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Full text of "Relation de l'ambassade au Kharezm (Khiva) de Riza Qouly Khan"

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LE PUY, IMPRIMERIE DE MARCIIESSOU FILS 



PUBLICATIONS 

DE l'École des langues orientales vivantes 



IV 

RELATION 

DE 

L'AMBASSADE AU KHAREZM 



RELATION 



L'AMBASSADE 

AU KHAREZM 



RIZA QOULY' KHAN 

TRADUITE ET ANNOTÉE 

Par CHARLES SCHEFER 

MEMBRE DE l'institut 

rREMlER SECRÉTAIRE INTERPRÈTE DU GOUVKRKEMENT POUR LES LANGUES ORIENTALES 

PROFESSEUR A l'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES 




PARIS 
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR 

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE 

ILE DES LANGUES ORILNTALeS VIVANTES, DES SOCIÉTÉS DE 

DB SHANGHAÏ, DE KEW-KAVBN (ÉTATS-UNIS), ETC. 

28, RUE BONAPARTE, 28 

1879 



INTRODUCTION 




INTRODUCTION 



n^ r\j*.r^ ftft^ 0\^* t f\^ ^ / . ^. 




ES géographes orientaux désignent sous le nom de Kha- 
re^m la bande de terrain qui s'étend le long des deux 
s rives du Djihoun , depuis Vanciertne ville d*Amol el 
Mefa\eh jusquà la mer d'Aral y appelée par les tribus turkes Qara 
Tenghii (mer noi?^e) ou Euku^ Souy (Veau du taureau). 

Ce pays forme une oasis qui doit sa fertilité au fleuve et aux ca- 
naux qui en sont dérivés. Il est bojvté, au ?tord, par la partie du ter- 
ritoire russe qui portait autrefois le nom de Dechti Qiptchaq, et qui 
était occupée par des tribus nomades dont la plus puissante ^ celle des 
Ghouw, a joué, au moyen âge, un rôle important dans l'histoire 
de l'Asie centrale ; au sud, il confine au Khorassan; à l'est, aux rfc- 
serts du Qi^il Qoum (sable rouge) et du Bataq Qoum (sable dans 
lequel on enfonce), à l'ouest^ au Qara Qoum (sable noir) et à fan- 
cienne province du Gourgan. 

Les Orientaux donnent, pour le nom du Khare\m, des étymologies 
diverses et sans valeur. Selon les uns, le nom de Khâh re^m (qui re- 
cherche les combats) caractériserait l'humeur belliqueuse des habi' 
tants. Selon les autres, Khar (nourriture) et Rc^m (bois) auraient 
désigné le poisson péché dans le Djihoun et le bois qui servait à le 
faire cuire. Ces mots auraient été prononcés par des indigènes 
intei^rogés sur leur manière de vivre, et ils auraient, depuis lors, 
servi à désigner cette contrée. Enfin, Ri\a Qouly Khan prétend 



IV RELATION DE L AMBASSADE AU KHARE2M 

que le nom de Khare^m fut donné à ce pays par Key Kaous à la 
suite du combat singulier dans lequel il tua Chidèh (Khar Re^m, 
combat facile). 

Il est plus probable que Khare\m dérive des expressions pendes 
Qaïr^ Khar (nourriture, herbe) et Zem (terre), Isthakhry et Yaqout 
nous disent, en effet, que le sol du Khare^m et les sables des déserts 
qui Venvironnent ont quelque ressemblance avec ceux des déserts qui 
bordent V Egypte au sud-est, et qu'ils produisent en abondance la 
plante épineuse appelée « Ghada » par les Arabes et c Khar i chou -- 
tour » par k*s Persans (hedysarum el hagi). 

Les notions exactes et détaillées sur le Khare^m avant la conquête 
musulmane nous font presque entièrement défaut. Hérodote nous ap^ 
prend que cette province faisait partie de la seizième Satrapie. Ar^ 
rien donne quelques détails sur l'expédition d*Alexa7idre, et il fait 
mention d'un prince nommé Phara^mane qui gouvernait cette con- 
trée. 

Les anciens géographes chinois ne nous fournissent que peu de 
renseignements. Hiouen Thsang (a . D. 648) se borne à dire que « le 
royaume de Ho-lo-si-ma ou de Ki-li-sse-mo (Khare^m) est situé sur 
les deux rives du fleuve Pou-tsou; qu'il a vingt ou trente H de l'est à 
l'ouest et cinq cents du sud au nord, » // ajoute que « sous le rapport 
des produits et des mœurs de s:s habitants, il ressemble au royaume 
de Fay-ti (l'ancien district d'Amol el Mefa^èh), mais la langue que 
Von y parle est un peu différente * . » 

Abou'r Reïhan Mohammed el Biromiy, né dans le Khareim, 
avait écrit une histoire de sa patrie depuis les temps les plus reculés. 
Son ouvrage, qui nous aurait fourni les détails les plus précieux, 
n'est pas, malheureusement, parvenu jusqu'à nous. Je n'ai pu en 
trouver de traces ni en Turquie ni en Perse, bien que l'on conserve 
dans les bibliothèques de Comtantinople et de Téhéran un certain 
nombre des écrits de cet auteur. 

Aboul Fa\hl Beyhaqy, dans son histoire de sultan Messoud,fls de 

I. Mémoires sur les contrées occidentales, traduits du sanscrit en chinois et du chinois 
en français par Stanislas Julien. Paris, iBSy, tome I*% page 22, et Histoire de la vie 
de Hiouen Thsang traduite du chinois par Stanislas Julien. Paris, i853, pages 388-389. 



INTRODUCTION V 

Mahmoud le Ghainêvide, a consacré quelques pages aux événements 
qui surgirent dans le Khare^m lors de la chute de la dynastie des 
Béni Mamoun et de V élévation d'Altountach, chambellan du sul- 
tan Mahmoud, au gouvernement de cette province \ Beyhaqy, dans 
son récit, s'appuie uniquement sur l'autorité de Birouny dont il 
avait entre les mains Vhistoire autographe. 

Un passage de ce livre est également cité par Yaqout dans son 
dictionnaire géographique. Mais V exemplaire qu'il avait vu y proba- 
blement lorsqu'il exerçait à Bagdad la profession de libraire, n'avait 
fait que passer par ses mains. Aussi fait-il cette citation de mémoire 
et prie-t'il le lecteur de la rectifier ou de la compléter ^. 

La perte de l'histoire du Khare^m par Birounf est d'autant plus 
regrettable, que nous ne savons que fort peu de chose sur cette con- 
trée, avant la conquête des Arabes. On peut supposer, d'après les lé- 
gendes et les traditions qui nous été conservées, que les rives septen- 
trionales du Djihoun ont été anciennement occupées par des hommes 
d'origine persane^ qui y avaient été déportés comme dans un lieu 
d'exil. Ils s'unirent à des femmes turkeSy et cette population mêlée 
forma la classe connue aujourd'hui sous le nom de Sart^ et qui prétend 
descendre de Persans venus du Khorassan, du Thokharistan et de 
Balkh. En état de guerre constant avec les tribus qui les environ- 
naient, exposéSy quoique musulmans, à être vendus comme esclaves^ 
les Khare\miens cherchaient encore au xiii^ siècle à se distinguer 
de leurs redoutables voisins ; pour que leur physionomie différât 
de celle des peuplades turkeSy ils élargissaient ^ au moyen de sachets 
remplis de sable, le front et la tête des nouveau-nés. 

Dans les temps reculés, le Khare^m eut à se défendre à la fois 
contre les Turks et contre les Perses. Le Djihoun formait contre 
ceux-ci une frontière naturelle, et à la suite de longues guerres, 
il avait été stipulé qu'une bande de terre serait neutralisée sur les 
deux rives du fleuve ^ à la distance d'une portée de flèche. Le nord 
du Khare^m avait, en outre, comme l'indique le nom de la ville de 

1 . Tlie Tarikh-i Baihaki containing thc life of Masoud son of ihe sultan Mahmùd of 
Ghaznin by Abu*I FazI al Baihaki. Calcutta, 1862, pages 834-862. 

2. Moudjem oui boiildan, édition de M. WOstenfcId, tome II, page 483. 



VI RELATION DE L AMBASSADE AU KHARE7.M 

Kât \ éié protégé contre les iticursiofîs des Turks, par une muraille 
semblable à celle de Qi\il Alan au sud du Gourgan et à celle don^ 
on retrouve des traces sur la frontière septentrionale du Khorassan. 

Les habitants du Khare:{m subissaient Vinfluence persane ; le culte 
du feu avait été introduit dans cette contrée, et les prêtres portaient, 
comme en Perse, le nom de Mough. Birouny, dans son ouvrage qui 
porte le titre de « Elaçar oui baqyéh an il qouroun il Khalyèh > 
(Les vestiges qui nous restent des siècles passés), nous a conservé les 
noms de dix souverains qui régnèrent dans le Khare^m avant Vap- 
par it ion de f islamisme ; il nous donne également dans cet ouvrage 
et dans le traité d'astronomie qu'il composa en 421 (io3o) sous le 
titre de « Kitab oui tefhim fy ilm il tendjim » (Le livre qui fait 
comprendre la science de l'astronomie) les noms des mois, des jours 
et des fêtes du Khare^m. Ces dénominations sont en général cor-- 
rompues du persan^ et elles se rapprochent des termes qui étaient 
usités dans le Soghd ^ . 

Les géographes el Isthakhrj-, Ibn Hauqal, elMouqadessy, Yaqout 
et Qa:{mny nous donnent sur le Khare:{m des détails asse:^ étendus et 
qui nous font connaître ce pays à V époque de sa prospérité^ avant 
qu'il neût été totalement ruiné par les armées de Djenguii Khan. 

Selon le premier de ces auteurs, le Khat^e^m ne formait point une 
province distincte du Khorassan et de la Transoxiane; mais, el 
Mouqadessy assure ^ d'autre part, qu'une pa^Uie du Khare^m relevait 
du Khorassan, et Vautre du pays de Heïthel (la province de Samar- 
qand). Il confinait au nord au pays des Ghou:{\; la frontière méri- 
dionale qui longe le territoire d^Amol, portait le nom de Thahirièh 
en l'honneur de l'Emir Thahir ibn Hussein, fondateur de la dynastie 
des Thahirides, qui y avait fait exécuter de nombreux trai^aux d'uti- 
lité publique, Cest à partir de cette frontière que commençaient 
les terres cultivées qui bordaient les deux rives du DJihoun. Elles 



1. Voy pour ce nom la page i5o, noie i . 

2. D*" Ed. Sachau. Zhv G ischichie und Chronologie von Klnvarij^m. Dans les 5/7 ^mi^^^- 
berichte der KaiseiUchen Akademie der Wissenschaften. Vienne, 1878, lxxiv Band, 
page 479. Chronologie orientalischer Vœlker von al Bérùny heraiisgegeben von D*^ Ed. 
Sachau. Leipzig, 1878, pages 2o3, 235 et suivante*. 



INTRODUCTION VII 

s'étendaient jusqu auprès du jnllage de Gharabchineh où Von trouvait 
une lône inculte; puis, au delà de ce village jusqu'à la capitale y les 
bords du fleuve étaient couverts de cultures et bien peuplés. L'espace 
cultivé depuis Thahirich jusqu'à He^aresp n'avait point une gi^ande 
largeur, mais, à partir de cette dernière ville ^ il devenait plus consi- 
dérable y et y en face de la capitale y il s'étendait jusqu'à la distance 
d'une journée de marche, puis il se rétrécissait au point de n'avoir 
plus que deux fersengs. Il prenait fln à un village appelé Kit ou Guit, 
situé à cinq fersengs de Koudjaghy qui se trouve au pied d'une 
montagne au delà de laquelle s'étend le désert. 

Les cajiaux qui, au moyen âge, fertilisaient le sol et sentaient de 
voies de communication y étaient ceux de Gao Kharèh, de Guirihy 
d'He^arespy de Kerderan Khach, de Khiva, de Midra , de Wedak 
et de Bouvvèh. Ces canaux subsistent encore aujourd'hui et por- 
tent les noms modernes de Pehlivan âia, de Khanâbad, de Chah 
âbad, de Gha^yâbad, dArna, de canal du Qouch Beguy et de 
Hilally ou Hilaleïn. 

Le sol du Khare\m y généralement sablonneux^ ne produisait pas la 
quantité de céréales nécessaire à la subsistance de ses habitants. 
Le blé lui était fourni par les provinces voisines et même par 
celle de Balkh d'où il était transporté par la voie du fleuve. 

Tous les fruits, à l'exception des noix, y étaient extrêmement 
abondants, et les melons jouissaient d'' une telle réputation qu'on les 
expédiait jusqu'à Bagdad, pour êtreo/ferts en présent aux Khalifes ei 
aux grands dignitaires de l'Etat, 

Les habitants se livraient y pour l'élève des vers à soie y à la culture 
du mûrier; mais le commerce et l'industrie étaient les sources de la 
prodigieuse richesse du pays. 

On exportait du Khare\m des esclaves amenés du Nord, des 
chevaux, des fourrures précieuses provenant de la Sibérie et des 
étoflfes de laine et de soie qui jouissaient d'une grande réputation. 

Les ouvriers des villes, et surtout ceux de Gourgandj, excellaient 
dans les ouvrages de menuiserie ; ils travaillaient de la manière la 
plus délicate les métaux précieux, le fer, l'ivoire et l'ébène. Les 
broderies faites par les femmes atteignaient les prix les plus élevés. 



VIII RELATION DE L AMBASSADE AU KHARFZM 

Ofî retrouve encore aujourd'hui, dans les produits de V industrie de 
Khiva, la tradition très^affaiblic du goût qui caractérisait les œuvres 
des temps passés. 

La capitale du Khareim a été Jusqu'en l'année 3S5 de Vhé^ 
ffire CppS) la ville deKât, Elle était quelque/ois désignée sous le nom 
de la province elle-même ou sous celui de Kât Khareimieh. Elle 
s'élevait sur la rive orientale du DJihoun, et sa superjîcie, qui était 
d'un tiers deferseng, égalait celle de Nichabour^ citée par les his- 
toriens arabes du moyen âge^ comme une des villes les plus considé- 
rables du Khorassan. La grande mosquée de Kât se trouvait an 
milieu du ba\ar; la toiture était soutenue par des colonnes en bois 
dont la base était en pierres noires et de la hauteur d'un homme. 

Le palais du prince était au centre de la ville et non loin de la 
grande mosquée. 

Lejleuve, dans ses débordements, avait e?nporté une partie des 
murailles et des maisons construites sur ses bords et, à l'époque d'el 
Isthalchry, on craignait la destruction totale de la citadelle. 

Alp Arslan essaya de relever la ville de ses ruines. En 458 
(io65), il fit construire une mosquée et un palais pour son 
fils Arslan Chah. La ville était traversée par le canal de DJer* 
djour sur les bords duquel se tenait le marché. Au rapport d'el 
Alouqadessy, Kât, dont les rues étaient sillonnées par des rigoles 
destinées à l'écoulement des immondices, était aussi sale qu'Erdebil. 

Les empiétements du DJihoun et les circonstances politiques qui 
se produisirent à l'avènement d'Aboul Abbas Mamoun détermine^ 
rent ce prince à transporter sa capitale à GourgandJ ou Diourd- 
Janièh^ située plus au sud. Cette ville était, comme Kât, menacée 
par les débordements du DJihoun ; pour modifier le cours dufieuve, 
on avait élevé des palissades formées de poutres et de gj^osses piè^ 
ces de bois. Le DJihoun, grâce à ces mesures, se porta à l'est et 
prit la direction du désert du côté du village de Feratekin. On 
avait pratiqué sur les bords du fleuve, à GourgandJ, des cou- 
pures qui permettaient de faire arriver dans la ville l'eau néces- 
saire à la consommation des habitants. 

GourgandJ était percée de quatre portes. Près de celle de HcdJdJadJ, 



INTRODUCTION IX 

Mamoun avait construit un magnifique palais dont la porte était 
réputée pour être la plus belle de toutes celles qui existaient dans le 
Khorassan. Aly, fils de Mamoun, en avait bâti un autre en face 
de celui qui avait été élevé par son père. La plaine qui entoure 
Gourgandj ressemblait à celle de Boukhara, et on y élevait de 
nombreux troupeaux. Les habitants appartenaient à la secte des 
Mouta\elèh ' : ils étaient passionnés pour les discussions religieuses, 
et tous, même les gens de métier, étaient exercés au maniement des 
armes. Gourgandj était le centre commercial le plus important du 
Khare^m. Les Glioun et les tribus turkes venaient y vendre des 
esclaves et les produits de leur industrie, et c'est dans cette ville que 
se formaient les caravanes qui se rendaient dans le Gourgan, sur 
les bords de la mer Caspienne, dans le Khorassan, la Transoxiane 
et la Mongolie ^. 

Les géographes orientaux citent parmi les villes ou les bourgs 
fortifiés les plus considérables après Djourdjanièh : Derghan, situé 
sur la frontière méridionale. On y remarquait une belle mosquée, 
et les vignobles de cette localité jouissaient d'une grande célébrité, 
Zamakhchar, petite ville défendue par un château fort et entourée 
d'un fossé. Les portes des murs étaient revêtues de plaques de fer 
et précédées de ponts-levis qu'on relevait tous les soirs. Une jolie 
mosquée s'élevait non loin du marché. Rou\vend, Khiva, Kerderan 
Khachy ,He\aresp, Djiguerbend , Ghardeman, Ikhan , Noukfagh, 
Kourdcr, Beratekin ou Feratekin^ gros bourg situé dans le désert 
près d'une montagne d'oîi l'on tirait les pierres destinées à la con^ 
siruction des monuments publics. Enfin Guit ou Kit, petite ville 
fortifiée, sur la frontière du pays occupé par les Ghou^. Telle 
était, au commencement du xiii*^ siècle, la situation du Khare^m 
auquel les princes de la dynastie des Khare^m Chah avaient annexé 

1. Voyez page 102, note 2. 

2. Lorsque à Tépoque de l'invasion des Mogols, après un siège de six mois, les habi- 
tants de Gourgandj demandèrent à capituler, Djoudjy exigea que toute la population 
évacuât la ville. On fit ranger à part les gens d'arts et de métiers dont le nombre 6*éle- 
vait, dit Rechid oud Din, à cent mille, et on les fit partir pour la Mongolie. Le reste 
des habitants fut massacré, la ville pillée, et, pour que sa destruction fût complète, 
on détruisit les digues, et les eaux du Djihoun la submergèrent entièrement. 



X RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

les États voisins. Ils aidaient donné à leur empire une telle extension 
que les frontières en touchaient à l'est, à la Mongolie^ au sud. à 
rindc et y à l'ouest ^ aux propinces qui restaient encore sous l'autorité 
chancelante des Khalifes A bbassides. 

Le Khanat de Khij*a est aujourd'hui tout ce qui subsiste d'un si 
puissant Etat ; son histoire, à mesure que nous approchons de notre 
époque, offre bien des lacunes et des points obscurs. Je n'entreprendrai 
pas de retracer, dans une introduction qui ne comporte pas degt^ands 
développements y le tableau des événements dont le Khare\m a été le 
théâtre ou auxquels ont pris part les princes qui l'ont gouverné. 
Je me bornerai à énumérer très-succinctement les différentes dynasties 
qui sy sont succédé. 

Les Arabes furent en rapport avec le Khare^m sous le Khalifat 
d'Omar. Abdoullah, fils d'Amir, gouverfieur de Basrahft, en l'an Sa 
(65 a), une expédition dans leKhorassan; il conclut ^ avant de s'é- 
loigîierj un traité avec les souverains du Khare^m, Sous le règne du 
Khalife Ommiade Ye\id, Selm,fils de Ziadyfut nommé gouverneur 
général du Khorassan, Les Khare\miens se soumirent à son autorité 
et versèrent entre ses mains, à titre de tribut, la somme de quatre 
cent mille dirhem. Quelques années plus tard, Ye\id ibn oui Mouhallib 
tenta contre le Khare^m une expédition dont les conséquences furent 
désastreuses. Un froid rigoureux ft périr tous ses soldats, malgré la 
précaution qu'il avait prise de leur donner des vêtements de peaux. 

Les troubles qui éclatèrent bientôt après dans le Khare^m en 
rendirent la conquête facile. Le souverain qui le gouvernait, incapa- 
ble de résister à une ligue que son frère Khour\ad avait formée 
contre lui, invoqua le secours de Qouteïbah. Il lui proposa de lui 
remettre ses trois places fortes et de lui payer tribut. 

Qouteïbah envoya au Khare^m son frère Abdour Rahman. 
Khour\adfut tué dans une bataille et quatre mille Khare\miens faits 
prisonniers^ furent mis à mort. L'impuissance du Khare^m Chah à 
contenir ses sujets détermina Qouteïbah à annexer ce pays au Kho- 
rassan et à en donner le gouvernement à son second frère Oubetd 
oullah . 

Le Khare:{m fit plus tard partie des États des princes Thahi- 



INTRODUCIION XI 

rides et de ceux des descendants de Nasr , fils d'Ahmed, le fonda- 
teur de la dynastie des Samanides. 

La province du Khare:(m releva de Samargand Jusqu'à l'époque 
oit Ilek Khan de Kachghar conquit Boukhara et la Transoxiane 
(JSg-ggS) et massacra tous les princes de la famille des Samanides, 
à l'exception de l'Emir Moustancir qui se réfugia à He^aresp et y fut 
mis à mort cinq ans après. 

Le Khare\m devint le partage des princes turks de Kachghar et 
des descendants de Sultan Mahmoud le Gha^névide, 

Aboul Abbas Mamoun^Jîls de Mohammed ^ Jils de Mançour qui 
le gouvernait au nom de l'Emir Nouh,fut le premier chef de la dynas- 
tie qui porte son nom et qui compte quatre princes. Le dernier, 
Aboul Harith Mohammed^ fils d'Aly, fut remplacé par Altountach^ 
chambellan de Sultan Mahmoud. Il gouverna, ainsi que ses deux fis, 
sous la suzeraineté de la cour de Gha^nah. 

Le Khareim passa, en 482 (1040), sous la domination des Seld^ 
jouqides. Alp Arslan en confia le gouvernement à son fis Arslan 
Chah. Sous le règfie de Melik Chah, Abou Thahir, gouverneur de 
Samarqand, fut chargé de l'administration de la province qui, après 
lui, fut confiée à /{{ oui Moulk, le fils du célèbre ministre Ni\ham 
oui Moulk. Le Khareim fut ensuite donné par le même prince à 
Anouchtekin, esclave de l'Émir Melkatekin qui l'avait acheté à un 
homme du Ghardjistan. Il était devenu Ihriqdar ou chargé de 
l'aiguière de Melik Chah et il percevait, à ce titre, les revenus du 
Khareim. 

Barkiarouk, successeur de Melik Chah, désigna Aqindjy pour 
succéder à Anouchtekin. Aqindjy fut assassiné à Merv par les 
émirs Qoudanet Yaraqtach, qui essayèrent de s'emparer du Khare\m. 
Mais ils furent mis en déroute par les troupes envoyées contre eux, 
et le fils d' Anouchtekin, Mohammed fut investi du gouvernement avec 
le titre de Khareim Chah, 4Q0 (logô). 

A la chute de l'empire des Seldjouqides, le Khare\m Chah pro- 
clama son indépendance. La dynastie qu'il fonda compte sept princes, 
qui régnèrent de4go (logô) à 628 (i23o). La conduite altière et 
imprudetîte de Mohammed Chah provoqua l'invasion de Djengui:^ 



Xn RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

Khan qui couvrit l'Asie de ruines et porta au Khare^m un coup 
dont il ne s'est jamais relevé. 

Mohammed Châhj abandonné des siens, alla se réfugier dans Vile 
d'Abiskoun où il mourut. Son fils, le vaillant Djelal oud Din Man- 
gouberty, essaya de ressaisir le royaume de ses ancêtres; mais il 
périt assassiné par un Kurde, dans les montagnes d'Amid oii il 
s'était réfugié (628'! 23o). En lui s'éleigtiit la race des souverains 
qui aidaient rangé sous leurs lois toute l'Asie centrale, et menacé 
l'existence du Khalifat des Abbassides, 

Dans le partage que Djengui\ Khan fit de ses Etats entre ses fils, 
le Khare^m échut à son fils aîné Djoudjy, dont la mère, Bouriah 
Qoutchin, était la fille du chef de la tribu des Qonghourat. Djoudj)" 
établit sa résidence à Seray, dans le Qiptchaq, 

Nous ne possédons que fort peu de documents orientaux sur 
Vétat du Khare^m pendant la période des successeurs de Djengui:^. 
La relation de Du Plan Carpin, le récit de Hayton, les indications 
de Balducci Pegolotti, la relation du voyageur arabe Ibn Batoutah 
ne nous apportent que fort peu de lumières sur la situation d^un 
Etat jadis si prospère et si puissant \ Nous savons seulement que 

I. Relation des voyages en Tartarie de Fr. Guillaume de Rubruquis, Fr. Jean du 
Plan Carpin, Fr. Ascelin et autres religieux de Saint-François et de Saint-Dominique, 
qui y furent envoyez par le pape Innocent IV, le Roy Saint-Louys. Plus un traicté des 
Tartares, et le tout rccueilly par Pierre Bcrgcron, Parisien; à Paris. 1634, in-8. 

Ces relations ont été insérées dans le recueil des Divers voyages curieux, publié par 
le libraire Van der Aa à Leyde, en 1729. M. D'Avezac a donné, dans les mémoires de la 
Société de Géographie (1839, in-40;, une édition très-correcte de la relation de Du Plan 
Carpin. 

Les fleurs des hystoires de la terre d'Orient, compillées par frcre Hayton, seigneur 
du Corc et cousin germain du Roy d'Arménie, par le commandement du Pape. On les 
vend à Paris en la rue Ncufve Nostrc-Dame, à l'enseigne de TEscu de France. In-4* 
goth. (i5i7). L'ouvrage de Hayton est inséré en tête du recueil des relations de voyages 
publié en 1529 par khan Sainct Denis, sous le titre de : « L'hystoirc merveilleuse et 
récréative du grand Empereur de Tartarie, seigneur des Tartres nommé le grand Can, 
contenant six livres ou parties, etc. Imprimé nouvellement à Paris, en Tan mil cinq 
cens vingt et ix le quinziesmc jour du moys d'apvril pour Jehan Sainct Denys. » In-f* 
goth. Benoist Rigaud en a publié une nouvelle édition à Lyon, en i585, petit in-X'2. 

La pratica dclla mercatura scritta du Francesco Balducci Pegolotti, dans le tome 111 
de Délia décima e délie altre Gravezze. Lisbona et Lucca 1765- 1765, in-4'>. 

Voyages d'ibn Batoutah, texte arabe, accompagné d'une traduction, par C. Defrémery 
et le D' S. R. Sanguinetti. Paris i853-i858, tome III, 3-19. 



Introduction xlii 

sous le gouvernement des Khans U^beks, il avait pu relever en partie 
les ruiner accumulées par les Mogols. 

Mais, à la fin du xiv^ siècle ^ le Khare^m/ut ravagé par Timour, 
qui dirigea trois expéditions contre ce malheureux pays. La ville 
de Gourgandj fut complètement détruite, et le Khare\m passa sous 
la domination des descendants de Djaghatay. 

Vers le milieu du xv® siècle^ on voit apparaître la confédération 
des Uibek et des Qaïaq. Mir^a Hayder Doughlat, le Sultan Dater, 
Mirkhond, Khondemir et Sultan Aboid Gha^y, nous en font con- 
naître les origines et l'histoire. 

Le Khare^m reconnaissait l'autorité des princes de la famille de 
Timour lorsque ^ en 8gi (i486), Cheibany Khan fondit sur ce pays 
que gouvernait alors Nacir oud Din Abdoul Khaliq Firou\ Chah, 
au nom du Sultan A bout Ghaiy Hussein. Cette expédition ne fut 
point couronnée de succès. Cheibany Khan en tenta une seconde en 
gii (i5o5) ; elle fut plus heureuse. Il se rendit maître de Gour- 
gandj ou Ourguendj, occupée par Tchin Soufy. Ses incursions et 
ses conquêtes dans le Khorassan déterminèrent Chah Ismayl à mar- 
cher contre lui. 

Cheibany Khan périt dans la bataille livrée sous les murs de 
Merv en g 16 (iSio), et Chah Ismayl devint le maître du Khare^m. 
Cette province fut divisée par lui en trois grands districts ^ ceux de 
He^aresp et de Khiva, d'OurguendJ et de Vé^ir Chehery. L'admi- 
nistration en fut confiée, avec le titre de Darougha, à Arab Soubhan 
Qoulyy à Rahman Qouly et à un troisième personnage^ dont l'histoire 
ne nous a pas conservé le nom. Malgré les troubles et lès guerres 
qui désolaient le KIiare\m, les princes Scfèvy revendiquaient les 
droits d'une suzeraine té établie par Chah Ismayl. Sous le règne de 
Mohammed Chah y fils de Thahmasp Chah, Djelal Khan, fils de 
Mohammed Khan^ tenta de s'en affranchir. Fait prisonnier par le 
gouverneur de Mechhed, Mourte^a Qouly Khan Periiak, il fut mis à 
mort, et sa tête fut envoyée à Isfahan. Le gouvernement persan lui 
donna pour successeur Hadji Mohammed Khan^ qui est plus connu 
sous le surnom de Hadjim. Vaincu par Abdoullah Khan de Bou- 
khara^ Hadjim se réfugia à la cour de Perse 



XIV RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

E91 1006 (i5gj). Chah Abbas dirigea une expédition contre le 
Khare\m et en confia le gouvernement à Hadji Mohammed Khan et 
à sonjils Arab Mohammed Sultan» 

L'histoire du Khare^m, pendant le xvii^ siècle et pendant la pre- 
mière moitié du siècle suivant, ne nous offre que le spectacle des dis- 
cordes civiles et des invasions qui désolèrent ce pays. 

Ilbars Khan \ qui le gouvernait sous le règne de Nadir Chah, ir^ 
rita ce conquérant par ses incursions , ses attaques contre Ri^a 
Qpuly Mir\a et par son attitude pendant son expédition dans 
rinde. Nadir Chah envahit le Khare^m. Les villes de Khankâh et 
de Khiva capitulèrent ; Ilbars Khan et vingt de ses principaux 
officiers furent mis à mort en représailles du meurtre des ambas^ 
sadeurs envoyés auprès de lui par le Khan de Boukhara, allié de 
Nadir. Abou Thahir Khan fut nommé gouverneur du Khare^m, 
mais, après sa mort, le pouvoir fut exercé par les Ataliq et les Inaq 
sous la suzeraineté des Khans Qa^aq. Iltouier, de la tribu des Qon- 
ghourat, s'en affranchit et se fit proclamer Khan en 121 g (1S04). 
Il périt deux ans après, noyé dans le Djihoun, et il eut pour succes- 
seur son frère Mohammed Rehim Khan qui dut, dans le cours de 
son long règne ^ 1806-1825), se réfugier à Esterâbad et solliciter 
V appui de Fcth Aly Chah, Son fis Allah Qouly Khan (1825- 
1842) et son petit-fils Rehim Qpuly Khan (1842-1845) entretin- 
rent personnellement de bonnes relations avec les souverains Qadjars. 
Ils leur envoyaient des présents qui étaient considérés par la cour 
de Perse comme wie marque d'hommage, et ils recevaient des sabres 
et des poigftards enrichis de pierreries qui sont, aux yeux des mi^ 
nistres persans, les symboles de Vinvestiture. 

A Rehim Qouly Khan succéda^ en 1845, son frère, Mohammed 
Emin Khan. Son premier acte, lorsqu'il monta sur le trône, fut de 
renvoyer à Téhéran un prince de la famille royale, Mohammed Vely 
Khan Qadjar, neveu d'Allah Yar Khan, Acef oud Daoulèh, que les 
Turkomans avaient fait priso7inier. L'officier khivien, chargé d'ac- 



I. Voy. sur cette période : Histoire de l'Asie centrale par Mir Abdoul Kerim Bou- 
khary^ trad. par Ch. Schcfcr. Paris, Leroux, 1876, p. loo et suivantes. 



INTRODUCTION XV 

compagner le prince, était porteur de cadeaux et d'une lettrée rédi- 
gée selon les termes du protocole réglé entre les deux Etats. 

Mohammed Chah fie voulut point tarder à reconnaître le bon pro- 
cédé de Mohammed Emin Khan. Il donna l'ordre à Mir^a Ri^a, Mi^an 
Agassy, de se rendre au Khare^m et d'offrir en son nom de riches 
présents. La lettre de créance remise à cet envoyé donnait au Khan 
le titre de Khare\m Chah, Cependant les relations amicales des deux 
Etats ne tardèrent pas à s'altérer, et, lorsque Nacir Eddin Chah 
succéda à son père, Mohammed Emin Khan s'abstint d'envoyer, se- 
Ion r usage, un ambassadeur pour offrir ses félicitations au nouveau 
souverain. Cependant, lorsqu'il apprit la mort de Hassan Khan Sa- 
lar qui avait été l'un des instigateurs et fun des chefs de la révolte du 
Khorassan, il ne crut pas pouvoir persister dans sa ligne de con- 
duite, et il Jît partir pour Téhéran un de ses officiers, Ata Niai 
Mahrem, qu'il chargea de présenter au Roi quelques chevaux tur- 
komans et deux faucons dressés. 

La lettre remise par Ata Nia^ Mahrem ne fut point agréée par 
les ministres; la rédaction en fut jugée blessante. Le conseil décida, 
en conséquence, qu'un personnage instruit et jouissant d'un rang 
élevé serait envoyé à Khiva pour faire au Khan les représentations 
les plus énergiques sur sa conduite et pour tâcher de le ramener, à 
f égard du Roi, à des sentiments de déférence et de respect. Ri^a 
Qouly Khan fut désigné pour remplir cette mission délicate ; il reçut, 
en outre, l'ordre de réclamer la mise en liberté des sujets persans 
enlevés par les Turkoma?is dans le Khorassan et le Ma{anderan et 
qui avaient été vendus comme esclaves à Khiva. Ri^a Qouly Khan re- 
çut deux mille toumans pour ses frais de voyage, et on lui donna un 
fusil à deux coups et une paire de pistolets qu'il dut offrir comme 
cadeau personnel. Sa mission, dont la durée fut fixée à trois mois, 
n'eut point le succès que la cour espérait. A son retour d'un voyage 
qui ne fut pas exempt de périls, Ri\a Qouly Khan présenta au Roi 
la relation de son ambassade. Ce récit nous fournit sur le Kha* 
re\m des détails intéressants, et les auteurs contemporains qui ont 
entrepris d'écrire l'histoire des événements du règne de Nacir Ed- 
din Chah en ont donné des extraits dans leurs ouvrages. Mir\a Si- 



XVI RELATION DE L AMBASSADE AU KHARË2M 

pehr, Lîssan oulMoulk en a inséré des fragments dans le volume de 
son Nassikh out Tewarikh consacré à Vhistoire de la dynastie des 
Qadjars. Son exemple a été suivi par V historiographe Mir\a Djaf^ 
Khan et, en dernier lieu, par Mohammed Hassan Khan, Senyoud 
Daoulèh, dans son Miraat oui bouldan Naciry ^ Ri^a Qouly Khan 
en avait lui-même donné un résumé dans son Raouzet ous Sefay 
Naciry. 

Ri:{a Qoulj Khan, que Von peut, à juste titre, mettre au premier 
rang des littérateurs et des érudits qui ont fleuri en Perse dans le 
cours de notre siècle, descendait du célèbre poète Cheikh Kemal 
Khodjendy qui appartenait à l'une des familles les plus illustres 
de la Transoxiane. Cheikh Kemal, conteinporain de Hafi\ et qui 
fut en relations littéraires avec lui, se fixa à Tebri^ et mourut 
dans cette ville en jg2 ( i3Sg). Ses desceiidants , par respect 
pour sa mémoire , se firent une loi d'ajouter à leur nom celui de 
Kemal. 

Riia Qouly Khan nous a raconté lui-même la fin tragique de son 
grand-père Ismayl Kemal, primat des notables de Tchardèh Ke- 
latèh dans le district de He^ar Djerib, mis traîtreusement à mort 
par l'ordre de Zeky Khan Zend ^ . 

Le fils d' Ismayl Kemal, Mohammed Hady Khan s'attacha à la 
personne de Djafer Qouly Khan Qadjar, A la mort de ce prince, 
il passa au service d'Aga Mohammed Chah qui en fit le chef des 
officiers de son service intime et son trésorier particulier. 

Hadf Khan entreprit, pendant la dernière année du règne d'Aga 
Mohammed Chah, le pèlerinage de Mechhed. Il apprit pendant son 
voyage qu'un fils lui était ;:é à Téhéran le i5 Moharrem de lan^^ 
née I2i5 (8 juin 1800), 

Il se hâta de revenir du Khorassan dans la capitale et il donna 
au nouveau né le nom de Ri^a Qouly en l'honneur de l'Imam dont 
il venait de visiter le tombeau. 

1. Nassikh out Tewarikh, tome III, 3« partie. Téhéran, in-folio, pages 124-127. — 
Haqalq oui Akhbar, Téhéran, 1269 (1872), tome I", pages 111-1x2. — Miraat ou 
bouldan Naciry, Téhéran, 1295 {1878), tome II, pages 37 à 61. 

2. Voy. p. 2o3. 



INTRODUCTION XVII 

A son avènement au trône, Feth Aly Châhjît appel au dévoue- 
ment de Mohammed Hady Khan. Il le nomma percepteur des rêve- 
nus du domaine de l'Etat dans le Fars et il le plaça sous les ordres 
de Hassan Aly Mir^a^ gouverneur général de cette province. 

Hady Khan ne remplit pas longtemps les fonctions qui lui avaient 
été confiées. Il mourut en 1217(1802). Ri^a Qouly Khan fut ramené 
à Téhéran, puis envoyé dans le Ma^anderan pour être confié aux 
soins de parents qui s'étaient fixés à Barfourouch. Il quitta cette 
ville, pour retourner dans le Fars oîi il fit ses études sous la di- 
rection d'un homme éminent, Mohammed Mehdy Khan Chahnèh. 
Lorsqu'il les eut terminées, il fut admis au service de l'Etat et il 
reçut des témoignages constants de la bienveillance et de la pro-- 
tection du prince Hussein Aly Mir^a, gouverneur général de la 
province , et de son frère Hassan Aly Mir^a , Choudja ous Sal^ 
thanèh. 

Ri{a Qouly Khan employait à l'étude, à la poésie et à des tra- 
vaux littéraires les loisirs que lui laissaient les devoirs de sa charge. 
Il avait pris dans ses premières compositions poétiques le surnom 
Tchaker (serviteur), mais il l'abandonna , bientôt , pour adopter 
celui de Hidayet (bonne direction). 

Feth Aly Chah se rendit à Chirac en 1245 (182g), et pendant 
le séjour qu* il y fit, Ri^a Qouly Khan eut l'honneur de lui être pré- 
senté par Mir:{a Mohammed Naqy Alyâbady, secrétaire général du 
roi et qui portait le titre de Mounchy oui Memalik. 

Ri{a Qouly Khan composa une ode à la louange du roi ainsi 
que plusieurs pièces de poésie qui obtinrent les suffrages de la cour. 

Feth Aly Chah, connaissant les preuves d'attachement et de dé- 
vouement que les aïeux de Ri^a Qouly Khan avaiettt données à sa 
dynastie j lui prodigua les marques de son intérêt et de sa générosité. 
Il lui conféra, en outre, le titre d'Emir ech Chouara (Prince des 
poètes) et lui donna l'ordre de suivre la cour ; mais une grave 
maladie ne lui permit pas de s'éloigner de Chirac et de se rendre 
dans la capitale. 

A l'avènement de Mohammed Chah, les princes Hussein Aly 
Mir\a et Hassan Aly Mir^a se soulevèrent dans le Fars. Leur 

b 



XVIII RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

révolte fut promptetnent étouffée. Ils furent faits prisomnèrs et con- 
duits à Téhéran. Firou\ Mir^a, Menoutchehr Khan et plusieurs 
hauts fonctionnaires furent chargés de pacifier la province et d'y 
rétablir Vordre. ]h\a Qouly Khan fut attaché à la personne de 
Firoui Mir^a ; mais, au bout de deux ans, ce prince dut aller 
prendre possession du gouvernement du Kerman et son frère Feri- 
doun Mir^ay qui le remplaça dans le Fars, témoigna le désir de ne 
point être privé des services de Ri^a Qouly Khan. 

En J254 (i838), celui-ci fut chargé d'une mission spéciale à 
Téhéran. La réputation qu'il s'était acquise, détermina le premier 
ministre Hadji Mir\a Agassy à lui offrir l'hospitalité. Il fut pré- 
senté au roi qui, charmé de l'aménité de son caractère y de la finesse 
de son esprit et de f étendue de ses connaissances, lui donna l'ordre de 
rester à Téhéran et lui confia l'éducation de son fis Abbas Mir^a 
Naïb ous Salthanèh. Le roi, juste appréciateur des qualités de 
Ri^a Qouly Khan, et du ^èle avec lequel il remplissait les délicates 
fonctions qui lui étaient confiées, le combla démarques d'honneur et 
lui accorda, par une ordonnance spéciale, les revenus de plusieurs 
districts qui relevaient de la couronne, 

Mohammed Chah mourut au château de Tedjrich en 1264 
(184S). 

Les agitations qui suivirent sa mort, et la fuite d' Abbas Mir^a 
déterminèrent Ri^a Qouly Khan à rentrer dans la vie privée, mais 
sa retraite ne fut pas de longue durée. En 126 y (i85i) , Nacir 
Eddin Chah lui rendit ses bonnes grâces et f envoya en ambassade 
à Khiva. A son retour ^ il fut nommé adjoint au ministre de 
l'Instruction publique et chargé de la direction du Collège royal 
qui venait d'être fondé à Téhéran. Il resta près de quinze ans à la 
tête de cet établissement. Lorsqu'il résigna ses fonctions ^ le roi 
lui confia l'éducation de l'héritier présomptif de la couronne , le 
priîice Mou^haffer oud Din, qui venait d'être investi du gouvernement 
général de l' Azerbaïdjan. Ri\a Qouly Klian accompagria le jeune 
prince à Tebri^ et passa quelques années auprès de lui; puis, il sol- 
licita la permission de revenir à Téhéran. Il ne jouit pas, pendant 
longtemps, d'un repos que l'état de sa santé avait rendu nécessaire. 



INTRODUCTION XIX 

Une maladie dont il souffrait ne tarda pas à prendre une gra^ 
rite alarmante, et il rendit le dernier soupir entre les bras de ses 
fils, le vendredi lo du mois Rebi ouç Çany 1288 (3o juin 18'ji), au 
moment oîi les Mue^ins appelaient les fidèles à la prière du soir. 
Ses restes mortels reposent dans un tombeau élevé sur un terrain 
qui borde la chaussée entre les jardins d'Ilkhany et de Lalèh^ar, 
aux portes de Téhéran. 

Ri:{a Qouly Khan a composé de nombreux ouvrages dont les uns 
ont été imprimés et dont les autres sont restés manuscrits. 

Je citerai, parmi ces derniers, le Divan ou recueil complet de ses 
poésies y composé de plus de cinquante mille beïts ou distiques et 
quelques traités relatifs à des matières religieuses ou à la réthori^ 
que, tels que le Bahr oui Haqaïq (la mer des vérités), le Menhedj 
oui Hidayèh ou Hidayet Namèh (la voie de la bonne direction), 
/'Enwar oui Viiayèh (les lumières de la qualité de Vely reconnue 
à Aly), le Miftah oui Kounouz (la clef des trésors cachés) , et le 
Medaridj oui Belaghah (les degrés de Véloquence). 

Ri:{a Qouly Khan a également composé, sous le titre de Goulistani 
Irem (le jardin de VIrem) ou de Bektach Namèh, unpoëme écrit 
dans un style à la fois simple et élégant et qui offre le récit des 
amours de Bektach, fils de Harith et de RebC ah, fille de Kaab ' et de 
la fin tragique de ces amants. Trois ouvrages historiques sont dus à la 
plume de Ri:{a Qouly Khan. Le premier est le Fihris out Tewarikh 
(L 'index des chroniques) qu'il présenta à Nacir Eddin Chah, lorsqu'il 
eut son audience de congé au moment de son départ pour le Khare\m; 
le second, qui porte le titre i'Edjmel out Tewarikh (la plus suc- 
cincte des chroniques).^ n'est que la liste très-sèche de tous les souve- 
rains qui ont régné sur la Perse depuis le commencement de la dy- 
nastie des Pichdadian jusqu'à f avènement du roi aujourd'hui 
régnant. Ce petit ouvrage, destiné à l éducation du prince héritier, 
Mou\haffer oud Din Mir^a, a été lithographie à Tebn\ *. Mais l'ou- 

1. Cet ouvrage a été lithographie à Téhéran en 1270 (i853). Le texte imprimé chez 
Kerbelay Taqy a été calligraphié par Mirza Abdoul Hamid Sefa. Les figures dont ce 
volume est orné sont dues au crayon de Mirza Aly Naqy. 

2. Edjmel out Tewarikh (la plus succincte des chroniques) a été publié par ordre de 



XX RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

vrage historique le plus considérable de Ri^a Qouly Khan^ et qui 
mérite toute notre estime^ est le supplément qu'il a composé pour 
conduire r histoire de la Perse depuis V époque oii s'arrête le récit de 
Mirkhond jusqu'à l'année i2jo de l'hégire. L'auteur a, pour pré- 
senter exactement les faits y puisé aux meilleures sources et il a pu 
consulter des ouvrages qui ne sont point parvenus en Europe ^ tels 
que l'histoire générale d'Abdoul Ghaffar Qa^winry le Raouzet out 
Thahirin (le jardin des hommes purs) de Thahir Mohammed Seb:{- 
vary, l'histoire des Sèfèvy de Mir^a Sadiq Isfahany, bibliothécaire 
de Chah Abbas, et enjin, pour la période de la dynastie des Zend et 
celle des premières années du règne de Feth Aly Chah, les écrits 
de Mir\a Sadiq Mervy. En outre, il a eu entre les mains y pour 
écrire le récit des événements dont la Perse a été le théâtre depuis 
le commencement de ce siècle, les documefits officiels et les instru- 
ments diplomatiques qui ont réglé les relations de cet Etat avec 
quelques-unes des puissances de l'Europe et de l'Asie. Le texte de 
plusieurs de ces pièces est donné intégralement, et il est toujours 
précédé de la relation des faits qui leur sert de commentaire. Cet 
ouvrage, dont le style est correct et élégant, fournit au lecteur une 
ample moisson de renseignements géographiques, biogi^aphiqueSy lit- 
téraires et même artistiques d'un gi^and intérêt '. 

Le Riaz oui Arifin ou biographie des poètes mystiques composée 
pour Mohammed Chah est resté manuscrit. L'auteur en a donné 
des extraits que le lecteur trouvera dans le Récit de V ambassade au 
Khare^m. Mais la valeur de cet ouvrage est éclipsée par celle du 
Medjma' oui Fousseha (La réunion des personnages éloquents) qui 
est, sans contredit, le plus important de tous ceux qu'a composés 
Ri^a Qouly Khan. Il offre un attrait particulier par les nombreuses 
citations de textes poétiques et par les détails curieux qui sont tous 
puisés dans des traités historiques et biographiques de premier or^ 
dre. Dans l'introduction placée en tête de f ouvrage, l'auteur esquisse 

Essed oullah Khan et imprimé chez Aga Riza par les soins de Kerbelay Mohammed 
Hussein. Tebriz, i283 (1866), i volume in-X2 de 160 pages. 

I. Le Raouzet ous Sefay Naciry (le jardin de la pureté;, dédié à Nacir Eddin Chah, a 
été publié à Téhéran eni270 (i833), 10 tomes en 2 volumes in-folio. 



INTRODUCTION XXÎ 

à grands traits l'histoire de la poésie persane qui, malgré la conquête 
arabe, ne cessa d'être cultivée dans le Khorassan et prit un grand es^ 
sor sous le règfie du Khalife Mamoun. licite ce fait qu'en l'année ig8 
(8i3) Khadjèh AboulAbbas de Merv présenta au Khalife unepièce de 
vers persans dans lesquels il avait intercalé des mots arabes et que ce 
prince, pour témoigner sa satisfaction au poète, lui assigna une 
pension de mille dinars. Ri{a Qouly Khan trace le tableau de fétat 
de la poésie persane sous les régîtes des princes Thahirides, Saffa^ 
rides, sous les Samanides, les Gha\nevides, les Deilemites, enfin sous 
les Seldjouqides et les souverains des différentes dynasties qui se 
sont succédé en Perse jusqu'à nos jours. Parmi les ouvrages quil 
a mis à contribution et dont il nous donne une liste détaillée, je ci" 
ferai le Loubb oui Elbab de Mohammed Oufy, /e^Tezkerèh de Mir 
Aly Chir Nevay, de Sam Mir^a, de Sadiq Isfahany, de Mir\a 
Thahir Nasrâbady, le Tchehar Meqalèh (l^s quatre discours) 
d'Arou^hy Samarqandy, les ouvrages de Mohammed ibn Bedr Dja- 
djermy et, pour l'époque moderne ^ ceux de Seiyah Chirvany^ de 
Houmay Mervy \ de Hayder Qouly Mir:{a , le Mey Khanèh (la 
taverne) et le Bout Khanèh (la pagode) de Mohammed Soufy du 
Ma\anderany et enfin le Tezkerèhi Mohammed Châhy du prince 
Behmen Mir\a. 

La première partie du travail de Ri^a Qouly Khan renferme la 
biographie de tous les princes qui ont cultivé la poésie, et les pre- 
mières pages sont consacrées aux pièces de vers composées par Na^ 
cir Eddin Chah. Les notices sur les autres poètes sont classées 
d'après l'ordre alphabétique, mais ceux qui ont fleuri à l'époque de 
la renaissance littéraire de la Perse, tels que Mendjik Termi:{y, 
Daqiqy, Asdjedy, Onçory, Firdoussy, Ferroukhy, Envery, Rechid 
Vathvath , etc., sont l'objet d'une étude particulière , et l'auteur a, 
pour mieux faire apprécier leur manière, donné d'amples extraits de 
leurs compositions. 

Ri^a Qouly Khan, pendant son long séjour à Chirac, avait réussi 
à se procurer un ancien manuscrit contenant une partie des poésies 

I. Houmay est le surnom poétique de Mirza Sadiq Mervy, cité plus haut. 



XXII RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

d'un auteur estimé Aboun Nedjm Ahmed Menoutchehry, mort en 
420 (102g). Il avait fait ^ dans le Fars et à Téhéran, les recher- 
ches les plus actives pour recueillir les vers de ce poète et il avait 
préparé une édition de son divan ou plutôt des deux mille trois 
cents distiques épargtiés par le temps. 

Ce recueil, précédé d'une courte notice donnant le peu de détails 
que Von possède sur la vie de l'auteur, a été publié à Téhéran après 
la mort de Ri^a Qpuly Khan par les soins d'Aga Mir^a Aga et de 
Mohammed Sadiq. Mir^a Mohammed Hussein Edib a veillé à la 
correction du texte. M. de Biberstein Ka^imirski a donné le texte 
et la traduction de sept Qacidèh dans le « Spécimen du Divan de Me^ 
noutchehryy poète persan du \^ siècle de V hégire » qu'il a publié à 
Versailles en 18 j6^ et il a rectifié quelques inexactitudes qui s'es- 
taient glissées dans la biographie du poète. 

Le dernier ouvrage auquel Ri^a Qouly Khan ait travaillé est le 
dictionnaire auquel il a donné le titre de Ferhengui Endjoumen 
Aray Naciry. 

L'auteur avait lu, pour la composition de son Riaz oui Arifin^ et 
de son Medjma' oui Fousseha^ toutes les œuvres des poètes per- 
sans anciens et modernes et il en avait extrait près de cent mille beïts 
ou distiques, dont une grande partie a été itisérée dans les deux ou^ 
vrages qui viennent d'être cités. Obligé de recourir aux lexiques 
pour être fixé sur les significations diverses d'expressions anciennes 
ou peu usitées, il avait été frappé des lacunes et des interprétations 
fautives qui s'y trouvent. 

Il forma donc le dessein de rédiger un dictionnaire dans lequel il 
n'admettrait que les mots persans, en donnant toutes leurs significa- 
tions appuyées de citations tirées des oeuvres des poètes les plus 
estimés. Il put mettre la dernière main à ce travail qui est 
précédé d'une introduction remplie défaits, dans laquelle il expose, 
d'abord, l'histoire des travaux lexicographiques de ses prédéces^ 
seurs. 

Aucun des monuments littéraires de l'ancienne Perse n'^a échappé 
à la destruction générale ordonnée par les conquérants arabes. Mais, 
à partir du Khalifat de Mamoun tg8-2i8 (Si 3-833), les lettres 



INTRODUCTION XXIII 

persanes purent être cultivées sans exciter les soupçons et les ri- 
gueurs (fun gouvernement ombrageux. 

Abou Hafs Soghdyy Essedy Thoussy, Qathran Tebn\y et Fer- 
roukhy Sistany composèrent des glossaires qui, malheureusement, 
ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Nous ne possédons pas non plus 
le Meyar Djemaly (Le contrôle de Djemal), rédigé au xiv^ siècle et 
dédié par Chems Fakhry d'Isfahan à Djemal oud Din Chah Cheikh 
Abou Ishaq Indjou dont Hafi\ a célébré le règne trop court. 

Mais nous avons les dictionnaires publiés depuis cette époque^ tels 
que le Cheref Namèh d'Ibrahim Qatvjvam Serhindy^ le Medjma' 
oui Fours de Souroury, le Ferhengui Djihanguiry commencé par 
ordre d'Ebker Chah et terminé sous le règne de sonflsDjihanguir, 
le Ferhengui Rechidy, le Bourhani Qathi et enfin tous les tra- 
vaux postérieurs dont les auteurs se sont proposé de corriger les 
erreurs signalées dans les lexiques précédemment mis au jour. 

L'aperçu historique qui se trouve en tête du Ferhengui Naciry 
est suivi de dissertations sur les mots persans arabisés ou empruntés 
à l'arabe et sur les expressions étrangères introduites dans la lan- 
gue ; sur les altérations subies par les mots atabes et persans ; sur 
les expressions mal comprises par les lexicographes et auxquelles 
ils ont donné un se?ts douteux. On trouve^ ensuite, une étude sur la 
langue persane, sur ses variations et sur le caractère des expressions 
employées soit dans les vers, soit dans la prose. Ce travail est suivi 
dun long exposé des règles de la grammaire. 

Le dictionnaire est divisé en deux parties ; la première com- 
prend les noms et les adjectifs , et la seconde l'explication des expres- 
sions figurées et allégoriques. Les sigfîifications de chaque mot ou 
de chaque expression composée sont justifiées par des exemples choi- 
sis avec discernement et tirés principalement des divans des poètes 
classiques. 

Les fils de Ri^a Qouly Khan, Aly Qouly Khan, Moukhbir oud 
Daoulèh et Djafer Qouly Khan, directeur du collège royal de Téhé- 
ran, en publiant tout récemment le Ferhengui Naciry et le Medjma' 
oui Fousseha^ ont payé à la mémoire de leur père le tribut d'un 
pieux hommage et rendu un service signalé aux orientalistes qui 



XXIV RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

font de la langue et de la littérature persanes l'objet de leurs études. 

Le texte de la relation de l'ambassade au Khare\m dont j'offre 
aujourd'hui la traduction a été imprimé à Boulaq sur une copie faite 
d'après deux manuscrits que j'ai eus à ma disposition. Le retard 
qu'aurait occasionné pour l'impression la distance qui nous s^are 
de l'Egypte ne m'a pas permis de revoir les épreuves et de corriger 
les fautes qui se sont glissées dans le texte. 

La relation de Ri\a Qouly Khan se fait remarquer par la sincé- 
rité du récit, l'impartialité des appréciations et la sagacité des aper- 
çus. L'envoyé du Chah prévoyait déjà, il y a quarante ans, des 
événements que nous avons vus s'accomplir dans le cours de ces der- 
nières années, et, bien qu'il n'aborde ce sujet qu'avec discrétion, il 
est facile de s'apercevoir qu'il en redoute les conséquences pour 
l'avenir des peuples musulmans de l'Asie. La narration , dont le 
style est élégant et quelquefois empreint d'archaïsme, est, suivant 
l'usage oriental, émaillée de pièces de vers ; à l'exception de quel- 
ques citations de Saady, elles sont composées par l'auteur , et , 
dans quelques-unes, on peut remarquer une tendance à imiter la 
manière des anciens poètes dont il avait fait une étude approfondie. 

Je me suis attaché â donner une traduction aussi exacte que pos- 
sible, afin de conserver la couleur de l'original, et fat cru devoir, 
dans des notes géographiques et historiques ainsi que dans un ap~ 
pendice, ajouter quelques éclaircissements sur des pars et des villes 
qui sont souvent mentionnés dans les annales de l'Orient et sur des 
personnages dont les noms, familiers aux Asiatiques, sont, en gé- 
néral, peu connus du lecteur européen. 




RELATION 



DE 



L' AMB A 




SADE 



AU KHAREZM 



^.'^J%•■^fc* Kf^y^.^^^^^^.^ *y */ ^N^v J»^ 



AU NOM DU DIEU CLÉMENT ET MISÉRICORDIEUX 



'VS. a 




A première page de tout livre doit être ornée du 
nom du Créateur, maître du monde, de Celui qui 
n'a ni commencement ni fin , et dont il nous est 
donné de ne connaître que le nom. L'imagination et la pen- 
sée sont incapables de le concevoir; nulle description, nulle 
explication ne peuvent en donner une idée. La vue, la raison, 
l'intelligence, l'esprit, le cœur, les yeux et Tâme elle-même 
sont tous frappés de stupeur et saisis de vertige en présence 
de Dieu. S'ils tentent de s'élever jusqu'à lui, ils sont con- 
traints d'y renoncer. Les créatures sont toutes impuissantes 
à le comprendre ; l'unité de Dieu les confond et les anéantit. 
Tout ce jque l'on a dit pour le définir doit être considéré 
comme insuffisant; et^ quant au chemin que l'on a fait 
pour s'approcher de lui, c'est comme si l'on était resté im- 
mobile. Où est la route? où est le guide? où est le voya- 
geur? A quoi peut nous servir la faculté de penser, de voir. 



2 RELATION 

de parler et d'entendre? Les êtres que Dieu a créés n'ont 
aucun moyen de pénétrer son essence, car lui seul a le pou- 
voir de se connaître lui-même. Bien que la première sub- 
stance émanée de lui soit Tintelligence , dont la nature est su- . 
périeure à toute autre substance , elle est néanmoins créée , 
elle n a point le don de voir et de pénétrer jusqu'à son Créa- 
teur. L'intelligence enfin est créée; comment pourrait - elle 
trouver le chemin vers ce Créateur ? L'âme est comme un es- 
clave qui veille devant une portière, mais qui ne peut la 
déchirer; bien plus, lors même qu'elle le pourrait, elle n'arri- 
verait point pour cela à la connaissance exacte de ce qui est 
derrière ce voile. » 

« Tout ce qui fut autrefois, tout ce qui est aujourd'hui n'a 
existé que par Dieu que la parole ne saurait décrire; tout ce 
qu'on a dit de lui, tout ce que nous disons nous-même, se ré- 
duit à de simples conjectures. Ne pouvant nous rendre 
compte de l'étendue de la mer, nous sommes obligés de rega- 
gner le rivage. Incapables de mesurer TOcéan, nous ne pou- 
vons que constater l'immensité de ses flots. Nous ne voyons 
pas le chef de Tarmée, nous ne suivons que le mouvement de 
ses troupes. Nous ne pouvons apercevoir le vent quand il 
souffle ; sa nature nous échappe , mais les tourbillons de pous- 
sière qu'il soulève frappent nos regards. Le monde nous ap- 
paraît comme une meule qui flotte sur les eaux , mais Celui 
qui a rassemblé les eaux pour y placer cette meule , nous ne 
pouvons le connaître. Notre vue ne perçoit que les effets ; 
comment arriverait-elle jusqu'à Celui qui est la cause première 
de toutes choses. Nuit et jour, l'observateur contemple le 
'firmament; il y voit les étoiles , la lune et le soleil au plus 
haut des cieux; il distingue une coupole transparente qui 
tourne sur elle-même; elle apparaît comme un temple orné 
de statues magnifiques et disposées dans le plus grand ordre. 
On dirait une cour immense et élevée où se trouvent des 
places réservées pour le Souverain. On croirait voir un tapis 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 3 

d'échiquier sur lequel les figures sont placées en tout sens, 
ou bien un damier azuré couvert des plus belles pièces et où 
le soleil et la lune peuvent être comparés à deux dés à jouer. » 

€ Les étoiles nous parlent de ce que nous sommes tous ; 
celles qui sont fixes comme celles qui sont errantes nous di- 
sent : « Comme vous^ nous ne savons rien ; wSeulement vous 
êtes en bas, nous, nous sommes en haut, voilà toute la diffé- 
rence. » Pour la terre comme pour le ciel , Dieu est Tin- 
connu. Vous nous adressez cette question et nous, nous vous 
l'adressons à notre tour : Qu'est-ce que le ciel? Il est con- 
fondu, éperdu lorsque commande Celui à la cour duquel les 
anges sont des esclaves. » 

« La lune et le soleil sont comme frappés d'épouvante devant 
Dieu ; la nuit et le jour sont en proie au vertige et au délire. 
Pour Dieu, le haut, le bas, la moelle et Técorce sont des mots 
vides de sens. Tout dans la nature est le reflet de sa puissance 
et de sa force créatrice. L'espace n'existe pas pour lui ; lui seul 
est vivant, lui seul est Torigine de toutes choses. Dieu est éter- 
nel, lui seul existe et nous n'existons point. » 

« Je t'adjure par Dieu , dis-moi , que sommes -nous donc? 
Nous sommes des adorateurs de Dieu qui cherchent à vivre 
en lui. La durée appartient à Dieu seul; quant à nous, nous 
sommes tous périssables. Le terme des tribulations de ce bas 
monde sera pour notre âme la béatitude, si notre cœur suit 
la voie que nous a tracée Mohammed, l'élu de Dieu. » 



RELATION 



Louange de Celui qui est le sceau des prophètes, Mohammed 
Velu ; que Dieu lui accorde ses bénédictions et son salut! 

Louanges de ses enfants y de ses successeurs et de sa descen- 
dance; que le salut repose sur eux! 

« Mohammed est le souverain de tous les princes qui ont 
propagé la vraie religion ; il est le plus grand des prophètes, le 
dernier des envoyés de Dieu. Il est le rayon le plus resplendis- 
sant du soleil de Téternité, la perle la plus précieuse de Tocéan 
de la religion. Le ciel, dans son immensité, n'est que la porte 
de son habitation ; les anges, sans exception, ne sont qu^un 
reflet de son visage. L'âme de tous les êtres vivants est une 
émanation de son ombre. Tous les biens de l'existence sont 
tirés de ses trésors. Mohammed est mystiquement le père et 
Adam est le fils; mais, si Ton s'en tient aux apparences maté- 
rielles, Adam est larbre et Mohammed est le fruit. Qu'il est 
grand le souverain à qui tout obéit et devant lequel tout se trou- 
ble ébloui par Téclat de sa couronne! Ses regards répandent 
la vie dans le monde entier et l'enfer est un reflet de la colère 
qui s'allume dans ses yeux. » 

« Objet de toutes les espérances, chef de tous les saints, Aly 
est le vely le plus illustre entre les purs. Ces deux rois ont eu 
deux corps et deux noms; ils ne forment, cependant, qu'un 
seul corps et qu'une seule âme. » 

€ Tous leurs successeurs visibles ou cachés sont en apparence 
et en réalité des prophètes et des saints. Leur groupe est formé 
de deux fois six ou de deux fois sept. Cependant ils ne forment 
qu'un seul foyer de lumière dont chacun d'eux est comme un 
rayon différent '. » 



T. Les Chiites reconnaissent douze imams comme les successeurs légitimes de Moham- 
med. Ce sont Aly, ses djux fils Hassan et Hussein et les neuf descendants de Hussein. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



« Que la bénédiction de Dieu s'étende sur leur âme ! Que 
le corps et lesprit des justes leur soient offerts en sacrifice ! » 



Louange de Sa Majesté le roi qui est l'égal de DJemchid, r asile 
de rislamisme, le défenseur de la religion, la source de tout se^ 
cours j Nacir Eddin Qadjar; que Dieu rende éternels son royaume 
et son gouvernement ! 

Ma mission au Khare^m; récit de mon voyage ; mon arrivée à 
Khiva. 

Vers. — « Que le faîte de sa couronne s'élève fièrement 
jusqu'au zénith et que les pieds de son trône reposent sur 
les cieux! Quand, depuis l'époque de Feridoun, et depuis le 
siècle de Djem, l'empire de la Perse a-t-il pu contempler un 
pareil souverain? •> 

€ O monde ! tu étais devenu un vieillard chétif et impuis- 
sant, grâce à ce prince , tu es redevenu jeune et vigoureux 
comme sa fortune. » 

« Il faut que le firmament et que la terre soient en prières et 
fassent des vœux pour lui, car, il est celui qui augmente le nom- 
bre des victoires et des conquêtes, il est le roi qui accorde son 
aide à la religion, le souverain absolu et le triomphateur de 



C'est ce nombre que Tauteur désigne par les mots de deux fois six. Ces douze imams 
sont infaillibles et impeccables. Si Ton ajoute à ces douze imams, Mohammed et sa fille 
Fathimèh qui sont également exempts de tout péché, on aura l'explication des mots 
deux fois sept. 

Ces quatorze personnages ayant un but unique sont pour leurs sectateurs un seul 
foyer de lumière qui s'est manifesté selon les circonstances avec un éclat particulier. 

Le prophète (Néby), chargé d'une mission divine, doit la faire connaître à toute l'hu- 
manité. Le successeur d'un prophète (Vely) peut ne point faire connaître publiquement 
sa doctrine et ne la révéler qu'à ses disciples. C'est ainsi qu'il faut entendre les expres- 
sions de visibles ou cachés (Djely ou Khafy) employées par l'auteur. 



6 RELATION 

l'époque, Nacir Eddin Chah, de race turque^ le potentat du 
siècle, le monarque par excellence. Tous ses ancêtres ont été 
des princes qui ont ceint le diadème, tous ses aïeux ont été des 
rois qui ont pratiqué la justice et Téquité. L'empire était devenu 
vieux et débile, par lui, il a recouvré la force, la vigueur et 
la santé. L'éclat qu'il a répandu dans tous les pays a donné un 
nouveau lustre à la bravoure des Persans. Deux cent mille ca- 
valiers reçoivent ses ordres, et il commande à plus de cent 
mille hommes d'infanterie régulière. Aucune étoile n'a la splen- 
deur de son visage. Les rayons de son diadème feraient pâUr 
ceux du soleil. Sous son règne, le monde est semblable à un 
jardin, la terre a la beauté éclatante du firmament et notre sou- 
verain est la lune de ce firmament. La sublimité du ciel est 
l'ombre de son trône ; la vie éternelle d'Elie sera plus courte 
que la durée de son bonheur. Pour se représenter le paradis, 
on n'a qu'à penser à la capitale où il réside; si l'on veut se 
figurer l'enfer, on n'a qu'à songer à sa colère. Les ambassa- 
deurs de rinde, ceux du Kharezm, de la Turquie et de la 
Russie se présentent à sa cour pour baiser la poussière de- 
vant lui. » 

-€ Il voulut donner au souverain du Kharezm une marque de 
son amitié. Il me fit appeler et me confia la mission de me 
rendre à Khiva. Il me donna Tordre de traverser le Mazande- 
ran avec la vitesse d'un oiseau qui vole. On me remit une let- 
tre enluminée comme la plume de la perdrix et ornée de l'em- 
preinte d'un sceau resplendissant comme la lune et les pléiades. 
J'eus pour compagnon de voyage l'envoyé du khan de 
Kharezm qui retournait dans sa patrie, » 

J'aborde maintenant le récit détaillé de mon voyage. 

Ata Niaz Mahrem avait été chargé de faire agréer au Roi 
des présents de la part de Mohammed Emin Khan, souverain 
du Kharezm. Malgré mon indignité, je fiis chargé d'une mis- 
sion diplomatique à Khiva. J'eus mon audience de congé et 
je quittai la cour autour de laquelle le firmament exécute son 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 7 

mouvement de rotation, la cour de Sa Majesté le Roi dont la 
splendeur égale celle de Djem , Nacir Eddin Qadjar, lasile 
du monde et l'appui de la religion de Dieu. 

Distique. — c Nacir Eddin le roi des rois du siècle est un 
océan de majesté , une montagne de puissance. » 

Que Dieu daigne rendre éternels son règne et sa puissance, 
et diriger le vaisseau qui le porte sur les mers de la royauté ! 

Pour me conformer à Tusage suivi de tout temps et pour 
changer de résidence ', je me rendis dans une maison de 
campagne, appelée Djinnet (paradis) et située en dehors de 
Rey % dans le village de Doulab ^. Je m y établis avec la permis- 
sion du propriétaire Hadji Seïyd AbdouUah Téhérany. Je m'in- 
stallai à L'étage supérieur de la maison de ce second paradis, 
le 5 du mois de djoumazy second de Tannée 1267 (7 avril 
i85i) ^. J'employai la journée à me procurer tout ce qui pou- 
vait encore me manquer. De plus, j'attendis là mon compa- 
gnon de voyage, l'envoyé du khan du Kharezm qui devait 
partir de la ville après avoir pris toutes les dispositions né- 
cessaires pour son voyage. 

Le proverbe dit, en effet : c Cherche d'abord un compagnon, 
puis songe à la route. » Trois jours s'écoulèrent dans l'attente ; 
il me rejoignit enfin le quatrième jour. Nour Mehdy ambas- 
sadeur de l'Emir de Boukhara, de retour de Constantinople 
où il avait rempli une mission auprès du gouvernement otto- 
man, avait demandé à Son Altesse le premier ministre ^ la 
permission de nous accompagner jusqu'à Khiva, d'où il comp- 



1. L'usage, en Orient, exige qu'avant d'entreprendre un long voyage on aille camper 
pendant quelque temps à peu de distance de sa résidence habituelle. 

2. Voir l'Appendice i i. 

3. Doulab est un village de trois cents maisons, à peu de distance des ruines de Rey, 
sur la route de Téhéran à Firouzkouh. Le chah y possède une maison de plaisance. 

4. 7 avril i85i. Le texte persan, imprimé à Boulaq, porte par erreur la date de 1268. 
11 faut lire 1267. 

5. Le premier ministre qui, à cette époque, portait les titres de Emiri Kcbir, Atabeki 



8 RELATION 

tait se rendre dans sa patrie. Mais il changea d'avis et re- 
nonça à son projet. Je dirai plus loin ce qui lui est arrivé dans 
la suite. Les journées du 6, 7 et 8 du mois de djoumazy se- 
cond (8, 9 et 10 avril), que je passai à attendre mon compa- 
gnon de route, furent employées à réunir mes bagages et à 
faire mes adieux à mes amis et à mes connaissances. 

Hémistiche. — « Le jour succéda à la nuit^ la nuit succéda 
au jour. » 

Le soir du vendredi 8 (10 avril), un peu avant le coucher 
du soleil, Ata Niaz Mahrem, envoyé du khan du Kharezm, fit 
partir de la ville de Rey, qui est digne d'être la capitale de 
Djem et de Key, ses bagages et les gens de sa suite. Il se mit 
en route après eux; ses serviteurs se rendirent avec les bagages 
au sérail de Doulab où ils s'installèrent; quant à lui, il vint me 
trouver au jardin de Djinnet, suivi de sept ou huit cavaliers. 
Je l'accueillis de la façon la plus cordiale et avec tous les 
égards qui lui étaient dûs. J'avais tout fait préparer à son in- 
tention dans le jardin de Rizvan qui est situé à côté de celui 
de Djinnet. Il s'y transporta, mais j'appris, après son départ, 
que ses gens ne s'y étaient point rendus et que, privé de ses 
bagages, il était embarrassé pour passer la nuit. Je fis immé- 
diatement porter chez lui un lit, des bougies, des lampes, tout 
ce qui lui était indispensable, et de plus, en fait de mets et 
de boissons, tout ce qu'on put préparer pour le repas du soir. 
Le lendemain, j'allai lui faire visite et je fis porter de chez moi 
tout ce qui était nécessaire pour faire le thé. Il put ainsi me 
recevoir convenablement et, dans la conversation, nous nous 
prodiguâmes toutes les marques de sympathie, d amitié, de 
cordialité et de bonne entente que nous pouvions désirer l'un 
et l'autre. 

'Azem et Sadri Mouazzhem, était Mirza Taqy Khan Ferâhâny qui encourut peu de 
temps après la disgrâce du Chah et eut les veines ouvertes à Kachan, le samedi 17 du 
mois de Rebi oui evvel 1268 (:i janvier i852). 



DE l'ambassade AU KHAREZM 9 

Le samedi^ 9(11 avril i^ tous les préparatifs étant terminés, je le 
fis prévenir que nous allions nous mettre en route et je fis partir 
les bagages. A ta Niaz Mahrem vint à mon logis et, après avoir 
dîné, nous montâmes à cheval. Des mendiants s'étaient, selon 
l'habitude, rassemblés devant la porte. J'avais fait préparer, 
pour distribuer en aumônes aux pauvres que je rencontrerais 
sur ma route, des echrefy de deux mille dinars, des châhy 
frappés au nom du roi et des pièces de mille dinars ". Tous 
ceux qui se présentèrent devant moi en eurent une part ; puis, 
nous conformant aux ordres des ministres du gouvernement 
éternel, nous prîmes, tout contents et tout joyeux, la route de 
de Sary, pour nous diriger vers le Kharezm. Nous apprîmes 
que la rivière de Djadjroud était débordée et que son courant 
rapide et sa profondeur ne permettaient pas de la traverser à 
gué. Nous franchîmes le pont, en mettant toute notre confiance 
en Dieu ^ Nous trouvâmes sur notre chemin une haute mon- 
tagne dont les sommets et les ravins, les escarpements et les 
précipices étaient incommensurables; j'en fis la description 
suivante en vers : 

Vers. — € Par les ordres de celui qui est digne de porter 
la couronne de Key, je partis de Rey et je m'acheminai vers le 
Mazenderan; mes compagnons et moi nous montâmes sur 
des chevaux dont la taille égalait la hauteur d'une montagne. 
Nous franchîmes de nombreuses montagnes à la cime élevée. 



1 . L'echrefy a la valeur de deux francs ; le châhy celle de dix centimes , et la pièce de 
mille dinars ou sahib qiran celle d*un franc. 

2. Le Djadjroud, Jadjroud ou Jajeroud est une rivière qui coule à Test de Téhéran; elle 
descend du Demavend et se transforme, à Tépoque de la fonte des neiges, en un tor- 
rent impétueux qui charrie des glaçons et du limon. Distribuée dans de nombreux 
canaux, elle arrose et fertilise la plaine qu'elle traverse. Le Djadjroud ne peut être 
passé à gué que très-difficilement. A Tendroit où il est coupé par la route de Téhéran 
à Châhroud, s'élève le village de Djadjroud avec un cararansérail. D*après Qazwiny, le 
pays traversé par ce cours d'eau s'appelle le territoire de Rey. La rivière renferme 
beaucoup de gii^il-aleh (truites). Souvent le chah se rend, en hiver, dans cet endroit, 
pour y chasser la perdrix rouge (kebkj. Ritter, AUgemeine Géographie, Berlin, i838. 
VIll, p. 448 et 559. 



10 RELATION 

nous en gravîmes les sommets ; passant ensuite par les défi- 
lés, nous traversâmes les rivières et les vallées. La première 
montagne qui s'oflrit à nous avait sa base appuyée sur le pois- 
son qui supporte la terre et son sommet touchait à la lune. 
Quand je descendis de ces hauteurs, une rivière profonde se 
présenta devant moi. Tantôt nous étions dans les abîmes, 
tantôt sur les cimes élevées; nous pouvions converser avec le 
poisson et la lune et leur confier nos secrets. » 



Du mont Elbouri nommé aussi montagne de Qâf. 

Sur la limite de la province de Rey et du Mazanderan s'élève 
une montagne qui a reçu le nom d*Eibourz. Les villages et les 
jardins de Chemiran et les campements d'été de la population de 
Téhéran sont situés sur le versant de cette montagne ■ ; elle est 
très-haute et d'une grande étendue. Elle porte aussi le nom de 
montagne de Qaren ou de Qâf. La verdure dont elle est constam- 
ment couverte lui donne l'apparence d'un bloc d'émeraude. 
Elle incline dans sa partie centrale du côté méridional du Ta- 
barestan. On assure que cette chaîne de montagnes com- 
mence aux monts Qomr dans le Sennar, pays faisant partie 
du Soudan et situé près de la ligne équatoriale où se trouvent 
les sources du Nil; du Soudan, elle se dirige vers la haute 
Egypte, traverse TEgypte moyenne, puis, non loin du Caire, 
elle suit la direction de l'Orient pendant l'espace de huit 

1. I«a vallée de Chemiran est située dans TElbourz au nord de Veramin. Feth A.ljr 
Chfth y avait élevé une magnifique maison de plaisance. Cliemiran jouit d*une grande 
réputation pour la pureté de son climat, Tabondance de ses fruits et la grande quantité 
du gibier de plume que Ton y trouve. Ouseley, Travtls in varions countries of the 
East, more particularly Persia, London.1819, page 1 19. Morier, Second journey through 
Persia. (1810-18 16.) London, 1818. page 33 1. — Ritter, Allgemeine Géographie VllI, 
pages 43 1 et 337. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM I I 

journées de marche. Elle court ensuite vers le Nord pen- 
dant la distance que représente un mois de marche^ pour 
atteindre la grande Arménie^ la Caramanie et TAnatolie. Ar- 
rivée au milieu du quatrième climat, elle s'allonge vers TOrient 
et passe par le Daghestan, la Géorgie et T Azerbaïdjan; elle 
court au nord de Téhéran et traverse le Tabarestan , le Kho- 
rassan, le Zaboul, le Caboul et le pays des Siah Pouch. Elle 
coupe la partie méridionale du pays de Badakhchàn et cou- 
vre tout le Kachmir et tout le Thibet; franchissant la partie 
sud des pays de Tengtach , de Khoten et de la Chine , elle 
passe à TOrient de THindoustan, du Népal et du Bengale 
pour aboutir à l'Océan. La longueur de cette chaîne de mon- 
tagnes est de quinze cents fersengs. A ses pieds^ on compte 
douze mille villes et villages, et, dans chaque contrée, elle 
porte un nom particulier. Des voyageurs affirment dans leurs 
récits qu'ils l'ont entendu nommer en soixante-douze dialectes 
et qu'ils y ont vu plus de deux cents peuples parlant des lan- 
gues et des idiomes différents ; ils ont constaté en outre que ces 
peuples suivaient près de trois cents religions distinctes. 

Pour en revenir à notre voyage, nous nous engageâmes dans 
cette chaîne de montagnes en sortant de la province de Rey et 
nous franchîmes sur un pont la rivière de Djadjroud qui est célè- 
bre par le volume de ses eaux et par la rapidité de son courant. 

Vers. — « Le pont jeté sur cette rivière profonde ressem- 
blait, dans l'obscurité de la nuit, à la voie lactée. Nos cœurs 
étaient glacés d'épouvante en franchissant cette rivière ; en tra- 
versant ce pont on pouvait croire qu'on passait le Sirath et 
que l'enfer se trouvait au dessous de lui. » 

Après avoir parcouru la distance de huit fersengs en mon- 
tées et en descentes, nous arrivâmes au village d'Oustlik ap- 
partenant au beylerbey Issa Khan Qadjar. Après avoir pris 
notre repas, nous nous livrâmes au plaisir de la conversation 
et nous y passâmes la nuit. 



14 RELATION 

der; les domestiques se mirent à pousser des ciîs pour les 
éloigner : t Ignorants, leur dis-je, ce n'est point le moment d'ef- 
frayer les gens et de les injurier, c'est plutôt celui de leur dis- 
tribuer des dinars et des danek '. » Je plongeai ma main dans 
ma poche et j'en retirai une poignée de châhy et d'echrefy frap- 
pés au coin de Nacir Eddin Chah; j'appelai les enfants et je 
leur jetai cette monnaie; ils s en emparèrent en riant et en ma- 
nifestant leur joie et ils se mirent à me remercier et à £aire des 
Vf eux pour moi dans le dialecte du Mazanderan. Les parents 
voyant ce qui était arrivé aux enfants, se réunirent autour de 
moi, dans Tespoir de recevoir quelques pièces d'or; ils se di- 
saient à part eux : < Ce que Ton tient dans la main est un 
échantillon de ce que renferme le sac, et ce généreux ambassa- 
deur possède de Tor et de Targent. » Nos effets et nos bagages, 
nos coffres et nos tapis arrivèrent bientôt avec les gens de ma 
suite. Les habitants de Guilared coururent à leur rencontre. 
ICn voyant tous les ballots qui formaient notre bagage ils s'en 
chargèrent comme des ânes, les déposèrent à terre, et, nous 
rendant les plus grands honneurs, ils se tinrent debout devant 
nous pour nous servir. L'un, plus ardent que le feu, alla faire 
cuire le pain, l'autre, plus rapide que le vent, alla puiser de 
Tenu : ils se mirent à couper et à scier du bois sec et vert et ils 
apportèrent du pâturage et du potager un agneau et des légu- 
mes. Les préparatifs de noire repas furent faits avec soin et 
nous pûmes bientôtgoûtcr le repos. En vérité, Tor facilite tout 
et le désir du gain rend le lion aussi docile que Tâne. Nos vête- 
ments trempés d'eau furent séchés, nos corps transis de froid 
furent réchauffés , nos estomacs vides se remplirent et nos 
cœurs aigris s'adoucirent. Nous fîmes des vœux pour la durée 
du bonheur du roi du monde et nous dormîmes paisiblement 
toute la nuit jusqu'au matin. Le lundi ii (i3 avril), le soleil 
éleva sa tète au-dessus des montagnes de TOrient et ses rayons 
enflammèrent le ciel couvert de nuages. 

I. Menue monnaie de cuivre. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM l5 

Vers. — € Le lendemain, lorsque le soleil, semblable à un 
bassin doré, brilla sur la coupole azurée^ » nous sortîmes de 
notre chambre étroite pour nous élancer dans la plaine im- 
mense. La pluie, versée par les nuages, avait lavé la pous- 
sière qui couvrait la verdure; un oiseau gazouillait sur cha- 
que arbre. Après avoir parcouru un ou deux fersengs nous 
aperçûmes le village d'Ainèh Verzan : à gauche de la route, 
des jardins, des arbres, des habitations et des rivières s'of- 
fraient à notre vue. Ainèh Verzan est bâti sur la pente d'une 
montagne. A la droite de ce village se trouve une plaine d'une 
grande étendue. Nous pûmes contempler là une chose singu- 
lière. Du sommet de cette montagne aussi élevée que le firma- 
ment, tombe une eau courante qui, depuis des siècles, a déchiré 
le flanc de la montagne de telle sorte que son lit semble creusé 
par la main des hommes. Le ruisseau s'élargit au pied de la 
montagne et, après avoir fertilisé les champs et les jardins du 
village, il se dirige vers la plaine. Les rives de ce cours d'eau 
sont bordées de saules d'une grande hauteur et qui donnent un 
ombrage agréable sous lequel peut s'abriter le voyageur exténué. 
Je me dirigeai, avec mon compagnon de voyage, vers le bord 
de cette rivière ; nous descendîmes de nos montures et après 
avoir déjeûné, nous remontâmes à cheval, et, tout en causant 
et en riant, nous nous dirigeâmes vers le village de Serbendan ' 
qui fait partie du canton de Demavend et qui est un endroit 
sans pareil pour la chasse du cerf. 



t. Serbendan est le nom d'un village situé dans un district montagneux qui s'étend 
entre Demavend et Firouzkouh. — W. Ouseley, Travels in various couniries ofthe 
East etc, London, 1819, 1821, iSiS, tome III, page 324. 

Le village de Serbendan est situé sur le bord d*un torrent limpide qui sort de la gorge 
d'une montagne. -^ Eastwick, Journal, etc.^ tome II, page 98. 



l6 RELATION 



La montagne de Demavend et la province de ce nom. 

Le Demavend est une montagne célèbre qui s'élève à la dis- 
tance d'une ou deux journées de marche de Rey et à Torient de 
cette ville. Originairement on l'appelait Dounya Avend c'est-à- 
dire Zarfi Dounya. En effet, dans l'ancienne langue persane 
Avend signifie Zarf, c'est-à-dire « qui contient^ qui renferme ' » . 

La hauteur de cette montagne depuis sa base est^ dit -on, de 
quatre fersengs. C'est la plus haute des montagnes de l'Iraq et 
les voyageurs l'aperçoivent de fort loin. Au sommet se trouve 
un plateau sur lequel brille une lueur qui sort, dit-on, d'un 
puits ou cratère et que l'on aperçoit à une très-grande distance. 
Le jour, on voit la fumée s'en échapper. D'après la tradition, 
le prophète Suleyman a emprisonné le Djinn Sakhrèh dans l'in- 
térieur de cette montagne; d'après une autre version Feridoun 
y aurait renfermé Zohak ^ Sur le sommet est, dit-on, une sou- 
frière d'où pendant la nuit, s'échappent des flammes et, pendant 



1. L'étymologie de Dounya avend (qui renferme le monde), donnée par Rîza Qouly 
Khan me semble défectueuse. Demch et quelquefois Dem signifient, vapeur, fumée, 
Demavend voudrait donc dire Tendroit qui renferme ou duquel s'élèvent des vapeurs, 
■de la fumée. Sa*id bep Aly el Djourdjany, dans son Messalik oui Memalik^ donne à 
cette montagne le nom de Dibavend, dont la signification est a qui renferme les Divs ». 

2. Firdoussy raconte en ces termes la victoire de Feridoun. « Feridoun accourut, ra- 
pide comme le vent ; il prit la massue à tête de bœuf, frappa Zohak sur la tête et brisa 
son casque. Le Sourouch apparut aussitôt : « Ne frappe pas, dit-il, car son temps n*est 
« pas venu. Il est brisé, il faut le lier comme une pierre et le porter jusqu*où deux ro- 

« chers se resserreront devant toi Porte ce captif jusqu'au mont Demavend, en 

tt hâte et sans cortège; ne prends avec toi que ceux dont tu ne pourras pas te passer et 
tt qui te seront en aide au temps du danger. » Feridoun rapide comme un coureur em- 
porta Zohak et Tenchaîna sur le mont Demavend; et lorsqu'il l'eut entouré de nouvelles 
chaînes par-dessus ses liens, il ne resta plus aucune trace des maux de la fortune .... 
Zohak fut séparé de sa famille et de ses alliés et demeura enchaîné sur le rocher. Feri- 
doun choisit dans la montagne une place étroite, il y découvrit une caverne dont on ne 
pouvait voir le fond. Il apporta de pesants clous, et les enfonça en évitant de percer le 
crâne de Zohak; il lui attacha encore les mains au rocher pour qu'il y restât dans une 
longue agonie.» Le livre des Rois par Aboul Kasim Firdousi, traduit et commenté 
par J. Mohl. Paris, Imprimerie royale, tome I", pages log-iii-iiS, 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM I7 

le jour, de la fumée. La vérité est que cette montagne est un 
volcan près du sommet duquel se trouve un cratère par lequel 
le feu intérieur se fraye un passage. A ses pieds s'étend un 
canton riant et bien cultivé qui porte le même nom de Dema- 
vend. Les pommes qu'on y récolte sont renommées pour leur 
saveur '. 

Nous dépassâmes un peu Serbendan et nous plantâmes nos 
tentes auprès de Baghi Chah, maison de plaisance construite 
par Aga Mohammed Khan pour lui servir de résidence pen- 
dant la saison de la chasse. 



Baghi Chah \ 

Baghi Chah est un vaste parc avec une maison à deux étages ; 
une large allée plantée de saules et de peupliers le traverse dans 
toute son étendue. On trouve au milieu du parc une autre allée 
plantée en quinconce et bordée d'arbres fruitiers. Ce quinconce 
a, à peu près, un demi-ferseng de longueur. Tout le parc est 
entouré d'un mur d'une grande étendue. Les fruits que Ton y 
récolte sont remarquables par leur douceur et leur bon goût. 
Ce jardin doit son origine à Aga Mohammed Khan ; il venait y 
passer la nuit après avoir chassé pendant le jour du côté du 
Dely Tchay ^. Les perdrix rouges, les mouflons, les antilopes 



1. Voyez l'appendice, % II. 

2. Baghi Chah est situé à trois lieues et demie (deux fersengs] d'Aincli Vcrzan sur 
la route de Demavend à Firouz Kouh. Ccst un parc mesurant environ cinq cents pas 
de longueur et de largeur. Il est entouré d*une clôture, traversé par une belle allée de 
peupliers coupée perpendiculairement par d'autres allées semblables. Le terrain est 
planté d*arbres fruitiers. Le revenu s'élève à trente toumans. On y voit une maison de 
chasse où le chah vient quelquefois pour se livrer dans les vallées qui l'environnent à 
la chasse des chèvres sauvages. — James Morier, A second Journey through Persia^ Ar- 
menia and Asia minor to Constaniinople, London, 1818. in-4", pages 36o-363. 

3. Le Dely Tchay (la rivière folle} est ainsi nommé à cause de l'impétuosité de son 
cours à l'époque de la fonte des neiges. Il coule dans une vallée étroite, sauvage dont 

2 



l8 RELATION 

se trouvent en extrême abondance dans la plaine et dans les 
montagnes environnantes. Le mardi 12 (14 avril) du mois^ 
nous partîmes de Baghi Chah et nous nous dirigeâmes vers 
Firouz Kouh. Après avoir parcouru un ou deux fersengs, nous 
traversâmes Tendroit réservé pour la chasse ; il s'étend sur le 
revers de la montagne et dans une plaine resserrée entre deux 
montagnes. Au bout d'un demi-ferseng de marche entre ces 
deux montagnes, nous descendîmes dans une vallée en pente 
conduisant à la rivière de Dely Tchay et nous nous arrêtâ- 
mes sur ses bords. Nous la franchîmes, nous gravîmes une 
colline escarpée, et traversant des vallons, des hauteurs, des 
plaines et des montagnes, nous passâmes par le Rebath d'E- 
min Abad. Nous déjeunâmes et nous prîmes quelque repos 
au pied de la montagne. Après l'avoir dépassée , nous nous 
dirigeâmes vers une vallée qui porte le nom de Sèh-Bend (les 
trois réservoirs). 

Nous laissâmes Sèh-Bend derrière nous et, suivant une route 
accidentée, nous arrivâmes au bord d'un cours d'eau qui 
porte le nom de Ghazan-Tchay où nous mîmes pied à terre * ; 
nous fîmes la prière de midi et celle de TAsr et nous for- 
mâmes des vœux pour la durée et la prospérité du souverain 
du siècle, du maître des victoires, de celui qui est aidé de 
Dieu, du roi dont la fortune est jeune et vigoureuse, du prince 
auquel le ciel sert de trône et qui est le propagateur de la 
religion du prophète arabe, Nacir Eddin Padichâh. Après cette 
halte, nous pressâmes notre marche pour atteindre la Ville de 
Firouz Kouh. A notre droite s'élevait une chaîne de montagnes 
qui s'étendait jusqu'à cette ville. Ses pics, qui touchaient les 
étoiles, étaient couronnés de fortifications, de tours et de rem- 



les rochers abruptes ont des formes bizarres. Ouselcy s^arrcta à un petit château de 
construction moderne élevé sur les bords du Dely Tchay. Le pays est sauvage et inha- 
bité. On y rencontre en abondance Taniilope et la perdrix rouge. 

I. C'est sur les bords du Ghazan-Tchay qu'est situé Erdjumend, résidence du gou- 
verneur de Firouz Kouh.— E. d'Arcy Todd. Memoranda io accompany a sketch of part of 
Maianderan. Journal of the gcographical Society, tome VIII, 9* partie, Londres, 
i838, pages 102-104. 



DE LAMBASSLU>t Al KHAREZM IQ 

parts démantelés et tombant en ruines. On voit, auprès de la 
xUle de Firouz Kouh^ une haute butte formée par les cornes 
des moufk>ns abattus par Feth Al y Chah lorsqu il se livrait, dans 
ce pays montagneux, à l'exercice de la chasse. Cette butte pré- 
sente l'aspect d'un taillis épais et aux branches toutTues. On 
a ÉBÛt, dit-on, le compte des cornes qui s'y trouvent accumu- 
lées; elles dépassent le nombre de cinq mille. On trouve 
aus^ dans les environs de Firouz Kouh une plaine ver- 
doyante où prennent leur source plus de cent ruisseaux 
petits et grands qui vont se jeter dans la rivière de Vachy. 
Cette rivière coule le long de la gorge de Firouz-Kouh ; elle in- 
cline à droite et tombe dans la ri\ière appelée Gouri-Seîîd, 
puis elle se dirige vers le Hebelroud * et de là vers Veramin. 



La plaine de FacAr. 

A deux fersengs au nord de Firouz Kouh on rencontre une 
plaine, une gorge et un vallon extrêmement agréables et 

I. Le Hebelroud ou Hebleroud est une rivière qui coule au sud de la montagne de 
Firouz Kouh. La vallée traversée par cette rivière est une des routes naturelles qui 
conduisent du Mazanderan dans la Perse. Cette vallée se rétrécit considérablement ;V 
certains endroits et, à la sortie d'un village qui porte également le nom de Hebclioud, 
on trouve un dénié très-éiroit qui porte le nom de Tengui DehaHch et qu'il est sou- 
vent difficile de franchir. — W. Ouseley, Travds^ etc., pages 218-219. 

Fietro della Valle donne une description du dctîlc par lequel il passa pour arriver ù 
Hebleh-Roud : « Il Sabato entrammo nelle montagne, atircversandole per una pro- 
funda e angustissima valle simile assai, al mio parère, a quella d*Italia che V. S. avn\ 
veduta neir Umbria, chiamata Valle Strettura ; ma questa di Asia è più lunga scnza 
comparazione, come intenderâ. Si cammina per questa valle quasi semprc in piano, 
che rarissime volte, e molto poco si sale o sccnde; ma i monti son sempre altissimi 
dalle bande, e talora la strada si va aggirando in volte tanto strcttc^ che ci dicde fasii- 

dio per far passar la lettiga; Corre in fundo della valle un piccolo tiumicello, ovvcro 

grosso rivo Finalmentc a mezza nette avendo camminato ottoleghee più, arrivammo 

ad una villa chiamata Heblè-Roud. » Viaggi di Pietro della Valle il pcUegrino, etc. 
Brighton, 1843, tome I*% pages 58o-58i. 



20 RELATION 

délicieux. L'eau y est d'une extrême légèreté et d'un goût 
agréable. Elle a été pesée et reconnue plus légère qu'aucune 
autre. On sort de cette vallée par une route bordée des deux 
côtés par la montagne, et Ton passe entre le pied de la mon- 
tagne et la rivière. 

Au débouché de la gorge, s'étend une prairie charmante où 
Feth Aly Chah établissait ses quartiers d'été. Ce prince a fait 
sculpter son image sur un rocher de cette montagne du som- 
met de laquelle on jouit de la vue des forêts du Mazanderan 
et de la mer Caspienne. 



La ville de Ftrou^ Kouh. 

Firouz Kouh est une ancienne ville qui jouit encore aujour- 
d'hui d'une certaine prospérité. Elle est située sur la limite 
de riraq et du Thabarestan. Quelques-uns des villages placés 
sous sa juridiction ne sont point éloignés de Semnan. Firouz 
Kouh est bâti sur une montagne au sommet de laquelle on 
remarque les ruines d'anciennes et merveilleuses constructions. 
On y voit un moulin à vent, un bain, un château dont les 
murailles sont fort élevées et un puits taillé dans le roc vif; 
on a dû creuser jusqu'à une profondeur de près de cinq cents 
coudées pour arriver à l'eau qui est fournie par la rivière qui 
coule au pied de la montagne et que Ton élève jusqu'au som- 
met. 

Des rebelles se sont, à différentes époques, réfugiés à Firouz 
Kouh; ils s'y sont retranchés et ils ont opposé une vive résis- 
tance aux différents princes qui essayaient de les réduire. 

L'ancien château est situé sur la pente de la montagne. Des 
paysans se sont, aujourd'hui^ établis dans son enceinte et ont 
couvert de cultures les bords de la rivière qui coule au pied de 
la montagne. Ils ont de plus construit des maisons, quelques 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 21 

édifices publics et des bains. Le nombre de ces paysans s'é- 
lève à quatre cents. 

Dans les environs, on trouve les ruines d'un grand nom- 
bre d'anciens monuments. Les détails historiques relatifs aux 
princes qui ont gouverné ce pays se trouvent consignés dans la 
chronique du Mazanderan qui a pour titre Tarikhi Thabery et 
qui est due à la plume d un des Seiyds de Marach \ 

L'arrondissement de Firouz Kouh comprend environ qua- 
rante villages. 

Dans les dernières années du feu roi Mohammed Chah Qad- 
jar, que Dieu illumine son tombeau ! j'ai été chargé du gou- 
vernement et de l'administration de ce pays. 

Le mercredi i3 (i5 avril), nous partîmes de Firouz Kouh 
et après avoir parcouru une distance de près de trois fer- 
sengs , nous arrivâmes au caravansérail de Pay Guedouk du 
Mazanderan ; puis après avoir marché pendant un ferseng , 
nous atteignîmes le caravansérail de Seri Guedouk. Guedouk 
dans le dialecte du pays désigne un endroit élevé à partir du- 
quel la route va en pente. Ce mot désigne également un pas- 
sage étroit. La route, en effet, se rétrécit et commence à des- 
cendre. Lorsque nous eûmes dépassé ce défilé qui porte le 
nom d'Abbas Abad ^ et qui servait, dit-on, de résidence au 
Div blanc qui veillait à la sécurité des routes et des frontières 
du Mazanderan, nous aperçûmes sur le penchant des mon- 
tagnes des Divs noirs. Nous les prîmes pour des damnés qui, 
ayant rompu leurs chaînes, auraient réussi à s'échapper de 
l'enfer et seraient venus se réfugier dans les montagnes du 
Mazanderan. Nous nous assurâmes, à la fin, que c'était des 
habitants du Mazanderan qui exploitaient les forêts et y cou- 
paient du bois qu'ils faisaient brûler pour le convertir en 



1. Le titre de cet ouvrage est « Chronique du Thabarestan, du Ilouyan et du Ma- 
zanderan. n II a été rédigé par le Setyd Zehir ouddin fils du Seiyd Nassir ouddin el 
Marachy. Le texte persan de cette histoire a été publié par M. Dorn à Saint-Péters- 
bourg, en i85o. 

2. Ce nom lui a été donné à cause d'un caravansérail construit par Chah Abbas. 



22 RELATION 

charbon. La couleur noire de leur visage et de leurs mem- 
bres était due à la poussière de charbon qui leur tient lieu de 
fard et de mouche. 

Au milieu du vallon que nous traversions, coule un petit 
ruisseau dont les eaux grossissent à mesure que son cours se 
prolonge. Nous parcourûmes en descendant ime distance de 
huit fersengs. 

Distique. — « Des deux côtés s'élevaient dtux montagnes ; 
entre elles coulait un ruisseau. Toute la route semblait cou- 
verte d'une étoflFe de soie à fleurs. » 

Cest à cet endroit que commencent Tarrondissement de 
Sewad Kouh ■ et la province du Mazanderan. 

Partout sur notre route, nous trouvions des cours d'eau, 
des arbres, d'épaisses forêts, des roses, des fleurs, des plantes 
odoriférantes aux brillantes couleurs; partout, on entendait 
les gazouillements et les chants mélodieux d'oiseaux innom- 
brables. 

Vers. « Qu'elle est belle, qu elle est splendide, la province 
du Mazanderan! D'une extrémité à Tautre, elle n'est que ver- 
dure et que fleurs. Son territoire est coupé de ruisseaux, hé- 
rissé de rochers, couvert d'arbres ; la terre est molle, mais les 
routes sont dures *. » 

Après avoir traversé les villages du Sewad Kouh, nous ar- 
rivâmes à Sourkh Rebath ^. Nous le dépassâmes et nous 

1. Sewad Kouh est le nom de la région montagneuse qui s*étend depuis le bas du 
détîlé d^Abbas Abad jusqu*à la station de Zirdb. Le Se\%*ad Kouh fait partie aujourd'hui 
de l'arrondissement de Barfourouch. Les villages du ScwaJ Kouh sont divisa en 
Qjchlaq (résidence d'hiver) et Yailaq (résidence d'été). Les habitants s'occupent princi- 
p.:Iement de l'élève des bestiaux. Ils descendent en hiver dans les prairies s'étendant le 
long du Siâh Roud qui coule entre Larim et Qaratèpèh dans le district de Saiy. 

2. L'auteur veut dire ici que la terre détrempée par les pluies est facile à cultiver, mais 
que les routes dans les montagnes et les rochers sont difficiles à parcourir. 

3. Rcbathi Sourkh ou Sourkh Rebath est un caravansérail situé dans la vallée du Ta- 
lar, à six fersengs au nord de Firouz Kouh ; il est en mauvais état et le voyageur n'y 
trouve qu'un abri insuffisant. Non loin de là, on voit un énorme rocher, Khanèhi Divi 



DE l'ambassade AU KHAREZM 23 

nous engageâmes dans un défilé qui porte le nom de Douâb 
(les deux ruisseaux). La nuit survint et nous dûmes faire halte. 
Nous avions parcouru la distance de dix fersengs. Nous nous 
reposâmes toute la nuit. 

Le jeudi 14 (i6 avril), nous quittâmes la station de Douâb 
et, suivant une route en pente, nous marchions si vite qu'en 
peu de temps nous eûmes fait cinq fersengs et que nous attei- 
gnîmes la localité appelée Zirâb \ A l'entrée du défilé, une 
source qui sort en bouillonnant du milieu des rochers donne 
naissance à un ruisseau tombant en cascade dans la vallée qu'il 
traverse. Les cours d'eau qui s'y jettent et les pluies toujours 
abondantes grossissent son volume, et, à une certaine distance, 
il devient une grosse rivière qui a reçu le nom de Talar et qu'il 
est impossible de traverser à gué ^. On a jeté sur cette rivière 
un pont solidement construit, haut et large, auquel on a donné 
le nom de Pouli Sefid (le pont blanc ^). Nous le franchîmes et 
nous nous dirigeâmes vers le tombeau de l'Imam Zadèh Abou 
Thalib où nous descendîmes pour nous reposer. Nous étions 



Sefid, avec une grotte très-vaste qui, d'après la légende, est la résidence habituelle du 
Divi Seûd, le chef de tous les divs ou géants des montagnes. (Voy. W. Ouseley. Trav,, 
III, p. 321. — E. d'Arcy Todd, Memoranda, etc. — Journ. of the Geogr. Soc. of London 
i838. Vol. VIII, p. I, p. 102-104.) 

1. Zirâb (sous l'eau), village de la vallée du Talar, doit son nom aux fréquentes inon- 
dations auxquelles il est exposé. Il ne compte, d'après D'Arcy Todd, qu'un petit 
nombre de misérables huttes et il n'est, ainsi que Chirgâh, habité que pendant une 
partie de l'année, à l'époque où l'on ensemence le t\z. Ouseley, Traveîs, tome III, 
pages 241-249. — D'Arcy Todd, Memoranda, page 104. Zirâb fait partie du bulouk de 
Sewad Kouh, dans l'arrondissement de Barfourouch. Mclgunof, Das sûdîichc Ufer des 
Kaspischen Mères, Leipzig, 1868, page 197. 

2. Le Talar prend sa source dans les montagnes de Firouz Kouh, près du caravansérail 
le Guedouk, et se jette dans la mer Caspienne, non loin de Mechhedi Ser, après un 

cours de 24 lieues (60 milles anglais). La vallée du Talar est très-pittoresque, mais le 
parcours en est difficile, à cause du terrain qui est souvent marécageux. On trouve, en 
certains endroits, les restes d'une route que fit construire Chah Abbas. (Voy. Ouseley, 
/. c, p. 241-249. — D'Arcy Todd, /. c, p. 102-104.) Melgunof dit que le Talar forme au- 
jourd'hui la limite entre les districts de Sary et de Barfourouch dans le Mazanderan. 
Melgunof, /. c, p. 149. 

3. Pouli Sefid (le pont blanc) est un pont de pierre sur le Talar; il est bien cons- 
truit et se trouve au milieu d'une contrée très-pittoresque. Ritter, AUgem. Geog. VIII, 
p. 4qo. — Ouseley, Trav,, III, p. 237-23q. — E. D'Arcy Todd, /. c, p. io3, loj. 



24 RELATION 

à la nuit du vendredi et en adressant nos prières au Dieu 
qui pourvoit à tous nos besoins, nous fîmes des vœux pour 
réternelle durée de la prospérité du Roi. Ayant fait demander 
le mutevelly (le gardien chargé de l'entretien) de l'Imamza- 
dèh , nous lui donnâmes une gratification et nous fîmes allu- 
mer un cierge au chevet de la tombe du Seiyd pour accomplir 
une bonne œuvre. 

Le mutevelly ne cessa de nous entretenir des miracles et des 
prodiges opérés sur le tombeau du saint. 

Respectant la sincérité de sa conviction et la pureté de ses 
intentions^ nous avons ajouté foi à tout ce qu'il disait, et, après 
avoir terminé notre visite pieuse et récité nos invocations, les 
bagages furent chargés sur les mulets infatigables et les ca- 
valiers montèrent sur leurs chevaux arabes. 

Le vendredi i5 (17 avril). Nous nous dirigeâmes au lever 
du jour vers la station de Chirgâh (la localité des lions) \ Sem- 
blables à des lions, nous hâtâmes notre marche. 

Partout sur la route, qui n'était qu'une suite de montées et 
de descentes, on ne voyait que des cours d'eau, des canaux, des 
sources et des rivières. La vue des forêts nous arrachait des 
exclamations de louange et d'admiration. Les buis et les ormes 
élevaient leurs cimes jusqu'au ciel et leurs branches déchiraient 
le sein du firmament. 

Vers. « Le sommet de la montagne, couvert de verdure, 
semblait revêtu d'une étoffe de Chouchter ^ Les tulipes, qui 

1. Chirgâh, situé sur le Talar, est, d*après Ouseley et d'Arcy Todd, un village com- 
posé de quelques misérables cabanes qui ne sont habitées que pendant une certaine par- 
tic de Tannée. Le reste du temps, on n*y trouve que des dtitaillants qui font le com- 
merce avec les muletiers traversant la vallée du Talar. Voy. Ouseley et d'Arcy Todd, //. 
ce, et Ritter, VÏII, p. 499. 

D'après Melgunof, il y a aujourd'hui, dans le district de Sary, un bulouk de Chirgâh 
qui compte dix villag;:s, dont le principal est Chirgâh^ avec une centaine de maisons. 
Melgunof, /. c, p. 174. 

2. Chouchter, ou selon la forme arabe Touster, capitale de la province de Khouzistan, 
a été fondée par Houcheng et rebâtie par Chapour Zoul Ektaf. Cette ville, qui était 
autrefois la résidence d*hiver des rois de Perse, est renommée pour ses fabriques d'é- 



DE L.O£5ASSAl>E AV ÎLH AXrTM 2? 

émaillaient la face de îa terre avaient Tec'a: ce ia planète de 
Jupiter. Le brouillard., qui enveloppai: les roontagnes, ressem- 
blait aux vapeurs qui sVîèveni de la mer profonde. Le coq de 
bruyère sautillait dans la prairie: scs plumes et ses ailes avaient 
l'éclat des couleurs dont on peint le Nnsa^e de la jeune ma- 
riée. • 

I-a route était semée de bourbiers, de flaques deau et de 
fondrières dans lesquelles s'abattaient les che^•atlx et les betes 
de somme ; Chah Abbas Sèfèxy, qui jadis la parcourait sou- 
vent, donna Tordre de couper les arbres et d'établir une chaus- 
sée en pierres et en mortier, tantôt droite, tantôt suivant les 
sinuosités du terrain. Elle se développait de Chirgàh à Barfou- 
rouch et de cette dernière \nlle elle aboutissait à Echref et à Es- 
teràbad ". Semblables à un torrent impétueux, nous parcour- 
rions en toute hâte cette chaussée pour gagner San', et nous 
implorions la miséricorde divine pour ce roi juste et clément. 
Nous limes près de huit fersengs d'un chemin pénible, au mi- 
lieu de taillis épais, et nous nous arrêtâmes p>our nous reposer 
sans craintes et sans appréhensions dans la forêt de Chirgàh. 

toffes de soie. Les géographes arabes et persans donnent quelques détails sur cette ville. 
Mais la notice la plus étendue est celle qui se trouve au commencement du Zeyl ou 
supplément du « Tohfèt oui Alan de Abdoul Leihif ben Aby Thalib Nour oudJin Chou- 
chter}'. (Manuscrit de mon cabinet, pages 32-78.) 

I. Khe)'aban (chaussée) est le nom de la grande rouie construite par Chah Abbas au 
commencement du xvii* siècle, et qui, traversant le Mazanderan et le Guilan, était des- 
tinée à mettre en communication, d'une part, les ports de la mer Caspienne avec les dé- 
filés de TElbourz et, de l'autre, à fournir un débouché au Mazanderan vers Test en se 
prolongeant jusqu'au Khorassan, et au Guilan vers Touest, en traversant le territoire de 
TAzcrbaidjan jusqu'à l'embouchure de l'Araxe. Le Kheyaban avait une longueur de soi- 
xante dix milles géographiques et il s'étendait depuis Enzely le port de Recht, jusqu'à 
Esterâbad en passant par Sar}\ Cette chaussée était déjà en fort mauvais état à l'époque 
où Hanway fit son voyage, et. depuis, elle n'a jamais été réparée. 

Selon Fraser, le Kheyaban se prolongeait à l'est jusqu'au col qui conduit à Bestham et 
Châhroud, et il a même été continué jusqu'à Tchinaran, à vingt lieues de Mcchhed. La 
chaussée est border des deux côtés par un fossé, et sa largeur eit de quinze ù seize 
pieds. Le premier résultat de la construction de cette route a été l'introduction du cha- 
meau dans le Mazanderan.— Jon. Hanway, An historical account o/the british traJe, etc. 
Londres, 1753, tome I"", pag. 214. — W. Ouseley, Travels, tome III, pag. 276-284, — 
Fraser, Travels and adventures, page 12. 



26 RELATION 

Notre campement était établi dans un lieu infect, exhalant 
une odeur méphitique. Cette localité éloignait tout bien être 
par sa nature sauvage. 

Pendant la nuit que nous y passâmes , la faim excessive 
dont nous souffrions nous porta à manger jusqu'à satiété, et 
toute la nuit nous souffrîmes de la soif qu'avait allumée en 
nous Tail que nous avions mangé ^ 

A l'aube, l'humidité de l'atmosphère nous présagea la pluie; 
le vent s'éleva. Nous quittâmes en toute hâte ce lieu malen- 
contreux, et montant à cheval avec mes compagnons et mes 
amis, nous partîmes au galop et nous sortîmes de cet endroit 
désagréable. 

Le samedi i6 (i8 avril), nous entrâmes dans la plaine ra- 
vissante d 'A ly âbad ^. Puisse-t-elle être toujours prospère! On 
aurait dit que nous étions des oiseaux échappés de leur cage 
ou des fugitifs qui auraient réussi à se sauver de la prison. 

Nous approchions du tombeau du Cheikh Thabarssy ^ ; 
nous passâmes à peu de distance. Nous demandâmes, pour 
nous en rendre compte, des renseignements sur Tétat de la 

1. Les Orientaux mangent de Tail ou de l'oignon pour se préserver de l'influence per- 
nicieuse des marécages ou des endroits réputés malsains. 

2. Il y a dans le Mazanderan deux bulouk limitrophes ponant le nom de nom d'Aly 
âbad; l'un est situé dans le district de Sary et renferme une dizaine de villages, l'autre 
se trouve dans le district de Barfurouch. Le principal village de ce dernier bulouk est 
Aly âbad, situé sur le Talar, à quatre fcrscngs au sud-ouest de Sary. 11 a quatre cents 
maisons, et parmi les habitants on trouve des Kurdes des tribus de Djanbeglou et de 
Madanlou. Aly âbad a subi mainte fois les incursions des Turkomans. Chah Abbas y avait 
construit un palais et le kheyaban (chaussée pavée) traversait ce village. Dans les envi- 
rons, on cultive la canne à sucre, le coton, le riz et le mûrier; les champs sont, pour 1® 
plupart, tchallik (presque constamment sous l'eau), ce qui produit des émanations mal- 
saines. Les rizières servent de retraite à un grand nombre de sangliers; les habitants 
leur font la chasse et suspendent aux arbres les têtes des animaux tués. (Melgunof, /. c, 
p. 195.) Ousclcy dit qu'Aly âbad est un charmant village, avec des cabanes et des fer- 
mes entourées d'orangers; on trouve beaucoup de faisans dans les bois environnants, 
(Ouseley, Travels, vol. lll, p. 249.) 

3. Cheikh Thabarssy ou Cheikh Thabrissy est le nom d'un village du bulouk de Bala 
Tidjan dans le district de Barfurouch, à trois fersengs de cette ville. On y voit un imam- 
zadch construit par Suleyman Khan Guireïby. Il porte une inscription disant qu'en cet 
endroit furent enterrés le Cheikh Thabarssy, ainsi que Moulla Mohammed fils de Cheher 
Achoub, Seiyd Hayder et un derviche nommé Hussein Siavech. Ce village a acquis une 



DE l'ambassade AU KHAREZM 27 

secte des Babys qui ont été^ pour ce malheureux pays et pour 
quelques contrées de la Perse^ une cause de troubles et de 
ruine^ jusqu'à ce qu'ils aient été réduits en captivité et domp- 
tés par le Darius du siècle. 

Nous nous dirigeâmes vers le pavillon qui fait partie de 
rimam Zadèh, qui se trouve en dehors d'Aly âbad, et nous 
nous y reposâmes pendant quelques instants. Nous interrogeâ- 
mes, au sujet des Babys, les Seiyds Berbery ^ et les Mazande- 
raniens qui habitaient ce village et qui avaient reçu la semence 
de la doctrine de ces sectaires. 

Après avoir dépassé Aly âbad, nous parcourûmes la chaus- 
sée royale, et, protégés par Dieu, nous entrâmes dans la ville 
de Sary. Nous avions franchi, depuis Chirgâh, une distance de 
sept fersengs. Je fus, ce jour-là, informé d'une manière posi- 
tive que le Chahzadèh gouverneur général du Mazanderan, 



certaine célébrité en servant de lieu de refuge aux adhérents du babysme, lorsqu'ils fu- 
rent chassés de Barfurouch. Ils y soutinrent un siège de six mois contre les généraux 
Abbas Qouly Khan et Mehdy Qouly Mirza. V. Melgunof, p. 182-196. 

L*auteur de cette relation , Riza Qouly Khan, a donné aussi dans son Fihris out icwa- 
rikhy tomeX, pages 124-128, un récit détaillé du siège et de la prise du village de Cheikh 
Thabarssy. Mirza Sipehr Lissan oui Mulk a, dans son Nassikh out tewarikh, fait l'his- 
torique des troubles suscités par les Babys dans le Khorassan et dans le Mazanderan. 
Nassikh out iewarikh, histbire de la dynastie des Qadjars, Téhéran, s. d. in-fol. tomelll» 
p. 52-70. M. de Gobineau en a aussi donné une relation dans a Les religions et les 
philosophies de l'Asie centrale, Paris i865, pages 217-237. 

Les doctrines des Babys ont été exposées dans l'ouvrage de M. de Gobineau, pages 
141-359, et par Mirza Kazein bey dans un mémoire qui a pour litre a Bab et le ba^ 
bysme » et qui a paru dans le Journal asiatique di l'année iSGO. 

M. le baron de Rosen a publié d'intéressants extraits de n^anuscrits babys dans les 
« Collections scientifiques de l'Institut des langues orientales du ministère des affaires 
étrangères ». St-Pétersbourg, 1877, pages 179-212. 

I. Les Seiyds Berbery sont originaires du district de Berbcr, dans le nord de l'Afgha- 
nistan. Ils prétendent descendre de Tlmam/My qui aurait été transporté miraculeusement 
dans le lieu de leur origine, lis portent le turban vert et exercent le métier de repas- 
seurs de couteaux. Ils figurent dans les taazièhs et dans les processions chiites, se frap- 
pant avec des chaînes la poitrine et le dos. 

Au dire de M. Bode, cité par M. Dorn, les Berbery, originaires du Pouchii Kouh, fe- 
raient partie de la grande tribu des Hezarèh répandue sur tout le plateau de Pamir jus- 
qu'au Tibet. Dorn, Caspia. St-Pétersbourg, 1875, pag. 79-80. On peut consulter, sur le 
rôle des Berber>'s dans les cérémonies religieuses, Les religions et les philosophies de 
l'Asie centrale, par M. de Gobineau, page 377. 



28 RELATION 

Mehdy Qouly Mirza, s'était , pour terminer quelques affaires 
locales, rendu sur les bords de la mer Caspienne et qu'il n'é- 
tait point encore de retour. Les officiers de S. A. avaient pré- 
paré des logements pour moi et pour l'envoyé du Khan du 
Kharezm. Nous nous y rendîmes et nous nous y établîmes. 

Le lundi 17 (19 avril), je changeai de vêtements et je me 
rendis au bain. A Taller et au retour, je distribuai en aumônes 
des pièces d'or et d'argent aux Seiyds et aux pauvres que je 
rencontrai, et je goûtai le repos dans mon logis, comblé de 
prévenances, de marques d'honneur et de considération. 

De grands personnages, des notables, des ulémas, quelques- 
uns de mes parents établis depuis longtemps dans le Mazan- 
deran, d'anciens condisciples que je n'avais pu, à cause de 
mon séjour à Chiraz, voir depuis quarante ans, apprirent mon 
arrivée. Ils préférèrent me faire visite plutôt que de recevoir de 
mes nouvelles par d'autres personnes et mon temps se passa 
à les entretenir, à leur donner des marques d'amitié et d'affec- 
tion et à les recevoir à ma lable. 

La tristesse de la séparation fit place à la joie de se revoir 
et mes amis ne tarirent point en éloges et en vœux pour recon- 
naître la grâce et la faveur dont j'étais Tobjet de la part du Roi 
conquérant du monde. Que Dieu rende son règne éternel! Ils 
approuvèrent le sens de ces deux distiques composés par un 
sage. 

Quatrain. « Ne lutte point contre la fortune ennemie, ne 
cherche point à combattre le destin ! ne pousse point comme 
la harpe des gémissements plaintifs sous les égratignures du 
sort. On ne laisse se perdre ni For dans la terre , ni la perle 
dans la mer. Ne permets donc point au chagrin d'envahir ton 
cœur. 



DK I. AMBASSADE AU KHAREZM 29 



Description succincte du Thabarestan et du Ma^anderan. 

m 

Le Thabarestan est une contrée qui renferme des villes re- 
montant à une haute antiquité et des cités remarquables par 
leur grandeur. Les montagnes y sont escarpées et les forêts 
sont remplies de beaux arbres. Le Thabarestan, qui est célè- 
bre par l'abondance de ses eaux et Thumidité de son climat, 
fait partie, dans toute son étendue, du quatrième climat. Le 
voisinage de la mer de Khazer (la mer Caspienne), qui porte 
aussi le nom de mer de Qoulzoum, procure â certaines loca- 
lités une température plutôt chaude. Mais dans la plupart de 
ses parties le climat est tempéré. On trouve en grande quan- 
tité dans cette province les fruits des pays chauds et ceux des 
pays froids. On dit que , sous le règne de Suleyman le pro- 
phète, sur qui soit le salut ! les Divs- ne trouvèrent pas, pour 
s'y fixer, de contrée plus belle que le Thabarestan. Ils mirent le 
pays en culture et ils y vécurent. Aussi donne-t-on aux habi- 
tants, à cause de leur courage, le nom de Div et Ferdoussy, dit : 

Hémistiche. — « Ils étaient de ces héros du Mazanderan qui 
sont semblables aux Divs, » 

Selon quelques auteurs, Thehmouras Divbend ' est le souve- 
rain qui aurait commencé à civiliser ce pays. Amol , Sary et 
Qalèhi Mour ont été bâties à une époque reculée et elles étaient 
désignées sous ces mêmes noms à Tépoque d'Afrasiab et de 
Keyqobad. 

Le Mazanderan doit son nom à la montagne de Maz et 
Menoutchehry a dit à ce sujet : 



I. Thehmouras Divbend (le vainqueur des Divs;, fils de Noudjan et petit-fils de Hou- 
cheng, est le quatrième souverain de la dynastie des Pichdadian. Pendant un règne de 
quarante ans, il fonda Isfahan, Savèh, Rey et les villes du Mazanderan et de T Azerbaïd- 
jan. Beizhavy, Ni{ham out tewarikh, f* 5. 



3o RELATION 

Distique. — « Le nuage est descendu de la montagne : ses 
replis étaient semblables à ceux d'un serpent, et le Maz en était 
enveloppé *. » Dans les temps anciens, ce pays portait aussi le 
nom de « Bichchi Narven » (forêt d'ormes). Autrefois, il comp- 
tait vingt -quatre villes florissantes dont la plus ancienne était 
Lardjan. 

C'est de cette ville que partit Feridoun pour combattre Zohak 
et arriver au pouvoir suprême. 

Le Thabarcstan doit son nom à cette particularité que la 
hache est l'arme de guerre des habitants. Thabar est la forme 
arabisée du mot persan Teber (hache). Elle a prévalu et elle 
est aujourd'hui la seule usitée. 

Le Ma/anderan se divise en sept arrondissements: i** Le 
Djourdjan, 2" le Mourdestan, 3° Esterâbad, 4^ Amol, 5** Rustem- 
dar et le Dehistan, G^'Koughad, 7° Siâh Roustaq. Le Thabares- 
tan est également divisé en plusieurs arrondissements parmi 
lesquels il faut citer cgax de Bestham, Damgham, Semnan, 
Mrou/kouh et Khirqan. Le Thabarcstan a été pendant long- 
temps placé sous l'autorité des souverains du Khorassan. On 
continue donc à le considérer comme en faisant toujours partie 
à Texemple du Qouhistan, du Sistan et du désert (Mefazèh) 
c|ui, bien que devenus des provinces distinctes, sont cependant 
regardés comme des dépendances du Khorassan. A l'époque 
de l'avùnement de la dynastie actuelle des Qadjars, les habitants 
du Ma/anderan et ceux du Thabarestan ont rendu des services 
signalés qui leur ont valu la gratitude de ces princes. Aga Mo- 
hammed Chah et Feth Aly Chah n'ont cessé de donner aux 



I. (les lieux ver» forment le premier disiiquc de la pièce de poésie consacrée à la 
louante de Menoutchehcr. lils de Qabous. (403-420, 1012-1029.) Edition de Téhéran 
H. d. publiée par Wza Qouly Khan, page 71. 

Menoutchehcr était le septième souverain de la dynastie des Deilemitcs de Zyad Gui- 
lany t]ui régnèrent sur le Djourdjan, le Guilan et le Mazandéran de l'année 3i5 (927) à 
ranné'j 470 (1077) de l'hcgire. Aboul Nedjm Ahmed, surnommé Chousl KcUèh (estropié 
du pouce), était originaire de la ville de Damghan. II prit le nom de Menoutchehry en 
reconnaissance des bienfaits dont Menoutchehcr Tavait comblé. Il mourut dans la force 
de l'âge après l'année 43o (io38). 



DE l'ambassade AU KHAREZM 3l 

grands et aux petits des marques de leur bienveillance et de leur 
générosité. 

Ils ont été élevés aux plus hautes dignités et la faveur dont ils 
sont Tobjet n'a point cessé de se manifester. 



Notice sur la ville de Sarj, que le Dieu Très-Haul daigne la 

protéger ! 

Sary, placée sous la protection de la planète de Jupiter, est 
une petite ville qui renferme des maisons et des édifices pu- 
blics, des bains, un bazar, des mosquées et des collèges. Elle 
doit au Khaqani Ekber (Aga Mohammed Khan) et à Feth Aly 
Chah une prospérité qui s'est encore accrue sous l'administra- 
tion de Mulk Ara ■ et sous celle de ses enfants. 



Barfouroicch. 

Barfourouch est une ville ouverte, bien peuplée et plus rap- 
prochée que Sary du rivage de la mer. Elle renferme des mos- 
quées, des fondations pieuses, des collèges, des boutiques et 
des caravansérails. L'auteur de cette relation y a passé huit 
années pendant son enfance. La destinée le conduisit ensuite 
dans la province du Fars où il résida pendant trente ans. 



I. Mulk Ara (qui fait rornement de la royauté) était le surnom officiel de Mehdy Qouly 
Khan Devalou qui, après avoir été gouverneur de la province de Fars, devint Beyierbey 
du Mazanderan et du Gourgan. Feth Aly Chah avait épousé une de ses filles. Fihris out 
Tewarikhy tome IX, page 346. 



32 RELATION 

En dehors de Bartourouch se trouve une prairie verdoyante 
qui porte le nom de Meïdani Sebz (la place verte). On y voit 
un étang d une grande étendue au milieu duquel se trouve une 
petite île où s'élèvent de hautes constructions d'un aspect ad- 
mirable et merveilleux. Cet étang a reçu le nom de mer d'I- 
rem \ 

Barfourouch a été fondée sous la dynastie des princes Sè- 
fèvy et elle doit sa prospérité à la dynastie des Qadjars. 



Mechhedi Ser. 

Cette ville est bâtie sur le bord de la mer Caspienne et son 
port sert de refuge aux navires qui naviguent sur cette mer cé- 
lèbre par l'agitation de ses flots toujours soulevés par les tem- 
pêtes. On l'appelle aussi fautivement mer de Qoulzoum. Elle 
a deux cents fersengs de circuit. La ville de Hadjy Terkhan 
(Astracan) et quelques provinces possédées par les Russes sont 
situées sur ses bords. 



I. Cette île, au sud-ouest de la ville, est au milieu d*un étang couvert de roseaux et 
surtout de nénuphars qui étalent en tous sens leurs larges feuilles et leurs fleurs blan- 
ches. Quoique le palais soit ruiné, on distingue encore Venderoun (harem) àTextrémité du 
bâtiment, et quelques pièces telles que galeries, salles de bain et de repos, couvertes de 
peintures à fresque. L'édifice forme un carré avec une cour intérieure plantée de syco- 
mores. Des galeries qui en font le tour extérieurement, on embrasse le jardin et ses 
bassins, ainsi que rimmens2 plaine dont Balforouche est environnée. LMle entière d'en- 
viron i5oo mètres de diamètre est couverte d'orangers, au-dessus desquels s'élancent 
d'élégants cyprès. — Hommaire de Hell, Voyage en Turquie et en Perse exécuté par 
Of'dre du Gouvernement français, pendant les années 1846, 1847 ^^ 1848. Paris, i836, 
tome H, !'• partie, page 253. 



DE l'ambassade au kharezm 33 



A mol. 



Amol est une des anciennes villes du Mazanderan. Theh- 
mouras en jeta les fondements et Feridoun en fît sa capitale. 

Cette ville placée sous Tinfluence de la planète de Jupiter ap- 
partient au quatrième climat. Elle est aujourd'hui en ruines. 
Elle a donné le jour à un nombre considérable de philosophes, 
de littérateurs et de poètes. Il faut citer parmi eux le Seiyd 
Hayder Amoly et l'historien Mohammed Ibn Djerir Thabary. 

Pendant de longues années, le Mazanderan a été gouverné 
par les Seiyds Zeydyèh qui étaient constamment en état de 
rébellion contre les rois leurs contemporains. Ceux-ci n'ont 
pu se rendre maîtres du pays qu'au prix des plus grands 
efforts. Les voyageurs anglais assurent qu'il n'y a, dans le 
monde entier^ aucune contrée qui renferme des positions forti- 
fiées par la nature plus solides que celles du Mazanderan. 

Le lundi i8 (20 avril), le Chah Zadèh gouverneur général 
du Mazanderan rentra à Sary après avoir quitté les bords 
de la mer Caspienne. Informé de mon arrivée et de celle de 
l'ambassadeur du khan de Kharezm, il m'envoya chercher 
ainsi que Ata Niaz Mahrem pendant qu'il donnait audience au 
lieutenant de l'amiral russe qui était venu d'Esterâbad à Sary. 
J'eus l'honneur de me présenter devant lui et il me reçut avec 
les plus grands égards. Le lieutenant de l'amiral fit à notre su- 
jet plusieurs questions et il chercha à pénétrer le but de ma 
mission. Le Chah Zadèh, en faisant mon éloge^ lui expliqua 
que j'étais chargé de me rendre dans le Kharezm pour resser- 
rer les liens d'amitié, d'union et de cordialité qui unissent la 
Perse à cet Etat. Il fut question, dans le cours de la conver- 
sation, du Kharezm et des princes de la dynastie des Kharezm 
Chah qui avaient dominé à la fois le Turkestan et la Perse 
et qui avaient levé contre les Khalifes de Bagdad l'étendard 
de la révolte. Nous recueillîmes aussi^ durant cette visite, des 

3 



34 RELATION 

détails sur les actes d'hostilité commis par les Turkomans éta- 
blis sur les bords du Gourgan et la côte d'Esterâbad, et sur le 
retour prochain de Tamiral. Le Chah Zadèh avait envoyé un 
courrier à Téhéran pour prendre^ à ce sujets les ordres de la 
cour. Pendant notre séjour à Sary, il nous combla de poli- 
tesses et de marques d'attention. 

Le mardi 19 (21 avril j^ je voulus partir de Sary pour gagner 
Esterâbad , mais le Chah Zadèh ne voulut point consentir à 
notre départ. Je le différai donc d'un jour pour me conformer 
à ses ordres. 

Le 20 du mois de Djoumazy oui Akhir (22 avril), je pris la 
route d'Echref avec mon compagnon de voyage, l'envoyé du 
Khan du Kharezm. Nous traversâmes d'abord la rivière du Pont 
Royal (Roudi Pouli Padichahy) et nous trouvâmes de nouveau 
sur notre chemin la forêt et la chaussée royale. Celle-ci est rui- 
née en maints endroits, et on a pratiqué, à côté d'elle, un sentier 
(Jui est entièrement envahi par la végétation et par les arbres. 
On ne pouvait avancer qu'en se couchant sur le cou des che- 
vaux. Nous parcourûmes ainsi plusieurs fersengs; la journée 
s'avançait et nos bagages et nos provisions étaient restés en ar- 
rière. 

Des habitants du Kharezm, des Khoqandy qui revenaient de 
la Mekke et des marchands s'étaient joints à nous. Par con- 
sidération pour eux, nous préférâmes nous arrêter plutôt que 
de continuer notre marche. Nous renonçâmes donc au projet 
de gagner Echref et nous fîmes halte à la station de Nika ^ 
Nous avions déjà fait quatre fersengs et il en restait cinq à 
faire encore pour arriver à Echref 

I. Nika est le nom d*une rivière qui sépare le district de Sary de celui d*Echref, dans le 
Mazanderan. Le pays, arrosé par cette rivière, forme le bulouk de Nika qui fait partie 
du district de Sary. La principale localité de ce bulouk est le village de Pouli Nika 
situé sur la route de Sary à Echref. Un pont de pierre, construit par Feth Aly Chfth, 
traverse la rivière en cet endroit. La plupart des villages du bulouk de Nika sont 
habités par des Guireily. Ces tribus (tartares, selon Fraser) sont originaires du Khoras- 
san et du Gourgan; s'étant révoltées contre Âga Mohammed Khan, ce souverain les 
transplanta sur les bords du Nika. Ils fournissent un contingent de mille cavaliers à 
l'armée du Chah. (Fraser, Trav, and Advent , p. 3o.) 



DE l'ambassade au kharezm 35 

Cette partie de la route est extrêmement agréable; on voyait 
partout des cours d'eau^ de la verdure, des arbres vigoureux, 
des ormes d'une grande hauteur, des buis et des cyprès 
dont on ne pouvait préciser le nombre. Je composai à ce 
sujet les vers suivants : 

Vers. « Je passai trois jours et trois nuits à Sary sous llieu- 
reuse influence d'une étoile qui illuminait mon cœur. Le qua- 
trième jour^ lorsque le soleil brilla au firmament, je montai à 
cheval et ma bride était à la hauteur du ciel. Je franchis les 
vallées et les plaines, les montagnes et leurs pentes, tantôt 
compagnon du soleil, tantôt camarade de la lune '. Les fo- 
rêts et les taillis, les ruisseaux et les jardins faisaient, par leur 
beauté, brûler de dépit le cœur du paradis. Les vallons et les 
montagnes étaient couverts de myrtes, de buis et de cyprès; 
les pentes et les ravins étaient remplis de perdrix , d'étour- 
neaux et de faisans. » 

Le 21 (23 avril), dès Taurore, mes compagnons et moi, nous 
montâmes à cheval, stimulés par le désir de voir Echref. Le 
chemin que nous parcourions, pour gagner Echref où nous 
voulions arriver, était couvert de verdure et bien ombragé. On 
n'apercevait de tous côtés que champs ensemencés, jardins, 
vergers, canaux et cours d'eau. Nous mîmes pied à terre sur la 
route pour prendre notre part des provisions que nous accor- 
dait la générosité infinie de la Providence. Nous avions, jusqu'à 
trois heures de l'après-midi, parcouru cinq fersengs à travers 
les plaines, les montagnes, les champs cultivés et les maréca- 
ges. Nous aperçûmes sur le sommet de la montagne les ruines 
d'Echref et les constructions élevées par Chah Abbas. Nous 
arrivâmes dans le canton d'Echref; nous le traversâmes et 
nous mîmes pied à terre pour goûter le repos dans le jardin 
d'Echref. 

I. L'auteur veut dire ici qu'il voyageait pendant la nuit et pendant le jour. 



36 RELATION* 

Distique. — • Jusques à Echref, nous parcourûmes la route 
avec la plus grande rapidité : nK>n cheval lancé au gak^ dé- 
vorait Tespace. » 



Bagki Echref (k Jardin d^Ecknj), 

La mère de Chah Abbas Sèfè\*y avait reçu le jour dans le 
Mazanderan. Cette circonstance détermina son fils à imprimer 
un grand développement à la prospérité de cette province. 
U y construisit des ponts , des cara\*ansérails et des monas- 
tères pour les personnes vouées à la \ie religieuse. U établit 
la chaussée qui aboutit à Esteràbad. Enchanté du climat d'E- 
chref, le Roi venait y résider au printemps et en automne pour 
jouir de la \nie de la mer et des forets du Mazanderan. 

Echref est situé au sommet d^une haute montagne qui s'élève 
en £aice de la mer. Chah Abbas y fit planter un jardin et cons- 
truire une habitation de plaisance avec deux corps de Ic^s, 
Tun pour les hommes, Tautre pour les femmes. Aujourd'hui^ 
la plus grande partie de ces constructions est détruite ; il n'en 
reste que des ruines au sommet de la montagne. Le grand 
bassin qu'on voyait dans cette résidence était alimenté, le £ait 
est notoire, par les eaux du Demavend qu'amenaient des con- 
duits passant sur la crête des montagnes. Le jardin dEchref, 
« dans Tétat de délabrement où il est, vaut mieux que cent 
mille jardins bien entretenus. > \ oici ce qui en subsiste encore 
après une période de trois cents ans : on trouve tout d'abord^ 
en entrant, im canal qui traverse le jardin. Dans toute sa lon- 
gueur, les deux parois et les deux bords en sont revêtus de 
pierres polies. 11 mesure environ quatre cents pas. De chaque 
coté de ce canal, est une allée bordée d'un double rang de 
cyprès élancés; chacun d'eux rendrait jaloux les cyprès du 



• 



4£2r TJDT -rm:: x: i: ancien* v-n. -.^ îcn; v^^ulivîk -î^v'. .^^ 

f' Tnrair i: v-xi. -J>uir;^' ^ .*siv ?v*r, rv>- ,< 






d'caa ^a: esc ^ï: roîJicu x^;: $4^)xVi. v^x^iivi vVCxV ^vnVv 
ca pkàDc . I>au >i'ccoQi: xi*r^ \;;'î ^^^:;v Ïvassu^ \^\^»v 

devant le pivîDoQ, Eîk îî^ m\i3>vi <^ï^:^^5îo vi^îV^ vk^ vx^^v^^A 

qui la CQxidzàsttDi bors^ Ja ^j^râin V 



Tant heîle ftOcs bàcR $ccsl^nt <t cv>»Kti««**»t À k ^v^tV' ^M-^^ ï>aV ><\^ '-^^n^hvs . t*^ i^y 
d'elle, est aae ka^ra^ âr«i\»c de cx-fi^ *t vi\NWir>^H^ i«^^v^^^î^ >^w ^K^hn^xh M> |^A\\^ 
loa de K^dir Chih. Crtie âx^M^oc t*l Itâxvn»^^ |Nir ^ï\n^ h^ï<\^ x^ xi^ïMiv^N ^<asîx^> t^^NiNSf^xv^ 
de dxstuice en Jistâaœ de pctittt ch\\t«i xi\>AU ^'^t nx" xxSirt'iii^^Ht x^im ns^n ^x*%^^^ ^^U\i* 
en fttce du pixîlloii. * Tox^^of « 1V^*mV ^I t*^ IV\x\\ IV^»s ^î^^^^x ^^^^♦ ^^\ ^'* 1^^ 
lie, page 270. 



38 REXATION 

Les cyprès, qui bordent sur Jeux rangs l'allée du jardin , 
sont au nombre de deux cents. Les orangers scxit innombra- 
bles. A droite et à gauche de ce jardin, s^élèvent deux enceintes 
fortifiées renfermant des habitations, des vergers, des arbres 
et des plantations d orangers. Les firuits y sont abondants et 
d'espèces variées. Dans Tune de ces enceintes, se trou\"ait le 
harem royal. Les demeures affectées aux officiers et aux di- 
gnitaires de la couronne n étaient point éloignées du jardin et 
on en voit encore les vestiges. Lorsque je descendis à Baghi 
Echref , les oranges n'avaient point encore été cueillies et ces 
fruits, suspendus aux branches, offi^ent un spectacle char- 
mant. 

Vers. — «Je vis un jardin aussi vaste qu'une prairie, si Ton 
peut comparer à une prairie un jardin couvert de fleurs. 
Les cyprès avaient la taille gracieuse et bien prise de la bien- 
aimée. Deux allées étaient bordées de c^-près se balançant avec 
grâce, au milieu délies se trouvait un canal dont la beauté ra- 
vissait le cœur. Des orangers, aux branches touffues, remplis- 
saient les deux côtés du jardin et ils s a\'ançaient jusqu a la 
façade du pavillon. On aurait dit qu'ils formaient deux batail- 
tons couverts de vêtements verts et rangés en ligne deN-ant le 
roi. Tous se tenaient debout en bon ordre, immobiles et silen- 
cieux, et Ton ne pouvait remarquer le plus léger mouvement. 
Devant eux, les deux rangs de cyprès dont la cime s'élançait 
vers le ciel semblaient être les officiers placés devant le ùxmt 
des troupes. Les orangers paraissaient être le firmament, et les 
oranges, les étoiles scintillant dans son immensité. > 

Il est fâcheux que la chaussée de Chah Abbas et que le jar- 
din dEchref soient dans Tétat de délabrement où on les >^it 
aujourd'hui. 11 faut espérer que le gouvernement donnera des 
ordres pour leur rendre leur premier éclat , car les rois re- 
cueillent rhéritage de leurs prédécesseurs et la réparation des 
édifices élevés par les anciens souverains incombe au prince 



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40 PELATION 

criaient sur la magnificence de ce qui se voit en Perse. « Nos 
Khans^ me dit l'envoyé du Kharezm , ont aussi à Khiva de 
beaux jardins et de superbes palais. Khiva est aussi un second 
Dar oui Merz ' sous le rapport des arbres et des jardins. La 
verdure et les cours d'eau en font un paradis sur cette terre. > 
Je lui répondis : « Je verrai et je ferai ensuite mon choix. La 
« sentence qui dit : Tamour de la patrie fait partie de la foi^ 
« trouve ici son application. » 

Il répartit : 

Vers. — « Viens pour juger par toi-même et pour croire (ce 
que je dis). » 

Bref, nous passâmes agréablement notre temps à converser 
•et à goûter un doux repos. 

Le 22 (24 avril). Nous fîmes, suivant notre habitude, partir 
d abord les serviteurs qui devaient nous précéder, ainsi que 
les pauvres gens qui faisaient partie de la caravane. Nous 



chaleurs, les habitants vont prendre une eau d*une extrême fraîcheur et d'un goût déli- 
cieux. On avait autrefois creusé dans les montagnes, auprès d'Echref, des glacières que 
Ton remplissait en hiver de neige que Ton extrayait en été pour Tusage de la cour. On 
en apportait aussi en ville pour les habitants. Cette industrie était exercée par une classe 
de gens dont les descendants portent encore aujourd'hui le nom de Yakh Kechy (por- 
teurs de glace]. Ce métier n'existe plus aujourd'hui; les Yakh Kechy sont fusiliers et 
font partie des troupes royales. Chah Abbas avait établi à Echref un chantier pour la 
construction des navires. Miraat oui bouldani Nassiry, par Mohammed Hassan Khan 
Seny'oud Daoulèh. Téhéran, 1294 (1877), in-8*, pages 41-42. 

Mounchy Iskender, dans son histoire de Chah Abbas qui a pour titre : a Tarikhi aient 
ara », consacre quelques lignes à la fondation d'Echref et aux palais de plaisance cons- 
truits par Chah Abbas I". Les travaux furent commencés en 1021 (1612) et menés 
très-rapidement. 

Chardin, dans la relation de ses voyages, ne parle ni des palais, ni des jardins 
d'Echref. HsLnway fHistorical accountofthe british trade, tome I, pages 291-293) en 
donne une description dont M. I^nglès a inséré la traduction dans le « Voyage du Ben- 
gale à Saint-Pétersbourg, par Forster», Ouseley, Fraser, Lottin de Laval et M. East- 
wick ont donné des détails intéressants sur les constructions de Chah Abbas. 

1. Dar oui Merz, la marche, le pays frontière est le nom qualificatif donné au Mizen- 
deran. 



^ 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 4I 

montâmes ensuite à cheval et nous traversâmes, avec 
la rapidité du vent , la plaine de Goulbad couverte de roses 
et de tulipes. Goulbad est un district bien cultivé *. Nos 
yeux ne rencontraient que de vertes prairies : la route tra- 
versait continuellement des vergers ^ des plantations , des 
champs émaillés de fleurs sauvages, poussant spontanément, 
qui nous charmaient par Téclat de leurs couleurs et la douceur 
de leur parfum. Nous marchâmes ainsi jusqu à la demeure de 
Mirza Mohammed Khan Goulbady gouverneur de ce dis- 
trict. A droite de la route, se trouve une montagne qui s'é- 
lance jusqu'au ciel et sur la déclivité de laquelle est un ma- 
melon surmonté d'un terrain plat et uni de l'étendue d'un 
djérib \ La hauteur de la montagne en rend le passage difficile 
aux voyageurs. On y a bâti une maison avec un appartement 
pour les femmes, une écurie, une cuisine et un corps de logis 
pour les hôtes. Ce site est une espèce de forteresse créée par 
les mains de Dieu. La vue des habitants de ce séjour em- 
brasse la plaine verdoyante, les forêts, la mer et les navires 
qui la sillonnent. Le maître de la maison étant absent, nous 
ne crûmes pas, par convenance, devoir nous arrêter dans 
sa demeure. Nous continuâmes notre route et nous arrivâmes 
à un fossé creusé par Tordre des rois Sèfèvy au milieu d'une 
épaisse forêt. Ce lieu a reçu le nom de Djeri Goulbad. Nous 
pûmes voir alors cette localité dont nous avions souvent en- 
tendu parler. 



1. Goulbad, Koulbad ou Djèri Goulbad est une petite rivière qui se jette dans le 
golfe d*£sterâbad. Le canton de Goulbad fait aujourd'hui partie du buiouk d'Anezan, à 
Touest de la province d*Esterâbad, sur la frontière du Mazanderan. Le Djèri Goulbad 
est à trois fersengs de la ville d*Ëchrcf . 

11 y a aussi un village de Goulbad ou Kouhnèh Goulbad, situé dans le mâme buiouk 
d'Anezan, sur la frontière du Mazanderan et de la province d*£sterftbad. Cette frontière 
était défendue, du temps de Nadir Chah ou de Chah Abbas, par un mur qui allait de 
la montagne jusqu'à la mer. On trouve, en outre, les restes d'un fossé profond qui sui- 
vait une direction parallèle à celle du mur et servait également à défendre le Mazan- 
deran contre les incursions des Turkomans. G. Melgunof, Das sûdUche Ufer des 
Kaspischen Meei-es, Leipzig, 1868, p. 101. 

2. Le djérib représente une superticie de soixante coudées royales (guczi châhy). 



42 RELATION 



Djeri Goulbad. 

Djer, en persan, signifie un terrain coupé, excavé, dans le- 
quel on a pratiqué une tranchée. On rapporte que, du temps 
des princes Sèfèvy, une tribu de Turkomans était venue des 
environs du Gourgan et d'E^teràbad s^établir près d'Echref où 
elle se livrait au t^gandage. Chah Abbas donna Tordre de 
creuser, depuis le pied de la montagne jusqu'à la mer, un 
fossé d'une longueur de quatre fersengs et d une profondeur 
de dix coudées. On laissa un passage étroit pour arriver à la 
chaussée qui longe les deux côtés de la forêt. 

Le Roi y établit des soldats chaînés de barrer la route aux 
Turkomans. Il fut, par la suite, impossible à une troupe nom- 
breuse de cavaliers ou de piétons de faire, en venant d au- 
delà la frontière, des incursions sur le territoire d^Esterâbad, 
de Goulbad ou des autres \illes. Aujourd'hui, par suite du 
cours des siècles, le fossé s'est comblé, des arbres y ont poussé 
et on ne peut le franchir qu avec la plus grande difficulté. 
Après avoir dépassé le district d'Anezan ', nous arrivâmes à 
Naokendèh '. 

Anezan est le nom primitif de Nao Kendèh. Nous nous y 
arrêtâmes la nuit, dans la maison de Hamzèh Khan Anezany 



1. Anezan ou Anazan est le nom d*un bulouk de U province d^'Esterâbad ; ils^étcnd 
an nord-ouest de la TÎlle d^Esterâbad jusqu^à la mer Caspienne, il a cinq fersengs de 
long et deux de large. Ce bulouk renferme plusieurs localités importantes, entre autres 
Koulbad, Naokendèh et Guez. Le pays est marécageux et couvert de forêts. (Melgunof, 

p. 112.) 

2. Naokendèh (le fossé ncmptsx un village du bulouk d* Anezan dans la province d*Es- 
terftbad. A. Bûmes j trouva une partie du Kheyaban ou route pavée que Chah Abbas avait 
£ut construire le long de la merCaspienne^ de Recht à Esteribad. Le village de Naokendèh 
est traversé par une rivière qui porte le même nom. A un ferseng de celte localité, on 
trouve des gisements de houille. Le village est entouré d^une épaisse forêt. Un autre 
village de Naokendèh se trouve dans le canton de Guil doulab (province du Guilan^ 
il est traversé par une rivière portant le même nom que le village et qui va se ^tcr 
dans le Mourdâb. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 43 

qui porte le même nom que son aïeul. Le matin nous nous 
mîmes en route pour nous diriger vers Kurd Mahallèh ', en 
suivant continuellement la chaussée de Chah Abbas. Nous des- 
cendîmes chez Riza Qouly Khan, fils de Moustafa Khan 
Seden Roustaqy, où nous fûmes reçus avec la plus grande dé- 
férence selon toutes les règles de l'hospitalité. On nous servit 
des mets préparés à la mode du Mazanderan. 

Nous partîmes de bon matin et nous nous dirigeâmes sur 
Esterâbad. Après avoir fait quelques fersengs, nous arrivâmes 
à un Imamzadèh où nous descendîmes de cheval ^ Après avoir 
déjeuné , nous prîmes quelque repos dans le napar ^ ; puis , 
ayant fait la prière de midi et celle de TAsr et ayant adressé à 
Dieu nos vœux pour le Souverain de Tépoque, nous distri- 
buâmes au mutevelly et aux serviteurs préposés à la garde 
du tombeau une somme convenable en or et en argent. 

Remontant ensuite achevai, nous nous dirigeâmes vers Este- 
râbad sans avoir la moindre crainte et sans éprouver la moin- 
dre appréhension (des attaques des Turkomans). Nous aper- 
çûmes de loin les huttes et les tentes des Turkomans du 
Gourgan. Les taillis et les arbres devenaient moins nombreux. 
Peu à peu les plaines unies, les prairies verdoyantes se multi- 
plièrent. Nous apprîmes à la station de Kurd Mahallèh que le 
Beylerbey Mohammed Vély Khan ne se trouvait point à 



1 . Kurd Mahallèh est le plus gros bourg du bulouk de Seden Roustaq, dans la pro- 
vince d'Esterâbad. Il se compose de quatre villages contigus : Balâ Peleng, Saly Kendèh, 
Touskayck et Velèhghouz ou Chirdarboun. On trouve à Kurd Mahallèh trois mosquées. 
Le nombre des maisons de ces quatre villages s'élève à neuf cent soixante-dix. Les habi- 
tants de Kurd Mahallèh jouissent d'une plus grande aisance que ceux des autres villages 
de la province d'Esterâbad^ bien qu'ils soient exposés anx incursions des Turkomans. 
Ils se livrent à l'agriculture, à l'éducation des vers à soie et à l'élève des bestiaux. Les 
revenus de Kurd Mahallèh s'élèvent annuellement à la somme de huit cents toumans; 
cette localité doit, en outre^ fournir en temps de guerre cent trente hommes.— Melgunof^ 
pages iio-iii. 

2. Cet imamzadèh ou tombeau est celui de Seiyd Mohammed. Il s'élève auprès du vil- 
lage de Limras, sur le bord de la rivière de Goulbad qui forme la limite entre le district 
d'Echref et la province d'Esterâbad. — Melgunof, page i6i. 

3. Napar ou Nafâr est un mot du dialecte du Mazanderan qui désigne une construc- 
tion en bois, maison ou cahute. 



44 RELATION 

Esterâbadj mais qu'il était aux environs de la ville, occupé à 
faire construire de solides fortins et des ouvrages de défense, 
destinés à arrêter les incursions des Turkomans. Son fils, 
Mohammed Hachim Khan, était resté à Esterâbad en qualité 
de son lieutenant. Informé de mon arrivée et de celle de mes 
compagnons de route, il s'acquitta des devoirs que Ton rend 
aux personnes que Ton reçoit avec honneur et considération. 
Des moutofts furent égorgés et le sang de ces innocents ani- 
maux rougit le sol verdoyant. Nous mîmes pied à terre, et nous 
entrâmes dans un jardin au milieu duquel s'élevait un pavillon 
construit par Bedi ouz Zeman Mirza, fils du prince Mulk Ara. 
Le haut de ce pavillon est divisé en quatre appartements sé- 
parés. Nous nous y établîmes pour nous délasser de nos fati- 
gues. Dans ce même bâtiment, on avait réservé, pour l'envoyé 
du Khan du Kharezm, au rez-de-chaussée, un appartement 
donnant sur le jardin. 11 y mit pied à terre avec ses serviteurs. 
Nous fîmes trêve à toute préoccupation pour nouS abandon- 
ner au repos. 



Esterâbad. 

Esterâbad, ville du quatrième climat, située sur le bord de 
la mer Caspienne, est la capitale de la province de Gourgan. 
On rapporte que lorsque Gourguin, fils de Milad, fonda la 
ville de Gourgan, dont la superficie occupait une étendue de 
quatre fersengs, les muletiers conduisirent leurs bêtes de 
somme dans une prairie propre au pâturage et ils y construisi- 
rent des maisons de bois. Ils donnèrent à cet assemblage de 
constructions le nom d'Esterâbad (la ville des mulets). La ville 
de Gourgan a disparu, mais Esterâbad existe encore aujour- 
d'hui. Elle est située à 109° 3o' de longitude de l'équateur et 
à 37"* 3o' de latitude. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 45 

Elle jouissait autrefois d'une grande prospérité, mais à diffé- 
rentes époques, elle est tombée en décadence. On a dit : 

Distique. — « Que personne n'ait un mauvais voisin à côté 
de soi. » 

En effet, Esterâbad est peu éloignée des tribus Turkomanes 
et ce sont elles qui sont la principale cause de sa ruine. 

Cette ville était parvenue au plus haut point de la richesse 
sous la dynastie des princes de la famille de Qabous. Sous les 
rois Sèfèvy et pendant le règne de Nadir Chah la ville d'Aq 
Qalèh, bien peuplée et florissante, était la résidence des ancê- 
tres de la dynastie des Qadjars ; elle est aujourd'hui en ruines, 
et Esterâbad est restée une ville d'une importance médiocre. 
Lorsque le gouvernement de la province fut confié par le Roi 
à Mohammed Vely Khan Qadjar, de la tribu Devalou, on vit 
renaître le bien-être et les habitants n'eurent plus à craindre le 
brigandage des tribus Turkomanes. 

Aga Mohammed Chah a. fait construire dans cette ville un 
château^ des maisons pour les pauvres, des cellules pour les reli- 
gieux, des bainSj des mosquées et des medressèh. Tous ces édi- 
fices sont encore en bon état. Ce prince était né à Esterâbad. 

Après la mort de Feth Aly Khan Qadjar, Mohammed Hassan 
Khan et Hassan Qouly Khan Qadjar gouvernèrent ce pays en 
qualité de chefs indépendants. La partie de la mer Caspienne 
fréquentée à la fois par les Russes et les Turkomans se trouve 
non loin d'Esterâbad. Le port où se font les transactions est 
celui de Guez. C'est dans cette localité qu'eut lieu l'escarmou- 
che entre les Russes et les Turkomans, que j'ai signalée précé- 
demment d'une manière succinte. 



46 REL\TION 



AbiskouJi. 

Abiskoun est le nom d'une rivière qui \ient du Kharezm et 
qui se jette dans la mer Caspienne^ à trois fersengs d'E^teràbad. 
A son embouchure, cette rivière s'appelle aus^ Ab Sukoun ; 
c'est également le nom d'une ile qui se trouve à peu de dis- 
tance de la côte. 

Sultan Mohammed Kharezm Chah fuyant devant les Mo- 
gols chercha un refuge dans cette ile où il y mourut. 

La mer d'AlMskoun est mentionnée dans des œu\Tes poé- 
tiques. 

Un poète a dit : 

Vers. — «Le bonheur et la sécurité, dont jouissent les sujets 
qui ne cessent de chanter tes louanges, ont fait que les navires 
se pressent depuis Chirvan jusqu'à Abiskoun et qu'il couvrent 
la surface de la mer. » 

Cette localité s'appelle également Askoun, et Ton a calculé 
qu'elle était par loS** 3o' de longitude et par 37'' 3o' de lati- 
tude. 

Lorsque Mehdy Qouly Mirza était gouverneur du Mazande- 
ran, il se rendit sur le bord de la mer et forma le dessein d"y 
établir un centre de population. J ai déjà dit qu'il y avait eu 
autrefois dans cet endroit des édifices remarquables par leur 
élévation et qui sont aujourd'hui tombés en ruine. Récemment, 
on s'est mis à élever des constructions dans cette localité â la 
population commence à s'y porter. 

Quelques anciens écrivains ont émis l'assertion que Djourd- 
jan est le mot persan Gourgan ' arabisé. Abiskoun était autre- 
fois la capitale de cette province ; aujourd hui, c'est Esterabad. 

I. Gourgan, en persan, signifie » k pays des loups «. 



1 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 47 

Cette assertion confirme la supposition que j'ai émise que les 
ruines que Ion voit sont celles d'Abiskoun '. 

Le 25 (27 avril). Le Beylerbey revint à Esterâbad. 11 me fit 
rhonneur de venir me voir et il me prodigua les marques de 
considération. Je lui rendis sa visite le lendemain. Le soir il 
vint me voir au pavillon de Kulahi Firenguy, puis, à la nuit 
close, il retourna à son palais. 

Le 26 (28 avril). Je passai quelques jours à faire mes pré- 
paratifs de voyage et je fis connaître l'intention où j'étais de 
me remettre en route. Je demandai deux guides, apparte- 
nant à la tribu des Gouklan et connaissant bien le pays. 
Le Beylerbey se mit à rire. « Vous avez, me dit-il, une 
singulière idée. Vous vous imaginez que les routes du Kha- 
rezm ressemblent à celles du Mazanderan. Vous allez par- 
courir un désert où Ton court plus de dangers que sur une 
mer orageuse. Il faut marcher pendant quarante jours sans 
trouver ni eau , ni fourrages , ni trace de culture. Vous ne 
rencontrerez pas d'abri pour vous reposer, pas d'indications 
20ur reconnaître votre route. Il n'y a nulle part ni herbe, 
ni végétation. Et ce voyage doit s'accomplir au milieu de 



I. Âbiskoua ou Absokoun, fondée par Qobad, était le port le plus célèbre de la côte 
orientale de la mer Caspienne. Mouqadessy (édité par M. de Goeje. Leyde, 1877, p. 358) 
représente cette ville comme une place forte dont les constructions étaient en briques. On 
y voyait une grande mosquée bâtie dans le marché. C'était le port commercial de la pro- 
vince de Djourdjan. C'était à Abiskoun que Ton s'embarquait pour se rendre par mer 
dans la province de Khazer, à Derbcnd, etc. 

Nedjaty rapporte, dans son commentaire du Tarikh oui Yeminy, que de son temps 
Abiskoun fut envahi et détruit par la mer. M. Dorn pense qu'il faut placer Abiskoun 
près de l'embouchure du Gourgan, non loin de Gumuch Tèpèh. Mouravicf {Voyage à 
Khiva, Paris, 1823, pages 37-42) remarqua, en effet, de nombreuses ruines s'étendant 
jusque dans la mer. 

M.Melgunof, se fondant sur un passage de Maçoudy (Mouroudj ouz Zeheb, traduction 
de M. Barbier de Meynard, tome IF, p. '25), où il est dit qu'Abiskoun est à trois jour- 
nées de marche de Djourdjan, pense que l'emplacement de cette ville doit être cherché 
dans les environs de Timamzadèh de Kharabi Cheher, à mi-chemin de Guez et de Kurd 
Mahallèh, dans le bulouk d'Anezan. Dorn, Caspia, St-Pétersbourg, pp. 5, 6 et 7; Mel- 
gunof, pp. 62, 63, 1 12, II 3^ 119 et 120. 

C'est contre Abiskoun que les Russes dirigèrent leurs expéditions, à la fin du 11* et au 
commencement du x* siècle. 



48 RELATION 

peuplades adonnées au meurtre, sanguinaires, féroces et 
vindicatives. » 

Vers. — « Elles sont innombrables comme le peuple de 
Gog, on ne peut pas plus les dénombrer que les hordes de 
Magog. » 

Comment les Gcuklan oseraient - ils traverser le territoire 
des Yomout? Depuis longtemps, ces deux tribus sont divisées 
par une profonde inimitié. Alors un guide Yomout? Mais, 
dans ce cas, il faut qu*il ne soit point un Uzbek mais un ghoul ' 
pour pouvoir traverser le territoire des Turkomans. 

En outre, les chameaux ne peuvent fouler ce sol quà la 
seule condition que le chamelier appartienne à la tribu dont on 
traverse le territoire. Ces gens ne reconnaissent Tautorité de 
personne. Il faut se plier à leur volonté et se conduire selon leur 
bon plaisir. 11 vous est, de plus, indispensable de connaître le 
nombre exact de tous ceux qui vous accompagneront maîtres 
ou subordonnés, afin de régler leur subsistance en vivres et 
en eau. Il faut tout emporter d'Esterâbad, la farine, le biscuit 
et tout ce dont on a besoin en fait de conserves au vinaigre 
et de légumes secs. 11 n'y a que la viande dont on ne doive 
pas s'approvisionner. 

« Vous devez supposer qu'Esterâbad est un port de mer, 
que le désert des Turkomans est TOcéan, les chameliers Yo- 
mout les gens de Téquipage, et que le Kharezm est Calcutta, 
l'Egypte ou TEurope, et que vous ne pouvez relâcher avant 
d'être arrivé à votre but. L'eau est ce qui vous est le plus 
nécessaire. 11 faut en emporter une quantité plus que suffisante 
pour donner à boire à vos compagnons de route et abreuver 
vos chevaux; sans cette précaution, vous courrez risque de 
la vie. >» 

I. Les ghouls sont des démons, des ogres qui ont la faculté de se rendre invisibles. 
Us se tiennent dans les déserts, dans les ruines, dans les environs des cimetières et se 
nourrissent de cadavres ou de la chair des voyageurs qu'ils réussissent à égarer. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 49 

Vers. - € Telle est la route, sois homme et parcours-la. » 

Je répondis : Les sages ont dit : 

Vers. — € Si le rang suprême est au fond de la gueule du 
lion, précipite-toi dans cette gueule et cherches-y la grandeur, 
les plaisirs, les richesses et les dignités. (Ou tu les trouveras), ou 
bien tu verras en homme de cœur la mort face à face. » 

Le 27 (29 avril). Nous restâmes ce jour dans la demeure qui 
nous avait été assignée, occupés de nos préparatifs de voyage, 
je déliai ma bourse et j'envoyai mes serviteurs au caravansérail 
et au bazar. Je fis tout d'abord acheter à tout prix quelques 
peaux de cuir de Russie ; puis, ayant fait venir un sellier, je fis 
tailler et coudre de grandes outres. J'en fis acheter de petites. 
On porta du blé au moulin pour le convertir en farine; en- 
suite, on en fabriqua du biscuit. Un tailleur que je fis quérir 
confectionna quelques djubbèhs en châle de Kachmir. J'achetai 
également des qabas et des djubbèhs brochés d'or et en drap 
pour les donner en présent aux notables des tribus que nous 
rencontrerions sur notre route. Je fis encore l'acquisition de 
châles du Kerman à fond rouge et à fond jaune et je fis provi- 
sion de verroteries et d'objets de mercerie. Une caravane de 
Khiva arriva sur ces entrefaites. Parmi ceux qui la com- 
posaient se trouvaient des gens de Khoqand et de Khiva qui 
se proposaient de faire le pèlerinage de la Mekke. Je fis venir 
les chameliers qui étaient des Turkomans Yomout établis dans 
les environs de Khiva, et je leur demandai le prix auquel ils 
consentiraient à nous louer leurs chameaux. Us s'aperçurent 
de suite que les Khiviens et les marchands qui nous accompa- 
gnaient avaient, ainsi que nous-mêmes, le plus grand besoin 
de leurs services. Us ne se firent donc pas faute de demander 
un prix élevé pour le louage de chaque chameau. A force de 
promesses et de menaces et en faisant briller à leurs yeux 
Tespérancc d'une gratification en argent, nous finîmes par les 



50 RELATION 

déterminer à nous louer chaque chameau pour la somme de 
trois toumans. Nous avions besoin de vingt chameaux pour 
porter notre eau, nos vivres et nos bagages. Nous acquittâmes 
par avance le prix convenu et nous fûmes délivrés de ce souci. 
Mais, ils nous objectèrent alors qu'ils venaient seulement d'ar- 
river et qu'ils avaient des affaires à traiter. « Nous ne pour- 
rons nous mettre en marche, nous dirent-ils, que le dix du 
mois de Redjeb. Nos chameaux sont exténués de fatigue, et 
ils n'ont la force ni de marcher, ni de porter des fardeaux. ■ 
Toute insistance eût été inutile. Je consentis donc à ce retard 
et je fis continuer les préparatifs nécessaires à la traversée du 
désert. 

Le 28 (3o avril). On reçut la nouvelle qu'un Khilaat (vête- 
ment d'honneur) envoyé de Téhéran au Beylerbey à l'occasion 
de la fête du Norouz, allait arriver. Le Beylerbey prit toutes 
les dispositions nécessaires pour aller le recevoir hors de la 
ville. Quant à moi, j'envoyai chercher les Khans des Turko- 
mans Yomout. Je préparai ma demeure pour les recevoir et 
je les entretins de la puissance de la Perse et de son organi- 
sation. Je fis disparaître de leur esprit leurs idées chimériques 
des temps passés, et leurs opinions erronées sur l'affaiblisse- 
ment et l'impuissance du gouvernement persan. Je remplis 
leur cœur de crainte en leur donnant des preuves matérielles 
et morales, et en leur faisant des démonstrations pleines 
de force et de vigueur. Ils me quittèrent, partagés entre la 
frayeur et l'espérance, et ils prirent le parti de faire leur sou- 
mission. 

Mirza Ismayl Khan Noury qui remplissait sur la frontière 
les fonctions de rapporteur et d'agent politique était venu me 
faire visite. 11 me pria d'aller le soir dîner chez lui. J'accédai 
à sa prière et je pris congé de lui après avoir été comblé de 
marques d'honneur et d'affectueuse considération. Les ferrach 
du Beylerbey qui m'accompagnaient avaient pris le mot d'or- 
dre. Les factionnaires nous ouvrirent la porte de la ville et je 
rentrai chez moi pour m'y livrer au repos. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 5l 

Le 29 (1^' mai). Dès le matin un sombre nuage s'éleva et 
revêtit le ciel inclément d'une robe noire. 

La pluie tomba d'abord à gouttes pressées, puis à torrents. 
Ma vue s'étendait sur la montagne et sur la plaine ; sous mon 
balcon je voyais mon jardin et ses orangers. Leur odeur prin- 
tanière pénétrait mes sens et la couleur verte des feuilles la- 
vées par la pluie réjouissait mes yeux. On a dit : 

Distique. — < Trois choses font disparaître la tristesse du 
cœur : la vue de l'eau, celle de la verdure et celle d'un joli 
visage. » 

Toute la journée, les nuages, comme mes yeux, versèrent des 
torrents de larmes, et le sein des nuages déchiré par la foudre 
était, comme le mien, enflammé et brûlé. Le nuage voulait 
rivaliser avec mes yeux et l'éclair désirait être à l'unisson de 
mon cœur. Les lueurs de celui-ci embrasaient le monde, les 
larmes de celui-là ne cessaient de couler. On aurait dit que le 
tonnerre, semblable à un rebab ', gémissait comme Raad, sé- 
paré de Rebab, ou qu'il exhalait des plaintes comme Saad, 
éloigné d'Esma. Le nuage était pareil à un ferrach attaché au 
service royal qui arrose la route sur le passage du souverain ; le 
tonnerre était semblable aux canons du roi qui donnent aux 
officiers de la cour le signal de monter à cheval. Le jardin 
de Bedi ouz Zeman présentait, en vérité, un agrément merveil- 
leux. Le pavillon de plaisance était d'une grande hauteur et les 
branches des orangers atteignaient le balcon de l'étage supé- 



1. Le rebab est une espèce de viole à deux ou trois cordes, se composant d'un chas- 
sis en bois couvert d*une feuille de parchemin et soutenu par une tringle en fer. Les 
cordes de l'instrument, ainsi que celles de Tarchct, sont en crins de cheval. Le rebab 
soutient la voix du chanteur ou de celui qui déclame des vers. On en trouve une des- 
cription détaillée dans le mémoire de M. Villoteau^ inséré dans la description de l'E- 
gypte, et dans l'ouvrage de M. E.W. Lanc, a The modem Egyptiansn. Londres, i836, 
lome II, pages 74-75. 

Rebab est la forme arabisée du nom persan Revavèh . 



52 RELATION 

rieur. On aurait dit que des arbres étaient plantés dans le salon 
et que les orangers nous tenaient compagnie. 

Vers. — « La verdure des feuilles relevait l'éclat des oranges; 
elles brillaient comme des tulipes vermeilles au milieu d'une 
pelouse. Les arbres semblaient être des mines d'émeraudes et 
de cornalines. Les émeraudes se trouvaient à la base et les 
cornalines au sommet. » 

Le i^^ du mois de Redjeb (2 mai). La perspective des fatigues 
et des privations que nous aurions à supporter sur la route du 
Kharezm, l'élévation de la température dans la saison où nous 
nous trouvions me déterminèrent, après réflexion, à faire faire 
une litière pour le cas où Tun de nous serait accablé de fati- 
gue, saisi par la fièvre ou en proie à la maladie. Je me déci- 
dai à prendre cette mesure de précaution. Je fis venir un 
menuisier et je lui commandai une litière qui fut à la fois 
grande et solide. Je fis faire la housse qui devait la couvrir 
et on désigna un chameau pour la porter. 

Le Beylerbey qui avait fait ce voyage et qui en avait supporté 
toutes les épreuves donna son approbation à cette mesure et 
il insista pour qu'elle fût mise à exécution. 

Le 2 Redjeb (3 mai). Quelques ulémas vinrent me faire 
visite. Ils me remirent une liste comprenant les noms des indi- 
vidus d'Esterâbad et autres localités qui étaient captifs à Khiva 
De pauvres gens dont les parents étaient esclaves dans le Kha- 
rezm me supplièrent de leur permettre de m'accompagner. J'a- 
gréai leurs prières pour attirer leurs vœux sur le Gouverne- 
ment du Roi. 

Je leur dis que, lorsque nous partirions, ils monteraient sur 
les chameaux chargés de porter les bagages et que, pendant le 
voyage, on ne leur refuserait ni Teau ni le pain. 

Le 3 Redjeb (4 mai). Je montai à cheval et j'allai me prome- 
ner dans les environs de la ville. On travaillait avec ardeur à 
reconstruire le château et les fortifications qui étaient tombées 



DE l'ambassade AU KHAREZM 53 

en ruines. Un fonctionnaire, délégué par le Beylerbey, surveillait 
les travaux. Je m'assurai que Ton dépensait les sommes assi- 
gnées et je me rendis compte de tout ce qui se faisait. Les ha- 
bitants d'Esterâbad me parlèrent de la conduite de leurs an- 
ciens gouverneurs et j'acquis la certitude que la province 
d'Esterâbad n'avait jamais joui d'une sécurité et d une prospé- 
rité plus grandes. 

Le 4 Redjeb (5 mai). Nous apprîmes que Dja'fer Qouly Khan 
Emiri Pentchèh (commandant un corps de cinq mille hommes) 
avait reçu Tordre d'agir sur les frontières d'Esterâbad avec un 
corps de troupes royales. Cette nouvelle jeta les Khans Tur- 
kcmans dans le trouble et l'inquiétude. Je tâchai, ainsi que 
l'exigeaient les circonstances, de les rassurer par des paroles 
sensées, et je leur inspirai tour à tour des sentiments de 
crainte et d'espérance en leur traçant le tableau des forces 
militaires de la Perse et de son organisation administrative. 

Le 5 (6 mai). On reçut une dépêche de Hassan KhanTurko- 
man surnommé Hassaii Tchoughan '. 11 avait été chargé par le 
Beylerbey d'Esterâbad de demander le rapatriement des habi- 
tants du Mazanderan que les Turkomans avaient enlevés sur les 
bords de la mer Caspienne. 11 faisait savoir qu'il avait délivré 
une partie des prisonniers et qu'il ne tarderait pas à obtenir la 
liberté de ceux qui restaient et à les ramener. 

Le Beylerbey fit, de son côté, ses préparatifs pour entrepren- 
dre une expédition; il convoqua les milices de la province et 
leur donna ordre de répondre à l'appel de leur officiers et de 
se réunir à Siâh Bâlà *. Ces dispositions donnèrent matière à 
toutes sortes de réflexions de la part du peuple. Le Beylerbey 
sortit de la ville pour aller s'établir dans les environs. 

Le 6 Redjeb (7 mai). J'engageai mon compagnon de voyage, 



1. Tchoughan est le nom d'une des subdivisions des Yar Aly, fraction de la tribu 
Yomout des Djafer Bay. 

2. Siâh Bâlâ ou Qalèhi Siâh Bâlâ est un village du bulouk d*Esterâbad Roustaq, au 
nord-est de la ville d'Esterâbad. Il est situé à un fcrseng de la frontière de la steppe 
habitée par les Turkomans Yomout. (Melgunof. p. 109.) 



54 RELATION 

renvoyé du Khan de Kharezm, à partir et à aller camper sur les 
bords de la rivière de Gourgan, pour ôter aux chameliers 
Yomout de Khiva tout prétexte de retard, afin que nous 
pussions être prêts à nous mettre en marche le dix de Red- 
jeb. Ata Niaz Mahrem adopta le parti que je lui suggérais et il 
se dirigea vers la rivière de Gourgan avec les gens de sa suite. 

Le 7 Redjeb (8 mai). Je complétai mes préparatifs de voyage; 
mon départ fut irrévocablement fixé. J'écrivis une dépêche aux 
ministres; je la remis à Mirza Ismayl Khan, agent politique à 
Esterâbad pour qu'il expédiât un courrier à Téhéran et que les 
ministres fussent instruits des motifs qui avaient retardé mon 
voyage. 

Le 8 Redjeb (9 mai). A Taube du jour, je fis partir d'Este- 
râbad pour la rivière de Gourgan mes serviteurs et mes bagages. 
Je me mis moi-même en route quelque temps après, en compa- 
gnie de Qara Khan Ata Bay dont la tribu et la famille rési- 
daient sur les bords du Gourgan. Nous arrivâmes à Siâh Bala 
où nous trouvâmes le camp et les tentes du Beylerbey d' Este- 
râbad. 11 nous reçut avec la plus grande cordialité et désigna^ 
pour nous accompagner et nous servir de guide, Kouktchèh 
Bay, de la tribu de Djafer Bay. Nous abordâmes dans notre 
conversation toutes sortes de sujets. Le Beylerbey me donna 
tous les renseignements utiles et me fit toutes les recomman- 
dations nécessaires pour le voyage de Khiva. De mon côté, je 
lui communiquai en détail tout ce que j'avais appris sur Este- 
râbad et sur les Turkomans. 

Je pris congé du Beylerbey et je me dirigeai sur le Gourgan. 
J'arrivai, un peu avant le coucher du soleil, à la tente de Qara 
Khan. Qouly Khan Aq et quelques Turkomans notables s'é- 
taient portés à ma rencontre. 

Le 9 Redjeb (10 mai). Nous nous établîmes sous nos tentes et 
nos pavillons sur la rive du Gourgan. Les femmes et les en- 
fants de la tribu vinrent, selon leur habitude, deux ou trois fois 
par jour, de leur campement à la rivière pour s'y baigner, s'y 
livrera mille ébats et y prendre le plaisir de la natation. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 55 

Ce qui nous étonna le plus, fut de voir des enfants de six 
à sept ans se jeter dans les flots agités de la rivière, de la rive 
élevée de six à sept coudées, lis nageaient comme des ca- 
nards. 

Incident. Un de mes domestiques natif de Chiraz, nommé 
Feth oullah, s'imagina pouvoir faire ce que faisaient ces fem- 
mes, ces enfants et ces jeunes gens sautant dans la rivière et y 
prenant leurs ébats comme des oiseaux aquatiques. Cette 
rivière, se dit-il, ne doit point être profonde et le courant n'est 
assurément point assez fort pour m'entraîner. Je sommeillais; 
il profita de cette circonstance pour se rendre sur le bord de 
la rivière et se jeter dans Teau. Ses pieds ne touchèrent pas 
le fond y il revint à la surface et le courant se mit à le faire 
rouler sur lui-même et à Fentraîner. 

Les enfants qui étaient sur la rive et qui se disposaient à 
nager, aperçurent une outre gonflée d'air qui suivait le fil de 
Teau. Ils voulurent s'en emparer; ils s'élancèrentet ils éten- 
daient les mains pour s'en emparer, quand Feth oullah , vou- 
lant échapper à la mort, saisit Tun d'eux et l'étreignit vigou- 
reusement. Tous deux disparurent sous les flots. Les enfants, 
témoins de ce spectacle , se mirent à pousser de grands cris- 
Des Turkomans accoururent aussitôt et se précipitèrent tout 
habillés dans la rivière. Deux ou trois d'entre eux saisirent 
par un effort commun et ramenèrent sur la rive ces deux 
jeunes gens qui se noyaient. On suspendit Feth oullah par les 
pieds, la tête en bas. Il rendit l'eau qu'il avait avalée et qui 
représentait la contenance d'une petite outre. Il tomba ensuite 
sur le sol privé de connaissance et comme mort. Nous passâ- 
mes un jour et une nuit à lui administrer des médicaments, 
jusqu'à ce qu'il eut recouvré le sentiment. Après cet accident, 
il se garda bien de retourner sur le bord de la rivière. 



56 RELATION 



La rivière du Gourgan. 

Cette rivière emprunte son nom à la province de Gourgan 
qu'elle traverse. C'est un cours d'eau considérable dont la lar- 
geur, dans les endroits que Ton traverse à gué, est de quinze 
à vingt coudées. Elle prend sa source dans le pays occupé par 
les Gouklans et se jette dans la partie de la mer Caspienne que 
l'on appelle mer d'Esterâbad. Cette mer porte aussi les noms 
de mer du Guilan et mer d'Esterâbad. Pendant Thiver, on 
traverse le Gourgan au moyen de radeaux, d'outrés ou sur 
des bateaux grands et petits. Pendant Tété, un cheval peut le 
franchir à la nage. On a vu, dans cette rivière, d'énormes pois- 
sons. Au printemps, son volume devient si considérable, que 
l'eau s'élève de plus de six coudées au-dessus des berges, et 
elle inonde les terrains plats '. Le terrain de la plaine de 

I. Le fleuve de Gourgan prend sa source dans les montagnes du Mazanderan, dans la 
vallée de Chehereki nao, traverse la plaine de Sulthan Douin, la province de Gourgan et 
se jette dans la mer Caspienne. 

Une petite partie seulement de ses eaux est employée pour les besoins de l'agriculture. 
Le reste n*est d'aucun profit. Ce fleuve a une grande profondeur : ses bords sont maré- 
cageux et cette particularité en rend le passage très-diâicile. 11 ne se passe point de jour 
sans qu'un homme ne s'y noie. La longueur du cours du Gourgan est de cinquante fier- 
sengs. » — Nou\het oui qouloub, page 284. 

a Le Gourgan prend sa source à Guerm Tchechmèh (source chaude) dans TElbourz, non 
loin de Chah âbad et de Semoulgan, et se jette dans la mer Caspienne, près de Taoul de 
Gumuch tèpèh, à six fersengs au sud de l'embouchure de l'Etrek. Le cours du Gourgan a 
une longueur de vingt-huit fersengs ; ses bords sont assez escarpés; le lit du fleuve est ar- 
gileux et vaseux, ce qui donne une couleur jaunâtre à ses eaux. Le Gourgan est assez 
profond dans maint endroit pour qu'on ne puisse pas le passer à gué, et pendant la saison 
des pluies^ son volume d'eau est, en général, assez considérable. Près de son embouchure, 
le Gourgan forme un marécage dont les bords sont très-plats. Lesaflluents du fleuve sont : 
à droite, le Karesly, dans la vallée de Cheherek, le Tchilguessy qui vient du mont Ni- 
lèhkouh, reçoit le Qarasou et se réunit au Gourgan à un ferseng de Goumbedi-Qabous ; 
le Guerm roud, qui traverse une gorge de TElbourz, reçoit quelques petits cours d'eau 
et se jette dans le Gourgan à l'ouest de Goumbedi-Qabous, l'Âbi-Khour et trois fersengs 
plus haut le Sary Sou. Les afliuents de la rive gauche sont : le QaraouMchay ou Echek 
Sou, et le Dougouloum qui traverse la vallée deChâhrek.» 

a Le long de la rive droite du Gourgan, se trouvait autrefois un mur appelé Kizil-alan, 
qui commençait au mont Poucht i Kemer, à quatre fersengs de la source du Gourgan, 



Di: i/ambassade au kharezm 57 

Gourgan est des plus fertiles. En raison de Tabondancc de 
Teau, de la bonne qualité du sol qui se prêterait à toutes les 
cultures, les récoltes pourraient être d'une extrême abondance; 
mais les Turkomans ne sèment que la quantité de céréales né- 
cessaire à leur subsistance. Si des cultivateurs étaient fixés dans 
cette contrée, elle produirait de quoi nourrir un royaume '. 

près de Taoul des Qara-Balqan, longeait le fleuve jusqu'à son embouchure et s'avançait 
même à une certaine distance dans la mer. Ce mur, construit en briques, a disparu au- 
jourd'hui, son emplacement est indiqué par une série de petits monticules dont quel- 
ques-uns s'élèvent jusqu'à huit ou dix pieds au-dessus du sol. Ces monticules ou qour- 
gan, qui présentent l'aspect de petites redoutes carrées, sont distants de quarante 
minutes l'un de l'autre et mesurent en général cent cinquante pas de long. Plus loin, 
on trouve les traces d'un autre mur parallèle au premier; la route passe entre les débris 
de ce second mur. Selon la tradition, ces murs furent construits du temps d'Alexandre 
pour protéger le pays contre les Alains. De même, la légende attribue tantôt à Alexan- 
dre, tantôt à l'ancien Djordjan, les travaux d'irrigation dont on rencontre les vestiges 
sur les deux rives du Gourgan. » (Melgunof, /. c, pp. 80-81. 

I. Djourdjan. La capitale de cette province, située dans le quatrième climat, a été 
rebâtie par le petit-fils du prince Seldjoukide Melik Chah. Son mur d'enceinte a mille pas 
de circuit. La température est celle des climats chauds. L'eau que l'on boit a déjà servi 
à arroser les terres cultivées mais la proximité des montagnes permet d'en faire venir de 
la neige pendant les grandes chaleurs. Les produits du Djourdjan sont le blé, le coton et 
la soie. Les fruits sont le raisin, le jujube et les dattes. On y récolte du sésame d'excel- 
lente qualité. Le sol y est si bon qu'un arbre d'un an y est plus fort et plus vigoureux 
que ceux qui, dans d'autres pays, sont plantés depuis deux ans. Les habitants sont 
Chntes et ils se font distinguer par la générosité de leur caractère. Dans les premiers 
temps de l'Islamisme, la population était fort nombreuse; mais, sous la dynastie des 
princes Bouides, la guerre éclata dans la ville et la population fut notablement dimi- 
nuée. Lors de l'invasion des Mogols, il y eut un massacre général des habitants et la ville 
est encore en ruines On n'y voit que peu d'habitants. 

Le roi Sassanide Firouz fit construire une muraille d'une longueur de cinquante fer- 
sengs pour mettre le pays à l'abri des incursions des Touraniens (Turkomans). 

Parmi les tombeaux des saints personnages, on remarque celui de l'Imam Djafer Es- 
sadiq, que le salut soit sur lui ! Il est connu sous le nom de Gouri Sourkh (le tombeau 
rouge). On voit là deux meules dont chacune a une épaisseur de vingt coudées et un 
diamètre de trente coudées. — Nou^het oui Qouloub, page 42 1 . 

Aboul Farad) Qpudamah (337-948) mentionne cette muraille dans son ouvrage qui 
a pour titre : <& Sana'at oui Kitabèh ». Les Turks, dit-il, sortaient de leur désert et pé- 
nétraient dans le Djourdjan. Les habitants de cette province élevèrent une muraille de 
briques pour se mettre à l'abri de leurs incursions. Mais les Turks finirent par être 
vainqueurs et un de leurs chefs, nommé Soi, s'empara du pays qui fut ensuite conquis 
par les Musulmans. 

« Sur la frontière du Gourgan, dit Sa'id el Djourdjany, on a élevé une muraille de bri- 
ques cuites, qui s'étend depuis le sommet de la montagne d'Aly âbad jusqu'à Siavechek 
et Abisgoun. Chacune des briques qui ont servi à cette construction pèse trente ou 



58 RELATION 

Du temps de Sultan Mahmoud et de Sultan Messoud, princes 
de la dynastie des Gaznévides, la richesse et la densité de la 
population du Djourdan étaient devenues proverbiales. Plus 
tard, TEmir Qabous, fils de Vechmguir, et ses descendants 
gouvernèrent le Djourdjan d'une manière indépendante. La 
coupole qui recouvre le tombeau de Qabous existe encore 
aujourd'hui dans le désert des Turkomans ; elle est intacte et 
elle a toutes les apparences de la plus grande solidité. 

Ce tombeau a été construit, il y a près de six cents ans, par 
Menoutcheher, fils de Qabous. 

La tribu des Turkomans Ata Bay dont Qara Khan est le 
chef est fixée sur les bords du Gourgan. Celle des Djafer Bay 
est établie sur les bords de la mer d'Esterâbad '. 



quarante mans.» Ce mur, au dire de Tauteur, s'étendrait à travers le désert jusqu'à Se- 
rakhs. Les habitants lui donnent le nom de Bakhtiar. — Messalik oui Memalik, manus- 
crit de ma collection, f* 78. 

I Je crois devoir donner ici, d'après M. Melgunof, quelques détails sur les Turko- 
mans des bords du Gourgan. 

La tribu Yomout des Djafer bay se divise en Yar Aly et Nour Aly. 

Les Yar Aly se composent des branches suivantes: Ouniouk Taumadj, 25o tentes; 
Ery Toumadj, 140 tentes; Tchoughan, 85 tentes; Fourkhas, 1 10 tentes; Aryq, 100 ten- 
tes; Kal, 45 tentes; Qpus Aly, 46 tentes; Qizil, 90 tentes; Saqally ou Aryq Saqally, 90 
tentes. 

Les principaux lieux de campement des Yar Aly sont Qara Senguer et Gumuch Tè- 
pèh aux environs du Gourgan. 

Les Nour Aly comprennent les branches suivantes : Kara, 220 tentes; Qir, 60 ten- 
tes; Qourt ou Qpurt thayfèh, 60 tentes; Qareiidjik ou Qaradjèh, 200 tentes; Pan ou 
Pan Koutouk, i5o tentes; Igdir Koutchek, 25o tentes; Keltèh, 170 tentes. Lesaouls 
ou résidences des Nour Aly sont : Khodja Nefes, Gumuch Tèpèh et Hassan Qpuly 
sur les bords de TEtrek. Les Yomout de la tribu Ogourtch Aly se divisent en Aq et en 
Ata bay. Ils vivent sur la rive droite du Gourgan. Les Aq se composent des Ouzoun Aq 
avec 320 tentes et des Qisqah Aq avec 280 tentes. Les Ata bay se subdivisent en Saha- 
nèh, 100 tentes; les Saqy, yb tentes; les Yanpey, 40 tentes; les Mohammed Oulouk 
170 tentes; les Saridjly, 40 tentes; Qaza, 45 tentes; Qaza Halgah, i5o tentes ;Dau- 
guendjèh, 80 tentes; Taana, 200 tentes; Qandjermèh, 80 tentes; Qpullar, 20 tentes 
Qaradachlou, 20 tentes. 

Tchouny, fils de Yomout, est considéré comme étant la souche des Ata bay. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM DQ 



La mer d'Esterâbad plus connue sous le nom de Bahri Kha^er 

ou mer Caspienne. 

La mer Caspienne est désignée ^ous le nom des différents 
pays qui se trouvent sur ses bords. Elle porte ceux de mer du 
Guiian^ du Thabarestan, du Gourgan, deBab oui Ebwab (Der- 
bend), de Khazer et de Qouizoum. Cette dernière dénomina- 
tion est erronée. Sa longueur, de TOrient à TOccident, est de 
deux cent soixante fersengs et sa largeur de deux cents. Elle 
reçoit les eaux d'un grand nombre de fleuves qui viennent se 
décharger dans son sein. Je citerai le Gourgan, le Volga et 
TAraxe. Cette mer n'ayant aucune communication avec le 
grand Océan, le flux et le reflux ne s y font pas sentir. Ses flots 
sont toujours agités et bouleversés. Les pays du Kharezm et 
de Saqsin sont situés à l'orient de cette mer. Au nord, se 
trouve le désert de Khazer, à l'occident le Chirvan, au sud le 

Guilan , le Mazanderan et la province d'Esterâbad. Ses rives 
sont fréquentées par des tribus turkomanes. On affirme que 
cette mer renferme deux cents îles. Abiskoun était l'une d'elles, 
mais elle est, aujourd'hui, couverte par les eaux. 

Le 10 de Redjeb (i i mai). Nous quittâmes la rive du Gour- 
gan et nous nous mîmes en route en implorant l'assistance de 
Dieu. Après avoir parcouru deux ou trois fersengs, nous arri- 
vâmes à Aq Qalèh, aujourd'hui en ruines et qui fut la rési- 
dence des Qadjars '• 

Aq Qalèh fut autrefois une ville florissante où s'étaient fixés les 
Qadjars, tribu qui anciennement émigra duTurkestan en Perse. 
Ils se divisèrent dans cette ville en deux partis : les Achagha 



I. Aq Qalèh est entouré de buttes et de monticules de terre qui sont certainement les 
restes de fortifications et de villages ; mais les plantes et une végétation abondante ont 
remplacé la population. Aq Qalèh semble avoir été une solide place forte de forme carrée. 
Les amas de terre et de briques permettent de se représenter la ligne des murailles et 
des bastions. — Fraser, Travels, etc., page 620. 



6o RELATION 

bach et les Yokharou bach '. II ne reste que peu de vestiges de 
cette place forte; cependant on peut, grâce à des indices certains 
et en procédant par inductions, distinguer les ruines d'une porte, 
l'emplacement de plusieurs grands édifices et reconnaître une 
chaussée, une écurie , un vaste édifice et le bazar. Cette ville 
était bâtie dans une heureuse situation , à peu de distance du 
Gourgan. 

Nous traversâmes Aq Qalèh et nous arrivâmes sur le bord 
du Gourgan, à Tendroit où nous devions le traverser. Le 
bonheur qui préside aux destinées du Roi nous permit de 
franchir la rivière à gué et, arrivés sur la rive opposée, nous 
rendîmes grâces à Dieu et nous lui offrîmes les témoignages 
de notre reconnaissance. Nous fîmes halte pour attendre que 
les bagages, les gens de notre suite, les pauvres gens qui nous 
accompagnaient et les pèlerins de Khoqand eussent traversé 
le fleuve sains et saufs. Notre caravane se composait de plus 
de deux cents personnes, cavaliers, piétons ou gens montés 
sur des chameaux. Nous nous arrêtâmes après avoir franchi 
un ferseng au-delà du Gourgan. 

Le II Redjeb (12 mai). Nous congédiâmes les Khans Tur- 
komans, qui nous avaient accompagnés au-delà du fleuve. 
Pour reconnaître les services qu'ils nous avaient rendus, je 
leur fis cadeau de robes tissées d'or. 

Hassan Tchoughan vint me trouver en compagnie de Qouly 
Khan et d'une troupe de Turkomans. Ils passèrent tous la 
nuit dans notre campement, et, le lendemain matin, ils conti- 
nuèrent leur route vers le but de leur voyage. 

Le Qazhy des Turkomans, qui prétendait descendre des Mo- 
gols et appartenir à la famille de Djenguiz Khan, nous fit 
aussi ses adieux et retourna au campement de sa tribu. 

Nous nous enfonçâmes alors dans l'immensité du désert. 
Nous tournions le dos aux montagnes d'Esterâbad; le lende- 
main, nous les perdîmes de vue. Nous marchions vers le Nord, 

I . Achagha bach^ tête en bas ; Yokharou bach, tête en haut. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 6l 

laissant la direction de la Mekke derrière nous. Sur la route, le 
cheval de mon fils Aly Qouly ' mit le pied dans un trou creusé 
par un rat et s'abattit. Mon fils resta sous sa monture et reçut 
de violentes contusions aux reins, à la figure et aux pieds. 
Quand il revint de son évanouissement, il ne put remonter à 
cheval. Je fis, en conséquence, avancer le chameau qui portait 
la litière restée inoccupée , et je ïy fis installer après lui avoir 
fait prendre de la moumia dont je m'étais muni par précau- 
tion ^. Le soir nous campâmes et nous pûmes goûter le repos. 



Les Turkomans Yomout. 

Les Turkomans forment une population innombrable. C'est 
chose difficile que d'en faire le dénombrement. Ils ne possè- 
dent, en effet, aucune ville et ils ne restent pas dans un lieu 
fixe où Ton puisse déterminer leur nombre. Ils sent dispersés 



1. Aly Qouly Khan, Moukhbir oud Daoulèh, est aujourd'hui directeur général des li- 
gnes télégraphiques de Perse. 

2. Le moumia ou moumiay est une substance bitumineuse à laquelle les Persans 
attribuent les propriétés les plus efficaces pour la guérison des plaies et des blessures. 

tt Le véritable fameux moumiay persan, celui qu*on pourrait d'après les indigènes, 
o appeler miraculeux, ne se trouve qu'en quantités très-minimes, exsudant d'étroites 
a crevasses de montagnes près de Behbehan, de Nasgoun, de Tengui Toghâb, de Darab 
a et de Djaroun, localités de la province de Fars. Celui de Tengui Toghâb est le plus 
a estimé, i» — Schlimmer : Terminologie [médico-pharmaceutique et anthropologique 
française-persane. Téhéran, 1874, page 60. 

Kœmpfer (Amœnitatum exoticarum , fasciculi K, Lemgoviœ, 17 12, pp. 5 1 6-522) a 
donné une longue description du moumia. « Il y en a deux mines ou sources (de mu- 
mie) en Perse, dit Chardin. L'une dans la Caramanie déserte, au pays de Sar, et c'est la 
meilleure ; car on assure que quelque moulu, brisé ou fracassé, qu'un corps humain puisse 
être, une demi dragme de cette mumie le rétablit en vingt-quatre heures, de quoi per- 
sonne ne doute en Perse, sur l'expérience des cures merveilleuses qu'ils font tous les 

jours avec cette précieuse drogue Les Persans disent que le prophète Daniel leur 

a enseigné la préparation et l'usage de la mumie. n — Voyages du chevalier Chardin 
en Perse, etc., tome III, p. 3ii, édition de 181 1. 



62 RELATION 

dans la vaste étendue du désert de la province du Gourgan 
et du Kharezm. 

Les uns pensent que leur nombre s'élève à trente mille ; Tes- 
timation d'autres personnes est plus forte ou moindre. 

On les trouve partout dans le désert, depuis Esterâbad jus- 
qu'à Khiva. Les-Turkomans parcourent en vingt jours la dis- 
tance qui sépare ces deux villes, en faisant chaque jour deux 
étapes. Il faut donc compter quarante journées de marche. Au- 
delà d'Esterâbad se trouvent les Gouklan. Les Gouklan et les 
Yomout sont divisés par une profonde inimitié. Si je voulais 
donner les noms des subdivisions et des différentes branches 
de ces deux tribus, ces détails m'entraîneraient trop loin \ 

I, Je crois devoir suppléer ici au silence de Riza Qouly Khan et donner, d*après 
M. Melgunof, le nom des subdivisions des grandes tribus des Yomout et des Gouklan. 

Outre les fractions des Yomout Djafer Bay et Ogourtch Aly, il faut signaler la bran- 
che des Yomout Yelqay qui comprend les Saqâr, 65 tentes; les Vekyly, igS tentes; les 
Qyr, 40 tentes; les Mirza Aly, 65 tentes; les Ourazly, 25 tentes, et les Ounlouk, 140 
tentes. 

Les Yomout Doudjy se subdivisent en Oudek,.i4o tentes; Sarydjèh Meyout, 70 ten- 
tes; Khivaqy, io5 tentes; Kurèh 100 tentes; Abdal Idjmek, 120 tentes; Baqat, 20 
tentes; Qaradjèh Daghy^ 55o tentes. 

Les Doudjy mènent la vie nomade dans les environs du bulouk de Katoul, sur les 
bords du Gourgan, dans la province d*Esterâbad. 

On rencontre, en outre, des Yomout de la tribu de Daz dans les environs d*Aq Mesd • 
jed et dans le bulouk de Fakhr Imadouddin. Le nombre de leurs tentes s*élève à 65o. 
Les Yomout Badraq, sur les frontières du bulouk de Katoul, 3oo tentes; les Yomout 
Qan Jaqmaz à Bibi Chirvan, 200 tentes; les Yomout Eymcr, sur les frontières du bu- 
louk de Fenderisk, 375 tentes; les Yomout Koutchek qui se subdivisent en Oustadjiq, 
190 tentes; Khourthèh^ i85 tentes. Les Koutchek sont nomades et vivent entre Fende- 
risk et Qaratiken. 

Les Yomout Salakh, 2 55 tentes; les Qaravièhprès de l'Etrek, au pied du Balkhan, 260 
tentes; les Yomout Qoudjouq Tatar près de Bibi Chirvan, 489 tentes; les Yomout 
Ata, 90 tentes; les Yomout Makhdoum, 120 tentes. 

Les tribus des Gouklan comptent aujourd'hui 255o tentes. Elles comprenaient autre- 
fois douze mille familles, mais leur nombre a considérablement diminué à la suite des 
guerres qu'elles ont eu à soutenir contre Khiva et les Yomout, et surtout après l'expédi- 
tion entreprise contre eux par Mohammed Chah en i836. 

Les Gouklan nomades vivent dans le bulouk de Kouhsar dépendant de la province 
d'Esterâbad et sur les bords du Gourgan et du Guerm Roud. 

Les Gouklan se divisent en deux grandes tribus : les Doudourqah et les Halqah Da- 
ghly. 

Les Doudourqah comprennent les Qiriq qui se subdivisent en Koundlik, 100 tentes; 
Soufyan, 100 tentes; Koukdjèh, 100 tentes; Dehanèh, 100 tentes; Ichèkèh, 76 lentes. 



DE l'ambassade au kharezm 63 

Chacune de ces tribus est indépendante sur son propre ter- 
ritoire. Elles ne se prêtent aucune aide entre elles : leur esprit 
d'indépendance est poussé si loin, que le plus infime chame- 
lier n'obéit point aux ordres du Khan de sa tribu. Les Turko- 
mans ont la plus grande ressemblance avec les Arabes du 
désert si ce n'est que la langue de ceux-ci est Tarabe, tandis que 
ceux-là ne parlent que le turk. Des auteurs prétendent que les 
Turkomans ne sont point d'origine turque ; qu'ils ont seule- 
ment avec les Turcs une certaine ressemblance, ainsi que l'in- 
dique leur nom \ 

Les Turkomans ne vivent que du fruit de leurs courses et 
de leurs rapines, de l'élève du chameau, du métier de chame- 
lier de caravane ou du produit de leurs chameaux. Ils se nour- 
rissent de la chair et du lait de ces animaux. Quelques-uns 
d'entre eux possèdent des moutons. Les femmes tissent des 
châles, des tapis, de la toile à ballots et des sacs. Ils sont Ha- 
néfites, mais ils ne connaissent qu'imparfaitement les prescrip- 
tions de ce rite. 

Le 12 de Redjeb (i3 mai). Nous partîmes de nuit de la 



Ces tribus résident à Touest du Gourgan, dans les environs de Michk ou Anber. Les 
Gouklan Bayendir comprennent les Aq Qilidj Khany, i23 tentes^ et les Nefes Khany, 
107 tentes. Ils campent dans les vallées du Gourgan. 

Les Gouklan Yangaq comprennent les Kouty Medjmen, 1 16 tentes, et les Utth 
Qounly, qui vivent à l'ouest du Goumbedi Qabous et à Test de Keboud Djamèh. Ils 
possèdent 100 tentes. 

Les Gouklan Kerkez sont fixés sur les bords du Gourgan. Le nombre de leurs tentes 
s*élèveà i3o. 

Les Qouchtchy et Qarachour, iSq tentes; les Kharouchour, i56 tentes. 

IL Les Gouklan Halqah dagly comprennent : les a Saqar Beikdily n sur les bords du 
Gourgan, de TEtrek et de Hayder âbad, 33o tentes; les a Arab », 3oo tentes; les Ay 
Dervich dans les vallées du Gourgan et les environs de Qara Cheikh^ 66 tentes. Les 
« Qarabalkhan » se subdivisent en Yokhary Bollou et vivent dans les vallées du Gour- 
gan et aux environs de Qarenâbad : ils ont i63 tentes. Les Erkekly, à deux fersengs 
du Gourgan et dans les environs d' Aly Tchechmèh, possèdent 1 1 2 tentes. 

Les Ghay se subdivisent en Tcmek, avec 56 tentes; en Dary, avec le même nombre de 
tentes, en Qarnas avec 47 tentes, et en Bouqidjèh qui possèdent 40 tentes, et sont 
axés dans les environs de Michk ou Anber et de Mourghzar. 

I. Turkmen ou plutôt turkman, corruption de turkmanend signifie « qui ressemble 
aux Turks ». 



64 RELATION 

Station appelée par les Turkomans In Tchekèh, et nous arrivâ- 
mes à midi à la rivière d'Etrek '. L'eau de cette grosse 
rivière est saumâtre et salée. Nous la traversâmes et nous prî- 
mes notre repas sur l'autre rive. Les chefe turkomans qui 
nous avaient accompagnés et qui étaient au nombre de cin- 
quante cavaliers, sollicitèrent une gratification. Nous distri- 
buâmes aux notables des tribus de l'argent et des vêtements; 
puis, pour nous conformer à cette sentence : t Sépare-toi des 
Turks, quand bien même ton père serait Turk >, nous nous 
quittâmes des Turks de TEtrek ^ Nous leur dîmes adieu et 
nous les renvoyâmes à leurs résidences, à leurs tribus et à 
leurs campements 

J'écrivis et j'expédiai une lettre au Beylerbey d'Esterâbad 
pour lui faire connaître notre arrivée sans accident sur les 
bords de TEtrek et pour le rassurer sur notre compte. 

Nous remontâmes ensuite à cheval et, vers le coucher du 
soleil, nous atteignîmes une plaine unie où il n'y avait t ni Div, 
ni ange, ni bête sauvage, ni péri > . Les Turkomans donnent 
à cette plaine le nom de Kouh Ky. On ne voit, dans cet im- 
mense désert, ni végétation, ni arbres, ni pierres, ni aucun 
signe qui puisse servir de point de repère. Rien n'indique les 
distances. Nous voyagions le jour et la nuit. 

Chaque localité est désignée sous un nom particulier. On 
trouve des puits d'eau douce connus des Turkomans. Si on 
voulait noter toutes les stations par lesquelles on passe, ce 
serait, en vérité, un travail difficile à faire. 

Nous franchissions trois étapes toutes les vingt-quatre heures 
et nous mîmes vingt-deux jours pour atteindre Khiva. Nous eû- 
mes à supporter, pendant ce voyage, les fatigues les plus pénibles. 

f . L'Etrck prend sa source dans le Khorassan, dans les montagnes qui s'élèvent sur 
les confins de Nessa et de Baverd. Il traverse Khabouchan et le Dehistan et se jette dans 
la mer Caspienne. Son cours a une étendue de cent vingt fersengs. Ce fleuve est extrê- 
mement profond et on ne peut jamais le traverser à gué. Ses rives sont presque toujours 
infestées par les brigands. Nou^het oui Qpuloub^ f» 455, v. 

2. L*auteur joue ici sur le's mots Turk, Etrek et tarak : ce dernier mot signifie, en 
arabe, quitter, abandonner. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 65 

Le i3 de Redjeb (14 mai). Nous partîmes deKouliKy et, le 
matin, nous arrivâmes à Alah ; nous ne nous y arrêtâmes pas. 
Nous mîmes pied à terre à Kessik Mînarèh ". On voit là un 
minaret dont le sommet est abattu. On nous montra, à notre 
gauche, les ruines d'une ville déserte appelée Mechhedi Mis- 
rian ^. Dans les alentours de ce minaret, on trouve une grande 
quantité de briques cuites. Ce fait nous fournit la preuve que 
cette localité avait été autrefois bien peuplée. 

Le 14(15 mai). Nous voyageâmes toute la nuit, et le matin, 
nous atteignîmes un puits appelé Dach Verdy . Nous trouvâmes, 
à cette station, une trentaine de puits remplis d'une eau à peu 
près douce. Nous nous imaginâmes avoir rencontré le Kaoucer et 
le Selsebyl ^. Nous fîmes remplir nos outres grandes et petites, 
et, après les avoir fait charger sur les chameaux, nous nous re- 
mîmes en route. 

Le i5 Redjeb (16 mai). Nous nous éloignâmes de ces puits, 
nous franchîmes quatre étapes, dans un désert sablonneux et 
imprégné de sel, et nous arrivâmes à la source d'Adoun âta. 

Adoun âta était un cheikh turk, disciple de Zenguy âta qui 
lui-même avait eu pour directeur spirituel Hekim âta. Ces 
saints personnages jouissent, parmi les.Turks et les Turko- 
mans, d une grande réputation. Leurs tombeaux, situés dans 
le désert du Kharezm, sont un but de pèlerinage, mais les 
Turkomans ne connaissent que leurs noms ; ils n'ont au- 
cune notion de leurs actes ^. La fontaine a reçu le nom 



I Le minaret brisé. 

2. L'auteur à son retour visita hs ruines de cette ville. Le lecteur en trouvera la des- 
cription dans la dernière partie de cette relation. 

3. Le Kaoucer et le Selsebyl sont deux rivières qui coulent dans le paradis. Leur cours 
est d'un mois de marche; leurs eaux sont plus blanches et plus douces que le lait, et leur 
écume plus brillante que les étoiles. 

4. Khodja Zenguy âta, un des saints les plus révérés du Turkestan, était le fils de 
Tadj âta, fils du cheikh Bab Arslan. 11 naquit à Châch. Il fut le disciple de son père ; 
puis, à la mort de celui-ci (SgS-iigS), il devint le disciple de Hekim âta dont il re- 
cueillit la succession spirituelle. Zenguy âta mourut en 656 (i258) et fut enterré à 
Châch. Hekim âta mourut en 582 (ii86). Son tombeau se trouve à Aq Qourghan. — 
Kha^inet oui Eçfia, Lahore, i283, pages 5 12, 5i3, 514. 

5 



66 RELATION 

d'Adoun âta à cause du tombeau de ce saint qui s'élève dans 
le voisinage. 

A droite, on nous montra une montagne derrière laquelle est, 
nous dit-on, la ville de Bouzoundjerd '. 

Le 1 6 et le 17 Redjeb (17-18 mai). Nous partîmes de la sta- 
tion d'Adoun âta, et après avoir franchi quatre étapes, nous 
arrivâmes à une source appelée Qara Eteklik. Quatre fersengs 
avant d arriver à cette station, nous vîmes un cours d'eau 
saumâtre. C'est là que commence le Kharezm. 

Nous vîmes aussi une mare d'eau stagnante. Les Kharez- 
miens qui voyageaient avec nous, me dirent que le Djihoun 
traversait autrefois cette région. Les Mogols en détournèrent 
le cours et, les eaux arrêtées dans un sol déprimé et salin, 
sont devenues saumâtres. Nous passâmes à deux fersengs de 
cette mare, laissant le cours d'eau à notre gauche. 

Nous atteignîmes la station de Qara Eteklik où se trouve 
une source abondante. Nous nous y reposâmes pendant quel- 
que temps et nous en partîmes à trois heures de laprès-midi. 
Sur notre route , nous passâmes par un endroit où Moham- 
med Rehim Khan avait dû abandonner un canon pendant sa 
retraite après l'expédition qu'il avait entreprise contre le Gour- 
gan et Esterâbad, 

Le commandant de l'artillerie vint lui annoncer qu'un canon 
était démonté (Top Yaiiy). Le Khan donna en conséquence 
à cet endroit le nom de Top Yatty. 

J'ai fait, dans l'histoire intitulée Fthrt's oui tewarikh, et qui 
sert d'appendice au Raouiet ous Sefa^ le récit de l'expédition 
de Mohammed Rehim Khan de Kharezm contre Esterâbad, 
du combat qu'il livra et de sa retraite ^ 

1. Bouzoundjerd est la capitale d'un district kurde du nord du Khorassan. Cette ville 
qui compte trois mille familles, est située dans une vallée parallèle à celle de TEtrek; 
elle est entourée de hautes murailles et séparée de Chirwan par une distance de sept 
fersengs. Fraser la visita en 1822. Cette ville est citée sous le nom de Boudjnourd dans 
le tt Mémoire sur la partie méridionale de PAsie centrale n, de M. de Khanikoft. Paris, 
1862, in-4*, pages 28-38-44. 

2. L'expédition de Mohammed Rehim Khan eut lieu en I233 (181 7). Ce prince, à 



DE l'ambassade AU KHAREZM 67 

Ata Niâz Mahrem expédia de cette station à Khiva un ca- 
valier qu'il chargea de porter une dépêche annonçant mon 
arrivée et la sienne. Le Khan de Khiva avait déjà quitté sa 
capitale et le cavalier le rejoignit en route. 

Le 19 et le 20 Redjeb (20-21 mai). Nous nous dirigeâmes 
vers la station de Bek Arslan, située sur une haute monta- 
gne. De là, nous gagnâmes Qouimet âta. Nous y trouvâ- 
mes une source d'eau douce et de Teau salée ; nous nous en 
félicitâmes mutuellement et nous réjouîmes d'avoir Tune et 
Tautre, et de pouvoir choisir. 

Le 21 (22 mai). Nous arrivâmes à la station de Qiriman âta, 
dans une plaine aride. L'eau était salée, mais cavaliers et mon- 
tures la burent comme de l'eau douce. 

Le 22 (23 mai). Nous nous arrêtâmes à la station de Gouklan 
Qouyou où nous ne trouvâmes que de l'eau saumâtre. 

Le 23 (24 mai). Nous fîmes quatre étapes et nous gravî- 
mes la montagne de Qaplan Qiry. Elle a une grande hauteur 
et on la franchit en suivant un défilé. Nous fîmes halte au som- 
met pour faire passer les chameaux chargés et notre caravane. 
Nous arrivâmes à Tchirichly; Teau y était douce et nous 
en profitâmes pour faire la cuisine. Un des moutons que 
nous avions avec nous fut égorgé; il figura dans un repas co- 
pieux et animé auquel nous conviâmes quelques-uns de ceux 
qui nous accompagnaient ; les estomacs délabrés furent récon- 
fortés, et tout le monde rassasié et tranquille goûta un som- 
meil bienfaisant. 

Le 24 (25 mai). Nous aperçûmes quelques TurkomansYo- 
mout qui se rendaient d'un campement à un autre. Nous ren- 
dîmes grâces à Dieu qui nous faisait voir, sur notre route, 

l'instigation des chefs des tribus kurdes du Khorassan révoltés contre Fcth Âly Chah, 
se dirigea sur Esterâbad à la tête de trente mille cavaliers soutenus par quelques pièces 
d'artillerie, sous prétexte de lever les impôts sur les tribus turkomanes de TEtrtk et du 
Gourgan. LeSerdar Zoulfeqar Khan marcha à sa rencontre, à la tête des milices de Dam- 
ghan et de Semnan, et le mit en complète déroute à Pusserek où il s*éiait retranché. Le 
canon, qu'il abandonna près de Q.ara Eteklik, était le seul qu'il avait pu sauver dans son 
désastre. — Fihris out tewarikh, Téhéran, 1274 (1857), in-folio, tome IX, pages 21 5-2; 6. 



68 RELATION 

d'autres créatures humaines que celles qui se trouvaient dans 
notre troupe. Il est clair^ nous disions-nous, qu'il y a ici des 
traces d'êtres vivants et qu'après avoir franchi cette plaine, 
nous devons arriver dans des régions cultivées et habitées. Le sol 
de cette plaine était imprégné de sel et couvert de khari chou- 
tour \ La vue de la verdure récréa agréablement nos yeux. 
L'eau y était saumâtre et en petite quantité. Le nom de cette 
localité est Ghanghèh Tchachkin ^ 

Le 25 (26 mai). Après avoir traversé une plaine aride et sa- 
blonneuse et nous nous arrêtâmes à un endroit appelé Chah 
Sanem ^ où se trouvait jadis une ville fortifiée importante. Nous 
nous étonnâmes de voir ce nom pompeux donné à une localité 
envahie par les sables et nous trouvâmes que cette dénomina- 
tion n'était point justifiée. L'eau y était plus amère que le 
suc de la coloquinte. 

Le 26 (27 mai). Nous traversâmes une plaine salée et nous 
gravîmes une montagne calcaire, remarquable par sa blancheur. 
Nous montâmes d'un sol déprimé sur un terrain plus élevé. 
On nous assura que de cette plaine partait une route conduisant 



1. Le khari choutour (épine de chameau) est la même plante que Talhagi qui croît 
dans tous les bas terrains arides de la Perse; cette plante fournit la manne dans certai- 
nes contrées, telles que le Khorassan, Tebriz, Thebbes, Zerend et Bender Abou Cheher; 
là où Talhagi ne fournit aucun produit sucré, il sert de pâture aux chameaux, d*où son 
nom de khari choutour. Schlimmer, Terminologie^ etc., page 357. 

2. Cest à Ghanghèh Tchachkin que se livra la bataille dans laquelle Iltouzer Khan 
défit les Turkomans Yomout. 

3. La statue ou Tidole du roi. 

a Le 2, à la pointe du jour, on arriva au fort ruiné de Chah Senem ; ce furent les der- 
nières ruines qu'on rencontra sur cette route Le fort de Chah Senem était à notre 

droite; nous nous en approchâmes pour Texaminer; il est bâti sur un monticule sa- 
blonneux; on voit encore dans l'intérieur quelques traces d'habitations. Ce lieu est cé- 
lèbre par un événement connu de toute l'Asie, et qui est devenu le sujet des chants et 
des contes des peuples de l'Orient. Chah Sanem, fille d'un puissant seigneur, était d'une 
beauté saisissante. Gharib s'éprit de ses charmes; pour éprouver son amour, Chah Sa- 
nem lui ordonna de parcourir le monde pendant sept ans. Il revint à Tépoquc qui lui 
avait été fixée, au moment où l'on célébrait les fêtes des noces de Chah Sanem avec un 
puissant seigneur. Gharib se fait reconnaître par ses chants et épouse son amante. Mou- 
ravicv. » Voyage en Turcomanie et à Khivafait en 181 g et 1820. Paris, 1823, pages 
198-199. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM bg 

en Russie. Les Khiviens la suivent après avoir fait provision 
de vivres et d'eau. 

Pendant la nuit, un vent violent souleva et fit retomber sur 
nous des tourbillons de la poussière et du sable de la plaine. 
Les cordes de nos tentes furent rompues, les mâts qui les 
soutenaient brisés, nos lampes éteintes. Je demandai le nom 
de cette plaine. On me répondit qu'elle s appelait Saqar Tchè- 
kèh. C'est juste, répondis-je , car dans Tenfer (saqar), on ne 
doit pas se trouver mieux. 

Le 27 (28 mai). L'excessive chaleur, le grand nombre de gens 
que j'avais à ma suite, et l'obligation où j'étais de leur fournir de 
l'eau, avaient épuisé ma provision. L'envoyé du Khan de Khiva, 
instruit de ma détresse, me fit cadeau d'une cruche d'eau du 
Gourgan qu'il tenait en réserve. Ce présent me fut aussi agréa- 
ble que si l'on m'avait donné l'empire du monde. Après une 
longue traite, nous arrivâmes à une station appelée Ouchaq 
Qouyoussy. Nous y trouvâmes de l'eau douce et nous en ren- 
dîmes grâces à Dieu. 

Le 28 (29 mai) . Nous arrivâmes à une localité nommée Ay rtam 
et, comme dans les autres stations, nous dûmes nous contenter 
de pain sec et de sikendjebin '. Non loin de cette station, mon 
cheval arabe épuisé de fatigue resta en arrière. Le palefre- 
nier qui le conduisait s'égara dans le désert. J'envoyai à sa 
recherche un Turkoman nommé Aly Bay auquel je confiai un 
vase rempli d'eau douce. Il retrouva mon palefrenier au mo- 
ment où il allait rendre le dernier soupir. Il le fit boire et le 
ramena avec mon cheval à la station de Qara Qoulaq. Je fis 
cadeau à ce Turkoman d'un qaba tissé d'or et d'un châle du 
Kerman. 

Le 29 (3o mai). On nous donna la bonne nouvelle que nous 
arrivions à la limite des terres cultivées du Kharezm; qu'un 
canal dérivé du Djihoun traversait ce territoire et qu'une tribu 



I. Sikendjebin est la forme arabisée du mot persan sirkenguebin qui désigne une es- 
pèce de sirop composé d*eau, de vinaigre et de miel. 



yO RELATION 

turkomane en occupait les bords. Nous devions nous procurer 
là tout ce dont nous avions besoin. 

En arrivant à cet endroit nommé Pey Chaqry, nous vîmes 
un canal dont le lit était à sec. Il nous sembla évident qu'on 
en avait détourné les eaux; nous aperçûmes quelques tentes, 
mais nous ne pûmes y trouver ce que nous désirions. Les 
Turkomans nous présentèrent comme régal, et pour nous 
faire honneur, une écuelle pleine de lait de chamelle caillé. 
Ils n avaient jamais vu de qalian avec un long tuyau flexible. 
Ils furent tout étonnés en le voyant et ils se disaient les uns 
aux autres : « C'est un serpent! > (Ilan dur). Les femmes et 
les enfants de cette tribu vinrent en foule pour visiter nos ten- 
tes et notre campement. Nous ne nous opposâmes point à 
leur curiosité. Nous leur donnâmes à chacun un chahy blanc; 
ils Facceptèrent et s'éloignèrent. 

Le dernier jour du mois de Redjeb (3i mai), nous arrivâmes 
à la partie cultivée de Khi va. Nous aperçûmes de loin de nom- 
breux cours d'eau et une grande quantité d'arbres, parmi les- 
quels il y avait beaucoup de peupliers. Je demandai le nom 
du lieu où nous nous trouvions. On me répondit qu'il s'appe- 
lait Qara Qoulaq et qu'en cet endroit commençaient les terres 
cultivées. 

Vers. — « Après avoir traversé la mer, le vaisseau a enfin 
abordé le rivage. > 

■i 

Ata Niaz Malirem avait pris les devants pour faire préparer 
un logis pour moi et pour lui. 11 expédia des gens qui se por- 
tèrent à ma rencontre et me conduisirent à une maison spa- 
cieuse et agréable. A Tintérieur, se trouvait un bassin d'une 
grande profondeur dont les bords étaient entourés et ombragés 
par de grands ormes et quelques saules. En face du corps de 
logis, s'étendait un vaste jardin dessiné selon toutes les règles 
de l'art. Il était coupé par des allées bien tracées. Le proprié- 
taire de cette maison était un Turkoman Yomout nommé 



DE l'ambassade AU KHAREZM yi 

Molla Pir Nefes; c'était un homme d'un caractère généreux 
et hospitalier. Il fit apporter et étendre devant nous un sofra 
(nappe) sur laquelle on mit des pains. Nous en brisâmes un 
morceau et attendîmes. On ne tarda pas à nous servir du ba- 
beurre aigre, du lait caillé, de la viande rôtie, une outarde et 
d'autres mets que l'on avait préparés. Nous passâmes tran- 
quillement la nuit dans cette maison et, le lendemain, nous 
nous remîmes en marche. 

Le i*^ Chaaban (i®*" Juin). Je rencontrai sur notre route 
Youssouf Djan Aga, un des personnages les plus distingués 
de la cour, qui sur Tordre du Khan s'était, avec une troupe 
de cavaliers, porté au devant de nous. Il s'informa de l'état 
de ma santé, me combla de marques d'honneur et m'annonça 
qu'il devait m'accompagner en qualité de mihmandar. 

Nous approchions d'une maison et d'un jardin ; il prit les 
devants et, quand j'arrivai à la porte de ce jardin, je le trouvai 
debout sur le seuil. Il paraissait confus; il se confondit en 
excuses sur la manière dont il me recevait. A peine étions- 
nous descendus de cheval que l'on nous présenta du sucre de 
Russie et du thé apportés de la ville, des fruits secs et des 
fruits, les uns mûrs et les autres verts, cueillis dans le jardin. 

Nous nous livrâmes au plaisir de la conversation et j'appris 
que le Khan avait quitté sa capitale depuis une semaine pour 
diriger une expédition contre Merv et que je serais privé de 
l'honneur d'être bientôt admis en sa présence. Je m'écriai : 

Vers. — € Hélas! C'est donc en vain que j'ai fait ce long 
voyage et que j'ai supporté ces rudes épreuves ! > 

Le retard que j'allais éprouver pour présenter mes homma- 
ges au Khan, l'impossibilité de le voir m'attristèrent et me firent 
éprouver la plus vive contrariété. Je pris , en attendant les 
événements, la patience pour règle de conduite. 

Nous passâmes agréablement la nuit dans cette maison de 
campagne et, le lendemain matin, nous nous remîmes en route. 



1 



72 RELATION 

Le grand nombre des canaux, l'agglomération des arbres 
nous firent oublier l'aridité du désert. Nous traversâmes de 
nombreux cours d'eau et nous atteignîmes la banlieue de Khiva. 
Une troupe nombreuse vint à notre rencontre pour nous faire 
honneur. Nous franchîmes la porte et nous pûmes jeter un 
coup d'œil rapide sur la ville que nous traversâmes pour sortir 
par une autre porte et nous rendre à une maison entourée 
d un jardin que Ton avait préparée pour nous recevoir. 

Rahmet oullah Divan Khal Mehter, contrôleur général des 
finances du Khan, et le Nazir Mehter aga, remplirent toutes 
les obligations qu'imposent les lois de l'hospitalité. Nous 
passâmes la nuit dans cette maison dont le jardin était aussi 
grand qu'un parc, et je me tins, tout le jour suivant, enfermé 
dans ma chambre. Le jardin n'offrait aucun agrément et la 
maison était délabrée. Je me plaignis du peu d'égards que l'on 
me témoignait en me donnant une pareille demeure. 

Le Khan fut, sans doute, dans le cours de son voyage^ ins- 
truit de mes doléances. Il donna l'ordre de mettre à ma dis- 
position la maison de plaisance royale et le jardin de feu 
Mohammed Rehim Khan situés hors de la ville dans une lo- 
calité appelée Guendoum Kân (Mine de blé). 

Je quittai mon premier logis et je m'y transportai. 



Description du palais du Khan qui fut ma seconde résidence 

à Khiva. ^ 

Devant ce palais s'étend une vaste cour au milieu de laquelle 
est creusé un grand bassin entouré et ombragé par des ormes 
très-élevés et au feuillage touffu. On rencontre ensuite une 
porte très-haute flanquée d'une tour de chaque côté; elle 
forme l'entrée d'une longue galerie, à gauche de laquelle sont 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM . 78 

bâties de vastes écuries; à droite, s'élèvent des magasins pour 
serrer les provisions et des logements destinés aux familiers et 
aux officiers (mahren) du Khan. 

Quand on débouche de cette galerie, on entre dans une se- 
conde cour sur laquelle s'ouvre encore une porte par laquelle 
on accède à un vestibule ; on franchit encore une porte et, à 
droite, on trouve un appartement réservé, de moyenne dimen- 
sion, comprenant une grande salle, un étage supérieur fort 
propre qui était affecté au logement du précédent Mehter 
aga. 

On trouve ensuite une galerie fermée par une porte et 
dans laquelle il y a une grande chambre qui sert de logis 
aux domestiques. Au bout de cette galerie s'ouvre une porte 
par laquelle on pénètre dans le bâtiment réservé au Khan. Il 
renferme un grand nombre de vastes chambres disposées en 
enfilade et dans lesquelles on en a ménagé de plus petites pour 
se mettre à Tabri de la chaleur en été et pour se garantir du 
froid en hiver. Devant chaque chambre, on voit un haut péri- 
style dont le plafond est très-élevé. 

Chacun de ces péristyles est soutenu par une colonne sculp- 
tée en manière de cyprès, dont la base est formée par une 
pierre conique de grande dimension et ayant la forme d'une 
poire. De chaque côté de la salle d'audience, on voit d'autres 
chambres au-dessus desquelles on a construit des étages su- 
périeurs soutenus par des colonnes. 

Au milieu de la cour se trouve un bassin rempli d'eau, sur 
les bords duquel sont plantés de grands ormes aussi beaux 
que des platanes. Leur ombrage s'étend autour du bassin ; on 
a élevé un banc sous leur ombre. En arrière de cette cour qui 
est environnée de murs, se trouve une porte conduisant à un 
appartement réservé composé de deux grandes pièces qui se 
commandent et qui sont ornées de peintures. Devant la pre- 
mière chambre, on voit un péristyle soutenu par une grosse 
colonne fort élevée , à laquelle on a donné la forme d'un cy- 
près et dont la surface est couverte de sculptures. Cette colonne 



74 • RELATION 

s'appuie sur un socle formé d'une grosse pierre qui est égale- 
ment couverte de sculptures. 

Deux autres colonnes semblables servent à soutenir les pla- 
fonds des deux chambres qui sont placées des deux côtés du 
péristyle. Le sol de la cour est pavé en briques cuites. Au mi- 
lieu, on a ménagé un jardin de moyenne grandeur, planté d ar- 
bres fruitiers et de peupliers d'une grande hauteur. 

Un chemin a été établi pour se rendre à un autre jardin 
et à un autre bassin entouré d'ormes d'une grosseur et d'une 
taille remarquables. Sur l'un des côtés de ce bassin, on a élevé 
une construction carrée percée de quatre portes, et qui porte 
le nom de Kouchk (kiosque). Elle est soutenue, sur trois de 
ses faces, par des colonnes de bois appuyées sur des piédes- 
taux en pierre taillée. Leur sommet est solidement encastré 
dans le plafond. Sur le sol dallé de ce pavillon, on a établi 
une estrade exhaussée de deux coudées sur les deux côtés de 
laquelle on a pratiqué un escalier de cinq marches en briques 
reliées par du mortier. Les murs de ce kiosque ont une cou- 
dée d'épaisseur; ils sont en pisé. La salle dont je viens de 
parler a cinq coudées de hauteur. Au-dessus de cette salle 
s'en trouve une autre qui a la même élévation. Des quatre 
faces de cette construction, on a au-dessous de soi la vue du 
jardin et du bassin. Au-dessus de cette seconde chambre, il y 
en a une autre entièrement semblable, dont le plafond forme 
le plancher de la terrasse. Sur une paroi de cette troisième 
chambre, est adossé un escalier dont les marches sont d'une 
grande solidité et qui donne accès à la terrasse qui se trouve 
au-dessus de la troisième chambre. Depuis le sol jusqu'à elle, il 
y a vingt-quatre marches et douze pour aller jusqu'à la terrasse. 

Ce kiosque a, en tout, vingt-huit coudées de hauteur. La 
terrasse sert d'endroit pour dormir. La moitié en est couverte 
d'un auvent, l'autre moitié est à ciel ouvert. Du haut de cette 
terrasse on a la vue de la plaine, des vergers, des jardins et des 
champs cultivés qui s'étendent autour de la ville et de la plus 
grande partie des maisons. 



DE l'ambassade AU KHAREZM jS 

Ce kiosque est entouré, sur ses trois côtés, par un jardin 
d'une grande étendue au milieu duquel est creusé un bassin : 
on y voit aussi un large et haut pavillon carré percé de quatre 
portes. La superficie de ce jardin est d'environ trente djeribs. 
Il est coupé par des allées d'ormes dont la taille est de vingt à 
quarante coudées. On y trouve encore des peupliers blancs 
et d'autres de l'espèce appelée Tebrizy (de Tauris), remarqua- 
bles par leur taille élancée et droite. 

Les arbres fruitiers produisent des figues, des grenades, des 
mûres, des raisins, des pêches de deux espèces, des brugnons, 
des pommes et des coings d'un goût exquis. Nous nous établî- 
mes définitivement dans cette demeure et nous nous reposâ- 
mes des fatigues du voyage en faisant des vœux pour Téternelle 
durée du règne du monarque qui est semblable à Djem , 
S. M. NacirEddin Chah. 



Récii de ce qtii s'est passé pendant le mois de Chaaban (juin,) 

Mon compagnon de voyage, l'ambassadeur du Khan de Khiva, 
qui était allé rejoindre son maître au camp, était de retour. Je 
l'avais, à Téhéran, reçu un jour à ma table avec les personnes 
attachées à sa mission. Il sollicita du Khan l'autorisation de 
m'inviter chez lui ; elle lui fut accordée et il me pria d'accepter à 
dîner chez lui. J'y consentis. Je montai à cheval un jour, et 
traversant la ville je sortis par la porte qui était la plus rap- 
prochée de sa résidence. Après avoir franchi la distance d'un 
temps de galop, j'arrivai près de sa maison et je trouvai, à une 
certaine distance sur la route, ses gens qui, pour me faire hon- 
neur, étaient venus à ma rencontre. Quand je fus plus près 
de sa demeure, les enfants et les parents de mon hôte se portè- 
rent au-devant de moi et, se mettant en rang des deux côtés de 



76 RELATION 

mon cheval, ils me firent escorte jusqu'à la cour où je mis pied 
à terre. 

Ata Nîaz Mahrem se présenta alors. Il me prodigua les mar- 
ques de sympathie et d'affection et me conduisit à Tapparte- 
ment qui avait été préparé. 

J'y trouvai réunis environ trente ulémas de ta ville et parmi 
eux l'illustre Akhound Ata Djan, auquel on avait donné le titre 
honorifique d'A'lem (le plus savant). Il avait fait ses études à 
Boukhara. Il avait été en Russie et il connaissait bien la langue 
persane. Je conversai avec lui. 

Le repas fut composé selon la mode du pays, de mets ac- 
commodés à la manière de Perse et de Khi va. J'abordai tous 
les sujets avec Akhound Ata Djan, et la conversation eut un 
tour si bienveillant que personne ne fut blessé dans ses con- 
victions. Après cette réunion, j'acquis dans Khiva, moi qui ne 
suis qu'un ignorant, la réputation d'un homme de science. 
Dans Taprès-midi, je rentrai chez moi en faisant le tour de 
la ville. 

Au bout de deux ou trois jours^ je fus éprouvé par le chan- 
gement de climat. Je sentis du malaise et je fus saisi par la 
fièvre. Je parvins à m'en débarrasser en prenant quelques mé- 
dicaments et en usant de sudorifiques. Quand je le pouvais^ 
je montais à cheval et j'allais me promener dans les jardins qui 
entourent la ville. 

Un jour que j'étais allé me distraire dans la campagne, on 
me prévint que je n'étais pas loin du jardin de Mohammed 
Emin Khan Behadir qui a régné sur le Kharezm. Je m'y rendis 
aussitôt pour le visiter. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 77 



Kellabagh. 

Les environs de ce jardin forment un site charmant. Les 
prairies qui 1 entourent sont traversées par de nombreux ruis- 
seaux. Cest un lieu de plaisance délicieux. Les bâtiments sont 
moins grands que ceux de Guendoum Kân, mais le jardin a je 
ne sais quel attrait que Ton ne trouve dans les autres qu'à un 
moindre degré. Les allées sont bien dessinées, larges et spa- 
cieuses. Les arbres sont plantés avec symétrie et selon les règles 
de l'art. 

La maison est haute et solidement bâtie. On voit dans le 
jardin de nombreuses pièces d'eau qui ajoutent beaucoup à 
son agrément. J'y remarquai une grande quantité de beaux 
arbres, ormes et peupliers. Ce lieu m'enchanta et je mis pied à 
terre ; je fis quelques tours de promenade, et, cédant à la 
fatigue, je m'assis pour me reposer. Je composai ce distique. 
« Ce jardin est charmant, quels beaux arbres ! quels cyprès 
élancés ! Jamais nous ne pourrons nous éloigner d'un si beau 
lieu! » L'intendant et le jardinier m'accueillirent avec les 
marques de la plus grande déférence. Ils m'apportèrent des 
abricots nouvellement cueillis et une prodigieuse quantité de 
cerises. Ils nous invitèrent d'une manière respectueuse, et en 
insistant, à rester longtemps dans ce lieu, mais je ne me rendis 
pas à leurs prières. Ce jardin a vraiment beaucoup d'agréments 
et de charmes et il a une grande ressemblance avec les jardins 
de la Perse. 



Récit de quelques incidents. 

Tangry Qouly Tourèh, un des fils de Mohammed Rehim 
Khan, était resté à Khiva avec le titre de Naïb ou lieutenant. 



78 RELATION 

Sur ces entrefaites, arriva un envoyé de Khoudayar Khan, 
Khan de Ferganah et de Khoqand. 

Le Khan du Kharezm étant parti pour son expédition contre 
Merv, il fut aussi obligé d'attendre son retour pour remplir sa 
mission. Il fut décidé, conformément aux ordres du Khan, que 
le Naïb m'inviterait à une fête à Kellabagh avec un certain 
nombre d'ulemas. 11 fut convenu, à mon insu, que Ton pro- 
fiterait de la présence des ulémas et des ambassadeurs de 
Khoqand pour. donner à cette réception le plus grand éclat et, si 
la chose était possible, pour rabaisser et humilier les croyances 
de ma patrie et jeter sur elles un jour défavorable. Plusieurs 
jours se passèrent en préparatifs et en apprêts pour donner plus 
de splendeur à ce banquet. Je fus indirectement prévenu de 
tout ce qui se passait avant qu'on m'eût fait la moindre ouver- 
ture et la moindre communication. 

Le jour qui avait été fixé pour le repas, un mahrem, c'est 
à dire un officier au service du Khan se rend d'abord à l'am- 
bassade du Khoqand et se présenta chez moi avec Rahmet 
oullah Divan Khan Mehter et un autre personnage, et il m'invita 
à me rendre à Kellabagh. « Je suis, lui répondis-je, ambassa- 
€ deur de S. M. le roi de Perse et chargé d'une mission 
€ auprès du Khan. Il est absent pour le moment, qu'ai-je donc 
« à faire avec le Naïb ? Si Ton avait voulu observer les conve- 
€ nances, il aurait fallu que le Naïb vînt me voir pour que je 
« lui rendisse sa visite. » 

Plus leurs instances furent vives pour me déterminer à 
accepter leur invitation, plus mes refus furent catégoriques. 
Ils retournèrent auprès du Naïb Tourèh désolés et déçus de 
leurs espérances. La honte et la confusion les forcèrent à re- 
noncer à leur projet. 

Le Naïb m'envoya des fruits et des sucreries par une 
personne chargée de me faire des compliments. Je lui fis don- 
ner une gratification et je la priai de faire parvenir à son maî- 
tre, de ma part, toutes les assurances de ma considération. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 79 



Hassan Khabouchanj\ 

m 

J'étais souffrant pendant le mois de Ramazan et je regrettais 
de n'avoir point assez de forces pour supporter le jeûne lorsque 
j'appris qu'un individu se faisait passer dans la ville pour un 
prince du sang royal de Perse. 11 affichait cette prétention et, 
bien qu'il eût été enlevé comme prisonnier et réduit à la 
condition d'esclave, il fréquentait des personnages notables. 
Je fis prendre secrètement des informations sur sa situation et 
sur sa conduite. Ma présence à Khi va lui causa des appré- 
hensions et il voulut se concilier mes bonnes dispositions. 11 
m'envoya un message rempli de compliments et de flatteries 
et, comme présent destiné à conquérir ma faveur, deux paons 
dont les ailes et le plumage brillaient des plus vives couleurs. 

Sa lettre était remplie de fautes d'orthographe. Je donnai 
une pièce d'or à l'homme qu'il m'avait envoyé et je l'interrogeai. 
11 me répondit que son maître se donnait pour le fils de Feth 
Aly Chah et pour le frère de Hassan Aly Mirza '. Je reconnus 
de suite la fausseté de cette allégation et la fourberie de ce 
personnage. Je demandai son nom; il me fut répondu qu'il se 
faisait appeler Perviz Mirza ^. 

Mes yeux s'ouvrirent encore plus sur sa ruse et je fus encore 
davantage convaincu de ses artifices. Je connaissais en effet 
tous les fils de Feth Aly Chah et j'avais eu l'occasion de voir 
pendant longtemps à Rey le prince Perviz Mirza. J'appris, en 
outre, que cet homme avait été réduit en captivité depuis 
quatre ans et qu'il était l'esclave de Seiyd Mahmoud Tourèh. 
Tantôt il affichait des prétentions à la science, tantôt il tenait 



I. Hassan Aly Mîrza Choudja ous Salthanèh était le sixième fils de Feth Aly Chah. 
Sa mère était la fille de Djafer Khan, chef d*une tribu arabe du district de Bestham. 
Fihris ont tewarikh, tome IX, p. 342. 

a. Perviz Mirza était le cinquantième fils de Feth Aly Chah. Sa mère était née à Chc- 
mtran. Fihris oui tcwarikh, tome IX, p. 343. 



80 RELATION 

le langage d'un directeur spirituel. Les gens simples le consi- 
déraient comme un Chah Zadèh, les niais le prenaient pour 
un médecin et un guide spirituel. Je le menaçai de réduire à 
néant ses allégations mensongères et de dévoiler Tinanité de 
ses vaines assertions ; je lui donnai l'assurance que je déchire- 
rais le voile qui couvrait ses fourberies. 11 montra une crainte 
extrême. 

Enfin, redoutant la honte dont il allait être couvert il se tint 
pour battu. 

Hémistiche. — « Je dis : il ne peut se faire qu'une pareille si- 
tuation demeure plus longtemps cachée, i 

« 11 est impossible que pour améliorer ta situation, tu désho- 
nores le gouvernement persan et que tu te vantes faussement 
d'être un prince de la famille royale. Les gens que tu vois, 
obéissant à un sentiment d'orgueil, se gardent de divulguer 
ce secret et ils se plaisent à cacher ta véritable situation. Qui 
donc aurait le pouvoir de s'emparer d'un prince de la famille 
royale de Perse? Comment se pourrait-il faire qu'un Chah 
Zadèh soit enlevé de Perse, emmené en captivité au Kharezm 
et à Khiva, et qu'il y reste quatre ans sans que personne en 
soit informé ? La présence de Perviz Mirza à Rey et à Tedjrich 
est aussi éclatante que le soleil et tous ceux qui le désirent peu- 
vent l'y voir. Un père ne donne jamais le même nom à deux 
enfants et il ne le fait surtout pas si tous les deux sont vivants. 
J'ai consigné, sur un cahier que je possède ici, la date de la 
naissance de tous les enfants du feu roi Feth Aly Châh^ et, grâce 
à Dieu, j'ai une connaissance exacte de la situation de presque 
tous les princes du sang royal ^ » 

Bref, je réduisis à néant par des preuves certaines tous ces^ 
artifices et tous ces mensonges, et je parvins à savoir que cet 



t. Riza Qouly Khan a donnée à la fin du récit du règne de Feth Aly Chah, la liste des 
cinquante-sept fils de ce prince. Fihris out tewarikh, tome IX, pages 342-343. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 8l 

individu, dont la famille était originaire de Chirvan S était né à 
Khabouchan ^; qu'il avait, pendant quelque temps, vécu à Es- 
terâbad de la charité publique : que son père était pelletier et 
que lui-même était un misérable qui avait exercé le métier de 
bouffon. 

La fermeté de mes paroles dévoila le secret de son passé et 
il fut bafoué dans tout le Kharezm. Je lavai le gouvernement 
persan de l'opprobre qui pesait sur lui. Je démasquai la tur- 
pitude de cet imposteur au Khan de Khiva ; il fut avili aux yeux 
des Turcs et des Persans et il perdit toute considération. 

Vers. — € Comment un moucheron pourrait-il prétendre à se 
faire passer pour un éléphant? Comment une goutte d'eau 
pourrait-elle se vanter d'être le Nil ? Les gens sans portée le 



1. Chirvan défendue par une forteresse et entourée d'un mur d'enceinte, est située 
dans une vallée fertile, à égale distance de Khabouchan et de Bouzoundjerd. Fraser^ Nar- 
rative, etc., pages 581-584. 

2. Khabouchan ou Koutchan est la capitale du plus important des districts kurdes 
du Khorassan. La ville fut fondée, dit-on. par les Guèbres : elle est défendue par un 
fort solide et capable de soutenir un siège en règle mais qui fut cependant emporté et 
rasé par Abbas Mirza en i8'32. La population de Khabouchan s*élevatt, à Tépoque où 
Fraser la visita, à i5 ou 20,000 âmes. 

Le district de Khabouchan occupe une superficie de vingt fersengs de longueur sur 
trois à six de largeur. Il est habité par vingt-cinq ou trente mille familles de diverses 
tribus, mais dont le plus grand nombre est de race kurde. Les deux tiers de cette po- 
pulation vivent sous la tente. 

Les chefs du district de Khabouchan portaient le titre de Ilkhany. Le plus célèbre 
de ces Ilkhany a été Riza Qpuly Khan qui, en révolte ouverte contre Fcth Aly Chah, 
dévastiit les provinces voisines de son état et en emmenait les habitants en esclavage. 
II conclut avec le gouvernement de Téhéran un traité par lequel il s*engageait^ à la place 
du tribut qu'il aurait dû payer, à s*opposer aux incursions des Turkomans de TEtrck 
et à prêter aide et assistance aux gouverneurs persans dans le cas où ils seraient atta- 
qués par ces tribus. La puissance de Riza Qouly Khan devint si menaçante pour la 
Perse, qu* Abbas Mirza dut marcher contre lui. Ce prince s*empara de Khabouchan, mais 
sa mort permit à Riza Qouly Khan Je se relever. Le gouverneur de Mcchhed dut mcmc 
s*accommoder avec lui. 

« Khabouchan, dit Hadji Khalfa, est un des gros bourgs du canton de Oustouwanâ 
dépendant de Nichabour. Il porte aussi le nom de Khoudjan. Il fut rebâti par Houlagou 
et Argoun Khan contribua à augmenter sa prospérité. Le climat y est délicieux, le blé 
et les fruits d'excellente qualité. Khabouchan a donné le jour aux imams Nedjm oud 
Din et Aboul Berekat. » Djihan Numa, page 32 3. 

G 



82 RELATION 

prenaient pour du musc, mais il devint évident que, loin d'être 
du musc, il n'était que du crottin. » 



Exposé de la situation de Venvoyé de l'Emir de Boukhara auprès 

de la Cour ottomane. Son retour. 

J ai dit, au début de ce récit, qu'un Boukhare nommé Nour 
Mehdy avait été envoyé en ambassade à Constantinople par 
le souverain de Boukhara, l'Emir Nasr oullah. A son retour 
de Constantinople, il s'était, à Téhéran, présenté devant les 
ministres et il leur avait demandé la permission de faire en ma 
compagnie le voyage de Khi va pour de là gagner Boukhara. 
Après avoir annoncé la résolution de venir avec moi à Khiva 
et de se rendre de cette ville à Boukhara, il rompit ses enga- 
gements et, prenant la route du Khorassan, il arriva à Derèh 
Djez \ 

Ata Niaz Mahrem fit savoir au Khan que cet envoyé reve- 
nant de Turquie avait reçu de l'Empereur des Ottomans une 
tabatière enrichie de brillants qui devait être remise, comme 
un témoignage de considération, à l'Emir de Boukhara. 

L'Émir de Boukhara et le Khan de Khiva sont depuis long- 
temps en état d'hostilité. Ce dernier fit partir une troupe de 
Tekèh qui fondirent sur l'envoyé de Boukhara, pillèrent ses 
bagages, l'enlevèrent, le firent prisonnier et le conduisirent 
à Khiva en l'accablant de mauvais traitements. 

11 y vécut dans la situation la plus pénible jusqu'au moment 



I . Derchgucz ou Dcrèh Djcz est le chcf-licu du plus méridional des cinq états Kurdes 
du Khorassan. Dcrêhguez est situé non loin de la source de Tiitrek. Ce canton est habité 
par la tribu appelée liât Kurdzcban qui compte cinq à six mille familles. Cette tribu 
fournit, en temps de guerre, cinq ou six cents cavaliers et deux ou trois mille fantas- 
sins. Fraser, Narrative, Appendix, pages 57 et 2^0. 



DE L*AMBASSADE AU KHAREZM 83 

OÙ le Khan revint de Texpédition de Merv. II attendait son 
retour, espérant qu'il mettrait fin à ses embarras. 

Il était loin de se douter que sa maladie provenait de celui 
qu'il croyait être son médecin et que celui en qui il avait placé 
son espoir était l'artisan de sa disgrâce. 

11 m'adressa un message pour me faire connaître sa posi- 
tion. 

J'avais le projet d'intercéder pour lui au retour du Khan, 
et je comptais employer tous mes efforts pour lui faire resti- 
tuer ses effets. Mais j'appris^ sur ces entrefaites, que, quelque 
temps auparavant^ une caravane était partie du Kharezm pour 
se rendre à Boukhara; qu'en chemin était survenue une troupe 
de cavaliers qui avait donné l'ordre aux Boukhares de 
se séparer des Kharezmiens. Ils s'étaient alors mis à piller 
les marchandises de ces derniers et ils avaient permis aux 
Boukhares de continuer leur marche. Les cavaliers du 
Khan de Khiva avaient usé de représailles. Ils avaient relâché 
les Khiviens et pillé et emmené en captivité les Boukhares 
qui faisaient partie des caravanes. Ces incidents me donnèrent 
à réfléchir pour savoir la conduite que je devrais tenir au re- 
tour du Khan. 

Bien que TÉmir de Boukhara et le Khan de Khiva tirent, 
Tun et l'autre, leur origine des princes Uzbeks et qu'ils aient 
une souche commune, la discorde les désunit et la bonne 
harmonie a cessé de régner entre eux. L'Émir de Boukhara 
ne reconnaît comme turks ni le Khan de Khiva ni les habitants 
du Kharezm. Il leur donne le nom de Tât. Le Khan de Khiva, 
de son côté, appelle les Boukhares, Taziks et il donne la 
même dénomination aux paysans de ses états, voulant dire 
par là que les Boukhares sont ses sujets. 

Les gouverneurs et les officiers de Khiva et de Boukhara 
sont, la plupart du temps, en état d'hostilité et ils se livrent de 
fréquents combats dans lesquels l'avantage reste aux Khiviens. 
Ils ont fait prisonniers un grand nombre de Boukhares qui 
ont été transportés à Khiva. Ils ont été établis dans les envi- 



84 RELATION 

rons de Kohnèh Ourguendj, où on leur fait cultiver la terre et 
exercer des métiers pénibles. 



Récit de quelques faits, ^ 

On reçut, au milieu du mois de Ramazan,des nouvelles ve- 
nues du Gourgan, par Tintermédiaire de Turkomans Gouklan 
et Yoniout; on apprit qu'un corps de troupes royales placé 
sous les ordres de Djafer Qouly Khan Qaradjèh Daghy, général 
de brigade, était parti de Téhéran et était arrivé à Esterâbad ; 
que Mohammed Vely Khan Devalou Qadjar beylerbey avait 
fait sa jonction avec ce corps de troupes qui s'était dirigé sur 
le Gourgan. Ces informations provoquèrent une certaine agi- 
tation parmi les tribus Yomout et leurs alliés du Kharezm. 

Immédiatement après avoir reçu cette nouvelle^ on apprit 
que les troupes de S. M. le Roi, placées sous le commande- 
ment du Nevvab Hussam ous Salthanèh Sultan Murad Mirza, 
gouverneur général du Khorassan \ avaient fait une expédi- 
tion contre Serakhs et qu'elles avaient enlevé le gros bétail et 
les moutons des Turkomans Tekèh établis aux environs de 
cette ville ^ Ce fait, lorsqu'il fut connu, contribua à augmenter 



1. Sultan Murad Mirza Hussam ous Salthanèh (le glaive de la royauté) est le onzième 
fils d'Abbas Mirza proclamé héritier présomptif de la couronne par Feth Aly Chah. Il 
fut à diverses reprises gouverneur général du Khorassan. Il gouverne aujourd'hui la 
province de Kermanchâh. Fihris oui tewarikh, tome IX, page33o. 

2. La ville de Serakhs est située dans une plaine unie entre Nichabour et Merv. Les 
environs sont sablonneux; le territoire de cette ville n*est point traversé par des cours 
d*eau, il est seulement arrosé par Texcédant des eaux des rivières de Hérât et de Fou- 
chendj lorsqu'elles débordent en hiver. Les pâturages sont abondants dans les environs. 
La principale richesse des habitants consiste en chevaux. L'auteur du Nou^het oui Qpu- 
loub dit que le mur d'enceinte de Serakhs est en terre et solidement construit. 11 a 
cinq mille brasses de circonférence. Ahmed Razy, dans le Heft Iqlym dit que le château 
de Sarakhs est un des plus considérables du Khorassan. Le climat est chaud. Le raisin et 



^^* jr v1 



DE l'ambassade AU KHAREZM 85 

le trouble et les appréhensions de la population. On me ques- 
tionna à ce sujet. Je répondis qu'il n'était point improbable 
que des troupes eussent été dirigées sur le Gourgan pour assu- 
rer le maintien de Tordre à Esterâbad et parmi les tribus des 
Yomoutet des Gouklan. 

Ces faits alimentaient les conversations, lorsqu'arriva la fête 
de la rupture du jeûne. On apprit aussi le retour du Khan qui 
revenait de MervChahidjan. La population, selon la coutume 
usitée, fit éclater sa joie de la prochaine venue du prince en 
battant du tambour et en sonnant de la trompette sur les 
terrasses des bazars. 

A l'occasion des fêtes qui ont lieu après le mois de Ramazan, 
les esclaves persans et autres qui sont disséminés dans les 
villages et dans les cantons du Kharezm où ils exercent le mé- 
tier de valets, de charretiers et de laboureurs, jouissent de trois 
jours de liberté. Ils se rendent de toutes parts à Khiva où ils 
passent leur temps à se promener et à se divertir. Ils rencon- 
trent leurs compatriotes, leurs compagnons d'infortune; ils 
se parlent de leur condition ; ils se racontent la manière dont 
ils ont été réduits en captivité et ils se plaignent les uns aux 
autres des rigueurs de l'exil et de la misère à laquelle ils sont 
réduits. 

Mes domestiques qui s'étaient rendus à la ville et au bazar 
vinrent me rapporter que les esclaves persans affluaient de 
tous côtés à Khiva et, qu'au coin des rues et des bazars, ils se 
lamentaient entre eux sur leur triste sort ; que les Khiviens, en 
les voyant, les accablaient d'injures et de moqueries. Je m'atten- 
dris sur leur situation et le feu du regret s'alluma dans mon 



les melons y sont excellents. Lorsque Mohammed Khan Chelbany envahit le Khoras- 
san, le nombre des maisons portées sur les registres publics s'élevait à cent soixante mille. 
A rapproche de Chah Ismayl qui s'avançait pour l'attaquer, Cheibany Khan transporta 
la population de Serakhs dans la Transoxiane. Serakhs tomba en décadence et fut 
relevée par Chah Thahmas. Parmi les tombeaux de personnages célèbres que l'on visite 
dans cette ville, on cite ceux deSaad oud Din Teftazany, celui du Cheikh Aboul Fazhi 
Hassan et celui de Chems oui Aymmèh l'un des principaux docteurs de la secte Hanéfite. 
Djihan Numa, Constantinople, pages 317-318. 



86 RELATION 

cœur. « Amenez-les à mon logis, m'écriai-je, dressez des ta- 
bles, et, dans ces jours de fête, donnez-leur toutes les marques 
d'affection et de sympathie ! » Les esclaves s'empressèrent d'ac- 
courir à ma demeure et mes gens leur servirent à manger matin 
et soir. Je les fis paraître devant moi ; je m'enquis de leurs noms, 
je leur demandai des renseignements. J'appris que ces captifs 
avaient été amenés à Khiva à différentes époques, qu'il y en avait 
parmi eux qui s'y trouvaient depuis cinquante ans, d'autres de- 
puis trois ans; qu'ils étaient maltraités et obligés de servir 
comme domestiques ou de se livrer aux travaux les plus pé- 
nibles. On' a vu des parents, des frères, des cousins demeurer 
séparés pendant de longues années sans avoir la moindre nou- 
velle les uns des autres. 

Bref, un certain nombre de ces esclaves se présenta chez 
moi; je les interrogeai, je m'informai de leur situation. On les 
faisait ensuite asseoir à part, et on leur servait du thé. Ils vin- 
rent ainsi successivement à mon logis et je leur demandai à 
tous le récit de leurs aventures. 

Tout à coup, j'entendis de grandes clameurs, puis des pleurs 
et des gémissements. C'étaient deux esclaves qui, après avoir 
poussé un grand cri, étaient tombés évanouis, puis s'étaient 
mis à pleurer. Informations prises, je sus que c'étaient deux 
cousins restés sans nouvelles l'un de Tautre jusqu'au moment 
où ils s'étaient retrouvés tous deux en captivité à Khiva par 
un effet de leur mauvaise fortune. Ils s'étaient reconnus après 
une .si longue séparation. 

Cette scène me jeta dans un trouble extrême et je m'écriai 
hors de moi « S. M. Nacir Eddin Chah ignore tous ces faits! 
Elle ne sait point qu'un nombre aussi considérable des sujets et 
des serviteurs de son père et de ses augustes aïeux gémissent ici 
dans la servitude. Elle a daigné n\e confier la mission de récla- 
mer et de délivrer les serviteurs de sa couronne. Je consacre- 
rai à cette tâche tous mes soins et tous mes efforts. » 

« Après l'arrivée du Khan de Khiva, leur dis-je, je demande- 
rai votre mise en liberté et je vous ramènerai avec moi, i 



DE l'ambassade AU KHAREZM 87 

Je comblai de joie le cœur des esclaves qui appartenaient aux 
tribus des Beyat ', de Zerend ^ et des Efchar ^, ainsi que de 
ceux qui étaient originaires de Ferahan "^^ de Tlraq, qui étaient 
Qaragueuzlou ^ et de Tebriz et de tous ceux qui avaient appar- 
tenu à l'armée régulière. Je fis luire à leurs yeux l'espoir d'une 
prochaine délivrance, et je pris note de leurs noms et de leur 
signalement. 

Je me dirigeais un jour, après la fête de la rupture du jeûne, 
vers le jardin d'Allah Qouly Khan. Ce jardin a reçu le nom 
de Rahi Pey Nik que l'on prononce par contraction Refnik. La 
maison de plaisance qui s'y trouve est considérée comme une 
des constructions les plus remarquables du pays. Je fus accom- 
pagné, pendant que j'étais à cheval, par une troupe d'esclaves 
persans, nègres et blancs, valets et laboureurs, qui me pour- 
suivirent de leurs supplications. Je leur prodiguai à tous des 
paroles d'espérance. J'arrivai à la ville et je traversai, suivi de 
cette foule, les rues, les marchés et le bazar. Cette circons- 
tance provoqua dans la population, de l'émoi et de l'agitation. 
Peu s'en fallut que les esclaves et les valets ne se révoltassent 
contre leurs maîtres et n'attaquassent leurs maisons. 

Un certain Molla Moukhtar, natif de Hérât, avait été placé 
auprès de moi par le Khan et le Mehter en qualité de mih- 
mandar et pour se tenir à ma disposition ; mais il épiait secrè- 
tement toutes mes actions, et il adressait des rapports au chef 
du gouvernement. Il saisit l'occasion qui se présentait et il 
rendit compte au Mehter^ de ce qui s'était passé en surchar- 



1. La tribu turque des Beyat qui se divise en Qara Beyat et Aq Beyat, est établie 
dans rAzerbaldjan, dans les environs de Téhéran, à Nichapour et dans le Fars. Elle 
compte dix-neuf mille hommes en état de porter les armes. 

2. Zerend est le nom d'un canton et d'une petite ville du district de Savèh. 

3. La tribu des Efchar comprend deux grandes fractions : les Qassimlou et les Erech- 
lou. On la rencontre dans TAzerbaïdjan, dans le Khamsèh, à Cazbin, Hamadan, Rey, 
dans le Khouzistan, le Kerman, le Khorassan, le Fars et le Mazanderan. Elle compte 
près de quatre-vingt-dix mille hommes. 

4. Ferahan est un canton considérable de la province de Hamadan. 

5. Les Qaragueuzlou habitent particulièrement les environs de Hamadan. Ils sont au 
nombre de douze mille. 



88 RELATION 

géant son récit de toutes sortes d'amplifications et de détails 
exagérés. 11 lui fit savoir qu'il fallait craindre que les Doqmèh 
Persans (c'est par ce nom que Ton désigne les esclaves achetés 
à prix d'argent), ne se révoltassent et n'attaquassent les habi- 
tants de Khiva. Le Khan de Khiva avait déjà reçu la nouvelle 
des mouvements des troupes persanes, il se détermina donc à 
revenir de Merv. Il tint conseil la nuit avec son vézir, leMehter 
Aga Yaqoub, et avec le fils du Mehter Youssouf, qui avait été 
précédemment son ministre. 

Le Mehter Aga proposa de partir de Merv et de marcher 
contre les troupes des Qizil Bach et des Qadjar, de leur livrer 
bataille et de les chasser de devant Serakhs. « En effet, ajouta- 
t-il, Serakhs qui, aujourd'hui, ne reconnaît pas notre autorité 
se soumettra à nous en reconnaissance de la protection que 
nous lui aurons accordée. » 

Bek Djan Mahrem, dont l'influence secrète était plus consi- 
dérable et plus intime que celle du vézir Mehter, prit la pa- 
role. « Les assertions du Mehter, dit-il, sont vides de sens, 
et la voie qu'il parcourt est celle de l'ignorance. Les troupes 
qui se trouvent dans le Khorassan sont reposées; celles du 
Kharezm ont passé deux mois à faire le siège de Merv, privées 
d'eau et de pain et excédées de fatigue. Les vivres leur font 
défaut; les chevaux et les chameaux sont épuisés. Les soldats 
ne pourront soutenir la guerre contre les Qadjar et les infidèles 
Qizil Bach. Si on les conduit au combat, ils seront mis en dé- 
route et ils se débanderont pour rentrer dans leurs foyers. Il 
vaut donc mieux employer d'autres moyens. »> 

On écrivit, en conséquence, une lettre conçue en termes 
pleins de douceur et d'amitié, et on l'expédia au Nevvab Hus- 
sam ous Salthanèh. 

Djafer Aga de Kélat qui affectait les dehors d'un dévouement 
absolu au gouvernement persan , mais qui était secrètement à 
la dévotion du Khan de Khiva, imagina un stratagème. Se cou- 
vrant des apparences de la sincérité, il écrivit au Nevvab Hus- 
sam ous Salthanèh une lettre dont voici le sens. « Le Khan de 



DE l'ambassade AU KHAREZM 89 

Khiva est prêt à tenter une expédition à la tête de soixante 
mille cavaliers. Je crains qu'il ne veuille fondre sur Kélat et 
s'emparer de cette place dont la possession est en litige. Soyez 
avertis; venez à mon secours et tenez-vous sur vos gardes 
contre les tentatives du Khan qui dispose d une nombreuse 
artillerie et de troupes innombrables. Il est préparé à la 
lutte. » 

Cette lettre remplie de faits mensongers fut remise aux fonc- 
tionnaires persans; ils cherchèrent un prétexte pour- reculer et 
ils rendirent ainsi un service signalé aux habitants de Serakhs 
et au Khan de Khiva, en déployant Tétendard de la retraite. 
Djafer Aga fit savoir, d'autre part, au Khan de Khiva que les 
troupes placées sous les ordres du Nevvab Hussam ous Sal- 
thanèh ne s'élevaient pas à plus de cinq ou six mille hommes, 
et que, si les cavaliers Tekèh ', Serakhsy, Djemchidy*, Sa- 
lour ^ et Sarouq * fondaient sur elles, ils en viendraient aisé- 
ment à bout. Le Khan fit prévenir toutes ces tribus en leur 
envoyant des lettres dont la teneur était ainsi conçue : « Les 
infidèles Qizil Bach ont attaqué les musulmans ; il faut non 

1 . Les Turkomans Tekèh sont établis dans les environs de Serakhs et de Merv, sur 
les bords du Mourgâb. On les trouve aussi sur les bords de la mer Caspienne et dans la 
province d*Esterâbad, dans les environs d*Akhal, à Test de Ichqâbad et à l'ouest de 
Qizil Rebath. 

Les chevaux des Tekèh de Merv jouissent de la plus grande réputation dans la 
Transoxiane et en Perse. 

2. Les Djemchidy sont des nomades établis sur les frontières du Khorassan. Ils sont 
de race persane et prétendent faire remonter leur origine jusqu'à Djemchid. 

3. Les Salour ou Salar forment une tribu de Turkomans habitant la partie occidentale 
du Khorassan ; leur Hekim-Khan ou chef réside à Serakhs^ ils sont considérés comme 
les plus nobles d'entre les Turkomans et ils peuvent fournir deux fois plus de cavaliers 
que les autres tribus. Le Khan de Khiva fit contre eux, en i832. une expédition à la 
suite de laquelle il établit des postes de douanes sur les routes qui traversent leur ter- 
ritoire. « 

Les Salour ne construisent point de mosquées, ils n'ont comme sanctuaire que le 
tombeau d'un saint à Serakhs. Ils y conduisent les chameaux malades pour en obtenir 
la guérison. Ils font leur prière dans la tente, comme au désert, sans ablution et sans 
étendre de tapis. — A. Burnes. Travels into Bokhara, etc. Vol. II, pages 3o-53. — 
Rilter, Allgem. Géographie, VIII, 279. 

4. Les Sarouq sont une tribu de Turkomans établis à Mery et dans ses environs. Ils 
sont au nombre d'environ vingt mille. — Burnes, Travels, etc., pages 252, 235, 



QO RELATION 

seulement les repousser, mais entreprendre contre eux la guerre 
sainte. » 

Puis, avec le concours des habitants de Serakhs, il confia 
l'élite de ses troupes composée de Yomout et de Djemchidy à 
Mir Ahmed Khan Djemchidy et à ses frères auxquels il adjoi- 
gnit quelques-uns de ses officiers ; il leur ordonna de fondre 
sur larrière-garde des Persans, tandis que lui-même s'enfuyait 
et se dirigeait sur Khiva. 

Un des Khans du Khorassan fit de son côté parvenir aux 
Tekèh, aux Sarouq et aux autres tribus les informations les 
plus rassurantes, c'est-à-dire que toutes les troupes qui se 
trouvaient dans le Khorassan , accompagnaient Hussam ous 
Salthanèh ; que son armée n'avait point d'arrière-garde et que 
la province était complètement dégarnie. 

Ces tribus se jetèrent alors avec furie sur les derrières de 
Tarmée persane; elles tuèrent et firent prisonniers un grand 
nombre de soldats. Elles poussèrent leurs courses dans la plus 
grande partie du Khorassan et emmenèrent de nombreux captifs. 
En évacuant AqDerbend S les troupes deHussam ous Salthanèh 
tuèrent un grand nombre de ces Turkomans et s'emparèrent 
des prisonniers qu'ils avaient faits. La nouvelle en parvint à 
Khiva, mais on jugea utile de ne pas la divulguer; on y amena, 
à plusieurs reprises, les soldats faits prisonniers à Serakhs et à 
Thijen. On en fit grande parade, et on les faisait promener 
dans les rues et les marchés. On répandit partout la nouvelle 
de la défaite des troupes des Qizil Bach. Ces événements ren- 
dirent ma position pénible et mon prestige en souffrit; mon 
cœur en fut profondément attristé, et j'éprouvai un ennui et 
des angoisses mortels. Je réglai mes paroles et mes actions 

I, Aq Derbend, poste frontière sur la route de Serakhs à Mechhed. Il se compose de 
onze tours bâties sur la crête d'une chaîne de montagnes à rentrée du défilé qui conduit 
en Perse. 

La vallée d'Aq Derbend est fertile et bien arrosée. La population, autrefois nombreuse, 
a été ruinée et dispersée à la snite des incursions des Khiviens. — (Burnes, Travels^ 
tome II, pages 63 et suivantes. — Ritter, Allgemeine Géographie, tome VIII, pages 280- 
281.) 



DE l'ambassade AU KHAREZM QI 

sur les circonstances. J'entretenais tous ceux que je voyais de 
la grandeur, de la splendeur et de la puissance du gouverne- 
ment persan sans en rien rabattre , ni sans en rien amoindrir, 
jusqu'à ce que Ton apprit l'arrivée prochaine du Khan de Khiva. 
Il fit son entrée le lo du mois de chevval (i^^^ août). J'en fus 
informé, mais je m'abstins de me porter à sa rencontre, pré- 
textant le mauvais état de ma santé et les ennuis que j'éprpu- 
vais. J'envoyai quelques-uns de mes gens pour se rendre un 
compte exact du train, de l'artillerie et des troupes du Khan. 
Le Khan fit son entrée ayant une aigrette sur son bonnet ; son 
cheval eo avait aussi une sur la tête. Il était vêtu d'une robe de 
couleur rose. Je fus exactement informé de ce qu'il avait de 
troupes, de la manière dont elles étaient armées, et de ce qu'il 
possédait de fusils et de canons. Je me dis : Hélas! 

Vers. — « 11 fait bon entendre le bruit du tambour de loin. > 

J'appris que Mirza Aly Naqy, médecin du régiment Efchar, 
accompagnait le Khan dans cette expédition. Je feignis d'être 
malade pour pouvoir connaître les détails de l'expédition de 
Mervet de Serakhs. Comme il était le seul médecin de la ville, 
le Khan lui accorda la permission spéciale de venir me voir. Je 
pris auprès de lui toutes les informations désirables et je con- 
nus les faits beaucoup mieux qu'auparavant. 



Mon enlreviie et mes entretiens avec Mohammed Emin Khan U\bek, 

Le Khan de Khiva avait été instruit de mon désir de réclamer 
les prisonniers persans. Il rappela à Khiva Ata Niaz Mahrem, 
son envoyé à la cour de Téhéran, qui était alors employé au re- 
couvrement des impôts à Kohnèh Ourguendj. Il le mit en 



g2 RELATION 

tiers entre lui et moi et prit toutes sortes de renseignements. 
Au bout de quelques jours, il m'envoya chercher. 11 avait réuni 
pour une audience solennelle les ulémas et les émirs. On avait 
déployé un grand appareil de luxe. 

Le mauvais état de ma santé ne me permettant pas de sup- 
porter la fatigue d'une audience solennelle , je m'excusai en 
faisant savoir que j'étais souffrant et que mon indisposition ne 
me permettrait pas de me rendre à l'invitation qui m'était 
adressée. Je dis que j'avais pris médecine et que non-seulement 
je ne pourrais pas paraître à Taudience^ mais que je n'aurais 
pas la force de m'y rendre. 

On envoya de nouveau un autre personnage qui me dit : 
« Khan Hazret, c'est-à-dire le Kharezm Chah vous attend et tous 
les dignitaires de TÉtat ont les yeux fixés sur le chemin.» — Je 
répondis : « Je n'ai pas la force de me rendre auprès de lui. S'il 
avait été indispensable que j'allasse aujourd'hui à l'audience, il 
aurait fallu me prévenir dès hier afin que je me fusse abstenu 
de prendre médecine aujourd'hui ; maintenant, cela m'est dif- 
ficile et je suis au moment où le remède doit agir. » 

Enfin l'audience fut rompue. On imputa l'excuse que j'avais 
alléguée à la fierté, à l'orgueil et à la présomption. Tout le 
monde s'étonna de mon audace et de mon impolitesse, car à 
Khiva les ordres du Khan sont considérés comme une révéla- 
tion divine et personne n'aurait l'audace de s'y soustraire. 
Enfin, il fut convenu qu'aussitôt que je serais rétabli, je ferais 
connaître le désir d'avoir mon audience et que je m'y rendrais. 

Au bout de quelques jours, je fis prévenir le Khan qui se 
trouvait au jardin d'Engouri Nik (du bon raisin), appelé par 
corruption Enguerik. Je pris avec moi Ata Niaz Mahrem ; je 
saluai le Khan qui me rendit mon salut et m'adressa diverses 
questions en turk. Il fit approcher un interprète, car il feignit de 
ne pas comprendre le persan et moi je refusai de parler turk. Il 
me demanda, tout d'abord, comment j'avais passé mon temps 
ces derniers jours. Je lui répondis que j'avais été indisposé 
et pris par la fièvre et que je n'avais pas de médecin capa- 



DE l'ambassade AU KHAREZM g3 

ble de me soigner. J ajoutai que les sages défendaient de ré- 
sider dans une ville où ne se trouvait pas de médecin. 

c Comment j me dit-il, avez- vous recouvré la santé? » 
— « Grâces aux mesures que j'ai prises et qui, répondis-je, 
ont concordé avec les arrêts du destin. » — En Perse et à 
Téhéran, reprit-il, y a-t-il beaucoup de médecins? — Oui, 
répondis-je; dans chaque rue et dans chaque quartier, il y a 
des bureaux et des dispensaires où se tiennent des médecins 
et où les étrangers et les indigènes ont recours à leurs consul- 
tations. Les mesures ordonnées par ces médecins préviennent 
et éloignent toutes les maladies. La plupart d'entre eux re- 
çoivent des pensions et des appointements du roi. Un méde- 
cin est attaché à, chaque régiment, soit en temps de guerre, 
soit en temps de paix. En outre, quelques-uns sont chargés 
par le gouvernement de vacciner les enfants et de tenij* un 
registre de leurs noms. Us les préservent à jamais de la petite 
vérole et de la cécité qui en est la conséquence. » Le Khan 
fut émerveillé de ces paroles et ces mesures lui causèrent le 
plus profond étonnement. J'ajoutai : « Le nombre des troupes 
du Roi s'élève à cent mille hommes, et chaque régiment pos- 
sède un médecin. Mirza Aly Naqy était l'un d'eux et il faisait 
partie du régiment Efchar; aujourd'hui, il est sans emploi à 
Khiva. » 

Il me demanda des détails sur les régiments et je lui répon- 
dis d'une manière qui le plongea dans la stupéfaction. 

« Nous ne sommes pas sans renseignements sur le gouver- 
nement persan et sur les rois Qadjar et Qizil Bach , me ré- 
pondit-il, nous avons eu des relations avec eux à l'époque de 
Feth Aly Chah et de Mohammed Chah. » — « Sous le règne de 
Feth Aly Chah, repris-je, la plus grande partie de Tarmée se 
composait de cavalerie ; il n'y avait, en fait de troupes réguliè- 
res, que douze mille hommes de Tlraq pour la garde des 
places et vingt-quatre mille fusiliers du Mazanderan. Mais ils 
n'étaient point disciplinés; aussi l'infanterie persane, quand 
elle fut aux prises avec les soldats russes, fut tantôt vaincue 



94 RELATION 

tantôt victorieuse. L'attention se porta donc sur l'organisa- 
tion de l'armée et de rartillerie et sur leur approvisionnement. 
Sous le règne de Mohammed Chah, il y avait vingt pièces de 
siège et soixante régiments de soldats réguliers peu discipli- 
nés. Aujourd'hui, en exécution des ordres de Nacir Eddin 
Chah, 1 armée compte cent vingt mille hommes de troupes ré- 
gulières et douze cents pièces de canon attelées, approvision- 
nées de poudre, de gargousses et de boulets et de tout ce qui est 
nécessaire en fait de projectiles. En outre, dans les provinces et 
à la disposition des gouverneurs, il y a cent mille cavaliers 
réguliers qui touchent une solde et des rations. Ils sont pré- 
posés à la garde des frontières et ils attendent les ordres du 
Roi qui sont aussi inflexibles que ceux du destin. S. M. donne 
ses ordres pour ce qui concerne l'armée aux généraux, à TAd- 
joudan Bachy de ses troupes aussi impétueuses que les flots 
de la mer ; celui-ci a un état-major composé d'Émir Zadèh et de 
colonels, à la capacité desquels est confiée Tadministration des 
affaires militaires. Quand S. M. donne un ordre à FAdjoudan 
Bachy, ses aides-de-camp le transmettent aux colonels, aux 
généraux de brigade, et aussitôt, selon les règles d'une année 
régulière, avec le plus grand ordre, l'artillerie et les régiments 
se mettent en mouvement. Le sol tremble, les montagnes sont 
ébranlées ; oui, ce spéciale peut donner une idée du jugement 
dernier! Votre ambassadeur, Ata Niaz Mahrem, qui est allé à 
Téhéran, a été témoin d'une partie de ce que je vous raconte, 
H a vu la place devant la caserne royale où se trouvent quatre 
cents chambres au rez-de-chaussée et quatre cents au premier 
étage ; devant chacune de ces chambres où sont logés des sol- 
dats d'infanterie, sont placés deux canons avec leurs caissons 
remplis de boulets, de poudre et de gargousses. Si vous n'ajou- 
tez pas foi à ce que je vous dis, voici votre ambassadeur ; il 
est devant vous : demandez-lui si mon récit est inexact ou 
véridique. En outre, en l'honneur des douze Imams, douze 
mille hommes de troupes régulières tiennent garnison dans la 
capitale pour faire le service de la place ; tous les jours, soir et 



DE L* AMBASSADE AU KHAREZM 9 5 

matin, ils font Texercice. Leur solde est payée tous les mois par 
les officiers de la cour. Au bout d'un temps déterminé, ils sont 
remplacés par d'autres soldats et ceux qui sont libérés retournent 
dans leur pays où ils sont employés à différents services dé- 
terminés. A l'extérieur et à l'intérieur de la ville, principalement 
aux portes d'entrée, aux coins des rues et des carrefours, par 
ordre du roi, on a élevé de solides édifices et de beaux péristyles. 

Jour et nuit, des détachements occupent ces corps de garde 
pour veiller au maintien du bon ordre. 

Si parfois deux individus, violant les lois établies et les rè- 
gles de la bienséance, viennent à se disputer, à se quereller 
ou à se battre, on les arrête; on les punit et, après leur avoir 
appliqué le châtiment édicté par la loi, on les relâche. J'expo- 
sai en toute vérité et en toute sincérité quelques-uns des rè- 
glements en vigueur en Perse. Le Khan écouta ces paroles, 
avec une attention , un recueillement marqués. Dans son éton- 
nement, il porta ses deux mains à sa poitrine, s'écriant trois 
fois : Ya Hafyi! (ô Dieu protecteur!) La crainte et la terreur 
le portaient à se mettre sous la garde de Dieu. 



Autres questions du Khan de Kliiva, 

Le Khan, relevant la tête , me demanda quel était Tàge du 
Roi. Je lui répondis : « la naissance heureuse de ce monarque 
fortuné a eu lieu le six du mois de Safer de Tannée 1246 
(28 juillet i83o). S. M. a donc aujourd'hui vingt-deux ans. Les 
astrologues ont prédit qu'elle régnerait pendant quarante ans, 
entourée de gloire et de splendeur. » — « S'il en est ainsi, répartit 
le Khan, le Roi de Perse est tout jeune et sans expérience. » 
— « S. M. le Roi qui est le refuge du monde, répondis-je, est 
jeune et vigoureux comme son heureuse fortune, mais il a la 



96 RELATION 

maturité d'esprit et toute l'expérience d'un vieillard et d'un 
homme accompli. Il n'est point ignorant comme les autres 
souverains. Sa science est innée, et Dieu lui a donné en par- 
tage les plus brillantes qualités de Fintelligence. En outre, il 
est orné de toutes les perfections physiques et morales, et il 
est exempt de toute imperfection apparente ou cachée. Aussi- 
tôt qu'il s'est acquitté des devoirs et des obligations que lui 
impose le pouvoir souverain, sa sollicitude le porte à rem- 
plir les devoirs de la religion et de la dévotion et à se présenter 
devant son Créateur pour s'humilier devant lui et implorer sa 
protection. Tous les soirs, après qu'il a achevé ses prières et 
ses exercices de piété, on allume dans son cabinet des bougies 
supportées par des flambeaux enrichis de pierreries; puisse 
rame de. ses ennemis venir comme des papillons se brûler à 
leur flamme! On place devant lui des volumes d'histoire reli- 
gieuse et de traditions, les vies des prophètes et des chroniques. 
Son regard qui a les propriétés de l'alchimie en pénètre les vé- 
rités et il se livre à de profondes réflexions sur les événements 
qui ont trait à la religion et au gouvernement des Etats. Sa sa- 
gesse et sa perspicacité puisent de nouvelles forces dans les 
exemples qui nous sont légués par le passé. Il s'occupe de géo- 
graphie en consultant les cartes des sept climats. 11 étudie la 
longitude et la latitude des contrées qui sont rapprochées ou 
éloignées de son royaume, des pays Turks et Persans. Il a ac- 
quis dans cette science des connaissances si étendues et si solides, 
qu'il connaît mieux les provinces de l'empire Ottoman, de la 
Russie, de Tlnde , du Touran que les habitants mêmes de ces 
pays. » 

« Ainsi, lorsque S. M. me donna l'ordre d'entreprendre le pé- 
nible voyage de Khiva, elle me dit que, d'Esterâbad à Khiva, 
la route était difficile et qu'il fallait traverser un désert sans 
eau et sans végétation, et elle me fit connaître sur la route les 
quelques stations où l'on trouve des puits d'eau douce et celles 
où on ne trouve qu'une eau saumâtre et non potable. L'événe- 
ment a confirmé les paroles de S. M. » 



a.^h! 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 07 

Mon récit augmenta la surprise du Khan qui s'écria plusieurs 
fois : « Pardon! pardon! ô Dieu gardien! ô Dieu gardien! » Il 
me demanda alors : « Comment est le Roi actuel comparé à 
Feth Aly Chah et à Mohammed Chah , que Dieu leur fasse 
miséricorde? » Je lui répondis : « Pour rendre hommage à la 
vérité, je dois déclarer que, parmi tous les rois et les souverains 
des sept climats ^ il n'y en a aucun qui soit plus noble, plus 
équitable et plus instruit que S. M. le Roi de Perse. » Il réflé- 
chit un instant : « Et comment cela? » me demanda-t-il. — « Je 
suis au courant des dynasties étrangères, répondis-je ; je sais que 
les sultans de Constantinople remontent à Osman bey et qu'ils 
se rattachent aux Turkomans et aux Seldjouqides. Je sais ce 
que sont la France, l'Angleterre, la Russie et les autres Etats. 
Quelques-uns de ces souverains sont, en effet, de noble race, 
mais aucun d'eux n'est assis sur le trône en vertu des droits 
qu'il tient de son père et de sa mère. Le Roi de Perse est sur 
le trône à ce double titre, car la tribu des Qadjar se divise en 
deux branches : les Qavanlou et les Devalou. Dans le prin- 
cipe, la souveraineté fut départie aux Qavanlou et la dignité 
d'émir aux Devalou ^ Les mères des précédents souverains 
Qadjar n'étaient pas de sang royal, tandis que la mère du Roi 
actuel est la petite-fille de S. M. Feth Aly Chah; il réunit donc 
en lui la noblesse du père et celle de sa mère. Il est de la bran- 
che des Qavanlou, Sultan fils de Sultan, Khaqan fils de Kha- 
qan. ^ 

Vers. -- « Ce Roi réunit en lui la noblesse du père et celle de 
la mère ; il est un Khosrau possesseur de la couronne à ce dou- 
ble titre. Quel est le prince de la dynastie des rois de Perse 
qui a eu une pareille noblesse? Ni Key Khosrau, ni Qobad 
ne l'ont point possédée. » 

I. Lorsqu'Aga Mohammed Khan fit épouser à son neveu Feth Aly Chah qui monta 
après lui sur le trône, la fille de Feth Aly Khan Qadjar Devalou, il fut convenu que le 
pouvoir souverain se perpétuerait dans la branche des Qavanlou et que les grandes 
fonctions de la cour et de TÉtat seraient réservées aux Devalou. 



g8 RELATION 

Après que j'eus donné ces détails sur la généalogie et sur la 
noblesse du Roi, le Khan me questionna au sujet du Newab 
ChoudjaousSalthanèh Hassan Aly Mirza. Je lui exposai tout ce 
qui concernait ce personnage ; je satisfis aussi son désir au 
sujet d'Acef oud Daoulèh et de son fils '. Il me demanda aussi 
des détails au sujet de Djafer Qouly Khan, chef kurde de Bou- 
zoundjerd et sur son séjour à la cour de S. M ^ Par ce qui me 
fut dit, je compris que les Khiviens^ les Tekèh et les Yomout 
avaient eu à souffrir de ses expéditions ; que^ dans ses cour- 
ses, il leur avait enlevé beaucoup de prisonniers ; qu'il leur 
causait de vives appréhensions et une grande terreur et qu'ils 
redoutaient son autorité dans les provinces du Khorassan. Il 
fut question de Serakhs. « J'ai envoyé, me dit le Khan^ Ata Niaz 
Mahrem à Téhéran pour témoigner de mon bon vouloir et 
de la sincérité de mes sympathies. Le Roi de Perse vous a 
chargé d'une mission au Kharezm^ et^ dans ces circonstances, 
une marche de Tarmée persane dans la direction de Serakhs 
et d'Esterâbad serait un fait en contradiction avec les senti- 
ments de Tamitié. » — <i L'arrivée de Tarmée à Esterâbad, lui 
répondis-je, n a d'autre but que celui d'assurer le bon ordre 
sur cette frontière et d'arrêter les déprédations des Turkomans. 
Ce mouvement ne menace ni votre pays, ni les tribus qui vous 
sont soumises. Quant à la présence du Newab Hussam ous 
Salthanèh devant Serakhs, cette expédition n'a été entreprise que 
parce qu'il est notoire que Serakhs, de même que Merv, ne 
reconnaît pas votre autorité et que cette ville ne cesse d'ê- 
tre un foyer de troubles. Si on avait su que les habitants de Se- 

1. Allah Yar IvIiaq Devalou qui avait reçu le titre honoriiique d'Acef oud Daoulèh, 
était le rils de Mirza Mohammed Khan, Roukn oud Daoulèh, gouverneur de Téhéran à 
la mort d'Aga Mohammed Khan. Feth Aly Chah pour reconnaître ses services lui con- 
fia les fonctions de vézir et plus tard celles de grand chambellan. 

Accf oud Daoulèh épousa une fille de ce prince, et sa sœur fut une des femmes légitimes 
d'Abbas Mirza. Acef oud Daoulèh a composé des poésies sous le nom de Hadjib. 

Son fils Hassan Khan Salar prit une part active au soulèvement du Khorassan au com- 
mencement du règne du roi actuel. — Fihrisout Teivarikh^ tome IX", page 345. 

2. Le chef kurJc de Bouzoundjerd, Djafer Qouly Khan était le fils d'Emir Gounèh 
Khan; il fui envoyé comme ôiagc à Téhéran} il mourut gouverneur d'Esté: âbad. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM gg 

rakhs étaient vos sujets, on n'aurait pas marché contre eux. 
En outre, cette expédition n'a point été résolue sur Tor- 
dre des ministres de la cour de Perse. Hussam ous Salthanèh 
ne l'a tentée que sur les instances réitérées des Khans du Kho- 
rassan. La preuve que le Roi est étranger à cette tentative, 
c'est que, lorsque votre envoyé a proposé de retirer vos trou- 
pes, si Hussam ous Salthanèh voulait battre en retraite, celui-ci 
y a consenti. S'il avait reçu des ordres du Roi, il ne se serait 
pas retiré avec autant de facilité. » 

« Hussam ous Salthanèh est le fils d'un prince qui, semblable 
à Darius, a eu les vastes desseins d'Alexandre et le génie guer- 
rier de Djenguiz. Lorsqu'il marcha contre Serakhs, la popu- 
lation du Kharezm passa les nuits dans l'insomnie. Malgré la 
grande distance (qui les sépare du Khorassan) les habitants de 
Gourgandj, de Kât, de Hezaresp ne goûtaient point une heure 
de repos, » 

« Si dans ces conjonctures, on a montré des sentiments de 
conciliation^ c'est à cause de la puissance du souverain de la 
Perse qui a le ciel pour vestibule. Si S. M. le Roi de Perse 
n'avait pour le souverain du Kharezm ni égards, ni déférence, 
ni sympathie, sur un signe d'elle quelques régiments et quel- 
ques batteries d'artillerie se dirigeraient sur Seraks et détrui- 
raient cette ville de fond en comble. Je connais la situation de 
votre pays. 11 est en butte, d'un côté, à l'hostilité de Boukhara, 
de Merv et de Hérât; de l'autre, il est exposé aux attaques de 
Tarmée russe qui vous guette. Les frontières de vos Etats ne 
sont point éloignées d'Esterâbad et elles confinent aussi àDerèh- 
guèz et au Khorassan. Réfléchissez à ce qui vous est le plus 
profitable. Considérez qui peut vous donner appui et protec- 
tion. Si quelques gouvernements étrangers vous montrent de 
la sympathie, ces dispositions sont basées sur leur propre in- 
térêt. Ils vous ont dans la main pour avancer leurs propres 
affaires et agir contre vous, et ils vous prennent comme un bou- 
clier pour se protéger contre les malheurs qui peuvent les attein- 
dre. Ainsi, la nation qui est la plus rapprochée de vous est l'alliée 



100 RELATION 

de l'Emir de Boukhara et votre ennemie. Une autre, qui est en- 
core plus voisine de Boukhara, affecte d'être votre amie; mais, 
en réalité, elle ne désire, pour satisfaire ses intérêts, que susciter 
les musulmans les uns contre les autres. » 

Vers. — j' De quelque côté qu'il y ait des hommes tués (parmi 
les infidèles), l'avantage sera toujours pour l'islamisme.» 

« Vos ministres ne se préoccupent nullement des affaires. 
Leur conduite est si odieuse et si pleine d'hypocrisie, qu'aux 
yeux des musulmans des autres pays, ils ne valent pas un 
grain d'orge. Les sujets du Roi de Perse vont en Turquie, en 
Russie, dans Tlnde et en Europe. Ils y vivent entourés d'é- 
gards et ils reviennent en Perse sains et saufs. Il n'y a que 
sur les confins de vos Etats que les choses se passent autre- 
ment. Vos sujets sont pleins d ardeur pour piller et pour réduire 
en captivité les musulmans, pour les molester et pour les tyran- 
niser. Pourtant^ nous avons le même Qoran, le même Qiblèh , 
le même Prophète et le même Dieu ; et il n'y a ni verset du 
Qoran ni tradition qui autorisent une pareille conduite. » 

c Les ulémas, répondit le Khan, disent qu'injurier les deux 
Cheikhs ' est un blasphème et Ton sait quelle doit être la puni- 
tion des blasphémateurs. Les Persans ont introduit des innova- 
tions; ils injurient et maudissent les plus nobles des compa- 
gnons du Prophète et, d'après la décision juridique des muftis 
de Boukhara et du Kharezm, ils sont hérétiques et infidèles. 
S'emparer des biens et de la personne des infidèles est une 
obligation religieuse. » — Moi qui suis un des serviteurs de la cour 
de Perse, repris-je, je suis ici pour parler en homme politi- 
que ; la controverse regarde les ulémas des différentes sec- 
tes. Il n'y a pour moi aucune utilité à entamer de pareilles 
discussions. Si on avait voulu approfondir vos croyances et les 
discuter, on aurait envoyé ici un mufti ou un qadi. Mais il y a 

I. Les Khalifes x\bou Bekr ei Omar. 



DK LAMBASwSADE AU KHARf-ZM 101 

de longues années que ces disputes sont engagées et que, des 
deux côtés, on a échangé des traités, des thèses, des livres et 
des sermons, sans pouvoir arriver au but que l'on s'était pro- 
posé. Ceci est un fil dont le bout est bien éloigné. >^ 

€ Autrefois, la plus grande partie des habitants de la Perse 
étaient adorateurs du feu ; après la fondation de Tislamisme, ils 
suivirent la doctrine de la tradition. Après les Khalifes, lesOm- 
miades s'emparèrent du pouvoir et ils entrèrent en lutte avec 
Aly, fils d'AbouThalibet ses très-glorieux enfants. L'histoire de 
la lutte de Moavièh fils d'Abou Sofian à Siffin, de la bataille de 
Kerbela, du martyre du cinquième Imam delà famille du Pro- 
phète * et du khalifat de Yezid est plus claire que la lumière du 
soleil. Quand le khalifat fut dévolu à Abdallah es SafFah et à 
la famille d'Abbas, les Ommiades furent poursuivis, persé- 
cutés et massacrés. On alla même jusqu'à ouvrir les tombeaux 
des membres les plus illustres de cette dynastie, et dans quel- 
ques-uns, on ne trouva que des cendres. » 

« Le khalifat resta longtemps aux mains des Abbassides et, 
sous tous leurs règnes, on accabla de mauvais traitements, soit 
ouvertement, soit en secret, les Imams de la bonne direction et 
les Seiyds Fathimites de la famille de Hachim. On sait de plus 
que les Khalifes ont été aussi divisés ; les Abbassides et les Om- 
miades étaient ennemis ; cela n'empêche pas les musulmans qui 
suivent la tradition de les reconnaître pour souverains légitimes 
et de les appeler vicaires de Dieu et du Prophète. » 

« Moavièh et les Ommiades sont les premiers qui aient chargé 
d'injures Aly et l'aient accusé d'hérésie ; pendant soixante-dix 
anSj on a, dans les chaires des mosquées, insulté et maudit son 
nom. Omar fils d'Abdoul Aziz abolit cette coutume. Ensuite, 

I. Le texte porte o la famille du manteau >- (Ali yVba). Le prophète Mohammed appela un 
jour auprès de lui, à Taube, Aly, Faihimch et ses deux fils et, ouvrant le manteau en laine 
noire dont il était couvert, il les pressa sur son sein en récitant le verset : a Obéissez 
à Dieu et à son apôtre, Dieu ne veut qu'éloignei de nous l'abomination de la vanité et 
nous assurer une pureté parfaite. » CQoran, chap. xxxni, verset 33.) Et il ajouta : uO mon 
Dieu! ceux-ci sont les membresde ma famille.» Depuis ce jour, Aly, Faihimèh, Hassan et 
Hussein furent désignés par le nom de Ali Aba. 



102 RELATION 

ainsi qu on le lit dans le livre des « Religions et des sectes phi - 
losophiques ' >» , on vit surgir un grand nombre de sectes : Les 
Kharidjy, les Moutazelèh, les Achary, les Zeydièh, les Is- 
mailièh , les Afthahièh ^ . C'est alors que la grande fraction 

1. Le livre des religions et des sectes philosophiques (Kitab oui MUel ouen Nihal) 
a été composé par l'Imam Aboul Feth Mohammed ibn Abdoul Kerim Chehristany 
(348-1153}. Le texte de cet ouvrage a été publié par M. W. Cureton sous le titre de 
a Book of religions and philo sophical sects. » London, 1842. 

Nouh Efendy (1070-1659), auteur d'une histoire d'Egypte, a donné de cet ouvrage une 
traduction turque qui a été imprimée au Caire, en I263 (1848), i vol. 8«. 

M. Haarbrûcker Ta traduit en allemand. « Religionspartheien und Philosophen- 
schulcn aus dem Arabischen ûberset^t von Th. Haarbrûcker, Halle, i85o-i8di. Je pos- 
sède dans ma biblothèque un exemplaire de l'ouvrage de Chehristany copié au xiii* siè- 
cle qui a appartenu au célèbre grand vézir Mehemmed Raghib Pacha et qui porte des 
notes de sa main. 

2. Les Kharidjy qui se subdivisent en six sectes ne reconnaissent ni Osman ni Aly; ils 
professent la doctrine que les péchés enlèvent la foi et que tout musulman a le droit de 
refuser obéissance à un Imam qui s'écarte des prescriptions consacrées ptv la sounnah 
ou tradition. 

Les Moutazelèh sont les sectateurs de Wassil ibn Atha el Ghazzal disciple de Has- 
san el Basry. Wassil enseignait que le Qoran n'est point incréé ni par conséquent éter- 
nel; que la foi peut subsister malgré les péchés et sans la pratique des bonnes œuvres; 
enfin, qu'il n'y a point en Dieu d'attributs séparés de son essence. Le Khalife Waciq et 
quelques-uns de ses successeurs adoptèrent les idées de Wassil. Les Moutazelèh por- 
tent aussi le nom de Mouaththil^ parce qu'ils dépouillent Dieu de ses attributs. 

Les Achary sont les adhérents d' Aboul Hassan Aly ibn Ismayl el Achary qui s'est 
appliqué à définir les attributs de Dieu dans lesquels il voit des propriétés et des qualités 
distinctes de la divinité, tandis que, pour d'autres théologiens, ces attributs indiquent 
différents états de la divinité. Aly cl Achary insistait, en outre, sur l'importance de la 
révélation et des promesses de Dieu, sur leur caractère immuable et sur leur perfection 
complète. Il voulait que la dignité d'Imam fût élective et que sa collation ne fût pas 
réglée par une loi. 

Les Zcydiyèh suivent la doctrine de Zeyd fils d'Aly, fils de Hussein, fils d'Aly, qui 
enseignait que l'Imamat devait être exclusivement réservé aux descendants de Fathimèh. 
Tout Fathimy, qu'il soit de la souche de Hassan ou de celle de Hussein, peut être Imam. 
Ils admettent, en conséquence, que deux Imams peuvent exister dans deux localités dif- 
férentes. Les Zeydiyèh, pour tout ce qui se rattache à la foi, suivent la doctrine des 
Moutazelèh. 

Les Ismaylièh prétendent que l'Imam qui a succédé à Djafer était Ismayl son fils et 
cette assertion est appuyée sur le témoignage unanime de ses enfants : ils ne sont point 
d'accord sur l'époque de la mort d'Ismayl. Ils se divisent en Moubarekyeh qui disent 
que l'Imamat s'est éteint avec la personne de Mohammed fils d'Ismayl, et enBatkinyèh 
qui-enscignent la continuation de l'Imamat. Ceux-ci sont les plus nombreux. 

Les Afthahyèh affirment que les Imams descendent d'Abdoullah el Afthah fils d'Abou 
Abdallah Djafer, fils de Mohammed es Sadiq, frère d'Ismayl. Mohammed es Sadiq avait 
chargé un de ses compagnons de remettre la dignité d^Imam à celui qui en ferait la de- 



DE l'ambassade AU KHAREZM 1 o3 

des Imamièh voyant que tout était en ruines^ que les mers n'é- 
taient qu'un ihirage, se conforma à ces paroles : « Ma famille est 
semblable à l'arche de Noé; celui qui s'y embarque est sauvé, et 
celui qui s'en éloigne périt dans les flots » , et monta sur le vais- 
seau de l'amour de la famille du Prophète pour échapper au 
déluge. » 

€ L'imputation d'hérésie et les injures existent depuis long- 
temps. Il y eut une recrudescence sous la dynastie des Sèfèvy. 
Nadir Chah y mit un terme et il voulut faire cesser tout dissen- 
timent au sein de l'islamisme. Après lui, les souverains ori- 
ginaires du Lour ne s'occupèrent pas de cette question \ Les 
ignorants et les savants poussèrent les choses jusqu'à l'exa- 
gération. Bien que Feth Aly Chah témoignât beaucoup de 
bienveillance aux ulémas et aux personnages renommés pour 
leur dévotion 3 il défendit et proscrivit toutes ces accusa- 
tions d'hérésie. Mohammed Chah fit à ce sujet les défenses 
les plus sévères. Sous le règne du roi actuel, personne n'a 
l'audace de prononcer des paroles aussi oiseuses. Si quel- 
qu'un osait injurier les Khalifes, on allégerait son cou du poids 
de sa tête. i> — « S'il en est ainsi, dit le Khan, c'est bien. » - 



mande. C'est à ce titre qu'elle fut conférée à Abdallah el Afthah. Il mourut soixante-dix 
jours après son père, sans laisser d'enfants mâles. 

Les Chiites Imamyèh soutiennent qu'après la mort du prophète, l'Imamat devait reve- 
nir à Aly, non point en vertu de certains droits, mais par suite d'une désignation spé- 
ciale de Mohammed. Les Imamièh comptent vingt sectes qui sont divisées au sujet 
de la transmission de l'Imamat après Hassan et Hussein et Aly fils de Hussein. 

1. Les souverains du Lour (Selaihini Elwarièh), L'auteur désigne sous ce nom la dy- 
nastie des Zend dont le chef Kerim Khan gouverna la Perse après la mort de Nadir Chah. 
Kerim Khan, fils d'Ouynaq, était originaire de Perièh .village du district de Melayr. 
Son père était un personnage notable de la tribu des Feïly, frac li on considérable de la 
grande tribu des Zend. 

Kerim Khan, pendant son règne qui dura trente ans et huit mois, ne voulut jamais pren-' 
dre que le titre de Vekil. (Lieutenant, délégué.) Il eut pour successeurs Aboul Feth Khan 
Sadiq Khan, Aly Murad Khan et Djafer Khan. Le dernier prince de cette maison, Louthf 
Aly Khan, fait prisonnier à Nermachir, fut mis à mort à Téhéran par ordre d'Aga Mo- 
hammed Khan Qadjar. 

L'histoire de cette dynastie, qui compte six princes qui ont régné pendant quarante- 
trois ans (iiC5-i2o8 [1751-1794]), a été écrite par Mirza Sadiq Mervy, sous le titre de 
Tewarikhi Zendièh, 



I04 RELATION 

u C'est l'exacte vérité, répondis-jc. — i La cause de notre ini- 
mitié contre les Persans, poursuivit-il, se trouve dans l'imputa- 
tion de l'hérésie et les injures dont ils chargent la mémoire des 
Cheikhs (les deux premiers Khalifes) : mais quel est le motif 
de la haine que nous portent les Qizil Bach? « — ^ De même, 
repris-je , qu'on vous a dit que la plus grande partie des habitants 
de la Perse sont des hérétiques et que ce motif vous a poussés à 
les détester, de même les Persans s'imaginent que vous n'avez 
aucune vénération pour Aly, ni pour ses très-glorieux enfants.» 
— « A Dieu ne plaise, s'écria le Khan, que nous n'ayons point de 
respect pour Aly ! Nous le reconnaissons pour le quatrième et 
le plus savant des Khalifes. Si, dans toutes les affaires du kha- 
lifat, on avait suivi ses conseils et déféré à ses avis, jamais il 
n'y eût eu de dissension. L'histoire du khalifat est racontée 
dans tous ses détails dans le Raouzet ous Sefa '. » 

a Votre serviteur, répartis-je, a grandi et a été élevé dans la 
province de Fars; il en a parcouru les côtes et les ports à plu- 
sieurs reprises. Il y a, dans ces parages, environ trente mille 
individus qui siVivent le rite Chaféite. De même, dans le Laris- 
tan et dans les autres districts du Fars, les sunnites sont nom- 
breux et ils vivent paisibles et tranquilles. J'ai séjourné au milieu 
d'eux; quant à moi, je garde mes convictions et je n'ai aucune 
prévention dans les questions de sectes religieuses. Mais il y a 
en Perse une classe d'individus que l'on nomme Imamièh et 
qui, sur quelques points, sont dans le vrai; ils sortent tou- 
jours victorieux des discussions qu'ils ont avec les docteurs 
sunnites. Entre autres assertions, ils affirment que, pendant 
sa dernière maladie, le Prophète demanda une écritoire et du 
papier pour rédiger ses dernières dispositions et son testament, 
afin que son peuple ne déviât point de la route qu'il lui avait 
tracée. Omar ibn Khattab l'en empêcha ouvertement, et ce fait 
est notoire. »> 



I. Raou:{Cl ous Se/a (le jardin de la purct»^) par Mirkhond. Cetie histoire universelle 
si connue aété publiée dans ces dernières annc:s à Bombay, à Delhy et à Téhéran. 



DE l'aMBASSADK AU KHARKZM 105 

u Ils ajoutent^ en outre, que si Omar avait eu de Taffection 
et du dévouement pour le Prophète, pourquoi donc aurait-il 
abandonné, étendu sur la terre, le corps de cet auguste person- 
nage pour courir au banc des Béni Sa'idèh ' afin de forcer les 
Musulmans à le proclamer Khalife? De plus, disent-ils, si le 
khalifat avait dû être accordé en vertu d'une recommandation 
spéciale, le Prophète avait près de la mare de Khoumm ^ dé- 
signé Aly pour cette dignité. Pourquoi cette résolution n a-t-elle 
point été confirmée ? » 

« Si la dignité de Khalife avait dû être accordée par le suffrage 
de tous, pourquoi Abou Bekr n'a-t-il pas permis qu'il en fût 
ainsi et pourquoi désigna-t-il Omar et ordonna-t-il qu'il fût son 
successeur? Si, au contraire, la recommandation est la seule dis- 
position qui soit valable, pourquoi Omar s'en est-il remis à l'as- 
semblée des Musulmans pour le choix de celui qui devait lui suc- 
céder? Il n'a donc reconnu comme légales ni les recommanda- 
tions testamentaires ni les décisions dune assemblée. Nous avons 
en Perse un proverbe fort connu qui dit qu'une terrasse ne peut 
avoir deux températures. Si Ton s'en réfère à ce que je viens 
d'exposer, une seule terrasse peut en avoir plusieurs. Ces Ima- 
mièh reconnaissent que l'amour que l'on porte au Prophète et à 
sa famille est une cause de salut; ils reconnaissent les douze 
Imams et leur conduite est réglée sur les versets du Qoran et sur 
les traditions. Cette secte a pour adhérents un grand nombre de 
gens pieux, de vrais serviteurs de Dieu, de savants et de doc- 
teurs.» Le Khan du Kharezm, après avoir entendu ce discours. 



i.Le Saqifèh des Béni SaMdèh à Midine était un long banc protégé par un auvent con- 
tre les rayons du soleil. Les Béni SaMdèh étaient une fraction des Ançars qui descen- 
daient de Sa'idèh fils de Ka'ab, fils de Khazradj et fils d*Amr. C'est au Saqifèh dts 
Béni Sa*idèh que les Musulmans prêtèrent serment au Khalife Abou Bekr. Yaqout : 
Moudjem oui bouldan, édition de M. Wûstenfeld, tome III. page 104. Siret our res^ 
soûl d'Ibn Hicham. Gœttingen, iSSg, 2« partie, page 101 3. 

2. Ghadir Khoumm (la mare de la cage) est située entre la Mekke et Médine à trois 
milles de Djouhfah. C'est dans celte localité que le Prophète fît monter Aly sur le bât 
d'un chameau et le présenta au peuple comme son successeur immédiat. Les Chiites cé- 
lèbrent cet événement le 18 du mois de Zoul hidjèb. — (Yaqout, tome H, page 471.) 



I06 RELATION 

réfléchit pendant quelques intants et s'écria : « Cette secte a pour 
Aly un singulier respect ! » Je repris : « Il y a en Perse une autre 
secte qui, professant sur la dignité d'Aly des opinions exagé- 
rées, le met au-dessus des trois Khalifes : c'est celle des Mou- 
fazhzhilèh. Il y en a aussi une autre qui le place sur le 
même rang que le Prophète de Dieu et qui ne voit entre eux que 
la différence qui existe entre la qualité de Prophète et celle de 
Vely. . 

« Voici, s'écria le Khan, une étrange croyance! > 
« Une autre secte, ajoutai-je, reconnaît Aly comme Dieu et 
lui donne le nom de « créateur de toutes choses » '. A ces mots, le 
Khan de Khiva ne put cacher sa stupéfaction : » Que Dieu nous 
préserve, s'écria-t-il, d'une croyance aussi fausse ! Les gens qui 
la suivent sont des infidèles : pourquoi le Roi n'ordonne- 
t-il point de les massacrer tous. « — « Cette croyance, répon- 
dis-je, est tenue secrète; en apparence, ceux qui la suivent ne se 
distinguent en rien des autres Musulmans. En outre, cette secte 
a des ramifications dans le monde entier: elle est fort nombreuse 
en Perse où elle compte plus de cent mille familles. Le plus 
grand nombre de ceux qui y adhèrent remplissent des fonc- 
tions publiques et sont attachés à la cour. Quelques-uns sont 
cavaliers, vingt ou trente mille sont au service de Tétat, d'au- 
tres servent dans Tinfanterie régulière. » 

« Les gens qui ont adopté cette opinion sont belliqueux et 
iis sont les ennemis irréconciliables des sunnites. Ils jugent 
qu'il est nécessaire de verser le sang de ceux qui reconnaissent 
les quatre amis (les quatre Khalifes). Toutes les fois que S. M. 
le Roi leur ordonnera d'attaquer et de combattre soit les sol- 
dats de la Turquie ou ceux de Boukhara, soit les Turkomans, ils 
marcheront contre les sunnites avec la plus grande ardeur, avec 
la haine et l'animosité les plus violentes, sans qu'il soit besoin de 



I. Les doctrines des Aly Allahy sont expliquées par l'auteur du Dabisian oui Me:{a^ 
hib. Edition de Bombay, 1262, pages 246-248, et tome I, pages 451-460 de la traduction 
de cet ouvrage publiée par M. D. Shea et A. Troyer, Paris, 1843. 



DE lVmbassade au kharezm 107 

leur assigner ni paie ni solde. Ils estiment que mettre à mort des 
sunnites est Faction la plus méritoire et que répandre leur sang 
est chose licite aux yeux de la loi. « Ces paroles bouleversèrent 
l'esprit du Khan : il fut hQrs de lui et^ portant les mains à sa 
poitrine, il s'écria : « Pardon, pardon ! 6 Dieu gardien ! Pour- 
quoi le roi de Perse ne détruit-il pas cette secte en ordonnant 
un massacre général? » — « Tuer cent mille sujets et serviteurs, 
répartis-je, n'est point chose facile : ce serait de plus faire écla- 
ter une révolution en Perse. Du reste, ajoutai-je, toutes les 
croyances y sont représentées. On y rencontre des Juifs, 
des Chrétiens, des Guèbres et des Indiens qui ont dans chaque 
ville leur quartier, leurs maisons , leurs lieux d'adoration et 
leurs temples ; ils agissent selon les préceptes de leur foi et 
paient l'impôt de la capitation. Si donc vous entendez dire qu'il 
y a, dans les états du Roi, quelques hérétiques, ne concluez pas 
de là que tous les Persans le soient. Il y a en Perse quantité 
de gens de toutes croyances et de toutes religions. »> 

Vers. — « On ne peut point ordonner un massacre général: 
on ne peut ainsi mettre fin au monde ! •> 

Le Khan me questionna ensuite sur la secte des Kharidjy. Je 
lui racontai en détails la bataille de Siffin » , je lui parlai des Kha- 
ridjy de Nehrevan, et de leur défaite totale - . Je lui dis qu'un 
état et qu'une nation formés des débris de ces Kharidjy exis- 
taient de nos jours à Masqate, sur la mer d'Oman. Il en fut 
étonné. Je lui développai ensuite l'histoire des Khalifes Ismaï- 
liens d'Egypte, du Maghreb et de leur lutte contre les Abbassi- 



z. Les armées de Moavièh et d*AIy restèrent pendant cent dix jours, en face Tune de 
l'autre à Siffin, située sur la rive occidentale de l'Euphrate, entre Raqqah et Balis. Il y eut 
quatre-vingt-dix engagements pendant lesquels Aly perdit vingt-cinq mille hommes, 
et vingt-cinq compagnons du Prophète qui avaient assisté à la bataille de Bedr, et Moa- 
vièh quarante-cinq mille hommes. La bataille qui devait être décisive et dont Moavièh 
évita la perte par un stratagème, commença le matin du i" Safer de Tan 3j (657). 

2. Aly défit les Kharidjy commandés par Abdallah Ibn Wahib à Nehrewan Tan 38 
de rhégire (658). 



I08 RELATION 

des. Je lui touchai quelques mots des sectaires du Qouhistan ^ 
De pareils événements se sont produits en Perse et s'y produi- 
ront encore. Je mentionnai les Babys et je parlai de leur des- 
truction et de leur anéantissement. Il en rendit grâces au Roi 
et dit au Mchter son vézir : « Cet homme est au courant de tou- 
tes choses et il a une instruction étendue; s'il voulait rester parmi 
nous^ il nous serait fort utile et sa science nous serait d'un bien 
grand secours pour les affaires de la religion et de TEtat.» Il m'in- 
terrogea ensuite sur les routes du Kharezm^ sur les Cheikhs qui y 
sont en vénération^ sur leurs tombeaux, sur les distances qui 
séparent les différentes localités. Je fis réponse à toutes ses 
questions. Je lui récitai quelques morceaux des poésies du 
Cheikh Nedjm oudDinKoubra et de Pehlivan Mahmoud Kha- 
rezmy. Je les mis par écrit et des copies en circulèrent, t Ja- 
mais, continua le Khan, un pareil ambassadeur n'est venu de 
Perse au Kharezm. Nous avons vu ici un nommé Mirza Riza, 
mais il ne savait que se divertir, se livrer au jeu et au plaisir, 
boire et fréquenter les femmes. Il fut pour nous une cause d'em- 
barras. Quant à cet homme, il est très -savant : évidemment 
c'est un saint. Demandez-lui tout ce que vous voudrez, il vous 
répondra, et tout ce qu'il dit est vrai : il ne parcourt point la 
voie du mensonge. »> Se tournant ensuite vers moi, il ajouta : 
« Il est heureux que vous soyez venu; j'avais des doutes sur bien 

I. Les sectaires du Qouhistan sont les impics iMoulhidjqui acceptèrent les doctrines 
de Hassan ibn Aly Houmeiry et de Khand Hassan et s*emparèrent du Qouhistan, de Qaz- 
bin et du château d'Alaraout. Ils reçurent les noms de Feday, de Bathiny et d'Ismaîly. 
Leur dernier chef Roukn oud Din Khour Chah fut mis à mort par Houlagou. 

Les doctrines et Thistoire des Ismally du Qouhistan et de Roudbar ont été exposées 
par M. de Hammer dans son a Histoire de l'ordre des Assassins », traduite par M. 
Helleri, Paris, i833. Le lecteur pourra également consulter rintroduction de V a Ex- 
posé de la religion des Druides », par M. le baron Sylvestre de Sacy, Paris, et les 
tt Fragments relatifs à la doctrine des Ismaélisn, par M, Guyard. Paris, 1874, in-4". 

Je crois devoir, en outre, signaler un opuscule fort curieux qui a pour titre : Traicté 
de Vorigine des anciens Assassins Porte-couteaux : avec quelques exemples de leurs at- 
tentais et homicides es personnes d'aucuns Roy s, Princes et Seigneurs de la Chrestientét 
par M, Denis Lebey de Batilly, conseiller du Roy, M* des requesies de son hostel et Cou- 
ronne de Navarre et commis par Sa Majesté à Vexercice de Vestat de président en la 
ville de Mets, i6o3, in-12, 65 pages. L*auteur a extrait des ouvrages des historiens occi- 
dentaux tous les faits relatifs aux Ismaïliens et à leurs doctrines. 



DE l'ambassade AU KHAREZM lOQ 

des choses et vous les avez dissipés ; vous aussi, de votre côté, 
enlevez toute prévention aux Persans : dites-leur que, comme 
eux^ nous sommes musulmans, que nous suivons la route de la 
tradition et de la communauté des fidèles. Le qalian qui est une 
innovation bien inutile est prohibé dans notre pays. Les châ- 
timents et la peine de mort ne sont appliqués que conformément 
à la loi religieuse sur une décision juridique du grand Qadi. 
Nous professons un respect sincère pour le chef des croyants Aly 
et pour ses très-glorieux enfants. Pourquoi donc les Persans nous 
prêtent-ils de mauvais sentiments à Tégard de cette illustre fa- 
mille? » — c La cause de la haine que vous portent les Persans, 
répondis-je, est dans l'habitude que vous avez de les réduire en 
captivité, eux qui sont musulmans. y> — « Quand sommes-nous 
allés en Perse? répliqua-t-il. Quand avons-nous enlevé des pri- 
sonniers? » — « Si vous ne l'avez point fait vous-même, repris-je, 
vos sujets les Turkomans, Tekèh, Yomout, Salour, Sarouq, 
ceux d'Akhal, de Serakhs et de Merv, se livrent à ces dépréda- 
tions. » 

« Si Merv dépendait de moi, répondit-il , enverrais-je tous 
les ans une expédition contre cette ville ? Voici plusieurs an- 
nées qu'ils ont tué les officiers de mon Mehter et qu'ils se sont 
révoltés. Les Tekèh et les Salour ne reconnaissent pas non plus 
mon autorité : ceux de Serakhs affectent tantôt de m'être sou- 
mis et tantôt ils se soulèvent contre moi. »> — '• Donnez-moi, lui 
répondis-je, une déclaration écrite qui atteste que ces gens ne sont 
point vos sujets et qu'ils se livrent à ces actes condamnables de 
leur propre autorité, afin que nous le sachions et que nous ayons 
raison de ces tribus. Grâces à Dieu, le gouvernement persan est 
en paix avec toutes les puissances. Ses troupes sont pleines d'ar- 
deur et prêtes à combattre; son artillerie est nombreuse; sur un 
signe des ministres de la cour, elles anéantiront ces tribus re- 
belles.» — « Ce sont les fils d'Acef oudDaoulèh et Djafer Qouly 
JCurd qui enlèvent les sujets du roi et qui les vendent aux Tur- 
komans, me répondit le Khan. Qu'ai-je à y voir? » — « Empê- 
chez qu'on ne les vende I » m'écriai-je. 




" Si les Kharezmiens ne les achètent pas, poursuivit le 

les Boukharcs les achèteront. ■ 

a Défendez-le, r(3parlis-je, nous trouverons le moyen d'em- 
pêcher que ceux-ià les achètent. Quand les négociants appor- 
tent des marchandises à Téhéran et qu'elles ne trouvent point 
d'acheteurs, ils s'abstiennent d'en rapporter l'année suivani 
Quel meilleur négoce y a t-il pour les Turkomans que d'en* 
voyer des cavaliers pour épier les nombreux pèlerins qui, tou; 
les ans, vont visiter le tombeau d'Aly fils de Moussa cr Riza 
Ils les enlèvent, les conduisent prisonniers à Khiva où chacun 
d'eux est vendu au prix de cinquante ou de soixante tillas. Les 
Turkomans ne se livrent pas à l'agriculture qui est la source de 
la prospérité d'un état : toutes leurs occupations se bornent à 
exercer le vol et le brigandage. Ils ne vivent tous que de la 
vente des esclaves. Aujourd'hui, un nombre considérable de su- 
jets persans est détenu dans ce pays; si vous avez pour le roi 
de Perse une sympathie et une amitié réelles, renvoyez -les dans 
ses états, et ce sera pour le gouvernement persan une cause de 
satisfaction et de joie. Aucun présent ne sera plus apprécié, 
car les écuries royales sont remplies de chevaux Tekèh qui valent 
chacun de cinq cents à mille toumans. S. M. le roi possède tout 
ce qu'on peut désirer et l'envoi d'aucun cadeau ne lui causera 
plus de plaisir. ■- — ' Les Boukhares, me dit alors le Khan, 
c'est-à-dire les cultivateurs, ont donné leur or pour acheter ces 
esclaves, comment pourrais-je les leur enlever de force'.' ■■ -- 
Il Rachetez-les, répondis-je, et envoyez-les au roi: ne songez, en 
cette circonstance, ni au gain ni à la perte. Il se présentera peut- 
être une circonstance où le roi de Perse enverra dix, vingt ou 
trente mille hommes pour vous secourir. Cette ville de Merv, 
par exemple, pour la soumission de laquelle vous dépensez tant 
d'argent, il est possible, si vous en priez le Roi, que S. M. se 
détermine à en faire la conquête et à vous l'abandonner. Ainsi, 
vous avez désiré que Hussam ous Salthanèh renonçât à l'expé- 
dition de Serakhs et il s'est éloigné de cette ville. C'est la terreur 
qu'inspirent les troupespersanesqui a déterminé Scrakhsû avoir 



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3US J 



DE L AMBASSADE AU KMAREZM I I 1 

recours à vous. » — « Oui, dit le Khan, le Qadjar nous a rendu 
service; il a abandonné ses projets sur Serakhs ; nous aussi, nous 
nous rapprocherons des Qadjar , et de jour en jour nous leur 
témoignerons plus d'amitié ! »> 

Cette nuit même, le Khan tint conseil avec ses dignitaires sur la 
question de la remise des esclaves. Après une longue discussion, 
il fut reconnut qu'il serait inopportun d'accueillir ma demande. 
« Les Qizil Bach, dirent-ils, s'imagineront que nous avons été 
eflfrayés par l'arrivée de leurs troupes à Esterâbad et dans le 
Khorassan. Nous verrons surgir chaque jour de nouveaux or- 
dres et de nouvelles exigences. Maintenant, il faut les amuser 
en gagnant du temps, en nous excusant et, sans prendre de dé- 
cision, trouver un moyen terme qui nous permettra d'attendre 
les circonstances pour agir. »> 

Telle fut la résolution à laquelle on s'arrêta. On envoya qué- 
rir Mohammed Chérif Bay, frère de Bek Djan Mahrem, Divan 
Beguy, homme considéré, et on lui confia la mission de m accom- 
pagner. On me demanda quelle route j'avais l'intention de sui- 
vre pour m'en retourner. « A mon départ de la cour de Perse, 
répondis-je, j'avais sollicité de S. M. le Roi, lautorisation de me 
rendre en pèlerinage au tombeau d'Aly, fils de Moussa er Riza. 
S. M. a daigné me laccorder et elle m'a ordonné de prendre la 
route du Khorassan et de revenir par Thijen " et Derèhguèz. » Au 
bout de quelques jours, on tint encore conseil et on ne jugea 
point à propos de me permettre de revenir par Thijen et Derhè- 
guèz; on craignit qu'en suivant cette route, je ne pusse me ren- 
dre compte de la situation du Khorassan, et de celle des Tekèh 
et des Djemchidy . On me détourna ouvertement de ce projet en 
me disant que les Tekèh et que Serakhs étaient en pleine révolte; 
qu'il pouvait m arriver la même mésaventure qu'à l'ambassadeur 
de Boukhara près le gouvernement ottoman qui, à son retour, 

I Thijen ou Tcdjend est le nom de la vallée qui est traversée par la rivière de ce 
nom. Le Tedjend prend sa source, suivant Burnes, aux environs de Mechhed, et selon 
Fraser, au sud de Serakhs. Use perd aujourd'hui dans les sables; il se jetait autrefois, 
dit-on, dans la mer Caspienne. . 



112 RELATION 



avait été pillé et que ce serait une honte pour le Khan. « Si vous 
voulez suivre cette route, ajouta-t-on, notre envoyé ne vous ac- 
compagnera pas. Il prendra la route d'Esterâbad. Vous êtes juge 
de ce que vous voudrez faire, mais nous n'encourrons aucune 
responsabilité. » Je fus, en définitive^ convaincu qu'on ne me lais- 
serait pas m'en retourner par Thijen et par le Khorassan^ et 
quej si j'insistais^ les Turkomans auraient ordre de s'opposer à 
mon passage. Je fus forcé de consentir à rentrer en Perse par 
Esterâbad. Comme en venant à Khiva, j'avais suivi la route du 
désert jusqu'à Qara Qoulagh, on exprima le désir de me voir 
passer par Kohnèh Ourguendj, pour que mon voyage fût al- 
longé et que je pusse apprécier la nombreuse population, la 
richesse et la prospérité du Kharezm. Les détails de mon re- 
tour trouveront place plus loin. 



Evénements du mois de Chevval. (Juillet- Août.) 

Hussam ous Salthanèh ayant levé le siège de Serakhs et s étant 
déterminé à battre en retraite, le Khan de Khiva envoya à tou- 
tes les tribus, Tekèh, Akhal, Salour et Sarouq des lettres con- 
çues en ces termes : « L'armée des infidèles Qizil Bach s'est jetée 
sur les musulmans pour les piller et pour les dépouiller. Si les 
troupes persanes ne sont point rudement châtiées , leur audace 
croîtra et^ chaque jour, elles entreprendront des expéditions 
semblables. Le parti le plus sage est de nous liguer et de nous 
prêter un mutuel appui pour infliger une sévère leçon aux 
troupes des Qizil Bach, afin que de pareils projets ne soient plus 
mis à exécution. Pour moi, je vous donnerai aide et secours. » 
Les tribus turkomanes s'unirent et fondirent sur l'arrière-garde 
de l'armée persane. Environ huit mille cavaliers s'élancèrent en 
avant pour piller le camp et les districts du Khorassan. Des 



DE l'ambassade AL' KHARRZM Il3 

prisonniers en grand nombre furent, à plusieurs reprises, enle- 
vés et amenés à Khiva. On me cacha ce qui se passait. Un 
jeune homme, encore imberbe, nommé Abbas Qouly, palefre- 
nier au service de Hussam ous Salthanèh, sut profiter d'une 
occasion propice et se jeter dans ma maison. Il me raconta en 
détail ce qui était arrivé à Tarmée persane. 

D après son récit, Suleyman Khan Derèhguèzy avait fait savoir 
aux Tekèh que tout ce qu'il y avait de troupes dans le Khorassan 
accompagnait Hussan ous Salthanèh, et que la province était 
dégarnie. Ceux-ci s'enhardirent; mais, dans leur retraite, les sol- 
dats persans en tuèrent et en firent prisonniers un certain nom- 
bre. Deux ou trois mille cavaliers du Khan de Khiva pris dans 
les tribus des Djemchidy, des Aq Derbendy et des Djamy, agis- 
saient de concert avec les Tekèh. Le désir que je ne fusse point 
informé d^ ces événements était un des motifs qui m'avaient 
fait interdire la route de Thijen, de Derèhguèz et du Khoras- 
san. On ignorait que je connaissais tous les détails de ce qui 
se passait. Je n'avais d'autre conduite à tenir que de patienter, 
et de me montrer calme et impassible. 

Sur ces entrefaites, le Mehter Aga, ministre du Khan, vint me 
voir. Je lui fis part du dessein que j'avais de lui rendre sa visite 
et il m'invita à dîner chez lui. 



Règles observées dans le Khareim pour les repas. 

Le jour fixé, je quittai Guendoum Kan, palais construit par 
Mohammed Rehim Khan hors des murs de Khiva et qui m'a- 
vait été assigné comme résidence. J'entrai dans la ville à cheval, 
entouré de mes domestiques, et je me rendis à la demeure du 
NIehter. 

Une foule considérable se tenait dans le vestibule de sa 

8 



I 14 RELATION 

maison. Elle était composée d'esclaves persans, tous achetés à 
prix d'or par cet ignorant personnage. Quand j'entrai dans son 
appartement, il se leva et me donna le salut ; je le lui rendis. Il 
fit quelques pas pour venir à ma rencontre. Je m'avançai et je 
m'assis, selon Thabitude du pays, à la place d'honneur et, éle- 
vant mes deux mains à la hauteur du visage, je récitai le Fa- 
tihèh. Après que nous fûmes assis^ il me demanda des nou- 
velles de ma santé. Molla Mohammed Nazar, Divan Beguy 
qui savait le persan et avait reçu du Khan de Khiva la somme 
de deux mille toumans, pour traduire en turc le Raouzet ous 
Sefa ', Ata Niaz Mahrem et deux ou trois autres personnes 
étaient également présents. On me questionna sur les affaires 
pendantes, je fis la même réponse qu'au Khan sans rien ajou- 
ter et sans rien retrancher. On servit ensuite le dîner. On éten- 
dit d'abord une nappe sur laquelle était du pain; pour me 
conformer à l'usage, j'en rompis un morceau que je portai à 
ma bouche; on servit ensuite du thé, puis on apporta les plats. 
Les mets des Khiviens se composent de riz que l'on fait bouillir 
dans de Thuile de sésame, et de viande de mouton à demi 
cuite. Le Ferrach Bachy pose les plats et le Pichkhidmet détache 
la viande des os avec un couteau qu'il porte attaché et sus- 
pendu au côté gauche de la ceinture et il la place sur les plats. 
Il met Tos du gigot devant le maître de la maison, ou devant 
l'hôte auquel on veut faire le plus d'honneur; on pose égale- 
ment sur les mets des carottes cuites et crues; on sert aussi 
dans un bol, la tête d'un mouton, ainsi que les pieds à demi 
cuits, et encore garnis de leurs poils et de leurs cornes. La soupe 
se compose de riz cuit sur lequel surnage une couche d'huile 
de sésame de l'épaisseur d'une palme. 

Au milieu de la nappe, on place des abricots secs, des pru- 
nes de Boukhara et d'autres fruits de cette espèce dans leur 



I. Cette traduction turque du Raouzet ous Sefa a été trouvée dans le palais du Khan 
de Khiva et envoyée à Saint-Pétersbourg par M. le général von Kau(raiann,ËIle est dé- 
posée à la Bibliothèque impériale. 



DE l'ambassade au kharezm ii5 

état naturel ; des melons^ des raisins, des figues^ des abri- 
cots et tous les fruits de la saison^ du sucre de Russie en 
pains, du sucre candi blanc raffiné et un bol rempli d'eau de 
rose. Ils accommodent la viande avec des oignons : ce plat est 
délicat et se nomme ichilau. C'est le plus recherché de leurs 
mets. Je mangeai un peu de melon qui est le meilleur fruit du 
pays et du pain avec de la gelée de pommes. 

On desservît ensuite^ et les convives s'essuyèrent les mains à la 
nappe. J'avais fait apporter avec moi une aiguière et un bassin : 
je me lavai les mains et les essuyai avec une serviette. A la]^fin 
du repas^ tous les convives passèrent leurs mains sur leur figure 
et leur barbe, et récitèrent le Fatihèh. J'avais fait apporter tout 
ce qui était nécessaire pour prendre du café ; on en prépara'et on 
en servit une tasse à chacun de nous. Molla Mohammed avala 
le contenu de la sienne d'un seul trait; il eut le palais brûlé, et 
l'amertume du café lui causa une impression désagréable. Ata 
Niaz Mahrem lui expliqua que c'était du café; que Tusage en 
était général en Turquie et en Perse, et qu'on le buvait après 
les repas pour faciliter la digestion. « Quelles qu'en soient les ver- 
tus, s'écria-t-il, je n'en boirai jamais, car il m'a brûlé la langue 
et la bouche. » On m'apporta ensuite unqalian en cristal avec 
un long tuyau flexible ; ce spectacle causa aux assistants le 
plus profond étonnement. 

Je me levai; on donna à mes domestiques qui l'emportèrent 
chez moi, le sucre, l'eau de rose, le sucre candi et les confitu- 
res qui avaient paru au repas. 

Un ou deux jours après, Bek Niaz Mahrem, Divan Beguy, 
collecteur de la dîme que doivent payer les cultivateurs et 
dont le frère cadet Mohammed Chérif Bay parcourait à sa 
place le pays pour faire rentrer les fonds, et Bek Niaz Mahrem, 
auquel on donne aussi les noms de Bek Djan Mahrem et de 
Divan Beguy, vinrent m'inviter au nom du Mehter Aga Vézir. 
Celui-ci doutait de mon acceptation ; cependant , comme son 
frère devait m'accompagner, je me rendis à sa prière. Je 
trouvai chez lui une ou deux autres personnes. Le repas eut 



I ïh RELATION 

lieu de la manière que j'ai indiquée plus haut. 11 me recom- 
manda son frère, puis je pris congé de lui. 

Deux jours après, j'invitai chez moi le Mehter Bek Niaz 
Mahrem, Molla Mohammed Nazar, Divan Beguy, c'est-à-dire, 
secrétaire d*Etat, et Ata Niaz Mahrem qui était allé en Perse. 
Je fis préparer quarante ou cinquante plats différents. Mes in- 
vités arrivèrent tous, et, après m'avoir saluée ils marchèrent 
sur les tapis sans ôter leurs bottes, et ils s'assirent. 

On apporta tout d'abord le café, le thé, l'eau de rose et les 
qalians. On étendit ensuite la nappe sur laquelle on plaça 
toutes sortes de plats, des pilaus, de la farine de riz bouilli dans 
du lait (Fereny)^ des entremets sucrés, des rôtis, des légumes 
cuits dans du bouillon (Boiirany)^ des sirops (Efchout^) et des 
melons. On apporta tant de plats qu'on dut les placer 
les uns sur les autres et il ne resta pas une seule place vide 
sur la nappe. Mes invités ne connaissaient point cette variété 
de mets. Ata Niaz Mahrem qui les avait vus à Téhéran leur 
en expliquait quelques-uns. Mes hôtes firent autant qu'ils pu- 
rent honneur au dîner. Leurs domestiques et les personnes 
qui les avaient accompagnés pour jouir du spectacle mangè- 
rent à satiété, et on distribua ensuite ce qui restait le soir, et 
le lendemain matin, aux esclaves persans qui se trouvaient 
dans le voisinage. Après ce repas, personne n'eut plus envie 
de m'inviter à dîner. Ils furent honteux de ceux qu'ils m'a- 
vaient offerts et ils furent piqués du luxe de mon hospitalité. 
Bien que toutes les choses nécessaires à la vie soient abon- 
dantes et à fort bon compte à Khiva, ce dîner ne laissa pas que 
de me coûter une somme considérable. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM WJ 

Tombeaux qui, dans le Khareim, sont un but de pèlerinage. 

Deux tombeaux, à Khiva, sont l'objet d'une vénération par- 
ticulière. Le premier est celui de Pehlivan Mahmoud Kha- 
rezmy fils de Pour Bay Vely, auquel sa force physique et son 
habileté dans les exercices du corps avaient assigné le premier 
rang parmi les lutteurs. Les Kharezmiens le considèrent comme 
un saint et lui donnent le nom de « Hazreti Pehlivan » . Je racon 
terai son histoire en son lieu. L'autre est le tombeau appelé 
Tchehar Chèhbaz (les quatre faucons) qui renferme les corps de 
saints personnages. On s'y rend en pèlerinage. Ces deux tom- 
beaux sont presque toujours occupés par de pauvres gens de 
Khiva, de Boukhara et de Khoqand et par des étrangers venus 
de tous pays. 

J'y envoyai mon intendant et mon cuisinier, et je fis donner 
copieusement à manger à tous les pauvres, aux ulémas et aux 
étrangers. Le bruit de ce banquet se répandit dans tout Khiva. 
Depuis le jour de mon arrivée jusqu'à celui de mon départ, les 
derviches, les pauvres, les mendiants ne cessèrent de se pré- 
senter chaque jour à ma porte, et tous reçurent des aumônes 
en argent et en nature. J'acquis ainsi, dans ce pays, une grande 
réputation de générosité, et on ne m'appelait que « Eltchy 
Khan » ou « Eltchy Bey »>. Donner le titre de Khan à d'autres 
personnes qu'au souverain constitue à Khiva un manque de 
respect à son égard. 



Vêtement d'honneur donné par le Khan de Khiva. 

Le Karevan Bachy dans le Kharezm a le même rang que le 
Melik outToudjdjar (prévôt des marchands) en Perse, et il 



Il8 RELATION 

prend part, en outre, aux affaires administratives qui se trai- 
tent au conseil. 11 vint, un jour, me trouver avec deux autres 
fonctionnaires, après m'avoir prévenu et m avoir demandé la 
permission de se présenter. Il plaça devant moi un paquet 
enveloppé dans une toilette et une bourse. « Le Khan, me dit- 
il, vous adresse toutes ses excuses pour la modicité de son 
cadeau. Voici pour vos frais de route et voici une robe 
d'honneur qu'il vous envoie. » — « Grâces à Dieu, répondis- 
je, la générosité de S. M. le Roi de Perse (que mon âme et que 
celle de tous les mortels lui soient offertes en sacrifice !) me met 
à même d'avoir une grande quantité de vêtements, et si, par 
hasard, Targent venait à me manquer, il y a ici des négociants 
d'Esterâbad qui m'en fourniraient volontiers et auxquels on le 
rembourserait avec les intérêts. » Il insista pour me faire ac- 
cepter. « Si vous dédaignez de vous revêtir de la robe que vous 
envoie le Khan, me dit-il, il en sera extrêmement peiné. » Il 
ouvrit le paquet qu'il avait apporté et il en tira un qaba en 
satin à ramages et un djubbèh en soie de belle qualité et tissé de 
fils d'or. 

Je ne pus maîtriser un accès de rire. Le Karevan Bachy en 
lut étonné. Sur ses instances, je jetai la robe sur mes épaules; 
aussitôt les Khiviens m'adressèrent leurs félicitations et leurs 
compliments. Je fis apporter des sorbets. Le Karevan Bachy 
ajouta : « Prenez aussi l'argent. » — « Que mes domestiques 
remportent! m'écriai-je. » — « Mais il faut le compter, me 
dit-il.»» — « Quelle que soit la somme, peu m'importe! » 
Mes domestiques enlevèrent la bourse. « Donnez, ajotitai-je, 
une gratification au Karevan Bachy et aux personnes qui l'ont 
accompagné. > On leur distribua environ cinquante toumans. 
Ils partirent pleins de joie et ils allèrent raconter au Khan les dé- 
tails de la visite qu'ils m'avaient faite. La somme en or qui m'é- 
tait envoyée, montait à cinq cents toumans en echrefis (pièces 
d'or) et en riais du pays (monnaie d'argent) appelés tenghas et 
frappés au coin de Mohammed Emin Khan. Cette monnaie 
n'ayant point cours hors du Kharezm, je l'employai à acheter 



DE l'ambassade AU KHAREZM II9 

des chameaux, des chevaux, à acquérir ce qui était nécessaire 
âmes gens, et à me procurer les provisions pour mon voyage. 

J*entamai encore la question des esclaves : on ne me ré- 
pondit que par des faux-fuyants. « Nous avons chargé, me 
fut-il dit, notre envoyé Mohammed Chérif Bay de notre ré- 
ponse : il donnera à ce sujet des explications verbales. Nous 
attendons de nouveaux ordres du Khan. » Ayant ainsi pénétré 
leurs intentions, je rachetai à leurs maîtres un certain nombre 
d'esclaves et je les ramenai avec moi. 

Le Khan me fit savoir que Seiyd Ahmed Naqib de Boukhara 
avait rintention de faire le pèlerinage de la Mekke. Il me fit prier 
de le conduire à Téhéran avec plusieurs autres savants et doc- 
teurs de Kachgar, de Ferganèh, de Khoqand et de Khi va, et de 
les faire partir pour la Mekke. J'y consentis. Le Qary (lecteur 
du Qoran) Omar, frère du Qary Osman, vint me trouver do la 
part du Naqib pour me donner l'assurance de son amitié. Il 
lui transmit, de ma part, une réponse pleine de bienveillance. 



Ahmed Khodja, Naqib de Boukhara, 

Ce personnage est le cousin de TEmir Nasroullah Khan de 
Boukhara. Il appartient à une des familles les plus nobles de ce 
pays et la dignité de Naqib est l'égale de celle de TEmir. Dans 
les réunions officielles^ de l'Emir Nasroullah, le Naqib a la 
préséance sur tous les hauts dignitaires, excepté sur le souve- 
rain. Le Naqib avait un goût particulier pour la chasse, pour 
l'exercice du cheval et surtout pour la chasse avec Tautour et 
le faucon. Tout, dans sa conduite, était conforme aux règles 
suivies par les grands personnages. 

L'Emir de Boukhara est d'un caractère atrabilaire et fan- 
tasque ; sur de simples soupçons et de simples conjectures, il a 



1 20 RELATION 

rhabitudc de mettre à mort et de dépouiller les grands digni- 
taires de sa cour. Il laissa percer sa haine à T^ard de Seiyd 
Ahmed qu'il voulut jeter en prison^ mais celui-ci parvint à 
s'enfuir et il se réfugia dans le Kharezm. L*Eniir de Boukhara 
s'empara de tous ses biens. Après avoir résidé pendant quel- 
que temps auprès du Khan de Khiva, le Naqib forma le projet 
de se rendre à la Mekke. Il se joignit à moi avec ses deux fils 
pour m'accompagner dans mon voyage. 

Sciyd Ahmed est un homme riche qui mène un grand train; 
il est versé dans la connaissance de l'histoire et il est ex- 
cellent musicien. 

Je m*occupaij pendant plusieurs jours^ des préparatifs de 
mon voyage. En quittant la Perse, j'avais dépensé une somme 
considérable pour louer des mulets et des chameaux; il me 
parut plus convenable d'en acheter. Mon départ coïncida avec 
celui du Naqib de Boukhara et avec celui de l'ambassadeur du 
Khan de Khiva et d'un grand nombre d'habitants de Khoqand 
et de Kaboul. Ils voulurent tous acheter des chameaux et le 
prix de ces animaux s'éleva en conséquence ; nous dûmes les 
payer de douze à dix-sept toumans chacun. Le moment de 
partir approchait, les chameaux manquaient ; nous n'en avions 
que douze, ce qui nous força d'en louer dix autres à des con- 
ducteurs ^'omout. Je préparai tout ce qui nous était néces- 
saire en eau et en vivres pour subvenir à la subsistance de 
quinze chevaux , de vingt-deux chameaux , et de vingt-cinq 
hommes de service. 

Je fis une dernière visite au Khan de Khiva et je pris congé 
de lui ù la suite d'un long entretien. Nous sortîmes de Khiva, 
capitale des Khans du Kharezm^ avec le projet de gagner Our- 
guendji Kohnôh, ancienne ville qui fut détruite par l'armée des 
Mogols. Il m'a paru nécessaire de donner ici un aperçu des 
villes, des places fortes, de l'administration et des particula- 
rités du Kharezm ; il ma semblé utile d'insérer en ce lieu un 
résumé de ce que j'ai appris et vu, de façon à instruire ceux 
qui ne connaissent pas ce pays. 



122 RELATION 

dit, en conséquence, Sepidiv pour Sepid dtp (div blanc), sepidar 
pour sepid dar (peuplier blanc), et c'est ainsi que cette contrée 
a reçu le nom de Kharezm {Khar reim). Le Djihoun qui tra- 
verse le Kharezm engagea les hommes à s'établir sur ses bords; 
ils y construisirent des maisons et des édifices et le pays vit 
sa prospérité se développer. 

Le Kharezm fait partie du cinquième climat ; il est placé sous 
rinfluence de la planète de Vénus. Aussi les femmes de ce 
pays sont-elles pleines de charmes et d agréments; elles recher" 
chent le plaisir et elles ont un goût 'particulier pour le chant , 
pour la musique instrumentale et pour la danse. Leurs mœurs 
sont faciles et elles sont portées à la coquetterie. On les voit se 
promener, le visage découvert, dans la campagne et dans les 
rues des villes. Elles ont un penchant prononcé pour les di- 
vertissements et la promenade. Les habitants du Kharezm 
racontent que, du temps du prophète Suleyman (Salomon), 
(que le salut soit sur lui ! ), une Périzad (fille de Péri) ayant 
commis une faute, le prophète ordonna à un Div de la trans- 
porter au loin et de l'abandonner seule dans une plaine in- 
culte et déserte. Le Div la déposa dans le désert du Kharezm. 
Puis, ayant lui-même renoncé à toute idée de retour, il s'y fixa 
et vécut heureux avec la Périzad. Des enfants naquirent de 
leur union. Les garçons eurent en partage le caractère du Div 
et les filles la beauté de la Péri. Ce conte sert à expliquer la 
beauté et la perfection des formes des femmes du Kharezm. 

Le Kharezm qui doit sa prospérité au fleuve du Djihoun 
possède des villes et des places fortes. Sous la domination des 
Kharezm Chah et particulièrement sous le règne du sul- 
tan Mohammed Kharezm Chah qui avait réduit sous sa do- 
mination leTouran et l'Iran, ce royaume était arrivé au plus 
haut degré de la splendeur et de la richesse. On en trouve dans les 
chroniques la description détaillée. Ce pays fut dévasté et ruiné 
par l'invasion des Tatars et des Mogols. Il s'est relevé peu à 
peu et aujourd'hui il est prospère. Il contient de beaux villages 
et des places fortes remarquables qui, au nombre de cinq, sont 



DE L^AMBASSADE AU KHAREZM 123 

chacune la résidence d'un gouverneur particulier; ce sont : 
Khiva, Hezaresp, Ourguend j , Kât et Khankâh. Toutes ces places 
sont d'anciennes villes sous la juridictioa desquelles on a, de 
nos jours, placé d'autres localités. 



Hezaresp. 

Cette ville célèbre fait partie du cinquième climat. Son nom 
en arabe est Hezaresf; c'est une place forte située sur une hau- 
teur et elle est la résidence d'un gouverneur; elle a deux portes 
et le nombre de ses habitants s'élève à près de dix mille. 
Sous le règne de Sultan Mahmoud Ghaznevy, le Kharezm 
Chah Ferighouny se mit en lutte contre lui \ Le Sultan fit 
marcher une armée contre le Kharezm, et s'empara de Hezaresp. 
Aboul Hassan Ferroukhy Sistany ^ a dit dans une pièce de vers 
qu'il composa à la louange de Sultan Mahmoud : 

Vers. - « Le Sultan à Hezaresp a vu tomber en son pouvoir 



1. L*histoire de la dynastie des princes de Ferighoun est assez obscure : Outby dans 
son histoire de . Sultan Mahmoud n'en dit que quelques mots qni jettent peu de clarté 
sur leur origine et sur leur rôle. La famille de Ferighoun gouremait la prorince de 
Djouzdjan qui dépendait de Baikh et qui s'étendait de cette ville jusqu'à Merr er Roud. 
Elle avait pour capitale Youhoudiéh et pour villes principales, Fariab, Enbar et Kelat. 

Le premier prince de cette dynastie est Aboul Harith Mohammed fils de Ferighoun 
qui fut le beau-père de Sulun Mahmoud et qui eut pour successeur son fils Abou Nasr 
Ahmed. A sa mort (401-1010), ses états furent réunis à ceux de Sultan Mahmoud 
Ghaznevy. 

Bedy' ouz Zeihan Hamadany, auteur des Maqamat, Oustad Abou Bekr Kharezmy, et le 
poète Aboul Feth Bosty, étaient les clients de ces princes. 

Cf. Outby, Tarikhi Yeminy, page 3o5 de la traduction persane publiée sous les aus- 
pices de Behmen Mirza par Habib oud Din Mohammed Djertadqany. Téhéran, 1272 
(i855). Commentaire de l'Histoire du Sultan Mahmoud,' p&r Ahmed el Meniny. Caire, 
1286 (1867 , tome II; page loi. 

2. Voir l'appendice § lU. 



124 RELATION 

plus de mille chevaux dont les sangles étaient tout humides du 
sang des guerriers qui les montaient. » 

Sous la domination des Sultans Seldjouqides, les souverains 
du Kharezm qui descendaient de Ouloustekin Ghartchèh, es- 
clave de Melkatekin qui était lui-même un des esclaves de Sul- 
tan Melik Chah Seldjouqide, virent leur pouvoir grandir et s'é- 
tendre ^ Etsiz, fils de Qouthb oud Din Mohammed, fils de 
Anouchtekin, se révolta contre le Sultan Seldjouqide Sindjar. 
Sindjar partit de Merv pour marcher contre le Kharezm. 
Etsiz s'enferma dans la place de Hezaresp. Envery d'Abi- 
verd se trouvait dans le camp du Sultan Sindjar; il com- 
posa ce quatrain à la louange de Sindjar et l'attacha à une 
flèche qui fut lancée dans Hezaresp. 

Quatrain. — « O roi! la possession du monde te revient de 
droit, la fortune et le bonheur t'ont conféré la royauté. Em- 
pare-toi aujourd'hui de Hezaresp après une seule attaque, 
et demain tu seras le maître du Kharezm et de cent mille 
chevaux » (oii de cent villes comme Hezaresp). 

Après avoir entendu la lecture de ces vers, Etsiz ordonna à 
Rechid oud Din Vathvath de Balkh d'y répondre, et on lança 
dans le camp de Sindjar le quatrain suivant : 

« O roi ! c'est un vin pur et non de la lie qui se trouve dans ta 
coupe. Tes ennemis, dans leur désespoir, seront réduits à boire 
leur sang. Si ton ennemi, ô roi, était le héros Rustem il ne 
réussirait pas à enlever un âne de Hezaresp. » 



I. Anouchtekin, le fondateur de cette dynastie était Ibriqdar ou porte-aiguière du sul- 
tan Mclik Chah. Il reçut en fief le gouvernement du Kharezm. A sa mort, le sultan Sind- 
jar donna Tinvcstiture à son fils Qouthb ouddin Mohammed et lui conféra le titre de 
Kharezm Chah. Cette dynastie compte neuf souverains qui régnèrent sur le Kharezm 
depuis 490 jusqu^en 628 (io(;ô*ii3o). 



DE l'ambassade AU KHAREZM 125 

Le Sultan Sindjar fit le serment, s'il s'emparait de la place, 
de faire couper Vathvath en sept morceaux. 

Après la fuite d'Etsiz et la prise de la ville, Vathvath eut la 
vie sauve par l'intercession de Bédy Mounchy. Ce fait est géné- 
ralement connu. 

Une route part de Merv pour aboutir à Hezaresp. On y 
trouve peu d'eau courante, mais on y rencontre des puits 
creusés dans le désert et qui sont connus des habitants du 
pays. Il ne faut pas plus de dix ou de douze journées de 
marche pour se rendre de Hezaresp à Merv. De Hezaresp à 
Rhiva, il y a trois étapes; de Hezaresp au Djihoun, on compte 
quatre fersengs. Les pommes de Hezaresp n'ont point d'égales 
dans le monde entier. Les autres fruits que Ton y récolte sont 
également d'une excellente qualité. 



Khankâh . 

Cette ville est comptée parmi les cinq places fortes du Kha- 
rezm ; elle est située entre Hezaresp et Khiva. Lorsque Nadir 
Chah Efchar partit de Boukhara et conduisit son armée contre 
Ubars Khan qui gouvernait alors le Kharezm, il marcha d'abord 
sur Hezaresp. Ayant reconnu que la place était solidement 
fortifiée et qu'elle était entourée par les eaux de i'Amouyèh, il 
renonça à s'en emparer et la négligea pour marcher sur Khiva. 
Ilbars Khan sortit de Hezaresp et lança contre larmée de Nadir 
les Yomout et les Tekèh. Nadir Chah assista à la bataille qui 
fut livrée, et Ilbars mis en fuite se réfugia à Khankâh. Le len- 
demain, la ville fut attaquée et Ilbars Khan, ainsi que vingt des 
principaux personnages de sa suite, furent faits prisonniers et 
mis à mort. Parti de Khankâh, Nadir Chah se présenta devant 
Khiva. Après une canonnade de quatre jours, la garnison de- 



12() RELATION 



manda à capituler. Douze mille esclaves du Khorassan qui se 
trouvaient dans la place recouvrèrent la liberté. Dix mille Khi- 
viens furent tués. La population du Kharezm et de* Khiva fut 
transportée à quatre fersengs d'Abiverd, dans une ville qui re- 
çut le nom de Khiva Abad. 



Khiva . 

Le nom arabe de Khiva est Khivaq. Anciennement, lors- 
que Gourgandj, qui est plus connue sous le npm d'Qur- 
guendj, était une ville florissante et la capitale des Kharezm 
Chah, Khiva était une des cinq places fortes du Kharezm; 
après la destruction d'Ourguendj, Khiva devint prospère 
et plus peuplée. On dit que la date de sa fondation est fixée 
par la valeur numérique des lettres qui composent son nom. 
11 y a donc six ou sept cents ans que cette ville a été bâ- 
tie ' . Aujourd'hui, il n'y en a pas de plus prospère dans toute la 
province de Khiva; elle est la capitale des Khans Uzbeks. De- 
puis l'époque de Mohammed Rehim Khan jusqu'à nos jours, 
ces princes ont mis tous leurs soins à la rendre florissante. Ils 
y ont élevé des mosquées, des collèges et de vastes édifices. 
Les fortifications qui entourent cette ville sont extrêmement 
solides, mais elles n'ont point de fossé. En effet, la grande 
quantité de canaux dérivés du Djihoun qui sillonnent les envi- 
rons dcL Khiva rendent un fossé inutile. La circonférence de 
la ville est d'à peu près un ferseng. On a bâti un château pour 
le Khan à une des extrémités de la cité qui a cinq portes. 
Après en avoir traversé une grande partie, on arrive à la porte 



t. Les lettres du nom de Khiva forment en les additionnant le nombre 621. L'an- 
née G2t de.rUégire correspond à Tannée 1224 défère chrétienne. 



DE l'ambassade AU KAREZM 1 27 

du château qui forme une ville nouvelle ajoutée à Tancienne. 
On a construit, dans son enceinte, des édifices élevés et on y a 
établi des boutiques et un marché. Une population de dix mille 
âmes, composée en grande partie d'Uzbeks, y est domiciliée. 
Pendant Tété, la température est extrêmement chaude et il est 
difficile de résider dans la ville. Aussi, presque tous les grands 
personnages ont-ils fait bâtir aux environs dans la campagne 
qui est verdoyante, bien arrosée, sillonnée de canaux, boisée 
et plantée en vergers, de grandes maisons de plaisance entou- 
rées de jardins où ils vont s'établir. 

Allah Qouly Khan a fait élever, à une des extrémités de 
Khiva, un palais d'été auquel on donne le nom de Refnik. On y 
voit de hautes constructions, un grand nombre de pavillons 
ayant un rez-de-chaussée surmonté d'un étage avec de belles 
chambres solidement construites et un belvédère extrêmement 
agréable. Le jardin est merveilleux; il est le plus beau de tous 
ceux que l'on voit à Khi va et il y en a peu, même en Perse, qui 
puissent lui être comparés pour la grandeur, la symétrie et la 
beauté. Non loin de Refnik, Mohammed Emin, fils d'Allah Qouly 
Khan, a aussi édifié récemment une maison de plaisance ayant 
un rez-de-chaussée et un premier étage fort élevé. L'eau d'un 
grand canal dérivé du Djihoun coule, continuellement, au milieu 
de la maison qu'il traverse. La fauconnerie du prince est ins- 
tallée dans ce jardin. 

On voit à Khiva, près des portes de la ville, de nombreux em- 
placements inhabités et couverts de ruines. Dans la ville, s'éten- 
dent quelques grandes places et, entre autres, celles où se ras- 
semblent les voituriers. On y trouve réunies plus de dix mille 
charrettes attelées. C'est là que se rendent les gens qui veulent 
louer des voitures, soit pour leur usage personnel, soit pour trans- 
porter des fardeaux. Tous les cochers sont des esclaves per- 
sans. Une autre place et un grand marché sont affectés à la vente 
des chevaux; celle des chameaux a lieu aussi dans un endroit 
particulier. Les esclaves sont vendus dans un bazar spécial ; 
les lundis et les vendredis sont les jours de marché. Pendant les 



128 PELATION 

autres jours de la semaine, presque tous les artisans vont dans 
les jardins, ou restent chez eux s'occupant seulement de leurs 
plaisirs. Chaque village a un jour fixé pour la tenue d'un mar- 
ché. On se garde de contrevenir à Tusage établi. Chaque jour 
de la semaine est ainsi consacré à la tenue d'un marché dans les 
environs et cette règle s'étend jusqu'à Kohnèh Ourguendj. 

Dans la ville, on vend dans les boutiques où on les trouve en 
monceaux le benget le tchers K Tout le monde peut en manger ou 
en fumer sans que qui que ce soit s'y oppose et y trouve à redire. 

J'ai entendu dire que, pendant le mois de Ramazan, on faisait la 
nuit la prière du Teravih ^ Des lecteurs de Boukhara et de Khiva 
récitaient par cœur le glorieux Qoran. Lorsqu'ils étaient fatigués 
de leurs psalmodies, ils prenaient une guitare et en jouaient sans 
que personne y trouvât à redire et sans qu'aucun homme de 
loi ne recommandât de s'abstenir d'une pareille action. 

On ne trouve point de bains chauds à Khiva. Pendant l'été, 
la plus grande partie de la population va se laver dans le fleuve. 
Un esprit judicieux ne peut pas concevoir que tous puissent se 
baigner. Pendant l'hiver, les Khiviens font chauffer de l'eau 
dans leurs maisons pour les ablutions générales, après avoir 
rempli leurs devoirs conjugaux. Ils prétendent avoir reçu 
une permission et une décision juridique de leurs quatre 
Imams pour ne point se purifier après avoir satisfait à leurs 



I. Ces deux compositions exhilarantes s'obtiennent, lebeng, en faisant bouillir dans du 
lait frais des feuilles du chanvre indien (Canabis Indica, en persan Chah danèh) que l'on 
convertit en grosses boules d*une couleur vert pâle, du poids de deux ou trois onces. Le 
meilleur beng est fabriqué à Hérât, dans TAfliganistan et dans le Kachmir. La vente 
publique n*en est pas permise en Perse et dans les autres contrées de TOrient. 

Le tchers qui est un narcotique très-énergique et qui enivre plus rapidement lorsqu'il 
est mis sur le feu d'une pipe, s'obtient en frottant les fleurs et les feuilles du chanvre sur 
un tapis de laine grossière. Le suc est enlevé avec le dos d*un couteau, séché au soleil 
sur une assiette de porcelaine et converti en pilules de quatre à vingt grammes. — 
Schlimmer. TerminologiCf etc., pages 102-106.— Polak, Persien. Leipzig, i865, tome II, 
page 244. 

. 2. Le teravih est une prière d'obligation imitative qui doit être faite pendant les trente 
'ours du mois de Ramazan. Elle consiste en une prière extraordinaire de vingt réka'at 
dont chaque fidèle doit s'acquitter de nuit à la suite des cinq nama^ç (prières) ordinaires 
du jour. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM I29 

besoins naturels. Que Dieu nous préserve d'une pareille con- 
duite ! et, avec tout cela, ils appellent les Persans infidèles, ils 
les jugent dignes de mort et ils les qualifient d'hérétiques et 
d'impurs ! 

Ils font voir aux acheteurs les femmes chiites après leur 
avoir mis du surmèh ' aux yeux, après avoir natté leurs che- 
veux et découvert leur visage ainsi que les parties du corps 
que la pudeur ordonne de cacher. 

L'humidité de la terre et de l'atmosphère affaiblit et débilite 
chez les hommes les forces viriles. Les femmes ont, au contraire, 
les passions très-vives, peu de fidélité et elles recherchent les 
esclaves de leurs maris qui ont ainsi une part dans la naissance 
des enfants. Ces esclaves sont dans les maisons de leurs maî- 
tres et, principalement en temps d'expéditions guerrières, leurs 
remplaçants de toutes les façons. Quelques-uns de ceux 
qui m'ont dû leur délivrance m'ont donné à cet égard les détails 
les plus circonstanciés. Oui, 

Vers. — « Tu as jusqu'ici parlé des défauts du vin : parle 
donc aussi de ses qualités. Ne répudie pas la sagesse pour 
complaire à quelques esprits vulgaires -. » 

On n'est témoin, dans cette contrée, ni de disputes, ni de dis- 
corde. Le mensonge et les actes de déloyauté sont inconnus. 
Personne ne cherche querelle à autrui et ne se permet de parler 
en élevant la voix. Quiconque a une requête à adresser au 
Khan Hazret ^, depuis le plus grand personnage jusqu'à 
rhomme le plus humble, peut se présenter tous les jours de- 
vant lui sans rencontrer d'obstacle. Il expose son affaire; si elle 
est purement civile, le Khan la juge; si elle touche à la loi reli- 



1. Le surmèh est une préparation d*antimoinc et de noix de galle que les femmes 
orientales fixent sur les bqrds de leurs paupières au moyen d*une aiguille en métal et 
qui donne plus d*éclat au globe de Tœil. 

2. Ce distique est tiré du cent quarante-unième ghazel de Hafiz. 

3. C*est-^-dire Mohammed Emin Khan. 



1 3o RELATION 

gieuse, il la défère au Qazhy Kelan, c'est-à-dire au grand Qadi. 
Le seul impôt prélevé sur les bieos des Khiviens est celui 
du \ekat. A Khiva, le zekat est la taxe du quarantième et il ne 
se commet aucun abus dans la perception des deniers publics. 
Le Khan possède trois ou quatre chevaux et un mulet ; son ser- 
vice particulier est fait par quelques domestiques seulement. 
La dépense de sa cui^e est très-peu considérable; il se con- 
tente de ce qu*on lui sert^ bon ou mauvais, cru ou cuit. Il a un 
goût particulier pour la \iande de cheval, surtout lorsqu'il est 
en expédition. U aime qu on lui fasse cuire la viande d'un éta- 
lon ; il s'imagine que cette nourriture augmente ses forces vi- 
riles. Elle est réservée au Khan seul, et les autres Khiviens 
n'ont pas la p^mission d'en manger. 



Habillement des Khinens. 

Leur costume n'offre rien de particulier. Le haut du bonnet 
du Khan Hazret est couvert en drap rouge. Celui des autres 
Khiviens peut être de n'importe quelle couleur^ pourvu qu'il ne 
soit pas rouge. Les hommes et les femmes portent des bottes 
été et hiver; ils n'ont point de souliers et ils ne s'en servent 
jamais; ils marchent avec leurs bottes sur les tapis. Lorsque 
leurs chaussures sont couvertes de boue^ ils l'enlèvent avec un 
couteau. Quand ils ne peuvent le faire, ils n'en marchent pas 
moins sur les tapis. 

Les maisons de Khiva sont construites sur le même mo- 
dèle. Elles ont toutes une salle ouverte dans la direction du 
Qiblèh. A la suite de cette salle ouverte, deux, trois ou quatre 
chambres en enfilade. On ne trouve dans leurs maisons, ni 
croisées, ni fenêtres à coulisses, ni vitrages. Dans chaque cham- 
bre, on voit un petit mur haut d'une palme, ayant au milieu 



DE l'ambassade AU KHAREZM l3l 

une cavité creusée et assez large pour appuyer le cou; les Khi- 
viens y mettent, quand ils descendent de cheval, le coussin qu'ils 
placent sous la selle. Ils dorment sur ce coussin. Ils creusent dans 
le sol un petit trou de la grandeur d'un mangal (brasier) et ils y 
font leur feu pour se chauffer. Dans chaque chambre, on voit 
un bassin qui leur sert à faire leurs ablutions complètes, ou à 
se laver les mains. Les lieux d'aisance sont établis au haut de 
la maison ; ce qui se trouve au-dessous est inoccupé et les im- 
mondices sont entraînés au dehors. On y monte par der- 
rière la maison et il ne s'en exhale aucune mauvaise odeur. 
Les gens qui ramassent les ordures, les enlèvent sans pé- 
nétrer à l'intérieur et les transportent dans les jardins où elles 
sont utilisées pour la culture. Cet usage n'est point mauvais, et 
ces lieux d'aisance valent mieux que ceux de la Perse. 

En été, la grande quantité de poussière et, en hiver, la boue 
ne permettent pas de marcher sans bottes. Le froid est si ri- 
goureux en hiver que les bassins et les canaux gèlent, et la 
glace est si solide sur le Djihoun qu'elle supportele poids de 
ceux qui le traversent. 

L'été est extrêmement chaud. Pendant le mois de Ramazan, 
lorsque j'étais à Khiva, la durée du jour était de seize heures 
et demie et la température si élevée, que je m'établissais sur 
la terrasse d'un kiosque haut de vingt-huit coudées, et je n'y pou- 
vais dormir la nuit à cause de la chaleur et des moustiques. 
Dans le Kharezm, tout est à vil prix ; les fruits sont bons 
et abondants, les melons sont, sans exagération, plus sa- 
voureux que ceux de Qoum et de Kachan. Les mûres sont 
meilleures que celles de Chemiran, les pêches et les figues ont 
un goût plus agréable que celles du Mazanderan. Le raisin est de 
qualité ordinaire; les oranges, les amandes et les noisettes sont 
mauvaises. Les Khiviens ont quelques plantes odoriférantes, 
mais ils n'ont jamais vu la plupart des variétés de fleurs qui 
existent en Perse. Ils arrosent les terrains élevés au moyen 
d'une roue garnie de pots en terre et qui, mise en mouvement 
par un chameau, fait monter l'eau des canaux et des terrains 



l32 RELATION 

bas. J ai vu le même procédé pratiqué dans le Kerman. 
Toute la campagne est couverte de jardins, de verdure, de 
cultures, de maisons, de canaux, de saules, d'ormes et de peu- 
pliers. Ils ne connaissent point le cyprès. Ce n'est point, en eftet, 
un arbre dont on puisse tirer parti. 

Un canal dérivé du Djihoun vient aboutir à une porte de 
Khiva, après avoir parcouru la distance de douze fersengs. Ce 
canal porte de petits navires de transport ; il a reçu le nom de 
canal de Hazreti Pehlivan. L'eau y est toujours courante, 
et elle ne vient jamais à manquer. 

Les Khiviens boivent peu d'eau; au lieu d'eau, ils prennent 
généralement du thé noir sans sucre; quelquefois, ils y mettent 
du sel, quelquefois aussi de la graisse -, quand ils y ajoutent de 
rtiuile de sésame, cette boisson est, alors, pour eux, au-dessus 
de tout éloge. Le poisson du Djihoun est très-abondant, mais il 
n'a pas bon goût, parce que l'eau de ce fleuve est douce et 
limpide. Le poisson qui vit dans l'eau salée a plus de saveur. 
Us fabriquent de l'eau-de-vie avec la graine de sésame et avec 
d'autres substances. Ils achètent et boivent de Teau-de-vie de 
grains, bien qu'elle soit, disent-ils, enivrante et nuisible à la santé. 

Une partie des marchandises que Ton trouve à Khiva vient 
de Russie, de Boukhara, de Khoqand et de Hérât. On y fabri- 
que de bonnes étoffes de soie qui sont suffisantes pour les 
vêtements. 

Le tombeau de Pehlivan Mahmoud Kharezmy se trouve 
dans cette ville et il y jouit de la plus grande célébrité. C'est 
un édifice élevé, recouvert en plaques de faïence de toute beauté, 
Les tombeaux des Khans de Khiva sont placés dans son en- 
ceinte. 

J'allai visiter ce monument et y faire mes dévotions. Je dis- 
tribuai à cette occasion des aumônes aux pauvres. A Khiva, la 
population témoigne à Pehlivan Mahmoud une confiance sans 
limite. On a pour ce saint la plus grande dévotion. J'ai trouvé 
sa biographie dans les Tezkerèhs (biographies des poètes), et je 
la transcris ici. 



DE l'ambassade AU KHAREZM l33 



Biographie de Pehlivan Mahmoud Khare\rny dont le surnom 
poétique est Qitaly; que Dieu lui fasse miséricorde! 

Le nom de ce noble personnage est Pehlivan, son surnom 
poétique Qitaly. Il était fils de Pour Bay Vely; pendant sa jeu- 
nesse, sa force physique lui avait assuré la victoire sur tous 
les lutteurs de l'Iran et du Touran; dans les jours de sa vieil- 
lesse^ sa force spirituelle lui donna la supériorité sur tous les 
dévots et sur tous les ascètes du monde. On raconte ainsi le 
motif qui le détermina à embrasser fermement la vie spirituelle. 
Il s'était rendu dans une ville du Bengale dont le roi avait à son 
service un lutteur renommé. Il fut décidé qu'il se mesurerait avec 
Pehlivan Kharezmy. Cet homme, se voyant auprès de Pehlivan 
Mahmoud comme une goutte d'eau en regard de la mer fut 
en proie à une extrême inquiétude. Il prodigua les offrandes, les 
prières et les vœux pour obtenir la victoire. Sa mère prépara 
un plat sucré (helvà) et en offrit aux gens qui se trouvaient dans 
la mosquée, en sollicitant le secours de leurs prières. Pehlivan 
Kharezmy faisait dans cette mosquée ses prières et ses dévo- 
tions. Cette vieille femme qui ne le connaissait pas,4ui présenta 
le plat en lui adressant la requête suivante : « Accepte une part 
de ce helpa et fais des vœux pour mon enfant. » — « Dis-moi le 
motif de ton offrande et explique-moi tes intentions, lui répon- 
dit-il, afin que je puisse faire des vœux en conséquence. » — 
« Je participe, reprit la vieille femme, avec un certain notnbre 
de personnes de ma famille, aux bienfaits du roi et nous avons 
une existence brillante, grâce à mon fils qui est son lutteur en 
titre. Si Pehlivan Kharezmy le terrasse, la pension qui nous est 
accordée sera supprimée et les vivres que Ton nous donne nous 
seront retranchés. » Les paroles de cette vieille femme firent 
une profonde impression sur le cœur de Mahmoud, il prit un 
peu de helpa et lui dit : « Que Dieu agrée ton vœu et qu'il 
accomplisse le désir que forme ton cœur! r> 



1 34 RELATION 

La vieille femme enleva le plat et se retira. Pehlivan, absorbé 
dans ses pensées, ne goûta pas, pendant toute la nuit, un instant 
de repos. Il se livrait en lui un combat intérieur pour savoir s'il 
se laisserait terrasser. 11 ne pouvait se décider à être vainqueur 
ou vaincu. Le matin, il se rendit à la cour du roi; le peuple se 
réunit autour de Tenceinte; le lutteur de la ville ne pouvant 
faire autrement, en vint aux mains avec Mahmoud Pehlivan. Il 
luttait partagé entre la crainte et lespérance. Mais la force spi- 
rituelle de Mahmoud Pehlivan surmonta son amour-propre ; il 
résolut de se laisser terrasser, et il se laissa tomber sur le côté 
sans force et sans mouvement; puis, ayant roulé à terre, il 
resta étendu sur le dos. Au même moment, les portes des 
bénédictions étemelles s'ouvrirent pour son cœur et il compta 
dès lors parmi les saints qui reçoivent les manifestations de 
Dieu, qui perçoivent ses attributs et s'absorbent dans la divi- 
nité. Quand il fut sorti de la ville, l'arrogance s'empara du 
cœur de ses élèves. Pehlivan démêla leurs sentiments et, 
s'étant arrêté dans une plaine, il se mit à lutter avec ceux d'en- 
tre eux qui, dans leur for intérieur, lui refusaient leur es- 
time et leur considération. Il les terrassa tous avec la plus 
grande facilité, sans faire le moindre effort et, ayant déployé 
un mouchoir, comme c'est la coutume , il réclama une of- 
frande. 

Aussitôt une gazelle accourut du désert ; elle avait sur l'une 
de ses cornes une pièce d'or qu'elle jeta sur le linge qu'avait 
étendu Pehlivan Mahmoud que Dieu a béni à la fin de sa 
carrière. Ses disciples comprirent le sens de ce fait extraor- 
dinaire. 

Pehlivan passa le reste de sa vie sur le tapis de la dévotion, 
et il parvint au degré le plus élevé de l'ascétisme. En l'année 
722(1322), on entra, à l'aube, dans la cellule de son couvent 
à Khiva -, on le trouva dans l'attitude d'un homme prosterné 
devant Dieu. Il avait dit adieu à ce monde temporel, et avait 
mis par écrit ce quatrain qu'il avait placé à coté de son tapis 
de prière. 



DE L* AMBASSADE AU KHAREZM l35 

Quatrain, — « Cette nuit, pour obéir à la loyauté et à la pu- 
reté de mon cœur, je me suis rendu dans la taverne de celui qui 
enlève tout pouvoir à mon cœur ; il me mit une coupe à la main 
en me disant : « Prends et bois. » Je lui répondis : c Je ne bois 
pas. •> ~ « Fais-le, me dit-il, pour l'amour de moi. d 

Pehlivan Mahmoud a composé des quatrains d'une grande 
élégance. Ses paroles dénotent un homme qui était absorbé 
par la vie contemplative et elles sont pleines de force. J'ai 
inséré quelques-uns de ces quatrains dans le Te^khrèh qui a 
pour titre « Ria\ oui Arifin » (les jardins qui entourent les 
tombeaux des saints personnages parvenus à la connaissance 
de Dieu), ouvrage qui est orné du nom béni de Sa Majesté le 
Sultan Mohammed Chah. J'en ai eu quelques-uns sous les- 
yeux et je les insère dans ce récit abrégé. 

Quatrain ' — « Nous sommes ceux qu'un éléphant ne pour- 
rait terrasser en luttant contre nous; c'est sur le firmament que 
l'on fait résonner le naubet qui proclame notre souveraineté *. 
Si une humble fourmi se place dans nos rangs, elle acquerra 
par notre puissance, la force et la vigueur du lion. » 

Quatrain, — Si tu es un homme de la voie de Dieu, tu dois 
avoir les yeux fixés sur la route, et il te faudra prendre garde 
aux mille trous que tu rencontreras. Lorsque tu seras reçu 
sur le pied de l'intimité dans la maison de tes amis, il te faudra 
retenir ton cœur, tes mains et tes yeux (f abstenir d'envier, de 
toucher et de regarder ce qui leur appartient.) » 

Quatrain. — « Il te faut avec la force de l'éléphant avoir l'hu- 
milité de la fourmi ; bien que possédant les deux mondes, il 
te faut être dépouillé (de tout désir). Médite cette sentence : 

I. Le naubet est la musique militaire qui se fait entendre plusieurs fois par jour 
devant le palais du souverain. 



l36 RELATION 

Il faut voir les défauts des hommes et agir comme si Ton 
était aveugle. »> 

Qtiairain. — « Si tu maîtrises tes passions, tu es un homme. 
Si tu t'abstiens de critiquer les défauts d'autrui, tu es un 
homme. Il n'est point homme, celui qui foule aux pieds son 
semblable gisant à terre; toi, tu seras un homme si, pour le 
relever, tu tends la main à celui qui est tombé. » 

Quatrain. - - « Lis les secrets que renferment les annales de 
l'amour, mais n'en dis rien. Lance ton cheval à la suite de 
ceux qui sont dévorés par le feu de l'amour et n'en dis rien. 
Veux-tu sauver ton cœur et ta foi ? Observe, sois discret, ins- 
truis-toi et ne dis rien. » 

Pehlivan a composé un ouvrage sur le même mètre que le 
Goulcheni Raz ; cet ouvrage est antérieur de dix-sept ans au 
Goulcheni Raz de Cheikh Mahmoud Chebistery ^ 11 a pour 
titre : Ken^ oui Haqaïq (le trésor des vérités). Malgré toutes les 
recherches que j'ai faites dans le Kharezm, je n'ai pu en trou- 
ver de trace ; personne n'en avait entendu parler. Le tombeau 
de Pehlivan est à Khiva un lieu de pèlerinage très-vénéré. 



I. Le Cheikh Mahmoud Chebistery naquit à Chebister, gros village situé à huit fer- 
sengs de Tebriz. 11 mourut dans cette ville en 720 (i32o). II composa son Goulcheni Raz 
(le bosquet de roses des secrets), trois années avant sa mort. Cet ouvrage a été publié et 
traduit par M. de Hammer Purgstall. a Mahmud SchebisterVs Rosenjlor des Geheimnis- 
ses, Persisch und Deutsch herausgegeben, von Hammer- Purgstall. Pesth et Leipzig; 
i838, un vol. in-4». 



DE L^MBASSADE AU KHAREZM iSy 



Dépari de Khiva pour Kohnèh Ourguendj. 

Le jeudi, seizième jour du mois de Zil qa'adèh de Tannée 1268 
(2 novembre i85i), je quittai ma demeure et, pour changer de 
résidence, j'allai m'établir dans un petit logement réservé. Le 
vendredi, on amena les chameaux de charge et on plaça les 
bagages sur ces vigoureux animaux dont la stature égalait la 
hauteur des montagnes. Les cavaliers montèrent à cheval. Je 
fis quelques fersengs en compagnie de Mohammed Cherif Bay et 
je descendis à Châhâbad. Le soir, on nous servit un repas 
dans la maison de Tourèh Ataligh, La grande salle en est belle 
et le jardin agréable. On me traita avec beaucoup d'honneur 
et beaucoup d'égards. 

Samedi 18 (4 novembre). Nous montâmes à cheval le matin, 
et, après avoir traversé de belles plaines et des sites charmants, 
nous arrivâmes à la station de Tach-Haouz (le bassin de 
pierre) où nous descendîmes. Nous vîmes là un vaste jardin 
et un grand palais élevé par le Khan du Kharezm. 

Dimanche 19 (5 novembre). Nous partîmes de Tach-Haouz 
et, après avoir parcouru quelques fersengs, nous arrivâmes à 
Hilaleïn (les deux croissants). Nous y passâmes la nuit et nous 
y restâmes jusqu'au jour. C'est un vaste jardin dans lequel 
s'élève une grande maison construite par le Khan. On nous 
y reçut avec déférence et on nous donna un repas somptueux ; 
on étendit par terre de magnifiques tapis. 

Lundi 20 (6 novembre). Nous quittâmes Hilaleïn et nous 
arrivâmes à Aq Tèpèh ( la butte blanche ) où nous passâmes 
la nuit dans une maison de plaisance construite par un des 
Khans du Kharezm. Le lendemain nous nous remîmes en route. 

Mardi 21 (7 novembre). Nous arrivâmes à Khanâbad et 
nous descendîmes dans une habitation de campagne du 
Khan : nous nous établîmes sur les bords d'un bassin où 
nous lavâmes nos visages pour les débarrasser de la pous- 



l38 RELATION 

sière du voyage. Partout où nous nous étions arrêtés, nous 
n'avions vu nulle part une campagne aussi belle et aussi 
agréable, un jardin aussi grand et aussi bien ordonné. La 
superficie en est d'à peu près cent djéribs. Il est coupé 
par des allées de peupliers blancs dont le feuillage forme 
une voûte. Chaque allée conduit à un bassin et on passe 
de chaque bassin à une autre allée. 11 y a quatre allées formant 
chacune un carré. Le nom de ce jardin est Tchehar Tchemen 
(les quatre pelouses). Il n'eût pas été déplacé de l'appeler les 
huit paradis ' . Des oiseaux étaient perchés sur toutes les bran- 
ches; quand ils s'envolaient après s'être reposés, le bruit de leurs 
ailes et leurs cris formaient pour l'oreille un concert étrange. 
Mercredi 22 (8 novembre). Nous nous dirigeâmes vers 
Kohnèh Ourguendj. Nous apprîmes qu'un grand canal dé- 
rivé du Djihoun avait débordé dans la plaine et que les eaux 
couvraient les bas terrains sur un espace de deux ou trois éta- 
pes. Un clan des Turkomans Yomout s'était établi à l'extrémité 
de ce canal et avait refusé de payer les impôts au Khan de 
Khiva. Leur nombre les avait enhardis à se soustraire à toute 
obéissance. Les ministres employèrent un stratagème et dé- 
tournèrent le cours du canal. Au bout de deux ou trois ans, 
cette tribu fut réduite à une extrême détresse par suite du 
manque d'eau et ses membres se dispersèrent dans les vil- 
lages du Kharezm. Nous passâmes à côté de l'ancienne ville 
qui fut jadis Gourgandj, capitale des Kharezm Chah, et qui 
fut détruite par les Mogols, et nous arrivâmes à Kohnèh Our- 
guendj . Ata Niaz Mahrem , qui en était l 'administrateur, se 
porta à notre rencontre : il nous assigna pour demeure un jar- 
din délicieux. Nous y séjournâmes pendant deux ou trois jours 



I. Hecht Bihicht. Les Musulmans admettent huit degrés de bâititude dans le paradis, 
qui sont désignés chacun par un nom particulier, Hecht Bihicht est aussi le nom d'une 
maison de plaisance, construite à Ispahan, sous la dynastie des rois Sètèvy et réparée 
par Feth Aly Chah. On en trouve la description dans les « Monuments modernes de la 
Perse, mesurés, dessinés et décrits par P. Coste. Paris, 1867, in-fol., page 3o et planches 

XXXVII-XL. 



DE l'ambassade AU KHAREZM l3g 

pour donner à ceux de nos compagnons de route qui étaient 
restés en arrière le temps de nous rejoindre. 

Le 23 (9 novembre). Nous prîmes la résolution d aller vi- 
siter Kohnèh Ourguendj et ses anciens monuments et d'aller en 
pèlerinage au tombeau du pôle des initiés, le Cheikh Aboul 
Djennab, Thammet el Koubra, Nedjm oud Din Ahmed ben Amr 
de Khiva, qui est un des Cheikhs les plus célèbres. 

Le Qadi AbdouUah de Khoqand avec lequel j'étais lié de- 
puis longtemps et qui exerçait à Ourguendj les fonctions d'Imam 
m'accompagna ainsi que Mohammed Cherif Bay. Nous nous 
rendîmes au tombeau du Cheikh Nedjm oud Din Koubra où 
nous récitâmes le Fatihèh. Nous y méditâmes sur les révolu- 
tions du temps et sur les changements qu'apporte la succession 
des jours et des nuits. 

Les bouleversements, les guerres se présentèrent à notre es- 
prit et nous récitâmes ce vers de Khaqâny, stupéfaits de voir 
qu'il ne restait aucun souvenir de Djenguiz Khan, aucun ves- 
tige du Sultan Mohammed Kharezm Chah. 

Vers. — « Tu me demandes où sont allés ces potentats ? Les 
voici, leur corps est rentré dans le ventre de la terre qui les 
portera éternellement. » 



Récil succinct des événements lamentables du règfie de Sultan 

Mohammed Kharezm Chah. 

Qouthb oud Din Mohammed fils de Tekich Khan , était le 
septième prince de la dynastie des Sultans Kharezmiens. Sa 
puissance et sa magnificence lui avaient fait donner le surnom 
de second Alexandre; on lui écrivait en lui donnant le titre de 
< Tombre de Dieu sur la terre. » Il secoua Tautorité du Khalife 



140 RELATION 

de Bagdad Nacir et les ulémas de Tépoque rendirent un fetva 
déclarant que les Abbassides s'étaient emparés violemment et 
abusivement du khalifat qui, en droit, appartient aux en- 
fants du lion de Dieu toujours victorieux, Aly fils d'Abou 
Thalib. Le sultan Mohammed fit supprimer le nom du Khalife 
sur la monnaie et dans la récitation du Khoutbèh. Son pouvoir 
s'étendait depuis le Touran jusqu'à la province de Fars et il 
avait une armée de trois à quatre cent mille cavaliers. Enfin, 
ainsi que le fait est consigné dans l'histoire, la poussière de la 
discorde s'éleva jusqu'au ciel entre lui et Djenguiz Khan. Bien 
qu'il eût quatre cent mille soldats bien armés, il prit la fuite 
devant Tarmée de Djenguiz et il répandit la poussière de l'op- 
probre sur la tête des Persans. Il envoya sa mère Turkan 
Khatoun dans le Mazenderan. 

Djebèh Nouyan et Soundan Behadir passèrent le Djihoun, à 
la tête de trente mille cavaliers. Le Sultan, l'esprit bouleversé, 
s'enfuit de ville en ville et s'arrêta enfin à Esterâbad. 11 se ré- 
fugia ensuite dans l'île d'Abiskoun située non loin du bord de 
la mer Caspienne. Il y mourut Pan 592 (i 194) et on Tenterra 
revêtu de ses habits. Les Mogols massacrèrent tous les habi- 
tants de Samarqand, de Hérat, de Kharezm et de Rey, et ils 
détruisirent ces villes. En somme, le Kharezm fut englouti dans 
cette catastrophe. Le Cheikh Nedjm oud Din Koubra y cueillit 
la palme du martyre '• 

I. Les chroniques orientales abondent en détails sur Tinvasion du Kharezm et sur 
la prise de sa capitale. Cf. V Histoire du Sultan Djelal oud Din Mangouberty par Che- 
haboudDin Mohammed Nessawy, le DJihan Koucha de AlaoudDîn Mohammed 
Djouweïny, IcDjami oui tewarikh de Rechid oud Din, elle Kami! fit Tarikh d'Ibn cl 
Athir. M. Mouradja d*Ohsson a condensé les récits de ces historiens dans son Histoire 
des Mongols, Amsterdam, 1862, tome î, pages lyS-ziô. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM I4I 



Récit abrégé de la vie et du martyre de Nedjm oud 

Din Koubra. 

Ce cheikh était originaire de Khiva. Pendant sa jeunesse, 
rétendue de sa science le portait à provoquer des discussions 
de controverse théologique d'où il sortait toujours vainqueur, 
ce qui lui fit donner le surnom de Thammet el Koubra (le ju- 
gement dernier); on supprima Thammet et il ne lui resta que 
le surnom de Koubra. On l'appelle aussi plus fréquemment 
Aboul Djennab, parce qu'il avait renoncé au monde. On dit que 
le Prophète lui apparut en songe et lui donna ce nom. Ce fait est 
rapporté par Yafey dans sa chronique ' et par Abdour Rahman 
Djamy dans le recueil des biographies des saints personnages 
intitulé : Nefehat. J'ai dit dans mon < Hidayet Namèh: (Le livre 
de la bonne direction). 

Distique. — « Une nuit, Nedjm oud Din vit en songe le pro- 
phète Mohammed l'Élu; il reçut de lui le surnom d'Aboul 
Djennab. » 

Le cheikh quitta sa ville natale et fit de nombreux voyages. 
Il entra en relations avec les cheikhs ses contemporains, tels 
que : Aboul Farad j Medjzoub, le cheikh Ismayl Qasry, le 
eheikh Ammar lasir Bedlissy et Rouzbehan Misry ^ Après 
avoir acquis la connaissance complète des doctrines du mysti- 
cisme, il retourna dans le Kharezm. Douze de ses disciples sont 
parvenus au degré de M^rcAiV/ (directeur spirituel). Ce sont le 

1. Yafey donne, dans sa chronique sub anno 618, une courte biographie du Cheikh 
Nedjm oud Din. Djamy n'a fait que traduire en persan le récit fait par Yafey de la mort 
du Cheikh. 

2. Tous ces personnages étaient les disciples du cheikh Chehab oud Din Aboul Ned- 
jib Abdoul Qahir Souherverdy. Djamy a consacré à chacun d'eux une notice dans 
son Nefehat oui ouns, édition de Calcutta, pages 478-480. Chehab oud Din est le fon- 
dateur de Tordre religieux des Souherverdys. 



IA2 RELATION 

cheikh Nedjm oud Din Razy connu sous le nom de Dayèh, le 
cheikh Nedjm oud Din Bakherzy, le cheikh Saad oud Dia 
Hamawy, le cheikh Rezy oud Din Aly Lalay, natif de Ghaznah 
et cousin de Hekim Senay ', Baba Kemal Djendy, Djemal 
oud Din Souheyl du Guilan, Nour oud Din Abdour Rahmaa 
Esferayny, le cheikh Ahmed Djouzqany, Mewiana Beha oud 
Din Mohammed, père de Mewiana Djeial oud Din Mohammed 
Balky, auteur du Mesnevy ^. 

Le récit des actes de chacun de ces personnages est consigné 
dans les annales de la communauté religieuse à laquelle ils ap- 
partenaient. Pour moi, je n'ai d'autre dessein que de rapporter 
les circonstances du martyre du cheikh Nedjm oud Din 
Koubra. 

Lorsque, par ordre du Sultan Mohammed Kharezm Chah, 
Mejd oud Din Baghdady fut jeté dans le Djihoun, le cheikh 
Nedjm oud Din appela sur le Sultan la malédiction divine. L'ar- 
mée des Tatars envahit peu de temps après le Kharezm, tuant 
et pillant tout sur son passage. Six cents hommes se dirigèrent 
à Gourgandj sur le couvent du cheikh et lassaillirent. Le cheikh 
prit les armes pour la cause sainte, fut tué, et acquit ainsi la féli- 
cité du martyre. Cet événement eut lieu Tan 617 (1220) ^. Le 



1. Senay naquit à Ghaznah dans les dernières années du règne de Sultan Mahmoud. 
11 commença à se faire connaître sous le règne du Sultan Ibrahim fils de MessouH. U 
eut pour maître dans le mysticisme le cheikh Abou Youssouf Yaqoub Hemdany. Il 
jouit de la plus grande faveur auprès du sultan Behram Chah qui voulut lui faire épou- 
ser sa sœur; mais Senay ne voulut jamais consentir à cette union. Il mourut en 576 
(1180). 

Son divan contient trente mille distiques. Il a composé, en outre, six Mesnevys dont 
les vers ont tous la même mesure. Ce sont : i" Hadiqat oui Haqiqah (Le jardin de la 
vérité); 2" Se'ir oui ibad ilal miad (La marche des serviteurs de Dieu vers la vie fit* 
ture); 3» Kar Namèhi Balkh (Le récit de ce qui s*est passé à Balkh); 4» Tltariq oui 
Tahqiq (La voie à suivre pour arriver à la connaissance de la vérité); 5* Ichq Namèh 
(Le livre de rameur); 6* Aql Namèh (Le livre de Tinielligence). II a également mis en 
vers les aventures de Bèhrouz et de Behram. Medjma oui fousseha, page 254. 

2. Mewiana Mohammed Djeial oud Din, surnommé Molla Uunkiar, mourut à Qonièh 
en 672 (1273). II est le fondateur de Tordre des Mevlevys. 

3. Je crois devoir ir>sérer ici le récit de la mort de Nedjm oud Din tel qu'il est donné 
par Djamy : 

u Lorsque les intidclcs Tatars envahirent le Kharezm, le cheikh rassembla ses com- 



DE l'ambassade AU KHAREZM 1^3 

cheikh est auteur de nssalèh (opuscules) remplis de préceptes 
utiles '. Il a composé^ en outre, de nombreux quatrains. Ceux 
que Ton va lire sont dus à sa plume. 

Quatrain. — « Puisque, de tout ce qui n'existe pas matériel- 
lement, nous n'avons entre les mains que du vent, puisque tout 
ce qui existe n'est que néant et fragilité, suppose que tout ce 
qui n'existe pas dans ce monde existe et que tout ce qui s'y 
voit est illusoire. i» 

Quatrain. — « Il faut, pour s'engager dans la voie de Dieu, 
trouver quelqu'un qui soit déjà arrivé au but et qui se soit com- 



pagnons qui étaient au nombre de plus de soixante. Sultan Mohammed Kharezm Chah 
s*était enfui ; mais les Tatars supposaient qu*il éiait encore dans le Kharezm. Nedjm 
oud Din appela donc quelques-uns de ses compagnons comme le cheikh Saad oud Din 
Hamawy, Rezy oud Din Aly Lalay et quelques autres, et leur dit : a Partez vite et allez 
dans votre patrie. 11 s*est élevé à TOrient un feu qui brûlera tout jusqu'à TGccident. 
C'est pour ce peuple une immense calamité qui n'a point eu sa pareille. » Quelques- 
uns de ses compagnons lui dirent : « Que la sainteté du cheikh élève vers Dieu un 
vœu, et ce malheur sera peut-être alors détourné des pays de Tlslamisme! » — a Non, 
répondit-il, c*est une destinée inévitable! Des vœux ne sauraient nous y soustraire, n Ses 
compagnons lui dirent alors : a Des montures sont préparées; si le cheikh veut bien se 
joindre à nous, nous raccompagnerons et nous gagnerons le Khorassan. Ce projet ne 
semble pas difficile à réaliser, n — « Je dois subir ici le martyre, répondit-il, et je n'ai 
pas la permission de m*éloigner. » Ses compagnons se mirent en route pour le Khoras- 
san. Lorsque les infidèles entrèrent dans la ville, le cheikh réunit ceux de ses disciples 
qui étaient restés auprès de lui, et il leur dit : « Debout, au nom de Dieu! Nous allons 
combattre dans la voie de Dieu! » 11 entra dans sa maison, se revêtit de son froc, se cei- 
gnit les reins et remplit de pierres les deux côtés de sa robe qui était ouverte sur la poi- 
trine. Il sortit, tenant une lance à la main. Lorsqu'il se trouva en face des infidèles, il 
leur jeta les pierres qu'il portait, jusqu'à ce qu'il ne lui en resta plus une seule. Les in- 
fidèles firent pleuvoir sur lui une grêle de flèches : une d'elles atteignit sa poitrine bé- 
nie; il l'arracha et la jeta loin de lui. 11 recula alors et, au moment de mourir, il saisit 
la mèche de cheveux d'un infidèle avec tant de force, qu'il fut impossible de faire lâcher 
prise à sa main et que l'on fut obligé de couper la touffe de cheveux. » 

Le cheikh mourut de la mort des martyrs dans le courant de Fan née 6i8 (1221). 

Nedjm oud Din est le fondateur et le patron de l'ordre des derviches Koubrawy§. 

I. Le plus célèbre de ces opuscules (Rissalèh) traite de matières théologiques et porte 
le titre de « Rissalet oui hdym il khayfmin loumet il lalym^ » (Opuscule de celui qui 
est en proie à l'étonnement et qui craint les reproches de la critique.) 

Qazwiny trouvait cet ouvrage si remarquable qu'il dit que le texte devrait être copié en 
lettres d'or. {Açar oui bilad, édition de M. Wustenfeld, GÔttingen, 1848, page 333.) 



144 RELATION 

plètement retiré du monde. Fortifie ta vue, car tout, dans 
l'univers, représente Dieu et sa toute-puissance. » 

Quatrain. — « Lorsque l'amour pénètre dans le cœur, le 
cœur en ressent une vive douleur. Cette douleur rend Thomme 
fort. L'homme (voué à Dieu) est dévoré par le feu de son 
amour, mais il adoucit pour les autres Tardeur des flammes 
de l'enfer. (Il obtient de Dieu le pardon des fautes des pé- 
cheurs.) î» 

Quatrain. — « Si j'imprime sur un pain le tableau de mes 
actes de piété ; si je place ce pain sur une table devant un chien 
rongé par la faim et qui est resté pendant toute une année 
enfermé dans un grenier, la répugnance (que lui inspireront 
mes fautes et le peu de valeur de ma dévotion) l'empêchera d'y 
mettre les dents. » 

Quand nous eûmes terminé notre visite pieuse au tombeau 
du cheikh, le gardien du mausolée nous fit savoir que la tombe 
du cheikh Medj oud Din Baghdady ' se trouvait aussi dans les 
environs. Je m'y rendis et j'y récitai le Fatihèh. Cependant, 
d'après mon opinion, le tombeau de ce Cheikh ne doit point 
se trouver en cet endroit, parce qu'il fut précipité dans le Dji- 
houn, et, si son cadavre a été retiré de l'eau, il est probable 
qu'il a été enterré sur les bords du fleuve. On lit dans le 
Nefehat que, dans l'année 607 (12 10), ou, suivant une autre 



I. Abou Sayd MeJj oud Din Cheref Ibn Moueyyed était le fils d*un médecin que le 
Khalife de Bagdad avait envoyé à Sultan Mohammed Kharezm Chah sur sa demande. 
II exerça lui-même la médecine. Lorsqu'il eut embrassé la vie religieuse, il reçut sou- 
vent la visite de la mère du Sultan qui se plaisait à entendre ses prédications. Des en- 
vieux persuadèrent à Sultan Mohammed que sa mère avait épousé ce cheikh. Ce 
prince ordonna, dans un moment d*ivresse, de le précipiter dans le Djihoun. Les 
biographes orientaux prétendent qu*en apprenant ce crime, le cheikh Nedjm oud 
Din Koubra aurait prédit la chute de Mohammed Kharezm Chah et les calamités que 
devait causer dans son royaume Tinvasion des Mogols. Nefehat^ édition de Calcutta, pa- 
ges 487-49^- 



DE l'ambassade AU KHAREZM I45 

version, en Pan 6i6 (12 19), Medjd oud Din reçut la palme du 
martyre. Sa femme qui était originaire de Nichabour fit por- 
ter son corps dans cette ville. On le transporta ensuite à Esfe- 
rayn en 833 (1429) '. Medjd oud Din a composé des quatrains 
pleins de charme : 

Quatrain. — « Demain, lorsqu'arrivera le terme de ce 
monde, de droite et de gauche, les têtes surgiront de la terre. 
Mon pauvre corps, martyr et baignant dans le sang, se lèvera 
de la terre sur laquelle est bâtie ta demeure. i> 

Quatrain, — « Le limon qui a servi à former Thomme a été 
pétri avec la rosée de l'amour ; la création de Thomme a rempli 
le monde de troubles et de discordes. On a donné un coup de 
lancette sur la veine de Tâme, et elle a laissé échapper une 
goutte de sang qui a reçu le nom de cœur. » 

Quatrain. — « Je plongerai dans l'Océan; ou je périrai, ou 
je rapporterai une perle. Je tenterai une œuvre pleine de dan- 
gers, mais j'aurai le visage ou le cou rouge. (Je recueillerai de 
rhonneur ou je mourrai à la peine). » 

De là, nous allâmes voir un autre tombeau, celui de Khadjèh 
Aly Rametiny, surnommé Khadjèhi A^i^an (le maître des chers 
amis, des derviches). Ce personnage était originaire du village 
de Rametin^ qui relève de Boukhara; il fut un des disciples 

1. On voulut déposer ses restes à côte de ceux de Saad oud Din Hamawy, d*Aly Lalay 
et d'Abd our Rahman Esfcrayny qui avaient été ses compagnons. (Heft Iqîym, fol. 
298 r.) 

2. tt Rametin, village bien fortifié, possède une vaste citadelle, et son ancienneté re- 
monte plus haut que celle de Boukhara. Le nom de cette localité se trouve cité dans 
quelques-uns des ouvrages qui traitent de l'histoire de cette ville. Rametin était, dans 
Tantiquité, la résidence des rois : lorsque Boukhara fut élevée au rang de capitale, les 
princes passaient Thiver à Rametin, et cet usage' s'est conservé pendant Tlslamisme. 
Quand Abou Mouslim, que Dieu lui fasse miséricorde! vint à Boukhara, il s'établit 
dans ce village et il y séjourna. 

Rametin a été fondée par Afrassiab qui, lorsqu'il venait dans la contrée, ne résidait 

10 



146 RELATION 

de Khadjèh Mahmoud Faghnèwy ' et il était membre de la 
secte des Naqchbendy. De Boukhara^ il se rendit dans le Kha- 
rêzm et il s'y fixa. Le grand nombre de ses disciples donna de 
l'ombrage au Sultan Mohammed Kharezm Chah. On prétend 
que ce saint personnage avait, dans sa jeunesse, exercé le métier 
de tisserand. Djelal oud Din, auteur du Mesnewy, a dit pour le 
caractériser : 

Distique. — « Si la morale, dans sa pureté, n était pas supé- 
rieure à la science des choses terrestres, comment les notables 
de Boukhara auraient-ils rendu hommage au maître qui fut 
tisserand ? » 

Ces deux distiques sont également attribués à Khadjèhi Azi- 
zan : 

Quatrain, - « Le sentiment est un oiseau enfermé dans la 
cage du cœur : prends-en bien soin , car Toiseau est beau et 
son chant est mélodieux. Ne romps pas le lien qui attache sa 
patte, de peur qu'il ne s'envole, car, une fois échappé, tu ne 
pourras le rattraper. » 

point ailleurs. On lit dans les livres des Parsis que ce roi vécut mille ans et qu*il était 
adonné à la magie. Il tua son gendre Siavech^ dont le fils KeyKhosrau envahit le pays 
à la téted*une nombreuse armée, pour tirer vengeance du meurtre de son père. Afrassiab 
fortifia Rametin qui, pendant deux uns, soutint les attaques de Tarmée de Key Khosrau. 
Key Khosrau bâtit en face de Rametin un village qui reçut, à cause de Tagrément de 
sa situation, le nom de Ramich (lieu de repos). Ramich est encore aujourd'hui dans un 
état florissant. Key Khosrau fit construire un pyrée à Rametin et les Mough (Ma|$es) 
assurent qu'il est plus ancien que tous ceux de Boukhara. 

Après deux années de guerre, Key Khosrau s'empara d'Afrassiab et le mit à mort. Le 
tombeau d'Afrassiab se trouve à Boukhara à Dervazèhi Ma'bed (la porte de Toratoire), sur 
la grande colline d'Abou Hafs Kebir. Les habitants de Boukhara ont composé sur la 
moï-t de Siavech de curieuses complaintes qui sont appelées par les chanteurs de pro- 
fession Kini Siavech (la vengeance de Siavech). Mohammed, fils de Djafer, dit que ces évé- 
nements se sont passés il y a trois mille ans. Dieu connaît mieux toutes choses.»— TVtriArA- 
Boukhara d*Abou Bekr Mohammed Nerchakhy, traduite en persan par Mohammed Ibn 
Zefer. Ms. de mon cabinet, fol. 1 5 . 

I. Khadjèh Mahmoud Faghnèwy avait recueilli la succession spirituelle et la direc- 
tion de l'ordre des Naqchbendy, de Khadjèh Arif Riveguirewy, qui était lui-même le 
disciple de Khadjèh Abdoul Khaliq Ghoundjouwany. 



DE l'ambassade AU KHAREZNf I47 

Quatrain, — < Prends garde! éloigne-toi de toute personne 
dont la fréquentation ne donne point le calme à ton esprit, et 
dont la société ne procure point le repos à ton être, sinon les 
âmes de ton père et de ta mère ne te reconnaîtront point comme 
leur fils légitime ' . » 

Quatrain. — e Lorsque la mention de Tunité de Dieu pénètre 
ton cœur, elle lui cause une vive douleur. Cest cependant 
cette mention qui donne à Thomme la force et le courage. 

€ Bien qu'elle ait la vertu du feu pour brûler ton cœur, elle re- 
froidira cependant pour lui les deux mondes. (Elle te détachera 
des biens de la terre et te préservera des flammes de Tenfer.) » 

On nous montra ensuite un autre tombeau qu'on nous dit 
être celui de Fakhri Razy ^ 



Fakhr oud Din Abou Abdillah Mohammed Ibn Hassan el 

Qourachy et Temimy el Bekry. 

Fakhr oud Din était, de son temps, Tun des personnages les 
plus avancés dans la dévotion et dans Tétude de la philosophie. 
11 naquit Tan 544 (1149) ^^ mourut en 606 (121 1). Son tom- 
beau est à Kohnèh Ourguendj. 

1. On peut traduire également ainsi le dernier membre de phrase : a Sinon les âmes 
des chers amis (des derviches) ne te reconnaîtront pas comme un compagnon digne 
d'eux. 

2. L'Imam Fakhr oud Din Razy, surnommé Khatyb our Rey (le prédicateur de Rey), 
l'un des plus illustres docteurs de la secte chafelte^ appartenait à une famille du Tha- 
barestan. Il naquit à Bey en b^'i (1148). 11 jouit de la faveur du Sultan Ghouride Ghias 
oud Din Mohammed qui fit construire pour lui un medressèh à Hérât. Il dut quitter 
cette ville à la suite de ses discussions avec le Qadi Abdoul Medjid, pour lequel le peu- 
ple avait pris parti. Il fut plus tard rappelé à Hérât et il y mourut en 606 (iiii)* 

Fakhr oud Din Razy est l'auteur de plusieurs traités sur des matières philosophiques 



148 RKLATION 

Il a composé de nombreux ouvrages qui jouissent d'une 
grande célébrité; il se livrait quelquefois à la poésie persane et 
il a composé des quatrains. 

Je citerai ceux-ci : 

Quatrain. — « Jamais mon cœur n'a cessé de s'occuper de la 
science ; if y a peu de mystères dont je n ai pénétré le secret. 

« Pendant soixante et douze ans, j'ai travaillé nuit et jour^ et 
je suis arrivé à savoir que je ne savais rien. » 

Quatrain. — « Je quitterai cette terre, je le crains^ sans en 
avoir rien vu ; je rendrai Tâme sans avoir rien aperçu du monde 
caché. Quand, abandonnant le monde terrestre, j'irai dans la 
sphère des esprits, je n'aurai rien vu du monde spirituel dans 
le monde matériel. » 

Quelques personnes assurent que ce tombeau n'est point 
celui de Fakhr oud Din Razy ^ On nous montra aussi le mauso- 
lée d'Ibn Hadjib ^; mais nous n'eûmes pas le désir de le visiter. 

Tous les environs (de la ville actuelle) sont couverts des 
ruines d'un grand nombre de superbes édifices. Il existe un 
minaret dont la hauteur est de soixante coudées et la circon- 
férence de quarante. On dit que les Mogols l'aperçurent de la 
distance de deux ou trois journées de marche, quand ils rava- 
gèrent le Kharezm et Gourgandj. Au bout de deux ou trois 
jours, ils arrivèrent au pied de ce monument. Furieux de voir 

et religieuses; mais le plus important de ses ouvrages est un commentaire du Qoran 
intitulé Mefatih oui ghàib (Les clefs de ce qui est caché) qui a été imprimé au Caire 
(i 289-1871) en huit volumes petit in-folio. — La biographie de Fakhr oud Din Razy a 
été écrite par Ibn Khallikan; elle se trouve dans le toms I" (pages 676-678) de l'édition de 
Boulaq, 1275 (1873), et dans le -tome il, page 652 de la traduction de M. de Slane. 

1. Le tombeau de Fakhr oud Din est à Hérât. 

2. Djemal oud Din Abou Amr Osman Ibn Omar bin Abi Bekr bin Younis, plus 
connu sous le nom d*Ibn Hadjib (le fils du chambellan), est l'auteur du Kafièh fil 
Nahw, du Chafièh et de VAlamy^ traités de grammaire, de syntaxe et de rhétorique. 
Ibn Hadjib naquit à Alexandrie et il mourut dans celte ville en 646 (1248). Son tom- 
beau ne saurait donc se trouver à Kohnèh Ourgucndj, 



4 _ 



DE i/aMBASSADE AU KHAREZM 1 49 

leurs chevaux épuisés de fatigue, ils détruisiren le minaret 
dont il reste cependant les débris que nous vîmes. Il y a, en 
outre, plusieurs autres tombeaux dont l'un est appelé le tom- 
beau de Cheikh Cheref, et dont l'autre porte le nom de Qara 
Qapy (la porte noire). 

Parmi les ruines^ nous remarquâmes un édifice surmonté 
d'une coupole recouverte de plaques de faïence. Il est remar- 
quable par sa solidité, son élévation et la pureté des lignes. On 
nous dit que c'était le mausolée de Tourèh Bay Khanum^ fille 
de Qputlouq Sultan '. 

Kohnèh Ourguendj se relève par les soins de Mohamfned 
Emin Khan, souverain du Kharezm, et il est à supposer que sa 
prospérité ira toujours en augmentant. Nous vîmes^ dans cette 
ville^ quelques cavaliers Qazaq et Qara Qalpaq qui attirèrent 
notre attention par l'étrangeté de leurs costumes, et la forme 
singulière de leurs bonnets. 

Gourgandj portait autrefois le nom de Djourdjanièh. Elle 
est située par i35** de longitude et 42° de latitude ^. 11 y a, dans 
les environs, un grand nombre de villages et de localités dont 
il est fait mention dans Thistoire, ou qui n'ont aucune notoriété. 

Kat est une ville du Kharezm qui était comptée parmi les 
cinq places fortes de cette province. Jadis, elle a joui d'une 
grande prospérité, mais, aujourd'hui, elle n'a qu'une impor- 
tance médiocre. 

Elle est la patrie de Mehter Yaqoub, fils de Mehter Yous- 
souf qui fut ministre des Khans de Khiva. Le gouvernement 



1. Fakhr oud Din Qoutlouq Inandj qui défît et tua Sultan Toghroul,dans la bataille li- 
vrée par les troupes de Tékich Kharezm Chah à ce prince, près de Rey, en 583 (ii 87). 

2. Gourgandj ou, selon la forme arabe, Djourdjanièh était, avant l'invasion des Mo- 
gols. la capitale du Kharezm. Elle porta autrefois les noms de Fil, de Kharezm et de 
Mançourah. Mançourah était originairement bâtie sur la rive orientale du Djihoun. 
Elle fut détruite par les inondations de ce fleuve. Gourgandj était une petite ville qui 
s'élevait en face de Mançourah sur la rive occidentale. Les habitants de Mançourah s'y 
transportèrent, y construisirent des maisons et s'y fixèrent. 

Mançourah disparut si complètement qu'il n'en resta plus de trace. Yaqout visita Gour- 
gandj en 616 (12 19) avant sa destruction par les Mogols, et il déclare n'avoir pas vu de 
cité plus grande, plus riche et plus policée. Moudjcm oui DouUan, tome IV, page 54. 



1 50 RELATION 

de ce district est confié à ses parents. Mohammed Rehim Khan 
a construit à Kât quelques édifices publics. Celte ville appar- 
tient au cinquième climat^ et elle est placée sous Tinfluence de 
la troisième planète (Vénus) '. 

Zamakhchar , village défendu par un château-fort, jouit 
depuis les temps les plus reculés d'une grande aisance. Le sa- 
vant Zamakhchary y a reçu le jour *. 

QoNGHOURAT, Ville et place forte du Kharezm, est la rési- 
dence du clan des Qonghourat, branche de la tribu des Uzbeks. 



1. Kât, située par 94* de longitude et 41" 3o' de latitude, était autrefois la capiulc du 
Kharezm. Elle était, primitivement, bâtie sur la rive orientale du Djihoun; mais un dé- 
bordement de ce fleuve la renversa et les habitants la reconstruisirent sur une émi- 
nence. Elle possédait autrefois une citadelle et une grande mosquée. Le palais des 
Kharezm Chah s*élevait à côté de cette mosquée. Un petit canal nommé Djerdour tra- 
verse la ville et se jette dans le Djihoun ; le marché s*étend sur ses deux rives. En de- 
hors de Kât, il n'y a, sur la rive orientale du Djihoun, ni village ni bourg. Qawwam 
oud Din, jurisconsulte du rite Hanéfite et auteur du Miradj oud Diraièh ^ Houssam oud 
Din, auteur d'un commentaire sur Tlsagoge , Nâcir oud Din Nouh Ârrezy, auteur du 
Moghrib, Khadjèh Aboul Véfa, Pehiivan Mahmoud, fils de Pour Bay, Mewlana Kemal 
oud Din Housseîn et d'autres personnages ont reçu le jour à Kât. 

Djihan Numa, pages 335-336. 

Selon Yaqout (Moudjem oui Bouldan, tome IV, page 222), le mot Katou Kath dési- 
gne, dans le dialecte du Kharezm, une muraille élevée dans le désert et qui n*entoure 
aucune construction. Il est probable qu'il se trouvait anciennement dans cet endroit une 
muraille pareille à celles de Q.izil Alan dans le Gourgan, de Bab oui Ebouab dans le 
Chirvan, et qui était destinée à protéger le pays contre les incursions des tribus du 
nord. 

Il existait au xiii* siècle, avant Tinvasion des Mogols, un petit village situé près de 
Gourgandj et qui portait le nom de Nouz Kât (la nouvelle Kât). 

2. Aboul Qassim Mahmoud Ibn Omar, surnommé Djar ou]lah(le voisin de Dieu), à 
cause de son long séjour à la Mekke, est Tautcur de nombreux traités ayant pour objet 
la grammaire, la philologie, la lexicographie, la rhétorique et la jurisprudence. Il a 
composé quelques poésies et il en dédia le recueil au Chérif Aboul Hassan Aly Ibn 
Hamzèh bin Wehhas, Emir de la Mekke. Les plus connus de ses ouvrages sont le 
recueil d'anecdotes qui porte le nom de a Rebi oui ebrar ouè noussous oui akkyar » (le 
printemps des justes et les manifestations des hommes vertueux), un traité géographique 
disposé alphabétiquement (Le livt*e des localités, des montagnes et des eaux) et son com- 
mentaire du Qpran a El Kechchaffi haqaiq il Tenait » (le livre qui dévoile les vérités 
de la révélation divine) Le Kechchaf a été imprimé au Caire en 1281 (2 volumes 
in-folio). Zamakhchary naquit en 467 (1074), ^^ mourut à Gourgandj, à son retour du 
pèlerinage de la Mekke en 538 (i 143). — Cf. Pour la biographie et les ouvrages de Za- 
makhchary, Ibn Khallikan a Vie des hommes illustres », Boulaq, 1275 (i838), tome 1, 
pages 12 1-123, et la traduction de M. de Slane, tome III^ page 32 1 et suivantes. 



DE l'ambassade AU KHAREZM v5l 

Les Khans de Khiva appartiennent à ce clan. Les Qyat habi- 
tent aussi Qonghourat. 

QiPTCHAQ^ QoNQALY, Manqit et Khitay sont quatre villages 
protégés chacun par un château-fort ; ils doivent leur nom à 
des fractions de la tribu des Uzbeks. L'Emir de Boukhara 
Nasr oullah Khan appartient à la tribu des Manqit, le Khan 
de Khiva à celle des Qonghourat : ces deux tribus sont Uzbeks 
d'origine. 

Hekim Ata est une localité située sur le bord du Djihoun. 
Hekim Ata, qui y est enterré, était Tun des cheikhs Turks de 
l'ordre des Naqchbendy '. 

Le Kharezm s'étend le long du Djihoun et la plupart des 
villages sont situés sur ses bords. Ils sont séparés de ce fleuve 
par une distance de trois ou quatre fersengs , et quelquefois 
davantage. 

Hekim Ata est à la limite extrême de la partie cultivée du 
Kharezm. Quand on dépasse cette localité, on arrive au pays 
occupé par les Qazaq et les Qara Qalpaq, soumis au Khan de 
Khiva. La contrée où ils résident est bornée d'un côté par le 
Djihoun, de l'autre par le Sihoun; elle est aride et son étendue 
est de vingt journées de marche. 

Le Djihoun se jette dans la mer du Kharezm. 

Entre la mer du Kharezm et la mer de Russie s'étend, sur 
une longueur Aq vingt journées de marche, une chaîne de 
montagnes qu'il faut parcourir tout entière, pour arriver à la 
mer Caspienne. Les Russes ont débarqué, delà mer de Russie, 
avec un approvisionnement de poutres et de pièces de bois, qu'ils 
ont transportées sur le bord de la mer d'Aral. Ils ont construit 
un navire qu'ils y ont lancé. Us ont également bâti, sur le ri- 

I. Ce village doit son nom au voisinage du tombeau de Hekim Ata enterré à AqQour- 
ghan. Ce saint personnage recueillit la succession spirituelle de Khodja Ahmed Yessevy 
t dirigea pendant vingt ans Tordre des Naqchbendy. Il mourut en Tannée 582 (i i83). 
Kha\inet oui Eç/ya, page 5io. 

Nous possédons, sous le titre de a Hekim Ata hikayety », un recueil d*anecdotes rela- 
tives à ce personnage et écrites en turc oriental. La rédaction en est ancienne, et cet opus- 
cule vient d'être publié à Cazan par les soins de M. Goitwaldt. 



\D2 UKLATION 

vage^ un fort dans lequel ils ont mis une garnison de deux 
cents hommes. 

Amouy ou Amouyèh est le nom d'une ville qui se trouvait 
sur le bord du Djihoun. Elle a donné son nom à ce fleuve ^ 

Lé Djihoun, que Ton appelle aussi Abi Amouy, est un fleuve 
qui coule entre Tlran et le Touran. Il prend sa source dans les 
environs de Badakhchan, reçoit beaucoup d'aflluents, passe au- 
près d'un grand nombre de villes et arrive au Kharezm pour 
se jeter dans la mer d'Aral. On met six jours pour arriver du 
Kharezm à l'embouchure du Djihoun. Pendant l'hiver, le fleuve 
gèle et la glace est d'une telle épaisseur qu'elle permet le pas- 
sage des caravanes : Teau suit son cours sous la glace. 

On dit que la mer d'Aral s'écoule (par une voie souterraine) 
dans la mer d'Abiskoun, c'est-à-dire dans la partie de la mer 
Caspienne qui avoisine le Mazanderan et Esterâbad. Ces deux 
mers sont séparées par une distance de soixante fersengs. 

Dans la mer d'Abiskoun se trouve un gouffre, d'où l'eau s'é- 
chappe en jaillissant avec force et en bouillonnant. Les marins 
évitent de conduire dans ses environs leurs navires qui seraient 
submergés. 



Le lac du Djond du Kharezm (la mer d*Aral). 
Ce lac a de tour et trente-deux fersengs de diamètre '.Il 



I . Amouy et Amouyèh sont les noms de la ville d'Amol de la Transoziane, que l'on 
appelle Amol du bord du fleuve ou Amol du désert {Amol ech Chatte Amol el Mefa^èh), 
pour la distinguer de TAmol du Mazanderan. Cette ville est située à un mille du Dji- 
houn, sur la route de Merv à Boukhara. Le pays qui s*étend entre Merv et Amol est un 
désert sablonneux, dont la traversée est excessivement difficile et périlleuse. Moudjem oui 
Bouldan, tome I, page 6g. 

2. Les deux manuscrits que j'ai eus à ma disposition portent un ferseng, ce qui est 
inadmissible. « Le Djihoun, dit Yaqout, déverse ses eaux dans le lac du Kharezm, à un 
endroit fréquenté seulement par les pécheurs et où on ne trouve ni village, ni maisons. 
Cette localité porte le nom de Khouldjan. En face, s'étend le territoire occupé par la tribu 
turke des Ghouzz. La circonférence du lac peut être évaluée, d*après ce qui m'a été dit, 
à cent fersengs. L'eau est salée et elle n'a point de débouché apparent. Ce lac reçoit les 



DE l'ambassade AU KHAREZM 1 53 

reçoit dans son sein les eaux du Djihoun et celles du Sihoun qui 
traverse les provinces de Tchach et de Ferganèh. Le volume 
de ^es eaux n'augmente pas, ce qui fait supposer qu'il y a une 
voie qui leur permet de s'écouler , et qui aboutit à ce gouf- 
fre bouillonnant d'Abiskoun dont nous venons de parler plus 
haut. 

On lit, dans quelques chroniques, que le Djihoun se jetait 
anciennement dans la mer d'Orient, mais que, lors de l'inva- 
sion des Mogols^ ceux-ci en détournèrent le cours et qu'il 
alla verser ses eaux dans la mer d'Abiskoun. D'autres auteurs 
prétendent que le Djihoun se perd dans les sables, et qu'il a 
une embouchure souterraine dans la mer Caspienne. J'ai 
remarqué, pendant mon voyage au Kharezm, soit à Taller, soit 
au retour, certains vestiges et certains canaux qui m'ont donné 
la conviction que les Mogols avaient détourné ce fleuve, et 
qu'on Pavait anciennement coupé dans la partie supérieure de 
son cours. On voit encore les traces de son lit desséché \ 

Le Sihoun est un fleuve du Turkestan qui porte aussi le nom 
de fleuve de Khodjend, de Mokhend, de Fenaket, et de Châh- 
roukhièh. Toutes ces villes appartiennent à la province de 
Ferganèh, qui porte aujourd'hui le nom de Khoqand. 

eaux du Djihoun et celles du Sihoun. Il faut plusieurs jours de voyage pour franchir 
la distance qui sépare les embouchures de ces deux fleuves. De nombreuses rivières se 
jettent aussi dans ce lac; néanmoins, le goût salé de Teau ne diminue pas, et le vo- 
lume n'augmente pas. Il est donc à supposer qu'il existe, entre lui et la mer Caspienne, 
des conduits souterrains et des fissures qui servent à l'écoulement des eaux. Une dis- 
tance de dix journées de marche, en droite ligne, sépare ces deux mers intérieures : cet 
espace est occupé par un vaste désert de sable qui n'est point un obstacle pour l'écoulé- 
ment ou l'évaporation des eaux. > Moudjem oui bouldan, tome l, page 514. 

Le lecteur pourra consulter sur le lac d'Aral les ouvrages suivants : // lago di Aral, 
disserta^ione deW ingegnere Luigi Hugues, Torino, 1874; The shoresoflake Aral, by 
Major Wood, London, 1876, Turkistan, by Eug. Schuyler, Ph. D', London, 1876, 
tome I, passim, et. De Caspiana atque Aralica regione Asice, veteres geographos cum 
recentioribus conferendos suscepit J.-B. Pasquier. Paris, 1876. 

I . Sur le Djihoun et l'ancien cours de ce fleuve, cf. A journey to the source 0/ the 
river OxuSy by Cap* John Wood, .inédit., Londres, 1872. Ùas alte Bett des Oxus (Amû 
Daria), von J. de Goeje, Leyde, 1875, et Notes on the hiver Amû Daryjy Syr Darya and 
lake Aral, 18 y 4^ by major Herbert Wood, dans le journal de la Société royale de 
Géographie, tome XLV, Londres, 187b. 



1 54 RELATION 

J'ai cité les noms de Boukhara, d'Amouyèh, et ceux du Dji- 
houn et du Sihoun; il ne me paraît donc point inutile de don- 
ner ici quelques notices succinctes sur ces localités. 



Notices succinctes sur l'état actuel des villes du pays de 

Boukhara la Noble. 

Boukhara est une ville célèbre du cinquième climat; elle est 
située dans la Transoxiane par 96** 3o' de longitude et par Sg® 7' 
de latitude. Son enceinte est percée de onze portes; elle ren- 
ferme deux cents collèges grands et petits, sept grandes mos- 
quées où Ton fait la prière du vendredi, quarante bains et 
cent^cinquante caravansérails pour les marchands. Le château 
a un demi ferseng de circonférence ; sa grande porte s'ouvre à 
l'occident. Les revenus du trésor, perçus dans la ville même de 
Boukhara, s'élèvent à la somme de cent mille toumans, chacun 
du poids d'un misqal. La Avilie est très-peuplée et le concours 
y est énorme ' . 

Qarchy est une ville située à environ dix-sept fersengs au sud 
de Boukhara ; elle est séparée de Samarqand et de Boukhara 
par une distance de trois journées de marche, et de Kech, nom- 
mée aujourd'hui Chéheri-Sebz, par deux journées de marche. 

Cette ville est plus connue sous le nom d(^ Nakhcheb. La 
« lune de Nakhcheb » est le surnom donné à Mouqannah 
dont Thistoire est si connue ^. Nakhcheb est aussi appelée Nés- 
sef. Elle est la patrie du cheikh Aziz Nessefy. Nessef est la 
forme arabisée de Nakhcheb. 

KouyoukKhan, souverain de la Transoxiane ^, construisit dans 

1. Voy. rappenJice § IV. 

2. Voy. l'appendice g V. 

. Kouyouk Khan, rils d'Ogoiay, monta sur le liôneau mois dcilebi cul Âkhir 64'i 



DE l'ambassade AU KHAREZM l55 

cette ville un superbe château. Les Turks appellent un château 
« Qarchy » et c'est de là que vient le nom que Nakhcheb porte 
aujourd'hui. Une petite rivière traverse Qarchy qui est pros- 
père et bien peuplée; elle a sept portes, trois grands bains, trois 
collèges importants et une très-grande mosquée où Ton fait la 
prière du vendredi. 

A Torient de cette ville^ à la distance de sept fersengs, et pla- 
cée sous sa juridiction, se trouve la ville de Khazer qui est bien 
peuplée; elle a cinq grandes portes, quelques collèges et 
quelques bains. 

TcHiRAGHTCHY est la résidence d'un gouverneur; elle paye 
au trésor dix mille tillas ; elle est comptée au nombre des loca- 
lités dépendant de Boukhara. 

Chirabad est située à vingt fersengs de Qarchy; c'est une 
ville riche et bien peuplée qui paye au trésor quinze mille tou- 
mans. 

A peu de distance se trouve la ville de Bayssoun , dont le gou- 
verneur verse au trésor de TEmir la somme de dix mille tillas. 

Termiz, au sud de Bayssoun, est une ville célèbre ; elle est la 
patrie d'Edib Sabir Termizy ' ; on y voit le tombeau de Khodja 

(août 1246), quatre ans après la mort de son père. Sa mère Tourakina avait, pendant ce 
temps, exercé la régence. Ce prince mourut de phthisie au bout d'un an. Les historiens 
orientaux lui reprochent vivement d'avoir préféré les chrétiens aux musulmans. 

I. Le poète Edib Sabir était originaire de Boukhara. Sous le règne du Sultan Sind- 
jar, il se rendit de Termiz à Merv. 11 eut de longs démêlés avec Rechid Vathvath et ces 
deux poètes échangèrent de nombreuses satires. Envery et Khaqany avaient pour le 
talent d'Edib Sabir la plus grande admiration. 

Lorsque les relations se tendirent entre le Sultan Sindjar et Etsiz, Edib Sabir fut en- 
voyé par Sindjar, qui avait en lui la plus grande confiance, dans le Kharezm, pour 
lui rendre compte de la situation. Il y apprit qu'Etsiz s'était assuré le dévouement d'un 
Feday qui était parti pour Merv, et qui devait assassiner le sultan Sindjar un vendredi, 
lorsque ce prince se rendrait à la mosquée. 11 envoya le portrait exact de cet homme au 
sultan qui le fit rechercher, arrêter et exécuter. Etsiz soupçonna Edib Sabir d'avoir 
fourni ces indications. Il le fit saisir et jeter dans le Djihoun, les pieds et les mains liés 
(546-1 i3i). Edib Sabir a laissé un Divan et un Saoukend Namèh, (le livre du serment) 
qu'il composa pour son protecteur, le SeiydÂbou Djafer Aly ibn Hussein de Nichabour, 
qui était le chef des Seiyds du Khorassan. 

Daoulet Chah. Te^kèret ouch Chouara, 

Les poésies d'Edib Sabir ont été recueillies par Tordre de Menoutchehr Khan en 
io3i (1621). Je poi^ède l'exemplaire copié pour ce personnage. 



1 56 RELATION 

Abdoul Hekim Termizy. La ville s'élève sur le bord du Dji- 
houn; le gouverneur acquitte une redevance de dix mille 
tillas. 

Kerky est une ville située sur les bords du Djihoun^ à l'ouest 
de Termiz. 

TcHEHAR Djouy, à Touest de Kerky, paye annuellement la 
somme de vingt mille tillas d'impôt et elle fournit à l'Emir 
deux mille hommes de milice. Elle est située sur les bords 
du Djihoun, à peu de distance du Kharezm. 

Qara Koul, située au nord, possède une bonne citadelle; cette 
ville verse au trésor vingt-quatre mille tillas. Dans ces dernières 
années, lorsque Châhroukh Khan Qadjar, fils du Nevvab Ibra- 
him Khan, cousin de Feth Aly Chah, se réfugia à Boukhara, 
Qara Koul lui fut assignée comme apanage ; les peaux de bre- 
bis de Qara Koul sont renommées. 

Kerminèh est à l'ouest de Boukhara. Cette ville est généra- 
lement donnée comme gouvernement au fils de TEmir de 
Boukhara. Le district de Kerminèh est d'une grande étendue, 
et tous les ans le trésor de l'Emir y perçoit des impôts qui 
s'élèvent à la somme de cinquante mille dinars. Une distance 
de onze fersengs sépare cette ville de Boukhara '. 

Nouz est située à huit fersengs au nord de Kerminèh; cette 
ville est la résidence d'un gouverneur et elle paye au trésor 
douze mille tillas ^ 

ZiA ouD DiN, à l'est de Kerminèh, paye tous les ans soixante 
mille toumans qui sont employés à fournir les appointements 



I . Aboul Hassan de Nichabour, dans son ouvrage intituItS Khe:{ayn oui ouloum (les 
trésors des sciences), dit que Kerminèh est une Içcalité dépendante de Boukhara. L*eau 
qui Tarrose est celle de Boukhara et ses impôts figurent dans le compte de ceux qui 
sont payés par cette ville. Kerminèh possède une grande mosquée et elle a donné nais- 
sance à de nombreux poètes et littérateurs ; elle portait autrefois le nom de Badièhi 
Khourdek (it petit désert). De Kerminèh à Boukhara, on compte quatorze fersengs. 
Tarikhi Boukhara d'Abou E5ekr Mohammed Nerchakhy. — Manuscrit de ma bibliothè- 
que, fol. i8. 

•2. Le texte persan imprimé porte par erreur Bouz. Nouz, dans le dialecte de Boukhara 
et du Kharezm, a la signification de nouveau, neuf. 



DE l'ambassade AU KHAREZM l5j 

m 

des employés et la solde des troupes régulières de Boukhara ' . 

Yekèh Bagh. Cette ville qui relève de Qarchy, est bâtie au 
pied d une montagne. 

Cheheri Sebz est un canton agréable ; sa beauté et la verdure 
dont il est couvert lui ont valu son nom ; il est situé entre Bou- 
khara et Samarqand. L'Emir de Boukhara s'est rendu maître de 
certaines parties de ce pays ^. 

Samarqand est une ville célèbre du cinquième climat et de la 
Transoxiane. 

On rapporte que les premières constructions furent élevées 
dans le Soghd de Samarqand par Rustem, fils de Destan, con- 
formément aux ordres de Key Kaous. 

Abou Karib Ghamar, de la dynastie des Tobba du Yémen^ fit 
la conquête de ce pays. Il rasa la ville et la livra aux flammes ; 
son emplacement reçut^ en conséquence^ le nom de Chamar 
Kend (Chamar Ta détruite). Samarqand est la forme arabisée de 
Chamar Kend. 

1. Cette ville doit son nom au tombeau du Cheikh Zia oud Din qui y est enterré. Zia 
oud Din mourut en ybi (i33o.) 

2. Kech est située au sud de Samarqand dont elle est séparée par une distance de 
vingt fersengs. Les environs de cette ville sont si verdoyants qu*on lui a donné les noms 
de Qpubbet el Khadhra (voûte verdoyante) et de Cheheri seb^ (ville verte). Les fruits que 
Ton y récolte. sont d'une excellente qualité et la campagne est d'une extrême fertilité. 
Dans les dépendances de cette ville se trouve Nekab Targhay, lieu de naissance de TEmir 
Timour. Ce prince a fait de sérieux efforts pour faire de Kech la capitale de son empire, 
mais la proximité de Samarqand ne lui a pas permis de réaliser ce projet. Cette ville a 
donné naissance au poète Emir Khosrau, à Khodja Aboul Bérékèh et à son fils Khodja 
Beha oud Din. Heft Iqlym, f» 528, V». 

Kech ou Kich, dit Hadji Khalfa, est un district qui est situé par 99° 3o' de latitude et 
non loin de Nessef. Il s'étend sur trois fersengs de largeur et trois de longueur. Tout y 
est à fort bon marché; les fruits y sont très -abondants et ils mûrissent dans cette loca- 
lité plus tôt que partout ailleurs. L'air est malsain. Ce district portait autrefois le nom 
de Cheheri Sebz. 

La ville se compose d'un château-fort, d'un faubourg et d'une cité intérieure. Les ba- 
zars se trouvent dans le faubourg. Les maisons sont construites en terre et en bois. Les 
jardins et les vergers sont très-nombreux et on y récolte des céréales en grande quantité. 

Kech a quatre grandes portes : i® La porte de fer (Deri Ahenin) 2" La porte d'Abdal- 
lah, Z* la porte des bouchers (Deri Qassaban) 4* la porte de la cité (Deri Charistan) qui 
est aussi appelée la porte de Turkestan, à cause d'un village situé à proximité et qui 
porte ce nom. La ville est traversée par deux cours d'eau dont l'un porte le nom de Ne- 
h^ri Qissarin, et l'autrccclui de Rivière noire (Nelieri Essoued). Djihan Numa, page 353. 



l5(S RELATION 

La ville occupe une vaste étendue; elle est^ après Boukhara^ 
la plus grande de la Transoxiane. Elle doit sa splendeur à l'Emir 
Timour. On y voit de superbes constructions royales. Le tré- 
sor y perçoit tous les ans cent mille tillas. Elle fournit dix mille 
cavaliers aguerris; on y voit encore le trône de TEmir Timour 
que Ton appelle Keuk-Tach. La population s'élève au chifiQre 
de cent mille âmes. La ville renferme cinq grandes mosquées^ 
trente caravansérails et vingt-deux grands collèges. Tous ces 
édifices ont été élevés par Timour et par ses fils. On voit à Sa- 
marqand le tombeau de Qoucem Ibn Abbas et celui de Khodja 
AbdouUah Ahrar de Tordre des Naqchbendy. On prétend aussi 
que saint Georges et Daniel y ont reçu la sépulture. La ville de 
Samarqand a onze portes; elle est un peu moins grande que 
Boukhara. La distance qui les sépare est de trente-huit fersengs. 
Plusieurs villes sont placées sous la juridiction de Samarqand; 
nous citerons parmi elles Khathartchy, à dix fersengs à Touest, 
Kharthartchy paye chaque année au trésor seize mille tillas^ et 
elle fournit à l'Emir deux mille hommes de milice. A Test de 
cette ville se trouve une localité nommée Pendjchenbèh et une 
autre appelée Douchenbèh ; elles sont à la distance de cinq fer- 
sengs l'une de l'autre. Le trésor lève sur ces deux localités la 
somme de dix mille tillas. De Pendjchenbèh à Samarqand on 
compte trois fersengs '. 



1. L'histoire de Saînarqand a clé écrite par Abou Sayd el Idrîssy (405-1014), et par 
Aboul Abbas Djafer elMousiaghfiry r432-i04i). Abou Hafs en Nesscfy (SSj-i 143; a com- 
posé, sous le titre de u Kiiab oui Qand », une suite aux annales de Djafer el Mous- 
taghfiry. Clavijo, ambassadeur de Henri III de Castillc auprès de Tamerlan, a donné, 
dans la relation de son voyage, une description de Samarqand et des édifices élevés par 
ce prince, a Historia del gran Tamorîan c itincrario e enarracion del viagey relacion 
de la Embaxada que Ruy Gonçale^ de Clavijo le /«"fo, etc. » Séville, i582, f* 40, 
verso et suivants. La relation de Clavijo a été traduite en anglais par M. Cléments 
R. Markham et publiée par la a Hakluyt Society », sous le titre de « Narrative ofthe 
Embassy of Ruy Gon^^ale:^ de Clavijo to the court of Timour at Samarcand A, D. 
1403- 1406. Londres, 1859. 

Le lecteur trouvera dans le « Voyage d'un faux derviche », par A. Vambcry, Paris, 
i865, pages 187-198, et dans le « Recueil d'itinéraires et de voyages dans VAsie cen* 
traie et dans l'extrême Orient », publié par TEcole des langues orientales, 1878, pages 
207-245-284-310, les détails les plus complets sur Tétat actuel de Samarqand. 



DE l'ambassade AU KHAREZM iSq 

Ederkout est une ville bien bâtie qui paie vingt mille toumans 
d'impôt. 

Pentchèh Kint est située à cinq fersengs à Test d'Ederkout ; 
elle est adossée à une montagne; elle est à sept fersengs de 
Samarqand. Le chiffre de ses impôts s'élève à trois mille tillas. 

Say Bouy est à sept fersengs au nord de Samarqand. 

Dazakh se trouve à onze fersengs de Samarqand. 

OuRÈH est le nom d'une ville placée sous la juridiction de 
Samarqand. Il y a, en outre, une quantité de petites villes dont 
je ne fais point mention^ pour ne point allonger mon récit. 

Le pays de Boukhara s'étend sur une longueur qui représente 
un mois de marche; il est borné à Test par la province de Fer- 
ghanèh, c'est-à-dire par la contrée traversée par le Sihoun; à 
l'ouest^ par le Kharezm, et au nord, par le pays de Tachkend 
c'est-à-dire par le Dechti Qiptchaq qui forme la frontière de 
l'empire de Russie; au sud, la Boukharie s'étend jusqu'aux pro- 
vinces de Balkh, de Hissari Chadman, de Qoundouz et de 
Baqlan. Toute la contrée est bien peuplée et bien cultivée. 

Par suite des circonstances actuelles, Merv Ghahidjan fait 
aussi partie des possessions de TEmir de Boukhara. Cette ville a 
échappé à l'autorité du Khan de Khiva, et tous les ans, il y a, à 
son sujet, des contestations à main armée; mais les habitants de 
Merv ne payent aucun impôt au gouvernement de Boukhara. 

Allah Qouly Khan avait construit, à Merv, un château qu'il 
avait armé de quelques pièces de canon; il y avait établi comme 
gouverneur l'oncle de son premier ministre. Les habitants de 
Merv se soulevèrent contre lui, le tuèrent et s'emparèrent du châ- 
teau et des canons qui s'y trouvaient. Quatre cantons dépendant 
de Cheheri Sebz sont, en ce moment, au pouvoir de l'Emir de 
Boukhara. 

La superficie de la province de Cheheri Sebz est de dix fer- 
sengs; la ville a une forte citadelle et elle est adossée à une 
montagne; le sol est marécageux. 



l60 RELATION 



Généalogie de F Emir de Boukhara. 

L'Emir de Boukhara porte le nom d'Emir Nasr oullah. Il est le 
fils de TEmir Hayderqui lui-même était fils de Chah Mourad Bek, 
connu sous le nom de Bek Djan. Cette famile tire son origine 
de la tribu des Uzbeks Manqit. On dit que leur généalogie re- 
monte aux Mogols. Dieu seul connaît la vérité de toutes choses ! 



Province de Ferghanèh. 

Cette province est située dans le Touran et elle tait partie du 
cinquième climat. Elle fut, dit- on, peuplée par Nouchirevan 
qui y transporta un homme pris dans chacune des familles de 
la Perse; elle reçut, en conséquence, le nom de pays de Her- 
khanèh (de chaque maison). Ferghanèh en est la forme arabi- 
sée de ces deux mots. 

Cette province renferme un grand nombre de villes parmi 
lesquelles nous citerons : 

OusROucHiNÈH OU Arouchinèh \ 

I. Ousrouchinèh , située par loi* de longitude et 41* 3o' de latiiudc , est un 
district considérable du pays des Hiathilèh * qui s^étend entre le Sîhoun et Samar- 
qand, sur un espace que Ton estime être de vingt-six fersengs. Selon Ibn Hauqal, 
Ousrouchinèh est une contrée environnée, de presque tous les côtés, de montagnes, 
et bornée, à Test, par des districts de Ferghanèh, à Touest, par les frontières de Samar- 
qand, au nord, par Châch et quelques cantons de Ferghanèh et, au sud, par le pays de 
Kcch et de Saghanian **. Cette contrée renferme quatre cents châteaux forts et quelques 
villes. Ousrouchinèh est appelée, dans le dialecte du pays, Boumehket. Les cantons por- 
tent les noms de Aran, Bcnamkct. Kaoukeb, Araq. Sabath, Zamin et Dizek. La ville, 

• Le pays des Hiathilèh est le nom sous lequel ou désigne la contrée où se trouvent les villes de Bou- 
khara, de Samarqand et de Khodjend et qui, d'après les Orientaux, aurait été peuplé par les descendants 
de Hcïthcl, tils d'Alim, fils de Sam, fils de Noé, qui s'y serait relire après la dispersion des peuples, à 
la suite de la confusion des langues de Babel. 

** Le district de Saghanian est limitrophe de celui de Termiz; il est remarquable par sa fertilité et le 
grand nombre de ses ccurs d'eau. 



DR l'ambassade au kharezm i6i 

Akhssiket 'j patrie du poëte Ecir oud Din ^ 
EsFERENG ^ qui H dooné le jour au poëte Seyf ». 

dont les maisons sont construites en argile et en bois^ est florissante. Elle consiste en 
une cité entourée d*une muraille, et en un faubourg qui est également protégé par un 
mur. Uenceinte est percée de deux portes, dont Tune porte le nom de Dervazèhi Charis- 
tan et l'autre celui de Dervazèhi Ballathin. La grande mosquée se trouve dans la cité qui 
est traversée par une rivière, dont le courant fait tourner dix moulins et dont les deux 
bords sont plantés d'arbres; ses eaux tombent dans le fossé qui entoure la ville; 
après ravoir rempli, elles alimentent les maisons et les jardins et se répandent dans 
la campagne, où elles arrosent les champs cultivés. 

Le faubourg a quatre portes : Babi Zamin, Babi Ibn Semcnd, Babi Ibn HikmeletBabi 
Kehlian. On trouve, dans cette province, un grand nombre de mines et des gisements de 
sel ammoniac et de sulfate de fer.— Djihan Numa, page 355. 

1. Akhssiket, dit Hadji Khalfa, est la principale ville du Ferghanèh. Elle se compose 
d*un chàteau-fort, d'une ville intérieure et d'un faubourg. La résidence du gouverneur 
est dans le château; la grande mosquée dans la ville et l'oratoire pour les prières des 
deux fêtes se trouvent sur le bord de la rivière. La ville a cinq portes : la porte de la 
chaîne (Babi Zindjir}, la porte du trésor caché (Babi Dcfinèh), la porte de Kachan (Babi 
Kachan), la porte du Vendredi (Babi Adinèh) et la porte d'Abèh Sar. 

Akhssiket, dans le Mavcra oun Ncher (Transoxiane), est un gros bourg de la province 
de Ferghanèh. 11 est situé sur le bord de la rivière deChâch, dans une plaine unie entou- 
rée de montagnes, à environ un ferseng au nord du fleuve. Akhssiket possède une citadelle 
et un faubourg; sa superficie est d'environ trois fersengs. Les maisons sont construites en 
terre. Quatre portes donnent accès à la ville intérieure qui est, ainsi que le faubourg, tra- 
versée par des eaux courantes, et qui renferme de nombreux bassins. Chacune des portes du 
faubourg conduit à des jardins touffus, et des canaux d'eau courante s'étendent à la distance 
d'un ferseng. Akhssiket est une des villes les plus agréables de la Transoxiane. Elle est située 
parg4*de longitude et 3 7* 3o' de latitude. Elle a donné le jour à un grand nombre de savants 
et de littérateurs, parmi lesquels nous citerons : Aboul Wefa Mohammed Ibn Mohammed 
t)en Qassim, qui a conquis le premier rang parmi les lexicographes et les historiens. Il mou- 
rut après l'année 52o (i 126). Son frère, Abou Rechad Ahmed Ibn Mohammed ben Qassim, 
était un littérateur, il cultivait aussi la poésie. Tous deux se fixèrent à Merv où ils mou- 
rurent. — Yaqout, Moudjem el bouldan^éàAX, de M. Wilsicnfeld, tome I, page 162. 

2. Ecir oud Din fut le panégyriste de l'Atabck Ildeguiz et de Qizil Arslan, fils de 
Toghroul. Il résida successivement dans l'Azerbaïdjan, dans l'Iraq, et il se retira, en 
dernier lieu, à Khalkhal, petite ville de l'Azerbaïdjan, où il vécut retiré du monde et 
adonné à la dévotion et aux œuvres de piété. On fixe la date de sa mort à l'année 5G2 
(1166). Des critiques persans en font l'égal de Khaqany et d'Envcry; d'autres lui accor- 
dent la prééminence sur le premier de ces poètes. 

3. Esfcrèh ou Esfereng est un canton montagneux situé au sud-ouest de Marghiaah 
dont il est éloigné de neuf fersengs. Cette localité l'emporte sur toutes les autres par 
l'abondance de ses eaux courantes et le grand nombre de ses jardins et de ses vergers. 
Dans la partie montagneuse qui se trouve au sud, on remarque une pierre de dix cou- 
dées de largeur et de deux coudées de hauteur, sur la surface de laquelle les objets se ré- 
fléchissent en sens inverse et dessinés comme sur un miroir. On lui a donné, à cause 
de cette particularité, le nom de Sengui Ainèh (la pierre du miroir). 

4. Seyf oud Din cl A'radj (le boîteux) naquit à Esfereng; il quitta sa ville natale pour 

1 1 



1 62 RELATION 

Khodjend, située sur les bords du Sihoun ' ; Kemal Khod- 
jendy y naquit ^ . 

Endedjan^ Tachkend, Marghinan^ Kachan^ Benaket, appe- 
lée aussi Fenaket et Cbahroukhièh^ parce que Chah Roukh, fils 
de Tamerlan, y construisit un château-fort. L'auteur de l'ou- 
vrage historique connu sous le titre de c Tarikhi Benakety, » 
naquit dans cette ville ^. 



se rendre à Boukhara, puis, dans le Kharezm où il se fixa. Il a composé un certain nom- 
bre de pièces de vers à la louange du Sultan Mohammed, fils de Tdkich. Ce po^te, dont 
le divan est composé de plus de douze mille distiques, a été un imitateur de Khaqany. 
Seyf mourut en 372 (1176), à Page de quatre-vingt-cinq ans. 

1. Khodjend est située à l'ouest d'Endidjan, à la distance de cinq fersengs. Les fruits, 
particulièrement les grenades, y sont excellents. Le château qui défend cette ville est 
extrêmement fort. Au nord, s'élève une montagne nommée Mioughil où Ton recueille des 
turquoises et d'autres pierres de prix. On trouve, dans les environs de Khodjend, de 
bons endroits de chasse. Les ophthalmies sont si fréquentes dans ce pays que l'on dit 
que les moineaux eux-mêmes y sont sujets. Entre Khodjend et Kend Badam (Kani 
Badam) s'étend une plaine déserte qui est constamment balayée par le vent. On raconte 
que plusieurs derviches furent, en la traversant, assaillis par une bourrasque si vie* 
lente qu'ils furent dispersés et qu'ils périrent tous, en allant à la recherche Tun de 
l'autre. Depuis cette époque, ce désert a reçu le nom de Ha Dervick. (Heft Iqlym. 
fol. 5o3, V) 

2. Le cheikh Kemal appartenait à une des plus illustres familles de Khodjend. Il s*était 
voué à la vie religieuse et contemplative; il quitta sa patrie dans l'intention de £ure 
pèlerinage de la Mekke. Dans le cours de son voyage, il séjourna à Tebriz qui, sous 
les princes de la dynastie de Djelaîr, était devenue le rendez-vous des gens de mé* 
rite et dont les grands personnages goûtèrent ses doctrines spirituelles. Touqta- 
mich Khan s'empara de cette ville et, sur le désir exprimé par sa femme, Kemal fut 
conduit à Seray dans le Dechti Q.iptchaq. Cheikh Kemal y demeura pendant quatre ans ; il 
obtint ensuite la permission de retourner à Tebriz, où il s'établit dans un superbe monastère 
que le Sultan Hassan avait fait bâtir et décorer pour lui, et pour l'entretien duquel il 
avait assigné les revenus de propriétés considérables. 

Kemal était en relations littéraires avec Hafiz qui appréciait hautement ses 
poésies. 

Kemal KhoJjcndy mourut à Tebriz en 792 (iSSg) et fut enterré dans le monastère 
qu'il habitait. Son tombeau est un but de pèlerinage et l'objet d'une vénération parti- 
culière. 

3. Le titre exact de cet ouvrage est Raou^et ouîi il elbah (le jardin de ceux qui sont 
doués d'intelligence). C'est une histoire générale composée par Tordre du souverain de 
la dynastie mogole de Perse, Abou Sayd Behadir Khan, par Fakhr oud Din Mohammed 
ibn Abi Daoud Souleyman, né à Benaket. 

Le Raou^et ouli il elbab n'est qu'un abrégé du Djami ont Tewan'kh, de Rechid oud 
Din. 



DE i/aMBASSADE AU KHAREZM l63 

Khoqand est aujourd'hui la ville la plus célèbre du pays de 
Ferghanèh; elle en est la capitale et le souverain y réside. 
L'Emir de Boukhara en fit la conquête; mais le gouverneur 
qu'il y avait placé fut tué^ à cause de sa conduite tyrannique^ 
et les habitants rappelèrent les descendants de leurs anciens 
princes. Chir Aly Khan Khoqandy fut reconnu comme sou- 
verain et Khan de Ferghanèh. Aujourd'hui Khoudayar, un 
de ses descendants^ règne à Khoqandy mais il est entière- 
ment dominé par son vézir ; il n'a qu'une autorité nominale, 
et il peut être considéré comme prisonnier et soumis aux 
ordres de son ministre qui appartient à la tribu des Qiptchaq. 
Que Dieu nous préserve d'un pareil malheur ' ! 

Depuis les frontières de Kachghar jusqu'à celles du Tur- 
kestan, c'est-à-dire jusqu'au commencement du Dechti Qipt- 
chaq, il y a plus d'un mois de marche; tout le pays est 
prospère, bien peuplé et très-bien cultivé ; il est traversé par 
plusieurs grandes rivières telles que le Sihoun, le Naryn 
et le Tchirtchiq ^ Il est divisé en plusieurs provinces dont les 
noms ont déjà été cités. 

Les princes qui gouvernaient autrefois Ferghanèh portaient 
le nom de Ikhchid; aujourd'hui, ils ont le titre de Khan. 
Khoudayar Khan est uni au Khan de Khiva par les liens de 



1. Khoudayar Khan a fait écrire Thistoire de la principauté de Ferghanèh depuis IV 
vénement de sa dynastie. Ces annales qui portent le titre de a Tewarikhi Chdhroukhièh », 
ont été rédigées par Molla Niaz Mohammed et s^étendent de 121 1 (1796) à 1284 (1867). 
Je dois ce renseignement à Tobligeance de M. Gottwaldt, bibliothécaire de TUniversité 
impériale de Cazan. 

2. Le Naryn prend sa source dans les hauts plateaux des Tien-Chan, au sud du lac Is- 
siq Koul. 11 reçoit, à cent milles de sa source, les eaux du Qara Say et du Qarmenta et^ 
près de Baliqtchy, dans le Khoqand, celles du Qara Qouldja. Ces deux rivières réunieC 
prennent à leur jonction le nom de Sihoun ou de Syr Deria. Le Nar^n passe dans d'é- 
troites vallées et dans de longs défilés. Son courant est d*une extrême rapidité et il coule, 
dans toute son étendue, sur un lit de rochers. 

Le Tchirtchiq prend sa source dans le Kyndyr Tau, montagne dont on aperçoit de 
Tachkend le sommet couvert de neiges éternelles. Le courant de cette rivière est extra- 
ment rapide. Elle se jette dans le Sihoun, non loin de Tchinaz. Voyage à Khokand en- 
trepris en i8t3 et 18 14, par Philippe Nazarov, publié par J. Klaproth, dans le « ^L^- 
gasin Asiatique ». Tome i*', Paris, 1825, page 33, 



1 64 RELATION 

» 

Tamitié, mais il est Tennemi de TEmir de Boukhara. La Russie 
s'est emparée de quelques districts de ses Etats. Qu'adviendra- 
t-il dans Tavenir ? 

Kachghar, ville célèbre du sixième climat, est située dans 
le pays des Ouigours^ qui fait partie du Turkestan ; elle porte le 
nom du pays dont elle est la capitale ' . Khodja Saad oud Din 
Kachghary, de Tordre des Soufys, est le personnage le plus 
célèbre qui soit né dans cette ville ^ 

Le Touran tire son nom de Tour, filsde-Toudoun; mais, en 
réalité, on donne à tout l'Orient le nom de Touran. 



I . Kachghar, capitale de l'Etat de ce nom, se compose de deux villes distinctes : la 
vieille ville (Kohnèh Cheher), située sur la rive droite du Touman, et la nouvelle 
ville (Yenghy Cheher), bâtie dans la plaine à cinq milles au sud. Entre les deux villes 
coule le QizilSou, sur les bords duquel on a construit des casernes fortifiées et où s'é- 
lèvent le tombeau de Seiyd Djelal oud Din Baghdady et celui de Hazreti Padichâh. 

La vieille ville est entourée d'une enceinte fortifiée, percée de deux portes, Sou Der- 
wa\èh (la porte de Teau ou de la rivière) au nord et Qpum Derva^èh (la porte du sable) 
au sud. Elle a été bâtie en i3i3 par Mirza Abou Bekr, après la destruction deTancienne 
capitale. A deux milles au nord de la ville, on voit le tombeau de Hazreti Afaq, le saint 
le plus populaire de Kachghar: ce personnage mourut en lôgS. Yaqoub bey a fait éle- 
ver autour du tombeau une construction élégante recouverte de plaques de faïence à des- 
sins bleus et blancs, un collège, une mosquée et un monastère qu'il a richement dotés 

A peu de distance, à Touest de la vieille ville, se trouvait le fort de Gui Bagh qui fut 
enlevé aux Chinois et détruit par Djihanguir Khodja. 

La nouvelle ville a été bâtie en i838 par Zhehir oud Din, Hakim beg ou gouverneur 
de la province. Le palais de l'Emir a été construit sur l'emplacement du palais de 
l'Amban Chinois, et la grande mosquée sur celui de la pagode. Yenghy Cheher est 
entourée de travaux de fortifications. Report of a mission to Yarkund in iSjS under 
command of sir Thomas Forsyth. Calcultta, 1875, in-4% p. 38-41. 

On trouve des détails historiques sur Kachghar dans le Tarikh Turkistan de MeJj 
oud Din ben Adnan, dans l'histoire de la dynastie de Djenguiz Khan par Mohammed 
Tachkendy, dans le Tarikhi Rechidy de Mirza Hayder Doughlat, dans le Te^kerèhi 
Boughra Khan et dans le Tarikhi Munedjdjim Bachy, 

M. Bellew a publié une histoire de cet Etat dans le compte rendu de la mission de 
Sir Thomas Forsyth, pages 106-214. 

Le lecteur pourra également consulter l'ouvrage du même auteur qui a pour titre : 
Kashmir and Kashghar, London, 1875, in-8». Cf. Robert Shaw, Visits to high Tar- 
tary, Yarkand and Kashgar and return journey over the Karakoram pass» London, 
1871; The Roof ofthe world, by lieutenant-colonel T. E. Gordon, Edinburgh, 1876, 
grand 8*; et les travaux des agents et voyageurs russes, traduits par MM. John et Ro- 
bert Mitchell : Russians in Central Asia, London, i865, pages xo8 à 2 38. 

2. Saad oud Din fut le disciple du Cheikh Nizham oud Din Khamouch et du Cheikh 
Zcyn oud Din Khâfy. Il mourut le 9 djoumazy oui Akhir 860 (1455-145G). 



DE i/aMBASSADE AU KHAREZM l65 

Le Khita et le Khoten sont deux royaumes célèbres du Tur- 
kestan. Khitha avec un tha est la forme arabisée de Khita. Le 
Khita est un vaste empire situé à l'orient et qui a pour capitale 
Khan Baligh (Pékin). 

La ville frontière du côté de la Transoxiane est Seghaoul; 
de Samarquand à Seghaoul, on compte cent et une étapes qui 
se décomposent ainsi : de Samarqand à Kachghar, vingt-cinq 
étapes; de Kachghar à Khoten, quinze étapes; de Khoten à 
Qara Khodja, vingt-cinq étapes; de Qara Kodja à Seghaoul^ 
trente et une étapes *. 

QoBALiGH est une ville du Touran connue aussi sous le 
nom de Belassaghoun ^ 

TcHATCH est une ville nommée par les Arabes Châch ^ 



I Les noms des étapes de Samarqand à la frontière de Chine sont donnés dans le 
Kitab Messalik oui memalik d*Aboul Hassan Said el Djourdjany. Cet auteur les a 
relevés dans le Journal des ambassadeurs envoyés par Oulough Beg et Châhroukh Mirza 
à la cour de Pékin. Le récit de cette ambassade a été inséré par Kemal oud Din Ab- 
dour Rezzaq dans son Maihla ous Saddeln, et par Khondemir dans le Habib ous Sïer. 
M. Quatremère a donné la traduction du journal de Khodja Ghias oud Din^ dans le 
tome XI V des Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du Roi. Witsen a 
extrait du Messalik oui mem^/iAr, Titinéraire de Samarqand à la Chine, et Ta mis au 
jour dans son ouvrage qui a pour titre : Noord en oost Tartaryen. Amsterdam, 1783^ 
in-folio, tome V\ pages 491-494. 

2. Belassaghoun est située au delà du Sihoun, non loin de Kachghar, par 101" de 
longitude et 47" 3o' de latitude. Djihan Numa, page 367. 

3. Châch est la forme arabisée du nom de Tchâtch. Cette grande ville est portée dans 
le Taqouim^ comme située à loi* 3o* de longitude et 42 degrés de latitude. Elle re- 
lève de Samarqand et elle est située au-delà du Sihoun. Toutes les maisons sont arrosées 
par des eaux courantes. Châch est la ville la plus agréable de la Transoxiane, et le dis- 
trict dont elle est le chef-lieu contient près de quinze gros bourgs. Elle est éloignée 
de cinq journées de marche de Ferghanèh et de quatre journées de marche de Khod- 
jend. L'auteur du Messalik dit que Châch est aussi grande que la moitié de Benaket , 
que la ville est entourée d'une enceinte fortifiée, qu'elle a un faubourg, qu'elle est 
traversée par des eaux courantes et que Ton voit dans son enceinte de nombreux 
jardins et vergers. Les limites du district de Châch confinent à celles de lylaq. 
Les habitants appartiennent aux tribus des Ghouzz et des Khouldj qui sont musulmans 
et font des expéditions contre les infidèles. Ils jouissent de la plus grande indépen- 
dance. 

L'auteur du He/t Iqlym prétend que Châch est la même ville que Scnsket et Tach- 
kencl. Djihan Numa, page 304. 



l66 RELATION 

Djend ' est une ville du Touran ; Tiraz *, une ville du Tur- 
kestan ; Farab ^ un canton du Turkestan ; Abou Nasr Faraby 
y a reçu le jour. 

GuLVERAN est une grande ville du Turkestan. 

BiKEND ^ est une ville du Turkestan qui porte aussi le nom 

1. Djcnd, dit Yaqout, est une grande ville du Turkestan, située non loin du Sîhoun et à 
la distance de dix journées de marche du Kharezm. Ses habitants professent rislamisme 
et suivent le rite de Timam Abou Hanifèh. Cette ville a donné naissance au Qadi Yaqoub 
ibn Chirin el Djendy, littérateur, poète et grammairien et Fun des disciples les plus dis- 
tingués de Zamakhchary. Moudjem oui Bouldariy tome II, page lôy. 

Djend, dit Ahmed Razy, est aujourd'hui en ruines. Cette ville est la patrie de Baba Ke- 
mal, disciple de Nedjm oud Din Koubra et de Cheikh Mouayyed, disciple du Cheikh Sadr 
oud Din. Hcft Iglym, f* 572. 

2. Tiraz ouTheraz se trouve par loo» de longitude et par 44* 3o*de latitude. Les habi 
tants suivent le rite Chafeîtc. Elle a donné naissance à un grand nombre de savants, parm- 
lesquels il faut citer Abou Nasr Faraby et Tauteur du Qanoun oui Edeb. Cette ville 
jouissait autrefois d'une grande célébrité : mais elle a été totalement ruinée par les 
Uzbeks et son nom ne sert plus qu'à désigner une caverne qui se trouve dans les en- 
virons. Djiian Numa^ page 368. 

3. Farab, ville du Turkestan, située au delà du Sihoun, est la capitale du district de ce 
nom, qui est pins près de Belassaghoun que de Châch. Ce pays est abrupte et les monta- 
gnes sont presque toutes couronnées par des châteaux forts. Les habitants suivent le rite 
Chafelte. Farab a donné naissance à Ismayl ibn Hammad el Djauhery, auteur du Sikhah^ à 
Abou Ibrahym, auteur du traité de lexicographie qui porte le titre de Diwan oui Edeb, et au 
célèbre Abou Nasr Mohammed el Faraby, mort à Damas en 339 (95o). Le lecteur pourra 
consulter, pour la biographie et les œuvres de Faraby^ la Bibliothèque orientale de d*Her- 
belot, tomell, pages 17-18. La Haye, 1787, in -4*, et les Vies des hommes illustres d'Ibn 
Khailikan, tome II, page xi2, de l'édition de Boulaq et tome III, page 307, de la traduc- 
tion anglaise de M. de Slane. 

« Farab est une ville qui a plusieurs cantons placés sous sa juridiction. Elle est 
située à un ferseng du Djihoun et, quand ce fleuve déborde, elle n'en est plus 
séparée que par un demi-ferseng. Quelquefois même, ses eaux arrivent jusqu'à la ville. 
Farab possède une grande mosquée où l'on fait la prière du vendredi ; les murs et le 
toit sont construits en briques cuites et il n'y entre pas un morceau de bois. » Tarikhi 
Boukhara, f» 18 v». 

4. tt Bikcndest comptée parmi les villes; les habitants n'ont jamais consenti à ce qu'elle 
fût considérée comme un village. Si l'un d'eux se rend à Bagdad et, si on lui demande 
quelle est sa patrie, il répond toujours : a Je suis de Bikend »; il ne dit pas : a Je suis 
de Boukhara ». Cette ville possède une grande mosquée où Ton fait la prière du vendredi. 
Les maisons sont très-hautes. Jusqu'en l'année 240 (854) elle comptait un grand nom- 
bre de Rebath (caravansérails). Mohammed, fils d'Abou Djafer, afiirme dans son livre que 
le nombre des Rebath dépassait celui des villages qui s'élèvent autour de Boukhara, c'est-à- 
dire qu'il y en avait plus de mille. En voici le motif : Bikend est une ville d'une grande 
étendue. Les habitants de chacun des villages dépendant de Boukhara y avaient fait con- 
struire un Rebath, dans lequel ils avaient établi dos gens dont ils payaient la dépense. A 



DE l'ambassade AU KHAREZM 167 

de Kondour. Elle est le lieu de naissance d'Abou Nasr Kon- 
doury \ 
QiRGHiz est une ville qui doit son nom à quarante vierges 

répoque de Thiver, lorsque les infidèles se livraient à leurs incursions, les habitants des 
villages se formaient en troupes, se rassemblaient à Bikendetde là, ils entreprenaient 
de saintes expéditions. La troupe fournie par chaque village s*ctablissaitdans son Rebath. 
Les habitants de Bikend étaient négociants; ils étaient en relations avec la Chine, et ils 
se livraient au commerce maritime. Ils étaient tous fort riches. Qputayba ibn Mouslim 
eut beaucoup de peine à s'emparer de Bikend, à cause de la solidité Je ses fortifica- 
tions. 

Bikend a porté le nom de a la ville de cuivre y» (Cheheristani Rouîyn) ; elle est plus 
ancienne que Boukhara. Tous les souverains qui ont gouverné ce pays y ont établi leur 
résidence. Entre Farab et Bikend se trouve un désert sablonneux qui a douze fersengs 
d*étendue. 

Arslan Khan Mohammed^ fils de Souleyman, releva Bikend. On y accourut de toutes 
parts et on y construisit de beaux bâtiments. Ce prince y fit élever, pour lui. un palais 
décoré avec le plus grand luxe. Le Haramkam coule à Bikend qui est entourée de champs 
de roseaux; non loin se trouve un grand lac qui a reçu les noms de Barguini Firakh et 
de Qara-Koul. J*ai entendu dire à des personnes dignes de foi, qu'il avait une étendue de 
vingt fersengs. 

L*auteur du Kitab ouï messalik lit memaïik (Aboul Abbas Ahmed el Serakhssy) lui 
donne le nom de Sam Khen. Ce lac reçoit le superflu des eaux de Boukhara. On y voit 
un grand nombre d'animaux aquatiques et on ne trouverait nulle part, dans le Khoras- 
san, une aussi énorme quantité de poissons et de gibier d'eau. 

Arslan Khan ordonna de creuser un canal assez grand pour que l'eau fut fournie à tous 
les édifices de Bikend, car Teau du Haramkam, tantôt arrivait dans la ville, tantôt fai- 
sait défaut. 

Bikend est construite sur une montagne peu élevée. Le Khaqan donna l'ordre de 
faire passer le canal par la montagne. On rencontra des pierres extrêmement dures sur 
lesquelles les outils ne pouvaient mordre. Les ouvriers furent déconcertés ; on employa 
une grande quantité d'huile et de vinaigre pour amollir les pierres. On ne parvint cepen- 
dant à creuser que la longueur d*un ferseng. Beaucoup d'ouvriers périrent et le travail 
fut abandonné après de grands efforts et une dépense considérable.» 

Tarikhi Boukhara^ îo\, 17 et 18. 

aBikend, dit Yaqout, est située entre le Djihoun et Boukhara à la distance d'une journée 
de marche de cette ville. Elle est citée dans le « Livre des conquêtes ». C'était une 
grande et belle ville, qui a donné naissance à un grand nombre de savants, miais elle est 
ruinée depuis longtemps. Bikend est la seule ville de la Transoxiane de qui ne relèvent 
ni champs ni villages : mais elle est celle qui possède le plus grand nombre de Rebath, 
et leur nombre s'élève, m'a-t-on dit, à près de mille. Elle est entourée par une forte 
muraille et Ton y voit une belle mosquée, d'une grande hauteur et dont le mihrab 
recouvert de sculptures et d'arabesques dorées, n'a point son pareil dans la Transoxiane 
pour la beauté de ses ornements. » 

I. Kondour est un village delà province de Nichabour; il ne peut donc être assimilé 
à Bikend. 

Abou Nasr Manssour ibn Mohammed el Kondoury el Djerrahy, qui avait reçu le 



l68 RELATION 

qui s'y étaient établies. Dans Torigine, son nom était Qirq-Qiz, 
c'est-à-dire les quarante filles. On orthographie aussi ce nom 
Khirkhiz. 

Qakaqoum est une ville du Touran située dans le pays des 
Qirghiz ' . 

Thourfan est une ville située sur les frontières du Khita '. 

Le Thakharistan est un pays situé sur les bords du Djihoun ; 
il s'étend^ d'un côté, depuis Balkh jusqu'à Kaboul, et, de l'autre, 
depuis la partie montagneuse de Badakhchan jusqu'au Ghard- 
jistan. Ce pays renferme quelques villes ^ 



titre honoritîque de Amyd oui Moulk (le soutien du royaume), était ministre de Tho- 
groul Bek. 11 fut, à cause de ses malversations, mis à mort en 459 (1066), au com- 
mencement du règne d'AIp Arslan. 

Cf. pour la biographie d^Aroyd oui Moulk les Vies des hommes illustres d*ibn Khal- 
likan, édit. de Boulaq, tome H, page i63, et la traduction de M. de Slane, tome IIl, 
page 290. 

1. Qaraqoum signifie « sable noim. Aboulfeda dit, dans le Taqouim^ que cette ville 
est la capitale d*une contrée située aux confins extrêmes des pays des Turks. ibn Sayd la 
place par 106' 3o* de longitude et par '60* 3o* de latitude. 

Cette ville est habitée par desQalmaq. Djihan Numa, page 368. 

2. Thourfan est une ville située sur la route qui conduit de Samarqand en Chine. 
Elle s'élève au milieu du pays des Mogols et elle est distante de dix-huit journées de 
marche d*Endidjan. Quelques auteurs la placent entre Kachghar et Khoten. 11 y a vingt 
étapes de Thourfan à la frontière de Chine. Djihan Numa, page 367. 

Thourfan, dans l'itinéraire des ambassadeurs de Châhroukh Mirza, est désignée comme 
se trouvant dans le pays occupé par les Qalmaq, qui se livrent au brigandage et aux dé- 
prédations. Messalik oui memaliky d'Aboul Hassan Sayd el Djourdjany. 

Thourfan est la même ville que Ouch Turpan qui figure sur les itinéraires de TAsie 
centrale recueillis par les Russes. A. de Humboldt, Fragments de géologie et de climat 
tologie asiatiques, Paris, i83i, tome !•', page, 289. 

Thourfan a été détruite en 1763 par les Chinois, lors de la révolte des Khodjas, et toute 
la population fut massacrée. C'est, aujourd'hui, une ville ouverte de huit cents maisons^ 
commandée par un petit fort bâti sur une colline et occupé par trois cents hommes de 
garnison. Les habitants sont des Tarantchy implantés par les Chinois. Report of a 
mission to Yarkund, etc, page 3, 

3. Le Thakharistan ou Thokharistan est une vaste province qui fait partie du Kho- 
rassan et qui renferme un grand nombre de districts. Elle est divisée en haut et en bas 
Thakharistan. Le haut Thakharistan s'étend à l'orient de Balkh et à l'ouest du Dji- 
houn. 11 est séparé de Balkh par une distance de vingt-huit fersengs. Le bas Thakha- 
ristan est également situé à l'ouest du Djihoun, mais il est plus éloigné de Balkh et 
s'étend plus vers l'orient que le haut Thakharistan. Cette province a vu naître un 
grand nombre de savants. 

Les villes principales sont Khoulm, Simidjan, Baghsan, SekakenJ, Vczvalin. La 



DE l'ambassade AU KHAREZM l6g 

Balkh Bamy * est une ville célèbre du quatrième climat ; elle 
est située dans le Khorassan et à une distance de dix fersengs 
du Djihoun. On prétend que Balkh est la première ville qui 



plus grande ville, dit Isthakhry, est Thaliqan , bâtie dans une plaine unie , entourée 
de montagnes qui s'élèvent à la distance d*un trait de flèche. 

I. Balkh est une des villes les plus anciennes du Khorassan; aucune d'elles ne re- 
monte à une plus haute antiquité. Les provinces qui forment l'état de Balkh sont celles 
du Thakharistan , de Semengan , de Baghlan , Seray, Varseng, Thaliqan, Endkouh, 
Chibourghan, Fariab, Djourgan, Bamian, Ghaznah, Bedjeher. Le Kaboul et Ferwan, 
jusqu'aux bords du Sind, sont également comptés parmi les dépendances de Balkh, 
ainsi que le pays qui s'étend depuis Lenguer et Tchitchektou jusqu'au Mourghâb. 

Le pistachier croît naturellement dans les montagnes de Balkh comme à Badghis, 
mais les pistaches de Badghis ont une amande plus charnue que celles de Balkh. Une 
partie du Ghardjistan dépend de Balkh, l'autre partie relève de Hérât. Menoutchehr 
fît bâtir à Balkh un vaste édifice auquel on donna le nom de Nao Behar. C'était le plus 
vaste des temples, et il était l'objet d'une vénération particulière. Cet édifice couvrait 
une superficie de cent coudées carrées, et sa hauteur était de plus de cent coudées. Les 
murs étaient tapissés d'étoffes de soie et de brocard, et des torsades ornées de pier- 
reries y étaient suspendues. Les habitants de la Perse et du Turkestan avaient pour 
ce pyrée un respect particulier; ils s'y rendaient en pèlerinage et y apportaient des of 
frandes et des ex-voto. 

Lohrasp établit sa capitale à Balkh. Ce prince était l'héritier présomptif de Key Kaous 
et il lui succéda. Lohrasp est le premier souverain qui eut des troupes recevant une solde 
réglée ; il se fit faire à Balkh un trône en or, incrusté de pierreries et de rubis. Les 
princes de l'Inde et du pays de Roum lui avaient fait leur soumission et obéissaient à 
ses ordres. 11 fit venir de l'Inde à Balkh, qui était sa capitale, un grand nombre d'In- 
diens : il entoura la ville d'une enceinte fortifiée et fit construire un château-fort qui 
reçut le nom de Château des Indiens. 

Balkh est, dit-on, la ville la plus grande du Khorassan; elle est celle dont le terri- 
toire est le plus vaste et les eaux les plus abondantes. 

A l'époque des Kharezm Chah, le Kharezm avait une population si nombreuse 
que les récoltes de ce pays ne suffisaient point à nourrir les habitants. On transportait 
de Balkh au Kharezm sur des bateaux, une grande quantité de blé, car cette contrée 
produit des céréales en abondance. 

Balkh est située dans une plaine. Les montagnes s'élèvent à la distance de quatre fer- 
sengs. Une grosse rivière, appelée Roudi Hach, traverse la ville qui est, de tous côtés, 
entourée de jardins et de vergers. 

Aly ibn Issa Mahan fut pendant quelque temps, à l'origine des Abbassides, gouver- 
neur du Khorassan. Il établit sa résidence à Balkh. C'est à lui que le village d'Aly Abad 
doit son nom. Les princes de Balkh portaient avant l'islamisme le nom de Barmek. On 
dit : les Barmek de Balkh^ comme on dit les Césars de Grèce, les Cosroës de Perse et 
les Pharaons d'Egypte. 

Khalid le Barmécide se rendit à Damas à l'époque des Khalifes Ommiades, et il eut 
la gloire d'embrasser l'islamisme. Les Barmécides qui furent les ministres des Abbas- 
sides, sont ses descendants. 

Ibrahim Edhem a également vu le jour à Balkh. Il était de la race des Adjcla qui a 



1 70 RELATION 

fut bâtie dans le monde, et que Keyoumers en a été le fonda- 
teur. Envery, pour se taire pardonner sa satire contre Balkh^ 
parle en ces termes de l'antiquité de cette ville : c Si 
le ciel était un petit enfant , Balkh serait sa nourrice; la 
Mekke pourrait, de son côté, être la mère de toutes les 
villes du monde. » Balkh, dans les siècles passés, a joui 
d'une grande prospérité. L'insalubrité de son climat est 
devenue proverbiale. Dans ces dernières années, elle était 
tombée au pouvoir du fils de l'Emir Dost Mohammed Khan. 

Khoulm ', Chibourghân et le Khatlan dépendent de Balkh. 
Les chevaux Khatly, que les poètes célèbrent dans leurs vers, 
tirent leur origine de Khatlan \ 

fourni des princes qui ont gouverné Balkh. Cette ville a également donné naissance 
aux Cheikhs Abou Aly Chcqiq ibn Ibrahim et Ahmed Khizhrouièh. Rechid Vathvath, 
poète et secrétaire des Kharezm Chah, Meviana Djelal oud Din Roumy sont également 
originaires de Balkh. Zoubdei out Tervarikh, de Nour oud Din Louthf ouUah Hafiz 
A brou cl Hèrèvy, pages 180-181. 

Balkh fut complètement détruite par les Mogols en 618 (1221), et ses habitants mas- 
sacrés jusqu'au dernier. Cette ville était arrivée, à cette époque, à un si haut degré de 
prospérité, qu'elle renfermait douze cents mosquées où l'on faisait la prière du ven- 
dredi et douze cents bains. Au rapport d'Abou Nasr Parsa, il y avait à Balkh cinquante 
mille descendants du prophète, cheikhs, ulémas et mollas. 

Enlevée parTimour à Sultan Hussein en 771 (i36g), Balkh se rele\'a sous la domi- 
nation des successeurs de ce prince. Mais elle tomba de nouveau en décadence lors- 
qu'elle fut au pouvoir des Uzbeks. Fraser {Journey into Khorassan, appendice, page 106) 
a donné une courte notice sur la situation de cette ville au commencement de ce siècle. 

1. Khoulm est un district situé à dix fersengs de Balkh, dont le territoire est occupé 
par les Arabes des tribus d'Assad, de Benou Temim et de Qa!s qui s'y sont établis lors 
de la conquête. La ville de Khoulm est petite^ mais elle est entourée de villages, de 
vergers et de cultures. Pendant Tété, le vent s'y fait sentir presque continuellement, nuit 
et jour. La ville est occupée aujourd'hui par les Uzbeks et porte le nom de Tach Qpur- 
ghan. Cf. Moorcroft, Travels, etc. London 1S41, tomell, pages 41 2-41 3. — Fraser, Joiir- 
nex into Khorassan, app., page 107. — Mohan Lai, Travels to Balkhy Bokhara and 
Herat, London, iS^b, pages io3-io8. 

2. « Le Khatlan ou Khoutlan est un district célèbre par l'abondance de ses fruits, et 
dont les revenus s'élèvent à une somme considérable. Les chevaux khatly jouissent 
d'une réputation universelle. Les habitants sont, pour la valeur et le courage, les ri- 
vaux de Rustem et d'Isfendiar. 

Distique,— u Chacune de leurs lances est semblable à un météore qui dissipe les ténè- 
bres, chacune de leurs flèches est une foudre qui transperce les rochers. » 

La capitale de ce district est Koulab dont le château est merveilleusement fortifié. On 
visite, dans les environs de Koulab, le tombeau de l'Emir Aly Hemdany. » 

Koulab a vu naître les poètes Adily et Baqy. He/t Iqlym, P 23i, \*. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 171 



• 

Merv Chahidjan ' est une ville célèbre du quatrième cli- 
mat. On la rattache au Khorassan. Les personnages nés dans 
cette ville reçoivent le surnom de Mourouzy^ forme que rien 
ne justifie. Le nom de Chahidjan signifie « Pâme de TEmpire. » 
Elle a été construite par Alexandre qui lui donna le nom grec 
de Merdjanos ; elle était autrefois^ ainsi que je l'ai déjà fait re- 
marquer^ administrée par les fonctionnaires des Khans du Kha- 
rezm ; les habitants se sont soustraits à l'autorité du Khan de 
Khiva et ils ont embrassé le parti de TEmir de Boukhara, mais 
ils ne paient d'impôt à personne et ils se vantent d'être indé- 
pendants^ et de se gouverner eux-mêmes. 

1. « Mcrv Chahidjan, une des villes les plus importantes du Khorassan, a dté fondée, 
selon quelques auteurs, par Alexandre, et, selon d'autres, par Chapour Zoul Ektaf. Mais 
la version la plus exacte est celle qui fait remonter son origine à Tehmouras. Cette 
ville a été la capitale du prince Seldjouqide Sindjar. A la suite de la défaite de ce prince 
par les Ghouzz, la ville fut livrée au pillage pendant trois jours et trois nuits; on ap- 
pliqua à la torture les Seiyds et les notables, pour leur arracher l'aveu des trésors qu'ils 
avaient cachés. Cette calamité fut, pour Merv, la cause d'une décadence complète. Elle 
se releva cependant et se repeupla peu à peu. 

Lors de l'invasion de Djenguiz Khan, elle fut totalement ruinée et elle ne revit plus 
la prospérité dont elle avait joui autrefois. L'auteur du a Habib ous Sîcr i> rapporte 
que Djenguiz Khan, après avoir pris Baikh qu'il livra au pillage et dont il massacra les 
habitants, fit marcher contre le Khorassan son fils Touly Khan à la tête de quatre- 
vingt mille cavaliers. Touly mit le siège devant Merv. 

Moudjir cul Moulk qui gouvernait la ville au nom du Sultan Mohammed Kharezm Chah, 
voyant toute résistance impossible, résolut de faire sa soumission. Il se rendit au camp 
de Touly, porteur de magnifiques présents. Les Mogols entrèrent dans la ville et en 
firent sortir les habitants dont le défilé dura quatre jours. On mit à part quatre cents 
artisans et les femmes et les enfants auxquels on accorda la vie sauve. Les habitants fu- 
rent partagés entre les Mogols, et chaque soldat en eut quatre cents pour sa part. Tous 
furent massacrés. Seiyd Izz oud Din Ncssay, aidé par quelques commis, passa seize jours 
et seize nuits à faire le dénombrement des gens qui avaient été tués. Leur nombre s'éle- 
vait à plus de treize cent mille. Quatre personnes seulement échappèrent à la mort. 

La ville resta en ruines jusqu'au règne de Châhroukh Mirza. Sultan Sindjar fit tous 
ses efforts pour lui rendre sa prospérité ; il construisit une nouvelle ville qui se peu- 
pla rapidement. Aujourd'hui, Merv renferme deux parties dont l'une est la vieille ville, 
Tautre la ville nouvelle. 

Merv est bâtie sur un sol uni et elle a de nombreuses localités sous sa juridiction. 
L'eau lui est fournie par le Merv Roud qui n'est autre que le Mourghâb, dont le cours 
finit sur son territoire. Les fruits, et surtout le raisin et les melons, y sont abondants. 
Le climat est insalubre; les maladies y sont nombreuses. Dans quelques localités, on 
voit des mouches de la grosseur d'une guêpe et qui incommodent tellement les habi- 
tants, qu'ils sont obligés de passer trois mois de l'été dans des lieux élevés où ils cam- 
pent. » He/t Iqlym, f* 2o3 recto et verso. 



172 RELATION 

MouRGHAB est une ville située à quarante fersengs de Merv. 
La rivière du Mourghâb est appelée aussi Merv Roud. On se 
rend de Merv à Hezaresp en dix journées de marche. 

Serakhs est une ville du quatrième climat et qui fait partie du 
Khorassan. Elle doit son nom à Serakhs, fils de Gouderz. 

Les Iraniens et les Touraniens se sont livré des batailles san- 
glantes autour de Serakhs. 

Serakhs est située par 94 degrés de longitude et 37 degrés de 
latitude. Cette ville a, autrefois, donné naissance à des cheikhs 
d'une haute piété, comme le cheikh Loqman Serakhssy et 
Aboul Fazhl Serakhssy \ Aujourd'hui, elle est au pouvoir des 
Turkomans Tekèh qui, suivant leurs intérêts, tantôt embras- 
sent le parti du Khan de Khiva et tantôt se soumettent aux or- 
dres des gouverneurs du Khorassan. En l'année 1248 (i83i), 
feu le Chah Zadèh, auquel Dieu accordait son aide, le Naïb ous 
Salthanèh (Abbas Mirza), marcha sur le Khorassan, à la tête 
de quelques régiments, par la route d'Aq Derbend; il assaillit 
Serakhs, tua un grand nombre de Turkomans Salour, rendit la 
liberté à trois mille esclaves persans et fit prisonniers trois mille 
Turkomans. En cette année 1268 (i85i-i852), le Nevvab Hus- 
sam ous Salthanèh dirigea, du Khorassan, une expédition con- 
tre Serakhs; à son retour, il fit main basse sur les Turkomans 
qui se livraient au pillage; mais certaines difficultés ne lui per- 
mirent pas de mener à bonne fin son entreprise, et Abbas Qouly 
Khan Derèh Guèzy fut investi du gouvernement de ce pays. 
Une route conduit de Serakhs à Thijen, et on se rend de Thijen 
à Khiva en quelques jours. Mir Ahmed Khan Djemchidy, gou- 
verneur de Thijen, au nom du Khan de Khiva, est chargé de 
maintenir le bon ordre dans cette contrée. Que décidera, dans 
l'avenir, la prédestination céleste? 

Kelat ^ est le nom d'une place forte du Khorassan, construite 



1. Djamy a donné la biographie de ces deux personnages dans son Nefehat oui ouns, 
Calcutta, i858, pages 320 et 334. 

2. tt La ville de Kelat est environnée de montagnes abruptes et absolument inacces- 
sibles. Elle a, du côté de Merv, une grande porte où les gardes visitent ceux qui en- 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM \y3 

sur le sommet d'une colline. Nadir Chah Efchar y avait trans- 
porté son trésor, et il avait augmenté considérablement le nom- 
bre des édifices de cette ville. Aujourd'hui elle est gouvernée par 
Djafer Aga. En apparence^ il semble obéir au gouvernement 
persan, mais ses sympathies secrètes sont pour le Khan de 
Khiva. 

Hérat, ville du quatrième climat et du Khorassan, a été 
soustraite, de nos jours^ à la domination des princes Afghans. 
Elle était au pouvoir du vézir Yar Mohammed Khan^ qui s'é- 
tait rattaché au gouvernement persan et avait reçu le titre de 
Zhehir oud Daoulèh. Il gouvernait d'une manière indépen- 
dante la province de Hérât. Il est mort dans le courant de cette 
année. Sa Majesté le Roi, dont le rang est égal à celui de Djem^ 
l'asile du monde, Nacir Eddin Padichâh , «puisse Dieu rendre 
son règne éternel ! déférant aux vœux exprimés par les nota- 
bles de Hérât, expédia un diplôme et un vêtement d'honneur 
au fils de Zhehir oud Daoulèh, Sayd Mohammed Khan qui est 
assis, aujourd'hui, sur le trône de la souveraineté. 

Hérât est une des villes célèbres de l'antiquité; elle est si- 
tuée à 94° 3o' de longitude des Iles Fortunées et à 34° de lati- 
tude de l'équateur. Son climat est salubre, ses eaux sont excel- 
lentes. Les médecins, pour caractériser la brise du nord qui 
souffle à Hérât, ont dit : « Si Ton réunissait dans une seule lo- 
calité le sol d'Ispahan , le vent du nord de Hérât et l'eau du 
Kharezm, les hommes n'y mourraient jamais. » Un poète a dit : 

Vers. — « Si on te demande quelle est la plus belle des vil- 



trent ou qui sortent. Cette porte conduit à un passage si étroit, qu'un cavalier a de la 
peine à le traverser. Au-dessus, s*élève la cime des montagnes, de manière à former une 
espèce de voûte naturelle. Le canal qui arrose toutes les cultures de Kélat entre dans 
cette ville du côté de Mechhed et en sort par le défilé de Merv. ... Notre monarque 
vNadir Chah) déposa dans cette ville les bijoux et les trésors dont il n'avait pas besoin 
pour le moment.» Voyage de l'Inde à la Afekke par Abdoul Kérim, traduit de Tanglais 
par feu L. Langlès. Paris^ 1825, page 74. 

Cf. Fraser, Journey into Khorassan, appendice, page 53, et Valentine Baker, Clouds 
in the East, London, 1876, pages 201-202. 



174 RELATION 

les, réponds, si tu veux être véridique, que c'est Hérât. Imagine 
que le monde est une mer, le Khorassan une coquille et, au 
milieu de cette coquille, la ville de Hérât brille comme une 
perle. » 

Cette ville est bâtie entre deux montagnes et elle s'étend 
plutôt du côté du nord. La plaine ouverte qui sépare ces 
deux montagnes a une superficie de trois fersengs et demi. 
Les montagnes dont je viens de parler, forment une chaîne de 
vingt-cinq fersengs de longueur. La province de Hérât est, dans 
toute son étendue, bien cultivée et bien peuplée; elle est arro- 
sée par sept grands cours d'eau. On difTère d'opinion sur le 
nom du fondateur de Hérât. Un poète a composé sur ce sujet 
le quatrain suivant :. 

Quatrain. — « Lohrasp a jeté les fondements de Hérât ; 
Gouchtasp a rebâti la ville; après lui, Behmen en a augmenté 
les constructions et Alexandre de Grèce en a fait une cité nou- 
velle. » 

On trouve, dans l'histoire de Hérât, de nombreux détails re- 
latifs à cette ville '. Elle a été plusieurs fois ruinée et rebâtie. 
On rapporte qu'à l'époque des rois du Ghour et de la dynastie 
des Kert, Hérât était dans un tel état de prospérité que Ton y 
comptait cent deux mille boutiques, six mille bains, caravansé- 
rails et moulins, et trois cent cinquante collèges et monastères. 
Elle tomba ensuite en décadence, mais sous le règne de Châh- 
roukh, fils de l'Emir Timour, et sous celui de Sultan Hussein 
Mirza Gouregany, elle était si peuplée que, chaque jour, on em- 
ployait, dans les boutiques des boulangers, vingt kharvar ^ de 

1 . L*histoire de la ville de Hérât a été écrite par plusieurs auteurs. Je me bornerai à 
citer celle d'Abou Rouh Issa el Héréwy, mort en 544 (1149) et celle qui a été rédigée 
en persan, en 897 (1492) par Mou'in oud Din Isfizary et qui porte le titre de Raoudhat 
oui Djennat fi aoussaf Herat. (Les parterres de fleurs du paradis renfermant la descrip- 
tion de Hérât.) 

2. Le kharvar (charge d'un âne) représente le poids de cent men de Tebriz (.^ao kilo- 
grammes.) 



DE L*AMBASSADE AU KHAREZM \j5 

graines de faux cumin (Siâh Daneh) pour saupoudrer le pain. 
Cette assertion est extraordinaire. Il y avait, à cette époque^ 
douze mille étudiants qui recevaient des pensions et leur sub- 
sistance du trésor royal. Aujourd'hui, cette ville ne compte pas 
plus de six mille habitants. 

On trouve en dehors de la ville^ des endroits agréables et 
des monuments d une construction élégante. Je citerai Ka- 
zergâh et Takhti Sefer qui servent à la population de pro- 
menades et de lieux de divertissement. Hérât a six portes. 
Sous le rapport de l'agrément et du bien-être, elle n'a pas de 
rivale. Au dire des gens intelligents, Merv est la clef du Kha- 
rezm et Hérât est celle de tout le Khorassan et du Turkestan. 
I-.es beautés de Hérât se trouvent décrites en détail dans la 
plupart des ouvrages d'histoire; on m'excusera donc de ne 
point m'étendre davantage sur ce sujets dans le cours de ce ré- 
cit. Mon désir était de donner seulement un abrégé de la si- 
tuation et de l'histoire du Kharezm; mais, en vertu du proverbe 
qui dit : « La parole provoque la parole » , j'ai cru convenable 
de parler d'autres pays, et ma narration s'en est trouvée 
augmentée. L'excuse est toujours acceptée par les hommes gé- 
néreux. 

L'histoire de la dynastie actuelle des Khans de Khiva n'est 
pas dépourvue d'intérêt, au point de vue de la situation pré- 
sente du Kharezm. Je vais donc, en peu de mots, en donner 
un aperçu. 



Résumé de l'histoire des Khans de Khiva. 

Lorsque Nadir Chah eut bouleversé les Etats de la plupart 
des souverains de l'Asie, la tribu des Turkomanis Yomout s'em- 
para des provinces et des places fortes du Kharezm. Elle posa 



I y6 RELATION 

le pied de la domination sur le trône de la souveraineté. Pen- 
dant un certain temps^ elle gouverna d'une manière absolue 
cette vaste contrée. Une tribu Uzbek , fixée à Qonghourat , 
et dont Torigine remontait aux Mogols^ déploya le drapeau de 
la conquête. Iltouzer, fils d'ivazinaq, fils de Mohammed Emin, 
fut le premier chef de cette tribu qui aspira au pouvoir su- 
prême. Il se créa un parti et, appuyé par sa tribu, il sortit de 
Qonghourat en Tannée 121 1 (1796) et attaqua les Turko- 
mans Yomout. Ses affaires prirent peu à peu une tournure fa- 
vorable ; il chassa les Yomout de Gourgandj et du Kharezm 
et les refoula sur les frontières du Gourgan. Les Yomout se 
rallièrent , marchèrent de nouveau contre lui , mais ils fu- 
rent défaits et mis en fuite dans la bataille qui se livra à 
Ghanqah Tchachkin. Iltouzer s'assit alors sur le trône avec le 
titre de Khan. Après avoir gouverné pendant deux ans, il périt 
en 121 3 (1798), noyé dans le Djihoun. 

Mohammed Rehim Khan, fils d'Ivaz Inaq, succéda à son 
frère aîné Iltouzer avec le titre de Khan. Il mit tous ses soins à 
rétablir Tordre dans les affaires du gouvernement; il livra aux 
Boukhares, aux Tekèh et aux Yomout de nombreux combats^ 
dans lesquels il fut toujours vainqueur. Il régna pendant vingt- 
sept ans, et mourut en Tannée 1257 (1841). Son fils, Allah 
Qouly Khan, lui succéda. Il gouverna le pays qui lui était échu 
par droit de naissance, et il vécut heureux et tranquille. Il 
mourut après un règne de dix-sept ans. 

Rehim Qouly Khan, fils d'Allah Qouly Khan, occupa le trône 
après son père. Selon la règle établie à Khi va, son frère Rah- 
man Qouly Tourèh exerça les fonctions d*Inaq, c'est-à-dire 
celles du pouvoir civil et militaire. Rehim Qouly Khan quitta ce 
bas monde en Tannée 1263 (1847), après avoir régné cinq ans. 

Mohammed Emin Khan, fils d'Allah Qouly Khan, reçut le 
titre de Khan et le pouvoir souverain après la mort de son frère 
aîné. En Tannée présente 1268 (i852), il y a six ans qu'il est 
monté sur le trône. Il est âgé de trente-deux ans. Il y a, parmi 
les enfants de Mohammed Rehim Khan et d'Allah Qouly Khan, 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM I77 

des princes qui portent le nom de Tourèh ; aucun d'eux n a pu 
jusqu'à présent être élevé au rang de Khan. 

Dieu connaît la vérité sur toutes choses. Que se déroulera-t-il 
à nos yeux lorsque le rideau qui nous voile le spectacle des 
choses cachées se sera levé? Que décidera la prédestination 
céleste? La dynastie actuelle règne sur le Kharezm depuis 
cinquante-huit ans. L'avenir est soumis aux ordres du Dieu 
qui ne périra jamais. 



Règles observées pour l'élection et Vintronisation d'un Khan. 

Lorsqu'un Khan de Khiva vient à mourir, les qadis, les ulé- 
mas^ les grands officiers militaires et les vézirs se rassemblent 
après les cérémonies funèbres, et ils offrent le titre de Khan à 
son fils, qui est Phéritier présomptif et qui doit être doué de 
toutes les qualités exigées pour exercer la souveraineté. Celui-ci 
refuse d'abord et se défend d'accepter le pouvoir; puis, il fait à 
haute voix la déclaration suivante ; « Si vous êtes unanimes pour 
me conférer la dignité de Khan, il faut que vous ne contreveniez 
à mes ordres en aucune circonstance, quand bien même je 
prononcerais une sentence de mort. » Le grand qadi et les 
assistants donnent leur adhésion. On fait alors asseoir le nou- 
veau Khan sur un tapis de feutre blanc. Les Tourèhs, les offi- 
ciers militaires, les ulémas en saisissent les bords, le soulèvent 
et lancent le Khan sur le trône, avec une violence telle qu'il est 
jeté sur la face, ou que son bonnet roule à terre. Chacun des 
assistants coupe alors, avec son couteau, un morceau de ce 
tapis et l'emporte chez lui. On prétend que la présence d'un 
des descendants de Djaghatay est nécessaire, pour que 
l'intronisation du Khan soit valable. D'après ce que l'on dit, 
Mehter Yaqoub le Vézir prétend descendre de Djaghatay; 



12 



178 RELATION 

mais les habitants du Kharezm savent qu'il est originaire de Kât, 
et que la prétention qu'il affiche est mensongère. 

Le Khan actuel a un fils âgé de cinq ans^ qui a une taie sur 
l*œil. Seiyd Mahmoud Tourèh, Seiyd Ahmed et Seiyd Moham- 
med Tourèh, fils de Mohammed Rehim Khan^ sont encore en 
vie; ils attendent que le destin les fasse parvenir à la dignité 
de Khan. 

Hémistiche. — « Ils attendent que l'un disparaisse, et qu'un 
autre se produise au jour. » 

Moussa Tourèh, fils de Rahman Qouly Khan, est im jeune 
homme d'une grande bravoure, d'une taille élevée et d'un as- 
pect agréable. Il a les sympathies de la population et il est digne 
et capable de gouverner ce pays. Parmi les Tourèhs, se trouve 
un enfant de douze ans qui, par sa corpulence et sa taille, a Tap - 
parence d'un lutteur de trente ans. Un cheval a de la peine 
à supporter son poids. Sa grosseur, son embonpoint et sa 
haute taille sont l'objet de l'attention générale, et ce prince est 
une des curiosités du pays. 



Exposé de quelques faits. 

Le Khan de Khi va a pour règle de donner à ses officiers qui 
appartiennent aux tribus des Yomout, des Gouklan, des Tchou- 
der et autres, des terrains irrigués. Quiconque reçoit un arpent 
de terre est obligé, en temps de guerre, de fournir un cavalier. 
Celui qui reçoit dix arpents amène donc dix cavaliers. Chaque 
cavalier est suivi par deux chameaux qui portent les vivres né- 
cessaires pour une campagne. Quand cinq mille cavaliers sont 
réunis, on croit voir, à cause du grand nombre des chevaux de 



DE l'ambassade AU KHAREZM lyg 

charge et des chameaux, un corps de quinze mille hommes. 
Lorsque le nombre s'élève à dix mille^ on s'imagine qu'il y a 
trente mille combattants. Une telle armée paraît considérable 
aux yeux des personnes qui ne sont point au fait de cette par- 
ticularité, et elle épouvante les gens inexpérimentés. Lorsque le 
Khan de Khiva fait une expédition^ il établit chaque nuit^ dans 
ime plaine^ son camp auquel on donne une forme circulaire ; 
les oflSciers doivent, sur une longueur qui leur est indiquée, 
faire creuser un fossé qui finit par entourer le campement tout 
entier et dans lequel on fait couler de Teau, s'il s'en trouve à 
proximité. 

Quiconque, en temps de guerre, perd un cheval ou un cha- 
meau, en reçoit le prix. Au retour d'une expédition, le Khan 
donne une gratification de cinq toumans à chaque cavalier. La 
solde fixe ne dépasse, pour personne, la somme de cinquante 
toumans. Cette faible dépense ne porte point atteinte à la ri- 
chesse du pays et n'appauvrit pas le trésor. Les cavaliers les 
plus aguerris sont, en réalité, ceux de la tribu des Djemchidy ; 
leur nombre s'élève à deux mille. L'infanterie compte aussi un 
certain nombre de Djemchidy dans ses rangs, ainsi que des 
esclaves persans. La garde du corps du Khan est formée de 
cinq cents cavaliers Aq Derbendy et Djamy. Son artillerie se 
compose de dix canons mal entretenus et mal servis. Les artil- 
leurs sont persans, ainsi que la plupart des officiers ; aussi le 
Khan ne leur accorde-t-il qu'une médiocre confiance, et pen- 
dant les expéditions, chacun d'eux est l'objet d'une surveil- 
lance rigoureuse. 

Dans le Kharezm, les esclaves persans sont plus nombreux 
que les habitants du pays. On voit un seul Uzbek en possé- 
der cinquante. Si les Persans se sentaient appuyés par le gou- 
vernement de leur patrie, ils se révolteraient certainement con- 
tre leurs maîtres. 

Le samedi vingt-cinq Zyqaadèh (12 septembre), nous quit- 
tâmes Kohnèh Ourguendj pour continuer notre voyage. Je 
fis prévenir mes quarante compagnons de route qui rempli- 



l80 RELATION 

rent les outres avec l'eau du Djihoun, et préparèrent tout 
ce qui était nécessaire pour traverser le désert. On chargea 
les bagages sur les chameaux et nous montâmes à che- 
val^ après avoir placé la litière sur un chameau de grande 
taille. 

Vers. — « Lorsque j'eus achevé tous les préparatifs du 
voyage, je demandai trois files de chameaux à la marche ra- 
pide ; les chameliers turkomans qui servent de guides" dans 
le désert, me les amenèrent sans retard ; ils en choisirent un 
dont la bosse, semblable à une montagne, était capable de por- 
ter la litière. Posée sur son dos, elle ressemblait, à cause de 
la hauteur où elle se trouvait placée, aux vapeurs qui s'élè- 
vent au-dessus de TElbourz. Le chamelier turk (turkoman) 
avait la vigueur et l'humeur vindicative du chameau et il 
poussa, avec la vélocité du loup, les animaux qu'il conduisait 
dans la direction du Gourgan. i» 

Après avoir franchi quatre fersengs, nous arrivâmes à la 
station de Ghatqar, où nous vîmes un jardin nouvellement 
planté par les ordres du Khan de Khi va. Nous y goûtâmes 
le repos pendant la nuit, et, lorsque le jour parut, nous nous 
remîmes en route. MoUa Moukhtar qui avait été désigné par 
le Mehter Aga, ministre du Khan du Kharezm, m'avait ac- 
compagné depuis Khiva en qualité de mihmandar. Il me té- 
moigna le désir de s'en retourner. Je lui fis cadeau d'une robe 
brodée de paillettes (qabat poulèky) ^ et je le laissai partir pour 
Khiva. En un mot, nous nous arrêtâmes à toutes les stations 
où nous avions déjà campé pendant notre voyage d'Esterâbad 
à Khiva. A Tchirichly, nous apprîmes que dans la province 
d'Esterâbad, la tribu des Yomout du Gourgan s'était soulevée 
et mise en état de révolte contre le gouverneur Mohammed 
Vely Khan Beylerbey Qadjar. 

Cette nouvelle nous causa de vives inquiétudes. Mais , 
nous étions forcés de suivre la route d'Esterâbad et au- 



DE l'ambassade AU KHAREZM l8l 

cune station ne nous présentait assez de ressources^ pour que 
nous pussions nous y arrêter. Si nous prolongions notre sé- 
jour dans Tune d'elles, Teau et les vivres viendraient à nous 
manquer. Nouspoursuivîmes donc notre marche^ pleins d'appré- 
hensions. Arrivés à la station de Qouymet-Ata, nous y trou- 
vâmes un grand nombre de femmes et d'enfants et quelques 
vieillards; nous apprîmes qu'ils appartenaient à la tribu des 
Yomout, et que la crainte des soldats du corps d'armée persan 
et des Gouklan leur avait fait quitter les bords du Gourgan. 
Il se dirigeaient vers le Kharezm et Khiva. Les hommes vali- 
des et les jeunes gens, réunis aux Yomout, livraient combat 
aux troupes du Beylerbeg. 

Mon compagnon de route, l'ambassadeur du Khan du Kha- 
rezm, les engageait, en se cachant de moi, à aller à Khiva et il 
leur faisait espérer un bon accueil de la part du Khan. Moi^ 
de mon côté, je les détournais de Tidée d'émigrer et je les 
exhortais à retourner chez eux en toute sécurité. Nous vîmes 
les effets de la lutte entre les Yomout et le Beylerbeg. Les 
craintes, les perplexités de mes compagnons de voyage ne 
firent qu'augmenter; ils me dirent que les troupes du Beyler- 
beg avaient enlevé aux Yomout vingt mille moutons, et que 
les Turkomans Gouklan s'étaient emparés de mille de leurs 
chameaux; que la route du Gourgan n'offrait aucune sécurité, 
à cause des déprédations des Turkomans qui avaient tous fait 
cause commime pour tuer, pour piller, pour ravager le pays 
et pour emmener en captivité les gens qu'ils rencontraient. 

Vers. — € Dans cette contrée sauvage, les loups du Gourgan 
faisaient trembler de crainte le cœur des guerriers semblables 
à des lions valeureux; car le nombre des Turkomans armés de 
lances, qui se trouvaient sur cette route, dépassait cent mille. » 

Je me dis : 

Hémistiche, — « Je n'ai ni la force d'aller en avant ni la pos- 
sibilité de rester. > 



l82 RELATION 

Cependant^ nous continuâmes notre voyage, en puisant des 
forces dans l'influence de l'heureuse étoile de la fortune de Sa 
Majesté le Roi. Nous ne nous préoccupâmes pas de ces nou- 
velleSy jusqu'au moment où nous arrivâmes à la station qui 
porte le nom Kessik Minar et de Mechhedi Missrian. 



Mechhedi Missrian. 

On rencontre fréquemment de Gourgandj jusqu'au Gourgan^ 
les vestiges de villes détruites et abandonnées. Il est probable 
que leur ruine date de F époque des bouleversements provo- 
qués par les armées des Tatares et des Mogols. Parmi ces rui- 
neSj se trouvent celles d une grande ville, située non loin de la 
route. Dans la première période de mon voyage, il ne m*avait 
point été possible de les visiter; mais, à mon retour, je m'y rendis, 
accompagné par quelques cavaliers Kharezmiens et Yomout. Je 
reconnus qu'une grande ville s'était élevée autrefois en cet en- 
droit, et j'y vis les restes de vastes constructions, de monuments 
religieux,de réservoirs d'eau et de nombreux tombeaux. On aper- 
cevait des coupoles de diverses grandeurs, construites en grandes 
briques cuites et en plâtre. J'en visitai quelques-unes, et j'entrai 
dans la plus grande de toutes; elle était bâtie sur une colline. 
J'y récitai le Fatihèh. C'est une ancienne construction, une 
énorme coupole d'une grande hauteur. Elle est bâtie en bri- 
ques et recouverte de plaques de faïence d'une rare élégance. 
Je vis autour de la coupole des vestiges d'inscriptions, qui me 
parurent être tracées en caractères coufiques * 

I. Les ruines qui portent aujourd'hui le nom de Mechhedi Misrian (le dmetière ou 
le lieu du martyre des Egyptiens) me paraissent être celles de la ville et de la nécropole 
de Dehistan, qui fut détruite et abandonnée au milieu du xv* siècle. Je ne connais aucan 
fait historique qui justitîe Tappellation sous laquelle ces ruines sont aujourd'hui dési- 



DE l'ambassade AU KHAREZM l83 

Nous nous éloignâmes de ce lieu, et nous continuâmes 
notre voyage d'étape en étape. Partout, sur notre route, nous 
recevions des nouvelles et des renseignements relatifs au 
soulèvement des Yomout du Gourgan et à leur révolte contre 
le gouverneur d'Esterâbad. Nous apprîmes qu'ils nous atten- 
daient, pour s'opposer à notre passage et nous faire prison- 
niers. Il était donc imprudent d'envoyer en avant un cour- 
rier pour prévenir le Beylerbey, car c'eût été les informer 
d'avance du jour de notre arrivée. Nous atteignîmes les envi- 
rons de la rivière d'Etrek, où réside le plus grand nombre des 
Turkomans qui se livrent au brigandage et qui sont en état de 
révolte constante. 

Le soir , après avoir dîné , nous jugeâmes convenable 
de ne point nous livrer au sommeil, et, au bout de deux 

gnées. Les habitants du Mazanderan lui donnent le nom de Mechhedi Mcstan, les Tur- 
komans, celui de Mestourian. Ces ruines ont été visitées par ConoUy (Travels to ihe 
north of Persia, Londres, 1834, tome I, page 76) et par Vambéry, Voyage d'un faux 
derviche, page qS-gô. 

Le général Lamakine se rendit au mois d'août 1875 à Mechhedi Misrian^ qu'il appelle 
Mestourian, et il a donné de cette ville, aujourd'hui déserte, une description détaillée : 
« La ville de Mestourian, dit-il, se composait d'une forteresse entourée d'un fossé et 
d'un rempart, derrière lequel s'élevait une double enceinte de murs d'une grande hau- 
teur, construits en briques d'une extrême dureté et de la dimension d'une demi-archinc 
carrée (25 dm). Aux angles et au milieu de ces murs se trouvaient des tours. La ville 
formait un rectangle d'une superficie d'une verste carrée (i Km 140) : le sol, ainsi que 
celui des environs jusqu'à une distance de deux verstes (2 Km i33) à la ronde, est re- 
couvert de monceaux de briques, provenant de monuments dont les fondations existent 
encore en partie. Les portes de la ville et une partie de la mosquée de Chir Kebir ont 
seules échappé à une destruction complète. Dans l'enceinte de la forteresse s'élèvent en- 
core deux minarets, ayant treize sagènes (27,7 m.) de hauteur et trois sagènes (6,4 m.) 
de diamètre. On y voit, en outre, une mosquée, un bassin et des citernes. Tous les mo- 
numents se font remarquer par leur élégance et leur légèreté. Ils sont construits en bri- 
ques cuites et couverts de sculptures, de mosaïques, de plaques de faïence ornées d'ara- 
besques et d'inscriptions en relief d'une hauteur de sept pouces anglais Quant à 

l'autre ville, située à cinq verstes de Mestourian, ce n'est qu'une nécropole appelée par 
les Turkomans Mechhed. Une vaste étendue de terrain est couverte de tombeaux, de 
chapelles et de mosquées en ruines. On y montre le tombeau de Chir Kebir qui attire, 
comme Mechhed en Perse, de nombreux pèlerins. La chapelle est ornée de tapis; on y 
▼oit une armoire ouverte avec des livres sacrés ; une lampe est suspendue au plafond et 
quelques vases sont placés çà et là, pour servir aux ablutions : mais pas une âme n'ha- 
bite la ville ou les environs.» — A. Petermann, Mittheilungen, 1876, xxix* Vol. I^ 
pages i6-zg. 



1 84 RELATION 

OU trois heures après la tombée de la nuit, je me mis en route 
avec mes gens et les voyageurs qui s'étaient attachés à moi^ 
dans le dessein de traverser l'Etrek et d'arriver au Gour- 
gan et à Esterâbad. Après avoir franchi une courte distance, 
nous aperçûmes des traces nombreuses de pas de chevaux; il 
devint évident pour nous que les Turkomans s'étaient mis en 
marche et avaient passé à côté de nous. Chacun exprima son 
opinion et voulut dire son mot. Des preuves matérielles et des 
suppositions fondées sur le raisonnement, et appuyées sur ce 
que nous avions entendu dire, me firent penser que lesTurko* 
mans révoltés de l'Etrek avaient l'intention de se saisir de ma 
personne. Je résolus donc de passer par une route peu fi"é- 
quentée^ à quelque distance des localités où ils campent. Lors- 
que nous arrivâmes à l'Etrek^ les clameurs des marchands de 
Boukhara, de Khiva et de Kaboul^ les cris des chameaux, les 
hennissements des chevaux^ le vacarme fait par mes gens à leur 
arrivée remplirent de bruit la montagne et les bords de la ri- 
vière. Malgré cela^ nous prîmes une route qui se trouvait à 
notre gauche et nous traversâmes un terrain imprégné de sel. 
Bientôt^ nous eûmes derrière nous cette localité^ objet de toutes 
nos craintes; mais, comme la plaine entière était, pour nous, 
dangereuse et redoutable, nous continuâmes notre route vers 
le Gourgan et Esterabâd^ en mettant notre confiance et nôtre 
espérance en Dieu. 

Lorsque nous nous rendions à Khiva, nous avions^ après 
nous être éloignés des bords de la rivière du Gourgan^ reçu 
rhospitalité dans le campement de Qara Khan, chef des Yo- 
mout Ata Bay, personnage dont la famille était, de père en fils, 
comptée au nombre des serviteurs du gouvernement d'éter- 
nelle durée des souverains Qadjar. Nous avions mangé son pain 
et son sel, et nous avions lié connaissance avec quelques-uns 
des notables et avec le qadi de la tribu des Yomout Ata Bay . 
Nous jugeâmes donc plus convenable de descendre dans la 
tente de Qara Khan ou de Qouly Khan, ou dans celle du qadi. 
Nous étions dans l'ignorance de ce qui s'était passé à Esterâbad. 



DE i/aMBASSADK AU KHAREZM l85 

Nous marchions droit devant nous, quand un piéton arriva 
à notre rencontre. On l'interrogea sur les événements qui s'é- 
taient produits. Il nous apprit que le Beyierbey avait arrêté 
et jeté en prison Qara Khan. « Voici, ajouta-t-il^ vous avez 
devant vous mille cavaliers révoltés qui sont en marche pour 
détruire le barrage de la rivière du Gourgan. » L'ambassadeur 
du Khan de Kharezm, ainsi que les autres personnes qui 
m'accompagnaient, se montrèrent effrayés et troublés de cette 
nouvelle. Un de nos compagnons émit l'avis qu'il était préfé- 
rable de nous jeter sur notre gauche, là où la route n'était pas 
fréquentée^ parce que les cavaliers^ qui étaient devant nous, fi- 
niraient par nous rejoindre; que Derdy Qouly Khan avait son 
campement de ce côté, qu'il considérerait notre arrivée comme 
une bonne fortune et que, si besoin en était, lui-même et ses 
cavaliers nous accompagneraient jusqu'à Esterâbad. 

Nous aperçûmes de loin quelques tentes et quelques pavil- 
lons. Nous nous dirigeâmes de ce côté ; mais nous prenions 
le mirage pour de l'eau et la poix pour du camphre raffiné. 
Nous dépêchâmes un homme en avant et nous apprîmes, quand 
il revint, que ces tentes n'étaient point celles de Derdy Qouly 
Khan, mais bien celles de la tribu des Ilqay. Ces gens nous 
firent dire que la règle des Turkomans était d'assurer toute 
sécurité contre leurs ennemis, à tous ceux qui entraient dans 
leur campement. Ne pouvant faire autrement, nous marchâ- 
mes partagés entre la crainte et l'espérance, et nous arrivâmes 
à ce campement où nous descendîmes de cheval. On nous 
apporta du pain et on se mit en devoir de nous servir. Nous 
aperçûmes quelques soldats de l'armée persane qui avaient 
été faits prisonniers, et nous nous rendîmes compte, alors, des 
services que nous pouvions attendre de ces gens. Nous prî- 
mes donc le parti de nous éloigner au plus vite, plutôt que de 
rester parmi eux. Nous franchîmes un espace que l'on parcourt 
en deux ou trois temps de galop ; mais, pendant le peu d'instants 
que nous nous étions arrêtés, les gens de cette tribu avaient 

• 

trouvé le moyen de voler le fusil de Mohammed Chérif Bay 



1 86 RELATION 

et d'instruire nos ennemis de notre approche. Eux-mêmes se 
mirent en route en même temps que nous^ dans Tespoir de 
nous pilier. Quelle belle escorte que celle de brigands qui 
avaient Tair de nous témoigner de lamitié, mais qui n avaient 
d*autre dessein que celui de nous traiter en ennemis ! Nous 
dûmes considérer les loups du Gourgan comme des bergers, et 
supposer que ces voleurs de grand chemin étaient nos guides. 
Tout à coup^ des tourbillons de poussière s'élevèrent dans l'air 
à notre gauche ; nous reconnûmes qu'ils enveloppaient des 
hommes altérés de sang et nous fûmes convaincus que ron 
allait fondre sur nous et nous attaquer. La poussière devint 
plus épaisse ; les cavaliers apparurent plus nombreux et ils se 
jetèrent sur les bagages en poussant des cris et des clameurs 
semblables à ceux des ghouls et des divs. On aurait dit des 
loups se précipitant sur une tête de mouton^ ou des Turks se 
jetant sur un sac de blé. Mes bagages, confiés à la garde des 
Turkomans Yomout qui voyageaient avec nous et qui étaient 
les associés des voleurs, se trouvaient, par suite de notre négli- 
gence^ relégués à l'extrémité de la caravane. Les Turkomans 
s'élancèrent dessus et se mirent à piller. Beaucoup de nos 
effets furent jetés à terre ; d'autres demeurèrent intacts, mais 
la plus grande partie en resta aux mains de ces voleurs de 
grand chemin. (Puissent leurs femmes se vendre !) 

J'avais un pistolet à ma ceinture; je poussai mon cheval dans 
la direction des assaillants -, ils me reconnurent et se mirent à 
pousser les bêtes de charge devant eux en se moquant de moi. 
En effet. 

Vers.— « La raison n'admettra pas qu'un impie affamé, pé- 
nétrant dans une maison déserte et remplie de mets préparés, 
se préoccupe du jeûne du Ramazan \ » 

Mes compagnons s'écrièrent : t Tout ceci n'a lieu qu'à cause 

I. Ce distique est tiré du Gulistan, livre 1*'. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 1 87 

de vous ! Pourquoi cherchez- vous à combattre ces cavaliers 
supérieurs en force, et courez-vous à votre perte? > Je ne fus 
pas sans m'apercevoir que c'était à moi qu'ils en voulaient, et 
que c'était contre moi qu'ils avaient lancé le coursier de l'at- 
taque. Je retournai donc sur mes pas; je m'arrêtai et j'excitai 
les gens de ma suite à les repousser. J'étais inquiet et anxieux 
de savoir comment se terminerait cette aventure. 

Mohammed Chérif Bay, envoyé du Khan de Kharezm, s'a- 
dressa à eux et leur cria : « Je suis chargé par Khan Hazret 
Mohammed Emin Khan, d'une mission auprès de S. M. le 
Chah de Perse ! Vos familles et vos amis sont^ dans le Kha- 
rezm^ soumis à l'autorité du Khan. Je ne sais qui a pu vous 
inspirer l'audace de nous attaquer! D'un côté, les troupes de 
S. M. le Chah sont à Esterâbad, d'autre part, en arrière de 
vous, le Khan est à Kohnèh Ourguendj. Nous sommes des 
ambassadeurs envoyés par une puissance à une autre puis- 
sance! > 

Hémistiche. — « Cette témérité ressemble à de la folie ! > 

< Nous n'avons, répondirent-ils, rien à démêler avec aucun de 
vous, et nous ne voulons exercer de violence contre personne, 
livrez-nous seulement un tel, qui est l'ambassadeur du Roi de 
Perse^ et continuez votre voyage sains et saufs. C'est à lui que 
nous avons à faire. » Je reconnus que : 

Hémistiche. — « Leur but était ma mort. » 

« Je n'ai, leur répondis-je, aucun rapport, aucun point de con- 
tact avec VOUS; quelle inimitié, quel sujet de querelle y a-t-il 
entre nous? > — t Nous n'avons eu, me répondirent- ils, aucune 
relation avec vous; mais nous avons été, pendant des années, 
soiimis à la Perse. Dans ces derniers temps, nous la servions 
encore. On nous a enlevé nos moutons! on s'est emparé de 
nos chefs! Aujourd'hui, nous nous saisirons de vous, nous 



l88 REIATION 

VOUS retiendrons et nous réclamerons les biens qui nous 
ont été ravis. > — « Insensés! m 'écriai-je, dans ce désert, j*ai 
un nom et un titre , j'ai un rang et un caractère officiels, une 
suite et un train nombreux. Mais à la cour du Roi, personne 
n'a souci de moi, personne ne demande : Qui es-tu? d'où 
viens-tu ? On trouve des serviteurs comme moi dans tous 
les coins; leur nombre dépasse toute énumération et tout 
calcul. Je sais que je ne suis pas capable de servir de ran- 
çon , car personne ne dépenserait une pièce de cuivre poxir 
me racheter et ne donnerait quoi que ce soit, pour me possé- 
der. » — « Il n'en est point ainsi ^ me dirent-ils, nous allons 
nous emparer de vous et nous vous vendrons. Si on ne vous 
rachète pas, nous vous tuerons ou nous vous garderons pri- 
sonnier. La somme que vous représentez , vous et vos com- 
pagnons de voyage, et ce que vous possédez ne nous échap- 
peront ni par la ruse , ni par Tastuce , ni par la force , ni 
par les armes. Vous ne retournerez ni à Esterâbad , ni à Té- 
héran ! » Quoique je fusse intérieurement en proie à la crainte, 
je me mis à rire et je dis : 

Vers. — « Je fais partie de la cour de Dara, qui donc aura 
le pouvoir d'enchaîner mes mains? Lorsque je fixerai sur la 
corde de mon arc une flèche au vol rapide, je ne demanderai 
pas si celui qu'elle doit percer est Turk ou Turkoman. Je ne 
me laisserai point faire prisonnier par les Yomout, pas plus 
que le faucon ne se laisse prendre dans la toile de l'araignée. 
Voir mon sang couler sur la terre et les pierres de ce désert, 
vaut mieux pour moi que de devenir captif et d'être voué au 
déshonneur. » 

Je convoquai les notables de Boukhara, de Ferganèh, de 
Khiva et du Kaboul qui m'accompagnaient et je leur dis : 
€ Voici ce qui se passe : tous ces discours n'ont d'autre but 
que celui de semer la division parmi nous, afin de nous faire 
tous prisonniers. > — « Oui, répondirent-ils, il en est ainsi! » 



IQO RELATION 

le iekbir '; ils jetèrent sur leur cou rétoflFe de leurs turbans, 
et^ saisissant leurs sabres et leurs fusils, ils fondirent de tous 
côtés sur les ennemis ; mais^ ils furent enveloppés par des 
cavaliers des tribus turkomanes accourant de tous côtés au se- 
cours des leurs. Leur nombre croissait à chaque instant. 

Vers. — € Les cavaliers arrivaient de la plaine du Gourgan : 
leur apparence était celle des Divs : leur taille était aussi 
haute qu'une montagne. Il advint que le nombre des Turks 
armés de lances, qui se trouvaient dans la plaine , n'était pas 
inférieur à mille. > 

Le soleil était sur le point de quitter l'horizon, le jour était 
sur son déclin. Il devint évident pour nous que, lorsque la 
nuit serait tombée et aurait couvert la terre de ses ombres, 
on ne pourrait distinguer les amis des ennemis qui se précipite- 
raient de tous côtés sur nous et nous massacreraient. L'envoyé 
du Khan de Khiva fit des propositions de paix : les Turko- 
mans demandèrent mille toumans pour la conclure. Ils fini- 
rent par consentir à recevoir quatre cent cinquante tillas, en 
s'engageant à nous escorter. Peu de temps avant le coucher 
du soleil, le tumulte augmenta. Nous fimes agenouiller de 
nouveau en cercle les chameaux de charge, gardés par les 
gens qui les montaient. Nous ne vîmes point la possibilité 
de nous échapper du lieu où nous étions. L'eau et les provi- 
sions que nous avions emportées pour la route étaient épui- 
sées. Depuis deux jours et deux nuits, nous n'avions point 
goûté le sommeil et nous n'avions pris aucune nourriture, ni 
eau ni pain. Nous avions l'espérance d'arriver ce même jour 
à Esterâbad. Nous étions rompus de fatigue et brisés de lassi- 
tude : nos outres étaient vides. 

Nous formâmes alors le projet d'envoyer un cavalier à 



I. Le cri de « Âllahou Ekber » (Dieu est le plus grand !j que poussent les musulmans 
au moment d'engager un combat. 



DE L^MBASSADE AU KHAREZM I9I 

Esterâbad , pour instruire le Beylerbey et TEmiri Pentchèh de 
notre situation. Les Yomout qui nous accompagnaient, crai- 
gnant les Gouklan^ et mes serviteurs, redoutant les uns et les 
autres^ ne voulurent point y consentir. Les routes étaient in- 
terceptées de toutes parts. Les choses en vinrent au point que 
les gens de la caravane me regardaient en pleurant, et en s'at- 
tendrissant sur mon sort. 

Distique. — « J*étais au milieu d'eux; mon âme était livrée 
aux dernières angoisses; j*étais dans la main du désespoir^ 
semblable à la perdrbc dans les serres de Taigle. » 

Je vis la route de la possibilité et des expédients barrée 
de tous côtés, et moi-même, sans force et sans vivres, devenu 
le prisonnier des Yomout. 

Distique. — « Cet homme^ aux mœurs pures et innocentes^ 
avait rhabitude de se transporter dans le monde invisible. » 

Je plaçai ma confiance contre la violence des féroces Yo- 
mouty dans la protection du Dieu vivant qui ne meurt jamais, 
et je récitai lentement cette prière : t Mon Dieu! ne nous 
afflige point de ta colère ! Ne nous fais point périr dans ton 
courroux, pardonne-nous avant cela, ô mon Dieu I ne nous 
châtie pas pour nos mauvaises actions ! Ne suscite point contre 
nous ceux qui n*ont point pitié de nous! Eloigne de nous les 
mains des oppresseurs. Je t adjure par Mohammed et par 
toute sa famille! t 

Convaincu que nous ne pouvions échapper que par la 
grâce du Seigneur, il me vint à Tespril que notre délivrance 
ne pourrait être obtenue qu'en semant la discorde au milieu de 
nos ennemis, et en les excitant les uns contre les autres. 

Je répétai^ à plusieurs reprises, cette invocation : < O mon 
Dieu, suscite les oppresseurs contre les oppresseurs et fais- 
nous sortir sains et saufs du milieu d'eux ! » 



192 RELATION 

J'en arrivai à consentir de demeurer prisonnier des Yomout 
pour sauver mes compagnons, et je pensai que ce serait une 
honte et un opprobre pour le gouvernement persan, qui mar- 
querait ainsi son indifférence pour un serviteur dévoué, s'il ne 
me délivrait pas des mains des Turkomans. D'autre part, s'il 
me réclamait, lés Turkomans pourraient formuler des deman- 
des exagérées. Il était, en outre, probable que certains person- 
nages, qui n'avaient point approuvé mon voyage à Khiva, re- 
présenteraient à S. M. que je n'avais pu remplir la mission 
qui m'avait été confiée, et que je n'avais fait que rendre la si- 
tuation encore plus difficile. Je me réfugiai de nouveau en 
Dieu -, et, invoquant la force toute-puissante de Tétoile heu- 
reuse de S. M., je consultai le sort pour savoir si je serais 
délivré. Tout-à-coup, mon valet de chambre se présenta devant 
moi et me dit : « Le qadi des Yomout, que vous avez vu chez 
Qara Khan et qui vous a accompagné jusqu'à l'Etrek, lorsque 
vous vous rendiez à Khiva, vient d'arriver. Il désire vous voir 
et s'entretenir avec vous. » Je reconnus, dans ce fait, une grâce 
divine et un effet de la fortune propice de S. M. 

Hémistiche. — « A qui veut venir, dis-lui : viens ! A qui veut 
parler, dis-lui : parle! » 

Voici, je suis dans le désert du Gourgan, et, entouré de tous 
côtés par les Turkomans. 

Vers, — « Je suis comme Joseph au milieu des loups : pe- 
tits et grands veulent m'arracher la vie. » 

Le qadi se présenta devant moi , me donna le salut et en- 
tama la conversation : « O qadi ! lui dis-je , sans prendre en 
considération notre ancienne amitié, vous avez consenti à ce 
que je fusse fait prisonnier ! Et vous êtes venu ici, associé avec les 
vils Turkomans de l'Etrek, pour me retenir captif! Quelle belle 
affection! quelle sincère amitié! i> -- « Non, par Dieu, reprit 



DE L^MBASSADE AU KHAREZM I93 

le qadi, je ne suis point le complice de ces gens-ià , et je n'é- 
tais point informé des projets de ces rebelles! Je me trouvais 
dans ma tente^ sur les bords du Gourgan, lorsque j'ai appris 
ces nouvelles qui m'ont troublé ; maintenant, je vois que Ton 
est réuni en forces et prêt à combattre. Quelles que soient les 
menaces que je fasse à ces séditieux, à ces fauteurs de troubles, 
ils ne voudront prêter l'oreille ni à mes paroles ni à mes con- 
seils; mes discours ne feront aucune impression sur eux. Ils ne 
se retireront pas sur ce que je leur dirai. » — « Là où Ton 
n'écoute pas la parole d'un homme sensé, répondis-je, l'opi- 
nion de la multitude ignorante prévaudra. Si vous dites vrai, 
si vous êtes sincère, envoyez un homme à votre tribu, à votre 
campement, à ceux de Qara Khan et de Qouly Khan qui sont 
liés d'amitié avec moi. Appelez, pour me délivrer, les cavaliers 
Ata Bay et Aq pour que l'on sache quels sont les gens dévoués 
et quels sont les traîtres! » Le qadi dépêcha sur-le-champ 
son frère pour instruire sa tribu de ce qui se passait . 

La sœur de Qara Khan Ata Bay qui était mariée à Naqd 
Aly Khan Yomout, son cousin, et que je connaissais un peu, 
était, depuis l'emprisonnement de Qara Khan et de ses en- 
fants à Esterâbad, le chef de la tribu et l'arbitre de toutes les 
affaires dans le campement de son frère. Lorsqu'elle sut que 
j'avais eu l'intention de me rendre à la tente de Qara Khan, 
et qu'en route, j'avais été assailli par les Turkomans de l'Etrek 
et autres bandits, elle dénoua, selon la coutume des femmes 
turkomanes , ses cheveux blancs , les laissa flotter et se mit 
à pousser des cris et à se lamenter : « O Turkomans! di- 
sait-elle, qu'est devenue votre valeur ? nos âmes et nos corps, 
ceux de nos pères ont goûté le sel des rois Qadjar. Khodjend 
Verdy repose, après sa mort, sous une coupole élevée à Der- 
vazèhi Daoulet par les ordres d'Aga Mohammed Chah ! Que 
Qara Khan cesse de vivre, si le serviteur du roi de Perse, qui 
se rendait à notre fribu et à nos tentes, vient à être enlevé 
par les Turkomans de l'Etrek ! quelle honte ce serait pour 
nous ! si vous ne l'amenez pas avec honneur à notre campe- 

i3 



.» • 



1 94 RELATION 

ment, considérez-moi comme morte, empoisomiée par 1 mdi- 
gnation ! » Après avoir entendu ces paroles^ les parents et les 
clients de la tribu Ata Bay et les Aq se prévinrent les uns 
les autres. Ils se réunirent et prirent la route du désert. Au 
moment où, avec mon fils Aly Qouly, mon parent Nedjef 
Qouly et tous mes domestiques, j'étais livré aux plus vives ap- 
préhensions et en proie à la frayeur, un neveu de Qara Khan, 
nommé Kazhim, qui m'avait servi en qualité de Qaraoul 
(guide) et de Khadim et auquel j'avais donné un beau khilat, 
se présenta devant moi. Il me trouva assis dans l'obscurité au 
milieu des chameaux. Il m'informa de ce qui se passait; je re- 
fusai de le croire. Après lui, arrivèrent Mohammed Kerim Khan, 
Iltouzer Khan, les parents de Qara Khan, ceux de Qouly Khan 
et le qadi. « Il ne s'agit point de rester ici, me dirent-ils; si 
vous demeurez cette nuit dans ce désert, les tribus turkoma- 
nes arriveront demain matin en si grand nombre, qu'il vous 
sera impossible de fiiir et de vous échapper. » 

Hémisiiche.- < La crainte du serpent nous a fait tomber dans 
la gueule du dragon. » 

Je réfléchis qu'il était, dans tous les cas, préférable de gagner 
la tente de Qara Khan, plutôt que de rester dans ce désert, 
théâtre de tant de meurtres et de tant d'assassinats. Nous nous 
mîmes donc en marche; les Turkomans nous suivirent en 
nous entourant, nous et les bagages , et ils semblaient épier 
l'occasion de nous attaquer. Ils n'osèrent cependant pas le 
tenter. Chaque fois qu'ils se rapprochaient de nous, les cava- 
liers Ata Bay et principalement Kazhim, les accablaient d'in- 
jures et leur criaient leurs noms. Ces brigands étaient saisis 
de crainte en entendant nommer leurs chefs. Ils nous sui- 
virent ainsi pendant un ferseng; puis, voyant l'inutilité de leur 
poursuite, ils s'éloignèrent peu à peu et se dispersèrent. Nous 
arrivâmes après minuit à la tente de Qara Khan et nous nous 
y établîmes. 



DE l'ambassade AU KHAREZM igS 

Une femme d'un caractère viril et dont j'ignore le nom, vint 
me trouver, accompagnée par le qadi; elle versait des lar- 
mes abondantes. « Si vous pleurez sur Qara Khan, lui dis-je, 
Dieu est assez puissant pour le délivrer. > — « Non, me répon- 
dit-elle; chacun de nous vaut Qara Khan ; c'est sur vous que je 
pleure! Les Turkomans voulaient vous faire prisonnier. En 
vérité, ils n'avaient d autre but que celui de nous déshonorer. 
Tout homme, en apprenant ce qui s'était passé, aurait pu sup- 
poser que la tribu de Qara Khan avait commis une pareille 
félonie, pour venger son emprisonnement. » La fermeté d'es- 
prit et la sagacité de cette vieille femme me frappèrent d'é- 
tonnement ; je lui donnai l'espoir que Qara Khan serait Tob- 
jet de la bienveillance des ministres de la cour, asile de 
l'équité. Je pris quelque nourriture et je me couchai : 

Hémistiche. — « Pour assister le lendemain matin à la nais- 
sance de l'enfant que la nuit portait dans son sein, i 

Le jour suivant, à mon réveil, je disposai la tente pour rece- 
voir les chefs Yomout. Ils s'y présentèrent, et j'eus une confé- 
rence avec eux. Il fut décidé que je ferais partir un homme por- 
teur d'une dépêche rendant compte de tous ces événements. Je 
la rédigeai et je la confiai à Mirza Aly Naqy, médecin du ré- 
giment Efchar, que j'avais trouvé prisonnier à Khiva et que je 
ramenais avec moi : je le chargeai de se rendre à Esterâbad. 
Le Beylerbey me répondit par un billet : « qu'il reconnaissait 
l'importance du service rendu par les*Ata Bay et les Aq. » Il 
m'engageait ensuite à ne pas rester plus longtemps au campe- 
ment de Qara Khan, et à prendre la route de Mahmoud Abad 
pour revenir à Esterâbad, où il viendrait me voir. 

Hémistiche. — « Grand Dieu ! est-ce ici la place de pareilles 
paroles! » 

J'appris que l'on avait établi un barrage sur le Gourgan, 



196 RELATION 

construit le fort de Sultan Abad^ élevé des fortijScations en 
terre et qu'un corps de troupes royales était échelonné sur les 
frontières d'Esterâbad. Pouvais-je retourner à Téhéran sans 
avoir examiné tout cela, sans m'étre mis au courant de la si- 
tuation des Yomout et d'Esterâbad, sans avoir appris quelles 
étaient les populations soumises et celles qui étaient insurgées? 

S. M. le Roi, dont le rang égale celui de Djem, qui est 1 asile 
du monde^ que notre âme et celles des mortels lui servent de 
rançon ! me dirait à mon retour : < O homme ! lorsque vous 
avez quitté la cour, il vous a été ordonné de prendre note de 
tous les faits d'ensemble et de tous les détails qui vous frap- 
peraienl dans le royaume, depuis le jour de votre départ jusqu'à 
celui de votre retour. Vous deviez les consigner minutieuse- 
ment, afin d'avoir la plus ample connaissance de tous les lieux 
que vous auriez visités. Maintenant, vous revenez d'Esterâbad^ 
rendez-moi compte de ce que vous avez vu ; faites-moi connaître 
vos appréciations. » Pourrais-je répondre que je n'avais point vu 
le bend (barrage) du Gourgan, que j'ignorais les événements qui 
ont surgi à Esterâbad et chez les Yomout? Dans ce cas, le Roi 
punirait sévèrement, sans aucun doute, ma négligence. Il faut 
que je revienne, en passant au milieu des tribus Turkomanes 
Ata Bay et Djafer Bay, pour que j'examine avec soin le bend 
du Gourgan, que je compte les soldats qui sont en garnison dans 
cet endroit, que je voie les fortifications, les troupes, le fort de 
Djafer Abad, etc. Je résolus de ne point aller à Esterâbad sans 
avoir vu toutes ces choses. 

Le Beylerbey m'adressa une seconde lettre : « Je vous en- 
voie, m'écrivait-il, Qouly Khan et Qilidj Khan pour que vous 
veniez à Esterâbad par la route que vous désirerez suivre : les 
tribus des Djafer Bay et d'Ata Khan, et celle d'Allah Nazhar 
Khan recevront Tordre de se porter à votre rencontre et de se 
mettre à votre disposition. ^ 



1 



DE 1/ AMBASSADE AU KHAREZM I97 



Retour à Esierâbad. 

Après avoir passé, dans la tribu des Ata Bay, deux nuits et 
un jour, je fis cadeau d*un vêtement d'honneur au qadi, à la 
soeur de Qara Khan et à son neveu Kazhim Bek. Je quittai le 
campement de Qara Khan, où la plupart des notables et des 
chefs Yomout étaient venus me faire visite. Je reçus même celle 
de Hassan Khan^ surnommé Hassan Tchighan, qui se plaignit 
vivement à moi du Khan Beylerbey. « Le Beylerbey, lui ré- 
pondis-je , est un homme d'un rang élevé et d'une grande 
intelligence. Vos paroles ne détermineront pas les ministres 
du Roi à ne pas tenir compte de ses mérites. » On s'était abou- 
ché avec lui et on lui avait inspiré de la sympathie pour le 
Khan de Khiva. Je détruisis toutes ses illusions et je lui dé- 
clarai que le Khan de Khiva avait fait, à Tégard de S. M., acte 
de soumission et de dévouement loyal et qu'il m'avait fait ac- 
compagner par un ambassadeur. « Si les Turkomans Yomout 
et Gouklan qui dépendent du gouvernement d'Esterâbad, se 
déclaraient pour Khiva, ajoutai-je, un ordre des ministres de la 
cour de Téhéran déterminerait le Khan à les renvoyer prison- 
niers. Abandonnez donc ces folles pensées et ne faites aucune 
opposition au Beylerbey d'Esterâbad, car on ne le destituera 
pas pour complaire à vos désirs. J'intercéderai en votre faveur, 
je serai votre intermédiaire auprès du Beylerbey. » Hassan Khan 
et la plupart des notables se séparèrent de moi, à peu de dis- 
tance du campement de Qara Khan, après m 'avoir fait leurs 
adieux. Après un séjour de deux jours, Mohammed Qouly 
Khan, Qilidj Khan, Iltouzer Serdar, les autres Khans Ata 
Bay et Aq et les parents du qadi, avec un grand nombre de 
cavaliers vinrent me prendre pour m'escorter. Lorsque nous 
fûmes arrivés près du Gourgan, les cavaliers Djafer Bay se 
portèrent à ma rencontre, et je congédiai ceux de la tribu Ata 
Bay qui retournèrent sur leurs pas. 



1 98 RELATION 



Description du Bend (barrage) du Gourgan. 

Arrivé près du bend du Gourgan^ je m*y arrêtai un instant 
pour lexaminer. Ce bend peut avoir cinquante coudées de 
longueur sur quinze de largeur. Le Beylerbey a réussi, en fort 
peu de temps, à achever ce travail sur une rivière aussi consi- 
dérable. L'ouvrage a des avantages de plus d*un genre^ et il 
est d'une grande utilité pour l'augmentation des revenus pu- 
blics. 

Les fusiliers de Kurd Mahallèh et d'Esterâbad^ commandés 
par RizaQouiy Khan, fils de Mousta£ei Khan Seden Roustaqy^ 
tiennent garnison dans les tours élevées à la tête du barrage. 

Nous nous arrêtâmes là, pendant quelque temps, et je deman- 
dai quel était le nombre des soldats. Il me fut répondu que les 
tours construites des deux côtés du bend, servaient de loge- 
ment à cinquante hommes qui étaient de garde jour et nuit. 
Quand nous eûmes dépassé le bend, les Serguerdèh (ofiSders de 
troupes irrégulières) d'Esterâbad vinrent à notre rencontre. Je 
demandai des nouvelles de Hamzèh Khan Enzany. On me 
répondit qu'il était, avec ses fusiliers, chargé de la garde des 
fortifications, qu'il y demeurait et qu'il n'en sortait jamais. Il 
était indispensable pour moi de lui faire visite et d'examiner 
ces fortifications. 

Nous nous dirigeâmes donc de ce côté, et nous rencontrâmes 
son fils Mohammed Baqir Khan qui venait à pied au devant 
de nous. 

Hamzèh Khan, avec les notables de la tribu, s'avança, de 
son côté, jusqu'au bord du fossé du rempart où nous nous 
abordâmes. Nous franchîmes le rempart et nous restâmes 
une heure sous sa tente. J'appris tous les détails du combat 
livré par les Turkomans aux troupes du Beylerbey et de 
l'Emiri Pentchèh. Je pris congé de Hamzèh Khan et je revins 
sur mes pas. Le camp du Beylerbey et de l'Emiri Pentchèh 



DE l'ambassade AU KHAREZM I99 

était placé près de Djafer Abad. Nous nous établîmes, moi et 
mes compagnons de voyage^ Boukhares, Khiviens, ainsi que 
tous les gens de Kachghar et de Kaboul, sur la colline de Djafer 
Abad, à portée du camp. Les neveux du Beylerbey et les of- 
ficiers des troupes, sous les ordres de TEmiri Pentchèh, prirent 
la peine de me faire visite et de me présenter les excuses 
du Beylerbey et celles de TEmiri Pentchèh^ qui n'avaient pu 
venir, étant occupés, me dirent-ils, avec Mirza Bey, porte- 
arquebuse du Roi et porteur des fonds du trésor, à distribuer 
la solde aux troupes. Ils m'offrirent une grande quantité 
d'oranges, de citrons et de melons. Je reçus aussi un billet 
du Beylerbey qui m'invitait à Taller voir et à dîner le soir 
avec lui. Je me rendis à son invitation avec Mohammed 
Chérif Bay. La conversation s'engagea entre nous; je lui racon- 
tai brièvement les incidents de mon voyage et je lui fis part de 
toutes mes opinions ; je lui dis avec la plus entière franchise 
.que, si Ton poussait les Turkomans au désespoir, ils se laisse- 
raient entraîner par les suggestions des ambitieux et passeraient 
sur le territoire Khivien, et qu'alors, la province du Gourgan 
serait continuellement troublée par leurs brigandages. « La 
mise en liberté de Qara Khan, ajoutai-je, sera accueillie par 
les tribus Ata Bay avec joie et comme un gage de sécurité pour 
eux; et, en vérité, il n'a commis contre le Gouvernement aucun 
acte de trahison. » 

« J'ai porté cette affaire, me répondit le Beylerbey, à la 
connaissance de Sa Majesté; mais, vous, TEmiri Pentchèh et 
moi, nous intercéderons en sa faveur, afin qu'il obtienne 
son pardon. Comme sa tribu vient de rendre un nouveau 
service en vous protégeant, on lui enlèvera la chaîne du cou 
et on le traitera bien. Quant à vous, rendez- v^ous à la ville où 
je compte aller vous faire visite. * 

Le lendemain matin, je me mis en route pour Esterâbad. 
Nous rencontrâmes, jusqu'à la porte de la ville, les employés 
et les gens de métier qui se portaient à notre rencontre par 
détachements, les uns à pied, les autres à cheval. On assigna 



200 RELATION 

des logements agréables et dignes d'eux, à Mohammed Chéri! 
Bay, à Seiyd Ahmed Naqib Khodja de Boukhara, cousin de 
TEmir, à Seiyd Miran Chah de Qandahar, à Khodja Rahmet 
Ouliah Ichan de Khoqand et aux autres personnages^ et nous 
les laissâmes se livrer au repos. Moi-même, je m'établis dans le 
Divan Khanèh (salle de réception) du Beylerbey. Le lendemain^ 
j allai au bain. Il y avait sept mois que je n*en avais vu et je 
débarrassai mon visage et ma barbe de la poussière du voyage. 
Les ulémas de la ville vinrent me voir. Le prévôt des mar- 
chands et le Kelanter (maire) m'envoyèrent des sucreries et des 
fruits. 

Les Turkomans ayant pillé la plus grande partie de ma batte- 
rie de cuisine, de ma vaisselle de voyage et de mes plats d'office, 
je dus les remplacer et acheter d'autres ustensiles en cuivre. Le 
lendemain, le qadi et le cheikh oui islam prirent la peine de 
me faire visite. Je leur rapportai, ainsi qu'aux autres docteurs, 
les discussions que j'avais eues sur des matières spirituelles et 
sur des sujets politiques. Ils donnèrent une approbation com- 
plète à tout ce que j'avais dit. Ils virent les esclaves originaires 
d'Esterâbad et du Mazanderan que je ramenais avec moi du 
Kharezm, et ils firent des vœux pour le Roi, dont ils exaltèrent 
les vertus. Je leur fis montrer aussi les autres esclaves et ils 
m'adressèrent de nombreuses questions sur Khiva. 



Départ d'Esterâbad, 

Le 1'' Moharrem (i5 octobre), nous partîmes d'Esterâbad et 
nous prîmes la route de la montagne et des cols de Qizliq et 
de Chah Kouh. La route de Qizliq est très-raide : elle traverse 
une montagne d'une grande hauteur et difficile à gravir. Les cha- 
meaux du Kharezm, qui n'avaient jamais vu que la plaine et 



DE l'ambassade AU KHABEZM 201 



qui, depuis plus d'un mois, n avaient goûté ni repos ni som- 
meil et n'avaient pris qu'une nourriture insuffisante, se fati- 
guèrent, s'épuisèrent et se blessèrent en franchissant cette mon- 
tagne. Quelques-uns de ces animaux s'abattirent dans le défilé ; 
ne pouvant supporter les difficultés de la route et réduits à 
une grande faiblesse, ils finirent par succomber. En vérité, ce 
passage est, pour les chameaux, malaisé à franchir. 
Le roi des poètes, Sabay Kachany % a dit avec justesse : 

Vers. — « J'ai dit au chameau : Vas-tu mourir? II serait fâ- 
cheux que tu périsses si tôt. Il me répondit : Je me nour- 
ris d'épines, j'en ai la bouche remplie; mon dos plie sous le 
poids des fardeaux; si la mort vient vite, ce sera encore trop 
tard pour moi. > 

Quoiqu'il en fût, nous marchâmes du matin jusqu'au soir. 
Au coucher du soleil, nous arrivâmes au Rébaihi Evvel^. Les 
bagages étaient restés en arrière. Les chameaux s'étaient abat- 
tus avec leurs charges. Le jour déclina et Rahmet OuUah 
Ichan de Khoqand, de l'ordre des Naqchbendy, qui était 
malade, tomba de sa litière. Pendant la nuit, les bagages et 
les hommes qui les conduisaient arrivèrent, après avoir éprouvé 
mille difficultés. Cette route fut une route de fatigue pour les 
Uzbeks et les Turkomans qui, vivant dans des déserts et des 
plaines, avaient vu peu de montagnes, leur pays ne possé- 
dant ni forêts, ni montagnes élevées. Quand ils entendent 
des paroles qui les frappent, ou qu'ils vont par un chemin diffi- 

1. Sabay est le surnom poétique de Feth Âly Khan Kachany, disciple de Hadji Su- 
leyman Bey Bidgouly. Lorsqu*en 121 1 (1796), Feth Aly Chah arriva de Chiraz à Téhé- 
ran après la mort d*Aga Mohammed Chah, Feth Aly Khan lui présenta un qacidèh (ode) 
et il en composa un autre pour féliciter le Chah sur son avènement au trône : cette pièce 
de poésie fut lue solennellement le jour de la fête du Naurouz. Feth Aly Khan reçut à 
cette occasion le titre honorifique de Melik ouch Chouara (roi des poètes). Il dédia à 
Feth Aly Chah deux poômes épiques ; Le Chehinchdh Namèh et le Khoudavend Na* 
mèh. Le premier de ces ouvrages contient quarante mille distiques, le second trente 
mille. Feth Aly Khan mourut à Téhéran en 1238(1822). 

2. Le premier caravansérail. 



202 RELATION 

cile, ils ont Thabitude de mettre leurs mains sur la poitrine 
et de s'écrier à plusieurs reprises : « Pardon, pardon ! ô Dieu 
gardien , ô Dieu gardien ! » Pendant ce jour et cette nuit, la 
vue des forêts épaisses et les difficultés du chemin leur firent 
souvent faire ce geste et pousser cette exclamation. 
Je rafraîchis ma langue en récitant ce quatrain : 

Vers. — « Les Uzbeks de Khiva qui parcourent le désert, et 
qui de Khiva se dirigent vers la ville de Rey, s'écrient à la vue 
des forêts et des hautes montagnes : Que Dieu nous garde ! 
que Dieu nous garde ! » 

Le lendemain, nous quittâmes ce Rébath ruiné, où la nécessité 
nous avait forcés de nous arrêter, et nous nous dirigeâmes vers 
la station de Chah Kouh. La route était fort mauvaise : nous 
parcourûmes un ferseng dans des gorges et des défilés, puis 
nous gravîmes le Chah Kouh. Aga Mehdy Chah Kouhy, per- 
sonnage d*une grande expérience, qui, pendant de longues 
années, avait été au service du Naïb ous Salthanèh Abbas 
Mirza, apprit notre arrivée et envoya ses enfants à notre 
rencontre. Lui-même se porta, également, au-devant de nous, 
il nous offrit le logement, et s'acquitta envers nous, de la ma- 
nière la plus complète, de tous les devoirs qu'impose Thospi- 
talité. Il vint me voir la nuit, et nous nous livrâmes au plaisir 
de la conversation. Le matin, j'appris que Rahmet oullah 
Ichan , un homme d'une science profonde et d*une grande 
dévotion et chef de l'ordre des derviches Naqchbendy, était 
mort pendant la nuit. Il avait revêtu l'/Aram ' du Hedjaz et avait 
formé le projet de se rendre en pèlerinage à la Mekke, Cette 
perte me causa une vive douleur. Je donnai ordre à Aga Mehdy 
Chah Kouhy et à d'autres personnes, de l'ensevelir et de l'en- 
terrer. On lui rendit les derniers devoirs et on le confia à la 

I. L'Ihram est le manteau péniicntiel que les pèlerins doivent revêtir pour s'acquit- 
ter des devoirs qu*imposc la visite à la Kaabèh. L'ibram consiste en deux pièces d*.é- 
toffc blanche «ans coutures, dont Tune couvre le haut et Tautre le bas du corps. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 203 

terre. Que Dieu lui fasse miséricorde! J'emmenai avec moi 
son fils et sa famille. Puis , après avoir parcouru plusieurs 
fersengs, j6 me dirigeai vers Tchardêh Kelatèh, patrie de mes 
aïeux. 



Tchardêh Kelatèh \ 

Ce canton^ qui relève de Damghan et qui fait partie de l'arron- 
dissement de Hezar Djerib, a joui, pendant de longues années, 
d'une grande prospérité. Les habitants se montrèrent dévoués 
à la glorieuse dynastie des rois Qadjar, depuis l'époque à la- 
quelle Mohammed Hassan Khan Kichver Sitan, fils de Feth 
Aly Khan Qadjar de la tribu de Qavanlou, s'empara du pou- 
voir. Pendant le règne de Kérim Khan Zend, les habitants de 
Tchardêh Kelatèh refusèrent tout service aux officiers Zend, à 
cause de la sympathie et de jrafFection qu'ils avaient vouées aux 
Qadjars. Mon grand-père Mohammed Ismayl bek, connu sous 
le nom d'Ismayl Kemal, était le chef des notables de ce can- 
ton. 11 refusa de faire sa soumission à Zéky Khan Zend, cousin 
de Kerim Khan Vékil. Quarante et un notables et personna- 
ges marquants de Tchardêh Kelatèh s'étaient retranchés dans 
la résidence du gouverneur qui était solidement fortifiée, et ils 
repoussaient les attaques et les assauts qui leur étaient livrés. 
Zéky Khan leur fit parvenir un message : « Venez auprès de 
moi, leur faisait-il dire, j'ai juré sur le glorieux Qoran de ne 
pas mettre à mort un d'entre vous. » Les assiégés se laissèrent 
aller à ajouter foi à la perfidie de ce serment, et ils descendi- 
rent du château pleins de sécurité. Zéky Khan , pour te- 
nir son serment hypocrite, donna la liberté à l'un de ces 
notables et fit mettre à mort les quarante autres ; il pres- 



1. Le canton de Tchardêh Kelatèh est situé entre Hezar Djerib et Damghan. Il ren- 
ferme quatre villages : Bala Qalèh, Palyn Qalèh, Verzinèh et Kelatèh. 



204 RELATION 

crivit, en outre^ d'élever une tour avec leurs têtes pour perpé- 
tuer le souvenir de son action. Ismayl Kemal, mon aïeul pa- 
ternel, lui dit : « Si tu veux me tuer et si tu veux élever une 
tour avec nos têtes, fais placer la mienne au sommet, car je 
suis le primat et le chef de tous ces notables. » Zéky Khan 
accéda à son désir. 

Kérim Khan Vekil apprit avec indignation Tacte de cruauté^ 
de félonie et de trahison de Zéky Khan. Il lui fit sentir sa co- 
lère, le disgracia et rendit la liberté aux habitants de Tchardèh 
Kelatèh qui étaient détenus prisonniers. 

Depuis lavènement de la dynastie des Qadjars et sous les rè- 
gnes d'Aga Mohammed Chah et de Feth Aly Chah, ce canton 
était Tapanage de Tltizhad oud Daoulèh, Souleyman Khan Qad- 
jar Qavanlou. Feth Aly Chah le donna à son gendre, l'Emir 
Kebir Mohammed Qassim Khan Qadjar Qavanlou. 

Je revis Kelatèh après un grand nombre d'années : j'y reçus 
la visite de nombreux parents, hommes et femmes, mais je ne 
connaissais aucun d'eux. Je m'arrêtai une journée, puis je ga- 
gnai Daoulet Abad \ Qouchèh et Ahewan * et de là, je me diri- 
geai sur Semnan. 

Semnan est une ville célèbre, bâtie par Tehmouras Div- 
bend. Elle est située par 91° de longitude des îles Fortunées et 
39** de latitude. Elle fut autrefois une grande ville, mais elle 
est tombée en décadence depuis longtemps. Ses fruits et ses 
céréales jouissent d'une grande réputation. Les grenades, le 
raisin, les figues, les amandes, les pistaches et le raisin sec y 
sont excellents. La ville est construite sur un terrain accidenté. 
Le Cheikh Roukn oud Din Ala oud Daoulèh est un des ascètes 
et des cheikhs de cette ville célèbre. Il mourut en 786 (i335). 
La mosquée royale de Semnan, construite par Tordre de Feth 
Aly Chah, a coûté plus de vingt mille toumans. L'étendue, 

. I. Daoulet Abad, un des plus beaux villages de Perse, est entouré d*une triple en- 
ceinte et renferme un palais, une mosquée, un bain et de vastes écuries. Sous le règne 
de Feth Aly Châh^ cette forteresse était la résidence d*un fils de ce souverain, gouver- 
neur de ce district. — Fcrrier. Voyage en Perse, tome I", page iSg. 
2. Ahewan et Qouchch sont deux caravansérails. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 203 

la position^ la beauté de cet édifice n'ont jamais été égalées ". 

Le gouvernement de ce pays est confié aujourd'hui à Rahmet 
OuUah Khan Efchar. Après être parti de Semnan, j'allai loger 
dans la maison de poste nouvellement construite da ns les environs 
de la forteresse de Lasguerd, place forte ancienne et célèbre ^ 

Je passai successivement par Dèh Nemek ^ Qichlaq Khar "^^ 
Veramin ^ Eïvanek ^ Khatoun Abad ^ et je m'arrêtai au village 

1. Scmnan, à six journées de Téhéran, ne renferme que trois ou quatre mille habi- 
tants, jardiniers ou cultivateurs. Cette ville, qui était déjà à moitié ruinée au xin* siècle, 
se compose de pauvres cabanes et d'un misérable bazar. On remarque, à Semnan, quel- 
ques constructions en briques paraissant remonter à une époque reculée, une mosquée 
recouverte de plaques de faïence sur lesquelles se détachent en bleu, sur un fond blanc 
des inscriptions en caractères coufiques et des tables de marbre sur lesquelles on a 
gravé des ordonnances de Chah Abbas et de Chah Hussein. 

Eastwick, Three Years* résidence in Persia, London, 1864. tome II, page 147. — Fer- 
rier, Voyage en Perse, dans l'Afghanistan, eic, Paris, 1860, tome !•', I24etsuiv. 

2. tt Lasguerd ou Lasguird possède quatre-vingt-deux familles, un caravansérail, un db- 
anbar (réservoir) et un cours d'eau saumâtre. Vis-à-vis et à deux cents pas de Lasguerd, 
il y a, sur la route, une vaste muraille d*enceinte, de huit mètres de hauteur, assez bien 
conservée et dont la partie supérieure est creuse et percée de meurtrières. Ces couloirs 
qui ont six pieds de hauteur et autant de largeur, pouvaient servir de logis pour les 
troupes. L*enceinte pourrait contenir deux mille hommes. Sa position convient par- 
faitement à un campement militaire. » — Ferrier, Voyage en Perse, tome I, page 221 . 

Les revenus du village de Lasguerd étaient affectés à Tentretien de la mosquée de 
Mechhed.— Truilhier, Mémoire descriptif de la route de Téhéran à Meched, Paris, 1841 
pages i3-i4. 

3. Dèh Nemek (le village du sel) est un caravansérail bâti par Chah Abbas, et situé à 
quatre journées de marche à Test de Téhéran, sur la route qui conduit à Châhroud. Le 
sol est couvert d*efflorescences salines et Teau est extrêmement saumâtre. ~ Fraser, 
Joumey, page 296, Eastwick, Three years' résidence, pages 143-144. — Ferrier, 
Voyage en Perse, page 118. — Truilhier, Mémoire descriptif etc., page 12. 

4. Qichlaq Khar est un village insignifiant du district de Khawar (ou Khar). au sud 
de TElbourz, à trois journées de marche de Téhéran : on y trouve un chemin menant 
directement vers le sud-ouest â Kachan et Isfahan. 

5. Veramin, village ruiné, situé dans la plaine de ce nom, dépendait autrefois de la 
ville de Rey. 

6. Eïvanek ou Elvani Kelf ou plutôt Elvani Key, est un village de quatre cents feux 
avec un caravansérail à moitié ruiné, de nombreux jardins et des cultures très-étendues. 
Une petite rivière, descendant des montagnes du Mazanderan, coule dans ce village. La 
contrée est riante et fertile, et les habitants jouissent d'une certaine aisance. On trouve, 
tout le long de la route, de distance en distance, des éminences couvertes de ruines pro- 
venant, sans doute, d*anciens fortins. Le peuple les appelle Guebrâbad.— Truilhier, Mé- 
moire descriptif ^ etc., page 8.— Fraser, Journey, pages 287-290.— Ferrier. Voyage en 
Perse, tome I, page 1 10, Eastwick, Three years' résidence, tome II, pages 136-1 38. 

7. Khatoun Abad (le séjour de la Dame) est un hameau situé à quatre heures de Té- 
héran et composé de cinquante pauvres maisons. 



2o6 RELATION 

du Chah Zadèh Abdoul Azhim ', qui fait partie du territoire de 
Rey. Je me rendis, le lendemain matin^ au tombeau de ce saint 
pour y faire mes dévotions, en compagnie de Mohammed Chérif 
Bay et de Seiyd Ahmed Khodja, Naqib de Boukhara. J'y fis mes 
prières et des vœux pour Tétemité du règne de Sa Majesté. Mes 
parents, mes amis et mes connaissances , informés de mon 
arrivée, se portèrent à ma rencontre. Leur vue me combla de 
satisfaction et de joie. Je rendis grâces à Dieu, et je pris le che- 
min de la capitale, comblé de marques de considération et 
d'honneur. J'offris à Dieu Thommage de ma reconnaissance et 
je rentrai chez moi le 17 de Moharrem (le 3 novembre i852). 
Mes compagnons de route s'installèrent dans les logements 
qui avaient été préparés pour eux, et ils furent traités avec la 
plus extrême bienveillance. 

On assigna six toumans par jour à Mohammed Chérif Bay 
pour sa dépense, et vingt héiar dinars (deux toumans) au Naqib 
Seiyd Ahmed Khodja pour la sienne. Au bout de quelques jours, 
Mohammed Chérif Bay se rendit avec moi à l'audience de 
S. M. Nacir Eddin Chah et il eut l'honneur d'être reçu. Il fit 
passer sous les yeux de S. M. les présents envoyés par le 
souverain du Kharezm, Mohammed Emin Khan, et qui con* 
sistaient en deux faucons dressés, en un fusil fabriqué à Khiva, 
en pistolets russes et en vases en porcelaine d'Europe. Il remit 
également deux montres en or, destinées aux ministres du Roi. 
Ahmed Naqib Khodja avait également apporté, pour être 
offerts au Roi, deux aigles et deux émérillons dressés pour la 
chasse. 

Il sollicita et obtint la permission de se rendre à la Mekke. 

J ai narré, dans un qacidèh composé à la louange du Roi, 
les incidents les plus marquants de mon voyage, à l'aller et au 

I. Le village de Chah Abdoul Azhim, à un fcrseng et demi de Téhéran, est presque 
une petite ville; on y trouve des bazars, de larges rues plantées d'arbres et arrosées par 
des courants d*eau vive, une habitation royale, des bains, un caravansérail et une belle 
mosquée où est enterré Timam dont elle porte le nom. On s'y rend en pèlerinage de 
tous les points de la Perse. Le village de Chah Abdoul Azhim est situ(^ au milieu des 
ruines de Tanciennc ville de Rcy. 



DE L AMBASSADE AU KHAREZM 207 

retour, et je prends la liberté de placer cette pièce de poésie à la 
fin de ma relation. 

Qacidèh, — « A l'heure la plus heureuse, à Tépoque du prin- 
temps, je montai à cheval et je partis de Rey, me dirigeant vers 
le Kharezm. J'étais précédé par mes serviteurs et suivi par mes 
chevaux de main; tantôt, je jetais les yeux sur ceux-ci, tantôt, je 
surveillais ceux-là. De Firouz Kouh à Sary, je traversai des 
campagnes où j'avais, pour me reposer, des matelas et des 
coussins de rubis et de turquoises (de coquelicots et de bleuets). 
La douceur du printemps avait donné aux fleurs des prairies 
la beauté de celles que Ton cultive dans les serres ; leur éclat 
faisait ressembler les pelouses à la galerie des peintures de la 
Chine. Tout ce qui frappait mes yeux avait les perfections de 
TEden ; tout ce qui s'offrait à mes regards avait les charmes des 
houris du Paradis. » 

« Parfois mon pied foulait )e cou du poisson (qui supporte la 
terre), parfois ma tête effleurait la couronne des Pléïades. » 

« Je montais un cheval aux mouvements agiles, dont la taille 
était aussi haute qu'une montagne élevée. Sa course égalait la 
rapidité du vent du matin; ses hennissements jetaient l'eflfroi 
dans le cœur du tonnerre, et la légèreté de ses mouvements ins- 
pirait à l'araignée la honte et le dépit. Lorsque son sabot s'im- 
primait sur le front d'une montagne, il y laissait une trace aussi 
large que l'empreinte que ferait une enclume. Ses oreilles, en 
se dressant, s'enfonçaient comme un dard dans le sein de la 
planète de Saturne. » 

<r Je le poussai dans un défilé dont l'aspect était plus ef&ayant 
que la vue d'un lion ; il franchit les collines avec plus de vi- 
tesse qu'un faucon. Comment les gravissait-il? Avec la rapidité 
de l'éclair qui sillonne l'horizon de bas en haut. Comment les 
descendait-il? Comme un torrent qui se précipite du sommet 
d'une montagne. Je me dirigeai d'Esterâbad vers le Gourgan; 
les souvenirs de Qabous et de Gourguin se présentaient tour à 
tour à mon esprit. Je parcourus, en quarante étapes, la distance 



208 RELATION 

de deux cents fersengs, à travers une contrée dépouillée de vé - 
gétation, privée d'eau potable et où i on ne voyait ni bêtes fau- 
ves, ni oiseaux, ni djinns, ni créatures humaines, ni monta- 
gnes, ni arbres. Le ciel s'étendait sur nos têtes; Timmensité du 
désert se déroulait sous nos pieds. » 

a Les chameaux attachés en files, marchaient jour et nuit d'un 
pas cadencé, semblables à des navires qui voguent pendant 
des mois et des années entières. » 

« L'ardeur du soleil avait rendu le sol brûlant comme Ten- 
fer, l'herbe était empoisonnée par les exhalaisons d'un air méphi- 
tique; elle était aussi vénéneuse que le poison de la tarentule. 
Dans les terres imprégnées de sel, Teau était saumâtre et 
amère, son goût ressemblait à celui des larmes purulentes qui 
s'échappent des yeux des damnés. Lorsque j'arrivai au terme 
de cette route semblable au chemin qui conduit à Tenfer, le 
Kharezm apparut à mes yeux comme un paradis céleste. Cent 
canaux dérivés du Djihoun coulaient de tous côtés. Leurs on- 
des pures et douces étaient aussi délicieuses que celles du 
Kaoucer et du Selsebyl. Partout, s'étendaient des champs cul- 
tivés, des villages et des jardins; partout, on apercevait des ar- 
bres, de la verdure et des rosiers. » 

« Je fis à Khiva une entrée pompeuse et solennelle. Cette 
ville est florissante, et la solidité de ses fortifications lui 
donne l'aspect d'une montagne. On y voit de magnifiques 
mosquées et de superbes medressèhs : on s'acquitte dans les 
premières des devoirs qu'impose une religion pure, et on s'i- 
nitie dans les autres aux sciences qui ont pour objet la con- 
naissance de la théologie et de la jurisprudence. » 

« Je goûtai le repos dans une grande maison entourée d'un 
vaste jardin qui m'avait été assignée comme résidence. Je fus, 
pendant deux mois, condamné à rester au lit, dévoré par la 
fièvre. » 

< Le Kharezm Chah revint de l'expédition de Merv, suivi 
d'une nombreuse escorte, l^e jour de son arrivée, le bruit du 
canon ébranla la voûte du firmament. Je me rendis à son pa- 



DE L*AMBASSADE AU KHAREZM 20g 

lais; j'étais comme l'ange Sourouch qui parcourt dans son vol 
les pavillons les plus élevés du ciel. Dans mes entretiens avec 
le Khan, je traitai tous les sujets avec la plus entière liberté. 
Toutes mes paroles étaient marquées au coin de l'éloquence ; 
tous mes raisonnements reposaient sur les bases les plus solides. » 
< Après être resté dans les Etats de ce prince et avoir été son 
hôte pendant trois mois, un jour heureux fut fixé pour mon 
voyage. On me fit partir pour Téhéran par la route du Gour- 
gan, afin que je pusse me rendre compte de Tétat du pays, et 
faire mon pèlerinage au tombeau de Nedjm oud Din. J'atteignis 
les bords de TEtrek et ceux du Gourgan ; là, les Turkomans 
pleins de perfidie me tendirent une embuscade. Grâce au bon- 
heur qui favorise le règne du Roi des Rois du monde, je pus 
échapper aux coups de ces rebelles maudits. Bien que la route 
du Gourgan ait été, pour moi, semée de dangers, je ne ré- 
coltais point des fatigues, mais bien les richesses et les trésors 
(de l'expérience) . Ma tête s'éleva jusqu'au ciel, lorsque je pus 
l'incliner devant le seuil du palais du Roi, père de tout secours, 
Nacir Eddin Chah. » 

< La splendeur qui illumine son visage nous permet de voir 
tout ce qui existe dans le monde terrestre. La lumière qui s'é- 
chappe de son front fait éclater sa majesté à nos yeux. Sa 
gloire et sa dignité resplendissent comme le firmament. Sa 
gravité et sa fermeté sont inébranlables comme une mon- 
tagne. Parfois, il donne cours à sa colère, parfois on voit bril- 
ler en lui la bonté et la clémence. Tantôt, il incline vers la paix 
et la patience, tantôt il se laisse aller à ses instincts guerriers. 
Son caractère ne le porte qu'à faire le bien; il ne reconnaît 
d'autres lois et d'autres règles que celles du code religieux. 
Si ma vie se prolongeait sous son règne pendant mille ans, ja- 
mais je ne cesserais de faire des vœux pour lui et de maudire 
ceux qui lui pointent envie. Il est le souverain qui prête son 
aide à la religion de Dieu, et qui accorde son appui à la loi du 
du Prophète ; que le Prophète veuille donc lui donner son ap- 
pui et Dieu son aide ! » 

»4 



210 RELATION 

Pendant que je remplissais, dans le Kharezm, la mission 
dont j'avais été chargé et que je tâchais, par mes conseils, de 
ramener le Khan à des sentiments de sympathie et de conci- 
liation. Sa Majesté s'était, à la tête de son armée, rendue dans 
riraq pour visiter cette province. Elle se montra, dans le cours 
de ce voyage, mal satisfaite de la conduite et des services de 
TEmiri Nizham Mirza Taqy Khan Ferahâny. La poussière du 
mécontentement se fixa sur le miroir de l'esprit du Roi qui 
trouvait que TEmir outrepassait ses pouvoirs et agissait avec 
témérité, dans Texercice de ses fonctions de ministre et d'é- 
mir. Le Roi, justifiant le proverbe qui dit : « Le sultan 
est comme le lion », fut irrité contre lui. Le 19 du mois de 
Aloharrem 1269 (3 novembre i852), il traça sur le feuillet de 
sa position les lettres de la destitution. Obligé de se soumet- 
tre, FEmir fut éloigné des affaires et condamné à la retraite. 
Il ne fut cependant ni lié, ni enchaîné : il ne fut soumis à la 
surveillance ni d'Amr ni de Zeïd (de personne), mais il dut 
garder les arrêts et il perdit toute espérance de conserver la vie. 

Un ministre qui, sur Téchiquier de la puissance, fait marcher 
le cheval au corps d'éléphant sur le même rang que le roi, 
est, par un billet contenant peu de mots, confiné dans le coin 
de la destitution. Le rokh de sa faiblesse est placé sur le sol 
de Tavilissement. Il tombe du cheval de la considération 
pour n'être qu'un piéton (pion) et il devient mat. 

Sur le trictrac du désespoir, le dé de son espérance reste 
dans la case de la stupéfaction, sans pouvoir en sortir '. Oui : 



I. Toutes ces métaphores sont empruntées au jeu des échecs et à celui du tricinc. 
Chah Souvar est le roi, Esp (le cheval) le cavalier ; Rokh la tour, Piadêh le pion. Le 
mot Rouqa'a a, tout à la fois, la signification de lettre, billet officiel, et celle du petit 
tapis en drap qui remplace, chez les orientaux, la table de Téchiquier. Cf. Thomas Hyde, 
Mandragorias seu historia shahiludii, vif. ejusdem origo, antiquitas ususque per ta- 
titm Orieniem celeberrimus. Speciatim prout usurpatur apud Arabes, Persas, Jndos, 
et Chittenses, etc. Oxonii, 1694. Th. Hyde a également publié un traité sur le jeu du 
trictrac : Historia nerdiludii, hoc est dicerCy trunculorum, cum quibusdam aliis Ara- 
bum, Persarum, Indorum, Chinensium et aliarum gentium, etc, Oxonii, 1694. Voyez 
encore : Persian Chess, illustrated from Oriental sources; especially in ref agence to 
the great chess, improperly ascribedto Timur, and in vindication of the Persian origin 
0/ the gante, against the daims of the Hindus, by N. Bland, London, i85o. 



I 



DK L AMBASSADE AU KHAREZM 211 

y^ers. — € Dans ce jeu d'échecs du chagrin, dans ce trictrac 
de la douleur, celui-là sera un homme qui ne sera ni mat ni 
bloqué. » 

Malgré toute sa pompe et tout son luxe, TEmir erra éperdu 
dans le désert du trouble et de Tinfortune. Le jour allait, pour 
lui, faire place à la nuit. 

Sa Majesté se rendit compte que les personnages d'une 
naissance distinguée sont les seuls qui soient aptes à s'ac- 
quitter des hautes fonctions de TEtat; qu'eux seuls n'égra- 
tignent pas, avec Tépine de Tavilissement, le cœur des nobles, 
et qu'ils ne tirent point vanité des richesses de ce monde. 

Sa Majesté choisit donc, parmi les fonctionnaires d'un 
rang élevé et les grands dignitaires, S. A. Tltimad oud Daoulèh 
Mirza Aga Khan Noury, qui, précédemment, avait été inten- 
dant général de Tarmée. Ses aïeux avaient acquis de la célé- 
brité au service de Feth Aly Chah. Son intelligence qui s'é- 
tait révélée dès son enfance, l'avait fait parvenir aux plus 
éminentes dignités. Il avait éprouvé les vicissitudes de la 
fortune et connu tour à tour la faveur et la disgrâce. Il 
avait, à plusieurs reprises, joui de l'abondance et souffert de 
la privation des biens de ce monde. 

Sa Majesté lui conféra la dignité de Grand Vézir et lui fit 
don d'un khilat dont l'éclat, égal à celui du soleil, était orné 
de nœuds en perles et en pierreries. Il reçut, en outre, une 
canne incrustée de pierres précieuses. 

Cette nomination combla de joie les grands et les petits qui 
se sentirent délivrés de tous soucis. 

Hémistiche. — t Après chaque automne, on voit paraître 
un nouveau printemps. » 

Cet événement eut lieu le 6 du mois de Safer (20 novem- 
bre), anniversaire heureux de la naissance de Sa Majesté, jour 
de fête nationale pour la Perse. Cet anniversaire, cette desti- 



tution et cette nomination lormèrent trois fêtes en un seul 
jour. Ce furent trois murailles de Yadjoudj {Gog)j élevées pour 
arrêter les mauvais desseins des pervers. 

Je conduisis deux ou trois fois Mohammed Chérif Bay, 
voyé du Khan de Khiva, à l'audience de ce ministre qui 
témoigna la plus grande bienveillance. Au bout de quelques 
mois, l'envoyé eut son congé, après avoir reçu une robe d'hon- 
neur et des cadeaux. S. M. le Roi lui fit remettre, pour l'offrir 
en son nom au Khan, une tabatière enrichie de brillants et le 
premier ministre envoya en présent au Mehter Yaqoub, fils de 
Youssouf, Vézir du Khan, une écritoire en or émaïllé. Les re- 
commandations verbales et écrites, relatives à la soumission 
du Khan au Roi, furent faites à Mohammed Chérif Bay dans 
le plus grand détail et celui-ci partît, après avoir donné l'assu- 
rance formelle que ses bons services ne feraient pas défaut. 

Il se passa quelque temps sans que l'on eût des preuves des 
bonnes dispositions du Khan; bien au contraire, on voyait sur- 
gir, chaque jour, de nouvelles manifestations de son orgueil et 
de son esprit de révolte. 11 fit marcher des troupes contre Se- 
rakhs et Merv, et, une autre fois, il donna ordre aux Turkomans 
de faire des incursions dans les districts du Khorassan et de les 
livrer au pillage. Les ministres, blessés d'une pareille conduite, 
dissimulèrent leur mécontentement. Cependant, les actes d'hos- 
tilité, d'hypocrisie, de rébellion et de rapine atteignirent la der- 
nière limite. Les gouverneurs de Merv et de Serakhs, et les offi- 
ciers préposés à la garde des frontières du Khorassan et du 
Gourgan, faisaient parvenir leurs plaintes à la cour. Les cour- 
riers spéciaux et les dépêches se succédaient sans interruption. 
Le Nevvab Feridoun Mirza, ancien gouverneur général de la 
province de Fars et oncle du Roi qui est l'asile du monde, fut 
investi du gouvernement du Khorassan '. Mirza Fazhl Oullah, 
Vézir Nizham (intendant général de la guerre) et frère de S. A. le 
premier ministre, lui fut adjoint pour l'assister dans les af- 



I. Feridoun Mirza esl le cin^uièmL: [ils d'Abbas Miu.i Naîb 



icui 
our J 

lut 1 




DE l'ambassade AU KHAREZM 2l3 

faires de Tadministration et il fut investi de la charge de Mu- 
tevelly (curateur) du tombeau de rimam Aly Riza. Ces deux 
personnages se mirent en route pour leur destination, au mois 
de Ziqaadèh (août). Le 9 du mois de Redjeb (29 mars), ils en- 
trèrent dans la sainte ville de Mechhed. 

Feridoun Mirza, se conformant aux ordres du roi, fit partir 
pour Téhéran son frère cadet, le Nevvab Hussam ous Saltha- 
nèh, et il s'occupa de mettre en ordre les affaires de la pro- 
vince qui lui était confiée. Les Turkomans de Merv et de Se- 
rakhs, fatigués des excès et des incursions annuelles du Khan 
de Khiva, lui portèrent leurs plaintes et ils acceptèrent, comme 
gouverneur, un des grands personnages de sa cour; ils témoi- 
gnèrent le plus grand zèle pour les intérêts du gouvernement 
persan. 

Behadir Khan Derèhguèzy était , à cette époque , gouver- 
neur de Merv, au nom du Roi. Le Khan de Khiva avait dési- 
gné les Turkomans de Qariab, pour faire des incursions dans 
les environs de Merv et pour les dévaster. 11 avait établi sur les 
frontières, en qualité de commandant en chef, Mir Ahmed 
Khan Djemchidy. Ces circonstances avaient fait hausser le 
prix du blé à Merv. Emir Hussein Khan, père de Sam Khan, 
Ilkhany du Khorassan ', accompagné de deux cents cavaliers, 
portait à Merv une somme en or monnayé, destinée à Behadir 
Khan et aux troupes cantonnées dans cette ville. A la distance 
d'une étape de Merv, il fut entouré par deux mille cavaliers 
Qariaby et Turkomans ; il fut, pendant quatre jours, enveloppé 
par ces gens et occupé à les combattre et à repousser leurs at* 
taques. Le quatrième jour, ses cavaliers ayant mis le sabre à 
la main, fondirent sur les Qariaby, en mirent quinze hors de 
combat et, passant au milieu d'eux, ils réussirent à franchir la 
distance qui les séparait de Merv et à entrer dans cette ville. 
Au moment où ils s'en approchaient, Behadir Khan fit une sortie 
avec de l'infanterie régulière et de l'artillerie; il tomba sur les 

I. V. sur le titre d'Ukhan ou dUlkhany la note 2 de la page 81 



214 RELATION 

Qariaby, en tua trois cents, en blessa cinq cents et, s'emparent 
de mille charges de blé qu'ils transportaient à Qariab, il les jSt 
entrer à Merv où elles furent partagées entre les habitants de 
la ville. 

La nouvelle de ces événements parvint au Kharezm, et elle 
détermina le Khan à se mettre à la tête d'une expédition^ pour 
enlever aux Persans les villes de Merv et de Serakhs. Le Nev- 
vab, gouverneur général, après être resté dix jours à Mech- 
hed et avoir fait ses dévotions au tombeau de Tlmam Riza, 
y fut rejoint par Sam Khan Ilkhany et TEmiri Pentchèh Aly 
Qouly Khan Efchar qui conduisait les régiments Nousret ' 
et Efchar et de Tartillerie. Sam Khan, avec mille cavaliers 
d'élite, fut chargé de conduire à Merv mille charges de 
blé. Le gouverneur général, de son côté, se dirigea sur Se- 
rakhs. Les notables de cette ville, tels que Erazh Khan, 
Ghouchid Khanet autres, vinrent lui présenter leurs homma- 
ges. Dans ces circonstances, l'Emir Nizham avait réussi à 
soulever les habitants de Kelat contre leur gouverneur, Djafer 
Agha Djelaïr, qui avait embrassé le parti du Khan de Khi va, 
après avoir déserté le service du gouvernement persan. Une 
troupe de soldats déterminés fut envoyée contre Kelat. Djafer 
Agha prit la fuite et se réfugia dans le Kharezm, pour invoquer 
l'assistance du Khan et rentrer dans son pays. 

Le gouverneur général alla lui-même à Kelat et il en confia 
la garde au général de brigade Mirza Ibrahim Khan Kham- 
sôh, puis il se rendit dans les cantons d'Atou, d'ichq Abad et 
d'Akhal. Des combats furent livrés aux Turkomans, combats 
dans lesquels ceux-ci furent mis en fuite. Tous ces faits sont 
racontés en détail dans Thistoire que j'ai publiée \ Après avoir 

1. Le régiment qui porte le nom de Nousret est recruté dans le Sewad Kouh du Ma- 
zandcran. 11 tient ordinairement garnison à Téhéran, où il est préposé à la garde du 
palais et du harem du roi. 

2. Le récit des événements dont les frontières du Khorassan furent le théâtre, après 
Tarrivée de Fcridoun Mirza à Mechhed, et du combat dans lequel Mohammed Emin 
Khan perdit la vie, se lit dans le Raou^et ous Sefay Naciry de Riza Qpuly Khan, 
tome X, pages x 77-180; dans le Xassikh uut Tewarikh de Mirza Sipehr (Histoire Je 



2l6 RELATION 

il prit la détermination de livrer bataille, et il s'avança à la 
tête de plusieurs milliers de cavaliers. Le Newab, gouver- 
neur général , après avoir expédié Hassan Khan Sebzvary, 
fit partir, pour secourir Scrakhs et offrir le combat à Tannée 
Khivienne, le général de brigade Mohammed Hassan Khan 
avec deux régiments de Ferâhan et un de Guerrous ', quatre 
pièces d'artillerie et mille cavaliers d'élite. 

Cinq cents cavaliers furent envoyés en toute hâte comme 
éclaireurs. Hassan Khan rencontra dans sa marche deux mille 
cavaliers khiviens qui, ayant dépassé Serakhs, voulurent s'op- 
poser à son passage. Hassan Khan, sans se laisser effrayer, 
fit une vigoureuse résistance, repoussa Tennemi et s'approcha 
de Serakhs. Le lendemain, environ cinq cents cavaliers arrivè- 
rent également près de cette ville. Le Khan de Khiva apprit que 
les troupes persanes, semblables aux flots de la mer, conti- 
nuaient à arriver, jour et nuit, à la suite les unes des autres. Il 
reconnut que le succès deviendrait plus difficile à obtenir et qu'il 
valait mieux se hâter de se rendre maître de Serakhs. Ayant 
donc résolu de porter secours aux troupes du Kharezm qui 
étaient engagées, il se mit en marche, à la tète de quarante mille 
hommes pris dans les clans et dans les tribus des Djemchidy, 
des Qariaby, des Teïmény, parmi les soldats de Meïmenèh et 
de Chibourghan, parmi les Salour, les Sarouq, les Tekèh, les 
Gouklan, les Yomout et autres Turkomans. Avant son arrivée, 
des combats avaient eu lieu, tous les jours, entre les gens de 
Serakhs et les Khiviens et la victoire s'était, le plus souvent, 
déclarée pour les premiers et pour les guerriers du Khorassan. 
Mohammed Hassan Khan Ferâhany était arrivé avec ses ba- 
taillons à la distance de six fersengs de Serakhs. Le Newab Fe- 
ridoun Mirza fit partir d'Aq Derbend pour Serakhs, deux mille 
cavaliers sous les ordres de Mehdy Qouly Mirza, de Sam Khan 
Ilkhany, du prince Mohammed Youssouf de Hérât , d'Emir 



I. Les Guerrous sont une tribu Kurde qui occupe les districts du nord du Kur- 
distan persan, et qui s*étend jusque dans les environs de Tebriz dans TAzerbaïdjan. 



f 



DK L AMBASSADE AU KHAREZM 217 

Khan Chahyoun et de Mohammed Hussein Khan Hezarèh. 

Mohammed Emîn Khan arriva le même jour que les trou- 
pes persanes; il excita, par toutes sortes de promesses et de me- 
naces^ ses soldats à donner l'assaut à Serakhs et à s'en empa- 
rer. On dressa sa tente, qui était en étoffe de couleur vert 
clair, sur le sommet d'une colline qui porte, en turc, le nom 
de Qanly Tèpèh ( la colline sanglante ) ; il s'y établit avec les 
officiers attachés à sa personne, les ministres, les Tourèh, ses 
parents et les personnages les plus notables de ses Etats, afin 
d'avoir le spectacle de la bataille, de pouvoir donner ses or- 
dres à ses cavaliers et récompenser leurs chefs. 

Mohammed Hassan Khan Sebzvary, de son côté, sortit de 
la ville et lança les cavaliers du Khorassan contre les Khiviens 
auxquels ils offrirent le combat. Les habitants de Serakhs les 
attaquaient, en même temps, avec le plus grand courage et la 
plus grande impétuosité. Une grande bataille s'ensuivit. L'air 
fut obscurci par la poussière que soulevaient les combattants ; 
les cimeterres, semblables au destin immuable, ne cessaient 
de couper les veines du cou; les fers de lance, pénétrant dans 
les cœurs et dans les foies, leur racontaient leurs secrets. 

Vers. — « On aurait dit que les Persans étaient la chaîne 
d'une étoffe, et les Khiviens, la trame. (La mêlée fut telle) 
que ceux-ci devinrent la chaîne et ceux-là la trame. La bouti- 
que de l'espoir (d'avoir la vie sauve) n'avait pas de chalands ; 
le bazar de la mort en était, au contraire, encombré. Le sa- 
bre, semblable au lis, se teignit de sang. Les fers de lance, qui 
ont la couleur du jasmin , se changèrent en fleurs de grena- 
diers. Le malheur s'associa aux Khiviens, le bonheur devint 
Tami et l'auxiliaire des Persans '. • 

Le désordre se mit dans les rangs des Khiviens qui com- 



I. Ces quatre distiques sont tirés du Qacidèh que Riza Qpuly Khan présenta au Roi. 
pour le féliciter de la victoire remportée par les Persans. (Voy. pp. 221 et suiv.) 



2l8 RELATION 

mencèrent à s'enfuir. Les troupes persanes, aidées par Dieu, 
coupèrent près de trois mille têtes et s'emparèrent d'un grand 
nombre de chevaux et de chameaux, d'une grande quantité de 
mousquets de fort calibre, de fusils, d'une pièce de canon du 
calibre de dix-sept pounds, de seize fauconneaux (Saff Chjken), 
et de deux drapeaux. Elles poursuivirent les Khiviens dans 
leur fuite. Lorsqu'elles eurent refoulé les troupes du Kharezm 
jusqu'à la distance de deux mille pas au-delà de la ville^ elles 
arrivèrent au pied de la colline de Qanly Tèpèh. Mohammed 
Emin Khan voyait la plaine de Serakhs transformée en un fleuve 
de sang qui égalait le Sihoun et qui rivalisait avec le Dji- 
houn, et ses troupes mises en déroute. Il reconnut qu'il ne pou- 
vait plus rester en sûreté là où il était. Il voulut monter à che- 
val et s enfuir , et il demanda sa monture. Son cheval avait 
une selle brodée en or; une aigrette se dressait sur sa tête et 
une boule d'or était attachée à sa croupière. Le costume du 
Khan présentait aussi des particularités qui servaient à le dis- 
tinguer; il avait, sur la tête, une aigrette et une plaque en or; 
le haut de son bonnet était couvert de drap rouge et personne 
autre que lui, dans ses Etats, n'a le droit de porter cette cou- 
leur. Lorsque les cavaliers de Serakhs et du Khorassan arrivè- 
rent au bas de Qanly Tèpèh, ils reconnurent le Khan et ils 
gravirent la colline dans l'intention de le tuer. 

La plupart des gens qui formaient Tescorte du prince s'étaient 
dispersés et les cavaliers persans purent arriver jusqu'à lui; 
ils mirent le sabre hors du fourreau. Qourban Kel * s'approcha 
de lui. Le Khan de Khiva cria à ses gens : « Détournez de moi 
la fureur de cet hérétique ! » Qourban lui asséna un coup de 
sabre qui l'atteignit à la bouche et la fendit jusqu'à l'oreille. 
Le Khan criait : a Je suis Khan Hazret, je suis un grand per- 
sonnage, conduisez-moi vivant devant le roi de Perse et renon- 
cez à me tuer. 3 Personne ne prêta l'oreille à ses paroles. Qour- 
ban s'était précipité sur lui et l'avait blessé. Une lutte s'engagea 

I. Kcl est un surnom ; ce mot signitie teigneux. 



DE L AMBASSADE AU KHAPEZM 2I9 

entre les cavaliers qui voulaient lui couper la tête, lutte dans 
laquelle douze d'entre eux furent tués. A la fin, SihhatNiaz Khan, 
fils d'Erazh Khan, de Serakhs, sépara la tête du Khan de son 
corps ; puis, on pilla ses dépouilles. Cet événement eut lieu le 
dernier jour du mois de Djoumazy oui Akhir de Tannée 1271 
(7 mars i855). Trente-deux des personnes qui accompagnaient 
le Khan de Khiva furent massacrées, et, parmi elles, quatorze 
étaient ses cousins. Le qadi du Kharezm, qui était venu avec 
lui pour rendre le fetva qui autorisait la guerre sainte, goûta 
aussi le breuvage mortel que contient la coupe du sabre. Les 
noms des personnages tués, et dont je connaissais la plupart, 
étaient donnés dans la lettre qui annonçait la victoire. Les 
voici : 

Bek Djan, Divan Beguy, qui avait le rang de ministre des 
affaires étrangères; Khoudayar By, un de ses principaux 
fonctionnaires; le Darougha Mahrem (chef de la police); Ab- 
doullah Mahrem, un des chambellans; Daoulet Yar By, Serdar 
(général), Bek Djan , Niaz Qouly Bin bachy, qui avait mille 
hommes sous ses ordres; Allah Qouly Yuz bachy (capitaine), 
Haqq Nazhar Bin bachy, Daoulet Niaz Yuz Bachy. Ce dernier 
était le fils de Niaz Mohammed Bay dont le père avait été 
envoyé par Allah Qouly Khan, père de Mohammed Emin 
Ivhan, en qualité de gouverneur à Merv. Les habitants de cette 
ville se révoltèrent contre lui et le massacrèrent. Il était le 
cousin du Mehter Vézir de Khiva. Ya Sin Bay, maire (Ke- 
lanier) de Khiva, fils de Hukoumet Khan, fils de Mizrab Khan 
qui avait été gouverneur de Meïmenèh. Il avait amené au se- 
cours du Khan un corps de mille cavaliers. Bek Mourad Bay 
de la tribu des Tekèh de Qariab, Sulthan de la tribu des Te- 
kèh de Qariab; Mohammed Cheikh, de Qariab qui, à la tête 
de deux mille cavaliers, faisait constamment des incursions 
dans le Khorassan; le fils d'Abbas Bay de la même tribu. 
Djafer Aga Kelaty et Mir Ahmed Khan Djemchidy furent 
blessés. Les autres officiers tués , dont le nombre s'élevait à 
soixante-dix, eurent la tête séparée du corps. 



220 RELATION 

Ces têtes furent placées au bout des lances, et les trou- 
pes persanes revinrent à Aq Derbend avec ces trophées. 

Le mercredi 2 du mois de Redjeb (10 mars) qui était le 
jour de la fête du Naurouz, les vainqueurs arrivèrent au 
camp du gouverneur général et la nouvelle de ce succès par- 
vint à Téhéran le i3 Redjeb (24 mars), anniversaire de la nais- 
sance du prince des croyants, Aly fils d'Abou Thalib, S, M. 
ordonna que ce jour heureux fût consacré comme fête pu- 
blique, et que tous les ans elle fût célébrée avec toutes les 
marques du respect. 

La tête du Khan de Khiva, son bonnet et quelques-uns de 
ses insignes furent présentés le 1 5 (26 mars) à S. M. Le Roi me fit 
appeler ; il me questionna sur les signes qui la distinguaient et 
sur sa physionomie. Je dis tout ce que j'avais vu et je re- 
connus la tête qui portait les marques de la blessure reçue, et la 
barbe qui était en désordre et arrachée par places. Je reconnus 
également la plaque et le bonnet que Ton avait apportés. Je 
songeai aux exemples que nous offre la fortune, en me rap- 
pelant les conseils de tous genres que j'avais donnés au Khan 
pour qu'il se soumît au Roi de Perse , conseils dont il n'avait 
tenu aucun compte, jusqu'à ce qu'il subit le sort qui lui était 
réservé. J'improvisai ce quatrain que je soumis à S. M. 

Quatrain. — « O Roi, la renommée de ton généreux caractère 
s'est élevée jusqu'au ciel. Les Djinns et les anges ont connu 
tes libéralités et tes dons. Ce Kharezm Chah s'était, avec arro- 
gance, élevé contre toi ! Voici sa tête, elle est arrivée et elle 
roule dans la poussière de tes pieds ! » 

Le Khan de Khiva était un descendant des princes du Kha- 
rezm ; ses ancêtres avaient reçu, de la part des princes de la 
dynastie des Séfévy, des marques de faveur qui avaient fortifié 
leur autorité et ces Khans avaient rendu de bons services aux 
souverains de la Perse. Ils suivaient, en outre, la religion 
musulmane et ils étaient les observateurs des lois du Pro- 



DE L^AMBASSADE AU KHAREZM 221 

phète. S. M. ne fut donc point satisfaite de voir sa tête 
apportée dans la capitale. Elle décida qu'un tombeau et 
qu'un édifice élevé seraient construits en dehors de la porte 
appelée Deti^a^èhi Daoulet, et que Ton y enterrerait la tête 
du Khan et celles des personnages tués en même temps que 
lui. 

Cet ordre fut exécuté. Des lecteurs furent établis dans ce 
tombeau pour y lire le Qoran^ et des distributions d'eau et 
de soupe furent faites aux pauvres. Mohammed Emin Khan, fils 
d'Allah Qouly Khan, pouvait avoir trente-cinq ans au moment 
de sa mort. 11 avait régné près de neuf ans. 

Le gouverneur général du Khorassan se rendit à Serakhs où 
il resta cinq jours ; puis, il se mit en route pour Merv où il 
arriva le 17 du mois de Redjeb (23 mars). Il s'occupa de met- 
tre en ordre toutes les affaires de ces localités et, le premier 
jour du mois de Ramazan (6 mai), il rentra dans la sainte ville 
de Mechhed. 

11 m'a paru nécessaire, en terminant mon opuscule, d'y 
ajouter ce récit de la fin du règne du Khan de Khiva. J'ai donc 
mis en appendice ces quelques feuillets supplémentaires. Les 
poètes contemporains ayant présenté à S. M. des pièces de 
poésie pour célébrer cette grande victoire, j'ai composé, de 
mon côté, les vers que Ton va lire : 

QaciJèh. — « La gloire de Nacir Eddin Qadjar vient de ren- 
dre une nouvelle jeunesse à la fortune de la Perse. Si la 
royauté était un œil, ce prince en serait la lumière; si la sou- 
veraineté était un arbre, il en serait le fruit. Ses armées, en 
marchant, creusent dans les plaines de profonds sillons. Les 
coups de son poignard transforment les montagnes en cavernes. 
Son coursier, de race arabe, est un tigre qui sème la mort sous 
ses pas. Son sabre d'acier de l'Inde fait pleuvoir les calamités 
autour de lui. Son lacet, semblable à un serpent, enserre l'aide 
divine dans son nœud; sa flèche, rapide comme le vautour 
dans son vol, a la victoire fixée à sa pointe. > 



224 RELATION 

la bride à leurs chevaux, dont la course était aussi rapide que 
le vol du gerfaut. On aurait cru qu'un faucon royal venait d'a- 
percevoir une perdrix sur une hauteur. Les cavaliers se précipi- 
tèrent, gravirent Téminence, et, arrivés au haut, ils mirent le 
sabre à la main. La colline et ses pentes furent changées en un 
champ de tulipes. Le front du Kharezm Chah fiit dépouillé de 
son diadème, laigrette fut abattue de la tête de son cheval. 
Les officiers et les chefs furent tués ; il ne resta ni mchter, ni 
dignitaires, ni généraux. Leurs corps furent allégés du poids de 
leurs têtes et leurs têtes n'eurent plus à supporter celui de leurs 
lourds bonnets. » 

« La tête du prince qui avait formé le projet de se révolter 
contre le Roi des Rois, fut envoyée à la cour de Khosrau. Cel- 
les des généraux roulèrent à ses pieds et elles présentaient les 
excuses du crime qu'elles avaient commis. > 

« La tête du Kharezm Chah fut apportée à Téhéran et son 
corps resta à Serakhs. Ceux qui purent s'échapper, couverts de 
blessures et de honte, se réfugièrent dans le Kharezm, en proie 
au désespoir. » 

« Ils marchaient, succombant sous le poids de la fatigue, et 
leur démarche était celle de gens frappés d'apoplexie. Leurs 
corps, privés de force, ressemblaient à ceux des malades. » 

« Les pleurs et les lamentations éclatèrent dans tout le Kha- 
rezm } les plaintes et les gémissements retentirent dans toute la 
ville de Gourgandj. LeTurkestan tout entier fut rempli de gé- 
missements semblables au bruit que font les vagues du Djihoun. 
Le deuil s'étendit de Boukhara à Ferkhar '. Les soupirs étaient 
aussi glacés que le vent d'Azer ^ ; les yeux étaient aussi humi- 
des que le nuage d'Azar ^ Tous se retirèrent, comme des hi- 



1 . Deux petites villes portent le nom de Ferkhar : Tune est située dans le Turkestan 
et a donné naissance au poCte Ferkhary, Tautre se trouve sur la frontière de la Chine 

de Kachghar. 

2. Âzer mah est le neuvième mois du calendrier persan : il correspond aux mois de 
novembre et de décembre (du 2X novembre au 21 décembre). 

3. Âzar est le nom du mois de mars dans le calendrier grec oriental. 



DE l'ambassade AU KHAREZM 225 

boux dans de tristes ruines, rongés par lechagrin. Tous étaient, 
comme la chouette, la proie de la tristesse. Le bonheur qui 
veille sur le Roi, les bonnes dispositions prises par le ministre 
menèrent facilement à bonne fin cette entreprise ardue. Un roi 
qui est assisté par un pareil vézir, voit toujours ses entreprises 
couronnées de semblables succès. Ces événements doivent être 
racontés en détail par l'histoire ; on ne peut en donner, en 
vers, qu'une brève relation." • 

• Puissent, aussi longtemps que le firmament se servira du 
soleil et de la lune pour nous donner le spectacle des événe- 
ments, puissent les têtes des ennemis du Roi rouler au pied 
des lances, et les corps des rivaux du souverain, qui est l'égal 
de Darius, être suspendus aux gibets ! • 




;l 



APPENDICE 



APPENDICE 



REY 




la Rhagès du livre de Tobîe, est l'une des 
: villes les plus anciennes de la Perse. Yaqout, 
* dans le Moudjem oui bouldan, lui a consacré une 
longue notice qui a été traduite par M. Barbier de Meynard ' . 
L'importance de Rey, le rôle qu'elle a joué comme ca- 
pitale de différents États, m'ont engagé de donner un aperçu 
très-sommaire de son histoire, et d'y joindre la traduction 
des articles qu'Abou Ishaq Ibrahim el Isthakhry et Qazwiny 
lui ont consacrés dans leurs ouvrages géographiques. 

Rhagès était déjà une ville ancienne à l'époque de Tobie, 
et Ton peut conjecturer que sa fondation remonte au temps 
où les Mèdes commencèrent à élever la ville d'Ecbatane. 
Lorsque le séjour de Suse fut abandonné, les rois parthes 
vinrent passer à Rhagès les mois du printemps. 



t . IHctioonaire géographique, historique et liltéraire de la Perse, extrait du Moud)em 
el boutdoH, par C. Barbier d« Meynaid. Paria, t66i, pages 37} et luivantea. 



230 RELATION DE l'aMBASSADE AU KIL\REZM 

Il est probable que cette ville fut anéantie par un trem- 
blement de terre. 

Seleucus Nicator la reconstruiiût et doubla son étendue. 

Strabon ' nous apprend que ce prince lui donna le nom 
d*Europeas. Les Parthes la désignaient sous celui d*Arsacie *. 

Les Rois Sassanides ayant abandonné le séjour de Rhagès^ 
cette ville tomba en une décadence si complète, qu elle était en 
ruines lorsque les Arabes en firent la conquête (22 a. h. 642 a. d). 
Le district de Rey et la province de Qoumes ne furent impo- 
sés qu'à cinq cent mille dirhems^ pour assurer aux habitants 
la vie sauve et la conservation des pyrées. Sous le khali£at 
de Mançour, son fils Mohammed el Mehdy rebâtit la ville 
de Rey ; il Tentoura d'un fossé et d'une double enceinte 
construite en briques, et il fit inscrire sur les murailles son 
nom et la date de la reconstruction (i58^ 774). 

La ville reçut, en Thonneur de ce prince^ le nom de Mo- 
hammedièh. Le château de Zenbedy^ qui dominait la grande 
mosquée et le palais du gouvernement, fut réparé et compris 
dans la nouvelle enceinte de la ville. Mehdy y fixa sa 
résidence ^. C'est à Rey que naquit Haroun Errechid. La 
ville conserva une certaine richesse qu'elle devait à Tacti- 
vité de son commerce; mais les dissensions religieuses qui 
divisaient ses habitants portèrent un coup funeste à sa pros- 
périté et hâtèrent sa ruine. 

Rey * tomba^ en l'année 374 (984), au pouvoir du prince Sa- 
manide Nasr ibn Ahmed. Le sultan Mahmoud le Ghaznevide en 



1. Géographie de Strabon traduite par M. Larchéy. Paris. 1814, tome IV, I** partie, 
livre XI, page 3i3. 

2. Les historiens arabes orthographient ce nom a Ara^y, 9 Belazoury, Liber ejt- 
pugnationis regionum, auctore Imamo Ahmed Ibn lahja bin Djabir el Beladsori 
quem edidit M. J. de Goeje. Leyde, 1866, page ^20. 

3. Belazoury, Liber expugnationis regionum, page 319. 

4. Rey a été le siège d'un métropolite Nestorien qui avait sous son autorité spirituelle 
les communautés chrétiennes de la province de Rey et du Thabarestan. 

Le Quien, (Oriens Christianus, tome 11, pages 1292-1293} et Assemani (Bibliotheca 
orientalis, tome III, pages 492), nous ont conservé le nom de prélats a3rant occupé le 
siège épiscopal de cette ville. 



APPENDICE 23 1 

fit la conquête en 420 (1029), mais il la perdit l'année suivante. 
Toghroul Bek^ le fondateur de la dynastie des Seldjouqides 
de riraq, s'en rendit maître en 436 (1044) et il y mourut^ 
en 455 (io63), d'une maladie qui fut attribuée à l'insalubrité 
du climat. Après la victoire remportée par Tekich Khan et 
Qoutlouq fils d'inandj, en Sgo (1193), sur Toghroul Bek, fils 
d'Alp Arslan^ Rey fiit annexée aux États du Kharezm Chah 
Tekich Khan '. 

En 617 (1220), lors de l'invasion des Mogols, un corps d'ar- 
mée, détaché à la poursuite du sultan Mohammed Kharezm 
Châh^ se présenta à Timproviste devant Rey, La ville restée 
sans défense fut mise à sac et détruite^ et les habitants massa- 
crés ou réduits en esclavage. Ghazan Khan essaya, sans y 
réussir, de la relever de ses ruines et, depuis cette époque, son 
nom n'apparaît plus que rarement dans les annales de l'his- 
toire. 

« Rey, dit Abou Ishaq el Istliakhry *, est la ville la plus 
considérable que l'on rencontre à l'est en franchissant la fron- 
tière de l'Iraq. Jusqu'aux confins des pays de l'Islamisme, 
aucune n'est plus florissante, plus grande et plus riche, à 



I. « Tekich fit une diligence si grande qu*il arriva aux portes de Rey pendant que le Sul- 
tan était encore noyé dans le vin. Le Sultan, se réveillant en cet état, ne laissa pas de 
marcher à la tête de ses troupes et en prononçant ces vers tirés du Chah Namêh : « Aus- 
sitôt que de loin on vit la poussière excitée par cette armée qui avançait, la joie parut 
sur le visage de mes soldats et de mes capitaines. D*un seul coup de ma masse d*armes, 
l'ouvris le chemin à mes troupes au milieu de mes ennemis, et les efforts de mon bras 
furent si violents que, sans quitter les arçons de ma selle, je fis tourner la terre comme 
une meule de moulin.» En prononçant ces paroles, animé par la chaleur du vin, et en 
maniant sa masse d*armes, comme s*il eût voulu frapper, il en déchargea un si grand 
coup sur les jambes de devant de son cheval, que le cheval s^abattit sous lui, et qu*il 
fut lui-même renversé par cette chute. Qoutlouq, le voyant par terre, courut aussitôt à 
lui, lui ôta la vie de son cimeterre et termina, par le même coup, la durée de la puis- 
sance des Seldjoucides. Un poète persien, s'adressant à ce prince mort par cet accident, 
dit : o Grand Roi, le monde a aujourd'hui le cœur serré, et Tazur des cicux change 
même à tout moment de couleur. Hier, il y avait une coudée entre votre tête et la voûte 
du ciel, et aujourd'hui, il y a un ferseng entre votre tête et votre corps. » D*Herbelot, 
Bibliothèque orientale. Maestricht, 1776, in (., page 869. 

2. Vice regnorum, auctore Abu Ishàk al Fàrisi al Isiakhri, Edidit M. J. de Goeje. Leyde» 
1870, page 207. 



232 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



l'exception toutefois de Nichabour. Celle-ci occupe une plus 
vaste superficie, mais Rey l'emporte sur elle par ia masse serrée 
des constructions, par la prospérité et l'aisance des habi- 
tants. Elle a un ferseng et demi de longueur sur autant de 
largeur. Les maisons sont construites en terre, en mortier et 
en briques cuites. 

« Les portes de Rey sont connues : ce sont celles de Be- 
thaq ', que l'on franchît pour se rendre dans le Djibal et 
dans l'Iraq ; celle de Belissan, qui conduit à Qazwin ; celle de 
Kouhek (la petite montagne), qui mène au Thabarestan^ celle 
de Hicham, que l'on passe quand on va à Qoumes et au 
Khorassan; et celle de Sin, qui conduit à Qoum. Les bazars 
les plus célèbres sont ceux de Roudèh, de Belissan, de De- 
heki Nao (le petit village neuf), de Naçràbad, de Serbanan et 
ceux des portes du Djibal, de Hicham et de Sin. Celui de 
Roudèh est le mieux approvisionné ; il s'y fait le plus de tran- 
sactions commerciales et l'on y trouve la plus grande partie des 
caravansérails. Ce bazar consiste en une vote large, bordée 
d'une file non interrompue de boutiques et d'édifices. 

« La ville intérieure est commandée par un château que 
l'on appelle Qala'ah; elle renferme aussi la grande mosquée. 
La plus grande partie de cette ville est en ruines et la popu- 
lation habite, en majorité, les faubourgs. 

" Des puits fournissent l'eau nécessaire aux habitants. Il y a 
aussi des canaux souterrains et deux autres qui sont à ciel ouvert. 
L'un porte le nom de Sourqany et traverse le bazar de Rou- 
dèh; l'autre, appelé Guilany, traverse celui de Serbanan. Les 
canaux ont plus d'eau que n'en exigent les besoins de la po- 
pulation ; le surplus est distribué dans les villages et sert à 
l'irrigation des terres. Les transactions se font à Rey en dir- 
hems et en dinars. Les habitants ont le même costume que 
les gens de l'Iraq. Ils se font remarquer par leur générosité , 
leur finesse et leur expérience des afi'aires. On voit dans cette 



■a de cetie porte indique «qu'elle: était surmontée d'un dùiuc ou coupole. I 



APPENDICE . 233 

ville les tombeaux de Mohammed ibn Hassan el Kessay, juris- 
consulte et lecteur du Qoran, et de lastronome Fezary. > 

€ Rey^ dit Qazwiny ' , est une des villes les plus ancien- 
nes et les plus célèbres du monde. Elle abonde en tous biens 
et son territoire produit une énorme quantité de fruits et de 
céréales. Sa fondation remonte aux temps les plus reculés et 
Ibn el Kelby l'attribue à Houcheng, Tun des successeurs de 
Keyoumers. Selon d'autres auteurs, elle aurait été bâtie par 
Raz, fils de Khorassan, et c'est pour ce motif que le qua- 
lificatif de Rey est Razy. C'est une ville remarquable située 
dans une plaine. Non loin de Rey, s'élève la montagne qui a 
reçu le nom d'Aqra' (la chauve), parce que le sol ne porte 
aucune végétation. Cette montagne est aussi appelée Theberek 
(la petite hache) * . On dit qu'elle renferme dans son sein une 
mine d'or, mais, le produit ne couvrant pas les dépenses, l'ex- 
ploitation en a été abandonnée. 

« Les maisons de la ville sont creusées dans la terre ; elles 
sont fort obscures et d'un accès très-difficile. Cet usage pro- 
vient des avanies que les habitants ont eu à supporter de la 
part des gens de guerre , qui pillaient les maisons quand ils 
étaient ennemis, et qui s'y installaient de force quand ils ve- 
naient en amis : aussi a-t-on construit l'entrée des maisons de 
manière à ce qu'elles fussent obscures, pour se mettre à l'abri 
de ces vexations. Les gens qui font des fouilles à Rey trou- 
vent des bijoux d'une grande beauté et des fragments d'or. 
Le sol cache un grand nombre de trésors dont on voit, en 
tout temps, mettre au jour des parties ; car cette ville a tou- 
jours été une résidence royale. > 

« Sous le gouvernement d'Ilqalmich, en l'année 614(1217), 
on y découvrit des cruches remplies de pièces d'or; on ne 
put reconnaître sous quel roi elles avaient été frappées. 



1. Açar oui bilad, édition de M. Wûstenfeld. Goettingue, 1848^ pages 25o-256. 

2. Cette montagne porte aujourd'hui le nom de montagne de Blby cheher Banou, 
à cause du tombeau d'une femme morte en odeur de sainteté, et qui fut regardée comme 
U patronne protectrice de la ville. 



234 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

» Rey â été plusieurs fois ruinée, soit par la guerre, soit par 
des tremblements de terre ^ 

« Djafer ibn Mohammed er Razy dit que la ville actuelle fut 
bâtie par ordre du Khalife Mehdy, fils de Mançour, et par les 
soins d'Ammar, fils de Khaçyb. La construction en fut ache- 
vée en Tannée i58 (774). 

< Les canaux qui fournissent Teau coulent dans la ville^ mais 
l'eau est immonde parce que les habitants y jettent toutes leurs 
ordures, et que les eaux des bains publics s'y déversent. On 
ne va puiser dans les canaux qu'à minuit, parce qu'à cette heure 
Teau est moins souillée d'impuretés. L'atmosphère est, pendant 
l'automne, lourde et malsaine et il est rare que les étrangers ne 
soient pas cruellement éprouvés, car les fruits sont, à cette 
époque, fort abondants. On donne à vil prix les figues, les pê- 
ches et le raisin. La récolte du raisin ne peut être achevée 
avant l'hiver. On en trouve à Rey une espèce appelée Melahy. 
Chaque grain est aussi gros qu'une datte à moitié mûre, et les 
grappes, aussi volumineuses qu'un régime de dattes, atteignent 
le poids de cent rothls. Cette espèce dure jusqu'à l'hiver et on 
l'exporte à Qazwin pendant toute cette saison. Malgré leur 
grosseur, les grains ont une peau fine et le goût en est excellent. 
Il y a aussi une espèce de raisin qui ressemble au Rizaqy : 
seulement il ne donne que peu de suc pour faire le Douchab '. 
Quand on l'a cueilli , on le place à l'ombre et il devient un 
excellent raisin sec que on l'exporte dans tous les pays. 



1 . Les anciens mentionnent déjà les tremblements de terre qui désolaient la province 
de Rhagès (Rey). a Posidonius parle d'une de ces commotions qui fut si violente que 
deux villages et plusieurs villes furent engloutis. Diodore de Sicile ajoute que cet évé- 
nement changea la face de toute la contrée et que des fleuves parurent où Ton n*en avait 
encore vu. De pareils désastres ont dû s*y renouveler quelquefois ; et Ton en connaît 
deux exemples remarquables, Tun dans le vin* siècle, l'autre dans le xvii*. » Recherches 
géographiques et historiques sur la Médie par M. de Sainte-Croix, dans les Mémoires 
de littérature de V Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome I, page i35. 

2. Le douchâb (en arabe dibs, en turc pekmez) est un sirop très épais qui s'obtient 
en soumettant à une forte cuisson le jus du raisin légèrement pressé. Le douchâb le 
plus renommé était celui que l'on' fabriquait à Ârredjan ou Argfin, dans la province de 
Fars. 



APPENDICE 235 

« On exporte également de Rey une argile extrêmement onc- 
tueuse et dont on se sert pour nettoyer la tête : elle est si esti- 
mée qu'on roflfre en cadeau. Les fabricants de peignes de cette 
ville sont d'une grande habileté. Ils font des peignes de toute 
beauté^ que Ton donne en présent dans les pays où on les 
transporte. On y fabrique également des ustensiles et des objets 
avec le bois de Khalendj (buis). Ce bois est apporté du Thaba- 
restan àTétat brut. A Rey, on le dégrossit au tour, on lui donne 
une forme élégante, on le couvre de sculptures et d'ornements 
et il devient alors ua objet d'exportation estimé dans tous les 
pays. » 

Les voyageurs qui ont visité les ruines de Rey nous en ont 
laissé des relations qui présentent quelque intérêt : mais celle 
que nous a donnée M. Pascal Coste dans son ouvrage sur les 
« Monuments modernes de la Perse > ' m'a semblé la plus com- 
plète et je rinsère ici, pour terminer cette notice sur une des 
plus anciennes villes du nord de la Perse. 

€ Aujourd'hui, c'est à peine si, en traversant cette contrée 
voisine de Téhéran, on rencontre quelques monticules, restes 
de maçonnerie qui avertissent le voyageur qu'autrefois, dans 
ces lieux, existait une immense cité, une capitale; et encore les 
débris que l'on y découvre ne datent que de la seconde et plus 
moderne période de son existence, celle qui commence avec 
l'Islamisme. L'ensemble de ces ruines occupe une étendue de 
2,100 mètres du nord au sud et de 2,25o mètres de l'est à 
l'ouest; tout ce vaste emplacement est situé au pied d'un 
chaînon qui part de l'Elborz. Sur le principal rocher isolé, l'on 
voit les débris d'une citadelle, des restes de murs et de tours 
en terre dont quelques-unes sont revêtues de maçonnerie en 
blocage. On y voit aussi des ruines de constructions en bri- 
ques cuites au four, que les Persans enlèvent chaque jour pour 
les employer aux constructions qu'on exécute à Téhéran. 



I. Monuments modernes de la Perse mesurés, dessinés et décrits , par M. Pascal Costc. 
Paris, 1867, in-f^, pages 43 et suivantes. 



236 RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

€ Au centre de tous les monticuFes et des murs d'enceinte se 
trouve une tour circulaire construite en bonnes et fortes bri- 
ques cuites; elle a seize mètres soixante centimètres de dia* 
mètre à l'extérieur, et onze mètres vingt centimètres à l'inté- 
rieur. Sa face extérieure est formée de vingt-deux cannelu- 
res triangulaires terminées vers la partie supérieure par trois 
rangs de voussures superposées, et d'une frise portant encore 
des fragments d'une inscription en caractères cufiques. La 
partie supérieure, qui se terminait par une coupole, est en- 
tièrement ruinée. La hauteur de la tour, non compris la firise 
d'inscription, est de vingt mètres -, la porte, à Touest, est en- 
cadrée d'un chambranle couronné par une corniche à trois 
rangs de petites voussures^ comme cela se voit dans les monu- 
ments de l'architecture arabe. La porte, à l'est, n'a plus qu'aune 
voussure ogivale et son encadrement a disparu. Au dessus 
de cette porte, l'on voit, dans l'épaisseur du mur, le vide d'un 
petit escalier en spirale à l'aide duquel on montait au haut de 
la tour. Sir W. Ouseley nous apprend que, selon la tradition 
répandue dans le pays, il était d'usage d'annoncer à la ville 
de Rey les victoires remportées sur l'ennemi au moyen d'un 
drapeau rouge arboré au haut de cette tour. 

« Vers la partie est, et en dehors des enceintes et des ruines, 
on voit plusieurs tours construites en maçonnerie de blocage. 
Une de ces tours est encore bien conservée et l'inscription eu- 
fique qui Torne est faite avec de petites briques cuites au feu in- 
crustées dans la maçonnerie. Cette tour a onze mètres quatre- 
vingt-cinq centimètres de diamètre à l'extérieur et huit mètres 
vingt-cinq centimètres à l'intérieur, sur une hauteur de douze 
mètres, y compris l'inscription. Sa porte vise au sud ; elle est 
à voussure ogivale à l'extérieur et à plate-bande à l'intérieur, 
à la hauteur du centre de la voussure. On voit encore vers 
la partie supérieure, à la hauteur de sept mètres, deux petits 
escaliers construits dans l'épaisseur du mur pour monter au 
haut de la tour. La voûte et la coupole n'existent plus ; il ne 
reste des autres tours qui se trouvaient parmi ces ruines que 



APPENDICE 237 

leurs bases ; elles sont carrées. Ces diverses tours ne se rat- 
tachent à aucun des murs d'enceinte. 

• Rien parmi ces débris dont on peut encore déterminer la 
forme ne nous reporte dans la haute antiquité ; les inscriptions 
comme les constructions elles-mêmes sont de la période mu- 
sulmane, par conséquent, les plus anciennes ne sauraient al- 
ler au delà du vni* siècle de notre ère. 

■ A côté de ces ruines d'un autre âge, on voit, sur la face de 
deux rochers, deux bas-reliefs très-modernes sculptés sur une 
surface polie. Celui qui est au nord-est des ruines représente 
Feth Ali Chah à cheval, combattant un hon. Celui au nord- 
ouest, éloigné du premier d'un kilomètre, représente, dans un 
grand cadre, le même monarque assis sur son trône, et en- 
touré de plusieurs des princes ses fils et de ses ministres. Au 
bas du rocher, jaillit une source abondante d'eau fraîche et 
limpide. > 




II 



LE DEMAVEND 



LE pic le plus élevé de la chaîne de TElbourz est désigné 
par les géographes orientaux sous les noms de Demavend, 
Dibavend, Dumbavend ou Denbavend, Ce volcan est, de- 
puis les temps les plus reculés, l'objet de la terreur supersti- 
tieuse des habitants de Tlraq, du Djibal et du Thabarestan 
qui prétendent que nul mortel ne peut en atteindre le som- 
met. Parmi les légendes populaires auxquelles il a donné nais- 
sance, celle de Biverasp ou Zohak, enchaîné dans ses flancs, 
rappelle celle d'Encelade écrasé sous TEtna. 

L ascension du Demavend fut tentée par Miss ar ibn Mou- 
halhil (vers 330-942); mais il ne put arriver qu'à la moitié de 
la hauteur de la montagne. Des gens du Thabarestan, envoyés 
par le naturaliste Aly ibn Rezin, parvinrent au sommet après 
cinq jours d'efforts. Qazwiny nous a conservé la relation que 
ces deux auteurs ont donnée de leur ascension. 

Parmi les Européens, Thomas Herbert qui accompagna 
Sir Dormer Cotton, ambassadeur de Charles P' auprès de 
Chah Abbas, réussit à monter jusqu'au haut du Demavend 
dans le courant du mois de juin 1627. 

De nos jours, M. W. J, Thompson, puis après lui. Lord 
Schomkerker et M, R. F. Thompson, et, enfin, en 1860, 
M. le capitaine Ivostchinzov, de la commission russe de la 
mer Caspienne, gravirent le pic et y firent une série d'ob- 



240 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

servatîons qui leur permirent d'évaluer approximativement la 
hauteur de la montagne. J'insère ici, en premier lieu, les ex- 
traits des écrivains orientaux, et je les fais suivre par le résumé 
des relations européennes qui nous fournissent sur la compo- 
sition géologique de la montagne et sur sa hauteur, des don- 
nées à peu près certaines. 

• € Le Demavend, dit Abou Ishaq Ibrahim el Isthakhry, 
s'élève sur les confins du district de Rey. Je Tai contemplé 
de cette ville, du mUieu du bazar de Roudèh. On l'aperçoit, 
m'a-t-on dit , de Savèh '• Cette montagne s'élève au-dessus 
des autres comme une coupole et sa base couvre, au milieu 
d'elles, une superficie de quatre fersengs. Je ne pense pas 
que Ton puisse la gravir jusqu'à son sommet. On dit, dans 
les fables ridicules , léguées par le passé , que le roi Zohak 
est enchaîné dans ses flancs et que les sorciers tiennent 
leurs assemblées sur son faîte. Il s'en échappe continuelle- 
ment une épaisse fumée » ^ 

Naciri Khosrau qui traversait le nord de la Perse en 488 
(1046) dit, dans la relation de son voyage, que le Demavend 
est « semblable à une coupole » ; qu'il porte aussi le nom de 
« Montagne de Li vassan ^ ; et qu'au sommet, s'ouvre un cra- 
tère dans lequel on recueille du sel de natron et du soufre; 
on les met dans des peaux de bœuf que Ton fait rouler du 
haut de la montagne, car il n'y a point de chemin qui per- 
mette de les transporter ^. » 

Yaqout, dans son dictionnaire géographique, ne consacre 
que deux lignes au Demavend. Hamd ouUah Qazwiny, dans 
son Nouihet oui qouloub, résume très-brièvement les détails 
donnés dans VAdjaib oui Makhlouqat et il ajoute que « Ta- 



1 . Savèh est située à égale distance de Hamadan et de Rey. Trente fersengs la sé- 
parent de chacune de ces deux villes. 

2. Vice regnorum, Descriptio diiionis mosletnicce, auctore Abu Ishàk al Fàrisi t?/ 
Istakhri, Lugduni Batavorum. 1870, page 210. 

3. Livassan est le nom d'un village situé sur le versant de la montagne. 

4. Sefev Namèhi Naciri Khosrau. Manuscrit de mon cabinet, page 6. 



APPENDICE 241 

monceliement des neiges est la cause de fréquentes avalanches 
qui entraînent mort d'hommes. Les gens du peuple, ajoute- 
t - il , prétendent que le bruit de la voix en provoque la 
chute, mais cela signifie simplement qu'il ne faut point s'at- 
tarder à parler, mais passer rapidement pour n'être pas sur- 
pris par la chute des neiges » . 

Enfin, dans son Heft Iqlym, Ahmed Razy se borne à tra- 
duire la notice relative au Demavend, insérée par Qazwiny 
dans son Adjaïb oui Makhlouqat. 

a Le Demavend, dit Miss ar ibn Mouhalhil \ est une monta- 
gne d'une prodigieuse élévation, et personne ne peut atteindre 
son sommet couvert de neige^ hiver et été. On l'aperçoit de la 
montée de Hamadan et, quand de Rey, on jette les yeux sur 
elle, on s'imagine qu'elle surplombe la ville, bien qu'elle en 
soit à la distance de deux ou trois fersengs. 

« La croyance des gens du peuple est que Souleyman, fils de 
David, a enfermé dans le sein de cette montagne un génie re- 
belle appelé Sakhr. On prétend encore que le roi Feridoun y a 
emprisonné Biverasp, appelé aussi Zohak. La fumée qui 
s'échappe de la caverne (située sur cette montagne) serait, 
au dire du vulgaire, la vapeur de sa respiration; le feu que 
Ton voit brûler au dehors de cette caverne, les éclairs de ses 
yeux, et les bruits que l'on entend, les éclats de sa voix ^ 

« Je voulus, ajoute le même auteur, me rendre compte par 
moi-même et j'entrepris l'ascension de la montagne. Je parvins, 
au prix de grandes fatigues et au péril de ma vie, jusqu'à la 
moitié de la hauteur et je ne crois pas qu'il soit possible de dé- 
passer l'endroit où je me suis arrêté. J'examinai avec soin 



1. Qzxwmy^ Adjaib oui Makhlouqat (les men'eillcs de la nature), édition de M. Wûs* 
tenfeld. Gœttingue, 1849, pages i58 et suivantes. La première partie de cet ouvrage 
a été traduite par M. le D' £thé : Zakarija ben Muhammed el Kazwîni's Kosmographie» 
DieWunder der Schœpfung. Leipzig, 1869, in-8". La traduction que je donne ici dif- 
fère, en quelques points, de celle de M. Ethé. 

2. Cette légende est également mentionnée par Moysc de Khorène et les auteurs ar- 
méniens. Études sur les chants historiques et les traditions populaires de Vancicnne 
Arménie y par Ed. Dulaurier. Journal asiatique^ IV série, tome XIX, i852, page 40. 

16 



2 {2 RELATION DE LAMBASSADE AU KHAREZM 

tout ce qui mentourait. Je vis une soufrière environnée de blocs 
de soufre qui jetaient un vif éclat aux rayons du soleil levant et 
paraissaient tout en feu. A côté, se trouve le lit d'un torrent qui 
se précipite au pied de la montagne; le vent qui s'engouffire dans 
cette gorge et les courants d'air qui s'y produisent donnent nais- 
sance à des bruits de diverse nature. Tantôt on croit entendre le 
hennissement d'un cheval ou le braiment d'un âne, tantôt on sl- 
magine que l'oreille perçoit des voix d'hommes se livrant à 
une conversation dans une langue incompréhensible. 

€ La fumée dont j'ai parlé plus haut sort de la soufrière. 
Quand les habitants la voient devenir plus intense et qu*ils 
s'aperçoivent que les fourmis font une plus ample provision 
de grains, ils en concluent que Tannée sera une année de di- 
sette ; quand des pluies d'une trop longue durée leur ont causé 
des dégâts, ils répandent du lait de chèvre sur le feu et la pluie 
cesse à l'instant même. J'en ai, moi-même, fait Texpérience à plu- 
sieurs reprises, et j'ai constaté la vérité de ce qui m'avait été dit. 

« Jamais personne n'a vu une partie quelconque du som- 
met dégarnie de neige^ sans que le sang n'ait coulé dans les 
contrées situées de ce côté de la montagne, ni sans que des 
calamités ne se soient abattues sur elles. Ce présage est at- 
testé par le témoignage unanime des habitants de la province. 

« On trouve^ dans les environs du Demavend, des gisements 
d'antimoine, de plomb et de sulfate de cuivre. Tels sont les 
détails donnés par Miss'ar. 

« Mon père, dit Mohammed ibn Ibrahim el Dharrab (le mon* 
nayeur , désira se procurer du soufre qui se trouve dans les 
anfractuosités du mont Demavend, car il avait entendu dire 
que c était du soufre rouge \ Il fabriqua des spatules en fer 
pourvues d un long manche et il mit tout en œuvre pour re- 
cueillir le soufre; mais, ajoutait-il, le fer entrait en fusion 
aussitôt qu'il était en contact avec le feu. Les habitants de 

X. Le soufre rouge est, dans l'opinion des alchimistes de TOrient, la substance indis- 
pensable à la transmutation des métaux. Le soufre rouge a le sens de pierre philoso- 
phalc. 



APPENDICE 243 

Dcmavend affirment qu'un individu du Khorassan fabri- 
qua de longues spatules qu'il enduisit de substances parti- 
culières, et qu'il réussit à recueillir du soufre pour le compte 
d'un roi. 

« Aly ibn Rezin, qui était versé dans la connaissance des 
sciences naturelles et qui a composé un grand nombre d'ou- 
vrages, fait le récit suivant : 

« Nous avions décidé un certain nombre d'habitants du 
Thabarestan à gravir le Demavend, montagne d'une hauteur 
prodigieuse et dont le sommet est visible à la distance de 
cent fersengs. Des vapeurs, semblables à des nuages amon- 
celés, en couvrent le pic et elles ne se dissipent ni pendant 
l'hiver, ni pendant l'été. Une source dont les eaux sont sulfu- 
reuses et de couleur jaune jaillit à sa base. Les hommes, aux- 
quels nous avions fait faire l'ascension de la montagne , nous 
rapportèrent qu'ils avaient mis cinq jours et cinq nuits pour 
arriver au sommet. Lorsqu'ils y furent parvenus, ils constatè- 
rent que c'était un plateau d'une superficie de cent djeribs, 
bien que, pour le spectateur placé au bas de la montagne, celle- 
ci paraisse se terminer en pointe. Nos gens nous dirent aussi 
qu'ils avaient trouvé, au sommet, du sable dans lequel les 
pieds s'enfonçaient et disparaissaient, et qu'ils n'avaient vu ni 
animal, ni trace d'être vivant. Les oiseaux, dans leur vol , ne 
peuvent s'élever à la hauteur du sommet. Le froid y était exces- 
sif, et le vent d'une extrême violence. Ils comptèrent soixante- 
dix fissures d'où s'échappaient des vapeurs sulfureuses : autour 
d'elles on voyait du soufre dont la couleur jaune avait l'éclat 
de l'or. Ils en rapportèrent quelques morceaux. Ils nous ra- 
contèrent, en outre, que les montagnes environnantes sem- 
blaient être des collines et que la mer Caspienne produisait 
Teffet d'une petite rivière. Le Demavend en est éloigné de 
vingt fersengs. » 

€ A une grande lieue angloise de ce sépulcre ', dit Thomas 

I. T^ tombeau de la \cuve de Behmen Mirza, fils de Chah Abbas. 



244 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

Herbert, et plus haut dans Tair, est le pic, ou la haute mon- 
tagne de Damoan, que Strabon en le ii livre appelle Jasonia, 
dont le sommet qui est formé en pyramide, passe en hauteur 
tout le reste du mont Taurus. Nous y montâmes avec beau- 
coup de peine, et y estans, nous pûmes voir la mer Caspie, 
qui est à huit-vingt lieues angloises de là. Le haut de cette 
montagne n'est que soulfre, ce qui est cause que la nuit elle 
donne de la clarté, et paroist en feu comme le mont Ethna, 
ce qui est assez agréable à la veuë, mais si fascheux à Todo- 
rat, qu'il seroit besoin d'un bon parfum d'ail pour chasser 
la puanteur que Ton y rencontre. C'est icy , où toute la 
Chaldée, et toute la Perse presque viennent quérir du soul- 
fre. Il n'y avoit que nostre curiosité qui nous obligeast à y mon- 
ter à dessein de voir les bains chauds, qui sont sur la croupe 
de cette montagne. Il y en a cinq en tout, dont les trois 
sont enfermez de murailles, et les deux autres sont ou- 
verts. Les premiers sont pour les personnes de qualité, et 
les autres pour le commun peuple. Et c'est au mois d'aoust 
que les malades et incommodez y accourent de tous costez, 
pour y chercher du remède. » 

« Il seroit bien difficile de dire, si c'est de cette montagne que 
la ville de Damoan qui est à cinq lieues de là, a pris son nom, 
ou si c'est la ville qui donne son nom à la montagne. Le 
mot, en son étymologie, signifie seconde plantation, et les 
Juifs croyent par tradition, que c'est sur cette montagne, que 
l'arche de Noë s'arrêta après le déluge. Ce qu'ils croyent non 
seulement parce que c'est la plus haute montagne de toutes, 
mais aussi parce que le vignoble et l'air y sont meilleurs, 
qu'en aucune autre partie de l'Arménie. Auprès de cette mon- 
tagne, où le Taurus s'élève plus haut qu'ailleurs, est une 
partie de Paropamisa, où Becanus place l'arche, niant que 
l'Ararat soit dans l'Arménie, quoy que Hayton, pour le con- 
firmer, l'appelle Aremnoé. Mais quelque peu d'apparence qu'il 
y ayt en cecy, il semble neantmoins que l'on peut dire que 
c'est en cette ville de Damoan, et aux environs, que les tribus 



APPENDICE 245 

idolâtres emmenées par Salmanassar, ont esté logées icy; 
particulièrement celles de Dan, Zabulon, Assur et Nephtali, 
et que les autres emmenées par Tiglath Pillesar, sçavoir celles 
de Ruben et Gad, et la moitié de la tribu de Manassés^ ont 
esté logées auprès de Lar, Jaarowon et autres villes de Chu- 
sistan. Car encore que Ptolomée au livre VI. cha. xvni. dise 
que Gozana est une branche de la rivière d'Oxus^ a plus de 
40 degrez, et que l'Histoire sacrée dise queTAssirien les logea à 
Harra, Hala, et Ghabor^ villes de Medie, auprès de la rivière 
de Gozan^ il est impossible pourtant que la rivière de Gozan 
mêle ses eaux avecTOxus; veu qu'il n'y a point de partie de 
Medie^ qui ne soit à près de trois cent lieues angloises éloi- 
gnée de là. D'ailleurs les eaux de l'Araxis descendent du 
mont Ararat^ montagne d'Arménie, et coulent vers la partie 
occidentale de la mer Caspie : au lieu que cette rivière, qui 
est grande et large, descend du Taurus, et passant par la 
Médieet THircanie, quoy que le peuple Tayt coupée en plu- 
sieurs petites branches, pour la conduire par plusieurs che- 
minSj il faut nécessairement que ce soit le Gozan. Ce qui 
me fut confirmé par plusieurs Juifs, qui y demeurent depuis 
plusieurs siècles, qui disent aussi qu'ils furent amenez cap- 
tifs en ces quartiers là^ et qu'ils y sont restez, nonobstant 
les désordres continuels, et les révolutions fréquentes que 
Ton a veuës en la monarchie de Perse. 

« Vers l'est de cette haute pointe de Damoan est une petite 
ville^ nommée Nova^ composée d'environ cent familles. Un 
jeune homme, fils de Hodge Suare, marchand Persan, qui 
mourut à Londres en l'an 1625, et frère de Mahomet, que 
nous enterrâmes dans la mer, ayant sceu que nous passions 
en son voisinage, vint au devant de nous, accompagné de 
tous ses parens et bons amis, et nous pria de luy faire l'hon- 
neur de l'aller voir chez luy. Il estoit couvert d'une longue 
veste de drap d'or, et avoit sur la teste un tulban fort haut, 
de brocard d'or et d'argent. Nous y trouvâmes préparé un 
fort beau festin, et il nous traitta magnifiquement. Il nous 



24t) RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

voulut obliger à y demeurer quelques jours^ mais l'estat de 
nos affaires nous obligeant à continuer nostre voyage, nous 
prîmes congé de luy. En allant vers la ville de Damoan, nous 
trouvâmes sur la croupe d'une montagne fort droite, une 
grande tente noire, remplie d'environ trente femmes, habillées 
à Tan tique, et d autant d'hommes. Il sembloit qu ils célébras- 
sent les Taiirilia et Boalia des anciens Romains; mais nous 
sceûmes après que c'estoit une nopce. La mariée pouvoit 
avoir environ dix ans, et le marié trente. La mariée ressem- 
bloit parfaitement à Venus, et le marié à Vulcan. Toutes les 
filles de la mariée sortirent de la tente pour nous voir passer, 
et n'admiroient pas moins nos habits, que nous estions éton- 
nez de voir les leurs. Leurs visages, leurs mains, et leurs 
pieds estoient peints de toutes sortes d'oyseaux, bestes, châ- 
teaux et fleurs, en cela semblables à nos anciens Bretons, ou 
Pietés, tels qu'ils estoient du temps de Jules César. Leurs 
jambes estoient volontairement chargées de chaînes de cuivre 
et d'argent : ce qui faisoit un assez bel effet, et avoit en leur 
façon moresque quelque chose de plus agréable, que ce que 
Ton conte des bergères d'Arcadie, Nous logeâmes cette nuit 
là à Damoan. » 

€ Il est incertain si la ville de Damoan est un reste de Gha- 
bor ou bien de Hala : mais Ton peut juger par la longue de- 
meure, que les Juifs, que Ton appelle Jehuds en ces quartiers là, 
y ont faite pendant leur captivité, que c'est une de ces deux : 
et ce n'est pas une des moindres villes de ce royaume. Il y en a 
qui écrivent Damawan, mais ils se trompent. Elle est scituée à 
trente-six degrés vingt minutes d'élévation, et quatre-vingt-huit 
de longitude. Le mont Taurus l'enferme presque de tous cos- 
tez, et elle est scituée en la province de Kaboncharion, qui est 
une partie de Ghelac, vers le nort des frontières de Medie. 
Elle ne manque point d'eau, estant arrosée par une branche 
de la rivière de Gozan, et est peuplée la pluspart de Juifs, qui 
y sont au nombre de plus de deux cent familles. Le Buzzar ou 
Bazar est bâty fort haut, mais ne mérite pas qu'on le voye, si- 



APPENDICE 247 

non à cause du vin et du fruits que l'on y vend en grande 
quantité, et à bon marché. Nous demeurâmes deux jours à 
Damoan, pour nous remettre un peu de la fatigue, que nous 
avions soufferte. Nous en partîmes le i3 juin^ et allâmes ce 
jour là à Bomahim, qui est à vingt-cinq lieues Angloises de 
Damoan. » — Relation du voyage de Perse et des Indes orien-- 
taies traduite de l'anglais de Thomas Herbert ^ à Paris, chez Jean 
Du Puis, rue saint Jacques^ à la couronne d'or. m. d. c. lxiii, 
in-4°, pages 307-309. 

Le pic de Demavend est situé à soixante-quatre kilomètres 
nord-est de Téhéran et à soixante-douze kilomètres au sud de 
la mer Caspienne. 

Cette montagne d'origine volcanique est un amas de maliè- 
res éruptives, de pierres ponces et de basalte. 

La partie supérieure, sur une hauteur de plus de trente mè- 
tres, est formée d'une roche tendre d'où Ton extrait le soufre 
à l'état pur. Des sources d'eau chaude jaillissent à sa base. 

Les observations faites démontrent que le Demavend était, 
autrefois, le foyer central de toute une région volcanique. Ses 
feux mal éteints pourraient, en se rallumant, provoquer des 
éruptions et des secousses du sol qui bouleverseraient la con- 
trée environnante. 

Un secrétaire de la légation britannique à Téhéran^ M. W. 
S. Thompson, tenta, dans le courant de Tannée 1837, Tascen- 
sion du Demavend. 

Il rencontra, à peu de distance du sommet, une petite caverne 
divisée en deux parties. Celle du fond, qui est la plus grande^ 
ne peut contenir guère plus de cinq ou six personnes. 

Le sol y est brûlant, la température très -élevée et la main 
ne peut supporter la chaleur d'un courant d'air qui s'échappe 
de l'un des angles. M. Thompson passa la nuit dans cette ca- 
verne. Les terreurs superstitieuses des Persans ne lui permi- 
rent pas de se procurer des guides et des porteurs pour s'élever 
plus haut. Il recommande aux personnes qui tenteraient Tas- 
cension de la montagne, de l'entreprendre pendant les grandes 



248 RELATION DE i/aMBASSADE AU KHAREZM 

chaleurs du mois de juillet et par le clair de lune. En par- 
tant vers minuit de la caverne qui est à la base du cône, on 
pourrait passer presque toute la journée sur le sommet du 
pic et éviter ainsi l'influence malsaine des vapeurs brûlan- 
tes qui se dégagent de la caverne, 

Guermâb (eau chaude), sur le versant méridional de la mon- 
tagne, est le village le plus élevé de la région. Dans ses en- 
virons se trouvent les sources chaudes de Guermsyr. L une 
d'elles atteint la température de 64 degrés centigrades. 

En observant la constitution géologique de la montagne, de- 
puis Guermâb jusqu'à une distance de trente mètres de la cime 
qui est uniquement formée par un dépôt de soufre, on trouve 
d'abord une couche de tuf calcaire, puis un lit de pierres à 
sablons de Tépoque carbonifère, avec un filon de charbon de 
qualité inférieure d'une épaisseur de 3oo mètres environ, puis 
une couche de pierres à chaux qui n'a pas moins de 36o mè- 
tres, et enfin de la pyrite jusqu'à 3o mètres du sommet : ce 
dernier est formé d'un dépôt de soufre pur. 

La partie inférieure de la montagne est presqu 'entièrement 
composée de roches calcaires. De hautes et longues arêtes 
prennent naissance à la base du cône : au bout d'une cer- 
taine distance, elles s'arrêtent brusquement : entre ces arê- 
tes se trouvent des ravins et de profondes excavations remplis 
de pierres, de sable et de terre; de gros blocs de roches vol- 
caniques émergent çà et là à la surface. 

Lorsque Ton commence l'ascension de la partie supé- 
rieure de la montagne, il faut d'abord s'engager dans un ra- 
vin étroit dont la pente est fort raide; les pierres roulantes 
qui se dérobent sous les pieds rendent la marche extrême- 
ment pénible. On rencontre ensuite un autre ravin rempli 
de neige, et qui coupe le premier presque à angle droit. Quand 
on l'a traversé, le terrain, bien que toujours fort escarpé, 
devient plus praticable ; il est formé d'une terre rouge cou- 
verte de plantes d'espèces variées. Toute végétation cesse 
à la hauteur d'environ 3,75o mètres. De loin, le cône de 



APPENDICE 249 

la montagne semble uni et Ton croirait qu'il forme de su 
base au sommet une pente de 45 degrés. Mais, en appro- 
chantj on voit qu'il est sillonné de haut en bas par un grand 
nombre d arêtes, séparées Tune de Tautre par de profondes ex- 
cavations remplies de neige, de glace et de fragments de ro- 
chers. Puis, on trouve un amas confus de roches, de la- 
ves et de basaltes entassés les uns sur les autres. On atteint 
ensuite une longue arête formée par une coulée de lave et dont 
la pente est si raide et si unie que le pied a grand peine à s'y 
fixer. Après ravoir franchie, l'ascension devient plus facile : on 
gravit une montée couverte de rochers jaunâtres, formés de 
pierres calcaire et de soufre. On atteint alors le sommet de la 
montagne. On y voit un cratère de soixante-dix-sept mètres 
de diamètre. Il est presqu'entièrement rempli de neige. 

De deux cavernes situées près du sommet, et des fissures 
des rochers, s'échappe une eau fortement chargée de soufre. 

De violents tremblements de terre ébranlent quelquefois la 
montagne. 

Morier rapporte qu'en 18 14 il en ressentit, pendant son sé- 
jour dans le village de Demavend, une très-forte secousse. 

Neuf années auparavant, un grand nombre de villages du 
Mazanderan avaient été totalement détruits par des tremble- 
ments de terre. 

La neige couvre toute Tannée le sommet du Demavend, 
mais seulement par plaques, et certaines parties en sont en- 
tièrement dégagées. 

Aucun Persan ne tente l'ascension de la montagne. Avant 
celle de M. Thompson et celle des membres de la légation 
d'Angleterre à Téhéran, les habitants du pays prétendaient 
qu'une telle entreprise était absolument impraticable. 

Les hommes qui vont recueillir le soufre sur le Demavend 
ne se livrent à leur travail qu'après s'être nourris pendant quel- 
que temps d'ail et d'oignons. 

M. W. J. Thompson évalue la hauteur du Demavend à 
14,695 pieds anglais (4^480 mètres). M. R. F. Thompson et lord 



2J0 RKIATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

Schomkerkcr, qui atteignirent le sommet quelques amiées plus 
tard, calculèrent que la hauteur était de 2i,520 pieds anglais 
(6,56o mètres). M. le capitaine Ivostchinzov, attaché à la rois< 
sion russe de la Caspienne, constata, en 1860, au moyen de 
mesures trigonométriques, une hauteur de 18,54g picds (5,65i 
mètres). 

Le village de Demavend est bâti dans un vallon qui s'étend 
au pied du versant méridional de la montagne; il est ar- 
rosé par deux cours d'eau qui se rejoignent un peu au-dessus 
du village et le traversent. Les bords en sont plantés de saules, 
de peupliers et de châtaigniers. Demavend ne renferme que 
cinq cents maisons dont trois cents sont occupées par les an- 
ciens habitants du pays, et les deux cents autres par des &• 
milles transportées du Kerman par Aga Mohammed Chah. On 
remarque, à Demavend, quelques vieilles tours bâties sur une 
éminence et un minaret en briques cuites qui faisait, autrefois, 
partie de la grande mosquée. Demavend et les trente ha- 
meaux de la vallée sont gouvernés par un Seiyd qui paie an- 
nueHement au fisc quatre cent quatre-vingt-dix-sept toumans 
et cent dix -huit kharvar de blé. 




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III 



FERROUKHY 



FERROUKHY fut i'uii des poètcs en titre de la cour du Sultan 
Mahmoud le Ghaznévide -, le recueil de ses œuvres poé- 
tiques renferme un grand nombre de pièces consacrées à la 
louange de ce prince et à celle des principaux personnages de son 
temps. Sa biographie a été insérée dans le Medjma oui fous- 
seha (l'assemblée des hommes éloquents) par Riza Qouly 
Khan, qui a réuni dans cette notice les renseignements épars 
dans les nombreux Tezkerèhs consacrés aux poètes persans. 
Elle renferme des détails curieux sur la condition des poètes 
au IV® siècle de Thégire et cette considération m'a déterminé 
à en donner ici la traduction. 

« Hekim Aboul Hassan Aly^ dont le surnom poétique est 
Ferroukhy, reçut le jour dans le Sistan. Son père qui portait 
le nom de Qoulou' était attaché au service de l'Emir Khalif 
ibn Ahmedj gouverneur général de cette province. Ferrou- 
khy s'appliqua à Tétude des belles-lettres et acquit des con- 
naissances très-étendues. Il cultiva également la musique. Il 
composa des poésies pleines de douceur et de charme, qui 
le firent rechercher par de grands personnages et admettre 
dans leur société et dans leur intimité. Il récitait ses vers 
d'une voix agréable en s*accompagnant sur la harpe. II ra- 
vissait tous les cœurs. Sa renommée s'étendit; l'estime qu'on 
lui portait grandit, mais il ne pouvait cependant s'élever au- 



232 KKLATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

dessus de son humble condition. Le patron, à la personne du- 
quel il était attaché, était un Dehqan (grand propriétaire ter- 
rien) d'un caractère bas et méprisable, qui ne lui donnait, par 
an, que deux cents kiièh de cinq men de blé chacun et une 
somme de cent dirhem Nouhy *. Ferroukhy qui n avait point 
d'autres ressources, épousa une esclavt afiranchie de l'Emir 
Khalif et cette circonstance augmenta ses dépenses à tel point 
que son revenu ne lui permit plus d'y faire face. 

« N'ayant aucun espoir dans la générosité de son patron, 
et réduit à la dernière extrémité, il résolut de s'éloigner du 
Sistan et de s'expatrier. Il s enquit des noms des grands sei- 
gneurs dont il pourrait rechercher le patronage. 

« La renommée des nobles qualités de l'Emir Âboul Mou- 
zhaffer Thahir Tcheghany, souverain de Balkh et du Thakha- 
ristan, était parvenue jusqu'à lui ^. Ce prince accordait sa pro- 
tection aux littérateurs distingués et répandait ses bienfaits 
sur les poètes. II composait lui-même, avec succès, des pièces 
de vers et il savait apprécier toutes les délicatesses de la poé- 
sie. Aboul Mouzhaffer était particulièrement estimé et honoré 
par Sultan Mahmoud le Ghaznévide. Ferroukhy résolut donc 
de se rendre auprès de lui ; il fit ses préparatifs de départ et 
se mit en route après avoir composé une ode à la louange de ce 
prince. 

« Arrivé au but de son voyage, il apprit qu' Aboul Mouzhaflfer 
s'était rendu dans la plaine de Filèh où il possédait un haras 
renfermant dix-sept mille juments, dont chacune, au rapport 
de l'auteur du Tchehar Meqalèh (les quatre discours), était suivie 
par un poulain. Chaque année, il s'établissait dans cette plaine 
pour faire la revue de ces poulains et pour les faire marquer, 

« AmydEssa'ad, l'intendant de l'Emir, se préparait à aller le 



I. Les dirhem Nouhy sont les pièces d*argent frappées à Boukhara par TEmir Sama- 
nide Nouh, fils de l'Emir Nasr (332-344). 

2 Aboul Mouzhaffer Melik Thahir ibn Aboul Fazhl Mohammed el Mouhtadj était le 
descendant des princes du Tcheganian dans la Transoxiane. Il résidait à Balkh. Quel- 
ques-uns de ses vers sont parvenus jusqu'à nous. 



APPENDICE 253 

rejoindre. Ferroukhy se présenta devant lui et lui récita Tode 
qu'il avait composée. Amyd était un homme lettré qui possé- 
dait des connaissances très -étendues. Il ne put croire que Fer- 
roukhy, avec son extérieur inculte et sauvage et son costume 
étrange, fût l'auteur d'un morceau de poésie aussi remarquable. 
Il remmena avec lui, et, pour le mettre à Tépreuve, il lui de- 
manda de composer une pièce de vers dont le sujet serait l'o- 
pération de la marque des poulains. Ferroukhy la termina la nuit 
même, et il y ajouta la description du campement de TEmîr en 
des termes qui excitèrent Tétonnement d'Amyd Essa'ad. 

« Celui-ci présenta Ferroukhy à Aboul MouzhafFer et lui 
raconta quelques particularités propres à faire connaître son 
mérite. 11 ajouta que, depuis la mort de Daqiqy^ on n'avait 
point vu se produire un semblable poète '. 

€ Le soir, lorsqu'on se fut réuni pour se livrer au plaisir du 
vin, Ferroukhy récita, d'une voix pleine de charme, sa pre- 
mière pièce de poésie. L'émir en fut ravi et lui donna l'au- 
torisation de s'asseoir devant lui. Lorsque le vin eut ré- 
pandu la gaieté parmi les convives, Ferroukhy déclama le 
Qacidèh (ode) qu'il avait composé pour décrire l'opération 
de la marque des poulains. Aboul Mouzhaflfer en fut enthou- 
siasmé, c On vient, dit-il au poète, de rassembler mille pou- 
lains pour les marquer; je te donne tous ceux dont tu par- 
viendras à te rendre maître. » Ferroukhy se jeta au milieu 
de ce troupeau, tenant une mauvaise serviette à la main. 11 
réussit à faire entrer dans un caravansérail ruiné qui se trou- 



I. Oustad Abou Mançoar Mohammed Daqiqy ibn Ahmed Berkhy était, au dire de 
quelques auteurs, né à Balkh, et selon d'autres à Saraarqand. Il acquit une certaine ré- 
putation à répoque des derniers princes Samanides. Il se plaça sous le patronage d 'Aboul 
Mouzhaffer Mouhtadj Tcheghany, puis sous celui de TEmir Nasr, fils de Nacir oud Din 
Sebektekin dont il fut le panégyriste. 

Son séjour à la cour de Sultan Mahmoud le Ghaznévide lui donna la célébrité. Il fut 
chargé par ce prince de composer en vers une histoire des anciens rois de Perse. Il ré- 
digea rhistoire du règne de Gouchtasp, dont Firdoussy a inséré mille distiques dans son 
Chah Namèh. Daqiqy fut tué en 341 Ujoi), par un esclave turc qui était son mignon. — 
Medjma oui fousscha, page 214. 



2^4 RELATION DK L AMBASSADE AU KHAREZM 

vait à proximité un certain nombre de poulains, et il tomba 
lui-même devant la porte, épuisé et rompu de fatigue. 
L'émir, instruit de ce qui s'était passé, se mit à rire et lui 
fit don des poulains ^ au nombre de quarante-deux, dont il 
était parvenu à s'emparer. Il lui fit cadeau , en outre, d'une 
tente, de chevaux, de chameaux, de meubles, de vêtements et 
de tapis. Ferroukhy connut alors l'opulence. 

« Il se rendit, suivi d'un train magnifique, à la cour du Sul- 
tan Mahmoud qui Taccueillit avec distinction, lui assigna un trai- 
tement considérable et le combla de faveurs. 

« Ferroukhy devint un des personnages les plus en vue, un 
courtisan des plus influents et Tun des poètes favoris du 
souverain. Il recevait des sommes énormes pour toutes les 
poésies qu'il composait en l'honneur du Sultan. Sa fortune 
devint si grande que , lorsqu'il voyageait , son train éga- 
lait celui des plus hauts dignitaires. On dit même qu'il était 
toujours suivi par vingt esclaves ayant des ceintures recou- 
vertes de plaques d'or. 

« Ayaz Ouymaq , favori du Sultan Mahmoud, avait pour 
Ferroukhy la plus vive affection et la plus tendre amitié; 
ils vivaient sur le pied de la plus complète intimité. Cette 
liaison excita la jalousie de Sultan Mahmoud qui, dans un 
accès de colère, chassa Ferroukhy de la cour. Le poète com- 
posa, à l'occasion de cette disgrâce, plusieurs pièces de vers 
dans lesquelles, cherchant à se disculper, il sollicitait son par- 
don et demandait à rentrer en grâce. 

« Ferroukhy est un poète des plus agréables : ses œuvres 
respirent la douceur et l'amour. Le sens des expressions qu'il 
emploie paraît facile, mais l'interprétation en est malaisée. 

« Il a parmi les poètes lyriques le rang que Saady occupe 
parmi ceux qui ont cultivé le genre des Ghaiels. 

<r Ferroukhy mourut en Tannée 429 (loSy). » Medjtna oui 
fousseha, par Riza Qouly Khan, tome P% page 439. 



IV 



BOUKHARA 



L'ancienneté et Fimportance de Boukhara, le rôle brillant 
qu'elle a joué dans TAsie centrale, pendant une longue pé- 
riode de l'histoire^ surtout à Tépoque où elle était la capitale des 
princes Samanides^ m'ont engagé à réunir les renseignements 
que j ai pu recueillir sur cette ville dans les ouvrages des géo- 
graphes et des historiens orientaux. Ils feront connaître l'histoire 
de ses principaux monuments jusqu'à Tinvasion de Djenguiz 
Khan. 

Boukhara, comme toutes les villes de l'Asie, se composait 
d'une citadelle {Qpundoui, Hissar) ^puiSy d'une cité proprement 
dite {Cheher, Charisian) entourée d'une muraille, puis^ enfin^ 
de faubourgs qui étaient également protégés par un mur d'en- 
ceinte. De plus, pour mettre les villages de la banlieue à l'abri 
des incursions des tribus turkes, on avait construit un mur 
bastionné qui portait le nom de Kounsserek '. Nous trouvons 
partout, en Orient, l'usage de ces murailles destinées à assurer 
la sécurité des populations contre les invasions des hordes no- 
mades. Sans parler de la grande muraille de la Chine, nous sa- 
vons que la vallée du Soghd était ainsi défendue -, à Kât, au 



I. Ce mot me paraît être la corruption des deux mots persans Koungourèh Serek (au 
faîte crénelé) qui indiquent que cette muraille était surmontée de créneaux. Les exem- 
ples de pareilles altérations de mots sont fréquents dans les dialectes de l'Asie cen- 
trale. 



256 ' RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

nord du Kharezm, s'élevait un mur qui devait arrêter les 
Ghouzz ; on trouve encore les traces de pareils travaux de dé- 
fense élevés dans le Gourgan^ pour contenir les Turkomans des 
rives orientales de la Caspienne. Enfin^ la muraille de Derbend 
ou Bab oui Ebouab, dans le Chirvan, est celle dont les auteurs 
orientaux ont donné la description la plus complète. 

Les géographes orientaux dont nous possédons les ouvrages, 
ne nous fournissent que des données générales sur Boukhara. 
Abou Ishaq Ibrahim el Isthakhry, après une courte description 
de la ville, s'étend assez longuement sur le régime des eaux et 
le système des irrigations. Ibn Hauqal, Chems oud Din Mo- 
hammed el Mouqadessy et Idrissy ne nous fournissent point 
de renseignements dignes de remarque. 

Yaqout, dans son Moudjem oui Bouldan, et Qazwiny, dans 
son traité géographique qui porte le titre de Açar oui bilad, se 
sont bornés à abréger et à copier la notice qu'Aboud Zeid el 
Balkhy (340-951 ) a insérée dans son Sawar oui Aqalym (les 
figures des sept régions habitées). 

« Boukhara, dit Abou Zeyd, est une des villes les plus gran- 
des et les plus célèbres de la Transoxiane. On s'y rend (du Kho- 
rassan) par la route d'Amol ech Chatt ', et elle est située à la 
distance de deux journées de marche du Djihoun. Elle est la 
capitale des princes Samanides..., Les jardins qui l'entourent 
produisent des fruits exquis et en telle abondance qu'on 
les exporte jusqu'à Merv, située à une distance de douze jour- 
nées de marche et jusqu^à Kharezm éloignée de quinze étapes. > 

Abou Zeyd ajoute qu'il n y a point, dans tous les pays sou- 
mis à rislamisme, de ville dont les alentours soient plus riants. 
Du haut de la citadelle, partout où se porte le regard , on ne 
voit qu'une plaine verdoyante dont la couleur se confond avec 
celle du ciel, et au milieu de laquelle on voit briller, comme 
des lampes, d'innombrables maisons de plaisance. La rivière 
du Soghd traverse le faubourg, fait tourner des moulins, et ses 

I. Voir sur cette ville la note i de la page i52. 



APPENDICE 257 

eaux, après avoir arrosé les jardins et les cultures, vont se dé- 
verser dans le lac qui se trouve près de Ferber, dans le district 
de Bikend et qui porte le nom de Sam Khas (Sam Khen) \ 

Dans les transactions commerciales, on se servait, du temps 
des Samanides, de pièces d'argent et Ton n'avait pas de mon- 
naie d'or. Ce dernier métal était considéré comme une mar- 
chandise et un objet de commerce. On trouvait aussi à Bou- 
khara des dirhem qui portaient le nom de Ghithryfièh ^ Ils 
étaient composés d'un alliage de fer, de cuivre et d'étaîn. Ils 
n'avaient cours que dans la ville et ses environs. Ces pièces 
portaient des figures humaines. Il y avait aussi des dirhem 
appelés Mousseiybièh et Mohammedièh. Toutes ces monnaies 
ont été frappées du temps de l'Islamisme ^. 

L'histoire de Boukhara a été écrite, au quatrième siècle de 
l'hégire, par Abou Abdillah Mohammed el Boukhary, mort en 
3 12 de l'hégire (924) et, au cinquième siècle, par AbdouUah 
Mohammed, plus connu sous le nom de Ghandjar el Boukhary 
[412-1021). Ces monuments historiques ne sont pas parvenus 
jusqu'à nous. Deux autres ouvrages, l'histoke de Samarqand 
et celle des villes de Kech et de Nakhcheb, composés au onzième 
siècle par Djafer ibn Mohammed el Moustaghfiry (mort en 
432-1041), contenaient de nombreujs: détails sur la ville de 
Boukhara et sur les princes qui y ont régné. Malheureusement 
ils sont également perdus pour nous. Un autre auteur, Abou 
Bekr Mohammed ibn Djafer, natif du village de Nerchakh 
dépendant de Boukhara, avait composé, en 332 (943), pour 

1. Voir page i66, note 4. 

2. Ces pièces durent leur nom à TEmir Ghithryf, onde maternel du Khalife Haroun 
er Recbid et que ce prince nomma gouverneur général du Khorassan. 

3. On peut consulter sur les monnaies de Boukhara le mémoire de M. P. I. Lerch, lu 
à la troisième session du congrès des Orientalistes et qui a pour titre : a Sur les 
monnaies des Boukhar Khoudas ou princes de Boukhara^ avant la conquête du Mavera 
ennahrpar les Arabes, Leyde, 1878. 

Les dirhem Mousseiybièh et Mohammedièh étaient ainsi nommés parce qu*ils avaient 
été frappés sous le règne du Khalife Mohammed Mehdy, par TEmir Mousseiyb ibn 
Zoheyr ez Zaby qui fut, en Tannée i63 ("79), investi du gouvernement général du 
Khorassan. 

17 



258 RELATION DE LAMBASSADE AU KHAREZM 

le prince Samanide Ahmed ibn Mohammed ben Nouh, un 
ouvrage écrit en arabe et dans un style relevé. Il donnait la 
description de Boukhara et des villages qui Tentourent^ ainsi 
que celle des monuments de cette capitale. Cet ouvrage avait 
pour appendice une histoire de la dynastie des Samanides jus- 
qu'au règne d'Âbou Salih Mançour^ fils de Nasr. L'usage de la 
langue arabe s'étant perdu dans la Transoxtane, Abou Nasr ibn 
Ahmed el Qobady traduisit en persan le texte de Mohammed ibn 
Djafer, en élaguant les détails qu'il jugea inutiles ou de peu d'in- 
térêt pour les lecteurs. Cette traduction^ achevée en Tannée 522 
(i 128;, hit, cinquante-deux ans plus tard, abr^ée par Moham- 
med ibn Zoufer qui dédia son livre à Tlmam Edjell Abdoul Aziz. 
C'est cette troisième rédaction qui est connue sous le nom de 
Histoire de Boukhara par Nerchakhy et dont il se trouve quel- 
ques exemplaires dans la Bibliothèque publique et impériale 
de Saint-Pétersbourg et dans celle de l'Académie des sciences 
de cette ville. 11 en existe également un exemplaire au British 
Muséum à Londres. J'en possède moi-même deux, dont Tun 
est une copie soignée faite au xvi^ siècle, à Boukhara, pour un 
Khodja. L'ouvrage de Nerchakhy, autant qu'on en peut juger 
par labrégé qui nous a été conservé, est écrit avec peu d'or- 
dre ; il y règne une certaine confusion et de nombreuses con- 
tradictions. Les historiens orientaux négligent, de parti pris, 
rhistoire antéislamique des pays conquis, excepté pour les pays 
arabes, et ils se taisent sur les usages, les coutumes et les idées 
religieuses qu'ils méprisaient, tout en les tolérant .Nous trouvons, 
cependant, dans Nerchakhy d anciennes traditions sur la for- 
mation géologique de la plaine de Boukhara, sur ses premiers ha- 
bitants, sur les chefs qui les gouvernèrent avec le titre de Boukhar 
Khouda. Nous pouvons conclure de quelques-unes de ses as- 
sertions que le Bouddhisme, importé de la Chine, et le culte du 
feu, emprunté aux Persans, étaient les deux religions pratiquées 
dans l'État de Boukhara '. L'histoire des Boukhar Khouda 

I. Lorsque Qouteïbali s'empara de Bikend, il trouva dans cette ville une pagode où 



APPENDICE 259 

avant Tinvasion arabe est obscure et incomplète, et rien ne peut 
fixer l'époque à laquelle vécurent quelques-uns de ces person- 
nages. Nous ne possédons de détails certains que sur la Kha- 
toun, épouse de Beydoun, qui gouvernait Boukhara pendant la 
minorité de son fils Taghchadèh, lorsque les Arabes franchirent 
le Djihoun. Il est incontestable que Tlslamisme eut beaucoup 
de peine à s'implanter dans la Transoxiane, et que tous les gou- 
verneurs du Khorassan durent user des plus grands ménage- 
ments^ surtout envers les classes élevées qui se refusaient à 
accepter les dogmes de la nouvelle religion. Sous les Khalifes, 
les gouverneurs généraux du Khorassan se bornèrent à placer 
dans les principales villes des gouverneurs militaires et, à Bou- 
khara, l'autorité civile fiit laissée , jusqu'à Tavénement de la 
dynastie des Samanides, aux mains des descendants de Tagh- 
chadèh qui, dans les premiers temps du moins, se firent remar- 
quer par leur répugnance à professer la religion musulmane. 

Aboul Hassan Abdour Rahman ibn Mohammed de Nicha- 
bour, dans son ouvrage qui porte pour titre « Kheiàîn oui ou- 
loum > (les trésors des sciences), dit que le sol sur lequel s'élève 
Boukhara était autrefois envahi par les eaux ; une partie des 
terrains était couverte de roseaux, d'arbres ou d'herbes, et, dans 
d'autres endroits, Teau y avait une telle profondeur qu'aucun 
animal n'y avait pied. L'accumulation de ces eaux provenait de 
la fonte des neiges qui couvrent les montagnes dans les envi- 
rons de Boukhara; elles grossissaient la grande rivière de Sa- 
marqand qui porte le nom de Massef , et en rendaient le cours 
plus rapide. Cette rivière s'était creusé un lit dans le sol, et. 



Ton voyait la statue en argent d*une divinité; son poids était de quatre mille dirhem : 
des vaseS) également en argent, pesaient cent cinquante misqal. Il trouva également dans 
cette pagode, deul perles de la grosseur d'un œuf de pigeon. Il en demanda la prove- 
nance. Il lui fut répondu que deux oiseaux les avaient apportées dans leur bec et les 
avaient déposées dans ce temple. Ces perles et les autres objets de prix furent envoyés à 
Hedjdjadj, avec la lettre de victoire annonçant la prise de Bikend. 

Nerchakhy nous apprend aussi qu'Eskedjket épousa une princesse chinoise qui apporta , 
outre les objets qui constituaient sa dot, les vases et ustensiles nécessaires au service de 
son culte pour un temple ou une pagode qui fut construite à Rametin. 




200 RLI.ATION HE LAMBASSADI! AU K.HABEZM 

dans ses débordements, elle déposait au loin une grande quan- 
tité de limon; ces terres d'alluvion finirent par combler les ca- 
vités du sol. Les eaux dans leurs cours arrivaient jusqu'à Bou- 
tek et Ferber, et elles se déversaient dans un lac situé au-delà 
de ces deux localités. Le territoire de Boukhara fut aplani grâce 
aux dépôts de limon et le lit de ce grand cours d'eau devint la 
plaine du Soghd. 

Les hommes y affluèrent de tous côtés pour s'y fixer, et la 
principale immigration vint du Turkestan. Les eaux étaient 
abondantes, les arbres en grand nombre et le gibier foisonnait. 
Les immigrants, séduits par les agréments du pays, s'y établi- 
rent. Ils habitèrent d'abord sous des tentes et des huttes. Puis, 
la population s' accroissant avec le temps, on contruisit des mai- 
sons ; on choisit, ensuite, un chef qui portait le nom d'Ebrevy, 
et auquel on délégua le pouvoir. 

BoiJchara n'existait point encore à cette époque, mais il y 
avait déjà quelques villages, entre autres Nour, Kharqan Roud, 
Ferdanèh, Terakhèh, Sefnèh et Isvanèh. 

Le gros bourg qui servait de résidence au chef était Bikend 
et la place de guerre, à laquelle on donnait le nom de ville, était 
Dcbous. 

La puissance d'Ebrevy s'accrut avec le temps, et son gouver- 
nement devint si tyrannique que les habitants du pays ne pu- 
rent supporter ses violences. Les gens riches émigrèrent et se 
réfugièrent dans le Turkestan, où ils fondèrent la ville de Ti- 
raz à laquelle ils donnèrent le nom de Hamouk Ket, en l'hon- 
neur du personnage qui était leur chef, lorsqu'ils s'éloignèrent 
du territoire de Boukhara, Hamouk, en dialecte de Boukhara, 
veut dire « joyau, bijou >■ et Ket signifie ville, Hamouk Ket est 
donc la ville du joyau. A Boukhara, le mot de Hamouk dési- 
gne, par extension, tout grand personnage qui, à cause de son 
rang, doit être tenu en aussi haute estime qu'un joyau. Les 
gens qui étaient restés à Boukhara expédièrent un envoyé au- 
près de leurs chefs et de leurs patrons, pour se plaindre des actes 
tyranniques d'Ebrevy. Les principaux de ces personnages se 



APPENDICE 261 

rendirent auprès du souverain du Turkestan^ nommé Qara 
Djourin Turk et qui avait reçu, à cause de sa puissance, le sur- 
nom de Biaghou. Ils implorèrent son aide. Biaghou confia à son 
fils, Chiri Kichver \ une nombreuse armée à la tête de laquelle 
il envahit le territoire de Boukhara. Il s'empara d'Ebrevy dans 
Bikend et il le fit mourir en l'enfermant dans un sac que Ton 
avait rempli de guêpes. 

Chiri Kichver trouva le pays agréable : il écrivit à son père 
pour le prier de lui en faire don et de lui accorder l'autorisation 
de s'y fixer, Biaghou y consentit. 

Chiri Kichver envoya à Hamouk Ket une personne chargée 
de faire revenir à Boukhara, avec leurs femmes et leurs enfants, 
tous ceux qui s'étaient éloignés de cette ville. Ceux-ci étaient 
de grands propriétaires ou des personnages riches : les gens 
qui étaient restés à Boukhara étaient, au contraire, pauvres et 
dénués de ressources. Il fut établi, lors du retour des premiers, 
qu'ils formeraient la classe aristocratique et que les autres leur 
seraient soumis et les serviraient. 

Parmi ceux qui revinrent à Boukhara se trouvait un grand 
seigneur terrien, auquel on donna le titre de Boukhar 
Khouda, parce qu'il appartenait à une grande famille de 
Dèhqan. Il possédait la plus grande partie des villages et la 
plupart des individus de la seconde classe étaient ses vassaux 
et ses serviteurs. Chiri Kichver bâtit la ville de Boukhara : 
il fonda les villages de Masty, de Saqmetin, de Semetin et 
de Tarab Memasty. Il régna pendant vingt ans et eut pour 
successeur Eskedjket, qui bâtit Chera, Rametin et le village de 
Verakhchy. 

Lorsque les Arabes franchirent le Djihoun sous la conduite 
de Zyad el Harithy et d'Oubeïd oullah, le Boukhar Khouda 
Beydoun était mort, laissant un eniant à la mamelle. La 
Khatoun, sa femme, exerçait le pouvoir au nom de son fils. 



I . Chiri Kichver (le lion du pays) me paraît être la traduction du nom turc d*Il Arslan, 
encore usité de nos jours. 



'jû'j. Ki.i.AiioN 1)1-: i/ambassadf. av kha?zz« 



(Jette princesse était Jouée d'une fermeté d'esprit et d^ime 
énergie qui lui avaient assuré l'obéissance de ses sujets. 

l'ouH les jours, elle sortait à cheval du palais de Boukfaan, 
par la ix)rte qui s'ouvre sur le Riguistan et que Ton ^pçdit 
nuj()urd*hui < La porte des marchands de fourrages » (Dir- 
va^èhi aie/ fourouchan) . Elle s^asseyait sur une estrade^ entooiée 
de SCS ministres, de ses esclaves et de ses eunuques. Deux 
cents jeunes K^'ns, appartenant aux iamilles desDéhqan tH des 
gouverneurs, et portant des ceintures dorées et un sabre sus- 
pendu (\ un haudricr, Tattendaient à la sortie du palais. Lorsque 
la Kluitoun paraissait^ ils lui présentaient leurs hommages et se 
loruiaient sur deux rangs. La Khatoun prenait connaissance 
des allhires de Pl^tat, donnait ses instructions et ses ordres et 
récompensait ou châtiait qui bon lui semblait. Cette séance du- 
rait depuis te matin jusqu'au milieu du jour. I^ Khatoun ren- 
trait alors au palais et faisait servir un repas à tous ceux qui 
avaient Ibrmé sa suite. Vers le soir, elle sortait dans le même 
appareil ; elle s'asseyait sur son trône et les fils des Dèhqan 
i*t iles gouverneurs se rangeaient sur deux files. Au coucher du 
soleil» i*llc rentrait au i^ilais et les jeunes gens qui avaient figuré 
dans son cortège retournaient dans leurs villages. 

I.i' lendemain, une nouvelle troupe arrivait pour remplacer 
colle c|ui était partie. L'obligation de paraître devant la Khatoun 
se renouvelait quatre fois par an. 

I .es Arabes se montrèrent pour la première fois^ dans la Tran- 
soxiano, en rannOe b\\ (()72-673). Oubeïd ouUah, fils de Zyadel 
Ihuithy, gouverneur général du Khorassan au nom du Khalife 
MoavitMi» franchit le Djihoun ù la tète vingt-quatre mille hommes 
cl s'empara de Bikend et de Rametin, où il fit de nombreux 
prisoiHîiers. 11 en eut quatre mille pour sa part. Après la prise 
de ces doux places, il se présenta devant Boukhara, au com- 
mencement de Tannée 54 (674). Il fit construire des machines 
de guerre pour en taire le siège. La Khatoun dépécha un émis- 
saire auprès des 1 urks pour implorer leur secours, et elle fit 
partir pour le comp d'Oubeïd ouUah un envoyé porteur de 



APPENDICE 263 

présents et chargé de demander un délai de sept jours, au bout 
desquels elle devait faire sa soumission. Les secours atten- 
dus ne s'étant point présentés, laKhatoun fit offrir de nouveaux 
cadeaux, en demandant une prolongation de sept jours. 

Les tribus Turkes arrivèrent et firent leur jonction avec les 
troupes de Boukhara. De nombreux combats furent livrés; 
dans le dernier, les Musulmans mirent les Turks en déroute, 
en tuèrent et en firent prisonniers un grand nombre. Une 
énorme quantité d'armes, de vêtements, d'objets en or ou en 
argent furent le partage des vainqueurs. Une botte ornée de 
plaques en or incrustées de pierres précieuses, et un bas tissé 
en or, appartenant à la Khatoun, tombèrent aux mains des 
Musulmans. La valeur de ces objets fiit estimée à la somme de 
vingt mille dirhem. 

La Khatoun se réfugia dans la citadelle. Oubeïd ouUah fit 
couper les arbres et mettre au pillage les villages de la banlieue. 
Redoutant le même sort pour Boukhara, la Khatoun offrit de 
faire sa soumission et de conclure la paix. Elle lui fiit accordée 
moyennant le paiement d'une somme d'un million de dirhem, 
et Oubeïd ouUah s'éloigna, chargé de butin et emmenant avec 
lui les quatre mille prisonniers qu'il s'était attribués. 

Il fiit destitué du gouvernement général du Khorassan en 
Tannée 56 (ôyS). Son successeur, Sayd ibn Osman, franchit le 
Djihoun et se présenta devant Boukhara. La Khatoun lui en- 
voya un ambassadeur, pour lui exposer qu'elle observait les 
conditions de la paix conclue avec Oubeïd ouUah ibn Zyad, et 
pour lui offrir en présent une somme d'argent considérable. 

Tout à coup, elle apprit l'arrivée d'une armée de cent vingt 
mille hommes, composée de soldats du Soghd, de Nakhcheb et 
de Kech. Elle se repentit d'avoir fait acte de soumission et 
d'avoir payé tribut à Sayd. Les Musulmans s'apprêtaient à 
livrer bataille aux infidèles, quand ceux-ci, saisis d'une terreur 
panique, prirent la fuite sans combat. La Khatoun dut subir les 
conditions du vainqueur, payer un tribut plus considérable et li- 
vrer, comme otages, quatre-vingts personnages de marque qui 




264 RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAHEZM 

devaient garantir à Sayd la sécurité du retour, lorsqu'il revien- 
drait de Samarqand, contre laquelle il entreprenait une expé- 
dition. Rentré à Boukhara, Sayd étant tombé malade, séjourna 
pendant quelque temps dans celte ville. Il fut séduit par la 
beauté de la Khaioun et ses amours servirent de sujet à des 
chansons qui furent composées à cette époque. 

Qouteïbah, fils de Mouslim , investi par Hedjdjadj du gou- 
vernement du Khorassan, rétablit l'ordre dans cette province 
et se rendit maître du Tliakharistan. 11 passa le Djihoun en 
Tannée 88 '706). Les habitants de Bikend, instruits de son ap- 
proche, fortifièrent leur ville. Le siège en fut des plus pénibles 
et, pendant cinquante jours, les assiégés repoussèrent les atta- 
ques des Musulmans, Qouteïbah fit jouer une mine qui ouvrit 
une brèche dans la muraille. Au moment de donner l'assaut, 
Qouteïbah fit proclamer qu'il payerait le prix du sang à ceux qui 
y monteraient et il promit de donner la même somme aux en- 
fants de ceux qui viendraient à succomber. La ville fut empor- 
tée et les habitants demandèrent quartier. Qouteïbah le leur ac- 
corda et les frappa d'un tribut. Werqa ibn Nasr el Bahily fut 
établi comme gouverneur militaire, Qouteïbah se dirigea alors 
vers Boukhara; mais, arrivé à Khenboun, il apprit que les ha- 
bitants de Bikend s'étaient soulevés et avaient tué Werqa. Celui- 
ci avait, lui-même, provoqué cette révolte en enlevant, à un 
habitant de la ville, ses deux filles qui étaient d'une beauté re- 
marquable. « Bikendjluiavait dit leur père, estune grande ville; 
tu n'as donc pu ytrouverd'aulresfcmmesquemes deux filles? » 
Werqa ne lui ayant pas répondu, il s'était précipité sur lui et lui 
avait porté un coup de couteau dans la région du nombril. La 
blessure ne fut pas mortelle et Werqa se rétablit promptement. 
En apprenant cette nouvelle, Qouteïbah revint sur ses pas. Tous 
les habitants de Bikend, en état de porter les armes , furent 
passés au fil de Tépée; les autres furent réduits en esclavage. 

Bikend fut entièrement dépeuplée et ruinée. Un grand nom- 
bre des habitants, qui se livraient au négoce, s'étaient rendus 
en Chine et dans d'autres pays, pour les besoins de leur com- 



APPENDICE 265 

merce. À leur retour, ils rachetèrent leurs femmes et leurs 
enfants et il s'établirent de nouveau dans la ville qui recouvra 
son ancienne prospérité. 

Après la prise de Bikend, Qouteïbah marcha sur Khenboun : 
de nombreux engagements eurent lieu dans les environs de 
cette localité. Khenboun^ Tarab et beaucoup d'autres villages 
tombèrent au pouvoir de Qouteïbah, qui se dirigea alors sur 
Werdanèh. Ce district était gouverné par un prince qui portait 
le titre de Werdan Khouda ; il mourut et Qouteïbah s'empara 
de ses domaines. Mais les ennemis se réunirent en grand nom- 
bre entre Werdanèh, Tarab et Ramin et entourèrent Qouteïbah. 
Therkhoun, prince du Soghd, HenekKhouda et Werdan Khouda 
avec leurs troupes se joignirent à eux. Ils avaient pris à leur 
solde Gour Neghanoun, neveu de l'Empereur de Chine, qui 
leur avait amené quarante mille hommes de renfort. 

La jonction de tous ces corps de troupes rendit la situation 
de Qouteïbah très-difficile : ses soldats manquaient d'armes. 
II fit vœu de ne point les laisser se débarrasser de celles qu'ils 
avaient et quitter le camp. Les armes y atteignirent un prix 
élevé : une lance valut cinquante dirhem , un bouclier , cin- 
quante ou soixante, et une cotte de mailles, sept cents. 

Au moment de livrer une bataille qui devait être décisive, 
Haiyan Nabathy dit à Qouteïbah ; c Je pense qu'il est utile 
de laisser aux officiers la ■ disposition d'une journée , avant 
d'engager le combat. » Le lendemain, Haiyan Nabathy en- 
voya un messager au prince du Soghd pour lui faire savoir qu'il 
avait un conseil à lui donner, et qu'il était indispensable qu'ils 
eussent une entrevue. Therkhoun l'accepta et demanda à quel 
moment elle pourrait avoir lieu. « Lorsque les troupes en se- 
ront venues aux mains, répondit Haiyan, et lorsque la bataille 
sera vigoureusement engagée. » Voici comment les choses se 
passèrent : au plus fort de l'action, Haiyan alla trouver Ther- 
khoun et lui dit : « Tu vas perdre la souveraineté et tu l'igno- 
res! » « Et comment? » demanda ce dernier. « Nous ne 
pouvons rester ici, reprit Haiyan, que pendant le temps des 



266 UELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

chaleurs. Le froid vient d'arriver et il nous oblige à nous 
éloigner. Tant que nous serons ici, les Turks seront occupés 
à nous combattre ; mais, lorsque nous serons partis, ils f atta- 
queront. Le Soghd est un pays délicieux et on n'en trouve 
point, dans le monde, un seul qui réunisse autant d'agré- 
ments. Les Turks s'en empareront et ne retourneront plus 
dans le Turkestan ; tu seras la proie de l'infortune et ton royaume 
te sera ravi. » — « Que faut-il faire? » demanda Therkhoun. 
« Conclure la paix avec Qouteïbah, répondit Haiyan, lui payer 
un tribut et faire savoir aux Turks qu'un puissant secours de 
troupes envoyées par Hedjdjadj à Qouteïbah , arrive par la 
route de Kech et de Nakhcheb. Tu leur diras, ajouta Haiyan, 
que tu te retires, afin qu'ils battent aussi en retraite. Lorsque tu 
auras fait la paix avec nous, que nous serons liés par un pacte, 
nous te traiterons avec égards et tu échapperas au malheur 
qui te menace. » — « Tu m'as donné un conseil salutaire, 
répartit Therkhoun et je le suivrai. Je me retirerai cette 
nuit même. > En effet, Therkhoun envoya un messager à 
Qouteïbah pour régler les conditions de la paix et verser entre 
ses mains, à titre de tribut, une somme de deux mille dirhem ; 
puis, il fit sonner les trompettes et se mit en marche. 

Les Dèhqan et les officiers de son armée lui demandèrent 
le mobile de sa détermination. « Tenez- vous sur vos gardes, 
leur répondit-il, et usez de toutes sortes de précautions; 
Hedjdjadj a expédié à Qouteïbah des troupes qui arrivent 
par la route de Kech et de Nakhcheb. Elles ont la mission 
de nous cerner. Je retourne dans mon pays. » Gour Negha- 
noun , de son côté , fit demander à Therkhoun le motif de 
sa conduite. Quand il l'eut appris , il fit aussi sonner la re- 
traite et il se retira en ravageant et en pillant le pays sur son 
passage. 

Dieu éloigna des Musulmans la catastrophe qui les menaçait. 
Qouteïbah était resté quatre mois entouré par l'ennemi. Pen- 
dant ce laps de temps, Hedjdjadj n'avait reçu de lui aucune 
nouvelle et son esprit était assiégé par les plus cruelles appré- 



APPENDICE 267 

hensions. Dans toutes les mosquées, on récitait le Qoran, on 
faisait des vœux et des prières publiques pour la délivrance de 
Qouteïbah. 

Après un succès aussi décisif, Qouteïbah marcha contre Bou- 
khara pour Id quatrième fois, et il en prit définitivement pos- 
session : la moitié des maisons de la ville et des propriétés 
rurales fut attribuée à ses soldats. L'impôt à payer fut fixé 
au chiflfre de deux cent mille dirhem qui devaient être versés, 
chaque année, dans le trésor du Khalife, plus dix mille dirhem 
destinés au gouverneur général du Khorassan. Les paysans 
des environs de Boukhara furent, en outre, astreints à fournir 
aux Arabes le bois et les fourrages qui leur étaient nécessaires. 

Pendant les premières expéditions, les habitants de Boukhara 
feignaient, en présence des Arabes, de pratiquer Tlslamisme, 
mais, après leur départ, ils retournaient aux pratiques de leur 
ancien culte. 

Qouteïbah leur imposa l'Islamisme et il donna aux Arabes, 
établis dans la ville, la mission de surveiller la conduite de 
leurs nouveaux coreligionnaires et de signaler toutes leurs in- 
fractions à la loi religieuse. 

Nerchakhy nous fournit, dans son histoire, quelques détails 
sur les Boukhar Khouda qui paraissent avoir exercé l'autorité 
civile sur Boukhara. Mais les renseignements que Ton trouve 
dans divers passages de son ouvrage sont contradictoires et 
confus. Les mêmes personnages sont désignés sous des noms 
différents et les dates me semblent inexactes. Les monuments 
historiques pouvant nous servir à contrôler et à rectifier le 
récit de Nerchakhy ne sont point parvenus jusqu'à nous ; je 
crois cependant devoir insérer ici les données éparses dans 
rhistoire de Boukhara. 

La Khatoun, veuve de Beydoun, mourut après la dernière 
expédition de Qouteïbah ; son fils Taghchadèh, qui eut, après 
elle, le titre de Boukhar Khouda, était jeune, sans expérience 
et entouré d'ennemis. Qouteïbah le prit sous sa protection, 
réduisit ses ennemis à l'impuissance et aflfermit l'autorité entre 



268 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

ses mains. Taghchadèh fit profession de foi à l'Islamisme en- 
tre les mains de Qouteïbah, mais sa conversion ne paraît 
pas avoir été bien sincère. Il fut assassiné à Samarqand^ où 
il était allé voir le gouverneur général du Khorassan, Nasr 
ibn Seîyar, dans les circonstances suivantes : 

En Tannée i56 (772), Essed ibn Abdillah mourut à Merv. 
Le Khalife Hicham^ fils d'Abd el Melik^ fils de Merwan^ donna 
rinvestiture du gouvernement du Khorassan à Nasr ibn Seiyar, 
qui se rendit dans la Transoxiane pour faire une expédition 
contre les Turks; il les battit^ les dispersa et s^empara 
de Ferghanèh. Il revint ensuite à Samarqand où Taghchadèh 
Boukhar Khouda alla le trouver. Nasr qui avait demandé 
sa fille en mariage laccueillit avec les plus grands honneurs 
et lui témoigna la plus haute considération. Nasr ibn Seiyar, 
lorsqu'il reçut la visite de Taghchadèh^ était assis à la porte de 
sa tente. On était au mois de Ramazan et le soleil était sur le 
point de se coucher; ces deux personnages causaient ensemble^ 
lorsque deux Dèhqan de Boukhara, parents du Taghchadèh, et 
dont Nasr ibn Seiyar avait reçu la profession de foi à l'Islamisme, 
se présentèrent devant lui pour se plaindre de Taghchadèh qui 
s'était, disaient-ils, emparé violemment de leurs villages. Ils ré- 
clamèrent aussi justice contre Wacil ibn Amrou, gouverneur mi- 
litaire, qui, selon eux, faisait cause commune avec le Boukhar 
Khouda pour dépouiller les gens de leurs biens. Taghchadèh 
s'entretenait, en ce moment, à voix basse avec Nasr ibn Seiyar. 
Les deux Dèhqan s'imaginèrent qu'il demandait leur mort et 
ils prirent, après s'être concertés, la résolution de le tuer, 
Taghchadèh faisait remarquer à TEmir Nasr que ces deux per- 
sonnages qui avaient embrassé l'Islamisme par ses soins, por- 
taient des poignards à leur ceinture. Nasr leur demanda pour- 
quoi ils étaient ainsi armés. « C'est, répondirent -ils, parce que 
nous soipmes les ennemis de Taghchadèh, qui ne nous inspire 
aucune confiance pour notre sûreté. » Nasr ibn Seiyar leur témoi- 
gna son mécontentement et donna à Haroun, fils de Siavech, 
Tordre de leur enlever leurs poignards* Les Dèhqan s'éloi- 



APPENDICE 269 

gnèrent. Nasr se leva alors ^pour faire la prière à la tête des 
Musulmans qui l'entouraient. 

1 aghchadèh, qui pratiquait encore secrètement Tidolâtrie, 
demeura assis sur son siège. Nasr, après avoir achevé sa 
prière, rentra dans sa tente et invita Taghchadèh à le suivre. 
Celui-ci avait à peine posé le pied sur le seuil qu'un des 
Dèhqan se précipita sur lui et lui plongea son couteau dans 
le ventre. L'autre s'élança sur Wacil ibn Amrou qui n'avait 
point encore achevé sa prière et il le frappa également d'un 
coup de couteau. Wacil qui avait vu son mouvement eut le 
temps de tirer son sabre et de lui en asséner un coup sur la tête. 
Tous deux tombèrent morts. Nasr ibn Seiyar fit immédia- 
tement tuer le Dèhqan qui avait frappé Taghchadèh; il fit 
transporter ce dernier dans sa tente et étendre sur son lit. Les 
médecins appelés en hâte ne purent le sauver, et il succomba 
au bout d'une heure, après avoir fait connaître ses derniè- 
res volontés. 

Les serviteurs de Taghchadèh réclamèrent son corps : ils 
détachèrent les chairs de ses os qu'ils transportèrent à Bou- 
khara» Son fils Bêcher fut investi de la dignité de Boukhar 
Khouda et Kalid ibn Djouneïd succéda à Wacil comme gou- 
verneur militaire. Taghchadèh avait exercé le pouvoir pen- 
dant trente-deux ans. 

Taghchadèh avait eu, après sa conversion à l'Islamisme, un 
fils auquel il avait donné le nom de Qouteïbah par affection 
pour ce dernier. Ce fils gouverna Boukhara après la mort de 
son père. Après avoir pratiqué Tlslamisme, il apostasia secrète- 
ment. Informé de ce fait, Abou Mouslim le fit mettre à mort, 
lui et ses serviteurs. 11 fut remplacé par son frère Beniyat 
qui suivit, pendant quelque temps, les préceptes de l'isla- 
misme. Mais, à Tépoque où Mouqannah proclama sa mis- 
sion, et lorsque les Sefid Djamègan parurent dans les 
environs de Boukhara, Beniyat embrassa leurs doctrines et 
leur prêta aide et assistance. Ces faits furent portés à la con- 
naissance du Khalife Mehdy par le chef de la police. Lors- 



272 RELATION DK L AMBASSADE AU KHAREZM 

toun et père de Taghchadèh, devint souverain de Boukhara^ il 
la fit relever et il construisit dans Tintérieur un grand palais. 
Au-dessus de la porte^ il fit fixer solidement une plaque de 
fer qui portait son nom. Cette plaque existait encore à Tépo- 
que où écrivait Mohammed ibn Zoufer. Aboul Hassan Ni- 
cbaboury dit que ce palais, bâti par Beydoun Boukhar Khou- 
da, s'écroula à plusieurs reprises, et qull fut chaque fois recons- 
truit. Pour conjurer un nouveau malheur^ on réunit des savants 
qui furent d*avis de le réédifier en lui donnant la configuration 
de la constellation de la grande Ourse et en le faisant soutenir 
par sept piliers. 

Cet expédient le préserva de tout accident. Depuis sa re- 
construction, on constata encore une particularité singulière. 
Aucun des souverains qui ont établi leur résidence dans ce 
château n'a jamais éprouvé de défaites, et ils ont tous constam- 
ment été victorieux. Autre fait extraordinaire : aucun prince n'y 
est mort, ni au temps de Tidolâtrie ni pendant Flslamisme. Lors- 
que l'heure de la mort approchait pour l'un d'eux, il survenait 
une circonstance qui le forçait à s'éloigner, et il allait rendre 
ailleurs le dernier soupir. Les choses se sont toujours passées 
ainsi, depuis le jour où ce château a été construit, jusqu'au jour 
où il a été détruit. 

La citadelle a deux portes dont Tune s'ouvre à l'orient et 
l'autre à l'occident. Celle-ci porte le nom de porte du Riguis- 
tan, celle-là s'appelle porte des Ghoury (Derpa\èhi Ghou- 
rian). 

Le nom de la première porte a été, du temps de Mohammed 
ibn Zoufer, changé en celui de porte des marchands de four- 
rages (Deri alef foiirouchan). Un chemin en droite ligne relie 
ces deux portes entre elles. La citadelle a été, depuis les temps 
les plus anciens, la résidence des souverains, des Emirs (gou- 
verneurs militaires) et celle des grands officiers. Elle renfermait 
la prison, les bureaux des princes, le palais où ils demeuraient, 
le harem et le trésor. 

A Tépoque de Mohammed ibn Zoufer, cette citadelle était 



APPENDICE 273 

en ruines; mais^ quelques années plus tard^ Arslan Khan la fit 
reconstruire ; il y fixa sa résidence et, pour y assurer le bon 
ordre, il y établit comme gouverneur un Emir d'un rang élevé. 
Le peuple avait pour cette citadelle un respect tout particulier. 
Lorsque le Kharezm Chah entra à Boukhara dans le courant 
de Tannée 534 (nSg), FEmir Zenguy Aly Khalifèh en était le 
gouverneur au nom du Sultan Sindjar. Le Kharezm Chah le 
fit prisonnier et le mit à mort. La citadelle fut alors démolie. 
Elle resta en ruines pendant deux ans; en 536 (i 141), Alp Te- 
kin^ nommé gouverneur de Boukhara par Gour Khan, donna 
l'ordre de la reconstruire, et il y établit sa résidence. 

En 538 (1143), les Ghouzz se présentèrent devant Boukhara 
et y assiégèrent Aïn oud Daoulè]i Qaradjèh Bek et le Vézir Che- 
hab oud Din ; après de violenta assauts et de rudes combats^ 
les Ghouzz se rendirent maîtrei de la citadelle^ la rasèrent et 
mirent à mort le Vézir Chehabloud Din! Elle resta en ruines 
jusqu'à l'année 56o (1164). Ajcette époque^ on résolut de 
construire un faubourg qui devait être entouré d'une niu- 
raille de briques cuites. On employa à cette construction 
les matériaux dont étaient bâtis les murs et les tours de la 
citadelle. U ne resta alors aucun vestige ni de la citadelle ni 
du palais. En 604 (1207), le Kharezm Chah Mohammed, fils de 
Sultan Tekich, s'empara de Boukhara et fit reconstruire la cita- 
delle. En 616 (12 19), elle fut prise, après douze jours de siège, 
par les Tatars commandés par Djenguiz Khan, et complè- 
tement rasée. 

La grande mosquée de Boukhara. 

Qouteïbah ibn Mouslim construisit, en l'année 94 (712), 
la grande mosquée dans l'intérieur de la citadelle de Boukhara, 
sur l'emplacement d'un temple consacré à l'idolâtrie. 

Tous les habitants furent astreints, par un cri public, à se 
rendre tous les vendredis à la grande mosquée pour assister à 
la prière. Chaque habitant pauvre recevait, à cet effet, deux 

18 



274 RELATION DE L AMBASSADE AU KHARËZM 

dirhem. Les Boukhares qui , dans les premiers temps de lls- 
kmisme, ne pouvaient comprendre l'arabe, récitaient en per- 
san les prières et les chapitres du Qoran. Lorsque les fidèles 
devaient s'incliner, un homme placé derrière l'assistance disait 
à haute voix : Neguméta Neguinet, et, lorsqu'ils devaient se 
prosterner la face contre terre, il criait : Nigout^a, Nigouity '. 

Mohammed ibn Djafer dit avoir vu sculptées, sur les portes 
de la grande mosquée, des représentations de personnages 
dont la figure avait été efTacée, maïs dont le reste avait été res- 
pecté. Ces portes provenaient des habitations de plaisance des 
environs de Boukhara. C'étaient des demeures occupées par des 
gens riches qui n'avaient aucune sympathie pour l'Islamisme. 
Les pauvres seuls allaient, le vendredi , à la mosquée pour y re- 
cevoir les deux dirhem qu'on leur donnait. 

Un vendredi^ les Musulmans se portèrent dans le quartier 
des riches pour en inviter les habitants à se rendre à la prière ; 
ceux-ci refusèrent; les Musuknans insistèrent, ils furent re- 
poussés à coups de pierres lancées du haut des terrasses et il 
s'ensuivit une échauffourée. Les Musulmans vainqueurs ar- 
rachèrent les portes des maisons, les transportèrent dans la 
ville et les placèrent dans la grande mosquée, après avoir fait 
disparaître les figures des idoles que l'on y avait fait sculpter. 

Lorsque l'Islamisme se fut définitivement établi à Boukhara 
et que le nombre de ses adhérents se fut considérablement aug- 
menté, la grande mosquée de Qouteïbah ne fut plus assez vaste 
pour contenir tous les fidèles. Les habitants s'associèrent, sous 
l'administration de Fadhl ibn Yahya le Barmécide, Emir du 
Khorassan au nom du Khalife Haroun er Rechid, et ils bâtirent, 
en l'année 17g (7g5), une grande mosquée sur im terrain situé 
entre la ville et la forteresse. Fadhl ibn Yahya affecta à sa cons- 
truction des sommes considérables. L'ancienne mosquée de 
Qputeïbah fiit abandonnée, et on y établit les bureaux de la 

t. Ces mois sont persans d'origine. L'ancien verbe iieguiiiiden veut dire éire rond, 
se courber, s'incliner; il n'en reste plus aujourd'hui de (race que dans le substantif n«- 
Ifuiii, anneau, bague. Sigounideii ei iiifjDuhiden signifient fire la xixa en bas. 



APPENDICE 275 

perception des impôts. L'Emir Ismayl le Samanide acheta un 
grand nombre de maisons et agrandit cette mosquée d'un tiers. 
Sous le règne de TEmir Sayd, fils de Mohammed, fils d'Ismayl, 
la mosquée s'écroula subitement, un vendredi du mois de Ra- 
mazan, pendant que le peuple y était réuni. Un grand nombre 
de gens furent tués sur le coup ; ceux qui furent retirés de 
dessous les décombres avaient les bras et les jambes brisés^ 
et ils ne tardèrent pas à succomber. Le deuil fut universel dans 
la ville qui fut à peu près dépeuplée. Cependant, grâce aux se- 
cours du gouvernement et à la bonne volonté des fidèles, la 
mosquée fut reconstruite dans l'espace d'un an. L'année sui- 
vante, les deux côtés du Qiblèh s'écroulèrent; mais, à ce 
moment, la mosquée était déserte, et personne ne perdit la 
vie. 

1^ minaret de la mosquée fut construit dans l'espace de 
cinq ans par Oubeïd ouUah ibn el Haiyany, Vézir de l'Emir en 
l'année 3o6 (918) et la dépense en fut faite sur ses revenus parti- 
culiers. Le sommet était couvert en bois. Pendant les combats 
livrés par Chems oui Moulk Nasr ibn Ibrahim, des matières 
incendiaires furent lancées du château sur le minaret pour en 
déloger les archers qui inquiétaient les soldats renfermés dans 
la citadelle. Le haut prit feu et des tisons enflammés tombè- 
rent dans l'intérieur de la mosquée qui fut entièrement con- 
sumée (460 — 1067). 

Chems oui Moulk, devenu maître de Boukhara, la fit recons- 
truire ; le sommet du minaret fut rebâti en briques cuites et on 
creusa un large fossé pour séparer la mosquée de la citadelle. 
Les fonctionnaires et les gens riches contribuèrent à l'envi à cette 
reconstruction qui fut terminée dans l'espace d'une année. Le 
maqçourèh, le minber et le mihrab furent fabriqués et ornés de 
sculptures à Samarqand et apportés ensuite à Boukhara. Arslan 
Khan Mohammed ibn Souleyman, voulant éviter les accidents 
qui s'étaient produits du temps de Chems oui Moulk, résolut de 
faire reconstruire la grande mosquée à une plus grande distance 
de la citadelle. Il acheta un nombre considérable de maisons 



27(3 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

dans rintérieur de la ville et il fit bâtir la mosquée sur leur 
emplacement. Le minaret qui s'élevait à côté de Fanciemie 
mosquée fut abattu, pour être réédifié à côté de la nouvelle. II 
était de la plus grande élégance, couvert d^omements, et il 
n'avait point son pareil. La construction en était à peu près 
achevée et le faîte était posé, lorsqu'une influence maligne le fit 
écrouler^ et, dans sa chute, il détruisit le tiers de la mosquée 
et brisa les poutres couvertes de peintures ainsi que les ouvra- 
ges de menuiserie. Arslan Khan la fit immédiatement recons* 
traire^ et relever le minaret qui fut bâti en briques cuites. La 
mosquée d* Arslan Khan fut achevée en Tannée 5 1 5 (i 121) et les 
dépenses de sa construction furent prélevées sur les revenus 
particuliers de ce prince. 

Il y a dans la mosquée cinq chapelles intérieures : les deux 
qui se trouvent du côté de la ville sont , ainsi que le mina- 
ret, l'œuvre d'Arslan Khan. La grande chapelle et le maq- 
çourèh sont dus à Chems oui Moulk. Au milieu s'élèvent les 
deux autres chapelles^ celle qui est la plus rapprochée de la ci- 
tadelle date du règne de TEmir Ismayl le Samanide qui la 
construisit en Tannée 290 (902), Tautre qui donne sur le palais 
du gouverneur général du Khorassan a été bâtie par TEmir 
Hamid Nouh ibn Nasr bin Ismayl en 340 (95 1). 



Le Mouçalla de Boukhara '. 

Qouteïbah, après avoir construit la grande mosquée dans 
Tintérieur de la citadelle^ établit le Mouçalla à Textérieur de la 
ville^ dans Tendroit qui a reçu le nom de Riguistan. Llslamisme 
n'étant point encore solidement établi à Boukhara et les infidè- 
les n'inspirant aucune confiance^ Qouteïbah donna Tordre aux 
Musulmans de se rendre armés au Mouçalla. 

I. Le Mouçalla est un emplacement entoure de murs et généralement situé hors de 
la ville, où toute la population musulmane se rend pour assister à la prière de la fête 
de la rupture du jeûne et ù celle de la féie des sacrifices. 



APPENDICE 277 

Cet usage a été conservé depuis comme une tradition reli- 
gieuse 

On y fit la prière des fêtes jusqu'à Tépoque de TEmir Man- 
çour ibn Nouh, fils deNasr (35i-366 A. H., A. D. 962-976). 
Celui-ci acheta à grand prix des maisons et des jardins situés 
sur la route de Semetin et il dépensa des sommes considérables 
pour y établir un Mouçalla. Il fit construire un minber et un 
mihrab d'une grande beauté et il fit élever des tours pour servir 
à l'appel de la prière. 

Le Mouçalla était à la distance d'un demi-ferseng de la 
porte de la citadelle et la foule y était considérable. On y fit la 
prière depuis l'année 36o (970) jusqu'à l'époque d'Arslan Khan 
(495-1 loi), qui affecta pour l'établissement du Mouçalla rem- 
placement de Chems Abad, ancienne propriété royale située 
près de la porte d'Ibrahim, dont les constructions étaient tom- 
bées en ruines et dont les terres avaient été mises en cul- 
ture. Il le rapprocha de la ville pour épargner une grande 
fatigue aux fidèles et les mettre, en cas de guerre, à Tabri d'un 
coup de main. Le Mouçalla fut alors entouré d'une enceinte 
formée par une haute muraille : on construisit dans Tinté- 
rieur un minber et un mihrab en briques cuites et on y éleva 
également des tours pour servir à l'appel de la prière. Ce Mou- 
çalla fut achevé en Tannée 5i3 (i 1 19). 



Muraille de Boukhara, vulgairement appelée Kounsserek. 

Le Khalife Mehdy confia le gouvernement du Khorassan à 
l'Emir Aboul Abbas ibn el Fadhl bin Souleyman de Thous 
qui arriva en 166 (782) à Merv et y établit sa résidence. Il reçut 
dans cette ville la visite de tous les grands personnages et de 
tous les notables du Khorassan. Ceux du Soghd se rendirent 
aussi auprès de lui, pour lui présenter leurs hommages. L'E- 
mir s'enquit de la situation de leur pays. « Nous avons à souf- 
frir, dirent-ils, des Turks idolâtres. Ils font des incursions con- 




278 RE[.ATION DE L'aMBASSAOE AU KHAREZM 

tinuelles, et pillent nos villages; tout dernièrement encore, ils 
ont saccagé le village de Samedoun et ils ont emmené des Mu- 
sulmans en captivité. » — ■ Avez-vous,reprit!'Emir, un moyen 
de porter remède à cette situation; j'en ordonnerai l'exécution. ■ 
Yezid, fils de Ghourek, était présent à l'entrevue : » Que la du- 
réede la vie de l'Emir soit éternelle ! dit-il. Dans les temps an- 
ciens, à l'époque de l'idolâtrie, les Turks livraient leSoghd au 
pillage. Une femme le gouvernait alors; elle fit élever un mur 
fortifié et le Soghd n'eut plus à redouter les invasions des Turks. » 
L'Emir donna l'ordre à Mouhtedyibn Hammad binAmrou ed 
Dehely, gouverneur de Boukhara, de faire construire une mu- 
raille et de comprendre dans son enceinte tous les villages de la 
banlieue pour assurer leur sécurité contre les attaques des Turks. 
On perça des portes de distance en distance, et, à chaque demi- 
mille, on éleva une tour d'une construction solide. Saad ibn 
Khalif, Qadi de Boukhara surveilla les travaux qui furent achevés 
à l'époque de Mohammed^ fils de Mançour, fils de Heldjid, fils 
de Waraq, en l'année 2 1 5 (83o). Les gouverneurs qui se succé- 
dèrent veillèrent à l'entretien de cette enceinte. On prélevait, à 
cet efl'et, tous les ans des sommes considérables sur les habi- 
tants de la ville. Cet impôt fut perçu jusqu'au règne de l'Emir 
Ismayl qui le supprima et laissa la muraille tomber en ruines. 
" Tant que je serai vivant, dit ce prince, je serai le rempart 
de Boukhara. » En effet, il paya toujours de sa personne et il 
ne laissa aucun ennemi pénétrer en vainqueur sur son territoire. 

En 235 (849), lorsque Mohammed ibn Abdallah bin Qalhah 
était gouverneur du Khorassan, Boukhara fut entourée d'une 
enceinte fortifiée, flanquée de tours et qui était réparée cha- 
que fois que Boukhara se trouvait menacée. 

Arslan Khan fit élever une autre enceinte devant celle qui 
existait; elles tombèrent toutes deux en ruines et elles furent 
successivement relevées par Arslan Khan, par Messoud 
Qilidj Thamghadj Khan en 56o (1164) et par le Kharezm 
Chah Mohammed, fils de Sultan Tekich. Les Tatars la rasè- 
rent en l'année 616 (1219). 



APPENDICE 279 



Le palais des rois à Boukhara. 

Depuis la porte de rOccident {Deri Gharby) jusqu'à celle de 
Toratoire {Deri Maabed) s'étend un terrain qui a reçu le nom 
de Riguistan. C'est sur cet emplacement que Ton a élevé , de- 
puis les temps les plus reculés, depuis l'époque de Tidolâtrie, 
le palais des princes qui ont gouverné Boukhara. 

Sous la dynastie des Samanides , TEmir Sayd , fils d'Ahmed , 
fils d'Ismayl, fils de Nouh, fit bâtir un palais somptueux pour la 
construction duquel on dépensa des sommes considérables. Il 
fit élever, à proximité, d'autres bâtiments destinés à renfermer 
les administrations des hauts fonctionnaires de l'État, telles que 
le divan du Vézir, celui du ministre des finances, le divan de TA- 
myd oui Moulk, les bureaux du maître de la police, le divan du 
Sahib Moueyyed, le divan de la noblesse, celui du domaine privé, 
celui du Mohtessib, le divan des fondations pieuses et celui du 
Qadi. A l'époque de l'Emir Rechid Amyd oui Moulk, fils deNouh, 
fils de Nasr, fils d'ismayl, son Vézir Aboul Nasr Mohammed 
el Outby, auteur de l'ouvrage qui porte le titre de « Yeminy » ' et 
dont le tombeau se trouve dans le quartier de la porte de Man- 
çour, dans le voisinage du bain du Khan, fit construire, en face 
du Medressèh, une mosquée qui donna à cette place un aspect 
irréprochable. L'Emir Rechid tomba de cheval et mourut des 
suites de cette chute. La nuit de sa mort, ses esclaves pénétrè- 
rent dans le palais et se mirent à le piller. Les femmes du prince 
et les servantes allumèrent un incendie, en voulant résister 
aux envahisseurs. Le palais fut entièrement brûlé, jusqu'à 
ses fondements, et tous les objets précieux en or ou en 
argent qui s'y trouvaient furent anéantis. 

Quand l'Emir Mançour, fils de Nouh, parvint au trône, au 



I. Le Tarikhi Yeminy est Thistoire de Sultan Mahmoud, fils de Sebektekin Yemin 
oud Daoulèh. 



28o 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHABEZM 




mois de Chevval 35o (novembre 961), il donna l'ordre de cons- 
truire le palais qui avait été anéanti et il y accumula des ob- 
jets encore plus précieux que ceux qui avaient été détruits. 
Lorsqu'il lut achevé, l'Emir s'y établît : l'année ne s'était 
point écoulée que, pendant la nuit du Sour, on alluma, selon 
l'usage antique, un grand feu '. Des étincelles jaillirent sur 
le toit et l'embrasèrent : le palais fut entièrement consumé. 
L'Emir Mançour se transporta cette nuit même à Djouy Meva- 
lian, après avoir donné l'ordre de faire enlever, par des gens de 
confiance, les trésors et les objets conservés dans les souterrains 
et de les transporter à Djouy Mevalian. Au jour, on s'assura 
que rien n'avait été perdu, à l'exception d'une tasse en or. 

Le Vézir en fit faire, à ses frais, une autre du poids de sept 
cents miçqal et il l'envoya au trésor. 

Le Riguistan demeura une place sablonneuse et couverte 
de ruines. 

Les souverains continuèrent à résider à Djouy Mevalian. Cet 
endroit est, en effet, le plus agréable de Boukhara à cause des 
palais qui s'y élèvent, des jardins, des prairies, des vergers, des 
eaux courantes qui serpentent au milieu des prés en se confon- 
dant les unes avec les autres. 

Un poète dit à ce sujet : « L'eau de la fontaine de Jouvence 
coule au milieu de la prairie et elle s'éloigne en gémissant : 
elle pleure en voyant qu'il lui faut quitter ces jardins rem- 
plis de fleurs. » 

L'espace qui s'étend de la porte du Riguistan jusqu'à Dech- 
tek est entièrement couvert de superbes allées, de magnifiques 
bassins, de caravansérails décorés de peintures, de maisons 
en pierres d'une grande élévation, bâties dans de belles pro- 
portions et ornées d'arabesques sculptés. Des ormes y forment 
des voûtes impénétrables aux rayons du soleil. 

Les allées sont plantées en arbres fruitiers de toutes sortes, 

I. La nuit du Sour ou de la (été est le nom de celle qui priScède le Naurouz. L'usage 
d'allumer de grands feux fiait général dans les pays de langue persane, et cette cou- 
tume existe encore dans plusieurs parties de la Perse. 



APPENDICE 281 

nachpaty, amandiers^ pistachiers, cerisiers, jujubiers; bref 
on y voit tous les arbres qui se trouvent dans le paradis. 

Le village du Djouy Mevalian avait appartenu jadis à 
Taghchadèh, qui en avait attribué une partie à ses enfants 
et à ses gendres. L'Emir Ismayl le Samanide acheta ce villa- 
ge de Hassan ibn Mohammed bin Thalout, général du Khalife 
Moustaïn, fils de Moustacim. Il y fit construire des palais et 
des jardins ; il affecta les revenus de la plus grande partie de 
ces propriétés à des fondations pieuses. Ces domaines sont en- 
core aujourd'hui des biens de main-morte. 

L'Emir Ismayl était continuellement préoccupé du sort de ses 
affranchis. Un jour^ dans le château de Boukhara , il portait 
ses regards dans la direction de Djouy Mevalian; Sima el Kebir, 
affranchi de son père et pour lequel il avait la plus vive amitié, 
se tenait debout devant lui : c Fasse Dieu, lui dit l'Emir Ismayl, 
que j'aie l'occasion d'acquérir ce village pour vous, et puisse 
ma vie se prolonger assez longtemps pour que je vous voie 
le posséder, car ce village est, des environs de Boukhara, le 
plus beau, le plus agréable et celui qui jouit du climat le plus 
salubre ! » 

Dieu lui permit de l'acheter et il le donna à ses aflranchis. 
C'est pour ce motif que le village reçut le nom de Djouy Meva- 
lian (le canal ou la rivière des affranchis) que le peuple pro- 
nonce Djouy Moulian. Une plaine qui porte le nom de De- 
chtek s'étend à partir de la porte de la citadelle. Elle était 
couverte de roseaux ; l'Emir Ismayl l'acheta aussi à Hassan 
Thalout pour dix mille dirhem. La première année la récolte 
des roseaux produisit cette somme. 

L'Emir Ismayl affecta les revenus de Dechtek aux dépen- 
ses de la grande mosquée. 

La beauté du site, les charmes et les agréments de Djouy 
Mevalian déterminèrent les descendants de l'Emir Ismayl à y 
planter des jardins et à y construire des kiosques. Les princes 
Samanides fixèrent leur séjour à Djouy Mevalian et à Kareki Ale- 
vyan jusqu'à la chute de leur dynastie. Puis les palais tombèrent 



282 RKLATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

en ruines et la résidence officielle fut de nouveau établie dans 
le château de Boukhara, jusqu'à l*époque de Chems oui Moulk 
NasT ibn Ibrahim ben Thamghadj Khan qui habita Chems 
Abad. 



Le Ba^ar de Makh. 

Ce marché se tenait deux fois par an, et chaque fois^ il s*y 
faisait des transactions pour la somme de cinquante mille 
dirhem. On y vendait des statuettes d*idoles. Ce marché 
existait encore à Tépoque de Mohammed ibn Djafer qui ques- 
tionna, ù ce sujet, les vieillards et les notables de Boukhara. 
Ceux-ci lui répondirent que ce marché était fort ancien; qu'au- 
trefois les habitants de Ek>ukhara étaient idolâtres et que c*était 
U\ que l 'on vendait les figures de dieux. 

Aboul Hassan de Nichabour rapporte^ dans son « Kheiaïn 
oui ouloum, » qu'un roi^ portant le nom de Makh^ régna jadis à 
Boukhara. Il ordonna aux ouvriers en bois et aux peintres de fa- 
briquer un certain nombre d*idoles que Ton exposait en vente 
dans ce marché, i\ des jours déterminés. Ceux dont les idoles 
avaient été perdues ou endommagées y venaient en acheter 
d'autres. 

L'endroit où s*éléve aujourd'hui la mosquée de Makh, sur 
le bord de la rivière, était une plaine couverte d'arbres^ à 
lombre desquels on tenait le marché que le roi présidait lui- 
mèmcj assis sur son trône. 

On éleva ensuite, sur cet emplacement, un pyrée qui était 
fréquenté, le jour du marché, par la population. Les gens 
y entraient , adoraient le feu^ se livraient à ieiu^ achats et 
retournaient chez eux. Ce pyrée a subsisté jusqu^à Tépoque 
où rislamisme fut prédominant à Boukhara. On le convertit 
en une mosquée qui est une de celles qui jouissent de la plus 
grande vénération. 



APPENDICE 283 



La fabrique de tissus (Beit outh Thirai) qui existait et existe 

encore aujourd'hui à Boukhara, 

Boukhara possédait une fabrique de tissus située entre la 
citadelle et la ville^ à proximité de la grande mosquée. On y 
fabriquait des tapis, des tentes, des Vendis, des coussins et des 
tapis de prières, de couleur vert-clair, qui étaient réservés pour 
l'usage du Khalife, Les impôts de Boukhara servaient à payer 
la confection d'une seule grande tente. Tous les ans, un fonc- 
tionnaire spécialement désigné arrivait à Boukhara et empor- 
tait des tissus pour une somme équivalente à celle des impôts. 

Le travail cessa dans cette fabrique et les ouvriers qui y 
étaient employés se dispersèrent et allèrent s'établir dans les 
villes du Khorassan. Les marchands y venaient acheter les 
étoffes fabriquées là, ainsi que le Zendpitchy ' et ils les por- 
taient en Egypte, en Syrie et dans les villes de l'Asie Mineure. 
Un fait est à noter pour sa singularité : bien que ces étoffes 
lussent fabriquées avec les mêmes procédés que ceux qui 
étaient employés à Boukhara, elles n'avaient ni le lustre ni 
l'éclat qu'on leur donnait dans cette ville. Il n'y avait ni roi ni 
émir, ni ministre, ni haut fonctionnaire qui n'en possédât. On 
en fabriquait de rouges, de blanches et de vertes. Aujourd'hui^ 
le Zendpitchy est plus connu dans tous les pays. 

I. Le Zendpitchy est une mousseline très fine et de couleur blanche. Les Guëbres en- 
roulaient autour de leur tête une pièce de Zendpitchy, lorsqu'ils faisaient la lecture de 
leurs livres sacrés et c'est à cet usage que cette éto(Te doit son noni (Zend et pitchy- 
den, rouler, enrouler). 

Les poètes persans du moyen âge comparent la neige au Zendpitchy. 





V 



MOUQANNAH 



LES historiens musulmans sont, en général, fort sobres de 
détails sur la mission religieuse que s'était attribuée Mou- 
qannah, et sur les troubles que ses prédications et celles de ses 
missionnaires excitèrent dans l'Asie centrale. 

Thabary ne donne que peu de renseignements sur cet impos- 
teur. Ibn el Athir se contente de dire qu'il professait la doctrine 
de la métempsycose; qu'il prétendait être une incarnation de 
la Divinité qui s'était^ avant lui, manifestée dans le corps 
d'Adam et, en dernier lieu, dans celui d'Abou Mouslim ; qu'il 
séduisit les populations et leur fit abandonner les croyances de 
l'Islam ; qu'il recruta de nombreux partisans parmi les Turks 
idolâtres; et, enfin, que le cri de guerre de ses soldats était : 
O Hachim, sois-nous en aide! 

Les annalistes persans Hafiz Abrou, Mirkhond, Khondemir 
ne font que reproduire, sans y rien ajouter, les renseignements 
donnés par les auteurs que je viens de citer. 

Il semble que les historiens musulmans aient répugné à parler 
des anciennes croyances persanes et indiennes, qui avaient en- 
core de profondes racines dans Tesprit des peuples du Khorassan 
et de la Transoxiane. 

La révolte de Mouqannah mit en péril, dans la Transoxiane, 
l'autorité du Khalife Mehdy, et les plus gpands efforts furent 



286 UKI.ATION DE L*AMBASSADE AU KHAREZM 

faits par ce prince pour anéantir une secte qui menaçait de dé- 
truire son pouvoir dans toute l'Asie centrale. 

Abou Bekr Mohammed Nerchakhy a consacré à Mouqamiah^ 
dans son « Histoire de Boukhara , » un chapitre assez étendu. 
Il s'appuie sur le témoignage d'un certain Ibrahim qui^ 
sous le titre de « Akhbar Mouqannah » avait composé une 
histoire de cet imposteur. Ce document ne nous est pas par- 
venu. 

Il ne m'a pas paru inutile de donner ici la traduction du récit 
d'Abou Bekr Nerchakhy : il renferme des détails curieux qui 
donnent une idée exacte de l'état de la Transoxiane^ à la fin du 
W siècle de l'hégire, et je me plais à espérer quïls offriront 
quelque intérêt au lecteur. 

Je dois d'abord donner l'explication du surnom de c Lune de 
Nakhcheb » ou de c faiseur de lune de Nakhcheb > donné à 
Mouqannah. 

Qazwiny rapporte " qu'il avait, dans cette ' ville, creusé, 
selon les règles de la géométrie, un puits, duquel il semblait 
faire sortir une lune, et que l'on accourait de toutes parts pour 
être témoin de ce prodige. Le vulgaire y voyait une œuvre sur- 
naturelle, mais ce résultat était obtenu au moyen d'un grand 
bassin rempli de mercure qui renvoyait au loin l'éclat des 
rayons qui venaient s'y refléter. Ce fait causa un étonnement 
général; on y fît allusion dans des poésies; il donna naissance 
à des proverbes et on le cita dans les entretiens littéraires. 

Ibrahim, auteur des « Akhbar Mouqannah > et Mohammed 
ibn Djerir Thabary disent que Mouqannah reçut le jour à 
Kazèh, village de la banlieue de Merv. Son nom était Hachim, 
fils de Hekim. 

« Il exerça, d'abord, le métier de blanchisssur de toiles 
(Kaierguery). 11 se livra ensuite à l'étude et acquit les connais- 
sances les plus variées. Il devint habile dans la pratique de la 



(i) Açar oui bilad, Cosmographie de Zekevya ibn Mohammed el Qazwiny, publié 
par M. Wustenfeld. Goettingue, 1848, page 3 12, 



APPENDICE 287 

magie blanche^ de la sorcellerie et dans lart des incantations. 
Il eut la prétention de se faire passer pour prophète. Il périt en 
Tan 167 (783) sous le règne du Khalife Mehdy, fils de 
Mançour. 

€ Mouqannah était un homme d'un esprit délié et plein de 
ruses; il avait lu un grand nombre des livres de sciences de 
l'antiquité et il était très-versé dans la connaissance des choses 
surnaturelles. 

€ Hekim, son père, était originaire de Balkh, et il avait servi 
comme officier dans les troupes de l'Emir Abou Djafer 
Dewaniqy, gouverneur général du Khorassan. 

« Mouqannah était d'un aspect repoussant; il était teigneux 
et borgne. L'habitude qu'il avait de se couvrir le visage d'un 
Aoile vert (Miqna'ah) pour cacher sa laideur lui fit donner le 
sumom sous lequel il est connu. Il avait été lui-même au ser- 
vice militaire, dans l'armée du Khorassan, sous les ordres du 
Vézir Abdoul Djebbar, à l'époque d'Abou Mouslim *. Il se. 
donna comme prophète; Abou Djafer Dewaniqy le fit arrêter 
et l'envoya à Bagdad où il resta en prison pendant quelques 
années. Il fut, à la fin, élargi et il retourna à Merv, où il réunit 
autour de lui un certain nombre de gens. 

€ Savez- vous qui je suis? demandait-il. 

— Tu es, lui répondait-on, Hachim,filsde Hékim. » 

— Vous êtes dans Terreur, disait-il; je suis votre Dieu et le 
Dieu de tout Tunivers. Je prends les noms qu'il me plaît, car je 
suis celui qui s'est successivement incarné dans Adam, dans 
Noé, dans Abraham, dans Moïse, dans Jésus, dans Mo- 
hammed, puis dans Abou Mouslim. J'ai pris enfin la forme 
sous laquelle vous me voyez aujourd'hui. 

— Ceux qui t'ont précédé, lui fut-il répondu, se donnaient 
comme prophètes, mais toi, tu prétends être Dieu. 

— Ces prophètes, répliquait-il, étaient revêtus d'une forme 



I. Abdoul Djebbar ibn Adirrahman el Azdy fut nommé gouverneur du Khorassan 
«n 140. Cf. Kamilfit Tarikh d'Ibn cl Alhir, tome V, pages 38o-385-387. 



288 RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM 

matérielle^ mais moi^ je suis Tessence spirituelle qui les animait. 
J'ai, de plus, le pouvoir de me manifester sous telle forme que 
je choisis. » 

« Mouqannah résidait encore à Merv quand il envoya, de 
tous côtés, des missionnaires qu'il chargea de détourner les peu- 
ples de leur foi. Il écrivit des lettres qu'il confia à ses émissai- 
res qui devaient les répandre dans tous les pays. Elles étaient 
conçues en ces termes : « Au nom du Dieu clément et miséri- 
cordieux. Louange au Dieu en dehors duquel il n'y a point 
d'autre divinité! Il est le Dieu d'Adam, de Noé, d'Abraham, de 
Moïse, de Jésus, de Mohammed et d'Abou Mouslim. La puis- 
sance, la souveraineté, la gloire et la révélation sont mon par- 
tage. La royauté et la puissance créatrice m'appartiennent. 11 
n'y a point d'autre Dieu que moi! Celui qui croira en moi en- 
trera dans le paradis, celui qui sera incrédule sera précipité 
dans l'enfer. » 

« Ses missionnaires détournèrent un grand nombre de gens 
de la voie du devoir. 

« Un Arabe, fixé à Merv, nommé Abdoullah ibn Amr, em- 
brassa ses doctrines et lui donna sa fille en mariage. Cet 
Abdoullah passa le Djihoun et se rendit à Nakhcheb et à Kech 
où il fit un grand nombre de prosélytes; ses prédications eurent 
surtout du succès à Kech et dans les villages des environs de 
cette ville. 

€ Le village de Choubeck ^ fut le premier dont les habitants 
firent profession publique de la nouvelle religion; ils se soule- 
vèrent, prirent pour chef Amrou Choubekhy et massacrèrent 
leur gouverneur qui était un Arabe attaché à l'Islamisme. 

« Le plus grand nombre des villages du Soghd embrassa le 
parti de Mouqannah, et beaucoup de localités relevant de 
Boukhara abandonnèrent, ouvertement, les pratiques religieuses 
de l'Islamisme. 

€ La révolte prit de vastes proportions et la situation des fidèles 

I. Yaqout orthographie le nom de cette localité Soubekh. Moudjem, tome III, page 182 . 



APPENDICE 289 

devint extrêmement pénible. Les caravanes furent attaquées et 
les villages pillés ; le pays se couvrit de ruines. La nouvelle 
de ces troubles se répandit dans le Khorassan. L'Emir Homeïd 
ibnQahthabah \ qui en était le gouverneur, donna Tordre d'ar- 
rêter Mouqannah; mais celui-ci s'enfuit du village où il résidait 
et il se tint caché jusqu'au moment où il apprit que, dans la 
Transoxiane, un grand nombre de gens avaient embrassé sa re- 
ligion et la pratiquaieut publiquement. 11 résolut de franchir le 
Djihoun. L'Emir du Khorassan en faisait surveiller les rives, et 
cent cavaliers qui faisaient des patrouilles continuelles avaient 
Tordre de l'arrêter quand il se présenterait. 

« Mouqannah arriva sur les bords du fleuve et il le passa avec 
trente-six de ses partisans. Il gagna la ville de Kech qui se 
soumit à lui et où il fut accueilli avec des transports de joie. 

« Sur le mont Siam ^ s'élevait une vaste enceinte entourée de 
solides murailles ; dans l'intérieur se trouvaient des eaux cou- 
rantes, des arbres et des champs cultivés : on y avait aussi con- 
struit un château d'une extrême solidité. Mouqannah le fit ré- 
parer et il y fit déposer de grandes richesses et d'immenses 
approvisionnements, dont il confia la garde à une garnison qu'il 
y établit. 

« Le nombre des Sefid Djamègan ^ devint très-considérable et 
les Musulmans ne purent leur résister. » 

€ Le bruit de cette sédition parvint à^Bagdad et le Khalife 
Mehdy en hit profondément affecté. 11 fit partir une puissante 
armée pour réduire ces sectaires, et il se rendit lui-même à 
Nichabour pour étouffer la révolte. Ce prince craignait Tanéan- 



I. On peut consulter sur ce personnage le Kamilfit Tarikh, édition de M. Tornberg. 
tomes V et VI, passim. 

a. Le mont Siam est situé dans les environs de Nakhcheb. Le poète Roudeky en cite 
le nom dans une pièce de vers. 

3. Le mot Sefid Djamègan signifie aies gens vêtus de blanc». Les historiens arabes 
les désignent sous le nom de « Moubaiydèh » qui a le même sens. 

La couleur blanche avait été adoptée par Mouqannah, soit comme emblème de la pu- 
reté de ses doctrines, soit comme marque d'opposition à la dynastie des Abassides dont 
les vêtements et les drapeaux étaient noirs. 

•y 



290 REÏ-ATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

tissement deTIslaniisme et le triomphe sur toute la terre de la 
religion de Mouqannah . 

« Celui-ci implora alors le secours des Turks ; il leur promit 
qu*il leur serait licite de verser le sang des Musulmans et de 
s'emparer de leurs biens. Attirées par Tappât du pillage^ des 
hordes accoururent du Turkestan; elles ravagèrent les campa- 
gnes, réduisirent en esclavage les femmes et les enfants, et 
massacrèrent les Musulmans. 

« Une troupe de Sefid Djamègan, qui avaient prêté serment à 
Mouqannah, parut devant Boukhara et envahit pendant la 
nuit le village de Nemdjeket ; elle tua les muezzins de la 
mosquée et quinze personnes ; puis, le lendemain, elle passa 
toute la population au fil de Tépée. 

€ Cet événement eut lieu dans le courant de Tannée i Sg (yyS) 
alors que TEmir Hussein, fils de Ma'az, était gouverneur mili- 
taire de Boukhara. 

« Parmi les chefs des bandes de Mouqannah, se trouvait un 
habitant de Boukhara appelé Hekim Ahmed. Il avait avec lui 
trois officiers, dont deux nommés Khachouy et Baghy étaient 
nés à Kouchki Fezil. Le troisième, qui portait le nom de Guir- 
dek, était originaire du Ghoudjevan. Ces trois personnages se 
faisaient remarquer par leur courage, par un esprit fertile en 
expédients et en stratagèmes et par la rapidité de leurs marches 
et de leurs mouvements. 

« Lorsque la nouvelle du massacre des gens de Nemdjeket 
parvint à Boukhara, les habitants de cette ville se réunirent et 
se présentèrent devant TEmir. « Il faut, lui dirent-ils, livrer ba- 
taille aux Sefid Djamègan. » L'Emir Hussein, accompagné par 
le Qadi Amir ibn Iniran, sortit de la ville suivi par ses troupes 
et par la population (Redjeb iSg — maiyyô). 11 s avança jus- 
qu'au village de Nerchakh, appelé aujourd'hui Nerdjaq, et il y 
établit son camp en face de l'ennemi. Le Qadi représenta qu'il 
fallait inviter les rebelles à embrasser la vraie religion, et qu'il 
ne convenait pas de les attaquer avant d'avoir fait cette démar- 
che. 



APPENDICE 291 

• Le Qadi et quelques hommes pieux se rendirent dans le vil- 
lage, pour faire rentrer les révoltés dans la voie de T Islamisme. 
€ Nous ne reconnaissons rien de tout ce que vous dites », ré- 
pondirent-ils au Qadi et, persistant dans leurs blasphèmes, ils 
rejetèrent les conseils qui leur étaient donnés. L'attaque fut 
donc résolue et l'action s'engagea. Le guerrier qui le premier 
fondit sur les rebelles fut un arabe nommé Naym, fils de Sehl. 
Il combattit pendant longtemps, tua quelques Sefid Djamègan, 
mais à la fin il succomba. Les partisans de Mouqannah furent 
mis en fuite après avoir perdu sept cents des leurs. Le lende- 
main, ils envoyèrent un député pour demander quartier, affir- 
mant qu'ils étaient devenus Musulmans. La paix leur fut ac - 
cordée et un traité stipula comme conditions : « qu'ils ne 
battraient plus les grands chemins; qu'ils ne tueraient plus les 
Musulmans; qu'ils se disperseraient et retourneraient dans 
leurs villages où ils reconnaîtraient l'autorité des chefs. » 

« Enfin, comme clause spéciale, ils devaient s'engager à obéir 
aux ordres de Dieu et à ceux du Prophète. Tous les notables 
de Boukhara apposèrent leur signature sur ce traité. 

€ Lorsque les Musulmans se furent retirés, les Sefid Djamè- 
gan rompirent les engagements qu'ils avaient pris. Ils infestèrent 
les routes, massacrèrent les Musulmans, coupèrent les blés 
encore verts et les transportèrent dans le château de Nerchakh. 
La situation des Musulmans devint des plus critiques. 

a Le Khalife Mehdy fit partir le Vézir Djebrayl ibn Yahya ' et 
le chargea de réduire Mouqannah. Celui-ci arriva à Boukhara 
et établit son camp à la porte de Samarqand. 

« L'Emir Hussein ibn Ma'az se rendit auprès de Djebrayl et lui 
dit : < Accordez-moi votre assistance pour combattre les Sefid 
Djamègan, et, quand nous serons venus à bout de cette entre- 
prise, je me joindrai à vous pour attaquer Mouqannah. > 

« Djebrayl accueillit cette demande. Il leva son camp et se di- 



I. Djebrayl ibn Yahya el Badjely est cité dans le Kamilfil Tarikh, tomes V, pages 382, 
441, 452 et tome VI pages 2G et 27. 



292 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 

rigea vers Nerchakh. Il fit creuser un fossé entre le village et son 
camp et il recommanda à ses soldats de se tenir sur leurs gar- 
des, prévoyant que les Sefid Djamègan feraient une sortie et 
les attaqueraient pendant la nuit. Les choses se passèrent ainsi ; 
mais les assaillants furent repoussés après avoir éprouvé de 
grandes pertes. 

" Le gouverneur de Boukhara, Hussein ibnMa'az, témoin de 
ce fait d'armes, exprima â Djehrayl la plus vive reconnaissance 
et il le pria de ne marcher contre Kech que lorsque Nerchakh 
serait emporté. Djebrayl yconsentit : pendant quatre mois, on se 
livra matin et soir des combats incessants. L'avantage restait 
toujours aux Sefid Djamègan et les Musulmans furent réduits à 
la dernière extrémité. 

« On chercha un expédient qui pût assurer le succès. Matik 
ibn Farim proposa de pratiquer une mine , qui partant du 
camp, aboutirait à la muraille de Nerchakh. On donna l'ordre 
à des soldats armés de creuser un fossé dont les parois furent 
consolidées avec des pièces de bois et qui fut couvert de claies 
de roseaux et de terre. On arriva ainsi jusqu'aux fondements 
de la muraille sous laquelle on fit une excavation de cinquante 
ffue^ 'coudéesj de largeur. On la soutint avec des poutres, puis, 
on la remplit de boîs sur lequel on répandit du naphie et on y 
mit le feu, pour que, les poutres une fois consumées, la mu- 
raille s'écrouldt. 

" Le manque de courant d'air ne permit pas au feu de se dé- 
velopper. On dressa alors, en face de la tour minée, des ma- 
chines de guerre avec lesquelles on lança des pierres. On pra- 
tiqua une brèche qui donna naissance à un courant d'air ; la 
flamme jaillit dans la mine, les poutres qui la soutenaient fu- 
rent brûlées et la muraille s'effondra sur une largeur de cin- 
quante coudées. Les Musulmans s'élancèrent à l'assaut, le sa- 
bre à la main, et massacrèrent une partie des défenseurs de la 
place, le reste demanda la vie sauve. On fit accord sur les mê- 
mes bases que dans le premier traité, c'est-à-dire que les Sefid 
Djamègan durent s'engager à s'abstenir de toute violence à 



APPENDICE 2g 3 

l'égard des Musulmans; à retourner dans leurs villages; à en- 
voyer leurs chefs auprès du Khalife et à renoncer à porter des 
armes. 

<• Ces conditions furent acceptées. Les Sefid Djamègan sorti- 
rent de la place et franchirent le fossé. Ils avaient cependant 
sur eux des armes cachées. 

" Le Vézir Djebrayl remit Hekim, leur chef, à son fils Ab- 
bas. " Conduis-le à ma tente, lui dit-il, et fais-le mettre secrè- 
tement à mort. " Cet ordre fut exécuté. Djebrayl regagnait 
le camp quand il vit arriver Khachouy, compagnon de Hekim, 
envoyé pour lui faire savoir que les Sefid Djamègan ne s'éloi- 
gneraient pas, si Hekim ne leur était pas rendu. 

« Khachouy, qui était à cheval et portait des bottes jaunes, 
faisait celte déclaration au Vézir, quand Abbas vint lui dire que 
Hekim avait été mis à mort. Djebrayl donna aussitôt l'ordre de 
jeter Khachouy à bas de son cheval et de le tuer. A cette 
vue, les Sefid Djamègan poussèrent de grands cris, et, sai- 
sissant leurs armes, ils fondirent sur les soldats de Djebrayl. 
Celui-ci fit monter ses gens à cheval, il s'engagea un combat 
qui fut le plus rude de tous ceux qui avaient été livrés jusqu'a- 
lors. Les Sefid Djamègan furent battus et ceux qui échappèrent 
à la mort se dispersèrent. 

" Le village de Nerchakh était la propriété d'une femme 
dont le mari, appelé Echref, avait été officier au service d'A- 
bou Mouslim qui lavait fait exécuter. On Tamena devant Dje- 
brayl. Elle se présenta accompagnée par un de ses cousins qui 
était aveugle, d'un extérieur repoussant et d'un méchant carac- 
tère. « Pardonne à Abou Mouslim, lui dit Djebrayl. » — « Non, 
répondit cette femme, on appelle Abou Mousiimie père des Mu- 
sulmans, mais il ne mérite pas ce nom, car il a tué mon mari ! 

<i Djebrayl la fil couper par le milieu du corps et il fit égale- 
ment exécuter son cousin. 

" Guirdek se réfugia auprès de Mouqannah. Baghy périt les 
armes à la main. Djebrayl fit porter dans le Soghd les têtes 
des Sefid Djamègan qui avaient succombé, afin de répandre la 



294 



RELATION DE I, AMBASSADE AU KHAREZM 



terreur parmi les habitants de cette contrée. Ceux-ci avaient 
pour chef un homme appelé Soghdian. Dans un des derniers 
engagements qui furent livrés, Soghdian fut tué par un habi- 
tant de Boukhara. Ses partisans se dispersèrent. De Nerchakh, 
Djebrayl se rendit à Samarqand et il livra dans les environs de 
cette ville de nombreux combats aux Sefid Djamègan et aux 
Turks. 

« En l'année i6i (777), il alla à Merv avec le gouverneur du 
Khorassan, l'Emir Ma'az ibn Mouslim ', De Merv, il se dirigea 
sur Boukhara en passant par le désert d'Amouy. Il fit, dans 
cette dernière ville et dans ses environs, une levée de cent 
soixante-dix mille hommes. Ma'az ibn Mouslim fit fabriquer 
une énorme quantité de matériel de guerre et il organisa un 
corps de trois mille hommes munis de haches, de pioches et de 
pelles ; il enrôla tous les gens de métier dont la présence est 
nécessaire dans une armée. Il fit aussi construire des catapul- 
tes et des balistes. Il se mit en marche et se dirigea vers le 
Soghd où lc5 Sefid Djamègan et les Turks étaient réunis en 
grand nombre. L'Emir de Hérât avait amené avec lui un trou- 
peau de dix mille moutons. L'Emir Ma'az lui dit : <• Nous 
avons près de nous les Turks qui sont nos ennemis et qui dé- 
sirent ardemment s'emparer de ces moutons. Laissez-les à 
Boukhara ou vendez-les moi, atîn que j'en fasse te partage entre 
mes troupes. » L'Emir de Héràt n'y voulut point consentir. 
Les Turks fondirent à limproviste sur ces moutons ; ils s'en 
emparèrent et les conduisirent à leur campement qui était situé 
entre Zikten et Zermaz. Les troupes se mirent à la poursuite 
des pillards, en tuèrent quelques-uns et mirent les autres en 
fuite Ma'az ibn Mouslim, après avoir, pendant deux ans, guer- 
royé contre les Sefid Djamègan et les Turks, aux environs de 
Samarqand et dans le Soghd et avoir été, tantôt vainqueur^ 
tantôt battu, demanda à être relevé de son gouvernement. 



I. On peut consulter sur eu 
tome VI, pages zC, 3i, 33. 34 « 



3iin9gc le KmiU jil l'arikh, lome V, page |53, 



APPENDICE 295 

« Il fut remplacé à Merv, comme gouverneur du Khorassan, 
par Mousseiyb ibn Zoheyr ez Zaby ' qui fit son entrée à Bou- 
khara au mois de Djoumazy oui evvel de l'année i63 (779). 

« L'Émir de Boukhara était alors Djouneïd ibn Khalid. Mous- 
seiyb renvoya dans le Kharezm,où il livra de nombreux com- 
bats à un chef nommé Gouder Tekin que Mouqannah avait 
envoyé dans cette province^ avec un corps de troupes considé- 
rable. 

« Mohammed ibn Djafer raconte le fait suivant : Cinquante 
mille soldats d'origine turke qui faisaient partie de l'armée de 
Mouqannah se réunirent à la porte du château où il résidait. 
Us se prosternèrent et demandèrent à grands cris qu'il se mon- 
trât à eux. On ne tint pas compte d'abord de leurs prières; ils 
insistèrent et déclarèrent qu'ils ne partiraient pas sans avoir vu 
leur Seigneur. 

« Mouqannah avait un esclave qui portait le nom de Hadjib. 
Il lui donna l'ordre de se rendre auprès de ces soldats. « Fais 
savoir à mes esclaves, lui dit-il, que Moïse a désiré voir ma 
face, mais je n'ai point exaucé sa prière^ car il n'aurait point 
eu la force d'en supporter Téclat. Quiconque me voit est frappé 
de mort à Tinstant. 

« Les Turks redoublèrent leurs prières et leurs supplications. 
« Nous voulons voir notre seigneur, s'écrièrent-ils^ et, si nous 
devons périr, que notre mort soit licite, v — « Venez tel jour^ 
leur fit dire Mouqannah, et je me montrerai à vous. > 

« Mouqannah avait auprès de lui^ dans le château qu'il occu- 
pait, cent femmes qui toutes étaient filles de Dèhqan du Soghd, 
de Kech et de Nakhcheb. Partout où se trouvait une fille d'une 
beauté remarquable, on la lui signalait, et il la faisait amener 
pour la garder auprès de lui. Il n'y avait, dans le château, que 
ces femmes et le serviteur intime dont nous venons de parler. 
Ce dernier ouvrait tous les jours la porte et commandait à un 



I. Mousseiyb ibn Zoheyr ibn Amr ibn Mouslim. Kamilfit Tarikh, tome V, pages 3o3, 
310,347, 348, et tome \ipassim. 



296 RELATIOS DE l'ambassade AU KHAREZM 

intendant qui se trouvait à l'extérieur tout ce qui était néces- 
saire pour les repas ; on préparait tout au dehors et on l'intro- 
duisait dans le château dont la porte était refermée jusqu'au 
lendemain. 

• Personne ne pouvait ainsi voir la figure repoussante de 
Mouqannah, recouverte d'un voîte vert. 

• Mouqannah donna à ses lemmeslordrede monter sur la ter- 
rasse du château et de se placer les unes en face des autres, un 
miroir à la main. Les soldats turks de Mouqannah ne manquè- 
rent pas de se rassembler au jour fixé. Lorsque le soleil se leva, 
ses rayons se réfléchirent sur ces miroirs et en firent jailfir des 
flots de lumière. Mouqannah dit alors à son serviteur : » Crie à 
mes esclaves que Dieu leur montre sa face : qu'ils la contemp- 
lent [ 

1 Ceux-ci, en levant les yeux, virent le haut du château res- 
plendissant de lumière; saisis de terreur, ils se prosternèrent. 
« Seigneur, s'écrièrent-ils, cette marque de ta puissance et de 
ta majesté nous suffit. Si tu les manifestais davantage, nous ne 
pourrions pas en supporter la splendeur! ■■ Et ils restaient la 
face contre terre. Mouqannah donna l'ordre à son serviteur de 
leur dire ces mots : <■ Que mon peuple se relève! Moi qui suis 
son Dieu, je suis satisfait de lui et je lui pardonne ses péchés ! » 
Ces gens se tinrent debout pleins de crainte et d'angoisses. » Je 
vous accorde, ajouta-t-il, la possession de toute la terre ; je vous 
autorise à verser le sang et à réduire en esclavage les femmes et 
les enfants de ceux qui ne croiront point en moi. ■ Ces Turks 
s'éloignèrent pour aller se livrer au pillage, et ils se faisaient 
gloire auprès de leurs coreligionnaires d'avoir vu la face de 
Dieu. 

• L'Emir de Hérât fut chargé par Sayd ' de faire le siège du 
château de Mouqannah. Une nombreuse armée en fît l'investis- 
sement. On construisit des maisons et des bains, afin que l'ar- 
mée put rester au siège l'été et l'hiver. 



I. Sayd ibn Amr, bin e] K»ioucd el Harachy. Kamiijil l'arikh, I 



APPENDICE 297 

• La place se composait d'une enceinte fortifiée dans laquelle 
il y avait des eaux courantes, des arbres et des champs cultivés. 
Elle était défendue par des officiers de confiance qui avaient 
sous leurs ordres des troupes aguerries. Dans cette enceinte 
s'élevait un cliâteau fort, hàti sur le sommet de la montagne, et 
dans lequel personne ne pouvait pénétrer. Il était la résidence 
de Mouqannah et de ses femmes; il avait l'habitude de prendre 
ses repas avec elles et de se livrer, en leur compagnie, aux 
plaisirs du vin. 

" L'Emir de Héràtpressa vivement la garnison et la mit en dé- 
route dans toutes ses sorties. A la fin, le chef qui commandait 
la première enceinte fit sa soumission, ouvrit les portes et em- 
brassa l'Islamisme. Les Musulmans prirent possession de l'en- 
ceinte extérieure, et Mouqannah reconnut alors qu'il ne pour- 
rait pas conserver le château intérieur. 

" Mohammed ibn Djafer cite les faits suivants qui lui avaient 
été rapportés par Abou Aly Mohammed ibn Haroun, person- 
nage considérable de la ville de Kech : 

« Mon aïeule, racontait celui-ci, était une des femmes que 
Mouqannah s'était réservées et qu'il gardait dans son château. 
Un jour, disait-elle, Mouqannah nous réunit pour manger avec 
lui et nous livrer, selon la coutume, aux plaisirs du vin. Il 
fit donner à chacune de ses femmes un gobelet rempli d'un vin 
dans lequel on avait mis du poison. « Quand je viderai ma 
coupe, leur dit-il, vous devrez imiter mon exemple. » Elles se 
conformèrent toutes à cet ordre, excepté moi qui, en cachette, 
versai dans mon sein le contenu de mon gobelet. Après avoir 
bu, toutes les femmes tombèrent et expirèrent sur le champ. Je 
me laissai choir au milieu d'elles, et je contrefis la morte sans 
exciter les soupçons de Mouqannah qui se leva, jeta les yeux au- 
tour de lui et alla trouver son serviteur. Il lui asséna un coup 
de sabre et lui abattit la tctc. Il avait, depuis trois jours, fait 
chauffer un brasier; il se dépouilla de ses vêtements et se jeta 
dans le feu. li s'en éleva une colonne de fumée. Je m'appro- 
chaide ce brasier,etjen'aperçusaucune trace de Mouqannah. » 



i 



298 RELATION DE l'aMBASSADE Al' KHABEZM 

■< Voici le motif qui le détermina à se précipiter dans cette 
fournaise. Il ne cessait de répéter : < Lorsque mes esclaves 
seront rebelles à ma loi, je monterai au ciel et j'en ramènerai 
des anges pour les châtier. » 11 se voua à la mort, atin que le 
peuple pût dire : Mouqannah est allé au ciel et il viendra nous 
secourir avec les anges et il fera fleurir sa religion dans le 
monde entier. 

" Les portes du château furent ouvertes, et Sayd elHarachy 
enleva tous les trésors qui y étaient entassés. 

c Ahmed Ibn Mohammed ben Nasr affirme qu'il existe encore 
des sectateurs de Mouqannah dans les districts de Kech et de 
Nakhcheb et dans quelques villages des environs de Boukhara, 
tels que Kouchki Orner, Kouchkî Khochtouvan et Zermaz. Ils 
ne savent rien au sujet de Mouqannah, mais ils suivent les 
préceptes de sa religion. Ils ne font point la prière, n'obser- 
vent pas le jeûne, et ne font point le ghousl 'ablution générale; 
après avoir rempli leurs devoirs conjugaux. Ils dissimulent 
leurs pratiques aux yeux des vrais croyants, et ils affectent les 
dehors de sectateurs de l'Islam. 

" On assure qu'ils permettent à leurs femmes de se livrer à 
qui leur plaît. « La femme, disent-ils, est comme la rose; on 
ne peut empêcher personne d'en respirer l'odeur. » 

< Lorsqu'un homme entre chez une femme pour jouir de ses 
faveurs, il fait une marque sur la porte de la maison afin que le 
mari, s'il survenait, s'abstienne d'y entrer. Celui-ci ne rentre 
chez lui que lorsque l'étranger est parti. 

• Il y a, dans chaque village, un Reïs (chef) dont ils recon- 
naissent l'autorité. 

« On raconte aussi que, dans chaque village, un homme est 
chargé de déflorer les jeunes filles, avant qu'elles ne soient re- 
mises aux mains de leur mari. 

« J'ai, dit Ahmed ibn Mohammed ben Nasr, demandé aux 
vieillards de ces villages pourquoi ils livraient à un seul homme 
un bien aussi précieux et pourquoi ils en privaient les autres. 
On a pour règle, me fut-il répondu, de permettre aux jeunes 



i 



APPENDICK 299 

gens arrivés à l'âge viril de satisfaire leurs passions sur cet indi- 
vidu. On lui permet, en récompense, de passer la première nuit 
avec chaque nouvelle mariée. Quand il est affaibli par Tâge, on 
lui donne un remplaçant. Tous les célibataires de chaque vil- 
lage en usent de la sorte avec ce personnage qui porte le nom de 
Çoukancèh Je n'ai pu m assurer par moi-même de l'exacti- 
tude de ces faits, mais je les ai entendu raconter par les vieil- 
lards de ces villages et par les gens qui habitent les mêmes lo- 
calités. 

< Que Dieu nous préserve de pareilles abominations! « 



FIN DE L'APPENDICE 




p ■ 

• 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



INDEX 

ALPHABÉTIQUE 



Abbas Abad (défilé d* — }, 21. 

Abbas Bay, 319. 

Abbas, fils de Djebrayl, 293. 

Abbas Mirza, xviii, 81 note, 81 n.« 172, 202, 

212 n. 
Abbas Qouly. 113. 
Abbas Qouly Khan, 27 n. 
Abbas Qouly Khan Derèh Guèzy, 172. 
Abbassides, les —, zii, 101, 107, 140, 169 

n., 289 n. 
Abdal Idjmek, les —, 62 n. 
Abdallah (porte d' •— à Cheheri Sebz), 

157 n. 
Abdallah es Safiah, 101. 
Abdallah ibn Wahib, 107 n. 
Abdoul Azhim, voy. Chah Abdoul Azhim. 

Abdoul Aziz, 101. 

Abdoul Aziz (Flmam EdjelU}, 258. 

Abdoul Djebbar, 287. 

Abdoul Ghafifar Qazwiny, xx. 

Abdoul Kerim, 173 n. 

Abdoullah (le Qadi — de Khoqand), 139. 

AbdouUah el Afthah, 102 n., 103 n. 

Abdoullah, fils d'Amir, x. 

Abdoullah ibn Amr, 288. 

Abdoullah Khan de Boukhara, xiii. 

Abdoullah Mahrem, 219. 



Abdoullah Mohammed, voy. Ghandjar el 

Boukhary. 
Abdoul Lethif ben Aby Thalib Nour oud 

Din Chouchtery, 25 n. 
Abdoul Medjid (Le Qadi), J47 n. 
Abdour Rahman, frère de Qoutelbah, x. 
Abdour Rahman Djamy, voy. Djamy. 
Abdour Rahman Esferayny, voy. Nour 

oud Din Abdour Rahman Esferayny. 
Abi Amouy, 152, voy. Djihoun. 
Abi Khour (riv.), 55 n. 
Abiskoun. xii, 46, 47, 57 n., 59, 140, 152, 

153. 
Abiverd, 126. 

Abou Abdallah Djafer, 102 n. 
Abou Abdillah Mohammed el Boukhary, 

257. 
Abou Aly Cheqiq ibn Ibrahim (le Cheikh 

-), 170 n. 
Abou Aly Mohammed ibn Haroun, 297. 
Abou Bekr (le Khalife — ). 100 n., 105. 
Abou Bekr Mohammed ibn Djafer Ner- 
chakhy, 140 n., 156 n , 166 n., 257, 258, 
259 n., 267. 271, 282, 286, 295, 297. 
Abou Djafer Aly ibn Hussein, 155 n. 
Abou Djafer Dewaniqy (FEmir — }, 287. 
Abou Hafs en Nessefy, 158 n. 
Abou Hafs Kebir, 146 n. 
Abou Hafs Soghdy, xxiii. 
Abou Ibrahim, 166 n. 



3o4 



RELATION DE L AMBASSADE AL KHAREZM 



Abou Uhaq ibn Ibrahim, fils de Khalid, 

270, 271. 

Aboo Uhaq Ibrahim el Islhakhiy, voy. 

Itthakhiy. 
Abou Karib Chamar, 157. 
Âbool Abbas Ahmed el Serakhsay, 107 n. 
Aboul Abbas D)afer el 11 oustaghûry, roj. 

Diafer el Moustaghfiry. 
Aboul Abbas ibn el Fadhl bin Soulejrman, 

277. 
Aboul Abbas Mamoua,yui, ix, xi, zxi, xxu. 
Aboul Berekat, 81 n. 
Aboul Djennab, Thammet el Koubia, 

Nedjm oud Dio Ahmed ben Amr (le 

Cheikh — ), voy. Nedjm oud Din Kou- 

bra. 
Aboul Faradj Medjzoub (le Cheikh — ) 

141. 
Aboul Faradj Qoudamah, 57 n. 
Aboul Fazhl Beyhaqy, voy. Beyhaqy. 
Aboul Fazhl Hassan, 85 n. 
Aboul Fazhl Serakhssy, 172. 
Aboulfeda, 168 n. 
Aboul Feth Bosty, 123 n. 
Aboul Feth Khan, 103 n. 
Aboul Feth Mohammed ibn Abdoul Ke- 

rim Chehristany, voy. Chehristany. 
Aboul Ghazy (Sulun — ), xiii. 
Aboul Harith Mohammed, xi, 123 n. 
Aboul Hassan Aly ibn Hamzèh bin Weh- 

has (le Chérif — ). 150 n. 
Aboul Hassan Aly ibn Ismayl el Achaiy, 

voy. Aly el Achary. 
Aboul Hassan Ariz, 271. 
Aboul Hassan Ferroukhy Sistany, xxi , 

xxiii, 123, 151 et suiv., 254. 
Aboul Hassan de Nichabour, 150 n., 259, 

271, 272, 282. 

Aboul Hassan Saïd el Djourd jany, 165 n . , 

voy. Sa*id ben Aly el Djourdjany. 
Aboul Mouzhaffer Thahir Tcheghany (VE- 

mir}, 252, 258. 
Aboul Qassim Mahmoud ibn Omar, voy. 

Zamakhchary. 
Aboul Wefa Mohammed ibn Mohammed 

bin Qtssim, 161 n. 
Abou Mouslim, 145 n., 269, 270, 285, 287 

et suiv. 
Abou Nasr Ahmed, 193 n. 



j 



Abou Nasr Faraby, 166. 

Abou Nasr ibn Ahmed el Qobady, 258. 

Abou Nasr Kondoury, 167. 

Abou Nasr Parsa, 170 n. 

Abou n Nedjm Ahmed, 30 n., voy. 

chehry. 
Abou Rechad Ahmed ibn Mohammed beiC 

Qassim, 161 n. 
Abou Rouh Issa el Héréwy, 174 n. 
Abou*r Reîhan Mohammed el BinHnqrf 

voy. Birouny. 
Abou Salih Mançour, 258. 
Abou Sayd Behadir Khan, 162 n. 
Abou Sayd el IJrissy, voy. Idrissy. ~*\ 

Abou Sayd Medj oud Din Cheref iba ^4 

Moueyyed, voy. Medj oud Din Ba|(li« 

dady. 
Abou Sofian, 101. 
Abou Thahir, xi. 
Abou Thahir Khan, xiv. 
Abou Thalib, 101. 
Abou Youssouf Yaqoub Hemdany (le. 

Cheikh — ), 142 n. 
Abou Zeyd el Balkhy, 256. 
Açar oui BilaJ, 143 n., 223 n., 256, 286. 
Acef oud Daoulèh, voy. Allah Yar Khan. 
Achagha bach, les —, 59. 
Achary, les —, 102. 
Adam, 285, 287. 
Adily (le poète —). 170 n. 
Adjalb oui Makhlouqat, 240, 211. 
Adjela, les —, 169 n. 
Adoun Ata, 65, 66. 
Afghanistan. 1* —, 27 n., 128 n. 
Afghans, les —, 173, 189. 
Afrassiab, 29, 121, 145 n., 146 n., 222 n., 

271. 
Afthahièh, les —, 102. 
Aga Mehdy Chah Kouhy, 202. 
Aga Mirza Aga, xxii. 
Aga Mohammed Chah, xvi, 17, 31, 34 n., 

30, 45, 97 n., 103 n., 193, 201, 204, 250. 
Aga Riza, xx n. 
Ahevan, S04. 

Ahmed Djouzqany (le Cheikh — ), 142. 
Ahmed el Meniny, 123 n. 
Ahmed, fils de Mohammed Leis, 270, 271. 
Ahmed (Seiyd — ), fils de Mohammed Re- 

hira Khan, 178. 



INDEX ALPHABETIQUE 



•1 " 



Ahmed ibn Hassan el Outby, voy. Outby. 
Ahmed ibn lahja ben Djabir el Beladsori, 

voy. Belazoury. 
Ahmed ibn Mohammed ben Nasr, 998. 
Ahmed ibn Mohammed ben Nouh, 258. 
Ahmed Khizhrouièh (le Cheikh •— ), 170 n. 
Ahmed Khodja (Seiyd •— ) , Naqib de Bou- 

khara, 119, 130, 300, 306. 
Ahmed Razy, 8d n., 166 n., 3il. 
Aïnèh Verran, 13, 15, 17 n. 
Ain oud Daoulèh Qjaradjèh Bek, 373. 
Akhal, 89 n., 109, 113, 314. 315. 
Akhbar Mouqannah,^86. 
Akhound Ata Djan, 76. 
Akhssiket, 161. 
Alah, 65. 

Alains, les — , 57 n. 
Alamout (château d* — ), 108 n. 
Aîamy, 148 n. 

Ala oud Oin Mohammed Djouwelny, 140 n. 
A'iem (titre honorifique), 76. 
Alexandre le Grand, iv, 57 n., 99, 171, 

174. 
Alexandrie, 148 n. 
Alhagi (plante), 68 n. 
Ali Aba (la fomille du manteau;, 101 n. 
Alim, 160 n. 

Allah Nazhar Khan (tribu d* — ), 196. 
Allah Qouly Khan, xiv, 87, 127, 159, 176, 

319. 
Allah Qouly Yuz Bachy, 219. 
Allah Yar Khan Devalou, xiv, 98 n., 109. 
Alp Arsian, vin, nr, 168 n.,331. 
Alp Tekin, 373. 
Altountach, v, xi. 
Alyâbad (ville et plaine), 26, 37. 57 n., 

169 n. 
Aly Allahy, les —, lOG n. 
Aly Bay, 69. 
Aly el Achary. 102 n. 

Aly (rimam — ), fils d'Abou Thalib, 4, 27 
n., 101, 103 n., 103 n., 104-107. 140,220. 
Aly, fils de Hussein, 103 n. 
Aly, fils de Mamoun, ix. 
Aly. fils de Moussa er Riza, 110, 111. 
Aly Hemdany (FEmir —), 170 n. 
Aly ibn Issa Mahan. 169 n. 
Aly ibn Rezin, 239, 243. 
Aly Lalay, voy. Rezy oud Din Aly Lalay. 



Aly Murad Khan, 103 n. 

Aly Qouly. fils de Riza Qouly Khan, xxin, 

61, 104. 
Aly Qouly Khan Efchar (rEmiri Pent- 

chèh), U»l, 108, 190. 311. 
Aly Riza (l'Imam), 213, 214. 
Aly Tchechmèh, 63 n. 
Amid (montagnes d* — ), xii. 
Amir ibn Imran (le Qadi — ), 290 
Ammar, fils de Khacyb, 334. 
Ammar lasir Bedlissy, 141. 
Amol, 29, 30, 33. 
Amol ech Chatt (Amol de la Transoxianc), 

III, IV, VI. 152 n., 256. 
Amol el Mefazèh, m, voy. le précédent. 
Amou Deria, Amu Oaria, voy* Djihoun. 
Amouy. 152 (le désert d* — ), 294. 
Amouych. V — 125, voy. Ojihoun et Amouy. 
Amrou Choubekhy, 288. 
Amyd Essa'ad, 252, 253. 
Amyd oui Moulk, voy. Abou Nasr Kon- 

doury et Rechid (l'Emir — ). 
Anatolie, T — , 11. 
Ançars, les —, 105 n. 
Anezan (bulouk d* — ), 41 n., 42, 47 n. 
Angleterre, V —, 97. 
Anouchtekin, xi, 124. 
Aq, les —, 58 n., 193, 19i, 195, 197. 
Aq Beyat. les — , 87 n. 
Aq Derbend, 90, 172, 215, 216, 220. 
Aq Derbendy, les, 113, 179. 
Aqindjy, xi. 
Aql Namèh, 143 n. 
Aq Mesdjed, 62 n. 
Aq Qalèh, 45, 59, 60. 

Aq Qourghan, 65 n , 151 n. 

Aqra' (mont), 333. 

Aq Tèpèh, 137. 

Arab. les —, 03 n. 

Arabes, les —, 170 n., 230, 259, 201, e02, 
267. 

Arab Mohammed Sultan, xiv. 

Arab Soubhan Qouly, xiii. 

Aral (mer d' — ), m, 151, 152, 153 n. 

Aran, 160 n. 

Araq, 160 n. 

Ararat (mont — ), 244, 245. 

Araxe, 1* — , 25 n , 59, 345. 

Arazy, 230 n. 



3o6 



RELATION DE I. AMBASSADE AU KKAREZM 



Arcy Todd, E. d' -, 18 n., 33 n., U n. 
Argân, voy. Arredjan. 
Argoun Klun, 81 n. 
Arménie,!' —, 11, îii, Ï15. 
Arna (canal d' )— , vu. 
Arouchinùh, voy. Ousrouchinêh. 
Arouzhy Samerqandy, m. 
Arredjsn, 131, n. 

ArMcic, 330. 

ArsIanChâh, viii, ii. 

Arslan Khan Mohammed, 1G7 n-, 373, 

373-278. 
Aryq, les —, !>S n. 
Aidjcdy, ui. 

Aryq Saqally, les — , S8 n. 
Aaud, les — , 170 n. 
AssastiDs (l'ordre des — }, lû8 n., voy. 

Israaity. 
Assemani, 330. 
Asser (iribu d' — ), îl5. 
Astracan, 3î. 
Ata, les —, 63 n. 
Ata Bay. les —, 58, 181, 193-100. 
Ala Khan, les —, 106. 
Ataligh, voy Tour&h Ataligh. 
Ataliq, les —, ziv. 
Ata Niaz Mahrem (envoyé du Khan de 

Khareïm), iv, 6, 8, 3, 33, .'il, 67, /U. 76, 

Kî.Ol, 92, 01, 98. 111-116, 1.T8. 
Alou {canton J' — }, îM. 
Avend, 16. 
Avsuc, M. d' —, III. 
Ayaz Ouymaq, 3^1. 
Ay Dervkh, les — , GJ n, 
Ayrtam, 09. 

Azcr(Ie vent d' -),3it n. 
Azerbaïdjan, 1' —, 11, 2:1 n, 30 n. , 87 n., 

161 n.,S10 n. 
Aziz Neesely [le Cheikh — ), 151. 



Baba Kemal Djendy, 112,16 
Ltab Arsian, 63 n. 
liabcr (Sultan — ), iiu. 



Babi AbËh Sar, Babi Adinèh, Babi De- 

finib, Babi Kachan, Babi Zindiir (portes 

d'Akhasiket), IGI n. 
IJab Ibn Semend, Bab Ibn Hikmet, Bab 

Kclian, Bab Zamin (portes d'Ousrou- 

chinèh). 161 n. 
Bab oui Ebouab (mer de — \ 50; (mur 

de— ), 150 n., 356. 
Babys, les —, î7, 108. 
Badakhchan, 11, Ibi. 
Uadghis, 160 n. 

Badièhi Khourdek (Kerminih', 156 n. 
Badraq, les —, Ci n. 
Bagdad, v, vu, 111, 287, 389. 
Baghi Chah, 17, 18. 
Baghi Echref, 30, 37 n., 38. 
Ba|th1an,169 n. 
Baghsan, 168 n. 
Baghy, 3D0, 303. 
Bahri Khazcr, SO. 
Bahr oui Haqaiq, m. 
Baihaki. voy. Bcyhaqy. 
Baker (Valentinc—), 173 n. 
Bakhtiar, 58 n. 
Bala Peleng, 13 n. 
Bala Qalùh, ^03 n. 
Bala Tidjan (Bulouk de -), 36 n. 
Balducci Pegolotli, xu. 
Baliqtchy, 163 n. 
Da)is, 107 n. 
Balkh, V, v![, 133 n.. 113 n., 109, lii8 n , 

109, 170, 323, 252, 253 n., 387. 
Balkhan, le -,63 n. 
Bamian (province de — ), 169 n. 
Bamiyan (dansTHindou-Kouh), 13 n. 
Baqat, les —, 62 d. 
Baqian, 159. 

Baqy (le poète — ), 170 n. 
Sarbier de Meynard, 220. 
Barfourouch, ivii, 33 n., 23 n., 25, 36 n., 

37 n., 31, 33, 39 n. 
Bai^uini Firakh (lac), 167 n . 
Barkiarouk, xi. 

Barmck, 169 n. Barmécides, Us —, IG3 n. 
Baïaq Qoum (désert), in. 
Bathiny, les —, 108 n. 
Bithinyèh. les —, 102 n. 
Bayssoun, 155. 
Becanus, 211. 



INDEX ALPHABETIQUE 



307 



Bêcher, fils de Taghchadèh, 2C9. 

Bedjeher, 169 n. 

Bedr (bataille de — }, 107 n. 

Bedy Mounchy, 125. 

Bedj OU2 Zeman HamaJany, 123 n. 

Bedy ouz Zeman (le jardin de — ), 51. 

Bedy ouz Zeman Mirza, 44. 

Behadir Khan Derèhguèzy, 213. 

Behbehan, 61 n. 

Behmen, 174, 22?. 

Behmcn Mirza, xxi, 123 n., 243 n. 

Behram Chah (le sultan ~), 142 n. 

Behrouz, 142 n. 

Beit outh Thiraz (à Boukhara), 283. 

Beizhavy, 29 n. 

Bek Ârblan, 67. 

Bek Djan, voy. Chah Mourad Bck, IGO. 

Bek Djan Mahrem, 88, 111, 115, 219. 

Bek Mourad Bay, 219. 

Bek Niaz Mahrem, 115, 21G. 

Bektach, xix. 

Bektach Naméh, voy. Goulistaiii Irem. 

Belassaghoun, 165, 160 n. 

Belazoury (Beladsori), 2.10 n. 

Belissan (porte et bazar à Rey), i>3-2. 

Bellew, M. 161 n. 

Benaket, 162, 165 n. 

Benamket, 160 n. 

Bend, le — (du Gourgan}, 195, 196, 

198. 
Bender Abou Cheher, C8 n. 
Beng, le —, 128. 
Bengale, le —,11, 133. 
Béni Mamoun (dynastie des — ), v. 
Béni Se*idèh, les —, 105. 
Beniyat, 969, 270. 

Benou Temim (tribu de — ), 170 n. 
Beratekin, voy. Fcratekin. 
Berbery (les Seiydi, 27. 
Bergeron, Pierre —, xii. 
Bestham, 25 n., 30, 79 n. 
Bethaq (porte de —, à Rcy\ 232. 
Beyat (tribu de — ), 87. 
Beydoun, 259,261, 271,272. 
Beyhaqy, iv, v. 

Biaghou, voy. Qara Djourin Turk. 
Biberstein Kazimirski, M. de —, xxii. 
Bîbi Chirvan, 62 n. 
Biby Cheher Banou (mont.), 233 n. 



Bichèhi Narvcn (ancien nom du Mazan- 

deran), 30. 
Bijcn, 222. 

Bikcnd, 106, 1G7, 257, 258 n., 200-265. 
Birouny, iv, v, vi, 
Bivcrasp, 239, 241. 
Bland, N., 210 n. 
Bodc, M., 27 n. 

Bouddhisme, le — (à Boukhara), 258. 
Boudjnourd, voy. Bouzoundjcrd. 
Boukhara, ix, xi, 7, 70, 82, 83. 100, 100, 

117. 119, 125, 128, 132, 115, UG, 152 107, 

171, J88, 224, 250 et suiv., 290-208. 
Boukharcs, les —, 110, 176. 
Boukhar Khouda. les —, 257 n., 258, 261, 

267-269. 
Boimiehcn, 12, 13 n. 
Boumchket (Ousrouchinch), 160. n. 
Bouqidjch, les —, 63 n. 
Bourany (mets), 116. 
Bourhani Qathi, xxiii. 
Bouriah Qoutchin, xii. 
Boutek. 260. 
Bout Khani'h, xxi. 
Bouvvch (canal de — ), vu. 
Bouzoundjcrd, 66, 81 n., 98. 
Bulgares (le pays des — ), 222. 
Burncs, A., 42 n., 89 n., 90 n., 111 n. 



Caire, le —, 10. 

Caramanie, la —, 11, 61 n. 

Casbin, voy. Qazwin. 

Caspienne (mer — ), 23 n., 25 n., 28, 29, 32, 

33, 39, 44-46, 50, 59, 6i n , 89 n.. 111 n.. 

140, 151, 153, 213, 247, 250, 256. 
Cazan, 151 n. 
Chûch, 05 n,, IGO n., 105, 100 n., (riv.), 

101 n. 
Chafibh, 148 n; 
Châhâbad (canal de — ), vu (localiic), 

56 n.» 137. 
Chah Abbas, xiv, 21 n., 23 n., 25, 2G n., 

o5, 3C, 39 n., 10 n., 42, 205 n , 23i». 
Chah Abdoul Azhim (village), 20G» 



3oS 



RELATION DK L AMBASSADE AU KHAREZM 



Chlh Hussein 305 n. 

Châhidjan, 111, voy. Merv 

Chah Ismayl, itii, 85 n. 

Chah Kouh, 200, îOi. 

Chah Maurad B«k, 100. 

Chah Murad Oulnaq, 21). 

Châli Naméh, 253 n. 

Châhrek (vallée de — !, 5G d. 

ChJhroud. n., 13 n., !ô n.,3a5 n. 

Chah Roukh, fils de Tamerlan, lOi, 174. 

ChâhroukhiÈh. voy. Benaket. 

Châhroukhiih (fleuve de — ), 153, voy. 
Sihoun. 

Cbdhroukh Khan Qadjar, 150. 

Chàhroukh Mina, 1G5 n., IGS n., 171 n. 

Chah Sanem, Gft. 

Chah Thahmas. &'i n. 

Châhy, le — (monnaie), 9 n. 

Chahyoun, voy. Emir Khan Chahyoun. 

Chah Zadèh Abdoul Aihim, voy, Chah 

Abdoul Azhim. 
Chamar Kend, 157, 
Chapour Zoul Ekiaf, 171 it. 
Chardin, 39 n., 40 n.. Cl n. 
CharUtan (à Boukhara), ^.'i. 
Château des Indiens (à Baikh), lliO n. 
Chebistcr, 13G n. 

Chehab oud Din (leVc/ir -). 273, 
Chuhab oud Din Aboul Ncd)ib Abdoul 

Qahir Souhcrverdy, lit n. 
Chchaboud Din Mohammed Ne3sawy,U0n. 
Chuher (à Boukara), 25:.. 
Chehcruki nao (vallée de —), .'Hi n. 
Chehcri Sebi, LjI, 157, 159. voy. Kwh, 
Chchcrisiany Roui y n (Si kend), 1G7 n. 
Chchinchdh Namih, 201 n. 
Chchristany, lOi n. 
Chcibany Khan, voy. Mohainmod Khan 

Chclbany. 
Cheikh Abou Aly Chu^i.]. Cheikh Aboul 
Eazhl Hassan, clo., tic, voy, Abou Aly 
Chcqlq, Aboul Fazhl Hassan, clc, etc. 
Cheikh Cheref (le tombeau de — ), 119. 
Cheikh Thabarssy, ÎG, Î7 n. 
Chcmiran, 10, 79 n., 131. 
Chems Abad, 382. 
Chems Fakhiy, xxiii. 
Chems oud Din Mohammed d Mouqa- 
dcssy, voy. Mouqadcssy. 



Chems oui Aymmèh, 85 n. 

Chems oui Moulk Nasr ibn Ibrahim, 

276, 28Î. 
Chera. 2G1. 

Cherel, voy. Cheikh Cheref. 
Cheref Namih, uni. 
Chibourghan, 169 n , 170, 216. 
ChiUËh. 121. 
Chine, la —, 11, 185 n., 108 n., 221 n., 

201, 205. Chinois, les —, 161 n., IGf 
Chirâbad, 155. 

Chtr Aly Khan Kboqandy, 163. 
Chiraî, ivir, xxt, 28, 5>, 201 n. 
Chirdarboun, 43 n. 
ChirgSh, 23 n., 24-27. 
Chiri Kichver, î8l. 
Chir Kebir. 183 n. 
Chirvan, 10, 61, 81; Chirvan, le — , 

150 n., 250, 
Choubekh, 288. 
Chouchier, Si n. 
Choudja ous Salihanèh, Hassan Aly M 

(le Nevvab).xvii, 70, 98. 
Clavijo (ambassadeur de Henri 111 de C 

lille), 159 n. 
Constant! no pie, 7, 62, 67. 
Conolly, 183 n. 



te. P., 



.,235. 



Cureton M. W., lOÏ n 



DabiUan oui Me^ahib, 106 n, 

Dach Verdy, 65. 

Daghestan, le —, 11. 

Damas. 169 n. 

Damghan.30, 07 n., 203 n. 

Damoan, voy. Dcmavend. 

Dan (tribu de — ), 315. 

Daniel {le prophète — ), 61 n., 158. 

Daouict Abad, SOI. 

Daoulet Chah, 155 n. 

Daoulet Niai Yuz Bachy,2IO. 

Daoulet Yar By. 319. 

Daqiqy, «i, 253. 

Dara (la cour de — ), 188, 



INDEX ALPHABETIQUE 



309 



Darab, Gl n. 

Darius, 99. 

Darougha, xiii. 

Darougha Mahrem, le —, 319. 

Dar oui Merz (Mazandcran), dû. 

Dary, les — , 63 n. 

Dauguendjèh, les — , 58 n. 

Dayèh, voy. Nedjm oud Din Razy. 

Daz (tribu de —), 6*2 n. 

Dazakh, 159. 

Debous, 260. 

Dechtck, 280, 281 . 

Dechti Qiptchaq, le —, m, 159, 162 n., Iô3. 

Defrémery. C, xii. 

Dchanèh, les — , 62 n. 

Deheky Nao (bazar de —, à Rey), 232. 

Dehistan, le —, 30, &1 n., 182 n. 

Dèh Nemek, 205. 

Dèhqan, les —, 261, 262, 266-269, 295. 

Deilemites de Z}'ad Guilany (dynastie des 

— ), XXI, 30 n. 
Dcly Tchay, 17, 18. 
Demavend (montagne), 12 n., 13 n., 15-17, 

36, 239 et suiv. 
Demavend (ville), 246, 247. 
Denbavend, 239, voy. Demavend (mont). 
Derber.d, 59, 256. 
Dcrdy Qouly Khan. 185. 
Derèh D)ez, voy. le suivant. 
Derèh guez, 82, 99, 111, 113. 
Derghan, ix. 
Deri Ahenin, Deri Chanstan, Deri Qas- 

saban (portes de Cheheri Sebz), 157 n. 
Deri Gharby. Deri Maabed (portes de Bou- 

khara). 279. 
Dervazèhi alef fourouchan, Dervazèhi Ghou- 

rian, Dervazèhi Maabed (portes de Bou- 

khara), 146 n., 26^ 271. 272. 
Dervazèhi Ballathin, Dervazèhi Charistan 

(portes d'Ousrouchinèh), 161 n. 
Dervazèhi Daoulet, 193, 221. 
Destan, 157. 
Devalou, les —, 97. 
Dibavend (Demavend), 16. 
Dinar (monnaie}, 9 n. 
Diodore de Sicile, 234 n. 
Divi Sefid, 23 n. 

Divs. les —, 16, 21, 23 n., 29, 122, 190. 
Divan de Riza Qouly Khan, xix. 



Divan oui Edeb, 16C n . 

Dizek, 160 n. 

Djadjroud, 9, 11. 

Djafer (flmam — ), 102 n. 

Djafcr Abad (fort de — ), 196, 199. 

Djafer Aga, 173. 

Djafer Aga Djelalr, 214, 215. 

Djafer Aga de Kelat, 88, 89, 219. 

Djafer Bay (tribu des — ), 53 h., 54, 58, 
62 n., 196, 197. 

Djafer el Moustaghfiry, 158 n., 257. 

Djafer es Sadiq (l'Imam — ), 57 n. 

Djafer ibn Mohammed el Moustaghfiry, 
voy. Djafer el Moustaghfiry. 

Djafer ibn Mohammed cr Razy, 234. 

Djafer Khan, 79 n, 

Djafer Khan :de la dynastie des Zend), 
103 n. 

Djafer Qouly Khan (de Bouzoundjerd), 98. 

Djafer Qouly Khan Emiri Pentchèh, 53. 

Djafer Qouly Khan, fils de Riza Qouly 
Khan, xxiii. 

Djafer Qouly Khan Qadjar, xvi. 

Djafer Qouly Khan Qaradjch Daghi, 84. 

Djater Qouly Kurd, 109. 

Djaghatay, xiii. 177. 

Djami out Tavarikhy 110 n., 102 n. 

Djamy, les —, 113, 179. 

Djamy (Abdour Rahman), 141, 142, 172 n. 

Djanbeglou (tribu kurde de —\ 26 n. 

Djar oullah, voy. Zamakhchary. 

Djaroun, 61 n. 

Djebèh Nouyan, 140. 

Djebrayl ibn Yahya (le Vézir — ). 291-294. 

Djelalr (dynastie de — ), 162 n. 

Djelal Khan, fils de Mohammed Khan, xiii. 

Djelal oud Din, 146, voy. Mewlana Djelal 

Din. 
Djelal oud Din Baghdady, 164 n. 
Djelal oud Din Mangouberty, (Histoire 

du Sultan — ), xii^ 140 n. 
Djem, 173. 

Djemal oud Din Abou Amr Osman ibn 
Omar bin Abi Bekr bin Younis, voy. 
Ibn Hadjib. 
Djemal oud Din Chah Cheikh Abou Ishaq 

IndJGU, XXIII. 
Djemal oud Din Souheyl, 142. 
Djemchid, 89 n. 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



3 10 

Djemchid)', let -, 83, 90, 111, 113, 179, 
Ht. 

Djend, It». 

Dienguiz Khan, vi, ii, xu, CO, 99. 139, 
110, ICI n.,171n., K5. 373. 

DjerJûur. le — (canal), viii, 150 n. 

Djerib (mesure de turbce; , 41 n. 

Djeri Goulbad, 41, 13. 

Djibal, le—. Wî, Î39. 

Djiguerbend, ii. 

I^ihanguir Kbodja, mil, 101 n. 

Djihan Koucha, 110 n. 

Djiban Numa, 8t n., 85 n., 150 n., 157 n., 
Ifiln., I6.'> n., laSn., IGRn. 

Djihoun, le —, m, v, vu viii, RG. 09, 121- 
IM, 131. 132. 110, 112, 111,119 n., 150- 
150, 106 n. — 109. 176, 160, ÎO», 3», 
215, 256, ÎVJ, 261-201, 271, ÎS9. 

I^innet, 7, 8. 

Diînn, SakbrËh, IG. 

Djond (le lac du — ), ir)î. voy. mer d'oral. 

Djordjan, 57 a. 

Djoudj]', IX n-, XII. 

Djouhfah, 105 n. 

Diouncld ibn Khalid, 295. 

Djourdjan, 30, 10, 17 n., 57 n., 58, 

Djourdjanièh, voy. Gourgandj. 

Diourgan, 1G9 n. 

Djouy Mevalian, 280, 281. 

Ojouzdjan (province de — ), 123 n, 

Doqmèh Persan», les —, 88. 

Dormcr Colton (Sir , 23'J. 

Dorn. M., 21 n.. 27 n.. 17 n., 

Dott Mohammed Khan, 17o. 

Douâb, 33. 

Douchâb, le— ,231. 

Douchenbih, 158. 

Doudjy, les —, Oi n. 

Uoudourqah, les —, 62 n. 

Dougouloum (affluent do Gourgan), 56 n. 

Doulab. 7, 8. 

Dounya Avend, 16. 

Druzes (religion des — ), 108 n. 

Dulaurier, Ed., 3-11 n. 

Dumbavend, 239, voy. Dcmavend. 

Du Plan Carpin, xn. 



Eatiwtck, 12 n., 15 n., 10 n., 2(» n. 

Ebrevy. Ma, 201. 

Ecbaune. 229. 

Ecbecs (jeu d<» — ), 210. 

Kbhek Sou, voy. Qaraoul-lchay. 

Echref, 2i, 31-36, 39 n.,10 n. — lî. 

Echref (officier d'Abou Mouslln)), 293. 

Echrefy (monnaie^ 9 n. 

Ecir oud Din ;le poète- \ ICI. 

Edcrkout, 159. 

Edîb Sabir Terrai/j-, l'i5. 

Edjmel oui Tewarikk, xii. 

Efchar, ;lc régiment — ), 91, 93, 195, SU. 

Efchar (tribu de» — :, 87. 

Efchaurèb ;mets), 110. 

Egypte, 10, 107, 283. 

Eîranek, Eirani K=ii, Elvani Key, 205. 

Ekber Chah, xxici. 

El açar oui Baqy-èh a.i il qouroiin il Kha- 

lyèh (ouvr. de Biro'jny). -n. 
Elbouri monl), 10, 13 n., 25 n.. '^Z n., 

180, 205 n., 235,239- 
Eltchy Khan, Eltchy Bey, 117. 
Emin Abad, 18. • 

Emir cch Chouara (titre de Riza Qouly 

Khan\ xvi[. 
Emir Gounch Khan, 98 n. 
Emir Hussein Khan, voy. Hussein Khan. 
Emiri Niïbam Mirza Taqy Khan Fcra- 

liâny, voy. Mirza Taqy Khan Ferahâny. 
Emiri PenichÈh, 1' — voy. Aly Q.ouly 

Khan Efchar. 
Emir Khalif ibn Ahmed, voy. Khalif ibn 

Ahmed. 
Emir Khan Chahyoun, 317. 
Emir Khosrau (le poÈte — ), 157 n . 
Enbar, 133 n. 
Enceladc, 339. 
Endedjan, 162, 108 n. 
Endkoub, 109 n. 
Engouri Nik (le jardin d' —, ou d'Engue- 

rik), 92, 93. 
Envery d'Abivcrd, XXI, 131, 455 n., 101 n., 

170. 



INDEX ALPHABETIQUE 



3ll 



Emvar oui Vilayèh, xix. 

Enzely (port de RcchO, *25 n. 

Erazh Khan, 214, 219. 

Erdjumend, 18 n. 

Ercchlou, les —, 87 n. 

Erkekly, les —, 63 n. 

Ery Toumadj, les —, r)8 n. 

Esferèh, voy. le suivant. 

Esfercng, 161. 

Eskcdjket, 259 n., 261. 

Esma, 51. 

Essed ibn Abdillah, 268. 

Essed oullah Khan, xx n. 

Esscdy Toussy, xxiii. 

Esterâbad, xiv, 2ô, 30-36, 11-48, 52-54, 

58, 59, 62, 66, 67 n., 81, 81. 85. 89 n., 

97, 99, 111. 112, 118, 140. 152, 180, lai- 

200, 207. 
Esterâbad (mer d' — ), 56, 59. 
Esterâbad Roustaq, 53. 
Ethé, D', 241 n. 
Etrek, V —, 56 n., 58 n., 62 n.-6i, 66 n., 

67 n., 81 n., 82 n., 183, 184, 209. 
Etsiz, 124, 125, 155 n. 
Eukuz Souy (nom de la mer d*Aral, voy. 

ce mot), III. 
Europeas, 230. 
Eymer, les — , 62 n. 



Fadhl ibn Yahya (le Barmécide). 274. 

Fakhr Imadouddin (bulouk de — ), 62 n. 

Fakhri Razy, Fakhr oud Din Abou Ab- 
dillah Mohammed Ibn Hassan el Qou- 
rachy, 147, 148. 

Fakhr oud Oin Mahommed ibn Abi Daoud 
Souleyman, 162 n. 

Fakhr oud Din Qoutlouq fils d*lnandj, 
149 n. voy. Q.outIouq Sultan. 

Farab, 166, 167 n. 

Faraby, voy. Abou Nasr Faraby. 

Fariab, 123 n., 169 n. 

Fars (province du — ), xvii, xviii, 31, 61 n., 
87 n., 104, 140, 212, 234 n. 

Fathimèh, 101 n.. 102 n. 



! Fathim} , les —, 102 n. 
Fay-li, (royaume de—), iv. 
Feday, les —, 108 n. 
Feïly (tribu des — ), 103 n. 
Fenaket (fleuve de — ), 153, voy. Sihoun 
Fenaket (ville), voy. Benaket. 
Fenderisk .bulouk de — ), 62 n. 
Fcrah Abad, 39 n. 
Ferahan, le —, 87, 216. 
Feratekin (village), vni, ix. 
Ferber, 257, 268. 
Ferdanèh, 260. 
Fereny (mets), 116. 
Fcrganèh. 117. 153, 159-161 n., 165 n.. 

188, 268. 
Ferhcngui Endjoumen Aray Naciry, xxri, 

XXIJI. 

Ferhengui Rechidy, xxiii. 
Fercnghui Djihanguiry, xxiii. 
Fcridoun, 13 n., 16, 83, 223. 2^11. 
Feridoun Mirza (le Newab — }, xviii, 212- 

216, 223. 
Ferighouny ^le Kharezm Chah — ), 123. 
Ferkhar, 22-1. 

Ferkhary (le poète — ). 224 n. 
Ferrach Bachy, le —, 114. 
Ferrier. 204 n., 205 n. 
Fcrroukhy, voy. Abcul Haesan Fcrroukhy 

Sistany. 
Ferwan, le—, 169 n. 
Feth Aly Chah, xiv, xvii. xx, 10 n., 19, 20, 

30. 31, 34 n., 67 n., 79-81 n., 84 n., 93, 

97, 98 n.. 103, 138 n., 156, 201, 204, 

211, 237. 
Feth Aly Khan Kachany, 201 n. 
Feth Aly Khan Qadjar. 45. 
Feth Aly Khan Qadjar Devalou, 97 n.,203. 
Feth oullah, 55. 
Fezary. 233. 
Fihris out Tewarikh, xix, 27 n , 31 n., 66, 

67 n.,97 n., 80,84 n.,98 n. 
Fil. 149 n. 

Filèh (la plaine de — ). 252. 
Firdoussy, xxi, 16 n , 29, 223 n., 253 n. 
Firouz (le roi Sassanide), 67 n. 
Firouz Mirza, xviii. 
Firouzkouh, 7 n., 15 n., 17 n., 18-20. 

22 n., 23 n., 30, 207. 
Forsyth, Sir Th.. 164 n. 



3l2 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



Fouchendj, 84 n. 
Fourkhas. les —, 58 n. 
France, la —, 07. 

Fraser, 25 n,, 31 n., 40 n., 59, 'n., 6G n., 
81 n., 82 n., 111 n., 170 n., 173 n., 205 n. 



Gad (tribu de — ), î45. 

Gao Kharèh (canal de — ), vïi. 

Georges, S' — , 15S. 

Géorgie, la —, 11, 39 n. 

Ghabor,215, 216. 

Ghada (plante), iv. 

Ghadir Khoumm, 105 n. 

Ghandjar el Boukhary, 257. 

Ghanghèh Tchachkin, 08, 17(5. 

Gharabchinèh (village), vu. 

Ghardeman, ix. 

Ghardjistan, le —, 109 n. 

Gharib, OS n, 

Ghatqar, 180. 

Ghay, les—, G3 n. 

Ghazan Khan. 231. 

Ghazan Tchay, 18. 

Ghaznah, 112, 163 n. 

Gaznévides, les — , xyi, 5S. 

Ghazyâbad (canal de — ), vu. 

Ghias oud Din Mohammed (le Sultan 

Ghouride), 117 n. 
Ghidèh, iv. 

Ghithryf (l'Emir — ). 257 n. 
Ghiihryfièh (dirhem — ), 257. 
Ghouchid Khan, 211. 
Ghoudjevan, 290. 
Ghour (les rois du — ), 174. 
Ghouzz (iribu des — ), iir, vi, ix, 152 n., 

165 n., 171 n., 256, 273. 
Gobineau M. de —, 27 n. 
Goeje, M. de —, 47 n., 153 n., 230 n. 
Gordon, T. E., 161 n. 
Gotlwaldl, M., 151 n , 163 n. 
Gouchtasp, 174, 222 n., 253 n. 
Goudcr Tekin, 295. 
Gouderz, 172, 223. 



Gouklan, les —, 47, i% 56,62, 63 n., Bi, 85, 

178, 181, 191, 197, 216. 
Gouklan Bayendir, les — , Gouklan Kerkez, 

les —, etc., etc., voy. Bayendir, Kerkez, 

etc., etc. 
Gouklan Qouyou, 67. 
Goulbad, 41, 43 n., voy. Djeri Goulbad. 
Goulcheni Raz, le —, 136. 
Gouîistani Irem, xix. 
Goumbedi-Qabous, 56 n., 63 n. 
Gounèh Khan, voy. Emir Gounèh Khan. 
Gourgan, ix, 31 n., 34, 42, 44, 47 n., 54, 

58, 62, 81. 85. 150 n., 176, 192, 199, 207. 

209, 212, 256 (riv.), 56, 57, 60, 63 n., C6, 

18U183. 185, 195, 198. 
Gourgandj, vu, viii, ix, xiii, 99, 126, 1.38, 

142, 118-150 n., 176, 182,224. 
Gourguin, fils de Milad, 44, 907. 
Gouri Sefid, 19. 
Gouri Sourkh, 57 n. 
Gour Khan, 273. 
Gour Neghanoun, 265, 266. 
Gozan (riv.), 245. 
Guebrâbad, 235 n. 

Guèbres, les —, 81 n., 107, 146 n., 283 n. 
Guedouk, 21, 23 n. 
Guendoum Kân, 72, 77. 113. 
Guermâb, 248. 
Guerm roud (affluent du Gourgan), 56 n., 

C2 n. 
Guermsyr, 248. 
Guerm Tchechmèh, 56 n. 
Guerrous, les —, 216. 
Guez, 42 n.,45, 47 n. 
Guilan, le —, 25 n., 142. 
Guilan (mer du — ), 56, 59. 
Guilany (canal de —, à Rey), 232. 
Guilared, 13, 14. 
Guil doulab, 42 n. 
Guirdck, 290, 29:]. 
Guireily, les —, 31 n. 
Guirih (canal de — ), vu. 
Guirisicni Moughan, 271. 
Guit, voy. Kit. 
Guiv, 222 n., 223. 

Gui Bagh fort à Kachghar), 161 n. 
Gulveran, 166. 

Gumuch Tèpèh, 17 n., 56 n., hH n, 
Guyard M., 108 n. 



INDEX ALPHABETIQUE 



3l3 



Haarbrûcker, Th., 10-2 n. 

Habib oud Din Mohammed Djeriadqany, 

123 n. 
Habib ous Sier, 165 n., 171 n. 
Hachim, JOl. 

Hachim, fîls de Hekim, voy. Mouqannah. 
Ha Dervich {désert de — ), 162 n. 
Hadiqat oui Haqiqah, 11*2 n. 
Hadjib, 98 n. 

Hadjîb {esclave de Mouqannah), 305. 
Hadji Khalfa,81 n.. 157 n., 161 n. 
Hadjim, xiii, xiv. 
Hadji Mirza Agassy, xviii. 
Hadji Mohammed Khan, voy. Hadjim, 
Hadji Seiyd Abdoullah Téhérany, 7. 
Hadji Suleyman Bey Bidgouly^ 201 n. 
Hadjy Tcrkhan (Astracan), 32. 
Hady Khan, voy. Mohammed Hady Khan. 
Hafîz, XVI, XXIII, 120 n., 162 n. 
Hafîz Abrou, 285. 
Haiyan Nabathy, 265, 266. 
Hala, 245, 246. 

Halqah Daghly, les —, 61 n., 63 n. 
Hamadan, 87 n., 210 n., 241. 
Hamd oullah Qazwiny, 240. 
Hamid Nouh ibn Nasr bin Ismayl, 276. 
Hammer, M. de —, 108 n.Hl36 n. 
Hamouk Ket, 260. 261. 
Hamzèh Khan Anezany (Enzany), 42, 198. 
Hanway, 25 n., 40»n. 
Haqq Nazhar Bin Bachy, 2J9. 
Haqalq oui Akhbar^ xvi n., 215 n. 
Haramkan (riv.), 167 n. 
Haroun er Rechid (le Khalife), 230, 257 n., 

274. 
Haroun, fils de Siavech, 268. 
Harra, 215. 

Hassan, 101, 102 n., 103 n. 
Hassan (Sultan), 162 n. 
Hassan Aly Mirza, voy. Choudja ous Sal- 

thanèh. 
Hassan cl Basry, 102 n. 
Hassan ibn Aly Houmeiry, 108 n. 
Hassan ibn Mohammed bin Thalout, 281. 



Hassan Khabouchany, 70. 

Hassan Khan (Hassan Tchighan), 197. 

Hassan Khan Salar, xv. 98 n. 

Hassan Khan Sebzvary, 215. 

Hassan Khan Turkoman (Hassan Tchou- 

ghan), 53, 60. 
Hassan Qouly, les — , 58 n. 
Hassan Qouly Khan Qadjar, 45. 
Hayder (PEmir -), 159. 
Hayder (Seiyd). 26 n. 
Hayderâbad, 63 n. 
Hayder Amoly (Seiyd), 33. 
Hayder Qouly Mirza, xxi. 
Hayton, xii, 214. 

Hazret, voy. Mohammed Emin Khan. 
HazretI Afaq (tombeau de — ), 164 n. 
Hazreti Padichâh (tombeau de — ), 164 n. 
Hazreti Pehlivan, voy. Pehlivan. 
Hazreti Pehlivan (canal de — ), 132. 
Hebclroud, 19. 
Hecht Bihicht, 138 n. 
Hedjdjadj,259n.,26i,266. 
Hcdjdjadj (porte de —, à Gourgandj), viii. 
He/t Iqlym, 84 n., 145 n., 157 n., 165 n., 

160n., I70n.,l7ln., 241. 
Heïthel, fils d'Alim, 160 n. 
Heïthel, pays de —, vi. voy. Hiathilèh. 
Hekim (père de Mouqannah), 287. 
Hekim Aboul Hassan Aly, voy. Aboul 

Hassan Fcrroukhy. 
Hekim Ahmed, 290, 293. 
Hekim âta (le Cheikh). 69, 1^1 ; (localité), 

151. 
Hekim âta Hikayety, 151 n. 
Hekim Khan (le — des Salour), 89 n. 
Hekim Senay, voy. Senay, 
Henck Khouda, 265. 
Hérât. 81 n., 87, 99, 128 n., 132, 110, 147 n., 

169 n., 173-175, 215, 222. 
Hérât (l'Emir de — ), 291, 296, 29"' 
Herbelot. d' -, 166 n., 231 n. 
Herbert, Th., 239, 214. 
Herkhanèh. 160. voy. Ferghanèh. 
Hérodote, iv. 
Hezar Djerib (arrondissement de — ) , xvi, 

203. 
Hezarèh, les —, 27 n.; (montagne de — ), 

189 n. 
Hezaresp, vu, ix. xi xin,99, 123-125, 172. 



RELATION DK L AMBASSADE AU KHABEZM 



3 14 

Hiathilih (pnys des -), IfiO n. 

Hicham (le Khalife — ), 2r«. 

Hicham (porte et bazar de —, à Rey , 

Hidayet Namèh, iix, lâl. 

Hidayet (surnom de Riza Qouly Khan), 

Hilaleln (canal de — ), tu; (tocaliléi, 137. 

Hindoustan, 1'—, II. 

Hiouen Thsang, iv. 

Hissar (â Boukhara', 355. 

Hissari Chadraan, 15'J. 

Hodje Suare (marchanii persan). 3J5. 

Ho-lo-si-nia (roy. de — ], iv. 

Homeîd ibn Qahiahbah (L'Emir — \ î83. 

Hommaire de Hell. 32 n., 37 n. 

Houchcng, Ï33. 

Houlagou. 81 n., 108 n. 

Houman, 3ï3. 

Haumaj- dellerv, xxi 

Houseuth ouJ Din, 150 n. 

Hugues, Luigi —, l-'i3 n, 

Hukoumet Khan, 319. 

Humboldt, A. de, ISS n. 

Hussam ous Sal(han£li Sultan Murad 

Mirza, 81, 88-00, m, 90, 110, 113, I7i, 

ai3. 
Hussein, 101, 103 n., 103 n. ; (Sultan —)i 

170 n. 
Hussein Aly Mlrza, Choudja ous Sattha- 

Huïseîn, fils de Ma'az (l'Emir -1. 290- 

Hussein Khan {l'Emir — }, 2l3. 
Hussein Mirza Go uregany (Sultan—), 171. 
Hussein Siavcch, 30 n. 
Hydc, ilO n. 



Ibn Baiouiah, m. 

Ibn cl Aihlr, UO n.. Î85, 3â7 n 

Ibn el Kclby, 333. 

Ibn Hadjib, MK. 

Ibn Hau^al, vi, lGOn.,356. 

Ibn Hicham, 105 n. 



tbn Khaldoun, IGR n. 

Ibn Khallikan, 118 n., 150 n., ICC n, 

Ibn Sayd, 108 n. 

Ibrahim (auteur de ÏAkhbar Mouqannah/, 
386. 

Ibrahim {Sultan — ), lia n. 

Ibrahim Edhcm, 160 n. 

Ibrahim Khan (le Ncwab), 159. 

Ibrahim Qawwam Serhindy, xmir, 

Ibriqdar. xt, 13-1 n. 

lehÈLÈh, les-, 63 n. 

Ichijâbad, 89 n., 3M. 

Ichq Namèh, 1J3 n. 

Idrissy, Abou Sayd el —, 158 n., 3:>fi. 

Igdir Kouichek, les —, ,18 n. 

Ihram, 1" — , ÎOi. 

Ikhan, ix. 

Ikhchid (litre), 103. 

liât Kurdzeban, 9à n. 

llbars Khan, iiv, 135. 

Ildeguiz ;l'Atabek), lOt n. 

Ilek Khan, xi. 

Ilkhany (jardin), xii, (litre'. 81 n., 313. 

Itqatmich. S3J. 

llqay, les —, la'i. 

Iltouzer Khan (de Khiva;. i[v, 08 n., )7C. 

lltouzer Khan (Turkoman), 19J, 107. 

Imamièh, les —, 103, IM. 103. 

Imam Zadèh Abou Thalib, 1' —, 33. 

Imam Zadih de Kharabi Cbecher, 17 n. 

Imam Zad{:h de Seiyd Mohammed (prÈs 
de Limras), 13. 

Inaq, les — , xiv. 

Inde. !■ -, W, 100. 100 n. 

Indiens îen Perse), 107.» 

In Tchekih. Gl. 

Iran, 133, 153. 

Iraniens, les —, 131, 173. 

Iraq. 16. ÎO, 87, 93, 161 n.. 310. !31. 33î. 
330. 

Irem (mer d' — , pris de Barfourouch), 33. 

Isfahan, 39 n.. 138 n., 173. 305 o. 

Isfendiar. 170 n . 333 n. 

IsmaîliÈli, les—, 103. 

Ismaïliens, !les Khalifes — d'Egj-pie}, 107. 

Ismally. les —, 108 n, 
< Ismayl, fils de Djafer, 103 n. 
I Ismayl ibn Hammad el Diauhery. 1G6 n. 
I Ismayl Kemal. xvi, 303. 



INDEX ALPHADKTIQUi: 



3i5 



Umayl le SatnanMc (l'Emir — ). 270, 375- 

379,281. 
Iwnayl Qasry (le Cheikh — ,'. 111. 
Itsa Khan Qadjar, II. 
Issiq Koul (lac), 163 n. 
Uthakhry, El —, iv. vi, 100 n.. îiB. î35, 

210, 356. 
Isvanèh, 360. 
Itimad oud Daouith, 1' —, voy, Mirza Aga 

Khan Noury, 
Iiizhad aud Daoulùh , voy. Soulcyman 

Khan Qadjar Devatou. 
Uai Inaq, 176. 

Iv-ostchinzov (le capitaine), 339, 360. 
lylaq. 105 n. 

Izz oud Din Nestay (Sciyd), 171 n 
Izz oui Moulk, XI. 



Jaarawon, 345. 

Jadjroudou lajeroud, voy. Djadjroud. 

Jésus. 2S7. 

Jilard, voy. Guilared. 

Saih. les — icn Perse), 3JJ, 316. 

Julien (Stanislas). i7 n. 



Kaboul, 11, 130. 109 n.. ISA. ]BD. 

Kachan, 131. ÏGÎ. 305 n. 

Kachghar, xi. II!». 103-165. 168 n., 

Kachmir. le—, 11. iO, 13» n. 

Kaempfcr, 01 n. 

Kafièhjil Nahw, 148 n. 

Kal, les -, 58 n. 

Kam, tes —, 58 n. 

Kamil fit Tarikk, 140 n., 387 n., % 

391 n., 201 n., 295 n. 
Kani Badam, voy. Kend Badam. 
Kaouccr, le —, 65, 308. 
Kaoukeb, 160 n. 
Kareki Alevyan, 981. 



Karcsiy (affluent du Gourgan), 50 n. 

Karevan Bachy, le —, 117, 118. 

Kar Namchi Balkh, Ui n. 

Kât. VI, vin, 99, li3. lli>, r.O, 255. 

Katoul (bulouk da -), 03 n. 

Kauffmam {Général von — ), IH n. 

Kazèh, 386. 

Kazcrgâh, 175. 

Kazhim Btk, 101, 107. 

Kazwiny, voy. Qaiwiny. 

Kebir Mohammed Qassim Khan Qadiar 
Qavanlou, 201. 

Keboud Djamèh, 03 n. 

Kech (voy. Cheheri Sebi), 151, IfiO n., 3-57, 
203, 360. 388. 289, 595, 398. 

Kechchaffi Haqàiq il Teiixil.cl-, 150 n. 

Kcl, 218 n. 

Kclat, 88, 89, 1Î3 n., 172, 173 n. 311, 3r., 
-212. 

KelalÈh, 203 n., 204. 

Kellabagh. 77, 78. 

Keltèh, les —, :>S a- 

Kemal Khodjcndy !le Cheikh), xvi, 102. 

Kemat oud Din Abdouf Rwïaq, 105 n. 

Kend Badam, 102 n. 

Keit{ oui Haqaiq, 136. 

Kcfbcla, 101. 

Kerbïlay Mohammed Hussein, ïï n. 

Kerbelay Taqy, xx n. 

Kerdcran Khach (canal de — ), v», (loca- 
lité), IX. 

KerimKhan, 103 n.,30!. 
Kerim Khan Vekil, 303,301. 
KerkM, les —, 6d n. 
Kerky, 156. 

Kcrman. le, ïvin, 19. 60, 87 n., 350. 
Kermanchâh (province de — .', 81 n. 
KerminÈh, 15G. 
Kert [dynastie des — ', 171, 
Kcssik Minarùh, tiô, 182. 
Kcuk-Tich (triJne deTimour;, 158. 
Key Kaous, iv, 121, 157, 100 n., 271, 
Kcy KhoErau.'O, 131, U6 n. 
Keyaumers, 70,233. 
Kej'qobad, 2B, voy. Qobad. 
Khnbouchan, 64 n,,81. 
Khachouy 300,203. 

Khad)tb Abdout Kbaliq Ghoundjouwany, 
110 n. 



3i6 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



Khadjèh Aboul Abbas, xxi. 
Khadjèh Aboul Véfa. 150 n. 
Khadjèh Aly Rametiny. 145, 146. 
Khadjèh Arif Riveguirevy, li6 n. 
Khadjèhi Azizan, voy. Khadjèh Aly Ra- 

metiny. 
Khadjèh Mahmoud Faghnèwy, 146. 
Khalendj (bois de — }* 335. 
Khalid ^e Barmécide), 109 n. 
Khalid ibn Djouneld, 269. 
Khalifes, les — . 100-106, 140. 
Khalif ibn Ahmed (rEmir H. 251, 252. 
Khalkhal, 161 n. 
Khamsèh, le —, 87 n. 
Khanâbad, 137 (canal de — ), vu. 
Khan Baligh (Pékin), 165. 
Khand Hassan, 108 n. 
Khanèhi Divi Sefid, 22 n. 
Khanikoff, de —, 66 n. 
Khankâh, xiv, 123, 125. 
Khans (les — de Khi va;, 174 et suiv. 
Khaqan, 97. 
Khaqani Ekber, voy Aga Mohammed 

Khan. 
Khaqâny, 139, 155 n., 161 n., 162 n. 
Khar (district de — ) voy. Khawar. 
Kharezm, m, vi-xiv, 6, 12, 33, 39, 40, 46, 

47, 52-69, 76, 78, 81, 83, 88, 98-100, 108- 

126, 131, 136-143, 146-156, 159, 162 n., 

106, 169 n., 171-181, 200, 207, 208, 214- 

216, 222, 224, 256. 295. 
Kharezm (mer du —, lac du — \ 151, 152 

n. voy. mer d*Aral. 
Kharezm Chah, les —, xi, xv, 122, 12i n., 

126. 138, 139. 150 n.. 169 n. 
Khari choutour, le —, (plante) iv, 68. 
Kharidy, les — . 102. 107. 
Kharouchour. les —, 63 n. 
Kharqan Roud, 260. 
Kharthartchy. 158. 
Kharvar, le —, 174 n. 
Khatlan, le —, 170 Khatly (chevaux), 170. 
Khatoun, (la —, souveraine de Boukhara;, 

269, 261-264, 207. 
Khatoun Abad, 205. 
Khatyb our Rey. voy. Fakhr oud Din 

Abou Abdillah. 
Khazcr (mer de — ), voy. mer Caspienne j 

(le désert de — ,\ 59. 



Khazer (ville), 155. 

Khawar (district de — ), 205 n. 

Kha^inet oui Eçfia, 65 n., 151 n. 

Khenboun. 264, 265. 

Kheyaban. le —, 25 n., 36 n.. 38, 42 n., 43. 

Khe^ain oui Ouloum, 156 n.. 259. 271, 

2fô. 
Khirkhiz, 168. voy. Qirghiz. 
Khirqan, 30. 

Khita (royaume de — }, 165. 
Khitay, 151. 
Khiva, VII, ix, xiii, xiv, xviu, 6. 7, 40, 49, 

52. 54, 62. 64. 67, 70-98, 110-1-20, 123, 

125. 126-139. 151, 171-175, 180. 18J. 188. 

192. 197. 200. 202, 208, 213, 214, 219. 
Khiva Abad. 126. 
Khivaq, 126. 
Khivaqy, les — . 62 n. 
Khodja Abdoul Hekim Termizy. 156. 
Khodja Abdoullah Ahrar. 158. 
Khodja Aboul Berekèh. 157 n. 
Khodja Ahmed Yessevy. 151 n. 
Khodja Beha oud Din 157 n. 
Khodja Ghias oud Din. 165 n. 
Khodja Nefes. les —, 58 n. 
Khodja Rahmet oullah Ichan de Kho- 

qand. 200-202. 
Khodja Saad oud Din Kachghary, 164. 
Khodja Zenguyâta. 65. 
Khodjend (fleuve de — X voy. Sihoun ; 

(ville), 160 n., 162. 165 n. 
Khodjend Verdy. 103. 
. Khondemir. xii. 165 n., 285. 
Khoqand. 49. 78, 117. 119, 120. 132. 139. 

153, 163. 
Khoqandy. les —, 34. 
Khorassan,233. 
Khorassan. le —, v, vi, ix. x, xiii, xv. xxi. 

11. 25 n.. 27 n., 30. 34 n., 64 n., 66 n.- 

68 n.. 81 n.-90, 98, 99, 111-113, 126, 

143 n., 155 n., 167 n.-169. 171-175. 

189 n.. 212-219. 232, 256, 257 n.. 259. 

2G3. 264. 267. 268. 277, 278, 283-289. 295 
Khosrau. 07. voy. Key Khosrau. 
Khoten. 11. 165. 168 n. 
Khoudavend Namèh, 201. 
Khoudayar By, 219. 
Khoudayar Khan, 78, 163. 
Khoudjan.81 n. 



INDEX ALPHABETIQUE 



3i7 



Kbould), les — . irîj n. 

Khoul<lian.I53n. 

Ktioulm. lG8n., llû. 

Kboumm. voy. Ghadir Khoumra. 

Khourlhèh. les -, 6î n. 

Khourzad, x. 

Khoutlan. le —, ITu n., voy. Khallan. 

Khouzisun. le—, 81 n. 

Kîch, 157 n., voy. Keeh et Chcheri scbi. 

Ki-li-sse-TDO C roy de — ), ( Kharezm ), 

Kini SiRTech, les — . M6 n. 

Kit (village). V», ix. 

Kilab Messalik oui Memalik, voy. Messa- 

lik oui Memaiik. 
KiUb oui Messalik lit Memaiik, 107 n. 
Kitab oui Alilet ouen Nihat, IQÎ n. 
Kilab oui Qand, 153 n. 
Kitab oui Ufhimfy ilm il tendjim, vi. 
Kizil alan (mur de — ). 'jû n. 
Klaproih, J., 163 n. 
Kohnch Ourguendj, 8J, 81, llî, lia, 137- 

130, Ii7-U9, 179. 187. 
Kondour, 167 n., voy. Bikend. 
Kondoury. voy. Abou Nasr Kondoury. 
Koubrawy (les derviches —), 113 n. 
Kouchk, 71. 
Kouchki Feiil. 290, 
Kouchki Kho:hiouvan, 398. 
Koucbki Orner. 908. 
Koudjagh. VII. 

Kouhck (porte de — . i Rey), 232, 
Kouh Ky (plaine de — ), M, 65. 
Kouhnèh Goulbad. 11 n. 
Kouhsar (buloQkde— ), 02 n. 
KoukdjÈh, les-, 62 n. 
Kouktchèh Bay, ai. 
Koulab, 170 n. 
Koulbad, voy. Goulbad. 
Koundlik, les —, 62 n. 
Kounsserek, 255, 277. 
Kourder. ii. 

Koulchan, voy. Khabouchan, 
Koutcbek, les —, 62 n. 
Kouiy Medjmen, les —, 63 n. 
Kouyouk Khan. 154. 
Kulahi Firenguy, 47. 
Kurdes, le» -. 36 n., SS n.. SIO n. 
Kurd Mahallèh. 13, 17 n., 196. 



Kurèh. les -, 63 . 

Kyndyr Tau (le monl — ), 1G3 n 



Lalèhzar (jardin de — ), xix. 

Lamakine fgénéral — ). 183 n. 

Une, M. E. W., 51 n, 

Langlès, 10 n., 173 n. 

Ur, 315. 

Lardian, SO. 

Larim. 22 n. 

Larisun. le —, 101. 

Lasguerd, 305. 

Lebey de Batilly, Denis —, 103 n. 

Lcnguer, 169 n. 

Le Q.uien. 230 n. 

Lerch. P. J.,2â7n. 

LimraB. 13 n, 

Livassan. 210. 

Lobrasp, 160 n., 171, 

Loqman Serakhssy (le Cheikh -). 17^. 

I^Itin de Laval, 10 d. 

Loubb oui Elbab, xxi. 

Lour, le — , 103. 

Uuihf Aly Khan, 103 n. 



Ma'az ibn Mou. 11m (l'Emir — j, 201. 

Maçoudy, 17 n. 

Madanlou (tribj Kurde de — ), 30 n. 

Maghreb, le -, 107. 

Mahmoud {Sulta.i — ), v, 58, 123, 112, 230. 

3ôI-5S3 r 251. 
Mahmoud (Sulun — ), 61s de Sebektekin 

Yemin, 379. 
Mahmoud Abad, 195. 
Mahmoud Chebistery (le Cheikh — ), 130 
Mahmoud Ghainevy (Sultan — ), il. 
Mahmoud Tourèh (Seiyd -), 79, 178. 
Makh (baiar de —, à Boukhara), 382. 
' Makhdoum. les—, fiî n. 



3i8 



RELATION f)E L AMBASSADE AU KHAREZM 



Malik ibn Farim, W2. 

Mamoun, voy. Aboul Abbas Mamoun. 

Manasses (Iribu de^, 3J5. 

Manfour (le Khalife), 330. 

Mflti(oui: (porte de — , à Boukhara). 970. 

Manfourah, llO n. 

Manfour ibn Nouh (l'Emir—). 2"'?. ^'f. 280. 

Manne, la — . 08 n. 

Manqit, 151, 100. 

Maqamal, les —, 12.1 n. 

Marghiiian, ICI n., 1G2. 

Masqate, 107. 

Masser (riv.), 250. 

Masly, 361. 

Mathla ous Saadehi, lii5 n. 

Mavera oun Neher, le —, voy. Transoxianc. 

Maï Imontagne de — ). 39, 30. 

Mazanderan, le —, 0, lo, lî. U, 19 n.- 
33, 2.')-33, 36, 30 n., 41 D., 13, 10, 47, 
53, 50 n., 50, 93, 131, 140, 153, 300, '211 n., 

aw. 

Mechhed,?5n , «1 n., 90 n., 111 n., 173 n., 
183 n., Î05 n,, 213-215,221. 

Mechhedi Mestan. voy. le suivant. 

Mcchhcdi Missrlan, 05, 182, 183 n. 

Mechhedi Ser, 23 n., 3i. 

Medaridj oui Bdagah. xii. 

Mcdine. 105 n. 

Medjd oud Din Baghdady, 113, IIJ, 115. 

Medjma' oui Fours, xiiii. 

Medjma' oui Fousseha, ix, xxii, xxlij, 

Mî n,, îôl, a53n., 251 n. 
Medj oud Din ben Adnan, lO'l n. 
MefatihoulChaib. 118 n. 
MefazÈh (le déBcri de -). 30. 
Mehdy île Khalife — ), 230, 231, 257, 209, 

277, 28j, 587, 280, 291. 
Mehdy Qouly Khan Devaloo, 31. 
Mehdy Qouly Mîrza, 97 n., 28, 10, 216. 
Mchemmed Raghib Pacha (le Vczir — ), 

103 n. 
Mehter Aga. le —, 72, 73, 87, «8, 108, 100, 

113. 115, 110, 18(1. 
Mehter Yaqoub, le —, 119, 177, 219. 
Mehter Youasouf, le —, 88, 149. 
Meidani Sebz, 32. 
Meimenèh, 91,'.. 21G. 219. 
Mekke, la -, lOJ n.. 119. 150 n.. 170. 

202, 200. 



Melahy, le —, 231. 

Melayr (district de—), 103 n. 

Melgunof, S3 n.-27 n.. 41 n., 43 n., 47 n., 

.■>3 n., Q7 n,, 58 n., 62 n. 
Melik Chah, le Sedjouqide, xi, 57 n., 124. 
Melik OUI Toudjdîar, 117. 
Meikatekin. xt, 134. 
Men (poids), 174 n. 
Mendjik Termizy, xxi. 
Menhedj oui Hidaych, voy. Hidayit Na- 

Menouichebr. 6ts de Qabous, 58, ICO. n, 

Menoutchehr Khan, ivin, 155 n. 

Menoutchehry, iiit, 29, 30 n. 

Merdjanoa. 171. 

Merv, Mcrv Chahidjan, Merv er Roud. 
XI. xiii, 71. 83-85, 88-01. 98, 09, 109. llO, 
123-125. 153, 155 n.. 150. Ifil n., 171- 
175, 312-315, ÎIO, 221. 323. 2Ô6. 357, 
980-988, 294. 995. 

Mesnevy, 143, 146. 

Messalik oui Memalik, 10, 58 n., 1G5 n., 
168 n. 

Messoud (Sullan — }, iv, 58, 142 n. 

Messaud Qilidi Thainghad) Khan, 978. 

183 n.. voy. Mecbhedi Mis- 



Mevlcvys (l'ordre ics — ), 112 n. 
Mewlana Bcha oud Din Mohammed, Ui. 
Mcwtana Djelal oud Din Mohammed Bal- 

khy, 113, 146, 170 n. 
Mewlana Kemal oud Din Hussein, 150 n. 
Mewlana Mohammed Djelal oud Din, voy. 

Mewlana Djelal oud Din Mohammed Bal- 

khy. 
Mcynri Djemaly, xxiii. 
Mey Khanèh, iii. 
MIan Kalch, 30 n. 
Michk ou Anber, 03 n. 
Midra (canal de — ;. vu, 
Miftah oui Koiinouj, xix. 
Milad. 44. 

Mioughil {montagne de — }, 103 n, 
Miraal oui Bouldani Saciry. ivi, 10 n. 
Mir Abdoul Kerim Boukhary, xiv n. 
Miradj oud Diraiih, 150 n. 
Mir Ahmed Khan Djemchidy, 00, 172, 213 

310. 



Mir Aly Chir Nevay, 



INDEX ALPHABETIQUE 



3l9 



Miran Chah, deQandahar (Seiyd — ). 200. 

Mirkhond, xiii, xiii, 10-1 n., 285, 

Mirza Aboul Hamid Scfa, xix n. 

Mirza Abou Bckr, 161 n. 

Mirza Aga Khan Noury. 211. 

Mirza Aly, les —, 62 n. 

Mirza Aly Naqy. xix, 91. 93, 195. 

Mirza Bey, 199. 

Mirza Djafer Khan, xvi, 215 n. 

Mirza Fazhl oullah (Vézir Nizham), 21-2. 

Mirza Hayder Doughlat, xrii, 164 n. 

Mirza Ibrahim Khan Khamsèh, 211. 

Mirza Ismayl Khan Noury, 50. 51. 

Mirza Kazem Bey, 27 n. 

Mirza Mohammed Hussein Edib. xxii. 

Mirza Mohammed Khan Goulbady. 11. 

Mirza Mohammed Khan, Roukn oud Daou- 

Ich. 98 n . 
Mirza Mohammed Naqy Alyâbady, xvii. 
Mirza Riza, xv, 108. 
Mirza Sadiq Isfahany, xx, xxi. 
Mirza Sadiq Mervy, xx. xxc n., 10;l n. 
Mirza Sipehr. Lissan oui Moulk. xvi, 27 n.. 

211 n. 
Mirza Thahir Nasràbady, xxi. 
Mirza Taqy Khan Ferâhâny, 7 n.. 210. 

211, 211. 
Miss*aribn Mouhalhil. 239. ^il. 
Mitchell. John et Rob. — . 161 n. 
Mizrab Khan, 219. 
Moavièh, 101, 107 n.. 262. 
Moghrib, le — . 150 n. 
Mogols, les — IX n.. xiii, 60. 66. 120. 122. 

I:î8, UO, lu n., 148, 119 n., 150, 153, 

160, 108 n., 170 n , ITI n.. 176, 182. 

231. 
Mohammed i^Ie Prophète — ), 1, 100, 101 n., 

103 n. — 105 n., 111,287. 
Mohammed Baqir Khan, 198. 
Mohammed Chah. (Qadjar) xv.'xvir, xviii, 

XX, 21. 62 n., 93. 97. 1C3, H5. 
Mohammed Cheikh, 2l9. 
Mohammed Chérif Bay, 111, 115, 119, 137, 

139. 185, 187. 199, 200. 206. 212. 
Mohammed Emin Khan, xiv, xv, 6. 91. 

118, 127-130, 149, 176. 187, 206. 212. 

211 n. — 221. 
Mohammed Emin Khan Behadir, 76. 
Mohammed es Sadiq, 102 n. 



Mohammed, tils d'Abou Djafer, voy. Abou 

Bekr Mohammed ibn Djafer. 
Mohammed, fils de Bedr Djadjermy, xxi. 
Mohammed, tils de Tekich (Sultan — \ 

voy. Mohammed Kharezm Chah. 
Mohammed Hachim Khan. 41. 
Mohammed Hady Khin, xvr. xvii. 
Mohammed Hassan Khan. 45 (Kichvcr Si- 
Un), 203. 
Mohammed Hassan Khan Ferâhâny. 216. 
Mohammed Hassan Khan Scnv*oud Daou- 

lèh, XVI, 40 n., 215 n. 
Mohammed Hussein Khan Hczarch. 217. 
.Mohammed ibn Abdallah bin Qalhah , 

278. 
Mohammed ibn Djafer, voy. Abou Bekr 

Mohammed Nerchakhv. 
Mohammed ibn Djerir Thabary . voy. 

Thabar>'. 
Mohammed ibn Hassan el Kessay, 233. 
Mohammed ibn Ibrahim el Dharrab, 212. 
.Mohammed ibn Mançour bin Hedjid bin 

Waraq, 278. 
Mohammed ibn Zoufer. 116 n., 2ô8, 272. 
Mohammedièh (dirhem — \ 257. 
.Mohammcdièh (Rey\ 230. 
Mohammed Ismayl bek, 203. 201. 
. Mohammed Ismayl Kemal. voy. Ismayl 

Kemal. 
Mohammed Kerim Khan, 191. 
Mohammed Khan Chcibany, xiii. 85 n. 
Mohammed Kharezm Chah (Sultan — ), 

XI. XII, 10, 122. 139-116, 162 n.. 171 n.. 

231. 273, 278. 
Mohammed MeUdy (le Khalife?, voy. 

Mehdy (le Khalife). 
Mohammed Mehdy Khan Charach, xvii. 
Mohammed Nazar, voy. Molla Mohammed 

Nazar. 
Mohammed Oufy, xxi. 
Mohammed Oulouk. les — , 58 n . 
.Mohammed Qouly Khan. 197. 
Mohammed Rehim Khan, xiv, ij(S, 72. 77. 

113, 126, 150. 176. 
Mohammed Sadiq. xxii. 
Mohammed Soufy. xxi. 
Mohammed Tachkendy, 161 n. 
Mohammed Tourèh (Seiyd — )» ^^^ ^« ^*<>- 

hanimed Rehim Khan, 178. 



320 



RELATION DE I. AMBASSADE AU KHAREZM 



Mohammed Vely Khan (le Beylerbejt —), 

43. 45, 84, 160-1^, 191, Ï^-WO. 
Mobainioed Vely Kban Qadjar, iiv. 
Mohammed Youiiouf de Hdrflt, 316. 
Mohan Ul, 170 n. 
Moh:csEib (le - à Boukhara}, 370. 
Moite, 387. 388. 993. 

Mokhend (fleuve de — ), 133, voy. Siboun. 
Molla Hunkiar, voy. Mewlann Mohammed 

Djelal oud Din. 
Molla Mohammed Nazar, lU-lIG. 
Molla Moukhur, le —, 87, 180. 
Molla Niaz Mohammed, 163 n . 
Molli I^r Nefes, 71. 
Moorcroft. 1"0 n. 

Morier, 10 n.. U n.. 13 n., 17 n., 319. 
Moualhthil, les —, 103 n. 
Mooayyed (le Cheikh — ), 16B n . 
Houbaiydèh, lea —, 280 n., voy. Sefid 

Djamègan. 
Moubarekyêh, les — , 103 n. 
Moufalla (le —, de Boukhara), 37», 377. 
Moudjem oui Bouldan, v n., 10& n., 14Cln., 

150 n.— 153 n., 101 n , Iflfl n.,îi9,2ô8 
Moudiir oui Moulk, 171 n. 
Moufazhzhllèh, les —, lOS. 
Mough, les —, VI, Hô n.. m. 
Moutadhad (le Khalife — ), 370. 
Mouhledy ibn Hammad bin Amrou cl De- 

hely, 37H. 
Mou'în oud Din Isfizary, 171 n. 
Moulhid,les —, 108 n. 
Moulla Mohammed, fils de Cheher Achoub, 

96 D. 
Moumia, le — , 01. 
Mounchy Iskender, 10 n. 
Mounchy oui Memalik, xvii. 
MouiiadeMy. vi, 17 n., 356. 
Mouqannah, l5l. 309. 28,5 el suiv. 
Mouradia d'Ohason, 140 n. 
Mouravicf, 17 n.. 08 n. 
Mourdcsian, le —, 30. 
Mourgbâb. le — , 80 n., 160 n.. 171 n.. 173 

(ville), 172. 
Mourghiar, 63 n. 
Mourouzy, 171 n. 

Mourteza Qouty Khan Pcrnak, xiir. 
Moustancir. l'Emir '— , xi. 
Moussa Tourth, 178. 



Mouateiyb Iba Zoheyr ez Zaby O'^mir) — , 

357 n., îfti. 
MouEKiybiéh (dirhem), S57. 
Mouatagbfiry. el —, voy. Djafer el Mousia- 

ghfiry. 
Mouitafa Khan Seden RousUqy, 43, 198. 
Mousialn :1c Khalife—:, 381. 
Moutazcich. les — . ix, 1(». 
Mouibaficr oud Din, xviir, ire. 
MoyK de Kborène, 341 n. 
Mulk Ara, 31, 11, voy. Mchdy Qouly Khan 

Dcvalou. 
Murcbid, lll. 



Nacir ite Khalife- ;, 140. 

Nacir Eddin Qadjar. iv. xviu, 3-7, l4, 75. 

86, 91. 97, Ils. 173, 200, 300. S13 n., 2Î1. 
Naciri Kboarau, 340. 
Nacir oud Din Abdoul Khaliq Firouz 

Chah, 1111. 
Nacir oud Din Nouh Arrezy, 150 n. 
Nacir oud Din Sebeklekin, 353 n. 
Nadir Chah, xiv. 39 n., 15, 103 n., 135. 

173, 175. 
Naïb ous SaUhancb, le — . voy, Abbas 

Mirza. 
Naib TourÈh. le — . voy. Tangry Qouly 

Tourèh. 
Nakhcheb, voy. Qarchy, 151. 257, 363, 306 

386. aee. 389. 305, 298. 
Nao Behar (à Balhh). 169 n. 
Naokcndèh. 43. 
Napar, 43. 

Naqchbendy, les —, UO. 151, iOi. 
Kaqd Aly Khan Yomoul. 193. 
Naqib, (le — de Boukhara). voy, Ahmed 

Khodja. 
Naryn, le —, 163. 
Nasgoun. 61 n. 

Nasr (l'Emir — j, 333 n., 353 n., 379. 
Nasrâbad (bazar de — . n Reyl, 333. 
Nasr, frire d'Abou Ishaq ibn Ibrahim, 

370. 
Nasr ibn Ahmed (le Samanide), xi, 230. 



INDEX ALPHABETIQUE 



321 



Nasr ibn Seiyar -rEmir — ). 268. 269. 
Nasr oullah l'Emir — ), H-2. 119. 120, 151. 

160. 
Nassikh out tewarikh, xvr, 27 n., 211 n. 
Naubet, le — , 135. 
Naurouz, le — . 271, 2«0 n. 
Naym. fils de Sehl, 291. 
Nazarov, Ph., 103 n. 

Nazir Mehier Aga, le — , voy. Mehter Aga. 
Necir Khan (mosquée de — , à Echref;, 3U n. 
Nedjaty. 47 n. 
Nedjef Qouly, 194. 
Nedjm oud Din (l'Imam — )^ 81 n. 
Nedjm oud Dm Bakhcrzy. 142. 
Nedjm oud Din Koubra (le Cheikh — ), 

108, 139-141, lOô n.. 209. 
Nedjm oud Din Razy. 142. 
Nefehat oui Oiins, 141. 1J4, 172 n. 
Nehcri Qassarin, 157 n. 
Neheri Essoued,l67 n. 
Nehrevan, 107. 
Nekab Targhay, 157 n. 
Nemdjeket, 290. 
Népal, le —, 11. 
Nephtali (tribu de — \ 245. 
Nerchakh, 257, 290-294. 
Nerchakhy. voy. Abou Bekr Mohammed 
Ncrchakhy. 

Ncrdjaq, voy. Nerchakh. 

Nermachir, 103 n. 

Nessa, 64 n. 

Nessef, 15i, 157 n., voy. Qarchy. 

Nestoriens, les — . 2:J0. 

Nevvab, le — . voy. Hussam ousSalthanch, 
Ibrahim Khan , Fcridoun Mirza et 
Choudja ous Salihanch. 

Niaz Mohammed Bay, 21i). 

Niaz Qouly Bin Bachy, 219. 

Nichabour, viir, 81 n.. 84 n., 87 n , 115, 
107 n., 215, 232, 289 n. 

Nika, 31. 

Nil, le —, 10. 

Nilèh Kouh imont — \ 56 n. 

Nizham oud Din Khamouch (le Cheikh — ), 
164 n. 

Nizham oui Moulk, xi. 

Nizham out Tewarikh, 29 n. 

Noé, 160 n.. 244, 287. 

Nouchirevan, 160. 



Nouh TEmir- ), xi. 252 n . 279. 

Nouh Efendy, 102 n. 

Nouhy (dirhem — ;, 252. 

Noukfagh, ix. 

Nour. 260. 

Nour Aly, les — , 58 n. 

Nour Mehdy. 7, 82- 

Nour oud Din Abdour Rahman Esferayny, 

ll2, 115 n. 
Nour oud Din Louthf oullah Hafiz Abrou 

el Hèrèvy, 170 n. 
Nousret (le régiment — ), 214. 
Nouz. 156. 
Nou{liet oui Qouloub, 56 n., 57 n., 01 n., 

84 n.,2^i0. 
Nouz Kât. 150 n. 
Nova (village), 245. 



Ogotay, 154 n. 

Ogourch Aly, les — . 58 n , 62 n. 

Oman (mer d* -), 107. 

Omar (le Khalife — ), x, 100 n., lOl^ 105. 

Omar (le Qary — ), 119. 

Omar ibn Khattab, 104. 

Omniiadcs, les —, 101, 109 n. 

Onçory, xxi. 

Osman, 102 n. 

Osman (le Qary — ), 119. 

Osman bey, 97. 

Ottoman (l'empire — ). 96. 

Oubcïd oullah, 261-263. 

Oubcid oullah, frère de Qoutcibah. x. 

Oubeïd oullah ibn el Haiyany. 275. 

Ouchak Qouyoussy, 69. 

Ouch Turpan, 168 n.. voy. Thourfan. 

OuJek, les —, 62 n. 

Ouigour (pays des — ), 16J. 

Oulough Beg, 165 n. 

Ouloustckin Ghartchch, 124. 

Ounlouk, les —, 62 n. 

Ounlouk Toumadj, les ^, r8 n. 

Ourazly, les — , 62 n. 

Ourèh, 150. 

2 I 



322 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



Ourguendj (ïoy. Gourgand)), xiii. Iî3, 

136, 139. 
Ourguendji Kohnib, 120, voy. Kohnèh 

Oui^uendi. 
OusGley, lu n., 15 n.. 10 n., 33 n.-3a n , 



10 n 



î3fi. 



Ousrouchinùh, 1(50. 
Ousiad Abou Bekr Kharczmy, li3 n. 
Ousiad Abou Manfour Mohammed Da- 
qiqy ibn Ahmed Barkhy, voy. Daqiqy. 
Oiistid)iq, les —, 02 n. 
OuMlik, 11. 

Ouslouwanâ (canton d' — ). Hl n. 
Outby, lîa n , -179. 
Ouynaq, 103 a. 
Oxus, r — , voy. Diihotin. 



Paiyn Qaléh, 903. 

Pamir, 27 n. 

Pan ou Pan Kouiouk, les —, 5H n 

Parsis, lea —, voy. GuÈbres. 

Pasquicr, J. B , 153. 

Pay Quedouk, 21. 

Pehlivan âta (canal de -}, vu. 

Pehlivan Mahmoud Kharczmy. lOS, 117, 

133-130, 150 n. 
Pékin, 105 n. 
Pcndjchcnbch, lri8. 
PemchÈh Kint, 15!). 
Perièh, 103. 

Persans, les —, v, 100, 101. 10:i, 170. 
Perse, la —, iiv. xx, 81 n., Ou n., i)-). 0.'), 

100-108. llî, 113. 117, IJO, Ii7, lîi n,. 

131, 160, lOB, 187, 311, îi9, 211, ilÔ. 
Perviï Mirza. 79, 80. 
Petermann. A, 183 n. 
Pey Chaqry, 70, 
Pbarazmanc, iv. 
Pkhdadian, les —, xix. 30 n. 
Pichkhidmet, le —, 111. 
Pictro dclla Valle, 10 n. 
Piran, 3*2. 
Polak. US n. 
Posidonius. 331 n. 



Pouchii Kemcr mont — I, . 
Pouchii Kouh, 37 n. 
Pouli Nika, 31 n. 
Pouli Sefid. 33. 
Pour Bay Vely. 117, 13-3. 
Pou-isou [Heuve), IV. 
Pusserck. 67 n. 



CJabous H'Emir— ), 'it. i07. 
Qabous {famille de — ), Jj, 
Qadjars (dynastie des — ), ivi. 30, 32. 15, 

.')!!. 03, 07, 303. 201. 
Qâf, voy, Elbourz, 
Qals (iribu arabe de — ). 170 n. 
Qala'ah (château a Rey), 333. 
QalÈhi Mour. î». 
QalËhi Sifih Bâiâ, vuy. Siâh Bâlâ. 
QBlmaq, les-, 168 n. 
Qandjermth, les — . 58n. 
Qan laqmaz, les—, 61 n. 
Qanly Tùpeh. 317, 318. 
danoun oui Edeb, 1(>6 n. 
Qaplan Qiry mont). 67. 
Qarabalkhan, les — , ')7 n., 6:) n. 
Qara Bcyal, les—, 87 n. 
Qara Cheikh, 63 n 
Qarachour, les — . G.Î n. 
QaraJachlou. les —, 58 n. 
Qaradjch. les — . 58 n. 
Qarad)i.-h Daghy. les — , GJ n. 
Qara Djouiin Turk, 361. 
Qara l'.lcklik, 00. 67 n. 
(iaragueuzlou, les — . 87. 
Q.ara Khan Aia Bay, 51, 5H, 181, liii, 

10-2-100. 

Qara Khodja, 165. 

Qara Koul (ville), l'iO, (lacl. lu" n. 

Qaraoul-tchay (aftluent du Gourgan , 56 n. 

Qara Qalpaq, les — , 110, 151. 

Qara Qapy liombeau de — ), li;i. 

Qara Qoulaq, 110, 70, 112. 

Qara QoulJja. 103 n. 

Qara Qoum (disert,, m. 

Qaraqoum [ville), 168. 



INDEX ALPHABETIQUE 



323 



Qara Say, 1(33 n. 

Qara Senguer, 58 n. 

Qarasou (affluent du Gourgan), 56 n. 

Qara Tenghiz (nom de la mer d'Aral, voy. 

ce mot), m. 
Qaratèpèh, 2-2 n. 
Qaratiken, 62 n. 
Qara vi eh, les — , 6*2 n. 
Qarchy, voy. Nakhcheb, 154, 155, 157,222, 
Qarcn, voy. Elbourz. 
Qarenâbad, 63 n. 
Qarendjik, les — , 58 n. 
Qariab. 213; Qariaby , les —, 213, 214, 

210, 219. 
Qarmenta, 163 n. 
Qarnas, les — , 63 n. 
Qary, le —, voy. Omar et Osman. 
Qassimlou, les — , 87 n. 
Qathran Tebrizy, xxiii. 
Qavanlou, les — , 97. 
Qawwam oud Din, 150 n. 
Qaza, les — , 58 n. 
Qaza Halgah, les —, 58 n. 

Qazaq, les —, xiii, liO, 151. 

Qazhy Kelan, le —, 130. 

Qazwin, 87 n., 108 n., 232. 231. 

Qazwiny, vi, 9 n., 113 n.. 229, 233. 239, 
241, 250, 286. 

Qichlaq, 22. 

Qichlaq Khar, 205. 

Qilidj Khan. 196, 197. 

Qiptchaq, 151, les —, 163. 

Qir, les —, 58 n. 

Qirghiz (ville). 167. 

Qiriman âta, 67. 

Qiriq, les —, 62 n. 

Qirq-Qiz, 168, voy. Qirghiz 

Qisqah Aq, les —, 58 n. 

Qitaly, 133, voy. Pchlivan Mahmoud. 

Qizil, les—, .58 n. 

Qizil Alan (mur de — ), vi, 150 n. 

Qizil Arslan, ICI n. 

Qizil Bach, les -. 88-90 , 03, 104, 111 
112. 

Qizil Qoum (désert), m. 

Qizil Rebath, 89. 

Qizil Sou (riv.\ 161 n. 

Qizliq (col de — }, 200. 

Qobad, 47, 07. 



Qobaligh, 165. 

Qomr (monts), 10. 

Qonghourat. 150. 151, 176. 

Qonièh. 142 n. 

Qonqaly, 151. 

Qoubbet el Khadhra, 157 n. 

Qoucem ibn Abbas, 158. 

Qouch Beguy. le —, 215 (canal du — \ vu. 

Qouchèh. 204. 

Qouchtchy, les —, 63 n. 

Qoudan (rEmir- ),xi. 

Qoudjouq Tatar, les — , 62 n. 

Qouhistan, le —, 30, 108. 

Qouimet âta. 67, 181. 

Qoullar, les —, 58 n. 

Qoulou' (père de Ferroukhy), 251. 

Qouly Khan, l&l, 193-197. 

Qouly Khan Aq, 54, 60. 

Qoulzoum (mer de — ), 59, voy. mer Cas- 
pienne. 

Qoum, 131. 

Qoum Dervazèh, (porte de Kachghar), 
161 n. 

Qoumes (province de — ), 230, 232. 

Qoundouz, 159 (à Boukhara). 255. 

Qourban Kel, 218. 

Qourt thayfèh, 58 n. 

Qoulcïbah, fils de Taghchadèh, x. 269, 
270. 

Qouteibah ibn Mouslim, 167 n., 258 n., 
264-268, 273, 274,276. 

Qouthb oud Din Mohammed. 124, 139, 
voy. Mohammed Kharezm Chah. 

Qoutlouq Sultan, 149, voy. Fakhr oud 
Din Qoutlouq. 

Qouz Aly, les —, 58 n. 

Quatremèrc, M., 165 n. 

Qyat, les—, 151. 

Qyr, les —, 62 n. 



H 

Raad, 51. 
Rahi Pey Nik, 87. 
Rahman Qouly, xiii. 
Rahman Qouly Khan, 178. 
Rahman Qouly Tourèh, 176, 



RELATION DE t. AMBASSADE AU KHAUIiZM 

Kiza Qouly Mina, SU de Nadir Chah, x 
R!?aqy, le—, Î31. 



Rahmct oulbb Divan Khan M«hler, ~i, 

78. 
Râhniet oullah khan de Khoqand, voy. 

Khodja Rahmet Oullah. 
Rahmel oullah Khan Efohar, 305. 
Ramctin, U5 n., 959 n., 301, ÏG2. 
Ramich, IIG n. 
Ramin, 3G5. 
Raottdhat oui Djennai fi anussaf Heral, 

nin. 
Raou^etouU il Elb^b, lOÎ n., \oy.Tarikhi 

Beaakcty. 
Raou-ygt ous Scfa, lOJ. 111, ill n. 
Raoïi^cl ous Sc/jy Nauiry. ïvi, ïx n. 
Raou^ei oui Thahiritt, xx. 
Raqqah, 107 n. 
Rai (Kiiy;, a3:i. 
Rebab, 01. 

Rebath(ùBikend', I<U n. 
Rcbalhd'Emin Abad, IH. 
Rebaihi Evvcl. 3ul, 2Uî. 
Kubaihî Sourkh, voy. Sourkh Rcbath. 
Rcbi'ah, ûlle de Kaab, xix. 
Rebi oui ebrar oué noussous oui akhyar, 

100 n. 
Re>:hid Amyd oui Moulk (l'Emir), 279. 
Rechid ouJ Din, 110 n., liii n. 
Rtdiid oud Din Vaihvath, xxr, l-ii, 12:., 

IJÔ n., 170 n. 
Refnik, 87. Ii7. 

Rchim Qouly Khan, x\v, xv, 1711. 
Rey, 7-11, 10, iO n., 79, 8 1. HT n. 110, 

li7 n., W5-3U7, 43U-Ï37, ilU,21l. 
Rezy oud Din Aly Lalay (le Cheikh — ), 

Uî, 113 n., 115 n, 
RhsgÈs, voy. Rey. 
Riaj oui Ari^ii, XX, xxic, Ii'j. 
Riguistan, le —, iH'-, ilH. il'J (porte du 

— ), 27i, 380. 
Rissjlèh, les ^, li:i. 
Rider, n., 10 n , la n., iJ n , 'ii n... xj n.. 

90 n. 
Riza (l'imara — ".voy. Aly Riza. 
Riza Qouly Khan, xï et suiv., il n., ;li) 

n., 80 n., SU n., 317 n . îôl. 
Riza Qouly Khan; lîls de Moustafa Khan 

Seden Rouataqy, i'-t, 108. 
Riïa Qouly Khan ^llkhany de Khabouchan), 



Riïi 



n, 8. 



Rosen (baron de — \ S7 o. 

Rouilbar, IDS n. 

Roudch ;bazar de —, à Rey), îai, iW. 

Roudeky (le poêle) — ), 283 n. 

RouJi Hach ^riv.'.. 160 n. 

Roudi Pouli Padichâhy, -Ji. 

Roujjhad, 30. 

Roukn oud Din Ala oud Daoulèh (le 

Cheikh -), iOl. 
Roukn oud Din Khour Chbh, I08 n. 
Rouzbehan Misry, 111. 
Rouïvcnd, IX. 
Ruben, (tribu de — ), 3l.'>. 
Russes, les —, 3i. 45. J7 11., Iftl, ICI n. 
Russie, la -, 60, 70. %. 97, lOU, 13J, 151i, 

loi. 
Rusicm, lîJ, 157, 170 n., 189 n. 
Ruatc:iid8r, 30. 



Saad. 51. 

SaaJ ibn Khalif iQadi de lïoukhara). i78. 
Saad oud Din Hamawy, lli, 113 n.. 115 n. 
Saad oud Din Kachghary, voy. Khodja 

Siad oud Din. 
Saad oud Din Teftazany, 85 n. 
Saady (le poète — ), xxiv, 251. 
Sabath.lOtl n. 
Sabay Kachany, voy. Feih Aly Khan Ka- 

Sachau, D' Ed . vi n. 

Saoy Silvestre de — , 108 n. 

Sadiq Isfahany, voy. Mirza SJdi^ Isfahany. 

SaJiq Khan, 103 n. 

Sadroud Din (le Cheikh — ;. l^" "■ 

Saftàrides les —, xxu 

Saghaniin (pays de—}, liJO n. 

SilhaLib, les —, 58 li. 

Sahib Moueyycil, le — . 27!». 

Sa'id ben Aly el DjourJjany, 10 n,, 57 n., 



INDEX ALPHABKTIQUE 



•^ 



y ■^ 



Sa'idèh, fils de Ka'ab, 105 n. 

Sainte-Croix, M. de, 2:>4 n. 

Sakhr, 2-11 

Salakh, les —, 62 n. 

Salmanassar, 2i5. 

Salour. les—, 89. 100, 112, 172, 216. 

Saly Kendch, 48 n. 

Sam, 160 n. 

Samanides, les —, xi, xxi, 252 r., 259, 

279. 
Samarqand, xi, 110, 154, 157-lGO n., M5, 

168 n., 353, 257, 259, 264, 268, 275, 291, 

294. 
Samedoun (village), 278. 
Sam Khan, 213,214, 216. 
Sam Khen (lac), Sam Khas, 107 n., 257. 
Sam Mirza, xxi. 
Sana'at oui Kitabèh, 57 n. 
Saoukcnd Namhhy 155 n. 
Saqally, les —, 58 n. 
Saqar, les — , 62 n. 
Saqar Beikdily, les —, 63 n. 
Saqar Tchckèh, 69. 
Saqifèh, le —, 105 n. 
Saqmeiin, 261. 
Saqsin (pays de — ), 59, 222. 
Saqy, les — , 58 n. 
Sar (désert de — ), 61 n. 
Saridjiy, les —, 58 n. 
Sarouq, les —, 89, 00, 109, 112, 216. 
Sart, les —, v. 

Sary, 0, 25, 27, 29, 31. 33-35, 207. 
Sarj' (district de — ), 22 n., 26 n. 
Sarydjèh Meyout, les —, 62 n. 
Sary Sou (affluent du Gourgan), 56 n. 
Sassanides, les —, 230. 
Savèh, 29 n., 2^10. 
Sewar oui Aqalym, 256. 
Say Bouy, 150. 

Sayd, fils d'Ahmed, fils d'Ismayl. 279. 
Sayd (l'Emir — ), fils de Mohammed, fils 

d'Ismayl, 275. 
Sayd ibn Amr bin el Essoued el Harachy, 

29G, 298. 
Sayd ibn Osman, 2G3, 264. 
Sayd Mohammed Khan, 173. 
Schlimmer, Cl n., 68 n., 128 n. 
Schomkerker, 239, 219. 
Schuyler, Eug., 15M n. 



Scbzvar, 215. 
I Sefev Namèhi Naciri Khosrau, 210 n. 
Sèfèvy (les princes — ), viii, xx, 3iî, 39 n., 

41. 42, 45. 103, 133 n., 220. 
Sefid Djamègan, les —, 260. 270. 289 et 

suiv. 
Sefnèh, 260, 271. 
Seghaoul, 16.'). 
Sèh-Bend, 18. 

Seîr oui bilad ilal miad, 1 1.\ 
Sciyah Chirvany, xxr. 
Seiyd Abou Djater Aly. Sciyd Ahmed Na- 

qib, etc., etc., voy., Abou Djafcr Aly, 

Ahmed Naqib, etc. 
Sciyds (les — du Khorassan), 155 n. 
Seiyds Fathimites, les — , 101. 
Sekakend, 168, n. 
Selathini Elwarièh, 103 n. 
Seldjouqides, les, xi, xxr, 07, 124, 231. 
Scleucus Nicator. 230. 
Selsebyl, le —, 65, 208. 
Semcngan, 169 n. 
Semctin, 261, 277. 
Semnan, 20, 30, 67 n., 204, 205. 
Semoulgan. 56 n. 
Senay, 14?. 

Scngui Ainèh (pierre à Esfereng), 161 n. 
Scnnar, le — , 10. 
Sensket. 165 n. 
Serakhs, 58 n., ai, 85 n., 88-91, 98, 99, 

109-112. 172, 212-219, 221, 222. 224, 
Serakhs, fils de Gouderz, 172. 
Serakhsy, el — , voy. Abou Abbas Ahmed 

el Serakhsy. 
Serakhsy, les — , 89. 
Seray, xir, 162 n., 169 n. 
Serbanan (bazar de — , à Rey), 232. 
Serbendan, 15, 17. 
Scrguerdèh. les — , 198. 
Seri Guedouk, 21. 
Sewad Kouh, 22 (bulouk de — )j 23 n , 

211 n. 
Seyf oud Din el A'radj (le poète—), 161 n. 
Shaw, Robert, 164 n. 
; Siâh Bâlâ. 53, 54. 
I Siâh Danèh (plante), 175. 
Siâh Pouch, les — , H. 
Siâh Roud, 22. 
: Siâh Roustaq, 30. 



RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM 



Siavech, lil. Il« n.,-271. 

Siavechek, 57 n. 

Siam (mont — ), 2HU, 

Siffin. loi, 107. 

Sikhali, 1C6 n. 

Sihhat Niaz Khan, 9l9. 

Sihoun, le -, InL, 153. 153. 160 n., 16î- 

ItiCn. 
Sikendjebin, voy. Sirkenguebio. 
Simad Kcbir, îHI. 
Sin (porte et bazar à Rey), %ii. 
Sind, le —, lliS n., 189 n. 
Sindjar (Sultan), iU. 135, 155 n., 171 n., 

273. 
Siounedj, 271. 
Siret our Ressoul, lO.'i n. 
SirkenguebLn. 60 n. 
Sistan, le —, 30, 18H n., Î51, Ï5i. 
Slane, de -, U8 n.. 150 n., IM r„ 188 n. 
Soghd, le —, VI. 157. 255, 250,260, 363. «:>, 

SC6. 377, 2TH, 28«. 203-2!». 
Soghdian, i04. 
SOI .chef turk), 07 n. 
Soubekh, voy. Choubckh. 
Soudan, le — , 10. 

Son Dcrvazèh (porte de Kachghar), IGl n. 
Soufy (ordre des — ), ICi. 
Soufyan, lus -, 02 n. 
Souherverdy lordredes — 1. Ul n. 
Soulcyman Khan CJadjarlJavanlou, iOJ. 
Soundan Uchadir, UO. 
Sour (la nuit du — i, 2«0. 
Sourkh Rebath, 22. 
Sourouch (l'ange — ], 20U- 
Sourqany ;canal de —, à Reyi, 232. 
Souroury, xim. 
Strabon, 230. 

Suleyman ■le prophète — . 10, 39, llî, 211. 
Sulejinan Khan Derchguèzy, 113. 
Suleyman Khan Guireïly. 26 n. 
Sultan Abad (forl de — |, VM. 
Sultan Murad Mirza, voy, Hussam oua 

Salthanêh. 
Sulthan Douïn (plaine de — ). 06 n. 
SurmÈh, le —, H». 
Suse, MD. 
Syr Daria, Syr Deria. L'iS n,, 163 n., voy. 

Sihoun. 
Syrie, la -. W3. 



Taana, les —, 5B n. 
Tach Haouz, 137. 

Tachkend, 159, 162, 103 n., 165 n. 

Taeh CJourghan, 170 n., voy. Khoulm. 

Tadj âia, 65 n, 

TaghchadÈh, 250, 267-2ti9, 281. 

Takhil Scfer, 175. 

Talar, le—, 23 n..23, 26 n. 

Tangry Qouly Tourèh, Tï, 78 

Taqouim, 165 n.. 108 n. 

Tarab, 265. 

Tarab Memasty, 261. 

Tarantchy, les — . 168 n. 

Tarikhi alein âra, 40 n. 

Tarikhi Bailuhi, v n. 

Tarikhi BcnukHy, lii2. 

Tarikhi Boukhara, TiU n., 166 n., 167 n , 

238. 
Tarikhi Miinedjdjim Bachy, 161 n. 
Tarikhi Rechidy, 101 n. 
Tariki Tbabeiy, £1. 
Tarikhi Ytminy ioul Yemînyl , i~ n., 

183 n , mi. 
Tarikhi Turkcslaii.ini n. 
Tdi, 83, 
Taurs, les -, U2. 142, 113 n., IWJ, t73, 

278. 
Taucus, le -, 2.ir,, ÏKi. 
Taziks, les —, 83. 
Ttliach (province de). l-'i3. 
Tchaker (surnom de Riza Qouly Khan). 

Tchardèh Kdaiêh. xvi, 203, 'io-l. 

Tchâtch, 165. 

Tcheghanian. le -,252 n. 

Tchchar Chèhbaz .tombeau de —,à Khiva). 

117, 
Tchehar Djouy, 1.=*, 
Tchchar Meqalèh, ixi, 252. 
Tchehar Tchemen (jardin de — ), 138. 
Tchchil Suuioun (jardin de -). 39 n. 
Tchers. le —, 128. * 

Tchilau, le -, 115, 
Tchilguessy 'alHueni du Gourgan' . r,0 n. 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



327 



Tchinaran, 25 n. 

Tchinaz, 163 n. 

Tchin Soufy, xiii. 

Tchiraghtchy, 155. 

Tchirichly, 67, 180. 

Tchirtchiq, le —, 16;i. 

Tchitchektou, 169 n. 

Tchouder, les —, 178. 

Tchoughan, les —, 53 n., 58 n. 

Tchouny, fils de Yomout, 58 n. 

Tebriz, xvi, xviii, 68 n.,87, 136 n., 162 n., 

216 n. 
Tebrizy (arbre), 75. 
Tedjend, 111 n. 
Tedjrich, xviii, 80. 

Téhéran, xvi, xviii, xix, 7 n., 9-11, 50, 51, 
75. 82, 87 n.. 91-94, 98. 103 n.. llO. 116. 
106, 201 n.. 205 n., 206, 209, 213. 214 n., 
219. 224, 235, &17. 
Tchmouras, 171 n., 204. 
Teîmény, les —, 216. 
Tckbir, le —, 190. 
Tekèh, les —, 82, 84, 89. 90. 98, 109-113, 125, 

172, 170, 216, 219. 
Tckich Khan, 139, 162 n., 231. 
Tckich Kharezm Chah, 149 n., 279. 
Temck, les — , 63 n. 
Tengtach (pays de — ), 11. 
Tengui Dehanèh, 19 n. 
Tengui Toghâb, 61 n. 
Terakhèh, 260. 
Teravih, le — , 128. 
Termiz, 155, 156, 160 n. 
Tewarikhi Chdhroukhièh, 163 n. 
Tewarikhi Zendièh, l03 n. 
Te:[kerèhi Boughra Khan, 16^1 n. 
Teikerèhi Mohammed Chdhy, xxi. 
Te:{kerèhSf les — , xxi, 132, 251. 
Te{keret ouch Chouara, 155 n. 
Thabar, 30. 
Thabarestan (mer du — ), 59, le —, 11, 20, 

29, 30, 230 n., 232, 235, 239. 
Thabary,33, 285, 286. 
Thahir ibn Hussein, rEmir—, vi. 
Thahirides, les —, vi, x, xxi. 
Thahirièh, VI. vu. 
Thahir Mohammed Sebzvary, xx. 
Thahir Nasrâbady, voy. Mirza Thahir Nas- 
râbady. 



Thakharîstan, le — . v, 168, 169 n.. ^i2, 204. 

Thaliqan, 169 n. 

Thammei el Koubra, voy. Nedjm oud Din 
Koubra. 

Thariq oui Tahqiq, 142 n. 

Thebbes, 68 n. 

Thcberck imoni), 233. 

Thehmouras Divbcnd, 29, 33. 

Theras, voy. Tiraz. 

Therkhoun, 265, 266. 

Thibet, le —, 11. 27 n. 

Thijen, 90, 111- 113, 172. 

Thokharislan, voy. Thakharîstan. 

Thompson, R. F., 239. 248. 

Thompson, W. S., 239,247. 218. 

Thourfan, 168. 

Thous, 233, 277. 

Tien-Chan (plateau des — ), 163 n. 

Tiraour, xiii, 157 n., 158, 170 n. 
Tiraz, 166, 260. 

Tobba (dynastie des — \ 157. 
Toghroul Bek, 168 n„ 231. 
Toghroul (Sultan — ), 149 n., 161 n. 

Tohfèt oui Alem, 25 n . 

Top Yatty, 66. 

Tornberg, 289. 

Touly Khan, 171 n. 

Touman (riv.), 164 n. 

Touqtamich Khan, 162 n. 

Tour, fils de Toudoun, 164. 

Tourakina, 155 n. 

Touran, le —, 94, 122. 140, 152, 160. 164- 

166, 168. 
Touraniens, les — , 121. 172. 
Tourèh (le Naïb — ), voy. Tangry Qouly 

Tourèh. 
Tourèh Ataligh, 137. 
Tourèh Bay Khanum, 149. 
Tourèhs, les —, 177, 178, 217. 222. 
Touskayk, 43 n. 

Transoxiane, la —, ix, xi, 85 n.. 154. 158, 
161 n., 165, 167 n., 252 n., 256-259, 262, 
268, 285, 286, 289. 
Truilhier, 205. 
Turkan Khatoun, 140. 
Turkcstan, le —, 59, 121, 153, 163-166, 

169 n.. 224, 260, 261, 266, 290. 
Turkestan (porte de -, à Cheheri scbz), 
157 n. 



328 



RELATION Dk (.AMBASSADE AU KHARKZM 



Turkmen, les —, (U n. 

Turkonians. lc>— , Ï6 n., 3i. 41 n.— 4>. IS, 
Jij-Oj. 7i', Un., m a., 90, 97. 93. hX, 
109-llî, 13«. 17Î. m-l>C, lft9-195. 199- . 

201. ioo, aiî-îic, m, îii, sriO. 
Turks, les -, vi, hl n., a!-6j. lil. 155. I 

V.» n., Wi, î-iS, î-W, î'JS, i77, Î78, ÎS-j, ! 

390, îOl. 
Turquie, U —, 100, 100, 11'». ' 



Werdan Khouda. ilîâ. 
U'erqa ibn N<isr el Bahily : 



Wood (Major — ;. lr,3n. 
Waslc.ifL-ld, V n., llln , 



Uich Qounly, les —, G3 n. 
Vzbeks, Ils -, \ni.S3. \>6, m, lirt, 151. 
1(11. las n-, 170 n., 176, 179, 201, aOÎ. 



Vachy, 19. 

Vamberg, 158 n., 183 n. 

Varscng, 1G9 n. 

\'athvath. voy. Rechid oud Din Valhvath. 

Vecbmguir, -V, 

Vekyly, les —, 62 n. 

Velehghouz. 43 n. 

Verakhchy, ïCI, 270. 

Vcramin, 11), 305. 

Vcrzioih, 203 n. 

Vfeir Cheheiy (district de — ), xiii, 

Ve^valin, 108 n, 

Villoteau, M., 51. 

Volga, le—, Tj!). 



Wacil ibn Amrou, îGS. 309. 
Wacil ibn AtbacIGhazzat, 10^ n. 
Waciq (le Chalifc -), 102 n. 
Wcdavv (canal de — ), vn. 
Werdnnùli, 265. 



Yadjoudj, 212. 

Yafey. l4l. 

Yailaq. 22 n. 

Y,nkh Kucby. les —, 10 n. 

Yangaq. les —, Q3 n. 

l'anp.;y. les ~, 53 n. 

Vaqiub Bcy, loi n. 

Yaqo'jb ibn Chirin el Djendy fie Qadi —\ 

IGG n. 
Yaqout, iv, v, vi, 105 n.. 11!) n., lôù n., 

15Î n . 101 n.. IW, luT n., îi:>, 2i0 ÎJ«i. 
Varaqiach (l'Hinir — ), xi. 
Yar Aly, 53, 58 n. 
Yarkend, lC-1 n. 
Yar Mohammed Khan, l'ii. 
YaSin Bay, 219, 
Yekèh Bagh, 1". 
Yciqay. les —, Cî n. 
Yiimcn, le— . 157. 
Ycmiiiy, voy. Tarikbi Yaiù.iy. 
Yeiid (le Khalife —J, lui. 
Yczid, tils de Ghourck. -i78. 
Yezid ibn oui Mohall.b, i. 
Yezid Selm, filsdeZiad. x. 
Yokhofou bach.les —, eO. 
Yokhary Bollou, les —, 03 n. 
Yomout. les —, lît-50, .'';3, 51. 58 r., fil, OJ, 

67, 08 n., 70, 8J, »■), 9il. 98, 109, 120, 



135, 138, 1- 

195-197, 216. 
Yomout Badrai 

tymer. cic. 

Eymer, uc„ etc. 
Yomout Djafer Bay, voy 
Youhoudièli, \a n. 
Yuussouf (Vézir du Kh: 
YoussoufDjan Aga, 71. 



fi, I«0-1S(Î, IH9, lui, 102, 



lout Doudjy. Yomout 
oy. Badraq, Ooudgy, 



INDEX ALPHABETIQUE 



3:^9 



Zabiul, le— ,11. ISO n. 

Zabulon (triba de — ;, 3[). 

Zakarija ben Mohammed cl Kazwtni, voy 

Qazwiny. 
Zal, lW9 n. 
Zamakhchar, ii, IjO. 
Zamakhchary, lôO, IfiG n. 
Zamin. lUO n, 
Zarfi Dounya, 16. 
Zcliiroud Din,31. 
Zekal, le — (impât), 130. 
Zeky Khan ZenJ, xvc, 30:t, îOl. 
Zenb;:dy (château de — ), U'iO. 
Zcndllribudcs— !. 103 n., (dynastie dus — ; 

XX, 103 n., Î03. 
ZcndpiUliy, le— , i83. 



; Zenguy Aly Khalifch (l'Emir — ), 373. 
' Z;nguy flta, Bj. 

Zerend, lii n.. Kl. 

Zcrmaî, îOI, SOH. 
, Zcyd, 102 n. 

Zeydiùh (Seiyds — ), 31, les — (secte), lOS. 

Zcyn oud Din KhAfy :Ic Cheikh ~~), ICI n. 

Zhchir oud DaoutËh. 1T3, voy. Yar Mo- 
hammed Khan. 

ZheUr oud Din, lui n. 

Zia oud Din (k Cheikh — ), 137 n. 

Zia oud Din (localité), 150. 

Zikten, 3ï)J. 

Zirâb, 22 n„ 23. 

Zohak, 13n..lO, 239-ail. 

Zuubdet ont Teu/arikh, 1*0 n. 

Zoulfcqar Khan (le Serdar — ), fi7 n . 

ZyaJ el llarilhy, 201, 862. 

ZyaJ Guilany (dynastie des Deilcmiics 
de— ), 30n. 




CORRECTIONS ET ADDITIONS 



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Page 2 1 , ligne 28, c'était, lise^ c'étaient. 



— 3o, 

— 43, 

— 99. 

— 'II) 

125, 

— 142, 

— 142, 

— 144' 

— 144, 

— '4^, 

— i49î 

— 176, 

— 194. 

— 19^. 

— 19^'^ 

— 198, 

— 222, 

— 223, 

— 270, 



17, Damgham, /wef Damghan. 
3 de la note i , Touskayck, lise^i Touskayk, 
22, Seraks, lisej Serakhs. 
2 5, Derhèguez, lise^ Derèhguez. 
1 1 , Rhiva, lise:{ Khiva. 

8, Balky, lise:^ Balkhy. 
j5, Mejd, lise^ Medjd. 

17, Medj, lise^ Medjd. 
24 Medj, lise^ Medjd. 
34, Zefer, lise^ Zoufer. 

26, Qoutlouq Inandj, lise^ Qoutlouq fils d'Inandj. 
14, Ghanqah, lise^ Ghanghèh. 

9, guide, /wef garde. 

I, Une femme, lise:^ Cette femme (la sœur de Qara Khan). 
3o, Ata Khan, lise^ Ata Bay. 

18, Enzany, /wef Anezany. 
II et J2, ou, /i5ef et. 

3i, Fridoussy, /wef Firdoussy. 
21, Mouhadhad, lise^ Moutadhad. 



.o2o 






®^<âaK5c 




TABLE DES MATIERES 



INTRODUCTION. 



RELATION DE L'AMBASSADE AU KHAREZM 



Récit du voyage ; arrivée à Khiva 

Du mont Elbourz 

La montagne de Demavend et la province de ce nom 

Baghi Chah 

La plaine de Vachy 

La ville de Firouz Kouh 

Description du Thabarestan et du Mazanderan 

La ville de Sary ." 

Barfoiyouch ^ , 

Mechhedi Ser /. 

Amol 

Baghi EchreF. 

Djeri Goulbad 

Esterâbad 

Abiskoun 

La rivière du Gourgan 

La mer d' Esterâbad ou mer Caspienne 

Les Turkomans Yomout 

Description du palais du Khan à Khiva 

Récit de ce qui s'est passé pendant le mois de Chaaban 

Kellabagh 

Récit de quelques incidents 

Hassan Khabouchany 

Exposé de la situation de l'envoyé de TEmir de Boukhara auprès de la Cour otto- 
mane. Son retour 

Récit de quelques faits 

Mon entrevue et mes entretiens avec Mohammed Emin Khan Uzbek 

Autres questions du Khan de Khiva 

Evénements du mois de Cherval 



b 

10 

i6 
«9 

20 

29 
3i 
3i 

32 

33 

36 

42 

44 
46 

i»6 

^9 
61 



7- 



73 
77 
77 
79 

82 

84 

91 

93 

112 



334 TABLE DES MATIÈRES 

Règles observées dans le Kharczm pour les repas 1 1 3 

Tombeaux qui, dans le Khareim, sont un but de pèlerinage 117 

Vttcmcnt d'honneur donné par le Khan de Khi va 117 

Ahmed Khodja, Naqib de Boukhara 119 

Descriplion de la province du Kbarcjm m 

Heiaresp ii3 

Khankâh 1 i5 

Khiva 126 

Habillement des Khivicns 1 3o 

Biographie de Pehlivan Mahmoud Kharczmy i33 

Diîpart de Khiva pour Kohnèh Ourgucndj i37 

Récit des événements lamcniabks du rtgnu de Sultan Mohammed Kharezm 

Chah 1 39 

Récit de la vie et du martyre de Ncdjm oud Din Koubra 14 c 

Fakhr oud Din Abou Abdillah Mohammed Ibn Hassan el Qouiachy et Tcmimy 

el Bckry 147 

Le lac du Djond du Kharezm (mer d'Aral' iSa 

Notices sur l'état actuel des villes du pays de Boukhara la Noble 1^4 

Géndalogic dp l'Emir de Boukhara t6o 

Province de Fcrganèh iGo 

Résumé de l'histoire des Khans de Khiva 175 

RËgles observées pour l'élcclion et l'intronisation d'un Khan 177 

Exposé de quelques faits 178 

Meehhedi Missrian ' 18a 

Retour h Estcrâbad 197 

Description du Bend (barrage) du Gourgan Iq8 

Départ d'EsierSbad 200 

Tchardih Kelaiùh 2o3 

APPENDICE : 

I. — Reï 22g 

II. — Le Deuavend iSq 

III. — Ferroukhv 25 I 

IV.— BouKKAH* a55 

La citadelle de Boukhara 371 

1^ grande mosquée de Boulihara 273 

Le Mouçalla de Boukhara 27O 

Muraille de Boukhara, vulgairement appelée Kounsserek 277 

Le palais des rois à Boukhara :i7g 

Le bazar do Makh 283 

La fabrique de tissus ^Beit outh Thiraz) à Boukhara 2K3 

V. — MOOQANNAH 285 

INDEX ALWABÉTIQUE 3o3 



FIN DE LA TABLt; Di:S MATIk:RES 



-EROUX.KUiTKUR.piip Bonaparte. 2&,P«rîs. 




CARTE 

-lour srrvii- à l'iiilellièencc 

DC VOYAGE 
. RIZA QOULY KHAN 

AU 

KIIAKEZM 







l'UBLICATIONS 

^qPLB DES LANGIl I S VIVANTES 



■ VOda, [Kibliik ir«jKa kf i 



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