. Vous y verrez également que iMéhémet, exalté par le senti-
ment de la supériorité que lui donnaient les circonstances nouvellement
survenues, se montrait disposé à de grandes exigences.
APPENDICE Û53
La rapidité avec laquelle marclient les événements p^^ut sans doute
faire craindre que la crise ne se dénoue, d'unmoiuent à l'antre, |)ar quel-
que arrangement dans lequel les puissances européennes irauroiit pas le
temps d'intervenir, et où, par conséquent, les intérêts essentiels de la
politique générale ne seront pas pris en considération sulTisante. Ce dan-
ger est une conséquence inévitable de la distance où nous sommes de
Constantinople et d'Alexandrie; il n'y pas moyen d'y remédier d'une
manière absolue. Je pense néanmoins qu'il convient de persister dans la
marche suivie jusqu'à présent, et qui consiste, en substance, k subordonner
à un concert, aussi intime et aussi soutenu que possible, entre les cabinets
l'action que chacun d'eux est en mesure (i'exercer dans la question d'O-
rient. Pour l'Angleterre comme pour la France, pour l'Autriche aussi,
bien qu'elle ne le proclame pas aussi ouvertement, le principal, le véri-
table objet de ce concert, c'est de contenir la Russie, et de l'habituer à
traiter en commun les alTaires orientales. C'est assez dire que dans les
conjonctures actuelles, il y a lieu plus que jamais de travailler à la res-
serrer.
Cela posé, je crois que les puissances, tout en donnant une pleine ap-
probation aux sentiments conciliants manifestés parla Porte, doivent l'en-
gager à ne rien précipiter, et à ne traiter avec le vice-roi que moyennant
l'intermédiaire et le concours de ses alliés, dont la coopération serait sans
doute le meilleur moyen de lui ménager des conditions moins désavanta-
geuses et mieux garanties.
Je crois qu'à Alexandrie ces mêmes puissances doivent tenir au vice-
roi un langage propre à lui faiie sentir que, quels que soient les avan-
tages qu'il vient d'obtenir, il risquerait de les compromettre en voulant
les pousser trop loin, et que, s'il prétendait, dans quelque l'orme ou sous
quelque prétexte que ce fût, arracher au sultan des conditions incompa-
tibles avec sa dignité et la sûreté de son trône, l'Europe entière inter-
viendrait pour s'y opposer. Pour qu'un tel langage ait l'etTicacité dési-
rable, il faut que les consuls soient mis en mesure de le tenir simultané-
ment et en termes qui prouvent leur parfiit accord. Il faut aussi que la
fermeté, j'ai presque dit la sévérité, des conseils qu'il exprimera, soit
tempérée par un ton de modéralion et de bienveillance qui, tout en avertis-
sant la prudence de Méhémel-Ali, ne blesse pas trop fortement son or-
gueil et son ambition. Il y aurait certainement de l'affectation à paraître
croire qu'après les succès que vient de lui procurer la folle conduite de
la Porte il n'a rien à attendre de plus que ce qu'il était en droit de de-
mander auparavant. Ce serait méconnaître l'empire des faits, les néces-
sités de la situation. Si le vice-roi acquérait la conviction qu'il ne doit
rien espérer de l'équité des puissances, il se révolterait contre leurs re-
présentations impérieuses, et son iiritation pourrait amener, d'un moment
Z,5/j APPENDICE
à l'aulre, des conséquences dont la seule possibilité est de nature à
effrayer tout esprit prévoyant.
Voilà, Monsieur, les premières impressions que le gouvernement du
roi a reçues des dernières nouvelles de l'Orient. Veuillez en faire part
à lord Palmerston, et lui demander si elles sont conformes h la manière
de voir du cabinet britannique. Je vous ferai bientôt connaître avec plus
de détail des idées que je n'ai encore eu que le temps d'ébaucher.
Vous remarquerez dans la dépêche de l'amiral Roussin, où il rend
compte des propositions adressées par la Porte à Méhémel-Ali, celle qui
concéderait h ce pacha l'investiture seukment viagère de l'Egypte. Notre
ambassadeur avait mal saisi la pensée de Nouri-éfendi. Il s'agissait d'une
investiture héréditaire, comme cela résulte évidemment de deux docu-
ments joints au rapport de l'internonce autrichien sur la conférence oii ces
rapports ont été communiqués aux représentants des puissances, et de la
lettre même par laquelle le grand-vézir les a transmises au vice-roi.
XXV. — Dépêche du niaréchal Soalt au consul-général de France
à Alexandrie, en date du S 9 juillet 1839 (15 djéniazial-évrel
125 5).
Monsieur, j'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire jusqu'au N° 115 inclusivement. Celles de M. de Lurde me sont
également parvenues.
Le gouvernement du roi voit avec peine que les avantages obtenus par
Méhémet-Ali, loin de lui inspirer la modération qui conviendrait si bien à
la position forte et glorieuse dans laquelle il se trouve placé, semblent
avoir éveillé dans son esprit et des espérances et des projets dont rien dans
ces derniers temps n'avait indiqué l'existence.
Le langage qu'il a tenu à M. de Lurde est certainement en accord
avec l'intention , si récemment exprimée par lui dans les instructions
envoyées à Ibrahim-pacha, de s'en remettre pour la conclusion de sa
querelle avec la Porte, aux négociations qu'allaient entamer les puis-
sances européennes. Ces instructions par cela même qu'elles nous avaient
été officiellement communiquées, et qu'un de mes officiers d'ordonnance
en avait été rendu porteur, constituent à notre égard un engagement qui
n'a pu être rompu par des faits auxquels nous sommes complètement
étrangers.
Le gouvernement du roi veut croire que le vice-roi, promplement rerais
de l'exaltation qu'ont pu lui causer des succès aussi rapides que com-
plets, reviendra à des dispositions plus dignes de sa sagesse et de son
expérience ; qu'il ne voudra pas poursuivre par la force, le but de son
ambition, et qu'il comprendra que les conditions même que la violence
APPENDICE Ù55
pourrail arraclier à la détresse et aux terreurs de la Porte n'auraient en
réalité aucun caractère définitif, et ne donneraient à la puissance ([u'il a
fondée que des bases bien insuffisantes, si elles n'étaient sanctionnées par
l'approbation des puissances européennes.
La nécessité de cette approbation ne résulte pas, Monsieur, d'une pro-
tection arbitraire de ces puissances. S'il ne leur est pas possible de laisser
les affaires de l'Orient se régler sans leur concours, c'est que leurs inté-
rêts essentiels et directs sont trop fortement engagés ; c'est qu'elles ne
pourraient tolérer aucune combinaison qui, dans une forme ou sous un
prétexte quelconque, porterait atteinte à l'indépendance, à l'intégrité de
l'empire ottoman, ou aux droits de la dynastie régnante. Cet empire, dans
l'état de faiblesse auquel il se trouve réduit, n'a pourtant pas cessé d'être
un des éléments essentiels de l'équilibre politique, une des garanties de
la paix générale, et à ce titre il a un droit absolu à notre protection.
Pour vous prouver h quel point les vues des puissances sont arrêtées à
ce sujet, je vous envoie la copie de deux déclarations qui viennent d'être
échangées entre les cours de Londres et de Paris. Celle qui porte ma si-
gnature a été envoyée aussi à Vienne, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, et je
puis d'autant moins douter de la cohésion du cabinet autrichien que c'est
lui qui le premier a eu l'idée de cet espèce d'engagement réciproque.
Veuillez, Monsieur, faire part à Méhéraet-Ali du contenu de cette dé-
pêche. Appelez toute son attention sur les considérations si graves qui y
sont développées. Dites-lui bien que, quelle que soit la sévérité de noire
langage, elle est encore fort au-dessous du degré de mécontentement que
sa persistance dans des prétentions incompatibles avec l'intéiêt général
inspirerait aux autres cabinets, déjà trop portés à se défier de ses intentions.
Dites-lui que, si en cette occasion comme en beaucoup d'autres, la France
est la première à lui faire entendre des conseils que peut-être dans le
premier moment il trouvera rigoureux, c'est précisément parce que la
bienveillance dont nous sommes animés à son égard nous fait voir avec un
vif regret les voies dangereuses où il commence à entrer, et parce que nous
voudrions qu'il ne s'y engageât pas au point de compromettre ses grandes
et belles destinées.
Il me tarde de connaître l'accueil qu'il aura fait aux propositions d'ac-
commodement contenues dans la lettre que lui a écrite le nouveau grand-
vézir. Je n'hésite pas à dire qu'elles me paraissent parfaitement propres à
devenir tout au moins la base d'une négociation sérieuse. Je ne doute pas
que M. l'amiral Roussin ne vous ait envoyé le texte de la lettre vézirielle.
Je le désire d'autant plus que celle qu'il vous a écrite lui-même, pour
vous annoncer le démarche do la Porte, aurait pu, par la manière dont elle
était rédigée, vous faire supposer qu'il s'agissait simplement de confier à
Méliémet-Ali l'investiture viagère de l'Egypte.
Il56 APPENDICE
P. S. 2S juillet. — Je vous envoie ci-joint. Monsieur, copie des instruc-
tions que M. le ministre de la marine adresse aujourd'hui même à l'a-
miral Lalande. Elles sont relatives h la défection du capitan-pacha; vous
n'avez point à en donner communication actuelle au vice-roi, mais la con-
naissance que vous y puiserez de nos intentions vous servira de règle
pour réclamer fortement auprès de Son Altesse contre tout acte ou toute
disposition qui, de sa part, tendrait à mettre obstacle au retour delaflotte
turque à Constantinople, et la soutiendrait dans sa désobéissance aux or-
dres de sa cour.
XXTI. — Dépêche da baron tle Bourqucnej au maréchal ïiloult, en
date du S« juillet 1839 (15 djéniazlul-éwel 1S55).
Monsieur le maréchal, j'ai reçu ce matin la dépêche télégraphique par
laquelle Votre Excellence m'annonce la défection du capitan-pacha. J'ai
écrit sans retard à lord Palmerston pour lui communiquer cette impor-
tante nouvelle. Il m'a répondu en me priant de me rendre à deux heures
au Foreign-ofTice ; il devait y avoir conseil de cabinet, et je crois qu'il
était bien aise de consulter ses collègues séance tenante.
Lord Palmerston est sorti du conseil pour prendre lecture de la dépê-
che télégraphique ; il est rentré pour la communiquer aux autres membres
du cabinet. Le résultat de leur délibération a été qu'avant de connaître
le développement de ce nouvel événement il n'y avait rien à modifier
aux précédentes instructions.
Un courrier de Vienne, parti le 17 juillet, est arrivé ce matin h Londres.
Il apporte des nouvelles de Constantinople jusqu'au 8. La trahison du
capitan-pacha était déjà connue à celte date. Le prince Esterhazy m'a
donné k lire la dépêche de M. de Metternich et les extraits de correspon-
dance du baron de Slurmer. Le tableau de l'internonce est bien sombre.
Le prince de Metternich écrit au prince Esterhazy qu'il ne faut pas
perdre de temps à gémir, et que c'est le moment de resserrer plus forte-
ment que jamais l'union des cinq cours dans la négociation projetée à
Vienne.
Lord Palmerston m'a parlé ce matin dans le même sens ; il est d'avis
de presser autant que possible la conclusion de l'arrangement sous le
patronage des cinq cours. Il dit que lord Beauvale est suffisamment
pourvu d'instructions et de pouvoirs à cet effet; ces instructions sont,
comme Votre Excellence le sait, l'hérédilé dans la famille de Méhéniet-
Ali et une compensation territoriale pour la Porte ottomane. Je sais que,
dans la pensée du cabinet anglais, cette compensation va jusqu'à la rétro-
cession complète de la Syrie ; mais je ne crois pas qu'il en fasse une con-
dition sine qua non.
APPENDICE /l57
Lord Paliaerston est Irès-frappé de la crainte que le cabinet russe ne
pousse à Gonstantinople ci un arrangement direct entre le sultan et Mé-
iiémet-Ali, qui fasse échouer, en les rendant inutiles, les négociations de
Vienne et les garanties qui en découleront; mais il pense que, même
dans le cas de l'arrangement direct admis, nous devrons continuer nos
efforts pour faire sortir du concours moral des quatre cours un acte
auquel la cinquième ne pourra s'empêcher de souscrire.
Veuillez agréer, etc.
XXVII. — IVoto de ranil»a<4sadenr d'Anrfletrrrc (lord Boauvalc) an
prince de Metternieli, en date de Vienne le 2 9 jnillet 18:tt> (15
djéniaziul-é^vel 12 55).
L'ambassadeur d'Autriche à Londres ayant communiqué au secrétaire
d'État de S. M. pour les affaires étrangères une dépêche de S. A. le chan-
celier de cour et d'État, où sont exposés les principes qui dirigent les
conseils et déterminent la conduite de l'Autriche dans les affaires de Tur-
quie, le gouvernement britannique se croit obligé de déclarer qu'il adhère
complètement aux vues et aux intentions qui s'y trouvent énoncées.
Le soussigné ambassadeur de S. M. britannique à Vienne, a été par
conséquent autorisé h déclarer, et il déclare, au nom de sa cour, qu'elle
est déterminée à maintenir l'intégrité et l'indépendanee de l'empire turc
sous la dynastie actuelle, et, comme une conséquence nécessaire de cette
détermination, qu'elle ne cherchera point h profiter de l'état actuel des
choses pour faire des acquisitions territoriales ou obtenir une influence
exclusive.
Le gouvernement britannique espère avec confiance que cette décla-
ration sera échangée par les autres cours d'Europe, ses amies et alliées,
qui ont déjà donné des preuves de sagesse et du désintéressement de
leurs vues dans cette occasion, et en premier lieu par celle de S. M. impé-
riale et royale apostolique, k laquelle appartient l'honneur d'avoir eu
l'idée de cette proposition.
XXVIII. — \otc dn prince de îUetternîch à lord Beanvalc, en date
do 38 juillet 1839 (16 djéuiaziul-éwel 1255).
Le soussigné a l'honneur d'accuser à Son Excellence mylord Beauvale
la réception de l'office qu'il lui a adressé en date d'hier.
L'empereur, dans les instructions qu'il a fait adresser le 3 de ce mois
à son ambassadeur près Sa Majesté britannique, a développé avec une
entière franchise les principes qui ont invariablement guidé sa politique
à l'égard de la Porte ottomane, et qui continueront à lui servir de règle.
U5S APPENDICE
En donnant si explicitement son plein assentiment à ces principes, le gou-
vernement britannique répond non seulement aux vœux, mais également
à l'attente de Sa Majesté impériale. Convaincu que l'heureuse identité de
vues dont ont fait preuve, dans la présente crise, les puissances qui, par
une saine politique, sont le plus directement appelées à influer sur les
destinées de l'empire ottoman, offre le moyen le plus efficace d'en assurer
la conservation, le cabinet impérial a accueilli avec une bien vive satis-
faction, l'assurance qu'à l'égard de cette question, l'une des plus graves
du jour, il existe une parfaite uniformité de principes entre lui et le
cabinet britannique.
Le soussigné a l'honneur d'inviter Son Excellence mylord Beauvale à
vouloir bien porter cette assurance à la connaissance de sa cour, et il le
prie, en même temps, d'agréer pour lui celle de sa haute considération.
XXIX. — Dépêche du baron de Bourqneney an maréchal Sonlt,
en date du 31 juillet 1839 (19 djéniaziul-éwel 1S55).
Monsieur le maréchal, hier, au moment où je me disposais à expédier
le porte-feuille de l'ambassade, lord Palmerston m'a écrit pour me prier
de passer chez lui. Il venait de recevoir son courrier de Paris, et il voulait
mettre sous mes yeux la correspondance de lord Granville, frappé de
quelques différences de rédaction entre sa dépêche et celle que je lui
avais communiquée la veille.
Lord Granville, Monsieur le maréchal, écrit le 26 au soir que Votre
Excellence lui a déclaré que dans l'opinion du gouvernement du roi :
« Ni la désastreuse défaite de l'armée turque, ni la trahison du capitan-
pacha, ni l'attitude abattue du divan, ne doivent modifier la marche que
les grandes puissances de l'Europe se proposent de suivre; que tout arran-
gement fait entre le sultan et Méhémet-Ali, au moment où les conseillers
de l'empire étaient ou paralysés par la crainte, ou traîtreusement occupés
à satisfaire leur ambition, au mépris des droits de leur souverain, devait
être considéré comme nul et quhine déclaration dans ce sens devait être
faite à Méhémet-Ali. » — Enfin, Votre Excellence aurait ajouté qu'elle
décrivait le jour même àVienne à V ambassadeur de France pour lui trans-
mettre cette opinion du gouvernement du roi, et l'engager à la faire par-
tager au cabinet autrichien. »
Je cite textuellement la dépêche de lord Granville.
Lord Palmerston répond h lord Granville que le cabinet anglais adhère
h choque syllabe de la déclaration de Votre Excellence; que, sans s'être
concertés, les deux cabinets sont arrivés d'eux-mêmes à une conclusion
parfaitement identique, et que rien ne prouve mieux la communauté du
but qu'ils se proposent et la solidarité du sentiment qui les anime.
APPENDICE Ù59
Mais lord Palmerston avait remarqué avec inquiétude quelques diver-
gences entre la déclaration de Votre Excellence rapportée par lord Gran-
ville et les phrases suivantes de la dépêche n° 31 qu'elle m'a fait l'honneur
de ra'adresser :
« Il faut faire sentir au vice-roi que, quels que soient les avantages qu'il
vient d'obtenir, il risquerait de les compromettre en voulant les pousser
trop loin
« Il y aurait de l'affectation à paraître croire qu'après les succès que
vient de procurer à Méhéiuet-Aii la folle agression de la Porte il n'a rien
à attendre de plus que ce qu'il était en droit de demander auparavant ;
ce serait méconnaître l'empire des faits et les nécessités de la situa-
tion »
Je me suis attaché, Monsieur le maréchal, ii affaiblir autant qu'il était
en moi le contraste que me signalait lord Palmerston ; je l'ai même réduit
à une simple nuance de rédaction; j'ai montré la pensée qui dominait à la
fois et la déclaration de Votre Excellence à lord Granville et la dépêche
qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire; pensée qui consiste à empêcher un
arrangement direct entre le sultan et le pacha, dans lequel les intérêts de
l'empire ottoman seraient sacrifiés à un ensemble de circonstances désas-
treuses, et les intérêts de l'Europe privés de la garantie qu'ils cherchent
dans une transaction conclue sous l'influence des grandes puissances.
Mais, privé d'informations positives sur les bases mêmes que le gouverne-
ment du roi veut donner à cet arrangement, je ne me suis point laissé
attirer sur ce terrain de discussion. Lord Palmerston n'a cependant pas
laissé échapper l'occasion de me formuler plus nettement la pensée du
cabinet anglais, et il m'a dit :
« Plus je réfléchis à cette question d'Orient (et je vous affirme qu'il n'y
a pas dans mon esprit une seule préoccupation anglaise exclusive), plus
j'arrive à cette conclusion que la France et l'Angleterre ne peuvent que
vouloir identiquement la même chose, la sécurité, la force de l'empire
ottoman, ou, si ces mots sont trop ambitieux, son retour à un état qui
laisse le moins de chances possible à une intervention étrangère. Eh
bien ! cet objet nous ne l'obtiendrons qu'en séparant le sultan et son
vassal par le désert ; que Méhémet-Ali reste maître de son Egypte, qu'il
y obtienne l'hérédité qui a fait le but constant de ses efforts, mais qu'il
n'y ait plus de collision possible et par conséquent pas de voisinage
entre ces deux puissances rivales. La Piussie convoite (d'avenir) les pro-
vinces d'Europe, et au fond de son cœur elle voit avec joie les provinces
d'Asie se séparer du corps ottoman. Pouvons-nous servir cet intérêt?
Evidemment non. On parle des ditTicultés matérielles que nous rencon-
trerons pour arriver à notre but; je pense que Méhémet-Ali ne résistera
pas à une volonté sincère exprimée en commun par les grandes puis-
/i60 APPENDICE
sances; mais le fît-il, ses droits n'auront pas augmenté par le mépris
qu'il aura fait des conseils de l'Europe, tout en sauvant les apparences;
et si la force devenait nécessaire, le résultat ne serait ni long ni dou-
teux. »
« Telle est, « a continué lord Pnlmerslon, » l'opinion bien arrêtée du
cabinet anglais; si nous pensions que Méhémet-Ali pût s'asseoir fort et
respecté sur le trône ottoman et posséder l'empire dans son indépendance
et son intégrité, nous dirions : soit. Mais convaincus que, s'il reste
encore quelque chose en Turquie, c'est le respect religieux pour la
famille impériale, et que jamais l'empire tout entier ne consentira à
traiter Méhémet-Ali comme un descendant du prophète, Dieu nous
garde de nous embarquer dans une semblable politique! Nous aurions
une seconde Amérique du Sud en Orient, et celle-là aurait des voisins qui
ne la laisseraient pas éternellement se consumer en luttes intérieures. »
J'ai reproduit. Monsieur le maréchal, l'opinion de lord Palmerston avec
le style même de la conversation avec lequel il la développait ; je n'ai pas
besoin d'ajouter qu'elle ne répondait nullement à une pensée, même pré-
sumée, du gouvernement du roi, mais les dernières publications de la
presse, dans les deux pays, ont mis récemment en circulation quelques
idées que lord Palmerston saisissait l'occasion de réfuter.
J'ai promis à lord Palmerston, en le quittant, Monsieur le maréchal,
que j'appellerais votre attention sur la légère nuance de divergence qu'il
m'avait signalée entre la correspondance de lord Granville et la dernière
dépêche de Votre Excellence.
D'après les instances de lord Palmerston, le chargé d'affaires de Prusse
avait prié le cabinet prussien de s'expliquer sur les bases de l'arrange-
ment projeté entre le sultan et Méhéraet-Ali. M. de Werther est venu me
lire la réponse confidentielle qu'il a reçue de son père. Le baron de Wer-
ther établit dans cette lettre que le cabinet prussien ne voulant prendre
aucune inilialive dans la question d'Orient, ce n'est point l'opinion de son
gouvernement, mais la sienne propre qu'il transmet à Londres, et cette
opinion est que les bases de l'arrangement doivent être l'hérédité dans la
famille de Méhémet-Ali, et la rétrocession complète de la Syrie au sultan.
M. de Werther a communiqué la lettre de son père à lord Palmerston.
Veuillez agréer, etc.
X\.X. — Uopèche de lord Beauvalc à lord Palmerston, en date du
lo^ août iM»U (20 djcmazlul>éwcl 1355).
J'ai communiqué au prince de Melternich la substance de la dépêche de
V. S. du 23 juillet, et je suis heureux de vous informer qu'il s'associe à
APPKNDICE ^01
l'ensemble des vues de V. S. et aux conséquences qui en découlent. ïl.est
dans rallente de dépêches qu'il doit recevoir de Russie, et il a prêché
une grande prudence dans la conduite k tenir en attendant. Je lui ai dit
que nous avons été en arrière des événements pendant deux mois; que
nous voulons l'intégrité de l'empire turc, mais que nous ne faisons rien
pour la maintenir: qu'il sera beaucoup plus difficile de la rétablir après
qu'elle aura été violée que d'arrêter les événements au point où ils sont
aujourd'hui ; que les dispositions des Turcs k se débarrasser de notre as-
sistance et la tendance à la révolte des pachas exigent que nous nous mon-
trions dans une attitude plus imposante que celle que nous avions prisejus-
qu'ici ; que par application de ces arguments j'ai couché par écrit les con-
séquences qui résultent des prémisses que nous avons adoptées d'un
commun accord, et je lui ai remis l'écrit dont j'ai l'honneur de vous en-
voyer ci-joint copie. Après l'avoir lu, il en approuva chaque parole, mais
il dit qu'il ne pensait pas le signer sans la Russie, car si une démarche
collective était faite h Gonslantinople k laquelle M. de Bouténeff ne serait
pas associé, les Turcs le remarqueraient, ce qui ferait plus de mal que de
bien. Il a donc proposé que cet écrit fut envoyé séparément par lui k
M. de Sliirraer et par M. de Sainte-Aulaire et par moi à nos collègues k
Gonstantinople pour qu'ils agissent en conséquence, chacun individuelle-
ment. J'aireprésenté l'insuffisance et l'incertitude de ce moyen, mais ra'é-
tant aperçu qu'il doutait du concours de M. de Sainte-Aulaire pour la dé-
marche que je proposais, je lui ai demandé si je pouvais engager, en son
nom, cet ambassadeur de l'entretenir le lendemain de cet objet. Il y a
consenti. J'ai trouvé en M. de Sainte-Aulaire un chaud partisan de ce
plan auquel il se croyait parfaitement autorisé par ses instructions k con-
courir. Je voudrais suggérer k mon gouvernement que des pleins pou-
voirs et des instructions fussent envoyés à M. de Sainte-Aulaire et à moi
pour nous asseoir et traiter k cinq ou k quatre ou à trois. M. de Saint-Au-
laire partage mon opinion à cet égard, et conseillera les mêmes choses à
son gouvernement.
Annexe.
Projet de déclaration proposé par Projet modifié par M. de Sainte^
lord Beauual \ Aulaire.
Les puissances, voyant dans l'in- Les puissances, voyant dans l'in-
tégrité de l'empire turc un élément tégrité de l'empire turc un élément
nécessaire de l'équilibre européen, nécessaire de l'équilibre européen
et jugeant que toute atteinte à cette et une conviction de l'élat de paix
intégrité compromet l'état de paix qu'elles sont déterminées k raainte-
qu'elles sont déterminées à mainte- nir, regarderont toute atteinte k cette
nir, regarderont tout pacha qui aura intégrité comme un acte d'hostilité
levé l'étendard de la révolte, contre envers elles-mêmes.
Z,62 APPENDICE
son souverain, comme exerçant un
acte d'hostilité envers elles-mêmes.
En conséquence de cette base, et En conséquence de celte base, et
considérant les négociations entre considérant les négociations entre
la Porte et Méhraet-Ali comme ayant la Porte et Mélimet-Ali comme
été imposées h la première par une ayant été imposées à la première par
inévitable nécessité, les puissances une inévitable nécessité, les puis-
ent résolu de prendre en considéra- sances ont résolu de prendre en con-
tion, d'après les principes établis ci- sidéra tion, d'après les principes éta-
dessus, les résultats de ces négocia- blis ci-dessus, les résultats de ces
tions, (quels qu'ils soient), et elles négociations, (quels qu'ils soient), et
ne leur attribueront aucune valeur elles ne leur attribueront aucune va-
si ce n'est en tant qu 'ils pourraient leur si ce n'est en tant qu'ils pour-
conduire au but que les puissances raient conduire au but que les puis-
ent en vue, et qu'elles feront les plus sances ont en vue, et qu'elles feront
grands efforts d'atteindre. les plus grands efforts d'atteindre.
XXXI. — Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney,
en date du !«'' août 1830 (SO djéniaziul-éwel 1^55).
Monsieur, je vous envoie la copie d'une dépèche télégraphique que je
viens de recevoir du consul-général de France à Alexandrie. Il en résulte
que la flotte ottomane est venue le H juillet se mettre à la disposition de
Méhémet-Ali, qui a déclaré l'intention formelle de ne la rendre à la Porte
qu'après que le grand-vézir aurait été destitué et qu'on lui aurait accordé
pour lui-même l'investiture héréditaire du pays qu'il gouverne. En faisant
part à lord Palraerston de celte information, veuillez lui demander quelle
est l'opinion du cabinet de Londres sur l'attitude nouvelle que la France
et l'Angleterre peuvent se trouver appelées à prendre par suite de cette
grave complication.
M. de Metiernich a fait une réponse convenable à notre déclaration en
faveur de l'indépendance et de l'intégrilé de l'empire ottoman. D'après ce
que m'écrit M. de Sainte-Aulaire, le chancelier d'Autriche, qui se mon-
trait naguère fort satisfait des intentions manifestées par la Russie, en
est maintenant assez inquiet. Il paraît que le cabinet de Saint-Pétersbourg,
loin de continuer les assurances, d'ailleurs assez vagues, qu'il avait d'a-
bord données de sa volonté d'agir de concert avec les autres puissances,
se refuse, sous d'assez frivoles prétextes, à tout ce qui pourrrait les pré-
ciser ou les traduire en actes formels. Ce qui me surprend, c'est l'étonne-
menl que M. de Metternich paraît en éprouver. Je n'ai jamais pensé que
l'on pût, dans la question actuelle, amener la Russie à s'associer franche-
ment aux autres cabinets dont la politique est si différente de la sienne ;
j'ai cru que tout en paraissant y travailler, tout en employant les formes
les plus conciliantes, on devait se proposer pour unique but de la contenir,
de l'intimider jusqu'à un certain point, par la démonstration de l'accord
API'ENDICE ^63
des autres grandes puissances, unies dans un même intérôl. Il importerait
pour cela que les puissances, et surtout la France et l'Angleterre, tinssent
au cabinet de Pélersbourg un langage absolument uniforme et ne fissent
auprès de lui que des démarches concertées. Aussi n'ai-je pas vu sans
quelque regret celle que lord Glanricarde a été chargé de faire auprès de
M. de Nesseirode.
Le gouvernement russe a dû naturellement en induire que, sur un point
au moins, celui des limites à imposer h Méliémet-Ali, l'Angleterre s'at-
tendait h trouver plus de sympathie en lui que dans les autres cabinets ;
il en aura conclu, bien à tort sans doute, qu'une alliance où se manifes-
taient de semblables divergences n'avait rien de bien homogène, ni de
bien imposant.
Ce n'est pas seulement à Pétersbourg qu'il est essentiel, je crois, de ne
rien négliger pour faire croire à Tunion intime des cours de Londres et
de Paris ; à Vienne aussi, malgré le grand intérêt qui semblerait, au
moins momentanément, devoir imposer silence aux préventions étroites
d'une politique surannée, à Vienne on n'est que trop porté à accueillir,
avec une sorte de satisfaction, ce qui peut faire croire que cette union
n'existe pas ou n'a existé qu'incomplètement. M. de Metlernich aflecte
sans cesse, je ne sais trop dans quel but, de faire entendre à notre am-
bassadeur qu'à Paris et à Londres on n'est pas d'accord, et qu'il en sait
là-dessus plus qu'il ne veut en dire; il relève avec un soin minutieux
les moindres circonstances qui peuvent venir à l'appui de celte assertion.
C'est ainsi qu'en dernier lieu il faisait remarquer que lord Beauvale n'a-
vait pas été chargé, comme M. de Sainte-Aulaire, d'engager la cour de
Vienne à réclamer avec nous la libre admission des escadres alliées dans
la mer de Marmara. C'est ainsi encore qu'il signalait avec exagération les
différences des instructions données aux deux amiraux.
Veuillez, Monsieur, appeler l'altenlion de lord Palraerston sur les con-
sidérations que je viens de vous indiquer. Dans la franchise de notre lan-
gage, il verra sans doute un témoignage éclatant du désir que nous avons
de maintenir à nos relations avec le cabinet anglais le caractère d'intimité
si impérieusement réclamé par tous les grands intérêts européens.
XXXII. — Dépèche do !>aron de Boarqueney aa niarécbal Soult,
en date du 3 août 183» (30 djémaziul-éwel 1255).
Monsieur le maréchal, j'ai écrit immédiatement à lord Palmerston que
Votre Excellence m'avait chargé à la fuis et de lui annoncer l'entrée de
de la flotte ottomane à Alexandrie et de consulter le cabinet anglais sur
l'altitude nouvelle que la France et l'Angleterre pourraient se trouver ap-
pelées à prendre par suite de cette grave complication.
Û64 APPENDICE
Lord Palmerston m'a engagé à me rendre k quatre heures au Foreign-
OfBce. Un conseil avait élé convoqué pour deux heures ; l'importante
nouvelle que je venais de transmettre devait être l'objet de ses délibéra-
tions.
Lord Palmerston est sorti du conseil accompagné de lord Minlo; il m'a
dit en entrant dans son cabinet que le premier lord de l'Amirauté assiste-
rait à notre conférence.
(' Le conseil, « m'a dit lord Palmerston, » vient de délibérer sur la nou-
velle que le gouvernement français a bien voulu vous charger de porter
à notre connaissance. Son premier soin a été de relire les instructions
adressés à l'amiral Stopford ; il n'y a rien trouvé qui pût servir de direc-
tion au chef de notre escadre dans la circonstance actuelle, et il a décidé
qu'il serait envoyé à l'amiral Stopford des instructions plus spéciales.
a Le conseil a pensé que la défection consommée du capitan-pacha ne
pouvait modifier la pensée politique qui a dirigé votre marche et la nôtre
depuis six semaines; il y a vu au contraire un motif de plus de persévé-
rance et de progrès dans cette même ligne.
« Ce principe posé, le conseil a été d'avis que nous devions erai)loyer
les moyens de coercition pour obtenir la restitution de la flotte ottomane.
Ces moyens de coercition doivent être l'objet même des instructions à
l'amiral Stopford et ce sont ces instructions que lord Minto et moi nous al-
lons rédiger en votre présence. »
J'ai répondu à lord Palmerston que le gouvernement du Roi apprécie-
rait beaucoup cette marque de confiance ; mais j'ai ajouté que j'étais moi-
même sans instructions, que je n'avais été chargé que de consulter et non
àe, délibérer; que par conséquent aucune de mes paroles n'engagerait en
quoi que ce soit le gouvernement du Roi. Lord Palmerston a dit que cela
était parfaitement entendu, et il a pris la plume.
Votre Excellence trouvera joint à ma dépêche le projet d'instruction
rédigé séance tenante par lord Palmerston et lord Minto.
Le but est la restitution de la flotte ottomane au sultan ; les moyens de
coercition sont gradués sur le degré de résistance que la sommation des
amiraux rencontrera de la part de Méhémet-Ali, depuis l'apparition des
flottes alliées devant Alexandrie jusqu'à la prise de possession de la flotte
égyptienne et au blocus du port, sauf réserve du droit des neutres. Lord
Palmerston et lord Minto sont partis du principe que la flotte égyptienne
serait en mer, parce que, comme elle ne peut rentrer à Alexandrie sans
s'alléger, cette opération équivaut à un désarmement, et Méhémet ne doit
pas pouvoir se passer de sa flotte en ce moment, même pour les besoins
de son armée en Syrie. On laisse aux amiraux beaucoup de latitude dans
le choix des points sur lesquels ils auront à se diriger dans telle ou telle
éventualité.
APPENDICE Û65
Enfin, monsieur le maréchal, une instruction supplémentaire prévoit
le cas où le cours des événements amènerait les ambassadeurs h requérir,
conformément aux ordres de leurs cours, la présence de nos flottes dans
le Bosphore, au moment même oii nos amiraux recevront les nouvelles
instructions; dans cette hypothèse, les amiraux auraient h se rendre sans
relard à cet appel, et ils réserveraient, pour une époque plus éloignée,
l'exécution des présentes instructions.
Tel est le résumé du document que je joins h ma dépêche.
Pénétrés de l'avantage de ne pas perdre un moment dans ces graves
circonstances, mais plus encore de la nécessité de n'agir que de concert
avec nous, lord Palmerston et lord Minto m'ont prié avec instance de trans-
mettre ce soir môme le projet d'instructions à Votre Excellence. Un cour-
rier de l'Amirauté anglaise partira demain pour Paris et se mettra lundi
soir à la dis|)Osition de lord Granville. Si le roi approuve le projet et
croit devoir adresser des instructions analogues à l'amiral Lalande, Votre
Excellence voudra bien l'annoncer k lord Granville, et le courrier anglais
continuera sa route vers Marseille; dans le cas contraire. Votre Excel-
lence aura également la bonté de prévenir lord Granville, et le courrier
attendra à Paris de nouvelles instructions de Londres. Les objections du
gouvernement du roi, s'il croit devoir en élever, seront pesées ici avec
le désir sincère d'arriver à une entente complète entre les deux cabi-
nets.
Je n'ai pas cru devoir laisser se terminer cette conférence sans appeler
la plus sérieuse attention de lord Palmerston sur les consieérations déve-
loppées dans la dernière dépêche de Votre Excellence. La présence de
Lord Minto ne m'a paru qu'un encouragement de plus à signaler au gou-
vernement anglais l'abus que l'on fait en Europe des divergences qui se
manifestent entre nos agents extérieurs et les conclusions qu'on en tire
contre la solidité de l'alliance des deux cours. J'ai insisté avec une cer-
taine vivacité sur la nécessité de concerter préalablement leurs démarches,
surtout ti Pétersbourg ; j'ai cité celle de lord Glanricarde comme de nature
à créer de fausses impressions en accréditant l'idée que le cabinet anglais
cherchait un point d'appui auprès du cabinet russe dans la question des
limites de la rétrocession égi/ptienne^ question si secondaire comparée au
but que nous nous proposons tous, l'établissement du principe que les af-
faires d'Orient ne se traitent plus que de concert entre les grandes puis-
sances de l'Europe.
Lord Palmerston et lord Minto ont pris ces observations en très-bonne
part. Lord i'almerston m'a affirmé que lord Glanricarde avait manqué à
ses instructions, s'il avait donné à sa démarche un caractère quelconque
qui ne fût pas l'expression de la parfaite union de nos deux cabinets,
T. II. 30
^66 APPENDICE
Je n'ai point voulu étendre davantage, Monsieur le maréchal, le cercle
des récriminations; mais la sincérité de mon désir d'entente avec le ca-
binet anglais nous donne bien parfois le droit d'être francs avec ses orga-
nes ; celle franchise même est un gage de plus de notre loyauté, et je puis
vous assurer que c'est l'impression qu'a laissée sur lord Palraerslon et sur
lord iMinto la lecture que j'ai faite à haute voix de la dernière dépêche de
Votre Excellence.
Veuillez agréer, etc.
XXXIII. — Dépêche dn ministre des afTaires étrangères (Wessel-
rode) ù l'ambassadeur de Kussie (comte de Medcm), ù. Paris, en
date du 6 août 1839 (35 djémaziul<éwcl 1355).
M. le comte, au milieu des événements qui semblent de jour en jour
aggraver davantage l'état des affaires du Levant, l'empereur a ju'çé néces-
saire que ses représeiilanls fussent exactement instruits et du jugement
qu'il porle sur la situation actuelle de l'empire ottoman, et des détermina-
tions qu'il a prises pour prévenir les dangers qui menacent aujourd'hui de
compromettre le repos de l'Orient.
C'est d'ordre exprès de notre auguste maître que je me fais un de-
voir, M. le comte, de vous faire connaître ses pensées et ses détermina-
tions, de la manière la plus positive.
L'empereur a la conscience d'avoir fait tout ce qui était en son pouvoir
pour emp'êcher un conflit entre la Turquie et l'Egypte. Il a adressé au' sul-
tan Mahmoud les représentations les plus sérieuses pour le détourner de
l'idée de s'engager dans une lutte dont notre auguste maître prévoyait les
conséquences déplorables.
L'événement n'a que trop réalisé nos prévisions et justifié nos remon-
trances. La journée du 13/25 juin a détruit l'armée turque. La trahison
du Capitan-Pacha a mis le comble aux malheurs qui ont marqué le terme
du règne du sutan Mahmoud.
Malgré tant de désastres, son fds Abdoul-Medjid est monté sur le trône,
sans que son avènement ait été accompagné de scènes de désordre et de
troubles dont l'histoire de Turquie nous ofTre de si fréquents exemples.
Loin de là, les derniers rapports de notre ministre àConslanlinople attes-
tent que la solennité du couronnement a été célébrée par des témoigna-
ges unanimes de respect et de (iJélité, au milieu de celte immense popu-
lation de la capitale de l'e iipire ottoman, dont la sécurité n'a pas été trou-
blée un seul instant.
D;ins cet étal de clioses, l'empereur ne désespère nullement du salul de
la Porte, pourvu que les puissances de l'Europe sachent respecter son re-
pos, et que, par une agitation intempestive, elles ne finissent par l'ébran-
ler, luut en voulant la raffirmir.
APPENDICE UGl
Peu de mots suffiront, M. le comte, pour vous exposer à cet égard notre
pensée toute entière.
La situation oîi la Porte se trouve aujourd'hui, quelque difficile qu'elle
soit, n'est pas neuve pour elle. Durant une longue série d'années, elle a
toujours commis les mêmes fautes, éprouvé les mêmes désastres. Mais
guidée par uii secret instinct de sa propre conservation, elle a toujours su
éviter le moment fatal qui devait amener sa chute.
Aujourd'hui, dirigée par la même pensée de conservation, elle est h la
veille de transiger encore une fois avec Méhémel-Ali. Déjà, elle lui a fait
parvenir à cet effet des offres de conciliation, dont elle s'est empressée
de faire part aux représentants des cinq grandes puissances. De plus, elle
leur a demandé leur appui à Alexandrie, pour déterminer le pacha k ac-
cepter les propositions qu'elle vient de lui adresser.
De celte manière, la tâche que les cabinets de l'Europe sont appelés à
remplir, leur a été clairement indiquée par la Porte elle-même. Us doivent
appuyer ses démarches à Alexandrie ; décider Méhémet-Ali à les accepter ;
ne point permettre qu'il impose au sultan des conditions plus onéreuses ;
en un mot, placer le pacha dans la nécessité d'adopter les bases d'un ar-
rangement définitif que l'Europe est autorisée à considérer comme solide,
parce qu'il est équitable.
Voilà, M. le comte, la tâche que les cabinets de l'Europe auront à rem-
plir. Four atteindre ce but, il faut que leurs efforts soient concentrés à
Alexandrie. Tourner leur action vers Constantinople, ce serait diriger
leurs forces du côté d'où le danger nu vient pas. Là, il ne faut ni agitation
diplomatique, ni déployement de forces militaires : il ne faut que du re-
pos.
Cette conviction a dicté les déterminations de l'empereur. Au milieu
de l'agitation générale que la crise du Levant a fait naître, il n'a éprouvé
ni inquiétude, ni impatience d'agir. Il n'a fait aucune démonstration. Il
n'a envoyé à Constantinople ni un vaisseau, ni un soldat, dans la ferme
persuasion, que son calme ferait à la Porte plus de bien que ne lui en
aurait fait son armée et sa flotte.
Telle est l'attitude que l'empureur a prise.
Or, si la Russie, dont les intérêts les plus directs se trouvent engagés
dans la crise actuelle, et dont les frontières touchent immédiatement à
celles de la Turquie, ne se montre aujourd'hui ni inquiète, ni impatiente
de paraître sur le théâtre des événements, il nous semble qu'à plus forte
raison les puissances dont la sécurité n'est nullement compromise, et que
de grandes distances séparent de l'empire ottoman, peuvent, sans le
moindre inconvénient, adopter la même attitude, et modérer leur action.
Dans cette attente, notre auguste maître se plait à croire que le gou-
vernement français, guidé par la politique pleine de prévoyance qu'il a
Il6i APPENDICE
suivie jusqu'à ce jour, ne cherchera poiiil à compliquer la situation de
l'empire oltomun par un déployement de forces navales, qui, au lieu d'im-
poser la paix à Alexandrie, viendrait la troubler à Gonstantinople.
Si malheureusement l'espoir que l'empereur est en droit de fonder sur
la modération du gouvernement français ne se réalisait pas ; si l'appari-
tion d'une escadre étrangère dans la mer de Marmara venait aggraver l'é-
tat (les choses à Gonstantinople ; la marche que la Russie aurait à suivre
ne serait pas douteuse. En présence d'une flotte étrangère, le ministre de
l'empereur proleslerait formellement contre la violation flagrante de la
fermeture des Dardanelles, principe que la Porte a considéré de tous
temj)s comme une règle fondamentale de sa politique, et qu'elle s'est en-
gagée envers nous à maintenir invariablement ; il déclarerait qu'il regarde
cette violation comme contraire à l'indépendance de la Porte, suspen-
drait immédiatement ses fonctions, et quitterait Gonstantinople. Alors, il
ne resterait plus à l'empereur qu'à prendre les mesures qu'il jugerait né-
cessaires pour rétablir la Porte dans son entière indépendance, et la met-
tre à même de remplir ses engagements envers nous, libre de toute con-
trainte étrangère.
Telles seraient, M. le comte, les conséquences inévitables de l'appari-
tion d'une escadre française dans la mer de Marmara.
Comme il importe plus que jamais que les cabinets de l'Europe se ren-
dent compte à eux-mêmes de leur position relative, et qu'ils fassent
preuve à cet égard de la plus grande sincérité les uns envers les autres, no-
tre cabinet a pensé qu'il devait au gouvernement français un exposé clair
et positif des déterminations que nous serions forcés de prendre, si l'é-
ventualité dont je viens de faire mention venait jamais à se réaliser. En
ce cas, le parti que nous aurions à prendre, ne dépendrait pas de notre
libre choix ; il nous serait imposé par les nécessités de notre politique
aussi bien que par les intérêts les plus directs de notre empire. Un coup-
d'oeil jeté sur la carte expliquera la différence qui existe k cet égard entre
laposition géograi)hique de la Russie et celle des puissances de l'occident.
En effet, lorsqu'on 1833 une escadre russe vint jeter l'ancre dans le
Bosphore, sa présence ne pouvait être considérée ni comme une menace
dirigée contre la marine française, ni comme une atteinte portée à la
prospérité commerciale de Marseille. Mais si aujourd'hui une escadre fran-
çaise paraissait à Gonstantinople, sa présence réagirait directement sur
Odessa et sur Sévastopol.
Le ministère français est trop éclairé et trop équitable pour ne pas re-
connaître la différence de position que je viens de signaler. Ei) 1833
nous avons prolégé la Porte, sans braver les puissances de l'occident. En
1839, les escadres étrangères, sans protéger la Porte, vii-'ndraient insul-
ter la Russie.
APPENDICE 469
II nous suffît d'avoir clairement clabli celle flislinrtion, qui nous dis-
pense d'entrer à ce sujet dans de plus amples développements. D'ailleurs,
notre intention n'est point ici de provoquer une discussion quelconque sur
une éventualité qui, nous l'espérons, ne se réalisera pas ; notre unique
désir est simplement de mettre le cabinet français à même de se pénétrer
des intentions et des intérêts qui servent de rèi^le à la politique delà Rus-
sie. Eclaircir mutuellement la position des cabinets, c'est inronlestable-
menl le moyen le plus sûr de maintenir le parfait accord si lieuicusenient
établi entre eux : union désirable, parce qu'elle renfernie en elle, ainsi que
M. le duc de Dalmalie dans une de ses communications récentes l'a si bien
observé, la garantie la plus solide pour rassurer les amis de la paix.
C'est dans cet espiit de conciliation et de parfait accord, que vous êtes
chargé de vous acquitter auprès de IVL le président du Conseil, de la com-
munication contenue dans la présente dépêche, dont vous voudrez bien lui
donner lecture et remettre copie.
XXXIV. — Dépêche du niarëclial Soult au baron de Bourqueney,
en date du 6 août 1839 (25 djéniaziul-éwcl 1255).
Monsieur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser
avec le projet d'inslrnctions aux amiraux qui vous a été remis par lord
Palmerston, pour être présenté à l'approbation du gouvernement du roi.
Le conseil, qui vient d'en délibérer, n'a |)as jugé qu'il fût possible d'a-
dhérer complètement à ce projet. Je crains que le cabinet britanique, sous
la première impression des fâcheuses nouvelles arrivées d'Alexandrie, ne
se soit pas suffisamment rendu compte de l'ensemble de la situation. Les
hostilités sont évidemment terminées en Orient. Ni parterre, ni par mer,
personne n'annonce en ce moment l'intention de les continuer, ou plutôt
de les reprendre. D'un côté, on n'en a plus les moyens, à supposer, ce
qui est douteux, qu'on en eût la volonté. De l'autre, on n'y a aucun inté-
rêt, et l'on sait assez qu'on ne pourrait le faire sans s'exposer à de très-
graves conséquences, sans compromettre gratuitement une fort belle po-
sition. Dans cet état de choses, la défection de la flotte ottomane a certai-
nement de fâcheux et très-regrettables inconvénients auxquels nous devons
essayer de remédier ; mais elle ne constitue pas un de ces dangers immi-
nents propres à justifier des mesures aussi exliêmes que celles qu'on nous
propose. Celle flotte, dans Ips mains de Méhémet-Ali, n'est anjourd'l)ui
([u'un dépôt, un gage à l'aide duquel il se promet d'obtenir à la fois l'in-
vosliture liéiédilaire de tout ce qu'il possède. La France et l'Angleterre,
tout en insistant fortctut^ul sur l'invitation que nous avons déjà fait parve-
nir à Méliémei-Ali, pai nos consuls, de restituer les vaisseaux turcs, doi-
vent sans doute prendre des mesures pour que, dans le cas peu probable
Û70 APPENDICE
OÙ il recommencerait la guerre, il ne pût s'en faire un instrument d'ail a-
que contre la Porte ; et le meilleur moyen peut-être de lui en ôter l'envie,
c'est de lui déclarer formellement que désormais les escadres française
et anglaise agiront uniquement dans le but de proléger le sultan contre
ses agressions ou envaliissemenls quelconques. Toute démarche, toute
démonstration faite dans le sens que je viens d'indiquer, aurait notre ap-
probation entière, parce que nous y voyons une utilité réelle et de grandes
chances d'efficacité. Mais la mesure d'hostilité contre Méhéraet-Ali ne fa-
ciliterait pas le plan que l'Angleterre et la France se sont proposé de con-
cert. En détruisant l'escadre égyptienne, non-seulement nous n'en don-
nerions plus de force à la Porte, mais nous n'amènerions pas le vice-roi
à se désister de la moindre de ses prétentions. La puissance matérielle et
morale qu'il exerce aujourd'hui sur terre rend son action bien moins dé-
pendante qu'on ne le suppose de ses forces maritimes. L'attaquer lorsqu'il
n'attaque pas, ce serait risquer de le pousser à quelque parti extrême.
Certain, lorsqu'on lui aurait enlevé ses vaisseaux, de n'avoir plus rien à
craindre de l'Europe qui, en effet, aurait épuisé contre lui, dans un but
comparativement bien secondaire, tous ses moyens de coaction, il en con-
clurait naturellement qu'il n'a plus rien à ménager envers elle; et en sup-
posant qu'il ne se décidât pas à faire marcher Ibrahim sur Constantinople
même, il lui suffirait, pour susciter une diversion terrible, de provoquer
dans l'Asie-Mineure, en Macédoine, en Albanie, quelque soulèvement de
nature à ramener la question de l'intervention Russe. On sait malheureu-
sement que les instruments ne lui manqueraient pas à cet effet, et qu'il
n'aurait peut-être pas besoin, pour y parvenir, de remuer un seul de ses
soldats. Dételles éventualités valent certainement la peine qu'on les pèse
mûrement avant de se décider à les braver. J'ajouterai, Monsieur, qu'a
Londres on semble trop se préoccuper de l'agrandissement de Méhémet-
Ali, parce qu'on veut toujours considérer ce côté de la question sous l'as-
pect qu'il aurait s'il s'agissait d'un état européen. Sans doute, entre les
mains d'un homme tel que le pacha d'Egypte, la possession de territoires
trop considérables peut avoir des dangers qui expliquent et justident les
efforts des puissancespour mettre un terme à ses empiétements. La France
est la première à le reconnaître, et elle n'a cessé de travailler à contenir
les projets, à modérer les prétentions de ce pacha; mais il ne faut pas
s'exagérer le mal ; l'empire ottoman même, divisé administrativement par
des stipulations auxquelles la clause de l'hérédité, quelque expresse qu'elle
fût, pourrait bien d'ailleurs ne pas donner un caractère de permanence
définitive; l'empire ottoman, uni, malgré le pai'tage plus ou moins dura-
ble, parle lien puissant des mœurs et de la religion, n'en continuera pas
moins à former, en face des puissances européennes, ce grand corps dont
l'existence a toujours été jugé indispensable au maintien de l'équilibre po-
APPENDICE Zi71
litique. Les forces qu'il possède, dans l'une et l'autre de ses divisions ac-
tuelles, concourent également à ce but; et je ne crains pas de dire qu'on
ruinant le paclia d'Egypte on travaillerait eflicacenienl à la destruction de
l'empire ottoman. Notre politique aujourd'hui, comme dès le commence-
ment de celte crise, doit veiller avant tout à ce que Gonstantinople ne re-
çoive de protection extérieure qu'avec notri' commun concours.
Telles sont, Monsieur, les objections qu'a suggéré au gouvernement du
roi la proposition du cabinet de Londres, et qui ne lui ont pas permis d'y
adhérer entièrement. Veuillez les faire connaître à lord Palmerston, en
lui indiquant la marche qui nous paraît préférable. Elle consiste, vous le
voyez, à réclamer de nouveau la restitution de la flotte ottomane, et, dans
le cas ou Méliémet-Ali s'y refuserait, à lui déclarer qu'il doit dorénavant
considérer les escadres alliées comme uniquement et spécialement chargées
de repousser toute tentative dirigée contre le territoire ou l'autorité de la
Porte. Le cabinet anglais en y réfléchissant, reconnaîtra, je n'en doute
pas, qu'une telle altitude suflit aux besoins du moment, que sans rien com-
promettre, elle atteindra, suivant toute apparence, le but que la France
et l'Angleterre ont en vue, et que, placés k notre grand regret dans l'im-
possibilité d'accéder sans réserve au projet du gouvernement britan-
nique, nous ne pouvions mieux lui prouver notre confiance absolue et l'ai-
time accord de notre politique avec la sienne.
Recevez, etc.
XXXV. — Dépèche dn maréchal Soult au baron de Boussin, en
date du 6 août 1»39 (25 djéniaziul-éwel iS55).
M. le baron, depuis la dernière expédition que je vous ai adressée,
nous avons appris l'entrée de la flotte turque dans le port d'Alexandrie,
le refus fait par Méhémet Ali d'accéder aux propositions de la Porte, et
les conditions exorbitantes qu'il met aujourd'hui à un arrangement. Je
n'ai (las besoin de vous dire que ni la France ni les autres Puissances ne
peuvent approuver de telles exigence^-. Nous nous concertons en ce
moment avec le cabinet de Londres, sur les dispositions qu'elles peuvent
rendre nécessaires de notre part ; el j'ai chargé M. Gochelet de déclarer
au vice-roi, dans les termes les plus formels, qu'alors même qu'il arra-
cherait à la détresse de la Porte des conditions incompatibles avec la
dignité du sultan, ou propres à compromettre l'avenir de l'empire, elles
n'obtien Iraient pas l'assentiment des puissances européennes, si néces-
saire cependant pour donner quelque valeur et quelque solidité à un tel
arrangement.
C'est assez vous dire, M. le baron, que le gouvernement du roi persiste
dans les vues que vous y avez trouvées ; — que la Porte ne se hâte pas
^72 APPENDICE
de conclure avec Méhéraet-Ali ; qu'elle ne fasse rien surtout sans le
concours de ses alliés : tels sont les conseils que vous ne devez pas cesser
de lui faire entendre, les seuls qui se concilient avec ses intérêts évidents;
et il lui sera d'autant plus facile de les suivre que le vice-roi, au milieu
de toutes ses exigences, annonce pourtant l'intention de ne pas les ap-
puyer par là force des armes. Rien n'oblige donc les ministres du sultan
à se hâter.
Je vous ai transmis, par le dernier paquebot, la réponse de l'Angleterre
à noire déclaration en faveur de l'indépendance et de l'intégrité de l'em-
pire ottoman. Celle de l'Autriche m'est parvenue depuis ; elle est égale-
lement satisfaisante.
Les trois cours sont unanimes à proclamer la nécessité d'un concert
européen pour régler les affaires de l'Orient. La Russie seule, qui avait
d'abord paru admettre la convenance de ce concert, cherche maintenant
à éluder, sous des prétextes plus ou moins spécieux, les conséquences
du principe qu'elle n'ose pas contester directement. Un &tatu quo dé-
pourvu de sanction, exposé par conséquent à de nouvelles et promptes
vicissitudes, c'est incontestablement ce qui lui convient le mieux dans
l'Orient. Il se pourrait donc qu'un arrangement direct entre la Porte et
Méhémet-Ali entrât dans ses vues ; que loin de le contrarier, elle y donnât
secrètement la main ; et s'il était vrai, comme quelques indices donnent
lieu de le supposer, que Nouri-éfendi se fût rallié à la politique du cabinet
de Saint-Pétersbourg, il y aurait lieu de concevoir des inquiétudes dans
ce sens. Je ne doute pas que vous n'y veilliez avec soin.
Veuillez aussi ne pas perdre un moment de vue l'attitude militaire et
navale de la Russie, du côté de la mer Noire. Dans le cas oii les mou-
vements que vous remarqueriez vous paraîtraient indiquer un projet de
se porter sur Constantinople, vous en donneriez sur le champ avis à
M. l'amiral Lalande qui viendrait aussi prendre position à Ténédos
avec son escadre, pour être prêt à franchir le détroit des Dardanelles, si
les Russes arrivaient dans le Ros()hore.
Vienne étant en ce moment le point central des négociations auxquelles
donne lieu la question d'Orient, comme aussi le lieu où l'on est le plus
promptement informé de l'ensemble des circonstances qui peuvent en
modifier la marche, le cabinet britannique a autorisé d'une part lord
Beauvale à donner à lord Ponsonby les informations et les avis propres
à le diriger utilement, et de l'autre, a prescrit à ce dernier ambassadeur
de se conformer aux directions qu'il recevra de son collègue. Vous
voudrez bien, M. le baron, avoir égard également aux communications
de M. le comte Sainte-Aulaire, qui a ordre de suivre avec vous une cor-
respondance régulière.
Veuillez agréer, etc.
APPENDICE /,73
XXXVI. — DépAche dn baron de Ronrqncney an maréchal §onIt,
en date du 9 août 183» (28 djéniaziul-éwcl 1255).
Monsieur le maréchal, lord Paimerston m'avait annoncé hier que,
d'après les nouvelles de Berlin (les informations par lord Clanricarde
sont lentes et rares), la Russie se retirait des négociations projetées de
Vienne. M. de Kisselefl', qui m'a succédé chez lord Paimerston, était
chargé d'une communication dans ce sens. C'est au nom du respect pour
l'indépendance des États souverains que le cabinet russe décline toute
intervention dans les aiïaircs intérieures de la Turquie. Avant les événe-
ments de Syrie, avant la mort du sultan, quand il n'y avait d'autre issue
possible que la guerre aux difl'érends de la Porte et de l'Egypte, le cabinet
russe avait pu partager l'opinion des autres puissances de l'Europe sur
l'ouverture d'une négociation conduite en dehors des parties mêmes inté-
ressées ; mais aujourd'hui que la Porte va elle-même au-devant d'un
rapprochement et adresse k l'Egypte des propositions d'accommodement
acceptables, il faut laisser marcher la négociation à Constanlinople, et
la seconder uniquement de ses bons o/Jîces ; autrement il n'y a plus de
puissance ottomane indépendante. Tel est, Monsieur le maréchal, l'esprit
de la démarche de M. de Nesselrode.
Ce n'est pas le gouvernement du roi qui s'étonnera de cette ouverture
du cabinet de Pétersbourg; la correspondance de Votre Excellence l'avait
dix fois annoncée.
Jci, où l'on prend facilement ce qu'on désire pour ce qu'on croit, on
avait été plus confiant, non pas dans la sincérité des intentions de la
Russie, mais dans les nécessités de sa situation européenne. On a donc
été plus surpris qu'on ne le sera à Paris, mais enfin on a compris les
motifs qui ont dicté la dernière dépêche de M. de Nesselrode, et on y
voit la preuve évidente que, si le cabinet impérial ne croit pas le moment
arrivé de se commettre ouvertement avec l'Europe sur les affaires d'Orient,
il est au moins décidé à lutter diplomatiquement contre les garanties
écrites qui menaceraient d'enchaîner l'avenir.
Lord Paimerston a reçu poliment la communication de M. de Kisseleff;
mais celui-ci n'a pas dû se faire illusion sur le jugement qu'il en poitnit.
Tout en déférant hier au vœu manifesté par le gouvernement du roi
relativement au jH-ojet d'instructions aux amiraux, lord Paimerston est
entré plus avant que de coutume dans la discussion de la question générale.
En réponse à cette partie de la dépêche de Votre Excellence qui combat
a disposition du cabinet anglais h se préoccuper trop exclusivement de
réduire les limites de la possession égyptienne, lord Paimerston m'a dit,
en efïet, que c'était chez lui et chez beaucoup de ses collègues un point
474 APPENDICE
très-arrêté qu'on ne ferait quelque chose d'utile et de durable en Orient
que si l'on parvenait à rendre à la Porte ottomane les provinces que lui
ont enlevées les conquêtes de Méhémet-Ali : « je ne puis assez vous
répéter, « a repris lord Palraerston, » combien cette conviction est chez
moi indépendante de tonte considération politique exclusivement an-
glaise; mais je suppose l'Egypte et la Syrie héréditairement investies
dans la famille de Méhémet-Ali, et je me demande comment l'Europe
peut se flatter que le moindre incident ne viendra pas briser le dernier
et faible lien qui unira ces provinces à l'empire ottoman. L'indépen-
dance viendra comme est venue l'hérédité ; et savez-vous alors ce qu'on
dira en Europe quand la Russie reprendra son œuvre de convoitise
sur les provinces européennes? C'est que l'empire ottoman, démembré
par la séparation d'une partie de ses provinces d'Asie, ne vaut plus la
peine qu'on risque la guerre pour le maintenir.
M Voilà, )) a continué lord Palmerston, u l'ordre d'idées dans lequel je
me place pour juger celte grande question ; après cela, je ne crois nulle-
ment à l'infaillibilité de mon opinion; je conçois parfaitement qu'on
en ait une autre, et je ne cherche aucune préoccupation française dans
l'opinion exprimée par le maréchal Soult. Je crois si bien à la bonne
foi de cette politique que voici un raisonnement qui la confirmerait
pour moi si j'étais tenté d'en douter. La France a besoin d'exercer de
l'influence en Egypte, cela est et celu doit être; c'est une de ces don-
nées qu'il faut accepter dans la politique générale. Eli bien ! vous
voulez faire l'Egypte plus forte que nous ne le voulons nous-mêmes;
et cependant votre influence sur le souverain, quel qu'il soit, d'Alexan-
drie croîtrait en raison de sa faiblesse! Vous voyez si je cherche une
arrière-pensée sous la divergence de nos deux points de vue. »
J'ai répondu à lord Palraerston que ses raisonnements supposaient
résolue une question au moins controversable, celle de savoir si, dans un
avenir plus ou moins éloigné, il n'y aurait pas pour le corps ottoman à
recueillir, en Egypte et en Syrie, des éléments de force et de vitalité,
éléments que ce serait une bien grande erreur de disj^erser s'ils devaient
un jour tourner au profit du corps que nous voulons sauver.
(( Cela est vrai, » a repris lord Palmerston, « et je conviens avec vous
que la question est \h. Eh .'mon Dieu! mon esprit la résout par la
négative; mais le cabinet anglais lui-même a comi)té i)armi ses mem-
bres des hommes qui la décidaient aflirmativement. »
Votre Excellence reconnaîtra sans doute qu'il y a divergence entre les
deux cabinets sur un point grave; mais telle est l'identité du but qu'ils
se proposent, telle est l'absence de toute défiance, de toute arriére-pensée
que, dans ma conviction intime, de légères concessions mutuelles sur les
APPENDICE 475
moyens sulTiront pour maintenir entre les deux gouvernements l'entente
qui a jusqu'ici présidé à leurs démarclies, et qui peut seule les rendre
elTicaces.
Veuillez agréer, etc.
XXWII. — Lettre tia baron de RousnIii à Ior«l Ponsonby, en date
de Thérapia le 1 3 août 1839 (2 djéniaxiul-akhir 1255).
Mylord et cher collè?;ue, je viens de recevoir de Salonique le même
avis que Votre Excellence et M. l'inlornonce. J'avais déjà expédié ma
lettre h M. le contre-amiral Lalande, pour qu'il agisse exactement comme
l'amiral Stopfort, pour détourner le bâtiment d'égyptien de sa mission en
Albanie.
Ce fait me rappelle ce que nous fîmes, l'Angleterre et nous, en mars
1833. Nous fîmes amener nos pavillons à Smyrne à la première nouvelle
de l'arrivée des agents de Mébémet-Ali dans cette ville. Les circonstances
sont les mêmes et notre conduite aussi.
Agréez, etc.
XXXYIII. — Dépêehn dn eomtc de I\esseIrode au eonite de Medem,
en date du IG août 1839 (5 djémazinl-akhir 1255).
Monsieur le comte, le prince Gagarin m'a exactement remis l'expédition
que vous m'avez adressée sous la date du 27 juillet-8 août ; M. le baron
de Barante a bien voulu me communiquer de son côté les instructions
que le cabinet des Tuileries a récemment transmises à ses représentants
à Vienne, Constantinople, et Alexandrie,
Veuillez, M. le comte, exprimer à iM. le président du Conseil, le juste
intérêt que nous attachons aux communications que M. l'ambassadeur de
France a été chargé de nous faire. Elles viennent entièrement h l'appui
des explications que M. le duc de Dalmatie a bien voulu vous offrir
verbalement. D'une part, elles attestent le vif désir que le gouvernement
français éprouve de voir la crise du Levant promptement terminée par
un arrangeujent pacifique et durable; de l'ouîre, elles nous font acquérir
la certitude que le cabinet des Tuileries, loin d'accorder aux intérêts
du pacha d'Egypte une injuste préférence, n'hésite point à se [îrononcer
formellement en faveur de la cause du Sultan.
L'accord qui subsiste ainsi entre les intentions de la France et celles
des autres cabinets de l'Europe nous autorise à croire que les efforts
réunis de tous réussiront, encore une fois, à éloigner les dangers dont
l'existence de l'empire ottoman semble menacée.
Ù76 APPENDICE "
Quelle que soit la gravité de ces dangers, nous ne désespérons nul-
lement du salut de la Turquie, pourvu que les grandes puissances de
l'Europe persistent unanimement dans la ferme résolution de soutenir la
cause du Sultan, et qu'elles impriment à cet effet, aux démarches de leurs
représentants à Alexandrie un caractère d'énergie, qui peut seul réussir
à vaincre la résistance du pacha d'Egypte.
S'il en était autrement, les remontrances des cabinets de l'Europe ne
produiraient aucune impression sur l'esprit de Méhémet-Ali. Il ne se
prêterait à aucune concession équitable. Il resterait en possession, et de
la flotte ottomane, et du territoire qu'il a occupé même au-delà des
limites posées par l'arrangement de Kutahia. En un raot, il ne tiendrait
aucun compte des offres de conciliation dont les représentants alliés
viennent de se rendre l'organe. Leur intervention en faveur de la Porte
demeurerait ainsi impuissante et stérile ; de sorte que l'Europe verrait
avec surprise et avec regret que les cabinets réunis de Paris , de
Londres , de Vienne et de Saint-Pétersbourg se reconnaissent dans
l'impossibilité de vaincre la résistance d'un pacha d'Egypte isolément
opposée à la volonté unanime de toutes les grandes puissances.
Nous abandonnons au cabinet des Tuileries de juger de l'impression
qu'un pareil fait devrait produire sur l'opinion de tous les pays, ainsi
que des conséquences regrettables qui en résulteraient pour l'autorité
morale de tous les gouvernements.
Cette considération est si grave, elle intéresse de si près la dignité
des cours de l'Europe, qu'il nous suffit de l'avoir signalée ici pour être
persuadés qu'elle ne saurait manquer de fixer l'attention sérieuse du
cabinet des Tuileries,
Nous ne méconnaissons pas, il est vrai, les motifs que M. le duc de
Dalmatie vous a exposés, iM. le comte, et qui inspirent an gouvernement
français un éloignement réel pour l'adoption de mesures coercitives
contre l'Egypte. Mais une fois que les représentants alliés ont spontané-
ment offert leur intervention à la Porte, el que celle-ci l'a acceptée, il
serait impossible de disconvenir que les cabinets de l'Europe ont con-
tracté envers le sultan l'engagement n oral d'assurer à ce souverain des
conditions plus avantageuses que CL-lles qu'il aurait pu obtenir, s'il avait
conclu un arrangement direct avec le pacha, ainsi que le divan en
avait eu d'abord la pensée, détermination que la Porte aurait déjà mise
à exécution depuis longtemps, si les représentants alliés ne l'en avaient
empêché, en lui offrant leur intervention.
Il en résulte nécessairement que le sidtan, pour avoir renoncé h l'avan-
tage d'une transaction immédiate, pour avoii' consenti à rester sous le
poids d'une inct-riitude de jour en jour plus accablante et plus dange-
reuse; en un mot, pour avoir placé sa confiance dans les promesses dts
APPENDICE Zj77
cabinets alliés, se trouve aujourd'hui pleinement eu droit d'attendre que
ces promesses ne restent pas sans eiïtit.
Or, comment les grandes puissances répondront-elles à cette juste
attente du sultan, si elles ne se déterminent point à adopter envers
l'Egypte une attitude plus prononcée et plus décisive ?
Nous nous bornerons, M. le comte, à livrer celle question k l'examen
consciencieux du cabinet l'rançais.
De notre côlé, nous ne saurions mieux lui faire connaître les principes
et les vues qui dirigent la politique de notre auguste maître qu'en vous
autorisant à comumniquer à I\I. le duc de Dalmnlie les directions dont
Sa Majesté a cru devoir munir son représentant k Constanlinople.
Vous trouverez ci-joint le résumé des instructions que je viens de
transmettre à ce ministre. Elles lui laissent une entièie latitude pour
concourir, de concert avec ses collègues, à faciliter un arrangement
définitif entre la Turquie et l'Egypte ; mais elles lui prescrivent aussi les
bornes, au-delà desquelles il lui serait impossible de porter ses démar-
ches, à moins d'avoir acquis la certitude que ses collègues ont reçu de
eurs cours les pouvoirs nécessaires, afin d'appuyer leurs remontrances
à Alexandrie par des mesures propres à faire respecter la médiation des
grandes puissances de l'Europe.
M. de Bouténeff ne tardera pas à faire connaître à. l'amiral Roussin,
comme à ses autres collègues^ l'esprit dans lequel il lui est prescrit
d'agir. L'intention qui a présidé à la rédaction des instructions qu'il
vient de recevoir ne saurait être méconnue. Elle n'a qu'un seul but :
celui d'imprimer k l'intervention de l'Europe dans les affaires d'Egypte
un caractère d'énergie qui soit de nature à vaincre la résistance de
Méhémet-Ali; à faire respecter les résolutions unanimes des cabinets ;
enfin, à consolider le repos du Levant, au moyen d'un accommodement
prompt et équitable.
Ce but étant d'accord avec les vœux de toutes les puissances, nous
espérons que les représentants à Constanlinople recevront des directions
qui les mettront en mesure d'agir dans le même sens que noire ministre;
et que la réunion de leurs efforts dirigés vers le même but d'une
manière conforme cà la dignité des grandes puissances, ne tardera point
k amener la crise actu die à une solution satisfaisante pour l'Egypte,
équitable pour la Porte, et honorable pour l'Europe.
Tels sont les vœux que notre cabinet n'hésite pas à émettre, dans la
ferme persuasion qu'ils s'accordent avec l'intérêt bien entendu de toutes
les puissances amies de la paix.
Veuillez, M. le comte, énoncer cette pensée envers M. le duc de
Dalmatie, en lui donnant lecture de la présente dépêche, ainsi que du
résumé des instructions à M. de Bouténeff, qui s'y trouve annexé.
Recevez, etc.,
478 APPENDICE
XX\IX. — Dépêche dn baron de Bonrqneney an maréchal Sonlt,
en date du t 9 août 1839 (6 djéniazinl-akhir 1255).
Monsieur le raaréclial, hier soir lord Palmerston a reçu des nouvelles
de Conslantinople du 29 juillet, et de Vienne du 10 août. Les premières
annoncent la remise de la note collective signée par les ambassadeurs
des cinq cours, et la suspension immédiate de la négociation directe entre
la Porte et ^léhémet-Ali.
Celles de Vienne présentent le prince de Metternich comme s'avançant
de plus en plus dans la voie où il est entré et confiant dans l'espoir d'y
entraîner la Russie, ou plutôt de l'empêcher d'en sortir avec éclat.
C'est sous l'impression de ces nouvelles que le conseil a discuté ce
matin le projet d'instructions h l'amiral Stopford pour le cas spécial de
la restitution de la flotte turque ottomane.
Le conseil a approuvé toute la portion des instructions de l'amiral
Lalande pour le cas oîi la flotte turque serait sous voile.
Pour celui cù elle serait entrée dans le port d'Alexandrie, il a pensé
que nos consuls devraient sommer le vice-roi de la restituer sous peine de
leur retraite ; d'après l'accord qui vient de se manifester à Constantinople
par la démarche du 29 juillet et d'après les dispositions de plus en plus
satisfaisantes du cabinet autrichien, il a émis le vœu a que le cabinet
français et le cabinet anglais envoyassent leurs instructions pour les
amiraux à Vienne et proposassent au cabinet autrichien d'unir son
escadre à celles de la France et de l'Angleterre pour l'hypothèse où la
flotte ottomane serait en mer, dans les limites d'actions tracées par
le projet d'instructions à l'amiral Lalande, et d'associer son consul
général aux nôtres pour la démarshe proposée dans le cas où la flotte
turque serait entrée dans le port d'Alexandrie. »
Enfin, le conseil, examinant le projet mis en avant par lord Palmerston
de travailler k un acte de garantie de l'intégrité de l'empire ottoman,
entre la France, l'Autriche et l'Angleterre (à défaut de l'espoir d'y as-
socier les deux autres cours), a donné la plus complète approbation à
cette proposition, et reconnu en même temps que la négociation devait
en être conduite avec une grande réserve pour ne pas effaroucher la
Russie et lui donner les moyens de l'entraver. Le conseil a pensé que ce
serait véritablement là le commencement de l'œuvre de paix et d'équi-
libre dont la France et l'Angleterre poursuivent l'accomplissement.
Depuis le commencement de la crise d'Orient, je n'avais point vu lord
Palmerston aussi satisfait de la face des affaires.
Veuillez agréer, etc.
APPENDICE Z|79
XL. — D4>péclic dn linron de Boarc|iipney an niar«'-«>hal Sonlt, en
date du 18 août 183» (9 djL-mazinl akhir 1255).
Monsieur le maréchal,... je n'ai pu rendre qu'un compte bien sommaire
à Votre Excellence des dernières nouvelles de Vienne ; mais je tenais à
l'informer sans délai de l'impression profonde qu'elles avaient produite
sur le cabinet anglais.
Les deux faits qui dominent tout, Monsieur le maréchal, sont : 1° La
signature de M. de BoulénelT apposée à une note collective et déclarant
que dans l'accord des cinq grandes puissances sur les uffaires d''Orient,
la Porte ottomane trouve, contre les dangers de sa situation, une garantie
assez puissante pour interrompre toute négociation directe avec le vice-
roi ; 2° l'interruption immédiate de cette même négociation.
Ni les dépêches de M. de Barante à Votre Excellence, ni celles de lord
Clanricarde à lord Palmerslon, ni même les dernières co'.nmunications
du prince de Melternich ne préparaient nos cours à cette soudaine
adhésion du ministre de Russie à une démarche de celte importance. A
Londres, comme k Paris sans doute, on raisonnait sur la donnée géné-
rale que le cabinet russe, non-seulement déclinait la négociation de
Vienne, mais travaillait à la rendre inutile en favorisant la conclusion
d'un arrangement direct entre le souverain et le vassal, sans inter-
vention extérieure quelconque, au moins patente.
Ici, Monsieur le maréchal, on ne s'est pas donné grand'peine pour
expliquer un fait en contradiction ouverte avec des dispositions qu'on ne
mettait pas même en doute la veille du jour où on l'a connu. On a bien
répété : « La Russie ne veut pas, la Russie ne peut pas. M. de Boute-
neff a entendu prononcer le nom des Dardanelles par la France et
l'Angleterre, et il a passé outre à la démarche. » (Ge'te dernière hypo-
thèse demandait alors qu'on attendît, pour prononcer un jugement défi-
nitif, que le ministre eût été avoué par sa cour.) Mais toutes ces considé-
rations explicatives ont été sacrifiées au fait lui-même et on s'est dit :
(( Voici la Russie entrée dans le concours par un acte ofQciel ; elle n'en
sortirait qu'en provoquant des complications pour lesquelles elle n'est
pas prête. »
De cette première donnée, Mousieur le maréchal, le cabinet anglais,
dans sa délibération d'hier, a conclu que le moment était venu de laisser
un peu reposer l'attitude comminatoire et ombrageuse envers le cabinet
russe, sauf à la reprendre plus tard et plus tranchée si les circonstances
viennent à l'exiger.
Il a pensé de plus qu'un acte de déférence était dû au prince de
Metternich pour sa persévérance dans la voie où il est entré avec la
480 APPENDICE
France et l'Angleterre , persévérance qui se manifestait à Vienne le
8 août quand on y avait lieu de croire que le cabinet russe déclinait tout
concert avec les autres puissances, mais dont l'expression est devenue
bien plus netta et bien plus péremptoire le 10, à la réception des nou-
velles de Constantinople du 29 juillet.
C'est sous l'empire de cette double impression, Monsieur le maréchal,
que le cabinet anglais a proposé de porter à Vienne nos projets d'ins-
tructions aux amiraux, relntivement à la défection de la flotte ottomane,
afin qu'il n'y eût pas un seul acte du drame qui commence à se dérouler
dont la France et l'Angleterre parussent vouloir isoler en ce moment les
puissances alliées, et particulièrement le cabinet aulricliien.
Voire Excellence sait enfin. Monsieur le maréclial , que" le cabinet
anglais n'a pas trouvé suffisante l'attitude d'observation ordonnée à nos
amiraux pour le cas où la flotte ottomane serait entrée dans le port
d'Alexandrie et où le vice-roi refuserait sa restitution. A la demande de
nos agents consulaires, il a songé à des moyens de coercition morale,
tels que la retraite de nos consuls-généraux ; mais cette partie même de
la question, il propose également au gouvernement du roi de la porter à
Vienne et de l'y traiter en commun avec le cabinet autrichien.
Votre Excellence jugera , par ce qui précède, du changement qui s'est
opéré depuis trente-huit heures dans l'esprit des membres du cabinet
anglais.
On n'admettait pas la possibilité du concours de la Russie : aujour-
d'hui, on l'espère.
On espérait le concours de l'Autriche jusqu'au bout : on n'en doute
plus.
Maintenant, Monsieur le maréchal, voici je crois les motifs sur lesquels
se fonde la satisfaction, peut-être bien exagérée, qui se manifeste ici
depuis la réception des nouvelles de Vienne et de Constantinople
relativement à l'ensemble de la situation.
On part du principe qu'une fois les bases de l'arrangement à intervenir
entre le sultan et le vice-roi consenties par les cinq puissances, l'usage
de la force ne sera pas même nécessaire pour les faire accepter à
Méhéraet-Ali ; une menace suffira en cas de refus. Relativement à ces
bases, on croit l'Autrivihe plus près que la France du point de vue du
cabinet anglais, et comme on sait que des divergences officiellement
manifestées entre les deux grandes puissances maritimes saperaient tous
les fondements de l'œuvre de pacification qu'on poursuit, on se flatte que
ces divergences se fondront plus aisément dans le concours des cinq
puissances que dans une négociation directe à deux, ou même à trois.
Enfin, Monsieur le maréchal, une fois l'arrangement entre le souverain
et le vassal accepté et garanti par les puissances de l'Europe, c'est-à-dire
Al>PENniCE Û81
la question pratique réglée, on est sîir de trouver îi Paris, et on espère
rencontrer à Vienne , l'empressement qu'on éprouvera ici même à
couronner cet acte de paix, dans le présent, par un acte diplomatique qui
assure également l'avenir.
Veuillez agréer, etc.
XLI — Déprclie du marcchal Soiilt an baron de Bonrqacncy, en
date du Z'î août tHSit (Il djéiuazinl-akhir 1255).
Le gouvernement du roi regarde comme une circonstance heureuse
l'adhésion de la Porte à la démarche par laquelle les envoyés des cinq
puissances l'ont engagée h ne rien conclure, sans leur concours, avec le
pacha d'Egypte; adhésion dont au surplus la nouvelle ne m'est pas
encore parvenue. Cependant, nous ne nous rendons pas bien compte de
la joie si vive que cet événement paraît avoir causée à Vienne et surtout
à Londres. Il y a, ce me semble, plus que de l'exagération k conclui'e,
de ce que M. de Bouterieff s'est associé h celte démarche , que la Russie
se décide à lier désormais son action , dans la question d'Orient, h celle
des cours alliées. Un résultat de celte importance, une telle déviation des
errements d'une politique jusqu'à présent immuable, ne se présument
pas ; pour y croire, les preuves les plus formelles ne seraient pas de trop,
et ces preuves je les cherche vainement Bien loin de là, la correspon-
dance de M. de Raranîe me montre le cabinet de Saint-Pétesbourg per-
sislani plus que jamais dans ses vues d'isolement, alors niême qu'il se croit
obligé de faire quelques concessions de forme. Au surplus, pour appré-
cier la portée vérital)le de l'acte auquel on veut rattacher de si graves
conséquences, il sufiit de se rappeler que, parmi les arguments allégués
par le gouvernement russe pour repousser l'idée d'une conférence établie
à Vienne, figurait celui qui consistait h dire que le siège de la négocia-
tion serait plus naturollement placé h Gonslanlinople ; c'est qu'en effet la
Russie, par l'ascendant naturel que son envoyé exerce sur la Porte, y
est bien mieux placée soit pour entraver, soit pour influencer les négo-
ciations.
Si j'insiste. Monsieur, sur l'exagération des espérances que semble
avoir conçues le cabinet de Londres, c'est que je crains que ce malen-
tendu n'imprime une fausse direction h. sa politique, et ne lui fasse
perdre de vue le but essentiel auquel doivent tendre la France et
l'Angleterre, le moyen d'empêcher que la Porte ne reton:!be sous le
patronage exclusif et dominant d'une des grandes puissances. A Londres,
je crois m'apercevoir qu'on est trop rassuré sur ce point et trop enclin à
concentrer toutes ses inquiétudes sur le péril, relativement bien secon-
daire, de l'agrandissement exclusif de Méhénjet-Ali. Si l'expression du
T. II. 31
Zl82 APPENDICE
dissenlioient qui existe à ce sujet entre la France et l'Angleterre ne
sortait pas du cercle des communications échangées entre les deux
gouvernements, il n'y aurait pas un grand inconvénient; malheureuse-
ment;, j'acquiers tous les jours la certitude qu'il n'en est pas ainsi. Le
cabinet de Londres, dominé par ses préocupations, ne sait pas assez les
dissimuler aux autres cabinets ; il semble quelquefois voir en eux des
auxiliaires dont la coopération peut l'aider à nous ramener à sa manière
de voir, et les cours auxquelles s'adressent ces confidences, se méprenant
sur l'intention qui les lui dicte, y voient le principe d'un relâchement
sérieux dans l'alliance anglo-française. Déjà plus d'un indice me donne
lieu de penser que telle de ces cours travaille par des avances adroite-
ment calculées, par d'apparentes concessions, h entraîner le gouverne-
ment britannique dans une voie nouvelle. Je crains peu le résultat
définitif de ces tentatives; l'Angleterre y résistera comme nous l'avons
fait nous-mêmes à d'autres époques, lorsqu'on a employé à notre égard
des artifices semblables. Mais Userait fâcheux que de simples apparences
pussent donner un seul moment le moindre espoir de succès aux
auteurs de ces machinations. Il n'en faudrait pas davantage pour jeter une
perturbaiion déplorable dans la marche de la politique générale.
Lord Granville ne m'a encore rien dit des nouvelles vues de sa cour
par rapport aux moyens d'obtenir la restitution de la flotte ottomane. Je
pense qu'à Londres on aura compris l'inopportunité du rappel éventuel
des consuls au moment oii la décision prise à Clonstantinople rend plus
indispensable que jamais la présence d'agents européens auprès de
Méhé met-Ali.
Ce n'est pas M. le général Baudrand qui se rendra à Gonstantinople
comme je vous l'avais annoncé. Le roi, en apprenant les noms des
personnes chargées par les empereurs d'Autriche et de Russie d'une
mission analogue, a jugé convenable d'envoyer un officier de sa maison,
d'un grade moins élevé.
XLII. — Dépêche de l'ambassadeur de France (général Sébas-
tian!) au maréchal Soult, en date de Londres le 5 septembre
18»» (2.-> djémaziulakhir 1355).
Monsieur le maréchal, j'ai à rendre compte à Votre Excellence de mon
premier entrelien avec lord Palmerston.
Avant de passer en revue les questions que nous avons disculées
séparément, je dois déclarer à Votre Excellence que l'impression, pour
moi, résultant de cette conférence est que le cabinet anglais veut comme
nous, au même degré que nous, avec aussi peu d'arrière-pensées que
nous, le maintien de l'indépendance et de l'intégrité de l'enrpire ottoman,
AI'I'F.NDICI': liH'à
t't (|iin ce but il veut l'atteiiulre pacifiquement et sans compromettre les
grandes puissances entre elles.
J'ai saisi la première occasion qui m'était oflerle de discuter et de
combaltre les mesures proposées par le cabinet anglais et communiquées
par M. RuKver à Votre Excellence.
J'ai d'abord établi d'une manière absolue que la question de la flotte
ottomane ne devait point être traitée spécialement et |)réalablement aux
conditions de l'arrangement final h intervenir entre le sultan et le pacha.
J'ai dit que nous ne devions pas user noire force contre un incident,
mais la réserver tout entière pour le fait principal. J'ai même engagé
lord Pahnerslon à rédéchir sérieusement aux conséquences d'un succès ,
c'est-à-dire à la rentrée de la flotte ottomane à Constanlinople avec un
corps d'ofliciers imbus d'admiration pour iMéhémet-Ali et peu rassurés
eux-mêmes, malgré la garantie des puissances, contre les vengeances
réactionnaires de la Porte.
Ces derniers arguments , Monsieur le maréchal , ont produit de
l'impression sur l'esprit de lord Palmerston. 11 m'a répondu néanmoins
que si les puissances, toutes également pénétrées de la nécessité de
répiimer, ou plutôt de réparer un acte aussi coupable de la part d'un
vassal contre son souverain, s'arrêtaient devant un refus péremptoire de
Méhémed-Ali, il ne pourrait h son tour que se sentir plus encouragé dans
la résistance à l'acceptation d'un arrangement final.
J'ai fait valoir tous les motifs qui doivent nous détourner d'une dé-
monstration armée contre l'île de Candie; j'ai parlé du parti grec qui
pourrait en profiter pour proclamer son indépendance, et j'ai ajouté que
ce serait répandre dans le reste de l'empire l'exemple et le besoin de
soulèvements intérieurs. J'espère avoir réussi à convaincre lord Pal-
merston quïl n'y avait ni opportunité ni avantage réel dans l'occupation
de l'île de Candie par les forces de l'Angleterre et de la France.
J'ai discuté le rappel des consuls-généraux d'Alexandrie et j'ai montré
les graves inconvénients qu'il offrirait en nous laissant avec le vice-roi
sans organes au moment où nous aurions le plus pressant besoin d'agir
sur son esprit par d'activés communications.
Lord Beauvale, Monsieur le ministre, a déjà reçu les instructions et
les pouvoirs relatifs à la flotte ottomane; je ne puis donc faire espérer à
Votre Excellence que ces instructions soient rappelées ou même modi-
fiées; mais la question étant portée au centre même des négociations,
l'influen'^e du gouvernement du roi pourra s'y exercer d'une manière
puissante, et je crois que de Londres même on signalera à lord Beauvale
les points sur lesquels il ne doit pas insister, s'il rencontre la voix de la
France tout à fait opposée à celle de l'Angleterre.
Je ne puis, du reste, le dissimuler à Votre Excellence; la disposition
Zi8i APPENDICE
du cabinet finglais h l'emploi des moyens coercitifs contre Méhémel-Ali,
soit pour obtenir la restitution de la flotte otloraane, soit pour lui faire
accepter exclusivement l'hérédité de l'Egypte comme base de l'arrange-
ment à intervenir avec la Porte, peut bien de temps à autre céder sur
certains points aux représentations de la France^ mais elle reparaît
toujours^ et si elle rencontre de notre part une répugnance invincible et
absolue à l'emploi d'un moyen de coercition quelconque contre le vice-
roi, je crains que Von ne se persuade ici qu'il est inutile de continuer une
négociation dans laquelle on a ôté d'avance à ses conseils la sanction
même éventuelle de la force.
J'ai cherché à effrayer lord Palmerston sur les conséquences auxquelles
exposeraient la paix du monde les partis extrêmes où le vice-roi pourrait
se laisser entraîner si les puissances persistent h lui refuser les conditions
qu'il met à sa réconciliation avec la Porte. Lord Palmerston m'a répondu
que sans doute la marche sur Constantinoplc était possible, mais qu'a-
lors rien ne serait plus facile aux puissances de l'Europe que de préserver
la capitale de l'empire ottoman, que nous y concourrions tous avec nos
flottes, et la Russie avec ses soldats, mais qu'on réglerait les forces des
troupes russes et qu'on fixerait la date de leur départ. « Nous arriverions
« ensemble, a continué lord Palmerston, et nous partirions ensemble.
« La Russie est enchîiînée en ce moment, soyez-en sûr. Je sais très-bien
« que cela tient à ce qu'elle n'est pas prête ; mais enfin c'est un fait et
(< nous devons en profiter. Elle n'agira pas sans nous, et si elle agit, ce
« ne sera qu'avec nous et comme nous. »
Lord Palmerston m'a parlé des dispositions du cabinet prussien et du
cabinet de Vienne, comme se rapprochant entièrement de celles du
cabinet de Londres dans tout ce qui tient à la fixation des bases de
l'arrangement final entre la Porte et le vice-roi.
Lord Palmerston a répondu à la dernière communication russe par
une dépêche à lord Glanricarde dont il m'a donné lecture , et par
laquelle il établit formellement l'union et la solidarité de la France et de
l'Angleterre dans tout ce qui touche à l'entrée éventuelle de nos esca-
dres dans la mer de Marmara.
J'ai redoublé d'efforts pour ramener le point de vue du cabinet anglais
h celui du gouvernement du roi. Lord Palmerston, h propos de la
retraite de nos cousuls-généraux d'Alexandrie, m'a dit qu'il n'avait
jamais songé à étendre cette mesure aux agents véritablement consu-
laires ; que ce n'était qu'à cause du caractère diplomatique de nos
consuls-généraux qu'il avait voulu faire de leur rappel une démonstra-
tion de mécontentement des puissances contre Méhémet- Ali ; mais que
nous conserverions a])rès leur départ, s'il s'effectuait, de véritables
consiils qui pourraient encore nous servir d'organes avec le vice-roi.
APPENDICE ^85
Lord Palraerston m'a annoncé que le colonel Campbell serait remplacé
dans tous les cas par un autre agent. On n'a pas approuvé sa conduite
dans les derniers événements et on lui donne un successeur. Lord
Palmerston venait de recevoir des dépêches de Gonslantinople qui lui
annoncent qu'un brick égyptien avait porté des agents du vice-roi à
Salonique. Lord Ponsonby a donné ordre à l'amiral Stopford de pour-
suivre le brick égyptien, de s'en emparer, et de faire échouer sa mission.
L'amiral Roussin a donné son approbation à cette mesure.
Veuillez agréer, etc.
XLIII. — Dépèche du ministre lirituniilqiic ( BSuIwer ) s^ lord Pal-
merston, en date de Paris le Iti septembre 1^39 (7 rédjel» tS55).
Mylord,à l'occasion d'un entretien que j'ai eu avec le maréchal Soult,
relativement aux affaires d'Orient, et lorsque j'insistai sur Li nécessité
d'agir avec promptitude et énergie pour les arranger, il me dit qu'il sera,
sous peu, à même de me communiquer les vues du gouvernement fran-
çais à ce sujet, et il a avoué qu'il ne faut pas permettre au pacha d'Egypte
de garder ni Adana, ni Jlarach ni l'île de Candie. « Mais, » dit le maré-
chal, « obtenir de lui la Syrie, cela, je crois, est hors de question. » J'ai
demandé au maréchal s'il se croyait obligé de pourvoir à l'exécution d'un
arrangement pour lequel se prononcerait le gouvernement français lui-
même, et que la Porte accepterait? Mais, quoique S. E. n'ait pas dit que,
si Méhémet-Ali n'acceptait pas les conditions que la France approuverait,
la force ne sera pas employée pour le contraindre aies accepter, elle n'a
pas voulu dire non plus que la force sera employée à cet elTet, et je crois
toujours que le gouvernement de S. M. peut h peine espérer que, quelles
que soient les circonstances, le cabinet français se laissera persuader
d'employer des mesures coercitives contre le vice-roi.
J'ai l'honneur, etc.
XLIV. — Dépèche du f|énéral ^ébastiani au maréchal Soult, en date
du S 3 septembre 1»3» (14 rédjeb 1255).
Monsieur le maréchal, lord Palraerston a passé ce matin quelques heures
à Londres. J'ai h rendre compte à V, E. de l'importante conversation que
je viens d'avoir avec lui.
Le baron de Brunnow propose, au nom de son gouvernement, de ré-
gler et de déflnir la part d'action coercitive de chacune des cinq puis-
sances contre Méhémet-Ali pour assurer un arrangement final entre le
sultan et le pacha. Dans ce but, une convention serait signée entre les
cinq cours, stipulant que la France et l'Angleterre se serviront de leurs
escadres contre Méhémet-Ali, s'il refuse d'accepter les conditions; que la
/i86 APPENDICE
Russie, dans le cas où Ibrahim-pacha marcherait sur Gonstantinople, em-
ploierait son armée et sa flotte dans le Bosphore et dans l'Asie-Mineure,
en (leçfi du Taurus, pour protéger l'existence de l'empire ottoman ; mais
qu'à l'avenir la fermeture du Bosphore et du détroit des Dardanelles de-
meurera un principe de droit public européen, et que la Russie s'engage
h ne pas renouveler le traité d'Unkiar Skelessi. Il serait enfin entendu,
quoique non écrit, que, dans !a circonstance actuelle, la dérogation russe
au principe de fermeture des deux détroits aura lieu sans que les puis-
sances maritimes s'en autorisent comme d'une cause légitimant la pré-
sence de leurs propres vaisseaux dans le Bosphore.
Cette convention, la Russie la présente à l'acceptation des quatre puis-
sances, mais elle est prête h la signer ici avec trois, si la cinquième, si la
France ne croit pas devoir en accepter les stipulations.
Telle est. Monsieur le maréchal, la substance des propositions dont le
baron de Brunnow est l'organe; je n'ai pas besoin d'en caractériser l'im-
mense portée.
Lord Palmerston m'a dit qu'il réunirait prochainement les membres du
cabinet qui se trouvent dans le voisinage de Windsor ou de Londres, et
qu'il leur soumettrait l'état de la question ; mais il ne m'a pas laissé
ignorer que personnellement il était favorable à l'acceptation des propo-
sitions russes; il est probable que la détermination du cabinet sera con-
forme à l'opinion de lord Palmerston.
J'ai demandé quelles bases la Russie donnait ci l'arrangement entre le
sultan et le pncha; lord Palmerston m'a dit que M. de Brunnow n'était
chargé d'aucune proposition à cet égard, mais que le cabinet russe se
prononçait comme le cabinet anglais, en faveur de la rétrocession com-
plète de la Syrie et de ses annexes.
Lord Palmerston voudrait ajouter au projet russe l'envoi d'un corps
autrichien on Syrie en cas de résistance du vice -roi. Ce corps, réuni aux
débris de l'armée ottomane, devrait opérer par la force l'évacuation des
provinces occupées par l'armée égyptienne.
J'ai commencé. Monsieur le maréchal, par déclarer que j'étais sans
instructions du gouvernement du roi sur la plupart des queslions qui m'é-
taient soumises; mais que je me sentais néanmoins autorisé h repousser
et à combattre, au moins en mon nom, presque toutes les données sur
lesquelles repose le nouveau plan proposé par la Russie et presque adopté
par l'Angleterre.
But, moyens, facilité d'exécution, j'ai tout contesté. J'ai appuyé sur
cette considération que, possesseur héréditaire de l'Egypte et de la Syrie,
!\Iéhémet-Ali retomberait essentiellement dans la sphère d'influence et
d'action des deux grandes puissances maritimes, et que ces mêmes puis-
sauces pourraient h leur tour se servir des forces égyptiennes pour im-
APPENDICE /l87
poser h la Russie dans ses projets sur Gonstanlinople. Je ne l'aligucrai pas
Votre Excellence de la reproduction des arguments dont je rae suis servi ;
ils étaient tous puisés dans l'ordre d'idées et de faits où s'est placé le
gouvernement du roi dans sa correspondance avec l'ambassade.
Il m'est démontré, Monsieur le maréchal, que le cabinet anglais regarda
l'abolition du traité d'Unkiar Skelessi comme un succès suffisant pour sa
l)olilique actuelle en Orient. Or, ce succès il ne croit pas trop le payer
par son assentiment préalable ci l'apparition des forces russes dans le Bos-
phore; et d'ailleurs, en la subordonnant h la marche d'Jbrahira-pacha sur
Constantinopie, il espère poser une hypothèse qui ne se réalisera pas.
J'ai dit h lor.l Palmerston que la convention dont il venait de me déve-
lopper les bases passerait en Europe pour un acte de faiblesse et de pusil-
lanimité envers la Russie. Lord Palmerston la considère comme un acte
d'habileté; l'action russe, même k Constantinopie, réglée,, définie d'a-
vance par le concours des autres puissances, lui paraît toujours l'action
des cinq cours et l'abdication du protectorat russe exclusif.
La dernière dépèche de Votre Excellence me mettait en mesure de dé-
montrer à lord Palmerston combien les divers cabinets de l'Europe sont
loin jusqu'ici de s'associer à l'activité et à l'énergie des mesures actuelles
contre !\îéhéraet-Ali. Lord Palmerston m'a répondu qu'il ne mettait pas
un instant en doute que les propositions dont M. de lîrunnow était por-
teur ne reçussent le plus sincère et le plus cordial appui des cabinets de
Vienne et de Berlin.
Le prince Esterhazy, qui a vu lord Palmerston aujourd'hui, a mis en
avant le défaut d'instruction de sa cour, pour éviter de se prononcer sur
tous les nouveaux projets qui lui étaient soumis, et particulièrement sur
l'envoi d'un corps autrichien en Syrie; mais, évidemment, il est convaincu
que le plan du cabinet russe sera approuvé par le cabinet de Vienne.
La restitution de la flotte ottomane est maintenant confondue avec la
question générale. Lord Palmerston renonce ci la détacher...
Lord Palmerston, h qui j'ai demandé où aurait lieu la signature de la
convention qu'il venait de m'analyser, m'a répondu: « Je n'yavciis pas
songé, mais à Londres si Ton veut, n
Agréez, etc.
:i LV. — Dépêche dn maréchal Soiilt an général Sébastian!, en date
du 2G septembre 18S9 (fS rédjeb 12 55),
Monsieur le comte, j'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire. Les craintes que nous cuvions conçues sur le succès de la tac-
tique employée par le cabinet de Saint-Pétersbourg pour séparer l'Angle-
terre et la France, et conquérir ainsi dans la question d'Orient des auxi-
liairesbien inattendus, semblent sur le point d'être justifiés par l'événement.
llSS APPENDICE
C(i n'est pas sans un étonnement douloureux que nous voyons un homoie
aussi éclairé que lord Palinerston accueillir avec tant de complaisance
un projet tel que celui qui lai a été présenté par M. de Brunnow : un pro-
jet qui, au prix d'une vaine et illusoire concession de principe annulée
iniraédialeinent en fait par l'acte même qui est censé la consacrer, tend à
donner une sanction européenne à la position exceptionnelle que la Rus-
sie s'arroge depuis trop longtemps h Gonstantinople, Accepter, consigner
dans une convention formelle la promesse de ne pas renouveler le traité
d'Unkiar Skélessi, contre lequel la France et l'Angleterre ont protesté si
expressément, il y a six ans,*ce serait en quelque sorte annuler la protes-
tation, et reconnaître la validité de l'acte contre lequel elle était dirigée.
Proclamer dans cette même convention le principe de la clôture des deux
détroits, si solennellement consacré par le temps, par le consentement
unanime des nations, et même par des engagements écrits, ce ne serait pas
lui donner une force nouvelle, ce serait bien plutôt l'affaiblir, en la classant
au nombre de ces stipulations accidentelles que les circonstances amènent
et qu'elles peuvent emporter. Ce qu'il faut à ce principe, incessamment
menacé par l'ambition d'une grande puissance, ce sont des garanties qui
en assurent l'inviolabilité, ou du moins qui assurent que, lorsqu'il sera
absolument nécessaire d'y déroger, cette dérogation ne pourra compro-
mettre les grands intérêts qu'il était destiné à protéger. Nous n'avons pas
cessé de le répéter : de telles garanties ne peuvent résulter que de l'ad-
mission simultanée des forces de toutes les cours alliées dans les eaux de
Gonstantinople. C'est là le but auquel nous nous étions efforcés d'arriver,
et auquel, un moment, l'Angleterre et l'Autriche avaient paru tendre avec
nous. Au lieu de cela, que nous propose-t-on ? Précisément ce que nous
repoussions tous d'abord, ce que la France continue à repousser comme
le triomphe complet de la politique du cabinet de Saint-Pétersbourg qui n'a
jamais demandé autre chose : on veut que les forces Russes seules pénè-
trent dans le Bosphore, tandis que celles de la France et d'Angleterre s'é-
loigneraient des Dardanelles pour aller menacer le pacha d'Egypte ; et ce
qui est plus étrange, on prétend nous faire croire que l'exclusion dont
nous serions ainsi l'objet cesserait d'avoir pour nous un caractère offen-
sant par cela seul que nous y aurions donné notre consentement. Certes,
en exigeant cette exclusion, la Russie révèle sa pensée ; si elle n'avait d'au-
tre désir que de mettre fui aux embarras du moment; si, satisfaite de l'in-
fluence naturelle que sa situation lui donnera toujours dans l'empire otto-
man, elle n'aspirait pas k s'y créer peu h peu des droits particuliers au
détriment de toutes les autres puissances, il est impossible de concevoir
d'oii pourrait naître la répugnance h voir flotter les pavillons des cours
alliées à côté du sien, sous les murs de Constanlinople. Le traité même
d'Unkiar Skélessi n'y mettrait pas d'obstacle. Qu'elle y consente, et la
question d'Oriont sera dégagée de sa plus sérieuse dillicullé. i\Iais telle
n'est pas sa pensée. Elle veut, je l'ai déjà dit, au moyen d'un précédent
établi d'un consentement commun, amener l'Europe h sanctionner la po-
sition exceptionnelle qu'elle a d'abord essayé de se créer sans lu partici-
pation des autres cours. Ce qu'on lui concéderait aujourd'hui en fait, elle
le rèclamerait plus tard comme un droit, (;t nous serions certainement
bien plus mal placés i)Our lui refuser, dans des conjonctures analogues,
l'espèce de privilège dont nous aurions une fois reconnu en sa faveur la
convenance et la nécessité. Il y a plus : ce refus deviendrait presque im-
possible, parce que après un tel précédent il prendrait le caractère d'un
caprice malveillant. Nous ne pouvons donc, M. le comte, donner notre
assentiment aux propositions de M. de Brunnow. Jamais, de notre aveu,
une escadre de guerre étrangère ne paraîtra devant Gonstantinople, sans
que la nôtre ne s'y montre aussi. C'est h cette seule condition que nous
pouvons autoriser l'infraction du principe de la clôture des détroits, et
toute autre combinaison rencontrerait, dans l'opinion énergique et una-
nime de la France, des obstacles qui ne permettraient pas au gouverne-
ment du roi de s'y associer, lors-nième qu'il ne partagerait pas, en effet,
cette répugnance nationale si vive et si profonde.
Veuillez, M. le comte, donner lecture de cette dépêche à lord Palmers-
ton. Le cabinet de Londres n'ayant pas encore pris de résolution définitive
sur la grave question qui y est traitée, nous aimons à croire que de plus
nmres réflexions lui feront repousser les propositions de la Russie. En
tout cas, la détermination du gouvernement du roi est irrévocable. Quelles
que soient les conséquences d'un déplorable dissentiment, dîit-il avoir
pour effet l'accomplissement du projet favori de la Russie, celui de nous
isoler de nos alliés, ce n'est pas nous qui en aurons encouru la faute
si nous n'y retrouvons plus ceux qui s'y étaient d'abord placés à côté de
nous.
Le dernier paquebot de l'Orient ne nous a apporté aucune information
nouvelle de quelque gravité, mais celles qui me sont parvenues confir-
ment de plus en plus l'opinion, que j'ai depuis longtemps exprimée, sur
la ferme volonté de Méhémet-Ali de repousser par tous les moyens les
conditions trop rigoureuses qu'on voudrait lui imposer. Ce qui n'est pas
moins certain, c'est le nombre et la puissance des adhérents qu'n compte
dans toutes les parties de l'empire ottoman. Il ne faut peut-être qu'un
moment pour l'embraser tout entier et pour précipiter l'Europe elle-même
dans de terribles ébranlements. C'est là le danger, l'immense danger que
nous redoutons, et dont la prévision dirige toutes nos démarches. Puissent
les autres gouvernements l'apercevoir enfin comme nous.
/|90 APPENDICE
XLVI. — Dépêche de lord Pon8onl>y à lord Palnicrston, en date
du 30 septenilire 183» (31 rédjcb 1358).
Mylord, raiobassadeur de France m'a informe de son rappel, et m'a
dit qu'une frégate viendra sans délai le chercher. J'ai appris celte nou-
velle avec regret.
J'ai rhonneur, etc.
XLVII. — iVotc du baron de Rnnssin an ministre des affaires
êtranyôres ( Itéeliid-paclia ) de la f^nbliuie-Porte , en date du
'i octobre 1839 (33 rédjeb 1355).
Le soussigné, ambassadeur de France près !a Sublime-Porte, a reçu la
note que Son Excellence Réchid-pacha, ministre des affaires étrangères,
lui a fait l'honneur de lui adresser le 28 septembre, à l'appui de la note
en date du 22 août dernier, qui avait élé également adressée aux repré-
sentants des grandescours par le ministère de Sa Hautesse.
Ces deux communications sont une preuve trop manifeste des justes
sentiments de confiance dont s'est montré animée la Sublirae-Poite envers
le gouvernement du roi et ceux de ses augustes alliés, pour que le soussi-
gné ne s'empresse pas de les transmettre à Paris. Il n'ajoutera rien aux
considérations qui y sont développées avec autant de prudence que de vé-
rité, et il croirait même inutile de rappeler que les dispositions de la
France à l'égard de l'empire ottoman sont toujours aussi amicales, s'il
n'était heureux lui-même d'en renouveler aussi souvent que possible les
assurances. Le soussigné ne doute pas que, d'après la nouvelle démarche
de la Sublime-Porte, le gouvernement du roi ne cherche, d'accord avec
ses alliés, à régler les affaires d'Orient de manière à affermir l'empire
ottoman en consolidant la paix du monde, et il s'empressera de transmettre
à la Sublime-Porte, aussitôt qu'il les aura reçues de sa cour, les décisions
qu'elle aura prises à cet égard.
Son Excellence Réchid-pachu en adressant aux représentants des gran-
des cours sa note du 28 septembre, avait également chargé les premiers
drogmans des ambassades de France et d'Angleterre, de représenter h, ces
ambassadeurs, que la présence de leurs flottes au mouillage qu'elles occu-
pent maintenant pouvait faire naître des complications que la Sublime-
Porte a intérêt à éviter; que les mauvais temps qui vont régner pendant
plusieurs mois ne permettraient que très-difficilement h ces flottes de con-
server leur mouillage actuel, et pourraient, par nécessité, les obliger à
entrer dans les Dardanelles.
Le soussigné reconnaît combien ces réflexions sont fondées, et que la
Porte est parfaitement dans son droit en adressant aux représentants des
APPENDICE ^9i
cours amies celte demande ofllcieuse d'explication que des susceptibilités
élrangèresont pu, d'ailleurs, lui rendre nécessaire. Mais le soussigné doit,
de son côté, rai^peler à la Sublime-Porte que les doux gonvernenuînts, en
faisant rapprocher leurs escadres jusque dans la baie de Ténédos, ont
voulu donner au gouvernement de Sa Ilautesse, au milieu des circons-
tances de la plus haute gravité, un appui moral qui paraissait nécessaire
pour éviter les plus fâcheuses complications , que la sagesse de la
Sublime-Porte a su, du reste, empêcher. Le soussigné ajoutera, qu'il ap-
partient seulement aux gouvernements qui ont décidé celte mesure, de
reconnaître si elle est encore maintenant utile, et qu'eux seuls pourront
l)rescrire aux amiraux de s'éloigner /oi'squ'ils jugeront que celle détermi-
nation ne serait plus à regretter pour personne, et surtout pour la Sublime-
Porte.
En transmettant au gouvernement du roi les réflexions inspirées h la
Sublime-Porte par la présence des escadres française et anglaise, le sous-
signé ne doute pas qu'après les avoir examinées avec tout l'intérêt qu'il
accorde aux affaires d'Orient il ne s'empresse de prendre la détermina-
tion la plus prudente, et, en même temps, la plus utile ti l'affermissement
de l'empire ottoman.
Le soussigné saisit, etc.
XLVIII. — Dépêche <1ii général Kélunslianî au maréchal SouK, en
date du 3 octobre 1839 (34 rédjch 1355).
I
Monsieur le maréchal, le cabinet anglais n'adhère point aux proposi-
tions du cabinet impérial présentées par M. le baron de Brunnow. Lord
Palmerston a déclaré ce matin h l'envoyé russe que la France ne pouvait
consentir pour sa part à l'exclusion des flottes alliées de la mer de Mar-
mara dans l'éventualité de l'entrée des forces russes dans le Bosphore, et
que l'Angleterre ne voulait point se détacher de la France avec laquelle
elle avait marché avec une parfaite union depuis l'origine de la négociation.
Cela posé, au lieu de la convention originairement présentée par ie ca-
binet impérial, lord Palmerston propose un acte entre les cinq puissances,
par lequel elles régleraient leur part d'action dans la crise actuelle des
affaii'es d'Orient, mais sans privilège acquis au pavillon russe à l'exclu-
sion des pavillons français, anglais et autrichien, La Russie, en cas de
résistance de Méhémet-Ali aux conditions qui lui seront proposées, s'en-
gagerait à se servir de ses troupes en Asie-Mineure, mais en deçà du
Taurus. L'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman dans la dy-
nastie régnante seraient stipulées pour le plus long espace de temps pos-
sible ; enfin la clôture des détroits deviendrait un principe de droit pu-
blic européen.
/,92 APPENDICE
Telle est l'importante modification apportée aux propositions russes
par le cabinet britannique...
De l'acte européen que je viens d'analyser, passant aux conditions
mêmes de l'arrangement à intervenir entre le sultan et le pacha, lord
Palmerston, pressé à la fois et par mon argumentation et par le désir,
que je crois sincère, de faire un acte de déférence envers la France, lord
Palmerston, a consenti, après une longue discussion, à ajouter à l'investi-
ture héi'édiiaire de l'Egypte en faveur de Méhémet-Ali, la possession éga-
lement héréditaire du pachalik d'Acre. La ville seule seule d'Acre demeu-
rerait à la Porte et la frontière partirait du glacis de la place dans la di-
rection du lac Tabarié. La Porte recouvrerait tout le reste de la Syrie, y
compris les villes saintes, considération d'un poids énorme aux yeux du
cabinet anglais. Cette seconde concession, Monsieur le maréchal, repose,
je dois le dire, sur la donnée que le gouvernement du roi, une fois d'ac-
cord avec ses alliés sur les limites territoriales de l'arrangement, accep-
tera sa part d'action pour y contraindre Méhémet-Ali en cas de
refus.
Cette nouvelle situation est le résultat de nos efforts persévérants pour
ramener le cabinet anglais au point de vue de la France sur la question
d'Orient. Sans doute, le retour n'est point aussi complet que nous pour-
rions le désirer; mais il y a un immense pas de fait ; je crains, je l'avoue,
que ce ne soit le dernier.
J'ai demandé comment le baron de Brunnow avait reçu l'annonce d'une
aussi grave modification dans les premières dispositions du cabinet bri-
tannique. Lord Palmerston m'a dit qu'il avait pris les propositions nou-
velles ad référendum. Son désappointement a dii être vif.
Lord Palmerston me parait se flatter que nous amènerons la Piussie à
adhérer à l'acte européen qu'il propose. Je ne vois pas les données
sur lesquelles il base cette confiance ; mais quoi qu'on fasse à Saint-
Pétersbourg, il n'en est pas moins de la dernière importance d'avoir
arrêté ici tout arrangement en dehors de la France, et ramené le cabi-
net anglais à son premier sentiment du besoin de notre alliance.
Veuillez agréer, etc.
XLIX. — Dépêche du général ISébastiani au maréchal Sonlt, en
date du lO octobre 183» (1 cliâban 1355).
Monsieur le maréchal, j'ai donné lecture à lord Palmerston de la der-
nière dépêche de Votre Excellence. 11 avait été déjà directement préparé
par M. Buhver à la nouvelle que la concession du pachalik d'Acre n'était
pas jugée suffisante par le gouvernement du roi. Cette nouvelle l'a rejeté
de suite dans sou ancien système d'argumentation. Je n'ai laissé aucune
APPENDICE 493
de ses objections sans réponse ; mais j'ai pu facilement me convaincre au-
jourd'hui que ce seraient une tàclie presque sans espoir d'essayer d'obte-
nir quelque chose de plus que cette dernière concession. Lord Palmers-
ton m'a fait valoir le sacrifice fait h l'espoir de renouer ses premiers liens
avec la France, et il m'a donné clairemenl à entendre que, si le cabinet
anglais se trouvait déçu dans celte tentative, il serait nécessairement
forcé de chercher ailleurs l'appui qu'il ne trouverait pas en nous.
Rien ne se fera ici avant qu'on connaisse d'une manière positive et
formelle les dernières déterminations du gouvernement du roi... Mon
impression est que le cûbinet anglais reviendra aux premières proposi-
tions de la Russie, si les dernières concessions sont repoussées.
Le baron de Brunnow s'embarque le 13 pour Rotterdam.
Veuillez agréer, etc.
li. — Dépêche de lord Granvillc à lord Palniorston, en date da
4 novembre 1839 ['Hi cliàban 12.>.>).
Mylord, j'ai eu l'honneur de recevoir, par le courrier d'hier, vos dé-
pêches du premier novembre.
J'ai communiqué, aujourd'hui, au niaréclial Soult, les instructions trans-
mises par le gouvernement de S. M. à l'amiral, M. Robert Stapford, pour
faire aller au mouillage de Smyrne la Qotte sous ses ordres. Le maré-
chal m'a remercié de cette communication ; il m'a dit que le gouverne-
ment français avait envoyé à l'amiral Lalande les mêmes instructions,
dont il m'enverra une copie.
J'ai l'honneur, etc.
LI. — Dépôclie dii comte de IVesselrode au chargé d'affaires de
Russie (M. de Kisseieffj à Londres,
en date du 3 2 novembre 183!> (15 ramazan 1255].
Monsieur, le marquis de Clanricarde vient de me remettre la copie
d'une dépèche dans laquelle le principal secrétaire d'Etat a consigné un
exposé circonstancié des entretiens qu'il a eus avec le baron de Brunnow,
exposé qui est entièrement d'accord avec les informations que ce ministre
nous avait transmises au moment de quitter Londres.
Il résulte des communications que l'ambassadeur d'Angleterre était
chargé de nous faire, que le cabinet Britannique est disposé à adopter
l'ensemble de nos propositions, à l'exception d'un seul point h l'égard
duquel il croyait devoir demander une raoditlcaiion qui, si elle était
acceptée parnotre cour, amènerait une entente immédiate entre la Russie
et l'Angleterre sur les alTaires de la Turquie.
Le baron de Brunnow nous avait déji fait connaître les considérations
Z,9a APPENDICE
majeures qui obligeaient le ministère anglais à insister sur cette modifi-
cation : la franciiise et la confiance avec lesquelles lord Palniers-
lon s'élaii énoncé à cet égard, vis-à-vis de lui, ont été vivement appréciées
par l'empereur. Sa Majesté impériale ne saurait ne pas reconnaître la
gravité des difTicullés contre lesquelles le ministère anglais aurait à lutter
pour faire réussir une pareille combinaison ; et si, par une preuve de
déférence, noire auguste maître peut contribuer à les lui éviter, il éprou-
vera une sincèro satisfaction de répondre à l'appel que le gouvernement
de la reine vient de faire h son amitié.
D'ailleurs, les ouvertures spontanées que l'empereur avait fait adresser
par le baron de Brunnow au cabinet de Londres, et qui ont été
accueillies avec ce sentiment de confiance qu'un exposé aussi sincère des
intentions pacifiques de la Russie était fait pour inspirer, ont suffisam-
ment indiqué le but que Sa Majesté impériale n'a cessé de poursuivre dès
l'origine des fâcheuses complications qui ont surgi en Orient. De son côté,
le cabinet de Londres y a répondu avec la même franchise et avec un égal
désir de faciliter entre toutes les puissances une entente qui mettrait un
terme à ces comj)licalions, et assurerait ainsi le salut et l'intégrité de
l'empire ottoman. C'est là en effet la seule pensée qui a servi constamment
de base à la politique de l'empereur, et c'est là encore la règle invariable
qui déterminera sa conduite à l'avenir ; guidé par ces principes, étrangers
à toute vue d'influence ou de prépondérance exclusive, désireux de faire
cesser un conflit qui pourrait entraîner la chute du trône du Sultan, notre
auguste maître n'hésitera jamais à mettre de côté toute considération
d'amour-propre, pour atteindre le but élevé que les puissances ont en
vue, et pour écarter, autant qu'il pourra dépendre de lui, les obstacles
qui seuls semblent aujourd'hui s'opposer à la solution de la question
d'Orient.
Je me félicite en conséquence de pouvoir vous annoncer, Monsieur,
que l'empereur, appréciant toute la gravité des considérations que lord
Palmerston a fait valoir, dans la vue de nous démontrer la nécessité oii
était l'Angleterre d'insister sur la coopération d'une partie de ses forces
navales, dans le cas où un péril imminent forcerait la Porte ottomane à
avoir recours à l'intervention militaire de la Russie, Sa Majesté impériale
est disposée à adhérer sous ce rapport au vœu que le Cabinet de Londres
lui a fait manifester, et à admettre, si l'hypothèse dont nous avons fait
mention, venait à se réaliser, que le pavillon de chacune des puissances
qui voudront participera l'action commune, soit représenté par l'envoi de
quelques bâtiments, afin de constater par là qu'elles ont toutes concouru
à la défense et à la protection de la capitale de l'empire ottoman. Un
arrangement spécial devra fixer le nombre de ces vaisseaux, et indiquer
les parages où il devront croiser dans la mer de Marmara près du détroit
APPENDICE /|9ô
(les Dardanelles, de nianiôio ;i piôvenir tout conlacl avec les forces
russes destinées à luetlre Constanlinople à l'abii di; loule attaque du
côlé du B >spliore.
L'empereur, en adoptant cette résolution, a pensé que personne n'était
plus à même de légler les détails de l'arrangement dont il s'agira de
convenir, et d'assurer par \h le succès de la négociation générale, que
celui qui l'a conduite dès son origine à l'entière satisfaction de notre
auguste maître. Je viens par conséquent d'inviter le baron de Bruunovv
à retourner sans délai i\ Londres pour mettre la dernière main à un
arrangement dont les points les plus essentiels se trouvent déjà arrêtés,
et qui, en déterminant les moyens d'action que les puissances contrac-
tantes seraient appelées à employer pour faire adopter leur plan à
Rléhémet-Ali, contribuerait à assurer sur des bases solides la pacilication
du Levant.
Vous voudrez bien. Monsieur, annoncer sans retard ii lord Palmerston
les déterminations que l'empereur vient de prendre, dont je crois de
mon devoir de vous prévenir par le courrier que je vous expédie
aujourd'hui.
La manière distinguée avec laquelle le baron de Brunnow s'est acquitté
de la mission que l'empereur avait daigné lui confier, l'accueil bienveil-
lant dont Sa Majesté la reine l'a honoré, et la justice éclatante que le
principal secrétaire d'État s'est plù à rendre à l'esprit de conciliation et
au sentiment de modération dont il a été constamment animé, nous sont
garants que le choix de ce plénipotentiaire ne pourra qu'être agréable
au cabinet de Londres.
Veuillez donner lecture de la présente dépêche à lord Palmerston el
lui en laisser copie, s'il vous en témoignait le désir.
Recevez, etc.
LU. — Dépêche du maréchaS Soult au général Sébastiani, en date
da 9 décembre 1830 (Z chenal 1255).
Monsieur le comte, ainsi que vous me l'avez annoncé, lord Granville
m'a communiqué une longue dépêche de lord Pahner^ton, relalive à la
question d'Oi ient, dont l'objet est de justifier la résolution qu'a prise le
gouvernemei.t de Londres de rejeter le plan d'accommodement proposé
par la France. Sans reprendre, un à un, les détails bien souvent repro-
duits dans ma correspondance, je crois devoir repousser les accusations
élevées dans cette dépêche contre la marche suivie par le gouvernement
du roi, et répondre à quelques assertions erronées qu'elle me paraît
contenir.
Je commence par protester, do la manière la plus formelle, contre
Zi96 APPENDICE
l'idée qui y est exprimée que la France s'est constituée la protectrice de
Méliémet-Ali. Celle idée a élé trop souvent mise en avant pour qu'il me
soit possible de la passer sous silence. Non, la France n'éprouve pas pour
!\Iéliémet-Ali aucune prédilection partiale. L'unique but qu'elle poursuit
est l'arrangement des affaires d'Orient sur des bases solides et durables.
Quand aux conditions de cet arrangement, les pins avantageuses qu'il soit
possible de ménager h la Porte sans exposer la paix générale à, de funestes
perturbations, sont celles que nous préférons; mais convaincus, comme
nous l'avons toujours été, que le plan de l'Angleterre ne serait pas accepté
par le vice-roi, et que pour le lui imposer il faudrait recourir à des
mesures extrêmes, impraticables peut-être, et en tous cas bien dangereuses,
nous n'avons pu l'accepter, et nous avons dit hautement quel était celui
qui nous paraissait le plus propre à assurer tout à la fois l'intégrité de
l'empire oltoman et le maintien de la paix.
Lord Palmerston prétend, il est vrai, que nous avions commencé par
approuver les propositions du cabinet de Londres. J'ignore absolument
sur quoi peut reposer une pareille affn-malion, qui se produit pour la
première fois, et que je ne puis rattacher ii aucune des communications
échangées sur la question entre les deux gouvernements. Je désire que
vous me fassiez savoir d'où peu provenir un pareil malentendu.
Ce n'est pas d'ailleurs sur ce seul incident que lord Palmerston appuie
le reprochede contradiction qu'il adresse à notre politique. Rappelant l'em-
pressement avec lequel, au commencement de la crise actuelle, nous avons
pris l'initiative de l'appui à accorder à la Porte, il prétend démontrer que
notre attitude a complètement changé, et qu'en proclamant le principe de
rintégritédel'empireottoman, en engageant les autres puissances aie pro-
clamer avec nous, nous avions d'avance condamné les bases que mainte-
nant nous voulons donner h la réconciliation de la Porte avec son vassal.
Il m'est impossible, M. le comte, d'admettre cette manière de poser la
question. 11 est parfaitement vrai, et le gouvernement du roi ne peut que
se plaire à le voir rappeler, qu'il a le premier invité les puissances à se
concerter pour sauver la Porte de l'orage qu'elle avait imprudemment
provoqué. Il est également certain que tandis que tous les autres cabinets
délibéraient encore sur la position qu'ils prendraient, le gouvernement
du roi était déjà parvenu à arrêter la marche d'Ibrahim-pacha victorieux,
et que par ses représentations énergiques et incessantes, trop faiblement
appuyées par ses alliés, il avait indiqué à l'ambition de Méhémet-Ali les
limites au-delà desquelles il rencontrerait l'opposition unanime des
puissances. L'invitation faite à la Porte par l'ambassadeur de France, de
concert avec ses collègues, de ne conclure rien avec le vice-roi sans avoir
consulté les cours européennes, l'engagement échangé, sur notre demande,
entre les cours de Londres, de Vienne, de Berlin et de Paris, pour la pro-
APPENDICE /,97
lection de l'indépendance et de l'inlégrilé de l'Erapiro ottoman, sont des faits
également constants et que je n'entends certes ni désavouer ni révoquer
en doute; mais pour que l'on fût autorisé à on tirer les conséquences que
veut en tirer lord Palmerston, il faudrait commencer par établir que les
stipulations de notre projet sont contraires h cette intégrité, à cette indé-
pendance; et c'est ce que nous n'admettons en aucune façon.
Sans doute, c'est une situation fâcheuse pour un souverain que la nécps-
sité d'accorder à un sujet trop puissant l'investiture héréditaire des terri-
toires qu'il gouverne; mais cette nécessité, dont on ne prétendra pas
apparemment nous rendre responseibles, lord Palmerston la reconnaît lui-
même, puisqu'il propose aussi en faveur de Méhémet-Ali, cette investi-
ture héréditaire, appliquée seulement dans de moindres proportions. Le
différend existant entre la France et l'Angleterre ne roule donc pas, cela
est évident, sur une question de principes, mais bien sur le mode d'appli-
cation, sur des appréciations de détail. Lord Palmerston admet que l'Em-
pire ottoman ne serait pas démembré si la seule Egypte était concédée,
comme pachalic héréditaire, k Méhémel-Ali et à sa postérité. Nous croyons
que le démembrement n'aurait pas lieu davantage si à l'Egypte on ajoutait
la Syrie, en consacrant d'ailleurs la souveraineté de la Porte et la vassa-
lité du vice-roi par la stipulation formelle du tribut en argent et des
secours en hommes et en vaisseaux qu'il serait tenu de lui fournir. Encore
un coup, il y a là, entre les deux cabinets, non pas diversité de principes,
mais dissentiment sur leur application ; et aucun des deux n'est autorisé à
puiser dans ce dissentiment le droit d'accuser l'autre d'inconséquence et
de contradiction.
Lord Palmerston dit, il est vrai, que pour accorder à Méhémet-Ali la
totalité de ses demandes il n'était pas nécessaire d'annoncer d'abord l'in-
tention de donner secours à la Porte contre ses exigences. Pour répondre
cl cette objection, il suffit d'établir quelles étaient d'abord ces exigences,
et à quel point nous sommes parvenus à les réduire. Méhémet-Ali, dans le
principe, non-seulement repoussait avec emportement l'idée d'acheter
l'hérédité par les moindres concessions territoriales, mais déclarait qu'il
entendait garder les districts nouveaux occupés par son fds après la
bataille de Nézib. 11 réclamait de plus, comme condition absolue d'une paci-
fiication, le renvoi du grand-vizir. Aujourd'hui, non-seulement il renonce
à ces clauses exorbitantes, mais il consent, sauf des restrictions qui ne
sont probablement pas son dernier mot, à. abandonner l'île de Candie, le
district d'Adana, et il offre encore d'élever la somme du tribut qu'il paie ii la
Porte. Pourrait-on soutenir que des modifications de cette importance
ne méritent pas d'être prises en considération?
Une autre objection élevée par le cabinet de Londres c'est que nous
aurions rendu nos propositions plus acceptables encore en repoussant
T. Il 32
Û98 Al'PENDICE
opiniâtrement, et de la façon la plus péremptoire, la pensée d'en venir
jamais à les appuyer par des moyens coercitifs dans le cas où elles ne
seraient pas accueillies par le vice-roi. En fait, celle objection n'a plus
de portée, aujourd'hui que Méliémet-Ali a adhéré à notre plan, mais je
dois ajouter qu'elle est fondée sur une allégation inexacte. La France n'a
pas écarté, d'une manière absolue, la prévision des mesures coercitives ;
elle n'a pas refusé tl'en délibérer avec les autres cours ; seulement, elle a
demandé qu'avant de s'occuper des moyens d'exécution on commençât
par se mettre d'accord sur le bul à atteindre, et aussi, ce qui était bien
autrement urgent, ce qui touchait à des questions bien autrement déli-
cates et difficiles, sur le mode d'action par lequel les puissances concour-
raient â la défense deConstanlinople, dans le cas oii Ibrahim-pacha pour-
suivrait sa course victorieuse. Les motifs qui nous faisaient préférer une
semblable marche sont évidents. D'une part, l'intérêt vraiment important
pour l'Europe est celui de la défense de Constantinople, et on peut même
dire que tous les autres intérêts, sous le point de vue Européen, sont
subordonnés à celui-là. D'un autre côté, tant qu'on n'était pas certain de
s'accorder sur les conditions à présenter â Méhémet-Ali, il eût été plus qu'inu-
tile de se livrer prématurément à la discussion des voies de contrainte aux-
quelles il pourrait devenir nécessaire de recourir pour forcer son consente-
ment. Nous avions, d'ailleurs, la conviction que cette pénible nécessité ne se
présenterait pas si les conditions proposées étaient raisonnables, et l'évé-
nement a justifié notre manière de voir.
Lord Palmerslon, parmi les arguments qu'il emploie pour démontrer
l'impossibilité prétendue d'accéder à notre projet, fait valoir une considé-
ration dont il prétend que le gouvernement français a reconnu la force
au commencement de la négociation actuelle. C'est que la possession des
villes saintes de l'Arabie est nécessaire au sultan. Si, par la possession, il
entend le droit de souveraineté, il a parfaitement raison de soutenir que
le sultan, dépouillé de ces sanctuaires de l'Islamisme, perdrait une por-
tion du prestige religieux sur lequel s'appuie en partie sa puissance. Nous
en sommes convaincus, et nous mettons un si grand prix à la conserva-
lion de tous les éléments de cette puissance, que lorsqu'il y a quelques
mois on répandit le bruit que les agents entretenus par le sultan, en qualité
de chef de la religion, à la Mecque et h Médine avaient été expulsés par le
vice-roi, je chargeai le consul-général de France de lui faire à ce sujet
de vives représentations ; c'est probablement le fait auquel lord Palmerslon
veut faire allusion. Je remarquerai en passant que ce bruit, aussi bien que
tant d'autres répandus à Constantinople contre Méhémet-Ali, était com-
plètement faux. Qoiqu'il en soit, aujourd'hui comme alors, je reconnais
que la Porte doit garder son droit de souveraineté sur les villes saintes et
sur l'Arabie tout comme sur la totalité des autres territoires gou-
APl'ENDfCE Z,99
vernéspar In vice-roi et sa famille, mais jf; ne vois pas et je n'ai jamais dit
qu'aucun intérêt moral ou malcriel fùl compromis, parce que l'Arabie
continuerait à être placée sousTatlministralion du vice-roi ; et j'ajouterai,
que l'idée de changer cet état de choses, établi sans contestation, depuis
vingt ans, se présente à moi comme une combinaison nouvelle qui ne pour-
rait que compliquer, au détriment même de la Porte, une question si diffi-
cile déjh. Le fait est que jusqu'ici cette idée n'avait pas été mise en avant,
et que l'Arabie était universellement considérée comme une dépendance de
rÉgypte, comme liée au sort de ce dernier pays.
J'ai parcouru en quelque sorte le cercle des objections élevées par lord
Palmerston contre notre politique. Je crois avoir prouvé qu'elles reposent
en général sur des malentendus ou des erreurs de fait. Dans l'opinion du
cabinet britannique, le rappel de M. l'amiral Roussin a eu pour effet d'atté-
nuer la force morale de l'acte qu'il avait signé pour promettre à la Porte
l'appui de la France. Je ne comprends pas, je l'avoue, comment le chan-
gement d'un agent diplomatique pourrait amener ce résultat en présence
de la déclaration sans cesse renouvelée par le gouvernement du roi qu'il
persiste dans sa politique bienveillante pour le sultan. Je n'en dirai pas
davantage, et le cabinet de Londres comprendra que je n'entre pas dans
des explications qui prendraient un caractère personnel.
Lord Palmerston, dans la dépêche à laquelle je réponds_, exprime
le regret qu'il éprouve du désaccord survenu entue la France et l'Angle-
terre. Il énumère tout ce que son gouvernement a fait pour le prévenir.
Au nombre des témoignages de condescendance qu'il nous a donnés, il
compte l'abandon des mesures de rigueur auxquelles il avait proposé de
recourir pour forcer Méhémet-Ali à restituer préalablement la flotte otto-
mane. Peut-être, M. le comte, peut-être serai-je en droit de remarquer
que ses mesures n'ont pas été seulement repoussées par la France; que
toutes les autres cours les ont jugées dangereuses, impraticables, et d'un
succès à peu près impossible ; et que, suivant toute apparence, le gouver-
nement britannique même, livré à sa seule impulsion, les eût écartées
après y avoir mieux réfléchi. Au reste, il est loin de ma pensée de con-
tester les sentiments conciliants que le cabinet de Londres a apportés dans
cette grande alïaire. Ils ne se sont arrêtés, j'en suis bien convaincu, que
devant une conviction erronée à mon avis, mais sincère et profonde. Une
conviction non moins énergique, quoique contraire, a dû également sur-
monter, dans notre esprit, l'impulsion des sentiments tout aussi bien-
veilants pour nos alliés ; elle nous a réduits à la nécessité de persister
dans un fâcheux dissentiment ; mais on nous rendra cette justice que
nous avons fait, aussi longtemps que possible, tout ce qui a dépendu de
nous pour l'atténuer, pour le dissimuler aux yeux des autres cours.
Je me suis souvent demandé, M. le comte, comment il se faisait que
500 APPENDICE
les deux cabinets en fussent venus h ne pas s'entendre sur la question
qui semblait la mieux faite pour les mettre d'accord. Je vais vous dire
toute raa faç m de pensée. Gela tient surtout à ce que la France a princi-
palement eu en vue le côté européen de la question, tandis que l'Angle-
terre s'est trop préoccupée des considérations relatives h la position res-
pective de la Porte et du vice-roi. Nous nous sommes proposé, avant
tout, de faire sortir de la crise actuelle l'annulation dn protectorat exclusif
et dominant que la Russie commençait à faire peser sur la Porte, ou du
moins, d'empêcher que ce protectorat n'y trouvât une nouvelle occa-
sion de s'exercer et de se légitimer en quelque sorte , sans négliger le
soin de préserver , en Egypte et en Syrie, l'intégrité de l'Empire otto-
man ; nous avons eu constamment présent à l'esprit qu'il n'était pas
moins important de sauver à Constantinople l'indépendance de cet empire,
celle indépendance sans laquelle l'intégrité n'est plus qu'un vain mot.
L'Angleterre avait paru d'abord se diriger vers le même but que nous, et
obéir à la même pensée. Ne l'a-l elle pas, depuis, un peu perdu de vue? Je
serais tenté de le croire, lorsque je remarque que, dans la dépêche h la-
quelle je réponds, il ne se trouve pas un mot dont on puisse induire que le
cabinet de Londres voie autre chose dans la solution à donner à la
question d'Orient qu'un règlement territorial plus ou moins à la conve-
nance du sultan et du vice-roi.
Veuillez, },]. le comte, donner lecture de la présente dépêche à lord
Palmerston et lui en laisser copie.
Agréez, etc.
S.SII, — Dépôclic du maréchal ^onlt an f|«>néral l§iébastiuni, en date
du 9 décembre £839 (S ciiéwal 1355).
...La nouvelle que VOUS me donnez du prochain retour à Londres de
M. de Brunnow, muni de pleins pouvoirs pour signer une convention qui
réglerait sur un pied d'égalité les rapports de protection des puissances à
l'égard de la Porte, a excité, comme vous pouvez le croire, la plus sé-
lieuse attention du gouvernement du roi. Nous attendons iujpatiemment
les détails. S'ils sont tels, en effet, que doit le faire supposer le langage
de lord Palmerston, si par conséquent ils emportent, de la part de la
Russie, une renonciation effective à la position exceptionnelle qu'elle
s'attribuait k Constantinople, si l'addition d'aucune clause secrète ou indi-
recte ne vient paralyser d'un autre côté les concessions que semble
faire le cabinet de Saint-Pétersbourg, je n'ai pas besoin de vous dire que
la détermination de ce cabinet, quel qu'en puisse avoir été le motif, nous
causera une très-vive satisfaction. Elle nous donnera en effet gain de
ciusR sur le point qui nous a paru constamment le plus important dans la
question d'Orient ; elle nous amènera un résultat que nous avions déjà eu
APPENDICE 501
en vue et que depuis quelque temps nous désespérions d'obtenir. Vous sa-
vez en effet que, dès le principe de la négociation, nous nous sommes atta-
chés h en faire sortir l'annulation du protectorat exclusif exercé |)ar la
Russie sur le sultan, et que nous avions signalé ce but à nos alliés comme
celui qu'on devait s'cllbrccr d'allcindre par tous les moyens. Nous avons
dit et répété sans cesse que c'était surtout à Gonslantinople qu'il fallait
garantir l'indépendance de la Porte, que le nœud de la difficulté élail-là.
Ce n'est pas notre faute si, en s'opiniàti'anl trop longtemps à le voir là où
il n'était pas, dans la question, relativement secondaire pour l'Europe,
des rapports du sultan avec le vice-roi, on a multiplié les complications et
les embarras au point de le? rendre presque insolubles. Il est enfin per-
mis d'espérer qu'on va entrer dans la bonne voie; certes, ce n'esl p;is
nous qui y mettrons obstacle : et je vous le répèle, si les propositions de la
Russie sont telles qu'on vous l'a dit, si elles ne contiennent rien de plus,
rien au moins qui en altère la portée, je suis prêt à vous envoyer l'autorisa-
tion d'y accéder formellement. Je vais plus loin : le gouvernement du roi,
reconnaissant avec sa loyauté ordinaire qu'une convention conclue sur de
telles bases changerait notablement l'état des choses, y trouverait un mo-
tif sufiisanl pour se livrer à un nouvel examen de l'ensemble de la ques-
tion d'Orient, même dans les parties sur lesquelles chacune des puis-
sances semblait avoir trop absolument arrêté son opinion pour qu'il fût
possible de prolonger la discussion.
Telle est. Monsieur le comte, l'impression que nous avons reçue de
l'importante nouvelle que vous venez de me transmettre. Je ne dois pas
vous cacher au surplus que j'ai plutôt le désir que l'espoir d'en apprendre
bientôt l'entière confirmation. Je crains, je l'avouerai, que les proposi-
tions confiées k M. de Bruunow ne contiennent quelque clause insidieuse
dont l'existence rendrait notre adhésion impossible, et sans doute aussi
déterminerait un nouveau refus de la part du cabinet de Londres. Ce qui
me confirme dans cette inquiétude, c'est l'impossibilité que j'éprouve àrae
rendre compte des motifs qui pourraient décider le gouvernement russe
à une concession juste et raisonnable sans doute, mais pour laquulle il
avait jusqu'à présent manifesté une si invincible répugnance. Si l'on vou-
lait même supposer que sa pensée est de se mettre en mesure d'accorder,
de concert avec l'Angleterre, une protection plus efficace à la Porte et
d'imposer au vice-roi des conditions plus rigoureuses, cette conjecture se
trouverait démentie par ce qui se passe à Constantinople. Reschid-Pacha
a dit en effet à M. de Pontois que le cabinet de Saint-Pétersbourg engageait
la Porte à traiter directement avec Méhémet-Ali, et que M.^de Tatitschelf
en avait donné le conseil à Vienne à l'ambassadeur ottoman. Un semblable
conseil, fort raisonnable en lui-même à notre avis, tant que la situation ne
changera pas, n'en est pas moins très-extraordinaire de la part du goii-
502 APPENDICE
vernement qui affecle de se placer dans des relations d'intiinilé avec
l'Angleterre... Lord Palmerston se prévaut, pour s'affermir dans ses
idées, de l'adhésion qu'elles reçoivent du chancelier d'Autriche ; je con*
cois la tactique qui le porte, lorsqu'il s'entretient avec vous, h présenter
les choses sous cet aspect; mais j'ai peine h croire qu'il regarde réelle-
ment comme une adhésion les déclarations équivoques du cabinet de
Vienne. L'Autriche, après avoir approuvé nos propositions, a fini par ac-
céder en principe à celles de l'Angleterre, mais en rejetant les moyens de
contrainte qui pouvaient seuls leur donner quelque réalité. Si c'est là une-
adhésion suffisante aux yeux de lord Palmerston, il n'est certes pas diffi-
cile à contenter, et nous serions pour le moins aussi fondés h prétendre
que l'Autriche est entrée dans nos idées.
Quelques mots suffiront pour calmer les susceptibilités que lord Palmers-
ton vous a laissé voir au sujet de la formation d'une escadre de réserve à
Toulon. La nomination de M. l'amiral Rosamel n'a d'autre but que de
donner éventuellement un chef à notre escadre, commandée par deux
officiers d'un grade égal, ce qui peut amener des inconvénients. Il n'est
nullement question en ce moment d'augmenter nos forces navales, et si
cela arrivait, nous ne manquerions pas d'en donner avis à nos alliés.
Les dernières nouvelles de Constantinople, etc.
LIV. — Discours (extrait) de Louis-Philippe , prononcé A l'ouver-
ture des Cliambres, le 13 décembre 1839 (t« chéwal (1355).
Mes rapports avec les puissances étrangères ont conservé ce caractère
pacifique et bienveillant que prescrit l'intérêt commun de l'Europe. Notre
pavillon, de concert avec celui de la Grande-Bretagne, et fidèle à l'esprit
de cette union, toujours si avantageuse aux intérêts des deux pays, a
veillé sur l'indépendance et la sûreté immédiate de l'empire ottoman.
Notre politique est toujours d'assurer la conservation et l'intégrité de cet
empire, dont l'existence est si essentielle au maintien de la paix géné-
rale. Nos efforts ont au moins réussi à arrêter dans l'Orient le cours des
hostilités que nous avions voulu prévenir; et, quelles que soient les com-
plications qui résultent delà diversité des intérêts, j'ai l'espérance que
l'accord des grandes puissances amènera bientôt une solution équitable
et pacifique.
LV. — Dépêche du comte de IVesscIrode au comte de Ifledem, en
date du Z6 décembre 1839 (19 chéwai 1355}.
Monsieur le comte, j'ai reçu la dépêche que vous m'avez fait l'honneur
de m'adresser, pour m'accuser la réception de mon expédition du 22 no-
vembre, et dans laquelle vous rendez compte au ministère impérial des
APPENDICE 50o
plaintes que vous avait faites le chef du cabinet français, relativement à
la nature incomplète et tardive de nos dernières communications au sujet
du retour de M. le baron de Brunnow en Angleterre. Bien qu'il ne nous
soit pas absolument démontré qu'en cette occasion nos communications
aux cours de Vienne et de Berlin aient été plus détaillées, puisqu'il ne
s'agissait que de leur annoncer un seul fait, l'adoption de la modification
demandée par l'Angleterre h nos premières ouvertures ; bien qu'éga-
lement le retard de peu de jours qu'a subi la dépêche qui vous était
adressée tienne purement à des combinaisons insignifiantes dans l'arran-
gement du départ de nos courriers ; néanmoins, M. le comte, nous ad-
mettrons la réclamation comme fondée, et nous allons y répondre avec
une entière franchise.
Nous conviendrons donc que dans les derniers temps nos explications
avec la France ont été empreintes d'une certaine réserve, et que celles
que nous avons données à nos autres alliés, portaient, peut-être, un carac-
tère plus marqué d'empressement et d'abandon. Celte réserve avait ses
motifs, et nous ne prétendons point les dissimuler. C'est que depuis
longtemps, M. le comte, nous avions cru nous apercevoir que la France
apportait dans ses jugements sur notre politique en Orient des dispo-
sitions moins favorables que les autres puissances ; c'est que celles-ci
nous témoignaient plus de confiance et d'équité : qu'h l'égard de l'Egypte
leurs vues s'identifiaient d'avantage avec les nôtres ; et que, comme nous,
elles pensaient trouver dans la conduite du gouvernement français plus
de penchant pour le vassal que pour le souverain légitime. C'est que, dans
la question du différend à régler entre le sultan et Méhémet-Ali, la France
ne semblait voir qu'une question purement secondaire. Elle mettait à
la représenter comme européenne, avant tout, — une affectation dont le
but nous était palpable. C'est qu'en un mot le langage qu'elle adressait
à nos alliés, et celui que tenaient les feuilles plus particulièrement des-
tinées cl soutenir à l'intérieur la popularité de son ministère, portaient
ouvertement l'empreinte d'un sentiment peu juste, peu amical, envers la
Russie.
Ce qui n'était qu'une présomption vient de se convertir en fait par
la dépêche que le maréchal Soult a récemment adressée au gouvernement
anglais, pour défendre contre les objections de celui-ci son opinion sur
le plan de pacification à. elTecluer entre l'Egypte et la Porte. Dans cette
pièce, qui se rapporte exclusivement aux divergences qui se sont mani-
festées entre les deux cabinets, celui des Tuileries a cru devoir gra-
tuitement nous faire entrer dans l'arène de la discussion, en appelant sur
nous particulièrement la vigilance et l'attention de l'Angleterre. Il y avoue
explicitement que l'indépendance de l'empire ottoman le préoccupe pour
le moins autant que son intégrité même ; et qu'à ses yeux il est peut-être
50/( APPENDICE
plus iiuporlant de proléger l'une contre nous, que d'assurer l'aulre
contre l'Egypte. Il y reproche à l'Angleterre de perdre de vue ce qu'il
appelle le côté européen de la question, pour ne s'occuper que de la
partie égyptienne ; il y insinue enfin que, s'il existe aujoard'hui entre la
Grande-Bretagne et la France un dissentiment fâcheux, ce dissentiment
vient uniquement de ce que, dans la pacification du Levant, la Grande-
Bretagne ne voit autre chose qu'un arrangement territorial, plus ou moins
avantageux, à obtenir en faveur du sultan, tandis qu'au contraire la
France s'est constamment proposée d'en faire avant tout sortir l'annu-
lation du protectorat exclusif et dominant que nous faisons, suivant son
expression, jieser sur la Porte ottomane !
Voilà, certes, des aveux nettement articulés ; et si nous pouvons re-
procher au cabinet français de méconnaître nos vraies intentions, il ne
nous accusera sûrement pas de nous méprendre sur les siennes.
Gomme la dépêche qui renferme les allégations que je viens de citer,
ne nous est point adressée, nous ne nous sentirions point autorisés à y
répondre directement. Mais puisque-, d'un autre côté , le maréchal Soult
a pris vis-à-vis de vous l'initiative des réclara allons, il ne nous sera pas
défendu de lui faire entendre les nôtres.
Le protectorat exclusif de la Russie ! Nous l'avouons, après toutes les
preuves de désintéressement qu'à données l'empereur dans ces derniers
temps, nous avons été surpris de voir se reproduire un pareil fantôme.
Le gouvernement français perdrait-il de vue qu'au moment où nous
parlons l'empereur n'a mis encore en mouvement ni un soldat, ni un
vaisseau, tandis que les bâliments français sillonnent les eaux de la
Méditerranée, et ancraient encore, il y a peu, dans le voisinage des
Dardanelles? Etait-ce donc ce protectorat exclusif que nous cherchions
lorsqu'en 1833, avant que le désespoir du Sultan l'eîit porté à appeler
notre assistance, nous avons adjuré les puissances maritimes de le se-
courir contre le pacha? Etait-ce celui que nous voulions conserver,
lorsque dès le commencement de la crise actuelle, nous avons été les
premiers à éveiller sur la siluation de l'Orient la commune sollicitude
de ces mêmes puissances ; à les engager à contenir Méhémet-Ali dans
des limites infranchissables ; à les presser, et la France en particulier,
d'employer au besoin contre lui des mesures coercitives ? Si comme on
l'a tant de fois soutenu, le traité d'Unkiar Skélessi avait eu pour but de
nous assurer cette protection exclusive, aurions-nous comme nous l'avons
fait, employé nos conseils et nos efforls à prévenir l'application de ses
clauses ? La France ne sait-elle pas que loin de nous prévaloir de cet
acte, nous nous sommes spontanément déclarés prêts à en faire l'aban-
don, si nous obtenions en échange la reconnaissance d'un principe de
droit public européen, qui, à la vérilé, fermerait bien aux pavillons
APPENDICE 505
étrangers l'accès de l'un des deux détroits de Constanlinuple, mais qui
à nos propres bâliuicnts interdirait l'entrée de l'autre? Faut-il enfin,
rappeler au gouverneiuent français que môme antérieurement aux der-
nières concessions que nous venons de faire, nous avions, spontanément
encore, proposé que, s'il devenait nécessaire de faire avancer notre (lotie
et nos troupes au secours de la capitale du Sultan, cette mesure serait
dépouillée de tout caractère isolé, qu'elle ne serait point Russe exclusi-
vement, mais proclamée solennellement comme une mesure européenne?
Ces faits devant être pour la France aussi patents qu'ils le sont pour
les autres cabinets, on serait presque tenté de se demander, M. le comte,
si c'est bien sérieusement qu'elle a pu élever contre nous des allégations
pareilles à celle que renferme la dépêche du maréclial Soult, ou si elle
a voulu les employer en faveur de son plan de pacitivUilion, comme un
moyen de négociation dans ses discussions avec l'Angleterre, en réveil-
lant sur notre compte d'anciennes appréliensions que nous avons si heu-
reusement réussi k effacer.
Si (ce que nous sommes assuréuient loin de penser) telle avait été
effectivement l'intention du cabinet des Tuileries, sa conduite en cette
occasion présenterait avec la nôtre un contraste bien remarquable.
Lorsque ce sont manifestés les preuiiers symptômes d'un dissentiment
entre les deux puissances maritimes sur les moyens de concilier la sé-
curité du Sultan avec les prétentions du pacha d'Egypte, qu'aurions-nous
fait, nous le demandons à la France, si, comme elle le suppose si gra-
tuitement, notre intention avait été de l'isoler en la séparant de l'An-
gleterre ? Evidemment, nous aurions cherché à envenimer ce dissen-
timent, à l'exploiter, à le convertir, s'il eut été possible, en mésintel-
ligence. Nous nous serions efforcés d'exagérer encore aux yeux du
cabinet anglais la partialité qu'il reproclie à la France en faveur du pacha
d'Egypte.
Nous eussions abondé avec empressement dans le sens de ses idées,
et soutenu énergiquement son plan de pacification contre celui mis en
avant par la France. Bien loin de là, nous avons parlé aux deux puis-
sances le langage de la conciliation. Quoique h la vérité le plan delord
Palmerston nous semblât plus favorable que celui du gouvernement fran-
çais à la sécurité future de la Porte ottomane, bien qu'il fût certainement
aussi plus conforme à la dignité des cinq cours intervenantes, après les
offres de médiation qu'elles avaient, de leur propre mouvement, adressées
au Grand-Seigneur, nous nous sommes bornés h engager les deux ca-
binets à chercher à rapprocher leurs idées. Nous leur avons déclaré, que
si elles parvenaient par des concessions réciproques à se rencontrer à
mi-chemin, et h. convenir d'un moyen-terme, nous étions prêts à adoptci-
ie plan dont ils pourriiicul tomber d'accoid, pourvu seulement que ce
506 APPENDICE
plan fût accepté par la Porte, et précédé d'une entente commune sur ses
moyens d'exécution.
Ce n'est pas plus pour isoler la France, et pour nous passer de son
concours, qu'à l'époque des propositions dont nous avons chargé le
baron de Brunnow nous nous sommes en premier lieu adressés à l'An-
gleterre. C'est parce que, nous l'avons dit et le répétons au gouvernement
français, l'Angleterre nous avait témoigné des dispositions plus confiantes,
c'est parce que les vues de celte puissance k l'égard du vice-roi d'Egypte
coïncidaient davantage avec les nôtres, et qu'au besoin elle était d'a-
vance délerminée à les appuyer par des moyens d'action.
Mais de ce que nous avons pris vis-h-vis d'elle l'initiative d'ouvertures
préalables sur un arrangement k discuter plus tard avec les autres ca-
binets, s'ensuit-il donc nécessairement que notre dessein fut d'en exclure
la France? Si une pareille initiative devait impliquer cette exclusion,
pourquoi l'Autriche, pourquoi la Prusse, ne l'ont-elles pas aussi inter-
prétée pour elles-mêmes ? D'où vient qu'aucune de ces deux puissances
n'avait songé à s'en formaliser ? Leur amour-propre est-il moins
exigeant, ou nous ont-elles rendu plus de justice ?
Il est temps, M. le comte, que les méfiances et les récriminations
fassent place enfin à une plus saine appréciation de nos vues politiques.
L'empereur a fait assez de sacrifices d'amour-propre au désir de l'union
et de la paix, pour avoir droit d'en obtenir quelques-uns en échange. Sa
Majesté ne s'est pas bornée à de purs sacrifices d'opinion, elle a offert
au bien commun des concessions de fait autrement importantes. C'est bien
le moins que l'on renonce d'un autre côlé à des préventions qui n'ont
plus de fondement. Si malgré tant de preuves de désintéressement et
d'abnégation, l'empereur continuait à voir ses intentions méconnues; si,
tout en acceptant ses concessions on essayait de les exploiter dans un
but de popularité, en les représentant comme dérivant d'une autre source
que de sa spontanéité libre et entière ; si dans l'arrangement qu'il s'agit
de conclure on s'efforçait de compliquer la négociation par de nouvelles
exigences, en agitant des questions, en soulevant des éventualités étran-
gères à la crise actuelle ; si, enfin, sous prétexte de faire entrer la Turquie
dans le système européen, on tentait de uous enlever, non cette prépon-
dérance exclusive, à laquelle nous n'avons jamais prétendu, mais cette
part légitime d'influence à laquelle la Paissie ne renoncera point ; alors,
M. le comte, ayant épuisé la mesure de la modération et de la condes-
cendance, notre auguste maître pourrait se voir forcé de se replacer sur
le terrain qu'il occupait avant ses premières propositions, et il ne res-
terait plus à Sa Majesté qu'à attendre avec calme les événements, ne
prenant conseil, pour les régler, que du soin de sa dignité et des intérêts
de son empire.
APPENDICE 507
Tel ne sera point le cas, nous aimons à l'espérer. Quand le cabinet
français s'exprimait comme il a fait dans la dépèche précitée, il était
encore dans l'ignorance de l'importante modification que nous avons
consenti i apporter h la teneur originelle de nos ouvertures. Mais après
le gage éclatant que l'empereur vient de donner de sa loyauté, Sa Ma-
jesté n'admet pas la possibilité qu'il en puisse exister encore. Que la
France apporte donc à la négociation qui va s'ouvrir des dispositions
conformes à cet acte de conciliation, et nous nous féliciterons sincère-
ment de la voir y prendre la part que sonrùle et sa position lui assignent.
L'empereur vous a déjà chargé, et il vous charge itérativement, d'assurer
le cabinet des Tuileries de tout le prix qu'il attache à une coopération
qui, aux yeux de la majorité, ne peut que contribuer ci asseoir la paci-
fication du Levant sur des fondements plus solides.
Veuillez, M. le comte, exprimer cet espoir et cette opinion au chef du
cabinet français, en lui donnant communication et copie de la présente
dépèche.
Recevez, etc.
LWI. — Dépêche dit comte de IVesselrode à l'envoyé de Russie (Iia-
ron de Bruonoir) à Londres, en date du 1" janvier 1840 (35
ché^val 1353).
Monsieur le baron, nous venons d'avoir indirectement connaissance
de la dépèche adressée par le maréchal Soult, le 25 novembre, au comte
Sébastiani, et dans laquelle le cabinet des Tuileries justifie l'attitude qu'il
a prise en opposition au point de vue adopté par l'Angleterre dans les
discussions qui ont eu lieu entre les deux gouvernements, au sujet du
plan de pacification à effectuer entre la Porte et le pacha d'Egypte.
Comme ce n'est point à nous, M. le baron, que cette dépêche a été
adressée, et que nous n'en avons eu connaissance que par une voie, indi-
recte, nous ne nous sentirions point appelés h nous expliquer sur des di-
vergences d'opinions qui concernent plus particulièrement les cabinets de
Paris et de Londres, si le gouvernement français n'avait jugé à propos
de nous mêler dans la discussion, en ajoutant k sa réponse un passage
dont la tendance est évidemment dirigée contre nous.
Il ne nous appartient donc pas de nous prononcer ici sur la manière
dont la France entend concilier ses vues concernant l'intégrité de l'em-
pire ottoman avec celles de l'Angleterre. Nous ne nous arrêterons pas
non plus sur la prétention qu'elle met en avant d'avoir pris l'initiative
de l'appui offert à la Porte ottomane. Si elle croit avoir contribué plus
qu'aucun autre des cabinets alliés à appeler sur le sultan la sollicitude
de l'Europe, et, par ses représentations énergiques, indiqué la première à
Méhémet-Ali, les limites au-delà desquelles il rencontrerait l'opposition
508 APPENDICE
des puissances, nous ne sommes nullement disposés à lui conlesler cette
satisfaction. 11 nous sullit que le bien ait été opéré, les hostilités suspen-
dues, le pacha contenu jusqu'ici dans les bornes qu'il ne devait pas fran-
chir. Nous nous félicitons de ce résultat, sans demander qui des autres ou
de nous s'est présenté pour l'obtenir en première ligne. Mois ce qui nous
a surpris, ce qui devait en efl'et nous surprendre, c'est le doute jeté sur
nos intentions à l'égard de l'indépendance du sultan ; c'est l'accusation
portée contre nous de faire, suivant l'expression du cabinet français,
peser sur la Porte ottomane un protectorat exclusif et dominant. Est-il
besoin de rappeler que loin de vouloir protéger exclusivement le sultan,
loin de nous prévaloir de notre traité d'alliance avec la Porte, nous avons
au contraire été les premiers h en prévenir l'application, et h réclamer
pour elle l'assistance des cours maritimes, eu les engageant, à plusieurs
reprises, et de la manière la plus pressante, à faire usage de tous leurs
moyens d'action auprès du pacha rebelle ? Si, dès l'origine des complica-
tions, nos avertissements avaient été suivis, si l'on avait agi à Alexandrie
sans tourner les yeux à Gonstanlinople, si l'on s'était préoccupé un peu
moins exclusivement de ce que la France appelle le côté européen de la
question, dès longtemps la paix eiît été rétablie en Orient, et nous n'au-
rions pas à chercher si laborieusement le dénouement de la crise actuelle.
Mais toutes récriminations sont aussi loin de notre pensée qu'elles seraient
présentement inutiles.
Pour répondre victorieusement aux allégations du gouvernement fran-
çais, il nous suflira d'un seul fait, et ce fait, M. le baron, c'est celui de
votre présence k Londres. Quant au cabinet britannique, nous aimons à
lui rendre la justice qu'il n'avait pas attendu votre second envoi en
Angleterre pour apprécier et reconnaître la loyauté de la politique de
l'empereur. Nous n'avons donc pas un seul instant admis la pensée que
les insinuations de la France aient pu faire sur lui la moindre impression.
Nous devons néanmoins lui faire remarquer que dans les circonstances du
moment un langage pareil à celui de la France pouvait entraîner des con-
séquences infiniment regrettables. Avec un cabinet moins conciliant que
Je nôtre, et plus susceptible de céder à un premier mouvement, la négo-
ciation qui va s'entamer pouvait en souffrir gravement. Que Lord Pal-
roeston veuille bien y faire attention. Avouer aussi hautement que vient
de le faire le maréchal Soult que, dans la pacification du Levant, son but
principal a été moins cette pacification elle-même que l'annulation de
notre prétendue prépondérance en Orient; déclarer en termes si peu
couverts qu'à ses yeux il est encore plus important de protéger contre
nous l'indépendance de la Porte, que d'assurer sou intégrité de la part
du pacha ; insinuer enfin que, dans l'opinion de la France, la cause du
dissentiment qui s'est récemment manifesté entre elle et la Grande-Breta-
APPENDICE 509
gne vient surtout de ce que colle-ci a cessé de suivre le môme but, d'o-
béir îi T|a même pensée, c'est-à-dire aux mêmes défiances ; est-ce là, nous
le demandons au |)rincipal secrétaire d'État, un moyen bien eflicace de
nous rattaciier à l'œuvre com.mune ? Ne serions-nous pas quelque peu
fondés à nous prévaloir de pareilles dispositions pour nous refuser d'as-
socier la France à un arrangement qui, pour être mené à l)onne fin, a
besoin de reposer sur une coïncidence de vues, et sur une confiance ré-
ciproque ? Telle n'est pourtant point, M. le baron, l'intenlion de l'empe-
reur. La politique de notre auguste maître est trop élevée, trop au-dessus
des susceptibilités et des petitesses de l'amour-propre, pour qu'il soit
tenté de leur sacrifier l'intérêt majeur du moment, et pour qu'il n'ap-
porte pas à ses déterminations le degré de mesure qu'il sait toujours met-
tre dans ses paroles. Ce n'est pas dans l'instant même, oii par les conces-
cessions qu'il a faites au maintien de la paix européenne il vient de don-
ner au monde la preuve la plus éclatante de son abnégation qu'il se lais-
sera détourner par un semblable incident du noble but qu'il se propose.
Sa Majesté fait d'ailleurs la part des circonstances dans lesquelles a été
écrite la dépèche du gouvernement français. Sous les impressions erro-
nées auxquelles votre mission en Angleterre avait donné naissance, il est
concevable à la rigueur que le cabinet des Tuileries ait cru pouvoir adop-
tera notre égard un langage si peu conforme à nos intentions véritables.
II ignorait d'ailleurs encore les modifications que nous avons consenti à
apportera la teneur de nos premières propositions.
Aujourd'hui qu'il en est instruit, il nous paraît impossible d'admettre
qu'il se refuse plus longtemps à reconnaître combien, dans la question
d'Orient, les vues de notre cabinet sont pures. Nous avons dès-lors tout
lieu d'espérer qu'il apportera d'autres dispositions à la conclusion d'un
arrangement dont nous ne prétendons pas plus l'écarter en ce moment
que nous n'avons voulu le faire lors de votre premier voyage à Londres.
Veuillez donc, M. le baron, en communiquant la présente dépêche au
principal secrétaire d'État, l'assurer de notre part, que le langage du
cabinet français ne change rien à notre attitude. En relevant les alléga-
tions si gratuitement articulés par ce cabinet, nous n'avons fait qu'obéir à
la nécessité oîi il nous avait lui-même placés de ne point les passer sous
silence.
Recevez, etc.
L\'IB. — Dépêche du général Sébastiani an maréchal Sonlt, en date
du 5 janvier 1840 (3 G chéival 1355).
Monsieur le maréchal, ainsi qu'il me l'avait promis, lordPalmerston m'a
donné lecture de la rédaction laissée entre ses mains par W. de Brunnow.
510 APPENDICE
Après l'avoir comraenlée et discutée dans ses détails, il s'était engagé h
m'en envoyer copieaujourd'liui assez lot pour que jepusse l'expédier ce soir
k Paris et la prendre pour base du compte rendu de notre entretien. A la
communication textuelle du libellé russe, lord Palraerston substitue une
espèce derésuraé fort incomplet, dont je vais essayer de combler les lacu-
nes. J'ai suivi avec assez de soin la lecture d'bier pour me croire sûr de
ne rien omettre d'important.
Pour donner un corps aux idées du cabinet de Saint-Pétersbourg, tout
en évitant de leur imprimer un caractère officiel, la finesse de l'envoyé
russe a eu recours à un expédient étrange : il les a consignées dans
une dépêche officielle adressée à un autre agent de la Russie.
C'est au sujet de sa rencontre h Calais avec M. de Neumann que M. de
Brunnow exprime à M. de TatischefT la satisfaction que lui causent l'envoi
de l'agent autrichien, l'accord entre les deux cours de Pétersbourg et de
Vienne, dont cette mission est le gage, et l'espoir que M. de Neumann re-
cevra les pouvoirs nécessaires pour concourir aux grands résulats que l'em-
pereur son maître l'a cliargé de poursuivre à Londres.
Vient alors le développement détaillé de la politique et du plan russes
sur la question d'Orient.
La cour de Pétersbourg propose :
(( Que le différend entre la Porte et le pacha soit définitivement réglé
sous la garantie des puissances par un partage territorial ;
(( Que la part offerte au pacha avec l'investiture héréditaire soit V Egypte
et la Syrie jusqu'à la forteresse d'Acre comme limite ; que la rétrocession
de toutes les autres possessions détenues par Méhémet-Ali soit effectuée
immédiatement;
« Qu'en cas de résistance de la part du pacha un choix soit fait dans
les diverses mesures coercitives suceessiveraent débattues dans les commu-
nications antérieures des cabinets;
« Qu'on mette à exécution immédiate et vigoureuse toutes celles qui
seront de nature à hâter la solution; qu'on s'abstienne de celles qui sem-
bleraient entamer le droit qu'on veut faire triompher;
« Qu'ainsi on envoie des forces maritimes b. la hauteur d'Alexandrette,
parce que leur objet évident sera d'inquiéter le flanc de l'armée d'Ibrahim ;
mais qu'on évite de déclarer les côtes de la Syrie en état de blocus, parce
que ce serait agir comme si l'on était en hostilité avec le souverain légi-
time de territoires occupés momentanément par un sujet révolté;
«Que l'on dirige, qu'on protège une expédition turque sur Candie, mais
qu'on ne retire pas les consuls d'Alexandrie, parce que ce serait traiter trop
en souverain un pacha victorieux; ce serait d'ailleurs se priver des avan-
tages de moyens d'influence et d'information importants à conserver, et
compromettre en môme temps les intérêts commerciaux des puissances ;
APPENDIŒ 511
(t La partie iin^co-cgypticnneda la question ainsi décidée, on s'occupera
concurremment h Londres de lu partie européenne;
(( Le mode d'intervention de la Russie, au cas où elle serait appelée
par la Porte, sera convenu et réglé entre les puissances ;
« La Russie, dans l'évenlualilé de la marche d'Ibrahim sur Conslanti-
nople et de l'appel du Divan, franchù^a le Bosphore avec des troupes de
débca^quement et sera chargée de la défense de Constant inople au nom de
l'Europe;
Les autres puissances pourront alors faire passer les Dardanelles à quel-
ques bâtiments de guerre qui croiseront dans les eaux de la mer de Mar-
mara, de Brousse à Gallipoli ;
« Le nombre de ces bâtiments sera de deux à trois pour chaque pa-
villon ;
« Une fois le but que se proposent les puissances atteint par la sou-
mission de Méhéraet-Ali, la Porte rentrera en pleine et immuable posses-
sion du droit de clôture des deux détroits à tous les pavillons européens.
« Ce droit sera également et formellement consacré en principe dans
la convention à intervenir à Londres, préalablement à toute action en
Orient.
0 On est sûr de l'accord de l'Autriche, de l'Angleterre et même de la
Prusse, sur tous les points ci-dessus mentionnés ; on espère que la France
ne voudra pas s'isoler des autres puissances et unira son action à la leur.
« C'est à /OMS les cabinets que s'adressent les idées de l'empereur ; c'est
un intérêt européen qu'il a h cœur de consacrer, etc.. »
Telle est en substance. Monsieur le maréchal (et, je le répète, je crois
ma mémoire fidèle), cette dépêche confidentielle, le seul document écrit
qu'il y ait encore sur la négociation suivie par M. de Brunnow.
Le temps me manque pour entrer dans quelques développements. Je dois
cependant consigner ici une information qui ne sera pas sans intérêt pour
Votre Excellence. Hier, arrivé au paragraphe relatif à la part à faire ci
Méhémet-Ali, c'est-à-dire à la cession de la Syrie jusqu'à Saint-Jean
d'Acre lord Palmerston, interrompant sa lecture, m'a dit : «J'ai vivement
« combattu cette idée dans mes entretiens avec xM. de Brunnow; elle com-
« promettrait le principe : V Egypte seule et le désert pour frontière, voilà
« le vrai. J'ai ramené AL de Brunnow et je suis sûr de l'adhésion des deux
« autres, n
Veuillez agréer, etc.
LTIII. — Dépêche du général Sébastian! an maréchal Sonlt, en date
du 26 janvier 1840 (15 zilcadé 1255).
Monsieur le maréchal, lord Palmerston m'avait annoncé qu'avant
d'arrêter le projet dont la rédaction lui a été confiée, et dont nous nous
515 APPENDICE
étions entretenus Ji plusieurs reprises depuis la dernière réunion du ca-
binet, il comptait m'en donner connaissance, ce qu'il a fait ce matin.
Ce projet n'étant encore effectivement qu'h. l'état d'ébauche, et lord
Palmerston ayant paru vouloir consulter mon avis personnel plutôt que
produire le formulédéfinitif des propositions britanniques, j'oserais prier
Votre Excellence de réserver h cette communication tout son caractère
conûdentiel.
Ce projet est celui d'une convention en huit articles, précédés d'un
py^éambule.
La convention ne se conclut pas, comme dans le plan primitif, entre
les grandes puissances, mnxsbien entre les grandes puissances d'une part et
la Porte de l'autre.
Le préambule a pour objet de poser la question dans ce sens : « Les
puissances, convaincues que l'intégrité et le repos de l'empire ottoman
importent à l'équilibre comme k la paix de l'Europe, et prenant, d'un
commun accord, en considération les circonstances où se trouve le sultan,
mettent à sa disposition les secours dont il peut avoir besoin pour assurer
la tranquillité de son empire et la soumission de son vassal aux condi-
litjns qu'il lui lui convient de lui offrir. »
Le sultan déclare qu'il accorde à Méhéraet l'investiture héréditaire de
l'Egypte, à la condition de la rétrocession immédiate des autres territoires
occupés par le pacha.
Au cas où la rétrocession serait refusée et où un mouvement de l'ar-
mée égyptienne viendrait à menacer Conslantinople, le sultan appellera
le secours des puissances.
Ces secours, dont la force et la composition seront déterminées de con-
cert entre les puissances contractantes, agiront en même temps.
Le sultan demandera simultanément l'envoi à la Russie de six vais-
seaux et de deux frégates portant à bord des troupes de débarquement
(lord Palmerston n'en a pas encore fixé le nombre, mais il compte pro-
poser 15,000 hommes) qui franchiront le Bosphore.
A la France et à l'Angleterre, six vaisseaux et deux frégates (trois
vaisseaux et une frégate pour chaque pavillon) qui passeront les Darda-
nelles et iront croiser sur les côtes d'Asie.
A l'Autriche, un détachement de son escadre qui suivra les pavillons
anglais et français dans la mer de Marmara.
Le sultan étant provisoirement privé de sa flotte par la défection du
capitan-pacha, sur sa demande les escadres combinées couperont les
communications, entre l'Egypte et les côtes de Syrie, aux vaisseaux du
vice-roi, et arrêteront tout transport de munitions de guerre ou de
bouche.
Les puissances mettront de plus ii la disposition du sultan un convoi
>.:
APPENDICE 513
suffisant pour protéger la route et l'arrivée du gouverneur qu'il lui plaira
d'envoyer à Candie ; ces forces contribueront aussi, par des moyens ma-
ritimes, à assurer le rétablissement de l'autorité de la Porte dans
l'île.
Le but que se propose le sultan, en appelant le secours des puissances
dans les eaux de la mer de Marmara, une fois atteint, ces secours les
quitteront, comme ils auront été admis, en même temps.
La clôture des deux détroits à tous les pavillons de guerre est formel-
lement reconnue comme droit permanent et inaliénable de la Porte, et
fait désormais, comme par le passé, partie du droit public européen.
Toutefois, la Porte garantit en temps de paix, à tous les pavillons mar-
chands, le libre accès des eaux de Constantinople; aussi k toute frégate
portant à son poste un envoyé diplomatique, à la condition qu'une seule
frégate k la fois, par chaque pavillon, sera admise dans la mer de Mar-
mara.
Tel est en substance le projet dont lord Palmerston m'a donné lec-
ture.
Votre Excellence voit que les mesures contre le pacha se bornent à
l'obstacle opposé au ravitaillement de l'armée d'Ibrahim d'une part, et
de l'autre k l'envoi et k la protection éventuelle d'un gouverneur turc à
Candie. On ne parle plus ni de blocus ni d'aucun autre moyen de co-ac-
tion quelconque. Votre Excellence remarquera aussi qu'il n'est question
d'aucune communication k faire à Alexandrie ; les puissances ne recon-
naissent point au pacha d'existence indépendante , c'est k la Porte seule
qu'elles s'adressent.
Le projet a été communiqué déjà à MM. de Briionow et Neumann.
M. de Briinnov^f a élevé des objections sur la forme même du projet, et
insiste pour qu'on revienne au plan primitif d'une convention des puis"
sances entre elles^ qui agiraient ensuite vis-à-vis de la Porte en consé-
quence des clauses convenues.
11 est inutile de dire à Votre Excellence que, consulté sur ce point par
lord Palmerston, je n'ai rien négligé de ce que j'ai cru propre à le confirmer
dans sa résolution, et que, toute réserve faite sur le fond même de la
question, j'ai cru devoir, quant à la forme, indiquer la préférence pour
celle qui tendait davantage k lui assurer le caractère européen.
Si je suis bien informé du reste, le dissentiment de M. de Briinnow
ne se bornerait pas à la forme seule de la convention projetée. Mais jus-
qu'ici, la manifestation de ce dissentiment aétécontenue. M. de Neumann,
à en croire un rapport assez digne de foi, serait moins réservé et laisserait
voir le désappointement que lui cause le plan du cabinet anglais. En tout,
les deux envoyés spéciaux sont évidemment mécontents et déconcertés
de la tournure actuelle de la négociation qui leur a été confiée.
T. II. 33
514 APPENDICE
Lord Palmerston a aussi provoqué raon avis sur l'utilité et la conve-
nance que pourrait avoir l'insertion d'un article complémentaire par le-
quel les ambassadeurs des puissances à Constantinople seraient chargés
de veiller à l'exécution de la convention. J'ai cru devoir encourager cette
idée, qui permettrait et impliquerait même le séjour dans la mer de
Marmara de vaisseaux aux ordres de nos représentants à Constanti-
nople.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que le point de départ de toute opinion
énoncée par moi dans cet entretien, a été celui de l'ignorance la plus en-
tière des intentions du gouvernement du Roi, et que je n'ai pas dit un mot
qui pût avoir, pour lord Palmerston, d'autre valeur que celle de raon
opinion personnelle. Je dois seulement mentionner ici Tobservalion faite
par lord Palmerston en terminant la lecture de son projet : « Qu'il en
« avait calculé la rédaction de manière à ce qu'il fût facile à la France de
a l'accepter et de se rallier à l'action commune des puissances. »
Avant d'être officiellement communiqué au gouvernement du Roi, ce
projet pourra recevoir, soit de lord Palmerston lui-même, soit du conseil
britannique, des modifications importantes.
Quant au conseil, je crois sa majorité, sinon son unanimité, assurée
aux idées de lord Palmerston. Les entretiens que j'ai eus ces jours-ci
avec plusieurs de ses membres me portent à croire leur opinion arrêtée.
Je n'ai rien négligé dans ces conversations pour faire bien apprécier à
chacun les véritables motifs qui ont dirigé la politique du gouvernement
du roi, et pour les pénétrer de la sincérité du désir et de la volonté qui
l'animent de maintenir, autant qu'on le lui rendra possible, l'accord le
plus complet avec ses alliés.
Veuillez agréer, etc.
LIX. — Dépêche da maréchal Sonlt ù. l'ambassadcnr de France
(baron de Barante) :\ Saint-Pétersbourg, en date da 34 janvier
1840 (19 zilcadé 1355).
M. le baron,
J'ai l'honneur de vous envoyer le texte d'une dépêche écrite par M. de
Nesselrode à M. de Médera, qui, ainsi qu'il en avait l'ordre, m'en a rerais
copie, après m'en avoir donné lecture. La forme et le fond de cette dépêche
m'ont, je dois vous le dire, également surpris. Dans les observations
que je vais vous présenter à ce sujet je ne tiendrai compte que du
fond.
La marche suivie par lecabinet de Saint-Pétersbourg dans l'incident de
la mission de M. deBrtinnow, n'avait pas causé une telle surprise au gou-
vernement du Roi, que j'eusse cru devoir en faire l'objet d'une réclama-
lion. Aussi n'était-ce nullement à titre de plainte que j'en avais parlé à
APPENDICE 515
M. de Médem. J'avais voulu seulement bien établir qne ce qu'il y avait
dans cette marche de peu conforme aux protestations générales d'inten-
tions conciliantes et de désir d'arriver à un accord européen, ne m'avait
pas échappé. Dois-je supposer que M. de Médem avait mal compris ma
pensée, et, en la transmettant h son gouvernement, en avait assez exa-
géré la portée pour qu'on ait jugé nécessaire d'y répondre d'une manière
aussi solennelle? Ou bien dois-je croire que le cabinet de Saint-Péters-
bourg, sans s'abuser lui-même sur le véritable sens de mes paroles, a saisi
le premier prétexte qui s'est offert k lui, de nous faire parvenir, sous forme
de récrimination, l'expression d'un mécontentement d'ailleurs bien peu
fondé? Je serais porté k admettre plutôt cette dernière supposition, en
voyant combien peu cette prétendue réponse se réfère à ce qu'elle sem-
ble avoir pour but de réfuter.
Quoiqu'il en soit, sans entrer dans une polémique dont le moindre in-
convénient serait de ne pouvoir conduire ci aucun résultat, je vais m'ex-
pliquer en peu de mots sur quelques-uns des points principaux traités
dans la dépêche de M. de Nesselrode.
Le gouvernement du Roi n'a jamais songé îi enlever k la Russie sa part
légitime d'influence dans les affaires de l'Orient; il sait qu'elle doit être
grande pour être en accord avec la nature des choses ; ce que nous
avons voulu, ce que nous voulons encore, c'est que les autres Puissances
ne soient pas déshéritées de celle qui leur appartient également, c'est
qu'elles en trouvent, la garantie non pas uniquement dans la modération
personnelle du souverain de la Russie, mais bien dans un ensemble de
mesures politiques combinées pour la protection efficace de tous les
droits et de tous les intérêts*
Demander que ces droits et ces intérêts ne soient pas k h merci d'une
puissance k laquelle il ne manquerait, pour abuser de sa prépondérance,
que la volonté de le faire , exiger d'autres sûretés que la générosité et la
sagesse d'une des parties, ce n'est certes pas, quoiqu'on en dise, lui té-
moigner une injurieuse défiance, c'est tout simplement faire acte de
prudence et de dignité. Je ne puis donc reconnaître que dans la surveil-
lance attentive, inquiète si l'on veut, que nous portons sur la situation de
Constantinople, il y ait rien dont le cabinet de Saint-Pétersbourg ait le
droit de s'offenser.
Le gouvernement du Roi serait bien autrement fondé k réclamer contre
les assertions sans cesse renouvelées, qui le présentent comme se préoc-
cupant exclusivement, dans la question d'Orient, des intérêts du pacha
d'Egypte, et y sacrifiant ceux de la Porte. Après les dénégations appuyées
d'arguments si convaincants, qu'il a tant de fois opposées k ces imputa-
tions malveillantes, il devait peu s'attendre, peut-être, k les voir repro-
duites dans la dépêche de M. de Nesselrode. Ce n'est pas d'ailleurs sans
616 APPENDICE
une satisfaction réelle qu'il y trouve l'assurance que M. de Brûnnow a la
mission de travailler, à faire cesser sur le point délicat du règlement ter-
ritorial de la question d'Orient, les dissentiments partiels de l'Angleterre
et de la France, — dissentiments qui ne sauraient être que temporaires
entre deux cabinets unis par des liens si étroits. Les informations que
j'avais recueillies au sujet des instructions données b. cet envoyé m'avaient
fait craindre au contraire que la Russie, en adhérant purement et simple-
ment au plan le plus défavorable au vice-roi, ne tendît à rendre plus dif-
ficile un rapprochement entre les idées des cabinets de Londres et de
Paris. Nous en avions été d'autant plus surpris, que le gouvernement im-
périal, en manifestant à plusieurs reprises son regret de ce qu'on n'avait
pas laissé au mois de juillet dernier la Porte et le pacha s'arranger direc-
tement, avait autorisé h penser qu'il eût adhéré sans peine même à des
conditions beaucoup plus avantageuses pour le pacha que celles que nous
proposons aujourd'hui. Certes, un changement aussi complet dans sa ma-
nière de voir n'eut pas trouvé, à beaucoup près, une justification suffi-
sante dans le simple fait de la médiation olTerte le 27 juillet à la Porte,
puisque cette offre n'impliquait en aucune façon, de la part des puis-
saniîes, la promesse d'une intervention matérielle dirigée dans le but de
faire obtenir au sultan des stipulations déterminées.
Voilà, M. le baron, ce que j'avais à vous dire sur la lettre de M. de
Nesseirode. Vous voudrez bien lire à ce Ministre la présente dépêche et
lui en laisser copie.
Agréez, etc.
LX. — Dépêche du maréchal Soult aa général Sébastianl, en date
dn S» janvier 1840 (SI zilcadé 1X55).
M. le comte, j'ai reçu la dépèche que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire sous le N" 9. L'importance des informations qu'elle contient
a fixé la plus sérieuse attention du gouvernement du Roi. Vous com-.
prendrez que je ne m'explique pas encore d'une manière complète sur
la communication de lord Palmerston. Le caractère tout confidentiel de
cette communication, dont les bases mêmes, et à plus forte raison la
rédaction, n'étaient pas encore définitivement arrêtées par le cabinet
britannique, appelle d'autant moins de notre part une réponse immédiate
et officielle que, dans une pareille matière, le fond ne peut guère être
apprécié indépendamment de la forme. Quoiqu'il en soit, et sans m'ar-
rêter h des points de détail qui pourraient demander des éclaircissements,
je n'hésite pas à dire qu'en ce qui concerne le mode de la protection à
accorder h la Porte contre un mouvement éventuel d'Ibrahim- pacha sur
Constanlinople, les niodificalions proposées par lord Palmerston au plan
APPENDICE 517
du cabinet de Saint-Pétersbourg, me paraissent constituer une amélio-
ration considérable. L'idée de faire intervenir la Porte dans le traité
qui réglerait ce mode de protection, est surtout une conception très-
heureuse et d'une grande portée.
Je regrette de ne pouvoir approuver également dans le projet de
lord Palraerston, ce qui se rapporte aux arrangements territoriaux à
conclure entre le Sultan et Je vice-roi. Nous persistons à croire que ce
ministre ne tient i)as suffisamment compte des ressources de Méliémet-
Ali, de l'énergie de son caractère, et de l'impossibilité morale qu'un
homme de cette trempe accepte, sans résistance, des conditions qui lui
ôleraient avec une si grande partie de sa puissance matérielle, toute la
force d'opinion dans laquelle réside son principal appui. Plutôt que de
les subir, je suis convaincu qu'il s'exposerait aux plus grandes extrémités,
et que, tout en s'abstenant peut-être de marcher sur Gonslaiitinople, il
n'hésiterait pas à envahir la Mésopotamie, à enlever à la Porte des pro-
vinces dont les ressources lui permettraient d'opposer aux résolutions
des puissances la résistance la plus énergique.
Contre de telles entreprises, que pourraient les moyens de co-action
indiqués par le nouveau projet anglais ? Que pourrait même l'inter-
vention russe dans les limites où il tend h la contenir ? n'est-il pas
évident qu'une fois entrées dans cette voie, les puissances n'auraient
d'autre alternative que de reculer devant l'audacieuse attitude de Méhé-
met-Ali ou de recourir au seul moyen réel de proléger la Porte en
autorisant l'intervention russe dans le sens le plus étendu ? A moins
d'abandonner le Sultan à sa faiblesse, ne seraient-elles pas forcées de
souffrir qu'une armée impériale traversât l' Asie-Mineure et la Syrie,
pour refouler jusqu'en Egypte les soldats du vice-roi ? Je ne pense pas
que cette extrémité put convenir à l'Angleterre, plus qu'elle ne nous con-
viendrait à nous-mêmes.
En vous signalant l'insuffisance des voies coërcilives proposées par le
cabinet de Londres, j'ai voulu surtout vous faire remarquer ce qu'il y a de
contradictoire entre la grandeur des concessions demandées à Méhémel-
Ali et la faiblesse des moyens par lesquels on se propose de les lui arra-
cher. Sans doute le cabinet de Londres se persuade que ce pacha cédera
à la première|démonstration des puissances, et que, hors d'état de suffire
longtemps aux charges d'un statu quo rendu plus gênant et plus onéreux
pour lui par l'espèce de blocus qu'on établirait sur la côte de Syrie, il
s'empressera de s'y soustraire en acceptant l'arrangement qui lui sera
offert. Je crois fermement que c'est une erreur, et que, même en ad-
mettant, ce qui n'est guère probable, que Méhémet-Aii ne se fît pas un
jeu de jeter l'Europe dans les complications les plus effrayantes plutôt que
de se soumettre aux injonctions des puissances, la prolongation du statu
518 APPENDICE
quo actuel, avecses incertitudes et ses dangers, serait tout au moins la
conséquence de sa résistance passive. Il faudrait étrangement méconnaître
la situation respective des deux parties pour croire que cette prolon"
gation fût plus désavantageuse au vice-roi qu'au Sultan.
Dans l'état où la Porte est aujourd'hui réduite, elle a particulièrement
besoin pour se remettre, pour reprendre le degré de consistance et de
solidité exigé par l'intérêt général, de repos, de sécurité, d'un sentiment
de conûance dans l'avenir. De tels avantages sont Jjien autrement im-
portants pour elle que celui de recouvrer immédiatement la possession
de quelques provinces qu'elle serait peut-être fort embarrassée d'avoir
à gouverner, et dont, en tous cas, la souveraineté lui serait conservée.
Mais la Porte ne peut recueillir ces avantages que par une prompte ré-
conciliation avec Méliémet-Ali ; et pour que cette réconciliation ait
quelque chance de durée, il faut qu'elle repose sur des bases qui soient
dans une juste proportion avec la force et la puissance des parties con-
tractantes.
Telles sont, M. le comte, les raisons qui nous font considérer comme
dangereuse et impraticable la tentative d'imposer à Méhémet-Ali les con-
ditions énoncées dans la communication de lord Palmerslon. Il n'y a de
notre part ni obstination, ni prédilection aveugle, ni engagement d'au-
cune sorte. Nos motifs sont tous puisés dans l'intérêt général, dans la
force des choses, et dans des convictions profondes. Que lord Palmerston
les considère surtout comme inspirés par le plus vif désir de nous en-
tendre, et d'établir entre nos deux gouvernements cette identité de vues
et de tendances qui serait la meilleure garantie de la paix du monde
comme des intérêts des deux pays.
Je n'ai pas besoin de vous dire que le gouvernement du Pioi s'en rap-
porte entièrement à vous quant au choix du moment et de la forme qui
vous paraîtront les plus propres à produire avec avantage les arguments
que je viens de vous suggérer.
Agréez, etc.
1,XI. — Dépêche du général SébastianI au maréchal Soulti en date
dn 38 janvier 1840 (33 zilcadé 1355).
Monsieur le maréchal, je quitte lord Palmerston. Il vient de ra'annoncer
que le conseil, consulté par lui sur la question de savoir si la convention
projetée devait être conclue entre les cinq puissances seulement, ou bien
entre les puissances et la Porte, s'était prononcée pour le dernier avis, et
avait décidé à l'unanimité que le sultan devait être appelé comme partie
contractante.
Celte résolution, la seule qu'ail encore défiuitivemeut arrêtée, dans
Al'PENDICt 519
celte afl'aire, le cabinet britannique, semble ajourner i'orcément non seu-
lenienl la conclusion, mais le débat de la négociation commencée, et en
reculer la n.'piise de tout le temps nécessaire à l'arrivée d'un plénipoten-
tiaire turc. Malgré la jubte impatience qu'elle doit éprouver de voir se
résoudre une question si remplie dedilîlcultés et de périls, peut-être V. E.
irouvera-t-elle que ce délai, avec les chances de conciliation et de retour
qu'il ouvre devant nous, avec les embarras nouveaux et croissants qu'il
apporte à l'atlilude et aux démarches des deux plénipotentiaires autri-
chien et russe, n'est pas sans avantage pour la politique du gouvernement
du Roi, et qu'il est permis de voir un sticcès dans tout retard opposé par
le gouvernement anglais à l'empressement et à l'activité de MiM. de Uriin-
now et Neumann. Telle est du moins ma propre conviction, et, jusqu'à
nouvel ordre de V. E. , elle dirigera ici raa conduite et mes paroles.
Vous ne verrez pas non plus sans quelque satisfaction, monsieur le ma-
réchal, la décision du cabinet britannique tendre à placer déEnitivemeot
les droits de la Porte et les stipulations conclues par elle dans le droit
public européen.
V. E. reconnaîtra aussi que, malgré les alternatives et les oscillations
quotidiennes que subit forcément une négociation oii tant d'intérêts op-
posés et puissants se trouvent en présence et en lutte, (oscillations dont
ma correspondance doit réfléchir les retours et même les contradictions),
aucun intérêt sérieux pour nous n'a encore été compromis, aucune posi-
tion importante n'a encore été prise.
Quant à la question territoriale, lord Palmerston vient de me dire qu'il
tâcherait de faire la plus large part qu'il lut possible, dans ses idées,
d'accorder à Méhémet-Ali, afin de ménager à la France la facilité d'accep-
ter les bases de l'arrangement à intervenir.
Veuillez agréer, etc.
LXII. — Drpâche du baron de Bour<|arnry au maréchal Soalt , en
date du 14 février I840 (30 zileadû 1255).
Monsieur le maréchal,
J'allais me retirer, lorsque lord Palmerston m'a forcé, pour ainsi dire,
à lui demander s'il s'était passé quelque chose de nouveau depuis sa der-
nière conversation avec le général Sébastiani sur les affaires d'Orient :
« Rien, m'a dit lord Palmerston ; j'ai même renoncé, quant h présent, à
la rédaction de ce protocole sur lequel j'avais prié le général Sébastiani
de pressentir son gouvernement. Je modère Y empressement du négocia-
teur russe, et])nisque M. Guizot doit arriver prochainement à Londres, sars
doute dépositaire de la dernière et complète pensée du cabinet français,
je crois beaucoup plus convenable d'attendre qu'il soit ici pour rouvrir la
discussion. » — « Ainsi, ai-je repris, non-seulement il ne se fait, mais il
520 APPENDICE
ne se prépare rien dans l'intervalle? — Non, m'a répondu lord Pal-
raerston, absolument rien. » Je m'étais contenté de sourire au mot
à' empressement appliqué par lord Palmerston au négociateur russse ; d'a-
bord, afin qu'il vît bien que je ne confondais pas ce qui tient au rôle
personnel du négociateur avec une urgence prétendue d'instructions de
sa cour ; ensuite parce que le projet de protocole mis à la charge du ba-
ron de Briinnow, comme initiative, est répudié par lui dans ses entretiens
confidentiels, et que je ne voulais pas que lord Palmerston me crût igno-
rant de cette circonstance. Je n'ai rien ajouté, Monsieur le maréchal, à
cette courte digression ; d'abord il n'était ni dans mes instructions, ni
dans mon rôle d'aborder la question dans son ensemble, et je sais par ex-
périence combien il faut être sobre de provocation à ces axiomes échap-
pés au premier mouvement qui lient ici, plus que partout ailleurs, et qui
chargent trop souvent l'avenir de difficultés. Le terrain est net aujour-
d'hui; la négociation est véritablement suspendue, et le nouvel ambassa-
deur du Roi y entrera avec le secret de la faiblesse de ses adversaires.
Cette situation est bonne, quoique encore délicate ; je ne voudrais pas
avoir à me reprocher un mot qui pîit la modifier d'ici à l'arrivée de
M. Guizot.
Le baron de Briinnow répond aux questions qu'on lui adresse sur son
départ, qu'il n'a encore reçu aucun contre-ordre de sa cour, et que ses
instructions lui prescrivaient de quitter Londres pour se rendre à Darms-
tadt le 20 février ; mais il ajoute que le voyage du grand-duc impérial
est retardé, et que cette circonstance lui semble naturellement devoir en-
traîner l'ajournement du sien. Au fait, il a l'air de préparer les esprits à
la prolongation de son séjour.
Veuillez agréer, etc.
liXIlI. — Instructions du maréchal Soiilt à l'ambassadcnr de Franco
(Guizot) à Londres, en date du 19 février 1840 (15 zilhidjé 1255).
Monsieur, au moment oii vous allez prendre la direction de l'ambassade
de Londres, une question domine et, on pourrait dire, absorbe l'ensemble
de nos relations avec la Grande Bretagne. Exposer l'état actuel de cette
question, la marche qu'elle a suivie jusqu'à présent et le sens dans lequel
le gouvernement du Roi se propose de continuer à la diriger, ce sera donc
vous indiquer tout à la fois, et le but que vous devez vous efforcer d'at-
teindre, et, autant qu'on peut le faire à l'avance, )a ligne de conduite que
vous avez à suivre pour y arriver.
Dix mois se sont à peine écoulés depuis le jour oi!i l'imminence d'une
rupture entre la Porte et le vice-roi d'Egypte vint avertir les grandes
puissances de la nécessité de pourvoir ci la conservation et au rétablis-
APPENDICE 521
seinent de la paix. La France prit, à cet égard, une honorable initiative.
Deux pensées ont conslament présidé aux propositions qu'elle asuccessi-
veraeut adressées à ses alliés : faire sortir, s'il se pouvait, de cette crise
ou plutôt des moyens par lesquels on la terminerait, un étal de choses
qui, en plaçant la Porte sous le protectorat collectif de l'Europe, mit fm,
par le fait, au protectorat exclusif consacré en faveur de la Russie par le
traité d'Unkiar-Skelessi; établir entre le sultan et son vassal des rapports
tels que le droit et le fait y trouvassent une sulfisante garantie, et que, par
conséquent, un sentiment d'irritation défiante ne les maintînt pas, l'un à
l'égard de l'autre, dans une attitude d'hostilité toujours menaçante pourja
tranquillité du monde.
De ces deux projets du gouvernement du Roi, le premier, il ne l'ignorait
pas, était très-difïîcile k accomplir d'une manière absolue. Il était peu
vraisemblable que la Russie se prêtât volontairement k abdiquer une posi-
tion exceptionnelle, qu'elle n'avoue pas en termes explicites, mais vers
laquelle ses efforts se sont constamment dirigés ; il était également peu
probable que les autres grandes puissances, dont le concours énergique
eîit pu seul lui imposer cette résignation, y missent l'ensemble et la vi-
gueur nécessaires. A défaut d'un résultat aussi complet, qui d'ailleurs ne
pouvait être obtenu que si on parvenait à le lier étroitement à la solution
des difficultés provenant de la situation respective du Sultan et du pacha,
un autre résultat, important encore, a été atteint par l'effet des démarches
et des déclarations respectives qu'ont amenées les ouvertures du gouver-
nement français : il est d«venu évident pour tout le monde que celles même
des grandes puissances qui n'osaient nous prêter une assistance suffisam-
ment efficace contre le cabinet russe, s'associaient pourtant sur ce point
à notre pensée. La Russie a dû reconnaître, par conséquent, que, si elle
ne voulait pas les mécontenter et les rapprocher de nous, elle devait éviter
dans l'Orient toute manifestation trop éclatante de ses prétentions ambi-
tieuses, toute affectation de prépotence et de suprématie.
Le second objet que nous avions en vue était plus pratique, plus immé-
diat. Après avoir suspendu les hostilités, il s'agissait d'en prévenir le
renouvellement , en réglant les conditions de la pacification de l'Orient.
Toutes les puissances étaient d'accord sur ce point : c'est que pour donner
à Méhémet-Ali une position stable et définitive, propre k le rassurer sur
l'avenir de ses enfants et à lui inspirer avec la sécurité le désir du repos,
il fallait lui concéder, sous la souveraineté de la Porte, l'administraiion
héréditaire d'une portion des territoires soumis à son pouvoir, en lui faisant
acheter cette concession au prix de la rétrocession du surplus de ces ter-
ritoires. Ce principe admis, quelle devait être l'étendue de celte rétro-
cession et, par conséquent, la limite des pays abandonnés au vice-roi et
il sa famille? C'était li la question à résoudre.
522 APPENDICE
Divers plans, vous le savez, furent indiqués à cet effet. Je me bornerai
à rappeler ceux que mirent en avant les cabinets de Londres et de Paris,
parce que c'est dans ces deux systèmes que tous les autres sont venus se
fondre successivement.
Le gouvernement du Pioi a cru, et croit encore, que dans la position où
se trouve Méhémel-Ali, lui offrir moins que l'hérédité de l'Egypte et de la
Syrie jusqu'au mont Taurus, c'est s'exposer de sa part à un refus certain
qu'il appuierait au besoin par une résistance désespérée dont le contre-
coup ébranlerait et peut-être renverserait l'empire ottoman ; il croit que
la Porte, rentrant en possession de l'île de Candie, du district d'Adana, de
l'Arabie, et conservant sur la Syrie et l'Egypte un droit de souveraineté
consacré par diverses conditions mises à la charge du vice-roi et de sa fa-
mille, serait replacée dans une situation plus forte, plus honoiable, plus
élevée qu'elle n'était peut-être en droit de s'y attendre après les impru-
dences du dernier sultan.
Le cabinet de Londres, au contraire, se montre convaincu de l'impossi-
bilité de rendre à l'empire ottoman une consistance suffisante et d'imposer
à l'ambition de Méhémet-Ali des barrières efTicaces, tant qu'on ne l'aura
pas renfermé dans les limites delà seule Egypte; il regarde comme indu-
bitable la prompte soumission de ce pacha aux injonctions de l'Europe,
dès qu'il aurait la certitude que les puissances sont unanimement résolues
à les appuyer par des moyens de co-action.
Vous savez, monsieur, quelles ont été jusqu'à présent les suites de ce
fâcheux dissentiment. A peine est-il devenu public, malgré nos efforts
pour le dissimuler, que le cabinet de Saint-Pétersbourg s'est empressé
de saisir l'occasion qu'il a cru entrevoir de rompre l'alliance de la France
avec l'Angleterre. Je ne reproduirai pas ici les détails des deux missions
successivement confiées à M. de Brûnnow : il me suffira de les résumer
en disant que les propositions portées à Londres par ce diplomate ne re-
celaient au fond qu'une seul pensée, enveloppée, il est vrai, de conces-
sions apparentes et presque dérisoires aux préventions de l'Angleterre
contre Méhémet-Ali, et k sa jalousie de l'influence russe à^Gonstantincple.
Celte pensée, à peine déguisée, c'était celle d'amener le cabinet britan-
nique à signer un acte que la France ne pût pas souscrire, et qui, par
conséquent, proclamât la scission des deux cabinets.
Le rôle que l'Autriche et la Prusse ont joué en celte circonstance est
pénible à rappeler, parce qu'il prouve qu'il est des préjugés, des préoc-
cupations, des entraînements auxquels certains cabinets ne sauront
jamais résister, lorsque l'occasion de s'y livrer se présentera h eux.
Ces deux cours qui, jusqu'alors, avaient presque complètement approuvé
nos vues et nos propositions sur les affaires d'Orient, ont à peine entrevu
la possibilité d'une alliance formée contre nous, sur des bases toutes con-
APPENDICE 523
Iraires, qu'abandonnant leurs convictions, désavouant leur.? déclarations
antérieures, elles se sont empressées d'adhérer par avance k la ligue qui
semblait au moment de se conclure.
Heureusement, monsieur, celte combinaison a échoué, et elle ne pou-
vait manquer d'échouer, parce que l'accord fortuit d'une animosité invé-
térée avec un dépit passager ne sulTit pas pour concilier des incompati-
bilités réelles, et pour rendre identiques des inléréls, non-seulement di-
vers, mais opposés. Nous en étions certains d'avance, et c'est pour cela
qu'au moment même où le langage du cabinet de Londres semblait an-
noncer la prochaine conlusion des arrangements dont on nous menaçait,
le gouvernement du Roi s'est contenté d'opposer une altitude calme et
une force d'inerlie à l'agitation des autres cours. Aujourd'hui, tout est
arrêté, et, après quelques tentatives embairassées pour nous déguiser le
véritable état des choses, lord Palmerston a fini par nous faire donner
spontanément l'assurance que rien ne se ferait avant votre arrivée.
Telles sont, monsieur, les circonstances au milieu desquelles va com-
mencer votre mission. L'œuvre que vous avez à entreprendre n'est pas
autre que celle qui avait été recommandée à votre prédécesseur. Les dis-
positions du gouvernement du Roi h l'égard de la Grande Bretagne sont
aussi bienveillantes, aussi conciliantes qu'à aucune autre époque. Les mo-
difications nombreuses que nous avons déjà apportées à nos propositions
primitives, les efforts, souvent heureux, que nous n'avons cessé de faire
pour amener le vice-roi d'Egypte à y adhérer, disent assez le prix que
nous mettons à nous rapprocher de nos alliés, à leur faciliter les moyens
de s'entendre avec nous. Au point où les choses en sont venues, nous ne
nous rendons pas bien compte, je l'avoue, de ce qu'il nous serait pos-
sible d'ajouter à ces concessions successives sans altérer la base raème
de notre système, fondé, je le dis hautement, non pas sur des idées
arbitraires, mais sur une conviction profonde, qu'il ne dépend pas de nous
de changer. Cependant, nous sommes loin de prétendre qu'il ne peut pas
se présenter quelque combinaison heureuse dans laquelle on trouverait
un moyen de transaction. Si elle s'ofl'rail à nous, sans nous laisser rebuter
par le peu d'accueil fait à nos précédentes démarches, nous nous empres-
serions de la communiquer au cabinet de Londres. Dan« le cas, au con-
traire, où elle viendrait de lui, nous l'examinerions avec loyauté, avec
bienveillance, avec un sincère désir de la trouver acceptable. Vous pou-
vez en donner l'assurance à lord Palmerston.
Tout ceque vous ferez, monsieur, dans les limites que je viensd'indiquer,
pour resserrer les liens un peu relâchés de notre alliance avec le cabinet
de Londres, aura la pleine approbation du gouvernement du Roi. Je dois
pourtant y mettre deux restrictions : la première, qu'il est presque su-
perflu d'indiquer, c'est ou'à moins d'une autorisation formelle et spé-
524 APPENDICE
ciale, vous ne devez prendre part à aucun acte, apposer aucune signa-
ture dont l'effet serait d'engager la France. La seconde, c'est que vous
aurez à éviter soigneusement tout ce qui tiendrait à nous faire entrer
dans la voie des conférences et des protocoles ; il est trop évident, d'a-
près ce qui s'est passé en dernier lieu, que nous aurions souvent la
chance de nous y trouver isolés.
Je ne vous parle aujourd'hui que de la question d'Orient ; comme
j'ai eu l'honneur de vous le dire, c'est en elle que se concentre en ce mo-
ment la nature de nos relations avec le gouvernement brilanique. J'au-
rai soin, lorsque les conjonctures le rendront nécessaire, de vous faire
parvenir les directions que réclameront les autres points esssentiels de
la politique générale.
Agréez, monsieur, etc.,
£,XIV. — Résnmé d'un entretien de lord Palnierston avec SI. Guizot,
le 4 mars 1840 (S9 zUhidjé 1355).
Guizot. — Je n'ai et ne puis encore avoir reçu, mylord, sur les affaires
d'Orient et sur l'idée que s'en forme le nouveau cabinet, aucune instru-
tion positive.
Palmerston. — Tant mieux; nous causerons plus librement sur la
question même ; nous avons besoin de tout nous dire.
Guizot. — Je m'en féliciterai, mylord ; je ne suis pas un diplomate de
profession ; c'est au gouvernement intérieur de mon pays que j'ai pris
quelque part ; c'est l'étal des esprits dans les chambres et dans le public que
je désire mettre sous les yeux de votre gouvernement. L'unanimité est
grande chez nous sur la question d'Orient ; nos débats mêmes en témoi-
gnent ; j'ose dire que je serai en même temps, auprès de vous, l'organe
des intentions du gouvernement du Roi et de l'opinion générale du pays.
Ce n'est pas, mylord, que le gouvernement du Roi se dirige, dans cette
affaire, d'après les préjugéspublics et les prenne pour règle de sa politique ;
il en est de fort accrédités, de fort bruyants, auxquels il est bien loin de
s'associer. Vous entendez sans cesse parler en Angleterre des prétentions
ambitieuses, des vues d'agrandissement de la France, et vous ne partagez
certainement pas, à ce sujet, toutes les craintes dont on vous assiège. Nous
aussi, mylord, nous avons nos méfiances populaires ; à nous aussi on parle
sans cesse de l'ambition et des projets d'agrandissement de l'Angleterre ;
elle veut s'emparer de Candie, dominer seule en Egypte et en Syrie. Le
gouvernement du Roi sait fort bien que ces rumeurs n'ont aucun fondement.
Il est parfaitement convaincu que votre gouvernement est trop sage pour
vouloir, en Orient, autre chose que le maintien de la paix et de l'ordre
établi entre les États. Nous regardons, mylord, l'intérêt français et l'in-
térêt anglais dans celle question, je veux dire l'intérêt supérieur et domi-
APPENDICE 525
nant des deux pays, comme semblables. Vous voulez, nous voulons comme
vous, que l'empire ottoman subsiste et tienne sa place dans l'équilibre eu-
ropéen. Pour nous, comme pour vous, c'est h Constantinople qu'est la
grande question; c'est la sûreté et l'indépendance de Constantinople que,
vous et nous, avons h cœui- de garantir. Les événements ont élevé en
Egypte et en Syrie une autre question sur laquelle on peut croire que nous
ne sommes pas aussi unanimes; mais cette question nouvelle n'empôche
pas que celle de Constantinople ne demeure la question première, essen-
tielle. Ce sont les événements de Syrie qui nous obligent à nous occuper
de Constantinople; mais c'est toujours ci Constantinople qu'est, pour vous
comme pour nous, la grande affaire ; c'est toujours en vue de Cons-
tantinople, et pour arriver à une bonne solution de la question qui
réside là, que toutes les autres questions doivent être considérées et
résolues. Eh bien ! mylord, pour que la question de Constantinople soit
résolue comme il convient h vous, h nous, h la paix et à l'équilibre de
l'Europe, il faut que la question d'Egypte soit résolue pacifiquement, par
un arrangement agréé du sultan et du pacha, et qui règle définitivement,
de leur aveu, leur situation réciproque. Quel doit être cet arrangement,
quelle délimitation territoriale en résultera entre les deux rivaux, ce sont
là des questions graves sans doute, mais h nos yeux, secondaires. Que le
sultan ou le pacha possède telle ou telle étendue de territoire, cela nous
préoccupe peu ; ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est que l'Orient ne soit
pas livré aux chances d'un grand trouble, qu'on n'y mette pas le feu en y
employant la force. Pensez-y bien, mylord, consultez le passé ; tout évé-
nement, toute secousse en Orient compromet la sûreté et l'indépendance de
Constantinople en y favorisant les progrès de l'influence que, vous et nous,
souhaitons d'y restreindre. Tout emploi de la force en Orient tourne au proflt
de la Russie ; d'abord, parce que c'est toujours la Russie qui paraît sur cette
scène avec les forces les plus considérables ; ensuite, parce que tout emploi
de la force, toute grande secousse amène des chances qu'il est impossible
de prévoir, et dont la Russie est, plus que toute autre puissance, en me-
sure de profiter. Permettez-moi, mylord, de vous adresser une question :
je sais que vous avez regardé l'arrangement conclu à Kutahié, en 1833,
comme mauvais, et je n'en veux pas discuter en ce moment le mérite;
pourtant si l'on eût pu, il y a quelque mois, avant l'explosion delà nouvelle
lutte entre le sultan et le pacha, garantir la durée de l'arrangement de
Kutahié pour dix ans, pour le reste de la vie de Méhémet-Aii, vous auriez,
à coup sûr, accepté ce statu quo comme un bien réel, comme un gage de
sécurité pour l'empire ottoman, et, par conséquent, pour l'Europe. Pour-
quoi? Parce que ce qui importe avant tout à l'Europe, en Orient, c'est la
paix, 1 absence de tout ébranlement qui ouvre des perspectives et des
chances à l'ambition étrangère.
526 APPENDICE
Pahnerston. — Le stolu quo de l'arrangement de Kutahié était impos-
sible, l'ambition de Méh6mel-Ali va toujours croissant; il n'a jamais
pu se conlenir dans ses limites.
Guizot. — Pardon, mylord; je ne doute pas que Méliémet-Ali ne soit
fort ambitieux ; mais on ne peut, dans cette dernière occurrence, le char-
ger du tort de l'agression.
Palmerston. — Oui, je sais qu'on dit cela en France, mais on se trompe ;
c'est sur le territoire turc, non sur le territoire égyptien que la bataille
de Nezib a été livrée.
Guizot. — Il est vrai, mylord ; mais le territoire égyptien avait été préa-
lablement envahi par les Turcs ; ils avaient occupé plusieurs villages
égyptiens; Aïn-Tab, oii ils étaient d'abord entrés, est sur le territoire
égyptien.
Palmerston. — Peu importe que, ce jour-là, le sultan ou le pacha ait
été l'agresseur ; dans leur situation réciproque, il ne pouvait manquer
d'y avoir un agresseur; comment contenir un vassal ambitieux et un
souverain irrité ayant leurs armées en présence, sans frontières fortes et
bien précises? Ce qui vient d'arriver devait arriver, et recommencerait
toujours. Nous aurions dû le prévoir en 1833. Je l'ai dit alors, et j'ai de-
mandé qu'on prît d'autres mesures que l'arrangement de Kulahié. Mais
nous avions ici d'autres affaires pressantes ; le cabinet n'a pas voulu.
Nous avons eu tort. Il ne faut pas que nous retombions dans la même
faute. Il faut que nous prévenions le retour d'événements pareils h ceux
dont nous sommes si embarrassés. Le moyen, c'est de rendre le sultan
plus fort, le pacha plus faible, et de prévenir entre eux ce contact habi-
tuel, inévitable, qui tente, k chaque instant, l'ambition de l'un et la ven-
geance de l'autre. Pour fortifier l'Empire ottoman, il faut lui rendre une
partie des territoires qu'il a perdus ; la Syrie est une province peuplée
et riche ; la Porte en tirera des hommes et de l'argent ; elle résistera
alors bien mieux au pacha qui, de son côté, aura bien moins d'occasions
et de moyens de l'attaquer.
Guizot. — Croyez-vous, mylord, que vous fortifierez réellement l'Em-
pire ottoman en lui rendant plus de territoires ? Ne nous repaissons pas
d'illusions ; cet Empire n'est pas mort, mais il se meurt ; il tombe en
lambeaux; nous pouvons prolonger sa vie, mais non le ressusciter effecti-
vement. Vous ne lui rendrez pas, avec la Syrie, la force de la gouverner
et de la garder; l'anarchie, le pillage, la violence et l'impuissance tur-
ques reprendront possession de cette province, et vous serez responsable
de son sort ; vous serez obligé tantôt d'y réprimer, tantôt d'y soutenir
les Turcs. Je suppose que vous ayez réussi; je suppose Méhémet-Ali
dompté, refoulé en Egypte : croyez-vous qu'il se résigne, et qu'il renonce k
son ambition, que vous jugez si indomptable ? Non, mylord ; il a fait ses
APPENDICE 527
preuves de persévérance et d'adresse ; il reprendra ses desseins ; il tra-
vaillera à reconquérir la Syrie. Les moyens ne lui manqueront pas ;
quand Méliémet-Ali possède la Syrie, c'est le sultan qui y a des intelli-
gences et qui y fomente des rébellions ; quand le sultan la possédera,
ce sera le pacha qui fomentera les rébellions, rendra précaire la domina-
lion de son rival, et ressaisira peut-être bientôt la sienne. Au lieu d'avoir
assuré la domination de la Porte, vous aurez au contraire échaulTé la lutte,
aggravé le trouble et préparé de nouveaux hasards dont la Russie sera,
comme toujours, la première h profiler.
Palmerston. — Vous avez trop mauvaise opinion de l'Empire ottoman,
et vous n'êtes pas au courant de la disposition actuelle du gouvernement
russe. Un État qui est un cadavre, un corps sans âme, et qui tombe en
lambeaux, ce sont là des figures auxquelles il ne faut pas croire ; qu'un
État malade retrouve des territoires pour y lever de l'argent et des
hommes, qu'il remette de la régularité dans son administration, il se
guérira, il redeviendra fort. C'est ce qui arrive déjà en Turquie ; lehatti-
schérifT de Reschid-Pacha s'exécute ; sss bons effets se développent. Et
quant à la Russie, soyez sûr que sa disposition à se concerter avec les
autres puissances sur les affaires d'Orient est sérieuse. Je ne dis pas que
le désir de nous diviser, vous et nous, ne soit pour rien dans sa conduite ;
mais elle désire aussi de ne pas rester en Orient dans la situation où elle
s'est mise ; son traité d'Unkiar-SkIélessi lui pèse; si des troubles éclatent
en Turquie, si Méhéraet-Ali menace Constantinople, si la Porte réclame
le secours russe, aux termes du traité, l'empereur Nicolas est décidé à
l'exécuter ; il croit que son honneur le lui prescrit ; mais cette nécessité
ne lui plaît point; il prévoit que, ni vous, ni nous, ne le laisserions faire,
et il ne veut pas engager cette lutte ; il cherche à se placer sur un ter-
rain moins compromettant. Il est de notre intérêt, du vôtre, de l'intérêt
de l'Europe de lui en faciliter les moyens. Saisissons celte disposition de
la Russie pendant qu'elle existe ; profitons-en pour ramener la question
ottomane dans le droit public européen. Ce sera pour nous tous un grand
avantage d'avoir détruit, sans combat, ce protectorat exclusif qui nous
inspire de si justes méfiances, et d'avoir lié par les traités la puissance qui
voulait se l'arroger.
Guizot. — Je souhaite que vous ayez raison sur l'un et l'autre point,
mylord ; je souhaite que l'Empire ottoman retrouve de la force et que la
Russie renonce à le dominer en le protégeant. Mais l'abdication russe me
paraît bien douteuse, et quant à la restauration turque, les dangers que
court en ce moment l'Empire ottoman sont plus pressants que ne seront
prompts les remèdes dont vous parlez. Dans les suppositions les plus
favorables, cet Empire ne sera de longtemps en état de se suflire à lui-
même, et quand de grands désordres intérieurs lui imposeront de grands
528 APPENDICE
eflbrls, pendant longtemps encore ce seront des forces étrangères, c'est-à-
dire des Russes, qui viendront le protéger.
Palmerston. — Quand les Russes viendront en vertu d'un traité et au
nom de l'Europe, le danger ne sera plus le même ; et le but une fois at-
teint, ils s'en iront.
Guizot. — Je crois à la vertu des traités, mylord ; je crois à la loyauté
des souverains; mais je crois aussi à l'empire des situations, des passions,
et d'une politique séculaire. Ce sera beaucoup saus doute que les Russes
sortent de Turquie après y être venus; mais, même quand ils en seront
sortis, ce sera un grand raal.'qu'ils y soient venus. Et qui vous dit qu'ils en
pourront sortir promptement ? Qui vous dit que la guerre, une fois allu-
mée en Syrie, ne durera pas plus longtemps que vous ne l'aurez prévu ?
Le pacha a là une armée considérable ; il peut, même quand ses commu-
nications par mer seront interrompues, la soutenir et la pourvoir dans le
pays même et par la voie de terre. Déjà, dit-on, il en organise les
moyens à travers le désert et la Palestine ; on parle de cinq raille chameaux
réunis dans ce dessein. Vous ne débarquerez pas en Syrie des troupes
anglaises ; l'Autriche n'y enverra pas les siennes ; contre toutes les difficul-
tés de cette guerre, partout où elle éclatera, en Syrie comme dans l'Asie
Mineure et à Constantinople, ce seront des Russes qui seront chargés de
la soutenir.
Palmerston.— Hq^ troupes anglaises, non ; nous n'en avons pas à mettre
là ; des troupes autrichiennes..., eh! eh! on ne sait pas, on ne sait pas...
D'ailleurs il ne serait peut-être pas nécessaire que des Russes vinssent
dans l'Asie Mineure ou en Syrie ; on pourrait débarquer en Egypte même,
au cœur de la puissance de Méhéraet-Ali, un corps turco-russe; il n'a
là que de mauvaises troupes, des ouvriers ; il faudrait qu'il rappelât son
armée de Syrie.
Guizot. — Mylord, nous avons fait cette épreuve ; nous savons ce
qu'elle exige d'efforts et ce qu'elle fait courir de chances; vous n'aurez pas
là une meilleure armée ni un plus grand capitaine que nous n'y en avons
eu en 1798. Mais permettez-moi de revenir à la question même : pour-
quoi tous ces efforts? Pourquoi faire courir à la paix de l'Orient, à la
sécurité de la Porte et de l'Europe, tant de hasards? Pour refuser
l'hérédité à un vieillard de soixante-douze ans. Qu'est-ce donc que
l'hérédité en Orient, mylord, dans celte société violente et précaire, dans
ces familles nombreuses et désunies? L'histoire de Méhémet-Ali n'est
pas un fait nouveau dans l'Empire ottoman; plus d'un pacha, avant lui,
s'est élevé, a fait des conquêtes, s'est rendu puissant et presque indépen-
dant. Qu'a fait la Porte ? Elle a attendu ; les pachas sont morts, leurs fils
se sont divisés, et la Porte a ressaisi ses territoires et son pouvoir. C'est
encore ici pour elle la meilleure chance et la conduite la plus pru dente.
APPENDICE 529
Paîmerston. — Il y a du vrai dans ce que vous dites là; l'hérédité
n'aurait peut-être pas grande valeur. Pourtant, Ibraliim-Paclia est un
cher habile, aimé de ses troupes, meilleur administrateur que son père,
dit-on ; il a auprès de lui des olUciers capables, des Français. Nous nous
disons tout, n'est-ce pas? Est-ce que la France ne serait pas bien aise de
voir se fonder, en Egypte et en Syrie, une puissance nouvelle et indépen-
dante, qui fût presque sa création et devînt nécessairement son alliée ?
Vous avez la régence d'Alger ; entre vous et votre allié d'Egypte, que
resterait-il? Presque rien, ces pauvres États de Tunis et de Tripoli.
Toute la côte d'Afrique et une partie de la côte d'Asie sur la Méditer-
ranée, depuis le Maroc jusqu'au golfe d'Alexandrctte, serait ainsi en
votre pouvoir et sous votre influence. Gela ne peut nous convenir.
Guizot. — Vous avez raison, mylord ; nous nous disons tout, et nous
pouvons bien librement nous tout dire, car nos paroles ne disposent pas
de l'avenir. Ce qu'il amènera peut-être un jour, quelles nouvelles com-
binaisons d'États et de politique pourront se former tout autour de la
Méditerranée, je n'en sais rien, ni vous, mylord, ni personne. Nous pou-
vons amuser notre esprit à tenter de le prévoir ; mais ce n'est certaine-
ment pas sur de telles hypothèses ni par de tels pressentiments que notre
politique doit aujourd'hui se régler. Le gouvernement du Roi ne manquera
jamais à ses devoirs envers les destinées de la France ; mais il est con-
vaincu que le grand intérêt français est maintenant la durée de la paix,
ratïermissement de l'ordre européen, le développement régulier des di-
vers États contenus chacun dans ses limites. C'est là. notre politique,
mylord ; c'est aussi la vôtre ; et, en vérité, je ne comprendrais pas qu'en
Orient nous n'agissions pas de concert, lorsque, en dehors ou au-dessus
de toutes les dissidences secondaires ou futures, nous y avons si évidem-
ment le môme intérêt et le môme dessein. — Permettez-moi, mylord,
de vous faire tout simplement, à briile-pourpoint, une question directe :
Y a-t-il^ dans cette affaire, quelque chose de plus avancé que nous ne
savons ? On a dit ailleurs, on a du moins donné ïi croire que la négocia-
tion dont nous nous occupons ici était presque conclue, et les moyens de
co-aclion à employer contre Méhéraet-Ali presque réglés. Y a-t-il k cela
quelque chose de vrai ?
Paîmerston. — 11 n'y a rien, absolument rien de plus que ce que vous
savez. — Voici deux projets d'arrangement, de traité, si l'on veut, entre
toutes les puissances, sur cette affaire. Le premier est de moi ; c'est une
pure ébauche, une simple rédaction de mes propres idées, que je n'ai pas
montrée Ji mes collègues. Le second est une ébauche analogue qui me
vient des puissances du continent. Lisez-les tous les deux. *
(•) Ces projets étaient conçus, en principe, dans des systèmes différents : le projet
de lord Paîmerston était un traité entre les cinq puissances et la Porte ottomane ;
T. II. 34
530 APPENDICE
LXV, — Dépêche (extrait) de M. Guizot au ministre des alTaires étran-
gt^res (Tiiiers), en date do 1% mars 184% (8 moharrem i0 56).
Je suis maintenant convaincu que lord Palraerston n'a aucun dessein
de rien faire ni de rien décider avant l'arrivée du plénipotentiaire turc;
nous avons donc du temps. Mais je dois faire observer dès aujourd'hui à
Votre Excellence que cet avantage deviendrait peut-être un danger, si
nous nous laissions aller à supposer que, parce qu'il ne se fait rien à pré-
sent, il ne se fera rien plus tard, et que nous serons définitivement dis-
pensés de prendre une résolution parce que nous n'en sommes pas pressés
immédiatement. Plus j'observe, plus je me persuade que le cabinet bri-
tannique croit les circonstances favorables pour régler les alTaires d'Orient
et veut sérieusement en profiter. Il aime beaucoup mieux agir de concert
avec nous ; il est disposé h nousfaire des concessions pour établir ce con-
cert. Cependant, si, de notre côté, nous n'arrivions à rien de positif, si
nous paraissions ne vouloir qu'ajourner toujours et convertir toutes les
diflicultés en impossibilités, un moment viendrait, je pense, oti, par quel-
que résolution soudaine, le cabinet britannique agirait sans nous et avec
d'autres, plutôt que de ne rien faire. Le temps peut nous servir beaucoup
pour amener ce cabinet au plan de conduite et aux arrangements qui nous
paraissent sages et praticables; mais si nous n'employions pas le temps à
marcher effectivement vers un tel résultat, je craindrais fort, je l'avoue,
qu'en définitive il ne tournât contre nous.
LXVI. — Dépêche (extrait) de IV. Gnizot à M. Thiers, en date du
IV mars i840 (19 moharrem 135G).
Il y aurait plus d'inconvénient que d'avantage à faire, de la dépêche
que Votre Excellence vient de ra'adresser, un usage officiel. Je crois que,
si j'en donnais communication, même partielle et par simple voie de lec-
ture, à lord Palmerston, elle le porterait peut-être à des résolutions ex-
dans le second, les cinq puissances ne traitaient qu'entre elles, et la Porte recevait et
acceptait leurs proposions. Cette différence essentielle mise de côté, les deux projets
ne différaient pas beaucoup d'ailleurs ; ils contenaient l'un et l'autre : 1° l'engagement
des cinq puissances do garantir l'Empire ottoman contre toute nouvelle attaque du
pacha d'Egypte et toute invasion au delà du Taurus ; 2" le règlement, dans ce cas, du
mode d'occupation de Constantinople et de la mer de Marmara ; enfin l'indication
des moyens à employer contre le pacha d'Egypte, dans le cas où il se refuserait aux
injouctions du sultan et des cinq puissances. Sauf l'emploi des flottes européennes pour
intercepter les communications entre l'Egypte et la Syrie, et pour seconder les insurrec-
tions locales ou les débarquements des forces turques ou alliées, ces moyens de co-ac-
tion étaient très-vaguement indiqués, et aboutissaient à l'engagement de se concerter
de nouveau si des mesures plus active? devenaient nécessaires.
APPENDICE 531
trêracs, comme contenant, non un refus de nous associer h des confé-
rences, ce qu'il ne demande point, mais un refus de continuer ii négocier
de concert avec les quatre puissances, par simple voie de conversation et
dans l'unique but de se mettre d'accord sur quelque arrangement. Lord
Paimerston met, à ce concert, une extrême importance ; soit parce que
son amour-propre y est engagé, soit parce qu'il le regarde comme le seul
moyen de profiter de la disposition de la Russie à abandonner le protec-
torat exclusif de Gonslantinople, et à prendre simplement sa place dans
le protectorat européen. Le cabinet anglais ne demandera pas mieux, je
pense, que de nous voir traiter de cette grande afiaire surtout avec lui et
par son entremise ; la position qui lui est faite par là lui convient, et nous
pouvons, de notre côté, en tirer parti. Mais la cessation de toute commu-
nication sur la question d'Orient avec les trois autres puissances conti-
nentales, l'abandon ofilciel de .tout travail pour amener, entre elles et
nous, un concert efficace, embarrasseraient, irriteraient, non-seulement
l'Autriche et la Prusse, qui se montrent en ce moment bien disposées,
mais peut-être le cabinet anglais lui-même, et altéreraient la situation ac-
tuelle dans ce qu'elle a de favorable.
LXtII. — Lettre (extrait) de M. Gnizot ù IVI. Tliiers, en date du
19 mars 1840 (13 moharrcm 125G).
Il est possible que nous puissions rentrer dans la politique d'attente et
de difficultés sans cesse renouvelées, au bout de laquelle nous entre-
voyons, en Orient, le maintien du statu quo; mais il se peut aussi que les
événements se précipitent, et que nous nous trouvions bientôt obligés de
prendre un parti. Si cela arrive, l'alternative oi!i nous serons placés sera
celle-ci : Ou nous mettre d'accord avec l'Angleterre en agissant avec elle
dans la question de Gonstantinople et en obtenant d'elle, dans la question
de Syrie, des concessions pour Méhéraet-Ali ; ou nous retirer de l'atTaire,
la laisser se conclure entre les quatres puissances, et nous tenir à l'écart
en attendant les événements. Je n'affirme pas que, dans ce cas, la con-
clusion entre les quatre puissances soit certaine; de nouvelles difficultés
peuvent survenir; je dis seulement que cette conclusion me paraît proba-
ble, et que, si nous ne faisons pas la tentative d'amener entre nous et
l'Angleterre, sur la question de Syrie, une transaction dont le pacha doive
se contenter, il faut s'attendre à l'autre issue et s'y tenir préparés.
LXVIII, — IVote de M. Gnizot à l'ambassadeur plénipotentiaire de
la Sublime -Porte (Xouri-éfendi), en date du S8 avril 184» (35 sâ-
fer 1356).
Le soussigné, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Sa Majesté
le roi des Français auprès de sa Majesté la reine de la Grande JJretagne,
532 APPENOrCE
a l'honneur d'informer Son Excellence M. l'ambassadeur plénipotentiaire
de la Sublirae-Porte, que conformément aux instructions qu'il a reçues du
gouvernement du Roi, il est prêt à rechercher, avec les représentants des
cours d'Autriche, de la Grande Bretagne, de Prusse et de Russie, les
meilleurs moyens d'amener en Orient un arrangement qui mette un terme
à un état de choses aussi contraire au vœu commun des cinq puissances
qu'aux intérêts de la Porte ottomane.
Le soussigné prie Son Excellence M. l'am'oassadeur de la Sublime-
Porte, d'agréer, etc.
LXIX. — Dépêche (extrait) de M. Tliicrs :\ M. Gnizot, en date du
11 juin 1840 (lO rébiul-akhir 1356).
Les informations que contiennent vos dernières dépêches sur l'aspect
que présente en ce moment à Londres la question d'Orient ont fixé tonte
l'attention du gouvernement du Roi. La communication du nouvel ambas-
sadeur ottoman, manifestation si expressive des dangers auxquels la pro-
longation du statu quo exposerait la Porte, ne change pourtant pas la
situation ; et, bien qu'elle appelle de notre part une réponse un peu plus
développée que celle que vous avez faite au précédent ambassadeur, il est
évident que vous n'avez pas à vous placer sur un autre terrain. Nous n'en-
tendons certainement pas ôter toute signification à la démarche du
27 juillet 1839, dont la Porte ne cesse de se prévaloir; mais il nous est
impossible de ne pas faire remarquer qu'on en dénature complètement la
portée, parce qu'on perd de vue les circonstances dans lesquelles elle a
été faite. Les puissances, avant la mort du sultan Mahmoud, avant la ba-
taille de Nézib et la défection de la flotte turque, n'avaient d'autre préoc-
cupation que d'empêcher une collision entre la Porte et le pacha, et de les
réconcilier par une interposition tout à fait pacifique. Comment croire
qu'au moment môme où la Porte, par un concours de circonstances dues
en très-grande partie à ses imprudentes provocations, se trouvait si gra-
vement compromise, ces mêmes puissances, changeant tout à coup de po-
litique, aient pris envers elle l'engagement de lui faire obtenir, même par
la force, ce qu'elle avait eu en vue en attaquant Méhémet-Ali malgré leurs
représentations ? Évidemment, telle n'a pas été leur pensée. Ce qu'elles
se sont proposé, c'est de donner à la Porte un appui moral qui relevât son
courage et l'empêchât de subir complètement le joug de son puissant
vassal. Ce but a été atteint. C'est Ik le véritable état de la question. Au
surplus, monsieur l'ambassadeur, je m'en rapporte entièrement à vous pour
la mesure elles termes de la réponse que vous aurez à faire à l'ambassadeur
ottoman.... Je vois, dans le consentement donné aujourd'hui par le ca-
binet de Londres à un arrangement qui maintiendrait le vice-roi enposses-
APPENDICE 533
sion de la ville de Saint- Jean d'Acre, un progrès réel vers des idées de
conciliation. C'est à ce litre seulement que j'y applaudis, car il ne dépend
pas de moi de voir, dans cette concession unique, la base pratique d'une
transaction.
LXX. — Lettre (extrait) de Itl. Ciuizot :^ M. Thiers, en date du f 5 juin
1840 (14 rébiul-akkir 125A).
M. de Neuraann et M. de Bulow sont de nouveau prêts à laisser au
pacha l'É'-rypte héridilaireraent et la Syrie viagèrement, pourvu qu'il
rende Adana en Candie. Ils ont fait un pas de plus ; ils se disent disposés
à déclarer cela h lord Pahnerstou et à lui demander formellement d'y
accéder ; ils croient que iM. de Briinnow se joindrait à eux dans ce sens.
Vous m'avez répondu le 19 : — « Certainement, si on arrivait h céder la
Syrie (virgule) et l'Egypte héréditairement au pacha , on mettrait la
raison du côté des cinq puissances, et nous ferions de grands efforts pour
réussir. lAIaisla tète du pacha est bien vive, et l'on n'est siir de rien avec
lui. Dans tous les cas, une telle résolution serait une grande conquête
pour nous, et nous changerions sur le chani]) d'attitude. — Je pense que
vous vous êtes bien souvenu, en me répondant, de ce que je vous avais
dit, que votre réponse se rapportait à un arrangement qui donnerait au
pacha l'Egypte héréditairement et la Syrie viagèrement , et que votre
virgule après la Syrie, tandis qu'il n'y en a point entre V Egypte et le
mot héréditairement, a bien cette signification. Cependant, j'ai besoin de
le savoir positivement, et je vous prie de me le dire. Nous touchons
peut-être à la crise de l'affaire. Ce pas de plus dont je vous parlais, et
qui consiste, de la part de l'Autriche et de la Prusse, à déclarer à lord
Palmerston qu'il faut se résigner à laisser viagèrement la Syrie au pacha
et faire à la France cette grande concession, ce pas, dis-je, se fait, si je
ne me trompe, en ce moment. Les collègues de lord Palmerston, d'une
part, les ministres d'Autriche et de Prusse de l'autre, pèsent sur lui, en
ce moment, pour l'y décider. S'ils l'y décident en effet, ils croiront, les
uns et les autres, avoir remporté une grande victoire et être arrivés à des
propositions d'arrangement raisonnables. Il importe donc extrêmement
que je connaisse bien vos intentions à ce sujet; car de mon langage,
quelque réservé qu'il soit, peut dépendre, ou la prompte adoption d'un
arrangement sur ces bases, ou un revirement par lequel lord Palmerston,
profitant de l'espérance déçue et de l'humeur de ses collègues et des
autres plénipotentiaires, les rengagerait brusquement dans son système,
et leur ferait adopter, à quatre, son projet de retirer au pacha la Syrie,
et l'emploi, au besoin, des moyens de coercition. On fera beaucoup^
beaucoup, dans le cabinet et parmi les plénipotentiaires, pour n'agir qu'à
53Û APPENDICE
cinq, de concert avec nous, et sans coercition. Je ne vous réponds pas
qu'on fasse tout, et qu'une conclusion h quatre soit absolument impos-
sible. Nous pouvons être, d'un instant b. l'autre^, placés dans cette aller-
native : ou bien l'Egypte héréditairement et la Syrie viagèrement au
pacha, moyennant la cession des villes saintes, de Candie et d'Adana, et
par un arrangemen k cinq ; ou bien la Syrie retirée au pacha par un
arrangement à quatre, et par voie de coercition, s'il y a lieu. Je ne donne
pas pour certain que, le premier arrangement échouant, le second s'ac-
complira ; mais je le donne pour possible. Notre principale force est
aujourd'hui dans le travail commun de presque tous les membres du
cabinet et des ministres d'Autriche et de Prusse pour amener lord Pal-
merston h céder la Syrie. Si, après avoir réussi dans ce travail, ils n'en
recueillent pas le fruit d'un arrangement définitif et unanime, je ne ré-
ponds pas, je le répète, de ce qu'ils feront. Donnez-moi, je vous prie,
pour cette hypothèse, votre pensée précise et des instructions.
LXXI. — IVotc de M. Guizot à l'anibassadenr ottoman (Chékib^éfcn-
di), en date da ISI juin 1840 (30 rébiul-akhir 135G).
Le soussigné, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M.
le roi des Français auprès de S. M. Britannique, a reçu la note que S. Ex.
Gliékib-éfendi, ambassadeur de la Sublime-Porte auprès de S. M. Britan-
nique, lui a fait l'honneur de lui adresser, ainsi qu'aux représentants des
cours d'Angleterre, d'Autriche, de Prusse et de Russie, en date du 31 mai
dernier.
Le soussigné pense, comme S. Ex. M. l'ambassadeur de la Sublime-
Porte, que l'empire ottoman se trouve dans une situation fort critique,
que l'incertitude et les délais dans l'ajustement de la question d'Orient
ont, en Turquie, des conséquences graves et alarmantes, et que la néces-
sité de la solution de cette question devient de jour en jour plus urgente.
Le soussigné se félicite d'apprendre que S. Ex. M. l'ambassadeur de
la Sublime-Porte, muni des pouvoirs les plus amples pour concerter, avec
les plénipotentiaires des cinq puissances, un arrangement basé sur des
principes équitables et qui renferme les garanties d'une paix durable
pour l'Empire ottoman, apportera toutes les facilités qui dépendront de
lui pour aider à lever les obstacles qui pourraient s'opposera la conclu-
sion d'un tel arrangement.
Le soussigné est persuadé en outre, ainsi que S. Ex. M. l'ambassadeur
de la Sublime-Porte, que la continuation de l'union entre les cinq puissan-
ces est le plus sûr moyen de parvenir à un résultat si désirable.
En conséquence, le soussigné a l'honneurdc répondre à S. Ex. M. l'aui-
bassadeur de la Sublime-Porte qu'il fera tous ses elTorts, de concert avec
APPENDICE 535
les plénipotentiaires d'Anfilcterre, d'Autriche, de Prusse et de Russie,
pour mettre fin, |)ar un arrangement aussi prompt qu'il sera possible de
l'obtenir, à un mal toujours croissant et qui menace la paix de l'Orient.
Le soussigné a l'honneur d'oflrir à S. Ex. M. l'ambassadeur, etc.
I.XXII. — Dépêche de M. Guixot A M. Thiorn. pn date da 1 1 jail-
let 1840 (Il djétuaziul-éwel 1S50).
Monsieur le président du conseil, depuis que la proposition de couper
la Syrie en deux, en laissante Méhémet-Alila forteresse et une |)artie du
pachalik de Saint-Jean d'Acre, a été écartée, lord Palmerston a paru éviter
la conversation sur les atïaires d'Orient. Je l'ai engagée une ou deux fois,
plutôt pour bien établir la politique du gouvernement du Roi que pour ten-
ter de faire faire, par la discussion directe, un nouveau pas à la question.
Lord Palmerston m'a répondu en homme qui persiste dans ses idées,
mais ne croit pas le moment propice pour agir, et veut gagner du temps.
Il n'a, en effet, pendant plusieurs semaines, comme je l'ai déjà mandé à
Voire Excellence, ni entretenu le cabinet des affaires d'Orient, ni même
communiqué k ses collègues la dernière note de Ghékib-éfendi.
Cependant le travail de i)lusieurs membres, soit du cabinet, soit du
corps diplomatique, en faveur d'un arrangement qui eût pour base la con-
cession héréditaire de l'Egypte et la concession viagère de la Syrie au pa-
cha, continuait : j'en suivais le progrès sans m'y associer. Conformément
aux instructions de Votre Excellence, je n'ai ni accueilli cette idée, ni dé-
couragé, par une déclaration préalable et absolue, ceux qui en cherchaient
le succès.
C'est dans cet état de l'affaire et des esprits qu'est arrivée ici la nou-
velle de la destitution de Khosrew-Pacha et de la démarche directe de Mé-
bémet-Ali auprès du sultan. Elle ne m'a pas surpris. Votre Excellence
m'avait communiqué une dépèche de M. Cochelet, du 26 mai, qui annon-
çait de la part du pacha cette intention. J'avais tenu cette dépèche abso-
lument secrète; mais j'ai appris depuis, qu'une lettrede .M.le comte Appony,
en date du 16 juin, si je suis bien informé, avait annoncé au baron de
Neuraann la prédiction de M. Cochelet. La dépêche télégraphique par la-
quelle ce dernier a instruit Votre Excellence de la démarche de Méliémet-
Ali était aussi du 16 juin. En sorte que, par une coïncidence singulière, le
même jour, M. Cochelet mandait d'Alexandrie, comme un fait accompli,
ce que M. le comte Appony écrivait de Paris, d'après une dépêche de
M. Cochelet, disait-il, comme un fait probable et prochain.
Quand donc le fait même est parvenu h Londres, lord Palmerston et les
trois autres plénipotentiaires n'en ont guère été plus surpris que moi. Ils
n'y ont vu, ou du moins ils se sont crus en droit de n'y voir qu'un acte
536 APPENDICE
depuis longtemps concerté entre le pacha et la France qui, à Constantino-
ple comme à Alexandrie, avait travaillé à le préparer.
L'effet de l'acte en a éprouvé uneassez notable altération. Non-seulement
il a perdu quelque chose de l'importance que la spontanéité et la nouveauté
devaient lui assurer ; mais les dispositions de lord Palmerston et des trois
autres plénipotentiaires se sont visiblement modifiées. Ils ont considéré la
démarche de Méhémet-Ali et son succès :1° comme la ruine de la note du
27 juillet 1839 et de l'action commune des cinq puissances; 2° comme le
triomphe complet et personnel de la France à Alexandrie et à Constanti-
nople.
Dès lors, ceux qui, dans l'espoir d'obtenir l'action commune des cinq
puissances, poursuivaient l'arrangement fondé sur la concession hérédi-
taire de l'Egypte et la concession viagère de la Syrie, se sont arrêtés dans
leur travail, et semblent y avoir tout à fait renoncé.
De son côté, lord Palmerston s'est montré tout à fait disposé à agir, et,
dans deux conseils successifs, tenus les Zj et 8 de ce mois, il a présenté
au cabinet, avec une obstination pleine d'ardeur, ses idées et son plan de
conduite dans l'hypothèse d'un arrangement à quatre.
Rien n'a été résolu. Le cabinet s'est montré divisé. Les adversaires du
plan de lord Palmerston ont insisté sur la nécessité d'attendre les nouvelles
de Constantinople; on s'est ajourné à un nouveau conseil. Mais lord Pal-
merston est pressant; lespuissances, dit-il, sont engagées d'honneur à régler,
par leur intervention et de la manière la plus favorable à la Porte, les af-
faires d'Orient. Elles l'ont promis au sultan. Elles se le sont promis entre
elles. La démarche de Méhémet -Ali ne saurait les en détourner. C'est un
acte au fond peu significatif, qui ne promet, de la part du pacha, point de
concession importante, qui ne changera ni la situation, ni la politique de
la Porte, qui n'amènera donc point la pacification qu'on en espère, et n'aura
d'autre effet que d'entraver, si l'on n'y prend garde, les négociations entre
les puissances, et d'empêcher qu'elles ne marchent elles-mêmes au but
qu'elles se sont proposé. Cependant, l'occasion d'agir est favorable. L'in-
surrection de la Syrie contre Méhémet-Ali est sérieuse. Un spectateur in-
différent, lord Francis Egerton, qui vient de traverser la Syrie en remon-
tant de Jérusalem vers l' Asie-Mineure, écrit que les insurgés sont nom-
breux, animés, que l'administration d'Ibrahim-Pacha est violente, vexa-
toire, détestée. Lord Palmerston se prévaut beaucoup de ces renseigne-
ments. Il insiste en même temps sur les vues d'agrandissement et de domi-
nation de la France dans la Méditerranée. L'appui donné par la France au
pacha d'Ézyple n'a, selon lui, point d'autre motif. Il parle de l'Algérie,
de l'extension de notre établissement africain. Il s'adresse enfin aux sen-
timents de susceptibilité et de jalousie nationale, surtout auprès des torys,
et pour se ménager quelque faveur dans une partie de l'opposition.
APPENDICE 537
Toutes les fois que l'occasion s'en présente, partout où je puis engager
avec quelqu'un des liorames qui influent sur la question, quelque entretien,
je combats vivement ces idées. Je rappelle toutes les considérations que
j'ai fait valoir depuis quatre mois, et dont je ne fatiguerai pas Votre Excel-
lence. Je m'étonne de l'interprétation qu'on essaye de donner à la démar-
che que vient de faire Méliéract-Ali. Quoi de plus naturel, de plus facile
h prévoir, de plus inévitable que celte démarche? Depuis un an bientôt,
les puissances essayent de régler les affaires d'Orient et n'en viennent pas
à bout. Ls pacha, de son côté, a déclaré que la présence de Khosrew au
pouvoir était, pour lui, le principal obstacle à un retour confiant et déci-
sif vers le sultan. Khosrew est écarté. Qu'est-il besoin de supposer une
longue préparation, un travail diplomatique pour expliquer ce qu'a fait le
pacha? Il a fait ce qu'il avait lui-même annoncé, ce que lui indiquait le
plus simple bon sens. La France, il est vrai, a donné et donne encore à
Alexandrie des conseils, mais des conseils de modération, de concession,
des conseils qui n'ont d'autre objet que de rétablir en Orient la paix, et
dans le sein de l'empire ottoman la bonne intelligence et l'union, seul
gage de la force comme de la paix. 11 serait bien étrange de voir les puis-
sances s'opposer à son rétablissement, ne pas vouloir que la paix revienne
si elles ne la ramènent pas de leur propre main, et se jeter une seconde
fois entre le suzerain et le vassal pour les séparer de nouveau, au moment
où ils se rapprochent. Il y a un an, cette intervention se concevait; on
pouvait craindre que la Porte épuisée, abattue |)ar sa défaite de la veille,
ne se livrât pieds et poings liés au pacha, et n'acceptât des conditions pé-
rilleuses pour l'avenir. Mais aujourd'hui, après ce qui s'est passé depuis
un an, quand la Porte a retrouvé de l'appui, quand le pacha prend lui-
même, avec une modération empressée, l'iniative du rapprochement, quel
motif, quel prétexte pourrait-on alléguer pour s'y opposer, pour le retar-
der d'un jour? Ce serait un inconcevable spectacle. Il est impossible qne
l'Europe le donne ; il est impossible qne l'Europe qui, depuis un an, parle
de la paix de l'Orient comme de son seul vœu, entrave la paix qui com-
mence à se rétablir d'elle-même entre les Orientaux, et par leurs propres
efforts.
Ce langage frappe en général ceux à qui je l'adresse ; mais je ne puis
le tenir aussi haut et aussi fréquemment que je le voudrais, car lord Pal-
merston s'applique â ne pas m'en fournir les occasions. Il agit surtout
dans l'intérieur du cabinet; il dit que, puisque la France a tenté une poli-
tique séparée et personnelle, les autres puissances peuvent bien en faire
autant ; il promet à ses collègues l'adhésion positive de l'Autriche. Il leur
donne enfin à entendre que si ses plans étaient repoussés, il ne saurait
rester dans le cabinet, ei les place ainsi entre l'adoption de sa politique
et la crainte d'un chranlement ministériel.
538 APPENDICE
L'affaire est donc en ce moment dans un état de crise. Rien, je le ré-
[)ète, n'est décidé ; la dissidence et l'agitation sont grandes dans le ca-
binet; ceux des ministres qui ne partagent pas les vues de lord Palracrston
insistent fortement pour que l'on attende des nouvelles de Constantinople ;
ceux dont l'opinion est flottante se montrent enclins à ce délai; tous,
quelle que soit leur pente, laissent entrevoir de l'hésitation et du trouble.
Il y a donc bien des chances pour qu'on n'arrive pas encore à, des réso-
lutions définitives et efficaces. Tout en gardant une altitude tranquille et
réservée, je ne négligerai rien pour agir sur ces esprits divisés et incer-
tains. Mais pendant que les choses sont encore en suspens à Londres, il
est bien h désirer que la démarche de Méhémel-Ali obtienne à Constanti-
nople le succès qu'on en peut attendre, car on ne saurait se dissimuler
que le plan d'un arrangement à quatre en a reçu ici une impulsion mar-
quée, et fait en ce moment des progrès.
/>. s. — J'ai lieu de croire, d'après un renseignement qui m'arrive de
bonne source, que la seule chose qui ait été à peu près décidée dans les
conseils du h et du 8, c'est que les quatre puissances répondraient à la
dernière note de Chékib-éfendi par une note dans laquelle seraient re-
produites, sinon textuellement, du moins en substance, les intentions et
les promesses de la note du 27 juillet 1839. Cette nouvelle note sera-t-elle
collective à quatre, ou individuelle, mais semblable pour les quatre ? Quelle
en sera la rédaction 'Quelles propositions d'arrangement y seront annexées
et communiquées en même temps à la France pour demander son adhé-
sion ? Aucune de ces questions n'est encore résolue. On les reprendra pro-
bablement dans le conseil qui doit avoir lieu aujourd'hui. Des courriers
ont été expédiés ces jour-ci à Vienne et à Saint-Pétersbourg.
LXXIII. — MéinoraïKlnui remis par lord Palnierston à l'ambassa-
deur de France (Guizot), en date du 15 juillet 1840 (15 fljéma-
ziul-éwcl 1356).
Le gouvernement français a reçu dans tout le cours des négociations
qui commencèrent l'automne de l'année passée, les preuves les plus
réitérées, les plus manifestes, et les plus incontestables, non seulement
du désir des cours d'Autriche, de la Grande Bretagne, de Prusse, et de
Russie, d'arriver à une entente avec le gouvernement français sur les
arrangements nécessaires pour effectuer la pacification du Levant, mais
aussi de la grande importance que ces cours n'ont jamais cessé d'attacher
h l'effet moral que produiraient l'union et le concours des cinq puissances
dans une affaire d'un intérêt si grave et si intimement liée au maintien de
la paix européenne. Les quatre cours ont vu avec le plus profond regret
que tous leurs efforts pour atteindre leur but ont été infructueux; et mal-
gré que, tout dernièrement, elles aient proposé h la France de s'associer
Al'PENDICE 539
avec elles pour faire exécuteriin arrangement entre le sultan et Méliéiuel-
Ali, fondé sur des idées qui avaient élé émises vers la fin de l'année der-
nière par l'ambassadeur de France ci Londres, cependant le gouvernement
français n'a pas cru pouvoir prendre part h cet arrangement, et a fait
dépendre son concours avec les aulres puissances de conditions (pie ces
puissances ont jugées incompatibles avec le maintien de l'indépendance et
de l'intégrité de l'empire ottoman, et avec le repos futur de l'Europe.
Dans cet état de choses, les quatre cours n'avaient d'autre choix que
d'abandonner aux chances de l'avenir les grandes affaires qu'elles avaient
pris l'engagement d'arranger, et ainsi de constater leur impuissance, et
de livrer la paix européenne à des dangers toujours croissants; ou bien
de prendre la résolution de marcher en avant sans la coopération de la
France, et d'amener au moyen de leurs efforts réunis une solution des
complications du Levant, conforme aux engagements que les quatre cours
ont contractés envers le sultan, et propre à assurer la paix future.
Placées entre ces deux choix, et pénétrées de l'urgence d'une décision
immédiate, eten rapport avecles graves intérêts qui s'y trouvent engagés,
les quatre cours ont cru de leur devoir d'opter pour la dernière de ces
deux alternatives ; et elles viennent par conséquent de conclure avec le
sultan une convention destinée à résoudre d'une manière satisfaisante les
complications actuellement existantes dans le Levant.
Les quatre cours, en signant cette convention, n'ont pu ne pas sentir le
plus vif regret de se trouver ainsi pioraentanément séparées de la France,
dans une affaire essentiellement européenne; mais ce regret se trouve
diminué par les déclarations réitérées que le gouvernement français leur
a faites, — qu'il n'a rien à objecter aux arrangements que les quatre
puissances désirent faire accepter par Méhémet-Ali, si Méhéraet-x\li y con-
sent; que, dans aucun cas, la France ne s'opposera aux mesures que les
quatre cours, de concert avec le sultan, pourront juger nécessaires pour
obtenir l'assentiment du pacha d'Egypte ; et que le seul motif qni a em-
pêché la France de s'associer aux autres puissances k cette occasion, dérive
de considérations de divers genres qui rendraient impossible au gouver-
nement français de prendre part k des mesures coërçitives contre Méhémet-
Ali.
Les quatre cours donc entretiennent l'espoir fondé que leur séparation
d'avec la France, h ce sujet, ne sera que de courte durée, et ne portera
aucune atteinte aux relations de sincère amitié qu'elles désirent si vive-
ment conserver avec la France ; mais, de plus, elles s'adressent avec
instance au gouvernement français afin d'en obtenir du moins l'appui moral,
malgré qu'elles ne peuvent en espérer une coopération matérielle.
L'influence du gouvernement français est puissante à Alexandrie : et
les quatre cours ne pourraient-elles pas espérer, et même demander de
540 APPENDICE
l'amitié du gouvernement français, que cette influence s'exerce auprès de
Méhéraet-Ali, dans le but d'amener ce pacha à donner son adhésion aux
arrangements qui lui vont être proposés par le sultan?
Si le gouvernement français pouvait, de cette manière, contribuer effica
cément ti mettre un terme aux complications du Levant, ce gouvernement
acquérerait un nouveau titre ii la reconnaissance et à l'estime de tous les
amis de la paix.
LXXIV. — Lettre (extrait) de M. Tliîers à M. Gnîzot, en date du
16 juillet 1840 (IG djcmaziul-éwel 1*^56).
Mon cher collègue, je trouve fort graves les nouvelles que vous m'en-
voyez ; mais il ne faut pas s'en émouvoir, et tenir bon. Les Anglais s'en-
gagent dans une périlleuse tentative ; s'isoler de la France sera, pour
eux, plus fécond en conséquences qu'ils ne l'imaginent. Mais il ne faut
pas se laisser intimider, et attendre avec tout le sang-froid que vous savez
garder sur votre visage comme dans le fond de votre âme. Nous n'aurons
pas, vous et moi, traversé un plus dangereux défdé ; mais nous ne pou-
vons pas faire autrement. A l'origine, on aurait pu tenir une autre con-
duite; mais depuis la note du 27 juillet 1839, il n'est plus temps.
Vous pouvez juger maintenant si j'avais raison de dire aux ministres
du 12 mai que cette note était la plus grande faute qu'ont pût commettre.
C'est l'ornière dans laquelle le char a échoué, et de laquelle nous n'avons
encore pu l'arracher.
liXXV. — Dépêclie de M. Bolwer à lord Palmerston, en date du
SO juillet 1840 (20 djémaziul-éwel 1356).
J'ai demandé, ce matin, à M» Thiers (*), si la nouvelle qui contient
ma dépêche d'aujourd'hui, au sujet du départ de la flotte pour Tunis, était
vraie? M. Thiers répondit : « Ce n'est pas le temps de demander ou de
donner des explications: l'alliance entre l'Angleterre et la France est
finie. M. Guizot a été officiellement informé que les quatre puissances ont
conclu une convention, à laquelle on ne nous a pas même demandé si
nous voulions accéder. Ceci, du reste, ne signifie rien; c'est seulement
une affaire de forme; je me plains plus sérieusement du fond de la chose.
Je ne comprends pas l'alliance dans les petites questions et le désaccord
dans les grandes. Si l'Angleterre se sépare de nous dans la question
(*) Le maréchal Soult et ses collègues ayant donné leur démission, un nouveau
ministère fut créé par ordonnance royale du 1" mars. M. Thiers y entra comme pré-
sident du conseil et ministre des affaires étrangères ; le baron Roussin, qui avait été
rappelé de Consiantinople, m septembre 1839, remplaça l'amiral Duperré au minis-
tère de la marine.
APPENDICE 541
d'Orient, celle séparation sera générale. Ainsi que je l'ai déjà dit, \n
France s'isolera : elle a confiance dans sa force, d'autant plus que le
gouvernement a toute la population de la France derrière lui, dans cette
question. C'est pourquoi, s'il se présentait le cas ou la dignité ou les in-
térêts de la France, de mon pays, me fissent un devoir d'agir, j'agirai réso-
lument et sans crainte. Je le regrette profondément, mais, dans l'état oii
sont les affaires aujourd'hui, je vois des éventualités qui pourraient trou-
bler la paix de l'Europe. »
Je répondis que, comme je n'étais pas informé de ce dont il me parlait,
je n'en pouvais rien dire de positif, mais que j'étais sûr, etc.
LXXVI. — Lettre (extrait) de M. Thicrs à M. Gnizot, en date du
21 juillet 1840(31 djéniaziul-éwel 1250),
Votre dernière dépêche m'a beaucoup surpris. D'après vos précé-
dentes nouvelles , le gouvernement s'attendait que l'agitation qui se
manifestait depuis quelques jours dans le cabinet anglais aboutirait
à une proposition semblable à peu près à celle que M. de Neumann vous
avait fait pressentir, et qui consistait à donner h Méhéraet-Ali l'Egypte
héréditairement, la Syrie viagèreraent, en laissant à la France le choix
de s'associer ou non à une telle proposition. Le parti pris par les
puissances d'agir h quatre, sans mettre la France en demeure de s'asso-
cier à l'action commune, est un procédé fort naturel de la part des
cabinets qui n'ont pas vécu dans notre alliance depuis dix ans, mais
fort étrange et fort peu explicable, par des motifs satisfaisants, de la
part de l'Angleterre qui faisait profession, depuis 1830, d'être notre
lidèle alliée. Se plaindre est peu digne de la part d'un gouvernement
aussi haut placé que celui de la France; mais il faut prendre acte d'une
telle conduite, et lai^^ser voir qu'elle nous éclaire sur les vues de
l'Angleterre et sur la marche que la France aura à suivre dans l'avenir.
Désormais, elle est libre de choisir ses amis et ses ennemis, suivant l'in-
térêt du moment et le conseil des circonstances. Il faut sans bruit, sans
éclat, afiicher cette indépendance de relations que la France sans doute
n'avait jamais abdiquée, mais qu'elle devait subordonner ix l'intérêt de
son alliance avec l'Angleterre. Aujourd'hui, elle n'a plus à consulter
d'autres convenances que les siennes. L'Europe ni l'Angleterre , en
particulier, n'auront rien gagné à son isolement. Toutefois, je vous le
répète, ne faites aucun éclat ; bornez-vous à celte froideur que vous
avez montrée, me dites-vous, et que j'approuve complètement. Il faut
que cette froideur soit soutenue. Les quatre puissances qui viennent de
sceller, à propos de la question d'Orient, une si singulière alliance, ne
sauraient être longtemps d'accord ; alors la France, en prononçant à
542 APPENDICE
propos ses préférences, fera sentir à l'Europe tout le poids de son
influence.
LXXVII. — • Dépêche de lord Palmerston ù. M. Bnlnrer, en date du
3 S juillet 1840 (33 «Ijémaziul-éwel 13 56).
Monsieur, j'accuse réception de votre dépêciie du 20 de ce mois, par
laquelle vous m'informez que M. Thiers vous a dit que l'alliance entre
l'Angleterre et la France était finie, et je dois vous exprimer l'entière
approbation du gouvernement de S. M., quant au langage que vous avez
tenu à celte occasion. Je vous engage, toutefois, de dire à M. Thiers, si
jamais il vous faisait encore cette même observation, que ce n'est pas
l'Angleterre qui s'est séparée delà France, mais que c'est la France qui
s'est séparée de l'Angleterre; que les vues et la politique de l'Angleterre
au sujet des affaires turques ont été toujours les mêmes et n'ont jamais
varié; que nous avons cru longtemps que la France était d'accord avec
nous, et que cette opinion paraissait s'appuyer sur les dispositions où était
la France, en 1835, de conclure une convention avec l'Angleterre pour
soutenir le sultan contre Méhémet-Ali, et sur ce fait que la France a été
signataire de la note collective du mois de juillet 1839.
Si le gouvernement français a depuis changé sa politique, ou si, n'ayant
pas alors franchement déclaré sa politique, nous l'avons longtemps mal
comprise, la faute n'en est pas au gouvernement anglais, bien que celui-
ci doive, en tout cas, regretter également une divergence d'opinion
entre la France et l'Angleterre dans des questions pratiques.
Mais le gouvernement de S. M. est persuadé que, quelle que soit la con-
trariété passagère ou le déplaisir que la conclusion de la convention entre
les quatre puissances ait produit chez les minisires français, ces derniers
se convaincront, en réfléchissant avec calme, qu'il n'y a rien, ni dans l'es-
prit ni dans la lettre de cette convention, qui pût être considéré comme
hostile à la France, et que, dans les circonstances du moment, les quatre
puissances étaient obligées de la conclure.
Pour ce qui est de la remarque de M. Thiers, que la France n'a pas
même été invitée à accéder à la convention, je dois faire observer que la
convention n'est qu'une constatation formelle de l'engagement pris par les
quatre puissances d'assister la Porte dans l'exécution de certains arran-
gements; que le gouvernement de S. M. a vainement travaillé, pendant
les huit ou dix derniers mois, pour persuader le gouvernement français
de concourir h ces arrangements, et que, après le récent refus définitif
de ce gouvernement, il eîlt été plus qu'inutile de demander h la France de
rétracter son récent refus et de signer une convention, pour l'exécution
d'un plan auquel elle s'était positivement refusée, quinze jours aupara-
vant, à prêter son concours. J'ai l'honneur, etc.
APPENDICE 543
LXXVIII. — IMeiuorandniu romis par M. Gaizot ù lord Palmerston,
en date du S4 juillet 1840 («4 djéniaziul-éwel 1256).
La France a toujours désiré, dans l'affaire d'Orient, marcher d'accord
avec la Grande Bretagne, l'Autriche, la Prusse et la Russie. Elle n'a
jamais été mue dans sa conduite que par l'inlérél de la paix. Elle n'a
jamais jugé les propositions qui lui ont été faites, que d'un point de vue
général, et jamais du point de vue de son intérêt particulier ; car aucune
puissance n'est plus désintéressée qu'elle en Orient.
Jugeant de ce point de vue, elle a considéré comme mal conçus tous
les projets qui avaient pour but d'arracher à Méhémet-Ali, par la force
des armes, les portions de l'Empire turc qu'il occupe actuellement. La'
France ne croit pas cela bon pour le sultan, car on tendrait ainsi à lui
donner ce qu'il ne pourrait ni administrer ni conserver. Elle ne le croit
pas bon non plus pour la Turquie en général, et pour le maintien de
l'équilibre européen ; car, on affaiblirait, sans profit pour le suzerain, un
vassal qui pourrait aider puissamment à la commune défense de l'empire.
* Toutefois, ce n'est là qu'une question de système sur laquelle il peut
exister beaucoup d'avis divers. Mais la France s'est surtout prononcée
contre tout projet dont l'adoption devait entraîner l'emploi de la force,
parce qu'elle ne voyait pas distinctement les moyens dont les cinq puis-
sances pouvaient disposer. Ces moyens lui semblaient ou insuffisants, ou
plus funestes que l'état de choses auquel on voulait porter remède.
Ce qu'elle pensait k ce sujet, la France le pense encore, et elle a
quelques raisons de croire que cette opinion n'est pas exclusivement la
sienne. Du reste, on ne lui a adressé, dans les dernières circonstances,
aucune proposition positive sur laquelle elle eût h s'expliquer. Il ne faut
pas imputer à des refus qu'elle n'a pas été en mesure de faire, la déter-
mination que l'Angleterre lui communique, sans doute au nom des quatre
puissances.
Mais, au surplus, sans insister sur la question que pourrait faire naître
cette manière de procéder à son égard, la France le déclare de nouveau :
elle considère comme peu rélléchie, comme peu prudente, une conduite
qui consistera à prendre des résolutions sans moyen de les exécuter par
des moyens insuffisants ou dangereux.
L'insurrection de quelques populations du Liban est sans doute l'occa-
sion qu'on a cru pouvoir saisir pour y trouver les moyens d'exécution qui
jusque là ne s'étaient pas montrés. Est-ce un moyen bien avouable, et
surtout bien utile à l'empire turc, d'agir ainsi contre le vice-roi? On veut
rétablir un peu d'ordre et d'obéissance dans toutes les parties de l'Empire,
et on y fomente des insurrections! On ajoute de nouveaux désordres à ce
5Uh APPENDTCE
désordre déjJi général, que toutes les puissances déplorent dans l'intérêt
de la paix. Et ces populations, réussira-t-on à les soumettre à la Porte
après les avoir soulevées contre le vice-roi?
Toutes ces questions, on ne les a certainement pas résolues. Mais si
cette insurrection est comprimée, si le vice-roi est de nouveau possesseur
assuré de la Syrie, s'il n'en est que plus irrité, plus difficile k persuader,
et qu'il réponde aux sommations par des refus positifs, quels sont les
moyens des quatre puissances ?
Assurément, après avoir employé une année à les chercher, on ne les
aura pas découverts récemment; et on aura créé, soi-même, un nouveau
danger, le plus grave de tous. Le vice-roi, excité par les moyens em-
ployés contre lui, le vice-roi que la France avait contribué à retenir, peut
passer le Taurus et menacer de nouveau Gonstantinople.
Que feront encore les quatre puissances dans ce cas? Quelle sera la
manière de pénétrer dans l'empire pour y secourir le sultan? La France
pense qu'on a préparé là, pour l'indépendance de l'empire ottoman et
pour la paix générale, un danger plus grave que celui dont les menaçait
l'ambition du vice-roi.
Si toutes ces éventualités, conséquence de la conduite qu'on va tenir,
n'ont pas été prévues, alors les qugtres puissances se seraient engagées
dans une voie bien obscure et bien périlleuse. Si, au contraire, elles ont
été prévues, et si les moyens d'y faire face sont arrêtés, alors les quatre
puissances en doivent la connaissance à l'Europe, et surtout à la France
qui s'est toujours associée au but commun, 5. la France dont encore au-
jourd'hui elles réclament le concours moral, dont elles invoquent l'in-
lluence à Alexandrie,
Le concours moral de la France dans une conduite commune était une
obligation de sa part. Il n'en est plus une dans la nouvelle situation oii
semblent vouloir se placer les puissances. La France ne peut plus être
mue désormais que par ce qu'elle doit à la paix, et ce qu'elle se doit à
elle-même. La conduite qu'elle tiendra, dans les graves circonstances oii
les quatre puissances viennent de placer l'Europe, dépendra de la solu-
tion qui sera donnée à toutes les questions qu'elle vient d'indiquer. Elle
aura toujours en vue la paix et le maintien de l'équilibre actuel entre les
états de l'Europe. Tous ses moyens seront consacrés à ce double but.
LXXIX. — Lettre (extrait) de M. Tliiers à M. Gaizot, en date du
31 juillet t840 (1 djéniaziul*akhir 1556).
Je ne vous ai pas écrit depuis plusieurs jours parce que je n'ai pas eu
un seul instant à moi. Les résolutions à prendre, les ordres à donner,
lacorrespondance à écrire moi-môme dans toutes les cours, tout cela m'a
APPENDICE 5A5
conipl(ilcmnnt aIisorb(''. J'ai reçu toutes vos excellentes lettres. Je ne vous
dis qu'un mol on réponse : tenez ferme. Soyez froid et sévère, excepté
avec ceux qui sont nos amis. Je n'ai rien h changer à votre conduite,
sinon h la rendre plus ferme encore, s'il est possible, sans mettre contre
nous l'amour-proprc de ceux qui peuvent changer les résolutions de
l'Angleterre. Le roi va passer vingt jours ii Eu. .Te vous y donne rendez-
vous de sa part, le vendredi 7 août. Si vous voulez un grand bâtiment k
vapeur, le Véloce ira vous chercher h Brighton,
liXXX. — Dôpèehc de lord Granvillc à lord Palnicrsfon. en date
du !<'■- août 1H40 (S djémaziul-akhlr 12.-Ï6).
Mylord, j'ai l'honneur de vous envoyer le « Moniteur n de ce jour, qui
contient deux ordonnances royales appelant k l'activité les soldats de la
classe des années 1836 et 1839, qui n'ont pas encore servi.
Le môme <( Moniteur » dit aussi qu'une ordonnance royale datée du
i29 juillet a été rendue, pour ouvrir le crédit qu'exigera l'augmentation
de la marine, moyennant dix mille marins, cinq vaisseaux de ligne, treize
frégates et neuf bateaux h vapeur.
J'ai l'honneur, etc.
lAXXI. — Dépêche do lord Palnierston s\ lord Gran ville, en da<e
du 4 août flS40 (5 djémazinl-akliir i25G).
Myiord, la dépêche de V. E., du premier août, avec le « Moniteur »
contenant les ordonnances pour la levée d'un plus grand nombre de
troupes et de marins, est parveniie h cet office.
Cette mesure, nullement provoquée, comme elle est, par les procédés
des quatre puissances, et absolument inutile pour repousser une attaque
contre la France, dont elle serait menacée ou qui se pourrait imaginer,
ne peut-être considérée que comme une menace, et, par suite, que
comme un affront gratuit fait par la France aux quatre puissances.
Mais le gouvernement de S. M. n'a pas l'intention d'en prendre con-
naissance d'une manière quelconque, et ne veut ni demander au gou-
vernement français des explications sur le but de l'armement des cinq
vaisseaux de ligne et de la levée de dix mille marins, ni s'adresser au
Parlement pour d'autres forces navales ou pour un crédit.
Faire l'un ou l'autre, ce serait donner k cet étrange procédé du gou-
vernement français une importance qu'il ne mérite pas. Le gouvernement
de S. M. continuera k suivre la ligne de conduite qu'il s'est tracée sans
faire attention aux armements de la France, et agira absolument comme
si rien de semblable ne fût arrivé.
La flotte anglaise dans la Méditerranée sera d'une force Irès-sufiîsanle
T. II. 35
5Û6 APPENDICE
))Oiii' faire tout ce qui sera nécessaire par suite des engagements du traité
du 15 juillet. La force de cette flotte sera aussi largement suffisante pour
la garantir contre toute molestation ou insulte de la part d'une escadre
quelconque que les Français jugeraient à propos d'envoyer dans le Le-
vant; et si quelque procédé de l'escadre française amenait une collision,
ce que le gouvernement de S. M. espère que le gouvernement français
aura la prudence et la sagesse d'éviter, le gouvernement de S. M. n'a
point de crainte quant à son résultat.
Mais ce qui doit assurément frapper tout observateur impartial, c'est
que, si la France veut conserver la paix, cet armement, qui n'est qu'un
étalage d'irritation, n'est point propre ci inspirer cette cordialité mutuelle
qui est de l'essence de la j paix; et que, d'autre part, si le gouvernement
français veut lu guerre, cet armement donne la mesure de l'insuffisance
des ressources avec lesquelles il est préparé à commencer la lutte.
Le gouvernement de S. M. toutefois, entretient avec confiance l'espoir
et l'opinion que le gouvernement français veut la conservation de la paix,
malgré ces démonstrations hostiles ; mais s'il en était autrement, la cou-
ronne est toujours à même de convoquer le Parlement dans la quinzaine,
pour lui demander les moyens qui seraient nécessaires au cas qu'il fallût
proléger les intérêts et soutenir l'honneur du pays.
Je suis, etc.
LXXXII. — iBStrnctions confidentielles de M. Thiers à M. Guizot,
en date du 14 aoïkt 1840 (15 djémaziul-akhir 125G).
(c Deux projets :
i" Le statu quo garanti ;
2° La médiation de la France.
« Premier projet. Les cinq puissances garantiraient l'état actuel des
possessions ottomanes, dont l'arrangement de Kulahié serait la base. Le
pacha n'aurait aucune hérédité. Si le pacha, ou lout autre, voulait enva-
hir les États du sultan, les cinq puissances, la France comprise, emploie-
vaient leurs forces contre l'envahisseur. L'avantage de ce projet est de
ne pas exiger de recours nu pacha.
Deuxième projet. Le paclia chargerait la France de traiter pour lui. La
France négocieiait pour le compte du pacha, et les quatre puissances
traiteraient de nouveau avec elle. L'Egypte héréditaire et la Syrie viagère
feraient la base de l'arrangement. Ce projet a l'inconvénient tie dépendre
il'une circonstance étrangère à nos volontés, c'est que le pacha demande
{\ la ï^'rance de négocier pour lui.
Ce second projet ne devrait être proposé que s'il y avait chance de le
faire accuellir, de manière surtout à ne pas compromettre la dignité de
APPENDICE 647
la France en ayant l'air de vouloir la faire rentrer dans une négociation
qu'on lui a fermée.
LXXXIII. — Dépêche de rinlernonee d*Aa<rIchc (Itaron de ^ttikrmcr)
au prince de llcttcrnicii, en date de (JouNtantinopIe, le 1 1 août
1840 (18 djcniay.iul-akbir IS5(i).
Mon Prince, M. le ministre des affaires étrangères vient d'envoyer
M. Franceschi chez mes collèi^ues d'Angleterre, de Russie, de Prusse, et
chez moi, pour nous faire la communication suivante :
M. l'ambassadeur de France a fait dire hier, le 16 de ce mois, par
son drogman à Récliid-pacha :
Qu'il a l'ordre de lui signifier : que le gouvernement français, le roi
et la nation, considèrent comme une injure faite par le plénipotentiaire
ottoman à la France, la conclusion du traité qu'il a signé à Londres sans
le concours et à l'insu du plénipotentiaire français, et qui a pour objet
une question où la France, dès le principe, a été partie intégrante ;
Que le gouvernement français s'opposera de tous ses moyens à toute
intervention armée contre le paclia d'Egypte ;
Qu'il attend, pour se décider, le résultat des démarches qu'il fait faire
dans ce moment auprès des cabinets de Vienne et de Berlin, aûn d'en
obtenir l'annulation du traité ;
Que, loin d'employer, comme on le lui demandait, son influence morale
auprès du pacha pour le porter à la soumission, il lui accordera toute
l'assistance qui est en son pouvoir pour l'aider à résister à l'intervention
étrangère ;
Qu'il réunira ses efforts aux siens pour soulever les populations d'Asie
et d'Europe contre l'administration actuelle en Turquie, dont le gouver-
nement français se déclare l'ennemi, et qu'il considère comme celui du
pays ;
Que M. de Pontois fera connaître au sultan et à toute la nation musul-
mane, que la France, loin d'avoir pris part à une convention dirigée
contre les intérêts de l'Islamisme, la condamne hautement, et s'opposera
à son exécution.
Réchid-pacha a répondu, que ce langage a d'autant plus lieu de le
surprendre, que la France avait elle-même concouru à la note collective
du 27 Juillet de l'année dernière. La-dessus, le drogman de France a
répliqué, que M. de Pontois avait prévu cette objection, mais que d'abord
le gouvernement français avait accepté, sans avoir jamais approuvé, la
co-opération de son ambassaleur à cette démarche ; qu'au surplus, il
s'agit ici de mesures coërcitives dont il n'est fait aucune mention dans
la note susdite, et que c'est contre ces mesures que a France se prononce
en ce moment.
5i8 APPENDICE
Le pacha a répondu : « Je suis profoiidcm mU ainigé de la déclaralion
que vous venez de me faire, car j'ai toujours considéré la France comme
une des plus anciennes amies de la Porte ; il ne dépend pas de moi
d'empêcher la réalisation d'un acte auquel la Porte ne s'est décidée
qu'avec le concours de quatre de ses alliées, et, quels qu'en puissent être
ses résultats, le gouvernement turc s'y résignera. » Il a ajouté que, si
M. de Pontois veut faire connaître au sultan ce qu'il vient de lui faire
dire par son drograan, le pacha est prêt à l'accompagner h l'audience de
ce monarque pour lequel il ne saurait avoir rien de caché.
Je n'ai pas besoin de dire h Voire Altesse combien Réchid-pacha a
trouvé dur et hostile le langage que le gouvernement français a chargé
Sun ambassadeur de tenir à la Porte dans cette circonstance.
M. Franceschi m'a raconté, que Piéchid-pacha ayant été appelé hier
chez le sultan, sa Hautesse lui avait donné connaissance d'une lettre que
la sultane mère venait de recevoir de l'ex-capilan pacha, on ne sait par
quelle occasion, mais probablement par le bateau à vapeur français
arrivé le 14 de ce mois. Dans cette lettre, Ahmed-Fevzi-pacha, après
avoir assuré à la sultane que Méhéraet-Ali était inébranlable dans sa
résolution de résister, ajoute qu'il dépend de lui de révolutionner toutes
les provinces d'Asie et d'Europe ; et il adjure, implore, et supplie la
sultane d'interposer son influence auprès de son fils, pour évitera
la nation les maux dont elle est menacée, et peut-êlre la chute de
l'Empire.
Ces notions m'ont paru assez importantes pour les porter à la con-
naissance de Voire Altesse, par une estafette qui partira demain h l'aube
du jour.
Agréez, etc.,
LXXXIl'. — Rapport du secrétairc-interprèle ilc Tinter nonciature
d'Autriche (baron de Testa) an baron de Stiïruicr, en date du
19 août 1840 (18 djémaziul-aiihir 1356).
Son Excellence Réchid-pacha m'a dit aujourd'hui, que M. l'ambassa-
deur de France lui a failfaire hier, par l'intermédiaire de M. Cor, la décla-
ration suivante : que dès l'avènement au trône du Sultan Abdul-Medjid,
la France n'avait pas voulu l'intervenlioa étrangère dans Tatraire Turco-
Egyptienne ; que malgré ses conseils réitérés, la Porte venait de con-
clure à Londres une convention que la France regardait comme une injure;
que la France avait espéré qu'avant delà signer, Ghékib-Efendi en aurait
prévenu l'ambassadeur de France à Londres; que la France est par con-
sr-quent tout à fait contre l'administration actuelle de la Turquie ; qu'elle
ferait conniiîlre ses intentions à toute la nation niusuhniine ; et qu'elle
Al'PENDlCE 5.'|9
favoriserait toutes les combinaisons et tous les inflividus contraires au
système politique notiiol; que non seulement elle n'eni|)loierait pas son
influence auprès (h; Méliémel-Ali, dans le sens désiré par les quatre cours,
mais qu'elle soutiendrait au contraire le pacha d'Egypte, si les intérêts et
la dignité de la France l'exigent; que M. de Pontois demanderait, s'il le
fallait, une audience de S. H. pour lui dire tout cela; enfin, que ceci
n'était pas le langage de M. Tliiers seulement, mais celui de toute la nation
française.
{1 Août, 18/iO. {Sig7ié) Baron détesta.
Je trouve parfaitement exact ce rapport , et il conlient tout ce qui m'a
été dit par M. Cor.
{Signé) RECuiu.
Balta Liman, le 21 Aoiit, 1810.
LXXXV. — IN'ote «le raiuliassadcur de France (comte de Pontoi.s)
il Itécliid-pacha. en date de Tliérapia, le l!l août 1840 (20 djé-
niaziul-akliir 1350).
Monsieur le minisire, il vient de m'être rapporté qu'il a été donné
communication à MM. lesrcprésentants des cours d'Autriche, delà Grande-
Bretagne, de Prusse et de Russie, d'une prétendue déclaration faite, en
mon nom, au gouvernement de S. H., et annonçant, de la part de la
France, l'intention de soutenir la cause de Méhémet-Ali et de favoriser
l'insurrection des populations placées sous l'autorité de la Sublime-Porte.
Je crois devoir vous déclarer oITiciellement, M. le n inistre, que, si
cette communication a été réellement faite ta MM. les représentants des
quatre cours, elle est fondée sur deux assertions complètement inexactes,
et que je rends, dès à présent, son auteur responsable de toutes les con-
séquences qu'elle peut avoir.
J'ai l'honneur, etc.
LXXX%I. — Bésiinié d'nn entretien du roi des Belges (Léopold)
avec M. Guizot, à Londres, le 19 août 1840 (SO djéiuaziul-akiiir
125<i).
Le roi. — Entendons-nous bien, et rendons-nous compte bien exacte-
ment de ce que nous voulons faire; c'est le système du statu quo garanti
par les cinq puissances, et garanti au profit de tous comme contre tous,
que je vais exposer et soutenir.
Guizot. — Oui, sire, et les avantages en sont si grands, si évidents
que, si rien n'était compromis, tout le monde, j'ose le dire, s'empresse-
rait de l'adopter. Ce système vide à la fois toutes les questions, celle
d'Alexandrie comme celle de Conslantinople ; il dissipe les périls du pré-
550 APPENDICE
sent et prévient ceux de l'avenir; il ne met l'Europe à la merci, ni du
sultan, ni du pacha. Les cinq puissances traitent ensemble, et elles n'ont
rien à demander ni h attendre de personne pour mettre leurs résolutions
en vigueur. On ne peut pas dire que ce système est trop favorable h
l\Iél)émet-Ali, car, d'une part, il ne lui accorde point, pas plus en Egypte
qu'en Syrie, l'hérédité qui est le but avoué de son ambition; d'autre part,
il lui interdit toute ambition nouvelle, tout agrandissement territorial, en
associant la France aux mesures de coercition qui seraient alors prises
contre lui. Certes, il n'y a aucune politique qui donne au repos de l'Eu-
rope, plus de garanties, et qui prouve, de la part des puissances décidées
k l'adopter, plus de désintéressement.
Le roi. — Cela est vrai, parfaitement vrai, mais la question n'est pas
entière ; les objections, les difficultés ne manqueront pas. Il y a un autre
système dont vous vouliez me parler.
Guizot. — Oui, sire, et le voici. Dans le cas où le pacha, sommé par
la Porte, demanderait à la France de traiter pour lui, et où les quatre
puissances, de leur côté, manifesteraient, sur cette demande du pacha,
le désir de rentrer en négociation avec la France, l'Egypte héréditaire
et la Syrie viagère pourraient êtie, dans l'opinion du gouvernement du
roi, la base de l'arrangement. Mais, je dois le répéter à Votre Majesté,
sur ce second système comme sur le premier, dont Votre Majesté a[elle-
même suggéré l'idée, la France n'a rien à demander ni à oflVir, et sa
dignité ne lui permet de reparaître, dans une question qu'on a essayé de
résoudre sans elle, que lorsqu'on y sentira la nécessité de sa présence.
J'ajoute que le second système a le grave inconvénient d'exiger le recours
au pacha ; et si le pacha refuse son assentiment, il peut, en passant le
Taurus et en menaçant Constantinople, plonger l'Europe dans cette
extrême confusion que nous voulons tous éviter. »
Le roi. — Oui, mais dans le cas où, pour adopter le système du statu
quo garanti au profit de tous, on exigerait de Méhémet-Ali quelque con-
cession, celle du district d'Adana par exemple, de sorte que le statu quo
ne fût pas exactement, pour le pacha, celui de l'arrangement de Kutahié,
que croiriez-vous possible?
Guizot. — Je n'ai, sire, aucune instruction à ce sujet.
LXXXYII. — Résumé d'nn entretien de lord Palmerston avec
m. GuiiEOt, le 19 août 1840 (20 djémazinl-akhir 1256).
Palmerston. — Je voudrais bien causer un moment avec vous ce soir.
Je voulais vous parler de vos affaires à Windsor, mais dans ces maisons
royales on fait rarement ce que l'on veut; le temps et la liberté
manquent.
APPENDICE 551
Gvizot. — Pour moi, inylortl, si je ne vui.3 ai rien dit là, c'est que jo
n'avais rien h vous dire; rien n'est changé pour nous depuis mon dernier
entretien avec vous ; nous ne sommes pas dans les événements ; nous les
attendons, et en attendant, nous nous conduisons selon notre prévoyance.
Palmerston, — Je retourne demain h Windsor ; j'en reviendrai après-
demain soir ; lundi, je conduirai lady Palmerston dans l'île de Wight;
j'irai de là à Tiverlon voir mes constituants et assister h nos courses
locales. Je ne serai de retour à Londres qu'au commencement de la se-
maine suivante ; je pense que nous saurons alors quelque chose d'Alexan-
drie.
Guizot. — Est-ce que rien ne vous est encore revenu sur les proposi-
tions de la Porte au pacha?
Palmerston. — Non ; il y a eu quelque retard dans les courriers; les
propositions doivent avoir été faites au pacha, ou lui être faites à peu près
en ce moment.
Guizot. — Elles auront donc été faites avant l'échange des ratifica-
tions?
Palmerston. — Oui.
Guizot. — Et toutes les ratifications sont-elles arrivées?
Palmerston. Oui; celles de la Russie sont venues avant-hier, il ne
manque plus que celles de la Porte elle-même. M. Thiers, à son retour
du château d'Eu, a parlé h lord Granville des instructions données à vos
amiraux; je sais qu'elles sont très-modérées, très-prudentes, et que vous
leur prescrivez d'éviter avec hoin tout malentendu, tout conflit.
Guizot. — Les instructions du gouvernement du roi sont exactement
conformes à sa politique. Il désire que la paix ne soit pas troublée. Il ne
va pas au devant des périls qu'il n'a pas faits; il s'appliquera, au con-
traire, à les détourner.
Palmerston. — L'amiral Stopford restera à son poste, quoique son
temps de service soit fini et que, selon la règle, il eût pu être rappelé.
C'est un homme très-sage et qui s'est toujours bien entendu avec les
amiraux français.
Guizot. — On peut, je crois, en dire autant de l'amiral Hugon.
Palmerston. — Le roi Léopold m'a parlé de son idée : un traité entre les
cinq puissances qui garantisse le statu quo de l'empire ottoman.
Guizot. — Nous avons déjà, mylord, causé plus d'une fois, vous et
moi, bien qu'un peu en passant, de cette solution; elle est eflicace et
simple. Elle assure à la Porte un protectorat incontesté. Elle n'accorde
point au pacha ce qu'il demande, et ne lente point de lui retirer, par la
force, ce qu'il possède. Elle maintient la paix dans le présent et la garan-
tit dans l'avenir. Elle unit les cinq puissances dans une action commune
aussi bien que dans une même intention. Mais il est clair qu'un même
552 APl'ENDIGE
traité général ne pourrait se conclure qu'autant qu'il ferait tomber et
remplacerait tous les traités partiels qui l'auraient précédé.
Palmerston. — Cela est vrai, et c'est ce qui n'est pas possible à pré-
sent. Un traité a éié conclu entre quatre puissances, non clans un but
général et permanent, comme serait celui dont nous parlons, mais dans un
but spécial et momentané. Ce traité partiel doit suivre son cours, et lors-
qu'il aura atteint son but, le traité général pourra fort bieii prendre place.
Aujourd'hui il faut attendre les événements.
Guizot. — Oui, luylord; mais nous prévoyons les événements autre-
ment que vous; nous regardons comme tiès-diflicile, comme im[)0ssible,
peut-être, ce qui vous paraît facile, et comme très-périlleux ce qui vous
paraît sans danger. Et pendant que votre trailé partiel suivra son cours,
la paix de l'Orient, l'équilibre de l'Europe, la paix de l'Europe pourront
fort bien être compromis sans retour.
Palmerston. — Je sais que vous pensez ainsi. On verra. Si les événe-
ments vous donnent raison, alors comme alors. Au fond, nous avons,
vous elnous, en Orient, la même politique générale et permanente. S'il
fallait faire venir des armées russes en Asie, l'Angleterre n'y serait pro-
bablement pas plus disposée que la France. Nous chercherions alors
d'autres moyens, et ce qui n'est pas possible aujourd'hui léserait peut-être
alors. En attendant, nous essayerons de ce qui a été convenu, les moyens
maiitimes.
Guizot. — Mylord, que vont faire réellement vos flottes?
Palmerston. — Elles intercepteront toute communication avec l'Egypte
et la Syrie, et fourniront au sultan les moyens de transport dont il pourra
avoir besoin. Nous n'établirons aucun blocus. Nous nous trouvons ici
dans la même situation où nous avons été naguère, vous et nous, sur les
côtes d'Espagne. Méhémct-Ali n'est pas un souverain, pas plus que ne
l'était don Carlos; nous n'avons pas, à son égard, le droit belligérant;
le sultan aurait seul le droit de blocus. Il fera ce qu'il pourra avec ses
propres forces. Pour nous, nous ne nous mettrons en conflit ni avec les
intérêts commerciaux, ni avec les droits des neutres. Nous ne le pouvons
pas.
Guizot. — Est-il vrai, rnyîord, que vous augmentiez votre flotte de
quelques vaisseaux?
Palmerston — Oui, nous allons la porter à seize. Vous portez, en ce
moment, la vôtre à dix-huit. Vous préparez même cinq vaisseaux de plus,
ce qui vous donnerait une prépondérance que nous ne saurions accepter.
Je ne sais pas bien à quelle époque vos cinq vaisseaux pourraient être
prêts; mais si cet accroissement annoncé se réalisait, nous serions obli-
gés, soilde convoquer le Parlement pour lui demander de plus puissants
moyens, soit d'inviter une partie de la Hutte russe à venir nous joindre
Al'PL>iDICE 553
dans laMéclilerraiiéo, ce qui nous dcplaiialt l'oit, car nous n'avons nulle
envie d'ajoulc-r encore, de ce c(Mé, aux apparences d'intiiuilé.
LXXXVIII. — l>(>i>ôclic ilii hiiroii de StiïriM<-r an priiiot; <!«' ra<>((er-
nieli, en date du 'i'i uoùt 184U (2:t djéuiaxiul-akliir 125(»).
Une communication importante et toul-à-fait inattendue, nous a été
faite iiier par M. l'ambassadeur de France, à mes collègues d'Angleterre,
de Russie et de Prusse, et à moi. M. le comte de Ponlois ayant été retenu
chez lui par une indisposition, il chargea son premier secrétaire d'ambas-
sade, M. Hisde iiutenval, de se rendre successivement chez chacun de
nous. Étant allé chez Réchid-pacha à l'heure où il passait chez moi (je
suis le seul qu'il n'ait pas trouvé), il pria en conséquence M. le chargé
d'affaires de Russie, qui loge le plus près de moi, de m'informerde l'objet
de sa visite.
M. de Butenval dit b. M. de Titow qu'il avait été chargé par M. de
Ponlois, de nous demander s'il était vrai que la Porte nous eût adressé
une note ou toute autre communication par écrit, où elle nous aurait
fait part d'un message qui lui serait parvenu de la paît de l'ambassade
de France? M. de Titow lui ayant répondu que la Porte ne nous avait rien
écrit à ce sujet, M. de Butenval lui dit que, d'après ce qui était revenu
à M. de Poutois, elle nous avait fait savoir que la France voulait sou-
tenir Méhémet-Ali de tous ses moyens, et l'aider à révolutionner ce pays
et que, dans ce cas, l'ambassadeur lui avait enjoint de noua déclarer
que ces deux assertions étaient également fausses. Il ajouta ensuite, dans
le cours de la conversation, que le gouvernement français ne veut nulle-
ment cacher son jeu; qu'il s'est prononcé ouvertement en désapprouvant
la convention, et surtout les mesures coërcitives, qu'il croit très-dange-
reuses ; et que, par conséquent, il se tient à l'écart. M. de ïitow lui ayant
fait observer qne cette approbation était purement une manifestation d'o-
pinion, et que chaque puissance était libre d'avoir la sienne, M. de Bu-
tenval répliqua qu'une désapprobation accompagnée d'un armement avait
un grand poids quand elle vient d'une puissance coinuîe la France ; et
que. de tout ce qu'il venait de lui dire de l'altitudeprise par son gouver-
nement, il ne résultait aucunement que celui-ci ne suivît dès demain, s'il
le fallait, telle ligne de conduite que sa dignité et ses intérêts lui trace-
raient,
M. de ïitow me dit que d'après l'impression que lui a laissée tout cet
entretien, il croyait pouvoir admettre comme k peu près certain, que la
France n'emploierait jamais des mesures matérielles ptuir assister Mché-
met-Ali, mais qu'elle voulait entraver l'exécution de lu convenlioii du
15 juillet.
554 APPENDICE
!\I. le comte de Konigsmarck a reçu de M. de Butenval lamême commu-
nication, mais sans que celui-ci, se bornant au fait, îiû entré dans aucun
développement, et sans que M. le ministre de Prusse, de son côté, y eût
donné lieu par une question ou observation quelconque. La seule nuance
qu'il y ait eu, cette fois, dans les paroles de M. de Butenval, c'est qu'en
protestant contre l'imputation faite h la France de vouloir révolutior.ner
la Turquie, il ajouta qu'elle ne voulait révolutionner ni ce pays ni aucun
autre.
M. l'ambassadeur d'Angleterre vient de m'adresser le billet ci-joint
pour me faire part de la communication que M. de Pontois lui a fait faire,
et de l'entretien qu'il a eu avec M. de Butenval, et sur lequel il a bien
voulu me donner les détails les plus circonstanciés.
Je ne sais encore que penser de tout cela, M. de Pontois avait-il fait
dire ab iralo à Réchid-pacha ce qu'il se croit obligé de rétracter aujour-
d'imi? Et dans ce cas, comment se serait-il pei-mis d'affirmer que ce
langaçie lui a été prescrit par son gouvernement? Ou bien, M. Thiers a-
t-il cru que ces menaces feraient un tel elTet sur les Turcs, qu'ils se jette-
raient à genoux devant l'ambassadeur, et que non-seulement ils se refu-
seraient à ratifier la convention, mais qu'ils se déclareraient prêts à faire
tout cequ'il voudrait ? Dans ce cas, l'événement aurait cruellement trompé
l'attente de M. le président du conseil. Les Turcs ont trop de bon sens
pour se faire des ennemis de quatre alliés puissants et sincères, pour se
jeter entre les bras d'un gouvernement qui, dans l'isolement où il s'est
placé volontairement, ne saurait jamais leur offrir les mêmes avantages.
Ils se sont empressés de porter à notre connaissance l'espèce de déclara-
lion de guerre que leur a faite la France, et lorsque M. de Pontois aura
su cela, et qu'il aura été informé du peu d'effet qu'avait produit sur nous
son langage, ainsi que de la démarche collective que nous avons faite
(notre visite chez Réchid-pacha, le 18 au soir, à laquelle nous avons
donné exprès la plus grande publicité) pour rassurer la Porte, il aura
pensé que cela pourrait mener son gouvernement trop loin, faire naître
cette guerre dont on nous menace, et qu'il ne peut être dans l'intérêt de
la France de susciter.
Si cette supposition est fondée, il ne s'agit plus que d'examiner com-
ment M. de Pontois s'y est pris pour réparer le mal qu'il a cru avoir fait.
D'après la connaissance que j'ai du caractère de Réchid-pacha, je suis prêt
à garantir qu'il n'a pas altéré un mot de ce que lui a dit le drogman de
l'ambassade de France. Ce drogman (M. Cor) est un homme personnelle-
ment dévoué au pacha, et d'un caractère doux et conciliant; ce n'est donc
pas lui qui aura envenimé le message, qu'il a cherché au contraire à adoucir
autant qu'il a pu, en assurant le pacha (d'après ce que j'ai su depuis) com-
bien le devoir qu'il avait à remplir était pénible pour lui. M. Franceschi,
APPENDICE 555
que le pacha envoya chez nous pour nous laire part du message de M. de
Pontoip, a beaucoup trop d'esprit et d'habitude des afTairos jiour supposer
qu'il eût mal saisi les paroles du pacha dans une circonstance aussi
importante. Il en avait d'ailleurs noté les principaux points dans son cale-
pin pour ne pas se tromper, et ce sont ces notes que j'ai eues devant mes
mes yeux en rédigeant mon rapport à votre Altesse, que j'ai lu et relu en-
suite avec M. Franceschi, qui m'a dit qu'il n'y avait pas une syllabe à
changer, ei que c'était Ici exactement ce que le pacha lui avait dit. Gela
est si vrai, qu'ayant été chez lord Ponsonby après avoir été cliez moi, il
se référa auprès de cet ambassadeur à mon rapport, que celui-ci me de-
manda pour en envoyer une copie à lord Palmerston. En outre, pendant
quei\l. Franceschi se rendît chez nous, Réchid-pacha fit la môme commu-
nication au secrétaire interprète, baron de Testa, dont le rapport, que j'ai
eu l'honneur de soumettre k voire Altesse, s'accorde, à quelques nuances
près, pour le fond avec le message que nous a fait M. Franceschi. Enfin,
le jour de notre visite chez Réchid-pacha (le 18 de ce mois), ce ministre
nous répéta en partie les paroles de M. Cor, et se plaignit à nous de ce
qu'elles renfermaient d'outrageant pour une puissance indépendante.
11 fallait donc croire que M. de Ponlois, pour se tirer d'affaire, donne au-
jourd'hui un démenti formel h Réchid-pacha, auquel ce démenti pourra
peut-être susciter quelque désagrément, en commençant ainsi à rainer l'ad-
ministration actuelle. A'^oilii ce que nous devions tirer au clair dans l'inté-
rêt de Réchid-pacha et de la vérité. Je suis convenu avec MM. le comte
de Konigsmarck et de Tilow, que j'enverrais dès le lendemain le baron de
Testa chez le pacha, pour informer ce ministre et l'avertir de se mettre
en garde. J'ai chargé M. de Testa de lui lire non seulement ma dépêche
à votre Altesse, qui contient le message tel qu'il a été rendu par M. Fran-
ceschi, mais aussi celui que lui-même m'avait adressé, et de me rendre
un compte fulèle des observations auxquelles ces deux pièces auraient
pu avoir donné lieu de la part du pacha, ainsi que des passages, s'il y en
a, qu'il trouverait inexacts ou dont sa mémoire ne pourrait garantir l'au-
thenticité.
Votre Altesse daignera voir, par le rapport ci-joint de M. de Testa,
comment il s'est acquitté de cette commission. A ce rapport s'est trouvé
annexé un autre, rectifié, sur le message de l'ambassadeur de France,
que Réchid-pacha a apostille de sa propre main pour attester la vérité de
son contenu. En comparant les assertions qui s'y trouvent avec celles
que renferme le message tel qu'il nous a été rendu par M. Franceschi, on
est obligé de convenir que, quelle que soit la différence des termes et
l'ordre dans lequel se suivent les idées, les points prmcipaux restent les
mêmes.
M. Franceschi nousa dit que «le gouvernement français unirait ses ef-
556 APPENDICE
lorts à ceux de Méhémet-Ali pour soulever les populations d'Asie et d'Eu-
rope. » Réchid-pacliane garantit pas cette expression, mais bien celle que
la « France est tout-à-l'ait contre l'administration aciuelle de la Turquie;
qu'elle fera connaître ses intenlions k toute la nation musulmane; et
qu'elle favorisera toutes les combinaisons et tous les individus contraires
au système politique actuel. »
M. Franceschi nous a dit, en outre, que la France, loin d'employer
son influence morale auprès du pacha pour le porter à la soumission, lui
accordera toute l'assistance qui est en son pouvoir pourl'aider à résistera,
une intervention étrangère. D'après le rapport rectifié du baron de Testa,
cette menace n'aurait été que conditionnelle, c'est-à-dire, elle ne serait
effectuée que si les intérêls et la dignité de la France l'exigent.
Réchid-pacha, avec qui j'ai passé la soirée hier, m'a raconté que le
message que M. de Ponlois lui avait fait faire et qu'il voudrait nier au-
jourd'hui, a été fait à tous les functionnaires publics; qu'on s'était servi
envers plusieurs d'entre eux de termes encore plus forts qu'envers lui;
que M. Cor a dit au grand-vizir, que le « gouvernement français voudrait
pouvoir faire annoncer du haut de chaque minaret ce qu'il venait de lui
dire de la part de son ambassadeur; » que l'on ne s'était pas borné à ces
communications, mais qu'on s'était efforcé de répandre le message de
M. dePontoisdans le public ; et que tous les habitants de Gonstantinople
en avaient été informés presque en même temps que lui; que M. Cor avait
dit à M. Rouet (ie secrétaire particulier de Réchid-pacha), que la France
était déterminée à faire éloigner toute l'administration actuelle et ses
adhérents, pour parvenir à effectuer un arrangement direct entre le sultan
et Méhéraet-Ali ; que M. de Rutenval avait dit au même individu, qu'il
fallait que quelqu'un cédât dans cette affaire, et que ce ne serait pas la
France.
Réchid-pacha regrette, comme de raison, de n'avoir pas dit à M. Cor,
dans le temps, qu'un message aussi important que celui qu'il venait de lui
faire, ne saurait être communiqué que par écrit, afin que l'on ne puisse
pas se méprendre sur la valeur des termes.
Outre la communication faite par M. de Pontois aux quatre représen-
tants, cet ambassadeur en a adressé une pour le même objet, par écrit,
à Réchid-pacha. Sa lettre se trouve ci-jointe ainsi que la réponse de ce
dernier.
LXXXIX. — Lettre ^extrait) de M. Thiers à M. Gnizot, en date du
23 août 1840 (24 djémaziul-akliir 1256).
Depuis son avènement, il (l'empereur de Russie) n'a pas été plus joyeux.
Il triomphe, non pas d'être exposé au voyage d'Orient, mais d'avoir brouillé
APPENDICE 557
la Franco avec l'Ans^lelorre. Il tionl co résultat pour immense, et ne dis-
•simule pas les espérances qu'il en conçoit. Il regarde comme dur d'être
obligé éventuellement d'agir en Orient, car il n'est pas si préparé qu'il
veut le paraître; mais il n'en fera pas moins tout ce qu'il faudra pour
amener la brouille de la France et de l'Angleterre au dernier terme. Il a
dit qu'il exécuterait la convention du 15 juillet ix lui seul, f^'il le fallait.
XC. — IVofc de R^oliiil-parlin an cOnitc de Pontois, en «late de
Thérapia, le 3» août I8IO (24 djéniazial-akiilr 125»).
Monsieur l'ambassadeur, j'ai reçu l'ofiice que V. E. m'a fait l'honneur
de m'écrire le 19 de ce mois au sujet du message dont elle avait chargé
M. Cor auprès de moi, relativement à la manière dont le gouvernement
français envisageait la convention du 15 juillet.
Je m'empresse, M. l'ambassadeur, de reproduire ici textuellement,
tels que me les a rapportés M. Cor, les deux passages de ce messa-ze
que V, E. signale comme ayant été inexactement répétés.
« La France est tout k fciit contre l'administration actuelle de la Tur-
« quie; elle fera connaître ses intentions à toute la nation musulmane, et
« elle favorisera toutes les combinaisons et tous les individus contraires au
« système politique actuel ; elle n'emploiera non-seulement pas son in-
« lluence auprès de Melicmet-AIi dans le sens désiré par les quatre cours,
« mais elle soutiendra au contraire le pacha d'Egypte, si les intérêts et
« la dignité de la France l'exigent. »
Voilà, monsieur l'ambassadeur, ce que m'a dit M. Cor. Ayant vu hier
cet interprète à la Porte, et lui ayant répété ses paroles, il est convenu
que c'étaient bien à peu près celles dont il s'était servi, k la seule diffé-
rence qu'il croyait n'avoir pas employé le mot a individus, » en disant
que la France favoriserait toute combinaison contraire au système actuel
du gouvernement turc.
Je profite de cetle occasion, etc.
XCI. — Notç «lu oonïte de Pontois à Réeliid-paclia, en date du
%4 août 1840 (25 djéinaziul-akliir l3.->(i).
Monsieur le Ministre, j'ai l'honneur d'accuser récep! ion à Votre Excel-
lence de sa lettre en date du 23 de ce mois.
Je commencerai par vous faire observer, M. le Minisire, que la dénéga-
tion de M. Cor ne s'applique pas seulement aux mots signalés dans votre
lettre comme formant l'unique différence enire sa version et la vôtre, mais
que cet interpiète affirme en outre n'avoir dit h Votre Excellence, ni à
aucune autre personne, « que la France soutiendra le pacha d'Egypte si
ses intérêts et sa dignité l'exigent, d et s'être borné h déclarer, confor-
558 APPENDICE
niément à l'esprit et h la lettre de ses instructions, « que la France se
croira désormais en droit de ne prendre conseil que de ses intérêts et de
son honneur. »
J'iijoulerai, qu'en admettant même que les expressions dont s'est servi
M. Cor fussent textuellement celles que lui attribue la lettre de Votre Ex-
cellence, elles n'auraient nullement le sens que paraît leur avoir prêté la
communication faite aux représentants des cours signataires de la conven-
tion de Londres, c'est-à-dire, qu'elles n'impliqueraient ni une déterrai-
nation déjà arrêtée de la part de la France de soutenir la cause de Méhé-
met-Ali, ni la pensée d'exciter des soulèvements dans l'empire ottoman.
Je suis donc en droit de me plaindre hautement de la fausse interpré-
tation donnée à mes paroles, et de l'usage qui en a été fait. J'espère que
la réparation due au représentant de la France ne lui sera pas refusée.
XCII. — Lettre (extrait) de M. Ciaizot à M. Thiers, en date da
S4 août 184 0 (35 djémaziul-aklnir t25U).
Le roi Léopold et lord Melbourne ont, avec quelque peine, décidé lord
Palmerston à écrire à lord Granville une dépêche qui vous sera communi-
quée, et qui contiendra d'abord de nouvelles explications sur le sens de
la convention du 15 juillet dernier et les intentions spéciales de l'Angle-
terre dans cet acte. Pas la moindre pensée d'hostilité ni de négligence
envers la France. Aucune vue d'agrandissement quelconque en Orient.
L'adhésion pure et simple et pratique à la note du 27 juillet 1839, conçue
dans l'unique dessein de maintenir l'indépendance et l'intégrité de l'em-
pire ottoman. Ceci sera destiné à répondre aux susceptibilités, aux inquié-
tudes, aux pressentiments sinistres de la France. Puis viendra l'indication
que, malgré la convention du 15 juillet dernier, et même en en supposant
le succès, l'Orient sera bien loin d'être réglé. La situation générale de
l'empire ottoman et ses rapports avec l'Europe resteront en l'air. Allusion
à la convenance, à la nécessité d'un grand traité entre les cinq puissances,
pour garantir, envers et contre tous, l'état actuel des possessions de la
Porte. Ouverture à la France pour rentrer ainsi dans l'affaire. — Eh bien !
oui, a dit lord Palmerston, je ferai le premier pas (/'// viouethe first).
Dans la pensée de lord Melbourne, m'a dit le roi Léopold, la convention
du 15 juillet dernier serait absorbée et abolie par le traité général^ s'il se
concluait. Lord Palmerston n'en est pas encore là.
Je vous donne cela comme je l'ai reçu, sans me charger de concilier et
de faire marcher ensemble ces deux traités, l'un spécial, l'autre général
et ne réglant pourtant pas ce que le spécial a réglé; l'un s'exécutant pen-
dant que l'autre se négocie ; le grand traité destiné à subir le petit, si le
petit réussit, et à le remplacer s'il échoue. Je vois surtout là une manière
APPENDICE 559-
de nous rappeler dans l'affaire, et une initiative indirectement prise envers
nous, Jicet effet.
La dépèclie de lord Pulmerslon h lord Granville ne contiendra aucune
demande d'explication sur les armements de la France. On espère que,
dans votre réponse, vous caractériserez vous même ces armements, et
toute la politique comme les mesures actuelles de la France, d'une façon
qui exclue toute idée de menace et d'ambition belligérante. Le roi Léopold
regarde ceci comme important, surtout pour les cabinets continentaux.
Sur ceci, j'ai dit à l'instant qu'en écartant de nos préparatifs toute idée
de menace et d'ambition belligérante, vous ne voudriez, h coup sûr, rien
donner à entendre qui en atténuât le moins du monde l'importance et
l'effet, ni qui altérât en rien l'attitude que la France croyait devoir prendre
et voulait garder. Mon insistance a été bien comprise et bien acceptée.
Voilà pour cette dépêche projetée qui, du reste, n'était pas encore ré-
digée iiier. Lord Palmerston y travaillait.
XCIII. — Kote de Réchid-paclia an comte de Pontols, en date du
2 9 août 1840 (3H djéniasEinl-akhir l'i^G).
Monsieur l'ambassadeur,
En réponse à la lettre que votre Excellence m'a fait l'honneur de m'é-
crire le 24 de ce mois, je ne puis que lui répéter, en ce qui concerne le
message de M. Cor, que la version que j'en ai donnée dans mon office
du 22, est la seule que ma mémoire me permette de considérer comme
exacte. J'ajouterai, M. l'ambassadeur, que je ne saurais répondre que de
cette version là, et que je reste dès lors étranger à toute autre version,
ainsi qu'à toutes les interprétations dont son Excellence pense avoir à se
plaindre aujourd'hui.
Quant à l'usage qui a été fait du message, je n'hésite pas à déclarer que
je l'ai en effet communiqué à quelques-unes des cours amies de la Sublime-
Porte; et j'aime à me persuader que votre Excellence n'aura rien vu dans
cette démarche qui puisse paraître contraire à la pratique diplomatique
dans des circonstances analogues. D'ailleurs, M. Cor, loin de manifester le
désir que ce message n'acquît pas de la publicité, en a fait au contraire
l'objet de communications oilicielles envers les autres ministres de la Su-
blime-Porte, auxquels il a même ajouté, qu'il monterait sur les minarets
pour faire connaître à la nation entière la manière dont son gouvernement
envisageait l'état actuel des choses.
D'après ce qui précède, votre Excellence est sans doute trop équitable
pour ne pas reconnaître que ce serait plutôt au gouvernement ottoman à
désirer une réparation, puisque M. Cor a déclaré que la France était
contre l'administration actuelle ; lorsque cette administration a laconscience
5G0 APrENDICE
(le n'avoir exercé aucun acte que le gouvernement français pût consi-
dérer comme dirigé contre ses droits, et de s'être bornée h défendre ceux
de son souverain dans les circonstances dont il s'agit.
Je profite de cette occasion, etc.,
XCIII. — Dépêche de IVI. Biilwcr iï lord Palmerston, en date du
SM août 1840 (SO djêmaziul akliir 1356).
Mylord, dans un entretien que j'ai eu hier avec M. Thiers, j'ai cru ra'a-
percevoir qu'il a un vif désir d'arriver b. quelque arrangement qui rendît
possible l'entrée de la France au traité entre les qnatre puissances, mais
il a ajouté qu'il ne fera aucune espèce de proposition, et que, tout animé
qu'il soit du désir de la paix, il y avait cependant certaines choses (il n'a
pas dit quelles choses) qui le détermineraient, plutôt que de s'y soumettre,
h mettre le feu aux quatre coins du monde, et qu'il était certain d'en-
traîner avec lui la nation française.
Le journal de M. Thiers, « le Constitutionnel » de ce matin parle dans
les termes les plus forts de la nouvelle offense qui serait faite h la France,
si des mesures étaient prises en Orient pour l'exécution du traité avant sa
ratification. J'ai appris d'autres circonstances encore qui me font croire
que le président du conseil a tenu dans le cabinet un langage plus haut
que ses collègues. J'ai, pour ma part, toujours l'idée que, les événements
ayant leurs cours, le moment arrivera probablement où M. Thiers propo-
sera quelque plan d'action ou donnera sa démission ; mais, en attendant,
il y en a un. Cette expression m'a convaincu qu'il doit se trouver dansune
espèce de lutte contre le parti de paix qui se forme, et j'apprends que,
comme c'est la saison de la réunion des conseils généraux, on se donnera
quelque peine pour s'assurer de l'état général de l'opinion parmi les clas-
ses influentes dans les départements. Les journaux, pourtant, tiennent
un langage guerrier, par lequel on est toujours sûr d'exciter toujours les
sentiments des hommes de ce pays.
J'ai l'honneur, etc.
XCIV. — Note du comte de Pontois A. It«'-eliid-pae1ia , en date dn
31 août 1840 (3 rcdjck IS.IO).
Monsieur le ministre, j'ai reçu dans la journée d'hier la lettre que V. E.
m'a fait l'honneur de m'écrire en date du 27 de ce mois ; je vais la trans-
mettre à mon gouvernement dont j'attendrai les ordres.
Je ne prolongerai pas une discussion, pour le moment inutile. Il me suf-
fira de prendre acte aujourd'hui de l'assurance que me donne V. E. d'être
demeurée étrangère à l'interprétation contre laquelle j'ai dû protester
hautement, parce qu'elle était contraire Ji la vérité, et tendait à calomnier
APPENDICE 661
les dispositions bien connues de la France envers la Sublirae-Porte, et les
motifs qui lui l'ont désapprouver et conibuttre le périlleux système dans
lequel s'engage aujourd'hui le divan.
J'ai l'honneur, etc.
XCV, — Dépâclic de lord Paiinerston A M. Bulwer, en date du
31 août lHIO(3 rédjcl* 125G).
Monsieur, différentes circonstances m'ont empêché de vous transmettre
plus lot, et par votre entremise au gouvernement français, quelques ob-
servations que le gouvernement de Sa Majesté désire faire sur le mémo-
randum qui m'a été remis le "-Ik juillet par l'ambassadeur de France à cette
cour, en réponse au mémorandum que j'avais remis îi Son Excellence le
17 du même mois ; mais actuellement je viens remplir cette lâche.
C'est avec une grande satisfaction que le gouvernement de Sa Majesté
a remarqué le ton amical du mémorandum français et les assurances qu'il
contient du vif désir de la France de maintenir la paix et l'équilibre des
puissances en Europe. Le mémorandum du 17 juillet a été conçu dans un
esprit tout aussi amical envers la France; et le gouvernement de Sa
Majesté est tout aussi empressé que lu France peut l'être de conserver la
paix de l'Europe et de prévenir le moindre dérangement dans l'équilibre
existant entre les puissances.
Le gouvernement de Sa Majesté a également vu avec plaisir les décla-
rations contenuesdans leme»ioraîîrfwm français, portant que laFrancedé-
sire agir de concert avec les quatre autres puissances en ce qui concerne
les affaires du Levant ; qu'elle n'a jamais été poussée dans ces questions par
d'autres motifs que par le désir de maintenir la paix; et que, dans l'opi-
nion qu'elle se formait, elle n'a jamais été influencée par des intérêts par-
ticuliers qui lui soient propres, étant en fait aussi désintéressée que toute
autre puissance peut l'être dans les affaires du Levant.
Les sentiments du gouvernement de Sa Majesté sont, sur ces points, à
tous égards semblables k ceux du gouvernement français et y correspon-
dent entièrement; car en premier lieu, dans tout le cours des négociations
ouvertes sur cette question pendant plus de douze mois, le désir em-
pressé du gouvernement britannique a été constamment qu'un concert fiît
établi entre les cinq puissances, et que toutes cinq elles accédassent kune
ligne de conduite commune ; et le gouvernement de Sa Majesté, sans de-
voir s'en référer, pour preuve de ce désir, aux différentes propositions
qui ont été faites de temps en temps au gouvernement français, et aux-
quelles il est fait allusion dans le mémorandum de la France, peut affirmer
sans crainte qu'aucune puissance de l'Europe ne peut être moins influen-
cée que ne l'est la Grande-Bretagne par des vues particulières, ou partout
T. II. 3G
562 APPENDICE
désir et espérance d'avantages exclusifs qui naîtraient pour elle de la con-
clusion des affaires du Levant; bien au contraire, l'intérêt de la Grande-
Bretagne dans ces affaires s'identifie avec celui de l'Europe en général,
et se trouve placé dans le maintien de l'intégrité et de l'indépendance de
l'empire ottoman, comme étant une sécurité pour la conservation de la
paix, et un élément essentiel de l'équilibre général des puissances.
C'est à ces principes que le gouvernement français a promis son plein
concours, et qu'il l'a offert dans plus d'une circonstance, et spécialement
dans une dépêche du maréchal Soult, en date du 17 juillet 1839, dépêche
qui a été communiquée officiellement aux quatre puissances; il l'a encore
offert dans une note collective du 27 juillet 1839 et dans le discours du
roi des Français aux Chambres, en décembre 1839.
Dans ces documents, le gouvernement français fait connaître sa déter-
mination de maintenir l'intégrité et l'indépendance de l'empire ottoman,
sous la dynastie actuelle, comme un élément essentiel de l'équilibre
des puissances, comme une sûreté pour la conservation delà paix; et
dans une dépèche du maréchal Soult il a également assuré que sa résolu-
tion était de repousser, par tous ses moyens d'action et d'influence, toute
combinaison qui pourrait être hostile au maintien de cette intégrité et
de cette indépendance.
En conséquence, les gouvernements de la Grande-Bretagne et de France
sont parfaitement d'accord, quant aux objets vers lesquels leur politique,
en ce qui concerne les aflaires d'Orient, doit tendre, et quant aux prin-
cipes fondamentaux d'après lesquels cette politique doit être guidée; la
seule difl'érence qui existe entre les deux gouvernements est une diffé-
rence d'opinion, quant aux moyens qu'ils jugent les plus propres pour
atteindre cette fin commune : point sur lequel, ainsi que l'observe le me-
morandam français, on peut s'attendre à voir se rencontrer différentes
opinions.
Sur ce point, il s'est élevé, en effet, une grande différence d'opinion
entre les deux gouvernements, différence qui semble être devenue plus
forte et plus prononcée, à mesure que les deux gouvernements ont plus
complètement expliqué leurs vues respectives, ce qui, pour le moment, a
empêché les deux gouvernements d'agir de concert pour atteindre le but
commun.
D'un côté, le gouvernement de Sa Majesté a manifesté à diverses re-
prises l'opinion qu'il serait impossible de maintenir l'intégrité de l'empire
turc et de conserver l'indépendance du trône du sultan, si Méhémel-Ali
devait être laissé en possession de la Syrie. Le gouvernement de Sa Ma-
jesté a établi qu'il considère la Syrie comme la clef militaire de la Tur-
quie asiatique, et que si Méhémet-Ali devait continuer h occuper cette
province, outre l'Egypte, il pourrait en tout temps menacer Bagdad du
APPENDICE 563
côté du midi, Diarhekir et Erzeroum du cùlé de l'est, Koniali, Brousse et
GoiislniUinople du côté du nord; que le même esprit auibitieux qui a
poussé Méhémel-Ali, en d'autres circonstances, à se révolter contre son
souverain, le porterait bientôt derechef à piendre les armes pour de nou-
veaux envahissements, et que dans ce but il conserverait toujours une
grande armée sur i)ied; que le sultan, d'un autre côlé, devrait être conti-
nuellement en garde contre le danger qui le menacerait et serait également
obligé de rester armé; qu'ainsi le sultan et Méhémet-Ali continueraient
d'entretenir de fortes armées pour s'observer l'un l'autre; qu'une collision
devrait nécessairement éclater par suite de ces continuels soupçons et
de ces alarmes mutuelles, quand même il n'y aurait d'aucun côlé une
agression préméditée ; que toute collision de ce genre devait nécessaire-
ment conduire à une intervention étrangère dans l'intérieur de l'empire
turc, et qu'une telle intervention, ainsi provoquée, conduirait aux plus
sérieux difTérends entre les puissances de l'Europe.
Le gouvernement de Sa Majesté a signalé comme probable, sinon
comme certain, un danger plus grand que celui-ci, en conséquence de
l'occupation continue de la Syrie par Méhéraet-Ali, à savoir que le pacha,
se liant sur sa force militaire et fatigué de sa position politique de sujet,
exécuterait une inlenlion qu'il a franchement avoué aux puissances d'Eu-
rope qu'il n'abandonnerait jamais, et se déclarerait lui-même indépendant.
Une pareille déclaration de sa part serait incontestablement le démem-
brement de l'empire ottoman, et, ce qui plus est, ce démembrement pour-
rait arriver dans des circonstances telles qu'elles rendraient plus difficile
aux puissances d'Europe d'agir ensemble pour forcer le pacha à rétracter
une pareille déclaration, qu'il ne l'est aujourd'hui de combiner leurs ef-
forts pour le contraindre h évacuer la Syrie.
Le gouvernement de Sa Majesté a, en conséquence, invariablement
prétendu que toutes les puissances qui désiraient conserver l'intégrité de
l'Empire turc et maintenir l'indépendance du trône du sultan, devaient
s'unir pour aider ce dernier à rétablir son autorité directe en Syrie.
Le gouvernement français, d'un autre côté, a avancé que Wéhéraet-Ali
une fois assuré de l'occupation permanente de l'Egypte et de la Syrie,
resterait un fidèle sujet et deviendrait le plus ferme soutien du sultan ; que
le sultan ne pourrait gouverner si le pacha n'était en possession de celte
province, dont les ressources militaires et financières lui seraient alors
d'une j)lus grande utilité que si elle était entre les mains du sultan lui-
même ; qu'on peut avoir une confiance entière dans la sincérité du re-
noncement de Méhémet-Ali à toute vue ultérieure d'ambition, et dans ses
protestations de dévouement fidèle à son souverain; que le pacha est un
vieillard, et qu'à sa mort, en dépit de tout don héréditaire fait à sa famille,
l'ensemble de puissance qu'il a acquis retournerait au sultan, parce que
56A APPENDICE
loules possessions des pays mahoraétans, quelle que soit leur constitution,
ne sont réellement autre chose que des possessions h vie.
Le gouvernement français a, en outre, soutenu que Méhémet-Ali ne
voudra jamais librement consentir à évacuer la Syrie; et que les seuls
moyens dont les puissances d'Europe peuvent user pour le contraindre se-
raient : ou bien des opérations sur mer, ce qui serait insuffisant, ou des
opérations par terre, ce qui serait dangereux; que des opérations sur
mer n'expulseraient pas les Égyptiens de la Syrie et exciteraient seule-
ment Méhémet-Ali à diriger une attaque sur Gonstanlinople; et que les
mesures auxquelles on pourrait avoir recours, en pareil cas, pour dé-
fendre la capitale, mais bien plus encore toute opération par terre par les
troupes des puissances alliées pour expulser l'armée de Méhémet de la
Syrie, deviendraient plus fatales à l'Empire turc que ne pourrait l'être
l'état de choses auquel ces mesures seraient destinées h remédier.
A ces objections, le gouvernement de Sa Majesté répliqua qu'on ne
pouvait faire aucun fond sur les protestations actuelles de Méhémet-Ali ;
que son ambition est insatiable et ne fait que s'accroître par le succès; et
que donner k Méhémet-Ali la l'acuité d'envahir et laisser à sa portée des
objets de convoitise, ce serait semer des germes certains de nouvelles col-
lisions; que la Syrie n'est pas plus éloignée de Gonstanlinople qu'un grand
nombre de provinces bien administrées ne le sont, dans d'autres États, de
de leur capitale, et qu'elle peut être gouvernée de Gonslantinople tout
aussi bien que d'Alexandrie ; qu'il est impossible que les ressources de
de celle province puissent èlre aussi utiles au sultan entre les mains d'un
chef qui peut, à luut moment, tourner ces ressources contre ce dernier,
qu'elles le seraient si elles étaient dans les mains et à la disposition du
sultan lui-même; qu'Ibrahim, ayant une armée sous ses ordres, avait le
moyen d'asssurer sa propre succession, lors du décès de Méhémet-Ali, à
tout pouvoir dont celui-ci serait en possession à sa mort; et qu'il ne serait
pas convenable que les grandes puissances conseillassent au sultan de
conclure un arrangement public avec iMéhémet-Ali dans l'intention se-
crète et éventuelle de rompre cet arrangement à la première occasion
opportune.
Néanmoins, le gouvernement français maintint son opinion et refusa
de prendre part à l'arrangement qui supposait l'emploi de mesures coër-
cilives.
Mais le mémorandum français élablit que :
« Dans les dernières circonstances, il n'a pas été fait k la France de
proposition positive sur laquelle elle fût appelée ci s'expliquer, et que
conséquemment la délerminution que l'Angleterre lui a communiquée dans
le mémorandum du 17 juillet, sans doule au nom des quatre puissances,
ne devait pas être imputée ii des refus que la France n'avait pas faits. »
APPENDICE 565
Ce passage me force h vous rappeler en peu de mots le cours général
de la négociation.
La première opinion conrun par le gouvernement rie Sa Majesté et don
il fut donné connaissance aux quatre puissances, la France comprise, en
1839, était que les seuls arrangements entre le sultan et Méliémet-Ali qui
pourraient assurer un état de paix permanent dans le Levant,seraient ceux
qui borneraient le pouvoir délégué ix Méliémet-Ali à l'Egypte seule, et ré- '
tabliraient l'autorité directi; du sultan dans touie la Syrie, aussi bien h
Constantinople que dans toutes les villes saintes, en interposant ainsi le
désert entre la puissance directe du sultan et la province dont l'adminis-
tration resterait au pacha. Et le gouvernement de Sa Majesté proposa
qu'en compensation de l'évacuation de la Syrie, Méhémet-Ali reçût l'as-
surance que ses descendants mâles lui succéderaient comme gouverneurs
de l'Egypte, sous la suzeraineté du sultan.
A cette proposition, le gouvernement français fit des objections en di-
sant qu'un tel arrangement serait sans doute le meilleur, s'il y avait moyen
de le mettre à exécution ; mais que Méhémet-Ali résisterait, et que toute
mesure de violence quelles alliés pourraient employer pour le l'aire céder,
produirait des effets qui pourraient être plus dangereux pour la paix de
l'Europe et pour l'indépendance de la Porte, que ne pourrait l'être l'état
actuel des choses entre le sultan et Méhémet-Ali. Mais, quoique le gou-
vernement français refusât ainsi d'accéder au plan de l'Angleterre, cepen-
dant, durant un long espace de temps qui s'écoula ensuite, il n'eut pas à
proposer de plan qui lui fût propre.
Cependant, en septembre 1839, le comte Sébastiani, ambassadeur fran-
çais à la cour de Londres, proposa de tracer une ligne de l'est à l'ouest de
la mer, h peu près versBeyrouth, audéserl près de Damas, et de déclarer
que tout ce qui serait au midi de cette ligne serait administré par Mé-
hémet-Ali et tout ce qui serait au nord le serait par l'autorité immédiate
du sultan ; et l'ambassadeur de France donna à entendre au gouvernement
de Sa Majesté que, si un pareil arrangement était admis par les cinq puis-
sances, la France s'unirait, en cas de besoin aux quatre puissances, pour
l'emploi de mesures coërcitives ayant pour but de forcer Méhémet-Ali â
s'y soumettre.
Mais je fis remarquer au comte Sébastiani qu'un pareil arrangement
serait sujet, quoiqu'à un moindre degré, à toutes les objections qui s'appli-
quent à la position actuelle et relative des deux parties, et que, par suite,
le gouvernement de Sa Majesté ne pouvait y accéder. J'observai qu'il pa-
raissait inconséquent, de la part de la France, de vouloir employer, pour
forcer Méhémet-Ali à souscrire â un arrangement qui serait évidemment
incomplet et insuffisant pour le but qu'on se proposait, des mesures coër-
citives auxquelles elle se refuserait pour le contraindre à consentir à
56G APPENDICE
l'arrangement proposé par Sa ;\lajesté dont, aux yeux de la France môme,
l'exécution atteindrait entièrement le but proposé.
A ce raisonnement, le comte Sébastian! répliqua que les objections
avancées par le gouvernement français pour employer des mesures coër-
cilives contre Méhémet-Ali étaient fondées sur des conr.idérations de
régime intérieur, et que ces objections seraient écartées si le gouvernement
français était en mesure de prouver h la nation et aux chambres qu'il
avait obtenu pour Méhéraet-Ali les meilleures conditions possibles, et que
celui-ci avait refusé d'accepter ces conditions.
Cette insinuation n'ayant pas été admise par le gouvernement de Sa
Mnjesté, le gouvernement français communiqua, le 27 septembre 1839,
et officiellement, son propre plan, qui était que Méhéraet-Ali serait fait
gouverneur héréditaire d'Egypte et de toute la Syrie, et gouverneur à vie
de Candie, ne rendant autre chose que l'Arabie et le district d'Adana.
Le gouvernement français ne dit même pas, au reste, s'il savait si Méhémet-
Ali voudrait adhérera cet arrangement, et il ne déclara pas non plus que,
s'il refusait d'y accéder, la France prendrait des mesures coërcitives pour
l'y contraindre.
Évidemment le gouvernement de Sa Majesté ne pouvait consentir à ce
plan, qui était susceptible de plus d'objections que l'état de choses actuel;
d'autant plus que donner b. Méhéraet-Ali un titre légal et héréditaire au
tiers de l'empire ottoman, qu'il n'occupe maintenant que par la force,
c'eût été tout d'abord introduire un démembrement réel de l'empire. Mais
le gouvernement de Sa Majesté, pour prouver son désir empressé d'en venir,
sur ces questions, à une entente avec la France, établit qu'il ferait céder
son objection bien fondée h toute extension du pouvoir de Méhéraet-Ali
au delà de l'Égype, et qu'il se joindrait au gouvernement français pour
recommanderai! sultan d'accorder à Méhémet-Ali, outre le pachalik d'E-
gypte, l'administration de la partie basse de la Syrie, bornée au nord par
une ligne tirée du cap Garmel, à l'extrémité méridionale du lac Tibérias,
et par une ligne de ce point au golfe d'Akaba, pourvu que la France voulût
s'engager à coopérer avec les quatre puissances à des mesures coërcitives,
si Méhémet-Ali refusait cette offre.
Mais cette proposition ne fut pas agréée par le gouvernement français,
qui déclara maintenant ne pouvoir coopérer aux mesures coërcitives, ni
participera un arrangement auquel Méhémet-Ali ne voudrait pas consentir.
Pendant le temps que ces discussions avaient lieu avec la France, une
négociation séparée avait lieu entre l'Angleterre et la Russie, dont tous
les détails et les transactions ont été portés à la connaissance de la France.
La négociation avec la France fut suspendue pendant quelque temps, au
commencement de cette année : 1° parce qu'on s'attendait à un change-
ment de ministère, et 2° parce que ce changement eut lieu. Mais au mois de
APPENDICE 567
mai, le baron de Neiimann et inoi-inème nous résolûmes, sur l'avis de nos
gouvernements respectifs, de faire un dernier elïorl afin d'enfrager la
France à entrer dans le traité à conclnn; avec les (|uatrc autres puis-
sances, et nous soumîmes au gouvernement français, par l'entremise de
M. Guizot, une autre proposition d'arrangement à intervenir entre le sul-
tan et Méhéraet-Ali. Lue objection mise en avant parle gouvernement
français aux dernières propositions de l'Angleterre fut que, bien qu'on
voulût donner à Méhémet-Ali la forte position qui s'étend du mont Carmel
au mont Takir, on le priverait de la foiteresse d'Acre.
Pour détruire cette objection, le baron de Neumann et moi nous pro-
posâmes, par l'intermédiaire de .M. Guizot, que les frontières du nord de
celle partie de la Syrie, qui serait administrée par le pacha, s'étendraient
depuis le cap de Nakara jusqu'au dernier point nord du lac Tibérias, de
manière à renfermer dans ses limites la forteresse d'Acre, et que les fron-
tières de l'est s'étendraient le long de la côte ouest du lac Tibérias ; nous
déclarâmes que le gouvernement de cette partie de la Syrie ne pourrait
être donné i Méhémet-Ali que sa vie durant, et que ni l'Angleterre, ni
l'Aulrichc ne pouvaient consentir à accorder l'hérédité à Méhémet-Ali
pour aucune partie de la Syrie. Je déclarai de plus à M. Guizot que je ne
pouvais aller plus loin en fait de concessions, dans la vue d'obtenir la coo-
pération de la France, et que c'était donc notre dernière proposition. Le
baron de Neumann et moi nous fîmes séparément celte communication à
M. Guizot, le baron de Neumann d'abord, et moi le lendemain. M. Guizot me
répondit qu'il ferait connaître cette proposition à son gouvernement, ainsi
que les circonstances que je lui avais exposées, et qu'il me ferait savoir
la réponse dès qu'il l'aurait reçue. Peu de temps après, les plénipoten-
tiaires d'Autriche, de Prusse et de Russie m'informèrent qu'ils avaient
tout lieu de croire que le gouvernement français, au lieu de décider cette
proposition lui-même, l'avait transmise â Alexandrie pour connaître la
décision de Méhémet-Ali ; que c'était placer les quatre puissances qui
s'occupaient de cette affaire, non pas en face de la France, mais de Méhé-
met-Ali ; que, sans parler du délai qui en résultait, c'était ce que leurs
cours respectives n'avaient jamais eu l'intention de faire, et ce h quoi
elles n'avaient pas non plus l'intention de consentir, que le gouvernement
français avait ainsi placé les plénipotentiaires dans une situation fort em-
barrassante.
Je convins avec eux que leurs objections étaient justes à'I'égard de la
conduite qu'ils attribuaient au gouvernement français, mais que M. Guizot
ne m'avait rien dit sur ce que l'on ferait. On avait fait connaître à Méhé-
met-Ali que le gouvernement français était en ce moment tout occupé de
questions parlementaires, et pouvait naturellement demander quelque
temps pour faire une réponse â nos propositions ; qu'il ne pouvait d'ailleurs
5(i8 APPENDICE
y avoir un grand mal h un délai dans celte circonstance. Vers la fin d(;
juin, je pense que c'est le 27, M. Guizot vint chez moi et me lut une lettre
qui lui avait été adressée par M. Thiers, contenant la réponse du gouver-
vernenient français à notre proposition. Cette réponse était un refus formel.
M. Tliiers disait : « Que le gouvernement français savait, d'une manière
positive, que Méhémet-Ali ne consentirait pas k la division de la Syrie, k
moins qu'il n'y fût forcé, que la France ne pouvait coopérer aux mesures
à prendre contre Méhémet-Ali dans cette circonstance, et que par consé-
quent elle ne pouvait participer à l'arrangement projeté. »
La France ayant refusé d'accéder à Vultimatum de l'Angleterre, les
plénipotentiaires des quatre puissances durent examiner quelle serait la
marclie à adopter par leurs gouvernements.
La position des cinq puissances était celle-ci : toutes cinq avaient dé-
claré être convaincues qu'il était essentiel, dans des intérêts d'équilibre et
pour préserver la paix de l'Europe, de conserver l'indépendance et l'inté-
grité de l'empire ottoman, sous la dynastie actuelle ; toutes les cinq avaieii t
déclaré qu'elles emploieraient tous leurs moyens d'influence pour maintenir
cette intégrité et cette indépendance ; mais la France, d'un côté, soutint
que le meilleur moyen pour arriver à ce résultat était d'abandonner le
sultan à la merci de Méhémet-Ali, et de lui conseiller de se soumettre
aux conditions que Méhémct lui imposerait, afin de conserver la paix, sine
quà non; tandis, que, d'un autre côté, les quatre puissances regardèrent
une plus longue occupation militaire des provinces du sultan par Méhé-
met-Ali comme devant détruire l'intégrité de l'empire turc et être fatale
à son indépendance ; elles crurent donc qu'il était nécessaire de renfermer
Méhémet-Ali dans une limite plus étroite.
Après environ deux mois de délibérations, la France non-seulement
refusa de consentir au plan proposé par les quatre puissances comme ulti-
matum de leur part, mais elle déclara de nouveau qu'elle ne pouvait
s'associer à aucun arrangement auquel Méhémet-Ali ne consentirait pas
de son propre mouvement et sans qu'on l'y forçât. Il ne resta donc aux
quatre puissances d'autre alternative que d'adopter le principe posé par la
France, qui consistait dans la soumission entière du sultan aux demandes de
Méhémet, ou d'agir d'après leurs principes qui consistaient à contraindre
Méhémet-Ali à, accepter un arrangement compatible , quant à la forme,
avec les droits du sultan, et quant au fond, avec l'intégrité de l'empire
ottoman. Dans la première hypothèse, on aurait obtenu la coopération de
la France; dans la seconde, on devait s'en passer.
Le vif désir des quatre puissances d'obtenir la coopération de la France
a été assez manifesté par les oft"res qu'elles ont faites pendant plusieurs
mois de négociations. Elles en connaissaient bien la valeur, non-seulement
par rapport à l'objet qu'elles ont actuellement en vue, mais encore par
APPENDICE 569
rapport aux inlércts généraux et perraanen'.s de l'Europe. Mais ce qui leur
manquait, et ce qu'elles esliinaient, c'était la coopération de la France
pour maintenir la paix, pour obtenir la sécurité fiiiurf; de l'Kiu'ope, pour
arriver h l'exécution pratique des |)rincipes aux(|ue!s les cinq puissances
avaient déclaré vouloir concourir. Elles estimaient la coopération de la
France, non-seulement pour elle-même, i)our l'avantage et l'oppor-
tunité du moment, mais pour le bien qu'elle devait procurer et pour les
conséquences futures qui devaient en résulter. Elles désiraient coopérer
avec la France pour faire le bien, mais elles n'étaient pas préparées îi
coopér<*r avec elle pour faire le mal.
Croyant donc que la politique conseillée par la France était injuste et
nullement judicieuse envers le sultan, qu'elle pouvait occasionner des
malheurs en Europe, qu'elle ne se coordonnait pas avec les engagements
publics des cinq puissances, et qu'elle était incompatible avec les prin-
cipes qu'elles avaient mis sagement en avant, les quatre puissances sen-
tirent qu'elles ne pouvaient faire le sacrifice qu'on exigeait d'elles, et
mettre ce prix à la coopération de la France; si, en effet, on peut appeler
coopération ce qui devait consister i laisser suivre aux événements leur
cours naturel. Ne pouvant donc adopter les vues de la France, les quatre
puissances se sont déterminées à accomplir leur mission.
Mais cette détermination n'avait pas été imprévue, et les éventualités q ui
devaient s'ensuivre n'avaient pas été cachées k la France. Au contraire, à
diverses reprises, pendant la négociation, et pas plus tard que le 1" oc-
tobre dernier, j'avais déclaré à l'ambassadeur français que notre désir de
rester unis avec la France sur celle affaire devait avoir une limite ; que
nous désirions marcher en avant avec la France, mais que nous n'étions
pas disposés à nous arrêter avec elle, et que, si elle ne pouvait trouver
moyen d'entrer en accommodement avec les quatre puissances, elle ne
pouvait être étonnée de voir celles-ci s'entendre entre elles et agir sans la
France.
Le comte Sébastianl me répondit qu'il prévoyait que nous en agitions
ainsi, et qu'il pouvait prédire le résultat : que nous devions tâcher de ter-
miner nos arrangements sans la participation de la France et que nous
trouverions que nos moyens étaient insulTisants ; que la France, serait
spectatrice passive et tranquille des événements; qu'après une année ou
une année et demie d'efforts inutiles, nous reconnaîtrions que nous nous
sommes trompés, que nous nous adresserions alors à la France, et que
cette puissance coopérerait à arranger ces affaires aussi amicalement après
que nous aurions échoué qu'elle l'eût fait avant notre tentative, et qu'alors
elle nous persuaderait probablement d'accéder à des clioses auxquelles
nous refusions de concourir pour le moment.
De semblables significations furent également faites à M. Guizot, relati-
570 APPENDICE
veraent à la ligne que suivraient probablement les quatre puissances, si
elles ne réussissaient pas à en venir h un arrangement avec la France.
C'est pourquoi le gouvernement français ayant refusé Vultimatum des
quatre puissances, et ayant, en le refusant, posé de nouveau un principe
de conduite qu'il savait ne pouvoir être adopté par les quatre puissances,
principe qui consistait notamment en ce qu'il ne pouvait se faire aucun
règlement entre le sultan et son sujet, si ce n'est aux conditions que le
sujet pourrait accepter spontanément, ou, en d'autres termes, dicter, le
gouvernement français dut s'êlre préparé à voir les quatre puissances
agir sans la France; et les quatre puissances, ainsi déterminées, ne pou-
vaient, ajuste titre, être représentées comme se séparant elles-mêmes de
la France, ou comme excluant la France de l'arrangement d'une grande
affaire européenne. Ce fut au contraire la France qui se sépara des quatre
puissances, car ce fut la Fi'ance qui se posa pour elle-même un principe
d'action qui rendit impossible sa coopération avec les autres quatre puis-
sances.
Et ici, sans chercher à m'étendre sur des observations de controverse
relativement au passé, je trouve tout à fait nécessaire de remarquer que
cette séparation volontaire de la France n'était pas purement produite
par le cours des négociations à Londres, mais que, à moins que le gou-
vernement de Sa Majesté n'eût été étrangement induit en erreur, elle
avait encore eu lieu d'une manière plus décidée dans le cours des négo-
ciations à Conslantinople. Les cinq puissances ont déclaré au sultan, par
la note collective qui a été remise à la Porte, le 27 juillet 1839, par leurs
représentants à Conslantinople, que leur union était assurée, et ceux-ci
lui avaient demandé de s'abstenir de toutes négociations directes avec
!Méhémet-Ali, et de ne faire aucun arrangement avec le pacha sans le
concours des cinq puissances. Mais cependant le gouvernement de Sa
Majesté a de bonnes raisons de croire que, depuis quelques mois, le re-
présentant français à Conslantinople a isolé la France, d'une manière
tranchée, des quatre autres puissances, en ce qui concerne les ques-
tions auxquelles celte note se rapj)ortait, et qu'il a pressé vivement et à
plusieurs reprises la Porte de négocier directement avec Méhémet-Ali, et
de conclure un arrangement avec le pacha, non-seulement sans le con-
cours des quatre autres puissances, mais encore sous la seule médiation
de la France, et conformément aux vues particulières du gouvernement
français.
En ce qui concerne la ligne de conduite suivie par la Grande-Bretagne,
le gouvernement français doit reconnaître que les vues et les opinions du
gouvernement de Sa Majesté sur les affaires d'Orient n'ont jamais varié
le moins du monde, depuis le commencement de ces négociations, excepté
en ce que le gouvernement de Sa Majesté a offert de modifier ces vues
APPENDICE 571
et ces opinions dans l'intention d'obtenir la coopération de la France.
Ces vues et opinions ont de tout temps été exprimées franchement et sans
réserve au gouvernement français, ei ont été constamment appuyées, au-
près de ce gouvernement, de la manière la plus pressante par des argu-
ments qui paraissaient concluants au gouvernement de Sa Majesté. Dès
les premiers pas de la négociation, les déclarations de principes, faites
par le gouvernement français sur les moyens d'exécution, difTéraienl de
celles du gouvernement britannique; la France n'a certainement pas le
droit de qualifier de dissidence inattendue entre la France et l'Angleterre,
celle que le gouvernement français reconnaît avoir existé depuis long-
temps. Si les intentions et les opinions du gouvernen)erit français, relati-
vement aux moyens d'exécution, ont subi un changement depuis l'ouver-
ture des négociations, la France n'a certainement pas le droit d'imputer
h la Grande-Bretagne une div-ergence de politique qui provient d'un chan-
gement de la part de la France, et nullement de l'Angleterre.
Mais de toute manière, quand, de cinq puissances, quatre se sont trou-
vées d'accord sur une ligne de conduite, et que la cinquième a résolu de
poursuivre une conduite entièrement différente, il ne serait pas raison-
nable d'exiger que les quatre abandonnassent, par déférence pour la
cinquième, les opinions dans lesquelles elles se confirment de jour en
jour davantage, et qui ont trait à une question d'une importance vitale
pour les intérêts majeurs et futurs de l'Europe.
Mais comme la France continue ci s'en tenir aux principes généraux
dont elle a fait déclaration au commencement, et à soutenir qu'elle consi-
dère le maintien de l'intégrité et de l'indépendance de l'Empire turc,
sous la dynastie actuelle, comme nécessaire pour la conservation de l'é-
quilibre des puissances et pour assurer !a paix ; comme la France n'a
jamais méconnu que l'arrangement que les quatre puissances ont l'inten-
tion d'amener entre le sultan et le pacha fût, s'il pouvait être exécuté, le
meilleur et le plus complet, et connue les objections de la France s'appli-
quent, non à la fin qu'on se propose, mais aux moyens par lesquels on
doit arriver à cette fin, son opinion étant que cette fin est bonne, mais
que les moyens sont insuffisants et dangereux, le gouvernement de Sa
Majesté a la confiance ((ue l'isolement de la France des autres quatre puis-
sances, isolement que le gouvernement de Sa Majesté regrette on ne peut
plus vivement, ne peut pas être de longue durée.
Car lorsque les quatre puissances réunies au sultan seront parvenues
à amener un pareil arrangement entre la Porte et ses sujets, arrange-
ment compatible avec l'intégrité de l'Empire ottoman et avec la paix
future de l'Europe, il ne restera plus de dissidence entre la France et ses
alliés, et il ne peut rien y avoir qui puisse empêcher la France de concou-
rir avec les quatre puissances à tels autres engagements pour l'avenir qui
572 APPENDICE
pourront paraître nécessaires pour donner une stabilité convenable aux
bons effets de l'intervention des quatre puissances en faveur du sultan,
et pour préserver l'Empire ottoman de tout retour de danger.
Le gouvernement de Sa Majesté attend avec impatience le moment où
la France sera en position de reprendre sa place dans l'union des puis-
sances, et il espère que ce moment sera hâté par l'entier développement
de l'influence morale de la France. Quoique le gouvernement français ait,
pour des raisons qui lui sont propres, refusé de prendre part aux mesures
de coercition contre Méhémet-Ali, certainement cegouvernementne peut
rien objecter h l'emploi de ces moyens de persuasion pour porter le pacba
à se soumettre aux arrangements qui doivent lui être proposés, et il est
évident qu'il y a plus d'un argument qui peut être mis en avant et plus
d'une considération de prudence qui peut être appuyée auprès du pacha
avec plus d'efficacité par la France, comme puissance neutre ne prenant
aucune part à ces affaires, que par les quatre puissances qui sont active-
ment engagées à l'exécution des mesures de contrainte.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement de Sa Majesté a la confiance que
l'Europe reconnaîtra la moralité du projet qui a été rais en avant par les
quatre puissances, car leur but est désintéressé et juste : elles ne' cher-
chent pas h recueillir quelques avantages particuliers des engagements
qu'elles ont contractés ; elles ne cherchent k établir aucune influence
exclusive, ni à faire aucune acquisition de territoire, et le but auquel
elles tendent doit être aussi profitable à la France qu'h elles-mêmes parce
que la France, ainsi qu'elles-mêmes, est intéressée au maintien de l'é-
quilibre des puissances et à la conservation de la paix générale.
Vous transmettrez officiellement à M. Thiers une copie de cette dé-
pêche.
Je suis, etc.
XCVI. — Lettre (extrait) de M. Thiers sk M. Gnizot, en date du
4 septembre 1840 (9 rcdjeb 1%56).
La fameuse note n'arrange rien ; elle empirerait la situation plutôt qu'elle
ne l'améliorerait, si nous voulions être susceptibles. C'est exactement le
mémorandum du 17 juillet, augmenté de récriminations sur le passé, de-
mandant une seconde fois notre influence morale, et offrant, après l'exé-
cution du traité du 1 5 juillet, de nous admettre encore au nombre des cinq,
pour garantir l'Empire turc contre les dangers dont il pourrait être éven-
tuellement menacé. Gela, interprété au vrai, signifie qu'après avoir accepté
l'alliance russe contre Méhémet-Ali, l'Angleterre nous ferait l'honneur
d'accepter l'alliance française contre les Russes. On n"est pas plus accom-
modant en vérité, et nous aurions bien tort de nous plaindre. Il valait
APPENDICE 573
mieuxen rester sur la mémorandum du 17 juillet. Toutefois, il ne faut pa
prendre ceci eu aigreur. Il faut (Hre froid et indifférent, dire que cette note
ajouleniil au mauvais procédé, si nous voulions prendre les choses en mau-
vaise part, car lorsque le traité du 15 juillet nous a si vivement blessés,
nous dire qu'on l'exécutera, et qu'après l'exécution on se mettra avecnous,
c'est redoubler le mal. Mais il faut dire cela accessoirement, sans y in-
sister, sans en faire une réponse oflicielle, par forme de confidence, afin
qu'on sache que nous ne nous tenons pas pour satisfaits. 11 faut éviter que
cette démarche devienne une nouvelle cause de mécontentement entre les
d'^ux cours; mais il faut se gaidej" de laisser dire aux Anglais qu'ils nous
ont donné une satisfaction. La réponse olRcielle sera faite avec calme, avec
mesure, avec beaucoup d'égards pour l'Angleterre ; mais elle maintiendra
notre dire et notre droit. Elle n'est pas très-urgente.
XCVII. — Lettre (extrait) de M. Thiers ii M. Ciuizot, en date du
7 septembre 1M40 (tO rédjeb I3 5G).
M. de Sainte-Aulaire a reçu, à Konigswarth, du prince Metternich, une
communication semblable. Les reproches adressés de Vienne à M. de
Ponlois étaient absolument les mêmes que vous avez recueillis. Il avait an-
noncé la guerre immédiate, dans tous les cas, quoi qu'on fît en Syrie; il
avait annoncé que nous allions nous réunir à Méhémet-Ali pour insurger
l'Asie-Mineure et mettre l'Empire ottoman en confusion. Je n'ai pas besoin
de vous dire qu'il n'y a pas un mot de vrai dans tout cela; vous pouvez
le déclarer en mon nom. J'ai reçu avant-hier une longue dépèche de M. de
Pontois qui ne dit pas un mot de tout cela, et qui ne permet pas de rien
supposer de pareil. Les instructions données à Constantinople étaient con-
formes aux instructions données aux autres agents, et M. de Pontois n'était
pas homme à les outre-passer. Je ne doute pas qu'il n'ait tenu un langage
très-énergique, qu'il ne se soit plaint vivement de la Porte, de son infidé-
lité à notre antique alliance, qu'il n'ait qualifié de conduite coupable et
imprudente celle de Reschid-pacha, qu'il ne lui ait dit que Méhéinet-Ali
soulèverait tout l'Empire ottoman ; mais j'allirme qu'il n'a pas dit tout ce
que lui prête Reschid-pacha. Il n'est pas d'ailleurs vrai qu'on ait voulu
empêcher la ratification du traité du 15 juillet; c'était trop impossible pour
que M. de Pontois le tentai. Mais il a voulu faire peur d'une manière gé-
nérale; il a réussi, et Reschid s'en est vengé en le dénonçant aux quatre
cours. Voilà tout. Maintenant il faut nier, sans affaiblir l'efTet produit par
M. de Pontois. Il faut se borner h nier un point, l'annonce de notre con-
cours accordé à Méhémet-Ali pour insurger l'Asie-Muioure. Il faut faire
cette simple phrase : « Myiord, nous avons trop bl!\mé ce qui se fait en
Syrie pour l'imiter en Asie- Mineure. Gela pourra bien arriver, ujais non
67Z| APPENDICE
pas par notre faute et par nos suggestions. Quant au langage menaçant,
on ne peut pas répoûdre du style des agents et de la fidélité des traduc-
teurs. M. de Pontois a dit vrai s'il a déclaré que, dans certains cas, la
France ne resterait pas spectatrice inactive de ce qui se passerait en
Orient. » Je n'ai pas la prétention de vous dicter vos discours ; vous y
êtes plus habile que moi; mais c'est là, je crois, le bon ton à prendre.
XCYIII. — Lettre (extrait de M. Thiers à M. Gnizot, en date du
8 septembre 1840 (11 rédjeb 1256).
Demandez comment il se fait qu'avant les ratifications, avant surtout
l'expiration des délais, on ait pu commencer à opérer en Syrie contre
Beyrouth.
En vérité, cela est peu séant et peu légal en fait de droit des gens. Du
reste, adieu les moyens coërcitifs ! La Syrie ne remue pas ; l'émir Béchir
reste fidèle à Méhemel-Ali ; Ibrahira-paciia, avec toutes ses forces, revient
pour écraser les gens qui seraient tentés de débarquer. Il ne reste plus,
si les choses se passent ainsi, qu'à donner au peuple anglais le spectacle
satisfaisant de l'intervention russe.
XCIX. IVotc de lord Palmerston à M. Gnizot, en date du 9 sep-
tembre 1840 (13 rédjeb 135G).
Le soussigné, principal secrétaire d'Etat de S. M. pour les affaires étran-
gères, conformément à ce qui a été convenu entre lui et M. Guizot, am-
bassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. le roi des Français
près cette cour, a j'honneur de transmettre à M. Guizot l'extrait d'une
dépêche que le gouvernement de S. M. a reçue, il y a quelques jours, de
lord Ponsonby, ainsi que copie de l'annexe y mentionnée.
Avant même que le soussigné eût eu l'honneur de montrer ces papiers
à M. Guizot, le gouvernement de S. M. était persuadé que le message
que M. de Pontois a voulu envoyer à la Porte doit avoir été très-dénaturé
par la personne qui en était le porteur, ou bien que M. de Pontois doit
avoir fait une pareille communication absolument sans instructions ou
sans autorisation de son gouvernement, et en contradiction directe avec
ses instructions, puisque le langage de M. de Pontois à cette occasion était
entièrement en désaccord avec celui du gouvernement français envers
l'ambassadeur de S. M. h Paris, avec celui de M. Guizot envers le gou-
vernement de S. M. à Londres, et, d'après ce qu'en connaît le gouver-
nement de S. M., avec celui des agents français à Alexandrie envers Méhe-
niet-Ali. Car, à Paris, M. Thiers, en retournant dernièrement de la réu-
nion qui a eu lieu au château d'Eu, avait assuré lord Granville que les
ordres les plus positifs avaient été envoyés aux amiraux français dans le
APPENDICE 575
Levant d'éviter tout ce qui pourrait amener une collision entre les na-
vires de guerre français et anglais; k Londres, M. Guizot, avant et après
sa visite au château d'Eu, a toujours dit au soussigné que les ariuements de
la Franceétaient une mesure dépure précautionet nullement faits en vue
d'une agression ; que la France veut rester, pour le moment, parfaite-
ment tranquille, mais que le gouvernement français, pensant que les me-
sures à prendre en Orient pouvaient amener des événements qui affecte-
raient l'équilibre général ou altéreraient l'état de possession des puis-
sances européennes, ou qui influeraient d'une manière quelconque sur les
intérêts directs de la France, a jugé à propos de garder une attitude
d'cbservation ; et à Alexandrie, les agents français sont sensés avoir dé-
claré àMéhémet-Ali que la France n'a nullement l'intention de prendre
les armes pour le soutenir. Il était donc évident pour le gouvernement
de S. M. que M. de Ponlois ne peut pas avoir été autorisé par le gouver-
nement français k tenir, k Gonstantinople, un langage qui est absolument
l'inverse de celui que le gouvernement français a tenu partout ailleurs, et
ce, d'autant plus que le langage de M. dePontois est en opposition directe
avec toutes les déclarations publiques et officielles faites par le gouverne-
ment français relativement aux principes qui sont la base de la politique
de la France dans les affaires de l'empire ottoman.
Le soussigné voit avec beaucoup de plaisir que h conviction du gou-
vernement de S. M. se trouve confirmée par l'opinion que M. Guizot lai a
énoncée, quoique d'ailleurs M. Guizot lui eût dit qu'il n'a reçu aucune in-
formation de son gouvernement sur cet objet, et qu'il n'en savait que ce
que le soussigné lui a exposé. En transmettant ainsi k M. Guizot les ])a-
piers ci-joints, afin de les faire connaître au gouvernement français, le
soussigné doit assurer M. Guizot qu'il ne fait point cette communication
parce que le gouvernement de S. M. doute de la sincérité et de la bonne
foi du gouvernement français, mais parce qu'il est convenable que, dans
une affaire d'une si grande importance pour la paix de l'Europe, le gou-
vernement français connaisse combien le langage qui est attribué à un de
ses agents diplomatiques diffère de celui qu'a tenu le gouvernement fran-
çais lui-même.
Le soussigné a l'honneur, etc.
C. — Kofe de lord Ponsonby au comte fie Pontois, en date dn
16 septembre 1840 (lU rcdjeb 13.>ti).
Monsieur l'ambassadeur, je prends la liberté d'informer Votre Excel-
lence, en sa qualité d'ambassadeur d'un souverain qu'une étroite amitié
unit à la reine que j'ai l'honneur de servir, que, S. M. le sultan ayant
demandé l'aide des forces navales de Sa Majesté, elles vont être employées
576 APPENDICE
h effectuer le blocus des ports d'Egypte et de Syrie ordonné par la Su-
blime-Porte. J'ose importuner Votre Excellence, de cette communication,
afin d'éviter tout inconvénient qui pourrait résulter, pour les intérêts
français, de l'ignorance des faits.
J'ai l'honneur, etc.
CI. — Note de lord Palnierston s!i M. Gnizot, en date du 16 sep-
tembre 1840 (19 rédjeb 1S56).
Le soussigné, etc., a eu l'honneur, le 17 juillet, d'informer M. Guizot,
etc., qu'une convention relative aux affaires de la Turquie avait été signée
le 15 dudit mois entre les plénipotentiaires d'Autriche, de la Grande-Bre-
tagne, de Prusse et de Russie, d'une part, et les plénipotentiaires de la
Porte, de l'autre. Les ratifications ayant maintenant été échangées, le
soussigné a l'honneur de transmettre à M. Guizot, pour l'information du
gouvernement français, une copie de celle convention ainsi que de ses
annexes.
Le soussigné ne peut faire cette communication à S. E. M. Guizot, sans
lui exprimer de nouveau les très-sincères l'egrets du gouvernement de Sa
Majesté, que les objections qui ont empêché le gouvernement français de
s'associer aux mesures à l'exécution desquelles cette convention a pourvu,
aient créé un obstacle qui a empêché la France d'être partie contractante
dans cet acte. Mais le gouvernement de Sa Majesté a la confiance que le
cabinet des Tuileries verra dans les dispositions de cette convention des
preuves incontestables que les quatre puissances , en prenant les engage-
ments qu'elle contient, ont été animées par un désir désintéressé de main-
tenir les principes de politique à l'égard de la Turquie, que la France a,
en plus d'une occasion, clairement et solennellement déclaré être les siens ;
qu'elles n'ont cherché à obtenir, par les arrangements qu'elles ont en
vue, aucun avantage exclusif pour elles-mêmes, et que le grand objet
qu'elles se proposent est le maintien de l'équilibre actuel des puissances
européennes, et de détourner des événements qui pourraient troubler la
paix générale.
Le soussigné a l'honneur, etc.
CJII. — Kote da comte de Pontois à lord Ponsonby, en date du
19 septembre 1840 (30 rédjeb 1»56).
Monsieur l'ambassadeur, j'ai l'honneur d'accuser réception à Votre
Excellence, de la lettre qu'elle a bien voulu m'écrire, en date d'hier, pour
me donner connaissance de la part que les forces navales de Sa Majesté
britannique vont être appelées à prendre à l'exécution du blocus des ports
d'Egypte et de Syrie ordonné par le sultan.
APPENDICE 577
En vous priant d'agréer mes reraercîmenls de cette communication
ofTicieuse, je crois devoir, M. l'ambassadeur, vous prévenir de l'impossi-
bilité où je me trouve d'en faire l'usage indiqué dans votre lettre. J'aurai,
en effet, l'honneur de vous faire observer, sans entrer dans l'examen du
côté politique de la mesure dont il s'agit, et des objections qu'elle peut
soulever sous ce rapport, qu'un blocus ne saurait, en principe, avoir
d'existence légale et devenir obligatoire pour le commerce étranger,
qu'après l'expiration des délais qui doivent, conformément 'i l'usage et
aux règles du droit des gens, suivre la notification officielle et régulière
de cette mesure.
Je prie Votre Excellence d'agréer, etc.
cm. — Dépêche de M. Thiers A 91. Gnizot, en date du 19 scpteiu>
bre 1840 (20 rédjeb 1256).
Monsieur l'ambassadeur, Méhémet-Ali, cédant à nos pressantes ins-
tances, vient de se décider à une grande concession. Il consent à rendre
immédiatement au sultan Adana, Candie, les villes saintes, bornant ainsi
ses prétentions à l'investiture héréditaire de l'Egypte et à la possession
viagère de la Syrie. Je ne puis croire que des conditions aussi raisonna-
bles ne soient pas acceptées. Les repousser, ce serait évidemment réduire
le pacha à la nécessité de défendre par les armes son existence politique,
et j'ai la conviction qu'il n'hésiterait pas à le faire. J'ajouterai que ce
n'est pas le gouvernement du Roi qui lui demanderait d'ajouter de nou-
veaux sacrifices à ceux qu'il vient d'offrir. Les puissances se verraient
sans doute obligées, pour surmonter la résistance de Méhémet-Ali, de
recourir h des moyens extrêmes; et parmi ces moyens, il en est qui peut-
être rencontreraient quelques obstacles de notre part; il en est d'autres
auxquels nous nous opposerions très-certainement; on ne doit se faire,
à cet égard, aucune illusion. Il importe donc que les propositions si con-
ciliantes de Méhémet-Ali obtiennent l'assentiment de la Porte et de ses
alliés. J'ajouterai que cet assentiment ne saurait être trop prompt, la
situation des choses étant telle, que, d'un moment à l'autre, ce qui est à
présent jjralicable, et facile même, peut devenir absolument impossible.
Dans ces circonstances, le gouvernement du Roi, immolant à l'intérêt de
!a paix des susceptibilités trop bien justifiées cependant, n'hésite pas à
faire un appel à la sagesse des cours alliées. Je viens d'en écrire à Vienne,
ii Berlin et à Constantinople. Veuillez, monsieur l'ambassadeur, en entre-
tenir aussi le cabinet de Londres. Je vous laisse juge de la forme que vous
devrez donner k celte communication.
Quelques personnes ont pensé, tant h Alexandrie qu'à Constantinople,
que la Porte pourrait préférer, aux stipulations proposées, un autre ar-
T. II. 37
578 APPENDICE
rangement qui, donnant seulement h Méhémet-Ali l'Egypte et le pr\clif\lik
d'Acre, conlormément au traité du 15 juillet, conférerait à son fils Ibra-
him-Pacha l'investiture des trois autres pachaliks syriens. Nous croyons
que ce plan pourrait aussi être accepté.
CIV. — Lettre (extrait) de M. Thiers :\ M. Guizot, en date du 19
septemlu-e 1840 (30 rédjeb 1356).
Voyant qu'il fallait placer la résistance \h oh nous la placions, et sa-
chant, par un dernier envoi postérieur à notre entrevue à Eu, que nous
la placions dans l'Egypte héréditaire et la Syrie viagère, le vice-roi a
fait les concessions que nous demandions, et a résumé enfin ses préten-
tions dans l'Egypte héréditaire et la Syrie viagère. Mais au-deUi il n'y îl
plus de concession à espérer, car il ne feia que celles que nous lui arra-
cherons, et nous ne lui en demanderons pas une au-delà de l'Egypte
héréditaire et de la Syrie viagère. Tenez cela pour infaillible. Il a fait cette
concession pour obtenir notre appui et nous engager tout à fait h sa cause.
C'était son intention évidente. Maintenant, après avoir poussé jusque là,
il y a, pour nous, une sorte d'engagement moral de lui prêter notre appui
lorsqu'il se renferme, à notre demande, dans les limites de la raison et
de la modération.
Peut-être va-t-on conclure, de ce qu'il a dit aux quatre consuls, qu'il
va tout céder ; c'est une illusion qu'il faut détruire. Il leur a déclaré
qu'il acceptait l'hérédité de l'Egypte, et que, pour le surplus, il s'en rap-
portait à la magnanimité du sultan. Voici ce qu'il a entendu, et il l'a ex-
pliqué h Rifaat-bey. Il a entendu qu'il prenait d'abord l'hérédité de
l'Egypte, et se résignait à la possession viagère de la Syrie, de Candie et
d'Adana. C'est d'après nos instances qu'il a consenti à entendre par ces
mots la possession héréditaire de l'Egypte et la possession viagère de
la Syrie seule. Vous avez là la dernière concession possible.
CV. — T%oie du comte de Pontois à Réeliid pacha, en date du
19 septembre 1S40 (20 rédjeb 1956).
L'ambassadeur de France vient de recevoir la note olïicielle que lui
a adressée la Sublime-Porte pour lui donner connaissance de la déter-
mination qu'elle a cru devoir prendre, de bloquer les ports et échelles de
l'Egypte et de la Syrie.
Il va s'empresser de transmettre cette note à son gouvernement, en
regrettant de ne pouvoir lui faire connaître également le caractère précis de
la mesure qui vient d'être adoptée, les principes de droit maritime qui
APPENDICK 579
régleront son exécution, et les ell'els qu'elle aura pour le commerce
étranger,
L'Ambassadeur de France, sans entrer pour le moment dans l'examen
du côté politique de la mesure dont il s'agit, et des objections qu'elle peut
soulever sous ce rapport, croit de son devoir de faire observer, dès à pré-
sent, h la Sublime-Porle, qu'un blocus ne saurait en principe avoir d'exis-
tence légale, et devenir obligatoire pour le commerce et les suj»Us des
puissances étrangères, qu'après l'accomplissement des forinalilés, cl
l'expiration des délais prescrits par les droits des gens et par l'usage.
CVI. — Kote de ill. Guizot à lord Palnierston, en date da 18 sep-
tembre 1840 (2 2 rédjcb 12.>0).
Le soussigné, etc., a l'honneur d'informer sou Excellence U. le prin-
cipal secrétaire d'Etat de Sa Majesté Britannique pour les affaires étran-
gères, qu'il a reçu et transmis au gouvernement du Roi la copie que
son Excellence a fait au soussigné l'honneur de lui envoyer, de la conven-
tion, y compris ses trois annexes, signée le i5 juillet dernier par les
plénipotentiaires d'Autriche, de la Grande Bretagne, de Prusse et de
Russie d'une part, et par le plénipotentiaire de la Porte de l'autre, ainsi
que la note en date du 16 septembre qui accompagnait cette communi-
cation.
Le soussigné, etc.
CVII. — IVote de ITI. Guizot ù lord Palmerston, en date du 18 sep-
tembre 1840 (31 rédjeb 12 56).
Le soussigné, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Sa
Majesté le roi des Français auprès de Sa Majesté britannique, a l'honneur
d'informer son Excellence M. le principal secrétaire d'Etat de Sa Majesté
britannique pour les affaires étrangères, qu'il a reçu et transmis au gou-
vernement du Roi les extraits que son Excellence a fait au soussigné l'hon-
neur de lui communiquer, de deux dépêches écrites de Constantinople,
en date du 17 août dernier, l'une par lord Ponsonby, ambassadeur de Sa
Majesté britannique, l'autre par M. le baron de Sturmer, internonce de Sa
Majesté l'empereur d'Autriche à Constantinople, et relatives aux commu-
nications faites récemment à la Porte ottomane par son Excellence M. de
Poiitois^ ambassadeur de Sa Majesté le roi des Français auprès de Sa Hau-
tesse le sultan.
Ainsi que le soussigné a déjà eu l'honneur d'en exprimer la conviction
à M. le secrétaire d'État des affaires étrangères, les renseignements con-
tenus dans ces dépèches, au sujet desdiles communications, sont inexacts,
580 APPENDICE
et M. de Pontois, selon ses instructions, a tenu à Gonstantinople un
langage conforme à celui que le gouvernement du Roi a tenu lui-même h
Paris, et fait tenir, soil à Londres, soit ailleurs, par ses représentants.
Lorsque M. le principal secrétaire d'État de Sa Majesté britannique pour
les affaires étrangères fil au soussigné l'honneur de lui remettre le Me-
morandum du 17 juillet dernier, dans lequel on lisait que « le gouverne-
ment français avait plusieurs fois déclaré que, dans aucun eus, la France
ne s'opposerait aux mesures que les quatre cours, de concert avec le sul-
tan, pourraient juger nécessaires pour obtenir l'assentiment du pacha
d'Egypte, » le soussigné se liâla de faire observer qu'il ne pouvait accep-
ter cette expression dans aucun cas, et qu'il était certain de n'avoir ja-
mais lien dit qui l'autorisât ; " le gouvernement du Roi, » dit-il alors à
M. le secrétaire d'État des affaires étrangèrfs, « ne se fait, à coup sûr,
le champion armé de personne, et ne compromettra jamais, pour Les
seuls intérêts du pacha d'Egypte, la paix et les intérêts de la France. Mais
si les mesures adoptées contre le pacha par les quatre puissances avaient,
aux yeux du gouvernement du Roi, ce caractère ou celte conséquence que
l'équilibre actuel des Élats européens en fût altéré, il ne saurait y consen-
tir; il verrait alors ce qu'il lui conviendrait de faire; et il gardera tou-
jours, à cet égard, sa pleine liberté. »
Le 21 juillet suivant, lorsque le soussigné eut l'honneur de lire et de
remettre à M. le principal secrétaire d'Étal pour les affaires étrangères, la
réponse du gouvernement du Roi au Mémorandum du 17 juillet, celte ré-
ponse, en faisant allusion au désir témoigné par les quatre puissances,
que la France continuât de leur prêter sou concours moral à Alexandrie,
se terminai! par le paragraphe suivant :
« Le concours moral de la France, dans une conduite commune, était
une obligation de sa pail. Il n'en est plus une dans la nouvelle situation
où semblent vouloir la placer les puissances. La France ne peut plus être
mue désormais que parce qu'elle doit à la paix et ce qu'elle se doit à elle-
même. La conduite qu'elle liendra, dans les graves circonstances où les
quatre puissances viennent déplacer l'Europe, dépendra de la solution qui
sera donnée à toutes les questions qu'elle vient d'indiquer. »
El le soussigné, en insistant de tout son pouvoir sur la gravité de la si-
tuation où l'Europe allait entrer, eut Thonneur de répétera M. lepritîcipal
secrétaire. d'État de Sa Majeslé britannique, que « la France y garderait
sa pleine liberté, ayant toujours en vue la paix, le maintien de l'équi-
libre actuel entre les Élats de l'Europe, et le soin de sa dignité et de ses
propres intérêts. »
Le soussigné (!sl autorisé à déclarer, que ces intentions du gouverne-
raeiit du Roi, qu'il a manifestées au moment même où il a eu con;iaissance
de la convention conclue par les quatre puissances, et dans sa réponse
APPENDICE 581
au Mémorandum an 17 juill(;t, sont constamment demeuréps et cleraeurent
conslamm'jnt les mémos; et que ce sont les intentions dont M. dePontois
a été l'interprète auprès de la Sublirae-Porle, en s'eiror(;ant, comme un
ancien et sincère ami, de l'éclairer sur la situation où elle se plaçait, et
sur les périls qui pouvaient en résulter pour elle.
Le soussigné a l'honneur, etc.,
CVlll. — IV'otc de lord Palniorsfon à M. Guizot, en date dn IH «icii-
temhrc 1840 (St rédjvb 12.KS).
Le soussigné, principal secrétaire d'Elat de Sa Majesté pour les aiïaires
étrangères, en se référant k la note qu'il a eu l'iionntur d'adresser, le 16
de ce mois, à M. Guizot, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire
de S. M. le roi des Français auprès de celte cour, afin de communiquer
à Son Excellence la convention du 15 juillet, avec ses annexes, relative-
ment aux affaires de Turquie, a maintenant l'honneur de transmettre à
Son Excellence, pour l'information du gouvernement français, copie du
protocole d'une conférence tenue au Foreing-Oftice par les plénipoten-
tiaires de la Grande-Bretagne, d'Autriche, de Prusse, de Russie et de
Turquie, après l'échange des ratifications de ladite convention. En vertu
de ce protocole, les quatre puissances s'engagent à ne chercher, dans
l'exécution des engagements résultant de la convention susmentionnée,
aucune acquisition territoriale, aucune influence exclusive, aucun avan-
tage commercial pour leurs sujets, que ceux des autres nations ne puissent
également obtenir.
Le gouvernement français verra dans celte déclaration une preuve de
plus du désintéressement qui anime les quatre puissances dans les efforts
qu'elles font pour arranger les affaires de Turquie.
Le soussigné a l'honneur, etc.
CIX. — Dépêche (extrait) de IM. Bulwer â lord Palmer.ston, en date
du 18 septembre 1840 (31 rédjeb \Z'»i%).
J'ai eu deux ou trois visites d'un personnage français qui désire par-
venir à quelque arrangement de la question actuelle, propre, pense-l-il, à
satisfaire toutes les parties. Voici l'idée qu'il a suggérée : une note de la
Turquie, par laquelle elle conjurerait les grandes puissances européennes
de s'abstenir de tout acted'hostilité entre elles, etoflrirait de faire quelques
concessions, si cela pouvait les mettre d'accord pour la défendre toutes
ensemble. Je lui dis que je craignais qu'il ne fût impossible d'essayer de
réaliser ce plan, car, quand même d'autres ditficullés n'existeraient pas,
il y aurait l'obstacle insurmontable du langage de la France, qui a dit
582 APPENDICE
qu'elle n'emploiera jamais la force contre le pacha; et qu'il était clair,
par conséquent, que les concessions que feraient les autres puissances,
afin de s'assurer le concours de la France, devraient être assez larges pour
contenter Méhémet-Ali, et qu'ainsi nous n'aurions fait autre chose que
prendre une voie détournée pour céder h ce personnage, a Mais, » dit-il,
(( si la France consentait h contraindre le pacha, au besoin? >; Alors, lui
répondis-je, nous aurons le temps d'en causer. — Il est venu aujourd'hui
chez moi, et il m'a dit avoir vu M. Thiers, et qu'il est convaincu que le
gouvernement français consentirait, moyennant une légère concession, h
accéder au traité du 15 juillet, et à contraindre le pacha, s'il n'acceptait
pas les conditions qui lui seraient offertes; que le gouvernement français
ne pouvait toutefois faire aucune proposition de cette nature s'il n'était
assez sur qu'elle serait acceplée, mais que, si je lui disais qu'elle le sera,
il s'engageait à ce qu'elle soit faite.
Désirant ra'assurer si le plan auquel il faisait allusion était celui qu'of-
frait maintenant Méhémet-Ali, ou plus que cela, je lui dis que, suivant
mon avis, le gouvernement de Sa Majesté ne consentira pas à ce dont
nous parlions. « Je vous dis franchement, » me dit-il, « que je crois
que quelque chose de moins pourrait être donné par voix de compromis. »
— « Quoi? le pachalik de Tripoli? » dis-je. — « Oui, » dit-il, « je crois
que le pachalik de Tripoli suffira. »
Comme je sais qu'il a vu plusieurs ministres, et M. Thiers deux fois,
dans l'intervalle de ce peu de jours, je désire faire connaître à Votre Sei-
gneurie le résumé de ce qui s'est passé entre nous.
ex. — Note de lord PaTmerston à M. Giiizot, en date du 2% sep-
tembre 1840 (35 rcdjcb 1356).
Le soussigné, principal secrétaire d'État de Sa Majesté pour les affaires
étrangères, a eu l'honneur de recevoir la note que M. Guizot, ambassa-
deur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. le roi des Français près
celte cour, lui a adressée en date du 18 de ce mois, en réponse l\ la note
du 9, par laquelle le soussigné a transmis à M. Guizot des extraits de dé-
pêches de Constantinople, relatifs à des communications faites par M. de
Pontois et le minisire turc, Réchid-Pacha.
En se référant au passage de la noie de M. Guizot, oh Son Excellence
récapitule ce qu'elle a dit au soussigné au sujet du terme «dans aucun cas)^
employé dans le mémorandum du 15 juillet, le soussigné a l'honneur de
lui faire observer que, en réponse à la remarque faite par M. Guizot, il
avait expliqué alors k Son Excellence, ce qu'il saisit l'occasion de répéter,
que le terme dont il s'agit n'avait nullement cette signification : que la
France s'était engagée h consentir à des mesurea ou à des ariangeraenls
APPENDICE 583
pouvant «altérer l'équilibre actuel des états furopéons. » Le passage y
relalil' du memorundmi se rap])(>rii) unif|ii('n>enl aux uiesures (k c()i';rcilion
nécessaires pour la réalisaliuii dos arraiigeuienls sli])ulés dans le traité, el
ces arrangements sont laits pour maintenir, el non pas pour altérer l'équi-
libre des états européens.
Le soussigné a l'honneur, etc.
C\t. -Tf li^ttre <lc Ifl. Ciulzut au duo «le llroglio, en date du
as septeuilitc I840 («<> rédjcb 1«5U),
La situation devient grave. Je veux vous dire ce que je pense, loul co
que je pense. Je ne connais pas bien l'état des esprits en France. Je ne
puis apprécier ce qu'il commande ou permet au gouvernement. Mais à ne
considérer que les choses en elles-mêmes, j'ai un avis, et nous touchons
peut-être à l'un de ces moments où c'est un devoir impérieux de n'agir
que selon son propre avis.
Pepnis l'origine des négociations, le thème de notre politique a été
celui-ci: — « Nous n'avons en Orient qu'un seul intéiêt, un seul désir,
le môme que celui de l'Angleterre, de l'Aulriclie, de la Prusse. Nous vou-
lons l'intégrité et l'indépendance de l'empire ottoman. Nous repoussons
tout accroissement de territoire qu d'influence au profit de toute puissance
européenne. Dans l'intérieur de l'empire ottoman, entre les musulmans,
entre le sultan el le pacha d'Egypte, la répartition des territoires nous
touche peu. Si le sultan possédait Ui Syrie, nous dirions : « Qu'il la garde. »)
Si le pacha consent à la lendre, nous dirons ;« Soit. » C'est là, selon nous,
une petite question. Mais si on tente de résoudre cette j)elile question par
la force , c'est-à-dire do chasser le pacha de la Syrie, aussitôt s'élèveront
les grandes questloqs dopt l'Orient peut devenir le théâtre. Le pacha
résistera. Il résistera à tout risque, au risque de la ruine de l'empire
ottoman, ^i du sa propre ruine. Sa vésistance amènera les puissances
chrétiennes, et ^u-dessus de toutes, la Russie, an sein de l'emnireottoman,
chance imminente que cet empire soit mis en pièces et l'Europe en feu,
Nous ne voulons pas de cette chance. C'est pourquoi nous voulons entre
le sultan et le pacha une transaction qui soit acceptée des deux parts, et
qui maintienne en Orient la paix, seul gage de l'indépençiunce (le l'eni-.
pire ptloman, par conséquent de la paix de l'J^urope.
i\ ce thème de la politique française , lord Palmerston a opposé
celui-ci :
La paix n'est pas possible en Orient, tant que le pacha d'I^gyple possé^
dera la Syrie. Il est trop fort et le sultan trop faible. Il faut que la Syrie
retourne au sultan. L'intégrité et l'indépendance de l'empire ottoman
soiU à çe \}ï'\l'. ^i IP iHiQhii U8 Ye^l |)as mm^ la ^yn^i il n'y '^ point de
58i APPEINinCE
danger à employer la force pour la lui ôter. Au dernier moment, le pacha
cédera ou résistera peu. Quand même il résisterait, le danger ne naîtrait
point; les puissances européennes sont bien assez fortes pour chasser le
pacha de la Syrie. Aucune d'elles ne veut rien de plus. La Russie elle-
même ajourne son ancienne politique. Elle renonce au protectorat exclu-
sif qu'en fait elle exerçait sur la Porte, et que, par le traité d'Unkiar-Ské-
lessi, elle avait tenté d'ériger en droit. Elle consent à le voir remplacé
par un protectorat européen. Ainsi, pour l'empire ottoman, la Syrie est
une question vitale. Pour l'Europe, aucune question redoutable ne s'élè-
vera à côté de celle-ci. D'une part, il y a nécessité d'employer la force ;
de l'autre, il n'y a, dans l'emploi de la force, aucun danger.
Entre ces deux politiques, plusieurs transactions ont été tentées :
1° Tentative française. L'Egypte et la Syrie appartiendront héréditaire-
ment au pacha. L'Arabie, Candie et le district d'Adana seront restitués au
sultan. 2° Tentative anglaise. Le pacha aura l'Egypte héréditairement, et
la plus grande partie du pachalik de Saint-Jean d'Acre, y compris cette
place, viagèrement. Il rendra tout le reste. 3° Ouverture autrichienne. Le
pacha aura l'Egypte héréditairement et la Syrie^viagèrement. Il rendra
l'Arabie, Candie et Adana.
Toutes ces tentatives ont échoué î 1° parce que la France, fidèle à son
fhèrae, a toujours refusé de donner formellement, à ces transactions, la
sanction de la coercition, en cas de refus de pacha ; 2" parce que lord
Palmerston, fidèle aussi à son thème, a toujours refusé de laisser au
pacha la Syrie.
Pour avoir des chances de succès, l'ouverture de l'Autriche aurait eu
besoin, d'abord d'être vivement poussée par l'Autriche et la Prusse d'une
part, par la France de l'autre, ensuite d'être sanctionnée par la coercition
unanime en cas de refus du pacha. Ces deux conditions lui ont également
manqué.
Pendant le cours de ces essais de transaction, un double travail se pour-
suivait; 1° En Orient par la France, pour amener, sans le concours des
autres puissances, un arrangement direct entre le sultan et le pacha; 2" à
Londres, par lord Palmerston, pour amener, en laissant la France en de-
hors, un arrangement à quatre qui assurât, par la force, la restitution de
la Syrie au sultan.
L'explosion de la tentative d'arrangement direct entre le sultan et le
pacha, coïncidant avec l'insurrection de la Syrie contre le pacha, a décidé
la conclusion de l'arrangement entre les quatre puissances, et la signature
de la convention du 15 juillet,
La convention du 15 juillet, c'est le thème de lord Palmerston mis en
pratique, rien de moins, rien de plus. Il n'y a là point de coalition géné-
rale et permanente contre la France, sa révolution^ son gouvernement.
APPENDICE 585
Ce n'est point la résurrection de la Sainte-Alliance. Il n'y a point de
rapprochement et de concert entre des ambitions naguère rivales. Ce
n'est point une préface au partage de l'empire ottoman.
Non-seulement il n'y a, en fait, rien de cela dans la convention du
15 juillet, mais rien de seuddable non plus en intention, et si, dans l'état
actuel des choses, l'une des quatre puissances essayait d'y mettre ou d'en
faire sortir cela, l'alliance se dissoudrait.
Il y a, dans la convention du 15 juillet :
Pour V Angleterre : 1° L'alTaiblissement du pacha d'Egypte, vassal Irop
puissant de la Porte, ami trop puissant de la France; 2" l'abolition du
protectorat exclusif de la Russie sur la Porte, c'est-à-dire la Porte forti-
fiée, la Russie et la France contenues ;
Pour r Autriche et la Prusse: Les mêmes résultats que pour l'Angle-
terre; plus une alliance de ces deux puissances avec l'Angleterre, ce qui
amène quelque aftaiblissement de la Russie ;
Pour la Russie enfin : L'ajournement de son ambition et le sacrifice de
sa dignité en Orient; mais en revanche : 1" la séparation de la France et
de l'Angleterre ; 2° le terme des engagements périlleux qu'elle avait con-
tractés par le traité d'Unkiar-Skélessi ; 3" tout cela sans perte réelle de la
position et de l'avenir russes envers la Porte, probablement même avec un
affaiblissement général des musulmans.
La convention du 15 juillet, ainsi rendue à son vrai sens pour les quatre
puissances qui l'ont signée, qu'y a-t-il, pour la France, soit dans la con-
vention même, soit dans la façon dont elle a été conclue?
Il y a une offense et des dangers.
Pour conclure la convention, on s'est caché de la France. Puis, on s'est
excusé, en disant que la France aussi s'était cachée des quatre puissances
pour tenter défaire conclure, entre le sultan et le pacha, un arrangement
direct. C'est là un mauvais procédé ; mais ce n'est pas l'offense réelle.
L'offense réelle, c'est le peu de compte que l'Angleterre a tenu de
l'alliance française. Elle l'a risquée, elle l'a sacrifiée pour un intérêt très-
secondaire, le retrait immédiat de la Syrie au pacha. La France proposait
le statu quo. L'alliance française valait bien pour l'Angleterre l'ajourne-
ment, jusqu'à la mort du pacha, des plans de lord Palmerslnn, sur
l'Orient.
Les dangers du traité sont ceux que la France, depuis l'origine des
négociations, n'a cessé de signaler : 1" la résistance obstinée du pacha ;
2" l'ébranlement, peut-être le bouleversement de l'empire ottoman ; 3°
les quatre puissances entraînées au delà de leur but par la nature des
moyens qu'elles seront forcées d'employer, et toutes les grandes ques-
tions, tous les événements auxquels peut donner lieu leur intervention
armée dans l'empire ottoman, s'élevant tout à coup à propos de la petite
586 appendice;
question de la Syrie. Voilh ce qu'il y a, pour nous, dans la convention du
15 jiiilleî. Voilà les motifs, qui ont déterminé notre altitude et nos
préparatifs; motifs, à coup si^ir, très-légitimes et suffisants. On a bien
légèrement renoncé à notre intimité. On a bien légèrement ouvert en
Europe des chances redoutables. Nous avons ressenti l'offense et pourvu
au danger. Maintenant la convention s'exécute. Elle s'exécute sérieuse-
ment, dans son but avoué. Quelle conduite prescrivent au gouvernement
français, d'abord l'intérêt national, ensuite la politique qu'il a constam-
ment exprimée et soutenue dans le cours de l'affaire?
La France doit-elle faire la guerre pour conserver la Syrie au pacha
d'Egypte?
Evidemment, ce n'est pas là un intérêt assez grand pour devenir uncas
de guerre, La France, qiii n'a pas fait la guerre pour affranchir la Polo-
gne de la Russie et l'Italie de l'Autriche, ne peut raisonnablement la
faire pour que la Syrie soit aux mains du pacha et non du sultan.
La guerre serait ou orientale et maritime, ou continentale et générale.
Maritime , l'inégalité des forces , des dommages et des périls est
incontestable. Continentale et générale, la France ne pourrait soutenir la
guerre qu'en la rendant révolutionnaire, c'est-à-dire en abandonnant la
politique honnête, sage et utile qu'elle a suivie depuis 1830, et en transfor-:
niant elle-même l'aliiance des quatre puissances en coalition ennemie.
L'inléièt de la France ne lui conseille donc point de faire, de la ques-
tion de Syrie, un cas de guerre.
La politique jusqu'ici exprimée et soutenue par la France, quaiH à
l'Orient, ne le lui permet pas. Nous avons hautement et constamment dit
que la distribution des territoires entre le sultan et le pacha nous impor-
tait peu ; que si le pacha voulait rendre au sultan la Syrie, nous n'y objec-^
tions ])oint ; que la prévoyance de son refus, de sa résistance, et des pérjla
qui en devaient naître pour l'empire ottoman et la paix de l'Europe, était
le motif do notre opposition aux moyens de coercition. En faisant la
guerre pour conserver au pacha la Syrie, nous nous donnerions à
nous-mêmes un éclatant démenti, un de ces démentis qui affaiblissent en
décriant.
Est-ce à dire que la France n'ait rien à faire que d'assister, l'arme &\\
bras, à l'exécution de la convention du 15 juillet, et que son langage,
son attitude, ses préparatifs, doivent rester, en tous cas, une pure
démonstration ?
Certainement non.
Si le pacha résiste, et que les mesures de coercition employées par les
quatre puissances se compliquent et se prolongent, alors ce que la France
a annoncé peut se réaliser. La question de Syrie peut soulever d'autres
questions. La guerre peut naître spontanément, nécessairement, par
APPENDICE 587
quelque incident imprévu, au milieu d'une situation périlleuse et tendue.
Si la guerne naît de la sorte, non par la volonté et le l'ait de la France,
mais par suite d'une situation que la France n'a point créée, la France
doit accepter la guerre. D'ici là, elle doit se tenir prête h l'accepter,
Il se peut aussi, et c'est, h mon avis, la chance la plus probable, que,
dans le cours des mesures de coercition tentées en vertu du traité du 15
juillet, les quatre puissances soient amenées h. intervenir dans l'enipire
ottoman d'une façon qui oblige la France à y paraître elle-même, non
pour faire la guerre k la Porte, ni aux quatre puissances, mais pour pren-
dre elle-même, dans l'intérêt de sa dignité et de l'avenir, des sûretés,
des garanties. Si des armées européennes entraient en Asie, si
des forces européennes s'établissaient sur tel ou tel point de l'empire
ottoman, soit de la côte, soit de l'intérieur, si des troupes russes occu-
paient Conslantinople et des flottes anglaises et russes la mer de Mar-
mara, dans ces divers cas et dans tel autre qu'on ne saurait déterminer
d'avance, la France pourrait et devrait peut-être intervenir, à son
tour, sur le théâtre des événements, et y faire acte de présence. Quels
seraient ces actes ? On ne peut pas, on ne doit pas le dire d'avance, pas
plus que les cas auxquels ils correspondraient ; tout ce qu'on peut dire,
c'est que la France doit être décidée et prête h les accomplir. La
guerre pourrait naître de ces actes ; elle serait alors inévitable et légitime.
Je penche à croire qu'elle n'en naîtrait pas, et que les quatre puisances,
h leur tour, supporteraient beaucoup de la part de la France plutôt que
d'entrer en guerre avec elle, quand elle aurait fait preuve à la fois de mo-
dération et (le vigueur.
Voilà, mon cher ami, après mûre réflexion, la seule conduite qui me
paraisse prudente, conséquente et digne, j'ajouterai loyale. J'ai été sur
le point d'écrire cela à M. Thiers lui-même, J'y ai renoncé. Je ne veux
pas qu'il puisse me supposer la prétention de lui dicter sa politiqi<e, ou
quelque préméditation de séparation. Mais, d'une part, je désire qu'il
sache bien ce que je pense ; de l'autre, j'ai besoin de savoir moi-môme
où il en est, et s'il se propose de marcher dans cette ligne-là ; car, pour
mon compte, je n'en pourrais suivre une autre. C'est à vous que je
m'adresse pour être édifié à ce sujet, bien sùv que vous comprendrez
l'importance que j'y attache. Vous pouvez faire de ma lettre tel usage que
vous voudrez, soit la montrer, soit la garder pour vous seul, selon ce qui
vous paraîtra bon. Je m'en rapporte à vous pour faire arriver, comme il
convient, la vérité que je dis, et pour lu'envoyer celle que je demande.
exil. — Lettre du due de Broglic à y%. Giiizot , en date du 1" oc-
tobre 1840(4 ehùlian tS.ïU).
Il est avéré désormais pour tout le ruonde, et lord Palmerslon en con-
588 APPENDICE
vient lui-même, que l'envoi de M. Walewski a eu pour objet d'obtenir des
concessions du pacha, et non de le pousser à une résistance aveugle et
opinâtre. Il est avéré pour tout le monde que le résultat de notre inter-
vention à Alexandrie a été, non de réduire, mais d'augmenter ces conces-
sions. La limite en est atteinte, du moins quant h la France et à ses efforts.
Elle ne prendra plus l'initiative pour demander au pacha de nouveaux
sacrifices; elle trouve le terrain pris, d'après ses conseils, sacre et conci-
liant ; pourvu que le pacha s'y contienne, pourvu qu'il se garde de faire
une pointe au delà du Taurus, pourvu qu'il se borne à concentrer ses trou-
pes sur le littoral de la Syrie et à défendre sa position actuelle, il peut
compter sur l'approbation et sur les bons otïices de la France, sans pré-
judice des déterminations ultérieures auxquelles certaines éventualités
pourraient la porter, dans son propre intérêt, mais sans aucun engage-
ment direct ou indirect, pour aucun cas quelconque. C'est là la substance
d'une dépêche envoyée à M. Cochelet. La même déclaration a été faite
aux ambassadeurs. Son but est, dans le cas où le pacha jugerait à propos
de tout céder, de lui en laisser la responsabilité. Je trouve cela, pour ma
part, raisonnable et digne. Cela est d'ailleurs conséquent; nous avons
refusé notre appui moral au traité du 15 juillet, en nous réservant d'agir
ainsi qu'il nous paraîtrait sage et convenable ; demander au pacha plus
que ce qu'il concède aujourd'hui, ce serait lui demander d'adhérer au
traité du 15 juillet. Qu'il le fasse, s'il le juge h propos ; mais ce n'est pas
à nous de l'y pousser.
Cela posé, qu'y a-t-il à faire ?
Trois choses, à ce qu'il me semble :
1° Reculer, autant qu'il sera possible, la convocation des Chambres ;
éviter, autant que possible, d'être poussé, bon gré mal gré, à des engage-
ments de tribune ; gagner du temps ;
2° Accueillir sans hauteur, sans humeur, mais aussi sans duperie, les
ouvertures qui pourraient nous être faites à la suite des propositions du
pacha, de quelque part qu'elles viennent; les discuter pour ce qu'elles
peuvent valoir, et ne repousser péremptoirement qne les offres, directes
ou détournées, d'adhérer au traité du 15 juillet. 11 y a malheureusement,
quant ci présent et jusqu'à ce que l'impuissance de ce traité ait été démon-
trée par les faits, très -peu à espérer de ces ouvertures : supposé, ce qui
est douteux, qu'il nous en soit fait. Entre le traité et les propositions du
pacha, il n'y a point de marge réelle, point d'intermédiaire véritable.
Nous ne pouvons adhérer au traité. La Prusse et l'Autriche môme accepte-
raient peut-être les propositions; mais ni l'une ni l'autre n'ont réellement
voix au chapitre. La présomption hautaine de celui qui dispose en maître
du cabinet anglais ne lui permettra pas de céder; et la Russie, qui perd
toute position politique si la France et l'Angleterre se réconcilient, qui
APPENDICE 589
a tout sacrifié pour amener la rupture, tout joué sur celte carte, la Russie
ne se prêtera probablement à rien. Quoi qu'il en soit, encore un coup,
attendre et ne rien rejeter sans discussion, ne montrer ni irritation ni dé-
pit, et s'il y a moyen de traiter, saisir l'occasion ;
3" Enfin continuer avec ardeur et persévérance les préparatifs d'arme-
mement, n'en point faire étalage, mais ne rien suspendre et ne rien
négliger, pousser ces préparatifs quant au personnel, jusqu'aux limites
légales, quant au matériel et aux forliftcallûns, jusqu'aux limites du possi-
ble. Être en position, le moment venu, de n'avoir plus à demander aux
chambres qu'une augnienlaiion de personnel k verser dans des cadres
déjii posés et la ratification de ce qui a été fait sans elles. Gela est de la
dernière importance; (luelle que soit l'issue de tout ceci, il faut que la
France en tire un armement conq)let, que l'imprévoyance de gouverne-
ment représentatif ne permet d'obtenir que dans les moments d'urgence
et d'appréhension.
Qu'arrivera-t-il en définitive?
Personne ne peut le dire d'avance ; mais on peut du moins, selon la
méthode que les mathématiciens nomment méthode exhaustive, poser un
certain nombre d'alternatives entre lesquelles la solution doit nécessai-
rement se trouver.
Le pacha fera-t-il une pointe sur Gonstantinople, et amènera-t-il par là
un casus fœderis qui dégénérerait, selon toute apparence, en casus
belli? C'est une chance qui paraît peu probable ; soit que les concessions
obtenues de lui proviennent de sa faiblesse ou de sa raison, elles écar-
tent, du moins quant à présent, celte appréhension.
Cédera-t-il tout?
M. Thiers ne le craint pas. J'avoue que, quant h moi, je n'en serais
nullement étonné. Si cela arrive, nous n'y pouvons rien. La précaution
prise par la dépèche dont je vous parlais en commençant, est notre seule
sauvegarde; mais il est clair que nous ne ferons pas la guerre pour lui
reconquérir ce qu'il lui plaira d'abandonner.
Résistera-t-il avec avantage? Réussira-t-il à garder le littoral , à jeter
dans la mer quiconque débarquerait?
C'est là notre belle carte ; c'est celle sur laquelle nous avons mis à la
loterie. Si le numéro sort, tout ira bien. Si le traité est convaincu d'im-
puissance et que les alliés soient mis en demeure d'en conclure un autre
qui livre décidément la Turquie à la Russie, nous aurons beau jeu, soit à
Berlin, soit à Vienne, soit même dans le bein du cabinet anglais, pour en
prévenir l'adoption.
Reste enfin, et malheureusement c'est ici l'hypothèse la plus vraisem-
blable, reste que le pacha résiste à grand'peine, et qu'il s'engage, entre
lui et les alliés, une lutte prolongée qui le menace de sa ruine.
590 APPENDICE
Si cela arrive, logiquement, nous serions tenus de rester spectateurs
impassibles; pratiquement, il est possible que la position devienne inte-
nable, que l'honneur, que le mouvement de l'opinion nous forcent d'in-
tervenir.
Sous quelle forme, en quel sens, dans quelle mesure, à propos de quelle
circonstance celle intervention aurait-elle lieu? 11 est impossible de le
dire d'avance ; ce qui importe, c'est de tenir la position aussi longtemps
qu'elle sera tenable, et de ne rien faire qui puisse la compromettre d priori
et de dessein prémédité.
Ainsi, par exemple, il importe de tenir notre flotte ensemble, de ne
point l'éparpiller, de la maintenir à une distance suffisante du théâtre des
hostilités, de ne se livrer à aucune demi-mesure, à aucune de ces inter-
ventions de détail qui ne portent aucun fruit décisif et qui engagent sans
secourir.
L'avantage d'une position isolée, au milieu de ses inconvénients, c'est
de ne dépendre de personne, de faire ce que l'on fait, rien de moins, rien
de plus, et d'avoir, jusqu'au dernier moment, le choix du parti qu'on
prendra. L'avantage particulier de la France, dans la position actuelle,
c'est que, s'il y a guerre, on ne la lui fera pas, c'est elle qui la fera. Une
faut perdre ni l'un ni l'autre de ces deux avantages, en se mettant à la
merci des accidents et des amiraux. Ainsi, comme premier plan de con-
duite, n'envoyer la flotte sur le théâtre des hostilités qu'avec des instruc-
tions positives, pour faire ou pour interdire quelque chose de précis et de
défini; et se réserver par là,aubesoin,de commencer l'intervention quand
et comme on voudra, de la commencer par une sommation à la Prusse et
à l'Autriche et par une menace de leurs frontières, si c'est alors le moyen
qui paraît le meilleur; en un mot, rester dans une expectative armée,
mais immobile, jusqu'au moment où l'on croira devoir en sortir par
quelque acte énergique et prémédité, voilà ce que la prudence semble
commander.
Et non-seulement c'est là la conduite prudente, mais c'est là la con-
duite honnête. Il s'agit en effet d'engager une lutte terrible et d'où dépend
le sort du pays ; il est juste et honnêie qu'il en ait le choix.
Il ne faut pas que le roi et le pays se réveillent un beau matin en guerre
avec l'Europe par suite d'un i^ialentendu, d'une élourderie ou d'une bra-
vade. Quand le moment sera venu, s'il doit venir, il faut que le roi et le
pays en délibèrent ; s'ils jugent que le cabinet a tort de croire l'honneur
de la France compromis par une plus longue inaction, le cabinet se reti-
rera, et d'autres suivront une politique conforme à leur opinion. Si le
roi et le pays sont de l'avis du cabinet, alors, mais alors seulement, il
faudra prendre son parti. Prétendre soutenir une telle lutte sans avoir,
de cœur et d'enthousiasme, le roi et le pays avec soi, ce serait folie.
APPENDICE !)9l
Voilà, mon cher ami, le résultat de nos conversations. Je vous le trans-
mets, tout en sachant bien que les événements disposent des esprits et
des volontés, et que ce qui paraît le meilleur peut, ii l'épreuve, être bien
déconcerté.
Ceci était le résumé fidèle du point où nous étions avant-hier soir.
Hier malin, la nouvelle du bombaidoment de Heyroulh est ariivée. Ce
n'est rien de plus que ce h quoi l'on devait s'alleiulrc ; mais l'émoi est
grand, et Dieu veuille qu'on ne se lance pas dans des résolutions préci-
pitées. J'y ferai de mon mieux. Il y a eu, dans la journée, un conseil qui
n'a abouti à rien. On a parlé de convoquer les Chambres, On a parlé
d'envoyer la flotte pour protéger, par sa présence, Alexandrie, en lais-
sant tout le reste suivre son cours naturel. Les opinions ont été divisées,
et déjli, la seconde dépêche télégraphique étant plus tranquille que la
première, il y a de la détente. Je vous tiendrai au courant.
CXIII. — Dépêche da ministre des afTairos étrangères (Thiers) à
M. Gnizot, en date da 3 octobre 1840 (O châlian 125«).
M. l'ambassadeur, vous avez eu connaissance de la dépêche que lord
Palraerston a écrite à M. Buhver, pour expliquer la conduite du gouver-
nement britannique dans l'importante négociation qui s'est terminée par le
traité du 15 juillet. Cette dépêche, dont je me plais à reconnaître que le
ton est parfaitement convenable et modéré, contient cependant des asser-
tions et des raisonnements qu'il est impossible au gouvernement du Roi
de laisser établir. Sans doute, pour ne pas aggraver une situation déjii si
menaçante, il vaudrait mieux laisser le passé dans l'oubli, et ne pas
revenir sur des contestations trop souvent renouvelées ; mais, outre que
lord Palmerston aurait droit de. trouver mauvais que sa communication
restât sans réponse, il importe de représenter, dans sa vérité, la conduite
respective de chaque cour, pendant celte négociiition. La dépêclic de
lord Palmerston, communiquée Ji toutes les légations sous la forme d'exem-
plaires imprimés, est déjà, devenue publique. Il était donc indispensa-
ble d'y faire une réponse. Celle que je vous envoie, et dont je souhaite
que le cabinet britannique ne croie pas avoir à se plaindre, donnera aux
faits qui se sont passés entre les divers cabinets le sens véritable qu'ils
nous semblent avoir. Vous voudrez bien en laisser copie au secrétaire
d'État de Sa Majesté britannique.
Si j'ai bien saisi l'ensemble de l'exposé par lord Palmerston, on pour-
rait le résumer comme il suit :
« La Grande Bretagne, co:nplètement désintéressée dans la question
d'Orient n'a poursuivi qu'un seul but: c'est l'indépendance et l'intégrité
de l'empire ottoman. C'est ce but qu'elle a proposé à toutes les cours,
592 APPENDICE
qu'elles ont toutes adopté, qu'elles ont toutes poursuivi, la France comme
les autres. Dans ce but, il fallait réduire à de moindres proportions les
prétentions démesurées du vice-roi d'Egypte, il fallait éloigner le plus
possible du Taurus les possessions et les armées de cet ambitieux vas-
sal. Ce qu'il y avait de mieux, c'était de mettre le désert entre le sultan
et le pacha, c'était de réduire Méhémet-Ali à l'Egypte, et de rendre la
Syrie au sultan Abdul-Medjid. Le désert de Syrie aurait alors servi de
barrière entre les deux états, et rassuré l'empire ottoman, et l'Europe,
intéressée au salut de cet empire, contre l'ambition de la famille
Egyptienne.
« C'est toujours là ce que l'Angleterre a proclamé à toutes les époques
de la négociation. La France, par la note collective signée à Constanti-
nople, le 27 juillet 1839, par une circulaire adressée le 17 du même
mois h toutes les cours, la France avait semblé adhérer au principe com-
mun, en proclamant d'une manière aussi absolue que les autres cabinets,
l'indépendance de l'empire ottoman.
«Cependant, elle s'est ensuite éloignée de ce principe, en demandant,
au profit du vice-roi, un démembrement de l'empire, incompatible avec
son existence. Dans le désir de s'assurer le concours de la France, les
quatre cabinets, signataires du 15 juillet, ont fait auprès d'elle des ins-
tances réitérées pour l'amener à leurs vues. Ils lui ont même fait des
sacrifices considérables, car ils ont ajouté à l'Egypte, héréditairement con-
cédée, le pachalik d'Acre, moins la place de ce nom ; et ensuite ils ont
consenti à y joindre la place elle-même ; mais tous ces sacrifices sont
demeurés inutiles ; la France a persisté à s'éloigner du principe que les
cinq cabinets avaient cru devoir proclamer en commun.
« Les autres cours n'ont pas pu la suivre dans cette voie. Quelque dé-
sir qu'elles éprouvassent de s'assurer son concours, elles ont diî enfin se
séparer d'elle, et signer un acte qui ne doit pas la surprendre, car elle
avait été plus d'une fois avertie que, si on ne parvenait pas à s'entendre,
il faudrait bien finir par résoudre à quatre la question qu'on ne pouvait
résoudre à cinq. Quatre.cabinets, étant d'accord sur une question de la
plus haute impoi'tance, ne pouvaient pas indéfiniment accorder ci un cin-
quième le sacrifice de leurs vues et de leurs intentions parfaitement
désintéressées. En effet, lord Palraerston avait soigneusement répété à
l'ambassadeur de France, que la proposition contenue depuis dans le
traité du 15 juillet, était son uUnnatum, et que cette proposition refusée,
il n'en ferait plus d'autre. Il a bien fallu passer outre, et ne pas laisser
périr l'empire ottoman ])ar de trop longues hésitations. Les quatre cours
ne sauraient être accusées d'avoir voulu offenser la France en cette occa-
sion.
«D'ailleurs, en agissant ainsi, les quatre cabinets se rappelaient que la
APPENDICE 593
France avait, au mois de septembre 1839, par l'organe de son ambassa-
deur à Londres, proposé un plan d'arrangement fondé, à peu de choses
près, sur les mêmes bases que le traité du 15 juillet; que plus tard, en
combattant le projet présenté par l'Angleterre, elle avait reconnu que,
sauf la difliculté et le danger des moyens d'exécution, il serait incontesta-
blement préférable à tout autre; qu'enfin, en toute occasion, elle avait
manifesté l'intention de ne mettre aucun obstacle à ses moyens d'exécu-
tion. Ils devaient donc penser que si, pour des considérations particulières,
elle refusait de se joindre à eux pour contraindre Méhémet-Ali par la
force, elle ne mettrait du moins aucun obstacle Meurs efforts, que même
elle les seconderait par l'emploi de son influence morale à Alexandrie.
Les quatre cabinets espèrent encore que, lorsque le traité du 15 juillet
aura reçu son accomplissement, la France se joindra de nouveau à eux
pour assurer d'une manière définitive le maintien de l'empire ottoman. »
Telle est, si je ne me trompe, l'analyse exacte et rigoureuse de l'exposé
que lord Palmerston et les quatre cours en général ne cessent de faire des
négociations auxquelles a donné lieu la question turco-égyptienne.
D'après cet exposé, la France aurait été inconséquente;
Elle aurait voulu, et ne voudrait plus, l'intégrité et l'indépendance de
l'empire ottoman ;
Les quatre cours auraient fait des sacrifices réitérés à ses vues ;
Elles auraient fini par lui présenter un ultimatum fondé sur une an-
cienne proposition de son propre ambassadeur ;
Elles n'auraient passé outre qu'après cet ultimatum refusé;
Elles auraient droit d'être surprises de la manière dont la France a
accueilli le traité du 15 juillet, car, d'après ses propres déclarations, on
aurait dû s'attendre qu'elle donnerait à ce traité plus qu'une adhésion
passive, et au moins son influence morale.
Le récit exact des faits répondra complètement à cette manière de pré-
senter les négociations.
Lorsque la Porte, marconseillée, renouvela ses hostilités contre le vice-
roi, et perdit à la fois son armée de terre et sa flotte, lorsqu'à toutes ces
pertes se joignit la mort du sultan Mahmoud, quelle fut la crainte de
l'Angleterre et de la France, alors toutes deux parfaitement unies? Leur
crainte fut de voir Ibrahim, victorieux, franchir le Taurus, menacer
Constantinople, et amener à l'instant même les Russes dans la capitale
de l'empire ottoman. Tout ce qu'il y a en Europe d'esprits éclairés s'as-
socia à cette inquiétude.
Quelles furent à ce sujet les propositions de lord Palmerston? Une pre-
mière fois, en son nom personnel, une seconde fois, au nom de son cabi-
net, il proposa à la France de réunir deux flottes, l'une anglaise, l'autre
française, de les diriger vers les côtes de la Syrie, d'adresser une som-
T. i[. «^8
594 APPENDICE
mation aux deux parties belligérantes, afin deles obliger à suspendre les
hostilités ; d'appuyer cette sommation par les moyens luarilimes ; puis,
de réunir les deux flottes, et de demander à la Porte l'entrée des Darda-
nelles, ou même de forcer ce célèbre passage, si la lutte entre le Pacha
et le Sultan avait amené les Russes à Constantinople.
Ce que l'Angleterre, et, avec elle, tous les politiques prévoyants en-
tendaient alors par l'intégrité et l'indépendance de l'Empire Ottoman,
c'était donc de le préserver de la protection exclusive des armées russes ;
et, pour prévenir le cas de cette protection, d'empêcher le vice-roi de
marcher sur Constantinople.
La France entra pleinement dans cette pensée. Elle employa son in-
fluence auprès deMéhémet-Ali et de son fils pour arrêter l'armée égyp-
tienne victorieuse; elle y réussit; et, pour parer au danger plus sérieux
de voiries armées russes à Constantinople, elle pensa qu'avant de forcer
les Dardanelles, il convenait de demander h la Porte son consentement
à l'entrée des deux flottes, dans le cas où un corps de troupes russes au-
rait franchi le Bosphore.
L'Angleterre accéda à ces propositions, et les deux cabinets furent par-
faitement d'accord. Les mots d'indépendance et d'intégrité de l'empire ot-
toman ne signifiaient pas alors, on ne saurait trop le faire remarquer,
qu'on enlèverait à Méhémet-Ali telle ou telle partie des territoires qu'il
occupait, mais qu'on l'empêcherait de marcher sur la capitale de l'em-
pire, et d'attirer par la présence des soldats égyptiens la présence des sol-
dats russes.
Le secrétaire d'Etat de Sa Majesté britannique, s'entretenant à ce sujet
avec M. de Bourqueney, le 25 mai et le 20 juin, reconnaissait qu'il y avait
en France et en Angleterre une opinion en faveur de la famille Egyptienne;
qu'en France cette opinion était beaucoup plus générale ; que, par suite,
le gouvernement français devait être beaucoup plus favorable que le gou-
vernement anglais à Méhémet-Ali ; que c'était là sans doute une difficulté
de la situation ; mais que c'était une considération secondaire ; qu'une
considération supérieure devait dominer toutes les autres : c'était le be-
soin de sauver l'empire ottoman d'une protection exclusive, et tôt ou tard
mortelle pour lui, si la France et l'Angleterre ne s'entendaient pas.
La France partageait ces idées. Sa politique tendait conséquemment à
un double but, celui d'arrêter le vice-roi, lorsque, de vassal puissant mais
soumis, il passerait au rôle de vassal insoumis et menaçant le trône de son
maître; et de substituer à la protection exclusive d'une puissance, celle
des cinq puissances prépondérantes en Europe.
C'est dans ces vues qu'elle signa en commun la note du 27 juillet, note
tendant à placer la protection des cinq cours entre le sultan vaincu et le
pacha victorieux; c'est dans ce sens qu'elle adressa, le 17 juillet, une cir-
APPENDICE 595
ciilaire îi toutes les cours, pour provoquer une profession commune de
respect pour l'intégrité de l'empire ottoman. C'est dans ces vues qu'elle
proposa la première d'associer l'Autriche, la Prusse, et la Russie elle-
même, k toutes les résolutions relatives h la question turco-égyptienne.
Lord Palmerstoii se rappellera sans doute qu'il était moins disposé que
la France à provoquer ce concours général des cinq puissances ; et le
cabinet français ne peut que se souvenir avec un vif regret, en comparant
le temps d'alors au temps d'aujourd'hui, que c'était sur la France surtout
que le cabinet anglais croyait pouvoir compter pour assurer le salut de
l'empire turc.
Personne n'était disposé à croire alors que l'intégrité de l'Empireotto-
raan consistât dans la limite qui séparerait en Syrie les possessions du
sultan et du vice-roi. Tout le monde la faisait consister dans un double
fait : empêcher Ibrahim de menacer la capitale, et dispenser les Russes
de la secourir. La France partageait, avec tous les cabinets, cette croyance
à laquelle elle est restée fidèle.
L'Autriche et la Prusse adhérèrent aux vues de la France et de l'Angle-
terre. La cour de Russie refusa de prendre part aux conférences qui de-
vaient se tenir à. Vienne dans le but de généraliser le protectorat euro-
péen à l'égard du sultan. Elle approuvait peu l'empressement des puis-
sances d'Occident à se mêler de la question d'Orient. « L'empereur, » di-
sait M. de Nesselrode, dans une dépèche écrite le 6 août 1839, à M. de
Médem, et communiquée officiellement au gouvernement français, «l'em-
pereur ne désespère nullement du salut de la Porte^, pourvu que les puis-
sances de l'Europe sachent respecter son repos, et que, par une agitation
intempestive, elles ne finissent par l'ébranler, tout en voulant le raffermir. »
La cour de Russie jugeait donc peu convenable de s'interposer entre le
sultan elle pacha, croyait qu'il suffisait d'empêcher le vice-roi de menacer
Constantinople, et semblait regarder un arrangement direct comme la
ressource la plus convenable à cette situation. « Du reste, » disait encore
M. de Nesselrode à l'ambassadeur de France, au commencement d'août
1839, « un peu plus, un peu moins de Syrie, donné ou ôté au pacha, nous
touche peu. Notre seule condition, c'est que la Porte soit libre dans le
consentement qu'elle donnera. »
A cette époque donc, les quatre cours, d epuis signataires dutraité
du 15 juillet, les quatre cours n'étaient pas, comme on voudrait le faire
croire aujourd'hui, unies de vues, en présence de la France seule dissi-
dente, empêchant tout accordpar ses refus perpétuels.
Le danger s'était éloigné depuis qu'Ibrahim avait suspendu sa marche
victorieuse. Les deux parties belligérantes étaient en présence : le pacha
tout puissant, le Sultan vaincu et sans ressources ; mais immobiles tous
les deux, grâce à l'intervention de la France. Le cabinet britannique
596 APPENDICE
proposa d'arracher la flotte turque des mains de Méliémet-Âli. La France
s'y refusa, craignant de provoquer de nouvelles hostilités. Alors commença
le funeste dissentiment qui a séparé la France de l'Angleterre, et qu'il faut
à jamais regretter, dans l'intérêt de la paix et de la civilisation du
monde.
Les mauvaises dispositions du cabinet britannique contre le vice-roi
d'Egypte éclatèrent avec beaucoup de vivacité : la France chercha à les
tempérer. Le cabinet britannique, sur les représentations de la France,
appréciant le danger d'un acte de vive force, renonça à recouvrer la
flotte turque par des moyens violens ; cette proposition n'eut pas de
suite.
Il était devenu nécessaire de s'expliquer enfin, pour savoir de quelle
manière se viderait la question territoriale entre le sultan et le vice-roi.
Le dissentiment entre les vues de la France et de l'Angleterre éclata plus
vivement. Lord Palmerston déclara, qu'à ses yeux, le vice-roi devait re-
cevoir l'Egypte héréditairement, mais que, pour prix de cette hérédité,
il devait abandonner immédiatement les villes saintes, l'île de Candie, le
district d'Adana, et la Syrie tout entière. Toutefois il modifia un peu ses
premières vues, et consentit à joindre à la possession héréditaire de l'E-
gypte, la possession héréditaire aussi du pachalik d'Acre, moins la place
d'Acre.
La France n'admit point ces propositions. Elle jugea que le vice-roi,
vainqueur du sultan à Nézib.sans avoirété l'agresseur, ayant de plus con-
senti à s'arrêter, quand il pouvait fondre sur l'empire et renverser le trône
du sultan, méritait plus de ménagements. Elle pensa que, de la part des
puissances qui l'avaient engagé, en 1833, à accepter les conditions de
Kutahia, il y aurait peu d'équité h lui imposer des conditions beaucoup
plus rigoureuses, alors qu'il n'avait rien fait pour perdre le bénéfice de
cette transaction. Elle crut qu'en lui enlevant les villes saintes, l'île de
Candie, le district d'Adana, position offensive, et qui, restituée h la Porte
lui rendait toute sécurité, on devait lui assurer la possession héréditaire
de l'Egypte et de la Syrie. La victoire de Nézib, gagnée sans agression
de sa part, aurait pu seule lui valoir l'hérédité de ses possessions depuis
le Nil jusqu'au Taurus. Mais en tenant la victoire de Nézib pour non ave-
nue, en faisant acheter à Méhémet-Ali l'hérédité au prix d'une partie de
ses possessions actuelles, il y avait du moins rigoureuse justice à ne pas
lui enlever plus que Candie, Adana, et les villes saintes. D'ailleurs, la
France demandait par quels moyens on prétendait réduire Méhémet-Ali ?
Sans doute les cabinets européens étaient forts contre lui, lorsqu'il voulait
menacer Constaniinople ; dans ce cas, des flottes dans ia mer de iMarmara
suflisaient pour l'arrêter. Mais pour lui ôter la Syrie, quels moyens avait-
on ? Des moyens peu efficaces, comme un blocus; peu légitimes, comme
APPENDICE 597
des provocations k l'insurrection ; très-dangereux, très-contraires au but
proposé, comme une armée russe! La France proposa donc, en septem-
bre 1839, d'adjuger au vice-roi l'iiérédilé de l'Egypte ri l'hérédité de la
Syrie. Jamais à aucune époque de la négociation, la France n'a proposé
autre chose, excepté dons ces derniers temps, lorsqu'elle a conseillé au
vice-roi de se contenter de la possession viagère de la Syrie. J'ai examiné
les dépêches antérieures h mon administration, et je n'y ai vu nulle part
que le général Sébastian! ait été autorisé à proposer la délimitation con-
tenue dans le traité du 15 juillet, ou qu'H ait spontanément pris sur lui
de la proposer. Je lui ai demandée lui-même quels étaient ses souvenir.^ i\
cet égard, et il m'a adirraé qu'il n'avait fait aucune proposition de ce
genre. La France donc proposa en 1839 l'attribution au vice-roi de l'hé-
rédité de l'Egypte et de l'hérédité de la Syrie. Elle fut raaiheureusement
en dissentiment complet avec l'Angleterre.
Ce dissentiment, à jamais regrettable, fut bientôt connu de l'Europe
entière. Tout à coup, et comme par enchantement, il fil cesser les diver-
gences qui avaient séparé les quatre cours, et amena entre elles un subit
accord.
L'Autriche, qui d'abord avait donné une pleine adhésion à nos propo-
sitions, qui, sur le point de notifier cette adhésion à Londres, n'avait,
nous disait-elle, suspendu celte notification que pour nous donner le temps
de nous mettre d'accord avec l'Angleterre, l'Autriche commença à dire,
qu'entre la France et l'Angleterre, elle se prononcerait pour celles des
deux cours qui accorderait la plus grande étendue de territoire au sultan.
Il est vrai qu'alors elle protestait encore contre la pensée de recourir à
des moyens coërcitifs, dont elle était la première à proclamer le danger.
La Prusse adopta le sentiment de l'Autriche. La Russie envoya à Londres
M. de Brunnow, en septembre 1839, pour faire ses propositions. La Rus-
sie, qui naguère repoussait comme peu convenable l'idée d'une interven-
tion européenne entre le sultan et le vice-roi, et ne semblait voir de
ressources que dans un arrangement direct , la Russie adhérait
maintenant à tous les arrangements territoriaux qu'il plairait h l'Angle-
terre d'adopter, et demandait, qu'en cas de reprises des hostilités, on la
laissât, au nom des cinq cours, couvrir Constantinople avec une armée,
tandis que les flottes anglaise et française bloqueraient la Syrie.
Ces proposilions réalisaient justement la combinaison que l'Angleterre
avait jusque là regardée comme la plus dangereuse pour l'empire otto-
man,— la protection d'une armée russe; combinaison redoutable, non
par la possibilité qu'une armée russe pût être tentée de rester définitive-
ment à Constantinople, mais uniquement parce que la Russie, ajoutant
ainsi au fait de 1833, un second fait exactement semblable, aurait créé en
sa faveur l'autorité des précédents. Ces propositions ne furent point ac-
598 PENDIGE
cueillies. M. de Brunnow quitta Londres, et y revint en Janvier 18 /lO, avec
des propositions nouvelles. Elles différaient des premières en ce qu'elles
accordaient à la France et à l'Angleterre la faculté d'introduire chacune
trois vaisseaux dans une partie limitée de la mer de Marmara, pendant
que les troupes russes occuperaient Constantinople.
La négociation s'est arrêtée là pendant plusieurs^raois, depuis le mois de
février jusqu'à celui de juillet 1840. Dans cette intervalle un nouveau
ministère et un nouvel ambassadeur ont été chargés des affaires de la
France. Le cabinet français a toujours répété qu'il ne croyait pas juste
de retrancher la Syrie du nombre des possessions égyptiennes ; que, s'il
était possible que le vice-roi y consentît, la France ne pouvait être, pour
le vice-roi, plus ambitieuse que lui-même ; mais, que, s'il fallait lui arra-
cher la Syrie par la force, le gouvernement du Roi ne voyait, pour y réus-
sir, que des moyens ou inefficaces, ou dangereux , et que, dans ce cas, il
s'isolerait des autres cours et tiendrait une conduite tout à fait séparée.
Pendant que le cabinet français tenait ce langage à Londres avec fran-
chise et persévérance, l'ambassadeur français à Constantinople ne cher-
chait pas à négocier un arrangement direct entre le sultan et le vice-roi;
il ne donnait pas, ainsi que semble le croire lord Palmerston sans l'affir-
mer, il ne donnait pas, le premier, l'exemple de la séparation. Jamais no-
tre représentant à Constantinople n'a tenu la conduite qu'on lui prête ;
jamais les instructions du gouvernement du Roi ne lui ont prescrit une
pareille marche. Sans doute la France n'a cessé de travailler à un rappro-
chement entre le sultan et le vice-roi, h les disposer l'un et l'autre à de
raisonnables concessions, h faciliter ainsi la tâche délicate dont l'Europe
s'était imposé l'accomplissement ; mais nous avons constamment recom-
mandé, tant à M. le comte de Ponlois qu'à M. Cochelet, d'éviter avec le
plus grand soin tout ce qui eiit pu être considéré comme une tentative de
mettre à l'écart les autres puissances, et ils ont été scrupuleusement fidèles
à cette recommandation.
L'Angleterre avait à choisir entre la Russie lui offrant l'abandon du
vice-roi, à condition de faire adopter les propositions de M. de Brunnow,
c'est-à-dire, l'exécution consentie par l'Europe du traité d'Unkiar-Ské-
lessi, et la France ne demandant qu'une négociation équitable et modérée
entre le sultan et Méhémet-Ali, une négociation qui prévînt de nouvelles
hostilités, et, à la suite de ces hostilités, le cas plus dangereux pour l'in-
tégrité de l'empire ottoman, — le protection directe et matérielle d'un
seul État puissant.
Avant de faire son choix définitif entre la Russie et la France, le ca-
binet de Londres ne nous a pas fait les offres réitérées dont on parle, pour
nous amener à ses vues. Seseffortssesont bornés aune seule proposition.
En 1839^ on accordait au vice-roi [la possession héréditaire de l'Egypte
APPENDICE 599
et du pachiilik d'Acre, moins la citadelle. En IS^iO, lord Palmorslon
nous proposa de lui accorder le pachalik d'Acre, avec la citadelle de plus
mais avec l'hérédité de moins. Assurément, c'était lii retrancher de !a
première offre pUis qu'on y ajoutait, et on ne pouvait pas dire que ce fût
une proposition nouvelle ni surtout plus avantageuse.
Mais celte proposition, si peu digne du titre de proposilioa nouvelle, car
elle ne contenait aucun avantage nouveau, n'avait en rien le caractère
d'un ultimatum. Elle ne nous fut nullement présentée ainsi. Nous étions
si loin de la considérer sous cet aspect, que, sur une insinuation de MM. de
Bfilowet de Neumann, nous concevions l'espérance d'obtenir pour le vi-
ce-roi la possession viagère do toute la Syrie, jointe à la possession hé-
réditaire de l'Egypte. Sur l'afllrmation de MM. de Biilow et de Noumann,
que cette proposition, si elle était faite, serait la dernière concession de
lord Palraerslon, nous envoyâmes M. Eugène Périer k Alexandrie pour
disposer le vice-roi à consentir à un arrangement qui nous semblait le
dernier possible. Ce n'était pas, comme le dit lord Palmerslon, faire dé-
pendre la négociation de la volonté du pacha d'Egypte, mais disposer
les volontés contraires et les amener à un arrangement amiable qui pré-
vînt le cruel spectacle donné aujourd'hui au monde.
La France avait quelque droit de penser qu'une si longue négociation
ne se terminerait pas sans une dernière explication ; que la grande et
utile alliance qui, depuis dix ans, la liait à l'Angleterre, ne se dissou-
drait pas sans un dernier effort de rapprochement. Les insinuations qui
lui avaient été faites, et qui tendaient à faire croire que peut-être oa
accorderait la possession viagère de la Syrie au vice-roi, devaient l'entre-
tenir dans cette espérance. Tout à coup, le 17 juillet, lord Palmerston
appelle au Forein g- Office l'ambassadeur de France, et lui apprend qu'un
traité est signé depuis l'avant-veille ; il le lui apprend sans môme lui don-
ner connaissance du texte de ce traité. Le cabinet français a dû en être
surpris. Il n'ignorait pas sans doute que les trois i ours du continent
avaient adhéré aux vues de l'Angleterre ; que, par conséquent, un arran-
gement des quatre cours sans la France était possible ; mais il ne devait
pas croire que cet arrangement aurait lieu sans qu'on l'en eùl préalable-
ment averti, et que l'alliance fiançaise serait aussi promptemeiil sacrifiée.
L'offre que le vice-ioi a faite, en juin, au sultan, de restituer la flulte
turque, et dont on a craint de voir sortir un arrangement direct secrète-
ment proposé par nous; la possibilité qui s'est offerte à cette époque
d'insurger la Syrie, paraissent être les deux motifs qui ont fait succéder
à une longue inertie dans le cabinet anglais une résolution aussi soudaine.
Si le cabinet britanni(jue avait voulu avoir avec nous une dernière et
franche explication, le cabinet français aurait pu lui démontrer que
l'offre de renvoyer lu Hotte n'était pas uue combinaison de la France
600 APPENDICE
pour amener un arrangement direct, car elle n'a connu cette offre
qu'après qu'elle a été faite ; peut-être aussi aurait-il pu lui persuader
que le soulèvement de la Syrie était un moyen peu digne et peu sûr.
Tels sont les faits dont la France affirme la vérité avec la sincérité et la
loyauté qui conviennent à une grande nation.
Il en résulte évidemment : —
1° Que l'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman ont été en-
tendus, au début de la négociation, comme la France les entend au-
jourd'hui : non pas comme une limite territoriale plus ou moins avanta-
geuse entre le sultan et le vice-roi, mais comme une garantie des
cinq cours contre une marche offensive de Méhéraet-Ali, et contre la
protection exclusive d'une seule des cinq puissances.
2° Que la France, loin de modifier ses opinions en présence des quatre
cours toujours unies de vues, d'intentions et de langage, a toujours au
contraire entendu la question turco-égyptienne d'une seule manière ,
tandis qu'elle a vu les quatre cours, d'abord en désaccord, s'unir ensuite
dans l'idée de sacriûer le vice-roi, et l'Angleterre, satisfaite de ce sacri-
fice, se rapprocher des trois autres, et former une union, il est vrai,
très-persévérante aujourd'hui dans ses vues, très-soudaine, très-inquié-
tante dans ses résolutions.
3° Qu'on n'a pas fait à la France de sacrifices réitérés pour l'attirer au
projet des quatre cours, puisqu'on s'est borné à lui offrir, en 1839, de
joindre à l'Egypte le pachalik d'Acre, sans la place d'Acre, mais avec
l'hérédité de ce pachalik, et à lui offrir en 1840, le pachalik d'Acre avec
la place, mais sans l'hérédité.
li" Qu'elle n'a pas été avertie, comme on le dit, que les quatre cours
allaient passer outre si elle n'adhérait pas à leurs vues; que, tout au con-
traire, elle avait quelques raisons de s'attendre à de nouvelles proposi-
tions , quand, à la nouvelle du départ de Sarai-bey pour Constantinople
et de l'insurrection de Syrie, on a soudainement signé, sans l'en préve-
nir, le traité du 15 juillet, dont on ne lui a donné connaissance que lors-
qu'il était déjà signé, et communication que deux mois plus tard.
5° Enfin qu'on n'a pas droit de compter sur son adhésion passive à
l'exécution de ce traité, puisque, si elle a surtout insisté sur la difficulté
des moyens d'exécution, elle n'a toutefois jamais professé, pour le
but, pas plus que pour les moyens, une indifférence qui permît de conclure
qu'elle n'interviendrait en aucun cas dans ce qui se passerait en Orient;
que, bien loin de là, elle a toujours déclaré qu'elle s'isolerait des quatre
autres puissances, si certaines résolutions étaient adoptées; que Jamais
aucun de ses agens n'a été autorisé à dire une parole de laquelle on pût
conclure que cet isolement serait l'inaction ; et qu'elle a toujours entendu,
comme elle entend encore, se réserver à cet égard sa pleine liberté.
APPENDICE 601
Le cabinet français ne reviendrait point sur de telles contestations, si
la note de lord Palraerslon ne lui en faisait un devoir rigoureux. Mais il
est prêt à les mellre tout b. fait en oubli, pour traiter le fond des choses,
et attirer l'attention du secrétaire d'Etat de Sa Majesté britannique sur
le côté vraiment grave de la situation.
L'existence de l'empire turc est en péril ; l'Angleterre s'en préoccupe,
et elle a raison; toutes les puissances amies de la paix doivent s'en
préoccuper aussi; mais comment faut-il s'y prendre pour raffermir cet em-
pire ? Lorsque les sultans de Gonstantinople, n'ayant plus la force de
régir les vastes provinces qui dépendaient d'eux, ont vu la Moldavie, la
Valachie, et plus récemment la Grèce, s'échapper insensiblement de
leurs mains, comment s'y est-on pris? A-t-on, par une décision euro-
péenne appuyée sur des troupes russes et des flottes anglaises, cherché à
restituer aux sultans des sujets qui leur échappaient? Assurément non. On
n'a pas essayé l'impossible. On ne leur a pas rendu la possession et l'ad-
ministration directe des provinces qui se détachaient de l'empire. On ne
leur a laissé qu'une suzeraineté presque nominale sur la Valachie. On les
a tout à fait dépossédés de la Grèce. Est-ce par esprit d'injustice ? Non
certainement. Mais l'empire des faits, plus fort que les résolutions des
cabinets, a empêché de restituer à la Porte soit la suzeraineté directe de
la Moldavie et de la Valachie, soit l'administration même indirecte de la
Grèce; et la Porte n'a eu de repos que depuis que ce sacrifice a été
franchement opéré. Quelle vue a dirigé les cabinets dans ces sacrifices?
C'est de rendre indépendantes, c'est de soustraire à l'ambition de tous les
états voisins, les portions de l'empire turc qui s'en séparaient. Ne pouvant
refaire un grand tout, on a voulu que les parties détachées restassent des
états indépendants de tous les empires environnants.
Un fait semblable vient de se produire depuis quelques années, relati-
vement à l'Egypte et la Syrie : l'Egypte a-t-elle jamais été véritablement
sous l'empire des sultans? Personne ne le pense ; et personne ne croirait
aujourd'hui pouvoir la faire gouverner directement de Gonstantinople. On
en juge apparemment ainsi, puisque les quatre cours décernent à
Méhémet-Ali l'hérédité de l'Egypte, en réservant toutefois la suzeraineté
au sultan. Elles-mêmes, en cela, entendent comme la France l'intégrité
de l'empire ottoman ; elles se bornent à vouloir lui conserver tout ce
qu'il pourra retenir sous son autorité. Elles veulent, autant que possible,
un lien de vasselage entre l'empire et ses parties détachées. Elles veulent,
en un mot, tout ce que veut la France. Les quatre cours, en attribuant au
vassal heureux qui a su gouverner l'Egypte l'hérédité de cette province,
lui attribuent encore le pachalik d'Acre, mais elles lui refusent les trois
autres pachaliks de Damas, d'Alep, de Tripoli : elles appellent cela sauver
l'intégrité de l'empire ottoman! Ainsi, l'intégrité de l'empire ottoman
602 APPENDICK
est sauvée, même quand on ne détache de plus Tripoli, Damas, el Alep !
Nous le disons franchement, une telle thèse ne saurait se soutenir grave-
ment devant l'Europe.
Evidemment, il ne saurait y avoir, pour donner ou retirer ces pachaliks
à Méhéraet-Ali, que des raisons d'équité et de politique. Le vice-roi
d'Egypte a fondé un état vassal avec génie et avec suite. Il a su gouver-
ner l'Egypte, et même la Syrie, que jamais les sultans n'avaient pu gou-
verner, lies musulmans, depuis longteras humiliés dans leur juste fierté,
voient en lui un prince glorieux qui leur rend le sentiment de leur force.
Pourquoi affaiblir ce vassal utile, qui, une fois séparé par une frontière bien
choisie des États de son maître, deviendra pour lui le plus précieux des
auxiliaires? Il a aidé le sultan dans sa lutte contre la Grèce ; pourquoi ne
l'aiderait-il pas dans sa lutte contre des voisins d'une religion hostile à la
sienne? Son intérêt répond de lui, à défaut de sa fidélité. Quand Gons-
tantinople sera menacée, Alexandrie sera en péril, Méhémet-Ali le sait
bien, el prouve tous les jours qu'il le comprend parfaitement.
Il faut, pour garder l'intégrité de l'empire ottoman depuis Gonstanti-
nople jusqu'à Alexajidrie, il faut h la fois le sultan et le pacha d'Egypte,
celui-ci soumis à celui-là par un lien de vasselage. Le Taurus est la ligne de
séparation indiquée entre eux. Mais on veut ôter au pacha d'Egypte les
clefs du Taurus : soit ; qu'on les rende à la Porte, et, pour cela, qu'on
retire le district d'Adana à Méhémet-Ali. On veut lui ôter aussi la clef de
l'Archipel; qu'on lui refuse Candie : il y consent. La France, qui n'avait
pas promis son influence morale au traité du 15 juillet, mais qui la doit
tout entière à la paix, a conseillé ces sacrifices à Méhémet-Ali; et il les
a faits. Mais, en vérité, pour lui ôter encore deux ou trois pachaliks, et les
donner, non au sultan, mais à l'anarchie; pour assurer ce singulier
triomphe de l'intégrité de l'emjjire ottoman, déjà privé de la Grèce, de
l'Egypte, du pachalik d'Acre ; appeler sur cette intégrité le seul danger
sérieux qui la menace, celui que l'Angleterre trouvait si sérieux l'année
dernière, que pour le prévenir elle proposait de forcer les Dardanelles,
c'est là une manière bien singulière de pourvoir à ces grands intérêts !
Admettons cependant, pour un moment, que les vues du cabinet bri-
tannique soient mieux entendues que celles du cabinet français; l'alliance
de la France ne valait-elle pas mieux, pour l'intégrité de l'empire oUo-
man et pour la paix du monde, que telle ou telle délimitation en Syrie ?
On ne s'alarmerait pas tant sur l'intégrité de l'empire ottoman, si on
ne craignait de grands bouleversements de territoire dans le inonde, si
on ne craignait la guerre, qui seule rend ces bouleversements possibles.
Or, pour les prévenir, quelle était la combinaison la plus efficace? N'était-
ce pas l'alliance de la France et de l'Angleterre? Depuis Gadix jusqu'aux
bords de l'Oder et du Danube, demandez-le aux peuples. Demandez-leur
APPENDICE G03
ce qu'ils pensent h cet égard, et ils répondront que c'est cette alliance
qui depuis dix ans a sauvé la paix et l'indépendance des Étals, sans nuire
à la liberté des nations,
On dit que cette alliance n'est pas rompue, qu'elle renaîtrait après le
but atteint par le traité du 15 juillet. Quand on aura poursuivi à quatre,
sans nous, et malgré nous, un but en soi mauvais, que du moins nous
avons cru et déclaré tel, quand on l'aura poursuivi par une alliance trop
semblable à ces coalitions qui ont depuis cinquante ans ensanglanté l'Eu-
rope, croire qu'on trouvera la France sans défiance, sans ressentiment
d'une telle offense, c'est se faire de sa fierté nationale une idée qu'elle n'a
jamais donnée au monde.
On a donc sacrifié gratuitement, pour un résultat secondaire, une
alliance qui a maintenu l'indépendance et l'inlégrilé de l'empire ottoman
beaucoup plus sûrement que ne le fera le traité du 15 juillet .
On dira que la France pouvait aussi faire la même réflexion, et qu'elle
pouvait, si la question des limites en Syrie lui paraissait secondaire, se
rendre aux vues de l'Angleterre, et acheter par ce sacrifice le maintien
de l'alliance.
A cela il y a une réponse fort simple. La France, une fois d'accord sur
le but avec ses alliés, aurait fait, non pas de ces sacrifices essentiels
qu'aucune nation ne doit à une autre, mais celui de sa manière de voir
sur certaines questions de limites. Elle vient de le prouver par les con-
cessions qu'elles a demandées et obtenues du vice-roi. Mais oir ne lui
a pas laissé le choix. On lui a fait part d'une nouvelle alliance, quand
déjà elle était conclue. Depuis, toujours fidèle à sa politique paci-
fique, elle n'a cessé de conseiller au vice-roi d'Egypte la plus parfaite
modération. Bien qu'armée et libre de son action, elle fera tous ses efforts
pour éviter au monde des douleurs et des catastrophes. Sauf les sacrifi-
ces qui coûteraient h son honneur, elle fera tous ceux qu'elle pourra
pour maintenir la paix; et si aujourd'hui elle tient ce langage au cabinet
britannique, c'est moins pour se plaindre que pour prouver la loyauté de
sa politique, non-seulement h la Grande Bretagne, mais au monde, dont
aucun État aujourd'hui, quelque puissant qu'il soit, ne saurait mépriser
l'opinion. Le secrétaire d'Étal de Sa Majesté britannique a voulu prouver
son bon droit : le secrétaire d'État de Sa Majesté le roi des Français doit
aussi Ji son roi et h son pays, de prouver la conséquence, la loyauté de la
politique française, dans la grave question d'Orient.
Agréez, etc.
P. S. 8 Octobre. — Pendant que j'écrivais cette dépèche, M. l'ambas-
sadeur, de déplorables événements sont venus ajouter encore à la gravité
de la situation. Aux démarches conciliantes du vice-roi d'Egypte, on a
604 APPENDICE
répondu par les plus violentes hostilités. La Porte, cédant à de funestes
conseils, a prononcé sa déchéance. Il ne s'agit plus seulement de res-
treindre la puissance de Méhémet-Ali ; on veut le faire disparaître de la
face du monde politique.
Si c'étaient là les intentions sérieuses des puissances unies par le
traité du 15 juillet, s'il fallait voir dans ce qui vient de se passer, autre
chose que l'entraînement presque involontaire d'une situation fausse dont
on n'a pas su prévoir les conséquences, en vérité il y aurait à déses-
pérer du rétablissement de l'harmonie entre les grandes puissances. En
conséquence, je crois devoir ajouter à la présente communication la note
ci-jointe.
CXIV. — Dépêche de lord Palmerston à lord Granville, en date du
6 octobre 1840 (9 chàban 135«).
Mylord, le gouvernement de S. M. a été informé qu'au commencement
de septembre, le prince de Metternich a communiqué, par un canal inter-
médiaire, au gouvernement français, l'opinion renfermée dans l'écrit que
j'envoie ci joint à V. E.; mais le gouvernement de S. M. n'a pas appris ce
que le gouvernement français a fait à ce sujet. Je dois conséquemment invi-
ter V. E. à profiter d'une occasion, en vous entretenant avec M. Thiers,
pour faire allusion , accidentellement, à l'opinion énoncée par le prince
de Metternich, et pour lui demander s'il a fait quelque chose à cet égard?
J'ai l'honneur, etc.
Annexe.
Résumé d'une communication faite par le prince de Metternich au
gouvernement français.
Si j'étais le ministre français, voici la position que je choisirais :
Après les éclaircissements qui m'auraient été donnés, et après avoir
pris connaissance du texte de la convention du 15 Juillet, je déclarerais :
1° Que la France proclame aujourd'hui comme elle n'a cessé de le faire
jusqu'ici, son adhésion au principe qui sert de base à la convention.
2° Que la France ne saurait en faire autant en ce qui concerne les
mesures coërcitives dont l'exécution a commencé ; non que la France ait
l'intention de séparer les moyens du but, mais parce qu'elle ne saurait voir
dans les moyens adoptés ceux qui peuvent conduire au but avec sûreté.
3» Qu'en conséquence, la France ne saurait s'associer à l'emploi des
mesures coërcitives, mais qu'elle restera fidèle au principe de soutenir
l'empire ottoman et le trône du sultan.
h° Que dans le cas où l'événement constaterait l'ineflicacité des moyens
coërcitifs, et où par conséquent il résulterait de leur emploi des dangers
APPENDICE 605
pour hi Porte ottomane, la France se déclarera prête à prendre en con-
sidération avec la Porte et les autres puissances, les moyens les plus
propres de secourir l'empire ottoman, et à mettre ces moyens à exécution
selon les circonstances du moment.
CXV. — Circulaire du comte de IV'essclrode aux agents diplonta-
tiques russes, en date du H octobre IHIO (11 chûban 1256).
Monsieur, les ratifications de la Convention du 3-15 juillet viennent
d'être échangées h Londres entre la Porte ottomane, la Grande-Bretagne,
l'Autriche, la Prusse et la Russie.
Je me hâte en conséquence de vous en transmettre une copie, en vous
priant, monsieur, de vouloir bien en donner communication officielle au
gouvernement auprès duquel vous vous trouvez accrédité.
Les puissances signataires attendaient avec impatience qu'il leur fût
permis de faire connaître h l'Europe cette transaction importante, pour
fixer l'opinion générale au sujet de sa teneur réelle, et pour rectifier les
idées erronées ou incomplètes auxquelles elle a pu donner lieu. Il suffira
pour cela d'une lecture attentive de l'acte même et des pièces qui en font
partie. En le concluant, les puissances n'ont eu d'autre but que celui
qu'elles s'étaient proposé dès l'origine, c'est-à-dire, d'assurer sur une
forte base le maintien, sous la dynastie actuelle, de l'intégrité et de l'in-
dépendance de l'empire ottoman. En offrant, pour atteindre ce but salu-
taire, leurs secours à la Sublime-Porte, elles n'ont fait que remplir l'enga-
gement qu'elles avaient pris envers elle par la note collective que leurs
représentants àConstantinople lui avaient adressée le 27 juillet de l'année
dernière, au moment oii le sultan, pressé par un vassal rebelle et réduit
à ses propres ressources, était sur le point de céder, par une nécessité
impérieuse, aux exigences du vainqueur. Détourner la Porte ottomane
d'accepter par un arrangement direct avec le pacha d'Egypte, les condi-
tions qui lui étaient imposées à cette époque, c'était de la part des puis-
sances, contracter vis-à-vis d'elle une obligation d'honneur de lui pro-
curer, par leur intervention, des conditions plus avantageuses. La cons-
cience de cette obligation a dicté aux cours signataires les stipulations re-
latives à toute la partie territoriale de l'arrangement, et déterminé les li-
mites qu'elles ont cru devoir assigner à la puissance héréditaire et viagère
du pacha. Le respect le plus scrupuleux pour l'indépendance du sultan,
pour ses droits de souveraineté, ressort d'une manière évidente, de la
lettre et de l'esprit du traité. En effet, c'est au sultan qu'appartient l'ini-
tiative des propositions à faire au vice-roi d'Egypte. C'est à la réquisition
du sultan que sont prises les mesures de force ayant pour but d'en amener
l'adoption. Si les événements devaient appeler les forces de terre et de
606 APPENDICE
nier des alliés au secours de Constanlinople, et qu'il fallût mettre les deux
détroits des Dardanelles et du Bosphore à l'abri d'une agression, c'est en-
core ti l'invitation du sultan que celte résolution serait prise; c'est avec
son autorisation expresse, qu'il serait temporairement dérogé au principe
en vertu duquel l'entrée de ces deux détroits a été de tous temps fermée
aux vaisseaux de guerre des puissances étrangères; et il est bien entendu
que cette exception temporaire, accordée aux seules puissances dont la
Porte aurait réclamé l'appui, ne saurait en rien, sur ce point, altérer ses
droits permanents. A cette partie de la transaction, se rattache en outre,
en ce qui concerne en particulier la Russie, une considération importante.
Dans le cas oii la coopération des puissances serait jugée nécessaire pour
mettre Constanlinople à l'abri d'une agression, il est établi que c'est en com-
mun que cette coopération sera concertée. Le fait seul d'un pareil concert
réduira à leur juste valeur les imputations malveillantes qui attribuaient à
la Russie l'intenlion de vouloir s'arroger exclusivement la protection de
l'empire ottoman.
Tels sont les principaux trmts qui caractérisent la convention que j'ai
aujourd'hui l'honneur cie vous communiquer. Une parfaite unanimité a
présidé aux vues des cabinets qui en ont posé les bases ; un égal accord
les anime dans la ferme détermination qu'ils ont prise d'en poursuivre
l'exécution.
Pour assurer à cette exécution un nouveau gage de promptitude et de
solidité, ils auraient vivement désiré obtenir l'appui et le concours du
gouvernement français. Ce désir n'a cessé de les guider depuis l'ouverture
des négociations qui ont précédé le traité, et ce sont les efforts qu'ils ont
faits dans ce but, qui en ont si longtemps reculé le terme. Mais, le cabinet
des Tuileries n'ayant pu tomber d'accord avec eux sur le principe des me-
sures coërcitives, mesures que de leur côlé ils regardaient comme indis-
pensable de prévoir, pour amener la soumission de Méhémet-Ali, ils se sont
vus, non sans un regret profond, dans la nécessité de renoncer k une coo-
pération si désirable. Néanmoins, comme le gouvernement français, tout
en objectant contre les moyens, s'est constamment déclaré d'accord avec
les quatre autres cours sur le but qu'elles se'proposaient d'atteindre, elles
se Ualtent que la position qu'il a choisie dans la question d'Orient, ne fera
point tort à sa solution finale. Elles se croient d'autant plus fondées h.
l'espérer, que le désintéressement complet qui a servi de base à la con-
vention du 3-15 juillet, est de nature à enlever aux gouvernements qui
n'en font point parl:e, tout motif d'opposition ou même d'inquiétude ;
qu'en accordant leur assistance au sultan, elles n'ont eu en vue seulement
que le maintien de la paix en Europe ; qu'elles ne recherchent pour elles-
mêmes, dans les résultats de cette convention, aucun avantage particulier,
aucun agrandissement de territoire, aucune influence exclusive; et qu'elles
APPENDICE 607
se sont donné îi ce sujet tous les gages qu'on pouvait attendre de leur
loyauté.
Veuillez, Monsieur, en coniniuniquaiit le traité au gouvernement.,, lui
faire part en même temps de toutes les considérations que je viens d'ex-
poser ici. Nous nous flattons qu'il voudra bien les envisager sous le même
point de vue que nous, et ne point refuser son approbation à une transac-
tion qui, dans la pensée de ceux qui l'ont conclue, n'a d'autre but que le
maintien de l'autoriié légitime et le rétaf)lisseraent de la paix du Levant,
d'où dépend celle de l'Europe entière. Le sutïrage des autres cabinets
constituerait en ce moment aux yeux des puissances signataires de la con-
vention, un appui moral important. Il servirait h accélérer l'ellet salutaire
de leur action, et ajouterait une garantie puissante à toutes celles que
leur union offre ii la tranquillité du monde.
FIN DU TOME DEUXIEME
TABLE PAR ORDRE CHRONOLOfllQUE
DES MATIÈRES llOiMENUES DANS l,K DKIXlKMi; \
TRAITÉS, COIVVEMTIONS, PROTOCOLES, ETC.
1775
l'.igcs
Mars 7. ISrande-Bretngne, Egypte. Traité de commerce et de navi-
gation {Il moliarreni 1189) 71
1785
Janvier. .. 9, France, Egypte. Traité par rapport aux vaisseaux des négo-
ciants français venant des Indes au port de Suez (27 sâfer 1 199). 76
— 23. Porte ottomane, France. Convention entre le chevalier de
Trnguel et le grand douanier Youssouph Cassab, pour la pro-
tection à accorder aux négociants français venant des Indes à
Suez (12 rébiul-éwel 1199) SO
1796
— — Porte ottomane, France. Projet d'une convention secrète
(lail) 244
1800
Janvier ... 24. Porte ottomane, France. Convention d'El-Arich pour l'éva-
cuation de l'Egypte par les troupes françaises (28 châban 1214), 7
Avril 21. Porte ottomane. France. Capitulation du Caire (26 zilcadé
1 214) 18
1801
Mars 18. France, Crandc-Bretagne. Capitulation de la garnison d'A-
boukir (3 zilcadé 1215) 30
Juin 27. Porte ottomane, France, Grande-Bretagne Conven-
tion pour l'évacuation du Caire par les troupes françaises
(16 sàfer 1216) 31
Aoû' ... .30. Porte ottomane, France, Grande-Uretagne. Capitula-
tion de l'armée d'Alexandrie (20 rébiul-akliir 1216j 37
Ociobie. ... I. France, Grande-Bretagne. Articles préliminaires de paix,
restitution de l'Egypte à la Porte (22 djémaziul-éwel 1216). . . . 134
180L'
Féviier. ... 18. France. Grande-Bretagne. Protocole d'une conférence. —
Demande du gouvernement anglais pour l'admission de la Porie
comme partie contractante et accédante au traité (15 ch wal
121ii) 125
— 21. France, Grande-Br<'(agne. J'rotocole d'une conférence, ré-
ponse du plénipotentiaire français à la demande du plénipoten-
tiaire anglais dans lu srance du 18 (18 chéwai I21U) 1!5
610 TAULE l'AIV UliDlŒ ClinONOLOGlQUE
1802
Page*
Mars 0. Frnnce. Granilc- Bretagne. Protocole d'une conrérence con-
tenant le renouvellement de la deni.mde du gouvernement an-
glais d'admettre la Porte comme partie contractante ou acc(5-
diinle au traité (ô zilcadé 121G^ i;{(i
— 26. Frnnce. Leitre du premier consul à M. de Talleyrand porlant
m idifications à intioduiie dans la rédaction du traité à interve-
nir entre la Grande-Bretagne, l'Espagne, la République Batavc
et l.i Tur(( lie (20 zilcadé 121()) 13<.t
— 37. France, Espagne. République batave. Grande-Bre-
tagne. Traité de paix d'Amiens (22 zilcadé 1216) 123
iMii 13. Porte ottomane. Accession de Selim III au traité d'Anveiis
du 27 mars 1 1 1 mohariem 1217) 1 39
Juin 26. Porte ottomane, France, Traité de paix (24 sâfer 1217). . . . H6
1829
Septembic. l/i. Porte ottomane, Russie. Art. 10 du traité de paix d'Andri-
mple pour accéder à l'acte du 22 marsl829 (16 rébiul-éwel 1245) 398
1833
Février.. , . "25. Porte ottomane, France. Convention au sujet de la média-
tion de la France entre la Porte et l'Egypte (2 chéwal 12/18) . . oôi
1838
Novembre. 23. Porte ottomane, France. Convention formant appendice
aux capitulations gar;uilies à la France et amendant ou modi-
fiant, dans l'intérêt du commerce et de la navigation des deux
pajs, certaines stipulations contenues dans les capitulations
(9 ramazan 12.Î4) 405
1863
Deccnibic. . 0. Porte ottomane. Consuls. Convention entre Djézaïrii-Ali-
Pacha, gouverneur de l'Egypte et les consuls (20 chàbaii 1218 . 07
II
COMRESPO.NDAiN'CLS, DÉPÊCHE.S, \OTKS, MEMORANDL'MS, LTC.
16G2
Jauvii I. . . 12. France. Lettic de Louis XIV à Mohammed IV, proposant d'en-
voyer le sieur de La Haye fils, comme aniba.s>adeiir (?1 'Iji'jua-
ziul-éwel 1072) l/i<.)
— — France. Leitre de Louis XIV au grami-vézir au sujet de l'envoi
du bioiii- de. La Haye fiis, comme ambass:ideur (21 djémaziul-
éwel 1072) 1 V.i
— 20. France. Lrttre de Louis XIV à son chargé d'atTaires do Roboli,
l'invitanl à re.^ier à Coi.iiantinople jus(|u'à l'inrivée du sieur de
La Haye(2')djémjziul-éwel 1072) 150
— — Porte ottomane. Lettre du grand-vézir à Louis XIV, approuvant
l'envoi du sieur de La Haye fi's, comme amba.-?aileur '1072). . I.jO
DES MATIÈRES CONTEMJF.S f.A.NS 1,K l>i:[ XIÈMn VOIX'MK (ill
IfifiO
Juin — Porte uttoniane. I.ettro do Moliamnicil IV ;i Louis XIV lui an-
nonçant le départ d'un envoyé au sujet du rappel de smi umhas-
sndcur (moliurroin 1080) 102
— — Porte otioniniie. Lt'ltro du (!aïmecani Moii>tapliapaclia à
M. do. Lionne, niini«tre dos airaites étrangères de France au si;-
jet du rappel de l'ambassadeur français (moharrem 1080) 1 j.'5
Décembre.. — Porte ottomane. Lottrt> do l'ambassadeur Suh'ynian-a^ba au
ministre dos alïairos étrangères de France, dom:uulant une ré-
ponse à la lettre do MolKimmcd IV et la permisMon de s't ii re-
tourner (rédjcb-cbàban 108 ) Ij'i
1()70
Janvioi'. . . . 20 France. Mémoire présenté ;\ Louis XIV par le chevalier d'Ar-
vieux au sujet des aHairos de Consiantiiiop'e et du commirco
du Levant (27 cliâban 1081) 1 S-j
1671
Août IG. France. Loilre du miuistro dos .-iffaires étrangères au grand-
vézir, lui annonçant le rappel de l'ambassaiieur de Xointol ilO
rébiul-akhir 1082) 1G7
1G72
Mars — France. Lettre do rambassadour de iXointel au grand-vézir lui
demandant audience (zilcadé 1082) HiS
Mai — Porte ottomane. Loitro du g;Miid-vézir à 1\L do X'ointol eu lé-
ponse à sa Ic'tre de mars inii-molinrrom 1083) KiS
Juin 16. France. Lettre do M. de, Nointol au c,raiu!-vézir lui annonçant sua
déjiart (19 sàfcr 1083) 1(;S
167;
i)
— — Porte ottomane. Lettre de Moliamniod IV à Louis XIV au sujet
du renouvcllomcnt des anciennes capitulations ((in sàlVr 1081). l(i',)
Juin — Porte ottomane. Lettre du grand-vézir à Louis XV pour le
renoivellement dos anciennes capitulations (fin fâfer 108/|}. ... 171
t7/i6
Décenibie. . 23, Fratjee. Lottic du coinle Dosalieurs ;\ Ahiiiod-Paclia au suj t
d'une divers'on des Turcs en Hongrie (0 zi'hidjé 11.t9' 171
17/|7
.Mars o. France. Dé, ùclie de l'ambassadeur de Caslellane à M. de Puy-
sioux. ministie des afTaie.s étrangères.— Hapports avec le comte
do 1 onncval ; 11 rébiul éu\ 1 1160; 172
.\oùt 15 France. Dépotliv! de l'ambassadeur Desalloius au inii.i.slic dos
affaires étrangères au sujet d'un traité d';unii^é avec la i'orto
(2'.) -ixUv ll(i2; 180
17()'|
Mai — PorJe «ttomant; Xoïc à l'ambassadi ur de Veigennes au sujet
i\v r.^otive >.v iioup(s étraogèrcseï Pologne izilcadé 1177). .. 181
erj TABLE l'Ail OliDUK CJJUONOLOC.IQUE
1769
Mai — France. Mémoire présrnté par M. dt> Vergenncs à Louis XIV,
retraçant l'iiistorique d' la politi(]Uc ottomane et le tableau de
sa situation (1182-1183) 181
177/1
— — Porte ottomane. Firman pour inlei-dire l'enti'éc du port de
Supz aux navires anglais (1187-1188) 71
1779
— — Porte ottomane. Firman pour interdire l'approche des côtes
do Suez aux navires francs, la mer de Suez étant la route privi-
légiée du pèlirinage de la Me:quc (11931 73
1792
Septembre. 24. France. Note de l'ambassadeur de Choiseul Gouffier. — Les évé-
nements arrivés en France annuUent ses pouvoirs (7 sâferl207.) 202
Octobre.. . 16. Poric ottomane. Héponse à la note de M. de Choiseul Gouffier
du 2'4 septembre (29 sâfer 1207) 202
— — France. Instruction du comité diplomatique de la convention na-
tionale au citoyen Sémonville (1207) 202
1793
Janvier. ... 28. France. Lettre du comte de Provence à Sélim III, lui deman-
dant de défendre sa cause (15 djémaziul-akliir 1207) 204
— — France, Instructions du comité diplomatique de la convention
nationale au citoyen Descorches (1207) 204
Avril 1. Antriche, Prusse, Russie. Note de leurs représentants à la
Sublime-Porte, demandant la suppression de la cocarde fran-
çaise à Constantinople et dans les Échelles, etc., etc., (19 châban
l'.'07) 20/1
Juin 4. .tutriche, Prusse, Russie. Note de leurs représentants à la
Sublime-Porte contre l'ydmission de l'envoyé Descorches (24
chéwai 1207) 206
Août... . 28. France. Conférence du citoyen Descorches avec le reïs-éfendi
au sujet d'un traité à conclure avec la Porte (20 moharrem 1208). 207
— 30. Porte ottomane, France. Convention (résumé) signée par le
citoyen Descorches (22 moharrem 1208) 207
1795
Octobre... 11. France. Dépêche de l'envoyé Verninac au comité de salut public
au sujet dos diflérends survenus entre la Porte et la légation de
Russie (27 rébiuléwel 1210) 208
— J7. France. Dépêche de l'envoyé Verninac au comité de salut public
rendant compte d'une conférence avec le reïs-éfendi (3 rébiul-
akhir 1210) 214
— 10. France. Dépêche de l'envoyé Verninac au comité de salut pu-
blic, au sujet des différends entre la Porte et la Russie (5 rébiul-
akhir 1210) 21'.)
Novembre.. ". France. Di'péche de l'envoyé Verninac au comité de salut publii;
envoyant une lettie du reïs-éfendi sur le.s bonnes dispositions
delà l'orlc (19 rébiul-akhir 1210) 'j'2i
DES MATIÈIIES COINTENUES DAiNS LE DEIJ\H>ME VOLUME
1795
613
Pages
Avril.
Mui. .
Juin.
Juillet..
Août.
Octobre.
Décembre.. 22. France. Dépêche de l'envoyé Verninac au comité de salut public
;u: snjot dos iiKiuiétudes de la Porte relativement au passage de
la Pologne, etc. (10 djcmaziul-akhir 1210) 231
179G
23. Franee. Dépêche de l'envoyé Verninac au ministre des relations
extérieures Lacroix au sujet d'un traité d'alliance offensive et
défensive avec la Porte (1,5 cliéwal 1210) 231
27. France. Dépêche de l'envoyé Verninac au sujet de l'envoi en
France d'Ali-cfendi comme ambassadeur (20 zilcadé 1210) 233
2-i. France. Lettre du ministre des relations extérieures au président
du directoire exécutif, annonçant la réception de deux dépêches
du citoyen Verninac qui a reçu du reis-éfendi un contre-projet
d alliance stipulant la concession de la mer Noire (16 zilhidjé
1210) 533
0. France. Dépêche de l'envoyé Verninac au ministre des relations
extérieures. Rapports avec les ambassadeurs de Venise et d'Es-
pagne (3 moharrem 1212) 233
18, France. Dépêche de l'envoyé Verninac au ministre des relations
extérieures au sujet des causes de la déposition du reis-efcndi
et du drogman de la Porte (13 sàfer 1211) 137
9. France. Dépêche chiffrée de l'envoyé Verninac au ministre des
relations extérieures au sujet de l'arrivée de son successeur le
général Aubert du Bayet (6 rébiul-akhir 1211 j 2^il
Novembre 7. France. Dépèclie de l'ambassadeur Aubert du Bayet au ministre
des relations extérieures au sujet de sa remise à la Porte de sa
noie servant de préambule au traité d'alliance (G djémaziul-éwel
12 11) -JMi
1797
IS. France. Dépêche de l'ambassadeur Aubert du Bayet au ministre
des relations extérieures au sujet de la médiation de la Porte
entre le directoire et l'empereur d'Allemagne (20 châban 1211). 2^5
— Porte ottomane. Lettre de créance d'Aali-éfendi, ambassadeur
à Paris (ramazan 1211) 2^8
— 2ti. France. Dépêche de l'ambassadeur Aubert du Bayet au ministre
des relations extérieures (-25 ramazan 1211) i>50
Novembre.. 10. France. Dépêche de l'ambassadeur Aubert du Bayet au ministre;
des relations extérieures sur l'effet produit par l'annonce de la
paix conclue entre la république française et l'empereur (20 djé-
maziul-éwel) 252
1798
Avril 12. France. Arrêté du directoire exécutif donnant ordre an général
Bonaparte de faire couper l'isthme de Suez et d'assurer à la
France l'exclusive possession delà mer Rouge (35 zilcadé 1212). 82
— 12. France. Arrêté du directoire exécutif donnant ordre aux fré-
gates françaises qui se trouvent à l'île de France de se rendre
dans le port de Suez (25 zilcadé 1212) 82
.\(iùi 2 j. France. Lettre du général Bonaparte au chérif d(; la Mecque au
sujet de la protection assurée aux négociants (13 rébiul-éwel
1213; 83
Février.
Mars
61Û TABLE PAPi ORDRE CHRONOLOGTOUE
1798
Pages
Décembre. 1. France. Instructions du général lîonaparfo au général Bon pour
rocciipation do Snuz {22 diéniaziul-akhir 1213) 84
1799
Janvier. ... 2. France. Lettre du général Bonaparte au divan du Caire annon-
çant qu'il s'occupe des opérations nécessaires pour désigner
fendroit par où peuvent passer les eaux pour joindre le Nil et
la mer Rouge (25 rédjeb 1213) 85
— 25. Franee. Lettre du général Bonaparte au cliéril' de la Mecque,
lui envoyant le règlement pour la douane do Suez. — Suit le tarif
du droit des douanes (18 châban 121.3) 80
— — France. Lettre du général Bonaparte à l'Iman de Mascate lui an-
nonçant l'arrivée de l'armée française en Egypte et l'invitant à
faire parvenir cette lettre à Tippo-S ihib (28 châban 1213) 87
•luin 30. France. Lettre du général Bonaparte au chérif de la Mecque
pour l'engager à faire partir une grande quantité de bâtiments
chargés de café et de marchandise des Indes, en lui assurant
leur protection (26 moharrem 1 21 i). 87
Novembre,. 15. France. Lettre de Bonaparte à Laplaco au sujet de la réunion
d'une troupe de comédiens pour l'Egypte (16 djémaziul-akhir
121/i) 1
— 18. Porte ottomane. Lettre de Moustapha-Rasikhi-efendi ministre
des afl'aires ^étrangères à Moustapha au sujet des lettres du gé-
néral Kléber (19 djémaziul akliir 1214) 1
Déceiiibre . 2. France. Proclamation du premier consul Bonaparte à l'armée
d(;rient (4 rédjeb 1214).. 3
— Porte ottomane. Lettre du grand-vézir au général Kléber au
sujet de l'évacuation de l'Egypte par les troupes françaises
(rédjeb 1214) 3
1800
J;uivier. ... — Porte ottomane. Lfttre du grand-vézir au général kléber. —
Évacuation de l'Egypte (chàbau 121 't) 5
— 13. Porte ottomane. Lettre du grand-vézir au général Kléber, ;iu
sujet des conférences sur l'évacualion de l'Egypte (16 châban
1214)... 4
— 18. France. Lettre du général Kléber au grand-vézir. — Négociations
pour l'éxacuation de l'Egypte (21 châban 1214) 0
Févriei.... 21. Grande-Bretagne. Lettre du coniuiodoïc Sidiiey Sniiih au
général Kléber. — Exécution du 24 janvier (20 ramazan 1214K . 11
Mars 8. Cirandc-Bretagne. L'ttrc du commodore Sidn>'y Smith à
f'oussielgue, administrateur général des finances.— Obstacles à
l'exécution de la convention du 24 janvier (11 chéwai 1214). . . li
— 18. Grande-Bretagne. Proclamation du général Klél er portant à
la connaissance do l'armée la hïitrc! de l'amiral anglais Keitli
refusant toute capitulation à moins que l'armée française ne se
rinde pri>.onni(;ic de guerre (21 chéwai 121 i) i;i
— -- Port»' oltomane. Lettre du grand-vézir au comn;udori- Siiliiey
Smitli, dimiandani rcxéciiio:! entière de la cotiV'Ution du 2V
janvier (ché\v;il 121V' 1 >
DES MATiftRKS CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME til'.
1800 Vmuos
Mnrs 10. France. Lettre du général Kléber :m grand-vézir annonçant qu'en
présence de l'opposition du gouvernement anglais à l'exécution
de la convention du 2'i janvier, l'état de guerre a recommencé
(22 cht'wal 12U) 15
— V8. Grande-Bretagne. Ordre secret des lords de l'amirauté à
lord Keith, donnant ordre de ne pas empêcher l'exécution de la
convention du 24 janvier (2 zilcadé 1214) 16
Avril 20. France. Lettre du citoyen Poussielguc à l'amiral Keif, drman-
d;uit la révocation des ordres qui empêchent l'ext^cution de la
convention du 24 janvier (2 j zilcadé 1214) l"*
— 2o. Crande-Br*tagne. Lettre de l'amiral Keith au citoyen l'ous-
si^-lgu'; en réponse à sa lettre du 20 (2S zilcadé 1214) 19
Mai Ij. France. Lettre du piemier consul au ministn; des relations exté-
rieures pour l'inviter à détruire les bruits désapprobatifs sur
la capitulation des troupns françaises en Egypte (20 filhidjé
1214) 20
Juin. . . . 15. France. Ordre du jour du général Menou après l'assassinat du
général Kléber (22 moharrem 1215) 21
— 20. France. Lettre du général Menou au commodore Smith au sujet
de la marche à suivre pour l'exécution de la convention du 24
janvier (27 moharrem 1215) 22
— 22. Grande-Bretagne. Lettre du commodore Smith au général
Menou, en réponse à sa lettre du 20 (iO moharrem 1215) 23
Juillet — Porte ottomane. Communication à l'envoyé de Prusse, M. de
Rnobelsdorf, demandant les bons offices de la Prusse pour
l'évacuation de l'Egypte (rébiul-éucl 1215) 25
Novembre.. 13. Porte ottomane. Lettre du divan du Caire au premier consul
Bonaparte (25 djémaziul-akhir 1215) 2(i
— 20. France. Pioclamation du général Menou aux habitants du Caire
(3 rédjpb 1215) 28
1801
Janvier. ... 9 France. Lettre du général Menou aux cheiks Abouket et Baraket
pour les remercier de l'appui qu'ils ont donné aux Français
(17 chàban 1215) 29
Février.... 27. France. Lettre du premier consul Bonaparte à l'empereur
Alexandre 1" de Russie an sujet des avantages pour le commerce
russe du canal de Suez (13 chéwal 1215) 88
Mars 5. Proclamation du général Menou aux habitants de l'Egypte, pour
les inviter au calme (19 chéwal 1215) oO
Juin 29. France. Proclamation du général Belliard aux habitants de l'E-
gypte, leui' annonçant la conclusio)i de la paix (18 sàfer 1216). 30
1802
.Mais 9. Ldtre du premier consul à Joseph Bonaparte, acceptant l'invita-
tion à la Porte d'accéder au traité, mais se réservant de faire
un traité avec cette puissance ,5 zilcadé 1210) 138
— 2J. France. Lettre, du i)romi<T consul à Joseph Bonaparte au sujet
de l'article relatif à la lurquie à mettre en dernier, iii suppri-
mant les mots : aHicc ilc la CruiKle-ISrelafjiic (18 zilcadé .1216). LSO
OctuliU' .. 18 France. Instructions du lucmier consul à lambuisadcur lirune
(20 djémaziul-;.khir 121") 252
616
Janvier..
Février..
Mars..
Juillet. . . .
Septembre.
Novembre 2
Janvier.
Février.
Mars.
Mai...
TA BLE PAR OIIDIŒ CIIKOAOLOCIQUE
1803
Pages
L>5. Franco. Dépêche du général Brune ambassadeur à Constanti-
nople au premier consul sur la négociation relative aux béys
d'Egypte (Ki chéwal 1217) 45
30. France. Rapport du colonel Sébastiani au premier consul (21
cliéwai 1217).. t\6
!i. France. Dépèche du général Brune au premier consul au sujet
des béys d'Egypte (28 chéwal J 217) Gl
21. Crande-Bretagne. Dépêche de lord Whitworth à Paris à lord
Hawkesbury, ministre des affaires étrangères, rapportant une
conversation avec le premier consul (28 chéwal 1217) G'J
15. Grande-Bretagne. Note du ministre des affaires étrangères
à Andreossi, ambassadeur de France à Londres, au sujet du
rapport du colonel Sébastiani (21 zilcadé 1217) 63
25. Porte ottomane. Lettre du drogman de la Sublime-Porte à
l'ambassadeur de France, Brune, pour lui annoncer l'évacuation
entière d'Alexandrie par les troupes anglaises (1 zilhidjé 1217), 04
20. Porte ottomane. Lettre d'Ibrahim-béy et d'Osman-béy au
premier consul Bonaparte, lui demandant sa médiation auprès
de la Porte pour obtenir la paix (26 zilcadé 1217) 64
28. France. Note de l'ambassadeur de France à Londres au ministre
des affaires étranjières de S. M. britannique en réponse à la
note du 1 5 ( i zilhidjé 1217) 65
20. France. Dépêche du général Brune au suj3t des présents en-
voyés au premier consul par la Porte (20 rébiul-éwel 1218) . . . 254
28. France. Lettre du premier consul au ministre,des relations ex-
térieures au sujet de la secte des Wohabites(11 djémaziul-akhir
1218) - 6G
4. France. Lettres du premier consul au ministre des relations ex-
térieures, l'invitant à écrire à M. Lesseps d'accuser réception de
la lettre d'Osman-béy du 20 mars (9 châban 1218) 66 et 67
ISOû
IC. France. Message du premier consul au sénat sur l'appui donné
par h-, France à la Porte (3 chéwal 1218) 254
24 . France. Lettre du premier consul au citoyen Régnier, pour faire
répandre le bruit d'une expédition en Irlande et en Morée (11
chéwal 1218) 254
10. Porte ottomane. Firman de la Sublime-Porte à Djézaïrli-Ali-
Pacha, au sujet de la protection à accorder aux consuls établis
à Alexandrie (fin chéwal 1218) 68
14. France. Lettre du premier consul au général Brune lui envoyant
une lettre pour Sélim III par les soins du citoyen Jaubert
(2 zilhidjé 1218) 255
8. Porte ottomane. Lettre de Sélim III au premier consul en
n'ponse à celle envoyée par l'entremise du citoyen Jaube t. (27
moharrem 1219) 256
21. Porte ottomane. Lettre de Sélim III à Napoléon 1", au sujet
de !-es bons feciitimcnts pour sa personne (21 sàfer 1220) 350
'.2. France Dépêche du général Brum; iiu premier consul sur la
présentation du citoyen Jaubert au sultan Sélim et conienant
une noie sous foimc d'office au grand-vé«ir (11 sàfer J21!>). . . 260
DES MATIÈRES CONTENUES DA.XS LE DKLXIK.MK \Ol,lMI-. til7
Page»
Juin 20. Porte ottomane. Aote adressée par la Sublime-Porte à l'ain-
bassadeur Brune au sujet de l'élévation du premier consul à
l'empire (1" décade rébiul-évvel 1219) .3 il
— 28. France. Dépéclu,' du g(:n('Tal Biuiie a Napoh'on l'"^ lui envoyant
la note de la Porte du 20 juin (Ht rébiul-éwel 1-219) 3.'|2
— 29. Porte oitoinaue, Frnnee. Conférence du R(is-éfendi avec le
général Brune au sujet du titre d'Imperator à reconnaître à Na-
poléon I" par la Porte ^20 rébiul-éwel 1219) 3?i2
Juilii't.... 0. France. Lettre de Napoléon I«' à M. de Talleyrand sur l'arrivée
de M. Jaubert de Constantinople (20 rébiul-akliir 1219) 269
— 17. France. Lettre de Napoléon 1=' au général Brunti lui envoyant
des instructions sur la conduite à tenir par rapport au cabinet
russe (18 rébiul-akhir 1219) 270
— 21. France. Lettre de Napoléon I" au prince de Talleyrand insistant
pour que la Porte lui donne le môme titre qu'à l'empereur d'Al-
lemagne (4 djémaziul-évvel 1220) 352
Août l'}. France. Lettre de Napoléon I»' au secrétaire interprète Jaubert
lui donnant ordre de voir l'ambassadeur turc au sujet des pro-
jets de la Russie (0 djéraaziul-éwel 1219) i7 j
Septembre 20. Porte ottomane, France. Conférence du Reïs-éfendi avec le
général Brune, au sujet de la reconnaissance de l'empereur Na-
poléon par la Porte [lli djémaziul-akliir 1219) 343
— 29. France. Dépêche du général Brune à Napoléon 1", au sujet de
sa position vis-à-vis des hésitations de la Porte à reconnaître
Napoléon l" comme empereur des Français (23 djémaziul-akhir
1219) 344
Octobre. . . 4. France. Note du général Brune à la Porte demandant ses passe
ports (;:8 djémaziul-akliir 1-219). . 340
— — Porte ottomane, Prusse. Conférence du baron de Biélefeld
chargé d'affaires de Prusse avec le Reïs-éfendi sur les empêche-
ments mis parla Russie à la reconnaissance par la Poite de
Napoléon I" comme empereur (rédjeb 1219) 340
— 7. Russie. Note de M. dltalinski envoyé de Russie à la Sublime-
Porte, contre la reconnaissance par la Turquie de Napoléon l"
comme empereur (2 redjeb 1219) J40
— — (birande-Bretagnc. Note de sir Stration chargé d'affaires de la
Grande-Bretagne à la Porte annonçant la rupture des relations
si la Turquie reconnaît l'empereur Napoléon (rédjeb 1219) . 347
— 14. France. Note du général Brune à la Sublime-Porte, lui repro-
chant sa dépendance de la volonté de la Russie et demandant
de nouveau ses passe-ports (9 rédjeb 1219) 347
— 17. Porte ottomane. Note au {jénéral Brune en réponse à celle du
14 octobre (12 rédjeb 1219) 347
— 24. France. Note du général Brune à la Sublime-Porte demandant
de nouveau ses passe-ports (19 rédjeb 1-219) 348
Novembre. 7. France. Note du général Brune à la Sublime-Porte exprimant le
regret de voir le ministère ottoman sous Tinfluence dune cour
étrangère qui le maintient dans une tutelle humiliante (3 chà-
iKin I219> ,. 3'48
i. il. [\()
618
TABLE PAIi ORDRE CHRONOLOlîIOUE
180/1
Pages
Novembre. — France. Dépèche du prince de Talleyraud à l'ambassadeur
Brune lui enjoignant, dans le cas où la Porte ne reconnaîtrait
pas le titre impérial dans les 3 jours, de quitter Constantinople
(châbanl2l9) 348
Décembre. 20. France. Dépèche du maréchal Brune à Napoléon I" au sujet de
son départ de Constantinople (17 ramazan 1219) 349
— 23. Grande-Bretagne, Russie. Note protestant contre la recon-
naissance par la Porte de Napoléon I" comme empereur (20
ramazan 1219) • 350
1805
Janvier. ... 30. France. Lettre de Napoléon 1" à Sélim III, au sujet des desseins
de la Russie (29 chéwal 1219) 271
Février. ... 0. Porte ottomane. Ordre pour insérer dans les firmans le titre
de padechah et imperator de France (17 zilcadé 1220) 339
21. Porte ottomane. Lettre de Halet-éfendi ambassadeur à Paris
à Napoléon I" au sujet d'une avance de 60,000 francs contre
. une lettre de change sur Constantinople (21 zilcadé 1219) 273
Mai 21. France. Lettre de Napoléon I" à M. de Talleyrand pour lui diie
d'annoncer l'envoi à Constantinople du général Sébastian! (3 ré-
biul-évvei 1221) 274
Juin 5. Porte ottomane. Discours de Mouhib-éfendi à Napoléon 1",
en lui présentant une lettre de félicitation du sultan sur son
avènement au Irone impérial (18 rébiul-éwel 1221) 274
— 11. France. Lettre de Napoléon l" au prince de Bénévent au sujet
des menées de la Russie en Turquie (24 rébiul-éwel 1221) 275
— 19. France. Lettre de Napoléon I"^ au prince de Bénévent au sujet
d'une réponse à faire à Ali-pacha (2 rébiul-akhir 1 221) 270
— 20. France. Lettre de Napoléon I ' à Sélim III (3 rébiul-akhir 1221). 277
— 28. France. Lettre de Napoléon 1" au prince Eugène au sujet de
l'envoi de troupes en Albanie (11 rébiul-akhir 1221) 278
Juillet 3. France. Lettre de Napoléon l" au prince Eugène au sujet de la
position du général Lauriston au Monténégro (15 rébiul-akhir
1221) 278
— 28. France. Lettre de Napoléon l" au prince de Talleyrand au sujet
de la violation du territoire turc par les Monténégrins (11 djé-
maziul-éwel 1221) 279
Septembre. 16. France. Note du général Sébastiani ambassadeur à Constanti-
nople à la Sublime-Porte (3 rédjeb 1221) 27!i
Novembre.. 11. France. Lettre de Napoléon P"^ à Sélim III lui annonçant ses
victoires sur la Prusse (29 châban 1221) 281
30. Porte ottomane. Lettre de Sélim III à Napoléon I" (19 rama-
zan 1221) 282
Décembre., l. France. Lettre de Napoléon I" à Sélim III (20 ramazan 1221). .. i84
1. France. Lettre de Napoléon I" au général Sébastiani l'autorisant
à signer avec la Porte un traité secret lui garantissant la Molda-
vie, la Valachie et la Servie (20 ramazan 1221) -84
^ 8. Porte ottomane. Lettre de Sélim III à Napoléon I" annonçant
l'envoi d'un agent pour conclure une alliance (27 ramazan 12211. 285
DES MATIKP.ES CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME V>{9
1805
Pages
Décembre. 11. France. Lettre de Napoléon I" à rarchicliancelier Cambacérès
lui donnant ordre d'envoyer un courrier à (lonstantinople pour
annoncer à la Porte les événennents accomplis en Europe (30 ra-
niazan 1221) IS7
— 13. France. Lettre de Napoléon I*' au grand-duc de Berg contre l'an-
nonce par afliche de la déclaration de guerre entre la Porte et
la Russie (2 chéwal 1221) i;88
— 27. France. Lettic de Napoléon P'' au prince de Bénévent, le char-
geant d'annoncer à Constantinoplc ses victoires sur la Russie
(2 chéwal 1221) 288
— 30. France. Note rédigée par Napoléon 1" pour être publiée dans lo
Moniteur au sujet des rapports entre la Porte et la Russie (19
chéwal 1221) 288
1807
Janvier 1. France. Lettre de Napoléon 1" à Sélim III (21 ciiéwal 1221). . . 280
— "i. Porte ottomane. Note circulaire aux représentants des puis-
sances étrangères annonçant la fermeture de la mer Noire
(8 zilcadé 1221) 332
— 20. France. Lettre de Napoléon I" à Sélim III (11 zilcadé 1221). . . 290
20. France. Dépêche du prince de Talleyrand au général Sébastiani
sur les mesures à prendre par la Porte contre la Russie (11 zil-
cadé 1221) i90
— 29. France. Lettre du maréchal Berthier adressée par ordre de Na-
poléon l" au général Marmont lui donnant ordre d'envoyer
des officiers du génie à Constantinoplc (20 zilcadé 1221) 291
— 29. France. Lettre de Napoléon I'" au prince de Talleyrand pour lui
dire d'écrire au général Sébastiani au sujet de l'ordre qu'il a
donné au général Marmont d'aider les pachas en munition de
guerre et secours d'argent (20 z.lcadé 1221) 293
— — France. Note du général Sébastiani à la Porte demandant l'ar-
restation des Anglais résidants en Turquie et la mise sous sé-
questre de leurs propriétés (1221) 293
Février.. . . 9. Porte ottomane. Lettre de Sélim III à Napoléon l" (1 zilhidjé
1221) 294
— 9. France. Lettre du général Sébastiani au prince de Talleyrand au
sujet du désir de la Porte de conclure un traité offensif et dé-
fensif avec la France (1 zilhidjé 1221} 290
— 17, France. Message de Napoléon I" au sénat pour lui annoncer la
communication du rapport du ministre des afl'aires étrangères
sur les dangers de la Porte (9 zilhidjé 1221) 297
— 20. France. Dépêche du général Sébastiani au prince de Talleyrand
sur l'entrée des vaisseaux anglais dans les Dardanelles (12 zil-
hidjé 1221) 298
Mars 3. France. Lettre de Napoléon I'' au prince de Talleyrand sur les
vues de l'Autriche (23 zilhidjé 1221) 298
— 9. Porte ottomane. Lettre de Sélim III à Napoléon I" au sujet
de l'arrivée de l'escadre anglaise devant Constantinople (29 zil-
hidjé 1220) 299
620 TABLE PAU OKDP.R GtmO\OLO(UQUfc:
1807
Pages
Mars 11. France. Lettre de i\apoléon l"' au prince de Talleyraiid au sujet
d'une demande de la Porte d'envoi d'ofliciers français (1 mohar-
rem 1222) 300
— 11. France. Lettre de Napoléon !"■ au prince de Talleyrand autori-
sant le général Sébastiani à recevoir la croix du Croissant
(1 moharrem 1222) 300
— 12. France. Lettre de Napoléon 1" au prince Eugèûe lui envoyant
ses instructions (2 moharrem 1222) 301
— — Porte ottomane. Lettre d'Aali-paclia (de Yanina) à Napoléon
I" réclamant sa protection (1222) 301
Juillet 9. France. Réponse de Napoléon 1* à la lettre d'AaIi-pacha (3 djé-
maziul-éwel 122:2} 302
Septem; re. 7. France. Dépêche de M. de Champa^ny au général Sébastiani,
au sujet du traité de Tilsilt (4 rédjeb 1222) 302
Novembre . 28. France. Rapport de M. de Champagny à Napoléon !"■ sur l'en-
trée des Russes en Moldavie et en Valachie (27 ramazan 1222). 303
Décembre. . 10. France. Dépêche du général Sébastiani au ministre des affaires
étrangères, rendant compte d'une entrevue avec le Reîs-éfendi
(9 chéwal 1222) 306
1808
Janvier.. . . 13. France. Dépèche du ministre des affaires étrangères au général
Sébastiani sur la probabilité pour la Porte d'être forcée d'ache-
ter la paix au prix de la Valachie et de la Moldavie (14 zilcadé
1222) .*'^ 307
Février.... 15. France. Dépêche du général Sébastiani au ministre des affaires
étrangères au sujet d'une communication du Reîs-éfendi (17
zilhidjé 1222) . 30 7
Mars 4. Porte ottomane. Lettre de Moustapha IV à, Napoléon I" de-
mandant sa protection pour la garantie de l'intégrité du terri-
toire turc (9 moharrem 1228; 308
— 1/4. France. Dépêche du général Sébastiani au ministre des affaires
étrangères au sujet des bruits de l'alliance de la France avec la
Russie (19 moharrem 1223) 308
Avril 2. Analyse d'un mémoire de M. Hamelin présenté à Napoléon I" au
sujet des avantages que l'Égypie offrirait, comme colonie pour
le passage du commerce des Indes (5 sàfer 1223) 70
Mai 23. France. Lettre de M. de Verninac au ministre des affaires étran-
gères, relatant une entrevue avec l'ambassadeur turc (27 rébiul-
éwel 1223) 308
Juillet. ... 12. France. Mémoire du général Sébastiani sur la Turquie, la Rus-
sie et l'Autriche (18 djémaziul-éwel 1223) 310
Novembre , 3. France. Rapport de M. de Champagny à Napoléon l" sur la situa-
tion h. Constantinople (16 ramazan 1223} 329
Décembre.. 1. France. Rapport de M. de Champagny à Napoléon I"' au sujet
d'une visite de l'ambassadeur ottoman au ministre de Russie
12 chéwal 1223) 330
1809
Avril 9. France. Note de M. de Latour-Maubonrg chargé d'affaires
DES .MATIEKES CONTENUES DANS LE DEUXIÈME \0LL'\1E (iJl
1809
Paffes
!i la Sublime-Porte réclamant contre la fermeture du Bosphore
(23 sâter 1 •_»2'i) 333
Mars 10. Porte ottomane. Note circulaire aux représentants dos puis-
saccps étrangères annonçant la fermeture d'i détroit de la mer
Noire (2/i sâfer 122/i) 334
— — France. Note de M. de l.atour-Maubourg à la Porte, contre la
clôture de la mer Noire 'fin sâfer 1224) 335
— 16. Porte ottomane. Lettre de Kara George Petrovitch chef des
Serbes demandant à Napoléon I" sa pro»ectioii (5 rédjeb 1224). 331
1810
Mai 25. France. Rapport de M. de Champagny à Napoléon V' au sujet
de l'arrivée à Paris d'un député servien (20 rébiul-akhir 1225). 331
1829
Août 15. Porte ottomane. Note aux représentants de la France et de la
Grande-Bretagne pour adhérer au traité de Londres du 6 juillet
1827(1/1 sàfer 124i) 397
Septembre, 9. Porte ottomane. Déclaration de la Porte aux représentants de
la Fiance et de la Grande-Bretagne pour souscrire aux déter-
minations de la conférence de Londres relativement à la Grèce.
(10 rébiul-éwel 1245) 380
1830
Février ... 11. Saxe-Cobourii. Réponse du prince Léopold ^ la note du ode
la conférence de Londres lui offrant la couronne de Grèce (17
châban 1245) 401
— 20. France, Grande-Bretagne, Russie. Protocole de la confé-
rence de Londres contenant la réponse à la note du 1 1 du prince
Léopold de Saxe-Cobourg (26 chàban 1245) 402
Avril 8. France, Grande-Bretagne, Russie. Note des représentants
des 3 puissances à la Sublime-Porte pour notifier les résolutions
arrêtées en commun au sujet de la Grèce (15 chéwal 1245) ... 381
— 24. Porte ottomane. Note de !a Sublime-Porte aux représentants
de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie en réponse
à leur note du 8 avril (1" zilcadé 1245) 386
1831
Novembre. . 16. France, Grande-Bretagne, Russie. Protocole de la con-
férence de Londres» au sujet du tribut annuel à remettre par les
Samiens à la Porte (10 djémaziul-akhir 1247) 402
1832
Juillet 21. France, Grande-Bretagne, Russie. Arrangement pour les
affaires de Grèce (23 sâfer 1 248) .387
— 21. France, Grande-Bretagne, Russie. Protocole d'une con-
férence tenue à Constantirioplc sur les affaires de Grèce pour
être transmis à la conférence de Londres (23 sâfer 1248) 5!»l
Août .iO. France, Grande-Brelaiine, Russie. Protocole de la confé-
rence de Londres sur la fixation défiuitiTc des frontières conti-
nentales de la Grèce ^2 rébiul-éwel 12',8) 392
6'i'2 TABLE PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE
1832
Pages
Décembre . lo. Porte ottomane. Note remise aux représentants de la France,
de la Grande-Bretagne et de la Russie, contenant les concessions
faites aux habitants de l'Ile de Samos (17 rédjeb 1248) 399
20. Porte ottomane. Noie aux représentants de la France, de la
Grande-Bretagne et de la Russie au sujet de leur note du 7 no-
vembre (3 chàban 12&8) 395
1833
Janvier. . 28. France. Lettre du baron de Varennes chargé d'affaires de France
à Ibraliim-Pacha, au sujet de la conclusion d'un arrangement
définitif entre la Porte et l'Egypte (8 ramazan 1248} 355
Février.. . . 5. Egypte. Réponse d'Ibrahira-pacha à la lettre du 28 janvier du ba-
ron de Varennes (16 ramazan 1248) 356
17, Porte ottomane. Note de la Sublime-Porte aux représentants
de la France et de l'Angleterre pour leur demander d'intervenir
auprès d'Ibrahim-pacha (28 ramazan 1248) 356
22 France. Lettre du baron Roussin, ambassadeur de France à Mo-
hammed-Aali-pacha, l'engageant à accepter sans retard les pro-
positions de la Porte (13 chéwal 1248) 357
— ~ France. Lettre du baron Roussin à Ibraliim-pacha lui envoyant
copie de sa lettre à Mohammed-Aali-pacha (3 chéwal 1248).., . 358
-23, Grande-Bretagne. Lettre de M. Mandeville, ministre d'Angle-
terre à Ibrahim-pacha insistant auprès de lui sur la nécessité
de retirer ses troupes de Kintahia (4 chéwal 1248) 359
— — Grande-Bretagne. Dépêche de M. Mandeville à lord Palmers-
ton, pour l'aviser de l'envoi de sa lettre à Ibrahim-pacha (4 ché-
wal 124») 359
Mars 1 . Egypte. Réponse d'Ibrahim-pacha à la lettre de M. Mandeville
du 23 février (10 chéwal 1248) 360
— 7, Grande-Bretagne. Dépêche de M. Mandeville à Lord Pal-
merston lui envoyant la lettre d'Ibrahim-pacha du l"' mars
(IG chéwal 1248) 301
— 8. Egypte. Réponse de Mohammed-Aali-pacha à la lettre du 22 fé-
vrier du baron Roussin (II chéwal 1248) 361
— — Egypte. Note remise au nom du pacha aux consuls généraux de
France, d'Angleterre et d'Alexandrie (chéwal 1248) 562
— 21. France. Mémorandum du duc de Broglie, ministre des affaires
étrangères aux agents diplomatiques de la France à l'étranger
au sujet du conflit entre la Turquie et l'Egypte (3 zilcadé 1248). 305
29 . Grande-Bretagne. Lettre de M.Mandeville à Ibrahim-pacha lui
conseillant d'accepter les propositions delà Porte (10 zilcadé 1248). 373
— 31. Grande-Bretagne. Dépèche de M. Mandeville à lord Pal-
merston au sujet de la résolution de la Porte de conférer avec les
trois grandes puissances pour mettre fin au conflit avec l'Egypte
(12 zilcadé 1248) 374
Avril 15. Grande-Bretagne. Dépêche de M. Mandeville à lord Pal-
merston, annonçant la retraite d'ibrahim-pacha (26 zilcadé 1248). 376
— 15. Porte ottomane. Liste des pachas des Éyalets (26 zilcadé 1 248). 377
Mai 4. Grande-Bretagne. Dépêche de M. Mandeville à lord Palmers-
DES MATIÈIiES CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLLME 623
, . Pages
ton lui annonçant que le sullan a accordé à Ibrahim-paclia l'ad-
ministration du paclialik d'Adana (1 5 zilhidjé 12/i8) 377
Mai j. Porte ottomane. Firman de la Porto aux fonctionnaires de
l'Anatolie leur ordonnant de ne pas rccliercher pour le passé les
habitants et les notables et d'oublier les événements antérieurs
(16 zilhidjé 1248) 378
— — Egypte. Lettre d'Ibrahim-pacha à Malimoud II le remerciant de
sa nomination au gouvernement d'Adana (fin zilhidjé 12Ji8). .. . 378
Juillet.. .. 8. Porte ottomane, Russie. Article 2 du traité d'alliance con-
firmant les traités (20 sàferl2.VJ) .. 308
Décembre.. 20. France. Grande-Bretagne, Russie. Note des représentants
à la Sublime-Porte pour faire cesser leur intervention en faveur
des habitants de l'Ile de Samos (13 châban 1249) 403
1834
Septembre. 27. France, Grande-Bretagne, Russie. Note aux habitants de
l'Ile de Samos annonçant l'arrivée de commissaires pour rece-
voir leur soumission (23 djémaziul-éwel 1250} 404
1835
Décembre. 7. France, Grande-Bretagne, Russie. Note de leurs repré-
sentants à la Sublime-Porte pour accompagner la remise de la
carte des frontières de la Grèce (16 cliàban 1251) 396
— 15. Porte ottomane. Note aux rcpréjentants de la France, de la
Grande-Bretagne et de la Russie, pour déclarer l'acceptation de
la carte des liaiites finales de la Grèce (24 chàban 1254).. ... 39
1839
Mai 25. France. Dépêche du baron Bourgueney à Londres au maréchal
Soult rapportant une conversation avec lord Palmerston au su-
jet de la reprise des hostilités entre la Porte et l'Egypte (4 rc-
biul-éwel 1255) [^l^
— 30. France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney en
réponse à celle du 25 mai (9 rébiul-éwel 1255) 421
Juin 15. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Palmerston à lord Gran-
ville à Paris annonçant l'envoi d'instructions à l'amiral Stopford
(2 rébiul-akhir 1255) /jo
— 17. France. Dépèche du baron de Bourqueney au maréchal Soult
au sujet des délibérations du conseil des ministres à Londres
(4 rébiul-akhir 1255) ^2
— 17. France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney au
sujet d'une réponse à donner à lord Palmerston sur l'opinion
du gouvernement français (4 rébiul-akhir 1255) 426
— 10. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Palmerston à lord Gran-
ville pour lui communiquer les instruciions à envoyer à l'ami-
ral Stopford et demander l'opinion du gouvernement français
(6 rébiul-akhir 1255) 420
— 20. France. Dépêche dn baron de Bourqueney au maréchal Soult eu
réponse à cslledu 17 juin (7 rébiul-akhir 1255) 430
— 26. France. Instruction de l'amiral Duperré à l'amiral Lalande
commandr^nt la station du Levant (13 rébiul-akhir 1255) 432
o
o
02/| TABLE PAIi OHDHE GHRONOLOCilQUE
1839
P.iges.
Juin. ... 27, France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney
contenant des considérations sur l'hypothè.se de l'arrivée des
Russes à Constantinopie (16 rébiul-akhir 1255) .. li^k
Juillet — France. Projet de note envoyé par le maréchal Soult au baron
de Roiissin à Constantinople pour demander l'ouverture des
Dardanelles à une escadre française, dans le cas où les forces
de terre ou de mer d'une ou de plusieurs des cours alliées se-
raient appelées à Constantinoplo (rébiul akliir 1255) 'i?6
— fi. France. Dépêche du maréchal Sonlt au baron de Bourqueney
.iu sujet de l'accord avec la Grande-Bretagne dans la démarche
auprès de la Porte pour l'ouverture du passage des Dardanelles
(23 rébiul-akhir 1255) 4'^
— 7. Lettres du baron Roussin ambassadeur à Constantinople à l'am-
bassadeur d'Angleterre lord Ponsonby au sujet des mesures à
prendre en présence de l'insurrection du Capitan-pacha (24 ré-
biul-éwel 1255) 430
— 8. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Granville à lord Pal-
merston an sujet de la note de la France au baron de Roussin
(25 rébiul-aldiir 1255) i39
— 9. France. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult au
sujet des instructions de lord Palmerston à lord Ponsonby
(26 rébiul-akhir 1253) . 440
— Jl, France. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult
sur l'assentiment de lord Palmerston au projet de déclaration
des puibsances de l'intégrité de l'empire ottoman (28 rébiul-
akhir 1255) 444
— 1 2. France. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult au
sujet des nouvelles apportées de Vienne au Uoreiga office (26 ré-
biul-akhir 1255) hhh
— 17. France. Dépêche du maréchal Soult aux représentants de la
France à Vienne, Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, Constan-
tinople, sur l'accord des grandes puissances vis-à-vis de l'empire
ottoman (5 djémaziul-éwel 1255) 4'i7
— 19. France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney nu
sujet de la mort du sultan (5 djémaziul-éwel 1255) 448
— 19. France. Note du baron de Bourqueney à lord Palmerston pour
lui transmettre la dépêche du 17 du maréchal Soult (7 djéma-
ziul-éwel 1255) 448
— 22. Orande-Brelagne. Réponse de lord Palmerston à la note du
19 du baron de Bourqueney (10 djémaziul-éwel 1255) 4'j9
— 23. Franee. Dépèche du baron de Bourqueney au maréchal Soult,
rapportant une conversation avec lord Palmerston sur la situa-
tion causée par la mort du sultan (Il djémaziul-éwel 1255). . . 449
— 23. France. Note du comte de Sainte-Aulaire à Vienne, au prince
de Metternich, déclarant que la France veut l'intégrité de l'em-
pire ottoman sous la dynastie actuellement régnante (Il djéma-
ziul-éwel 1255) 451
— 24. Autriche. Note du prince de Metternich au comte de Sainte-Au-
laire en réponse à sa note du 23 (12 djémaziul-éwel 1255) 451
— 26. France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney à
DES MATIKKES CONTENUES DANS LE DEUXII^ME VOLUME 625
18.39
Page»
Londres, au sujet des événements accomplis à Constantinoplu
et en Syrie (1/i djûma/iul-éwel 1255) . 452
Juillet. .. 27. Autric'lie, France, Grande- Bro(agn4>, PruNNo. ItuHNie.
Note à la Porte pour annoncer leur accord sur la question d'O-
rient (15 djémaziul-éwel 1255) Vi7
— 27. France. Dépêche du maréchal Soult au consul général de France
à Ak'xandrie pour rappeler Méhémet-Ali à la modération (15
djémaziul-éwcl 1255) 'i5.'i
— — France. Dépêche du baron de Bourquency au maréchal Souk
donnant l'opinion de lord Paimerston de presser la conclusion
de l'arrangement des affaires d'Orient sous le patronage des
cinq cours (15 djémaziul-éwel 12 ')5) 450
— — Grande-Bretagne. Note de lord Beauvale au prince de Met-
ternich donnant l'adhésion de son gouvernement aux vues de
l'Autriclie (15 djémaziul-éwel 1255) 457
— 28. Autriche. Note du prince de Metternich à lord Beauvale en ré-
ponse à sa note du 27 (16 djémaziul-éwel 1255) /i57
— 31. France. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult sur
une divergence entre la correspondance de lord Granville et sa
dernière dépêche (19 djémaziul-éwel 1255) /i.ig
Aoù' .... 1. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Beauvale à lord Paimers-
ton, lui envoyant un projet de déclaration proposé par lui et
modifié par M. de Sainte-Aulaire (20 djémaziul-éwel 1255) 460
— — France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney
lui demandant l'opinion du cabinet anglais sur l'altitude à
prendre par suite des prétentions nouvelles de Méhémet-AIi
(20 djémaziul-éwel 1255) 462
— 3. France. Dépêche du baron de Bourqu^ney au maréchal Soult en
réponse à sa dépêche du 1" (22 djémaziul-éwel 1255) i63
— 6. RuMsie. Dépêche du comte de Nesselrode au comte de Médera à
Paris sur les déterminations prises par la Russie en présence
des événements d'Orient (•25 djémaziul-éwel 1255) hM
— — France. Dépêche du maréchal Soult au baron de Bourqueney en
'- éponse à celle du 3 (25 djémaziul-éwel 1255) 469
— — France. Dépêche du maréchal Soult au baron Roussin contre
les exigences de Méhémet-Ali (25 djémaziul-éwel 1255) 471
— 9. France. Lépôche du baron de Bourqueney au maréchal Sou't au
sujet du refus d'intervention de la Russie dans les affaires de
Turquie i28 djémaziul-éwel 1255) 473
— 13. France. Lettre du baron Roussin à lord Ponsonby, au sujet de lu
mission d'un bâtiment égyptien en Albanie (2 djémaziul-akhir 1255) 475
— • 16. RnsKÎe. Dépêche du comte de Nesselrode au comte de .Médem,
au sujet des intentions de la Russie dans les affaires d'Orient
(5 djémaziul-akhir 1255) 47.-J
— 17. France. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult
rapportant les décisions du conseil des ministres anglais (6 djé-
maziul-akhir 1255) ^78
— IS. France. Dépêche du baron de Bourqueney au maréchal Soult au
sujet de l'adhésion de la Russie à l'accord des grandes puissances
dans les affaires d'Orient (7 djémaziul-akliir 1255; 4^9
626
Août 22.
Septembre. 5.
— 16.
— 23.
— 26.
— 30.
Octobre... 2.
— 10.
Novembre, fi.
— 22.
Décembre. 9.
— J3.
— 26.
Janvier.... 1
TABLE PAR ORDRE CFIRONOLOGIQUE
1839
Pages
France. Dépêche du maréchal Soultau baron de Bourqueney en
réponse à celle du 18 (11 djémaziul-akhir 1255) 481
France. Dépêche du général Sébastian! ambassadeur à Londres
rapportant son premier entretien avec lord Palmerston au sujet
des aflaires d'Orient (25 djémaziul-akhir 1255) 1^482
Grande-Bretagne. Dépêche de M. Bulwer, au sujet du peu
de dispositions du gouvernement français à employer des me-
sures coercitives contre Méhémet-Ali (7 rédjeb 1255) ù85
France. Dépèche du général Sébastiani au maréchal Soult sur
la proposition d'une convention par la Russie (14 rédjeb 1255). 485
France. Dépêche du maréchal Soult au général Sébastiani refu-
sant de donner son assentiment aux propositions de la Russie
(17 rédjeb 1255) 487
Grande-Bretagne. Dépêche de lord Ponsonby à lord Palmers-
ton pour lui annoncer le rappel de l'ambassadeur français de
Constantinople (21 rédjeb 1255) 490
France. Note du baron de Roussin à Réchid pacha, au sujet du
mouillage des escadres anglaise?: et fraAçaises, dans la baie de
Ténédos (23 rédjeb 1255) 490
France. Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult con-
tenant la proposition de lord Palmerston d'un acte entre les 5
puissances réglant leur part d'action dans la crise d'Orient (24
rédjeb 1255) 491
France. Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult au su-
jet des concessions demandées par Méhéraet-Ali (1 châban 12 J5). 492
Grande-Bretagne. Dépêche de lord Granville à lord Palmers-
ton sur les instructions du gouvernement français à l'amiral
Lalande (26 châban 1255) 493
Russie. Dépêche du comte de Nesselrode à M. de Kisseleff à
Londres, au sujet des ouvertures du baron de Brunow au cabi-
net anglais (15 ramazan 1255) ... 493
France. Dépêche du maréchal Soult au général Sébastiani au
sujet du rejet par lord Palmerston du plan d'accommodement
proposé par la France (2 chéwal 1255) 495
France. Dépêche du maréchal Soult au général Sébastiani, au
sujet de la nouvelle du retour à Londres de M. de Brunow muni
de pleins pouvoirs pour signer une convention (2 chéwal 1255). 500
France. Discours de Louis-Philippe à l'ouverture des cham-
bres. Extrait sur les afl'aii'es d'Orient (16 chéwal 1255) 502
Russie. Dépêche du comte de Nesselrode au comte de Médem
contenant des explications à donner au gouvernement français
(19 chéwal 1255) 502
18iO
Russie. Dépêche du comte de Nesselrode au baron de Brunnow
au sujet de la dépêche du maréchal Soult au général Sébasiiani
justifiant l'altitude du cabinet des Tuileries en opposition au
point di; vue adopté pur l'Anglett'rre (.25 chéwal 1255) 507
France. Dépêche du général Sébastiani au maréchal Soult lui
envoyant des renseignements sur les idées libellées par M. du
DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME 6'i7
I8IZ1
Pages
Brunow à lord Palmerston (26 chéwal 1255) •'JOO
Janvier. .. 20. France. Dépôche du général Sébastian! au maréchal Soult à
Londres sur un projet que lui a communiqué lord Palmerston
pour terminer le différend entre le sultan et le pacha d'Egypte
(15 ziicadé 1255) 511
— 24. Franee. Dépêche du maréchal Soult au baron de Barante à Saint-
Pétersbourg en réponse à la dépêche du comte de Nesselrode au
comte de Médem du 26 décembre 1839 (10 zilcadé 1255) 514
— 26. France. Déptehe du maréchal Soult au général Sébastian! en
réponse à celle du 20 janvier (21 zilcadé 1255) 516
— 28. France. Dôpêche du général Sébastian! au maréchal Soult pour
lui annoncer que le conseil a décidé que la convention projetée
devra être conclue conjointement entre les cinq puissances et la
Porte (23 zilcadé 1255) 518
Février. ... H. France. Dépéclie du baron de Bourqueney au maréchal Soult,
annonçant que lord Palmerston attendra l'arrivée de M. Guizot
à Londres pour rouvrir la discussion (30 zilcadé 1255) 510
— 10. France. Instructions du maréchal Soult àM. Guizot à son départ
comme ambassadeur à Londres (15 zilhidjé 1255) 520
Mars à- France. Dépêche de M. Guizot rendant compte d'un entretien
avec lord Palmerston (29 zilhidjé 1255) 52i
— 12. France. Dépêche de M. Guizot à M. Thiers. — Lord Palmerston
avant de rien décider attendra l'arrivée du plénipotentiaire turc
(8 n-.oharrem 1256) 530
— 17. France. Dépêche de M. Guizot à M. Thiers. Lord Palmerston mit
une extrême importance au concert des cinq puissances (13 mo-
harrem 1256) 530
— 17. France. Lettre de M. Guizot à M. Thiers au sujet de l'alterna-
tive soit de se mettre d'accord avec l'Angleterre, soit de se te-
nir à l'écart et attendre les événements (13 moharrem 1256). . . 531
Avril 28. France. Note de M. Guizot à Nouri-éfendi, ambassadeur de
Turquie à Londres. — Il est prêt à rechercher avec les représen-
tants des quatre autres puissances les moyens d'amener un ar-
rangement en Orient (25 sàfer 125fi). ... 531
Juin 11 . France. Dépêche de M. Thiers à M. Guizot. — Le but des puis-
sances a été de donner un appui moral à la Porte contre son
puissant vassal, c'est là le véritable état de la question (10 ré-
biul-r.khir 1256) 532
— 15. France. Lettre de M. Guizot à M. Thiers. — L'Autriche et la
Prusse sont prêtes à laisser au pacha l'Egj-pte héréditairement
etla Syrie viagèrement (14 rébiul 1256) 533
— Î1. France. Note de M. Guizot à Chékibéfeudi. — Il fera tous ses
eflorts de concert avec les autres plénipotentiaires pour arriver
à un prompt arrangement 20 rébiul-akhir 1256 534
Juillet . . It. France. Dépêche de M. Guizot à M. Thiers au sujet de l'effet
produit par la destitution de Khosrew-pacha (11 djémaziul-éwel
1256) SS.'i
— 15. Grande-Bretagne. Mémorandum remis par lord Palmeistou à
M. Guizot (1 o djémaziul-éwel 1256) 538
— 16. France. Lettre de M. Thiers à M. Guizot. — Il ne faut pass'é-
e'J8 TABLE l'AK ORDRE GHROINOLOGIOUE
18-'i0
Pages
mouvoir mais tenir bon (16 djémaziul-éwcl 1256) 5'i0
Juillet .. 20. Wrande-Bretagne. Dépêche de M. Biilwer à lord Palmerston.
Conversation avec M. Thiers (20 djémaziul éwel 1256) 5/|0
— 21. France. Lettre de M. Thiers à M. Guizot. Son étonnement de
l'abandon de l'Angleterre-, la France est maintenant libre de
choisir ses amis et ses ennemis (21 djémaziul-éwel 1256) 5il
— 22. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Palmerston à M. Bulwer
en réponse à la dépêche du 20 juillet (20 djémaziul-évsfel 1256). 54l'
— 2li- France. Mémorandum français rpmis par M. Guizot à lord Pal-
merston {'l!i djémnziul-éwel 1256) S^.'i
— 31. France. Lettre de M. Thiers à M. Guizot, pour lui recommander
de tenir ferme (1 djémaziut-akhir 1256) SW
Août 1. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Granville à Paris à lord
Palmerston. — Appel des classes de 1836 et 1839 et crédit pour
augmentation de la marine française (2 djémaziul-akhir 1256).. 56">
— h. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Palmersion à lord Gran-
ville, en réponse de sa dépêche du 1*^' août (5 djémaziul-akhir
1256) 545
— 14. France. Instructions confidentielles de M. Thiers à M. Guizot
(15 djémaziul-akhir 1256) 546
— 17. Autriche. Dépêche de l'internouce à Constantinople au prince
de Metternich au sujet d'une communication faite à Fiéchid-
pacha par le drogmau de l'ambassadeur de France (18 djéma-
ziul-akhir 1256) 547
— — Antrîche. Rapport du baron de Testa interprète de l'internonce
sur la communication mentionnée dans la dépêche du môme
jour (18 djémaziul-akhir 1256) 548
— 19. France. Note du comte de Pontois ambassadeur de France à
Constantinople à Rechid-pacha contre l'interprétation donnée
à la communication qu'il lui a fait faire par son drogman (20
djémaziul-akhir 1256) 549
— 19. France. Conversation de M. Guizot avec le roi Léopold de Bel-
gique (20 djémaziul-akhir 1256) 549
— — France. Entretien de M. Guizot avec lord Palmerston (20 djéma-
ziul-akhir 1256) 550
— 22. Autriche. Dépêche du baron de Stiirmer au prince de Metter-
nich. — Communication de M. de Pantois à Rechid-pacha (23
djémaziul-akhir 1256) 553
— 23. France. Lettre de M. Guizot à M. Thiers. — Joie de la Russie
(24 djémaziul-akhir 1256) 556
— 23, Turqnîe. Note de Rechid-pacha au comte de Pontois en réponse
à sa note du 19 (-'4 djémaziul-akhir 1256) 557
— 24. France. Note du comte de Pontois àRechid pacha en réponse à
sa note du 23 (25 djémaziul-akhir 1250) 557
— 24. France. Lettre de M. Guizot à M. Thiers. — ''ntervention du
roi Léopold ec de lord Melbourne auprès de lord Palmerston
(2.~) djémaziul-akhir J 2)6) 558
— 27. Porte ottomane. Note de Rechid-paclia an comte de Pontois
en réponse à sa note du 24 (28 djémaziul-akhir 1256) 559
— 28. Grande-Bretagne. Dépêche de M. Bulwer à Lord Palmerston.
DES MATIÈKES GOiNTKNUES DANS LE DEUXIÈVIE VOf.UVlK 629
JS/iU
fagct.
Possibilité d'un arrangement avec la France (20 djémaziul-akhir
1-256) 560
Août. . . . :i\ . France. Note du comte de Pontois à Réchid-pacli;i en réponse à
sa note, du 27 (2 rédjeb 125(!) 560
— — Grande-Bretagne. Dépùche do lord Palmersion à M. Bulwer.
— Réponse au. mémorandum français du 2/i juillet (3 rédjeb
1256) 561
Septembre. 6. France. Lettre de M. Thiers à M. Gnizot. — Réponse de lord
Palmcrston du 31 août (7 rédjeb 125l>) 572
— 7. France. Lettre de M. Thiers à M. Guizor. — Communication du
comte de Pontois à Récbid-pacha (10 rédjeb I5,'>6) 573
— 8. France. Lettre de AL Thiers à M. Guizor. — Demande d'expli-
cations sur les opérations contre Bèyroui (11 rédjeb 1250). . . . :.~U
— 9. (lirande-Brctagne. Note de iord Palmerston à M. Guizot. —
Goirimunication du comte de Pontois à Réchid-paclia (12 rédjeb
1256) 574
— 10. Grande- Bretagne Note de lord Ponsonby au comte de Pon-
tois. — Annonce du blocus des ports d'Egypte et de Syrie (19
rédjeb 1250) 575
— — Grande-Bretagne iVote de lord Palmerston à M. Guizot pour
lui annoncer la conclusion d'une convention signée le 15 rela-
tivement aux affaires de la Turquie (19 rédjeb 1256) 576
— 17. France. Note du comte de Pontois à lord Ponsonby en répouse
à sa note du 16 (20 rédjeb 1256) 570
— — France. Dépêche de M. Thiers ;i M. Guizot. Concessions de
MéliémetAli (20 rédjeb 1256) 577
r . France. Lettre de M. Thiers à M. Guizot. — Limite des conces-
sions de Méhémet-Ali (20 rédjeb 1256) 57a
— — France. Note du comte de Pontois à Réchid-pacha. — Blocus
des ports d'Kgypte et de Syrie (20 rédjeb 1256) j7g
— 1«. FranccNote de M. Guizot à lord Palmerston. — Accusé de ré-
ception ds sa note du 16 (21 rédjeb 12.J6) 574»
— — France. Note de M. Guizot à lord Palmerston. — Réponse à la
note du 16 (il rédjeb 1256) ,. . 579
— — Grande-Bretagne. Note de lord Palmerston h M. Guizot. — En-
voi de la copie du protocole d'une conférence pour les affaires
de Turquie (21 rédjeb 1256) 58i
— 18. Grande-Bretagne. Dépêche de M. Bulwer à lord Palmerston.
— Démarches d'un personnage français en vue d'une entente
entre ht France et l'Angleterre (21 rédjeb 1250) 58J
— 22. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Palmerston à M. Guizot en
réponse à sa note du 18 (25 rédjeb 1256) 582
— "J3. France. Lettre de M. Guizot au duc de Broglic. — Les vues sur
la position de la France dans les affaires d'Orient (26 rédjeb
1 256) 583
Octobre . . 1 . France. Lettre du duc de Broglie à M. Guizot, en réponse à sa
lettre du 23 septembre {U cliàban 1256) 087
— 3. France. Dépêche de M. Thiers à M. Guizot. — Réponse au mé-
morandum anglais du 31 août (6 chàban 1256) 59]
— »>. Grande-Bretagne. Dépêche de lord Palmerston à lord Gran-
6o0
Octobre.
Novembre .
Mars
Avril
Mai.
Janvier..
Juillet.
\vril.
Août .
Octobre
Mars.
TABLE PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE
1840
Pages
ville au sujet d'une communication du prince de Metternich au
gouvernement français (9 cliâban 1256) OO/i
, 8. Russie. Circulaire du comte de Nesseirode aux agents diploma-
tiques de la Russie à l'étranger au sujet de la convention du 15
juillet et des vues de la Russie dans les affaires d'Orient (li
chàban 1256) (iOO
1854
lô. France. Mémoire de M. de Lesseps à Moharamed-Said, pacha
d'Egypte, sur la jonction de la mer Méditerranée et de la mer
Rouge par un canal à Suez (22 sâfer 1271) 88
30. Egypte. Firman de concession du pacha d'Egypte à M. de Les-
seps pour le percement de l'isthme de Suez (9 rébiul-éwel 1271). 9a
1855
1. Porte ottomane. Lettre de Rechid-pacha au pacha d'Egypte
lui annonçant que la question du percement de l'isthme de Suez
est à l'étude du conseil des ministres (12 djémaziul-akhir 1271). 9(»
30 . France. Rapport de M. de Lesseps au pacha d'Egypte sur la ca-
nalisation de l'isthme de Suez (13 chàban 3271) 90
20. Egypte. Lettre du pacha d'Egypte à M. de Lesseps au sujet de
l'autorisation par la Sublime-Porte des travaux de percement
de l'isthme de Suez (3 ramazan 1271) 95
20. Egypte. Lettre du pacha d'Egypte à M. de Lesseps, approuvant
son rapport du 30 avril (3 ramazan 1271) 98
1856
5. Egypte. Acte de concession du pacha à M. de Lesseps et cahier
des charges pour la construction et l'exploitation du canal ma-
ritime de Suez et dépendances (26 rébiul-akhir 1272) 99
5. Egypte. Lettre du pacha d'Egypte à M. de Lesseps soumettant à
l'autorisation de la Porte la concession du canal de Suez (26 ré-
biul-akhir 1272) lOi
20. Egypte. Règlement pour les ouvriers employés aux travaux du
canal de Suez (17 zilcadé 1272) 104
1863
6. Porte ottomane. Dépêche d'Aali-pacha aux ambassadeurs de
la Porte à Paris et à Londres au sujet du percement de l'istlmn;
de Suez (16 chéwal 1280) 106
18. Egypte. Lettre du pacha Ismail à M. de Lesseps au sujet des
modifications à apporter dans l'acte concernant la compagnie
pour le percement de l'isthme de Suez (3 rébiul-éwel 1280). .. 109
12. Egypte. Lettre de Noubar-pacha au président de la compagnie
pour le canal de Suez portant les propositions du vice-roi (23
rébiul-akhir 1280) „ 110
1864
3. France. Rapport de M. Drouyn de Lhuys proposant la nomina-
DES MATIÈRKS CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME CÛM
186Û
l'ilgl'S
tion d'une commission pour l'examen des questions pendantes
entre le gouvernement égyptien et la compagnie de l'Isthme de
Suez (24 ramazan 1280) UO
Juin. ... 15. France. Article du Moniteur universel donnant des renseigne-
ments au sujet du rapport de la commi.ssion instituée pour
l'examen de l'affaire de Suez à la suite duquel le pacha a référé
à l'arbitrage de l'empereur (6 chéwal 1280) 111
•'"••l'ît 6. France. Sentence arbitrale de Napoléon III dans l'affaire de
l'Isthme de Suez (1 sâfer 1281) Ul
FIS DE LA TABLE DES MATIÈRKS DU DEUXIÈME VOLUME
JX Testa, Ignace de, baron
8ii.6 Recueil des traités de la
I864, Porte Ottomane
T^ ■
t. 2
PLEASE DO NOT REMOVE
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