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UNIVER5ITY OF PITT5BURGH
Uarliiigton JVleinorial J_<ibi
RECUEIL DE VOYAGES
DOCUMENTS
pour servir
A L'HISTOIRE DE LA GÉOGRAPHIE
Depuis le XIII" jusqu'à la fin du XVI" siècle
r c n L 1 1'
Sous la direction de MM. CH. SCHEFER, membre de l'Institut
et HENRI CORDIER
VIII
LE VOYAGE
DE MONSIEUR D'ARAMON
AMBASSADEUR DU ROY LN LEVANT
ANGERS, IMPRIMERIE BURDIX ET C'% 4, RUE GARXIER
Le Voyage
DE
MONSIEUR DARAMON
AMBASSADEUR POUR LE ROY EN LEVANT
ESCRIPT PAR NOBLE HOMME
JEAN CHESNEAU
L'un Ji's sui claires diidicl St'ii'ih'ur ambassadeur
Public et annote par .^L CH. SCHEFER, membre de l'Institut.
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
18, RUK BONAPARTE, 28
M.D.CCCLXXXVII
INTRODUCTION
La relation des vovaocs de M. d'^ dranioii daiis le Levant
5c' compose de denx parties ; la première est consacrée an
voyage de Ragnse à Constantinople et la seconde retrace
ritinéraire snivi par cet atnhassadeur ponr aller rejoindre
l'armée de Snltan Snlcynian et retonrner à Constantinople,
après avoir visité la Syrie et F Egypte. Cette relation n'est
point le seul récit écrit par nu Français de cette stérile cam-
pagne de Perse, entreprise par les Tnrcs ponr ruiner hi puis-
sance de la dynastie des Séjévis.
Jacques Gassot , envoyé à Constantinople au mois de
décembre ij4/ , chargé de dépêches pour M. d'^Pramon,
raccompagna en ^4sie-Mineure, eu Perse et en Svrie. Il tint
un journal exact de son voyage et, au mois de décendur i)4S,
il le remit ci M de Cotignac, valet de chambre du roi qui re-
n INTRODUCTION
hmnuiit en France. Cette relation, écrite sousjorme de lettre,
est adressée à niessirc Jacques Thihoust, écnyer, seigneur de
OuanliUy, notaire et secrétaire du roi et son élu en Berry.
Elle fut imprimée à Paris en ij^o; une seconde édition fut
donnée en iôo6 par François Jacquin ; enfin il en parut
une troisième à Bourges, en 1684, sous le titre de Lettre
écrite d'Alep en Surie par Jacques Gassot sieur de
Deffens à Jacques Thiboust, sieur de Quantilly...
contenant son voyage de Venise à Constantinople,
de là à Tauriz en Perse et son retour audict Alep.
Pierre Gilles, qui accompagna aussi M. d'^ramon, avait
ailrcssé, de son côté, à son protecteur le cardinal d'armagnac,
une lettre dans laquelle il lui racontait toutes les péripéties
du voyage de Perse. Nous en trouvons la mention dans un
opuscule^ rédigé pour son protecteur et consacré à la descrip-
tion d^in éléphant que M. d'^4ramon aurait voulu envoyer
au roi : « ah illis literis quihus proxime sumnuim totius
nostri itineris ah urhe By:[Lintio usque ad Tefricem (TehrirJ
Medicc urhem, inde usque ad Berrboeam Syriacani tibi bre-
viterdesigmivi, nihil notahdius ohservaviquam hcri inieritum
elephanti ej usque sectioncm. » Les lettres de Pierre Gilles
ont été insérées dans la traduction de THisloire des animaux
d'Flien im[iriniéeà Lyon en i)6j '.
La troisièuH' relation, celle de Jean Cbesneau, est beaucoup
plus coin pic le que celle de Jacques Gassot, car elle nous fait
connaiire les di\jérents iiwideuts du voyage de M. d'^4ranu)n
à Damas, à Jerusaleni et en. Egypte et ceux de son retour à
1. Voyez, l.i luitc de 1.1 p.i^c lU).
INTRODUCTION iit
Constantinopic par la cale du nord de la Syrie, la Cilicic cl
V^isic-M'uicurc.
vivant de donner quelques déiaih sur Jean Chesneau et les
deux éditions déjà parues de sa relation, je mets sous les yeux
du lecteur les rcnscigncnuiits que j'ai pu réunir sur la per-
sonne de M. d'^4ra)iuni, et sur les différentes missions qu'il a
remplies à la cour du Grand Seigneur.
Bayle, dans son Dictionnaire historique et critique, et
Morcri ont consacré quelques liones à M. d'^-lranion ; mais
elles ne jettent aucune Inniiére sur la vie de cet andntssadeur.
Léon Ménard, le compilateur des « Pièces fugitives pour
servir à Thistoirc de France » , a en entre les mains quelques
docunuvits relatifs à des nuiubrcs de la famille de Luct:^
d'^ramoiL II nous apprend que Gabriel de Luet:^, baron et
seigneur d'^ramon et de Valahrègues, était le fils de Jean de
Luet:^ et de Jeanne, dame de Laudun, veuve en premières
noces de Joachim des ^4stars, seigneur de Mirabel au- diocèse
de Viviers. Il naquit probablement dans les dernières années dn
XV' siècle, et le 6 janvier 1)20, il épousa à Nîmes, Dau-
phine, fille de Jean de Montcalm, seigneur de Saint-Véran,
de Candiac et de Tournemire, juge-mage de la sénéchaussée
de Beancaire et de Nîmes. Gabriel de Luet:^ ayant perdu son
père, fut assisté pour soji nuiriage du conseil et de la présence
de Jacques de Sarras, seigneur de Bernis, son parent et son
curateur. Le nom de Gabriel de Luel:^ ifest point cité par les
auteurs qui se sont occupés de f histoire du Languedoc, de la
Provence et du Dauphiné; les archives du déparlenienl du
Gard conservent une transaction passée le 20 mars ijjj
IV INTRODUCTION
entre les syndics, habitants et manants d'^4ranion et Gabriel
de Liieti, seigneur d'^ranion, du Ternie, de Valabrègues, de
Conips et de Saint-Etienne-des-Dcserts.
La dédicace d'uiw traduction italienne du Coran, publiée
à Venise en IJ4J^ nous fournit sur d'^ranion quelques
renseignements asse:^ vagues\ Cet ouvrage est dû à la plume
d'un certain Andréa ^rrivabene qui parle en ces termes de
« Villustrissimo signor Gabriel de Luves s" d'^ramon, conse-
gliere délia Maestà Christianissinm et ambasciatore appresso
il signor Turco » : « In Ici resplende la nobilità del sangue,
in Ici la di^nità et i^rado di Signoria, in lei le doti delV
animo eccelentissimo, onde et nello essercitio deïïarmi et in
quel délia toga se vistoquante niaravigliosa mente sià riuscita.
La prudentia, il valore, la libcralità nclla militia se conos-
ciufa scniprc in lei, quanto in ogni altro famosissinio capi-
tano. Siane testinwnio fra Faltre, la guerra di Proven:^a et
quclla del Piémont dove ogninno sa le sue prove quante et
qualc fussero et del ingegno et délia pcrsonna et che honore et
lande ne riportasse.' »
On doit conclure de ces lignes que d'^Aranion prit part aux
1. Ardiiuii, p.iite ville en Languedoc, diocèse et recette d'U^cs, parlement de Tou-
louse, oénêralilê de Montpellier. On y compte joj feux. Cette ville est située dans
une contrée délicieuse, fertile et aboinlunle surtout en huile excellente, sur la rive
droite du Rhône. Il y a à Aramon un couvent de Récollels et un autre d'Ursulincs .
La terre d'Aramon est une haronnie fort ancienne et qui est possédée depuis long-
temps par une maison Jécond: eu sujets de grand mérite. (Dictionnaire géographi-
que, liistorique et politique des Gaules et de la France. Paris, iy62, tonn- I,
iHlge 222.)
2. L'Alcorano di Maconieito nel quai si contiene la doctrina, la vita, i cos
tunii e le legge suc. Tradotto nuovamente d'aU'arabo in lingua italiana. Con
gialiee privitegii. M. D. XLllI.
iN'riUM)L'(;iit^x V
opcratious qui flirnf cclmicv l'invcisioii de Jiî Provence en
^5 )?■> ''/ ^' '■''■^^^'■''^ '/'"' ''"/''''''/ //V// diUis le Piémont en F année
suivante.
Le iS mars ijj% GnilJannie de Poitiers, sei^nenr ile
Saiut-J\d]ier, exposait dans nne reqnéte adressée an roi qne,
par différents arrêts rendns par Je parlenient dn Daiipbiné,
le sieur Dantherien et le chapitre de Saint-Bermird de
Romans, créanciers de feu ^ymard de Poitiers, jnrent mis en
possession des terres et seigneuries d'^4ramon et de J\da-
hrègues. Un arrangement étant intervenu, Guillaume de
Saint-Vallier prit possession de ces terres. Mais « le nommé
Gabriel de Lues, accompagné de plusieurs gens aventuriers
mal vivants et mal renommés, par force et violence et sans
autorité de justice, Tavoicnt expolié, chassé, battu, tué, blessé,
nnitilé et détroussé plusieurs de ses gens ; pris par jorce le
bien des habitant:^, mis le feu et brûlé. » Le roi commit pour
la connaissance de ces faits, Imbert Tarreau, prévé)t de
Valence, qui rendit plusieurs arrêts contre d'^ramon et ses
complices, et prononça la confiscation de leurs biens. Ils jurent
donnés à Guillaume de Poitiers et ils passèrent ensuite cidre
les mains de Diane de Poitiers; la possession lui en jut con-
firmée en i))6 par lettres patentes du roi Henri IV.
Privé de ses biens, obligé de s'éloigner, d'^ramon se rendit
en Italie et nous le trouvons, en 1^41, à J\iiise, employé jxir
Pellicier, êvéquede Maguelonne et andnissadeiir de François l'
auprès de la Seigneurie.
I . Je dois lu coinDtuniùitioii de ce document à J'obUi^eance de M. Bj^nditrand, ar-
cl.'iviste dn défyartenieiil du Gard .
vr INTRODUCTION
Depuis Vannée i))S, la vil Je de La Mira ndole avait été
remise entre les mains de François T, en vertu d'une sentence
du pape Paul III . Le roi devait la retenir sous sa protection
jusqu'au règlement du différend qui divisait Galeotto et Jean
Thomas Pic. Un certain nombre de gentilshommes français
s'étaient rendus dans lltalie du Nord et avaient fait agréer
leurs services par les princes qu'effrayaient la puissance et
l'ambition de Charles Quint. Pellicier avait pu entendre
parler des qualités militaires de d'^iramon ; il avait peut-être
eu des rapports avec lui. Quoiqu'il en soit, il s'empressa de
faire appel à son activité et chercha à mettre un terme à sa
disgrâce.
Peu de temps après son arrivée, d'^ramon avait été
envoyé, avec un gentilhomme de Bretagne, M. d'^Ipigny de
la Mothe, auprès du comte de La Mirandole et recommandé
chaudement à ce prince par Pellicier ; celui-ci, dans une lettre
écrite le lo août i)4i, défiiùt en ces termes la mission
confiée à ces deux gentilshommes : (( Havendo io informato il
secretario di V. S. circa tutte quelle cose le quale da queste
bande accorreva sapere, come essa da lui potrà nieglio inten-
dere et pcr effetto conoscere, che non si manca di far provi-
sionc a lutte quel che è di bisogno, per queste non- li diro altro,
for clicl présente allalor è Mous, d'^iramon, il quai mando a
F. S. accio sia présente alla rassegna délie faut crie si debbeno
jare et le paghe et slia costi fin che si veda quel che vol fare
l'Imperatore, affin che volendossi far altra gente ci sia pré-
sente et a pagar et a far ogni altra cosa, de la quai besogni
renderne conto a la Cortc a quel tali che a lai officio son
IXTRODUCTIOX vit
soprasianti, perche ûJtniDicnfc F. S. sd niolio hrn chr mm si
saria admessa aJcmm ragioiicchc allc^j^iisscnio iJ perche prcii^' ho
sia contenta fcvgli huona acogleiit'ui et coiupcigiiiii et il siiiiile
a Mans, de la Motla et sua nepote chevengo]io iii conipagnia
del dctto siguor d'^4rainon, pregandola sia contenta ove
accorrera la occasionc importante loro qneUihoncsticarichi di
iniprcse ch'cssa iudicara csser convenienti alla Jor dignità ci
honor si corne niolto meglio potrà intender da M. Forniiguet
al qnale io scrivo pin al longho et pii'i particolarnienle de
cioch' accade che ragioin et conferisca con î\ S. alla huona
gratia délia qnal di hnon cuor, etc. »
La mission qne d'^ramon avait à remplir à La
Mirandok était à peine terminée qud était chargé cVnne
autre plus délicate et pleine de périls. Deux seigneurs
italiens, Jules César de Gon:;ague et Paolo de Trilago se
faisaient forts de s'emparer de Crémone, par surprise avec
la complicité du capitaine Jean ^}idré de Bergame, et de
remettre cette place aux mains du^ roi. L'entreprise était con-
sidérable et Pellicier crut devoir, avant d'écouter tonte propo-
sition et d'en informer le roi, s'assurer des chances de succès
d'un pareil coup de main. Il se décida à envoyer d'^ramon
à Crémone et sur le rapport que lui fit celui-ci, il le fit partir
pour la Cour et lui confia la lettre suivante pour la rennitre
aux mains du roi :
« Du 20 novembre. Se montrant le cappitaiiie Jehan
Andréa de Bergamo fort affectionné à vostre service ainsi que
depuis le cognois l'avois tonsionrs trouvé, ni avait tenu propos
de quelque entreprinse de fort bien grande importance comme
IXTRODUCTTOX
(tiissi il (I fiiil il M. cr^riiinou pour cstir son amy cl le
cogiîoistirfori cxpcriiiicnté un fuici tic la gncrve et par consé-
quent, upte cl suffisuul eu tels ujfaires, et vostre hou suhject cl
féal serviteur dont me soUicitans vous le faire entendre,
fusmes d\uivis d'envoYcr en premier lieu le plus sccrettcmcnt
que faire se pour roi t sur les lieux pour t aster le gay, si la
chose seroit si faisihle quil disoit. Parquoy, ayant expérimenté
ledict sieur d'^dranion en aucunes choses pour vostre service,
et T avoir trouve en toutes fort loyal, affectionné et suffisant et
mesmemeul dernièrement à la Mirandolc, tant pour faire
conduire les deniers seuremeiit que pour les monstres et nous
advertir de ce qui estoit hesoing y obvier et faire, où il s'est
fort dextrement porté au gré et contentement du sieur Conte
delà Mirandola et de tous autres ainsi qu'ils nnvit rapporté
et se offrant liberallenient d'aller voir si ladicte affaire seroit
pour réussir éi effect, ainsi qu'il estoit proposé, send4a au sieur
chevalier Thonnis et éi nnn> les dehvoir laisser aller, ce qu'ils
ont Jaict eiisand^lenu'ut. Lequel sieur d'^Pramou à son retour,
m'a jaict rapport que après avoir examiné et bien prouvé le
tout, qu'il a trouvé esire faisible cl de bien grande importance
pour Vosire Majesté ainsi que dudict sieur chevalier Thomas
pourre:;^, s'il vous plaist, estre amplement informé, pour lui
avoir Icsdicis cappitaincs coninmiuqué et déclaré le tout bien
au long par le menu. Donc, s'il vous plaira qu'on y doive
entendre, uùidvcriir de vostre voulloir. fe ne faudray m'y
gouverner tout (Uusy qu'il m'y sera commandé et vous peux
assurer, Sire, que je ne cognois à présent hoiiiuie par deçà
mieux à propos de qui je puisse avoir commodité, tau! en celle
INTRODUCTION" ,x
(///(' iiiilrc cl.vsc pour uoslrc service dl^piirlciiitui ù hi o/zc/'/v
ijiw Icilict sieur cF^4rai)iO}i\ )) .•
/(' ii'ui pu trouver aucun rensei^nenieul sur Je séjour de
d'^invuou à lu Cour, iiniis il est certain qu'il vit éclmier
toutes les tentatives quil fit pour rentrer en possession de ses
biens. Il était en correspondance avec Pellicier et il lui trans-
mettait tous les avis qui pouvaient l'intéresser.
(( Monseii^neur, écrivait Pellicier à M. d'^nnehaut, sous
la date du 24 décend^re 1)41, M. P^iranwn m'a escript que
luv ave:^ parlé touchant aulcuns pacquet:^ ou lettres qui s'es-
toient égarées du sieur Cappitaiiie Polin, nuiis vous asseure
que je n'en ay point receu. » Le capitaine Polin, qui était ar-
rivé à Venise, au nuns d'août i)4i, revint iuopinénniit dans
cette ville en février IJ42, le jour de carénie prenant, ^prés
avoir débarqué à Scbenico, il avait traversé rEsclavoine pour
se porter à la rencontre de Sultan Suleynuin qui revoiait de
Bude. Polin fit, au nom du roi, au. Grand Seigneur et à ses
principaux officiers, des présents magnifiques- et lui demanda
l'envoi de sa fiotte sur les côtes de Provence ainsi que ses bons
offices auprès de la République de Venise pour la faire entrer
dans l'alliance dirigée contre Charles Quint. Le capitaine
Polin fut chargé de faire connaître à François V l'intention
du Sultan d'armer la flotte et d'envoyer à Venise le premier
1. %ecueil des Icltres de PeUicier, )iiss. français de la Bibliothèque nationale,
Syojol. ipi.
2. «Polin lui présenta pour le service et enrichisseni-:nt de son buffet des z'ases et
vaisselle d'argent excellemment mis en œuvre jusques au poids de six cent livres et
aux lassas et capitaines du sérail et portiers cinq cens robes longues de toutes sortes
de draps de soye ou d'escarlate. »
Paul Jove, Histoire, etc. Tonte II, page ij. v
X IXTRODUCTION
drogmûu de la Porte, Yoiiuis hey, qui serait chargé de traiter
avec la Seigneurie. Polin ne fit qu'un très court séjour en
France; dès les premiers jours d'avril i)42, il était de retour
à Venise et il poursuivit jusqu'à la fin du. mois de mai,
auprès du Sénat, une négociation qui ne put aboutir. D'^-
ramon était aussi revenu à Venise. 11 s occupa tout d'abord
de la situation militaire de La Mirandole et au mois de mai
il allait, à l'instigation de Pellicier, faire une reconnaissance
à Trente et s'assurer s'il serait possible d'enlever cette ville
au cardinal Madru^^o qui s'était rendu à Venise pour
traiter de la restitution de la ville de Marano au roi
Ferdinand. L'ambassadeur du roi lui écrivait sous la date
du 10 mai.
(( Lequel (le cardinal Madru^Tp) doibt partir de brief pour
s'en aller faire le rapport de la responce qu'il a eue de son
ambassade qu'il est venu faire ici pour l'affaire de Maran au
roy Ferdinando où (à Trente), il séjournera et mettra quelque
temps pour avoir long chemin à faire qui est jusques à
Vienne, dont pour la petite garde qu'il y a et le peu de vigi-
lance que l'on y faict, ainsi que M. d'^ramon mesme, qui est
sur le lieu rayant très bien visité et examiné, m'a dict que
cela ne seroit pas impossible à faire, d'autant que ce est un
prebstre jeune homme et peu praticque. Lequel tire de ladicfe
evesché environ trente cinq à quarante mil escus dont une
bonne partie, ainsi que f entends, se tire dudict Trente et des
lieux dépohlans d'icelluy, parquoy s'en pourroit l'on bien
entretenir sans qu'il nous feu st de grand coust. >) Le roi des
Roniains eut vent de tous ces projets et le rappel de Pellicier
IXTRODUCTIOX xi
arrêta pour quelque temps tes préparatifs mililaircs de la
France daus le jiord de f Italie.
D'tAramou fiif-il obligé de s'éloigner de Venise après le
départ de l'évêque de Maguelonne on acconipagna-t~il le
capitaine Polin, lorsque celui-ci retourna à Constantinople ?
Je n'ai pu trouver sur ce point aucune hunière dans les docu-
ments qu'il m'a été possible de consulter. Quoiqu'il en soit,
d'Aramon se rendit à Constantinople, et le capitaine Polin le
laissa comme résident auprès de la Porte, lorsqu'il s'embarqua,
le i6 mai i)4j, pour accompagner la flotte de Barberousse.
Je n'ai point à retracer ici les détails du séjour de l'escadre
turque sur les côtes de la Provence. L'émotion causée en
Europe par cette expédition fut si universelle et si projonde
que François I" dut renvoyer Barberousse au prix d'énormes
sacrifices pécuniaires. Bientôt après, le traité de Crépy, qui rap-
prochait le roi de l'empereur, causa aux ministres du Sultan
le plus vif mécontentement ; on le fit sentir en toutes les occa-
sions à d'Aramon, et le grand vi:(ir s'oublia, à plusieurs
reprises, au point de le menacer de le faire empaler '.
Le crédit de d'Aramon était si ébranlé que le roi chargea
le protonotaire Jean de Monluc, son ambassadeur auprès de
la Seigneurie de Venise de se rendre à Constantinople avec la
mission d'assister Gérard de Veltivich, dans la négociation-
d'une trêve de dix mois sollicitée par Charles (Juint.
La mort inopinée du Dauphin avait profondément
I. « Ceste négociation {celle de Monluc) a este proposée par tierce main aj'jin que
le dit Harmont le petilt entendre, lequel estant laissé icy pour lieutenant de Polin, se
trouvit après la paix en se maulvais points que souventesfois a esté parlé de l'enipal-
ler. » (Correspondenz des Kaisers Karl V, tome II, page 47S.)
XII INTRODUCTION
modifié les projets de François I" et sou désir d'intervenir
auprès de la Porte en faveur de Tempereur, s'était singtdié-
reinent refroidi. Monhic avait pris des engagements vis-à-vis
de Gérard de Veltiuick et il Un avait promis de retourner
en France en passant par la Hongrie et l'^4utriche. Monhic
indisposa par sa conduite et ses propos inconsidérés les
ministres du Sultan, et d'^iranion, de son côté, ne cessa de
lui susciter les plus grandes difficultés. Les dissentiments des
deux agents français donnèrent aux fonctionnaires de la Porte
et aux représentants des Etats étrangers le plus triste spec-
tacle \ La situation intérieure de y empire ottoman récla-
mait impérieusement la conclusion de la paix avec l'^éu-
tricbe; Gérard de Veltzvich réussit donc à conclure nne trêve
de dix-huit mois avant l'expiration de laquelle de nouvelles
négociations devaient s'ouvrir pour arriver à rétablissement
I. « Ces différences sont accreties par les maidvais rapports des Veniciens lesquel-^
ont tout interprété an pis qne ponvoieiit, et au contraire des Françoys, non pour le
bienquili veullent à Vostre Magestê, mais pour le mal qu'il^ veulent aux Françoys,
tellement qiCili ont présentement fait tresniaulvais office à tous deux. Et a le capi-
taine Polin coufinnc ces impressions aux Turcqs par ses jnensonges et vaines prro-
mcsses; et l'ambassadeur Monluc en- a prins inimitié avecques son compaignon, le
seigneur de Harmoiit et hesoigne de telle sorte eust peu gaster le résidu du bien
qu'en pouvait rester.
« Davantaige, n'entendent encoires les Turcqs ce que leroy qe France ne envoyé nul
présent et que aucuncmoit ne respond au bien qu'il a receue de leur armée ne aux
promesses de Polin et leur semble bien estrange ce que disent les Françoys que le rov
ne sçaurait envoyer plus grand présent au Turc que V ambassade de l'ostre Majesté. »
(Corrcspondcnz des Kaisers Karl V, tome II, page 46p.)
« ... Mesmes que ledit Montluc est délibéré entièrement de faire la tresve et poi-
seroyt faire grand par cesie emprinse et tient jalousie avec l'ambassadeur Harmont
résidant à Constant i>tople de par le royde France et presques on luy avait osté cest
cluirge de ta court par pratique du dit Haramont pour cause que ne sembloit pas
nécessaire d'envoyer un nouveau ambassadeur par le roy, veu qu'il y avait un résidant
à Constant inople. » ,'Corrcspondenz, tome II, page 44S .)
INTRODUCTION xiii
d'une paix de plus Joii^iic durée. François /", effraye des
succès remportés par l'empereur sur les princes allemaiids,
mécontent des sentiments pacifiques témoignés par la Porte
à l'Autriche et de la trêve qui venait d'être conclue, laissa
d'Aramon sans subsides et sans avis. Celui-ci attribua l'a-
bandon dans lequel on le laissait aux rapports et aux
mauvais offices de Moidue, il résolut donc de se rendre à la
cour pour justifier sa conduite et connaître les intentions du
roi au sujet de la Turquie. Il avait sollicité et obtenu du
Sultan une sorte de lettre de créance pour le roi, et le grand
vi:(ir lui avait spécialement recommandé de se plaindre en
termes très vifs du protonotaire Moulue qui, dans le cours des
négociations s'était répandu en propos inconvenants sur le
compte du Grand Seigneur et des ministres, « et des hommes tels
que Monluc, avait-il ajouté, méritent d'avoir la langue et la
tête coupées. » Gérard de Veltiuick prétend, dans une dépêche
adressée au roi des Romains, que la situation de d'Aramon
était devenue intolérable. Il ne recevait plus de lettres de la
Cour et il était harcelé par ses créanciers. Il aurait désiré
quitter Constantinople secrètement, et pour ce faire, il aurait
fait représenter au Sultan les dangers que pouvaient lui fivre
courir sur sa route, les embûches des agents impériaux, Le
Sultan faisait cadeau aux envoyés qui retournaient auprès de
leur souverain, d'un kilaat ou robe d'honneur et cruiie somme de
deux cents ducats. Pour ne pas perdre ces avantages, d'^i-
ramon sollicita une audience de congé, nmiscUe lui jut refusée.
Il fit alors courir le bruit qu'il allait se rendre aux bains de
Nicéc pour y rétablir sa santé altérée. Il fréta une barque qui
XIV INTRODUCTION
aborda sur la côte d'Europe et il se dirigea sur Raguse. Il
rencontra à Tatarha:[ardjiq, Gérard de Feltiuick qui retour-
nait à Constantinople pour y négocier une trêve de cinq ans.
D'^4ranu)n eut avec lui un entretien qui roula sur les infrac-
tions à la trêve commises par les Turcs et, en prenant congé
de Veltzuick, il lui dit en plaisantant qu'il le reverrait à son.
retour, et qu'il aurait encore Toccasion de boire avec lui à
Constantinople, avant que ses araires fussent expédiées.
Gérard de Veltwick écrit dans une autre dépêche, qu'en se
rendant à la Cour, d'^ramon se flattait de l'espoir de ruiner
le crédit de Moiduc et de rentrer dans la possession de ses
domaines qui se trouvaient aux mains de la grande Sénéchale.
Ses espérances furent déçues, nuiis pour reconnaître ses ser-
vices le roi lui accorda, avec le titre de conseiller, les fonctions
de maître d'hôtel ordinaire et il l'accrédita auprès du Sultan
en qualité de son andiassadeur. Le séjour de d'Aramon en
France ne fut pas de longue durée ; le roi avait hâte de
le renvoyer à Constantinople pour qu'il travaillât à faire
échouer la négociation de Gérard de Veltzuick. Son départ
fut tenu secret : il eut ordre de passer par la Suisse pour
gagner les Etats de Venise, et le comte de La Miraudole fut
invité par AL de Morvilliers à mettre une forte escorte à sa
disposition. L'assassinat de Rincon et de Frégose justifiait
cette précaution. Chesneau trace d'une façon très sommaire
l'itinéraire de d'Aramon jusqu'il Veiuse : il parle avec cer-
tains détails du séjour de l'aiidiassade dans cette ville, du vo-
yage de Raguse ii ^ndrinople et depuis cette dernière ville
jusqu'il Constantinople ; mais il garde un silence absolu sur
IXTRODUCTIOX xv
la niissioii de d'^niinon, sur la pcrsoinic de Sultan Sulcy-
man et sur celle des vi:^irs et des fouctiouuaires avec lesquels
les agents étrangers étaient appelés à traiter.
Je supplée au silence de Chesneau et j'einprunle aux docu-
ments contemporains le portrait du Sultan et celui de son
prenuer ministre.
La période la plus brillante du règne de Sultan Sideynian
avait pris fin avec la nwrt violente d'Ibrahim Pacha. Sous
radnùnistration vigdante de ce grand vi:(ir, le vaste empire
des Ottomans avait joui d'une tranquillité à peu près com-
plète ; quelques soulèvements avaient eu lieu, mais ils avaient
été promptement étouffés; un graïul nombre d'abus avaient
été réformés et si toutes les guerres entreprises n'avaient point
été heureuses, au moins une discipline sévère avait été main-
tenue dans les arguées; les relations avec les Etats européens
avaioit été plus régulières et plus conciliantes. Les lettres et
les arts cultivés en Orient avaient jeté un vif éclat et le com-
merce avait pris des proportions jusqu'alors inconnues.
Lorsque d'^ramon revint à Constant i}iople en qualité
d'ambassadeur, la santé de Stdtan Sulevman commençait à
décliner et la Kasseby Khourrem, la célèbre Roxelane, conti-
nuait à exercer sur lui un empire absolu. La discorde régnait
entre le Sultan Mustafa, prenuer né du Sultan et ses frères
fils de Roxela]ie. Mustafa, objet de l'affection du. peuple et des
jannissaires , était accusé de vouloir détrôner son père et
d'entretenir des relations suivies avec le roi de Perse,
Chah Thahnuisp, dotU il devait épouser uiie des filles. Pour
l'éloigner de Constantinople , on l'avait privé de son
XVI INTRODUCTION
gouvcnieiiiciit de Magnésie et on lui avaii donné celui d'A-
inasie.
Ces ehiigrins domestiques et les soucis du- gouvcDieinent
avaient développé le penchant de Sultan Suleyman à la mé-
lancolie. Je donne ici le portrait qnen ont tracé les écrivains
qui ont pu avoir sur lui les renseigneinents les plus exacts, et
je conimence par celui qu'^nthoine Geufroy a inséré dans
sa Briefve description de la court du Grand Turc', ^zi-
bliée en. 1)46. « Le dict roy Seleyman peult estre à présent
de Taage de cinquante ans, ou environ, et est ainsi que j'ay
entendu, long de corps, de nienui osseniens, maigre et mal
proportionné : le visage brun et bar^anné : la teste rasée, fors
un toupet de cheveulx au sommet, ainsi que ont tous les
Turcs, pour mieux asseoir leur Tolopan, qui est un accoiis-
trement de linge. Il a le front élevé et large : les yeux gros
et noirs, le ih\ hault et un peu courbe ou aquilin, les mous-
taches longs et roux: le menton re^ au ciseau et non au
rasoucr, le col long, graisle et pendant : mélancholique, peu
parlant et peu- riant, nniis fort cholcre, asser^ lourt et ma-
ladroit et qui ne prent plaisir à aucun exercice, ^u demeu-
rant, répeuté verlueux et homme de bien entre les siens, bien
gardant sa loy, attrempé et modéré, aynmnt la paix et re-
[)07^ plus que nul de ses prédécesseurs, ce que les Turcs lux
i . Hrici'vc dcscripiion de hi court du Grand Turc et ung sommaire du règne
des Othmans, avec un abrégé de leurs toiles superstitions, ensemble l'origine de
cinq empires yssus de la secte de Mehcmet, par F. Anthoine Geuftroy, chevalier
de l'ordre de S. lehau de Jerusalenr. On les vend à Paris en la maison de
Chreslieu ll'ecJ^el doncnranl oila rue Saincl lehan de Bcaavais, an Cheral l'oliint
ranM. D.XLVl.
INTRODUCTION xvii
imputent à pusillau'unitc et ftiiiJtc de coiirciioc. // est csliiiic
doulx et hiiiihiiii, gardant sa fov et paroi le qiioy qinl pro-
mette, et que facilement pardonne à ceulx qui Voiit offensé. Son
passe temps est de lire es livres de philosophie et de sa loy. l:n
laquelle il est tellement instruict que son Mofty ne lui en sçau-
roit apprendre aucune chose. On ne le tient point trop libéral,
mais plus eschars que ses prédécesseurs. Il se laisse nianyer et
gouverner à ceulx qu'il ayme et eii qui il se fie conduen qu'il
soit quelque foy s obstiné et opiniâtre. »
« Solinuvi, dit Busbee, est un prince sur le déclin desonaage
qui paroist à son visage et à tout son corps estre digne d'un
si grand empire. Il a la réputation d'avoir esté toujours sage
dans Vaage mesme qu'il est permis en quelque façon che:^ les
Turcs dépêcher sans reproche... Ses plus grands eiuiemis ne le
blasment que d'estre trop sujet à sa femme et de s estre laissé
tromper par ses artifices lorsqu'il afaici mourir son fils aisne
Mustapha; encore impute-t-on sa faute aux enchantements de
ceste sultane. Tout le inonde sçait que depuis son légitime
mariage, il n'a couché avec aucune de ses concubines quoy
qu'il ne luy soit point deffendu par sa loy dont il est si severe
observateur et de toutes ses cérémonies qu'il a autant de passion
de les faire recevoir partout que d'agrandir son empire. Sa
santé n'est pas mauvaise pour ses années, si sa mauvaise cou-
leur nestoit la marque de quelque secrète maladie que la plu-
part du monde croit estre une gangrené dangereuse à la cuisse.
Ce prince a soin de corriger le vice de son teint avec du ver-
millon et du rouge, lorsqu'il sçait qu'un ambassadeur est prcst
de venir prendre congé de sa Hautesse, croyant qu'il est iiii-
II.
xvm INTRODUCTION
portant pour su repu talion quon ait bonne opinion de sa santé
pour se faire craindre des estrangers, comme se portant bien
et estant robuste, ce qui fut cause que je luy vis un meilleur
visage en lui disant à Dieu que lorsque je l'avois veu la
première fois \ »
Depuis la mort d'Ibrahim Pacha, Sultan SuJeyman avait
successivement confié les fonctions de vé^ir à ^yai Pacha, à
Luthfy Pacha, à Veunuque Suleyman Pacha, et enfin à
Rustem Pacha. C'est avec ce dernier que les agents de
François P'\ de Henri II et de Catherine de Médicis eurent à
traiter depuis 1)44 jusqu'en i)6i.
Rustem Pacha était né dans un petit village des environs
de Bosna Seray ; son père, paysan chrétien réduit à la plus
extrême pauvreté, n ayant pu payer le Kharadj on impôt de
la capitation, s'était vu enlever son fils qui, conduit à Cons-
I . Ambassades et voyages en Turquie et Amasle de M. Busbequiiis, nouvel-
lement traduites en français par S . G. {Simon Gaudon), Paris, 16^4, pages iSS-
Bernardo Navagero et Antonio Eri:(^o, qui exercèrent les fonctions de hayle à
Constantinople, nous ont laissé des portraits de Suleyman qui concordent avec ceux
de Geuffroy et de Bushec. Eri^o ajoute les détails suivants : « E di aspetto grave, di
corpo robusto assai e asciutto, acto a la fatica et si dilettea perché tutto il tempo che
gli avança di ozio spende 0 in andar alla caccia 0 in altro cserci^io: laquai cssa, se
come si giudica che Jaccia per hencficio del corpo, cosi si crede anco che faccia per
inlertiniinento deW aniin.i ; perch: di tutto le qualità di uomini che oggidi sono nel
niondo non crede che nesia alcuno che ahl'ia meno d'intertinimento di questo Signore ,
E stupore inlcndcre con quai sorte d' uomini s'intertiene quel tempo che vaca dalli
negoij nelle stan^ sue, nellc quali non enlrano senon eunuchi, muti e altre qualità
abietissime di uotnini suoi schiavi^ perche li altri grandi mai non vi entrano ne
parlano con il signor se non con l'osservan^a délie cerimonie sue e in loco assai
t^ubblico.
Relazionc d'Ant. Wxzm dans le tome III, page 1 jS, Ilb série des '^da.zion'x
degli ambasciatori veneti al Senato ncl secolo decimo sesto.
INTRODUCTION xix
tautinoplc, avait été incorporé dans les pai:^cs du scritil. Un
acte d'audace dont Je Sultan fut témoin attira sur lui l\illcu-
tion et lui valut un rapide avancement. Il devint silihdar ou
portc-épée du Sultan, et après la campagne de Mohac:^^, il fui
élevé au grade de grand écuyer. Il fut ensuite nommé gouver-
neur de Diarhckir, et pendant qu'il résidait dans cette pro-
vince, Sultan Sulcyman, à V instigation de Roxehtne, jeta
les yeux sur lui pour lui donner sa fille Mibroumah Sultane.
Ses ennemis répandiroit alors le bruit qu'il était atteint de la
lèpre et que son visage portait les traces de cette maladie. Les
médecins orientaux tiennent pour certain qu'aucun insecte ne
peut vivre sur le corps d'un lépreux. Un médecin de la cour
fut envoyé à Diarbchir pour fil ire nue enquête; il découvrit
un pou sur la chemise de Rustem, et ce fait fit tond)er tous les
propos que l'on avait nus en avant.
Rustem Pacha reçut le titre de heylerhey de Roumèlic, et en
i)j^, il épousala sultane Mihroumah. En i)44, il remplaça
r eunuque Sulcyman Pacha. Pendant toute la durée de sa
puissance, Ibrahim Pacha s'était montré tolérant et plein de
bienveillance à l'égard des chrétiens de l' empire; il avait entre-
temi, autant qu'il l'avait pu, de bonnes relations avec les Etals
de la chrétienté; il s'était montré généreux pour les poètes,
les gens de lettres et les troupes et il avait toujours lait preuve
d'un grand attachement pour Sultan Mustafa ; cette der-
nière circonstance, en excitant la haine de Roxelane, avait
été une des causes de sa perte. Rustem pacha, au contraire, fit
toujours parade de son mépris pour les infidèles, à la parole
desquels, disait-U, on ne pouvait jamais se fier, cl il ne dissi-
XX INTRODUCTION
umia pas le peu de sympathie qu'il avait pour les agents fran-
çais. Il se servait de l'influeuee de sa helle-mère et de sa femme
sur l'esprit du Sultan pour maintenir son crédit, et sa prin-
cipale occupation était de recueillir, pour le trésor de son
maître et pour le sien, des sommes prélevées par tous les
moyens.
Bernardo Navagero, après avoir rempli auprès de la Porte
les fonctions de haile, remit au Sénats en 1^5), Ici relation
de son séjour à Constantinople. Il trace en ces termes le por-
trait de Rustem Pacha : (( Ce Pacha est plutôt petit que
grand de taille : il a le visage très coloré et le teint si
enflammé qu'il parait violacé. Il parait être dispos et robuste,
maison prétend qu'il est sujet à une grave indisposition. Il
semble avoir une grande promptitude de coup d'œil et
être né pour r action. Il est fort actif et d'une extrême
sobriété; on dit qu'il n'a jamais bu de vin. Il supporte
la fatigue avec la plus grande patience, car, outre les
affaires qu'il traite continuellement avec le Grand Seigneur,
il donne pendant toute la semaine, excepté le mardi, des
audiences qui commencent de grand matin et prennent fin au
coucher du soleil. Il a pour les affaires une excellente mémoire
et particuUèrement pour tout ce qui concerne les forces du Grand
Seigneur; il sait bien ce que l'on doit redouter et qui on doit
craindre. Il passe pour être orgueilleux et colère... Son ambi-
tion n'a pas de bornes et son plus grand plaisir est de s'en-
tendre dire que jamais les souverains ottomans n'ont eu à
leur service un homme plus sage et plus prudent que lui. Il
est d'une avarice excessive et avec de l'argent, on lui fait faire
INTRODUCTION xxi
tout ce que ïoii veut. Il est, par nature, plus eiineuii des chré-
tiens quaucuii de ses prédécesseurs ; on ne peut, dit-il, avoir
aucune confiance dans les giaours ; mais, parmi les chrétiens,
il tient compte de ceux qui lui donnent le plus. C'est avec lui
que sont traitées et négociées les affaires d'iniportarice, mais
il s'emporte contre ceux qui ne s adressent point à lui et il leur
rend toutes sortes de mauvais offices. Il est enclin à conserver
la paix, car il sait que la guerre seule peut troubler le hoidjcur
dont il jouit dans ce monde; il ne la conseillera jamais, quand
bien même il la saurait désirée par le Sultan. Il a agi ainsi
lors de l'expédition de Perse, dans laquelle le Grand Seigneur
a éprouvé de si grandes pertes. Les conseils qu'il lui a donnés
pour l'en dissuader ont augmenté la faveur dont il jouis-
sait, j)
Busbec qui, dans ses différentes missions eut à traiter avec
Rusteni Pacha, porte sur lui le même jugenuvit que Nava-
gero : (( Rusteni paraissoit iousiours triste et tousiours en
colère. Il vouloit que ses paroles fussent des arrests. Il sçavoit
bien ce que les affaires et la vieillesse du Prince luy dennin-
doient ; mais il craignoit que l'indulgence nécessaire en ce
temps là ne Just imputée à son avarice dont il estoit soup-
çonné dans l'esprit de Soliman. C'est pourquoy il ne relas-
choit jamais de sa sévérité ordumire, quoy qu'il souhaittast
passionnément faire la paix; et s'il arrivoit quelquefois qu'on
ne luy respondist pas comme il vouloit, il n'escoutoit plus per-
sonne ; il conimandoit qu'on se rctirast et s'en alloit tousiours
luy mesme en colère. Je me souviens qu'un jour, estant à
l'audiance chei luy, et luy ayant proposé quelque chose touchant
xxri INTRODUCTION
la paix, qui luy sembla indigne de la majesté de son maistre,
il me dit hnisqncincnt que je m'en allasse che^ moy, si je na-
vois point d'autre proposition à luv faire\ »
Lorsque le retour de d'^ramon à Constantinople fut
décidé, François /"' faisait encourager par ses agents la résis-
tance des princes allemands contre l'Empereur. On répandait
partout le bruit que le Sultan, à la tête d'une puissante armée,
devait envahir les Etats du roi Ferdinand pendant que la
flotte turque ferait une diversion sur les côtes de Fltalie et de
frAfrique. Le Sultan et ses ministres étaient peu disposés à
renouveler les hostilités contre r Autriche. Poussé par la Khas-
seki. Sultan Sideyman avait résolu de porter la guerre dans
les Etats du roi de Perse, accusé de faire cause commune avec
le fils aîné du Sultan; il avait donc hâte d'éloigner toute
cause de conflit avec l'empereur et le roi des Romains. La vic-
toire de Muhlberg et F habileté de Feltiuick assuraient le succès
delà négociation qui venait d'être ouverte. Les ministres turcs,
pour rendre la paix plus stable, avaient fait savoir à T agent de
Charles-Ouint et de Ferdinand que le Sidtau^ entendait que
I. Bitshcc, Ambassades et vo\Mges en Turquie, pages ^2ç-^^o.
Rustem Pacha mourut â'hydropisie en 1^60 et fut enterré dans le harem de la
mosquée des Chahzadèh à Constantinople. L'historien turc Petchevy a donné la liste
des richesses qui formaient son héritage. Rustem Pacha possédait en Roumélie et en
Analolie mille fermes et domaines et quatre-cent-soixante-scize moulins. Il avait
cent soixante-dix esclaves hommes, deux mille neuf cents chevaux et on^e cent soixante
mulets. On trouva dans son palais une bibliothèque de cinq mille manuscrits, huit
cents Corans remarquables par la beauté de l'écriture et cent trente dont la reliure
était enrichie de pierres précieuses. Il laissa sept cent quatre-vingt mille ducats
d'argent comptant, deux mille cuirasses, six cents selles en argent, cent trente paires
d'étriers en or, huit cent soixante sabres dont la poignée et le fourreau étaient enri-
chis de pierreries, etc., etc.
INTRODUCTION
François I"" fût compris devis la trcvc qui allait ctrc avicluc.
Le roi de France était tenu au courant de ces négociations et,
pour en entraver la marche, il fit partir pour^ndriuoplc, dans
les derniers jours de décembre, Codignac, son vaJet de chambre,
porteur de dépêches chiffrées et chargé de demander à la Porte
de surseoir à la conclusion de la paix jusqu'à l'arrivée de
d'Aramon. Le chargé des affaires de France, de Canûn-ay, que le
manque d'argent avait forcé de retourner à Constantinople, fut
mandé à ^4ndrinople pour déchiffrer les lettres apportées par
Codignac mais elles ne contenaient aucun fait d'importance.
UAramon arriva enfin le mercredi saint deV année 1^4'j : il
était accompag}ié d'une suite nombreuse, dans laquelle on
voyait des gentilshommes de Raguse et d'Italie. 11 fut reçu le
vendredi saint par Rustem Pacha et le lendenmin par les
trois autres vé:^rs. Le mercredi après Pâques, il eut une
audience du Sultan auquel il présenta les cadeaux du roi^
parmi lesquels figurait une horloge enrichie de pierreries, et
que d'^ramon assurait avoir été payée quinze mille ducats.
D'^Aramon était chargé, au dire de Gérard de Veltiuick, de
prier le Sultan d'envahir la Hongrie et d'envoyer la flotte
ottomane sur les côtes d'Afrique. Il était secondé dans ses
démarches par le comte Christophe de Rogendorf, capitaine
des gardes de Charles-Ouint et fils du comte Guillaume de
Rogendorf qui avait défeiulu Bude contre les armées otto-
manes'. Le comte Christophe de Rogendorf s'était trouvé
I. Le comte de Rogendorf est, dans les dépêches de Gérard de Vellivich, désigné
sous le nom de Gonde ou Coudé. Ses titres sont relatés dans un diplôme signé par
Ferdinand à Krems, h // décembre ly^J. « Christ oph Freiherr von Rogendorf und
xsiv INTRODUCTION
lésé par tinc décision de l'Empereur, rendue en faveur de sa
femme, Elisabeth d'ŒUing. Il s était enfui pour aller offrir
ses services au plus puissant des ennemis de son maître.
Rogendorf était arrivé à Constantinople au mois de sep-
tembre i^^6 : il avait emporté avec lui, disait-on, une somme
de quarante mille ducats'. Le grand vé^ir, Rustem Pacha, Va-
MoUenhiirg , Herr -{ii Conte uiid Retoniae, Ihre Keyserl. Majestat Leih-Guarâi uiid
Hattschier-Obrister.
« // conte KogendorJ arrivato qui aï! i 2/ di settemhrecom' un vento coinc se il por~
tasse le cose de lutta cristianità sopra le spalc. Si ha star^ato primo délie questione
cVegli ha con la sua donna laquale lui fu leggiera di cervello, culpando l'Imperatore
et la regina Maria che a torto Vhan difesa et che per dis petto si e venuto a met ter in
grembo di questo G. S. et che S. M. vede si servici che li potrafar, avendo lui tanti
castelli in Anstria.
u Gionse in Constantinopoli un gentiluomo todescho nominato il conte Christofore
Rogendorf, s ignore, per quantodice, di set te castelli d' Anstria. Si présenta a Rostem
liquale lo commanda a Yonusbey. Ha porlato scco denari per la somma di 40,000
:iecchini, fu basiar la man'al sig)ior alli 10 (Octobre) una mesa ora, li ha fatlo niolto
facile lapresa di Vienna. » (Dépêches du baile de Venise citées par M. de Hammer ,
Hist.de l'empire Ottoman, tome V, Appendice.)
I. Chesneau nous donne le récit de la fuite du comte de Rogendorf dont la situa-
tion était devenue fort précaire dés le milieu de l'année IS47- ^^ levait dissipé au jeu
toutes les sommes qu'il avait apportées avec lui. Malveni écrivait le 6 juillet 1^47,
au roi des Romains: » Gondea comminciato, già molti giorni fa, a venderela sup-
pellectile sua perche non a piii denari per il victo. Ha supplicato al Bassa cheglivolgha
far crcsser el stipendio sua, quai è de 60 asperi al giorno. El Bassa gli ha risposto
che la usan^a del grau signore è che quando cresse el stipendio a qualche suo schiavo,
lo cresse per qualche valente prova che fattia detto schiavo su la guerra ovver per
longa servitii et che esso Gonde non ha anchora fatlo ne l'uno ne l'allro. »
Rogendorf fut envoyé en France au mois de février 1J4S par d'Aramon qui le fit
accompagner par le capitaine Bartholomé.
(( Alli 2() del passato parti Gonde de qua con un certo capitan Bartolomio per
Fran^a. » (Lettre de Malvezzi au roi des Romains. Archives Imp. et Royales
d'Autriche.)
J'ai placé dans l'Appendice la lettre d'un agent de Ferdinand relative à Rogendorf,
auquel on offrait un commandement dans la province de Bagdad, s'il voulait se con-
vertir à l'islamisme.
INTRODUCTION' xxv
vûit confié aux soins de Younis bey et le lo octobre, il ctiiil
reçu par Je Sultan, qui lui accordait le titre de Moutefcrriqa
et une pension journalière de soixante aspres ; an mois de
janvier ij4/, il se rendit à ^ndrinople, où le Sultan s'était
fixé pour y passer l'hiver. Rogendorf proincliail de livrer
ses châteaux^ de soulever ses amis et ses partisans et il se finsait
fort de rendre les Turcs maîtres de Vienne. Dés l'arrivée de
d'^ramon, il s aboucha avec lui et lui exposa son plan de
campagne contre l'Autriche, L'ambassadeur essaya de démon-
trer à la Porte que le mauvais état des fortifications de Fie une
en roidait, cette année, la prise facile, mais que si on laissait
achever les travaux entrepris par le roi Ferdinand, cette ville
serait désormais à l'abri de toute attaque. D'^iramon conti-
nuait sans succès ses démarches pour entraver la conclusion
de la paix, lorsque la nouvelle de la mort de François F'' par-
vint à ^ndrinople. Les Ragusais qui y résidaient et qui,
comme tous leurs compatriotes, étaient dévoués aux intérêts de
T empereur, en furent les premiers instruits \ Les ministres du
SuJtan n'ajoutèrent foi à cette nouvelle que lorsqu'elle leur fut
confirmée par le bayle de Venise et par M. d'^âramon, auquel
M. de Morvilliers avait expédié un courrier en toute hâte.
1 . « Mais les Ragusaiiis ne [aillent jamais de faire entenihe par deçà bien soi-
gueusement et dilligemmeiit tout ce qu'il^ connaissent qui peut servir à la prospérité
des affaires de l'empereur, les eslevant tousiours le plus qu'il\ peuvent par tous les
aduis qu'il:^ escrivent et autre vérité, à son grand advantage et exaltation. A quoy
jusques icy j'ay tasché d'obvier., escrivant souvent à M. d'Aramon pour liiy repré-
senter la vérité des choses en telle sorte que l'on connaisse que lesdits Ragusains escri-
vent plus souvent leur passion que la vérité. » (Lettre de M. de Morvilliers au
connétable de Montmorency sous la date du 27 mai 15 '17 ; man. de la Biblio-
thèque nationale, 2(})j,J'cl. 220.)
XXVI INTRODUCTION
La mort du roi déconcertait tous ses agents à l'étranger :
rétablissement d'un gouvernement nouveau était pour eux
la cause d'hésitations qui arrêtèrent toutes les négociations
engagées. U^dramon resta, au grand étonnement des Turcs,
privé de nouvelles et d'instructions, et la fausse situation dans
laquelle il se trouvait ne lui permit de faire aucune démarche
à la Porte du Grand Seigneur. M. de Morvilliers, instruit
des embarras de d'^ramon, écrivait au chancelier, sous la
date du 14 avril 1^4^.... « Il est aussi très nécessaire de
pourvoir aux affaires du Levant et advertir M. d'^Aramon
comment il se conduira cy après, qui n'est chargé de petite
difficulté envers ces hommes barbares, corruptibles à toutes
mains et sans foy, prévoyant que ces seigneurs de leur caste
advertiront le Grand Seigneur de la mort du Roy, que de
toute autre part, le bruit en sera soudainement à ses oreilles.
J'ay depesché un brigantin audit sieur d'^ramon, Fadver-
tissant de la dite mort, non pour la publier, mais pour nes'es-
tonner et tenir les choses en estât avec les meilleurs termes qu'il
pourra adviscr, attendant autres nouvelles du Roy. Je luy ay
fait le dit advertissement afin que si restoient aucuns des pre-
scns entre ses mains, il avisât s il seroit bon de les retarder. Je
crains toutesfois que bien tard il recevra mes lettres, car il a
peu arriver à la court du Grand Seigneur, le cinq ou le
sixiesme de ce mois. )>
^u lieu de faire notifier par d'Aramon la mort du roi son
père et son avènement au trône, Henri H chargea de cette
mission un des officiers de sa maison, le baron de Fumel,
capitaine des gardes de la porte ci protégé de Diane de Poi-
INTRODUCTION' xxvii
tiers. Le baron de Fuiiiel devait, en outre, donner l'assurance
que le roi désirait suivre les traditions de son père et resser-
rer les liens qui F unissaient au Sultan. Ces dernières avances
étaient tardives; la conclusion de la trêve avec r Autriche
était irrévocahlement décidée. U^ramon en avait instruit le
roi dès le i) juin : « Sire, écrivait-il, ce Seigneur et ses mi-
nistres avoient eu la certitude du trcspas du- feu roy, que
Dieu absolve, et comme n ayant eu aucun avis de vostrepart,
sçachant très bien qu'il vous avait pieu en despartir, ensemble
des nouvelles de vostre advenement, à tous les autres princes et
potentats, vos amis, estoient entrés en très grand mécontente-
ment et soupçon que J\xstre Majesté faisajit peu d'estime de
leur amitié ne la vouloist plus continuer ; de sorte que je crai-
gnois que, 71 ayant en bref de vos nouvelles, ils fussent pour
prendre quelque accord avec T ambassadeur de V empereur et
du roy Ferdinand, qui se trouvait par deçà, joint aussi la
venue de Tun des frères du Sophy, qui s'estait venu rendre
ces jours passe\ à ce Grand Seigneur avec asseurance de
rendre à ce Grand Seigneur TEstat et la couronne de son
frère entre ses mains ; estant venu en ce mesme temps les nou-
velles de la victoire de Tempereur en Allemagne contre le
duc de Saxe, et craignant que par ce moyen le dit Grand
Seigneur le vint molester du caste d'Hongrie, qui le divertist
de la dite entreprise du Sophy, qui est le plus grand motif
qu'il ait, et ne voyant comparoir aucunement de vas nou-
velles; s' estant du tout mis en opinion que tel retardement
fust une espesce de mespris, pour ne voulloir continuer leur
amitié, se sont résolus de prendre conclusion avec ledit ani-
xxvm INTRODUCTION
bassadeur d'accepter ses offres, qui sont de trente mille ducats
par an de tribut pour le reste de ce que tient le roy Ferdi-
nand du royaume de Hongrie, et moyennant ce, luy accorder
et à T empereur semblablement, la paix pour cinq ou six ans,
nonobstant ce que fay sccu faire et dire pour les en divertir,
ce qui na sccu avoir autant de force envers eux comme par
le passé pour estre asscT^ Infor mez^ que je navois aucun advis
de l'intention de Vostre Majesté depuis son advenement. »
Le baron de Fumel avait caché avec soin, pendant son
voyage, la mission dont il était chargé, et on supposait qu'il
était envoyé par Henri H auprès de la duchesse de Ferrare.
^ peine avait-il quitté Venise que M. de Morvilliers y voyait
arriver M. de Saint-Simphorien, dépéché par d',Aranion
pour faire connaître au roi la situation des affaires à Cons-
tantinople et le bruit répandu par les agents inipériaux que le
roi de France faisait à ï empereur les plus grandes avances
pour arriver à un rapprochement. L'arrivée du baron de Fu-
mel à Constantinople sembla à d'^ramon le précurseur d'une
disgrâce. M. de Morvilliers, avec lequel il était en correspon-
dance, écrivait à Dumortier, ambassadeur de Henri H à
Rome, sous la date du six août 1^4^.... « Par les dernières
lettres receues de Monsieur d'^ramon, il m'escrit qu'il a bien
connu par les propos que luy a temi^ monsieur de Fumeil
que le roy ne se veut plus servir de luy et maiule l'affliction et
ennuy qu'il en souffre, n'ayant offensé ni forfait. Je ne sçay
que peut luy avoir dit ledict Fumeil, mais je croy que ce
n'est pas chose résolue de lever ledict ,Aramon, et il me semble
qu'il seroit maintenant hors de saison et de temps de le reti-
INTRODUCTION jxix
rcr, car ccstc iicgociûtion là requiert un houiuic cxcrcilc cl
seroitjde ma part, nicrvcilkusenicut dcspJaisant qu\)u Je revo-
quast sans niciUeure et plus honneste oeeasion, car cela redou-
devait au dommage et desestinie du service du rov comme au
deshonneur dudict d'^ramou.
« Cottignac arriva mardy pour retourner en Levant et Je
jour mesmes il s embarqua ; mais, à son partement, le roy na-
voit cncores esté adverty des dernières nouvelles. Les pacquct:^^
sont adresse:;^ à monsieur d'^4ramon comme ambassadeur, et
M. le connestable parla de luy audict Cottignac en bien bonne
part, donnant bonne espérance : scd graves et infessos
habet adversarios. Je ne vous les nomme pas, car vous les
connaisses. »
Les ministres du Sultan se trouvaient en présence de deux
agents également accrédités, qui leur donnaient le spectacle de
leur initnitié. Le Sultan, pour s éclairer sur les intentions de
Henri II, prit le parti d'envoyer à la cour un Français,
maître Guillaume, engagé à son service pour l'entretien de
ses horloges et qui parait avoir été en correspondance avec
Diane de Poitiers. Ce maître Guillaume l'horloger se chargea
d'une lettre du baron de Fumel, sollicitant le rappel de d'Aramon
et demandant aie remplacer en qualité d'ambassadeur près la
Porte ottomane. Il arriva à Venise et M. de Morvilliers en
informa tout de suite le connétable de Montmorency : « Monsei-
gneur, j'escris au roy tout ce que j'ay peu tirer de Maistre
Guillaume Vorloger que j'ay diligemment enquis sur les
mo'iens qui pourroient estre de rompre les pratiques de
M" Girard. Sur quoy il m'a fait diverses responses, les aucunes
XXX INTRODUCTION
contraires aux autres et toutes confuses et incertaines. La con-
clusion de ces propos est qu'on ne fait rien avec ces boni mes là
sans dons et presens, et n'y a moyen envers eux que ces-
tuy là\ ))
Cinq jours après que M. de MorvilUers avait expédié cette
lettre, M" Guillaume mourait. M. de MorvilUers, qui avait
sans doute trouvé dans ses papiers les preuves de la protection
que lui accordait la grande Sênéchale, s'empressa de lui faire
connaître les détails qu'il jugeait devoir rintércsser :
« ,A madame la grande Sênéchale, le 28"^ d'aoust.
« Madame, M" Guillaume l'orloger ayant esté depesché
par M. de Funieil pour aller devers le roy, tomha mallade
entre Ragu^e et ceste ville où toutesfois quand il y arriva, ne
tenoit compte de son mal, estimant nestre sinon que las et
travaillé du long chemin, des chaUeurs et de la tourmente
qu'il avoit endurée sur la mer, et pensoit qu'à sa guéri son ne
luy fust besoing sinon d'un jour on deux de repos. ^4 ceste
cause, ne voulloit il ayde ne conseil de médecin. Mais le
jugeant à sa contenance et foihlesse plus mal qu'il ne disoit,
j'en envoyai quérir un très suffisant, lequel après avoir veu
ledit maître Guillaume et considéré tous les signes de sa nial-
ladie, la jugea dangereuse et y ayant quelques indices de
fièvre pestilencicusc. Bien que depuis trois ou quatre jours, il
semhlast aller en amandement, et mesmes le jour avant qu'il
mourust, les médecins m'en parlèrent comme le voyant hors
de tout péril, et le pauvre homme disoit ne sentir aucun mal
ny ne voyoit on aussy chose en luy qui donnast mauvais pré-
sage. Touttesfois, il dcceda la unie! suivante dont fay receu
INTRODUCTION
très grand dcspJaisir cl de iaul plus qu'il csl niorl eu mon
logis, où je la Y faici traiter et panser le plus soigneusement
qu'il m'a esté possible. Je vous escris, Madanw, ce que dessus,
sçachant qu'il vous reeonnoissoit pour nniitresse et qu'avec
perdu eu luy un bien, affectionné serviteur, car le jour qu'il
arriva devers inoy, nie conta la longue et ancienne servitude
quil avoit à vous et à vostre nutison, en laquelle il esperoit
continuer tonte sa vie; que la fiance de vostre bonne grâce
Vavoit fait entreprendre ce voyage, espérant, avec l'aide de
vostre faveur, trouver quelque honneste moyen pour demeurer
dès à présent ou se retirer bientost en France. Il avoit admené
un jeune garçon esclave aagé de douze ou trei:ie ans en inten-
tion^ comme il nia dist, de le vous présenter, l'ayant connu
de bonne nature et serviable. Je l'ay retenu et vous l'en-
voirroy, s'il vous plaist de l'accepter. Il avoit, au surplus^
apporté avec luy plusieurs hesongnes que j'ay toutes faict
mettre par inventaire et les feray fidellement garder jusques à
ce que je sache entre les mains de qui on les doibt rendre,
aucunes d'icelles cstoient pour faire présent ainsy que dit son
petit esclave.
« Toutesfois la force de la nialladie l'a surpris si soubdai-
nement qu'il n'a de rien disposé ne fait de testament. D'ar-
gent n avoit il que six ou sept vingt escus, partie de laquelle
somme luy niesme fist employer durant sa nialladie, pour
achepter quelques besongnes, espérant bientost se remettre en
chemin. J'ay faict escrire en un petit mesmoire cy inclus, s'il
vous plaist le veoir, tout le principal et le meilleur de ce qu'il
avoit apporté avec luy. On dit qu'il a son père. Toutesfois,
XXXII INTRODUCTION
je ne hiy delivreray rien ni à antres ses pdrans que ce ne soit
par mandement du roy. >>
L'intervention des agents français ne pouvait plus désor-
mais entraver la conclusion de la paix dans laquelle étaieiit
compris le roi de France et la seigneurie de Venise. Charlcs-
Qiiinten avait signé,aumois d'août, la ratificaiionà^ugshourg
et le Sultan, rassuré du côté de F Autriche, s'occupa imiquement
des préparatifs de son expédition contre la Perse. M. d'Huy-
son, arrivé à Constantinoplc au mois de septembre, porteur
d'une lettre du roi et d'instructions précises pour proposer une
action commune, ne réussit point à changer les résolutions
de Sultan Suleyman. Elles étaient d'autant plus inéhraidahles
quElqas Mir^a, frère de Chah Thahnasp, qui s'était réfugié
à Constantinoplc, lui représentait la conquête de la Perse
comme devant être facilitée par laide de ses partisans restés
dans les provinces du nord, et sur le dévouement desquels il
pouvait compter d'une manière absolue.
Elqas MirT^a avait été investi par son frère du gouvernement
de la province du Chirwan.Il s'était révolté imc première fois
et avait obtenu son pardon : mais il renouvela sa tentative et
dut prendre la fuite devant les troupes de son frère, ^iprès
avoir erré avec quelques-uns de ses partisans dans les plaines
du Qiptchaq, il avait réussi à gagner la Crimée où il s'était
embarqué pour Constantinoplc. De cette ville, il se rendit à
^ndrinople où le Sultan le reçut avec la plus extrême bien-
veillance. Un palais lui fut assigné pour résidence et toutes
ses dépenses furent généreusement payées. Lorsque le Sultaii
revint à Constantinoplc, on donna à Elqas Mirr^a le spcclacle
INTRODUCTION xxxiii
d'une cnircc sohiincIJc devis JaqucUc furent dcployccs ioiilcs
les pompes de la eoiir olloniiVie. Un hdnquel niagnifiquc sui-
vit cette cérémonie et le seyd Abdoula:^}:^ Clnnvany avec tous
les uiir:;as de la suite du prince y furent admis. ^4 son retour
au palais mis à sa disposition, Elqas reçut les cadeaux envoyés
par le Sultan. L'historien ^aly Tchèléhy en donne la liste;
ils consistaient en vases d'or et d'argent, en vêtements de bro-
cart, en robes de velours, de soie et de drap fourrées de
martre :;ibeline et ddyiix, en coffres remplis d'étoffes de prix.
On lui présenta un certain nombre de chevaux arabes et
d'autres chevaux de races estinurs, des selles enrichies de pierres
précieuses, des étriers en or et en argent, des sabres dont la poi-
gnée et le fourreau en or étaient couverts de pierreries, enfin
des jeunes esclaves magnifiquement vêtus et ayant des ceintures
d'or. ^ ces cadeaux, la Sultane Khassehy et les princes ses fils
joignirent lesleurs ; c'étaient de somptueuses étoffes, des couver-
turcs et des coussins brodés en or dont la valeur dépassait la
somme de dix mille ducats. Le grand vé:jr et tous les digni-
taires de la Porte durent suivre l'exemple do)uié par le souve-
■ rain.Levé^ird'Elqas Mir^a,Mir:ia FaTJl et toutes les personnes
de sa suite reçurent des gratifications, chacune selon son rang.
M. de Morvilliers résume de la manière la plus claire dans
une lettre adressée à M. de Marillac, sous la date du 2 y sep-
tembre 1^4"/, la situation des affaires à Constantinople.
«...feue laisseray pourtant de vous dire les dernières nou-
velles que nous eusnies de Constantinoplepar lettres du dou:;jesnu'
d'aoust. Vous sçaver^que le frère du Sophy s est vont rendre au
Grand Seigneur et luy a fait la conqueste de la Perse et de l'em
m.
XXXIV INTRODUCTION
pire de son frère si facille que le Seigneur a Jà converty ses des-
seins et commeneé grande préparât if^^en intention, comme l'on
dit, défaire entreprise et aller en personne contre le Sophy sur
ce printemps. Et pour ceste cause, désire sasseurer du costé de la
Hongrie. Cest le point principal qui le meut en partie d'ac-
corder la tresve pour laquelle estoit venu M" Girard avec le
bon ayde qu'a fait à ceste pratique Rostan premier bassa et
fanis bey corrompu:^^ de presens et d'argent avec promesses de
plus grand^ quand ce viendra à la ratification, fe vous ay
proposé cela pour vous dire apre\ que les derniers advis portent
que la volonté du Seigneur continue en ceste entreprise de
Perse : que chascun jour, plusieurs gentilshommes et autres
subiect^ des païs des frères du Sophy, s en venoient à la file,
fugitifs devers leur seigneur, pour ce que le dict Sophy faict
trencher la teste à tous ceux quil peut prendre des amis ou
serviteurs de sondict frère, lequel avoit laissé sa femme et
enffans dedans une place que le Sophy a prise et a fiit mener
lesdictes femmes et enffans prisonniers en certain autre lieu.
Ledict Sophy avoit mis le siège devant une autre forte place
pour laquelle secourir le Grand Seigneur faisoit préparatifs en
grande haste. On estimoit neantmoins que pour ceste année,
il luy seroit malaisé de faire entreprise. Mais des gens quil
faisoit lever à présent, il mettroit garnison sur ces frontières de
ce costé là. f'eslinw que M. d'Aranuvi denwurera par delà et
que M. de Fumcil a bonne envie de retourner. Il avoit depesché
M' Guillaume l'orloger devers le roy,qui arriva le mois passé,
Duillade en mon logis et mourut cinq ou six jours apre^. »
Larniée avait été réunie sur la côte d'Asie, et le 2(-) mars
IXTRODUCIION" NXNV
I J4S, Suhan StiJcyman, accompagne par son fils Djihanguir,
quitta sa capitale et établit son camp à Sculari. Il se dirigea
sur la ville de Seyd G/m~v; il y fit ses dévotions an tombeau
de Djafer Bathal et répandit d'abondantes aumônes sur les
derviches qui en avaient la garde. Il fut rejoint à Seyd Gha~y
par son fils Selim, gouverneur de la province de Saroukhan.
Ce jeune prince fut chargé, pendant la durée de la campagne,
de l'administration de la Rouniélie, et il reçut l'ordre de fixer
sa résidence à ^ndrinople. ^ ^qcheher. Sultan Suleyman
reçut les hommages de son fils Baye^id qui gouvernait la pro-
vince de Ooniah, puis, après avoir traversé Césarée, il alla
établir son camp dans la plaine de Sivas où son fils aîné Sul-
tan Mustafa vint se présenter à lui. De Sivas, F armée gagna
Er^roum.
Henri II avait exprimé le désir que son ambassadeur accom-
pagnât le Grand Seigneur dans la campagne qui allait
s'ouvrir '. UAramon en avait obtenu l'autorisation du grand
vé:(ir, mais celui-ci craignant pour l'ambassadeur quelque insulte
I, On conserve aux archives impériales et royales de Vienne un rèstiinê rédige en
latin delà lettre adressée par Henri II et d'Aramon pour lui ordonner de suivre le
Sultan : » Ad oratorem Ramon. Per litteras tuas nohis signifuasti qualiter Sultan
Soleman in partihus Pcrsarum ad bellum iturus est. Igitur vecessum est quod pro
bona amicitia et fidelitate, observetiir ; pro ea causa ubique Sua Majestas extiterit
aut qiio iverit, tu quoque de curia sua non ahsis, sed cum Maiestate Sua ingrcdiaris
simul cum Cadoguato. Tecuni vcniat ex causa qiia si aliquid in islo itinerc veces-
sum fuerit ipsuni quant cito nobis remittas si fiierit uecesse seddere certiorem dt
rébus gestis et factis... Cum predicto Cadoguato tibi misimus litteras quod et
quantum pecuniarum tibi necessum fuerit ut a mercatoribus istis accipias et in ma
nibus suis date poli:^ain de habitis et receptio. n
Cette lettre doit avoir été traduite par Ibrahim bey, un des drognums de la Porte,
polonais d'origine, et remise par lui à Malvei:;^i.
xsxvi INTRODUCTION
de la part de soldats indisciplinés, d'enfants perdus on d'aven-
turiers, avait exigé que d'Arauion se rendît à Er-^roum par
une route différente de celle suivie par V armée \ Le baron de
FunieJ, revenu de son voyage d'Egypte et de Syrie, avait aussi
sollicité la permission d'accompagner le Sultan ; elle lui fut
refusée et il dut rester à Constantinople.
Chesneau nous fait connaître les différents incidents de ce
voyage en Asie-Mineure fait par une troupe de gentilshommes
français chevauchant, la cornette de France déployée. Le sou-
venir s'en conserva longtemps et Brantôme en parle en termes
enthousiastes : « Il (le capitaine Berthelomé) avoit esté à feu
M. d'Aramont et alla avec luy en Levant, lorsqu'il y fut envoyé
du roy Henry en ambassade, qui fut receu et bien venu aussy
honorablement que jamais fut ambassadeur ; carie Grand Sei-
gneur faisant le voyage de Perse voulut qu'il vint avec luy,
cequil fit; et pouvoit avoir avec luy cent lion-ncstes hommes,
capitaines ou soldat^, bons et signale^ François desquelT^ le
Grand Seigneur voulut qu'il en arborast une cornette aux
armoiries de France, à laquelle il vint cet honneur qu'elle
marchoit à la droite. Quelle gloire pour cet ambassadeur et
pour sa nation françoise, de tenir tel rang auprès du plus
grand monarque du monde'! »
1. MalvL\:{i prèscnlail à sa cour celle précaution coiiunc une défense jaile à d'A-
ranion de suivre le Grand Seigneur, u El signorlia inaiidato a ferniar Vainhasciatore
de Prania che non passi piii avanti, perché sua Aliéna non vole chevenganel canipo
suo. » (Dcpcchc du 14 juin 1541^.)
2. Branlôme, Œuvres coniplctos publiées pour laSoLictc Je Thistoirede France
par M. L. Lalanne, tome VJ, pages ijcf-iSo.
Malvcizi écrivait au roi des Romains sous la date du 20 mai 1^4^- " Aranio é
parlito de qua alti 2 del près. nie pcr andare in Persia col campo del Signor, se potrà
INTRODUCTION xxxvn
• Les opcralions de guerre coniinciiccrciil après le iUparl
d'Er:(j'onin;Piry Pacha, goaverncar deCaramanie , cl Oïdaiiia
Pacha, heyJerhey d'Er^roiini, furent chargés d'investir Je ehà-
teau de Van pendant que l'armée marchait sur Tauri^^. Elle
ne rencontra pas Teniiemi qui fuyait devant elle après avoir
tout ravagé sur son passage. Le manque de vivres el les ma-
ladies obligèrent le Sultan, après la prise de Tauri^à rentrer
dans ses États'. Le seul fait de guerre heureux qui se pro-
duisit pendant cette retraite fut la reddition de l'important
château de Van. Les conseils donnés par cï^ramon pour réta-
blissement d'une batterie en amenèrent la capitulation,
^près avoir péniblement traversé la Mésopotamie \ le gros
aggiongerlo, cum ^o gamheli et allri cinquania cavakahire, parte per cavalcare,
parte per cariaggi et ciim 80 persane vel circa, cum un stcndardo spicgalo a modo di
sangiachhey cum gU gilli d'oro in canipo a^uro.
(( Pasato che fu in Natoîia, se ferma sapra Scularri octa giorni, puai é partita a
viaggia sua. Ha lasato qua per sua locatencnte el sua secretaria delta Cambrai.
I. (.(.Je suis adverty que le haillio de ces seigneurs leur escripl quele camp du Grand
Seigneur souffre nécessité de vivres pour les chevaulx et de grandes incommodité:^,
entre aiiltres malladies, de flux de ventre. » (Dcpêchc de M. de Monùlliers sous
la date du 13 août 1548.)
2 que l'on avait envoyé à Canstanliuaple pour faire des jannissaires nouveaux,
et les mener promptement au camp, y estant morts grand nombre de viel^ : que par
la grande cherté, nécessité de vivres et mcsaise, y avait eu mortalité incroyable de
chevaulx et attitrés bestes. Le Grand Seigneur estait dans la province de Carccmyt,
et chascun jour se faisait prière à Constantinople pour son salut. La cherté de fro-
ment et d'orge estait montée à si hault prix audict camp que le septier faisant en-
viron cent trente livres, à XVI onces la livre, s'estait vendu sept, huict et neuf ducat:. »
H Dépêche de M. de Morvilliers au roi sous la date du 16 au 20 novembre.
« L'amhasciatore de Francia al ritirav del campo si é intrato nel campa del
Bassa a pregarlo che S. E. gli voglia dur soccorso de victuaglia. Rustem Bassa gli
ha rispotta che se detta ambasciatore ha di bisogno le victuaglia, che se ne compri
perché esso non gli ne vol dare. » (Dépêche de Malvczzi sous la date du 26 sep-
tembre 1548.)
XXXVIII INTRODUCTION
de l'armée alla prendre ses quartiers d'hiver dans le nord de la
Syrie et le Sultan s'établit à ^Icp. Les fatigues de la cam-
pagne avaient éhranU sa santé et le repos lui était devenu
7iécessaire; l'hiver devait être consacré aux préparatifs de la
campagne qui allait être reprise au printemps et le soin de
traiter avec les agents étrangers était laissé à Ibrahim Pacha,
lieutenant du grand vé^ir et gouverneur de Cotistantinople ' .
D'^ramon, que rien ne retenait auprès du Sultan, se mit
en route pour visiter Jérusalem et l'Egypte. Un incident rap-
porté par Brantôme signala son séjour dans la ville sainte.
« Estant en Hienisalem, il y remplit sainctement son vœu et
tous ceux de sa trouppe à son imitation, visitarent le dict
sainct Sepulchre le plus devotieuse ment qu'ils peurent, fors le
capitaine Berthelomé, lequel estoit pour lors un jeune homme
fou, bigarre, asseï libertin et grand deriseur de nos vœux et
de nos cérémonies chrestiennes, et pour ce, ne fit comme les
autres. M. d'^ramont l'en pria souvent d'y aller, mais il
promettoit beaucoup, et rien; en faisoit beaucoup accroyrc ;
enfin, un jour, M. d'^ramont l'en pria et l'en sollicita tant,
que pour l'amour de luy, il y allast, s'il ne le vouloit faire
pour d'autre occasion ou subject, et qu'il l'en aymeroit toute
sa vie et qu'il s'en trouveroit très bien ; ce qu'il fist et M. d'^-
ramont l'y mena luy niesme, où estant entré ledict Berthe-
1. Malveiii, dans une dcpcchc adressée au roi des Romains sous la date du 26 sep-
tembre 1^48, prétend que d'Aramon avait, dans son voyage de Perse, dépensé une
somme de vingt-cinq mille ducats. « Jo credo hen che detto amhasciatorc se ritrovi aï
mal partito, havendo consumato et speso la summa di XXV milia ducate in termine
di sei mesi, sen:(cifur profit to alchuno ne servit io alla Maeslà del re suo patrone et de
cio V. S. Maestîi ne sara certissima. »
INTRODUCTION xxxix
lomé dist qu'il scniisi en liiy aiissitost J'àiuc altauiclc cYiinc
telle devoition et religion à son Dieu qu'il alla oublyer touifes
les dérisions qu'il avoit faictes; se prosternant devant son
Dieu, fit les prières et repentances si fi^rvanlcnicnt qu'oncqucs
puis, il ne sentit de ecs erreurs et joUics, et remercia cciil jois
M. d'^ranion qui estoit cause d'un tel bien pour lux. »
Chesneau nous dit que Tamhassadeur <( estoit attendu du
gardien et cordelliers du mont Sion comme les Juifs allendcul
leur Messias, pour l'espérance qu'ils avoient par sa venue
estre mis hors des garhouilles et fascheries que leur jaisoient
chascun jour certains santons, c'est-à-dire prestres turqs qui
tiennent le Cénacle, qui estoit leur église ; et depuis quelque
temps, lesdictT^ Turqs leur ont osté par force et oi ont Jait
une à leur mode que nous appelons mousquée \ »
Cette prise de possession par les Turcs du tonûwiu de
David et du Cénacle remontait aux premières années du régne
de Sultan Suleynian. Je crois utile de faire comiaitre ici les
détails d'une affaire pour la solution de laquelle François 1"
fit des démarches personnelles auprès du. Grand Seigneur,
démarches qu'il fit connaît re aux souverains sur l'esprit des-
quels son alliance avec des infidèles avait produit uuefdcheuse
impression.
Lorsque la Syrie et la Palestine tond^èrent au pouvoir de
Sultan Sélim, ce prince ne porta aucune atteinte aux actes des
Sultans Mainelouks d'Egypte qui avaient assuré aux reli-
gieux latins la possession et la jouissance de certains sanc-
tuaires des Lieux Saints. Fràjuan de Calahorra affnine dans
I. Voyage, ^a^t' iij.
XL
INTRODUCTION
son « Histoire chronologique de Syrie et de la Terre Sainte
de Jérusalem ' » qu'un juif s étant présenté au couvent du
mont de Sion pour visiter le tombeau de David, fut expulsé
par les Pères franciscains. Désireux de se venger de l'affront
quil avait reçu, ce juif alla trouver un des seyds de Jérusa-
lem et lui représenta que David étant un des prophètes de
l'ancien Testament, son tombeau devait se trouver dans les
mains des Turcs plutôt que dans celles des Francs qui ne pa-
raissaient pas professer un grand respect pour le roi prophète,
car ils marchaient sur sa tête, ayant établi une chapelle du
Saint-Esprit au-dessus de la chambre sépulcrale.
L'expulsion des religieux d'un sanctuaire qu'ils occupaient,
sans avoir été troublés, depuis une longue suite d'années, sem-
blait au seyd un fait d'une extrême gravité ; il hésitait à pro-
voquer une pareille mesure, lorsque le gardien du couvent
commit la faute de le blesser dans son amour propre. Il avait
témoigné le désir de recevoir du Père gardien une robe de drap
rouge, mais pour ne point paraître recevoir un cadeau, il
envoya à celui-ci un chapelet d'ambre et un. agneau. Ce présent
fut repoussé avec hauteur; cette injure fut vivement ressentie
par le seyd qui résolut, dès lors, de faire chasser les religieux
de leur couvent du mont de Sion. Pour parvenir à son but,
il sollicita, par une consultation juridique, l'avis du mufti
de Jérusalem. La réponse qu'il obtint était conforme à ses
I. R. p. F. Giovanni di Calaorra, Historia cronologica délia provincia d\
Syria e Terra Santa d\ Gicrusalcmmc comminclando dairunno 12 19;
opcra composta in Spagnuolo... tradotta nclla lingua italiana d.il M. R. P.
Angclico di Milano. Vcnctia, i6t}.f.
INTRODUCTION xli
vues, et an feiva du iiiuffi iJ joignit le proeès-verhal iFiine
enquête signée par Je cadi de Jérusalem et établissant que des
personnages ninsuhnans étaient enterrés dans la ehandur sé-
pulcrale du roi David \ Muni de ces deux piéees, le seyd
Mehdy el Haehimy se rendit à Constantinople et obtint un
rescrit impérial commandant an eadi et an gouverneur de
Jérusalem de convertir, sans délai, le tombeau de David en
mosquée. Le gouverneur général de la Syrie, Khourrem Pacha,
chargé de Vexécution de cet ordre, se rendit à Jérusalem et
jït procéder à T expulsion du Cénacle des religieux qui eurent
toutefois la permission de transporter tous les objets du culte,
dans une uiaison voisine appelée le Four.
Sur ces entrefaites, le grand vé~ir Ibrahim Pacha, revenant
d'Egypte, était arrivé à Ga:^. Le Père gardien ne crut pou-
voir mieux faire, dansées tristes circonstances, que de re-
courir à son intervention. Il fit partir quelques religieux et le
drogman de Terre Sainte pour émouvoir la pitié du favori
du Grand Seigneur, « en faveur de pauvres étrangers chassés
de leur demeure après une longue et paisible possession. »
Lordre du sultan était formel ; Ibrahim Pacha ne put y con-
trevenir; il décida que le Cénacle et le tombeau de David
appartiendraient aux Musulmans avec quelques chambres
destinées au logement des gardiens et des serviteurs, et que les
religieux Latins resteraient en possession du reste des bâtiments.
Ceux-ci n en jouirent pas longtemps; Mehdy el Haehimy
se plaignit à la Porte que le firman du Sultan li avait pas
I. Appendice, /'/Vr« XIII, XIV et XV.
XLit INTRODUCTION
reçu son exécution et un nouvel ordre expédié de Constanti-
7iople enjoignit au gouverneur de Jérusalem d'expulser les
Pères franciscains du couvent du mont de Sion. L'agent de
François F'' auprès de la Porte fit tous ses efforts pour faire
révoquer cette mesure; ils furent inutiles, et il put seulement
obtenir que les religieux conserveraient une petite chambre
ouvrant sur le Cénacle et dans laquelle ils auraient la liberté
de célébrer leurs offices. Cette autorisation fut au bout de
quelque temps rendue illusoire, car le gardien du tombeau fit
murer la porte, et les pères Latins furent privés de la possibi-
lité d'entrer dans le Cénacle. François F\ auquel les agents
de Charles-Quint reprochaient de sacrifier les intérêts de la
chrétienté à ceux de l'Islamisme, tenta une démarche person-
nelle auprès du Sultan. Il lui écrivit pour le prier de resti-
tuer aux religieux de Terre Sainte le sanctuaire et le couvent
d'où ils avaient été chassés. Le texte de la lettre de François P'
ne nous a point été conservé, mais nous possédons celid de la
réponse de Sultan Suleyman. Ce prince invoque les prescrip-
tions formelles de la loi de l'Islam qui ne permet pas de
rendre à des chrétiens des lieux où les Musulmans ont célébré
leur culte; il se borne à donner au roi l'assurance que, sous
son règne, les religieux pourront vivre dans les sanctuaires et
les couvents où ils sont établis et qu'ils seront autorisés à les
réparer \
Les Géorgiens, croyant saisir une occasion favorable, avaient
renouvelé leurs prétentions sur le Calvaire et quelques autres
i. Appendice, pièce XVI.
INTRODUCTION xi.iii
Lieux Saints, mais les démarches du haylede Venise réussirent
à entraver ces empiétements.
C'est aussi à cette époque que les Musulnnins de Jérusdlcin
et de Bethléem, enhardis par ce premier succès, se mirent éi
enlever les colonnes et les marbres précieux de différents sanc-
tuaires ainsi que les lames de plomb qui les recouvraient. Il
fallut un rescrit impérial provoqué par le bayle de Venise
pour arrêter ces dévastations '.
Les pèlerins amenés d'Europe par les galères de Venise
étaient, pendant leur séjour à Jérusalem, logés dans le couvait
du mont de Sion. ^ la fin de l'année 1^28, le Père gardien
fit l'acquisition d'une maison avec une citerne, dans le but
d'héberger les pèlerins.
En IS37, ^^^ autorités de Jérusalem reçurent de Conslan-
tinople l'ordre d'arrêter les Franciscains établis daiis le couvent
du mont de Sion, le Saint-Sépulcre et l'église de Bethléem. Ils
furent d'abord enfermés dans la tour des Pisans, puis trans-
férés à Damas où, pendant trois ans, Us restèrent prisonniers
dans le château de cette ville. Ils furent rendus à la liberté sur
les instances de François F', mais, à leur retour à Jérusalem.,
ils trouvèrent le couvent du mont de Sion pillé et l'église de
Bethléem dévastée par les paysans et les arabes nomades.
Les dix années qui s écouJérent de i)}j à ij4/ ne furent
signalées par aucune uouvelle persécution contre les Francis-
cains. L'ambassadeur de France et le bayle de Venise avaient
obtenu de la Porte un firman qui, tout en accordant aux
I. Appendice, pike XVII.
xLiv INTRODUCTION
Musulmans la propriété du tombeau de David et de la sa-
cristie placée au-dessus, assurait au moins aux Franciscains
la possession du couvent.
Les choses étaient en cet état lorsque le Père Bonaventtire
Corseto, custode de la province de Dalniatie,fut élu gardien
du couvent du mont de Sion dans le chapitre général tenu an
couvent de Portionmla. Quelque temps après son i7istallatio7i,
il eut à subir une avanie provoquée par les ulémas de Jéru-
salem. Une dénonciation envoyée à Constantinople accusait
les religieux de cacher dans leur couvent des armes qui, en
cas de guerre, devaient être distribuées aux chrétiens; ils
avaient élevé, disait-on, des constructions dans renceinte du
couvent ; ils permettaient l'entrée à des femmes pendant la durée
des offices, enfin on reprochait au Père gardien de monter, pour
se rendre à Bethphagé, huit jours avant la fête de Pâques, une
jument sous les pieds de laquelle les chrétiens étendaient leurs
manteaux. Le gouverneur général de la Syrie dut se rendre
à Jérusalem pour y faire une enquête sur les faits reprochés
aux Latins. Elle eut lieu, avec le concours du gouverneur de
la ville, du cadict de quelques membres du clergé musulman.
On reconnut que les deux premiers griefs ne reposaient sur
aucun fondement, et que pour les troisième et quatrième, on
n'avait fait que se conformer à un ancien usage sanctionné
par des ordonnances rendues par les Sultans Mamelouhs.
Le Grand Seigneur avait pris ses quartiers d'hiver dans
le nord de la Syrie; le Père Bonaventure de Corseto voulut
profiter de cette circonstance pour obtenir la confirmation des
immunités et des privilèges accordés aux religieux de la Terre
INTRODUCTION xlv
Sainte. Il se rendit à ^41ep et obtint un firnutn Jenr eonfir-
mant la possession des sanetnaires qui étaient entre lenrs
maijis et enjoio-mint aux autorités de ne point les îronhler
dans l'exercice de lenr enlte.
Pendant Tahsenec du Père Bonavcntnre, le gardien du
iomhean de David avait convoqué le gouverneur de Jéru-
sfilein, le cadi et les descendants du prophète pour lenr faire
savoir qu'il avait remarqué la présence dans le couvent de cer-
taines personnes suspectes qui, sous les dehors de pèlerins, avi-
saient aux mesures à prendre pour se rendre niaitres delà ville
à main armée. Déplus, les religieux tic cessaient de passer devant
le tonÛKun de David en prodiguant an. roi prophète et aux
Musulmans des nnirques de leur mépris. Une requête relatant
ces faits fut adressée à la Porte et ou ajouta que, du temps de
Khourreni Pacha, le couvent du mont de S ion avait été con-
cédé en totalité aux Musulmans, mais que le gouverneur, le
cadi et les autres officiers de justice s'étaient laissé suborner
par les présents des religieux et n'avaient point exécuté les
ordres qui leur avaient été donnés. Le Père Bonavcntnre
essaya vainement de parer ce nouveau coup. Un firnnin rendu
*sous la date du ) octobre 1^4^ ordonna l'expulsion imnié-
diate des religieux latins du couvent du mont de Sion.
M. d'Aranion, de son côté, avait fait faire pendant son séjour
à Jérusalem une contre-enquête et il l'avait adressée au gou-
verneur de Damas, Piry Pacha, avec une lettre pressante pour
obtenir l'anmdatioii du dérider firman et sa radiation des
registres du cadi. Le gardien fit accompagner Y ambassadeur
par quelques religieux et le drognian de Terre Sainte pour
XLVi INTRODUCTION
fournir à Coiistantinopk tous ks renseignements qui leur
seraient demandés. Mais le cadi et les idémas firent parvenir
à la Porte de nouvelles doléances et sur leurs instances, un
firman, rendu sous la date du 2 juin i^^i, enjoignit aux
autorités de Jérusalem de chasser sans rémission les Francis-
cains du couvent du mont de Sion.
Cette nouvelle produisit dans toute la chrétienté une pro-
fonde impression. Le pape Jules III pria Henri II d'intervenir
auprès du Sultan, mais celui- cilui fit répondre qu'il accorderait
volontiers au roi tout ce qu'il lui plairait de lui demander, excepté
toutefois ce qui était contraire à la loi religieuse. Les démarches
du hayle à Constantinople, celles de Luigi Malipiero, consul
de Venise en Syrie et les instances du roi Jean III de Portu-
gal n'eurent pas plus de succès. Les religieux habitèrent pen-
dant huit ans la maison appelée « le Four » qu'ils avaient
achetée et en i^)Ç), ils purent s'installer dans le couvent du
Saint-Sauveur \
D'^ramon avait été chargé par la Cour de demander
Vautorisation défaire exporter d'Egypte cinq mille cantars de
1. On lu dans les Gesta Dei per fratres minores in terra sancta, iiittiiiiscfit*
conserve au commissariat des Tires franciscains de Venise :
« 1^49' Expellendi fralres a sanctiiario S. Montis Sion iillima senleiitia Solimani
SHSpcnditur cxecntio.
« i^^i. Fralres e vwnteSion ejecii inqiiodavi liignrio seu furnohahitaiit, Conven-
liis ntinc SS. Salvaloris nunciipatus acqiiirihir a Georgianis, non nisi post oclo
annos possessionem iUiiis capiiml fratres, propter liles et controi'ersias ratione acqni-
sitionis,
« i//y. Inhahitare incipiunt fratres. conventum SS. Salvatoris.
« is6i. Divina disponentc cJetnentia, transcribiintiir iiidulgeutiw S. Montis Sion
ecclesice SS. Salvaloris. »
INTIUM:)UCTI0N xlvu
sel de nitrc et d'acheter vingt-cinq chevaux ponr le roi '. //
reçut, à ce sujet, une réponse dilatoire; cependant le désir de
se conformer à ses instructions fut un des principaux motifs
de son voyage en Egypte; il n obtint aucun résultat et se
hâta de retourner à Constantinople où le Sultan venait de
revenir.
Les événements qui se succédèrent en Hongrie et en Trati-
sylvaiiie, dans le cours de rannée i))0, absorbèrent seuls l'at-
tention des Turcs, et d'^Aramon ne cessa de faire ressortir
les infractions à la trêve dont le roi de France avait essayé en
vain d'empêcher la conclusion.
Au mois de janvier i)^ i, d' Aramon se rendit en France ;
il était chargé par Sultan Suleynian d'informer Henri H que
V expédition maritime qui avait été sollicitée avec tant d'instances
était décidée,et que la flotte turque mettrait à la voile au prin-
temps, pour se rendre sur les côtes d'Afrique \ Elle sortit de
Constantinople au mois de mai i)ji, et le 4 juillet, d'Ara-
mon quittait Marseille avec deux galères que le roi lui avait
dmmées \ Il se dirigea d'abord sur Alger et après y avoir
1 . (( Aramon ha dcmanâato al Sii^norc da parte de Re de Fraiiia depjler compraf
e levar cinque milia cantari di sahntro c vinti cinque cavaUi. Gli è stato riposlo chc
dd salnitro scrivcraimo al Bassa dcl Cairo. » (Lettre de Malvezzi au roi des Romains,
23 mars 1548.)
2. Mah>e~ii rend compte en ces termes du départ de d' Aramon. « L'ambasialor
de Franzia Monsignor d' Aramon, alli XVII dd présente, èpartito di qua con VIIII
cavakhatiire et FUI cariaggi per Ragtisi per passare in Frauda. Ha hauto da
Signer Tiircho le veste et dieci milia aspri seconda l'usan-a. La causa délia parti la
sua, ha detto al Signor Turcho essere che vole andare in Francia per meltere in
hordine l'armata dd re di Francia. La quale starà alli comandamenti et alla servitù
de sua Alte^-a. » (Dépêche de Malvezzi sous la date du 24 janvier 1 5 3 1 .)
S- D' Aramon alla trouver le roiàBlois. u Le roy, après avoir bien au long entendu
le faict de sa charge et les causes de sa venue, le tout plusieurs fois mis en ddibcra-
XLViii INTRODUCTION
séjourné pendant quelques jours, il gagna Malte. Il y fut bien
accueilli par le grand maître D. Juan Onicdcs et il reprit
la mer pour se rendre à Tripoli devant laquelle Sinan Pacha,
commandant la flotte turque, venait de paraître. La ville
capitula le 14 août, après cinq jours de siège et grâce à son
influence, d'Aramon put sauver une partie de la garnison, et
les chevaliers de Malte qui se trouvaient dans la place, à
rexception toutefois de ceux qui étaient de miionalité espa-
gnole. U^ramon se résolut, de concert avec Sinan Pacha,
à transporter à Malte « cette désolée compagnie. »
// y fut accueilli avec la plus extrême froideur ; Ventrée du
port lui fut refusée pendant la nuit, et lorsqu'il remit au grand
niaitre le gouverneur de Tripoli et les chevaliers échappés au
massacre, celui-ci refisa péremptoirement de rendre les trente
esclaves turcs que Sinan Pacha réclamait comme rançon des
prisonniers chrétiens libérés par lui. Le grand unutre imputa
nuijie à d'^Lramon la reddition de la place et Henri II
se crut obligé de démentir lui-nicme les bruits répandus dans
l'Europe entière par les agents de F Empereur et ceux du grand
maître qui ne tarda pas, du reste, à les désavouer \ Nous
possédons sur les événements qui ont précédé et suivi la prise
lion du Conseil, fui enfin conchui et arreslê de son retour et que pour plus grande
seurtè de son voyage, il s'en retourneroit par mer. D'ond pour cest ejfect, le Roy en
considération de ses vertus et services, l'ayant desia honore d'un estai de gentilhomme
de sa chambre, luy doinia aussy deux galle res des meilleures et mieux equippèes qu'il
cust au havre de Marseille. Et députa le chevalier de Seure, genlilliomine de grande
expérience et excellent jugement, pour l'accompagner avec sa galiotte bien armée. »
(Nicolas de Nicolay, Voyages et pérégrinations, page 2.)
j. « Araniont fil appeler dehors du chasleau le gouverneur de Tripole qui estoit
jrançois, lequel contre la dejfense qui lui avoil esté J'aile de la Religion de parlementer,
INTRODUCTION xnx
de Tripoli deux docuinciils d'une- hiiitc iinportaucc. L'un est
la dépêche adressée par d'^ranion à Henri II, sous la date
du 26 août i))i, l'autre, le récit de Xicohis de Xicolay
qui acconipagnait l'ainhassadcur '.
0/4 la nouvelle de la prise de Tripoli, ^ And ré Doria se
dirigea sur V^irchipel avec sept galères, dans l'intention
de capturer les deux galères de d'^iranion ; celui-ci put
échapper à cette croisière et arriver à Constantinople le 21 sep-
tembre i)ji. Il fut reçu à son débarque nunit par le premier
drognian de la Porte, Ibrahim bey, qui le félicita sur son heureux
retour et, quelques jours après, il faisait connaître lui-nuine au
Sultan tous les détails de la prise de Tripoli.
Sultan Suley mail alla passer l'hiver à Jlndrinople ; d'Jlra-
mon Vy suivit et ne cessa d'insister auprès de ce prince et de
ses ministres pour quau printemps de l'année suivante, la flotte
turque fût envoyée sur les côtes de l'Italie, pendant que les
armées ottomanes, secondées par un corps de cinquante mille
Tartares, envahiraient la Hongrie.
sortit, et ayant parlé avec ledit Arainojit et le Bassa, fit rendre la place au Turc. »
(Papiers d'État de Granvelle, tome III, page 4^2.)
Henri II ccrivail à l'Ordre et au Grand-Mai tre le jo septembre iSiJ ■' " Très
chers et bons amis, ayant entendu le bruit qui courrait avec le iesmoignagc de quelques
chevaliers de rostre religion que le S. d'Aramon, nostre ambassadeur, en passant par
Tripoli, oii il estait allé à votre requeste comme il nous a escrit, pour divertir l'ar-
mée turquesque de l'entreprise dudit Tripoli, avait au contraire, persuadé la prise de
ladicte place que les Turcs, après l'avoir battue jusqu'au cardon, vouloieni sans luy
abandonner, l'estimant imprenable; de laquelle accusation qui est une imposture et
calomnie, vous pouvez mieux que nuls autres sçavoir ce qui en est... »
La lettre du Grand Maître désavouant les calomnies répandues fut adressée au rai
le 16 novembre ////.
I. Négociations de la France dans le Levant, tome II, pages 1)4-162 et Navi-
gations et pérégrinations de Nicolas de Nicolay, pages } et suivantes.
IV.
L INTRODUCTION
L'expédition maritime étant décidée par le Sultan, Henri II
donna à son ambassadeur l'ordre de suivre Dragut qui com-
mandait les forces ottomanes, « ta)it pour consulter avec le chef
d'icelles de ce qui sera nécessaire à la journée que pour nous
tenir adverty des occur rames. »
Codignac fut laissé à Constantinople en qualité de chargé
d'affaires et d'^Aramon s'embarqua sur sa galère pour suivre
l'escadre turque. Le 4 juillet i^)2, Reggio était pris et saccagé,
et toutes les villes et les villages de la côte auraient subi le même
sort si d'^ramon neîit fait observer qu'ils appartenaient
au prince de Saler ne devenu serviteur du roi, et qu'ils avaient
droit à sa protection. Codignac, de son côté, avait obtenu du
Sultan un ordre qui enjoigiiait à Dragut de respecter les
côtes des États pontificaux. La flotte turque bloqua étroi-
tement le golfe de Naples, mais le baron de La Garde, dont
l'arrivée était annoncée, n'ayant point paru, elle se porta à sa
rencontre jusquâ la hauteur de la Corse, puis elle redescendit
vers les îles Pon:{a et, après y avoir séjourné pendant cinq
ou six jours, elle reprit la route de l'Archipel. Lescadre
du baron de La Garde, contrariée par des accidents de mer,
la rejoignit alors et l'accompagna jusqu'à Chio\
U^Aramon ne semble pas avoir pris une part active aux
négociations que le baron de La Garde entama avec la Porte
pour arriver à un arrangement des affaires de Transyl-
I. La hilre èciilc à la bailleur de Tcrracine et du cap Circulo, et par laquelle
d'Aramon rend compte an roi des opérations de la flotte turque sur les côtes du
royaume de Naples, se trompe dans les Négociations de la France dans le Levant,
tome II, pages 20()-2iS.
INTRODUCTION'
vanic ; Je Sultan, qui avait poussé vigoureusement la guerre
dans eette province, dètaehait son attention de l'Europe
pour la eoncentrer sur la Perse et les dissensions qui
avaient éclaté entre ses fils. Il se honni à envoyer tardivement
sa flotte se joindre à celle des Français et à faire, de concert
avec eux, une descente en Corse et hiitreprise du siège de Nice.
La campagne contre la Perse était décidée ; d'Aramon qui
avait, cinq ans auparavant, accompagné le Sultan dans sa
stérile expédition, crut devoir retourner en France : sa santé
était très ébranlée \ et il crut que les services rendus par lui,
pendant un séjour de dix ans dans le Levant, seraient récom-
pensés par la restitution de ses biens. Son espoir fut déçu ; il
ne conserva que les deux galères que le roi lui avait données
et le marquisat des des d'Hyères dont le comte de RogendorJ
lui avait fait don. Il se retira en Provence où il épousa en
secondes noces f canne Doni, fille de Paul Doni et de Odette
de Damians de Vernégue, et il mourut sans postérité avant
l'année i)^), car sa veuve se remaria, le 4 juin de cette même
année, avec François de Perui^i.
D'Aramon avait déployé, pendant son long séjour en Tur-
quie, pour le service de François I' et de Henri II, une
infatigable activité. Son T^h ne se bornait pas à soutenir et à
I. « Sire, je vous advisc que le sieur d'Aramon, e)i s'en venant, est demeure malade
de fiebvre et de colique à Kcvoba:^ar, six journées au delà de Ka^^'ouse : auquel heu il
avoit envoyé un de ses gent\ en diligence quérir u)i médecin. De quoy je n'ay voulu
faillir, à toutes adventures, vous advertir incontinent, ne sçaicJ:anl de quelle durée
sera la maladie dtidit sieur d'Aramon, ni quelle en sera la fin. >; Lettre Je M. Je
Selve au roi sous la Jate du 2 novembre i'))5. Négociations delà France
dans le Levant, lonie II, page 28^.
LU INTRODUCTION
Jairc triompher les intérêts politiques qui lui étaient confiés, il
accordait ses bous offices et sa protection à tous les Français,
à tous les partisans du- roi et surtout aux savants chargés
par le roi et par les cardinaux de Tournon et d'armagnac
de missions littéraires dans le Levant. Belon rend témoi-
gnage en ces termes de raccueil qu'il reçut à Constantinople.
(( Mais les François, particulièrement entre autres nations,
trouvent communément meilleur party : car ils sont mieux
recueillis de nostre ambassadeur et sont ton si ours les mieux
venus queue sont les autres chei leurs ambassadeurs : et aussi
que les François se trouvans en estrange pays sçavent sup-
porter les uns les autres et s'aimer mieux que ne font les
autres nations. La libéralité de M. d'Aramon, ainbas-
sadeur pour le Roy vers le grand Seigneur, donne tesmoignage
de ce qu'en- avons dit : car il a tant aimé à faire plaisir à ceux
de la nation françoise ou qui estoyent du party françois, qu'il
n'arriva onc homme à Constantinople, de quelque condition
qu'il fust, s'adressant à luy, qu'il n'ayt humainement rcceu et
faict traicter en son logis. Sa libéralité se peut aussy prouver
par le grand iioinbrc d'esclaves chirstiens qu'il a délivre^ de la
main des TurcT^, à ses propres deniers. Et quand quelques
François vieiment à Constantinople, outre ce qu'il leur fait
donner tout ce qui leur est nécessaire, aussi les fait revestir s'ils
n'ont des habillemens. D'avantage, sa maison est ouverte à
toutes gens. Et quand im François est ennuyé d'cstre en ce
pays là, il luy donne de l'argent selon son estât, autant qu'il
luy en faut pour retourner en France. Et s'il cognoist qu'il
soit de race noble, après l'avoir traicté honorablement comme
INTRODUCTION i.iu
soy mcsmc^finahJcmcnt il Jiiy fait donner moutures et autres
choses nécessaires. Et connue il ne sennuia janniis de la des-
pemequil luy ait convenu faire pour r arrivée des plus grands
personnages, tout ainsi, il ne desdaigiut jamais de faire plaisir
aux plus petits compagnons. Et l'ayant expérimenté en nostrc
endroict, serions dignes d'estre nomnu\ ingras si iien rendions
tesmoignage; car nous sommes asseure^^qu'il n'y a homme qui
lions sçache contredire d'un seul mot de tout ce qu'en avons dit,
s'il n'estoit iiuque et qu'il ne refusast d'accorder à la vérité'.»
Pierre Gilles, protégé par le cardiiud d'armagnac,
avait été chargé par les rois François /' et Henri II de
rechercher et d'acquérir des manuscrits grecs et des objets anti-
ques. (( M Pierre Gillius, dit de Nicolay dans la préface de
son livre, lequel par ses doctes escrits mis en lumière puis
son trépas à Rome, nous laisse part de ses labeurs, voire du
fruict de ses longues et laborieuses pérégrinations qu'il a
faictes en l'espace de huit à neuf ans sous la conduicte et
faveur des roys très chrestiens , François premier et Henri
second, et de leur anâmssadeur le sieur d'^Aramon es parties
orientales de Grèce, Turcquie, Surye, ludée, Palestine, Egipte,
Arabie, Arménie et Assyrie jusqu'au royaume de Perse en
la royalle cité de Thauris en laquelle il pénétra avec l'armée
du Grand Turc. » C 'est grâce à la protection de M. d'^ira-
I. Les observations de plusieurs singularitez et choses mémorables, trouvées
en Grèce, Asie, Judée, Eg}'pte, Arabie et autres pays estranges, rédigées en
trois livres par Pierre Belon du Mans. Taris, ijSS, pages J)i-ij2. La p ni ni ère
édition de cet ouvrage parut à Paris, en i))j .
Belon fit paraître en i)S7- « Les portraits d'oyseaux, animaux, serpcns,
herbes, arbres, hommes et femmes d'Arabie observez par P. Belon du Mans. »
Cet ouvrage est dédié au roi.
Liv INTRODUCTION
mon que Pierre Gilles put faire, en toute sécurité, ses recherches
archéologiques à Constant inople, sur les rives du Bosphore et
les côtes de la Bythinic et rassembler les matériaux qui lui
servirent pour composer sa Topographia Constantinopo-
leos et son De Bosporo Thracio. Pierre Gilles accompagna
M. d'^ramon en ^sic-Mineure, en Perse, en Syrie et eu
Egypte. Il perdit ses bagages, ses livres et ses papiers pendant le
désordre qui signala le passage de Varmée turque à travers le
défilé près de Bitlis '. Arrivé à ^lep, Pierre Gilles fit par-
venir au cardinal d'armagnac la lettre dans laquelle il lui
donne la description de l'éléphant disséqué par ses soins. Dans
une autre lettre datée d'Alexandrie, il lui annonce T envoi de
peaux d'éléphant et d'hippopotame, d'une peau de girafe, d'une
queue de yak qu'il appelle bos indiens, d'un ichneumon et de
cages renfermant des rats d'Arabie et d'Egypte; tous ces
objets et ces animaux avaient été confiés par lui à des négo-
ciants de Marseille qui s'étaient chargés de les faire trans-
porter en France^.
André Thevet, qui avait déjà fait paraître sa Cosmo-
« I . Refert etiain ut Jtox qiLvdain vaîde exercucrit tyrocinium mUitice sua. Fuso
scilici't ad Tauruiu vioiitem cxcrcitu, cqtio se aliisque ornanicntis spoliatum, média
tiocte, ad dicui usquc intcr fugcntiuin millia fugisse pcditem , atque ad stuporetn
omnium incohimcm evasisse. Hujus niodi sunt qua de itinere et pauperatis molestia
ipse in pncdicta narrât epistola. » (Cornelii Tollii ad Pierii Valeriani de lite-
ratorum infelicitatc librum appendix, Amstelodami, 164J, pages 4) -4'/ .)
2. « Alexandriâ profidscens Byiantium, pneter tergora elephanti marini et
hippopotami dedi ad le mercalorihus massiliensihus pelleni chameleopardaleos raram
et rege dignam et caudam bovis indici : quorum aspect u, ut pJenius fruare, suhjugam
quales sunt vivœ chameJopardules, etiam quis usus caudcC Indici bovis. Item eisdem
dedi in caveis inchisos ichneumonem innresque Arabicas et ^gyptos quos ut clarius
perspicias addamqua; in ipsos notavi. » (iEliani dehistoria animalium libri XVII,
Lugditni. G Roville. 1^6), pa-^es 4c}S-^2^.)
INTRODUCTION LV
graphie de Levant ', parcourait aussi à cette époque les pro-
vinces de rEfHpire ottoman et recueillait les renseignements
quil devait insérer plus tard dans sa Cosmographie uni-
verselle.
Guillaume Postel, dont Chesneau mentionne les démêlés
avec Pierre Gilles, avait fait un premier voyage dans le Le-
vant et Nicolas de Nicolay lui consacre les lignes suivantes.
(( Entre lesquels (sçavants) a esté des premiers M' Guil-
laume Postel, lequel ayant par sa diligence acquis cognois-
sance de la langue latine, hébraïque, chaldaïque, syriaque,
grecque et arahicque, outre quelques-imes principales en T Oc-
cident, envoyé es parties orientales avec le sieur de la Forest
par ordonnance du grand roy François premier du nom, là où
oultre les charges à luy commises apporta à Paris plusieurs
livres de la langue arahicque, tant en mathematicques et mé-
decine comme en philosophie et autres disciplines pour enrichir
le pais de sa naissance. Depuis, non content du public profit
de son premier voyage, esmeu d'un T^le de plus parfaictement
aider au public, voulut pour la seconde fois aller aux orien-
tales parties de nostre habitation gallicane pour principalle-
ment apporter en ces pais icy les livres des Saintes Escriptures
en la langue arabicque et davantage (comme de luy ai sceu),
a recouvert et rapporté en nos parties occidentales les histoires
de Giafer Persien contenant huit cens ans des faits Ismaïli-
tiques et la cosmographie de ^bil Fedeas, prince mesopota-
mien qui toute l'orientale partie d'Asie a descrit par ses
I. Cosmographie de Levant, par F. André Thevet d'AngouIesme. A Lion,
par Jan de Journes et Guil. Gaxeau, i^^6.
LVi INTRODUCTION
longitudes ainsi comme Ptolemée qui est im bien à nostre
latine habitation inestimable; et sont les exemplaires avec
plusieurs autres auiheurs escrits en la dicte langue arabicque
(ainsi que le dict Postel m'a luy mesme asseuré) en la biblio-
thèque du duc de Bavière Otto Hcinrich auquel il les engagea
pour deux cens escus en 1^4^). »
La lecture de l'ouvrage que Postel a consacré à la République
des Turcs nous fournit la preuve que c'est surtout pendant
son séjour auprès de M. d'Aramon qu'il recueillit les ren-
seignements consignés dans sa Tierce partie des Orien-
tales histoires.
Nicolas de Nicolay, Dauphinois, seigneur d'Arfeville,
valet de chambre et géographe du Roi, qui fit partie de la
dernière mission de M. d'uAramon avait commencé à
voyager à l'âge de vingt-cinq ans. Il avait accompagné
M. Dandoin au siège de Perpignan et parcouru pendant
quinT^e aiis l'Allemagne, le Danemark, la Suède, la Livonie,
la Zélande, la Gothie, la Prusse, l'Angleterre, f Ecosse,
l'Espagne et la Barbarie. Il pidilia, après son retour du Le-
vant, les Navigations, pérégrinations et voyages faits
en la Turquie, avec soixante figures au naturel. La
première édition de cet ouvrage parut en lySy à Lyon,
chei^ Roville.
Ce livre obtint dès son apparition le plus grand succès;
des traductions en furent faites dans presque toutes les langues
de l'Europe, et les charmantes figures qui ornent cet ouvrage
ont été maintes fois copiées pour illustrer les publications rela-
tives aux peuples de l'Orient. Tous ces auteurs que je viens
INTRODUCTION ivii
de citer rendent hommage à la sollicitude dont ils ont été
l'objet de la part de M. d't^4ranion et leurs éloges sont
aujourd'hui pour celui-ci le titre le plus sérieux à la recon-
naissance de la postérité.
Je nai pu réunir que peu de détails sur la personne de
Jean Chesneau', dont la famille était originaire de l'élection de
Saint-Jean-d'^ngély.
Bien que Chesneau ait été pendant quelque temps accrédité
auprès de la Porte en qualité de chargé d'affaires, il semble
avoir rempli auprès de M. d'^Aramon les fonctions d'inten-
dant plutôt que celles de secrétaire. Lorsque cet ambassadeur
eut quitté définitivement Constantinople, Chesneau ne put
s'accommoder avec de Codignac qui supportait inalaisément
la présence des gens qui avaient servi son prédécesseur. Il nous
fait savoir que M. d'^ramon, retiré en Provence, l'avait
invité à se rendre auprès de lui. Il partit donc de Cons-
tantinople, se rendit à Venise où il apprit l'insuccès des
démarches tentées par son ancien chef, et de cette ville, il
gagna Ferrare où se trouvait alors le chevalier de Seure,
chargé par Henri II d'une mission auprès de Renée de
France et qui avait autrefois commandé une des galères mises
à la disposition de M. d'^ramon. Sur sa recommandation,
cette princesse admit Chesneau dans sa maison en qualité de
contrôleur et elle lui donna plus tard « l'estat de maistre
d'hôtel ». Chesneau résida à Ferrare jusquà l'époque de la
I. Dans son acte de mariage, J . Chesneau est dit être fils de Charles Chesneau,
êcnyer, seigneur de Châtcauneuf et de Colomhières. (Pièces originales de la Biblio-
thcque Nationale.)
Lvm INTRODUCTION
mort d' Hercule d'Esté (i^j^). Il suivit en France la du-
chesse de Ferrure, et dans l'acte de son mariage avec Louise
de Castris, fille de Robert de Castris, seigneur de Ranpar et
de Courcenay, dressé à Montargis le 26 juin i)jo, nous
le trouvons qualifié ainsi : Jean Chesneau, escuycr, seigneur
de la Rêgnardière, premier maistre d'hôtel de S. ^i. R. et
intendant des finances de Madame Renée de France, douai-
rière de Ferrare, duchesse de Chartres, comtesse de Gisors et
dame de Montargis. Enfin, en juin i^yj, noble seigneur
messire Jehan de Chesneau, chevalier de l'ordre du Roi, sei-
gneur de Clerbaudière et de Me^-le- Maréchal, maître
d'hôtel et conseiller ordinaire en la maison de Madame la du-
chesse de Ferrare, assiste, à Montargis, au baptême d'un
enfant avec messire Michel Le Clerc, chevalier de l'ordre du
Roi, maître d'hôtel et conseiller ordinaire de la duchesse.
Chesneau eut un frère, François Chesneau, écuyer, seigneur
du Vivier, qui fut maître des requêtes de Renée de France ;
cette princesse fut la marraine d'un fils issu de son mariage
avec Diane du Gueret, fille de Jean du Gueret, seigneur de
Bourdebure à Montargis. Cet enfant fut, le 7 mars ijy^,porté
bar ordre de la duchesse sur la liste des « pensionnaires
ordinaires entretenus, es escoles, destiné et ordonné pour nostre
service ordinaire actuel. »
Les armes de Jean Chesneau étaient d'argent à trois chiens
de sable, deux et un, au chef cousu d'or à une croix de Jéru-
salem de gueules.
Chesneau écrivit sa relation après son retour en France et,
ainsi qu'il nous le dit lui-même, pendant les premières années
INTRODUCTION ux
du règne de Sultan Sélim II qui succéda, en 1^66, à son
père Sultan Suleyman. Les exemplaires manuscrits en sont
asseï nombreux; la Bibliothèque Nationale en possède cinq,
et on en conserve un à la Bibliothèque de l'arsenal. C'est
celui-ci qui m'a journi le texte que je publie aujourd'hui.
Léon Menard a mis le voyage de M. d'^ramon en tête
du recueil intitulé : Pièces fugitives pour servir à l'his-
toire de France. Les notes placées à la fin de cette relation
sont, pour la plupart, insuffisantes ou erronées. Les noms
de lieux donnés par Chesncau sont horriblement défigurés, et
Menard n'a pas su les rectifier. J'ai entrepris la tâche de les
rétablir dans cette nouvelle édition.
M. Taschercau a inséré, en i8j8, dans le tome XIX
(pages j4i-j'/i) de la Revue rétrospective la relation du
voyage de M. d'^Aramon, sans y joindre aucune note, ni
aucun éclaircissement. Enfin M. Charriére a donné, dans
le tome second des Négociations de la France dans le
Levant, de nombreux extraits du récit de Chesneau pour
élucider et compléter le texte de certaines dépêches.
M. ViviendeSaint-Martin a consacré quelques lignes à Ches-
neau dans sa Description historique et géographique de
l'Asie Mineure. Cette analyse très succincte n'est point exempte
d'inexactitudes et après avoir indiqué en quatre lignes la route
suivie par M. d'^ramon, depuis son départ de Scutari jusqu'à
son retour à Constantinople, M. Vivien de Saint-Martin
déclare que «ce double itinéraire est sans directions ni distances
entre les stations, outre que les noms y sont outrageusenwnt
défigurés. »
LX INTRODUCTION
Cette dernière assert ion est parfaitement justifiée \
Le récit du voyage de Chesneau à travers V^sie-Mineure
me parait mériter d'autant plus d'intérêt que la route de Scu-
tari à Erxroum a été suivie par un très petit nombre de voya-
geurs, et que Chesneau seul note avec quelques détails les ruines
des monuments antiques qu'il remarqua sur son passage.
J'ai placé dans l'appendice les dépêches de Gérard de Velt-
•luick adressées au roi des Romains. Elles sont conser-
vées au dépôt des archives impériales et royales de la maison
d'Autriche, et elles jettent un jour nouveau sur la marche des
négociations et sur la situation des agents européens à Cons-
tantinople.fy ai joint les instructions domiées par Henri II à
M. d'Huyson, une lettre de Sultan Suleyman à Henri H et diffé-
rents autres documents qui voient le jour pour la première fois.
Le portrait de Sultan Suleyman est emprunté au recueil
portant pour titre : Vita et icônes Sultanorum Turcico-
rum, publié à Francfort en i^^6 et réédité par Johann
Ammon, à Francfort, en 1648. Celui de Rustem Pacha est
reproduit d'après une planche allemande du commencement du
XYii*^ siècle et qui figure aussi dans l'ouvrage d'Happelius
intitulé : Thésaurus exoticorum oder eine mitausslaen-
discher Raritaeten, etc., Hambourg, i6SS,in-f^, et danslequel
l'on a placé également les soixajite-ucuf planches de costumes
Turcs gravées à la fin du xyi^ siècle par Melchior Lorch de
Hambourg et publiées en 1626, 1641 et 1646.
Les autres planches font partie d'une suite de dix-sept gra-
I. Description historique et géographique de l'Asie Mineure, etc., par
Vivien de Sainl-Martin. Paris iS}2, tome II, page /.
INTRODUCTION lxi
vnres sur bois iFiuie cxtrcDie rareté, exécufces prohablcincnt à
^'invers dans la prcmicrc moitié du xvi^ siècle. Elles repré-
sentent différentes vues de la Bulgarie et de Constantinople, et
selon toute apparence, elles ont été dessinées par un artiste qui a
accompagné un des agents de Charles-Quint et de Ferdinand.
Leur date est antérieure à Tannée i^j6, car on voit se dresser
dans l'Hippodrome de Constantinople, traversé par Sultan
Suleyman et son cortège, les statues de bronze rapportées d'O-
fen par Ibrahim Pacha; elles furent renversées après la mort
de ce grand vé^ir.
La signature ci-dessous de M. d'^ramon a été copiée sur
celle qui se trouve au bas d'une lettre écrite à ^lep, sous la date
du 8 décembre 1^48, et adressée à Ibrahim Pacha, gouverneur
de Constantinople pour lui recommander le capitaine Bertho-
lomé. Cette pièce est conservée aux archives de la maison
d'Autriche.
VOYAGE
DE MONSIEUR D'ARAMON
AMBASSADEUR POUR LE ROY EN LEVANT
FAICT DE PARIS A CONSTANTINOPLE L'AN 1547
E retrouvant à la cour à Folcmbray '
préz Coussy au mois de décembre 1546,
j'entendis que le Roy renvoyoitM. d'Ara-
mon son ambassadeur prèz le Grand Sei-
gneur à Constantinople, et désireux de faire tel voyage,
je taschay par moyens que Dieu me donna et de mes
amys, d'entrer à son service ; lequel m'accepta volon-
tiers et me retint pour l'un de ses secrétaires. Et apréz
I. Folambray ou Follembray, dans le diocèse et l'clcction de Laon. II y avoit
autrefois une maison royale dont il reste encore quelques bâtiments. Le roi
François P'' y alloit assez souvent, et Henri II en faisoit ses délices. Marie,
reine de Hongrie, sœur de l'empereur Charles Quint et gouvernante des Pays-
2 VOYAGE
avoir eu son expédition du Roy, s'en vint à Paris pour
s'equippcr; et y séjourna environ huict ou dix jours.
Nous en partismes la vigile des Roys 1547, P^^'
nans nostre chemin à Lion; auquel lieu sejournasmes
quatre ou cinq jours, et delogeasmes le 19 du mesme de
janvier; vinsmes à Genève, Locerne, Coyre et aultres
villes des Suisses et Grisons que je ne spécifie ny ne
rn'y arreste aultrement, pour estre pays irequentéz et
chemins connus de beaucoup de gens et mesmes des
François, comme aussy est celuy des Vénitiens par où
passasmes à sçavoir Pizone'^ Izay^ Bresse', Luna\
Pescaire^ Virane^ Vicence, Padoûe et Venize.
Venize, la plus belle et lorte ville et plus riche et
Bas, y fit mettre le feu par un parti de troupes. Henri II fit brûler par repré-
sailles, le château de Miramont. (L"abbé d'Expilly, DicHotuiaire géographique, his-
torique et politique des Gaules et Je ^a trance, Paris, 1759: tomelll, page 196).
La cour résida à Folambray du 23 au 25 décembre 1546. {itinéraires des rois de
France, dans les Pièces jugilives pour servir à l'histoire deFrance, du marquis d'Au-
bais, tome I, page 107).
1. Pisogne est un gros village au débouché de la Valcamonica, sur le bord
oriental du lac Sabino ou d'Iseo, à un kilomètre de l'endroit où l'Oglio se
jette dans ce lac.
2. Iseo est un bourg considérable situé à l'extrémité du lac qui porte son
nom, sur la rive sud-est, à vingt-trois kilomètres de Brescia. Iseo fut succes-
sivement un fief des Oldolredi, des Medici de Brescia c des Malatesta. Iseo
fut occupé par les Français de 1509 à 15 12 et, en 15 16, par les Espagnols.
3. Brescia.
4. T onato est une grosse bourgade bâtie sur une des deux collines qui domi-
nent le lac de Garde, depuis le mont Cavolo jusqu'à Castiglione délie Stiviere.
Son église, dédiée à saint Zenon, remonte au V^ siècle. Au xvp siècle, Lonato
était gouverné par un podestat, choisi dans la noblesse de Brescia et par un
provéditeur vénitien.
<,. Pcscliicia.
6. Vérone.
DE MONSIEUR D'ARAMON 3
plus abondante en marchandises que nulle autre ciic
d'Italie, située dans la mer, est fort bien bastie ; et y a
de plus beaux et magnifiques palais et autres sumptueux
édifices qu'il est possible de voir. L'on l'estime à huit
milles de circuit qui sont quatre lieues à deux milles
pour lieue. Toutesfois, autour d'icelle il n'y a point de
murailles, mais de l'eaue seulement ; et n'en sçauroit on
approcher sans passer par certains destroits de mer où
y a chasteaux qui la rendent forte et imprenable. L'on
va par toutes les maisons aussy bien par eaue, par cer-
tains canaulx, que par terre. Au moyen de quoy, il y
a bien quatre cent petits ponts et huit mil gondoles.
Il y a soixante et douze parroisses et huit monastères
de moynes, vingt et quatre de nonnains et une église
de Grecs où y a un patriarche; vingt mil feus et trois
mil gentilshommes.
Il y a un certain lieu où se tiennent les Juifs, qu'on
appelle Guette *; et y a quelques Turcs, force Allemans
et toutes autres sortes de nations de gens qu'on sçau-
roit dire". Nous y vismes toutes les choses plus exquises
1 . Les Juifs s'établii ent primitivement à Venise dans l'île de Spina Longa
qui prit alors le nom de Giudecca : on leur assigna ensuite un quartier parti-
culier (Ghetto) dans la paroisse de Saint-Jérémie. « Ils habitent un lieu sépare,
lerraé de deux portes, où leur grand nombre, qui est de plus de deux mille cinq
cens, les oblige d'élever les maisons jusqu'à six ou sept étages. Ils sont de plu-
sieurs nations diftérentes... Ils ont des synagogues particulières. » (La ville et lu
ri'juhliqui de Venise par le sieur de Saint Disdier, Amsterdam, 1680, page 162).
2. LesTurcs habitèrent, dans la seconde moitié du xvi» siècle, les dépendances
du palais de Marc-Antonio Barbaro. Le fontico dei Turchi ne leur fut assigné
pour demeure qu'au commencement du xvii^ siècle. Les Allemands possédaient
4 VOYAGE
qn^ y sont, comme le tresaur de Saint Marc, l'Arsenal
où sont les galères et autres vaisseaux de mer, artille-
ries et grande quandté de toutes sortes d'armes néces-
saires pour le fait de la guerre et deffence de leur ville.
Nous fusmes à Moran où se font les plus beaux verres
du monde et toute aultre sorte de mesnage de verre
qu'on sçauroit trouver'.
Ladicte ville fut commencée à ediffier l'an 456, par
les guerres et ruines que fit Atila au païs d'Italie et cité
d'Aquilée. Nous y demeurasmes environ quinze jours
en temps de carnaval, et tous les jours se faisaient festes,
comédies, masques, bancquets et autres passe temps, en
sorte qu'il ne nous y ennuya point. M. de Morvilliers
y estoit lors résident ambassadeur pour le roy\
depuis la fin du xiii'' siècle le fontico dei Tedeschi, sur le grand canal, près
du Rialto, dans la paroisse de Saint-Barthélémy.
1. L'île de Murano. M. l'abbé Vincenzo Zanetli a donné sous le titre de :
Guida di Murano e delh cdehri sue fornacie vetrarie, Venise, 1866, une histoire
complète de Murano et des fabriques qui ont produit ces verres merveilleux si
estimés au moyen âge et aux xvi= et xvii" siècles.
2. Jean de Morvilliers, évêque d'Orléans, abbé de Saint-Pierre de Melun,
naquit à Blois en 1507. Il fut, en 1536, pourvu de l'office de lieutenant général
de Bourges où il fut doyen de l'église de Saint-Étienne ; il devint ensuite
conseiller au grand conseil, et, en cette qualité, l'un des juges du chancelier Poyet.
Le roi le nomma, en 1547, maître des requêtes et son ambassadeur près la sei-
gneurie de Venise. A son retour, il obtint l'évèché d'Orléans. Il prit part, en 1559,
aux négociations de la paix de Câteau-Cambrésis, Les sceaux de France lui
furent offerts en 1560; il les refusa, mais, en 1568, il dut les accepter sur les
instances du roi. Il exerça la charge de chancelier pendant trois ans et deux mois,
et s'en démit en 1 570. Enfin, après trente-cinq ans de service au conseil et après
avoir soutenu les intérêts du royaume au concile de Trente, il mourut à
Tours le 25 octobre 1577, à lage de soixante et onze ans. {Histoire gincalo'
riqiie et chronologique de la Maison royale de France, par le P. Anselme, Paris,
DE MONSIEUR D'ARAMON 5
Je ne veux oublier ce que j'y vis faire à un Turc qui
monta sur le clocher de Saint-Marc qu'un chascun sçait
estre le plus hault d'Italie, cheminant droit avec un con-
trepoids à la main sur une corde, laquelle estoit tendue
du lieu où sont les cloches, à vingt brasses de large
dans le grand canal de mer qui est préz de Saint-
Georges. Et depuis qu'il fut monté tout au hault ludici
clocher, se fit Her par les cheveux h ladicte corde, à
laquelle estant pendu, vint légèrement (battant tou-
jours les mains) au heu où il commença monter.
Nous en partismes jeudi sur le soir, second jour de
caresme, 24 febvrier et montasmes sur mer dans trois
galères de forçats que la Seigneurie presta audict
sieur ambassadeur, pour l'asseurance de son passage
jusques à Ragouze. Le capitaine s'appelait maistre
Christofle Canal. Nous passasmes le golfe de Trieste
et vinsmes à Parance' distant de Venize de cent milles;
et à dix ou douze milles de là, descendismes en terre et
fusmes à une ville qui estoit à deux ou trois milles
loing desdictes galères, nommée Paule', païs d'Istrie
1730, tome VI, p. 490. Mémoires de Castehtau, Bruxelles, 1751, tome I,
p. 517. Duchesne, Histoire des chanceliers, Paris, 1680, page 650).
1. Parenzo, en face de l'îlot de San Nicolo.
2. Pola porta sous la domination romaine les noms de Pietas Juli.i, Colonla
Julia, Pola, Pollentia Herculanea. Au xi« siècle, les habitants de Pola four-
nirent des secours aux premiers Croisés, et les Templiers fondèrent un liôpital
sur la route qui mène à Aquile'e et établirent une commanderie à Portograndc,
sur le chemin conduisant à Port o Flanatico. Le marquisat de Pola passa succes-
sivement aux mains des Eppenstcin, des Sponheini et des Andechs. Les Véni-
tiens attaquèrent Pola en ii4), 11 50 et 1160. En 1193, ils en chassèrent les
Pisans qui s'y étaient établis, et le doge Enrico Dandolo fit abattre les murs qui
6 VOYAGE
OÙ vismes des choses fort nnticques, entre aultres, il
y avoit grande quantité de tombeaux soubs lesquels
avoient esté trouvez, au temps passé, de grands tresaurs
et richesses, ainsy que les gens dudict lieu nous dirent,
et y a quelques apparences d'églises, cloestres et aultres
monastères. Et d'un et d'aultre costé, se voyent des
arènes et théâtres, non moins grandes et belles que
celles de Nismes, toutesfois faictes d'une aultre laçon
et les murailles plus haultes. L'on nous dit que c'es-
toient édifices des Romains. Le païs est fort pauvre;
et n'y a pas grand peuple dans ladicte ville qui est
presque ruinée.
Le lundy suivant, arrivasmes à l'isle de Jare païs
d'Esclavonie où il y a un beau bastillon vers la porte
(ou le port) en allant à une chapelle de la Madone ou
Nostre-Dame, dans laquelle il y a quantité de vœux de
gens qui vont sur mer. La ville est assez grande et
bien fermée de murailles; nous y demeurasmcs parce
que avions vent contraire \
délendaicnt la ville du côté de la mer. En 122S, Pola fut prise par Nicolo Tie-
polo et en 1243, elle fut de nouveau assiégée par les Vénitiens. Les Génois
s'en emparèrent, mais les habitants, fatigués de leur joug, se donnèrent à Venise,
En 1354 et en 1379, les Gé<nois la mirent à feu et à sang. En 1412, la ville
fut prise par Sigismond de Hongrie et l'empereur Maximilien s'en rendit
maître .
Les principaux monuments antiques remarqués par J. Chesneau sont l'am-
phithéâtre et la Porta aurata. Ils ont été dessinés et décrits dans le Voyage pitto-
resque et historique de la Dalmalie rédigé, d'après l'itinéraire de L.-F. Cassas,
par Joseph Lavallée. Paris, 1802, pages 65-71.
I. « Zara (Jar) est bâtie sur une péninsule qu'elle occupe en entier, dont on a
fait une isle par le moyen des fossés qu'on a creusés dans l'isthme qui la joi-
DE MONSIEUR D'ARAMON 7
De là vinsmes à Scbcnico située en terre lerme qui
est une aultre belle ville forte; et n'}' sçauroit on en-
trer sinon par un destroit où il y a deux chasteaux,
l'un d'un costé et l'autre de l'aultre'; et au dessus
gnaii au continent do la D.,!matie : ces fossés iont remplis do l'eau de la mer.
Le port est au nord et règne tout . long de . ville, qui le met à couvert des
vents du sud, qui sont les seuls qui pourroient incommoder les vaisseaux qui v
seroient mouillés... Du côté de la terre, la ville est défendue par une citadelle
dont les fossés sont taillés dans le roc. 11 n'y a pas de hauteurs aux environs
qui puissent incommoder la ville et la citadelle; ce qui ^ait que Zara passe à
juste titre, pour le boulevard de la citadelle de ce côté-là. Ce que l'on nomme
citadelle n'est autre chose qu'un ouvrage à corne très fort, qui couvre la langue
de terre sur laquelle la ville est bastie » (Dcscriplion gcot^ropbique du ^olfc de
Venise et de la Morêe, parle sieur Bellin, Paris, 1771, pages 86-88). Zara implora,
^.n 991, la protection de Venise contre Lurcislav, roi de Croatie, el le doge
P. Orseolo réussit à lui faire rendre les iles qui lui avaient été enlevées. En 1053,
elle se place de nouveau sous la protection des empereurs d'Orient. En IÎ05,
Coloman, roi de Hongrie, s'empare de Zara et, en 11 15, le doge Ordelafo Falieri
l'assiège et s'en rend maître avec le secours d'Alexis Comnène, mais deux ans
plus tard, le doge est tué et il est stipulé dans une trêve que Zara se gouvernera
elle-même pendant six ans. En 1177, Zara devient la capitale de la Dalmatie
sous la suzeraineté de Venise; en 1181, elle chasse les Vénitiens et ouvre ses
portes aux Hongrois. En 1198, elle est assiégée par les Croisés et, en 1202,
conquise et démantele'e par Henri Dandolo. En 1241, elle retourne aux Hon-
grois. Pendant le xiv* siècle, elle passe tour à tour aux mains des Vénitiens et
des Hongrois. En 1403, Ladislas de Naplcs reçoit dans l'égUse de Saint-Gri-
sogno la couronne de Dalmatie et de Hongrie. En 1409, ce prince vend pour
cent mille ducats à la seigneurie de Venise, Zara et sa banlieue. En 1500, sous
le règne de Bajazet H, la viUe fut inutilement assiégée par les Turcs. Depuis
cette époque, elle reconnut sans contestation la souveraineté de Venise.
I. Sebenico est située sur la côte delà Dalmatie, entre Scardona etTraù;
elle s'élève en amphithéâtre sur la pente d'une montagne peu élevée. La
partie basse de la ville longeant la mer est reliée à la ville haute par des gra-
dins en pierres. Le principal édifice de Sebenico est l'église cathédrale com-
mencée en IJ43, achevée en 1536 et consacrée en 1555. Au xvi® siècle, la
ville était défendue, du côté de la mer, par le lort de Sant'Antonio construit, de
1)40 à 1570, sur les plans de l'architecte vénitien San-Micheii et, du côté de la
terre, par celui de Santo-Michcle. L'histoire de Sebenico offre de nombreuses
péripéties. En 11 16, le capitaine Ordelafo Falieri l'enleva au roi Coloman de
8 VOYAGE
de ladicte ville, sur une aultre montagne, il y a un
aultre chasteau. Et au commencement du destroit, il
y a une petite isle où il y a une place qu'on appelle le
Chastel, que les Vénitiens ont fait faire, qui est une
chose merveilleusement forte à ce qu'on dit. Et a esté
faicte parce que la ville de Sebenico ne vouloit s'assu-
jetir ausdicts Vénitiens; maintenant, ne sçauroient
sortir ny entrer, s'ilz vouloient faire les mauvais.
Au partir de là, fusmes à Lezina, ville assez belle au-
dessus de laquelle sur la montagne, il y a un chasteau
fort'. C'est une isle qui contient environ cent milles de
tour; passasmes prèz d'une aultre isle appellée Cour-
sola-, et puis arrivasmes à Ragouze en Dalmatie, petite
Hongrie : elle fut reprise par le roi Etienne III en 1163, et peu après par
l'empereur Manuel de Byzance. Hn 1 180, elle retomba au pouvoir des Hongrois,
et le roi André la céda aux chevaliers du Temple. Les Génois s'en emparèrent
en 1358, mais au mois d'octobre de la même année, Vittore Pisani la mit à
feu et à sang. En 1590, Sebenico se donna au roi de Serbie, puis trois ans
plus tard, elle retomba sous le joug des Hongrois. En 1412, sous le principal
du doge Michèle Steno, elle implora la protection du sénat de Venise. En 1450,
Sebenico, suivant l'exemple des autres villes de la Dalmatie, se souleva contre
la noblesse. En 1520, elle fut assiégée par Mustafa Pacha et elle eut à subir,
en 1528, un autre siège des Turcs.
1. « Cest isle a deux portz dont l'ung est grand et bien commode pour toutes
sortes de navires, etl'aultre est assez plus petit, près lesquelz les frères de Saint-
Dominicus ont edilîé ung monastère; aultrement ceste isle est du tout déserte.
Nous avons trouvé dans ce monastère une bonne cisterne. L'isle est ronde ayant
en sa circonférence sept à huit mil pas. Ladicte isle de Lésina s'appelloit ancien-
nement Pharu, et d'icelle vient ce Demetrius Pharien duquel Appian faict
mention en son histoire. » (^Missions diploiiialiqiies de Corneille de Scheppcr. publiées
par MM. le baron de Saint Génois et G. A. Yssel de Schcpper, dans les Mémoires
de r Académie royale de Belgique, tome XXX, p. 203).
2. « L'isle de Curzola a le titre de comté ; elle appartient aux Vénitiens
auxquels la République de Raguse l'a cédée; on lui donne trente milles ou dix
DE MONSIEUR D'ARA M ON 9
ville, neantmoins asscs riche, située sur le bord de
la mer, où il y a un petit port. Elle est L;ouvernée
en republique et, de trois mois en trois mois, changent
de duc. Hz payent tribut, tous les ans, douze mil du-
cats au Grand Seigneur'. L'on nous y fit fort bonne
chère et bon traittement et les sieurs dudict lieu sont
honnestes et gracieux, vestus à la façon des Vénitiens.
Nous y sejournasmes environ cinq jours pour nous
desbarquer desdictes galères et trouver les chevaux
qui nous estoient nécessaires, tant pour nous monter
que pour porter nostre bagage qui estoit grand, et en
partismes le treziesme jour de mars audit an 1547, et
vinsmes coucher à Trebing près le fleuve Trebigne'.
lieues de longueur de l'est à l'ouest et six à sept milles de largeur. Cette isL-
est passablement peuplée et Icrtile, quoique fort montueuse dans beaucoup
d'endroits. Elle n'est séparée de la presqu'île de Sabioncello que par un canal
fort étroit. La ville de Curzola, capitale de l'isle, est située sur ce canal; elle
est lortifiée d'une bonne muraille et de plusieurs tours, environnée de la mer
de trois côtés et séparée de la terre par un fossé, avec un pont-levis; c'est le
siège d'un évêché sufïragant de l'archevêque de Raguse. » {Description géogra-
phique du golfe de Penise, page 115).
I « Raguse (que Ptolémée appeJe Épidaure") est cité fort ancienne et noble,
ores que celle qui est à présent appellée Raguse n'est pas l'antique, car elle
lust destruicte par les Goths ; ain:, des ruines d'icelle fust par les habitans
construite la moderne Raguse a dix mille pas de l'antique qui est à présent peu
habitée. Mais la nouvelle est d'autant ''us trequentée et mieux peuplée, édifiée
en très belle situation sur le bord de la mer Hadriatique, estant neantmoins
dans le continent de la Dalmatie. Le port y est fort petit et faict à main
d'homme comme pareillement est son môle. De la part de dessus y a un mont
de grande haulteur et aspérité au pied duquel la cité est assise et fondée. Elle
est fort subjecte aux tremblements de terre : et si en temps d'hyver il y fait
excessivement froid. » {Les Navigations, pérégrinations et voyages jaicts en la Tur-
quie par Nicolas de Nicol.iv etc., Anvers, 1576, page 261).
2. « Trebiniè est une ville de THerze^iOvine située au nord-esi de Ragus^' à
10 VOYAGE
De là à Serniche païs de Bulgarie', et cheminasmes
par des montagnes les plus rudes et arides qu'il est
possible. Puis vinsmes h. Cochia-, païs de la Servie, qui
est une ville à la Turcquesque assés marchande où il
y a ordinairement un sanghiac qui veut dire gouver-
neur ou capitaine ; et nul ne sort de ce païs là pour
venir en Italie sans congé et passeport. Apréz arri-
vasmes à Pleonie', village de chrestiens. Les maisons
sont toutes de bois. Et passasmes par un assez beau
village appelle Prepouille^ Passasmes prés d'un mo-
cnviron trente kilomètres de cette ville. Trebinjè s'élève au milieu d'un joli
pays arrosé par la Trebincica. On doit reconnaître dans Trebinjè le Tribullum
des Romains; ce fut, au moyen âge, un fiel possédé par la famille Pavlovicz
qui en resta maîtresse jusqu'à la conquête ottomane. Les murs qui entouraient
la place sont aujourd'hui en ruines. » (Roskiewicz, Stiiâien ûber Bosnien iind
Hcr^egovina. Vienne, 1868, page no),
1. « Tchi.rnica, village de l'Herzégovine situé sur la rivière de même nom,
nu nord du plateau de Korito, à égale distance de Trebinjè et de Fotcha.Tchernica
conserve des restes d'anciennes iortifications, et les Turcs y entretenaient
jusqu'à ces derniers temps une petite garnison. » (Roskiewicz, Studien, p. iir>).
2. « Fotcha, ville de l'Herzégovine, au confluent de la Tchehotina et de la
Drina. C'était, avant la dernière occupation autrichienne, le siège d'un mudir.
La population s'élevait en 1867 à dix mille habitants, la plupart musulmans;
on y voyait vingt mosquées. » (Roskiewicz, Studien, etc , page 1 14).
3 . <( Pleoljè, en turc Tachlidjèh, estla localité désignée par Jean Chesneau sous
le nom de Pleonie. C'est une petite ville de deux mille habitants, située dans la
vallée de la Tchehotina. Cette ville était gouvernée par un caïmacam et on v
remarquait une belle mosquée dont la coupole était dorée. Les Grecs possèdent,
à peu de distance de la ville, un couvent placé sous l'invocation de la Trinité,
qui a été plusieurs fois ruiné et rebâti. L'église du monastère a une origine fort
ancienne; les murs ont plus de six pieds d'épaisseur. On y conserve le sarco-
phage aujourd'hui vide de saint Sava, ancien évêque et duc d'Herzégovine. Le
bâton du saint et des évangiles lui ayant appartenu sont conservés par les moines.
Ces objets proviennent du monastère de Milechcno, brûlé en 1593 par les
Turcs. '1 (Roskiewicz, Studien, page 1 50).
4. « Priepoljè est un bourg de deux mille habitants, sur le Lim, au sud-est de
I'
. 1 71 , h'
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10 VOYAGE
De là h Serniche païs de Bulgarie', et cheminasmes
par des montagnes les plus rudes et arides qu'il est
possible. Puis vinsmes à Cochia', païs de la Servie, qui
est une ville à la Turcquesque assés marchande où il
y a ordinairement un sanghiac qui veut dire gouver-
neur ou capitaine ; et nul ne sort de ce païs là pour
venir en Italie sans congé et passeport. Apréz arri-
vasmes à Pleonie', village de chrestiens. Les maisons
sont toutes de bois. Et passasmes par un assez beau
village appelle Prepouille^ Passasmes prés d'un mo-
em'iron trente kilomètres de cette ville. Trebinjè s'élève au milieu d'un joli
pa3-s arrosé par la Trebincica. On doit reconnaître dans Trebinjè le TribuUum
des Romains ; ce fut, au moyen âge, un fiel possédé par la famille Pavlovicz
qui en resta maîtresse jusqu'à la conquête ottomane. Les murs qui entouraient
la place sont aujourd'hui en ruines. » (Roskiewicz, Sliidien ûber Bosnien iind
Her\egovina. Vienne, 1868, page no),
1. « Tchcrnica, village de l'Herzégovine situé sur la rivière de même nom,
au nord du plateau deKorito, à égale distance de Trebinjè et de Fotcha.Tchernica
conserve des restes d'anciennes iortifications, et les Turcs y entretenaient
jusqu'à ces derniers temps une petite garnison. » (Roskiewicz, Sludien, p. iiiî).
2. « Fotcha, ville de l'Herzégovine, au confluent de la Tchehotina et de la
Drina. C'était, avant la dernière occupation autrichienne, le siège d'un mudir.
La population s'élevait en 1867 à dix mille habitants, la plupart musulmans;
on y voyait vingt mosquées. » (Roskiewicz, Studien, elc , page 1 14).
3 . « Pleoljè, en turc Tachlidjèh, est la localité désignée par Jean Chesneau sous
le nom de Pleonie. C'est une petite ville de deux mille habitants, située dans la
vallée de la Tchehotina. Cette ville était gouvernée par un caïmacam et on y
remarquait une belle mosquée dont la coupole était dorée. Les Grecs possèdent,
À peu de distance de la ville, un couvent placé sous l'invocation de la Trinité,
qui a été plusieurs fois ruiné et rebâti. L'église du monastère a une origine fort
ancienne; les murs ont plus de six pieds d'épaisseur. On y conserve le sarco-
phage aujourd'hui vide de saint Sava, ancien évêque et duc d'Herzégovine. Le
bâton du saint et des évangiles lui ayant appartenu sont conservés par les moines.
Ces objets proviennent du monastère de Milecheno, bridé en 1595 par les
Turcs. >^ (Roskiewicz, Stiidiru, page 150).
4. i< Priepoljè est un bourg de deux mille habitants, sur le Lim, au sud-est de
DEFILÉ dans les BALKANS
DE MONSIEUR D'ARAMOX ii
nastere appelle Santa Sava où il y a plusieurs moines
qui vivent à la grecque, et s'appellent caloveri ei
monstrent le corps de Santa Sava aux passants'.
Les Turcs l'ont en révérence et y font des aumosnes,
et prèz de là, y a un petit chasteau nommé Alieles', et
couchasmes au village joingnant iceluy. Aprèz, vins-
mes à Novabazars' ville non fermée, assez marchande,
où demeurasmes un jour pour changer de chevaux.
Au partir de là, passasmes le mont d'Argent qui est
fort hault et fascheux. On y tire ordinairement de
Targent qui vaut un tresgrand revenu au Grand
Seigneur. Vismes à costé la ville de Nisse ancienne-
Tlevljè. » (Roskiewicz, Sttulicn, page 152). « Après avoir faict noz oflranJcsnu
cors de sauict Saba, avons par la dicte vallée continué nostre chemin jusque;
à la ville de Prepolye, que avons passée ensemble ung pont de bois qui est si r
la rivière de Lym » (Missions diplomatiques de Corneille de Scbepper, page 199^
1. « 11 y a près de ladicte montaigne ung petit ruisseau, lequel sépare le
Sangzachat de Bossina de Hertzgovina et lequel se mcle à la rivière de Cina ci
après se rendent par ensemble en celle de Pinchia, et finablement dans Ib.ir.
Ledlct ruisseau passé, avons monté une aultre montaigne très liaulte ayant de
toutz costez des montaignes et forests par laquelle ayant cheminé trois lieues,
avons descendu jusques au monastère de Sainct Sabat. Ce monastère est habité
d'heremites que communément on appelle Calloury et sont tous manouvriers,
ayantz revenus; au reste, du tout ignorantz. » (Missions diplomatiques de Cor-
neille de Scbepper, Schepper, page 190).
2. Milosina, à peu de distance au sud-est de Priepoljè. La route actuellement
suivie passe au nord de cette localité et gagne directement Sjcnica.
3. « Novibazar s'étend sur la rive septentrionale de la Rachka. Une partie des
maisons s'étagent sur les collines qui s'étendent au nord de la ville. La cita-
delle s'élève au nord-ouest et ses murs sont baignés par un torrent qui traverse
la ville. Novibazar possédait trois mosquées; la population, composée de Serbes
et de Bosniaques musulmans, pouvait s'élever au chiffre de huit mille âmes. »
(Amé Boue, Recueil d'itinéraires dans la Turquie d'Eurojw Vienne, iS5i,t. I'"'',
page 185).
12 VOYAGE
ment bonne ville etaujourd'hui reJuicte à un village':
passasmes la rivière Morava. La pluspart des lemmes
de ce païs portent les cheveux coupez et autres les
portent longs et un chapeau sur leur teste îaict de
drapeaux, sans aucune forme ne laçon. Elles ont
pendues des patenostres de verre et quelques pièces
d'argent et anneaux aux oreilles semblablement. Et
quant leurs marys ou leurs parens meurent, elles s'ar-
rachent les cheveux et s'egratignent le visage avec des
cris les plus estranges qu'il est possible d'ouïr. Les
Grecques, en beaucoup d'endroictz, lont le semblable,
et croy que c'est plus par une ancienne coustume ou
par hypocrysie que pour regret qu'elles ayent.
Puis arrivasmes Mallessiche% grand village prèz la
ville de Sophie' dans laquelle nous ne logeasmes, parce
1. Nich (Nissa) faisait autrefois parti du gouvernement de Sofia; elle
appartient aujourd'hui à la Serbie. « Nich est une ville bulgare populeuse; on
y comptait seize mille habitants dont six mille étaient musulmans. li v avait
onze mosquées, une ou deux églises grecques, une tour à horloge, un grand
bazar bien fourni de boutiques et de grands khans. Le bazar a une toiture en
planches et des rues si larges qu'on y peut passer à cheval et en voiture. »
(A. Boue, Recueil d'itinéraires dans la Turquie d'Europe, Vienne, 1854, t. I",
page 60). La citadelle de Nich lut emportée en 777 (137S) par Sultan Murad I",
après vingt-cinq jours de siège. On compte seize étapes de cette ville à Cons-
tantinople. Nich était une des quatre plus (ortes places de l'empire de Bj'zance
et le point central des communications entre la Thrace, la Serbie et la Pannonie .
2. Ce village est celui de Milosanzy. Il est marqué sur la carte de la Turquie
d'Europe publiée on 1870, par M. Kiepert.
3. Sofia (Serdica, Triaditza) s'élève dans une plaine bordée par l'Hémus et
le Rhodope. L'ancienne Serdica fut pillée par les Huns et détruite par les
Valaques sous Andronic Comnène. Elle se releva de ses ruines et prit le
nom deSofia. Elle fut prise par Indjèh Balaban (784-1 5S2) , après un siège qui
dura plusieurs années. Sofia était autrefois la résidence du bevlerbev de la
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12 VOYAGE
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passasmes la rivière Morava. La pluspart des lemmes
de ce pais portent les cheveux coupez et autres les
portent longs et un chapeau sur leur teste îaict de
drapeaux, sans aucune forme ne iaçon. Elles ont
pendues des patenostres de verre et quelques pièces
d'argent et anneaux aux oreilles semblablement. Et
quant leurs marys ou leurs parens meurent, elles s'ar-
rachent les cheveux et s'egratignent le visage avec des
cris les plus estranges qu'il est possible d'ouïr. Les
Grecques, en beaucoup d'endroictz, lont le semblable,
et croy que c'est plus par une ancienne coustume ou
par hypocrysie que pour regret qu'elles ayent.
Puis arrivasmes Mallessiche% grand village préz la
ville de Sophie' dans laquelle nous ne logeasmes, parce
1. Nich (Nissa) faisait autrefois parti du gouvernement de Sofia; elle
appartient aujourd'hui à la Serbie. « Nich est une ville bulgare populeuse; on
y comptait seize mille habitants dont six mille étaient musulmans. Il y avait
onze mosquées, une ou deux églises grecques, une tour à horloge, un grand
bazar bien fourni de boutiques et de grands khans. Le bazar a une toiture en
planches et des rues si larges qu'on y peut passer à cheval et en voiture. »
(A, Boue, Recueil d'itinéraires dans la Turquie d'Europe, Vienne, 1854, t. P',
page 60). La citadelle de Nich lut emportée en 777 (1375) par Sultan MuradP"",
après vingt-cinq jours de siège. On compte seize étapes de cette ville à Cons-
tantinople. Nich était une des quatre plus lortes places de l'empire de Byzance
et le point central des communications entre la Thrace, la Serbie et la Pannonie .
2. Ce village est celui de Milosanzy. Il est marqué sur la carte de la Turquie
d'Europe publiée en 1870, par M. Kiepert.
3. Sofia (Serdica, Triaditza) s'élève dans une plaine bordée par l'Hémus et
le Rhodope. L'ancienne Serdica fut pillée par les Huns et détruite par les
Valaques sous Andronic Comnène. Elle se releva de ses ruines et prit le
nom deSofia. Elle tut prise par Indjèh Balaban (784-1 5S2) , après un siège qui
dura plusieurs années. Sofia était autrefois la résidence du bevlcrbev de la
12 VOYAGE
ment bonne ville etaujourJ'hui reJuicte à un village':
passasmes la rivière Morava. La pluspart des lemmes
de ce païs portent les cheveux coupez et autres les
portent longs et un chapeau sur leur teste taict de
drapeaux, sans aucune forme ne laçon. Elles ont
pendues des patenostres de verre et quelques pièces
d'argent et anneaux aux oreilles semblablement. Et
quant leurs marys ou leurs parens meurent, elles s'ar-
rachent les cheveux et s'egratignent le visage avec des
cris les plus estranges qu'il est possible d'ouïr. Les
Grecques, en beaucoup d'endroictz, lont le semblable,
et croy que c'est plus par une ancienne coustume ou
par hypocrysie que pour regret qu'elles ayent.
Puis arrivasmes Mallessiche^ grand village préz la
ville de Sophie' dans laquelle nous ne logeasmes, parce
1. Nich (Nissa) faisait autrefois parti du gouvernement de Sofia; elle
appartient aujourd'hui à la Serbie. « Nich est une ville bulgare populeuse; on
y comptait seize mille habitants dont si>c mille étaient musulmans. li v avait
onze mosquées, une ou deux églises grecques, une tour à horloge, un grand
bazar bien fourni de boutiques et de grands khans. Le bazar a une toiture en
planches et des rues si larges qu'on y peut passer à cheval et en voiture. »
(A. Boue, Recueil d'itinéraires dans la Turquie d'Europe, Vienne, 1854, t. \",
page 60). La citadelle de Nich lut emportée en 777 (1375) par Sultan Murad P"",
après vingt-cinq jours de siège. On compte seize étapes de cette ville à Cons-
tantinople. Nich était une des quatre plus fortes places de l'empire de Byzance
et le point central des communications entre laThrace, la Serbie et la Pannonie.
2. Ce village est celui de Milosanzy. Il est marqué sur la carte de la Turquie
d'Europe publiée on 1870, par M. Kiepert.
3. Sofia (Serdica, Triaditza) s'élève dans une plaine bordée par l'Hémus et
le Rhodope. L'ancienne Serdica fut pillée par les Huns et détruite par les
Valaques sous Andronic Comnène. Elle se releva de ses ruines et prit le
nom de Sofia. Elle fut prise par Indjèh Balaban (784-1382) , après un siège qui
dura plusieurs années. Sofia était autrefois la résidence du beylcrbcv de la
i;nviiio>;s uiî \icii
DE MONSIEUR D'ARAMON i;
que la peste y cstoit. Elle est située en une belle
plaine et assez fertille. Vinsmes à Basarchic' et Con-
gnusse^ grands villages, puis à Philipopuly, ville bastie
par Philippe de Macédoine père d'Alexandre le Grand ^ :
Roumélie. « Ses mosquées et ses vingt-deux minarets, dit M. Amé Bouc,
annoncent une grande population, néanmoins cette cité ne compte guère que
cinq mille maisons ou vingt ou vingt-deux mille habitants dont la plupart sont
Bulgares... L'ancienne cathédrale bulgare de Sofia est placée à l'extrémité
orientale de la ville, ce qui semble indiquer qu'elle a été jadis plus grande. »
(Rfciu'il d'itinéraires, tome I", pages 65-66). Près de Sofia se trouvent des
eaux minérales qui avaient une grande réputation. « Entre les deux cours
d'eau, dont l'un vient de Kustendil et l'autre de Samakov, se trouve un bain
chaud dont la température est modérée : à côté jaillit aussi une source d'eau
froide. Le bain se compose d'un djameldan ou chambre où l'on se dépouille
de ses vêtements, et d'une salle intérieure couverte d'une coupole. Non loin de
ce bain, on en voit un autre semblable destiné aux femmes, » (Hadji Khalfa,
Riimeli und Bosiia, trad. par M. de Hammer, Vienne, 1812, pages 51-52.)
« Sophia est un bourg très ample et habité la plupart des chrestiens Ragusiens.
Nous avons esté logés au logis du seigneur Benedicto de Georgiis, Ragusicn,
et après souper, avons esté aux baings qu'il y a illecq très beaux et très sains...
Il y a en ladicte Sophia ung temple édifié par les Grecqz ayant une tour de
telle grandeur que mille meschites ne la peuvent esgaller. Les maisons sont
toutes en bois et partant, fort subjectes aux feux. Ce bourg est bien fréquenté
et habité d'une infinité de marchands. » (Missions diplomatiques de Corneille de
Schepper, page 191.)
1. Tatar Bazardjik est un gros village situé sur la grande route à treize jour-
nées de marche de Constantinople et à une étape de Philippopoli. On y
remarque deux khans, une mosquée avec minaret construits par Ibrahim
Pacha à la requête des habitants. (Rumell und Bosna, page 55.)
2. Congnusse est le nom très défiguré de Kustendjèh (Kastanicza), gros bourg
situé entre Samakov et Tatar Bazardjik. « On trouve dans les environs deux
sources d'eau chaude au-dessus desquelles on a bâti des bains en pierres. L'un
de CCS établissements tombe en ruines. On ne saurait demeurer sans inconvénient
dans l'autre pendant plus d'une demi-heure. » (Ti,umeli und Bosna, page 56.)
« Ma partissimo per essere la sera in Chiostengie villagio bagnato dal torrent ■
Sanacho un poco fuori di strada. )> (Relatione del viagqio fatlo a Constant inol^li
dal conte Alberto Caprara, etc., Bologne, 1685, page 46.)
3. " Philippopoli (Plovdiv des Bulgares, Pilibèh des Turc^; l'ut conquise
14 VOYAGE
elle est située en une fort belle et grande plaine, partie
sur une montagne de rocher et l'autre partie en ladicte
plaine. On passe un fleuve qui s'appelle Marissa* sur
lequel y a un grand pont de bois; et en ladicte plaine,
on void plusieurs monceaux de terre faictz en façon de
petites montagnes. L'on nous dit qu'anciennement les
Romains s'estoient donnez en ceste campagne des ba-
tailles où il estoit mort grand nombre de gens, lesquels
on avoit mis dans des fosses et couvert de ces mon-
ceaux ainsy haultz. Finallement, le sixiesme jour
d'avril, arrivasmes à Andrenople en Trace; et paravant,
avions passé le fleuve Marissa sur un fort beau pont de
pierre appelle le pont Moustapha qui a dix-huit ou vingt
arches; et au milieu, y a une grande pierre dorée où
sont engravéz characteres turquesques qui dénotent
le temps qu'il fut faict et celuy qui l'a faict faire et la
despense qu'il a cousté^
en 765 (1366) par Lala Chahin Pacha, Il construisit un grand pont sur la Ma-
ritza qui traverse la ville. Les rues de Philippopoli sont belles et on y trouve des
bains, des mosquées, des caravansérails et des khans. Les environs de la ville
sont très fertiles; ils produisent principalement du riz et ils approvisionnent
toutes les provinces jusqu'à Bagdad. Le commerce du riz fait entrer, tous les
ans, dans les caisses publiques, une somme de quatre millions d'aspres. Les arbres
et les fruits sont très abondants dans le pays.» (Rumelitind Bosna,p. 52-53).
1 , La Maritza (l'ancien Hébrus), appelée par les Turcs Nehri Meridj, prend
sa source dans le versant nord-ouest du Despot Daghy (le Rhodope) et se jette
dans la mer en face de l'île de Thasos, après avoir reçu les eaux de l'Arda
(Marpessus) et celles de la Toundja.
2. Ce pont a dix-neuf arches d'une architecture massive. Il fut construit
par Mustafa Pacha, Esclavon d'origine, qui avait épousé une sœur de Suhan
Suleyman ; il fut un des vizirs de ce prince qu'il accompagna dans sa pre-
mière campa- uc de Hongrie. En 1522, il dirigea rcxpcdition contre Rhodes
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DE xMONbUiUR D'ARAMON 15
Andrenople est une fort i;ranJe ville et s'appelloit
anciennement Adrianopolis située sur le fleuve Marissa
en une belle plaine. Nous y trouvasmes le Grand Sei-
gneur appelle Sultan Soliman, lequel communément
y passoit tous les ans l'hvver, et y a un tort beau palais
où il loge. L'on y void encore plusieurs anciennes
églises de Grecqs et autres qu'on appelle calogiery.
Elle est habitée de Turcqs, Grecqs et Juifs, assés bien
bastie, et rentermée de murailles; et y a de belles
maisons, boutiques et artisans de toutes sortes et
jardins fort beaux et plaisans hors la ville, dans lesquels
nous allions souvent manger sallades, tant que nous
voulions, avec toute la Uberté qu'il est possible; et d'un
jardin l'on entre dans l'autre, parce qu'il n'y a haye
ne muraille entre deux, sinon à l'endroict des chemins
passans. Et à chascun jardin y a une grande rhoùe de
bois tournée par un cheval qui n'est conduict de nulle
personne, mais a seulement un morceau de drap ou
toille devant les yeux, qui tire de l'eau d'une grande
fausse dans laquelle se trouve ladicte rhoùe et icelle
et il mourut en 1 529. Un village de deux cents maisons porte aussi son nom et
s'élève à l'extrémité du pont, sur la rive orientale de la Maritza; il y fit bAtir
une mosquée. (Hadji Khalla, 'R^umdi iind ^Bcsna, pa-g. 49). « Et sommes cnlin
arrivez à un bourg par un pont appelé Mustapha Cupery. Ce iMustafa Bassa lut
natif de Caradach qui est ung lieu sur la Montaigne noire, près Scutin (Scu-
tari) et eut à femme Sutur, fille de Selym Sultan, et seur de ce Solyman
et d'une mesme niere, etdespensoit pour l'édification de ce pont cent et trente
mille ducatzs. Le pont est de pierre cuicte, sur la rivière d'ilebrc, ayant dix
huict grands arcqz; il est très excellent et d'une merveilleuse extendue, non
toute fois semblable à celle du pont de Praga. » (Mi^oioiu diploinaliqucs tic
Corneille de Sel:cpper, page 1 90J .
i6 VOYAGE
eaue s'espand par les jardins ainsy que l'on veult. En
cette dicte ville l'on y accoustre fort bien les cuirs et
cordouans de toutes couleurs*.
I , Andrinople (l'ancienne Orestea, Hadrîanopolis), est appelée Edirnèh par
les Turcs. Elle est le siège d'un métropolitain grec, relevant du patriarchat de
Constantinople.
Les Ottomans, sous la conduite de Sultan Murad P*", s'emparèrent de cette
ville en l'année 762 de l'hégire (1360). Lala Chalin Pacha en fut le premier
gouverneur. Elle devint la résidence du Sultan en 768 (1566), après la cons-
truction du vieux sérail. Les trois rivières de la Maritza, de l'Ardà et de la
Toundja se réunissent à Andrinople. Sur la rive de la Toundja s'élève une forte-
resse carrée ayant une tour à chacun de ses angles. L'enceinte de la ville est flan-
quée de douze tours et percée de onze portes. On remarque dans la ville le bazar
d'Aly Pacha, construit en 972 (1564), et deux bezesteins. Le nouveau sérail
a été construit par Mahomet II en 856 (1451), en même temps que le bazar
du molla Bechir Tchéléby. Andrinople possède quarante mosquées dont neuf
ont été élevées par des souverains ottomans, et dont les plus belles sont celles
de Sultan Bayezid II, Murad II, et Sélim II. On compte, en outre, vingt-
quatre medressèh ou collèges, vingt-neuf chapelles ou zawièh, dix turbèh ou
tombeaux de grands personnages ou de saints et d'autres lieux de pèlerinage.
On trouve à Andrinople quatorze khans dont le plus grand est celui de Rus-
tem Pacha, vingt-huit robaths ou caravansérails et vingt-deux bains. Cinq
ponts de pierre et huit en bois sont jetés sur les trois rivières. Le plus beau
des ponts de pierre porte le nom de Scrradj khanèh kuprussy (le pont de la
Sellerie). Il fut construit en 855 (1450), par Chihabeddin Pacha. Sultan
Suleyman fit construire un aqueduc pour amener l'eau dans l'intérieur de la
ville : cet aqueduc alimente cinquante-deux fontaines. (Hadji Khalflt, %Jitncli
und Bos>ia, pages 1-15.)
« La cité est peuplée de grand nombre de chrestiens grccz, qui là ont leur
métropole. Lcsquclz, après avoir perdu la liberté et se voyans destituez et dépos-
sédez de tout pouvoir et avoir, se sont là retirez, les uns pour s'adonner à quelque
train de marchandise ou art mechanique, et les autres, auxquelz est demeuré
quelque peu de moyen se paissem seulement de la mémoire de leur ancienne
grandeur. Il y a pareillement infiniz Juifs tresriches et fort grands traficqueurs,
soit en marchandise, soit d'argent comptant, pour bailler à grosse et excessive
usure. Mais beaucoup plus y est grand le nombre des Turcs et speciallement
d'excellents artisans, qui est la cause que la cité abonde en toutes sortes de
marchandises et beaux ouvrages de selles, brides et tous autres fourniments de
cl'.evaux, qui là se font en toute beauté et perfection; pareillement les fines
DE MONSIEUR D'ARAMON 17
duelquc peu do jours aprcz nostrc arrivée audict
lieu, nous eusmes la nouvelle de la mort du roy l-ran-
çois premier', dont l'ambassadeur fut fort fasché, parce
qu'il n'avoit encore veu ledict Grand Seigneur, ny
faict le présent, et différa jusques à ce que il eust lettre
du roy Henry que un secrétaire nommé Valcnciennes
luy aporta. Alors il se délibéra d'aller vers ledict (irand
Seigneur, au palais duquel il lut conduict, luy baisa les
mains avec douze de ses gentilhommes et luy présenta
de la part du Roy, un grand orloge faict à Lyon où y
avoit une fontaine qui tiroit par l'espace de douze
heures de l'eau qu'on y mettoit, qui estoit un chef
d'œuvre et de hault pris, avec tant de draps d'or et
d'argent, toilles d'Hollande, veloux, satin et damas de
toutes couleurs et draps d'escarlate de Paris, que c'es-
toit une fort belle chose ; et le présent estoit de grand
valeur et estimé beaucoup. Apréz, il n'y eut bassa ne
officier de qualité dudict Grand Seigneur à qui ledict
ambassadeur ne fit présent. En sorte que nous fusmes
les bienvenus puisque nous donnions. Et pendant que
l'on portoit le présent audict Grand Turq, ses maistres
d'hostel et autres officiers de sa maison nous voulu-
rent festoyer et préparèrent des tables à leur mode au
lieu mesme où nous estions; à sçavoir mirent des
csguillcs daniasquinces et les beaux maroquins el cordouans de toutes sortes de
couleurs tresvivcs, cstranges et diverses sur tous les autres lieux du monde. >-
(N. de Nicolay, Xavigatiotis, Tèrcgrinatioiis etc., page 26).)
I. Le roi François I"'' mourut à Rambouillet, le jeudi 31 mars I347-
i8 VOYAGE
tapis par terre sur lesquels aporterent de grands platz
comme bassins plains de viandes bouillies et friteaux
de paste, le tout sentant bien la vieille gresse. Nous
nous baissasmes à terre pour en taster, mais nous n'y
fismes pas grand dommage; aussy qu'il n'y avoit que
de l'eau à boire. Parquoy, bientost fusmes rassasiez de
leur banquet qui ne nous empescha pas de disner; et
fusmes desservis desdictes viandes par certains genis-
saircs et Agiamolans qui les portèrent au milieu de la
cour sur l'herbe où vous ne vistes jamais mieux man-
ger loup affamez que ceux là mangeoient.
Nous sejournasmes audit Andrenople jusques à ce
que ledict Grand Seigneur en partist pour venir en
Constantinoplc : et par les chemins, passasmes plu-
sieurs gros villages, les uns habitez de Turqs et les
autres de Greqs. Vinsmes à Salivrée, cité ancienne
assize sur la marine ', puis à un village qu'on appelé
Grand Pont', et en un autre qu'on nomme Petit
1. Silivry (Sclymbria) est située au point de réunion des deux routes
conduisant, l'une à Salonique, l'autre à Andrinople. Cette ville était autrefois
défendue par de fortes murailles et un château-fort.
2. Ponte Grande, en turc Buyuk Tchekmèdjèh. « Ponte grande, dit le rédac-
teur du Voyage de Jacopo Soranzo, baile de la République de Venise près
Murad III, est un gros village habité en partie par des Grecs et en partie par
des Turcs. Il est situé sur le bord de la mer. Il y a là un superbe pont de
pierres, d'une longueur de 769 :'ivrhi; il fut construit par Sultan Suleyman
après la destruction du pont de bois qui existait précédemment. Ce pont est
jeté sur un petit golfe qui s'enfonce dans la terre entre des collines. Il est
construit de telle façon qu'il semble qu'il v ait quatre ponts que Ton doit gra-
vir et descendre : on compte quarante arches. En somme, c'est une belle
construction ; elle est bien bâtie, elle est très élevée et a dû nécessiter des
dépenses considérables ce qui n'est rien pour ces gens-ci. » {^Diaiio dcl i'iiiooio
DE MONSIEUR D'ARAMOX iq
Pont' à dix milles dudict Constantinoplc, où rinallc-
mcnt nous arrivasmes le 14^" jour de niay 1547, cl
vinsmcs loger par delà le port, en une petite ville
qu on appelle Fera ou (iallatas où tous marchands
chrestiens demeurent.
Au moys de juillet ensuyvant, le sieur Pumel vint
audict Constantinople, depesché du roy Henry pour
renouveller et confirmer l'alliance et amitié de la part
de Sa Majesté avec le Grand Turq. M. Dhuyson y
vint aussy pendant que ledict sieur de Fumel v estoit.
Lequel Fumel, apréz avoir faict sa légation, fit une de-
pesché au Roy pour luy rendre compte de la charge
que Sa Majesté luy avoit commise, de laquelle il estoit
porteur et messager. Un orloger François qui se tenoit
audict Constantinople nommé maistre Guillaume l'or-
loger, qui racoustroit les orloges dudict Grand Turq
et estoit sallarié de luy, mourut à Venise venant à la
court. Or, ledict sieur de Fumel s'attendoit, par son
moyen, de lever le siège à M. d'Aramon et d'estre
ambassadeur. Pour le moins avoit il proposé de ne
da Vcne-ia a Consluntinopoli, etc. Vcnisu, 1836, page 58.) La construction du
pont, commencée en 970 (1562) par Sultan Suleyman, ne fut achevée que sous
le règne de son fils Selim, en 1567 (97 S). Ponte Grande porta, sous la domi-
nation grecque, les noms de Athyras et de Paros. Le pont construit par Justi-
nien fut, en 814, détruit par les Bulgares,
I. « Ponte Piccolo, en turc Kutchuk Tchèknicdjèli, est un petit village bâti
en forme de croissant sur le rivage de la mer. Il est à dix milles de Constanti-
nople et il doit son nom à un pont moitié en bois, moitié en pierres, sur lequel
on traverse un petit bras de mer, ou lagune. » (Hadji Khalfa, Rtimcli, page 60,
T)iario del via^i;io etc., page 58.) L'ancien nom de ce village était Rcgium. Les
empereurs de Byzance y avaient une maison d'été.
VOYAGE
s'en retourner en France que son dict messager ne fut
de retour à Constantinople. Cependant, il fit le voyage
de Jérusalem, du Caire et Alexandrie où il alla par
mer et y demeura environ quatre moys tant à aller
que à retourner'. Pendant lequel temps, ledict sieur
Dhuyson estant relevé d'une grande maladie s'en re-
tourna en France-.
I. François, baron de Fumel dans l'Agénois, gentilhomme de la chambre
du roi. Belon, qui était alors à Constantinople, l'accompagna dans son voyage
en Egypte et en Syrie. D'après le récit de Belon, M. de Fumel prenait le
titre d'ambassadeur de Henri II auprès de Sultan Suleyman. Il dit dans l'a-
vertissement au lecteur placé en tête du second livre des Observations de plu-
sieurs singularité:^ et choses viemorables trouvées en Grèce, Asie, Judcc, Egypte,
Arabie, etc., éd. de 1588: <( Mais pour autant que lafaveur et crédit de M. Fumel,
gentilhomme de la chambre du Roy, à ce faire nous a grandement aidé, dignes
serions d'estre notez d'ingratitude si ne confessions librement luy estre beau-
coup redevables : car nous avons eu l'intelligence de plusieurs choses en ses
voyages, esquels il a usé de grandes courtoisies en nostre endroict. Nous le
trouvasmes à Constantinople, estant pour lors ambassadeur pour le roy Henry
deuxiesme vers le Grand Seigneur auquel il trouva grande faveur; car il lui bailla
gens exprès de sa Court pour luy faire escorte et le conduire seurement en
tous les pays et provinces où il vouloit aller. Et estant bien accompagné d'ho-
norables gentilshommes françois et aussi de gcnissaires, chaoux et drogucmans,
acheva honorablement de moult grands et laborieux voyages par les pays de
Turquie, comme on voirra par cy après. « (Page 168.)
« A son retour en France, François de Fumel fut bien reçu par le roi : une
ordonnance royale, donnée à Fontainebleau le 30 janvier 1549 et contresignée
Laubespine, enjoint à Jehan Laguette, trésorier général des finances et des
parties casuelles, de compter à François sieur et baron de Fumel, gentilhomme
ordinaire de la chambre, la somme de quatre cents écus d'or soleil valant qua-
rante-cinq sous tournois pièce, en récompense de ses bons services. François
de Fumel qui , pendant les troubles religieux , avait déplovc une grande
rigueur contre les protestants, fut assassiné dans ses domaines par ses vassaux
le 22 novembre 1562, lorsqu'il revenait de la chasse. » (Histoire de De Tliou,
tome IV de la traduction française, page 370). Dj Thou le qualifie aussi
d'ancien ambassadeur du roi Henri 11, près le Grand Seigneur.
2. Le sieur d'Huyson, pannetier ordinaire du roi, lut ch.n-gé de remeUre au
DE MONSIEUR D'ARAMOX 21
Sur CCS cntrcfaittes, advint la fuiltc du comte de
Roguendolff' qui s'cstoit retiré vers le Grand Turcq, y
avoit environ un an; il s'estoit rendu son esclave, espe-
sult.m une lettre do Henri II. Il était porteur, pour MM. d'Aramon et de l"u-
niel, de dépèches relatives à la paix qui se traitait entre le sultan, l'empereur
et le roi des Romains. La lettre de Henri II ainsi que les instructions de
M. d'Huyson sont insérées dans Tappendice.
I. « Christophle de Rogendorf, dit le comte de Rocquendolf, comte de Rogen-
dorf et de Gundetrof, baron de Molembourg, marquis des isles d'IIyères en
Provence, seigneur de Condé et de Revaux, grand maître héréditaire d'Au-
triche, capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances du Rov,
gentilhomme ordinaire de sa chambre et conseiller en son conseil privé, né en
15 10, servit d'abord dans les armées d'Allemagne et se retira ensuite à la cour
d'Henrjf II, sur ce que, ayant eu quelque ditïérend ixvcc sa femme, l'empereur
qui la favorisoit beaucoup, ôta au comte la plus grande partie de son bien
pour que la comtesse sa femme en eut davantage. Le comte projetta alors et
exécuta le dessein d'aller à Constantinople sur les promesses qu'on luy fît de
l'employer et de le laisser vivre dans sa religion ; mais, ayant été tourmenté
pour prendre le turban, il eut recours au seigneur d'Aramon, ambassadeur de
France en cette cour, et luy ayant témoigné l'envie qu'il avoit d'entrer au ser-
vice de France, cet ambassadeur le demanda au nom du roy au sultan Soliman
qui y consentit. Le comte de Rocquendolf ayant donc abandonné tous les biens
qu'il avoit dans la Germanie et dans les pays circonvoisins, alla trouver le roy
Henry II qui le fit gentilhomme de sa chambre, qualité qu'il prenoit déjà en
T549, et on le trouve compris en cette qualité dans les états de puis 1 3 5.} jusques
en 1569. Le roy luy fit don aussi des isles d'Hieres en Provence qu'il décora
du titre de marquisat, en décembre 1549. Il avoit obtenu, au mois de septembre
précédent, une gratification de 225 livres en considération de ses services; une
autre de 11 50 livres au mois de septembre 1552, en dédominagement des dé-
penses qu'il avoit faites au camp du roy au voyage d'Allemagne, une de46o livres
au mois de juin 15 53, motivée sur les services qu'il avoit rendus à Sa Majesté,
tant au fait de la guerre qu'à l'entour de sa personne, une de 2300 livres au
mois de janvier 1554 pour une commission secrette qui luy avoit été confiée
et une de pareille somme au mois d'août 1556, à raison de ses services
dans les guerres de Piémont et pour lui donner moyen d'entretenir son régi-
ment au service du roy. En effet, il se qualifioit à cette époque, colonel de
lansquenets, il jouissoit, dès l'année 1348, d'une pension de la Cour de
4000 livres. En 1555, le roy l'envoya vers le roy de Bohème, pour luy
offrir de sa part tout ce qui dépendroit de luy afin de maintenir ses droits
2 2 YOYAGV.
rant par ce moyen se vanger du tort et honte que luy
avoit faict l'empereur Charles Quint. Mais la chose
ne luy advint pas comme il s'estoit proposé ; car il
n'eut pas le traictement, l'entrée ny le crédit préz le
Grand Turq qu'il esperoit d'avoir. Et neantmoins, ne
laissa de consommer et despenser tout l'or et l'argent
qu'il avoit porté, tant en presentz que en grandeur de
maison qu'il v tenoit; et s'estoit desnué en peu de
temps de tous moyens, n'v pouvant plus vivre ne
s'entretenir de deux ducatz qu'il avoit par jour dudict
Grand Turq. Joinct aussv qu'on le sollicitoit et per-
suadoit de se taire turq, et que s'il estoit turq, ledict
Grand Seigneur le feroit l'un de ses grands capitaines,
voire plus grand que n'avoit esté Loys Gritty filz bas-
ù l'empire. En 1550, il se trouva au siège de Thionville, leva en Allemagne
en 1562, le ban de l'Empire contre les reitres et les lansquenets pour le trium-
virat et fut mestre de camp des troupes allemandes que le roy Charles IX
employa dans l'armée qu'il fit agir contre le parti huguenot. Henri III
luy accorda en 1576 une gratification de 660 livres, et il vivoit encore en
1585. Le comte deRogendorf fut créé chevalier de l'ordre du roi à Saint-Ger-
main-en-Laye, le 7 décembre 1561. » (Histoire des chevaliers de l'ordre de Saint-
Michel, Bibliothèque Nationale, cabinet des titres, n" 1040, pages 7-9.)
« 11 y a eu aussi le comte de Roquandolfqui a esté un très bon capitaine de
son temps et qui a bien servy le rov ; mais pour avoir esté par trop prodigue et
despendu par trop excessivement, il est venu et descendu à la fin en une telle
disette que je l'av veu à la court pauvre et misérable; si bien que de tan-t de
biens, moj'cns et argent qu'il avoit eu d'autrefois, il ne luv estoit resté qu'une
seule petite maison vers la Normandie, qui ne luy pouvoit pas fournir à vivre
pour luy ctàdcuxou trois valletz. Q.ucl changement de fortune! Luv si grand,
extraict d'une si grande maison d'AUemaigne, avoir eu tant de moyens, en avoir
tant consommé en son pa3-s, en France et jusques en Constantinoble, qu'on
ne parloit que la despance et magniflicence du comte Roquandolf et de le voir
maintenant reduici à telpoinct! » (Brantôme, éd. de M. Lud. Lalanne, tome
VI, pages 223-22.1 .)
DE MONSIEUR D'ARAMOX 23
tard d'un duc de Venise' et que autrement le Grand
Seigneur ne se pouvoit assurer de luv, ne luv bailler
aucune charge. Or, se voyant d'un costé ains\- ledict
comte travaillé de l'esprit, et de l'autre qu'il ne pou-
voit espérer aucun advancement en ce païs là, se dé-
libéra d'en partir le plus secrettement qu'il pourroit.
Ce qu'il fit, luv troisiesme ; emmena deux serviteurs
seulement avec luv, l'un flamand, l'autre grec qui sça-
voient parler turq et italien et le servirent de truche-
ment. S'embarqua de nuict dans une petite barque
sans le sceu de nul autre de ses gens qui, au réveil,
furent bien estonnéz, quand ils se veirent sans maistre
qui s'en estoit allé et on se peut dire enfui.
Ladicte barque passa de nuict le destroict de Gal-
I. Aloisio Gritti était le fils d'Andréa Gritti, qui fut doge de 1525 à 1)5^.
Sa mère était grecque et il naquit à Constantinople pendant l'emprisonne-
ment de son père qui y était alors baj-le de la République. Aloisio Gritti con-
naissait à fond le turc et le grec, et il sut se concilier la faveur du sultan et
les bonnes grâces de son vizir Ibrahim Pacha. Il devint l'agent de Venise et
celui de Jean Zapol3-a, roi de Hongrie. Aloisio Gritti, après la conclusion de la
paix entre Ferdinand d'Autriche et Sultan Suleyman, entra en Hongrie à la
tête de mille janissaires et de deux mille spahis, et fit assassiner sous ses yeux
Cibaco, évèque de Waradin. Ce crime souleva la population et Gritti dut se
réfugier dans le château de Megres. Trahi par la garnison qui livra une des
portes, Gritti subit le plus cruel supplice. On lui coupa les mains le matin,
les pieds à midi, et le soir, il eut la tête tranchée. Les Turcs désignaient Gritti
sous le nom de Beyoglou (le fils du prince). Il s'était fait construire un hôtel
dans les vignes de Péra, et depuis cette époque ce quartier a conservé le nom
de Beyoglou. On peut consulter sur le rôle joué par Gritti : Belii xApparatus
ad historiam HnngaiLc . La relation de l'ambassadeur de Zapolya : tykiio Hiero-
nymi Laschy apud Tiircam, iiomiue regio, les Négociations de CoriieiUc vau
Schepper et la Rela~ioiie di Daniello de Liidovisi dans les Relations des ambas-
sadeurs vénitiens prés la. Porte Ottomane, tome II, pages 29-55.
24 VOYAGE
lipoly et vint sans aucun danger jusques à Chyos d'où
estoit son homme grecq qui estoit avec luy, par le
moyen duquel il trouva une barque plus grande et plus
commode que celle sur laquelle il s'estoit première-
ment embarqué; ne fit long séjour audict lieu, crai-
gnant d'estre descouvert et voulant gaigner l'isle de
Candie où il esperoit, y arrivant, estre en sûreté. Estant
préz d'icelle, fut rencontré et assailly par un corsaire
turq qui print luy et ses deux hommes, le recogneut
et voyant qu'il n'avoit passeport dudict Grand Turq,
se doubta qu'il eust faict quelque crime ou delict.
Pour cette cause, le ramena bien lié et enchesné au-
dict Constantinople où tous les Turqs s'en resjoui-
rent.
Le comte fut mis aux Sept Tours prisonnier et ses
deux hommes en une tour sur le port dudict lieu, de
quoy estant adverty, l'ambassadeur pria ledict Grand
Seigneur permettre de l'envoyer voir et visiter par des
siens, ce qui luy fut accordé; lui envoya des accous-
trements et, tous les jours, luy envoyoit ce qui lui estoit
besoing pour sa nourriture et pendant sa prison où il
fut environ quatre mois.
Ledict ambassadeur qui, en cet endroit, luy servit
de père fit tant par ses menées, pratiques et presens
avec le consentement du Roy qu'il obtint sa déli-
vrance et hberté dont il fut grandement loué et estimé
d'un chacun; et sans sa diligence et poursuitte, ledict
comte n'en lut jamais sortv sans mort (ni quelque
DE MOMSII-X'R D'ARAMON
2S
autre peine et tourment et prison perpétuelle, ni pa-
reillement ses dictz deux hommes qui lurent aussy
mis en liberté.
De là, il s'en vint en France au service de Sa Ma-
jesté où il a esté honoré et révéré ainsy que Ton a peu
voir.
Or, pendant nostre séjour et demeure en cedict
lieu, j'eus tout loisir de voir et m'enquerir des choses
les plus singulières et notables qui y estoient que
je desduiray icy le plus briefvement qu'il me sera pos-
sible.
Premièrement, Constantinople est ville située en la
Tracye, qui anciennement estoit apellée Bysantium, et
après Roma nova, depuis Constantinople du nom du
premier empereur Constantin; elle a environ quatorze
ou quinze milles de tour et vingt deux portes ; et a
sept petites montagnes comme Rome. Et du costé de la
terre, est environnée de deux murailles non trop bonnes
et d'une faulse brave. Les maisons sont faictes à la tur-
quesque, c'est à dire de bois et de brique mal cuicte.
Il y en a peu de pierres; et d'un costé, y a plusieurs
lieux vacgues et inhabitéz où croissent cyprez et autres
arbres.
Des bastimentz les plus apparentz et renommez est
en premier lieu le palais du Grand Seigneur qu'ilz
apellentle sérail, contenant environ trois milles de cir-
cuit, fermé de hautes murailles où y a onze portes de
ter qui ne s'ouvrent jamais. La capitale porte est du
26 VOYAGE
costé du haut de la ville qui ordinairement est ouverte
et une autre du costé du port de la mer qui s'ouvre
quelquefois, quand le Grand Seigneur va à l'esbat en
ses jardins qui sont espartz en plusieurs endroictz de
la rive de la mer.
Ledict sérail est merveilleusement beau et y ont
esté portées de grosses pierres de marbre de toutes
couleurs, porphyre, colonnes et autres choses singu-
Heres tant de la ville de Constantinople, Calcydoine,
que des environs de toute la Grèce et de l'Asie pour
le bastir. L'on n'entre pas dedans les chambres ne au
reste du bastiment, sinon à la grande cour et à quel-
ques galleries et salles basses où l'on donne audience
quatre fois la sepmaine. Mais de ce lieu on peut exté-
rieurement cognoistre que c'est un magnificque édifice'.
Apréz, il y a le sérail des femmes du Seigneur', le se-
1. Yeni seray (le palais neui) construit par Mahomet II, peu de temps
après la prise de Constantinople sur la pointe de terre qui s'avance dans la
mer à l'entrée de la mer de Marmara et du port de la Corne-d'Or. Il com-
prenait une longue suite de bâtiments entourés de jardins dans lesquels le sultan
fit planter vingt mille cyprès et platanes, sans compter les arbres iruitiers. La
muraille qui l'entourait était flanquée de soixante-six tours'et percée de douze
mille créneaux. Le nombre des serviteurs, boulangers, eunuques et soldats qui
y étaient logés, s'élevait à quarante mille. La somme dépensée pour les bâti-
ments atteignit le chiffre de trois mille bourses. Sous le règne de Sultan
Suleyman on bâtit un palais pour les femmes et un pavillon où les vizirs don-
naient audience quatre fois par semaine. (Evlia Tchèlèbv, Description de Cons-
tantinople, éd. de Boulaq, 1264 (1848), page 81.)
Cf. Tavernier, Kehitioii de l'i)i!érienr du sérail du Grand Seii^nenr, Amster-
dam, Joannes van Samercn, 1678, in-r.>, et la description de Grelot, Relatio}!
nouvelle d'un voyage de Consta)ttinople. Paris, 1680, pages 88-92.
2. Ce que Chesneau appelle lesér.iildes femmes est l'Lskv seray (vieux pa-
DR MONSIEUR D'ARAMON 27
rail des genissaires, le palais du patriarclic ', le palais
de Constantin l'empereur qui est en partie tout ruync';
aussy l'église de Saincte Sophie qui est chose helle et
de merveilleux artifice, laquelle a esté editiiée par Jus-
tinian empereur, avec colonnes et marbres trèsantic-
ques et excellens et magnificques, tant pour la qualité
de la pierre que pour la grandeur et grosseur d'icelles.
D'une partie des despendances de cet ediffice, le
Grand Seigneur a fait estables pour ses escuries, pour
ce qu'il est fort voisin et préz de son sérail, et de la-
dicte église en ont fliict une mousquée qui est église
lais) bâti en 1454 par Mahomet II, sur remplacement du palais du Sénat élevé
par Constantin dans son Forum.
La construction de ce palais, dit Evlia Tchèlèby, fut commencée en 858
(1454) et achevée en 862 (1457). La muraille en pierres qui l'entoure n'est pas
flanquée de tours ; elle est carrée et a un développement de douze mille aunes.
L'Esky serav était sous la surveillance du chef des eunuques noirs, et trois mille
baltadjis et eunuques blancs y étaient attachés.
Sultan Suleyman fit élever dans les rues qui bordent le vieux sérail, les
palais de l'Aga des janissaires, de Lala Moustafa Pacha, de Piry Mehemmed
Pacha et celui de sa fille Esma Sultan. (Evlia Tchèlèby, pages 82-85.) L'hôtel
de l'Aga des Janissaires appelé Jga qapoiissy , occupait l'emplacement du
palais de Carien, élevé par Théophile pour ses filles.
1. Après la prise de Constantinople, Mahomet II assigna pour résidence au
patriarche Gennadius l'église des Saints Apôtres. Deux ans après, le siège pa-
triarchal fut transféré dans l'église de la Vierge Pammakariste, ancien couvent
de religieuses transformé en église par Michel Doucas et sa femme Marie Com-
nène. Anne Comnène, fille d'Alexis, était enterrée dans cette église. (Constanti-
niadeou description de Constantinople ancienne et moderne. Constantinople, 1861,
page 93). Le patriarche grec à l'époque où M. d'Aramon était ambassa-
deur, était Dionysios II, ancien métropolitain de Nicomédie, qui occupa le
trône patriarcal de 1543 ^ i))^- (Catalogne historique des premiers èvèques et
patriarches de Constantinople. Xauplie, 1837, page 179.)
2. Ce palais est celui que les Grecs appellent palais de Bélisaire et les Turcs
Tekfour Seray. Il avait été fondé par Constantin et agrandi par Justinicn.
28 VOYAGE
des Turqs, où y a encore cent six colonnes tort belles.
Les Youstes et cuves sont toutes fliictes à mosaïcques.
A l'entour de l'église y a eschelles en plusieurs lieux
par où l'on va en un territoire ou gallerie, large de
plus de quinze ou seize brasses. Et en ce lieu soul-
loient monter les femmes, au temps que se faisoit quel-
que service en l'église, et les hommes estoient au bas
dedans l'église, en sorte que les hommes ne voyoient
point les femmes, ne les femmes les hommes, qui est
mauvaise recepte pour ceux qui font l'amour aux
églises'. Et auprèz de là, est la mosquée qu'a fait bastir
sultan Mehemet, où y a un hospital conjoinct où
logent toutes personnes de toutes conditions, loy, foy,
nation que ce soit et où l'on donne pour trois jours,
miel, ris, chair, pain et chambre pour dormir, qui est
la cause pourquoy il se void peu de pauvres par les
rues mandicr leur pain, et ne s'y void que quelques
impotens. Y a aussi beaux bains et fontaines plaisantes
à voir '. L'on void plusieurs autres mosquées comme
1. La description complète de Sainte-Sophie se trouve dans l'ouvrage de
Grelot intitulé : Relation iiotivdlc cVuii voyage de Constant inople; Paris, i6So,
pages 93-164. On peut aussi consulter \aConstantiniadc, pages 84-92; Paspati,
Ta Tiy-antina anaJctora, Athènes, 1883, pages 66-233-241 et 318 et Fossati,
Aya Sofia, Londres, 1851.
2. Les architectes et les ouvriers les plus habiles de l'empire ottoman furent
appelés à Constantinoplc, pour concourir à la construction de la mosquée de
Mahomet II, dont les fondements furent jetés en S62 (1457). Elle fut élevée
sur l'emplacement occupé jadis par l'église des Saints-Apôtres. La construction
en fut achevée en 875 (1470), sous la direction de rarchitecte grecChristodule.
Elle renferme le tombeau de Mahomet II et celui de Gulbchar Khanoum Sul-
tane, mère de Bajazct II. Un collège, des logements pour les étudiams. un
DE MONSIEUR D'ARAMON 29
de Sultan Sclin', Sultan Bajazct" et autres seigneurs
qui sont merveilleusement belles, magnificques et
sumptueuses. Et celle qu'a faict faire Sultan Soliman
est encore plus belle et apparente que nulle des autres '.
Ce qui demonstrc que si les Turqs vouloient bastir
des palais et maisons, ils le sçauroient bien iaire ;
mais ils ont pour mal d'habiter en maisons de pierres :
et pourtant n'en usent aucunement sinon aux églises
et sérail dudict Grand Seigneur ; et toutes leurs maisons
sont fort basses, faictes de terre ou de bois, et ce gene-
rallement par toute la Turquie.
L'on void audict Constantinople l'hipodrome où
anciennement on faisoit courir les chevaux, avec la
forme de théâtre et arène. Au milieu dudict hipo-
drome, v a une grande colonne faicte en forme d'ai-
guille fort belle et bien lavorée, laquelle est soustenue
sur quatre balles de marbre ; et y en a une autre faicte
hôpital, et un imaret où l'on distribue des vivres aux indigents sont annexés à
cette mosquée. (Eviia Tchèlèbv, pages 100-103 •,Consla}tliHiade,'p.xgQS 124-126.)
1 . La construction de la mosquée de Sultan Selim, commencée en 927
(1320). fut achevée en 955 (1526). Le plan en fut fait et les travaux furent
conduits par l'architecte Qpdja Sinan. Cette mosquée renferme le tombeau
de Hafça Sultane, la mère de Sultan Suleyman. Un mcdressèli, un imaret et
un hôpital sont annexés à la mosquée. (Evlia Tchélèby, page 103 ; Conslaiiti-
niaie, page 126.)
2. La mosquée de Sultan Bajazet fut commencée en 149S, et terminée en
911 (1506) : elle a pour annexes un medresséh, un hôpital et un imaret. Elle
renferme le tombeau de Selim P-'' et celui de sa fille SclJjouq Sultane. {Com-
tJiitiniade, page 126.)
5. La mosquée de Sultan Suleyman fut achevée en l'année 1556. Sa cons-
truction avait coûté trente-huit millions d'aspres. qui représentent une somme
de 760,000 ducats.
30 VOYAGE
de pierres vifves, commise de telle sorte qu'elle est
élevée plus de cinquante brasses en minuisant tou-
siours. Davantage, l'on void une colonne de bronze
en forme de serpent avec trois testes'.
Aussy y a une machine comme un colosse de divers
marbres et beaux en laquelle est entaillée une grande
histoire des susdictes choses et autres qui jadis sou-
loient estre au théâtre et hipodrome. Et en un autre
endroit de la ville, y a une autre colonne de marbre
blanc fort haute et belle, qu'on apelle la colonne his-
toriée aprochante de celle de Rome".
L'on void par toute la ville plusieurs vestiges d'an-
tiquitez comme aqueductz, arches, colonnes de por-
phire, fontaines menées de fleuves circonvoisins :
plusieurs jardins aux maisons des grands seigneurs,
apparences et vestiges d'églises anciennes des Grecqs,
1. Cf. Pétri Gillii, Topographia Constantinopoleos, Leydc, 1632, pages 126,
142; Ducange, Constanlinopolis çhristiana, Paris, 1682, IP partie, pages lOi et
suivantes; Banduri, Imperiuni orientale, Paris, 1711, pages 460,662-666, 798,
le mémoire de M. Bourquelot sur la colonne serpentine et l'hippodrome dixas le
tome XXVII des Mémoires de la Sociiiê inipcriale des antiquaires de France :
Constantiniadcou description de Constantinopk, pages 71-80.
2 . La colonne historiée dont parle Chesneau fut élevée par Arcadius dans le
Xérolophc, aujourd'hui Avret bazar, pendant la neuvième année de son règne.
Elle avait une hauteur de cent quarante pieds et était une imitation exacte de
la colonne Trajane à Rome. Les sujets sculptés représentaient les victoires
d'Arcadius contre les Scythes. Cette colonne, menaçant ruine à la suite des
tremblements de terre, fut abattue en 1695. GcntileBellini, pendant son séjour
à Constantinople, obtint de Mahomet II l'autorisation de dessiner cette colonne
et celle de Théodose. Ses dessins ont été gravés et placés par Banduri dans
son Jmperium orientale sive untiqnitates Co)istuntinopolitu',FMi$, 171 1, tome II,
pages 509-5^3-
DE MONSIEUR D'ARAMON ',i
bains en grande quanlitc, les plus beaux qu'il est pos-
sible de voir et autres lieux plaisans, fructueux et
délectables. Le Grand Seigneur y a constitué son
siège impérial et ordinairement y tient sa cour et rési-
dence. La ville est habitée principallement de Turqs,
puis de Juifs infinis, c'est assavoir de marans qui ont
esté chassez d'Espagne, Portugal et Allemagne, les-
quels ont enseigné aux Turqs tout artifice de main ;
et la pluspart des boutiques sont des Juifs; aussy y a
force Greqs du pays et plusieurs chrestiens marchands
estrangers qui traffiquent par tout le pavs du Levant,
c'est assavoir Vénitiens, Florentins, Ragusois, Sciotz,
bien peu de François et plusieurs autres, lesquelz ha-
bitent tous en une petite ville qu'ilz apellent Gallatas
dicte Fera loing de Constantinople environ de deux
traictz d'arc ; et au milieu, passe un grand canal de la mer
qui est le port de Constantinople estimé le plus grand,
le plus seur, le plus beau et le plus aisé qui soit au
monde, où arrivent navires, galères, marcellianes' et
tous autres gros vaisseaux qui viennent tant de la mer
Major que de la mer de Ponent; et abordent contre
le lieu mesme où l'on descend sa marchandise que
l'on apelle la douane; et n'v a sinon qu'une planche
de bois pour entrer dans lesdictz vaisseaux, tant du
I. « Marsiliane est un bastimcnt vénitien qui fait souvent la traversée du
golphe Adriatique jusqu'aux Zanthes. Il a une pouppe carrée comme les
pinques et a le devant fort gros. Los plus grandes marsilianes ont quatre mâts,
les petites n'ont point d'artimon. Le port des plus grandes est de quatorze à
quinze raille quintaux. » (Jal, Glossaire nautique, page 981 ,)
32 VOYAGE
costc de Constantinoplc que de Pera. Les Turqs des-
cendent leurs marchandises à la douane de Constan-
tinople et les chrestiens à celle de Pera.
Audict Constantinople y a un monastère où se tien-
nent le patriarche grec et des moynes, lesquels s'a-
-pellent calogiroy qui veut dire bons hommes qui ne
mangent jamais chair.
Ledict patriarche paye, pour chascun an, trois mil
ducatz au Grand Seigneur et a d'autres petites églises
où y a certains prestres grecz qui sont mariez. Mais
en leur église n'y a point d'images relevées, ny en
bosse, mais seulement en peinture.
Et en la ville de Peyra y a un couvent de corde-
liers et un autre de jacobins à la façon de ceux
d'Italie ou de France'.
Les Juifs ont lieu aussy où ilz font leur synagogue
et y a seulement des lampes dedans et force bancz :
et n'y a aucune image de quelque sorte que ce soit,
non plus que aux mosquées des Turqs dans lesquelles
y a, seullement en un endroict, le nom de Dieu est
escrit, en caractères turquesques et le nom de leur
prophétie Mahomet qui leur a deffendu toute espèce
I. Les deux églises consacrées au culte catholique étaient, au xvr siècle,
l'église de Saint-Benoît, desservie primitivement par des bénédictins, et celle de
Saint-François fondée, selon les uns, par saint François d'Assise et, selon les
autres, par Francesco Girolamo d'Ascoli, qui devint pape sous le nom de Nico-
las IV et fut envoyé en mission en 1272, par le pape Grégoire X, auprès de
Michel Paléologuc. (Belin, Hisloirc de Vc^lisc luliiic de Couslaiitiiiopk. Paris,
1872, pages 22-76.) — L'égHse de Saint-Benoit de Galata passa, en 1383, aux
mains des jésuites ; elle est possédée aujourd'hui par les lazaristes.
DE MONSIEUR D'ARA.MON 55
d'idolâtrie; par quoy, soit aux murailles de leurs mai-
sons ou en leurs tapis ou tapisseries, n'ont figure de
nulle créature, ne d'hommes nv de bestes.
Et ne me semble hors de propos de dire un mot
en passant de ce que j'ay apris. de la vie et action
dudict Mahomet, la sépulture duquel est à la Mèche,
pays d'Arabye dont il estoit et de riche maison. Son
père estoit payen et sa mère Juifve; avoit fort bon
esprit et, ayant conversé quelques années avec chres-
tiens, eut intelligence de leurs loix et coustumes, au
moyen de quoy inventa une nouvelle secte et com-
mença à travailler les pays et confins de l'Egipte et
print Allexandrie et autres lieux et terres, et s'acquist
plusieurs subjects plus par astuce, faulseté et tromperie
que par armes : leur preschoit que Dieu luy parloit et
envoyoit son Sainct Esprit : leur fit changer de loix
et coustumes, défendant l'idolatrye. Et ne mangent
chair de porc; confirma aux Juifz la circoncision et aux
Sarazins ordonna se circoncire. Et pour aucunement
approuver le baptesme, vouloit que les chrestiens se
lavassent souvent tout le corps, au lieu de baptiser
pour laver et netoyer les péchez. Permit qu'un chas-
cun pourroit avoir quattre femmes légitimes et tant
de concubines ou esclaves qu'il pourroit nourrir.
Commanda que Dieu seul fut adoré et révéré disant
que Moyse et Jehan Baptiste avoient esté grands pro-
phettes de Dieu et Jésus Christ le plus grand entre
tous les prophettes et qu'il estoit nay de la Vierge
34 VOYAGE
Marie par vertu divine et non de semence humaine ;
qu'il fut porté au ciel et qu'il n'estoit point mort; et
que Judas le voulant livrer aux Juifs s'en estoit luy ;
le prindrent et le crucifièrent au lieu de Christ. Et
ordonna par l'Alcoran qu'il composa avec l'aide d'un
hérétique, d'un arien et d'un Juif astrologue que qui
se seroit trouvé en adultère fut lapidé, et le larron,
pour une fois ou deux, fust battu et pour la troisiesme
ou quatriesme, eut la main ou le pied couppé. Et pour
la fin, que Dieu promettoit le paradis des délices à ceux
qui observoient ses loix, auquel y aura tout contente-
ment de viandes delicattes et riches accoustrementz et
autres semblables follies dont je me desporte pour reve-
nir à mon propos.
Et que audict Constantinople, il y a un certain lieu
qu'ils apellentBesestan, qui est comme un grand temple
rond avec quatre portes en croix, et tout autour, bou-
tiques de draps d'or, de soye et veloux, or, argent; et
toutes choses de prix se vendent là et speciallement
les pauvres chrestiens esclaves, jeunes et vieux, tant
hommes que femmes^ voire les petitz enfans de trois
ans, lesquelz sont menez par la main par certaines per-
sonnes qui font ce mestier comme couratiers, et tiennent
l'eschiave par la main et le mènent continuellement à
l'entour de ce dict lieu, criant le prix à combien il est, et
le vendent au plus offrant. Si c'est fille ou femme, elle a
un voile sur le visage et tous ceux qui la marchandent,
la descouvrent en un coing, et luv regardent les dentz et
1)1£ MONSIFiUK DA!;.VMON 5,
les niains, s'cnquicrcnt de son aagc, si clic csi vicri;c cl
autres choses semblables, tout ainsy comme d'un
cheval.
Le dict besestan est tousjours ouvert, saut le veii-
dredy; et en toutes les bonnes villes du Turq, y a un
besestan où Ton taict telz et semblables trafficqz.
Il V a encore certain lieu où l'on monstre plusieurs
bestes sauvages qui sont tort bien gardées et entrete-
nues comme lyons, lyonnes, loups cerviers, loups sau-
vages, chatz sauvages, Ivppartz, onces, asnes sauvages,
austruches en quantité.
En un autre endroict, se void une certaine beste que
les ungs appelent un porc marin, les autres bœuf marin.
Mais je ne voids point qu'elle ressemble à Tung ou à
l'autre. Elle est de la hauteur d'un grand pourceau, la
teste comme un bœuf sans cornes, les oreilles comme
un jeune poullain, qui estoient taillées; la gueule deux
fois plus grande que d'un bœuf, le corps long et gros,
la queue comme celle d'un pourceau, les jambes courtes,
la peau rude sans poils et ressemble presque à un pour-
ceau qui a le poil bruslé; au demeurant, c'est la plus
vilaine, layde et puante beste que je ne vis jamais. L'on
dit qu'elle avoit esté amenée du Nil.
En ce lieu mesme, y a deux elephans, grands mer-
veilleusement; et dict on que le vieux avait cent ou six
vingts ans. L'autre trente ou trente cinq, et estoit un
peu moindre. Hz sont gouvernés par certains mores
qui en ont le soing et les laissent voir en donnant quel-
36 VOYAGE
qu'argent pour leur vin. Hz leur font faire plusieurs
choses gentilles qu'ilz leur ont appris, avec leur groin
qui semble une trompette, de quoy ilz se ser\'ent
comme de mains; car avec cela ilz prennent l'eau, le
foing, l'avoyne et toutes choses qu'ilz mangent. Hz les
font coucher et ployer et leur font facilement jetter de
l'eau, des pierres et bastons à ceux qui les regardent; avec
cette trompe, escriment avec un baston contre le gou-
verneur et font autres choses semblables et plaisantes,
comme ce qui advint à un des trésoriers des galleres,
lorsque lesdictes galleres hyvernerent à l'isle de Chyos
en Grèce ^ qui se vouloit jouer à un desdictz éléphants
avec son bonnet de velours bien ferré de boutons d'or
et d'une médaille d'or; duquel donnant sur le muzeau
dudict éléphant, luy tira dextrement sondict bonnet
des mains et l'avala; de quoy ledict trésorier fut bien
fasché et estonné, et, au contraire, le gouverneur bien
aise s'assurant que ce bonnet seroit pour luy et qu'il
retrouveroit bien lesdictz boutons et médaille d'or en
l'ordure dudict éléphant. Est cet animal plus doux que
les autres animaux; toutesfoys, il n'est pas vray ce que
j'avois tousjours entendu dire qu'il n'avoit point de
I. L'escadre Irançaisc, sous les ordres du baron de Saint-Blancard, arriva à
Chio le 20 décembre 1537. Le baron de Saint-Blancard se rendit à Constanti-
nople, où il fut reçu par Sultan Sulevnian. (Charrière, Négociations de la France
dans le Levant. Paris, 184S, tome L page 371.) Outre le journal de la naviga-
tion du baron de Saint-Blancard, nous possédons une relation en vers de ce
voyage, écrite par un des officiers de l'escadre et intitulée : Le discours du
T.vyagi' de Coiistanlliioplc oivoyé du dict lieu à une deiiun'selle J'rauçoise, chez Pierre
de Tours, 1542.
l^E MOXSinUR D'ARAMOX 37
joincturcs et qu'il ne se pouvoit couclicr. Car j'av veii le
contraire, mesmement à un petit éléphant qui fut
donné à monsieur l'ambassadeur pendant que nous
estions au camp du Grand Seii^ncur qui mourut en la
ville d'Halep lorsque v estions.
Et le plus grand de Constantinople a de hauteur
dix grands palmes et de longueur quatorze, sans com-
prendre la queue. Le museau neut palmes de long.
Quant à la première joincture des jambes, elle est
haulte de terre d'un grand pied, et il v a de distance,
jusques à l'autre joincture qui est fort près du ventre,
deux grands pieds et demy au plus.
Il se voit encore infinis autres animaux aportez
d'Egipte et d'autres lieux, desquels on ne sçait le
nom.
Des cameaux et buffles, je n'en escris autrement pour
ce qu'ils sont communs et familiers par tout le Levant,
sauf du cameau que quand on le veut charger, il se met
comme à genoux et s'accommode de telle sorte que
l'on le charge beaucoup plus aisément qu'un mulet ou
autre beste. Il porte ordinairement quattre ou cinq
quintaux. Il a entre autres une propriété qu'il se passera
quattre ou cinq jours sans boire, et patist sa faim sem-
blablement. On les laisse aller par les champs pour
pasturer et mangent chardons, mauvaises herbes, les
boys et vignes et généralement toutes sortes d'arbres et
feuilles; et quelquefoiz quand ilz sont fort las et que
l'orge est à bon marché, on leur en donncquclquepeu.
^,8 VOYAGE
mais rarement. L'hyvcr, ilz mangent de la paille, et toute
la nuict, ils ruminent.
Toutes les marchandises qui se portent par tout le
Levant, par les Judées, à la Perse, la Medie et toute
l'Asie se portent par cameaux et sont en grand nombre.
Il se void aussy en Constantinople delà du canal un
certain lieu contenant nouante deux voustes grandes
où sont toutes les galleres et fustes et autres vaisseaux,
à couvert sur le bord de la mer, lequel ilz apellent arse-
nac. Il y a plusieurs personnes qui, tous les jours, la-
bourent et travaillent à faire des vaisseaux nouveaux,
rabiller les vieux et faire cordages, voiles et autres équi-
pages de galleres'. Et un peu plus loin d'un costé, à
une des portes de Peyra, il y a le lieu où l'on faict l'artil-
lerie-; et sur le bord de la mer, yen a très grand nombre,
tant de françoises, vénitiennes, genevoises, espagnolles,
cecillianes que de tous les lieux du monde, lesquelles
ils ont recouvertes ou par la prinse des villes et citez
ou sur mer des galleres, fustes, naves, et autres vais-
seaux que journellement ilz pillent.
Dans le palais du Grand Seigneur, y a grands basti-
I , L'arsenal (TiTshaiirlj) est situé sur la rive droite de la Corne-d'Or,
dans le quartier de Qitssim Pacha. Les premières constructions, œuvre de
iMahomet II, furent considérablement augmentées sous le règne de Sultan
Sulcyman.
2. La fonderie de canons (Topbanèh) fut établie par Mjhomet II sur l'empla-
cement des dépendances du couvent de Saint-Alexandre. Sultan Bavezid II
l'agrandit et y annexa des casernes pour les artilleurs. Sultan Sulcyman lit
abattre ces bâtiniefits et fit construire une nouvelle fonderie beaucoup plus
vaste.
»
DE MOXSIF.UR IVARAMOX ^9
mcnts et loges, jardins et fontaines; et y a un capitaine
qu'on apelle Bostangv bassv, c'est-à-dire capitaine et
p;ouverneur de tous les jardins dudict Grand l'urq,
dans chascun desquels il y a, pour le moins, deux ou
trois cens genisseratz autrement apelléz agiamoglans
qui portent un petit bonnet jaulne, hault et comme
pointu qui besongnent ordinairement dans lesdictz
jardins. Et quand ledict Seigneur y va à l'esbat, mesme-
ment à ceux qui sont hors la ville et au bort de la mer,
il se met avec deux ou trois personnes seulement dans
une fuste à vingt quattre rames de laquelle ledict capi-
tainedes jardins guide le tymon; et n'y a que luy cepen-
dant qui parle et entretient le Grand Turq duquel il est
favorisé grandement.
Il tient dans son palais quattre ou cinq cens pages
qu'il a prins de ses subjectz crestiens et de Grèce et de
Natolie, qu'il faict enseigner aux lettres et à vivre selon
la loy de Mahomet; et couchent trente ou quarante en
une chambre, et y a un eunuque au milieu d'eux pour
leur garde. Et quand ilz sont grands, l'on les met hors
de pages et les faict on spahiz, c'est-à-dire comnie ar-
chiers et aucuns en plus hault degré avee provision
honneste. Et de cesdictz pages le Grand Seigneur en
choisit vingt cinq pour venir en ses chambres, et de ces
vingt cinq en prend cinq pour servir à sa personne; et
quand il va dehors aux champs ou à la chasse, il v en a
trois de ceux cv qui sont tousiours préz et derrière luv :
l'un porte son arc et flesches, l'autre son porte manteau
40 VOYAGE
et l'autre un vaisseau où le dict Grand Turq boit. Et
tous les accoustremens qu'il laisse sont à ces cinq pages
qui sont fort favorisez. Puis, quand la barbe leur est
venue, il les faict capitaines avec grand et honneste
appoinctement et met cinq autres en leurs places.
Il y a trois eunuques; le premier s'apelle Capiega
c'est-à-dire capitaine gênerai et gouverneur de tous les
sérails du dict Grand Turq, tant de ceux des pages que
des femmes. Et n'y a que cestuycy qui parle à la femme
dudict Grand Turq et qui entre en ses chambres. Le
second s'apelle Casnadarbassy qui veut dire trésorier du
trésor du sérail dudict Grand Seigneur et a en gouver-
nement tout l'or et l'argent, joyaux, perles, pierres
pretieuses, accoustrementz et autres choses les plus
exquises dudict Seigneur. Le troisiesme s'apelle Chiler-
gibassy, gouverneur de toutes les viandes cuittes ou
crues, bruvages, fruictz, confitures et toute autre chose
qui est pour la bouche dudict Seigneur.
Il y a bien encore cent cinquante autres eunuques
qui servent aux autres sérails, c'est à sçavoir à celuy des
femmes et filles qui est dans Constantinople, à ceux
des jeunes enlans qui sont aussy dans la dicte ville et à
un autre qui est du costé dePeyra vers les vignes et jar-
dins. Et à chascun sérail, y a de trois à quattre cens
en fan s, et à celuy des femmes et filles elles peuvent
estre de cinq à six cens ordinairement. Et quand elles
viennent en aage, Icdict Grand Seigneur les faict
marier avec de ses gens; et tous sont lils et filles de
DE MONSIEUR D'ARAMON 41.
crestiens ses subjectz; les faict enseigner en la lov de
Mahomet et les entans sont tous circoncis. 1-t de ces
dictz eunuques, y en a de fort riches; et quand il/
meurent, tout leur bien est au Grand Turq à cause
qu'ilz n'ont point d'héritiers.
Après, il V a quattre ou cinq bassas, lesquels gou-
vernent tout son estât et l'empire. Le premier fait
presque tout et n'y a que luy qui réfère au Grand Sei-
gneur les causes tant de son estât que du peuple et qui
prend ses responces. Les autres bassas ne parlent
point à luy, s'il ne les faict apeller.
Il y a un fort beau lieu dans le pallais dudict Grand
Seigneur où l'on baille audience à un chascun quattre
jours de la sepmaine, à sçavoir les samedy dimanche,
lundv et mardy où sont assis les susdictz bassas et
deux cadilescheri, l'un de la Grèce et l'autre de la Na-
tolye, nommez maistres des sentences; et ces deux
baillent les sentences aux choses qui vont par vove de
raison et de justice; et eux mesmes rendent compte
audict Grand Seigneur de leur charge, comme aussv
font trois defterdary, c'est-à-dire trésoriers, lesquelz
manient et gouvernent tout le revenu et despenses de
ces pays et royaulmes. Puis, y a les secrétaires qui
escrivent les commandement/ et ordonnances dudict
Grand Seigneur. Il y a encore dix capitaines qui se
tiennent debout à la dicte audience et ont en leur main
chascun un baston d'argent. L'un s'apelleCiaouxbassy',
1 . TchaoLich Bachv.
42 VOYAGE
c'est à sçavoir capitaine de ceux qui portent les masses
et sont environ trois cens. L'autre Capigilar chiccaia ,
c'est-à-dire capitaine de tous les portiers dudict Grand
Turq qui sont en nombre de trois à quattre cens, les-
quelz ont nom Capigiz.
Il y a encore quattre capitaines qu'on nomme Capigi
bassy dont il doit en avoir deux à l'audience durant les
quattre jours qu'on la donne : et sont assis à l'entrée de
la porte avec un baston d'argent doré en leur main; et
quand les bassas vont vers le Grand Seigneur, ceux cy
les y accompagnent et cheminent devant eux. Le sem-
blable ilz font à tous les ambassadeurs et seigneurs
estrangers qui luy vont baiser les mains. Et auprès de
ladicte audience y a un autre lieu où l'on esprouve les
aspres que l'on apporte auxdictz thresoriers des daces,
gabelles et autres revenuz dudict Seigneur, qui est une
petite monnoie d'argent de la valeur de dix ou unze
deniers tournois; y a une grande chauffrette de fer
pleine de charbon où l'on taict chauffer une poisle tant
qu'elle vienne rouge, sur laquelle l'on met les dictz
aspres; et s'il s'en trouve de faulses jusques à un certain
nombre qui est dict, ceux qui les aportent les payront
doublement. Plus, il y a le capitaine des jannissaires
qu'on appelle Aga. Il commande à tous les jannissaires
en nombre de douze ou quinze mil et soubz luy y a
environ deux cens caporalz; et chascun caporal à cent,
I. Q.ipidjilar Kiahi.issv.
DE MONSIEUR D'ARAMOX 4,
quattrc vingtz ou soixante qui plus, qui moins dcsdiciz
jannissaircs qui portent grande obéissance à leurs capi-
taines. Et tous les jeudis de la sepmaine, ledict aga leur
donne audience en sa maison. Hz ont un sérail audict
Constantinople où aucuns d'eux logent et tous n'y de-
meurent pas parce que l'on en envoyé en garnison
aux frontières et, selon qu'ilz servent bien, en leur croist
leurs gages, ou bien on les iaict spahiz.
Quand le Grand Turq faict quelqu'entreprinse ou
qu'il aille d'une ville en une autre, lesdictz jannissaires
cheminent à pied autour de luy et portent tous l'arque-
buze et cimeterre ou espée : ou il y en a d'autres qui
sont aussy à pied qu'on apelle Saulachi ' qui portent
arcs et flesches; et les laquais ont volontiers une hache
en main seulement ■. Ils sont environ trois cens de l'un
et de l'autre.
1. « LesSoIaquis sont trois cens en nombre, choisis et extraits d'entre les plus
forts, plus disposts et plus excellens archers des janissaires pour la garde ordi-
naire du corps du Grand Seigneur... Ils portent pour leurs armes la cymeterre
et en la main l'arc doré tendu, avec la flesche preste à tirer, ensemble la pha-
retre ou carquois sur le dos. Et quand le grand Turc va aux champs ou à la
mosquée, ils marchent en ceste équipage deux à deux autour de sa personne ; à
sçavoir un reng du costé dextre qui sont gauchers et un autre à senestrc qui
sont dextriers, observans telle ordre afin que s'il advenoit que par nécessité ou
pour le plaisir du Seigneur, il leur convient descocher leurs arcz, \h ne tour-
nassent le dosa leur seigneur. » (Les navigations, pérégrinations, etc., page 146,)
2. (' Oultre le nombre des Solaquis le grand seigneur a d'abondant quarante
laquais ou estafiers de nation persicnne, appeliez en leur langue turqucsque
Peicz ou Peiclars... En l'une des mains, portent l'anagiach qui est la petite
hache; et en l'autre un mouchoir plein de dragées ou de sucre candi qu'il/:
mangent en courant, tant pour les sustanter et tenir en vigueur, que pour leur
oster l'altération. -< (Les navigations, p.regrinations. etc.. page 1)9.)
44 VOYAGE
Et au gouvernement des chevaux, muletz et ca-
meaux dudict Seigneur y a deux chefs qu'on apelle
Inrahorbassy ' qui commandent à toutes les escuries,
tant à celles qui sont en Constantinople que aux autres
qui sont aux autres terres, qui sont en plusieurs en-
droictz. Et y a plus de dix ou douze mil hommes soubz
eux, car ledict Seigneur a un nombre infini de chevaux
et cameaux. Et quand il veut monter à cheval, un de
ces deux luy aide à monter.
Il y a un autre qu'on apelle Ciachirgibassy qui veut
dire capitaine des esperviers et autres oyseaux de chasse
lequel a plus de mil ou douze cens faulconniers soubz
luy. Et celuy quia la charge des chiens s'apelleSeimen-
bassy et commande à plus de cinq cens hommes qui
gouvernent lesdictz chiens, car il y en a grand nombre.
Il y a encore deux capitaines des agiamoglans, l'un
de Grèce, l'autre de Natolie, qui ont charge d'aller
prendre les enfans des chrestiens subjectz dudict Grand
Turq, et de trois ans en trois ans, vont en chascune
province et en amènent bien de six à sept mil, non tout
à une fois, mais à plusieurs fois. Et après que l'on a
choisy pour les sérails du Grand Turq, le reste, on les
envoyé aux champs pour un certain temps; à sçavoir
ceux qui sont de la Grèce, on les passe de la mer en
Natolie autrement Asia minor, et ceux de la Natolie en
la Grèce aux villages des Turqs qui les reçoivent vo-
I. Inralior bassy est l'ahcration des mots : ïïniir akhor bacliy (chef, siirin-
teiidant des écuries), mot qui se prononce vulgairement Imraklior bachy.
nn MONSIEUR D'ARAMON" 4 S
lontiers et encore baillent argentà ceux qui les mènent,
les font travailler à toutes choses selon leurs Ic^rces, et
quand ilz v ont enduré sept ou huict ans, lesdictz
capitaines les font venir en Constantinople et les eni-
ployent aux bastiments qui s'y font et aux navires et
galleres. L'on les apelle agyamoglans et portent un
bonnet jaulne et après qu'ilz ont servi cinq et six ans,
l'on les taict jannissaires et ont de solde, par chascun
jour, quattre, cinq et six aspres, qui plus, qui moins.
Ledict Grand Turq a plusieurs aultres capitaines et
officiers de tous estatz et mestiers à ses gages comme
ont empereurs, roys et aultres grands princes; et qui
les voudroit icy spécifier, ce seroit chose trop longue et
de peu de conséquence. Toutesfois, je ne veux oublier
y adjouster les principaux des provinces.
Premièrement, en la Grèce y a un lieutenant gênerai
du Grand Turq qu'on apelle beglierbey qui commande
en tout ce pays là ; et a quarante quattre lieutenantz qu'on
apelle sanchiachs qui sont capitaines ou gouverneurs
séparez dans les villes, chascun desquelz commande à
quattre ou cinq cens spachis qui est comme archer au
cheval léger souldoyez.
Il y a un autre beglierbey à Buda (Hungarie) qui
commande à six ou sept sangiachs. Et ledict gênerai
de la Grèce est le premier de tous les pays dudict Grand
Turq et qui a le plus de gens de guerre; et après est
celuy de laNatolye qui a vingt cinq sanchiachbeys ou
lieutenantz lesquels ont des archers et chevaulx légers
46 VOYAGE
comme ceux de Grèce; et ainsy ont tous les autres
en quelque lieu où ils soyent, en sorte que quand le
dict Grand Turq veut faire quelqu'entreprinse, il ne
faict que mander lesdictz beglierbeys se trouvent à
un tel temps avec ses gens à un tel lieu, et incontinent
ilz sont prêts, car ilz n'oseroient sous peine de leur vie
faillir d'un demy jour.
En ladicte Natolie et Arabie, y a plusieurs autres
beglierbeys comme en la Carmanie, Capadocie, Meso-
potamia, Armenia, Babilone, Assiria, Surie, Damas
et autres lieux qui tous ont des sangiachs et lesditz
sangiachs des spahis. En sorte que, quand ilz sont
assemblez, c'est une compagnie merveilleuse et in-
croyable. Toutesfois, quand ledict Grand Turq faict
la guerre, il ne desgarnit pas ses confins ne ses princi-
palles villes, mais y a tousjours bonnes garnisons. En
la ville du Cayre en Egipte, y a un bassa qui commande
à plus de vingt sangiacbeys. C'est un beau gouverne-
ment. Il donne audience quattre jours la sepmaine,
comme on faict en Constantinople. Et y a un maistre
des sentences qui juge les causes, et un trésorier qui
tient compte du revenu et despense dudict lieu ; duquel,
tous les ans, on envoyé de grands deniers audict
Constantinople. Cedict gouverneur ne va point à la
guerre.
Il y a encore en Constantinople un beglierbev, capi-
taine gênerai de la mer qui commande aux terres
maritimes et aux isles et à toutes les galleres et autres
DH MONSIEUR ITARAMON" 47
vaisseaux dudict Grand Seigneur et a soub/ luy je ne
sçais combien de capitaines et spahis qui sont obligez
d'aller sur mer quand il s'y taict entreprinse et ne vont
point à celles qui se font par terre.
Et par toutes les villes dudict Grand Seigneur, y a
deux juges Tun nommé cady qui juge les causes civiles,
et celuv des causes criminelles s'apelle soubassy. Il n'y
a conseiller, ne advocat, ny procureur. Il faut qu'un
chascun die sa raison et amené ses témoins ou monstre
quelqu'escrit. Sur quoy, justice est faicte et prompte-
ment ; et les subjectz rendent si grande obéissance à
leur seigneur qu'ils se donnent bien garde de contre-
venir à nulle de ses ordonnances, vivant en une mer-
veilleuse paix et concorde avec bien peu de querelles
et debatz en quelque ville que ce soit, subjecte au Grand
Seigneur ; et s'il en advient et que le magistrat en soit
adverty, punition en est faicte incontinent ; et si l'on
ne peut trouver les délinquants, l'on s'adresse aux voi-
sins du lieu où la querelle aura esté faicte et faut qu'ilz
en repondent, autrement sont punis et chastiez ; et
quelquefois se faict des exécutions de justice tort inhu-
maines et rigoureuses.
Sur le soir, chascun se retire à bonne heure, n'ozant
tenir feu en quelque sorte que ce soit en leurs maisons,
jusques à une certaine heure limitée. Et pour la garde
des villes de nuict, y a seulement un homme seul avec
un baston en une main et une lanterne allumée en
l'autre qui va se pourmenant par la ville, au cartier
48 VOYAGE
qui luy est ordonne, et selon que la ville est grande, ilz
en mettent. Et s'il entend aucun bruit, il le revelle le len-
demain aux juges qui, incontinent, y donnent ordre et
ne faut pas craindre d'estre voilé de nuict, car cet homme
seul avec son baston est plus craint et redoubté que
n'est le capitaine du guet de Paris avec tous ses archers.
Et la police y est si bien ordonnée et la tranquilité si
grande que c'est chose quasy incroyable à qui ne la voit.
Ce sont les choses les plus dignes de mémoire que j'ay
peu recueillir et que j'ay trouvé en ladicte ville de Cons-
tantinople.
En ce temps là Jehan Micquez', portugalois vint en
I. Joseph Nasi, qui avait cliangc son nom en celui de Don Juan Miquez ou
Meguez, appartenait à une famille juive d'Espagne qui avait embrassé le
christianisme et qui, fixée à Anvers, avait établi des maisons succursales de sa
banque en Portugal et à Lyon. Vers le milieu du xvi" siècle, Miquez émigra à
Venise; il éprouva de nombreuses tribulations dans cette ville et grâce à l'in-
tervention du Sultan auprès de la seigneurie, il put avec sa famille se rendre à
Constantinople. En 1552, Dona Béatrice de Luna née Mendez, partit pour
Constantinopleet don Jean Miquez son neveu, qui avait abjuré le christianisme et
repris son nom de Joseph Nasi, épousa Reyna, sa fille. Il avait été recommandé
à Sultan Suleyman par M. d'Aramon et par le médecin de ce prince, Joseph
Hamon. Il réussit à acquérir quelque influence au sérail et il la fit valoir une
première lois en faveur des juifs des Etats du pape réfugiés à Pesaro. Lors de
la rivalité entre les fils de suhan Suleyman, Bayezid et Sclim (15 56- 15 59),
Joseph Nasi se rendit à Kutayèhr, ésidence de ce dernier prince ; il lui off"rit de
riches cadeaux et ne tarda pas à devenir son favori. Son influence devint toute-
puissante après la mort de Bayezid. Il se fit donner la ville de Tibériade dont
il entreprit la reconstruction afin d'y établir une colonie juive (1565). A cette
époque, Joseph Nasi réclama du roi de France une somme de 1 50,000 écus,
prêtés aux agents français à Constantinople. Le Sultan appuya les réclama-
tions de Nasi et (Charles IX envova à Constantinople pour arranger cette
afi"aire Vinc. Giustiniani, qui n'obtint pas le succès que la cour attendait de sa
mission. y\près la mort de Sultan Suleyman (1566) l'influence de Joseph Nasi
devint, malgré l'opposition du grand vizir Mehennned Sokoily Pacha, prépon-
DE MONSir-UR DARAMON ;q
Constantinoplc avec lettres de ta\eur de M. de 1. an-
sac ambassadeur du Roy à Rome' pour le huoriser
en quelques afïliires qu'il ne voulut poursuivre aucu-
nement. Il y trouva la sire Beatrix de Lune, portu^a-
loise et juifve riche, prèz laquelle il se retira, espérant
en épouser la fille; ce qu'il lit aprèz s'estre premiè-
rement déclaré juif et fait circoncire.
Je ne veux laisser en arrière aucunes forces et dexte-
ritez que j'y ay veu faire par aucuns turqs en la maison
dudict sieur ambassadeur.
Premièrement, il en vint un, lequel après avoir faict
divers actes de grandissime dextresse et force, lit par
dérantc auprès de Selim II. Ce prince le créa duc de Naxos, et Joseph Nasi y
délégua en qualité de son lieutenant l'espagnol F. Coronello. L'arsenal de Ve-
nise ayant été incendié en (1569). Joseph Nasi détermina Sultan Selim à entre-
prendre la conquête de Chypre qui passa, en 1 571, sous la domination ottomane.
La mort de Sultan Selim fit perdre à Joseph Nasi toute son influence ; il conserva
cependant le duché de Naxos; il mourut sans postérité le 2 août i<)79. Sa fortune
hit confisquée par Sultan Murad qui ne laissa à dona Ueyna, sa femme, qu'une
somme de 90,000 ducats. Joseph Nasi, qui s'était fait le compagnon des
débauches dj Sultan Selim et ne conservait son crédit qu'en flattant les vice^
de ce prince, fut successivement à Constantinople l'agent de la cour d'Hs-
pagne, puis celui du prince d'Orange. Il poursuivait les Français de sa haine, et
il avait réussi à faire saisir les navires français ancrés dans le port d'Alexandrie,
saisie qui donna lieu à de longues négociations. Les ambassadeurs de France
essayèrent pendant longtemps, mais en vain, de contrebalancer son influence.
I. Louis de Saint-Gclais dit de Lesignem, baron de la Motle-Sainte-Heraye,
seigneur de Lansac et de Pressy-sur-Oise. chevalier des ordres du roi, con-
seiller d'État, chevalier d'honneur de la reine Catherine, mère du Roi et
surintendant de sa maison, fut ambassadeur à Rome. Il fut pourvu de la
charge de capitaine de la seconde compagnie des cent gentilsliommes de 1j
maison du roi : il s'en démit au mois d'août 1578 et mourut au mois d'oc-
tobre 1589, à l'âge de soixante-seize ans. (Histoire gcncaIoi;i<]iic et chroi:o!ûçi(jite di
lu /liaison royale de France, etc., par le P. Anselme. Paris, 175 3, tome IV,
page 66.)
4
50 VOYAGE
un sien garçon (qui sembloit auprès de luy un nain et
estoit un peu guerche d'un œil) prendre en main deux
arcs tendus et tous ensemble les tirer tant, qu'avec la
main dont il tenoit la corde se touchoit l'oreille, encore
que lesdictz arcz feussent de si grande force qu'il ne
se trouvoit personne en la court dudict sieur ambassa-
deur qui peust faire ployer la corde d'un d'iceux, un
doigt. Après ce faict, le dict turq son maistre estant les
piedz nudz sur quattre cimeterres taillans, accoustrèz
pour cet effect, print un arc duquel tirant une flesche,
perce d'un costè à l'autre une pièce de bronze grosse de
deux doigtz ; semblablement, perce d'un autre coup
trois autres pièces de bronze, chascune grosse d'un
doigt ; puis, avec une flesche de bois sans fer, perce
aussy d'un costè à l'autre un bois rond, gros d'une
palme; avec une autre flesche qui avoit la teste de verre
et la pointe de fer, perce d'un costè à l'autre un petit
mortier de bronze gros d'un doigt; puis, avec aulcunes
aultres flesches, perce des œufs d'austruche, balles de
verre, vases de pierre, sans les rompre ou casser. Finale-
ment, perce d'un costè à l'autre un soc de fer avec lequel
on laboure la terre.
Estant espandu par Constantinople le bruit des dex-
teritèz et forces par le dict turq, le jour ensuivant,
en vint un autre qui fit choses assez plus merveil-
leuses que n'avoit faict le précèdent. Cestuy estant
les piedz nudz sur quatre cimeterres tranchans, rompit
en deux pièces une grosse teste de mouton crue,
DE MONSIEUR D'ARAMON Si
estant icelle attachée à une chaisnc de fer qu'il tenoit
sous les piedz à terre, laquelle aussy estoit liée à ses
cheveux, àforcedesquelzil depieça ainsy la dicte teste;
rompit et mit en pièces, semblablement, un pied de bœuf
à force d'iceulx, attaché à la dicte chaisne, comme dict
est. Rompit aussy la jambe d'un cheval, un os de cuisse
de bœuf sur la cheville du pied et contre le front; et
d'autres en rompit assez sur les coudes, sur les espaules
et en autres parties du corps. Et entre les autres, s'en fit
tenir un par son serviteur, lequel, à course, il rompit
avec un coup de poing. Ultiemement, avec un coup de
poing minud, frappant au milieu d'un pilon de bronze
d'espicier, en quatre coups le rompit en deux pièces.
Après, joua avec diverses antennes de galleres qui pe-
soient deux ou trois cens livres l'une, et tenoit le dict
turq l'une des dictes antennes droictes sur l'espaule et
la jectoit sur l'une, la retournant encore sur l'autre et
ce, douze ou seize fois du moins, avec si grande diligence
que un vaillant balladin à peine meine il si tost les piedz,
comme le dict turq se remuoit les espaules sous la-
dicte antenne, laquelle se jettoit encore sur le menton
et la tenoit ferme quelque peu ; la portoit avec les dentz
et se la jettoit sur le iront, sansluy toucher aucunement
des mains. Mais ce qui est digne d'aussy grande mer-
veille, c'est qu'il print une paille longue d'une demye
brasse et la tenoit droicte sur une espaulle comme il
avoit faict la dicte antenne et se la jettoit de l'une à l'autre :
à cette heure, la faisoit aller sur le nés, puis sur le Iront,
52 VOYAGE
tantost sur une oreille, et tantost sur l'autre et encore
sur l'estomach et la rejettoit sur le front sans luy tou-
cher des mains ; et toutesfois se tenoit tousjours droicte
sans tomber. Puis, un sien serviteur leva avec les che-
veux une pierre de la pesanteur de trois quintaux. Ces-
tuy mesme print un fer de cheval et un avantclou et
ayant poing nud, frappant dessus le dict avantclou, fit
plusieurs pertuis audict fer de cheval.
Le tiers jour, vint avec cedict turq un sien pour-
suivant persien faire divers jeux de grand dextérité.
Premièrement, joua d'un arc lequel il passoit le long
du corps, l'entrant par la teste et sortant èz pieds et
retournant de mesme manière. Aussy balloit avec deux
hommes qui se tenoient à luy, l'un sur l'autre, lesquels
estoient plus grands et plus pesans que luy; et les
tenant, s'agenouilloit en terre et puis se relevoit sans
autrement s'ayder des mains. Plus^ rompit avec le front
deux os de jambes de mouton joincts ensemble l'un sur
l'autre : et rompit aussi un autre os de la jambe d'un
mouton, à course, l'acollant avec la fourche des deux
doigtz; puis après, mit une pierre qui pesoit plus d'un
quintal dessus un bois faict en forme d'une colonne,
haute de cinq ou six piedz, et avec ladicte colonne
joùoit comme avoit laict l'autre turq avec antenne,
demourant tousjours la dicte pierre dessus icelle co-
lonne, sans s'esbranler ne tomber; rompit encore une
pierre avec le coude nud, icelle large d'une palme,
longue de deux et grosse de quattre doigtz. Estant puis
DE MONSIEUR D'ARAMON -.^
après attaché p:ir les cheveux à une grue de bois hauhe
de terre, de sorte qu'il ne pou voit la toucher avec les
piedz, tira avec l'arc contre une pièce de bronze grosse
de deux doigtz et icelle perça d'oultre en oultre. Davan-
tage, estant en cette taçon attaché, rompit une grosse
corde qui tenoit liez deux bastons bien estroictemeni :
et qu'il mettoit après au col, à la force duquel il rompit
icelle et le fit deux fois; l'une estant attaché comme
dict est, l'autre estant sur les piedz en terre.
Rompit encore, le poing nud, un plus gros pillon de
bronze que le premier. De l'autre costé, le turq qui
avoit joué le jour devant, joua encore avec une an-
tenne voirement un arbre qui pesoit sept cent soixante
livres, se le jettant comme les précédentes antennes
sans aucunement s'ayder des mains, se fist attacher sur
luy six hommes et quatre enfans lesquels il porta tous.
Après tout ce faict, vint un serviteur dudict sieur
ambassadeur lequel aporta un pillon que ledict sieur
ambassadeur avoit faict taire exprés, long une palme
et gros quattre doigtz lequel fut baillé audict Turq qui
avoit fait les forces predictes, à ce qu'il le rompist, ce
que incontinent il commença à faire en la manière des-
susdicte, de sorte que en cent et trois coupz qu'il lu\
donna, le rompit en deux pièces. Et là se fit fin aux-
dictes forces et dextérités.
Depuis, au mois d'octobre suivant, vint un autre
turq au logis dudict sieur ambassadeur, lequel avant
les mains liées derrière, mit avec les dent/ la selle et
-,4 VOYAGE DE MONSIEUR D'ARAMON
bride sur un cheval, accoustrant les sangles et poitrail
et autres choses requises à l'équipage dudict cheval
pour monter dessus l'homme.
Et ledict Turq estant sur quatre cimeterres taillans,
les piedznudz, ayant un enfant sur les espaulles, monta
sur ledict cheval sans s'ayder des mains, puis après, en
sa manière dicte, luy osta tout l'équipage et soubdain
ayant tousjours les mains liées, comme dict est, luy
mit un bat lequel il sangla et après luy bailla la charge
en deux paniers pesants trois quintaux ou plus. Estant
ainsy lyé que dessus, se fit mettre dans un sac et banda
un arc duquel (estant en iceluy sac) tenant la corde et
la flesche avec les dentz et mettant les piedz dessus le
bois dudict arc, tira contre une pièce de bronze de deux
doigtz d'espoiz et la perça d'oultre en oultre.
11 y en vint quelques jours après encore ung autre
qui estoit more ou tartare qui avalla un œuf de poulie
sans le rompre et un quart ou demye heure après le
faisoit sortir par le fondement, entier comme il l'avoit
prins. Mais ce jeu ou mistere ne se faisoit point sans
peter, car je ne vis jamais rotter, peter, ronfler du cul
comme faisoit ce villain.
royagcdcM. d'Aramon, ambassadeur pour le Roy en Lcvanl
faict de Constant inople en Perse, l'an i)4S, escripi par
noble homme, M*^ Jehan Chesiieau, l'un des secrétaires
dudict sieur ambassadeur.
Or, ayant demeure un an audict Constantinople,
l'année suivante que Ton comptoit 1548, le Grand
Seigneur délibéra faire l'entreprinse de la Perse contre
le Sophy, roy d'icelle et de Medie, Parthie et autres
pays. Et pour cet effect, il fit asçavoir à tous ses capi-
taines, gouverneurs de provinces qu'ilz apellent be-
glierbey et sangiachy de se trouver pretz selon son
mandement, et en ordre, pour marcher à la volte du
Levant à ses dictes entreprinses et se trouver en certain
lieu député, pour y faire la reveûe et recherche. A quoy
il n'y eut faulte aucune. Et l'esmotion de cette guerre
fut par le moyen d'un frère dudict Sophy que l'on apel-
loit Elcas*, grand capitaine et bien voulu de tous les
I. Elqas Mirza était le troisième fils de Cliâli Ismayl; son frère Châii
Thahmasp lui confia le gouvernement du Chirwan. Au bout de quelques
années, Elqas Mirza tenta de se soustraire à l'autorité de Châii Thalimasp et
celui-ci lui accorda une première fois son pardon. En 1 546, pendant une expé-
dition en Géorgie, Chah Thahmasp apprit qu'Elqas Mirza faisait frapper la
-/, VOYAGE
peuples et subjectz de leurs pays. Lequel avoitune très-
belle femme de laquelle fut amoureux le roy son
frère; et pour parvenir à son dessein qui estoit d'en
jouir et l'avoir à son plaisir, envoya ledict Elcas comme
son lieutenant gênerai qu'il estoit et chef de ses gens
de guerre, faire quelque entreprinse sur les terres des
Circasses. Et pendant son absence, fit tant par moyens,
qu'il eut jouissance de ladicte femme et la tint prés de
luv. De quoy estant adverty, ledict Elcas s'en revint de
Circassie grandement indigné et courroussé; entra en
grosses parolles et rigoureuses avec le roy jusques à
monnaie et réciter la khoutbèh en son nom et que Tincursion qu'il faisait en
Circassie n'était qu'un prétexte pour ne point se présenter à son camp. A cette
nouvelle, Chah Thahmasp fit entrer un corps d'armée dans le Chirwan ; Elqas
de son côté, abandonna la Circassie, se rendit à Derbend et fit marcher quelques
troupes contre celles de son frère. Elles furent battues et Elqas, poursuivi par les
officiers de Chah Thahmasp, se réfugia dans le Daghestan, gagna le bord de
la mer et s'embarqua sur un navire qui le conduisit à Kaffa, en Crimée. Il
se rendit delà à Constantinople où il sollicita la protection de Sultan Suleyman
qui le traita avec la plus grande magnificence. Il accompagna ce prince en 1548,
dans sa campagne contre la Perse. Il fut placé à l'avant-garde avec un corps
d'enfants perdus et de cavaliers Kurdes et il reçut l'ordre, lorsque Chah Thah-
masp fit une pointe sur Erzeroum, de se diriger sur Bagdad. Il franchit les
frontières du Kurdistan, se rendit maître de Hamadan, de Qpum et essaya de
s'emparer d'Ispahan. Il tenta d'envahir le Fars, mais il dut se replier sur Bagdad.
Abandonné par les Turcs, il battit en retraite sur Chehirzor, où il fut
attaqué par les Kurdes. L'année suivante (1549), le sultan lui enjoignit de
rentrer sur le territoire ottoman, mais il éluda cet ordre et implora la clémence
de son frère. Les soldats turcs restés avec lui, ayant eu connaissance de cette
démarche, attaquèrent son camp. Il se réfugia alors à Ardelan, puis à Merivan.
et dans cette extrémité, il sollicita l'intervention de son beau-frère Chah Nimet
oullah et se rendit avec lui à la cour. Chah Thahmasp se montra tout d'abord
disposé à lui accorder son pardon, mais les dignitaires du royaume s'opposèrent
à cet acte de clémence, et Elqas Mirza fut conduit au château de Qahqahah où
11 resta prisonnier jusqu'à sa mort arrivée en IS79«
DE MON'SIF.UR D'ARAMON 57
user de menaces qui luv causèrent quelque soupçon. A
ceste cause, luy osta le royaume de Sirvan qu'il luy
avoit assigné pour son vivre et conspira contre luy de
le fiiire mourir, dont ledict Elcas futadverty par aucuns
siens amys, de sorte que il fut contrainct de se absenter
et adviser à sa seureté. S'embarqua sur la mer Major et
s'en vint en Constantinople vers le Grand Seigneur,
lequel envova au devant de luy et le receut gratieuse-
ment. Et après que ledict Elcas luy eut baisé les mains,
il luy déclara l'occasion de sa venue, le tort que le roy
son frère luy avoit taict et qu'il estoit recouru à son
ayde et à sa sauvegarde. Ledict Grand Seigneur luy fit
plusieurs presens, luy donna maison et grosse pension,
et journellement ledict Elcas l'incitoit à mouvoir
guerre contre son frère et en faisoit toute la poursuitte
qui luy estoit possible, disant qu'il avoit esté son lieu-
tenant gênerai et qu'il estoit bien voulu par tous ses
pavs et avoit promesses des premiers de la cour du
roy son frère que, si l'entreprinse de la guerre se fai-
soit, qu'ilz seroient pour luy.
Finallement, il poursuivit si bien cette affaire qu'il
en vint à bout avec quelque volonté secrette qu'en avoit
le Grand Turq, lequel fut bien aise d'avoir semblable
occasion de faire ladicte entreprise. Et pour ce faire,
ayant faict préparatifs de toutes choses nécessaires pour
un semblable voyage, et ayant mandé tous ses capi-
taines comme il est dict cy dessus, il partit de Constan-
tinople le 29 apvril 1548.
-,8 VOYAGE
Or il fut commandé par le Roy à mondict sieur
d'Aramon son ambassadeur, de le servir à son entre-
prinse, et pour ce faire, s'equippa tant de provisions
pour le camp, que de gentilshommes et autres bien
en ordre. Nous avions dix pavillons, quarante cameaux,
dix huict muletz et douze autres chevaux de somme,
et une litière à deux muletz que les Turqs admiroient
grandement pour la rareté qui en est en leur pays. Et
pense qu'ils n'y en virent jamais que celle là, et aucuns
d'eux mallades esprouverent la commodité que l'on
en reçoit. Nous estions en tout septante cinq ou quatre
vingtz personnes bien montez et en bon ordre, tous
portans armes à la turquesque ; les uns arquebuzes, les
autres lances gayes avec une cornette semée de fleurs
de lys, et pensez que de nostre temps, jamais ambassa-
deur ne chemina en tel ordre et equippage. Laissant
en Constantinople pour les afl"aires qui, pendant le
voyage y pourroient survenir et pour la direction des
pacquetz, le sieur de Cambray, chanoine de Sainct
Estienne de Bourges, homme de bon esprit et qui
estoit bien aymé en ce pays là pour la diversité des
langues qu'il sçavoit ; et entre autres, le grec vulgaire
luy estoit aussy familier que le françoys et aussy sça-
voit beaucoup du turq \
I. François de Noailles, évêque d'Acqs, qui fut ambassadeur à Venise et plus
tard, ambassadeur de Charles IX à Constantinople de 1572 à 1574, fait, dans
sa correspondance, le plus grand éloge du sieur de Cambray. Après le départ
de M. d'Aramon, M. de Cambray eut avec Codignac de nombreux démêlés.
Il fut cliargé d'une mission près de la reine de Hongrie, et Codignac l'accusa
DE MONSIEUR D'ARAMOX 59
Le seigneur de Fumel qui attendoit tousjours la
response de sa despeche qu'il avoit envoyée par Tor-
loger, avoit grande volonté de taire le dict voyage. Mais
le Grand Seigneur ne luy voulut permettre, disant
qu'il ne faisoit que revenir de ces pavs là et qu'il se
contentoit que l'ambassadeur y tust, puisque le Roy ne
luy en avoit escript que de luy. Ce que voyant le dict
sieur de Fumel et que la responce qu'il attendoit ne
venoit point, s'embarqua sur un navire de Venize et
s'en revint en France.
Nous partismes dudict Constantinople le second jour
de May audict an 1548, et passasmes le canal de mer
et entrasmes en Asia minor aujourd'huy apeléeNatolye
et logeasmes à Scutary * où furent tanduz nos pavil-
lons en un fort beau lieu, prés le port où fut ancienne-
ment Calcedoyne-, oùdemeurasmes quattre jours pour
de l'avoir desservi auprès de cette princesse et d'avoir sollicité son intervention
pour le faire rappeler de Constantinople. M. de Cambray, à son passage à
Venise pour rentrer en France, fut, dans cette ville, l'objet d'une tentative
d'assassinat. Codignac fut accusé d avoir soudoyé un Piémontais qu'il avait
tiré du bagne de Constantinople.
M. de Cambray fut, par la suite, ambassadeur du roi auprès des cantons
suisses.
1. Scutari, l'ancienne ville de Chrysopolis, appelée par les Turcs L'skudar,
s'élève en amphithéâtre sur la côte d'Asie en face de Constantinople. Scutari
était autrefois une dépendance de Chalcédoine, mais, depuis la prise de Cons-
tantinople par les Turcs, elle a été considérée comme un faubourg de la capitale.
A l'époque où d'Aramon résidait à Constantinople, Sultan Suleyman faisait
construire à Scutari la mosquée et l'imaret qui portent le nom de sa fille
Mihroumah Sultane.
2. Chalcédoine, appelée par les Turcs Q.idi Keuy, est bâtie sur le promon-
toire situé au-dessous de Scutari. Fondée par les Mégariens, elle fut prise par
6o VOYAGE
achever nos accomonades et equippes de tout ce qu'il
nous falloit pour un tel voyage.
Le sixiesme de May en partismes, cheminasmes
du long du canal de la mer et logeasmes en un Cous-
teau apellé en turquesque Maltepé qui veut dire mon-
tagne du trésor \ auquel lieu l'on dict que les anciens
empereurs de Constantinople cachoient leurs finances.
Et ce lieu là est au commencement du golfe de Nico-
medie. Le lendemain, suivant ledict golfe, arrivasmes
en un lieu apellé Diachidesse^ et à quattre milles est
Lebisa où Annibal se empoisonna et dict on que son
sepulchre y estoif'^; mais les Turqs ruinent et gastent
les Athéniens, puis parles Lacédémoniens ; les Perses, conduits par Pharnabaze.
la détruisirent. L'empereur Valens ayant fait abattre ses murailles les Goths la
saccagèrent. Au vu" siècle, elle fut pillée par les musulmans. Le quatrième
concile général se réunit à Chalcédoine en 451. Sultan Suleyman, en 1552, fit
transporter à Constantinople, pour orner la mosquée qu'il faisait bâtir, les
colonnes et les marbres de la chapelle du monastère construit par Rulin, ministre
d'Arcadius.
1. Maltèpèh (la colline du trésor) est le nom d'un gros village situé à une
demi-heure de Qartal. Le nom de Maltèpèh, est donné à la rangée de collines
bordant la mer et s'étendant jusqu'à Touzla. On remarque dans leurs flancs les
traces nombreuses de fouilles qui v ont été pratiquées. Maltèpèh, située à
quatre heures de Scutari et à trois heures de Qadi Keuv, était la première étape
des armées ottomanes lors d'une expédition en Asie. (J. von Hammer.
Vmhlich auf citier Reisc von Coiistaiitiiiopel iiach Bnissa. Pesth, 1818, page 165.)
2. A une heure de distance de Gueibizè, sur le bord de la mer, s'élève
Daridjè, ancien château-fort de l'époque byzantine, conquis seulement en 827
(1423) par Mahomet IL C'est la localité désignée sur la carte de Leak par le
nom de Diacibysa. J. von Hammer, Umblick, etc., page 164.
3 . L'antique Libyssa porte aujourd'hui le nom de Gueibizè : elle fait partie
du district de Qpdja II}', dans la province de Khoudavendguiar. « Gebise, ville
de Bythinie, célèbre par le sépulcre d'Annibal, et qui s'appeloit autrefois
Lvbissa, d'où l'on descouvre le goipiie de Nicomedie et où l'on voit des cvprès
DI£ MONSIHUR DARAMOX 6ï
toutes choses. Il n'y a apparence que d'une fosse an-
ticque où y a encore plusieurs grosses pierres et co-
lonnes escriptes en grec.
Le neutviesme May, arrivasmes à Xicomedie cité
trésantique et royalle de Bitinie' laquelle est toute
ruynée et estoit merveilleusement grande, assise sur
montagnes fort haultes et s'estendoit jusques à la ma-
rine et là finit le golfe dudict Nicomedie.
De ceste ville vinsmes à Sabangil - sur le bord du
lac du même nom; le lendemain, cheminasmes par
d'une grandeur démesurée. » (Jmbasscuics et voyages en Turquie it Amasic de
-Vf. Busbeqius, nouvellement traduites en françois, par S. G. (Simon Gaudon)»
Paris, 1646, page 108.)
1. Nicomedie (en turclznimid ou Izmid) a aujourd'hui très peu d'étendue. Elle
s'élève en triangle du rivage au sommet de la montagne où l'enceinte de l'an-
cienne Acropolis est encore marquée par les restes de murailles et de tours abat-
tues; sur un terre-plein, on trouve un édifice appelé Eski Serai' qu'on croit, avec
assez de vraisemblance, avoir été bâti par Dioclétien. (Dallaway, Constant inoplc
ancienne et moderne. Paris, an VII, tome 1er, page 259.) « Quatre jours après
nostre départ de Constanlinople, dit Busbec, nous vinsmes à Nicomedie. G'est
une ancienne ville de qui l'on a beaucoup parlé; mais il n'en reste que de
vieilles masures et de gros morceaux de colonnes abbatùes; si ce n'est que le
chasteau, situé sur une colline, est plus entier. Un peu devant que nous v vins-
sions, on a voit trouvé sous terre une muraille de marbre blanc qui estoit asseu-
rement une partie du palais magnifique des roysde Bithynie. » (Ambassades, etc.,
page 109.) Nicomedie fut conquise par Orkhan en 727 de l'hégire (A. D. 1 326).
Elle est le siège d'un métropolitain relevant du patriarcat de Constantinople et
portant le titre d'exarque de toute la Bythinie.
2. Sabandjèh (Sophon), au sud-ouest du lac du même nom, est un des soixante-
cinq villages qui s'élèvent sur ses bords. >< Ge bourg doit son nom à Sabandjy
Khodja, qui le premier défricha les bois qui entouraient le lac. Sary Rustem
Pacha, vizir de Suhan Suleyman, fit bâtir à Sabandjèh une mosquée, un bain
dont la coupole était couverte en plomb, et un grand khan ayant cent soixante-
dix chambres à feu. » (The travels of Evlia Ejendy translated by Kitler Josepij ion
Hammer. Londres, 1850, tome II, page 91. j
62 VOYAGE
certains boys où y a grande quantité de platanes, et
passasmes sur un beau pont de pierres faict par sultan
Bayasit fils de sultan Mehemet premier, seigneur de
Constantinople, où passe le fleuve appelle Sangary, le-
quel dévide de cette coste de Levant la Bithinie de la
Galatie* et logeasmes en un lieu appelle Guyemé'.Puis
vinsmes en une petite ville nommée Tavachy Me là à
Gohememe* assise sur une montagne fort haulte où
se void encore de vieilles murailles que l'on dict estre
la ruyne d'un chasteau. En après en DibeP et à Boly
1. Le Sangary est le Saqaria des Turcs, le Xerabatès, Sangarias, Sangaris
ou Sangarius des anciens. « Le Sakaria est une des rivières les plus considé-
rables de l'Asie Mineure. Ses deux sources principales sont, l'une au pied oriental
du Beyad-yaïlassi-dagh, à peu de distance au sud du village de Beyad et à
environ dix lieues au nord-est deAfiuna-karahissar ; l'autre (la plus emportante)
se trouve au nord-ouest de la première, à neuf lieues au sud du village Seïdel
Ghazy dans le massif qui joint le Beyad dagh au Mourad dagh. » (deTchihatchefF,
Asie Mineure, description physique de celle contrée, 1866, tome 1er, pages 136 et
suiv.) Le Sakaria, après avoir reçu"de nombreux affluents, se jette dans la mer
Noire près de Bender Eregly .
2. Au lieu de Guyene, il faut lire Guievèh : c'est le nom d'un village situé
à six heures de marche à l'est de Sabandjèh. Gassot donne à cette locaHté le
nom de Gène.
3. Tharaqly est une ville du district de Viran Cheher dans la province de
Qastemouny. Elle est divisée en douze quartiers : on y voit quatre mosquées
et deux bains. Elle possède aussi un magnifique caravansérail; cinquante
villages sont placés sous sa juridiction. Elle doit son nom à l'industrie locale
qui consistait dans la fabrication des peignes {Tharaq).
4. Guhemene est le nom défiguré du gros bourg de Gumuchàbad.
5. Au lieu de Dibec ou Dibel que donnent les manuscrits et la relation de
Gassot, il faut lire Duzdjèh. C'est un bourg situé sur la limite occidentale du
district de Boly, à douze heures de marche de cette dernière ville. Il porte
aussi le nom de Duzdjèh bazar. Le pays environnant est montagneux. Sonqor
bay Chemsi Pacha, qui en fit la conquête sous le règne de Sultan Osman, fit
percer la route qui traverse ce village, et il y construisit une mosquée et deux
caravansérails.
DE MONSIEUR D'ARAMON 65
ville appellcc anciennement Ahanonienia '. Ce lieu
monstre avoir été quelque belle ville et i;rande. Il v a
plusieurs antiquitez de colonnes et sepulchres escripts
en grec. Et près de ce lieu, environ deux milles, y a de
fort beaux bains naturelz où nous fusmes tous baigner,
pour estre chose saine. Au milieu dudict bain, y a une
fontaine d'eau fresche, fort bonne, qui vient de la mesme
montagne dont vient la chaude, qui est chose merveil-
leuse. Nous sejournasmes en ce lieu et en partismes le
22^ dudict moys.
Passasmes Huvada- cité ancienne et arrivasmes à
un cazal appelé GiagaieP. De là à Caragiola qui veut
1. Boly, chef-lieu du district de ce nom dans la province de Q.astemouny,
est situé dans une plaine bornée par des montagnes à l'est et au nord. Boly
est divisé en vingt-quatre quartiers; on y compte trois mille maisons dont la
plupart sont couvertes de tuiles. On y voit un grand nombre de mosquées; les
plus fréquentées sont celles de Mustafa Pacha et de Ferhad Pacha sur la place
du marché. Sonqor bav Chemsy Pacha a élevé à Boly un bain, sept caravan-
sérails et sept fontaines. Les habitants se livrent au commerce et exploitent les
forêts de sapins des environs. Les planches qui en proviennent sont fort esti-
mées à Constantinople ; le climat deBoly est très doux ; les fruits sont bons et
les cerises particulièrement excellentes. Au sud de la ville, au milieu des jar-
dins, se trouve un petit bain dont l'eau est souveraine pour la guérison de la gale.
(Evlia Tcheleby, tome II, page 95.) Boly est l'ancienne ville de Claudiopolis.
2. Il faut lire Handak ou Khandak (le fossé) (l'ancienne Latania) au lieu de
Hunada. Ce petit village fait partie du district de dodia Ily. Il possède une
mosquée un bain, un khan et un marché. (Evlia Tchelebv, tome II, page 92.)
3. Guercdèh ou Kéredy, dans la province de Qastemouny et le district de
Boly, entre cette dernière ville et Viran cheher, est un gros bourg d'un millier
de maisons en bois et en briques, qui s'éiève dans une grande vallée. On y voit
onze mosquées, sans compter les mesdjid, trois couvents et deux cents bou-
tiques. Les couteliers et les tanneurs de Gucredèh jouissent d'une grande répu-
tation. Gueredèh est célèbre, d'après un dicton populaire, par ses voleurs, ses
tanneurs et la rigueur de ses hivers. Le froid y est aussi intense qu'à Erz-
roum. (Evlia Tcheleby, tome II, pages 93-94.)
64 VOYAGE
dire lac noir'. Puis, vinsmes à un autre cazal dict Ca-
maniy' prés duquel passent trois petites rivières dont
l'une s'apelle du mesme nom du village; l'autre Cier-
guas et l'aultre Guivra qui vont en la mer Major ^ De
là à Bouzoly^ sur la rive dudict fleuve Cierguas, la-
quelle l'on dict l'hyver croistre, de sorte qu'elle noyé
tout le pays. De là vinsmes à Caraguira^ puis àCagias-
sar"* qui est de la Paphlagonia; et ayant passé de mes-
chans et fascheux chemins, arrivasmes en un meilleur
1. Qiiragaeul ou Gueulbachy est le nom d'un lac et d'un village situés à
quatre heures de marche de Kéredy.
2. Hammamly est un gros village qui doit son nom aux. sources d'eaux
minérales qui jaillissent dans ses environs.
3. Tcherkes est le nom d'un bourg situé dans une grande plaine arrosée par
un cours d'eau qui se jette dans le Saqaria. Il est protégé par un petit fort en
pierres et se compose de trois cents maisons et de quarante à cinquante bou-
tiques. On y voit une mosquée.
M. de Tchihatchef a décrit avec beaucoup de soin le cours des trois ri-
vières dont parle Chesneau et qui sont le Tcherkes sou, le Hammanlv sou
et le Gueuk aghadj sou. (VAsie-Miiietirc. pages 159 et suiv.)
4. Bouzoqlou est un gros village à deux milles de Tcherkes; il est bâti au
pied d'une coUine couverte de sapins et de genévriers.
5. Caraguira est le nom défiguré du village de daradjalar (les chevreuils)
qui faisait autrefois partie d'un fief relevant de la juridiction de Kanguerv
(l'ancienne Gangra, Germanicopolis). Q.aradjalar renferme trois cents pauvres
maisons ; les habitants fabriquent des ceinturons qui jouissent d'une certaine
renommée, et des aiguilles qui sont recherchées. (Evlia Tcheleby, t. II, p. 94 )
6. Qptch Hissar (le château du bélier) est un gros bourg situé dans une
plaine unie, au bord de la grande route. Qptch Hissar possède des mosquées.
des caravansérails et des bains ; il est défendu par un fort en terre séparé du
bourg lui-même par des jardins qui produisent en abondance des fruits savou-
reux. Le château de Qptch Hissar fut conquis en 708 (1308) par Osman, le
fondateur de la dynastie ottomane qui donna l'ordre de le raser, afin qu'il ne
retombât pas aux mains des Grecs. M. W. Ainsworth a décrit cetie localité
dans ses Travch and rcscarchcs in ^Asia Minor, Mesopotaiiiia. etc. Londres, 1842.
tome IL page 186.
DE MONSIEUR D'AUAMON 6s
pays et logcasmcs à Toscia ' anticnncnicni apcllcc
Theodosia. Elle est en un fort beau pavs. Nous v repo-
sasmes un jour; le lendemain, logeasmes en une belle
plaine, près un casai apellé Cabouxiac' et passasmcs
un fleuve ' dit Quesiliemac qui veut dire eau rouge,
lequel passe par la Capadocia et par la Lydia. Puis
arrivasmes en la Capadocia et vinsmes à Octoman-
1. Thossia (l'ancienne Thcodosia), dans la province de Bozoq et le district
de Kianguerv, est bâtie sur une cminence au pied de laquelle coule le Dévèrek
tchav; elle est divisée en onze quartiers renfermant environ trois mille mai-
sons en bois. Elle possède vingt et une mosquées sans compter les oratoires,
sept caravansérails, trois cent quarante boutiques et un bezestein fermé par une
porte en fer. L'air y est extrêmement lourd. Les habitants sont de race turque
et très hospitaliers pour les étrangers. (Evlia Tchèlèby, page 95). « II lui vient
d'assez bonne eau de la montagne d'EIqas qui est derrière la ville; outre cette
eau, il y a, au milieu de la ville une bonne source appelée Tas bouniary (la
source de la tasse), sur laquelle on a fait une fontaine. L'eau de cette fon-
taine se rend aux tanneries qui sont en grand nombre. Le fruit y est bon et en
quantité ». (Otter, Voyage en Turquie et en Perse. Paris, 1748, tome II, p. 348.)
2. Il faut, au lieu de Kabougiac, lire Hadji Hamza, village qui tire son nom.
de Hadji Hamza disciple et compagnon de Habib Qaramanly qui y avait vu le
jour. Ce village bordait la grande route : il était abandonné au xvii* siècle, et il
ne subsistait à cette époque qu'une mosquée et quelques maisons en ruines.
(Evlia Tchèlèby, tome II, page 96). On lit dans la relation de Gassot : « ... et
logeasmes à Totia que je pense avoir esté anciennement appelée Theodosia :
elle est en fort belle situation; nous y reposasmes un jour. Le lendemain,
nous logeasmes en une belle plaine en un casai appelé Cacombazar. »
3. Le Qizil Irmaq (rivière rouge) doit son nom à la couleur de ses eaux.
Il prend sa source dans la plaine de Tchibouq Arassy dans le district de
Qptch Hissar. II court de l'est à l'ouest, traverse la ville de Sivas, passe au
sud de Qir Cheher et se dirige sur Osmandjiq. Après avoir passé sous le pont
appelé Tchachneguir Kuprussy (le pont de l'écuyer tranchant), il traverse les
cantons de Hadji Hamza et de Zeïtoun, passe entre deux rochers entre les
villages de Gurcndèh et de Guedèh Qiu'a et se jette dans la mer Noire, non
loin de Bâfra, bourg défendu par un petit château. (Djihan Nunnt, p. 626.)
On peut consulter, sur le Qizil Irmaq et ses aflluents, V Asie-Miiwurc del^L de
Tchihatchef, tome I, pages 169-187.
S
66 VOYAGE
gioc* qui est un chasteau faict par Ottman, celuy qui
a donné nom à la maison Otthomane, qui fut le premier
Seigneur Turq. Ce chasteau est en un rocher inacces-
sible et inexpugnable et a environ deux milles détour;
et au pied d'icelluy, du costé du midy le fleuve Quesi-
limach y passe, sur lequel y a un fort beau pont de
pierre de seize arceaux. Et les murailles du chasteau
viennent quasy 3. se confondre avec le pont : et y a en
ce lieu une religion dont les religieux s'apellent Cochiny-
baba qui veut dire père de charité.
Le premier de juing, arrivasmes à Cagionde^ qui veut
dire village du Peregrin. Le lendemain, par le chemin,
nous rencontrasmes un fliulconnier du Grand Seigneur
qui nous dict que le Sophy roy de Perse estoit sur les
confins du pays dudict grand Seigneur et qu'il avoit
prins un chaoux lequel avoit esté envoyé sur les dictz
1 . Le château d'Osiiiandjiq à huit heures ae marche de Hadji Hamza fait
partie du sandjaq de Tchouroum. Il fut enlevé aux Turkomans par Sultan
Bayezid IlJirini en Tannée 795 (1392). Le château a huit cents pas de circon-
férence et est fermé par une porte en fer : le faubourg qui l'entoure consiste
en une centaine de maisons couvertes en planches et en terre battue et ha-
bitées par des Tatars. On voit à Osmandjiq quelques mosquées, trois khans
et un petit bain dont l'eau est fournie par un puits alimenté par le Qizil Irmaq.
Le couvent dont parle Chcsneau était occupé par des derviches Bektachy :
il s'élevait près du tombeau de Qpuyoun Baba, disciple et successeur de Hadji
Bektach et avait été bâti par le sultan Bayezid. Au lieu de Cochiny baba, il
faut lire Qpuyounly baba (les disciples de Q.ouyoun Baba) Evlia Tchèlèby,
tome IL p. 96-97.
2. Cagion est le nom déliguré de lladji Keuv (le village du pèlerin), gros
bourg où l'on trouve deux beaux caravansérails. Hadji Keuy situé au sud-ouest
de Gumuch Khanèh est à trois journées de marche au sud-est d'Osmandjiq.
Près de Hadji Keuy se trouve une mine d'argent à peine exploitée.
DE MONSIEUR D'ARAMON 67
confins à faire provision de victuailles, et que }K)ur
cela le dict Grand Seigneur se hastoit fort, et le che-
min qu'il vouloit faire en deux jours, le laisoit en
un. Et pour ce, ledict ambassadeur se advisa de lais-
ser le grand chemin pour prendre aultre vt)ye plus
courte, afin de joindre plus tôt le camp. Et lais-
sasmes à main droicte trois belles villes principalles
de la Capadocia nommées Amassia \ Tocquato " et Sa-
1. Amassia est le chel'-lieu du district de ce nom dans la province de Sivas.
Cette ville est arrosée par le Yechil Irmaq (la rivière verte), l'Iris des anciens.
Elle est la résidence d'un métropolitain relevant du patriarchat de Constan-
tinople et portant le titre d'exarque du Pont-Euxin. « Elle est située, dit Iladji
Khalfa, dans un vallon entouré de très hautes montagnes. Ses murailles et son
château ont été rebâtis par le prince Seldjoucide Keiqobad (1219-1240). On
y voit le palais d'Isfendiar. Plusieurs princes y ont autrefois résidé. Cette ville
a été appelée la Bagdad du pays de Roum; elle est assez grande et les maisons
y ont une belle apparence. Elle possède de nombreux vergers dans lesquels
on récolte des fruits excellents. Le raisin y est particulièrement exquis et l'on
en fait de très bon vin. » Djihaii Niima, page 625. « Amasie, dit Busbec, est
bastie sur le penchant de deux collines séparées par le cours de la rivière d Iris
qui passe par le milieu de la ville : cette situation est telle que représentant
quelque forme de théâtre. La rivière se voit de tous costez et rien ne se fait
d'une part de la ville qui ne soit veu de l'autre. Les montagnes qui l'envi-
ronnent ne laissent qu'un chemin libre pour les chevaux, chariots et carrosses.
Sur la plus haute colline d' Amasie est bastie la forteresse assez considérable,
gardée par une garnison perpétuelle de Turcs. Les rues et les places d'Amasie
n'ont rien d'agréable; les maisons sont basties d'argile comme en Espagne, le
dessus des maisons est tout plat, fait de la mesme manière, et quand la pluye
ou le vent ont fait quelque gouttière ou arraché quelque morceau de terre, une
pièce de colonne sert de cylindre pour aplanir le plancher et boucher les trous. »
{Ambassades et voyat^es en Turquie, pages 137-139.)
2. Tocat (l'ancienne Comana Pontica), dans la province de Sivas, s'élève
dans une vallée dont la terre est de couleur rougeâtre : elle est entourée de
vergers et de plantations d'arbres. Tocat, ville commerçante, possède de belles
mosquées, des bains, des caravansérails et de nombreuses écoles. Elle est
protégée par un château en pierres bâti au miUcu d'une vallée agréable.
68 VOYAGE
vatz ' et tirasmcs droict au Levant et vers la ville de Es-
dron-oùalloitle Grand Seigneur et logeasmes prés un
beau cazal et grand nommé Merjuva'', lequel est assis en
une trésbelle plaine où il y a plusieurs villages de
chrestiens arméniens. Et est un lieu gras, fertille et plai-
sant plus que lieu qu'avons rencontré. Encore le lende-
main, arrivasmes en un aultre village apellé Ladicq^
(Djiban Niima, page 623). Tocat fut pillée en 877 (1472) par l'armée d'Ouzoun
Hassan commandée par Joussouf Mirza.
1. Sivas (l'ancienne Sebastia) est la capitale de la province de ce nom.
c( Sivas, dit Hadji Khalfa, est défendue par une petite forteresse. On y voit
peu d'arbres; le froid y est très vif. Elle a été entourée d'une muraille en
pierres par le prince Seldjoucide Ala Eddin Key Qobad ; elle fut ruinée par
Timour. Elle est bâtie sur une éminence et le Qizil Irmaq dont l'eau a un goût
saumâtreet n'est pas potable coule au pied de la colline. Sivas possède un cer-
tain nombre de mosquées, de bains et de bazars : les environs produisent des
céréales et du coton, on y récolte peu de fruits. » (Djiban Niuna, page 622.)
2. Erzroum.
3. Le village de Merzivan ou Merzifoun est à neuf heures de marche d'A-
massia. Il s'élève dans une longue plaine plantée d'arbres, cultivée en céréales
et arrosée par le Terchan Sou, rivière qui se jette dans le Yéchil Irmaq, un
peu au-dessous d'Amassia. Merziibun, dit Evlia Tchèlèby, est une ville bâtie
dans la plaine au pied du mont Dèchan : elle est divisée en quarante-quatre
quartiers renfermant quatre mille maisons couvertes de tuiles; cette ville fondée
par les princes de la dynastie des Danichmend a été conquise par le suhan
Bayezid I. On y voit soixante-dix mosquées, dont la plus ancienne a été con-
quise par Murad II, quelques collèges et couvents dont le plus célèbre est celui
qui est annexé au tombeau du saint musulman Pir Dedèh. (Tome II,
pages 212-216.)
4. Trois villes portent en Asie-Mineure le nom de Ladik (Laodicea). L'une
se trouve dans le district de Koniah, Fautre dans celui de Van, la troisième est
connue sous le nom de Ladik d'Amassia. Cette dernière dans laquelle s'arrêta
M. d'Aramon est divisée en dix-sept quartiers renfermant trois mille maisons
entourées de jardins. Il y a dans la ville dix-sept mosquées dont six sont des
mosquées où l'on fait la prière du vendredi; trois d'entre elles ont été bâties
par ordre de souverains ottomans. Elle possède aussi sept couvents dont le
plus remarquable est celui de Seyd Alimed Kehir, deux bains publics, sept
DE iMOXSinUR D'ARAMOX 69
près duquel il y a un lac de mcsmc nom. Puis, vinsnics
à Scepecly' et passasmes par le lieu où passent deux
fleuves qui là se joignent ensemble, l'un vient d'Ama-
sia et s'apelle Iris et dévide la Capadocie de l'Arménie
major, et le passasmes sur un pont de bois, l'autre
s'apelle Boghazguezcn ' ce qui veut dire coupe gorge;
et à la vérité, le passage est dangereux pour rencontrer
larrons, et logeasmes dans un village d'Arméniens
nommé Agetyl
De là vinsmes àNissar ' anciennement apelléc Neo-
khans, un grand caravansérail construit aux frais do Ghazy Daoud Pacha et
quarante et un palais de vizirs ou de grands personnages, ayant chacun leur bain.
Les poires, les cerises et le miel de Ladik jouissent d'une grande réputation.
Cette ville fut conquise en 476 (1083) par Melik Ghazy de la dynastie des
Danichmend. Elle se rendit à Timourtach Pacha sous le règne de Bajazct I.
(Evlia Tchèlèby, tome II, page 209.)
Le lac de Ladik (Stéphane de Strabon) est à quinze lieues de la mer Xoire :
il s'étend entre Samsoun et Amassia. 11 a quatre lieues de circonférence et
une lieue et demie carrée de superficie. On peut consulter, sur le lac de Ladik,
\' Asic-Miueiire de M. de Tchihatchef, tome I, pages 132-154.
1. Ce village est celui de Sepetly; il doit son nom à l'industrie exercée par
les habitants qui fabriquent des paniers et des coffres en jonc (scpef).
2. L'Iris, le Yechil Irmaq des Turcs, prend sa source à quatorze lieues en-
viron au sud-est de la ville de Tocat, à peu de distance des sources du YIdiz
tchay et il se jette dans la mer Noire à l'est de la ville de Samsoun. L'autre
rivière est le Terchan Sou, un des affluents du Yechil Irmaq. Boghaz Kcssen
(coupe-gorge) est le nom du gué où l'on franchit la rivière.
3. Ageti ou Aieti, comme l'écrit correctement Gassot. Sultan Sulevman,
dans sa campagne de 1534, s'arrêta dans ce village
4. Nikssar, l'ancienne Neocesarea, dans la province de Sivas, est le siège d'un
métropolitain relevant du patriarclie de Constantinople et portant le titre
d'exarque du Pont Polémoniaque. Xikssar est située à une journée de
marche àl'ouest de Tocat : elle fut conquise en l'année 476 de l'hégire (1085)
par Melik Ghazy de la dvnastie des Danichmend, et elle devint la résidence de
ces princes. Les Seldjoucides tentèrent vainement de s'en emparer. La ville
70
VOYAGE
cesarea, ville merveilleusement grande et anticque;
mais, elle est toute ruinée et de telle sorte que les
murailles sont abattues jusques aux fondementz. Le
chasteau est assis sur une montagne haute, qui n'est
pas du tout ruyné, où y a le sepulchre d'un roy de
Perse nommé Usunnassan ' qui veult dire gigan le-
quel dépucela en une nuict quarante vierges, comme
il nous fut dict par les gens de ce lieu là. Il y passe le
fleuve anciennement apellé le Licus et s'appelle en
turquesque Chebelyt'qui dévide la Capadocie et l'Ar-
ménie major et encore l'Arménie major de l'Arménie
est divisée en quarante-trois quartiers; on y compte soixante mosquées; dans
neuf d'entre elles, on récite la khoutbèh tous les vendredis. Le château, d'une
construction très solide, est assis sur une roche calcaire ; il a la forme d'un
hexagone, et mesure cinq cent soixante pas de circuit; ses trois portes
s'ouvrent dans la direction de l'est, de l'ouest et du sud. Il y a, à l'intérieur,
trois cents maisons et magasins et une mosquée qui était autrefois une église.
Evlia Tchèlèby, II, pages I02, 103. Nikssar, ditHadji Khalfa, est défendue par
un petit fort en terre bâti au sommet d'une colline ; on n'y accède que par une
route fort étroite : au pied de la colline est tracé un chemin praticable seule,
ment pour les piétons. (DjiJmn Numn, page 424.)
1 . Sultan Hassan auquel on donna le surnom d'Ouzoun (le long) est le
quatrième prince de la dynastie turcomane du Mouton blanc. Il mourut en
l'année de l'hégire 882 (1477) à l'âge de cinquante-quatre ans, après un règne
de dix ans. Il fut enterré dans le jardin du collège de Nassirièh qu'il avait
fondé.
2. Le Guermely tchay est l'affluent le plus considérable du Yechil YruKiq.
«Il a, dit M. de Tchihatchcf, une longueur considérable et constitue la grande
bifurcation que présente ce dernier, à quatorze lieues au sud de son embou-
chure, où le Guermely tchay opère sa jonction avec le Yechil Yrniaq. Sa direc-
tion moyenne est du sud-est au nord-ouest. » {Asie-Mineure, tome I, page 191 .)
Le Guermely tchay porte ai:ssi le nom de Kelkid tchay, du nom de la ville
de Kelkid qui s'élève sur ses bords . Kelkid est une ville de médiocre importance,
située dans une plairie à deux journées de marche de Sivas. Elle possède une
mosquée et un bain public. Les nntisons sont construites en bois.
DE MONSIEUR D'ARAMOX 71
minor et se conjoinct avec les fleuves d'Amasie sus-
dicte et là pert son nom.
En aprèz, vinsnies en Assarguict '; puis, passasnies
près dïni chasteau inaccessible nommé Covouassar" qui
anciennement estoit des roys de Perse. A deux milles
près de ce chasteau, passasmes sur un meschant pont
ledict fleuve Liens, et là, cntrasmes en l'Arménie
major et logeasmes sur le bord de la rivière, puis
vinsmes en une grande vallée et en un village d'Ar-
méniens nommé Asebids^ qui souloit cstre de trois
mil feux et a encore trente autres villages sous luy.
De là vinsmes dans un bois dict Girbanambea ' Ardin-
gielv'', Agiardacalv" et à Arzingan ' duquel le (jrand
1. Hissardjiq (le petit château).
2. douyly hissar (le château aux puits) bâti par Ouzoun Hassan pour arrêter
les invasions des Ottomans sous Mahomet II, est bâti au sommet d'un haut
rocher. Il a treize cents pas de circonférence. L'intérieur du château renferme
un millier de maisons et des magasins pour les approvisionnements. Le iau-
bourg qui s'étend au pied du château, se compose d'un millier de maisons et de
quelques boutiques. On y voit une mosquée. (Evlia Tclièlèbv, II, pages 104-105.)
3. Andercs, village situé â quatre heures de Doiran, sur la limite du district
de Tchoban Kara Hissar.
4. Tchoban ormany, le bois du berger ou le bois de Tchoban, nom du
fondateur de la dynastie des Tchobanlou.
5. Ardingichv me paraît être Artin ogly keuy, le village du fils d".\rtin.
Artin a, en arménien, la signification de Pascal,
6. Tchardaqly.
7. Arzindjan ou Arzingan (en arménien Eriza ou Erez), était célèbre chez
les anciens Arméniens par le culte que l'on y rendait à la déesse Anahi'J, dont
les temples furent renversés par saint Grégoire, premier patriarche d'Arniùiie.
Cette ville s'élevait à l'ouest de TEuphrate, au sommet d'une colline située au
nord de la rivière Kail, non loin de son confluent avec l'Euplirate. Dans le
premier siècle de l'ère chrétienne, elle avait été décorée d'un grand nombre de
temples par le roi Tigrane II, et elle conserva un rang fort distingué en Ar-
72 VOYAGE
Seigneur s'estoit party y avoit environ quatre ou cinq
jours. Arsingan estoit anciennement grande ville,
comme il appert par la ruynée du chasteau et murailles
d'icelle et estoit ruinée par un tremblement de terre :
et pour autant, ont depuis basty des maisons fort
basses et est maintenant rédigée en un grand village
assez peuplé et riche. A deux milles prés y passe
le fleuve Euphratez. Nous sejournasmes en ce lieu
ménie, longtemps même après rétablissement du christianisme. Sous la domi-
nation des princes musulmans de la dynastie des Seldjoucides, elle devint
encore plus importante ; et il paraît que, sous l'empire des successeurs de
Djenghiz Khan, elle fut gouvernée par des émirs mogols ou tartares qui en
conservèrent la souveraineté jusque sous les fils de Tamerlan. Sous le règne de
ce conquérant, elle était gouvernée par un certain Zaharten qui parvint à con-
server ses Etats en faisant alliance avec lui. Arzendjan a été plusieurs fois
renversée, et presque détruite par les tremblements de terre; mais elle s'est
toujours relevée et elle a conservé jusqu'à présent une grande importance. Elle
est Fune des principales villes du pachalik d'Arzroum. (Saint-Martin, Mcuioires
sur r Arménie. Paris, 1818, tome I, pages 71-72.) « Arzindjan, dit Hadji Khalfii,
est une ville séparée d'Ezroum par une distance de quarante parasanges.
Dans une montagne près de cette ville, on voit une grotte, de la voûte de
laquelle découle une eau qui se pétrifie en tombant sur le sol. Les édifices de
cette ville ont été plusieurs fois renversés par des tremblements de terre. Le
sultan Scldjoucide Ala Eddin Keïqobad a relevé les murailles de son enceinte.
Le climat est sa*in; l'Euphrate coule en vue de la ville. Les environs produisent
en abondance du blé, du coton, du raisin et différentes espèces de fruits. »
(Pjihaii nniiia, page 424.) Gassot donne sur Arzindjan quelques détails que je
crois devoir transcrire ici : « Arsingan estoit anciennement bonne ville et
grande, comme il appert par la ruine du chasteau et murailles; mais depuis
cinquante ou soixante ans en ça, est tout ruiné par un tremblement de terre ;
et, pourtant, ont basty plus bas ; et est grand village fort peuplé et riche, à
deux mil près y passe le fleuve Eufrates. JNous sejournasmes en ce lieu quatre
jours, tant pour nous refrechir que pour nous fournir de vivres. Et fusmes en
l'église des arméniens où monseigneur l'ambassadeur fit dire la messe par son
prestre, dont furent fort aises ces pauvres arméniens qui jamais n'avoient veu
autres chrestiens que ceux de leur village. Leur patriarche fut ordinairement
avec nous. » (Lcllrc ccrilc d'Alrp 01 Siin'c, l'<^ iq.)
DE MONSIEUR D'ARA MON' 73
quattrc jours tant pour nous ratraiscliir que nous
fournir de vivres et autres coninioJitez pour porter
au camp.
Partant de ce lieu, vinsmes à Bettaric' et à Dibligy-
qui est sur une montagne fort sterille et passasmes
le fleuve Euphratcs sur un pont, près un village;
puis à Chiobane"' et à Portary'' et aux bains naturelz
1. Batriq keuy (le village du patrice ou du patriarche).
2. Il fout lire Divriguy. « La ville de Divriguy est située à l'extrémité
d'un grand vallon formé par deux hautes montagnes stériles. Elle a un fort
dans un endroit élevé au milieu d'une de ces montagnes. Le vallon s'étend à
deux heures de chemin et il est rempli de jardins arrosés par un ruisseau,
lequel, après avoir passé du côté de la montagne de Hàsen, tombe dans un
autre ruisseau au nord d'Eguin. Les deux passent ensuite sous un pont à peu
de distance de leur confluent, et vont se jeter dans l'Euphrate . m (Otter,
tome II, page 306.)
3. Tchoban Kuprussy, à six heures à l'est d'Erzroum. Cette localité doit
son nom à un pont construit par Melik Sultan, de la dynastie des Tchobanlou.
4. Portary me paraît être la localité située à quelque distance d'Erzroum et
que l'auteur du Voyage fait en 7(5/7 décrit en ces termes : « Hoja Andrias, me vint
trouver pour me faire voir les ruines d'une ancienne abbaye, laquelle est située
dans le vallon av. pied de ladite montagne, mais entièrement ruinée, ne restant
que trois belles et grandes voultes qui estoient de l'eglisc, à plus de moitié
cachées par le dehors, à cause des torrents ou egouts d'eau qui descendent de
la montagne, qui charrient le sable et la terre contre cet édifice. Il f^iut croire
qu'avant ce cours du temps, que ce lieu estoit habité ; nous entrasmes dans ces
voultes qui souloient estre l'église; celle du milieu estoit la nef, longue de
cinquante pas, large de vingt, et les deux aultres de chasque costé de mesme
longueur et large de douze pas, sous lesquelles estoient les chapelles et au
bout de la voulte du milieu, du costé de devant, est encore à présent un dôme
de moyenne grandeur fort bien basti de belle pierre blanche qui couvroit le
maistre autel du couvent ou monastère. Et remarquay qu'il n'y avoit aucune
peinture, ni figure comme se voit en plusieurs églises du Levant, et mu dit le
Hoja Andrias, que ce monastère avoit esté fort riche et y avoit eu beaucoup de
religieux vestus de blanc qui faisoient de grandes aumosnes et bons offices aux
pauvres et mesme aux passants. » (^Relation du vowî^c eu Levant. Man. de la
Bibliothèque nationale, n° 18076, P 350.)
74 VOYAGE
à huict milles de la ville d'Esdron'; logeasmes à
la campagne près ladicte ville d'Esdron" environ
trois ou quattre milles où estoit le Grand Seigneur
1, Le village des bains naturels d'Erzroum porte le nom générique d'Ilidjèh
(sources thermales). « Elija n'est qu'un méchant village dont les maisons sont
tout à fait écrasées, moitié enterrées, bâties de boue; mais le bain qui est
auprès de ce village rend ce lieu recommandable. Les Turcs l'appellent le hain
d'Arzrouvi. Le bâtiment est assez propre, octogone, voûté et percé en dessus.
Le bassin, qui est de la même figure, c'est-à-dire à huit pans, pousse deux
bouillons d'eau, presque aussi» gros que le corps d'un homme. Cette eau est
douce et d'une chaleur supportable. Dieu sçait comme les Turcs y courent; ils
viennent d'Erzron s'y baigner, et la moitié de notre caravane ne laissa pas
échapper une si belle occasion. » (Tournefort, Relation d'un voyage du Levant,
Paris, 1717, tome II, pages 217-218.)
2. « La cité d'Erzroum fut ediffiée de Théodose, empereur romain. C'est
celuy qui fut défendu de sainct Amboisc d'entrer dans l'église de Milan...
Quoy que ce soit, moy ayant remarqué la forme, le plan et la fabrique des
murailles d'autour, je jugeay bien que ce ne pouvoit estre autre œuvre que
des Romains, car toutes ces nations barbares n'eurent jamais l'industrie de
faire chose semblable, et ne puis mieux accomparer la grandeur du circuit des
murailles de la ville d'Erzroum qu'à celle de Pluviers, ma patrie, car elle est
fort petite, et son plan de forme presque carrée, où il n'y a que quatre portes.
La première s'appelle Casaba Capsy, qui veut dire la porte du bourg qui est du
costé du septentrion, dont l'architecture est très artificieuse et belle pour estre
de triple entrée et portails, distants les uns des autres de vingt pas, en forme
de S, c'est-à-dire recourbé. Le premier portail et le deuxième s'avancent hors
de la ville de plus de soixante pas ; à chaque costé desquels portails y a de
costé et d'autre, de belles et grosses tours, estant la maîtresse porte du circuit
de la ville supérieure pour estre les tours du portail plus grosses et eslevées que
les deux autres à qui elle commande. Le tout fabriqué de belles et grosses
pierres de taille dont le couvert est en terrasse ou plate-forme sur lesquelles se
peut mettre du canon et battre le long de la muraille. Tous lesquels portails
sont voultés haut et bas et va-t-on de l'un à l'autre, les trois autres estant de
semblable structure ou fort peu diferants. Celle qui est du costé de ponent
s'appelle Ova Capsy qui veut dire la porte de la plaine. Celle qui est au levant
s'appelle Passin Capsy qui veut dire porte de la plaine d'Assan Calasy. Celle
qui regarde le midv s'appelle Dagh Capsy qui veut dire la porte de la mon-
tagne... Les murailles de la ville sont hors d'escalade, garnies des trois parts
la ville de bonnes et hautes tours rondes, proches les unes des autres de
ue
DE MONSinUR ITARAMÛX 75
et tout son camp : et à main senestre voyons les
haultes montagnes du pays de Georgiannie.
De là, passasmes par la dicte ville d'Hsdron qui est
assez grande, située en une belle plaine fort tertile.
Elle a beaux fosséz et doubles murailles. Il y a de-
dans un magnilicque palais qui estoit anciennement
une église bastic par une iille d'un empereur de Cons-
tantinople; et sur le portail, v a un aigle à deux testes
qui n'est aucunement effacé, cbose admirable entre
les Turqs, d'autant qu'ils ruynent toute peinture relevée.
]1 y a autour d'icelle ville plusieurs monumentz à la
romaine et grecque fort magnificques. Les uns l'apellent
Esdron, les autres Argerium ou Arzerum et y a un
chasteau qui est assez beau selon le pavs. Et sur le
chemin, vismes comme l'ouverture d'un puys où plu-
sieurs personnes s'amusoient, et y en eut de nostre com-
pagnie qui descendirent de cheval pour voir que c'es-
toit, et ung chascun nous dist que c'estoit un abisme.
Il en sortoit un grand vent et l'on n'entendoit point
cinquanie ou soixante pas et de la part qui regarde de midy, de tours triangu-
laires ou faictes ea esperon. Le tout autour la muraille de la ville est fabriqué
de grosses pierres de taille où se voient en plusieurs lieux des zarbazans ou pe-
tites pièces de campagne, .. Les rues sont petites, confuses, tortues à la mode
turquesque sinon quelques-unes qui sont marchandes et de commerce ainsy
que halles, où sont les boutiques des marchands de soye, colons, fourrures,
toiles, panaches, orfèvres et joyailliers, coutelliers, arcs, flesches, cimetaires
et autres armes et gentillesses à leur usage, si pleynes de peuple tous les jours,
qu'il semble une foire ordinaire. Et sont ces rues couvertes pour se garantir
delà pluye et du vent. » (Voyage du Levant, fol. 358-559.) M. J. de St- Martin
a consacré une notice à la ville d'Erzroum, dans ses Mi-moires bislorùjiirs et
géographiques sur V^lrmâiic, Paris, 181S, tome I, pages 66-68.
76 VOYAGE
choir les pierres fort grosses qu'on y laissoit tomber.
Le Grand Seigneur fit la masse de son camp près
ladicte ville d'Esdron, y assembla tous ses gens qui
auparavant estoient venus en confusion, sans ordre et
ordonnance.
Nous arrivasmes ce jour là qui estoit le 25^ de
juing audict camp où ledict sieur ambassadeur avec
toute sa compagnie fut voir le premier bassa qui
s'apeloit Rostan, duquel il fut bien receu et luy or-
donna logis en son cartier.
Le lendemain, nous commençâmes à cheminer avec
ledict camp lequel logea prés de Cassancala' chasteau
I. Hassan Q;ilùh est situé sur un rocher isolé, d'une grande hauteur, qui
s'élève dans la partie septentrionale de la plaine de Passin. Le château et la
ville ont été rebâtis, sur la fin du xv" siècle, par Ouzoun Hassan. «La cir-
conférence du château en dedans du fossé est, dit Evlia Tchèlèby, de mille
pas. Une porte en fer s'ouvre du côté de l'ouest. Au nord, au-dessus du châ-
teau, se trouve un autre fort entouré d'une double muraille. Il a la forme d'un
carré long et les pierres sont d'une blancheur éclatante : les murs ont dix-huit
coudées de hauteur. Le fossé est, sur trois de ses faces, d'une très grande pro-
fondeur. Les attaques de l'ennemi ne sont point à redouter. Autour du rocher,
le sol est marécageux et, par conséquent, ne se prête point à l'ouverture de tran-
chées. Du côté du sud, s'ouvre la plaine de Passin qui s'étend sur une longueur
de sept journées de marche ; au-dessus du château est la ville qui se compose
de cinq cent quatre-vingt-dix maisons formant neuf quartiers. »
« Hassan Q.alèh fut enlevé par Sultan Suleyman aux fils de Q.ara Youssouf. »
(Evlia Tchèlèby, tome II, p. ii8»)
« Le chemin de Perse est toujours bien gardé par ceux de la forteresse d'A-
san Calasy qui veut dire les tours d'Asan. Asan est un nom propre, peut-estre
de celuy qui l'a fait rebastir ou fortifier, car ce château et la ville ou bourgade
sont très anciens et s'appcloient Passin, non de beaucoup esloigné de l'Eu-
phrate. Le bourg est situé sur la pance de la coline, à senestre, allant en Perse,
lequel bourg ou ville est fort bien clos de très haultes murailles, le plan-terre
garni de bonnes et grosses tours à chasque canton et du long de la courtine
aussy, mais non si grandes. Le chasteau est assis sur un escueil et du costé
^„.^-H^t .arj»^ -j-i^'vmn ^asu^/m.ftrnm^t.i'""" '" «
DI£ MONSIEUR D'ARAMOX 77
flibriquc de bois, assis sur une montagne. En ce lieu
là vinrent des seigneurs de Georgianie sur petits
chevaux de legierc taille, assez bien vestuz selon le
pays, qui vindrent baiser les mains du Grand Seigneur
et faire hommage comme subjectz siens, luy offrant
leurs personnes et tout ce qui estoit en leur pays pour
son ser^'ice. Hz lui présentèrent des moutons, fromages
et des fruictz. Hz sceurent que l'ambassadeur de France
y estoit; ilz le vindrent visiter et s'offrirent à luy, di-
sants qu'ayant entendu qu'il estoit de la part du plus
grand roy des chrestiens et que pour ce nom, eux qui
sont chrestiens aussv, il leur avoit prins volonté de le
venir voir. Hz nous donnèrent quelque reste de fro-
mage de leur pays et un peu d'orge pour les chevaux.
Et pour recompence, leur fismes boire d'une bouteille
de Malvoisye qu'avions de reste de nos provisions, qui
est un breuvage duquel ilz n'avoient jamais gousté. Hz
en furent merveilleusement ayses et contens, et s'en re-
tournèrent joyeux en leur pays qui n'estoit gueres
loin de là. Et à main senestre, tirant du costé de la
mer iMajor, nous envoyons aisément les haultes mon-
tagnes. L'on dit que c'est un pays montagneux et froid
aprochant de celuy des Grisons.
qui garde justement le passage qui n'est que de la portée du canon et malay-
sement se peult-il passer sans tenter fortune d'en estre atteint, y ayant six ou
sept grosses tours rondes et carrées et quelque plate-forme où est posé le cmon
qui bat et défend toute cette emboucliure. » (^l^oyage dans le Levant, man. de
la Bibliothèque nationale, f° 370.) De Laboullaye Le-Gouz a donné une vue
grossièrement dessinée de Hassan Q.alèh dans ses Voyages et observations ,
Paris, 1633, page 72.
78 VOYAGE
Au partir de ce lieu, passasmes deux fleuves qui s'as-
semblent en un, sous un pont qui est quasytout ruyné.
Le fleuve s'appelle Arrexeis' et là commençasmes à
entrer au pays de l'ennemy, roy de Perse et par plu-
sieurs jours, nostre chemin fut par montagnes fort
fascheuses, et passasmes beaucoup de fleuves à gué et
entre autre le Tigre' qui est l'un des plus beaux et qui
va plus viste qu'ayons vu en ces pays là, lequel va s'as-
sembler prés de Babilone avec le fleuve Euphrates où
ledict Tigre pert son nom.
Le six et le septiesme juillet, commençasmes à trou-
ver un peu meilleur pays et arrivasmes en une petite
ville du Sophy nommé Argis' quiestoit habandonnée
1. L'Aras (Araxe) prend sa source dans !e Gueuk Yaïla dans les montagnes
au nord d'Erzroum et se dirige vers l'est; il passe au-dessous de Milazguird
devant le village d'Artof et le château de Khounous. Il passe sous le pont d'AI-
toun Halqaly, fournit l'eau nécessaire aux irrigations à une centaine de vil-
lages au-dessous de Tchoban Kuprussy et se jette dans la rivière de Zendjy au
dessous d'Érivan. Le Zendjy est un des affluents du Kourr (Cyrus) qui se dé-
charge dans la mer Caspienne. L'Araxe est célèbre par l'impétuosité de son
cours. Poiitem indigiialiis Araxcs.
2. Le Tigre dit Hadji Kalfa, sort d'une caverne située près d'un château en
ruines au nord de Diarbekir : il se précipite avec un bruit étrange et épou-
vantable hors de cette grotte et coule dans la direction d'Amid; il reçoit,
dans ce trajet, plusieurs affluents dans son sein. Il passe sous un pont à Test
de cette ville et les rivières de Hiny, de Seyd-Hassan, de Terdjil, d'Ataq. de
Bichry ou Altoun Kupry (le pont d'or), d'Erzin et de Bidlis viennent grossir
ses eaux. Il devient alors un fleuve considérable, passe par Mossoul, Tekrit et
le vieux Bagdad et se réunit au-dessous à la rivière de Diala. Le Tigre et l'Eu-
phratc forment, auprès de Qpurnah, le Chatt-el-Arab qui se jette dans le golfe
Persique au-dessous de Basrah. Le trajet franchi par le Tigre, depuis sa source
jusqu'à son embouchure, est de quatre cents fersengs. {Djihan Niuiia, p. 468.)
3. Argis est le village d'Ardjich, situé au milieu d'une plaine, à deux jour-
nées au nord-ouest de Van. Le château qui le protège a été bâti, au rapport de
DE MONSIEUR D'ARAMOX 79
et n'y avoit personne. Cette ville est assise en une belle
plaine environnée demarestz et a dedans un assez beau
chasteau selon le pays. Il y a un petit fleuve qui passe
auprès dont je ne sceuz sçavoir le nom, lequel va tomber
dedans le lac de Vastan', à deux milles près de la-
dicte ville. Ce lac est merveilleusement beau et grand
et dure environ huict ou dix journées de tour : l'eau
n'est ne doulce ne sallée, mais a un certain goust
comme amer.
Cedict lac ne produit que d'une sorte de poisson qui
est petit comme hareng et a la chair rouge et ne se
prend qu'une fois l'an, en certaine saison, mais aussy
HamdouUahQazwiny, par le vizir Tadj EJdin Aly Chah, vizir du sultan mo-
gol Oldjaïtou. Ardjich, dit Hadji Khalfa,est situe sur la rive septentrionale du
lac de Van, à deux journées de marche de cette ville. Ce village est entouré de
vergers et de plantations de noyers . Les environs produisent des céréales et
du coton. (Djihan Ntima, page 412.)
I. « Le lac de Van est le plus grand des lacs de l'Arménie; il est situé dans
la partie méridionale, au delà du Tigre. Selon Aboul Féda, il a plus de quatre
journées de chemin de circuit et, selon le géographe turc Hadgy Khalta, envi-
ron soixante Heues. Les Arméniens lui donnent cent milles de longueur et
soixante milles de largeur. Il est salé, aussi l'appelle-t-on quelquefois mer sah'c.
Il est grossi par un grand nombre de petites rivières qui descendent des mon-
tagnes qui l'environnent de tous les côtés. Les Turcs le nomment Ick de Fan ou
iVArdjisch du nom des deux villes considérables qui se trouvent sur ses rivages.
Il contient plusieurs îles... Ce lac paraît être le même que celui que les géo-
graphes grecs ont connu sous les divers noms àî^ Arsène, Arsissa tl àc Tbospilis.
(J. Saint-Martin, Mémoires hisloriqucs et gcographiqnes sur l'Arniinie. Paris,
1818, tome I, pages 54-55.)
Les géographes orientaux lui donnent aussi le nom de lac de Vastan. Vas-
tan (Osdan des Arméniens), est le nom d'un district et d'une petite ville située
sur le bord méridional du lac. Vastan est à six fersengs au sud-ouest de Van :
cette ville est entourée d'un mur crénelé et protégée par un château. Hadji
Khalfa fait mention du poisson particulier à ce lac et dit que sa chair a des
propriétés excitantes. (Djihan Xtana, page 412,)
8o VOYAGE
on en prend une grande quantité. Hz en fornissent
tout le pays et il s'en transporte jusqu'au dict pays des
Giorgianes. 11 ressemble à un haran soret. Nous en
avons mangé quelquefois et est fort bon. Il tombe
dans cedict lac plusieurs autres fleuves en d'aultres
costéz où finissent leurs cours. Le camp séjourna en
ce lieu quattre jours et fut cryé que chascun se pour-
veust de vivres et biscuits pour un mois.
Au partir de ceste ville, le camp logea prés dudict
lac et commençasmes à retrouver le plus malheureux
chemin du monde, en certains pays desertz et inhabitez
où passasmes deux destroictz de montagnes fort dan-
gereux pour la presse et foulle du camp où moururent
plusieurs personnes et grand nombre de chevaulx,
muletz et cameaux, que nous voyons tomber avec
leurs sommes et charges de dessus les montagnes,
chose fascheuse et déplaisante à voir. Toutesfois, nous
eusmes flivcur de passer de bonne heure par le moyen
d'un chaoux du Grand Seigneur, mais à grande diffi-
culté'. Et Dieu nous ayda là comme si a il taict en
beaucoup d'autres passages. Après estre sortys de ces
mauvais chemins, nousarrivasmes en un grand et beau
village apellé Coil ' qui est le plus beau lieu qu'eus-
1. Ces deux défiles sont ceux de Q.ara Derbend et de Segban Ada. Ils sont
mentionnés dcns le journal des étapes de Sultan Suleyman pendant la cam-
pagne de Perse en 153-].
2. « Khoy, dit Hadji Khalia, est une ville bâtie sur un terrain uni. Son cli-
mat est plutôt chaud et le cours d'eau qui Tarrose descend des montagnes de
Selinas. Il y a sur les bords de TAraxe un grand nombre de jardins extrême-
DE MONSIEUR D'ARAMON 81
sions encore trouve, duquel lieu tous les habitants
s'en estoyent fuys.
Il y a un iort beau parc de jardin, lieu plaisant du
roy de Perse, où Ton nous dict qu'il venoit souvent à
l'esbat et à la chasse; tout à l'entour, n'estoit que jar-
dinages et arbres Iruictiers de pommes, poires et abricotz
les plus excellentz du monde, et grosses pommes en
habondance. Nous en mangeasmes à nostrc plaisir, par
manière de rafraîchissement.
Nous partismes de ce lieu environ vespres, et che-
minasmes toute la nuict jusques au landemain midy,
pour raison qu'il ne se trouvoit pas d'eaue. Environ
trois heures devant jour, l'avant garde rencontra
quelques avant coureurs et chevaux legiers des Persiens,
et se fit une escarmouche pour une heure, laquelle ne
fut d'importance; et y eut plustot lâcheté de cœur de
ceux qui alloient devant qu'autre chose, qui se donnè-
rent peur d'eux mesmes sans grande occasion. Nous
logeasmes en un beau lieu où il y avoit de l'eaue, et
alors, un chascun commença à se tenir sur ses gardes;
et esperoit on, pour vray, avoir bientost la bataille. Mais
le Sophy s'estoit retiré bien loin dans ses pays, bien
ment agréables ; on y récolte des poires d'une qualité que Ton ne trouve nulle
part ailleurs. Les habitants ont le teint blanc, la figure agréable ; ils tirent
leur origine du Khita (la Chine du nord), et cette particularité a fait donner à
Khoy le surnom de Turkestan de la Perse. Soixante villages relèvent de Khoy
qui est défendue par un mur en terre crénelé, (Djiban Nuwa, page 380.) Au
moyen âge, on y fabriquait des étolTcs estimées qui portaient le nom de
Khoydjièh
6
82 VOYAGE
avant, avec son camp et toutes les richesses de Thauris
et les personnes riches. Et ne se présenta aucunement
à donner journée ainsy que l'on estimoit, ou pour
raison qu'il ne se fioit trop en ses gens pour cause de
son frère qui estoit avec le Seigneur et avoit l'avant
garde, ou pour cause de l'hartillerie et arquebuserie
dudict Seigneur, qu'ilz craignent grandement, et eux en
estoient malforniz, car ilz n'en usent pas, que l'on dict
estre la principalle occasion de leur fuitte. Autrement,
on les estime plus vaillans que les Turqs sans bastons
à feu. Et disent les Turqs que un Persien battra tous-
jours deux et trois Turqs. Et de là, arrivasmes en un
village nommé Mering ' fort plaisant; et habondant de
jardinages et de fruictiers.
Le lendemain, vinsmes à Sophian^ une journée de
Thauris ; passasmes prés de certaines montagnes où y
1. Mcrcnd, à deux journées de marche de Tébriz, était autrefois une ville
fortifiée et, en dehors de ses murs, on trouvait un £iubourg bien peuplé et de
nombreux vergers. La grande mosquée s'élevait au milieu du bazar. Selon
Bebzory, le château et les fortifications de Mérend ont été construits par Ibn el
Bayyat et son fils Mohammed . Celui-ci s'y retrancha lorsqu'il se révolta contre
le calife Moutewekkil. Après sa défliite, le château et les murailles furent
rasés. Au xiii'= siècle, Mérend ruinée par les invasions des Kurdes était à peu
près déserte.
2. Soufian est un village de la plaine de Tchaldiran, à vingt-quatre milles
de Tébriz. Une sanglante bataille fut livrée près de Sofian en 1585, aux Otto-
mans par les Persans commandés par Hamzèh Mirza. u Le vingt-huictiesnie
nous arrivasmes à Sophia, huict heures de chemin; aux environs de ce village
se voyent plusieurs sepulchres de grands personnages pour les combats fré-
quents qui se sont donnez entre les Ottomans et les Kezelbaches. » (La Boul-
laye Le Gouz, Timw^vj.- cl observai ions, p. 87.)
« Après sept ou huit heures de marche, ou arriva A Sopliian.i petite ville
DE xMOXSIEUR D'ARAMON 83
avoit force sel et en grande quantité; et se logea le camp
a trois ou quatre milles de Thauris où vint au devant
du Grand Seigneur le reste du pauvre peuple qui estoit
demouré dedans la ville, avec bandieres et signes d'allé-
gresse. Et ne leur fut faict aucun dcsplaisir, soit en
leurs personnes soit en leurs biens, et n'eust on osé
prendre la valeur d'un œuf d'eux sans payer '.
Le jour ensuivant de bon matin, nous passasmes
par dedans ladicte ville qui fut le 28^ juillet 1548, et
se logea le camp près d'icelle vers le levant, laquelle
nous trouvasmes presque deshabitée pour ce que avant
le département du Sophy, la ville avoit esté haban-
donnée par tous ceux quiavoient moyen de s'en aller et
avoient emporté avec eux leurs meubles et marchan-
dises, et n'y estoit demouré que les plus pauvres artisans
qui vendoient de leurs danrées à ceux du camp. De
sorte que nous n'y trouvasmes personne, ny chose
digne d'estre veûe sinon que certaines mosquées
dont les maisons sont séparées régulièrement les unes des autres par de très
beaux jardins, (Voyages d'un inissioiinairc de la Conipdgiiic de Jésus (le Père Vil-
lotte). Paris, 1730, page i8i.)
I . Le récit de Chesneau est plus véridique que celui des historiens persans.
Ahmed Erain Razy dans son livre des Sept cUmals a consacré dans sa notice
sur la ville de Tebriz, quelques lignes à l'occupation de cetij ville par Sultan
Suleyman. « Lorsque le sultan de Roum, se rendit maître de Tébriz, il fut
frappé du courage déployé par les habitants de la ville, et il racheta à ses sol-
dats leur droit au pillage. Il est d'usage, dans les armées ottomanes, d'accorder
trois jours de pillage quand une ville est prise de vive force. Les habitants
cherchaient à attirer leurs ennemis dans des embuscades et les massacraient.
Le sultan quitta la ville précipitamment pour ne point être dans la nécessité
d'user de risueur. »
84 VOYAGE
(c'est-à-dire églises) faictes nouvellement par ledict
Sophy ' et son pallais où il habitoit qui cstoit une des
plus belles maisons de plaisance que j'aye gueres vues, '
où y avoit autant de choses exquises '. Toutesfois, il n'y
avoit de meubles de quelque sorte que ce fut. Les
vitres, fenestrages, et quelques autres commoditez,
tout fut aucunement ruyné par ceux du camp du
Grand Seigneur, lequel ayant entendu le demolissement
et degast qui s'y faisoit, envoya des chaoux pour
chasser ceux qui faisoient telles choses et empescher
qu'on ne le ruinast du tout et comme possible ilz
eussent faict si ne s'y fust opposé, estant fort courroucé
de ce qui estoit faict disant 'qu'il n'estoit allé là pour
ruyner la maison de son ennemy, ny de ses subjectz,
mais ouy bien sa personne et lui oster la vie s'il le
rencontroit.
I. Je ne mentionnerai point ici les mosquées élevées à Tébriz par les sou-
verains mogols, les princes de leur dynastie et leurs vizirs. Celles qui avaient
été construites à l'époque la plus rapprochée du moment où M. d'Aramon
passa par Tébriz étaient la grande mosquée de sultan Ouzoun Hassan ;
construite en pierres de taille , sa coupole était couverte de lames de
plomb, et elle avait l'aspect des mosquées impériales de Constantinople; la
mosquée de Djihanchàh dont les murailles, la coupole et les minarets
étaient à l'intérieur et à l'extérieur incrustés de plaques de faïence émaillée,
et les fenêtres garnies de plaques d'onyx transparent.
Chah Thahmasp avait aussi fait construire dans la Meïdan ou grande place
une belle mosquée à côté de celle de Ouzoun Hassan. Les soldats turcs lui
firent subir quelques dégradations. A. Poulet, dans le relation de son voyage
en Perse, donne une description des deux plus belles mosquées de Tébriz.
Nouvelles relations du Levant. Paris, 1663, pages 161-164.
2. Ce palais portait le nom de ILxht Behicht, les huit paradis: il avait été
bâti par Djihanchàh, fils du sultan Ouzoun Hassan.
I
DE MONSIEUR D'ARAMON 85
Ledict Thciuris est une ville royale du roy de
Perse au païs de Medie où ordinairement il faict sa
résidence '. Les Turcs l'appellent Thebris ; elle est fort
grande et contient de douze à quinze milles de tour,
y comprenant les jardinages, pour ce qu'il n'y a guère
grande maison qu'il n'y en aye, et est toute bastie et
ediffiée de terre, ayant soubz terre presque autant
d'édifices que dessus. Et les logis ne sont gueres hault
élevez; y a une petite rivière qui vient de la montagne,
de laquelle on tire l'caue par aqueductz et conduictz
qui fournissent toute la ville et l'accommodent par tel
moyen et industrie qu'il n'y a si pauvre maison ne
jardin qui n'aye d'eaue en habondance ".
r. Tébriz, la plus grande ville de l'Azerbaïdjan, a été, avec Sulthanich, la
capitale des souverains Mogols de la Perse, celle des princes de la dynastie
du Mouton blanc et la résidence des Sèfèvys avant que le siège du gouver-
nement fut transféré à Q.az\vin, puis, plus tard, à Ispahan. Selon les géo-
graphes orientaux, Tébriz fut fondée en 175 (791) par Zobeïdèh. femme du
calife Haroun Errechid. En 244 (858), sous le règne du calife Moutewekkil,
elle fut détruite par un tremblement de terre; en 434 (1042), un nouveau
tremblement de terre la couvrit de ruines.
Ghazan Khan fit entourer cette ville d'un mur d'enceinte qui avait vingt-
cinq mille brasses de tour. Elle jouissait, au xvi'* siècle, d'une grande prospé-
rité. « Q.uant aux citez modernes de la Perse, la principale où habite le plus
souvent le Sophy, est la noble ville de Thauris, anciennement appelée Phasis
ou Terva, et selon le vulgaire des Persans Tevriz (laquelle toutefois est en
l'Arménie). En ville se faict grand trafficquc de diverses marchandises de
draps d'or, d'argent et de soye et toutes fines pierreries : et y arrivent infinis
marchands de diverses parties du monde comme des Indes, de Baldac, de
Molsul ei Cremesol (Kermanchàh) et du païs des Latins. » (De Xicola\-. Lis
navigations, pérégrinations, etc., page 219).
2, La rivière qui arrose Tébriz est le Mehràn Roud qui sort du mont
Sehend. Selon HamJouUah Qjizwiny les conduits et canaux qui alimentent d'eau
la ville et les jardins, s'élèvent au nombre de neuf cents.
86 VOYAGE
Ledict camp séjourna audict Thauris environ cinq
jours et fut contrainct s'en retourner sans faire plus
long séjour, n'y pouvant suivre son ennemy plus
oultre, qui s'estoit retiré sur les montagnes de Caspiz
et aussy par la faute de vivres pour les chevaux,
muletz et camcaux, lesquelz avoient tant enduré par
le long chemin, et audict lieu de Thauris, que l'on
estimoit qu'il en cstoit mort plus de cent mil ; et n'y
a eu mortalité que pour lesdictes bestes, ni gueres
que contre la fin, ne s'y estant faict aucune faction
d'armes importante.
Or, le dernier jour de juillet, le camp se partit de
Thauris et print le chemin vers ponant, tirant un peu
sur le midy et fit cinq ou six grandes journées par
beau pais en la plaine dudict Thauris où y a une
infinité de beaux villages et gros bourgs, habundantz
de fruicts de toutes sortes, mais y avoit grande faute
d'eaue pour un semblable camp où les personnes et
bestail pâtirent beaucoup. Le cinquiesme jour, trou-
vasmes un fort beau lac et grand, l'eaue duquel estoit
fort sallée, et au fond d'iceluy y avoit grande quantité
de sel fort blanc comme petitz pois, en façon de
dragées de coriandre, qui semble chose artificielle; et au
rivage, y a de grosses masses de sel un peu noir'.
I. Le lac dont Chcsncau n'a pu connaître le nom est le lac d'Ourmiah,
appelé aussi lac de Tébriz. Il s'étend à l'orient du lac de Van et a cent trente
milles de long, sur la moitié environ de large. Aboul Féda lui donne le nom
de lac de Tela. Ce nom lui venait de l'île de Tela située au milieu de ses
DE MONSIEUR D'ARAMON 87
Je ne sçay le nom dudict lac ne moderne, ne an-
cien et ne le sceusmes oncques sçavoir, pour ne trouver
personne à qui le demander. Et ce qui m'estonne da-
vantage c'est qu'il ne s'en trouve rien par les cartes
d'Asie, combien que Icdict lac est fort grand et de
longue estendue ; et le costoyasmes environ trois ou
quattre jours.
Le quatorziesmc jour d'aoust, Icdict camp arriva h
Van qui est un chasteau du Sophi merveilleusement
fort, assis sur une roche inaccessible qui est en une
belle plaine prés du lac de Vastan environ un mille;
et y avoit dedans environ deux mille Persiens, tous
vaillans gens et choisis du roy de Perse pour la garde
de ce chasteau.
Le second jour après le Grand Seigneur ayant
faict approche et tranchée, l'on commança à faire la
batterie en deux endroictz; et dura environ neuf jours,
sans faire aucune brèche ne prest à le faire, n'eust
esté l'ambassadeur qui alla visiter l'assiette dudict
eaux, et sur laquelle s'élevait un château très fort bâti par ordre du souverain
mogol Houlagou, pour qu'il pût y déposer en sûreté ses trésors. Le lac d'Our-
miah est salé comme celui de Van. Strabon donne à ce lac situé sur les fron-
tières de l'Atropatène le nom de Mantiane, mot qui a, dit-il, la signification de
bleu. Ce lac a, en effet, porté autrefois le nom persan de Keboudan (bleu) et les
Persans et les Turcs lui donnent aussi le nom de Guektchèh Deria ou Guek-
tchèh Tenguiz, (mer bleue). Le lac d'Ourmiah est borné à l'est et au nord-est
par les monts Bilan et Sehend, au sud et à l'ouest par les montagnes de
l'Iraq et celles du Kurdistan. Il reçoit les rivières du Sourkhàb, de Tchiftou, de
Téftou et le Meraou et une grande quantité de cours d'eau et de torrents qui
descendent des montagnes du Kurdistan et de l'Iraq Adjemi. (J. Saint Martin,
Mémoires sur r Arménie, tome I, pages 56-61.)
88 VOYAGE
chasteau et qui advisa que si l'on le battoit d'un autre
costé qui luy sembla cstre le plus débile, que l'on en
pourrait avoir raison, ce qu'il fit entendre au Grand
Seigneur et à ses bassas. Et son advis tut trouvé fort
bon, de sorte que le landemain, on commança a faire
la batterie du costé où il avoit advisé, qui donna à
penser à ceux du dedans, lesquels peu de temps après
demandèrent à parlementer, ce qui leur fut permis,
de manière qu'ilz rendirent ladicte place, leurs bagues
sauves, voyans aussy qu'ilz n'estoient secourus par
campagne de leur roy et prince. Il leur fut tenu foy et
s'en allèrent en soureté'.
Il y avoit quelque peu d'artillerie dedans, dont les
Persiens ne se pouvoient gueres bien ayder, et vivres
pour deux ans, qui restèrent, qui y fut bien à propos
pour la garnison que y mist le Grand Seigneur l
Le vingt huict dudict aoust, nous partismes de Van
et vinsmes camper en une certaine plaine prés d'un
1 , Gassot ne parle point dans sa lettre écrite d'Alep de la part prise par
M. d'Aramon à la capitulation du château de Van. Le lecteur trouvera à
l'appendice, la lettre adressée à Henri II par Sultan Suleyman à l'occasion de
la capitulation de cette place et de la campagne de Géorgie.
2. Aaly Tchèlcby nous apprend que le sultan fît dresser sa tente dans la
plaine de Van, le lo du mois de redjeb 955, et qu'il donna l'ordre à Rustem
Pacha de commencer immédiatement les travaux de siège. Les batteries furent
établies, et le commandant de la place Aly Khan, n'ayant aucun espoir d'être
secouru, fit au moyen de cordes, descendre du château quelques hommes pour
implorer l'intervention d'Elqas Mirza , et proposer la reddition de la place.
Le siège avait duré dix jours. Le commandement de \'an fut conlié à Is-
kender Tchèlèby deftcrdar d'Anatolie, circassien d'origine, et dont le courage
et l'énergie étaient appréciés par le sultan. (Kiinljoul akhbar.)
DE MONSIEUR D'ARA MON 89
petit lac. Le lendemain à Bandemaguy' puis à Argis
où avions passé en allant à Thauris. De là, logeasmes
près de beaux cazals arméniens sur la rive dudict lac
de Vastan, et le jour ensuivant, près de Abdigelveis'
petite ville fermée sur la rive dudict lac, au dessus de
laquelle, sur un gros rocher, y a un chasteau, et est le
reste du lieu fort beau, tant pour la grande quantité
de fontaines que de jardins. En après, vinsmes en la
plaine de Abdigelveis près d'un petit lac d'eaue douce-
Et puis, passasmes un bras dudict Tigre et entrasmes
en la Mésopotamie et logeasmes à Canauscala% près
d'un petit fleuve Carachoppry \ en une grande plaine,
en laquelle y avoit grande quantité de bestail occis
1. Il faut lire Bendimahy : c'est le nom d'un village s'clevant à l'embou-
chure du cours d'eau de ce nom qui se jette dans le lac au nord de la ville de
Van. Bendimahy a la signification de « réserve de poissons. »
2. Adildjivaz est une ville située à deux journées de marche à l'ouest de
Van : elle est bâtie sur le sommet d'une colline au bord du lac. Hadji Khalfa
fait remarquer que le nom de cette petite ville est quelquefois écrit par erreur
Hateldjewiz. (Djihan Nuiiia, page 412.) Le petit lac dont parle Chesncau est
le Nazik Gueul (le joli lac).
3. Canouscala est le château de Khounous Qalèh, â trois étapes au sud-est
d'Erzroum ; il est bâti dans une gorge bordée des deux côtés par des rochers
gigantesques. Les murailles ont une hauteur de dix coudées ; le château est
traversé par une petite rivière qui coule au milieu de bords escarpés; une
grille en fer est placée à son entrée dans le château. La plus grande partie de
la population de la ville se compose de Kurdes appartenant à la tribu de
Beissany. On y voit une mosquée dans laquelle on récite la khoutbèh les vendre-
dis. Khounous est renommé pour ses beaux chevaux. Pendant l'été, plus de
cent mille hommes appartenant aux différentes tribus kurdes viennent camper
dans le district. (Djihan Niiiiia, page 42). Evlia Tchèlèby, tome II, p. l'.'.o.)
4. Le Qara Kupry Sou est un petit cours d'eau qui doit son nom â un
pont bâti en pierres noires sous lequel il passe ; il passe par le bourg de Kho-
nous Qalèh et se jette dans le lac de Van.
90 VOYAGE
par quelques trouppes de Persiens qui avoient couru
jusques là faisant le gast des vivres' ; et de là passasmes
par montagnes et vinsmes à Mouchs" qui est ung
petit chasteau fort situé sur montagnes. De là, logeasmes
sur la rive d'un autre petit fleuve nommé Carasou
qui veut dire eaue noire. Et le jour ensuivant,
logeasmes prés un cazal nommé Nossensoffilert' au-
1. Lorsque le roi impie (Chah Thasmasp) eut appris b reddition du château
de Van, il se reconnut impuissant à lutter contre les troupes de Tislamisme.
Il fît faire une incursion dans les environs du château d'Adildjivaz et dans les
plaines de Mouch et d'Akhlath et il en fit massacrer tous les pauvres habi-
tants, les orphelins et les veuves. Les troupeaux, moutons, bœufs et veaux
furent emmenés avec leurs bergers et leurs gardiens. (Petchewy. Histoire de
Vempire ottoman, Constantinople, tome L page 274.)
2. Mouch, dit Hadji Khalfa en citant la géographie d'Aboul Féda s'élève à
l'entrée d'une vallée et au pied d'une montagne. C'est une petite ville : la
plaine qui s'étend au delà porte le nom de Mouch Ovassy (la plaine de Mouch).
Au rapport de Mir Chéref Eddin, auteur de Thistoire des Kurdes, le canton de
Mouch relevait autrefois de Bidlis. La ville remonte à une haute antiquité, elle
est aujourd'hui ruinée, et on y voit les débris du château et d'autres monu-
ments, A l'époque de Chéref khan, le château s'élevait sur une montagne à
une parasange de la ville. Le sultan Suleyman rebâtit la moitié de la forte-
resse qui était sur une colline â l'ouest de la ville.
Les habitants possèdent de nombreux troupeaux de moutons et de buffles,
à cause de l'abondance des pâturages. La plaine de Mouch a huit paransages
de long sur trois de large. Elle est traversée dans le tiers de son étendue par
l'Euphrate qui coule du nord au sud. Elle est entourée de montagnes boisées
et verdoyantes et arrosée par le Q.ara Sou qui, venant de l'est, se jette dans
l'Euphrate. Les villages de la plaine sont exclusivement peuplés d'Arméniens,
Au rapport de Hamdoullah Q.az\viny, le district de Mouch versait annuelle-
ment au trésor des souverains mogols, soi.xante neuf mille dinars. Sous la dy-
nastie ottomane, on n'en perçoit que quinze mille. (Djihan Niinia, page 413.)
3 . Ce nom est défiguré de la façon la plus étrange. Il s'agit peut-être ici
de la petite ville de Melazgucrd ou Menazkert qui s'élève entre Mouch et
Bidlis, non pas sur la route qui relie ces deux villes, mais plus â l'est et au
nord du lac de Van, Melazguerd, dit Hadji Khalfa, est un gros bourg de la
province d'Erzroum et du district de Mouch. Les maisons sont construites en
DE MONSIEUR D'ARAMON 91
quel y a certains arbres que les gens du village tien^
nent en grande révérence, pour ce qu'ilz disent que un
sainct les a transmuez de pommiers en ormes, et l'ont
pour grand miracle.
Près cedict cazal, vers le Levant est la montagne de
Noë* où l'on dict que reposa son arche après le de-
luge et derrière ladicte montagne, on dict qu'il y a un
lac qui boust incessamment, de sorte que les pierres
de dedans en dancent; et ceux dudict village nous
Font affirmé pour vray. De ce lieu, vinsmes à Bithlis '
pierres noires : on ne voit dans ses environs ni arbres, ni sources. MelazguerJ
s'élève non loin de la rive du Murad Sou (Euphrate). {Djihan Nittna, page 413.)
1. Le mont Ararat (Massis des Arméniens, Egliry Dagh des Turcs) sélève à
cinq heures de marche au nord-est de la ville de Bavezid dans le gouvernement
d'Er^rounl.
On peut consulter au sujet du mont Ararat la Relation du voyage du Levant^
man. de la bibliothèque nationale, i"" 375 ; PouUet, Nouvelles relations du Levaut.
Paris, 1663, tome II, 129-130; Tournefort, Relation du Levant, tome II,
pages 357 et suivantes, et les Voyages d'un missionnaire de la compagnie de
Jésus, Paris, 1730, pages 80-85.
Haython consacre quelques lignes à cette montagne dans le neuvième cha-
pitre du premier livre de ses Fleurs des histoires de la terre d'Orient. « Audict
pays est une moult grant montaigne et des plus haultes qui soient au monde,
et est appelée Ararah ; en laquelle se assist l'arche de Noë après le déluge,
mais nul n'y peult monter pour la grant habondance de la neige qui demoure
là de l'yver et y est tout du long de Testé, et au haut de la montaigne apparaît
une grande chose noire, qu'on dit estre l'arche de Noé. « Lyon, 1585, page 16.
Selon les Orientaux, l'arche de Noé construite en bois de buis et enduite de
goudron, se serait arrêtée sur le mont Doudjy, à l'est de la province des
Bénir Amr, dans la Mésopotamie, et les débris de" l'arche auraient subsisté
jusqu'à l'époque des Abbassides.
2. Bidlis porte, en arménien, le nom de Pagech. C'est, dit Hadji Khalia, à
la fois un château très fort et une petite ville située dans une vallée à une
journée de marche à l'ouest de Talivan. La vallée est traversée par une
rivière sur les bords de laquelle sont bâties les maisons et tracées les rues :
92 VOYAGE
qui est un chasteau fort, assis sur un rocher, basty par
un empereur de Constantinople, ainsi qu'ilz disent. Il
y a le village au dessoubz contenant environ deux
mille maisons : de là, nous entrasmes en un destroict
où trouvasmes plus de difficulté de passer que n'a-
vions point encore faict en tout nostre voyage. Et le
desordre y fut si très grand, que nous ne vismes nos
cameaux qui portoient tout nostre équipage de huict
jours après; et couchasmes trois ou quattre nuictz
soubz des arbres en attendant nos muletz qui por-
toient nos pavillons.
Puis vinsmes à Alteguie' et à Leige^ où y a des
bains naturelz et y passe une rivière Arzin. Les jours
ensuivans, logeasmes en la plaine de Carahamit prin-
cipalle ville de Mésopotamie, où le 15^ de septembre,
arrivasmes\ Le camp se logea près de ladicte ville
on la francliit sur un pont qui se trouve au milieu de la ville. L'entrée et
la sortie de la vallée sont étroites et le passage est difficile. Le climat de
Bidlis est agréable ; les hivers y sont parfois rigoureux, mais les habitants ne
paraissent pas en souffrir. (Djihan Niima, page 413). Le château est bâti sur le
sommet d'une haute montagne qui s'élève à l'ouest de la ville. Les Armé-
niens possèdent à Bidlis quatre églises et autant de couvents.
Les troupes ottomanes avaient, en 941 (1535). été complètement battues
près de Bidlis par celles de Chah Thahmasp.
1. Altekkièh a la signification de couvent rouge. Je n'ai trouvé, nulle part,
mention de cette localité.
2. Ilidjèh (Lyse) a, en turc, la signification de source thermale. La ville dont
parle Chesneau, se trouve marquée sur la carte de M. Kiépert, sur la route
qui conduit de Darakol à Hini. « Lyse est à huit heures de Mouch et à la
même distance d'Akhlat et de Malazghvrd. » Mac Donald Kinneir, Voyages
dans TAsic-Minciirc, VArmcnie et k Kounlistaii. Paris, 1818, tome II, p. 141 •
3. Amid, est appelée par les Turcs Q.ara Amid (.\mid la noire), parce que
ses murailles et ses édifices sont construits en pierres noires, et Diarbekir
DE MONSIEUR DARAMON ^5
environ un mille ou deux, et M. l'ambassadeur et
toute sa compagnie, pour avoir plus de commodité/
et rafraîchissements, vint loger dans ladicte ville en
plusieurs maisons d'Arméniens qui nous reçurent ton
gratieusement. Ladicte ville est grande et peut avoir
de circuit quattre ou cinq milles, rentermée de haultcs
murailles, hxqc un assez beau chasteau de pierres de
taille; et les maisons de la ville, de terre, en plate
forme, et est presque toute entière habitée d'Arméniens
et Jacobites qui sont chrestiens, et y a peu de Turqs.
Nous y trouvasmes de fort bon pain et vin et autres
viandes et fruicts en habondance, et des melons les
meilleurs qui se puissent manger et qui se gardent
nom sous lequel elle est aujourd'hui connue. Pline dit que la partie basse
de la ville se nommait Carthiocerta, et la partie haute Tigranocerta. Les rem-
parts d'Amid furent réparcs par Justinien. Nassiri Khosrau qui visita cette
ville en 1046, en adonné une longue description. (Sefer NanicJi , pages 26-29.)
(( Amid ou Diarbekir est environnée de jardins et une vaste plaine s'étend A
l'ouest. La ville peut avoir deux lieues de circuit; elle est très bien bâtie. Son
enceinte est marquée par un fossé avec une contrescarpe, et forme un paral-
lélogramme flanqué de tours rondes ou carrées au nombre de soixante-douze,
qui ont entre elles deux pilastres ou contreforts pour assurer la solidité de
l'ouvrage,. . Le palais du gouverneur est enfermé dans la citadelle. Celle-ci
fait suite aux murailles de la ville; elle est vaste et élevée sur un grand préci-
pice de formation volcanique. Diarbekir a quatre portes : la première appelée
Dagh Capoussy (porte de la montagne), la seconde Roum Capouss)' (porte de
Grèce), la troisième Yeny Capou (porte neuve) et la quatrième Mardin Ca-
poussy (porte de Mardin)... Les mosquées sont en grand nombre. Une d'elles
appelée Oulou Djami construite par les califes, et d'où l'on voit une belle
place ornée de colonnades, mérite l'attention des voyageurs.,. Cinquante
mille turcs, cinquante familles juives, autant de grecques, quatre-vingts
chaldéennes, quatre mille arméniennes schismatiques et trois cents syriaques
jacobites qui ont leur évêque à Mardin, composent la population. » (Dupré,
voyageai Tcisc, tome I, page 6S-72.)
94
VOYAGE
trois ou quattre mois après 'qu'ilz sont cueilliz. Nous
les festoyasmes bien, et fusmes fort aises de telz ra-
fraichissementz, car il y avoit environ trois mois que
n'avions beu vin, parcequ'il ne s'en trouvoit point. Le
Grand Seigneur séjourna en ce lieu quinze ou vingt
jours, attendant nouvelles et advis du Sophy, et en-
tendit pour certain que de ses gens estoient entrez
bien avant dans ses pays, et qu'ilz avoient pillé
plusieurs cazals et villages qui n'estoient fermez. Et
ledict Grand Seigneur y envoya grand nombre de
gens qu'il sépara en trois parties pour les aller ren-
contrer et enfermer s'il estoit possible.
On disoit qu'ilz pouvoient estre de trente à quarante
mil hommes avec peu de bagage et chemisnoient
chascun jour trente ou quarante milles pour le moins
qui est une grande diligence, laquelle fut cause qu'on
ne les put rencontrer.
Et ledict Grand Seigneur après avoir séjourné
audict Carahamit (comme dict est), pour rafraischir
son camp, s'en partit pour aller vers Sovas et la Capa-
doce pour serrer ce passage audict Sophy'. M. l'ambas-
sadeur y séjourna deux jours de plus et délibéra s'en
aller droict audict Sovas par un chemin plus court
I. Chah Thahmasp, profitant de la retraite de l'armée ottomane, ravagea
à la tête d'un corps do troupes la province d'Erzroum et poussa jusqu'à Cars.
Ce mouvement offensif détermina Sultan Suleym?.n à remonter vers le
nord. Le second vizir Ahmed Pacha fut chargé du commandement du
corps d'armée chargé d'agir contre Ch.ih Thahmasp qui se hâta de rentrer
en Perse. (Petchcwy, tome I, page 27.].)
DE MONSIEUR DARAMON 95
que prcnoit Icdict Grand Seigneur, et en partisnies le
quatorziesme octobre, vinsmes loger en un cazal
d'Arméniens nommé Begux' qui est au pied des monts
Thaurus sur lesquels eheminasmes par quattre jours,
et puis arrivasmes prez d\in petit lac appelé Giolgie'.
Il y au milieu une petite isle habitée de Turqs, prés
le fleuve Euphrates, lequel pass'asmes le lendemain en
barque, et vinsmes coucher à Malatia^ pais de Lidie;
puis en une petite ville nommée Carpout ', et sceumes
1 . Il faut très probablement lire Boglioz : ce nom fort répandu parmi les
Arméniens a la significatioa de Paul. Boghoz Keui, le village de Paul.
2. Gueuldjik (le petit lac) s'étend au sud de l'Alindjig Dagh. Au milieu de ce
lac, on voit une ancienne forteresse nommée Dserokh qui, vers la fin du
xi'= siècle, était possédée par des princes de la race royale des Arsacides et qui,
en 1 123, servit de résidence au patriarche d'Arménie, Grégoire III, issu de la
même famille. Les ruines de ce fort existent encore.
« Ce lac s'étend du nord au sud et peut avoir dans sa plus grande largeur,
deux lieues; il en a quatre à peu près de longueur. Au milieu est une très
petite île habitée par une cinquantaine de familles arméniennes. L'eau de ce
lac est potable sans être bonne ; on y pêche des carpes et d'autres poissons
délicats. Il est ceint de hautes montagnes d'une pierre grasse, dont les veines
sont inclinées à l'horizon. Nous le côtoyâmes pendant deux heures par des
chemins mauvais et même dangereux. » (P^oyage en Perse, fait dans les
années iSoy, iSoS et iSop, en traversant la Nalolie et la Mésopotamie (par Dupré).
Paris 1819, tome i, pages 57-58.)
3. !Malathia (MéUtène) est une ancienne ville située dans une large
plaine à l'ouest de l'Euphrate. Elle possède un bazar, des bains, plusieurs
caravansérails et quelques grandes mosquées où l'on récite la khouthbèh. Elle
est arrosée par des cours d'eau qui prennent leur source dans les montagnes
qui s'élèvent au sud de la ville. En été, les habitants abandonnent la ville pour
aller s'étabHr sur des plateaux couverts de vergers. Le mur d'enceinte de Ma-
lalhia menace ruine — La plaine dans laquelle se trouve la ville est entourée
de montagnes et on y trouve des noyers et autres arbres fruitiers.... Le froid
y est très rigoureux... Malathia est traversée par une rivière qui porte le
nom de rivière de couvent du Messie. (DjUian Nunui, page 600.)
4. Kharpout qui porta les noms de Khartpert et de Hisn Zyad est située au
96 VOYAGE
qu'il s'en retournoit audict Carahamit où Icdict sieur
ambassadeur retourna par un autre chemin que celuy
que avions faict; et remontasmes par quatre jours
entiers les dictz montz Thaurus, montagnes haultes
et fascheuses et, entre autres, le mont Amamus ; au
plus hault d'iceluy passasmes par un petit destroict
de rochers, faict en façon de portes que l'on appelle
les Portes Amaniques et commençasmes à descendre
par meschantz chemins et passasmes l'Euphrates en
barque à deux journées prés de Carahamit où fusmes
de retour le cinquiesme novembre; et y trouvasmes le
camp qui estoit campé et assis prés une petite rivière
cà deux milles de la ville.
Et là vindrent nouvelles audict Grand Seigneur
que le Sophy s'estoit retiré en ses païs. Lors, ledict
sud du Murad Sou et au nord-ouest de Qjira Amid. Elle est bâtie au sommet
d'une colline à Textrémité orientale d'une vallée appelée dans l'antiquité la
vallée de Suphêne. La ville est défendue par un château fort bâti sur une mon-
tagne. Kharpout est le siège d"un archevêché duquel relèvent quatre évêchés ;
elle fut enlevée en 1123, par les Latins â Balak, fils de Bchram, de la dynastie
turkomane des Ortoqides. Les Arméniens désignent cette ville sous le nom
de Kharperte ou Garper. (De Saint-Martin, Mémoires sur l'Armâiic, tome I,
pages 95-96,)
« La ville de Carput est de moyenne grandeur^ située sur la pente d'une
plaine haute du costé de septentrion, ayant la plaine basse du costé de midy à
deux milles de la ville. Elle est enceinte de bonne et haute muraille, hors
d'escalade, principalement celle du chasteau qui est assis sur une butte avec
une partie de la ville, qui commande â ceste plaine d'en haut et â celle d'en
bas encore mieux. Diray que tout cela n'est flanqué, ni fortifié, sinon pour
coups de main. Les maisons sont de terre cuite, petites, basses et couvertes eu
terrasses. Les ruos estroictes, tortues et confuses à la turque. Le marché ou
bazard est assés beau, estant de longues et larges vouhes soubtenucs sur des
pilliers de pierre. » {l'oyr.^c du Levant, f^ 394 V".)
D\l MONSIliUR D'ARAMOX 97
Grand Seigneur voyant la saison approcher de riivver,
retira tous ses gens et délibéra de s'en venir en Surie
païs hautz, vers Halep. Et pour ce faire, partit pour la
seconde lois dudict Carahaniit le neufviesnie no-
vembre, et cheminasmes six jours par la plaine, partie
de laquelle est tort pierreuse et déserte, Tautre assez
iortc et fertile. Vinsmes à Orfa autrement dicte Roha,
qui est ville qui demonstre plus d'antiquité que ville
que j'aye point veue'. Certains Arméniens m'ont dict
qu'anciennement s'appelait Etassia. Cette ville est iort
I . Ourfah est le nom donné par les Turcs à l'ancienne Edesse, l'Etcsia des
Arméniens et la Roha des Arabes. Elle était la capitale de l'ancienne Osrhoéne.
En 1099, elle fut enlevée aux SelJjoucides par Baudouin, frère de Godefroy de
Bouillon et elle resta aux mains des Latins jusqu'en 1144, époque à laquelle
elle fut prise par Imad Eddin Zenguy. La description d'Ourfah, donnée par
Gassot, concorde avec celle de Hadji Khalfa dans son Djiban Numa. c< et
cheminasmes six jours dans la plaine jusqu'à Orfa, autrement Roa, qui est ville
fort ancienne. J'y parlay à plusieurs Arméniens et à leur patriarche et me suis
enquis de ladite ville et m'ont dit que anciennement s'appeloit Etcsia. Cette
ville est fort grande, comme deux fois Caraemlt, assise partie en plaine, partie
sur une petite montagne où y a un chasteau. Les murailles sont de grosses
pierres de taille fort vieilles et qui sont en partie tombées. Elle a esté autrciois
bien bastie, comme il appert par les vestiges de plusieurs grandes maisons,
murailles, églises, chasteau et autres bâtiments, et comme il se voit cncores des
fondements de vieilles murailles d'où l'on tire de grosses pierres, aussi il se
voit de grosses coulonnes de pierres dures, entières, qui demonstrent avoir
soustenu quelque bastiment ou galleries fort haultcs, eslevées sur vieux basti-
ments. Le chasteau est grand, assis sur la costede la montagne et ha de beaux
fossez profonds, taillez dans la roche vifvc miraculeusement. Il y a dans la
ville prez du chasteau, une belle fontaine qui sort de dessoubs terre et laicte
conmie une grande piscine où y a grand quantité de poissons gras et les I urqs
font grand conscience d'en manger. Prez ladicte fontaine y a un lieu comme
une chapelle, cngravée dans la roche où ils disent que Abraham est né et les
Turqs gardent ce lieu et le tiennent en grande révérence. Ils dient que le filz
de Nembrot estoit seigneur de ceste ville. >' {Lettre cscritc de Jl('j\ 1" -9-)
7
98 VOYAGE
grande, assise partie sur une petite montagne où est
le chasteau. Les murailles sont toutes de pierres de
taille fort vieilles et qui sont en partie tombées.
La ville a esté autrefois bienbastie, comme il appert
par les vestiges de plusieurs grandes maisons, mu-
railles d'église, colonnes et autres bastiments, des
fondements desquelz se tirent de grosses pierres.
Le chasteau est assis sur la coste de la montagne,
et a de circuit environ deux milles et tout autour, y
a de beaux fossez profondz, taillez dans la roche vive.
Au bas dudict chasteau, dans ladicte ville, il y a une
fort belle fontaine qui faict comme une piscine où y
a quantité de poissons que les Turqs font grand
conscience de manger ; et prés ladicte fontaine y a
une église comme un oratoire, engravée dans le roch
où ilz disent qu'Habraham est né; et les Turqs gar-
dent ce lieu et le tiennent en grande révérence. Et à
une journée de là, y a une ville ruinée nommée
Caran' où se tenoit le père d'Abraham nommé Tara.
A l'entrée de ladicte ville d'Orfli, sur petitz cousteaux,
I. Harran (rancicnnc Carrx, Charan, Colonia Carreiiorum) est le chef-lieu
d'un canton dans le district d'Ourfa. Selon les géographes orientaux, cette ville
lut bâtie par les Chananécns en Tan 3320 du monde. On y voit des ruines
considérables dont l'aspect frappe d'étonnemcnt. Dans cette ville, se trouve une
éminence qui porte le nom de colline d'Abraham et sur laquelle les Sabéens
célébraient leur culte. Ilarran est aune Journée de marche d'Edesse et à deux
journées de Raqqah : elle se trouve sur la grande route qui, d'une part, conduit
en Syrie, et de l'autre à Mossoul et en Anatolie. (Dictioiiimiii OiV^nipbiqiu:
de Yiupnt, tome II, pages 231, 232. Massoudy, les Prairies d'or, tome IV,
pages 61-68. Z)y7/;j// A'/////i?, page 597.)
D1-. MONSIEUR D'ARAMOX
99
y a une inimitc de grottes et grandes cavernes en-
taillées dans le roc avec mer\ellleux artilice, partie
desquclz sont habitez. 11 v en a de grandes où tien-
droient quatre ou cinq cens chevaux.
On dict que le lilz de Nembrot estoit seigneur de
ladicte ville en laquelle sejournasmcs un jour. Puis,
cheminasmes par plaine, environ- trois journées, et
vinsmes en une petite ville qui a un fort beau chas-
teau, sur le bord de TEufrates appelé Bir, ancien-
nement Birsina'. Le camp demeura à passer ledict
fleuve par barques qui y estoient en grand nombre,
environ trois jours. Les cameaux le passoient à gué.
Nous eusmes commoditez de le passer dés le premier
jour, par le moyen et laveur d'un capitaine du Grand
Seigneur qui commandoit sur les barques. Il nous en
fit amener une, sur laquelle tout le train dudict am-
bassadeur passa sans destourbier ni empeschement
d'aucun turq. Et là, commençasmes à entrer en Surie
où nous sembloit bien avis qu'estions en bon pays
pour ce que trouvions plus de villages et gros bourgs
I. Bir est la ville qui porte en arabe le nom de Birèh, et en turc, celui de
Birédjik. Elle s'élève dans le \\'ady Ezzeitoum (la vallée des Oliviers), sur la rive
orientale de l'Euphrate. Selon les historiens arméniens, Birèh dont les lorti-
fications étaient très puissantes, aurait été fondée par un de leurs anciens
rois. En 1 109, elle était au pouvoir de deux princes arméniens Abelkarib et
Ligos qui l'avaient enlevée aux Scldjoucides : ils furent chassés en 1117, après
avoir soutenu, pendant un an, un siège contre Baudouin, comte de Scroudj ;
vingt ans après, elle retomba au pouvoir des Seldjoucides. Elle fut r.nnexée à
l'empire ottoman et au gouvernement d'Alep par Sultan Séiim en 1516. ( Djil.hin
-Viima, page 598.) Saint-Martin. Mànoires sur l'Anncnic, tome I, page 159.
100 VOYAGE
que n'avions accoustumé qui estoicnt abondantz de
toutes sortes de fruicts.
Et finallement, arrivasmes le 23^ novembre à la ville
d'Halep qui est fort grande, assise en une belle plaine,
anciennement appellée Beroas laquelle est fort mar-
chande, car est l'apport de toutes drogues, soyes,
espiceries et autres choses qui viennent des Indes par
la mer de Perse et de Baisera, et autres marchandises
de draps et soye qui viennent de Venize et autres
lieux d'ItaHe. ■
Il y a de grandes fontaines et carvansseras où se
logent toutes sortes de nations de marchands qui y
abordent. Il y en avoit beaucoup du pays des Véni-
tiens qui y tiennent un baille ou consul'. Le Grand
Seigneur se logea dans son chasteau ■ qui est dans la-
1. Le consul de Venise était, en 1548, Francesco Loranzo.
2. Ibn Chohna, dans son Histoire iVAlcp, rapporte que Seleucus fit cons-
truire le château de cette ville sur une hauteur qui la domine ; il est entouré
de solides murailles et au milieu de l'enceinte on a creusé un puits auquel on
accède après avoir descendu cent vingt-cinq marches. Ce puits porte aujour-
d hui le nom de Sathourah. L'emplacement du château était autrefois occupé
par un couvent chrétien dont les fondations reposaient, dit-on, sur huit mille
colonnes. Cosroès éleva sur cette éminence quelques constructions, lorsqu'il se
fut rendu maître d'Alep. Quand Abou Obeïdah conquit cette ville sous le
califat d'Omar ibn el Khattab, il fit raser l'enceinte du château et les murailles
de la ville qui, avant la conquête, avaient été fort endommagées par un tremble-
ment de terre. Nicéphore se rendit maître d'Alep en 3 3 1 (962) ; il fortifia
puissamment le château qui n'avait alors que de faibles défenses. Depuis cette
époque, les divers souverains mirent tous leurs soins à l'agrandir et à le rendre
plus fort. Seïf Eddaulèh et son fils Sayd Eddaulèh ainsi que les Béni Merdas
déployèrent, à cet cfiet, le plus grand zèle et leur exemple fut suivi par Aq-
Lonqor Zcnguy et ses descendants Imad Eddin, Nour Eddin et Melik Essalih.
Sorsquc la principauté d'Alep devint le partage de Melik Eddahir Ghiath Eddin
DE MOXSIF.l'R n'ARAMOX loi
dicte ville, autour duquel y a de grands fossez plains
d'eaue; et partie de son camp logea dans icelle ville;
le reste à Damas, à Tripoly, à Antioche, Aman et
autres lieux circonvoisins, où il v hyverna. L'am-
bassadeur y passa semblablement tout l'hvver, voire
davantage, et y sejournasmes plus de sept mois entiers,
pendant lequel temps, nous eusmes tout le lovsir de
nous y rafraîchir et y prendre autant de commodité/
qu'eussions peu faire en Constantinople, de vin,
viandes, fruictz, laictages et autres choses nécessaires
pour la vie de l'homme. \^ray est que quand nous en
partismes, ne se pouvoit plus trouver de vin, nv aux
villages autour. Il s'y trouvoit des raisins qui se con-
servoient dans de grandz vaisseaux de terre que nous
faisions pressurer dans un petit pressoir de bois qui
rendoit et distiloit le vin, tout le meilleur et autant
excellent qu'il est possible de boire. Et les movs de
Ghazy, ce prince se plut à agrandir les fortifications et à augmenter le nombre
des bâtiments; il fit creuser une citerne et des magasins pour conserver le blé.
Il fit, en outre, couvrir l'esplanade de dalles, et flanquer de deux tours la porte
d'entrée. Il fit percer dans l'enceinte trois portes qu'il munit de plaques de fer.
Lorsque les Tatars se rendirent maîtres d'Alep, ils rasèrent le château et les
murs d'enceinte : ils firent main basse sur les provisions, les armes et les ma-
chines de guerre et ruinèrent tous les bâtiments de façon à les rendre inha-
bitables. Le château demeura en cet état jusqu'au règne de Melik Elechref Kha-
lil, fils de Qelaoun, qui le fit reconstruire. Lors de la prise de la ville par
Tamerlan, celui-ci incendia le château et rasa les murs de la ville. Les ruines
ne furent relevées que sous le règne de Melik Ennassir Faradj. fils de Barqouq.
L'émir Seïf Eddin Djekem, gouverneur de la ville, contraignit la population à
déblayer les fossés. Il donna lui-même l'exemple et força les habitants notables
à travailler. On vit les émirs eux-mêmes porter des pierres sur leurs épaules.
(Jarilih Halch, Beyrout, pages 134-135.)
102 VOYAGE
may et juing, couchions sur les terrasses. Les maisons
y sont presque toutes basties ainsy. Lon dict que
communément, il n'y pleut gueres; toutesfois, l'iiyver
que nous y estions, il y pleut presque tous les jours
dont les habitants s'estonnoient merveilleusement, et
disoient qu'il n y avoit point en mémoire, d'homme
qui y eust veu tant pleuvoir pour un hyver. Il n'y
gelle point ; l'air y est fort doux et gracieux, mesme-
ment au printemps et commencement de l'esté; y a
force bons fruictz de toutes sortes, quantité de gre-
nades et oranges, riz, miel et autres légumes et cotton
que l'on semé tous les ans en la façon presque comme
Ton faict le riz.
Je ne veux oublier à faire mention de l'elephant
de l'ambassadeur, qui y mourut, duquel j'ay parlé cy
devant, et par quel moyen il l'avoit recouvré. Est à
sçavoir que le camp du Grand Turc s'aprochant du
pays du roy de Perse, dont l'avant garde estoit con-
duicte par Elcas, frère dudict roy. Sa Majesté de Perse
envoya vers Elcas quelques messagers pour lui re-
monstrer la faute qu'il faisoit, toutesfoys en manière
de moquerie, car il luy manda dire qu'il estoit un
gros sot et beste, et qu'il ne le pouvoit mieux accom-
parer qu'à une grosse beste semblable à celle qu'il luy
envovoit, qui estoit ledict éléphant. Ledict Elcas le
donna à un capitaine parent du Grand Turq, qui es-
toit avec luy à l 'avant-garde; ce capitaine estoit amy
de l'ambassadeur, duquel ledict ambassadeur (par le
DE MONSIEUR D'ARAMON 103
moyen de quelques presens qu'il luy lit), retira ledict
éléphant avec l'intention de l'envover au rov Henry
et avoit cscript à Sa Majesté qu'il luv envoirroit, ce
qu'il eust iiiict, s'il ne fust mort. Et la cause de la mort
d'iceluy estoit de regret et mélancolie qu'il avoit de ne
voir plus celuy qui le souloit gouverner qui estoit mort
quelques huict jours auparavant, parceque cet animal
l'aimoit, et entendoit son parler. Les gens du pays
nous dirent et nous asseurerent qu'il n'y avoit autre
chose qui le fit mourir que celle là. Nous le fismes
escorcher ; il n'y avoit rien si gros qu'il estoit ; et tous
ses os sont yvoire ; aussy bien ses grandes dents que
l'on void par deçà et ailleurs '.
Or, pendant nostre séjour audict Halep, vint un
Turq au logis dudict ambassadeur qui fit aucunes
dextresses plus merveilleuses que celles que j'aye ja-
mais vues faire, tant à Venize que cà Constantinople,
qu'il me semble aussy ne debvoir obmettre.
Premièrement, cedict Turq prind un arc en main
et commança à baller avec une grande dextresse ; bal-
loit avec deux hommes sur ses espaulles, lesquelz
estoient aussy grandz et pcsans que luv; et les tenoit
en s'agenouillant en terre, et puis se relevoit sans
s'ayder des mains. Puis, l'un d'iceux se coucha enterre
I. Cet élcphant fut disséqué par Pierre Gilles. Il fît de ses observations le
sujet d'une lettre ou mémoire adressé au cardinal Georges d'Armagnac, et
imprimé à la suite de l'histoire des animaux d'^Elicn, publiée à Lj'on en 1565.
Eléphant idi'scriptiJ missa ad R. cardiiialcm Armaiç;nacumex urhc Bcrrhca Syriuca.
Ce mémoire a été publié séparément à Hambourg en 16 14.
:u.[ VOYAGE
et print son compagnon qui se tenoit droict par une
jambe, avec les deux mains, mettant l'autre jambe entre
ses cuisses et se tenoit ferme. Puis, le balladin vint
passer la teste entre les jambes de celuy qui estoit
droict, et les leva tous deux, estant celuy qui estoit
couché en terre, attaché comme dict est; et les tenant
ainsy, se voltoitsi trésfort qu'il estonna les deux autres.
Puis, iceluy balladin se coucha en terre et leva les jam-
bes en hault, sur lesquelles il soustint un long temps
les deux hommes. Pareillement le fit-il sur une jambe ; et
cela faict print un grand pot de terre plaind'eaue, et le
mist sur la teste, se sied à terre où commança à faire
plus que devant, se baisa les pieds l'un après l'autre, et
tous deux ensemble : et se voltoit sur le ventre et fai-
soit le tour entier. Puis, print cinq grands cousteaux et
les mist, c'est asçavoir aux deux jarretz, à chacun costé
un, et l'autre derrière l'eschine attaché à sa cinture, et
se voltoit en la sorte que dict est, sans toucher aucune-
ment des mains à iceluy pot qui se tenoit tousjours
ferme sur sa teste. Et davantage, le print avec les gros
doigtz des deux piedz, le mist en terre, et le reprenant
en la mesme façon le remcttoit sur la teste et com-
mança à se relever droict pour ballcr.
Ultiesmement, print cinq pctitz bois taictz en forme
de colonnes et les ht mettre les uns sur les autres sur
sa teste avec icelluy pot pardessus, balloit et baisoit ses
piedz comme par avant. Puis ces choses faictes, il
monta par une colonne de bois mise exprés pour tenir
DE MONSIEUR DWRAMON lO)
un tmversicr auquel cstoit attachée une corde pendante
en bas,faicte en façon d'eschelle où y avoit comme trois
degrez qui estoient de bois; et iceluv se tenoit au plus
bas desdictz degrez; puis tout à un coup, estoit au
plus hault, se tenoit iwcc un bras, tantost iwcc un
jarret, tantost iwcc le bout des talons, pendant la teste
en bas, sans s'aider des mains; et y fit plusieurs autres
tours et jeux incroyables, avec une dextresse et seureté
si très grandes que, s'il eust esté en plaine terre, ne
l'eust peu faire plustost qu'il faisoit, estant ainsy en l'air.
Finalement, attacha audict traversier une pollye à
laquelle y avoit une corde pendante jusques en terre
où se fist lier par les cheveux ; et estant ainsy attaché,
luy mesme se monta jusques au plus hault où il tenoit
la corde qu'il tiroit des doigtz des piedz; puis se laissa
venir en terre doucement; et là, se mit fin auxdictes
dexteritez.
Or, puis après, estant venue la saison de l'esté et y
estant desjà bien avant, ledict Grand Seigneur fit asça-
voir à tous ses capitaines et autres gens de guerre de
se retrouver pretz et en ordre pour aller, encore de
nouveau, courir sus le roy de Perse son ennemy, à
quoy il n'y eust fitulte aucune; et rassembla tout son
camp avant son partement d'Halep qui fiit le 8' jour
de juing en 1549. Qiioy voyant, ledict sieur ambassa-
deur, et que sa présence audict camp ne pouvoitgucres
porter d'utilité à l'expédition de sa charge, il se délibéra
d'aller en Damas, Hierusalem, au grand Caire et AI-
io6 ■ VOYAGE
lexandric; et pour ce faire, partit dudict Halcp le dernier
jour dudict moys de juing; et avant que m'acheminer
plus oultrc, est à noter que l'air de ces pays, Mésopo-
tamie, Surie, Judée et Egypte est si doux et si agréable
que les personnes dorment et couchent tout l'esté à
l'air sur les maisons qui sont faictes la plupart en ter-
rasses ; aussy qu'il n'y pleut gueres et que le pays est
hault, qui est cause que en lesdictes maisons, si
grandes qu'elles soient, n'y a cheminée qu'en la
cuisine. Toutesfois, les Turqs estant en la campagne,
dorment presque tous à couvert soubz des pavillons,
et me semble ne debvoir obmettre des commoditez
qu'ils y ont, mesmement au camp et des particularitez
qu'avons vues en iceluy.
En premier Heu, les pavillons y estoient en grand
nombre infiny, et estoit chose admirable d'en voir tant
ensemble ; et croy certainement qu'ilz passèrent le
nombre de quatre-vingtz à cent mil; et à ce que pou-
vions comprendre, ledict camp pouvoit contenir en-
viron huict ou dix milles de long. Car un chascun
soldat ou espahy a un pavillon pour le moins, et y a
des chaoux qui en ont deux; et n'osent loger aux vil-
lages ne maisons, qui est cause qu'ilz s'accommodent
fort bien en campagne et n'y a si pauvre esclave ou
serviteur qui ne dorme à couvert.
Les pavillons du Grand Seigneur sont ordinairement
au milieu de son camp. 11 y en a deux ou trois faicts
de certains bastons peintz de rouge, entrclassez en-
DE MONSIEUR D'ARAMON 107
semble et croisez qui se dressent en peu de temps;
puis, Ton jette des toilles doubles par dessus, et dedans
sont tendus tant dessus que dessoubz de tapis de
soye et draps d'or; et autour d'iceux, sont d'autres pavil-
lons où demeurent ceux de sa maison ; puis sont
environnez de certaines toilles doubles, faictes en façon
de murailles avec les carncaux, et semble un chastcau
ou petite ville. En après, tout à l'entour des pavillons
dudict Seigneur sont tendus ceux des jannissaires, qui
les environnent trois ou quatre fois et sont fort grands,
en sorte que soubz chascunde leurs pavillons, y logent
environ vingt jannissaires avec leurs bagages et leurs
armes. Et y a après les pavillons des quatre bassas;
chascun a son cartier; puis le beglierbey de la Grèce
à main gauche ', puis tous les capitaines et grands sei-
gneurs, chascun en leur ordre. Estant campez tous
lesdictz seigneurs, les autres n'avoient cartier assigné^
et se logeoient où ilz pouvoient; et les premiers venus
choisissent bien. Il y a après, l'ordy, c'est-à-dire le
marché où se vendent toutes choses, tant du vivre que
habillements, -chevaux, muletz, cameaux; et gencrallc-
ment, qui vouloit vendre ou achepter, alloit là.
Puis, du costè où l'on doubte l'ennemy estoit l'ar-
tillerie en nombre de deux cents ou trois cents pièces
I . Lorsque l'armée ottomane était en campagne en Europe, les troupes du
beylerbey de Grèce ou de Roumélie se trouvaient à la droite de l'armée, et
celles du beylerbey de l'Anatolie à la gauche.
Cet ordre était interverti lorsque le théâtre de la guerre était en Asie.
io8 VOYAGE
de campagne et environ trente de batterie ; et tel
estoit l'ordre dudict camp auquel l'on estimoit qu'il y
avoit de trois cà quatre cens mille hommes combattans,
tous à cheval, sauf dix ou douze mille janissaires
arquebuziers et deux cens saulachi et quelques lac-
quetz qui vont tousjours à pied devant ledict Grand
Seigneur. Et tout le reste portoit lances gaves, arcz,
flesches et simetterres sans avoir aucun morion ne
corselet; et y avoit bien peu qui eussent la chemise de
mailles; et marchoient avec un tel ordre et silence
que, considérant la multitude, est quasy incroyable.
Y ayant notté entre autres choses que, estant arrivé le
camp, un chascun estoit tenu de laisser ses armes en
son pavillon et n'aller par ledict camp avec icelles.
Et, en tout le voyage, n'avons veu par miracle en si
grand nombre de gens que l'on estimoit, comprenant
tout environ un million de personnes, tirer une espée
ou simeterre l'un contre l'autre. Et s'il survenoit
quelque question entre eux, c'estoit par injures ou par
coups de poing ou de baston où n'eschet aucune
punition; mais s'ilz font sang et blessures, ilz les con-
damment à mort sans remission.
L'on nous dit que les Turqs et Persiens ne se pren-
nent jamais prisonniers ou schiaves ne à rançon, pour
ce qu'ilz sont d'une mesme loy; mais couppent la
teste à ceux qu'ilz prennent et la présentent à leurs
capitaines et chefs qui leur font accroistre leur solde.
Je ne veux laisser en arrière la grande obéissance
DE MONSIEUR D'ARAMON 109
qu'ilz portent audict Grand Seigneur de ne dcsrober
par les villages et ne prendre chose qui soit, sans paver;
et eux mesmes l'ont par grande conscience. Aussv par
les champs, sur leurs terres et mesme sur celles de leur
ennemy, ilz ont grande conscience de ne faire man-
ger les bledz vertz, ne seulement entrer aussy dedans.
Si aucun s'y trouvoit, la punition est qu'ilz le font
mettre en terre, et luy donnent trente ou quarante
coupz de baston sur les fesses ou sur les pieds, qui est
la punition et châtiment qu'ilz usent en choses légères
qui ne méritent la mort; mais, selon le delict qu'on a
fliict, ilz les multiplient de sorte que estans bastonnez
ne se peuvent aider ne cheminer de deux ou trois
mois'. Et quelquefois que nous avons perdu des che-
vaux, après l'avoir faict crier et publier par le marché
dudict camp, ilz nous estoient renduz en payant
quelque peu d'argent à ceux qui les trouvoient. Et nous
les trouvoient et nous les amenoient au lieu où nous
estions logez. Chose digne de mémoire que Turqs
usent de telle fidélité aux chrestiens; ce que chrestiens
entre eux mesmes ne font pas.
Or, pour retourner à mon propos, partant dudict
Halep, cheminasmes par une belle plaine où y a grande
quantité de villages et logeasmes à un lieu appelle Bar-
I. Le journal deb marclies de Tarmce ottomane commandée par Sultan
Sulcyman fournit de nombreux exemples de moute feiriqas, tchaouchs et jan-
nissaires punis et mis à mort, pour avoir fait paitrc leurs chevaux dans des
champs cultivés, (de Ilammer. Ilisloirc de l'empire olloinan, lomc V, pages 407-
413, 434-44^, 495-5 1-> ^i toni»^ ^I» P-ig^'S 461-463.)
no VOYAGE
gun'. Le second jour du mois de juillet, nous destour-
nasmes environ d'un cart de licuc de chemin pour
aller voir le sepulchre de Daniel qui est comme dans
une petite chapelle à l'usage des Turqs, lesquels
tiennent ledict sepulchre en grande révérence'. Nous
passasmes par deux villes nommées Aman' et Emps\
1. Il faut lire Bourdjeïn ou Bourjeïn, les deux tours : ce nom me parait
désigner soit le khan Essebil, soit le khan de l'émir Cheïkhoun sur la route
d'Alep à Damas.
2 . Abou Bekr Aly Herewy qui a composé à Alep un « GiiiJe aux loinhcaiix
des prophètes et des saints » ne fait aucune mention d'un tombeau de Daniel,
près de la route d'Alep à Hamah. Selon les auteurs orientaux le prophète
Daniel serait mort dans la ville de Chouster et y aurait été enterré. Il existe
près de Ludd, en Palestine, un petit village qui porte le nom de Neby Danial
et où l'on prétend que se trouve le sépulcre de Daniel.
3. Aman est la ville de Hamah, l'ancienne Epiphania. Elle est située sur les
deux rives de l'Oronte : une partie est bâtie sur le versant d'une colHne et
l'autre dans la plaine. Au centre de la ville se trouve une éminence sur laquelle
s'élevait le château; quatre ponts sont jetés sur l'Oronte. Ce fleuve fournit
l'eau à la ville au moyen de roues hydrauliques dont la plus grande porte le
nom de Mohammedièh. Hamah fut conquise par les musulmans en l'année 14
de l'hégire (635) : assiégée sans succès en 11 77 par les croisés elle fut l'année
suivante donnée en apanage par Baladin à son neveu Melik Elmouzaflfer Omar.
Timour incendia cette ville en 1402. Cf. AboulFéda, Géographie, Paris, 1840,
page 262, Burckhardt, Travels in Syria, Londres, 1822, page 145-148 et h Recueil
de voyages et de Mémoires de la Société de géographie, tome II, pages loS et 109.
4. Enips est la ville de Hims, l'ancienne Emèse. « Ceste ville estoit ancien-
nement bien murée de pierres de taille, et encore pour le présent l'on voit ses
murailles debout : aussi il y a un tertre élevé moult haut dedans le circuit des
murs, qu'on voit aisément de toute la plaine, dessus lequel est situé un chasteau
qui fut anciennement edihé par les Romains. Encore y a un sepulchre à double
cstage, hors de la ville, haut élevé en forme de pyramide quarrée, fabriquée
de fort ciment, qui est inscrit des lettres grecques d'une epitaphe de Caius
Cx'sar. il y a grand trafic de soye en Hamouz : aussi nourissent-ils les vernis
moult diligemment, car ilz ont les jardins arrousez commodément des ruis-
seaux venans des montagnes et rendant la plaine fertile. Hz cultivent les figuiers
et mcuriers dedans les champs arrousez et aussi plusieurs arbres fruictiers. Leur
commun ouvrage est de faire des muuchouers et couvre-chefs biirarrez, mesez
DE MONSIEUR D'ARAMOX m
fort ruinées et peu habitées; puis à un village nommé
Elca' habité de chrestiens, contre lesquels cusmes
question, parce qu'ilz ne vouloient rien bailler pour le
vivre de nos chevaux encore que l'on leur voulust
bailler argent auparavant. Hz blessèrent deux des
nostres; mais ce ne lut sans revanche, car nous estions
plus iortz qu'eux, combien que leurs femmes fussent
de leur party, qui estoient sur leurs maisons f^rictes en
terrasses, nous jettant des pierres. Et voyant que nos
chevaulx n'avoient que repaistre en ce lieu là, nous en
deslogeasmes sur le soir après souper, cheminasmes
toutte la nuict, et le lendemain au matin, arrivasmes en
une ville fort anticque appelée Balbec' qui est située en
en partie de soye blanche, rouge et jaune, entremeslée de lîl d"or, que l'on
sçait nommer par toute Turquie, mouchoirs de Hamouz. La ville est située en
une spacieuse et plaine campagne où passent des beaux ruisseaux par dedans.
Le tour des murs est quasi entier, mais le dedans est ruiné et n'y a rien de
beau à voir que le bazar, c'est-à-dire le marché et basestan qui est faict à la
façon de Turquie. Les murailles monstrent bien que la ville a esté autrefois
quelque grande chose, aussi est elle assise en bon pays. » (Belon, Les observalions
de plusieurs singularité:^ et choses ijieuwrahks troirjces eu Grè.c, Asie etc., Paris,
1)88, pages 345-346.)
1, Elqa'a est un petit village au nord de Riblah à quelque distance du pied
de l'Antiliban. On v remarque un grand khan. A cinq milles au nord-est
d'Elqaa se trouvent les ruines de la ville et du château de Djouzièh Elqadiméli
que l'on suppose avoir été les ruines de l'ancienne ville de Paradisus du district
de Laodicènc mentionnée par Pline, Strabon et Ptoléméc.
2. Baalbek, Tancienne Héliopolis, a été l'objet de nombreuses descriptions.
Lors de la conquête musulmane, les temples du Soleil et de Jupiter furent con-
vertis en forteresses. Les tours et les murailles furent réparées par Baladin et par
les sultans manulouks d"Ég\-pte. « Il y a un chasteau qui est quasi entier, où
Ton voit neuf hautes colonnes plus grosses que celles de l'hippodrome de Cons-
tantinople. Et aussi une autre colonne droite en dessus de la ville quasi semblable
à celle de Pompée prés d'Alexandrie, sur laquelle y a un chapiteau quarré qui
112 VOYAGE
un fort beau pays; dans laquelle y a un chasteau fort
bien basty et d'une belle architecture, où y a plusieurs
colonnes de grande hauteur qui se descouvrent de
fort loing. Aucuns disent que le bastiment qui se void
aujourd'hui est des Circatz' ; aultres, qu'il a esté faict par
Salomon et d'aultres l'estiment des Romains, ce qui
est plus croyable, à cause d'un sepulchre d'un empe-
reur romain qui est fort magnificque, monstrant bien
avoir esté faict par un grand seigneur; et de là, chemi-
nasmes par colines et valons habundantz en fruictz
de toutes sortes; et sur le chemin, nous fut monstrée la
maison de nostre premier père Adam et celles de Caïn
et Abel qui sont sur une montagne fort haute ; et vismes
aussy le lieu où ledict Caïn pleura ses peschez pour
l'homicide qu'il avoit faict de son frère Abel \
Et cedict jour qui estoit le huict juillet, arrivasmes
en la ville de Damas située en une fort belle plaine,
l'une des plus belles et plaisantes situations que j'aye
point vue en tout le pays du Grand Seigneur, tant pour
la quantité des fontaines, que pour les jardinages et
arbres truictiers qui y sont de toutes sortes, en si grand
est la couverture de ladicte colonne. Il y a plusieurs plates-formes de pierres
de tailles dedans la ville, faites en manière de sepulchres, inscrites des lettres
arabiques. » (Les obscivalioiis de plusieurs siiio^nhirih'i, etc., page 342.)
1. Les sultans mamelouks Circassicns d'Egypte.
2. Cette haute montagne est le mont Q.assioun qui domine la ville de
Damas et au pied duquel s'élève le faubourg de Salahièh. On y montre une
caverne appelée Magliarat Eddcm (la grotte du sang) dans laquelle, selon la
tradition, Caïn aurait tué son frère Abcl. Cette caverne aurait ensuite servi
d'asile au prophète Elie et à saint Jean-Baptiste. Tous les voyageurs qui, au
moyen âge, ont visité Damas, font mention de cette tradition.
DE MONSIEUR D'ARAMOX 113
habondancc qu'il est impossible de plus, avec prairies
et beaux ruisseaux de rivières qui les entourent'.
Au demeurant, la ville n'est pas fort peuplée, ne
gueres bien bastic. Halep est beaucoup plus belle ville,
plus riche et plus peuplée. Et quattre jours après nostre
parlement dudict Damas, nous passasmes sur le pont
de Jacob soubz lequel passe le Jourdain, et prés dudict
pont, y a encore quelques vestiges de la maison dudict
Jacob'. Et vismes sur le chemin, prés d'un carvanssera
qui est une hostellerie à la turquesque, la cisterne où
fut jette Joseph par ses frères, joignant laquelle y a un
oratoire où son père le venoit plorer '. Et vinsmes
1 . « Il y a si grande commodité d'eau à Damas, du llcuvc Chrysoroas que quasi
chacun a une fontaine tant en son jardin qu'à son logis. Les rues de la ville
sont estroictes et mal droictes. Le bazare, c'est-à-dire le marché est fort beau,
et est couvert par le dessus. Les maisons y sont assez bien basties : mais ce
qui est le plus beau, sont les porches à claires voyes pour s'y refrcî^chir. Les
murailles de la ville sont doubles comme à Constantinople. Ses fossez ne sont
gueres profonds, èsquelz ils cultivent des meuriers blancs pour nourrir les
verms qui font la soye. Les tours des deux murailles sont moult près à près,
car il y a une grande tour quarrée entre deux autres petites, qui sont rondes et
sont plus grandes l'une que l'autre. II y a un petit chasteau quarré hors le
circuit des murailles, et toutefois il semble estre enclos en la ville, car les
faulxbourgs sont deux fois plus grands que la ville ; aussi les marchez sont
tenus es faulsbourgs, mais les bazares et bazestans sont dedans le circuit des
m.urailles. Les portes de la ville sont couvertes de lames de fer au contraire de
celles du Caire qui sont couvertes de cuir... Les boutiques des artisans sont
comme au Caire... Il y a un bâcha à Damas comme au Caire, qui a son logis
hors la ville. Il ne se tient pas au chasteau de peur de rébellion. » (Les obser-
vations des singularité:^, pages 332-335.)
2. Ce pont est connu aujourd'hui sous le nom de pont des filles de Jacob
(Djisr benat Yaqoub) : il se compose de trois arches et fut réparé à la iin du
xiii" siècle, par le sultan Beybars qui fit construire, en outre, près de là une
mosquée et un khan.
3 . Le puits de Joseph (Djoubb Youssoui) est à trois heures de marche du
8
114 VOYAGE
coucher cedict jour à Bethsaida' sur la rive de la mer
de Tiberie où nous allasmes avec barques pour aller à
des bains naturels qui y sont, les plus chauldz que
j'aye jamais vuz". Cedict lieu de Tiberie' est habité de
Juifs et est du tout ruiné et, par ses vestiges, montre
avoir esté autrefois une grande ville.
pont des filles de Jacob, Le khan dont parle Chcsncau est bâti sur une émi-
nence ; il a été, comme presque tous les édifices d'utilité publique, rebâti par
le sultan Beybars, après ses victoires sur les Latins. La mosquée dont parle
Chesneau est aujourd'hui en ruines. La tradition qui place dans cette plaine
la fosse où Joseph aurait été jeté est très contestée par les auteurs musul-
mans.
1. (f Bethsaïda, domus frugum veldomus venatorum )> dit saint Jérôme. Les
ruines de cette ville se trouvent auprès d'un caravansérail ruiné qui porte le
nom de khan Minièh. Cf. Robinson, Bihlical rcsearches, Boston, 1857, t. III,
page 358.
2. Ces bains sont situés en dehors de la ville de Tibériade. « In hac civitate,
(extra muros loco qui dicitur Emmaus), sunt aqux salubres et médicinales,
balnea optima quarum virtutem Romani in lapide, literis descriptam rehque-
runt, quas tempus corrosit et consumpsit, nec possum de eis plenam intelli-
gentiam habere. Hœc de Thiberia. Sed addam ego ahquid. Dum indigne
curam gererem, apostolica auctoritate, Terrte Sanctce, audivi quod quidam
Zamnicas impius Judxus volebat Thiberiam iterum expulsis serpentibus, geni-
minis viperarum eam replere et nostram Ecclesiam in sinagogam convertere :
de hac enim re pluries et cuni Arustam bassa et cum Ali bassa secreto locutus
sum qui semper dixcrunt mihi, hoc nondum factuni esse, nec in vita Solimani
régis fiet et hoc quod verbis promiserunt, opère compleverunt ; quid autem
Selim rex facturus sit nescimus ». {Lihcr de pcrenni ciillu Tenu' sancta auctor
P. Bonlfacio Stephano Ra^iisùio. Venise, 1875, pages 26S-269.)
Zamnicas est Jean Miquez au sujet duquel j'ai donné quelques détails dans
la note de la page 48. Arustam est Rusteni Pacha le grand vizir de sultan
Sulcyman dont il est question dans la relation de Chesneau.
3. Tibériade (Thabarièh) était en ruines au xvi= siècle; les serpents, dit
F. Etienne de Raguse, la rendaient inhabitable. L'église construite par sr.inte
Hélène avait conservé toute sa splendeur et elle était possédée par les Fran-
ciscains qui y célébraient les offices une fois par .m. {JJbcr de pen'iiu! cuJltt,
page :08.)
DE MONSIEUR D'ARAMON iiS
Le lendemain , costoyasmes une pièce de kidicte
mer sur la rive de laquelle est Capharnaum où les Juifs
firent payer le tribut à Jesus-Christ'. Et passasmes tout
au pied de la montagne où Nostre Seigneur rassasia, de
cinq pains et deux poissons, cinq mille personnes. Et
costoyasmes aussy le mont Tabor où se fit le mistcre
de la Transfiguration Xostre Seigneur, où y a encore
une église qui n'est habitée. Nous allasmes à Nazaret,
qui autrefois a esté une petite ville assise sur une mon-
tagne et vismes le lieu où la Merge Marie receut la
salutation angelique, qui est une petite caverne ou
grotte dans laquelle y a deux grosses colonnes fort
haultes à l'endroit de l'une desquelles estoit ladicte
Vierge en oroison, et à l'endroict de l'autre s'aparut
l'ange devant elle, luy disant qu'elle enfanteroit Jésus.
De là, passasmes par la campagne où les Apostres man-
gèrent les racines, et prés d'un village ruiné où Jésus
Christ guérit le lépreux où y a quelques vestiges d'une
église. Puis, vinsmes au chasteau de Herodes apellé
Sabasty qui est le lieu où ledict Herodes fist descoller
sainct Jehan ■. Et vismes la prison où il estoit et où il
1. Kafr Xaïm, Cf. Robinson, 'Biblical rescarches, tome 111, pages 548-337.
2. Sebaste (Sebastich), n'est plus aujourd'hui qu'un village de soixante leux
ayant une population de quatre cents habitants. L'église fondée par sainte
Hélène, si l'on en croit la tradition, fut rebâtie par les chevaliers de Saint Jean
de Jérusalem. Lors de la chute du royaume de Jérusalem, elle fut convertie en
mosquée. Dans l'enceinte de la mosquée, on montre une chambre souterraine
creusée dans le roc et dans laquelle on prétend que saint Jean-Baptiste lut em-
prisonné et décapité. Josèphe afnrme que saint Jean eut la tète tranchée dans
le chàt-MU de .Macharus, siiué à l'cil de la n-,er Morte. Saint Jérôme noui ap-
ii6 VOYAGE
fut enterré. Et y a eu autrefois une église qu'avoit faict
faire saincte Heleine à l'honneur dudict sainct Jehan,
qui a esté ruinée par les Turqs et ont faict d'une partie
d'icelle, une église à leur mode. Et cedict jour, vinsmes
coucher à Naholouze ' anciennement apellée Sichar ou
Sichem en la contrée de Sammarie prés de laquelle
estoit le puys où Jésus Christ demanda à boire à la
Samaritaine, qui est à présent tary et n'y a autre appa-
rence de puys sinon deux petits pilliers de marbre, sur
l'un desquels l'on dict que Jésus Christ se assit pour se
reposer comme lassé du chemin.
Le lendemain, i8' dudict mois de juillet, nous arri-
vasmes en Hierusalem où l'ambassadeur fut fort hono-
rablement receu parles Turqs, gouverneur et seigneurs
d'icelle, lesquelz vindrent au-devant de luy, environ
demie lieue, accompagnez de sept ou huict vingtz che-
vaux pour le moins et de plusieurs autres personnes
gens de pied arquebuziers. Et croy qu'il n'y eut créature
humaine dans ladicte ville, mesmement des chrestiens
qui n'en sortist pour venir au devant dudict sieur
prend que, de son temps, lopinion générale était que le précurseur de Jésus-
Christ était enterré à Sébaste.
I. Naplouse (l'ancienne Sichem, Neapolis), appelée par les arabes Nabolous :
elle est aujourd'hui le chef-lieu du district du même nom et celui de Djennin.
Hlle est le siège d"un archevêque grec relevant du patriarche de Jérusalem : sa
population s'élève au chiffre d'environ huit mille âmes. Naplouse est la rési.
dence des derniers Samaritains réduits à une quarantaine de familles; les églises
élevées par les Latins à Naplouse ont été converties en mosquées après la chute
du royaume de Jérusalem en 1187. (Cf. V. Guérin, Dcscn'plion oiogniphiqiie cl
archi-oloi^iqiic de la 'Palestine, \V partie, Sauun'e, tome I, pages 590-4:,'.)
Dïï MONSIEUR D'ARAMOX 117
ambassadeur qui cstoit altciulu du i^ardicn ' et eordel-
liers du couvent du mont Sion, comme les Juifs
attendent leur Messias, pour Tesperance qu'ilz avoient,
par sa venue, estre mis hors des garbouilles et fas-
cheries que leur foisoient chascun jour, certains san-
tons, c'est-à-dire prestres turqs qui tiennent le Cénacle,
qui auparavant estoit leur église; et depuis quelque
temps, lesdictz Turcqs leur ont osté par force et en
ont faict taire une à leur mode que nous apellons mous-
quée. Et laisoient journellement tant d'estorcions
ausdictz cordeliers qu'ilz estoient en délibération
d'habandonner ledict couvent et se retirer tous en
chrestienté, sans la venue audict lieu dudict ambassa-
deur, lequel fit tant envers lesdictz gouverneur et sei-
gneurs de la ville, qu'ilz chassèrent les prestres turqs
qui estoient moteurs de telles menées. Toutesfois, j'ai
depuis entendu dire que les cordeliers ont beaucoup
plus enduré d'injures et outrages qu'ilz n'avoient encore
faict, et ont, finalement, esté contrainctz laisser et ha-
bandonner ledict couvent et se retirer en Bethléem.
Et si je voulois escrire tous les torts et mauvais trai-
tements qu'on leur a faictz et la rigueur qu'on leur a
tenue, ce ne serait que prolixité.
Mais, pour abrevier, je diray que nous logeasmes
I. Le gardien du couvent du mont de Sion, en 1549, était l'rA Bonifacc
Etienne Corsetto, ragusais, qui résida à Jérusalem de 1547:115)5. 11 est l'au-
teur del'ouvrage cité plus haut : Liber de pcrcimi ciiJln 'JVn\r saiicLc. Guarmani,
Gli Italiani in Ttira San la. pagu 4I(^.
ii8 VOYAGE
audict couvent qui est hors la ville, situé sur le mont
Sion, à l'endroict où estoit la maison de David, qui est
un lieu fort petit, resserré à cause que les Turqs leur
ont levé et osté ledict Cénacle où Jesus-Christ lava
les piedz à ses apostres et où il mangea l'agneau pascal,
qui estoit leur église comme dict est, qui les elargissoit
beaucoup, tellement que de l'une de leurs chambres en
faisoient leur église. Et au dessoubz dudict Cénacle, est
le sepulchre du roy David où les chrestiens entrent
en grande difficulté, pour ce que lesdictz prestres turqs
tiennent en grand honneur et révérence ledict se-
pulchre \
Hierusalem a esté refermée de murailles par les
Turqs, mais elle n'a aucun rampart ne fossez. La ville est
de moyenne grandeur et non fort peuplée, et les rues
estroictes et sans pavé. Son assiette est fort pénible,
car elle est toute en pante et n'y a aucun lieu plain
dedans ne à l'environ, que là où est assis le temple de
Salomon qui a esté faict à main et force d'homme. Le
reste tant dedans que dehors, ne sont que petites mon-
I. Le cénacle et le tombeau de David avaient été enlevés aux Pères francis-
cains de Terre Sainte en 1522, en vertu d'une décision du tribunal religieux de
Jérusalem. La sentence du cadi et des imams des quatre rites orthodoxes avait
été ratifiée par la Porte. François I"'' fit f^tire à Constantinople une démarche
qui ne fut point accueillie. M^ Charrière a publié la réponse de Suhan Sulevman
à François lor. (Ncgocialion cl; la France dans Je Levant. Paris, 184S, tome I,
pages 129-133.) Les pièces relatives à l'expulsion des Latins du cénacle sont
toutes données dans l'appendice. Lors du séjour de M. d'Aramon à Jérusa-
lem, le couvent du mont de Sion était encore occupé par les religieux de Terre
Sainte.
DF MONSIEUR D'ARAMOX iiq
taignesct pavs bossu, maigre et pierreux. Ancicnenient^
toutes les rues et courtz des maisons estoient couvertes
et faictcs à voultes, en sorte qu'on alloit tcuisjours par
toute la ville à pied sec. Et pour le jourdhuv, du costé
de la porte Speciosa du temple, y a encore une rue ou
deux ainsv voustées où les Turqs tiennent leur mar-
ché. Ledict temple de Salomon est au plus bas de la
ville, regardant la vallée de Josaphat et le mont d'Oli-
vet, tout rond, faict en couppe, couvert de plomb, à
galleries tout à l'entour qui sont dudict corps et vais-
seau, comme sont les chapelles de nos églises, qui est
tout ce qu'on en peut juger, car il n'est pas permis à
aucun chrestien d'y entrer sans danger de mort ou
pour le moings de se fliire turq.
Nous avons encore veu dans la ville plusieurs mai-
sons anticques fort ruinées, comme celle de Simon le
Pharisien où Jésus Christ se invita d'aller disner et où
la Magdelaine plora sur ses piedz. Et prés d'icelle,
estoit la maison du mauvais riche au dessus de la Mag-
delaine, et au carrefour de cette rue, est le lieu où les
Juifs feirent porter la croix de Xostre Seigneur au
bonhomme Simon Cyreneen. Plus hault, est le lieu où
Nostre Dame se pasma voyant son fils mené au suplice
de mort; et là soulloit avoir une chapelle appelée la
chapelle de Pasme. De là, nous passasmes par dessus
un petit arceau sur lequel y a deux pierres carrées, sur
l'une desquelles estoit assis Nostre Seigneur quand
Pilate le condapmna, et sur l'autre estoit assis Pilate.
120 VOYAGE
Et sur l'une d'icclle est engravé ce mot : Toile. Bien
près de là est le palais où se tenoit ledict Pilate qui est
fort désolé et ruiné. Et vers ce cartier là, estoit la
porte dorée appelée la porte sainct Estienne près
laquelle, en la place aux ouailles est le lavouër proba-
ticque qui est maintenant à sec, lequel a cinq porches
duquel il est escript en sainct
Et de là, nous en retournant au mont de Sion, en-
trasmes dedans la maison de saincte Anne qui estoit une
église fort belle de monastère de femmes dont la seur
de Godefroy de Billon a esté abesse, ainsi qu'on nous
disoit. Et est maintenant une mosquée qui vaut à dire
église à la mode des Turqs. Puis, vinsmes à l'hostel
d'Herodes où y a sept ou huict degrez à l'entrée qui
monstre avoir esté assés belle maison. Et là fut envoyé
Nostre Seigneur pour estre interrogé dudict Herodes ;
et passasmes par devant la maison de la Véronique qui
est le lieu où elle bailla un linge pour nettoyer la lace
de Jésus Christ.
Aussy nous fusmes au lieu où sainct Pierre estoit en
prison quand l'ange s'aparut à luy et passasmes au heu
où estoit la porte de fer; et entrasmes en la maison de
Marie, mère de sainct Jehan surnommé Marc, en la-
quelle sainct Pierre se retira en après que l'ange l'eut
laissé. Et en ce lieu, y a une eghse de Suriens; de là,
nous vinsmes en l'hospital sainct Jehan qui estdestruict,
que soulloient tenir les chevaliers de Rhodes. Puis, al-
lasmes en l'église sainct Jacques où sont prestres armé-
DE MONSIP.UR ITARAMON i:i
nicns, où est le lieu où sainci Jacques lut décapité
par commandement d'Iferodes.
Et un peu plus hault, près les murailles de la ville,
près le mont Sion est la maison de Anne. Ht hors de la
ville, près le couvent du mont Sion est la maison de
Caiphe où sainct Pierre dit qu'il n'estoit pas disciple,
à l'entrée de laquelle est une fencstre où le coq chanta.
Et dans ladicte maison a une chapelle que tiennent
lesdictz Arméniens, en quoyl'aultel est de la pierre que
les Juifs mirent au monument de Jésus Christ.
Derrière l'église du sainct Sépulcre est le lieu où
Abraham voulut sacrifier Isaac son lilz par le comman-
dement de Dieu. Et près de là, y a un olivier où Abraham
vit l'agneau qu'il immola an lieu de sondict filz.
Ladicte église du sainct Sépulcre est située sur le
mont de Calvaire qui est le lieu le plus hault de la ville,
et est icelle église toujours demeurée en son entier, à
cause du profit qu'en retire et reçoit le Grand Turq, tous
les ans. Car il n'y a pellerin qui ne paye pour y entrer
neuf ducats par teste, s'il n'est prestre ou grec qui ne
payent que quatre ducatz et demy. Elle est fort grande
et bastyeà merveille et dict on que saincte Ileleine la fit
faire pour enclore dedans plusieurs lieux des misteres
de la Passion de Nostre Seigneur et y faire plusieurs
chappelles èsquelles se tiennent chrestiens de diverses
nations comme Grecz, Arméniens, Géorgiens, Cop-
thiens, Suriens, Jacobites, Maronites, Abissins et chres-
tiens de la saincture. Chascune nation v a sa chiippelle
122 VOYAGE
pour ce qu'ilz officient diversement. Et y auroit confu-
sion en leur service pour la diversité de leurs langages,
s'il n'y avoit séparation ; tous lesquelz habitent en la-
dicte église comme leurs femmes et enfants, et sont tous
leans enfermez, sans avoir autre issue ne pour achep-
ter leurs provisions, ne pour parler aux personnes qui
ont affaire à eux, que deux grands pertuiz qui sont faitz
expressément à la porte de l'église de laquelle les Turqs
ont et portent les clefz, lesquels ne l'ouvrent sans grande
cérémonie et mistere, selon ce que j'ai peu voir.
Et le vingt-quatre juillet, y estans entrez, les Turqs
fermèrent les portes sur nous et s'en retournèrent en
leurs maisons. Et après qu'ilz s'en furent allez, les
cordeliers du mont de Sion qui y entrèrent avec
nous, dirent une messe à notte, laquelle dicte, firent
une procession par tous les lieux qui sont en ladicte
église. Et en chascun lieu s'arrestoient et disoient une
oroison, selon le mistere qui avoit esté faict audict
lieu. Et commencèrent au sepulchre de Jésus qui est
une petite chapelle où l'on ne peut entrer que trois ou
quattrc personnes, couverte de pierre de marbre, et
par dessus la couverture, y a une tourelle. Outre ledict
sepulchre, y a en traversant l'église, deux pierres
rondes, sur l'une desquelles se assit Jésus quand il
s'aparut à Magdclaine, luy disant : Femme, ne me touche
point. Un peu plus avant est une chapelle, lieu où l'on
avoit esprouvé le boys de la vraye croix pour sçavoir
lequel estoit des trois, et mit-on le boys sur une iemme
Dr. MONSHUR IVARAMcA' 12^
morte qui, incontinent, ressucita ainsy que nous reci-
toit le beau père Gardien. Et en cette ciiapclle, en une
fenestre est une pierre de la colonne où Jésus lut atta-
ché et battu. De là, Yon va derrière le chœur de Te^lise,
en un lieu obscur, soubz une roche qui estoit la prison
où Nostre Seigneur fut mis et lié à une pierre percée,
en attendant que les tormcntz fussent appaisez pour
le faire mourir. Et vinsmes en une chapelle où les
chevaliers despartirent ses vestements; puis descen-
dismes environ quarante degrez soubz une .grosse
roche qui est le lieu où fut trouvée la croix. Puis, en
une chapelle où y a une grosse pierre en forme de co-
lonne, où fut mis Jésus quand on luy mit la couronne
d'espines sur la teste. Et de là, nous montasmes sur le
mont du Calvaire qui est le propre lieu où lut mis la
croix et où Jésus souffrit passion de mort. Et y a un
trou rond qui a environ un pied de profondeur ; par
dessus, y a une pierre de marbre percée àl'endroict du-
dict lieu. Et est ladicte pierre enfermée tout autour de
cuivre et clouée à gros clous, afin qu'on ne la gaste et
qu'on n'emporte de la terre du lieu, car autrement les
pellerins eussent emporté dudict mont plus gros
que n'est toute l'église; et de là, nous vinsmes au
lieu où Jésus Christ fut mis et oingt, estant descendu
de la croix, auquel lieu y a une pierre de marbre noir
rompue en plusieurs endroitz, et y a sept lampes
ardentes par dessus. Et en cedict lieu, fismes lin à
nostre procession; et dessoubz le mont de Calvere y a
124
VOYAGE
une chapelle où est le sepulchre de Goddefrov de
Billon qui fut roy de Hierusalem et vendit son pays
pour faire guerre aux Infidèles et gagna par force la-
dicte ville.
On nous disoit que le lieu où fut plantée ladicte
croix est le milieu du monde. Toutesfois, les autres
disoient qu'il est au milieu du chœur de ladicte egUse
où il y a un petit pillier de pierre qui sort de terre envi-
ron demy pied; et y a dessus ledict pillier un petit
pertuis que Jésus fit de son doigt disant : Voyez ci le
millieu du monde. Et de cela j 'en lairray la dispute à
messieurs les théologiens; mais en passant, je puis
dire qu'il n'est pas besoing d'aller en Hierusalem pour
trouver Jésus Christ, pour ce que le trouve bien en
sa maison qui veut, et continueray d'escrire d'autres
lieux qu'avons veuz, encore que ce ne soit chose qui
fust d'ediffication. Mais d'autant que l'on les monstre à
tous pellerins qui y vont, leur déclarant les pardons
qu'ilz méritent à les visiter, je ne le veux les ob-
mettre.
Nous demeurasmes tout un jour en ladicte église
et en sortismes le soir. Le landemain, fusmes hors de
la ville au lieu où est le sepulchre de la Vierge Marie
qui est une église assez belle, mais lort obscure et est
située en la vallée de Josaphat en laquelle estoit le tor-
rent Cedron qui est demeuré à sec, et n'v a aucune eaue,
si ce n'est par quelque grande habondance de pluye.
lit au-dessus de ceste vallée est le mont d'Oh'vet où
1)1: MONSIEUR DAUAMON 1^5
Xostrc Seigneur lit loroison cl prcscha les bcaiitudcs
et pleura sur Hierusaleni.Et à la sonimilé dudici nioni,
fut eslevé et monta aux cieux devant ses apostres, où
est resté encore imprimée en une pierre la k)rme el
grandeur de ses pied/. De là, nous \insnies en Betli-
phagc qui est le lieu oi'i Jésus envova ses disciples
quérir Tasnesse pour aller en Ilierusalem, et plus haut,
V a quelques vestiges des maisons de Marie Marthe
et de Marie Magdelaine, qui sont environ à deux traictz
d'arc l'une de l'autre, au milieu desquelles y a une
pierre sur laquelle Xostre Seigneur estoit quand la
Magdelaine luy annonça la mort de La/are. 1-t prés de
ce lieu est Bethanie où y a une chapelle en laquelle est
le sepulchre où fut mis ledict La/are; et en ladicte
chappelle v a une grotte ou caverne où Magdelaine lit
pénitence.
Le lendemain, 26^ jour dudict mois, nous allasmes
à Bethléem qui est à quatre ou cinq milles de Hierusa-
lem, qui par le passé, a esté une belle cité, mais mainte-
nant est reduicte en un village situé sur une montagne
en pays pierreux et bossu, où se tiennent ordinaire-
ment quattre cordeliers qui v sont envoyez par le
gardien du couvent du mont Sion, lesquelz sont lort
bien logez et spatieusement. Ht est le lieu assez plai-
sant, beaucoup plus que ledict couvent de Sion. 11 y a
une église qui a esté fort belle et grande, laquelle s'en
va en ruine, à cause que les l'urqs en ont osté et ostent
journellement le marbre et aultres pierres qui leur
126 VOYAGE
peuvent servir pour enrichir leurs mousquées; et croy
que s'ilz eussent peu emmener quarante colonnes
grosses de marbre qu'ilz s'en fussent servis aussy bien
que du reste'. Et au dessoubz du chœur de ladicte
église, est la grotte ou caverne dedans le roch où l'on a
faict une chapelle pour y enclore dedans le lieu où
Jésus Christ nasquit, où estoit la crèche et où il fut
adoré des trois Roys et où il fut circoncis. Semblable -
ment, y est la sépulture sainct Hierosme et son estude,
là où il translata la Bible d'esbreu en latin. Aussy
fusmes au lieu où les anges annoncèrent aux pastou-
reaux la nativité de Jésus, et est environ un cart de Heu
dudict Bethléem.
De là, prinsmes nostre chemin en Hebron pour voir
les sépultures des saincts patriarches et celles des
douze prophètes, et le lieu où fut créé Adam et la grotte
ou caverne où luy et Eve furent faire pénitence, en la-
quelle ilz demeurèrent longtempz. De là, nous en re-
tournasmes en Hierusalem, et deux jours après en par'
tismes pour aller au Caire, pays d'Egypte. Et chemi*-
nasmes par pays montagneux et bossu et vinsmes
couchera un cazal ruyné etdeshabité ■. Et le lendemain,
entrasmes en la plaine et vinsmes en un aultre village
nommé Raman'; de là à Gazere ' qui est une petite
1 . Le lîrnian obtenu par le bayle de Venise pour arrêter ces dévastations se
trouve à l'appendice,
2. Ce cazal est le village d'Amouas, l'ancienne Emniaus.
^. Ramlèli.
4. Gazza.
I)l£ MONSIl-LR DAIÎAMON 127
ville ruinée où Samscm cspi\ni\a sa torcc contre les
Philistins, quand il lit tomber le jxilais sur eux et où il
emporta les portes de la \ ille.
Le lendemain, commençasmes à cheminer sur les
sablons et vinsmes loi;er à un carvanssera ' près deux
gros villages oii il nous lut nécessaire louer des che-
vaux, porter biscuit, avoine, paille et eaue doulce pour
six jours que cheminasmes par TArabie sablonneuse
et déserte, lit arrivasmes à Cattié' qui est un petit
chasteau, auquel lieu trouvasmes quelque ralraichisse-
ment de vivres, tant pcnn' les personnes que pour les
chevaux, fors de l'eaue qui est un peu salmatre. Ht en
ce lieu, y a des pigeons que le capitaine du chasteau
tient, lesquelz il mande au Caire qui est ;i quattre jour-
nées de là, avec une lettre attachée au col, quand il a
quelques nouvelles; et pareillement, luy en mande-
t-on du Caire. Chose qui nous a esté assurée pour
vrave, et nous furent monstres les pigeons. Et de là,
deux jours après, nous vinsmes en un gros village
1. Ce caravansérail est le khan Younis qui s'élève au milieu Je vergers et de
bouquets d'arbres. On suppose qu'il occupe l'emplacement de l'ancienne ville
de Yenisus.
2. Qathiéh est un petit bourg au milieu des sables à peu de distance de
Ferama. Les habitants logent dans des huttes faites de branches de palmiers;
une citerne leur fournit une eau fétide et nauséabonde. Lorsque l'on mange le
pain de Q,athiéh, oa sent le sable craquer sous la dent. Il y a dans ce bourg
un petit marciié, cil l'on trouve du poisson en abondance à cause du voisinage
de la mer. (Yaqout, Dictioiniuirc gco'^raphiqiie, tome IV, pages 144.)
« Catia est un chasteau avec peu de monstre, clos autour de murailles de
briques, faute de pierres, sans flancs, giritj, ny aultrc defcnce. » {t'oy.ijc du
LciJiitJ" 644.)
128 VOYAGE
nommé Sallayé ' puis en Langan - où commençasmes
à trouver eaue doulcequi nous fut à grand plaisir. Et si
nous n'eussions faict bonne provision de vin à nostre
partement de Hierusalem, nous eussions beaucoup
paty de boire pour les grandes chaleurs qu'il taisoit
alors, qui nous contraignoient de cheminer la nuit et
reposer le jour soubs nos pavillons.
Finalement, nous arrivasmes au Caire le lo'^ jour
d'aoust 1549; et ^ogea monsieur l'ambassadeur en une
1 . Salahych, (Salachie, Salachia ou Salquie des voyageurs européens)
n'est qu'un petit village situé sur la route qui conduit de Gazza au Caire. « Le
dimanche 3* juillet, arrivasmes à Salquiè, petite bicoque ou forteresse, faite
p artie de terre et troncs de palmiers qu'ils font servir de pieux pour la tenir
faute d'autre bois meilleur, et en yceluy enclos y a une mosquée pour ceux de
la misérable garnison qui n'est que pour se garder des courses des Arabes. »
{Voyage du Levant, f° 645, V.)
2. Langan est le nom défiguré de la petite ville de Khanqah appelée par les
voyageurs du xvi" siècle, Hanque, la Hanque ou la Canique, ou bien encore
Chancha. « Chancha, dit Léon l'Africain, est une grande cité située au com-
mencement du désert, qui va à Sinay, du Caire environ seize milles : laquelle
est ornée de temples somptueux, superbes édifices et très beaux coleges. Entre
icelle et le Caire, y a plusieurs jardins de datiers par l'espace de six milles :
mais depuis les murailles jusques au port de Sinay, ne se trouve aucune habi-
tation, combien qu'il y ait de chemin cent quarante milles. Les habitants sont
médiocrement riches : pour ce que faisant départ do la caravanne pour suivre
la route de Surie, là s'acheminent gens en grande assemblée pour acheter
diverses choses qui viennent eu grand Caire; car il ne croist autres choses que
dates en terroir de ceste cité, de laquelle procèdent deux grands chemins, l'un
tirant droit en Arabie, l'autre en Surie. 11 ne s'y trouve autre eau que de celle
qui demeure en la décrue du Kil dans les canals, et en cas que ils se viennent
à rompre (ce que r.vient quelquefoys), Teau se répand par la plaine, là où elle
demeure en forme de lacs : et de là reprend son cours à la cité par quelques
conduits, puis demeure dans les citernes et conserves. )> (Dcsciiplioii de l'Afrique,
tierce partie du }iioude, et cscrite de notre temps par Jean Léon African, première,
ment en langue arabesque, puis en toscane et à présent mise en J'raiiçois. Lyon.
I ))6, tome I, pages 363-36.}.)
Dli MONSIF-.UR D'ARAMON 129
(on belle maison quiluv fut ordonnée par lebassa dikliet
Heu'.
La ville est i^rande, non partout lerniée de nui-
railles, mais bien en quelques endroicts, assise en plaine
et appuyée d'une montagne où est situé son cliasteau.
11 y a un bras de rivière du Xil qui, au temps qu'il
desborde, passe par dedans. Les bastimentz sc^nt lort
haultz et eslevez, bien faictz, et les l'aict on voir par
dedans pour les peintures et enriehements qui y sont
et qui s'v laisoient au temps des Circas. Mais les Turqs
qui y demeurent aujourdbuv ne bastissent plus ainsy,
ne n'y font telle despense-.
1 . Le gouverneur gênerai de l'Egypte en 1549, était Aly Pacha qui avait été
heylerbey de Roumélie. Il prit possession de son gouvernement au mois de
Chaaban 956 (août 1549), et il fut remplacé le 22 du mois de Djoumazy oula-
khir 961 (23 avril 1555), par Douqakin Zadéli Mehemmed Pacha. Aly Pacha
avait consacré tous ses soins à rendre à l'Egypte son ancienne prospérité, et il
emporta à son départ les regrets de toutes les classes de la population. (Histoire
des gonveruairs généraux de l'Egypte, cowposie en loio (1601), pour Hadji
Mehemmed Tacha par lAbdoulkerim Efeiidy, i" 1 3 .)
2 . La magnificence des palais et des édifices du Caire, le soin avec lequel
ils étaient bâtis et la richesse des ornements qui les décoraient ont frappé tous
les voyageurs qui ont visité le Caire au moyen âge, et à une époque plus rappro-
chée de nous. Nassiri Khosrau qui résida pendant quelque temps en Egypte,
au milieu du xii' siècle, parle avec admiration des maisons du Caire. (5<-/<,t
Wamèh, page 135.) Thenaud décrit l'hôtel mis à la disposition d'André
Le Roy (Voyage d'Oullremer, page 36); Pagani et Marc'Antonio Trevisan s'é-
tendent sur la splendeur du palais bâti pour la femme de Q.ait Bay et que le
sultan Ghoury avait assigné pour demeure à Domenico Trevisan pendant son
séjour au Caire. Maqrizy, dans sa Topographie de VÉgyptc, donne l'histoire des
principaux palais construits par les sultans et les émirs jusqu'au milieu du
xv<^ siècle. (Topographie de r Egypte et du Caire, llouhq, 1270, tome II, p. S^-~7 )
« Les bastimens du chasteau du dire , les belles chambres et sales et les
peintures qui y sont, rendent tesmoignage de la magnificence des Cercasses
qui dominoient n'a pas longtemps à l'Égyplc, devant que le Turc les eut
9
130 VOYAGE
Ladicte ville est fort peuplée et y habondent gens de
toutes parts, et les habitantz du lieu se nomment Moretz
qui ont langage à part eux, mais à présent, il y a tant de
Turqs que l'on n'y parle gueres que turquesque. A
l'une des entrées de ladicte ville, et par celle mesme
par laquelle nous y entrasmes, y a un chemin ou plu-
tost carrière merveilleusement longue, belle et droicte,
aux deux costez de laquelle sont de fort belles murailles
haultes, de pierres de taille, ayant les ouvertures faictes
à ouvrage et à jour comme fenestres, par où l'on peut
voir les champz d'un costé et d'autre. Et environ un
mille de ladicte ville, vers le couchant, est le vieil Caire
situé sur la rivière du Nil, qui est presque tout ruyné où
y a une eghse de Grecz au dessoubz de laquelle est
une voulte où demeura la Vierge Marie lorsqu'elle
fuyoit la fureur d'Herodes; et à demy chemin dudict
lieu, y a un beau et hault aqueduc de pierres de taille
à grandes arches à plusieurs endroits pour passer des-
soubz, allant du Nil respondre au chasteau, et peut
contenir en longueur environ demye lieue.
Nous avons esté en un autre lieu appelé la Matarée
qui est à quattre ou cinq milles dudict Caire, où la
Vierge Marie demeura quelque temps quand elle vint
vaincus en bataille. Les murailles y sont revestues de marbre à la hauteur d'un
homme sçavoir tout à l'entour des portes et fenestres est une lisière de plus
d'un pied de large, faite de marqueterie à la damasquine, avec des naccres de
perles, d'ebene, de cristal, de marbre, de coral et de verre coloré. On voit
aussi de pareils ouvrages en quelques maisons du Caire. » (Les observations de
plusieurs singnlaiite:^, etc., page 23g.)
DL MONSlIiUK D'ARAMON
151
en Egiptc et qu'elle fiiyoit la cruauté dudict llerodes.
Et en cediet lieu, il v a une belle lontaine bien pa\ée
et accoustrée, oii Tcmi diet que ladicte \'ieri;e lavoit le
linge de Nostre Seigneur, prés de laquelle v a une
petite tenestre où elle le eachoit. Et icelle iontaine
prend son cours au jardin du Soudan qui est là aujM-és,
où sont les plantes et arbrisseaux de baidnies.
Le iS'-'du mois d\uuist, nous tusnies voir les pvi'a-
mides et sépultures des rovs d'Egipte que Yon dict
cstre des sept nierveilles du monde, qui sont au-iielà
du Nil en Afrique. La plus grande desquelles est carrée,
faicte en degrez où Ton peut monter qui ont pour le
moings chascun quatre ou cinq palmes de bault. Et
d'iceulx en a deux cent cinquante; et par le bas, d'un
carré à l'autre, trois cens petits pas; et de cela ne se
faut tant esmcrveiller comme de la matière de quov
elle est faicte, car la moindre pierre qui v soit a pour
le moings sept ou buict pieds de long, et les aultrcs
beaucoup davantage; lesquelles ont esté amenées de
l'Arabie pierreuse qui confine et toucbe à l'Egipte et
qui est assez loing dudict lieu.
L'entrée de cette pyramide est vers le septentrion,
faicte comme en voulte, de la bauteur d'un bomme,
qui est une descente iaicte connue uul allée qui va
tousjours en estrccissant; puis, estant tout au bas d'i-
celle, pour entrer en ladicte pyramide, n'y a qu'un
pertuis où un homme ne peut aisément passer en
pourpoint; et estant entré, laut monter sur une grosse
VOYAGE
pierre où il y a un trou pour mettre les piedz, et puis
trouvez une montée faicte comme ladicte descente,
mais beaucoup plus longue, ayant le plancher trois fois
plus hault qui est sans degrez, faicte d'une pierre rouge
pollie et fort glissante, en façon que pour monter, il
faut ouvrir les jambes l'une de çà, l'autre de là et se
tenir des mains à des pertuis qui sont en une basse
muraille faicte pour servir de tienmain à y monter.
Après, vous entrez dedans une chambre où y a une
cuve qui est d'une seule pièce, de la grandeur d'un
• homme, qui est d une certaine pierre qui resonne
comme airain quand on la frappe, et dit-on que c'est
le tombeau du roy Pharaon. Et quiconque entre dedans,
il faut qu'il ait torche ou chandelle, car il n'y a verre
ni ouverture pour y voir. Et auprès de cette pyramide
sont deux autres qui ne sont si grandes, ne ainsy faictes
à degrez, et sont sans ouverture. Et aussy y a assez
d'aultres tombeaux de divers façons. Et, nous en retour-
nant en la ville, passasmes au lieu où y a une teste
de pierre la plus grosse qu'il est possible de voir; l'on
l'apelle la teste de Pharaon. Et près de là, le sieur
d'Aubray, enfant de Paris, tomba de dessus une haque-
née sur quoy il estoit monté; à laquelle cheute il se
rompit le col, dont la compagnie fut fort estonnée et
desplaisante.
En cettedicte ville du Caire, il se trouve beaucoup
de sortes d'animaux sauvages et, entre autres, y a force
chats de civette^ desquclz j'ay vu la manière que on
fiiict pour leur tirer la civette. Aussi v a dedans le
chasteau des austruches, et trois giraffes que tient le
bassa, qui est un }'>lus rare et plus beau et plus hauit
animal que i'a\-e piMiU \"U. Sa peau ressemble à celle
d'un cerl, mais elle est mouchetée de blanc, le pied
comme d'un cerl et les jambes de devant deux lois
plus haultes que celles de derrière. Le corps plus long
que d'un cerl et le co\ lort long et la teste petite selon
la proportion du corps, en laquelle v a deux petites
cornes et le Iront pointu en façon de diamant.
Nous partismes de ce lieu le deuxiesme de septembre,
pour aller en Allexandrie, et allasmes à cheval jusques
à Boulac qui est à deux milles loing de la ville, située
sur la rivière du Nil. Et là est l'escale de ladicte ville où
se faict la cherche de toutes marchandises qui y arri-
vent.
Et sur les huict heures du soir, le sieur ambassadeur
monta sur un brigantin à vingt quatre rames avec
partie de sa compagnie, et le reste sur grosses barques
qui nous menèrent toute la nuict.
Le lendemain, nous arrestasmes à un certain village
pourdisner'. Et de là arrivasme:^ à une \ille ncmuuée
Loua ■ oii ledict sieur ambassadeLU" laissa le brigantin
1. Ce village est probablement celui de Teranèh, l'ancienne Terunitis. C'est
de ce village que part h route conduisant aux lacs de N'atron.
2. « Et tant fismes, dit Belon, que nous vinsmes lugcr à une grande ville
nommée Foua. C'était anciennement une ville grande comme le Caire, et
encore pour le jourd'liui, il n'y a aucune ville en terre ferme d'Égyple après le
Caire qui soit plus grande que Foua. Elle est beaucoup plus grande que Ro-
134 VOYAGE
sur lequel il estoit monté, et print une barque afin de
passer le canal qui va de ce lieu jusque aux jardins
d'Allexandrie où arrivasmes le sixiesme jour dudict
mois. Et vindrent au devant dudict sieur ambassadeur
le consul des Françoys et plusieurs autres des marchands
qui pour lors y estoient. Car là est le port où tous mar-
chands chrestiens qui trafiquent au pays d'Egypte
abordent.
Ladicte ville est fort désolée, etcroy qu'il n'y a maison
entière pour la grande ruyne que le Turq a faict faire
d'icelle. Et n'y a autre chose d'entier que les murailles
qui sont très belles et haultes et de grandes pierres
de taille, avec une grande quantité de tours quarrées.
Et dict-on que Alexandre le Grand les a faict faire
quand il fonda la ville. Et à la vérité, elles sont fort
vieilles.
Toute ladicte ville est à voulte et conduitz par des-
soubz, dont encore aujourd'huy s'en voient les vestiges,
à cause d'un canal tiré du fleuve du Nil qui y passe en
la saison de son inondation. Le pallais dudict Allexan-
dre le Grand est du tout ruyné et n'y a aucune aparence
de maison, prés duquel sont deux esguilles de pierre
chascune de une pièce, fort belles et de grande hauteur;
l'une desquelles est couchée à terre et l'autre debout,
sette, à l'opposite de laquelle y une gninJe isle cultivée Je cannes de sucre, de
sycomores, palmiers, colocasses et toutes sortes de légumes et bledz et de riz
qui, entre autres choses, est de grand revenu à l'Egypte. » {Les observations de
phisictirs siih^nlarilis, page 224.)
D\i MONSIEUR DARAMON ly,
ouvrées et cscriptcs en caractères egiptiens, qui ont Je
hauteur soixante pieds pour le moings. Hors la ville, y
a aussi en un lieu forteminent une colonne bien grosse
et merveilleusement haulte qu'on nomme la colonne
de Pompée; et vers ce quartier, à un mille loing de là,
y a un lac qui donne lort mau\ais air aux habitants du-
dict lieu d'Alexandrie, auquel nous sejournasmes jus-
que au seiziesme septembre que nous en partismes pour
retourner au Caire par le chemin mesme qu'avions faict
en y allant.
Et avant que passer plus oultre, est à sçavoir que la
campagne et la plaine qui est sur la rive du Nil sont les
meilleures terres et les plus habondantes en biens qu'on
sçauroit trouver. Et entre autres choses, elles habondent
en succre, bledz, riz, mil, colocasse et autres légumes et
grains. Et la plus grande marchandise qu'ilz font est
succre, lin et poulletz qu'ilz iont esclore en des iours à
centaines et milliers, qui n'ont telle saveur que les
ncstres.
Il y a grande quantité de villages sur le bord de cette
rivière et à l'environ, lesquelz sont eslevez sur grosses
mottes de terre afin que cedict fleuve n'v adveigne lors-
qu'il desborde. Son inondation commence vers le moys
d'aoust, qui dure sur la terre avant d'estre retirée trois
movs pour le moings et, en ce temps là, les mariniers
mal praticqs de la rivière n'osent volontiers v aller de
nuict. Et encore que l'environ dudict Xil soit iertile, si
s'y void il grande pauvreté, tant au temps de l'inonda-
i-,6 VOYAGE
tion pour estre les hommes assiégez en leurs maisons
que par après, pour l'extrême chaleur qu'ilz endurent,
qui les rend noirs et demy cuictz, lesquelz n'ont autre
vestement que toille de coton. Et les enfants et filles ne
portent aucune chose sur eux, mesmement l'esté, et ne
se faut s'esbahir s'ilz sont noirs et bruslez de la chaleur
du soleil, et aussy qu'il n'y pleut quasi comme point, qui
est cause que le pays d'Egipte a nécessité d'estre arrosé
du Nil. Et communément, la terre n'est gueres plus
haulte que la rivière, qui faict que facilement, et avec peu
de despence, l'on en monte l'eaue par engins à arrouser
jusques aux pays lointains. Et à dix milles du Caire, le-
dict fleuve faict deux branches dont l'une vaàDamiatte
et l'aultre à Rosette, qui sont deux petites villes où y a
port de mer. Et sa source vient d'un lac en Ethiopie,
pays du prestre Jehan. L'eaue en est toujours trouble, et
il la faut laisser rassoir pour en boire de claire ; et est
bonne et bien saine ; et un chascun en boit. Car il n'y a
audict Caire, aucune fontaine ni eaue de puys bonne à
boire.
Il se trouve dedans cedict fleuve des cocodrilles en
grande habondance. J'en ay veu beaucoup, tant de
petitz que de moyens et de grands, qui avoient encore
vie, combien que l'on die qu'estans hors de l'eau, ilz
ne peuvent vivre plus haut de quinze jours; et nous
fut dict que aucuns mores en mangent par laulte de
meilleure viande.
Il y a aussy sur la rive de cedict fleuve force came-
DE MONSII-UR DARAMON i^;
Icons qui se tiennent dans les arbres et ne vivent que de
l'air.
11 se trouve aussi des bestes fort venimeuses qui
ressemblent à serpent/, mais plus courtes. L'on en
ùùt le tiriacle le meilleur qui se trouve en tout le
Levant.
Nous fusmes de retour audict Caire le vingt et
uniesme dudict mois de septembre, où sejournasmes
jusqu'au vingt-six octobre; et l'occasion de nostre
séjour estoit que ledict sieur ambassadeur esperoit
recouvrer du salpaistre de myniere qui s'y trouve tous
les ans, et l'envover en France par des Marsilliansqui y
estoient lors. Et pour ce faire, a voit envoyé vers le
Grand Seigneur duquel il attendoit responce, laquelle
fut qu'il n'y avoit gueres que l'on avoit prins ledict
salpaistre de la myniere, et que si Ton en prenoit
encore, que ce seroit pour gaster et ruyner ladicte
myniere, qui luv tourneroit à trop grand préjudice. Au
moyen de quov, nous revinsmes sans salpaistre et tut
délibération de venir trouver ledict Grand Seigneur en
la part où il seroit. Repassasmes par l'Arabie déserte et
sablonneuse, et revinsmes en Ilierusalem et en Damas
où eusmes nouvelles certaines qu'il s'en retournoit à
Constantinople, et estoit jà par le chemin sans avoir
faict aucune laction d'armes ne aucune chose de
moindre importance à l'encontre de son ennemy, qui
ne voulut jamais comparoir ne venir à combat, et ne
fit semblant d'aucune résistance, mais s'cntuvoit tous-
138 VOYAGE
jours et en pays où l'on ne le pouvoit suivre; qui fut
cause de la retraicte dudict Grand Seigneur, ne voul-
lant plus perdre de temps à cette poursuicte.
Aussy que Elcas moteur de cette guerre, pendant
icelle accommoda ses affaires avec le Roy de Perse son
frère, et s'estoit retiré en son pays et royaume de
Sirvan. Lesdictes nouvelles nous donnèrent grand
contentement pour le désir qu'avions de retourner
audict Constantinople, et aussy pour la crainte que nous
avions de retourner une autre fois au camp. Car
nous estions tant las de voyager, mesmement par ces
pays, qu'il n'y avoit personne de nostre compagnie
qui ne desirast et qui n'eust besoing de quelque bon
repos.
, Nous arrivasmes audict Hierusalem pour la
deuxiesme fois le neufviesme novembre où trou-
vasmes M^ Guillaume Postel * qui y estoit venu dés le
moys d'aoust, avec les pellerins dans la navire de
Venize, homme docte et de grandes lettres, disant à
l'ambassadeur qu'il estoit demeuré exprez afin que par
son moyen, il peust recouvrer quelques vieux livres
du pays. A quoy s'opposa un nommé Petrus Gilleus
I. Guillaume Postel naquit le 25 mars 15 10 àDolerie, village proche de Ba-
rcnton, en Normandie; il mourut à Paris le 6 septembre 1581. On trouve la
liste des très nombreux ouvrages de Postel dans le premier volume des
Mi'iiioircs de littérature de Sallengre, le huitième volume des Mémoires pour ser-
vir à l'histoire des hommes illustres, du P. Niceron, et à la suite des Nouiraux
éclaircissements sur la vie et Us ouvrages de Gu illaume Postel, par le Père des Bil-
lons. Paris, 1775.
DE MONSIEUR nWRAMON 139
aussv fort docte qui avoit faict le vovap:c avec nous.
Lequel le feu roy François premier avoit envoyé es
pays de Levant pour y retirer des livres, principalement
es langues grecque et hébraïque des plus anciens qu'il y
pourroit trouver'. Luv et ledict Postel qui re\int en
Constantinople avec nous, entroient souvent en dis-
pute, et avoit-on bien alTaire quelques lois à les mettre
d'accord.
Nous sejournasmes audict Ilierusalem cinq ou six
jours où je me lis passer chevalier avec un de mes
compagnons, et payasmes chascun seullement cinq
ducatz. Tous les autres qui le sont en payent dix. Et
audict Damas sejournasmes sept jours, pendant lequel
séjour, le bassa dudict lieu fît rendre et restituer quelques
accoustremens et autres hardes qui avoient esté des-
robés à un de nos truchemens à Balbec cy devant
nommé, par aucuns dudict lieu qui nous avoient esté
laissez pour nostre garde, la nuict que v couchasmes ;
lesquels furent bastonnez comme ilz meritoient. Et
avec cela, le bassa donna deux assez beaux chevaulx
audict sieur ambassadeur, pour ce qu'il luy avoit faict
quelque présent auparavant que y avions passé. Cestoit
un des plus braves honncstcs ctHberals turqs qu'avons
I. Pierre Gilles, né à Alby en 1490, fut le protégé de George d'Armagnac,
évéque de Rodez. Il fut envoyé dans le Levant par le roi François I"" pour y
recueillir des manuscrits et il revint en France avec M. d'Aramon. Il alla re-
joindre le cardinal d'Armagnac à Rome où il mourut en 1)5). Son neveu, An-
toine Gilles a fait paraître les traités : De 'Bosphoro Thracio et de Topographia
ConstantinopoUtana. Lyon. i)6i.
140 VOYAGE
point veu, car il n'y a gueres qui donnent, mais prennent
volontiers \
Nous en partismes le 28^ novembre, prenant nostre
chemin vers Tripoly et passasmes à un village nommé
Meziddlec' situé en une belle plaine et fort fertille,
puis à Osam^ et vinsmes à Baruth qui est petite ville
fort anticque située sur le bord de la mer où y a port
de marchands, dans laquelle y a un couvent de corde-
liers despendant de celuy de Hierusalem. Et en ce lieu,
nous fut monstrée la caverne où le dragon se retiroit
et le lieu où sainct Georges le deffit. Et y a esté faicte
une petite église fondée à l'honneur dudict sainct que
tiennent les prestres grecz. De là, passasmes à Petrimo
ville ruinée, monstrant par ses vestiges estre fort an-
ticque^Et le lendemain, arrivasmes à Tripoly, ville bien
1. Le gouverneur de Damas en 1549, était Sinan Pacha, frère d'Ayas Pacha
beylerbey d'Ezroum. Il était né à Delvinosurla côte d'Albanie, en face Corfou.
Il fut ensuite gouverneur d'Egypte et il occupa, à trois reprises, le poste de
grand vizir. Il mourut en 1596, plus qu'octogénaire. Le témoignage favo-
rable de Chesneau ne s'accorde ni avec celui des historiens ottomans, m
avec celui du bayle Matt.-o Zane. (Relaiiorii. t. III, p. 420.)
2. Meziddlec me paraît être le nom très défiguré de Medjdel Andjar, vil-
lage de la plaine de la Biqaa. On y voit les ruines d'un temple dont la cons-
truction est antérieure à celle des monuments de Baalbek et de Palmyre.
3. Osain doit être khan Houssein, la première station dans le mont Liban
orsque l'on quitte la ville de Beyrout. Il faut lire Osain au lieu de Osam que
donnent les manuscrits.
4. Petrimo est sans aucun doute, la corruption du nom de la ville de Ba-
troun, l'ancienne Botrys. Cette ville renferme une population de trois mille
habitants, tous chrétiens. On distingue encore aujourd'hui les vestiges de
l'ancien port.
DE MONSIEUR D'ARAMOX 14!
bastic, située sur un coustcau près la marine qui est le
lieu où tous marchands chrestiens qui tralliquent au
pays de Surie abordent'. Il v a un consul des l-rançois,
et logeasmes en sa maison, lit v demeurasmes six.
jours et en partismes le lo^" décembre, après diner, et
vinsmes coucher en un carwmssera environ luiicl ou
dix milles de TripoK' entre la marine et une rivière. Le
lendemain, cheminasmes par une i;rande plaine suivant
ladicte marine et passasmes plusieurs ruisseaux qui
viennent du mont Liban et aultres montagnes circon-
voisines ; vinsmes coucher à Tortous, anciennement
Ortasia, assis sur le bord de la mer qui a esté la der-
nière forteresse (comme disent aucuns), où se retirèrent
les François ayant perdu la Terre Sainte. Et à ce que
l'on peut juger par les anciennes ruynes et vestiges
d'icelle, ce a esté une très belle forteresse'. En partant
1 . « La cite de Tripoly est d'assez grande cstenduë et plus longue que large,
située au pendant d'une colline que nature a divisée en deux pour laisser
courir la rivière par le milieu de la cité, laquelle par après se divise en plusieurs
canaux et arrouse les terres d'une autre planure qui continue jusques au bord
de la mer qui n'en est distante que de demie lieuë. Et sur le haut de la coline
est un chasteau qui commande à la cité, qui a esté autrefois édifié par les
François, où les Turcs font bonne garde. Les maisons sont basties à la tur-
quesque de deux au trois esiages de haut avec des plates formes dessus, qui
leur servent de couverture et ne les ferment qu'avec des clefs de bois comme
en Hierusalem. Les rues y sont fort estroictes, excepté celle qui va au pont
d'Alep, laquelle est couverte et voûtée, comme pareillement sont les bazares
ou marchez, où se vendent toutes sortes de marchandises nécessaires à
l'homme, c\ccp\.é du y'm. ■» (Les voyages du scigtiiur Je Villamont. Rouen, 1608,
page 596.)
2. Tartous (l'Antaradus des Grecs, Tortose des historiens des croisades) :
cette ville porta aussi le nom de Constantia parce qu'elle fut rebâtie par Cons-
142 VOYAGE
de ce lieu, suivant tousjours la marine, il faisoit si
maulvais et fascheux temps, que fusmes contrainctz
pour pouvoir passer à gué une rivière de retourner en
arrière et aller loger sur les montagnes, à main droicte,
à un pauvre village.
Et le landemain, estant cessé ce torrent, passasmes
ladicte rivière et vinsmes coucher en un autre village,
puis à Gaballa ville ruinée qui monstre par ses vestiges
estre fort anticque; et logeasmes dans un carvanssera
joignant lequel y a une mousquée et un hospital fort
tance, en 346. « Cette place, dit Maundrell, se nommoit anciennement Arthosie.
C'étoit une ville episcopale dans la province de Tyr. Les auteurs, qui ont
traité des guerres saintes en font mention fréquemment, comme d'une place
forte ; ce qui paroit assez par ce qui en reste. Elle est située sur le bord de la
mer et est environnée de l'autre côté d'une grande plaine. H y reste encore
un vieux château qui est très grand et habité. Il est mouillé d'un côté, des
eaux de la mer, et de l'autre fortifié d'une double muraille de marbre grossier
bâti d'une manière rustique. Il y a un fossé entre les deux murailles et un
autre autour de la muraille du dehors. L'on entre dans cette forteresse du
côté du nord sur un vieux pont-levis qui aboutit à une grande salle pres-
qu'entierement découverte. Elle a été autrefois bien voûtée et a servi d'église
au château. Elle ressemble d'un côté à une église par les emblèmes sacrez qui
Sont taillez dans la muraille où l'on voit une colombe descendant sur l'endroit
où étoit l'autel, et dans un autre lieu, la ressemblance de l'agneau sacré, mais
la muraille de dehors à l'air de celle d'une forteresse, étant remplie de cano-
nieres pour de l'artillerie, au lieu de fenestres. La ville estoit autrefois située
autour de ce château au midi et à l'orient. Elle étoit ceinte d'une bonne
muraille et d'un bon fossé dont on voit encore des restes considérables. Mais
il n'y a plus aucun bâtiment qu'une église, qui est à une stade de distance du
château à l'orient. Elle a cent trente pieds de long, nouante trois de large et
soixante un de hauteur. Les murailles, les voûtes et les piliers sont d'un
marble bâtard, en si bon état, que l'on en pourroit refaire une très belle église
avec un peu de dépence. Cependant, elle ne sert aujourd'hui au grand regret
des spectateurs chrétiens, que d'etable au bétail ; de sorte que l'on n'y sauroit
entrer sans avoir de la bouc jusqu'aux genoux. » (Maundrell, Voyat^c d'Alep à
Jcnisalcin^ fait en 1697, Utrecht, 1705, page 30-31.)
DI-: MONSIEUR D'ARA.MON 1,13
beau et net, où journellement se donnent aulniosnes
gencralles, et v sont loi;ez et receuz tous passans riches
ou pauvres, de quelque nation qu'ilz soient'. L'on nous
y fît Taumosne de ri/, pt)taL;es et autres viandes assez
mal acccHistrées et de i^out à nous inacoustuniê, qu'il
flillut neantnioins accepter pour ne inespriser le bien
de Dieu, et ne inescontenter les i^ouverneurs dudict
hospital. Nous la baillasines aux guides qui nous con-
duisoient qui en firent bonne chère. De là, lusmes à
Lidichia qui est une autre ville ruinée sentant son
I. Djcbclch (rancioiinc Gabala), est située entre Tell Sougatet Lataquiéli. On
remarque, dans cette petite ville qui ne compte aujourd'hui que trois cents
pauvres habitants, les ruines d'un théâtre, les restes d'un ancien port et des
tombeaux creusés dans les rochers qui l'avoisinent. L'imaret, dont parle
Chesneau, où l'on distribuait la nourriture aux pauvres et aux voyageurs, était
une des dépendances de la mosquée dans laquelle est enterré le célèbre suint
musulman Ibrahim, fils d'Edhem prince de Balkh : il renonça au monde
pour embrasser la vie religieuse et mourut à Djebèlèh en l'année 161 de
l'hégire (778). Maundell donne quelques détails intéressants sur Djebèlèh
et sur le tombeau d'Ibrahim, fils d'Edhem. « Jebellée est bâti sur le bord
de la mer; cette ville est environnée des autres cotez d'une plaine
très fertile. Elle ne fait pas grande figure à présent. Cependant elle
retient toujours le rang de ville et l'on y voit des restes qu'elle a été
autrefois sur un meilleur pied On n'y trouve rien de remarquable
qu'une mosquée et un hôpital à côté, bâtis l'un et l'autre par Sultan Ibra-
him. Son corps repose dans cette mosquée où l'on nous permit de voir
son tombeau qui est en grande vénération parmi les Turcs. Ce n'est qu'un
grand coffre de bois, posé sur son sepulchre, couvert d'un tapis de toile
peinte, lequel trainc jusqu'en terre de tous cotez. Il étoit orné de plusieurs
chapelets dont les grains sont de bois..... Nous vîmes plusieurs grands encen-
soirs dans cette mosquée, des chandeliers d'autel et d'autres orueniens
d'église. Ce sont les dépouilles des églises chrétiennes à la prise de Ciiipre. »
Maundrell donne ensuite une description assez étendue des tombeaux creusés
dans le roc et des ruines du théâtre. (J'oya^c d'Jkp, etc. Uirccht, 170J,
pages 21-26.
144 VOYAGE
antiquité, dans laquelle y a plusieurs vestiges d'églises
de chrestiens habitée de Turqs et Grecz', et deux jours
aprez, arrivasmes à Antioche, qui a grande aparence
d'avoir esté faicte autrefois par un puissant prince, et
que c'estoit le siège d'un grand seigneur; et aujourd'huy
elle est reduicte comme en village ayant la pluspart de
ses maisons espandues ça et là, et en beaucoup d'en-
droictz, elle est vuide et déserte. Il y a des Turqs,
Arméniens et bien peu de Juifs. Et n'y a plus rien digne
à voir en icelle que les murailles qui ont aparence
d'avoir esté fort belles et merveilleusement bien faictes
et sont presque toutes de pierres de marbrel L'assiette
en est en pendant et comprent la ceinture desdictes
1. Ladaquiè (Laodicea, Laodicea ad mare, Laodicea Syria;) porte en arabe le
nom de Laziquich. Elle fut bâtie par Séleucus Nicator qui lui donna le nom de sa
mère. Elle est construite sur une langue de terre qui s'avance dans la mer,
et est le siège d'un métropolitain grec relevant du patriarchat d'Antioche et
portant le titre de chef et exarque de la Théodoriade.
2. Antioche (Epidaphné, Antiochiaad Orontem) est le siège d'un des quatre
patriarcats grecs. Elle fut fondée par Séleucus Nicator en l'année 301 avant
Jésus Christ. En 83, elle fut enlevée aux Séleucides par Tigrane, roi d'Arménie
et vendue par Lucullus à Antiochus Philapator, Chapour, roi de Perse, s'en
empara en 268. Elle fut conquise parles musulmans en 635, sous le règne
d'Héraclius et reprise au xe siècle par Nicéphore Phocas. Elle tomba ensuite
aux mains des Seldjoucidcs et elle fut possédée par les Latins depuis 1099
jusqu'en 1268, époque à laquelle ils furent chassés par Melik Eddahir Sultan
Beybars. a La circonférence de cette ville, dit Edib Efendy, est de douze milles ;
ses murailles qui s'aperçoivent à une grande distance, sont percées de sept
portes, dont trois donnent sur l'Oronte qu'il faut passer pour y pénétrer. Ce
lieu abonde en eaux douces les plus excellentes. Plusieurs ponts en pierre
sont jetés sur le fleuve dont les rives sont garnies de moulins.... La forteresse
embrassant un vaste espace boisé et couvert de broussailles s'élève à droite et à
gauche de la montagne et en couronne la crête. » {Itinàaire de Constantimplc à
ja Mecque, traduit par AL Blanchi. Paris 1824, pages 25-26.)
DH MONSIEUR IVARAMON I.JS
murailles, la soniniitc de qiiattre grandes et liaulles
montaignes sur l'une desquelles estoitassis le chasteau.
De là, vinsnies loi;er à costé du chemin à main senestre
à un certain ca/al qui est Sc)ulv un petit chasteau
situé sur les nu^nta^nes, assés lertille'.
Le lendemain, xini^t quatriesme dudict mois de
decemhre, loi!,easmes au dessoub/ d'un jK'tit chasteau
nommé Mergues Calassv", assis sur le pendant de la
montaignc, accc^mpai^né d'une maison ou deux seule-
ment, au descouvert, en plaine campagne, en une
prairie, prez d'une petite rivière pour mieux nous ra-
fraîchir et pour mieux trembler la liebvre quarte que
j'avois, qui m'avoit prins un peu auparavant nostrc
parlement du Caire, qui me dura deux ans. Puis, lo-
geasmes à un carvanssera'' et à Seilechuv qui est un
1. Ce cazal est la petite ville d'Alcxandrette (Iskcndcroiin) située sur le
bord de la mer et qui se compose d'un cliAtcau, de quelques maisons et de
quelques boutiques. Le château a été bâti du temps du calife Waciq par Ibn
Abi Daoud. {Itinéraire Je Constant iiiopïc à la Mek/ce, page 24.)
2. Mcrkez Qiilassy, le château du centre : après l'avoir dépassé, on entre
dans le Baghras Belv (la croupe de Baghras), les anciennes Pyl.v; Cilicix".
5 . Ce caravansérail est celui qui se trouve à l'extrémité du pont de Messis.
(c Sur les deux heures après midy, nous arrivasmes au pied du pont que les
Turcs appellent Messis Cupry au bout duquel, du costé méridional, est un
monastère de dervis et proche yceluy, la mosquée ave^^ un han ou carbasary
pour loger les passants avec quelques cachettes et bouiïques de revendeurs de
ris, nentilles, orge pour les chevaux et autres brouilk-ries qui lurent bientôt
enlevées. » {Voyage du Levant, {" 458.)
« Messis est sans aucun doute la ville dont le nom est défiguré en celui de
Seilechuy, car on ne peut supposer qu'il s'agisse ici de Selefkèh, qui se trouve
sur le bord de la mer, à une grande distance d'Adana. Messis ou Messissah est
l'ancienne Mopsueste. Klle lut conquise par les musulmans en l'année iî.\ de
l'hégire (705). » (Itinéraire tic Cottstantinople a la Melche, page 22.)
10
146 VOYAGE
gros village en une belle plaine, et après avoir passé un
pont sur une grosse rivière où y a de chascun costé
ruines de villes ou chasteaux, arrivasmes en une ville
située en la plaine qui se nomme Adena où y a un
petit chasteau et une autre grosse rivière qui bat au
pied d'iceluy, laquelle vient et descent du mont Thau-
rus'. Et lorsque le Grand Seigneur y passa (qui fut
environ quinze jours devant nous), s'en retournant à
Constantinople, ses janissaires et espahiz mirent le feu
au plus beau et meilleur d'icelle, qui y fit un très grand
dommage, la voulans du tout saccager comme si c'eust
esté terre d'ennemy, pour le malcontentement qu'ilz
I. « Adena est une grosse ville, c'est à dire grand bourg, et de grand passage.
Il y a un beau pont de pierre fort large et spacieux. La rivière est nommée en
Turc Schelikmark (Qizil Irmaq, rivière Rouge) qui vient d'Arménie mineure,
passant par Lydie et Cilicie, et vient tomber en la mer Méditerranée au-dessous
de Rhodes. Elle n'est pas navigable pour ce qu'elle meine moult grande quan-
tité de gravùis avec elle La ville d'Adena n'est point close de murailles. Il y a
un chasteau qui a quatre tours quarrées qui ne sont guieres fortes. Nous y
trouvions de toutes sortes de vivres et du vin, car il y a des Grecs, des Juifs
et Arméniens ; et aussi que les Turcs mesmes cultivent les vignes pour en
avoir les raisins. » (^Les siiigularilc^ observces , page 365.)
Le Qjzil Irmaq dont parle Belon, est le Sihan, le Sarus des anciens.
« Adana renferme un medressèh et une grande mosquée bâtie par Piry
Pacha, ainsi que d'autres mosquées, des bains publics et de beaux marchés.
Elle est le chef-lieu du district de ce nom et fut conquise en 891 (i486), sous
le règne de Sultan Bayezid. On y remarque une autre belle mosquée bâtie par
Ramazan Oglon et décorée de plaques de faïence émaillée. Piry Pacha, qui
était de la famille des Ramazan Oglou, a rebâti le château et construit un bain
public. On a jeté sur le Sihan un grand pont aux deux extrémités duquel des
receveurs perçoivent les droits sur les marchandises. » (Itinéraire de Constan-
liiioph à la Mecque, pages 20-21.)
Cf. Rapport sur l'exploration aril.\'oJoi;i(jiie Je ht Cilicie et de la petite Amunie
pétulant les antiées iS)2-iS)j, par M. V. Langlois, pages 40-41.
DI: MONSIEUIi D'ARAMON 147
avoicnl de leur en retourner d'un si loni; et taseheux
vova^e sans aucun prolict, de sorte que pour les apai-
ser, ledict Cirand Seigneur leur lit donner à tous une
grande somme d'argent. Nous v sejournasmes un jour
poiu" prendre \ivi-es et provisions, et au partir de là,
eommençasmes à cheminer sur ledict monl Thaurus
par l'espace de trois jours. Et puis, vinsmcs loger à une
ville non termée nommée lleraclée' située'eii une lort
belle plaine oîiv a grande quantité de beaux sillages; et
V sejournasmes un jour; puis trois journées après,
arrivasmes à Coigne principale \ille de la C>ai-manie'
1. Hcraclce (Erckly Q.araman) que l'on croit Otrc l'ancienne Cvbistra, est
une petite ville divisée en vingt-deux quartiers; elle possède plusieurs djamis
et mosquées. Ibrahim bev daraman Oglou et Chihabcddin v ont fait construire
chacun un djami. Ce dernier est enterré dans celui qui porte son nom. Cette
ville renlerme plusieurs khans, deux bains publics et elle est arrosée par plu-
sieurs cours d'eau. Le sultan Mahomet s'empara de cette ville en 861 (1457).
Le sultan Seldjoucide CLilidj Arslan y a lait construire une grande mosquée.
(lliih'idire de Constant iiioplc à la Mecque, pages 17-18.)
2. Qpniah, l'ancienne Iconium est le siège d'un métropolitain relevant du
patriarcat de Constantinople et qui a le titre de chef et exarque de toute la
Lycaonie. Qpniah devint, en 1074, la capitale de l'empire des Seldjoucides
de l'Asie Mineure. « C'est, dit Edib Efendy, une grande ville renlèrmant de
beaux marchés, des bains publics et des djamis. Une haute muraille percée de
douze portes fut élevée, pour la protéger, par .\!a Eddin Key Q.obad. Elle
tombe aujourd'hui en ruines. Qpniah possède six bains publics, dont quatre
dans l'intérieur de la ville et deux dans les faubourgs.
Qpniah fut conquise par les musulmans en l'année 8$ de l'hégire (704), et
enlevée par le sultan Bayezid à Q.araman Oglou en 764 (1592). On visite, à
Qpniah, les tombeaux de plusieurs saints personnages et particulièrement
celui de Mewlana Djelal Eddin Rouniy. (Itinéraire de Constantinople à la
Mecque, pages 14-15. DjUnin Nunta, page 615,)
Beion dit quelques mots de Qpniah : « Il est aisé ù voir que les murailles de
Cogne sont modernes, car l'on y voit les pierres de marbre des églises où l'on
voit encore les epitaphes en lettres grecques qui monslrent qu'elle a autrefois
148 VOYAGE
dont cstoit gouverneur sultan Bayasit, second filz du
Grand Seigneur, et faisoit sa demeure audict Coigne
qui est assés bonne ville, assise en une fort belle
plaine, bien fermée de murailles, monstrant bien
d'estre anticque. Et à ce que j'ay peu entendre, elle a
esté ediffiée par les Romains. Ce que facilement je
croy, d'autant qu'il y a personnages, lyons et aigles de
pierre eslevez et taillez sur les portes de la ville. Nous
y sejournasmes trois jours, parce que monsieur l'am-
bassadeur esperoit y rencontrer quelques beaux che-
vaux pour envoyer à la court.
Et en partismes le huictiesme de janvier, en temps
de neige et merveilleusement froid, en sorte que pour
la grande habondance des neiges qui tomboient et
pour les brouillardz de la saison, l'on ne pouvoit
remarquer par où l'on passoit. Arrivasmes à Axar' qui
esté possédée par les grecs chrestiens, car les croix et les vestiges qu'on y voit
le demonstrent évidemment. Le circuit des murailles est en rondeur, mais
les tours sont quarrées rares, et peu fréquentes Il y a un Hercule taillé en
marbre à cette porte de la ville qui est entre l'orient et midy au dehors de la
muraille joignant une tour, mais il n'a point maintenant de teste, car les
Turcs la luy abbatirent n'a pas longtemps..,. Les plus beaux bastiments de
Cogne sont mosquées, les bains et carbascharas. (Les singularitcz observées, etc.
page 374-)
I. Aq Cheher (la ville blanche), l'ancienne Antiochia ad Pisidiam. Belon
appelle cette ville Achara. « Les villes de Turquie ne sont pas communément
murées non plus qu'est Achara qui est ville en l'Arménie mineure. Nous y
avons vu des pierres inscrites de lettres latines qui anciennement servoyent
de scpulchres, mais maintenant, elles servent à tenir l'eau dessouz les fon-
taines pour abbrcuver les chevaux dos passants. Cette ville est prez d'un
grand estang large et spacieux, lequel nous costoyasmes long temps. « {Les
observations, page 376.) Aq Cheher est une petite ville possédant des marchés,
des khans, de nombreuses rues et de grandes mosquées. Elle est entourée
DH MC^NSIHlTv D'ARA MON ).,9
est une {X'titc ville non fcrniée, scituée en la plaine
prez des niontaii^nes en laquelle sejournasmcs un
jour. Puis \insnies à Li\riL;ia où y a de ion beaux
baings, lesquelz nous fusnies w^ir', de là à l-sebi/aber",
à Sugut^ et à Biligiclv', gros villages; puis arrivasnies
à Isnic autrement apellée Nicée ', ville fort antieque
de vignobles et de jardins arrosés par des eaux courantes. Les grandes mos-
quées ont été b.itics par Ala Eddin, Sultan Sulcyman et Hassan Pacha. Le
sultan Mahomet se rendit maître de cette ville en 8ii (14 14). {Itiuiniiic
de Coiistatitniople à la yfaqui', page 12.)
1. Le village dont parle Chcsneau, est celui de Ilidja auprès duquel est
une source assez considérable d'eau sulfureuse très chaude qui forme le Ham-
mam Sou un des affluents supérieur du Sandyklou Sou. Il existe également
une autre source thermale à côté du village de Q;ira Arslan, non loin du
versant septentrional du Sultandagh. (De Tohih.uchef, x,-lsie Miuciiri\ tome I,
V^gc 5)7-)
2. Esky Cheher (la vieille ville) est l'ancienne ville de Dorylœum. Elle est
située dans une vaste plaine à dix heures au sud de Sugut. Elle possède deux
grandes mosquées, bâties l'une par Ala Eddin Key Qpbad, l'autre par Moustafa
Pacha. Eski Cheher renferme d'autres mosquées, des marchés, des khans et
des bains d'eaux minérales. Elle fait partie du district de Sultan Euoy. En
687 (1288), le sultan Ala Eddin, conféra par un diplôme la possession de cette
ville à Erthogroul père de Sultan Osman, le fondateur de la dynastie otto-
mane. {Itinéraire Je Coiistuulitiople à la Mecque, pages 9 et 10.)
5. Sugut ou Sugud (les saules) est une petite ville à neuf heures de marche
de Lefkch. Elle portait dans l'origine le nom de Sisfaf ou Sugutdjik le petit
saule. Sugut fut annexée à Tcnipire par sultan Murad I en 765 (1565). (///»('-
raire, page 9.)
4. Biligich est le bourg de Bilèdjik, l'ancienne Argilium, dans la province de
Khoudavendguiar et le district de Sultan Euny.
5. Xicée (l'ancienne Antigonea, Nicxa Bithynix-), est appelée Iznik par les
Turcs. Elle est située sur les bords du lac qui portait dans l'antiquité le nom
de Lacus Ascanius. Elle est le siège d'un métropolitain qui a le titre de chef et
exarque de toute la Bithynie. Fondée par Antigone, elle fut agrandie par
Lysimaque qui lui donna le nom de sa femme Nicx-a. Conquise par les
Croisés en 1097, Nicée fut rendue à l'empire par Théodore Lascaris L Les
Ottomans s'en rendirent maîtres en 751 (1555), sous la conduite de Sultan
I50 ■ VOYAGE
située en une belle plaine prez d'un lac de son nom,
ediffiée par les Romains en laquelle on dict qu'ilz ont
tenu et faict le premier concilie. Aprez vinsmes à La
Lingua* passer le canal de mer qui va à Nicomedie et
logeasmes à un carvanssera sur la rive dudict canal,
puis à Gebizé" et à Cartaluniml Et finallement fusmes
de retour en la ville de Constantinople, le 28^^ de
janvier 1550, qui nous fut une arrivée de très grande
consolation tant pour estre délivrez d'un si long et
ennuyeux voyage, que pour y trouver les nécessitez et
rafraichissementz qui nous estoient nécessaires, lais-
sant penser à chascun les travaux, fascheries et mille
autres incommoditez qu'avons souffertz en iceluy,
trop plus grands que je ne sçaurois escrire, pour estre
en pays estranges et barbares, allienez de toute civilité
et humanité ausquclz, si l'on n'a quelque support, il y
Orklian. Ce prince convertit une église en grande mosquée et il y annexa un
imarct. L'air de Nicéc est lourd et malsain.
1. La Lingua est la traduction italienne du mot turc dil (la langue) qui est
le nom de l'endroit où l'on s'embarque pour passer le bras de mer qui forme
le golfe de Nicomedie. Dil, Lingua. Nomen etiam opiduli asiatici est, trans
Bosporum itinere bidui non magno dissiti a Constantinopoli, versus Niceam. »
Cf. VOiiomaslicon placé à la suite des Histor'uc miisidniamc Ttircoriim de nioiiu-
mcntis ipsorum exscripLc, auct. J. Leunclavio. Francfort, 1591, page 879.
2. Mehemmed Edib Efendy nous apprend que Guebizèh fut conquise par le
sultan Orkhan, et que la grande mosquée fut construite par Tchoban Mus-
tafa Pacha un des vizirs de Sultan Suleyman. On y voit des lampes en jaspe,
suspendues comme des lustres, et on y conserve un coran écrit par le célèbre
calligraphe Yaqout.
3. dartal est un bourg sur le bord de la mer, à trois heures de marche de
Scutari. On y voit deux grandes mosquées, un khan et un bain public. L'air y
est doux, les fruits s'y trouvent en abondance, mais l'eau potable y est rare.
(fliiii'raiir, etc., page 5.)
DE MONSini'R D'ARAMON iSi
iliit tort maiilvais et dangereux. Ht encore que y avois
eu toutes les laveurs et liberté/ qui se peuvent avoir
pour la présence dudict ambassadeur, si est ce que
nous n'avons laissé pour cela y patir beaucoup davan-
ta2;e que tous ceux qui sont usitez plus que nous en
tel pavs. ]:t toutefois, je ne voudrois pour rien du
monde ne les avoir veux, pour le ctmtentement que
j'en av, louant Dieu, de m'en avoir si bien ramené.
Estans doncques de retour audict Constantinople, le-
dict sieur d'Aramon ambassadeur v continua le laict
de sa charge jusques au mois de janvier suivant 1531,
qu'il s'en vint en France, despeché par le Grand Turq
vers le Rovpourl'advertirde l'entrcprinse qu'il deliberoit
faire cette année Là sur mer, du costé de Barbarie, et luy
rendre compte du reste de sa légation. Ht alors je m'at-
tendois bien à retourner en France. Mais ledict sieur
ambassadeur ne le me voulut accorder et me commanda
de demeurer ensemble à un vieux secrétaire auquel il
laissa la charge des pacquetz et lettres qui pou voient sur-
venir pendant son absence, et à moy le service de
maistre d'hostel. Y avoit jà quelque temps, j'avois le
gouvernement de sa maison et d'une grande partie de
ses ser\'iteurs qu'il y laissa, disant que dans quattre
mois, V seroitde retour.
Et au mois de mav ensuivant, le Grand Seigneur fist
partir son armée de mer qui estoitde cent ou six \inglz
galleres et plusieurs autres vaisseaux qui portoient vivres
et munitions, laquelle vint assiéger IVipoly de Barbarie.
152
VOYAGE
Et pendant le siège, ledict sieur ambassadeur y arriva de
retour de France avec deux galleres que le Roy luy avoit
baillées. Il y demeura environ quinze jours, pour ce que
le gênerai de ladicte armée ne vouloit qu'il partist que
premièrement il n'eut prins la ville pour en aporter la
nouvelle au Grand Seigneur, dans laquelle y avoit deux
centz chevaliers de Malte de plusieurs nations, et n'y en
avoit que cinq ou six de françois, lesquelz furent tous
prisonniers et esclaves et mis dans les galleres des
Turqs. Ledict ambassadeur fit tant envers ledict gêne-
rai et ses capitaines, par presens et autres belles pro-
messes, que tous lesdictz chevaliers luy furent donnés;
les fist mettre sur ses deux galleres et, venant en Cons-
tantinople, les laissa en l'isle de Malte; et pour eux,
avoit promis de faire rendre les esclaves turqs qui estoient
audict Malte detenuzpar le grand Prieur, duquel il n'en
sceut jamais avoir un. Et au lieu de grattifier ledict
ambassadeur de la délivrance de tant de chevaliers, le
calomnia, escripvant au roy qu'il avoit esté cause de
la prinsc de Tripoli, en quoy il n'avoit aucunement
pensé ny aidé, ny de force, ny de conseil.
Il fut de retour avec ses deux ^allées audict Cons-
tantinople au moys de septembre et aporta audict
Grand Seigneur la nouvelle de la prinse de Tripoly
dont il fut fort aise. Son armée aussi y fut de retour
sur la lin du mois de novembre, ayant laissé bonne
garnizon audict Tripoly et amenant lorce esclaves
qu'ilz avoient prins en Cécile et autres lieux maritimes.
DE MONSIEUR ITAILXMON
J5Î
Ladictc armée continua trois ou quatre années sub-
séquentes de laire entreprinse sur nier. F. es L;alleres
du Rov s'y trcHiverent en Tannée 1 3 3 3, quand l^onilacc
fut prins; et elles avoient lii\erné auparavant à Tisle
de Chics qui est unerepublique, toutefois sous la pro-
tection dudict Cirand Turq, et qui luv pave, par chascun
an, neuf mille ducat/ de tribut. CV'St oli se prend ce
masticq qui se porte par Xoulc la chrestienté. Idle est
à quattre cens milles loiiii; de Constantinople; auquel
lieu estant de retour comme est dict cv dessus, ledict
sieur ambassadeur y continua le laict de sa charge. 11
avoit aporté nouveaux présents pour entretenir les
gouverneurs et seigneurs du pays en bonne volonté
de faire service au Rov, et mcsmeiiient de laire ache-
miner à la saison ladicte armée.
Cependant, le Grand Turq vint passer Tliyver à
Andrinople où nous le suivismes; auquel lieu vint
monsieur le chevalier de Seure' de la part du Roy pour
solliciter ladicte armée de mer dont il eut fort bonne
rcsponce, qui estoit qu'elle partiroit dans le mois de
juing 1332. Il s'en revint à la cour; avec lequel ledict
sieur ambassadeur me despescha pour la sollicitation
I. Miclicl de Sourc, seigneur de Lumigiiy, avait été reçu chevalier de Malte
en 1539. ^1 servit en Ecosse dans les troupes françaises que Henri II y avait
envoyées. Il accompagna avec une galiote, en 1531, M. d'Aramon au siège
de Tripoli de Barbarie, puis A Constantinople. Michel de Seure fut, en i)68,
chargé dune mission auprès des chefs protestants. Il était, en 158.1, grand
prieur de Champagne, Il encourut, sur la hn de sa vie, la disgrâce de
Henri III.
134 VOYAGE
d'aucunes de ses affaires, mesmement pour avoir argent
de sa pension et celui de ses galleres. Nous partismes
au mois de may dudict Andrenople i^j2, et vinsmes
à Raguze et Venize. Nous passasmes le pays des Gri-
sons et Souisses et trouvasmes le roy devant Dam-
villiers qu'il tcnoit assiégé', où arrivasmes dans le 28^^
ou 30^^ jour de nostre partement dudict Andrenople,
qui ne fut que trop tost pour moy. Car, cinq ou six
jours aprez, cheminant avec le camp du roy, je fus
blessé à la cuisse au dessus du genouil par un souisse,
d'une vieille espée qui n'avoit point de foureau par le
bout, dont je cuyday mourir. Et en fus malade au lict
plus de huict mois, en sorte qu'il fut nécessaire audict
ambassadeur renvoyer un autre pour poursuivre
l'affaire qu'il m'avoit donnée en charge et m'escrip-
vit que si je pouvois recouvrer la santé, luy ferois
plaisir de l'aller trouver. Ce que je fis avec un de ses
secrétaires qu'il avoit despeché, qui me trouva à la
court d'où nous partismes au moys de may 1553, avec
les despechcs de Sa Majesté adressant audict sieur am-
bassadeur et au baron de la Garde", gênerai de ses
1, Le siège de Damvilllcrs dura six jours. La place lut reconnue le 4 juin
1552 et investie le 5. La tranchée fut ouverte le 6; une grande batterie qui
commença à tirer le 10, amena la capitulation de la garnison qui se composait
de dix-huit cents soldats et de deux cents chevau -légers.
2. Antoine ou Jean Antoine Escalin des Aimars, baron de la Garde, mar-
quis de Breganson, seigneur du Château-Dauphin et de Pierrelatte, général des
galères de France, chambellan ordinaire et gentilhomme de la chambre du roy,
conseiller en son conseil privé, capitaine de cent hommes d'armes de son or-
donnance, ambassadeur à la Porte, lieutenant général pour S. M. en Provence
DE MONSIEUR DARAMON 155
galleres qui cstoicnt lors avec celles du Turq. Ht
cstans arrivezà Venize, fusmes ccmseillés par monsieur
et c.ipit.iinc de Cliàtc.ui-D.uiphiii, parvint p.ir son nicrite à toutes ces di;^nités.
Il lut connu d'abord, sous le nom de capitaine Paulin, et l'ut envoyé en Pié-
mont au mois de mars 1558 (iS39)i vers le seigneur de Monrejan, qui en était
gouverneur; il était capitaine de gens de pied au mois d'août 1540, A laquelle
époque il eut ordre de se rendre en Flandres auprès de l'Empereur, et au mois
de décembre suivant, le rov l'envoya en Piémont vers le seigneur de Langcy
et de li à Mantoue et dans d'autres villes d'Italie. Il alla aussi ;\ Venise rem-
placer les deux ambassadeurs qui avoient été assassinés par le marquis du
Guast. Le 17 juillet 1541, il fut nommé ambassadeur en Turquie et négocia
en 1543 avec tant d'adresse auprès du Grand Seigneur que, nonobstant les
sujets de mécontentement que ce prince avoit i l'égard du roy, il rétablit
entre eux la bonne intelligence et conclut un nouveau traité d'alliance. Le
19 mars 1542, il se qualifiait de gentilhomme de la chambre du duc d'Or-
léans, capitaine de mille hommes de pied au service du roy et capitaine de
Château-Dauphin; étoit déjà pourvu l'année suivante de la dignité de cham-
bellan du rov; fut fait général des galères le 23 avril 1544, nommé encore de
nouveau ambassadeur à la Porte le premier may suivant, et député par le roy vers
M. le Dauphin à Montreuil au mois d'octobre de la même année. Au mois de
mars précédent, il reçut sur les fonds de l'épargne une somme de 1,800 livres
pour son entretien dans l'armée navalle qui étoit en Provence ; dans le mois de
novembre, il fut envoyé à Bruxelles vers l'empereur pour affaires très impor-
tantes. En IS4), il jouissoit d'une pension de la cour de 1,200 livres, et au mois
de mars de l'année suivante, il eut ordre d'aller visiter les ports de mer de
Picardie. Il étoit, déjà à cette époque, gentilhomme ordinaire de la chambre
du roy, charge dont il exerça les fonctions jusqu'à sa mort. Au mois de sep-
tembre IS53, Henri II l'envoya en Corse pour donner ordre à toutes les
affaires de ce royaume et de ses galères .
Au mois de décembre iSîS, ce monarque lui accorda une gratification de
5,000 livr. par moitié avec le comte de Tende, à raison de leurs services dans
les guerres et des dépenses qu'ils avoient faites à l'armement de plusieurs gal-
liottes et frégattes qu'ils avoient envoyées hors les mers de Provence pour
son service. Dans le même mois, il vint de Corse trouver le roy à Blois pour
luv rendre compte de ces affaires et fit aussi deux voyages à Saint-Germain-
en-Laye, en 15 57, pour pareil objet. Le 11 avril 1564, il assista au lit de jus-
tice tenu par Charles IX au parlement de Bordeaux, et au mois de décembre
1574, Henry III luy accorda des lettres d'érection de la terre de Breganson en
marquisat, en considération de ses grands services pendant plus de quarante ans en
guêtre et au conseil, rendus tant à ce monarque qu'aux roys FrançoisI, Henri II,
156 VOYAGE
de Selve ', ambassadeur du roy audict lieu, de prendre
un autre chemin que celuy de Raguse, et que celuy
de Courfou estoit le meilleur pour rencontrer lesdictz
seigneur et ambassadeur et baron de la Garde et que
les trouverions en l'armée dudict Turq.
Courfou est uneisle distante de Venise de sept cens
milles, assés grande, qui anciennement s'apeloit Cor-
cyra, où y a un chasteau imprenable situé dans la mer
sur une roche inaccessible. C'est une des principales
forteresses que les Vénitiens ayent. Et le capitaine qui
est dedans n'en sort jamais devant trois ans qu'il est
ordonné à la garde d'icelluy. Hz y tiennent un consul
pour le faict de la justice et marchandise qui y aborde.
Et lorsque le grand Turc avoit guerre contre les Véni-
tiens, ne sceut prendre ledict chasteau. La ville fut
ruinée par Barberousse, et est maintenant comme un
grand village non trop peuplé, car il emmena dudict
lieu plus de dix ou douze cents personnes que hommes,
François II et Charles IX, ayant plusieurs fois commandé en chef leurs années
de terre et de mer, exécuté une infinité d'entreprises et de batailles et négocié leurs
plus importantes affaires avec les plus grands potentats du monde. Dans ces lettres
infiniment glorieuses pour luy, le roy lui donne le titre de cousin. Il mourut
à son cliâteau de la Garde Adhemar, le 30 mai 1578. (Histoire des chevaliers
de l'ordre de Saint-Michel, mân. du cabinet des titres, n° 1039, pages 480-483.)
I. Odct de Selve, cinquième fils de Jean de Selve, premier président au
parlement de Paris, fut reçu conseiller au parlement de Paris le 3 1 décembre
1540, conseiller au grand conseil en 1542, puis maître de requêtes, conseiller
d'Etat et président au grand conseil en 1547 et 154S; il fut ambassadeur en
Angleterre puis à Venise. Il quitta ce poste pour aller à Rome où il resta
jusqu'en 1558. Odet de Selve mourut le 11 mars 1564 et fut enterré à côté
de son père dans l'c;î;lise de Saint-Nicolas du Chardonnet.
DE MONSIHUR D'ARA.MON i J7
femmes ou enfants'. Ladijle isle n'est j\is tort iertillc;
l'on y fait du sel en alxMidance.
Nous V trouvasnies le capitaine Conibas' qui v
estoit arrivé un peu auparavant niuis, qui y ax'oit con-
duiet quelques eorselet/, morions et autres armes pour
les soldats des _i2;allercs du roy ; avec lequel sejournasmes
audict lieu environ quinze ou seize jours, attendant
quelque moven de nous en oster.
Finalement, le vin^t troisiesme de juin, le baron de
Saint-131ancard v vint avec trois i^alleres sur lesquelles
montasmcs incontinent. Passasmes près les villes de
Ccphalonic et Zante peu fertilles, et arrivasmes à
Modon au mcsmc temps et à la mesmc heure que la-
dictc armée du Turc, où sejournasmes trois jours. Ht
1. La flotte turque, commandée par Klutïr lîddin Pacha, débarqua le
25 août 1557 dans l'ile de Corfou un corps de 25,000 hommes et trente
canons placés sous les ordres de Luthfy Pacha ; ces troupes furent renforcées
par vingt cinq autres mille hommes qui ravagèrent l'île et investirent la ville
le l"^' septembre. Sultan Suleyman avait établi son camp à Bastia, sur le
continent en face de Corfou . Après quatre attaques infructueuses contre les
forts qui défendaient la ville, Suleyman donna, le 7 septembre, l'ordre de lever
le siège, et retourna à Constantinople où il arriva le !"■ novembre. (Mar-
moTi, Hisloria di Corfù, Venise, 1672, pages 256-240; Paruta, Historia Vene-
tiana, Venise, 1605, page 615; Hadji Khalfa, Histoire des ^lurrcs mari limes
des Otlovuvis, fol. 22.)
2. Louis Pelet, baron de Combas, figure parmi les défenseurs de Sienne. Sur
l'injonction de Montluc, il reprit, pendant la nuit de Noël 1)54, le poste de la
porte Camollia dont les soldats du marquis de Marignan s'étaient emparés.
En 1557, il fut chargé par Antoine de Bourbon, roi de Navarre, de lever une
compagnie de trois cents hommes. En 1573, il commandait dans le diocèse
de Mende et dans le Gévaudan. Il mourut à l'âge de quatre-vingt-six ans le
20 décembre 1616. (De Thou, Histoire, tome II, pages 55 J-S^d; le P. An-
selme, Histoire chronologique et <^èucalo^ique y c/t., tome II, page 7^9.)
IS8 VOYAGE
fusmes bien faschez quand nous entendismes que le-
dict sieur ambassadeur n'y estoit pas et qu'il estoit
demouré en Constantinople où il nous convint l'aller
trouver, après que nous eusmes communiqué les lettres
du roy audict baron de la Garde, qui estoient com-
munes entre luy et ledict ambassadeur. Nous fismes
provision audict lieu de Modon de truchement et
chevaux pour nous conduire et guider audict Constan-
tinople. Vinsmespar le Peloponese ou Morée en Lace-
demon, ville destruicte et ruinée, et par ses vestiges,
monstre d'avoir esté belle et grande ville; maintenant,
ce n'est pas grand cas, ne pareillement d'Argos, ne
aussi de Corinthe qui est situé sur une montagne
haute, et le circuit des murailles contient la sommité
de tout le haut de ladicte montagne qui ressemble à
un mont Olimpe prés la mer.
Nous descendismes dans les vignes pour nous
reposer sous quelques arbres et faire repaistre nos
chevaux. Cependant, nous envoyasmes dans ladicte
ville chercher des provisions; mais elle est si pauvre et
si desnuée de peuple que l'on n'y sçut trouver sinon
qu'une poule et un peu de mouton; et n'y avoit pas
un œuf. Ce que voyant, et estant passée la chaleur du
jour, sur le soir, nous montasmes à cheval et vinsmes
coucher à quatre ou cinq milles dudict Corinthe à un
bon village, au commencement de l'Ithsmos, destroict
de terre que passasmes le lendemain, laissant à gauclie
la mer de Corinthe, et à droite celle où est Athènes, ville
DE MONSIEUR DARAMON 1^9
anciencmcnt rcnommco, comme chascun sçait, mais
maintenant, à ce que j'ay entendu, n'est gueres meil-
leure que ledict Corinthe. Ayant passé ledict Ithsmos
entrasmesau pais d'Achaïe, vinsmes àMegara et Thebe
et à l'islede Nei2;repont, anciennement appelée Hubaja.
Laissasmes à main droite Napolis de lu^nianie qui
autrefois a esté aux W'uitiens, et lorsque le i;rand Turc
leur taisoit la guerre, lurent contrainct/ pour avoir
paix la leur bailler avec la torteresse de Malvaisie. Il
V a d'autres ruines de villes et chasteaux par où pas-
sasmes dont je ne fais mention. Me suffira de dire que
tout ce païs est si désert que pour qui le voyt mainte-
nant, est quasy incroyable qu'il ayt esté si fertille et si
renommé comme les historiographes ont descript :
de ma part, je n'en ai gueres vu de plus rude et aride,
ne plein de bocages et d'espines qu'il est.
En partant de Xegrepont, le sangiac ou gouver-
neur nous list bailler une galiote qui nous conduisit
soixante ou quatre-vingts milles, jusques à une isle où
prismes une barque avec laquelle nous ne faisions pas
grand chemin, aussy que nous cusmes presque tou-
jours vent contraire qui estoit cause que nous allions
prés de terre. Et quand nous approchasmes le destroict
de l'IIellespont, nous ne sceumes v entrer, à cause du
vent; et fusmcs contraint/ de prendre terre et cher-
cher chevaulx qui nous menèrent à Gallipoly en
Thrace au dessus dudict destroict et des chasteaux de
Sexte et Abide qui se voycnt aisément.
i6o VOYAGE
Gallipoly est assés bonne ville, située sur le bord
de la mer; toutesfois il n'y a point de port. Elle est
habitée de Turcs, Grecs et Juifs. Nousydemourasmes
un jour et demy pour nous ralraischir qui n'estoit
sansbesoing. Et n'ay jamais fait voyage qui m'aye plus
fasché et ennuyé que celluy-cy, tant pour l'incommo-
dité et changement de barques et chevaux, qui estoient
en assés mauvais équipage, que nous estions con-
trainctz changer pour gagner pais, que pour une fièvre
quotidienne, qui me revint entière laquelle me print
au partir dudict Negrepont et me laissa à une journée
de Constantinople avec une difficulté d'haleine et
mal de costé qui me dura encore longuement. Et fus
si mal que je cuiday mourir par les chemins comme
fit ledict secrétaire qui fust plus malade que moy, qui
demoura audict Gallipoly. Toutesfois, je pris si bon
couraige que je fus de cheval dudict Gallipoly en quatre
jours à Constantinople, où trouvay ledict sieur ambas-
sadeur qui fust bien aise de ma venue, parce que
j'avois l'argent d'une année de sa pension, dont il
avoit bon besoing, et qu'il y avoit longtemps aussy
qu'il n'avoit eu de nouvelles de la court. Il me fist
fort bon accueil et bonne chère, et me conta de tout
ses affaires qui lui estoient survenues depuis qu'il ne
m'avoit veu.
Il se délibéra de s'en venir en France d'autant que
le grand Turc se prcparoit de nouveau à faire la
guerre contre le Sophy. Et pour cet effet rassembla
DK MONSIEUR D'ARAMON ,6i
SCS gens, partit de Constantinoplc le trois de sep-
tembre 1))), passa le canal de mer, entra en Asie
Mineure au dessus de Scutarv, beau et gros village,
nou\elleiiiein basti et amplifié par le Turc où estoient
tendus ses pavillons et près Calcédoine. Il y demoura
trois ou quatre jours, attendant que tous ses gens
fussent passés. Nous fusmes audict Calcédoine qui
n'est maintenant qu'un village habité de Grecz; et de
ses ruines, Constantinople a esté en partie ediffiéc.
Auquel lieu ledict sieur ambassadeur alla loger pour
estre près dudict grand Turc et de ses bassas, pour
plus aisément prendre congé d'eux. Il me présenta à
Rostan premier bassa, me recommanda à luy, le
priant m'advertir des choses qui seroient dignes
d'estre mandées au roy; et que de celles de Sa Ma-
jesté, je les luy ferois entendre, et que pour cet eflect
il me laissoit en son absence, attendant qu'il plust au
roy envoyer autre ambassadeur. Estant partis de cedict
lieu ledict Grand Seigneur et tous ses gens, nous
retournasmes en Constantinople où ledict sieur d'Ara-
mon ne list pas longue demeure; et ayant mis ordre
à ses alîiiires, en partit le quatorziesmc jour dudict
mois de septembre, prenant son chemin vers Ragusc,
me laissant pour la direction des pacquetz et autres
affaires qui pourroient survenir en attendant que le
roy y cnvovast quelque autre.
I:t un mois après son partement, la nouvelle vint
à Constantinople que le Grand Turc avoit lait estran-
i62 VOYAGE
gler son fils sultan Mostafa son premier fils et de sa
première femme, qui residoit au païs de Capadoce
dont il estoit gouverneur, par jalousie qu'il avoit de
luy qu'il voulust entreprendre sur son estât'. Et de
ceste mort, s'ensuivit celle de sultan Janguier bassa,
dernier fils dudict Seigneur qui mourut de dueil
d'avoir vu ainsy cruellement traiter son frère". Autres
1. Moustafa fut étranglé à Eregli de Caramanie au mois de septembre
1553, le lendemain de son arrivée au camp de son père; il fut mis à mort
dans la tente du sultan qui assista à cette exécution, par les sept muets
qui avaient étouffé le grand vizir Ibrahim Pacha pendant son sommeil. Le
corps de ce malheureux prince fut transporté à Brousse et enterré à côté du
tombeau de Murad II,
Nous possédons une relation de ce crime, écrite par Nicolas de Moffan de
Dôle qui, fait prisonnier par les Turcs, fut conduit à Constantinople où il
séjourna pendant quelques années. Cet opuscule porte le titre de Soltani Soly-
maiiiii Tiiiranim impcratoris hoririidiiui facinus scelerato in proprium filiurn natu
maximum Soltaniim Mustapham parricidio patratum. Paris, 1356,31 pages.
Cette relation, dédiée à Christophe, duc de Wurtemberg, aurait été, au dire
de Du Verdier, traduite en français. Je n'ai pu voir cette traduction; il en a
été publié une allemande à Wittenberg, en 1556, sous le titre de : Wieder Tilr-
kisch Tyrann Solyman sein eltestcr Son Mustapha bat lassen nmbringcn, do- verJdagt
ist diirch ein unehrlich Weih iind diirch deii Wascha Rustan. Bericbt durcli ein gefang .
Bitrgiinder Nie. von Moffan, demchristl. Léser ^n giit verdeutschet. (Cf. De Thou,
histoire, etc., tome II, pages 395-396. Busbec, A)nbassades, Paris, pages 36 et
suivantes.)
2. Djihanguir ne se poignarda pas sur le corps de son frère comme le pré-
tendent quelques historiens. Il mourut à Alep, le 29 novembre 1533, d'une
pleurésie, au bout de quatre jours de souffrances, deux mois après l'exécution
de son frère Sultan Moustafli. Sultan Sulcyman fut vivement affecté par la mort
de Djihanguir : il le fît enterrer à côté de son frère Mohammed dans l'en-
ceinte de la mosquée bAtie en l'iionneur de ce dernier, et qui reçut alors le nom
qu'elle conserve encore aujourd'hui de mosquée des Princes. Une autre mos-
quée, portant le nom de Djihanguir, fut élevée par le sultan Suleyman sur la
colline qui domine le quartier de Tophanèh. {lielaiioiw d'Aleppo, page 236 ;
Busbec, Ambassades, etc., pages 72 à 86.)
DE MONSlhL'R UAKAMON 105
disent que ce fut pour quelques pan^les et menaces
que luv teist son père; et aultres, qu'il tust empoi-
sonné dans un bain. Et quelque temps après, ledict
Grand Seigneur teit pendre et estran^ler à des
fenestres le iils dudict sultan Mostapha aai^é de onze
ou douze ans seulement, qui est le comble de toute
cruauté, la plus inbumaine, estran^e et barbare qu'il
est possible d'ouïr parler'. 11 resta deux lîls audict
Grand Seigneur, assavoir Bajazit et Selim, qui depuis
eurent guerre ensemble. Selim lut fa\\)risé et l^ajazit
dechassé et linalement tué. Et après la mort du
père, ledict Selim luy est succédé, comme il se voit
présentement'.
En ce temps de ma demeure audict Constantinople,
la ville et forteresse de l^onitace fut prinse par l'armée
du Turc et des François dont j'av parlé cy-devant"\
I. Busbcc donne une autre version de la mort du fils de sultan Moustata.
Il dit que le fils de Moustafa fut étranglé par l'eunuque Ibrahim Pacha, lors de
son entrée dans une maison de plaisance des environs de Brousse, où l'on avait
persuadé à sa mère de le conduire. (AmlhissaJcs, etc., pages 80 et suivantes.)
:».. La discorde fut mise entre les deux frères par le vizir Lala Moustafa
Pacha. Bayezid, qui avait pris les armes, fut battu près de Qpniah parMchcm-
med SokoUy Pacha (30 mai i5S9)- Après sa défaite, il se réfugia à Amassia,
puis gagna la frontière de Perse. Chih Thahmasp l'accueillit tout d'abord
avec les plus grands honneurs ; il l'interna ensuite à Qiizwin et le livra à Aly
Aga et à Sinan Aga, envoyés par Suleyman et par Sélim, qui étranglèrent
ce malheureux prince et ses quatre fils (25 septembre 1561). Leurs corps
furent transportés à Siwas et enterrés dans cette ville. Un fils de Bayezid, âgé
de trois ans, qui se trouvait à Brousse, fut étouffé par ordre de Suleyman.
5. Bonifacio se rendit à Dragut au mois d'août 1553. Après la prise de la
ville, il se rembarqua pour retourner à Constantinople, emmenant un grand
nombre de prisonniers, et abandonnant les Français au moment où sa coopéra-
tion leur était le plus nécessaire.
i64 VOYAGE
Les habitants se rendirent assés legierement aux
François, lesquelz promirent de payer aux Turcs
trente mil escus, assavoir, dix mil pour leurs muni-
tions et pouldres, dix mil à Dragut bey, lors gênerai
de l'armée du Turc, et les autres dix mil à partir
entre tous les capitaines des galleres turquesques. Et
pour assurer le payment, envoyèrent un neveu de
M. de Termes' et le capitaine Mus 'en Constantinople
avec ladicte armée turquesque, où cstoit le seigneur
George Madruce nepveu du cardinal de Trente ' qui y
estoit pour dix-huit mil livres assavoir, douze mil
livres pour son frère le colonel qui fut mis es mains
des François et six mil livres pour luy, lesquels on
vouloit eschanger avec M. d'Andelot et M. de Cipierre
prisonniers à Milan \ L'on s'accorda quant à ce fait,
1. Paul de la Barthe, seigneur de Termes, eut deux soeurs mariées. L'une
épousa le seigneur d'Arbessan, l'autre le seigneur deBazordan.
2. Il faut lire, le capitaine Nas au lieu du capitaine Mus. « Nas, pro-
vençal, homme courageux et d'expédition, dit de Thou, avait été donné par
Paul de Thermes à Dragut pour l'accompagner. » Ce fut lui qui ménagea la
capitulation de Boniûtzio. (De Thou, Histoire, tome II, page 378.) > Le sieur
de Codignac a laissé en son absence à Constantinople le cappitaine Naz, et par
un double du secrétaire du sieur d'Aramon nommé Chesneau, Vostre Majesté
verra que sa depcsche pour le Levant, dont elle m'avait bien expressément com-
mandé la seureté et diligence, estoit arrivée. )i (Lettre de M. de Selve au Roi
dans les Négociai ions de la France dans le Levant, tome II, page 3 18.)
3. Georges Madruzzo était le fils de Jean Gaudance, baron de Madruzzo,
échanson héréditaire du comté de Tyrol et le neveu de Christophe Madruzzo,
cardinal de Trente. Son irère Alisprand Madruzzo avait été fait prisonnier à la
bataille de Cérizoies, où il fut laissé pour mort sur le champ de bataille. Georges
avait été pris par Dragut dans le combat qu"il livra ù Doria, dans les eaux des
les Ponza.
4. François de Coligny, seigneur d'Andelot, couronne! général derinlanteric,
DI-: MONsinrR d'aramox 165
mais quant à l'autre des trente mil escus, il ne fut
jamais rien payé, dont il y eut du malcontentement,
principalement à l'endroit dudit Dragut bey.
Estant doncdemouré audict Constantinople, comme
dit est, le roy y envoya le sieur de Codignac' pour
son ambassadeur, qui y arriva au mois de mars sin-
était cnfermi^ nu château de Milan. Pendant sa captiviti}, sa charge fut exercise
par Montluc. Brantomi; nous a conserve Je nombreuses anecdotes sur M. d'An-
delot. Cf. le tome VI de l'édition donnée par M. L. Lalanne pour la Société
de l'histoire de France.
Philibert de Marcilly, seigneur de Cipierre. Le seigneur de Cipierre devint
gouverneur de Charles IX. Cf. Brantôme, tome V, page 240. Les seigneurs
d'Andclot et de Cipierre furent faits prisonniersà la Un de juin 1551, par
Ferdinand de Gonzague. dans un combat livré à Saragna dans le duché de
Plaisance.
I. Michel de Codignac, valet de chambre du roi, avait eu pour protecteur le
baron de la Garde qui ne cessa de lui porter un vii intérêt. 11 l'avait recom-
mandé comme « personnage suftizant et digne de manier et negoticr quelque
chose de bon. » Codignac fut chargé par les rois François L' et Henri II de
plusieurs missions à Constantinople. Il épousa à Péra une fille de Marino
Grimani qui lui apporta en dot l'île de Sifanto. Lorsqu'il fut rappelé par
Henri II, il voulut se fixer dans cette île, mais les habitants le chassèrent et
il retourna à Constantinople où il dut se caciier pour échapper aux recherches
du grand vizir, qui voulait le faire arrêter et étrangler. Il réussit à s'enfuir
et passa en Italie où, grâce à l'intluence du cardinal de Trente dont il avait
connu le neveu à Constantinople et à celle de don Juan de Vargas, il fut dési-
gné par Philippe II pour être son agent à Constantinople. On ignore la date
de sa mort. Ruscelli a donné la traduction d'une longue dépêche de Codignac
à M. de Lodève, relative ù la mort de Sultan Moustala. Lclhii' di ^>i iiirij'i
Venise, 1570, tome I, pages 169-17).
Codignac rejoignit Sultan Suleyman au del.'i de Qara Amid ou Diar-
bekir. « Quattro giorni dopo (i^ avril) gionse in Aleppo il signore di Codi-
gnac ambasciatore del serenissimo re di Francia, il quale riposatosi tre giorni;
si ripose in via per andare a trovar Soliniano c per fornirc la sua amhasceria ;
il quale lo gionse de qua dalla citt.\ di Carahamid e in sirada gli anda a ba-
ciare la mano. .. (^Rclaluoi d'.-ilip dans les Rcluzioni, etc., tome I, page 2.17.)
i66 VOYAGE
vant i))4, lequel alla trouver le Grand Turc en Asie,
la part où il estoit'.
Ayant fait sa légation, revint audict Constantinople
où il faisoit sa demeure, auquel lieu, au mois d'aoust
suivant, arriva le sieur de Vilmontée despeché du Roy
devers ledict Grand Seigneur, qui y fust malade
quelque temps d'une fiebvre quarte et pour cela, ne
laissa d'aller trouver ledict Grand Seigneur en Asie où
il estoit encore, duquel il eut fort bonne responce et
honneste expédition.
Et quand il fust de retour audict Constantinople, je
deliberay de m'en retourner avec luy. Ce que je feis
parce que ledict Codignac n'avoit pas à plaisir mon
séjour par delà, et au lieu de me continuer à faire le
service du roy, il tascha de m'en esloigner le plus
qu'il put et me rendre inutile audict lieu. Ce que pré-
voyant, et connaissant sa mauvaise volonté envers
mon endroit, je prins la resolution de m'en revenir
avec ledict Vilmontée \
Nous partismes le neuf de janvier 1555, etvinsmes
1. Sultan Suleyman avait campé à Scutari le 3 septembre 1555, avec
l'armce destinée ù agir contre la Perse. Il prit ses quartiers d'hiver à Alep et se
remit en marche au mois d'avril 1554; il s'arrêta quelques jours à Diarbekir
pour y tenir un divan général. Les troupes ottomanes franchirent les fron-
tières de Perse au mois de juillet.
2. Il y avait dans la maison du roi en 1554, deux personnes portant le nom
de Villemontée. L'une était u Messire Anthoine de Villemontée, chevalier,
seigneur dudict lieu, l'un des cent gentilhommes ordinaires de l'hostel du roy,
soubz la charge et conduicte de Monsieur de Boissv grand escuier de France, »
et l'autre Guillaume Anthier dit de Villemontée, originaire d'Auvergne, con-
DF MONSIEUR D'ARAMON 167
de compagnie jusques à W'iiise où csloit lors, ambas-
sadeur pour le roy, Tevesque de Lodeve'. Auquel lieu
je teis séjour quelque temps, attendant nouvelles du-
diet sieur d'Aramon, lequel m'eseripvit que je le\insse
trouver en Provence où il estoit. rentendis qu'il
i- n'avoit gueres esté tavc^risé à son retour à la court et
I qu'il s'estoit retiré, sans avoir aucune charge que de
ses galleres dont il avoit fait faire une à ses despens
audict Constantinople. Ce que voyant, je feis autre
délibération et m'en vins à la ville de 1-errare où
trouvai M. le chevalier de Seure cv-devant nommé,
qui estoit là de la part du rov et pour son service,
qui fust fort aise de me voir et entendre des nouvelles
du païs de Levant, avec lequel je prins conseil. Et
trouva bon le désir que j'avois d'entrer au service de
Madame Renée de France, duchesse dudict Ferrare et
qu'il luy en parleroit voulentiers. Ce qu'il fist. Finale-
ment, ladicte dame m'accepta et me retint pour con-
trolleur de sa maison. Et depuis, luy a plu me donner
estât de maistre d'hostel. Je commençay à venir à son
service le premier de may 1335, que j'av continué
jusques à maintenant et que j'espère faire encore à
l'avenir, aidant Dieu, auquel soit rendu tout honneur
et gloire à jamais.
seillcr du roi, trésorier de sa vénerie et fauconnerie. Piàes on'i^iualcs de la
Bibliothèque nationale. Il s'agit ici d'Antoine de Villemontée.
I. Dominique de Gabre. Le cardinal Guid' Ascanio Sior/.a s'était démis en
sa faveur de l'évéché de Lodéve. 11 mourut en i)i8 à Venise et eut pour
successeur François de Noailles, évèquc de Dax.
APPENDICE
Lettre adressée par Gcrard de Veltivick^ à Ferdinand, roi des Romains.
1547. XX Fcbruarii scriptic.
xa Martii data.-.
Serenissimo Re, signor mio clcmcntissimo !
Alli XX. di décembre fui chiamato dal Bassa per negociare in
gran pressa, et era già la fama sparsa che la cosa andava per la
corte di questo Signor che presto io saria expedito, perô non
vedo anchor niuna certezza délia niia expeditione. Il Bassa
cominciô la negociatione sopra quella copia délia propositione
ch' io haveva data, et mi disse al primo tratto, ch' io non expli-
cava ben la mente mia, che cosa voleva io fare di quelle condi-
tione d'importantia, lequalo Taiino passato erano lassaie dubic.
Io li rispose, che non si puo scrivere ogni cosa, ma che se Sua
I. GC-rard de Vcltwick, ambassadeur de Cliarlcs V cl de l'crdinand, était
parti vers la lin du mois de juin 1546 de Ratisbonne pour Constaïuiiioplc, alin
d'y iici^ocicr un traité de paix, ou plutôt une trêve de cinq ans qui lut conclue
le 19 juin 1547.
I70 VOYAGE
Signoria volea dim indare, ch' io era apparechiato di rispondere,
et mi dimandô se mi pareva piccolo paese quello che Vostra
Maestà teneva nell' Hongeria, coma io diceva nella propositione.
Io li disse che mi pareva molto piccolo, rispetto aile altre gran
parte dil regno ; saltô subito in un altro ragionamento et dimandô
per che ragion aparteneva il regno al Re Ferdinando. Disse io,
perché era eletto re per i stati et ordini del regno. Rispose il
Bassa che nella batagha di Moacz, dove fu rotto il Re Ludovico,
loro con la lor spada havevano conquistato tutto il regno. Io li
disse che noi christiani tenemo lus electivum meglior che lus
belli, ma che pregava Sua Signoria che volesse intrare nella
negociatione, et cosi variando per non venire al proposito de
quelli lochi donde si doveva disputare, slongô tanto che pareva
havesse pochoanimo di negociare, ne metteva avanti, ne diman-
dava cosa alchuna, et questo mi pare ha fatto a questo fine,
accio no mi paresse che lui mostrasse desiderio a concludere, se da lor
parte tussi proposta alchuna conditione, mi parse anchora a me di mvi
meltere avanti conditione nisuna laquale mostrasse humiltà o desiderio
di pace, ma più presto star in terminis suis, di quello mi domandava
accio che quando io calasse, li paressino più dolce le mie offerte^. Et
Io condusse per divers! ragionamenti che lui medcsimo intrô nel
proposito di Agria et mi dimandô che ragion haveva il Re de'
Romani nelle terre di Pereny Peter, dicendo che'l suo signor
haveva dato in tributo tutti quelli lochi al Re Gioanne, insieme
con li castelli de Valentin Tereck et Thatha, et che dapoi la morte
dil Re Gioanne, Pereny Peter ha mandatoilcuo figliolo al Signor
nel seraglio, et che il Signor vole investire il giovene di béni del
padre. Io li rispose con dolce parole, che non mi pareva ch' el
Signor havesse dato H ditti lochi in tributo ai ditti signori Pereny
et Valentin Tereck, ma che havendo investito Re Gioanne délia
1. T.es pass:ii;cs imprimes en italique sont chifircs dans la dépé-che origi-
nnic.
DF- Mt^NSir.L'R D'ARAMON 171
corona, questi baroni sopradctti et simili altri lussino acostati
alla parte dil ditto Re coa li paesi apcrieneiui al lori) Jure hcicdi-
tiin'o, et pcr parcntela, o veraniente che havevano haviito in
feudo o in dono qucste terre dai Re d'Hongeria, et dipoi che
Agria non aperteneva a Pereny Petro, sinon al Re, et che era
vescovato, quai suol esser donato dalli Re d'Hongeria; dondc
dipoi la morte dil Re Gioanne, il vescovo 1-ranchepan ritornando
al suc vero signor, ridasse anche quel paesc et quel mcmbro dil
regno. Mi rispose il Bassa ch'el era prête, et che alli preti non
convien signoria. lo li disse : tal paesc, tal usanza, et che poi che
in christianità i sacerdoti possono esser signori, ragion è che
usino et godino tal drito corne iano li signori laici. Dipoi li disse
che \'ostra Maestà teneva in pregion Pereny Peter per i sui
delitti, il quai haveva accordato di render tutti i lochi et castelli,
et già ne haveva fatto metter in man di Vostra Maestà la più parte
d'essi, et nominatamente Agria, et ch' io haveva visto in Vienna
il castellan d'Agria per ricevere il servicio di Vostra Maestà. Mi
rispose ch'el haveva inteso che niun de quelli castcllani volevano
Vostra Maestà, ma volevano vedere il loro signore. Io li rispose
ch'era vero^ che per avanti havevano usata questa rebellione,
ma che adesso la cosa era conza, excepto di denari ch'el ditto
Pereny haveva promesso a Vostra Maestà, liquali erano in
mane di ditti castellani, et non li volean dare, excusandosi
che la più parte era consumata in soldare li soldati, et quanto a
quelle argumento che Petro Pereny havea scritto qua et man-
date il suo figliolo, rispose io che dipoi ha contralto con noi, la
quai contrettation essendo posteriore^ deve haver più valore che
la prima, sichè se il signor Turcho haveva una ragione de diman-
dare Agria, noi ne havevamo tre, et li dimandai in conlidentia
se Nadasdy Thomas, o qualche altro baron d'Hongeria se ren-
desse a loro, como il Franchepan se haveva reso a noi, se loro
non lo accetteriano et defenderiano sotto lor protectione. VA mi
rispose che si io li dimandai, perche adonque si maravigliava che
172 VOYAGE
noi tenessimo Agria, et soggionse io subito, chese Sua Excellen-
tia volesse pensar sopra una meggia hora, ella trovarebbe ben
modo di aconzare questa differentia, mi rispose : come voleti
che si conzi, poi che voleti tenir li paesi del Signor per forza. Io
li rispose che niun tien per forza, chi tien per ragion, ma ch' io
non era venuto per disputare qua, ma per concludere la pacc,
et veder se si potesse far cessare tutte le querele. Dipoi vene il
Bassa al ponto de quelli baroni, li quali si hano sottomessi alla
protection dil Signor, et promesso tributo de diece millia ducati,
dicendo ch'el Signor voleva castigare quelli baroni come merita-
vano, et brusare tutto loro paese per l'ingano che loro havevano
usado in mandar dui o tre volte loro ambasciatori per offerire il
ditto tributo, et farlo confirmar per lettere et noncij di frà
Georgio*, et ch'el Signor havea honorato li ditti ambasciatori et
vestiti di brocato, per le quai ragione el diceva ch'el Signor si
haveva messo in tanta colera resentendosi del suo honore,
che in ogni modo li voleva destrugere per dare exemplo a tutti
li Hongari che non usasseno di tal infidelità. Io li rispose ch'el
Signor faceva saviamente, poiche niuna cosa tocha più a un
principe generoso che far conto dil suo honore, et che se si
accordasse questa causa di baroni, li quali sono ritornati dipoi
alla nostra subiectione, noi faremo ogni diligentia per castigarli,
et puô essere che adoperariamo anche il bracio dil Bassa di
Buda in caso che alchuno scampasse. Dipoi pregai Sua Excellentia
I. Frà Georgio, le frère Georges des dépêches des agents français, est
Georges Martinuzzi, qui s'attacha à Jean Zapoha, l'accompagna en Pologne
et reçut de ce prince l'évêché de Varadin. En 1540, Jean Zapolia désigna, sur
son lit de mort, Martinuzzi pour être le tuteur de son fils Jean Sigismond.
Martinuzzi qui, comme Louis Gritti, aspirait à gouverner seul la Transylva-
nie et la Hongrie, domina la reine Isabelle et trahit tour à tour le sultan Su-
leyman et Ferdinand, qui lui avait accordé l'archevêché de Gran et tait donner
le chapeau de cardinal. Il fut assassiné en 1551 dans le château d'Alvincz par
Antonio Ferraio et Sforza Pallavicini. La vie de Martinuzzi a été écrite par
l'abbé i^écliel. Paris, 171 j.
DH McA'SIHrU IVAKAMON 175
corne niio bon signor, chc si dcgn.issi pcnsarc un' hor.i o dui,
corne si potii.i ;iconzare le dittc cose, poiclie hebbi connnissione
express;! di non cedere terr;i de frontieni sopra le inia vitn, et
pii;Iiai licentia, perche er.i gi.'i t.irdi, et me pnnite acompagnato
da Jonus be\", al quale nel caniinare disse che lui si dovea
travagliare in questo acciocliè si acconzassa la cosa, et nii disse :
in che modo? lo li risposi che si tiovi qualche via honorevole
per V. M di rescatare per pension annua che si pagi per ogni
differentia et querela, et che si accresci qualche sunima honesta
sopra quello ch'el Secco ' h iveva promesso l'anno passato. Subito
mi domando dui cose : Tuna, se quelli X millia ducati promcssi
per il Secco steriano como erano promessi, et Taltra, quanto io
voleva crescere. Quanto al primo li rispose de si, quanto a l'altro
ch'el bisogneria negociare amorevolmente et venir al dovere,
che di me non troverian sinon condition honesta, ne volsi
esplicarmi con lui, ne propormi più avanti, acciô ch'el Bassa
intendesse ch'io voleva negociare con lui et passarc per le sue
mane in tutte le mie actione, como e ragionevole. lîl di depoi,
ritornô Jonus bey in casa mia et mi disse haver referto al Bassa
l'ofFerta fatta, et ch'el Bassa li havea ditto, quanto voleva io
crescere, et che lui havea risposto, che de questi secreti el non
se impaciava lui, ma che essendo mandato l'ambasciatore al
primo Bassa, pensava che io non mi scopreria mai si non a Sua
Excellentia. Io rispose a Jonus bey ch'el havea ditto molto
saviamente, perche se ben io tenesse tento contre del amicitia
sua, quanto de nisun signor de questa Porta, et che mi confidasse
più in lui, et che havesse più speranza di venir al fui di mei
disegni per il mezo suo, che per nisun altro^ non voleva perô
preiudicare al dritto et honore dil Bassa, negociando le cose
dimportantia primo con altri che con lui. Hora, Sire, havcndo il
I. Nicolas Sicco, docteur en droit, avait été, en iy\y, envoyé à Constan-
tiuople parle roi des Romains pour traiter de la paix.
174 VOYAGE
Bassa inteso ch'io inclinava, stette sopra di se, ne mi chiamo ail'
audientia, et vedcndo io ch'el tempo correva, et la malignità che i
Francesi usavano, et considerando io ch'el era cosa indiferente et
di pocha importantia, se io proponesse prima le offerte et condi-
tion délia pace al Bassa, maximanieute trovando qualche colore, perche
io li propeneva, dimandai audientia al 2° di Genaro. Mentre questi
giorni reforciaronsi le nove gagliardamente ch'el Sophy era con
grande moltitudine de cavalli armati, et ch'el dava sopra un passo
chiamato Basra, ma ne per li rumori de Persia, ne d'altre bande
mi e parso di negociare sinon con ogni moderatione, senza
bravarie, continuando il camino atto, che mi pareva convenevole
per venire alla pace, perche sapevale informatione et le risposte di
V. M", et la fin del tutto. Hora venendo all'audientia, el Bassa
cominciô a parlar molto délie cazie dil Signor, como si piglian le
grue con i falconi in questo paese, et d'altre cazie, per tirarsi fora
de proposito, corne e il siio costume, et mi dimando délie cazie del
Imperator Carlo, délie quale io gli rese si pocho cunto, corne
homo che mai non l'ha viste, ma disse che Monsignor de Gunde
ne saperia render meglior cunto. Hor stando un pezo in questo
proposito, lui di se stesso, cominciô un ragionamento molto longo
del Sophy, del quai havean riceputo, H giorni passati, nove ch'el
era in campagna con 8o_,ooo cavalli et 3,000 archibuseri a cavallo,
et benclîè il ditto Bassa andasse ^opegando net parlar, comprcsi la
paura che taie che Cesare non hahhi intelligoitia con el Sophy questo
anno perche el mi cominciô a dimandare, s'el si conoscea il Kesil
bassa in christianità; li Persiani sono chiamati da Turchi Kessil-
bassa, che vol dir baréta rossa, perche il nome dil Sophy appresso
costoro non e conosciuto; ma si chiamava il barba di costui che
adesso régna, Ismael et per esserstato scholaro et dotto, li Turcbi
Io chiamavano Sophy, che vol dir dottore, perche di scholaro si
fece re. Io li risposi che vero era che li mercanti scrivevano aile
volte moite cosc, ma che per certo non crcdevamo ne sapevamo
nicnte dcUa sua potentia. Me dimando, se sapcssimo ch'el era
DH MONSllX'K D'ARAMON 17S
re. lo li disse che noi lo cliiamcnio Sophy. non sapcnJo dil siio
regno ne d'.ilrro. I Franciosi dicono che lo conoscctc molto bcn.
lo li risposc, che sano adonque più délie cose nostre che io. lit
disse : Hieronvmo Lasky mi h.i ditto a me, ch'el Imperatore Carlo
ha una liga stretissima con el Kessilbassa'. Io li rispose che Hiero-
nymo Lasky potea dir quello ch'el voleva. Subito al/.ô la voce et
disse : Lasky era ambasciatore. ma era mato et havea perso il
privilegio d'ambasciatore, et se non fussi stato io, gli saria stato
tagliato il naso et Torechie. Li dimandai la razion. Perche, disse
lui, vene a bravare qua dicendo, che se non dessimo Buda in man
dil re de' Romani, Tlmperator faria calar il Sophy con tutto il
suo campo, et lui veneria in Hongeria con tutto il potere délia
christianità et inonderiano tutti doi la Turchia como un mare. Io
non li rispose niente de Hieronymo Lasky, sinon del Imperator,
che sua Maestà Cesarea non si havea mai lîdato su le forze d'altri
sinon sopra le sue, et che la potentia del Imperator era grande,
ma veneva a far più grande efFetto che mai feceno li sui prede-
cessori, per la gran fede, integrità et clemcntia che tutto il mon-
do trovava in lui, lequal virtù flicessero che vedendo li nemici
il gran cuore ardito et valoroso congionto con quelle virtù, più
tardi vengono a flistidire et irritarlo, o se pigHano le arme in
man, più presto aconzano li fatti loro con pace, havendo certis-
sima fiducia nella clementia del ditto Imperatore, et ch'io non
credeva ch'el Imperator havesse mai sogniato del Sophy et li disse
che armata di mare o campo di terra ne puô dare il Sophy, quan Jo
bcn volessimo contrettare con lui, ma se Sua Excellentia voleva ben
consyderare che l'Imperator Carlo non seguiti senon fede et in-
I. Charles V avait en 1523, re^u à Tolède un Syrien qui se faisait appeler
Petrus Maronita de Libanoet lui apportait des lettres du roi de Perse, en d.ite
du mois d'octobre 15 18, l'invitant à une action commune contre la Turquie.
Charles V fit partir en mission pour la Perse, en 1329, Jean de Balbv, chevalier
de Saint-Jean de Jérusalem. Ses instructions se trouvent dans le tome I,
page 295 de la Correspondance Je Vempereiir Charles V, publiée par M. le D^ Karl
Lanz, Leipzig, 1844.
lyô VOYAGE
tegrità, et che mai fa guerra sinon irritato et offeso prima gra-
vissimamente, ne cercha le occasione propitie per offendere o
invadere il primo, come se vol consyderare Sua Excellentia, vedera
per experientia che, quante volte e calato il Sophy, mai si ha mosso
rimperatore^ et quando il signor Turcho fu in Persia, hebbe
quelli desaggi et pénurie defrumenti, quali Sua Excellentia sapeva,
et ogniva vite ben che se sua Maestà Cesarea havesse voluto, haria
possuto far grandi danni in questo Imperio, et che questo anno
havea scoperto chiarissimamente non esser intelligentia alchuna
tra di loro, perche li disse ch'era stato a Ratisbona un Suriano, il
quale mi parse più presto venire per spiare che per altro, et
ch'el ditto Suriano dimandava lettere di raccommandatione
del Imperator al Sophy per certi monasterij che stavano sotto
il suo potere, acciochè quelU potessino vivere in pace et non
fussino travagliati dalla gente di guerra per rispetto del Impe-
rator, et disse che la lettera del Imperator fu taie che non mos-
trava niente de singular amicitia che fusse tra di loro, perche
havendo la supplicatione di questo Suriano narrato, exhorto et
chiedete llmperator dal Sophy per la benevolentia, laquai deve
essere tra tutti i Re et Principi del mondo, come tutti erano or-
dinati da Dio a governare i sui populi, che volesse haver protec-
tione et cura di quelli poveri frati_, liquali potriano pregar Dio
per la prosperità de tutti doi et di Regni loro. In questo ragiona-
mento stete un pezo per cavargli le flmtisic, che Francesi li fano,
che tutti li disegni del Imperator vano a malicia, et che lui e
causa di questa cosa del Sophy, accio ch' el Sophi calli questo
anno per straccar le forze di questo Signor, et che l'Imperator,
mentre queste conzando li fitti soi in Allemagna, possi assaltar
con più commodita et avantaggio le forze de Turchia già stracadc.
Li disse, di qiicllo Suriano per farli iiitendcre cJf cl Sophy havcva hanto
modo da intende rc le ^agliarde arme che Ccsarc faccva in Alemagna.
Il Bassa ritornô a Hicronynio Lasky et disse, ch'cl ditto Lasky
vuleva far paura ai Turchi, con dir che Tlmpcrator havcva man-
DE MONSŒL-R DAIvAMON 177
dato maistri de far archibusi al Sopliv, l.iqual cusa diccva lui che
non era ncccssaria, perche vi cra un paese vicino, dove se ne
facevan tanti conie in chrisnanità. lo déclinai de Hieronvnio
Lasky^ et li rispose che Sua Signoria vederia per experientia,
in caso che concludessimo cou condition honeste. che se ben
100 mila Sophy niovessero l'arme contra questo Si^nor, ch' el
vederia la nostra tede et la constantia, benche non dubitava délia
malignità d'alcuni, quali volintieri dariano ad intender altra-
mente questa negotiatione, alli quali pregava il Bassa che non
volesse dar orechie prima che avisarmi, sinon in tutto, almanco
in parte, délie lor inventione, accio cW \o potesse far parer la ve-
rità. El mi rispose che non credeva niente a quelli. perche conos-
cea le lor busie. lo li dimandai per che causa adonque non mi
expediva, et che Monsignor d'Aramon mi disse montando a
cavallo, dove io lo ritrovai in camino, cosi burlando, ch' el be-
veria anchor meco in Constantinopoli, et ch' el sperava de ritor-
nar avanti ch' io fussi expedito. Disse il Bassa : lui adonque è
secretario del mio Signor? Gli rispose, che i Francesi sui servitori
dicevano che ^'ostra Excellentia li haveva promesso. Disse : tal
cosa non è, mettendo la mane sul core et giuro. \'a la, disse
io; vostre signorie haverian torto, se per il rispetto loro me
retenisseno qui, poichè in quella corte di Franza non volcan
troppo ben a Vostra Excellentia. Diceva ch' el havea inteso questo
anche lui, per altre vie. Soggionse io, che nlchuni di ministri
francesi dicono che l'amicitia de' Turchi non gli vale, sinon per
far un pocho de fastidio al Re de' Romani. El rispose che stian
pur quieti, che altramente li impiantaremo con un bellissimo
modo, et comincio a ragionar di Monsignor Monluck in gran
colera. Io li dimandai, se couosccmio lui Monluck, haria cotisi^Ualo
al viio Rc a coniinuarc per il ililto Monluck la nci^olialio}:c di ranno
passato. Rispondc : non. Mi dimando, che cosa havea fatto il Ke di
Franza del Monluck. Io li disse, che li havea date) dui abb.uie,
et promesso un vescovatu. LI mi ri.spi.se : cl nieritava d'es:,i.r
12
lyS VOYAGE
apichato; matai scrvitor, tal patron, et per questo le cose sue vano
altramente, che non vano quelle di Carlo, et si scaldô molto con-
tra i Francesi. lo lo lassai dire, et rispose brevemente che se io
Vanno passato haveste ditto quelle parole del Bassa cosi acerbe, che
Cesare harîa mi castigato a exempio d'altri. El mi rispose : mostra
Carlo ch'el ha ingegno^ et mi dimandô subito, se volea niente
altro. Al'hora io cominzai a intrar nella negotiatione accio-
chè i Turchi non potessino dire, ch' io non havea portato
commission alchuna, et per questo non mi expedivano, et li disse,
che havea visto alchune volte una bella giovene restar senza ma-
rito, a causa che il padre, o li cognati, o el sposo usavano troppo
rispetti a proponer délie condition, et che ciascheduno espettava
che Taltro fusse il primo ; cosi mi pare, disse, voi altri espettate
ch' io propongi, per mostrare che voi non havete gran desiderio
délia pace. Io aspetto, finche voi dimandati, perche sete voi li
dimaadatori; de gratia, maritiamounpocho questa donzella. Che
Vostra Excellentia li dia el marito, ch' io H pagero la dote. El mi
disse : che dote li voleté dare ? al' hora fece la division délie diffe-
rentie ch' erano lassate l'anno passato, et disse ch' era una diffe-
rentia tra noi di quelH baroni, che havevano promesso X mila
ducati de tributo et vi hano inganato et non pagato, ne vi page-
rano mai, et a noi non farano mai utile, sinon spesa a castigarli^
poichè non havete speranza di haver niente da costoro, sinon con
una guerra di gran spesa, mi pare che vi presento una conditione
molto ragionevole, se d'una cosa, donde non vi puô venir niente,
vi presento 5,000 ducati ail' anno. Di poi delli casteUi de Pereni
Peter d'Agria etc. et di castelli de Tereck Valentin, hquali sono
tutti in nostra mane, per cessation de tutte le querele et ben publico
di tutto quel regno vi presento altri 10,000 ducati, ch' c tanto
che fu présenta (to) l'anno passato per il resto dil regno d'Hon-
gcria. Delli timari mi vergogneria a parlare, quali dicete ch' el
Bassa di Buda ha dato sotto speranza ch' cl Signor li piglicra; ma
voglio ch' cl Signor conccdi questo como sigillo dclla pace^ poi-
DE MONSIEUR ITARAMON 179
chè la cosa e tara tutta dalli soi ministri, scnza proposito ne ragion,
sichc son contcnto pcr riscaiar qucsrc ditfcrLMitic et qiicrclc venir
alla real, et non andar in longo, con quelli X mila diuati pro-
messi l'ahro anno. et questi XV mila, ciie l'ano insienie XXV
mila ducati. Hl mi rispose, che conie liavea dato la mia proposi-
tione al Signor, cosi anchora el referira questo, et tarià ogni bon
ottîcio. Lo ringraciai, pregandolo chc si corne Tanno passato mi
prese per servitore, mi volesse hora pigliare per lîgliolo. Rise, et
mi disse : tu hai gran paura di Francesi. Disse : non, che se ben
io vcniva fresco dalla malathia, che voleva io giostrare con 4
secretarij de Franza. Dipoi havendolo ringraciaro del pane dil
Signor, che mi mandava ogni di, et cosi d'alcuni francolini che
aile volte mi mandava, prese licentia. Sire, qiiesta ojJcrUi c siaîa
ncicssar'hi per il tempo chc corrcva, quai mi apportava ogni di novc
difficultà, et ai Titrcbi novi suspetti, et son quasi certo, che se havessc
ofjerlo si non diece millia piii al principio, che haria giiasto li negotii
di Vosîra Maestà, perche questo Signorc e mato, colerico J suspetoso,
corne fiino li mercanti Turchi, se colui che vol comprare, li pré-
senta un precio tropo basso, se ne fugono, et non si puô cavare
poi da loro ne parole, ne fatti, qua>itumque si volesse al::^are, cosi
hchhc io paura di questo Signorc, che referendo questo il Bassa al
Signorc, el non havessi abhominato l' offerta, poi che la co)hHlione di
haroni sola importava diece millia, con li quali io volesse exlinguere
tut te la differenlic; per questo volsc fargli gola de accettare denari in
loco dellc terre, et non rispondere ncgativamente al Bassa, maxima-
mente che questa politia è talc che non osano replicare ne mctter
di novo in avanti contra quello ch' el Signor una volta ha ditto,
che pare in questo govcrno csser crinun lèse Maieslalis, se ha-
vendo parlato una volta il Signor de una cosa, il Bassa vogli
cerchar meggi de mutarla; dipoi questa summa promessa è di tal
apparcntia che spcrano costoro posser tirare qualche migliara pià
alto. Havendo preso licentia dal Bassa, Jonus bey mi disse ch' cl
mi visitarebbe il di depoi. Il che {<:cq. et intrassimo in ragionamenii
i8o VOYAGE
di questo negocio più ampLimente per guadagnar tempo, pcrcliè
ogni dî, vcnivano lettere a questo secretario d'Aramon del ritorno
del ditto Aramon con présent!^ et pregava apertamente il Bassa
ch' io non fussi expedito avanti la venuta di quello. Dipoi arivô
in quelli medesimi giomi uno di Franza chiamato il Codognado
con lettere dil Re in cyffra, et haveva commissione de bocha
alchune cose ch' erano nella cyffra, di pregare il Signore per lutta
la amicitia et fede che era trà loro, che non mi lassasse partire avanti
el ritorno de Aramon. Promeiteva anche il ditto Codognado che
Aramon doveva partire X di doppo de lui, et che pensava ch' era
già a Ragusi, et moite altre splendide busie ; et ch' el Re di
Franza in persona va visitando le frontière, fabricando a furia et
muniendosi contra l'Imperatore. Dil resto, non sapevano quello
era in la cyffera, ma expettavano il secretario di Franza ch' e ra
ritornato a Constantinopoli, accio ritornasse subito per descif-
frare le lettere dil suo patrone. Il ditto secretario, che si chiama
Monsignor de Chambray, non potea star in Andrinopoh per falta
dedenari, talmente che impetro licentia de ritornar a Constan-
tinopoli per viver su h vini et caneva de Monsignor d'Aramon,
et essendo chiamato per descriffrare queste lettere, li fu cosa
molto nova, poichè non sapeva supplire aile spese dil camino, ne
possete trovar mercante che li credesse loo scudi, siche qualche
volta il Bassa dchberô de mandarli alchuni asperi, ma alla fin è
venuto qua con doi servitori. La litiera, com dicono li dragomani,
conteneîe pocha più di quello haveva Valtro in commissione, sinon
certe nove, che Luthcrani havcz'ano batuio Cesare, et alchune busie
dclli disscgni di Ccsare contra questo Turcho, di modo, che quanto io
comprendo, li Francesi tengono malicia et diligentia mirahile in questa
negotialione, ma ccrta forma de negociare non tengono, perche nella me-
desinia litera, per quanto io posso comprendere dalli dragomani del
Turcc, fano el rivolto de Luthcrani si gagliardo, et si basse le forT^.
di Ccsare, che quasi possono cavare la paura a questo Signore Turcho
di quello che dicono in fin délia litera, cioè che il Re di Fran:;a prega il
Dr- MONSir.l'R D'ARAMON iSi
Turcho, chc si non vole tcnerc l'anibasciatoïc Ccsarco, chc cosi mi
chianiano, fino alla vcniita de Aramon, pcr l'amicitia ê ira loro, h
faci pcr l'utile proprio^ et chc pcnsi de H grandi disscgni chc Ccsarc
ha quando l'kn'cra subiugala l'Allcnuigna sogionse chc non crcda
nicnte a nie, quantiinque io pronielio, sapcndo cheio non vcngo sinon pcr
inganare, et pcr inter tcnerc jino chc Ccsarc hahbi congo li falti soi corne
vole. Scrivc anchora qualchc coscta délie pratichc de Alemaui, et chc
Alemani hano con lui, ma non c st.uo nccessario ch' io habbi com-
batuto le suc busie ch' cl dicc dcllc cosc d'Alcni;ii;na, perche son
venute novc frcsche et vere dclU successi tanto di sua Ccsarca,
como di \'ostra Maestà, pcr li quali questo Signor et li Bassa sono
informati che l'Iniperator è patron d'Allemagna et questo hano del
fratc Gcorgio et da la citade di Ragusi, li quali se sono niirabiimcntc
travagliati in scrivere minutissimamcnte de un di a Tnltro in
honor dcU'Impcrator le scaramucic, asscdij, victorie, luge, nomi
de castclli, f;ilta dedcnari. talmcnte che mai sono stati dcsprovisti
di bonenove, chc oltra quclloch' cl Montcsa, sccrclario de Don Diego,
vit ha avisato con grau diligcnlia et il sccrclario l'iiii dcr Aa, ho havuto
continuanicnte avisi da li dragoniani, qujli tutti tre sono da me cor-
rôti. Hora, Sire, in questa contrarict.'i di novc, Vostra Maestà puô
considerare, corne questi signori sono intricati^ duna banda il
Rc di Franza li prcga, et manda homcni et Icttcrc contra il scr-
vitor, promette nova ambasciata, o veramente con novi présent
ch' è cosa molto reputata in questo paese, metteli in suspetio ch'
io vcngo per intertenir, sene dole ch' el Turcho li fa questo torto
et dishonore appresso i christiani de Icvargli questa negotiatione
fora délie mane per specie di qualche pocha utilità, fa diligentia di
peisuadcre l'infortunio del Imperator. De l'altro canto pcr ogni
via si avisa la félicita et prospcri successi d'ambe dui Macstade, et
spesse volte questi medesimi (corne accade, che ogniun pensa
delli altri quello ch'el voria che fusse), scminano dcllc novc, chc
havendo Tlmperator tanta vittoria, vo'tcra le forze délia christia-
nità contra il commune ncmico. De l'altra banda, le nove de
i82 VOYAGE
Persia âonde H Thurchi stano in grandissimi fastidij, di modo che
essendo qiicsta gente natnralmcntc grossa, hano qnesto anno conquassato
il cervello de tanti suspetti, che sono diventati irresolutissimi. Et ce
anchora un altra ragione che Rusîhan, benchè sia genero del Turco,
negotia perhô con tanta iimidiîà dentro con el Turco, con quajita hra-
varia parla di fora alli ambasciatori, et la causa è ch' el ha troppo
scguilato la natura di qiiesio S ignore, che è molto avaritiosa, a persua-
dera di sminuire li stipendij de cortesani, et non da bone parole a
nesuno, ma governa tutto con furia, et dice chiaramente che Abram
Bassa non sapeva niente olîra che tutti quelli che sono affetionati al
Sultan Mustafa, primogenito del Signore et san^acho di Capadocia,
odiano il Bassa, per la parte sapendo che lui procura de mettere al
Iinperio doppo la jnortedelSignor il fratello chiamato Sultan Selyn, et
per questo ha procurato de dare li principali ofUcij délia corte a homeni
obligati, cioê il capo de Jani^ari, il gran Thesorero et il grande
Alcaide, etmolti al tri San:(achati; di questo nasce che le molto rispetose
in questa negotiatione ne vorrebbe in questa présente incorrere in
qualche scandalo, dove d'una parte el vede ben l'utile del Signor
in questa pace, et conosce ben cli el Turco è stancho di spendere su le
frontière, ogni anno, cinque cento millia ducati, che è Vintrata de Egipto,
et vede ben anche la gran reputatione et securezza, che havendo
pace con ambe dui Maestade, bâte con quella réputation l'inimico
de l'altra frontiera. Da V altra parte non vorrebbe scapu^ar irritandoil
Re di Frau:^a in qucstî teinpi suspetosi, benche Vamore clf el porta al
Re et ai Franzesi e molto pocho ; ma de tutto si risolveria il Bassa et
il Signor prestO;, sinon fussi stata quella perturbatione d'Alema-
gna, et le litere confuse et piene di paura mandate dal Bassa di 'Buda
al principio de la gucrra de Alemagna, ch'el pareva che Tlmperator
havesse già guadagnato la frontiera, ne havean littere di Franza di
questo movimento per la gran celerità che l'Imperator uso in
questo caso_, ne credevan a littere de nisuna signoria, che scri-
vesse che Sua Macstà voleva castigare alchuni rebelli, ma pen-
savano che tutto era stratagcma per inganar, de manera che
T)I-: MONSILUR ITARAMON 1S5
quando io arivai a Constantinopoli, Jonus bcy noii piioto crcJcro
quello che li refcriva de qiicsta gucrra, ina disse, per che causa
vol castigare li Lutlierani, li quali son stati scmpre amicidcl Impe-
ratore, et li ha mostrato scmpre grandissimo f^ivore, et ho per
diverse vie, chel Bassa ha ditto tra li sui hoineni secreti, che
presto si potria tare qucsta niia expeditione, Si- non jnssc clv l'ini
paiira de csscrc in^nnalo. Se Vostra Macsià mi dimandasse quello mi
pare di questo negocio, cerro el è diihcil cosa assecurare in tanti
impedimenti et diliîcultà ciie vi si trovano. Vcià io scrivero a
\'ostra Maestà li argumcnti et le coniccture ch'io piglio. \\)stra
Maestà, como c prudentissima, iudichera da se stessa. L'anno
passaro, il Signor di sua bocha mi disse quella parola : chel
primo che venissi con sufhcientc commissione da \'ostra Maestà,
concluderia; il medesimo mi fu ditto da Rustlian Bassa et da
Jonus bey, et io Tho messo nella mia propositionc, per refricarlo
et admonirli délie lor promesse^ et anchora per causa che si la
copia délia ditta mia propositionc fussi data ai Franccsi et man-
data in Franza, ch'cl Rc vcdcssc sopra quai tondamento lt)nda
\'ostra Maestà li sui discgni, se questo disse al'hora il Signor, che
crano li dui Ambasciatori congionti et nci^ociavano maVi^naincntc,
demie Vinio era veniito con qiialordcci millia sciidi, potria csscre che
adesso non si farà quel contode présent i quali portera Aranion, quanto
che i Francesi persano ; dipoi questo Signor coniificia a divcntare scarso,
et ligrevano molto li denari che spendenella fronliera , et il Signor di sua
bocha mi disse, havendo udito la mia propositionc, che se haveva
riposta a quelli dubij che furono lassati Tanno passato, ogni cosa
sarà fatta. Dipoi non sono recusati di denari oircrti, ma mi è
stato risposto per Jonus bey ridendo : voi darete anchora qualche
cosa più. Anchora mi è stato ditto /;/ secreto dai drai^onuino Mau-
muth, che advertisca che concludendosi la pace, li Bassa ml farano
instantia de includer il Rc di Franza, al quai io risposi, che Dio
doni a questo Signor mille amicitie più che non ha. et ch'io non
son venuto per guastarli Tamicitia di FVanza, ma per accresccrli,
i84 VOYAGE
nova et farli gustare la fede de Principi fideli et magnanimi.
Dipoi'Rusthan Bassa et Jonus bey et H allri âragomani me giurano,
che per rispetto de Francesi, io 7wn sarô impedito, et che tiiiîo quello
si farà con loro, sarà darli bone parole, alli quali assecuramenti
benchc non creda in tutto, vedendo perô il pocho amore che c'é ira
cosîoro et le Francesi, non li posso anche levare ognifede. Dimandai
in sccreto alli dragomani la causa, ch'io non son expedito, perche
se pensava che questa settimana io saria expedito. L'uno risponde
che si spetta quello ch'el Signor ha mandato verso lafrontiera de
Persia. L'altro che si aspetta quello ch'el Bassa ha mandato verso
il Bassa de Buda, per veder como si potria fare la frontiera,
nesuno vol confessare che mi ritengono per aspettare Io ambas-
ciatore di Franza, henche mi confessano 7nolti aliri secreti. Vedo perô
che si parechia casa al ambasciatore di Franza, so che Rusthan
Bassa ha diffeso, che li dragomani non mi dicano che venga, ne
di esso Rusthan Bassa posso cavar altro, sinon che dice ch'el
Signor non ha anchor parlato di se stesso niente, et che da loro
non puô venir l'expeditione, sinon dal Signor, al quai non osano
fastidire. Flora, Sire, qaando non fusse la tardita dil tempo, con
houo animo cxpctria il ambasciatore, sperando in Dio, quai guida
le gran cose al beneficio dil suo populo, nella causa di Vostra
Maestà che c giusta et ragionevole, et perche sono conosciute le busie
de Francesi in questa corte, poi pensa che la principal causa che è délia
paura dcUc pratichc dcl Imperatore, non potria aiutareal ditto ambas-
ciatore, atcso che ho potere di assccurare il Turco da parte de ambedui
Maiestadc. Qiiesto è quello ch'io posso scrivere a Vostra Maestà
dcl stato in che si trova adesso il negocio. Io so ben ch'el mio
ritardare quà ha in se qualchc utile, perche mentre che loro stano
suspesi et expetano V ambasciatore, no}i si parechia vn armata ne per
mare ne per terra fin adesso. Solicita perô la iiiia expeditione opor-
tune et importune, havendorisguardo a moite particularitade che potcno
occorrere doppo si grossa gucra, tauto trh li aniici, quanto trà quelli
che di frescho sono sottomcssi, ovcranioite che mostrano falsa amicitia,
DF MONSIHL'R D'ARAMON 185
et fui parc, se io pjlessc conscgiiirc brève expeditione, che sarchlc pii'i la
reputat'umc de ambcdoï Vostre Maîcstadc et impedirehhc moite priiliehe,
quai polriano oceorrer. D\\^fii banda non solieito pero eon modo che
possi aruhare dishonore alli iie^otij di Vostra Maestà, 0 che dimostrî
grande hnmilità 0 dfsiderio di concludcre, ptr coniplire qualche dis-
segno de ambitione in Allemagna 0 in altra parte ma ho ditto più
voire a Jonus bcy, accio lo rctcrisca al Bassa più amplamcnte, che
quanto io considcro più el stato délia chistianità, che mi pare
habbian ragione quelli che consigliavano più presto una guerra
defensiva che pace aile frontière, massimamente adesso, essendo
rimperator patron de Alemagna, et benche questa inclination
alla pace vengi prima da ambedui le Maestà Vostre, lequale hano
semprc ricerchato riposo con ogni signor. ne mai hano fatto
guerra, senon offesi. et che non venira ruina et dishonore a nesun
altro che a me, in caso che non si concordiamo, per haver pro-
messo et assecurato molto dil bon animo di questo Signor et delli
soi ministri, sopra lequal promesse io ho impetrato il présente
che ho portato al Signor et alli princip.ili minir.tri, che altrnmentc
non me se daria un quatrino, in che modo mi licentiassero, ma
che Jonus bey sa ben quanto ch'el honor tocha il cuore, et per
questo prego sua signoria, ch'el vogli incitar il Bassa in dimos-
trarmi questo f;ivore a concluder et cxpedirmi presto, et che se in
questo caso me salvi il mio honore, che vedera ch'io li son
servitore, et che ogni anno lo potro far pin honor are dal Re mio si-
gnore, che non farano li Francesiin treanni. Simil termine ho usato
spesse volte con Jonus bey, non promettendo ne grande, ne certa
suninia, ne quello da parte di Vostra Maestà, si non cargando sempre
adosso di me tittto il desiderio de partirmi, et la promesse générale che
io fcuio come bon servitore, per procurare l'honore de ditli Bassa t al mente
che ne resentirano.
QjQello ch'io posso comprchendere per moite dimande del
viaggio de Monsignor d'Aramon è questo cjie Monluck, suo ini-
mico, harà operato nclla corte, che se habbino scritte pociie
i86 VOYAGE
litere, et mandati pochi denari questo anno al ditto Aramon.
Il che non c stato servicio dil re di Franza. Di questo naque
che in quelli primi moti délia guerra d'Alemagna, il Bassa non
havendo avisi certi nesuni, ss coro:(ô con Aramon, dimandandoJi
che facca qua se non haveva litere, et H disse gran cargi divilania.
Aramon cargo sopra Monluck, che era causa di questo^ et pocho
dippo vene da Jonus bey et disse, ch'el era in mane del ditto
Jonus bey de farli un grandissime bene, explicandoli che con
quello anchora si vendicarebbe del ditto suo nemico Monluck. El
modo ch'el tenea era questo, che li Bassa mandassero Aramon in
Franza con commission de dimandare avisi et consiglio dal re di
Fran:;a, se questo anno si doveria far la guerra in Ongaria, et che
casa saria de sperare al canto del ditto Re, perche proponesse Aramon
le difficultà délie cose d'Alemagna, le quale non potrian esser si
presto chiarite dal Imperator, et che mai non fussi sta più bella
occasione de avanzar la reputatione di questo Signor et accrescere
il suo Imperio et dare una gran machia alla autorità del Impera-
tore che questi anni. Persuase Aramon a Jonus bey tanto che'l re-
porté al Bassa, et desiderando il Bassa de pagar il ditto Monluck,
et parte anchora per il disegno che Aramon havea promesso, fu
contento de mandarlo con httere di favor in Franza, et pensava
almanco de tirar questo frutto, che si la guerra de Alemagna an-
dava in longo, de pigliar qualche construtto délie cose del Re, ne
fu mai nesun in Turchia che pensasse che la subiugatione de' Lu-
therani si potesse fare si presto, quando hano cominciato a cre-
dere che la guerra era di bon seno contra i Lutherani. Con questo
concorda ch'el ditto Aramon prometteva d'essere al principio de
genaro quà. Concorda anche quello che scrive Aramon in quella litera
al 'Bassa, de la quai mandai copia a Vostra Maestà, cioc che portera
presto bone nove et resolutione de tutte le cose; concorda anchora che Ara-
mon, scontrando a Ragusi Monsignor de Ahiset che veniva de Algier,
li disse de andarc in Fran::^a, mandato dal Turco con grand issi mi se-
crcti et mancggi più che Tolin o Rincon. Hora, Sire, pensa Aramon
DE MONSIEUR D'ARAMON 187
cavarc utile di qucsto viagL;io pcr ricupcrarc i sui castclli. clic
son coiifisc.ui in mane dclhi madania la gran Scheneschala, corne
intenJo, et di ruinar Monluck. Questi signori volevano licentiarlo
corne si licentia uno ambasciatore, con dargli la veste et li sui
200 ducati, ma prima non volse, temendo che li sui creditori de
Pera non sapessero la sua partita, et si excuso ch'el voleva andar
secretamente per fugire il pericolo delli Imperiali che li potean
fare. Ne fu riso di questa riposta per causa délia malathia del ditto
Aramon, per csser molto mal condicionato, ne atto di posser fu-
gir secretamente. Perô si pentite Aramon, etdimandoa Jonusbey
che lo volessino expedire corne ambasciatore. Il Signer rispose,
che poi ch'el recusô prima, che non lo voleva più fiire. Cosi par-
tite una sera, in barcha, fingendo di andareaibagni de Xiza, che è
in Bytliynia^, et inganô non li Imperiali, ma li sui creditori, ali
quali el debitava a uno 20, a l'altro 30 et ad altri 50, oltra la
summa che deve a Guilhelmo de Somaya, che è grande; donde
naque il di depoi in Pera un gran cridor ; delli soi debiti, corne
intendo, montano almanco più de 4000 ducati, et ha fatto spese
per questo camino grande in comprar cavalli, et menarli per com-
pararsi amicitia et favore délia Corte, siche non puô debitare
adesso mancho de 5000 ducati. È ben necessario ch'el parti al-
mancho per il suo gasto 3000, perché arivando quà non gli
restaran sinon 2000 et si porta présente al Signor non gli puô
costare mancho de 5000, excepto li honori del Bassa et delli dra-
gomani, et li ordinarij di questa Corte, siche il Re di Franza non
puô sborsare mancho che XVI m. o XVIII m. ducati. Il che puô
essere che li grèvera, havendo speso l'anno passato con Monluck
XIV m. scuti.
Questo è quello che ho potuto intendere dellc cose de Ara-
mon. Il suo secretario, nominato Mgr de Chambray, si pensô
darmene una bona... ; in quel medesimo di ch'el gionse di Cons-
tantinopoli in questa terra, per mettermi in odio con el Bassa,
mandô una littera per il dragoman de' Francesi al ]3assa, nclla
i8S VOYAGE
quai nvisava, corne per certi Giudei che praticavano in casa
mia, haveva certamente inteso una parola che non faria troppo
honore al Bassa, cioè ch' io pensava dare tanta corruption al
Bassa, et ne haveva data tanta che, al dispettodiFrancesi, caveria
questa negociatione fora de loro mane. Soggionse anchora
che d'ogni canto mi venivano avisi. // Rusthan in qiicsto negotio
non si governo niente saviamcnte. El chiamô Jonus bey in pre-
sentia di altri Bassa eldi doppo, et li dimando chiaramente, chi
praticava in casa mia et che corruption ch'el havessi preso di
metto, el mostrô tanto furore che la cosa fu palesata a tutti et con la
viedesima fiiria chiamô il mio chiaus, guardiano délia mia stantia,
dimandandoli quali Hebrey conversavano meco, et commandan-
doli ch'el trovasse un karavazera^ che vol dir hospitio publico,
pieno di camerete, ma serato d'ogni banda sopra le strade, et
mancô pocho ch'el non facesse loo bastonate al chiaus in presen-
tia de tutta la corte. Gran rumor fu di questa baya, ma li drago-
mani sentendo l'odore di questa trufa, dissero al Bassa che al
mancho lo facesse dire a me, et che non potevan credere che
tal materia fussi uscita fora di casa mia. Al tempo del disnare
veneno dui dragomani, como da se, senza commissione dil Bassa,
a significarmi questo, ma dapoi ho compreso ch'el era per com-
missione del Bassa. Io me ne rise prima, ma poiche intendeva
che si cercava un karavazera, ne feci conto, et mi lamentai tanto
che credo, pocho frutto ha havuto il ditto secretario délia sua asi-
naria. Sire, saria troppo longo di cuntare il successo di questa
tragedia, perô il fine è stato, ch'el Bassa ha dato de boni
rebuffi al ditto secretario, poi ch'io voleva che si trovasse
qucst' homo giudeo o christiano, ch'el fusse, et che fusse a
lui tagliato il naso; et non havendo potuto trovare ne l'homo ne
l'avisatore, et compreso che fu nella busia, il Bassa li disse con
grande colera, che di mo {sic) avanti attendcsse a fare li fatti sui
et lassar quelli di altri, et non trovar questo invention bugiarde,
altramentc che se non fusse per amor dil suo Re, li mostreria ciô
DE MONsr. L U I/ARAMON ,89
che importa;! dircqucstc cosc La cosa dcl karava/ara ccsso jkto
quella dclauonc, cli'io ricovcva avisi d'oL;ui canto, kvc inir qualchc
effetto. più presto fastidioso pcr ine, che utile pcr i Turchi.
Dui di dapoi, vencro a serare una corte clie c davanti casa
mia, et a inchiodaro una fenestra che guardava su la strada,
et comniandiM'ono cIT el mio dragcunan, ne altro di casa an-
dasse fora, excepte el mio spenditore. \'etorno anche la casa a un
Giudio medico. In summa, cominciono tanto a pesar le nove, ciie
ogni di rcfrcscavano li felici successi d'Alemagna, che per viva
forza volevano ch'io non potesse intender niente. Prcsc nnchc il
Bdssa per suspetto i dra^oinani et li cotnmando che non mi visitasscro
scn:^i csscrc viandati ; ma, sia loJato Dio, ho riccpnlo le lilere che mi
sono mandate, pcr modi che i Turchi mai se avcdcriano. Q.ucsto tiro
mi ha fatto ilBassa, cinque mesi dapoi la mia arivata, dil che molti
ambasciatori se ne lamenteriano iortemcnte, ma quanto a me et
questo et altre cose, me ne passaro ligerissimamcnte per servicio
di V. Maestà, ne faro, o che per mia impacientia_, o bravaria, o
colera, patisca l'honore o l'utile suo, ne darô occasione ai Franccsj
di trovar de questi atachi, che soleano de Hieronymo Adorno et
di altri, perch'io son certo, corne tengono l'ochio alla mira sopra
ogni passo che camino perô. Vcdo che mi e venuta una ventura
in questo caricho, quasi simile a quello capitanio de Francesi, dil
quai dicc Julio Cesare, che quanto el perdeva più gente et bataglie,
tanto gli accresceva più la reputatione verso i Francesi. Ht simil-
mente a me, se li negocii de Alemagna ruinavano, non mi ha-
riano tenuto stretto ne serato, ma ogni di mi harian mandato in
casa gente nove, che con piena bocha me hariano cantato le maie
aventure, adesso non mi vede homo, et io non vedo homo nesuno.
In summa, credo pensa il Bassa ch'io non sapia niente délie vittoric
di la, poi ch'io non posso havcr litere : successo chefu questo, ogni
di più et più scopri che la mia expeditione non sarià si brève, non
mancavaio perô de importunare,scrivendoognidi litereal Bassa et a
Jonus bey, ma tantafu la pcrtincntiadcl Bassa, 0 pcr vcrgo^na di haicr
igo VOYAGE
usatoqucsto trattosoprascritto,opcrnonsapereserisoIvtre etper espettare
informatione di Franza di disegni et secreti del Imperatore, che stete
un mese ch'io non puote haver audientia, ma sempre mi fece ris-
pondere ch'elSignornon haveva anchorparlato, etloronon osavano
fastidirlo, laquai cosa vedendo io, mi son voltato a solicitare che
Jonus bey almancho venisse da me, al quai io voria referire délie
cose apartenente alla negociatione. Vene Jonus bey et sempre mi
rispose délia irrésolution del Signor, come informato del Bassa.
Ma io che haveva sentito per mcx^o di altri dragomani il contemtto
délia litera del Re di Franza, et suspettava che ogni di veneriano peg-
giore negotiationi con Jonus bey, il segucnte, parte per cavargli H sus-
petti et parte per mettere H altri siispetti ?iel ccrvellodil Bassa, li disse
prima che per le bona amicitia che era tra noi, et anchora per la
experientia sua grande, laqnale Io faceva pin capace ch'cl Bassa délie
cose de stati, voleva informarlo amplamente, acciochè se alchuni
maligni facesseno qualche aguarto a questa negociatione tanto
utile et honorevole per il signor Turcho, che hsapesse combatere
con viva et vera ragione^ et che mi perdonasse, se io voleva pre-
venire davanti ch'el accadesse qualche scandalo, che se ben loro
mi assecuravano, che per causa de' Francesi non fariano niente^ tamen
che uno ambasciatore, che e serato in una casa, dove niun li
parla, et che vede la expédition suatardare ogni di più et più, ha
ragion da suspettare ogni cosa, perô ch'io non dubitava, ma
sapeva certo, che li Francesi, si non havevano fatto questo officio
verso di me, che Io fariano, che mi chiamariano inîertcnitore, et non
ambasciatore, contra questa malignitade Io pregava ch'el volessi metter
avanti al Bassa questa ragione, che in caso ch'io fusse venuto
per intratenire, non potriamo cerchare il più bel mezo inter-
tention che li ministri francesi, liquali hano cercato questa cosa
con tanto desiderio, quanto adesso loro greva che vedeno li
disegni moi de voler metter fine a queste querele de Hongeria,
scnza che loro se aifatichino, et che tanto più cra ragioncvole
che dovessimo adopcrare le intervention loro, in caso che voles-
DE MONSIEUR D'ARAMON u)i
simo innatcnirc, poichc vcJcvamo quclhi i^r.in pcrturb.uiono Ji
AUemagna, et che hariamo potiito sp.iragii.iro il prcsciitc et i
denari, et lassar guidar a quelli che havevano coininciato r.iiino
passato, ma s.ipevanio pcr certo dcl modo et tcrmini che si ha
visto Tanno passato, donde nesuno ne sa più che voi altii, che
ne voi ne noi ne cavarcssimo pace ferma, o utile, o honore, se
questi ministri se impazassero, (jitali se vantano in chrisliauiUuîc,
che hanotcnittoct tcn:^ivio un pciIc sopni la ^^ola dcl 7)aûi,ii l'altro sopra
il Rc de Roniivii, dipoi puô considcrare il Bassa, se il mio modo de
negociare è modo de intraienire, ch'io son venuto alla reale^ et
sempre ho dimandato d'esser expedito, la quai cosa non fano li
intratenitori, li quali cerchano sempre excuse minute, et vano
repezando et perdendo il tempo et captando le occasione che gli
pare pcr intratenire. Ma che io, essendo la félicita délia Casa
d'Austria in colmo, et havendo subiugato tutti li rebelli, ho
presentato più ch'el dovere, et mantengo et mantenero quelle, ne
cambiarô il mio modo di negociare^ poichè ne il Re de' Romani,
dil quai son servitore, ne l'Imperatore, dil quale ho litterc, mute-
rano loro constantia, ne mia commissione pcr fortuna o per féli-
cita che li avengi, et ch'el Bassa sij certo che de questi successi
del imperatore non gli nascerà ne tumulto, ne guerra, in caso che
si accordiamo con condition honeste, perche non si ha mai visto
che l'Imperatore in tutta sua vita, qualunche fortuna o gratia ha
havuto da Dio, el habbi invadesto (sic) o offeso nesuna persona,
de che qualità che fusse, si non sia stato prima offeso o iniuriato,
et che se il Bassa pensa ch'io non sapiali successi di Alcmagna, cl
se ingana di grosso, non ch'io habbi havuto littere, ma ch'io
davanti el partire sapeva li disegni et le forze de Sua Maestà, et
le faite et le debolezze del altro canto, tanto de vittuaglie et de
dinari, che di concordia ; ch'io voglio giocare con il Bassa un
belissimo horologio contra un brutissimo cavallo, che l'Imperator
sia patron de Alemagna. El mi rispose: Qiicslo c vcro; la quai parola
li caschô fora di hocha, ne mai ho poliilo cavare ait va similc, quanto
192 VOYAGE
aile cose de Alemagna_, benche in ogni altri mei bisogni^ et in
absentiamia mi mostri ogni favore et piacere che li sia possibilea
fare. Dipoi ch'io promette al Bassa un homo in pede mio,
che lassarô quà in caso che habbino paura de interenimento,
et io prometteria de ritornare a quel tempo che pareria a loro, oltra
che intra dui mesi sentiriano dalle frontière, corne il Re de
Romani haveria cassato li Aydochy, in caso ch'el Bassa di Buda
volesse cazar li Martalossi', et se il Bassa vorra cazare li ca-
valli che non sono spachi, che anche noi sminuiremo molti
ladri et robatori, che sono tra li hussari; in summa che si
scoprirà avanti un quarto de anno, se volemo vera pace o falsa.
Un' altra vania so che si scriverà, o che se habbi scritto,
come rimperator usera questa vittoria al danno et preiudicio
délie cose turchesche, et ch'el farà una liga d'Alemagna et
dlnglitcrra, et del Pape et de Italia, la quai congionta con le
forze sue et del Re de' Romani spingerà in Hongeria un campo
grandissimo, et che pcr questo fa tanta diligentia de metter fine
alla dissension d'Alemagna. Che quanto a questo, io H giurava et
faceva sacramento che non ce n'era niente, et ch'io pregava il
Bassa, che in caso che tal cosa fassi scritta al Signor, che mi
volesse un poco communicare, che li farià parer la verità, ben
confessava io che ne stato parlato alchune volte, ma che l'Impa-
rator sempre habbi rispoto, ch' esendo comminzato questo mezo
di pace intra il Re de' Romani et il Turcho^ mostrarà la sua fcde
et constantia, ne manchera di quello che fu cominziato l'anno
passato per il suo ambasciatore, in caso che li negocij di suc
fratello et la pace se possino concertare con conditione ragionevole,
ma ch'io li voleva dire d pregava, cht no7i fusse reveJato, che sono
alctini minislri franccsi, liquali pcnsando fare grau servitio a loro
signore, sopicraiio (sic) ncl foro, et scraiio qiicUi che sccntamciitc
I. Les Ilcyduqucs et les Martoloses étaient des brigands qui infestaient les
frcntières de la Croatie et de la Transylvanie et se mettaient, en temps de
guerre, à la solde du parti qui consentait à les employer.
on MONSIEUR D'AKAMON lOÎ
stiniitlarano Ccsarc et rAllcnuigua a von lassar passare questa bdla
occasiotic de rcciiperare VOtn^aria, et proponeriiNo le eonunoditade di
questo tempo : primo, chc le cosc di Persia stiano nltramcntc chc
non dicote voi Turchi, et cli'el Sopliy c gagliardissimo in c.mi-
pagna, la ovc la mita délie vostre forze, cioc délia Natolia, siano
divertite per remediare a quelli timiulti di la, Dipoi che adesso
TAlemagna ha più cnvalleria et fantcriameglio cxercitata che mai,
et che tanta coniunction de membri del Imperio non tu mai vista.
Questo sccrctaniefiic nietlerano sot to persane idonee, et a voi a/tri dirano
tutto il contrario, mostrando la debolc::^::^a délia christianitade, acciochè
una volta ne vedino 5t';/-(/ loro danno attachati insienie, et pensano
qiiesti ministri [are gran servitio alloro palrone, ma potria essore,
chc se suscitata fusse una tal liga, il chc ho speranza che non sari
ma che più presto tutti cercharemo il riposso et ben publico del
mondo, loro non sariano H ultinii chc intrasscro in qiiesta liga, etforsc
risp'ynderiano a voi ait ri, cbefaccvano questo constreti, et che nonpotevano
far allro. Rispose Jonus Beig, che sccondo favevano usalo altre voile,
non si lassar iano troppo pregare de in t rare in tal liga, e! chc l'anno
passato, per iustificatione di quclla proniessa che havamio fatto contra
il Turco, si excusavano de esscr stati sfor:^ati a farlo. lo replicai con
sacramento che non era niente di questa liga, et chio haveva
poter et mandato, per via di questa pace, di assccurare il signor
Turcho, et ch'el Bassa vedesse quanto servicio io offerisco in
questo assecuramento più che altri, li quali non fano sinon ru-
morizar et metter ombre et cose incerte et dubie avanti contra li
rumori_, di quali io pregava il Bassa che considérasse solamente
questo argumento, corne io son venuto per contrettare pace, et
ho litterc da parte del Imperator, perlequale io posso chiarire de
questi dubij che loro metteno, et dar certexza contra i suspetti
chc propongono, ne posso pensare che in questi manegi habbin
mandate niuno dal Re loro, tanto è il bon amore fraterno trà
rimperatore et il Re, ma li Ministri usano alchune troppo dili-
gente // quali per i)iganar voi et noi, quando sono ben assetati, dicono
194 VOYAGE
apertamente che tanto pochosi fidanode Turcbi, quanto H Turchisifidano
di loro et chcramicitîa turcica non servira a loro^ senon per darsuspetti.
Per conclusione, li disse ch'el Bassa potea fore un gran servicio al
suo patrone, ch'el potea darli una pace utile et honorevole et se-
cura al suo signor. Benchè il Signor sia potentissimo et parechiato
in pace et in guerra, perô ogniun sa il fatto suo, et che un bon
nochiero, benchè sia provisto et armato contra ogni fortuna,
vole più presto la bonazza che la tempestà, cosi deve voler ogni
bon administrator de republica, et acciô ch'el Bassa non pensi
ch'io li vogli celar niente fino al ultimo, io li dechiaro la mia
mente et la mia commissione, che de céder castelli non faciamo
parole, che se ben li Hongeri fosseno contenti, et già quel pezzo
dcl regno incorporato alla christianità, donde el bisogneria il con-
scnso del Imperio. Ma se sua Excellentia vol servire al suo si-
gnore, et liberarlo di gran spese, negocij con meco {sic^ corne
ho cominziato Taltro dî a rescatare tutte le differentie con augu-
mento di pensione, perche io ho proposto, et son venuto a un
precio honesto, quai loro non poteno mai haver dai lochi donde
si disputa, che in caso ch'el mi faci capace, che la mia offerta non
si] assai rispetto a quelle differentie, che vedero de intenderlo, et
si del mio poter mi sarà licito de respondergli, non raancharô
del ragionevole; sinon, se potrà scrivere al Re le vostre di-
mande, ma di castelli non si faciano parole, perche non ho com-
mission nesuna, et veramente guadignaresti una grande spesa in
caso che havcsti questi castelli, quasi non sapessimo noi che an-
chora al tempo di pace mettete quel bel denaro de Alcayro,
500,000 ducati netti, su la frontiera, solamente per inrichire al-
chuni clientuli dil Bassa di Buda, et voi sapete, signore Jonus
beig, quanto inutilmente si spendeno li dcnari su la frontiera. El
mi rispose : « io Io so ». Al'hora fcce fin, concludendo che la mia
partita et la pace fariano più servicio a loro che a noi, che
promettendoli de andarc alla Dicta, dove in caso che fussi ex-
citato qualchc rumorc, promettcva officio di farlo scdare, et
DE MONSIIiUK DAUAMON' I95
ch'io sapeva ccrto chc l'Impcrator non nianchcri.i tlcU.i su.i ]\i-
rola. Lo prêtai dipoi cli'cl dcssc un rcfiicanicnto a quel sccrc-
tario di Fran/.a et al Bassa quanto a qucUa int;iuria do l'altro di,
ciîc non la volcva lassar passar cosi Icgicranicntc, //<>;/ so/nni a
causa dcl honor niio et dcl Bassa, ma potria csscrc ch'cl diiio
secrctario scriveria al Rc suo signer siniilc luisic, et chc di la
si avissastc alla cortc dcl Impcratorc, pcr mctermi in disgracia.
Mi promesse di farlo. Qiieste cosc li ho ditto dui volte, accio
ch'el si) capace; cl partite verso Rusthan Bassa et li disse tutto.
Dipoi lo raconta alli altri Bassa, a Mechmeth et a Achmath.
Rusthan, como mi disse Jonus beig, ih'poi mostro di farnc pocho
cûsto, ma li altri Bassa intcscro bcnc et H trovortto i^uslo, dicctuio chc
io prouidtn'a far gran scrvitio, et chc non cra di hissarla passarc.
cosi. Con questo modo alla iîn, io inipetrai audientia dal Bassa
di avanti ch'el Signor andasse alla cazia de grue, dove starà lino
ai 5 o 6. di Marzo, et è longe de qui circa tre giornate, nella
quai audientia pcnsava di farlo capace di quelle ch'io haveva infor-
mato Jonus beig; ma non nii lasso mai dire. El principio dil ragio-
namento fu ch'io mi lamentai del secretario di Franza, et mi risposc
ch'el non hava>a credilo niente a quel la l itéra et dipoi quasi pentito
di havcr quasi revelalo secreti de vno al altro, disse che quella litera
non cra troppo dishonesta et intrô poi nel negociare, stando nelle
prime audientie^ cioè de Agria, Polata, et d'altri lochi che erano
dil Re Gioanne, dimandando se volevano tenire pcr lorza le terre
dil Signor, et questo con una gravita et scverità molto jastidiosa,
henche cl non usasse quelle villanie et colera ch' el uso Fanno passato.
Mescolava anche alchuni propositi, quanto utile sia a loro la
guerra, per le corrarie che fano, pcr le quale guadagnano tante
anime a Dio. In summa, un ragionamento molto fora di proposito
da concludcr niente. Stessimo forsi una hora et meza, lui propo-
nendo et io replicando; li miei argumenti furono li medesimi ch
io ho dechiarato nelle prime audientic, tanto del utile che si
rechana al signor Turcho, quanto délia mia commissionc che non
196 VOYAGE
si extendeva di cedere castelli, alla fin dipoi gran pacientia ch' io
hebbi, lo dimandai air improvisa se questa era la resolutione dil
Signor tihibâ et disse che j'îno adesso, io non baveva parlato cosl di
non voler céder lochi et che sopra cio el parleria al Signor. Io mi
inaravigliava délia grande oblivione dil Bassa, il quai si haveva
smenticato de tutte le negociafione passate, quasi el non se ricordasse
perche io haveva alzato la pensione a XV m. ducati ogni anno,
et li replicai per scoprirlo meglio, se mi dava licentia di scriver
questo al mio Re. Cauibià colore et disse : che scriveresti, li disse ch'
el Signor non volcfare niente. El rispose ch' el ne parlarebbe al Signor,
et mi mandarebbe risposta per Jonus beig. Mi voltai al ditto Jo-
nus beig, et disse che volemo noi et io più fastidirse, che non c' è
più ordine di negociare. Mi rispose : « non, aspettemo anchora un
pocho » ; se lasso chascare il Bassa anchora nna parola dclla hocha,
dicendo : « noi volemo il nostro, et speremo in Dio^ che quel che
non potemo haver un anno, havemo Taltro, et si non il 3°, il 4°. »
El di depoi el Bassa parlô al Signor, como disse Jonus beig, se hen
esso Bassa se haveva cscusato un niese intégra, che Jion osava fastidire
il Signor, ne parlarli délia mia expeditione; ma trovando gusto in
questo ch' io voleva scrivere, trovô anche modo di parlar al
Signor, ne hebbi mai più presta risposta, ch' io dimandasse al
Bassa, sinon di questa, tanto li plaque di havere trovato uno atacho
di possermi iniratenere qui tre 0 quatro niesi, perche vedeva che le
risposte sarian tarde^ et che Vostra Maestà ne l'Imperatorsi potrian
lamentare délia mia retentione, poich' io medesimo era causa per
il mio scriver, vientre questo stariano a vedere loro el fin délie cose
de Allenuigna, et aspetare quelli avisi de Fran:(a delli secreti de
Cesarc, et tencrnii qui couic per ohstatrio fu la offerta de Jonus beig
molto libérale^ perche non solamente mi davano un homo dcl
Bassa de Buda, ma anchora ch' io mandasse un homo mio pro-
prio. Io li rispose : (( che mi havean mal inteso, et ch' io non inten-
deva a scrivere, in caso ch' el Signor non si risolvessc de negociare
le ditlcrentic per pensione, et che io sapeva_, quanta difticultà et
DE MONSirUR D'ARAMON
197
tempo portava qucsto scnvcrc, poi ch (.1 Ko niio si^nor non
tari.i nicntc scnx.i hi dclibcrationo dclla Dicta dcl Impcrator, et
che nientre si aspetta la risposta. nacessequalclie rumore, o per il
dispetto, cW io sia troppo ritenuto, o per qualche correria délia
trontiera, o per qiialehe alti'a niali^nità, el Hassa diria poi, cW io
saria stato causa con el niio serivere, et nasceria qualche /i/ania
trà il Bassa et me, che turharia questo ben puhlico che si ha co-
minziato a trattare ».
Pochi giorni avaiiti ch' el Signor andasse alla ca/ia, in questa
corte fu latta gran demostration et allegre//a d una vittoria che
dicono haver havuta per mexo dil Bassa che sta contra el Sophv;
quai Bassa harebbe preso un loco chiamato Basra di ladel Eufrate,
con 48 castelli, ma non dissero particularità niuna, quanti nemici
ossero morti, et como la cosa fosse succu^sa ; iloiiih' pdirvn hi cosa
mu csscrc tropo vciisiniilc, massimamente esscndo pochi giorni
avanti venuta nova di quelle bande, ch' elSophy era gagliardissimo
in campagna, et Inivcva viclalo il Bassa a lutta la cortc che )iou se ne
parlasse; et essenJo il Sii^^nor alla ea:{ia, sono coniiuciati li nimori,
che il Signor volera far giierra per mare et per terra, eoii quel la
ostentatioue, con la qtiale queste gente govcrnano ogni cosa, et in quel
di mi foron rese le litière de Cesarc et de Monsignor de Aras de 2S di
Novembre per Blasio di Brejia, che soleva cssere spia de don Diego et
inio dragomano l'anno passato, le quai l itère ha porta Io con consent i-
viento délia cita de Ragusi, lanlo vano le cose si relie ; havendo questa
commodità, Io ho mandato a Constaiilinopoli a spiare Io arsenale, per
intender quai cosa più certa ;c ritornato in questi giorni, essendo stato
a Consiantinopoli un pocopiù di quello li havcva comnuvidato. Quello
che intendo de lui è che l'armata del Turco ::on plissera setanla velle
intra fusle et galère, et Salares sara capitanio de vinti galère, le
qualù dice cssere parechiate in Rhodi , et che Inogethc è chiamato
dal mare di Poncnte, il che chiamano loro marc de Italia, diwe il
ditto sta in corso, et sera sopra trotta legni, et che le alîre vint/ si
caverano dal arsenal di Consiantinopoli, ma non sonno anchora cale-
198 VOYAGE
fatate da mettere a remo, et che a Salures non sono mandati sinon
trecento Jani^ari per metterli in armata. Oltra di questo che ce
grandissimo minore del canto dil Sopby, con questo si confronta
l'aviso de uno Jani:(aro che è in la mia guardia, qurJ è di qncUi
Jani'^ari che è deputato de andare, quando il Signor fa armata, et
dice che il Signor andarà in giierra contra il Sophy, et che noji
si farà tanta armata in et ch'el comniendamento del Signore
de far Icvare gran numéro de villani de Natolia per f armata, si
refredisse. Concorda anchora che la gente dil Bassa de Buda che
sta alla Porta, fu mandato {sic^ de qui al ditto Bassa per avisarli
di quello fit negociato et promesso, et per dimandarli il suo consiglio.
Ritornando, ha ditto ad alchuni sui amici in questa terra, che sarà
pace in Ongaria con il Re de Alemani, et che ritornando il Si-
gnor dalla ca:^ia, subito expedirà lo amhassator, et andarà in
Bursia . Concorda anchora che quel giudîo^ cJfè înedico délia mia
famiglia e grande aiiiico de fonus heig, dal quale dice haver inteso
queste parole : l'ainbasciaiore pua stare di hona voglia cli cl partira
con il suo contento. Hor, Sire^ vorei havere commodità di avisare
Vostra Maestà cose certe, et baver licentia di expiare, come fano tutti
li ambasciatori ; ma la Maestà Vostra sapera, con quanto risigo
et fastidio si pua intendere le cose, essendo serato nel modo che io son
serato : in tutte le actione, bisogna passare per mane de Ragusei,
essendo il mercante fiorentino, Franciosi et li Venetiani tanto inimici
a Maestà Vostra como li altri, et di Ragusei bisogna fidarsi sopra
un solo, acciô le cose non diventino palese, il quai Raguseo oltra
il risigo, che è di essere impicato, è cervello grossissimo. Perd la Maestà
Vostra pîglicra in bene il mio servicio, et non se risolva, ne pigli
assecuramcnto di questa negotiatione ne per littere de' Venetiani, ne
dclli Francesi, ne de' Fiorenlini, in nulle 0 in bene, fino che io non
favisi per altre mie lilere le quai spero di posser mandare subito
dapoi ritornato il Signor dalla cazia; il modo che ho di posscre
intendere le particularitadi certe, si è per il dragomano Maumetto,
quai h.va r alla ra-a coni il Signor. Bcnchc la Maestà Vostra lo
ni- Moxsini'R n'Ai^\Mo\ loo
Inihi p:r tnuUtorc, ronio ri.v lUicJ.v io, pcrô ijiicstc ro.w si fiino da
siniildgcnic pcr dciiari chc vcraniculc, se bcn il siii iiii ni<ini:iolilt>,
non hj manchato di un i^iorno iil iiUro in diinoslrarnii le Ictlcc di
frîi Givrgio et d'altri di sncccssi de Alennii^nti in faivr dcJ Inipc-
fiilor et di Ici Miiestà J'ostiii. Oiuinto a Monsit^nor de G mule hi
cowpraio qui vnii rnsii, et eoniineia a edifieare una pirte di essd , (7
//' Francesi eonversano con lui niollo familiarmcnte. lo nii dnhito
r// «7 sia staneho de Tinrhid, et cli el voi^^li ritornarc in cbrisliii-
nitii et in Frdn:^a. non havendo aitto loeo sictiro dovc el px^tessi sldre.
Zt' littere del Iniperiitore sopriiscritte sono state molto al pro-
posito per securarmi del rumore che io haveva intesù ;le prime littere
furono quasi in perieulo , perehc furono mandate dal cavaglier
Zamano , quai fa professionc di fare le cose del Imperatore in
Ragusa, insieme eon le littere dil Gunde, ma l'ensero in hone mani.
Benchc crano Jatte con quella auiorità et savieza che farta voluto
che fussino, sta intercepte dali Turchi et mos'.rate al gran Signor.
Ho ben modo de ricever l itère, benchè vengono alla ventura, ma de
mandarle non posso, si non per homo Jidatissimo, perche per via de
portalitere de Ragusa non ce ordine. Perltinlo, ht Maestà Vostra
mi perdonera , se scrivo rare voltc , alla qiialc huinilmcnle mi
racomando.
Dato in Andrinopoli a di vinti Febraro, el rctenuto fni
oggi che sono di Mar~o mille el cinqiuvento qiiannita sette, per
espettare quello che andava a spiare Farnuila, el pcr j'arli ihire le
littere in man sua propria.
Il Turcho si aspctta dalla ca/ia alla fine di qucsta luiia.
Ugrynowytz staallogiato 304 case lontano da nie, dcsidcrando
la redemptione de Israël si ben che \o.
L'ambasciatore di Portugal è anchora qua.
Sono sta mandate littere a di G di Pebraro alli signori de Vala-
chia, al Karaboudan', et alHTartari, che stiano aparechiati sopra
I. L'hospodar de Nfoldavie, Flie Harccli qui avait succédi' le $ septembre
200 VOYAGE
i confini di Polonia ; questo fa creder a molti ch' el faria guerra in
Transsylvania.
// servitore dcl Gunde, quai porto qua piîi di trenta leitcre, fu
acare:^ato dal Bassa et scaciato intra tre di, et il ditto Gunde per
mostrarc de essere bon schiavo, mostrô di non voîere ricevere litera
nesuna, se prima non fusse visla dal dragoman Maumuth, il quai
mi disse che dentro si conteniva di sui debiti fino a quarante inillia
ducati, et benchè queste littere siano de debiti et di principali amici
cld el ha in Austria, perô non si fa debitore sopra il servitore, il
quai cou questi modi ha bona via de intendere la dispositione délia
Christ ianità et di reportare qua.
Di Vostra Maestà humillimo servitor,
Gerardus Veltwyck.
1546, à son père Pierre Rarech. (CI}i-ùiu'qHe d'Urechi publiée pjiT M. Em. Picot,
page 357.)
DE MONSIl-UR D'ARAMON 201
II
Di'pcchc adrcsscc au roi des Romains par Gcrard d: J^cUn'ich sous la
date du ij avril ij-fj.
Dipoi rultime mie chc fiirono de diccc dcl passato, non ho an-
chor havuto audicntia, et tamen il Turco alli diccnove ritornô
dalla cazia, ne manco ho potuto intendere conio ha da essere la
mia expeditione, perche il Bassa ha vetato alli dra^omani che
non me visitino, fino non gli sia comandato. lo vedo hen chc
la gran duhitation et irrésolution che costoro hano in testa, farà
che io non sarôexpedito avanti la venuta del Oratorgallo, laquai,
corne dicono qua li Francesi, sarà intra diece dî, bcnchè qucsti diece
dîhanodurato tre mcsi. Se dice inquesta corte che'l ditto Orator
gallo porta gran presenti, cioè per il Turco una lontana di valore
di scudi trenta millia. Si vede ben che dano tutti li assalti che sia
possihile contra li negocij di Vostra Maestà, et si è vero, corne il
rumore è di qua, che il Re de Ingeltera sia morto, non mancha-
rano niente di quello che hano qua acciochc divertiscano il hiipc-
raiorc dai iicgocij di là. Del Re di Persia si continua ogni di la voce
che '1 sia grossissimo in campagna, et alchuni parlano molto lar-
gamcnre che '1 ha preso dui overo tre castelli di questo Signer,
et che il campo di Turchi che sono su quella frontiera, se sia re-
tornato verso Sulthan Mustaplia, primogenito del Turco, che è
Sanzacho in Amasia, cioè in Capadocia ; li altri dicono che i
Thurchi desperano di possere defender quella frontiera, se il
Turco non li soccorre. De l'armata se intende il medesimo che
scrisse per l'altra, cioè che anchora non se habbi fatto raccolta
di vogadori, che è segno che aspcttano Aramon. Qua sono stati
molti rumori clie uno Bassa o dui dovevano andare in Transsvi-
202 VOYAGE
vania, et che il Turco starà a casa ; et altri dicono che non irano
in Transsylvania^ ma in Schiavonia et in Croatia, et nominata-
mente nominano Zagrabia et Varasdino, et che a quella impresa
anderia Vlambeg Sanzacho de Bosna con tre altri Sanzachi, et
pareche questa ultima nova si verifica da molti. Non so se lapen-
sano fare per correzia avanti che concludano meco, corne sono
soliti a fare, overamente che vogHan romper tutto. Alla venuta
de Aramon si scoprirà tutto, et credo che avanti el vengi, costoro
non habbino disegno certo, non sapendo quello che lui portera.
Di Andrinopoli alli tre di Aprih dcl quaranta sctte.
Doppo scritte le incluse gionse qui l'Orator gallo ditto Aramon
mercoredi sanlocon grandissima pompa, ma credo che percamino
li siano atachati molti Ragusei et gentilhomeni italiani. Venerdi
santo lui hebbe audientiada Rusthan bassa, etlavigiHadi Pasqua
dai altri tre Bassa. Il terzo di de Pasqua andô a basare la mano al
gran Turco, portandogli il présente del Re suo signore, cioè una
fontana dorata, ligata con moite gioie, il precio de laquale è esti-
mato da Aramon quindeci millia ducati, et dice che tanto è cos-
tata al Re. Quello che si scopre délia sua legatione per diverse
vie, che si confrontano, è questo, che havendo lui negociato
avanti la partita sua in quella perturbatione di Germania di far
mover la guerra dal Turco verso Hungaria, et per mare verso
Africa, il che era la medesima negociatione de Rinchon. Questo
disegno de Aramon ha trovato impedimento per le victorie et
prosperità de ambcdoi le Maestà Vostre. È vero che costoro non
gli havevano promesso per certo, ma lo mandorno in Franza per
explorare il tutto essendo hora ritornato, négocia con questi Thurchi
et solicita il medesimo per nécessita, mostrando che bisogna di-
vertire le forze dellmperatore, che altramente la Franza sta maie.
Et quanto alla Ingilterra, che la Maestà di Cesare tratta di mari-
tarsi con la figlia del Re che fu de Ingelterra et impatronirsi di
quello Regno, et che dipoj non li mancharia si non Franza a
essere monarcha di Christianità, il che a suo Re dispiace molto.
DE iMONSinUR D'ARAMON 203
Ma non basta la maligiiità Je costiii ; se il conte de Ro^endortl'
non faci qualche grande otierta acciô pari non sij iugito per poclui
cosa qua Iha havuto animo a dire al Bassa de fargli pigliare
\'ienna, et Ar.inion poi ha ditto clie se questo anno non si piglia
\'ienna, che non sia piii spcran/a si pcr il tortiticare se gli ta, conio
per lo acrescimento de la prosperità di anibedoj le xMaestà Vostre.
Quanto alla armata si parla intra i Thurchi che non la vorano
dare, et il medesimo mi ha ditto per avanti più volte lonus bcyk,
benchè mai mi volse confessare che questa cosa fossi stata tentata
de Aramon, ma simplicemente diceva : « mai haverano più la
nostra armata nelle mane ». Et benchè io non credo a ogni parola
de Jonus beyk, per esserli stato fatto paura dal Bassa, perchô
confrontassi con moltialtri, quali dicono il medesimo, ne anchora
sonno raccolti più vogadori et la stazion va molto tarda, massima-
mente secondo li costumi de costoro che solevano tirare fuora
l'armata al principio di lebraro per essere si lontani in mare da li
nemici. Haramon a ditto che non sonno si non cinquanta gallere
in Christianità, et che è facile cosa di scorrere i litti de Icalia et la
rivera di Genova et Catalogna ; ma per coprire la malignità ha
sparso una voce che lui è venutocon questi presenti per f;ir con-
cludere lo accordio intra la Maestà Vostra et il Turco.
Del Sophy si refrescano ogni di le nove cli'el è gagliardo in
campagna. Si aspetta intra pochi di uno ambasciaLore di Trans-
sylvania che portera il tributo, et un altro ambasciatore di Polo-
nia. Si stima che porterano qualche resolutione di quello castello
Bekykerek, quai il Turco dimanda da fratte Georgio. Io vedo
che'l tempo procède assai et che li rumori de guerra non sonno
cosî gagliardi che prima, a tanto che secondo il mio parer lo am-
basciatore di Franza non farà tutto quello che'l vorebbe, ne del
campo di terra, ne de l'armata di mare, seben ha anchora ditto
che movendo il Turco guerra, che'l Rcsuo uscirebbe in c.unpagna
verso Italia. Et benchè lui mi mette grandissime ditïicultade con
questi doni et promesse, perhô non haverà lui mancho difiicul-
204 VOYAGE
tade in persuadera a costoro che se mettino in risigo, stando le
cose de Alemagna corne stano, et de l'altra banda, il Sophy in
campagna. Intendo che questa settimana mi chiamarono dal
Bassa ; alhora farô diligentia che qualche dragoman mi possi vi-
sitare^ acciô sapia per certo la resolutione di questi negocij. La
Maestà Vostra usera la sua solita savieza;, ma quanto si puô com-
prendere di qua non c'è apparencia diguerragrossa, si non osten-
tation. Circa duoi over tre giorni avanti la venuta de Aramon
essendo venuto da me Jonus beyk per cose del mio Chiaus, mi
parse di cerchare occasione di cominciare a oppugnare quelle
possea reportare el ditto Aramon per assecurare di fresco questo
Signore non obstante la vittoria di ambedui le Maestà Vostre. Et
cosi li communicai le littere del Imperator, nelle quale mi co-
manda che non obstante li sui prosperi successi di Germania debia
significare la voluntà sua, quai ha Sua Maestà di perseverare nel
cominciato trattato con questo Signore. Il che ho fattoconil ditto
Jonus beyk ; dilsuccesso poi avisarô la Maestà Vostra. Di Adrina-
polj alli tredeci di Aprile. In tergo : .
Al scrcnissimo Rc de Romani, mio Signor.
DE MONSII-UR D'ARAMON
III
Au Koy.
Sire, par deux depeschcs que je trouvay à Venise, m'en
retournant par deçà, il vous pleut me commander que je recher-
chasse bien particulièrement roccasion de la venue du comte de
Rocquendolte en ce païs pour vous en donner advis ; ce que je
n'ay failly de taire le plus diligemment qu'il m'a esté possible et
n'ay trouvé par tous les rencontres que j'en ay fait quoy que ce
soit, fors qu'ayant quelque différend avec sa femme, elle ait esté
tellement favorisée de l'Empereur contre luy, que n'ayant jamais
pu d'estre oûy en son droit et luy ayant ledict Empereur osté la
pluspart de son bien, pour flivoriser sadicte femme, et meu de ce
à desespoir s'est venu rendre à ce Seigneur, comme au plus grand
ennemy qu'ayt iceluy empereur, en espérant que son moyen pou-
voit vanger des torts qui luy ont esté fiiicts; n'a cessé depuis sa
venue d'en chercher les moyens, n'ayant faict, par ce que j'ay
entendu, que bon oftice envers ces seigneurs de tout ce qui peut
toucher le service de Vostre Majesté, auquel il monstre une bien
grande affection, en laquelle je mets peine de l'entretenir le plus
qu'il m'est possible pour s'en servir en quelque occasion, ce que je
connois qu'il fera trèsvolontiers. D'Adrianopoly, le 4 mai 1547.
D'Aramon.
2o6 VOYAGE
IV
Lettre de Gérard de Veltivick au roi des Romains en date
du 2 mai iS47 •
Doppo l'ultima mia di tre et tredeci dil passato mese de Aprile
è accaduto questo. L'Ambasciator di Franza ha dimandato con
grande importunità l'armata di mare etcampo di terra perpigliare
Vienna_, mostrando le occasione délia Christianità^ la quai sta
perturbata^ et in questo è stato aiutato dal Gunde, quai ha pro-
messe di far pigliare Vienna in un mese, et practica strettamente
di et note con el Oratore gallico a danni di Vostra Maestà et
délia sua patria, et Dio ha messo la mano lin adesso, che
gli è stato recusato apertamente l'armata di mare et di terra, et
gli è stato risposto che se l'Imperador fusse inimico dil suo Re
et già in campagna, li dariano l'armata molto volentiere. Ma
poichè lui medesimo confessa che Tlmperador et il suo Re man-
tengono anchorpace, che'l Turco non vole essere adoperato corne
corsaro de marc a sacchegiare i litti et insole. L'altra risposta
è che'l Re di Persia è uscito in campagna, il quale lo incomodo-
rebbe assai se'l si metesse in questa impresa; questa ultima mi
pare sia, secondo Aristotele, risposta ad homincm. Ben è vero che
li rumori dcl Re di Persia continuano, ma se'l havcsse cxcrcito ga-
gUardo, come si zanza, sariano già costoro partiti de Andrinopoh
et dato soccorso aile cose di Natolia ; ma dano questi fenochi ai
Francesi pcr cxcusarsi honestamente con questa occasion del Re
di Persia , et quanto io posso indicare , si servono anche di
questa risposta verso i sui subditi et soldati per mantcner la repu-
tatione, dcmostrando quasi che se non fusse il Re di Persia, an-
darebbono a ritrovare Tlmperador, corne hano bravato tutto
DU MONSIHUK D'ARAMON 207
qiiesto anno. La vcritù c che hano tcnuto grande paura dclle cosc
dcl Iiiipcrador. A me non è stata data anchora audicntia, ma \o
so pcr ccrto chc l'ambasciador de Franza non c grato, le cause
non le posso anchor sapere. Jonus bcyk dice maie quanto puo del
ditto Orator régis Galli.v. Il che è cosa mirabile, poichè Gunde
governa interamente Jonus beyk, et tamcn Gunde et Orator gallicus
sono corne fratelli. La causa che non mi hano dato audientia,
benchè li Turciii la colorano comc vogliono, è che hano expectato
fin adesso un messo del Gunde, il quai è gionto e porta ccrtilica-
tione délie cose de Alemagna, come la Gesarea Maestà habe gua-
dagnato alchune terre, ma non ha expugnato interamente li Lu-
therani, et cheeracascato un gran pezzo délie muragliede Vienna.
El Turco, per tutto questo mesc di maggio, partira per Constanii-
nopoli ; pertanto ho dimandato audientia dal Bassa pcr vedere il
iine di questo negotio, al quai essendomi negato, per non esscr
anchor resoluto il Turco, come dicono, son stato constretto farc
un brève extratto di quelle litere de la Maestà Cesarea, dil quai
mando la copia qui inclusa, benchè io sapeva che'l saria qualchc
revolutione, se io dcchiarassi di havere ricevuto litere. Ma sen-
tendo che'l Signor parteria presto, ho voluto demonstrarle, secondo
il commandamenro de la Maestà Cesarea, et assecurare il Turco
che anchora doppo la victoria, l'Liiperadore et Vostra Maestà ten-
zono il medesimo desiderio dil ben publico chc prima. La Maestà
X'ostra si maraviglieria del moto che costoro hano fatto, havendo
loro riceputo la mia carta, perche a loro pare cosa nova che un
^mbasciator serato in casa possi ricevere et mandare litere, et
per tal cosa mi hano agionto un altro Chiaus et quasi voluto im-
palare tutti li mei guardiani. Io havea aviso che questa settimana
mi dariano audientia per concludere, ma n'è accaduto qualchc
gran movimento nel scraglio, dove alchuni dicono ciie'l Signor
habbi fatto tagliar teste de' principal! del scraglio, et alchuni dicono
che'l vol far tagliarc teste. Qucllo che sia non posso anchora sco-
prire. Ben se intende che'l Signor non da audientia a nessuno, di
ao8 VOYAGE
modo che del successo délia mia negotiatione non posso scroprire
altro, poichè li dragomanj non mi possono visitare; perô in ogni
caso, se la Maestà Vostra potesse finire quella fortificatione de
Vienna et munire qualche altro loco verso Schiavonia et verso
Bohemia, la Maestà Vostra haverà secondo il mio parère pace
bona et perpétua. Questo io dico sotto correctione, per haver
inteso come zanza questo desperato Gunde délie necessitade de
Alemagnaetde Austria, che in ogni caso, concludendo pace meco
o non, più fermi sarano li negotii di Maestà Vostra, essendo le fron-
tière alquanto munite.
El portatore de la présente è stato schiavo de Achmath Bassa,
al quai ha servito de chirurgico, homo destro et diligente et molto
risigato in avisarmi continuamente per litere quello che tochava
al servitio di Vostra Maestà, che se io non havessi havuto costui,
sarei stato ignaro de moite cose che passano, poichè le altre doi
vie non me servono più, cioè quella de Ugrinovich, et quella
de padre Zaccharia Schiavon, quai Vostra Maestà conosce^ perché
il ditto prête è stato fatto mettere in pregione, accusato dal Gunde
per haver fatto liberare schiavi^ et perché stia qua como spia di
Vostra Maestà. In caso che'l prête non se libéra, poichè questo
schiavo Genovese chiamato Francesco Zanchano se parte, io non
vedo modo alcuno di poter avisar Vostra Maestà, tanto mi ten-
gono costoro stretto. Ma sapia questo la Maestà Vostra che li
Franccsi non fano la meta del danno aUi sui negotij, quanto fa
Gunde, quai se non fusse venuto con questa nova boria, io son
quasi certo che li presenti di Maestà Vostra haveriano sbalzato
li Francesi. Dio ha messo la mano fin adesso, et flirà nel resto
quello sarà in suo santo servitio. Le cose stano anchora in quella
offcrta di vinti cinque millia ducati, in caso che se concino tutte
le differentie queste. Al portatore di questa, che sarà il detto Fran-
cesco Zanchano, ho dato denari per il camino, et promesso che
Vostra Maestà gli farà anchora donare un bon présente, et certo
Io mérita.
Dl£ Mc^NblHLR U'APvAMON 209
In Aiulriiuipoli a d\ prinui di M.i^^io dil qu.iram.i scitc.
In qucst'hor.i c vcnuto il mio Chi.uis a siL;iiitic.irnii d.i p.iitc
dil Bass;i, coinc il gran Signor, infra pochi dî, c pcr ji.irtiic jkt Coiis-
tantinopoli, et ch'io similmcntc dcho andarvi et inviarmi al ditto
gran Signer. \'ostra Macstà vcdi conie vano le cose. Alla quale
basiandoli le niane, luimihnente nii raccomando. Data in Andii-
nopoli a di primo di Maggie) 1547.
Di \'ostra Maestà humile servitore.
Gerardus \'llut\vick
Vostscripta. Ho riceputo hoggi ima di \'ostra Maestà de 5 di
Genaro et una del Imperator de 18 di Décembre con le agionte
de Monsignor de Aras, le quale ho liavute per la via ordinaria
del agente Cesareo in Venctia. et sono mi sldlc picsciilalc qui da
qticUo prctc schiavonc, qtial Jjora c libcrato dalla prc^ioiic; e^'li poiic
la propria vila a pcricuh in servi lia di Macslà Vostra. lo non man-
cherô in tutte le commissione de ambe le dui Macstà \'ostre,
secondo il tempo et Toccasione portera. Di Andrinopoli alli 2
di Maggio.
De Vostra Maestà humile servitore.
Gerardus \'elt\vyck.
La conclusion, Syre, è chc costoro hano voluto restarc qua in
Andrinopoli fînchè hano scoperto che la assccuration, che io li ha
laito délia voluntà de Gesare et délie cose de Alemagna, sia vera,
délia quai assecuratione sono stati mirabilmente suspetti, poichè
ogniun li ha dato information contraria, cioè che\'ostre Maiestà
non finisccbbono si presto quella gucrra, o che lîniendo lassiana
campo in Hungaria; ma adesso che sono certi dclli dissegni di
Cesare, tornano a Constantinopoli et pagano el Prancese con il
rumore del re di Persia, dil quale ogni di scopro più che sia una
14
aïo VOYAGE
inventione per coprire lor paura che havebano delli moti di Ala-
mania.
In terso :
Sacre Régie Romanorum etc. Maicstali, Domino
iiico cIcDicntissimo
V
Rapport addressé an roi des Romains an snjct dn comte deRogendorJ.
(Fin de mai i)^7-^
Adi 25 Maii, longe ab Andrenopulli duos dies, veniebat unus
homo qui portavit michi literas. Superscripcio fuit facta ad me et
in eis fuerunt litere ad Gerardum misse de sacra Maesta Vostra.
Ad quem liominem ordinavi cui débet dare in Constantinopuli.
Nescio si possunt tradi in manus dicti Gerardi, quia magnam cus-
todiam tenent super ipsum et super Vitto Ugrinovicz et nemo
potest venire ad eos, sed maiorem custodiam ponunt super ipsum
Girardum. Item, quomodo provulgata est vox in Turcia adi
18 Maii quomodo captivatus est dux Saxonie et quomodo Caesa-
rea Maiestas posuit sub se totam Germaniam, ex quo in Turcia
intravit maximus timor et tremor. Dicebat rex Hispanchus (sic) :
« Usque modo fuit ursLis, iam est leo. » Pro qua re non sollum
populus comunis liabet timorem de sua Caesarea Maiestate, sed
Gaesar Turcharum simul cum suis sccrctariis. Ista possum dicere,
quia omnes literae que mittebantur ad dictum Caesarem Turcha-
rum, agunt de victoria Caesareae Maiestatis. Ego omnes lege-
bam antc Gin"ustan bassa et alios bassas. Una vice Clirustan
DH .Me)NSIi;UK DAKAMON :i.
bassa vochavit Christoibr Je Ro^oiulolf aJ divan ubi judichant
dicentes : *> Adcs du, brc cliaur', id est de nuUa lîdc, vult
Cacsar nostcr, ut dcbctis licri Turchus, et adhuc est niea voluii-
tas; quiddicis?» Ipse respondit : >< Nollo agere Turchum.JJ Res-
pondit Chrustan bassa: H delli caur-, id est stulte de luilla lide,
ad quid venisti ? ut vos (sic) non dedisti ullum castrum vestrum
ad Caesarein nostruin, vos (j/V) nou venisti orator de nullo do-
mino ; quid servicium prestatis ad nos? vide si vis lieri Turchus,
si non, nos dcbemus providerc per alliam viani. )> Cuni istis verbis
abivit in domo sua (sic). Post quatuor dies noluit venire ad
divan, id est ubi judichant, velut mos est venire cos qui IiabeiU
stipendia, lit tuni Chrustan bassa vochavit lunus be^, qui dixit
ad cum : « Vade ad ipso (j/V) chaur et indichate ad euni, quo-
modo imperat ad eum Caesar noster, ut se taciat Turchus (sic) ;
si nolet, nos scimus quid de eo debemus lacère. » Junus beg
abivit de Chrustan bassa, et dicto (sic) Chrustan bassa vochavit
unus caus (sic)" et dixit ad eum, ut vadat ad dicto (sic) Rogondoil
cum verbis desuper scriptis. Qui caus venit in domum dicti
Christoibr^ quem invenit ad prandium. Qui naravit vcrba doniini
sui. Qui respondit : « XoUo me facere Turchus. » Ipse caus abivit,
et Rogondolf incipit llere amare et acepit unum cultrum de mensa
et jactavit in terra. Et in tempore quo phmgebat, venit servus de
Jonus beg missus ad eum, qui volebat indicare eum verba que
dicta fuerunt de Chrustan bassa ad lunus beg. Dum vidit eum plan-
gentem, interogavit servos suos : ■ Pro qua re dominus vester
plangit ? " Qui dixerunt, quomodo venit unus caus missus ex
Chrustan basa ad dominum, qui dixerit : « Imperat tibi Caesar, ut
se debeatis fieri Turchus. « Quando audivit servus de lunus beg
ista verba, nuUum verbum voluit dicere et citto reversus est ad
dominum suum. Quando audivit lunus beg vcrba servi sui. citto
1. Brèh guiaour, Holà, infidèle!
2. Ev dely guiaour, ô loi infidèle I
3. Caus — Tchaouch, huissier.
212 VOYAGE
abiit ad ipsum et invcnit eum plangentem et ululantem. Qui
interogavit : « Quid sunt tallia ? » Qui naravit omnia. Dum au-
divit Junus beg vcrba sua, dixit : « Obsechro ut vclis dicere ad
Chrustan bassa, ut ego fui primusqui dixi tibi tallia verba, quia et
michi dicta sunt, ut admoneo te, se debas fieri Turchus. » Qui
promixit dicere. Post paucis diebus, miserunt eum in Constanti-
nopuUi, et ista facta sunt in Andrenopuli, ubi dicunt, si se faciet
Turchus, dcbent eum mitere in Babilonia ; si non débet esse Tur-
chus, volunt ponerc eum in turim, ubi manet mori lasllo turch
baient etmalat {sic).
VI
Dépêche adressée au Roi des Romains par Gérard de Fcllivick sous la
date du y juin IS47-
Sacra Maestà !
Questa si scrive a ventura, dubitando se la havesse recapito o
non, pcr essere il portatore schiavo che fuge, il quai ha tardato
un mcse più che non haveva ditto di andare et portare la nova
che ne Francesi ne Gunde havevano fiuto niente, et che non
saria dubitatione alchuna di guerra questo anno. Spero ben che
la duplicata data al prête Zacharia in Adrianopoli sia venuta in
bona mano, ma con questa farô si non va brève summario délie
cose che passano, sperando nclla gratia di Dio, si non avenza
qualche inconvcnicntc, de avisare particolarmente et presto per
Justo' la ccrtcza dil tutto. La certeza dclla morte dilRe di Franza
1. Justo di Argcnlo, sccréiairc du roi des Romains, qui avait accompagné
Gérard de Vcltwick dans sa mission
DE MON'SinUR ITAinMON 2:5
ô stata conosciuta Ja costoro alli diccc di Mau;i;io, bcnchè pcr via
de' Ragusci furono nvisati alli vinti dui di Aprilc, ma non credc-
vano finchc li \'cnctiani lo ccrtiticorono. Dil novo Rc non hano
h.ivuto litcr.i alchuna, bcnchc hano l'atto scrivcro a lui pcr tertia
mano. La prima dimanda dcl ambasciador di Ti'anxa lu campo
pcr terra et armata pcr marc, et essendoli ncgata, dimandô cl
campo de Romania sotto cl Beglerbei pcr dui anni, et essendoli
rccusato anchor questo, dimandorono armata pcr j-iii^liare la Sici-
lia; tutto i;li stato rccusato avanti si sapcsse la morte dcl Rc di
1-ranza. Lo Ambasciador de Pranza è amalato et in odio di cos-
toro, et Gunde in disgratia cxircma^ per ragionc le quale supcr-
scdo adesso a dechiarare. Le nove che' 1 Marches Albrccht era
preso dal Duca de Sanxonia, venero in Adrianopoli adî dicenovc
di Maggio, dapoi la mia partita de li, et tu pcr litcre di fratc
Georgio. Ileri poi sono vcnutc nove che' 1 Duca de Saxonia et
Lantgravio sono presi, et il fîgliolo dil Duca è stato morto, il che
si ha per via de' \'enctiani. Iloggi hano mandato costoro Jonus
bey da me a comcnciar a negociare, acciochè io dcssi piii dclli
vinticinque millia già offerti. Mi tengono anchor strettissima-
mente, mi hano non dimeno cambiato casa, la quale è meglio che
la prima, che fu il karavasal de Laskv ; quanto al resto, non mi
trattano maie. E arivato qui il frattello dil Re di Pcrsia, il quai
promette assai a questo Signore contra il detto Re di Persia, et
gli sono stati donati dal Turco de boni prcsenti, cioè cavali decc-
novc, et alchuni de qucsti forniti di scie d' oro con perle et
giogie a la Turchcsca, et una scmitaract centura estimata di gran
precio. Se dicono cose assai del discorso di questo Turco pcr
andare in Persia, ma quanto io posso comprehendere, non con-
cluderano niente con questo Persiano avanti habino concluso
meco. Io penso che le literc del Imperador sarano state a propo-
sito per assecurare costui. Dio ci concéda che lo possiamo levare
in Persia, in che modo si sia! Quelle che ho ditto hoggi a Jonus
bey, scrivcro perle altre. perche non è possibile di essere adesso
214 VOYAGE
più longo ; et similmente scriverô quelle si dice di quà^ si il Re
novo diFrancia vorrà perseverare nellaamicitia o non, et il dise-
gno che fano di quelle. Solamente dirô questo a Vostra Maestà,
poichè io non ho litere revocatorie del mio caricho, anzi ho
havuto confirmatorie, tanto da Vostra Maestà quanto da la Maestà
Cesarea^, anclior dapoi la vittoria di questo inverno, et dipoi la
humiliatione délie cita délia liga, mi pare necessario, s'el sarà
possibile^ di seguitare il camino comenzato per concludere la
pace, non solamente per far levare questo Turcho in Persia, ma
anchora per dare impedimento a una nova amicitia del Re di
Franza, et in caso che la si fiicesse, per farla più débile et di minor
importancia. Qiianto alla impresa di Zagrabia che deve fare
Vlanbeck con li altri sei Sanzachi, costoro mi assecurano che non
farano niente fino che non si determini meco. El ditto Vlanbeck
sta in Scopia^ facendo noze a un suo figliolo. Vostra Maestà mi
perdoni, se hora son si brève.
Di Constantinopoli alli settc di Giugno del quaranta sette, et a
\'ostra Maestà humilmente me ricomando.
GeR ARDUS VeLDEVICK.
In tergo :
Lit 1er ac doiiiiiii Gerhard i VeJdwlieh e Cousianîinopolî, de die sep-
timajunij i)4/.
DE MONSIEUR D'ARAMON 21s
Vil
Dépêche de Gérard de J'eltu'iek adressée an roi des Romains
(22 juin IS4J.)
Sercnissimo Rc, signor mio clcmontissimo.
L'importantia Jil ncgotio mi h;i constretto dl niaïuhir Jii<;to
avanti. il qualc, benchc sii stato présente a tutte le negociatione,
nondimeno acciô ciic V. Maestà sii informata de alchune partico-
larità necessarie, scrivo la présente, corne un brève summario di
quelle ch'è passato et concluso. Dio haveva messo la mano fino
avanti la morte dil re di 1-ranza, et già non era paura piii ne de
armata di mare, ne di campo per terra, ne d'incursione grosse.
Pare che questi signori havevano scoperto che Monsignor di
Aramon non haveva instructione dal suo re de dimandare armata.
si non cinque cento millia ducati ad imprestito. et che non si
flicesse conclusione nesuna con meco, o veramente se si conclii-
desse, che ciô fusse pcr meggio di Francesi, questa busia li è stata
molto dannosa, maximamente essendo stato un' altra volta trovato
in simile busie, quando l'Imperator era in Franza, et non potendo
supplire aile promesse fatte al suo partimento di qua in I"ran/a. ha
trovato grande incontro dal Bassa et da Jonusbey. Perô non è
stato senza pratica di confirmare questa inimicitia, costoro avanti
la morte dil Re di Franza lo volevano mandar via con dishonore ;
perô la succession di questo novo Re li ha fatto qualche pocho di
sustengo, havendo costoro rispetto al novo Re più che non
havevano al vechio. In quclli giorni medcsimi vene qua il frarello
dil Re di Persia con 15 o 16 persone, fugendo como dice la
morte che li era aparechiata. Dipoi venero le nove délia vittoria
2i6 VOYAGE
d'Alemagna, costoro insuspetidi, mancho si capevano risolverc
che prima, sokmente che corne in altro tempo la morte d'un re, et
l'arivata di un tal fratello dil Re di Persia saria causa di conclu -
dere una simile negociatione délia pace, al contrario costoro se
sono messi in una grande irresolutione per li respetti havevano
del Imperator vitorioso, nèscriverô qua tutte le parole suspettose
quanto ail' Imperator^ ne li lamenti £mo costoro délia ingratitu-
dine de' Francesi, liquali non hano scritto fin adesso una parola,
riservando questo allamia arivata seDiomi diagratia, solamente
dirô li articoli et conclusione, nella quale siamo restati, como per
le incluse copie appare.
Questi articoli si hano da confirm'are, se piaceno a Vostra
Maestà et allô Imperatore, in termine demcsi tre, perché l'homo
che portera la confirmatione, deve esser in Constantinopoli al fine
delli tre mesi, ne ha valsuto dire delli poderi che io haveva da
ambe dui le Maestà Vostre, perche non possono pensare che
rimperator doppo tante vittorie vogli mantenire il mio poter
vechio. Mi è stato necessario di negociare cosî, parte per havcr
acresciuto almanco in promesse générale davanti venessero tante
bone nove^ et parte che se io revocava, questo Signor voleva
praticare pratiche nove col Re novo di Franza per via di uno
horologier chiamato mcsser Vilhelmo, molto flimiliare al gran
Signor, poi perche le frontière di Hongeria et di Croatia erano
piene di gente trescha. Questo Signor, secondo che posso com-
prchendere, invernerà in Andrinopoly et passera il stretto per
invarsi contro al Sophy, per inhortation di questo fratello dil
Sophy, benchè Thano defeso strettamentc a Jonusbey che non me
Io dica, perô certissimamenle questo Signor non andarebbc in
Persia, se le Maestà Vostre non concludeno. Il Signor mi ha fiitto
una belissima recoglienza, quando li basai la mano, et in ogni
parole di Bassa io trovo una fuga mirabile délia virtù impériale.
Vostra Maestà non pigli qualche fastidio délie lettere tanto délie
suc, quanto di quelle dcl Imperatore, perche non sono scritte in
DF MONSIITR D'ArvAMc^N 217
hon:\ forma ; non si c puruto f.ir altro. (/;/ nniiij. : Ma protcst.uulo
di tnl modo di scriver mi li.ino diito chc pcr adcsso la dcbi lassar
passar cosî, chc vcnuta poi la contirmationo, si scrivcrà più ho-
noratamentc) ne vicn qucsto stil dcllc dittc icttcrc dalSii^nor. 11c
dal Bassa, ne da Jonusbcv. ma di un ccrvcl grosso, quai pensa di
snpcr assai et non sa nientc. In caso chc le Macstà Vostrc vo^lino
conlïrmarc, possono scriver chiaramcntc al lor modo, et lassar
scriver qnesti signori sccretarii turchi anche al lor modi. lo ho
speso denari assai et cope di N'ostra Maesià pcr esscr stato ncces-
sitato a l'ar inclinarc qnesti signori a una pacc nova. Vano costoro
hora di bon piè, ne posso tanto dimandare délia assccurationc
dellc frontière, che presto non mi concedino ogni cosa. Se ha
disputato assai deinckideril Papa, et il Re di Portugallo, ma non
c'è mai stato ordine. ]-'t in bona gratia di \'ostra Maestà, basan-
dogli le mane% humilmente me gli racconnnando. Data in Ponte-
grande a di 22 di Giugno 1547.
Sire, les aflaires de Condé se portent que chescun s'émerveille
comme ledict Condé ne se face quelque mal, il n"a pas une maille.
je supersederav à cecy fm à mon retour, si Dieu me donne grâce.
Aux lettres du Turc escriptes à l'empereur sont troys clausules:
l'acdtre que dict que l'empereur par mo}^ a demandé paix, et
que me faschent et contre lesquelles j'ay protesté : une que
faict mention auxdictes lettres à l'empereur de 30,000 ducatx ;
ment le secrétaire que a escript ladicte lettre ; la tierce que
dict que « per la immensa gratia •> a comandé cecy. Certes, cestes
choses ne viennent del Bassa, ne del Seigneur, mais de Rcgib
Selimby chancellier ', lequel n'a onques intervenu à la négocia-
tion^ et peultestre que soit corrumpu de l'ambassadeur de Prancc
affin que l'empereur prenne quelque courroux de cestes clausules
et ne confirme ce que a esté conclut. Toutesfois Jonusbog et
le Bassa me ont dict, ctavecques ceste resolution m'* suysparty.
I. Le nichnn.îiv b.icliv R.i^liib Tclijlcln-.
2i8 VOYAGE
que ayant leu ces articles davant le Bassa, ay demandé si n'estoit
cecyque a esté conclut. Responderent que ouy et que vos deux
Maiestés confirment ces articles, ilz parlent si honorablement de
l'empereur comme j'ay oncques ouy parler du prince du monde.
De Votre Maiesté, treshumble serviteur,
Gerardus Veltwyck.
In tergo : Sacre régie Romancrum etc. Maiestnii, Domino meo
chmentissiwo. Litterae domini Gcrarâi in qitihus trnnsniissi sunt
arlicuU conclusi de pace qiiinqitennaJi. 22 jiinii 1J47.
VIÏI
Lettre du roi Henri II au sultan Suleyman.
Treshaut, tresexcellent, trespuissant, tresmagnanime et in-
vincible prince, le grand empereur des Montsurmans , sultan
Suliman Sach , en qui tout honneur et vertu abondent, nostre
trescher et tresamé frère et parfaict amy , Dieu veuille aug-
menter Vostre grandeur et prospérité avec fin tresheureuse. Nous
envoyons présentement devers Vostre Hautesse nostre amé et féal
pannetier ordinaire, le sieur d'Huyson porteur de ceste, pour luy
dire et faire entendre aucunes choses de nostre part, touchant la
parfaite et sincère amitié qui est entre nous, avec quelques autres
points d'importance dont nous vous prions tant et si affectueuse-
ment que faire pouvons, le vouloir croire et y adjouster entière
oy, tout ainsy que vous voudriez faire à nostre propre personne;
et nous estimerons cela à tresgrand et trcssingulier plaisir.
DF MONSIEUR D'ARA^îO^• 219
Priant i\ tant le Créateur, trcshaut, trcsexccllent, trespuissant, très
magnanime et invincible prince, qu'il vous ait en sa tressainte
et heureuse garde.
IX
Instructions données au sieur d'Huyson, touchant la paix qui se traitait
entre le Grand Seigneur, l'empereur et le roi des Romains.
Le sieur d'Huyson s'en ira par rAllcmagnc i Venise où il trou-
vera le sieur de Morvilliers, ambassadeur du Roy devers la Sei-
gneurie, et luy baillera la lettre que Sa Majesté luy escrit, luy
faisant bien entendre le discours de sa charge, afin que s'il y a
quelque cliose qui luv semble avoir esté obmis en la présente
instruction, ledict sieur d'Huyson en soit par luy adverty. Aprez
quoy. sans faire aucun bruit ny semblant, qu'il passe oultre pour
avancer son voyage vers Constantinople ou la part que sera la
cour du Grand Seigneur où il trouvera le sieur d'Aramon, ambas-
sadeur du Roy par delà, et pareillement le baron de Tumeil, aus-
quels il baillera les lettres que Sa Majesté leur escrit et d'autant
que depuis ladicte despechc du 16, Sa Majesté auroit reçu celle
du 26' jour dudict mois de juin, envoyée par ledict d'Aramon
avec le double de l'escript que le Grand Seigneur a fait bailler à
M'' Girard pour porter à IHmpereur et au Roy des Romains son
maistre, contenant le vouloir et intention dudict Grand Seigneur
sur le fait de la paix qu'il a accordé de traiter avec eux pour cinq
ans. La chose ayant semblé à Sa Majesté, de prime abord, comme
véritablement elle est, de non petite importance et conséquence,
elle y a bien voulu penser, et finalement s'est résolue d'envover par
2 20 VOYAGE
delà, tout exprès et en diligence, ledict sieur d'Huyson que Sa
Majesté pense bien ne pouvoir pas estre si tost par delà que ledict
M" Girard n'y soit longtemps auparavant arrivé, veu qu'il partit
pour Constantinople le 20^ jour de juin, comme elle a sceu et qu'il
n'a que trois mois de terme pour retourner avec response desdicts
Empereur et Roy des Romains. Et si ainsy est que l'allée dudict
sieur de Fumeil ou bien la depesche depuis portée par Cotignac
qui sera arrivé quelque temps après luy, n'eussent engendré là
dessus mutation et changement, comme ledict sieur d'Aramon,
par ses deux dernières lettres, en a espérance et opinion, et que
ledict Ar Girard eust apporté la ratification de ces Messieurs, telle
que ledict Grand Seigneur demande, ainsi que contient le double
dudict escrit, en sorte que le traité de ladicte paix soit tenu pour
tout fait, passé et arresté d'une part et d'autre, avec la clause par
laquelle le Roy y doit estre compris sous les mesmes termes et
ainsy que porte iceluy escrit, dont premièrement et avant tout
œuvre, lesdicts sieurs d'Huyson et d'Aramon s'instruiront asseu-
rement et à la vérité, afin de ne faire point d'erreur.
Iceluy sieur d'Huyson se retirera à la Porte dudict Grand Sei-
gneur, et après avoir obtenu de luy audience, il luy présentera
les lettres de créance sur luy que le Roy luy escrit, et pour ladicte
créance, après lui avoir fait les trescordiales et tresaffectueuses
recommandations de Sa Majesté,, il luy dira qu'ayant cedict sei-
gneur Roy entendu, par ce que luy a escrit ledict d'Aramon son am-
bassadeur, que combien que depuis son advenement à la couronne
jusqu'au jour des depesches d'iceluy d'Aramon, il n'eust eu au-
cune nouvelle de Sa Majesté, chose qui neantmoins estoit à excu-
ser pour les causes et raisons qui ont esté deduictes audict sieur
d'Huyson pour les luy faire entendre , toutesfois , en recordation
et souvenance de la parfliite et sincère amitié qui estoit entre
Sa Hautcsse et le feu Roy et sans que premièrement ledict sei-
gneur Roy luy ait donné occasion de la continuer envers lu}-, il a
ouvertement demonstré par elîct en quel degré d'amitié et allection
DE MONSIEUR D'ARAMON 221
il le tient et repute, le comprenant avec luv .111 traité de paix
qu'il a fait et accordé avec l'Empereur et le Roy des Romains, et
avec termes si exprez qu'iceluy seigneur Roy connoist certaine-
ment quil entend le taire jouir et user du bénéfice de ladicte
paix, comme lu\' mesme, et tout ains\- que s'il estoit contractant;
laquelle démonstration le met en telle obligation envers ledict
Grand Seigneur, qu'il ne sera jamais qu'il ne luy demeure tel
qu'il peut et doit l'estimer le meilleur et plus seur de ses amis et
alliez. Ht pour ce que le Roy, de sa jiart, a plusieurs princes, sei-
gneurs et potentats de la chrcsticnté, qui sont en amitié, alliance
et confédération avec luy, sur lesquels ledict Empereur pourroit,
par cy après, faire entreprise et leur courir sus, comme le com-
mun bruit est entre ses ministres; au moyen de quoy, puisque
ledict sieur Roy a ligue défensive avec eux s'ils sont assaillis, il
sera contraint d'entendre à leur défense et par conséquent d'en-
trer en guerre avec l'Empereur, qui scroit, en ce faisant, rendre
inutile et rompre tout ce qu'a voulu faire et procurer pour luv
ledict Grand Seigneur, lequel pour cette considération sera con-
tent, et l'en priera tresinstammcnt ledict sieur dTIuyson , à ce
qu'il n'ait travaillé en vain pour son amy, de faire par le traité
d'entre luy et lesdicts Empereur et roy des Romains, ou par ar-
ticle appert, s'il n'y avoit plus d'ordre de relormer ledict traité, avec
clause aussy spéciale de le ratifier par les contractants dedans cer-
tain temps, qu'avec ledict sieur Roy, ses amis, ses alliez et con-
tederés soient compris en termes généraux et spécialement les
treize cantons des ligues des Suisses et les deux de la ligue grise
qui luy sont fort recommandez, pour avoir par eux ordinairement
observé, entretenu et gardé parfaitement et sincèrement l'amitié,
alliance et confédération qu'ils ont avec la couronne de l'rance.
Et quand au pis aller, l'ambassadeur d'iccux Empereur et roy des
Romains feroit difficulté sur ladicte compréhension générale, ce
que bonnement il ne peut f:iire pour cstre la pluspart des alliez
et confedcrez du Roy en semblable qualité avec ses maistres comme
222 VOYAGE
ils sont avec ledict seigneur Roy, ledict d'Huyson tera instance
à tout le moins que ceux desdictes ligues demeurent compris, car
c'est chose que ledict seigneur estime en singulière part luy estre
d'importance et conséquence. Et poursuivant plus oultre ladicte
instance, ledict d'Huyson pourra encore prier ledict Grand Sei-
gneur qu'il luy face délivrer un double collationné à l'original et
deiiement authentiqué sous le scel et seing du traité qui aura été
par luy passé avec ledict Empereur et le roy des Romains, les-
quels aussy il chargera expressément avec peines indictes d'en
envoyer autant de leur part audict seigneur Roy. Car si l'un ou
l'autre venoit à rompre directement ou indirectement en quelque
manière que ce soit iceluy traité contre ledict seigneur, et que luy
en voulust poursuivre contre eux la vengeance et réparation, le Roy
ne fera pas moindre devoir pour luy qu'eust fait le feu Roy son
père, s'il eust vécu, et aura ses forces prestes si suffisantes et
gaillardes pour exploiter là où il sera besoin, qu'il rendra les entre-
prises dudict Grand Seigneur faciles et aisées à exécuter. Et voyla
quant au premier point, ce qui a esté advisé que lesdicts sieurs
d'Huyson et d'Aramon devront fliire, si cette première condition
a lieu. Mais, au contraire, à l'arrivée d'iceluy sieur d'Huyson s'il
se voit qu'à faute d'avoir rapporté la ratification desdicts Empereur
et Roi des Romains en la forme et au temps que l'a demandé ledict
Grand Seigneur^ ou bien que par le moyen et à l'occasion des
depeschcs portées par ledict Fumcil et Cottignac, avec l'artifice
que ledict d'Aramon y aura peu adjouster, le négoce de ladicte
paix ait esté ou soit en termes de rupture ou altération, ledict
sieur d'Huyson parlera autre langage, et reprenant les mesmes
points desdictes premières depesches que luy remarquoit ledict
sieur d'Aramon pour en prendre conseil avec ledict baron de
Fumcil, s'il est encore là, en bon advis, il dira audict Grand
Seigneur que tout ce qu'ont fait lesdicts Empereur et roy des
Romains n'a esté, sinon pour gaigner temps et £iire, comme ils
pensent finement et avec une simulaiion de paix, leur profit et
DH MONSIEUR D'ARAMON 22;
adv;intai;c ailleurs aux dcspcns Je leurs voisins, mes alliez, où
tendent les desseins dudict Empereur, lequel estime bien qu'es-
tant parvenu à ladicte paix avec ledict Grand Seigneur, les occa-
sions de taire la guerre par deçà luy demeurent entières et de tant
plus advantageuses pour luy, que sous l'asseurance que pourroit
prendre iceluy Grand Seigneur par le moyen dudict traité de paix,
il employera toutes ses forces Tannée prochaine à l'entreprise du
Sophy, et semble audict Empereur que, par ce moven, il aura mis
ledict Grand Seigneur à la guerre de ce costé là dont il ne se
voudra retirer sans taire exploit, à quoy il est requis du temps,
quand bien encore il ne trouvcroit autre empeschemcnt ny ditïi-
culté qui l'arrestast. Ht cependant, iceluy Empereur estime avoir
gagné une asseurance pour l'entière commodité de ses atiaires et
parachever ses atîaires en Allemagne, là où il ne fait pas pourtant
tout ce qu'il veut, car petit à petit les cueurs des hommes se
ressuscitent et l'on en voit déjà quelques indices apparens, d'au-
tant qu"il les a tant otlencez, qu'à grand peine, voire encore est il
impossible qu'il y puisse plus gueres demeurer obey ny entre-
tenir à sa dévotion les choses en Testât qu'elles sont, sans taire de
deux effets l'un : ou bien de laisser de grosses et puissantes forces
pour luy garder Tobe'issance et obvier aux nouveautez et muta-
tions, ou bien faire des citadelles et forteresses à toutes les villes
pour les dominer, qui sont deux occasions de despense extrême et
insupportable. Davantage, il pense qu'estant l'Italie elfravée et
intimidée de sa prospérité, elle se prostituera entre ses bras et à
discrétion, combien qu'il y ait des princes et potentats, lesquels
ont toute autre opinion et sont après à se joindre et unir ensemble
pour luy repondre et donner obstacle à ses entreprises extraordi-
naires, sans parler qu'il a le royaume de Xaples et aucuns endroits
de la Sicile tellement esmeuz et bandez contre luy et ses ministre,
pour leurs façons de faire odieuses dont ils ont jusques icy usés
qu'ils ne demandent sinon qu'à trouver nouveau roy qui prenne
leur protection en main. Parquoy, si ledict Grand Seigneur vou-
224 VOYAGE
loit comme il avoit délibère et conclu par cy-devant, auparavant
le trespas du feu Roy, faire Tannée prochaine l'entreprise qu'il
devoit faire cette-cy, il se présente à luy la plus belle et plus fer-
tile occasion qu'il eut jamais, et en pourroit bien tirer autant
d'utilité et commodité que de ce qu'il pourroit faire contre le
Sophy. Et là dessus_, ledict sieur d'Huyson pourra dextrement
sçavoir et entendre sa délibération et conception, le temps qu'il
sera prest, quelles forces il aura, et de quel costé il les voudra
faire tourner, pour de tout advertir le Roy seurement et à la vé-
rité, afin qu'il ne demeure point en arrière de faire ce qu'il estime
estre de son devoir, pour ne faillir à l'office d'am}^, ce qu'il ne
vouldroit faire pour rien à l'endroit dudict Grand Seigneur ny
autre car, Dieu mercy, il est aussy bien ou mieux sur ses pieds
que nul de ses prédécesseurs ait jamais esté, soit par mer, soit par
terre, ayant sa gendarmerie aussy belle et mieux payée qu'elle ne
fut oncques et, comme il a par cydevant mandé^ il a jusques au
nombre de quatorze ou quinze mille lansquenets sur les frontières
de Champagne et Picardie , avec dix sept mille Suisses , tous
apprestez pour marcher quand bon luy semblera, sans les légions
de gens de pied de ses païs et provinces et autres bons hommes
de guerre François, Italiens, Gascons qui sont en divers endroits
de sesdictes frontières , sans ceux qu'il pourra faire lever quand
bon luy semblera, lesquels se trouveront accompagnez d'aussy
belles et grosses bandes d'artillerie qu'il en ait point encore esté
veu en ce royaume, à quoy il fait incessament travailler es fontes
qu'il a fait dresser depuis son advenement à la couronne. Et s'il
est bien sur la terre, il ne sera plus mal sur la mer; car du costé
du Ponent, il fait faire jusques à quarente galères qui seront prestes
et équipées dedans peu de temps, oultre les autres qu'il avoit là et
en la mer du Levant, qui sont en bon nombre comme sait ledict
d'Aramon. Et sont telles forces dignes d'estre oftertes pour l'aide,
secours et faveur d'un tel prince qu'est ledict Grand Seigneur. Et
consequemment, fera et dira ledict sieur d'Huyson pour le fait et
l)i: MONSIHL'R DARAMON 22;
cxcciuioii de sa ch.iri;c^ ce qiril dcvr.i cstrc requis et nécessaire
par TaJvis et conseil desdicts sieurs d'Ar.uuoii et de l'uineil qui Tas-
sistcront à son audience, lit siiost qu il veira que sa présence ji.u"
delà ne pourra plus servir daucunes choses, il s'en retournera
par deçà, pour rendre compte lidellenient de lout ce qu'il aura
tait et négocié par delà et pourra le baron de l'unieil laire de
niesnie, si déjà il n'estt)it en chemin. Mais, premièrement, avant
toute œuvre, lesdicts siems d'ihnson et d'Aramon s'inlormeiont
asseuremcnt de toutes choses et à la vérité, alin de ne faire point
d'erreur.
X
Au CoiincsUihk.
Monseigneur, vous avez entendu la venue par deçà du
S' comte de Roquendolf au service du Grand Seigneur, ayant aban-
donné celuy de l'Empereur pour quelque tort qui luy avoit esté
fait; lequel estant pressé tous les jours de se iaire turc, contre la
promesse qui luy avoit esté faite à son arrivée, voyant auss}- qu'ils
ne se deliberoient jioint de se servir de luy es occasions pour
lesquelles il estoit principalement venu par deçà, et qu'il ne pou-
voit sans danger demander licence poiu' se retirer, délibéra de s'en
aller sans congé, ayant auparavant conniumiqué à M. de lumel
et à moy son dessein, comme de sen aller devers le Roy luy otlrir
son service. Et pour ce que depuis il fut pris par les corsaires et
ramené icy à la Porte, en tresgrand danger d'estre lait turc ou de
perdre la vie, pour ne laisser un tel personnage en si grand dan-
»5
226 VOYAGE
ger pour la bonne volonté que j'avois connu qu'il portoit au ser-
vice du Roy, je pris la hardiesse de requérir sa vie et sa délivrance
au Grand Seigneur de la part du Roy, pensant certainement qu'il
ne luy deplairoit pas que son nom et faveur eust préservé ledict
S"" comte de ce danger ; et ayant ledict Grand Seigneur accordé sa
délivrance à la requeste du Roy, après luy avoir ordonné de l'aller
remercier^ je luy ay bien voulu donner le moyen de ce faire; et
pour ce, Monseigneur, qu'il vous plaira entendre par luy le désir
qu'il a d'estre employé au service du Roy, et le moyen qu'il peut
avoir de lui estre utile, il ne m'a semblé le devoir accompagner
d'autre particulière recommandation envers vous, estant person-
nage de soy mesme recommandable, et je vous puis asseurer que
sa délivrance n'a en rien diminué la réputation et grandeur du
Roy, pour la concurrence que m'a faite au contraire l'ambassadeur
qui est icy de la part de Ferdinand, en la commune opinion qu'un
chascun avoit que, ne perdant la vie, pour le moins il se deust
faire turc. De Constantinople, ce dernier février 1548.
D'Aramox.
I)H MONSII-UK DAKAMON 22-j
XI
Bricfvc ih'scriplion ik la court du ^nint Turc, par F. Atiloinc Gcuf-
//■(»)', chevalier Je l'ordre île S. Jehan de Jérusalem.
\'ous nravc/- souvent requis et requérez que je \ous mette par
escript Testât de l;i court du grand Turc, chose que vous entende/
et sçavez aussi' bien ou mieulx que nio\'. Car )e suis certain que
vous avez veu et leu tout ce qui en a esté escript tant des anciens,
que par ceulx de nostre temps, qui en ont si amplement et souffi-
samment parlé, que ce me seroit arros^ance et presumption d'en
ouvrir ma bouclie après culx. Xcantmoins, Tamytié qui est entre
nous, commencée de nostre première jeunesse mérite bien que je
vous complaise et obéisse, non seullement en cccy, mais en toute
autre chose qui sera en mon pouvoir.
Parquoy jecommenceray à vous dire que le grant Turc fait sa
résidence ordinaire en Constantinople que les Turcs appeleni
Stambol, cuydans dire Stiboli comme les Grec/, qui ont corrompu
ces mots v.z rr.v II:a'.v. Et a sa maison appellée le Saray, assise et
située sur la mer du costé de Asie, regardant les chasteaulx ap-
pelle/ Scutari , où souloit estre la ville de Calcedone, et n'y a
qu'une petite lieue de mer à traverser de lung à l'autre; lequel
cstroict fut par les anciens appelé Bosphorus Thracius, mainte-
nant l'estroict de Constantinople.
Audict saray qui est le palais et maison royalle, de grant cir-
cuit et estendue, v a plusieurs chambres tort richement parées et
sur toutes, celle qui est députée pour la personne dudict grant
Turc, en laquelle il est servi de six jeunes entants, deux desquelz
font la garde et veillent toute la nuict^ l'un au chevet, et 1 autre
au pied de son lict. tenans chascun deux torches ou tlambeaulx
228 VOYAGE
ardans en leur main. Ceulx cy au matin, le vestent et luymectent
es poches ou bourses de sa robbe qu'ilz appellent caftan , en
l'une vingt ducatz d'or, et en l'autre la monnaye qui sont mille
aspres. Ce sont petites pièces d'argent cornues, plus quarrées que
rondes, cinquante desquelles vallent ung ducat. Et ne sont mar-
quez à d'autre chose que d'escripture, comme aussy leurs ducatz
qu'ilz appellent altum ou altumler ' : car ilz ne usent point d'ar-
moyries ni de couronnes, combien que noz painctres leur attri-
buent les armes de Constantinople qui sont une croix d'or en
champ rouge ou de gueules avec quatre fuzilz, qui ne sont fuzilz,
mais quatre jj grecz signifiant ,3^-'.aî'j; ^ixz'Xi<.>yt '^jy.-ù.-j'jw) ^xzû.iuy/,
c'est à dire en nostre langue : Roy des roys régnant sur les rois.
Ledict argent est pour employer es menuz plaisirs dudict grant
Turc. Et s'il advient qu'il ne le despende ce jour, il demeure à
ceulx qui l'avoient mis es dictes poches, ou ce qui en reste, car
ceulx qui le vestent le lendemain, y en mettent d'autre. Ces six
enfans le suyvent et accompaignent quelque part qu'il aille, mais
il en change quand il luy plaict, allans dehors avecques luy; chas-
cun d'eulx a son office. L'un est Odabassy', chef et maistre de la
chambre : le second Chocadar " porte la robbe , le troysiesme
Silichtar ' porte l'arc et les flèches : le quatriesme Saraptar ' porte
le pot ou vaisseau pour boire de l'eau, car ledict grant Turc ne
boit point de vin : le cinquiesme Chiuchter ^ qui porte les sou-
liers, pour ce que la coustume des Turcs est de laisser leurs sou-
liers quant ilz entrent es maisons, lesquelles, pour ceste cause,
sont tendues et tapissées par bas de tapis veluz ou psates qui sont
comme nattes faictes de joncz , painctes et colourées selon la
puissance du maistre de la maison. L'office du sixiesme s'appelle
1. Altoun, altounlar.
2. Od.i bachy.
3. Tchoqadar.
•1. Silahdar, vulgairement Sililidar.
.'>. Chcrabdar.
6. 11 faut lire Bachinaqdar.
Dr MC^NSII riî IVARAMl^N 239
Schciulii;! ' et porte le .sicL;e et c.irrc.uix pour asseoir lediet ^raiu
Turc.
Audict saray, tient ledict L;rant Turc sa court qu'il/ appellent
Capy, c'est à dire la porto, en laquelle sont les oHiciers qui s'en-
suyvent.
Et pour niieulx entendre ct)ninie ilz sont entretenu/ et paie/,
est à sçavoir que en Testât dudict grant Turc, v a deux manières
de soulde ou gaigcs : l'une s'appelle oloplia "' , qui sont vra\ /
gaiges à nostre mode, paie/ par les mains des trésoriers : et l'autre
s'appelle tymar, qui est comme une assignation de terres, heri-
taiges et possessions, ou du revenu, dixmes et proulfit/ d'iceulx,
en forme de pension. Ht ceulx qui les parçoyvent sont dict/
Tymariotz : les autres Olophagi. Et y a plusieurs ofiïciers qui len
ont tous deux, ainsv que je diray cy après en les nommant, et
commancerav par l'entrée.
Premièrement, à la porte dudict saray y a trois Capigibassv ■*,
c'est à dire capitaines des portiers : chascun desquels a cent
nspres de gaiges par jour, et soub/ eulx deux cens cinquante capi-
git/ ou portiers qui ont de sept à huict aspres aussi par jour chas-
cun , l'ung desquel/ capigibassi est tousjours à la porte avec
soixante capigiz et changent de jour en jour. Plus, y a un Capa-
gaz \ capitaine de la porte qui est euneuche chastre tout, qu'il/
appellent monouc en leur langue ', et a soixante aspres de gaigcs
chascun jour.
Un Saraydar bassy aussi monouc, capitaine du sarav en l'ab-
sence du grant Turc, et a cinquante aspres. Ces deux ont douze
autres monouc/ subject/ à eulx qui ont les uns dix, les autres
quinze aspres par jour.
1. IbkcmlèJjv.
2. Uloutch.
3. QapyJjy bacliy.
4. Q.apy aga.
). Monouc est le mot grec iao-j/oO/o; qui î^ignilic eunuque.
2 30 VOYAGE
En ce saray sont noriz environ cinq cens jeunes enfans de
l'nage de huict jusque à vingt ans, lesquelz ledict grant Turc faict
instruire et endoctriner, tant es lettres que aux armes. Sur tout,
les faict apprendre ci lire et escripre, sçavoir leur loy, chevau-
cher, tirer de Tare et autres exercices de la guerre et de lettres,
ainsy qu'il les y trouve enclins et adonnez. Ceulx qui sont dé-
putez pour les enseigner, sont les vieulx talismans ^, docteurs en
leurs loix. Et sont lesdictz enfons habillez et vestuz de neuf, deus
fois l'an, à leurs deux bayram, c'est à dire à leurs pasques; les
ungs de soye, les autres de laine. Et ne sortent jamais dudict
saray, jusques à ce que ledict grant Turc veoit qu'ils soyent en
aage pour servir et estre emploïez es charges et offices. Alors les
faict Spachoglan " ou Silichdar ou en autre estât et degré, selon
qu'il les trouve sufhsans ou qu'il les veult favoriser. Hz sont
audict saray departiz de dix en dix, et sur chascune dizeine y a
ung monouc appelé Capoglan, ogh ou oglan, en leur langue, c'est
à dire enfant. Hz couchent tous en une salle, séparez lung de
l'autre, enveloppez chascun en une sclavine qui est un tapis velu
à long poil. Au millieu de ladicte salle dorment leurs monoucs,
laquelle salle est, toute la nui et esclairée de grandes lumières et
lampes ardans.
Audict saray y a ung grand et beau jardin, gouverné et labouré
par quarante ou cinquante jardiniers appelez bostangiz '"' et leur
capitaine Bostangibassy qui a de gaiges chascun jour cinquante
aspres; les bostangiz en ont, les ungs trois, les autres quatre ou
cinq, selon leurs qualitez et suffisances. Et sont vestuz, tous les
ans une lois, de drap pers ou turquin. Hz sont Jannisserotz^ qui
est diminutif de Jannissaires; car quant ilz sortent dudict jardin,
ilz sont faictz Jannissaires. Audict jardin, ilz sont departiz de dix
en dix; sur chascune dizeine y a ung chef ou dizenier appelle
1. Imams.
2. Sipahoglan.
3. lîostandji.
DH MONSirUR IV.MÎAMc^N 251
Odabassv. C^ultro y a iin^ lit-utcii.uit du Hiist,iiiniliass\- qu'ils ap-
pellent protogero, qui est un nom _L;roc, et eu leur laui^uc chccaya '.
et a vingt aspres par jour.
Auprès dudiet jardin sur la mer, v a deux l'ustcs. sur lesquelles
lesdictz jardiniers meinent à l'esbat Icdict grand Turc quant il
luy plaict, et le passent en Asie à Scutari et ailleurs quant bon luv
semble.
Encores y a audict sarav cent jannisserotz députez à porter le
boys pour brûler et le mènent en charrettes : leurs gaiges sont
troys ou quatre aspres par jour.
Dix Sacca aussi jannisscrotz qui v portent ou mènent Tenu sur
cbevaulx dans des outres et en peaulx de chèvres, comme l'on
porte le vin es montaignes de Auvergne et de Lymosin et ont
semblables gaiges que les precedens.
En la cuysinc dudict saray y a un Assibassy " chef des cuysi-
niers qui a quarante aspres le jour, et soubz luv cinquante assiz
ou cuvsiniers qui ont de six à huict aspres chascun.
Ung iMatpach cmin '\ despensier, qui a quarante aspres et soubz
luv un escripvain qui en a vingt par jour.
Ung Casnegirbassi ' comme maistre d'hostel qui a charge de"
viandes, porte et sert les platz devant le grand Turc et a quatre
vingtz aspres et, soubz luy, cent casnegir servans en semblable
office qui ont de quarante à soixante aspres par jour chascun.
Plus, il v a audict saray une escuvrie ou establc. avec deux
centz chevaulx. et cent hommes pour les panser qui ont de six .'i
huict aspres par jour chascun.
Autres petitz officiers de sa maison a ledict grant Turc, mais
il souffira d'avoir nommé partie des principaulx. .Maintenant, par-
lerav de ceulx de dehors, et jiremierement de sa garde.
I. Kialiy.i, licutcii.int, suppléant.
2 .•\clnchy bacliy.
3. Matbakli Eminv.
4. Tchaciineguir bichv.
212 VOYAGE
En la garde dudict grant Turc sont douze mille jannissaires
qu'ilz appellent Jannissarlar ', et Jannissar un jannissaire, tous
esclaux dudict grant Turcetenfans de chrestiens, comme je diray
cy-après. J'ay entendu de quelcun d'entre eulx dire que eulx et
nous escripvons mal ce mot et qu'il vient de Cham qu'ilz pro-
nuncent Tcham et signifie seigneur ou prince et yeser qui est à
dire esclau, non pas de ceulx qu'ilz vendent et achaptent, car ilz
les appellent coul et couller , mais de ceulx qui sont ordonnez
aux commandemens du roy. Lesdictz Jannissaires vont à pied
soubz ung capitaine appelle Jannissaraga ou Aga simplement-, et
Aga ou Agach en leur langue signifie baston : lequel capitaine a
mille aspres de gaiges par jour et six mille ducatz de tymar par
an. Et est de si grande autorité et réputation que bien souvent, il
espouse les filles et les seurs dudict grant Turc. Soubz luy y a ung
checaya ou protogero qui a deux cens aspres par jour, et un
escripvain appelle Jannissar iazigi% c'est à dire escripvain des
jannissaires.
Lesdictz jannissaires ont de quatre à huict aspres par jour, l'un
plus l'autre moins, et sont partiz de dix en dix ; sur chascune
dizeinc y a ung dizenier appelle Odabassy c'est à dire chambrier
ou chef du logiz, et sur chascune centene, ung centenier appelle
Boluchbassi '' qui signifie chef de bende. Le dizenier a quarante
aspres et le centenier soixante ; ceulx cy vont à cheval. Et sont
habillez lesdictz jannissaires deux foys l'an, de gros drap pers.
C.eulx qui sont mariez demeurent avec leurs femmes, les autres
sont logez en certaines maisons à eulx ordonnées en certaines con-
trées et quartiers de Constantinople, et vivent ensemble huict,
1. Icny tchcrylar. LV'tymologlc doiincc par lu frcre GcufiVoy est erronée,
lenytchery a la signification de nouvelle troupe.
2. Aga a en turcla signification de frère aîné, maître, chef. Agadj a le sens
de « arbre » et n'a aucun rapport avec le mot aga.
3. lenvtcliery yazidjissy.
|. l'uluk bachy, chef de compagnie.
DE MONSinUR D'AKANUIN 23?
dix, douze et plus. Ceulx qui ont le nuiius d'estat et de ij;.iigc.s
servent aux autres qui eu ont plus largement, pour récompense
de ce qu'il/ ne peuvent contribuer à l.i dcspence \\w esi;alle por-
tion.
Quant lesdict/ jannissaires deviennent vieulx et ne sont plus
pour servir à la garde dudict grant Turc, on les envove comme
mortepaycs es places et les appellent Assarer' ; et les di/eniers et
centeniers estans vieulx. sont faictz gardes et capitaines desdictes
places^ avec tymar équivalant aux gaiges qu'il/ avoient.
lintre Icdictz jannissaires sont eslcvez et choisiz cent cinquante
Solachler' que les Grec/ dient Solachi, Icsquelz scmblablement
cheminent à pied autour de la personr.e dudict grant Turc et ont
de quinze à vingt aspres de gaiges par jour chascun. Et leurs deux
capitaines appeliez Solachbassy en ont chascun trente, et obéissent
Il 1 Aga des jannissaires; et signifie Solach, gaucher, et portent
leurs CNUiiterres à droite.
En la garde dudict grant Turc y a trois mille Spachoglan qui ont
ung aga de grant estime et autorité, et soubz luy ung lieutenant
ou checaya avec ung escripvain; le capitaine a cinq cens aspres>
le lieutenant cent, l'escripvain trente, et lesdictz Spachoglan de
trente à quarante chascun par jour, et servent avec quatre ou cinq
chevaulx, chevauchans à la main dextre dudict grant Turc.
Autres troys mille Silichtar avec aga, checaya et iazigi ou escrip-
vain ont autant de gaiges et de chevaulx que les Solach, et che-
vauchent à la main senestre dudict grant Turc. Tous lesquelz
Spachoglan et Silichtar ont esté nourri/ au Saray dudict grant
Turc, comme j'ay dit cy dessus.
Plus, il y a quatre vingt/ Mutefar.acha ' qui portent la lance
devant ledict grant Turc; celuy d'entre eulx qui a le plus de gaiges
1. Il faut lire Outour.iq.
2. Solaqlar.
3. Moutcfcrriqa.
234
VOYAGE
a quatre vingtz aspres, les autres moins, et ont esté nourriz au
saray comme les dessusdictz.
Geste est la plus seure et plus certaine force que le Turc ayt,
qui sont douze mille hommes de pied et envyron vingt cinq mille
chevaulx ordinaires.
Il a aussi vénerie et faulconnerie ; ung Sechmenbassy ^ qui est
comme grant veneur et a cent aspres chascun jour, et soubz luy
ung grand nombre de jannissaires.
Ung Zagarzibassi ^ capitaine des chiens qui a cinquante aspres
et soubz luy plusieurs jannissaires.
Deux grantz faulconniers appeliez Zaniligibassi ^ qui ont chas-
cun cent aspres, et leurs lieutenans vingt et cinq avec deux cens
faulconniers dictz Zaniligiler, cent desquelz ont dix aspres par
jour chascun, les autres ont tymar et sont exemptz de sub-
sides.
Plus a ledict grant Turc environ quarante Peich * qui sont comme
lacquaiz et courriers à pied, et se tiennent près de luy pour faire
ses messaiges tant en paix que en guerre sans les postes qu'ilz
ont assises comme nous, et les appellent Ulach ou Olach''.
Il a aussi ung trucheman qu'ilz appellent Dragoman '"' pour par-
ler aux estrangiers, qui a d'auctorité et de crédit autant qu'il est
homme d'esprit et qu'il en sçait gaigner. Et a cinq cens ducatz de
gaiges par an, et autant de tymar, sans les presens et dons des
ambassadeurs et estrangiers.
Les dessus nommez sont tous officiers de sa court, mais en la
guerre y en a d'autres qui pareillement sont ordinaires ainsi que
ont les princes chrestiens, j'entend des grans. Mesmement les
1. Scgb.m bacliy ou Sevmcn bacliy.
2. Zagardjv bacliv.
3. Il l'aut lire Doghandjv bachv.
4. Peïk.
5. Oulaq.
6. Tcrdjuman.
DI- MONSinUR IVARAMON 235
Asapagri', capitaines des Asaplcr ou As.ipi/ qui <^ont sont j^cns Je
pied extraordinaires.
Deux agas de Garipoglan ' qui sont gens de cheval extraordi-
naires et, ont lesdict/ aga chascun quatre vlngtz aspres. leurs elie-
caya ou lieutenants trente, leurs escripvains vingt, et lesdietz (îari-
poglan de douze à seize par jour chascun.
Ung Olophagibassi ^ capitaine des Olophagiz qui a six vingtz
aspres par jour, les lieutenans, escripvain et Olophagiz pareil estât
que les precedens, et sont gens de cheval ordinaires.
Ung Topgibassi capitaine de lartillerie ; car top en leur langue
signitie canon. Ledict Topgibassi a chascun jour soixante aspres
avec checaya et iazigi ou escripvain qui en ont chascun vingt cinq
et deux mille Topgiz ou Topgiler, c'est à dire canonniers, qui en
ont de sept à huict, et vont à pied.
Ung Arabagibassi capitaine du charroy, car araba signifie char-
rette, qui a cinquante aspres le jour, checaya et iazigi qui en
ont vingt, et trovs mille arabagiz ou chartiers qui ont de quatre
à six aspres par jour.
DeuxBracorbassi', escuyers d'escurie, ung grant et ung petit.
Le grant a cinq cens aspres par jour, le petit deux cens, avec lieu-
tenans et escripvains, et commandent les pallefreniers, mulletiers»
selliers, esperonniers, et ceulx qui conduisent les cameaulx, en-
semble tous les haratz de chevaulx ; et ont soubz leur charge
quattre mille chevaulx d'eslite.
Un Chiausbassi ^ capitaine des Chiauz ou Chiausler qui sont
comme huvssiers et ledict Chiausbassi est comme prevost de Thos-
tel; et a si grande auctorité que s'il va devers ung des subjectz du
grant Turc, de quelque estât, qualité ou condition qu'il soit, fust
1. A7xh At^a.
2. Gharib Oglan ou Ghoureba.
V L'IoufcJjv, cavalier recevant une solJo rc<^ulière.
4 Emir akiior bacliv, prononce vulgairement Imraklior.
5. Tchaouch bachy.
236 VOYAGE
ce un bâcha ou ung beglerbey, et il luy die qu'il est là envoyé
pour avoir sa teste et l'emporter audict grant Turc, il est obey sur
le champ, sans monstrcr autre commission ou mandement.
Ung Mechterbassy ' qui a charge des tendes, pavillons et tapiz
et du logis du grant Turc^ lequel il faict tendre, tapisser et ac-
coustrer quant il est aux champs. Et a de gaiges quarante aspres,
son lieutenant vingt et cinq. Et soixante mechter qui sont soubz
lui en ont chascun cinq.
Ung autre Mechterbassy, capitaine des trompettes, haultboys,
tabours et autres instrumentz de guerre qui a trente aspres; lieu-
tenant et cscripvain qui en ont chascun douze par jour. Et soubz
luy a environ douze cens Mechter, partie à cheval et partie à pied
qui ont pareilz gaiges que les precedens.
Ung Imralem^- qui porte l'enseigne du grant Turc où pend une
queue de cheval , en mémoire ( ainsi qu'ilz m'ont dict ) de
Alexandre le grant qui la portoit sur sa teste et en son armet,
comme nous voyons en ses medalles. Ainsi ont faict les anciens
capitaines, mesme le dit Virgille de Eneas : Crisiaque iusignis
eqiiinn. Ledict Imralem a deux cents aspres chascun jour, et es
capitaine de tous les mechter.
Ung Arpa emin '' qui a charge des foins, pailles, orges, avoinest
fourraiges et autres provisions pour les chevaulx^ tant en paix que
à la guerre et a de gaiges soixante aspres, son lieutenant trente et
son escripvain vingt. Soubz luy y a vingt hommes qui ont de
huict à dix aspres par jour chascun.
Un Sara emin * député pour fiire dresser et nestoyer les che-
mins, tant en temps de paix que en la guerre et a cinquante
aspres, et soubz luy quatre cens hommes qui en ont de quatre à
cinq par jour chascun.
r. Mclitcr bachy.
2. Hmir ou Miralem.
3. Arpa Hminv.
4. Chari' liniinv.
PH MCA'SinUK D'ARAMON 237
Il t.uik vous dire ni.iintcn.iiu Jcs ofticicrs de ses tiii.niees, jniis
je parleniy de ceulx de son conseil et du uouveiiienient et eoii-
duicte de ses alla ires.
Premièrement, est à sçavoir que le Turc appelle son trésor
Casna ' et les impositions, subsides, gabelles, tribut et autre
revenu Gara/.*.
Le premier olficier de sa court sur lesdictes lînances est le Cas-
nadarbassi ', trésorier des deniers du saray qui est comme un
trésorier de l'espargne, lequel csteuneuche ou monouc et se tient
audict saray avec soixante aspres de gaiges chascun jour.
Deux Defterdar, comme reccpveurs generaulx, l'un desquel/, a
la charge des deniers provenans des pavs qui sont devers la ri-
vière de la Dunoe ou Danube, comme Servie, Bulgarie, Bosne.
N'alachie et autres avec ceulx de Asie, de Surie et de Egvpte. lit a
de tymar dix mille ducatz par an, sans ses advantaiges et proul-
lîtz qui sont tresgrans.
Le second a les finances de tous les pays de Grèce, lequel
quant le grant Turc va à la guerre, demeure en Gonstantinoplc
comme son lieutenant. Gestuy a six mille ducatz de t\mar et
d'autres grans prouftîtz. Leur office est de grande auctorité, et ont
soubz eulx cinquante cscripvains pour escripre et tenir le compte
desdictes finances, lesquelz ont de trente à quarante aspres par
jour chascun.
Deux Rosermanige ', cliefz desdictz clercz et escripvains, qui
ont chascun quarante aspres et plusieurs autres reccpveurs et col-
lecteurs pour le recouvrement desdictes iinances.
Deux \'esnadar'' qui poisent les ducatz et aspres et ont chas-
cun vingt aspres par jour.
1 . Kha/.iiic.
2. Kharadj.
5. Khazinédar bacliy.
4. Rouznamèdjy.
5. Vcziièdar.
2 555 VOYAGE
Six Serrafiers ' comme banquiers pour cognoistre l'or, l'argent
et monnoyes avec semblables gaiges et estât que les precedens.
Deux Casnadarbassi du dehors^ l'un de Grèce et l'autre de Asie
pour faire venir les deniers^, et ont chascun cinquante aspres par
jour. Etsoubz chascun d'eulx, dix Casnadar qui en ont dix chascun.
Deux Defter emin ", l'un de Grèce et l'autre de Asie qui sont
sur le tymar et tiennent le compte des tymariotz; ont chascun
cinquante aspres et dix clercz ou escripvains qui en ont quinze.
Hz m'ont dict que le revenu ordinaire dudict grant Turc se
peult monter à la somme de quinze millions de ducatz.
Reste à parler de son conseil, du gouvernement des pays qui
luy sont subjectz et de Tordre qu'il y tient.
Le grant Turc n'a autre conseil que les quatre bachaz qu'ilz ap-
pellent Vizir bâcha, c'est à dire conseilliers. Bâcha et Bach en leur
langue signifie chef ou teste, parquoy on les pourroit interpréter
chevetains ou capitaines " ; bien souvent ilz ne sont que troys ,
comme naguyeres est advenu. C'estoient Ayas bâcha, natif de la
Cymera', qui est à l'endroit de Tisle de Corfou, des anciens dicte
1. Serrât.
2. Defter Eminy,
3 . L'étymologie du mot pacha donnée par Geutîroy est erronnée . Pacha est
la forme adoucie du mot turc bachqaq ou pachqaq qui désigne un gouver-
neur militaire.
4. Ayas Pacha, d'origine albanaise, devint aga des janissaires et prit part à
l'expédition de Sultan Sélim en Egypte ; ce fut à lui que se rendit l'infortuné
Toumanbay, le dernier des sultans mamelouks. Sous le règne de biultan
Suleyman, il commanda, au siège de Rhodes, l'aile droite de l'armée ottomane.
11 avait été nommé beylerbey d'Anatolie et, après la défaite de Ghazaly gou-
verneur de Syrie révolté contre le sultan, il reçut le gouvernement d'Alep. 11
accompagna Suleyman dans la campagne de Hongrie et après l'exécution d'Ibra-
him, il lut appelé à lui succéder dans la charge de premier vizir. Il assista au
siège de Corlou (1537) ^'^ mourut de la peste deux ans après. Piero Bragadin
iait d'Ayas Pacha le portrait suivant : « 11 terzo bassà, nome Aias di nazion
albanese, nato appresso la Zimera, mostra esser uomo di guerra et aver animo
di far guerra et gran cose : è di aimi 44, ma non sa léger ni scriver c manco
parlar; ha schiavi 600, entrata ducati 30,000 : ha un bel giardino in Cons-
tantinopoli appresso dove si tien le bombarde dove ci va spesso. Conclasive.
si lien sia uomo di poco cervello ; sono tre fratelli. Ha la sua madré crisiiana,
DE MONSIEUR D'ARAMON
2J9
CorcNiM, Cassiii b.ich.i de Cjh.icc ' et IbiM\ m b.icli.i de l.i l\ir<;a •',
Albanoys que il lict mourir, tous troys lil/ de eluestieiis, lit cstoit
cestuy Ibraym, pour avoir esté nourry jeune au saray avec ledict
moii.UM all.iV.illoii.i, .ill.i qu.ilm.uKi.uiuvJ.ui cciuo .il mcsc. ■■ Rriazioni.iomL- III,
p.if^c 104.) P. lîr.ig.ulino lut sa relation aux Pre<;adi le 9 juin 1320, alors
qu'Avas Pacha était troisième vizir.
1. Oassiiu Pacha, surnomme Gu/.ekijc Ciissim (le joli Q.assim), l'ut appelé
le 20 août 1525 à remplacer dans le gouvernement de l'Ej^ypte, Moustala
Pacha, beau-frère du sultan. Il l'ut nommé gouverneur de Clonstanlinople en
152(3, lors du départ de Suleyman pour la campagne de Hongrie. Nommé
bcylerhev de Roumélie, puis second vizir après la mort d'Ibrahim Pacha, il
tenta inutilement, en 1 3 58, de s'emparer de Napoli de Remanie. Ses concussions
et son avarice provoquèrent sa destitution et sa place l'ut donnée au beylerbcy
de Roumélie, Moustala Pacha.
2. Ibrahim Pacha, originaire de Parga, lut d'abord l'esclave d'une veuve
turque de Magnésie qui le céda à Sultan Suleyman lorsque ce prince était
gouverneur de cette province. Il fut Khass Oda bachv ou chef de chambrée au
sérail et il sortit du palais pour remplacer Piry Pacha dans la charge de grand
vizir. 11 commanda les armées ottomanes pendant les campagnes de Hongrie
et de l'erse et au siège de Vienne. Il épousa, au mois de mai 1 524, une sœur de
Sulevman et pendant les treize années de son vizirat, il gouverna l'empire avec
une autorité absolue. Il fut étranglé, le 5 mars 1556, dans une des chambres du
palais où il s'était rendu, selon sa coutume, pour y dîner et y passer la nuit.
Son corps fut inhumé dans le couvent des derviches mewlevys à Galata, et
un arbre planté sur sa fosse indiqua seul le lieu de sa sépulture. L'année pré-
cédente, Ibrahim Pacha avait signé pour M . de la Forest, le premier traité de
paix et d'alliance conclu avec la France.
Piero Bragadino donne sur Ibrai;im Pacha des détails que je crois devoir
reproduire : « Il primo vizir Embraim di anni trenta tre, quale è il cuor e il
liato dcl Signor ; quello che vole è fa , ne il signor faria cosa senza suo consiglio ;
è nostro suddito, délia Parga. Non ha figli ; uomo magro, viso niinuto,
smorto, statura di poco presenzia, aggraziato, uomo éloquente, si diletta da
ogni causa, di farsi legger libri di romanzi, la vita di Alessandro Magno, di
Annibal e guerre e istorie. Compone a gran piacere di musica con un Persiano
che tien in casa. Ha placer sapere délia condizion de signori del mondo, dei
siti délie terre e d'ogni altra cosa. Compra ogni gentilezza che puo aver ; è
dotto, Icgge lilosotia, c sa ben la sua legge. E molto amato dal Signor né
puô star senza di lui. Dorme spessissimo nel seraglio col signor, in un letlo
che si toccha capo con cape col Signor, e ogni giorno il Signor li scrive qualche
polizza di sua man e la manda per il suo muto, ed Embraim li scrive tutto
quelle si fà, si che il Signor non puù viver senza di lui... La intrada ducati
1)0,000... Ha schiavi i )00 il forzo, giovani benissimo vestiti d'oro, di seta c
scarlatto : portano al présente in testa quasi corne i Mori, non corne prima por-
tevano Turchi, poca seta. Il Signor li ha facto una bella casa, la quai in parte fu
.40 VOYAGE
grantTurc, parvenu à si grant crédit et autorité qu'il comman-
doit absoluement et disposoit de toutes choses^ sans que ledict
grant Turc s'en melast. Et avoit son père clirestien en Constanti-
nople, homme de riens et inutile, tavernier, yvrongne et couchant
par les rues comme les bestes, et ne fut oncques possible audict
Ibraym de le retirer et luy faire vestir ung bon habillement com-
bien qu'il y mist toute la peine et diligence à luy possible. Na-
guyeres ledict grant Turc a faict ung autre bâcha qui est Ayre-
denbey, lequel nous appelons Barberousse '. J'ay entendu que ces
jours passez, il en a faict ung autre nommé Mehemet bâcha ■. De
ces troys ou quatre bachaz, les ungs ont vingt et quatre mille
ducatz de tymar comme avoit Ibraym bâcha et les autres seize et
dix huict mille, sans autres presentz, proufitz et avantaiges qui
montent deux foys plus que leur estât. Et y en a tel qui a six mille
hommes ordinaires payez à ses gaiges; et tous ont saray de
femmes et d'enfans comme ledict grant Turc. Par cy devant en
a eu d'autres comme Perybacha ' qui avoit gouverné ledict Turc
ruinata da'gianizzeri, poiè stata racconciata. Eammoglu\;o, ma non ha figli; ha
hi madré cou due frateUi in seraglio; e la madré fatta turca li stâ in una casa
apprcsso : fa gran ben a'cristiani, il padre ha un sangiaccato per mezzo la
Parga, di cntrata di ducati 2,000 all'anuo. » (Relation i, tome III, pag:. 103.)
1. Khaïreddin fut élevé à la dignité de pacha en 1537 : il mourut le 4 juillet
1516.
2. Mehemmed Soqolly Pacha fut nommé capitan pacha après la mort de
Khaïrcddiu ]5arbcrousse. Il devint grand vizir à la fm du régne du sultan
Suleyman; il conserva ses fonctions sous Sélim II et fut assassiné par un
Bosniaque revêtu d'un costume de derviche au mois de ramazan 987 (no-
vembre 1579).
3. Mehemmed Piry Pacha était originaire de la Caramanie et descendait du
clieikh Djemal lîddin Aqseraiy. Il fut d'abord employé dans les bureaux de l.i
trésorerie et, lors de l'expédition contre Chah Ismayl, Sultan Sélim lui
confia les fonctions de contrôleur général de l'armée ; les avis qu'il donna
dans le conseil tenu la veille de la bataille de Tchaldiran contribuèrent au gain
de cette journée. Il fut, pendant la campagne d'Egypte, chargé du gouverne-
ment de Constantinople, et nommé grand vizir le 22 septembre 15 17 après
l'exécution de Younis Pacha. Il alla rejoindre le sultan i\ Damas. Il mit le
siège devant Belgrade pendant la première campagne de Sultan Suleyman en
Hongrie, et prit part au siège de Rliodes. Au mois de juin 1^23, il fut
1)1-: MONSIHUK D'ARAMON 24 1
Cil sa jeunesse, l-arath bâcha ' qui lut lieutenanr de Surie ou S\iie
et Achmet bâcha ' gouverneur du Caire et de Huvpte , lequel se
voulant faire souldan fut tué par les Turcs estant avec hiv. Ces
bachaz entrent en la chambre dudict grant Turc, délibèrent et
disposent de toutes choses concernant lestât et gouvernement de
ses affaires.
Après eulx est le Mofty qui est comnu leur pape, protecteur
Cl declarateur de leur loy et ne s'entremcct d'autre chose.
Deux Cadizleskier ■' talismans, docteurs en leurs loix pour le
faict de la justice et sont comme presidens, Tuni,^ de Grèce et
l'autre de Asie. Hz suyvent ordinairement la court dudict grant
dcposc cl rcmpLicc par Ibr.ihim Pacli.i. Le sult.in lui accord.i une pension de
deux cent mille aspres. Il fut, dit-on, sur les suggestions d'Ibrahim Pacha,
empoisonné par son fils Mehemmed Elendy qui était cadi d'Adana (i)î5).
Il fut enterré dans la mosquée qu'il avait fait bâtir à Silivr}*. {Hiuliqat oui
/r//rtTj, Constantinople, 1271 (185}). P-^g'-' -3-)
1. Ferhad Pacha était originaire de Sebenico en D.ilni.uic et il avait dii .1
ses talents militaires l'honneur d'épouser une fille de Sultan Sélim. Il devint
beylcrbey de Rouniélie et fut chargé, en i S 19. d'étoutTer la révolte d'un novateur
fanatique nommé Djelalv qui avait soulevé une partie de l'Asie-.Mincurc.
En I j2o, après la campagne contre Gha/.aly, il reçut l'ordre d'établir un camp .1
Ardjich et de surveiller les frontières persanes. En 152:, il annexa à l'empire
la province de Zoulqadrièh après avoir mis à mort Chehsiwaroglou Aly bey ;
mais ses exactions et ses cruautés exaspérèrent la population de cette province
et déterminèrent sa disgrâce. Peu de temps après, Sultan Suleyman consentit,
sur les instances de sa mère et de sa sœur, à lui confier le gouvernement de
Semendria avec un revenu de sept cent mille aspres. mais les abus de sa ty-
rannie devinrent tellement criants que le sultan le fit exécuter le i" no-
vembre 1524.
2. Ahmed Pacha, bevlerbev de Roumélie, prit p.irt .1 la première campagne
de Suleyman en Hongrie. Il dirigea l'attaque contre Rhodes, lorsqu'il eut rem-
placé, comme troisième vizir, Mustafa Pacha nommé gouverneur d'Egypte. Il
sollicita ce gouvernement, lorsque .Mustafa Pacha, rappelé à Constantinople sur
les prières de sa femme, sœur du sultan, eut été remplacé par Q.assini Pacha.
Peu de temps après son arrivée au Caire, .\hmed Pacha prit le titre de sultan
et fit Irapper la monnaie et réciter la khoutbèh à son nom. Trahi par les
siens, et obligé de s'enfuir, il fut livré par un cheikh arabe auprès duquel il
s'était réfugié. Sa tète fut envoyée i Constantinople et Qassim Pacha fut
une seconde fois investi du gouvernement de l'Egypte, (///i/c'/'/v </t'i >^ûuiaueins
d'Egypte, page 4.)
3. Cazi Asker ou Cazi Lechker.
16
242 VOYAGE
Turc et, par honneur, précèdent les Visirbachaz, combien qu'ilz
n ayent point tant d'autorité. Hz commettent et destituent, si bon
leur semble et le cas le requiert, les cadiz qui sont les juges des
provinces. Et ont chascun desdictz Cadizleskier, sept mille ducatz
de tymar par an, deux ou trois cens serviteurs et dix escripvains
payez par ledict grant Turc.
Puis y a ung Nassangibassi ', comme chancelier qui signe les
lettres de la marque et cachet du grant Turc, lequel office est sem-
blablement de grande autorité et réputation. Son lieu et place est
après les Beglierbey ; il a huict mille ducatz de tymar par an,
autant de gaiges, et plus de prouffit, et va accompaigné de grant
nombre de chevaulx et serviteurs.
Ung Baratemin ^ qui baille et distribue lesdictes lettres et com-
mandemens, a quarante aspres chascun jour, et a soubz luy dix
escripvains et deux protogeroz .
Mais avant que passer oultre et sortir de ceste court, pour ce
que j'ay cy dessus parlé des jannissaires et dict que c'est la prin-
cipalle force du Turc, je vous veulx dire quelles gens ce sont et
d'où ilz viennent.
En Constantinople, y a un aga ou capitaine des jannissaires ou
Azamoglan qui sont les enflmtz du tribut. Et veulent dire aucuns
que Azamoglan signifie innocens, simples, aprentiz et enfants qui
ne sçavent cncores riens, ou pour ce qu'ilz en prennent en Assyrie
qu'ilz appellent Azamie ; aucuns autres qu'il faut dire Chamo-
glan, c'est à dire les enfans du prince ou du seigneur et peuvent
estre au nombre de cinq à six mil. Leur aga a soixante aspres de
gaiges par jour. Et fault entendre que de quatre ans en quatre ans,
le grant Turc envoyé es pays de Grèce et de Anatolie qui est Asie
Mineure appcUce des Grecz Anatoli qui est en nostre langue Orient,
prendre les cnfms masles des chrcstiens qui sont subjectz à ce
1. Nichandjy bacliy.
2. Bcrat Hminy.
DU MONSIEUR DAKAMON 24?
devoir oli aiiL;.uic', c.ir tous ne le sont pas. Mais, bien souvent,
aftîn d'en avoir et recouvrer plus largement, il charge lesdicts
chrestiens de si i;rans et importables subsides appelez Telus-, que
les autres non subjectz à ce tribut d'enfans pour non pouvoir
paver lesdict/ subsides, sont contralnctz de luv bailler de leurs
enfans, tellement que quelquefovs, il leur en levé bien dix nulle et
plus, desquel/, il taict choisir les plus beaulx, pour mettre en son
sarav. Le demeurant, il taict distribuer vers Bursie et C^aïamanie
et bailler aux laboureurs et bergiers, oii Von les laict labourer la
terre et garder les bestes, ou faire autres services champestres pour
es accoustumer et endurcir à la peine et appiendre la langue tur-
quesque. Après, et au bout de quatre ans qu'il en envoyé lever
d'autres, ceulx cy sont mande/ venir en Constantinople et baille/,
à l'aga des Azamoglans où ilz sont nourri/ et vestu/ deux iovs
l'an, enseignez et instruict/ en divers mestiers, puis disperse/ aux
jannissaires pour les servir, ap:ès deviennent jannissaires et de
jannissaires, Solachler, Silichtarler et en d'autres offices. Et tant
qu'il/ demeurent èsdictz pays de Bursie et de Caramanie, il/ ne
dépendent riens audict grant Turc pour ce que ceulx à qui il/
servent les vestent et nourrissent.
J'ay dict cy dessus que au saray auquel se tient Icdict grant
Turc y a environ cinq cens jeunes enfans. 11 y a ung autre saray
où sont ses femmes appellêes sultanes, c'est à dire roynes, et sont
séparées les unes des autres avec leurs enfans; en leur garde et
service, y a grant nombre de monoucques et environ troys cens
jeunes tilles gouvernées par vieilles qui les apprennent à couldre
et ouvrer de l'aiguille. Lesdictes tilles ont de douze :\ quin/e aspres
par jour chascune, et sont vestues et habillées de neut deux foys
l'an, à leurs deux Pasqucs qu'ilz appellent Bayram comme j'ay dict,
toutes de drap de soye. Et s'il advient qu'aulcune d'icelle plaise
1. Le mot aii<;(iriil.' signifie en turc : corvte, avanie.
2. C'est le mot té/o; qui signifie impôt.
2_u VOYAGE
audict grant Turc, il s'en sert comme de sa femme et luy donne
pour une foys dix mille aspres, la faict séparer des autres et luy
augmente ses gaiges et estât. Quant ces jeunes filles sont perve-
nues à l'aage de vingt cinq ans et il ne plaise audict Turc les rete-
nir pour son service, il les marie à Spachoglan et autres de ses
serviteurs et esclaux selon leurs qualités et conditions et, en leurs
lieux et places, en fait mettre d'autres audict saray auquel y a
aga, capigiz et tous officiers comme en ccluy où il faict sa rési-
dence et demeure.
Auprès de la ville de Pera qui est près de Constantinople, et
n'}^ a que le port entre deux, aussi vault autant à dire rJ.^x, comme
au delà, y a ung autre saray auquel y a quatre cens jeunes enfans
avec tous officiers comme aux precedens.
A Andrinopoli ou Adrianopoli en y a deux, l'ancien et le nou-
veau. En l'ancien sont nourriz troys cens enfans; au nouveau qui
est sur la rivière Marissa anciennement dicte Hebrus y a troys
cens jannisserotz, et tous officiers ainsi que aux autres. De ces
deux sarays et de celuy de Pera, on en prend pour les mettre au
grant saray ainsi qu'il en fault, et que l'on mect hors les grans.
Du costé dudict Pera sur la marine, y a un tersenal ou arsenal
qui est le lieu où l'on faict et tient les galleres et navires, auquel
besongnent ordinairement deux cens maistres qui ont chascun
dix aspres par jour^ et cinquante protoz ou superintendans qui
ont, quant ilz besongnent, chascun douze aspres, et quant ilz
séjournent, n'en ont que six ; un escripvain qui en a dix autres
escripvains soubz luy, ledict escripvain a vingt cinq aspres par
jour, les autres dix. Et pour le service dudict tersenal est un
grant nombre de manouvriers qui ont chascun quatre aspres par
jour. Hz ont tant de boys pour faire les navires qu'ilz veullent et
de bon; mais ilz ne lessçavent faire, principallement galleres, car
ilz ne les font point si bonnes, ne si legieres que les chrestiens, et
les font lourdes, pesantes et mal régentes, combien qu'ilz ont
quclzqucs maistres chrestiens ausquelz ilz donnent tant de gaiges
on MON'SII-UR IVAUAMON 2.\\
qu'il/, en vcuUcnt. Sur IcJict torscii.il et sur tou>^ les officiers
d'icelluy, v a ung capitaine gênerai appelle beglierbey de la nier,
qui a aussi charge de l'armée de nier quant elle sort. l:t souloit
tousjours cstre le capitaine de Gallipoli quelqu'il tust; niais, puis
aucun temps en ça, ledict grant Turc y a commis Barberousse qui
a de tvmar pour cest office quatorze mille ducatz cliascun an.
assignez sur les isles de Methelin, Rhodes et Negrepont, dont il
en tire et exige troys fois autant. Avant que iceluy Barberousse
print ceste charge, les Turcs ne savoient riens ou bien jk-u de
l'art de la nier, excepté quelques coursaires. lit eiicores aujour-
d'huy, quant ilz veuUent dresser une armée de mer, ilz vont par
les montaignes de Grèce et Natolie, prendre les bergiers qu'il/
appellent Covnaricz ', c'est à dire moutonniers et les mectent
à voguer es galleres et servir es autres vaisseaulx, à quoy
faire il/ sont si mal propices qu'il/ ne sçauroient non pas vo-
guer et servir, mais eulx soubstenir debout, qui est cause que
lesdictz Turcs n'ont jamais faict acte notable, iiy bon eliect
en la mer. Toutesfoys, ledict Barberousse les a quelque peu
dressez.
Je me suis beaucoup arresté à parler de Constantinople et de
la court du grant Turc et si n'ay point tout dict : aussi ne le sçay
je pas, avec ce qu'il fauldroit ung meilleur cerveau que le myen
pour s'enqucrir d'ung si grant estât. Cy après diray comme le
grant Turc gouverne ses pays et l'ordre qu'il donne à sa gendar-
merie, tant que j'en av peu entendre et sçavoir.
En chascune province y a ung gouverneur qu'il/ appellent
Beglerbey, c'est en nostre langue seigneur des seigneurs.
Le premier est le beglerbey de Grèce soubz laquelle sont com-
pris tous les pays que ledict Turc tient en Europe, et est le plus
Jurant de tous les autres. Il a seize mille ducat/ de tvmar chascun
I. Qouiotin signifie en turc, mouton. Qouioumri est l.i lorme grecque
pour dire gardeur de moutons, en turc, on dit Qouiouihljy.
245 VOYAGE
an, mais il en exige trois fois plus. Soubz luy est ung Defterdar
c'est à dire trésorier, qui a trois mille ducatz de gaiges et luy sont
subjcctz cent escripvains qui tiennent les comptes et registres du
tymar et des tymariotz. Soubz la charge dudict beglerbey, sont
trente sangiagler ou sangiacz, capitaines de la gendarmerie qui
est divisée par enseignes et banyeres_, lesquelles, en leur langue,
s'appellent sangiac. Lesquelz sangiacz ont huict , dix et douze
mille ducat/: de tymar par an et sont logez es principalles villes
des provinces, pour les tenir en paix et obéissance. Soubz eulx y
a quatre cens sobassiz ' ou plus qui sont comme lieutenans_, logez
par les petites villes pour le mesme effect et ont chascun mille
ducatz par an, avec plusieurs Flamboler, qui aussi signifie en-
seigne, chefz et capitaines de deux, troys, quatre et cinq cens
chevaulx qui sont envoyez par les beglerbey ou sangiacz es lieux,
ainsi que le cas le requiert et pour promptement pourveoir aux
affaires qui surviennent. Soubz lesquelz sangiacs y a trente mille
spachi qui servent avec troys ou quatre chevaulx chascun^ et ont
deux cens ducatz par an et sont tous azamoglan et esclaux dudict
grant Turc.
Plus, audict pays de Grèce y a vingt mille tymariotz, gens de
cheval qui n'ont que quarante ducatz par an, subjectz aux dictz
sangiacz.
Oultre cculx cy y sont soixante mille Akengy ' comme aventu-
riers, lesquelz par aucuns Latins sont dictz Aconizii qu'ilz inter-
prètent finales; allans à cheval sans aucun gaige ni payement,
seullement sont Irancz et exemptz de tous subsides. Et sont tenues
les villes de les nourrir en passant chemin et allant au service du
prince.
En pays d'Asie y a six beglerbey, le premier est le beglerbey
de la Natolie qui a charge des pavs de Pontus, Bithynia, Lydia,
I. Soubacliy
2 Aqiiuljy.
nn MON'sinrR d'aramox 247
Phryg'ui. Nîeonc.i et Caria comprins soiilv cette appellation de
Natolie. Ht a quatorze mille ducat/, de t\mar. Soubz luv, douze
sangiac/ qui en ont de quatre à six mille par an, avec sobassiz et
ilamboler et douze mille spachiz. Le second est le beglerbev de
Caranianie qui est Cilicia, I.icia. I.vcaonia cl Pam]ihvlia^ lequel
a de t\inar dix mille ducatz, soubz lu\- sejn sangiacz et sept mille
spachiz aux gaiges que les precedens.
Le tiers est le beglerbev de Amasie et Toccat, qui est C.apjia-
docia, Galatia et Paphlagonia; il a luiict mille ducatz de tvmar^
quatre sangiacz et quatre mille spachiz : a tels gnigcs que les des-
susdictz et soubz cestuy est la ville de Trebizonde.
Le quart est le bcglerbey de Anadule que aucuns dient Aladule' ;
ce sont les montaignes d'Arménie appellées anciennement mons
Taurus et maintenant Cocaz d'une partie d'icelles dicte Cauca-
sus. Ce beglerbc)- a de t\mar dix mille ducatz. soubz lu\- sept
sangiacz et sept mille spachiz. Plus sont ordonnez audict pavs
trente mille hommes de cheval servans sans gaiges, francz de
subsides, comme les akengiz de Grèce.
Le cinquiesme est le beglerbe\" de Mésopotamie que les Turcz
appellent Dierbech" dont la ville capitale est Ldessa, dicte en la
saincte Escripture Ragez et des François Rohaiz. ]:n ce gouverne-
ment est compris partie delà grant Arménie, car le reste est pos-
sédé par le Sophv et par les Cordins ' et Bedu\ns qui st)nt peuples
de montaignes, par aucuns appelez Turquimans et des anciens
Medi, tenuz pour gens de guerre et belliqueux, coniinans à Bagadet
ou Baldac, ville de Assyrie appellée par les François Baudras, la-
quelle aucuns pensent estre Babilon, et les autres Xinive. capitale
de Assyrie. Ce beglerbey ainsi que Ton dict a trente mille ducatz
de tymar^ douze sangiacz et vingt cinq mille spachiz qui ont plus
1. La province gouvernée nutrefois par .\l.i ndJ.iuIéh de la dvnastic des
Zoulqadrièh.
2. Diarbckir.
5. Les Curdes.
248 VOYAGE
de gaiges et estât, pour ce qu'ilz sont sur les frontières dudict
Sophi.
Le sixiesme est le beglerbey de Damas, Surie et Judée qui a
vingt quatre mille ducatz de tymar, douze sangiacz et vingt mille
spachiz payez comme dessus.
Le beglerbey du Caire ou de Egypte a de tymar trente mille
ducatz, seize sangiacz et vingt mille spachiz. Lesdictz sangiacz
ont huict mille ducatz par an chascun et les spachiz deux cens.
Ce gouvernement s'estend jusques à la mer Rouge et jusques à la
Mèche ou Mecque où est le corps de Mehemet; contient l'Arabie
déserte et partie de la Fertile dicte Arabia felix, combien qu'il ne
soyt pas tout entièrement obey. Car il y a plusieurs seigneurs
desquelz aucuns tiennent le party du Sophy, les autres du Turc,
et y en a qui ne cognoissent l'un ny l'autre : d'autre costé, con-
fine au pays de Assyrie que l'ondict à présent Azamye et est do-
minée par le Sophy et s'estend le long de la Mésopotamie jusques
aux Liverous anciennement dictz Hiberni '.
En ces spachiz est fondée la seconde force du grant Turc qui
seroit grande s'ilz estoient tous bons. Et quant aux gens de pied,
hors les jannissaires il n'en a point, au moins qui vaillent, car ilz
ne sçavent tenir ordre et leur est impossible de jamais l'aprendre,
car ce n'est pas leur naturel.
I. Les Géorgiens appelés anciennement Ibères.
DI-: MONSIIX'R D'AKAMON 2.\^}
XII
Di'scriplkm de la ville d'Alcp (15 56).
A six ou huit milles d"Alcp, on rencontre les vestiges
d'une cité ruinée appelée le vieil Alep par les gens du pays. Selon
leur dire, cette ville tut détruite, il y a déjà un giand nombre d'an-
nées, par les Tartares qui, venus de la Scvthie, dévastèrent toutes
ces contrées. Ceux des habitants, qui avaient pu sauver leur vie
par la fuite, revinrent dans leur paws natal et commencèrent à
bâtir la ville actuelle d'Alep. D'après mon opinion, ceux qui la
fondèrent choisirent l'emplacement actuel parce qu'il présentait
plus d'éléments de résistance que celui de l'ancienne ville. On voit,
en efl'et, au milieu d'Alep, un monticule ayant une fois et demie
lélévation des plus hautes tours des mosquées, du sommet des-
quelles les imams crient leurs appels à la prière, et ces tours ont une
très grande hauteur. Ce monticule est entouré d'un fossé d'une lar-
geur de quinze pas ; il est fait de main d'homme et taillé au ciseau.
Le monticule et le terrain environnant dans lequel le tossé est
creusé paraissent être composés d'une pierre légère aussi facile
à entamer que le tuf. Le sommet de cette éminence sur laquelle
s'élève maintenant le château, servit, je crois, dans l'origine, de
lieu d'habitation à ceux qui fondèrent la ville : il fut suffisant,
pendant quelque temps, mais les avantages de la situation avant
attiré un grand nombre de gens, ceux-ci ne purent s'établir dans
l'enceinte du château et commencèrent à construire des habitations
à l'entour. Le nombre de ces habitations s'étant considérable-
ment augmenté, on dut, ahn d'assurer la sécurité publique, les
entourer d'un mur et en faire la cité fermée telle que nous la
connaissons maintenant. Dans l'origine, les cours d'eau que l'on
2)0 VOYAGE
voit de nos jours n'existaient point; pour subvenir aux besoins
de la population, il fallut creuser les puits dont toute la ville est
remplie. Le nombre croissant des habitants a déterminé à amener
les ruisseaux que l'on voit à l'heure présente, à l'intérieur et à
l'extérieur d'Alep. Ils viennent du côté du nord et coulent dans la
direction du sud. Ils sont dérivés d'une petite rivière à laquelle
on a creusé un lit dans le sol et qui, coulant en dehors d'Alep,
est amenée dans la ville par un canal souterrain ; elle ali-
mente, au moyen de conduits, les nombreuses fontaines publiques
et privées. Ce cours d'eau est fourni par une rivière qui prend sa
source dans des colhnes situées à trois ou quatre journées au nord
de la ville; un bras de cette rivière court vers rest_, dans la direc-
tion de l'Euphrate. C'est peut-être le fleuve Singas^ mais, dans ce
cas, Ptolémée a commis une erreur, car le Singas ne prend pas sa
source dans le mont Pietra, qui est près d'Alexandrette.
Alep a, comme je l'ai dit, une enceinte formée d'une haute mu-
raille flanquée de distance en distance de grosses tours se comman-
dant Tune l'autre et qui, en cas d'attaque à l'arme blanche^ pour-
raient opposer une résistance honorable. La muraille entoure trois
plis de terrain, sans compter l'éminence au sommet de laquelle est
bâti le château. Elle est percée de onze portes ouvertes sur les
fmbourgs et sur diverses routes. Les faubourgs sont considé-
rables_, et l'un d'eux égale en étendue le tiers de la ville. Le château
s'élève, ainsi que je l'ai déjà dit, au milieu de la cité. Il a un demi-
mille ou un peu plus de circuit, et il est entouré par une muraille
en pierres de taille, flanquée de tours plus ou moins grosses,
selon l'idée de ceux qui les ont construites. On y entre en fran-
chissant la porte d'une petite tour s'élevant sur le bord extérieur
du fossé, puis on passe sur un pont dont il faut gravir la pente et
qui est soutenu par six arches hautes, mais peu larges. Près de la
porte est une grosse tour détachée de l'enceinte et dont les murs
descendent presque jusqu'au fond du tossé. De l'autre côté du châ-
teau et en face de cette tour, s'en élève une seconde semblable,
DK MONSIEUR D'ARAMON 2-^,
dansinquellc on pcnctrc par un chemin couvert. Toutes ces grosses
tours sont, ainsi que les murailles, complètement L;arnies d'artille-
rie et un aga, commandant deux cents janissaires, est chargé de
la garde de la place et fait l'office de châtelain. On peut, en outre,
évaluer .'i deux mille le nombre des personnes habitant lech.'iteau.
La population de la ville et des faubourgs s'élève à un chillVe
considérable. Je ne puis, 'i ce sujet, donner d'autre indication
que celle-ci : en l'année i))), dans l'espace de trois mois, il
mourut de la peste, dans la ville et dans les faubourgs, plus de cent
vingt mille personnes, et l\ la cessation du lléau. on ne s'aperçut
point d'une grande diminution dans la population. Il ne faut pas
s'imaginer, bien que je fusse présent, que j'avance ce fait d'après
ma propre estimation ou d'après celle d'autres personnes. Je l'af-
lirme de science certaine, parce que le cadi et le be3lerbey, vou-
lant connaître le nombre exact des morts enterrés chaque jour,
avaient, à cet effet, placé aux portes de la ville et des faubourgs,
des gens pour tenir une note exacte de tout ce qu'ils vovaient.
C'est pour cela que mon allégation est véridique. On peut, en
s'appuyant sur ce fait, affirmer que la population est très consi-
dérable.
La ville n'est point embellie par des édifices publics, si ce n'est par
des mosquées dont quelques-unes sont fort belles avec leurs tours
aussi hautes que nos campaniles. Les habitations sont construites
en pierres et surmontées de fort belles coupoles également en
pierres; elles sont, ù l'intérieur, ornées de dorures et d'incrusta-
tions de pierres dures. Le sol est recouvert de cailloux de diverses
couljurs, habilement disposés et formant des entrelacs et des ara-
besques. Le mobilier des gens de distinction est extrêmement
riche, et chacun, selon son état et ses moyens, s'applique à
garnir sa maison de beaux meubles.
Seuls, les Turcs au service du grand Seigneur sont modestement
installés, parce qu'il leur faut être toujours prêts à se rendre au
lieu où leur seigneur leur commande d'aller. Celui-ci leur ct)nlic
252 VOYAGE
inopinément un autre emploi et lorsqu'il se décide à déplacer quel-
qu'un, il le fait sans aucun égard. Les Turcs ignorant s'ils devront
séjourner dans un endroit ou dans un autre, s'abstiennent de tenir
leurs habitations en bon état et ne se préoccupent en aucune façon
de bien meubler leurs appartements. Aussi le plus grand nombre
des maisons occupées par eux tombent-elles en ruines; ils se
bornent à posséder des esclaves, des chevaux avec leurs harnais,
des vêtements et de l'argent comptant.
Il y a, dans la ville d'Alep, de nombreux fondachi appelés
khans dans le dialecte du pays. Ils sont destinés à loger les étran-
gers qui affluent dans la ville, attirés par l'importance des tran-
sactions commerciales. Ces khans sont voûtés et construits en
pierres vives. A l'intérieur, des galeries régnent tout autour aussi
bien au rez-de-chaussée que plus haut, car ils ont deux étages.
Au miheu, s'étend une cour et toutes les chambres sont meu-
blées avec un certain soin.
Le lieu où se vendent les marchandises est couvert, et la nuit
venue^ on le ferme; on l'appelle dans la langue du pays bazar, et
ce mot a la signification de marché.
Les rues bordées des deux côtés par les boutiques où se vendent
les comestibles, sont également couvertes ; on y trouve tout ce
qui est nécessaire à la vie et dans l'origine, ces boutiques ont été
établies pour la commodité des étrangers, car il n'y a point d'au-
berges où ils puissent aller. Chacun des habitants fait cuire ses
aliments chez lui, à l'exception du pain qui est acheté au dehors.
Les vivres sont extrêmement abondants ; rien ne fait défiut et
une preuve de la facilité de la vie est que l'année pendant laquelle
l'armée prit ses quartiers dans cette ville, la présence d'un si grand
nombre de gens ne fit point hausser le prix de toutes choses au-
dessus de leur valeur ordinaire.
On récolte en ce pays une grande quantité de blé de bonne
qualité : on en fait un pain ressemblant à celui que l'on mange
dans le Padouan. Le vin est sain et d'un goût parfait, mais il est
DE MONSIEUR l)' AU A. MON 2SJ
un peu cher. La ville est entourée de très grands et très beaux
jardins et vignobles que l'on arrose pendant Tété, car il ne pleut
jamais en cette saison. Ces jardins, situés sur les bords de la rivière,
sont lacilement arrosés au nioven de certaines roues que font
tourner des animaux domestiques. Ceux qui sont éloignés des
rives reçoivent leau lournie par des puics creusés de main
d'honmie, au moyen de machines mises aussi en mouvement par
des aninîaux.
Le pays produit en grande abondance des ligues, des pèches,
des poires et des primes, parmi lesquelles il s'en trouve de si ex-
cellentes, que je n'en ai jamais goûté de pareilles en Italie. lien est
de même pour les pistaches, les melons et les concombres; ils
sont les meilleurs du monde et on en exporte partout une énorme
quantité. Le raisin est admirable. Les fruits sont très chers, eu
égard au prix des autres denrées, car tous les gens de ce pa\-s en
iont une très grande consommation.
L'air est vif et aussi salubre qu'il est possible de le désirer.
Pendant l'hiver^ le froid se tait sentir, mais il est peu rigoureux ;
du reste, cette saison est de courte durée, et la pluie tombe connu.-
il le faut. Pendant l'été, la chaleur est forte, mais elle est tem-
pérée par le souttle délicieux des brises de l'ouest et du nord-
ouest : il ne pleut jamais dans cette saison. Tout le monde,
petits et grands, jeunes et vieux, dort à l'air depuis le commen-
cement du mois de juin; on répare pendant la nuit l'affaiblisse-
ment causé par la chaleur du jour. La rosée qui tombe est sans
inconvénient et ne f:iit aucun mal, mais il faut avoir la tète tou-
jours couverte, l'été ."i cause du soleil et de l'air de la nuit,
1 hiver à cause du troid; autrement, on est exposé à avoir des
douleurs et surtout des ophtalmies.
Les transactions commerciales ont, dans cette ville, une extrême
importance; elles sont merveilleuses, et qui ncn a été témoin ne
saurait s'en faire une idée. Ces transactions sont déterminées par
la situation de la ville d'Alep, situation lavorable pour ce qui vient
2 54 VOYAGE
du Levant, de l'Occident, du Nord et du Sud : de tous ces points
il arrive des gens qui entrent dans la ville ou en sortent après y
avoir séjourné quelque temps.
Notre nation vénitienne importe chaque année des marchan-
dises du Ponent pour une valeur d'au moins trois cent cinquante
mille ducats, et l'exportation des marchandises du Levant atteint
le même chiffre. Les importations de la nation française montent a
quatre-vingts ou cent mille ducats et ses exportations représentent la
même somme. Les négociants de l'Egypte et du Caire introduisent,
tous les ans, dans ce pays pour deux cent mille ducats de mar-
chandises et ils en emportent pour autant, par la voie de la côte.
Chaque année, on exporte d'Alep pour cent mille ducats de soie-
ries fabriquées dans la ville et pour cinq cent mille ducats d'autres
produits. On apportait autrefois de Bagdad des marchandises
pour la même somme^ mais aujourd'hui, le trafic avec cette
ville est ruiné et on n'expédie plus de Bagdad que pour quatre-
vingts ou cent mille ducats.
Si les relations reprenaient leur ancien cours, Alep en tirerait
grand profit, car le commerce avec Bagdad consiste en produits de
rinde et en épices qui constituent une des bases principales de notre
trafic. J'entends dire, en outre, que les provinces soumises
au pouvoir du Sophi expédient annuellement pour trois cent
cinquante mille ducats de soie et pour quarante mille ducats de
drogues, de musc et de rhubarbe, et tout cela se négocie à Alep.
La Turquie fournit des marchandises pour une valeur de soixante
à soixante-dix mille ducats.
On fabrique annuellement à Alep et dans les environs, pour
deux cent mille ducats de savon. Ce produit est vendu en tota-
lité à des étrangers qui le transportent dans les deux Arménies et
en Perse. C'est une grande commodité pour les pays qui le
consomment. Les laines d'Alep et de la province sont si bonnes
que l'on en vend, tous les ans, pour deux cent cinquante mille
ducats.
i)i: monsii;lk d aramon' 2^<,
L'industrie de Li soie est florissante, et ses produits sont de
toute beauté. On fabrique en grande quantité des velours rouges,
de beaux draps d'or, des draps de soie travaillés en plusieurs cou-
leurs et mieux faits que partout ailleurs. Alep est bien pourvu de
toutes sortes d'autres industries et elles sont aussi nombreuses
que l'exigent les besoins d'une ville grande et bien peuplée.
XIU
Consultation juridique adressée au mufti de Jérusdleni.
Louanges soient données à Dieu seul !
A celui qui est le chef des docteurs de la loi et l'arbitre de la
foi^ que le Dieu très haut leur témoigne à tous sa satisfaction !
Le cas exposé ci-après se présente dans la noble cité de Jérusa-
lem. Il existe, en dehors de cette ville, un couvent appelé couvent
du mont de Sion occupé par des religieux latins. Des chrétiens
de nationalité franque y viennent de tous côtés et y résident en
toute sécurité. Les religieux ont à leur service un interprète
maronite que son hypocrisie et ses mensonges rendent digne de
les servir. Par son intermédiaire, ils ont fait parvenir à la cour
Impériale, que Dieu rende sa durée éternelle ! une relation rem-
plie de faussetés et affirmant que leur couvent étant en mauvais
état, ils sollicitaient la permission de le réparer, en se conformant
aux prescriptions de la noble loi religieuse. L'autorisation leur en
ayant été généreusement accordée, ils ont eu l'audace, obéissant
236 VOYAGE
à leur caprice, de le rebâtir depuis les fondements, employant
pour sa réédification de grosses pierres taillées et surélevant la
nouvelle construction ainsi que le couvent et l'église, de neuf
rangs de pierre de taille qui n'existaient pas dans les anciens bâti-
ments. Ils ont ainsi réussi à agrandir peu à peu leur couvent :
les religieux qui l'occupent y viennent tous les trois ans des pays
ennemis et les marchands francs^ qui se rendent dans notre pays
pour y exercer leur trafic, y séjournent sans acquitter aucune taxe
et s'en retournent en pays ennemi sans avoir payé aucun droit.
Les religieux latins ont étendu leurs constructions jusqu'au
tombeau de David (que la paix de Dieu repose sur notre pro-
phète et sur lui). On demande s'il doit leur être permis de cons-
truire dans le couvent un bâtiment près du Heu où repose le
prophète David et qui est un sanctuaire objet de la vénération
de tous les musulmans. Est-il licite, en outre, qu'ils fassent
entendre en ce heu leurs chants impies et que le son de la cloche
couvre la voix des musulmans ? Est-il, dans ce cas, permis à un
musulman de favoriser les Francs ? Commet-il un péché celui
qui pouvant anéantir ces choses ne le fait pas ? Est-il coupable
celui qui pouvant les empêcher ne s'y oppose pas ? Convient-il
de démolir tout ce qui a été innové dans la réparation de l'église
et du couvent ? On sollicite une réponse à ces difl:érentes ques-
tions.
DL MONSIHLR O AKAMDN -,7
XIV
SiiilL'ih\' du mufti
Louange au Dieu iDiiquc !
Il est absolument impossible que les chrétiens pénètrent d.'.ns
les éditiccs occupés par des musulmans si ce n'est dans un but
utile à ceux-ci, c'est-à-dire pour leur livrer des produits du com-
merce et de rindustrie et d'autres objets semblables. Il n'est point
séant non plus que les musulmans entrent dans les églises et les
couvents des chrétiens pour être témoins de leurs cérémonies.
L'aveuglement de ceux-ci étant volontaire, il ne iaut pas que les
musulmans voient les marques de leur intidélité envers Dieu.
Quoi de plus blâmable que de permettre à des musulmans d'entrer
dans les églises de ceux qui méprisent leurs croyances? On ne doit
pas permettre aux religieux d'élever la voix de l'impiété pendant
la récitation de leurs ofhces : on doit leur interdire de la manière
la plus sévère de sonner leurs cloches dont le son est odieux aux
musulmans. Que Dieu étende sa miséricorde sur ceux qui ont
promulgué cette défense, car le son des cloches est plus odieux au
Dieu très haut et tout-puissant que le bruit de leurs voix. Il
taut que toutes les bâtisses nouvelles élevées par les religieux
soient démolies, car on ne peut tolérer la reconstruction d'une
église. Favoriser de telles innovations est absolument détendu
aux musulmans.
Omar, fils d'el Khattab, donna l'ordre de rasertoutcs les églises
et cet ordre a été contirmé par Omar, tils d'Abd el Aziz. Ce prince
ne voulut tolérer dans les pays de l'Islamisme aucune église soit
ancienne soit nouvelle. Telle est l'opinion unanime des docteurs
de l'Islam.
•7
258 VOYAGE
XV
Khatti chérit adressé au Sandjaq de Jérusalem, et à Seyyd Mehemmed
Hfeiidv, Cadi de cette ville.
A la réception de ce signe auguste et impérial, apprenez que
par requête adressée à notre sublime Porte, on nous a fait savoir
que près de la noble ville de Jérusalem se trouve le tombeau du
prophète David (que les bénédictions et la paix de Dieu reposent
sur notre prophète et sur lui !), et que le couvent et l'église du
mont de Sion, possédés et habités par les rehgieux francs, sont
contigus au tombeau. Ceux-ci, en faisant les processions
exigées par leurs fausses croyances^ passent sur la terrasse qui
recouvre le sépulcre du prophète David (que la paix soit avec
lui !). Il n'est ni juste ni convenable que ce lieu très noble
demeure en la possession des infidèles et que, obéissant à leurs
coutumes impies, leurs pieds foulent des lieux sanctifiés par des
prophètes qui ont droit à toute notre vénération. Nous ordonnons
donc qu'après avoir reçu cet ordre auguste, vous expulsiez à
l'instant et sans aucune rémission;, de l'église et du couvent, les
religieux et tous ceux qui y résident. Vous ferez purifier le tom-
beau, but de visites pieuses, et vous le remettrez ainsi que tous
les autres lieux sanctifiés par des prophètes aux nobles Seyyds, des-
cendants de notre prophète. Nous avons chargé de la garde et
du gouvernement de ce sanctuaire le porteur du présent ordre
impérial, le prédicateur Mehdy el Hachimy, colonne de la foi et
arbitre de la vérité. Nous l'avons envoyé et lui avons confié le
soin de régir les biens de l'église, les jardins et les champs qui en
dépendent ; nous l'avons investi de toute autorité et lui avons
accordé la jouissance de ces biens, ainsi que la ftculté de dis-
poser tout ce qui sera nécessaire pour s'y établir et y résider.
Vous ferez connaître à notre sublime Porte tout ce dont besoin
1)1-: MONMl-LK DAKANk^N :;^.,
sera Cl elle vous ici\i parvenir ultérieureineiu d'.uiires ordres
augustes.
Écrit à Constantinople le r' du mois de djouma/v oui ewel de
Tannée 929 (18 mars 152^).
W 1
Lettre iidirssir îi François /" par Siiltiin Siih'yniiv:.
Dieu :
Par la grâce du Très Haut, dont la puissance soit à jamais
honorée et glorifiée et dont la parole divine soit exaltée.
Par les miracles abondant en bénédictions du soleil des cieux
de la Prophétie, de l'astre de la constellation du Patriarchat, du
pontife de la phalange des prophètes, du coryphée de la légion
des saints, Mohammed le très pur, que la bénédiction et la paix
de Dieu soient sur lui ! Ht sous la protection des saintes âmes
des quatre amis qui sont Abou Bekr, Omar, Osman et Aly, que
la bénédiction de Dieu soit sur eux tous !
Chah Sultan Suleyman Khan, tils de Sélim Khan, toujours
victorieux !
-Moi, qui suis le sultan des sultans, le roi des rois, le distribu-
teur des couronnes aux princes du monde, l'ombre de Dieu sur
la terre, l'empereur et seigneur souverain de la mer Blanche et de
la mer Noire, de la Roumélie et de l'Anatolie, de la province de
/oulqadr, de Diarbekir, du Kurdistan, de l'Azerbaïdjan, de l'Iraq
Adjemy, des provinces de Damas et d'Alep, de l'iigvpte, de la
Mekke, de Médine, de Jérusalem, de la totalité des contrées de
l'Arabie et du Yémen, et en outre, d'un grand nombre d'autres
provinces que, par leur puissance victorieuse, ont conquises mes
glorieux prédécesseurs et augustes ancêtres (que Dieu environne
de lumière la manifestation de leur foi !) aussi bien que de nom-
26o VOYAGE
breux pays que ma glorieuse majesté a soumis par mon épée
triomphante et mon glaive flamboyant ; moi enfin, Chah Sultan
Suleyman Khan, fils de Sultan SéHm, fils de Sultan Bayezid, à
toi François, qui es le roi du royaume de France.
Tu as adressé à ma cour, résidence fortunée des sultans^ qui
est la qiblah de la bonne direction et de la félicité, le lieu où
sont accueillies les requêtes des sultans, une lettre par laquelle tu
me fais connaître qu'il existe dans la noble cité de Jérusalem,
faisant partie de mes Etats bien gardés, une église qui ayant été
autrefois en la possession de la communauté de Jésus, a été
postérieurement changée en mosquée. Je sais^, dans tous ses détails,
ce que tu m'as mandé à ce sujet. Si c'était seulement une question
de propriété, tes désirs auraient été accueillis et exaucés par
notre Majesté qui dispense la félicité, en considération de l'amitié
et de l'aftection qui existent entre notre auguste Majesté et toi;
mais ce n'est point une question de biens meubles ou immeubles;
il s'agit d'un objet de notre religion. Car^ en vertu des ordres
sacrés du Dieu très haut, le créateur de l'univers, le bienfai-
teur d'Adam et conformément aux lois de notre prophète, le
soleil des deux mondes (sur qui soient la bénédiction et la
paix I)^ cette église a été, il y a longtemps, convertie en mosquée
et les musulmans y ont fait la prière canonique. Or, altérer
aujourd'hui par un changement de destination le lieu qui a porté
le titre de mosquée et dans lequel on a fait la prière^ serait
contraire à notre religion ; même si dans notre sainte loi cet
acte était toléré, il ne m'eût encore été possible, en aucune
manière, d'accueillir et d'accorder ton instante demande. Mais, à
l'exception des lieux consacrés à la prière canonique, dans tous
ceux qui sont entre les mains des chrétiens, personne, sous mon
règne de justice, ne peut inquiéter ni troubler ceux qui les
habitent. Jouissant d'un repos parfait à l'ombre de ma protection
souveraine, il leur est permis d'accomplir les cérémonies et les
rites de leur religion. Etablis en pleine sécurité dans les édifices
DR .MO\SIHl-R D'ARAMON 261
consacrés a leur culte et dans leurs quartiers, il cm impossible que
qui ce soit les tourmente et les nu)leste dans I.i moindre des choses.
Ecrit dans la première décade du mois de moli.nrem de Tannée
9;^) de riiéi^irc (mi-septembre i)2H).
WII
Rt'scril ini{\->-'ui] adresse an Gouvcrucur cl au CaJi de ]cntsalciii.
Hn recevant ce signe auguste et impérial, sachez que le ba\-le
de \'enise a fait représenter à ma sublime Porte que certains
individus audacieux et téméraires prétendent enlever le plomb et
les colonnes de l'église de Bethléem, lieu de la naissance de Jésus
sur qui soit le salut ! Nous vous enjoignons par ce rescrit
impérial de rechercher tous ceux qui se permettent des actes aussi
contraires à la justice; que nul n'ose molester les religieux francs
qui sont autorisés à rebàtire un mur ruiné de l'église, en
suivant les fondations de l'ancienne construction. Q_ue perst^nne ne
s'oppose à ce travail et avertissez aussi les religieux susdits de
ne donner aucun agrandissement à leur construction. 1-aites-nous
connaître ceux qui agiraient contrairement aux prescriptions de ce
rescrit et après en avoir pris connaissance, remettez-le aux mains
des religieux. Donné à Andrinoplc le i" jour de chevval 938
(7 mai 1532).
xvin
JuUtrc lie. Sultan Suleyinan à Hruri II.
A celui qui est l'honneur des grands princes de la religion de
Jésus, l'élite des puissants souveraiiis de la nation du Messie,
l'arbitre des affaires des nations de la communauté Xazaréenne, \
celui qui traîne avec majesté le pan de la robe de la splendeur et
-..Gi Vtn'AGR
de la puissance, qui est orné des signes de la gloire et de l'illustra-
tion, le roi de France; puisse sa tin être heureuse 1
Le Dieu très haut, maître de l'univers, qui donne le pouvoir à
qui il veut et comble de gloire qui il lui plaît, a daigné exaucer
tous nos vœux et faire réussir tous nos desseins. Il a voulu que le
drapeau de notre glorieux empire devînt un signe de victoire et
d'honneur; sa bonté sans bornes nous a prodigué des bienfaits
inestimables. La splendeur de notre puissance a donné à la religion
un nouvel éclat et les peuples de l'Islam, protégés par notre épée
victorieuse, jouissent du repos et de la sécurité.
On n'ignore pas que depuis quelque temps déjà, le peuple
persan aveuglé par l'erreur, s'est révolté contre les obligations
imposées par la religioi. ^t les traditions et qu'il a ainsi favorisé
la propagation des détestables doctrines des Chiites.
Le diabolique Elqas, frère de Thahmasp, chef actuel de ce
peuple, est venu dernièrement invoquer notre protection et il a
trouvé auprès de nous un accueil favorable. Nous avons écouté
ses plaintes, et sur ses instances, nous avons déployé notre
étendard victorieux pour réparer par la puissance de nos armes
l'injure et le dommage éprouvés par la religion. Nous nous
sommes dirigés vers l'Orient et lorsque nos drapeaux se montrè-
rent dans l'Azerbaïdjanet que nos troupes firent leur entrée dans
Tauriz, les Persans s'enfuirent et évacuèrent cette province et ses
dépendances. Ils ne montrèrent ni courage, ni dévouement à
leur prince; la valeur de nos troupes les fit disparaître sous terre
comme des fourmis. Tous les habitants de ces contrées furent
traités avec bienveillance et équité; non seulement ils furent à
l'abri des vexations, du pillage et des avanies, mais encore ils
furent l'objet de marques signalées de notre faveur et de notre
protection impériales.
Le but principal de la campagne entreprise par nous était la
conquête et l'annexion de l'Azerbaïdjan à notre empire. Pour
réaliser ce projet il était tout d'abord indispensable de nous rendre
DF MONSIl-l'IÎ n-AR.\Mc-)N jj,..
maîtres de \';in, la forteresse la plus considérable et la plus so-
lide de toute la Perse. Nous arrivâmes heureusement devant
f cette place dans les premiers jours de redjeb de l'année 955
(août 1548).
Une troupe nombreuse de Persans était enfermée dans le
château que de nouveaux ouvrages rendaient enct)re plus fort.
Plaçant ma confiance dans la bienveillance divine qui m'a tou-
jours assisté dans mes entreprises, assuré du secours de notre
prophète (que la paix de Dieu soit avec lui !), je donnai le signal
de l'attaque, ayant à mes côtés mon illustre grand vézir Rustem
Pacha, mes autres vézirs, les be3'lerbeys, les sandjaqbeys, les
ghazis et mes soldats victorieux. Les décrets de la prédestination
nous avaient assuré la conquête de cetteplace qui, au bout de peu
de temps, tomba entre nos mains avec toutes ses dépendances.
J'y établis une garnison et un corps de police pour le maintient
de l'ordre et un de mes esclaves fut investi du gouvernement de
la ville et reçut le titre de Beylerbey. La province de Chirvan qui
tait partie de la Perse était, à la même époque, conquise par mes
généraux, et tous ces pays furent ainsi purgés de la présence
d'odieux sectaires.
Xous nous dirigeâmes, après avoir atteint notre but. vers Diar-
bekir et la saison étant alors avancée, nous établîmes nos quar-
tiers d'hiver à Alep. Une partie de l'armée demeura à Diarbekir.
Peitdant que nous goûtions quelque repos à Alep, le bevlerbey
de Van, trompé par des khans persans, marcha avec une petite
troupe de soldats contre le rebelle connu sous le nom de Il.idji.
Lorsqu'il se présenta devant la ville de Khov, il y trouva cet
insurgé fortement retranché. II y eut un combat acharné : après
une série d'engagements meurtriers, Dieu accorda encore la vic-
toire aux vrais croyants. La tête du révolté nous fut envoyée et
le calme et la tranquillité furent rétablis dans le pays.
A notre arrivée à Diarbekir, nous détachâmes un petit corps
d'armée que nous confiâmes à Elqas dont il a été fait mention
264 VOYAGE
précédemment. Elqas envahit les districts de Qpum, de Kachan,
d'Ispahan, de Qazwin et de Hamadan et fit main basse sur les
trésors,, les biens et les effets précieux du Chah de Perse. Il
s'empara des chevaux, des mulets et du bétail et il fit prisonniers
un grand nombre de femmes et d'enfants.
Le printemps suivant, nous reprîmes le cours des opérations
afin de rendre la sécurité à nos frontières et de les mettre à l'abri
de toute insulte. Nous partîmes d'Alep pour nous rendre à Diar-
bekir. Les Géorgiens, race hypocrite, sont limitrophes de notre
empire ; tantôt ils se placent sous notre protection, tantôt ils
embrassent le parti des Persans nos ennemis. Leurs désordres et
leurs menées factieuses nous obligèrent à prendre contre eux des
mesures vigoureuses. Leur place la plus forte, nommée SerUgan,
fut emportée d'assaut, et la garnison passée au fil de l'épée. Les
autres châteaux de ce pays subirent le même sort et furent
annexés à notre empire.
A la même époque, pendant que notre camp était encore
étabh près de Diarbekir, dans l'endroit appelé Qizil Tepèh (la
colline rouge), nous apprîmes, non sans étonnement, que Elqas,
qui avait cherché un refuge auprès de nous et invoqué notre pro-
tection, cédant aux suggestions de sa perversité s'était, à Tinstiga-
tion de quelques Curdes^ révolté contre nous et jeté dans les mon-
tagnes du Curdistan, l'étendard de la rébellion à la main. Le
châtiment ne se fit pas attendre. Un détachement de mon armée
marcha contre lui^ l'atteignit dans son repaire et lui infligea une
sanglante défaite. Sa famille et ses partisans furent massacrés
sans pitié.
Lui-même courut se cacher dans des cavernes, suivi par
quelques partisans et laissa tous ses bagages entre les mains de
nos soldats. La disparition de ce scélérat rendit le repos au pays.
Tous les princes Curdes, éblouis par l'éclat de nos armes, firent
leur soumission. Ils nous envoyèrent leurs fils et les personnages
les plus considérés de leur pavs. Je reconnus leurs hommages
DF MONSin-R DWKAMON 26-,
par des marques de munificence et tous les autres chefs de ce
pavs, qui jusqu'alors étaient les vassaux des Persans, se rendirent
également auprès de nous et se soumirent de leur plein i;ré à
notre domination.
Les Géorgiens avaient déjà reçu un châtiment mérité : il était
cependant nécessaire de réduire leur pays à une obéissance com-
plète et de l'annexer à notre empire. Mon vézir Ahmed Pacha
tut, à cet effet, envoyé en Géorgie. Il emmena quelques personnes
de notre cour et une troupe d'arquebusiers choisis parmi les
jannissaires. Les Beylerbeys de Caramanie, de Zoulqadr et
d'Lrzroum reçurent en même temps l'ordre d'entrer en Géorgie.
La place forte la plus solide et la plus importante de ce pays est
celle de Tortoum. Elle était considérée comme la capitale; les
autorités v avaient établi leur résidence et elle était défendue par
une nombreuse garnison. Notre vaillante armée l'investit le
iS du mois de chaàban de l'année 956 (13 septembre 1549) :
l'artillerie fut mise en batterie. Hour Aga, commandant de la
citadelle, refusa dédaigneusement de se rendre. L'attaque com-
mença alors avec vigueur. Les canons tirèrent jour et nuit et les
ravages causés par leur feu furent tels que la ville demanda à
capituler. Les habitants s'empressèrent de solliciter l'aman et nos
troupes prirent possession de cette place le 20 du même mois.
Nos drapeaux victorieux furent arborés sur les tours et cette con-
quête fut assurée par l'établissement d'un sandjaqbev. d'un chef
mihtaire et d'une garnison.
Le château de Lihah fut également conquis et incorporé ."i
l'empire. Le 24 de chaâban, Aqtchèh Qalèh, forteresse des plus
solides, tomba entre nos mains.
Bref, sur les trente-cinq places fortes enlevées à l'ennemi,
quatorze furent rasées et les vingt-et-une autres reçurent une gar-
nison et un gouverneur militaire. Le pays, constitué en beyler-
beylik et divisé en quatre sandjaqs, a été tout entier rattaché à
l'empire.
zCG VOYAGE DE MONSIEUR D'ARAMON
Après la conquête de la Géorgie, nous sommes rentrés triom-
phalement dans notre capitale.
Pendant ce temps^ le beylerbcy de Van avait marché contre les
khans Hussein, Quitmas et Nazar, parents du Chah de Perse.
Ils ont vu leurs camps livrés au pillage et eux-mêmes ont dû cher-
cher un refuge dans les montagnes ; Nakhtchivan, Saat Tchiqour
et Derdan ont été saccagés et brûlés.
La divine Providence a daigné m'accorder les plus grands
succès pendant cette campagne de l'Azerbaïdjan. Le bonheur
dont elle m'a couvert ne peut manquer de répandre la joie dans
les pays de l'Islamisme et dans toutes les autres contrées.
La présente lettre impériale vous est, à cet effet, portée par mon
serviteur N. Vous voudrez bien, après en avoir pris connaissance,
en ordonner la publication et faire pavoiser et illuminer les édifices
de vos villes.
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES
NOMS DE PERSONNES ET DE LIEUX
Abanomenia, vov. Bolv.
Aaly Tchélcby, XXXIII.
Abdigelveis, voy. Adildjivaz.
Abdoulaziz Chinvany, XXXIIT.
Abdoulkcrim Efendy, 129 n.
Abelkarib, prince arménien, 99 n .
Abiset (Monsignor de), 186,
Abou Bekr Aly Herewy, no n.
Aboul Fcda, 86 n.
Abou Obcïdah, 100 n.
Abraham, 98.
Achaïe (L'), 159.
Acliara, voy. Aq Chehcr.
Achtchy bachy (L), 231 n.
Aconizii, voy. Aqindjy.
Adana (Adena), 146, 241 n.
Adildjivas, ville, 89 n., 90 n.
Adorno (Hieronimo). 189.
AfiumKarahissar, 62 n.
Aga (L') dos Azamoglans, 243 ;
— des Gharih Ogian, 235 ; —
des janissaires, 42, 232, 233.
Aga qapoussy, à ConstantinopL,
27 n.
Ageti, Aein village, 69.
Agiamoglans (Les), 44, 45.
Agiardacaly^, voy. Tchardaqlv.
Agria, 171, 195.
Ahmed Emin Razv, 83 n.
Ahmed Pacha, 940., 208, 241 n..
265
Ainsworth (M. W.), 64 n.
Akengy, voy. Aqindjy.
Akhlath (Piainc d'). 90 n. —
Ville, 92 n.
Ala Eddaulèh, 247 n.
268
TABLE ALPHABÉTIQUE
Ala Eddin Key Qpbad, 68 n.,
72 n., 147 n., 149 n.
Aladule, voy. Anadule.
Alby, 159 n.
Alep, XXXVIII, LIV, 57, 97,
99 n., 100-103, 106, 113,
162 n., 166 n., 238 n., 249-
255,263.
Alexandrette, 145 n.
Alexandrie d'Egypte, 133, 134.
Alger, XLVII.
Alindjig Dagh, 95 "•
Allemands (Les), à Venise, 3 n.
Alteguie, Altekkièh, 92.
Altoun Halqaly (Pont d'), 78 n.
Alvincz (Château d'), 172 n.
Aly Aga, 163 n.
Aly Khan, 88 n.
Aly Pacha, 114 n., 129 n.
Aman, voy. Hamah.
Amasie, Amassia, XVI, 67, 69 n. ,
163 n., 201, 247.
Amid, voy. Diarbekir.
Amouas (Emmaus), 126 n.
Anadule (Le beylerbey de), 247.
Anahid (La déesse), 71 n.
AnatoHe (L'), 41, 44, 45. 46,
59, 242, 245, 246
Andelot (François de Coligny,
seigneur d'), 164.
Anderes, village, 71 n.
André, roi de Hongrie, 8 n.
André de Bergame (Jean), VIL
Andrinople, XXIII, XXV,
XXXII, XXXV, XLIX, 14,
15, 16 n., 18, 153, 199, 204,
205, 206, 209, 212, 216, 244.
Annibal, 60.
Antaradus, voy. Tartous.
Antigonea, voy. Nicée.
Antioche, lOO;, 144; — de Pisi-
die^ 148 n.
Antiochus Philopator, 144 n.
Anvers, 48 n.
Aq Cheher, ville, XXXV, 148 n.
Aqindjy (Les), 246 n., 247.
Aq Sonqor Zenguy, 100 u.
Aqtchèh Qualèh, 265.
Arabagibassi (L'), 235.
Arabie (L'), 46, 127, 131, 137,
248.
Arabes nomades, en Terre Sainte,
XLIII.
Aramdn, ville, IV n.
Aramon (M. d'), I-XV, XXII-
XXIX , XXXIV - XXXIX .
XLV-LXI, I, 19, 21 n., 48 n.,
58, 88 n., 94, 105, 139 n.,
151, 153 n., 161, 167, 177,
180, 183, 185, 186, 187, 201,
202, 203, 204, 205, 207, 215,
219, 220, 222, 225.
Ararat (Mont), 91 n.
Aras (Monsignor de), voy. Gran-
velle.
Aras, Araxe (L'), rivière, 78 n.,
80 n.
Arbessan (Le seigneur d'), i'64 n.
Arcadius, 30 n.
Arda, rivière, 16 n.
DHS NOMS Dh PERSONNI S IH' Di: LIHUX
269
Ardelan, 56 n.
Ardini;icly,voy. ArtinOglyKcuy.
Ardjich. village, 78 n., 79 11.,
89, 241 n.
Argonto (Ju-.:o di), 212 n
Argilium, 149 n.
Argis, voy. Ardjich.
Armagnac (Le cardinal d') H,
LU, 139 n.
Arirénie (L'), 46, 69, 70. 71,
79 n., 90 n., 247, 254.
Arpa Eminy (L) .2^6.
Arrexcis (L'), voy. Arass (L').
Arrivabene (Andréa), IV.
Arthosie, voy. Tartous.
Artin Ogly Keuy, 71 n.
Artût, village, 78 n.
Arustam bassa, voy. Rustem
Pacha.
Arzin, rivière, 92 n.
Arzindjan, Arzingan. 71, 72.
Asapaga, voy. Azeb Aga.
Asapler, ou Asapiz (Les), 235.
Ascaniiis (Laciis). 149 n.
Ascoli (l'r.mcesco CjiroLuno d'),
32 n.
Asebids. voy. .Vnderes.
Assarer, voy. ()ut()uraq.
Assarguict, voy. Hiss.udjiq.
Assibassy, voy. Achtchy baclu .
Assyrie (L'), 247, 248.
Astars (Joaciiim des), IIL
Ataq, rivière, 78 n.
Athyras, voy. Ponte (Jrande.
Augsbourg (Pai.x d"), XX.XIL
Avret Bazar, à Coiiitaïuinople,
,0 n.
Axar, voy. Aq Cheher.
Ayas Pacha, XVin, 23 S.
Ayredenbey, voy. Khaïr Lddin
" Pacha.
Azamie (L'), 242, 24N.
Azamoglans (Les), 242, 2.}3,
246.
Azel Aga (L'), 235 n.
Azerbaïdjan (L'), 262.
B
Baalbek, IIT n.. 139.
Bachmaqdar (Le), 228 n.
Bâfra, bourg, 65 n.
Bagadet, voy. le suivant.
Bagdad, 56 n., 247, 254.
Bagdad du pavs de Roum, voy.
Amasie.
Baghras Bely (Dctîléde), 145 n.
Bajazet(tilsdeSLiltanSuleunan),
XXXV, 14^ 163.
370
TABLE ALPHABÉTIQUE
Bajazet (mosquée de Sultan), 29.
Bajazet P-", Ildirim, 66 n., 68 n.,
69 11., 147 n.
Bajazet II (Sultan), 38 n., 62,
146 n.
Balak, fils de Behram, 96 n.
Balby (Jean de), 175 n.
Baldac, voy. Bagdad.
Bandemagny, voy. Bendimahy.
Banduri, 30 n.
Baratemin, voy. Berat Eminy.
Barberousse, voy. Kaïr Eddin
Pacha.
Bargun, voy. Bourdjeïn.
Baruth, voy. Beyrout.
Basarchic, voy. Tatar Bazardjik.
Basra, sur l'Euphrate, 197.
Bastia, en face de Corfou, 157 n.
Batriq Keuy, village, 73 n.
Batroun, ville, 140 n.
Baudoin, comte de Seroudj. 99 n.
Baudoin, frère de Godefroy de
Bouillon, 97 n.
Baudras, voy. Bagdad.
Bayezid, voy. Bajazet.
Bazordan (Le seigneur de), ié4n.
Béchet (L'abbé), 172 n.
Bédouins (Les), 247.
Beglierbeys (Les), voy. Beyler-
bey.
Begux, voy. Boghoz Keuy.
Beissany(Tribu kurde de), 89 n.
Bektachy (Les derviches), 66 n.
Belgrade, 240 n.
Belin (iM.), 32 11.
Bélisaire (Palais de), 27 n.
Bellini (Gentile), 30 n.
Belon, du Mans, LII_, 20 n., m
n., 133 n., 146 n., 147 n.,
148 n.
Bender Eregly, 62 n.
Bendimahy, village, 89 n.
Béni Merdas (Les), 100 n.
Berat Eminy (Le), 242 n.
Bernis (le sieur de), voy. Sarras
(Jacques de).
Berthelomé (le capitaine)?
XXXVI, XXXVIII, LXI.
Besestan (Le), à Constantinople,
:)45 3) •
Béthanie, 125.
Bethléem, XLIII, 117, 125, 261.
Bethphagé, XLIV_, 125.
Bethsaïda, 114.
Bettaric, voy. IJatriq Keuy.
Beyad, village, 62 n.
Beyad-yaïlassi-dagh, 62 n.
Beybars (Melik Eddahir Sultan),
113 n., 114 n., 144 n.
Beylerbeys (Les), XIX, 12 n.,
45, 46, 107 n., 241 n., 245-
248.
Beyoglou, 23 n.
Beyrout (Baruth), 140.
Blanchi (M.), 144 n.
Bichry, rivière, 78 n.
Bidlis, ville, 91, 92; — rivière de,
78 n.
Bilèdjik, bourg, 149 n.
Biligich, voy. le précédent.
i')HS NOMS Di: im:usi^\'ni S I r m-; i.ii:i;x :;i
Bir, Birèh. Birèdjik,Biibin;i,vilL-, lioiirquclot (M-). 3') n.
99 n. Ikni/oly, voy. le suivant.
Bitliynio (I.a). 6i, 149 n. 246. l)Oiizoqlou, vi!I.iL;c, 64 n.
Bitlis (Dclilù de), LIV. Bozoq (Province de). 6 j .
Bogha:^ Kcsscn, 69 n. 1 Bracorbassi , \o\ . Ijiiir aklior
Boghoic Kcuy, 95 n. i bachy.
Boluchbass!, voy. Buluk bachy. Bragadiii (P.). 2^^ n.. 2^1) n.
Boly, district et ville, 62, 63 n. Brantôme, XX.WI, XX.W'III,
Bonaveniure Corseto (Le Père), 163 n.
XLIV, XLV. l^rena (Blasio di). 197.
Bondurand (M.), Y n. Brousse, 162 n., 16^ n., 2|^.
Bonifacio, ville, 133, 163, 164 n. Pnide (Le Pacha de), 17.S-184.
Bostandjis (Les), 230. 192, 194, 198.
Bostandji bachi (Le), ^'.j, i^^o^ , Buluk bachy (Le), 2^2 n.
231. I BusbecXVII, XXI,6i n., Oyn.,
Botrys, voy. Batroun. | 162 n., 163 n.
Boulac, 133. BuyukTchckmèdjèh, \oy. Ponte
Bourdjeïn, Bourjcin, non. | Grande.
Cabouziac, voy. Hadji Haniza. Calahorra (Juan de). XXXLX.
Cacombazar, 65 n. Camanly, voy. Hanimaiuly.
Cadilescher, Cadizleskier, vo\-. Cambray (i\L de), XXllI, 58,
Cazi Asker. 180, 187.
Cagiassar, voy. Qptch Hissar. Canal (Christolle). 5.
Cagion, Cagionde, vo\ . Hadji Candie (Ile de), 24.
Keuy, Canouscala, vo\ . Khounous
Gain, 112. Q,ilèh.
Caire (Le), 46, 127, 128-133, Capagaz (Le), voy. Qapy aga.
136, 137, 241 n.^ 248, 234. Capharnauni, 115.
TABLE ALPHABÉTIQUE
Capiega (Le), voy. Qapy aga.
Capigi bassy (Les), voy. Qçipidjy
bachy.
Capigilar chiccaia, voy. Qapidji-
Lir Kiahiassy.
Cappadoce (La), 46, 65, 67, 69,
70, 162, 247.
Caraclîoppry, voy. Qara Kupry
Sou.
Caragiola, voy. Qaragueul.
Caraguira, voy. Qaradjalar.
Carahamit, voy. Qara Amid.
Caramanie (La)^ 46, 243.
Caran, voy. Harran.
Carasou, voy. Qara Sou.
Carie (La), 247.
Carien (Palais de), 46.
Carpout, voy. Kharpout.
Carrac, voy. Harran.
Cars, 94 n.
Cartalunim, voy. QartaL
Casnadai bassy (Le), voy. Kha-
zinédar bachy.
Casnegirbassi, voy. Tchachne-
guir bachy.
Cassancala, voy. Hassan Qalèh.
Cassinbacha, voy. Qassim Pacha.
Castris (Louise de), LVIIL
Cattié, voy. Qathièh.
Caucase (Le), 247.
Cazi Asker, Cazi Lechlcer, 41,
241, 242.
Cénacle (Le), à Jérusalem,
XXXLX.
Céphalonie, 157.
Chah Ismayl, 240 n.
Chah Nimet oullah, 56 n.
Chah Thahmasp, le Sophv, XV,
XXVII, XXXII, xxxiv, 55,
56 n., 66, 81, 84, 90 n.,
92 n., 94 n., 138, 163 n.,
174, 176, 193, 197, 203,206,
213, 216,247, 248, 262.
Chalcédoine, 59, 161.
Chancha, voy. Khanqah.
Chapour, roi de Perse, 144 n.
Charan, voy. Harran.
Chari' Eminy (Le), 236 n.
Charles-Quint, IX, XI, XXXIL
175 n.
Charles IX, roi de France, 48 n.,
165 n.
Charrière (M.), LIX, 118 n.
Chatt-el-Arab (Le), 78 n.
Chebelyt, voy. Guermely-tchay.
Checaya (Le), voy. Kiahya.
Chehirzor, 56 n.
Chehsiwaroglou Aly bey, 241 n.
Cheïkhoun (Khan de l'émir),
iio n.
Cherabdar (Le), 228 n.
Chesneau(Jean),II, XIV ,XXIV,
XXXVI,LVII,LX, i54,i64n.
— (François), LVIIL
Chiaubassi, v. Tchaouch bachy.
Chihabeddin, 147 n.
Chilergibassy (Le), 40.
Chio (Ile de), 24, 36, 153.
Chiobane, voy. Tchoban Ku-
prussy.
DHS NOMS Dïi l'HRSONNRS HT Dli I.IIXX
ChirwMii (Le), XXXII, 53 n.,
56 n., 57, 138, 26^
Chinchter, vov, B.ichm.iqdar.
Chocadar, voy. Tchoqadar.
Chouster, no n.
Christodulc. architecte grec,
28 n.
Chrysoroas, fleuve, 113 n.
Chypre (Ile de), 49 n.
Ciachirgibassy, 44.
Ciaoux bassy (Le), 41, voy.
Tchaouch bachy.
Cibaco, évèque deWaradin, 23 n.
Cierguas, voy. Tcherkes.
Cilicie (La), 247.
Cipierre (PhiUbert de Marcilly,
seigneur de), 164, 165 n.
Circassie (La), 56.
Claudiopolis, voy. Boly.
Cochia, vov. Fotcha.
Cochinybaba , rcHgieux , voy.
Qpuyounly baba.
Codignac (Michel de), I, XXIII,
XXIX, L. LVII, 58 n., 59 n.,
164 n., 165, I 66, 180. 222.
Codognado, voy. le précédent.
Cogne, Coigne, voy. Qoniah.
Coil. voy. Khoy.
Colonian, roi de Hongrie, 7 n.
Colonia Carrenoruni, voy. Har-
ran.
ComanaPontica, voy. Tocai.
Combas (Louis Pelet, baron de),
157-
Coninène (.Andronic), 12 n. —
(Anne), 27 n ; — (Marie),
27 n.
Condé, \ov. Rogendorl.
Congnusse. vov. Kustendjèh.
Con.stantia, voy. Tartous.
Constantin (L'empereur), 27.
Constantinople, XI, XXII.
XXXI, LU, 19,24. 2), 40, 46,
48 n., 58, 150, 152, 160, 161,
i62n., 165 n., 197. 227, 228,
240 n., 245.
Cordins (Les), voy. Kurdes.
Corfou, 156, 157 n., 238 n.
Corinthe, 158.
Coronello (1".)> 49 "•
Corse (La), L, LI.
Corseto, vov. Bon aventure.
Corsetto (h. Boniface-Etienne),
voy. Etienne de Raguse.
Cotignac, voy. Codignac.
Coursola, voy. Curzola.
Coynariez, voy. Qpuioundji.
Coyouassar, voy. Qnuyly hissar.
Crémone, VIL
Crépy (Traité de), XL
Curzola (Ile de), 8.
Cybistra, voy. Erekly Qiiarainan
274
TABLE ALPHABETiQ.Ui£
D
Dnghestan (Le), 56 n.
Dalmatie (La), 7 n.
Damas, XLIII, 46, loi, 112, 113,
137, 139» 140 n., 248.
Damiette, 136.
Damvilliers (Siège de), 154 n.
Danichmend (Dynastie des),
68 n., 69 n.
Daniel (Tombeau de), iio.
Daridjè, 60 n.
Dauphine , fille de Jean de
Montcalm, IIL
David (Tombeau de), XXXIX,
XL, XLI-XLIV, 118 n.,25é,
258.
Déchan (Le mont), 68 n.
Dcfterdari (Les), 41, 237, 246.
Dcfteremin (Les), 238.
Delvino, en Albanie, 140 n.
Derbend, 56 n.
Derdan, ville, 266.
Desbillons (Le P.), 138 n.
Dévèrck tchay, rivière, 65 n.
Dhuyson (M.), voy. Huyson,
(Le sieur d').
Diachidesse, voy. Daridjè.
Diacibysa, voy. Daridjè.
Diala (Rivière de), 78 n.
Diane de Poitiers, XXVI, XXIX.
Diarbekir (Qara Amid), XIX,
78 n., 92 n., 96, 165 n.,
166 n., 247, 263, 264.
Dibec, Dibel, voy. Duzdjèh.
Dibligy, voy. Divriguy.
Diego (Don), 181, 197.
Dierbech, voy. Diarbekir
Dil, voy. Lingua.
Dionysios IL patriarche de Cons-
tantinople, 27 n.
Divriguy, ville, 73 n.
Djafer Bathal (Tombeau de),
XXXV.
Djebèlèh, ville, 143 n.
Djelaly, 241 n.
Djemal Eddin Aqseraly, 240 n.
Djennin (District de), 116 n.
Djihanchâh (Mosquée de), à
Tebriz, 84 n.
Djihanguir, fils de Sultan Suley-
man, XXXV, 162 n.
Djisr benat Yaqoub, 113 n.
Djoubb Youssouf, 113 n.
Djouzièh Elqadimèh, ville, 1 1 1 n-
Doghandjy bachy (Le), 234 n.
Dolerie, village de Normandie,
138 n.
Doni (feanne), LI.
Doria, XLIX, 164 n.
DES NOMS DE PHRSONN'ES HT Dl- I.IhUX
27$
Dorylaciim, voy. li.sky Chehcr.
Dûucas (Michel). 27 n.
Doudjy (Mont), 91 n.
Douqnkin Z.idcli Mchciiimcd
Pacha, 129 n.
Drai;oinan(Le),vov.Td\l)unian.
Drayiit Bcy, L, 103 n., 164, 165.
Dseiokh, 95 II.
Du Cangc, 30 n.
Du Guast fLc marquis', 133 n.
Du Gucrct (Diane). LVlil.
Dumorticr, ambassadeur à Rome,
XXVIII.
Du Verdicr, iu2 n.
Duzdjcli, Duzdjch bazar, bourg.
62.
Edosse, voy. Ourfah.
Edib Elendy, 144 11., 147 n.,
1^0 n.
Eguin, 73 n.
Egypte (L'), 106, 241, 248, 254.
Elca, voy. Elqa'a.
F.lie (Le prophète)^ 112 n.
Elqa'a, village, m n.
Elqas (Montagne d'), 65 n.
Elqas Mirza, XXXII, 33 n.,
56 n., 57, 88 n., 102, 138,
262, 263, 264.
Emèse. voy. Hims.
Emir akhor bachy (L'), 44 u.,
235 n.
Emir Miralem (L'), 236 n.
Emmaus, voy. Amouas.
F^mps, voy. Hims.
Epidaphnè, voy. Antioche.
Epiphania, voy. Hamah.
Erekly Q.araiiMn (Eregli deCaa-
manic), i.;- n., 162 n.
Erez, Eriza, voy. Arzindjan.
Erizzo (Antonio), XVIII n.
Erthogroul , père de Sultan
Osman, i.jo n.
Erzeroum, XXXV, LX, 50 n.,
<^S,7 1,75,76; — (Provinccd"),
94 n.
Erzin (Rivière d'), 78 n.
Eschizaher, voy. Esky Chchcr.
Esdron, voy. Erzeroum.
Esky Cheher, ville, 149 n.
Esma Sultan, iille de Suiran
Suleyman, 27 n.
Esscbil (Le khan). 110 n.
Ethiopie (L"), n6.
Etienne de Raguse ^Lc frère),
II. f n.. 117 n.
Etienne III. roi de Hongrie, 8 a.
276
TABLE ALPHABETIQUE
Eunuques (Les), 229.
Euphrate (L'), 72, 73, 78, 9011.,
91 n., 95 n., 99.
[ Evlîa Tchèlèby, 26 n., 27 n.,
29 n., 61 n., 63 n., 65 n.,
68 n., ()<) n-, 70 n., 76 n.
Falieri (Le doge Ordelafo), 7 n.
Farath bâcha, voy. Ferhad Pacha.
Fnzil (Mirza), XXXIIL
Ferdinand (Le roi), X, XXII,
XXV, XXVIII.
Ferhad Pacha, 241 n. (Mos-
quée de), 63 n.
Ferraio (Antonio), 172 n.
Ferrare, LVII, 167; — (Du-
chesse de), XXVIII, LVIII.
Flamboler (Les), 246.
Folembray, i.
Fossati, 28 n.
Fotcha, village de l'Herzégovine^
10 n,
Foua, 133.
Français (Les), à Alexandrie,
134; — • à Bonifacio, 163; —
à Constantinople, LU, 31,
1 77- 190; — en Perse, XXXVI;
— à Tripoh de Syrie, 141.
Franciscains (Les), en Terre
Sainte, XL-XL VI, 118 n.
François I-, VI, IX, XI, XIl,
XIV, XXII, XXV, XXXIX,
XLIL LUI, 17, ri8 n., 139,
165 n., 259.
Frangipan (L'évoque), 171.
Fumel (François, baron de),
XXVI-XXIX, XXXIV,
XXXVI, 19, 20 n., 21 n., 59,
219, 222, 225.
Gaballa, voy. Djebèlèh.
Gabre (Dominique de), évêque
de Lodève, 165 n., 167.
Galata, 19, 31, 239 n.
Galatic (La), 247.
Gallipoli, 159, î6o, 245.
Gangra, voy. Kanguery.
Garipoglan, voy. Gharib Ogian.
Gassot (Jacques), I, II, 62 n.,
65 n., 72 n., 88 n., 97 n.
Gaudon (Simon), XVIII n.
Gazere, voy. le suivant.
DES NOMS DE PERSONNES ET Dl- I.IEUX
277
GaTiza (Gnzcrc), XLI, 126.
Gcnc, voy. Guicvch.
Gcnnadius, patriarche do Cons-
tantinople, 27 n.
Génois (Les), à Pola, 6 n., à
Sebenico, 7 n.
Géorgie (La), 75, 77, 80, 88 n.,
265.
Géorgiens (Les), XLIÎ, 2.}8, 264,
26).
Gcorgio (Frà), voy. Martinuzzi.
Gérard de Veltwick, voy. Velt-
wick.
Germanicopolis, voy. Kangncrv.
Geuffroy (F. Antoine). XVI,
227.
Gharib Oglan (Les), 235 n.
Ghazaly, 258 n., 241 n.
Gliazan Khan, 85 n.
Ghazy Daoud Pacha, 69 n.
Ghourcba, voy. Gharib OgLan.
Ghoury (Sultan), 129 n.
Giagaiel, voy. Gueredèh.
Gilles (Ant.), 139 n.
Gilles (P.), IL LIII-LV, 30 n.,
103 n., 138, 139 n.
Giolgie, voy. Gueukijik.
Girard (MO» voy. Veltwick
(Gérard de).
Girbanambea , voy. Tchoban
ormany.
Giustiniani (Vinc), .jS n.
Gohememe, voy. Gumuchâbad.
Gonzague (Ferdinand de), 165 n.
— (Iules César de), VIL
Grand i'unr, voy. Ponte Grande.
GraiUtllc(Lecardinalde),évèquc
d'Arras, 197, 209.
Grèce (La), 41, .14, 45, 2.1 1,
242, 245, 2.46.
Grégoire (Saint), patriarche d'Ar-
ménie, 71 n.
Grégoire X. pape, 32 n.
Grégoire III, patriarche d'.Ar-
ménic, 95 n.
Grelot, 26 n., 28 n.
Grimani (Marino), 165 n.
Gritti (Aloisio), 23 n., 172 n.
Guarmani, r 17 n.
Guebizèh, 150 n.
Guedèh Qara, village, 05 n.
Gueibizè, 60 n.
Guektchèh Deria , Guektchèli
Tenguiz, 87 n.
Gueredèh, bourg, 63 n.
Guérin (V.), 116 n.
Guermcly tchay, rivière, 70 n.
Gueuk aghadj sou, rivière, 64 n.
Gueuk Yaïla (Le), 78 n.
Gueulbachy, voy. Q.aragueul.
Gueuldjik, lac, 95 n.
Guicvch, village, 62 n
Guillaume l'horloger (.Maître),
XXIX-XXXI, XXXIV, 19,
216.
Guivra, rivière, 64, voy. Gueuk
aghadj sou.
Gulbehar Khanoum Sultane,
28 n.
Gumuchâbad, bourg, 62 n
TABLE ALPHABETIQUE
Guinuch Khancli, GG n.
Gunde (Alonsignor de), voy.
Rogendorf (Christ, de).
Gurendèh, village, 65 n.
Guyemé, voy. Guievèh.
H
Habib Qaramanly, (^5 n.
Hadji, ciief de rebelles persans,
263.
Hadji Bektach, 66 n.
Hadji Hamza, village, 65 n.
Hadji Kcuy, village, 6G n.
Hadji Khalfa, 67 n., 70 n.,
72 n.. 78 n., 79 n., 80 n.,
89 n., 90 n., 91 n., 97 n.,
157 n.
Hafça Sultane (Tombeau de),
29 n.
Hamadan, 56 n., 264.
Hamah (Aman), loi, iio n.
Hammamly, village, 64 n.
Hammanly sou, rivière, 64 n.
Hamman sou. rivière, 149 n.
Hammer (M. de), 60 n., 61 n.
Hamon (Joseph), médecin, 48 n
Hamzèh Mirza, 82 n.
Handak, village, 63 n.
Hanque (La), voy. Khanqah.
Happclius, LX.
Hâscn (Montagne de), 73 n.
Hassan Pacha, 149 n.
Hassan Qalèh, 76 n.
Hateldjewiz, voy. Adildjivaz
Hayton, 91 n.
Hébron, 126.
Hecht Behicht (Palais de), 84 n.
Hélène (Sainte), ii4n., 115 n.,
116.
Henri II, XXVI, XXVIII, XXIX.
XXXV, XL VI, XLVIII, XLtX ,
LUI, LX, 17, 20 n., 21 n.,
165 n., 261.
Heraclée, voy. Erekly Qaraman.
Heyduques (Les), 192 n.
Hiberni (Ibères), voy. Géorgiens.
Himg, iio n.
Hiny (Rivière de), 78 n.
Hisn Zyad, voy. Kharpout.
Hissardjiq, 71 n.
Hongrois (Les), en Dalmatie,
Houlagou, 87 n.
Hour Aga, 265.
HoLisscïn (Khan), caravansérail,
140 n.
Hunada, Huvada, voy. Handak.
DES NOMS DH PERSONNES ET DE LIEUX
279
Hussein (Khnn), 26G.
Hiiyson (M. d'), XXXII, LX,
19, 20. 218, 2!9-225.
Ilycics (Los îles tl'), LI, 21 11.
Ibcrcs (Les), voy. Géorgiens.
Ibn Albi Daoud, 145 n.
Ibn Chohna, 100 n.
Ibn el Bayyat, 82 n.
Ibrahim, fils d'Edliem, prince de
Balkh, 143 n.
Ibrahim Pacha, XV, XIX,
XXXVIII, XLI, 25 n., 162 n.,
163 n., 182, 238 n., 239 n.,
241 n.
Ibrahim bey Qaraman Oglou_,
147 n.
Ibrahim bcy, drogman de la
Porte, XXXV n.', XLIX.
Lonium, voy. Q.oninh.
lenytchcrylar, 232 n., voy.
Janissaires,
lenyichery yaz'.djissy (Le), 23 2 n.
Ilidjâ, village, 149 n.
Hidjch, village des bains d'Erze-
roum,74 n., — (Lcigc, T.yse),
92 n.
Imad Lddin Zengiiv, 97 n.,
100 n.
Imams (Lcs)^ 230 n.
Imrakhor bachy, voy. Hmir akhor
bachy.
Imralem, voy. Emir Miralem.
Indjch Balaban, 12 n.
Inogethe, 197.
Inrahorbassy, voy. Emir akhor
bachy.
Iris (L'), rivière, voy. Yechil
Irmaq.
Iseo^ 2.
Isfendiar (Palais d'), 67 n.
Iskemlèdjy (L'), 229 n.
Iskenderoun, voy. Alexandrettc.
Iskcnder Tchclèby, 88 n.
Isnic, voy. Kicée.
Ispahan, 56 n., 264.
Izay, voy. Iseo.
Txmid, IzuJmid, voy. Xicomédic.
2^0
TABLE ALPHABÉTiaUE
Jacob (Pont de), 113.
Janguier bassa, voy. Djihanguir.
Janissaires (Les), 42, 43, 45,
230^ 232, 242, 248.
Jare, voy. Zara.
Jean III, roi de Portugal, XL VI.
Jean-Baptiste (Saint), 112 n.,
115 n.
Jérôme (Saint), 126.
Jérusalem,XXXVIII-XLVI, 116-
125, 137, 138,139,255,256;
— (mufti de), XL.
Jonus Bey^ voy. Younis Bey.
Josaphat (Vallée de), 124.
Joseph (Puits de), 113.
Jourdain (Le), 113.
Joussouf Mirza, 68 n.
Judée (La), 106, 248.
Juifs (Les), à Andrinople, 16 n.;
— à Antioche, 144 n.; à
Constantinople, 31, 32, 188,
189; — à Pesaro, 48 n.; — à
Tibériade, 48 n., 114 n.; —
à Venise, 3.
Jules III, pape, XLVI.
Justo di Argento, 212 n.
K
Kachan (District de), 264.
Kaffa^ en Crimée, 5 6 n.
Kaïl, rivière, 71 n.
Kanguery, Kianguery, en Asie-
Mineure, 64 n., 65 n.
Karaboudan, 199.
Kasseky Khourrem (La), voy.
Roxelane.
Keboudan (Lac), 87 n.
Kei Qpbad, 67 n.
Kelkid, ville, 70 n.
Kelkid tchay, rivière, 70 n.
Kéredy, voy. Gueredèh.
Khaïr Eddin Pacha(Barberousse) ,
XI, 156, 157 n., 240,245.
Khandak, village, 63 n.
Khanqah (Langan, La Hanque,
Hanque,laCanique,Chancha),
128 n.
Kharpout, Khartpert, 95 n.
DES N'OMS DE PF.RSONNI-S V.T DV. I.IFUX
28t
Khasscki (Li), voy. Koxelanc.
Kh;i/àncdar b.ichy (Le). 40,
237 n., 23S.
KhouJavendi^ui.ir (Province Je),
^ 149 n-
Khounous (ChAte.iu de). 78 n.,
89 n.
Khounous Q,ilch, bour^, 89 n.
Khourrem Pacha, XLI.
Ivhoy, ville, 80 n., 263.
Kiahya(Le), 23 i n
Kinneii- (Mac Donald), 92 n.
Kourr (Le), 78 n.
Kurdes (Lei), 56 u., 82 n.,
89 n., 247 n., 264.
Kurdistan (Le), 56 n.
Kustendjèh, 13 n.
Kutayèh, 48 n.
Kutchuk Tchekmcdjch , voy.
Ponte Piccolo.
Laboullaye Le Gouz (De), 77 n. ,
82 n.
Lacédémone, 158.
Ladaquiè, voy. Lataquiè.
Ladik (Laodicea), ville, 68 n.;
— (Lac de), 69 n.
Ladislas de Naples, roi de Hon-
grie, 7 n.
La Forest (M. de), LV, 239 n.
La Garde (Le baron de), L, 154,
155 n. , 158, 165 n.
Lala Chahin Pacha, 14 n., 16 n.
Lala Moustafa Pacha, 27 n.,
163 n.
La Mirandole, ville, VI, Yll, X,
— (Le comte de), \l, XIV.
La Mothe (M. d'Apigny de),
VI, VIL
Langan, voy. Khanqah.
Lansac (M. de), 49.
Lanz (Karl), 175 n.
Laodicea, voy. Ladik et Lataquiè.
Lasky (Hieronymo), 175, 176,
177.
Latania, voy. Handak.
Lataquiè, 144 n.
Laudun (Jeanne de), III.
Laziquiè, voy. Lataquiè.
Lcbisa, voy. Gueibizè.
Leige, voy. Ilidjèii.
Léon l'Africain, 128 n.
Le Roy (André), 129 n.
Lésina (Ile de), 8.
Leunclavius (J.), 150 n.
Libyssa, voy. Queibizè.
Lidichia, voy. Lataquiè.
282
TABLE ALPHABET laUE
Ligos, prince aménien, 99 n.
Lihalî (Château de), 265.
Lingua (La), 150.
Liverous (Les), voy. Géorgiens.
Livrigia, 149.
Lodève (M. de), voy. Gabre
(Dominique de).
Lonato, 2.
Loranzo (Francisco), 100 n.
Lorcli (Melchior), LX.
Lucullus, 144 n.
Luetz d'Aramon (Famille de), IIL
Luna (Dona Béatrice de),48n . ,49 .
Luna, voy. Lonato.
Lurcislav, roi de Croatie, 7 n.
Luthfy Pacha, XVIII, 157 n.
Lycaonie (La), 247.
Lycie (La), 247.
Lycus (Le), 70, 71.
Lydie (La), 246.
Lyon, 2, 48 n. . -
Lyse, voy. Ilidjèh.
M
Macharus (Château de), 115 n.
Madruce, Madruzzo (Alisprand,
Christophe et Georges), 164 n.
Madruzzo (Le cardinal), X,
164 n , 165 n.
Magharat Eddem, 112 n.
Mahmoud (Maumetto , Mau-
muth), drogman, 198, 200.
Mahomet, le prophète, 33.
Mahomet II, 26 n., 27 n., 38 n.,
60 n., 147 n.; — (mosquée
de), à Constantinople, 28.
Malathia, ville, 95 n.
Mallesiche, voy. Milosanzy.
Malte, XL VIII, 152.
Miiltcpèh, 60.
Malvezzi, XXXV n., XXXVI n.,
XXXVIII n., XL VII n.
Malvoisie (Château de), 159.
Maqrizy, 129 n.
Marano, ville, X.
Mardin, 93 n.
Maritza (La), fleuve, 14. . -
Marmora, 157 n.
Marseillais, au Caire, 137.
Martinuzzi (Georges) , 172 n.,
181, 203, 213.
Martoloses (Les), 192 n.
Massoudy, 98 n.
Mataréc (La), 130.
Matbakh Eminy (Matpach emin),
231.
DES NOMS DI- PHRSONNHS ET DK LIEUX
2«5
Maumetto, M;uimuth, voy. M.ih-
moud.
Maundrell, 142 n., 143 n.
Mechterbassy , voy. Mchtcr
bachy.
iMcdjdcl Andjar (^ Mcziddicc ) ,
140 n.
Még.ire, 159.
Megrcs (Château de). 2^ n.
Mcgucz, voy. Miquc;:.
Mchdy cl Hachimy, XLI, 238.
Mehemmcd Efendy , cadi d'A-
dana, 241 n.; — cadi de Jc-
rusalem, 258.
Mehcmmed Piry Pacha , voy-
Piry Pacha.
Mchemme i SokoUy Pacha, 48 n.,
163 n., 240 n.
Mehran Roud, rivière, 85 n.
Alchter bachy (Le), 236 n.
Mekke (La), 33, 24S.
Melazguerd, 90 n.
Melik Eddahir Ghiath Eddin
Ghazy, 100 n.
Melik Elechref Khalil , lils de
Q.^>laoiin, 10 1 n.
Melik Elniouzaffer Omar, non.
xMelik Ennassir Faradj , fils de
Barqouq, 10 1 n.
Melik Essalih, ino n.
Melik Ghazy, 69 n.
Mehk Sultan, 73 n.
Ménard(Léon), III, LIX.
Menazkert, voy. Melazguerd.
Meraou, rivière, ^i n.
Mérend, ville, 82 n.
Mergues Calassy, voy. Mcrkcz
Qalass}'.
Mering, voy. Mérend.
Merivan, 56 n.
Merjuva, vov. le suivant.
Merkcz Q-ilassy, 145 n.
Merzifoun, voy. le suivant.
Merzivan, village, 68 n.
Mésopotamie (La), 106, 2.(7,
24S.
Messis, Messissah, ville, 145 n.;
— (Pont de), 143 n.
Mcthelin, 245.
Mewlana Djelal Eddin Ronmy,
147 n.
Meziddlec, voy. Medjdcl Andjar.
Mieles, voy. Milosina.
Mihroumah Sultane, XIX, 59.
Milan, 164, 165 n.
Milazguird, 78 n.
Milosanzy, 12 n.
Milosina, un.
Minièh (Khan) , caravansérail ,
ii4n.
Miquez (Don Juan), voy. Nasi
(Joseph).
Mirabel (Le s' de), voy. .Astars
(Joachini des).
Mir Cheret-Hddin, 90 n.
Modon, 157 n., 158.
Moffan (Nicolas de). 162 n.
Mohammed, fils d'Ibn cl Bayyat,
82 n.
Monouc, voy. Eunuque.
284
TABLE ALPHABETIQUE
Montcalm (Jean de), III.
Montesa, i8i.
Montluc (Jean de), XI, XII, XIII,
157 n., 165 n., 177, 185, 186,
187.
Montmorency (Le connétable
de), XXIX.
Morée(La), 158.
Morvilliers (Jean de) , évêque
d'Orléans, XIV, XXV, XXVI,
XXVIII , XXIX , XXX ,
XXXIII, 4.
Mosquées, à Aiep, 162 n.; — à
Andrinople, 16 n.; — à Aq-
cheher, 148 n.; — à Boly,
63 n. ; — à Constantinople,
28, 29; — de Djihanguir,
162 n.; — à Esky Cheher,
149 n, ; —va Merzifoun, 68 n.;
— à Sabandjèh, 6t n.; — à
Tébriz, 84 n.
Mouch, ville, 90 n.
M ou r ad dagh (Le), 62 n.
Mouteferriqa (Les), XXV, 23 3 n.
Moutewekkil, 82 n.
Mouton blanc (Dynastie du) ,
85 n.
Murad I" (Sultan), 16 n.. 149 n.
Murad II, 68 n., 162 n.
Murano (Ile de), 4 n.
Mus (Le capitaine), voy. Nas.
Mustafa (Sultan), fils de Sultan
Suleyman, XV, XVII, XIX,
162, 163, 165 n., 182, 201.
Mustafa Pacha, 8 n., i4n.,63n.,
149 n., 239 n., 241 n.
Mutefaracha, voy. Mouteferriqa.
N
Nadasdy (Thomas), 171.
Nakhtchivan, 266.
Naplouse (Sichar, Sichem),
116 n.
Napoli deRomanie, 159, 239 n.
Nas (Le capitaine), 164 n.
Nasi (Joseph), 48 n., 1 14 n.
Nassangibassi , voy. Nichandjy
b.ichy.
Nassirièh (Collège de), 70 n.
Nassiri Khosrau, 93 n., 129 n.
Navagero (Bernardo) , XVIII,
XX.
Naxos (Duc de), voy. Nasi
(Joseph).
Nazar (Khan), 266.
Nazareth, 115.
Nazik Gueul, lac, 89 n.
Neby Danial, village, no n.
Négrepont, 159, 245.
DES NOMS DE PERSONNhS JiT Dh l.lhLX
J«s
Xcmrod, 97 n., 99.
Xcocesarcii, voy. Nikss.ir.
Xicc, LL
Kicce_, 149.
Xiccphore, 100 n.
Kiccphore Phoc.is, i.|4 n.
Xiccron (Le P.), 138 n.
Nich (Xissa), 12.
XichanJjy bacliy (Le). 242 n.
Xicolas R', p.ipc. 32 n.
Xicolav (Nicolas Je)^ XLIX,
lv,"l\i.
Nicomcdic, 61,1 51).
Nikssar, C^) n., 70 n.
Nil (Le), 130, 133, n^. 13^^-
Ninivc, 247.
Nissar, voy. Nikssar.
Noailles (François de), 58 n.,
167 n.
Nossensoffilert, 90.
Nour Eddin, ino n.
Novibazar, 1 1.
Octomang'nc, voy. Osmandjiq.
Oda bachy (L'), 228 n., 231,
-ij-i.
Oetting (l-lisabeth d'), XXIV.
Olach, vi.y. Oulaq.
Oldjnïtou (Sultan), 79 n.
Oliviers (Mont des), 124.
Olopha, voy. Uloufèh.
Olophagibassi, 235.
Omar, fils d'Abd el Aziz, 257.
Omar ibn cl Khattab, 100 n.j
257-
Omedcs(D. Juan), XLVIIL
Orkhan (Sultan), 61 n., 150 n.
Oronr'^rL'), no n., 144 n.
Ortasia, -oy. Tartous.
Orseolo (P.), 7 n.
Osam (Osain), voy. Khan
Housseïn.
Osdan, voy. Van (Lac de).
Osman (Sultan), 66.
Osmandjiq, château, 63 n., 66 n.
Otto Heinrich, duc de Bavière,
LVL
Oulama Pacha, XXXVIL
Oulaq (Les), 234 n.
Ourfah (Orlah, Ldesse, Roha),
97 n., 98, 247.
Ourmiah (Lac d'), 86 n.
Outouraq (Les), 233 n.
Ouzoun Hassan. 68 n., 70 n.,
71 n., 76 n.^ 84 n.
286
TABLE ALPHABÉTIQUE
Pachas (Les), leurs fonctions,
41, 238.
Pagani, 129 n.
Pagech, voy. Bidlis.
Pallavicini (Sforza), 172 n.
Pamphylie (La), 246.
Paphiagonie (La), 246.
Paradisus, ville, m n.
Parance, voy. le suivant.
Parenzo, 5.
Parga, 239 n.
Paros, voy. Ponte Grande.
Paruta, 157 n.
Paspati, 28 n.
Passin (plaine et bourg de), 76 n.
Paul IIL VL
Paule, voy. Pola.
Paulin (Le capitaine), voy.Polin.
Peïk(Les), 234.
Pellicier, évoque de Maguelonne,
V, VI, VII, IX, X. ^
Péra, 19, 23 n., 31, 32, 40,
165 n., 244.
Pereny (Peter), 170, 171, 178.
Persans (Les), 174, 262, 263,
264.
Perse (La), XXII, XXXII,
XXXVI, LI, 55,56n., 175 n.;,
213,254.
Peruzzi (François de), LI.
Perybacha, voy. Piry Pacha.
Petchewy, XXII n., 90 n.
Petit Pont, voy. Ponte Piccolo.
Petrimo, voy. Batroun.
PetrusMaronitadeLibano, 175 n.
Philippe II, 165 n.
Philippopoli, 13.
Phocas (Nicéphore), 144 n.
Phrygie (La), 247.
Piémont (Guerre du), V.
Pigeons voyageurs, au Caire, 127
Pir Dedèh (Tombeau de), 68 n.
Piry Pacha, XXXVII, XLV,
25 n., 14e n., 239 n., 240 n.
Pisani (Vittore), 8 n. . .
Pisogne, 2.
Pizone, voy. le précédent.
Pleoljiè, 10 n.
Pleonie, voy. le précédent.
Poitiers (Diane de), V.
Poitiers (Guillaume de), seigneur
de Saint -Vallier, V.
Pola, 5, 6.
Polin (Le capitaine), IX, X, XI,
155 n.
Pont (Le), 246.
Ponte Grande (Buyuk Tchek-
mèdjèh), 18 n., 217.
DÏÏS NOMS DE PI-RSONNi:S HT Hl- I II-UX
:87
Ponte Piccolo (Kutchuk Tchck- Poulet (A), 84 n
mcdjch), 19 n.
Ponza(Ilcs), 164 n.
Port;iry, 73 n.
Portioncula(Couvent(ie),XLlV.
Prcpouillc, voy. le suivnnt.
Pricpoljè, ion.
Provence (La), V, IX. XI, LI.
LVII.
Postel (G.). LV,LVI, 13S, 139. Pylac Ciliciac. 145 n,
Q
Q.adi Keuy (Chr.lcédoinc), 59 n.
(iihqahah (Château de), 56 n.
Q.ipidjilar Kiahiassy, 42 n.
Qnpidjy bachy (Les), 42, 229 n.
Qapy aga (Le), 40, 229 n.
Q.ira Amid (Diarbekir), 92 n.
Qara Arsian, village, 149 n.
Q,ira Derbend (Défilé de), 80 n.
Q.aradjalar, village, 64 n.
Qaragueul, lac et village, 64 n.
Qara Ki.pry Sou, rivière, 89 n.
Q.ara Sou^ rivière, 90 n.
Q,ira Youssouf, 76 n.
Qartal, bourg, 1500.
Q.issim Pacha, 239 n.. 2.|.i n.
Qassioun (Le mont), 112 n.
Qastcmounv(Provincede),(;2n.,
63 n.
Qathièh, bourg, 127 n.
Qazwin, 85 n., 163 n., 264.
Q.ilidj Arsian, 147 n.
Qiprchaq (Le), XXXIL
Qir Chehcr, 65 n.
Qizillrmaq. 65 n. , 66, 6Sn.,i.}6n.
Qizil Tcpèh. 264.
Qodja Ili (District de), (To n..
63 n.
Qpdja Sinan, arciiitecte, 20 n.
Qpniah (Iconiuni), XXXV,
147 n,, 163 n.
Qptch Hissar, bourg et district,
64 n., 65 n.
Qpuiounari, voy. le suivant.
Qpuioundjy (L'js), 2.15 n.
Qpum, $6 n., 2G.\.
Qournah, 78 n.
douvly hissar, 71 n.
Q.juyoun Baba, 66 n.
Qtniyounly baba (Les), 66 n.
Quesiliemac (Le), voy. Q.i/.il
Irmaq.
Quirmas Kh.v.i, 266.
288
TABLE ALPHABETIQUE
R
Raghib Tchéléby, nichandjy ba-
chy, 21711.
Raguse, 8, 911., 154, 180, 181,
197, 198, 202, 203.
Ragusais (Les), XXIII, XXV.
Raman, voy. Ramlèh.
Ramazan Oglou, 146 n.
Ramlèh, 126 n.
Rarech (Elie), hospodar de Mol-
davie, 199 n.
Reggio, L.
Regium, voy. Ponte Piccolo.
Renée de France, LVII, LVIII,
167.
Rhodes (Ile de), 197, 238 n.,
240 n., 241 n., 245.
Rogendorf (Christophle de), dit
comte de Rocquendolf ou Ro-
guendolf, appelé aussi monsi-
gnor de Gunde, ou Conde,
XXIII, XXIV, XXV, LI, 21-
25, 199, 200, 203, 205-212,
217, 225.
Roha, voy. Ourfah.
Rosermanige,voy.Rouznamèdjy.
Rosette, 13 e.
Rostan, voy. Rustem.
Roumélie (La), XXXV.
Rouznamèdjy (Les), 237 n.
Roxelane, XV, XIX, XXII,
XXXIII.
Ruscelli, 165 n.
Rustem Pacha, XVIII -XXI,
XXIII, XXIV, XXXIV, LX,
76, 88 n., 114 n., 182, 183,
184, 188, 195,202,211,263.
Saat Tchiqour, 266.
Sabandjèh, 61 n.
Sabandjy Khodja, 61 n.
Sabangil, voy. Sabandjèh.
Sabasty, voy. Sebastc.
Sabéens (Les), 98 n.
Sacca (Les), 231.
Saint-Benoît (Église de), à Cons-
tantinople, 32 n.
Saint-Blancard (Le baron de) ,
36 n.
Saint-Jean d'Angély, LVII.
DES NOMS DE l'HRSONNLS LT D\i 1.1 LUX
îS.)
5aiiK-S;iuvcur (Couvent du) , à
Jérusalem, XL\'l.
Sainte-Sophie (Mosquée Je), 27,
28 n.
Saint- François (hglise de), à
Constantinople, 32 n.
Saint-Martin(J.de),75 n., 87 n., j
99 n- i
Saint-Sava (Monastère de), 10, '^
II. ;
Saint-Sépulcre (Hglise du), 121. |
Saint - Simphorien (M. de) , ,
XXVIII. I
Saint- Vallier (Le s"" de), voy. '
Poitiers (Guillaume de). i
Sakaria (Le), rivière, 62 n., 64 n. '
Saladin, non., m n.
SaLihièh , faubourg de Damas,
1 1 2 n .
Salahyèh (Sallayé, Salachie, Sa-
Iachia,Salqule), village, 128 n.
Salares, 197, 198.
Salerne (Le prince de), L.
Salivrée, voy. Silivry.
Sallengre, 138 n.
Salomon (Temple de), 119.
Samaritains (Les). 116 n.
Samsoun, ville, 69 n
Sandyklou Sou, rivière, 149 n.
Sangary (Le), voy. Sakaria.
Sangiachs (Les), 45, 46, 246.
Sangiachbeys (Les), 45.
Sara emin, voy. Cliari' Eminy.
Saragna (Combat de), 165 n.
Saraptar, voy. Chcrabdar.
Saraydar bassy (Le), 22;.
Sarras (Jacques de), seigneur de
Bernis, III.
Sarus (Le), voy. Sihan.
Sary Rustem Pacha, 61 n.
Sathourah, puits .'i Alep, 100 n ,
Saulachi, voy. Solaquis.
Sava (Saint), 10 n.
Savatz, voy. Sivas.
Sayd Eddaulèh, 100 n.
Scepecly, voy. Sepetlv.
Schelikmark, voy. Q.!/.il Irmaq.
Schemligi, voy. Iskcmlèdjy.
Scutari , on Asie - Mineure ,
XXXV, LX, 59, 161, lOon.,
1 o —
Sebaste, Sebastièh. 115 n.
Sebenico, IX, 7, 8, 241 n.
Sechmenbassy, voy. Scgban ba-
chy.
Secco (N.). voy. Sicco.
Sèfèvys (Les), 85 n.
Segban Ada (Défilé de), So n.
Segban bachy(Le), 44, 23.}.
Sehend (Le mont), 85 n., 87 n,
Seïd el Ghazy, village, 62 n.
Seïf Eddin Djekem, loi n.
Seif Eddaulèh, 100 n.
Seilechuw 145.
Seïmen bassy (Le), voy. Segban
bachy.
Seldjouq Sultane (Tombeau de),
29 n.
Scletkèh, i.j5 n.
Séleucus, 100 n. 19
290
TABLE ALPHABÉTiaUE
Seleucus Nicator, 144 n.
Sélim P"- (Tombeau de), 29 n.
Sélimll, XXXV,XXXIX,-49 n.,
163, 182, 238 n , 240 n.,
241 n.
Selmas (Montagnes de), 80 n.
Selve (Odet de), Lin., 156 n.,
164 n.
Semendria, 241 n.
Sénéchale (La grande), XXX.
Sepetly, village, 69 n.
Sept Tours (Les), 24.
Sérail (Le), à Andrinople, 244;
— à Constantinople , 25, 26,
227, 229, 230, 243; — à
Pèra, 244.
Serlingan, ville, 264.
Serraf, Serrafiers (Les), 238.
Seure (Michel de), 153 n., 167.
Seyd Ahmed Kebir (Couvent de),
68 n.
Seyd Ghazy (Ville de), XXXV.
Sforza (Gui d'Ascanio), 167 n.
Sicile (La), 152.
Sicco (Nicolas), 173 n.
Sienne, 157 n.
Sifanto (Ile de), 165 n.
Sihan (Le), rivière, 146 n.
Silahdar (Les), 228 n., 233,
243.
Silan (Les monts). 87 n.
SiUchtar, Silihdar, voy. Silahdar.
Silivry, 18 n., 241 n.
Sinan Aga, 163 n.
Slnnn Pacha, XLVIII, 140 n.
Singas,, fleuve, 250.
Sion (Mont), XXXLK, XL,
XLIV, 117, 255, 258.
Sipahoglan (Les), 230 n., 233,
244.
Sipahy (Les), 246, 247, 248.
Sisfaf^ voy. Sugut.
Siwas (Ville et Province de),
XXXV, 67 n., 68, 163 n.
Sobassi, voy- Soubachy.
Sofia, 12, 13 n.
Solachbassy (Le), 233.
Solachler, Solaqlar, voy. Sola-
ques.
Solaques (Les), 43 n., 233,
243.
Soliman (L2 Sultan), voy. Su-
leyman.
Sonqor bay Chemsi Pacha, 62 n.,
6^ n.
Sophian, voy. Soufian.
Sophy (Le), voy. Chah Thah-
masp.
Soranzo (Jacopo), 18 n.
Soubachy (Les), 47, 246.
Soufian, village, 82 n.
Sourkhâb. rivière, 87 n.
Sovas, 94.
Spachoglan (l-cs), voy. Sipaho-
glan.
Spahis (Les), 45, 46.
Sténo (Le doge Michèle), 8 n.
Stéphane (Lac), voy. Ladik.
Sugut, Sugutdjik, 149.
Suisse (La), 15.}.
DES NOMS Dli PHRSONNF.S HT DE LIEUX
291
Sulcymnn (Sultnn), IX. XIII,
XV-XVIII, XXIX, XXXV,
XXXIX, XLTI,XLVII,XLIX,
LX, 14 n., 15, 16 n., 18 n.,
19 n., 20 n., 27 n., 29, 3811.,
48 n., 56 n.. 59 n., 60 n.,
69 n., 76 n , 80 n., 83 n.,
88 n., 90 n., 118 n., 149 n.,
157 n., i62n., 163 n., i66n.,
218, 238 n., 239 n., 240 n.,
241 n., 2)9-
Sulcymnn Pach.i, XVIll, XIX.
SulunEuny (District cIl). i.}9 m.
Sultiianich, 85 n.
Syrie(I.a), XXXVIII, 106, 2.;S.
Tachlidjch, voy. Plcoljc.
Tadj EdJin Aly Clûh, 79 n.
Talismans, voy. Imams.
Tara, pcrc d'Abraham, 98.
Tarreau (Imbert), V.
Tartous, ville, 141 n.
Tas bouniary, fontaine à Thossia,
65 n.
Taschereau (M.), LIX.
Tatar Bazardjik, XIV, 13 n.
Tatars (Les), à Alcp, loi n.
Tauris^ voy. Tebriz.
Taurus (Le), i.|7, 247.
T.avachy, voy. Tiiaraqly.
Tavernier, 26 n.
Tchachneguir bacliy (Le), 231 n.
Tchachne^uir Kuprussy, pont,
65 n.
Tchaldiran (Plaine de), 82 n.;
— (bataille de), 240 n.
Tchaouch B.'.chy, 41 n.. 235 n.
Tchardaqly, 71 n.
Tcherkcs, bourg, 64 n.
' Tcherkes Sou, rivière, 64 n.
j Tcliernica^ village de l'Herzégo-
I vinc, ion.
Tcliibouq Arassy(Plainede),65 n.
Tchiftou, rivière. 87 n.
Tchihatchef (M. de), 62 n..
64 n., 0) n.. 69 n., 70 n.,
149 n.
Tchoban Kara Hissar, 71 n.
I Tchoban Kuprussy, 78 n.
1 Tchobanlou (Les), 71 n., 73 n.
Tchoban Mustafa Pach.i, 150 n.
Tchoban ormnny, 71 n.
Tchoqadar (Le), 228 n.
Tchouroum (Sandjaq de), 66 n.
Tebriz, XXXVII, 82, S;, 8411.,
I 85. 86. :62.
292
TABLE ALPHABETIQUE
Teftou, rivière, 87 n.
Telcfour Seray, à Constantinople,
27 n.
Telvrit, 78 n.
Tela, île et lac, 86 n.
Teranèh, village, T33 n.
Terchan Sou, rivière, 68 n.,
69 n.
Tereck (Valentin), 170, 178.
Terdjil (Le), rivière, 78 n.
Tcrdjuman (Le), 234.
Termes (Paul de la Barthe,
seigneur de), 164 n.
Tcrshanèh, arsenal à Constanti-
nople, 38 n.
Tcrunitis, voy. Teranèh.
Thabor (Mont), 115.
Tharaqly, ville, 62 n.
Thenaud (Jean), 129 n.
Théodore Lascaris I", 149 n.
Théodosiade (L'exarque de la),
144 n.
Thèodosie, voy. Thossia.
Thevet (André), LIV.
Thiboust (Jacques), sieur de
Quantilly, IL
Thionville (Siège de), 22 n.
Thomas (Le chevalier), VIIL
Thossia, ville, 65 n.
Thou (De), 20 n., 164 n.
Tibériadc, 48 n., 114.
Ticpolo (Nicolo), 6 n.
Tigrane, roi d'Arménie, 144 n.
Tigrane II, 71 n.
Tigre (Le), 78.
Timour, 68 n., 72 n., loi n.,
iio n.
Timourtach Pacha, 69 n.
Tocat, ville, 67 n., 69 n., 247.
Tocquato, voy. le précédent.
Topgibassi (Le), 23 5 .
Topzig(Les), 235.
Tophanèh, fonderie de canons
et quartier à Constantinople,
38 n., 162 n.
Tortoum, ville, 265.
Tortous, Tortose, voy. Tartous.
Toscia, voy. Thossia.
Toumanbay (Sultan), 238 n.
Toundja, rivière, 16 n.
Tournon (Le cardinal de), LU.
Touzla, 60 n.
Transylvanie (La)^ 202, 203.
Trébinié, 9.
Trébizonde, 247.
Trente (Le cardinal de), Chris-
tophe Madruzzo, X, 164,
165 n.
Trente, ville, X.
Trevisan (Marc' Antonio et Do-
menico), 129 n.
Trilago (Paolo de), VIL
Tripoli de Syrie, 140, 141 n;
— de Barbarie, XLVIII, XLIX,
151, 152, 153 n.
Turcomans (Les), 247.
Turcs (Les), à Venise, 3 n.; à
Sebenico, 8 n.
Turkestan de Ja Perse (Le), voy.
Khoy.
DES NOMS D\L PERSON'Nl-S Hl' 1)1-; LlhfX
Tymar (Le), 229. |
i'M
U
Ugrinovicz, 199, 208, 210.
Ulach (Les), vov. Oiilaq.
Uloufèh, solde, 229 n.
Uloutcdjy (Les), 235 n.
Uskudar, voy. Scutnri.
Usunnassan, voy. Ouzoun lLi->-
san.
\'ahichie (La), 199.
^'alencienncs, secrétaire d'am-
bassade, 17.
Van (Château de), XXXVII, 87,
88, 263.
\an (Lac de), 79 n., 87, 89.
\'an der Aa, 181.
\'arasdino, 202.
Vargas (Don Juan de), 165 n.
Vasdan, voy. Van.
Veltwick (Gérard de), XI-XI\',
XXII, XXIII, XXIX, XXXIV,
LX, 169 n., 201, 206, 209,
210, 212, 215, 219.
Venise, V, IX, XXVIII, 2, 3.
154, 155 n.
Vénitiens (Les), à Alep. 100,
— à Corfou, 156; — en Dal-
matie, 8.
\'esnadar, \'eznèdar(Les),23 7 n.
\'iennc, XX\'.
Vilhelmo, l'horloger, vov. Guil-
laume.
Villamont (De), 141 n.
\'illemontée (Antiioinc), 166 n.
\'iIlottc (Le Père), 83 n.
\'iran Cheher, district et ville.
62 n., 63 n.
Vivien de Saint-Martin (M).
LIX.
\'lambcg, 202. 214.
294
TABLE ALPHABÉTIQUE
w
Wady Ezzeïtoun, 99 n.
X
Xérolophe (Le)^ à Byzance, 30 n. |
Y
Yaqout^ 98 n., 127 n.; — le
calligraphe, 150 n.
Yechil Irmaq, rivière_, 67 n.,
68 n., 69 n., 70 n.
Yenisus_, voy. Younis.
Yldiz Tchay, rivière^ 69 n.
127 n.
Younis Bey (Jonus Bey), X,
XXV, XXXIV, 179, 183,
184, 185, 186, 187,, 188, 190,
193, 194, 195, 196, 198,203,
207, 211, 215, 216, 217.
Younis (Khan), caravansérail, Younis Pacha, 240 n.
Zaccharia (Le Père), 208.
Zagardjy bachy (Le), 234.
Zagreb, 202, 214.
Zaharten, gouverneur d'Arzind-
lan
;- /
2 n.
Zamnicas (Jean Miquex), voy
Nasi (Joseph).
Zanchano (Francesco), 208.
Zane (Matteo), 140 n.
Zaniligibassi, Zaniligiler, voy
Di:S NOMS Di; Pl-RSONNi:S LT Dl: LlhUX
i9S
DoghanJjy b.ichv.
Zante, 157.
Zapolia (Jc.m), roi de Hongrie,
23 n., 172 n.
Zani (J.irc), 6. 7 n.
Zeïroun, c.inton, (>3 n.
ZcnJjy (L.-), rivicrc, 7S n.
ZobciJ6li, fomnu- Je H.uojn
l-]rrechij, 83 n.
Zoiilq.iJrich ( Pioviiue de ) ,
2.}i n; — (Dynastie des).
-\7 '1-
CORRECTIONS
Page XV, ligne 21 -.au lieu de Kasseky, il faut lire Khasseky.
Page XVII et dans les pages suivantes : au lieu de Vézir, lire Vizir.
Page 16, note ligne 5 : au lieu de Chalin, lire Chahin.
Page 71, note 5 : au lieu J^ Ardingichy^ lire Artingiely.
Page 91, note i, ligne 18 : au lieu de Benir^ lire Béni.
Page 139, note i, ligne 5 : au lieu de Bosphoro, lire Bosporo.
Page 140, note i : Le gouverneur de Damas dont parle Ches-
neau était Piry Pacha qui avait succédé à Sinan Pacha.
Page 143, note^ ligne 9 : au lieu de Maundeel, lire Maundrell.
Page 164, note 3, ligne 6 : au lieu de Les Ponza, lire les îles
Ponza.
ANGERS, IMP. BURDIN ET C'*, 4, RUE GARXIER