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Full text of "Recueil de voyages et de documents pour servir a l'histoire de la géographie depuis le XIIIe jusqu'á la fin du XVIe siècle"

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UNIVER5ITY  OF  PITT5BURGH 


Uarliiigton  JVleinorial  J_<ibi 


RECUEIL    DE   VOYAGES 


DOCUMENTS 

pour  servir 

A   L'HISTOIRE    DE    LA    GÉOGRAPHIE 

Depuis  le  XIII"  jusqu'à  la  fin  du  XVI"  siècle 

r  c  n  L 1 1' 

Sous  la  direction  de  MM.  CH.  SCHEFER,  membre  de  l'Institut 
et  HENRI  CORDIER 


VIII 


LE  VOYAGE 

DE    MONSIEUR   D'ARAMON 


AMBASSADEUR    DU    ROY    LN    LEVANT 


ANGERS,    IMPRIMERIE   BURDIX    ET   C'%    4,    RUE    GARXIER 


Le  Voyage 


DE 


MONSIEUR    DARAMON 


AMBASSADEUR  POUR  LE  ROY  EN  LEVANT 


ESCRIPT    PAR    NOBLE    HOMME 


JEAN    CHESNEAU 

L'un  Ji's  sui claires  diidicl  St'ii'ih'ur  ambassadeur 


Public  et  annote  par  .^L   CH.    SCHEFER,    membre  de  l'Institut. 


PARIS 

ERNEST   LEROUX,    ÉDITEUR 


18,      RUK      BONAPARTE,      28 

M.D.CCCLXXXVII 


INTRODUCTION 


La  relation  des  vovaocs  de  M.  d'^  dranioii  daiis  le  Levant 
5c'  compose  de  denx  parties  ;  la  première  est  consacrée  an 
voyage  de  Ragnse  à  Constantinople  et  la  seconde  retrace 
ritinéraire  snivi  par  cet  atnhassadeur  ponr  aller  rejoindre 
l'armée  de  Snltan  Snlcynian  et  retonrner  à  Constantinople, 
après  avoir  visité  la  Syrie  et  F  Egypte.  Cette  relation  n'est 
point  le  seul  récit  écrit  par  nu  Français  de  cette  stérile  cam- 
pagne de  Perse,  entreprise  par  les  Tnrcs  ponr  ruiner  hi  puis- 
sance de  la  dynastie  des  Séjévis. 

Jacques  Gassot ,  envoyé  à  Constantinople  au  mois  de 
décembre  ij4/ ,  chargé  de  dépêches  pour  M.  d'^Pramon, 
raccompagna  en  ^4sie-Mineure,  eu  Perse  et  en  Svrie.  Il  tint 
un  journal  exact  de  son  voyage  et,  au  mois  de  décendur  i)4S, 
il  le  remit  ci  M  de  Cotignac,  valet  de  chambre  du  roi  qui  re- 


n  INTRODUCTION 

hmnuiit  en  France.  Cette  relation,  écrite  sousjorme  de  lettre, 
est  adressée  à  niessirc  Jacques  Thihoust,  écnyer,  seigneur  de 
OuanliUy,  notaire  et  secrétaire  du  roi  et  son  élu  en  Berry. 
Elle  fut  imprimée  à  Paris  en  ij^o;  une  seconde  édition  fut 
donnée  en  iôo6  par  François  Jacquin  ;  enfin  il  en  parut 
une  troisième  à  Bourges,  en  1684,  sous  le  titre  de  Lettre 
écrite  d'Alep  en  Surie  par  Jacques  Gassot  sieur  de 
Deffens  à  Jacques  Thiboust,  sieur  de  Quantilly... 
contenant  son  voyage  de  Venise  à  Constantinople, 
de  là  à  Tauriz  en  Perse  et  son  retour  audict  Alep. 

Pierre  Gilles,  qui  accompagna  aussi  M.  d'^ramon,  avait 
ailrcssé,  de  son  côté,  à  son  protecteur  le  cardinal  d'armagnac, 
une  lettre  dans  laquelle  il  lui  racontait  toutes  les  péripéties 
du  voyage  de  Perse.  Nous  en  trouvons  la  mention  dans  un 
opuscule^  rédigé  pour  son  protecteur  et  consacré  à  la  descrip- 
tion d^in  éléphant  que  M.  d'^4ramon  aurait  voulu  envoyer 
au  roi  :  «  ah  illis  literis  quihus  proxime  sumnuim  totius 
nostri  itineris  ah  urhe  By:[Lintio  usque  ad  Tefricem  (TehrirJ 
Medicc  urhem,  inde  usque  ad  Berrboeam  Syriacani  tibi  bre- 
viterdesigmivi,  nihil  notahdius  ohservaviquam  hcri  inieritum 
elephanti  ej usque  sectioncm.  »  Les  lettres  de  Pierre  Gilles 
ont  été  insérées  dans  la  traduction  de  THisloire  des  animaux 
d'Flien  im[iriniéeà  Lyon  en  i)6j  '. 

La  troisièuH'  relation,  celle  de  Jean  Cbesneau,  est  beaucoup 
plus  coin  pic  le  que  celle  de  Jacques  Gassot,  car  elle  nous  fait 
connaiire  les  di\jérents  iiwideuts  du  voyage  de  M.  d'^4ranu)n 
à  Damas,  à  Jerusaleni  et  en.  Egypte  et  ceux  de  son  retour  à 

1.    Voyez,  l.i  luitc  de  1.1  p.i^c  lU). 


INTRODUCTION  iit 

Constantinopic  par  la  cale  du  nord  de  la  Syrie,  la  Cilicic  cl 
V^isic-M'uicurc. 

vivant  de  donner  quelques  déiaih  sur  Jean  Chesneau  et  les 
deux  éditions  déjà  parues  de  sa  relation,  je  mets  sous  les  yeux 
du  lecteur  les  rcnscigncnuiits  que  j'ai  pu  réunir  sur  la  per- 
sonne de  M.  d'^4ra)iuni,  et  sur  les  différentes  missions  qu'il  a 
remplies  à  la  cour  du  Grand  Seigneur. 

Bayle,  dans  son  Dictionnaire  historique  et  critique,  et 
Morcri  ont  consacré  quelques  liones  à  M.  d'^-lranion  ;  mais 
elles  ne  jettent  aucune  Inniiére  sur  la  vie  de  cet  andntssadeur. 

Léon  Ménard,  le  compilateur  des  «  Pièces  fugitives  pour 
servir  à  Thistoirc  de  France  » ,  a  en  entre  les  mains  quelques 
docunuvits  relatifs  à  des  nuiubrcs  de  la  famille  de  Luct:^ 
d'^ramoiL  II  nous  apprend  que  Gabriel  de  Luet:^,  baron  et 
seigneur  d'^ramon  et  de  Valahrègues,  était  le  fils  de  Jean  de 
Luet:^  et  de  Jeanne,  dame  de  Laudun,  veuve  en  premières 
noces  de  Joachim  des  ^4stars,  seigneur  de  Mirabel  au-  diocèse 
de  Viviers.  Il  naquit  probablement  dans  les  dernières  années  dn 
XV'  siècle,  et  le  6  janvier  1)20,  il  épousa  à  Nîmes,  Dau- 
phine,  fille  de  Jean  de  Montcalm,  seigneur  de  Saint-Véran, 
de  Candiac  et  de  Tournemire,  juge-mage  de  la  sénéchaussée 
de  Beancaire  et  de  Nîmes.  Gabriel  de  Luet:^  ayant  perdu  son 
père,  fut  assisté  pour  soji  nuiriage  du  conseil  et  de  la  présence 
de  Jacques  de  Sarras,  seigneur  de  Bernis,  son  parent  et  son 
curateur.  Le  nom  de  Gabriel  de  Luel:^  ifest  point  cité  par  les 
auteurs  qui  se  sont  occupés  de  f  histoire  du  Languedoc,  de  la 
Provence  et  du  Dauphiné;  les  archives  du  déparlenienl  du 
Gard  conservent   une  transaction  passée  le  20  mars  ijjj 


IV  INTRODUCTION 

entre  les  syndics,  habitants  et  manants  d'^4ranion  et  Gabriel 
de  Liieti,  seigneur  d'^ranion,  du  Ternie,  de  Valabrègues,  de 
Conips  et  de  Saint-Etienne-des-Dcserts. 

La  dédicace  d'uiw  traduction  italienne  du  Coran,  publiée 
à  Venise  en  IJ4J^  nous  fournit  sur  d'^ranion  quelques 
renseignements  asse:^  vagues\  Cet  ouvrage  est  dû  à  la  plume 
d'un  certain  Andréa  ^rrivabene  qui  parle  en  ces  termes  de 
«  Villustrissimo  signor  Gabriel  de  Luves  s"  d'^ramon,  conse- 
gliere  délia  Maestà  Christianissinm  et  ambasciatore  appresso 
il  signor  Turco  »  :  «  In  Ici  resplende  la  nobilità  del  sangue, 
in  Ici  la  di^nità  et  i^rado  di  Signoria,  in  lei  le  doti  delV 
animo  eccelentissimo,  onde  et  nello  essercitio  deïïarmi  et  in 
quel  délia  toga  se  vistoquante  niaravigliosa mente  sià  riuscita. 
La  prudentia,  il  valore,  la  libcralità  nclla  militia  se  conos- 
ciufa  scniprc  in  lei,  quanto  in  ogni  altro  famosissinio  capi- 
tano.  Siane  testinwnio  fra  Faltre,  la  guerra  di  Proven:^a  et 
quclla  del  Piémont  dove  ogninno  sa  le  sue  prove  quante  et 
qualc  fussero  et  del  ingegno  et  délia  pcrsonna  et  che  honore  et 
lande  ne  riportasse.'  » 

On  doit  conclure  de  ces  lignes  que  d'^Aranion  prit  part  aux 

1.  Ardiiuii,  p.iite  ville  en  Languedoc,  diocèse  et  recette  d'U^cs,  parlement  de  Tou- 
louse, oénêralilê  de  Montpellier.  On  y  compte  joj  feux.  Cette  ville  est  située  dans 
une  contrée  délicieuse,  fertile  et  aboinlunle  surtout  en  huile  excellente,  sur  la  rive 
droite  du  Rhône.  Il  y  a  à  Aramon  un  couvent  de  Récollels  et  un  autre  d'Ursulincs . 

La  terre  d'Aramon  est  une  haronnie  fort  ancienne  et  qui  est  possédée  depuis  long- 
temps par  une  maison  Jécond:  eu  sujets  de  grand  mérite.  (Dictionnaire  géographi- 
que, liistorique   et  politique  des   Gaules  et  de  la  France.  Paris,  iy62,  tonn-  I, 

iHlge  222.) 

2.  L'Alcorano  di  Maconieito  nel  quai  si  contiene  la  doctrina,  la  vita,  i  cos 
tunii  e  le  legge  suc.  Tradotto  nuovamente  d'aU'arabo  in  lingua  italiana.  Con 
gialiee  privitegii.  M.  D.  XLllI. 


iN'riUM)L'(;iit^x  V 

opcratious  qui  flirnf  cclmicv  l'invcisioii  de  Jiî  Provence  en 
^5  )?■>  ''/  ^'  '■''■^^^'■''^  '/'"'  ''"/''''''/  //V//  diUis  le  Piémont  en  F  année 
suivante. 

Le  iS  mars  ijj%  GnilJannie  de  Poitiers,  sei^nenr  ile 
Saiut-J\d]ier,  exposait  dans  nne  reqnéte  adressée  an  roi  qne, 
par  différents  arrêts  rendns  par  Je  parlenient  dn  Daiipbiné, 
le  sieur  Dantherien  et  le  chapitre  de  Saint-Bermird  de 
Romans,  créanciers  de  feu  ^ymard  de  Poitiers,  jnrent  mis  en 
possession  des  terres  et  seigneuries  d'^4ramon  et  de  J\da- 
hrègues.  Un  arrangement  étant  intervenu,  Guillaume  de 
Saint-Vallier  prit  possession  de  ces  terres.  Mais  «  le  nommé 
Gabriel  de  Lues,  accompagné  de  plusieurs  gens  aventuriers 
mal  vivants  et  mal  renommés,  par  force  et  violence  et  sans 
autorité  de  justice,  Tavoicnt  expolié,  chassé,  battu,  tué,  blessé, 
nnitilé  et  détroussé  plusieurs  de  ses  gens  ;  pris  par  jorce  le 
bien  des  habitant:^,  mis  le  feu  et  brûlé.  »  Le  roi  commit  pour 
la  connaissance  de  ces  faits,  Imbert  Tarreau,  prévé)t  de 
Valence,  qui  rendit  plusieurs  arrêts  contre  d'^ramon  et  ses 
complices,  et  prononça  la  confiscation  de  leurs  biens.  Ils  jurent 
donnés  à  Guillaume  de  Poitiers  et  ils  passèrent  ensuite  cidre 
les  mains  de  Diane  de  Poitiers;  la  possession  lui  en  jut  con- 
firmée en  i))6  par  lettres  patentes  du  roi  Henri  IV. 

Privé  de  ses  biens,  obligé  de  s'éloigner,  d'^ramon  se  rendit 
en  Italie  et  nous  le  trouvons,  en  1^41,  à  J\iiise,  employé  jxir 
Pellicier,  êvéquede  Maguelonne  et  andnissadeiir  de  François  l' 
auprès  de  la  Seigneurie. 

I .  Je  dois  lu  coinDtuniùitioii  de  ce  document  à  J'obUi^eance  de  M.  Bj^nditrand,  ar- 
cl.'iviste  dn  défyartenieiil  du  Gard . 


vr  INTRODUCTION 

Depuis  Vannée  i))S,  la  vil  Je  de  La  Mira  ndole  avait  été 
remise  entre  les  mains  de  François  T,  en  vertu  d'une  sentence 
du  pape  Paul  III .  Le  roi  devait  la  retenir  sous  sa  protection 
jusqu'au  règlement  du  différend  qui  divisait  Galeotto  et  Jean 
Thomas  Pic.  Un  certain  nombre  de  gentilshommes  français 
s'étaient  rendus  dans  lltalie  du  Nord  et  avaient  fait  agréer 
leurs  services  par  les  princes  qu'effrayaient  la  puissance  et 
l'ambition  de  Charles  Quint.  Pellicier  avait  pu  entendre 
parler  des  qualités  militaires  de  d'^iramon  ;  il  avait  peut-être 
eu  des  rapports  avec  lui.  Quoiqu'il  en  soit,  il  s'empressa  de 
faire  appel  à  son  activité  et  chercha  à  mettre  un  terme  à  sa 
disgrâce. 

Peu  de  temps  après  son  arrivée,  d'^ramon  avait  été 
envoyé,  avec  un  gentilhomme  de  Bretagne,  M.  d'^Ipigny  de 
la  Mothe,  auprès  du  comte  de  La  Mirandole  et  recommandé 
chaudement  à  ce  prince  par  Pellicier  ;  celui-ci,  dans  une  lettre 
écrite  le  lo  août  i)4i,  défiiùt  en  ces  termes  la  mission 
confiée  à  ces  deux  gentilshommes  :  ((  Havendo  io  informato  il 
secretario  di  V.  S.  circa  tutte  quelle  cose  le  quale  da  queste 
bande  accorreva  sapere,  come  essa  da  lui  potrà  nieglio  inten- 
dere  et  pcr  effetto  conoscere,  che  non  si  manca  di  far  provi- 
sionc  a  lutte  quel  che  è  di  bisogno,  per  queste  non-  li  diro  altro, 
for  clicl  présente  allalor  è  Mous,  d'^iramon,  il  quai  mando  a 
F.  S.  accio  sia  présente  alla  rassegna  délie  faut  crie  si  debbeno 
jare  et  le  paghe  et  slia  costi  fin  che  si  veda  quel  che  vol  fare 
l'Imperatore,  affin  che  volendossi  far  altra  gente  ci  sia  pré- 
sente et  a  pagar  et  a  far  ogni  altra  cosa,  de  la  quai  besogni 
renderne  conto  a  la  Cortc  a  quel  tali  che  a  lai  officio  son 


IXTRODUCTIOX  vit 

soprasianti,  perche  ûJtniDicnfc  F.  S.  sd  niolio  hrn  chr  mm  si 
saria  admessa  aJcmm  ragioiicchc  allc^j^iisscnio  iJ  perche  prcii^' ho 
sia  contenta  fcvgli  huona  acogleiit'ui  et  coiupcigiiiii  et  il  siiiiile 
a  Mans,  de  la  Motla  et  sua  nepote  chevengo]io  iii  conipagnia 
del  dctto  siguor  d'^4rainon,  pregandola  sia  contenta  ove 
accorrera  la  occasionc  importante  loro  qneUihoncsticarichi  di 
iniprcse  ch'cssa  iudicara  csser  convenienti  alla  Jor  dignità  ci 
honor  si  corne  niolto  meglio  potrà  intender  da  M.  Forniiguet 
al  qnale  io  scrivo  pin  al  longho  et  pii'i  particolarnienle  de 
cioch'  accade  che  ragioin  et  conferisca  con  î\  S.  alla  huona 
gratia  délia  qnal  di  hnon  cuor,  etc.  » 

La  mission  qne  d'^ramon  avait  à  remplir  à  La 
Mirandok  était  à  peine  terminée  qud  était  chargé  cVnne 
autre  plus  délicate  et  pleine  de  périls.  Deux  seigneurs 
italiens,  Jules  César  de  Gon:;ague  et  Paolo  de  Trilago  se 
faisaient  forts  de  s'emparer  de  Crémone,  par  surprise  avec 
la  complicité  du  capitaine  Jean  ^}idré  de  Bergame,  et  de 
remettre  cette  place  aux  mains  du^  roi.  L'entreprise  était  con- 
sidérable et  Pellicier  crut  devoir,  avant  d'écouter  tonte  propo- 
sition et  d'en  informer  le  roi,  s'assurer  des  chances  de  succès 
d'un  pareil  coup  de  main.  Il  se  décida  à  envoyer  d'^ramon 
à  Crémone  et  sur  le  rapport  que  lui  fit  celui-ci,  il  le  fit  partir 
pour  la  Cour  et  lui  confia  la  lettre  suivante  pour  la  rennitre 
aux  mains  du  roi  : 

«  Du  20  novembre.  Se  montrant  le  cappitaiiie  Jehan 
Andréa  de  Bergamo  fort  affectionné  à  vostre  service  ainsi  que 
depuis  le  cognois  l'avois  tonsionrs  trouvé,  ni  avait  tenu  propos 
de  quelque  entreprinse  de  fort  bien  grande  importance  comme 


IXTRODUCTTOX 


(tiissi  il  (I  fiiil  il  M.  cr^riiinou  pour  cstir  son  amy  cl  le 
cogiîoistirfori  cxpcriiiicnté  un  fuici  tic  la  gncrve  et  par  consé- 
quent, upte  cl  suffisuul  eu  tels  ujfaires,  et  vostre  hou  suhject  cl 
féal  serviteur  dont  me  soUicitans  vous  le  faire  entendre, 
fusmes  d\uivis  d'envoYcr  en  premier  lieu  le  plus  sccrettcmcnt 
que  faire  se  pour  roi  t  sur  les  lieux  pour  t  aster  le  gay,  si  la 
chose  seroit  si  faisihle  quil  disoit.  Parquoy,  ayant  expérimenté 
ledict  sieur  d'^dranion  en  aucunes  choses  pour  vostre  service, 
et  T  avoir  trouve  en  toutes  fort  loyal,  affectionné  et  suffisant  et 
mesmemeul  dernièrement  à  la  Mirandolc,  tant  pour  faire 
conduire  les  deniers  seuremeiit  que  pour  les  monstres  et  nous 
advertir  de  ce  qui  estoit  hesoing  y  obvier  et  faire,  où  il  s'est 
fort  dextrement  porté  au  gré  et  contentement  du  sieur  Conte 
delà  Mirandola  et  de  tous  autres  ainsi  qu'ils  nnvit  rapporté 
et  se  offrant  liberallenient  d'aller  voir  si  ladicte  affaire  seroit 
pour  réussir  éi  effect,  ainsi  qu'il  estoit  proposé,  send4a  au  sieur 
chevalier  Thonnis  et  éi  nnn>  les  dehvoir  laisser  aller,  ce  qu'ils 
ont  Jaict  eiisand^lenu'ut.  Lequel  sieur  d'^Pramou  à  son  retour, 
m'a  jaict  rapport  que  après  avoir  examiné  et  bien  prouvé  le 
tout,  qu'il  a  trouvé  esire  faisible  cl  de  bien  grande  importance 
pour  Vosire  Majesté  ainsi  que  dudict  sieur  chevalier  Thomas 
pourre:;^,  s'il  vous  plaist,  estre  amplement  informé,  pour  lui 
avoir  Icsdicis  cappitaincs  coninmiuqué  et  déclaré  le  tout  bien 
au  long  par  le  menu.  Donc,  s'il  vous  plaira  qu'on  y  doive 
entendre,  uùidvcriir  de  vostre  voulloir.  fe  ne  faudray  m'y 
gouverner  tout  (Uusy  qu'il  m'y  sera  commandé  et  vous  peux 
assurer,  Sire,  que  je  ne  cognois  à  présent  hoiiiuie  par  deçà 
mieux  à  propos  de  qui  je  puisse  avoir  commodité,  tau!  en  celle 


INTRODUCTION"  ,x 

(///('  iiiilrc  cl.vsc  pour  uoslrc  service  dl^piirlciiitui  ù  hi  o/zc/'/v 
ijiw  Icilict  sieur  cF^4rai)iO}i\  ))  .• 

/('  ii'ui  pu  trouver  aucun  rensei^nenieul  sur  Je  séjour  de 
d'^invuou  à  lu  Cour,  iiniis  il  est  certain  qu'il  vit  éclmier 
toutes  les  tentatives  quil  fit  pour  rentrer  en  possession  de  ses 
biens.  Il  était  en  correspondance  avec  Pellicier  et  il  lui  trans- 
mettait tous  les  avis  qui  pouvaient  l'intéresser. 

((  Monseii^neur,  écrivait  Pellicier  à  M.  d'^nnehaut,  sous 
la  date  du  24  décend^re  1)41,  M.  P^iranwn  m'a  escript  que 
luv  ave:^  parlé  touchant  aulcuns  pacquet:^  ou  lettres  qui  s'es- 
toient  égarées  du  sieur  Cappitaiiie  Polin,  nuiis  vous  asseure 
que  je  n'en  ay  point  receu.  »  Le  capitaine  Polin,  qui  était  ar- 
rivé à  Venise,  au  nuns  d'août  i)4i,  revint  iuopinénniit  dans 
cette  ville  en  février  IJ42,  le  jour  de  carénie  prenant,  ^prés 
avoir  débarqué  à  Scbenico,  il  avait  traversé  rEsclavoine  pour 
se  porter  à  la  rencontre  de  Sultan  Suleynuin  qui  revoiait  de 
Bude.  Polin  fit,  au  nom  du  roi,  au.  Grand  Seigneur  et  à  ses 
principaux  officiers,  des  présents  magnifiques-  et  lui  demanda 
l'envoi  de  sa  fiotte  sur  les  côtes  de  Provence  ainsi  que  ses  bons 
offices  auprès  de  la  République  de  Venise  pour  la  faire  entrer 
dans  l'alliance  dirigée  contre  Charles  Quint.  Le  capitaine 
Polin  fut  chargé  de  faire  connaître  à  François  V  l'intention 
du  Sultan  d'armer  la  flotte  et  d'envoyer  à  Venise  le  premier 

1.  %ecueil  des  Icltres  de  PeUicier,  )iiss.  français  de  la  Bibliothèque  nationale, 
Syojol.  ipi. 

2.  «Polin  lui  présenta  pour  le  service  et  enrichisseni-:nt  de  son  buffet  des  z'ases  et 
vaisselle  d'argent  excellemment  mis  en  œuvre  jusques  au  poids  de  six  cent  livres  et 
aux  lassas  et  capitaines  du  sérail  et  portiers  cinq  cens  robes  longues  de  toutes  sortes 
de  draps  de  soye  ou  d'escarlate.   » 

Paul  Jove,  Histoire,  etc.  Tonte  II,  page  ij.        v 


X  IXTRODUCTION 

drogmûu  de  la  Porte,  Yoiiuis  hey,  qui  serait  chargé  de  traiter 
avec  la  Seigneurie.  Polin  ne  fit  qu'un  très  court  séjour  en 
France;  dès  les  premiers  jours  d'avril  i)42,  il  était  de  retour 
à  Venise  et  il  poursuivit  jusqu'à  la  fin  du.  mois  de  mai, 
auprès  du  Sénat,  une  négociation  qui  ne  put  aboutir.  D'^- 
ramon  était  aussi  revenu  à  Venise.  11  s  occupa  tout  d'abord 
de  la  situation  militaire  de  La  Mirandole  et  au  mois  de  mai 
il  allait,  à  l'instigation  de  Pellicier,  faire  une  reconnaissance 
à  Trente  et  s'assurer  s'il  serait  possible  d'enlever  cette  ville 
au  cardinal  Madru^^o  qui  s'était  rendu  à  Venise  pour 
traiter  de  la  restitution  de  la  ville  de  Marano  au  roi 
Ferdinand.  L'ambassadeur  du  roi  lui  écrivait  sous  la  date 
du  10  mai. 

((  Lequel  (le  cardinal  Madru^Tp)  doibt  partir  de  brief  pour 
s'en  aller  faire  le  rapport  de  la  responce  qu'il  a  eue  de  son 
ambassade  qu'il  est  venu  faire  ici  pour  l'affaire  de  Maran  au 
roy  Ferdinando  où  (à  Trente),  il  séjournera  et  mettra  quelque 
temps  pour  avoir  long  chemin  à  faire  qui  est  jusques  à 
Vienne,  dont  pour  la  petite  garde  qu'il  y  a  et  le  peu  de  vigi- 
lance que  l'on  y  faict,  ainsi  que  M.  d'^ramon  mesme,  qui  est 
sur  le  lieu  rayant  très  bien  visité  et  examiné,  m'a  dict  que 
cela  ne  seroit  pas  impossible  à  faire,  d'autant  que  ce  est  un 
prebstre  jeune  homme  et  peu  praticque.  Lequel  tire  de  ladicfe 
evesché  environ  trente  cinq  à  quarante  mil  escus  dont  une 
bonne  partie,  ainsi  que  f entends,  se  tire  dudict  Trente  et  des 
lieux  dépohlans  d'icelluy,  parquoy  s'en  pourroit  l'on  bien 
entretenir  sans  qu'il  nous  feu st  de  grand  coust.  >)  Le  roi  des 
Roniains  eut  vent  de  tous  ces  projets  et  le  rappel  de  Pellicier 


IXTRODUCTIOX  xi 

arrêta  pour  quelque  temps  tes  préparatifs  mililaircs  de  la 
France  daus  le  jiord  de  f  Italie. 

D'tAramou  fiif-il  obligé  de  s'éloigner  de  Venise  après  le 
départ  de  l'évêque  de  Maguelonne  on  acconipagna-t~il  le 
capitaine  Polin,  lorsque  celui-ci  retourna  à  Constantinople  ? 
Je  n'ai  pu  trouver  sur  ce  point  aucune  hunière  dans  les  docu- 
ments qu'il  m'a  été  possible  de  consulter.  Quoiqu'il  en  soit, 
d'Aramon  se  rendit  à  Constantinople,  et  le  capitaine  Polin  le 
laissa  comme  résident  auprès  de  la  Porte,  lorsqu'il  s'embarqua, 
le  i6  mai  i)4j,  pour  accompagner  la  flotte  de  Barberousse. 
Je  n'ai  point  à  retracer  ici  les  détails  du  séjour  de  l'escadre 
turque  sur  les  côtes  de  la  Provence.  L'émotion  causée  en 
Europe  par  cette  expédition  fut  si  universelle  et  si  projonde 
que  François  I"  dut  renvoyer  Barberousse  au  prix  d'énormes 
sacrifices  pécuniaires.  Bientôt  après,  le  traité  de  Crépy,  qui  rap- 
prochait le  roi  de  l'empereur,  causa  aux  ministres  du  Sultan 
le  plus  vif  mécontentement  ;  on  le  fit  sentir  en  toutes  les  occa- 
sions à  d'Aramon,  et  le  grand  vi:(ir  s'oublia,  à  plusieurs 
reprises,  au  point  de  le  menacer  de  le  faire  empaler  '. 

Le  crédit  de  d'Aramon  était  si  ébranlé  que  le  roi  chargea 
le  protonotaire  Jean  de  Monluc,  son  ambassadeur  auprès  de 
la  Seigneurie  de  Venise  de  se  rendre  à  Constantinople  avec  la 
mission  d'assister  Gérard  de  Veltivich,  dans  la  négociation- 
d'une  trêve  de  dix  mois  sollicitée  par  Charles  (Juint. 

La    mort    inopinée   du    Dauphin    avait    profondément 

I.  «  Ceste  négociation  {celle  de  Monluc)  a  este  proposée  par  tierce  main  aj'jin  que 
le  dit  Harmont  le  petilt  entendre,  lequel  estant  laissé  icy  pour  lieutenant  de  Polin,  se 
trouvit  après  la  paix  en  se  maulvais  points  que  souventesfois  a  esté  parlé  de  l'enipal- 
ler.  »  (Correspondenz  des  Kaisers  Karl  V,  tome  II,  page  47S.) 


XII  INTRODUCTION 

modifié  les  projets  de  François  I"  et  sou  désir  d'intervenir 
auprès  de  la  Porte  en  faveur  de  Tempereur,  s'était  singtdié- 
reinent  refroidi.  Monhic  avait  pris  des  engagements  vis-à-vis 
de  Gérard  de  Veltiuick  et  il  Un  avait  promis  de  retourner 
en  France  en  passant  par  la  Hongrie  et  l'^4utriche.  Monhic 
indisposa  par  sa  conduite  et  ses  propos  inconsidérés  les 
ministres  du  Sultan,  et  d'^iranion,  de  son  côté,  ne  cessa  de 
lui  susciter  les  plus  grandes  difficultés.  Les  dissentiments  des 
deux  agents  français  donnèrent  aux  fonctionnaires  de  la  Porte 
et  aux  représentants  des  Etats  étrangers  le  plus  triste  spec- 
tacle \  La  situation  intérieure  de  y  empire  ottoman  récla- 
mait impérieusement  la  conclusion  de  la  paix  avec  l'^éu- 
tricbe;  Gérard  de  Veltzvich  réussit  donc  à  conclure  nne  trêve 
de  dix-huit  mois  avant  l'expiration  de  laquelle  de  nouvelles 
négociations  devaient  s'ouvrir  pour  arriver  à  rétablissement 

I.  «  Ces  différences  sont  accreties  par  les  maidvais  rapports  des  Veniciens  lesquel-^ 
ont  tout  interprété  an  pis  qne  ponvoieiit,  et  au  contraire  des  Françoys,  non  pour  le 
bienquili  veullent  à  Vostre  Magestê,  mais  pour  le  mal  qu'il^  veulent  aux  Françoys, 
tellement  qiCili  ont  présentement  fait  tresniaulvais  office  à  tous  deux.  Et  a  le  capi- 
taine Polin  coufinnc  ces  impressions  aux  Turcqs  par  ses  jnensonges  et  vaines  prro- 
mcsses;  et  l'ambassadeur  Monluc  en-  a  prins  inimitié  avecques  son  compaignon,  le 
seigneur  de  Harmoiit  et  hesoigne  de  telle  sorte  eust  peu  gaster  le  résidu  du  bien 
qu'en  pouvait  rester. 

«  Davantaige,  n'entendent  encoires  les  Turcqs  ce  que  leroy  qe  France  ne  envoyé  nul 
présent  et  que  aucuncmoit  ne  respond  au  bien  qu'il  a  receue  de  leur  armée  ne  aux 
promesses  de  Polin  et  leur  semble  bien  estrange  ce  que  disent  les  Françoys  que  le  rov 
ne  sçaurait  envoyer  plus  grand  présent  au  Turc  que  V ambassade  de  l'ostre  Majesté.  » 
(Corrcspondcnz  des  Kaisers  Karl  V,  tome  II,  page  46p.) 

«  ...  Mesmes  que  ledit  Montluc  est  délibéré  entièrement  de  faire  la  tresve  et  poi- 
seroyt  faire  grand  par  cesie  emprinse  et  tient  jalousie  avec  l'ambassadeur  Harmont 
résidant  à  Constant i>tople  de  par  le  royde  France  et  presques  on  luy  avait  osté  cest 
cluirge  de  ta  court  par  pratique  du  dit  Haramont  pour  cause  que  ne  sembloit  pas 
nécessaire  d'envoyer  un  nouveau  ambassadeur  par  le  roy,  veu  qu'il  y  avait  un  résidant 
à  Constant inople.  »  ,'Corrcspondenz,  tome  II,  page  44S .) 


INTRODUCTION  xiii 

d'une  paix  de  plus  Joii^iic  durée.  François  /",  effraye  des 
succès  remportés  par  l'empereur  sur  les  princes  allemaiids, 
mécontent  des  sentiments  pacifiques  témoignés  par  la  Porte 
à  l'Autriche  et  de  la  trêve  qui  venait  d'être  conclue,  laissa 
d'Aramon  sans  subsides  et  sans  avis.  Celui-ci  attribua  l'a- 
bandon dans  lequel  on  le  laissait  aux  rapports  et  aux 
mauvais  offices  de  Moidue,  il  résolut  donc  de  se  rendre  à  la 
cour  pour  justifier  sa  conduite  et  connaître  les  intentions  du 
roi  au  sujet  de  la  Turquie.  Il  avait  sollicité  et  obtenu  du 
Sultan  une  sorte  de  lettre  de  créance  pour  le  roi,  et  le  grand 
vi:(ir  lui  avait  spécialement  recommandé  de  se  plaindre  en 
termes  très  vifs  du  protonotaire  Moulue  qui,  dans  le  cours  des 
négociations  s'était  répandu  en  propos  inconvenants  sur  le 
compte  du  Grand  Seigneur  et  des  ministres,  «  et  des  hommes  tels 
que  Monluc,  avait-il  ajouté,  méritent  d'avoir  la  langue  et  la 
tête  coupées.  »  Gérard  de  Veltiuick  prétend,  dans  une  dépêche 
adressée  au  roi  des  Romains,  que  la  situation  de  d'Aramon 
était  devenue  intolérable.  Il  ne  recevait  plus  de  lettres  de  la 
Cour  et  il  était  harcelé  par  ses  créanciers.  Il  aurait  désiré 
quitter  Constantinople  secrètement,  et  pour  ce  faire,  il  aurait 
fait  représenter  au  Sultan  les  dangers  que  pouvaient  lui  fivre 
courir  sur  sa  route,  les  embûches  des  agents  impériaux,  Le 
Sultan  faisait  cadeau  aux  envoyés  qui  retournaient  auprès  de 
leur  souverain,  d'un  kilaat  ou  robe  d'honneur  et  cruiie  somme  de 
deux  cents  ducats.  Pour  ne  pas  perdre  ces  avantages,  d'^i- 
ramon  sollicita  une  audience  de  congé,  nmiscUe  lui  jut  refusée. 
Il  fit  alors  courir  le  bruit  qu'il  allait  se  rendre  aux  bains  de 
Nicéc  pour  y  rétablir  sa  santé  altérée.  Il  fréta  une  barque  qui 


XIV  INTRODUCTION 

aborda  sur  la  côte  d'Europe  et  il  se  dirigea  sur  Raguse.  Il 
rencontra  à  Tatarha:[ardjiq,  Gérard  de  Feltiuick  qui  retour- 
nait à  Constantinople  pour  y  négocier  une  trêve  de  cinq  ans. 
D'^4ranu)n  eut  avec  lui  un  entretien  qui  roula  sur  les  infrac- 
tions à  la  trêve  commises  par  les  Turcs  et,  en  prenant  congé 
de  Veltzuick,  il  lui  dit  en  plaisantant  qu'il  le  reverrait  à  son. 
retour,  et  qu'il  aurait  encore  Toccasion  de  boire  avec  lui  à 
Constantinople,  avant  que  ses  araires  fussent  expédiées. 

Gérard  de  Veltwick  écrit  dans  une  autre  dépêche,  qu'en  se 
rendant  à  la  Cour,  d'^ramon  se  flattait  de  l'espoir  de  ruiner 
le  crédit  de  Moiduc  et  de  rentrer  dans  la  possession  de  ses 
domaines  qui  se  trouvaient  aux  mains  de  la  grande  Sénéchale. 

Ses  espérances  furent  déçues,  nuiis  pour  reconnaître  ses  ser- 
vices le  roi  lui  accorda,  avec  le  titre  de  conseiller,  les  fonctions 
de  maître  d'hôtel  ordinaire  et  il  l'accrédita  auprès  du  Sultan 
en  qualité  de  son  andiassadeur.  Le  séjour  de  d'Aramon  en 
France  ne  fut  pas  de  longue  durée  ;  le  roi  avait  hâte  de 
le  renvoyer  à  Constantinople  pour  qu'il  travaillât  à  faire 
échouer  la  négociation  de  Gérard  de  Veltzuick.  Son  départ 
fut  tenu  secret  :  il  eut  ordre  de  passer  par  la  Suisse  pour 
gagner  les  Etats  de  Venise,  et  le  comte  de  La  Miraudole  fut 
invité  par  AL  de  Morvilliers  à  mettre  une  forte  escorte  à  sa 
disposition.  L'assassinat  de  Rincon  et  de  Frégose  justifiait 
cette  précaution.  Chesneau  trace  d'une  façon  très  sommaire 
l'itinéraire  de  d'Aramon  jusqu'il  Veiuse  :  il  parle  avec  cer- 
tains détails  du  séjour  de  l'aiidiassade  dans  cette  ville,  du  vo- 
yage de  Raguse  ii  ^ndrinople  et  depuis  cette  dernière  ville 
jusqu'il  Constantinople  ;  mais  il  garde  un  silence  absolu  sur 


IXTRODUCTIOX  xv 

la  niissioii  de  d'^niinon,  sur  la  pcrsoinic  de  Sultan  Sulcy- 
man  et  sur  celle  des  vi:^irs  et  des  fouctiouuaires  avec  lesquels 
les  agents  étrangers  étaient  appelés  à  traiter. 

Je  supplée  au  silence  de  Chesneau  et  j'einprunle  aux  docu- 
ments contemporains  le  portrait  du  Sultan  et  celui  de  son 
prenuer  ministre. 

La  période  la  plus  brillante  du  règne  de  Sultan  Sideynian 
avait  pris  fin  avec  la  nwrt  violente  d'Ibrahim  Pacha.  Sous 
radnùnistration  vigdante  de  ce  grand  vi:(ir,  le  vaste  empire 
des  Ottomans  avait  joui  d'une  tranquillité  à  peu  près  com- 
plète ;  quelques  soulèvements  avaient  eu  lieu,  mais  ils  avaient 
été  promptement  étouffés;  un  graïul  nombre  d'abus  avaient 
été  réformés  et  si  toutes  les  guerres  entreprises  n'avaient  point 
été  heureuses,  au  moins  une  discipline  sévère  avait  été  main- 
tenue dans  les  arguées;  les  relations  avec  les  Etats  européens 
avaioit  été  plus  régulières  et  plus  conciliantes.  Les  lettres  et 
les  arts  cultivés  en  Orient  avaient  jeté  un  vif  éclat  et  le  com- 
merce avait  pris  des  proportions  jusqu'alors  inconnues. 

Lorsque  d'^ramon  revint  à  Constant i}iople  en  qualité 
d'ambassadeur,  la  santé  de  Stdtan  Sulevman  commençait  à 
décliner  et  la  Kasseby  Khourrem,  la  célèbre  Roxelane,  conti- 
nuait à  exercer  sur  lui  un  empire  absolu.  La  discorde  régnait 
entre  le  Sultan  Mustafa,  prenuer  né  du  Sultan  et  ses  frères 
fils  de  Roxela]ie.  Mustafa,  objet  de  l'affection  du.  peuple  et  des 
jannissaires ,  était  accusé  de  vouloir  détrôner  son  père  et 
d'entretenir  des  relations  suivies  avec  le  roi  de  Perse, 
Chah  Thahnuisp,  dotU  il  devait  épouser  uiie  des  filles.  Pour 
l'éloigner    de    Constantinople ,   on    l'avait    privé    de    son 


XVI  INTRODUCTION 

gouvcnieiiiciit  de  Magnésie  et  on  lui  avaii  donné  celui  d'A- 
inasie. 

Ces  ehiigrins  domestiques  et  les  soucis  du-  gouvcDieinent 
avaient  développé  le  penchant  de  Sultan  Suleyman  à  la  mé- 
lancolie. Je  donne  ici  le  portrait  qnen  ont  tracé  les  écrivains 
qui  ont  pu  avoir  sur  lui  les  renseigneinents  les  plus  exacts,  et 
je  conimence  par  celui  qu'^nthoine  Geufroy  a  inséré  dans 
sa  Briefve  description  de  la  court  du  Grand  Turc', ^zi- 
bliée  en.  1)46.  «  Le  dict  roy  Seleyman  peult  estre  à  présent 
de  Taage  de  cinquante  ans,  ou  environ,  et  est  ainsi  que  j'ay 
entendu,  long  de  corps,  de  nienui  osseniens,  maigre  et  mal 
proportionné  :  le  visage  brun  et  bar^anné  :  la  teste  rasée,  fors 
un  toupet  de  cheveulx  au  sommet,  ainsi  que  ont  tous  les 
Turcs,  pour  mieux  asseoir  leur  Tolopan,  qui  est  un  accoiis- 
trement  de  linge.  Il  a  le  front  élevé  et  large  :  les  yeux  gros 
et  noirs,  le  ih\  hault  et  un  peu  courbe  ou  aquilin,  les  mous- 
taches longs  et  roux:  le  menton  re^  au  ciseau  et  non  au 
rasoucr,  le  col  long,  graisle  et  pendant  :  mélancholique,  peu 
parlant  et  peu-  riant,  nniis  fort  cholcre,  asser^  lourt  et  ma- 
ladroit et  qui  ne  prent  plaisir  à  aucun  exercice,  ^u  demeu- 
rant, répeuté  verlueux  et  homme  de  bien  entre  les  siens,  bien 
gardant  sa  loy,  attrempé  et  modéré,  aynmnt  la  paix  et  re- 
[)07^  plus  que  nul  de  ses  prédécesseurs,  ce  que  les  Turcs  lux 


i .  Hrici'vc  dcscripiion  de  hi  court  du  Grand  Turc  et  ung  sommaire  du  règne 
des  Othmans,  avec  un  abrégé  de  leurs  toiles  superstitions,  ensemble  l'origine  de 
cinq  empires  yssus  de  la  secte  de  Mehcmet,  par  F.  Anthoine  Geuftroy,  chevalier 
de  l'ordre  de  S.  lehau  de  Jerusalenr.  On  les  vend   à  Paris  en   la   maison  de 

Chreslieu  ll'ecJ^el  doncnranl  oila  rue  Saincl  lehan  de  Bcaavais,  an  Cheral  l'oliint 
ranM.  D.XLVl. 


INTRODUCTION  xvii 

imputent  à  pusillau'unitc  et  ftiiiJtc  de  coiirciioc.  //  est  csliiiic 
doulx  et  hiiiihiiii,  gardant  sa  fov  et  paroi  le  qiioy  qinl  pro- 
mette, et  que  facilement  pardonne  à  ceulx  qui  Voiit  offensé.  Son 
passe  temps  est  de  lire  es  livres  de  philosophie  et  de  sa  loy.  l:n 
laquelle  il  est  tellement  instruict  que  son  Mofty  ne  lui  en  sçau- 
roit  apprendre  aucune  chose.  On  ne  le  tient  point  trop  libéral, 
mais  plus  eschars  que  ses  prédécesseurs.  Il  se  laisse  nianyer  et 
gouverner  à  ceulx  qu'il  ayme  et  eii  qui  il  se  fie  conduen  qu'il 
soit  quelque  foy s  obstiné  et  opiniâtre.  » 

«  Solinuvi,  dit  Busbee,  est  un  prince  sur  le  déclin  desonaage 
qui  paroist  à  son  visage  et  à  tout  son  corps  estre  digne  d'un 
si  grand  empire.  Il  a  la  réputation  d'avoir  esté  toujours  sage 
dans  Vaage  mesme  qu'il  est  permis  en  quelque  façon  che:^  les 
Turcs  dépêcher  sans  reproche...  Ses  plus  grands  eiuiemis  ne  le 
blasment  que  d'estre  trop  sujet  à  sa  femme  et  de  s  estre  laissé 
tromper  par  ses  artifices  lorsqu'il  afaici  mourir  son  fils  aisne 
Mustapha;  encore  impute-t-on  sa  faute  aux  enchantements  de 
ceste  sultane.  Tout  le  inonde  sçait  que  depuis  son  légitime 
mariage,  il  n'a  couché  avec  aucune  de  ses  concubines  quoy 
qu'il  ne  luy  soit  point  deffendu  par  sa  loy  dont  il  est  si  severe 
observateur  et  de  toutes  ses  cérémonies  qu'il  a  autant  de  passion 
de  les  faire  recevoir  partout  que  d'agrandir  son  empire.  Sa 
santé  n'est  pas  mauvaise  pour  ses  années,  si  sa  mauvaise  cou- 
leur nestoit  la  marque  de  quelque  secrète  maladie  que  la  plu- 
part du  monde  croit  estre  une  gangrené  dangereuse  à  la  cuisse. 
Ce  prince  a  soin  de  corriger  le  vice  de  son  teint  avec  du  ver- 
millon et  du  rouge,  lorsqu'il  sçait  qu'un  ambassadeur  est  prcst 
de  venir  prendre  congé  de  sa  Hautesse,  croyant  qu'il  est  iiii- 

II. 


xvm  INTRODUCTION 

portant  pour  su  repu  talion  quon  ait  bonne  opinion  de  sa  santé 
pour  se  faire  craindre  des  estrangers,  comme  se  portant  bien 
et  estant  robuste,  ce  qui  fut  cause  que  je  luy  vis  un  meilleur 
visage  en  lui  disant  à  Dieu  que  lorsque  je  l'avois  veu  la 
première  fois  \  » 

Depuis  la  mort  d'Ibrahim  Pacha,  Sultan  SuJeyman  avait 
successivement  confié  les  fonctions  de  vé^ir  à  ^yai  Pacha,  à 
Luthfy  Pacha,  à  Veunuque  Suleyman  Pacha,  et  enfin  à 
Rustem  Pacha.  C'est  avec  ce  dernier  que  les  agents  de 
François  P'\  de  Henri  II  et  de  Catherine  de  Médicis  eurent  à 
traiter  depuis  1)44  jusqu'en  i)6i. 

Rustem  Pacha  était  né  dans  un  petit  village  des  environs 
de  Bosna  Seray  ;  son  père,  paysan  chrétien  réduit  à  la  plus 
extrême  pauvreté,  n  ayant  pu  payer  le  Kharadj  on  impôt  de 
la  capitation,  s'était  vu  enlever  son  fils  qui,  conduit  à  Cons- 

I .  Ambassades  et  voyages  en  Turquie  et  Amasle  de  M.  Busbequiiis,  nouvel- 
lement traduites  en  français  par  S .  G.  {Simon  Gaudon),  Paris,  16^4,  pages    iSS- 

Bernardo  Navagero  et  Antonio  Eri:(^o,  qui  exercèrent  les  fonctions  de  hayle  à 
Constantinople,  nous  ont  laissé  des  portraits  de  Suleyman  qui  concordent  avec  ceux 
de  Geuffroy  et  de  Bushec.  Eri^o  ajoute  les  détails  suivants  :  «  E  di  aspetto  grave,  di 
corpo  robusto  assai  e  asciutto,  acto  a  la  fatica  et  si  dilettea  perché  tutto  il  tempo  che 
gli  avança  di  ozio  spende  0  in  andar  alla  caccia  0  in  altro  cserci^io:  laquai  cssa,  se 
come  si  giudica  che  Jaccia  per  hencficio  del  corpo,  cosi  si  crede  anco  che  faccia  per 
inlertiniinento  deW  aniin.i  ;  perch:  di  tutto  le  qualità  di  uomini  che  oggidi  sono  nel 
niondo  non  crede  che  nesia  alcuno  che  ahl'ia  meno  d'intertinimento  di  questo  Signore , 
E  stupore  inlcndcre  con  quai  sorte  d' uomini  s'intertiene  quel  tempo  che  vaca  dalli 
negoij  nelle  stan^  sue,  nellc  quali  non  enlrano  senon  eunuchi,  muti  e  altre  qualità 
abietissime  di  uotnini  suoi  schiavi^  perche  li  altri  grandi  mai  non  vi  entrano  ne 
parlano  con  il  signor  se  non  con  l'osservan^a  délie  cerimonie  sue  e  in  loco  assai 
t^ubblico. 

Relazionc  d'Ant.  Wxzm  dans  le  tome  III,  page  1  jS,  Ilb  série  des '^da.zion'x 
degli  ambasciatori  veneti  al  Senato  ncl  secolo  decimo  sesto. 


INTRODUCTION  xix 

tautinoplc,  avait  été  incorporé  dans  les  pai:^cs  du  scritil.  Un 
acte  d'audace  dont  Je  Sultan  fut  témoin  attira  sur  lui  l\illcu- 
tion  et  lui  valut  un  rapide  avancement.  Il  devint  silihdar  ou 
portc-épée  du  Sultan, et  après  la  campagne  de  Mohac:^^,  il  fui 
élevé  au  grade  de  grand  écuyer.  Il  fut  ensuite  nommé  gouver- 
neur de  Diarhckir,  et  pendant  qu'il  résidait  dans  cette  pro- 
vince, Sultan  Sulcyman,  à  V instigation  de  Roxehtne,  jeta 
les  yeux  sur  lui  pour  lui  donner  sa  fille  Mibroumah  Sultane. 
Ses  ennemis  répandiroit  alors  le  bruit  qu'il  était  atteint  de  la 
lèpre  et  que  son  visage  portait  les  traces  de  cette  maladie.  Les 
médecins  orientaux  tiennent  pour  certain  qu'aucun  insecte  ne 
peut  vivre  sur  le  corps  d'un  lépreux.  Un  médecin  de  la  cour 
fut  envoyé  à  Diarbchir  pour  fil  ire  nue  enquête;  il  découvrit 
un  pou  sur  la  chemise  de  Rustem,  et  ce  fait  fit  tond)er  tous  les 
propos  que  l'on  avait  nus  en  avant. 

Rustem  Pacha  reçut  le  titre  de  heylerhey  de  Roumèlic,  et  en 
i)j^,  il  épousala  sultane  Mihroumah.  En  i)44, il  remplaça 
r eunuque  Sulcyman  Pacha.  Pendant  toute  la  durée  de  sa 
puissance,  Ibrahim  Pacha  s'était  montré  tolérant  et  plein  de 
bienveillance  à  l'égard  des  chrétiens  de  l' empire;  il  avait  entre- 
temi,  autant  qu'il  l'avait  pu,  de  bonnes  relations  avec  les  Etals 
de  la  chrétienté;  il  s'était  montré  généreux  pour  les  poètes, 
les  gens  de  lettres  et  les  troupes  et  il  avait  toujours  lait  preuve 
d'un  grand  attachement  pour  Sultan  Mustafa  ;  cette  der- 
nière circonstance,  en  excitant  la  haine  de  Roxelane,  avait 
été  une  des  causes  de  sa  perte.  Rustem  pacha,  au  contraire,  fit 
toujours  parade  de  son  mépris  pour  les  infidèles,  à  la  parole 
desquels,  disait-U,  on  ne  pouvait  jamais  se  fier,  cl  il  ne  dissi- 


XX  INTRODUCTION 

umia  pas  le  peu  de  sympathie  qu'il  avait  pour  les  agents  fran- 
çais. Il  se  servait  de  l'influeuee  de  sa  helle-mère  et  de  sa  femme 
sur  l'esprit  du  Sultan  pour  maintenir  son  crédit,  et  sa  prin- 
cipale occupation  était  de  recueillir,  pour  le  trésor  de  son 
maître  et  pour  le  sien,  des  sommes  prélevées  par  tous  les 
moyens. 

Bernardo  Navagero,  après  avoir  rempli  auprès  de  la  Porte 
les  fonctions  de  haile,  remit  au  Sénats  en  1^5),  Ici  relation 
de  son  séjour  à  Constantinople.  Il  trace  en  ces  termes  le  por- 
trait de  Rustem  Pacha  :  ((  Ce  Pacha  est  plutôt  petit  que 
grand  de  taille  :  il  a  le  visage  très  coloré  et  le  teint  si 
enflammé  qu'il  parait  violacé.  Il  parait  être  dispos  et  robuste, 
maison  prétend  qu'il  est  sujet  à  une  grave  indisposition.  Il 
semble  avoir  une  grande  promptitude  de  coup  d'œil  et 
être  né  pour  r action.  Il  est  fort  actif  et  d'une  extrême 
sobriété;  on  dit  qu'il  n'a  jamais  bu  de  vin.  Il  supporte 
la  fatigue  avec  la  plus  grande  patience,  car,  outre  les 
affaires  qu'il  traite  continuellement  avec  le  Grand  Seigneur, 
il  donne  pendant  toute  la  semaine,  excepté  le  mardi,  des 
audiences  qui  commencent  de  grand  matin  et  prennent  fin  au 
coucher  du  soleil.  Il  a  pour  les  affaires  une  excellente  mémoire 
et  particuUèrement  pour  tout  ce  qui  concerne  les  forces  du  Grand 
Seigneur;  il  sait  bien  ce  que  l'on  doit  redouter  et  qui  on  doit 
craindre.  Il  passe  pour  être  orgueilleux  et  colère...  Son  ambi- 
tion n'a  pas  de  bornes  et  son  plus  grand  plaisir  est  de  s'en- 
tendre dire  que  jamais  les  souverains  ottomans  n'ont  eu  à 
leur  service  un  homme  plus  sage  et  plus  prudent  que  lui.  Il 
est  d'une  avarice  excessive  et  avec  de  l'argent,  on  lui  fait  faire 


INTRODUCTION  xxi 

tout  ce  que  ïoii  veut.  Il  est,  par  nature,  plus  eiineuii  des  chré- 
tiens quaucuii  de  ses  prédécesseurs  ;  on  ne  peut,  dit-il,  avoir 
aucune  confiance  dans  les  giaours  ;  mais,  parmi  les  chrétiens, 
il  tient  compte  de  ceux  qui  lui  donnent  le  plus.  C'est  avec  lui 
que  sont  traitées  et  négociées  les  affaires  d'iniportarice,  mais 
il  s'emporte  contre  ceux  qui  ne  s  adressent  point  à  lui  et  il  leur 
rend  toutes  sortes  de  mauvais  offices.  Il  est  enclin  à  conserver 
la  paix,  car  il  sait  que  la  guerre  seule  peut  troubler  le  hoidjcur 
dont  il  jouit  dans  ce  monde;  il  ne  la  conseillera  jamais,  quand 
bien  même  il  la  saurait  désirée  par  le  Sultan.  Il  a  agi  ainsi 
lors  de  l'expédition  de  Perse,  dans  laquelle  le  Grand  Seigneur 
a  éprouvé  de  si  grandes  pertes.  Les  conseils  qu'il  lui  a  donnés 
pour  l'en  dissuader  ont  augmenté  la  faveur  dont  il  jouis- 
sait, j) 

Busbec  qui,  dans  ses  différentes  missions  eut  à  traiter  avec 
Rusteni  Pacha,  porte  sur  lui  le  même  jugenuvit  que  Nava- 
gero  :  ((  Rusteni  paraissoit  iousiours  triste  et  tousiours  en 
colère.  Il  vouloit  que  ses  paroles  fussent  des  arrests.  Il  sçavoit 
bien  ce  que  les  affaires  et  la  vieillesse  du  Prince  luy  dennin- 
doient  ;  mais  il  craignoit  que  l'indulgence   nécessaire  en  ce 
temps  là  ne  Just  imputée  à  son  avarice  dont  il  estoit  soup- 
çonné dans  l'esprit  de  Soliman.  C'est  pourquoy  il  ne  relas- 
choit  jamais  de  sa  sévérité  ordumire,  quoy  qu'il  souhaittast 
passionnément  faire  la  paix;  et  s'il  arrivoit  quelquefois  qu'on 
ne  luy  respondist  pas  comme  il  vouloit,  il  n'escoutoit  plus  per- 
sonne ;  il  conimandoit  qu'on  se  rctirast  et  s'en  alloit  tousiours 
luy  mesme  en  colère.  Je  me  souviens  qu'un  jour,  estant  à 
l'audiance  chei  luy,  et  luy  ayant  proposé  quelque  chose  touchant 


xxri  INTRODUCTION 

la  paix,  qui  luy  sembla  indigne  de  la  majesté  de  son  maistre, 
il  me  dit  hnisqncincnt  que  je  m'en  allasse  che^  moy,  si  je  na- 
vois  point  d'autre  proposition  à  luv  faire\  » 

Lorsque  le  retour  de  d'^ramon  à  Constantinople  fut 
décidé,  François  /"'  faisait  encourager  par  ses  agents  la  résis- 
tance des  princes  allemands  contre  l'Empereur.  On  répandait 
partout  le  bruit  que  le  Sultan,  à  la  tête  d'une  puissante  armée, 
devait  envahir  les  Etats  du  roi  Ferdinand  pendant  que  la 
flotte  turque  ferait  une  diversion  sur  les  côtes  de  Fltalie  et  de 
frAfrique.  Le  Sultan  et  ses  ministres  étaient  peu  disposés  à 
renouveler  les  hostilités  contre  r Autriche.  Poussé  par  la  Khas- 
seki.  Sultan  Sideyman  avait  résolu  de  porter  la  guerre  dans 
les  Etats  du  roi  de  Perse,  accusé  de  faire  cause  commune  avec 
le  fils  aîné  du  Sultan;  il  avait  donc  hâte  d'éloigner  toute 
cause  de  conflit  avec  l'empereur  et  le  roi  des  Romains.  La  vic- 
toire de  Muhlberg  et  F  habileté  de  Feltiuick  assuraient  le  succès 
delà  négociation  qui  venait  d'être  ouverte.  Les  ministres  turcs, 
pour  rendre  la  paix  plus  stable,  avaient  fait  savoir  à  T agent  de 
Charles-Ouint  et  de  Ferdinand  que  le  Sidtau^  entendait  que 

I.  Bitshcc,  Ambassades  et  vo\Mges  en  Turquie,  pages  ^2ç-^^o. 

Rustem  Pacha  mourut  â'hydropisie  en  1^60  et  fut  enterré  dans  le  harem  de  la 
mosquée  des  Chahzadèh  à  Constantinople.  L'historien  turc  Petchevy  a  donné  la  liste 
des  richesses  qui  formaient  son  héritage.  Rustem  Pacha  possédait  en  Roumélie  et  en 
Analolie  mille  fermes  et  domaines  et  quatre-cent-soixante-scize  moulins.  Il  avait 
cent  soixante-dix  esclaves  hommes,  deux  mille  neuf  cents  chevaux  et  on^e  cent  soixante 
mulets.  On  trouva  dans  son  palais  une  bibliothèque  de  cinq  mille  manuscrits,  huit 
cents  Corans  remarquables  par  la  beauté  de  l'écriture  et  cent  trente  dont  la  reliure 
était  enrichie  de  pierres  précieuses.  Il  laissa  sept  cent  quatre-vingt  mille  ducats 
d'argent  comptant,  deux  mille  cuirasses,  six  cents  selles  en  argent,  cent  trente  paires 
d'étriers  en  or,  huit  cent  soixante  sabres  dont  la  poignée  et  le  fourreau  étaient  enri- 
chis de  pierreries,  etc.,  etc. 


INTRODUCTION 


François  I""  fût  compris  devis  la  trcvc  qui  allait  ctrc  avicluc. 
Le  roi  de  France  était  tenu  au  courant  de  ces  négociations  et, 
pour  en  entraver  la  marche,  il  fit  partir  pour^ndriuoplc,  dans 
les  derniers  jours  de  décembre,  Codignac,  son  vaJet  de  chambre, 
porteur  de  dépêches  chiffrées  et  chargé  de  demander  à  la  Porte 
de  surseoir  à  la  conclusion  de  la  paix  jusqu'à  l'arrivée  de 
d'Aramon.  Le  chargé  des  affaires  de  France,  de  Canûn-ay,  que  le 
manque  d'argent  avait  forcé  de  retourner  à  Constantinople,  fut 
mandé  à  ^4ndrinople  pour  déchiffrer  les  lettres  apportées  par 
Codignac  mais  elles  ne  contenaient  aucun  fait  d'importance. 
UAramon  arriva  enfin  le  mercredi  saint  deV année  1^4'j  :  il 
était  accompag}ié  d'une  suite  nombreuse,  dans  laquelle  on 
voyait  des  gentilshommes  de  Raguse  et  d'Italie.  11  fut  reçu  le 
vendredi  saint  par  Rustem  Pacha  et  le  lendenmin  par  les 
trois  autres  vé:^rs.  Le  mercredi  après  Pâques,  il  eut  une 
audience  du  Sultan  auquel  il  présenta  les  cadeaux  du  roi^ 
parmi  lesquels  figurait  une  horloge  enrichie  de  pierreries,  et 
que  d'^ramon  assurait  avoir  été  payée  quinze  mille  ducats. 
D'^Aramon  était  chargé,  au  dire  de  Gérard  de  Veltiuick,  de 
prier  le  Sultan  d'envahir  la  Hongrie  et  d'envoyer  la  flotte 
ottomane  sur  les  côtes  d'Afrique.  Il  était  secondé  dans  ses 
démarches  par  le  comte  Christophe  de  Rogendorf,  capitaine 
des  gardes  de  Charles-Ouint  et  fils  du  comte  Guillaume  de 
Rogendorf  qui  avait  défeiulu  Bude  contre  les  armées  otto- 
manes'. Le  comte  Christophe  de    Rogendorf  s'était  trouvé 


I.  Le  comte  de  Rogendorf  est,  dans  les  dépêches  de  Gérard  de  Vellivich,  désigné 
sous  le  nom  de  Gonde  ou  Coudé.  Ses  titres  sont  relatés  dans  un  diplôme  signé  par 
Ferdinand  à  Krems,  h  //  décembre  ly^J.  «  Christ oph  Freiherr  von  Rogendorf  und 


xsiv  INTRODUCTION 

lésé  par  tinc  décision  de  l'Empereur,  rendue  en  faveur  de  sa 
femme,  Elisabeth  d'ŒUing.  Il  s  était  enfui  pour  aller  offrir 
ses  services  au  plus  puissant  des  ennemis  de  son  maître. 

Rogendorf  était  arrivé  à  Constantinople  au  mois  de  sep- 
tembre i^^6  :  il  avait  emporté  avec  lui,  disait-on,  une  somme 
de  quarante  mille  ducats'.  Le  grand  vé^ir,  Rustem  Pacha,  Va- 

MoUenhiirg ,  Herr  -{ii  Conte  uiid  Retoniae,  Ihre  Keyserl.  Majestat  Leih-Guarâi  uiid 
Hattschier-Obrister. 

«  //  conte  KogendorJ  arrivato  qui  aï! i  2/  di  settemhrecom'  un  vento  coinc  se  il  por~ 
tasse  le  cose  de  lutta  cristianità  sopra  le  spalc.  Si  ha  star^ato  primo  délie  questione 
cVegli  ha  con  la  sua  donna  laquale  lui  fu  leggiera  di  cervello,  culpando  l'Imperatore 
et  la  regina  Maria  che  a  torto  Vhan  difesa  et  che  per  dis  petto  si  e  venuto  a  met  ter  in 
grembo  di  questo  G.  S.  et  che  S.  M.  vede  si  servici  che  li  potrafar,  avendo  lui  tanti 
castelli  in  Anstria. 

u  Gionse  in  Constantinopoli  un  gentiluomo  todescho  nominato  il  conte  Christofore 
Rogendorf,  s  ignore,  per  quantodice,  di  set  te  castelli  d' Anstria.  Si  présenta  a  Rostem 
liquale  lo  commanda  a  Yonusbey.  Ha  porlato  scco  denari  per  la  somma  di  40,000 
:iecchini,  fu  basiar  la  man'al  sig)ior  alli  10  (Octobre)  una  mesa  ora,  li  ha  fatlo  niolto 
facile  lapresa  di  Vienna.  »  (Dépêches  du  baile  de  Venise  citées  par  M.  de  Hammer , 
Hist.de  l'empire  Ottoman,  tome  V,  Appendice.) 

I.  Chesneau  nous  donne  le  récit  de  la  fuite  du  comte  de  Rogendorf  dont  la  situa- 
tion était  devenue  fort  précaire  dés  le  milieu  de  l'année  IS47-  ^^  levait  dissipé  au  jeu 
toutes  les  sommes  qu'il  avait  apportées  avec  lui.  Malveni  écrivait  le  6  juillet  1^47, 
au  roi  des  Romains:  »  Gondea  comminciato,  già  molti giorni  fa,  a  venderela  sup- 
pellectile  sua  perche  non  a  piii  denari  per  il  victo.  Ha  supplicato  al  Bassa  cheglivolgha 
far  crcsser  el  stipendio  sua,  quai  è  de  60  asperi  al  giorno.  El  Bassa  gli  ha  risposto 
che  la  usan^a  del  grau  signore  è  che  quando  cresse  el  stipendio  a  qualche  suo  schiavo, 
lo  cresse  per  qualche  valente  prova  che  fattia  detto  schiavo  su  la  guerra  ovver  per 
longa  servitii  et  che  esso  Gonde  non  ha  anchora  fatlo  ne  l'uno  ne  l'allro.  » 

Rogendorf  fut  envoyé  en  France  au  mois  de  février  1J4S  par  d'Aramon  qui  le  fit 
accompagner  par  le  capitaine  Bartholomé. 

((  Alli  2()  del  passato  parti  Gonde  de  qua  con  un  certo  capitan  Bartolomio  per 
Fran^a.  »  (Lettre  de  Malvezzi  au  roi  des  Romains.  Archives  Imp.  et  Royales 
d'Autriche.) 

J'ai  placé  dans  l'Appendice  la  lettre  d'un  agent  de  Ferdinand  relative  à  Rogendorf, 
auquel  on  offrait  un  commandement  dans  la  province  de  Bagdad,  s'il  voulait  se  con- 
vertir à  l'islamisme. 


INTRODUCTION'  xxv 

vûit  confié  aux  soins  de  Younis  bey  et  le  lo  octobre,  il  ctiiil 
reçu  par  Je  Sultan,  qui  lui  accordait  le  titre  de  Moutefcrriqa 
et  une  pension  journalière  de  soixante  aspres  ;  an  mois  de 
janvier  ij4/,  il  se  rendit  à  ^ndrinople,  où  le  Sultan  s'était 
fixé  pour  y  passer  l'hiver.  Rogendorf  proincliail  de  livrer 
ses  châteaux^  de  soulever  ses  amis  et  ses  partisans  et  il  se  finsait 
fort  de  rendre  les  Turcs  maîtres  de  Vienne.  Dés  l'arrivée  de 
d'^ramon,  il  s  aboucha  avec  lui  et  lui  exposa  son  plan  de 
campagne  contre  l'Autriche,  L'ambassadeur  essaya  de  démon- 
trer à  la  Porte  que  le  mauvais  état  des  fortifications  de  Fie  une 
en  roidait,  cette  année,  la  prise  facile,  mais  que  si  on  laissait 
achever  les  travaux  entrepris  par  le  roi  Ferdinand,  cette  ville 
serait  désormais  à  l'abri  de  toute  attaque.  D'^iramon  conti- 
nuait sans  succès  ses  démarches  pour  entraver  la  conclusion 
de  la  paix,  lorsque  la  nouvelle  de  la  mort  de  François  F''  par- 
vint à  ^ndrinople.  Les  Ragusais  qui  y  résidaient  et  qui, 
comme  tous  leurs  compatriotes,  étaient  dévoués  aux  intérêts  de 
T  empereur,  en  furent  les  premiers  instruits  \  Les  ministres  du 
SuJtan  n'ajoutèrent  foi  à  cette  nouvelle  que  lorsqu'elle  leur  fut 
confirmée  par  le  bayle  de  Venise  et  par  M.  d'^âramon,  auquel 
M.  de  Morvilliers  avait  expédié  un  courrier  en  toute  hâte. 

1 .  «  Mais  les  Ragusaiiis  ne  [aillent  jamais  de  faire  entenihe  par  deçà  bien  soi- 
gueusement  et  dilligemmeiit  tout  ce  qu'il^  connaissent  qui  peut  servir  à  la  prospérité 
des  affaires  de  l'empereur,  les  eslevant  tousiours  le  plus  qu'il\  peuvent  par  tous  les 
aduis  qu'il:^  escrivent  et  autre  vérité,  à  son  grand  advantage  et  exaltation.  A  quoy 
jusques  icy  j'ay  tasché  d'obvier.,  escrivant  souvent  à  M.  d'Aramon  pour  liiy  repré- 
senter la  vérité  des  choses  en  telle  sorte  que  l'on  connaisse  que  lesdits  Ragusains  escri- 
vent plus  souvent  leur  passion  que  la  vérité.  »  (Lettre  de  M.  de  Morvilliers  au 
connétable  de  Montmorency  sous  la  date  du  27  mai  15 '17  ;  man.  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  2(})j,J'cl.  220.) 


XXVI  INTRODUCTION 

La  mort  du  roi  déconcertait  tous  ses  agents  à  l'étranger  : 
rétablissement  d'un  gouvernement  nouveau  était  pour  eux 
la  cause  d'hésitations  qui  arrêtèrent  toutes  les  négociations 
engagées.  U^dramon  resta,  au  grand  étonnement  des  Turcs, 
privé  de  nouvelles  et  d'instructions,  et  la  fausse  situation  dans 
laquelle  il  se  trouvait  ne  lui  permit  de  faire  aucune  démarche 
à  la  Porte  du  Grand  Seigneur.  M.  de  Morvilliers,  instruit 
des  embarras  de  d'^ramon,  écrivait  au  chancelier,  sous  la 
date  du  14  avril  1^4^....  «  Il  est  aussi  très  nécessaire  de 
pourvoir  aux  affaires  du  Levant  et  advertir  M.  d'^Aramon 
comment  il  se  conduira  cy  après,  qui  n'est  chargé  de  petite 
difficulté  envers  ces  hommes  barbares,  corruptibles  à  toutes 
mains  et  sans  foy,  prévoyant  que  ces  seigneurs  de  leur  caste 
advertiront  le  Grand  Seigneur  de  la  mort  du  Roy,  que  de 
toute  autre  part,  le  bruit  en  sera  soudainement  à  ses  oreilles. 
J'ay  depesché  un  brigantin  audit  sieur  d'^ramon,  Fadver- 
tissant  de  la  dite  mort,  non  pour  la  publier,  mais  pour  nes'es- 
tonner  et  tenir  les  choses  en  estât  avec  les  meilleurs  termes  qu'il 
pourra  adviscr,  attendant  autres  nouvelles  du  Roy.  Je  luy  ay 
fait  le  dit  advertissement  afin  que  si  restoient  aucuns  des  pre- 
scns  entre  ses  mains,  il  avisât  s  il  seroit  bon  de  les  retarder.  Je 
crains  toutesfois  que  bien  tard  il  recevra  mes  lettres,  car  il  a 
peu  arriver  à  la  court  du  Grand  Seigneur,  le  cinq  ou  le 
sixiesme  de  ce  mois.  )> 

^u  lieu  de  faire  notifier  par  d'Aramon  la  mort  du  roi  son 
père  et  son  avènement  au  trône,  Henri  H  chargea  de  cette 
mission  un  des  officiers  de  sa  maison,  le  baron  de  Fumel, 
capitaine  des  gardes  de  la  porte  ci  protégé  de  Diane  de  Poi- 


INTRODUCTION'  xxvii 

tiers.  Le  baron  de  Fuiiiel  devait,  en  outre,  donner  l'assurance 
que  le  roi  désirait  suivre  les  traditions  de  son  père  et  resser- 
rer les  liens  qui  F  unissaient  au  Sultan.  Ces  dernières  avances 
étaient  tardives;  la  conclusion  de  la  trêve  avec  r Autriche 
était  irrévocahlement  décidée.  U^ramon  en  avait  instruit  le 
roi  dès  le  i)  juin  :  «  Sire,  écrivait-il,  ce  Seigneur  et  ses  mi- 
nistres avoient  eu  la  certitude  du  trcspas  du-  feu  roy,  que 
Dieu  absolve,  et  comme  n  ayant  eu  aucun  avis  de  vostrepart, 
sçachant  très  bien  qu'il  vous  avait  pieu  en  despartir,  ensemble 
des  nouvelles  de  vostre  advenement,  à  tous  les  autres  princes  et 
potentats,  vos  amis,  estoient  entrés  en  très  grand  mécontente- 
ment et  soupçon  que  J\xstre  Majesté  faisajit  peu  d'estime  de 
leur  amitié  ne  la  vouloist  plus  continuer  ;  de  sorte  que  je  crai- 
gnois  que,  71  ayant  en  bref  de  vos  nouvelles,  ils  fussent  pour 
prendre  quelque  accord  avec  T ambassadeur  de  V empereur  et 
du  roy  Ferdinand,  qui  se  trouvait  par  deçà,  joint  aussi  la 
venue  de  Tun  des  frères  du  Sophy,  qui  s'estait  venu  rendre 
ces  jours  passe\  à  ce  Grand  Seigneur  avec  asseurance  de 
rendre  à  ce  Grand  Seigneur  TEstat  et  la  couronne  de  son 
frère  entre  ses  mains  ;  estant  venu  en  ce  mesme  temps  les  nou- 
velles de  la  victoire  de  Tempereur  en  Allemagne  contre  le 
duc  de  Saxe,  et  craignant  que  par  ce  moyen  le  dit  Grand 
Seigneur  le  vint  molester  du  caste  d'Hongrie,  qui  le  divertist 
de  la  dite  entreprise  du  Sophy,  qui  est  le  plus  grand  motif 
qu'il  ait,  et  ne  voyant  comparoir  aucunement  de  vas  nou- 
velles; s' estant  du  tout  mis  en  opinion  que  tel  retardement 
fust  une  espesce  de  mespris,  pour  ne  voulloir  continuer  leur 
amitié,  se  sont  résolus  de  prendre  conclusion  avec  ledit  ani- 


xxvm  INTRODUCTION 

bassadeur  d'accepter  ses  offres,  qui  sont  de  trente  mille  ducats 
par  an  de  tribut  pour  le  reste  de  ce  que  tient  le  roy  Ferdi- 
nand du  royaume  de  Hongrie,  et  moyennant  ce,  luy  accorder 
et  à  T empereur  semblablement,  la  paix  pour  cinq  ou  six  ans, 
nonobstant  ce  que  fay  sccu  faire  et  dire  pour  les  en  divertir, 
ce  qui  na  sccu  avoir  autant  de  force  envers  eux  comme  par 
le  passé  pour  estre  asscT^  Infor mez^  que  je  navois  aucun  advis 
de  l'intention  de  Vostre  Majesté  depuis  son  advenement.  » 
Le  baron  de  Fumel  avait  caché  avec  soin,  pendant  son 
voyage,  la  mission  dont  il  était  chargé,  et  on  supposait  qu'il 
était  envoyé  par  Henri  H  auprès  de  la  duchesse  de  Ferrare. 
^  peine  avait-il  quitté  Venise  que  M.  de  Morvilliers  y  voyait 
arriver  M.  de  Saint-Simphorien,  dépéché  par  d',Aranion 
pour  faire  connaître  au  roi  la  situation  des  affaires  à  Cons- 
tantinople  et  le  bruit  répandu  par  les  agents  inipériaux  que  le 
roi  de  France  faisait  à  ï empereur  les  plus  grandes  avances 
pour  arriver  à  un  rapprochement.  L'arrivée  du  baron  de  Fu- 
mel à  Constantinople  sembla  à  d'^ramon  le  précurseur  d'une 
disgrâce.  M.  de  Morvilliers,  avec  lequel  il  était  en  correspon- 
dance, écrivait  à  Dumortier,  ambassadeur  de  Henri  H  à 
Rome,  sous  la  date  du  six  août  1^4^....  «  Par  les  dernières 
lettres  receues  de  Monsieur  d'^ramon,  il  m'escrit  qu'il  a  bien 
connu  par  les  propos  que  luy  a  temi^  monsieur  de  Fumeil 
que  le  roy  ne  se  veut  plus  servir  de  luy  et  maiule  l'affliction  et 
ennuy  qu'il  en  souffre,  n'ayant  offensé  ni  forfait.  Je  ne  sçay 
que  peut  luy  avoir  dit  ledict  Fumeil,  mais  je  croy  que  ce 
n'est  pas  chose  résolue  de  lever  ledict  ,Aramon,  et  il  me  semble 
qu'il  seroit  maintenant  hors  de  saison  et  de  temps  de  le  reti- 


INTRODUCTION  jxix 

rcr,  car  ccstc  iicgociûtion  là  requiert  un  houiuic  cxcrcilc  cl 
seroitjde  ma  part,  nicrvcilkusenicut  dcspJaisant  qu\)u  Je  revo- 
quast  sans  niciUeure  et  plus  honneste  oeeasion,  car  cela  redou- 
devait  au  dommage  et  desestinie  du  service  du  rov  comme  au 
deshonneur  dudict  d'^ramou. 

«  Cottignac  arriva  mardy  pour  retourner  en  Levant  et  Je 
jour  mesmes  il  s  embarqua  ;  mais,  à  son  partement,  le  roy  na- 
voit  cncores  esté  adverty  des  dernières  nouvelles.  Les  pacquct:^^ 
sont  adresse:;^  à  monsieur  d'^4ramon  comme  ambassadeur,  et 
M.  le  connestable  parla  de  luy  audict  Cottignac  en  bien  bonne 
part,  donnant  bonne  espérance  :  scd  graves  et  infessos 
habet  adversarios.  Je  ne  vous  les  nomme  pas,  car  vous  les 
connaisses.  » 

Les  ministres  du  Sultan  se  trouvaient  en  présence  de  deux 
agents  également  accrédités,  qui  leur  donnaient  le  spectacle  de 
leur  initnitié.  Le  Sultan,  pour  s  éclairer  sur  les  intentions  de 
Henri  II,  prit  le  parti  d'envoyer  à  la  cour  un  Français, 
maître  Guillaume,  engagé  à  son  service  pour  l'entretien  de 
ses  horloges  et  qui  parait  avoir  été  en  correspondance  avec 
Diane  de  Poitiers.  Ce  maître  Guillaume  l'horloger  se  chargea 
d'une  lettre  du  baron  de  Fumel,  sollicitant  le  rappel  de  d'Aramon 
et  demandant  aie  remplacer  en  qualité  d'ambassadeur  près  la 
Porte  ottomane.  Il  arriva  à  Venise  et  M.  de  Morvilliers  en 
informa  tout  de  suite  le  connétable  de  Montmorency  :  «  Monsei- 
gneur, j'escris  au  roy  tout  ce  que  j'ay  peu  tirer  de  Maistre 
Guillaume  Vorloger  que  j'ay  diligemment  enquis  sur  les 
mo'iens  qui  pourroient  estre  de  rompre  les  pratiques  de 
M"  Girard.  Sur  quoy  il  m'a  fait  diverses  responses,  les  aucunes 


XXX  INTRODUCTION 

contraires  aux  autres  et  toutes  confuses  et  incertaines.  La  con- 
clusion de  ces  propos  est  qu'on  ne  fait  rien  avec  ces  boni  mes  là 
sans  dons  et  presens,  et  n'y  a  moyen  envers  eux  que  ces- 
tuy  là\  )) 

Cinq  jours  après  que  M.  de  MorvilUers  avait  expédié  cette 
lettre,  M"  Guillaume  mourait.  M.  de  MorvilUers,  qui  avait 
sans  doute  trouvé  dans  ses  papiers  les  preuves  de  la  protection 
que  lui  accordait  la  grande  Sênéchale,  s'empressa  de  lui  faire 
connaître  les  détails  qu'il  jugeait  devoir  rintércsser  : 

«  ,A  madame  la  grande  Sênéchale,  le  28"^  d'aoust. 

«  Madame,  M"  Guillaume  l'orloger  ayant  esté  depesché 
par  M.  de  Funieil  pour  aller  devers  le  roy,  tomha  mallade 
entre  Ragu^e  et  ceste  ville  où  toutesfois  quand  il  y  arriva,  ne 
tenoit  compte  de  son  mal,  estimant  nestre  sinon  que  las  et 
travaillé  du  long  chemin,  des  chaUeurs  et  de  la  tourmente 
qu'il  avoit  endurée  sur  la  mer,  et  pensoit  qu'à  sa  guéri  son  ne 
luy  fust  besoing  sinon  d'un  jour  on  deux  de  repos.  ^4  ceste 
cause,  ne  voulloit  il  ayde  ne  conseil  de  médecin.  Mais  le 
jugeant  à  sa  contenance  et  foihlesse  plus  mal  qu'il  ne  disoit, 
j'en  envoyai  quérir  un  très  suffisant,  lequel  après  avoir  veu 
ledit  maître  Guillaume  et  considéré  tous  les  signes  de  sa  nial- 
ladie,  la  jugea  dangereuse  et  y  ayant  quelques  indices  de 
fièvre  pestilencicusc.  Bien  que  depuis  trois  ou  quatre  jours,  il 
semhlast  aller  en  amandement,  et  mesmes  le  jour  avant  qu'il 
mourust,  les  médecins  m'en  parlèrent  comme  le  voyant  hors 
de  tout  péril,  et  le  pauvre  homme  disoit  ne  sentir  aucun  mal 
ny  ne  voyoit  on  aussy  chose  en  luy  qui  donnast  mauvais  pré- 
sage. Touttesfois,  il  dcceda  la  unie!  suivante  dont  fay  receu 


INTRODUCTION 


très  grand  dcspJaisir  cl  de  iaul  plus  qu'il  csl  niorl  eu  mon 
logis,  où  je  la  Y  faici  traiter  et  panser  le  plus  soigneusement 
qu'il  m'a  esté  possible.  Je  vous  escris,  Madanw,  ce  que  dessus, 
sçachant  qu'il  vous  reeonnoissoit  pour  nniitresse  et  qu'avec 
perdu  eu  luy  un  bien,  affectionné  serviteur,  car  le  jour  qu'il 
arriva  devers  inoy,  nie  conta  la  longue  et  ancienne  servitude 
quil  avoit  à  vous  et  à  vostre  nutison,  en  laquelle  il  esperoit 
continuer  tonte  sa  vie;  que  la  fiance  de  vostre  bonne  grâce 
Vavoit  fait  entreprendre  ce  voyage,  espérant,  avec  l'aide  de 
vostre  faveur,  trouver  quelque  honneste  moyen  pour  demeurer 
dès  à  présent  ou  se  retirer  bientost  en  France.  Il  avoit  admené 
un  jeune  garçon  esclave  aagé  de  douze  ou  trei:ie  ans  en  inten- 
tion^ comme  il  nia  dist,  de  le  vous  présenter,  l'ayant  connu 
de  bonne  nature  et  serviable.  Je  l'ay  retenu  et  vous  l'en- 
voirroy,  s'il  vous  plaist  de  l'accepter.  Il  avoit,  au  surplus^ 
apporté  avec  luy  plusieurs  hesongnes  que  j'ay  toutes  faict 
mettre  par  inventaire  et  les  feray  fidellement  garder  jusques  à 
ce  que  je  sache  entre  les  mains  de  qui  on  les  doibt  rendre, 
aucunes  d'icelles  cstoient  pour  faire  présent  ainsy  que  dit  son 
petit  esclave. 

«  Toutesfois  la  force  de  la  nialladie  l'a  surpris  si  soubdai- 
nement  qu'il  n'a  de  rien  disposé  ne  fait  de  testament.  D'ar- 
gent n  avoit  il  que  six  ou  sept  vingt  escus,  partie  de  laquelle 
somme  luy  niesme  fist  employer  durant  sa  nialladie,  pour 
achepter  quelques  besongnes,  espérant  bientost  se  remettre  en 
chemin.  J'ay  faict  escrire  en  un  petit  mesmoire  cy  inclus,  s'il 
vous  plaist  le  veoir,  tout  le  principal  et  le  meilleur  de  ce  qu'il 
avoit  apporté  avec  luy.  On  dit  qu'il  a  son  père.  Toutesfois, 


XXXII  INTRODUCTION 

je  ne  hiy  delivreray  rien  ni  à  antres  ses  pdrans  que  ce  ne  soit 
par  mandement  du  roy.  >> 

L'intervention  des  agents  français  ne  pouvait  plus  désor- 
mais entraver  la  conclusion  de  la  paix  dans  laquelle  étaieiit 
compris  le  roi  de  France  et  la  seigneurie  de  Venise.  Charlcs- 
Qiiinten  avait  signé,aumois  d'août,  la  ratificaiionà^ugshourg 
et  le  Sultan,  rassuré  du  côté  de  F  Autriche,  s'occupa  imiquement 
des  préparatifs  de  son  expédition  contre  la  Perse.  M.  d'Huy- 
son,  arrivé  à  Constantinoplc  au  mois  de  septembre,  porteur 
d'une  lettre  du  roi  et  d'instructions  précises  pour  proposer  une 
action  commune,  ne  réussit  point  à  changer  les  résolutions 
de  Sultan  Suleyman.  Elles  étaient  d'autant  plus  inéhraidahles 
quElqas  Mir^a,  frère  de  Chah  Thahnasp,  qui  s'était  réfugié 
à  Constantinoplc,  lui  représentait  la  conquête  de  la  Perse 
comme  devant  être  facilitée  par  laide  de  ses  partisans  restés 
dans  les  provinces  du  nord,  et  sur  le  dévouement  desquels  il 
pouvait  compter  d'une  manière  absolue. 

Elqas  MirT^a  avait  été  investi  par  son  frère  du  gouvernement 
de  la  province  du  Chirwan.Il  s'était  révolté  imc  première  fois 
et  avait  obtenu  son  pardon  :  mais  il  renouvela  sa  tentative  et 
dut  prendre  la  fuite  devant  les  troupes  de  son  frère,  ^iprès 
avoir  erré  avec  quelques-uns  de  ses  partisans  dans  les  plaines 
du  Qiptchaq,  il  avait  réussi  à  gagner  la  Crimée  où  il  s'était 
embarqué  pour  Constantinoplc.  De  cette  ville,  il  se  rendit  à 
^ndrinople  où  le  Sultan  le  reçut  avec  la  plus  extrême  bien- 
veillance. Un  palais  lui  fut  assigné  pour  résidence  et  toutes 
ses  dépenses  furent  généreusement  payées.  Lorsque  le  Sultaii 
revint  à  Constantinoplc,  on  donna  à  Elqas  Mirr^a  le  spcclacle 


INTRODUCTION  xxxiii 

d'une  cnircc  sohiincIJc  devis  JaqucUc  furent  dcployccs  ioiilcs 
les  pompes  de  la  eoiir  olloniiVie.  Un  hdnquel  niagnifiquc  sui- 
vit cette  cérémonie  et  le  seyd  Abdoula:^}:^  Clnnvany  avec  tous 
les  uiir:;as  de  la  suite  du  prince  y  furent  admis.  ^4  son  retour 
au  palais  mis  à  sa  disposition,  Elqas  reçut  les  cadeaux  envoyés 
par  le  Sultan.  L'historien  ^aly  Tchèléhy  en  donne  la  liste; 
ils  consistaient  en  vases  d'or  et  d'argent,  en  vêtements  de  bro- 
cart, en  robes  de  velours,  de  soie  et  de  drap  fourrées  de 
martre  :;ibeline  et  ddyiix,  en  coffres  remplis  d'étoffes  de  prix. 
On  lui  présenta  un  certain  nombre  de  chevaux  arabes  et 
d'autres  chevaux  de  races  estinurs,  des  selles  enrichies  de  pierres 
précieuses,  des  étriers  en  or  et  en  argent,  des  sabres  dont  la  poi- 
gnée et  le  fourreau  en  or  étaient  couverts  de  pierreries,  enfin 
des  jeunes  esclaves  magnifiquement  vêtus  et  ayant  des  ceintures 
d'or.  ^  ces  cadeaux,  la  Sultane  Khassehy  et  les  princes  ses  fils 
joignirent  lesleurs  ;  c'étaient  de  somptueuses  étoffes,  des  couver- 
turcs  et  des  coussins  brodés  en  or  dont  la  valeur  dépassait  la 
somme  de  dix  mille  ducats.  Le  grand  vé:jr  et  tous  les  digni- 
taires de  la  Porte  durent  suivre  l'exemple  do)uié  par  le  souve- 
■  rain.Levé^ird'Elqas  Mir^a,Mir:ia  FaTJl  et  toutes  les  personnes 
de  sa  suite  reçurent  des  gratifications,  chacune  selon  son  rang. 

M.  de  Morvilliers  résume  de  la  manière  la  plus  claire  dans 
une  lettre  adressée  à  M.  de  Marillac,  sous  la  date  du  2 y  sep- 
tembre 1^4"/,  la  situation  des  affaires  à  Constantinople. 

«...feue  laisseray  pourtant  de  vous  dire  les  dernières  nou- 
velles que  nous eusnies  de  Constantinoplepar  lettres  du  dou:;jesnu' 
d'aoust.  Vous  sçaver^que  le  frère  du  Sophy  s  est  vont  rendre  au 
Grand  Seigneur  et  luy  a  fait  la  conqueste  de  la  Perse  et  de  l'em 

m. 


XXXIV  INTRODUCTION 

pire  de  son  frère  si  facille  que  le  Seigneur  a  Jà  converty  ses  des- 
seins et  commeneé  grande  préparât if^^en  intention,  comme  l'on 
dit,  défaire  entreprise  et  aller  en  personne  contre  le  Sophy  sur 
ce  printemps.  Et  pour  ceste  cause,  désire  sasseurer  du  costé  de  la 
Hongrie.  Cest  le  point  principal  qui  le  meut  en  partie  d'ac- 
corder la  tresve  pour  laquelle  estoit  venu  M"  Girard  avec  le 
bon  ayde  qu'a  fait  à  ceste  pratique  Rostan  premier  bassa  et 
fanis  bey  corrompu:^^  de  presens  et  d'argent  avec  promesses  de 
plus  grand^  quand  ce  viendra  à  la  ratification,  fe  vous  ay 
proposé  cela  pour  vous  dire  apre\  que  les  derniers  advis  portent 
que  la  volonté  du  Seigneur  continue  en  ceste  entreprise  de 
Perse  :  que  chascun  jour,  plusieurs  gentilshommes  et  autres 
subiect^  des  païs  des  frères  du  Sophy,  s  en  venoient  à  la  file, 
fugitifs  devers  leur  seigneur,  pour  ce  que  le  dict  Sophy  faict 
trencher  la  teste  à  tous  ceux  quil  peut  prendre  des  amis  ou 
serviteurs  de  sondict  frère,  lequel  avoit  laissé  sa  femme  et 
enffans  dedans  une  place  que  le  Sophy  a  prise  et  a  fiit  mener 
lesdictes  femmes  et  enffans  prisonniers  en  certain  autre  lieu. 
Ledict  Sophy  avoit  mis  le  siège  devant  une  autre  forte  place 
pour  laquelle  secourir  le  Grand  Seigneur  faisoit  préparatifs  en 
grande  haste.  On  estimoit  neantmoins  que  pour  ceste  année, 
il  luy  seroit  malaisé  de  faire  entreprise.  Mais  des  gens  quil 
faisoit  lever  à  présent,  il  mettroit  garnison  sur  ces  frontières  de 
ce  costé  là.  f'eslinw  que  M.  d'Aranuvi  denwurera  par  delà  et 
que  M.  de  Fumcil  a  bonne  envie  de  retourner.  Il  avoit  depesché 
M'  Guillaume  l'orloger  devers  le  roy,qui  arriva  le  mois  passé, 
Duillade  en  mon  logis  et  mourut  cinq  ou  six  jours  apre^.  » 
Larniée  avait  été  réunie  sur  la  côte  d'Asie,  et  le  2(-)  mars 


IXTRODUCIION"  NXNV 

I J4S,  Suhan  StiJcyman,  accompagne  par  son  fils  Djihanguir, 
quitta  sa  capitale  et  établit  son  camp  à  Sculari.  Il  se  dirigea 
sur  la  ville  de  Seyd  G/m~v;  il  y  fit  ses  dévotions  an  tombeau 
de  Djafer  Bathal  et  répandit  d'abondantes  aumônes  sur  les 
derviches  qui  en  avaient  la  garde.  Il  fut  rejoint  à  Seyd  Gha~y 
par  son  fils  Selim,  gouverneur  de  la  province  de  Saroukhan. 
Ce  jeune  prince  fut  chargé,  pendant  la  durée  de  la  campagne, 
de  l'administration  de  la  Rouniélie,  et  il  reçut  l'ordre  de  fixer 
sa  résidence  à  ^ndrinople.  ^  ^qcheher.  Sultan  Suleyman 
reçut  les  hommages  de  son  fils  Baye^id  qui  gouvernait  la  pro- 
vince de  Ooniah,  puis,  après  avoir  traversé  Césarée,  il  alla 
établir  son  camp  dans  la  plaine  de  Sivas  où  son  fils  aîné  Sul- 
tan Mustafa  vint  se  présenter  à  lui.  De  Sivas,  F  armée  gagna 
Er^roum. 

Henri  II  avait  exprimé  le  désir  que  son  ambassadeur  accom- 
pagnât le  Grand  Seigneur  dans  la  campagne  qui  allait 
s'ouvrir  '.  UAramon  en  avait  obtenu  l'autorisation  du  grand 
vé:(ir,  mais  celui-ci  craignant  pour  l'ambassadeur  quelque  insulte 


I,  On  conserve  aux  archives  impériales  et  royales  de  Vienne  un  rèstiinê  rédige  en 
latin  delà  lettre  adressée  par  Henri  II  et  d'Aramon  pour  lui  ordonner  de  suivre  le 
Sultan  :  »  Ad  oratorem  Ramon.  Per  litteras  tuas  nohis  signifuasti  qualiter  Sultan 
Soleman  in  partihus  Pcrsarum  ad  bellum  iturus  est.  Igitur  vecessum  est  quod pro 
bona  amicitia  et  fidelitate,  observetiir  ;  pro  ea  causa  ubique  Sua  Majestas  extiterit 
aut  qiio  iverit,  tu  quoque  de  curia  sua  non  ahsis,  sed  cum  Maiestate  Sua  ingrcdiaris 
simul  cum  Cadoguato.  Tecuni  vcniat  ex  causa  qiia  si  aliquid  in  islo  itinerc  veces- 
sum fuerit  ipsuni  quant  cito  nobis  remittas  si  fiierit  uecesse  seddere  certiorem  dt 
rébus  gestis  et  factis...  Cum  predicto  Cadoguato  tibi  misimus  litteras  quod  et 
quantum  pecuniarum  tibi  necessum  fuerit  ut  a  mercatoribus  istis  accipias  et  in  ma 
nibus  suis  date  poli:^ain  de  habitis  et  receptio.  n 

Cette  lettre  doit  avoir  été  traduite  par  Ibrahim  bey,  un  des  drognums  de  la  Porte, 
polonais  d'origine,  et  remise  par  lui  à  Malvei:;^i. 


xsxvi  INTRODUCTION 

de  la  part  de  soldats  indisciplinés,  d'enfants  perdus  on  d'aven- 
turiers, avait  exigé  que  d'Arauion  se  rendît  à  Er-^roum  par 
une  route  différente  de  celle  suivie  par  V armée  \  Le  baron  de 
FunieJ,  revenu  de  son  voyage  d'Egypte  et  de  Syrie,  avait  aussi 
sollicité  la  permission  d'accompagner  le  Sultan  ;  elle  lui  fut 
refusée  et  il  dut  rester  à  Constantinople. 

Chesneau  nous  fait  connaître  les  différents  incidents  de  ce 
voyage  en  Asie-Mineure  fait  par  une  troupe  de  gentilshommes 
français  chevauchant,  la  cornette  de  France  déployée.  Le  sou- 
venir s'en  conserva  longtemps  et  Brantôme  en  parle  en  termes 
enthousiastes  :  «  Il  (le  capitaine  Berthelomé)  avoit  esté  à  feu 
M.  d'Aramont  et  alla  avec  luy  en  Levant,  lorsqu'il  y  fut  envoyé 
du  roy  Henry  en  ambassade,  qui  fut  receu  et  bien  venu  aussy 
honorablement  que  jamais  fut  ambassadeur  ;  carie  Grand  Sei- 
gneur faisant  le  voyage  de  Perse  voulut  qu'il  vint  avec  luy, 
cequil  fit;  et  pouvoit  avoir  avec  luy  cent  lion-ncstes  hommes, 
capitaines  ou  soldat^,  bons  et  signale^  François  desquelT^  le 
Grand  Seigneur  voulut  qu'il  en  arborast  une  cornette  aux 
armoiries  de  France,  à  laquelle  il  vint  cet  honneur  qu'elle 
marchoit  à  la  droite.  Quelle  gloire  pour  cet  ambassadeur  et 
pour  sa  nation  françoise,  de  tenir  tel  rang  auprès  du  plus 
grand  monarque  du  monde'!  » 

1.  MalvL\:{i  prèscnlail  à  sa  cour  celle  précaution  coiiunc  une  défense  jaile  à  d'A- 
ranion  de  suivre  le  Grand  Seigneur,  u  El  signorlia  inaiidato  a  ferniar  Vainhasciatore 
de  Prania  che  non  passi  piii  avanti,  perché  sua  Aliéna  non  vole  chevenganel  canipo 
suo.  »  (Dcpcchc  du  14  juin  1541^.) 

2.  Branlôme,  Œuvres  coniplctos  publiées  pour  laSoLictc  Je  Thistoirede  France 
par  M.  L.  Lalanne,  tome  VJ,  pages  ijcf-iSo. 

Malvcizi  écrivait  au  roi  des  Romains  sous  la  date  du  20  mai  1^4^-  "  Aranio  é 
parlito  de  qua  alti  2  del  près. nie  pcr  andare  in  Persia  col  campo  del  Signor,  se  potrà 


INTRODUCTION  xxxvn 

•  Les  opcralions  de  guerre  coniinciiccrciil  après  le  iUparl 
d'Er:(j'onin;Piry  Pacha,  goaverncar deCaramanie ,  cl  Oïdaiiia 
Pacha,  heyJerhey  d'Er^roiini,  furent  chargés  d'investir  Je  ehà- 
teau  de  Van  pendant  que  l'armée  marchait  sur  Tauri^^.  Elle 
ne  rencontra  pas  Teniiemi  qui  fuyait  devant  elle  après  avoir 
tout  ravagé  sur  son  passage.  Le  manque  de  vivres  el  les  ma- 
ladies obligèrent  le  Sultan,  après  la  prise  de  Tauri^à  rentrer 
dans  ses  États'.  Le  seul  fait  de  guerre  heureux  qui  se  pro- 
duisit pendant  cette  retraite  fut  la  reddition  de  l'important 
château  de  Van.  Les  conseils  donnés  par  cï^ramon  pour  réta- 
blissement d'une  batterie  en  amenèrent  la  capitulation, 
^près  avoir  péniblement  traversé  la  Mésopotamie  \  le  gros 


aggiongerlo,  cum  ^o  gamheli  et  allri  cinquania  cavakahire,  parte  per  cavalcare, 
parte  per  cariaggi  et  ciim  80  persane  vel  circa,  cum  un  stcndardo  spicgalo  a  modo  di 
sangiachhey  cum  gU  gilli  d'oro  in  canipo  a^uro. 

((  Pasato  che  fu  in  Natoîia,  se  ferma  sapra  Scularri  octa  giorni,  puai  é  partita  a 
viaggia  sua.  Ha  lasato  qua  per  sua  locatencnte  el  sua  secretaria  delta  Cambrai. 

I.  (.(.Je  suis  adverty  que  le  haillio  de  ces  seigneurs  leur  escripl  quele  camp  du  Grand 
Seigneur  souffre  nécessité  de  vivres  pour  les  chevaulx  et  de  grandes  incommodité:^, 
entre  aiiltres  malladies,  de  flux  de  ventre.  »  (Dcpêchc  de  M.  de  Monùlliers  sous 
la  date  du  13  août  1548.) 

2 que  l'on  avait  envoyé  à  Canstanliuaple  pour  faire  des  jannissaires  nouveaux, 

et  les  mener  promptement  au  camp,  y  estant  morts  grand  nombre  de  viel^  :  que  par 
la  grande  cherté,  nécessité  de  vivres  et  mcsaise,  y  avait  eu  mortalité  incroyable  de 
chevaulx  et  attitrés  bestes.  Le  Grand  Seigneur  estait  dans  la  province  de  Carccmyt, 
et  chascun  jour  se  faisait  prière  à  Constantinople  pour  son  salut.  La  cherté  de  fro- 
ment et  d'orge  estait  montée  à  si  hault  prix  audict  camp  que  le  septier  faisant  en- 
viron cent  trente  livres,  à  XVI  onces  la  livre,  s'estait  vendu  sept,  huict  et  neuf  ducat:.  » 
H  Dépêche  de  M.  de  Morvilliers  au  roi  sous  la  date  du  16  au  20  novembre. 

«  L'amhasciatore  de  Francia  al  ritirav  del  campo  si  é  intrato  nel  campa  del 
Bassa  a  pregarlo  che  S.  E.  gli  voglia  dur  soccorso  de  victuaglia.  Rustem  Bassa  gli 
ha  rispotta  che  se  detta  ambasciatore  ha  di  bisogno  le  victuaglia,  che  se  ne  compri 
perché  esso  non  gli  ne  vol  dare.  »  (Dépêche  de  Malvczzi  sous  la  date  du  26  sep- 
tembre 1548.) 


XXXVIII  INTRODUCTION 

de  l'armée  alla  prendre  ses  quartiers  d'hiver  dans  le  nord  de  la 
Syrie  et  le  Sultan  s'établit  à  ^Icp.  Les  fatigues  de  la  cam- 
pagne avaient  éhranU  sa  santé  et  le  repos  lui  était  devenu 
7iécessaire;  l'hiver  devait  être  consacré  aux  préparatifs  de  la 
campagne  qui  allait  être  reprise  au  printemps  et  le  soin  de 
traiter  avec  les  agents  étrangers  était  laissé  à  Ibrahim  Pacha, 
lieutenant  du  grand  vé^ir  et  gouverneur  de  Cotistantinople  ' . 
D'^ramon,  que  rien  ne  retenait  auprès  du  Sultan,  se  mit 
en  route  pour  visiter  Jérusalem  et  l'Egypte.  Un  incident  rap- 
porté par  Brantôme  signala  son  séjour  dans  la  ville  sainte. 
«  Estant  en  Hienisalem,  il  y  remplit  sainctement  son  vœu  et 
tous  ceux  de  sa  trouppe  à  son  imitation,  visitarent  le  dict 
sainct  Sepulchre  le  plus  devotieuse ment  qu'ils  peurent,  fors  le 
capitaine  Berthelomé,  lequel  estoit  pour  lors  un  jeune  homme 
fou,  bigarre,  asseï  libertin  et  grand  deriseur  de  nos  vœux  et 
de  nos  cérémonies  chrestiennes,  et  pour  ce,  ne  fit  comme  les 
autres.  M.  d'^ramont  l'en  pria  souvent  d'y  aller,  mais  il 
promettoit  beaucoup,  et  rien;  en  faisoit  beaucoup  accroyrc ; 
enfin,  un  jour,  M.  d'^ramont  l'en  pria  et  l'en  sollicita  tant, 
que  pour  l'amour  de  luy,  il  y  allast,  s'il  ne  le  vouloit  faire 
pour  d'autre  occasion  ou  subject,  et  qu'il  l'en  aymeroit  toute 
sa  vie  et  qu'il  s'en  trouveroit  très  bien  ;  ce  qu'il  fist  et  M.  d'^- 
ramont  l'y  mena  luy  niesme,  où  estant  entré  ledict  Berthe- 


1.  Malveiii,  dans  une  dcpcchc  adressée  au  roi  des  Romains  sous  la  date  du  26  sep- 
tembre 1^48,  prétend  que  d'Aramon  avait,  dans  son  voyage  de  Perse,  dépensé  une 
somme  de  vingt-cinq  mille  ducats.  «  Jo  credo  hen  che  detto  amhasciatorc  se  ritrovi  aï 
mal  partito,  havendo  consumato  et  speso  la  summa  di  XXV  milia  ducate  in  termine 
di  sei  mesi,  sen:(cifur  profit to  alchuno  ne  servit io  alla  Maeslà  del  re  suo  patrone  et  de 
cio  V.  S.  Maestîi  ne  sara  certissima.  » 


INTRODUCTION  xxxix 

lomé  dist  qu'il  scniisi  en  liiy  aiissitost  J'àiuc  altauiclc  cYiinc 
telle  devoition  et  religion  à  son  Dieu  qu'il  alla  oublyer  touifes 
les  dérisions  qu'il  avoit  faictes;  se  prosternant  devant  son 
Dieu,  fit  les  prières  et  repentances  si  fi^rvanlcnicnt  qu'oncqucs 
puis,  il  ne  sentit  de  ecs  erreurs  et  joUics,  et  remercia  cciil  jois 
M.  d'^ranion  qui  estoit  cause  d'un  tel  bien  pour  lux.  » 

Chesneau  nous  dit  que  Tamhassadeur  <(  estoit  attendu  du 
gardien  et  cordelliers  du  mont  Sion  comme  les  Juifs  allendcul 
leur  Messias,  pour  l'espérance  qu'ils  avoient  par  sa  venue 
estre  mis  hors  des  garhouilles  et  fascheries  que  leur  jaisoient 
chascun  jour  certains  santons,  c'est-à-dire  prestres  turqs  qui 
tiennent  le  Cénacle,  qui  estoit  leur  église  ;  et  depuis  quelque 
temps,  lesdictT^  Turqs  leur  ont  osté  par  force  et  oi  ont  Jait 
une  à  leur  mode  que  nous  appelons  mousquée  \  » 

Cette  prise  de  possession  par  les  Turcs  du  tonûwiu  de 
David  et  du  Cénacle  remontait  aux  premières  années  du  régne 
de  Sultan  Suleynian.  Je  crois  utile  de  faire  comiaitre  ici  les 
détails  d'une  affaire  pour  la  solution  de  laquelle  François  1" 
fit  des  démarches  personnelles  auprès  du.  Grand  Seigneur, 
démarches  qu'il  fit  connaît re  aux  souverains  sur  l'esprit  des- 
quels son  alliance  avec  des  infidèles  avait  produit  uuefdcheuse 
impression. 

Lorsque  la  Syrie  et  la  Palestine  tond^èrent  au  pouvoir  de 
Sultan  Sélim,  ce  prince  ne  porta  aucune  atteinte  aux  actes  des 
Sultans  Mainelouks  d'Egypte  qui  avaient  assuré  aux  reli- 
gieux latins  la  possession  et  la  jouissance  de  certains  sanc- 
tuaires des  Lieux  Saints.  Fràjuan  de  Calahorra  affnine  dans 

I.  Voyage,  ^a^t'  iij. 


XL 


INTRODUCTION 


son  «  Histoire  chronologique  de  Syrie  et  de  la  Terre  Sainte 
de  Jérusalem  '  »  qu'un  juif  s  étant  présenté  au  couvent  du 
mont  de  Sion  pour  visiter  le  tombeau  de  David,  fut  expulsé 
par  les  Pères  franciscains.  Désireux  de  se  venger  de  l'affront 
quil  avait  reçu,  ce  juif  alla  trouver  un  des  seyds  de  Jérusa- 
lem et  lui  représenta  que  David  étant  un  des  prophètes  de 
l'ancien  Testament,  son  tombeau  devait  se  trouver  dans  les 
mains  des  Turcs  plutôt  que  dans  celles  des  Francs  qui  ne  pa- 
raissaient pas  professer  un  grand  respect  pour  le  roi  prophète, 
car  ils  marchaient  sur  sa  tête,  ayant  établi  une  chapelle  du 
Saint-Esprit  au-dessus  de  la  chambre  sépulcrale. 

L'expulsion  des  religieux  d'un  sanctuaire  qu'ils  occupaient, 
sans  avoir  été  troublés,  depuis  une  longue  suite  d'années,  sem- 
blait au  seyd  un  fait  d'une  extrême  gravité  ;  il  hésitait  à  pro- 
voquer une  pareille  mesure,  lorsque  le  gardien  du  couvent 
commit  la  faute  de  le  blesser  dans  son  amour  propre.  Il  avait 
témoigné  le  désir  de  recevoir  du  Père  gardien  une  robe  de  drap 
rouge,  mais  pour  ne  point  paraître  recevoir  un  cadeau,  il 
envoya  à  celui-ci  un  chapelet  d'ambre  et  un.  agneau.  Ce  présent 
fut  repoussé  avec  hauteur;  cette  injure  fut  vivement  ressentie 
par  le  seyd  qui  résolut,  dès  lors,  de  faire  chasser  les  religieux 
de  leur  couvent  du  mont  de  Sion.  Pour  parvenir  à  son  but, 
il  sollicita,  par  une  consultation  juridique,  l'avis  du  mufti 
de  Jérusalem.  La  réponse  qu'il  obtint  était  conforme  à  ses 


I.  R.  p.  F.  Giovanni  di  Calaorra,  Historia  cronologica   délia   provincia  d\ 

Syria  e  Terra   Santa  d\    Gicrusalcmmc comminclando  dairunno     12 19; 

opcra  composta  in   Spagnuolo...    tradotta  nclla  lingua  italiana    d.il  M.  R.  P. 
Angclico  di  Milano.  Vcnctia,  i6t}.f. 


INTRODUCTION  xli 

vues,  et  an  feiva  du  iiiuffi  iJ  joignit  le  proeès-verhal  iFiine 
enquête  signée  par  Je  cadi  de  Jérusalem  et  établissant  que  des 
personnages  ninsuhnans  étaient  enterrés  dans  la  ehandur  sé- 
pulcrale du  roi  David  \  Muni  de  ces  deux  piéees,  le  seyd 
Mehdy  el  Haehimy  se  rendit  à  Constantinople  et  obtint  un 
rescrit  impérial  commandant  an  eadi  et  an  gouverneur  de 
Jérusalem  de  convertir,  sans  délai,  le  tombeau  de  David  en 
mosquée.  Le  gouverneur  général  de  la  Syrie,  Khourrem  Pacha, 
chargé  de  Vexécution  de  cet  ordre,  se  rendit  à  Jérusalem  et 
jït  procéder  à  T expulsion  du  Cénacle  des  religieux  qui  eurent 
toutefois  la  permission  de  transporter  tous  les  objets  du  culte, 
dans  une  uiaison  voisine  appelée  le  Four. 

Sur  ces  entrefaites,  le  grand  vé~ir  Ibrahim  Pacha,  revenant 
d'Egypte,  était  arrivé  à  Ga:^.  Le  Père  gardien  ne  crut  pou- 
voir mieux  faire,  dansées  tristes  circonstances,  que  de  re- 
courir à  son  intervention.  Il  fit  partir  quelques  religieux  et  le 
drogman  de  Terre  Sainte  pour  émouvoir  la  pitié  du  favori 
du  Grand  Seigneur,  «  en  faveur  de  pauvres  étrangers  chassés 
de  leur  demeure  après  une  longue  et  paisible  possession.  » 
Lordre  du  sultan  était  formel  ;  Ibrahim  Pacha  ne  put  y  con- 
trevenir; il  décida  que  le  Cénacle  et  le  tombeau  de  David 
appartiendraient  aux  Musulmans  avec  quelques  chambres 
destinées  au  logement  des  gardiens  et  des  serviteurs,  et  que  les 
religieux  Latins  resteraient  en  possession  du  reste  des  bâtiments. 

Ceux-ci  n en  jouirent  pas  longtemps;  Mehdy  el  Haehimy 
se  plaignit  à  la  Porte  que  le  firman  du  Sultan  li avait  pas 

I.  Appendice, /'/Vr«  XIII,  XIV  et  XV. 


XLit  INTRODUCTION 

reçu  son  exécution  et  un  nouvel  ordre  expédié  de  Constanti- 
7iople  enjoignit  au  gouverneur  de  Jérusalem  d'expulser  les 
Pères  franciscains  du  couvent  du  mont  de  Sion.  L'agent  de 
François  F''  auprès  de  la  Porte  fit  tous  ses  efforts  pour  faire 
révoquer  cette  mesure;  ils  furent  inutiles,  et  il  put  seulement 
obtenir  que  les  religieux  conserveraient  une  petite  chambre 
ouvrant  sur  le  Cénacle  et  dans  laquelle  ils  auraient  la  liberté 
de  célébrer  leurs  offices.  Cette  autorisation  fut  au  bout  de 
quelque  temps  rendue  illusoire,  car  le  gardien  du  tombeau  fit 
murer  la  porte,  et  les  pères  Latins  furent  privés  de  la  possibi- 
lité d'entrer  dans  le  Cénacle.  François  F\  auquel  les  agents 
de  Charles-Quint  reprochaient  de  sacrifier  les  intérêts  de  la 
chrétienté  à  ceux  de  l'Islamisme,  tenta  une  démarche  person- 
nelle auprès  du  Sultan.  Il  lui  écrivit  pour  le  prier  de  resti- 
tuer aux  religieux  de  Terre  Sainte  le  sanctuaire  et  le  couvent 
d'où  ils  avaient  été  chassés.  Le  texte  de  la  lettre  de  François  P' 
ne  nous  a  point  été  conservé,  mais  nous  possédons  celid  de  la 
réponse  de  Sultan  Suleyman.  Ce  prince  invoque  les  prescrip- 
tions formelles  de  la  loi  de  l'Islam  qui  ne  permet  pas  de 
rendre  à  des  chrétiens  des  lieux  où  les  Musulmans  ont  célébré 
leur  culte;  il  se  borne  à  donner  au  roi  l'assurance  que,  sous 
son  règne,  les  religieux  pourront  vivre  dans  les  sanctuaires  et 
les  couvents  où  ils  sont  établis  et  qu'ils  seront  autorisés  à  les 
réparer  \ 

Les  Géorgiens,  croyant  saisir  une  occasion  favorable,  avaient 
renouvelé  leurs  prétentions  sur  le  Calvaire  et  quelques  autres 

i.  Appendice,  pièce  XVI. 


INTRODUCTION  xi.iii 

Lieux  Saints,  mais  les  démarches  du  haylede  Venise  réussirent 
à  entraver  ces  empiétements. 

C'est  aussi  à  cette  époque  que  les  Musulnnins  de  Jérusdlcin 
et  de  Bethléem,  enhardis  par  ce  premier  succès,  se  mirent  éi 
enlever  les  colonnes  et  les  marbres  précieux  de  différents  sanc- 
tuaires ainsi  que  les  lames  de  plomb  qui  les  recouvraient.  Il 
fallut  un  rescrit  impérial  provoqué  par  le  bayle  de  Venise 
pour  arrêter  ces  dévastations  '. 

Les  pèlerins  amenés  d'Europe  par  les  galères  de  Venise 
étaient,  pendant  leur  séjour  à  Jérusalem,  logés  dans  le  couvait 
du  mont  de  Sion.  ^  la  fin  de  l'année  1^28,  le  Père  gardien 
fit  l'acquisition  d'une  maison  avec  une  citerne,  dans  le  but 
d'héberger  les  pèlerins. 

En  IS37,  ^^^  autorités  de  Jérusalem  reçurent  de  Conslan- 
tinople  l'ordre  d'arrêter  les  Franciscains  établis  daiis  le  couvent 
du  mont  de  Sion,  le  Saint-Sépulcre  et  l'église  de  Bethléem.  Ils 
furent  d'abord  enfermés  dans  la  tour  des  Pisans,  puis  trans- 
férés à  Damas  où,  pendant  trois  ans,  Us  restèrent  prisonniers 
dans  le  château  de  cette  ville.  Ils  furent  rendus  à  la  liberté  sur 
les  instances  de  François  F',  mais,  à  leur  retour  à  Jérusalem., 
ils  trouvèrent  le  couvent  du  mont  de  Sion  pillé  et  l'église  de 
Bethléem  dévastée  par  les  paysans  et  les  arabes  nomades. 

Les  dix  années  qui  s  écouJérent  de  i)}j  à  ij4/  ne  furent 
signalées  par  aucune  uouvelle  persécution  contre  les  Francis- 
cains. L'ambassadeur  de  France  et  le  bayle  de  Venise  avaient 
obtenu  de  la  Porte  un  firman  qui,  tout  en  accordant  aux 

I.  Appendice,  pike  XVII. 


xLiv  INTRODUCTION 

Musulmans  la  propriété  du  tombeau  de  David  et  de  la  sa- 
cristie placée  au-dessus,  assurait  au  moins  aux  Franciscains 
la  possession  du  couvent. 

Les  choses  étaient  en  cet  état  lorsque  le  Père  Bonaventtire 
Corseto,  custode  de  la  province  de  Dalniatie,fut  élu  gardien 
du  couvent  du  mont  de  Sion  dans  le  chapitre  général  tenu  an 
couvent  de  Portionmla.  Quelque  temps  après  son  i7istallatio7i, 
il  eut  à  subir  une  avanie  provoquée  par  les  ulémas  de  Jéru- 
salem. Une  dénonciation  envoyée  à  Constantinople  accusait 
les  religieux  de  cacher  dans  leur  couvent  des  armes  qui,  en 
cas  de  guerre,  devaient  être  distribuées  aux  chrétiens;  ils 
avaient  élevé,  disait-on,  des  constructions  dans  renceinte  du 
couvent  ;  ils  permettaient  l'entrée  à  des  femmes  pendant  la  durée 
des  offices,  enfin  on  reprochait  au  Père  gardien  de  monter,  pour 
se  rendre  à  Bethphagé,  huit  jours  avant  la  fête  de  Pâques,  une 
jument  sous  les  pieds  de  laquelle  les  chrétiens  étendaient  leurs 
manteaux.  Le  gouverneur  général  de  la  Syrie  dut  se  rendre 
à  Jérusalem  pour  y  faire  une  enquête  sur  les  faits  reprochés 
aux  Latins.  Elle  eut  lieu,  avec  le  concours  du  gouverneur  de 
la  ville,  du  cadict  de  quelques  membres  du  clergé  musulman. 
On  reconnut  que  les  deux  premiers  griefs  ne  reposaient  sur 
aucun  fondement,  et  que  pour  les  troisième  et  quatrième,  on 
n'avait  fait  que  se  conformer  à  un  ancien  usage  sanctionné 
par  des  ordonnances  rendues  par  les  Sultans  Mamelouhs. 

Le  Grand  Seigneur  avait  pris  ses  quartiers  d'hiver  dans 
le  nord  de  la  Syrie;  le  Père  Bonaventure  de  Corseto  voulut 
profiter  de  cette  circonstance  pour  obtenir  la  confirmation  des 
immunités  et  des  privilèges  accordés  aux  religieux  de  la  Terre 


INTRODUCTION  xlv 

Sainte.  Il  se  rendit  à  ^41ep  et  obtint  un  firnutn  Jenr  eonfir- 
mant  la  possession  des  sanetnaires  qui  étaient  entre  lenrs 
maijis  et  enjoio-mint  aux  autorités  de  ne  point  les  îronhler 
dans  l'exercice  de  lenr  enlte. 

Pendant  Tahsenec  du  Père  Bonavcntnre,  le  gardien  du 
iomhean  de  David  avait  convoqué  le  gouverneur  de  Jéru- 
sfilein,  le  cadi  et  les  descendants  du  prophète  pour  lenr  faire 
savoir  qu'il  avait  remarqué  la  présence  dans  le  couvent  de  cer- 
taines personnes  suspectes  qui,  sous  les  dehors  de  pèlerins,  avi- 
saient aux  mesures  à  prendre  pour  se  rendre  niaitres  delà  ville 
à  main  armée.  Déplus,  les  religieux  tic  cessaient  de  passer  devant 
le  tonÛKun  de  David  en  prodiguant  an.  roi  prophète  et  aux 
Musulmans  des  nnirques  de  leur  mépris.  Une  requête  relatant 
ces  faits  fut  adressée  à  la  Porte  et  ou  ajouta  que,  du  temps  de 
Khourreni  Pacha,  le  couvent  du  mont  de  S  ion  avait  été  con- 
cédé en  totalité  aux  Musulmans,  mais  que  le  gouverneur,  le 
cadi  et  les  autres  officiers  de  justice  s'étaient  laissé  suborner 
par  les  présents  des  religieux  et  n'avaient  point  exécuté  les 
ordres  qui  leur  avaient  été  donnés.  Le  Père  Bonavcntnre 
essaya  vainement  de  parer  ce  nouveau  coup.  Un  firnnin  rendu 
*sous  la  date  du  )  octobre  1^4^  ordonna  l'expulsion  imnié- 
diate  des  religieux  latins  du  couvent  du  mont  de  Sion. 
M.  d'Aranion,  de  son  côté,  avait  fait  faire  pendant  son  séjour 
à  Jérusalem  une  contre-enquête  et  il  l'avait  adressée  au  gou- 
verneur de  Damas,  Piry  Pacha,  avec  une  lettre  pressante  pour 
obtenir  l'anmdatioii  du  dérider  firman  et  sa  radiation  des 
registres  du  cadi.  Le  gardien  fit  accompagner  Y  ambassadeur 
par  quelques  religieux  et  le  drognian  de  Terre  Sainte  pour 


XLVi  INTRODUCTION 

fournir  à  Coiistantinopk  tous  ks  renseignements  qui  leur 
seraient  demandés.  Mais  le  cadi  et  les  idémas  firent  parvenir 
à  la  Porte  de  nouvelles  doléances  et  sur  leurs  instances,  un 
firman,  rendu  sous  la  date  du  2  juin  i^^i,  enjoignit  aux 
autorités  de  Jérusalem  de  chasser  sans  rémission  les  Francis- 
cains du  couvent  du  mont  de  Sion. 

Cette  nouvelle  produisit  dans  toute  la  chrétienté  une  pro- 
fonde impression.  Le  pape  Jules  III  pria  Henri  II d'intervenir 
auprès  du  Sultan,  mais  celui- cilui  fit  répondre  qu'il  accorderait 
volontiers  au  roi  tout  ce  qu'il  lui  plairait  de  lui  demander,  excepté 
toutefois  ce  qui  était  contraire  à  la  loi  religieuse.  Les  démarches 
du  hayle  à  Constantinople,  celles  de  Luigi  Malipiero,  consul 
de  Venise  en  Syrie  et  les  instances  du  roi  Jean  III  de  Portu- 
gal n'eurent  pas  plus  de  succès.  Les  religieux  habitèrent  pen- 
dant huit  ans  la  maison  appelée  «  le  Four  »  qu'ils  avaient 
achetée  et  en  i^)Ç),  ils  purent  s'installer  dans  le  couvent  du 
Saint-Sauveur  \ 

D'^ramon  avait  été  chargé  par  la  Cour  de  demander 
Vautorisation  défaire  exporter  d'Egypte  cinq  mille  cantars  de 


1.  On  lu  dans  les  Gesta  Dei  per  fratres  minores  in  terra  sancta,  iiittiiiiscfit* 
conserve  au  commissariat  des  Tires  franciscains  de  Venise  : 

«  1^49'  Expellendi  fralres  a  sanctiiario  S.  Montis  Sion  iillima  senleiitia  Solimani 
SHSpcnditur  cxecntio. 

«  i^^i.  Fralres  e  vwnteSion  ejecii inqiiodavi  liignrio  seu furnohahitaiit,  Conven- 
liis  ntinc  SS.  Salvaloris  nunciipatus  acqiiirihir  a  Georgianis,  non  nisi  post  oclo 
annos  possessionem  iUiiis  capiiml  fratres,  propter  liles  et  controi'ersias  ratione  acqni- 
sitionis, 

«  i//y.  Inhahitare  incipiunt  fratres.  conventum  SS.  Salvatoris. 

«  is6i.  Divina  disponentc  cJetnentia,  transcribiintiir  iiidulgeutiw  S.  Montis  Sion 
ecclesice  SS.  Salvaloris.  » 


INTIUM:)UCTI0N  xlvu 

sel  de  nitrc  et  d'acheter  vingt-cinq  chevaux  ponr  le  roi  '.  // 
reçut,  à  ce  sujet,  une  réponse  dilatoire;  cependant  le  désir  de 
se  conformer  à  ses  instructions  fut  un  des  principaux  motifs 
de  son  voyage  en  Egypte;  il  n obtint  aucun  résultat  et  se 
hâta  de  retourner  à  Constantinople  où  le  Sultan  venait  de 
revenir. 

Les  événements  qui  se  succédèrent  en  Hongrie  et  en  Trati- 
sylvaiiie,  dans  le  cours  de  rannée  i))0,  absorbèrent  seuls  l'at- 
tention des  Turcs,  et  d'^Aramon  ne  cessa  de  faire  ressortir 
les  infractions  à  la  trêve  dont  le  roi  de  France  avait  essayé  en 
vain  d'empêcher  la  conclusion. 

Au  mois  de  janvier  i)^  i,  d' Aramon  se  rendit  en  France  ; 
il  était  chargé  par  Sultan  Suleynian  d'informer  Henri  H  que 
V expédition  maritime  qui  avait  été  sollicitée  avec  tant  d'instances 
était  décidée,et  que  la  flotte  turque  mettrait  à  la  voile  au  prin- 
temps, pour  se  rendre  sur  les  côtes  d'Afrique  \  Elle  sortit  de 
Constantinople  au  mois  de  mai  i)ji,  et  le  4  juillet,  d'Ara- 
mon  quittait  Marseille  avec  deux  galères  que  le  roi  lui  avait 
dmmées  \  Il  se  dirigea  d'abord  sur  Alger  et  après  y  avoir 


1 .  ((  Aramon  ha  dcmanâato  al  Sii^norc  da  parte  de  Re  de  Fraiiia  depjler  compraf 
e  levar  cinque  milia  cantari  di  sahntro  c  vinti  cinque  cavaUi.  Gli  è  stato  riposlo  chc 
dd  salnitro  scrivcraimo  al  Bassa  dcl  Cairo.  »  (Lettre  de  Malvezzi  au  roi  des  Romains, 
23  mars  1548.) 

2.  Mah>e~ii  rend  compte  en  ces  termes  du  départ  de  d' Aramon.  «  L'ambasialor 
de  Franzia  Monsignor  d' Aramon,  alli  XVII  dd  présente,  èpartito  di  qua  con  VIIII 
cavakhatiire  et  FUI  cariaggi per  Ragtisi  per  passare  in  Frauda.  Ha  hauto  da 
Signer  Tiircho  le  veste  et  dieci  milia  aspri  seconda  l'usan-a.  La  causa  délia  parti  la 
sua,  ha  detto  al  Signor  Turcho  essere  che  vole  andare  in  Francia  per  meltere  in 
hordine  l'armata  dd  re  di  Francia.  La  quale  starà  alli  comandamenti  et  alla  servitù 
de  sua  Alte^-a.  »  (Dépêche  de  Malvezzi  sous  la  date  du  24  janvier  1 5  3 1 .) 

S-  D' Aramon  alla  trouver  le  roiàBlois.  u  Le  roy,  après  avoir  bien  au  long  entendu 
le  faict  de  sa  charge  et  les  causes  de  sa  venue,  le  tout  plusieurs  fois  mis   en  ddibcra- 


XLViii  INTRODUCTION 

séjourné  pendant  quelques  jours,  il  gagna  Malte.  Il  y  fut  bien 
accueilli  par  le  grand  maître  D.  Juan  Onicdcs  et  il  reprit 
la  mer  pour  se  rendre  à  Tripoli  devant  laquelle  Sinan  Pacha, 
commandant  la  flotte  turque,  venait  de  paraître.  La  ville 
capitula  le  14  août,  après  cinq  jours  de  siège  et  grâce  à  son 
influence,  d'Aramon  put  sauver  une  partie  de  la  garnison,  et 
les  chevaliers  de  Malte  qui  se  trouvaient  dans  la  place,  à 
rexception  toutefois  de  ceux  qui  étaient  de  miionalité  espa- 
gnole. U^ramon  se  résolut,  de  concert  avec  Sinan  Pacha, 
à  transporter  à  Malte  «  cette  désolée  compagnie.  » 

//  y  fut  accueilli  avec  la  plus  extrême  froideur  ;  Ventrée  du 
port  lui  fut  refusée  pendant  la  nuit,  et  lorsqu'il  remit  au  grand 
niaitre  le  gouverneur  de  Tripoli  et  les  chevaliers  échappés  au 
massacre,  celui-ci  refisa  péremptoirement  de  rendre  les  trente 
esclaves  turcs  que  Sinan  Pacha  réclamait  comme  rançon  des 
prisonniers  chrétiens  libérés  par  lui.  Le  grand  unutre  imputa 
nuijie  à  d'^Lramon  la  reddition  de  la  place  et  Henri  II 
se  crut  obligé  de  démentir  lui-nicme  les  bruits  répandus  dans 
l'Europe  entière  par  les  agents  de  F  Empereur  et  ceux  du  grand 
maître  qui  ne  tarda  pas,  du  reste,  à  les  désavouer  \  Nous 
possédons  sur  les  événements  qui  ont  précédé  et  suivi  la  prise 

lion  du  Conseil,  fui  enfin  conchui  et  arreslê  de  son  retour  et  que  pour  plus  grande 
seurtè  de  son  voyage,  il  s'en  retourneroit  par  mer.  D'ond  pour  cest  ejfect,  le  Roy  en 
considération  de  ses  vertus  et  services,  l'ayant  desia  honore  d'un  estai  de  gentilhomme 
de  sa  chambre,  luy  doinia  aussy  deux  galle res  des  meilleures  et  mieux  equippèes  qu'il 
cust  au  havre  de  Marseille.  Et  députa  le  chevalier  de  Seure,  genlilliomine  de  grande 
expérience  et  excellent  jugement,  pour  l'accompagner  avec  sa  galiotte  bien  armée.  » 
(Nicolas  de  Nicolay,  Voyages  et  pérégrinations,  page  2.) 

j.  «  Araniont  fil  appeler  dehors  du  chasleau  le  gouverneur  de  Tripole  qui  estoit 
jrançois,  lequel  contre  la  dejfense  qui  lui  avoil  esté  J'aile  de  la  Religion  de  parlementer, 


INTRODUCTION  xnx 

de  Tripoli  deux  docuinciils  d'une-  hiiitc  iinportaucc.  L'un  est 
la  dépêche  adressée  par  d'^ranion  à  Henri  II,  sous  la  date 
du  26  août  i))i,  l'autre,  le  récit  de  Xicohis  de  Xicolay 
qui  acconipagnait  l'ainhassadcur  '. 

0/4  la  nouvelle  de  la  prise  de  Tripoli,  ^  And  ré  Doria  se 
dirigea  sur  V^irchipel  avec  sept  galères,  dans  l'intention 
de  capturer  les  deux  galères  de  d'^iranion  ;  celui-ci  put 
échapper  à  cette  croisière  et  arriver  à  Constantinople  le  21  sep- 
tembre i)ji.  Il  fut  reçu  à  son  débarque  nunit  par  le  premier 
drognian  de  la  Porte,  Ibrahim  bey,  qui  le  félicita  sur  son  heureux 
retour  et,  quelques  jours  après,  il  faisait  connaître  lui-nuine  au 
Sultan  tous  les  détails  de  la  prise  de  Tripoli. 

Sultan  Suley mail  alla  passer  l'hiver  à  Jlndrinople  ;  d'Jlra- 
mon  Vy  suivit  et  ne  cessa  d'insister  auprès  de  ce  prince  et  de 
ses  ministres  pour  quau  printemps  de  l'année  suivante,  la  flotte 
turque  fût  envoyée  sur  les  côtes  de  l'Italie,  pendant  que  les 
armées  ottomanes,  secondées  par  un  corps  de  cinquante  mille 
Tartares,  envahiraient  la  Hongrie. 

sortit,  et  ayant  parlé  avec  ledit  Arainojit  et  le  Bassa,  fit  rendre  la  place  au  Turc.  » 
(Papiers  d'État  de  Granvelle,  tome  III,  page  4^2.) 

Henri  II  ccrivail  à  l'Ordre  et  au  Grand-Mai tre  le  jo  septembre  iSiJ  ■'  "  Très 
chers  et  bons  amis,  ayant  entendu  le  bruit  qui  courrait  avec  le  iesmoignagc  de  quelques 
chevaliers  de  rostre  religion  que  le  S.  d'Aramon,  nostre  ambassadeur,  en  passant  par 
Tripoli,  oii  il  estait  allé  à  votre  requeste  comme  il  nous  a  escrit,  pour  divertir  l'ar- 
mée turquesque  de  l'entreprise  dudit  Tripoli,  avait  au  contraire,  persuadé  la  prise  de 
ladicte  place  que  les  Turcs,  après  l'avoir  battue  jusqu'au  cardon,  vouloieni  sans  luy 
abandonner,  l'estimant  imprenable;  de  laquelle  accusation  qui  est  une  imposture  et 
calomnie,  vous  pouvez  mieux  que  nuls  autres  sçavoir  ce  qui  en  est...  » 

La  lettre  du  Grand  Maître  désavouant  les  calomnies  répandues  fut  adressée  au  rai 
le  16  novembre  ////. 

I.  Négociations  de  la  France  dans  le  Levant,  tome  II,  pages  1)4-162  et  Navi- 
gations et  pérégrinations  de  Nicolas  de  Nicolay,  pages  }  et  suivantes. 

IV. 


L  INTRODUCTION 

L'expédition  maritime  étant  décidée  par  le  Sultan,  Henri  II 
donna  à  son  ambassadeur  l'ordre  de  suivre  Dragut  qui  com- 
mandait les  forces  ottomanes,  «  ta)it  pour  consulter  avec  le  chef 
d'icelles  de  ce  qui  sera  nécessaire  à  la  journée  que  pour  nous 
tenir  adverty  des  occur rames.  » 

Codignac  fut  laissé  à  Constantinople  en  qualité  de  chargé 
d'affaires  et  d'^Aramon  s'embarqua  sur  sa  galère  pour  suivre 
l'escadre  turque.  Le  4  juillet  i^)2,  Reggio  était  pris  et  saccagé, 
et  toutes  les  villes  et  les  villages  de  la  côte  auraient  subi  le  même 
sort  si  d'^ramon  neîit  fait  observer  qu'ils  appartenaient 
au  prince  de  Saler  ne  devenu  serviteur  du  roi,  et  qu'ils  avaient 
droit  à  sa  protection.  Codignac,  de  son  côté,  avait  obtenu  du 
Sultan  un  ordre  qui  enjoigiiait  à  Dragut  de  respecter  les 
côtes  des  États  pontificaux.  La  flotte  turque  bloqua  étroi- 
tement le  golfe  de  Naples,  mais  le  baron  de  La  Garde,  dont 
l'arrivée  était  annoncée,  n'ayant  point  paru,  elle  se  porta  à  sa 
rencontre  jusquâ  la  hauteur  de  la  Corse,  puis  elle  redescendit 
vers  les  îles  Pon:{a  et,  après  y  avoir  séjourné  pendant  cinq 
ou  six  jours,  elle  reprit  la  route  de  l'Archipel.  Lescadre 
du  baron  de  La  Garde,  contrariée  par  des  accidents  de  mer, 
la  rejoignit  alors  et  l'accompagna  jusqu'à  Chio\ 

U^Aramon  ne  semble  pas  avoir  pris  une  part  active  aux 
négociations  que  le  baron  de  La  Garde  entama  avec  la  Porte 
pour  arriver  à  un  arrangement  des  affaires  de  Transyl- 


I.  La  hilre  èciilc  à  la  bailleur  de  Tcrracine  et  du  cap  Circulo,  et  par  laquelle 
d'Aramon  rend  compte  an  roi  des  opérations  de  la  flotte  turque  sur  les  côtes  du 
royaume  de  Naples,  se  trompe  dans  les  Négociations  de  la  France  dans  le  Levant, 
tome  II,  pages  20()-2iS. 


INTRODUCTION' 


vanic  ;  Je  Sultan,  qui  avait  poussé  vigoureusement  la  guerre 
dans  eette  province,  dètaehait  son  attention  de  l'Europe 
pour  la  eoncentrer  sur  la  Perse  et  les  dissensions  qui 
avaient  éclaté  entre  ses  fils.  Il  se  honni  à  envoyer  tardivement 
sa  flotte  se  joindre  à  celle  des  Français  et  à  faire,  de  concert 
avec  eux,  une  descente  en  Corse  et  hiitreprise  du  siège  de  Nice. 
La  campagne  contre  la  Perse  était  décidée  ;  d'Aramon  qui 
avait,  cinq  ans  auparavant,  accompagné  le  Sultan  dans  sa 
stérile  expédition,  crut  devoir  retourner  en  France  :  sa  santé 
était  très  ébranlée  \  et  il  crut  que  les  services  rendus  par  lui, 
pendant  un  séjour  de  dix  ans  dans  le  Levant,  seraient  récom- 
pensés par  la  restitution  de  ses  biens.  Son  espoir  fut  déçu  ;  il 
ne  conserva  que  les  deux  galères  que  le  roi  lui  avait  données 
et  le  marquisat  des  des  d'Hyères  dont  le  comte  de  RogendorJ 
lui  avait  fait  don.  Il  se  retira  en  Provence  où  il  épousa  en 
secondes  noces  f canne  Doni,  fille  de  Paul  Doni  et  de  Odette 
de  Damians  de  Vernégue,  et  il  mourut  sans  postérité  avant 
l'année  i)^),  car  sa  veuve  se  remaria,  le  4  juin  de  cette  même 
année,  avec  François  de  Perui^i. 

D'Aramon  avait  déployé,  pendant  son  long  séjour  en  Tur- 
quie, pour  le  service  de  François  I'  et  de  Henri  II,  une 
infatigable  activité.  Son  T^h  ne  se  bornait  pas  à  soutenir  et  à 


I.  «  Sire,  je  vous  advisc que  le  sieur  d'Aramon,  e)i  s'en  venant,  est  demeure  malade 
de  fiebvre  et  de  colique  à  Kcvoba:^ar,  six  journées  au  delà  de  Ka^^'ouse  :  auquel  heu  il 
avoit  envoyé  un  de  ses  gent\  en  diligence  quérir  u)i  médecin.  De  quoy  je  n'ay  voulu 
faillir,  à  toutes  adventures,  vous  advertir  incontinent,  ne  sçaicJ:anl  de  quelle  durée 
sera  la  maladie  dtidit  sieur  d'Aramon,  ni  quelle  en  sera  la  fin.  >;  Lettre  Je  M.  Je 
Selve  au  roi  sous  la  Jate  du  2  novembre  i'))5.  Négociations  delà  France 
dans  le  Levant,  lonie  II,  page  28^. 


LU  INTRODUCTION 

Jairc  triompher  les  intérêts  politiques  qui  lui  étaient  confiés,  il 
accordait  ses  bous  offices  et  sa  protection  à  tous  les  Français, 
à  tous  les  partisans  du-  roi  et  surtout  aux  savants  chargés 
par  le  roi  et  par  les  cardinaux  de  Tournon  et  d'armagnac 
de  missions  littéraires  dans  le  Levant.   Belon  rend  témoi- 
gnage en  ces  termes  de  raccueil  qu'il  reçut  à  Constantinople. 
((  Mais  les  François,  particulièrement  entre  autres  nations, 
trouvent  communément  meilleur  party  :  car  ils  sont  mieux 
recueillis  de  nostre  ambassadeur  et  sont  ton  si  ours  les  mieux 
venus  queue  sont  les  autres  chei  leurs  ambassadeurs  :  et  aussi 
que  les  François  se  trouvans  en  estrange  pays  sçavent  sup- 
porter les  uns  les  autres  et  s'aimer  mieux  que  ne  font   les 
autres  nations.  La  libéralité   de    M.    d'Aramon,    ainbas- 
sadeur  pour  le  Roy  vers  le  grand  Seigneur,  donne  tesmoignage 
de  ce  qu'en-  avons  dit  :  car  il  a  tant  aimé  à  faire  plaisir  à  ceux 
de  la  nation  françoise  ou  qui  estoyent  du  party  françois,  qu'il 
n'arriva  onc  homme  à  Constantinople,  de  quelque  condition 
qu'il  fust,  s'adressant  à  luy,  qu'il  n'ayt  humainement  rcceu  et 
faict  traicter  en  son  logis.  Sa  libéralité  se  peut  aussy  prouver 
par  le  grand  iioinbrc  d'esclaves  chirstiens  qu'il  a  délivre^  de  la 
main  des  TurcT^,  à  ses  propres  deniers.  Et  quand  quelques 
François  vieiment  à  Constantinople,  outre  ce  qu'il  leur  fait 
donner  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire,  aussi  les  fait  revestir  s'ils 
n'ont  des  habillemens.  D'avantage,  sa  maison  est  ouverte  à 
toutes  gens.  Et  quand  im  François  est  ennuyé  d'cstre  en  ce 
pays  là,  il  luy  donne  de  l'argent  selon  son  estât,  autant  qu'il 
luy  en  faut  pour  retourner  en  France.  Et  s'il  cognoist  qu'il 
soit  de  race  noble,  après  l'avoir  traicté  honorablement  comme 


INTRODUCTION  i.iu 

soy  mcsmc^finahJcmcnt  il  Jiiy  fait  donner  moutures  et  autres 
choses  nécessaires.  Et  connue  il  ne  sennuia  janniis  de  la  des- 
pemequil  luy  ait  convenu  faire  pour  r arrivée  des  plus  grands 
personnages,  tout  ainsi,  il  ne  desdaigiut  jamais  de  faire  plaisir 
aux  plus  petits  compagnons.  Et  l'ayant  expérimenté  en  nostrc 
endroict,  serions  dignes  d'estre  nomnu\  ingras  si  iien  rendions 
tesmoignage;  car  nous  sommes  asseure^^qu'il  n'y  a  homme  qui 
lions  sçache  contredire  d'un  seul  mot  de  tout  ce  qu'en  avons  dit, 
s'il  n'estoit  iiuque  et  qu'il  ne  refusast  d'accorder  à  la  vérité'.» 
Pierre  Gilles,  protégé  par  le  cardiiud  d'armagnac, 
avait  été  chargé  par  les  rois  François  /'  et  Henri  II  de 
rechercher  et  d'acquérir  des  manuscrits  grecs  et  des  objets  anti- 
ques. ((  M  Pierre  Gillius,  dit  de  Nicolay  dans  la  préface  de 
son  livre,  lequel  par  ses  doctes  escrits  mis  en  lumière  puis 
son  trépas  à  Rome,  nous  laisse  part  de  ses  labeurs,  voire  du 
fruict  de  ses  longues  et  laborieuses  pérégrinations  qu'il  a 
faictes  en  l'espace  de  huit  à  neuf  ans  sous  la  conduicte  et 
faveur  des  roys  très  chrestiens ,  François  premier  et  Henri 
second,  et  de  leur  anâmssadeur  le  sieur  d'^Aramon  es  parties 
orientales  de  Grèce,  Turcquie,  Surye,  ludée,  Palestine,  Egipte, 
Arabie,  Arménie  et  Assyrie  jusqu'au  royaume  de  Perse  en 
la  royalle  cité  de  Thauris  en  laquelle  il  pénétra  avec  l'armée 
du  Grand  Turc.  »  C  'est  grâce  à  la  protection  de  M.  d'^ira- 

I.  Les  observations  de  plusieurs  singularitez  et  choses  mémorables,  trouvées 
en  Grèce,  Asie,  Judée,  Eg}'pte,  Arabie  et  autres  pays  estranges,  rédigées  en 
trois  livres  par  Pierre  Belon  du  Mans.  Taris,  ijSS,  pages  J)i-ij2.  La  p  ni  ni  ère 
édition  de  cet  ouvrage  parut  à  Paris,  en  i))j  . 

Belon  fit  paraître  en  i)S7-  «  Les  portraits  d'oyseaux,  animaux,  serpcns, 
herbes,  arbres,  hommes  et  femmes  d'Arabie  observez  par  P.  Belon  du  Mans.  » 
Cet  ouvrage  est  dédié  au  roi. 


Liv  INTRODUCTION 

mon  que  Pierre  Gilles  put  faire,  en  toute  sécurité,  ses  recherches 
archéologiques  à  Constant inople,  sur  les  rives  du  Bosphore  et 
les  côtes  de  la  Bythinic  et  rassembler  les  matériaux  qui  lui 
servirent  pour  composer  sa  Topographia  Constantinopo- 
leos  et  son  De  Bosporo  Thracio.  Pierre  Gilles  accompagna 
M.  d'^ramon  en  ^sic-Mineure,  en  Perse,  en  Syrie  et  eu 
Egypte.  Il  perdit  ses  bagages,  ses  livres  et  ses  papiers  pendant  le 
désordre  qui  signala  le  passage  de  Varmée  turque  à  travers  le 
défilé  près  de  Bitlis  '.  Arrivé  à  ^lep,  Pierre  Gilles  fit  par- 
venir au  cardinal  d'armagnac  la  lettre  dans  laquelle  il  lui 
donne  la  description  de  l'éléphant  disséqué  par  ses  soins.  Dans 
une  autre  lettre  datée  d'Alexandrie,  il  lui  annonce  T envoi  de 
peaux  d'éléphant  et  d'hippopotame,  d'une  peau  de  girafe,  d'une 
queue  de  yak  qu'il  appelle  bos  indiens,  d'un  ichneumon  et  de 
cages  renfermant  des  rats  d'Arabie  et  d'Egypte;  tous  ces 
objets  et  ces  animaux  avaient  été  confiés  par  lui  à  des  négo- 
ciants de  Marseille  qui  s'étaient  chargés  de  les  faire  trans- 
porter en  France^. 

André  Thevet,  qui  avait  déjà  fait  paraître  sa  Cosmo- 

«  I .  Refert  etiain  ut  Jtox  qiLvdain  vaîde  exercucrit  tyrocinium  mUitice  sua.  Fuso 
scilici't  ad  Tauruiu  vioiitem  cxcrcitu,  cqtio  se  aliisque  ornanicntis  spoliatum,  média 
tiocte,  ad  dicui  usquc  intcr  fugcntiuin  millia  fugisse  pcditem  ,  atque  ad  stuporetn 
omnium  incohimcm  evasisse.  Hujus  niodi  sunt  qua  de  itinere  et  pauperatis  molestia 
ipse  in  pncdicta  narrât  epistola.  »  (Cornelii  Tollii  ad  Pierii  Valeriani  de  lite- 
ratorum  infelicitatc  librum  appendix,  Amstelodami,  164J,  pages  4) -4'/ .) 

2.  «  Alexandriâ  profidscens  Byiantium,  pneter  tergora  elephanti  marini  et 
hippopotami  dedi  ad  le  mercalorihus  massiliensihus  pelleni  chameleopardaleos  raram 
et  rege  dignam  et  caudam  bovis  indici  :  quorum  aspect u,  ut  pJenius  fruare,  suhjugam 
quales  sunt  vivœ  chameJopardules,  etiam  quis  usus  caudcC  Indici  bovis.  Item  eisdem 
dedi  in  caveis  inchisos  ichneumonem  innresque  Arabicas  et  ^gyptos  quos  ut  clarius 
perspicias  addamqua;  in  ipsos  notavi.  »  (iEliani  dehistoria  animalium  libri  XVII, 
Lugditni.  G    Roville.  1^6),  pa-^es  4c}S-^2^.) 


INTRODUCTION  LV 

graphie  de  Levant  ',  parcourait  aussi  à  cette  époque  les  pro- 
vinces de  rEfHpire  ottoman  et  recueillait  les  renseignements 
quil  devait  insérer  plus  tard  dans  sa  Cosmographie  uni- 
verselle. 

Guillaume  Postel,  dont  Chesneau  mentionne  les  démêlés 
avec  Pierre  Gilles,  avait  fait  un  premier  voyage  dans  le  Le- 
vant et  Nicolas  de  Nicolay  lui  consacre  les  lignes  suivantes. 

((  Entre  lesquels  (sçavants)  a  esté  des  premiers  M'  Guil- 
laume Postel,  lequel  ayant  par  sa  diligence  acquis  cognois- 
sance  de  la  langue  latine,  hébraïque,  chaldaïque,  syriaque, 
grecque  et  arahicque,  outre  quelques-imes  principales  en  T Oc- 
cident, envoyé  es  parties  orientales  avec  le  sieur  de  la  Forest 
par  ordonnance  du  grand  roy  François  premier  du  nom,  là  où 
oultre  les  charges  à  luy  commises  apporta  à  Paris  plusieurs 
livres  de  la  langue  arahicque,  tant  en  mathematicques  et  mé- 
decine comme  en  philosophie  et  autres  disciplines  pour  enrichir 
le  pais  de  sa  naissance.  Depuis,  non  content  du  public  profit 
de  son  premier  voyage,  esmeu  d'un  T^le  de  plus  parfaictement 
aider  au  public,  voulut  pour  la  seconde  fois  aller  aux  orien- 
tales parties  de  nostre  habitation  gallicane  pour  principalle- 
ment  apporter  en  ces  pais  icy  les  livres  des  Saintes  Escriptures 
en  la  langue  arabicque  et  davantage  (comme  de  luy  ai  sceu), 
a  recouvert  et  rapporté  en  nos  parties  occidentales  les  histoires 
de  Giafer  Persien  contenant  huit  cens  ans  des  faits  Ismaïli- 
tiques  et  la  cosmographie  de  ^bil  Fedeas,  prince  mesopota- 
mien  qui  toute  l'orientale  partie  d'Asie  a  descrit  par  ses 

I.  Cosmographie  de  Levant,   par  F.  André  Thevet  d'AngouIesme.  A  Lion, 
par  Jan  de  Journes  et  Guil.  Gaxeau,  i^^6. 


LVi  INTRODUCTION 

longitudes  ainsi  comme  Ptolemée  qui  est  im  bien  à  nostre 
latine  habitation  inestimable;  et  sont  les  exemplaires  avec 
plusieurs  autres  auiheurs  escrits  en  la  dicte  langue  arabicque 
(ainsi  que  le  dict  Postel  m'a  luy  mesme  asseuré)  en  la  biblio- 
thèque du  duc  de  Bavière  Otto  Hcinrich  auquel  il  les  engagea 
pour  deux  cens  escus  en  1^4^).  » 

La  lecture  de  l'ouvrage  que  Postel  a  consacré  à  la  République 
des  Turcs  nous  fournit  la  preuve  que  c'est  surtout  pendant 
son  séjour  auprès  de  M.  d'Aramon  qu'il  recueillit  les  ren- 
seignements consignés  dans  sa  Tierce  partie  des  Orien- 
tales histoires. 

Nicolas  de  Nicolay,  Dauphinois,  seigneur  d'Arfeville, 
valet  de  chambre  et  géographe  du  Roi,  qui  fit  partie  de  la 
dernière  mission  de  M.  d'uAramon  avait  commencé  à 
voyager  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans.  Il  avait  accompagné 
M.  Dandoin  au  siège  de  Perpignan  et  parcouru  pendant 
quinT^e  aiis  l'Allemagne,  le  Danemark,  la  Suède,  la  Livonie, 
la  Zélande,  la  Gothie,  la  Prusse,  l'Angleterre,  f Ecosse, 
l'Espagne  et  la  Barbarie.  Il  pidilia,  après  son  retour  du  Le- 
vant, les  Navigations,  pérégrinations  et  voyages  faits 
en  la  Turquie,  avec  soixante  figures  au  naturel.  La 
première  édition  de  cet  ouvrage  parut  en  lySy  à  Lyon, 
chei^  Roville. 

Ce  livre  obtint  dès  son  apparition  le  plus  grand  succès; 
des  traductions  en  furent  faites  dans  presque  toutes  les  langues 
de  l'Europe,  et  les  charmantes  figures  qui  ornent  cet  ouvrage 
ont  été  maintes  fois  copiées  pour  illustrer  les  publications  rela- 
tives aux  peuples  de  l'Orient.  Tous  ces  auteurs  que  je  viens 


INTRODUCTION  ivii 

de  citer  rendent  hommage  à  la  sollicitude  dont  ils  ont  été 
l'objet  de  la  part  de  M.  d't^4ranion  et  leurs  éloges  sont 
aujourd'hui  pour  celui-ci  le  titre  le  plus  sérieux  à  la  recon- 
naissance de  la  postérité. 

Je  nai  pu  réunir  que  peu  de  détails  sur  la  personne  de 
Jean  Chesneau',  dont  la  famille  était  originaire  de  l'élection  de 
Saint-Jean-d'^ngély. 

Bien  que  Chesneau  ait  été  pendant  quelque  temps  accrédité 
auprès  de  la  Porte  en  qualité  de  chargé  d'affaires,  il  semble 
avoir  rempli  auprès  de  M.  d'^Aramon  les  fonctions  d'inten- 
dant plutôt  que  celles  de  secrétaire.  Lorsque  cet  ambassadeur 
eut  quitté  définitivement  Constantinople,  Chesneau  ne  put 
s'accommoder  avec  de  Codignac  qui  supportait  inalaisément 
la  présence  des  gens  qui  avaient  servi  son  prédécesseur.  Il  nous 
fait  savoir  que  M.  d'^ramon,  retiré  en  Provence,  l'avait 
invité  à  se  rendre  auprès  de  lui.  Il  partit  donc  de  Cons- 
tantinople,  se  rendit  à  Venise  où  il  apprit  l'insuccès  des 
démarches  tentées  par  son  ancien  chef,  et  de  cette  ville,  il 
gagna  Ferrare  où  se  trouvait  alors  le  chevalier  de  Seure, 
chargé  par  Henri  II  d'une  mission  auprès  de  Renée  de 
France  et  qui  avait  autrefois  commandé  une  des  galères  mises 
à  la  disposition  de  M.  d'^ramon.  Sur  sa  recommandation, 
cette  princesse  admit  Chesneau  dans  sa  maison  en  qualité  de 
contrôleur  et  elle  lui  donna  plus  tard  «  l'estat  de  maistre 
d'hôtel  ».  Chesneau  résida  à  Ferrare  jusquà  l'époque  de  la 

I.  Dans  son  acte  de  mariage,  J .  Chesneau  est  dit  être  fils  de  Charles  Chesneau, 
êcnyer,  seigneur  de  Châtcauneuf  et  de  Colomhières.  (Pièces  originales  de  la  Biblio- 
thcque  Nationale.) 


Lvm  INTRODUCTION 

mort  d' Hercule  d'Esté  (i^j^).  Il  suivit  en  France  la  du- 
chesse de  Ferrure,  et  dans  l'acte  de  son  mariage  avec  Louise 
de  Castris,  fille  de  Robert  de  Castris,  seigneur  de  Ranpar  et 
de  Courcenay,  dressé  à  Montargis  le  26  juin  i)jo,  nous 
le  trouvons  qualifié  ainsi  :  Jean  Chesneau,  escuycr,  seigneur 
de  la  Rêgnardière,  premier  maistre  d'hôtel  de  S.  ^i.  R.  et 
intendant  des  finances  de  Madame  Renée  de  France,  douai- 
rière de  Ferrare,  duchesse  de  Chartres,  comtesse  de  Gisors  et 
dame  de  Montargis.  Enfin,  en  juin  i^yj,  noble  seigneur 
messire  Jehan  de  Chesneau,  chevalier  de  l'ordre  du  Roi,  sei- 
gneur de  Clerbaudière  et  de  Me^-le- Maréchal,  maître 
d'hôtel  et  conseiller  ordinaire  en  la  maison  de  Madame  la  du- 
chesse de  Ferrare,  assiste,  à  Montargis,  au  baptême  d'un 
enfant  avec  messire  Michel  Le  Clerc,  chevalier  de  l'ordre  du 
Roi,  maître  d'hôtel  et  conseiller  ordinaire  de  la  duchesse. 

Chesneau  eut  un  frère,  François  Chesneau,  écuyer,  seigneur 
du  Vivier,  qui  fut  maître  des  requêtes  de  Renée  de  France  ; 
cette  princesse  fut  la  marraine  d'un  fils  issu  de  son  mariage 
avec  Diane  du  Gueret,  fille  de  Jean  du  Gueret,  seigneur  de 
Bourdebure  à  Montargis.  Cet  enfant  fut,  le  7  mars  ijy^,porté 
bar  ordre  de  la  duchesse  sur  la  liste  des  «  pensionnaires 
ordinaires  entretenus,  es  escoles,  destiné  et  ordonné  pour  nostre 
service  ordinaire  actuel.  » 

Les  armes  de  Jean  Chesneau  étaient  d'argent  à  trois  chiens 
de  sable,  deux  et  un,  au  chef  cousu  d'or  à  une  croix  de  Jéru- 
salem de  gueules. 

Chesneau  écrivit  sa  relation  après  son  retour  en  France  et, 
ainsi  qu'il  nous  le  dit  lui-même,  pendant  les  premières  années 


INTRODUCTION  ux 

du  règne  de  Sultan  Sélim  II  qui  succéda,  en  1^66,  à  son 
père  Sultan  Suleyman.  Les  exemplaires  manuscrits  en  sont 
asseï  nombreux;  la  Bibliothèque  Nationale  en  possède  cinq, 
et  on  en  conserve  un  à  la  Bibliothèque  de  l'arsenal.  C'est 
celui-ci  qui  m'a  journi  le  texte  que  je  publie  aujourd'hui. 

Léon  Menard  a  mis  le  voyage  de  M.  d'^ramon  en  tête 
du  recueil  intitulé  :  Pièces  fugitives  pour  servir  à  l'his- 
toire de  France.  Les  notes  placées  à  la  fin  de  cette  relation 
sont,  pour  la  plupart,  insuffisantes  ou  erronées.  Les  noms 
de  lieux  donnés  par  Chesncau  sont  horriblement  défigurés,  et 
Menard  n'a  pas  su  les  rectifier.  J'ai  entrepris  la  tâche  de  les 
rétablir  dans  cette  nouvelle  édition. 

M.  Taschercau  a  inséré,  en  i8j8,  dans  le  tome  XIX 
(pages  j4i-j'/i)  de  la  Revue  rétrospective  la  relation  du 
voyage  de  M.  d'^Aramon,  sans  y  joindre  aucune  note,  ni 
aucun  éclaircissement.  Enfin  M.  Charriére  a  donné,  dans 
le  tome  second  des  Négociations  de  la  France  dans  le 
Levant,  de  nombreux  extraits  du  récit  de  Chesneau  pour 
élucider  et  compléter  le  texte  de  certaines  dépêches. 

M.  ViviendeSaint-Martin  a  consacré  quelques  lignes  à  Ches- 
neau dans  sa  Description  historique  et  géographique  de 
l'Asie  Mineure.  Cette  analyse  très  succincte  n'est  point  exempte 
d'inexactitudes  et  après  avoir  indiqué  en  quatre  lignes  la  route 
suivie  par  M.  d'^ramon,  depuis  son  départ  de  Scutari  jusqu'à 
son  retour  à  Constantinople,  M.  Vivien  de  Saint-Martin 
déclare  que  «ce  double  itinéraire  est  sans  directions  ni  distances 
entre  les  stations,  outre  que  les  noms  y  sont  outrageusenwnt 
défigurés.  » 


LX  INTRODUCTION 

Cette  dernière  assert  ion  est  parfaitement  justifiée  \ 

Le  récit  du  voyage  de  Chesneau  à  travers  V^sie-Mineure 
me  parait  mériter  d'autant  plus  d'intérêt  que  la  route  de  Scu- 
tari  à  Erxroum  a  été  suivie  par  un  très  petit  nombre  de  voya- 
geurs, et  que  Chesneau  seul  note  avec  quelques  détails  les  ruines 
des  monuments  antiques  qu'il  remarqua  sur  son  passage. 

J'ai  placé  dans  l'appendice  les  dépêches  de  Gérard  de  Velt- 
•luick  adressées  au  roi  des  Romains.  Elles  sont  conser- 
vées au  dépôt  des  archives  impériales  et  royales  de  la  maison 
d'Autriche,  et  elles  jettent  un  jour  nouveau  sur  la  marche  des 
négociations  et  sur  la  situation  des  agents  européens  à  Cons- 
tantinople.fy  ai  joint  les  instructions  domiées  par  Henri  II  à 
M.  d'Huyson,  une  lettre  de  Sultan  Suleyman  à  Henri  H  et  diffé- 
rents autres  documents  qui  voient  le  jour  pour  la  première  fois. 

Le  portrait  de  Sultan  Suleyman  est  emprunté  au  recueil 
portant  pour  titre  :  Vita  et  icônes  Sultanorum  Turcico- 
rum,  publié  à  Francfort  en  i^^6  et  réédité  par  Johann 
Ammon,  à  Francfort,  en  1648.  Celui  de  Rustem  Pacha  est 
reproduit  d'après  une  planche  allemande  du  commencement  du 
XYii*^  siècle  et  qui  figure  aussi  dans  l'ouvrage  d'Happelius 
intitulé  :  Thésaurus  exoticorum  oder  eine  mitausslaen- 
discher  Raritaeten,  etc.,  Hambourg,  i6SS,in-f^,  et  danslequel 
l'on  a  placé  également  les  soixajite-ucuf  planches  de  costumes 
Turcs  gravées  à  la  fin  du  xyi^  siècle  par  Melchior  Lorch  de 
Hambourg  et  publiées  en  1626,  1641  et  1646. 
Les  autres  planches  font  partie  d'une  suite  de  dix-sept  gra- 

I.  Description   historique  et  géographique  de    l'Asie  Mineure,    etc.,  par 
Vivien  de  Sainl-Martin.  Paris  iS}2,  tome  II,  page  /. 


INTRODUCTION  lxi 

vnres  sur  bois  iFiuie  cxtrcDie  rareté,  exécufces  prohablcincnt  à 
^'invers  dans  la  prcmicrc  moitié  du  xvi^  siècle.  Elles  repré- 
sentent différentes  vues  de  la  Bulgarie  et  de  Constantinople,  et 
selon  toute  apparence,  elles  ont  été  dessinées  par  un  artiste  qui  a 
accompagné  un  des  agents  de  Charles-Quint  et  de  Ferdinand. 
Leur  date  est  antérieure  à  Tannée  i^j6,  car  on  voit  se  dresser 
dans  l'Hippodrome  de  Constantinople,  traversé  par  Sultan 
Suleyman  et  son  cortège,  les  statues  de  bronze  rapportées  d'O- 
fen  par  Ibrahim  Pacha;  elles  furent  renversées  après  la  mort 
de  ce  grand  vé^ir. 

La  signature  ci-dessous  de  M.  d'^ramon  a  été  copiée  sur 
celle  qui  se  trouve  au  bas  d'une  lettre  écrite  à  ^lep,  sous  la  date 
du  8  décembre  1^48,  et  adressée  à  Ibrahim  Pacha,  gouverneur 
de  Constantinople  pour  lui  recommander  le  capitaine  Bertho- 
lomé.  Cette  pièce  est  conservée  aux  archives  de  la  maison 
d'Autriche. 


VOYAGE 


DE    MONSIEUR    D'ARAMON 


AMBASSADEUR   POUR    LE   ROY   EN   LEVANT 


FAICT  DE  PARIS  A  CONSTANTINOPLE  L'AN   1547 


E  retrouvant  à  la  cour  à  Folcmbray  ' 
préz  Coussy  au  mois  de  décembre  1546, 
j'entendis  que  le  Roy  renvoyoitM.  d'Ara- 
mon  son  ambassadeur  prèz  le  Grand  Sei- 
gneur à  Constantinople,  et  désireux  de  faire  tel  voyage, 
je  taschay  par  moyens  que  Dieu  me  donna  et  de  mes 
amys,  d'entrer  à  son  service  ;  lequel  m'accepta  volon- 
tiers et  me  retint  pour  l'un  de  ses  secrétaires.  Et  apréz 


I.  Folambray  ou  Follembray,  dans  le  diocèse  et  l'clcction  de  Laon.  II  y  avoit 
autrefois  une  maison  royale  dont  il  reste  encore  quelques  bâtiments.  Le  roi 
François  P''  y  alloit  assez  souvent,  et  Henri  II  en  faisoit  ses  délices.  Marie, 
reine  de  Hongrie,  sœur  de  l'empereur  Charles  Quint  et  gouvernante  des  Pays- 


2  VOYAGE 

avoir  eu  son  expédition  du  Roy,  s'en  vint  à  Paris  pour 
s'equippcr;  et  y  séjourna  environ  huict  ou  dix  jours. 

Nous  en  partismes  la  vigile  des  Roys  1547,  P^^' 
nans  nostre  chemin  à  Lion;  auquel  lieu  sejournasmes 
quatre  ou  cinq  jours,  et  delogeasmes  le  19  du  mesme  de 
janvier;  vinsmes  à  Genève,  Locerne,  Coyre  et  aultres 
villes  des  Suisses  et  Grisons  que  je  ne  spécifie  ny  ne 
rn'y  arreste  aultrement,  pour  estre  pays  irequentéz  et 
chemins  connus  de  beaucoup  de  gens  et  mesmes  des 
François,  comme  aussy  est  celuy  des  Vénitiens  par  où 
passasmes  à  sçavoir  Pizone'^  Izay^  Bresse',  Luna\ 
Pescaire^  Virane^  Vicence,  Padoûe  et  Venize. 

Venize,  la  plus  belle  et  lorte  ville  et  plus  riche  et 

Bas,  y  fit  mettre  le  feu  par  un  parti  de  troupes.  Henri  II  fit  brûler  par  repré- 
sailles, le  château  de  Miramont.  (L"abbé  d'Expilly,  DicHotuiaire  géographique,  his- 
torique et  politique  des  Gaules  et  Je  ^a  trance,  Paris,  1759:  tomelll,  page  196). 
La  cour  résida  à  Folambray  du  23  au  25  décembre  1546.  {itinéraires  des  rois  de 
France,  dans  les  Pièces  jugilives pour  servir  à  l'histoire  deFrance,  du  marquis  d'Au- 
bais,  tome  I,  page  107). 

1.  Pisogne  est  un  gros  village  au  débouché  de  la  Valcamonica,  sur  le  bord 
oriental  du  lac  Sabino  ou  d'Iseo,  à  un  kilomètre  de  l'endroit  où  l'Oglio  se 
jette  dans  ce  lac. 

2.  Iseo  est  un  bourg  considérable  situé  à  l'extrémité  du  lac  qui  porte  son 
nom,  sur  la  rive  sud-est,  à  vingt-trois  kilomètres  de  Brescia.  Iseo  fut  succes- 
sivement un  fief  des  Oldolredi,  des  Medici  de  Brescia  c  des  Malatesta.  Iseo 
fut  occupé  par  les  Français  de  1509  à  15 12  et,  en  15 16,  par  les  Espagnols. 

3.  Brescia. 

4.  T  onato  est  une  grosse  bourgade  bâtie  sur  une  des  deux  collines  qui  domi- 
nent le  lac  de  Garde,  depuis  le  mont  Cavolo  jusqu'à  Castiglione  délie  Stiviere. 
Son  église,  dédiée  à  saint  Zenon,  remonte  au  V^  siècle.  Au  xvp  siècle,  Lonato 
était  gouverné  par  un  podestat,  choisi  dans  la  noblesse  de  Brescia  et  par  un 
provéditeur  vénitien. 

<,.  Pcscliicia. 
6.  Vérone. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  3 

plus  abondante  en  marchandises  que  nulle  autre  ciic 
d'Italie,  située  dans  la  mer,  est  fort  bien  bastie  ;  et  y  a 
de  plus  beaux  et  magnifiques  palais  et  autres  sumptueux 
édifices  qu'il  est  possible  de  voir.  L'on  l'estime  à  huit 
milles  de  circuit  qui  sont  quatre  lieues  à  deux  milles 
pour  lieue.  Toutesfois,  autour  d'icelle  il  n'y  a  point  de 
murailles,  mais  de  l'eaue  seulement  ;  et  n'en  sçauroit  on 
approcher  sans  passer  par  certains  destroits  de  mer  où 
y  a  chasteaux  qui  la  rendent  forte  et  imprenable.  L'on 
va  par  toutes  les  maisons  aussy  bien  par  eaue,  par  cer- 
tains canaulx,  que  par  terre.  Au  moyen  de  quoy,  il  y 
a  bien  quatre  cent  petits  ponts  et  huit  mil  gondoles. 
Il  y  a  soixante  et  douze  parroisses  et  huit  monastères 
de  moynes,  vingt  et  quatre  de  nonnains  et  une  église 
de  Grecs  où  y  a  un  patriarche;  vingt  mil  feus  et  trois 
mil  gentilshommes. 

Il  y  a  un  certain  lieu  où  se  tiennent  les  Juifs,  qu'on 
appelle  Guette  *;  et  y  a  quelques  Turcs,  force  Allemans 
et  toutes  autres  sortes  de  nations  de  gens  qu'on  sçau- 
roit dire".  Nous  y  vismes  toutes  les  choses  plus  exquises 


1 .  Les  Juifs  s'établii  ent  primitivement  à  Venise  dans  l'île  de  Spina  Longa 
qui  prit  alors  le  nom  de  Giudecca  :  on  leur  assigna  ensuite  un  quartier  parti- 
culier (Ghetto)  dans  la  paroisse  de  Saint-Jérémie.  «  Ils  habitent  un  lieu  sépare, 
lerraé  de  deux  portes,  où  leur  grand  nombre,  qui  est  de  plus  de  deux  mille  cinq 
cens,  les  oblige  d'élever  les  maisons  jusqu'à  six  ou  sept  étages.  Ils  sont  de  plu- 
sieurs nations  diftérentes...  Ils  ont  des  synagogues  particulières.  »  (La  ville  et  lu 
ri'juhliqui  de  Venise  par  le  sieur  de  Saint  Disdier,  Amsterdam,  1680,  page  162). 

2.  LesTurcs  habitèrent,  dans  la  seconde  moitié  du  xvi»  siècle,  les  dépendances 
du  palais  de  Marc-Antonio  Barbaro.  Le  fontico  dei  Turchi  ne  leur  fut  assigné 
pour  demeure  qu'au  commencement  du  xvii^  siècle.  Les  Allemands  possédaient 


4  VOYAGE 

qn^  y  sont,  comme  le  tresaur  de  Saint  Marc,  l'Arsenal 
où  sont  les  galères  et  autres  vaisseaux  de  mer,  artille- 
ries et  grande  quandté  de  toutes  sortes  d'armes  néces- 
saires pour  le  fait  de  la  guerre  et  deffence  de  leur  ville. 
Nous  fusmes  à  Moran  où  se  font  les  plus  beaux  verres 
du  monde  et  toute  aultre  sorte  de  mesnage  de  verre 
qu'on  sçauroit  trouver'. 

Ladicte  ville  fut  commencée  à  ediffier  l'an  456,  par 
les  guerres  et  ruines  que  fit  Atila  au  païs  d'Italie  et  cité 
d'Aquilée.  Nous  y  demeurasmes  environ  quinze  jours 
en  temps  de  carnaval,  et  tous  les  jours  se  faisaient  festes, 
comédies,  masques,  bancquets  et  autres  passe  temps,  en 
sorte  qu'il  ne  nous  y  ennuya  point.  M.  de  Morvilliers 
y  estoit  lors  résident  ambassadeur  pour  le  roy\ 

depuis  la  fin  du  xiii''  siècle  le  fontico  dei  Tedeschi,  sur  le  grand  canal,  près 
du  Rialto,  dans  la  paroisse  de  Saint-Barthélémy. 

1.  L'île  de  Murano.  M.  l'abbé  Vincenzo  Zanetli  a  donné  sous  le  titre  de  : 
Guida  di  Murano  e  delh  cdehri  sue  fornacie  vetrarie,  Venise,  1866,  une  histoire 
complète  de  Murano  et  des  fabriques  qui  ont  produit  ces  verres  merveilleux  si 
estimés  au  moyen  âge  et  aux  xvi=  et  xvii"  siècles. 

2.  Jean  de  Morvilliers,  évêque  d'Orléans,  abbé  de  Saint-Pierre  de  Melun, 
naquit  à  Blois  en  1507.  Il  fut,  en  1536,  pourvu  de  l'office  de  lieutenant  général 
de  Bourges  où  il  fut  doyen  de  l'église  de  Saint-Étienne  ;  il  devint  ensuite 
conseiller  au  grand  conseil,  et,  en  cette  qualité,  l'un  des  juges  du  chancelier  Poyet. 
Le  roi  le  nomma,  en  1547,  maître  des  requêtes  et  son  ambassadeur  près  la  sei- 
gneurie de  Venise.  A  son  retour,  il  obtint  l'évèché  d'Orléans.  Il  prit  part,  en  1559, 
aux  négociations  de  la  paix  de  Câteau-Cambrésis,  Les  sceaux  de  France  lui 
furent  offerts  en  1560;  il  les  refusa,  mais,  en  1568,  il  dut  les  accepter  sur  les 
instances  du  roi.  Il  exerça  la  charge  de  chancelier  pendant  trois  ans  et  deux  mois, 
et  s'en  démit  en  1 570.  Enfin,  après  trente-cinq  ans  de  service  au  conseil  et  après 
avoir  soutenu  les  intérêts  du  royaume  au  concile  de  Trente,  il  mourut  à 
Tours  le  25  octobre  1577,  à  lage  de  soixante  et  onze  ans.  {Histoire  gincalo' 
riqiie  et  chronologique  de  la  Maison  royale  de  France,  par  le  P.  Anselme,  Paris, 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  5 

Je  ne  veux  oublier  ce  que  j'y  vis  faire  à  un  Turc  qui 
monta  sur  le  clocher  de  Saint-Marc  qu'un  chascun  sçait 
estre  le  plus  hault  d'Italie,  cheminant  droit  avec  un  con- 
trepoids à  la  main  sur  une  corde,  laquelle  estoit  tendue 
du  lieu  où  sont  les  cloches,  à  vingt  brasses  de  large 
dans  le  grand  canal  de  mer  qui  est  préz  de  Saint- 
Georges.  Et  depuis  qu'il  fut  monté  tout  au  hault  ludici 
clocher,  se  fit  Her  par  les  cheveux  h  ladicte  corde,  à 
laquelle  estant  pendu,  vint  légèrement  (battant  tou- 
jours les  mains)  au  heu  où  il  commença  monter. 

Nous  en  partismes  jeudi  sur  le  soir,  second  jour  de 
caresme,  24  febvrier  et  montasmes  sur  mer  dans  trois 
galères  de  forçats  que  la  Seigneurie  presta  audict 
sieur  ambassadeur,  pour  l'asseurance  de  son  passage 
jusques  à  Ragouze.  Le  capitaine  s'appelait  maistre 
Christofle  Canal.  Nous  passasmes  le  golfe  de  Trieste 
et  vinsmes  à  Parance'  distant  de  Venize  de  cent  milles; 
et  à  dix  ou  douze  milles  de  là,  descendismes  en  terre  et 
fusmes  à  une  ville  qui  estoit  à  deux  ou  trois  milles 
loing  desdictes  galères,  nommée  Paule',  païs  d'Istrie 

1730,  tome  VI,  p.  490.  Mémoires  de   Castehtau,    Bruxelles,   1751,  tome  I, 
p.  517.  Duchesne,  Histoire  des  chanceliers,  Paris,  1680,  page  650). 

1.  Parenzo,  en  face  de  l'îlot  de  San  Nicolo. 

2.  Pola  porta  sous  la  domination  romaine  les  noms  de  Pietas  Juli.i,  Colonla 
Julia,  Pola,  Pollentia  Herculanea.  Au  xi«  siècle,  les  habitants  de  Pola  four- 
nirent des  secours  aux  premiers  Croisés,  et  les  Templiers  fondèrent  un  liôpital 
sur  la  route  qui  mène  à  Aquile'e  et  établirent  une  commanderie  à  Portograndc, 
sur  le  chemin  conduisant  à  Port  o  Flanatico.  Le  marquisat  de  Pola  passa  succes- 
sivement aux  mains  des  Eppenstcin,  des  Sponheini  et  des  Andechs.  Les  Véni- 
tiens attaquèrent  Pola  en  ii4),  11 50  et  1160.  En  1193,  ils  en  chassèrent  les 
Pisans  qui  s'y  étaient  établis,  et  le  doge  Enrico  Dandolo  fit  abattre  les  murs  qui 


6  VOYAGE 

OÙ  vismes  des  choses  fort  nnticques,  entre  aultres,  il 
y  avoit  grande  quantité  de  tombeaux  soubs  lesquels 
avoient  esté  trouvez,  au  temps  passé,  de  grands  tresaurs 
et  richesses,  ainsy  que  les  gens  dudict  lieu  nous  dirent, 
et  y  a  quelques  apparences  d'églises,  cloestres  et  aultres 
monastères.  Et  d'un  et  d'aultre  costé,  se  voyent  des 
arènes  et  théâtres,  non  moins  grandes  et  belles  que 
celles  de  Nismes,  toutesfois  faictes  d'une  aultre  laçon 
et  les  murailles  plus  haultes.  L'on  nous  dit  que  c'es- 
toient  édifices  des  Romains.  Le  païs  est  fort  pauvre; 
et  n'y  a  pas  grand  peuple  dans  ladicte  ville  qui  est 
presque  ruinée. 

Le  lundy  suivant,  arrivasmes  à  l'isle  de  Jare  païs 
d'Esclavonie  où  il  y  a  un  beau  bastillon  vers  la  porte 
(ou  le  port)  en  allant  à  une  chapelle  de  la  Madone  ou 
Nostre-Dame,  dans  laquelle  il  y  a  quantité  de  vœux  de 
gens  qui  vont  sur  mer.  La  ville  est  assez  grande  et 
bien  fermée  de  murailles;  nous  y  demeurasmcs  parce 
que  avions  vent  contraire  \ 

délendaicnt  la  ville  du  côté  de  la  mer.  En  122S,  Pola  fut  prise  par  Nicolo  Tie- 
polo  et  en  1243,  elle  fut  de  nouveau  assiégée  par  les  Vénitiens.  Les  Génois 
s'en  emparèrent,  mais  les  habitants,  fatigués  de  leur  joug,  se  donnèrent  à  Venise, 
En  1354  et  en  1379,  les  Gé<nois  la  mirent  à  feu  et  à  sang.  En  1412,  la  ville 
fut  prise  par  Sigismond  de  Hongrie  et  l'empereur  Maximilien  s'en  rendit 
maître . 

Les  principaux  monuments  antiques  remarqués  par  J.  Chesneau  sont  l'am- 
phithéâtre et  la  Porta  aurata.  Ils  ont  été  dessinés  et  décrits  dans  le  Voyage  pitto- 
resque et  historique  de  la  Dalmalie  rédigé,  d'après  l'itinéraire  de  L.-F.  Cassas, 
par  Joseph  Lavallée.  Paris,  1802,  pages  65-71. 

I.  «  Zara  (Jar)  est  bâtie  sur  une  péninsule  qu'elle  occupe  en  entier,  dont  on  a 
fait  une  isle  par  le  moyen  des  fossés  qu'on  a  creusés  dans  l'isthme  qui  la  joi- 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  7 

De  là  vinsmes  à  Scbcnico  située  en  terre  lerme  qui 
est  une  aultre  belle  ville  forte;  et  n'}'  sçauroit  on  en- 
trer sinon  par  un  destroit  où  il  y  a  deux  chasteaux, 
l'un  d'un   costé  et  l'autre  de  l'aultre';  et   au   dessus 

gnaii  au  continent  do  la  D.,!matie  :  ces  fossés  iont  remplis  do  l'eau  de  la  mer. 
Le  port  est  au  nord  et  règne  tout  .  long  de  .  ville,  qui  le  met  à  couvert  des 
vents  du  sud,  qui  sont  les  seuls  qui  pourroient  incommoder  les  vaisseaux  qui  v 
seroient  mouillés...  Du  côté  de  la  terre,  la  ville  est  défendue  par  une  citadelle 
dont  les  fossés  sont  taillés  dans  le  roc.  11  n'y  a  pas  de  hauteurs  aux  environs 
qui  puissent  incommoder  la  ville  et  la  citadelle;  ce  qui  ^ait  que  Zara  passe  à 
juste  titre,  pour  le  boulevard  de  la  citadelle  de  ce  côté-là.  Ce  que  l'on  nomme 
citadelle  n'est  autre  chose  qu'un  ouvrage  à  corne  très  fort,  qui  couvre  la  langue 
de  terre  sur  laquelle  la  ville  est  bastie  »  (Dcscriplion  gcot^ropbique  du  ^olfc  de 
Venise  et  de  la  Morêe,  parle  sieur  Bellin,  Paris,  1771,  pages  86-88).  Zara  implora, 
^.n  991,  la  protection  de  Venise  contre  Lurcislav,  roi  de  Croatie,  el  le  doge 
P.  Orseolo  réussit  à  lui  faire  rendre  les  iles  qui  lui  avaient  été  enlevées.  En  1053, 
elle  se  place  de  nouveau  sous  la  protection  des  empereurs  d'Orient.  En  IÎ05, 
Coloman,  roi  de  Hongrie,  s'empare  de  Zara  et,  en  11 15,  le  doge  Ordelafo  Falieri 
l'assiège  et  s'en  rend  maître  avec  le  secours  d'Alexis  Comnène,  mais  deux  ans 
plus  tard,  le  doge  est  tué  et  il  est  stipulé  dans  une  trêve  que  Zara  se  gouvernera 
elle-même  pendant  six  ans.  En  1177,  Zara  devient  la  capitale  de  la  Dalmatie 
sous  la  suzeraineté  de  Venise;  en  1181,  elle  chasse  les  Vénitiens  et  ouvre  ses 
portes  aux  Hongrois.  En  1198,  elle  est  assiégée  par  les  Croisés  et,  en  1202, 
conquise  et  démantele'e  par  Henri  Dandolo.  En  1241,  elle  retourne  aux  Hon- 
grois. Pendant  le  xiv*  siècle,  elle  passe  tour  à  tour  aux  mains  des  Vénitiens  et 
des  Hongrois.  En  1403,  Ladislas  de  Naplcs  reçoit  dans  l'égUse  de  Saint-Gri- 
sogno  la  couronne  de  Dalmatie  et  de  Hongrie.  En  1409,  ce  prince  vend  pour 
cent  mille  ducats  à  la  seigneurie  de  Venise,  Zara  et  sa  banlieue.  En  1500,  sous 
le  règne  de  Bajazet  H,  la  viUe  fut  inutilement  assiégée  par  les  Turcs.  Depuis 
cette  époque,  elle  reconnut  sans  contestation  la  souveraineté  de  Venise. 

I.  Sebenico  est  située  sur  la  côte  delà  Dalmatie,  entre  Scardona  etTraù; 
elle  s'élève  en  amphithéâtre  sur  la  pente  d'une  montagne  peu  élevée.  La 
partie  basse  de  la  ville  longeant  la  mer  est  reliée  à  la  ville  haute  par  des  gra- 
dins en  pierres.  Le  principal  édifice  de  Sebenico  est  l'église  cathédrale  com- 
mencée en  IJ43,  achevée  en  1536  et  consacrée  en  1555.  Au  xvi®  siècle,  la 
ville  était  défendue,  du  côté  de  la  mer,  par  le  lort  de  Sant'Antonio  construit,  de 
1)40  à  1570,  sur  les  plans  de  l'architecte  vénitien  San-Micheii  et,  du  côté  de  la 
terre,  par  celui  de  Santo-Michcle.  L'histoire  de  Sebenico  offre  de  nombreuses 
péripéties.  En  11 16,  le  capitaine  Ordelafo  Falieri  l'enleva  au  roi  Coloman  de 


8  VOYAGE 

de  ladicte  ville,  sur  une  aultre  montagne,  il  y  a  un 
aultre  chasteau.  Et  au  commencement  du  destroit,  il 
y  a  une  petite  isle  où  il  y  a  une  place  qu'on  appelle  le 
Chastel,  que  les  Vénitiens  ont  fait  faire,  qui  est  une 
chose  merveilleusement  forte  à  ce  qu'on  dit.  Et  a  esté 
faicte  parce  que  la  ville  de  Sebenico  ne  vouloit  s'assu- 
jetir  ausdicts  Vénitiens;  maintenant,  ne  sçauroient 
sortir  ny  entrer,  s'ilz  vouloient  faire  les  mauvais. 

Au  partir  de  là,  fusmes  à  Lezina,  ville  assez  belle  au- 
dessus  de  laquelle  sur  la  montagne,  il  y  a  un  chasteau 
fort'.  C'est  une  isle  qui  contient  environ  cent  milles  de 
tour;  passasmes  prèz  d'une  aultre  isle  appellée  Cour- 
sola-,  et  puis  arrivasmes  à  Ragouze  en  Dalmatie,  petite 

Hongrie  :  elle  fut  reprise  par  le  roi  Etienne  III  en  1163,  et  peu  après  par 
l'empereur  Manuel  de  Byzance.  Hn  1 180,  elle  retomba  au  pouvoir  des  Hongrois, 
et  le  roi  André  la  céda  aux  chevaliers  du  Temple.  Les  Génois  s'en  emparèrent 
en  1358,  mais  au  mois  d'octobre  de  la  même  année,  Vittore  Pisani  la  mit  à 
feu  et  à  sang.  En  1590,  Sebenico  se  donna  au  roi  de  Serbie,  puis  trois  ans 
plus  tard,  elle  retomba  sous  le  joug  des  Hongrois.  En  1412,  sous  le  principal 
du  doge  Michèle  Steno,  elle  implora  la  protection  du  sénat  de  Venise.  En  1450, 
Sebenico,  suivant  l'exemple  des  autres  villes  de  la  Dalmatie,  se  souleva  contre 
la  noblesse.  En  1520,  elle  fut  assiégée  par  Mustafa  Pacha  et  elle  eut  à  subir, 
en  1528,  un  autre  siège  des  Turcs. 

1.  «  Cest  isle  a  deux  portz  dont  l'ung  est  grand  et  bien  commode  pour  toutes 
sortes  de  navires,  etl'aultre  est  assez  plus  petit,  près  lesquelz  les  frères  de  Saint- 
Dominicus  ont  edilîé  ung  monastère;  aultrement  ceste  isle  est  du  tout  déserte. 
Nous  avons  trouvé  dans  ce  monastère  une  bonne  cisterne.  L'isle  est  ronde  ayant 
en  sa  circonférence  sept  à  huit  mil  pas.  Ladicte  isle  de  Lésina  s'appelloit  ancien- 
nement Pharu,  et  d'icelle  vient  ce  Demetrius  Pharien  duquel  Appian  faict 
mention  en  son  histoire.  »  (^Missions diploiiialiqiies  de  Corneille  de  Scheppcr.  publiées 
par  MM.  le  baron  de  Saint  Génois  et  G.  A.  Yssel  de  Schcpper,  dans  les  Mémoires 
de  r Académie  royale  de  Belgique,  tome  XXX,  p.  203). 

2.  «  L'isle  de  Curzola  a  le  titre  de  comté  ;  elle  appartient  aux  Vénitiens 
auxquels  la  République  de  Raguse  l'a  cédée;  on  lui  donne  trente  milles  ou  dix 


DE  MONSIEUR  D'ARA  M  ON  9 

ville,  neantmoins  asscs  riche,  située  sur  le  bord  de 
la  mer,  où  il  y  a  un  petit  port.  Elle  est  L;ouvernée 
en  republique  et,  de  trois  mois  en  trois  mois,  changent 
de  duc.  Hz  payent  tribut,  tous  les  ans,  douze  mil  du- 
cats au  Grand  Seigneur'.  L'on  nous  y  fit  fort  bonne 
chère  et  bon  traittement  et  les  sieurs  dudict  lieu  sont 
honnestes  et  gracieux,  vestus  à  la  façon  des  Vénitiens. 
Nous  y  sejournasmes  environ  cinq  jours  pour  nous 
desbarquer  desdictes  galères  et  trouver  les  chevaux 
qui  nous  estoient  nécessaires,  tant  pour  nous  monter 
que  pour  porter  nostre  bagage  qui  estoit  grand,  et  en 
partismes  le  treziesme  jour  de  mars  audit  an  1547,  et 
vinsmes  coucher  à  Trebing  près  le  fleuve  Trebigne'. 

lieues  de  longueur  de  l'est  à  l'ouest  et  six  à  sept  milles  de  largeur.  Cette  isL- 
est  passablement  peuplée  et  Icrtile,  quoique  fort  montueuse  dans  beaucoup 
d'endroits.  Elle  n'est  séparée  de  la  presqu'île  de  Sabioncello  que  par  un  canal 
fort  étroit.  La  ville  de  Curzola,  capitale  de  l'isle,  est  située  sur  ce  canal;  elle 
est  lortifiée  d'une  bonne  muraille  et  de  plusieurs  tours,  environnée  de  la  mer 
de  trois  côtés  et  séparée  de  la  terre  par  un  fossé,  avec  un  pont-levis;  c'est  le 
siège  d'un  évêché  sufïragant  de  l'archevêque  de  Raguse.  »  {Description  géogra- 
phique du  golfe  de  Penise,  page  115). 

I  «  Raguse  (que  Ptolémée  appeJe  Épidaure")  est  cité  fort  ancienne  et  noble, 
ores  que  celle  qui  est  à  présent  appellée  Raguse  n'est  pas  l'antique,  car  elle 
lust  destruicte  par  les  Goths  ;  ain:,  des  ruines  d'icelle  fust  par  les  habitans 
construite  la  moderne  Raguse  a  dix  mille  pas  de  l'antique  qui  est  à  présent  peu 
habitée.  Mais  la  nouvelle  est  d'autant  ''us  trequentée  et  mieux  peuplée,  édifiée 
en  très  belle  situation  sur  le  bord  de  la  mer  Hadriatique,  estant  neantmoins 
dans  le  continent  de  la  Dalmatie.  Le  port  y  est  fort  petit  et  faict  à  main 
d'homme  comme  pareillement  est  son  môle.  De  la  part  de  dessus  y  a  un  mont 
de  grande  haulteur  et  aspérité  au  pied  duquel  la  cité  est  assise  et  fondée.  Elle 
est  fort  subjecte  aux  tremblements  de  terre  :  et  si  en  temps  d'hyver  il  y  fait 
excessivement  froid.  »  {Les  Navigations,  pérégrinations  et  voyages  jaicts  en  la  Tur- 
quie par  Nicolas  de  Nicol.iv  etc.,  Anvers,  1576,  page  261). 

2.  «  Trebiniè  est  une  ville  de  THerze^iOvine  située  au  nord-esi  de  Ragus^'  à 


10  VOYAGE 

De  là  à  Serniche  païs  de  Bulgarie',  et  cheminasmes 
par  des  montagnes  les  plus  rudes  et  arides  qu'il  est 
possible.  Puis  vinsmes  h.  Cochia-,  païs  de  la  Servie,  qui 
est  une  ville  à  la  Turcquesque  assés  marchande  où  il 
y  a  ordinairement  un  sanghiac  qui  veut  dire  gouver- 
neur ou  capitaine  ;  et  nul  ne  sort  de  ce  païs  là  pour 
venir  en  Italie  sans  congé  et  passeport.  Apréz  arri- 
vasmes  à  Pleonie',  village  de  chrestiens.  Les  maisons 
sont  toutes  de  bois.  Et  passasmes  par  un  assez  beau 
village  appelle  Prepouille^  Passasmes  prés  d'un  mo- 

cnviron  trente  kilomètres  de  cette  ville.  Trebinjè  s'élève  au  milieu  d'un  joli 
pays  arrosé  par  la  Trebincica.  On  doit  reconnaître  dans  Trebinjè  le  Tribullum 
des  Romains;  ce  fut,  au  moyen  âge,  un  fiel  possédé  par  la  famille  Pavlovicz 
qui  en  resta  maîtresse  jusqu'à  la  conquête  ottomane.  Les  murs  qui  entouraient 
la  place  sont  aujourd'hui  en  ruines.  »  (Roskiewicz,  Stiiâien  ûber  Bosnien  iind 
Hcr^egovina.  Vienne,  1868,  page  no), 

1.  «  Tchi.rnica,  village  de  l'Herzégovine  situé  sur  la  rivière  de  même  nom, 
nu  nord  du  plateau  de  Korito,  à  égale  distance  de  Trebinjè  et  de  Fotcha.Tchernica 
conserve  des  restes  d'anciennes  iortifications,  et  les  Turcs  y  entretenaient 
jusqu'à  ces  derniers  temps  une  petite  garnison.  »  (Roskiewicz,  Studien,  p.  iir>). 

2.  «  Fotcha,  ville  de  l'Herzégovine,  au  confluent  de  la  Tchehotina  et  de  la 
Drina.  C'était,  avant  la  dernière  occupation  autrichienne,  le  siège  d'un  mudir. 
La  population  s'élevait  en  1867  à  dix  mille  habitants,  la  plupart  musulmans; 
on  y  voyait  vingt  mosquées.  »  (Roskiewicz,  Studien,  etc  ,  page  1 14). 

3 .  <(  Pleoljè,  en  turc  Tachlidjèh,  estla  localité  désignée  par  Jean  Chesneau  sous 
le  nom  de  Pleonie.  C'est  une  petite  ville  de  deux  mille  habitants,  située  dans  la 
vallée  de  la  Tchehotina.  Cette  ville  était  gouvernée  par  un  caïmacam  et  on  v 
remarquait  une  belle  mosquée  dont  la  coupole  était  dorée.  Les  Grecs  possèdent, 
à  peu  de  distance  de  la  ville,  un  couvent  placé  sous  l'invocation  de  la  Trinité, 
qui  a  été  plusieurs  fois  ruiné  et  rebâti.  L'église  du  monastère  a  une  origine  fort 
ancienne;  les  murs  ont  plus  de  six  pieds  d'épaisseur.  On  y  conserve  le  sarco- 
phage aujourd'hui  vide  de  saint  Sava,  ancien  évêque  et  duc  d'Herzégovine.  Le 
bâton  du  saint  et  des  évangiles  lui  ayant  appartenu  sont  conservés  par  les  moines. 
Ces  objets  proviennent  du  monastère  de  Milechcno,  brûlé  en  1593  par  les 
Turcs.  '1  (Roskiewicz,  Studien,  page  1 50). 

4.  «  Priepoljè  est  un  bourg  de  deux  mille  habitants,  sur  le  Lim,  au  sud-est  de 


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10  VOYAGE 

De  là  h  Serniche  païs  de  Bulgarie',  et  cheminasmes 
par  des  montagnes  les  plus  rudes  et  arides  qu'il  est 
possible.  Puis  vinsmes  à  Cochia',  païs  de  la  Servie,  qui 
est  une  ville  à  la  Turcquesque  assés  marchande  où  il 
y  a  ordinairement  un  sanghiac  qui  veut  dire  gouver- 
neur ou  capitaine  ;  et  nul  ne  sort  de  ce  païs  là  pour 
venir  en  Italie  sans  congé  et  passeport.  Apréz  arri- 
vasmes  à  Pleonie',  village  de  chrestiens.  Les  maisons 
sont  toutes  de  bois.  Et  passasmes  par  un  assez  beau 
village  appelle  Prepouille^  Passasmes  prés  d'un  mo- 

em'iron  trente  kilomètres  de  cette  ville.  Trebinjè  s'élève  au  milieu  d'un  joli 
pa3-s  arrosé  par  la  Trebincica.  On  doit  reconnaître  dans  Trebinjè  le  TribuUum 
des  Romains  ;  ce  fut,  au  moyen  âge,  un  fiel  possédé  par  la  famille  Pavlovicz 
qui  en  resta  maîtresse  jusqu'à  la  conquête  ottomane.  Les  murs  qui  entouraient 
la  place  sont  aujourd'hui  en  ruines.  »  (Roskiewicz,  Sliidien  ûber  Bosnien  iind 
Her\egovina.  Vienne,  1868,  page  no), 

1.  «  Tchcrnica,  village  de  l'Herzégovine  situé  sur  la  rivière  de  même  nom, 
au  nord  du  plateau  deKorito,  à  égale  distance  de  Trebinjè  et  de  Fotcha.Tchernica 
conserve  des  restes  d'anciennes  iortifications,  et  les  Turcs  y  entretenaient 
jusqu'à  ces  derniers  temps  une  petite  garnison.  »  (Roskiewicz,  Sludien,  p.  iiiî). 

2.  «  Fotcha,  ville  de  l'Herzégovine,  au  confluent  de  la  Tchehotina  et  de  la 
Drina.  C'était,  avant  la  dernière  occupation  autrichienne,  le  siège  d'un  mudir. 
La  population  s'élevait  en  1867  à  dix  mille  habitants,  la  plupart  musulmans; 
on  y  voyait  vingt  mosquées.  »  (Roskiewicz,  Studien,  elc  ,  page  1 14). 

3 .  «  Pleoljè,  en  turc  Tachlidjèh,  est  la  localité  désignée  par  Jean  Chesneau  sous 
le  nom  de  Pleonie.  C'est  une  petite  ville  de  deux  mille  habitants,  située  dans  la 
vallée  de  la  Tchehotina.  Cette  ville  était  gouvernée  par  un  caïmacam  et  on  y 
remarquait  une  belle  mosquée  dont  la  coupole  était  dorée.  Les  Grecs  possèdent, 
À  peu  de  distance  de  la  ville,  un  couvent  placé  sous  l'invocation  de  la  Trinité, 
qui  a  été  plusieurs  fois  ruiné  et  rebâti.  L'église  du  monastère  a  une  origine  fort 
ancienne;  les  murs  ont  plus  de  six  pieds  d'épaisseur.  On  y  conserve  le  sarco- 
phage aujourd'hui  vide  de  saint  Sava,  ancien  évêque  et  duc  d'Herzégovine.  Le 
bâton  du  saint  et  des  évangiles  lui  ayant  appartenu  sont  conservés  par  les  moines. 
Ces  objets  proviennent  du  monastère  de  Milecheno,  bridé  en  1595  par  les 
Turcs.  >^  (Roskiewicz,  Stiidiru,  page  150). 

4.  i<  Priepoljè  est  un  bourg  de  deux  mille  habitants,  sur  le  Lim,  au  sud-est  de 


DEFILÉ    dans    les    BALKANS 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  ii 

nastere  appelle  Santa  Sava  où  il  y  a  plusieurs  moines 
qui  vivent  à  la  grecque,  et  s'appellent  caloveri  ei 
monstrent  le  corps  de  Santa  Sava  aux  passants'. 
Les  Turcs  l'ont  en  révérence  et  y  font  des  aumosnes, 
et  prèz  de  là,  y  a  un  petit  chasteau  nommé  Alieles',  et 
couchasmes  au  village  joingnant  iceluy.  Aprèz,  vins- 
mes  à  Novabazars'  ville  non  fermée,  assez  marchande, 
où  demeurasmes  un  jour  pour  changer  de  chevaux. 
Au  partir  de  là,  passasmes  le  mont  d'Argent  qui  est 
fort  hault  et  fascheux.  On  y  tire  ordinairement  de 
Targent  qui  vaut  un  tresgrand  revenu  au  Grand 
Seigneur.  Vismes  à  costé  la  ville  de  Nisse  ancienne- 


Tlevljè.  »  (Roskiewicz,  Sttulicn,  page  152).  «  Après  avoir  faict  noz  oflranJcsnu 
cors  de  sauict  Saba,  avons  par  la  dicte  vallée  continué  nostre  chemin  jusque; 
à  la  ville  de  Prepolye,  que  avons  passée  ensemble  ung  pont  de  bois  qui  est  si  r 
la  rivière  de  Lym  »  (Missions  diplomatiques  de  Corneille  de  Scbepper,  page  199^ 

1.  «  11  y  a  près  de  ladicte  montaigne  ung  petit  ruisseau,  lequel  sépare  le 
Sangzachat  de  Bossina  de  Hertzgovina  et  lequel  se  mcle  à  la  rivière  de  Cina  ci 
après  se  rendent  par  ensemble  en  celle  de  Pinchia,  et  finablement  dans  Ib.ir. 
Ledlct  ruisseau  passé,  avons  monté  une  aultre  montaigne  très  liaulte  ayant  de 
toutz  costez  des  montaignes  et  forests  par  laquelle  ayant  cheminé  trois  lieues, 
avons  descendu  jusques  au  monastère  de  Sainct  Sabat.  Ce  monastère  est  habité 
d'heremites  que  communément  on  appelle  Calloury  et  sont  tous  manouvriers, 
ayantz  revenus;  au  reste,  du  tout  ignorantz.  »  (Missions  diplomatiques  de  Cor- 
neille de  Scbepper,  Schepper,  page  190). 

2.  Milosina,  à  peu  de  distance  au  sud-est  de  Priepoljè.  La  route  actuellement 
suivie  passe  au  nord  de  cette  localité  et  gagne  directement  Sjcnica. 

3.  «  Novibazar  s'étend  sur  la  rive  septentrionale  de  la  Rachka.  Une  partie  des 
maisons  s'étagent  sur  les  collines  qui  s'étendent  au  nord  de  la  ville.  La  cita- 
delle s'élève  au  nord-ouest  et  ses  murs  sont  baignés  par  un  torrent  qui  traverse 
la  ville.  Novibazar  possédait  trois  mosquées;  la  population,  composée  de  Serbes 
et  de  Bosniaques  musulmans,  pouvait  s'élever  au  chiffre  de  huit  mille  âmes.  » 
(Amé  Boue,  Recueil  d'itinéraires  dans  la  Turquie  d'Eurojw  Vienne,  iS5i,t.  I'"'', 
page  185). 


12  VOYAGE 

ment  bonne  ville  etaujourd'hui  reJuicte  à  un  village': 
passasmes  la  rivière  Morava.  La  pluspart  des  lemmes 
de  ce  païs  portent  les  cheveux  coupez  et  autres  les 
portent  longs  et  un  chapeau  sur  leur  teste  îaict  de 
drapeaux,  sans  aucune  forme  ne  laçon.  Elles  ont 
pendues  des  patenostres  de  verre  et  quelques  pièces 
d'argent  et  anneaux  aux  oreilles  semblablement.  Et 
quant  leurs  marys  ou  leurs  parens  meurent,  elles  s'ar- 
rachent les  cheveux  et  s'egratignent  le  visage  avec  des 
cris  les  plus  estranges  qu'il  est  possible  d'ouïr.  Les 
Grecques,  en  beaucoup  d'endroictz,  lont  le  semblable, 
et  croy  que  c'est  plus  par  une  ancienne  coustume  ou 
par  hypocrysie  que  pour  regret  qu'elles  ayent. 

Puis  arrivasmes  Mallessiche%  grand  village  prèz  la 
ville  de  Sophie'  dans  laquelle  nous  ne  logeasmes,  parce 

1.  Nich  (Nissa)  faisait  autrefois  parti  du  gouvernement  de  Sofia;  elle 
appartient  aujourd'hui  à  la  Serbie.  «  Nich  est  une  ville  bulgare  populeuse;  on 
y  comptait  seize  mille  habitants  dont  six  mille  étaient  musulmans.  li  v  avait 
onze  mosquées,  une  ou  deux  églises  grecques,  une  tour  à  horloge,  un  grand 
bazar  bien  fourni  de  boutiques  et  de  grands  khans.  Le  bazar  a  une  toiture  en 
planches  et  des  rues  si  larges  qu'on  y  peut  passer  à  cheval  et  en  voiture.  » 
(A.  Boue,  Recueil  d'itinéraires  dans  la  Turquie  d'Europe,  Vienne,  1854,  t.  I", 
page  60).  La  citadelle  de  Nich  lut  emportée  en  777  (137S)  par  Sultan  Murad  I", 
après  vingt-cinq  jours  de  siège.  On  compte  seize  étapes  de  cette  ville  à  Cons- 
tantinople.  Nich  était  une  des  quatre  plus  (ortes  places  de  l'empire  de  Bj'zance 
et  le  point  central  des  communications  entre  la  Thrace,  la  Serbie  et  la  Pannonie . 

2.  Ce  village  est  celui  de  Milosanzy.  Il  est  marqué  sur  la  carte  de  la  Turquie 
d'Europe  publiée  on  1870,  par  M.  Kiepert. 

3.  Sofia  (Serdica,  Triaditza)  s'élève  dans  une  plaine  bordée  par  l'Hémus  et 
le  Rhodope.  L'ancienne  Serdica  fut  pillée  par  les  Huns  et  détruite  par  les 
Valaques  sous  Andronic  Comnène.  Elle  se  releva  de  ses  ruines  et  prit  le 
nom  deSofia.  Elle  fut  prise  par  Indjèh  Balaban  (784-1 5S2)  ,  après  un  siège  qui 
dura  plusieurs  années.   Sofia  était  autrefois  la  résidence  du  bevlerbev  de  la 


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12  VOYAGE 

ment  bonne  ville  et  aujourd'hui  reJuicte  à  un  village^  : 
passasmes  la  rivière  Morava.  La  pluspart  des  lemmes 
de  ce  pais  portent  les  cheveux  coupez  et  autres  les 
portent  longs  et  un  chapeau  sur  leur  teste  îaict  de 
drapeaux,  sans  aucune  forme  ne  iaçon.  Elles  ont 
pendues  des  patenostres  de  verre  et  quelques  pièces 
d'argent  et  anneaux  aux  oreilles  semblablement.  Et 
quant  leurs  marys  ou  leurs  parens  meurent,  elles  s'ar- 
rachent les  cheveux  et  s'egratignent  le  visage  avec  des 
cris  les  plus  estranges  qu'il  est  possible  d'ouïr.  Les 
Grecques,  en  beaucoup  d'endroictz,  lont  le  semblable, 
et  croy  que  c'est  plus  par  une  ancienne  coustume  ou 
par  hypocrysie  que  pour  regret  qu'elles  ayent. 

Puis  arrivasmes  Mallessiche%  grand  village  préz  la 
ville  de  Sophie'  dans  laquelle  nous  ne  logeasmes,  parce 

1.  Nich  (Nissa)  faisait  autrefois  parti  du  gouvernement  de  Sofia;  elle 
appartient  aujourd'hui  à  la  Serbie.  «  Nich  est  une  ville  bulgare  populeuse;  on 
y  comptait  seize  mille  habitants  dont  six  mille  étaient  musulmans.  Il  y  avait 
onze  mosquées,  une  ou  deux  églises  grecques,  une  tour  à  horloge,  un  grand 
bazar  bien  fourni  de  boutiques  et  de  grands  khans.  Le  bazar  a  une  toiture  en 
planches  et  des  rues  si  larges  qu'on  y  peut  passer  à  cheval  et  en  voiture.  » 
(A,  Boue,  Recueil  d'itinéraires  dans  la  Turquie  d'Europe,  Vienne,  1854,  t.  P', 
page  60).  La  citadelle  de  Nich  lut  emportée  en  777  (1375)  par  Sultan  MuradP"", 
après  vingt-cinq  jours  de  siège.  On  compte  seize  étapes  de  cette  ville  à  Cons- 
tantinople.  Nich  était  une  des  quatre  plus  lortes  places  de  l'empire  de  Byzance 
et  le  point  central  des  communications  entre  la  Thrace,  la  Serbie  et  la  Pannonie . 

2.  Ce  village  est  celui  de  Milosanzy.  Il  est  marqué  sur  la  carte  de  la  Turquie 
d'Europe  publiée  en  1870,  par  M.  Kiepert. 

3.  Sofia  (Serdica,  Triaditza)  s'élève  dans  une  plaine  bordée  par  l'Hémus  et 
le  Rhodope.  L'ancienne  Serdica  fut  pillée  par  les  Huns  et  détruite  par  les 
Valaques  sous  Andronic  Comnène.  Elle  se  releva  de  ses  ruines  et  prit  le 
nom  deSofia.  Elle  tut  prise  par  Indjèh  Balaban  (784-1 5S2)  ,  après  un  siège  qui 
dura  plusieurs  années.   Sofia  était  autrefois  la  résidence  du  bevlcrbev  de  la 


12  VOYAGE 

ment  bonne  ville  etaujourJ'hui  reJuicte  à  un  village': 
passasmes  la  rivière  Morava.  La  pluspart  des  lemmes 
de  ce  païs  portent  les  cheveux  coupez  et  autres  les 
portent  longs  et  un  chapeau  sur  leur  teste  taict  de 
drapeaux,  sans  aucune  forme  ne  laçon.  Elles  ont 
pendues  des  patenostres  de  verre  et  quelques  pièces 
d'argent  et  anneaux  aux  oreilles  semblablement.  Et 
quant  leurs  marys  ou  leurs  parens  meurent,  elles  s'ar- 
rachent les  cheveux  et  s'egratignent  le  visage  avec  des 
cris  les  plus  estranges  qu'il  est  possible  d'ouïr.  Les 
Grecques,  en  beaucoup  d'endroictz,  lont  le  semblable, 
et  croy  que  c'est  plus  par  une  ancienne  coustume  ou 
par  hypocrysie  que  pour  regret  qu'elles  ayent. 

Puis  arrivasmes  Mallessiche^  grand  village  préz  la 
ville  de  Sophie'  dans  laquelle  nous  ne  logeasmes,  parce 

1.  Nich  (Nissa)  faisait  autrefois  parti  du  gouvernement  de  Sofia;  elle 
appartient  aujourd'hui  à  la  Serbie.  «  Nich  est  une  ville  bulgare  populeuse;  on 
y  comptait  seize  mille  habitants  dont  si>c  mille  étaient  musulmans.  li  v  avait 
onze  mosquées,  une  ou  deux  églises  grecques,  une  tour  à  horloge,  un  grand 
bazar  bien  fourni  de  boutiques  et  de  grands  khans.  Le  bazar  a  une  toiture  en 
planches  et  des  rues  si  larges  qu'on  y  peut  passer  à  cheval  et  en  voiture.  » 
(A.  Boue,  Recueil  d'itinéraires  dans  la  Turquie  d'Europe,  Vienne,  1854,  t.  \", 
page  60).  La  citadelle  de  Nich  lut  emportée  en  777  (1375)  par  Sultan  Murad  P"", 
après  vingt-cinq  jours  de  siège.  On  compte  seize  étapes  de  cette  ville  à  Cons- 
tantinople.  Nich  était  une  des  quatre  plus  fortes  places  de  l'empire  de  Byzance 
et  le  point  central  des  communications  entre  laThrace,  la  Serbie  et  la  Pannonie. 

2.  Ce  village  est  celui  de  Milosanzy.  Il  est  marqué  sur  la  carte  de  la  Turquie 
d'Europe  publiée  on  1870,  par  M.  Kiepert. 

3.  Sofia  (Serdica,  Triaditza)  s'élève  dans  une  plaine  bordée  par  l'Hémus  et 
le  Rhodope.  L'ancienne  Serdica  fut  pillée  par  les  Huns  et  détruite  par  les 
Valaques  sous  Andronic  Comnène.  Elle  se  releva  de  ses  ruines  et  prit  le 
nom  de  Sofia.  Elle  fut  prise  par  Indjèh  Balaban  (784-1382)  ,  après  un  siège  qui 
dura  plusieurs  années.   Sofia  était  autrefois  la  résidence  du  beylcrbcv  de  la 


i;nviiio>;s  uiî   \icii 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  i; 

que  la  peste  y  cstoit.  Elle  est  située  en  une  belle 
plaine  et  assez  fertille.  Vinsmes  à  Basarchic'  et  Con- 
gnusse^  grands  villages,  puis  à  Philipopuly,  ville  bastie 
par  Philippe  de  Macédoine  père  d'Alexandre  le  Grand  ^  : 


Roumélie.  «  Ses  mosquées  et  ses  vingt-deux  minarets,  dit  M.  Amé  Bouc, 
annoncent  une  grande  population,  néanmoins  cette  cité  ne  compte  guère  que 
cinq  mille  maisons  ou  vingt  ou  vingt-deux  mille  habitants  dont  la  plupart  sont 
Bulgares...  L'ancienne  cathédrale  bulgare  de  Sofia  est  placée  à  l'extrémité 
orientale  de  la  ville,  ce  qui  semble  indiquer  qu'elle  a  été  jadis  plus  grande.  » 
(Rfciu'il  d'itinéraires,  tome  I",  pages  65-66).  Près  de  Sofia  se  trouvent  des 
eaux  minérales  qui  avaient  une  grande  réputation.  «  Entre  les  deux  cours 
d'eau,  dont  l'un  vient  de  Kustendil  et  l'autre  de  Samakov,  se  trouve  un  bain 
chaud  dont  la  température  est  modérée  :  à  côté  jaillit  aussi  une  source  d'eau 
froide.  Le  bain  se  compose  d'un  djameldan  ou  chambre  où  l'on  se  dépouille 
de  ses  vêtements,  et  d'une  salle  intérieure  couverte  d'une  coupole.  Non  loin  de 
ce  bain,  on  en  voit  un  autre  semblable  destiné  aux  femmes,  »  (Hadji  Khalfa, 
Riimeli  und  Bosiia,  trad.  par  M.  de  Hammer,  Vienne,  1812,  pages  51-52.) 
«  Sophia  est  un  bourg  très  ample  et  habité  la  plupart  des  chrestiens  Ragusiens. 
Nous  avons  esté  logés  au  logis  du  seigneur  Benedicto  de  Georgiis,  Ragusicn, 
et  après  souper,  avons  esté  aux  baings  qu'il  y  a  illecq  très  beaux  et  très  sains... 
Il  y  a  en  ladicte  Sophia  ung  temple  édifié  par  les  Grecqz  ayant  une  tour  de 
telle  grandeur  que  mille  meschites  ne  la  peuvent  esgaller.  Les  maisons  sont 
toutes  en  bois  et  partant,  fort  subjectes  aux  feux.  Ce  bourg  est  bien  fréquenté 
et  habité  d'une  infinité  de  marchands.  »  (Missions  diplomatiques  de  Corneille  de 
Schepper,  page  191.) 

1.  Tatar  Bazardjik  est  un  gros  village  situé  sur  la  grande  route  à  treize  jour- 
nées de  marche  de  Constantinople  et  à  une  étape  de  Philippopoli.  On  y 
remarque  deux  khans,  une  mosquée  avec  minaret  construits  par  Ibrahim 
Pacha  à  la  requête  des  habitants.  (Rumell  und  Bosna,  page  55.) 

2.  Congnusse  est  le  nom  très  défiguré  de  Kustendjèh  (Kastanicza),  gros  bourg 
situé  entre  Samakov  et  Tatar  Bazardjik.  «  On  trouve  dans  les  environs  deux 
sources  d'eau  chaude  au-dessus  desquelles  on  a  bâti  des  bains  en  pierres.  L'un 
de  CCS  établissements  tombe  en  ruines.  On  ne  saurait  demeurer  sans  inconvénient 
dans  l'autre  pendant  plus  d'une  demi-heure.  »  (Ti,umeli  und  Bosna,  page  56.) 
«  Ma  partissimo  per  essere  la  sera  in  Chiostengie  villagio  bagnato  dal  torrent  ■ 
Sanacho  un  poco  fuori  di  strada.  )>  (Relatione  del  viagqio  fatlo  a  Constant inol^li 
dal  conte  Alberto  Caprara,  etc.,  Bologne,  1685,  page  46.) 

3.  "  Philippopoli  (Plovdiv  des  Bulgares,   Pilibèh  des  Turc^;  l'ut  conquise 


14  VOYAGE 

elle  est  située  en  une  fort  belle  et  grande  plaine,  partie 
sur  une  montagne  de  rocher  et  l'autre  partie  en  ladicte 
plaine.  On  passe  un  fleuve  qui  s'appelle  Marissa*  sur 
lequel  y  a  un  grand  pont  de  bois;  et  en  ladicte  plaine, 
on  void  plusieurs  monceaux  de  terre  faictz  en  façon  de 
petites  montagnes.  L'on  nous  dit  qu'anciennement  les 
Romains  s'estoient  donnez  en  ceste  campagne  des  ba- 
tailles où  il  estoit  mort  grand  nombre  de  gens,  lesquels 
on  avoit  mis  dans  des  fosses  et  couvert  de  ces  mon- 
ceaux ainsy  haultz.  Finallement,  le  sixiesme  jour 
d'avril,  arrivasmes  à  Andrenople  en  Trace;  et  paravant, 
avions  passé  le  fleuve  Marissa  sur  un  fort  beau  pont  de 
pierre  appelle  le  pont  Moustapha  qui  a  dix-huit  ou  vingt 
arches;  et  au  milieu,  y  a  une  grande  pierre  dorée  où 
sont  engravéz  characteres  turquesques  qui  dénotent 
le  temps  qu'il  fut  faict  et  celuy  qui  l'a  faict  faire  et  la 
despense  qu'il  a  cousté^ 


en  765  (1366)  par  Lala  Chahin  Pacha,  Il  construisit  un  grand  pont  sur  la  Ma- 
ritza  qui  traverse  la  ville.  Les  rues  de  Philippopoli  sont  belles  et  on  y  trouve  des 
bains,  des  mosquées,  des  caravansérails  et  des  khans.  Les  environs  de  la  ville 
sont  très  fertiles;  ils  produisent  principalement  du  riz  et  ils  approvisionnent 
toutes  les  provinces  jusqu'à  Bagdad.  Le  commerce  du  riz  fait  entrer,  tous  les 
ans,  dans  les  caisses  publiques,  une  somme  de  quatre  millions  d'aspres.  Les  arbres 
et  les  fruits  sont  très  abondants  dans  le  pays.»  (Rumelitind  Bosna,p.  52-53). 

1 ,  La  Maritza  (l'ancien  Hébrus),  appelée  par  les  Turcs  Nehri  Meridj,  prend 
sa  source  dans  le  versant  nord-ouest  du  Despot  Daghy  (le  Rhodope)  et  se  jette 
dans  la  mer  en  face  de  l'île  de  Thasos,  après  avoir  reçu  les  eaux  de  l'Arda 
(Marpessus)  et  celles  de  la  Toundja. 

2.  Ce  pont  a  dix-neuf  arches  d'une  architecture  massive.  Il  fut  construit 
par  Mustafa  Pacha,  Esclavon  d'origine,  qui  avait  épousé  une  sœur  de  Suhan 
Suleyman  ;  il  fut  un  des  vizirs  de  ce  prince  qu'il  accompagna  dans  sa  pre- 
mière campa- uc  de  Hongrie.   En   1522,  il  dirigea  rcxpcdition  contre  Rhodes 


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DE  xMONbUiUR  D'ARAMON  15 

Andrenople  est  une  fort  i;ranJe  ville  et  s'appelloit 
anciennement  Adrianopolis  située  sur  le  fleuve  Marissa 
en  une  belle  plaine.  Nous  y  trouvasmes  le  Grand  Sei- 
gneur appelle  Sultan  Soliman,  lequel  communément 
y  passoit  tous  les  ans  l'hvver,  et  y  a  un  tort  beau  palais 
où  il  loge.  L'on  y  void  encore  plusieurs  anciennes 
églises  de  Grecqs  et  autres  qu'on  appelle  calogiery. 
Elle  est  habitée  de  Turcqs,  Grecqs  et  Juifs,  assés  bien 
bastie,  et  rentermée  de  murailles;  et  y  a  de  belles 
maisons,  boutiques  et  artisans  de  toutes  sortes  et 
jardins  fort  beaux  et  plaisans  hors  la  ville,  dans  lesquels 
nous  allions  souvent  manger  sallades,  tant  que  nous 
voulions,  avec  toute  la  Uberté  qu'il  est  possible;  et  d'un 
jardin  l'on  entre  dans  l'autre,  parce  qu'il  n'y  a  haye 
ne  muraille  entre  deux,  sinon  à  l'endroict  des  chemins 
passans.  Et  à  chascun  jardin  y  a  une  grande  rhoùe  de 
bois  tournée  par  un  cheval  qui  n'est  conduict  de  nulle 
personne,  mais  a  seulement  un  morceau  de  drap  ou 
toille  devant  les  yeux,  qui  tire  de  l'eau  d'une  grande 
fausse  dans  laquelle  se  trouve  ladicte  rhoùe  et  icelle 

et  il  mourut  en  1 529.  Un  village  de  deux  cents  maisons  porte  aussi  son  nom  et 
s'élève  à  l'extrémité  du  pont,  sur  la  rive  orientale  de  la  Maritza;  il  y  fit  bAtir 
une  mosquée.  (Hadji  Khalla,  'R^umdi  iind  ^Bcsna,  pa-g.  49).  «  Et  sommes  cnlin 
arrivez  à  un  bourg  par  un  pont  appelé  Mustapha  Cupery.  Ce  iMustafa  Bassa  lut 
natif  de  Caradach  qui  est  ung  lieu  sur  la  Montaigne  noire,  près  Scutin  (Scu- 
tari)  et  eut  à  femme  Sutur,  fille  de  Selym  Sultan,  et  seur  de  ce  Solyman 
et  d'une  mesme  niere,  etdespensoit  pour  l'édification  de  ce  pont  cent  et  trente 
mille  ducatzs.  Le  pont  est  de  pierre  cuicte,  sur  la  rivière  d'ilebrc,  ayant  dix 
huict  grands  arcqz;  il  est  très  excellent  et  d'une  merveilleuse  extendue,  non 
toute  fois  semblable  à  celle  du  pont  de  Praga.  »  (Mi^oioiu  diploinaliqucs  tic 
Corneille  de  Sel:cpper,  page  1 90J  . 


i6  VOYAGE 

eaue  s'espand  par  les  jardins  ainsy  que  l'on  veult.  En 
cette  dicte  ville  l'on  y  accoustre  fort  bien  les  cuirs  et 
cordouans  de  toutes  couleurs*. 

I ,  Andrinople  (l'ancienne  Orestea,  Hadrîanopolis),  est  appelée  Edirnèh  par 
les  Turcs.  Elle  est  le  siège  d'un  métropolitain  grec,  relevant  du  patriarchat  de 
Constantinople. 

Les  Ottomans,  sous  la  conduite  de  Sultan  Murad  P*",  s'emparèrent  de  cette 
ville  en  l'année  762  de  l'hégire  (1360).  Lala  Chalin  Pacha  en  fut  le  premier 
gouverneur.  Elle  devint  la  résidence  du  Sultan  en  768  (1566),  après  la  cons- 
truction du  vieux  sérail.  Les  trois  rivières  de  la  Maritza,  de  l'Ardà  et  de  la 
Toundja  se  réunissent  à  Andrinople.  Sur  la  rive  de  la  Toundja  s'élève  une  forte- 
resse carrée  ayant  une  tour  à  chacun  de  ses  angles.  L'enceinte  de  la  ville  est  flan- 
quée de  douze  tours  et  percée  de  onze  portes.  On  remarque  dans  la  ville  le  bazar 
d'Aly  Pacha,  construit  en  972  (1564),  et  deux  bezesteins.  Le  nouveau  sérail 
a  été  construit  par  Mahomet  II  en  856  (1451),  en  même  temps  que  le  bazar 
du  molla  Bechir  Tchéléby.  Andrinople  possède  quarante  mosquées  dont  neuf 
ont  été  élevées  par  des  souverains  ottomans,  et  dont  les  plus  belles  sont  celles 
de  Sultan  Bayezid  II,  Murad  II,  et  Sélim  II.  On  compte,  en  outre,  vingt- 
quatre  medressèh  ou  collèges,  vingt-neuf  chapelles  ou  zawièh,  dix  turbèh  ou 
tombeaux  de  grands  personnages  ou  de  saints  et  d'autres  lieux  de  pèlerinage. 

On  trouve  à  Andrinople  quatorze  khans  dont  le  plus  grand  est  celui  de  Rus- 
tem  Pacha,  vingt-huit  robaths  ou  caravansérails  et  vingt-deux  bains.  Cinq 
ponts  de  pierre  et  huit  en  bois  sont  jetés  sur  les  trois  rivières.  Le  plus  beau 
des  ponts  de  pierre  porte  le  nom  de  Scrradj  khanèh  kuprussy  (le  pont  de  la 
Sellerie).  Il  fut  construit  en  855  (1450),  par  Chihabeddin  Pacha.  Sultan 
Suleyman  fit  construire  un  aqueduc  pour  amener  l'eau  dans  l'intérieur  de  la 
ville  :  cet  aqueduc  alimente  cinquante-deux  fontaines.  (Hadji  Khalflt,  %Jitncli 
und  Bos>ia,  pages  1-15.) 

«  La  cité  est  peuplée  de  grand  nombre  de  chrestiens  grccz,  qui  là  ont  leur 
métropole.  Lcsquclz,  après  avoir  perdu  la  liberté  et  se  voyans  destituez  et  dépos- 
sédez de  tout  pouvoir  et  avoir,  se  sont  là  retirez,  les  uns  pour  s'adonner  à  quelque 
train  de  marchandise  ou  art  mechanique,  et  les  autres,  auxquelz  est  demeuré 
quelque  peu  de  moyen  se  paissem  seulement  de  la  mémoire  de  leur  ancienne 
grandeur.  Il  y  a  pareillement  infiniz  Juifs  tresriches  et  fort  grands  traficqueurs, 
soit  en  marchandise,  soit  d'argent  comptant,  pour  bailler  à  grosse  et  excessive 
usure.  Mais  beaucoup  plus  y  est  grand  le  nombre  des  Turcs  et  speciallement 
d'excellents  artisans,  qui  est  la  cause  que  la  cité  abonde  en  toutes  sortes  de 
marchandises  et  beaux  ouvrages  de  selles,  brides  et  tous  autres  fourniments  de 
cl'.evaux,  qui  là  se  font  en  toute  beauté  et  perfection;  pareillement  les    fines 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  17 

duelquc  peu  do    jours   aprcz  nostrc  arrivée  audict 
lieu,  nous  eusmes  la  nouvelle  de  la  mort  du  roy  l-ran- 
çois  premier',  dont  l'ambassadeur  fut  fort fasché,  parce 
qu'il  n'avoit  encore  veu  ledict  Grand   Seigneur,  ny 
faict  le  présent,  et  différa  jusques  à  ce  que  il  eust  lettre 
du  roy  Henry  que  un  secrétaire  nommé  Valcnciennes 
luy  aporta.  Alors  il  se  délibéra  d'aller  vers  ledict  (irand 
Seigneur,  au  palais  duquel  il  lut  conduict,  luy  baisa  les 
mains  avec  douze  de  ses  gentilhommes  et  luy  présenta 
de  la  part  du  Roy,  un  grand  orloge  faict  à  Lyon  où  y 
avoit  une  fontaine   qui   tiroit   par  l'espace  de  douze 
heures  de  l'eau  qu'on  y   mettoit,  qui  estoit  un  chef 
d'œuvre  et  de  hault  pris,   avec  tant  de  draps  d'or  et 
d'argent,  toilles  d'Hollande,  veloux,  satin  et  damas  de 
toutes  couleurs  et  draps  d'escarlate  de  Paris,  que  c'es- 
toit  une  fort  belle  chose  ;  et  le  présent  estoit  de  grand 
valeur  et  estimé  beaucoup.  Apréz,  il  n'y  eut  bassa  ne 
officier  de  qualité  dudict  Grand  Seigneur  à  qui  ledict 
ambassadeur  ne  fit  présent.  En  sorte  que  nous  fusmes 
les  bienvenus  puisque  nous  donnions.  Et  pendant  que 
l'on  portoit  le  présent  audict  Grand  Turq,  ses  maistres 
d'hostel  et  autres  officiers  de  sa  maison  nous  voulu- 
rent festoyer  et  préparèrent  des  tables  à  leur  mode  au 
lieu  mesme  où  nous   estions;  à  sçavoir  mirent  des 


csguillcs  daniasquinces  et  les  beaux  maroquins  el  cordouans  de  toutes  sortes  de 
couleurs  tresvivcs,  cstranges  et  diverses  sur  tous  les  autres  lieux  du  monde.  >- 
(N.  de  Nicolay,  Xavigatiotis,  Tèrcgrinatioiis  etc.,  page  26).) 

I.  Le  roi  François  I"'' mourut  à  Rambouillet,  le  jeudi  31  mars  I347- 


i8  VOYAGE 

tapis  par  terre  sur  lesquels  aporterent  de  grands  platz 
comme  bassins  plains  de  viandes  bouillies  et  friteaux 
de  paste,  le  tout  sentant  bien  la  vieille  gresse.  Nous 
nous  baissasmes  à  terre  pour  en  taster,  mais  nous  n'y 
fismes  pas  grand  dommage;  aussy  qu'il  n'y  avoit  que 
de  l'eau  à  boire.  Parquoy,  bientost  fusmes  rassasiez  de 
leur  banquet  qui  ne  nous  empescha  pas  de  disner;  et 
fusmes  desservis  desdictes  viandes  par  certains  genis- 
saircs  et  Agiamolans  qui  les  portèrent  au  milieu  de  la 
cour  sur  l'herbe  où  vous  ne  vistes  jamais  mieux  man- 
ger loup  affamez  que  ceux  là  mangeoient. 

Nous  sejournasmes  audit  Andrenople  jusques  à  ce 
que  ledict  Grand  Seigneur  en  partist  pour  venir  en 
Constantinoplc  :  et  par  les  chemins,  passasmes  plu- 
sieurs gros  villages,  les  uns  habitez  de  Turqs  et  les 
autres  de  Greqs.  Vinsmes  à  Salivrée,  cité  ancienne 
assize  sur  la  marine  ',  puis  à  un  village  qu'on  appelé 
Grand    Pont',   et   en    un   autre   qu'on    nomme  Petit 

1.  Silivry  (Sclymbria)  est  située  au  point  de  réunion  des  deux  routes 
conduisant,  l'une  à  Salonique,  l'autre  à  Andrinople.  Cette  ville  était  autrefois 
défendue  par  de  fortes  murailles  et  un  château-fort. 

2.  Ponte  Grande,  en  turc  Buyuk  Tchekmèdjèh.  «  Ponte  grande,  dit  le  rédac- 
teur du  Voyage  de  Jacopo  Soranzo,  baile  de  la  République  de  Venise  près 
Murad  III,  est  un  gros  village  habité  en  partie  par  des  Grecs  et  en  partie  par 
des  Turcs.  Il  est  situé  sur  le  bord  de  la  mer.  Il  y  a  là  un  superbe  pont  de 
pierres,  d'une  longueur  de  769  :'ivrhi;  il  fut  construit  par  Sultan  Suleyman 
après  la  destruction  du  pont  de  bois  qui  existait  précédemment.  Ce  pont  est 
jeté  sur  un  petit  golfe  qui  s'enfonce  dans  la  terre  entre  des  collines.  Il  est 
construit  de  telle  façon  qu'il  semble  qu'il  v  ait  quatre  ponts  que  Ton  doit  gra- 
vir et  descendre  :  on  compte  quarante  arches.  En  somme,  c'est  une  belle 
construction  ;  elle  est  bien  bâtie,  elle  est  très  élevée  et  a  dû  nécessiter  des 
dépenses  considérables   ce  qui  n'est  rien  pour  ces  gens-ci.  »  {^Diaiio  dcl  i'iiiooio 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  iq 

Pont'  à  dix  milles  dudict  Constantinoplc,  où  rinallc- 
mcnt  nous  arrivasmes  le  14^"  jour  de  niay  1547,  cl 
vinsmcs  loger  par  delà  le  port,  en  une  petite  ville 
qu  on  appelle  Fera  ou  (iallatas  où  tous  marchands 
chrestiens  demeurent. 

Au  moys  de  juillet  ensuyvant,  le  sieur  Pumel  vint 
audict  Constantinople,  depesché  du  roy  Henry  pour 
renouveller  et  confirmer  l'alliance  et  amitié  de  la  part 
de  Sa  Majesté  avec  le  Grand  Turq.  M.  Dhuyson  y 
vint  aussy  pendant  que  ledict  sieur  de  Fumel  v  estoit. 
Lequel  Fumel,  apréz  avoir  faict  sa  légation,  fit  une  de- 
pesché au  Roy  pour  luy  rendre  compte  de  la  charge 
que  Sa  Majesté  luy  avoit  commise,  de  laquelle  il  estoit 
porteur  et  messager.  Un  orloger  François  qui  se  tenoit 
audict  Constantinople  nommé  maistre  Guillaume  l'or- 
loger,  qui  racoustroit  les  orloges  dudict  Grand  Turq 
et  estoit  sallarié  de  luy,  mourut  à  Venise  venant  à  la 
court.  Or,  ledict  sieur  de  Fumel  s'attendoit,  par  son 
moyen,  de  lever  le  siège  à  M.  d'Aramon  et  d'estre 
ambassadeur.  Pour  le   moins  avoit  il  proposé  de  ne 

da  Vcne-ia  a  Consluntinopoli,  etc.  Vcnisu,  1836,  page  58.)  La  construction  du 
pont,  commencée  en  970  (1562)  par  Sultan  Suleyman,  ne  fut  achevée  que  sous 
le  règne  de  son  fils  Selim,  en  1567  (97 S).  Ponte  Grande  porta,  sous  la  domi- 
nation grecque,  les  noms  de  Athyras  et  de  Paros.  Le  pont  construit  par  Justi- 
nien  fut,  en  814,  détruit  par  les  Bulgares, 

I.  «  Ponte  Piccolo,  en  turc  Kutchuk  Tchèknicdjèli,  est  un  petit  village  bâti 
en  forme  de  croissant  sur  le  rivage  de  la  mer.  Il  est  à  dix  milles  de  Constanti- 
nople et  il  doit  son  nom  à  un  pont  moitié  en  bois,  moitié  en  pierres,  sur  lequel 
on  traverse  un  petit  bras  de  mer,  ou  lagune.  »  (Hadji  Khalfa,  Rtimcli,  page  60, 
T)iario  del  via^i;io  etc.,  page  58.)  L'ancien  nom  de  ce  village  était  Rcgium.  Les 
empereurs  de  Byzance  y  avaient  une  maison  d'été. 


VOYAGE 


s'en  retourner  en  France  que  son  dict  messager  ne  fut 
de  retour  à  Constantinople.  Cependant,  il  fit  le  voyage 
de  Jérusalem,  du  Caire  et  Alexandrie  où  il  alla  par 
mer  et  y  demeura  environ  quatre  moys  tant  à  aller 
que  à  retourner'.  Pendant  lequel  temps,  ledict  sieur 
Dhuyson  estant  relevé  d'une  grande  maladie  s'en  re- 
tourna en  France-. 


I.  François,  baron  de  Fumel  dans  l'Agénois,  gentilhomme  de  la  chambre 
du  roi.  Belon,  qui  était  alors  à  Constantinople,  l'accompagna  dans  son  voyage 
en  Egypte  et  en  Syrie.  D'après  le  récit  de  Belon,  M.  de  Fumel  prenait  le 
titre  d'ambassadeur  de  Henri  II  auprès  de  Sultan  Suleyman.  Il  dit  dans  l'a- 
vertissement au  lecteur  placé  en  tête  du  second  livre  des  Observations  de  plu- 
sieurs singularité:^  et  choses  viemorables  trouvées  en  Grèce,  Asie,  Judcc,  Egypte, 
Arabie,  etc.,  éd.  de  1588:  <(  Mais  pour  autant  que  lafaveur  et  crédit  de  M.  Fumel, 
gentilhomme  de  la  chambre  du  Roy,  à  ce  faire  nous  a  grandement  aidé,  dignes 
serions  d'estre  notez  d'ingratitude  si  ne  confessions  librement  luy  estre  beau- 
coup redevables  :  car  nous  avons  eu  l'intelligence  de  plusieurs  choses  en  ses 
voyages,  esquels  il  a  usé  de  grandes  courtoisies  en  nostre  endroict.  Nous  le 
trouvasmes  à  Constantinople,  estant  pour  lors  ambassadeur  pour  le  roy  Henry 
deuxiesme  vers  le  Grand  Seigneur  auquel  il  trouva  grande  faveur;  car  il  lui  bailla 
gens  exprès  de  sa  Court  pour  luy  faire  escorte  et  le  conduire  seurement  en 
tous  les  pays  et  provinces  où  il  vouloit  aller.  Et  estant  bien  accompagné  d'ho- 
norables gentilshommes  françois  et  aussi  de  gcnissaires,  chaoux  et  drogucmans, 
acheva  honorablement  de  moult  grands  et  laborieux  voyages  par  les  pays  de 
Turquie,  comme  on  voirra  par  cy  après.  «  (Page  168.) 

«  A  son  retour  en  France,  François  de  Fumel  fut  bien  reçu  par  le  roi  :  une 
ordonnance  royale,  donnée  à  Fontainebleau  le  30  janvier  1549  et  contresignée 
Laubespine,  enjoint  à  Jehan  Laguette,  trésorier  général  des  finances  et  des 
parties  casuelles,  de  compter  à  François  sieur  et  baron  de  Fumel,  gentilhomme 
ordinaire  de  la  chambre,  la  somme  de  quatre  cents  écus  d'or  soleil  valant  qua- 
rante-cinq sous  tournois  pièce,  en  récompense  de  ses  bons  services.  François 
de  Fumel  qui  ,  pendant  les  troubles  religieux  ,  avait  déplovc  une  grande 
rigueur  contre  les  protestants,  fut  assassiné  dans  ses  domaines  par  ses  vassaux 
le  22  novembre  1562,  lorsqu'il  revenait  de  la  chasse.  »  (Histoire  de  De  Tliou, 
tome  IV  de  la  traduction  française,  page  370).  Dj  Thou  le  qualifie  aussi 
d'ancien  ambassadeur  du  roi  Henri  11,  près  le  Grand  Seigneur. 

2.  Le  sieur  d'Huyson,  pannetier  ordinaire  du  roi,  lut  ch.n-gé  de  remeUre  au 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  21 

Sur  CCS  cntrcfaittes,  advint  la  fuiltc  du  comte  de 
Roguendolff'  qui  s'cstoit  retiré  vers  le  Grand  Turcq,  y 
avoit  environ  un  an;  il  s'estoit  rendu  son  esclave,  espe- 

sult.m  une  lettre  do  Henri  II.  Il  était  porteur,  pour  MM.  d'Aramon  et  de  l"u- 
niel,  de  dépèches  relatives  à  la  paix  qui  se  traitait  entre  le  sultan,  l'empereur 
et  le  roi  des  Romains.  La  lettre  de  Henri  II  ainsi  que  les  instructions  de 
M.  d'Huyson  sont  insérées  dans  Tappendice. 

I.  «  Christophle  de  Rogendorf,  dit  le  comte  de  Rocquendolf,  comte  de  Rogen- 
dorf  et  de  Gundetrof,  baron  de  Molembourg,  marquis  des  isles  d'IIyères  en 
Provence,  seigneur  de  Condé  et  de  Revaux,  grand  maître  héréditaire  d'Au- 
triche, capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  des  ordonnances  du  Rov, 
gentilhomme  ordinaire  de  sa  chambre  et  conseiller  en  son  conseil  privé,  né  en 
15 10,  servit  d'abord  dans  les  armées  d'Allemagne  et  se  retira  ensuite  à  la  cour 
d'Henrjf  II,  sur  ce  que,  ayant  eu  quelque  ditïérend  ixvcc  sa  femme,  l'empereur 
qui  la  favorisoit  beaucoup,  ôta  au  comte  la  plus  grande  partie  de  son  bien 
pour  que  la  comtesse  sa  femme  en  eut  davantage.  Le  comte  projetta  alors  et 
exécuta  le  dessein  d'aller  à  Constantinople  sur  les  promesses  qu'on  luy  fît  de 
l'employer  et  de  le  laisser  vivre  dans  sa  religion  ;  mais,  ayant  été  tourmenté 
pour  prendre  le  turban,  il  eut  recours  au  seigneur  d'Aramon,  ambassadeur  de 
France  en  cette  cour,  et  luy  ayant  témoigné  l'envie  qu'il  avoit  d'entrer  au  ser- 
vice de  France,  cet  ambassadeur  le  demanda  au  nom  du  roy  au  sultan  Soliman 
qui  y  consentit.  Le  comte  de  Rocquendolf  ayant  donc  abandonné  tous  les  biens 
qu'il  avoit  dans  la  Germanie  et  dans  les  pays  circonvoisins,  alla  trouver  le  roy 
Henry  II  qui  le  fit  gentilhomme  de  sa  chambre,  qualité  qu'il  prenoit  déjà  en 
T549,  et  on  le  trouve  compris  en  cette  qualité  dans  les  états  de  puis  1 3  5.}  jusques 
en  1569.  Le  roy  luy  fit  don  aussi  des  isles  d'Hieres  en  Provence  qu'il  décora 
du  titre  de  marquisat,  en  décembre  1549.  Il  avoit  obtenu,  au  mois  de  septembre 
précédent,  une  gratification  de  225  livres  en  considération  de  ses  services;  une 
autre  de  11 50  livres  au  mois  de  septembre  1552,  en  dédominagement  des  dé- 
penses qu'il  avoit  faites  au  camp  du  roy  au  voyage  d'Allemagne,  une  de46o  livres 
au  mois  de  juin  15  53,  motivée  sur  les  services  qu'il  avoit  rendus  à  Sa  Majesté, 
tant  au  fait  de  la  guerre  qu'à  l'entour  de  sa  personne,  une  de  2300  livres  au 
mois  de  janvier  1554  pour  une  commission  secrette  qui  luy  avoit  été  confiée 
et  une  de  pareille  somme  au  mois  d'août  1556,  à  raison  de  ses  services 
dans  les  guerres  de  Piémont  et  pour  lui  donner  moyen  d'entretenir  son  régi- 
ment au  service  du  roy.  En  effet,  il  se  qualifioit  à  cette  époque,  colonel  de 
lansquenets,  il  jouissoit,  dès  l'année  1348,  d'une  pension  de  la  Cour  de 
4000  livres.  En  1555,  le  roy  l'envoya  vers  le  roy  de  Bohème,  pour  luy 
offrir  de  sa  part  tout  ce  qui  dépendroit  de  luy  afin   de  maintenir  ses  droits 


2  2  YOYAGV. 

rant  par  ce  moyen  se  vanger  du  tort  et  honte  que  luy 
avoit  faict  l'empereur  Charles  Quint.  Mais  la  chose 
ne  luy  advint  pas  comme  il  s'estoit  proposé  ;  car  il 
n'eut  pas  le  traictement,  l'entrée  ny  le  crédit  préz  le 
Grand  Turq  qu'il  esperoit  d'avoir.  Et  neantmoins,  ne 
laissa  de  consommer  et  despenser  tout  l'or  et  l'argent 
qu'il  avoit  porté,  tant  en  presentz  que  en  grandeur  de 
maison  qu'il  v  tenoit;  et  s'estoit  desnué  en  peu  de 
temps  de  tous  moyens,  n'v  pouvant  plus  vivre  ne 
s'entretenir  de  deux  ducatz  qu'il  avoit  par  jour  dudict 
Grand  Turq.  Joinct  aussv  qu'on  le  sollicitoit  et  per- 
suadoit  de  se  taire  turq,  et  que  s'il  estoit  turq,  ledict 
Grand  Seigneur  le  feroit  l'un  de  ses  grands  capitaines, 
voire  plus  grand  que  n'avoit  esté  Loys  Gritty  filz  bas- 

ù  l'empire.  En  1550,  il  se  trouva  au  siège  de  Thionville,  leva  en  Allemagne 
en  1562,  le  ban  de  l'Empire  contre  les  reitres  et  les  lansquenets  pour  le  trium- 
virat et  fut  mestre  de  camp  des  troupes  allemandes  que  le  roy  Charles  IX 
employa  dans  l'armée  qu'il  fit  agir  contre  le  parti  huguenot.  Henri  III 
luy  accorda  en  1576  une  gratification  de  660  livres,  et  il  vivoit  encore  en 
1585.  Le  comte  deRogendorf  fut  créé  chevalier  de  l'ordre  du  roi  à  Saint-Ger- 
main-en-Laye,  le  7  décembre  1561.  »  (Histoire  des  chevaliers  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel,  Bibliothèque  Nationale,  cabinet  des  titres,  n"  1040,  pages  7-9.) 

«  11  y  a  eu  aussi  le  comte  de  Roquandolfqui  a  esté  un  très  bon  capitaine  de 
son  temps  et  qui  a  bien  servy  le  rov  ;  mais  pour  avoir  esté  par  trop  prodigue  et 
despendu  par  trop  excessivement,  il  est  venu  et  descendu  à  la  fin  en  une  telle 
disette  que  je  l'av  veu  à  la  court  pauvre  et  misérable;  si  bien  que  de  tan-t  de 
biens,  moj'cns  et  argent  qu'il  avoit  eu  d'autrefois,  il  ne  luv  estoit  resté  qu'une 
seule  petite  maison  vers  la  Normandie,  qui  ne  luy  pouvoit  pas  fournir  à  vivre 
pour  luy  ctàdcuxou  trois  valletz.  Q.ucl  changement  de  fortune!  Luv  si  grand, 
extraict  d'une  si  grande  maison  d'AUemaigne,  avoir  eu  tant  de  moyens,  en  avoir 
tant  consommé  en  son  pa3-s,  en  France  et  jusques  en  Constantinoble,  qu'on 
ne  parloit  que  la  despance  et  magniflicence  du  comte  Roquandolf  et  de  le  voir 
maintenant  reduici  à  telpoinct!  »  (Brantôme,  éd.  de  M.  Lud.  Lalanne,  tome 
VI,  pages  223-22.1 .) 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  23 

tard  d'un  duc  de  Venise'  et  que  autrement  le  Grand 
Seigneur  ne  se  pouvoit  assurer  de  luv,  ne  luv  bailler 
aucune  charge.  Or,  se  voyant  d'un  costé  ains\-  ledict 
comte  travaillé  de  l'esprit,  et  de  l'autre  qu'il  ne  pou- 
voit espérer  aucun  advancement  en  ce  païs  là,  se  dé- 
libéra d'en  partir  le  plus  secrettement  qu'il  pourroit. 
Ce  qu'il  fit,  luv  troisiesme  ;  emmena  deux  serviteurs 
seulement  avec  luv,  l'un  flamand,  l'autre  grec  qui  sça- 
voient  parler  turq  et  italien  et  le  servirent  de  truche- 
ment. S'embarqua  de  nuict  dans  une  petite  barque 
sans  le  sceu  de  nul  autre  de  ses  gens  qui,  au  réveil, 
furent  bien  estonnéz,  quand  ils  se  veirent  sans  maistre 
qui  s'en  estoit  allé  et  on  se  peut  dire  enfui. 

Ladicte  barque  passa  de  nuict  le  destroict  de  Gal- 


I.  Aloisio  Gritti  était  le  fils  d'Andréa  Gritti,  qui  fut  doge  de  1525  à  1)5^. 
Sa  mère  était  grecque  et  il  naquit  à  Constantinople  pendant  l'emprisonne- 
ment de  son  père  qui  y  était  alors  baj-le  de  la  République.  Aloisio  Gritti  con- 
naissait à  fond  le  turc  et  le  grec,  et  il  sut  se  concilier  la  faveur  du  sultan  et 
les  bonnes  grâces  de  son  vizir  Ibrahim  Pacha.  Il  devint  l'agent  de  Venise  et 
celui  de  Jean  Zapol3-a,  roi  de  Hongrie.  Aloisio  Gritti,  après  la  conclusion  de  la 
paix  entre  Ferdinand  d'Autriche  et  Sultan  Suleyman,  entra  en  Hongrie  à  la 
tête  de  mille  janissaires  et  de  deux  mille  spahis,  et  fit  assassiner  sous  ses  yeux 
Cibaco,  évèque  de  Waradin.  Ce  crime  souleva  la  population  et  Gritti  dut  se 
réfugier  dans  le  château  de  Megres.  Trahi  par  la  garnison  qui  livra  une  des 
portes,  Gritti  subit  le  plus  cruel  supplice.  On  lui  coupa  les  mains  le  matin, 
les  pieds  à  midi,  et  le  soir,  il  eut  la  tête  tranchée.  Les  Turcs  désignaient  Gritti 
sous  le  nom  de  Beyoglou  (le  fils  du  prince).  Il  s'était  fait  construire  un  hôtel 
dans  les  vignes  de  Péra,  et  depuis  cette  époque  ce  quartier  a  conservé  le  nom 
de  Beyoglou.  On  peut  consulter  sur  le  rôle  joué  par  Gritti  :  Belii  xApparatus 
ad  historiam  HnngaiLc .  La  relation  de  l'ambassadeur  de  Zapolya  :  tykiio  Hiero- 
nymi  Laschy  apud  Tiircam,  iiomiue  regio,  les  Négociations  de  CoriieiUc  vau 
Schepper  et  la  Rela~ioiie  di  Daniello  de  Liidovisi  dans  les  Relations  des  ambas- 
sadeurs vénitiens  prés  la.  Porte  Ottomane,  tome  II,  pages  29-55. 


24  VOYAGE 

lipoly  et  vint  sans  aucun  danger  jusques  à  Chyos  d'où 
estoit  son  homme  grecq  qui  estoit  avec  luy,  par  le 
moyen  duquel  il  trouva  une  barque  plus  grande  et  plus 
commode  que  celle  sur  laquelle  il  s'estoit  première- 
ment embarqué;  ne  fit  long  séjour  audict  lieu,  crai- 
gnant d'estre  descouvert  et  voulant  gaigner  l'isle  de 
Candie  où  il  esperoit,  y  arrivant,  estre  en  sûreté.  Estant 
préz  d'icelle,  fut  rencontré  et  assailly  par  un  corsaire 
turq  qui  print  luy  et  ses  deux  hommes,  le  recogneut 
et  voyant  qu'il  n'avoit  passeport  dudict  Grand  Turq, 
se  doubta  qu'il  eust  faict  quelque  crime  ou  delict. 
Pour  cette  cause,  le  ramena  bien  lié  et  enchesné  au- 
dict Constantinople  où  tous  les  Turqs  s'en  resjoui- 
rent. 

Le  comte  fut  mis  aux  Sept  Tours  prisonnier  et  ses 
deux  hommes  en  une  tour  sur  le  port  dudict  lieu,  de 
quoy  estant  adverty,  l'ambassadeur  pria  ledict  Grand 
Seigneur  permettre  de  l'envoyer  voir  et  visiter  par  des 
siens,  ce  qui  luy  fut  accordé;  lui  envoya  des  accous- 
trements  et,  tous  les  jours,  luy  envoyoit  ce  qui  lui  estoit 
besoing  pour  sa  nourriture  et  pendant  sa  prison  où  il 
fut  environ  quatre  mois. 

Ledict  ambassadeur  qui,  en  cet  endroit,  luy  servit 
de  père  fit  tant  par  ses  menées,  pratiques  et  presens 
avec  le  consentement  du  Roy  qu'il  obtint  sa  déli- 
vrance et  hberté  dont  il  fut  grandement  loué  et  estimé 
d'un  chacun;  et  sans  sa  diligence  et  poursuitte,  ledict 
comte  n'en    lut  jamais   sortv  sans  mort  (ni    quelque 


DE  MOMSII-X'R  D'ARAMON 


2S 


autre  peine  et  tourment  et  prison  perpétuelle,  ni  pa- 
reillement ses  dictz  deux  hommes  qui  lurent  aussy 
mis  en  liberté. 

De  là,  il  s'en  vint  en  France  au  service  de  Sa  Ma- 
jesté où  il  a  esté  honoré  et  révéré  ainsy  que  Ton  a  peu 
voir. 

Or,  pendant  nostre  séjour  et  demeure  en  cedict 
lieu,  j'eus  tout  loisir  de  voir  et  m'enquerir  des  choses 
les  plus  singulières  et  notables  qui  y  estoient  que 
je  desduiray  icy  le  plus  briefvement  qu'il  me  sera  pos- 
sible. 

Premièrement,  Constantinople  est  ville  située  en  la 
Tracye,  qui  anciennement  estoit  apellée  Bysantium,  et 
après  Roma  nova,  depuis  Constantinople  du  nom  du 
premier  empereur  Constantin;  elle  a  environ  quatorze 
ou  quinze  milles  de  tour  et  vingt  deux  portes  ;  et  a 
sept  petites  montagnes  comme  Rome.  Et  du  costé  de  la 
terre,  est  environnée  de  deux  murailles  non  trop  bonnes 
et  d'une  faulse  brave.  Les  maisons  sont  faictes  à  la  tur- 
quesque,  c'est  à  dire  de  bois  et  de  brique  mal  cuicte. 
Il  y  en  a  peu  de  pierres;  et  d'un  costé,  y  a  plusieurs 
lieux  vacgues  et  inhabitéz  où  croissent  cyprez  et  autres 
arbres. 

Des  bastimentz  les  plus  apparentz  et  renommez  est 
en  premier  lieu  le  palais  du  Grand  Seigneur  qu'ilz 
apellentle  sérail,  contenant  environ  trois  milles  de  cir- 
cuit, fermé  de  hautes  murailles  où  y  a  onze  portes  de 
ter  qui  ne  s'ouvrent  jamais.  La  capitale  porte  est  du 


26  VOYAGE 

costé  du  haut  de  la  ville  qui  ordinairement  est  ouverte 
et  une  autre  du  costé  du  port  de  la  mer  qui  s'ouvre 
quelquefois,  quand  le  Grand  Seigneur  va  à  l'esbat  en 
ses  jardins  qui  sont  espartz  en  plusieurs  endroictz  de 
la  rive  de  la  mer. 

Ledict  sérail  est  merveilleusement  beau  et  y  ont 
esté  portées  de  grosses  pierres  de  marbre  de  toutes 
couleurs,  porphyre,  colonnes  et  autres  choses  singu- 
Heres  tant  de  la  ville  de  Constantinople,  Calcydoine, 
que  des  environs  de  toute  la  Grèce  et  de  l'Asie  pour 
le  bastir.  L'on  n'entre  pas  dedans  les  chambres  ne  au 
reste  du  bastiment,  sinon  à  la  grande  cour  et  à  quel- 
ques galleries  et  salles  basses  où  l'on  donne  audience 
quatre  fois  la  sepmaine.  Mais  de  ce  lieu  on  peut  exté- 
rieurement cognoistre  que  c'est  un  magnificque  édifice'. 
Apréz,  il  y  a  le  sérail  des  femmes  du  Seigneur',  le  se- 


1.  Yeni  seray  (le  palais  neui)  construit  par  Mahomet  II,  peu  de  temps 
après  la  prise  de  Constantinople  sur  la  pointe  de  terre  qui  s'avance  dans  la 
mer  à  l'entrée  de  la  mer  de  Marmara  et  du  port  de  la  Corne-d'Or.  Il  com- 
prenait une  longue  suite  de  bâtiments  entourés  de  jardins  dans  lesquels  le  sultan 
fit  planter  vingt  mille  cyprès  et  platanes,  sans  compter  les  arbres  iruitiers.  La 
muraille  qui  l'entourait  était  flanquée  de  soixante-six  tours'et  percée  de  douze 
mille  créneaux.  Le  nombre  des  serviteurs,  boulangers,  eunuques  et  soldats  qui 
y  étaient  logés,  s'élevait  à  quarante  mille.  La  somme  dépensée  pour  les  bâti- 
ments atteignit  le  chiffre  de  trois  mille  bourses.  Sous  le  règne  de  Sultan 
Suleyman  on  bâtit  un  palais  pour  les  femmes  et  un  pavillon  où  les  vizirs  don- 
naient audience  quatre  fois  par  semaine.  (Evlia  Tchèlèbv,  Description  de  Cons- 
tantinople, éd.  de  Boulaq,  1264  (1848),  page  81.) 

Cf.  Tavernier,  Kehitioii  de  l'i)i!érienr  du  sérail  du  Grand  Seii^nenr,  Amster- 
dam, Joannes  van  Samercn,  1678,  in-r.>,  et  la  description  de  Grelot,  Relatio}! 
nouvelle  d'un  voyage  de  Consta)ttinople.  Paris,  1680,  pages  88-92. 

2.  Ce  que  Chesneau  appelle  lesér.iildes  femmes  est  l'Lskv  seray  (vieux  pa- 


DR  MONSIEUR  D'ARAMON  27 

rail  des  genissaires,  le  palais  du  patriarclic ',  le  palais 
de  Constantin  l'empereur  qui  est  en  partie  tout  ruync'; 
aussy  l'église  de  Saincte  Sophie  qui  est  chose  helle  et 
de  merveilleux  artifice,  laquelle  a  esté  editiiée  par  Jus- 
tinian  empereur,  avec  colonnes  et  marbres  trèsantic- 
ques  et  excellens  et  magnificques,  tant  pour  la  qualité 
de  la  pierre  que  pour  la  grandeur  et  grosseur  d'icelles. 
D'une  partie  des  despendances  de  cet  ediffice,  le 
Grand  Seigneur  a  fait  estables  pour  ses  escuries,  pour 
ce  qu'il  est  fort  voisin  et  préz  de  son  sérail,  et  de  la- 
dicte  église  en  ont  fliict  une  mousquée  qui  est  église 

lais)  bâti  en  1454  par  Mahomet  II,  sur  remplacement  du  palais  du  Sénat  élevé 
par  Constantin  dans  son  Forum. 

La  construction  de  ce  palais,  dit  Evlia  Tchèlèby,  fut  commencée  en  858 
(1454)  et  achevée  en  862  (1457).  La  muraille  en  pierres  qui  l'entoure  n'est  pas 
flanquée  de  tours  ;  elle  est  carrée  et  a  un  développement  de  douze  mille  aunes. 
L'Esky  serav  était  sous  la  surveillance  du  chef  des  eunuques  noirs,  et  trois  mille 
baltadjis  et  eunuques  blancs  y  étaient  attachés. 

Sultan  Suleyman  fit  élever  dans  les  rues  qui  bordent  le  vieux  sérail,  les 
palais  de  l'Aga  des  janissaires,  de  Lala  Moustafa  Pacha,  de  Piry  Mehemmed 
Pacha  et  celui  de  sa  fille  Esma  Sultan.  (Evlia  Tchèlèby,  pages  82-85.)  L'hôtel 
de  l'Aga  des  Janissaires  appelé  Jga  qapoiissy ,  occupait  l'emplacement  du 
palais  de  Carien,  élevé  par  Théophile  pour  ses  filles. 

1.  Après  la  prise  de  Constantinople,  Mahomet  II  assigna  pour  résidence  au 
patriarche  Gennadius  l'église  des  Saints  Apôtres.  Deux  ans  après,  le  siège  pa- 
triarchal  fut  transféré  dans  l'église  de  la  Vierge  Pammakariste,  ancien  couvent 
de  religieuses  transformé  en  église  par  Michel  Doucas  et  sa  femme  Marie  Com- 
nène.  Anne  Comnène,  fille  d'Alexis,  était  enterrée  dans  cette  église.  (Constanti- 
niadeou  description  de  Constantinople  ancienne  et  moderne.  Constantinople,  1861, 
page  93).  Le  patriarche  grec  à  l'époque  où  M.  d'Aramon  était  ambassa- 
deur, était  Dionysios  II,  ancien  métropolitain  de  Nicomédie,  qui  occupa  le 
trône  patriarcal  de  1543  ^  i))^-  (Catalogne  historique  des  premiers  èvèques  et 
patriarches  de  Constantinople.  Xauplie,  1837,  page  179.) 

2.  Ce  palais  est  celui  que  les  Grecs  appellent  palais  de  Bélisaire  et  les  Turcs 
Tekfour  Seray.  Il  avait  été  fondé  par  Constantin  et  agrandi  par  Justinicn. 


28  VOYAGE 

des  Turqs,  où  y  a  encore  cent  six  colonnes  tort  belles. 
Les  Youstes  et  cuves  sont  toutes  fliictes  à  mosaïcques. 
A  l'entour  de  l'église  y  a  eschelles  en  plusieurs  lieux 
par  où  l'on  va  en  un  territoire  ou  gallerie,  large  de 
plus  de  quinze  ou  seize  brasses.  Et  en  ce  lieu  soul- 
loient  monter  les  femmes,  au  temps  que  se  faisoit  quel- 
que service  en  l'église,  et  les  hommes  estoient  au  bas 
dedans  l'église,  en  sorte  que  les  hommes  ne  voyoient 
point  les  femmes,  ne  les  femmes  les  hommes,  qui  est 
mauvaise  recepte  pour  ceux  qui  font  l'amour  aux 
églises'.  Et  auprèz  de  là,  est  la  mosquée  qu'a  fait  bastir 
sultan  Mehemet,  où  y  a  un  hospital  conjoinct  où 
logent  toutes  personnes  de  toutes  conditions,  loy,  foy, 
nation  que  ce  soit  et  où  l'on  donne  pour  trois  jours, 
miel,  ris,  chair,  pain  et  chambre  pour  dormir,  qui  est 
la  cause  pourquoy  il  se  void  peu  de  pauvres  par  les 
rues  mandicr  leur  pain,  et  ne  s'y  void  que  quelques 
impotens.  Y  a  aussi  beaux  bains  et  fontaines  plaisantes 
à  voir  '.  L'on  void  plusieurs  autres  mosquées  comme 

1.  La  description  complète  de  Sainte-Sophie  se  trouve  dans  l'ouvrage  de 
Grelot  intitulé  :  Relation  iiotivdlc  cVuii  voyage  de  Constant inople;  Paris,  i6So, 
pages  93-164.  On  peut  aussi  consulter  \aConstantiniadc,  pages  84-92;  Paspati, 
Ta  Tiy-antina  anaJctora,  Athènes,  1883,  pages  66-233-241  et  318  et  Fossati, 
Aya  Sofia,  Londres,  1851. 

2.  Les  architectes  et  les  ouvriers  les  plus  habiles  de  l'empire  ottoman  furent 
appelés  à  Constantinoplc,  pour  concourir  à  la  construction  de  la  mosquée  de 
Mahomet  II,  dont  les  fondements  furent  jetés  en  S62  (1457).  Elle  fut  élevée 
sur  l'emplacement  occupé  jadis  par  l'église  des  Saints-Apôtres.  La  construction 
en  fut  achevée  en  875  (1470),  sous  la  direction  de  rarchitecte  grecChristodule. 
Elle  renferme  le  tombeau  de  Mahomet  II  et  celui  de  Gulbchar  Khanoum  Sul- 
tane, mère  de   Bajazct  II.  Un   collège,  des  logements  pour  les  étudiams.  un 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  29 

de  Sultan  Sclin',  Sultan  Bajazct"  et  autres  seigneurs 
qui  sont  merveilleusement  belles,  magnificques  et 
sumptueuses.  Et  celle  qu'a  faict  faire  Sultan  Soliman 
est  encore  plus  belle  et  apparente  que  nulle  des  autres  '. 
Ce  qui  demonstrc  que  si  les  Turqs  vouloient  bastir 
des  palais  et  maisons,  ils  le  sçauroient  bien  iaire  ; 
mais  ils  ont  pour  mal  d'habiter  en  maisons  de  pierres  : 
et  pourtant  n'en  usent  aucunement  sinon  aux  églises 
et  sérail  dudict  Grand  Seigneur  ;  et  toutes  leurs  maisons 
sont  fort  basses,  faictes  de  terre  ou  de  bois,  et  ce  gene- 
rallement  par  toute  la  Turquie. 

L'on  void  audict  Constantinople  l'hipodrome  où 
anciennement  on  faisoit  courir  les  chevaux,  avec  la 
forme  de  théâtre  et  arène.  Au  milieu  dudict  hipo- 
drome,  v  a  une  grande  colonne  faicte  en  forme  d'ai- 
guille fort  belle  et  bien  lavorée,  laquelle  est  soustenue 
sur  quatre  balles  de  marbre  ;  et  y  en  a  une  autre  faicte 

hôpital,  et  un  imaret  où  l'on  distribue  des  vivres  aux  indigents  sont  annexés  à 
cette  mosquée.  (Eviia Tchèlèbv,  pages  100-103  •,Consla}tliHiade,'p.xgQS  124-126.) 

1 .  La  construction  de  la  mosquée  de  Sultan  Selim,  commencée  en  927 
(1320).  fut  achevée  en  955  (1526).  Le  plan  en  fut  fait  et  les  travaux  furent 
conduits  par  l'architecte  Qpdja  Sinan.  Cette  mosquée  renferme  le  tombeau 
de  Hafça  Sultane,  la  mère  de  Sultan  Suleyman.  Un  mcdressèli,  un  imaret  et 
un  hôpital  sont  annexés  à  la  mosquée.  (Evlia  Tchélèby,  page  103  ;  Conslaiiti- 
niaie,  page  126.) 

2.  La  mosquée  de  Sultan  Bajazet  fut  commencée  en  149S,  et  terminée  en 
911  (1506)  :  elle  a  pour  annexes  un  medresséh,  un  hôpital  et  un  imaret.  Elle 
renferme  le  tombeau  de  Selim  P-''  et  celui  de  sa  fille  SclJjouq  Sultane.  {Com- 
tJiitiniade,  page  126.) 

5.  La  mosquée  de  Sultan  Suleyman  fut  achevée  en  l'année  1556.  Sa  cons- 
truction avait  coûté  trente-huit  millions  d'aspres.  qui  représentent  une  somme 
de  760,000  ducats. 


30  VOYAGE 

de  pierres  vifves,  commise  de  telle  sorte  qu'elle  est 
élevée  plus  de  cinquante  brasses  en  minuisant  tou- 
siours.  Davantage,  l'on  void  une  colonne  de  bronze 
en  forme  de  serpent  avec  trois  testes'. 

Aussy  y  a  une  machine  comme  un  colosse  de  divers 
marbres  et  beaux  en  laquelle  est  entaillée  une  grande 
histoire  des  susdictes  choses  et  autres  qui  jadis  sou- 
loient  estre  au  théâtre  et  hipodrome.  Et  en  un  autre 
endroit  de  la  ville,  y  a  une  autre  colonne  de  marbre 
blanc  fort  haute  et  belle,  qu'on  apelle  la  colonne  his- 
toriée aprochante  de  celle  de  Rome". 

L'on  void  par  toute  la  ville  plusieurs  vestiges  d'an- 
tiquitez  comme  aqueductz,  arches,  colonnes  de  por- 
phire,  fontaines  menées  de  fleuves  circonvoisins  : 
plusieurs  jardins  aux  maisons  des  grands  seigneurs, 
apparences  et  vestiges  d'églises  anciennes  des  Grecqs, 


1.  Cf.  Pétri  Gillii,  Topographia  Constantinopoleos,  Leydc,  1632,  pages  126, 
142;  Ducange,  Constanlinopolis  çhristiana,  Paris,  1682,  IP  partie,  pages  lOi  et 
suivantes;  Banduri,  Imperiuni  orientale,  Paris,  1711,  pages  460,662-666,  798, 
le  mémoire  de  M.  Bourquelot  sur  la  colonne  serpentine  et  l'hippodrome  dixas  le 
tome  XXVII  des  Mémoires  de  la  Sociiiê  inipcriale  des  antiquaires  de  France  : 
Constantiniadcou  description  de  Constantinopk,  pages  71-80. 

2 .  La  colonne  historiée  dont  parle  Chesneau  fut  élevée  par  Arcadius  dans  le 
Xérolophc,  aujourd'hui  Avret  bazar,  pendant  la  neuvième  année  de  son  règne. 
Elle  avait  une  hauteur  de  cent  quarante  pieds  et  était  une  imitation  exacte  de 
la  colonne  Trajane  à  Rome.  Les  sujets  sculptés  représentaient  les  victoires 
d'Arcadius  contre  les  Scythes.  Cette  colonne,  menaçant  ruine  à  la  suite  des 
tremblements  de  terre,  fut  abattue  en  1695.  GcntileBellini,  pendant  son  séjour 
à  Constantinople,  obtint  de  Mahomet  II  l'autorisation  de  dessiner  cette  colonne 
et  celle  de  Théodose.  Ses  dessins  ont  été  gravés  et  placés  par  Banduri  dans 
son  Jmperium  orientale  sive  untiqnitates  Co)istuntinopolitu',FMi$,  171 1,  tome  II, 
pages  509-5^3- 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  ',i 

bains  en  grande  quanlitc,  les  plus  beaux  qu'il  est  pos- 
sible de  voir  et  autres  lieux  plaisans,  fructueux  et 
délectables.  Le  Grand  Seigneur  y  a  constitué  son 
siège  impérial  et  ordinairement  y  tient  sa  cour  et  rési- 
dence. La  ville  est  habitée  principallement  de  Turqs, 
puis  de  Juifs  infinis,  c'est  assavoir  de  marans  qui  ont 
esté  chassez  d'Espagne,  Portugal  et  Allemagne,  les- 
quels ont  enseigné  aux  Turqs  tout  artifice  de  main  ; 
et  la  pluspart  des  boutiques  sont  des  Juifs;  aussy  y  a 
force  Greqs  du  pays  et  plusieurs  chrestiens  marchands 
estrangers  qui  traffiquent  par  tout  le  pavs  du  Levant, 
c'est  assavoir  Vénitiens,  Florentins,  Ragusois,  Sciotz, 
bien  peu  de  François  et  plusieurs  autres,  lesquelz  ha- 
bitent tous  en  une  petite  ville  qu'ilz  apellent  Gallatas 
dicte  Fera  loing  de  Constantinople  environ  de  deux 
traictz  d'arc  ;  et  au  milieu,  passe  un  grand  canal  de  la  mer 
qui  est  le  port  de  Constantinople  estimé  le  plus  grand, 
le  plus  seur,  le  plus  beau  et  le  plus  aisé  qui  soit  au 
monde,  où  arrivent  navires,  galères,  marcellianes'  et 
tous  autres  gros  vaisseaux  qui  viennent  tant  de  la  mer 
Major  que  de  la  mer  de  Ponent;  et  abordent  contre 
le  lieu  mesme  où  l'on  descend  sa  marchandise  que 
l'on  apelle  la  douane;  et  n'v  a  sinon  qu'une  planche 
de  bois  pour  entrer  dans  lesdictz  vaisseaux,  tant  du 

I.  «  Marsiliane  est  un  bastimcnt  vénitien  qui  fait  souvent  la  traversée  du 
golphe  Adriatique  jusqu'aux  Zanthes.  Il  a  une  pouppe  carrée  comme  les 
pinques  et  a  le  devant  fort  gros.  Los  plus  grandes  marsilianes  ont  quatre  mâts, 
les  petites  n'ont  point  d'artimon.  Le  port  des  plus  grandes  est  de  quatorze  à 
quinze  raille  quintaux.  »  (Jal,  Glossaire  nautique,  page  981 ,) 


32  VOYAGE 

costc  de  Constantinoplc  que  de  Pera.  Les  Turqs  des- 
cendent leurs  marchandises  à  la  douane  de  Constan- 
tinople  et  les  chrestiens  à  celle  de  Pera. 

Audict  Constantinople  y  a  un  monastère  où  se  tien- 
nent le  patriarche  grec  et  des  moynes,  lesquels  s'a- 
-pellent  calogiroy  qui  veut  dire  bons  hommes  qui  ne 
mangent  jamais  chair. 

Ledict  patriarche  paye,  pour  chascun  an,  trois  mil 
ducatz  au  Grand  Seigneur  et  a  d'autres  petites  églises 
où  y  a  certains  prestres  grecz  qui  sont  mariez.  Mais 
en  leur  église  n'y  a  point  d'images  relevées,  ny  en 
bosse,  mais  seulement  en  peinture. 

Et  en  la  ville  de  Peyra  y  a  un  couvent  de  corde- 
liers  et  un  autre  de  jacobins  à  la  façon  de  ceux 
d'Italie  ou  de  France'. 

Les  Juifs  ont  lieu  aussy  où  ilz  font  leur  synagogue 
et  y  a  seulement  des  lampes  dedans  et  force  bancz  : 
et  n'y  a  aucune  image  de  quelque  sorte  que  ce  soit, 
non  plus  que  aux  mosquées  des  Turqs  dans  lesquelles 
y  a,  seullement  en  un  endroict,  le  nom  de  Dieu  est 
escrit,  en  caractères  turquesques  et  le  nom  de  leur 
prophétie  Mahomet  qui  leur  a  deffendu  toute  espèce 

I.  Les  deux  églises  consacrées  au  culte  catholique  étaient,  au  xvr  siècle, 
l'église  de  Saint-Benoît,  desservie  primitivement  par  des  bénédictins,  et  celle  de 
Saint-François  fondée,  selon  les  uns,  par  saint  François  d'Assise  et,  selon  les 
autres,  par  Francesco  Girolamo  d'Ascoli,  qui  devint  pape  sous  le  nom  de  Nico- 
las IV  et  fut  envoyé  en  mission  en  1272,  par  le  pape  Grégoire  X,  auprès  de 
Michel  Paléologuc.  (Belin,  Hisloirc  de  Vc^lisc  luliiic  de  Couslaiitiiiopk.  Paris, 
1872,  pages  22-76.) —  L'égHse  de  Saint-Benoit  de  Galata  passa,  en  1383,  aux 
mains  des  jésuites  ;  elle  est  possédée  aujourd'hui  par  les  lazaristes. 


DE  MONSIEUR  D'ARA.MON  55 

d'idolâtrie;  par  quoy,  soit  aux  murailles  de  leurs  mai- 
sons ou  en  leurs  tapis  ou  tapisseries,  n'ont  figure  de 
nulle  créature,  ne  d'hommes  nv  de  bestes. 

Et  ne  me  semble  hors  de  propos  de  dire  un  mot 
en  passant  de  ce  que  j'ay  apris.  de  la  vie  et  action 
dudict  Mahomet,  la  sépulture  duquel  est  à  la  Mèche, 
pays  d'Arabye  dont  il  estoit  et  de  riche  maison.  Son 
père  estoit  payen  et  sa  mère  Juifve;  avoit  fort  bon 
esprit  et,  ayant  conversé  quelques  années  avec  chres- 
tiens,  eut  intelligence  de  leurs  loix  et  coustumes,  au 
moyen  de  quoy  inventa  une  nouvelle  secte  et  com- 
mença à  travailler  les  pays  et  confins  de  l'Egipte  et 
print  Allexandrie  et  autres  lieux  et  terres,  et  s'acquist 
plusieurs  subjects  plus  par  astuce,  faulseté  et  tromperie 
que  par  armes  :  leur  preschoit  que  Dieu  luy  parloit  et 
envoyoit  son  Sainct  Esprit  :  leur  fit  changer  de  loix 
et  coustumes,  défendant  l'idolatrye.  Et  ne  mangent 
chair  de  porc;  confirma  aux  Juifz  la  circoncision  et  aux 
Sarazins  ordonna  se  circoncire.  Et  pour  aucunement 
approuver  le  baptesme,  vouloit  que  les  chrestiens  se 
lavassent  souvent  tout  le  corps,  au  lieu  de  baptiser 
pour  laver  et  netoyer  les  péchez.  Permit  qu'un  chas- 
cun  pourroit  avoir  quattre  femmes  légitimes  et  tant 
de  concubines  ou  esclaves  qu'il  pourroit  nourrir. 

Commanda  que  Dieu  seul  fut  adoré  et  révéré  disant 
que  Moyse  et  Jehan  Baptiste  avoient  esté  grands  pro- 
phettes  de  Dieu  et  Jésus  Christ  le  plus  grand  entre 
tous  les  prophettes  et  qu'il  estoit  nay  de  la  Vierge 


34  VOYAGE 

Marie  par  vertu  divine  et  non  de  semence  humaine  ; 
qu'il  fut  porté  au  ciel  et  qu'il  n'estoit  point  mort;  et 
que  Judas  le  voulant  livrer  aux  Juifs  s'en  estoit  luy  ; 
le  prindrent  et  le  crucifièrent  au  lieu  de  Christ.  Et 
ordonna  par  l'Alcoran  qu'il  composa  avec  l'aide  d'un 
hérétique,  d'un  arien  et  d'un  Juif  astrologue  que  qui 
se  seroit  trouvé  en  adultère  fut  lapidé,  et  le  larron, 
pour  une  fois  ou  deux,  fust  battu  et  pour  la  troisiesme 
ou  quatriesme,  eut  la  main  ou  le  pied  couppé.  Et  pour 
la  fin,  que  Dieu  promettoit  le  paradis  des  délices  à  ceux 
qui  observoient  ses  loix,  auquel  y  aura  tout  contente- 
ment de  viandes  delicattes  et  riches  accoustrementz  et 
autres  semblables  follies  dont  je  me  desporte  pour  reve- 
nir à  mon  propos. 

Et  que  audict  Constantinople,  il  y  a  un  certain  lieu 
qu'ils  apellentBesestan,  qui  est  comme  un  grand  temple 
rond  avec  quatre  portes  en  croix,  et  tout  autour,  bou- 
tiques de  draps  d'or,  de  soye  et  veloux,  or,  argent;  et 
toutes  choses  de  prix  se  vendent  là  et  speciallement 
les  pauvres  chrestiens  esclaves,  jeunes  et  vieux,  tant 
hommes  que  femmes^  voire  les  petitz  enfans  de  trois 
ans,  lesquelz  sont  menez  par  la  main  par  certaines  per- 
sonnes qui  font  ce  mestier  comme  couratiers,  et  tiennent 
l'eschiave  par  la  main  et  le  mènent  continuellement  à 
l'entour  de  ce  dict  lieu,  criant  le  prix  à  combien  il  est,  et 
le  vendent  au  plus  offrant.  Si  c'est  fille  ou  femme,  elle  a 
un  voile  sur  le  visage  et  tous  ceux  qui  la  marchandent, 
la  descouvrent  en  un  coing,  et  luv  regardent  les  dentz  et 


1)1£  MONSIFiUK  DA!;.VMON  5, 

les  niains,  s'cnquicrcnt  de  son  aagc,  si  clic  csi  vicri;c  cl 
autres  choses  semblables,  tout  ainsy  comme  d'un 
cheval. 

Le  dict  besestan  est  tousjours  ouvert,  saut  le  veii- 
dredy;  et  en  toutes  les  bonnes  villes  du  Turq,  y  a  un 
besestan  où  Ton  taict  telz  et  semblables  trafficqz. 

Il  V  a  encore  certain  lieu  où  l'on  monstre  plusieurs 
bestes  sauvages  qui  sont  tort  bien  gardées  et  entrete- 
nues comme  lyons,  lyonnes,  loups  cerviers,  loups  sau- 
vages, chatz  sauvages,  Ivppartz,  onces,  asnes  sauvages, 
austruches  en  quantité. 

En  un  autre  endroict,  se  void  une  certaine  beste  que 
les  ungs  appelent  un  porc  marin,  les  autres  bœuf  marin. 
Mais  je  ne  voids  point  qu'elle  ressemble  à  Tung  ou  à 
l'autre.  Elle  est  de  la  hauteur  d'un  grand  pourceau,  la 
teste  comme  un  bœuf  sans  cornes,  les  oreilles  comme 
un  jeune  poullain,  qui  estoient  taillées;  la  gueule  deux 
fois  plus  grande  que  d'un  bœuf,  le  corps  long  et  gros, 
la  queue  comme  celle  d'un  pourceau,  les  jambes  courtes, 
la  peau  rude  sans  poils  et  ressemble  presque  à  un  pour- 
ceau qui  a  le  poil  bruslé;  au  demeurant,  c'est  la  plus 
vilaine,  layde  et  puante  beste  que  je  ne  vis  jamais.  L'on 
dit  qu'elle  avoit  esté  amenée  du  Nil. 

En  ce  lieu  mesme,  y  a  deux  elephans,  grands  mer- 
veilleusement; et  dict  on  que  le  vieux  avait  cent  ou  six 
vingts  ans.  L'autre  trente  ou  trente  cinq,  et  estoit  un 
peu  moindre.  Hz  sont  gouvernés  par  certains  mores 
qui  en  ont  le  soing  et  les  laissent  voir  en  donnant  quel- 


36  VOYAGE 

qu'argent  pour  leur  vin.  Hz  leur  font  faire  plusieurs 
choses  gentilles  qu'ilz  leur  ont  appris,  avec  leur  groin 
qui  semble  une  trompette,  de  quoy  ilz  se  ser\'ent 
comme  de  mains;  car  avec  cela  ilz  prennent  l'eau,  le 
foing,  l'avoyne  et  toutes  choses  qu'ilz  mangent.  Hz  les 
font  coucher  et  ployer  et  leur  font  facilement  jetter  de 
l'eau,  des  pierres  et  bastons  à  ceux  qui  les  regardent;  avec 
cette  trompe,  escriment  avec  un  baston  contre  le  gou- 
verneur et  font  autres  choses  semblables  et  plaisantes, 
comme  ce  qui  advint  à  un  des  trésoriers  des  galleres, 
lorsque  lesdictes  galleres  hyvernerent  à  l'isle  de  Chyos 
en  Grèce  ^  qui  se  vouloit  jouer  à  un  desdictz  éléphants 
avec  son  bonnet  de  velours  bien  ferré  de  boutons  d'or 
et  d'une  médaille  d'or;  duquel  donnant  sur  le  muzeau 
dudict  éléphant,  luy  tira  dextrement  sondict  bonnet 
des  mains  et  l'avala;  de  quoy  ledict  trésorier  fut  bien 
fasché  et  estonné,  et,  au  contraire,  le  gouverneur  bien 
aise  s'assurant  que  ce  bonnet  seroit  pour  luy  et  qu'il 
retrouveroit  bien  lesdictz  boutons  et  médaille  d'or  en 
l'ordure  dudict  éléphant.  Est  cet  animal  plus  doux  que 
les  autres  animaux;  toutesfoys,  il  n'est  pas  vray  ce  que 
j'avois  tousjours  entendu  dire  qu'il   n'avoit  point  de 

I.  L'escadre  Irançaisc,  sous  les  ordres  du  baron  de  Saint-Blancard,  arriva  à 
Chio  le  20  décembre  1537.  Le  baron  de  Saint-Blancard  se  rendit  à  Constanti- 
nople,  où  il  fut  reçu  par  Sultan  Sulevnian.  (Charrière,  Négociations  de  la  France 
dans  le  Levant.  Paris,  184S,  tome  L  page  371.)  Outre  le  journal  de  la  naviga- 
tion du  baron  de  Saint-Blancard,  nous  possédons  une  relation  en  vers  de  ce 
voyage,  écrite  par  un  des  officiers  de  l'escadre  et  intitulée  :  Le  discours  du 
T.vyagi'  de  Coiistanlliioplc  oivoyé  du  dict  lieu  à  une  deiiun'selle  J'rauçoise,  chez  Pierre 
de  Tours,  1542. 


l^E  MOXSinUR  D'ARAMOX  37 

joincturcs  et  qu'il  ne  se  pouvoit  couclicr.  Car  j'av  veii  le 
contraire,  mesmement  à  un  petit  éléphant  qui  fut 
donné  à  monsieur  l'ambassadeur  pendant  que  nous 
estions  au  camp  du  Grand  Seii^ncur  qui  mourut  en  la 
ville  d'Halep  lorsque  v  estions. 

Et  le  plus  grand  de  Constantinople  a  de  hauteur 
dix  grands  palmes  et  de  longueur  quatorze,  sans  com- 
prendre la  queue.  Le  museau  neut  palmes  de  long. 
Quant  à  la  première  joincture  des  jambes,  elle  est 
haulte  de  terre  d'un  grand  pied,  et  il  v  a  de  distance, 
jusques  à  l'autre  joincture  qui  est  fort  près  du  ventre, 
deux  grands  pieds  et  demy  au  plus. 

Il  se  voit  encore  infinis  autres  animaux  aportez 
d'Egipte  et  d'autres  lieux,  desquels  on  ne  sçait  le 
nom. 

Des  cameaux  et  buffles,  je  n'en  escris  autrement  pour 
ce  qu'ils  sont  communs  et  familiers  par  tout  le  Levant, 
sauf  du  cameau  que  quand  on  le  veut  charger,  il  se  met 
comme  à  genoux  et  s'accommode  de  telle  sorte  que 
l'on  le  charge  beaucoup  plus  aisément  qu'un  mulet  ou 
autre  beste.  Il  porte  ordinairement  quattre  ou  cinq 
quintaux.  Il  a  entre  autres  une  propriété  qu'il  se  passera 
quattre  ou  cinq  jours  sans  boire,  et  patist  sa  faim  sem- 
blablement.  On  les  laisse  aller  par  les  champs  pour 
pasturer  et  mangent  chardons,  mauvaises  herbes,  les 
boys  et  vignes  et  généralement  toutes  sortes  d'arbres  et 
feuilles;  et  quelquefoiz  quand  ilz  sont  fort  las  et  que 
l'orge  est  à  bon  marché,  on  leur  en  donncquclquepeu. 


^,8  VOYAGE 

mais  rarement.  L'hyvcr,  ilz  mangent  de  la  paille,  et  toute 
la  nuict,  ils  ruminent. 

Toutes  les  marchandises  qui  se  portent  par  tout  le 
Levant,  par  les  Judées,  à  la  Perse,  la  Medie  et  toute 
l'Asie  se  portent  par  cameaux  et  sont  en  grand  nombre. 

Il  se  void  aussy  en  Constantinople  delà  du  canal  un 
certain  lieu  contenant  nouante  deux  voustes  grandes 
où  sont  toutes  les  galleres  et  fustes  et  autres  vaisseaux, 
à  couvert  sur  le  bord  de  la  mer,  lequel  ilz  apellent  arse- 
nac.  Il  y  a  plusieurs  personnes  qui,  tous  les  jours,  la- 
bourent et  travaillent  à  faire  des  vaisseaux  nouveaux, 
rabiller  les  vieux  et  faire  cordages,  voiles  et  autres  équi- 
pages de  galleres'.  Et  un  peu  plus  loin  d'un  costé,  à 
une  des  portes  de  Peyra,  il  y  a  le  lieu  où  l'on  faict l'artil- 
lerie-; et  sur  le  bord  de  la  mer,  yen  a  très  grand  nombre, 
tant  de  françoises,  vénitiennes,  genevoises,  espagnolles, 
cecillianes  que  de  tous  les  lieux  du  monde,  lesquelles 
ils  ont  recouvertes  ou  par  la  prinse  des  villes  et  citez 
ou  sur  mer  des  galleres,  fustes,  naves,  et  autres  vais- 
seaux que  journellement  ilz  pillent. 

Dans  le  palais  du  Grand  Seigneur,  y  a  grands  basti- 

I  ,  L'arsenal  (TiTshaiirlj)  est  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Corne-d'Or, 
dans  le  quartier  de  Qitssim  Pacha.  Les  premières  constructions,  œuvre  de 
iMahomet  II,  furent  considérablement  augmentées  sous  le  règne  de  Sultan 
Sulcyman. 

2.  La  fonderie  de  canons  (Topbanèh)  fut  établie  par  Mjhomet  II  sur  l'empla- 
cement des  dépendances  du  couvent  de  Saint-Alexandre.  Sultan  Bavezid  II 
l'agrandit  et  y  annexa  des  casernes  pour  les  artilleurs.  Sultan  Sulcyman  lit 
abattre  ces  bâtiniefits  et  fit  construire  une  nouvelle  fonderie  beaucoup  plus 
vaste. 

» 


DE  MOXSIF.UR  IVARAMOX  ^9 

mcnts  et  loges,  jardins  et  fontaines;  et  y  a  un  capitaine 
qu'on  apelle  Bostangv  bassv,  c'est-à-dire  capitaine  et 
p;ouverneur  de  tous  les  jardins  dudict  Grand  l'urq, 
dans  chascun  desquels  il  y  a,  pour  le  moins,  deux  ou 
trois  cens  genisseratz  autrement  apelléz  agiamoglans 
qui  portent  un  petit  bonnet  jaulne,  hault  et  comme 
pointu  qui  besongnent  ordinairement  dans  lesdictz 
jardins.  Et  quand  ledict  Seigneur  y  va  à  l'esbat,  mesme- 
ment  à  ceux  qui  sont  hors  la  ville  et  au  bort  de  la  mer, 
il  se  met  avec  deux  ou  trois  personnes  seulement  dans 
une  fuste  à  vingt  quattre  rames  de  laquelle  ledict  capi- 
tainedes  jardins  guide  le  tymon;  et  n'y  a  que  luy cepen- 
dant qui  parle  et  entretient  le  Grand  Turq  duquel  il  est 
favorisé  grandement. 

Il  tient  dans  son  palais  quattre  ou  cinq  cens  pages 
qu'il  a  prins  de  ses  subjectz  crestiens  et  de  Grèce  et  de 
Natolie,  qu'il  faict  enseigner  aux  lettres  et  à  vivre  selon 
la  loy  de  Mahomet;  et  couchent  trente  ou  quarante  en 
une  chambre,  et  y  a  un  eunuque  au  milieu  d'eux  pour 
leur  garde.  Et  quand  ilz  sont  grands,  l'on  les  met  hors 
de  pages  et  les  faict  on  spahiz,  c'est-à-dire  comnie  ar- 
chiers  et  aucuns  en  plus  hault  degré  avee  provision 
honneste.  Et  de  cesdictz  pages  le  Grand  Seigneur  en 
choisit  vingt  cinq  pour  venir  en  ses  chambres,  et  de  ces 
vingt  cinq  en  prend  cinq  pour  servir  à  sa  personne;  et 
quand  il  va  dehors  aux  champs  ou  à  la  chasse,  il  v  en  a 
trois  de  ceux  cv  qui  sont  tousiours  préz  et  derrière  luv  : 
l'un  porte  son  arc  et  flesches,  l'autre  son  porte  manteau 


40  VOYAGE 

et  l'autre  un  vaisseau  où  le  dict  Grand  Turq  boit.  Et 
tous  les  accoustremens  qu'il  laisse  sont  à  ces  cinq  pages 
qui  sont  fort  favorisez.  Puis,  quand  la  barbe  leur  est 
venue,  il  les  faict  capitaines  avec  grand  et  honneste 
appoinctement  et  met  cinq  autres  en  leurs  places. 

Il  y  a  trois  eunuques;  le  premier  s'apelle  Capiega 
c'est-à-dire  capitaine  gênerai  et  gouverneur  de  tous  les 
sérails  du  dict  Grand  Turq,  tant  de  ceux  des  pages  que 
des  femmes.  Et  n'y  a  que  cestuycy  qui  parle  à  la  femme 
dudict  Grand  Turq  et  qui  entre  en  ses  chambres.  Le 
second  s'apelle  Casnadarbassy  qui  veut  dire  trésorier  du 
trésor  du  sérail  dudict  Grand  Seigneur  et  a  en  gouver- 
nement tout  l'or  et  l'argent,  joyaux,  perles,  pierres 
pretieuses,  accoustrementz  et  autres  choses  les  plus 
exquises  dudict  Seigneur.  Le  troisiesme  s'apelle  Chiler- 
gibassy,  gouverneur  de  toutes  les  viandes  cuittes  ou 
crues,  bruvages,  fruictz,  confitures  et  toute  autre  chose 
qui  est  pour  la  bouche  dudict  Seigneur. 

Il  y  a  bien  encore  cent  cinquante  autres  eunuques 
qui  servent  aux  autres  sérails,  c'est  à  sçavoir  à  celuy  des 
femmes  et  filles  qui  est  dans  Constantinople,  à  ceux 
des  jeunes  enlans  qui  sont  aussy  dans  la  dicte  ville  et  à 
un  autre  qui  est  du  costé  dePeyra  vers  les  vignes  et  jar- 
dins. Et  à  chascun  sérail,  y  a  de  trois  à  quattre  cens 
en  fan  s,  et  à  celuy  des  femmes  et  filles  elles  peuvent 
estre  de  cinq  à  six  cens  ordinairement.  Et  quand  elles 
viennent  en  aage,  Icdict  Grand  Seigneur  les  faict 
marier  avec  de  ses  gens;  et  tous  sont  lils  et  filles  de 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  41. 

crestiens  ses  subjectz;  les  faict  enseigner  en  la  lov  de 
Mahomet  et  les  entans  sont  tous  circoncis.  1-t  de  ces 
dictz  eunuques,  y  en  a  de  fort  riches;  et  quand  il/ 
meurent,  tout  leur  bien  est  au  Grand  Turq  à  cause 
qu'ilz  n'ont  point  d'héritiers. 

Après,  il  V  a  quattre  ou  cinq  bassas,  lesquels  gou- 
vernent tout  son  estât  et  l'empire.  Le  premier  fait 
presque  tout  et  n'y  a  que  luy  qui  réfère  au  Grand  Sei- 
gneur les  causes  tant  de  son  estât  que  du  peuple  et  qui 
prend  ses  responces.  Les  autres  bassas  ne  parlent 
point  à  luy,  s'il  ne  les  faict  apeller. 

Il  y  a  un  fort  beau  lieu  dans  le  pallais  dudict  Grand 
Seigneur  où  l'on  baille  audience  à  un  chascun  quattre 
jours  de  la  sepmaine,  à  sçavoir  les  samedy  dimanche, 
lundv  et  mardy  où  sont  assis  les  susdictz  bassas  et 
deux  cadilescheri,  l'un  de  la  Grèce  et  l'autre  de  la  Na- 
tolye,  nommez  maistres  des  sentences;  et  ces  deux 
baillent  les  sentences  aux  choses  qui  vont  par  vove  de 
raison  et  de  justice;  et  eux  mesmes  rendent  compte 
audict  Grand  Seigneur  de  leur  charge,  comme  aussv 
font  trois  defterdary,  c'est-à-dire  trésoriers,  lesquelz 
manient  et  gouvernent  tout  le  revenu  et  despenses  de 
ces  pays  et  royaulmes.  Puis,  y  a  les  secrétaires  qui 
escrivent  les  commandement/  et  ordonnances  dudict 
Grand  Seigneur.  Il  y  a  encore  dix  capitaines  qui  se 
tiennent  debout  à  la  dicte  audience  et  ont  en  leur  main 
chascun  un  baston  d'argent.  L'un  s'apelleCiaouxbassy', 

1 .  TchaoLich  Bachv. 


42  VOYAGE 

c'est  à  sçavoir  capitaine  de  ceux  qui  portent  les  masses 
et  sont  environ  trois  cens.  L'autre  Capigilar  chiccaia  , 
c'est-à-dire  capitaine  de  tous  les  portiers  dudict  Grand 
Turq  qui  sont  en  nombre  de  trois  à  quattre  cens,  les- 
quelz  ont  nom  Capigiz. 

Il  y  a  encore  quattre  capitaines  qu'on  nomme  Capigi 
bassy  dont  il  doit  en  avoir  deux  à  l'audience  durant  les 
quattre  jours  qu'on  la  donne  :  et  sont  assis  à  l'entrée  de 
la  porte  avec  un  baston  d'argent  doré  en  leur  main;  et 
quand  les  bassas  vont  vers  le  Grand  Seigneur,  ceux  cy 
les  y  accompagnent  et  cheminent  devant  eux.  Le  sem- 
blable ilz  font  à  tous  les  ambassadeurs  et  seigneurs 
estrangers  qui  luy  vont  baiser  les  mains.  Et  auprès  de 
ladicte  audience  y  a  un  autre  lieu  où  l'on  esprouve  les 
aspres  que  l'on  apporte  auxdictz  thresoriers  des  daces, 
gabelles  et  autres  revenuz  dudict  Seigneur,  qui  est  une 
petite  monnoie  d'argent  de  la  valeur  de  dix  ou  unze 
deniers  tournois;  y  a  une  grande  chauffrette  de  fer 
pleine  de  charbon  où  l'on  taict  chauffer  une  poisle  tant 
qu'elle  vienne  rouge,  sur  laquelle  l'on  met  les  dictz 
aspres;  et  s'il  s'en  trouve  de  faulses  jusques  à  un  certain 
nombre  qui  est  dict,  ceux  qui  les  aportent  les  payront 
doublement.  Plus,  il  y  a  le  capitaine  des  jannissaires 
qu'on  appelle  Aga.  Il  commande  à  tous  les  jannissaires 
en  nombre  de  douze  ou  quinze  mil  et  soubz  luy  y  a 
environ  deux  cens  caporalz;  et  chascun  caporal  à  cent, 

I.   Q.ipidjilar  Kiahi.issv. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  4, 

quattrc  vingtz  ou  soixante  qui  plus,  qui  moins  dcsdiciz 
jannissaircs  qui  portent  grande  obéissance  à  leurs  capi- 
taines. Et  tous  les  jeudis  de  la  sepmaine,  ledict  aga  leur 
donne  audience  en  sa  maison.  Hz  ont  un  sérail  audict 
Constantinople  où  aucuns  d'eux  logent  et  tous  n'y  de- 
meurent pas  parce  que  l'on  en  envoyé  en  garnison 
aux  frontières  et,  selon  qu'ilz  servent  bien,  en  leur  croist 
leurs  gages,  ou  bien  on  les  iaict  spahiz. 

Quand  le  Grand  Turq  faict  quelqu'entreprinse  ou 
qu'il  aille  d'une  ville  en  une  autre,  lesdictz  jannissaires 
cheminent  à  pied  autour  de  luy  et  portent  tous  l'arque- 
buze  et  cimeterre  ou  espée  :  ou  il  y  en  a  d'autres  qui 
sont  aussy  à  pied  qu'on  apelle  Saulachi  '  qui  portent 
arcs  et  flesches;  et  les  laquais  ont  volontiers  une  hache 
en  main  seulement  ■.  Ils  sont  environ  trois  cens  de  l'un 
et  de  l'autre. 


1.  «  LesSoIaquis  sont  trois  cens  en  nombre,  choisis  et  extraits  d'entre  les  plus 
forts,  plus  disposts  et  plus  excellens  archers  des  janissaires  pour  la  garde  ordi- 
naire du  corps  du  Grand  Seigneur...  Ils  portent  pour  leurs  armes  la  cymeterre 
et  en  la  main  l'arc  doré  tendu,  avec  la  flesche  preste  à  tirer,  ensemble  la  pha- 
retre  ou  carquois  sur  le  dos.  Et  quand  le  grand  Turc  va  aux  champs  ou  à  la 
mosquée,  ils  marchent  en  ceste  équipage  deux  à  deux  autour  de  sa  personne  ;  à 
sçavoir  un  reng  du  costé  dextre  qui  sont  gauchers  et  un  autre  à  senestrc  qui 
sont  dextriers,  observans  telle  ordre  afin  que  s'il  advenoit  que  par  nécessité  ou 
pour  le  plaisir  du  Seigneur,  il  leur  convient  descocher  leurs  arcz,  \h  ne  tour- 
nassent le  dosa  leur  seigneur.  »  (Les  navigations, pérégrinations,  etc.,  page  146,) 

2.  ('  Oultre  le  nombre  des  Solaquis  le  grand  seigneur  a  d'abondant  quarante 
laquais  ou  estafiers  de  nation  persicnne,  appeliez  en  leur  langue  turqucsque 
Peicz  ou  Peiclars...  En  l'une  des  mains,  portent  l'anagiach  qui  est  la  petite 
hache;  et  en  l'autre  un  mouchoir  plein  de  dragées  ou  de  sucre  candi  qu'il/: 
mangent  en  courant,  tant  pour  les  sustanter  et  tenir  en  vigueur,  que  pour  leur 
oster  l'altération.  -<  (Les  navigations,  p.regrinations.  etc..  page  1)9.) 


44  VOYAGE 

Et  au  gouvernement  des  chevaux,  muletz  et  ca- 
meaux  dudict  Seigneur  y  a  deux  chefs  qu'on  apelle 
Inrahorbassy  '  qui  commandent  à  toutes  les  escuries, 
tant  à  celles  qui  sont  en  Constantinople  que  aux  autres 
qui  sont  aux  autres  terres,  qui  sont  en  plusieurs  en- 
droictz.  Et  y  a  plus  de  dix  ou  douze  mil  hommes  soubz 
eux,  car  ledict  Seigneur  a  un  nombre  infini  de  chevaux 
et  cameaux.  Et  quand  il  veut  monter  à  cheval,  un  de 
ces  deux  luy  aide  à  monter. 

Il  y  a  un  autre  qu'on  apelle  Ciachirgibassy  qui  veut 
dire  capitaine  des  esperviers  et  autres  oyseaux  de  chasse 
lequel  a  plus  de  mil  ou  douze  cens  faulconniers  soubz 
luy.  Et  celuy  quia  la  charge  des  chiens  s'apelleSeimen- 
bassy  et  commande  à  plus  de  cinq  cens  hommes  qui 
gouvernent  lesdictz  chiens,  car  il  y  en  a  grand  nombre. 

Il  y  a  encore  deux  capitaines  des  agiamoglans,  l'un 
de  Grèce,  l'autre  de  Natolie,  qui  ont  charge  d'aller 
prendre  les  enfans  des  chrestiens  subjectz  dudict  Grand 
Turq,  et  de  trois  ans  en  trois  ans,  vont  en  chascune 
province  et  en  amènent  bien  de  six  à  sept  mil,  non  tout 
à  une  fois,  mais  à  plusieurs  fois.  Et  après  que  l'on  a 
choisy  pour  les  sérails  du  Grand  Turq,  le  reste,  on  les 
envoyé  aux  champs  pour  un  certain  temps;  à  sçavoir 
ceux  qui  sont  de  la  Grèce,  on  les  passe  de  la  mer  en 
Natolie  autrement  Asia  minor,  et  ceux  de  la  Natolie  en 
la  Grèce  aux  villages  des  Turqs  qui  les  reçoivent  vo- 

I.   Inralior  bassy  est  l'ahcration  des  mots  :  ïïniir  akhor  bacliy  (chef,  siirin- 
teiidant  des  écuries),  mot  qui  se  prononce  vulgairement  Imraklior  bachy. 


nn  MONSIEUR  D'ARAMON"  4 S 

lontiers  et  encore  baillent  argentà  ceux  qui  les  mènent, 
les  font  travailler  à  toutes  choses  selon  leurs  Ic^rces,  et 
quand  ilz  v  ont  enduré  sept  ou  huict  ans,  lesdictz 
capitaines  les  font  venir  en  Constantinople  et  les  eni- 
ployent  aux  bastiments  qui  s'y  font  et  aux  navires  et 
galleres.  L'on  les  apelle  agyamoglans  et  portent  un 
bonnet  jaulne  et  après  qu'ilz  ont  servi  cinq  et  six  ans, 
l'on  les  taict  jannissaires  et  ont  de  solde,  par  chascun 
jour,  quattre,  cinq  et  six  aspres,  qui  plus,  qui  moins. 

Ledict  Grand  Turq  a  plusieurs  aultres  capitaines  et 
officiers  de  tous  estatz  et  mestiers  à  ses  gages  comme 
ont  empereurs,  roys  et  aultres  grands  princes;  et  qui 
les  voudroit  icy  spécifier,  ce  seroit  chose  trop  longue  et 
de  peu  de  conséquence.  Toutesfois,  je  ne  veux  oublier 
y  adjouster  les  principaux  des  provinces. 

Premièrement,  en  la  Grèce  y  a  un  lieutenant  gênerai 
du  Grand  Turq  qu'on  apelle  beglierbey  qui  commande 
en  tout  ce  pays  là  ;  et  a  quarante  quattre  lieutenantz  qu'on 
apelle  sanchiachs  qui  sont  capitaines  ou  gouverneurs 
séparez  dans  les  villes,  chascun  desquelz  commande  à 
quattre  ou  cinq  cens  spachis  qui  est  comme  archer  au 
cheval  léger  souldoyez. 

Il  y  a  un  autre  beglierbey  à  Buda  (Hungarie)  qui 
commande  à  six  ou  sept  sangiachs.  Et  ledict  gênerai 
de  la  Grèce  est  le  premier  de  tous  les  pays  dudict  Grand 
Turq  et  qui  a  le  plus  de  gens  de  guerre;  et  après  est 
celuy  de  laNatolye  qui  a  vingt  cinq  sanchiachbeys  ou 
lieutenantz  lesquels  ont  des  archers  et  chevaulx  légers 


46  VOYAGE 

comme  ceux  de  Grèce;  et  ainsy  ont  tous  les  autres 
en  quelque  lieu  où  ils  soyent,  en  sorte  que  quand  le 
dict  Grand  Turq  veut  faire  quelqu'entreprinse,  il  ne 
faict  que  mander  lesdictz  beglierbeys  se  trouvent  à 
un  tel  temps  avec  ses  gens  à  un  tel  lieu,  et  incontinent 
ilz  sont  prêts,  car  ilz  n'oseroient  sous  peine  de  leur  vie 
faillir  d'un  demy  jour. 

En  ladicte  Natolie  et  Arabie,  y  a  plusieurs  autres 
beglierbeys  comme  en  la  Carmanie,  Capadocie,  Meso- 
potamia,  Armenia,  Babilone,  Assiria,  Surie,  Damas 
et  autres  lieux  qui  tous  ont  des  sangiachs  et  lesditz 
sangiachs  des  spahis.  En  sorte  que,  quand  ilz  sont 
assemblez,  c'est  une  compagnie  merveilleuse  et  in- 
croyable. Toutesfois,  quand  ledict  Grand  Turq  faict 
la  guerre,  il  ne  desgarnit  pas  ses  confins  ne  ses  princi- 
palles  villes,  mais  y  a  tousjours  bonnes  garnisons.  En 
la  ville  du  Cayre  en  Egipte,  y  a  un  bassa  qui  commande 
à  plus  de  vingt  sangiacbeys.  C'est  un  beau  gouverne- 
ment. Il  donne  audience  quattre  jours  la  sepmaine, 
comme  on  faict  en  Constantinople.  Et  y  a  un  maistre 
des  sentences  qui  juge  les  causes,  et  un  trésorier  qui 
tient  compte  du  revenu  et  despense  dudict  lieu  ;  duquel, 
tous  les  ans,  on  envoyé  de  grands  deniers  audict 
Constantinople.  Cedict  gouverneur  ne  va  point  à  la 
guerre. 

Il  y  a  encore  en  Constantinople  un  beglierbev,  capi- 
taine gênerai  de  la  mer  qui  commande  aux  terres 
maritimes  et  aux  isles  et  à  toutes  les  galleres  et  autres 


DH  MONSIEUR  ITARAMON"  47 

vaisseaux  dudict  Grand  Seigneur  et  a  soub/  luy  je  ne 
sçais  combien  de  capitaines  et  spahis  qui  sont  obligez 
d'aller  sur  mer  quand  il  s'y  taict  entreprinse  et  ne  vont 
point  à  celles  qui  se  font  par  terre. 

Et  par  toutes  les  villes  dudict  Grand  Seigneur,  y  a 
deux  juges  Tun  nommé  cady  qui  juge  les  causes  civiles, 
et  celuv  des  causes  criminelles  s'apelle  soubassy.  Il  n'y 
a  conseiller,  ne  advocat,  ny  procureur.  Il  faut  qu'un 
chascun  die  sa  raison  et  amené  ses  témoins  ou  monstre 
quelqu'escrit.  Sur  quoy,  justice  est  faicte  et  prompte- 
ment  ;  et  les  subjectz  rendent  si  grande  obéissance  à 
leur  seigneur  qu'ils  se  donnent  bien  garde  de  contre- 
venir à  nulle  de  ses  ordonnances,  vivant  en  une  mer- 
veilleuse paix  et  concorde  avec  bien  peu  de  querelles 
et  debatz  en  quelque  ville  que  ce  soit,  subjecte  au  Grand 
Seigneur  ;  et  s'il  en  advient  et  que  le  magistrat  en  soit 
adverty,  punition  en  est  faicte  incontinent  ;  et  si  l'on 
ne  peut  trouver  les  délinquants,  l'on  s'adresse  aux  voi- 
sins du  lieu  où  la  querelle  aura  esté  faicte  et  faut  qu'ilz 
en  repondent,  autrement  sont  punis  et  chastiez  ;  et 
quelquefois  se  faict  des  exécutions  de  justice  tort  inhu- 
maines et  rigoureuses. 

Sur  le  soir,  chascun  se  retire  à  bonne  heure,  n'ozant 
tenir  feu  en  quelque  sorte  que  ce  soit  en  leurs  maisons, 
jusques  à  une  certaine  heure  limitée.  Et  pour  la  garde 
des  villes  de  nuict,  y  a  seulement  un  homme  seul  avec 
un  baston  en  une  main  et  une  lanterne  allumée  en 
l'autre  qui  va  se  pourmenant  par  la  ville,  au  cartier 


48  VOYAGE 

qui  luy  est  ordonne,  et  selon  que  la  ville  est  grande,  ilz 
en  mettent.  Et  s'il  entend  aucun  bruit,  il  le  revelle  le  len- 
demain aux  juges  qui,  incontinent,  y  donnent  ordre  et 
ne  faut  pas  craindre  d'estre  voilé  de  nuict,  car  cet  homme 
seul  avec  son  baston  est  plus  craint  et  redoubté  que 
n'est  le  capitaine  du  guet  de  Paris  avec  tous  ses  archers. 
Et  la  police  y  est  si  bien  ordonnée  et  la  tranquilité  si 
grande  que  c'est  chose  quasy  incroyable  à  qui  ne  la  voit. 
Ce  sont  les  choses  les  plus  dignes  de  mémoire  que  j'ay 
peu  recueillir  et  que  j'ay  trouvé  en  ladicte  ville  de  Cons- 
tantinople. 

En  ce  temps  là  Jehan  Micquez',  portugalois  vint  en 

I.  Joseph  Nasi,  qui  avait  cliangc  son  nom  en  celui  de  Don  Juan  Miquez  ou 
Meguez,  appartenait  à  une  famille  juive  d'Espagne  qui  avait  embrassé  le 
christianisme  et  qui,  fixée  à  Anvers,  avait  établi  des  maisons  succursales  de  sa 
banque  en  Portugal  et  à  Lyon.  Vers  le  milieu  du  xvi"  siècle,  Miquez  émigra  à 
Venise;  il  éprouva  de  nombreuses  tribulations  dans  cette  ville  et  grâce  à  l'in- 
tervention du  Sultan  auprès  de  la  seigneurie,  il  put  avec  sa  famille  se  rendre  à 
Constantinople.  En  1552,  Dona  Béatrice  de  Luna  née  Mendez,  partit  pour 
Constantinopleet  don  Jean  Miquez  son  neveu,  qui  avait  abjuré  le  christianisme  et 
repris  son  nom  de  Joseph  Nasi,  épousa  Reyna,  sa  fille.  Il  avait  été  recommandé 
à  Sultan  Suleyman  par  M.  d'Aramon  et  par  le  médecin  de  ce  prince,  Joseph 
Hamon.  Il  réussit  à  acquérir  quelque  influence  au  sérail  et  il  la  fit  valoir  une 
première  lois  en  faveur  des  juifs  des  Etats  du  pape  réfugiés  à  Pesaro.  Lors  de 
la  rivalité  entre  les  fils  de  suhan  Suleyman,  Bayezid  et  Sclim  (15  56- 15  59), 
Joseph  Nasi  se  rendit  à  Kutayèhr,  ésidence  de  ce  dernier  prince  ;  il  lui  off"rit  de 
riches  cadeaux  et  ne  tarda  pas  à  devenir  son  favori. Son  influence  devint  toute- 
puissante  après  la  mort  de  Bayezid.  Il  se  fit  donner  la  ville  de  Tibériade  dont 
il  entreprit  la  reconstruction  afin  d'y  établir  une  colonie  juive  (1565).  A  cette 
époque,  Joseph  Nasi  réclama  du  roi  de  France  une  somme  de  1 50,000  écus, 
prêtés  aux  agents  français  à  Constantinople.  Le  Sultan  appuya  les  réclama- 
tions de  Nasi  et  (Charles  IX  envova  à  Constantinople  pour  arranger  cette 
afi"aire  Vinc.  Giustiniani,  qui  n'obtint  pas  le  succès  que  la  cour  attendait  de  sa 
mission.  y\près  la  mort  de  Sultan  Suleyman  (1566)  l'influence  de  Joseph  Nasi 
devint,  malgré  l'opposition  du  grand  vizir  Mehennned  Sokoily  Pacha,  prépon- 


DE  MONSir-UR  DARAMON  ;q 

Constantinoplc  avec  lettres  de  ta\eur  de  M.  de  1. an- 
sac  ambassadeur  du  Roy  à  Rome'  pour  le  huoriser 
en  quelques  afïliires  qu'il  ne  voulut  poursuivre  aucu- 
nement. Il  y  trouva  la  sire  Beatrix  de  Lune,  portu^a- 
loise  et  juifve  riche,  prèz  laquelle  il  se  retira,  espérant 
en  épouser  la  fille;  ce  qu'il  lit  aprèz  s'estre  premiè- 
rement déclaré  juif  et  fait  circoncire. 

Je  ne  veux  laisser  en  arrière  aucunes  forces  et  dexte- 
ritez  que  j'y  ay  veu  faire  par  aucuns  turqs  en  la  maison 
dudict  sieur  ambassadeur. 

Premièrement,  il  en  vint  un,  lequel  après  avoir  faict 
divers  actes  de  grandissime  dextresse  et  force,  lit  par 

dérantc  auprès  de  Selim  II.  Ce  prince  le  créa  duc  de  Naxos,  et  Joseph  Nasi  y 
délégua  en  qualité  de  son  lieutenant  l'espagnol  F.  Coronello.  L'arsenal  de  Ve- 
nise ayant  été  incendié  en  (1569).  Joseph  Nasi  détermina  Sultan  Selim  à  entre- 
prendre la  conquête  de  Chypre  qui  passa,  en  1 571,  sous  la  domination  ottomane. 
La  mort  de  Sultan  Selim  fit  perdre  à  Joseph  Nasi  toute  son  influence  ;  il  conserva 
cependant  le  duché  de  Naxos;  il  mourut  sans  postérité  le  2  août  i<)79.  Sa  fortune 
hit  confisquée  par  Sultan  Murad  qui  ne  laissa  à  dona  Ueyna,  sa  femme,  qu'une 
somme  de  90,000  ducats.  Joseph  Nasi,  qui  s'était  fait  le  compagnon  des 
débauches  dj  Sultan  Selim  et  ne  conservait  son  crédit  qu'en  flattant  les  vice^ 
de  ce  prince,  fut  successivement  à  Constantinople  l'agent  de  la  cour  d'Hs- 
pagne,  puis  celui  du  prince  d'Orange.  Il  poursuivait  les  Français  de  sa  haine,  et 
il  avait  réussi  à  faire  saisir  les  navires  français  ancrés  dans  le  port  d'Alexandrie, 
saisie  qui  donna  lieu  à  de  longues  négociations.  Les  ambassadeurs  de  France 
essayèrent  pendant  longtemps,  mais  en  vain,  de  contrebalancer  son  influence. 
I.  Louis  de  Saint-Gclais  dit  de  Lesignem,  baron  de  la  Motle-Sainte-Heraye, 
seigneur  de  Lansac  et  de  Pressy-sur-Oise.  chevalier  des  ordres  du  roi,  con- 
seiller d'État,  chevalier  d'honneur  de  la  reine  Catherine,  mère  du  Roi  et 
surintendant  de  sa  maison,  fut  ambassadeur  à  Rome.  Il  fut  pourvu  de  la 
charge  de  capitaine  de  la  seconde  compagnie  des  cent  gentilsliommes  de  1j 
maison  du  roi  :  il  s'en  démit  au  mois  d'août  1578  et  mourut  au  mois  d'oc- 
tobre 1589,  à  l'âge  de  soixante-seize  ans.  (Histoire gcncaIoi;i<]iic  et  chroi:o!ûçi(jite  di 
lu /liaison  royale  de  France,  etc.,  par  le  P.  Anselme.  Paris,  175  3,  tome  IV, 
page  66.) 

4 


50  VOYAGE 

un  sien  garçon  (qui  sembloit  auprès  de  luy  un  nain  et 
estoit  un  peu  guerche  d'un  œil)  prendre  en  main  deux 
arcs  tendus  et  tous  ensemble  les  tirer  tant,  qu'avec  la 
main  dont  il  tenoit  la  corde  se  touchoit  l'oreille,  encore 
que  lesdictz  arcz  feussent  de  si  grande  force  qu'il  ne 
se  trouvoit  personne  en  la  court  dudict  sieur  ambassa- 
deur qui  peust  faire  ployer  la  corde  d'un  d'iceux,  un 
doigt.  Après  ce  faict,  le  dict  turq  son  maistre  estant  les 
piedz  nudz  sur  quattre  cimeterres  taillans,  accoustrèz 
pour  cet  effect,  print  un  arc  duquel  tirant  une  flesche, 
perce  d'un  costè  à  l'autre  une  pièce  de  bronze  grosse  de 
deux  doigtz  ;  semblablement,  perce  d'un  autre  coup 
trois  autres  pièces  de  bronze,  chascune  grosse  d'un 
doigt  ;  puis,  avec  une  flesche  de  bois  sans  fer,  perce 
aussy  d'un  costè  à  l'autre  un  bois  rond,  gros  d'une 
palme;  avec  une  autre  flesche  qui  avoit  la  teste  de  verre 
et  la  pointe  de  fer,  perce  d'un  costè  à  l'autre  un  petit 
mortier  de  bronze  gros  d'un  doigt;  puis,  avec  aulcunes 
aultres  flesches,  perce  des  œufs  d'austruche,  balles  de 
verre,  vases  de  pierre,  sans  les  rompre  ou  casser.  Finale- 
ment, perce  d'un  costè  à  l'autre  un  soc  de  fer  avec  lequel 
on  laboure  la  terre. 

Estant  espandu  par  Constantinople  le  bruit  des  dex- 
teritèz  et  forces  par  le  dict  turq,  le  jour  ensuivant, 
en  vint  un  autre  qui  fit  choses  assez  plus  merveil- 
leuses que  n'avoit  faict  le  précèdent.  Cestuy  estant 
les  piedz  nudz  sur  quatre  cimeterres  tranchans,  rompit 
en  deux   pièces   une  grosse   teste   de   mouton   crue, 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  Si 

estant  icelle  attachée  à  une  chaisnc  de  fer  qu'il  tenoit 
sous  les  piedz  à  terre,  laquelle  aussy  estoit  liée  à  ses 
cheveux,  àforcedesquelzil  depieça  ainsy  la  dicte  teste; 
rompit  et  mit  en  pièces,  semblablement,  un  pied  de  bœuf 
à  force  d'iceulx,  attaché  à  la  dicte  chaisne,  comme  dict 
est.  Rompit  aussy  la  jambe  d'un  cheval,  un  os  de  cuisse 
de  bœuf  sur  la  cheville  du  pied  et  contre  le  front;  et 
d'autres  en  rompit  assez  sur  les  coudes,  sur  les  espaules 
et  en  autres  parties  du  corps.  Et  entre  les  autres,  s'en  fit 
tenir  un  par  son  serviteur,  lequel,  à  course,  il  rompit 
avec  un  coup  de  poing.  Ultiemement,  avec  un  coup  de 
poing  minud,  frappant  au  milieu  d'un  pilon  de  bronze 
d'espicier,  en  quatre  coups  le  rompit  en  deux  pièces. 
Après,  joua  avec  diverses  antennes  de  galleres  qui  pe- 
soient  deux  ou  trois  cens  livres  l'une,  et  tenoit  le  dict 
turq  l'une  des  dictes  antennes  droictes  sur  l'espaule  et 
la  jectoit  sur  l'une,  la  retournant  encore  sur  l'autre  et 
ce,  douze  ou  seize  fois  du  moins,  avec  si  grande  diligence 
que  un  vaillant  balladin  à  peine  meine  il  si  tost  les  piedz, 
comme  le  dict  turq  se  remuoit  les  espaules  sous  la- 
dicte  antenne,  laquelle  se  jettoit  encore  sur  le  menton 
et  la  tenoit  ferme  quelque  peu  ;  la  portoit  avec  les  dentz 
et  se  la  jettoit  sur  le  iront,  sansluy  toucher  aucunement 
des  mains.  Mais  ce  qui  est  digne  d'aussy  grande  mer- 
veille, c'est  qu'il  print  une  paille  longue  d'une  demye 
brasse  et  la  tenoit  droicte  sur  une  espaulle  comme  il 
avoit  faict  la  dicte  antenne  et  se  la  jettoit  de  l'une  à  l'autre  : 
à  cette  heure,  la  faisoit  aller  sur  le  nés,  puis  sur  le  Iront, 


52  VOYAGE 

tantost  sur  une  oreille,  et  tantost  sur  l'autre  et  encore 
sur  l'estomach  et  la  rejettoit  sur  le  front  sans  luy  tou- 
cher des  mains  ;  et  toutesfois  se  tenoit  tousjours  droicte 
sans  tomber.  Puis,  un  sien  serviteur  leva  avec  les  che- 
veux une  pierre  de  la  pesanteur  de  trois  quintaux.  Ces- 
tuy  mesme  print  un  fer  de  cheval  et  un  avantclou  et 
ayant  poing  nud,  frappant  dessus  le  dict  avantclou,  fit 
plusieurs  pertuis  audict  fer  de  cheval. 

Le  tiers  jour,  vint  avec  cedict  turq  un  sien  pour- 
suivant persien  faire  divers  jeux  de  grand  dextérité. 
Premièrement,  joua  d'un  arc  lequel  il  passoit  le  long 
du  corps,  l'entrant  par  la  teste  et  sortant  èz  pieds  et 
retournant  de  mesme  manière.  Aussy  balloit  avec  deux 
hommes  qui  se  tenoient  à  luy,  l'un  sur  l'autre,  lesquels 
estoient  plus  grands  et  plus  pesans  que  luy;  et  les 
tenant,  s'agenouilloit  en  terre  et  puis  se  relevoit  sans 
autrement  s'ayder  des  mains.  Plus^  rompit  avec  le  front 
deux  os  de  jambes  de  mouton  joincts  ensemble  l'un  sur 
l'autre  :  et  rompit  aussi  un  autre  os  de  la  jambe  d'un 
mouton,  à  course,  l'acollant  avec  la  fourche  des  deux 
doigtz;  puis  après,  mit  une  pierre  qui  pesoit  plus  d'un 
quintal  dessus  un  bois  faict  en  forme  d'une  colonne, 
haute  de  cinq  ou  six  piedz,  et  avec  ladicte  colonne 
joùoit  comme  avoit  laict  l'autre  turq  avec  antenne, 
demourant  tousjours  la  dicte  pierre  dessus  icelle  co- 
lonne, sans  s'esbranler  ne  tomber;  rompit  encore  une 
pierre  avec  le  coude  nud,  icelle  large  d'une  palme, 
longue  de  deux  et  grosse  de  quattre  doigtz.  Estant  puis 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  -.^ 

après  attaché  p:ir  les  cheveux  à  une  grue  de  bois  hauhe 
de  terre,  de  sorte  qu'il  ne  pou  voit  la  toucher  avec  les 
piedz,  tira  avec  l'arc  contre  une  pièce  de  bronze  grosse 
de  deux  doigtz  et  icelle  perça  d'oultre  en  oultre.  Davan- 
tage, estant  en  cette  taçon  attaché,  rompit  une  grosse 
corde  qui  tenoit  liez  deux  bastons  bien  estroictemeni  : 
et  qu'il  mettoit  après  au  col,  à  la  force  duquel  il  rompit 
icelle  et  le  fit  deux  fois;  l'une  estant  attaché  comme 
dict  est,  l'autre  estant  sur  les  piedz  en  terre. 

Rompit  encore,  le  poing  nud,  un  plus  gros  pillon  de 
bronze  que  le  premier.  De  l'autre  costé,  le  turq  qui 
avoit  joué  le  jour  devant,  joua  encore  avec  une  an- 
tenne voirement  un  arbre  qui  pesoit  sept  cent  soixante 
livres,  se  le  jettant  comme  les  précédentes  antennes 
sans  aucunement  s'ayder  des  mains,  se  fist  attacher  sur 
luy  six  hommes  et  quatre  enfans  lesquels  il  porta  tous. 

Après  tout  ce  faict,  vint  un  serviteur  dudict  sieur 
ambassadeur  lequel  aporta  un  pillon  que  ledict  sieur 
ambassadeur  avoit  faict  taire  exprés,  long  une  palme 
et  gros  quattre  doigtz  lequel  fut  baillé  audict  Turq  qui 
avoit  fait  les  forces  predictes,  à  ce  qu'il  le  rompist,  ce 
que  incontinent  il  commença  à  faire  en  la  manière  des- 
susdicte,  de  sorte  que  en  cent  et  trois  coupz  qu'il  lu\ 
donna,  le  rompit  en  deux  pièces.  Et  là  se  fit  fin  aux- 
dictes  forces  et  dextérités. 

Depuis,  au  mois  d'octobre  suivant,  vint  un  autre 
turq  au  logis  dudict  sieur  ambassadeur,  lequel  avant 
les  mains  liées  derrière,  mit  avec  les  dent/  la  selle  et 


-,4  VOYAGE  DE  MONSIEUR  D'ARAMON 

bride  sur  un  cheval,  accoustrant  les  sangles  et  poitrail 
et  autres  choses  requises  à  l'équipage  dudict  cheval 
pour  monter  dessus  l'homme. 

Et  ledict  Turq  estant  sur  quatre  cimeterres  taillans, 
les  piedznudz,  ayant  un  enfant  sur  les  espaulles,  monta 
sur  ledict  cheval  sans  s'ayder  des  mains,  puis  après,  en 
sa  manière  dicte,  luy  osta  tout  l'équipage  et  soubdain 
ayant  tousjours  les  mains  liées,  comme  dict  est,  luy 
mit  un  bat  lequel  il  sangla  et  après  luy  bailla  la  charge 
en  deux  paniers  pesants  trois  quintaux  ou  plus.  Estant 
ainsy  lyé  que  dessus,  se  fit  mettre  dans  un  sac  et  banda 
un  arc  duquel  (estant  en  iceluy  sac)  tenant  la  corde  et 
la  flesche  avec  les  dentz  et  mettant  les  piedz  dessus  le 
bois  dudict  arc,  tira  contre  une  pièce  de  bronze  de  deux 
doigtz  d'espoiz  et  la  perça  d'oultre  en  oultre. 

11  y  en  vint  quelques  jours  après  encore  ung  autre 
qui  estoit  more  ou  tartare  qui  avalla  un  œuf  de  poulie 
sans  le  rompre  et  un  quart  ou  demye  heure  après  le 
faisoit  sortir  par  le  fondement,  entier  comme  il  l'avoit 
prins.  Mais  ce  jeu  ou  mistere  ne  se  faisoit  point  sans 
peter,  car  je  ne  vis  jamais  rotter,  peter,  ronfler  du  cul 
comme  faisoit  ce  villain. 


royagcdcM.  d'Aramon,  ambassadeur  pour  le  Roy  en  Lcvanl 
faict  de  Constant inople  en  Perse,  l'an  i)4S,  escripi  par 
noble  homme,  M*^  Jehan  Chesiieau,  l'un  des  secrétaires 
dudict  sieur  ambassadeur. 


Or,  ayant  demeure  un  an  audict  Constantinople, 
l'année  suivante  que  Ton  comptoit  1548,  le  Grand 
Seigneur  délibéra  faire  l'entreprinse  de  la  Perse  contre 
le  Sophy,  roy  d'icelle  et  de  Medie,  Parthie  et  autres 
pays.  Et  pour  cet  effect,  il  fit  asçavoir  à  tous  ses  capi- 
taines, gouverneurs  de  provinces  qu'ilz  apellent  be- 
glierbey  et  sangiachy  de  se  trouver  pretz  selon  son 
mandement,  et  en  ordre,  pour  marcher  à  la  volte  du 
Levant  à  ses  dictes  entreprinses  et  se  trouver  en  certain 
lieu  député,  pour  y  faire  la  reveûe  et  recherche.  A  quoy 
il  n'y  eut  faulte  aucune.  Et  l'esmotion  de  cette  guerre 
fut  par  le  moyen  d'un  frère  dudict  Sophy  que  l'on  apel- 
loit  Elcas*,  grand  capitaine  et  bien  voulu  de  tous  les 

I.  Elqas  Mirza  était  le  troisième  fils  de  Cliâli  Ismayl;  son  frère  Châii 
Thahmasp  lui  confia  le  gouvernement  du  Chirwan.  Au  bout  de  quelques 
années,  Elqas  Mirza  tenta  de  se  soustraire  à  l'autorité  de  Châii  Thalimasp  et 
celui-ci  lui  accorda  une  première  fois  son  pardon.  En  1 546,  pendant  une  expé- 
dition en  Géorgie,  Chah  Thahmasp  apprit  qu'Elqas  Mirza  faisait  frapper  la 


-/,  VOYAGE 

peuples  et  subjectz  de  leurs  pays.  Lequel  avoitune  très- 
belle  femme  de  laquelle  fut  amoureux  le  roy  son 
frère;  et  pour  parvenir  à  son  dessein  qui  estoit  d'en 
jouir  et  l'avoir  à  son  plaisir,  envoya  ledict  Elcas  comme 
son  lieutenant  gênerai  qu'il  estoit  et  chef  de  ses  gens 
de  guerre,  faire  quelque  entreprinse  sur  les  terres  des 
Circasses.  Et  pendant  son  absence,  fit  tant  par  moyens, 
qu'il  eut  jouissance  de  ladicte  femme  et  la  tint  prés  de 
luv.  De  quoy  estant  adverty,  ledict  Elcas  s'en  revint  de 
Circassie  grandement  indigné  et  courroussé;  entra  en 
grosses  parolles  et  rigoureuses  avec  le   roy  jusques  à 

monnaie  et  réciter  la  khoutbèh  en  son  nom  et  que  Tincursion  qu'il  faisait  en 
Circassie  n'était  qu'un  prétexte  pour  ne  point  se  présenter  à  son  camp.  A  cette 
nouvelle,  Chah  Thahmasp  fit  entrer  un  corps  d'armée  dans  le  Chirwan  ;  Elqas 
de  son  côté,  abandonna  la  Circassie,  se  rendit  à  Derbend  et  fit  marcher  quelques 
troupes  contre  celles  de  son  frère.  Elles  furent  battues  et  Elqas,  poursuivi  par  les 
officiers  de  Chah  Thahmasp,  se  réfugia  dans  le  Daghestan,  gagna  le  bord  de 
la  mer  et  s'embarqua  sur  un  navire  qui  le  conduisit  à  Kaffa,  en  Crimée.  Il 
se  rendit  delà  à  Constantinople  où  il  sollicita  la  protection  de  Sultan  Suleyman 
qui  le  traita  avec  la  plus  grande  magnificence.  Il  accompagna  ce  prince  en  1548, 
dans  sa  campagne  contre  la  Perse.  Il  fut  placé  à  l'avant-garde  avec  un  corps 
d'enfants  perdus  et  de  cavaliers  Kurdes  et  il  reçut  l'ordre,  lorsque  Chah  Thah- 
masp fit  une  pointe  sur  Erzeroum,  de  se  diriger  sur  Bagdad.  Il  franchit  les 
frontières  du  Kurdistan,  se  rendit  maître  de  Hamadan,  de  Qpum  et  essaya  de 
s'emparer  d'Ispahan.  Il  tenta  d'envahir  le  Fars,  mais  il  dut  se  replier  sur  Bagdad. 
Abandonné  par  les  Turcs,  il  battit  en  retraite  sur  Chehirzor,  où  il  fut 
attaqué  par  les  Kurdes.  L'année  suivante  (1549),  le  sultan  lui  enjoignit  de 
rentrer  sur  le  territoire  ottoman,  mais  il  éluda  cet  ordre  et  implora  la  clémence 
de  son  frère.  Les  soldats  turcs  restés  avec  lui,  ayant  eu  connaissance  de  cette 
démarche,  attaquèrent  son  camp.  Il  se  réfugia  alors  à  Ardelan,  puis  à  Merivan. 
et  dans  cette  extrémité,  il  sollicita  l'intervention  de  son  beau-frère  Chah  Nimet 
oullah  et  se  rendit  avec  lui  à  la  cour.  Chah  Thahmasp  se  montra  tout  d'abord 
disposé  à  lui  accorder  son  pardon,  mais  les  dignitaires  du  royaume  s'opposèrent 
à  cet  acte  de  clémence,  et  Elqas  Mirza  fut  conduit  au  château  de  Qahqahah  où 
11  resta  prisonnier  jusqu'à  sa  mort  arrivée  en  IS79« 


DE  MON'SIF.UR  D'ARAMON  57 

user  de  menaces  qui  luv  causèrent  quelque  soupçon.  A 
ceste  cause,  luy  osta  le   royaume  de  Sirvan  qu'il  luy 
avoit  assigné  pour  son  vivre  et  conspira  contre  luy  de 
le  fiiire  mourir,  dont  ledict  Elcas  futadverty  par  aucuns 
siens  amys,  de  sorte  que  il  fut  contrainct  de  se  absenter 
et  adviser  à  sa  seureté.  S'embarqua  sur  la  mer  Major  et 
s'en  vint  en  Constantinople  vers  le  Grand  Seigneur, 
lequel  envova  au  devant  de  luy  et  le  receut  gratieuse- 
ment.  Et  après  que  ledict  Elcas  luy  eut  baisé  les  mains, 
il  luy  déclara  l'occasion  de  sa  venue,  le  tort  que  le  roy 
son  frère  luy  avoit  taict  et  qu'il  estoit  recouru  à  son 
ayde  et  à  sa  sauvegarde.  Ledict  Grand  Seigneur  luy  fit 
plusieurs  presens,  luy  donna  maison  et  grosse  pension, 
et   journellement    ledict    Elcas   l'incitoit   à    mouvoir 
guerre  contre  son  frère  et  en  faisoit  toute  la  poursuitte 
qui  luy  estoit  possible,  disant  qu'il  avoit  esté  son  lieu- 
tenant gênerai  et  qu'il  estoit  bien  voulu  par  tous  ses 
pavs  et  avoit  promesses  des  premiers  de  la  cour  du 
roy  son  frère  que,  si  l'entreprinse  de  la  guerre  se  fai- 
soit, qu'ilz  seroient  pour  luy. 

Finallement,  il  poursuivit  si  bien  cette  affaire  qu'il 
en  vint  à  bout  avec  quelque  volonté  secrette  qu'en  avoit 
le  Grand  Turq,  lequel  fut  bien  aise  d'avoir  semblable 
occasion  de  faire  ladicte  entreprise.  Et  pour  ce  faire, 
ayant  faict  préparatifs  de  toutes  choses  nécessaires  pour 
un  semblable  voyage,  et  ayant  mandé  tous  ses  capi- 
taines comme  il  est  dict  cy  dessus,  il  partit  de  Constan- 
tinople le  29  apvril  1548. 


-,8  VOYAGE 

Or  il  fut  commandé  par  le  Roy  à  mondict  sieur 
d'Aramon  son  ambassadeur,  de  le  servir  à  son  entre- 
prinse,  et  pour  ce  faire,  s'equippa  tant  de  provisions 
pour  le  camp,  que  de  gentilshommes  et  autres  bien 
en  ordre.  Nous  avions  dix  pavillons,  quarante  cameaux, 
dix  huict  muletz  et  douze  autres  chevaux  de  somme, 
et  une  litière  à  deux  muletz  que  les  Turqs  admiroient 
grandement  pour  la  rareté  qui  en  est  en  leur  pays.  Et 
pense  qu'ils  n'y  en  virent  jamais  que  celle  là,  et  aucuns 
d'eux  mallades  esprouverent  la  commodité  que  l'on 
en  reçoit.  Nous  estions  en  tout  septante  cinq  ou  quatre 
vingtz  personnes  bien  montez  et  en  bon  ordre,  tous 
portans  armes  à  la  turquesque  ;  les  uns  arquebuzes,  les 
autres  lances  gayes  avec  une  cornette  semée  de  fleurs 
de  lys,  et  pensez  que  de  nostre  temps,  jamais  ambassa- 
deur ne  chemina  en  tel  ordre  et  equippage.  Laissant 
en  Constantinople  pour  les  afl"aires  qui,  pendant  le 
voyage  y  pourroient  survenir  et  pour  la  direction  des 
pacquetz,  le  sieur  de  Cambray,  chanoine  de  Sainct 
Estienne  de  Bourges,  homme  de  bon  esprit  et  qui 
estoit  bien  aymé  en  ce  pays  là  pour  la  diversité  des 
langues  qu'il  sçavoit  ;  et  entre  autres,  le  grec  vulgaire 
luy  estoit  aussy  familier  que  le  françoys  et  aussy  sça- 
voit beaucoup  du  turq  \ 

I.  François  de  Noailles,  évêque  d'Acqs,  qui  fut  ambassadeur  à  Venise  et  plus 
tard,  ambassadeur  de  Charles  IX  à  Constantinople  de  1572  à  1574,  fait,  dans 
sa  correspondance,  le  plus  grand  éloge  du  sieur  de  Cambray.  Après  le  départ 
de  M.  d'Aramon,  M.  de  Cambray  eut  avec  Codignac  de  nombreux  démêlés. 
Il  fut  cliargé  d'une  mission  près  de  la  reine  de  Hongrie,  et  Codignac  l'accusa 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  59 

Le  seigneur  de  Fumel  qui  attendoit  tousjours  la 
response  de  sa  despeche  qu'il  avoit  envoyée  par  Tor- 
loger,  avoit  grande  volonté  de  taire  le  dict  voyage.  Mais 
le  Grand  Seigneur  ne  luy  voulut  permettre,  disant 
qu'il  ne  faisoit  que  revenir  de  ces  pavs  là  et  qu'il  se 
contentoit  que  l'ambassadeur  y  tust,  puisque  le  Roy  ne 
luy  en  avoit  escript  que  de  luy.  Ce  que  voyant  le  dict 
sieur  de  Fumel  et  que  la  responce  qu'il  attendoit  ne 
venoit  point,  s'embarqua  sur  un  navire  de  Venize  et 
s'en  revint  en  France. 

Nous  partismes  dudict  Constantinople  le  second  jour 
de  May  audict  an  1548,  et  passasmes  le  canal  de  mer 
et  entrasmes  en  Asia  minor  aujourd'huy  apeléeNatolye 
et  logeasmes  à  Scutary  *  où  furent  tanduz  nos  pavil- 
lons en  un  fort  beau  lieu,  prés  le  port  où  fut  ancienne- 
ment Calcedoyne-,  oùdemeurasmes  quattre  jours  pour 


de  l'avoir  desservi  auprès  de  cette  princesse  et  d'avoir  sollicité  son  intervention 
pour  le  faire  rappeler  de  Constantinople.  M.  de  Cambray,  à  son  passage  à 
Venise  pour  rentrer  en  France,  fut,  dans  cette  ville,  l'objet  d'une  tentative 
d'assassinat.  Codignac  fut  accusé  d  avoir  soudoyé  un  Piémontais  qu'il  avait 
tiré  du  bagne  de  Constantinople. 

M.  de  Cambray  fut,  par  la  suite,  ambassadeur  du  roi  auprès  des  cantons 
suisses. 

1.  Scutari,  l'ancienne  ville  de  Chrysopolis,  appelée  par  les  Turcs  L'skudar, 
s'élève  en  amphithéâtre  sur  la  côte  d'Asie  en  face  de  Constantinople.  Scutari 
était  autrefois  une  dépendance  de  Chalcédoine,  mais,  depuis  la  prise  de  Cons- 
tantinople par  les  Turcs,  elle  a  été  considérée  comme  un  faubourg  de  la  capitale. 
A  l'époque  où  d'Aramon  résidait  à  Constantinople,  Sultan  Suleyman  faisait 
construire  à  Scutari  la  mosquée  et  l'imaret  qui  portent  le  nom  de  sa  fille 
Mihroumah  Sultane. 

2.  Chalcédoine,  appelée  par  les  Turcs  Q.idi  Keuy,  est  bâtie  sur  le  promon- 
toire situé  au-dessous  de  Scutari.  Fondée  par  les  Mégariens,  elle  fut  prise  par 


6o  VOYAGE 

achever  nos  accomonades  et  equippes  de  tout  ce  qu'il 
nous  falloit  pour  un  tel  voyage. 

Le  sixiesme  de  May  en  partismes,  cheminasmes 
du  long  du  canal  de  la  mer  et  logeasmes  en  un  Cous- 
teau apellé  en  turquesque  Maltepé  qui  veut  dire  mon- 
tagne du  trésor  \  auquel  lieu  l'on  dict  que  les  anciens 
empereurs  de  Constantinople  cachoient  leurs  finances. 
Et  ce  lieu  là  est  au  commencement  du  golfe  de  Nico- 
medie.  Le  lendemain,  suivant  ledict  golfe,  arrivasmes 
en  un  lieu  apellé  Diachidesse^  et  à  quattre  milles  est 
Lebisa  où  Annibal  se  empoisonna  et  dict  on  que  son 
sepulchre  y  estoif'^;  mais  les  Turqs  ruinent  et  gastent 


les  Athéniens,  puis  parles  Lacédémoniens  ;  les  Perses,  conduits  par  Pharnabaze. 
la  détruisirent.  L'empereur  Valens  ayant  fait  abattre  ses  murailles  les  Goths  la 
saccagèrent.  Au  vu"  siècle,  elle  fut  pillée  par  les  musulmans.  Le  quatrième 
concile  général  se  réunit  à  Chalcédoine  en  451.  Sultan  Suleyman,  en  1552,  fit 
transporter  à  Constantinople,  pour  orner  la  mosquée  qu'il  faisait  bâtir,  les 
colonnes  et  les  marbres  de  la  chapelle  du  monastère  construit  par  Rulin,  ministre 
d'Arcadius. 

1.  Maltèpèh  (la  colline  du  trésor)  est  le  nom  d'un  gros  village  situé  à  une 
demi-heure  de  Qartal.  Le  nom  de  Maltèpèh,  est  donné  à  la  rangée  de  collines 
bordant  la  mer  et  s'étendant  jusqu'à  Touzla.  On  remarque  dans  leurs  flancs  les 
traces  nombreuses  de  fouilles  qui  v  ont  été  pratiquées.  Maltèpèh,  située  à 
quatre  heures  de  Scutari  et  à  trois  heures  de  Qadi  Keuv,  était  la  première  étape 
des  armées  ottomanes  lors  d'une  expédition  en  Asie.  (J.  von  Hammer. 
Vmhlich  auf  citier  Reisc  von  Coiistaiitiiiopel  iiach Bnissa.  Pesth,  1818,  page  165.) 

2.  A  une  heure  de  distance  de  Gueibizè,  sur  le  bord  de  la  mer,  s'élève 
Daridjè,  ancien  château-fort  de  l'époque  byzantine,  conquis  seulement  en  827 
(1423)  par  Mahomet  IL  C'est  la  localité  désignée  sur  la  carte  de  Leak  par  le 
nom  de  Diacibysa.  J.  von  Hammer,  Umblick,  etc.,  page  164. 

3 .  L'antique  Libyssa  porte  aujourd'hui  le  nom  de  Gueibizè  :  elle  fait  partie 
du  district  de  Qpdja  II}',  dans  la  province  de  Khoudavendguiar.  «  Gebise,  ville 
de  Bythinie,  célèbre  par  le  sépulcre  d'Annibal,  et  qui  s'appeloit  autrefois 
Lvbissa,  d'où  l'on  descouvre  le  goipiie  de  Nicomedie  et  où  l'on  voit  des  cvprès 


DI£  MONSIHUR  DARAMOX  6ï 

toutes  choses.  Il  n'y  a  apparence  que  d'une  fosse  an- 
ticque  où  y  a  encore  plusieurs  grosses  pierres  et  co- 
lonnes escriptes  en  grec. 

Le  neutviesme  May,  arrivasmes  à  Xicomedie  cité 
trésantique  et  royalle  de  Bitinie'  laquelle  est  toute 
ruynée  et  estoit  merveilleusement  grande,  assise  sur 
montagnes  fort  haultes  et  s'estendoit  jusques  à  la  ma- 
rine et  là  finit  le  golfe  dudict  Nicomedie. 

De  ceste  ville  vinsmes  à  Sabangil  -  sur  le  bord  du 
lac  du  même  nom;  le  lendemain,  cheminasmes  par 


d'une  grandeur  démesurée.  »  (Jmbasscuics  et  voyages  en  Turquie  it  Amasic  de 
-Vf.  Busbeqius,  nouvellement  traduites  en  françois,  par  S.  G.  (Simon  Gaudon)» 
Paris,  1646,  page  108.) 

1.  Nicomedie  (en  turclznimid  ou  Izmid)  a  aujourd'hui  très  peu  d'étendue.  Elle 
s'élève  en  triangle  du  rivage  au  sommet  de  la  montagne  où  l'enceinte  de  l'an- 
cienne Acropolis  est  encore  marquée  par  les  restes  de  murailles  et  de  tours  abat- 
tues; sur  un  terre-plein,  on  trouve  un  édifice  appelé  Eski  Serai'  qu'on  croit,  avec 
assez  de  vraisemblance,  avoir  été  bâti  par  Dioclétien.  (Dallaway,  Constant inoplc 
ancienne  et  moderne.  Paris,  an  VII,  tome  1er,  page  259.)  «  Quatre  jours  après 
nostre  départ  de  Constanlinople,  dit  Busbec,  nous  vinsmes  à  Nicomedie.  G'est 
une  ancienne  ville  de  qui  l'on  a  beaucoup  parlé;  mais  il  n'en  reste  que  de 
vieilles  masures  et  de  gros  morceaux  de  colonnes  abbatùes;  si  ce  n'est  que  le 
chasteau,  situé  sur  une  colline,  est  plus  entier.  Un  peu  devant  que  nous  v  vins- 
sions, on  a  voit  trouvé  sous  terre  une  muraille  de  marbre  blanc  qui  estoit  asseu- 
rement  une  partie  du  palais  magnifique  des  roysde  Bithynie.  »  (Ambassades,  etc., 
page  109.)  Nicomedie  fut  conquise  par  Orkhan  en  727  de  l'hégire  (A.  D.  1  326). 
Elle  est  le  siège  d'un  métropolitain  relevant  du  patriarcat  de  Constantinople  et 
portant  le  titre  d'exarque  de  toute  la  Bythinie. 

2.  Sabandjèh  (Sophon),  au  sud-ouest  du  lac  du  même  nom,  est  un  des  soixante- 
cinq  villages  qui  s'élèvent  sur  ses  bords.  ><  Ge  bourg  doit  son  nom  à  Sabandjy 
Khodja,  qui  le  premier  défricha  les  bois  qui  entouraient  le  lac.  Sary  Rustem 
Pacha,  vizir  de  Suhan  Suleyman,  fit  bâtir  à  Sabandjèh  une  mosquée,  un  bain 
dont  la  coupole  était  couverte  en  plomb,  et  un  grand  khan  ayant  cent  soixante- 
dix  chambres  à  feu.  »  (The  travels  of  Evlia  Ejendy  translated  by  Kitler  Josepij  ion 
Hammer.  Londres,  1850,  tome  II,  page  91. j 


62  VOYAGE 

certains  boys  où  y  a  grande  quantité  de  platanes,  et 
passasmes  sur  un  beau  pont  de  pierres  faict  par  sultan 
Bayasit  fils  de  sultan  Mehemet  premier,  seigneur  de 
Constantinople,  où  passe  le  fleuve  appelle  Sangary,  le- 
quel dévide  de  cette  coste  de  Levant  la  Bithinie  de  la 
Galatie*  et  logeasmes  en  un  lieu  appelle  Guyemé'.Puis 
vinsmes  en  une  petite  ville  nommée  Tavachy  Me  là  à 
Gohememe*  assise  sur  une  montagne  fort  haulte  où 
se  void  encore  de  vieilles  murailles  que  l'on  dict  estre 
la  ruyne  d'un  chasteau.  En  après  en  DibeP  et  à  Boly 

1.  Le  Sangary  est  le  Saqaria  des  Turcs,  le  Xerabatès,  Sangarias,  Sangaris 
ou  Sangarius  des  anciens.  «  Le  Sakaria  est  une  des  rivières  les  plus  considé- 
rables de  l'Asie  Mineure.  Ses  deux  sources  principales  sont,  l'une  au  pied  oriental 
du  Beyad-yaïlassi-dagh,  à  peu  de  distance  au  sud  du  village  de  Beyad  et  à 
environ  dix  lieues  au  nord-est  deAfiuna-karahissar  ;  l'autre  (la  plus  emportante) 
se  trouve  au  nord-ouest  de  la  première,  à  neuf  lieues  au  sud  du  village  Seïdel 
Ghazy  dans  le  massif  qui  joint  le  Beyad  dagh  au  Mourad  dagh.  »  (deTchihatchefF, 
Asie  Mineure,  description  physique  de  celle  contrée,  1866,  tome  1er,  pages  136  et 
suiv.)  Le  Sakaria,  après  avoir  reçu"de  nombreux  affluents,  se  jette  dans  la  mer 
Noire  près  de  Bender  Eregly . 

2.  Au  lieu  de  Guyene,  il  faut  lire  Guievèh  :  c'est  le  nom  d'un  village  situé 
à  six  heures  de  marche  à  l'est  de  Sabandjèh.  Gassot  donne  à  cette  locaHté  le 
nom  de  Gène. 

3.  Tharaqly  est  une  ville  du  district  de  Viran  Cheher  dans  la  province  de 
Qastemouny.  Elle  est  divisée  en  douze  quartiers  :  on  y  voit  quatre  mosquées 
et  deux  bains.  Elle  possède  aussi  un  magnifique  caravansérail;  cinquante 
villages  sont  placés  sous  sa  juridiction.  Elle  doit  son  nom  à  l'industrie  locale 
qui  consistait  dans  la  fabrication  des  peignes  {Tharaq). 

4.  Guhemene  est  le  nom  défiguré  du  gros  bourg  de  Gumuchàbad. 

5.  Au  lieu  de  Dibec  ou  Dibel  que  donnent  les  manuscrits  et  la  relation  de 
Gassot,  il  faut  lire  Duzdjèh.  C'est  un  bourg  situé  sur  la  limite  occidentale  du 
district  de  Boly,  à  douze  heures  de  marche  de  cette  dernière  ville.  Il  porte 
aussi  le  nom  de  Duzdjèh  bazar.  Le  pays  environnant  est  montagneux.  Sonqor 
bay  Chemsi  Pacha,  qui  en  fit  la  conquête  sous  le  règne  de  Sultan  Osman,  fit 
percer  la  route  qui  traverse  ce  village,  et  il  y  construisit  une  mosquée  et  deux 
caravansérails. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  65 

ville  appellcc  anciennement  Ahanonienia  '.  Ce  lieu 
monstre  avoir  été  quelque  belle  ville  et  i;rande.  Il  v  a 
plusieurs  antiquitez  de  colonnes  et  sepulchres  escripts 
en  grec.  Et  près  de  ce  lieu,  environ  deux  milles,  y  a  de 
fort  beaux  bains  naturelz  où  nous  fusmes  tous  baigner, 
pour  estre  chose  saine.  Au  milieu  dudict  bain,  y  a  une 
fontaine  d'eau  fresche,  fort  bonne,  qui  vient  de  la  mesme 
montagne  dont  vient  la  chaude,  qui  est  chose  merveil- 
leuse. Nous  sejournasmes  en  ce  lieu  et  en  partismes  le 
22^  dudict  moys. 

Passasmes  Huvada-  cité  ancienne  et  arrivasmes  à 
un  cazal  appelé  GiagaieP.  De  là  à  Caragiola  qui  veut 

1.  Boly,  chef-lieu  du  district  de  ce  nom  dans  la  province  de  Q.astemouny, 
est  situé  dans  une  plaine  bornée  par  des  montagnes  à  l'est  et  au  nord.  Boly 
est  divisé  en  vingt-quatre  quartiers;  on  y  compte  trois  mille  maisons  dont  la 
plupart  sont  couvertes  de  tuiles.  On  y  voit  un  grand  nombre  de  mosquées;  les 
plus  fréquentées  sont  celles  de  Mustafa  Pacha  et  de  Ferhad  Pacha  sur  la  place 
du  marché.  Sonqor  bav  Chemsy  Pacha  a  élevé  à  Boly  un  bain,  sept  caravan- 
sérails et  sept  fontaines.  Les  habitants  se  livrent  au  commerce  et  exploitent  les 
forêts  de  sapins  des  environs.  Les  planches  qui  en  proviennent  sont  fort  esti- 
mées à  Constantinople  ;  le  climat  deBoly  est  très  doux  ;  les  fruits  sont  bons  et 
les  cerises  particulièrement  excellentes.  Au  sud  de  la  ville,  au  milieu  des  jar- 
dins, se  trouve  un  petit  bain  dont  l'eau  est  souveraine  pour  la  guérison  de  la  gale. 
(Evlia  Tcheleby,  tome  II,  page  95.)  Boly  est  l'ancienne  ville  de  Claudiopolis. 

2.  Il  faut  lire  Handak  ou  Khandak  (le  fossé)  (l'ancienne  Latania)  au  lieu  de 
Hunada.  Ce  petit  village  fait  partie  du  district  de  dodia  Ily.  Il  possède  une 
mosquée  un  bain,  un  khan  et  un  marché.  (Evlia  Tchelebv,  tome  II,  page  92.) 

3.  Guercdèh  ou  Kéredy,  dans  la  province  de  Qastemouny  et  le  district  de 
Boly,  entre  cette  dernière  ville  et  Viran  cheher,  est  un  gros  bourg  d'un  millier 
de  maisons  en  bois  et  en  briques,  qui  s'éiève  dans  une  grande  vallée.  On  y  voit 
onze  mosquées,  sans  compter  les  mesdjid,  trois  couvents  et  deux  cents  bou- 
tiques. Les  couteliers  et  les  tanneurs  de  Gucredèh  jouissent  d'une  grande  répu- 
tation. Gueredèh  est  célèbre,  d'après  un  dicton  populaire,  par  ses  voleurs,  ses 
tanneurs  et  la  rigueur  de  ses  hivers.  Le  froid  y  est  aussi  intense  qu'à  Erz- 
roum.  (Evlia  Tcheleby,  tome  II,  pages  93-94.) 


64  VOYAGE 

dire  lac  noir'.  Puis,  vinsmes  à  un  autre  cazal  dict  Ca- 
maniy'  prés  duquel  passent  trois  petites  rivières  dont 
l'une  s'apelle  du  mesme  nom  du  village;  l'autre  Cier- 
guas  et  l'aultre  Guivra  qui  vont  en  la  mer  Major  ^  De 
là  à  Bouzoly^  sur  la  rive  dudict  fleuve  Cierguas,  la- 
quelle l'on  dict  l'hyver  croistre,  de  sorte  qu'elle  noyé 
tout  le  pays.  De  là  vinsmes  à  Caraguira^  puis  àCagias- 
sar"*  qui  est  de  la  Paphlagonia;  et  ayant  passé  de  mes- 
chans  et  fascheux  chemins,  arrivasmes  en  un  meilleur 


1.  Qiiragaeul  ou  Gueulbachy  est  le  nom  d'un  lac  et  d'un  village  situés  à 
quatre  heures  de  marche  de  Kéredy. 

2.  Hammamly  est  un  gros  village  qui  doit  son  nom  aux.  sources  d'eaux 
minérales  qui  jaillissent  dans  ses  environs. 

3.  Tcherkes  est  le  nom  d'un  bourg  situé  dans  une  grande  plaine  arrosée  par 
un  cours  d'eau  qui  se  jette  dans  le  Saqaria.  Il  est  protégé  par  un  petit  fort  en 
pierres  et  se  compose  de  trois  cents  maisons  et  de  quarante  à  cinquante  bou- 
tiques. On  y  voit  une  mosquée. 

M.  de  Tchihatchef  a  décrit  avec  beaucoup  de  soin  le  cours  des  trois  ri- 
vières dont  parle  Chesneau  et  qui  sont  le  Tcherkes  sou,  le  Hammanlv  sou 
et  le  Gueuk  aghadj  sou.  (VAsie-Miiietirc.  pages  159  et  suiv.) 

4.  Bouzoqlou  est  un  gros  village  à  deux  milles  de  Tcherkes;  il  est  bâti  au 
pied  d'une  coUine  couverte  de  sapins  et  de  genévriers. 

5.  Caraguira  est  le  nom  défiguré  du  village  de  daradjalar  (les  chevreuils) 
qui  faisait  autrefois  partie  d'un  fief  relevant  de  la  juridiction  de  Kanguerv 
(l'ancienne  Gangra,  Germanicopolis).  Q.aradjalar  renferme  trois  cents  pauvres 
maisons  ;  les  habitants  fabriquent  des  ceinturons  qui  jouissent  d'une  certaine 
renommée,  et  des  aiguilles  qui  sont  recherchées.  (Evlia  Tcheleby,  t.  II,  p.  94  ) 

6.  Qptch  Hissar  (le  château  du  bélier)  est  un  gros  bourg  situé  dans  une 
plaine  unie,  au  bord  de  la  grande  route.  Qptch  Hissar  possède  des  mosquées. 
des  caravansérails  et  des  bains  ;  il  est  défendu  par  un  fort  en  terre  séparé  du 
bourg  lui-même  par  des  jardins  qui  produisent  en  abondance  des  fruits  savou- 
reux. Le  château  de  Qptch  Hissar  fut  conquis  en  708  (1308)  par  Osman,  le 
fondateur  de  la  dynastie  ottomane  qui  donna  l'ordre  de  le  raser,  afin  qu'il  ne 
retombât  pas  aux  mains  des  Grecs.  M.  W.  Ainsworth  a  décrit  cetie  localité 
dans  ses  Travch  and  rcscarchcs  in  ^Asia  Minor,  Mesopotaiiiia.  etc.  Londres,  1842. 
tome  IL  page  186. 


DE  MONSIEUR  D'AUAMON  6s 

pays  et  logcasmcs  à  Toscia  '  anticnncnicni  apcllcc 
Theodosia.  Elle  est  en  un  fort  beau  pavs.  Nous  v  repo- 
sasmes  un  jour;  le  lendemain,  logeasmes  en  une  belle 
plaine,  près  un  casai  apellé  Cabouxiac'  et  passasmcs 
un  fleuve  '  dit  Quesiliemac  qui  veut  dire  eau  rouge, 
lequel  passe  par  la  Capadocia  et  par  la  Lydia.  Puis 
arrivasmes  en  la  Capadocia  et  vinsmes  à  Octoman- 

1.  Thossia  (l'ancienne  Thcodosia),  dans  la  province  de  Bozoq  et  le  district 
de  Kianguerv,  est  bâtie  sur  une  cminence  au  pied  de  laquelle  coule  le  Dévèrek 
tchav;  elle  est  divisée  en  onze  quartiers  renfermant  environ  trois  mille  mai- 
sons en  bois.  Elle  possède  vingt  et  une  mosquées  sans  compter  les  oratoires, 
sept  caravansérails,  trois  cent  quarante  boutiques  et  un  bezestein  fermé  par  une 
porte  en  fer.  L'air  y  est  extrêmement  lourd.  Les  habitants  sont  de  race  turque 
et  très  hospitaliers  pour  les  étrangers.  (Evlia  Tchèlèby,  page  95).  «  II  lui  vient 
d'assez  bonne  eau  de  la  montagne  d'EIqas  qui  est  derrière  la  ville;  outre  cette 
eau,  il  y  a,  au  milieu  de  la  ville  une  bonne  source  appelée  Tas  bouniary  (la 
source  de  la  tasse),  sur  laquelle  on  a  fait  une  fontaine.  L'eau  de  cette  fon- 
taine se  rend  aux  tanneries  qui  sont  en  grand  nombre.  Le  fruit  y  est  bon  et  en 
quantité  ».  (Otter,  Voyage  en  Turquie  et  en  Perse.  Paris,  1748,  tome  II,  p.  348.) 

2.  Il  faut,  au  lieu  de  Kabougiac,  lire  Hadji  Hamza,  village  qui  tire  son  nom. 
de  Hadji  Hamza  disciple  et  compagnon  de  Habib  Qaramanly  qui  y  avait  vu  le 
jour.  Ce  village  bordait  la  grande  route  :  il  était  abandonné  au  xvii*  siècle,  et  il 
ne  subsistait  à  cette  époque  qu'une  mosquée  et  quelques  maisons  en  ruines. 
(Evlia  Tchèlèby,  tome  II,  page  96).  On  lit  dans  la  relation  de  Gassot  :  «  ...  et 
logeasmes  à  Totia  que  je  pense  avoir  esté  anciennement  appelée  Theodosia  : 
elle  est  en  fort  belle  situation;  nous  y  reposasmes  un  jour.  Le  lendemain, 
nous  logeasmes  en  une  belle  plaine  en  un  casai  appelé  Cacombazar.  » 

3.  Le  Qizil  Irmaq  (rivière  rouge)  doit  son  nom  à  la  couleur  de  ses  eaux. 
Il  prend  sa  source  dans  la  plaine  de  Tchibouq  Arassy  dans  le  district  de 
Qptch  Hissar.  II  court  de  l'est  à  l'ouest,  traverse  la  ville  de  Sivas,  passe  au 
sud  de  Qir  Cheher  et  se  dirige  sur  Osmandjiq.  Après  avoir  passé  sous  le  pont 
appelé  Tchachneguir  Kuprussy  (le  pont  de  l'écuyer  tranchant),  il  traverse  les 
cantons  de  Hadji  Hamza  et  de  Zeïtoun,  passe  entre  deux  rochers  entre  les 
villages  de  Gurcndèh  et  de  Guedèh  Qiu'a  et  se  jette  dans  la  mer  Noire,  non 
loin  de  Bâfra,  bourg  défendu  par  un  petit  château.  (Djihan  Nunnt,  p.  626.) 
On  peut  consulter,  sur  le  Qizil  Irmaq  et  ses  aflluents,  V Asie-Miiwurc  del^L  de 
Tchihatchef,  tome  I,  pages  169-187. 

S 


66  VOYAGE 

gioc*  qui  est  un  chasteau  faict  par  Ottman,  celuy  qui 
a  donné  nom  à  la  maison  Otthomane,  qui  fut  le  premier 
Seigneur  Turq.  Ce  chasteau  est  en  un  rocher  inacces- 
sible et  inexpugnable  et  a  environ  deux  milles  détour; 
et  au  pied  d'icelluy,  du  costé  du  midy  le  fleuve  Quesi- 
limach  y  passe,  sur  lequel  y  a  un  fort  beau  pont  de 
pierre  de  seize  arceaux.  Et  les  murailles  du  chasteau 
viennent  quasy  3.  se  confondre  avec  le  pont  :  et  y  a  en 
ce  lieu  une  religion  dont  les  religieux  s'apellent  Cochiny- 
baba  qui  veut  dire  père  de  charité. 

Le  premier  de  juing,  arrivasmes  à  Cagionde^  qui  veut 
dire  village  du  Peregrin.  Le  lendemain,  par  le  chemin, 
nous  rencontrasmes  un  fliulconnier  du  Grand  Seigneur 
qui  nous  dict  que  le  Sophy  roy  de  Perse  estoit  sur  les 
confins  du  pays  dudict  grand  Seigneur  et  qu'il  avoit 
prins  un  chaoux  lequel  avoit  esté  envoyé  sur  les  dictz 


1 .  Le  château  d'Osiiiandjiq  à  huit  heures  ae  marche  de  Hadji  Hamza  fait 
partie  du  sandjaq  de  Tchouroum.  Il  fut  enlevé  aux  Turkomans  par  Sultan 
Bayezid  IlJirini  en  Tannée  795  (1392).  Le  château  a  huit  cents  pas  de  circon- 
férence et  est  fermé  par  une  porte  en  fer  :  le  faubourg  qui  l'entoure  consiste 
en  une  centaine  de  maisons  couvertes  en  planches  et  en  terre  battue  et  ha- 
bitées par  des  Tatars.  On  voit  à  Osmandjiq  quelques  mosquées,  trois  khans 
et  un  petit  bain  dont  l'eau  est  fournie  par  un  puits  alimenté  par  le  Qizil  Irmaq. 
Le  couvent  dont  parle  Chcsneau  était  occupé  par  des  derviches  Bektachy  : 
il  s'élevait  près  du  tombeau  de  Qpuyoun  Baba,  disciple  et  successeur  de  Hadji 
Bektach  et  avait  été  bâti  par  le  sultan  Bayezid.  Au  lieu  de  Cochiny  baba,  il 
faut  lire  Qpuyounly  baba  (les  disciples  de  Q.ouyoun  Baba)  Evlia  Tchèlèby, 
tome  IL  p.  96-97. 

2.  Cagion  est  le  nom  déliguré  de  lladji  Keuv  (le  village  du  pèlerin),  gros 
bourg  où  l'on  trouve  deux  beaux  caravansérails.  Hadji  Keuy  situé  au  sud-ouest 
de  Gumuch  Khanèh  est  à  trois  journées  de  marche  au  sud-est  d'Osmandjiq. 
Près  de  Hadji  Keuy  se  trouve  une  mine  d'argent  à  peine  exploitée. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  67 

confins  à  faire  provision  de  victuailles,  et  que  }K)ur 
cela  le  dict  Grand  Seigneur  se  hastoit  fort,  et  le  che- 
min qu'il  vouloit  faire  en  deux  jours,  le  laisoit  en 
un.  Et  pour  ce,  ledict  ambassadeur  se  advisa  de  lais- 
ser le  grand  chemin  pour  prendre  aultre  vt)ye  plus 
courte,  afin  de  joindre  plus  tôt  le  camp.  Et  lais- 
sasmes  à  main  droicte  trois  belles  villes  principalles 
de  la  Capadocia  nommées  Amassia  \  Tocquato  "  et  Sa- 


1.  Amassia  est  le  chel'-lieu  du  district  de  ce  nom  dans  la  province  de  Sivas. 
Cette  ville  est  arrosée  par  le  Yechil  Irmaq  (la  rivière  verte),  l'Iris  des  anciens. 
Elle  est  la  résidence  d'un  métropolitain  relevant  du  patriarchat  de  Constan- 
tinople  et  portant  le  titre  d'exarque  du  Pont-Euxin.  «  Elle  est  située,  dit  Iladji 
Khalfa,  dans  un  vallon  entouré  de  très  hautes  montagnes.  Ses  murailles  et  son 
château  ont  été  rebâtis  par  le  prince  Seldjoucide  Keiqobad  (1219-1240).  On 
y  voit  le  palais  d'Isfendiar.  Plusieurs  princes  y  ont  autrefois  résidé.  Cette  ville 
a  été  appelée  la  Bagdad  du  pays  de  Roum;  elle  est  assez  grande  et  les  maisons 
y  ont  une  belle  apparence.  Elle  possède  de  nombreux  vergers  dans  lesquels 
on  récolte  des  fruits  excellents.  Le  raisin  y  est  particulièrement  exquis  et  l'on 
en  fait  de  très  bon  vin.  »  Djihaii  Niima,  page  625.  «  Amasie,  dit  Busbec,  est 
bastie  sur  le  penchant  de  deux  collines  séparées  par  le  cours  de  la  rivière  d  Iris 
qui  passe  par  le  milieu  de  la  ville  :  cette  situation  est  telle  que  représentant 
quelque  forme  de  théâtre.  La  rivière  se  voit  de  tous  costez  et  rien  ne  se  fait 
d'une  part  de  la  ville  qui  ne  soit  veu  de  l'autre.  Les  montagnes  qui  l'envi- 
ronnent ne  laissent  qu'un  chemin  libre  pour  les  chevaux,  chariots  et  carrosses. 
Sur  la  plus  haute  colline  d' Amasie  est  bastie  la  forteresse  assez  considérable, 
gardée  par  une  garnison  perpétuelle  de  Turcs.  Les  rues  et  les  places  d'Amasie 
n'ont  rien  d'agréable;  les  maisons  sont  basties  d'argile  comme  en  Espagne,  le 
dessus  des  maisons  est  tout  plat,  fait  de  la  mesme  manière,  et  quand  la  pluye 
ou  le  vent  ont  fait  quelque  gouttière  ou  arraché  quelque  morceau  de  terre,  une 
pièce  de  colonne  sert  de  cylindre  pour  aplanir  le  plancher  et  boucher  les  trous.  » 
{Ambassades  et  voyat^es  en  Turquie,  pages  137-139.) 

2.  Tocat  (l'ancienne  Comana  Pontica),  dans  la  province  de  Sivas,  s'élève 
dans  une  vallée  dont  la  terre  est  de  couleur  rougeâtre  :  elle  est  entourée  de 
vergers  et  de  plantations  d'arbres.  Tocat,  ville  commerçante,  possède  de  belles 
mosquées,  des  bains,  des  caravansérails  et  de  nombreuses  écoles.  Elle  est 
protégée  par  un  château  en    pierres   bâti  au    miUcu  d'une   vallée  agréable. 


68  VOYAGE 

vatz  '  et  tirasmcs  droict  au  Levant  et  vers  la  ville  de  Es- 
dron-oùalloitle  Grand  Seigneur  et  logeasmes  prés  un 
beau  cazal  et  grand  nommé  Merjuva'',  lequel  est  assis  en 
une  trésbelle  plaine  où  il  y  a  plusieurs  villages  de 
chrestiens  arméniens.  Et  est  un  lieu  gras,  fertille  et  plai- 
sant plus  que  lieu  qu'avons  rencontré.  Encore  le  lende- 
main, arrivasmes  en  un  aultre  village  apellé  Ladicq^ 

(Djiban  Niima,  page  623).  Tocat  fut  pillée  en  877  (1472)  par  l'armée  d'Ouzoun 
Hassan  commandée  par  Joussouf  Mirza. 

1.  Sivas  (l'ancienne  Sebastia)  est  la  capitale  de  la  province  de  ce  nom. 
c(  Sivas,  dit  Hadji  Khalfa,  est  défendue  par  une  petite  forteresse.  On  y  voit 
peu  d'arbres;  le  froid  y  est  très  vif.  Elle  a  été  entourée  d'une  muraille  en 
pierres  par  le  prince  Seldjoucide  Ala  Eddin  Key  Qobad  ;  elle  fut  ruinée  par 
Timour.  Elle  est  bâtie  sur  une  éminence  et  le  Qizil  Irmaq  dont  l'eau  a  un  goût 
saumâtreet  n'est  pas  potable  coule  au  pied  de  la  colline.  Sivas  possède  un  cer- 
tain nombre  de  mosquées,  de  bains  et  de  bazars  :  les  environs  produisent  des 
céréales  et  du  coton,  on  y  récolte  peu  de  fruits.  »  (Djiban  Niuna,  page  622.) 

2.  Erzroum. 

3.  Le  village  de  Merzivan  ou  Merzifoun  est  à  neuf  heures  de  marche  d'A- 
massia.  Il  s'élève  dans  une  longue  plaine  plantée  d'arbres,  cultivée  en  céréales 
et  arrosée  par  le  Terchan  Sou,  rivière  qui  se  jette  dans  le  Yéchil  Irmaq,  un 
peu  au-dessous  d'Amassia.  Merziibun,  dit  Evlia  Tchèlèby,  est  une  ville  bâtie 
dans  la  plaine  au  pied  du  mont  Dèchan  :  elle  est  divisée  en  quarante-quatre 
quartiers  renfermant  quatre  mille  maisons  couvertes  de  tuiles;  cette  ville  fondée 
par  les  princes  de  la  dynastie  des  Danichmend  a  été  conquise  par  le  suhan 
Bayezid  I.  On  y  voit  soixante-dix  mosquées,  dont  la  plus  ancienne  a  été  con- 
quise par  Murad  II,  quelques  collèges  et  couvents  dont  le  plus  célèbre  est  celui 
qui  est  annexé  au  tombeau  du  saint  musulman  Pir  Dedèh.  (Tome  II, 
pages  212-216.) 

4.  Trois  villes  portent  en  Asie-Mineure  le  nom  de  Ladik  (Laodicea).  L'une 
se  trouve  dans  le  district  de  Koniah,  Fautre  dans  celui  de  Van,  la  troisième  est 
connue  sous  le  nom  de  Ladik  d'Amassia.  Cette  dernière  dans  laquelle  s'arrêta 
M.  d'Aramon  est  divisée  en  dix-sept  quartiers  renfermant  trois  mille  maisons 
entourées  de  jardins.  Il  y  a  dans  la  ville  dix-sept  mosquées  dont  six  sont  des 
mosquées  où  l'on  fait  la  prière  du  vendredi;  trois  d'entre  elles  ont  été  bâties 
par  ordre  de  souverains  ottomans.  Elle  possède  aussi  sept  couvents  dont  le 
plus  remarquable  est  celui  de  Seyd  Alimed   Kehir,   deux   bains  publics,  sept 


DE  iMOXSinUR  D'ARAMOX  69 

près  duquel  il  y  a  un  lac  de  mcsmc  nom.  Puis,  vinsnics 
à  Scepecly'  et  passasmes  par  le  lieu  où  passent  deux 
fleuves  qui  là  se  joignent  ensemble,  l'un  vient  d'Ama- 
sia  et  s'apelle  Iris  et  dévide  la  Capadocie  de  l'Arménie 
major,  et  le  passasmes  sur  un  pont  de  bois,  l'autre 
s'apelle  Boghazguezcn  '  ce  qui  veut  dire  coupe  gorge; 
et  à  la  vérité,  le  passage  est  dangereux  pour  rencontrer 
larrons,  et  logeasmes  dans  un  village  d'Arméniens 
nommé  Agetyl 

De  là  vinsmes  àNissar  '  anciennement  apelléc  Neo- 


khans,  un  grand  caravansérail  construit  aux  frais  do  Ghazy  Daoud  Pacha  et 
quarante  et  un  palais  de  vizirs  ou  de  grands  personnages,  ayant  chacun  leur  bain. 
Les  poires,  les  cerises  et  le  miel  de  Ladik  jouissent  d'une  grande  réputation. 

Cette  ville  fut  conquise  en  476  (1083)  par  Melik  Ghazy  de  la  dynastie  des 
Danichmend.  Elle  se  rendit  à  Timourtach  Pacha  sous  le  règne  de  Bajazct  I. 
(Evlia  Tchèlèby,  tome  II,  page  209.) 

Le  lac  de  Ladik  (Stéphane  de  Strabon)  est  à  quinze  lieues  de  la  mer  Xoire  : 
il  s'étend  entre  Samsoun  et  Amassia.  11  a  quatre  lieues  de  circonférence  et 
une  lieue  et  demie  carrée  de  superficie.  On  peut  consulter,  sur  le  lac  de  Ladik, 
\' Asic-Miueiire  de  M.  de  Tchihatchef,  tome  I,  pages  132-154. 

1.  Ce  village  est  celui  de  Sepetly;  il  doit  son  nom  à  l'industrie  exercée  par 
les  habitants  qui  fabriquent  des  paniers  et  des  coffres  en  jonc  (scpef). 

2.  L'Iris,  le  Yechil  Irmaq  des  Turcs,  prend  sa  source  à  quatorze  lieues  en- 
viron au  sud-est  de  la  ville  de  Tocat,  à  peu  de  distance  des  sources  du  YIdiz 
tchay  et  il  se  jette  dans  la  mer  Noire  à  l'est  de  la  ville  de  Samsoun.  L'autre 
rivière  est  le  Terchan  Sou,  un  des  affluents  du  Yechil  Irmaq.  Boghaz  Kcssen 
(coupe-gorge)  est  le  nom  du  gué  où  l'on  franchit  la  rivière. 

3.  Ageti  ou  Aieti,  comme  l'écrit  correctement  Gassot.  Sultan  Sulevman, 
dans  sa  campagne  de  1534,  s'arrêta  dans  ce  village 

4.  Nikssar,  l'ancienne  Neocesarea,  dans  la  province  de  Sivas,  est  le  siège  d'un 
métropolitain  relevant  du  patriarclie  de  Constantinople  et  portant  le  titre 
d'exarque  du  Pont  Polémoniaque.  Xikssar  est  située  à  une  journée  de 
marche  àl'ouest  de  Tocat  :  elle  fut  conquise  en  l'année  476  de  l'hégire  (1085) 
par  Melik  Ghazy  de  la  dvnastie  des  Danichmend,  et  elle  devint  la  résidence  de 
ces  princes.  Les  Seldjoucides  tentèrent  vainement  de   s'en  emparer.  La  ville 


70 


VOYAGE 


cesarea,  ville  merveilleusement  grande  et  anticque; 
mais,  elle  est  toute  ruinée  et  de  telle  sorte  que  les 
murailles  sont  abattues  jusques  aux  fondementz.  Le 
chasteau  est  assis  sur  une  montagne  haute,  qui  n'est 
pas  du  tout  ruyné,  où  y  a  le  sepulchre  d'un  roy  de 
Perse  nommé  Usunnassan  '  qui  veult  dire  gigan  le- 
quel dépucela  en  une  nuict  quarante  vierges,  comme 
il  nous  fut  dict  par  les  gens  de  ce  lieu  là.  Il  y  passe  le 
fleuve  anciennement  apellé  le  Licus  et  s'appelle  en 
turquesque  Chebelyt'qui  dévide  la  Capadocie  et  l'Ar- 
ménie major  et  encore  l'Arménie  major  de  l'Arménie 

est  divisée  en  quarante-trois  quartiers;  on  y  compte  soixante  mosquées;  dans 
neuf  d'entre  elles,  on  récite  la  khoutbèh  tous  les  vendredis.  Le  château,  d'une 
construction  très  solide,  est  assis  sur  une  roche  calcaire  ;  il  a  la  forme  d'un 
hexagone,  et  mesure  cinq  cent  soixante  pas  de  circuit;  ses  trois  portes 
s'ouvrent  dans  la  direction  de  l'est,  de  l'ouest  et  du  sud.  Il  y  a,  à  l'intérieur, 
trois  cents  maisons  et  magasins  et  une  mosquée  qui  était  autrefois  une  église. 
Evlia  Tchèlèby,  II,  pages  I02,  103.  Nikssar,  ditHadji  Khalfa,  est  défendue  par 
un  petit  fort  en  terre  bâti  au  sommet  d'une  colline  ;  on  n'y  accède  que  par  une 
route  fort  étroite  :  au  pied  de  la  colline  est  tracé  un  chemin  praticable  seule, 
ment  pour  les  piétons.  (DjiJmn  Numn,  page  424.) 

1 .  Sultan  Hassan  auquel  on  donna  le  surnom  d'Ouzoun  (le  long)  est  le 
quatrième  prince  de  la  dynastie  turcomane  du  Mouton  blanc.  Il  mourut  en 
l'année  de  l'hégire  882  (1477)  à  l'âge  de  cinquante-quatre  ans,  après  un  règne 
de  dix  ans.  Il  fut  enterré  dans  le  jardin  du  collège  de  Nassirièh  qu'il  avait 
fondé. 

2.  Le  Guermely  tchay  est  l'affluent  le  plus  considérable  du  Yechil  YruKiq. 
«Il  a,  dit  M.  de  Tchihatchcf,  une  longueur  considérable  et  constitue  la  grande 
bifurcation  que  présente  ce  dernier,  à  quatorze  lieues  au  sud  de  son  embou- 
chure, où  le  Guermely  tchay  opère  sa  jonction  avec  le  Yechil  Yrniaq.  Sa  direc- 
tion moyenne  est  du  sud-est  au  nord-ouest.  »  {Asie-Mineure,  tome  I,  page  191 .) 

Le  Guermely  tchay  porte  ai:ssi  le  nom  de  Kelkid  tchay,  du  nom  de  la  ville 
de  Kelkid  qui  s'élève  sur  ses  bords .  Kelkid  est  une  ville  de  médiocre  importance, 
située  dans  une  plairie  à  deux  journées  de  marche  de  Sivas.  Elle  possède  une 
mosquée  et  un  bain  public.  Les  nntisons  sont  construites  en  bois. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  71 

minor  et  se  conjoinct  avec  les  fleuves  d'Amasie  sus- 
dicte  et  là  pert  son  nom. 

En  aprèz,  vinsnies  en  Assarguict ';  puis,  passasnies 
près  dïni  chasteau inaccessible  nommé  Covouassar"  qui 
anciennement  estoit  des  roys  de  Perse.  A  deux  milles 
près  de  ce  chasteau,  passasmes  sur  un  meschant  pont 
ledict  fleuve  Liens,  et  là,  cntrasmes  en  l'Arménie 
major  et  logeasmes  sur  le  bord  de  la  rivière,  puis 
vinsmes  en  une  grande  vallée  et  en  un  village  d'Ar- 
méniens nommé  Asebids^  qui  souloit  cstre  de  trois 
mil  feux  et  a  encore  trente  autres  villages  sous  luy. 
De  là  vinsmes  dans  un  bois  dict  Girbanambea  '  Ardin- 
gielv'',  Agiardacalv"  et  à  Arzingan  '  duquel  le  (jrand 

1.  Hissardjiq  (le  petit  château). 

2.  douyly  hissar  (le  château  aux  puits)  bâti  par  Ouzoun  Hassan  pour  arrêter 
les  invasions  des  Ottomans  sous  Mahomet  II,  est  bâti  au  sommet  d'un  haut 
rocher.  Il  a  treize  cents  pas  de  circonférence.  L'intérieur  du  château  renferme 
un  millier  de  maisons  et  des  magasins  pour  les  approvisionnements.  Le  iau- 
bourg  qui  s'étend  au  pied  du  château,  se  compose  d'un  millier  de  maisons  et  de 
quelques  boutiques.  On  y  voit  une  mosquée.  (Evlia  Tclièlèbv,  II,  pages  104-105.) 

3.  Andercs,  village  situé  â  quatre  heures  de  Doiran,  sur  la  limite  du  district 
de  Tchoban  Kara  Hissar. 

4.  Tchoban  ormany,  le  bois  du  berger  ou  le  bois  de  Tchoban,  nom  du 
fondateur  de  la  dynastie  des  Tchobanlou. 

5.  Ardingichv  me  paraît  être  Artin  ogly  keuy,  le  village  du  fils  d".\rtin. 
Artin  a,  en  arménien,  la  signification  de  Pascal, 

6.  Tchardaqly. 

7.  Arzindjan  ou  Arzingan  (en  arménien  Eriza  ou  Erez),  était  célèbre  chez 
les  anciens  Arméniens  par  le  culte  que  l'on  y  rendait  à  la  déesse  Anahi'J,  dont 
les  temples  furent  renversés  par  saint  Grégoire,  premier  patriarche  d'Arniùiie. 
Cette  ville  s'élevait  à  l'ouest  de  TEuphrate,  au  sommet  d'une  colline  située  au 
nord  de  la  rivière  Kail,  non  loin  de  son  confluent  avec  l'Euplirate.  Dans  le 
premier  siècle  de  l'ère  chrétienne,  elle  avait  été  décorée  d'un  grand  nombre  de 
temples  par  le  roi  Tigrane  II,  et  elle  conserva  un  rang  fort  distingué  en  Ar- 


72  VOYAGE 

Seigneur  s'estoit  party  y  avoit  environ  quatre  ou  cinq 
jours.  Arsingan  estoit  anciennement  grande  ville, 
comme  il  appert  par  la  ruynée  du  chasteau  et  murailles 
d'icelle  et  estoit  ruinée  par  un  tremblement  de  terre  : 
et  pour  autant,  ont  depuis  basty  des  maisons  fort 
basses  et  est  maintenant  rédigée  en  un  grand  village 
assez  peuplé  et  riche.  A  deux  milles  prés  y  passe 
le  fleuve  Euphratez.  Nous  sejournasmes  en  ce  lieu 

ménie,  longtemps  même  après  rétablissement  du  christianisme.  Sous  la  domi- 
nation des  princes  musulmans  de  la  dynastie  des  Seldjoucides,  elle  devint 
encore  plus  importante  ;  et  il  paraît  que,  sous  l'empire  des  successeurs  de 
Djenghiz  Khan,  elle  fut  gouvernée  par  des  émirs  mogols  ou  tartares  qui  en 
conservèrent  la  souveraineté  jusque  sous  les  fils  de  Tamerlan.  Sous  le  règne  de 
ce  conquérant,  elle  était  gouvernée  par  un  certain  Zaharten  qui  parvint  à  con- 
server ses  Etats  en  faisant  alliance  avec  lui.  Arzendjan  a  été  plusieurs  fois 
renversée,  et  presque  détruite  par  les  tremblements  de  terre;  mais  elle  s'est 
toujours  relevée  et  elle  a  conservé  jusqu'à  présent  une  grande  importance.  Elle 
est  Fune  des  principales  villes  du  pachalik  d'Arzroum.  (Saint-Martin,  Mcuioires 
sur  r Arménie.  Paris,  1818,  tome  I,  pages  71-72.)  «  Arzindjan,  dit  Hadji  Khalfii, 
est  une  ville  séparée  d'Ezroum  par  une  distance  de  quarante  parasanges. 
Dans  une  montagne  près  de  cette  ville,  on  voit  une  grotte,  de  la  voûte  de 
laquelle  découle  une  eau  qui  se  pétrifie  en  tombant  sur  le  sol.  Les  édifices  de 
cette  ville  ont  été  plusieurs  fois  renversés  par  des  tremblements  de  terre.  Le 
sultan  Scldjoucide  Ala  Eddin  Keïqobad  a  relevé  les  murailles  de  son  enceinte. 
Le  climat  est  sa*in;  l'Euphrate  coule  en  vue  de  la  ville.  Les  environs  produisent 
en  abondance  du  blé,  du  coton,  du  raisin  et  différentes  espèces  de  fruits.  » 
(Pjihaii  nniiia,  page  424.)  Gassot  donne  sur  Arzindjan  quelques  détails  que  je 
crois  devoir  transcrire  ici  :  «  Arsingan  estoit  anciennement  bonne  ville  et 
grande,  comme  il  appert  par  la  ruine  du  chasteau  et  murailles;  mais  depuis 
cinquante  ou  soixante  ans  en  ça,  est  tout  ruiné  par  un  tremblement  de  terre  ; 
et,  pourtant,  ont  basty  plus  bas  ;  et  est  grand  village  fort  peuplé  et  riche,  à 
deux  mil  près  y  passe  le  fleuve  Eufrates.  JNous  sejournasmes  en  ce  lieu  quatre 
jours,  tant  pour  nous  refrechir  que  pour  nous  fournir  de  vivres.  Et  fusmes  en 
l'église  des  arméniens  où  monseigneur  l'ambassadeur  fit  dire  la  messe  par  son 
prestre,  dont  furent  fort  aises  ces  pauvres  arméniens  qui  jamais  n'avoient  veu 
autres  chrestiens  que  ceux  de  leur  village.  Leur  patriarche  fut  ordinairement 
avec  nous.  »  (Lcllrc  ccrilc  d'Alrp  01  Siin'c,  l'<^  iq.) 


DE  MONSIEUR  D'ARA  MON'  73 

quattrc  jours  tant  pour  nous  ratraiscliir  que  nous 
fournir  de  vivres  et  autres  coninioJitez  pour  porter 
au  camp. 

Partant  de  ce  lieu,  vinsmes  à  Bettaric'  et  à  Dibligy- 
qui  est  sur  une  montagne  fort  sterille  et  passasmes 
le  fleuve  Euphratcs  sur  un  pont,  près  un  village; 
puis  à  Chiobane"'  et  à  Portary''  et  aux  bains  naturelz 

1.  Batriq  keuy  (le  village  du  patrice  ou  du  patriarche). 

2.  Il  fout  lire  Divriguy.  «  La  ville  de  Divriguy  est  située  à  l'extrémité 
d'un  grand  vallon  formé  par  deux  hautes  montagnes  stériles.  Elle  a  un  fort 
dans  un  endroit  élevé  au  milieu  d'une  de  ces  montagnes.  Le  vallon  s'étend  à 
deux  heures  de  chemin  et  il  est  rempli  de  jardins  arrosés  par  un  ruisseau, 
lequel,  après  avoir  passé  du  côté  de  la  montagne  de  Hàsen,  tombe  dans  un 
autre  ruisseau  au  nord  d'Eguin.  Les  deux  passent  ensuite  sous  un  pont  à  peu 
de  distance  de  leur  confluent,  et  vont  se  jeter  dans  l'Euphrate  .  m  (Otter, 
tome  II,  page  306.) 

3.  Tchoban  Kuprussy,  à  six  heures  à  l'est  d'Erzroum.  Cette  localité  doit 
son  nom  à  un  pont  construit  par  Melik  Sultan,  de  la  dynastie  des  Tchobanlou. 

4.  Portary  me  paraît  être  la  localité  située  à  quelque  distance  d'Erzroum  et 
que  l'auteur  du  Voyage  fait  en  7(5/7  décrit  en  ces  termes  :  «  Hoja  Andrias,  me  vint 
trouver  pour  me  faire  voir  les  ruines  d'une  ancienne  abbaye,  laquelle  est  située 
dans  le  vallon  av.  pied  de  ladite  montagne,  mais  entièrement  ruinée,  ne  restant 
que  trois  belles  et  grandes  voultes  qui  estoient  de  l'eglisc,  à  plus  de  moitié 
cachées  par  le  dehors,  à  cause  des  torrents  ou  egouts  d'eau  qui  descendent  de 
la  montagne,  qui  charrient  le  sable  et  la  terre  contre  cet  édifice.  Il  f^iut  croire 
qu'avant  ce  cours  du  temps,  que  ce  lieu  estoit  habité  ;  nous  entrasmes  dans  ces 
voultes  qui  souloient  estre  l'église;  celle  du  milieu  estoit  la  nef,  longue  de 
cinquante  pas,  large  de  vingt,  et  les  deux  aultres  de  chasque  costé  de  mesme 
longueur  et  large  de  douze  pas,  sous  lesquelles  estoient  les  chapelles  et  au 
bout  de  la  voulte  du  milieu,  du  costé  de  devant,  est  encore  à  présent  un  dôme 
de  moyenne  grandeur  fort  bien  basti  de  belle  pierre  blanche  qui  couvroit  le 
maistre  autel  du  couvent  ou  monastère.  Et  remarquay  qu'il  n'y  avoit  aucune 
peinture,  ni  figure  comme  se  voit  en  plusieurs  églises  du  Levant,  et  mu  dit  le 
Hoja  Andrias,  que  ce  monastère  avoit  esté  fort  riche  et  y  avoit  eu  beaucoup  de 
religieux  vestus  de  blanc  qui  faisoient  de  grandes  aumosnes  et  bons  offices  aux 
pauvres  et  mesme  aux  passants.  »  (^Relation  du  vowî^c  eu  Levant.  Man.  de  la 
Bibliothèque  nationale,  n°  18076,  P  350.) 


74  VOYAGE 

à  huict  milles  de  la  ville  d'Esdron';  logeasmes  à 
la  campagne  près  ladicte  ville  d'Esdron"  environ 
trois  ou  quattre  milles  où  estoit  le  Grand  Seigneur 

1,  Le  village  des  bains  naturels  d'Erzroum  porte  le  nom  générique  d'Ilidjèh 
(sources  thermales).  «  Elija  n'est  qu'un  méchant  village  dont  les  maisons  sont 
tout  à  fait  écrasées,  moitié  enterrées,  bâties  de  boue;  mais  le  bain  qui  est 
auprès  de  ce  village  rend  ce  lieu  recommandable.  Les  Turcs  l'appellent  le  hain 
d'Arzrouvi.  Le  bâtiment  est  assez  propre,  octogone,  voûté  et  percé  en  dessus. 
Le  bassin,  qui  est  de  la  même  figure,  c'est-à-dire  à  huit  pans,  pousse  deux 
bouillons  d'eau,  presque  aussi»  gros  que  le  corps  d'un  homme.  Cette  eau  est 
douce  et  d'une  chaleur  supportable.  Dieu  sçait  comme  les  Turcs  y  courent;  ils 
viennent  d'Erzron  s'y  baigner,  et  la  moitié  de  notre  caravane  ne  laissa  pas 
échapper  une  si  belle  occasion.  »  (Tournefort,  Relation  d'un  voyage  du  Levant, 
Paris,  1717,  tome  II,  pages  217-218.) 

2.  «  La  cité  d'Erzroum  fut  ediffiée  de  Théodose,  empereur  romain.  C'est 
celuy  qui  fut  défendu  de  sainct  Amboisc  d'entrer  dans  l'église  de  Milan... 
Quoy  que  ce  soit,  moy  ayant  remarqué  la  forme,  le  plan  et  la  fabrique  des 
murailles  d'autour,  je  jugeay  bien  que  ce  ne  pouvoit  estre  autre  œuvre  que 
des  Romains,  car  toutes  ces  nations  barbares  n'eurent  jamais  l'industrie  de 
faire  chose  semblable,  et  ne  puis  mieux  accomparer  la  grandeur  du  circuit  des 
murailles  de  la  ville  d'Erzroum  qu'à  celle  de  Pluviers,  ma  patrie,  car  elle  est 
fort  petite,  et  son  plan  de  forme  presque  carrée,  où  il  n'y  a  que  quatre  portes. 
La  première  s'appelle  Casaba  Capsy,  qui  veut  dire  la  porte  du  bourg  qui  est  du 
costé  du  septentrion,  dont  l'architecture  est  très  artificieuse  et  belle  pour  estre 
de  triple  entrée  et  portails,  distants  les  uns  des  autres  de  vingt  pas,  en  forme 
de  S,  c'est-à-dire  recourbé.  Le  premier  portail  et  le  deuxième  s'avancent  hors 
de  la  ville  de  plus  de  soixante  pas  ;  à  chaque  costé  desquels  portails  y  a  de 
costé  et  d'autre,  de  belles  et  grosses  tours,  estant  la  maîtresse  porte  du  circuit 
de  la  ville  supérieure  pour  estre  les  tours  du  portail  plus  grosses  et  eslevées  que 
les  deux  autres  à  qui  elle  commande.  Le  tout  fabriqué  de  belles  et  grosses 
pierres  de  taille  dont  le  couvert  est  en  terrasse  ou  plate-forme  sur  lesquelles  se 
peut  mettre  du  canon  et  battre  le  long  de  la  muraille.  Tous  lesquels  portails 
sont  voultés  haut  et  bas  et  va-t-on  de  l'un  à  l'autre,  les  trois  autres  estant  de 
semblable  structure  ou  fort  peu  diferants.  Celle  qui  est  du  costé  de  ponent 
s'appelle  Ova  Capsy  qui  veut  dire  la  porte  de  la  plaine.  Celle  qui  est  au  levant 
s'appelle  Passin  Capsy  qui  veut  dire  porte  de  la  plaine  d'Assan  Calasy.  Celle 
qui  regarde  le  midv  s'appelle  Dagh  Capsy  qui  veut  dire  la  porte  de  la  mon- 
tagne...  Les  murailles  de  la  ville  sont  hors  d'escalade,  garnies  des  trois  parts 

la  ville  de  bonnes  et  hautes  tours   rondes,  proches  les  unes  des  autres  de 


ue 


DE  MONSinUR  ITARAMÛX  75 

et    tout    son  camp  :  et  à  main    senestre  voyons  les 
haultes  montagnes  du  pays  de  Georgiannie. 

De  là,  passasmes  par  la  dicte  ville  d'Hsdron  qui  est 
assez  grande,  située  en  une  belle  plaine  fort  tertile. 
Elle  a  beaux  fosséz  et  doubles  murailles.  Il  y  a  de- 
dans un  magnilicque  palais  qui  estoit  anciennement 
une  église  bastic  par  une  iille  d'un  empereur  de  Cons- 
tantinople;  et  sur  le  portail,  v  a  un  aigle  à  deux  testes 
qui  n'est  aucunement  effacé,  cbose  admirable  entre 
les  Turqs,  d'autant  qu'ils  ruynent  toute  peinture  relevée. 
]1  y  a  autour  d'icelle  ville  plusieurs  monumentz  à  la 
romaine  et  grecque  fort  magnificques.  Les  uns  l'apellent 
Esdron,  les  autres  Argerium  ou  Arzerum  et  y  a  un 
chasteau  qui  est  assez  beau  selon  le  pavs.  Et  sur  le 
chemin,  vismes  comme  l'ouverture  d'un  puys  où  plu- 
sieurs personnes  s'amusoient,  et  y  en  eut  de  nostre  com- 
pagnie qui  descendirent  de  cheval  pour  voir  que  c'es- 
toit,  et  ung  chascun  nous  dist  que  c'estoit  un  abisme. 
Il  en  sortoit  un  grand  vent  et  l'on  n'entendoit  point 

cinquanie  ou  soixante  pas  et  de  la  part  qui  regarde  de  midy,  de  tours  triangu- 
laires ou  faictes  ea  esperon.  Le  tout  autour  la  muraille  de  la  ville  est  fabriqué 
de  grosses  pierres  de  taille  où  se  voient  en  plusieurs  lieux  des  zarbazans  ou  pe- 
tites pièces  de  campagne, ..  Les  rues  sont  petites,  confuses,  tortues  à  la  mode 
turquesque  sinon  quelques-unes  qui  sont  marchandes  et  de  commerce  ainsy 
que  halles,  où  sont  les  boutiques  des  marchands  de  soye,  colons,  fourrures, 
toiles,  panaches,  orfèvres  et  joyailliers,  coutelliers,  arcs,  flesches,  cimetaires 
et  autres  armes  et  gentillesses  à  leur  usage,  si  pleynes  de  peuple  tous  les  jours, 
qu'il  semble  une  foire  ordinaire.  Et  sont  ces  rues  couvertes  pour  se  garantir 
delà  pluye  et  du  vent.  »  (Voyage  du  Levant,  fol.  358-559.)  M.  J.  de  St- Martin 
a  consacré  une  notice  à  la  ville  d'Erzroum,  dans  ses  Mi-moires  bislorùjiirs  et 
géographiques  sur  V^lrmâiic,  Paris,  181S,  tome  I,  pages  66-68. 


76  VOYAGE 

choir  les  pierres  fort  grosses  qu'on  y  laissoit  tomber. 

Le  Grand  Seigneur  fit  la  masse  de  son  camp  près 
ladicte  ville  d'Esdron,  y  assembla  tous  ses  gens  qui 
auparavant  estoient  venus  en  confusion,  sans  ordre  et 
ordonnance. 

Nous  arrivasmes  ce  jour  là  qui  estoit  le  25^  de 
juing  audict  camp  où  ledict  sieur  ambassadeur  avec 
toute  sa  compagnie  fut  voir  le  premier  bassa  qui 
s'apeloit  Rostan,  duquel  il  fut  bien  receu  et  luy  or- 
donna logis  en  son  cartier. 

Le  lendemain,  nous  commençâmes  à  cheminer  avec 
ledict  camp  lequel  logea  prés  de  Cassancala'  chasteau 

I.  Hassan  Q;ilùh  est  situé  sur  un  rocher  isolé,  d'une  grande  hauteur,  qui 
s'élève  dans  la  partie  septentrionale  de  la  plaine  de  Passin.  Le  château  et  la 
ville  ont  été  rebâtis,  sur  la  fin  du  xv"  siècle,  par  Ouzoun  Hassan.  «La  cir- 
conférence du  château  en  dedans  du  fossé  est,  dit  Evlia  Tchèlèby,  de  mille 
pas.  Une  porte  en  fer  s'ouvre  du  côté  de  l'ouest.  Au  nord,  au-dessus  du  châ- 
teau, se  trouve  un  autre  fort  entouré  d'une  double  muraille.  Il  a  la  forme  d'un 
carré  long  et  les  pierres  sont  d'une  blancheur  éclatante  :  les  murs  ont  dix-huit 
coudées  de  hauteur.  Le  fossé  est,  sur  trois  de  ses  faces,  d'une  très  grande  pro- 
fondeur. Les  attaques  de  l'ennemi  ne  sont  point  à  redouter.  Autour  du  rocher, 
le  sol  est  marécageux  et,  par  conséquent,  ne  se  prête  point  à  l'ouverture  de  tran- 
chées. Du  côté  du  sud,  s'ouvre  la  plaine  de  Passin  qui  s'étend  sur  une  longueur 
de  sept  journées  de  marche  ;  au-dessus  du  château  est  la  ville  qui  se  compose 
de  cinq  cent  quatre-vingt-dix  maisons  formant  neuf  quartiers.  » 

«  Hassan  Q.alèh  fut  enlevé  par  Sultan  Suleyman  aux  fils  de  Q.ara  Youssouf.  » 
(Evlia  Tchèlèby,  tome  II,  p.  ii8») 

«  Le  chemin  de  Perse  est  toujours  bien  gardé  par  ceux  de  la  forteresse  d'A- 
san  Calasy  qui  veut  dire  les  tours  d'Asan.  Asan  est  un  nom  propre,  peut-estre 
de  celuy  qui  l'a  fait  rebastir  ou  fortifier,  car  ce  château  et  la  ville  ou  bourgade 
sont  très  anciens  et  s'appcloient  Passin,  non  de  beaucoup  esloigné  de  l'Eu- 
phrate.  Le  bourg  est  situé  sur  la  pance  de  la  coline,  à  senestre,  allant  en  Perse, 
lequel  bourg  ou  ville  est  fort  bien  clos  de  très  haultes  murailles,  le  plan-terre 
garni  de  bonnes  et  grosses  tours  à  chasque  canton  et  du  long  de  la  courtine 
aussy,   mais  non  si  grandes.  Le  chasteau  est  assis  sur  un  escueil  et   du  costé 


^„.^-H^t     .arj»^    -j-i^'vmn    ^asu^/m.ftrnm^t.i'""" '"  « 


DI£  MONSIEUR  D'ARAMOX  77 

flibriquc  de  bois,  assis  sur  une  montagne.  En  ce  lieu 
là  vinrent  des  seigneurs  de  Georgianie  sur  petits 
chevaux  de  legierc  taille,  assez  bien  vestuz  selon  le 
pays,  qui  vindrent  baiser  les  mains  du  Grand  Seigneur 
et  faire  hommage  comme  subjectz  siens,  luy  offrant 
leurs  personnes  et  tout  ce  qui  estoit  en  leur  pays  pour 
son  ser^'ice.  Hz  lui  présentèrent  des  moutons,  fromages 
et  des  fruictz.  Hz  sceurent  que  l'ambassadeur  de  France 
y  estoit;  ilz  le  vindrent  visiter  et  s'offrirent  à  luy,  di- 
sants qu'ayant  entendu  qu'il  estoit  de  la  part  du  plus 
grand  roy  des  chrestiens  et  que  pour  ce  nom,  eux  qui 
sont  chrestiens  aussv,  il  leur  avoit  prins  volonté  de  le 
venir  voir.  Hz  nous  donnèrent  quelque  reste  de  fro- 
mage de  leur  pays  et  un  peu  d'orge  pour  les  chevaux. 
Et  pour  recompence,  leur  fismes  boire  d'une  bouteille 
de  Malvoisye  qu'avions  de  reste  de  nos  provisions,  qui 
est  un  breuvage  duquel  ilz  n'avoient  jamais  gousté.  Hz 
en  furent  merveilleusement  ayses  et  contens,  et  s'en  re- 
tournèrent joyeux  en  leur  pays  qui  n'estoit  gueres 
loin  de  là.  Et  à  main  senestre,  tirant  du  costé  de  la 
mer  iMajor,  nous  envoyons  aisément  les  haultes mon- 
tagnes. L'on  dit  que  c'est  un  pays  montagneux  et  froid 
aprochant  de  celuy  des  Grisons. 

qui  garde  justement  le  passage  qui  n'est  que  de  la  portée  du  canon  et  malay- 
sement  se  peult-il  passer  sans  tenter  fortune  d'en  estre  atteint,  y  ayant  six  ou 
sept  grosses  tours  rondes  et  carrées  et  quelque  plate-forme  où  est  posé  le  cmon 
qui  bat  et  défend  toute  cette  emboucliure.  »  (^l^oyage  dans  le  Levant,  man.  de 
la  Bibliothèque  nationale,  f°  370.)  De  Laboullaye  Le-Gouz  a  donné  une  vue 
grossièrement  dessinée  de  Hassan  Q.alèh  dans  ses  Voyages  et  observations , 
Paris,  1633,  page  72. 


78  VOYAGE 

Au  partir  de  ce  lieu,  passasmes  deux  fleuves  qui  s'as- 
semblent en  un,  sous  un  pont  qui  est  quasytout  ruyné. 
Le  fleuve  s'appelle  Arrexeis'  et  là  commençasmes  à 
entrer  au  pays  de  l'ennemy,  roy  de  Perse  et  par  plu- 
sieurs jours,  nostre  chemin  fut  par  montagnes  fort 
fascheuses,  et  passasmes  beaucoup  de  fleuves  à  gué  et 
entre  autre  le  Tigre'  qui  est  l'un  des  plus  beaux  et  qui 
va  plus  viste  qu'ayons  vu  en  ces  pays  là,  lequel  va  s'as- 
sembler prés  de  Babilone  avec  le  fleuve  Euphrates  où 
ledict  Tigre  pert  son  nom. 

Le  six  et  le  septiesme  juillet,  commençasmes  à  trou- 
ver un  peu  meilleur  pays  et  arrivasmes  en  une  petite 
ville  du  Sophy  nommé  Argis' quiestoit  habandonnée 

1.  L'Aras  (Araxe)  prend  sa  source  dans  !e  Gueuk  Yaïla  dans  les  montagnes 
au  nord  d'Erzroum  et  se  dirige  vers  l'est;  il  passe  au-dessous  de  Milazguird 
devant  le  village  d'Artof  et  le  château  de  Khounous.  Il  passe  sous  le  pont  d'AI- 
toun  Halqaly,  fournit  l'eau  nécessaire  aux  irrigations  à  une  centaine  de  vil- 
lages au-dessous  de  Tchoban  Kuprussy  et  se  jette  dans  la  rivière  de  Zendjy  au 
dessous  d'Érivan.  Le  Zendjy  est  un  des  affluents  du  Kourr  (Cyrus)  qui  se  dé- 
charge dans  la  mer  Caspienne.  L'Araxe  est  célèbre  par  l'impétuosité  de  son 
cours.  Poiitem  indigiialiis  Araxcs. 

2.  Le  Tigre  dit  Hadji  Kalfa,  sort  d'une  caverne  située  près  d'un  château  en 
ruines  au  nord  de  Diarbekir  :  il  se  précipite  avec  un  bruit  étrange  et  épou- 
vantable hors  de  cette  grotte  et  coule  dans  la  direction  d'Amid;  il  reçoit, 
dans  ce  trajet,  plusieurs  affluents  dans  son  sein.  Il  passe  sous  un  pont  à  Test 
de  cette  ville  et  les  rivières  de  Hiny,  de  Seyd-Hassan,  de  Terdjil,  d'Ataq.  de 
Bichry  ou  Altoun  Kupry  (le  pont  d'or),  d'Erzin  et  de  Bidlis  viennent  grossir 
ses  eaux.  Il  devient  alors  un  fleuve  considérable,  passe  par  Mossoul,  Tekrit  et 
le  vieux  Bagdad  et  se  réunit  au-dessous  à  la  rivière  de  Diala.  Le  Tigre  et  l'Eu- 
phratc  forment,  auprès  de  Qpurnah,  le  Chatt-el-Arab  qui  se  jette  dans  le  golfe 
Persique  au-dessous  de  Basrah.  Le  trajet  franchi  par  le  Tigre,  depuis  sa  source 
jusqu'à  son  embouchure,  est  de  quatre  cents  fersengs.  {Djihan  Niuiia,  p.  468.) 

3.  Argis  est  le  village  d'Ardjich,  situé  au  milieu  d'une  plaine,  à  deux  jour- 
nées au  nord-ouest  de  Van.  Le  château  qui  le  protège  a  été  bâti,  au  rapport  de 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  79 

et  n'y  avoit  personne.  Cette  ville  est  assise  en  une  belle 
plaine  environnée  demarestz  et  a  dedans  un  assez  beau 
chasteau  selon  le  pays.  Il  y  a  un  petit  fleuve  qui  passe 
auprès  dont  je  ne  sceuz  sçavoir  le  nom,  lequel  va  tomber 
dedans  le  lac  de  Vastan',  à  deux  milles  près  de  la- 
dicte  ville.  Ce  lac  est  merveilleusement  beau  et  grand 
et  dure  environ  huict  ou  dix  journées  de  tour  :  l'eau 
n'est  ne  doulce  ne  sallée,  mais  a  un  certain  goust 
comme  amer. 

Cedict  lac  ne  produit  que  d'une  sorte  de  poisson  qui 
est  petit  comme  hareng  et  a  la  chair  rouge  et  ne  se 
prend  qu'une  fois  l'an,  en  certaine  saison,  mais  aussy 

HamdouUahQazwiny,  par  le  vizir  Tadj  EJdin  Aly  Chah,  vizir  du  sultan  mo- 
gol  Oldjaïtou.  Ardjich,  dit  Hadji  Khalfa,est  situe  sur  la  rive  septentrionale  du 
lac  de  Van,  à  deux  journées  de  marche  de  cette  ville.  Ce  village  est  entouré  de 
vergers  et  de  plantations  de  noyers .  Les  environs  produisent  des  céréales  et 
du  coton.  (Djihan  Ntima,  page  412.) 

I.  «  Le  lac  de  Van  est  le  plus  grand  des  lacs  de  l'Arménie;  il  est  situé  dans 
la  partie  méridionale,  au  delà  du  Tigre.  Selon  Aboul  Féda,  il  a  plus  de  quatre 
journées  de  chemin  de  circuit  et,  selon  le  géographe  turc  Hadgy  Khalta,  envi- 
ron soixante  Heues.  Les  Arméniens  lui  donnent  cent  milles  de  longueur  et 
soixante  milles  de  largeur.  Il  est  salé,  aussi  l'appelle-t-on  quelquefois  mer  sah'c. 
Il  est  grossi  par  un  grand  nombre  de  petites  rivières  qui  descendent  des  mon- 
tagnes qui  l'environnent  de  tous  les  côtés.  Les  Turcs  le  nomment  Ick  de  Fan  ou 
iVArdjisch  du  nom  des  deux  villes  considérables  qui  se  trouvent  sur  ses  rivages. 
Il  contient  plusieurs  îles...  Ce  lac  paraît  être  le  même  que  celui  que  les  géo- 
graphes grecs  ont  connu  sous  les  divers  noms  àî^  Arsène,  Arsissa  tl  àc  Tbospilis. 
(J.  Saint-Martin,  Mémoires  hisloriqucs  et  gcographiqnes  sur  l'Arniinie.  Paris, 
1818,  tome  I,  pages  54-55.) 

Les  géographes  orientaux  lui  donnent  aussi  le  nom  de  lac  de  Vastan.  Vas- 
tan (Osdan  des  Arméniens),  est  le  nom  d'un  district  et  d'une  petite  ville  située 
sur  le  bord  méridional  du  lac.  Vastan  est  à  six  fersengs  au  sud-ouest  de  Van  : 
cette  ville  est  entourée  d'un  mur  crénelé  et  protégée  par  un  château.  Hadji 
Khalfa  fait  mention  du  poisson  particulier  à  ce  lac  et  dit  que  sa  chair  a  des 
propriétés  excitantes.  (Djihan  Xtana,  page  412,) 


8o  VOYAGE 

on  en  prend  une  grande  quantité.  Hz  en  fornissent 
tout  le  pays  et  il  s'en  transporte  jusqu'au  dict  pays  des 
Giorgianes.  11  ressemble  à  un  haran  soret.  Nous  en 
avons  mangé  quelquefois  et  est  fort  bon.  Il  tombe 
dans  cedict  lac  plusieurs  autres  fleuves  en  d'aultres 
costéz  où  finissent  leurs  cours.  Le  camp  séjourna  en 
ce  lieu  quattre  jours  et  fut  cryé  que  chascun  se  pour- 
veust  de  vivres  et  biscuits  pour  un  mois. 

Au  partir  de  ceste  ville,  le  camp  logea  prés  dudict 
lac  et  commençasmes  à  retrouver  le  plus  malheureux 
chemin  du  monde,  en  certains  pays  desertz  et  inhabitez 
où  passasmes  deux  destroictz  de  montagnes  fort  dan- 
gereux pour  la  presse  et  foulle  du  camp  où  moururent 
plusieurs  personnes  et  grand  nombre  de  chevaulx, 
muletz  et  cameaux,  que  nous  voyons  tomber  avec 
leurs  sommes  et  charges  de  dessus  les  montagnes, 
chose  fascheuse  et  déplaisante  à  voir.  Toutesfois,  nous 
eusmes  flivcur  de  passer  de  bonne  heure  par  le  moyen 
d'un  chaoux  du  Grand  Seigneur,  mais  à  grande  diffi- 
culté'. Et  Dieu  nous  ayda  là  comme  si  a  il  taict  en 
beaucoup  d'autres  passages.  Après  estre  sortys  de  ces 
mauvais  chemins,  nousarrivasmes  en  un  grand  et  beau 
village  apellé  Coil  '  qui   est  le  plus  beau  lieu  qu'eus- 

1.  Ces  deux  défiles  sont  ceux  de  Q.ara  Derbend  et  de  Segban  Ada.  Ils  sont 
mentionnés  dcns  le  journal  des  étapes  de  Sultan  Suleyman  pendant  la  cam- 
pagne de  Perse  en  153-]. 

2.  «  Khoy,  dit  Hadji  Khalia,  est  une  ville  bâtie  sur  un  terrain  uni.  Son  cli- 
mat est  plutôt  chaud  et  le  cours  d'eau  qui  Tarrose  descend  des  montagnes  de 
Selinas.  Il  y  a  sur  les  bords  de  TAraxe  un  grand  nombre  de  jardins  extrême- 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  81 

sions  encore  trouve,  duquel  lieu  tous  les  habitants 
s'en  estoyent  fuys. 

Il  y  a  un  iort  beau  parc  de  jardin,  lieu  plaisant  du 
roy  de  Perse,  où  Ton  nous  dict  qu'il  venoit  souvent  à 
l'esbat  et  à  la  chasse;  tout  à  l'entour,  n'estoit  que  jar- 
dinages et  arbres  Iruictiers  de  pommes,  poires  et  abricotz 
les  plus  excellentz  du  monde,  et  grosses  pommes  en 
habondance.  Nous  en  mangeasmes  à  nostrc  plaisir,  par 
manière  de  rafraîchissement. 

Nous  partismes  de  ce  lieu  environ  vespres,  et  che- 
minasmes  toute  la  nuict  jusques  au  landemain  midy, 
pour  raison  qu'il  ne  se  trouvoit  pas  d'eaue.  Environ 
trois  heures  devant  jour,  l'avant  garde  rencontra 
quelques  avant  coureurs  et  chevaux  legiers  des  Persiens, 
et  se  fit  une  escarmouche  pour  une  heure,  laquelle  ne 
fut  d'importance;  et  y  eut  plustot  lâcheté  de  cœur  de 
ceux  qui  alloient  devant  qu'autre  chose,  qui  se  donnè- 
rent peur  d'eux  mesmes  sans  grande  occasion.  Nous 
logeasmes  en  un  beau  lieu  où  il  y  avoit  de  l'eaue,  et 
alors, un  chascun  commença  à  se  tenir  sur  ses  gardes; 
et  esperoit  on,  pour  vray,  avoir  bientost  la  bataille.  Mais 
le  Sophy  s'estoit  retiré  bien  loin  dans  ses  pays,  bien 


ment  agréables  ;  on  y  récolte  des  poires  d'une  qualité  que  Ton  ne  trouve  nulle 
part  ailleurs.  Les  habitants  ont  le  teint  blanc,  la  figure  agréable  ;  ils  tirent 
leur  origine  du  Khita  (la  Chine  du  nord),  et  cette  particularité  a  fait  donner  à 
Khoy  le  surnom  de  Turkestan  de  la  Perse.  Soixante  villages  relèvent  de  Khoy 
qui  est  défendue  par  un  mur  en  terre  crénelé,  (Djiban  Nuwa,  page  380.)  Au 
moyen  âge,  on  y  fabriquait  des  étolTcs  estimées  qui  portaient  le  nom  de 
Khoydjièh 

6 


82  VOYAGE 

avant,  avec  son  camp  et  toutes  les  richesses  de  Thauris 
et  les  personnes  riches.  Et  ne  se  présenta  aucunement 
à  donner  journée  ainsy  que  l'on  estimoit,  ou  pour 
raison  qu'il  ne  se  fioit  trop  en  ses  gens  pour  cause  de 
son  frère  qui  estoit  avec  le  Seigneur  et  avoit  l'avant 
garde,  ou  pour  cause  de  l'hartillerie  et  arquebuserie 
dudict  Seigneur,  qu'ilz  craignent  grandement,  et  eux  en 
estoient  malforniz,  car  ilz  n'en  usent  pas,  que  l'on  dict 
estre  la  principalle  occasion  de  leur  fuitte.  Autrement, 
on  les  estime  plus  vaillans  que  les  Turqs  sans  bastons 
à  feu.  Et  disent  les  Turqs  que  un  Persien  battra  tous- 
jours  deux  et  trois  Turqs.  Et  de  là,  arrivasmes  en  un 
village  nommé  Mering  '  fort  plaisant;  et  habondant  de 
jardinages  et  de  fruictiers. 

Le  lendemain,  vinsmes  à  Sophian^  une  journée  de 
Thauris  ;  passasmes  prés  de  certaines  montagnes  où  y 


1.  Mcrcnd,  à  deux  journées  de  marche  de  Tébriz,  était  autrefois  une  ville 
fortifiée  et,  en  dehors  de  ses  murs,  on  trouvait  un  £iubourg  bien  peuplé  et  de 
nombreux  vergers.  La  grande  mosquée  s'élevait  au  milieu  du  bazar.  Selon 
Bebzory,  le  château  et  les  fortifications  de  Mérend  ont  été  construits  par  Ibn  el 
Bayyat  et  son  fils  Mohammed .  Celui-ci  s'y  retrancha  lorsqu'il  se  révolta  contre 
le  calife  Moutewekkil.  Après  sa  défliite,  le  château  et  les  murailles  furent 
rasés.  Au  xiii'=  siècle,  Mérend  ruinée  par  les  invasions  des  Kurdes  était  à  peu 
près  déserte. 

2.  Soufian  est  un  village  de  la  plaine  de  Tchaldiran,  à  vingt-quatre  milles 
de  Tébriz.  Une  sanglante  bataille  fut  livrée  près  de  Sofian  en  1585,  aux  Otto- 
mans par  les  Persans  commandés  par  Hamzèh  Mirza.  u  Le  vingt-huictiesnie 
nous  arrivasmes  à  Sophia,  huict  heures  de  chemin;  aux  environs  de  ce  village 
se  voyent  plusieurs  sepulchres  de  grands  personnages  pour  les  combats  fré- 
quents qui  se  sont  donnez  entre  les  Ottomans  et  les  Kezelbaches.  »  (La  Boul- 
laye  Le  Gouz,  Timw^vj.-  cl  observai  ions,  p.  87.) 

«  Après  sept  ou  huit  heures  de  marche,  ou  arriva  A   Sopliian.i  petite  ville 


DE  xMOXSIEUR  D'ARAMON  83 

avoit  force  sel  et  en  grande  quantité;  et  se  logea  le  camp 
a  trois  ou  quatre  milles  de  Thauris  où  vint  au  devant 
du  Grand  Seigneur  le  reste  du  pauvre  peuple  qui  estoit 
demouré  dedans  la  ville,  avec  bandieres  et  signes  d'allé- 
gresse. Et  ne  leur  fut  faict  aucun  dcsplaisir,  soit  en 
leurs  personnes  soit  en  leurs  biens,  et  n'eust  on  osé 
prendre  la  valeur  d'un  œuf  d'eux  sans  payer  '. 

Le  jour  ensuivant  de  bon  matin,  nous  passasmes 
par  dedans  ladicte  ville  qui  fut  le  28^  juillet  1548,  et 
se  logea  le  camp  près  d'icelle  vers  le  levant,  laquelle 
nous  trouvasmes  presque  deshabitée  pour  ce  que  avant 
le  département  du  Sophy,  la  ville  avoit  esté  haban- 
donnée  par  tous  ceux  quiavoient  moyen  de  s'en  aller  et 
avoient  emporté  avec  eux  leurs  meubles  et  marchan- 
dises, et  n'y  estoit  demouré  que  les  plus  pauvres  artisans 
qui  vendoient  de  leurs  danrées  à  ceux  du  camp.  De 
sorte  que  nous  n'y  trouvasmes  personne,  ny  chose 
digne    d'estre    veûe    sinon  que   certaines   mosquées 


dont  les  maisons  sont  séparées  régulièrement  les  unes  des  autres  par  de  très 
beaux  jardins,  (Voyages  d'un  inissioiinairc  de  la  Conipdgiiic  de  Jésus  (le  Père  Vil- 
lotte).  Paris,  1730,  page  i8i.) 

I .  Le  récit  de  Chesneau  est  plus  véridique  que  celui  des  historiens  persans. 
Ahmed  Erain  Razy  dans  son  livre  des  Sept  cUmals  a  consacré  dans  sa  notice 
sur  la  ville  de  Tebriz,  quelques  lignes  à  l'occupation  de  cetij  ville  par  Sultan 
Suleyman.  «  Lorsque  le  sultan  de  Roum,  se  rendit  maître  de  Tébriz,  il  fut 
frappé  du  courage  déployé  par  les  habitants  de  la  ville,  et  il  racheta  à  ses  sol- 
dats leur  droit  au  pillage.  Il  est  d'usage,  dans  les  armées  ottomanes,  d'accorder 
trois  jours  de  pillage  quand  une  ville  est  prise  de  vive  force.  Les  habitants 
cherchaient  à  attirer  leurs  ennemis  dans  des  embuscades  et  les  massacraient. 
Le  sultan  quitta  la  ville  précipitamment  pour  ne  point  être  dans  la  nécessité 
d'user  de  risueur.  » 


84  VOYAGE 

(c'est-à-dire  églises)  faictes  nouvellement  par  ledict 
Sophy  '  et  son  pallais  où  il  habitoit  qui  cstoit  une  des 
plus  belles  maisons  de  plaisance  que  j'aye  gueres  vues,  ' 
où  y  avoit  autant  de  choses  exquises  '.  Toutesfois,  il  n'y 
avoit  de  meubles  de  quelque  sorte  que  ce  fut.  Les 
vitres,  fenestrages,  et  quelques  autres  commoditez, 
tout  fut  aucunement  ruyné  par  ceux  du  camp  du 
Grand  Seigneur,  lequel  ayant  entendu  le  demolissement 
et  degast  qui  s'y  faisoit,  envoya  des  chaoux  pour 
chasser  ceux  qui  faisoient  telles  choses  et  empescher 
qu'on  ne  le  ruinast  du  tout  et  comme  possible  ilz 
eussent  faict  si  ne  s'y  fust  opposé,  estant  fort  courroucé 
de  ce  qui  estoit  faict  disant  'qu'il  n'estoit  allé  là  pour 
ruyner  la  maison  de  son  ennemy,  ny  de  ses  subjectz, 
mais  ouy  bien  sa  personne  et  lui  oster  la  vie  s'il  le 
rencontroit. 


I.  Je  ne  mentionnerai  point  ici  les  mosquées  élevées  à  Tébriz  par  les  sou- 
verains mogols,  les  princes  de  leur  dynastie  et  leurs  vizirs.  Celles  qui  avaient 
été  construites  à  l'époque  la  plus  rapprochée  du  moment  où  M.  d'Aramon 
passa  par  Tébriz  étaient  la  grande  mosquée  de  sultan  Ouzoun  Hassan  ; 
construite  en  pierres  de  taille ,  sa  coupole  était  couverte  de  lames  de 
plomb,  et  elle  avait  l'aspect  des  mosquées  impériales  de  Constantinople;  la 
mosquée  de  Djihanchàh  dont  les  murailles,  la  coupole  et  les  minarets 
étaient  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  incrustés  de  plaques  de  faïence  émaillée, 
et  les  fenêtres  garnies  de  plaques  d'onyx  transparent. 

Chah  Thahmasp  avait  aussi  fait  construire  dans  la  Meïdan  ou  grande  place 
une  belle  mosquée  à  côté  de  celle  de  Ouzoun  Hassan.  Les  soldats  turcs  lui 
firent  subir  quelques  dégradations.  A.  Poulet,  dans  le  relation  de  son  voyage 
en  Perse,  donne  une  description  des  deux  plus  belles  mosquées  de  Tébriz. 
Nouvelles  relations  du  Levant.  Paris,  1663,  pages  161-164. 

2.  Ce  palais  portait  le  nom  de  ILxht  Behicht,  les  huit  paradis:  il  avait  été 
bâti  par  Djihanchàh,  fils  du  sultan  Ouzoun  Hassan. 


I 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  85 

Ledict  Thciuris  est  une  ville  royale  du  roy  de 
Perse  au  païs  de  Medie  où  ordinairement  il  faict  sa 
résidence  '.  Les  Turcs  l'appellent  Thebris  ;  elle  est  fort 
grande  et  contient  de  douze  à  quinze  milles  de  tour, 
y  comprenant  les  jardinages,  pour  ce  qu'il  n'y  a  guère 
grande  maison  qu'il  n'y  en  aye,  et  est  toute  bastie  et 
ediffiée  de  terre,  ayant  soubz  terre  presque  autant 
d'édifices  que  dessus.  Et  les  logis  ne  sont  gueres  hault 
élevez;  y  a  une  petite  rivière  qui  vient  de  la  montagne, 
de  laquelle  on  tire  l'caue  par  aqueductz  et  conduictz 
qui  fournissent  toute  la  ville  et  l'accommodent  par  tel 
moyen  et  industrie  qu'il  n'y  a  si  pauvre  maison  ne 
jardin  qui  n'aye  d'eaue  en  habondance  ". 

r.  Tébriz,  la  plus  grande  ville  de  l'Azerbaïdjan,  a  été,  avec  Sulthanich,  la 
capitale  des  souverains  Mogols  de  la  Perse,  celle  des  princes  de  la  dynastie 
du  Mouton  blanc  et  la  résidence  des  Sèfèvys  avant  que  le  siège  du  gouver- 
nement fut  transféré  à  Q.az\vin,  puis,  plus  tard,  à  Ispahan.  Selon  les  géo- 
graphes orientaux,  Tébriz  fut  fondée  en  175  (791)  par  Zobeïdèh.  femme  du 
calife  Haroun  Errechid.  En  244  (858),  sous  le  règne  du  calife  Moutewekkil, 
elle  fut  détruite  par  un  tremblement  de  terre;  en  434  (1042),  un  nouveau 
tremblement  de  terre  la  couvrit  de  ruines. 

Ghazan  Khan  fit  entourer  cette  ville  d'un  mur  d'enceinte  qui  avait  vingt- 
cinq  mille  brasses  de  tour.  Elle  jouissait,  au  xvi'*  siècle,  d'une  grande  prospé- 
rité. «  Q.uant  aux  citez  modernes  de  la  Perse,  la  principale  où  habite  le  plus 
souvent  le  Sophy,  est  la  noble  ville  de  Thauris,  anciennement  appelée  Phasis 
ou  Terva,  et  selon  le  vulgaire  des  Persans  Tevriz  (laquelle  toutefois  est  en 
l'Arménie).  En  ville  se  faict  grand  trafficquc  de  diverses  marchandises  de 
draps  d'or,  d'argent  et  de  soye  et  toutes  fines  pierreries  :  et  y  arrivent  infinis 
marchands  de  diverses  parties  du  monde  comme  des  Indes,  de  Baldac,  de 
Molsul  ei  Cremesol  (Kermanchàh)  et  du  païs  des  Latins.  »  (De  Xicola\-.  Lis 
navigations,  pérégrinations,  etc.,  page  219). 

2,  La  rivière  qui  arrose  Tébriz  est  le  Mehràn  Roud  qui  sort  du  mont 
Sehend.  Selon  HamJouUah  Qjizwiny  les  conduits  et  canaux  qui  alimentent  d'eau 
la  ville  et  les  jardins,  s'élèvent  au  nombre  de  neuf  cents. 


86  VOYAGE 

Ledict  camp  séjourna  audict  Thauris  environ  cinq 
jours  et  fut  contrainct  s'en  retourner  sans  faire  plus 
long  séjour,  n'y  pouvant  suivre  son  ennemy  plus 
oultre,  qui  s'estoit  retiré  sur  les  montagnes  de  Caspiz 
et  aussy  par  la  faute  de  vivres  pour  les  chevaux, 
muletz  et  camcaux,  lesquelz  avoient  tant  enduré  par 
le  long  chemin,  et  audict  lieu  de  Thauris,  que  l'on 
estimoit  qu'il  en  cstoit  mort  plus  de  cent  mil  ;  et  n'y 
a  eu  mortalité  que  pour  lesdictes  bestes,  ni  gueres 
que  contre  la  fin,  ne  s'y  estant  faict  aucune  faction 
d'armes  importante. 

Or,  le  dernier  jour  de  juillet,  le  camp  se  partit  de 
Thauris  et  print  le  chemin  vers  ponant,  tirant  un  peu 
sur  le  midy  et  fit  cinq  ou  six  grandes  journées  par 
beau  pais  en  la  plaine  dudict  Thauris  où  y  a  une 
infinité  de  beaux  villages  et  gros  bourgs,  habundantz 
de  fruicts  de  toutes  sortes,  mais  y  avoit  grande  faute 
d'eaue  pour  un  semblable  camp  où  les  personnes  et 
bestail  pâtirent  beaucoup.  Le  cinquiesme  jour,  trou- 
vasmes  un  fort  beau  lac  et  grand,  l'eaue  duquel  estoit 
fort  sallée,  et  au  fond  d'iceluy  y  avoit  grande  quantité 
de  sel  fort  blanc  comme  petitz  pois,  en  façon  de 
dragées  de  coriandre,  qui  semble  chose  artificielle;  et  au 
rivage,  y  a  de  grosses  masses  de  sel  un  peu  noir'. 


I.  Le  lac  dont  Chcsncau  n'a  pu  connaître  le  nom  est  le  lac  d'Ourmiah, 
appelé  aussi  lac  de  Tébriz.  Il  s'étend  à  l'orient  du  lac  de  Van  et  a  cent  trente 
milles  de  long,  sur  la  moitié  environ  de  large.  Aboul  Féda  lui  donne  le  nom 
de  lac  de  Tela.  Ce  nom   lui  venait  de  l'île  de  Tela  située  au  milieu  de  ses 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  87 

Je  ne  sçay  le  nom  dudict  lac  ne  moderne,  ne  an- 
cien et  ne  le  sceusmes  oncques  sçavoir,  pour  ne  trouver 
personne  à  qui  le  demander.  Et  ce  qui  m'estonne  da- 
vantage c'est  qu'il  ne  s'en  trouve  rien  par  les  cartes 
d'Asie,  combien  que  Icdict  lac  est  fort  grand  et  de 
longue  estendue  ;  et  le  costoyasmes  environ  trois  ou 
quattre  jours. 

Le  quatorziesmc  jour  d'aoust,  Icdict  camp  arriva  h 
Van  qui  est  un  chasteau  du  Sophi  merveilleusement 
fort,  assis  sur  une  roche  inaccessible  qui  est  en  une 
belle  plaine  prés  du  lac  de  Vastan  environ  un  mille; 
et  y  avoit  dedans  environ  deux  mille  Persiens,  tous 
vaillans  gens  et  choisis  du  roy  de  Perse  pour  la  garde 
de  ce  chasteau. 

Le  second  jour  après  le  Grand  Seigneur  ayant 
faict  approche  et  tranchée,  l'on  commança  à  faire  la 
batterie  en  deux  endroictz;  et  dura  environ  neuf  jours, 
sans  faire  aucune  brèche  ne  prest  à  le  faire,  n'eust 
esté   l'ambassadeur  qui  alla  visiter  l'assiette   dudict 

eaux,  et  sur  laquelle  s'élevait  un  château  très  fort  bâti  par  ordre  du  souverain 
mogol  Houlagou,  pour  qu'il  pût  y  déposer  en  sûreté  ses  trésors.  Le  lac  d'Our- 
miah  est  salé  comme  celui  de  Van.  Strabon  donne  à  ce  lac  situé  sur  les  fron- 
tières de  l'Atropatène  le  nom  de  Mantiane,  mot  qui  a,  dit-il,  la  signification  de 
bleu.  Ce  lac  a,  en  effet,  porté  autrefois  le  nom  persan  de  Keboudan  (bleu)  et  les 
Persans  et  les  Turcs  lui  donnent  aussi  le  nom  de  Guektchèh  Deria  ou  Guek- 
tchèh  Tenguiz,  (mer  bleue).  Le  lac  d'Ourmiah  est  borné  à  l'est  et  au  nord-est 
par  les  monts  Bilan  et  Sehend,  au  sud  et  à  l'ouest  par  les  montagnes  de 
l'Iraq  et  celles  du  Kurdistan.  Il  reçoit  les  rivières  du  Sourkhàb,  de  Tchiftou,  de 
Téftou  et  le  Meraou  et  une  grande  quantité  de  cours  d'eau  et  de  torrents  qui 
descendent  des  montagnes  du  Kurdistan  et  de  l'Iraq  Adjemi.  (J.  Saint  Martin, 
Mémoires  sur  r Arménie,  tome  I,  pages  56-61.) 


88  VOYAGE 

chasteau  et  qui  advisa  que  si  l'on  le  battoit  d'un  autre 
costé  qui  luy  sembla  cstre  le  plus  débile,  que  l'on  en 
pourrait  avoir  raison,  ce  qu'il  fit  entendre  au  Grand 
Seigneur  et  à  ses  bassas.  Et  son  advis  tut  trouvé  fort 
bon,  de  sorte  que  le  landemain,  on  commança  a  faire 
la  batterie  du  costé  où  il  avoit  advisé,  qui  donna  à 
penser  à  ceux  du  dedans,  lesquels  peu  de  temps  après 
demandèrent  à  parlementer,  ce  qui  leur  fut  permis, 
de  manière  qu'ilz  rendirent  ladicte  place,  leurs  bagues 
sauves,  voyans  aussy  qu'ilz  n'estoient  secourus  par 
campagne  de  leur  roy  et  prince.  Il  leur  fut  tenu  foy  et 
s'en  allèrent  en  soureté'. 

Il  y  avoit  quelque  peu  d'artillerie  dedans,  dont  les 
Persiens  ne  se  pouvoient  gueres  bien  ayder,  et  vivres 
pour  deux  ans,  qui  restèrent,  qui  y  fut  bien  à  propos 
pour  la  garnison  que  y  mist  le  Grand  Seigneur  l 

Le  vingt  huict  dudict  aoust,  nous  partismes  de  Van 
et  vinsmes  camper  en  une  certaine  plaine  prés  d'un 


1 ,  Gassot  ne  parle  point  dans  sa  lettre  écrite  d'Alep  de  la  part  prise  par 
M.  d'Aramon  à  la  capitulation  du  château  de  Van.  Le  lecteur  trouvera  à 
l'appendice,  la  lettre  adressée  à  Henri  II  par  Sultan  Suleyman  à  l'occasion  de 
la  capitulation  de  cette  place  et  de  la  campagne  de  Géorgie. 

2.  Aaly  Tchèlcby  nous  apprend  que  le  sultan  fît  dresser  sa  tente  dans  la 
plaine  de  Van,  le  lo  du  mois  de  redjeb  955,  et  qu'il  donna  l'ordre  à  Rustem 
Pacha  de  commencer  immédiatement  les  travaux  de  siège.  Les  batteries  furent 
établies,  et  le  commandant  de  la  place  Aly  Khan,  n'ayant  aucun  espoir  d'être 
secouru,  fit  au  moyen  de  cordes,  descendre  du  château  quelques  hommes  pour 
implorer  l'intervention  d'Elqas  Mirza  ,  et  proposer  la  reddition  de  la  place. 

Le  siège  avait  duré  dix  jours.  Le  commandement  de  \'an  fut  conlié  à  Is- 
kender  Tchèlèby  deftcrdar  d'Anatolie,  circassien  d'origine,  et  dont  le  courage 
et  l'énergie  étaient  appréciés  par  le  sultan.  (Kiinljoul  akhbar.) 


DE  MONSIEUR  D'ARA  MON  89 

petit  lac.  Le  lendemain  à  Bandemaguy'  puis  à  Argis 
où  avions  passé  en  allant  à  Thauris.  De  là,  logeasmes 
près  de  beaux  cazals  arméniens  sur  la  rive  dudict  lac 
de  Vastan,  et  le  jour  ensuivant,  près  de  Abdigelveis' 
petite  ville  fermée  sur  la  rive  dudict  lac,  au  dessus  de 
laquelle,  sur  un  gros  rocher,  y  a  un  chasteau,  et  est  le 
reste  du  lieu  fort  beau,  tant  pour  la  grande  quantité 
de  fontaines  que  de  jardins.  En  après,  vinsmes  en  la 
plaine  de  Abdigelveis  près  d'un  petit  lac  d'eaue  douce- 
Et  puis,  passasmes  un  bras  dudict  Tigre  et  entrasmes 
en  la  Mésopotamie  et  logeasmes  à  Canauscala%  près 
d'un  petit  fleuve  Carachoppry  \  en  une  grande  plaine, 
en  laquelle  y  avoit  grande  quantité  de  bestail  occis 

1.  Il  faut  lire  Bendimahy  :  c'est  le  nom  d'un  village  s'clevant  à  l'embou- 
chure du  cours  d'eau  de  ce  nom  qui  se  jette  dans  le  lac  au  nord  de  la  ville  de 
Van.  Bendimahy  a  la  signification  de  «  réserve  de  poissons.  » 

2.  Adildjivaz  est  une  ville  située  à  deux  journées  de  marche  à  l'ouest  de 
Van  :  elle  est  bâtie  sur  le  sommet  d'une  colline  au  bord  du  lac.  Hadji  Khalfa 
fait  remarquer  que  le  nom  de  cette  petite  ville  est  quelquefois  écrit  par  erreur 
Hateldjewiz.  (Djihan  Nuiiia,  page  412.)  Le  petit  lac  dont  parle  Chesncau  est 
le  Nazik  Gueul  (le  joli  lac). 

3.  Canouscala  est  le  château  de  Khounous  Qalèh,  â  trois  étapes  au  sud-est 
d'Erzroum  ;  il  est  bâti  dans  une  gorge  bordée  des  deux  côtés  par  des  rochers 
gigantesques.  Les  murailles  ont  une  hauteur  de  dix  coudées  ;  le  château  est 
traversé  par  une  petite  rivière  qui  coule  au  milieu  de  bords  escarpés;  une 
grille  en  fer  est  placée  à  son  entrée  dans  le  château.  La  plus  grande  partie  de 
la  population  de  la  ville  se  compose  de  Kurdes  appartenant  à  la  tribu  de 
Beissany.  On  y  voit  une  mosquée  dans  laquelle  on  récite  la  khoutbèh  les  vendre- 
dis. Khounous  est  renommé  pour  ses  beaux  chevaux.  Pendant  l'été,  plus  de 
cent  mille  hommes  appartenant  aux  différentes  tribus  kurdes  viennent  camper 
dans  le  district.  (Djihan  Niiiiia,  page  42).  Evlia  Tchèlèby,  tome  II,  p.  l'.'.o.) 

4.  Le  Qara  Kupry  Sou  est  un  petit  cours  d'eau  qui  doit  son  nom  â  un 
pont  bâti  en  pierres  noires  sous  lequel  il  passe  ;  il  passe  par  le  bourg  de  Kho- 
nous  Qalèh  et  se  jette  dans  le  lac  de  Van. 


90  VOYAGE 

par  quelques  trouppes  de  Persiens  qui  avoient  couru 
jusques  là  faisant  le  gast  des  vivres'  ;  et  de  là  passasmes 
par  montagnes  et  vinsmes  à  Mouchs"  qui  est  ung 
petit  chasteau  fort  situé  sur  montagnes.  De  là,  logeasmes 
sur  la  rive  d'un  autre  petit  fleuve  nommé  Carasou 
qui  veut  dire  eaue  noire.  Et  le  jour  ensuivant, 
logeasmes  prés  un  cazal  nommé  Nossensoffilert'  au- 

1.  Lorsque  le  roi  impie  (Chah  Thasmasp)  eut  appris  b  reddition  du  château 
de  Van,  il  se  reconnut  impuissant  à  lutter  contre  les  troupes  de  Tislamisme. 
Il  fît  faire  une  incursion  dans  les  environs  du  château  d'Adildjivaz  et  dans  les 
plaines  de  Mouch  et  d'Akhlath  et  il  en  fit  massacrer  tous  les  pauvres  habi- 
tants, les  orphelins  et  les  veuves.  Les  troupeaux,  moutons,  bœufs  et  veaux 
furent  emmenés  avec  leurs  bergers  et  leurs  gardiens.  (Petchewy.  Histoire  de 
Vempire  ottoman,  Constantinople,  tome  L  page  274.) 

2.  Mouch,  dit  Hadji  Khalfa  en  citant  la  géographie  d'Aboul  Féda  s'élève  à 
l'entrée  d'une  vallée  et  au  pied  d'une  montagne.  C'est  une  petite  ville  :  la 
plaine  qui  s'étend  au  delà  porte  le  nom  de  Mouch  Ovassy  (la  plaine  de  Mouch). 
Au  rapport  de  Mir  Chéref  Eddin,  auteur  de  Thistoire  des  Kurdes,  le  canton  de 
Mouch  relevait  autrefois  de  Bidlis.  La  ville  remonte  à  une  haute  antiquité,  elle 
est  aujourd'hui  ruinée,  et  on  y  voit  les  débris  du  château  et  d'autres  monu- 
ments, A  l'époque  de  Chéref  khan,  le  château  s'élevait  sur  une  montagne  à 
une  parasange  de  la  ville.  Le  sultan  Suleyman  rebâtit  la  moitié  de  la  forte- 
resse qui  était  sur  une  colline  â  l'ouest  de  la  ville. 

Les  habitants  possèdent  de  nombreux  troupeaux  de  moutons  et  de  buffles, 
à  cause  de  l'abondance  des  pâturages.  La  plaine  de  Mouch  a  huit  paransages 
de  long  sur  trois  de  large.  Elle  est  traversée  dans  le  tiers  de  son  étendue  par 
l'Euphrate  qui  coule  du  nord  au  sud.  Elle  est  entourée  de  montagnes  boisées 
et  verdoyantes  et  arrosée  par  le  Q.ara  Sou  qui,  venant  de  l'est,  se  jette  dans 
l'Euphrate.  Les  villages  de  la  plaine  sont  exclusivement  peuplés  d'Arméniens, 
Au  rapport  de  Hamdoullah  Q.az\viny,  le  district  de  Mouch  versait  annuelle- 
ment au  trésor  des  souverains  mogols,  soi.xante  neuf  mille  dinars.  Sous  la  dy- 
nastie ottomane,  on  n'en  perçoit  que  quinze  mille.  (Djihan  Niinia,  page  413.) 

3 .  Ce  nom  est  défiguré  de  la  façon  la  plus  étrange.  Il  s'agit  peut-être  ici 
de  la  petite  ville  de  Melazgucrd  ou  Menazkert  qui  s'élève  entre  Mouch  et 
Bidlis,  non  pas  sur  la  route  qui  relie  ces  deux  villes,  mais  plus  â  l'est  et  au 
nord  du  lac  de  Van,  Melazguerd,  dit  Hadji  Khalfa,  est  un  gros  bourg  de  la 
province  d'Erzroum  et  du  district  de  Mouch.  Les  maisons  sont  construites  en 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  91 

quel  y  a  certains  arbres  que  les  gens  du  village  tien^ 
nent  en  grande  révérence,  pour  ce  qu'ilz  disent  que  un 
sainct  les  a  transmuez  de  pommiers  en  ormes,  et  l'ont 
pour  grand  miracle. 

Près  cedict  cazal,  vers  le  Levant  est  la  montagne  de 
Noë*  où  l'on  dict  que  reposa  son  arche  après  le  de- 
luge  et  derrière  ladicte  montagne,  on  dict  qu'il  y  a  un 
lac  qui  boust  incessamment,  de  sorte  que  les  pierres 
de  dedans  en  dancent;  et  ceux  dudict  village  nous 
Font  affirmé  pour  vray.  De  ce  lieu,  vinsmes  à  Bithlis  ' 


pierres  noires  :  on  ne  voit  dans  ses  environs  ni  arbres,  ni  sources.  MelazguerJ 
s'élève  non  loin  de  la  rive  du  Murad  Sou  (Euphrate).  {Djihan  Nittna,  page  413.) 

1.  Le  mont  Ararat  (Massis  des  Arméniens,  Egliry  Dagh  des  Turcs)  sélève  à 
cinq  heures  de  marche  au  nord-est  de  la  ville  de  Bavezid  dans  le  gouvernement 
d'Er^rounl. 

On  peut  consulter  au  sujet  du  mont  Ararat  la  Relation  du  voyage  du  Levant^ 
man.  de  la  bibliothèque  nationale,  i""  375  ;  PouUet,  Nouvelles  relations  du  Levaut. 
Paris,  1663,  tome  II,  129-130;  Tournefort,  Relation  du  Levant,  tome  II, 
pages  357  et  suivantes,  et  les  Voyages  d'un  missionnaire  de  la  compagnie  de 
Jésus,  Paris,  1730,  pages  80-85. 

Haython  consacre  quelques  lignes  à  cette  montagne  dans  le  neuvième  cha- 
pitre du  premier  livre  de  ses  Fleurs  des  histoires  de  la  terre  d'Orient.  «  Audict 
pays  est  une  moult  grant  montaigne  et  des  plus  haultes  qui  soient  au  monde, 
et  est  appelée  Ararah  ;  en  laquelle  se  assist  l'arche  de  Noë  après  le  déluge, 
mais  nul  n'y  peult  monter  pour  la  grant  habondance  de  la  neige  qui  demoure 
là  de  l'yver  et  y  est  tout  du  long  de  Testé,  et  au  haut  de  la  montaigne  apparaît 
une  grande  chose  noire,  qu'on  dit  estre  l'arche  de  Noé.  «  Lyon,  1585,  page  16. 

Selon  les  Orientaux,  l'arche  de  Noé  construite  en  bois  de  buis  et  enduite  de 
goudron,  se  serait  arrêtée  sur  le  mont  Doudjy,  à  l'est  de  la  province  des 
Bénir  Amr,  dans  la  Mésopotamie,  et  les  débris  de"  l'arche  auraient  subsisté 
jusqu'à  l'époque  des  Abbassides. 

2.  Bidlis  porte,  en  arménien,  le  nom  de  Pagech.  C'est,  dit  Hadji  Khalia,  à 
la  fois  un  château  très  fort  et  une  petite  ville  située  dans  une  vallée  à  une 
journée  de  marche  à  l'ouest  de  Talivan.  La  vallée  est  traversée  par  une 
rivière  sur  les  bords  de  laquelle  sont  bâties  les  maisons  et  tracées  les   rues  : 


92  VOYAGE 

qui  est  un  chasteau  fort,  assis  sur  un  rocher,  basty  par 
un  empereur  de  Constantinople,  ainsi  qu'ilz  disent.  Il 
y  a  le  village  au  dessoubz  contenant  environ  deux 
mille  maisons  :  de  là,  nous  entrasmes  en  un  destroict 
où  trouvasmes  plus  de  difficulté  de  passer  que  n'a- 
vions point  encore  faict  en  tout  nostre  voyage.  Et  le 
desordre  y  fut  si  très  grand,  que  nous  ne  vismes  nos 
cameaux  qui  portoient  tout  nostre  équipage  de  huict 
jours  après;  et  couchasmes  trois  ou  quattre  nuictz 
soubz  des  arbres  en  attendant  nos  muletz  qui  por- 
toient nos  pavillons. 

Puis  vinsmes  à  Alteguie'  et  à  Leige^  où  y  a  des 
bains  naturelz  et  y  passe  une  rivière  Arzin.  Les  jours 
ensuivans,  logeasmes  en  la  plaine  de  Carahamit  prin- 
cipalle  ville  de  Mésopotamie,  où  le  15^  de  septembre, 
arrivasmes\  Le  camp  se  logea  près   de  ladicte  ville 

on  la  francliit  sur  un  pont  qui  se  trouve  au  milieu  de  la  ville.  L'entrée  et 
la  sortie  de  la  vallée  sont  étroites  et  le  passage  est  difficile.  Le  climat  de 
Bidlis  est  agréable  ;  les  hivers  y  sont  parfois  rigoureux,  mais  les  habitants  ne 
paraissent  pas  en  souffrir.  (Djihan  Niima,  page  413).  Le  château  est  bâti  sur  le 
sommet  d'une  haute  montagne  qui  s'élève  à  l'ouest  de  la  ville.  Les  Armé- 
niens possèdent  à  Bidlis  quatre  églises  et  autant  de  couvents. 

Les  troupes  ottomanes  avaient,  en  941  (1535).  été  complètement  battues 
près  de  Bidlis  par  celles  de  Chah  Thahmasp. 

1.  Altekkièh  a  la  signification  de  couvent  rouge.  Je  n'ai  trouvé,  nulle  part, 
mention  de  cette  localité. 

2.  Ilidjèh  (Lyse)  a,  en  turc,  la  signification  de  source  thermale.  La  ville  dont 
parle  Chesneau,  se  trouve  marquée  sur  la  carte  de  M.  Kiépert,  sur  la  route 
qui  conduit  de  Darakol  à  Hini.  «  Lyse  est  à  huit  heures  de  Mouch  et  à  la 
même  distance  d'Akhlat  et  de  Malazghvrd.  »  Mac  Donald  Kinneir,  Voyages 
dans  TAsic-Minciirc,  VArmcnie  et  k  Kounlistaii.  Paris,  1818,  tome  II,  p.  141  • 

3.  Amid,  est  appelée  par  les  Turcs  Q.ara  Amid  (.\mid  la  noire),  parce  que 
ses   murailles   et  ses  édifices  sont  construits  en  pierres  noires,   et    Diarbekir 


DE  MONSIEUR  DARAMON  ^5 

environ  un  mille  ou  deux,  et  M.  l'ambassadeur  et 
toute  sa  compagnie,  pour  avoir  plus  de  commodité/ 
et  rafraîchissements,  vint  loger  dans  ladicte  ville  en 
plusieurs  maisons  d'Arméniens  qui  nous  reçurent  ton 
gratieusement.  Ladicte  ville  est  grande  et  peut  avoir 
de  circuit  quattre  ou  cinq  milles,  rentermée  de  haultcs 
murailles,  hxqc  un  assez  beau  chasteau  de  pierres  de 
taille;  et  les  maisons  de  la  ville,  de  terre,  en  plate 
forme,  et  est  presque  toute  entière  habitée  d'Arméniens 
et  Jacobites  qui  sont  chrestiens,  et  y  a  peu  de  Turqs. 
Nous  y  trouvasmes  de  fort  bon  pain  et  vin  et  autres 
viandes  et  fruicts  en  habondance,  et  des  melons  les 
meilleurs  qui  se  puissent  manger  et  qui  se  gardent 

nom  sous  lequel  elle  est  aujourd'hui  connue.  Pline  dit  que  la  partie  basse 
de  la  ville  se  nommait  Carthiocerta,  et  la  partie  haute  Tigranocerta.  Les  rem- 
parts d'Amid  furent  réparcs  par  Justinien.  Nassiri  Khosrau  qui  visita  cette 
ville  en  1046,  en  adonné  une  longue  description.  (Sefer  NanicJi ,  pages  26-29.) 
((  Amid  ou  Diarbekir  est  environnée  de  jardins  et  une  vaste  plaine  s'étend  A 
l'ouest.  La  ville  peut  avoir  deux  lieues  de  circuit;  elle  est  très  bien  bâtie.  Son 
enceinte  est  marquée  par  un  fossé  avec  une  contrescarpe,  et  forme  un  paral- 
lélogramme flanqué  de  tours  rondes  ou  carrées  au  nombre  de  soixante-douze, 
qui  ont  entre  elles  deux  pilastres  ou  contreforts  pour  assurer  la  solidité  de 
l'ouvrage,. .  Le  palais  du  gouverneur  est  enfermé  dans  la  citadelle.  Celle-ci 
fait  suite  aux  murailles  de  la  ville;  elle  est  vaste  et  élevée  sur  un  grand  préci- 
pice de  formation  volcanique.  Diarbekir  a  quatre  portes  :  la  première  appelée 
Dagh  Capoussy  (porte  de  la  montagne),  la  seconde  Roum  Capouss)'  (porte  de 
Grèce),  la  troisième  Yeny  Capou  (porte  neuve)  et  la  quatrième  Mardin  Ca- 
poussy (porte  de  Mardin)...  Les  mosquées  sont  en  grand  nombre.  Une  d'elles 
appelée  Oulou  Djami  construite  par  les  califes,  et  d'où  l'on  voit  une  belle 
place  ornée  de  colonnades,  mérite  l'attention  des  voyageurs.,.  Cinquante 
mille  turcs,  cinquante  familles  juives,  autant  de  grecques,  quatre-vingts 
chaldéennes,  quatre  mille  arméniennes  schismatiques  et  trois  cents  syriaques 
jacobites  qui  ont  leur  évêque  à  Mardin,  composent  la  population.  »  (Dupré, 
voyageai  Tcisc,  tome  I,  page  6S-72.) 


94 


VOYAGE 


trois  ou  quattre  mois  après  'qu'ilz  sont  cueilliz.  Nous 
les  festoyasmes  bien,  et  fusmes  fort  aises  de  telz  ra- 
fraichissementz,  car  il  y  avoit  environ  trois  mois  que 
n'avions  beu  vin,  parcequ'il  ne  s'en  trouvoit  point.  Le 
Grand  Seigneur  séjourna  en  ce  lieu  quinze  ou  vingt 
jours,  attendant  nouvelles  et  advis  du  Sophy,  et  en- 
tendit pour  certain  que  de  ses  gens  estoient  entrez 
bien  avant  dans  ses  pays,  et  qu'ilz  avoient  pillé 
plusieurs  cazals  et  villages  qui  n'estoient  fermez.  Et 
ledict  Grand  Seigneur  y  envoya  grand  nombre  de 
gens  qu'il  sépara  en  trois  parties  pour  les  aller  ren- 
contrer et  enfermer  s'il  estoit  possible. 

On  disoit  qu'ilz  pouvoient  estre  de  trente  à  quarante 
mil  hommes  avec  peu  de  bagage  et  chemisnoient 
chascun  jour  trente  ou  quarante  milles  pour  le  moins 
qui  est  une  grande  diligence,  laquelle  fut  cause  qu'on 
ne  les  put  rencontrer. 

Et  ledict  Grand  Seigneur  après  avoir  séjourné 
audict  Carahamit  (comme  dict  est),  pour  rafraischir 
son  camp,  s'en  partit  pour  aller  vers  Sovas  et  la  Capa- 
doce  pour  serrer  ce  passage  audict  Sophy'.  M.  l'ambas- 
sadeur y  séjourna  deux  jours  de  plus  et  délibéra  s'en 
aller  droict  audict  Sovas  par  un  chemin  plus  court 

I.  Chah  Thahmasp,  profitant  de  la  retraite  de  l'armée  ottomane,  ravagea 
à  la  tête  d'un  corps  do  troupes  la  province  d'Erzroum  et  poussa  jusqu'à  Cars. 
Ce  mouvement  offensif  détermina  Sultan  Suleym?.n  à  remonter  vers  le 
nord.  Le  second  vizir  Ahmed  Pacha  fut  chargé  du  commandement  du 
corps  d'armée  chargé  d'agir  contre  Ch.ih  Thahmasp  qui  se  hâta  de  rentrer 
en  Perse.  (Petchcwy,  tome  I,  page  27.].) 


DE  MONSIEUR  DARAMON  95 

que  prcnoit  Icdict  Grand  Seigneur,  et  en  partisnies  le 
quatorziesme  octobre,  vinsmes  loger  en  un  cazal 
d'Arméniens  nommé  Begux'  qui  est  au  pied  des  monts 
Thaurus  sur  lesquels  eheminasmes  par  quattre  jours, 
et  puis  arrivasmes  prez  d\in  petit  lac  appelé  Giolgie'. 
Il  y  au  milieu  une  petite  isle  habitée  de  Turqs,  prés 
le  fleuve  Euphrates,  lequel  pass'asmes  le  lendemain  en 
barque,  et  vinsmes  coucher  à  Malatia^  pais  de  Lidie; 
puis  en  une  petite  ville  nommée  Carpout  ',  et  sceumes 

1 .  Il  faut  très  probablement  lire  Boglioz  :  ce  nom  fort  répandu  parmi  les 
Arméniens  a  la  significatioa  de  Paul.  Boghoz  Keui,  le  village  de  Paul. 

2.  Gueuldjik  (le  petit  lac)  s'étend  au  sud  de  l'Alindjig  Dagh.  Au  milieu  de  ce 
lac,  on  voit  une  ancienne  forteresse  nommée  Dserokh  qui,  vers  la  fin  du 
xi'=  siècle,  était  possédée  par  des  princes  de  la  race  royale  des  Arsacides  et  qui, 
en  1 123,  servit  de  résidence  au  patriarche  d'Arménie,  Grégoire  III,  issu  de  la 
même  famille.  Les  ruines  de  ce  fort  existent  encore. 

«  Ce  lac  s'étend  du  nord  au  sud  et  peut  avoir  dans  sa  plus  grande  largeur, 
deux  lieues;  il  en  a  quatre  à  peu  près  de  longueur.  Au  milieu  est  une  très 
petite  île  habitée  par  une  cinquantaine  de  familles  arméniennes.  L'eau  de  ce 
lac  est  potable  sans  être  bonne  ;  on  y  pêche  des  carpes  et  d'autres  poissons 
délicats.  Il  est  ceint  de  hautes  montagnes  d'une  pierre  grasse,  dont  les  veines 
sont  inclinées  à  l'horizon.  Nous  le  côtoyâmes  pendant  deux  heures  par  des 
chemins  mauvais  et  même  dangereux.  »  (P^oyage  en  Perse,  fait  dans  les 
années  iSoy,  iSoS  et  iSop,  en  traversant  la  Nalolie  et  la  Mésopotamie  (par  Dupré). 
Paris  1819,  tome  i,  pages  57-58.) 

3.  !Malathia  (MéUtène)  est  une  ancienne  ville  située  dans  une  large 
plaine  à  l'ouest  de  l'Euphrate.  Elle  possède  un  bazar,  des  bains,  plusieurs 
caravansérails  et  quelques  grandes  mosquées  où  l'on  récite  la  khouthbèh.  Elle 
est  arrosée  par  des  cours  d'eau  qui  prennent  leur  source  dans  les  montagnes 
qui  s'élèvent  au  sud  de  la  ville.  En  été,  les  habitants  abandonnent  la  ville  pour 
aller  s'étabHr  sur  des  plateaux  couverts  de  vergers.  Le  mur  d'enceinte  de  Ma- 
lalhia  menace  ruine —  La  plaine  dans  laquelle  se  trouve  la  ville  est  entourée 
de  montagnes  et  on  y  trouve  des  noyers  et  autres  arbres  fruitiers....  Le  froid 
y  est  très  rigoureux...  Malathia  est  traversée  par  une  rivière  qui  porte  le 
nom  de  rivière  de  couvent  du  Messie.  (DjUian  Nunui,  page  600.) 

4.  Kharpout  qui  porta  les  noms  de  Khartpert  et  de  Hisn  Zyad  est  située  au 


96  VOYAGE 

qu'il  s'en  retournoit  audict  Carahamit  où  Icdict  sieur 
ambassadeur  retourna  par  un  autre  chemin  que  celuy 
que  avions  faict;  et  remontasmes  par  quatre  jours 
entiers  les  dictz  montz  Thaurus,  montagnes  haultes 
et  fascheuses  et,  entre  autres,  le  mont  Amamus  ;  au 
plus  hault  d'iceluy  passasmes  par  un  petit  destroict 
de  rochers,  faict  en  façon  de  portes  que  l'on  appelle 
les  Portes  Amaniques  et  commençasmes  à  descendre 
par  meschantz  chemins  et  passasmes  l'Euphrates  en 
barque  à  deux  journées  prés  de  Carahamit  où  fusmes 
de  retour  le  cinquiesme  novembre;  et  y  trouvasmes  le 
camp  qui  estoit  campé  et  assis  prés  une  petite  rivière 
cà  deux  milles  de  la  ville. 

Et  là  vindrent  nouvelles   audict  Grand  Seigneur 
que  le  Sophy  s'estoit  retiré  en  ses  païs.  Lors,  ledict 

sud  du  Murad  Sou  et  au  nord-ouest  de  Qjira  Amid.  Elle  est  bâtie  au  sommet 
d'une  colline  à  Textrémité  orientale  d'une  vallée  appelée  dans  l'antiquité  la 
vallée  de  Suphêne.  La  ville  est  défendue  par  un  château  fort  bâti  sur  une  mon- 
tagne. Kharpout  est  le  siège  d"un  archevêché  duquel  relèvent  quatre  évêchés  ; 
elle  fut  enlevée  en  1123,  par  les  Latins  â  Balak,  fils  de  Bchram,  de  la  dynastie 
turkomane  des  Ortoqides.  Les  Arméniens  désignent  cette  ville  sous  le  nom 
de  Kharperte  ou  Garper.  (De  Saint-Martin,  Mémoires  sur  l'Armâiic,  tome  I, 
pages  95-96,) 

«  La  ville  de  Carput  est  de  moyenne  grandeur^  située  sur  la  pente  d'une 
plaine  haute  du  costé  de  septentrion,  ayant  la  plaine  basse  du  costé  de  midy  à 
deux  milles  de  la  ville.  Elle  est  enceinte  de  bonne  et  haute  muraille,  hors 
d'escalade,  principalement  celle  du  chasteau  qui  est  assis  sur  une  butte  avec 
une  partie  de  la  ville,  qui  commande  â  ceste  plaine  d'en  haut  et  â  celle  d'en 
bas  encore  mieux.  Diray  que  tout  cela  n'est  flanqué,  ni  fortifié,  sinon  pour 
coups  de  main.  Les  maisons  sont  de  terre  cuite,  petites,  basses  et  couvertes  eu 
terrasses.  Les  ruos  estroictes,  tortues  et  confuses  à  la  turque.  Le  marché  ou 
bazard  est  assés  beau,  estant  de  longues  et  larges  vouhes  soubtenucs  sur  des 
pilliers  de  pierre.  »  {l'oyr.^c  du  Levant,  f^  394  V".) 


D\l  MONSIliUR  D'ARAMOX  97 

Grand  Seigneur  voyant  la  saison  approcher  de  riivver, 
retira  tous  ses  gens  et  délibéra  de  s'en  venir  en  Surie 
païs  hautz,  vers  Halep.  Et  pour  ce  faire,  partit  pour  la 
seconde  lois  dudict  Carahaniit  le  neufviesnie  no- 
vembre, et  cheminasmes  six  jours  par  la  plaine,  partie 
de  laquelle  est  tort  pierreuse  et  déserte,  Tautre  assez 
iortc  et  fertile.  Vinsmes  à  Orfa  autrement  dicte  Roha, 
qui  est  ville  qui  demonstre  plus  d'antiquité  que  ville 
que  j'aye  point  veue'.  Certains  Arméniens  m'ont  dict 
qu'anciennement  s'appelait  Etassia.  Cette  ville  est  iort 


I .  Ourfah  est  le  nom  donné  par  les  Turcs  à  l'ancienne  Edesse,  l'Etcsia  des 
Arméniens  et  la  Roha  des  Arabes.  Elle  était  la  capitale  de  l'ancienne  Osrhoéne. 
En  1099,  elle  fut  enlevée  aux  SelJjoucides  par  Baudouin,  frère  de  Godefroy  de 
Bouillon  et  elle  resta  aux  mains  des  Latins  jusqu'en  1144,  époque  à  laquelle 
elle  fut  prise  par  Imad  Eddin  Zenguy.   La  description  d'Ourfah,  donnée  par 

Gassot,  concorde  avec  celle  de  Hadji  Khalfa  dans  son  Djiban  Numa.  c< et 

cheminasmes  six  jours  dans  la  plaine  jusqu'à  Orfa,  autrement  Roa,  qui  est  ville 
fort  ancienne.  J'y  parlay  à  plusieurs  Arméniens  et  à  leur  patriarche  et  me  suis 
enquis  de  ladite  ville  et  m'ont  dit  que  anciennement  s'appeloit  Etcsia.  Cette 
ville  est  fort  grande,  comme  deux  fois  Caraemlt,  assise  partie  en  plaine,  partie 
sur  une  petite  montagne  où  y  a  un  chasteau.  Les  murailles  sont  de  grosses 
pierres  de  taille  fort  vieilles  et  qui  sont  en  partie  tombées.  Elle  a  esté  autrciois 
bien  bastie,  comme  il  appert  par  les  vestiges  de  plusieurs  grandes  maisons, 
murailles,  églises,  chasteau  et  autres  bâtiments,  et  comme  il  se  voit  cncores  des 
fondements  de  vieilles  murailles  d'où  l'on  tire  de  grosses  pierres,  aussi  il  se 
voit  de  grosses  coulonnes  de  pierres  dures,  entières,  qui  demonstrent  avoir 
soustenu  quelque  bastiment  ou  galleries  fort  haultcs,  eslevées  sur  vieux  basti- 
ments.  Le  chasteau  est  grand,  assis  sur  la  costede  la  montagne  et  ha  de  beaux 
fossez  profonds,  taillez  dans  la  roche  vifvc  miraculeusement.  Il  y  a  dans  la 
ville  prez  du  chasteau,  une  belle  fontaine  qui  sort  de  dessoubs  terre  et  laicte 
conmie  une  grande  piscine  où  y  a  grand  quantité  de  poissons  gras  et  les  I  urqs 
font  grand  conscience  d'en  manger.  Prez  ladicte  fontaine  y  a  un  lieu  comme 
une  chapelle,  cngravée  dans  la  roche  où  ils  disent  que  Abraham  est  né  et  les 
Turqs  gardent  ce  lieu  et  le  tiennent  en  grande  révérence.  Ils  dient  que  le  filz 
de  Nembrot  estoit  seigneur  de  ceste  ville.  >'  {Lettre  cscritc  de  Jl('j\  1"  -9-) 

7 


98  VOYAGE 

grande,  assise  partie  sur  une  petite  montagne  où  est 
le  chasteau.  Les  murailles  sont  toutes  de  pierres  de 
taille  fort  vieilles  et  qui  sont  en  partie  tombées. 

La  ville  a  esté  autrefois  bienbastie,  comme  il  appert 
par  les  vestiges  de  plusieurs  grandes  maisons,  mu- 
railles d'église,  colonnes  et  autres  bastiments,  des 
fondements  desquelz  se  tirent  de  grosses  pierres. 

Le  chasteau  est  assis  sur  la  coste  de  la  montagne, 
et  a  de  circuit  environ  deux  milles  et  tout  autour,  y 
a  de  beaux  fossez  profondz,  taillez  dans  la  roche  vive. 
Au  bas  dudict  chasteau,  dans  ladicte  ville,  il  y  a  une 
fort  belle  fontaine  qui  faict  comme  une  piscine  où  y 
a  quantité  de  poissons  que  les  Turqs  font  grand 
conscience  de  manger  ;  et  prés  ladicte  fontaine  y  a 
une  église  comme  un  oratoire,  engravée  dans  le  roch 
où  ilz  disent  qu'Habraham  est  né;  et  les  Turqs  gar- 
dent ce  lieu  et  le  tiennent  en  grande  révérence.  Et  à 
une  journée  de  là,  y  a  une  ville  ruinée  nommée 
Caran'  où  se  tenoit  le  père  d'Abraham  nommé  Tara. 
A  l'entrée  de  ladicte  ville  d'Orfli,  sur  petitz  cousteaux, 


I.  Harran  (rancicnnc  Carrx,  Charan,  Colonia  Carreiiorum)  est  le  chef-lieu 
d'un  canton  dans  le  district  d'Ourfa.  Selon  les  géographes  orientaux,  cette  ville 
lut  bâtie  par  les  Chananécns  en  Tan  3320  du  monde.  On  y  voit  des  ruines 
considérables  dont  l'aspect  frappe  d'étonnemcnt.  Dans  cette  ville,  se  trouve  une 
éminence  qui  porte  le  nom  de  colline  d'Abraham  et  sur  laquelle  les  Sabéens 
célébraient  leur  culte.  Ilarran  est  aune  Journée  de  marche  d'Edesse  et  à  deux 
journées  de  Raqqah  :  elle  se  trouve  sur  la  grande  route  qui,  d'une  part,  conduit 
en  Syrie,  et  de  l'autre  à  Mossoul  et  en  Anatolie.  (Dictioiiimiii  OiV^nipbiqiu: 
de  Yiupnt,  tome  II,  pages  231,  232.  Massoudy,  les  Prairies  d'or,  tome  IV, 
pages  61-68.  Z)y7/;j// A'/////i?,  page   597.) 


D1-.  MONSIEUR  D'ARAMOX 


99 


y  a  une  inimitc  de  grottes  et  grandes  cavernes  en- 
taillées dans  le  roc  avec  mer\ellleux  artilice,  partie 
desquclz  sont  habitez.  11  v  en  a  de  grandes  où  tien- 
droient  quatre  ou  cinq  cens  chevaux. 

On  dict  que  le  lilz  de  Nembrot  estoit  seigneur  de 
ladicte  ville  en  laquelle  sejournasmcs  un  jour.  Puis, 
cheminasmes  par  plaine,  environ-  trois  journées,  et 
vinsmes  en  une  petite  ville  qui  a  un  fort  beau  chas- 
teau,  sur  le  bord  de  TEufrates  appelé  Bir,  ancien- 
nement Birsina'.  Le  camp  demeura  à  passer  ledict 
fleuve  par  barques  qui  y  estoient  en  grand  nombre, 
environ  trois  jours.  Les  cameaux  le  passoient  à  gué. 
Nous  eusmes  commoditez  de  le  passer  dés  le  premier 
jour,  par  le  moyen  et  laveur  d'un  capitaine  du  Grand 
Seigneur  qui  commandoit  sur  les  barques.  Il  nous  en 
fit  amener  une,  sur  laquelle  tout  le  train  dudict  am- 
bassadeur passa  sans  destourbier  ni  empeschement 
d'aucun  turq.  Et  là,  commençasmes  à  entrer  en  Surie 
où  nous  sembloit  bien  avis  qu'estions  en  bon  pays 
pour  ce  que  trouvions  plus  de  villages  et  gros  bourgs 


I.  Bir  est  la  ville  qui  porte  en  arabe  le  nom  de  Birèh,  et  en  turc,  celui  de 
Birédjik.  Elle  s'élève  dans  le  \\'ady  Ezzeitoum  (la  vallée  des  Oliviers),  sur  la  rive 
orientale  de  l'Euphrate.  Selon  les  historiens  arméniens,  Birèh  dont  les  lorti- 
fications  étaient  très  puissantes,  aurait  été  fondée  par  un  de  leurs  anciens 
rois.  En  1 109,  elle  était  au  pouvoir  de  deux  princes  arméniens  Abelkarib  et 
Ligos  qui  l'avaient  enlevée  aux  Scldjoucides  :  ils  furent  chassés  en  1117,  après 
avoir  soutenu,  pendant  un  an,  un  siège  contre  Baudouin,  comte  de  Scroudj  ; 
vingt  ans  après,  elle  retomba  au  pouvoir  des  Seldjoucides.  Elle  fut  r.nnexée  à 
l'empire  ottoman  et  au  gouvernement  d'Alep  par  Sultan  Séiim  en  1516.  (  Djil.hin 
-Viima,  page  598.)  Saint-Martin.  Mànoires  sur  l'Anncnic,  tome  I,  page  159. 


100  VOYAGE 

que  n'avions  accoustumé  qui  estoicnt  abondantz  de 
toutes  sortes  de  fruicts. 

Et  finallement,  arrivasmes  le  23^  novembre  à  la  ville 
d'Halep  qui  est  fort  grande,  assise  en  une  belle  plaine, 
anciennement  appellée  Beroas  laquelle  est  fort  mar- 
chande, car  est  l'apport  de  toutes  drogues,  soyes, 
espiceries  et  autres  choses  qui  viennent  des  Indes  par 
la  mer  de  Perse  et  de  Baisera,  et  autres  marchandises 
de  draps  et  soye  qui  viennent  de  Venize  et  autres 
lieux  d'ItaHe.  ■ 

Il  y  a  de  grandes  fontaines  et  carvansseras  où  se 
logent  toutes  sortes  de  nations  de  marchands  qui  y 
abordent.  Il  y  en  avoit  beaucoup  du  pays  des  Véni- 
tiens qui  y  tiennent  un  baille  ou  consul'.  Le  Grand 
Seigneur  se  logea  dans  son  chasteau  ■  qui  est  dans  la- 


1.  Le  consul  de  Venise  était,  en  1548,  Francesco  Loranzo. 

2.  Ibn  Chohna,  dans  son  Histoire  iVAlcp,  rapporte  que  Seleucus  fit  cons- 
truire le  château  de  cette  ville  sur  une  hauteur  qui  la  domine  ;  il  est  entouré 
de  solides  murailles  et  au  milieu  de  l'enceinte  on  a  creusé  un  puits  auquel  on 
accède  après  avoir  descendu  cent  vingt-cinq  marches.  Ce  puits  porte  aujour- 
d  hui  le  nom  de  Sathourah.  L'emplacement  du  château  était  autrefois  occupé 
par  un  couvent  chrétien  dont  les  fondations  reposaient,  dit-on,  sur  huit  mille 
colonnes.  Cosroès  éleva  sur  cette  éminence  quelques  constructions,  lorsqu'il  se 
fut  rendu  maître  d'Alep.  Quand  Abou  Obeïdah  conquit  cette  ville  sous  le 
califat  d'Omar  ibn  el  Khattab,  il  fit  raser  l'enceinte  du  château  et  les  murailles 
de  la  ville  qui,  avant  la  conquête,  avaient  été  fort  endommagées  par  un  tremble- 
ment de  terre.  Nicéphore  se  rendit  maître  d'Alep  en  3  3 1  (962)  ;  il  fortifia 
puissamment  le  château  qui  n'avait  alors  que  de  faibles  défenses.  Depuis  cette 
époque,  les  divers  souverains  mirent  tous  leurs  soins  à  l'agrandir  et  à  le  rendre 
plus  fort.  Seïf  Eddaulèh  et  son  fils  Sayd  Eddaulèh  ainsi  que  les  Béni  Merdas 
déployèrent,  à  cet  cfiet,  le  plus  grand  zèle  et  leur  exemple  fut  suivi  par  Aq- 
Lonqor  Zcnguy  et  ses  descendants  Imad  Eddin,  Nour  Eddin  et  Melik  Essalih. 
Sorsquc  la  principauté  d'Alep  devint  le  partage  de  Melik  Eddahir  Ghiath  Eddin 


DE  MOXSIF.l'R  n'ARAMOX  loi 

dicte  ville,  autour  duquel  y  a  de  grands  fossez  plains 
d'eaue;  et  partie  de  son  camp  logea  dans  icelle  ville; 
le  reste  à  Damas,  à  Tripoly,  à  Antioche,  Aman  et 
autres  lieux  circonvoisins,  où  il  v  hyverna.  L'am- 
bassadeur y  passa  semblablement  tout  l'hvver,  voire 
davantage,  et  y  sejournasmes  plus  de  sept  mois  entiers, 
pendant  lequel  temps,  nous  eusmes  tout  le  lovsir  de 
nous  y  rafraîchir  et  y  prendre  autant  de  commodité/ 
qu'eussions  peu  faire  en  Constantinople,  de  vin, 
viandes,  fruictz,  laictages  et  autres  choses  nécessaires 
pour  la  vie  de  l'homme.  \^ray  est  que  quand  nous  en 
partismes,  ne  se  pouvoit  plus  trouver  de  vin,  nv  aux 
villages  autour.  Il  s'y  trouvoit  des  raisins  qui  se  con- 
servoient  dans  de  grandz  vaisseaux  de  terre  que  nous 
faisions  pressurer  dans  un  petit  pressoir  de  bois  qui 
rendoit  et  distiloit  le  vin,  tout  le  meilleur  et  autant 
excellent  qu'il  est  possible  de  boire.  Et  les  movs  de 


Ghazy,  ce  prince  se  plut  à  agrandir  les  fortifications  et  à  augmenter  le  nombre 
des  bâtiments;  il  fit  creuser  une  citerne  et  des  magasins  pour  conserver  le  blé. 
Il  fit,  en  outre,  couvrir  l'esplanade  de  dalles,  et  flanquer  de  deux  tours  la  porte 
d'entrée.  Il  fit  percer  dans  l'enceinte  trois  portes  qu'il  munit  de  plaques  de  fer. 
Lorsque  les  Tatars  se  rendirent  maîtres  d'Alep,  ils  rasèrent  le  château  et  les 
murs  d'enceinte  :  ils  firent  main  basse  sur  les  provisions,  les  armes  et  les  ma- 
chines de  guerre  et  ruinèrent  tous  les  bâtiments  de  façon  à  les  rendre  inha- 
bitables. Le  château  demeura  en  cet  état  jusqu'au  règne  de  Melik  Elechref  Kha- 
lil,  fils  de  Qelaoun,  qui  le  fit  reconstruire.  Lors  de  la  prise  de  la  ville  par 
Tamerlan,  celui-ci  incendia  le  château  et  rasa  les  murs  de  la  ville.  Les  ruines 
ne  furent  relevées  que  sous  le  règne  de  Melik  Ennassir  Faradj.  fils  de  Barqouq. 
L'émir  Seïf  Eddin  Djekem,  gouverneur  de  la  ville,  contraignit  la  population  à 
déblayer  les  fossés.  Il  donna  lui-même  l'exemple  et  força  les  habitants  notables 
à  travailler.  On  vit  les  émirs  eux-mêmes  porter  des  pierres  sur  leurs  épaules. 
(Jarilih  Halch,  Beyrout,  pages  134-135.) 


102  VOYAGE 

may  et  juing,  couchions  sur  les  terrasses.  Les  maisons 
y  sont  presque  toutes  basties  ainsy.  Lon  dict  que 
communément,  il  n'y  pleut  gueres;  toutesfois,  l'iiyver 
que  nous  y  estions,  il  y  pleut  presque  tous  les  jours 
dont  les  habitants  s'estonnoient  merveilleusement,  et 
disoient  qu'il  n  y  avoit  point  en  mémoire,  d'homme 
qui  y  eust  veu  tant  pleuvoir  pour  un  hyver.  Il  n'y 
gelle  point  ;  l'air  y  est  fort  doux  et  gracieux,  mesme- 
ment  au  printemps  et  commencement  de  l'esté;  y  a 
force  bons  fruictz  de  toutes  sortes,  quantité  de  gre- 
nades et  oranges,  riz,  miel  et  autres  légumes  et  cotton 
que  l'on  semé  tous  les  ans  en  la  façon  presque  comme 
Ton  faict  le  riz. 

Je  ne  veux  oublier  à  faire  mention  de  l'elephant 
de  l'ambassadeur,  qui  y  mourut,  duquel  j'ay  parlé  cy 
devant,  et  par  quel  moyen  il  l'avoit  recouvré.  Est  à 
sçavoir  que  le  camp  du  Grand  Turc  s'aprochant  du 
pays  du  roy  de  Perse,  dont  l'avant  garde  estoit  con- 
duicte  par  Elcas,  frère  dudict  roy.  Sa  Majesté  de  Perse 
envoya  vers  Elcas  quelques  messagers  pour  lui  re- 
monstrer  la  faute  qu'il  faisoit,  toutesfoys  en  manière 
de  moquerie,  car  il  luy  manda  dire  qu'il  estoit  un 
gros  sot  et  beste,  et  qu'il  ne  le  pouvoit  mieux  accom- 
parer  qu'à  une  grosse  beste  semblable  à  celle  qu'il  luy 
envovoit,  qui  estoit  ledict  éléphant.  Ledict  Elcas  le 
donna  à  un  capitaine  parent  du  Grand  Turq,  qui  es- 
toit avec  luy  à  l 'avant-garde;  ce  capitaine  estoit  amy 
de  l'ambassadeur,  duquel  ledict  ambassadeur  (par  le 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  103 

moyen  de  quelques  presens  qu'il  luy  lit),  retira  ledict 
éléphant  avec  l'intention  de  l'envover  au  rov  Henry 
et  avoit  cscript  à  Sa  Majesté  qu'il  luv  envoirroit,  ce 
qu'il  eust  iiiict,  s'il  ne  fust  mort.  Et  la  cause  de  la  mort 
d'iceluy  estoit  de  regret  et  mélancolie  qu'il  avoit  de  ne 
voir  plus  celuy  qui  le  souloit  gouverner  qui  estoit  mort 
quelques  huict  jours  auparavant,  parceque  cet  animal 
l'aimoit,  et  entendoit  son  parler.  Les  gens  du  pays 
nous  dirent  et  nous  asseurerent  qu'il  n'y  avoit  autre 
chose  qui  le  fit  mourir  que  celle  là.  Nous  le  fismes 
escorcher  ;  il  n'y  avoit  rien  si  gros  qu'il  estoit  ;  et  tous 
ses  os  sont  yvoire  ;  aussy  bien  ses  grandes  dents  que 
l'on  void  par  deçà  et  ailleurs  '. 

Or,  pendant  nostre  séjour  audict  Halep,  vint  un 
Turq  au  logis  dudict  ambassadeur  qui  fit  aucunes 
dextresses  plus  merveilleuses  que  celles  que  j'aye  ja- 
mais vues  faire,  tant  à  Venize  que  cà  Constantinople, 
qu'il  me  semble  aussy  ne  debvoir  obmettre. 

Premièrement,  cedict  Turq  prind  un  arc  en  main 
et  commança  à  baller  avec  une  grande  dextresse  ;  bal- 
loit  avec  deux  hommes  sur  ses  espaulles,  lesquelz 
estoient  aussy  grandz  et  pcsans  que  luv;  et  les  tenoit 
en  s'agenouillant  en  terre,  et  puis  se  relevoit  sans 
s'ayder  des  mains.  Puis,  l'un  d'iceux  se  coucha  enterre 

I.  Cet  élcphant  fut  disséqué  par  Pierre  Gilles.  Il  fît  de  ses  observations  le 
sujet  d'une  lettre  ou  mémoire  adressé  au  cardinal  Georges  d'Armagnac,  et 
imprimé  à  la  suite  de  l'histoire  des  animaux  d'^Elicn,  publiée  à  Lj'on  en  1565. 
Eléphant idi'scriptiJ  missa  ad  R.  cardiiialcm  Armaiç;nacumex  urhc  Bcrrhca  Syriuca. 
Ce  mémoire  a  été  publié  séparément  à  Hambourg  en  16 14. 


:u.[  VOYAGE 

et  print  son  compagnon  qui  se  tenoit  droict  par  une 
jambe,  avec  les  deux  mains,  mettant  l'autre  jambe  entre 
ses  cuisses  et  se  tenoit  ferme.  Puis,  le  balladin  vint 
passer  la  teste  entre  les  jambes  de  celuy  qui  estoit 
droict,  et  les  leva  tous  deux,  estant  celuy  qui  estoit 
couché  en  terre,  attaché  comme  dict  est;  et  les  tenant 
ainsy,  se  voltoitsi  trésfort  qu'il  estonna  les  deux  autres. 
Puis,  iceluy  balladin  se  coucha  en  terre  et  leva  les  jam- 
bes en  hault,  sur  lesquelles  il  soustint  un  long  temps 
les  deux  hommes.  Pareillement  le  fit-il  sur  une  jambe  ;  et 
cela  faict  print  un  grand  pot  de  terre  plaind'eaue,  et  le 
mist  sur  la  teste,  se  sied  à  terre  où  commança  à  faire 
plus  que  devant,  se  baisa  les  pieds  l'un  après  l'autre,  et 
tous  deux  ensemble  :  et  se  voltoit  sur  le  ventre  et  fai- 
soit  le  tour  entier.  Puis,  print  cinq  grands  cousteaux  et 
les  mist,  c'est  asçavoir  aux  deux  jarretz,  à  chacun  costé 
un,  et  l'autre  derrière  l'eschine  attaché  à  sa  cinture,  et 
se  voltoit  en  la  sorte  que  dict  est,  sans  toucher  aucune- 
ment des  mains  à  iceluy  pot  qui  se  tenoit  tousjours 
ferme  sur  sa  teste.  Et  davantage,  le  print  avec  les  gros 
doigtz  des  deux  piedz,  le  mist  en  terre,  et  le  reprenant 
en  la  mesme  façon  le  remcttoit  sur  la  teste  et  com- 
mança à  se  relever  droict  pour  ballcr. 

Ultiesmement,  print  cinq  pctitz  bois  taictz  en  forme 
de  colonnes  et  les  ht  mettre  les  uns  sur  les  autres  sur 
sa  teste  avec  icelluy  pot  pardessus,  balloit  et  baisoit  ses 
piedz  comme  par  avant.  Puis  ces  choses  faictes,  il 
monta  par  une  colonne  de  bois  mise  exprés  pour  tenir 


DE  MONSIEUR  DWRAMON  lO) 

un  tmversicr  auquel  cstoit  attachée  une  corde  pendante 
en  bas,faicte  en  façon  d'eschelle  où  y  avoit  comme  trois 
degrez  qui  estoient  de  bois;  et  iceluv  se  tenoit  au  plus 
bas  desdictz  degrez;  puis  tout  à  un  coup,  estoit  au 
plus  hault,  se  tenoit  iwcc  un  bras,  tantost  iwcc  un 
jarret,  tantost  iwcc  le  bout  des  talons,  pendant  la  teste 
en  bas,  sans  s'aider  des  mains;  et  y  fit  plusieurs  autres 
tours  et  jeux  incroyables,  avec  une  dextresse  et  seureté 
si  très  grandes  que,  s'il  eust  esté  en  plaine  terre,  ne 
l'eust  peu  faire  plustost  qu'il  faisoit,  estant  ainsy  en  l'air. 

Finalement,  attacha  audict  traversier  une  pollye  à 
laquelle  y  avoit  une  corde  pendante  jusques  en  terre 
où  se  fist  lier  par  les  cheveux  ;  et  estant  ainsy  attaché, 
luy  mesme  se  monta  jusques  au  plus  hault  où  il  tenoit 
la  corde  qu'il  tiroit  des  doigtz  des  piedz;  puis  se  laissa 
venir  en  terre  doucement;  et  là,  se  mit  fin  auxdictes 
dexteritez. 

Or,  puis  après,  estant  venue  la  saison  de  l'esté  et  y 
estant  desjà  bien  avant,  ledict  Grand  Seigneur  fit  asça- 
voir  à  tous  ses  capitaines  et  autres  gens  de  guerre  de 
se  retrouver  pretz  et  en  ordre  pour  aller,  encore  de 
nouveau,  courir  sus  le  roy  de  Perse  son  ennemy,  à 
quoy  il  n'y  eust  fitulte  aucune;  et  rassembla  tout  son 
camp  avant  son  partement  d'Halep  qui  fiit  le  8'  jour 
de  juing  en  1549.  Qiioy  voyant,  ledict  sieur  ambassa- 
deur, et  que  sa  présence  audict  camp  ne  pouvoitgucres 
porter  d'utilité  à  l'expédition  de  sa  charge,  il  se  délibéra 
d'aller  en  Damas,  Hierusalem,  au  grand  Caire  et  AI- 


io6  ■  VOYAGE 

lexandric;  et  pour  ce  faire,  partit  dudict  Halcp  le  dernier 
jour  dudict  moys  de  juing;  et  avant  que  m'acheminer 
plus  oultrc,  est  à  noter  que  l'air  de  ces  pays,  Mésopo- 
tamie, Surie,  Judée  et  Egypte  est  si  doux  et  si  agréable 
que  les  personnes  dorment  et  couchent  tout  l'esté  à 
l'air  sur  les  maisons  qui  sont  faictes  la  plupart  en  ter- 
rasses ;  aussy  qu'il  n'y  pleut  gueres  et  que  le  pays  est 
hault,  qui  est  cause  que  en  lesdictes  maisons,  si 
grandes  qu'elles  soient,  n'y  a  cheminée  qu'en  la 
cuisine.  Toutesfois,  les  Turqs  estant  en  la  campagne, 
dorment  presque  tous  à  couvert  soubz  des  pavillons, 
et  me  semble  ne  debvoir  obmettre  des  commoditez 
qu'ils  y  ont,  mesmement  au  camp  et  des  particularitez 
qu'avons  vues  en  iceluy. 

En  premier  Heu,  les  pavillons  y  estoient  en  grand 
nombre  infiny,  et  estoit  chose  admirable  d'en  voir  tant 
ensemble  ;  et  croy  certainement  qu'ilz  passèrent  le 
nombre  de  quatre-vingtz  à  cent  mil;  et  à  ce  que  pou- 
vions comprendre,  ledict  camp  pouvoit  contenir  en- 
viron huict  ou  dix  milles  de  long.  Car  un  chascun 
soldat  ou  espahy  a  un  pavillon  pour  le  moins,  et  y  a 
des  chaoux  qui  en  ont  deux;  et  n'osent  loger  aux  vil- 
lages ne  maisons,  qui  est  cause  qu'ilz  s'accommodent 
fort  bien  en  campagne  et  n'y  a  si  pauvre  esclave  ou 
serviteur  qui  ne  dorme  à  couvert. 

Les  pavillons  du  Grand  Seigneur  sont  ordinairement 
au  milieu  de  son  camp.  11  y  en  a  deux  ou  trois  faicts 
de  certains  bastons  peintz  de  rouge,  entrclassez  en- 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  107 

semble  et  croisez  qui  se  dressent  en  peu  de  temps; 
puis,  Ton  jette  des  toilles  doubles  par  dessus,  et  dedans 
sont  tendus  tant  dessus  que  dessoubz  de  tapis  de 
soye  et  draps  d'or;  et  autour  d'iceux,  sont  d'autres  pavil- 
lons où  demeurent  ceux  de  sa  maison  ;  puis  sont 
environnez  de  certaines  toilles  doubles,  faictes  en  façon 
de  murailles  avec  les  carncaux,  et  semble  un  chastcau 
ou  petite  ville.  En  après,  tout  à  l'entour  des  pavillons 
dudict  Seigneur  sont  tendus  ceux  des  jannissaires,  qui 
les  environnent  trois  ou  quatre  fois  et  sont  fort  grands, 
en  sorte  que  soubz  chascunde  leurs  pavillons,  y  logent 
environ  vingt  jannissaires  avec  leurs  bagages  et  leurs 
armes.  Et  y  a  après  les  pavillons  des  quatre  bassas; 
chascun  a  son  cartier;  puis  le  beglierbey  de  la  Grèce 
à  main  gauche  ',  puis  tous  les  capitaines  et  grands  sei- 
gneurs, chascun  en  leur  ordre.  Estant  campez  tous 
lesdictz  seigneurs,  les  autres  n'avoient  cartier  assigné^ 
et  se  logeoient  où  ilz  pouvoient;  et  les  premiers  venus 
choisissent  bien.  Il  y  a  après,  l'ordy,  c'est-à-dire  le 
marché  où  se  vendent  toutes  choses,  tant  du  vivre  que 
habillements, -chevaux,  muletz,  cameaux;  et  gencrallc- 
ment,  qui  vouloit  vendre  ou  achepter,  alloit  là. 

Puis,  du  costè  où  l'on  doubte  l'ennemy  estoit  l'ar- 
tillerie en  nombre  de  deux  cents  ou  trois  cents  pièces 


I .  Lorsque  l'armée  ottomane  était  en  campagne  en  Europe,  les  troupes  du 
beylerbey  de  Grèce  ou  de  Roumélie  se  trouvaient  à  la  droite  de  l'armée,  et 
celles  du  beylerbey  de  l'Anatolie  à  la  gauche. 

Cet  ordre  était  interverti  lorsque  le  théâtre  de  la  guerre  était  en  Asie. 


io8  VOYAGE 

de  campagne  et  environ  trente  de  batterie  ;  et  tel 
estoit  l'ordre  dudict  camp  auquel  l'on  estimoit  qu'il  y 
avoit  de  trois  cà  quatre  cens  mille  hommes  combattans, 
tous  à  cheval,  sauf  dix  ou  douze  mille  janissaires 
arquebuziers  et  deux  cens  saulachi  et  quelques  lac- 
quetz  qui  vont  tousjours  à  pied  devant  ledict  Grand 
Seigneur.  Et  tout  le  reste  portoit  lances  gaves,  arcz, 
flesches  et  simetterres  sans  avoir  aucun  morion  ne 
corselet;  et  y  avoit  bien  peu  qui  eussent  la  chemise  de 
mailles;  et  marchoient  avec  un  tel  ordre  et  silence 
que,  considérant  la  multitude,  est  quasy  incroyable. 
Y  ayant  notté  entre  autres  choses  que,  estant  arrivé  le 
camp,  un  chascun  estoit  tenu  de  laisser  ses  armes  en 
son  pavillon  et  n'aller  par  ledict  camp  avec  icelles. 
Et,  en  tout  le  voyage,  n'avons  veu  par  miracle  en  si 
grand  nombre  de  gens  que  l'on  estimoit,  comprenant 
tout  environ  un  million  de  personnes,  tirer  une  espée 
ou  simeterre  l'un  contre  l'autre.  Et  s'il  survenoit 
quelque  question  entre  eux,  c'estoit  par  injures  ou  par 
coups  de  poing  ou  de  baston  où  n'eschet  aucune 
punition;  mais  s'ilz  font  sang  et  blessures,  ilz  les  con- 
damment  à  mort  sans  remission. 

L'on  nous  dit  que  les  Turqs  et  Persiens  ne  se  pren- 
nent jamais  prisonniers  ou  schiaves  ne  à  rançon,  pour 
ce  qu'ilz  sont  d'une  mesme  loy;  mais  couppent  la 
teste  à  ceux  qu'ilz  prennent  et  la  présentent  à  leurs 
capitaines  et  chefs  qui  leur  font  accroistre  leur  solde. 
Je  ne  veux   laisser  en  arrière  la  grande   obéissance 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  109 

qu'ilz  portent  audict  Grand  Seigneur  de  ne  dcsrober 
par  les  villages  et  ne  prendre  chose  qui  soit,  sans  paver; 
et  eux  mesmes  l'ont  par  grande  conscience.  Aussv  par 
les  champs,  sur  leurs  terres  et  mesme  sur  celles  de  leur 
ennemy,  ilz  ont  grande  conscience  de  ne  faire  man- 
ger les  bledz  vertz,  ne  seulement  entrer  aussy  dedans. 
Si  aucun  s'y  trouvoit,  la  punition  est  qu'ilz  le  font 
mettre  en  terre,  et  luy  donnent  trente  ou  quarante 
coupz  de  baston  sur  les  fesses  ou  sur  les  pieds,  qui  est 
la  punition  et  châtiment  qu'ilz  usent  en  choses  légères 
qui  ne  méritent  la  mort;  mais,  selon  le  delict  qu'on  a 
fliict,  ilz  les  multiplient  de  sorte  que  estans  bastonnez 
ne  se  peuvent  aider  ne  cheminer  de  deux  ou  trois 
mois'.  Et  quelquefois  que  nous  avons  perdu  des  che- 
vaux, après  l'avoir  faict  crier  et  publier  par  le  marché 
dudict  camp,  ilz  nous  estoient  renduz  en  payant 
quelque  peu  d'argent  à  ceux  qui  les  trouvoient.  Et  nous 
les  trouvoient  et  nous  les  amenoient  au  lieu  où  nous 
estions  logez.  Chose  digne  de  mémoire  que  Turqs 
usent  de  telle  fidélité  aux  chrestiens;  ce  que  chrestiens 
entre  eux  mesmes  ne  font  pas. 

Or,  pour  retourner  à  mon  propos,  partant  dudict 
Halep,  cheminasmes  par  une  belle  plaine  où  y  a  grande 
quantité  de  villages  et  logeasmes  à  un  lieu  appelle  Bar- 

I.  Le  journal  deb  marclies  de  Tarmce  ottomane  commandée  par  Sultan 
Sulcyman  fournit  de  nombreux  exemples  de  moute  feiriqas,  tchaouchs  et  jan- 
nissaires  punis  et  mis  à  mort,  pour  avoir  fait  paitrc  leurs  chevaux  dans  des 
champs  cultivés,  (de  Ilammer.  Ilisloirc  de  l'empire  olloinan,  lomc  V,  pages  407- 
413,  434-44^,  495-5 1->  ^i  toni»^  ^I»  P-ig^'S  461-463.) 


no  VOYAGE 

gun'.  Le  second  jour  du  mois  de  juillet,  nous  destour- 
nasmes  environ  d'un  cart  de  licuc  de  chemin  pour 
aller  voir  le  sepulchre  de  Daniel  qui  est  comme  dans 
une  petite  chapelle  à  l'usage  des  Turqs,  lesquels 
tiennent  ledict  sepulchre  en  grande  révérence'.  Nous 
passasmes  par  deux  villes  nommées  Aman'  et  Emps\ 

1.  Il  faut  lire  Bourdjeïn  ou  Bourjeïn,  les  deux  tours  :  ce  nom  me  parait 
désigner  soit  le  khan  Essebil,  soit  le  khan  de  l'émir  Cheïkhoun  sur  la  route 
d'Alep  à  Damas. 

2 .  Abou  Bekr  Aly  Herewy  qui  a  composé  à  Alep  un  «  GiiiJe  aux  loinhcaiix 
des  prophètes  et  des  saints  »  ne  fait  aucune  mention  d'un  tombeau  de  Daniel, 
près  de  la  route  d'Alep  à  Hamah.  Selon  les  auteurs  orientaux  le  prophète 
Daniel  serait  mort  dans  la  ville  de  Chouster  et  y  aurait  été  enterré.  Il  existe 
près  de  Ludd,  en  Palestine,  un  petit  village  qui  porte  le  nom  de  Neby  Danial 
et  où  l'on  prétend  que  se  trouve  le  sépulcre  de  Daniel. 

3.  Aman  est  la  ville  de  Hamah,  l'ancienne  Epiphania.  Elle  est  située  sur  les 
deux  rives  de  l'Oronte  :  une  partie  est  bâtie  sur  le  versant  d'une  colHne  et 
l'autre  dans  la  plaine.  Au  centre  de  la  ville  se  trouve  une  éminence  sur  laquelle 
s'élevait  le  château;  quatre  ponts  sont  jetés  sur  l'Oronte.  Ce  fleuve  fournit 
l'eau  à  la  ville  au  moyen  de  roues  hydrauliques  dont  la  plus  grande  porte  le 
nom  de  Mohammedièh.  Hamah  fut  conquise  par  les  musulmans  en  l'année  14 
de  l'hégire  (635)  :  assiégée  sans  succès  en  11 77  par  les  croisés  elle  fut  l'année 
suivante  donnée  en  apanage  par  Baladin  à  son  neveu  Melik  Elmouzaflfer  Omar. 
Timour  incendia  cette  ville  en  1402.  Cf.  AboulFéda,  Géographie,  Paris,  1840, 
page  262,  Burckhardt,  Travels  in  Syria,  Londres,  1822,  page  145-148  et  h  Recueil 
de  voyages  et  de  Mémoires  de  la  Société  de  géographie,  tome  II,  pages  loS  et  109. 

4.  Enips  est  la  ville  de  Hims,  l'ancienne  Emèse.  «  Ceste  ville  estoit  ancien- 
nement bien  murée  de  pierres  de  taille,  et  encore  pour  le  présent  l'on  voit  ses 
murailles  debout  :  aussi  il  y  a  un  tertre  élevé  moult  haut  dedans  le  circuit  des 
murs,  qu'on  voit  aisément  de  toute  la  plaine,  dessus  lequel  est  situé  un  chasteau 
qui  fut  anciennement  edihé  par  les  Romains.  Encore  y  a  un  sepulchre  à  double 
cstage,  hors  de  la  ville,  haut  élevé  en  forme  de  pyramide  quarrée,  fabriquée 
de  fort  ciment,  qui  est  inscrit  des  lettres  grecques  d'une  epitaphe  de  Caius 
Cx'sar.  il  y  a  grand  trafic  de  soye  en  Hamouz  :  aussi  nourissent-ils  les  vernis 
moult  diligemment,  car  ilz  ont  les  jardins  arrousez  commodément  des  ruis- 
seaux venans  des  montagnes  et  rendant  la  plaine  fertile.  Hz  cultivent  les  figuiers 
et  mcuriers  dedans  les  champs  arrousez  et  aussi  plusieurs  arbres  fruictiers.  Leur 
commun  ouvrage  est  de  faire  des  muuchouers  et  couvre-chefs  biirarrez,  mesez 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  m 

fort  ruinées  et  peu  habitées;  puis  à  un  village  nommé 
Elca'  habité  de  chrestiens,  contre  lesquels  cusmes 
question,  parce  qu'ilz  ne  vouloient  rien  bailler  pour  le 
vivre  de  nos  chevaux  encore  que  l'on  leur  voulust 
bailler  argent  auparavant.  Hz  blessèrent  deux  des 
nostres;  mais  ce  ne  lut  sans  revanche,  car  nous  estions 
plus  iortz  qu'eux,  combien  que  leurs  femmes  fussent 
de  leur  party,  qui  estoient  sur  leurs  maisons  f^rictes  en 
terrasses,  nous  jettant  des  pierres.  Et  voyant  que  nos 
chevaulx  n'avoient  que  repaistre  en  ce  lieu  là,  nous  en 
deslogeasmes  sur  le  soir  après  souper,  cheminasmes 
toutte  la  nuict,  et  le  lendemain  au  matin,  arrivasmes  en 
une  ville  fort  anticque  appelée  Balbec'  qui  est  située  en 

en  partie  de  soye  blanche,  rouge  et  jaune,  entremeslée  de  lîl  d"or,  que  l'on 
sçait  nommer  par  toute  Turquie,  mouchoirs  de  Hamouz.  La  ville  est  située  en 
une  spacieuse  et  plaine  campagne  où  passent  des  beaux  ruisseaux  par  dedans. 
Le  tour  des  murs  est  quasi  entier,  mais  le  dedans  est  ruiné  et  n'y  a  rien  de 
beau  à  voir  que  le  bazar,  c'est-à-dire  le  marché  et  basestan  qui  est  faict  à  la 
façon  de  Turquie.  Les  murailles  monstrent  bien  que  la  ville  a  esté  autrefois 
quelque  grande  chose,  aussi  est  elle  assise  en  bon  pays.  »  (Belon,  Les  observalions 
de  plusieurs  singularité:^  et  choses  ijieuwrahks  troirjces  eu  Grè.c,  Asie  etc.,  Paris, 
1)88,  pages  345-346.) 

1,  Elqa'a  est  un  petit  village  au  nord  de  Riblah  à  quelque  distance  du  pied 
de  l'Antiliban.  On  v  remarque  un  grand  khan.  A  cinq  milles  au  nord-est 
d'Elqaa  se  trouvent  les  ruines  de  la  ville  et  du  château  de  Djouzièh  Elqadiméli 
que  l'on  suppose  avoir  été  les  ruines  de  l'ancienne  ville  de  Paradisus  du  district 
de  Laodicènc  mentionnée  par  Pline,  Strabon  et  Ptoléméc. 

2.  Baalbek,  Tancienne  Héliopolis,  a  été  l'objet  de  nombreuses  descriptions. 
Lors  de  la  conquête  musulmane,  les  temples  du  Soleil  et  de  Jupiter  furent  con- 
vertis en  forteresses.  Les  tours  et  les  murailles  furent  réparées  par  Baladin  et  par 
les  sultans  manulouks  d"Ég\-pte.  «  Il  y  a  un  chasteau  qui  est  quasi  entier,  où 
Ton  voit  neuf  hautes  colonnes  plus  grosses  que  celles  de  l'hippodrome  de  Cons- 
tantinople.  Et  aussi  une  autre  colonne  droite  en  dessus  de  la  ville  quasi  semblable 
à  celle  de  Pompée  prés  d'Alexandrie,  sur  laquelle  y  a  un  chapiteau  quarré  qui 


112  VOYAGE 

un  fort  beau  pays;  dans  laquelle  y  a  un  chasteau  fort 
bien  basty  et  d'une  belle  architecture,  où  y  a  plusieurs 
colonnes  de  grande  hauteur  qui  se  descouvrent  de 
fort  loing.  Aucuns  disent  que  le  bastiment  qui  se  void 
aujourd'hui  est  des  Circatz'  ;  aultres,  qu'il  a  esté  faict  par 
Salomon  et  d'aultres  l'estiment  des  Romains,  ce  qui 
est  plus  croyable,  à  cause  d'un  sepulchre  d'un  empe- 
reur romain  qui  est  fort  magnificque,  monstrant  bien 
avoir  esté  faict  par  un  grand  seigneur;  et  de  là,  chemi- 
nasmes  par  colines  et  valons  habundantz  en  fruictz 
de  toutes  sortes;  et  sur  le  chemin,  nous  fut  monstrée  la 
maison  de  nostre  premier  père  Adam  et  celles  de  Caïn 
et  Abel  qui  sont  sur  une  montagne  fort  haute  ;  et  vismes 
aussy  le  lieu  où  ledict  Caïn  pleura  ses  peschez  pour 
l'homicide  qu'il  avoit  faict  de  son  frère  Abel  \ 

Et  cedict  jour  qui  estoit  le  huict  juillet,  arrivasmes 
en  la  ville  de  Damas  située  en  une  fort  belle  plaine, 
l'une  des  plus  belles  et  plaisantes  situations  que  j'aye 
point  vue  en  tout  le  pays  du  Grand  Seigneur,  tant  pour 
la  quantité  des  fontaines,  que  pour  les  jardinages  et 
arbres  truictiers  qui  y  sont  de  toutes  sortes,  en  si  grand 

est  la  couverture  de  ladicte  colonne.  Il  y  a  plusieurs  plates-formes  de  pierres 
de  tailles  dedans  la  ville,  faites  en  manière  de  sepulchres,  inscrites  des  lettres 
arabiques.  »  (Les  obscivalioiis  de  plusieurs  siiio^nhirih'i,  etc.,  page  342.) 

1.  Les  sultans  mamelouks  Circassicns  d'Egypte. 

2.  Cette  haute  montagne  est  le  mont  Q.assioun  qui  domine  la  ville  de 
Damas  et  au  pied  duquel  s'élève  le  faubourg  de  Salahièh.  On  y  montre  une 
caverne  appelée  Magliarat  Eddcm  (la  grotte  du  sang)  dans  laquelle,  selon  la 
tradition,  Caïn  aurait  tué  son  frère  Abcl.  Cette  caverne  aurait  ensuite  servi 
d'asile  au  prophète  Elie  et  à  saint  Jean-Baptiste.  Tous  les  voyageurs  qui,  au 
moyen  âge,  ont  visité  Damas,  font  mention  de  cette  tradition. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  113 

habondancc  qu'il  est  impossible  de  plus,  avec  prairies 
et  beaux  ruisseaux  de  rivières  qui  les  entourent'. 

Au  demeurant,  la  ville  n'est  pas  fort  peuplée,  ne 
gueres  bien  bastic.  Halep  est  beaucoup  plus  belle  ville, 
plus  riche  et  plus  peuplée.  Et  quattre  jours  après  nostre 
parlement  dudict  Damas,  nous  passasmes  sur  le  pont 
de  Jacob  soubz  lequel  passe  le  Jourdain,  et  prés  dudict 
pont,  y  a  encore  quelques  vestiges  de  la  maison  dudict 
Jacob'.  Et  vismes  sur  le  chemin,  prés  d'un  carvanssera 
qui  est  une  hostellerie  à  la  turquesque,  la  cisterne  où 
fut  jette  Joseph  par  ses  frères,  joignant  laquelle  y  a  un 
oratoire  où   son  père  le  venoit  plorer '.   Et  vinsmes 

1 .  «  Il  y  a  si  grande  commodité  d'eau  à  Damas,  du  llcuvc  Chrysoroas  que  quasi 
chacun  a  une  fontaine  tant  en  son  jardin  qu'à  son  logis.  Les  rues  de  la  ville 
sont  estroictes  et  mal  droictes.  Le  bazare,  c'est-à-dire  le  marché  est  fort  beau, 
et  est  couvert  par  le  dessus.  Les  maisons  y  sont  assez  bien  basties  :  mais  ce 
qui  est  le  plus  beau,  sont  les  porches  à  claires  voyes  pour  s'y  refrcî^chir.  Les 
murailles  de  la  ville  sont  doubles  comme  à  Constantinople.  Ses  fossez  ne  sont 
gueres  profonds,  èsquelz  ils  cultivent  des  meuriers  blancs  pour  nourrir  les 
verms  qui  font  la  soye.  Les  tours  des  deux  murailles  sont  moult  près  à  près, 
car  il  y  a  une  grande  tour  quarrée  entre  deux  autres  petites,  qui  sont  rondes  et 
sont  plus  grandes  l'une  que  l'autre.  II  y  a  un  petit  chasteau  quarré  hors  le 
circuit  des  murailles,  et  toutefois  il  semble  estre  enclos  en  la  ville,  car  les 
faulxbourgs  sont  deux  fois  plus  grands  que  la  ville  ;  aussi  les  marchez  sont 
tenus  es  faulsbourgs,  mais  les  bazares  et  bazestans  sont  dedans  le  circuit  des 
m.urailles.  Les  portes  de  la  ville  sont  couvertes  de  lames  de  fer  au  contraire  de 
celles  du  Caire  qui  sont  couvertes  de  cuir...  Les  boutiques  des  artisans  sont 
comme  au  Caire...  Il  y  a  un  bâcha  à  Damas  comme  au  Caire,  qui  a  son  logis 
hors  la  ville.  Il  ne  se  tient  pas  au  chasteau  de  peur  de  rébellion.  »  (Les  obser- 
vations des  singularité:^,  pages  332-335.) 

2.  Ce  pont  est  connu  aujourd'hui  sous  le  nom  de  pont  des  filles  de  Jacob 
(Djisr  benat  Yaqoub)  :  il  se  compose  de  trois  arches  et  fut  réparé  à  la  iin  du 
xiii"  siècle,  par  le  sultan  Beybars  qui  fit  construire,  en  outre,  près  de  là  une 
mosquée  et  un  khan. 

3 .  Le  puits  de  Joseph   (Djoubb  Youssoui)   est  à  trois  heures  de  marche  du 

8 


114  VOYAGE 

coucher  cedict  jour  à  Bethsaida'  sur  la  rive  de  la  mer 
de  Tiberie  où  nous  allasmes  avec  barques  pour  aller  à 
des  bains  naturels  qui  y  sont,  les  plus  chauldz  que 
j'aye  jamais  vuz".  Cedict  lieu  de  Tiberie'  est  habité  de 
Juifs  et  est  du  tout  ruiné  et,  par  ses  vestiges,  montre 
avoir  esté  autrefois  une  grande  ville. 


pont  des  filles  de  Jacob,  Le  khan  dont  parle  Chcsncau  est  bâti  sur  une  émi- 
nence  ;  il  a  été,  comme  presque  tous  les  édifices  d'utilité  publique,  rebâti  par 
le  sultan  Beybars,  après  ses  victoires  sur  les  Latins.  La  mosquée  dont  parle 
Chesneau  est  aujourd'hui  en  ruines.  La  tradition  qui  place  dans  cette  plaine 
la  fosse  où  Joseph  aurait  été  jeté  est  très  contestée  par  les  auteurs  musul- 
mans. 

1.  (f  Bethsaïda,  domus  frugum  veldomus  venatorum  )>  dit  saint  Jérôme.  Les 
ruines  de  cette  ville  se  trouvent  auprès  d'un  caravansérail  ruiné  qui  porte  le 
nom  de  khan  Minièh.  Cf.  Robinson,  Bihlical  rcsearches,  Boston,  1857,  t.  III, 
page  358. 

2.  Ces  bains  sont  situés  en  dehors  de  la  ville  de  Tibériade.  «  In  hac  civitate, 
(extra  muros  loco  qui  dicitur  Emmaus),  sunt  aqux  salubres  et  médicinales, 
balnea  optima  quarum  virtutem  Romani  in  lapide,  literis  descriptam  rehque- 
runt,  quas  tempus  corrosit  et  consumpsit,  nec  possum  de  eis  plenam  intelli- 
gentiam  habere.  Hœc  de  Thiberia.  Sed  addam  ego  ahquid.  Dum  indigne 
curam  gererem,  apostolica  auctoritate,  Terrte  Sanctce,  audivi  quod  quidam 
Zamnicas  impius  Judxus  volebat  Thiberiam  iterum  expulsis  serpentibus,  geni- 
minis  viperarum  eam  replere  et  nostram  Ecclesiam  in  sinagogam  convertere  : 
de  hac  enim  re  pluries  et  cuni  Arustam  bassa  et  cum  Ali  bassa  secreto  locutus 
sum  qui  semper  dixcrunt  mihi,  hoc  nondum  factuni  esse,  nec  in  vita  Solimani 
régis  fiet  et  hoc  quod  verbis  promiserunt,  opère  compleverunt  ;  quid  autem 
Selim  rex  facturus  sit  nescimus  ».  {Lihcr  de  pcrenni  ciillu  Tenu'  sancta  auctor 
P.  Bonlfacio  Stephano  Ra^iisùio.  Venise,  1875,  pages  26S-269.) 

Zamnicas  est  Jean  Miquez  au  sujet  duquel  j'ai  donné  quelques  détails  dans 
la  note  de  la  page  48.  Arustam  est  Rusteni  Pacha  le  grand  vizir  de  sultan 
Sulcyman  dont  il  est  question  dans  la  relation  de  Chesneau. 

3.  Tibériade  (Thabarièh)  était  en  ruines  au  xvi=  siècle;  les  serpents,  dit 
F.  Etienne  de  Raguse,  la  rendaient  inhabitable.  L'église  construite  par  sr.inte 
Hélène  avait  conservé  toute  sa  splendeur  et  elle  était  possédée  par  les  Fran- 
ciscains qui  y  célébraient  les  offices  une  fois  par  .m.  {JJbcr  de  pen'iiu!  cuJltt, 
page  :08.) 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  iiS 

Le  lendemain ,  costoyasmes  une  pièce  de  kidicte 
mer  sur  la  rive  de  laquelle  est  Capharnaum  où  les  Juifs 
firent  payer  le  tribut  à  Jesus-Christ'.  Et  passasmes  tout 
au  pied  de  la  montagne  où  Nostre  Seigneur  rassasia,  de 
cinq  pains  et  deux  poissons,  cinq  mille  personnes.  Et 
costoyasmes  aussy  le  mont  Tabor  où  se  fit  le  mistcre 
de  la  Transfiguration  Xostre  Seigneur,  où  y  a  encore 
une  église  qui  n'est  habitée.  Nous  allasmes  à  Nazaret, 
qui  autrefois  a  esté  une  petite  ville  assise  sur  une  mon- 
tagne et  vismes  le  lieu  où  la  Merge  Marie  receut  la 
salutation  angelique,  qui  est  une  petite  caverne  ou 
grotte  dans  laquelle  y  a  deux  grosses  colonnes  fort 
haultes  à  l'endroit  de  l'une  desquelles  estoit  ladicte 
Vierge  en  oroison,  et  à  l'endroict  de  l'autre  s'aparut 
l'ange  devant  elle,  luy  disant  qu'elle  enfanteroit  Jésus. 
De  là,  passasmes  par  la  campagne  où  les  Apostres  man- 
gèrent les  racines,  et  prés  d'un  village  ruiné  où  Jésus 
Christ  guérit  le  lépreux  où  y  a  quelques  vestiges  d'une 
église.  Puis,  vinsmes  au  chasteau  de  Herodes  apellé 
Sabasty  qui  est  le  lieu  où  ledict  Herodes  fist  descoller 
sainct  Jehan  ■.  Et  vismes  la  prison  où  il  estoit  et  où  il 


1.  Kafr  Xaïm,  Cf.  Robinson,  'Biblical  rescarches,  tome  111,  pages  548-337. 

2.  Sebaste  (Sebastich),  n'est  plus  aujourd'hui  qu'un  village  de  soixante  leux 
ayant  une  population  de  quatre  cents  habitants.  L'église  fondée  par  sainte 
Hélène,  si  l'on  en  croit  la  tradition,  fut  rebâtie  par  les  chevaliers  de  Saint  Jean 
de  Jérusalem.  Lors  de  la  chute  du  royaume  de  Jérusalem,  elle  fut  convertie  en 
mosquée.  Dans  l'enceinte  de  la  mosquée,  on  montre  une  chambre  souterraine 
creusée  dans  le  roc  et  dans  laquelle  on  prétend  que  saint  Jean-Baptiste  lut  em- 
prisonné et  décapité.  Josèphe  afnrme  que  saint  Jean  eut  la  tète  tranchée  dans 
le  chàt-MU  de   .Macharus,  siiué  à  l'cil  de  la  n-,er  Morte.   Saint  Jérôme  noui  ap- 


ii6  VOYAGE 

fut  enterré.  Et  y  a  eu  autrefois  une  église  qu'avoit  faict 
faire  saincte  Heleine  à  l'honneur  dudict  sainct  Jehan, 
qui  a  esté  ruinée  par  les  Turqs  et  ont  faict  d'une  partie 
d'icelle,  une  église  à  leur  mode.  Et  cedict  jour,  vinsmes 
coucher  à  Naholouze  '  anciennement  apellée  Sichar  ou 
Sichem  en  la  contrée  de  Sammarie  prés  de  laquelle 
estoit  le  puys  où  Jésus  Christ  demanda  à  boire  à  la 
Samaritaine,  qui  est  à  présent  tary  et  n'y  a  autre  appa- 
rence de  puys  sinon  deux  petits  pilliers  de  marbre,  sur 
l'un  desquels  l'on  dict  que  Jésus  Christ  se  assit  pour  se 
reposer  comme  lassé  du  chemin. 

Le  lendemain,  i8'  dudict  mois  de  juillet,  nous  arri- 
vasmes  en  Hierusalem  où  l'ambassadeur  fut  fort  hono- 
rablement receu  parles  Turqs,  gouverneur  et  seigneurs 
d'icelle,  lesquelz  vindrent  au-devant  de  luy,  environ 
demie  lieue,  accompagnez  de  sept  ou  huict  vingtz  che- 
vaux pour  le  moins  et  de  plusieurs  autres  personnes 
gens  de  pied  arquebuziers.  Et  croy  qu'il  n'y  eut  créature 
humaine  dans  ladicte  ville,  mesmement  des  chrestiens 
qui  n'en   sortist    pour  venir  au  devant   dudict  sieur 


prend  que,  de  son  temps,  lopinion  générale  était  que  le  précurseur  de  Jésus- 
Christ  était  enterré  à  Sébaste. 

I.  Naplouse  (l'ancienne  Sichem,  Neapolis),  appelée  par  les  arabes  Nabolous  : 
elle  est  aujourd'hui  le  chef-lieu  du  district  du  même  nom  et  celui  de  Djennin. 
Hlle  est  le  siège  d"un  archevêque  grec  relevant  du  patriarche  de  Jérusalem  :  sa 
population  s'élève  au  chiffre  d'environ  huit  mille  âmes.  Naplouse  est  la  rési. 
dence  des  derniers  Samaritains  réduits  à  une  quarantaine  de  familles;  les  églises 
élevées  par  les  Latins  à  Naplouse  ont  été  converties  en  mosquées  après  la  chute 
du  royaume  de  Jérusalem  en  1187.  (Cf.  V.  Guérin,  Dcscn'plion  oiogniphiqiie  cl 
archi-oloi^iqiic  de  la 'Palestine,  \V  partie,  Sauun'e,  tome  I,  pages  590-4:,'.) 


Dïï  MONSIEUR  D'ARAMOX  117 

ambassadeur  qui  cstoit  altciulu  du  i^ardicn  '  et  eordel- 
liers  du  couvent  du  mont  Sion,  comme  les  Juifs 
attendent  leur  Messias,  pour  Tesperance  qu'ilz  avoient, 
par  sa  venue,  estre  mis  hors  des  garbouilles  et  fas- 
cheries  que  leur  foisoient  chascun  jour,  certains  san- 
tons, c'est-à-dire  prestres  turqs  qui  tiennent  le  Cénacle, 
qui  auparavant  estoit  leur  église;  et  depuis  quelque 
temps,  lesdictz  Turcqs  leur  ont  osté  par  force  et  en 
ont  faict  taire  une  à  leur  mode  que  nous  apellons  mous- 
quée.  Et  laisoient  journellement  tant  d'estorcions 
ausdictz  cordeliers  qu'ilz  estoient  en  délibération 
d'habandonner  ledict  couvent  et  se  retirer  tous  en 
chrestienté,  sans  la  venue  audict  lieu  dudict  ambassa- 
deur, lequel  fit  tant  envers  lesdictz  gouverneur  et  sei- 
gneurs de  la  ville,  qu'ilz  chassèrent  les  prestres  turqs 
qui  estoient  moteurs  de  telles  menées.  Toutesfois,  j'ai 
depuis  entendu  dire  que  les  cordeliers  ont  beaucoup 
plus  enduré  d'injures  et  outrages  qu'ilz  n'avoient  encore 
faict,  et  ont,  finalement,  esté  contrainctz  laisser  et  ha- 
bandonner  ledict  couvent  et  se  retirer  en  Bethléem. 

Et  si  je  voulois  escrire  tous  les  torts  et  mauvais  trai- 
tements qu'on  leur  a  faictz  et  la  rigueur  qu'on  leur  a 
tenue,  ce  ne  serait  que  prolixité. 

Mais,   pour  abrevier,  je  diray  que  nous  logeasmes 


I.  Le  gardien  du  couvent  du  mont  de  Sion,  en  1549,  était  l'rA  Bonifacc 
Etienne  Corsetto,  ragusais,  qui  résida  à  Jérusalem  de  1547:115)5.  11  est  l'au- 
teur del'ouvrage  cité  plus  haut  :  Liber  de pcrcimi  ciiJln  'JVn\r  saiicLc.  Guarmani, 
Gli  Italiani  in  Ttira  San  la.  pagu  4I(^. 


ii8  VOYAGE 

audict  couvent  qui  est  hors  la  ville,  situé  sur  le  mont 
Sion,  à  l'endroict  où  estoit  la  maison  de  David,  qui  est 
un  lieu  fort  petit,  resserré  à  cause  que  les  Turqs  leur 
ont  levé  et  osté  ledict  Cénacle  où  Jesus-Christ  lava 
les  piedz  à  ses  apostres  et  où  il  mangea  l'agneau  pascal, 
qui  estoit  leur  église  comme  dict  est,  qui  les  elargissoit 
beaucoup,  tellement  que  de  l'une  de  leurs  chambres  en 
faisoient  leur  église.  Et  au  dessoubz  dudict  Cénacle,  est 
le  sepulchre  du  roy  David  où  les  chrestiens  entrent 
en  grande  difficulté,  pour  ce  que  lesdictz  prestres  turqs 
tiennent  en  grand  honneur  et  révérence  ledict  se- 
pulchre \ 

Hierusalem  a  esté  refermée  de  murailles  par  les 
Turqs,  mais  elle  n'a  aucun  rampart  ne  fossez.  La  ville  est 
de  moyenne  grandeur  et  non  fort  peuplée,  et  les  rues 
estroictes  et  sans  pavé.  Son  assiette  est  fort  pénible, 
car  elle  est  toute  en  pante  et  n'y  a  aucun  lieu  plain 
dedans  ne  à  l'environ,  que  là  où  est  assis  le  temple  de 
Salomon  qui  a  esté  faict  à  main  et  force  d'homme.  Le 
reste  tant  dedans  que  dehors,  ne  sont  que  petites  mon- 


I.  Le  cénacle  et  le  tombeau  de  David  avaient  été  enlevés  aux  Pères  francis- 
cains de  Terre  Sainte  en  1522,  en  vertu  d'une  décision  du  tribunal  religieux  de 
Jérusalem.  La  sentence  du  cadi  et  des  imams  des  quatre  rites  orthodoxes  avait 
été  ratifiée  par  la  Porte.  François  I"''  fit  f^tire  à  Constantinople  une  démarche 
qui  ne  fut  point  accueillie.  M^  Charrière  a  publié  la  réponse  de  Suhan  Sulevman 
à  François  lor.  (Ncgocialion  cl;  la  France  dans  Je  Levant.  Paris,  184S,  tome  I, 
pages  129-133.)  Les  pièces  relatives  à  l'expulsion  des  Latins  du  cénacle  sont 
toutes  données  dans  l'appendice.  Lors  du  séjour  de  M.  d'Aramon  à  Jérusa- 
lem, le  couvent  du  mont  de  Sion  était  encore  occupé  par  les  religieux  de  Terre 
Sainte. 


DF  MONSIEUR  D'ARAMOX  iiq 

taignesct  pavs  bossu,  maigre  et  pierreux.  Ancicnenient^ 
toutes  les  rues  et  courtz  des  maisons  estoient  couvertes 
et  faictcs  à  voultes,  en  sorte  qu'on  alloit  tcuisjours  par 
toute  la  ville  à  pied  sec.  Et  pour  le  jourdhuv,  du  costé 
de  la  porte  Speciosa  du  temple,  y  a  encore  une  rue  ou 
deux  ainsv  voustées  où  les  Turqs  tiennent  leur  mar- 
ché. Ledict  temple  de  Salomon  est  au  plus  bas  de  la 
ville,  regardant  la  vallée  de  Josaphat  et  le  mont  d'Oli- 
vet,  tout  rond,  faict  en  couppe,  couvert  de  plomb,  à 
galleries  tout  à  l'entour  qui  sont  dudict  corps  et  vais- 
seau, comme  sont  les  chapelles  de  nos  églises,  qui  est 
tout  ce  qu'on  en  peut  juger,  car  il  n'est  pas  permis  à 
aucun  chrestien  d'y  entrer  sans  danger  de  mort  ou 
pour  le  moings  de  se  fliire  turq. 

Nous  avons  encore  veu  dans  la  ville  plusieurs  mai- 
sons anticques  fort  ruinées,  comme  celle  de  Simon  le 
Pharisien  où  Jésus  Christ  se  invita  d'aller  disner  et  où 
la  Magdelaine  plora  sur  ses  piedz.  Et  prés  d'icelle, 
estoit  la  maison  du  mauvais  riche  au  dessus  de  la  Mag- 
delaine, et  au  carrefour  de  cette  rue,  est  le  lieu  où  les 
Juifs  feirent  porter  la  croix  de  Xostre  Seigneur  au 
bonhomme  Simon  Cyreneen.  Plus  hault,  est  le  lieu  où 
Nostre  Dame  se  pasma  voyant  son  fils  mené  au  suplice 
de  mort;  et  là  soulloit  avoir  une  chapelle  appelée  la 
chapelle  de  Pasme.  De  là,  nous  passasmes  par  dessus 
un  petit  arceau  sur  lequel  y  a  deux  pierres  carrées,  sur 
l'une  desquelles  estoit  assis  Nostre  Seigneur  quand 
Pilate  le  condapmna,  et  sur  l'autre  estoit  assis  Pilate. 


120  VOYAGE 

Et  sur  l'une  d'icclle  est  engravé  ce  mot  :  Toile.  Bien 
près  de  là  est  le  palais  où  se  tenoit  ledict  Pilate  qui  est 
fort  désolé  et  ruiné.  Et  vers  ce  cartier  là,  estoit  la 
porte  dorée  appelée  la  porte  sainct  Estienne  près 
laquelle,  en  la  place  aux  ouailles  est  le  lavouër  proba- 
ticque  qui  est  maintenant  à  sec,  lequel  a  cinq  porches 
duquel  il  est  escript  en  sainct 

Et  de  là,  nous  en  retournant  au  mont  de  Sion,  en- 
trasmes  dedans  la  maison  de  saincte  Anne  qui  estoit  une 
église  fort  belle  de  monastère  de  femmes  dont  la  seur 
de  Godefroy  de  Billon  a  esté  abesse,  ainsi  qu'on  nous 
disoit.  Et  est  maintenant  une  mosquée  qui  vaut  à  dire 
église  à  la  mode  des  Turqs.  Puis,  vinsmes  à  l'hostel 
d'Herodes  où  y  a  sept  ou  huict  degrez  à  l'entrée  qui 
monstre  avoir  esté  assés  belle  maison.  Et  là  fut  envoyé 
Nostre  Seigneur  pour  estre  interrogé  dudict  Herodes  ; 
et  passasmes  par  devant  la  maison  de  la  Véronique  qui 
est  le  lieu  où  elle  bailla  un  linge  pour  nettoyer  la  lace 
de  Jésus  Christ. 

Aussy  nous  fusmes  au  lieu  où  sainct  Pierre  estoit  en 
prison  quand  l'ange  s'aparut  à  luy  et  passasmes  au  heu 
où  estoit  la  porte  de  fer;  et  entrasmes  en  la  maison  de 
Marie,  mère  de  sainct  Jehan  surnommé  Marc,  en  la- 
quelle sainct  Pierre  se  retira  en  après  que  l'ange  l'eut 
laissé.  Et  en  ce  lieu,  y  a  une  eghse  de  Suriens;  de  là, 
nous  vinsmes  en  l'hospital  sainct  Jehan  qui  estdestruict, 
que  soulloient  tenir  les  chevaliers  de  Rhodes.  Puis,  al- 
lasmes  en  l'église  sainct  Jacques  où  sont  prestres  armé- 


DE  MONSIP.UR  ITARAMON  i:i 

nicns,  où  est  le  lieu  où  sainci  Jacques  lut  décapité 
par  commandement  d'Iferodes. 

Et  un  peu  plus  hault,  près  les  murailles  de  la  ville, 
près  le  mont  Sion  est  la  maison  de  Anne.  Ht  hors  de  la 
ville,  près  le  couvent  du  mont  Sion  est  la  maison  de 
Caiphe  où  sainct  Pierre  dit  qu'il  n'estoit  pas  disciple, 
à  l'entrée  de  laquelle  est  une  fencstre  où  le  coq  chanta. 
Et  dans  ladicte  maison  a  une  chapelle  que  tiennent 
lesdictz  Arméniens,  en  quoyl'aultel  est  de  la  pierre  que 
les  Juifs  mirent  au  monument  de  Jésus  Christ. 

Derrière  l'église  du  sainct  Sépulcre  est  le  lieu  où 
Abraham  voulut  sacrifier  Isaac  son  lilz  par  le  comman- 
dement de  Dieu.  Et  près  de  là,  y  a  un  olivier  où  Abraham 
vit  l'agneau  qu'il  immola  an  lieu  de  sondict  filz. 

Ladicte  église  du  sainct  Sépulcre  est  située  sur  le 
mont  de  Calvaire  qui  est  le  lieu  le  plus  hault  de  la  ville, 
et  est  icelle  église  toujours  demeurée  en  son  entier,  à 
cause  du  profit  qu'en  retire  et  reçoit  le  Grand  Turq,  tous 
les  ans.  Car  il  n'y  a  pellerin  qui  ne  paye  pour  y  entrer 
neuf  ducats  par  teste,  s'il  n'est  prestre  ou  grec  qui  ne 
payent  que  quatre  ducatz  et  demy.  Elle  est  fort  grande 
et  bastyeà  merveille  et  dict  on  que  saincte  Ileleine  la  fit 
faire  pour  enclore  dedans  plusieurs  lieux  des  misteres 
de  la  Passion  de  Nostre  Seigneur  et  y  faire  plusieurs 
chappelles  èsquelles  se  tiennent  chrestiens  de  diverses 
nations  comme  Grecz,  Arméniens,  Géorgiens,  Cop- 
thiens,  Suriens,  Jacobites,  Maronites,  Abissins  et  chres- 
tiens de  la  saincture.  Chascune  nation  v  a  sa  chiippelle 


122  VOYAGE 

pour  ce  qu'ilz  officient  diversement.  Et  y  auroit  confu- 
sion en  leur  service  pour  la  diversité  de  leurs  langages, 
s'il  n'y  avoit  séparation  ;  tous  lesquelz  habitent  en  la- 
dicte  église  comme  leurs  femmes  et  enfants,  et  sont  tous 
leans  enfermez,  sans  avoir  autre  issue  ne  pour  achep- 
ter  leurs  provisions,  ne  pour  parler  aux  personnes  qui 
ont  affaire  à  eux,  que  deux  grands  pertuiz  qui  sont  faitz 
expressément  à  la  porte  de  l'église  de  laquelle  les  Turqs 
ont  et  portent  les  clefz,  lesquels  ne  l'ouvrent  sans  grande 
cérémonie  et  mistere,  selon  ce  que  j'ai  peu  voir. 

Et  le  vingt-quatre  juillet,  y  estans  entrez,  les  Turqs 
fermèrent  les  portes  sur  nous  et  s'en  retournèrent  en 
leurs  maisons.  Et  après  qu'ilz  s'en  furent  allez,  les 
cordeliers  du  mont  de  Sion  qui  y  entrèrent  avec 
nous,  dirent  une  messe  à  notte,  laquelle  dicte,  firent 
une  procession  par  tous  les  lieux  qui  sont  en  ladicte 
église.  Et  en  chascun  lieu  s'arrestoient  et  disoient  une 
oroison,  selon  le  mistere  qui  avoit  esté  faict  audict 
lieu.  Et  commencèrent  au  sepulchre  de  Jésus  qui  est 
une  petite  chapelle  où  l'on  ne  peut  entrer  que  trois  ou 
quattrc  personnes,  couverte  de  pierre  de  marbre,  et 
par  dessus  la  couverture,  y  a  une  tourelle.  Outre  ledict 
sepulchre,  y  a  en  traversant  l'église,  deux  pierres 
rondes,  sur  l'une  desquelles  se  assit  Jésus  quand  il 
s'aparut  à  Magdclaine,  luy  disant  :  Femme,  ne  me  touche 
point.  Un  peu  plus  avant  est  une  chapelle,  lieu  où  l'on 
avoit  esprouvé  le  boys  de  la  vraye  croix  pour  sçavoir 
lequel  estoit  des  trois,  et  mit-on  le  boys  sur  une  iemme 


Dr.  MONSHUR  IVARAMcA'  12^ 

morte  qui,  incontinent,  ressucita  ainsy  que  nous  reci- 
toit  le  beau  père  Gardien.  Et  en  cette  ciiapclle,  en  une 
fenestre  est  une  pierre  de  la  colonne  où  Jésus  lut  atta- 
ché et  battu.  De  là,  Yon  va  derrière  le  chœur  de  Te^lise, 
en  un  lieu  obscur, soubz  une  roche  qui  estoit  la  prison 
où  Nostre  Seigneur  fut  mis  et  lié  à  une  pierre  percée, 
en  attendant  que  les  tormcntz  fussent  appaisez  pour 
le  faire  mourir.  Et  vinsmes  en  une  chapelle  où  les 
chevaliers  despartirent  ses  vestements;  puis  descen- 
dismes  environ  quarante  degrez  soubz  une  .grosse 
roche  qui  est  le  lieu  où  fut  trouvée  la  croix.  Puis,  en 
une  chapelle  où  y  a  une  grosse  pierre  en  forme  de  co- 
lonne, où  fut  mis  Jésus  quand  on  luy  mit  la  couronne 
d'espines  sur  la  teste.  Et  de  là,  nous  montasmes  sur  le 
mont  du  Calvaire  qui  est  le  propre  lieu  où  lut  mis  la 
croix  et  où  Jésus  souffrit  passion  de  mort.  Et  y  a  un 
trou  rond  qui  a  environ  un  pied  de  profondeur  ;  par 
dessus,  y  a  une  pierre  de  marbre  percée  àl'endroict  du- 
dict  lieu.  Et  est  ladicte  pierre  enfermée  tout  autour  de 
cuivre  et  clouée  à  gros  clous,  afin  qu'on  ne  la  gaste  et 
qu'on  n'emporte  de  la  terre  du  lieu,  car  autrement  les 
pellerins  eussent  emporté  dudict  mont  plus  gros 
que  n'est  toute  l'église;  et  de  là,  nous  vinsmes  au 
lieu  où  Jésus  Christ  fut  mis  et  oingt,  estant  descendu 
de  la  croix,  auquel  lieu  y  a  une  pierre  de  marbre  noir 
rompue  en  plusieurs  endroitz,  et  y  a  sept  lampes 
ardentes  par  dessus.  Et  en  cedict  lieu,  fismes  lin  à 
nostre  procession;  et  dessoubz  le  mont  de  Calvere  y  a 


124 


VOYAGE 


une  chapelle  où  est  le  sepulchre  de  Goddefrov  de 
Billon  qui  fut  roy  de  Hierusalem  et  vendit  son  pays 
pour  faire  guerre  aux  Infidèles  et  gagna  par  force  la- 
dicte  ville. 

On  nous  disoit  que  le  lieu  où  fut  plantée  ladicte 
croix  est  le  milieu  du  monde.  Toutesfois,  les  autres 
disoient  qu'il  est  au  milieu  du  chœur  de  ladicte  egUse 
où  il  y  a  un  petit  pillier  de  pierre  qui  sort  de  terre  envi- 
ron demy  pied;  et  y  a  dessus  ledict  pillier  un  petit 
pertuis  que  Jésus  fit  de  son  doigt  disant  :  Voyez  ci  le 
millieu  du  monde.  Et  de  cela  j 'en  lairray  la  dispute  à 
messieurs  les  théologiens;  mais  en  passant,  je  puis 
dire  qu'il  n'est  pas  besoing  d'aller  en  Hierusalem  pour 
trouver  Jésus  Christ,  pour  ce  que  le  trouve  bien  en 
sa  maison  qui  veut,  et  continueray  d'escrire  d'autres 
lieux  qu'avons  veuz,  encore  que  ce  ne  soit  chose  qui 
fust  d'ediffication.  Mais  d'autant  que  l'on  les  monstre  à 
tous  pellerins  qui  y  vont,  leur  déclarant  les  pardons 
qu'ilz  méritent  à  les  visiter,  je  ne  le  veux  les  ob- 
mettre. 

Nous  demeurasmes  tout  un  jour  en  ladicte  église 
et  en  sortismes  le  soir.  Le  landemain,  fusmes  hors  de 
la  ville  au  lieu  où  est  le  sepulchre  de  la  Vierge  Marie 
qui  est  une  église  assez  belle,  mais  lort  obscure  et  est 
située  en  la  vallée  de  Josaphat  en  laquelle  estoit  le  tor- 
rent Cedron  qui  est  demeuré  à  sec,  et  n'v  a  aucune  eaue, 
si  ce  n'est  par  quelque  grande  habondance  de  pluye. 
lit  au-dessus  de  ceste  vallée  est  le  mont  d'Oh'vet  où 


1)1:  MONSIEUR  DAUAMON  1^5 

Xostrc  Seigneur  lit  loroison  cl  prcscha  les  bcaiitudcs 
et  pleura  sur  Hierusaleni.Et  à  la  sonimilé  dudici  nioni, 
fut  eslevé  et  monta  aux  cieux  devant  ses  apostres,  où 
est  resté  encore  imprimée  en  une  pierre  la  k)rme  el 
grandeur  de  ses  pied/.  De  là,  nous  \insnies  en  Betli- 
phagc  qui  est  le  lieu  oi'i  Jésus  envova  ses  disciples 
quérir  Tasnesse  pour  aller  en  Ilierusalem,  et  plus  haut, 
V  a  quelques  vestiges  des  maisons  de  Marie  Marthe 
et  de  Marie  Magdelaine,  qui  sont  environ  à  deux  traictz 
d'arc  l'une  de  l'autre,  au  milieu  desquelles  y  a  une 
pierre  sur  laquelle  Xostre  Seigneur  estoit  quand  la 
Magdelaine  luy  annonça  la  mort  de  La/are.  1-t  prés  de 
ce  lieu  est  Bethanie  où  y  a  une  chapelle  en  laquelle  est 
le  sepulchre  où  fut  mis  ledict  La/are;  et  en  ladicte 
chappelle  v  a  une  grotte  ou  caverne  où  Magdelaine  lit 
pénitence. 

Le  lendemain,  26^  jour  dudict  mois,  nous  allasmes 
à  Bethléem  qui  est  à  quatre  ou  cinq  milles  de  Hierusa- 
lem,  qui  par  le  passé,  a  esté  une  belle  cité,  mais  mainte- 
nant est  reduicte  en  un  village  situé  sur  une  montagne 
en  pays  pierreux  et  bossu,  où  se  tiennent  ordinaire- 
ment quattre  cordeliers  qui  v  sont  envoyez  par  le 
gardien  du  couvent  du  mont  Sion,  lesquelz  sont  lort 
bien  logez  et  spatieusement.  Ht  est  le  lieu  assez  plai- 
sant, beaucoup  plus  que  ledict  couvent  de  Sion.  11  y  a 
une  église  qui  a  esté  fort  belle  et  grande,  laquelle  s'en 
va  en  ruine,  à  cause  que  les  l'urqs  en  ont  osté  et  ostent 
journellement  le  marbre    et    aultres   pierres  qui   leur 


126  VOYAGE 

peuvent  servir  pour  enrichir  leurs  mousquées;  et  croy 
que  s'ilz  eussent  peu  emmener  quarante  colonnes 
grosses  de  marbre  qu'ilz  s'en  fussent  servis  aussy  bien 
que  du  reste'.  Et  au  dessoubz  du  chœur  de  ladicte 
église,  est  la  grotte  ou  caverne  dedans  le  roch  où  l'on  a 
faict  une  chapelle  pour  y  enclore  dedans  le  lieu  où 
Jésus  Christ  nasquit,  où  estoit  la  crèche  et  où  il  fut 
adoré  des  trois  Roys  et  où  il  fut  circoncis.  Semblable - 
ment,  y  est  la  sépulture  sainct  Hierosme  et  son  estude, 
là  où  il  translata  la  Bible  d'esbreu  en  latin.  Aussy 
fusmes  au  lieu  où  les  anges  annoncèrent  aux  pastou- 
reaux la  nativité  de  Jésus,  et  est  environ  un  cart  de  Heu 
dudict  Bethléem. 

De  là,  prinsmes  nostre  chemin  en  Hebron  pour  voir 
les  sépultures  des  saincts  patriarches  et  celles  des 
douze  prophètes,  et  le  lieu  où  fut  créé  Adam  et  la  grotte 
ou  caverne  où  luy  et  Eve  furent  faire  pénitence,  en  la- 
quelle ilz  demeurèrent  longtempz.  De  là,  nous  en  re- 
tournasmes  en  Hierusalem,  et  deux  jours  après  en  par' 
tismes  pour  aller  au  Caire,  pays  d'Egypte.  Et  chemi*- 
nasmes  par  pays  montagneux  et  bossu  et  vinsmes 
couchera  un cazal  ruyné  etdeshabité  ■.  Et  le  lendemain, 
entrasmes  en  la  plaine  et  vinsmes  en  un  aultre  village 
nommé  Raman';  de  là  à  Gazere  '  qui  est  une  petite 

1 .  Le  lîrnian  obtenu  par  le  bayle  de  Venise  pour  arrêter  ces  dévastations  se 
trouve  à  l'appendice, 

2.  Ce  cazal  est  le  village  d'Amouas,  l'ancienne  Emniaus. 
^.  Ramlèli. 

4.  Gazza. 


I)l£  MONSIl-LR  DAIÎAMON  127 

ville  ruinée  où  Samscm  cspi\ni\a  sa  torcc  contre  les 
Philistins,  quand  il  lit  tomber  le  jxilais  sur  eux  et  où  il 
emporta  les  portes  de  la  \  ille. 

Le  lendemain,  commençasmes  à  cheminer  sur  les 
sablons  et  vinsmes  loi;er  à  un  carvanssera  '  près  deux 
gros  villages  oii  il  nous  lut  nécessaire  louer  des  che- 
vaux, porter  biscuit,  avoine,  paille  et  eaue  doulce  pour 
six  jours  que  cheminasmes  par  TArabie  sablonneuse 
et  déserte,  lit  arrivasmes  à  Cattié'  qui  est  un  petit 
chasteau,  auquel  lieu  trouvasmes  quelque  ralraichisse- 
ment  de  vivres,  tant  pcnn'  les  personnes  que  pour  les 
chevaux,  fors  de  l'eaue  qui  est  un  peu  salmatre.  Ht  en 
ce  lieu,  y  a  des  pigeons  que  le  capitaine  du  chasteau 
tient,  lesquelz  il  mande  au  Caire  qui  est  ;i  quattre  jour- 
nées de  là,  avec  une  lettre  attachée  au  col,  quand  il  a 
quelques  nouvelles;  et  pareillement,  luy  en  mande- 
t-on  du  Caire.  Chose  qui  nous  a  esté  assurée  pour 
vrave,  et  nous  furent  monstres  les  pigeons.  Et  de  là, 
deux   jours  après,  nous  vinsmes  en  un  gros  village 


1.  Ce  caravansérail  est  le  khan  Younis  qui  s'élève  au  milieu  Je  vergers  et  de 
bouquets  d'arbres.  On  suppose  qu'il  occupe  l'emplacement  de  l'ancienne  ville 
de  Yenisus. 

2.  Qathiéh  est  un  petit  bourg  au  milieu  des  sables  à  peu  de  distance  de 
Ferama.  Les  habitants  logent  dans  des  huttes  faites  de  branches  de  palmiers; 
une  citerne  leur  fournit  une  eau  fétide  et  nauséabonde.  Lorsque  l'on  mange  le 
pain  de  Q,athiéh,  oa  sent  le  sable  craquer  sous  la  dent.  Il  y  a  dans  ce  bourg 
un  petit  marciié,  cil  l'on  trouve  du  poisson  en  abondance  à  cause  du  voisinage 
de  la  mer.  (Yaqout,  Dictioiniuirc  gco'^raphiqiie,  tome  IV,  pages   144.) 

«  Catia  est  un  chasteau  avec  peu  de  monstre,  clos  autour  de  murailles  de 
briques,  faute  de  pierres,  sans  flancs,  giritj,  ny  aultrc  defcnce.  »  {t'oy.ijc  du 
LciJiitJ"  644.) 


128  VOYAGE 

nommé  Sallayé  '  puis  en  Langan  -  où  commençasmes 
à  trouver  eaue  doulcequi  nous  fut  à  grand  plaisir.  Et  si 
nous  n'eussions  faict  bonne  provision  de  vin  à  nostre 
partement  de  Hierusalem,  nous  eussions  beaucoup 
paty  de  boire  pour  les  grandes  chaleurs  qu'il  taisoit 
alors,  qui  nous  contraignoient  de  cheminer  la  nuit  et 
reposer  le  jour  soubs  nos  pavillons. 

Finalement,  nous  arrivasmes  au  Caire  le  lo'^  jour 
d'aoust  1549;  et  ^ogea  monsieur  l'ambassadeur  en  une 

1 .  Salahych,  (Salachie,  Salachia  ou  Salquie  des  voyageurs  européens) 
n'est  qu'un  petit  village  situé  sur  la  route  qui  conduit  de  Gazza  au  Caire.  «  Le 
dimanche  3*  juillet,  arrivasmes  à  Salquiè,  petite  bicoque  ou  forteresse,  faite 
p  artie  de  terre  et  troncs  de  palmiers  qu'ils  font  servir  de  pieux  pour  la  tenir 
faute  d'autre  bois  meilleur,  et  en  yceluy  enclos  y  a  une  mosquée  pour  ceux  de 
la  misérable  garnison  qui  n'est  que  pour  se  garder  des  courses  des  Arabes.  » 
{Voyage  du  Levant,  f°  645,  V.) 

2.  Langan  est  le  nom  défiguré  de  la  petite  ville  de  Khanqah  appelée  par  les 
voyageurs  du  xvi"  siècle,  Hanque,  la  Hanque  ou  la  Canique,  ou  bien  encore 
Chancha.  «  Chancha,  dit  Léon  l'Africain,  est  une  grande  cité  située  au  com- 
mencement du  désert,  qui  va  à  Sinay,  du  Caire  environ  seize  milles  :  laquelle 
est  ornée  de  temples  somptueux,  superbes  édifices  et  très  beaux  coleges.  Entre 
icelle  et  le  Caire,  y  a  plusieurs  jardins  de  datiers  par  l'espace  de  six  milles  : 
mais  depuis  les  murailles  jusques  au  port  de  Sinay,  ne  se  trouve  aucune  habi- 
tation, combien  qu'il  y  ait  de  chemin  cent  quarante  milles.  Les  habitants  sont 
médiocrement  riches  :  pour  ce  que  faisant  départ  do  la  caravanne  pour  suivre 
la  route  de  Surie,  là  s'acheminent  gens  en  grande  assemblée  pour  acheter 
diverses  choses  qui  viennent  eu  grand  Caire;  car  il  ne  croist  autres  choses  que 
dates  en  terroir  de  ceste  cité,  de  laquelle  procèdent  deux  grands  chemins,  l'un 
tirant  droit  en  Arabie,  l'autre  en  Surie.  11  ne  s'y  trouve  autre  eau  que  de  celle 
qui  demeure  en  la  décrue  du  Kil  dans  les  canals,  et  en  cas  que  ils  se  viennent 
à  rompre  (ce  que  r.vient  quelquefoys),  Teau  se  répand  par  la  plaine,  là  où  elle 
demeure  en  forme  de  lacs  :  et  de  là  reprend  son  cours  à  la  cité  par  quelques 
conduits,  puis  demeure  dans  les  citernes  et  conserves.  )>  (Dcsciiplioii  de  l'Afrique, 
tierce  partie  du  }iioude,  et  cscrite  de  notre  temps  par  Jean  Léon  African,  première, 
ment  en  langue  arabesque,  puis  en  toscane  et  à  présent  mise  en  J'raiiçois.    Lyon. 

I  ))6,  tome  I,  pages  363-36.}.) 


Dli  MONSIF-.UR  D'ARAMON  129 

(on  belle  maison  quiluv  fut  ordonnée  par  lebassa  dikliet 
Heu'. 

La  ville  est  i^rande,  non  partout  lerniée  de  nui- 
railles,  mais  bien  en  quelques  endroicts,  assise  en  plaine 
et  appuyée  d'une  montagne  où  est  situé  son  cliasteau. 
11  y  a  un  bras  de  rivière  du  Xil  qui,  au  temps  qu'il 
desborde,  passe  par  dedans.  Les  bastimentz  sc^nt  lort 
haultz  et  eslevez,  bien  faictz,  et  les  l'aict  on  voir  par 
dedans  pour  les  peintures  et  enriehements  qui  y  sont 
et  qui  s'v  laisoient  au  temps  des  Circas.  Mais  les  Turqs 
qui  y  demeurent  aujourdbuv  ne  bastissent  plus  ainsy, 
ne  n'y  font  telle  despense-. 

1 .  Le  gouverneur  gênerai  de  l'Egypte  en  1549,  était  Aly  Pacha  qui  avait  été 
heylerbey  de  Roumélie.  Il  prit  possession  de  son  gouvernement  au  mois  de 
Chaaban  956  (août  1549),  et  il  fut  remplacé  le  22  du  mois  de  Djoumazy  oula- 
khir  961  (23  avril  1555),  par  Douqakin  Zadéli  Mehemmed  Pacha.  Aly  Pacha 
avait  consacré  tous  ses  soins  à  rendre  à  l'Egypte  son  ancienne  prospérité,  et  il 
emporta  à  son  départ  les  regrets  de  toutes  les  classes  de  la  population.  (Histoire 
des  gonveruairs  généraux  de  l'Egypte,  cowposie  en  loio  (1601),  pour  Hadji 
Mehemmed  Tacha  par  lAbdoulkerim  Efeiidy,  i"  1 3 .) 

2 .  La  magnificence  des  palais  et  des  édifices  du  Caire,  le  soin  avec  lequel 
ils  étaient  bâtis  et  la  richesse  des  ornements  qui  les  décoraient  ont  frappé  tous 
les  voyageurs  qui  ont  visité  le  Caire  au  moyen  âge,  et  à  une  époque  plus  rappro- 
chée de  nous.  Nassiri  Khosrau  qui  résida  pendant  quelque  temps  en  Egypte, 
au  milieu  du  xii'  siècle,  parle  avec  admiration  des  maisons  du  Caire.  (5<-/<,t 
Wamèh,  page  135.)  Thenaud  décrit  l'hôtel  mis  à  la  disposition  d'André 
Le  Roy  (Voyage  d'Oullremer,  page  36);  Pagani  et  Marc'Antonio  Trevisan  s'é- 
tendent sur  la  splendeur  du  palais  bâti  pour  la  femme  de  Q.ait  Bay  et  que  le 
sultan  Ghoury  avait  assigné  pour  demeure  à  Domenico  Trevisan  pendant  son 
séjour  au  Caire.  Maqrizy,  dans  sa  Topographie  de  VÉgyptc,  donne  l'histoire  des 
principaux  palais  construits  par  les  sultans  et  les  émirs  jusqu'au  milieu  du 
xv<^  siècle.  (Topographie  de  r  Egypte  et  du  Caire, llouhq,  1270,  tome  II,  p.  S^-~7  ) 
«  Les  bastimens  du  chasteau  du  dire ,  les  belles  chambres  et  sales  et  les 
peintures  qui  y  sont,  rendent  tesmoignage  de  la  magnificence  des  Cercasses 
qui  dominoient  n'a  pas  longtemps  à  l'Égyplc,  devant  que  le  Turc  les  eut 

9 


130  VOYAGE 

Ladicte  ville  est  fort  peuplée  et  y  habondent  gens  de 
toutes  parts,  et  les  habitantz  du  lieu  se  nomment  Moretz 
qui  ont  langage  à  part  eux,  mais  à  présent,  il  y  a  tant  de 
Turqs  que  l'on  n'y  parle  gueres  que  turquesque.  A 
l'une  des  entrées  de  ladicte  ville,  et  par  celle  mesme 
par  laquelle  nous  y  entrasmes,  y  a  un  chemin  ou  plu- 
tost  carrière  merveilleusement  longue,  belle  et  droicte, 
aux  deux  costez  de  laquelle  sont  de  fort  belles  murailles 
haultes,  de  pierres  de  taille,  ayant  les  ouvertures  faictes 
à  ouvrage  et  à  jour  comme  fenestres,  par  où  l'on  peut 
voir  les  champz  d'un  costé  et  d'autre.  Et  environ  un 
mille  de  ladicte  ville,  vers  le  couchant,  est  le  vieil  Caire 
situé  sur  la  rivière  du  Nil,  qui  est  presque  tout  ruyné  où 
y  a  une  eghse  de  Grecz  au  dessoubz  de  laquelle  est 
une  voulte  où  demeura  la  Vierge  Marie  lorsqu'elle 
fuyoit  la  fureur  d'Herodes;  et  à  demy  chemin  dudict 
lieu,  y  a  un  beau  et  hault  aqueduc  de  pierres  de  taille 
à  grandes  arches  à  plusieurs  endroits  pour  passer  des- 
soubz, allant  du  Nil  respondre  au  chasteau,  et  peut 
contenir  en  longueur  environ  demye  lieue. 

Nous  avons  esté  en  un  autre  lieu  appelé  la  Matarée 
qui  est  à  quattre  ou  cinq  milles  dudict  Caire,  où  la 
Vierge  Marie  demeura  quelque  temps  quand  elle  vint 


vaincus  en  bataille.  Les  murailles  y  sont  revestues  de  marbre  à  la  hauteur  d'un 
homme  sçavoir  tout  à  l'entour  des  portes  et  fenestres  est  une  lisière  de  plus 
d'un  pied  de  large,  faite  de  marqueterie  à  la  damasquine,  avec  des  naccres  de 
perles,  d'ebene,  de  cristal,  de  marbre,  de  coral  et  de  verre  coloré.  On  voit 
aussi  de  pareils  ouvrages  en  quelques  maisons  du  Caire.  »  (Les  observations  de 
plusieurs  singnlaiite:^,  etc.,  page  23g.) 


DL  MONSlIiUK  D'ARAMON 


151 


en  Egiptc  et  qu'elle  fiiyoit  la  cruauté  dudict  llerodes. 
Et  en  cediet  lieu,  il  v  a  une  belle  lontaine  bien  pa\ée 
et  accoustrée,  oii  Tcmi  diet  que  ladicte  \'ieri;e  lavoit  le 
linge  de  Nostre  Seigneur,  prés  de  laquelle  v  a  une 
petite  tenestre  où  elle  le  eachoit.  Et  icelle  iontaine 
prend  son  cours  au  jardin  du  Soudan  qui  est  là  aujM-és, 
où  sont  les  plantes  et  arbrisseaux  de  baidnies. 

Le  iS'-'du  mois  d\uuist,  nous  tusnies  voir  les  pvi'a- 
mides  et  sépultures  des  rovs  d'Egipte  que  Yon  dict 
cstre  des  sept  nierveilles  du  monde,  qui  sont  au-iielà 
du  Nil  en  Afrique.  La  plus  grande  desquelles  est  carrée, 
faicte  en  degrez  où  Ton  peut  monter  qui  ont  pour  le 
moings  chascun  quatre  ou  cinq  palmes  de  bault.  Et 
d'iceulx  en  a  deux  cent  cinquante;  et  par  le  bas,  d'un 
carré  à  l'autre,  trois  cens  petits  pas;  et  de  cela  ne  se 
faut  tant  esmcrveiller  comme  de  la  matière  de  quov 
elle  est  faicte,  car  la  moindre  pierre  qui  v  soit  a  pour 
le  moings  sept  ou  buict  pieds  de  long,  et  les  aultrcs 
beaucoup  davantage;  lesquelles  ont  esté  amenées  de 
l'Arabie  pierreuse  qui  confine  et  toucbe  à  l'Egipte  et 
qui  est  assez  loing  dudict  lieu. 

L'entrée  de  cette  pyramide  est  vers  le  septentrion, 
faicte  comme  en  voulte,  de  la  bauteur  d'un  bomme, 
qui  est  une  descente  iaicte  connue  uul  allée  qui  va 
tousjours  en  estrccissant;  puis,  estant  tout  au  bas  d'i- 
celle,  pour  entrer  en  ladicte  pyramide,  n'y  a  qu'un 
pertuis  où  un  homme  ne  peut  aisément  passer  en 
pourpoint;  et  estant  entré,  laut  monter  sur  une  grosse 


VOYAGE 


pierre  où  il  y  a  un  trou  pour  mettre  les  piedz,  et  puis 
trouvez  une  montée  faicte  comme  ladicte  descente, 
mais  beaucoup  plus  longue,  ayant  le  plancher  trois  fois 
plus  hault  qui  est  sans  degrez,  faicte  d'une  pierre  rouge 
pollie  et  fort  glissante,  en  façon  que  pour  monter,  il 
faut  ouvrir  les  jambes  l'une  de  çà,  l'autre  de  là  et  se 
tenir  des  mains  à  des  pertuis  qui  sont  en  une  basse 
muraille  faicte  pour  servir  de  tienmain  à  y  monter. 
Après,  vous  entrez  dedans  une  chambre  où  y  a  une 
cuve  qui  est  d'une  seule  pièce,  de  la  grandeur  d'un 
•  homme,  qui  est  d  une  certaine  pierre  qui  resonne 
comme  airain  quand  on  la  frappe,  et  dit-on  que  c'est 
le  tombeau  du  roy  Pharaon.  Et  quiconque  entre  dedans, 
il  faut  qu'il  ait  torche  ou  chandelle,  car  il  n'y  a  verre 
ni  ouverture  pour  y  voir.  Et  auprès  de  cette  pyramide 
sont  deux  autres  qui  ne  sont  si  grandes,  ne  ainsy  faictes 
à  degrez,  et  sont  sans  ouverture.  Et  aussy  y  a  assez 
d'aultres  tombeaux  de  divers  façons.  Et,  nous  en  retour- 
nant en  la  ville,  passasmes  au  lieu  où  y  a  une  teste 
de  pierre  la  plus  grosse  qu'il  est  possible  de  voir;  l'on 
l'apelle  la  teste  de  Pharaon.  Et  près  de  là,  le  sieur 
d'Aubray,  enfant  de  Paris,  tomba  de  dessus  une  haque- 
née  sur  quoy  il  estoit  monté;  à  laquelle  cheute  il  se 
rompit  le  col,  dont  la  compagnie  fut  fort  estonnée  et 
desplaisante. 

En  cettedicte  ville  du  Caire,  il  se  trouve  beaucoup 
de  sortes  d'animaux  sauvages  et,  entre  autres,  y  a  force 
chats  de  civette^  desquclz  j'ay  vu  la  manière  que  on 


fiiict  pour  leur  tirer  la  civette.  Aussi  v  a  dedans  le 
chasteau  des  austruches,  et  trois  giraffes  que  tient  le 
bassa,  qui  est  un  }'>lus  rare  et  plus  beau  et  plus  hauit 
animal  que  i'a\-e  piMiU  \"U.  Sa  peau  ressemble  à  celle 
d'un  cerl,  mais  elle  est  mouchetée  de  blanc,  le  pied 
comme  d'un  cerl  et  les  jambes  de  devant  deux  lois 
plus  haultes  que  celles  de  derrière.  Le  corps  plus  long 
que  d'un  cerl  et  le  co\  lort  long  et  la  teste  petite  selon 
la  proportion  du  corps,  en  laquelle  v  a  deux  petites 
cornes  et  le  Iront  pointu  en  façon  de  diamant. 

Nous  partismes  de  ce  lieu  le  deuxiesme  de  septembre, 
pour  aller  en  Allexandrie,  et  allasmes  à  cheval  jusques 
à  Boulac  qui  est  à  deux  milles  loing  de  la  ville,  située 
sur  la  rivière  du  Nil.  Et  là  est  l'escale  de  ladicte  ville  où 
se  faict  la  cherche  de  toutes  marchandises  qui  y  arri- 
vent. 

Et  sur  les  huict  heures  du  soir,  le  sieur  ambassadeur 
monta  sur  un  brigantin  à  vingt  quatre  rames  avec 
partie  de  sa  compagnie,  et  le  reste  sur  grosses  barques 
qui  nous  menèrent  toute  la  nuict. 

Le  lendemain,  nous  arrestasmes  à  un  certain  village 
pourdisner'.  Et  de  là  arrivasme:^  à  une  \ille  ncmuuée 
Loua  ■  oii  ledict  sieur  ambassadeLU"  laissa  le  brigantin 


1.  Ce  village  est  probablement  celui  de  Teranèh,  l'ancienne  Terunitis.  C'est 
de  ce  village  que  part  h  route  conduisant  aux  lacs  de  N'atron. 

2.  «  Et  tant  fismes,  dit  Belon,  que  nous  vinsmes  lugcr  à  une  grande  ville 
nommée  Foua.  C'était  anciennement  une  ville  grande  comme  le  Caire,  et 
encore  pour  le  jourd'liui,  il  n'y  a  aucune  ville  en  terre  ferme  d'Égyple  après  le 
Caire  qui  soit  plus  grande  que  Foua.  Elle  est  beaucoup  plus  grande  que  Ro- 


134  VOYAGE 

sur  lequel  il  estoit  monté,  et  print  une  barque  afin  de 
passer  le  canal  qui  va  de  ce  lieu  jusque  aux  jardins 
d'Allexandrie  où  arrivasmes  le  sixiesme  jour  dudict 
mois.  Et  vindrent  au  devant  dudict  sieur  ambassadeur 
le  consul  des  Françoys  et  plusieurs  autres  des  marchands 
qui  pour  lors  y  estoient.  Car  là  est  le  port  où  tous  mar- 
chands chrestiens  qui  trafiquent  au  pays  d'Egypte 
abordent. 

Ladicte  ville  est  fort  désolée,  etcroy  qu'il  n'y  a  maison 
entière  pour  la  grande  ruyne  que  le  Turq  a  faict  faire 
d'icelle.  Et  n'y  a  autre  chose  d'entier  que  les  murailles 
qui  sont  très  belles  et  haultes  et  de  grandes  pierres 
de  taille,  avec  une  grande  quantité  de  tours  quarrées. 
Et  dict-on  que  Alexandre  le  Grand  les  a  faict  faire 
quand  il  fonda  la  ville.  Et  à  la  vérité,  elles  sont  fort 
vieilles. 

Toute  ladicte  ville  est  à  voulte  et  conduitz  par  des- 
soubz,  dont  encore  aujourd'huy  s'en  voient  les  vestiges, 
à  cause  d'un  canal  tiré  du  fleuve  du  Nil  qui  y  passe  en 
la  saison  de  son  inondation.  Le  pallais  dudict  Allexan- 
dre  le  Grand  est  du  tout  ruyné  et  n'y  a  aucune  aparence 
de  maison,  prés  duquel  sont  deux  esguilles  de  pierre 
chascune  de  une  pièce,  fort  belles  et  de  grande  hauteur; 
l'une  desquelles  est  couchée  à  terre  et  l'autre  debout, 


sette,  à  l'opposite  de  laquelle  y  une  gninJe  isle  cultivée  Je  cannes  de  sucre,  de 
sycomores,  palmiers,  colocasses  et  toutes  sortes  de  légumes  et  bledz  et  de  riz 
qui,  entre  autres  choses,  est  de  grand  revenu  à  l'Egypte.  »  {Les  observations  de 
phisictirs  siih^nlarilis,  page  224.) 


D\i  MONSIEUR  DARAMON  ly, 

ouvrées  et  cscriptcs  en  caractères  egiptiens,  qui  ont  Je 
hauteur  soixante  pieds  pour  le  moings.  Hors  la  ville,  y 
a  aussi  en  un  lieu  forteminent  une  colonne  bien  grosse 
et  merveilleusement  haulte  qu'on  nomme  la  colonne 
de  Pompée;  et  vers  ce  quartier,  à  un  mille  loing  de  là, 
y  a  un  lac  qui  donne  lort  mau\ais  air  aux  habitants  du- 
dict  lieu  d'Alexandrie,  auquel  nous  sejournasmes  jus- 
que au  seiziesme  septembre  que  nous  en  partismes  pour 
retourner  au  Caire  par  le  chemin  mesme  qu'avions  faict 
en  y  allant. 

Et  avant  que  passer  plus  oultre,  est  à  sçavoir  que  la 
campagne  et  la  plaine  qui  est  sur  la  rive  du  Nil  sont  les 
meilleures  terres  et  les  plus  habondantes  en  biens  qu'on 
sçauroit  trouver.  Et  entre  autres  choses,  elles  habondent 
en  succre,  bledz,  riz,  mil,  colocasse  et  autres  légumes  et 
grains.  Et  la  plus  grande  marchandise  qu'ilz  font  est 
succre,  lin  et  poulletz  qu'ilz  iont  esclore  en  des  iours  à 
centaines  et  milliers,  qui  n'ont  telle  saveur  que  les 
ncstres. 

Il  y  a  grande  quantité  de  villages  sur  le  bord  de  cette 
rivière  et  à  l'environ,  lesquelz  sont  eslevez  sur  grosses 
mottes  de  terre  afin  que  cedict  fleuve  n'v  adveigne  lors- 
qu'il desborde.  Son  inondation  commence  vers  le  moys 
d'aoust,  qui  dure  sur  la  terre  avant  d'estre  retirée  trois 
movs  pour  le  moings  et,  en  ce  temps  là,  les  mariniers 
mal  praticqs  de  la  rivière  n'osent  volontiers  v  aller  de 
nuict.  Et  encore  que  l'environ  dudict  Xil  soit  iertile,  si 
s'y  void  il  grande  pauvreté,  tant  au  temps  de  l'inonda- 


i-,6  VOYAGE 

tion  pour  estre  les  hommes  assiégez  en  leurs  maisons 
que  par  après,  pour  l'extrême  chaleur  qu'ilz  endurent, 
qui  les  rend  noirs  et  demy  cuictz,  lesquelz  n'ont  autre 
vestement  que  toille  de  coton.  Et  les  enfants  et  filles  ne 
portent  aucune  chose  sur  eux,  mesmement  l'esté,  et  ne 
se  faut  s'esbahir  s'ilz  sont  noirs  et  bruslez  de  la  chaleur 
du  soleil,  et  aussy  qu'il  n'y  pleut  quasi  comme  point,  qui 
est  cause  que  le  pays  d'Egipte  a  nécessité  d'estre  arrosé 
du  Nil.  Et  communément,  la  terre  n'est  gueres  plus 
haulte  que  la  rivière,  qui  faict  que  facilement,  et  avec  peu 
de  despence,  l'on  en  monte  l'eaue  par  engins  à  arrouser 
jusques  aux  pays  lointains.  Et  à  dix  milles  du  Caire,  le- 
dict  fleuve  faict  deux  branches  dont  l'une  vaàDamiatte 
et  l'aultre  à  Rosette,  qui  sont  deux  petites  villes  où  y  a 
port  de  mer.  Et  sa  source  vient  d'un  lac  en  Ethiopie, 
pays  du  prestre  Jehan.  L'eaue  en  est  toujours  trouble,  et 
il  la  faut  laisser  rassoir  pour  en  boire  de  claire  ;  et  est 
bonne  et  bien  saine  ;  et  un  chascun  en  boit.  Car  il  n'y  a 
audict  Caire,  aucune  fontaine  ni  eaue  de  puys  bonne  à 
boire. 

Il  se  trouve  dedans  cedict  fleuve  des  cocodrilles  en 
grande  habondance.  J'en  ay  veu  beaucoup,  tant  de 
petitz  que  de  moyens  et  de  grands,  qui  avoient  encore 
vie,  combien  que  l'on  die  qu'estans  hors  de  l'eau,  ilz 
ne  peuvent  vivre  plus  haut  de  quinze  jours;  et  nous 
fut  dict  que  aucuns  mores  en  mangent  par  laulte  de 
meilleure  viande. 

Il  y  a  aussy  sur  la  rive  de  cedict  fleuve  force  came- 


DE  MONSII-UR  DARAMON  i^; 

Icons  qui  se  tiennent  dans  les  arbres  et  ne  vivent  que  de 
l'air. 

11  se  trouve  aussi  des  bestes  fort  venimeuses  qui 
ressemblent  à  serpent/,  mais  plus  courtes.  L'on  en 
ùùt  le  tiriacle  le  meilleur  qui  se  trouve  en  tout  le 
Levant. 

Nous  fusmes  de  retour  audict  Caire  le  vingt  et 
uniesme  dudict  mois  de  septembre,  où  sejournasmes 
jusqu'au  vingt-six  octobre;  et  l'occasion  de  nostre 
séjour  estoit  que  ledict  sieur  ambassadeur  esperoit 
recouvrer  du  salpaistre  de  myniere  qui  s'y  trouve  tous 
les  ans,  et  l'envover  en  France  par  des  Marsilliansqui  y 
estoient  lors.  Et  pour  ce  faire,  a  voit  envoyé  vers  le 
Grand  Seigneur  duquel  il  attendoit  responce,  laquelle 
fut  qu'il  n'y  avoit  gueres  que  l'on  avoit  prins  ledict 
salpaistre  de  la  myniere,  et  que  si  Ton  en  prenoit 
encore,  que  ce  seroit  pour  gaster  et  ruyner  ladicte 
myniere,  qui  luv  tourneroit  à  trop  grand  préjudice.  Au 
moyen  de  quov,  nous  revinsmes  sans  salpaistre  et  tut 
délibération  de  venir  trouver  ledict  Grand  Seigneur  en 
la  part  où  il  seroit.  Repassasmes  par  l'Arabie  déserte  et 
sablonneuse,  et  revinsmes  en  Ilierusalem  et  en  Damas 
où  eusmes  nouvelles  certaines  qu'il  s'en  retournoit  à 
Constantinople,  et  estoit  jà  par  le  chemin  sans  avoir 
faict  aucune  laction  d'armes  ne  aucune  chose  de 
moindre  importance  à  l'encontre  de  son  ennemy,  qui 
ne  voulut  jamais  comparoir  ne  venir  à  combat,  et  ne 
fit  semblant  d'aucune  résistance,  mais  s'cntuvoit  tous- 


138  VOYAGE 

jours  et  en  pays  où  l'on  ne  le  pouvoit  suivre;  qui  fut 
cause  de  la  retraicte  dudict  Grand  Seigneur,  ne  voul- 
lant  plus  perdre  de  temps  à  cette  poursuicte. 

Aussy  que  Elcas  moteur  de  cette  guerre,  pendant 
icelle  accommoda  ses  affaires  avec  le  Roy  de  Perse  son 
frère,  et  s'estoit  retiré  en  son  pays  et  royaume  de 
Sirvan.  Lesdictes  nouvelles  nous  donnèrent  grand 
contentement  pour  le  désir  qu'avions  de  retourner 
audict  Constantinople,  et  aussy  pour  la  crainte  que  nous 
avions  de  retourner  une  autre  fois  au  camp.  Car 
nous  estions  tant  las  de  voyager,  mesmement  par  ces 
pays,  qu'il  n'y  avoit  personne  de  nostre  compagnie 
qui  ne  desirast  et  qui  n'eust  besoing  de  quelque  bon 
repos. 

,  Nous  arrivasmes  audict  Hierusalem  pour  la 
deuxiesme  fois  le  neufviesme  novembre  où  trou- 
vasmes  M^  Guillaume  Postel  *  qui  y  estoit  venu  dés  le 
moys  d'aoust,  avec  les  pellerins  dans  la  navire  de 
Venize,  homme  docte  et  de  grandes  lettres,  disant  à 
l'ambassadeur  qu'il  estoit  demeuré  exprez  afin  que  par 
son  moyen,  il  peust  recouvrer  quelques  vieux  livres 
du  pays.  A  quoy  s'opposa  un  nommé  Petrus  Gilleus 


I.  Guillaume  Postel  naquit  le  25  mars  15 10  àDolerie,  village  proche  de  Ba- 
rcnton,  en  Normandie;  il  mourut  à  Paris  le  6  septembre  1581.  On  trouve  la 
liste  des  très  nombreux  ouvrages  de  Postel  dans  le  premier  volume  des 
Mi'iiioircs  de  littérature  de  Sallengre,  le  huitième  volume  des  Mémoires  pour  ser- 
vir à  l'histoire  des  hommes  illustres,  du  P.  Niceron,  et  à  la  suite  des  Nouiraux 
éclaircissements  sur  la  vie  et  Us  ouvrages  de  Gu  illaume  Postel,  par  le  Père  des  Bil- 
lons.  Paris,  1775. 


DE  MONSIEUR  nWRAMON  139 

aussv  fort  docte  qui  avoit  faict  le  vovap:c  avec  nous. 
Lequel  le  feu  roy  François  premier  avoit  envoyé  es 
pays  de  Levant  pour  y  retirer  des  livres,  principalement 
es  langues  grecque  et  hébraïque  des  plus  anciens  qu'il  y 
pourroit  trouver'.  Luv  et  ledict  Postel  qui  re\int  en 
Constantinople  avec  nous,  entroient  souvent  en  dis- 
pute, et  avoit-on  bien  alTaire  quelques  lois  à  les  mettre 
d'accord. 

Nous  sejournasmes  audict  Ilierusalem  cinq  ou  six 
jours  où  je  me  lis  passer  chevalier  avec  un  de  mes 
compagnons,  et  payasmes  chascun  seullement  cinq 
ducatz.  Tous  les  autres  qui  le  sont  en  payent  dix.  Et 
audict  Damas  sejournasmes  sept  jours,  pendant  lequel 
séjour,  le  bassa  dudict  lieu  fît  rendre  et  restituer  quelques 
accoustremens  et  autres  hardes  qui  avoient  esté  des- 
robés  à  un  de  nos  truchemens  à  Balbec  cy  devant 
nommé,  par  aucuns  dudict  lieu  qui  nous  avoient  esté 
laissez  pour  nostre  garde,  la  nuict  que  v  couchasmes  ; 
lesquels  furent  bastonnez  comme  ilz  meritoient.  Et 
avec  cela,  le  bassa  donna  deux  assez  beaux  chevaulx 
audict  sieur  ambassadeur,  pour  ce  qu'il  luy  avoit  faict 
quelque  présent  auparavant  que  y  avions  passé.  Cestoit 
un  des  plus  braves  honncstcs  ctHberals  turqs  qu'avons 


I.  Pierre  Gilles,  né  à  Alby  en  1490,  fut  le  protégé  de  George  d'Armagnac, 
évéque  de  Rodez.  Il  fut  envoyé  dans  le  Levant  par  le  roi  François  I""  pour  y 
recueillir  des  manuscrits  et  il  revint  en  France  avec  M.  d'Aramon.  Il  alla  re- 
joindre le  cardinal  d'Armagnac  à  Rome  où  il  mourut  en  1)5).  Son  neveu,  An- 
toine Gilles  a  fait  paraître  les  traités  :  De  'Bosphoro  Thracio  et  de  Topographia 
ConstantinopoUtana.  Lyon.  i)6i. 


140  VOYAGE 

point  veu,  car  il  n'y  a  gueres  qui  donnent,  mais  prennent 
volontiers  \ 

Nous  en  partismes  le  28^  novembre,  prenant  nostre 
chemin  vers  Tripoly  et  passasmes  à  un  village  nommé 
Meziddlec'  situé  en  une  belle  plaine  et  fort  fertille, 
puis  à  Osam^  et  vinsmes  à  Baruth  qui  est  petite  ville 
fort  anticque  située  sur  le  bord  de  la  mer  où  y  a  port 
de  marchands,  dans  laquelle  y  a  un  couvent  de  corde- 
liers  despendant  de  celuy  de  Hierusalem.  Et  en  ce  lieu, 
nous  fut  monstrée  la  caverne  où  le  dragon  se  retiroit 
et  le  lieu  où  sainct  Georges  le  deffit.  Et  y  a  esté  faicte 
une  petite  église  fondée  à  l'honneur  dudict  sainct  que 
tiennent  les  prestres  grecz.  De  là,  passasmes  à  Petrimo 
ville  ruinée,  monstrant  par  ses  vestiges  estre  fort  an- 
ticque^Et  le  lendemain,  arrivasmes  à  Tripoly,  ville  bien 


1.  Le  gouverneur  de  Damas  en  1549,  était  Sinan  Pacha,  frère  d'Ayas  Pacha 
beylerbey  d'Ezroum.  Il  était  né  à  Delvinosurla  côte  d'Albanie,  en  face  Corfou. 
Il  fut  ensuite  gouverneur  d'Egypte  et  il  occupa,  à  trois  reprises,  le  poste  de 
grand  vizir.  Il  mourut  en  1596,  plus  qu'octogénaire.  Le  témoignage  favo- 
rable de  Chesneau  ne  s'accorde  ni  avec  celui  des  historiens  ottomans,  m 
avec  celui  du  bayle  Matt.-o  Zane.  (Relaiiorii.  t.  III,  p.  420.) 

2.  Meziddlec  me  paraît  être  le  nom  très  défiguré  de  Medjdel  Andjar,  vil- 
lage de  la  plaine  de  la  Biqaa.  On  y  voit  les  ruines  d'un  temple  dont  la  cons- 
truction est  antérieure  à  celle  des  monuments  de  Baalbek  et  de  Palmyre. 

3.  Osain  doit  être  khan  Houssein,  la  première  station  dans  le  mont  Liban 
orsque  l'on  quitte  la  ville  de  Beyrout.  Il  faut  lire  Osain  au  lieu  de  Osam  que 
donnent  les  manuscrits. 

4.  Petrimo  est  sans  aucun  doute,  la  corruption  du  nom  de  la  ville  de  Ba- 
troun,  l'ancienne  Botrys.  Cette  ville  renferme  une  population  de  trois  mille 
habitants,  tous  chrétiens.  On  distingue  encore  aujourd'hui  les  vestiges  de 
l'ancien  port. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMOX  14! 

bastic,  située  sur  un  coustcau  près  la  marine  qui  est  le 
lieu  où  tous  marchands  chrestiens  qui  tralliquent  au 
pays  de  Surie  abordent'.  Il  v  a  un  consul  des  l-rançois, 
et  logeasmes  en  sa  maison,  lit  v  demeurasmes  six. 
jours  et  en  partismes  le  lo^"  décembre,  après  diner,  et 
vinsmes  coucher  en  un  carwmssera  environ  luiicl  ou 
dix  milles  de  TripoK'  entre  la  marine  et  une  rivière.  Le 
lendemain,  cheminasmes  par  une  i;rande  plaine  suivant 
ladicte  marine  et  passasmes  plusieurs  ruisseaux  qui 
viennent  du  mont  Liban  et  aultres  montagnes  circon- 
voisines  ;  vinsmes  coucher  à  Tortous,  anciennement 
Ortasia,  assis  sur  le  bord  de  la  mer  qui  a  esté  la  der- 
nière forteresse  (comme  disent  aucuns),  où  se  retirèrent 
les  François  ayant  perdu  la  Terre  Sainte.  Et  à  ce  que 
l'on  peut  juger  par  les  anciennes  ruynes  et  vestiges 
d'icelle,  ce  a  esté  une  très  belle  forteresse'.  En  partant 


1 .  «  La  cite  de  Tripoly  est  d'assez  grande  cstenduë  et  plus  longue  que  large, 
située  au  pendant  d'une  colline  que  nature  a  divisée  en  deux  pour  laisser 
courir  la  rivière  par  le  milieu  de  la  cité,  laquelle  par  après  se  divise  en  plusieurs 
canaux  et  arrouse  les  terres  d'une  autre  planure  qui  continue  jusques  au  bord 
de  la  mer  qui  n'en  est  distante  que  de  demie  lieuë.  Et  sur  le  haut  de  la  coline 
est  un  chasteau  qui  commande  à  la  cité,  qui  a  esté  autrefois  édifié  par  les 
François,  où  les  Turcs  font  bonne  garde.  Les  maisons  sont  basties  à  la  tur- 
quesque  de  deux  au  trois  esiages  de  haut  avec  des  plates  formes  dessus,  qui 
leur  servent  de  couverture  et  ne  les  ferment  qu'avec  des  clefs  de  bois  comme 
en  Hierusalem.  Les  rues  y  sont  fort  estroictes,  excepté  celle  qui  va  au  pont 
d'Alep,  laquelle  est  couverte  et  voûtée,  comme  pareillement  sont  les  bazares 
ou  marchez,  où  se  vendent  toutes  sortes  de  marchandises  nécessaires  à 
l'homme,  c\ccp\.é  du  y'm.  ■»  (Les  voyages  du  scigtiiur  Je  Villamont.  Rouen,  1608, 
page  596.) 

2.  Tartous  (l'Antaradus  des  Grecs,  Tortose  des  historiens  des  croisades)  : 
cette  ville  porta  aussi  le  nom  de  Constantia  parce  qu'elle  fut  rebâtie  par  Cons- 


142  VOYAGE 

de  ce  lieu,  suivant  tousjours  la  marine,  il  faisoit  si 
maulvais  et  fascheux  temps,  que  fusmes  contrainctz 
pour  pouvoir  passer  à  gué  une  rivière  de  retourner  en 
arrière  et  aller  loger  sur  les  montagnes,  à  main  droicte, 
à  un  pauvre  village. 

Et  le  landemain,  estant  cessé  ce  torrent,  passasmes 
ladicte  rivière  et  vinsmes  coucher  en  un  autre  village, 
puis  à  Gaballa  ville  ruinée  qui  monstre  par  ses  vestiges 
estre  fort  anticque;  et  logeasmes  dans  un  carvanssera 
joignant  lequel  y  a  une  mousquée  et  un  hospital  fort 

tance,  en  346.  «  Cette  place,  dit  Maundrell,  se  nommoit  anciennement  Arthosie. 
C'étoit  une  ville  episcopale  dans  la  province  de  Tyr.  Les  auteurs,  qui  ont 
traité  des  guerres  saintes  en  font  mention  fréquemment,  comme  d'une  place 
forte  ;  ce  qui  paroit  assez  par  ce  qui  en  reste.  Elle  est  située  sur  le  bord  de  la 
mer  et  est  environnée  de  l'autre  côté  d'une  grande  plaine.  H  y  reste  encore 
un  vieux  château  qui  est  très  grand  et  habité.  Il  est  mouillé  d'un  côté,  des 
eaux  de  la  mer,  et  de  l'autre  fortifié  d'une  double  muraille  de  marbre  grossier 
bâti  d'une  manière  rustique.  Il  y  a  un  fossé  entre  les  deux  murailles  et  un 
autre  autour  de  la  muraille  du  dehors.  L'on  entre  dans  cette  forteresse  du 
côté  du  nord  sur  un  vieux  pont-levis  qui  aboutit  à  une  grande  salle  pres- 
qu'entierement  découverte.  Elle  a  été  autrefois  bien  voûtée  et  a  servi  d'église 
au  château.  Elle  ressemble  d'un  côté  à  une  église  par  les  emblèmes  sacrez  qui 
Sont  taillez  dans  la  muraille  où  l'on  voit  une  colombe  descendant  sur  l'endroit 
où  étoit  l'autel,  et  dans  un  autre  lieu,  la  ressemblance  de  l'agneau  sacré,  mais 
la  muraille  de  dehors  à  l'air  de  celle  d'une  forteresse,  étant  remplie  de  cano- 
nieres  pour  de  l'artillerie,  au  lieu  de  fenestres.  La  ville  estoit  autrefois  située 
autour  de  ce  château  au  midi  et  à  l'orient.  Elle  étoit  ceinte  d'une  bonne 
muraille  et  d'un  bon  fossé  dont  on  voit  encore  des  restes  considérables.  Mais 
il  n'y  a  plus  aucun  bâtiment  qu'une  église,  qui  est  à  une  stade  de  distance  du 
château  à  l'orient.  Elle  a  cent  trente  pieds  de  long,  nouante  trois  de  large  et 
soixante  un  de  hauteur.  Les  murailles,  les  voûtes  et  les  piliers  sont  d'un 
marble  bâtard,  en  si  bon  état,  que  l'on  en  pourroit  refaire  une  très  belle  église 
avec  un  peu  de  dépence.  Cependant,  elle  ne  sert  aujourd'hui  au  grand  regret 
des  spectateurs  chrétiens,  que  d'etable  au  bétail  ;  de  sorte  que  l'on  n'y  sauroit 
entrer  sans  avoir  de  la  bouc  jusqu'aux  genoux.  »  (Maundrell,  Voyat^c  d'Alep  à 
Jcnisalcin^  fait  en  1697,  Utrecht,  1705,  page  30-31.) 


DI-:  MONSIEUR  D'ARA.MON  1,13 

beau  et  net,  où  journellement  se  donnent  aulniosnes 
gencralles,  et  v  sont  loi;ez  et  receuz  tous  passans  riches 
ou  pauvres,  de  quelque  nation  qu'ilz  soient'.  L'on  nous 
y  fît  Taumosne  de  ri/,  pt)taL;es  et  autres  viandes  assez 
mal  acccHistrées  et  de  i^out  à  nous  inacoustuniê,  qu'il 
flillut  neantnioins  accepter  pour  ne  inespriser  le  bien 
de  Dieu,  et  ne  inescontenter  les  i^ouverneurs  dudict 
hospital.  Nous  la  baillasines  aux  guides  qui  nous  con- 
duisoient  qui  en  firent  bonne  chère.  De  là,  lusmes  à 
Lidichia  qui  est  une  autre   ville   ruinée  sentant  son 


I.  Djcbclch  (rancioiinc  Gabala),  est  située  entre  Tell  Sougatet  Lataquiéli.  On 
remarque,  dans  cette  petite  ville  qui  ne  compte  aujourd'hui  que  trois  cents 
pauvres  habitants,  les  ruines  d'un  théâtre,  les  restes  d'un  ancien  port  et  des 
tombeaux  creusés  dans  les  rochers  qui  l'avoisinent.  L'imaret,  dont  parle 
Chesneau,  où  l'on  distribuait  la  nourriture  aux  pauvres  et  aux  voyageurs,  était 
une  des  dépendances  de  la  mosquée  dans  laquelle  est  enterré  le  célèbre  suint 
musulman  Ibrahim,  fils  d'Edhem  prince  de  Balkh  :  il  renonça  au  monde 
pour  embrasser  la  vie  religieuse  et  mourut  à  Djebèlèh  en  l'année  161  de 
l'hégire  (778).  Maundell  donne  quelques  détails  intéressants  sur  Djebèlèh 
et  sur  le  tombeau  d'Ibrahim,  fils  d'Edhem.  «  Jebellée  est  bâti  sur  le  bord 
de  la  mer;  cette  ville  est  environnée  des  autres  cotez  d'une  plaine 
très  fertile.  Elle  ne  fait  pas  grande  figure  à  présent.  Cependant  elle 
retient   toujours  le  rang   de    ville  et  l'on   y    voit    des  restes   qu'elle    a    été 

autrefois   sur  un    meilleur    pied On    n'y    trouve    rien  de    remarquable 

qu'une  mosquée  et  un  hôpital  à  côté,  bâtis  l'un  et  l'autre  par  Sultan  Ibra- 
him. Son  corps  repose  dans  cette  mosquée  où  l'on  nous  permit  de  voir 
son  tombeau  qui  est  en  grande  vénération  parmi  les  Turcs.  Ce  n'est  qu'un 
grand  coffre  de  bois,  posé  sur  son  sepulchre,  couvert  d'un  tapis  de  toile 
peinte,  lequel  trainc  jusqu'en  terre  de  tous  cotez.  Il  étoit  orné  de  plusieurs 
chapelets  dont  les  grains  sont  de  bois.....  Nous  vîmes  plusieurs  grands  encen- 
soirs dans  cette  mosquée,  des  chandeliers  d'autel  et  d'autres  orueniens 
d'église.  Ce  sont  les  dépouilles  des  églises  chrétiennes  à  la  prise  de  Ciiipre.  » 
Maundrell  donne  ensuite  une  description  assez  étendue  des  tombeaux  creusés 
dans  le  roc  et  des  ruines  du  théâtre.  (J'oya^c  d'Jkp,  etc.  Uirccht,  170J, 
pages  21-26. 


144  VOYAGE 

antiquité,  dans  laquelle  y  a  plusieurs  vestiges  d'églises 
de  chrestiens  habitée  de  Turqs  et  Grecz',  et  deux  jours 
aprez,  arrivasmes  à  Antioche,  qui  a  grande  aparence 
d'avoir  esté  faicte  autrefois  par  un  puissant  prince,  et 
que  c'estoit  le  siège  d'un  grand  seigneur;  et  aujourd'huy 
elle  est  reduicte  comme  en  village  ayant  la  pluspart  de 
ses  maisons  espandues  ça  et  là,  et  en  beaucoup  d'en- 
droictz,  elle  est  vuide  et  déserte.  Il  y  a  des  Turqs, 
Arméniens  et  bien  peu  de  Juifs.  Et  n'y  a  plus  rien  digne 
à  voir  en  icelle  que  les  murailles  qui  ont  aparence 
d'avoir  esté  fort  belles  et  merveilleusement  bien  faictes 
et  sont  presque  toutes  de  pierres  de  marbrel  L'assiette 
en  est  en  pendant  et  comprent  la  ceinture  desdictes 

1.  Ladaquiè  (Laodicea,  Laodicea  ad  mare,  Laodicea  Syria;)  porte  en  arabe  le 
nom  de  Laziquich.  Elle  fut  bâtie  par  Séleucus  Nicator  qui  lui  donna  le  nom  de  sa 
mère.  Elle  est  construite  sur  une  langue  de  terre  qui  s'avance  dans  la  mer, 
et  est  le  siège  d'un  métropolitain  grec  relevant  du  patriarchat  d'Antioche  et 
portant  le  titre  de  chef  et  exarque  de  la  Théodoriade. 

2.  Antioche  (Epidaphné,  Antiochiaad  Orontem)  est  le  siège  d'un  des  quatre 
patriarcats  grecs.  Elle  fut  fondée  par  Séleucus  Nicator  en  l'année  301  avant 
Jésus  Christ.  En  83,  elle  fut  enlevée  aux  Séleucides  par  Tigrane,  roi  d'Arménie 
et  vendue  par  Lucullus  à  Antiochus  Philapator,  Chapour,  roi  de  Perse,  s'en 
empara  en  268.  Elle  fut  conquise  parles  musulmans  en  635,  sous  le  règne 
d'Héraclius  et  reprise  au  xe  siècle  par  Nicéphore  Phocas.  Elle  tomba  ensuite 
aux  mains  des  Seldjoucidcs  et  elle  fut  possédée  par  les  Latins  depuis  1099 
jusqu'en  1268,  époque  à  laquelle  ils  furent  chassés  par  Melik  Eddahir  Sultan 
Beybars.  a  La  circonférence  de  cette  ville,  dit  Edib  Efendy,  est  de  douze  milles  ; 
ses  murailles  qui  s'aperçoivent  à  une  grande  distance,  sont  percées  de  sept 
portes,  dont  trois  donnent  sur  l'Oronte  qu'il  faut  passer  pour  y  pénétrer.  Ce 
lieu  abonde  en  eaux  douces  les  plus  excellentes.  Plusieurs  ponts  en  pierre 
sont  jetés  sur  le  fleuve  dont  les  rives  sont  garnies  de  moulins....  La  forteresse 
embrassant  un  vaste  espace  boisé  et  couvert  de  broussailles  s'élève  à  droite  et  à 
gauche  de  la  montagne  et  en  couronne  la  crête.  »  {Itinàaire de  Constantimplc  à 
ja  Mecque,  traduit  par  AL  Blanchi.  Paris  1824,  pages  25-26.) 


DH  MONSIEUR  IVARAMON  I.JS 

murailles,  la  soniniitc  de  qiiattre  grandes  et  liaulles 
montaignes  sur  l'une  desquelles  estoitassis  le  chasteau. 
De  là,  vinsnies  loi;er  à  costé  du  chemin  à  main  senestre 
à  un  certain  ca/al  qui  est  Sc)ulv  un  petit  chasteau 
situé  sur  les  nu^nta^nes,  assés  lertille'. 

Le  lendemain,  xini^t  quatriesme  dudict  mois  de 
decemhre,  loi!,easmes  au  dessoub/  d'un  jK'tit  chasteau 
nommé  Mergues  Calassv",  assis  sur  le  pendant  de  la 
montaignc,  accc^mpai^né  d'une  maison  ou  deux  seule- 
ment, au  descouvert,  en  plaine  campagne,  en  une 
prairie,  prez  d'une  petite  rivière  pour  mieux  nous  ra- 
fraîchir et  pour  mieux  trembler  la  liebvre  quarte  que 
j'avois,  qui  m'avoit  prins  un  peu  auparavant  nostrc 
parlement  du  Caire,  qui  me  dura  deux  ans.  Puis,  lo- 
geasmes  à  un  carvanssera''  et  à  Seilechuv  qui  est  un 

1.  Ce  cazal  est  la  petite  ville  d'Alcxandrette  (Iskcndcroiin)  située  sur  le 
bord  de  la  mer  et  qui  se  compose  d'un  cliAtcau,  de  quelques  maisons  et  de 
quelques  boutiques.  Le  château  a  été  bâti  du  temps  du  calife  Waciq  par  Ibn 
Abi  Daoud.  {Itinéraire  Je  Constant iiiopïc  à  la  Mek/ce,  page  24.) 

2.  Mcrkez  Qiilassy,  le  château  du  centre  :  après  l'avoir  dépassé,  on  entre 
dans  le  Baghras  Belv  (la  croupe  de  Baghras),  les  anciennes  Pyl.v;  Cilicix". 

5 .  Ce  caravansérail  est  celui  qui  se  trouve  à  l'extrémité  du  pont  de  Messis. 

(c  Sur  les  deux  heures  après  midy,  nous  arrivasmes  au  pied  du  pont  que  les 
Turcs  appellent  Messis  Cupry  au  bout  duquel,  du  costé  méridional,  est  un 
monastère  de  dervis  et  proche  yceluy,  la  mosquée  ave^^  un  han  ou  carbasary 
pour  loger  les  passants  avec  quelques  cachettes  et  bouiïques  de  revendeurs  de 
ris,  nentilles,  orge  pour  les  chevaux  et  autres  brouilk-ries  qui  lurent  bientôt 
enlevées.  »  {Voyage  du  Levant,  {"  458.) 

«  Messis  est  sans  aucun  doute  la  ville  dont  le  nom  est  défiguré  en  celui  de 
Seilechuy,  car  on  ne  peut  supposer  qu'il  s'agisse  ici  de  Selefkèh,  qui  se  trouve 
sur  le  bord  de  la  mer,  à  une  grande  distance  d'Adana.  Messis  ou  Messissah  est 
l'ancienne  Mopsueste.  Klle  lut  conquise  par  les  musulmans  en  l'année  iî.\  de 
l'hégire  (705).  »  (Itinéraire  tic  Cottstantinople  a  la  Melche,  page  22.) 

10 


146  VOYAGE 

gros  village  en  une  belle  plaine,  et  après  avoir  passé  un 
pont  sur  une  grosse  rivière  où  y  a  de  chascun  costé 
ruines  de  villes  ou  chasteaux,  arrivasmes  en  une  ville 
située  en  la  plaine  qui  se  nomme  Adena  où  y  a  un 
petit  chasteau  et  une  autre  grosse  rivière  qui  bat  au 
pied  d'iceluy,  laquelle  vient  et  descent  du  mont  Thau- 
rus'.  Et  lorsque  le  Grand  Seigneur  y  passa  (qui  fut 
environ  quinze  jours  devant  nous),  s'en  retournant  à 
Constantinople,  ses  janissaires  et  espahiz  mirent  le  feu 
au  plus  beau  et  meilleur  d'icelle,  qui  y  fit  un  très  grand 
dommage,  la  voulans  du  tout  saccager  comme  si  c'eust 
esté  terre  d'ennemy,  pour  le  malcontentement  qu'ilz 


I.  «  Adena  est  une  grosse  ville,  c'est  à  dire  grand  bourg,  et  de  grand  passage. 
Il  y  a  un  beau  pont  de  pierre  fort  large  et  spacieux.  La  rivière  est  nommée  en 
Turc  Schelikmark  (Qizil  Irmaq,  rivière  Rouge)  qui  vient  d'Arménie  mineure, 
passant  par  Lydie  et  Cilicie,  et  vient  tomber  en  la  mer  Méditerranée  au-dessous 
de  Rhodes.  Elle  n'est  pas  navigable  pour  ce  qu'elle  meine  moult  grande  quan- 
tité de  gravùis  avec  elle  La  ville  d'Adena  n'est  point  close  de  murailles.  Il  y  a 
un  chasteau  qui  a  quatre  tours  quarrées  qui  ne  sont  guieres  fortes.  Nous  y 
trouvions  de  toutes  sortes  de  vivres  et  du  vin,  car  il  y  a  des  Grecs,  des  Juifs 
et  Arméniens  ;  et  aussi  que  les  Turcs  mesmes  cultivent  les  vignes  pour  en 
avoir  les  raisins.  »  (^Les  siiigularilc^  observces ,  page  365.) 

Le  Qjzil  Irmaq  dont  parle  Belon,  est  le  Sihan,  le  Sarus  des  anciens. 

«  Adana  renferme  un  medressèh  et  une  grande  mosquée  bâtie  par  Piry 
Pacha,  ainsi  que  d'autres  mosquées,  des  bains  publics  et  de  beaux  marchés. 
Elle  est  le  chef-lieu  du  district  de  ce  nom  et  fut  conquise  en  891  (i486),  sous 
le  règne  de  Sultan  Bayezid.  On  y  remarque  une  autre  belle  mosquée  bâtie  par 
Ramazan  Oglon  et  décorée  de  plaques  de  faïence  émaillée.  Piry  Pacha,  qui 
était  de  la  famille  des  Ramazan  Oglou,  a  rebâti  le  château  et  construit  un  bain 
public.  On  a  jeté  sur  le  Sihan  un  grand  pont  aux  deux  extrémités  duquel  des 
receveurs  perçoivent  les  droits  sur  les  marchandises.  »  (Itinéraire  de  Constan- 
liiioph  à  la  Mecque,  pages  20-21.) 

Cf.  Rapport  sur  l'exploration  aril.\'oJoi;i(jiie  Je  ht  Cilicie  et  de  la  petite  Amunie 
pétulant  les  antiées  iS)2-iS)j,  par  M.  V.  Langlois,  pages  40-41. 


DI:  MONSIEUIi  D'ARAMON  147 

avoicnl  de  leur  en  retourner  d'un  si  loni;  et  taseheux 
vova^e  sans  aucun  prolict,  de  sorte  que  pour  les  apai- 
ser, ledict  Cirand  Seigneur  leur  lit  donner  à  tous  une 
grande  somme  d'argent.  Nous  v  sejournasmes  un  jour 
poiu"  prendre  \ivi-es  et  provisions,  et  au  partir  de  là, 
eommençasmes  à  cheminer  sur  ledict  monl  Thaurus 
par  l'espace  de  trois  jours.  Et  puis,  vinsmcs  loger  à  une 
ville  non  termée  nommée  lleraclée'  située'eii  une  lort 
belle  plaine  oîiv  a  grande  quantité  de  beaux  sillages;  et 
V  sejournasmes  un  jour;  puis  trois  journées  après, 
arrivasmes  à  Coigne  principale  \ille  de  la  C>ai-manie' 

1.  Hcraclce  (Erckly  Q.araman)  que  l'on  croit  Otrc  l'ancienne  Cvbistra,  est 
une  petite  ville  divisée  en  vingt-deux  quartiers;  elle  possède  plusieurs  djamis 
et  mosquées.  Ibrahim  bev  daraman  Oglou  et  Chihabcddin  v  ont  fait  construire 
chacun  un  djami.  Ce  dernier  est  enterré  dans  celui  qui  porte  son  nom.  Cette 
ville  renlerme  plusieurs  khans,  deux  bains  publics  et  elle  est  arrosée  par  plu- 
sieurs cours  d'eau.  Le  sultan  Mahomet  s'empara  de  cette  ville  en  861  (1457). 
Le  sultan  Seldjoucide  CLilidj  Arslan  y  a  lait  construire  une  grande  mosquée. 
(lliih'idire  de  Constant iiioplc  à  la  Mecque,  pages  17-18.) 

2.  Qpniah,  l'ancienne  Iconium  est  le  siège  d'un  métropolitain  relevant  du 
patriarcat  de  Constantinople  et  qui  a  le  titre  de  chef  et  exarque  de  toute  la 
Lycaonie.  Qpniah  devint,  en  1074,  la  capitale  de  l'empire  des  Seldjoucides 
de  l'Asie  Mineure.  «  C'est,  dit  Edib  Efendy,  une  grande  ville  renlèrmant  de 
beaux  marchés,  des  bains  publics  et  des  djamis.  Une  haute  muraille  percée  de 
douze  portes  fut  élevée,  pour  la  protéger,  par  .\!a  Eddin  Key  Q.obad.  Elle 
tombe  aujourd'hui  en  ruines.  Qpniah  possède  six  bains  publics,  dont  quatre 
dans  l'intérieur  de  la  ville  et  deux  dans  les  faubourgs. 

Qpniah  fut  conquise  par  les  musulmans  en  l'année  8$  de  l'hégire  (704),  et 
enlevée  par  le  sultan  Bayezid  à  Q.araman  Oglou  en  764  (1592).  On  visite,  à 
Qpniah,  les  tombeaux  de  plusieurs  saints  personnages  et  particulièrement 
celui  de  Mewlana  Djelal  Eddin  Rouniy.  (Itinéraire  de  Constantinople  à  la 
Mecque,  pages  14-15.  DjUnin  Nunta,  page  615,) 

Beion  dit  quelques  mots  de  Qpniah  :  «  Il  est  aisé  ù  voir  que  les  murailles  de 
Cogne  sont  modernes,  car  l'on  y  voit  les  pierres  de  marbre  des  églises  où  l'on 
voit  encore  les  epitaphes  en  lettres  grecques  qui  monslrent  qu'elle  a  autrefois 


148  VOYAGE 

dont  cstoit  gouverneur  sultan  Bayasit,  second  filz  du 
Grand  Seigneur,  et  faisoit  sa  demeure  audict  Coigne 
qui  est  assés  bonne  ville,  assise  en  une  fort  belle 
plaine,  bien  fermée  de  murailles,  monstrant  bien 
d'estre  anticque.  Et  à  ce  que  j'ay  peu  entendre,  elle  a 
esté  ediffiée  par  les  Romains.  Ce  que  facilement  je 
croy,  d'autant  qu'il  y  a  personnages,  lyons  et  aigles  de 
pierre  eslevez  et  taillez  sur  les  portes  de  la  ville.  Nous 
y  sejournasmes  trois  jours,  parce  que  monsieur  l'am- 
bassadeur esperoit  y  rencontrer  quelques  beaux  che- 
vaux pour  envoyer  à  la  court. 

Et  en  partismes  le  huictiesme  de  janvier,  en  temps 
de  neige  et  merveilleusement  froid,  en  sorte  que  pour 
la  grande  habondance  des  neiges  qui  tomboient  et 
pour  les  brouillardz  de  la  saison,  l'on  ne  pouvoit 
remarquer  par  où  l'on  passoit.  Arrivasmes  à  Axar'  qui 

esté  possédée  par  les  grecs  chrestiens,  car  les  croix  et  les  vestiges  qu'on  y  voit 
le  demonstrent  évidemment.  Le  circuit  des  murailles  est  en  rondeur,  mais 

les  tours  sont  quarrées  rares,  et  peu  fréquentes Il  y  a  un  Hercule  taillé  en 

marbre  à  cette  porte  de  la  ville  qui  est  entre  l'orient  et  midy  au  dehors  de  la 
muraille  joignant  une  tour,  mais  il  n'a  point  maintenant  de  teste,  car  les 
Turcs  la  luy  abbatirent  n'a  pas  longtemps..,.  Les  plus  beaux  bastiments  de 
Cogne  sont  mosquées,  les  bains  et  carbascharas.  (Les  singularitcz  observées,  etc. 

page  374-) 

I.  Aq  Cheher  (la  ville  blanche),  l'ancienne  Antiochia  ad  Pisidiam.  Belon 
appelle  cette  ville  Achara.  «  Les  villes  de  Turquie  ne  sont  pas  communément 
murées  non  plus  qu'est  Achara  qui  est  ville  en  l'Arménie  mineure.  Nous  y 
avons  vu  des  pierres  inscrites  de  lettres  latines  qui  anciennement  servoyent 
de  scpulchres,  mais  maintenant,  elles  servent  à  tenir  l'eau  dessouz  les  fon- 
taines pour  abbrcuver  les  chevaux  dos  passants.  Cette  ville  est  prez  d'un 
grand  estang  large  et  spacieux,  lequel  nous  costoyasmes  long  temps.  «  {Les 
observations,  page  376.)  Aq  Cheher  est  une  petite  ville  possédant  des  marchés, 
des  khans,  de  nombreuses   rues  et  de  grandes  mosquées.  Elle  est   entourée 


DH  MC^NSIHlTv   D'ARA  MON  ).,9 

est  une  {X'titc  ville  non  fcrniée,  scituée  en  la  plaine 
prez  des  niontaii^nes  en  laquelle  sejournasmcs  un 
jour.  Puis  \insnies  à  Li\riL;ia  où  y  a  de  ion  beaux 
baings,  lesquelz  nous  fusnies  w^ir',  de  là  à  l-sebi/aber", 
à  Sugut^  et  à  Biligiclv',  gros  villages;  puis  arrivasnies 
à  Isnic  autrement  apellée  Nicée  ',   ville  fort  antieque 


de  vignobles  et  de  jardins  arrosés  par  des  eaux  courantes.  Les  grandes  mos- 
quées ont  été  b.itics  par  Ala  Eddin,  Sultan  Sulcyman  et  Hassan  Pacha.  Le 
sultan  Mahomet  se  rendit  maître  de  cette  ville  en  8ii  (14 14).  {Itiuiniiic 
de  Coiistatitniople  à  la  yfaqui',  page  12.) 

1.  Le  village  dont  parle  Chcsneau,  est  celui  de  Ilidja  auprès  duquel  est 
une  source  assez  considérable  d'eau  sulfureuse  très  chaude  qui  forme  le  Ham- 
mam Sou  un  des  affluents  supérieur  du  Sandyklou  Sou.  Il  existe  également 
une  autre  source  thermale  à  côté  du  village  de  Q;ira  Arslan,  non  loin  du 
versant  septentrional  du  Sultandagh.  (De  Tohih.uchef,  x,-lsie  Miuciiri\  tome  I, 

V^gc  5)7-) 

2.  Esky  Cheher  (la  vieille  ville)  est  l'ancienne  ville  de  Dorylœum.  Elle  est 
située  dans  une  vaste  plaine  à  dix  heures  au  sud  de  Sugut.  Elle  possède  deux 
grandes  mosquées,  bâties  l'une  par  Ala  Eddin  Key  Qpbad,  l'autre  par  Moustafa 
Pacha.  Eski  Cheher  renferme  d'autres  mosquées,  des  marchés,  des  khans  et 
des  bains  d'eaux  minérales.  Elle  fait  partie  du  district  de  Sultan  Euoy.  En 
687  (1288),  le  sultan  Ala  Eddin,  conféra  par  un  diplôme  la  possession  de  cette 
ville  à  Erthogroul  père  de  Sultan  Osman,  le  fondateur  de  la  dynastie  otto- 
mane. {Itinéraire  Je  Coiistuulitiople  à  la  Mecque,  pages  9  et  10.) 

5.  Sugut  ou  Sugud  (les  saules)  est  une  petite  ville  à  neuf  heures  de  marche 
de  Lefkch.  Elle  portait  dans  l'origine  le  nom  de  Sisfaf  ou  Sugutdjik  le  petit 
saule.  Sugut  fut  annexée  à  Tcnipire  par  sultan  Murad  I  en  765  (1565).  (///»('- 
raire,  page  9.) 

4.  Biligich  est  le  bourg  de  Bilèdjik,  l'ancienne  Argilium,  dans  la  province  de 
Khoudavendguiar  et  le  district  de  Sultan  Euny. 

5.  Xicée  (l'ancienne  Antigonea,  Nicxa  Bithynix-),  est  appelée  Iznik  par  les 
Turcs.  Elle  est  située  sur  les  bords  du  lac  qui  portait  dans  l'antiquité  le  nom 
de  Lacus  Ascanius.  Elle  est  le  siège  d'un  métropolitain  qui  a  le  titre  de  chef  et 
exarque  de  toute  la  Bithynie.  Fondée  par  Antigone,  elle  fut  agrandie  par 
Lysimaque  qui  lui  donna  le  nom  de  sa  femme  Nicx-a.  Conquise  par  les 
Croisés  en  1097,  Nicée  fut  rendue  à  l'empire  par  Théodore  Lascaris  L  Les 
Ottomans  s'en  rendirent  maîtres  en  751  (1555),   sous  la  conduite  de  Sultan 


I50  ■  VOYAGE 

située  en  une  belle  plaine  prez  d'un  lac  de  son  nom, 
ediffiée  par  les  Romains  en  laquelle  on  dict  qu'ilz  ont 
tenu  et  faict  le  premier  concilie.  Aprez  vinsmes  à  La 
Lingua*  passer  le  canal  de  mer  qui  va  à  Nicomedie  et 
logeasmes  à  un  carvanssera  sur  la  rive  dudict  canal, 
puis  à  Gebizé"  et  à  Cartaluniml  Et  finallement  fusmes 
de  retour  en  la  ville  de  Constantinople,  le  28^^  de 
janvier  1550,  qui  nous  fut  une  arrivée  de  très  grande 
consolation  tant  pour  estre  délivrez  d'un  si  long  et 
ennuyeux  voyage,  que  pour  y  trouver  les  nécessitez  et 
rafraichissementz  qui  nous  estoient  nécessaires,  lais- 
sant penser  à  chascun  les  travaux,  fascheries  et  mille 
autres  incommoditez  qu'avons  souffertz  en  iceluy, 
trop  plus  grands  que  je  ne  sçaurois  escrire,  pour  estre 
en  pays  estranges  et  barbares,  allienez  de  toute  civilité 
et  humanité  ausquclz,  si  l'on  n'a  quelque  support,  il  y 

Orklian.  Ce  prince  convertit  une  église  en  grande  mosquée  et  il  y  annexa  un 
imarct.  L'air  de  Nicéc  est  lourd  et  malsain. 

1.  La  Lingua  est  la  traduction  italienne  du  mot  turc  dil  (la  langue)  qui  est 
le  nom  de  l'endroit  où  l'on  s'embarque  pour  passer  le  bras  de  mer  qui  forme 
le  golfe  de  Nicomedie.  Dil,  Lingua.  Nomen  etiam  opiduli  asiatici  est,  trans 
Bosporum  itinere  bidui  non  magno  dissiti  a  Constantinopoli,  versus  Niceam.  » 
Cf.  VOiiomaslicon  placé  à  la  suite  des  Histor'uc  miisidniamc  Ttircoriim  de  nioiiu- 
mcntis  ipsorum  exscripLc,    auct.  J.  Leunclavio.  Francfort,  1591,  page  879. 

2.  Mehemmed  Edib  Efendy  nous  apprend  que  Guebizèh  fut  conquise  par  le 
sultan  Orkhan,  et  que  la  grande  mosquée  fut  construite  par  Tchoban  Mus- 
tafa  Pacha  un  des  vizirs  de  Sultan  Suleyman.  On  y  voit  des  lampes  en  jaspe, 
suspendues  comme  des  lustres,  et  on  y  conserve  un  coran  écrit  par  le  célèbre 
calligraphe  Yaqout. 

3.  dartal  est  un  bourg  sur  le  bord  de  la  mer,  à  trois  heures  de  marche  de 
Scutari.  On  y  voit  deux  grandes  mosquées,  un  khan  et  un  bain  public.  L'air  y 
est  doux,  les  fruits  s'y  trouvent  en  abondance,  mais  l'eau  potable  y  est  rare. 
(fliiii'raiir,  etc.,  page  5.) 


DE  MONSini'R  D'ARAMON  iSi 

iliit  tort  maiilvais  et  dangereux.  Ht  encore  que  y  avois 
eu  toutes  les  laveurs  et  liberté/  qui  se  peuvent  avoir 
pour  la  présence  dudict  ambassadeur,  si  est  ce  que 
nous  n'avons  laissé  pour  cela  y  patir  beaucoup  davan- 
ta2;e  que  tous  ceux  qui  sont  usitez  plus  que  nous  en 
tel  pavs.  ]:t  toutefois,  je  ne  voudrois  pour  rien  du 
monde  ne  les  avoir  veux,  pour  le  ctmtentement  que 
j'en  av,  louant  Dieu,  de  m'en  avoir  si  bien  ramené. 

Estans  doncques  de  retour  audict  Constantinople,  le- 
dict  sieur  d'Aramon  ambassadeur  v  continua  le  laict 
de  sa  charge  jusques  au  mois  de  janvier  suivant  1531, 
qu'il  s'en  vint  en  France,  despeché  par  le  Grand  Turq 
vers  le Rovpourl'advertirde  l'entrcprinse  qu'il  deliberoit 
faire  cette  année  Là  sur  mer,  du  costé  de  Barbarie,  et  luy 
rendre  compte  du  reste  de  sa  légation.  Ht  alors  je  m'at- 
tendois  bien  à  retourner  en  France.  Mais  ledict  sieur 
ambassadeur  ne  le  me  voulut  accorder  et  me  commanda 
de  demeurer  ensemble  à  un  vieux  secrétaire  auquel  il 
laissa  la  charge  des  pacquetz  et  lettres  qui  pou  voient  sur- 
venir pendant  son  absence,  et  à  moy  le  service  de 
maistre  d'hostel.  Y  avoit  jà  quelque  temps,  j'avois  le 
gouvernement  de  sa  maison  et  d'une  grande  partie  de 
ses  ser\'iteurs  qu'il  y  laissa,  disant  que  dans  quattre 
mois,  V  seroitde  retour. 

Et  au  mois  de  mav  ensuivant,  le  Grand  Seigneur  fist 
partir  son  armée  de  mer  qui  estoitde  cent  ou  six  \inglz 
galleres  et  plusieurs  autres  vaisseaux  qui  portoient  vivres 
et  munitions,  laquelle  vint  assiéger  IVipoly  de  Barbarie. 


152 


VOYAGE 


Et  pendant  le  siège,  ledict  sieur  ambassadeur  y  arriva  de 
retour  de  France  avec  deux  galleres  que  le  Roy  luy  avoit 
baillées.  Il  y  demeura  environ  quinze  jours,  pour  ce  que 
le  gênerai  de  ladicte  armée  ne  vouloit  qu'il  partist  que 
premièrement  il  n'eut  prins  la  ville  pour  en  aporter  la 
nouvelle  au  Grand  Seigneur,  dans  laquelle  y  avoit  deux 
centz  chevaliers  de  Malte  de  plusieurs  nations,  et  n'y  en 
avoit  que  cinq  ou  six  de  françois,  lesquelz  furent  tous 
prisonniers  et  esclaves  et  mis  dans  les  galleres  des 
Turqs.  Ledict  ambassadeur  fit  tant  envers  ledict  gêne- 
rai et  ses  capitaines,  par  presens  et  autres  belles  pro- 
messes, que  tous  lesdictz  chevaliers  luy  furent  donnés; 
les  fist  mettre  sur  ses  deux  galleres  et,  venant  en  Cons- 
tantinople,  les  laissa  en  l'isle  de  Malte;  et  pour  eux, 
avoit  promis  de  faire  rendre  les  esclaves  turqs  qui  estoient 
audict  Malte  detenuzpar  le  grand  Prieur,  duquel  il  n'en 
sceut  jamais  avoir  un.  Et  au  lieu  de  grattifier  ledict 
ambassadeur  de  la  délivrance  de  tant  de  chevaliers,  le 
calomnia,  escripvant  au  roy  qu'il  avoit  esté  cause  de 
la  prinsc  de  Tripoli,  en  quoy  il  n'avoit  aucunement 
pensé  ny  aidé,  ny  de  force,  ny  de  conseil. 

Il  fut  de  retour  avec  ses  deux  ^allées  audict  Cons- 
tantinople  au  moys  de  septembre  et  aporta  audict 
Grand  Seigneur  la  nouvelle  de  la  prinse  de  Tripoly 
dont  il  fut  fort  aise.  Son  armée  aussi  y  fut  de  retour 
sur  la  lin  du  mois  de  novembre,  ayant  laissé  bonne 
garnizon  audict  Tripoly  et  amenant  lorce  esclaves 
qu'ilz  avoient  prins  en  Cécile  et  autres  lieux  maritimes. 


DE  MONSIEUR  ITAILXMON 


J5Î 


Ladictc  armée  continua  trois  ou  quatre  années  sub- 
séquentes de  laire  entreprinse  sur  nier.  F. es  L;alleres 
du  Rov  s'y  trcHiverent  en  Tannée  1 3  3  3,  quand  l^onilacc 
fut  prins;  et  elles  avoient  lii\erné  auparavant  à  Tisle 
de  Chics  qui  est  unerepublique,  toutefois  sous  la  pro- 
tection dudict  Cirand  Turq,  et  qui  luv  pave,  par  chascun 
an,  neuf  mille  ducat/  de  tribut.  CV'St  oli  se  prend  ce 
masticq  qui  se  porte  par  Xoulc  la  chrestienté.  Idle  est 
à  quattre  cens  milles  loiiii;  de  Constantinople;  auquel 
lieu  estant  de  retour  comme  est  dict  cv  dessus,  ledict 
sieur  ambassadeur  y  continua  le  laict  de  sa  charge.  11 
avoit    aporté  nouveaux    présents    pour  entretenir  les 
gouverneurs  et  seigneurs  du  pays  en  bonne  volonté 
de  faire  service  au  Rov,  et  mcsmeiiient  de  laire  ache- 
miner à  la  saison  ladicte  armée. 

Cependant,  le  Grand  Turq  vint  passer  Tliyver  à 
Andrinople  où  nous  le  suivismes;  auquel  lieu  vint 
monsieur  le  chevalier  de  Seure'  de  la  part  du  Roy  pour 
solliciter  ladicte  armée  de  mer  dont  il  eut  fort  bonne 
rcsponce,  qui  estoit  qu'elle  partiroit  dans  le  mois  de 
juing  1332.  Il  s'en  revint  à  la  cour;  avec  lequel  ledict 
sieur  ambassadeur  me  despescha  pour  la  sollicitation 


I.  Miclicl  de  Sourc,  seigneur  de  Lumigiiy,  avait  été  reçu  chevalier  de  Malte 
en  1539.  ^1  servit  en  Ecosse  dans  les  troupes  françaises  que  Henri  II  y  avait 
envoyées.  Il  accompagna  avec  une  galiote,  en  1531,  M.  d'Aramon  au  siège 
de  Tripoli  de  Barbarie,  puis  A  Constantinople.  Michel  de  Seure  fut,  en  i)68, 
chargé  dune  mission  auprès  des  chefs  protestants.  Il  était,  en  158.1,  grand 
prieur  de  Champagne,  Il  encourut,  sur  la  hn  de  sa  vie,  la  disgrâce  de 
Henri  III. 


134  VOYAGE 

d'aucunes  de  ses  affaires,  mesmement  pour  avoir  argent 
de  sa  pension  et  celui  de  ses  galleres.  Nous  partismes 
au  mois  de  may  dudict  Andrenople  i^j2,  et  vinsmes 
à  Raguze  et  Venize.  Nous  passasmes  le  pays  des  Gri- 
sons et  Souisses  et  trouvasmes  le  roy  devant  Dam- 
villiers  qu'il  tcnoit assiégé', où  arrivasmes  dans  le  28^^ 
ou  30^^  jour  de  nostre  partement  dudict  Andrenople, 
qui  ne  fut  que  trop  tost  pour  moy.  Car,  cinq  ou  six 
jours  aprez,  cheminant  avec  le  camp  du  roy,  je  fus 
blessé  à  la  cuisse  au  dessus  du  genouil  par  un  souisse, 
d'une  vieille  espée  qui  n'avoit  point  de  foureau  par  le 
bout,  dont  je  cuyday  mourir.  Et  en  fus  malade  au  lict 
plus  de  huict  mois,  en  sorte  qu'il  fut  nécessaire  audict 
ambassadeur  renvoyer  un  autre  pour  poursuivre 
l'affaire  qu'il  m'avoit  donnée  en  charge  et  m'escrip- 
vit  que  si  je  pouvois  recouvrer  la  santé,  luy  ferois 
plaisir  de  l'aller  trouver.  Ce  que  je  fis  avec  un  de  ses 
secrétaires  qu'il  avoit  despeché,  qui  me  trouva  à  la 
court  d'où  nous  partismes  au  moys  de  may  1553,  avec 
les  despechcs  de  Sa  Majesté  adressant  audict  sieur  am- 
bassadeur et  au  baron  de   la  Garde",  gênerai  de  ses 

1,  Le  siège  de  Damvilllcrs  dura  six  jours.  La  place  lut  reconnue  le  4  juin 
1552  et  investie  le  5.  La  tranchée  fut  ouverte  le  6;  une  grande  batterie  qui 
commença  à  tirer  le  10,  amena  la  capitulation  de  la  garnison  qui  se  composait 
de  dix-huit  cents  soldats  et  de  deux  cents  chevau -légers. 

2.  Antoine  ou  Jean  Antoine  Escalin  des  Aimars,  baron  de  la  Garde,  mar- 
quis de  Breganson,  seigneur  du  Château-Dauphin  et  de  Pierrelatte,  général  des 
galères  de  France,  chambellan  ordinaire  et  gentilhomme  de  la  chambre  du  roy, 
conseiller  en  son  conseil  privé,  capitaine  de  cent  hommes  d'armes  de  son  or- 
donnance, ambassadeur  à  la  Porte,  lieutenant  général  pour  S.  M.  en  Provence 


DE  MONSIEUR  DARAMON  155 

galleres  qui  cstoicnt  lors  avec  celles  du  Turq.  Ht 
cstans  arrivezà  Venize,  fusmes  ccmseillés  par  monsieur 

et  c.ipit.iinc  de  Cliàtc.ui-D.uiphiii,  parvint  p.ir  son  nicrite  à  toutes  ces  di;^nités. 
Il  lut  connu  d'abord,  sous  le  nom  de  capitaine  Paulin,  et  l'ut  envoyé  en  Pié- 
mont au  mois  de  mars  1558  (iS39)i  vers  le  seigneur  de  Monrejan,  qui  en  était 
gouverneur;  il  était  capitaine  de  gens  de  pied  au  mois  d'août  1540,  A  laquelle 
époque  il  eut  ordre  de  se  rendre  en  Flandres  auprès  de  l'Empereur,  et  au  mois 
de  décembre  suivant,  le  rov  l'envoya  en  Piémont  vers  le  seigneur  de  Langcy 
et  de  li  à  Mantoue  et  dans  d'autres  villes  d'Italie.  Il  alla  aussi  ;\  Venise  rem- 
placer les  deux  ambassadeurs  qui  avoient  été  assassinés  par  le  marquis  du 
Guast.  Le  17  juillet  1541,  il  fut  nommé  ambassadeur  en  Turquie  et  négocia 
en  1543  avec  tant  d'adresse  auprès  du  Grand  Seigneur  que,  nonobstant  les 
sujets  de  mécontentement  que  ce  prince  avoit  i  l'égard  du  roy,  il  rétablit 
entre  eux  la  bonne  intelligence  et  conclut  un  nouveau  traité  d'alliance.  Le 
19  mars  1542,  il  se  qualifiait  de  gentilhomme  de  la  chambre  du  duc  d'Or- 
léans, capitaine  de  mille  hommes  de  pied  au  service  du  roy  et  capitaine  de 
Château-Dauphin;  étoit  déjà  pourvu  l'année  suivante  de  la  dignité  de  cham- 
bellan du  rov;  fut  fait  général  des  galères  le  23  avril  1544,  nommé  encore  de 
nouveau  ambassadeur  à  la  Porte  le  premier  may  suivant,  et  député  par  le  roy  vers 
M.  le  Dauphin  à  Montreuil  au  mois  d'octobre  de  la  même  année.  Au  mois  de 
mars  précédent,  il  reçut  sur  les  fonds  de  l'épargne  une  somme  de  1,800  livres 
pour  son  entretien  dans  l'armée  navalle  qui  étoit  en  Provence  ;  dans  le  mois  de 
novembre,  il  fut  envoyé  à  Bruxelles  vers  l'empereur  pour  affaires  très  impor- 
tantes. En  IS4),  il  jouissoit  d'une  pension  de  la  cour  de  1,200  livres,  et  au  mois 
de  mars  de  l'année  suivante,  il  eut  ordre  d'aller  visiter  les  ports  de  mer  de 
Picardie.  Il  étoit,  déjà  à  cette  époque,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre 
du  roy,  charge  dont  il  exerça  les  fonctions  jusqu'à  sa  mort.  Au  mois  de  sep- 
tembre IS53,  Henri  II  l'envoya  en  Corse  pour  donner  ordre  à  toutes  les 
affaires  de  ce  royaume  et  de  ses  galères . 

Au  mois  de  décembre  iSîS,  ce  monarque  lui  accorda  une  gratification  de 
5,000  livr.  par  moitié  avec  le  comte  de  Tende,  à  raison  de  leurs  services  dans 
les  guerres  et  des  dépenses  qu'ils  avoient  faites  à  l'armement  de  plusieurs  gal- 
liottes  et  frégattes  qu'ils  avoient  envoyées  hors  les  mers  de  Provence  pour 
son  service.  Dans  le  même  mois,  il  vint  de  Corse  trouver  le  roy  à  Blois  pour 
luv  rendre  compte  de  ces  affaires  et  fit  aussi  deux  voyages  à  Saint-Germain- 
en-Laye,  en  15 57,  pour  pareil  objet.  Le  11  avril  1564,  il  assista  au  lit  de  jus- 
tice tenu  par  Charles  IX  au  parlement  de  Bordeaux,  et  au  mois  de  décembre 
1574,  Henry  III  luy  accorda  des  lettres  d'érection  de  la  terre  de  Breganson  en 
marquisat,  en  considération  de  ses  grands  services  pendant  plus  de  quarante  ans  en 
guêtre  et  au  conseil,  rendus  tant  à  ce  monarque  qu'aux  roys  FrançoisI,  Henri  II, 


156  VOYAGE 

de  Selve  ',  ambassadeur  du  roy  audict  lieu,  de  prendre 
un  autre  chemin  que  celuy  de  Raguse,  et  que  celuy 
de  Courfou  estoit  le  meilleur  pour  rencontrer  lesdictz 
seigneur  et  ambassadeur  et  baron  de  la  Garde  et  que 
les  trouverions  en  l'armée  dudict  Turq. 

Courfou  est  uneisle  distante  de  Venise  de  sept  cens 
milles,  assés  grande,  qui  anciennement  s'apeloit  Cor- 
cyra,  où  y  a  un  chasteau  imprenable  situé  dans  la  mer 
sur  une  roche  inaccessible.  C'est  une  des  principales 
forteresses  que  les  Vénitiens  ayent.  Et  le  capitaine  qui 
est  dedans  n'en  sort  jamais  devant  trois  ans  qu'il  est 
ordonné  à  la  garde  d'icelluy.  Hz  y  tiennent  un  consul 
pour  le  faict  de  la  justice  et  marchandise  qui  y  aborde. 
Et  lorsque  le  grand  Turc  avoit  guerre  contre  les  Véni- 
tiens, ne  sceut  prendre  ledict  chasteau.  La  ville  fut 
ruinée  par  Barberousse,  et  est  maintenant  comme  un 
grand  village  non  trop  peuplé,  car  il  emmena  dudict 
lieu  plus  de  dix  ou  douze  cents  personnes  que  hommes, 

François   II  et   Charles  IX,  ayant  plusieurs  fois  commandé  en  chef  leurs  années 

de  terre  et  de  mer,  exécuté  une  infinité  d'entreprises  et  de  batailles  et  négocié  leurs 

plus  importantes  affaires  avec  les  plus  grands  potentats  du  monde.  Dans  ces  lettres 

infiniment  glorieuses  pour  luy,  le  roy  lui  donne  le  titre  de  cousin.  Il  mourut 

à  son  cliâteau  de  la  Garde  Adhemar,  le  30  mai  1578.  (Histoire  des  chevaliers 

de  l'ordre  de  Saint-Michel,  mân.  du  cabinet  des  titres,  n°  1039,  pages  480-483.) 

I.  Odct  de  Selve,  cinquième   fils  de  Jean  de  Selve,  premier  président  au 

parlement  de  Paris,  fut  reçu  conseiller  au  parlement  de  Paris  le  3 1  décembre 

1540,  conseiller  au  grand  conseil  en   1542,  puis  maître  de  requêtes,  conseiller 

d'Etat  et  président  au  grand  conseil  en  1547  et    154S;  il  fut  ambassadeur  en 

Angleterre   puis  à  Venise.   Il   quitta  ce  poste  pour  aller  à  Rome  où  il  resta 

jusqu'en  1558.    Odet  de   Selve  mourut  le  11  mars  1564  et  fut  enterré  à  côté 

de  son  père  dans  l'c;î;lise  de  Saint-Nicolas  du  Chardonnet. 


DE  MONSIHUR  D'ARA.MON  i  J7 

femmes  ou  enfants'.  Ladijle  isle  n'est  j\is  tort  iertillc; 
l'on  y  fait  du  sel  en  alxMidance. 

Nous  V  trouvasnies  le  capitaine  Conibas'  qui  v 
estoit  arrivé  un  peu  auparavant  niuis,  qui  y  ax'oit  con- 
duiet  quelques  eorselet/,  morions  et  autres  armes  pour 
les  soldats  des  _i2;allercs  du  roy  ;  avec  lequel  sejournasmes 
audict  lieu  environ  quinze  ou  seize  jours,  attendant 
quelque  moven  de  nous  en  oster. 

Finalement,  le  vin^t  troisiesme  de  juin,  le  baron  de 
Saint-131ancard  v  vint  avec  trois  i^alleres  sur  lesquelles 
montasmcs  incontinent.  Passasmes  près  les  villes  de 
Ccphalonic  et  Zante  peu  fertilles,  et  arrivasmes  à 
Modon  au  mcsmc  temps  et  à  la  mesmc  heure  que  la- 
dictc  armée  du  Turc,  où  sejournasmes  trois  jours.  Ht 


1.  La  flotte  turque,  commandée  par  Klutïr  lîddin  Pacha,  débarqua  le 
25  août  1557  dans  l'ile  de  Corfou  un  corps  de  25,000  hommes  et  trente 
canons  placés  sous  les  ordres  de  Luthfy  Pacha  ;  ces  troupes  furent  renforcées 
par  vingt  cinq  autres  mille  hommes  qui  ravagèrent  l'île  et  investirent  la  ville 
le  l"^'  septembre.  Sultan  Suleyman  avait  établi  son  camp  à  Bastia,  sur  le 
continent  en  face  de  Corfou .  Après  quatre  attaques  infructueuses  contre  les 
forts  qui  défendaient  la  ville,  Suleyman  donna,  le  7  septembre,  l'ordre  de  lever 
le  siège,  et  retourna  à  Constantinople  où  il  arriva  le  !"■  novembre.  (Mar- 
moTi,  Hisloria  di  Corfù,  Venise,  1672,  pages  256-240;  Paruta,  Historia  Vene- 
tiana,  Venise,  1605,  page  615;  Hadji  Khalfa,  Histoire  des  ^lurrcs  mari  limes 
des  Otlovuvis,  fol.  22.) 

2.  Louis  Pelet,  baron  de  Combas,  figure  parmi  les  défenseurs  de  Sienne.  Sur 
l'injonction  de  Montluc,  il  reprit,  pendant  la  nuit  de  Noël  1)54,  le  poste  de  la 
porte  Camollia  dont  les  soldats  du  marquis  de  Marignan  s'étaient  emparés. 
En  1557,  il  fut  chargé  par  Antoine  de  Bourbon,  roi  de  Navarre,  de  lever  une 
compagnie  de  trois  cents  hommes.  En  1573,  il  commandait  dans  le  diocèse 
de  Mende  et  dans  le  Gévaudan.  Il  mourut  à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans  le 
20  décembre  1616.  (De  Thou,  Histoire,  tome  II,  pages  55  J-S^d;  le  P.  An- 
selme, Histoire  chronologique  et  <^èucalo^ique y  c/t.,  tome  II,  page  7^9.) 


IS8  VOYAGE 

fusmes  bien  faschez  quand  nous  entendismes  que  le- 
dict  sieur  ambassadeur  n'y  estoit  pas  et  qu'il  estoit 
demouré  en  Constantinople  où  il  nous  convint  l'aller 
trouver,  après  que  nous  eusmes  communiqué  les  lettres 
du  roy  audict  baron  de  la  Garde,  qui  estoient  com- 
munes entre  luy  et  ledict  ambassadeur.  Nous  fismes 
provision  audict  lieu  de  Modon  de  truchement  et 
chevaux  pour  nous  conduire  et  guider  audict  Constan- 
tinople. Vinsmespar  le  Peloponese  ou  Morée  en  Lace- 
demon,  ville  destruicte  et  ruinée,  et  par  ses  vestiges, 
monstre  d'avoir  esté  belle  et  grande  ville;  maintenant, 
ce  n'est  pas  grand  cas,  ne  pareillement  d'Argos,  ne 
aussi  de  Corinthe  qui  est  situé  sur  une  montagne 
haute,  et  le  circuit  des  murailles  contient  la  sommité 
de  tout  le  haut  de  ladicte  montagne  qui  ressemble  à 
un  mont  Olimpe  prés  la  mer. 

Nous  descendismes  dans  les  vignes  pour  nous 
reposer  sous  quelques  arbres  et  faire  repaistre  nos 
chevaux.  Cependant,  nous  envoyasmes  dans  ladicte 
ville  chercher  des  provisions;  mais  elle  est  si  pauvre  et 
si  desnuée  de  peuple  que  l'on  n'y  sçut  trouver  sinon 
qu'une  poule  et  un  peu  de  mouton;  et  n'y  avoit  pas 
un  œuf.  Ce  que  voyant,  et  estant  passée  la  chaleur  du 
jour,  sur  le  soir,  nous  montasmes  à  cheval  et  vinsmes 
coucher  à  quatre  ou  cinq  milles  dudict  Corinthe  à  un 
bon  village,  au  commencement  de  l'Ithsmos,  destroict 
de  terre  que  passasmes  le  lendemain,  laissant  à  gauclie 
la  mer  de  Corinthe,  et  à  droite  celle  où  est  Athènes,  ville 


DE  MONSIEUR  DARAMON  1^9 

anciencmcnt  rcnommco,  comme  chascun  sçait,  mais 
maintenant,  à  ce  que  j'ay  entendu,  n'est  gueres  meil- 
leure que  ledict  Corinthe.  Ayant  passé  ledict  Ithsmos 
entrasmesau  pais  d'Achaïe,  vinsmes  àMegara  et  Thebe 
et  à  l'islede  Nei2;repont,  anciennement  appelée  Hubaja. 
Laissasmes  à  main  droite  Napolis  de  lu^nianie  qui 
autrefois  a  esté  aux  W'uitiens,  et  lorsque  le  i;rand  Turc 
leur  taisoit  la  guerre,  lurent  contrainct/  pour  avoir 
paix  la  leur  bailler  avec  la  torteresse  de  Malvaisie.  Il 
V  a  d'autres  ruines  de  villes  et  chasteaux  par  où  pas- 
sasmes  dont  je  ne  fais  mention.  Me  suffira  de  dire  que 
tout  ce  païs  est  si  désert  que  pour  qui  le  voyt  mainte- 
nant, est  quasy  incroyable  qu'il  ayt  esté  si  fertille  et  si 
renommé  comme  les  historiographes  ont  descript  : 
de  ma  part,  je  n'en  ai  gueres  vu  de  plus  rude  et  aride, 
ne  plein  de  bocages  et  d'espines  qu'il  est. 

En  partant  de  Xegrepont,  le  sangiac  ou  gouver- 
neur nous  list  bailler  une  galiote  qui  nous  conduisit 
soixante  ou  quatre-vingts  milles,  jusques  à  une  isle  où 
prismes  une  barque  avec  laquelle  nous  ne  faisions  pas 
grand  chemin,  aussy  que  nous  cusmes  presque  tou- 
jours vent  contraire  qui  estoit  cause  que  nous  allions 
prés  de  terre.  Et  quand  nous  approchasmes  le  destroict 
de  l'IIellespont,  nous  ne  sceumes  v  entrer,  à  cause  du 
vent;  et  fusmcs  contraint/  de  prendre  terre  et  cher- 
cher chevaulx  qui  nous  menèrent  à  Gallipoly  en 
Thrace  au  dessus  dudict  destroict  et  des  chasteaux  de 
Sexte  et  Abide  qui  se  voycnt  aisément. 


i6o  VOYAGE 

Gallipoly  est  assés  bonne  ville,  située  sur  le  bord 
de  la  mer;  toutesfois  il  n'y  a  point  de  port.  Elle  est 
habitée  de  Turcs,  Grecs  et  Juifs.  Nousydemourasmes 
un  jour  et  demy  pour  nous  ralraischir  qui  n'estoit 
sansbesoing.  Et  n'ay  jamais  fait  voyage  qui  m'aye  plus 
fasché  et  ennuyé  que  celluy-cy,  tant  pour  l'incommo- 
dité et  changement  de  barques  et  chevaux,  qui  estoient 
en  assés  mauvais  équipage,  que  nous  estions  con- 
trainctz  changer  pour  gagner  pais,  que  pour  une  fièvre 
quotidienne,  qui  me  revint  entière  laquelle  me  print 
au  partir  dudict  Negrepont  et  me  laissa  à  une  journée 
de  Constantinople  avec  une  difficulté  d'haleine  et 
mal  de  costé  qui  me  dura  encore  longuement.  Et  fus 
si  mal  que  je  cuiday  mourir  par  les  chemins  comme 
fit  ledict  secrétaire  qui  fust  plus  malade  que  moy,  qui 
demoura  audict  Gallipoly.  Toutesfois,  je  pris  si  bon 
couraige  que  je  fus  de  cheval  dudict  Gallipoly  en  quatre 
jours  à  Constantinople,  où  trouvay  ledict  sieur  ambas- 
sadeur qui  fust  bien  aise  de  ma  venue,  parce  que 
j'avois  l'argent  d'une  année  de  sa  pension,  dont  il 
avoit  bon  besoing,  et  qu'il  y  avoit  longtemps  aussy 
qu'il  n'avoit  eu  de  nouvelles  de  la  court.  Il  me  fist 
fort  bon  accueil  et  bonne  chère,  et  me  conta  de  tout 
ses  affaires  qui  lui  estoient  survenues  depuis  qu'il  ne 
m'avoit  veu. 

Il  se  délibéra  de  s'en  venir  en  France  d'autant  que 
le  grand  Turc  se  prcparoit  de  nouveau  à  faire  la 
guerre  contre  le  Sophy.  Et  pour  cet  effet  rassembla 


DK  MONSIEUR  D'ARAMON  ,6i 

SCS  gens,  partit  de  Constantinoplc  le  trois  de  sep- 
tembre 1))),  passa  le  canal  de  mer,  entra  en  Asie 
Mineure  au  dessus  de  Scutarv,  beau  et  gros  village, 
nou\elleiiiein  basti  et  amplifié  par  le  Turc  où  estoient 
tendus  ses  pavillons  et  près  Calcédoine.  Il  y  demoura 
trois  ou  quatre  jours,  attendant  que  tous  ses  gens 
fussent  passés.  Nous  fusmes  audict  Calcédoine  qui 
n'est  maintenant  qu'un  village  habité  de  Grecz;  et  de 
ses  ruines,  Constantinople  a  esté  en  partie  ediffiéc. 
Auquel  lieu  ledict  sieur  ambassadeur  alla  loger  pour 
estre  près  dudict  grand  Turc  et  de  ses  bassas,  pour 
plus  aisément  prendre  congé  d'eux.  Il  me  présenta  à 
Rostan  premier  bassa,  me  recommanda  à  luy,  le 
priant  m'advertir  des  choses  qui  seroient  dignes 
d'estre  mandées  au  roy;  et  que  de  celles  de  Sa  Ma- 
jesté, je  les  luy  ferois  entendre,  et  que  pour  cet  eflect 
il  me  laissoit  en  son  absence,  attendant  qu'il  plust  au 
roy  envoyer  autre  ambassadeur.  Estant  partis  de  cedict 
lieu  ledict  Grand  Seigneur  et  tous  ses  gens,  nous 
retournasmes  en  Constantinople  où  ledict  sieur  d'Ara- 
mon  ne  list  pas  longue  demeure;  et  ayant  mis  ordre 
à  ses  alîiiires,  en  partit  le  quatorziesmc  jour  dudict 
mois  de  septembre,  prenant  son  chemin  vers  Ragusc, 
me  laissant  pour  la  direction  des  pacquetz  et  autres 
affaires  qui  pourroient  survenir  en  attendant  que  le 
roy  y  cnvovast  quelque  autre. 

I:t  un  mois  après  son   partement,  la  nouvelle  vint 
à  Constantinople  que  le  Grand  Turc  avoit  lait  estran- 


i62  VOYAGE 

gler  son  fils  sultan  Mostafa  son  premier  fils  et  de  sa 
première  femme,  qui  residoit  au  païs  de  Capadoce 
dont  il  estoit  gouverneur,  par  jalousie  qu'il  avoit  de 
luy  qu'il  voulust  entreprendre  sur  son  estât'.  Et  de 
ceste  mort,  s'ensuivit  celle  de  sultan  Janguier  bassa, 
dernier  fils  dudict  Seigneur  qui  mourut  de  dueil 
d'avoir  vu  ainsy  cruellement  traiter  son  frère".  Autres 


1.  Moustafa  fut  étranglé  à  Eregli  de  Caramanie  au  mois  de  septembre 
1553,  le  lendemain  de  son  arrivée  au  camp  de  son  père;  il  fut  mis  à  mort 
dans  la  tente  du  sultan  qui  assista  à  cette  exécution,  par  les  sept  muets 
qui  avaient  étouffé  le  grand  vizir  Ibrahim  Pacha  pendant  son  sommeil.  Le 
corps  de  ce  malheureux  prince  fut  transporté  à  Brousse  et  enterré  à  côté  du 
tombeau  de  Murad  II, 

Nous  possédons  une  relation  de  ce  crime,  écrite  par  Nicolas  de  Moffan  de 
Dôle  qui,  fait  prisonnier  par  les  Turcs,  fut  conduit  à  Constantinople  où  il 
séjourna  pendant  quelques  années.  Cet  opuscule  porte  le  titre  de  Soltani  Soly- 
maiiiii  Tiiiranim  impcratoris  hoririidiiui  facinus  scelerato  in  proprium  filiurn  natu 
maximum  Soltaniim  Mustapham  parricidio  patratum.  Paris,  1356,31  pages. 

Cette  relation,  dédiée  à  Christophe,  duc  de  Wurtemberg,  aurait  été,  au  dire 
de  Du  Verdier,  traduite  en  français.  Je  n'ai  pu  voir  cette  traduction;  il  en  a 
été  publié  une  allemande  à  Wittenberg,  en  1556,  sous  le  titre  de  :  Wieder  Tilr- 
kisch  Tyrann  Solyman  sein  eltestcr  Son  Mustapha  bat  lassen  nmbringcn,  do-  verJdagt 
ist  diirch  ein  unehrlich  Weih  iind  diirch  deii  Wascha  Rustan.  Bericbt  durcli  ein  gefang . 
Bitrgiinder  Nie.  von  Moffan,  demchristl.  Léser  ^n  giit  verdeutschet.  (Cf.  De  Thou, 
histoire,  etc.,  tome  II,  pages  395-396.  Busbec,  A)nbassades,  Paris,  pages  36  et 
suivantes.) 

2.  Djihanguir  ne  se  poignarda  pas  sur  le  corps  de  son  frère  comme  le  pré- 
tendent quelques  historiens.  Il  mourut  à  Alep,  le  29  novembre  1533,  d'une 
pleurésie,  au  bout  de  quatre  jours  de  souffrances,  deux  mois  après  l'exécution 
de  son  frère  Sultan  Moustafli.  Sultan  Sulcyman  fut  vivement  affecté  par  la  mort 
de  Djihanguir  :  il  le  fît  enterrer  à  côté  de  son  frère  Mohammed  dans  l'en- 
ceinte de  la  mosquée  bAtie  en  l'iionneur  de  ce  dernier,  et  qui  reçut  alors  le  nom 
qu'elle  conserve  encore  aujourd'hui  de  mosquée  des  Princes.  Une  autre  mos- 
quée, portant  le  nom  de  Djihanguir,  fut  élevée  par  le  sultan  Suleyman  sur  la 
colline  qui  domine  le  quartier  de  Tophanèh.  {lielaiioiw  d'Aleppo,  page  236  ; 
Busbec,  Ambassades,  etc.,  pages  72  à  86.) 


DE  MONSlhL'R  UAKAMON  105 

disent  que  ce  fut  pour  quelques  pan^les  et  menaces 
que  luv  teist  son  père;  et  aultres,  qu'il  tust  empoi- 
sonné dans  un  bain.  Et  quelque  temps  après,  ledict 
Grand  Seigneur  teit  pendre  et  estran^ler  à  des 
fenestres  le  iils  dudict  sultan  Mostapha  aai^é  de  onze 
ou  douze  ans  seulement,  qui  est  le  comble  de  toute 
cruauté,  la  plus  inbumaine,  estran^e  et  barbare  qu'il 
est  possible  d'ouïr  parler'.  11  resta  deux  lîls  audict 
Grand  Seigneur,  assavoir  Bajazit  et  Selim,  qui  depuis 
eurent  guerre  ensemble.  Selim  lut  fa\\)risé  et  l^ajazit 
dechassé  et  linalement  tué.  Et  après  la  mort  du 
père,  ledict  Selim  luy  est  succédé,  comme  il  se  voit 
présentement'. 

En  ce  temps  de  ma  demeure  audict  Constantinople, 
la  ville  et  forteresse  de  l^onitace  fut  prinse  par  l'armée 
du  Turc  et  des  François  dont  j'av  parlé  cy-devant"\ 

I.  Busbcc  donne  une  autre  version  de  la  mort  du  fils  de  sultan  Moustata. 
Il  dit  que  le  fils  de  Moustafa  fut  étranglé  par  l'eunuque  Ibrahim  Pacha,  lors  de 
son  entrée  dans  une  maison  de  plaisance  des  environs  de  Brousse,  où  l'on  avait 
persuadé  à  sa  mère  de  le  conduire.  (AmlhissaJcs,  etc.,  pages  80  et  suivantes.) 

:»..  La  discorde  fut  mise  entre  les  deux  frères  par  le  vizir  Lala  Moustafa 
Pacha.  Bayezid,  qui  avait  pris  les  armes,  fut  battu  près  de  Qpniah  parMchcm- 
med  SokoUy  Pacha  (30  mai  i5S9)-  Après  sa  défaite,  il  se  réfugia  à  Amassia, 
puis  gagna  la  frontière  de  Perse.  Chih  Thahmasp  l'accueillit  tout  d'abord 
avec  les  plus  grands  honneurs  ;  il  l'interna  ensuite  à  Qiizwin  et  le  livra  à  Aly 
Aga  et  à  Sinan  Aga,  envoyés  par  Suleyman  et  par  Sélim,  qui  étranglèrent 
ce  malheureux  prince  et  ses  quatre  fils  (25  septembre  1561).  Leurs  corps 
furent  transportés  à  Siwas  et  enterrés  dans  cette  ville.  Un  fils  de  Bayezid,  âgé 
de  trois  ans,  qui  se  trouvait  à  Brousse,  fut  étouffé  par  ordre  de  Suleyman. 

5.  Bonifacio  se  rendit  à  Dragut  au  mois  d'août  1553.  Après  la  prise  de  la 
ville,  il  se  rembarqua  pour  retourner  à  Constantinople,  emmenant  un  grand 
nombre  de  prisonniers,  et  abandonnant  les  Français  au  moment  où  sa  coopéra- 
tion leur  était  le  plus  nécessaire. 


i64  VOYAGE 

Les  habitants  se  rendirent  assés  legierement  aux 
François,  lesquelz  promirent  de  payer  aux  Turcs 
trente  mil  escus,  assavoir,  dix  mil  pour  leurs  muni- 
tions et  pouldres,  dix  mil  à  Dragut  bey,  lors  gênerai 
de  l'armée  du  Turc,  et  les  autres  dix  mil  à  partir 
entre  tous  les  capitaines  des  galleres  turquesques.  Et 
pour  assurer  le  payment,  envoyèrent  un  neveu  de 
M.  de  Termes'  et  le  capitaine  Mus 'en  Constantinople 
avec  ladicte  armée  turquesque,  où  cstoit  le  seigneur 
George  Madruce  nepveu  du  cardinal  de  Trente  '  qui  y 
estoit  pour  dix-huit  mil  livres  assavoir,  douze  mil 
livres  pour  son  frère  le  colonel  qui  fut  mis  es  mains 
des  François  et  six  mil  livres  pour  luy,  lesquels  on 
vouloit  eschanger  avec  M.  d'Andelot  et  M.  de  Cipierre 
prisonniers  à  Milan  \  L'on  s'accorda  quant  à  ce  fait, 

1.  Paul  de  la  Barthe,  seigneur  de  Termes,  eut  deux  soeurs  mariées.  L'une 
épousa  le  seigneur  d'Arbessan,  l'autre  le  seigneur  deBazordan. 

2.  Il  faut  lire,  le  capitaine  Nas  au  lieu  du  capitaine  Mus.  «  Nas,  pro- 
vençal, homme  courageux  et  d'expédition,  dit  de  Thou,  avait  été  donné  par 
Paul  de  Thermes  à  Dragut  pour  l'accompagner.  »  Ce  fut  lui  qui  ménagea  la 
capitulation  de  Boniûtzio.  (De  Thou,  Histoire,  tome  II,  page  378.)  >  Le  sieur 
de  Codignac  a  laissé  en  son  absence  à  Constantinople  le  cappitaine  Naz,  et  par 
un  double  du  secrétaire  du  sieur  d'Aramon  nommé  Chesneau,  Vostre  Majesté 
verra  que  sa  depcsche  pour  le  Levant,  dont  elle  m'avait  bien  expressément  com- 
mandé la  seureté  et  diligence,  estoit  arrivée.  )i  (Lettre  de  M.  de  Selve  au  Roi 
dans  les  Négociai  ions  de  la  France  dans  le  Levant,  tome  II,  page  3 18.) 

3.  Georges  Madruzzo  était  le  fils  de  Jean  Gaudance,  baron  de  Madruzzo, 
échanson  héréditaire  du  comté  de  Tyrol  et  le  neveu  de  Christophe  Madruzzo, 
cardinal  de  Trente.  Son  irère  Alisprand  Madruzzo  avait  été  fait  prisonnier  à  la 
bataille  de  Cérizoies,  où  il  fut  laissé  pour  mort  sur  le  champ  de  bataille.  Georges 
avait  été  pris  par  Dragut  dans  le  combat  qu"il  livra  ù  Doria,  dans  les  eaux  des 
les  Ponza. 

4.  François  de  Coligny,  seigneur  d'Andelot,  couronne!  général  derinlanteric, 


DI-:  MONsinrR  d'aramox  165 

mais  quant  à  l'autre  des  trente  mil  escus,  il  ne  fut 
jamais  rien  payé,  dont  il  y  eut  du  malcontentement, 
principalement  à  l'endroit  dudit  Dragut  bey. 

Estant  doncdemouré  audict  Constantinople,  comme 
dit  est,  le  roy  y  envoya  le  sieur  de  Codignac'  pour 
son  ambassadeur,  qui  y  arriva  au  mois  de  mars  sin- 


était  cnfermi^  nu  château  de  Milan.  Pendant  sa  captiviti},  sa  charge  fut  exercise 
par  Montluc.  Brantomi;  nous  a  conserve  Je  nombreuses  anecdotes  sur  M.  d'An- 
delot.  Cf.  le  tome  VI  de  l'édition  donnée  par  M.  L.  Lalanne  pour  la  Société 
de  l'histoire  de  France. 

Philibert  de  Marcilly,  seigneur  de  Cipierre.  Le  seigneur  de  Cipierre  devint 
gouverneur  de  Charles  IX.  Cf.  Brantôme,  tome  V,  page  240.  Les  seigneurs 
d'Andclot  et  de  Cipierre  furent  faits  prisonniersà  la  Un  de  juin  1551,  par 
Ferdinand  de  Gonzague.  dans  un  combat  livré  à  Saragna  dans  le  duché  de 
Plaisance. 

I.  Michel  de  Codignac,  valet  de  chambre  du  roi,  avait  eu  pour  protecteur  le 
baron  de  la  Garde  qui  ne  cessa  de  lui  porter  un  vii  intérêt.  11  l'avait  recom- 
mandé comme  «  personnage  suftizant  et  digne  de  manier  et  negoticr  quelque 
chose  de  bon.  »  Codignac  fut  chargé  par  les  rois  François  L'  et  Henri  II  de 
plusieurs  missions  à  Constantinople.  Il  épousa  à  Péra  une  fille  de  Marino 
Grimani  qui  lui  apporta  en  dot  l'île  de  Sifanto.  Lorsqu'il  fut  rappelé  par 
Henri  II,  il  voulut  se  fixer  dans  cette  île,  mais  les  habitants  le  chassèrent  et 
il  retourna  à  Constantinople  où  il  dut  se  caciier  pour  échapper  aux  recherches 
du  grand  vizir,  qui  voulait  le  faire  arrêter  et  étrangler.  Il  réussit  à  s'enfuir 
et  passa  en  Italie  où,  grâce  à  l'intluence  du  cardinal  de  Trente  dont  il  avait 
connu  le  neveu  à  Constantinople  et  à  celle  de  don  Juan  de  Vargas,  il  fut  dési- 
gné par  Philippe  II  pour  être  son  agent  à  Constantinople.  On  ignore  la  date 
de  sa  mort.  Ruscelli  a  donné  la  traduction  d'une  longue  dépêche  de  Codignac 
à  M.  de  Lodève,  relative  ù  la  mort  de  Sultan  Moustala.  Lclhii'  di  ^>i iiirij'i 
Venise,  1570,  tome  I,  pages  169-17). 

Codignac  rejoignit  Sultan  Suleyman  au  del.'i  de  Qara  Amid  ou  Diar- 
bekir.  «  Quattro  giorni  dopo  (i^  avril)  gionse  in  Aleppo  il  signore  di  Codi- 
gnac ambasciatore  del  serenissimo  re  di  Francia,  il  quale  riposatosi  tre  giorni; 
si  ripose  in  via  per  andare  a  trovar  Soliniano  c  per  fornirc  la  sua  amhasceria  ; 
il  quale  lo  gionse  de  qua  dalla  citt.\  di  Carahamid  e  in  sirada  gli  anda  a  ba- 
ciare  la  mano.    ..  (^Rclaluoi  d'.-ilip  dans  les  Rcluzioni,  etc.,  tome  I,  page  2.17.) 


i66  VOYAGE 

vant  i))4,  lequel  alla  trouver  le  Grand  Turc  en  Asie, 
la  part  où  il  estoit'. 

Ayant  fait  sa  légation,  revint  audict  Constantinople 
où  il  faisoit  sa  demeure,  auquel  lieu,  au  mois  d'aoust 
suivant,  arriva  le  sieur  de  Vilmontée  despeché  du  Roy 
devers  ledict  Grand  Seigneur,  qui  y  fust  malade 
quelque  temps  d'une  fiebvre  quarte  et  pour  cela,  ne 
laissa  d'aller  trouver  ledict  Grand  Seigneur  en  Asie  où 
il  estoit  encore,  duquel  il  eut  fort  bonne  responce  et 
honneste  expédition. 

Et  quand  il  fust  de  retour  audict  Constantinople,  je 
deliberay  de  m'en  retourner  avec  luy.  Ce  que  je  feis 
parce  que  ledict  Codignac  n'avoit  pas  à  plaisir  mon 
séjour  par  delà,  et  au  lieu  de  me  continuer  à  faire  le 
service  du  roy,  il  tascha  de  m'en  esloigner  le  plus 
qu'il  put  et  me  rendre  inutile  audict  lieu.  Ce  que  pré- 
voyant, et  connaissant  sa  mauvaise  volonté  envers 
mon  endroit,  je  prins  la  resolution  de  m'en  revenir 
avec  ledict  Vilmontée  \ 

Nous  partismes  le  neuf  de  janvier  1555,  etvinsmes 


1.  Sultan  Suleyman  avait  campé  à  Scutari  le  3  septembre  1555,  avec 
l'armce  destinée  ù  agir  contre  la  Perse.  Il  prit  ses  quartiers  d'hiver  à  Alep  et  se 
remit  en  marche  au  mois  d'avril  1554;  il  s'arrêta  quelques  jours  à  Diarbekir 
pour  y  tenir  un  divan  général.  Les  troupes  ottomanes  franchirent  les  fron- 
tières de  Perse  au  mois  de  juillet. 

2.  Il  y  avait  dans  la  maison  du  roi  en  1554,  deux  personnes  portant  le  nom 
de  Villemontée.  L'une  était  u  Messire  Anthoine  de  Villemontée,  chevalier, 
seigneur  dudict  lieu,  l'un  des  cent  gentilhommes  ordinaires  de  l'hostel  du  roy, 
soubz  la  charge  et  conduicte  de  Monsieur  de  Boissv  grand  escuier  de  France,  » 
et  l'autre  Guillaume  Anthier  dit  de  Villemontée,  originaire  d'Auvergne,  con- 


DF  MONSIEUR  D'ARAMON  167 

de  compagnie  jusques  à  W'iiise  où  csloit  lors,  ambas- 
sadeur pour  le  roy,  Tevesque  de  Lodeve'.  Auquel  lieu 
je  teis  séjour  quelque  temps,  attendant  nouvelles  du- 
diet  sieur d'Aramon,  lequel  m'eseripvit  que  je  le\insse 
trouver   en    Provence    où  il   estoit.    rentendis    qu'il 
i-      n'avoit  gueres  esté  tavc^risé  à  son  retour  à  la  court  et 
I       qu'il  s'estoit  retiré,  sans  avoir  aucune  charge  que  de 
ses  galleres  dont  il  avoit  fait  faire  une  à  ses  despens 
audict  Constantinople.   Ce  que  voyant,  je  feis    autre 
délibération  et   m'en   vins   à  la  ville   de   1-errare  où 
trouvai  M.  le  chevalier  de  Seure  cv-devant  nommé, 
qui  estoit  là  de  la  part  du  rov   et  pour  son   service, 
qui  fust  fort  aise  de  me  voir  et  entendre  des  nouvelles 
du  païs  de  Levant,  avec  lequel    je  prins  conseil.  Et 
trouva  bon  le  désir  que  j'avois  d'entrer  au  service  de 
Madame  Renée  de  France,  duchesse  dudict  Ferrare  et 
qu'il  luy  en  parleroit  voulentiers.  Ce  qu'il  fist.  Finale- 
ment, ladicte  dame  m'accepta  et  me  retint  pour  con- 
trolleur  de  sa  maison.  Et  depuis,  luy  a  plu  me  donner 
estât  de  maistre  d'hostel.  Je  commençay  à  venir  à  son 
service  le   premier   de    may  1335,  que   j'av  continué 
jusques  à  maintenant  et   que  j'espère  faire  encore    à 
l'avenir,  aidant  Dieu,  auquel  soit  rendu  tout  honneur 
et  gloire  à  jamais. 

seillcr  du  roi,  trésorier  de  sa  vénerie   et  fauconnerie.  Piàes  on'i^iualcs   de    la 
Bibliothèque  nationale.  Il  s'agit  ici  d'Antoine  de  Villemontée. 

I.  Dominique  de  Gabre.  Le  cardinal  Guid'  Ascanio  Sior/.a  s'était  démis  en 
sa  faveur  de  l'évéché  de  Lodéve.  11  mourut  en  i)i8  à  Venise  et  eut  pour 
successeur  François  de  Noailles,  évèquc  de  Dax. 


APPENDICE 


Lettre  adressée  par  Gcrard  de  Veltivick^  à  Ferdinand,  roi  des  Romains. 

1547.  XX  Fcbruarii  scriptic. 
xa  Martii  data.-. 

Serenissimo  Re,  signor  mio  clcmcntissimo  ! 

Alli  XX.  di  décembre  fui  chiamato  dal  Bassa  per  negociare  in 
gran  pressa,  et  era  già  la  fama  sparsa  che  la  cosa  andava  per  la 
corte  di  questo  Signor  che  presto  io  saria  expedito,  perô  non 
vedo  anchor  niuna  certezza  délia  niia  expeditione.  Il  Bassa 
cominciô  la  negociatione  sopra  quella  copia  délia  propositione 
ch'  io  haveva  data,  et  mi  disse  al  primo  tratto,  ch'  io  non  expli- 
cava  ben  la  mente  mia,  che  cosa  voleva  io  fare  di  quelle  condi- 
tione  d'importantia,  lequalo  Taiino  passato  erano  lassaie  dubic. 
Io  li  rispose,  che  non  si  puo  scrivere  ogni  cosa,  ma  che  se  Sua 

I.  GC-rard  de  Vcltwick,  ambassadeur  de  Cliarlcs  V  cl  de  l'crdinand,  était 
parti  vers  la  lin  du  mois  de  juin  1546  de  Ratisbonne  pour  Constaïuiiioplc,  alin 
d'y  iici^ocicr  un  traité  de  paix,  ou  plutôt  une  trêve  de  cinq  ans  qui  lut  conclue 
le  19  juin  1547. 


I70  VOYAGE 

Signoria  volea  dim  indare,  ch'  io  era  apparechiato  di  rispondere, 
et  mi  dimandô  se  mi  pareva  piccolo  paese  quello  che  Vostra 
Maestà  teneva  nell'  Hongeria,  coma  io  diceva  nella  propositione. 
Io  li  disse  che  mi  pareva  molto  piccolo,  rispetto  aile  altre  gran 
parte  dil  regno  ;  saltô  subito  in  un  altro  ragionamento  et  dimandô 
per  che  ragion  aparteneva  il  regno  al  Re  Ferdinando.  Disse  io, 
perché  era  eletto  re  per  i  stati  et  ordini  del  regno.   Rispose  il 
Bassa  che  nella  batagha  di  Moacz,  dove  fu  rotto  il  Re  Ludovico, 
loro  con  la  lor  spada  havevano  conquistato  tutto  il  regno.  Io  li 
disse  che  noi  christiani  tenemo  lus  electivum  meglior  che  lus 
belli,  ma  che  pregava   Sua   Signoria  che  volesse  intrare  nella 
negociatione,  et  cosi  variando  per  non  venire  al  proposito  de 
quelli  lochi  donde  si  doveva  disputare,  slongô  tanto  che  pareva 
havesse  pochoanimo  di  negociare,  ne  metteva  avanti,  ne  diman- 
dava  cosa  alchuna,  et  questo  mi   pare  ha  fatto  a  questo  fine, 
accio  no  mi  paresse  che  lui  mostrasse  desiderio  a  concludere,  se  da  lor 
parte  tussi  proposta  alchuna  conditione,  mi  parse  anchora  a  me  di  mvi 
meltere  avanti  conditione  nisuna  laquale  mostrasse  humiltà  o  desiderio 
di  pace,  ma  più  presto  star  in  terminis  suis,  di  quello  mi  domandava 
accio  che  quando  io  calasse,  li  paressino  più  dolce  le  mie  offerte^.  Et 
Io  condusse  per  divers!  ragionamenti  che  lui  medcsimo  intrô  nel 
proposito  di  Agria  et  mi  dimandô  che  ragion  haveva  il  Re  de' 
Romani  nelle  terre   di  Pereny  Peter,  dicendo  che'l  suo  signor 
haveva  dato  in  tributo  tutti  quelli  lochi  al  Re  Gioanne,  insieme 
con  li  castelli  de  Valentin  Tereck  et  Thatha,  et  che  dapoi  la  morte 
dil  Re  Gioanne,  Pereny  Peter  ha  mandatoilcuo  figliolo  al  Signor 
nel  seraglio,  et  che  il  Signor  vole  investire  il  giovene  di  béni  del 
padre.  Io  li  rispose  con  dolce  parole,  che  non  mi  pareva  ch'  el 
Signor  havesse  dato  H  ditti  lochi  in  tributo  ai  ditti  signori  Pereny 
et  Valentin  Tereck,  ma  che  havendo  investito  Re  Gioanne  délia 


1.  T.es  pass:ii;cs   imprimes  en  italique  sont  chifircs  dans  la  dépé-che   origi- 

nnic. 


DF-   Mt^NSir.L'R  D'ARAMON  171 

corona,  questi  baroni  sopradctti  et  simili  altri  lussino  acostati 
alla  parte  dil  ditto  Re  coa  li  paesi  apcrieneiui  al  lori)  Jure  hcicdi- 
tiin'o,  et  pcr  parcntela,  o  veraniente  che  havevano  haviito  in 
feudo  o  in  dono  qucste  terre  dai  Re  d'Hongeria,  et  dipoi  che 
Agria  non  aperteneva  a  Pereny  Petro,  sinon  al  Re,  et  che  era 
vescovato,  quai  suol  esser  donato  dalli  Re  d'Hongeria;  dondc 
dipoi  la  morte  dil  Re  Gioanne,  il  vescovo  1-ranchepan  ritornando 
al  suc  vero  signor,  ridasse  anche  quel  paesc  et  quel  mcmbro  dil 
regno.  Mi  rispose  il  Bassa  ch'el  era  prête,  et  che  alli  preti  non 
convien  signoria.  lo  li  disse  :  tal  paesc,  tal  usanza,  et  che  poi  che 
in  christianità  i  sacerdoti  possono  esser  signori,  ragion  è  che 
usino  et  godino  tal  drito  corne  iano  li  signori  laici.  Dipoi  li  disse 
che  \'ostra  Maestà  teneva  in  pregion  Pereny  Peter  per  i  sui 
delitti,  il  quai  haveva  accordato  di  render  tutti  i  lochi  et  castelli, 
et  già  ne  haveva  fatto  metter  in  man  di  Vostra  Maestà  la  più  parte 
d'essi,  et  nominatamente  Agria,  et  ch'  io  haveva  visto  in  Vienna 
il  castellan  d'Agria  per  ricevere  il  servicio  di  Vostra  Maestà.  Mi 
rispose  ch'el  haveva  inteso  che  niun  de  quelli  castcllani  volevano 
Vostra  Maestà,  ma  volevano  vedere  il  loro  signore.  Io  li  rispose 
ch'era  vero^  che  per  avanti  havevano  usata  questa  rebellione, 
ma  che  adesso  la  cosa  era  conza,  excepto  di  denari  ch'el  ditto 
Pereny  haveva  promesso  a  Vostra  Maestà,  liquali  erano  in 
mane  di  ditti  castellani,  et  non  li  volean  dare,  excusandosi 
che  la  più  parte  era  consumata  in  soldare  li  soldati,  et  quanto  a 
quelle  argumento  che  Petro  Pereny  havea  scritto  qua  et  man- 
date il  suo  figliolo,  rispose  io  che  dipoi  ha  contralto  con  noi,  la 
quai  contrettation  essendo  posteriore^  deve  haver  più  valore  che 
la  prima,  sichè  se  il  signor  Turcho  haveva  una  ragione  de  diman- 
dare  Agria,  noi  ne  havevamo  tre,  et  li  dimandai  in  conlidentia 
se  Nadasdy  Thomas,  o  qualche  altro  baron  d'Hongeria  se  ren- 
desse  a  loro,  como  il  Franchepan  se  haveva  reso  a  noi,  se  loro 
non  lo  accetteriano  et  defenderiano  sotto  lor  protectione.  VA  mi 
rispose  che  si  io  li  dimandai,  perche  adonque  si  maravigliava  che 


172  VOYAGE 

noi  tenessimo  Agria,  et  soggionse  io  subito,  chese  Sua  Excellen- 
tia  volesse  pensar  sopra  una  meggia  hora,  ella  trovarebbe  ben 
modo  di  aconzare  questa  differentia,  mi  rispose  :  come  voleti 
che  si  conzi,  poi  che  voleti  tenir  li  paesi  del  Signor  per  forza.  Io 
li  rispose  che  niun  tien  per  forza,  chi  tien  per  ragion,  ma  ch'  io 
non  era  venuto  per  disputare  qua,  ma  per  concludere  la  pacc, 
et  veder  se  si  potesse  far  cessare  tutte  le  querele.  Dipoi  vene  il 
Bassa  al  ponto  de  quelli  baroni,  li  quali  si  hano  sottomessi  alla 
protection  dil  Signor,  et  promesso  tributo  de  diece  millia  ducati, 
dicendo  ch'el  Signor  voleva  castigare  quelli  baroni  come  merita- 
vano,  et  brusare  tutto  loro  paese  per  l'ingano  che  loro  havevano 
usado  in  mandar  dui  o  tre  volte  loro  ambasciatori  per  offerire  il 
ditto  tributo,  et  farlo  confirmar  per  lettere  et  noncij  di  frà 
Georgio*,  et  ch'el  Signor  havea  honorato  li  ditti  ambasciatori  et 
vestiti  di  brocato,  per  le  quai  ragione  el  diceva  ch'el  Signor  si 
haveva  messo  in  tanta  colera  resentendosi  del  suo  honore, 
che  in  ogni  modo  li  voleva  destrugere  per  dare  exemplo  a  tutti 
li  Hongari  che  non  usasseno  di  tal  infidelità.  Io  li  rispose  ch'el 
Signor  faceva  saviamente,  poiche  niuna  cosa  tocha  più  a  un 
principe  generoso  che  far  conto  dil  suo  honore,  et  che  se  si 
accordasse  questa  causa  di  baroni,  li  quali  sono  ritornati  dipoi 
alla  nostra  subiectione,  noi  faremo  ogni  diligentia  per  castigarli, 
et  puô  essere  che  adoperariamo  anche  il  bracio  dil  Bassa  di 
Buda  in  caso  che  alchuno  scampasse.  Dipoi  pregai  Sua  Excellentia 


I.  Frà  Georgio,  le  frère  Georges  des  dépêches  des  agents  français,  est 
Georges  Martinuzzi,  qui  s'attacha  à  Jean  Zapoha,  l'accompagna  en  Pologne 
et  reçut  de  ce  prince  l'évêché  de  Varadin.  En  1540,  Jean  Zapolia  désigna,  sur 
son  lit  de  mort,  Martinuzzi  pour  être  le  tuteur  de  son  fils  Jean  Sigismond. 

Martinuzzi  qui,  comme  Louis  Gritti,  aspirait  à  gouverner  seul  la  Transylva- 
nie et  la  Hongrie,  domina  la  reine  Isabelle  et  trahit  tour  à  tour  le  sultan  Su- 
leyman  et  Ferdinand,  qui  lui  avait  accordé  l'archevêché  de  Gran  et  tait  donner 
le  chapeau  de  cardinal.  Il  fut  assassiné  en  1551  dans  le  château  d'Alvincz  par 
Antonio  Ferraio  et  Sforza  Pallavicini.  La  vie  de  Martinuzzi  a  été  écrite  par 
l'abbé  i^écliel.  Paris,  171  j. 


DH  McA'SIHrU  IVAKAMON  175 

corne  niio  bon  signor,  chc  si  dcgn.issi  pcnsarc  un'  hor.i  o  dui, 
corne  si  potii.i  ;iconzare  le  dittc  cose,  poiclie  hebbi  connnissione 
express;!  di  non  cedere  terr;i  de  frontieni  sopra  le  inia  vitn,  et 
pii;Iiai  licentia,  perche  er.i  gi.'i  t.irdi,  et  me  pnnite  acompagnato 
da  Jonus  be\",  al  quale  nel  caniinare  disse  che  lui  si  dovea 
travagliare  in  questo  acciocliè  si  acconzassa  la  cosa,  et  nii  disse  : 
in  che  modo?  lo  li  risposi  che  si  tiovi  qualche  via  honorevole 
per  V.  M  di  rescatare  per  pension  annua  che  si  pagi  per  ogni 
differentia  et  querela,  et  che  si  accresci  qualche  sunima  honesta 
sopra  quello  ch'el  Secco  '  h  iveva  promesso  l'anno  passato.  Subito 
mi  domando  dui  cose  :  Tuna,  se  quelli  X  millia  ducati  promcssi 
per  il  Secco  steriano  como  erano  promessi,  et  Taltra,  quanto  io 
voleva  crescere.  Quanto  al  primo  li  rispose  de  si,  quanto  a  l'altro 
ch'el  bisogneria  negociare  amorevolmente  et  venir  al  dovere, 
che  di  me  non  troverian  sinon  condition  honesta,  ne  volsi 
esplicarmi  con  lui,  ne  propormi  più  avanti,  acciô  ch'el  Bassa 
intendesse  ch'io  voleva  negociare  con  lui  et  passarc  per  le  sue 
mane  in  tutte  le  mie  actione,  como  e  ragionevole.  lîl  di  depoi, 
ritornô  Jonus  bey  in  casa  mia  et  mi  disse  haver  referto  al  Bassa 
l'ofFerta  fatta,  et  ch'el  Bassa  li  havea  ditto,  quanto  voleva  io 
crescere,  et  che  lui  havea  risposto,  che  de  questi  secreti  el  non 
se  impaciava  lui,  ma  che  essendo  mandato  l'ambasciatore  al 
primo  Bassa,  pensava  che  io  non  mi  scopreria  mai  si  non  a  Sua 
Excellentia.  Io  rispose  a  Jonus  bey  ch'el  havea  ditto  molto 
saviamente,  perche  se  ben  io  tenesse  tento  contre  del  amicitia 
sua,  quanto  de  nisun  signor  de  questa  Porta,  et  che  mi  confidasse 
più  in  lui,  et  che  havesse  più  speranza  di  venir  al  fui  di  mei 
disegni  per  il  mezo  suo,  che  per  nisun  altro^  non  voleva  perô 
preiudicare  al  dritto  et  honore  dil  Bassa,  negociando  le  cose 
dimportantia  primo  con  altri  che  con  lui.  Hora,  Sire,  havcndo  il 


I.  Nicolas  Sicco,  docteur  en  droit,  avait  été,  en  iy\y,  envoyé  à  Constan- 
tiuople  parle  roi  des  Romains  pour  traiter  de  la  paix. 


174  VOYAGE 

Bassa  inteso  ch'io  inclinava,  stette  sopra  di  se,  ne  mi  chiamo  ail' 
audientia,  et  vedcndo  io  ch'el  tempo  correva,  et  la  malignità  che  i 
Francesi  usavano,  et  considerando  io  ch'el  era  cosa  indiferente  et 
di  pocha  importantia,  se  io  proponesse  prima  le  offerte  et  condi- 
tion délia  pace  al  Bassa,  maximanieute  trovando  qualche  colore,  perche 
io  li  propeneva,  dimandai  audientia  al  2°  di  Genaro.  Mentre  questi 
giorni  reforciaronsi  le  nove  gagliardamente  ch'el  Sophy  era  con 
grande  moltitudine  de  cavalli  armati,  et  ch'el  dava  sopra  un  passo 
chiamato  Basra,  ma  ne  per  li  rumori  de  Persia,  ne  d'altre  bande 
mi  e  parso  di  negociare  sinon  con  ogni  moderatione,  senza 
bravarie,  continuando  il  camino  atto,  che  mi  pareva  convenevole 
per  venire  alla  pace,  perche  sapevale  informatione  et  le  risposte  di 
V.  M",  et  la  fin  del  tutto.  Hora  venendo  all'audientia,  el  Bassa 
cominciô  a  parlar  molto  délie  cazie  dil  Signor,  como  si  piglian  le 
grue  con  i  falconi  in  questo  paese,  et  d'altre  cazie,  per  tirarsi  fora 
de  proposito,  corne  e  il  siio  costume,  et  mi  dimando  délie  cazie  del 
Imperator  Carlo,  délie  quale  io  gli  rese  si  pocho  cunto,  corne 
homo  che  mai  non  l'ha  viste,  ma  disse  che  Monsignor  de  Gunde 
ne  saperia  render  meglior  cunto.  Hor  stando  un  pezo  in  questo 
proposito,  lui  di  se  stesso,  cominciô  un  ragionamento  molto  longo 
del  Sophy,  del  quai  havean  riceputo,  H  giorni  passati,  nove  ch'el 
era  in  campagna  con  8o_,ooo  cavalli  et  3,000  archibuseri  a  cavallo, 
et  benclîè  il  ditto  Bassa  andasse  ^opegando  net  parlar,  comprcsi  la 
paura  che  taie  che  Cesare  non  hahhi  intelligoitia  con  el  Sophy  questo 
anno  perche  el  mi  cominciô  a  dimandare,  s'el  si  conoscea  il  Kesil 
bassa  in  christianità;  li  Persiani  sono  chiamati  da  Turchi  Kessil- 
bassa,  che  vol  dir  baréta  rossa,  perche  il  nome  dil  Sophy  appresso 
costoro  non  e  conosciuto;  ma  si  chiamava  il  barba  di  costui  che 
adesso  régna,  Ismael  et  per  esserstato  scholaro  et  dotto,  li  Turcbi 
Io  chiamavano  Sophy,  che  vol  dir  dottore,  perche  di  scholaro  si 
fece  re.  Io  li  risposi  che  vero  era  che  li  mercanti  scrivevano  aile 
volte  moite  cosc,  ma  che  per  certo  non  crcdevamo  ne  sapevamo 
nicnte  dcUa  sua  potentia.  Me  dimando,  se  sapcssimo  ch'el  era 


DH  MONSllX'K  D'ARAMON  17S 

re.  lo  li  disse  che  noi  lo  cliiamcnio  Sophy.  non  sapcnJo  dil  siio 
regno  ne  d'.ilrro.  I  Franciosi  dicono  che  lo  conoscctc  molto  bcn. 
lo  li  risposc,  che  sano  adonque  più  délie  cose  nostre  che  io.  lit 
disse  :  Hieronvmo  Lasky  mi  h.i  ditto  a  me,  ch'el  Imperatore  Carlo 
ha  una  liga  stretissima  con  el  Kessilbassa'.  Io  li  rispose  che  Hiero- 
nymo  Lasky  potea  dir  quello  ch'el  voleva.  Subito  al/.ô  la  voce  et 
disse  :  Lasky  era  ambasciatore.  ma  era  mato  et  havea  perso  il 
privilegio  d'ambasciatore,  et  se  non  fussi  stato  io,  gli  saria  stato 
tagliato  il  naso  et  Torechie.  Li  dimandai  la  razion.  Perche,  disse 
lui,  vene  a  bravare  qua  dicendo,  che  se  non  dessimo  Buda  in  man 
dil  re  de'  Romani,  Tlmperator  faria  calar  il  Sophy  con  tutto  il 
suo  campo,  et  lui  veneria  in  Hongeria  con  tutto  il  potere  délia 
christianità  et  inonderiano  tutti  doi  la  Turchia  como  un  mare.  Io 
non  li  rispose  niente  de  Hieronymo  Lasky,  sinon  del  Imperator, 
che  sua  Maestà  Cesarea  non  si  havea  mai  lîdato  su  le  forze  d'altri 
sinon  sopra  le  sue,  et  che  la  potentia  del  Imperator  era  grande, 
ma  veneva  a  far  più  grande  efFetto  che  mai  feceno  li  sui  prede- 
cessori,  per  la  gran  fede,  integrità  et  clemcntia  che  tutto  il  mon- 
do  trovava  in  lui,  lequal  virtù  flicessero  che  vedendo  li  nemici 
il  gran  cuore  ardito  et  valoroso  congionto  con  quelle  virtù,  più 
tardi  vengono  a  flistidire  et  irritarlo,  o  se  pigHano  le  arme  in 
man,  più  presto  aconzano  li  fatti  loro  con  pace,  havendo  certis- 
sima  fiducia  nella  clementia  del  ditto  Imperatore,  et  ch'io  non 
credeva  ch'el  Imperator  havesse  mai  sogniato  del  Sophy  et  li  disse 
che  armata  di  mare  o  campo  di  terra  ne  puô  dare  il  Sophy,  quan  Jo 
bcn  volessimo  contrettare  con  lui,  ma  se  Sua  Excellentia  voleva  ben 
consyderare  che  l'Imperator  Carlo  non  seguiti  senon  fede  et  in- 


I.  Charles  V  avait  en  1523,  re^u  à  Tolède  un  Syrien  qui  se  faisait  appeler 
Petrus  Maronita  de  Libanoet  lui  apportait  des  lettres  du  roi  de  Perse,  en  d.ite 
du  mois  d'octobre  15 18,  l'invitant  à  une  action  commune  contre  la  Turquie. 
Charles  V  fit  partir  en  mission  pour  la  Perse,  en  1329,  Jean  de  Balbv,  chevalier 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem.  Ses  instructions  se  trouvent  dans  le  tome  I, 
page  295  de  la  Correspondance  Je  Vempereiir  Charles  V,  publiée  par  M.  le  D^  Karl 
Lanz,  Leipzig,  1844. 


lyô  VOYAGE 

tegrità,  et  che  mai  fa  guerra  sinon  irritato  et  offeso  prima  gra- 
vissimamente,  ne  cercha  le  occasione  propitie  per  offendere  o 
invadere  il  primo,  come  se  vol  consyderare  Sua  Excellentia,  vedera 
per  experientia  che,  quante  volte  e  calato  il  Sophy,  mai  si  ha  mosso 
rimperatore^  et  quando  il  signor  Turcho  fu  in  Persia,  hebbe 
quelli  desaggi  et  pénurie  defrumenti,  quali  Sua  Excellentia  sapeva, 
et  ogniva  vite  ben  che  se  sua  Maestà  Cesarea  havesse  voluto,  haria 
possuto  far  grandi  danni  in  questo  Imperio,  et  che  questo  anno 
havea  scoperto  chiarissimamente  non  esser  intelligentia  alchuna 
tra  di  loro,  perche  li  disse  ch'era  stato  a  Ratisbona  un  Suriano,  il 
quale  mi  parse  più  presto  venire  per  spiare  che  per  altro,  et 
ch'el  ditto  Suriano  dimandava  lettere  di  raccommandatione 
del  Imperator  al  Sophy  per  certi  monasterij  che  stavano  sotto 
il  suo  potere,  acciochè  quelU  potessino  vivere  in  pace  et  non 
fussino  travagliati  dalla  gente  di  guerra  per  rispetto  del  Impe- 
rator, et  disse  che  la  lettera  del  Imperator  fu  taie  che  non  mos- 
trava  niente  de  singular  amicitia  che  fusse  tra  di  loro,  perche 
havendo  la  supplicatione  di  questo  Suriano  narrato,  exhorto  et 
chiedete  llmperator  dal  Sophy  per  la  benevolentia,  laquai  deve 
essere  tra  tutti  i  Re  et  Principi  del  mondo,  come  tutti  erano  or- 
dinati  da  Dio  a  governare  i  sui  populi,  che  volesse  haver  protec- 
tione  et  cura  di  quelli  poveri  frati_,  liquali  potriano  pregar  Dio 
per  la  prosperità  de  tutti  doi  et  di  Regni  loro.  In  questo  ragiona- 
mento  stete  un  pezo  per  cavargli  le  flmtisic,  che  Francesi  li  fano, 
che  tutti  li  disegni  del  Imperator  vano  a  malicia,  et  che  lui  e 
causa  di  questa  cosa  del  Sophy,  accio  ch'  el  Sophi  calli  questo 
anno  per  straccar  le  forze  di  questo  Signor,  et  che  l'Imperator, 
mentre  queste  conzando  li  fitti  soi  in  Allemagna,  possi  assaltar 
con  più  commodita  et  avantaggio  le  forze  de  Turchia  già  stracadc. 
Li  disse,  di  qiicllo  Suriano  per  farli  iiitendcre  cJf  cl  Sophy  havcva  hanto 
modo  da  intende rc  le  ^agliarde  arme  che  Ccsarc  faccva  in  Alemagna. 
Il  Bassa  ritornô  a  Hicronynio  Lasky  et  disse,  ch'cl  ditto  Lasky 
vuleva  far  paura  ai  Turchi,  con  dir  che  Tlmpcrator  havcva  man- 


DE  MONSŒL-R  DAIvAMON  177 

dato  maistri  de  far  archibusi  al  Sopliv,  l.iqual  cusa  diccva  lui  che 
non  era  ncccssaria,  perche  vi  cra  un  paese  vicino,  dove  se  ne 
facevan  tanti  conie  in  chrisnanità.  lo  déclinai  de  Hieronvnio 
Lasky^  et  li  rispose  che  Sua  Signoria  vederia  per  experientia, 
in  caso  che  concludessimo  cou  condition  honeste.  che  se  ben 
100  mila  Sophy  niovessero  l'arme  contra  questo  Si^nor,  ch'  el 
vederia  la  nostra  tede  et  la  constantia,  benche  non  dubitava  délia 
malignità  d'alcuni,  quali  volintieri  dariano  ad  intender  altra- 
mente  questa  negotiatione,  alli  quali  pregava  il  Bassa  che  non 
volesse  dar  orechie  prima  che  avisarmi,  sinon  in  tutto,  almanco 
in  parte,  délie  lor  inventione,  accio  cW  \o  potesse  far  parer  la  ve- 
rità.  El  mi  rispose  che  non  credeva  niente  a  quelli.  perche  conos- 
cea  le  lor  busie.  lo  li  dimandai  per  che  causa  adonque  non  mi 
expediva,  et  che  Monsignor  d'Aramon  mi  disse  montando  a 
cavallo,  dove  io  lo  ritrovai  in  camino,  cosi  burlando,  ch'  el  be- 
veria  anchor  meco  in  Constantinopoli,  et  ch'  el  sperava  de  ritor- 
nar  avanti  ch'  io  fussi  expedito.  Disse  il  Bassa  :  lui  adonque  è 
secretario  del  mio  Signor?  Gli  rispose,  che  i  Francesi  sui  servitori 
dicevano  che  ^'ostra  Excellentia  li  haveva  promesso.  Disse  :  tal 
cosa  non  è,  mettendo  la  mane  sul  core  et  giuro.  \'a  la,  disse 
io;  vostre  signorie  haverian  torto,  se  per  il  rispetto  loro  me 
retenisseno  qui,  poichè  in  quella  corte  di  Franza  non  volcan 
troppo  ben  a  Vostra  Excellentia.  Diceva  ch'  el  havea  inteso  questo 
anche  lui,  per  altre  vie.  Soggionse  io,  che  nlchuni  di  ministri 
francesi  dicono  che  l'amicitia  de'  Turchi  non  gli  vale,  sinon  per 
far  un  pocho  de  fastidio  al  Re  de'  Romani.  El  rispose  che  stian 
pur  quieti,  che  altramente  li  impiantaremo  con  un  bellissimo 
modo,  et  comincio  a  ragionar  di  Monsignor  Monluck  in  gran 
colera.  Io  li  dimandai,  se  couosccmio  lui  Monluck,  haria  cotisi^Ualo 
al  viio  Rc  a  coniinuarc  per  il  ililto  Monluck  la  nci^olialio}:c  di  ranno 
passato.  Rispondc  :  non.  Mi  dimando,  che  cosa  havea  fatto  il  Ke  di 
Franza  del  Monluck.  Io  li  disse,  che  li  havea  date)  dui  abb.uie, 
et  promesso   un   vescovatu.  LI  mi  ri.spi.se  :  cl   nieritava   d'es:,i.r 

12 


lyS  VOYAGE 

apichato;  matai  scrvitor,  tal patron,  et  per  questo  le  cose  sue  vano 
altramente,  che  non  vano  quelle  di  Carlo,  et  si  scaldô  molto  con- 
tra i  Francesi.  lo  lo  lassai  dire,  et  rispose  brevemente  che  se  io 
Vanno  passato  haveste  ditto  quelle  parole  del  Bassa  cosi  acerbe,  che 
Cesare  harîa  mi  castigato  a  exempio  d'altri.  El  mi  rispose  :  mostra 
Carlo  ch'el  ha  ingegno^  et  mi  dimandô  subito,  se  volea  niente 
altro.  Al'hora  io  cominzai  a  intrar  nella  negotiatione  accio- 
chè  i  Turchi  non  potessino  dire,  ch'  io  non  havea  portato 
commission  alchuna,  et  per  questo  non  mi  expedivano,  et  li  disse, 
che  havea  visto  alchune  volte  una  bella  giovene  restar  senza  ma- 
rito,  a  causa  che  il  padre,  o  li  cognati,  o  el  sposo  usavano  troppo 
rispetti  a  proponer  délie  condition,  et  che  ciascheduno  espettava 
che  Taltro  fusse  il  primo  ;  cosi  mi  pare,  disse,  voi  altri  espettate 
ch'  io  propongi,  per  mostrare  che  voi  non  havete  gran  desiderio 
délia  pace.  Io  aspetto,  finche  voi  dimandati,  perche  sete  voi  li 
dimaadatori;  de  gratia,  maritiamounpocho  questa  donzella.  Che 
Vostra  Excellentia  li  dia  el  marito,  ch'  io  H  pagero  la  dote.  El  mi 
disse  :  che  dote  li  voleté  dare  ?  al'  hora  fece  la  division  délie  diffe- 
rentie  ch'  erano  lassate  l'anno  passato,  et  disse  ch'  era  una  diffe- 
rentia  tra  noi  di  quelH  baroni,  che  havevano  promesso  X  mila 
ducati  de  tributo  et  vi  hano  inganato  et  non  pagato,  ne  vi  page- 
rano  mai,  et  a  noi  non  farano  mai  utile,  sinon  spesa  a  castigarli^ 
poichè  non  havete  speranza  di  haver  niente  da  costoro,  sinon  con 
una  guerra  di  gran  spesa,  mi  pare  che  vi  presento  una  conditione 
molto  ragionevole,  se  d'una  cosa,  donde  non  vi  puô  venir  niente, 
vi  presento  5,000  ducati  ail'  anno.  Di  poi  delli  casteUi  de  Pereni 
Peter  d'Agria  etc.  et  di  castelli  de  Tereck  Valentin,  hquali  sono 
tutti  in  nostra  mane,  per  cessation  de  tutte  le  querele  et  ben  publico 
di  tutto  quel  regno  vi  presento  altri  10,000  ducati,  ch'  c  tanto 
che  fu  présenta  (to)  l'anno  passato  per  il  resto  dil  regno  d'Hon- 
gcria.  Delli  timari  mi  vergogneria  a  parlare,  quali  dicete  ch'  el 
Bassa  di  Buda  ha  dato  sotto  speranza  ch'  cl  Signor  li  piglicra;  ma 
voglio  ch'  cl  Signor  conccdi  questo  como  sigillo  dclla  pace^  poi- 


DE  MONSIEUR  ITARAMON  179 

chè  la  cosa  e  tara  tutta  dalli  soi  ministri,  scnza  proposito  ne  ragion, 
sichc  son  contcnto  pcr  riscaiar  qucsrc  ditfcrLMitic  et  qiicrclc  venir 
alla  real,  et  non  andar  in  longo,  con  quelli  X  mila  diuati  pro- 
messi  l'ahro  anno.  et  questi  XV  mila,  ciie  l'ano  insienie  XXV 
mila  ducati.  Hl  mi  rispose,  che  conie  liavea  dato  la  mia  proposi- 
tione  al  Signor,  cosi  anchora  el  referira  questo,  et  tarià  ogni  bon 
ottîcio.  Lo  ringraciai,  pregandolo  chc  si  corne  Tanno  passato  mi 
prese  per  servitore,  mi  volesse  hora  pigliare  per  lîgliolo.  Rise,  et 
mi  disse  :  tu  hai  gran  paura  di  Francesi.  Disse  :  non,  che  se  ben 
io  vcniva  fresco  dalla  malathia,  che  voleva  io  giostrare  con  4 
secretarij  de  Franza.  Dipoi  havendolo  ringraciaro  del  pane  dil 
Signor,  che  mi  mandava  ogni  di,  et  cosi  d'alcuni  francolini  che 
aile  volte  mi  mandava,  prese  licentia.  Sire,  qiiesta  ojJcrUi  c  siaîa 
ncicssar'hi  per  il  tempo  chc  corrcva,  quai  mi  apportava  ogni  di  novc 
difficultà,  et  ai  Titrcbi  novi  suspetti,  et  son  quasi  certo,  che  se  havessc 
ofjerlo  si  non  diece  millia  piii  al  principio,  che  haria  giiasto  li  negotii 
di  Vosîra  Maestà,  perche  questo  Signorc  e  mato,  colerico  J  suspetoso, 
corne  fiino  li  mercanti  Turchi,  se  colui  che  vol  comprare,  li  pré- 
senta un  precio  tropo  basso,  se  ne  fugono,  et  non  si  puô  cavare 
poi  da  loro  ne  parole,  ne  fatti,  qua>itumque  si  volesse  al::^are,  cosi 
hchhc  io  paura  di  questo  Signorc,  che  referendo  questo  il  Bassa  al 
Signorc,  el  non  havessi  abhominato  l'  offerta,  poi  che  la  co)hHlione  di 
haroni  sola  importava  diece  millia,  con  li  quali  io  volesse  exlinguere 
tut  te  la  differenlic;  per  questo  volsc  fargli  gola  de  accettare  denari  in 
loco  dellc  terre,  et  non  rispondere  ncgativamente  al  Bassa,  maxima- 
mente  che  questa  politia  è  talc  che  non  osano  replicare  ne  mctter 
di  novo  in  avanti  contra  quello  ch'  el  Signor  una  volta  ha  ditto, 
che  pare  in  questo  govcrno  csser  crinun  lèse  Maieslalis,  se  ha- 
vendo  parlato  una  volta  il  Signor  de  una  cosa,  il  Bassa  vogli 
cerchar  meggi  de  mutarla;  dipoi  questa  summa  promessa  è  di  tal 
apparcntia  che  spcrano  costoro  posser  tirare  qualche  migliara  pià 
alto.  Havendo  preso  licentia  dal  Bassa,  Jonus  bey  mi  disse  ch'  cl 
mi  visitarebbe  il  di  depoi.  Il  che  {<:cq.  et  intrassimo  in  ragionamenii 


i8o  VOYAGE 

di  questo  negocio  più  ampLimente  per  guadagnar  tempo,  pcrcliè 
ogni  dî,  vcnivano  lettere  a  questo  secretario  d'Aramon  del  ritorno 
del  ditto  Aramon  con  présent!^  et  pregava  apertamente  il  Bassa 
ch'  io  non  fussi  expedito  avanti  la  venuta  di  quello.  Dipoi  arivô 
in  quelli  medesimi  giomi  uno  di  Franza  chiamato  il  Codognado 
con  lettere  dil  Re  in  cyffra,  et  haveva  commissione  de  bocha 
alchune  cose  ch'  erano  nella  cyffra,  di  pregare  il  Signore  per  lutta 
la  amicitia  et  fede  che  era  trà  loro,  che  non  mi  lassasse  partire  avanti 
el  ritorno  de  Aramon.  Promeiteva  anche  il  ditto  Codognado  che 
Aramon  doveva  partire  X  di  doppo  de  lui,  et  che  pensava  ch'  era 
già  a  Ragusi,  et  moite  altre  splendide  busie  ;  et  ch'  el  Re  di 
Franza  in  persona  va  visitando  le  frontière,  fabricando  a  furia  et 
muniendosi  contra  l'Imperatore.  Dil  resto,  non  sapevano  quello 
era  in  la  cyffera,  ma  expettavano  il  secretario  di  Franza  ch'  e  ra 
ritornato  a  Constantinopoli,  accio  ritornasse  subito  per  descif- 
frare  le  lettere  dil  suo  patrone.  Il  ditto  secretario,  che  si  chiama 
Monsignor  de  Chambray,  non  potea  star  in  Andrinopoh  per  falta 
dedenari,  talmente  che  impetro  licentia  de  ritornar  a  Constan- 
tinopoli per  viver  su  h  vini  et  caneva  de  Monsignor  d'Aramon, 
et  essendo  chiamato  per  descriffrare  queste  lettere,  li  fu  cosa 
molto  nova,  poichè  non  sapeva  supplire  aile  spese  dil  camino,  ne 
possete  trovar  mercante  che  li  credesse  loo  scudi,  siche  qualche 
volta  il  Bassa  dchberô  de  mandarli  alchuni  asperi,  ma  alla  fin  è 
venuto  qua  con  doi  servitori.  La  litiera,  com  dicono  li  dragomani, 
conteneîe  pocha  più  di  quello  haveva  Valtro  in  commissione,  sinon 
certe  nove,  che  Luthcrani  havcz'ano  batuio  Cesare,  et  alchune  busie 
dclli  disscgni  di  Ccsare  contra  questo  Turcho,  di  modo,  che  quanto  io 
comprendo,  li  Francesi  tengono  malicia  et  diligentia  mirahile  in  questa 
negotialione,  ma  ccrta  forma  de  negociare  non  tengono,  perche  nella  me- 
desinia  litera,  per  quanto  io  posso  comprendere  dalli  dragomani  del 
Turcc,  fano  el  rivolto  de  Luthcrani  si  gagliardo,  et  si  basse  le  forT^. 
di  Ccsare,  che  quasi  possono  cavare  la  paura  a  questo  Signore  Turcho 
di  quello  che  dicono  in  fin  délia  litera,  cioè  che  il  Re  di  Fran:;a  prega  il 


Dr-  MONSir.l'R  D'ARAMON  iSi 

Turcho,  chc  si  non  vole  tcnerc  l'anibasciatoïc  Ccsarco,  chc  cosi  mi 
chianiano,  fino  alla  vcniita  de  Aramon,  pcr  l'amicitia  ê  ira  loro,  h 
faci  pcr  l'utile  proprio^  et  chc  pcnsi  de  H  grandi  disscgni  chc  Ccsarc 
ha  quando  l'kn'cra  subiugala  l'Allcnuigna  sogionse  chc  non  crcda 
nicnte  a  nie,  quantiinque  io  pronielio,  sapcndo  cheio  non  vcngo  sinon  pcr 
inganare,  et  pcr  inter tcnerc  jino  chc  Ccsarc  hahbi  congo  li  falti  soi  corne 
vole.  Scrivc  anchora  qualchc  coscta  délie  pratichc  de  Alemaui,  et  chc 
Alemani  hano  con  lui,  ma  non  c  st.uo  nccessario  ch'  io  habbi  com- 
batuto  le  suc  busie  ch'  cl  dicc  dcllc  cosc  d'Alcni;ii;na,  perche  son 
venute  novc  frcsche  et  vere  dclU  successi  tanto  di  sua  Ccsarca, 
como  di  \'ostra  Maestà,  pcr  li  quali  questo  Signor  et  li  Bassa  sono 
informati  che  l'Iniperator  è  patron  d'Allemagna  et  questo  hano  del 
fratc  Gcorgio  et  da  la  citade  di  Ragusi,  li  quali  se  sono  niirabiimcntc 
travagliati  in  scrivere  minutissimamcnte  de  un  di  a  Tnltro  in 
honor  dcU'Impcrator  le  scaramucic,  asscdij,  victorie,  luge,  nomi 
de  castclli,  f;ilta  dedcnari.  talmcnte  che  mai  sono  stati  dcsprovisti 
di  bonenove,  chc  oltra  quclloch'  cl  Montcsa,  sccrclario  de  Don  Diego, 
vit  ha  avisato  con  grau  diligcnlia  et  il  sccrclario  l'iiii  dcr  Aa,  ho  havuto 
continuanicnte  avisi  da  li  dragoniani,  qujli  tutti  tre  sono  da  me  cor- 
rôti.  Hora,  Sire,  in  questa  contrarict.'i  di  novc,  Vostra  Maestà  puô 
considerare,  corne  questi  signori  sono  intricati^  duna  banda  il 
Rc  di  Franza  li  prcga,  et  manda  homcni  et  Icttcrc  contra  il  scr- 
vitor,  promette  nova  ambasciata,  o  veramente  con  novi  présent 
ch'  è  cosa  molto  reputata  in  questo  paese,  metteli  in  suspetio  ch' 
io  vcngo  per  intertenir,  sene  dole  ch'  el  Turcho  li  fa  questo  torto 
et  dishonore  appresso  i  christiani  de  Icvargli  questa  negotiatione 
fora  délie  mane  per  specie  di  qualche  pocha  utilità,  fa  diligentia  di 
peisuadcre  l'infortunio  del  Imperator.  De  l'altro  canto  pcr  ogni 
via  si  avisa  la  félicita  et  prospcri  successi  d'ambe  dui  Macstade,  et 
spesse  volte  questi  medesimi  (corne  accade,  che  ogniun  pensa 
delli  altri  quello  ch'el  voria  che  fusse),  scminano  dcllc  novc,  chc 
havendo  Tlmperator  tanta  vittoria,  vo'tcra  le  forze  délia  christia- 
nità  contra  il   commune  ncmico.    De  l'altra  banda,  le  nove  de 


i82  VOYAGE 

Persia  âonde  H  Thurchi  stano  in  grandissimi  fastidij,  di  modo  che 
essendo  qiicsta  gente  natnralmcntc  grossa,  hano  qnesto  anno  conquassato 
il  cervello  de  tanti  suspetti,  che  sono  diventati  irresolutissimi.  Et  ce 
anchora  un  altra  ragione  che  Rusîhan,  benchè  sia  genero  del  Turco, 
negotia  perhô  con  tanta  iimidiîà  dentro  con  el  Turco,  con  quajita  hra- 
varia  parla  di  fora  alli  ambasciatori,  et  la  causa  è  ch'  el  ha  troppo 
scguilato  la  natura  di  qiiesio  S  ignore,  che  è  molto  avaritiosa,  a  persua- 
dera di  sminuire  li  stipendij  de  cortesani,  et  non  da  bone  parole  a 
nesuno,  ma  governa  tutto  con  furia,  et  dice  chiaramente  che  Abram 
Bassa  non  sapeva  niente  olîra  che  tutti  quelli  che  sono  affetionati  al 
Sultan  Mustafa,  primogenito  del  Signore  et  san^acho  di  Capadocia, 
odiano  il  Bassa,  per  la  parte  sapendo  che  lui  procura  de  mettere  al 
Iinperio  doppo  la  jnortedelSignor  il  fratello  chiamato  Sultan  Selyn,  et 
per  questo  ha  procurato  de  dare  li  principali  ofUcij  délia  corte  a  homeni 
obligati,   cioê  il  capo  de  Jani^ari,  il  gran    Thesorero  et  il  grande 
Alcaide,  etmolti  al  tri  San:(achati;  di  questo  nasce  che  le  molto  rispetose 
in  questa  negotiatione  ne  vorrebbe  in  questa  présente  incorrere  in 
qualche  scandalo,  dove  d'una  parte  el  vede  ben  l'utile  del  Signor 
in  questa  pace,  et  conosce  ben  cli  el  Turco  è  stancho  di  spendere  su  le 
frontière,  ogni  anno,  cinque  cento  millia  ducati,  che  è  Vintrata  de  Egipto, 
et  vede  ben  anche  la  gran  reputatione  et  securezza,  che  havendo 
pace  con  ambe  dui  Maestade,  bâte  con  quella  réputation  l'inimico 
de  l'altra  frontiera.  Da  V altra  parte  non  vorrebbe  scapu^ar  irritandoil 
Re  di  Frau:^a  in  qucstî  teinpi  suspetosi,  benche  Vamore  clf  el  porta  al 
Re  et  ai  Franzesi  e  molto  pocho  ;  ma  de  tutto  si  risolveria  il  Bassa  et 
il  Signor  prestO;,  sinon  fussi  stata  quella  perturbatione  d'Alema- 
gna,  et  le  litere  confuse  et  piene  di  paura  mandate  dal  Bassa  di  'Buda 
al  principio  de  la  gucrra  de  Alemagna,  ch'el  pareva  che  Tlmperator 
havesse  già  guadagnato  la  frontiera,  ne  havean  littere  di  Franza  di 
questo  movimento   per  la  gran  celerità  che  l'Imperator  uso  in 
questo  caso_,  ne  credevan  a  littere  de  nisuna  signoria,  che  scri- 
vesse  che  Sua  Macstà  voleva  castigare  alchuni  rebelli,  ma  pen- 
savano    che  tutto  era  stratagcma   per    inganar,   de  manera  che 


T)I-:  MONSILUR  ITARAMON  1S5 

quando  io  arivai  a  Constantinopoli,  Jonus  bcy  noii  piioto  crcJcro 
quello  che  li  refcriva  de  qiicsta  gucrra,  ina  disse,  per  che  causa 
vol  castigare  li  Lutlierani,  li  quali  son  stati  scmpre  amicidcl  Impe- 
ratore,  et  li  ha  mostrato  scmpre  grandissimo  f^ivore,  et  ho  per 
diverse  vie,  chel  Bassa  ha  ditto  tra  li  sui  hoineni  secreti,  che 
presto  si  potria  tare  qucsta  niia  expeditione,  Si-  non  jnssc  clv  l'ini 
paiira  de  csscrc  in^nnalo.  Se  Vostra  Macsià  mi  dimandasse  quello  mi 
pare  di  questo  negocio,  cerro  el  è  diihcil  cosa  assecurare  in  tanti 
impedimenti  et  diliîcultà  ciie  vi  si  trovano.  Vcià  io  scrivero  a 
\'ostra  Maestà  li  argumcnti  et  le  coniccture  ch'io  piglio.  \\)stra 
Maestà,  como  c  prudentissima,  iudichera  da  se  stessa.  L'anno 
passaro,  il  Signor  di  sua  bocha  mi  disse  quella  parola  :  chel 
primo  che  venissi  con  sufhcientc  commissione  da  \'ostra  Maestà, 
concluderia;  il  medesimo  mi  fu  ditto  da  Rustlian  Bassa  et  da 
Jonus  bey,  et  io  Tho  messo  nella  mia  propositionc,  per  refricarlo 
et  admonirli  délie  lor  promesse^  et  anchora  per  causa  che  si  la 
copia  délia  ditta  mia  propositionc  fussi  data  ai  Franccsi  et  man- 
data in  Franza,  ch'cl  Rc  vcdcssc  sopra  quai  tondamento  lt)nda 
\'ostra  Maestà  li  sui  discgni,  se  questo  disse  al'hora  il  Signor,  che 
crano  li  dui  Ambasciatori  congionti  et  nci^ociavano  maVi^naincntc, 
demie  Vinio  era  veniito  con  qiialordcci  millia  sciidi,  potria  csscre  che 
adesso  non  si  farà  quel  contode  présent i  quali  portera  Aranion,  quanto 
che  i  Francesi  persano  ;  dipoi  questo  Signor  coniificia  a  divcntare  scarso, 
et  ligrevano  molto  li  denari  che  spendenella  fronliera ,  et  il  Signor  di  sua 
bocha  mi  disse,  havendo  udito  la  mia  propositionc,  che  se  haveva 
riposta  a  quelli  dubij  che  furono  lassati  Tanno  passato,  ogni  cosa 
sarà  fatta.  Dipoi  non  sono  recusati  di  denari  oircrti,  ma  mi  è 
stato  risposto  per  Jonus  bey  ridendo  :  voi  darete  anchora  qualche 
cosa  più.  Anchora  mi  è  stato  ditto  /;/  secreto  dai  drai^onuino  Mau- 
muth,  che  advertisca  che  concludendosi  la  pace,  li  Bassa  ml  farano 
instantia  de  includer  il  Rc  di  Franza,  al  quai  io  risposi,  che  Dio 
doni  a  questo  Signor  mille  amicitie  più  che  non  ha.  et  ch'io  non 
son  venuto  per  guastarli  Tamicitia  di  FVanza,  ma  per  accresccrli, 


i84  VOYAGE 

nova  et  farli  gustare  la  fede  de  Principi  fideli  et  magnanimi. 
Dipoi'Rusthan  Bassa  et  Jonus  bey  et  H  allri  âragomani  me  giurano, 
che  per  rispetto  de  Francesi,  io  7wn  sarô  impedito,  et  che  tiiiîo  quello 
si  farà  con  loro,  sarà  darli  bone  parole,  alli  quali  assecuramenti 
benchc  non  creda  in  tutto,  vedendo  perô  il  pocho  amore  che  c'é  ira 
cosîoro  et  le  Francesi,  non  li  posso  anche  levare  ognifede.  Dimandai 
in  sccreto  alli  dragomani  la  causa,  ch'io  non  son  expedito,  perche 
se  pensava  che  questa  settimana  io  saria  expedito.  L'uno  risponde 
che  si  spetta  quello  ch'el  Signor  ha  mandato  verso  lafrontiera  de 
Persia.  L'altro  che  si  aspetta  quello  ch'el  Bassa  ha  mandato  verso 
il  Bassa  de  Buda,  per  veder  como  si  potria  fare  la  frontiera, 
nesuno  vol  confessare  che  mi  ritengono  per  aspettare  Io  ambas- 
ciatore  di  Franza,  henche  mi  confessano  7nolti  aliri  secreti.  Vedo  perô 
che  si  parechia  casa  al  ambasciatore  di  Franza,  so  che  Rusthan 
Bassa  ha  diffeso,  che  li  dragomani  non  mi  dicano  che  venga,  ne 
di  esso  Rusthan  Bassa  posso  cavar  altro,  sinon  che  dice  ch'el 
Signor  non  ha  anchor  parlato  di  se  stesso  niente,  et  che  da  loro 
non  puô  venir  l'expeditione,  sinon  dal  Signor,  al  quai  non  osano 
fastidire.  Flora,  Sire,  qaando  non  fusse  la  tardita  dil  tempo,  con 
houo  animo  cxpctria  il  ambasciatore,  sperando  in  Dio,  quai  guida 
le  gran  cose  al  beneficio  dil  suo  populo,  nella  causa  di  Vostra 
Maestà  che  c  giusta  et  ragionevole,  et  perche  sono  conosciute  le  busie 
de  Francesi  in  questa  corte,  poi  pensa  che  la  principal  causa  che  è  délia 
paura  dcUc  pratichc  dcl  Imperatore,  non  potria  aiutareal  ditto  ambas- 
ciatore, atcso  che  ho  potere  di  assccurare  il  Turco  da  parte  de  ambedui 
Maiestadc.  Qiiesto  è  quello  ch'io  posso  scrivere  a  Vostra  Maestà 
dcl  stato  in  che  si  trova  adesso  il  negocio.  Io  so  ben  ch'el  mio 
ritardare  quà  ha  in  se  qualchc  utile,  perche  mentre  che  loro  stano 
suspesi  et  expetano  V ambasciatore,  no}i  si  parechia  vn  armata  ne  per 
mare  ne  per  terra  fin  adesso.  Solicita  perô  la  iiiia  expeditione  opor- 
tune  et  importune,  havendorisguardo  a  moite  particularitade  che  potcno 
occorrere  doppo  si  grossa  gucra,  tauto  trh  li  aniici,  quanto  trà  quelli 
che  di  frescho  sono  sottomcssi,  ovcranioite  che  mostrano  falsa  amicitia, 


DF  MONSIHL'R  D'ARAMON  185 

et  fui  parc,  se  io  pjlessc  conscgiiirc  brève  expeditione,  che  sarchlc  pii'i  la 
reputat'umc  de  ambcdoï  Vostre  Maîcstadc  et  impedirehhc  moite  priiliehe, 
quai  polriano  oceorrer.   D\\^fii  banda  non  solieito  pero  eon  modo  che 
possi  aruhare  dishonore  alli  iie^otij  di  Vostra  Maestà,  0  che  dimostrî 
grande  hnmilità  0  dfsiderio  di  concludcre,  ptr  coniplire  qualche  dis- 
segno  de  ambitione  in  Allemagna  0  in  altra  parte  ma  ho  ditto  più 
voire  a  Jonus  bcy,  accio  lo  rctcrisca  al  Bassa  più  amplamcnte,  che 
quanto  io  considcro  più  el  stato  délia   chistianità,  che   mi  pare 
habbian  ragione  quelli  che  consigliavano  più  presto  una  guerra 
defensiva  che  pace  aile  frontière,  massimamente  adesso,  essendo 
rimperator  patron  de  Alemagna,   et  benche  questa  inclination 
alla  pace  vengi  prima  da  ambedui  le  Maestà  Vostre,  lequale  hano 
semprc  ricerchato   riposo  con   ogni  signor.    ne  mai  hano  fatto 
guerra,  senon  offesi.  et  che  non  venira  ruina  et  dishonore  a  nesun 
altro  che  a  me,  in  caso  che  non  si  concordiamo,   per  haver  pro- 
messo  et  assecurato  molto  dil  bon  animo  di  questo  Signor  et  delli 
soi  ministri,  sopra  lequal  promesse  io  ho  impetrato  il  présente 
che  ho  portato  al  Signor  et  alli  princip.ili  minir.tri,  che  altrnmentc 
non  me  se  daria  un  quatrino,  in  che  modo  mi  licentiassero,  ma 
che  Jonus  bey  sa  ben  quanto  ch'el  honor  tocha  il  cuore,  et  per 
questo  prego  sua  signoria,  ch'el  vogli  incitar  il  Bassa  in  dimos- 
trarmi  questo  f;ivore  a  concluder  et  cxpedirmi  presto,  et  che  se  in 
questo  caso  me  salvi  il    mio   honore,    che    vedera  ch'io  li  son 
servitore,  et  che  ogni  anno  lo  potro  far  pin  honor  are  dal  Re  mio  si- 
gnore,  che  non  farano  li  Francesiin  treanni.  Simil  termine  ho  usato 
spesse  volte  con  Jonus  bey,  non  promettendo  ne  grande,  ne  certa 
suninia,  ne  quello  da  parte  di  Vostra  Maestà,  si  non  cargando  sempre 
adosso  di  me  tittto  il  desiderio  de  partirmi,  et  la  promesse  générale  che 
io  fcuio  come  bon  servitore,  per  procurare  l'honore  de  ditli  Bassa  t  al  mente 
che  ne  resentirano. 

QjQello  ch'io  posso  comprchendere  per  moite  dimande  del 
viaggio  de  Monsignor  d'Aramon  è  questo  cjie  Monluck,  suo  ini- 
mico,  harà   operato   nclla   corte,   che  se  habbino  scritte  pociie 


i86  VOYAGE 

litere,  et  mandati  pochi  denari  questo  anno  al  ditto  Aramon. 
Il  che  non  c  stato  servicio  dil  re  di  Franza.  Di  questo  naque 
che  in  quelli  primi  moti  délia  guerra  d'Alemagna,  il  Bassa  non 
havendo  avisi  certi  nesuni,  ss  coro:(ô  con  Aramon,  dimandandoJi 
che  facca  qua  se  non  haveva  litere,  et  H  disse  gran  cargi  divilania. 
Aramon  cargo  sopra  Monluck,  che  era  causa  di  questo^  et  pocho 
dippo  vene  da  Jonus  bey  et  disse,  ch'el  era  in  mane  del  ditto 
Jonus  bey  de  farli  un  grandissime  bene,  explicandoli  che  con 
quello  anchora  si  vendicarebbe  del  ditto  suo  nemico  Monluck.  El 
modo  ch'el  tenea  era  questo,  che  li  Bassa  mandassero  Aramon  in 
Franza  con  commission  de  dimandare  avisi  et  consiglio  dal  re  di 
Fran:;a,  se  questo  anno  si  doveria  far  la  guerra  in  Ongaria,  et  che 
casa  saria  de  sperare  al  canto  del  ditto  Re,  perche  proponesse  Aramon 
le  difficultà  délie  cose  d'Alemagna,  le  quale  non  potrian  esser  si 
presto  chiarite  dal  Imperator,  et  che  mai  non  fussi  sta  più  bella 
occasione  de  avanzar  la  reputatione  di  questo  Signor  et  accrescere 
il  suo  Imperio  et  dare  una  gran  machia  alla  autorità  del  Impera- 
tore  che  questi  anni.  Persuase  Aramon  a  Jonus  bey  tanto  che'l  re- 
porté al  Bassa,  et  desiderando  il  Bassa  de  pagar  il  ditto  Monluck, 
et  parte  anchora  per  il  disegno  che  Aramon  havea  promesso,  fu 
contento  de  mandarlo  con  httere  di  favor  in  Franza,  et  pensava 
almanco  de  tirar  questo  frutto,  che  si  la  guerra  de  Alemagna  an- 
dava  in  longo,  de  pigliar  qualche  construtto  délie  cose  del  Re,  ne 
fu  mai  nesun  in  Turchia  che  pensasse  che  la  subiugatione  de'  Lu- 
therani  si  potesse  fare  si  presto,  quando  hano  cominciato  a  cre- 
dere  che  la  guerra  era  di  bon  seno  contra  i  Lutherani.  Con  questo 
concorda  ch'el  ditto  Aramon  prometteva  d'essere  al  principio  de 
genaro  quà.  Concorda  anche  quello  che  scrive  Aramon  in  quella  litera 
al 'Bassa,  de  la  quai  mandai  copia  a  Vostra  Maestà,  cioc  che  portera 
presto  bone  nove  et  resolutione  de  tutte  le  cose;  concorda  anchora  che  Ara- 
mon, scontrando  a  Ragusi  Monsignor  de  Ahiset  che  veniva  de  Algier, 
li  disse  de  andarc  in  Fran::^a,  mandato  dal  Turco  con  grand issi mi  se- 
crcti  et  mancggi  più  che  Tolin  o  Rincon.  Hora,  Sire,  pensa  Aramon 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  187 

cavarc  utile  di  qucsto  viagL;io  pcr  ricupcrarc  i  sui  castclli.  clic 
son  coiifisc.ui  in  mane  dclhi  madania  la  gran  Scheneschala,  corne 
intenJo,  et  di  ruinar  Monluck.  Questi  signori  volevano  licentiarlo 
corne  si  licentia  uno  ambasciatore,  con  dargli  la  veste  et  li  sui 
200  ducati,  ma  prima  non  volse,  temendo  che  li  sui  creditori  de 
Pera  non  sapessero  la  sua  partita,  et  si  excuso  ch'el  voleva  andar 
secretamente  per  fugire  il  pericolo  delli  Imperiali  che  li  potean 
fare.  Ne  fu  riso  di  questa  riposta  per  causa  délia  malathia  del  ditto 
Aramon,  per  csser  molto  mal  condicionato,  ne  atto  di  posser  fu- 
gir  secretamente.  Perô  si  pentite  Aramon,  etdimandoa  Jonusbey 
che  lo  volessino  expedire  corne  ambasciatore.  Il  Signer  rispose, 
che  poi  ch'el  recusô  prima,  che  non  lo  voleva  più  fiire.  Cosi  par- 
tite  una  sera,  in  barcha,  fingendo  di  andareaibagni  de  Xiza,  che  è 
in  Bytliynia^,  et  inganô  non  li  Imperiali,  ma  li  sui  creditori,  ali 
quali  el  debitava  a  uno  20,  a  l'altro  30  et  ad  altri  50,  oltra  la 
summa  che  deve  a  Guilhelmo  de  Somaya,  che  è  grande;  donde 
naque  il  di  depoi  in  Pera  un  gran  cridor  ;  delli  soi  debiti,  corne 
intendo,  montano  almanco  più  de  4000  ducati,  et  ha  fatto  spese 
per  questo  camino  grande  in  comprar  cavalli,  et  menarli  per  com- 
pararsi  amicitia  et  favore  délia  Corte,  siche  non  puô  debitare 
adesso  mancho  de  5000  ducati.  È  ben  necessario  ch'el  parti  al- 
mancho  per  il  suo  gasto  3000,  perché  arivando  quà  non  gli 
restaran  sinon  2000  et  si  porta  présente  al  Signor  non  gli  puô 
costare  mancho  de  5000,  excepto  li  honori  del  Bassa  et  delli  dra- 
gomani,  et  li  ordinarij  di  questa  Corte,  siche  il  Re  di  Franza  non 
puô  sborsare  mancho  che  XVI  m.  o  XVIII  m.  ducati.  Il  che  puô 
essere  che  li  grèvera,  havendo  speso  l'anno  passato  con  Monluck 
XIV  m.  scuti. 

Questo  è  quello  che  ho  potuto  intendere  dellc  cose  de  Ara- 
mon. Il  suo  secretario,  nominato  Mgr  de  Chambray,  si  pensô 
darmene  una  bona...  ;  in  quel  medesimo  di  ch'el  gionse  di  Cons- 
tantinopoli  in  questa  terra,  per  mettermi  in  odio  con  el  Bassa, 
mandô  una  littera  per  il  dragoman  de'  Francesi  al  ]3assa,  nclla 


i8S  VOYAGE 

quai  nvisava,  corne  per  certi  Giudei  che  praticavano  in  casa 
mia,  haveva  certamente  inteso  una  parola  che  non  faria  troppo 
honore  al  Bassa,  cioè  ch'  io  pensava  dare  tanta  corruption  al 
Bassa,  et  ne  haveva  data  tanta  che,  al  dispettodiFrancesi,  caveria 
questa  negociatione  fora  de  loro  mane.  Soggionse  anchora 
che  d'ogni  canto  mi  venivano  avisi.  //  Rusthan  in  qiicsto  negotio 
non  si  governo  niente  saviamcnte.  El  chiamô  Jonus  bey  in  pre- 
sentia  di  altri  Bassa  eldi  doppo,  et  li  dimando  chiaramente,  chi 
praticava  in  casa  mia  et  che  corruption  ch'el  havessi  preso  di 
metto,  el  mostrô  tanto  furore  che  la  cosa  fu  palesata  a  tutti  et  con  la 
viedesima  fiiria  chiamô  il  mio  chiaus,  guardiano  délia  mia  stantia, 
dimandandoli  quali  Hebrey  conversavano  meco,  et  commandan- 
doli  ch'el  trovasse  un  karavazera^  che  vol  dir  hospitio  publico, 
pieno  di  camerete,  ma  serato  d'ogni  banda  sopra  le  strade,  et 
mancô  pocho  ch'el  non  facesse  loo  bastonate  al  chiaus  in  presen- 
tia  de  tutta  la  corte.  Gran  rumor  fu  di  questa  baya,  ma  li  drago- 
mani  sentendo  l'odore  di  questa  trufa,  dissero  al  Bassa  che  al 
mancho  lo  facesse  dire  a  me,  et  che  non  potevan  credere  che 
tal  materia  fussi  uscita  fora  di  casa  mia.  Al  tempo  del  disnare 
veneno  dui  dragomani,  como  da  se,  senza  commissione  dil  Bassa, 
a  significarmi  questo,  ma  dapoi  ho  compreso  ch'el  era  per  com- 
missione del  Bassa.  Io  me  ne  rise  prima,  ma  poiche  intendeva 
che  si  cercava  un  karavazera,  ne  feci  conto,  et  mi  lamentai  tanto 
che  credo,  pocho  frutto  ha  havuto  il  ditto  secretario  délia  sua  asi- 
naria.  Sire,  saria  troppo  longo  di  cuntare  il  successo  di  questa 
tragedia,  perô  il  fine  è  stato,  ch'el  Bassa  ha  dato  de  boni 
rebuffi  al  ditto  secretario,  poi  ch'io  voleva  che  si  trovasse 
qucst'  homo  giudeo  o  christiano,  ch'el  fusse,  et  che  fusse  a 
lui  tagliato  il  naso;  et  non  havendo  potuto  trovare  ne  l'homo  ne 
l'avisatore,  et  compreso  che  fu  nella  busia,  il  Bassa  li  disse  con 
grande  colera,  che  di  mo  {sic)  avanti  attendcsse  a  fare  li  fatti  sui 
et  lassar  quelli  di  altri,  et  non  trovar  questo  invention  bugiarde, 
altramentc  che  se  non  fusse  per  amor  dil  suo  Re,  li  mostreria  ciô 


DE  MONsr.  L  U  I/ARAMON  ,89 

che  importa;!  dircqucstc  cosc  La  cosa  dcl  karava/ara  ccsso  jkto 
quella  dclauonc,  cli'io  ricovcva  avisi  d'oL;ui  canto,  kvc  inir  qualchc 
effetto.    più   presto   fastidioso   pcr  ine,   che  utile  pcr   i  Turchi. 
Dui   di  dapoi,   vencro   a   serare    una   corte  clie  c    davanti    casa 
mia,   et  a  inchiodaro   una   fenestra  che  guardava   su   la  strada, 
et  comniandiM'ono   cIT   el  mio  dragcunan,    ne  altro    di   casa  an- 
dasse  fora,  excepte  el  mio  spenditore.  \'etorno  anche  la  casa  a  un 
Giudio  medico.  In  summa,  cominciono  tanto  a  pesar  le  nove,  ciie 
ogni  di  rcfrcscavano  li  felici  successi  d'Alemagna,  che  per  viva 
forza  volevano  ch'io  non    potesse    intender  niente.  Prcsc  nnchc  il 
Bdssa  per  suspetto  i  dra^oinani  et  li  cotnmando  che  non  mi  visitasscro 
scn:^i  csscrc  viandati  ;  ma,  sia  loJato  Dio,  ho  riccpnlo  le  lilere  che  mi 
sono  mandate,  pcr  modi  che  i   Turchi  mai  se  avcdcriano.  Q.ucsto  tiro 
mi  ha  fatto  ilBassa,  cinque  mesi  dapoi  la  mia  arivata,  dil  che  molti 
ambasciatori  se  ne  lamenteriano  iortemcnte,  ma  quanto  a  me  et 
questo  et  altre  cose,  me  ne  passaro  ligerissimamcnte  per  servicio 
di  V.  Maestà,  ne  faro,  o  che  per  mia  impacientia_,  o  bravaria,  o 
colera,  patisca  l'honore  o  l'utile  suo,  ne  darô  occasione  ai  Franccsj 
di  trovar  de  questi  atachi,  che  soleano  de  Hieronymo  Adorno  et 
di  altri,  perch'io  son  certo,  corne  tengono  l'ochio  alla  mira  sopra 
ogni  passo  che  camino  perô.  Vcdo  che  mi  e  venuta  una  ventura 
in  questo  caricho,  quasi  simile  a  quello  capitanio  de  Francesi,  dil 
quai  dicc  Julio  Cesare,  che  quanto  el  perdeva  più  gente  et  bataglie, 
tanto  gli  accresceva  più  la  reputatione  verso  i  Francesi.  Ht  simil- 
mente  a  me,  se  li  negocii  de  Alemagna  ruinavano,  non  mi  ha- 
riano  tenuto  stretto  ne  serato,  ma  ogni  di  mi  harian  mandato  in 
casa  gente  nove,  che  con  piena  bocha  me  hariano  cantato  le  maie 
aventure,  adesso  non  mi  vede  homo,  et  io  non  vedo  homo  nesuno. 
In  summa,  credo  pensa  il  Bassa  ch'io  non  sapia  niente  délie  vittoric 
di  la,  poi  ch'io  non  posso  havcr  litere  :  successo  chefu  questo,  ogni 
di  più  et  più  scopri  che  la  mia  expeditione  non  sarià  si  brève,  non 
mancavaio  perô  de  importunare,scrivendoognidi  litereal Bassa  et  a 
Jonus  bey,  ma  tantafu  la pcrtincntiadcl  Bassa,  0 pcr  vcrgo^na  di  haicr 


igo  VOYAGE 

usatoqucsto  trattosoprascritto,opcrnonsapereserisoIvtre  etper  espettare 
informatione  di  Franza  di  disegni  et  secreti  del  Imperatore,  che  stete 
un  mese  ch'io  non  puote  haver  audientia,  ma  sempre  mi  fece  ris- 
pondere  ch'elSignornon  haveva  anchorparlato,  etloronon  osavano 
fastidirlo,  laquai  cosa  vedendo  io,  mi  son  voltato  a  solicitare  che 
Jonus  bey  almancho  venisse  da  me,  al  quai  io  voria  referire  délie 
cose  apartenente  alla  negociatione.  Vene  Jonus  bey  et  sempre  mi 
rispose  délia  irrésolution  del  Signor,  come  informato  del  Bassa. 
Ma  io  che  haveva  sentito  per  mcx^o  di  altri  dragomani  il  contemtto 
délia  litera  del  Re  di  Franza,  et  suspettava  che  ogni  di  veneriano  peg- 
giore  negotiationi  con  Jonus  bey,  il  segucnte,  parte  per  cavargli  H  sus- 
petti  et  parte  per  mettere  H  altri  siispetti  ?iel  ccrvellodil  Bassa,  li  disse 
prima  che  per  le  bona  amicitia  che  era  tra  noi,  et  anchora  per  la 
experientia  sua  grande,  laqnale  Io  faceva  pin  capace  ch'cl  Bassa  délie 
cose  de  stati,  voleva  informarlo  amplamente,  acciochè  se  alchuni 
maligni  facesseno  qualche  aguarto  a  questa  negociatione  tanto 
utile  et  honorevole  per  il  signor  Turcho,  che  hsapesse  combatere 
con  viva  et  vera  ragione^  et  che  mi  perdonasse,  se  io  voleva  pre- 
venire  davanti  ch'el  accadesse  qualche  scandalo,  che  se  ben  loro 
mi  assecuravano,  che  per  causa  de'  Francesi  non  fariano  niente^  tamen 
che  uno  ambasciatore,  che  e  serato  in  una  casa,  dove  niun  li 
parla,  et  che  vede  la  expédition  suatardare  ogni  di  più  et  più,  ha 
ragion  da  suspettare  ogni  cosa,  perô  ch'io  non  dubitava,  ma 
sapeva  certo,  che  li  Francesi,  si  non  havevano  fatto  questo  officio 
verso  di  me,  che  Io  fariano,  che  mi  chiamariano  inîertcnitore,  et  non 
ambasciatore,  contra  questa  malignitade  Io  pregava  ch'el  volessi  metter 
avanti  al  Bassa  questa  ragione,  che  in  caso  ch'io  fusse  venuto 
per  intratenire,  non  potriamo  cerchare  il  più  bel  mezo  inter- 
tention  che  li  ministri  francesi,  liquali  hano  cercato  questa  cosa 
con  tanto  desiderio,  quanto  adesso  loro  greva  che  vedeno  li 
disegni  moi  de  voler  metter  fine  a  queste  querele  de  Hongeria, 
scnza  che  loro  se  aifatichino,  et  che  tanto  più  cra  ragioncvole 
che  dovessimo  adopcrare  le  intervention  loro,  in  caso  che  voles- 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  u)i 

simo  innatcnirc,   poichc  vcJcvamo  quclhi  i^r.in   pcrturb.uiono  Ji 
AUemagna,  et  che   hariamo   potiito   sp.iragii.iro  il  prcsciitc   et  i 
denari,  et  lassar  guidar  a  quelli  che  havevano  coininciato  r.iiino 
passato,  ma   s.ipevanio  pcr  certo   dcl  modo  et  tcrmini    che  si  ha 
visto  Tanno  passato,  donde  nesuno  ne  sa  più  che  voi  altii,  che 
ne  voi  ne  noi  ne  cavarcssimo  pace   ferma,  o  utile,  o  honore,  se 
questi  ministri  se  impazassero,   (jitali  se  vantano  in  chrisliauiUuîc, 
che  hanotcnittoct  tcn:^ivio un pciIc sopni  la ^^ola  dcl  7)aûi,ii  l'altro sopra 
il  Rc  de  Roniivii,  dipoi  puô  considcrare  il  Bassa,  se  il  mio  modo  de 
negociare  è  modo  de  intraienire,  ch'io  son  venuto  alla  reale^  et 
sempre  ho   dimandato  d'esser  expedito,  la  quai  cosa  non  fano  li 
intratenitori,  li  quali  cerchano  sempre  excuse  minute,   et  vano 
repezando  et  perdendo  il  tempo  et  captando  le  occasione  che  gli 
pare  pcr  intratenire.  Ma  che  io,  essendo   la  félicita  délia  Casa 
d'Austria  in   colmo,   et   havendo   subiugato   tutti  li  rebelli,   ho 
presentato  più  ch'el  dovere,  et  mantengo  et  mantenero  quelle,  ne 
cambiarô  il  mio  modo  di  negociare^  poichè  ne  il  Re  de'  Romani, 
dil  quai  son  servitore,  ne  l'Imperatore,  dil  quale  ho  litterc,  mute- 
rano  loro  constantia,  ne  mia  commissione  pcr  fortuna  o  per  féli- 
cita che  li  avengi,  et  ch'el  Bassa  sij   certo  che  de  questi  successi 
del  imperatore  non  gli  nascerà  ne  tumulto,  ne  guerra,  in  caso  che 
si  accordiamo  con  condition  honeste,  perche  non  si  ha  mai  visto 
che  l'Imperatore  in  tutta  sua  vita,  qualunche  fortuna  o  gratia  ha 
havuto  da  Dio,  el  habbi  invadesto  (sic)  o  offeso  nesuna  persona, 
de  che  qualità  che  fusse,  si  non  sia  stato  prima  offeso  o  iniuriato, 
et  che  se  il  Bassa  pensa  ch'io  non  sapiali  successi  di  Alcmagna,  cl 
se  ingana  di  grosso,  non    ch'io  habbi    havuto   littere,   ma  ch'io 
davanti  el  partire  sapeva  li  disegni  et  le  forze  de  Sua  Maestà,  et 
le  faite  et  le  debolezze  del  altro   canto,  tanto  de  vittuaglie  et  de 
dinari,  che   di   concordia  ;  ch'io  voglio    giocare   con  il  Bassa  un 
belissimo  horologio  contra  un  brutissimo  cavallo,  che  l'Imperator 
sia  patron  de  Alemagna.  El  mi  rispose:  Qiicslo  c  vcro;  la  quai  parola 
li  caschô  fora  di  hocha,  ne  mai  ho  poliilo  cavare  ait  va  similc,  quanto 


192  VOYAGE 

aile  cose  de  Alemagna_,  benche  in  ogni  altri  mei  bisogni^  et  in 
absentiamia  mi  mostri  ogni  favore  et  piacere  che  li  sia  possibilea 
fare.  Dipoi  ch'io  promette  al  Bassa  un  homo  in  pede  mio, 
che  lassarô  quà  in  caso  che  habbino  paura  de  interenimento, 
et  io  prometteria  de  ritornare  a  quel  tempo  che  pareria  a  loro,  oltra 
che  intra  dui  mesi  sentiriano  dalle  frontière,  corne  il  Re  de 
Romani  haveria  cassato  li  Aydochy,  in  caso  ch'el  Bassa  di  Buda 
volesse  cazar  li  Martalossi',  et  se  il  Bassa  vorra  cazare  li  ca- 
valli  che  non  sono  spachi,  che  anche  noi  sminuiremo  molti 
ladri  et  robatori,  che  sono  tra  li  hussari;  in  summa  che  si 
scoprirà  avanti  un  quarto  de  anno,  se  volemo  vera  pace  o  falsa. 
Un'  altra  vania  so  che  si  scriverà,  o  che  se  habbi  scritto, 
come  rimperator  usera  questa  vittoria  al  danno  et  preiudicio 
délie  cose  turchesche,  et  ch'el  farà  una  liga  d'Alemagna  et 
dlnglitcrra,  et  del  Pape  et  de  Italia,  la  quai  congionta  con  le 
forze  sue  et  del  Re  de'  Romani  spingerà  in  Hongeria  un  campo 
grandissimo,  et  che  pcr  questo  fa  tanta  diligentia  de  metter  fine 
alla  dissension  d'Alemagna.  Che  quanto  a  questo,  io  H  giurava  et 
faceva  sacramento  che  non  ce  n'era  niente,  et  ch'io  pregava  il 
Bassa,  che  in  caso  che  tal  cosa  fassi  scritta  al  Signor,  che  mi 
volesse  un  poco  communicare,  che  li  farià  parer  la  verità,  ben 
confessava  io  che  ne  stato  parlato  alchune  volte,  ma  che  l'Impa- 
rator  sempre  habbi  rispoto,  ch'  esendo  comminzato  questo  mezo 
di  pace  intra  il  Re  de'  Romani  et  il  Turcho^  mostrarà  la  sua  fcde 
et  constantia,  ne  manchera  di  quello  che  fu  cominziato  l'anno 
passato  per  il  suo  ambasciatore,  in  caso  che  li  negocij  di  suc 
fratello  et  la  pace  se  possino  concertare  con  conditione  ragionevole, 
ma  ch'io  li  voleva  dire  d  pregava,  cht  no7i  fusse  reveJato,  che  sono 
alctini  minislri  franccsi,  liquali  pcnsando  fare  grau  servitio  a  loro 
signore,   sopicraiio  (sic)    ncl  foro,  et  scraiio  qiicUi  che  sccntamciitc 

I.  Les  Ilcyduqucs  et  les  Martoloses  étaient  des  brigands  qui  infestaient  les 
frcntières  de  la  Croatie  et  de  la  Transylvanie  et  se  mettaient,  en  temps  de 
guerre,  à  la  solde  du  parti  qui  consentait  à  les  employer. 


on  MONSIEUR  D'AKAMON  lOÎ 

stiniitlarano  Ccsarc  et  rAllcnuigua  a  von  lassar  passare  questa  bdla 
occasiotic  de  rcciiperare  VOtn^aria,  et  proponeriiNo  le  eonunoditade  di 
questo  tempo  :  primo,  chc  le  cosc  di  Persia  stiano  nltramcntc  chc 
non  dicote  voi  Turchi,  et  cli'el  Sopliy  c  gagliardissimo  in  c.mi- 
pagna,  la  ovc  la  mita  délie  vostre  forze,  cioc  délia  Natolia,  siano 
divertite  per  remediare  a  quelli  timiulti  di  la,  Dipoi  che  adesso 
TAlemagna  ha  più  cnvalleria  et  fantcriameglio  cxercitata  che  mai, 
et  che  tanta  coniunction  de  membri  del  Imperio  non  tu  mai  vista. 
Questo  sccrctaniefiic  nietlerano  sot to  persane  idonee,  et  a  voi  a/tri  dirano 
tutto  il  contrario,  mostrando  la  debolc::^::^a  délia  christianitade,  acciochè 
una  volta  ne  vedino  5t';/-(/  loro  danno  attachati  insienie,  et  pensano 
qiiesti  ministri  [are  gran  servitio  alloro  palrone,  ma  potria  essore, 
chc  se  suscitata  fusse  una  tal  liga,  il  chc  ho  speranza  che  non  sari 
ma  che  più  presto  tutti  cercharemo  il  riposso  et  ben  publico  del 
mondo,  loro  non  sariano  H  ultinii  chc  intrasscro  in  qiiesta  liga,  etforsc 
risp'ynderiano  a  voi  ait  ri,  cbefaccvano  questo  constreti,  et  che  nonpotevano 
far  allro.  Rispose  Jonus  Beig,  che  sccondo  favevano  usalo  altre  voile, 
non  si  lassar iano  troppo  pregare  de  in t rare  in  tal  liga,  e!  chc  l'anno 
passato,  per  iustificatione  di  quclla  proniessa  che  havamio  fatto  contra 
il  Turco,  si  excusavano  de  esscr  stati  sfor:^ati  a  farlo.  lo  replicai  con 
sacramento  che  non  era  niente  di  questa  liga,  et  chio  haveva 
poter  et  mandato,  per  via  di  questa  pace,  di  assccurare  il  signor 
Turcho,  et  ch'el  Bassa  vedesse  quanto  servicio  io  offerisco  in 
questo  assecuramento  più  che  altri,  li  quali  non  fano  sinon  ru- 
morizar  et  metter  ombre  et  cose  incerte  et  dubie  avanti  contra  li 
rumori_,  di  quali  io  pregava  il  Bassa  che  considérasse  solamente 
questo  argumento,  corne  io  son  venuto  per  contrettare  pace,  et 
ho  litterc  da  parte  del  Imperator,  perlequale  io  posso  chiarire  de 
questi  dubij  che  loro  metteno,  et  dar  certexza  contra  i  suspetti 
chc  propongono,  ne  posso  pensare  che  in  questi  manegi  habbin 
mandate  niuno  dal  Re  loro,  tanto  è  il  bon  amore  fraterno  trà 
rimperatore  et  il  Re,  ma  li  Ministri  usano  alchune  troppo  dili- 
gente //  quali  per  i)iganar  voi  et  noi,  quando  sono  ben  assetati,  dicono 


194  VOYAGE 

apertamente  che  tanto pochosi  fidanode  Turcbi,  quanto  H  Turchisifidano 
di  loro  et  chcramicitîa  turcica  non  servira  a  loro^  senon  per  darsuspetti. 
Per  conclusione,  li  disse  ch'el  Bassa  potea  fore  un  gran  servicio  al 
suo  patrone,  ch'el  potea  darli  una  pace  utile  et  honorevole  et  se- 
cura  al  suo  signor.  Benchè  il  Signor  sia  potentissimo  et  parechiato 
in  pace  et  in  guerra,  perô  ogniun  sa  il  fatto  suo,  et  che  un  bon 
nochiero,  benchè  sia  provisto  et  armato  contra  ogni  fortuna, 
vole  più  presto  la  bonazza  che  la  tempestà,  cosi  deve  voler  ogni 
bon  administrator  de  republica,  et  acciô  ch'el  Bassa  non  pensi 
ch'io  li  vogli  celar  niente  fino  al  ultimo,  io  li  dechiaro  la  mia 
mente  et  la  mia  commissione,  che  de  céder  castelli  non  faciamo 
parole,  che  se  ben  li  Hongeri  fosseno  contenti,  et  già  quel  pezzo 
dcl  regno  incorporato  alla  christianità,  donde  el  bisogneria  il  con- 
scnso  del  Imperio.  Ma  se  sua  Excellentia  vol  servire  al  suo  si- 
gnore,  et  liberarlo  di  gran  spese,  negocij  con  meco  {sic^  corne 
ho  cominziato  Taltro  dî  a  rescatare  tutte  le  differentie  con  augu- 
mento  di  pensione,  perche  io  ho  proposto,  et  son  venuto  a  un 
precio  honesto,  quai  loro  non  poteno  mai  haver  dai  lochi  donde 
si  disputa,  che  in  caso  ch'el  mi  faci  capace,  che  la  mia  offerta  non 
si]  assai  rispetto  a  quelle  differentie,  che  vedero  de  intenderlo,  et 
si  del  mio  poter  mi  sarà  licito  de  respondergli,  non  raancharô 
del  ragionevole;  sinon,  se  potrà  scrivere  al  Re  le  vostre  di- 
mande,  ma  di  castelli  non  si  faciano  parole,  perche  non  ho  com- 
mission nesuna,  et  veramente  guadignaresti  una  grande  spesa  in 
caso  che  havcsti  questi  castelli,  quasi  non  sapessimo  noi  che  an- 
chora  al  tempo  di  pace  mettete  quel  bel  denaro  de  Alcayro, 
500,000  ducati  netti,  su  la  frontiera,  solamente  per  inrichire  al- 
chuni  clientuli  dil  Bassa  di  Buda,  et  voi  sapete,  signore  Jonus 
beig,  quanto  inutilmente  si  spendeno  li  dcnari  su  la  frontiera.  El 
mi  rispose  :  «  io  Io  so  ».  Al'hora  fcce  fin,  concludendo  che  la  mia 
partita  et  la  pace  fariano  più  servicio  a  loro  che  a  noi,  che 
promettendoli  de  andarc  alla  Dicta,  dove  in  caso  che  fussi  ex- 
citato    qualchc  rumorc,    promettcva   officio  di  farlo    scdare,  et 


DE  MONSIIiUK  DAUAMON'  I95 

ch'io  sapeva  ccrto  chc  l'Impcrator  non  nianchcri.i  tlcU.i  su.i  ]\i- 
rola.  Lo  prêtai  dipoi  cli'cl  dcssc  un  rcfiicanicnto  a  quel  sccrc- 
tario  di  Fran/.a  et  al  Bassa  quanto  a  qucUa  int;iuria  do  l'altro  di, 
ciîc  non  la  volcva  lassar  passar  cosi  Icgicranicntc,  //<>;/  so/nni  a 
causa  dcl  honor  niio  et  dcl  Bassa,  ma  potria  csscrc  ch'cl  diiio 
secrctario  scriveria  al  Rc  suo  signer  siniilc  luisic,  et  chc  di  la 
si  avissastc  alla  cortc  dcl  Impcratorc,  pcr  mctermi  in  disgracia. 
Mi  promesse  di  farlo.  Qiieste  cosc  li  ho  ditto  dui  volte,  accio 
ch'el  si)  capace;  cl  partite  verso  Rusthan  Bassa  et  li  disse  tutto. 
Dipoi  lo  raconta  alli  altri  Bassa,  a  Mechmeth  et  a  Achmath. 
Rusthan,  como  mi  disse  Jonus  beig,  ih'poi  mostro  di  farnc  pocho 
cûsto,  ma  li  altri  Bassa  intcscro  bcnc  et  H  trovortto  i^uslo,  dicctuio  chc 
io  prouidtn'a  far  gran  scrvitio,  et  chc  non  cra  di  hissarla  passarc. 
cosi.  Con  questo  modo  alla  iîn,  io  inipetrai  audientia  dal  Bassa 
di  avanti  ch'el  Signor  andasse  alla  cazia  de  grue,  dove  starà  lino 
ai  5  o  6.  di  Marzo,  et  è  longe  de  qui  circa  tre  giornate,  nella 
quai  audientia  pcnsava  di  farlo  capace  di  quelle  ch'io  haveva  infor- 
mato  Jonus  beig;  ma  non  nii  lasso  mai  dire.  El  principio  dil  ragio- 
namento  fu  ch'io  mi  lamentai  del  secretario  di  Franza,  et  mi  risposc 
ch'el  non  hava>a  credilo  niente  a  quel  la  l  itéra  et  dipoi  quasi  pentito 
di  havcr  quasi  revelalo  secreti  de  vno  al  altro,  disse  che  quella  litera 
non  cra  troppo  dishonesta  et  intrô  poi  nel  negociare,  stando  nelle 
prime  audientie^  cioè  de  Agria,  Polata,  et  d'altri  lochi  che  erano 
dil  Re  Gioanne,  dimandando  se  volevano  tenire  pcr  lorza  le  terre 
dil  Signor,  et  questo  con  una  gravita  et  scverità  molto  jastidiosa, 
henche  cl  non  usasse  quelle  villanie  et  colera  ch'  el  uso  Fanno  passato. 
Mescolava  anche  alchuni  propositi,  quanto  utile  sia  a  loro  la 
guerra,  per  le  corrarie  che  fano,  pcr  le  quale  guadagnano  tante 
anime  a  Dio.  In  summa,  un  ragionamento  molto  fora  di  proposito 
da  concludcr  niente.  Stessimo  forsi  una  hora  et  meza,  lui  propo- 
nendo  et  io  replicando;  li  miei  argumenti  furono  li  medesimi  ch 
io  ho  dechiarato  nelle  prime  audientic,  tanto  del  utile  che  si 
rechana  al  signor  Turcho,  quanto  délia  mia  commissionc  che  non 


196  VOYAGE 

si  extendeva  di  cedere  castelli,  alla  fin  dipoi  gran  pacientia  ch'  io 
hebbi,  lo  dimandai  air  improvisa  se  questa  era  la  resolutione  dil 
Signor  tihibâ  et  disse  che  j'îno  adesso,  io  non  baveva  parlato  cosl  di 
non  voler  céder  lochi  et  che  sopra  cio  el  parleria  al  Signor.  Io  mi 
inaravigliava  délia  grande  oblivione  dil  Bassa,  il  quai  si  haveva 
smenticato  de  tutte  le  negociafione  passate,  quasi  el  non  se  ricordasse 
perche  io  haveva  alzato  la  pensione  a  XV  m.  ducati  ogni  anno, 
et  li  replicai  per  scoprirlo  meglio,  se  mi  dava  licentia  di  scriver 
questo  al  mio  Re.  Cauibià  colore  et  disse  :  che  scriveresti,  li  disse  ch' 
el  Signor  non  volcfare  niente.  El  rispose  ch'  el  ne  parlarebbe  al  Signor, 
et  mi  mandarebbe  risposta  per  Jonus  beig.  Mi  voltai  al  ditto  Jo- 
nus  beig,  et  disse  che  volemo  noi  et  io  più  fastidirse,  che  non  c'  è 
più  ordine  di  negociare.  Mi  rispose  :  «  non,  aspettemo  anchora  un 
pocho  »  ;  se  lasso  chascare  il  Bassa  anchora  nna  parola  dclla  hocha, 
dicendo  :  «  noi  volemo  il  nostro,  et  speremo  in  Dio^  che  quel  che 
non  potemo  haver  un  anno,  havemo  Taltro,  et  si  non  il  3°,  il  4°.  » 
El  di  depoi  el  Bassa  parlô  al  Signor,  como  disse  Jonus  beig,  se  hen 
esso  Bassa  se  haveva  cscusato  un  niese  intégra,  che  Jion  osava  fastidire 
il  Signor,  ne  parlarli  délia  mia  expeditione;  ma  trovando  gusto  in 
questo  ch'  io  voleva  scrivere,  trovô  anche  modo  di  parlar  al 
Signor,  ne  hebbi  mai  più  presta  risposta,  ch'  io  dimandasse  al 
Bassa,  sinon  di  questa,  tanto  li  plaque  di  havere  trovato  uno  atacho 
di  possermi  iniratenere  qui  tre  0  quatro  niesi,  perche  vedeva  che  le 
risposte  sarian  tarde^  et  che  Vostra  Maestà  ne  l'Imperatorsi  potrian 
lamentare  délia  mia  retentione,  poich'  io  medesimo  era  causa  per 
il  mio  scriver,  vientre  questo  stariano  a  vedere  loro  el  fin  délie  cose 
de  Allenuigna,  et  aspetare  quelli  avisi  de  Fran:(a  delli  secreti  de 
Cesarc,  et  tencrnii  qui  couic  per  ohstatrio  fu  la  offerta  de  Jonus  beig 
molto  libérale^  perche  non  solamente  mi  davano  un  homo  dcl 
Bassa  de  Buda,  ma  anchora  ch'  io  mandasse  un  homo  mio  pro- 
prio.  Io  li  rispose  :  ((  che  mi  havean  mal  inteso,  et  ch'  io  non  inten- 
deva  a  scrivere,  in  caso  ch'  el  Signor  non  si  risolvessc  de  negociare 
le  ditlcrentic  per  pensione,  et  che  io  sapeva_,  quanta  difticultà  et 


DE  MONSirUR  D'ARAMON 


197 


tempo  portava  qucsto  scnvcrc,  poi  ch  (.1  Ko  niio  si^nor  non 
tari.i  nicntc  scnx.i  hi  dclibcrationo  dclla  Dicta  dcl  Impcrator,  et 
che  nientre  si  aspetta  la  risposta.  nacessequalclie  rumore,  o  per  il 
dispetto,  cW  io  sia  troppo  ritenuto,  o  per  qualche  correria  délia 
trontiera,  o  per  qiialehe  alti'a  niali^nità,  el  Hassa  diria  poi,  cW  io 
saria  stato  causa  con  el  niio  serivere,  et  nasceria  qualche  /i/ania 
trà  il  Bassa  et  me,  che  turharia  questo  ben  puhlico  che  si  ha  co- 
minziato  a  trattare  ». 

Pochi  giorni  avaiiti  ch'  el  Signor  andasse  alla  ca/ia,  in  questa 
corte  fu  latta  gran  demostration  et  allegre//a  d  una  vittoria  che 
dicono  haver  havuta  per  mexo  dil  Bassa  che  sta  contra  el  Sophv; 
quai  Bassa  harebbe  preso  un  loco  chiamato  Basra  di  ladel  Eufrate, 
con  48  castelli,  ma  non  dissero  particularità  niuna,  quanti  nemici 
ossero  morti,  et  como  la  cosa  fosse  succu^sa  ;  iloiiih'  pdirvn  hi  cosa 
mu  csscrc  tropo  vciisiniilc,  massimamente  esscndo  pochi  giorni 
avanti  venuta  nova  di  quelle  bande,  ch'  elSophy  era  gagliardissimo 
in  campagna,  et  Inivcva  viclalo  il  Bassa  a  lutta  la  cortc  che  )iou  se  ne 
parlasse;  et  essenJo  il  Sii^^nor  alla  ea:{ia,  sono  coniiuciati  li  nimori, 
che  il  Signor  volera  far  giierra  per  mare  et  per  terra,  eoii  quel  la 
ostentatioue,  con  la  qtiale  queste  gente  govcrnano  ogni  cosa,  et  in  quel 
di  mi  foron  rese  le  litière  de  Cesarc  et  de  Monsignor  de  Aras  de  2S  di 
Novembre  per  Blasio  di  Brejia,  che  soleva  cssere  spia  de  don  Diego  et 
inio  dragomano  l'anno  passato,  le  quai  l  itère  ha  porta  Io  con  consent  i- 
viento  délia  cita  de  Ragusi,  lanlo  vano  le  cose  si  relie  ;  havendo  questa 
commodità,  Io  ho  mandato  a  Constaiilinopoli  a  spiare  Io  arsenale,  per 
intender  quai  cosa  più  certa  ;c  ritornato  in  questi  giorni,  essendo  stato 
a  Consiantinopoli  un  pocopiù  di  quello  li  havcva  comnuvidato.  Quello 
che  intendo  de  lui  è  che  l'armata  del  Turco  ::on  plissera  setanla  velle 
intra  fusle  et  galère,  et  Salares  sara  capitanio  de  vinti  galère,  le 
qualù  dice  cssere  parechiate  in  Rhodi ,  et  che  Inogethc  è  chiamato 
dal  mare  di  Poncnte,  il  che  chiamano  loro  marc  de  Italia,  diwe  il 
ditto  sta  in  corso,  et  sera  sopra  trotta  legni,  et  che  le  alîre  vint/  si 
caverano  dal  arsenal  di  Consiantinopoli,  ma  non  sonno  anchora  cale- 


198  VOYAGE 

fatate  da  mettere  a  remo,  et  che  a  Salures  non  sono  mandati  sinon 
trecento  Jani^ari  per  metterli  in  armata.  Oltra  di  questo  che  ce 
grandissimo  minore  del  canto  dil  Sopby,  con  questo  si  confronta 
l'aviso  de  uno  Jani:(aro  che  è  in  la  mia  guardia,  qurJ  è  di  qncUi 
Jani'^ari  che  è  deputato  de  andare,  quando  il  Signor  fa  armata,  et 
dice  che  il  Signor  andarà  in  giierra   contra  il  Sophy,  et  che  noji 

si  farà  tanta   armata  in et    ch'el  comniendamento  del  Signore 

de  far  Icvare  gran  numéro  de  villani  de  Natolia  per  f armata,  si 
refredisse.  Concorda  anchora  che  la  gente  dil  Bassa  de  Buda  che 
sta  alla  Porta,  fu  mandato  {sic^  de  qui  al  ditto  Bassa  per  avisarli 
di  quello  fit  negociato  et  promesso,  et  per  dimandarli  il  suo  consiglio. 
Ritornando,  ha  ditto  ad  alchuni  sui  amici  in  questa  terra,  che  sarà 
pace  in  Ongaria  con  il  Re  de  Alemani,  et  che  ritornando  il  Si- 
gnor dalla  ca:^ia,  subito  expedirà  lo  amhassator,  et  andarà  in 
Bursia  .  Concorda  anchora  che  quel  giudîo^  cJfè  înedico  délia  mia 
famiglia  e  grande  aiiiico  de  fonus  heig,  dal  quale  dice  haver  inteso 
queste  parole  :  l'ainbasciaiore  pua  stare  di  hona  voglia  cli  cl  partira 
con  il  suo  contento.  Hor,  Sire^  vorei  havere  commodità  di  avisare 
Vostra  Maestà  cose  certe,  et  baver  licentia  di  expiare,  come  fano  tutti 
li  ambasciatori ;  ma  la  Maestà  Vostra  sapera,  con  quanto  risigo 
et  fastidio  si  pua  intendere  le  cose,  essendo  serato  nel  modo  che  io  son 
serato  :  in  tutte  le  actione,  bisogna  passare  per  mane  de  Ragusei, 
essendo  il  mercante  fiorentino,  Franciosi  et  li  Venetiani  tanto  inimici 
a  Maestà  Vostra  como  li  altri,  et  di  Ragusei  bisogna  fidarsi  sopra 
un  solo,  acciô  le  cose  non  diventino  palese,  il  quai  Raguseo  oltra 
il  risigo,  che  è  di  essere  impicato,  è  cervello  grossissimo.  Perd  la  Maestà 
Vostra  pîglicra  in  bene  il  mio  servicio,  et  non  se  risolva,  ne  pigli 
assecuramcnto  di  questa  negotiatione  ne  per  littere  de'  Venetiani,  ne 
dclli  Francesi,  ne  de'  Fiorenlini,  in  nulle  0  in  bene,  fino  che  io  non 
favisi  per  altre  mie  lilere  le  quai  spero  di  posser  mandare  subito 
dapoi  ritornato  il  Signor  dalla  cazia;  il  modo  che  ho  di  posscre 
intendere  le  particularitadi  certe,  si  è  per  il  dragomano  Maumetto, 
quai  h.va  r  alla  ra-a  coni  il  Signor.  Bcnchc   la  Maestà  Vostra  lo 


ni-  Moxsini'R  n'Ai^\Mo\  loo 

Inihi  p:r  tnuUtorc,  ronio  ri.v  lUicJ.v  io,  pcrô  ijiicstc  ro.w  si  fiino  da 
siniildgcnic  pcr  dciiari  chc  vcraniculc,  se  bcn  il  siii  iiii  ni<ini:iolilt>, 
non  hj  manchato  di  un  i^iorno  iil  iiUro  in  diinoslrarnii  le  Ictlcc  di 
frîi  Givrgio  et  d'altri  di  sncccssi  de  Alennii^nti  in  faivr  dcJ  Inipc- 
fiilor  et  di  Ici  Miiestà  J'ostiii.  Oiuinto  a  Monsit^nor  de  G  mule  hi 
cowpraio  qui  vnii  rnsii,  et  eoniineia  a  edifieare  una  pirte  di  essd  ,  (7 
//'  Francesi  eonversano  con  lui  niollo  familiarmcnte.  lo  nii  dnhito 
r//  «7  sia  staneho  de  Tinrhid,  et  cli  el  voi^^li  ritornarc  in  cbrisliii- 
nitii  et  in  Frdn:^a.  non  havendo  aitto  loeo  sictiro  dovc  el  px^tessi  sldre. 

Zt'  littere  del  Iniperiitore  sopriiscritte  sono  state  molto  al  pro- 
posito  per  securarmi  del  rumore  che  io  haveva  intesù  ;le  prime  littere 
furono  quasi  in  perieulo ,  perehc  furono  mandate  dal  cavaglier 
Zamano ,  quai  fa  professionc  di  fare  le  cose  del  Imperatore  in 
Ragusa,  insieme  eon  le  littere  dil  Gunde,  ma  l'ensero  in  hone  mani. 
Benchc  crano  Jatte  con  quella  auiorità  et  savieza  che  farta  voluto 
che  fussino,  sta  intercepte  dali  Turchi  et  mos'.rate  al  gran  Signor. 
Ho  ben  modo  de  ricever  l itère,  benchè  vengono  alla  ventura,  ma  de 
mandarle  non  posso,  si  non  per  homo  Jidatissimo,  perche  per  via  de 
portalitere  de  Ragusa  non  ce  ordine.  Perltinlo,  ht  Maestà  Vostra 
mi  perdonera ,  se  scrivo  rare  voltc  ,  alla  qiialc  huinilmcnle  mi 
racomando. 

Dato  in  Andrinopoli  a  di  vinti  Febraro,  el  rctenuto  fni 
oggi  che  sono  di  Mar~o  mille  el  cinqiuvento  qiiannita  sette,  per 
espettare  quello  che  andava  a  spiare  Farnuila,  el  pcr  j'arli  ihire  le 
littere  in  man  sua  propria. 

Il  Turcho  si  aspctta  dalla  ca/ia  alla  fine  di  qucsta  luiia. 

Ugrynowytz  staallogiato  304  case  lontano  da  nie,  dcsidcrando 
la  redemptione  de  Israël  si  ben  che  \o. 

L'ambasciatore  di  Portugal  è  anchora  qua. 

Sono  sta  mandate  littere  a  di  G  di  Pebraro  alli  signori  de  Vala- 
chia,  al  Karaboudan',  et  alHTartari,  che  stiano  aparechiati  sopra 

I.  L'hospodar  de  Nfoldavie,  Flie  Harccli   qui  avait  succédi'  le  $  septembre 


200  VOYAGE 

i  confini  di  Polonia  ;  questo  fa  creder  a  molti  ch'  el  faria  guerra  in 
Transsylvania. 

//  servitore  dcl  Gunde,  quai  porto  qua  piîi  di  trenta  leitcre,  fu 
acare:^ato  dal  Bassa  et  scaciato  intra  tre  di,  et  il  ditto  Gunde  per 
mostrarc  de  essere  bon  schiavo,  mostrô  di  non  voîere  ricevere  litera 
nesuna,  se  prima  non  fusse  visla  dal  dragoman  Maumuth,  il  quai 
mi  disse  che  dentro  si  conteniva  di  sui  debiti  fino  a  quarante  inillia 
ducati,  et  benchè  queste  littere  siano  de  debiti  et  di  principali  amici 
cld  el  ha  in  Austria,  perô  non  si  fa  debitore  sopra  il  servitore,  il 
quai  cou  questi  modi  ha  bona  via  de  intendere  la  dispositione  délia 
Christ ianità  et  di  reportare  qua. 

Di  Vostra  Maestà  humillimo  servitor, 

Gerardus  Veltwyck. 


1546,  à  son  père  Pierre  Rarech.  (CI}i-ùiu'qHe  d'Urechi  publiée  pjiT  M.  Em.  Picot, 
page  357.) 


DE  MONSIl-UR  D'ARAMON  201 


II 


Di'pcchc  adrcsscc  au  roi  des  Romains  par  Gcrard  d:  J^cUn'ich  sous  la 
date  du  ij  avril  ij-fj. 

Dipoi  rultime  mie  chc  fiirono  de  diccc  dcl  passato,  non  ho  an- 
chor  havuto  audicntia,  et  tamen  il  Turco  alli  diccnove  ritornô 
dalla  cazia,  ne  manco  ho  potuto  intendere  conio  ha  da  essere  la 
mia    expeditione,  perche   il  Bassa   ha  vetato  alli  dra^omani  che 
non  me  visitino,  fino  non  gli  sia  comandato.   lo  vedo  hen  chc 
la  gran  duhitation  et  irrésolution  che  costoro  hano  in  testa,  farà 
che  io  non  sarôexpedito  avanti  la  venuta  del  Oratorgallo,  laquai, 
corne  dicono  qua  li  Francesi,  sarà  intra  diece  dî,  bcnchè  qucsti  diece 
dîhanodurato  tre  mcsi.  Se  dice  inquesta  corte  che'l  ditto  Orator 
gallo  porta  gran  presenti,  cioè  per  il  Turco  una  lontana  di  valore 
di  scudi  trenta  millia.  Si  vede  ben  che  dano  tutti  li  assalti  che  sia 
possihile  contra  li  negocij  di  Vostra  Maestà,   et  si  è  vero,  corne  il 
rumore  è  di  qua,  che  il  Re  de  Ingeltera  sia  morto,  non  mancha- 
rano  niente  di  quello  che  hano  qua  acciochc  divertiscano  il  hiipc- 
raiorc  dai  iicgocij  di  là.  Del  Re  di  Persia  si  continua  ogni  di  la  voce 
che  '1  sia  grossissimo  in  campagna,  et  alchuni  parlano  molto  lar- 
gamcnre  che  '1  ha  preso  dui  overo  tre  castelli  di  questo  Signer, 
et  che  il  campo  di  Turchi  che  sono  su  quella  frontiera,  se  sia  re- 
tornato  verso  Sulthan  Mustaplia,  primogenito  del  Turco,  che  è 
Sanzacho  in  Amasia,  cioè  in  Capadocia  ;   li  altri  dicono  che  i 
Thurchi   desperano   di  possere   defender  quella  frontiera,   se  il 
Turco  non  li  soccorre.  De  l'armata  se  intende  il  medesimo  che 
scrisse  per  l'altra,  cioè  che  anchora  non  se  habbi  fatto  raccolta 
di  vogadori,  che  è  segno  che  aspcttano  Aramon.  Qua  sono  stati 
molti  rumori  clie  uno  Bassa  o  dui  dovevano  andare  in  Transsvi- 


202  VOYAGE 

vania,  et  che  il  Turco  starà  a  casa  ;  et  altri  dicono  che  non  irano 
in  Transsylvania^  ma  in  Schiavonia  et  in  Croatia,  et  nominata- 
mente  nominano  Zagrabia  et  Varasdino,  et  che  a  quella  impresa 
anderia  Vlambeg  Sanzacho  de  Bosna  con  tre  altri  Sanzachi,  et 
pareche  questa  ultima  nova  si  verifica  da  molti.  Non  so  se  lapen- 
sano  fare  per  correzia  avanti  che  concludano  meco,  corne  sono 
soliti  a  fare,  overamente  che  vogHan  romper  tutto.  Alla  venuta 
de  Aramon  si  scoprirà  tutto,  et  credo  che  avanti  el  vengi,  costoro 
non  habbino  disegno  certo,  non  sapendo  quello  che  lui  portera. 

Di  Andrinopoli  alli  tre  di  Aprih  dcl  quaranta  sctte. 

Doppo  scritte  le  incluse  gionse  qui  l'Orator  gallo  ditto  Aramon 
mercoredi  sanlocon  grandissima  pompa,  ma  credo  che  percamino 
li  siano  atachati  molti  Ragusei  et  gentilhomeni  italiani.  Venerdi 
santo  lui  hebbe  audientiada  Rusthan  bassa,  etlavigiHadi  Pasqua 
dai  altri  tre  Bassa.  Il  terzo  di  de  Pasqua  andô  a  basare  la  mano  al 
gran  Turco,  portandogli  il  présente  del  Re  suo  signore,  cioè  una 
fontana  dorata,  ligata  con  moite  gioie,  il  precio  de  laquale  è  esti- 
mato  da  Aramon  quindeci  millia  ducati,  et  dice  che  tanto  è  cos- 
tata  al  Re.  Quello  che  si  scopre  délia  sua  legatione  per  diverse 
vie,  che  si  confrontano,  è  questo,  che  havendo  lui  negociato 
avanti  la  partita  sua  in  quella  perturbatione  di  Germania  di  far 
mover  la  guerra  dal  Turco  verso  Hungaria,  et  per  mare  verso 
Africa,  il  che  era  la  medesima  negociatione  de  Rinchon.  Questo 
disegno  de  Aramon  ha  trovato  impedimento  per  le  victorie  et 
prosperità  de  ambcdoi  le  Maestà  Vostre.  È  vero  che  costoro  non 
gli  havevano  promesso  per  certo,  ma  lo  mandorno  in  Franza  per 
explorare  il  tutto  essendo  hora  ritornato,  négocia  con  questi  Thurchi 
et  solicita  il  medesimo  per  nécessita,  mostrando  che  bisogna  di- 
vertire  le  forze  dellmperatore,  che  altramente  la  Franza  sta  maie. 
Et  quanto  alla  Ingilterra,  che  la  Maestà  di  Cesare  tratta  di  mari- 
tarsi  con  la  figlia  del  Re  che  fu  de  Ingelterra  et  impatronirsi  di 
quello  Regno,  et  che  dipoj  non  li  mancharia  si  non  Franza  a 
essere  monarcha  di  Christianità,  il  che  a  suo  Re  dispiace  molto. 


DE  iMONSinUR  D'ARAMON  203 

Ma  non  basta  la  maligiiità  Je  costiii  ;  se  il  conte  de  Ro^endortl' 
non  faci  qualche  grande  otierta  acciô  pari  non  sij  iugito  per  poclui 
cosa  qua  Iha  havuto  animo  a  dire  al  Bassa  de  fargli  pigliare 
\'ienna,  et  Ar.inion  poi  ha  ditto  clie  se  questo  anno  non  si  piglia 
\'ienna,  che  non  sia  piii  spcran/a  si  pcr  il  tortiticare  se  gli  ta,  conio 
per  lo  acrescimento  de  la  prosperità  di  anibedoj  le  xMaestà  Vostre. 
Quanto  alla  armata  si  parla  intra  i  Thurchi  che  non  la  vorano 
dare,  et  il  medesimo  mi  ha  ditto  per  avanti  più  volte  lonus  bcyk, 
benchè  mai  mi  volse  confessare  che  questa  cosa  fossi  stata  tentata 
de  Aramon,  ma  simplicemente  diceva  :  «  mai  haverano  più  la 
nostra  armata  nelle  mane  ».  Et  benchè  io  non  credo  a  ogni  parola 
de  Jonus  beyk,  per  esserli  stato  fatto  paura  dal  Bassa,  perchô 
confrontassi  con  moltialtri,  quali  dicono  il  medesimo,  ne  anchora 
sonno  raccolti  più  vogadori  et  la  stazion  va  molto  tarda,  massima- 
mente  secondo  li  costumi  de  costoro  che  solevano  tirare  fuora 
l'armata  al  principio  di  lebraro  per  essere  si  lontani  in  mare  da  li 
nemici.  Haramon  a  ditto  che  non  sonno  si  non  cinquanta  gallere 
in  Christianità,  et  che  è  facile  cosa  di  scorrere  i  litti  de  Icalia  et  la 
rivera  di  Genova  et  Catalogna  ;  ma  per  coprire  la  malignità  ha 
sparso  una  voce  che  lui  è  venutocon  questi  presenti  per  f;ir  con- 
cludere  lo  accordio  intra  la  Maestà  Vostra  et  il  Turco. 

Del  Sophy  si  refrescano  ogni  di  le  nove  cli'el  è  gagliardo  in 
campagna.  Si  aspetta  intra  pochi  di  uno  ambasciaLore  di  Trans- 
sylvania  che  portera  il  tributo,  et  un  altro  ambasciatore  di  Polo- 
nia.  Si  stima  che  porterano  qualche  resolutione  di  quello  castello 
Bekykerek,  quai  il  Turco  dimanda  da  fratte  Georgio.  Io  vedo 
che'l  tempo  procède  assai  et  che  li  rumori  de  guerra  non  sonno 
cosî  gagliardi  che  prima,  a  tanto  che  secondo  il  mio  parer  lo  am- 
basciatore di  Franza  non  farà  tutto  quello  che'l  vorebbe,  ne  del 
campo  di  terra,  ne  de  l'armata  di  mare,  seben  ha  anchora  ditto 
che  movendo  il  Turco  guerra,  che'l  Rcsuo  uscirebbe  in  c.unpagna 
verso  Italia.  Et  benchè  lui  mi  mette  grandissime  ditïicultade  con 
questi  doni  et  promesse,   perhô  non  haverà  lui  mancho  difiicul- 


204  VOYAGE 

tade  in  persuadera  a  costoro  che  se  mettino  in  risigo,  stando  le 
cose  de  Alemagna  corne  stano,  et  de  l'altra  banda,  il  Sophy  in 
campagna.  Intendo  che  questa  settimana  mi  chiamarono  dal 
Bassa  ;  alhora  farô  diligentia  che  qualche  dragoman  mi  possi  vi- 
sitare^  acciô  sapia  per  certo  la  resolutione  di  questi  negocij.  La 
Maestà  Vostra  usera  la  sua  solita  savieza;,  ma  quanto  si  puô  com- 
prendere  di  qua  non  c'è  apparencia  diguerragrossa,  si  non  osten- 
tation. Circa  duoi  over  tre  giorni  avanti  la  venuta  de  Aramon 
essendo  venuto  da  me  Jonus  beyk  per  cose  del  mio  Chiaus,  mi 
parse  di  cerchare  occasione  di  cominciare  a  oppugnare  quelle 
possea  reportare  el  ditto  Aramon  per  assecurare  di  fresco  questo 
Signore  non  obstante  la  vittoria  di  ambedui  le  Maestà  Vostre.  Et 
cosi  li  communicai  le  littere  del  Imperator,  nelle  quale  mi  co- 
manda  che  non  obstante  li  sui  prosperi  successi  di  Germania  debia 
significare  la  voluntà  sua,  quai  ha  Sua  Maestà  di  perseverare  nel 
cominciato  trattato  con  questo  Signore.  Il  che  ho  fattoconil  ditto 
Jonus  beyk  ;  dilsuccesso  poi  avisarô  la  Maestà  Vostra.  Di  Adrina- 
polj  alli  tredeci  di  Aprile.  In  tergo  : . 

Al  scrcnissimo  Rc  de  Romani,  mio  Signor. 


DE  MONSII-UR  D'ARAMON 


III 

Au  Koy. 

Sire,  par  deux  depeschcs  que  je  trouvay  à  Venise,  m'en 

retournant  par  deçà,  il  vous  pleut  me  commander  que  je  recher- 
chasse bien  particulièrement  roccasion  de  la  venue  du  comte  de 
Rocquendolte  en  ce  païs  pour  vous  en  donner  advis  ;  ce  que  je 
n'ay  failly  de  taire  le  plus  diligemment  qu'il  m'a  esté  possible  et 
n'ay  trouvé  par  tous  les  rencontres  que  j'en  ay  fait  quoy  que  ce 
soit,  fors  qu'ayant  quelque  différend  avec  sa  femme,  elle  ait  esté 
tellement  favorisée  de  l'Empereur  contre  luy,  que  n'ayant  jamais 
pu  d'estre  oûy  en  son  droit  et  luy  ayant  ledict  Empereur  osté  la 
pluspart  de  son  bien,  pour  flivoriser  sadicte  femme,  et  meu  de  ce 
à  desespoir  s'est  venu  rendre  à  ce  Seigneur,  comme  au  plus  grand 
ennemy  qu'ayt  iceluy  empereur,  en  espérant  que  son  moyen  pou- 
voit  vanger  des  torts  qui  luy  ont  esté  fiiicts;  n'a  cessé  depuis  sa 
venue  d'en  chercher  les  moyens,  n'ayant  faict,  par  ce  que  j'ay 
entendu,  que  bon  oftice  envers  ces  seigneurs  de  tout  ce  qui  peut 
toucher  le  service  de  Vostre  Majesté,  auquel  il  monstre  une  bien 
grande  affection,  en  laquelle  je  mets  peine  de  l'entretenir  le  plus 
qu'il  m'est  possible  pour  s'en  servir  en  quelque  occasion,  ce  que  je 
connois  qu'il  fera  trèsvolontiers.  D'Adrianopoly,  le  4  mai  1547. 

D'Aramon. 


2o6  VOYAGE 


IV 


Lettre    de    Gérard    de    Veltivick    au    roi   des    Romains    en    date 
du  2  mai  iS47  • 

Doppo  l'ultima  mia  di  tre  et  tredeci  dil  passato  mese  de  Aprile 
è  accaduto  questo.  L'Ambasciator  di  Franza  ha  dimandato  con 
grande  importunità  l'armata  di  mare  etcampo  di  terra  perpigliare 
Vienna_,  mostrando  le  occasione  délia  Christianità^  la  quai  sta 
perturbata^  et  in  questo  è  stato  aiutato  dal  Gunde,  quai  ha  pro- 
messe di  far  pigliare  Vienna  in  un  mese,  et  practica  strettamente 
di  et  note  con  el  Oratore  gallico  a  danni  di  Vostra  Maestà  et 
délia  sua  patria,  et  Dio  ha  messo  la  mano  lin  adesso,  che 
gli  è  stato  recusato  apertamente  l'armata  di  mare  et  di  terra,  et 
gli  è  stato  risposto  che  se  l'Imperador  fusse  inimico  dil  suo  Re 
et  già  in  campagna,  li  dariano  l'armata  molto  volentiere.  Ma 
poichè  lui  medesimo  confessa  che  Tlmperador  et  il  suo  Re  man- 
tengono  anchorpace,  che'l  Turco  non  vole  essere  adoperato  corne 
corsaro  de  marc  a  sacchegiare  i  litti  et  insole.  L'altra  risposta 
è  che'l  Re  di  Persia  è  uscito  in  campagna,  il  quale  lo  incomodo- 
rebbe  assai  se'l  si  metesse  in  questa  impresa;  questa  ultima  mi 
pare  sia,  secondo  Aristotele,  risposta  ad  homincm.  Ben  è  vero  che 
li  rumori  dcl  Re  di  Persia  continuano, ma  se'l  havcsse  cxcrcito  ga- 
gUardo,  come  si  zanza,  sariano  già  costoro  partiti  de  Andrinopoh 
et  dato  soccorso  aile  cose  di  Natolia  ;  ma  dano  questi  fenochi  ai 
Francesi  pcr  cxcusarsi  honestamente  con  questa  occasion  del  Re 
di  Persia  ,  et  quanto  io  posso  indicare ,  si  servono  anche  di 
questa  risposta  verso  i  sui  subditi  et  soldati  per  mantcner  la  repu- 
tatione,  dcmostrando  quasi  che  se  non  fusse  il  Re  di  Persia,  an- 
darebbono    a  ritrovare    Tlmperador,    corne    hano   bravato  tutto 


DU  MONSIHUK  D'ARAMON  207 

qiiesto  anno.  La  vcritù  c  che  hano  tcnuto  grande  paura  dclle  cosc 
dcl  Iiiipcrador.  A  me  non  è  stata  data  anchora  audicntia,  ma  \o 
so  pcr  ccrto  chc  l'ambasciador  de  Franza  non  c  grato,  le  cause 
non  le  posso  anchor  sapere.  Jonus  bcyk  dice  maie  quanto  puo  del 
ditto  Orator  régis  Galli.v.  Il  che  è  cosa  mirabile,  poichè  Gunde 
governa  interamente  Jonus  beyk,  et  tamcn  Gunde  et  Orator  gallicus 
sono  corne  fratelli.  La  causa  che  non  mi  hano  dato  audientia, 
benchè  li  Turciii  la  colorano  comc  vogliono,  è  che  hano  expectato 
fin  adesso  un  messo  del  Gunde,  il  quai  è  gionto  e  porta  ccrtilica- 
tione  délie  cose  de  Alemagna,  come  la  Gesarea  Maestà  habe  gua- 
dagnato  alchune  terre,  ma  non  ha  expugnato  interamente  li  Lu- 
therani,  et  cheeracascato  un  gran  pezzo  délie  muragliede  Vienna. 
El  Turco,  per  tutto  questo  mesc  di  maggio,  partira  per  Constanii- 
nopoli  ;  pertanto  ho  dimandato  audientia  dal  Bassa  pcr  vedere  il 
iine  di  questo  negotio,  al  quai  essendomi  negato,  per  non  esscr 
anchor  resoluto  il  Turco,  come  dicono,  son  stato  constretto  farc 
un  brève  extratto  di  quelle  litere  de  la  Maestà  Cesarea,  dil  quai 
mando  la  copia  qui  inclusa,  benchè  io  sapeva  che'l  saria  qualchc 
revolutione,  se  io  dcchiarassi  di  havere  ricevuto  litere.  Ma  sen- 
tendo  che'l  Signor  parteria  presto,  ho  voluto  demonstrarle,  secondo 
il  commandamenro  de  la  Maestà  Cesarea,  et  assecurare  il  Turco 
che  anchora  doppo  la  victoria,  l'Liiperadore  et  Vostra  Maestà  ten- 
zono  il  medesimo  desiderio  dil  ben  publico  chc  prima.  La  Maestà 
X'ostra  si  maraviglieria  del  moto  che  costoro  hano  fatto,  havendo 
loro  riceputo  la  mia  carta,  perche  a  loro  pare  cosa  nova  che  un 
^mbasciator  serato  in  casa  possi  ricevere  et  mandare  litere,  et 
per  tal  cosa  mi  hano  agionto  un  altro  Chiaus  et  quasi  voluto  im- 
palare  tutti  li  mei  guardiani.  Io  havea  aviso  che  questa  settimana 
mi  dariano  audientia  per  concludere,  ma  n'è  accaduto  qualchc 
gran  movimento  nel  scraglio,  dove  alchuni  dicono  ciie'l  Signor 
habbi  fatto  tagliar  teste  de'  principal!  del  scraglio,  et  alchuni  dicono 
che'l  vol  far  tagliarc  teste.  Qucllo  che  sia  non  posso  anchora  sco- 
prire.  Ben  se  intende  che'l  Signor  non  da  audientia  a  nessuno,  di 


ao8  VOYAGE 

modo  che  del  successo  délia  mia  negotiatione  non  posso  scroprire 
altro,  poichè  li  dragomanj  non  mi  possono  visitare;  perô  in  ogni 
caso,  se  la  Maestà  Vostra  potesse  finire  quella  fortificatione  de 
Vienna  et  munire  qualche  altro  loco  verso  Schiavonia  et  verso 
Bohemia,  la  Maestà  Vostra  haverà  secondo  il  mio  parère  pace 
bona  et  perpétua.  Questo  io  dico  sotto  correctione,  per  haver 
inteso  come  zanza  questo  desperato  Gunde  délie  necessitade  de 
Alemagnaetde  Austria,  che  in  ogni  caso,  concludendo  pace  meco 
o  non,  più  fermi  sarano  li  negotii  di  Maestà  Vostra,  essendo  le  fron- 
tière alquanto  munite. 

El  portatore  de  la  présente  è  stato  schiavo  de  Achmath  Bassa, 
al  quai  ha  servito  de  chirurgico,  homo  destro  et  diligente  et  molto 
risigato  in  avisarmi  continuamente  per  litere  quello  che  tochava 
al  servitio  di  Vostra  Maestà,  che  se  io  non  havessi  havuto  costui, 
sarei  stato  ignaro  de  moite  cose  che  passano,  poichè  le  altre  doi 
vie  non  me  servono  più,  cioè  quella  de  Ugrinovich,  et  quella 
de  padre  Zaccharia  Schiavon,  quai  Vostra  Maestà  conosce^  perché 
il  ditto  prête  è  stato  fatto  mettere  in  pregione,  accusato  dal  Gunde 
per  haver  fatto  liberare  schiavi^  et  perché  stia  qua  como  spia  di 
Vostra  Maestà.  In  caso  che'l  prête  non  se  libéra,  poichè  questo 
schiavo  Genovese  chiamato  Francesco  Zanchano  se  parte,  io  non 
vedo  modo  alcuno  di  poter  avisar  Vostra  Maestà,  tanto  mi  ten- 
gono  costoro  stretto.  Ma  sapia  questo  la  Maestà  Vostra  che  li 
Franccsi  non  fano  la  meta  del  danno  aUi  sui  negotij,  quanto  fa 
Gunde,  quai  se  non  fusse  venuto  con  questa  nova  boria,  io  son 
quasi  certo  che  li  presenti  di  Maestà  Vostra  haveriano  sbalzato 
li  Francesi.  Dio  ha  messo  la  mano  fin  adesso,  et  flirà  nel  resto 
quello  sarà  in  suo  santo  servitio.  Le  cose  stano  anchora  in  quella 
offcrta  di  vinti  cinque  millia  ducati,  in  caso  che  se  concino  tutte 
le  differentie  queste.  Al  portatore  di  questa,  che  sarà  il  detto  Fran- 
cesco Zanchano,  ho  dato  denari  per  il  camino,  et  promesso  che 
Vostra  Maestà  gli  farà  anchora  donare  un  bon  présente,  et  certo 
Io  mérita. 


Dl£  Mc^NblHLR  U'APvAMON  209 

In  Aiulriiuipoli  a  d\  prinui  di  M.i^^io  dil  qu.iram.i  scitc. 

In  qucst'hor.i  c  vcnuto  il  mio  Chi.uis  a  siL;iiitic.irnii  d.i  p.iitc 
dil  Bass;i,  coinc  il  gran  Signor, infra  pochi  dî,  c  pcr  ji.irtiic  jkt  Coiis- 
tantinopoli,  et  ch'io  similmcntc  dcho  andarvi  et  inviarmi  al  ditto 
gran  Signer.  \'ostra  Macstà  vcdi  conie  vano  le  cose.  Alla  quale 
basiandoli  le  niane,  luimihnente  nii  raccomando.  Data  in  Andii- 
nopoli  a  di  primo  di  Maggie)  1547. 

Di  \'ostra  Maestà  humile  servitore. 

Gerardus  \'llut\vick 

Vostscripta.  Ho  riceputo  hoggi  ima  di  \'ostra  Maestà  de  5  di 
Genaro  et  una  del  Imperator  de  18  di  Décembre  con  le  agionte 
de  Monsignor  de  Aras,  le  quale  ho  liavute  per  la  via  ordinaria 
del  agente  Cesareo  in  Venctia.  et  sono  mi  sldlc  picsciilalc  qui  da 
qticUo  prctc  schiavonc,  qtial  Jjora  c  libcrato  dalla  prc^ioiic;  e^'li  poiic 
la  propria  vila  a  pcricuh  in  servi  lia  di  Macslà  Vostra.  lo  non  man- 
cherô  in  tutte  le  commissione  de  ambe  le  dui  Macstà  \'ostre, 
secondo  il  tempo  et  Toccasione  portera.  Di  Andrinopoli  alli  2 
di  Maggio. 

De  Vostra  Maestà  humile  servitore. 

Gerardus  \'elt\vyck. 

La  conclusion,  Syre,  è  chc  costoro  hano  voluto  restarc  qua  in 
Andrinopoli  fînchè  hano  scoperto  che  la  assccuration,  che  io  li  ha 
laito  délia  voluntà  de  Gesare  et  délie  cose  de  Alemagna,  sia  vera, 
délia  quai  assecuratione  sono  stati  mirabilmente  suspetti,  poichè 
ogniun  li  ha  dato  information  contraria,  cioè  che\'ostre  Maiestà 
non  finisccbbono  si  presto  quella  gucrra,  o  che  lîniendo  lassiana 
campo  in  Hungaria;  ma  adesso  che  sono  certi  dclli  dissegni  di 
Cesare,  tornano  a  Constantinopoli  et  pagano  el  Prancese  con  il 
rumore  del  re  di  Persia,  dil  quale  ogni  di  scopro  più  che  sia  una 

14 


aïo  VOYAGE 

inventione  per  coprire  lor  paura  che  havebano  delli  moti  di  Ala- 


mania. 
In  terso  : 


Sacre  Régie  Romanorum  etc.  Maicstali,  Domino 
iiico  cIcDicntissimo 


V 


Rapport  addressé  an  roi  des  Romains  an  snjct  dn  comte  deRogendorJ. 
(Fin  de  mai  i)^7-^ 

Adi  25  Maii,  longe  ab  Andrenopulli  duos  dies,  veniebat  unus 
homo  qui  portavit  michi  literas.  Superscripcio  fuit  facta  ad  me  et 
in  eis  fuerunt  litere  ad  Gerardum  misse  de  sacra  Maesta  Vostra. 
Ad  quem  liominem  ordinavi  cui  débet  dare  in  Constantinopuli. 
Nescio  si  possunt  tradi  in  manus  dicti  Gerardi,  quia  magnam  cus- 
todiam  tenent  super  ipsum  et  super  Vitto  Ugrinovicz  et  nemo 
potest  venire  ad  eos,  sed  maiorem  custodiam  ponunt  super  ipsum 
Girardum.  Item,  quomodo  provulgata  est  vox  in  Turcia  adi 
18  Maii  quomodo  captivatus  est  dux  Saxonie  et  quomodo  Caesa- 
rea  Maiestas  posuit  sub  se  totam  Germaniam,  ex  quo  in  Turcia 
intravit  maximus  timor  et  tremor.  Dicebat  rex  Hispanchus  (sic)  : 
«  Usque  modo  fuit  ursLis,  iam  est  leo.  »  Pro  qua  re  non  sollum 
populus  comunis  liabet  timorem  de  sua  Caesarea  Maiestate,  sed 
Gaesar  Turcharum  simul  cum  suis  sccrctariis.  Ista  possum  dicere, 
quia  omnes  literae  que  mittebantur  ad  dictum  Caesarem  Turcha- 
rum, agunt  de  victoria  Caesareae  Maiestatis.  Ego  omnes  lege- 
bam  antc  Gin"ustan  bassa  et  alios  bassas.    Una  vice    Clirustan 


DH  .Me)NSIi;UK  DAKAMON  :i. 

bassa  vochavit  Christoibr  Je  Ro^oiulolf  aJ  divan  ubi  judichant 
dicentes  :  *>  Adcs  du,  brc  cliaur',  id  est  de  nuUa  lîdc,  vult 
Cacsar  nostcr,  ut  dcbctis  licri  Turchus,  et  adhuc  est  niea  voluii- 
tas;  quiddicis?»  Ipse  respondit  :  ><  Nollo  agere  Turchum.JJ  Res- 
pondit  Chrustan  bassa:  H  delli  caur-,  id  est  stulte  de  luilla  lide, 
ad  quid  venisti  ?  ut  vos  (sic)  non  dedisti  ullum  castrum  vestrum 
ad  Caesarein  nostruin,  vos  (j/V)  nou  venisti  orator  de  nullo  do- 
mino ;  quid  servicium  prestatis  ad  nos?  vide  si  vis  lieri  Turchus, 
si  non,  nos  dcbemus  providerc  per  alliam  viani.  )>  Cuni  istis  verbis 
abivit  in  domo  sua  (sic).  Post  quatuor  dies  noluit  venire  ad 
divan,  id  est  ubi  judichant,  velut  mos  est  venire  cos  qui  IiabeiU 
stipendia,  lit  tuni  Chrustan  bassa  vochavit  lunus  be^,  qui  dixit 
ad  cum  :  «  Vade  ad  ipso  (j/V)  chaur  et  indichate  ad  euni,  quo- 
modo  imperat  ad  eum  Caesar  noster,  ut  se  taciat  Turchus  (sic)  ; 
si  nolet,  nos  scimus  quid  de  eo  debemus  lacère.  »  Junus  beg 
abivit  de  Chrustan  bassa,  et  dicto  (sic)  Chrustan  bassa  vochavit 
unus  caus  (sic)"  et  dixit  ad  eum,  ut  vadat  ad  dicto  (sic)  Rogondoil 
cum  verbis  desuper  scriptis.  Qui  caus  venit  in  domum  dicti 
Christoibr^  quem  invenit  ad  prandium.  Qui  naravit  vcrba  doniini 
sui.  Qui  respondit  :  «  XoUo  me  facere Turchus.  »  Ipse  caus  abivit, 
et  Rogondolf  incipit  llere  amare  et  acepit  unum  cultrum  de  mensa 
et  jactavit  in  terra.  Et  in  tempore  quo  phmgebat,  venit  servus  de 
Jonus  beg  missus  ad  eum,  qui  volebat  indicare  eum  verba  que 
dicta  fuerunt  de  Chrustan  bassa  ad  lunus  beg.  Dum  vidit  eum  plan- 
gentem,  interogavit  servos  suos  :  ■  Pro  qua  re  dominus  vester 
plangit  ?  "  Qui  dixerunt,  quomodo  venit  unus  caus  missus  ex 
Chrustan  basa  ad  dominum,  qui  dixerit  :  «  Imperat  tibi  Caesar,  ut 
se  debeatis  fieri  Turchus.  «  Quando  audivit  servus  de  lunus  beg 
ista  verba,  nuUum  verbum  voluit  dicere  et  citto  reversus  est  ad 
dominum  suum.  Quando  audivit  lunus  beg  vcrba  servi  sui.  citto 

1.  Brèh  guiaour,  Holà,  infidèle! 

2.  Ev  dely  guiaour,  ô  loi  infidèle  I 

3.  Caus  —  Tchaouch,  huissier. 


212  VOYAGE 

abiit  ad  ipsum  et  invcnit  eum  plangentem  et  ululantem.  Qui 
interogavit  :  «  Quid  sunt  tallia  ?  »  Qui  naravit  omnia.  Dum  au- 
divit  Junus  beg  vcrba  sua,  dixit  :  «  Obsechro  ut  vclis  dicere  ad 
Chrustan  bassa,  ut  ego  fui  primusqui  dixi  tibi  tallia  verba,  quia  et 
michi  dicta  sunt,  ut  admoneo  te,  se  debas  fieri  Turchus.  »  Qui 
promixit  dicere.  Post  paucis  diebus,  miserunt  eum  in  Constanti- 
nopuUi,  et  ista  facta  sunt  in  Andrenopuli,  ubi  dicunt,  si  se  faciet 
Turchus,  dcbent  eum  mitere  in  Babilonia  ;  si  non  débet  esse  Tur- 
chus, volunt  ponerc  eum  in  turim,  ubi  manet  mori  lasllo  turch 
baient  etmalat  {sic). 


VI 


Dépêche  adressée  au  Roi  des  Romains  par  Gérard  de   Fcllivick  sous  la 
date  du  y  juin  IS47- 

Sacra  Maestà  ! 

Questa  si  scrive  a  ventura,  dubitando  se  la  havesse  recapito  o 
non,  pcr  essere  il  portatore  schiavo  che  fuge,  il  quai  ha  tardato 
un  mcse  più  che  non  haveva  ditto  di  andare  et  portare  la  nova 
che  ne  Francesi  ne  Gunde  havevano  fiuto  niente,  et  che  non 
saria  dubitatione  alchuna  di  guerra  questo  anno.  Spero  ben  che 
la  duplicata  data  al  prête  Zacharia  in  Adrianopoli  sia  venuta  in 
bona  mano,  ma  con  questa  farô  si  non  va  brève  summario  délie 
cose  che  passano,  sperando  nclla  gratia  di  Dio,  si  non  avenza 
qualche  inconvcnicntc,  de  avisare  particolarmente  et  presto  per 
Justo'  la  ccrtcza  dil  tutto.  La  certeza  dclla  morte  dilRe  di  Franza 

1.  Justo  di  Argcnlo,  sccréiairc  du  roi  des  Romains,  qui  avait  accompagné 
Gérard  de  Vcltwick  dans  sa  mission 


DE  MON'SinUR  ITAinMON  2:5 

ô  stata  conosciuta  Ja  costoro  alli  diccc  di  Mau;i;io,  bcnchè  pcr  via 
de'  Ragusci  furono  nvisati  alli  vinti  dui  di  Aprilc,  ma  non  credc- 
vano  finchc  li  \'cnctiani  lo  ccrtiticorono.  Dil  novo  Rc  non  hano 
h.ivuto  litcr.i  alchuna,  bcnchc  hano  l'atto  scrivcro  a  lui  pcr  tertia 
mano.  La  prima  dimanda  dcl  ambasciador  di  Ti'anxa  lu  campo 
pcr  terra  et  armata  pcr  marc,  et  essendoli  ncgata,  dimandô  cl 
campo  de  Romania  sotto  cl  Beglerbei  pcr  dui  anni,  et  essendoli 
rccusato  anchor  questo,  dimandorono  armata  pcr  j-iii^liare  la  Sici- 
lia;  tutto  i;li  stato  rccusato  avanti  si  sapcsse  la  morte  dcl  Rc  di 
1-ranza.  Lo  Ambasciador  de  Pranza  è  amalato  et  in  odio  di  cos- 
toro, et  Gunde  in  disgratia  cxircma^  per  ragionc  le  quale  supcr- 
scdo  adesso  a  dechiarare.  Le  nove  che'  1  Marches  Albrccht  era 
preso  dal  Duca  de  Sanxonia,  venero  in  Adrianopoli  adî  dicenovc 
di  Maggio,  dapoi  la  mia  partita  de  li,  et  tu  pcr  litcre  di  fratc 
Georgio.  Ileri  poi  sono  vcnutc  nove  che'  1  Duca  de  Saxonia  et 
Lantgravio  sono  presi,  et  il  fîgliolo  dil  Duca  è  stato  morto,  il  che 
si  ha  per  via  de'  \'enctiani.  Iloggi  hano  mandato  costoro  Jonus 
bey  da  me  a  comcnciar  a  negociare,  acciochè  io  dcssi  piii  dclli 
vinticinque  millia  già  offerti.  Mi  tengono  anchor  strettissima- 
mente,  mi  hano  non  dimeno  cambiato  casa,  la  quale  è  meglio  che 
la  prima,  che  fu  il  karavasal  de  Laskv  ;  quanto  al  resto,  non  mi 
trattano  maie.  E  arivato  qui  il  frattello  dil  Re  di  Pcrsia,  il  quai 
promette  assai  a  questo  Signore  contra  il  detto  Re  di  Persia,  et 
gli  sono  stati  donati  dal  Turco  de  boni  prcsenti,  cioè  cavali  decc- 
novc,  et  alchuni  de  qucsti  forniti  di  scie  d' oro  con  perle  et 
giogie  a  la  Turchcsca,  et  una  scmitaract  centura  estimata  di  gran 
precio.  Se  dicono  cose  assai  del  discorso  di  questo  Turco  pcr 
andare  in  Persia,  ma  quanto  io  posso  comprehendere,  non  con- 
cluderano  niente  con  questo  Persiano  avanti  habino  concluso 
meco.  Io  penso  che  le  literc  del  Imperador  sarano  state  a  propo- 
sito  per  assecurare  costui.  Dio  ci  concéda  che  lo  possiamo  levare 
in  Persia,  in  che  modo  si  sia!  Quelle  che  ho  ditto  hoggi  a  Jonus 
bey,  scrivcro  perle  altre.  perche  non  è  possibile  di  essere  adesso 


214  VOYAGE 

più  longo  ;  et  similmente  scriverô  quelle  si  dice  di  quà^  si  il  Re 
novo  diFrancia  vorrà  perseverare  nellaamicitia  o  non,  et  il  dise- 
gno  che  fano  di  quelle.  Solamente  dirô  questo  a  Vostra  Maestà, 
poichè  io  non  ho  litere  revocatorie  del  mio  caricho,  anzi  ho 
havuto  confirmatorie,  tanto  da  Vostra  Maestà  quanto  da  la  Maestà 
Cesarea^,  anclior  dapoi  la  vittoria  di  questo  inverno,  et  dipoi  la 
humiliatione  délie  cita  délia  liga,  mi  pare  necessario,  s'el  sarà 
possibile^  di  seguitare  il  camino  comenzato  per  concludere  la 
pace,  non  solamente  per  far  levare  questo  Turcho  in  Persia,  ma 
anchora  per  dare  impedimento  a  una  nova  amicitia  del  Re  di 
Franza,  et  in  caso  che  la  si  fiicesse,  per  farla  più  débile  et  di  minor 
importancia.  Qiianto  alla  impresa  di  Zagrabia  che  deve  fare 
Vlanbeck  con  li  altri  sei  Sanzachi,  costoro  mi  assecurano  che  non 
farano  niente  fino  che  non  si  determini  meco.  El  ditto  Vlanbeck 
sta  in  Scopia^  facendo  noze  a  un  suo  figliolo.  Vostra  Maestà  mi 
perdoni,  se  hora  son  si  brève. 

Di  Constantinopoli  alli  settc  di  Giugno  del  quaranta  sette,  et  a 
\'ostra  Maestà  humilmente  me  ricomando. 

GeR ARDUS  VeLDEVICK. 

In  tergo  : 

Lit  1er ac  doiiiiiii  Gerhard i  VeJdwlieh  e  Cousianîinopolî,  de  die  sep- 
timajunij  i)4/. 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  21s 


Vil 


Dépêche  de  Gérard  de  J'eltu'iek  adressée  an  roi  des  Romains 
(22  juin  IS4J.) 

Sercnissimo  Rc,  signor  mio  clcmontissimo. 

L'importantia  Jil  ncgotio  mi  h;i  constretto  dl  niaïuhir  Jii<;to 
avanti.  il  qualc,  benchc  sii  stato  présente  a  tutte  le  negociatione, 
nondimeno  acciô  ciic  V.  Maestà  sii  informata  de  alchune  partico- 
larità  necessarie,  scrivo  la  présente,  corne  un  brève  summario  di 
quelle  ch'è  passato  et  concluso.  Dio  haveva  messo  la  mano  fino 
avanti  la  morte  dil  re  di  1-ranza,  et  già  non  era  paura  piii  ne  de 
armata  di  mare,  ne  di  campo  per  terra,  ne  d'incursione  grosse. 

Pare  che  questi  signori  havevano  scoperto  che  Monsignor  di 
Aramon  non  haveva  instructione  dal  suo  re  de  dimandare  armata. 
si  non  cinque  cento  millia  ducati  ad  imprestito.  et  che  non  si 
flicesse  conclusione  nesuna  con  meco,  o  veramente  se  si  conclii- 
desse,  che  ciô  fusse  pcr  meggio  di  Francesi,  questa  busia  li  è  stata 
molto  dannosa,  maximamente  essendo  stato  un'  altra  volta  trovato 
in  simile  busie,  quando  l'Imperator  era  in  Franza,  et  non  potendo 
supplire  aile  promesse  fatte  al  suo  partimento  di  qua  in  I"ran/a.  ha 
trovato  grande  incontro  dal  Bassa  et  da  Jonusbey.  Perô  non  è 
stato  senza  pratica  di  confirmare  questa  inimicitia,  costoro  avanti 
la  morte  dil  Re  di  Franza  lo  volevano  mandar  via  con  dishonore  ; 
perô  la  succession  di  questo  novo  Re  li  ha  fatto  qualche  pocho  di 
sustengo,  havendo  costoro  rispetto  al  novo  Re  più  che  non 
havevano  al  vechio.  In  quclli  giorni  medcsimi  vene  qua  il  frarello 
dil  Re  di  Persia  con  15  o  16  persone,  fugendo  como  dice  la 
morte  che  li  era  aparechiata.  Dipoi  venero  le  nove  délia  vittoria 


2i6  VOYAGE 

d'Alemagna,  costoro  insuspetidi,  mancho  si  capevano  risolverc 
che  prima,  sokmente  che  corne  in  altro  tempo  la  morte  d'un  re,  et 
l'arivata  di  un  tal  fratello  dil  Re  di  Persia  saria  causa  di  conclu - 
dere  una  simile  negociatione  délia  pace,  al  contrario  costoro  se 
sono  messi  in  una  grande  irresolutione  per  li  respetti  havevano 
del  Imperator  vitorioso,  nèscriverô  qua  tutte  le  parole  suspettose 
quanto  ail'  Imperator^  ne  li  lamenti  £mo  costoro  délia  ingratitu- 
dine  de'  Francesi,  liquali  non  hano  scritto  fin  adesso  una  parola, 
riservando  questo  allamia  arivata  seDiomi  diagratia,  solamente 
dirô  li  articoli  et  conclusione,  nella  quale  siamo  restati,  como  per 
le  incluse  copie  appare. 

Questi  articoli   si  hano  da   confirm'are,  se  piaceno  a  Vostra 

Maestà  et  allô  Imperatore,  in  termine  demcsi  tre,  perché  l'homo 

che  portera  la  confirmatione,  deve  esser  in  Constantinopoli  al  fine 

delli  tre  mesi,  ne  ha  valsuto  dire  delli  poderi  che  io  haveva  da 

ambe  dui  le  Maestà  Vostre,   perche  non    possono  pensare  che 

rimperator  doppo  tante  vittorie  vogli  mantenire  il   mio  poter 

vechio.  Mi  è  stato  necessario  di  negociare  cosî,  parte  per  havcr 

acresciuto  almanco  in  promesse  générale  davanti  venessero  tante 

bone  nove^  et  parte  che  se  io  revocava,   questo  Signor  voleva 

praticare  pratiche  nove  col  Re  novo  di  Franza   per  via  di  uno 

horologier  chiamato  mcsser  Vilhelmo,   molto  flimiliare  al  gran 

Signor,  poi  perche  le  frontière  di  Hongeria  et  di  Croatia  erano 

piene  di  gente  trescha.  Questo  Signor,  secondo  che  posso  com- 

prchendere,  invernerà  in  Andrinopoly  et  passera  il  stretto  per 

invarsi  contro  al  Sophy,  per  inhortation  di  questo  fratello  dil 

Sophy,  benchè  Thano  defeso  strettamentc  a  Jonusbey  che  non  me 

Io  dica,  perô  certissimamenle  questo  Signor  non  andarebbc  in 

Persia,  se  le  Maestà  Vostre  non  concludeno.  Il  Signor  mi  ha  fiitto 

una  belissima  recoglienza,  quando  li  basai  la  mano,  et  in  ogni 

parole  di  Bassa  io  trovo  una  fuga  mirabile  délia  virtù  impériale. 

Vostra  Maestà  non  pigli  qualche  fastidio  délie  lettere  tanto  délie 

suc,  quanto  di  quelle  dcl  Imperatore,  perche  non  sono  scritte  in 


DF  MONSIITR  D'ArvAMc^N  217 

hon:\  forma  ;  non  si  c  puruto  f.ir  altro.  (/;/  nniiij.  :  Ma  protcst.uulo 
di  tnl  modo  di  scriver  mi  li.ino  diito  chc  pcr  adcsso  la  dcbi  lassar 
passar  cosî,  chc  vcnuta  poi  la  contirmationo,  si  scrivcrà  più  ho- 
noratamentc)  ne  vicn  qucsto  stil  dcllc  dittc  icttcrc  dalSii^nor.  11c 
dal  Bassa,  ne  da  Jonusbcv.  ma  di  un  ccrvcl  grosso,  quai  pensa  di 
snpcr  assai  et  non  sa  nientc.  In  caso  chc  le  Macstà  Vostrc  vo^lino 
conlïrmarc,  possono  scriver  chiaramcntc  al  lor  modo,  et  lassar 
scriver  qnesti  signori  sccretarii  turchi  anche  al  lor  modi.  lo  ho 
speso  denari  assai  et  cope  di  N'ostra  Maesià  pcr  esscr  stato  ncces- 
sitato  a  l'ar  inclinarc  qnesti  signori  a  una  pacc  nova.  Vano  costoro 
hora  di  bon  piè,  ne  posso  tanto  dimandare  délia  assccurationc 
dellc  frontière,  che  presto  non  mi  concedino  ogni  cosa.  Se  ha 
disputato  assai  deinckideril  Papa,  et  il  Re  di  Portugallo,  ma  non 
c'è  mai  stato  ordine.  ]-'t  in  bona  gratia  di  \'ostra  Maestà,  basan- 
dogli  le  mane%  humilmente  me  gli  racconnnando.  Data  in  Ponte- 
grande  a  di  22  di  Giugno  1547. 

Sire,  les  aflaires  de  Condé  se  portent  que  chescun  s'émerveille 
comme  ledict  Condé  ne  se  face  quelque  mal,  il  n"a  pas  une  maille. 
je  supersederav  à  cecy  fm  à  mon  retour,  si  Dieu  me  donne  grâce. 
Aux  lettres  du  Turc  escriptes  à  l'empereur  sont  troys  clausules: 
l'acdtre  que  dict  que  l'empereur  par  mo}^  a  demandé  paix,  et 
que  me  faschent  et  contre  lesquelles  j'ay  protesté  :  une  que 
faict  mention  auxdictes  lettres  à  l'empereur  de  30,000  ducatx  ; 
ment  le  secrétaire  que  a  escript  ladicte  lettre  ;  la  tierce  que 
dict  que  «  per  la  immensa  gratia  •>  a  comandé  cecy.  Certes,  cestes 
choses  ne  viennent  del  Bassa,  ne  del  Seigneur,  mais  de  Rcgib 
Selimby  chancellier ',  lequel  n'a  onques  intervenu  à  la  négocia- 
tion^  et  peultestre  que  soit  corrumpu  de  l'ambassadeur  de  Prancc 
affin  que  l'empereur  prenne  quelque  courroux  de  cestes  clausules 
et  ne  confirme  ce  que  a  esté  conclut.  Toutesfois  Jonusbog  et 
le  Bassa  me  ont  dict,  ctavecques  ceste  resolution  m'*  suysparty. 

I.  Le  nichnn.îiv  b.icliv  R.i^liib  Tclijlcln-. 


2i8  VOYAGE 

que  ayant  leu  ces  articles  davant  le  Bassa,  ay  demandé  si  n'estoit 
cecyque  a  esté  conclut.  Responderent  que  ouy  et  que  vos  deux 
Maiestés  confirment  ces  articles,  ilz  parlent  si  honorablement  de 
l'empereur  comme  j'ay  oncques  ouy  parler  du  prince  du  monde. 

De  Votre  Maiesté,  treshumble  serviteur, 

Gerardus  Veltwyck. 

In  tergo  :  Sacre  régie  Romancrum  etc.  Maiestnii,  Domino  meo 
chmentissiwo.  Litterae  domini  Gcrarâi  in  qitihus  trnnsniissi  sunt 
arlicuU  conclusi  de  pace  qiiinqitennaJi.  22  jiinii  1J47. 


VIÏI 

Lettre  du  roi  Henri  II  au  sultan  Suleyman. 

Treshaut,  tresexcellent,  trespuissant,  tresmagnanime  et  in- 
vincible prince,  le  grand  empereur  des  Montsurmans ,  sultan 
Suliman  Sach ,  en  qui  tout  honneur  et  vertu  abondent,  nostre 
trescher  et  tresamé  frère  et  parfaict  amy ,  Dieu  veuille  aug- 
menter Vostre  grandeur  et  prospérité  avec  fin  tresheureuse.  Nous 
envoyons  présentement  devers  Vostre  Hautesse  nostre  amé  et  féal 
pannetier  ordinaire,  le  sieur  d'Huyson  porteur  de  ceste,  pour  luy 
dire  et  faire  entendre  aucunes  choses  de  nostre  part,  touchant  la 
parfaite  et  sincère  amitié  qui  est  entre  nous,  avec  quelques  autres 
points  d'importance  dont  nous  vous  prions  tant  et  si  affectueuse- 
ment que  faire  pouvons,  le  vouloir  croire  et  y  adjouster  entière 
oy,  tout  ainsy  que  vous  voudriez  faire  à  nostre  propre  personne; 
et  nous    estimerons    cela    à   tresgrand    et    trcssingulier   plaisir. 


DF  MONSIEUR  D'ARA^îO^•  219 

Priant  i\  tant  le  Créateur,  trcshaut,  trcsexccllent,  trespuissant,  très 
magnanime  et  invincible  prince,  qu'il  vous  ait  en  sa  tressainte 
et  heureuse  garde. 


IX 


Instructions  données  au  sieur  d'Huyson,  touchant  la  paix  qui  se  traitait 
entre  le  Grand  Seigneur,  l'empereur  et  le  roi  des  Romains. 

Le  sieur  d'Huyson  s'en  ira  par  rAllcmagnc  i  Venise  où  il  trou- 
vera le  sieur  de  Morvilliers,  ambassadeur  du  Roy  devers  la  Sei- 
gneurie, et  luy  baillera  la  lettre  que  Sa  Majesté  luy  escrit,  luy 
faisant  bien  entendre  le  discours  de  sa  charge,  afin  que  s'il  y  a 
quelque  cliose  qui  luv  semble  avoir  esté  obmis  en  la  présente 
instruction,  ledict  sieur  d'Huyson  en  soit  par  luy  adverty.  Aprez 
quoy.  sans  faire  aucun  bruit  ny  semblant,  qu'il  passe  oultre  pour 
avancer  son  voyage  vers  Constantinople  ou  la  part  que  sera  la 
cour  du  Grand  Seigneur  où  il  trouvera  le  sieur  d'Aramon,  ambas- 
sadeur du  Roy  par  delà,  et  pareillement  le  baron  de  Tumeil,  aus- 
quels  il  baillera  les  lettres  que  Sa  Majesté  leur  escrit  et  d'autant 
que  depuis  ladicte  despechc  du  16,  Sa  Majesté  auroit  reçu  celle 
du  26'  jour  dudict  mois  de  juin,  envoyée  par  ledict  d'Aramon 
avec  le  double  de  l'escript  que  le  Grand  Seigneur  a  fait  bailler  à 
M''  Girard  pour  porter  à  IHmpereur  et  au  Roy  des  Romains  son 
maistre,  contenant  le  vouloir  et  intention  dudict  Grand  Seigneur 
sur  le  fait  de  la  paix  qu'il  a  accordé  de  traiter  avec  eux  pour  cinq 
ans.  La  chose  ayant  semblé  à  Sa  Majesté,  de  prime  abord,  comme 
véritablement  elle  est,  de  non  petite  importance  et  conséquence, 
elle  y  a  bien  voulu  penser,  et  finalement  s'est  résolue  d'envover  par 


2  20  VOYAGE 

delà,  tout  exprès  et  en  diligence,  ledict  sieur  d'Huyson  que  Sa 
Majesté  pense  bien  ne  pouvoir  pas  estre  si  tost  par  delà  que  ledict 
M"  Girard  n'y  soit  longtemps  auparavant  arrivé,  veu  qu'il  partit 
pour  Constantinople  le  20^  jour  de  juin,  comme  elle  a  sceu  et  qu'il 
n'a  que  trois  mois  de  terme  pour  retourner  avec  response  desdicts 
Empereur  et  Roy  des  Romains.  Et  si  ainsy  est  que  l'allée  dudict 
sieur  de  Fumeil  ou  bien  la  depesche  depuis  portée  par  Cotignac 
qui  sera  arrivé  quelque  temps  après  luy,  n'eussent  engendré  là 
dessus  mutation  et  changement,  comme  ledict  sieur  d'Aramon, 
par  ses  deux  dernières  lettres,  en  a  espérance  et  opinion,  et  que 
ledict  Ar  Girard  eust  apporté  la  ratification  de  ces  Messieurs,  telle 
que  ledict  Grand  Seigneur  demande,  ainsi  que  contient  le  double 
dudict  escrit,  en  sorte  que  le  traité  de  ladicte  paix  soit  tenu  pour 
tout  fait,  passé  et  arresté  d'une  part  et  d'autre,  avec  la  clause  par 
laquelle  le  Roy  y  doit  estre  compris  sous  les  mesmes  termes  et 
ainsy  que  porte  iceluy  escrit,  dont  premièrement  et  avant  tout 
œuvre,  lesdicts  sieurs  d'Huyson  et  d'Aramon  s'instruiront  asseu- 
rement  et  à  la  vérité,  afin  de  ne  faire  point  d'erreur. 

Iceluy  sieur  d'Huyson  se  retirera  à  la  Porte  dudict  Grand  Sei- 
gneur, et  après  avoir  obtenu  de  luy  audience,  il  luy  présentera 
les  lettres  de  créance  sur  luy  que  le  Roy  luy  escrit,  et  pour  ladicte 
créance,  après  lui  avoir  fait  les  trescordiales  et  tresaffectueuses 
recommandations  de  Sa  Majesté,,  il  luy  dira  qu'ayant  cedict  sei- 
gneur Roy  entendu,  par  ce  que  luy  a  escrit  ledict  d'Aramon  son  am- 
bassadeur, que  combien  que  depuis  son  advenement  à  la  couronne 
jusqu'au  jour  des  depesches  d'iceluy  d'Aramon,  il  n'eust  eu  au- 
cune nouvelle  de  Sa  Majesté,  chose  qui  neantmoins  estoit  à  excu- 
ser pour  les  causes  et  raisons  qui  ont  esté  deduictes  audict  sieur 
d'Huyson  pour  les  luy  faire  entendre ,  toutesfois ,  en  recordation 
et  souvenance  de  la  parfliite  et  sincère  amitié  qui  estoit  entre 
Sa  Hautcsse  et  le  feu  Roy  et  sans  que  premièrement  ledict  sei- 
gneur Roy  luy  ait  donné  occasion  de  la  continuer  envers  lu}-,  il  a 
ouvertement  demonstré  par  elîct  en  quel  degré  d'amitié  et  allection 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON  221 

il  le  tient  et  repute,   le  comprenant  avec  luv  .111  traité  de  paix 
qu'il  a  fait  et  accordé  avec  l'Empereur  et  le  Roy  des  Romains,  et 
avec  termes  si  exprez  qu'iceluy  seigneur  Roy  connoist  certaine- 
ment  quil  entend  le  taire  jouir  et   user  du   bénéfice  de  ladicte 
paix,  comme  lu\'  mesme,  et  tout  ains\-  que  s'il  estoit  contractant; 
laquelle  démonstration  le  met  en  telle    obligation  envers  ledict 
Grand  Seigneur,    qu'il   ne  sera  jamais  qu'il  ne  luy  demeure  tel 
qu'il  peut  et  doit  l'estimer  le  meilleur  et  plus  seur  de  ses  amis  et 
alliez.  Ht  pour  ce  que  le  Roy,  de  sa  jiart,  a  plusieurs  princes,  sei- 
gneurs et  potentats  de  la  chrcsticnté,  qui  sont  en  amitié,  alliance 
et  confédération  avec  luy,  sur  lesquels  ledict  Empereur  pourroit, 
par  cy  après,  faire  entreprise  et  leur  courir  sus,  comme  le  com- 
mun bruit  est  entre  ses  ministres;  au  moyen  de  quoy,  puisque 
ledict  sieur  Roy    a  ligue  défensive  avec  eux  s'ils  sont  assaillis,  il 
sera  contraint  d'entendre  à  leur  défense  et  par  conséquent  d'en- 
trer en  guerre  avec  l'Empereur,  qui  scroit,  en  ce  faisant,  rendre 
inutile  et  rompre  tout  ce  qu'a  voulu  faire  et  procurer  pour  luv 
ledict  Grand  Seigneur,  lequel  pour  cette  considération   sera  con- 
tent, et  l'en  priera  tresinstammcnt  ledict  sieur  dTIuyson  ,  à  ce 
qu'il  n'ait  travaillé  en  vain  pour  son  amy,  de  faire  par  le  traité 
d'entre  luy  et  lesdicts  Empereur  et  roy  des  Romains,  ou  par  ar- 
ticle appert,  s'il  n'y  avoit  plus  d'ordre  de  relormer  ledict  traité,  avec 
clause  aussy  spéciale  de  le  ratifier  par  les  contractants  dedans  cer- 
tain temps,  qu'avec  ledict  sieur  Roy,  ses  amis,  ses  alliez  et  con- 
tederés  soient  compris  en  termes  généraux  et  spécialement  les 
treize  cantons  des  ligues  des  Suisses  et  les  deux  de  la  ligue  grise 
qui  luy  sont  fort  recommandez,  pour  avoir  par  eux  ordinairement 
observé,  entretenu  et  gardé  parfaitement  et  sincèrement  l'amitié, 
alliance  et  confédération  qu'ils  ont  avec  la  couronne  de   l'rance. 
Et  quand  au  pis  aller,  l'ambassadeur  d'iccux  Empereur  et  roy  des 
Romains  feroit  difficulté  sur  ladicte  compréhension  générale,   ce 
que  bonnement  il  ne  peut  f:iire  pour  cstre  la  pluspart  des  alliez 
et  confedcrez  du  Roy  en  semblable  qualité  avec  ses  maistres  comme 


222  VOYAGE 

ils  sont  avec  ledict  seigneur  Roy,  ledict  d'Huyson  tera  instance 
à  tout  le  moins  que  ceux  desdictes  ligues  demeurent  compris,  car 
c'est  chose  que  ledict  seigneur  estime  en  singulière  part  luy  estre 
d'importance  et  conséquence.  Et  poursuivant  plus  oultre  ladicte 
instance,  ledict  d'Huyson  pourra  encore  prier  ledict  Grand  Sei- 
gneur qu'il  luy  face  délivrer  un  double  collationné  à  l'original  et 
deiiement  authentiqué  sous  le  scel  et  seing  du  traité  qui  aura  été 
par  luy  passé  avec  ledict  Empereur  et  le  roy  des  Romains,  les- 
quels aussy  il  chargera  expressément  avec  peines  indictes  d'en 
envoyer  autant  de  leur  part  audict  seigneur  Roy.  Car  si  l'un  ou 
l'autre  venoit  à  rompre  directement  ou  indirectement  en  quelque 
manière  que  ce  soit  iceluy  traité  contre  ledict  seigneur,  et  que  luy 
en  voulust  poursuivre  contre  eux  la  vengeance  et  réparation,  le  Roy 
ne  fera  pas  moindre  devoir  pour  luy  qu'eust  fait  le  feu  Roy  son 
père,  s'il  eust  vécu,  et  aura  ses  forces  prestes  si  suffisantes  et 
gaillardes  pour  exploiter  là  où  il  sera  besoin,  qu'il  rendra  les  entre- 
prises dudict  Grand  Seigneur  faciles  et  aisées  à  exécuter.  Et  voyla 
quant  au  premier  point,  ce  qui  a  esté  advisé  que  lesdicts  sieurs 
d'Huyson  et  d'Aramon  devront  fliire,  si  cette  première  condition 
a  lieu.  Mais,  au  contraire,  à  l'arrivée  d'iceluy  sieur  d'Huyson  s'il 
se  voit  qu'à  faute  d'avoir  rapporté  la  ratification  desdicts  Empereur 
et  Roi  des  Romains  en  la  forme  et  au  temps  que  l'a  demandé  ledict 
Grand  Seigneur^  ou  bien  que  par  le  moyen  et  à  l'occasion  des 
depeschcs  portées  par  ledict  Fumcil  et  Cottignac,  avec  l'artifice 
que  ledict  d'Aramon  y  aura  peu  adjouster,  le  négoce  de  ladicte 
paix  ait  esté  ou  soit  en  termes  de  rupture  ou  altération,  ledict 
sieur  d'Huyson  parlera  autre  langage,  et  reprenant  les  mesmes 
points  desdictes  premières  depesches  que  luy  remarquoit  ledict 
sieur  d'Aramon  pour  en  prendre  conseil  avec  ledict  baron  de 
Fumcil,  s'il  est  encore  là,  en  bon  advis,  il  dira  audict  Grand 
Seigneur  que  tout  ce  qu'ont  fait  lesdicts  Empereur  et  roy  des 
Romains  n'a  esté,  sinon  pour  gaigner  temps  et  £iire,  comme  ils 
pensent   finement  et  avec  une  simulaiion  de  paix,  leur  profit  et 


DH  MONSIEUR  D'ARAMON  22; 

adv;intai;c   ailleurs  aux  dcspcns  Je  leurs  voisins,  mes  alliez,  où 
tendent  les  desseins  dudict  Empereur,  lequel  estime  bien  qu'es- 
tant parvenu  à  ladicte  paix  avec  ledict  Grand  Seigneur,  les  occa- 
sions de  taire  la  guerre  par  deçà  luy  demeurent  entières  et  de  tant 
plus  advantageuses  pour  luy,  que  sous  l'asseurance  que  pourroit 
prendre  iceluy  Grand  Seigneur  par  le  moyen  dudict  traité  de  paix, 
il  employera  toutes  ses  forces  Tannée  prochaine  à  l'entreprise  du 
Sophy,  et  semble  audict  Empereur  que,  par  ce  moven,  il  aura  mis 
ledict  Grand  Seigneur  à  la  guerre  de  ce  costé  là  dont  il  ne    se 
voudra  retirer  sans  taire  exploit,  à  quoy  il  est  requis  du  temps, 
quand  bien  encore  il  ne  trouvcroit  autre  empeschemcnt  ny  ditïi- 
culté  qui  l'arrestast.  Ht  cependant,  iceluy  Empereur  estime  avoir 
gagné  une  asseurance  pour  l'entière  commodité  de  ses  atiaires  et 
parachever  ses  atîaires  en  Allemagne,  là  où  il  ne  fait  pas  pourtant 
tout  ce  qu'il   veut,  car  petit  à  petit  les  cueurs  des  hommes  se 
ressuscitent  et  l'on  en  voit  déjà  quelques  indices  apparens,  d'au- 
tant qu"il  les  a  tant  otlencez,  qu'à  grand  peine,  voire  encore  est  il 
impossible  qu'il  y  puisse  plus  gueres  demeurer  obey  ny  entre- 
tenir à  sa  dévotion  les  choses  en  Testât  qu'elles  sont,  sans  taire  de 
deux  effets  l'un  :  ou  bien  de  laisser  de  grosses  et  puissantes  forces 
pour  luy  garder  Tobe'issance  et  obvier  aux  nouveautez  et  muta- 
tions, ou  bien  faire  des  citadelles  et  forteresses  à  toutes  les  villes 
pour  les  dominer,  qui  sont  deux  occasions  de  despense  extrême  et 
insupportable.   Davantage,  il  pense  qu'estant  l'Italie   elfravée  et 
intimidée  de  sa  prospérité,  elle  se  prostituera  entre  ses  bras  et  à 
discrétion,  combien  qu'il  y  ait  des  princes  et  potentats,  lesquels 
ont  toute  autre  opinion  et  sont  après  à  se  joindre  et  unir  ensemble 
pour  luy  repondre  et  donner  obstacle  à  ses  entreprises  extraordi- 
naires, sans  parler  qu'il  a  le  royaume  de  Xaples  et  aucuns  endroits 
de  la  Sicile  tellement  esmeuz  et  bandez  contre  luy  et  ses  ministre, 
pour  leurs  façons  de  faire  odieuses  dont  ils  ont  jusques  icy  usés 
qu'ils  ne  demandent  sinon  qu'à  trouver  nouveau  roy  qui  prenne 
leur  protection  en  main.  Parquoy,  si  ledict  Grand  Seigneur  vou- 


224  VOYAGE 

loit  comme  il  avoit  délibère  et  conclu  par  cy-devant,  auparavant 
le  trespas  du  feu  Roy,  faire  Tannée  prochaine  l'entreprise  qu'il 
devoit  faire  cette-cy,  il  se  présente  à  luy  la  plus  belle  et  plus  fer- 
tile occasion  qu'il  eut  jamais,  et  en  pourroit  bien  tirer  autant 
d'utilité  et  commodité  que  de  ce  qu'il  pourroit  faire  contre  le 
Sophy.  Et  là  dessus_,  ledict  sieur  d'Huyson  pourra  dextrement 
sçavoir  et  entendre  sa  délibération  et  conception,  le  temps  qu'il 
sera  prest,  quelles  forces  il  aura,  et  de  quel  costé  il  les  voudra 
faire  tourner,  pour  de  tout  advertir  le  Roy  seurement  et  à  la  vé- 
rité, afin  qu'il  ne  demeure  point  en  arrière  de  faire  ce  qu'il  estime 
estre  de  son  devoir,  pour  ne  faillir  à  l'office  d'am}^,  ce  qu'il  ne 
vouldroit  faire  pour  rien  à  l'endroit  dudict  Grand  Seigneur  ny 
autre  car,  Dieu  mercy,  il  est  aussy  bien  ou  mieux  sur  ses  pieds 
que  nul  de  ses  prédécesseurs  ait  jamais  esté,  soit  par  mer,  soit  par 
terre,  ayant  sa  gendarmerie  aussy  belle  et  mieux  payée  qu'elle  ne 
fut  oncques  et,  comme  il  a  par  cydevant  mandé^  il  a  jusques  au 
nombre  de  quatorze  ou  quinze  mille  lansquenets  sur  les  frontières 
de  Champagne  et  Picardie ,  avec  dix  sept  mille  Suisses ,  tous 
apprestez  pour  marcher  quand  bon  luy  semblera,  sans  les  légions 
de  gens  de  pied  de  ses  païs  et  provinces  et  autres  bons  hommes 
de  guerre  François,  Italiens,  Gascons  qui  sont  en  divers  endroits 
de  sesdictes  frontières  ,  sans  ceux  qu'il  pourra  faire  lever  quand 
bon  luy  semblera,  lesquels  se  trouveront  accompagnez  d'aussy 
belles  et  grosses  bandes  d'artillerie  qu'il  en  ait  point  encore  esté 
veu  en  ce  royaume,  à  quoy  il  fait  incessament  travailler  es  fontes 
qu'il  a  fait  dresser  depuis  son  advenement  à  la  couronne.  Et  s'il 
est  bien  sur  la  terre,  il  ne  sera  plus  mal  sur  la  mer;  car  du  costé 
du  Ponent,  il  fait  faire  jusques  à  quarente  galères  qui  seront  prestes 
et  équipées  dedans  peu  de  temps,  oultre  les  autres  qu'il  avoit  là  et 
en  la  mer  du  Levant,  qui  sont  en  bon  nombre  comme  sait  ledict 
d'Aramon.  Et  sont  telles  forces  dignes  d'estre  oftertes  pour  l'aide, 
secours  et  faveur  d'un  tel  prince  qu'est  ledict  Grand  Seigneur.  Et 
consequemment,  fera  et  dira  ledict  sieur  d'Huyson  pour  le  fait  et 


l)i:  MONSIHL'R  DARAMON  22; 

cxcciuioii  de  sa  ch.iri;c^  ce  qiril  dcvr.i  cstrc  requis  et  nécessaire 
par  TaJvis  et  conseil  desdicts  sieurs  d'Ar.uuoii  et  de  l'uineil  qui  Tas- 
sistcront  à  son  audience,  lit  siiost  qu  il  veira  que  sa  présence  ji.u" 
delà  ne  pourra  plus  servir  daucunes  choses,  il  s'en  retournera 
par  deçà,  pour  rendre  compte  lidellenient  de  lout  ce  qu'il  aura 
tait  et  négocié  par  delà  et  pourra  le  baron  de  l'unieil  laire  de 
niesnie,  si  déjà  il  n'estt)it  en  chemin.  Mais,  premièrement,  avant 
toute  œuvre,  lesdicts  siems  d'ihnson  et  d'Aramon  s'inlormeiont 
asseuremcnt  de  toutes  choses  et  à  la  vérité,  alin  de  ne  faire  point 
d'erreur. 


X 

Au  CoiincsUihk. 

Monseigneur,  vous  avez  entendu   la  venue  par  deçà  du 

S'  comte  de  Roquendolf  au  service  du  Grand  Seigneur,  ayant  aban- 
donné celuy  de  l'Empereur  pour  quelque  tort  qui  luy  avoit  esté 
fait;  lequel  estant  pressé  tous  les  jours  de  se  iaire  turc,  contre  la 
promesse  qui  luy  avoit  esté  faite  à  son  arrivée,  voyant  auss}-  qu'ils 
ne  se  deliberoient  jioint  de  se  servir  de  luy  es  occasions  pour 
lesquelles  il  estoit  principalement  venu  par  deçà,  et  qu'il  ne  pou- 
voit  sans  danger  demander  licence  poiu'  se  retirer,  délibéra  de  s'en 
aller  sans  congé,  ayant  auparavant  conniumiqué  à  M.  de  lumel 
et  à  moy  son  dessein,  comme  de  sen  aller  devers  le  Roy  luy  otlrir 
son  service.  Et  pour  ce  que  depuis  il  fut  pris  par  les  corsaires  et 
ramené  icy  à  la  Porte,  en  tresgrand  danger  d'estre  lait  turc  ou  de 
perdre  la  vie,  pour  ne  laisser  un  tel  personnage  en  si  grand  dan- 

»5 


226  VOYAGE 

ger  pour  la  bonne  volonté  que  j'avois  connu  qu'il  portoit  au  ser- 
vice du  Roy,  je  pris  la  hardiesse  de  requérir  sa  vie  et  sa  délivrance 
au  Grand  Seigneur  de  la  part  du  Roy,  pensant  certainement  qu'il 
ne  luy  deplairoit  pas  que  son  nom  et  faveur  eust  préservé  ledict 
S""  comte  de  ce  danger  ;  et  ayant  ledict  Grand  Seigneur  accordé  sa 
délivrance  à  la  requeste  du  Roy,  après  luy  avoir  ordonné  de  l'aller 
remercier^  je  luy  ay  bien  voulu  donner  le  moyen  de  ce  faire;  et 
pour  ce,  Monseigneur,  qu'il  vous  plaira  entendre  par  luy  le  désir 
qu'il  a  d'estre  employé  au  service  du  Roy,  et  le  moyen  qu'il  peut 
avoir  de  lui  estre  utile,  il  ne  m'a  semblé  le  devoir  accompagner 
d'autre  particulière  recommandation  envers  vous,  estant  person- 
nage de  soy  mesme  recommandable,  et  je  vous  puis  asseurer  que 
sa  délivrance  n'a  en  rien  diminué  la  réputation  et  grandeur  du 
Roy,  pour  la  concurrence  que  m'a  faite  au  contraire  l'ambassadeur 
qui  est  icy  de  la  part  de  Ferdinand,  en  la  commune  opinion  qu'un 
chascun  avoit  que,  ne  perdant  la  vie,  pour  le  moins  il  se  deust 
faire  turc.  De  Constantinople,  ce  dernier  février  1548. 

D'Aramox. 


I)H  MONSII-UK  DAKAMON  22-j 


XI 


Bricfvc  ih'scriplion  ik  la  court  du  ^nint    Turc,  par  F.  Atiloinc  Gcuf- 
//■(»)',  chevalier  Je  l'ordre  île  S.  Jehan  de  Jérusalem. 

\'ous  nravc/-  souvent  requis  et  requérez  que  je  \ous  mette  par 
escript  Testât  de  l;i  court  du  grand  Turc,  chose  que  vous  entende/ 
et  sçavez  aussi' bien  ou  mieulx  que  nio\'.  Car  )e  suis  certain  que 
vous  avez  veu  et  leu  tout  ce  qui  en  a  esté  escript  tant  des  anciens, 
que  par  ceulx  de  nostre  temps,  qui  en  ont  si  amplement  et  souffi- 
samment  parlé,  que  ce  me  seroit  arros^ance  et  presumption  d'en 
ouvrir  ma  bouclie  après  culx.  Xcantmoins,  Tamytié  qui  est  entre 
nous,  commencée  de  nostre  première  jeunesse  mérite  bien  que  je 
vous  complaise  et  obéisse,  non  seullement  en  cccy,  mais  en  toute 
autre  chose  qui  sera  en  mon  pouvoir. 

Parquoy  jecommenceray  à  vous  dire  que  le  grant  Turc  fait  sa 
résidence  ordinaire  en  Constantinople  que  les  Turcs  appeleni 
Stambol,  cuydans  dire  Stiboli  comme  les  Grec/,  qui  ont  corrompu 
ces  mots  v.z  rr.v  II:a'.v.  Et  a  sa  maison  appellée  le  Saray,  assise  et 
située  sur  la  mer  du  costé  de  Asie,  regardant  les  chasteaulx  ap- 
pelle/ Scutari ,  où  souloit  estre  la  ville  de  Calcedone,  et  n'y  a 
qu'une  petite  lieue  de  mer  à  traverser  de  lung  à  l'autre;  lequel 
cstroict  fut  par  les  anciens  appelé  Bosphorus  Thracius,  mainte- 
nant l'estroict  de  Constantinople. 

Audict  saray  qui  est  le  palais  et  maison  royalle,  de  grant  cir- 
cuit et  estendue,  v  a  plusieurs  chambres  tort  richement  parées  et 
sur  toutes,  celle  qui  est  députée  pour  la  personne  dudict  grant 
Turc,  en  laquelle  il  est  servi  de  six  jeunes  entants,  deux  desquelz 
font  la  garde  et  veillent  toute  la  nuict^  l'un  au  chevet,  et  1  autre 
au  pied  de  son  lict.  tenans  chascun   deux  torches  ou   tlambeaulx 


228  VOYAGE 

ardans  en  leur  main.  Ceulx  cy  au  matin,  le  vestent  et  luymectent 
es  poches   ou  bourses  de  sa   robbe  qu'ilz  appellent  caftan ,  en 
l'une  vingt  ducatz  d'or,  et  en  l'autre  la  monnaye  qui  sont  mille 
aspres.  Ce  sont  petites  pièces  d'argent  cornues,  plus  quarrées  que 
rondes,  cinquante  desquelles  vallent  ung  ducat.  Et  ne  sont  mar- 
quez à  d'autre  chose  que  d'escripture,  comme  aussy  leurs  ducatz 
qu'ilz  appellent  altum  ou  altumler  '  :  car  ilz  ne  usent  point  d'ar- 
moyries  ni  de  couronnes,  combien  que  noz  painctres  leur  attri- 
buent les  armes  de  Constantinople  qui  sont  une  croix  d'or  en 
champ  rouge  ou  de  gueules  avec  quatre  fuzilz,  qui  ne  sont  fuzilz, 
mais  quatre  jj  grecz  signifiant  ,3^-'.aî'j;  ^ixz'Xi<.>yt  '^jy.-ù.-j'jw)  ^xzû.iuy/, 
c'est  à  dire  en  nostre  langue  :  Roy  des  roys  régnant  sur  les  rois. 
Ledict  argent  est  pour  employer  es  menuz  plaisirs  dudict  grant 
Turc.  Et  s'il  advient  qu'il  ne  le  despende  ce  jour,  il  demeure  à 
ceulx  qui  l'avoient  mis  es  dictes  poches,  ou   ce  qui  en  reste,  car 
ceulx  qui  le  vestent  le  lendemain,  y  en  mettent  d'autre.   Ces   six 
enfans  le  suyvent  et  accompaignent  quelque  part  qu'il  aille,   mais 
il  en  change  quand  il  luy  plaict,  allans  dehors  avecques  luy;  chas- 
cun  d'eulx  a  son  office.  L'un  est  Odabassy',  chef  et  maistre  de  la 
chambre  :  le  second  Chocadar  "  porte  la  robbe ,   le  troysiesme 
Silichtar  '  porte  l'arc  et  les  flèches  :  le  quatriesme  Saraptar  '  porte 
le  pot  ou  vaisseau  pour  boire  de  l'eau,  car  ledict  grant  Turc  ne 
boit  point  de  vin  :  le  cinquiesme  Chiuchter  ^  qui  porte  les  sou- 
liers, pour  ce  que  la  coustume  des  Turcs  est  de  laisser  leurs  sou- 
liers quant  ilz  entrent  es  maisons,  lesquelles,  pour  ceste  cause, 
sont  tendues  et  tapissées  par  bas  de  tapis  veluz  ou  psates  qui  sont 
comme  nattes  faictes  de  joncz ,    painctes   et  colourées  selon  la 
puissance  du  maistre  de  la  maison.  L'office  du  sixiesme  s'appelle 

1.  Altoun,  altounlar. 

2.  Od.i  bachy. 

3.  Tchoqadar. 

•1.  Silahdar,  vulgairement  Sililidar. 

.'>.  Chcrabdar. 

6.  11  faut  lire  Bachinaqdar. 


Dr  MC^NSII  riî  IVARAMl^N  239 

Schciulii;!  '  et  porte  le  .sicL;e  et  c.irrc.uix  pour  asseoir  lediet  ^raiu 
Turc. 

Audict  saray,  tient  ledict  L;rant  Turc  sa  court  qu'il/  appellent 
Capy,  c'est  à  dire  la  porto,  en  laquelle  sont  les  oHiciers  qui  s'en- 
suyvent. 

Et  pour  niieulx  entendre  ct)ninie  ilz  sont  entretenu/  et  paie/, 
est  à  sçavoir  que  en  Testât  dudict  grant  Turc,  v  a  deux  manières 
de  soulde  ou  gaigcs  :  l'une  s'appelle  oloplia  "' ,  qui  sont  vra\  / 
gaiges  à  nostre  mode,  paie/  par  les  mains  des  trésoriers  :  et  l'autre 
s'appelle  tymar,  qui  est  comme  une  assignation  de  terres,  heri- 
taiges  et  possessions,  ou  du  revenu,  dixmes  et  proulfit/  d'iceulx, 
en  forme  de  pension.  Ht  ceulx  qui  les  parçoyvent  sont  dict/ 
Tymariotz  :  les  autres  Olophagi.  Et  y  a  plusieurs  ofiïciers  qui  len 
ont  tous  deux,  ainsv  que  je  diray  cy  après  en  les  nommant,  et 
commancerav  par  l'entrée. 

Premièrement,  à  la  porte  dudict  saray  y  a  trois  Capigibassv  ■*, 
c'est  à  dire  capitaines  des  portiers  :  chascun  desquels  a  cent 
nspres  de  gaiges  par  jour,  et  soub/  eulx  deux  cens  cinquante  capi- 
git/  ou  portiers  qui  ont  de  sept  à  huict  aspres  aussi  par  jour  chas- 
cun ,  l'ung  desquel/  capigibassi  est  tousjours  à  la  porte  avec 
soixante  capigiz  et  changent  de  jour  en  jour.  Plus,  y  a  un  Capa- 
gaz  \  capitaine  de  la  porte  qui  est  euneuche  chastre  tout,  qu'il/ 
appellent  monouc  en  leur  langue  ',  et  a  soixante  aspres  de  gaigcs 
chascun  jour. 

Un  Saraydar  bassy  aussi  monouc,  capitaine  du  sarav  en  l'ab- 
sence du  grant  Turc,  et  a  cinquante  aspres.  Ces  deux  ont  douze 
autres  monouc/  subject/  à  eulx  qui  ont  les  uns  dix,  les  autres 
quinze  aspres  par  jour. 


1.  IbkcmlèJjv. 

2.  Uloutch. 

3.  QapyJjy  bacliy. 

4.  Q.apy  aga. 

).  Monouc  est  le  mot  grec  iao-j/oO/o;  qui  î^ignilic  eunuque. 


2  30  VOYAGE 

En  ce  saray  sont  noriz  environ  cinq  cens  jeunes  enfans  de 
l'nage  de  huict  jusque  à  vingt  ans,  lesquelz  ledict  grant  Turc  faict 
instruire  et  endoctriner,  tant  es  lettres  que  aux  armes.  Sur  tout, 
les  faict  apprendre  ci  lire  et  escripre,  sçavoir  leur  loy,  chevau- 
cher, tirer  de  Tare  et  autres  exercices  de  la  guerre  et  de  lettres, 
ainsy  qu'il  les  y  trouve  enclins  et  adonnez.  Ceulx  qui  sont  dé- 
putez pour  les  enseigner,  sont  les  vieulx  talismans  ^,  docteurs  en 
leurs  loix.  Et  sont  lesdictz  enfons  habillez  et  vestuz  de  neuf,  deus 
fois  l'an,  à  leurs  deux  bayram,  c'est  à  dire  à  leurs  pasques;  les 
ungs  de  soye,  les  autres  de  laine.  Et  ne  sortent  jamais  dudict 
saray,  jusques  à  ce  que  ledict  grant  Turc  veoit  qu'ils  soyent  en 
aage  pour  servir  et  estre  emploïez  es  charges  et  offices.  Alors  les 
faict  Spachoglan  "  ou  Silichdar  ou  en  autre  estât  et  degré,  selon 
qu'il  les  trouve  sufhsans  ou  qu'il  les  veult  favoriser.  Hz  sont 
audict  saray  departiz  de  dix  en  dix,  et  sur  chascune  dizeine  y  a 
ung  monouc  appelé  Capoglan,  ogh  ou  oglan,  en  leur  langue,  c'est 
à  dire  enfant.  Hz  couchent  tous  en  une  salle,  séparez  lung  de 
l'autre,  enveloppez  chascun  en  une  sclavine  qui  est  un  tapis  velu 
à  long  poil.  Au  millieu  de  ladicte  salle  dorment  leurs  monoucs, 
laquelle  salle  est,  toute  la  nui  et  esclairée  de  grandes  lumières  et 
lampes  ardans. 

Audict  saray  y  a  ung  grand  et  beau  jardin,  gouverné  et  labouré 
par  quarante  ou  cinquante  jardiniers  appelez  bostangiz  '"'  et  leur 
capitaine  Bostangibassy  qui  a  de  gaiges  chascun  jour  cinquante 
aspres;  les  bostangiz  en  ont,  les  ungs  trois,  les  autres  quatre  ou 
cinq,  selon  leurs  qualitez  et  suffisances.  Et  sont  vestuz,  tous  les 
ans  une  lois,  de  drap  pers  ou  turquin.  Hz  sont  Jannisserotz^  qui 
est  diminutif  de  Jannissaires;  car  quant  ilz  sortent  dudict  jardin, 
ilz  sont  faictz  Jannissaires.  Audict  jardin,  ilz  sont  departiz  de  dix 
en  dix;  sur  chascune  dizeine  y  a  ung  chef  ou  dizenier  appelle 

1.  Imams. 

2.  Sipahoglan. 

3.  lîostandji. 


DH  MONSirUR  IV.MÎAMc^N  251 

Odabassv.  C^ultro  y  a  iin^  lit-utcii.uit  du  Hiist,iiiniliass\-  qu'ils  ap- 
pellent protogero,  qui  est  un  nom  _L;roc,  et  eu  leur  laui^uc  chccaya  '. 
et  a  vingt  aspres  par  jour. 

Auprès  dudiet  jardin  sur  la  mer,  v  a  deux  l'ustcs.  sur  lesquelles 
lesdictz  jardiniers  meinent  à  l'esbat  Icdict  grand  Turc  quant  il 
luy  plaict,  et  le  passent  en  Asie  à  Scutari  et  ailleurs  quant  bon  luv 
semble. 

Encores  y  a  audict  sarav  cent  jannisserotz  députez  à  porter  le 
boys  pour  brûler  et  le  mènent  en  charrettes  :  leurs  gaiges  sont 
troys  ou  quatre  aspres  par  jour. 

Dix  Sacca  aussi  jannisscrotz  qui  v  portent  ou  mènent  Tenu  sur 
cbevaulx  dans  des  outres  et  en  peaulx  de  chèvres,  comme  l'on 
porte  le  vin  es  montaignes  de  Auvergne  et  de  Lymosin  et  ont 
semblables  gaiges  que  les  precedens. 

En  la  cuysinc  dudict  saray  y  a  un  Assibassy  "  chef  des  cuysi- 
niers  qui  a  quarante  aspres  le  jour,  et  soubz  luv  cinquante  assiz 
ou  cuvsiniers  qui  ont  de  six  à  huict  aspres  chascun. 

Ung  iMatpach  cmin  '\  despensier,  qui  a  quarante  aspres  et  soubz 
luv  un  escripvain  qui  en  a  vingt  par  jour. 

Ung  Casnegirbassi  '  comme  maistre  d'hostel  qui  a  charge  de" 
viandes,  porte  et  sert  les  platz  devant  le  grand  Turc  et  a  quatre 
vingtz  aspres  et,  soubz  luy,  cent  casnegir  servans  en  semblable 
office  qui  ont  de  quarante  à  soixante  aspres  par  jour  chascun. 

Plus,  il  v  a  audict  saray  une  escuvrie  ou  establc.  avec  deux 
centz  chevaulx.  et  cent  hommes  pour  les  panser  qui  ont  de  six  .'i 
huict  aspres  par  jour  chascun. 

Autres  petitz  officiers  de  sa  maison  a  ledict  grant  Turc,  mais 
il  souffira  d'avoir  nommé  partie  des  principaulx.  .Maintenant,  par- 
lerav  de  ceulx  de  dehors,  et  jiremierement  de  sa  garde. 

I.  Kialiy.i,  licutcii.int,  suppléant. 
2    .•\clnchy  bacliy. 

3.  Matbakli  Eminv. 

4.  Tchaciineguir  bichv. 


212  VOYAGE 

En  la  garde  dudict  grant  Turc  sont  douze  mille  jannissaires 
qu'ilz  appellent  Jannissarlar ',  et  Jannissar  un  jannissaire,  tous 
esclaux  dudict  grant  Turcetenfans  de  chrestiens,  comme  je  diray 
cy-après.  J'ay  entendu  de  quelcun  d'entre  eulx  dire  que  eulx  et 
nous  escripvons  mal  ce  mot  et  qu'il  vient  de  Cham  qu'ilz  pro- 
nuncent  Tcham  et  signifie  seigneur  ou  prince  et  yeser  qui  est  à 
dire  esclau,  non  pas  de  ceulx  qu'ilz  vendent  et  achaptent,  car  ilz 
les  appellent  coul  et  couller ,  mais  de  ceulx  qui  sont  ordonnez 
aux  commandemens  du  roy.  Lesdictz  Jannissaires  vont  à  pied 
soubz  ung  capitaine  appelle  Jannissaraga  ou  Aga  simplement-,  et 
Aga  ou  Agach  en  leur  langue  signifie  baston  :  lequel  capitaine  a 
mille  aspres  de  gaiges  par  jour  et  six  mille  ducatz  de  tymar  par 
an.  Et  est  de  si  grande  autorité  et  réputation  que  bien  souvent,  il 
espouse  les  filles  et  les  seurs  dudict  grant  Turc.  Soubz  luy  y  a  ung 
checaya  ou  protogero  qui  a  deux  cens  aspres  par  jour,  et  un 
escripvain  appelle  Jannissar  iazigi%  c'est  à  dire  escripvain  des 
jannissaires. 

Lesdictz  jannissaires  ont  de  quatre  à  huict  aspres  par  jour,  l'un 
plus  l'autre  moins,  et  sont  partiz  de  dix  en  dix  ;  sur  chascune 
dizeinc  y  a  ung  dizenier  appelle  Odabassy  c'est  à  dire  chambrier 
ou  chef  du  logiz,  et  sur  chascune  centene,  ung  centenier  appelle 
Boluchbassi ''  qui  signifie  chef  de  bende.  Le  dizenier  a  quarante 
aspres  et  le  centenier  soixante  ;  ceulx  cy  vont  à  cheval.  Et  sont 
habillez  lesdictz  jannissaires  deux  foys  l'an,  de  gros  drap  pers. 
C.eulx  qui  sont  mariez  demeurent  avec  leurs  femmes,  les  autres 
sont  logez  en  certaines  maisons  à  eulx  ordonnées  en  certaines  con- 
trées et  quartiers  de  Constantinople,   et  vivent  ensemble  huict, 


1.  Icny  tchcrylar.  LV'tymologlc  doiincc   par  lu  frcre  GcufiVoy  est  erronée, 
lenytchery  a  la  signification  de  nouvelle  troupe. 

2.  Aga  a  en  turcla  signification  de  frère  aîné,  maître,  chef.  Agadj  a  le  sens 
de  «  arbre  »  et  n'a  aucun  rapport  avec  le  mot  aga. 

3.  lenvtcliery  yazidjissy. 

|.  l'uluk  bachy,  chef  de  compagnie. 


DE  MONSinUR  D'AKANUIN  23? 

dix,  douze  et  plus.  Ceulx  qui  ont  le  nuiius  d'estat  et  de  ij;.iigc.s 
servent  aux  autres  qui  eu  ont  plus  largement,  pour  récompense 
de  ce  qu'il/  ne  peuvent  contribuer  à  l.i  dcspence  \\w  esi;alle  por- 
tion. 

Quant  lesdict/  jannissaires  deviennent  vieulx  et  ne  sont  plus 
pour  servir  à  la  garde  dudict  grant  Turc,  on  les  envove  comme 
mortepaycs  es  places  et  les  appellent  Assarer'  ;  et  les  di/eniers  et 
centeniers  estans  vieulx.  sont  faictz  gardes  et  capitaines  desdictes 
places^  avec  tymar  équivalant  aux  gaiges  qu'il/  avoient. 

lintre  Icdictz  jannissaires  sont  eslcvez  et  choisiz  cent  cinquante 
Solachler'  que  les  Grec/  dient  Solachi,  Icsquelz  scmblablement 
cheminent  à  pied  autour  de  la  personr.e  dudict  grant  Turc  et  ont 
de  quinze  à  vingt  aspres  de  gaiges  par  jour  chascun.  Et  leurs  deux 
capitaines  appeliez  Solachbassy  en  ont  chascun  trente,  et  obéissent 
Il  1  Aga  des  jannissaires;  et  signifie  Solach,  gaucher,  et  portent 
leurs  CNUiiterres  à  droite. 

En  la  garde  dudict  grant  Turc  y  a  trois  mille  Spachoglan  qui  ont 
ung  aga  de  grant  estime  et  autorité,  et  soubz  luy  ung  lieutenant 
ou  checaya  avec  ung  escripvain;  le  capitaine  a  cinq  cens  aspres> 
le  lieutenant  cent,  l'escripvain  trente,  et  lesdictz  Spachoglan  de 
trente  à  quarante  chascun  par  jour,  et  servent  avec  quatre  ou  cinq 
chevaulx,  chevauchans  à  la  main  dextre  dudict  grant  Turc. 

Autres  troys  mille  Silichtar  avec  aga,  checaya  et  iazigi  ou  escrip- 
vain ont  autant  de  gaiges  et  de  chevaulx  que  les  Solach,  et  che- 
vauchent à  la  main  senestre  dudict  grant  Turc.  Tous  lesquelz 
Spachoglan  et  Silichtar  ont  esté  nourri/  au  Saray  dudict  grant 
Turc,  comme  j'ay  dit  cy  dessus. 

Plus,  il  y  a  quatre  vingt/  Mutefar.acha  '  qui  portent  la  lance 
devant  ledict  grant  Turc;  celuy  d'entre  eulx  qui  a  le  plus  de  gaiges 


1.  Il  faut  lire  Outour.iq. 

2.  Solaqlar. 

3.  Moutcfcrriqa. 


234 


VOYAGE 


a  quatre  vingtz  aspres,  les  autres  moins,  et  ont  esté  nourriz  au 
saray  comme  les  dessusdictz. 

Geste  est  la  plus  seure  et  plus  certaine  force  que  le  Turc  ayt, 
qui  sont  douze  mille  hommes  de  pied  et  envyron  vingt  cinq  mille 
chevaulx  ordinaires. 

Il  a  aussi  vénerie  et  faulconnerie  ;  ung  Sechmenbassy  ^  qui  est 
comme  grant  veneur  et  a  cent  aspres  chascun  jour,  et  soubz  luy 
ung  grand  nombre  de  jannissaires. 

Ung  Zagarzibassi  ^  capitaine  des  chiens  qui  a  cinquante  aspres 
et  soubz  luy  plusieurs  jannissaires. 

Deux  grantz  faulconniers  appeliez  Zaniligibassi  ^  qui  ont  chas- 
cun cent  aspres,  et  leurs  lieutenans  vingt  et  cinq  avec  deux  cens 
faulconniers  dictz  Zaniligiler,  cent  desquelz  ont  dix  aspres  par 
jour  chascun,  les  autres  ont  tymar  et  sont  exemptz  de  sub- 
sides. 

Plus  a  ledict  grant  Turc  environ  quarante  Peich  *  qui  sont  comme 
lacquaiz  et  courriers  à  pied,  et  se  tiennent  près  de  luy  pour  faire 
ses  messaiges  tant  en  paix  que  en  guerre  sans  les  postes  qu'ilz 
ont  assises  comme  nous,  et  les  appellent  Ulach  ou  Olach''. 

Il  a  aussi  ung  trucheman  qu'ilz  appellent  Dragoman  '"'  pour  par- 
ler aux  estrangiers,  qui  a  d'auctorité  et  de  crédit  autant  qu'il  est 
homme  d'esprit  et  qu'il  en  sçait  gaigner.  Et  a  cinq  cens  ducatz  de 
gaiges  par  an,  et  autant  de  tymar,  sans  les  presens  et  dons  des 
ambassadeurs  et  estrangiers. 

Les  dessus  nommez  sont  tous  officiers  de  sa  court,  mais  en  la 
guerre  y  en  a  d'autres  qui  pareillement  sont  ordinaires  ainsi  que 
ont  les  princes  chrestiens,   j'entend  des  grans.  Mesmement  les 


1.  Scgb.m  bacliy  ou  Sevmcn  bacliy. 

2.  Zagardjv  bacliv. 

3.  Il  l'aut  lire  Doghandjv  bachv. 

4.  Peïk. 

5.  Oulaq. 

6.  Tcrdjuman. 


DI-   MONSinUR  IVARAMON  235 

Asapagri',  capitaines  des  Asaplcr  ou  As.ipi/  qui  <^ont  sont  j^cns  Je 
pied  extraordinaires. 

Deux  agas  de  Garipoglan  '  qui  sont  gens  de  cheval  extraordi- 
naires et,  ont  lesdict/  aga  chascun  quatre  vlngtz  aspres.  leurs  elie- 
caya  ou  lieutenants  trente,  leurs  escripvains  vingt,  et  lesdietz  (îari- 
poglan  de  douze  à  seize  par  jour  chascun. 

Ung  Olophagibassi  ^  capitaine  des  Olophagiz  qui  a  six  vingtz 
aspres  par  jour,  les  lieutenans,  escripvain  et  Olophagiz  pareil  estât 
que  les  precedens,  et  sont  gens  de  cheval  ordinaires. 

Ung  Topgibassi  capitaine  de  lartillerie  ;  car  top  en  leur  langue 
signitie  canon.  Ledict  Topgibassi  a  chascun  jour  soixante  aspres 
avec  checaya  et  iazigi  ou  escripvain  qui  en  ont  chascun  vingt  cinq 
et  deux  mille  Topgiz  ou  Topgiler,  c'est  à  dire  canonniers,  qui  en 
ont  de  sept  à  huict,  et  vont  à  pied. 

Ung  Arabagibassi  capitaine  du  charroy,  car  araba  signifie  char- 
rette, qui  a  cinquante  aspres  le  jour,  checaya  et  iazigi  qui  en 
ont  vingt,  et  trovs  mille  arabagiz  ou  chartiers  qui  ont  de  quatre 
à  six  aspres  par  jour. 

DeuxBracorbassi',  escuyers  d'escurie,  ung  grant  et  ung  petit. 
Le  grant  a  cinq  cens  aspres  par  jour,  le  petit  deux  cens,  avec  lieu- 
tenans et  escripvains,  et  commandent  les  pallefreniers,  mulletiers» 
selliers,  esperonniers,  et  ceulx  qui  conduisent  les  cameaulx,  en- 
semble tous  les  haratz  de  chevaulx  ;  et  ont  soubz  leur  charge 
quattre  mille  chevaulx  d'eslite. 

Un  Chiausbassi  ^  capitaine  des  Chiauz  ou  Chiausler  qui  sont 
comme  huvssiers  et  ledict  Chiausbassi  est  comme  prevost  de  Thos- 
tel;  et  a  si  grande  auctorité  que  s'il  va  devers  ung  des  subjectz  du 
grant  Turc,  de  quelque  estât,  qualité  ou  condition  qu'il  soit,  fust 


1.  A7xh  At^a. 

2.  Gharib  Oglan  ou  Ghoureba. 

V  L'IoufcJjv,  cavalier  recevant  une  solJo  rc<^ulière. 

4    Emir  akiior  bacliv,  prononce  vulgairement  Imraklior. 

5.  Tchaouch  bachy. 


236  VOYAGE 

ce  un  bâcha  ou  ung  beglerbey,  et  il  luy  die  qu'il  est  là  envoyé 
pour  avoir  sa  teste  et  l'emporter  audict  grant  Turc,  il  est  obey  sur 
le  champ,  sans  monstrcr  autre  commission  ou  mandement. 

Ung  Mechterbassy  '  qui  a  charge  des  tendes,  pavillons  et  tapiz 
et  du  logis  du  grant  Turc^  lequel  il  faict  tendre,  tapisser  et  ac- 
coustrer  quant  il  est  aux  champs.  Et  a  de  gaiges  quarante  aspres, 
son  lieutenant  vingt  et  cinq.  Et  soixante  mechter  qui  sont  soubz 
lui  en  ont  chascun  cinq. 

Ung  autre  Mechterbassy,  capitaine  des  trompettes,  haultboys, 
tabours  et  autres  instrumentz  de  guerre  qui  a  trente  aspres;  lieu- 
tenant et  cscripvain  qui  en  ont  chascun  douze  par  jour.  Et  soubz 
luy  a  environ  douze  cens  Mechter,  partie  à  cheval  et  partie  à  pied 
qui  ont  pareilz  gaiges  que  les  precedens. 

Ung  Imralem^-  qui  porte  l'enseigne  du  grant  Turc  où  pend  une 
queue  de  cheval ,  en  mémoire  (  ainsi  qu'ilz  m'ont  dict  )  de 
Alexandre  le  grant  qui  la  portoit  sur  sa  teste  et  en  son  armet, 
comme  nous  voyons  en  ses  medalles.  Ainsi  ont  faict  les  anciens 
capitaines,  mesme  le  dit  Virgille  de  Eneas  :  Crisiaque  iusignis 
eqiiinn.  Ledict  Imralem  a  deux  cents  aspres  chascun  jour,  et  es 
capitaine  de  tous  les  mechter. 

Ung  Arpa  emin  ''  qui  a  charge  des  foins,  pailles,  orges,  avoinest 
fourraiges  et  autres  provisions  pour  les  chevaulx^  tant  en  paix  que 
à  la  guerre  et  a  de  gaiges  soixante  aspres,  son  lieutenant  trente  et 
son  escripvain  vingt.  Soubz  luy  y  a  vingt  hommes  qui  ont  de 
huict  à  dix  aspres  par  jour  chascun. 

Un  Sara  emin  *  député  pour  fiire  dresser  et  nestoyer  les  che- 
mins, tant  en  temps  de  paix  que  en  la  guerre  et  a  cinquante 
aspres,  et  soubz  luy  quatre  cens  hommes  qui  en  ont  de  quatre  à 
cinq  par  jour  chascun. 

r.  Mclitcr  bachy. 

2.  Hmir  ou  Miralem. 

3.  Arpa  Hminv. 

4.  Chari'  liniinv. 


PH  MCA'SinUK  D'ARAMON  237 

Il  t.uik  vous  dire  ni.iintcn.iiu  Jcs  ofticicrs  de  ses  tiii.niees,  jniis 
je  parleniy  de  ceulx  de  son  conseil  et  du  uouveiiienient  et  eoii- 
duicte  de  ses  alla  ires. 

Premièrement,  est  à  sçavoir  que  le  Turc  appelle  son  trésor 
Casna  '  et  les  impositions,  subsides,  gabelles,  tribut  et  autre 
revenu  Gara/.*. 

Le  premier  olficier  de  sa  court  sur  lesdictes  lînances  est  le  Cas- 
nadarbassi  ',  trésorier  des  deniers  du  saray  qui  est  comme  un 
trésorier  de  l'espargne,  lequel  csteuneuche  ou  monouc  et  se  tient 
audict  saray  avec  soixante  aspres  de  gaiges  chascun  jour. 

Deux  Defterdar,  comme  reccpveurs  generaulx,  l'un  desquel/,  a 
la  charge  des  deniers  provenans  des  pavs  qui  sont  devers  la  ri- 
vière de  la  Dunoe  ou  Danube,  comme  Servie,  Bulgarie,  Bosne. 
N'alachie  et  autres  avec  ceulx  de  Asie,  de  Surie  et  de  Egvpte.  lit  a 
de  tymar  dix  mille  ducatz  par  an,  sans  ses  advantaiges  et  proul- 
lîtz  qui  sont  tresgrans. 

Le  second  a  les  finances  de  tous  les  pays  de  Grèce,  lequel 
quant  le  grant  Turc  va  à  la  guerre,  demeure  en  Gonstantinoplc 
comme  son  lieutenant.  Gestuy  a  six  mille  ducatz  de  t\mar  et 
d'autres  grans  prouftîtz.  Leur  office  est  de  grande  auctorité,  et  ont 
soubz  eulx  cinquante  cscripvains  pour  escripre  et  tenir  le  compte 
desdictes  finances,  lesquelz  ont  de  trente  à  quarante  aspres  par 
jour  chascun. 

Deux  Rosermanige ',  cliefz  desdictz  clercz  et  escripvains,  qui 
ont  chascun  quarante  aspres  et  plusieurs  autres  reccpveurs  et  col- 
lecteurs pour  le  recouvrement  desdictes  iinances. 

Deux  \'esnadar''  qui  poisent  les  ducatz  et  aspres  et  ont  chas- 
cun vingt  aspres  par  jour. 


1 .  Kha/.iiic. 

2.  Kharadj. 

5.  Khazinédar  bacliy. 

4.  Rouznamèdjy. 

5.  Vcziièdar. 


2  555  VOYAGE 

Six  Serrafiers  '  comme  banquiers  pour  cognoistre  l'or,  l'argent 
et  monnoyes  avec  semblables  gaiges  et  estât  que  les  precedens. 

Deux  Casnadarbassi  du  dehors^  l'un  de  Grèce  et  l'autre  de  Asie 
pour  faire  venir  les  deniers^,  et  ont  chascun  cinquante  aspres  par 
jour.  Etsoubz  chascun  d'eulx,  dix  Casnadar  qui  en  ont  dix  chascun. 

Deux  Defter  emin  ",  l'un  de  Grèce  et  l'autre  de  Asie  qui  sont 
sur  le  tymar  et  tiennent  le  compte  des  tymariotz;  ont  chascun 
cinquante  aspres  et  dix  clercz  ou  escripvains  qui  en  ont  quinze. 

Hz  m'ont  dict  que  le  revenu  ordinaire  dudict  grant  Turc  se 
peult  monter  à  la  somme  de  quinze  millions  de  ducatz. 

Reste  à  parler  de  son  conseil,  du  gouvernement  des  pays  qui 
luy  sont  subjectz  et  de  Tordre  qu'il  y  tient. 

Le  grant  Turc  n'a  autre  conseil  que  les  quatre  bachaz  qu'ilz  ap- 
pellent Vizir  bâcha,  c'est  à  dire  conseilliers.  Bâcha  et  Bach  en  leur 
langue  signifie  chef  ou  teste,  parquoy  on  les  pourroit  interpréter 
chevetains  ou  capitaines  "  ;  bien  souvent  ilz  ne  sont  que  troys , 
comme  naguyeres  est  advenu.  C'estoient  Ayas  bâcha,  natif  de  la 
Cymera',  qui  est  à  l'endroit  de  Tisle  de  Corfou,  des  anciens  dicte 


1.  Serrât. 

2.  Defter  Eminy, 

3 .  L'étymologie  du  mot  pacha  donnée  par  Geutîroy  est  erronnée .  Pacha  est 
la  forme  adoucie  du  mot  turc  bachqaq  ou  pachqaq  qui  désigne  un  gouver- 
neur militaire. 

4.  Ayas  Pacha,  d'origine  albanaise,  devint  aga  des  janissaires  et  prit  part  à 
l'expédition  de  Sultan  Sélim  en  Egypte  ;  ce  fut  à  lui  que  se  rendit  l'infortuné 
Toumanbay,  le  dernier  des  sultans  mamelouks.  Sous  le  règne  de  biultan 
Suleyman,  il  commanda,  au  siège  de  Rhodes,  l'aile  droite  de  l'armée  ottomane. 
11  avait  été  nommé  beylerbey  d'Anatolie  et,  après  la  défaite  de  Ghazaly  gou- 
verneur de  Syrie  révolté  contre  le  sultan,  il  reçut  le  gouvernement  d'Alep.  11 
accompagna  Suleyman  dans  la  campagne  de  Hongrie  et  après  l'exécution  d'Ibra- 
him, il  lut  appelé  à  lui  succéder  dans  la  charge  de  premier  vizir.  Il  assista  au 
siège  de  Corlou  (1537)  ^'^  mourut  de  la  peste  deux  ans  après.  Piero  Bragadin 
iait  d'Ayas  Pacha  le  portrait  suivant  :  «  11  terzo  bassà,  nome  Aias  di  nazion 
albanese,  nato  appresso  la  Zimera,  mostra  esser  uomo  di  guerra  et  aver  animo 
di  far  guerra  et  gran  cose  :  è  di  aimi  44,  ma  non  sa  léger  ni  scriver  c  manco 
parlar;  ha  schiavi  600,  entrata  ducati  30,000  :  ha  un  bel  giardino  in  Cons- 
tantinopoli  appresso  dove  si  tien  le  bombarde  dove  ci  va  spesso.  Conclasive. 
si  lien  sia  uomo  di  poco  cervello  ;  sono  tre  fratelli.  Ha  la  sua  madré  crisiiana, 


DE  MONSIEUR  D'ARAMON 


2J9 


CorcNiM,  Cassiii  b.ich.i  de  Cjh.icc  '  et  IbiM\ m  b.icli.i  de  l.i  l\ir<;a  •', 
Albanoys  que  il  lict  mourir,  tous  troys  lil/  de  eluestieiis,  lit  cstoit 
cestuy  Ibraym,  pour  avoir  esté  nourry  jeune  au  saray  avec  ledict 


moii.UM  all.iV.illoii.i,  .ill.i  qu.ilm.uKi.uiuvJ.ui  cciuo  .il  mcsc.  ■■  Rriazioni.iomL-  III, 
p.if^c  104.)  P.  lîr.ig.ulino  lut  sa  relation  aux  Pre<;adi  le  9  juin  1320,  alors 
qu'Avas  Pacha  était  troisième  vizir. 

1.  Oassiiu  Pacha,  surnomme  Gu/.ekijc  Ciissim  (le  joli  Q.assim),  l'ut  appelé 
le  20  août  1525  à  remplacer  dans  le  gouvernement  de  l'Ej^ypte,  Moustala 
Pacha,  beau-frère  du  sultan.  Il  l'ut  nommé  gouverneur  de  Clonstanlinople  en 
152(3,  lors  du  départ  de  Suleyman  pour  la  campagne  de  Hongrie.  Nommé 
bcylerhev  de  Roumélie,  puis  second  vizir  après  la  mort  d'Ibrahim  Pacha,  il 
tenta  inutilement,  en  1 3  58,  de  s'emparer  de  Napoli  de  Remanie.  Ses  concussions 
et  son  avarice  provoquèrent  sa  destitution  et  sa  place  l'ut  donnée  au  beylerbcy 
de  Roumélie,  Moustala  Pacha. 

2.  Ibrahim  Pacha,  originaire  de  Parga,  lut  d'abord  l'esclave  d'une  veuve 
turque  de  Magnésie  qui  le  céda  à  Sultan  Suleyman  lorsque  ce  prince  était 
gouverneur  de  cette  province.  Il  fut  Khass  Oda  bachv  ou  chef  de  chambrée  au 
sérail  et  il  sortit  du  palais  pour  remplacer  Piry  Pacha  dans  la  charge  de  grand 
vizir.  11  commanda  les  armées  ottomanes  pendant  les  campagnes  de  Hongrie 
et  de  l'erse  et  au  siège  de  Vienne.  Il  épousa,  au  mois  de  mai  1 524,  une  sœur  de 
Sulevman  et  pendant  les  treize  années  de  son  vizirat,  il  gouverna  l'empire  avec 
une  autorité  absolue.  Il  fut  étranglé,  le  5  mars  1556,  dans  une  des  chambres  du 
palais  où  il  s'était  rendu,  selon  sa  coutume,  pour  y  dîner  et  y  passer  la  nuit. 
Son  corps  fut  inhumé  dans  le  couvent  des  derviches  mewlevys  à  Galata,  et 
un  arbre  planté  sur  sa  fosse  indiqua  seul  le  lieu  de  sa  sépulture.  L'année  pré- 
cédente, Ibrahim  Pacha  avait  signé  pour  M .  de  la  Forest,  le  premier  traité  de 
paix  et  d'alliance  conclu  avec  la  France. 

Piero  Bragadino  donne  sur  Ibrai;im  Pacha  des  détails  que  je  crois  devoir 
reproduire  :  «  Il  primo  vizir  Embraim  di  anni  trenta  tre,  quale  è  il  cuor  e  il 
liato  dcl  Signor  ;  quello  che  vole  è  fa ,  ne  il  signor  faria  cosa  senza  suo  consiglio  ; 
è  nostro  suddito,  délia  Parga.  Non  ha  figli  ;  uomo  magro,  viso  niinuto, 
smorto,  statura  di  poco  presenzia,  aggraziato,  uomo  éloquente,  si  diletta  da 
ogni  causa,  di  farsi  legger  libri  di  romanzi,  la  vita  di  Alessandro  Magno,  di 
Annibal  e  guerre  e  istorie.  Compone  a  gran  piacere  di  musica  con  un  Persiano 
che  tien  in  casa.  Ha  placer  sapere  délia  condizion  de  signori  del  mondo,  dei 
siti  délie  terre  e  d'ogni  altra  cosa.  Compra  ogni  gentilezza  che  puo  aver  ;  è 
dotto,  Icgge  lilosotia,  c  sa  ben  la  sua  legge.  E  molto  amato  dal  Signor  né 
puô  star  senza  di  lui.  Dorme  spessissimo  nel  seraglio  col  signor,  in  un  letlo 
che  si  toccha  capo  con  cape  col  Signor,  e  ogni  giorno  il  Signor  li  scrive  qualche 
polizza  di  sua  man  e  la  manda  per  il  suo  muto,  ed  Embraim  li  scrive  tutto 
quelle  si  fà,  si  che  il  Signor  non  puù  viver  senza  di  lui...  La  intrada  ducati 
1)0,000...  Ha  schiavi  i  )00  il  forzo,  giovani  benissimo  vestiti  d'oro,  di  seta  c 
scarlatto  :  portano  al  présente  in  testa  quasi  corne  i  Mori,  non  corne  prima  por- 
tevano  Turchi,  poca  seta.  Il  Signor  li  ha  facto  una  bella  casa,  la  quai  in  parte  fu 


.40  VOYAGE 

grantTurc,  parvenu  à  si  grant  crédit  et  autorité  qu'il  comman- 
doit  absoluement  et  disposoit  de  toutes  choses^  sans  que  ledict 
grant  Turc  s'en  melast.  Et  avoit  son  père  clirestien  en  Constanti- 
nople,  homme  de  riens  et  inutile,  tavernier,  yvrongne  et  couchant 
par  les  rues  comme  les  bestes,  et  ne  fut  oncques  possible  audict 
Ibraym  de  le  retirer  et  luy  faire  vestir  ung  bon  habillement  com- 
bien qu'il  y  mist  toute  la  peine  et  diligence  à  luy  possible.  Na- 
guyeres  ledict  grant  Turc  a  faict  ung  autre  bâcha  qui  est  Ayre- 
denbey,  lequel  nous  appelons  Barberousse  '.  J'ay  entendu  que  ces 
jours  passez,  il  en  a  faict  ung  autre  nommé  Mehemet  bâcha  ■.  De 
ces  troys  ou  quatre  bachaz,  les  ungs  ont  vingt  et  quatre  mille 
ducatz  de  tymar  comme  avoit  Ibraym  bâcha  et  les  autres  seize  et 
dix  huict  mille,  sans  autres  presentz,  proufitz  et  avantaiges  qui 
montent  deux  foys  plus  que  leur  estât.  Et  y  en  a  tel  qui  a  six  mille 
hommes  ordinaires  payez  à  ses  gaiges;  et  tous  ont  saray  de 
femmes  et  d'enfans  comme  ledict  grant  Turc.  Par  cy  devant  en 
a  eu  d'autres  comme  Perybacha  '  qui  avoit  gouverné  ledict  Turc 


ruinata  da'gianizzeri,  poiè  stata  racconciata.  Eammoglu\;o,  ma  non  ha  figli;  ha 
hi  madré  cou  due  frateUi  in  seraglio;  e  la  madré  fatta  turca  li  stâ  in  una  casa 
apprcsso  :  fa  gran  ben  a'cristiani,  il  padre  ha  un  sangiaccato  per  mezzo  la 
Parga,  di  cntrata  di  ducati  2,000  all'anuo.  »  (Relation i,  tome  III,  pag:.  103.) 

1.  Khaïreddin  fut  élevé  à  la  dignité  de  pacha  en  1537  :  il  mourut  le  4  juillet 
1516. 

2.  Mehemmed  Soqolly  Pacha  fut  nommé  capitan  pacha  après  la  mort  de 
Khaïrcddiu  ]5arbcrousse.  Il  devint  grand  vizir  à  la  fm  du  régne  du  sultan 
Suleyman;  il  conserva  ses  fonctions  sous  Sélim  II  et  fut  assassiné  par  un 
Bosniaque  revêtu  d'un  costume  de  derviche  au  mois  de  ramazan  987  (no- 
vembre 1579). 

3.  Mehemmed  Piry  Pacha  était  originaire  de  la  Caramanie  et  descendait  du 
clieikh  Djemal  lîddin  Aqseraiy.  Il  fut  d'abord  employé  dans  les  bureaux  de  l.i 
trésorerie  et,  lors  de  l'expédition  contre  Chah  Ismayl,  Sultan  Sélim  lui 
confia  les  fonctions  de  contrôleur  général  de  l'armée  ;  les  avis  qu'il  donna 
dans  le  conseil  tenu  la  veille  de  la  bataille  de  Tchaldiran  contribuèrent  au  gain 
de  cette  journée.  Il  fut,  pendant  la  campagne  d'Egypte,  chargé  du  gouverne- 
ment de  Constantinople,  et  nommé  grand  vizir  le  22  septembre  15 17  après 
l'exécution  de  Younis  Pacha.  Il  alla  rejoindre  le  sultan  i\  Damas.  Il  mit  le 
siège  devant  Belgrade  pendant  la  première  campagne  de  Sultan  Suleyman  en 
Hongrie,  et  prit  part   au   siège  de   Rliodes.    Au  mois   de  juin    1^23,   il  fut 


1)1-:  MONSIHUK  D'ARAMON  24 1 

Cil  sa  jeunesse,  l-arath  bâcha  '  qui  lut  lieutenanr  de  Surie  ou  S\iie 
et  Achmet  bâcha  '  gouverneur  du  Caire  et  de  Huvpte  ,  lequel  se 
voulant  faire  souldan  fut  tué  par  les  Turcs  estant  avec  hiv.  Ces 
bachaz  entrent  en  la  chambre  dudict  grant  Turc,  délibèrent  et 
disposent  de  toutes  choses  concernant  lestât  et  gouvernement  de 
ses  affaires. 

Après  eulx  est  le  Mofty  qui  est  comnu  leur  pape,  protecteur 
Cl  declarateur  de  leur  loy  et  ne  s'entremcct  d'autre  chose. 

Deux  Cadizleskier  ■'  talismans,  docteurs  en  leurs  loix  pour  le 
faict  de  la  justice  et  sont  comme  presidens,  Tuni,^  de  Grèce  et 
l'autre  de  Asie.  Hz  suyvent  ordinairement  la  court  dudict  grant 

dcposc  cl  rcmpLicc  par  Ibr.ihim  Pacli.i.  Le  sult.in  lui  accord.i  une  pension  de 
deux  cent  mille  aspres.  Il  fut,  dit-on,  sur  les  suggestions  d'Ibrahim  Pacha, 
empoisonné  par  son  fils  Mehemmed  Elendy  qui  était  cadi  d'Adana  (i)î5). 
Il  fut  enterré  dans  la  mosquée  qu'il  avait  fait  bâtir  à  Silivr}*.  {Hiuliqat  oui 
/r//rtTj,  Constantinople,  1271  (185}).  P-^g'-'  -3-) 

1.  Ferhad  Pacha  était  originaire  de  Sebenico  en  D.ilni.uic  et  il  avait  dii  .1 
ses  talents  militaires  l'honneur  d'épouser  une  fille  de  Sultan  Sélim.  Il  devint 
beylcrbey  de  Rouniélie  et  fut  chargé,  en  i  S 19.  d'étoutTer  la  révolte  d'un  novateur 
fanatique  nommé  Djelalv  qui  avait  soulevé  une  partie  de  l'Asie-.Mincurc. 
En  I  j2o,  après  la  campagne  contre  Gha/.aly,  il  reçut  l'ordre  d'établir  un  camp  .1 
Ardjich  et  de  surveiller  les  frontières  persanes.  En  152:,  il  annexa  à  l'empire 
la  province  de  Zoulqadrièh  après  avoir  mis  à  mort  Chehsiwaroglou  Aly  bey  ; 
mais  ses  exactions  et  ses  cruautés  exaspérèrent  la  population  de  cette  province 
et  déterminèrent  sa  disgrâce.  Peu  de  temps  après,  Sultan  Suleyman  consentit, 
sur  les  instances  de  sa  mère  et  de  sa  sœur,  à  lui  confier  le  gouvernement  de 
Semendria  avec  un  revenu  de  sept  cent  mille  aspres.  mais  les  abus  de  sa  ty- 
rannie devinrent  tellement  criants  que  le  sultan  le  fit  exécuter  le  i"  no- 
vembre 1524. 

2.  Ahmed  Pacha,  bevlerbev  de  Roumélie,  prit  p.irt  .1  la  première  campagne 
de  Suleyman  en  Hongrie.  Il  dirigea  l'attaque  contre  Rhodes,  lorsqu'il  eut  rem- 
placé, comme  troisième  vizir,  Mustafa  Pacha  nommé  gouverneur  d'Egypte.  Il 
sollicita  ce  gouvernement,  lorsque  .Mustafa  Pacha,  rappelé  à  Constantinople  sur 
les  prières  de  sa  femme,  sœur  du  sultan,  eut  été  remplacé  par  Q.assini  Pacha. 
Peu  de  temps  après  son  arrivée  au  Caire,  .\hmed  Pacha  prit  le  titre  de  sultan 
et  fit  Irapper  la  monnaie  et  réciter  la  khoutbèh  à  son  nom.  Trahi  par  les 
siens,  et  obligé  de  s'enfuir,  il  fut  livré  par  un  cheikh  arabe  auprès  duquel  il 
s'était  réfugié.  Sa  tète  fut  envoyée  i  Constantinople  et  Qassim  Pacha  fut 
une  seconde  fois  investi  du  gouvernement  de  l'Egypte,  (///i/c'/'/v  </t'i  >^ûuiaueins 
d'Egypte,  page  4.) 

3.  Cazi  Asker  ou  Cazi  Lechker. 

16 


242  VOYAGE 

Turc  et,  par  honneur,  précèdent  les  Visirbachaz,  combien  qu'ilz 
n  ayent  point  tant  d'autorité.  Hz  commettent  et  destituent,  si  bon 
leur  semble  et  le  cas  le  requiert,  les  cadiz  qui  sont  les  juges  des 
provinces.  Et  ont  chascun  desdictz  Cadizleskier,  sept  mille  ducatz 
de  tymar  par  an,  deux  ou  trois  cens  serviteurs  et  dix  escripvains 
payez  par  ledict  grant  Turc. 

Puis  y  a  ung  Nassangibassi ',  comme  chancelier  qui  signe  les 
lettres  de  la  marque  et  cachet  du  grant  Turc,  lequel  office  est  sem- 
blablement  de  grande  autorité  et  réputation.  Son  lieu  et  place  est 
après  les  Beglierbey  ;  il  a  huict  mille  ducatz  de  tymar  par  an, 
autant  de  gaiges,  et  plus  de  prouffit,  et  va  accompaigné  de  grant 
nombre  de  chevaulx  et  serviteurs. 

Ung  Baratemin  ^  qui  baille  et  distribue  lesdictes  lettres  et  com- 
mandemens,  a  quarante  aspres  chascun  jour,  et  a  soubz  luy  dix 
escripvains  et  deux  protogeroz . 

Mais  avant  que  passer  oultre  et  sortir  de  ceste  court,  pour  ce 
que  j'ay  cy  dessus  parlé  des  jannissaires  et  dict  que  c'est  la  prin- 
cipalle  force  du  Turc,  je  vous  veulx  dire  quelles  gens  ce  sont  et 
d'où  ilz  viennent. 

En  Constantinople,  y  a  un  aga  ou  capitaine  des  jannissaires  ou 
Azamoglan  qui  sont  les  enflmtz  du  tribut.  Et  veulent  dire  aucuns 
que  Azamoglan  signifie  innocens,  simples,  aprentiz  et  enfants  qui 
ne  sçavent  cncores  riens,  ou  pour  ce  qu'ilz  en  prennent  en  Assyrie 
qu'ilz  appellent  Azamie  ;  aucuns  autres  qu'il  faut  dire  Chamo- 
glan,  c'est  à  dire  les  enfans  du  prince  ou  du  seigneur  et  peuvent 
estre  au  nombre  de  cinq  à  six  mil.  Leur  aga  a  soixante  aspres  de 
gaiges  par  jour.  Et  fault  entendre  que  de  quatre  ans  en  quatre  ans, 
le  grant  Turc  envoyé  es  pays  de  Grèce  et  de  Anatolie  qui  est  Asie 
Mineure  appcUce  des  Grecz  Anatoli  qui  est  en  nostre  langue  Orient, 
prendre  les  cnfms  masles  des  chrcstiens  qui  sont  subjectz  à  ce 


1.  Nichandjy  bacliy. 

2.  Bcrat  Hminy. 


DU  MONSIEUR  DAKAMON  24? 

devoir  oli  aiiL;.uic',  c.ir  tous  ne  le  sont  pas.  Mais,  bien  souvent, 
aftîn  d'en  avoir  et  recouvrer  plus  largement,  il  charge  lesdicts 
chrestiens  de  si  i;rans  et  importables  subsides  appelez  Telus-,  que 
les  autres  non  subjectz  à  ce  tribut  d'enfans  pour  non  pouvoir 
paver  lesdict/  subsides,  sont  contralnctz  de  luv  bailler  de  leurs 
enfans,  tellement  que  quelquefovs,  il  leur  en  levé  bien  dix  nulle  et 
plus,  desquel/,  il  taict  choisir  les  plus  beaulx,  pour  mettre  en  son 
sarav.  Le  demeurant,  il  taict  distribuer  vers  Bursie  et  C^aïamanie 
et  bailler  aux  laboureurs  et  bergiers,  oii  Von  les  laict  labourer  la 
terre  et  garder  les  bestes,  ou  faire  autres  services  champestres  pour 
es  accoustumer  et  endurcir  à  la  peine  et  appiendre  la  langue  tur- 
quesque.  Après,  et  au  bout  de  quatre  ans  qu'il  en  envoyé  lever 
d'autres,  ceulx  cy  sont  mande/  venir  en  Constantinople  et  baille/, 
à  l'aga  des  Azamoglans  où  ilz  sont  nourri/  et  vestu/  deux  iovs 
l'an,  enseignez  et  instruict/  en  divers  mestiers,  puis  disperse/  aux 
jannissaires  pour  les  servir,  ap:ès  deviennent  jannissaires  et  de 
jannissaires,  Solachler,  Silichtarler  et  en  d'autres  offices.  Et  tant 
qu'il/  demeurent  èsdictz  pays  de  Bursie  et  de  Caramanie,  il/  ne 
dépendent  riens  audict  grant  Turc  pour  ce  que  ceulx  à  qui  il/ 
servent  les  vestent  et  nourrissent. 

J'ay  dict  cy  dessus  que  au  saray  auquel  se  tient  Icdict  grant 
Turc  y  a  environ  cinq  cens  jeunes  enfans.  11  y  a  ung  autre  saray 
où  sont  ses  femmes  appellêes  sultanes,  c'est  à  dire  roynes,  et  sont 
séparées  les  unes  des  autres  avec  leurs  enfans;  en  leur  garde  et 
service,  y  a  grant  nombre  de  monoucques  et  environ  troys  cens 
jeunes  tilles  gouvernées  par  vieilles  qui  les  apprennent  à  couldre 
et  ouvrer  de  l'aiguille.  Lesdictes  tilles  ont  de  douze  :\  quin/e  aspres 
par  jour  chascune,  et  sont  vestues  et  habillées  de  neut  deux  foys 
l'an,  à  leurs  deux  Pasqucs  qu'ilz  appellent  Bayram  comme  j'ay  dict, 
toutes  de  drap  de  soye.  Et  s'il  advient  qu'aulcune  d'icelle  plaise 


1.  Le  mot  aii<;(iriil.'  signifie  en  turc  :  corvte,  avanie. 

2.  C'est  le  mot  té/o;  qui  signifie  impôt. 


2_u  VOYAGE 

audict  grant  Turc,  il  s'en  sert  comme  de  sa  femme  et  luy  donne 
pour  une  foys  dix  mille  aspres,  la  faict  séparer  des  autres  et  luy 
augmente  ses  gaiges  et  estât.  Quant  ces  jeunes  filles  sont  perve- 
nues  à  l'aage  de  vingt  cinq  ans  et  il  ne  plaise  audict  Turc  les  rete- 
nir pour  son  service,  il  les  marie  à  Spachoglan  et  autres  de  ses 
serviteurs  et  esclaux  selon  leurs  qualités  et  conditions  et,  en  leurs 
lieux  et  places,  en  fait  mettre  d'autres  audict  saray  auquel  y  a 
aga,  capigiz  et  tous  officiers  comme  en  ccluy  où  il  faict  sa  rési- 
dence et  demeure. 

Auprès  de  la  ville  de  Pera  qui  est  près  de  Constantinople,  et 
n'}^  a  que  le  port  entre  deux,  aussi  vault  autant  à  dire  rJ.^x,  comme 
au  delà,  y  a  ung  autre  saray  auquel  y  a  quatre  cens  jeunes  enfans 
avec  tous  officiers  comme  aux  precedens. 

A  Andrinopoli  ou  Adrianopoli  en  y  a  deux,  l'ancien  et  le  nou- 
veau. En  l'ancien  sont  nourriz  troys  cens  enfans;  au  nouveau  qui 
est  sur  la  rivière  Marissa  anciennement  dicte  Hebrus  y  a  troys 
cens  jannisserotz,  et  tous  officiers  ainsi  que  aux  autres.  De  ces 
deux  sarays  et  de  celuy  de  Pera,  on  en  prend  pour  les  mettre  au 
grant  saray  ainsi  qu'il  en  fault,  et  que  l'on  mect  hors  les  grans. 
Du  costé  dudict  Pera  sur  la  marine,  y  a  un  tersenal  ou  arsenal 
qui  est  le  lieu  où  l'on  faict  et  tient  les  galleres  et  navires,  auquel 
besongnent  ordinairement  deux  cens  maistres  qui  ont  chascun 
dix  aspres  par  jour^  et  cinquante  protoz  ou  superintendans  qui 
ont,  quant  ilz  besongnent,  chascun  douze  aspres,  et  quant  ilz 
séjournent,  n'en  ont  que  six  ;  un  escripvain  qui  en  a  dix  autres 
escripvains  soubz  luy,  ledict  escripvain  a  vingt  cinq  aspres  par 
jour,  les  autres  dix.  Et  pour  le  service  dudict  tersenal  est  un 
grant  nombre  de  manouvriers  qui  ont  chascun  quatre  aspres  par 
jour.  Hz  ont  tant  de  boys  pour  faire  les  navires  qu'ilz  veullent  et 
de  bon;  mais  ilz  ne  lessçavent  faire,  principallement  galleres,  car 
ilz  ne  les  font  point  si  bonnes,  ne  si  legieres  que  les  chrestiens,  et 
les  font  lourdes,  pesantes  et  mal  régentes,  combien  qu'ilz  ont 
quclzqucs  maistres  chrestiens  ausquelz  ilz  donnent  tant  de  gaiges 


on  MON'SII-UR  IVAUAMON  2.\\ 

qu'il/,  en  vcuUcnt.    Sur   IcJict  torscii.il   et  sur  tou>^  les  officiers 
d'icelluy,  v  a  ung  capitaine  gênerai  appelle  beglierbey  de  la  nier, 
qui  a  aussi  charge  de  l'armée  de  nier  quant  elle  sort.  l:t  souloit 
tousjours  cstre  le  capitaine  de  Gallipoli  quelqu'il  tust;  niais,  puis 
aucun  temps  en  ça,  ledict  grant  Turc  y  a  commis  Barberousse  qui 
a  de  tvmar  pour  cest  office  quatorze   mille  ducatz  cliascun  an. 
assignez  sur  les  isles  de  Methelin,  Rhodes  et  Negrepont,  dont  il 
en  tire  et  exige  troys  fois  autant.  Avant  que  iceluy  Barberousse 
print  ceste  charge,  les  Turcs  ne  savoient  riens  ou  bien  jk-u  de 
l'art  de  la  nier,  excepté  quelques  coursaires.  lit  eiicores  aujour- 
d'huy,  quant  ilz  veuUent  dresser  une  armée  de  mer,  ilz  vont  par 
les  montaignes  de  Grèce  et  Natolie,  prendre  les  bergiers  qu'il/ 
appellent  Covnaricz  ',   c'est  à  dire  moutonniers  et  les  mectent 
à    voguer   es    galleres   et    servir    es    autres    vaisseaulx,    à  quoy 
faire  il/  sont  si  mal  propices  qu'il/   ne   sçauroient  non  pas  vo- 
guer et  servir,  mais  eulx  soubstenir  debout,   qui  est  cause   que 
lesdictz  Turcs   n'ont  jamais  faict   acte  notable,    iiy   bon    eliect 
en  la  mer.   Toutesfoys,    ledict  Barberousse   les   a   quelque    peu 
dressez. 

Je  me  suis  beaucoup  arresté  à  parler  de  Constantinople  et  de 
la  court  du  grant  Turc  et  si  n'ay  point  tout  dict  :  aussi  ne  le  sçay 
je  pas,  avec  ce  qu'il  fauldroit  ung  meilleur  cerveau  que  le  myen 
pour  s'enqucrir  d'ung  si  grant  estât.  Cy  après  diray  comme  le 
grant  Turc  gouverne  ses  pays  et  l'ordre  qu'il  donne  à  sa  gendar- 
merie, tant  que  j'en  av  peu  entendre  et  sçavoir. 

En  chascune  province  y  a  ung  gouverneur  qu'il/  appellent 
Beglerbey,  c'est  en  nostre  langue  seigneur  des  seigneurs. 

Le  premier  est  le  beglerbey  de  Grèce  soubz  laquelle  sont  com- 
pris tous  les  pays  que  ledict  Turc  tient  en  Europe,  et  est  le  plus 
Jurant  de  tous  les  autres.  Il  a  seize  mille  ducat/  de  tvmar  chascun 


I.  Qouiotin    signifie  en    turc,    mouton.  Qouioumri  est  l.i  lorme  grecque 
pour  dire  gardeur  de  moutons,  en  turc,  on  dit  Qouiouihljy. 


245  VOYAGE 

an,  mais  il  en  exige  trois  fois  plus.  Soubz  luy  est  ung  Defterdar 
c'est  à  dire  trésorier,  qui  a  trois  mille  ducatz  de  gaiges  et  luy  sont 
subjcctz  cent  escripvains  qui  tiennent  les  comptes  et  registres  du 
tymar  et  des  tymariotz.  Soubz  la  charge  dudict  beglerbey,  sont 
trente  sangiagler  ou  sangiacz,  capitaines  de  la  gendarmerie  qui 
est  divisée  par  enseignes  et  banyeres_,  lesquelles,  en  leur  langue, 
s'appellent  sangiac.  Lesquelz  sangiacz  ont  huict ,  dix  et  douze 
mille  ducat/:  de  tymar  par  an  et  sont  logez  es  principalles  villes 
des  provinces,  pour  les  tenir  en  paix  et  obéissance.  Soubz  eulx  y 
a  quatre  cens  sobassiz  '  ou  plus  qui  sont  comme  lieutenans_,  logez 
par  les  petites  villes  pour  le  mesme  effect  et  ont  chascun  mille 
ducatz  par  an,  avec  plusieurs  Flamboler,  qui  aussi  signifie  en- 
seigne, chefz  et  capitaines  de  deux,  troys,  quatre  et  cinq  cens 
chevaulx  qui  sont  envoyez  par  les  beglerbey  ou  sangiacz  es  lieux, 
ainsi  que  le  cas  le  requiert  et  pour  promptement  pourveoir  aux 
affaires  qui  surviennent.  Soubz  lesquelz  sangiacs  y  a  trente  mille 
spachi  qui  servent  avec  troys  ou  quatre  chevaulx  chascun^  et  ont 
deux  cens  ducatz  par  an  et  sont  tous  azamoglan  et  esclaux  dudict 
grant  Turc. 

Plus,  audict  pays  de  Grèce  y  a  vingt  mille  tymariotz,  gens  de 
cheval  qui  n'ont  que  quarante  ducatz  par  an,  subjectz  aux  dictz 
sangiacz. 

Oultre  cculx  cy  y  sont  soixante  mille  Akengy  '  comme  aventu- 
riers, lesquelz  par  aucuns  Latins  sont  dictz  Aconizii  qu'ilz  inter- 
prètent finales;  allans  à  cheval  sans  aucun  gaige  ni  payement, 
seullement  sont  Irancz  et  exemptz  de  tous  subsides.  Et  sont  tenues 
les  villes  de  les  nourrir  en  passant  chemin  et  allant  au  service  du 
prince. 

En  pays  d'Asie  y  a  six  beglerbey,  le  premier  est  le  beglerbey 
de  la  Natolie  qui  a  charge  des  pavs  de  Pontus,  Bithynia,  Lydia, 


I.  Soubacliy 
2    Aqiiuljy. 


nn  MON'sinrR  d'aramox  247 

Phryg'ui.  Nîeonc.i  et  Caria  comprins  soiilv  cette  appellation  de 
Natolie.  Ht  a  quatorze  mille  ducat/,  de  t\mar.  Soubz  luv,  douze 
sangiac/  qui  en  ont  de  quatre  à  six  mille  par  an,  avec  sobassiz  et 
ilamboler  et  douze  mille  spachiz.  Le  second  est  le  beglerbev  de 
Caranianie  qui  est  Cilicia,  I.icia.  I.vcaonia  cl  Pam]ihvlia^  lequel 
a  de  t\inar  dix  mille  ducatz,  soubz  lu\-  sejn  sangiacz  et  sept  mille 
spachiz  aux  gaiges  que  les  precedens. 

Le  tiers  est  le  beglerbev  de  Amasie  et  Toccat,  qui  est  C.apjia- 
docia,  Galatia  et  Paphlagonia;  il  a  luiict  mille  ducatz  de  tvmar^ 
quatre  sangiacz  et  quatre  mille  spachiz  :  a  tels  gnigcs  que  les  des- 
susdictz  et  soubz  cestuy  est  la  ville  de  Trebizonde. 

Le  quart  est  le  bcglerbey  de  Anadule  que  aucuns  dient  Aladule'  ; 
ce  sont  les  montaignes  d'Arménie  appellées  anciennement  mons 
Taurus  et  maintenant  Cocaz  d'une  partie  d'icelles  dicte  Cauca- 
sus.  Ce  beglerbc)-  a  de  t\mar  dix  mille  ducatz.  soubz  lu\-  sept 
sangiacz  et  sept  mille  spachiz.  Plus  sont  ordonnez  audict  pavs 
trente  mille  hommes  de  cheval  servans  sans  gaiges,  francz  de 
subsides,  comme  les  akengiz  de  Grèce. 

Le  cinquiesme  est  le  beglerbe\"  de  Mésopotamie  que  les  Turcz 
appellent  Dierbech"  dont  la  ville  capitale  est  Ldessa,  dicte  en  la 
saincte  Escripture  Ragez  et  des  François  Rohaiz.  ]:n  ce  gouverne- 
ment est  compris  partie  delà  grant  Arménie,  car  le  reste  est  pos- 
sédé par  le  Sophv  et  par  les  Cordins  '  et  Bedu\ns  qui  st)nt  peuples 
de  montaignes,  par  aucuns  appelez  Turquimans  et  des  anciens 
Medi,  tenuz  pour  gens  de  guerre  et  belliqueux,  coniinans  à  Bagadet 
ou  Baldac,  ville  de  Assyrie  appellée  par  les  François  Baudras,  la- 
quelle aucuns  pensent  estre  Babilon,  et  les  autres  Xinive.  capitale 
de  Assyrie.  Ce  beglerbey  ainsi  que  Ton  dict  a  trente  mille  ducatz 
de  tymar^  douze  sangiacz  et  vingt  cinq  mille  spachiz  qui  ont  plus 

1.  La  province  gouvernée  nutrefois  par  .\l.i  ndJ.iuIéh  de  la  dvnastic  des 
Zoulqadrièh. 

2.  Diarbckir. 
5.  Les  Curdes. 


248  VOYAGE 

de  gaiges  et  estât,  pour  ce  qu'ilz  sont  sur  les  frontières  dudict 
Sophi. 

Le  sixiesme  est  le  beglerbey  de  Damas,  Surie  et  Judée  qui  a 
vingt  quatre  mille  ducatz  de  tymar,  douze  sangiacz  et  vingt  mille 
spachiz  payez  comme  dessus. 

Le  beglerbey  du  Caire  ou  de  Egypte  a  de  tymar  trente  mille 
ducatz,  seize  sangiacz  et  vingt  mille  spachiz.  Lesdictz  sangiacz 
ont  huict  mille  ducatz  par  an  chascun  et  les  spachiz  deux  cens. 
Ce  gouvernement  s'estend  jusques  à  la  mer  Rouge  et  jusques  à  la 
Mèche  ou  Mecque  où  est  le  corps  de  Mehemet;  contient  l'Arabie 
déserte  et  partie  de  la  Fertile  dicte  Arabia  felix,  combien  qu'il  ne 
soyt  pas  tout  entièrement  obey.  Car  il  y  a  plusieurs  seigneurs 
desquelz  aucuns  tiennent  le  party  du  Sophy,  les  autres  du  Turc, 
et  y  en  a  qui  ne  cognoissent  l'un  ny  l'autre  :  d'autre  costé,  con- 
fine au  pays  de  Assyrie  que  l'ondict  à  présent  Azamye  et  est  do- 
minée par  le  Sophy  et  s'estend  le  long  de  la  Mésopotamie  jusques 
aux  Liverous  anciennement  dictz  Hiberni  '. 

En  ces  spachiz  est  fondée  la  seconde  force  du  grant  Turc  qui 
seroit  grande  s'ilz  estoient  tous  bons.  Et  quant  aux  gens  de  pied, 
hors  les  jannissaires  il  n'en  a  point,  au  moins  qui  vaillent,  car  ilz 
ne  sçavent  tenir  ordre  et  leur  est  impossible  de  jamais  l'aprendre, 
car  ce  n'est  pas  leur  naturel. 

I.  Les  Géorgiens  appelés  anciennement  Ibères. 


DI-:  MONSIIX'R  D'AKAMON  2.\^} 

XII 

Di'scriplkm  de  la  ville  d'Alcp  (15  56). 

A  six   ou   huit   milles  d"Alcp,   on   rencontre  les  vestiges 

d'une  cité  ruinée  appelée  le  vieil  Alep  par  les  gens  du  pays.  Selon 
leur  dire,  cette  ville  tut  détruite,  il  y  a  déjà  un  giand  nombre  d'an- 
nées, par  les  Tartares  qui,  venus  de  la  Scvthie,  dévastèrent  toutes 
ces  contrées.  Ceux  des  habitants,  qui  avaient  pu  sauver  leur  vie 
par  la  fuite,  revinrent  dans  leur  paws  natal  et  commencèrent  à 
bâtir  la  ville  actuelle  d'Alep.  D'après  mon  opinion,  ceux  qui  la 
fondèrent  choisirent  l'emplacement  actuel  parce  qu'il  présentait 
plus  d'éléments  de  résistance  que  celui  de  l'ancienne  ville.  On  voit, 
en  efl'et,  au  milieu  d'Alep,  un  monticule  ayant  une  fois  et  demie 
lélévation  des  plus  hautes  tours  des  mosquées,  du  sommet  des- 
quelles les  imams  crient  leurs  appels  à  la  prière,  et  ces  tours  ont  une 
très  grande  hauteur.  Ce  monticule  est  entouré  d'un  fossé  d'une  lar- 
geur de  quinze  pas  ;  il  est  fait  de  main  d'homme  et  taillé  au  ciseau. 
Le  monticule  et  le  terrain  environnant  dans  lequel  le  tossé  est 
creusé  paraissent  être  composés  d'une  pierre  légère  aussi  facile 
à  entamer  que  le  tuf.  Le  sommet  de  cette  éminence  sur  laquelle 
s'élève  maintenant  le  château,  servit,  je  crois,  dans  l'origine,  de 
lieu  d'habitation  à  ceux  qui  fondèrent  la  ville  :  il  fut  suffisant, 
pendant  quelque  temps,  mais  les  avantages  de  la  situation  avant 
attiré  un  grand  nombre  de  gens,  ceux-ci  ne  purent  s'établir  dans 
l'enceinte  du  château  et  commencèrent  à  construire  des  habitations 
à  l'entour.  Le  nombre  de  ces  habitations  s'étant  considérable- 
ment augmenté,  on  dut,  ahn  d'assurer  la  sécurité  publique,  les 
entourer  d'un  mur  et  en  faire  la  cité  fermée  telle  que  nous  la 
connaissons  maintenant.  Dans  l'origine,  les  cours  d'eau  que  l'on 


2)0  VOYAGE 

voit  de  nos  jours  n'existaient  point;  pour  subvenir  aux  besoins 
de  la  population,  il  fallut  creuser  les  puits  dont  toute  la  ville  est 
remplie.  Le  nombre  croissant  des  habitants  a  déterminé  à  amener 
les  ruisseaux  que  l'on  voit  à  l'heure  présente,  à  l'intérieur  et  à 
l'extérieur  d'Alep.  Ils  viennent  du  côté  du  nord  et  coulent  dans  la 
direction  du  sud.  Ils  sont  dérivés  d'une  petite  rivière  à  laquelle 
on  a  creusé  un  lit  dans  le  sol  et  qui,  coulant  en  dehors  d'Alep, 
est  amenée  dans  la  ville  par  un  canal  souterrain  ;  elle  ali- 
mente, au  moyen  de  conduits,  les  nombreuses  fontaines  publiques 
et  privées.  Ce  cours  d'eau  est  fourni  par  une  rivière  qui  prend  sa 
source  dans  des  colhnes  situées  à  trois  ou  quatre  journées  au  nord 
de  la  ville;  un  bras  de  cette  rivière  court  vers  rest_,  dans  la  direc- 
tion de  l'Euphrate.  C'est  peut-être  le  fleuve  Singas^  mais,  dans  ce 
cas,  Ptolémée  a  commis  une  erreur,  car  le  Singas  ne  prend  pas  sa 
source  dans  le  mont  Pietra,  qui  est  près  d'Alexandrette. 

Alep  a,  comme  je  l'ai  dit,  une  enceinte  formée  d'une  haute  mu- 
raille flanquée  de  distance  en  distance  de  grosses  tours  se  comman- 
dant Tune  l'autre  et  qui,  en  cas  d'attaque  à  l'arme  blanche^  pour- 
raient opposer  une  résistance  honorable.  La  muraille  entoure  trois 
plis  de  terrain,  sans  compter  l'éminence  au  sommet  de  laquelle  est 
bâti  le  château.  Elle  est  percée  de  onze  portes  ouvertes  sur  les 
fmbourgs  et  sur  diverses  routes.  Les  faubourgs  sont  considé- 
rables_,  et  l'un  d'eux  égale  en  étendue  le  tiers  de  la  ville.  Le  château 
s'élève,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  au  milieu  de  la  cité.  Il  a  un  demi- 
mille  ou  un  peu  plus  de  circuit,  et  il  est  entouré  par  une  muraille 
en  pierres  de  taille,  flanquée  de  tours  plus  ou  moins  grosses, 
selon  l'idée  de  ceux  qui  les  ont  construites.  On  y  entre  en  fran- 
chissant la  porte  d'une  petite  tour  s'élevant  sur  le  bord  extérieur 
du  fossé,  puis  on  passe  sur  un  pont  dont  il  faut  gravir  la  pente  et 
qui  est  soutenu  par  six  arches  hautes,  mais  peu  larges.  Près  de  la 
porte  est  une  grosse  tour  détachée  de  l'enceinte  et  dont  les  murs 
descendent  presque  jusqu'au  fond  du  tossé.  De  l'autre  côté  du  châ- 
teau et  en  face  de  cette  tour,  s'en  élève  une  seconde  semblable, 


DK  MONSIEUR  D'ARAMON  2-^, 

dansinquellc  on  pcnctrc  par  un  chemin  couvert.  Toutes  ces  grosses 
tours  sont,  ainsi  que  les  murailles,  complètement  L;arnies  d'artille- 
rie et  un  aga,  commandant  deux  cents  janissaires,  est  chargé  de 
la  garde  de  la  place  et  fait  l'office  de  châtelain.  On  peut,  en  outre, 
évaluer  .'i  deux  mille  le  nombre  des  personnes  habitant  lech.'iteau. 

La  population  de  la  ville  et  des  faubourgs  s'élève  à  un  chillVe 
considérable.  Je  ne  puis,  'i  ce  sujet,  donner  d'autre  indication 
que  celle-ci  :  en  l'année  i))),  dans  l'espace  de  trois  mois,  il 
mourut  de  la  peste,  dans  la  ville  et  dans  les  faubourgs,  plus  de  cent 
vingt  mille  personnes,  et  l\  la  cessation  du  lléau.  on  ne  s'aperçut 
point  d'une  grande  diminution  dans  la  population.  Il  ne  faut  pas 
s'imaginer,  bien  que  je  fusse  présent,  que  j'avance  ce  fait  d'après 
ma  propre  estimation  ou  d'après  celle  d'autres  personnes.  Je  l'af- 
lirme  de  science  certaine,  parce  que  le  cadi  et  le  be3lerbey,  vou- 
lant connaître  le  nombre  exact  des  morts  enterrés  chaque  jour, 
avaient,  à  cet  effet,  placé  aux  portes  de  la  ville  et  des  faubourgs, 
des  gens  pour  tenir  une  note  exacte  de  tout  ce  qu'ils  vovaient. 
C'est  pour  cela  que  mon  allégation  est  véridique.  On  peut,  en 
s'appuyant  sur  ce  fait,  affirmer  que  la  population  est  très  consi- 
dérable. 

La  ville  n'est  point  embellie  par  des  édifices  publics,  si  ce  n'est  par 
des  mosquées  dont  quelques-unes  sont  fort  belles  avec  leurs  tours 
aussi  hautes  que  nos  campaniles.  Les  habitations  sont  construites 
en  pierres  et  surmontées  de  fort  belles  coupoles  également  en 
pierres;  elles  sont,  ù  l'intérieur,  ornées  de  dorures  et  d'incrusta- 
tions de  pierres  dures.  Le  sol  est  recouvert  de  cailloux  de  diverses 
couljurs,  habilement  disposés  et  formant  des  entrelacs  et  des  ara- 
besques. Le  mobilier  des  gens  de  distinction  est  extrêmement 
riche,  et  chacun,  selon  son  état  et  ses  moyens,  s'applique  à 
garnir  sa  maison  de  beaux  meubles. 

Seuls,  les  Turcs  au  service  du  grand  Seigneur  sont  modestement 
installés,  parce  qu'il  leur  faut  être  toujours  prêts  à  se  rendre  au 
lieu  où  leur  seigneur  leur  commande  d'aller.  Celui-ci  leur  ct)nlic 


252  VOYAGE 

inopinément  un  autre  emploi  et  lorsqu'il  se  décide  à  déplacer  quel- 
qu'un, il  le  fait  sans  aucun  égard.  Les  Turcs  ignorant  s'ils  devront 
séjourner  dans  un  endroit  ou  dans  un  autre,  s'abstiennent  de  tenir 
leurs  habitations  en  bon  état  et  ne  se  préoccupent  en  aucune  façon 
de  bien  meubler  leurs  appartements.  Aussi  le  plus  grand  nombre 
des  maisons  occupées  par  eux  tombent-elles  en  ruines;  ils  se 
bornent  à  posséder  des  esclaves,  des  chevaux  avec  leurs  harnais, 
des  vêtements  et  de  l'argent  comptant. 

Il  y  a,  dans  la  ville  d'Alep,  de  nombreux  fondachi  appelés 
khans  dans  le  dialecte  du  pays.  Ils  sont  destinés  à  loger  les  étran- 
gers qui  affluent  dans  la  ville,  attirés  par  l'importance  des  tran- 
sactions commerciales.  Ces  khans  sont  voûtés  et  construits  en 
pierres  vives.  A  l'intérieur,  des  galeries  régnent  tout  autour  aussi 
bien  au  rez-de-chaussée  que  plus  haut,  car  ils  ont  deux  étages. 
Au  miheu,  s'étend  une  cour  et  toutes  les  chambres  sont  meu- 
blées avec  un  certain  soin. 

Le  lieu  où  se  vendent  les  marchandises  est  couvert,  et  la  nuit 
venue^  on  le  ferme;  on  l'appelle  dans  la  langue  du  pays  bazar,  et 
ce  mot  a  la  signification  de  marché. 

Les  rues  bordées  des  deux  côtés  par  les  boutiques  où  se  vendent 
les  comestibles,  sont  également  couvertes  ;  on  y  trouve  tout  ce 
qui  est  nécessaire  à  la  vie  et  dans  l'origine,  ces  boutiques  ont  été 
établies  pour  la  commodité  des  étrangers,  car  il  n'y  a  point  d'au- 
berges où  ils  puissent  aller.  Chacun  des  habitants  fait  cuire  ses 
aliments  chez  lui,  à  l'exception  du  pain  qui  est  acheté  au  dehors. 
Les  vivres  sont  extrêmement  abondants  ;  rien  ne  fait  défiut  et 
une  preuve  de  la  facilité  de  la  vie  est  que  l'année  pendant  laquelle 
l'armée  prit  ses  quartiers  dans  cette  ville,  la  présence  d'un  si  grand 
nombre  de  gens  ne  fit  point  hausser  le  prix  de  toutes  choses  au- 
dessus  de  leur  valeur  ordinaire. 

On  récolte  en  ce  pays  une  grande  quantité  de  blé  de  bonne 
qualité  :  on  en  fait  un  pain  ressemblant  à  celui  que  l'on  mange 
dans  le  Padouan.  Le  vin  est  sain  et  d'un  goût  parfait,  mais  il  est 


DE  MONSIEUR  l)' AU  A. MON  2SJ 

un  peu  cher.  La  ville  est  entourée  de  très  grands  et  très  beaux 
jardins  et  vignobles  que  l'on  arrose  pendant  Tété,  car  il  ne  pleut 
jamais  en  cette  saison.  Ces  jardins,  situés  sur  les  bords  de  la  rivière, 
sont  lacilement  arrosés  au  nioven  de  certaines  roues  que  font 
tourner  des  animaux  domestiques.  Ceux  qui  sont  éloignés  des 
rives  reçoivent  leau  lournie  par  des  puics  creusés  de  main 
d'honmie,  au  moyen  de  machines  mises  aussi  en  mouvement  par 
des  aninîaux. 

Le  pays  produit  en  grande  abondance  des  ligues,  des  pèches, 
des  poires  et  des  primes,  parmi  lesquelles  il  s'en  trouve  de  si  ex- 
cellentes, que  je  n'en  ai  jamais  goûté  de  pareilles  en  Italie.  lien  est 
de  même  pour  les  pistaches,  les  melons  et  les  concombres;  ils 
sont  les  meilleurs  du  monde  et  on  en  exporte  partout  une  énorme 
quantité.  Le  raisin  est  admirable.  Les  fruits  sont  très  chers,  eu 
égard  au  prix  des  autres  denrées,  car  tous  les  gens  de  ce  pa\-s  en 
iont  une  très  grande  consommation. 

L'air  est  vif  et  aussi  salubre  qu'il  est  possible  de  le  désirer. 
Pendant  l'hiver^  le  froid  se  tait  sentir,  mais  il  est  peu  rigoureux  ; 
du  reste,  cette  saison  est  de  courte  durée,  et  la  pluie  tombe  connu.- 
il  le  faut.  Pendant  l'été,  la  chaleur  est  forte,  mais  elle  est  tem- 
pérée par  le  souttle  délicieux  des  brises  de  l'ouest  et  du  nord- 
ouest  :  il  ne  pleut  jamais  dans  cette  saison.  Tout  le  monde, 
petits  et  grands,  jeunes  et  vieux,  dort  à  l'air  depuis  le  commen- 
cement du  mois  de  juin;  on  répare  pendant  la  nuit  l'affaiblisse- 
ment causé  par  la  chaleur  du  jour.  La  rosée  qui  tombe  est  sans 
inconvénient  et  ne  f:iit  aucun  mal,  mais  il  faut  avoir  la  tète  tou- 
jours couverte,  l'été  ."i  cause  du  soleil  et  de  l'air  de  la  nuit, 
1  hiver  à  cause  du  troid;  autrement,  on  est  exposé  à  avoir  des 
douleurs  et  surtout  des  ophtalmies. 

Les  transactions  commerciales  ont,  dans  cette  ville,  une  extrême 
importance;  elles  sont  merveilleuses,  et  qui  ncn  a  été  témoin  ne 
saurait  s'en  faire  une  idée.  Ces  transactions  sont  déterminées  par 
la  situation  de  la  ville  d'Alep,  situation  lavorable  pour  ce  qui  vient 


2  54  VOYAGE 

du  Levant,  de  l'Occident,  du  Nord  et  du  Sud  :  de  tous  ces  points 
il  arrive  des  gens  qui  entrent  dans  la  ville  ou  en  sortent  après  y 
avoir  séjourné  quelque  temps. 

Notre  nation  vénitienne  importe  chaque  année  des  marchan- 
dises du  Ponent  pour  une  valeur  d'au  moins  trois  cent  cinquante 
mille  ducats,  et  l'exportation  des  marchandises  du  Levant  atteint 
le  même  chiffre.  Les  importations  de  la  nation  française  montent  a 
quatre-vingts  ou  cent  mille  ducats  et  ses  exportations  représentent  la 
même  somme.  Les  négociants  de  l'Egypte  et  du  Caire  introduisent, 
tous  les  ans,  dans  ce  pays  pour  deux  cent  mille  ducats  de  mar- 
chandises et  ils  en  emportent  pour  autant,  par  la  voie  de  la  côte. 
Chaque  année,  on  exporte  d'Alep  pour  cent  mille  ducats  de  soie- 
ries fabriquées  dans  la  ville  et  pour  cinq  cent  mille  ducats  d'autres 
produits.  On  apportait  autrefois  de  Bagdad  des  marchandises 
pour  la  même  somme^  mais  aujourd'hui,  le  trafic  avec  cette 
ville  est  ruiné  et  on  n'expédie  plus  de  Bagdad  que  pour  quatre- 
vingts  ou  cent  mille  ducats. 

Si  les  relations  reprenaient  leur  ancien  cours,  Alep  en  tirerait 
grand  profit,  car  le  commerce  avec  Bagdad  consiste  en  produits  de 
rinde  et  en  épices  qui  constituent  une  des  bases  principales  de  notre 
trafic.  J'entends  dire,  en  outre,  que  les  provinces  soumises 
au  pouvoir  du  Sophi  expédient  annuellement  pour  trois  cent 
cinquante  mille  ducats  de  soie  et  pour  quarante  mille  ducats  de 
drogues,  de  musc  et  de  rhubarbe,  et  tout  cela  se  négocie  à  Alep. 
La  Turquie  fournit  des  marchandises  pour  une  valeur  de  soixante 
à  soixante-dix  mille  ducats. 

On  fabrique  annuellement  à  Alep  et  dans  les  environs,  pour 
deux  cent  mille  ducats  de  savon.  Ce  produit  est  vendu  en  tota- 
lité à  des  étrangers  qui  le  transportent  dans  les  deux  Arménies  et 
en  Perse.  C'est  une  grande  commodité  pour  les  pays  qui  le 
consomment.  Les  laines  d'Alep  et  de  la  province  sont  si  bonnes 
que  l'on  en  vend,  tous  les  ans,  pour  deux  cent  cinquante  mille 
ducats. 


i)i:  monsii;lk  d  aramon'  2^<, 

L'industrie  de  Li  soie  est  florissante,  et  ses  produits  sont  de 
toute  beauté.  On  fabrique  en  grande  quantité  des  velours  rouges, 
de  beaux  draps  d'or,  des  draps  de  soie  travaillés  en  plusieurs  cou- 
leurs et  mieux  faits  que  partout  ailleurs.  Alep  est  bien  pourvu  de 
toutes  sortes  d'autres  industries  et  elles  sont  aussi  nombreuses 
que  l'exigent  les  besoins  d'une  ville  grande  et  bien  peuplée. 


XIU 

Consultation  juridique  adressée  au  mufti  de  Jérusdleni. 

Louanges  soient  données  à  Dieu  seul  ! 

A  celui  qui  est  le  chef  des  docteurs  de  la  loi  et  l'arbitre  de  la 
foi^  que  le  Dieu  très  haut  leur  témoigne  à  tous  sa  satisfaction  ! 

Le  cas  exposé  ci-après  se  présente  dans  la  noble  cité  de  Jérusa- 
lem. Il  existe,  en  dehors  de  cette  ville,  un  couvent  appelé  couvent 
du  mont  de  Sion  occupé  par  des  religieux  latins.  Des  chrétiens 
de  nationalité  franque  y  viennent  de  tous  côtés  et  y  résident  en 
toute  sécurité.  Les  religieux  ont  à  leur  service  un  interprète 
maronite  que  son  hypocrisie  et  ses  mensonges  rendent  digne  de 
les  servir.  Par  son  intermédiaire,  ils  ont  fait  parvenir  à  la  cour 
Impériale,  que  Dieu  rende  sa  durée  éternelle  !  une  relation  rem- 
plie de  faussetés  et  affirmant  que  leur  couvent  étant  en  mauvais 
état,  ils  sollicitaient  la  permission  de  le  réparer,  en  se  conformant 
aux  prescriptions  de  la  noble  loi  religieuse.  L'autorisation  leur  en 
ayant  été  généreusement  accordée,  ils  ont  eu  l'audace,  obéissant 


236  VOYAGE 

à  leur  caprice,  de  le  rebâtir  depuis  les  fondements,  employant 
pour  sa  réédification  de  grosses  pierres  taillées  et  surélevant  la 
nouvelle  construction  ainsi  que  le  couvent  et  l'église,  de  neuf 
rangs  de  pierre  de  taille  qui  n'existaient  pas  dans  les  anciens  bâti- 
ments. Ils  ont  ainsi  réussi  à  agrandir  peu  à  peu  leur  couvent  : 
les  religieux  qui  l'occupent  y  viennent  tous  les  trois  ans  des  pays 
ennemis  et  les  marchands  francs^  qui  se  rendent  dans  notre  pays 
pour  y  exercer  leur  trafic,  y  séjournent  sans  acquitter  aucune  taxe 
et  s'en  retournent  en  pays  ennemi  sans  avoir  payé  aucun  droit. 

Les  religieux  latins  ont  étendu  leurs  constructions  jusqu'au 
tombeau  de  David  (que  la  paix  de  Dieu  repose  sur  notre  pro- 
phète et  sur  lui).  On  demande  s'il  doit  leur  être  permis  de  cons- 
truire dans  le  couvent  un  bâtiment  près  du  Heu  où  repose  le 
prophète  David  et  qui  est  un  sanctuaire  objet  de  la  vénération 
de  tous  les  musulmans.  Est-il  licite,  en  outre,  qu'ils  fassent 
entendre  en  ce  heu  leurs  chants  impies  et  que  le  son  de  la  cloche 
couvre  la  voix  des  musulmans  ?  Est-il,  dans  ce  cas,  permis  à  un 
musulman  de  favoriser  les  Francs  ?  Commet-il  un  péché  celui 
qui  pouvant  anéantir  ces  choses  ne  le  fait  pas  ?  Est-il  coupable 
celui  qui  pouvant  les  empêcher  ne  s'y  oppose  pas  ?  Convient-il 
de  démolir  tout  ce  qui  a  été  innové  dans  la  réparation  de  l'église 
et  du  couvent  ?  On  sollicite  une  réponse  à  ces  difl:érentes  ques- 
tions. 


DL  MONSIHLR  O  AKAMDN  -,7 

XIV 

SiiilL'ih\'  du  mufti 
Louange  au  Dieu  iDiiquc  ! 

Il  est  absolument  impossible  que  les  chrétiens  pénètrent  d.'.ns 
les  éditiccs  occupés  par  des  musulmans  si  ce  n'est  dans  un  but 
utile  à  ceux-ci,  c'est-à-dire  pour  leur  livrer  des  produits  du  com- 
merce et  de  rindustrie  et  d'autres  objets  semblables.  Il  n'est  point 
séant  non  plus  que  les  musulmans  entrent  dans  les  églises  et  les 
couvents  des  chrétiens  pour  être  témoins  de  leurs  cérémonies. 
L'aveuglement  de  ceux-ci  étant  volontaire,  il  ne  iaut  pas  que  les 
musulmans  voient  les  marques  de  leur  intidélité  envers  Dieu. 
Quoi  de  plus  blâmable  que  de  permettre  à  des  musulmans  d'entrer 
dans  les  églises  de  ceux  qui  méprisent  leurs  croyances?  On  ne  doit 
pas  permettre  aux  religieux  d'élever  la  voix  de  l'impiété  pendant 
la  récitation  de  leurs  ofhces  :  on  doit  leur  interdire  de  la  manière 
la  plus  sévère  de  sonner  leurs  cloches  dont  le  son  est  odieux  aux 
musulmans.  Que  Dieu  étende  sa  miséricorde  sur  ceux  qui  ont 
promulgué  cette  défense,  car  le  son  des  cloches  est  plus  odieux  au 
Dieu  très  haut  et  tout-puissant  que  le  bruit  de  leurs  voix.  Il 
taut  que  toutes  les  bâtisses  nouvelles  élevées  par  les  religieux 
soient  démolies,  car  on  ne  peut  tolérer  la  reconstruction  d'une 
église.  Favoriser  de  telles  innovations  est  absolument  détendu 
aux  musulmans. 

Omar,  fils  d'el  Khattab,  donna  l'ordre  de  rasertoutcs  les  églises 
et  cet  ordre  a  été  contirmé  par  Omar,  tils  d'Abd  el  Aziz.  Ce  prince 
ne  voulut  tolérer  dans  les  pays  de  l'Islamisme  aucune  église  soit 
ancienne  soit  nouvelle.  Telle  est  l'opinion  unanime  des  docteurs 
de  l'Islam. 

•7 


258  VOYAGE 

XV 

Khatti  chérit  adressé  au  Sandjaq  de  Jérusalem,  et  à  Seyyd   Mehemmed 
Hfeiidv,  Cadi  de  cette  ville. 

A  la  réception  de  ce  signe  auguste  et  impérial,  apprenez  que 
par  requête  adressée  à  notre  sublime  Porte,  on  nous  a  fait  savoir 
que  près  de  la  noble  ville  de  Jérusalem  se  trouve  le  tombeau  du 
prophète  David  (que  les  bénédictions  et  la  paix  de  Dieu  reposent 
sur  notre  prophète  et  sur  lui  !),  et  que  le  couvent  et  l'église  du 
mont  de  Sion,  possédés  et  habités  par  les  rehgieux  francs,  sont 
contigus  au  tombeau.  Ceux-ci,  en  faisant  les  processions 
exigées  par  leurs  fausses  croyances^  passent  sur  la  terrasse  qui 
recouvre  le  sépulcre  du  prophète  David  (que  la  paix  soit  avec 
lui  !).  Il  n'est  ni  juste  ni  convenable  que  ce  lieu  très  noble 
demeure  en  la  possession  des  infidèles  et  que,  obéissant  à  leurs 
coutumes  impies,  leurs  pieds  foulent  des  lieux  sanctifiés  par  des 
prophètes  qui  ont  droit  à  toute  notre  vénération.  Nous  ordonnons 
donc  qu'après  avoir  reçu  cet  ordre  auguste,  vous  expulsiez  à 
l'instant  et  sans  aucune  rémission;,  de  l'église  et  du  couvent,  les 
religieux  et  tous  ceux  qui  y  résident.  Vous  ferez  purifier  le  tom- 
beau, but  de  visites  pieuses,  et  vous  le  remettrez  ainsi  que  tous 
les  autres  lieux  sanctifiés  par  des  prophètes  aux  nobles  Seyyds,  des- 
cendants de  notre  prophète.  Nous  avons  chargé  de  la  garde  et 
du  gouvernement  de  ce  sanctuaire  le  porteur  du  présent  ordre 
impérial,  le  prédicateur  Mehdy  el  Hachimy,  colonne  de  la  foi  et 
arbitre  de  la  vérité.  Nous  l'avons  envoyé  et  lui  avons  confié  le 
soin  de  régir  les  biens  de  l'église,  les  jardins  et  les  champs  qui  en 
dépendent  ;  nous  l'avons  investi  de  toute  autorité  et  lui  avons 
accordé  la  jouissance  de  ces  biens,  ainsi  que  la  ftculté  de  dis- 
poser tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour  s'y  établir  et  y  résider. 

Vous  ferez  connaître  à  notre  sublime  Porte  tout  ce  dont  besoin 


1)1-:  MONMl-LK  DAKANk^N  :;^., 

sera  Cl    elle  vous  ici\i   parvenir  ultérieureineiu    d'.uiires   ordres 
augustes. 

Écrit  à  Constantinople  le  r'  du  mois  de  djouma/v  oui  ewel  de 
Tannée  929  (18  mars  152^). 

W  1 
Lettre  iidirssir  îi  François  /"  par  Siiltiin  Siih'yniiv:. 

Dieu  : 

Par  la  grâce  du  Très  Haut,  dont  la  puissance  soit  à  jamais 
honorée  et  glorifiée  et  dont  la  parole  divine  soit  exaltée. 

Par  les  miracles  abondant  en  bénédictions  du  soleil  des  cieux 
de  la  Prophétie,  de  l'astre  de  la  constellation  du  Patriarchat,  du 
pontife  de  la  phalange  des  prophètes,  du  coryphée  de  la  légion 
des  saints,  Mohammed  le  très  pur,  que  la  bénédiction  et  la  paix 
de  Dieu  soient  sur  lui  !  Ht  sous  la  protection  des  saintes  âmes 
des  quatre  amis  qui  sont  Abou  Bekr,  Omar,  Osman  et  Aly,  que 
la  bénédiction  de  Dieu  soit  sur  eux  tous  ! 

Chah  Sultan  Suleyman  Khan,  tils  de  Sélim  Khan,  toujours 
victorieux  ! 

-Moi,  qui  suis  le  sultan  des  sultans,  le  roi  des  rois,  le  distribu- 
teur des  couronnes  aux  princes  du  monde,  l'ombre  de  Dieu  sur 
la  terre,  l'empereur  et  seigneur  souverain  de  la  mer  Blanche  et  de 
la  mer  Noire,  de  la  Roumélie  et  de  l'Anatolie,  de  la  province  de 
/oulqadr,  de  Diarbekir,  du  Kurdistan,  de  l'Azerbaïdjan,  de  l'Iraq 
Adjemy,  des  provinces  de  Damas  et  d'Alep,  de  l'iigvpte,  de  la 
Mekke,  de  Médine,  de  Jérusalem,  de  la  totalité  des  contrées  de 
l'Arabie  et  du  Yémen,  et  en  outre,  d'un  grand  nombre  d'autres 
provinces  que,  par  leur  puissance  victorieuse,  ont  conquises  mes 
glorieux  prédécesseurs  et  augustes  ancêtres  (que  Dieu  environne 
de  lumière  la  manifestation  de  leur  foi  !)  aussi  bien  que  de  nom- 


26o  VOYAGE 

breux  pays  que  ma  glorieuse  majesté  a  soumis  par  mon  épée 
triomphante  et  mon  glaive  flamboyant  ;  moi  enfin,  Chah  Sultan 
Suleyman  Khan,  fils  de  Sultan  SéHm,  fils  de  Sultan  Bayezid,  à 
toi  François,  qui  es  le  roi  du  royaume  de  France. 

Tu  as  adressé  à  ma  cour,  résidence  fortunée  des  sultans^  qui 
est  la  qiblah  de  la  bonne  direction  et  de  la  félicité,  le  lieu  où 
sont  accueillies  les  requêtes  des  sultans,  une  lettre  par  laquelle  tu 
me  fais  connaître  qu'il  existe  dans  la  noble  cité  de  Jérusalem, 
faisant  partie  de  mes  Etats  bien  gardés,  une  église  qui  ayant  été 
autrefois  en  la  possession  de  la  communauté  de  Jésus,  a  été 
postérieurement  changée  en  mosquée.  Je  sais^,  dans  tous  ses  détails, 
ce  que  tu  m'as  mandé  à  ce  sujet.  Si  c'était  seulement  une  question 
de  propriété,  tes  désirs  auraient  été  accueillis  et  exaucés  par 
notre  Majesté  qui  dispense  la  félicité,  en  considération  de  l'amitié 
et  de  l'aftection  qui  existent  entre  notre  auguste  Majesté  et  toi; 
mais  ce  n'est  point  une  question  de  biens  meubles  ou  immeubles; 
il  s'agit  d'un  objet  de  notre  religion.  Car^  en  vertu  des  ordres 
sacrés  du  Dieu  très  haut,  le  créateur  de  l'univers,  le  bienfai- 
teur d'Adam  et  conformément  aux  lois  de  notre  prophète,  le 
soleil  des  deux  mondes  (sur  qui  soient  la  bénédiction  et  la 
paix  I)^  cette  église  a  été,  il  y  a  longtemps,  convertie  en  mosquée 
et  les  musulmans  y  ont  fait  la  prière  canonique.  Or,  altérer 
aujourd'hui  par  un  changement  de  destination  le  lieu  qui  a  porté 
le  titre  de  mosquée  et  dans  lequel  on  a  fait  la  prière^  serait 
contraire  à  notre  religion  ;  même  si  dans  notre  sainte  loi  cet 
acte  était  toléré,  il  ne  m'eût  encore  été  possible,  en  aucune 
manière,  d'accueillir  et  d'accorder  ton  instante  demande.  Mais,  à 
l'exception  des  lieux  consacrés  à  la  prière  canonique,  dans  tous 
ceux  qui  sont  entre  les  mains  des  chrétiens,  personne,  sous  mon 
règne  de  justice,  ne  peut  inquiéter  ni  troubler  ceux  qui  les 
habitent.  Jouissant  d'un  repos  parfait  à  l'ombre  de  ma  protection 
souveraine,  il  leur  est  permis  d'accomplir  les  cérémonies  et  les 
rites  de  leur  religion.  Etablis  en  pleine  sécurité  dans  les  édifices 


DR  .MO\SIHl-R   D'ARAMON  261 

consacrés  a  leur  culte  et  dans  leurs  quartiers,  il  cm  impossible  que 

qui  ce  soit  les  tourmente  et  les  nu)leste  dans  I.i  moindre  des  choses. 

Ecrit  dans  la  première  décade  du  mois  de  moli.nrem  de  Tannée 

9;^)  de  riiéi^irc  (mi-septembre  i)2H). 

WII 
Rt'scril  ini{\->-'ui]  adresse  an  Gouvcrucur  cl  au  CaJi  de  ]cntsalciii. 

Hn  recevant  ce  signe  auguste  et  impérial,  sachez  que  le  ba\-le 
de  \'enise  a  fait  représenter  à  ma  sublime  Porte  que  certains 
individus  audacieux  et  téméraires  prétendent  enlever  le  plomb  et 
les  colonnes  de  l'église  de  Bethléem,  lieu  de  la  naissance  de  Jésus 
sur  qui  soit  le  salut  !  Nous  vous  enjoignons  par  ce  rescrit 
impérial  de  rechercher  tous  ceux  qui  se  permettent  des  actes  aussi 
contraires  à  la  justice;  que  nul  n'ose  molester  les  religieux  francs 
qui  sont  autorisés  à  rebàtire  un  mur  ruiné  de  l'église,  en 
suivant  les  fondations  de  l'ancienne  construction.  Q_ue  perst^nne  ne 
s'oppose  à  ce  travail  et  avertissez  aussi  les  religieux  susdits  de 
ne  donner  aucun  agrandissement  à  leur  construction.  1-aites-nous 
connaître  ceux  qui  agiraient  contrairement  aux  prescriptions  de  ce 
rescrit  et  après  en  avoir  pris  connaissance,  remettez-le  aux  mains 
des  religieux.  Donné  à  Andrinoplc  le  i"  jour  de  chevval  938 
(7  mai  1532). 

xvin 

JuUtrc  lie.  Sultan  Suleyinan  à  Hruri  II. 

A  celui  qui  est  l'honneur  des  grands  princes  de  la  religion  de 
Jésus,  l'élite  des  puissants  souveraiiis  de  la  nation  du  Messie, 
l'arbitre  des  affaires  des  nations  de  la  communauté  Xazaréenne,  \ 
celui  qui  traîne  avec  majesté  le  pan  de  la  robe  de  la  splendeur  et 


-..Gi  Vtn'AGR 

de  la  puissance,  qui  est  orné  des  signes  de  la  gloire  et  de  l'illustra- 
tion, le  roi  de  France;  puisse  sa  tin  être  heureuse  1 

Le  Dieu  très  haut,  maître  de  l'univers,  qui  donne  le  pouvoir  à 
qui  il  veut  et  comble  de  gloire  qui  il  lui  plaît,  a  daigné  exaucer 
tous  nos  vœux  et  faire  réussir  tous  nos  desseins.  Il  a  voulu  que  le 
drapeau  de  notre  glorieux  empire  devînt  un  signe  de  victoire  et 
d'honneur;  sa  bonté  sans  bornes  nous  a  prodigué  des  bienfaits 
inestimables.  La  splendeur  de  notre  puissance  a  donné  à  la  religion 
un  nouvel  éclat  et  les  peuples  de  l'Islam,  protégés  par  notre  épée 
victorieuse,  jouissent  du  repos  et  de  la  sécurité. 

On  n'ignore  pas  que  depuis  quelque  temps  déjà,  le  peuple 
persan  aveuglé  par  l'erreur,  s'est  révolté  contre  les  obligations 
imposées  par  la  religioi.  ^t  les  traditions  et  qu'il  a  ainsi  favorisé 
la  propagation  des  détestables  doctrines  des  Chiites. 

Le  diabolique  Elqas,  frère  de  Thahmasp,  chef  actuel  de  ce 
peuple,  est  venu  dernièrement  invoquer  notre  protection  et  il  a 
trouvé  auprès  de  nous  un  accueil  favorable.  Nous  avons  écouté 
ses  plaintes,  et  sur  ses  instances,  nous  avons  déployé  notre 
étendard  victorieux  pour  réparer  par  la  puissance  de  nos  armes 
l'injure  et  le  dommage  éprouvés  par  la  religion.  Nous  nous 
sommes  dirigés  vers  l'Orient  et  lorsque  nos  drapeaux  se  montrè- 
rent dans  l'Azerbaïdjanet  que  nos  troupes  firent  leur  entrée  dans 
Tauriz,  les  Persans  s'enfuirent  et  évacuèrent  cette  province  et  ses 
dépendances.  Ils  ne  montrèrent  ni  courage,  ni  dévouement  à 
leur  prince;  la  valeur  de  nos  troupes  les  fit  disparaître  sous  terre 
comme  des  fourmis.  Tous  les  habitants  de  ces  contrées  furent 
traités  avec  bienveillance  et  équité;  non  seulement  ils  furent  à 
l'abri  des  vexations,  du  pillage  et  des  avanies,  mais  encore  ils 
furent  l'objet  de  marques  signalées  de  notre  faveur  et  de  notre 
protection  impériales. 

Le  but  principal  de  la  campagne  entreprise  par  nous  était  la 
conquête  et  l'annexion  de  l'Azerbaïdjan  à  notre  empire.  Pour 
réaliser  ce  projet  il  était  tout  d'abord  indispensable  de  nous  rendre 


DF  MONSIl-l'IÎ  n-AR.\Mc-)N  jj,.. 

maîtres  de  \';in,   la  forteresse  la  plus  considérable  et  la  plus  so- 
lide  de  toute   la   Perse.   Nous    arrivâmes   heureusement  devant 
f  cette  place  dans    les   premiers   jours   de  redjeb  de   l'année   955 

(août  1548). 

Une  troupe  nombreuse  de  Persans  était  enfermée  dans  le 
château  que  de  nouveaux  ouvrages  rendaient  enct)re  plus  fort. 
Plaçant  ma  confiance  dans  la  bienveillance  divine  qui  m'a  tou- 
jours assisté  dans  mes  entreprises,  assuré  du  secours  de  notre 
prophète  (que  la  paix  de  Dieu  soit  avec  lui  !),  je  donnai  le  signal 
de  l'attaque,  ayant  à  mes  côtés  mon  illustre  grand  vézir  Rustem 
Pacha,  mes  autres  vézirs,  les  be3'lerbeys,  les  sandjaqbeys,  les 
ghazis  et  mes  soldats  victorieux.  Les  décrets  de  la  prédestination 
nous  avaient  assuré  la  conquête  de  cetteplace  qui,  au  bout  de  peu 
de  temps,  tomba  entre  nos  mains  avec  toutes  ses  dépendances. 
J'y  établis  une  garnison  et  un  corps  de  police  pour  le  maintient 
de  l'ordre  et  un  de  mes  esclaves  fut  investi  du  gouvernement  de 
la  ville  et  reçut  le  titre  de  Beylerbey.  La  province  de  Chirvan  qui 
tait  partie  de  la  Perse  était,  à  la  même  époque,  conquise  par  mes 
généraux,  et  tous  ces  pays  furent  ainsi  purgés  de  la  présence 
d'odieux  sectaires. 

Xous  nous  dirigeâmes,  après  avoir  atteint  notre  but.  vers  Diar- 
bekir  et  la  saison  étant  alors  avancée,  nous  établîmes  nos  quar- 
tiers d'hiver  à  Alep.  Une  partie  de  l'armée  demeura  à  Diarbekir. 
Peitdant  que  nous  goûtions  quelque  repos  à  Alep,  le  bevlerbey 
de  Van,  trompé  par  des  khans  persans,  marcha  avec  une  petite 
troupe  de  soldats  contre  le  rebelle  connu  sous  le  nom  de  Il.idji. 
Lorsqu'il  se  présenta  devant  la  ville  de  Khov,  il  y  trouva  cet 
insurgé  fortement  retranché.  II  y  eut  un  combat  acharné  :  après 
une  série  d'engagements  meurtriers,  Dieu  accorda  encore  la  vic- 
toire aux  vrais  croyants.  La  tête  du  révolté  nous  fut  envoyée  et 
le  calme  et  la  tranquillité  furent  rétablis  dans  le  pays. 

A  notre  arrivée  à  Diarbekir,  nous  détachâmes  un  petit  corps 
d'armée  que  nous  confiâmes  à  Elqas  dont  il  a  été   fait  mention 


264  VOYAGE 

précédemment.  Elqas  envahit  les  districts  de  Qpum,  de  Kachan, 
d'Ispahan,  de  Qazwin  et  de  Hamadan  et  fit  main  basse  sur  les 
trésors,,  les  biens  et  les  effets  précieux  du  Chah  de  Perse.  Il 
s'empara  des  chevaux,  des  mulets  et  du  bétail  et  il  fit  prisonniers 
un  grand  nombre  de  femmes  et  d'enfants. 

Le  printemps  suivant,  nous  reprîmes  le  cours  des  opérations 
afin  de  rendre  la  sécurité  à  nos  frontières  et  de  les  mettre  à  l'abri 
de  toute  insulte.  Nous  partîmes  d'Alep  pour  nous  rendre  à  Diar- 
bekir.  Les  Géorgiens,  race  hypocrite,  sont  limitrophes  de  notre 
empire  ;  tantôt  ils  se  placent  sous  notre  protection,  tantôt  ils 
embrassent  le  parti  des  Persans  nos  ennemis.  Leurs  désordres  et 
leurs  menées  factieuses  nous  obligèrent  à  prendre  contre  eux  des 
mesures  vigoureuses.  Leur  place  la  plus  forte,  nommée  SerUgan, 
fut  emportée  d'assaut,  et  la  garnison  passée  au  fil  de  l'épée.  Les 
autres  châteaux  de  ce  pays  subirent  le  même  sort  et  furent 
annexés  à  notre  empire. 

A  la  même  époque,  pendant  que  notre  camp  était  encore 
étabh  près  de  Diarbekir,  dans  l'endroit  appelé  Qizil  Tepèh  (la 
colline  rouge),  nous  apprîmes,  non  sans  étonnement,  que  Elqas, 
qui  avait  cherché  un  refuge  auprès  de  nous  et  invoqué  notre  pro- 
tection, cédant  aux  suggestions  de  sa  perversité  s'était,  à  Tinstiga- 
tion  de  quelques  Curdes^  révolté  contre  nous  et  jeté  dans  les  mon- 
tagnes du  Curdistan,  l'étendard  de  la  rébellion  à  la  main.  Le 
châtiment  ne  se  fit  pas  attendre.  Un  détachement  de  mon  armée 
marcha  contre  lui^  l'atteignit  dans  son  repaire  et  lui  infligea  une 
sanglante  défaite.  Sa  famille  et  ses  partisans  furent  massacrés 
sans  pitié. 

Lui-même  courut  se  cacher  dans  des  cavernes,  suivi  par 
quelques  partisans  et  laissa  tous  ses  bagages  entre  les  mains  de 
nos  soldats.  La  disparition  de  ce  scélérat  rendit  le  repos  au  pays. 
Tous  les  princes  Curdes,  éblouis  par  l'éclat  de  nos  armes,  firent 
leur  soumission.  Ils  nous  envoyèrent  leurs  fils  et  les  personnages 
les  plus  considérés  de  leur   pavs.  Je  reconnus  leurs  hommages 


DF  MONSin-R  DWKAMON  26-, 

par  des  marques  de  munificence  et  tous  les  autres  chefs  de  ce 
pavs,  qui  jusqu'alors  étaient  les  vassaux  des  Persans,  se  rendirent 
également  auprès  de  nous  et  se  soumirent  de  leur  plein  i;ré  à 
notre  domination. 

Les  Géorgiens  avaient  déjà  reçu  un  châtiment  mérité  :  il  était 
cependant  nécessaire  de  réduire  leur  pays  à  une  obéissance  com- 
plète et  de  l'annexer  à  notre  empire.  Mon  vézir  Ahmed  Pacha 
tut,  à  cet  effet,  envoyé  en  Géorgie.  Il  emmena  quelques  personnes 
de  notre  cour  et  une  troupe  d'arquebusiers  choisis    parmi  les 
jannissaires.    Les    Beylerbeys    de    Caramanie,    de    Zoulqadr    et 
d'Lrzroum  reçurent  en  même  temps  l'ordre  d'entrer  en  Géorgie. 
La  place  forte  la  plus  solide  et  la  plus  importante  de  ce  pays  est 
celle  de  Tortoum.  Elle  était  considérée  comme  la  capitale;  les 
autorités  v  avaient  établi  leur  résidence  et  elle  était  défendue  par 
une   nombreuse   garnison.    Notre    vaillante    armée    l'investit  le 
iS  du  mois  de  chaàban   de  l'année   956  (13  septembre  1549)  : 
l'artillerie  fut  mise   en   batterie.  Hour  Aga,   commandant  de  la 
citadelle,  refusa  dédaigneusement  de  se  rendre.  L'attaque  com- 
mença alors  avec  vigueur.  Les  canons  tirèrent  jour  et  nuit  et  les 
ravages  causés  par  leur  feu  furent  tels  que  la  ville  demanda  à 
capituler.  Les  habitants  s'empressèrent  de  solliciter  l'aman  et  nos 
troupes  prirent  possession  de  cette  place  le  20  du  même  mois. 
Nos  drapeaux  victorieux  furent  arborés  sur  les  tours  et  cette  con- 
quête fut  assurée  par  l'établissement  d'un  sandjaqbev.  d'un  chef 
mihtaire  et  d'une  garnison. 

Le  château  de  Lihah  fut  également  conquis  et  incorporé  ."i 
l'empire.  Le  24  de  chaâban,  Aqtchèh  Qalèh,  forteresse  des  plus 
solides,  tomba  entre  nos  mains. 

Bref,  sur  les  trente-cinq  places  fortes  enlevées  à  l'ennemi, 
quatorze  furent  rasées  et  les  vingt-et-une  autres  reçurent  une  gar- 
nison et  un  gouverneur  militaire.  Le  pays,  constitué  en  beyler- 
beylik  et  divisé  en  quatre  sandjaqs,  a  été  tout  entier  rattaché  à 
l'empire. 


zCG  VOYAGE  DE  MONSIEUR  D'ARAMON 

Après  la  conquête  de  la  Géorgie,  nous  sommes  rentrés  triom- 
phalement dans  notre  capitale. 

Pendant  ce  temps^  le  beylerbcy  de  Van  avait  marché  contre  les 
khans  Hussein,  Quitmas  et  Nazar,  parents  du  Chah  de  Perse. 
Ils  ont  vu  leurs  camps  livrés  au  pillage  et  eux-mêmes  ont  dû  cher- 
cher un  refuge  dans  les  montagnes  ;  Nakhtchivan,  Saat  Tchiqour 
et  Derdan  ont  été  saccagés  et  brûlés. 

La  divine  Providence  a  daigné  m'accorder  les  plus  grands 
succès  pendant  cette  campagne  de  l'Azerbaïdjan.  Le  bonheur 
dont  elle  m'a  couvert  ne  peut  manquer  de  répandre  la  joie  dans 
les  pays  de  l'Islamisme  et  dans  toutes  les  autres  contrées. 

La  présente  lettre  impériale  vous  est,  à  cet  effet,  portée  par  mon 
serviteur  N.  Vous  voudrez  bien,  après  en  avoir  pris  connaissance, 
en  ordonner  la  publication  et  faire  pavoiser  et  illuminer  les  édifices 
de  vos  villes. 


TABLE     ALPHABÉTIQUE 


DES 


NOMS  DE  PERSONNES   ET  DE  LIEUX 


Abanomenia,  vov.  Bolv. 
Aaly  Tchélcby,  XXXIII. 
Abdigelveis,  voy.  Adildjivaz. 
Abdoulaziz  Chinvany,  XXXIIT. 
Abdoulkcrim  Efendy,  129  n. 
Abelkarib,  prince  arménien,  99  n . 
Abiset  (Monsignor  de),  186, 
Abou  Bekr  Aly  Herewy,  no  n. 
Aboul  Fcda,  86  n. 
Abou  Obcïdah,  100  n. 
Abraham,  98. 
Achaïe  (L'),  159. 
Acliara,  voy.  Aq  Chehcr. 
Achtchy  bachy  (L),  231  n. 
Aconizii,  voy.  Aqindjy. 
Adana  (Adena),  146,  241  n. 
Adildjivas,  ville,  89  n.,  90  n. 
Adorno  (Hieronimo).  189. 


AfiumKarahissar,  62  n. 

Aga  (L')  dos  Azamoglans,  243  ; 

—  des  Gharih  Ogian,  235  ;  — 

des  janissaires,  42,  232,  233. 
Aga  qapoussy,  à  ConstantinopL, 

27  n. 
Ageti,  Aein   village,  69. 
Agiamoglans  (Les),  44,  45. 
Agiardacaly^,  voy.  Tchardaqlv. 
Agria,  171,  195. 
Ahmed  Emin  Razv,  83  n. 
Ahmed  Pacha,  940., 208,  241  n.. 

265 
Ainsworth  (M.  W.),  64  n. 
Akengy,  voy.  Aqindjy. 
Akhlath  (Piainc  d').  90    n.    — 

Ville,  92  n. 
Ala  Eddaulèh,  247  n. 


268 


TABLE   ALPHABÉTIQUE 


Ala  Eddin  Key  Qpbad,   68   n., 

72  n.,  147  n.,  149  n. 
Aladule,  voy.  Anadule. 
Alby,  159  n. 
Alep,  XXXVIII,  LIV,   57,  97, 

99   n.,    100-103,    106,    113, 

162  n.,  166  n.,  238  n.,  249- 
255,263. 

Alexandrette,  145  n. 
Alexandrie  d'Egypte,  133,  134. 
Alger,  XLVII. 
Alindjig  Dagh,  95  "• 
Allemands  (Les),  à  Venise,  3  n. 
Alteguie,  Altekkièh,  92. 
Altoun  Halqaly  (Pont  d'),  78  n. 
Alvincz  (Château  d'),  172  n. 
Aly  Aga,  163  n. 
Aly  Khan,  88  n. 
Aly  Pacha,  114  n.,  129  n. 
Aman,  voy.  Hamah. 
Amasie,  Amassia,  XVI,  67, 69  n. , 

163  n.,  201,  247. 
Amid,  voy.  Diarbekir. 
Amouas  (Emmaus),  126  n. 
Anadule  (Le  beylerbey  de),  247. 
Anahid  (La  déesse),  71  n. 
AnatoHe  (L'),  41,  44,  45.  46, 

59,  242,  245,  246 
Andelot    (François  de    Coligny, 

seigneur  d'),  164. 
Anderes,  village,  71  n. 
André,  roi  de  Hongrie,  8  n. 
André  de  Bergame  (Jean),  VIL 
Andrinople,      XXIII,      XXV, 

XXXII,  XXXV,  XLIX,   14, 


15,  16  n.,  18,  153,  199,  204, 
205,  206,  209,  212,  216,  244. 

Annibal,  60. 

Antaradus,  voy.  Tartous. 

Antigonea,  voy.  Nicée. 

Antioche,  lOO;,  144;  —  de  Pisi- 
die^  148  n. 

Antiochus  Philopator,  144  n. 

Anvers,  48  n. 

Aq  Cheher,  ville,  XXXV,  148  n. 

Aqindjy  (Les),  246  n.,  247. 

Aq  Sonqor  Zenguy,  100  u. 

Aqtchèh  Qualèh,  265. 

Arabagibassi  (L'),  235. 

Arabie  (L'),  46,  127,  131,  137, 
248. 

Arabes  nomades,  en  Terre  Sainte, 
XLIII. 

Aramdn,  ville,  IV  n. 

Aramon  (M.  d'),  I-XV,  XXII- 
XXIX  ,  XXXIV  -  XXXIX  . 
XLV-LXI,  I,  19,  21  n.,  48  n., 
58,  88  n.,  94,  105,  139  n., 
151,  153  n.,  161,  167,  177, 
180,  183,  185,  186,  187,  201, 
202,  203,  204,  205,  207,  215, 
219,  220,  222,  225. 

Ararat  (Mont),  91  n. 

Aras  (Monsignor  de),  voy.  Gran- 
velle. 

Aras,  Araxe  (L'),  rivière,  78  n., 
80  n. 

Arbessan  (Le  seigneur  d'),  i'64  n. 

Arcadius,  30  n. 

Arda,  rivière,  16  n. 


DHS  NOMS  Dh  PERSONNI  S  IH'  Di:  LIHUX 


269 


Ardelan,  56  n. 

Ardini;icly,voy.  ArtinOglyKcuy. 

Ardjich.  village,   78  n.,   79  11., 

89,  241  n. 
Argonto  (Ju-.:o  di),  212  n 
Argilium,  149  n. 
Argis,  voy.  Ardjich. 
Armagnac  (Le  cardinal  d')     H, 

LU,  139  n. 
Arirénie  (L'),  46,  69,   70.   71, 

79  n.,  90  n.,  247,  254. 
Arpa  Eminy  (L)  .2^6. 
Arrexcis  (L'),  voy.  Arass  (L'). 
Arrivabene  (Andréa),  IV. 
Arthosie,  voy.  Tartous. 
Artin  Ogly  Keuy,  71  n. 
Artût,  village,  78  n. 
Arustam    bassa,    voy.     Rustem 

Pacha. 
Arzin,  rivière,  92  n. 
Arzindjan,  Arzingan.  71,  72. 
Asapaga,  voy.  Azeb  Aga. 
Asapler,  ou  Asapiz  (Les),  235. 


Ascaniiis  (Laciis).  149  n. 
Ascoli  (l'r.mcesco  CjiroLuno  d'), 

32  n. 
Asebids.  voy.  .Vnderes. 
Assarer,  voy.  ()ut()uraq. 
Assarguict,  voy.  Hiss.udjiq. 
Assibassy,  voy.  Achtchy  baclu  . 
Assyrie  (L'),  247,  248. 
Astars  (Joaciiim  des),  IIL 
Ataq,  rivière,  78  n. 
Athyras,  voy.  Ponte  (Jrande. 
Augsbourg  (Pai.x  d"),  XX.XIL 
Avret   Bazar,  à  Coiiitaïuinople, 

,0  n. 
Axar,  voy.  Aq  Cheher. 
Ayas  Pacha,  XVin,  23 S. 
Ayredenbey,    voy.  Khaïr  Lddin 

"  Pacha. 
Azamie  (L'),  242,  24N. 
Azamoglans    (Les),    242,    2.}3, 

246. 
Azel  Aga  (L'),  235  n. 
Azerbaïdjan  (L'),  262. 


B 


Baalbek,  IIT  n..  139. 
Bachmaqdar  (Le),  228  n. 
Bâfra,  bourg,  65  n. 
Bagadet,  voy.  le  suivant. 
Bagdad,  56  n.,  247,  254. 


Bagdad  du  pavs  de  Roum,  voy. 

Amasie. 
Baghras  Bely  (Dctîléde),  145  n. 
Bajazet(tilsdeSLiltanSuleunan), 

XXXV,  14^  163. 


370 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


Bajazet  (mosquée  de  Sultan),  29. 
Bajazet  P-",  Ildirim,  66  n.,  68  n., 

69  11.,  147  n. 
Bajazet  II  (Sultan),   38  n.,   62, 

146  n. 
Balak,  fils  de  Behram,  96  n. 
Balby  (Jean  de),  175  n. 
Baldac,  voy.  Bagdad. 
Bandemagny,  voy.   Bendimahy. 
Banduri,  30  n. 

Baratemin,  voy.  Berat  Eminy. 
Barberousse,    voy.    Kaïr   Eddin 

Pacha. 
Bargun,  voy.  Bourdjeïn. 
Baruth,  voy.  Beyrout. 
Basarchic,  voy.  Tatar  Bazardjik. 
Basra,  sur  l'Euphrate,  197. 
Bastia,  en  face  de  Corfou,  157  n. 
Batriq  Keuy,  village,  73  n. 
Batroun,  ville,  140  n. 
Baudoin,  comte  de  Seroudj.  99  n. 
Baudoin,    frère  de  Godefroy  de 

Bouillon,  97  n. 
Baudras,  voy.  Bagdad. 
Bayezid,  voy.  Bajazet. 
Bazordan  (Le  seigneur  de),  ié4n. 
Béchet  (L'abbé),  172  n. 
Bédouins  (Les),  247. 
Beglierbeys  (Les),  voy.  Beyler- 

bey. 
Begux,  voy.  Boghoz  Keuy. 
Beissany(Tribu  kurde  de),  89  n. 
Bektachy  (Les  derviches),  66  n. 
Belgrade,  240  n. 
Belin  (iM.),  32  11. 


Bélisaire  (Palais  de),  27  n. 

Bellini  (Gentile),  30  n. 

Belon,  du  Mans,  LII_,  20  n.,  m 

n.,   133  n.,   146   n.,    147  n., 

148  n. 
Bender  Eregly,  62  n. 
Bendimahy,  village,  89  n. 
Béni  Merdas  (Les),  100  n. 
Berat  Eminy  (Le),  242  n. 
Bernis  (le  sieur  de),  voy.  Sarras 

(Jacques  de). 
Berthelomé    (le    capitaine)? 

XXXVI,  XXXVIII,  LXI. 
Besestan  (Le),  à  Constantinople, 

:)45  3)  • 
Béthanie,  125. 

Bethléem,  XLIII,  117,  125,  261. 
Bethphagé,  XLIV_,  125. 
Bethsaïda,  114. 
Bettaric,  voy.  IJatriq  Keuy. 
Beyad,  village,  62  n. 
Beyad-yaïlassi-dagh,  62  n. 
Beybars  (Melik  Eddahir  Sultan), 

113  n.,  114  n.,  144  n. 
Beylerbeys  (Les),  XIX,   12  n., 

45,  46,  107  n.,  241  n.,  245- 

248. 
Beyoglou,  23  n. 
Beyrout  (Baruth),  140. 
Blanchi  (M.),  144  n. 
Bichry,  rivière,  78  n. 
Bidlis,  ville,  91,  92;  —  rivière  de, 

78  n. 
Bilèdjik,  bourg,  149  n. 
Biligich,  voy.  le  précédent. 


i')HS  NOMS  Di:  im:usi^\'ni  S  I  r  m-;  i.ii:i;x  :;i 

Bir,  Birèh.  Birèdjik,Biibin;i,vilL-,      lioiirquclot  (M-).  3')  n. 

99  n.  Ikni/oly,  voy.  le  suivant. 

Bitliynio  (I.a).  6i,  149  n.  246.         l)Oiizoqlou,  vi!I.iL;c,  64  n. 
Bitlis  (Dclilù  de),  LIV.  Bozoq  (Province  de).  6  j . 

Bogha:^  Kcsscn,  69  n.  1  Bracorbassi ,    \o\ .    Ijiiir    aklior 

Boghoic  Kcuy,  95  n.  i       bachy. 
Boluchbass!,  voy.  Buluk  bachy.        Bragadiii  (P.).  2^^  n..  2^1)  n. 
Boly,  district  et  ville,  62,  63  n.         Brantôme,   XX.WI,    XX.W'III, 
Bonaveniure  Corseto  (Le  Père),  163  n. 

XLIV,  XLV.  l^rena  (Blasio  di).  197. 

Bondurand  (M.),  Y  n.  Brousse,  162  n.,  16^  n.,  2|^. 

Bonifacio,  ville,  133,  163,  164  n.      Pnide  (Le  Pacha  de),   17.S-184. 
Bostandjis  (Les),  230.  192,  194,  198. 

Bostandji  bachi  (Le),  ^'.j,  i^^o^  ,  Buluk  bachy  (Le),  2^2  n. 

231.  I  BusbecXVII,  XXI,6i  n.,  Oyn., 

Botrys,  voy.  Batroun.  |       162  n.,  163  n. 
Boulac,  133.  BuyukTchckmèdjèh,  \oy.  Ponte 

Bourdjeïn,  Bourjcin,  non.  |       Grande. 


Cabouziac,   voy.    Hadji  Haniza.  Calahorra   (Juan  de).   XXXLX. 

Cacombazar,  65  n.  Camanly,  voy.  Hanimaiuly. 

Cadilescher,    Cadizleskier,   vo\-.  Cambray   (i\L    de),  XXllI,   58, 

Cazi  Asker.  180,  187. 

Cagiassar,  voy.  Qptch  Hissar.  Canal  (Christolle).  5. 

Cagion,   Cagionde,    vo\ .    Hadji  Candie  (Ile  de),  24. 

Keuy,  Canouscala,      vo\ .      Khounous 
Gain,  112.  Q,ilèh. 

Caire  (Le),  46,    127,   128-133,  Capagaz   (Le),  voy.   Qapy  aga. 

136,   137,  241  n.^  248,  234.  Capharnauni,  115. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


Capiega  (Le),  voy.  Qapy  aga. 
Capigi  bassy  (Les),  voy.  Qçipidjy 

bachy. 
Capigilar  chiccaia,  voy.  Qapidji- 

Lir  Kiahiassy. 
Cappadoce  (La),  46,  65,  67,  69, 

70,  162,  247. 
Caraclîoppry,  voy.   Qara  Kupry 

Sou. 
Caragiola,  voy.  Qaragueul. 
Caraguira,  voy.  Qaradjalar. 
Carahamit,  voy.  Qara  Amid. 
Caramanie  (La)^  46,  243. 
Caran,  voy.  Harran. 
Carasou,  voy.  Qara  Sou. 
Carie  (La),  247. 
Carien  (Palais  de),  46. 
Carpout,  voy.  Kharpout. 
Carrac,  voy.  Harran. 
Cars,  94  n. 

Cartalunim,  voy.  QartaL 
Casnadai  bassy  (Le),  voy.  Kha- 

zinédar  bachy. 
Casnegirbassi,    voy.    Tchachne- 

guir  bachy. 
Cassancala,  voy.  Hassan  Qalèh. 
Cassinbacha,  voy.  Qassim  Pacha. 
Castris  (Louise  de),  LVIIL 
Cattié,  voy.  Qathièh. 
Caucase  (Le),  247. 
Cazi  Asker,   Cazi  Lechlcer,   41, 

241,  242. 
Cénacle     (Le),      à     Jérusalem, 

XXXLX. 
Céphalonie,  157. 


Chah  Ismayl,  240  n. 
Chah  Nimet  oullah,  56  n. 
Chah  Thahmasp,  le  Sophv,  XV, 

XXVII,  XXXII,  xxxiv,  55, 

56    n.,    66,   81,    84,    90  n., 

92  n.,    94  n.,    138,   163    n., 

174,  176,  193,  197,  203,206, 

213,  216,247,  248,  262. 
Chalcédoine,  59,  161. 
Chancha,  voy.  Khanqah. 
Chapour,  roi  de  Perse,  144  n. 
Charan,  voy.  Harran. 
Chari'  Eminy  (Le),  236  n. 
Charles-Quint,  IX,  XI,  XXXIL 

175  n. 
Charles  IX,  roi  de  France,  48  n., 

165  n. 
Charrière  (M.),  LIX,  118  n. 
Chatt-el-Arab  (Le),  78  n. 
Chebelyt,  voy.  Guermely-tchay. 
Checaya  (Le),  voy.  Kiahya. 
Chehirzor,  56  n. 

Chehsiwaroglou  Aly  bey,  241  n. 
Cheïkhoun    (Khan    de   l'émir), 

iio  n. 
Cherabdar  (Le),  228  n. 
Chesneau(Jean),II,  XIV  ,XXIV, 

XXXVI,LVII,LX,  i54,i64n. 

—  (François),  LVIIL 
Chiaubassi,  v.  Tchaouch  bachy. 
Chihabeddin,  147  n. 
Chilergibassy  (Le),  40. 
Chio  (Ile  de),  24,  36,  153. 
Chiobane,    voy.   Tchoban   Ku- 

prussy. 


DHS  NOMS  Dïi   l'HRSONNRS  HT  Dli  I.IIXX 


ChirwMii  (Le),   XXXII,   53    n., 

56  n.,  57,  138,  26^ 
Chinchter,  vov,  B.ichm.iqdar. 
Chocadar,  voy.  Tchoqadar. 
Chouster,  no  n. 
Christodulc.       architecte     grec, 

28  n. 
Chrysoroas,  fleuve,  113  n. 
Chypre  (Ile  de),  49  n. 
Ciachirgibassy,  44. 
Ciaoux    bassy    (Le),    41,    voy. 

Tchaouch  bachy. 
Cibaco,  évèque  deWaradin,  23  n. 
Cierguas,  voy.  Tcherkes. 
Cilicie  (La),  247. 
Cipierre  (PhiUbert  de  Marcilly, 

seigneur  de),  164,  165  n. 
Circassie  (La),  56. 
Claudiopolis,  voy.  Boly. 
Cochia,  vov.  Fotcha. 
Cochinybaba  ,     rcHgieux  ,    voy. 

Qpuyounly  baba. 
Codignac  (Michel  de),  I,  XXIII, 

XXIX,  L.  LVII,  58  n.,  59  n., 

164  n.,  165,  I  66,  180.   222. 
Codognado,    voy.   le   précédent. 
Cogne,  Coigne,  voy.  Qoniah. 
Coil.  voy.  Khoy. 
Colonian,  roi  de  Hongrie,  7  n. 
Colonia  Carrenoruni,  voy.  Har- 

ran. 


ComanaPontica,  voy.  Tocai. 
Combas  (Louis  Pelet,  baron  de), 

157- 

Coninène  (.Andronic),  12  n.  — 
(Anne),  27  n  ;  —  (Marie), 
27  n. 

Condé,  \ov.  Rogendorl. 

Congnusse.  vov.  Kustendjèh. 

Con.stantia,  voy.  Tartous. 

Constantin  (L'empereur),  27. 

Constantinople,  XI,  XXII. 
XXXI,  LU,  19,24.  2),  40,  46, 
48  n.,  58,  150,  152,  160,  161, 
i62n.,  165  n.,  197.  227,  228, 
240  n.,  245. 

Cordins  (Les),  voy.  Kurdes. 

Corfou,  156,  157  n.,  238  n. 

Corinthe,  158. 

Coronello  (1".)>  49  "• 

Corse  (La),  L,  LI. 

Corseto,  vov.  Bon  aventure. 

Corsetto  (h.  Boniface-Etienne), 
voy.  Etienne  de  Raguse. 

Cotignac,  voy.  Codignac. 

Coursola,  voy.  Curzola. 

Coynariez,  voy.  Qpuioundji. 

Coyouassar,  voy.  Qnuyly  hissar. 

Crémone,  VIL 

Crépy  (Traité  de),  XL 

Curzola  (Ile  de),  8. 

Cybistra,  voy.  Erekly  Qiiarainan 


274 


TABLE  ALPHABETiQ.Ui£ 


D 


Dnghestan  (Le),  56  n. 

Dalmatie  (La),  7  n. 

Damas, XLIII, 46,  loi,  112, 113, 

137,  139»  140  n.,  248. 
Damiette,  136. 

Damvilliers  (Siège  de),  154  n. 
Danichmend     (Dynastie     des), 

68  n.,  69  n. 
Daniel  (Tombeau  de),  iio. 
Daridjè,  60  n. 
Dauphine ,    fille    de    Jean    de 

Montcalm,  IIL 
David  (Tombeau  de),  XXXIX, 

XL,  XLI-XLIV,  118  n.,25é, 

258. 
Déchan  (Le  mont),  68  n. 
Dcfterdari  (Les),  41,  237,  246. 
Dcfteremin  (Les),  238. 
Delvino,  en  Albanie,  140  n. 
Derbend,  56  n. 
Derdan,  ville,  266. 
Desbillons  (Le  P.),  138  n. 
Dévèrck  tchay,  rivière,  65  n. 
Dhuyson   (M.),    voy.    Huyson, 

(Le  sieur  d'). 
Diachidesse,  voy.  Daridjè. 
Diacibysa,  voy.  Daridjè. 
Diala  (Rivière  de),  78  n. 
Diane  de  Poitiers,  XXVI,  XXIX. 


Diarbekir   (Qara   Amid),  XIX, 

78   n.,    92  n.,   96,    165    n., 

166  n.,  247,  263,  264. 
Dibec,  Dibel,  voy.  Duzdjèh. 
Dibligy,  voy.  Divriguy. 
Diego  (Don),  181,  197. 

Dierbech,  voy.  Diarbekir 

Dil,  voy.  Lingua. 

Dionysios  IL  patriarche  de  Cons- 

tantinople,  27  n. 
Divriguy,  ville,  73  n. 
Djafer    Bathal    (Tombeau   de), 

XXXV. 
Djebèlèh,  ville,  143  n. 
Djelaly,  241  n. 

Djemal  Eddin  Aqseraly,  240  n. 
Djennin  (District  de),  116  n. 
Djihanchâh    (Mosquée    de),    à 

Tebriz,  84  n. 
Djihanguir,  fils  de  Sultan  Suley- 

man,  XXXV,  162  n. 
Djisr  benat  Yaqoub,  113  n. 
Djoubb  Youssouf,  113  n. 
Djouzièh  Elqadimèh,  ville,  1 1 1  n- 
Doghandjy  bachy  (Le),  234  n. 
Dolerie,  village  de  Normandie, 

138  n. 
Doni  (feanne),  LI. 
Doria,  XLIX,  164  n. 


DES  NOMS  DE  PHRSONN'ES  HT  Dl-  I.IhUX 


27$ 


Dorylaciim,  voy.  li.sky  Chehcr. 
Dûucas  (Michel).  27  n. 
Doudjy  (Mont),  91  n. 
Douqnkin     Z.idcli      Mchciiimcd 

Pacha,  129  n. 
Drai;oinan(Le),vov.Td\l)unian. 
Drayiit  Bcy,  L,  103  n.,  164,  165. 
Dseiokh,  95  II. 


Du  Cangc,  30  n. 
Du  Guast  fLc  marquis',  133  n. 
Du  Gucrct  (Diane).  LVlil. 
Dumorticr,  ambassadeur  à  Rome, 

XXVIII. 
Du  Verdicr,  iu2  n. 
Duzdjcli,  Duzdjch  bazar,  bourg. 

62. 


Edosse,  voy.  Ourfah. 

Edib  Elendy,    144  11.,    147  n., 


1^0  n. 


Eguin,  73  n. 

Egypte  (L'),  106,  241,  248,  254. 

Elca,  voy.  Elqa'a. 

F.lie  (Le  prophète)^  112  n. 

Elqa'a,  village,  m  n. 

Elqas  (Montagne  d'),  65  n. 

Elqas    Mirza,    XXXII,    33    n., 

56  n.,  57,  88  n.,   102,    138, 

262,  263,  264. 
Emèse.  voy.  Hims. 
Emir  akhor  bachy  (L'),  44  u., 

235  n. 
Emir  Miralem  (L'),  236  n. 
Emmaus,  voy.  Amouas. 
F^mps,  voy.  Hims. 
Epidaphnè,  voy.  Antioche. 
Epiphania,  voy.  Hamah. 


Erekly  Q.araiiMn  (Eregli  deCaa- 

manic),  i.;-  n.,  162  n. 
Erez,  Eriza,  voy.  Arzindjan. 
Erizzo  (Antonio),  XVIII  n. 
Erthogroul ,     père      de     Sultan 

Osman,  i.jo  n. 
Erzeroum,   XXXV,  LX,   50  n., 

<^S,7  1,75,76;  — (Provinccd"), 

94  n. 
Erzin  (Rivière  d'),  78  n. 
Eschizaher,  voy.  Esky  Chchcr. 
Esdron,  voy.  Erzeroum. 
Esky  Cheher,  ville,  149  n. 
Esma     Sultan,    iille    de    Suiran 

Suleyman,  27  n. 
Esscbil  (Le  khan).  110  n. 
Ethiopie  (L"),  n6. 
Etienne   de    Raguse   ^Lc   frère), 

II. f  n..  117  n. 
Etienne  III.  roi  de  Hongrie,  8  a. 


276 


TABLE   ALPHABETIQUE 


Eunuques  (Les),  229. 
Euphrate  (L'),  72,  73,  78,  9011., 
91  n.,  95  n.,  99. 


[  Evlîa  Tchèlèby,  26  n.,  27  n., 
29  n.,  61  n.,  63  n.,  65  n., 
68  n.,  ()<)  n-,  70  n.,  76  n. 


Falieri  (Le  doge  Ordelafo),  7  n. 

Farath  bâcha,  voy.  Ferhad  Pacha. 

Fnzil  (Mirza),  XXXIIL 

Ferdinand  (Le  roi),  X,  XXII, 
XXV,  XXVIII. 

Ferhad  Pacha,  241  n.  (Mos- 
quée de),  63  n. 

Ferraio  (Antonio),  172  n. 

Ferrare,  LVII,  167;  —  (Du- 
chesse de),  XXVIII,  LVIII. 

Flamboler  (Les),  246. 

Folembray,  i. 

Fossati,  28  n. 

Fotcha,  village  de  l'Herzégovine^ 
10  n, 

Foua,  133. 


Français  (Les),  à  Alexandrie, 
134;  — •  à  Bonifacio,  163;  — 
à  Constantinople,  LU,  31, 
1 77- 190;  —  en  Perse,  XXXVI; 
—  à  Tripoh  de  Syrie,  141. 

Franciscains  (Les),  en  Terre 
Sainte,  XL-XL VI,  118  n. 

François  I-,  VI,  IX,  XI,  XIl, 
XIV,  XXII,  XXV,  XXXIX, 
XLIL  LUI,  17,  ri8  n.,  139, 
165  n.,  259. 

Frangipan  (L'évoque),  171. 

Fumel  (François,  baron  de), 
XXVI-XXIX,  XXXIV, 
XXXVI,  19,  20  n.,  21  n.,  59, 
219,  222,  225. 


Gaballa,  voy.  Djebèlèh. 

Gabre  (Dominique  de),  évêque 

de  Lodève,  165  n.,  167. 
Galata,  19,  31,  239  n. 
Galatic  (La),  247. 
Gallipoli,  159,  î6o,  245. 


Gangra,  voy.  Kanguery. 
Garipoglan,  voy.  Gharib  Ogian. 
Gassot   (Jacques),  I,  II,    62  n., 

65  n.,  72  n.,  88  n.,  97  n. 
Gaudon  (Simon),  XVIII  n. 
Gazere,  voy.  le  suivant. 


DES  NOMS  DE  PERSONNES  ET  Dl-  I.IEUX 


277 


GaTiza  (Gnzcrc),  XLI,  126. 
Gcnc,  voy.  Guicvch. 
Gcnnadius,   patriarche  do  Cons- 

tantinople,  27  n. 
Génois  (Les),  à  Pola,    6  n.,    à 

Sebenico,  7  n. 
Géorgie  (La),  75,  77,  80,  88  n., 

265. 
Géorgiens  (Les),  XLIÎ,  2.}8,  264, 

26). 
Gcorgio  (Frà),  voy.   Martinuzzi. 
Gérard  de  Veltwick,  voy.  Velt- 

wick. 
Germanicopolis,  voy.  Kangncrv. 
Geuffroy    (F.    Antoine).    XVI, 

227. 
Gharib  Oglan  (Les),  235  n. 
Ghazaly,  258  n.,  241  n. 
Gliazan  Khan,  85  n. 
Ghazy  Daoud  Pacha,  69  n. 
Ghourcba,  voy.  Gharib  OgLan. 
Ghoury  (Sultan),  129  n. 
Giagaiel,  voy.  Gueredèh. 
Gilles  (Ant.),  139  n. 
Gilles  (P.),  IL   LIII-LV,  30  n., 

103  n.,  138,  139  n. 
Giolgie,  voy.  Gueukijik. 
Girard     (MO»     voy.     Veltwick 

(Gérard  de). 
Girbanambea ,     voy.      Tchoban 

ormany. 
Giustiniani  (Vinc),  .jS  n. 
Gohememe,  voy.  Gumuchâbad. 
Gonzague  (Ferdinand  de),  165  n. 

—  (Iules  César  de),  VIL 


Grand  i'unr,  voy.  Ponte  Grande. 

GraiUtllc(Lecardinalde),évèquc 
d'Arras,  197,  209. 

Grèce  (La),  41,   .14,   45,    2.1 1, 
242,  245,  2.46. 

Grégoire  (Saint),  patriarche  d'Ar- 
ménie, 71  n. 

Grégoire  X.  pape,  32  n. 

Grégoire    III,    patriarche    d'.Ar- 
ménic,  95  n. 

Grelot,  26  n.,  28  n. 

Grimani  (Marino),  165  n. 

Gritti  (Aloisio),  23  n.,  172  n. 

Guarmani,  r  17  n. 

Guebizèh,  150  n. 

Guedèh  Qara,  village,  05  n. 

Gueibizè,  60  n. 

Guektchèh     Deria ,     Guektchèli 
Tenguiz,  87  n. 

Gueredèh,  bourg,  63  n. 

Guérin  (V.),  116  n. 

Guermcly  tchay,  rivière,  70  n. 

Gueuk  aghadj  sou,  rivière,  64  n. 

Gueuk  Yaïla  (Le),  78  n. 

Gueulbachy,  voy.  Q.aragueul. 

Gueuldjik,  lac,  95  n. 

Guicvch,  village,  62  n 

Guillaume    l'horloger    (.Maître), 
XXIX-XXXI,  XXXIV,    19, 

216. 

Guivra,  rivière,  64,  voy.  Gueuk 

aghadj  sou. 
Gulbehar     Khanoum      Sultane, 

28  n. 
Gumuchâbad,  bourg,  62  n 


TABLE  ALPHABETIQUE 


Guinuch  Khancli,  GG  n. 
Gunde    (Alonsignor    de),    voy. 
Rogendorf  (Christ,  de). 


Gurendèh,  village,  65  n. 
Guyemé,  voy.  Guievèh. 


H 


Habib  Qaramanly,  (^5  n. 
Hadji,  ciief  de  rebelles  persans, 

263. 
Hadji  Bektach,  66  n. 
Hadji  Hamza,  village,  65  n. 
Hadji  Kcuy,  village,  6G  n. 
Hadji    Khalfa,    67    n.,   70  n., 
72  n..  78  n.,  79  n.,  80  n., 
89  n.,  90  n.,   91   n.,  97  n., 
157  n. 
Hafça   Sultane   (Tombeau    de), 

29  n. 
Hamadan,  56  n.,  264. 
Hamah  (Aman),  loi,  iio  n. 

Hammamly,  village,  64  n. 

Hammanly  sou,  rivière,  64  n. 

Hamman  sou.  rivière,  149  n. 

Hammer  (M.  de),  60  n.,  61  n. 

Hamon  (Joseph),  médecin,  48  n 

Hamzèh  Mirza,  82  n. 

Handak,  village,  63  n. 

Hanque  (La),  voy.  Khanqah. 

Happclius,  LX. 

Hâscn  (Montagne  de),  73  n. 

Hassan  Pacha,  149  n. 


Hassan  Qalèh,  76  n. 

Hateldjewiz,  voy.  Adildjivaz 

Hayton,  91  n. 

Hébron,  126. 

Hecht  Behicht  (Palais  de),  84  n. 

Hélène  (Sainte),  ii4n.,  115  n., 

116. 
Henri  II,  XXVI,  XXVIII,  XXIX. 
XXXV,  XL  VI,  XLVIII,  XLtX , 
LUI,  LX,  17,  20  n.,  21  n., 
165  n.,  261. 
Heraclée,  voy.  Erekly  Qaraman. 
Heyduques  (Les),  192  n. 
Hiberni  (Ibères),  voy.  Géorgiens. 
Himg,  iio  n. 
Hiny  (Rivière  de),  78  n. 
Hisn  Zyad,  voy.  Kharpout. 
Hissardjiq,  71  n. 
Hongrois   (Les),   en  Dalmatie, 

Houlagou,  87  n. 
Hour  Aga,  265. 
HoLisscïn  (Khan),  caravansérail, 

140  n. 
Hunada,  Huvada,  voy.  Handak. 


DES   NOMS  DH  PERSONNES  ET  DE  LIEUX 


279 


Hussein  (Khnn),  26G. 

Hiiyson  (M.  d'),  XXXII,    LX, 


19,  20.  218,  2!9-225. 

Ilycics  (Los  îles  tl'),  LI,  21  11. 


Ibcrcs  (Les),  voy.  Géorgiens. 

Ibn  Albi  Daoud,  145  n. 

Ibn  Chohna,  100  n. 

Ibn  el  Bayyat,  82  n. 

Ibrahim,  fils  d'Edliem,  prince  de 

Balkh,  143  n. 
Ibrahim     Pacha,     XV,     XIX, 

XXXVIII,  XLI,  25  n.,  162  n., 

163  n.,  182,  238  n.,  239  n., 

241  n. 
Ibrahim  bey   Qaraman    Oglou_, 

147  n. 
Ibrahim    bcy,    drogman    de    la 

Porte,  XXXV  n.',  XLIX. 
Lonium,  voy.  Q.oninh. 
lenytchcrylar,     232      n.,     voy. 

Janissaires, 
lenyichery  yaz'.djissy  (Le),  23  2  n. 
Ilidjâ,  village,  149  n. 
Hidjch,  village  des  bains  d'Erze- 

roum,74  n.,  —  (Lcigc,  T.yse), 

92  n. 


Imad    Lddin    Zengiiv,     97    n., 

100  n. 
Imams  (Lcs)^  230  n. 
Imrakhor  bachy,  voy.  Hmir  akhor 

bachy. 
Imralem,  voy.  Emir  Miralem. 
Indjch  Balaban,  12  n. 
Inogethe,  197. 
Inrahorbassy,  voy.   Emir  akhor 

bachy. 
Iris  (L'),   rivière,    voy.    Yechil 

Irmaq. 
Iseo^  2. 

Isfendiar  (Palais  d'),  67  n. 
Iskemlèdjy  (L'),  229  n. 
Iskenderoun,  voy.  Alexandrettc. 
Iskcnder  Tchclèby,  88  n. 
Isnic,  voy.  Kicée. 
Ispahan,  56  n.,  264. 
Izay,  voy.  Iseo. 
Txmid,  IzuJmid,  voy.  Xicomédic. 


2^0 


TABLE   ALPHABÉTiaUE 


Jacob  (Pont  de),  113. 
Janguier  bassa,  voy.  Djihanguir. 
Janissaires    (Les),    42,  43,   45, 

230^  232,  242,  248. 
Jare,  voy.  Zara. 

Jean  III,  roi  de  Portugal,  XL VI. 
Jean-Baptiste    (Saint),    112  n., 

115  n. 
Jérôme  (Saint),  126. 
Jérusalem,XXXVIII-XLVI,  116- 

125,  137,  138,139,255,256; 

—  (mufti  de),  XL. 
Jonus  Bey^  voy.  Younis  Bey. 


Josaphat  (Vallée  de),  124. 

Joseph  (Puits  de),  113. 

Jourdain  (Le),  113. 

Joussouf  Mirza,  68  n. 

Judée  (La),  106,  248. 

Juifs  (Les),  à  Andrinople,  16  n.; 
—  à  Antioche,  144  n.;  à 
Constantinople,  31,  32,  188, 
189;  —  à  Pesaro,  48  n.;  —  à 
Tibériade,  48  n.,  114  n.;  — 
à  Venise,  3. 

Jules  III,  pape,  XLVI. 

Justo  di  Argento,  212  n. 


K 


Kachan  (District  de),  264. 

Kaffa^  en  Crimée,  5  6  n. 

Kaïl,  rivière,  71  n. 

Kanguery,  Kianguery,  en  Asie- 
Mineure,  64  n.,  65  n. 

Karaboudan,  199. 

Kasseky  Khourrem  (La),  voy. 
Roxelane. 

Keboudan  (Lac),  87  n. 

Kei  Qpbad,  67  n. 


Kelkid,  ville,  70  n. 
Kelkid  tchay,  rivière,  70  n. 
Kéredy,  voy.  Gueredèh. 
Khaïr  Eddin  Pacha(Barberousse) , 

XI,  156,  157  n.,  240,245. 
Khandak,  village,  63  n. 
Khanqah  (Langan,  La  Hanque, 

Hanque,laCanique,Chancha), 

128  n. 
Kharpout,  Khartpert,  95  n. 


DES  N'OMS  DE  PF.RSONNI-S  V.T  DV.  I.IFUX 


28t 


Khasscki   (Li),  voy.  Koxelanc. 

Kh;i/àncdar     b.ichy    (Le).     40, 

237  n.,  23S. 
KhouJavendi^ui.ir  (Province  Je), 

^  149  n- 
Khounous  (ChAte.iu  de).  78  n., 

89  n. 
Khounous  Q,ilch,  bour^,  89  n. 
Khourrem  Pacha,  XLI. 
Ivhoy,  ville,  80  n.,  263. 


Kiahya(Le),  23  i  n 

Kinneii-  (Mac  Donald),  92  n. 

Kourr  (Le),  78  n. 

Kurdes    (Lei),    56    u.,    82    n., 

89  n.,  247  n.,  264. 
Kurdistan  (Le),  56  n. 
Kustendjèh,  13  n. 
Kutayèh,  48  n. 
Kutchuk    Tchekmcdjch  ,     voy. 

Ponte  Piccolo. 


Laboullaye Le  Gouz  (De),  77  n. , 

82  n. 
Lacédémone,  158. 
Ladaquiè,  voy.  Lataquiè. 
Ladik  (Laodicea),  ville,  68  n.; 

—  (Lac  de),  69  n. 

Ladislas  de  Naples,  roi  de  Hon- 
grie, 7  n. 

La  Forest  (M.  de),  LV,  239  n. 

La  Garde  (Le  baron  de),  L,  154, 
155  n. ,  158,  165  n. 

Lala  Chahin  Pacha,  14  n.,  16  n. 

Lala  Moustafa  Pacha,  27  n., 
163  n. 

La  Mirandole,  ville,  VI,  Yll,  X, 

—  (Le  comte  de),   \l,  XIV. 
La    Mothe   (M.    d'Apigny  de), 

VI,  VIL 


Langan,  voy.  Khanqah. 
Lansac  (M.  de),  49. 
Lanz  (Karl),  175  n. 
Laodicea,  voy.  Ladik  et  Lataquiè. 
Lasky  (Hieronymo),    175,   176, 

177. 
Latania,  voy.  Handak. 
Lataquiè,  144  n. 
Laudun  (Jeanne  de),  III. 
Laziquiè,  voy.  Lataquiè. 
Lcbisa,  voy.  Gueibizè. 
Leige,  voy.  Ilidjèii. 
Léon  l'Africain,  128  n. 
Le  Roy  (André),  129  n. 
Lésina  (Ile  de),  8. 
Leunclavius  (J.),  150  n. 
Libyssa,  voy.  Queibizè. 
Lidichia,  voy.  Lataquiè. 


282 


TABLE  ALPHABET laUE 


Ligos,  prince  aménien,  99  n. 

Lihalî  (Château  de),  265. 

Lingua  (La),  150. 

Liverous  (Les),  voy.  Géorgiens. 

Livrigia,  149. 

Lodève   (M.   de),    voy.    Gabre 

(Dominique  de). 
Lonato,  2. 

Loranzo  (Francisco),  100  n. 
Lorcli  (Melchior),  LX. 
Lucullus,  144  n. 


Luetz  d'Aramon (Famille  de), IIL 
Luna  (Dona  Béatrice  de),48n .  ,49 . 
Luna,  voy.  Lonato. 
Lurcislav,  roi  de  Croatie,  7  n. 
Luthfy  Pacha,  XVIII,  157  n. 
Lycaonie  (La),  247. 
Lycie  (La),  247. 

Lycus  (Le),  70,  71.  

Lydie  (La),  246. 

Lyon,  2,  48  n.  .    - 

Lyse,  voy.  Ilidjèh. 


M 


Macharus  (Château  de),  115  n. 
Madruce,  Madruzzo  (Alisprand, 

Christophe  et  Georges),  164  n. 
Madruzzo    (Le     cardinal),    X, 

164  n  ,  165  n. 
Magharat  Eddem,  112  n. 
Mahmoud     (Maumetto ,     Mau- 

muth),    drogman,    198,   200. 
Mahomet,  le  prophète,  33. 
Mahomet  II,  26  n.,  27  n.,  38 n., 

60  n.,   147  n.;  —  (mosquée 

de),  à  Constantinople,  28. 
Malathia,  ville,  95  n. 
Mallesiche,  voy.  Milosanzy. 
Malte,  XL VIII,  152. 
Miiltcpèh,  60. 


Malvezzi,  XXXV  n.,  XXXVI  n., 
XXXVIII  n.,  XL VII  n. 

Malvoisie  (Château  de),  159. 

Maqrizy,  129  n. 

Marano,  ville,  X. 

Mardin,  93  n. 

Maritza  (La),  fleuve,  14.     .  - 

Marmora,  157  n. 

Marseillais,  au  Caire,  137. 

Martinuzzi  (Georges)  ,  172  n., 
181,  203,  213. 

Martoloses  (Les),  192  n. 

Massoudy,  98  n. 

Mataréc  (La),  130. 

Matbakh  Eminy  (Matpach  emin), 
231. 


DES  NOMS  DI-  PHRSONNHS  ET  DK  LIEUX 


2«5 


Maumetto,  M;uimuth,  voy.  M.ih- 

moud. 
Maundrell,  142  n.,  143  n. 
Mechterbassy  ,      voy.      Mchtcr 

bachy. 
iMcdjdcl  Andjar    (^  Mcziddicc  )  , 

140  n. 
Még.ire,  159. 

Megrcs  (Château  de).  2^  n. 
Mcgucz,  voy.  Miquc;:. 
Mchdy  cl  Hachimy,  XLI,  238. 
Mehemmcd    Efendy ,   cadi   d'A- 

dana,  241  n.;  —  cadi  de  Jc- 

rusalem,  258. 
Mehcmmed    Piry   Pacha ,    voy- 

Piry  Pacha. 
Mchemme i  SokoUy Pacha, 48  n., 

163  n.,  240  n. 
Mehran  Roud,  rivière,  85  n. 
Alchter  bachy  (Le),  236  n. 
Mekke  (La),  33,  24S. 
Melazguerd,  90  n. 
Melik     Eddahir    Ghiath    Eddin 

Ghazy,  100  n. 
Melik  Elechref  Khalil ,    lils    de 

Q.^>laoiin,  10 1  n. 
Melik  Elniouzaffer  Omar,  non. 
xMelik   Ennassir  Faradj ,    fils  de 

Barqouq,  10 1  n. 
Melik  Essalih,  ino  n. 
Melik  Ghazy,  69  n. 
Mehk  Sultan,  73  n. 
Ménard(Léon),  III,  LIX. 
Menazkert,  voy.  Melazguerd. 
Meraou,  rivière,  ^i  n. 


Mérend,  ville,  82  n. 

Mergues   Calassy,   voy.    Mcrkcz 

Qalass}'. 
Mering,  voy.  Mérend. 
Merivan,  56  n. 
Merjuva,  vov.  le  suivant. 
Merkcz  Q-ilassy,  145  n. 
Merzifoun,  voy.  le  suivant. 
Merzivan,  village,  68  n. 
Mésopotamie   (La),   106,   2.(7, 

24S. 
Messis,  Messissah,  ville,  145  n.; 

—  (Pont  de),  143  n. 
Mcthelin,  245. 
Mewlana  Djelal  Eddin  Ronmy, 

147  n. 
Meziddlec,  voy.  Medjdcl  Andjar. 
Mieles,  voy.  Milosina. 
Mihroumah  Sultane,  XIX,  59. 
Milan,  164,  165  n. 
Milazguird,  78  n. 
Milosanzy,  12  n. 
Milosina,  un. 
Minièh   (Khan)  ,   caravansérail  , 

ii4n. 
Miquez    (Don  Juan),  voy.  Nasi 

(Joseph). 
Mirabel  (Le  s'  de),   voy.  .Astars 

(Joachini  des). 
Mir  Cheret-Hddin,  90  n. 
Modon,  157  n.,  158. 
Moffan  (Nicolas  de).  162  n. 
Mohammed,  fils  d'Ibn  cl  Bayyat, 

82  n. 
Monouc,  voy.  Eunuque. 


284 


TABLE  ALPHABETIQUE 


Montcalm  (Jean  de),  III. 

Montesa,  i8i. 

Montluc  (Jean  de),  XI, XII, XIII, 
157  n.,  165  n.,  177,  185,  186, 
187. 

Montmorency  (Le  connétable 
de),  XXIX. 

Morée(La),  158. 

Morvilliers  (Jean  de) ,  évêque 
d'Orléans,  XIV,  XXV,  XXVI, 
XXVIII ,  XXIX  ,  XXX  , 
XXXIII,  4. 

Mosquées,  à  Aiep,  162  n.;  —  à 
Andrinople,  16  n.;  — à  Aq- 
cheher,  148  n.;  —  à  Boly, 
63  n.  ;  —  à  Constantinople, 
28,  29;  —  de  Djihanguir, 
162  n.;  —  à  Esky  Cheher, 
149  n,  ;  —va  Merzifoun,  68  n.; 


—  à  Sabandjèh,  6t  n.;  — à 

Tébriz,  84  n. 
Mouch,  ville,  90  n. 
M  ou  r  ad  dagh  (Le),  62  n. 
Mouteferriqa  (Les),  XXV,  23  3  n. 
Moutewekkil,  82  n. 
Mouton    blanc    (Dynastie    du) , 

85  n. 
Murad  I" (Sultan),  16  n..  149  n. 
Murad  II,  68  n.,  162  n. 
Murano  (Ile  de),  4  n. 
Mus  (Le  capitaine),  voy.  Nas. 
Mustafa  (Sultan),  fils  de  Sultan 

Suleyman,  XV,  XVII,  XIX, 

162,  163,  165   n.,  182,  201. 
Mustafa  Pacha,  8  n.,  i4n.,63n., 

149  n.,  239  n.,  241  n. 
Mutefaracha,  voy.  Mouteferriqa. 


N 


Nadasdy  (Thomas),  171. 

Nakhtchivan,  266. 

Naplouse     (Sichar,     Sichem), 

116  n. 
Napoli  deRomanie,  159,  239  n. 
Nas  (Le  capitaine),  164  n. 
Nasi  (Joseph),  48  n.,  1 14  n. 
Nassangibassi ,    voy.    Nichandjy 

b.ichy. 
Nassirièh  (Collège  de),  70  n. 


Nassiri  Khosrau,  93  n.,  129  n. 
Navagero    (Bernardo) ,    XVIII, 

XX. 
Naxos    (Duc     de),    voy.     Nasi 

(Joseph). 
Nazar  (Khan),  266. 
Nazareth,  115. 
Nazik  Gueul,  lac,  89  n. 
Neby  Danial,  village,  no  n. 
Négrepont,  159,  245. 


DES  NOMS  DE  PERSONNhS  JiT  Dh  l.lhLX 


J«s 


Xcmrod,  97  n.,  99. 
Xcocesarcii,  voy.  Nikss.ir. 
Xicc,  LL 
Kicce_,  149. 
Xiccphore,  100  n. 
Kiccphore  Phoc.is,  i.|4  n. 
Xiccron  (Le  P.),  138  n. 
Nich  (Xissa),  12. 
XichanJjy  bacliy  (Le).  242  n. 
Xicolas  R',  p.ipc.  32  n. 
Xicolav    (Nicolas    Je)^    XLIX, 

lv,"l\i. 


Nicomcdic,  61,1 51). 

Nikssar,  C^)  n.,  70  n. 

Nil  (Le),  130,  133,  n^.  13^^- 

Ninivc,  247. 

Nissar,  voy.  Nikssar. 

Noailles  (François  de),   58   n., 

167  n. 
Nossensoffilert,  90. 
Nour  Eddin,  ino  n. 
Novibazar,  1 1. 


Octomang'nc,  voy.   Osmandjiq. 
Oda  bachy  (L'),   228  n.,  231, 


-ij-i. 


Oetting  (l-lisabeth  d'),  XXIV. 
Olach,  vi.y.  Oulaq. 
Oldjnïtou  (Sultan),  79  n. 
Oliviers  (Mont  des),  124. 
Olopha,  voy.  Uloufèh. 
Olophagibassi,  235. 
Omar,  fils  d'Abd  el  Aziz,  257. 
Omar  ibn    cl  Khattab,    100  n.j 

257- 
Omedcs(D.  Juan),  XLVIIL 

Orkhan  (Sultan),  61  n.,  150  n. 

Oronr'^rL'),  no  n.,  144  n. 

Ortasia,  -oy.  Tartous. 


Orseolo  (P.),  7  n. 

Osam     (Osain),      voy.      Khan 

Housseïn. 
Osdan,  voy.  Van  (Lac  de). 
Osman  (Sultan),  66. 
Osmandjiq,  château,  63  n.,  66  n. 
Otto  Heinrich,  duc  de  Bavière, 

LVL 
Oulama  Pacha,  XXXVIL 
Oulaq  (Les),  234  n. 
Ourfah  (Orlah,  Ldesse,  Roha), 

97  n.,  98,  247. 
Ourmiah  (Lac  d'),  86  n. 
Outouraq  (Les),  233  n. 
Ouzoun   Hassan.  68   n.,  70  n., 

71  n.,  76  n.^  84  n. 


286 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


Pachas   (Les),    leurs   fonctions, 

41,  238. 
Pagani,  129  n. 
Pagech,  voy.  Bidlis. 
Pallavicini  (Sforza),  172  n. 
Pamphylie  (La),  246. 
Paphiagonie  (La),  246. 
Paradisus,  ville,  m  n. 
Parance,  voy.  le  suivant. 
Parenzo,  5. 
Parga,  239  n. 
Paros,  voy.  Ponte  Grande. 
Paruta,  157  n. 
Paspati,  28  n. 

Passin  (plaine  et  bourg  de),  76  n. 
Paul  IIL  VL 
Paule,  voy.  Pola. 
Paulin  (Le  capitaine),  voy.Polin. 
Peïk(Les),  234. 
Pellicier,  évoque  de  Maguelonne, 

V,  VI,  VII,  IX,  X.  ^ 
Péra,    19,    23    n.,  31,  32,   40, 

165  n.,  244. 
Pereny  (Peter),  170,  171,  178. 
Persans   (Les),  174,  262,  263, 

264. 
Perse    (La),    XXII,     XXXII, 

XXXVI,  LI,  55,56n.,  175  n.;, 

213,254. 


Peruzzi  (François  de),  LI. 
Perybacha,  voy.  Piry  Pacha. 
Petchewy,  XXII  n.,  90  n. 
Petit  Pont,  voy.  Ponte  Piccolo. 
Petrimo,  voy.  Batroun. 
PetrusMaronitadeLibano,  175  n. 
Philippe  II,  165  n. 
Philippopoli,  13. 
Phocas  (Nicéphore),  144  n. 
Phrygie  (La),  247. 
Piémont  (Guerre  du),  V. 
Pigeons  voyageurs,  au  Caire,  127 
Pir  Dedèh  (Tombeau  de),  68  n. 
Piry    Pacha,    XXXVII,    XLV, 

25  n.,  14e  n.,  239  n.,  240  n. 
Pisani  (Vittore),  8  n.       .      . 
Pisogne,  2. 

Pizone,  voy.  le  précédent. 
Pleoljiè,  10  n. 
Pleonie,  voy.  le  précédent. 
Poitiers  (Diane  de),  V. 
Poitiers  (Guillaume  de),  seigneur 

de  Saint -Vallier,  V. 
Pola,  5,  6. 
Polin  (Le  capitaine),  IX,  X,  XI, 

155  n. 
Pont  (Le),  246. 
Ponte    Grande   (Buyuk  Tchek- 

mèdjèh),  18  n.,  217. 


DÏÏS  NOMS  DE  PI-RSONNi:S  HT  Hl-  I  II-UX 


:87 


Ponte  Piccolo  (Kutchuk  Tchck-     Poulet  (A),  84  n 


mcdjch),  19  n. 
Ponza(Ilcs),  164  n. 
Port;iry,  73  n. 
Portioncula(Couvent(ie),XLlV. 


Prcpouillc,  voy.  le  suivnnt. 
Pricpoljè,  ion. 

Provence  (La),  V,  IX.  XI,  LI. 
LVII. 


Postel  (G.).  LV,LVI,  13S,  139.      Pylac  Ciliciac.  145  n, 


Q 


Q.adi  Keuy  (Chr.lcédoinc),  59  n. 
(iihqahah  (Château  de),  56  n. 
Q.ipidjilar  Kiahiassy,  42  n. 
Qnpidjy  bachy  (Les),  42,  229  n. 
Qapy  aga  (Le),  40,  229  n. 
Q.ira  Amid  (Diarbekir),  92  n. 
Qara  Arsian,  village,  149  n. 
Q,ira  Derbend  (Défilé  de),  80  n. 
Q.aradjalar,  village,  64  n. 
Qaragueul,  lac  et  village,  64  n. 
Qara  Ki.pry  Sou,  rivière,  89  n. 
Q.ara  Sou^  rivière,  90  n. 
Q,ira  Youssouf,  76  n. 
Qartal,  bourg,  1500. 
Q.issim  Pacha,  239  n..  2.|.i  n. 
Qassioun  (Le  mont),  112  n. 
Qastcmounv(Provincede),(;2n., 

63  n. 
Qathièh,  bourg,  127  n. 
Qazwin,  85  n.,  163  n.,  264. 
Q.ilidj  Arsian,  147  n. 


Qiprchaq  (Le),  XXXIL 

Qir  Chehcr,  65  n. 

Qizillrmaq. 65  n. , 66, 6Sn.,i.}6n. 

Qizil  Tcpèh.  264. 

Qodja  Ili   (District  de),  (To  n.. 

63  n. 

Qpdja  Sinan,  arciiitecte,  20  n. 
Qpniah    (Iconiuni),    XXXV, 

147  n,,  163  n. 
Qptch  Hissar,  bourg  et  district, 

64  n.,  65  n. 
Qpuiounari,  voy.  le  suivant. 
Qpuioundjy  (L'js),  2.15  n. 
Qpum,  $6  n.,  2G.\. 
Qournah,  78  n. 

douvly  hissar,  71  n. 
Q.juyoun  Baba,  66  n. 
Qtniyounly  baba  (Les),  66  n. 
Quesiliemac   (Le),    voy.    Q.i/.il 

Irmaq. 
Quirmas  Kh.v.i,  266. 


288 


TABLE  ALPHABETIQUE 


R 


Raghib  Tchéléby,  nichandjy  ba- 
chy,  21711. 

Raguse,  8,  911.,  154,  180,  181, 
197,  198,  202,  203. 

Ragusais  (Les),  XXIII,  XXV. 

Raman,  voy.  Ramlèh. 

Ramazan  Oglou,  146  n. 

Ramlèh,  126  n. 

Rarech  (Elie),  hospodar  de  Mol- 
davie, 199  n. 

Reggio,  L. 

Regium,  voy.  Ponte  Piccolo. 

Renée  de  France,  LVII,  LVIII, 
167. 

Rhodes  (Ile  de),  197,  238  n., 
240  n.,  241  n.,  245. 

Rogendorf  (Christophle  de),  dit 
comte  de  Rocquendolf  ou  Ro- 


guendolf,  appelé  aussi  monsi- 
gnor  de  Gunde,  ou  Conde, 
XXIII,  XXIV,  XXV,  LI,  21- 
25,  199,  200,  203,  205-212, 
217,  225. 

Roha,  voy.  Ourfah. 

Rosermanige,voy.Rouznamèdjy. 

Rosette,  13  e. 

Rostan,  voy.  Rustem. 

Roumélie  (La),  XXXV. 

Rouznamèdjy  (Les),  237  n. 

Roxelane,  XV,  XIX,  XXII, 
XXXIII. 

Ruscelli,  165  n. 

Rustem  Pacha,  XVIII -XXI, 
XXIII,  XXIV,  XXXIV,  LX, 
76,  88  n.,  114  n.,  182,  183, 
184,  188,  195,202,211,263. 


Saat  Tchiqour,  266. 
Sabandjèh,  61  n. 
Sabandjy  Khodja,  61  n. 
Sabangil,  voy.  Sabandjèh. 
Sabasty,  voy.  Sebastc. 
Sabéens  (Les),  98  n. 


Sacca  (Les),  231. 

Saint-Benoît  (Église  de),  à  Cons- 

tantinople,  32  n. 
Saint-Blancard  (Le  baron  de)  , 

36  n. 
Saint-Jean  d'Angély,  LVII. 


DES   NOMS  DE   l'HRSONNLS  LT    D\i   1.1  LUX 


îS.) 


5aiiK-S;iuvcur  (Couvent  du) ,  à 

Jérusalem,  XL\'l. 
Sainte-Sophie  (Mosquée  Je),  27, 

28  n. 
Saint- François   (hglise   de),    à 

Constantinople,  32  n. 
Saint-Martin(J.de),75  n.,  87  n.,  j 

99  n-  i 

Saint-Sava  (Monastère  de),   10,  '^ 

II.  ; 

Saint-Sépulcre  (Hglise  du),  121.   | 
Saint  -  Simphorien    (M.   de)  ,   , 

XXVIII.  I 

Saint- Vallier    (Le  s""    de),   voy.   ' 

Poitiers  (Guillaume  de).  i 

Sakaria  (Le),  rivière,  62  n.,  64 n.   ' 
Saladin,  non.,  m  n. 
SaLihièh  ,  faubourg  de  Damas, 

1 1 2  n . 
Salahyèh  (Sallayé,  Salachie,  Sa- 

Iachia,Salqule),  village,  128  n. 
Salares,  197,  198. 
Salerne  (Le  prince  de),  L. 
Salivrée,  voy.  Silivry. 
Sallengre,  138  n. 
Salomon  (Temple  de),  119. 
Samaritains  (Les).  116  n. 
Samsoun,  ville,  69  n 
Sandyklou  Sou,  rivière,  149  n. 
Sangary  (Le),  voy.  Sakaria. 
Sangiachs  (Les),  45,  46,  246. 
Sangiachbeys  (Les),  45. 
Sara  emin,  voy.  Cliari'  Eminy. 
Saragna  (Combat  de),  165  n. 
Saraptar,  voy.  Chcrabdar. 


Saraydar  bassy  (Le),  22;. 
Sarras  (Jacques  de),  seigneur  de 

Bernis,  III. 
Sarus  (Le),  voy.  Sihan. 
Sary  Rustem  Pacha,  61  n. 
Sathourah,  puits  .'i  Alep,    100  n  , 
Saulachi,  voy.  Solaquis. 
Sava  (Saint),  10  n. 
Savatz,  voy.  Sivas. 
Sayd  Eddaulèh,  100  n. 
Scepecly,  voy.  Sepetlv. 
Schelikmark,   voy.  Q.!/.il  Irmaq. 
Schemligi,  voy.  Iskcmlèdjy. 
Scutari  ,     on     Asie  -  Mineure  , 

XXXV,  LX,  59,  161,  lOon., 

1  o  — 

Sebaste,  Sebastièh.  115  n. 
Sebenico,  IX,  7,  8,  241  n. 
Sechmenbassy,  voy.  Scgban  ba- 

chy. 
Secco  (N.).  voy.  Sicco. 
Sèfèvys  (Les),  85  n. 
Segban  Ada  (Défilé  de),  So  n. 
Segban  bachy(Le),  44,  23.}. 
Sehend  (Le  mont),  85  n.,  87  n, 
Seïd  el  Ghazy,  village,  62  n. 
Seïf  Eddin  Djekem,  loi  n. 
Seif  Eddaulèh,  100  n. 
Seilechuw  145. 
Seïmen  bassy  (Le),  voy.  Segban 

bachy. 
Seldjouq  Sultane  (Tombeau  de), 

29  n. 
Scletkèh,  i.j5  n. 
Séleucus,  100  n.  19 


290 


TABLE  ALPHABÉTiaUE 


Seleucus  Nicator,  144  n. 
Sélim  P"-  (Tombeau  de),  29  n. 
Sélimll,  XXXV,XXXIX,-49  n., 

163,    182,  238   n  ,   240   n., 

241  n. 
Selmas  (Montagnes  de),  80  n. 
Selve  (Odet  de),  Lin.,  156  n., 

164  n. 
Semendria,  241  n. 
Sénéchale  (La  grande),  XXX. 
Sepetly,  village,  69  n. 
Sept  Tours  (Les),  24. 
Sérail  (Le),  à  Andrinople,  244; 

—  à  Constantinople ,  25,  26, 

227,    229,   230,   243;  —  à 

Pèra,  244. 
Serlingan,  ville,  264. 
Serraf,  Serrafiers  (Les),  238. 
Seure  (Michel  de),  153  n.,  167. 
Seyd  Ahmed  Kebir  (Couvent  de), 

68  n. 
Seyd  Ghazy  (Ville  de),  XXXV. 
Sforza  (Gui  d'Ascanio),  167  n. 
Sicile  (La),  152. 
Sicco  (Nicolas),  173  n. 
Sienne,  157  n. 
Sifanto  (Ile  de),  165  n. 
Sihan  (Le),  rivière,  146  n. 
Silahdar    (Les),    228    n.,    233, 

243. 
Silan  (Les  monts).  87  n. 
SiUchtar,  Silihdar,  voy.  Silahdar. 
Silivry,  18  n.,  241  n. 
Sinan  Aga,  163  n. 
Slnnn  Pacha,  XLVIII,  140  n. 


Singas,,  fleuve,  250. 

Sion    (Mont),    XXXLK,     XL, 

XLIV,  117,  255,  258. 
Sipahoglan  (Les),  230  n.,  233, 

244. 
Sipahy  (Les),  246,  247,  248. 
Sisfaf^  voy.  Sugut. 
Siwas  (Ville   et  Province    de), 

XXXV,  67  n.,  68,  163  n. 
Sobassi,  voy-  Soubachy. 
Sofia,  12,  13  n. 
Solachbassy  (Le),  233. 
Solachler,   Solaqlar,  voy.   Sola- 

ques. 
Solaques    (Les),    43     n.,    233, 

243. 
Soliman  (L2   Sultan),  voy.  Su- 

leyman. 
Sonqor  bay  Chemsi  Pacha,  62 n., 

6^  n. 
Sophian,  voy.  Soufian. 
Sophy  (Le),   voy.   Chah  Thah- 

masp. 
Soranzo  (Jacopo),  18  n. 
Soubachy  (Les),  47,  246. 
Soufian,  village,  82  n. 
Sourkhâb.  rivière,  87  n. 
Sovas,  94. 

Spachoglan  (l-cs),  voy.  Sipaho- 
glan. 
Spahis  (Les),  45,  46. 
Sténo  (Le  doge  Michèle),  8  n. 
Stéphane  (Lac),  voy.  Ladik. 
Sugut,  Sugutdjik,  149. 
Suisse  (La),  15.}. 


DES  NOMS  Dli  PHRSONNF.S  HT  DE  LIEUX 


291 


Sulcymnn  (Sultnn),  IX.  XIII, 
XV-XVIII,  XXIX,  XXXV, 
XXXIX,  XLTI,XLVII,XLIX, 
LX,  14  n.,  15,  16  n.,  18  n., 
19  n.,  20  n.,  27  n.,  29,  3811., 
48  n.,  56  n..  59  n.,  60  n., 
69  n.,  76  n  ,  80  n.,  83  n., 
88  n.,  90  n.,  118  n.,  149  n., 


157  n.,  i62n.,  163  n.,  i66n., 
218,  238  n.,  239  n.,  240  n., 
241  n.,  2)9- 

Sulcymnn   Pach.i,  XVIll,   XIX. 

SulunEuny  (District  cIl).  i.}9  m. 

Sultiianich,  85  n. 

Syrie(I.a),  XXXVIII,  106,  2.;S. 


Tachlidjch,  voy.  Plcoljc. 
Tadj  EdJin  Aly  Clûh,  79  n. 
Talismans,  voy.  Imams. 
Tara,  pcrc  d'Abraham,  98. 
Tarreau  (Imbert),  V. 
Tartous,  ville,  141  n. 
Tas  bouniary,  fontaine  à  Thossia, 

65  n. 
Taschereau  (M.),  LIX. 
Tatar  Bazardjik,  XIV,  13  n. 
Tatars  (Les),  à  Alcp,  loi  n. 
Tauris^  voy.  Tebriz. 
Taurus  (Le),  i.|7,  247. 
T.avachy,  voy.  Tiiaraqly. 
Tavernier,  26  n. 
Tchachneguir  bacliy  (Le),  231  n. 
Tchachne^uir   Kuprussy,    pont, 

65  n. 
Tchaldiran  (Plaine  de),   82  n.; 

—  (bataille  de),  240  n. 


Tchaouch  B.'.chy,  41  n..  235  n. 

Tchardaqly,  71  n. 

Tcherkcs,  bourg,  64  n. 
'  Tcherkes  Sou,  rivière,  64  n. 
j   Tcliernica^  village  de  l'Herzégo- 
I       vinc,  ion. 

Tcliibouq  Arassy(Plainede),65  n. 

Tchiftou,  rivière.  87  n. 

Tchihatchef  (M.  de),  62  n.. 
64  n.,  0)  n..  69  n.,  70  n., 
149  n. 

Tchoban  Kara  Hissar,  71  n. 
I  Tchoban  Kuprussy,  78  n. 
1  Tchobanlou  (Les),  71  n.,  73  n. 

Tchoban  Mustafa  Pach.i,  150  n. 

Tchoban  ormnny,  71  n. 

Tchoqadar  (Le),  228  n. 

Tchouroum  (Sandjaq  de),  66  n. 

Tebriz,  XXXVII,  82,  S;,  8411., 
I       85.  86.  :62. 


292 


TABLE  ALPHABETIQUE 


Teftou,  rivière,  87  n. 

Telcfour  Seray,  à  Constantinople, 

27  n. 
Telvrit,  78  n. 
Tela,  île  et  lac,  86  n. 
Teranèh,  village,  T33  n. 
Terchan    Sou,   rivière,    68   n., 

69  n. 
Tereck  (Valentin),  170,  178. 
Terdjil  (Le),  rivière,  78  n. 
Tcrdjuman  (Le),  234. 
Termes    (Paul    de    la    Barthe, 

seigneur  de),  164  n. 
Tcrshanèh,  arsenal  à  Constanti- 
nople, 38  n. 

Tcrunitis,  voy.  Teranèh. 

Thabor  (Mont),  115. 

Tharaqly,  ville,  62  n. 

Thenaud  (Jean),  129  n. 

Théodore  Lascaris  I",  149  n. 

Théodosiade  (L'exarque  de  la), 
144  n. 

Thèodosie,  voy.  Thossia. 

Thevet  (André),  LIV. 

Thiboust    (Jacques),    sieur     de 
Quantilly,  IL 

Thionville  (Siège  de),  22  n. 

Thomas  (Le  chevalier),  VIIL 

Thossia,  ville,  65  n. 

Thou  (De),  20  n.,  164  n. 

Tibériadc,  48  n.,  114. 

Ticpolo  (Nicolo),  6  n. 

Tigrane,  roi  d'Arménie,  144  n. 

Tigrane  II,  71  n. 

Tigre  (Le),  78. 


Timour,  68  n.,  72  n.,  loi  n., 

iio  n. 
Timourtach  Pacha,  69  n. 
Tocat,  ville,  67  n.,  69  n.,  247. 
Tocquato,  voy.  le  précédent. 
Topgibassi  (Le),  23  5 . 
Topzig(Les),  235. 
Tophanèh,   fonderie  de   canons 
et  quartier  à  Constantinople, 
38  n.,  162  n. 
Tortoum,  ville,  265. 
Tortous,  Tortose,  voy.  Tartous. 
Toscia,  voy.  Thossia. 
Toumanbay  (Sultan),  238  n. 
Toundja,  rivière,  16  n. 
Tournon  (Le  cardinal  de),  LU. 
Touzla,  60  n. 

Transylvanie  (La)^  202,  203. 
Trébinié,  9. 
Trébizonde,  247. 
Trente  (Le  cardinal  de),  Chris- 
tophe   Madruzzo,    X,     164, 
165  n. 
Trente,  ville,  X. 
Trevisan  (Marc'  Antonio  et  Do- 

menico),  129  n. 
Trilago  (Paolo  de),  VIL 
Tripoli  de  Syrie,    140,    141  n; 
—  de  Barbarie,  XLVIII,  XLIX, 
151,  152,  153  n. 
Turcomans  (Les),  247. 
Turcs  (Les),  à  Venise,  3  n.;  à 

Sebenico,  8  n. 
Turkestan  de  Ja  Perse  (Le),  voy. 
Khoy. 


DES   NOMS   D\L   PERSON'Nl-S    Hl'    1)1-;    LlhfX 
Tymar  (Le),  229.  | 


i'M 


U 


Ugrinovicz,  199,  208,  210. 
Ulach  (Les),  vov.  Oiilaq. 
Uloufèh,  solde,  229  n. 
Uloutcdjy  (Les),  235  n. 


Uskudar,  voy.  Scutnri. 
Usunnassan,  voy.  Ouzoun  lLi->- 
san. 


\'ahichie  (La),  199. 

^'alencienncs,  secrétaire  d'am- 
bassade, 17. 

Van  (Château  de),  XXXVII,  87, 
88,  263. 

\an  (Lac  de),  79  n.,  87,  89. 

\'an  der  Aa,  181. 

\'arasdino,  202. 

Vargas  (Don  Juan  de),  165  n. 

Vasdan,  voy.  Van. 

Veltwick  (Gérard  de),  XI-XI\', 
XXII,  XXIII,  XXIX,  XXXIV, 
LX,  169  n.,  201,  206,  209, 
210,  212,  215,  219. 

Venise,  V,  IX,  XXVIII,  2,  3. 
154,  155  n. 


Vénitiens  (Les),  à  Alep.  100, 
—  à  Corfou,  156;  —  en  Dal- 
matie,  8. 

\'esnadar,  \'eznèdar(Les),23  7  n. 

\'iennc,  XX\'. 

Vilhelmo,  l'horloger,  vov.  Guil- 
laume. 

Villamont  (De),  141  n. 

\'illemontée  (Antiioinc),  166  n. 

\'iIlottc  (Le  Père),  83  n. 

\'iran  Cheher,  district  et  ville. 
62  n.,  63  n. 

Vivien  de  Saint-Martin  (M). 
LIX. 

\'lambcg,  202.  214. 


294 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


w 


Wady  Ezzeïtoun,  99  n. 


X 


Xérolophe  (Le)^  à  Byzance,  30  n.   | 


Y 


Yaqout^   98   n.,    127  n.;  —  le 

calligraphe,  150  n. 
Yechil    Irmaq,    rivière_,    67    n., 

68  n.,  69  n.,  70  n. 
Yenisus_,  voy.  Younis. 
Yldiz  Tchay,  rivière^  69  n. 


127  n. 
Younis  Bey  (Jonus  Bey),  X, 
XXV,  XXXIV,  179,  183, 
184,  185,  186,  187,,  188,  190, 
193,  194,  195,  196,  198,203, 
207,  211,  215,  216,  217. 


Younis    (Khan),     caravansérail,      Younis  Pacha,  240  n. 


Zaccharia  (Le  Père),  208. 
Zagardjy  bachy  (Le),  234. 
Zagreb,  202,  214. 
Zaharten,  gouverneur  d'Arzind- 


lan 


;-   / 


2  n. 


Zamnicas  (Jean    Miquex),    voy 

Nasi  (Joseph). 
Zanchano  (Francesco),  208. 
Zane  (Matteo),  140  n. 
Zaniligibassi,    Zaniligiler,    voy 


Di:S  NOMS  Di;  Pl-RSONNi:S  LT  Dl:  LlhUX 


i9S 


DoghanJjy  b.ichv. 
Zante,  157. 
Zapolia  (Jc.m),   roi  de  Hongrie, 

23  n.,  172  n. 
Zani  (J.irc),  6.  7  n. 
Zeïroun,  c.inton,  (>3  n. 


ZcnJjy  (L.-),  rivicrc,  7S  n. 
ZobciJ6li,    fomnu-    Je    H.uojn 

l-]rrechij,  83  n. 
Zoiilq.iJrich     (  Pioviiue      de  )  , 

2.}i    n;   —   (Dynastie    des). 

-\7  '1- 


CORRECTIONS 


Page  XV,  ligne  21  -.au  lieu  de  Kasseky,  il  faut  lire  Khasseky. 

Page  XVII  et  dans  les  pages  suivantes  :  au  lieu  de  Vézir,  lire  Vizir. 

Page  16,  note  ligne  5  :  au  lieu  de  Chalin,  lire  Chahin. 

Page  71,  note  5  :  au  lieu  J^  Ardingichy^  lire  Artingiely. 

Page  91,  note  i,  ligne  18  :  au  lieu  de  Benir^  lire  Béni. 

Page  139,  note  i,  ligne  5  :  au  lieu  de  Bosphoro,  lire  Bosporo. 

Page  140,  note  i  :  Le  gouverneur  de  Damas  dont  parle  Ches- 
neau  était  Piry  Pacha  qui  avait  succédé  à  Sinan  Pacha. 

Page  143,  note^  ligne  9  :  au  lieu  de  Maundeel,  lire  Maundrell. 

Page  164,  note  3,  ligne  6  :  au  lieu  de  Les  Ponza,  lire  les  îles 
Ponza. 


ANGERS,    IMP.    BURDIN    ET    C'*,    4,     RUE   GARXIER