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1
p AMBASSADE
1
[ AU KHAREZM û
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LE PUY, IMPRIMERIE DE MARCIIESSOU FILS
PUBLICATIONS
DE l'École des langues orientales vivantes
IV
RELATION
DE
L'AMBASSADE AU KHAREZM
RELATION
L'AMBASSADE
AU KHAREZM
RIZA QOULY' KHAN
TRADUITE ET ANNOTÉE
Par CHARLES SCHEFER
MEMBRE DE l'institut
rREMlER SECRÉTAIRE INTERPRÈTE DU GOUVKRKEMENT POUR LES LANGUES ORIENTALES
PROFESSEUR A l'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
ILE DES LANGUES ORILNTALeS VIVANTES, DES SOCIÉTÉS DE
DB SHANGHAÏ, DE KEW-KAVBN (ÉTATS-UNIS), ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28
1879
INTRODUCTION
INTRODUCTION
n^ r\j*.r^ ftft^ 0\^* t f\^ ^ / . ^.
ES géographes orientaux désignent sous le nom de Kha-
re^m la bande de terrain qui s'étend le long des deux
s rives du Djihoun , depuis Vanciertne ville d*Amol el
Mefa\eh jusquà la mer d'Aral y appelée par les tribus turkes Qara
Tenghii (mer noi?^e) ou Euku^ Souy (Veau du taureau).
Ce pays forme une oasis qui doit sa fertilité au fleuve et aux ca-
naux qui en sont dérivés. Il est bojvté, au ?tord, par la partie du ter-
ritoire russe qui portait autrefois le nom de Dechti Qiptchaq, et qui
était occupée par des tribus nomades dont la plus puissante ^ celle des
Ghouw, a joué, au moyen âge, un rôle important dans l'histoire
de l'Asie centrale ; au sud, il confine au Khorassan; à l'est, aux rfc-
serts du Qi^il Qoum (sable rouge) et du Bataq Qoum (sable dans
lequel on enfonce), à l'ouest^ au Qara Qoum (sable noir) et à fan-
cienne province du Gourgan.
Les Orientaux donnent, pour le nom du Khare\m, des étymologies
diverses et sans valeur. Selon les uns, le nom de Khâh re^m (qui re-
cherche les combats) caractériserait l'humeur belliqueuse des habi'
tants. Selon les autres, Khar (nourriture) et Rc^m (bois) auraient
désigné le poisson péché dans le Djihoun et le bois qui servait à le
faire cuire. Ces mots auraient été prononcés par des indigènes
intei^rogés sur leur manière de vivre, et ils auraient, depuis lors,
servi à désigner cette contrée. Enfin, Ri\a Qouly Khan prétend
IV RELATION DE L AMBASSADE AU KHARE2M
que le nom de Khare^m fut donné à ce pays par Key Kaous à la
suite du combat singulier dans lequel il tua Chidèh (Khar Re^m,
combat facile).
Il est plus probable que Khare\m dérive des expressions pendes
Qaïr^ Khar (nourriture, herbe) et Zem (terre), Isthakhry et Yaqout
nous disent, en effet, que le sol du Khare^m et les sables des déserts
qui Venvironnent ont quelque ressemblance avec ceux des déserts qui
bordent V Egypte au sud-est, et qu'ils produisent en abondance la
plante épineuse appelée « Ghada » par les Arabes et c Khar i chou --
tour » par k*s Persans (hedysarum el hagi).
Les notions exactes et détaillées sur le Khare^m avant la conquête
musulmane nous font presque entièrement défaut. Hérodote nous ap^
prend que cette province faisait partie de la seizième Satrapie. Ar^
rien donne quelques détails sur l'expédition d*Alexa7idre, et il fait
mention d'un prince nommé Phara^mane qui gouvernait cette con-
trée.
Les anciens géographes chinois ne nous fournissent que peu de
renseignements. Hiouen Thsang (a . D. 648) se borne à dire que « le
royaume de Ho-lo-si-ma ou de Ki-li-sse-mo (Khare^m) est situé sur
les deux rives du fleuve Pou-tsou; qu'il a vingt ou trente H de l'est à
l'ouest et cinq cents du sud au nord, » // ajoute que « sous le rapport
des produits et des mœurs de s:s habitants, il ressemble au royaume
de Fay-ti (l'ancien district d'Amol el Mefa^èh), mais la langue que
Von y parle est un peu différente * . »
Abou'r Reïhan Mohammed el Biromiy, né dans le Khareim,
avait écrit une histoire de sa patrie depuis les temps les plus reculés.
Son ouvrage, qui nous aurait fourni les détails les plus précieux,
n'est pas, malheureusement, parvenu jusqu'à nous. Je n'ai pu en
trouver de traces ni en Turquie ni en Perse, bien que l'on conserve
dans les bibliothèques de Comtantinople et de Téhéran un certain
nombre des écrits de cet auteur.
Aboul Fa\hl Beyhaqy, dans son histoire de sultan Messoud,fls de
I. Mémoires sur les contrées occidentales, traduits du sanscrit en chinois et du chinois
en français par Stanislas Julien. Paris, iBSy, tome I*% page 22, et Histoire de la vie
de Hiouen Thsang traduite du chinois par Stanislas Julien. Paris, i853, pages 388-389.
INTRODUCTION V
Mahmoud le Ghainêvide, a consacré quelques pages aux événements
qui surgirent dans le Khare^m lors de la chute de la dynastie des
Béni Mamoun et de V élévation d'Altountach, chambellan du sul-
tan Mahmoud, au gouvernement de cette province \ Beyhaqy, dans
son récit, s'appuie uniquement sur l'autorité de Birouny dont il
avait entre les mains Vhistoire autographe.
Un passage de ce livre est également cité par Yaqout dans son
dictionnaire géographique. Mais V exemplaire qu'il avait vu y proba-
blement lorsqu'il exerçait à Bagdad la profession de libraire, n'avait
fait que passer par ses mains. Aussi fait-il cette citation de mémoire
et prie-t'il le lecteur de la rectifier ou de la compléter ^.
La perte de l'histoire du Khare^m par Birounf est d'autant plus
regrettable, que nous ne savons que fort peu de chose sur cette con-
trée, avant la conquête des Arabes. On peut supposer, d'après les lé-
gendes et les traditions qui nous été conservées, que les rives septen-
trionales du Djihoun ont été anciennement occupées par des hommes
d'origine persane^ qui y avaient été déportés comme dans un lieu
d'exil. Ils s'unirent à des femmes turkeSy et cette population mêlée
forma la classe connue aujourd'hui sous le nom de Sart^ et qui prétend
descendre de Persans venus du Khorassan, du Thokharistan et de
Balkh. En état de guerre constant avec les tribus qui les environ-
naient, exposéSy quoique musulmans, à être vendus comme esclaves^
les Khare\miens cherchaient encore au xiii^ siècle à se distinguer
de leurs redoutables voisins ; pour que leur physionomie différât
de celle des peuplades turkeSy ils élargissaient ^ au moyen de sachets
remplis de sable, le front et la tête des nouveau-nés.
Dans les temps reculés, le Khare^m eut à se défendre à la fois
contre les Turks et contre les Perses. Le Djihoun formait contre
ceux-ci une frontière naturelle, et à la suite de longues guerres,
il avait été stipulé qu'une bande de terre serait neutralisée sur les
deux rives du fleuve ^ à la distance d'une portée de flèche. Le nord
du Khare^m avait, en outre, comme l'indique le nom de la ville de
1 . Tlie Tarikh-i Baihaki containing thc life of Masoud son of ihe sultan Mahmùd of
Ghaznin by Abu*I FazI al Baihaki. Calcutta, 1862, pages 834-862.
2. Moudjem oui boiildan, édition de M. WOstenfcId, tome II, page 483.
VI RELATION DE L AMBASSADE AU KHARE7.M
Kât \ éié protégé contre les iticursiofîs des Turks, par une muraille
semblable à celle de Qi\il Alan au sud du Gourgan et à celle don^
on retrouve des traces sur la frontière septentrionale du Khorassan.
Les habitants du Khare:{m subissaient Vinfluence persane ; le culte
du feu avait été introduit dans cette contrée, et les prêtres portaient,
comme en Perse, le nom de Mough. Birouny, dans son ouvrage qui
porte le titre de « Elaçar oui baqyéh an il qouroun il Khalyèh >
(Les vestiges qui nous restent des siècles passés), nous a conservé les
noms de dix souverains qui régnèrent dans le Khare^m avant Vap-
par it ion de f islamisme ; il nous donne également dans cet ouvrage
et dans le traité d'astronomie qu'il composa en 421 (io3o) sous le
titre de « Kitab oui tefhim fy ilm il tendjim » (Le livre qui fait
comprendre la science de l'astronomie) les noms des mois, des jours
et des fêtes du Khare^m. Ces dénominations sont en général cor--
rompues du persan^ et elles se rapprochent des termes qui étaient
usités dans le Soghd ^ .
Les géographes el Isthakhrj-, Ibn Hauqal, elMouqadessy, Yaqout
et Qa:{mny nous donnent sur le Khare:{m des détails asse:^ étendus et
qui nous font connaître ce pays à V époque de sa prospérité^ avant
qu'il neût été totalement ruiné par les armées de Djenguii Khan.
Selon le premier de ces auteurs, le Khat^e^m ne formait point une
province distincte du Khorassan et de la Transoxiane; mais, el
Mouqadessy assure ^ d'autre part, qu'une pa^Uie du Khare^m relevait
du Khorassan, et Vautre du pays de Heïthel (la province de Samar-
qand). Il confinait au nord au pays des Ghou:{\; la frontière méri-
dionale qui longe le territoire d^Amol, portait le nom de Thahirièh
en l'honneur de l'Emir Thahir ibn Hussein, fondateur de la dynastie
des Thahirides, qui y avait fait exécuter de nombreux trai^aux d'uti-
lité publique, Cest à partir de cette frontière que commençaient
les terres cultivées qui bordaient les deux rives du DJihoun. Elles
1. Voy pour ce nom la page i5o, noie i .
2. D*" Ed. Sachau. Zhv G ischichie und Chronologie von Klnvarij^m. Dans les 5/7 ^mi^^^-
berichte der KaiseiUchen Akademie der Wissenschaften. Vienne, 1878, lxxiv Band,
page 479. Chronologie orientalischer Vœlker von al Bérùny heraiisgegeben von D*^ Ed.
Sachau. Leipzig, 1878, pages 2o3, 235 et suivante*.
INTRODUCTION VII
s'étendaient jusqu auprès du jnllage de Gharabchineh où Von trouvait
une lône inculte; puis, au delà de ce village jusqu'à la capitale y les
bords du fleuve étaient couverts de cultures et bien peuplés. L'espace
cultivé depuis Thahirich jusqu'à He^aresp n'avait point une gi^ande
largeur, mais, à partir de cette dernière ville ^ il devenait plus consi-
dérable y et y en face de la capitale y il s'étendait jusqu'à la distance
d'une journée de marche, puis il se rétrécissait au point de n'avoir
plus que deux fersengs. Il prenait fln à un village appelé Kit ou Guit,
situé à cinq fersengs de Koudjaghy qui se trouve au pied d'une
montagne au delà de laquelle s'étend le désert.
Les cajiaux qui, au moyen âge, fertilisaient le sol et sentaient de
voies de communication y étaient ceux de Gao Kharèh, de Guirihy
d'He^arespy de Kerderan Khach, de Khiva, de Midra , de Wedak
et de Bouvvèh. Ces canaux subsistent encore aujourd'hui et por-
tent les noms modernes de Pehlivan âia, de Khanâbad, de Chah
âbad, de Gha^yâbad, dArna, de canal du Qouch Beguy et de
Hilally ou Hilaleïn.
Le sol du Khare\m y généralement sablonneux^ ne produisait pas la
quantité de céréales nécessaire à la subsistance de ses habitants.
Le blé lui était fourni par les provinces voisines et même par
celle de Balkh d'où il était transporté par la voie du fleuve.
Tous les fruits, à l'exception des noix, y étaient extrêmement
abondants, et les melons jouissaient d'' une telle réputation qu'on les
expédiait jusqu'à Bagdad, pour êtreo/ferts en présent aux Khalifes ei
aux grands dignitaires de l'Etat,
Les habitants se livraient y pour l'élève des vers à soie y à la culture
du mûrier; mais le commerce et l'industrie étaient les sources de la
prodigieuse richesse du pays.
On exportait du Khare\m des esclaves amenés du Nord, des
chevaux, des fourrures précieuses provenant de la Sibérie et des
étoflfes de laine et de soie qui jouissaient d'une grande réputation.
Les ouvriers des villes, et surtout ceux de Gourgandj, excellaient
dans les ouvrages de menuiserie ; ils travaillaient de la manière la
plus délicate les métaux précieux, le fer, l'ivoire et l'ébène. Les
broderies faites par les femmes atteignaient les prix les plus élevés.
VIII RELATION DE L AMBASSADE AU KHARFZM
Ofî retrouve encore aujourd'hui, dans les produits de V industrie de
Khiva, la tradition très^affaiblic du goût qui caractérisait les œuvres
des temps passés.
La capitale du Khareim a été Jusqu'en l'année 3S5 de Vhé^
ffire CppS) la ville deKât, Elle était quelque/ois désignée sous le nom
de la province elle-même ou sous celui de Kât Khareimieh. Elle
s'élevait sur la rive orientale du DJihoun, et sa superjîcie, qui était
d'un tiers deferseng, égalait celle de Nichabour^ citée par les his-
toriens arabes du moyen âge^ comme une des villes les plus considé-
rables du Khorassan. La grande mosquée de Kât se trouvait an
milieu du ba\ar; la toiture était soutenue par des colonnes en bois
dont la base était en pierres noires et de la hauteur d'un homme.
Le palais du prince était au centre de la ville et non loin de la
grande mosquée.
Lejleuve, dans ses débordements, avait e?nporté une partie des
murailles et des maisons construites sur ses bords et, à l'époque d'el
Isthalchry, on craignait la destruction totale de la citadelle.
Alp Arslan essaya de relever la ville de ses ruines. En 458
(io65), il fit construire une mosquée et un palais pour son
fils Arslan Chah. La ville était traversée par le canal de DJer*
djour sur les bords duquel se tenait le marché. Au rapport d'el
Alouqadessy, Kât, dont les rues étaient sillonnées par des rigoles
destinées à l'écoulement des immondices, était aussi sale qu'Erdebil.
Les empiétements du DJihoun et les circonstances politiques qui
se produisirent à l'avènement d'Aboul Abbas Mamoun détermine^
rent ce prince à transporter sa capitale à GourgandJ ou Diourd-
Janièh^ située plus au sud. Cette ville était, comme Kât, menacée
par les débordements du DJihoun ; pour modifier le cours dufieuve,
on avait élevé des palissades formées de poutres et de gj^osses piè^
ces de bois. Le DJihoun, grâce à ces mesures, se porta à l'est et
prit la direction du désert du côté du village de Feratekin. On
avait pratiqué sur les bords du fleuve, à GourgandJ, des cou-
pures qui permettaient de faire arriver dans la ville l'eau néces-
saire à la consommation des habitants.
GourgandJ était percée de quatre portes. Près de celle de HcdJdJadJ,
INTRODUCTION IX
Mamoun avait construit un magnifique palais dont la porte était
réputée pour être la plus belle de toutes celles qui existaient dans le
Khorassan. Aly, fils de Mamoun, en avait bâti un autre en face
de celui qui avait été élevé par son père. La plaine qui entoure
Gourgandj ressemblait à celle de Boukhara, et on y élevait de
nombreux troupeaux. Les habitants appartenaient à la secte des
Mouta\elèh ' : ils étaient passionnés pour les discussions religieuses,
et tous, même les gens de métier, étaient exercés au maniement des
armes. Gourgandj était le centre commercial le plus important du
Khare^m. Les Glioun et les tribus turkes venaient y vendre des
esclaves et les produits de leur industrie, et c'est dans cette ville que
se formaient les caravanes qui se rendaient dans le Gourgan, sur
les bords de la mer Caspienne, dans le Khorassan, la Transoxiane
et la Mongolie ^.
Les géographes orientaux citent parmi les villes ou les bourgs
fortifiés les plus considérables après Djourdjanièh : Derghan, situé
sur la frontière méridionale. On y remarquait une belle mosquée,
et les vignobles de cette localité jouissaient d'une grande célébrité,
Zamakhchar, petite ville défendue par un château fort et entourée
d'un fossé. Les portes des murs étaient revêtues de plaques de fer
et précédées de ponts-levis qu'on relevait tous les soirs. Une jolie
mosquée s'élevait non loin du marché. Rou\vend, Khiva, Kerderan
Khachy ,He\aresp, Djiguerbend , Ghardeman, Ikhan , Noukfagh,
Kourdcr, Beratekin ou Feratekin^ gros bourg situé dans le désert
près d'une montagne d'oîi l'on tirait les pierres destinées à la con^
siruction des monuments publics. Enfin Guit ou Kit, petite ville
fortifiée, sur la frontière du pays occupé par les Ghou^. Telle
était, au commencement du xiii*^ siècle, la situation du Khare^m
auquel les princes de la dynastie des Khare^m Chah avaient annexé
1. Voyez page 102, note 2.
2. Lorsque à Tépoque de l'invasion des Mogols, après un siège de six mois, les habi-
tants de Gourgandj demandèrent à capituler, Djoudjy exigea que toute la population
évacuât la ville. On fit ranger à part les gens d'arts et de métiers dont le nombre 6*éle-
vait, dit Rechid oud Din, à cent mille, et on les fit partir pour la Mongolie. Le reste
des habitants fut massacré, la ville pillée, et, pour que sa destruction fût complète,
on détruisit les digues, et les eaux du Djihoun la submergèrent entièrement.
X RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
les États voisins. Ils aidaient donné à leur empire une telle extension
que les frontières en touchaient à l'est, à la Mongolie^ au sud. à
rindc et y à l'ouest ^ aux propinces qui restaient encore sous l'autorité
chancelante des Khalifes A bbassides.
Le Khanat de Khij*a est aujourd'hui tout ce qui subsiste d'un si
puissant Etat ; son histoire, à mesure que nous approchons de notre
époque, offre bien des lacunes et des points obscurs. Je n'entreprendrai
pas de retracer, dans une introduction qui ne comporte pas degt^ands
développements y le tableau des événements dont le Khare\m a été le
théâtre ou auxquels ont pris part les princes qui l'ont gouverné.
Je me bornerai à énumérer très-succinctement les différentes dynasties
qui sy sont succédé.
Les Arabes furent en rapport avec le Khare^m sous le Khalifat
d'Omar. Abdoullah, fils d'Amir, gouverfieur de Basrahft, en l'an Sa
(65 a), une expédition dans leKhorassan; il conclut ^ avant de s'é-
loigîierj un traité avec les souverains du Khare^m, Sous le règne du
Khalife Ommiade Ye\id, Selm,fils de Ziadyfut nommé gouverneur
général du Khorassan, Les Khare\miens se soumirent à son autorité
et versèrent entre ses mains, à titre de tribut, la somme de quatre
cent mille dirhem. Quelques années plus tard, Ye\id ibn oui Mouhallib
tenta contre le Khare^m une expédition dont les conséquences furent
désastreuses. Un froid rigoureux ft périr tous ses soldats, malgré la
précaution qu'il avait prise de leur donner des vêtements de peaux.
Les troubles qui éclatèrent bientôt après dans le Khare^m en
rendirent la conquête facile. Le souverain qui le gouvernait, incapa-
ble de résister à une ligue que son frère Khour\ad avait formée
contre lui, invoqua le secours de Qouteïbah. Il lui proposa de lui
remettre ses trois places fortes et de lui payer tribut.
Qouteïbah envoya au Khare^m son frère Abdour Rahman.
Khour\adfut tué dans une bataille et quatre mille Khare\miens faits
prisonniers^ furent mis à mort. L'impuissance du Khare^m Chah à
contenir ses sujets détermina Qouteïbah à annexer ce pays au Kho-
rassan et à en donner le gouvernement à son second frère Oubetd
oullah .
Le Khare:{m fit plus tard partie des États des princes Thahi-
INTRODUCIION XI
rides et de ceux des descendants de Nasr , fils d'Ahmed, le fonda-
teur de la dynastie des Samanides.
La province du Khare:(m releva de Samargand Jusqu'à l'époque
oit Ilek Khan de Kachghar conquit Boukhara et la Transoxiane
(JSg-ggS) et massacra tous les princes de la famille des Samanides,
à l'exception de l'Emir Moustancir qui se réfugia à He^aresp et y fut
mis à mort cinq ans après.
Le Khare\m devint le partage des princes turks de Kachghar et
des descendants de Sultan Mahmoud le Gha^névide,
Aboul Abbas Mamoun^Jîls de Mohammed ^ Jils de Mançour qui
le gouvernait au nom de l'Emir Nouh,fut le premier chef de la dynas-
tie qui porte son nom et qui compte quatre princes. Le dernier,
Aboul Harith Mohammed^ fils d'Aly, fut remplacé par Altountach^
chambellan de Sultan Mahmoud. Il gouverna, ainsi que ses deux fis,
sous la suzeraineté de la cour de Gha^nah.
Le Khareim passa, en 482 (1040), sous la domination des Seld^
jouqides. Alp Arslan en confia le gouvernement à son fis Arslan
Chah. Sous le règfie de Melik Chah, Abou Thahir, gouverneur de
Samarqand, fut chargé de l'administration de la province qui, après
lui, fut confiée à /{{ oui Moulk, le fils du célèbre ministre Ni\ham
oui Moulk. Le Khareim fut ensuite donné par le même prince à
Anouchtekin, esclave de l'Émir Melkatekin qui l'avait acheté à un
homme du Ghardjistan. Il était devenu Ihriqdar ou chargé de
l'aiguière de Melik Chah et il percevait, à ce titre, les revenus du
Khareim.
Barkiarouk, successeur de Melik Chah, désigna Aqindjy pour
succéder à Anouchtekin. Aqindjy fut assassiné à Merv par les
émirs Qoudanet Yaraqtach, qui essayèrent de s'emparer du Khare\m.
Mais ils furent mis en déroute par les troupes envoyées contre eux,
et le fils d' Anouchtekin, Mohammed fut investi du gouvernement avec
le titre de Khareim Chah, 4Q0 (logô).
A la chute de l'empire des Seldjouqides, le Khare\m Chah pro-
clama son indépendance. La dynastie qu'il fonda compte sept princes,
qui régnèrent de4go (logô) à 628 (i23o). La conduite altière et
imprudetîte de Mohammed Chah provoqua l'invasion de Djengui:^
Xn RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
Khan qui couvrit l'Asie de ruines et porta au Khare^m un coup
dont il ne s'est jamais relevé.
Mohammed Châhj abandonné des siens, alla se réfugier dans Vile
d'Abiskoun où il mourut. Son fils, le vaillant Djelal oud Din Man-
gouberty, essaya de ressaisir le royaume de ses ancêtres; mais il
périt assassiné par un Kurde, dans les montagnes d'Amid oii il
s'était réfugié (628'! 23o). En lui s'éleigtiit la race des souverains
qui aidaient rangé sous leurs lois toute l'Asie centrale, et menacé
l'existence du Khalifat des Abbassides,
Dans le partage que Djengui\ Khan fit de ses Etats entre ses fils,
le Khare^m échut à son fils aîné Djoudjy, dont la mère, Bouriah
Qoutchin, était la fille du chef de la tribu des Qonghourat. Djoudj)"
établit sa résidence à Seray, dans le Qiptchaq,
Nous ne possédons que fort peu de documents orientaux sur
Vétat du Khare^m pendant la période des successeurs de Djengui:^.
La relation de Du Plan Carpin, le récit de Hayton, les indications
de Balducci Pegolotti, la relation du voyageur arabe Ibn Batoutah
ne nous apportent que fort peu de lumières sur la situation d^un
Etat jadis si prospère et si puissant \ Nous savons seulement que
I. Relation des voyages en Tartarie de Fr. Guillaume de Rubruquis, Fr. Jean du
Plan Carpin, Fr. Ascelin et autres religieux de Saint-François et de Saint-Dominique,
qui y furent envoyez par le pape Innocent IV, le Roy Saint-Louys. Plus un traicté des
Tartares, et le tout rccueilly par Pierre Bcrgcron, Parisien; à Paris. 1634, in-8.
Ces relations ont été insérées dans le recueil des Divers voyages curieux, publié par
le libraire Van der Aa à Leyde, en 1729. M. D'Avezac a donné, dans les mémoires de la
Société de Géographie (1839, in-40;, une édition très-correcte de la relation de Du Plan
Carpin.
Les fleurs des hystoires de la terre d'Orient, compillées par frcre Hayton, seigneur
du Corc et cousin germain du Roy d'Arménie, par le commandement du Pape. On les
vend à Paris en la rue Ncufve Nostrc-Dame, à l'enseigne de TEscu de France. In-4*
goth. (i5i7). L'ouvrage de Hayton est inséré en tête du recueil des relations de voyages
publié en 1529 par khan Sainct Denis, sous le titre de : « L'hystoirc merveilleuse et
récréative du grand Empereur de Tartarie, seigneur des Tartres nommé le grand Can,
contenant six livres ou parties, etc. Imprimé nouvellement à Paris, en Tan mil cinq
cens vingt et ix le quinziesmc jour du moys d'apvril pour Jehan Sainct Denys. » In-f*
goth. Benoist Rigaud en a publié une nouvelle édition à Lyon, en i585, petit in-X'2.
La pratica dclla mercatura scritta du Francesco Balducci Pegolotti, dans le tome 111
de Délia décima e délie altre Gravezze. Lisbona et Lucca 1765- 1765, in-4'>.
Voyages d'ibn Batoutah, texte arabe, accompagné d'une traduction, par C. Defrémery
et le D' S. R. Sanguinetti. Paris i853-i858, tome III, 3-19.
Introduction xlii
sous le gouvernement des Khans U^beks, il avait pu relever en partie
les ruiner accumulées par les Mogols.
Mais, à la fin du xiv^ siècle ^ le Khare^m/ut ravagé par Timour,
qui dirigea trois expéditions contre ce malheureux pays. La ville
de Gourgandj fut complètement détruite, et le Khare\m passa sous
la domination des descendants de Djaghatay.
Vers le milieu du xv® siècle^ on voit apparaître la confédération
des Uibek et des Qaïaq. Mir^a Hayder Doughlat, le Sultan Dater,
Mirkhond, Khondemir et Sultan Aboid Gha^y, nous en font con-
naître les origines et l'histoire.
Le Khare^m reconnaissait l'autorité des princes de la famille de
Timour lorsque ^ en 8gi (i486), Cheibany Khan fondit sur ce pays
que gouvernait alors Nacir oud Din Abdoul Khaliq Firou\ Chah,
au nom du Sultan A bout Ghaiy Hussein. Cette expédition ne fut
point couronnée de succès. Cheibany Khan en tenta une seconde en
gii (i5o5) ; elle fut plus heureuse. Il se rendit maître de Gour-
gandj ou Ourguendj, occupée par Tchin Soufy. Ses incursions et
ses conquêtes dans le Khorassan déterminèrent Chah Ismayl à mar-
cher contre lui.
Cheibany Khan périt dans la bataille livrée sous les murs de
Merv en g 16 (iSio), et Chah Ismayl devint le maître du Khare^m.
Cette province fut divisée par lui en trois grands districts ^ ceux de
He^aresp et de Khiva, d'OurguendJ et de Vé^ir Chehery. L'admi-
nistration en fut confiée, avec le titre de Darougha, à Arab Soubhan
Qoulyy à Rahman Qouly et à un troisième personnage^ dont l'histoire
ne nous a pas conservé le nom. Malgré les troubles et lès guerres
qui désolaient le KIiare\m, les princes Scfèvy revendiquaient les
droits d'une suzeraine té établie par Chah Ismayl. Sous le règne de
Mohammed Chah y fils de Thahmasp Chah, Djelal Khan, fils de
Mohammed Khan^ tenta de s'en affranchir. Fait prisonnier par le
gouverneur de Mechhed, Mourte^a Qouly Khan Periiak, il fut mis à
mort, et sa tête fut envoyée à Isfahan. Le gouvernement persan lui
donna pour successeur Hadji Mohammed Khan^ qui est plus connu
sous le surnom de Hadjim. Vaincu par Abdoullah Khan de Bou-
khara^ Hadjim se réfugia à la cour de Perse
XIV RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
E91 1006 (i5gj). Chah Abbas dirigea une expédition contre le
Khare\m et en confia le gouvernement à Hadji Mohammed Khan et
à sonjils Arab Mohammed Sultan»
L'histoire du Khare^m, pendant le xvii^ siècle et pendant la pre-
mière moitié du siècle suivant, ne nous offre que le spectacle des dis-
cordes civiles et des invasions qui désolèrent ce pays.
Ilbars Khan \ qui le gouvernait sous le règne de Nadir Chah, ir^
rita ce conquérant par ses incursions , ses attaques contre Ri^a
Qpuly Mir\a et par son attitude pendant son expédition dans
rinde. Nadir Chah envahit le Khare^m. Les villes de Khankâh et
de Khiva capitulèrent ; Ilbars Khan et vingt de ses principaux
officiers furent mis à mort en représailles du meurtre des ambas^
sadeurs envoyés auprès de lui par le Khan de Boukhara, allié de
Nadir. Abou Thahir Khan fut nommé gouverneur du Khare^m,
mais, après sa mort, le pouvoir fut exercé par les Ataliq et les Inaq
sous la suzeraineté des Khans Qa^aq. Iltouier, de la tribu des Qon-
ghourat, s'en affranchit et se fit proclamer Khan en 121 g (1S04).
Il périt deux ans après, noyé dans le Djihoun, et il eut pour succes-
seur son frère Mohammed Rehim Khan qui dut, dans le cours de
son long règne ^ 1806-1825), se réfugier à Esterâbad et solliciter
V appui de Fcth Aly Chah, Son fis Allah Qouly Khan (1825-
1842) et son petit-fils Rehim Qpuly Khan (1842-1845) entretin-
rent personnellement de bonnes relations avec les souverains Qadjars.
Ils leur envoyaient des présents qui étaient considérés par la cour
de Perse comme wie marque d'hommage, et ils recevaient des sabres
et des poigftards enrichis de pierreries qui sont, aux yeux des mi^
nistres persans, les symboles de Vinvestiture.
A Rehim Qouly Khan succéda^ en 1845, son frère, Mohammed
Emin Khan. Son premier acte, lorsqu'il monta sur le trône, fut de
renvoyer à Téhéran un prince de la famille royale, Mohammed Vely
Khan Qadjar, neveu d'Allah Yar Khan, Acef oud Daoulèh, que les
Turkomans avaient fait priso7inier. L'officier khivien, chargé d'ac-
I. Voy. sur cette période : Histoire de l'Asie centrale par Mir Abdoul Kerim Bou-
khary^ trad. par Ch. Schcfcr. Paris, Leroux, 1876, p. loo et suivantes.
INTRODUCTION XV
compagner le prince, était porteur de cadeaux et d'une lettrée rédi-
gée selon les termes du protocole réglé entre les deux Etats.
Mohammed Chah fie voulut point tarder à reconnaître le bon pro-
cédé de Mohammed Emin Khan. Il donna l'ordre à Mir^a Ri^a, Mi^an
Agassy, de se rendre au Khare^m et d'offrir en son nom de riches
présents. La lettre de créance remise à cet envoyé donnait au Khan
le titre de Khare\m Chah, Cependant les relations amicales des deux
Etats ne tardèrent pas à s'altérer, et, lorsque Nacir Eddin Chah
succéda à son père, Mohammed Emin Khan s'abstint d'envoyer, se-
Ion r usage, un ambassadeur pour offrir ses félicitations au nouveau
souverain. Cependant, lorsqu'il apprit la mort de Hassan Khan Sa-
lar qui avait été l'un des instigateurs et fun des chefs de la révolte du
Khorassan, il ne crut pas pouvoir persister dans sa ligne de con-
duite, et il Jît partir pour Téhéran un de ses officiers, Ata Niai
Mahrem, qu'il chargea de présenter au Roi quelques chevaux tur-
komans et deux faucons dressés.
La lettre remise par Ata Nia^ Mahrem ne fut point agréée par
les ministres; la rédaction en fut jugée blessante. Le conseil décida,
en conséquence, qu'un personnage instruit et jouissant d'un rang
élevé serait envoyé à Khiva pour faire au Khan les représentations
les plus énergiques sur sa conduite et pour tâcher de le ramener, à
f égard du Roi, à des sentiments de déférence et de respect. Ri^a
Qouly Khan fut désigné pour remplir cette mission délicate ; il reçut,
en outre, l'ordre de réclamer la mise en liberté des sujets persans
enlevés par les Turkoma?is dans le Khorassan et le Ma{anderan et
qui avaient été vendus comme esclaves à Khiva. Ri^a Qouly Khan re-
çut deux mille toumans pour ses frais de voyage, et on lui donna un
fusil à deux coups et une paire de pistolets qu'il dut offrir comme
cadeau personnel. Sa mission, dont la durée fut fixée à trois mois,
n'eut point le succès que la cour espérait. A son retour d'un voyage
qui ne fut pas exempt de périls, Ri\a Qouly Khan présenta au Roi
la relation de son ambassade. Ce récit nous fournit sur le Kha*
re\m des détails intéressants, et les auteurs contemporains qui ont
entrepris d'écrire l'histoire des événements du règne de Nacir Ed-
din Chah en ont donné des extraits dans leurs ouvrages. Mir\a Si-
XVI RELATION DE L AMBASSADE AU KHARË2M
pehr, Lîssan oulMoulk en a inséré des fragments dans le volume de
son Nassikh out Tewarikh consacré à Vhistoire de la dynastie des
Qadjars. Son exemple a été suivi par V historiographe Mir\a Djaf^
Khan et, en dernier lieu, par Mohammed Hassan Khan, Senyoud
Daoulèh, dans son Miraat oui bouldan Naciry ^ Ri^a Qouly Khan
en avait lui-même donné un résumé dans son Raouzet ous Sefay
Naciry.
Ri:{a Qoulj Khan, que Von peut, à juste titre, mettre au premier
rang des littérateurs et des érudits qui ont fleuri en Perse dans le
cours de notre siècle, descendait du célèbre poète Cheikh Kemal
Khodjendy qui appartenait à l'une des familles les plus illustres
de la Transoxiane. Cheikh Kemal, conteinporain de Hafi\ et qui
fut en relations littéraires avec lui, se fixa à Tebri^ et mourut
dans cette ville en jg2 ( i3Sg). Ses desceiidants , par respect
pour sa mémoire , se firent une loi d'ajouter à leur nom celui de
Kemal.
Riia Qouly Khan nous a raconté lui-même la fin tragique de son
grand-père Ismayl Kemal, primat des notables de Tchardèh Ke-
latèh dans le district de He^ar Djerib, mis traîtreusement à mort
par l'ordre de Zeky Khan Zend ^ .
Le fils d' Ismayl Kemal, Mohammed Hady Khan s'attacha à la
personne de Djafer Qouly Khan Qadjar, A la mort de ce prince,
il passa au service d'Aga Mohammed Chah qui en fit le chef des
officiers de son service intime et son trésorier particulier.
Hadf Khan entreprit, pendant la dernière année du règne d'Aga
Mohammed Chah, le pèlerinage de Mechhed. Il apprit pendant son
voyage qu'un fils lui était ;:é à Téhéran le i5 Moharrem de lan^^
née I2i5 (8 juin 1800),
Il se hâta de revenir du Khorassan dans la capitale et il donna
au nouveau né le nom de Ri^a Qouly en l'honneur de l'Imam dont
il venait de visiter le tombeau.
1. Nassikh out Tewarikh, tome III, 3« partie. Téhéran, in-folio, pages 124-127. —
Haqalq oui Akhbar, Téhéran, 1269 (1872), tome I", pages 111-1x2. — Miraat ou
bouldan Naciry, Téhéran, 1295 {1878), tome II, pages 37 à 61.
2. Voy. p. 2o3.
INTRODUCTION XVII
A son avènement au trône, Feth Aly Châhjît appel au dévoue-
ment de Mohammed Hady Khan. Il le nomma percepteur des rêve-
nus du domaine de l'Etat dans le Fars et il le plaça sous les ordres
de Hassan Aly Mir^a^ gouverneur général de cette province.
Hady Khan ne remplit pas longtemps les fonctions qui lui avaient
été confiées. Il mourut en 1217(1802). Ri^a Qouly Khan fut ramené
à Téhéran, puis envoyé dans le Ma^anderan pour être confié aux
soins de parents qui s'étaient fixés à Barfourouch. Il quitta cette
ville, pour retourner dans le Fars oîi il fit ses études sous la di-
rection d'un homme éminent, Mohammed Mehdy Khan Chahnèh.
Lorsqu'il les eut terminées, il fut admis au service de l'Etat et il
reçut des témoignages constants de la bienveillance et de la pro--
tection du prince Hussein Aly Mir^a, gouverneur général de la
province , et de son frère Hassan Aly Mir^a , Choudja ous Sal^
thanèh.
Ri{a Qouly Khan employait à l'étude, à la poésie et à des tra-
vaux littéraires les loisirs que lui laissaient les devoirs de sa charge.
Il avait pris dans ses premières compositions poétiques le surnom
Tchaker (serviteur), mais il l'abandonna , bientôt , pour adopter
celui de Hidayet (bonne direction).
Feth Aly Chah se rendit à Chirac en 1245 (182g), et pendant
le séjour qu* il y fit, Ri^a Qouly Khan eut l'honneur de lui être pré-
senté par Mir:{a Mohammed Naqy Alyâbady, secrétaire général du
roi et qui portait le titre de Mounchy oui Memalik.
Ri{a Qouly Khan composa une ode à la louange du roi ainsi
que plusieurs pièces de poésie qui obtinrent les suffrages de la cour.
Feth Aly Chah, connaissant les preuves d'attachement et de dé-
vouement que les aïeux de Ri^a Qouly Khan avaiettt données à sa
dynastie j lui prodigua les marques de son intérêt et de sa générosité.
Il lui conféra, en outre, le titre d'Emir ech Chouara (Prince des
poètes) et lui donna l'ordre de suivre la cour ; mais une grave
maladie ne lui permit pas de s'éloigner de Chirac et de se rendre
dans la capitale.
A l'avènement de Mohammed Chah, les princes Hussein Aly
Mir\a et Hassan Aly Mir^a se soulevèrent dans le Fars. Leur
b
XVIII RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
révolte fut promptetnent étouffée. Ils furent faits prisomnèrs et con-
duits à Téhéran. Firou\ Mir^a, Menoutchehr Khan et plusieurs
hauts fonctionnaires furent chargés de pacifier la province et d'y
rétablir Vordre. ]h\a Qouly Khan fut attaché à la personne de
Firoui Mir^a ; mais, au bout de deux ans, ce prince dut aller
prendre possession du gouvernement du Kerman et son frère Feri-
doun Mir^ay qui le remplaça dans le Fars, témoigna le désir de ne
point être privé des services de Ri^a Qouly Khan.
En J254 (i838), celui-ci fut chargé d'une mission spéciale à
Téhéran. La réputation qu'il s'était acquise, détermina le premier
ministre Hadji Mir\a Agassy à lui offrir l'hospitalité. Il fut pré-
senté au roi qui, charmé de l'aménité de son caractère y de la finesse
de son esprit et de f étendue de ses connaissances, lui donna l'ordre de
rester à Téhéran et lui confia l'éducation de son fis Abbas Mir^a
Naïb ous Salthanèh. Le roi, juste appréciateur des qualités de
Ri^a Qouly Khan, et du ^èle avec lequel il remplissait les délicates
fonctions qui lui étaient confiées, le combla démarques d'honneur et
lui accorda, par une ordonnance spéciale, les revenus de plusieurs
districts qui relevaient de la couronne,
Mohammed Chah mourut au château de Tedjrich en 1264
(184S).
Les agitations qui suivirent sa mort, et la fuite d' Abbas Mir^a
déterminèrent Ri^a Qouly Khan à rentrer dans la vie privée, mais
sa retraite ne fut pas de longue durée. En 126 y (i85i) , Nacir
Eddin Chah lui rendit ses bonnes grâces et f envoya en ambassade
à Khiva. A son retour ^ il fut nommé adjoint au ministre de
l'Instruction publique et chargé de la direction du Collège royal
qui venait d'être fondé à Téhéran. Il resta près de quinze ans à la
tête de cet établissement. Lorsqu'il résigna ses fonctions ^ le roi
lui confia l'éducation de l'héritier présomptif de la couronne , le
priîice Mou^haffer oud Din, qui venait d'être investi du gouvernement
général de l' Azerbaïdjan. Ri\a Qouly Klian accompagria le jeune
prince à Tebri^ et passa quelques années auprès de lui; puis, il sol-
licita la permission de revenir à Téhéran. Il ne jouit pas, pendant
longtemps, d'un repos que l'état de sa santé avait rendu nécessaire.
INTRODUCTION XIX
Une maladie dont il souffrait ne tarda pas à prendre une gra^
rite alarmante, et il rendit le dernier soupir entre les bras de ses
fils, le vendredi lo du mois Rebi ouç Çany 1288 (3o juin 18'ji), au
moment oîi les Mue^ins appelaient les fidèles à la prière du soir.
Ses restes mortels reposent dans un tombeau élevé sur un terrain
qui borde la chaussée entre les jardins d'Ilkhany et de Lalèh^ar,
aux portes de Téhéran.
Ri:{a Qouly Khan a composé de nombreux ouvrages dont les uns
ont été imprimés et dont les autres sont restés manuscrits.
Je citerai, parmi ces derniers, le Divan ou recueil complet de ses
poésies y composé de plus de cinquante mille beïts ou distiques et
quelques traités relatifs à des matières religieuses ou à la réthori^
que, tels que le Bahr oui Haqaïq (la mer des vérités), le Menhedj
oui Hidayèh ou Hidayet Namèh (la voie de la bonne direction),
/'Enwar oui Viiayèh (les lumières de la qualité de Vely reconnue
à Aly), le Miftah oui Kounouz (la clef des trésors cachés) , et le
Medaridj oui Belaghah (les degrés de Véloquence).
Ri:{a Qouly Khan a également composé, sous le titre de Goulistani
Irem (le jardin de VIrem) ou de Bektach Namèh, unpoëme écrit
dans un style à la fois simple et élégant et qui offre le récit des
amours de Bektach, fils de Harith et de RebC ah, fille de Kaab ' et de
la fin tragique de ces amants. Trois ouvrages historiques sont dus à la
plume de Ri:{a Qouly Khan. Le premier est le Fihris out Tewarikh
(L 'index des chroniques) qu'il présenta à Nacir Eddin Chah, lorsqu'il
eut son audience de congé au moment de son départ pour le Khare\m;
le second, qui porte le titre i'Edjmel out Tewarikh (la plus suc-
cincte des chroniques).^ n'est que la liste très-sèche de tous les souve-
rains qui ont régné sur la Perse depuis le commencement de la dy-
nastie des Pichdadian jusqu'à f avènement du roi aujourd'hui
régnant. Ce petit ouvrage, destiné à l éducation du prince héritier,
Mou\haffer oud Din Mir^a, a été lithographie à Tebn\ *. Mais l'ou-
1. Cet ouvrage a été lithographie à Téhéran en 1270 (i853). Le texte imprimé chez
Kerbelay Taqy a été calligraphié par Mirza Abdoul Hamid Sefa. Les figures dont ce
volume est orné sont dues au crayon de Mirza Aly Naqy.
2. Edjmel out Tewarikh (la plus succincte des chroniques) a été publié par ordre de
XX RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
vrage historique le plus considérable de Ri^a Qouly Khan^ et qui
mérite toute notre estime^ est le supplément qu'il a composé pour
conduire r histoire de la Perse depuis V époque oii s'arrête le récit de
Mirkhond jusqu'à l'année i2jo de l'hégire. L'auteur a, pour pré-
senter exactement les faits y puisé aux meilleures sources et il a pu
consulter des ouvrages qui ne sont point parvenus en Europe ^ tels
que l'histoire générale d'Abdoul Ghaffar Qa^winry le Raouzet out
Thahirin (le jardin des hommes purs) de Thahir Mohammed Seb:{-
vary, l'histoire des Sèfèvy de Mir^a Sadiq Isfahany, bibliothécaire
de Chah Abbas, et enjin, pour la période de la dynastie des Zend et
celle des premières années du règne de Feth Aly Chah, les écrits
de Mir\a Sadiq Mervy. En outre, il a eu entre les mains y pour
écrire le récit des événements dont la Perse a été le théâtre depuis
le commencement de ce siècle, les documefits officiels et les instru-
ments diplomatiques qui ont réglé les relations de cet Etat avec
quelques-unes des puissances de l'Europe et de l'Asie. Le texte de
plusieurs de ces pièces est donné intégralement, et il est toujours
précédé de la relation des faits qui leur sert de commentaire. Cet
ouvrage, dont le style est correct et élégant, fournit au lecteur une
ample moisson de renseignements géographiques, biogi^aphiqueSy lit-
téraires et même artistiques d'un gi^and intérêt '.
Le Riaz oui Arifin ou biographie des poètes mystiques composée
pour Mohammed Chah est resté manuscrit. L'auteur en a donné
des extraits que le lecteur trouvera dans le Récit de V ambassade au
Khare^m. Mais la valeur de cet ouvrage est éclipsée par celle du
Medjma' oui Fousseha (La réunion des personnages éloquents) qui
est, sans contredit, le plus important de tous ceux qu'a composés
Ri^a Qouly Khan. Il offre un attrait particulier par les nombreuses
citations de textes poétiques et par les détails curieux qui sont tous
puisés dans des traités historiques et biographiques de premier or^
dre. Dans l'introduction placée en tête de f ouvrage, l'auteur esquisse
Essed oullah Khan et imprimé chez Aga Riza par les soins de Kerbelay Mohammed
Hussein. Tebriz, i283 (1866), i volume in-X2 de 160 pages.
I. Le Raouzet ous Sefay Naciry (le jardin de la pureté;, dédié à Nacir Eddin Chah, a
été publié à Téhéran eni270 (i833), 10 tomes en 2 volumes in-folio.
INTRODUCTION XXÎ
à grands traits l'histoire de la poésie persane qui, malgré la conquête
arabe, ne cessa d'être cultivée dans le Khorassan et prit un grand es^
sor sous le règfie du Khalife Mamoun. licite ce fait qu'en l'année ig8
(8i3) Khadjèh AboulAbbas de Merv présenta au Khalife unepièce de
vers persans dans lesquels il avait intercalé des mots arabes et que ce
prince, pour témoigner sa satisfaction au poète, lui assigna une
pension de mille dinars. Ri{a Qouly Khan trace le tableau de fétat
de la poésie persane sous les régîtes des princes Thahirides, Saffa^
rides, sous les Samanides, les Gha\nevides, les Deilemites, enfin sous
les Seldjouqides et les souverains des différentes dynasties qui se
sont succédé en Perse jusqu'à nos jours. Parmi les ouvrages quil
a mis à contribution et dont il nous donne une liste détaillée, je ci"
ferai le Loubb oui Elbab de Mohammed Oufy, /e^Tezkerèh de Mir
Aly Chir Nevay, de Sam Mir^a, de Sadiq Isfahany, de Mir\a
Thahir Nasrâbady, le Tchehar Meqalèh (l^s quatre discours)
d'Arou^hy Samarqandy, les ouvrages de Mohammed ibn Bedr Dja-
djermy et, pour l'époque moderne ^ ceux de Seiyah Chirvany^ de
Houmay Mervy \ de Hayder Qouly Mir:{a , le Mey Khanèh (la
taverne) et le Bout Khanèh (la pagode) de Mohammed Soufy du
Ma\anderany et enfin le Tezkerèhi Mohammed Châhy du prince
Behmen Mir\a.
La première partie du travail de Ri^a Qouly Khan renferme la
biographie de tous les princes qui ont cultivé la poésie, et les pre-
mières pages sont consacrées aux pièces de vers composées par Na^
cir Eddin Chah. Les notices sur les autres poètes sont classées
d'après l'ordre alphabétique, mais ceux qui ont fleuri à l'époque de
la renaissance littéraire de la Perse, tels que Mendjik Termi:{y,
Daqiqy, Asdjedy, Onçory, Firdoussy, Ferroukhy, Envery, Rechid
Vathvath , etc., sont l'objet d'une étude particulière , et l'auteur a,
pour mieux faire apprécier leur manière, donné d'amples extraits de
leurs compositions.
Ri^a Qouly Khan, pendant son long séjour à Chirac, avait réussi
à se procurer un ancien manuscrit contenant une partie des poésies
I. Houmay est le surnom poétique de Mirza Sadiq Mervy, cité plus haut.
XXII RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
d'un auteur estimé Aboun Nedjm Ahmed Menoutchehry, mort en
420 (102g). Il avait fait ^ dans le Fars et à Téhéran, les recher-
ches les plus actives pour recueillir les vers de ce poète et il avait
préparé une édition de son divan ou plutôt des deux mille trois
cents distiques épargtiés par le temps.
Ce recueil, précédé d'une courte notice donnant le peu de détails
que Von possède sur la vie de l'auteur, a été publié à Téhéran après
la mort de Ri^a Qpuly Khan par les soins d'Aga Mir^a Aga et de
Mohammed Sadiq. Mir^a Mohammed Hussein Edib a veillé à la
correction du texte. M. de Biberstein Ka^imirski a donné le texte
et la traduction de sept Qacidèh dans le « Spécimen du Divan de Me^
noutchehryy poète persan du \^ siècle de V hégire » qu'il a publié à
Versailles en 18 j6^ et il a rectifié quelques inexactitudes qui s'es-
taient glissées dans la biographie du poète.
Le dernier ouvrage auquel Ri^a Qouly Khan ait travaillé est le
dictionnaire auquel il a donné le titre de Ferhengui Endjoumen
Aray Naciry.
L'auteur avait lu, pour la composition de son Riaz oui Arifin^ et
de son Medjma' oui Fousseha^ toutes les œuvres des poètes per-
sans anciens et modernes et il en avait extrait près de cent mille beïts
ou distiques, dont une grande partie a été itisérée dans les deux ou^
vrages qui viennent d'être cités. Obligé de recourir aux lexiques
pour être fixé sur les significations diverses d'expressions anciennes
ou peu usitées, il avait été frappé des lacunes et des interprétations
fautives qui s'y trouvent.
Il forma donc le dessein de rédiger un dictionnaire dans lequel il
n'admettrait que les mots persans, en donnant toutes leurs significa-
tions appuyées de citations tirées des oeuvres des poètes les plus
estimés. Il put mettre la dernière main à ce travail qui est
précédé d'une introduction remplie défaits, dans laquelle il expose,
d'abord, l'histoire des travaux lexicographiques de ses prédéces^
seurs.
Aucun des monuments littéraires de l'ancienne Perse n'^a échappé
à la destruction générale ordonnée par les conquérants arabes. Mais,
à partir du Khalifat de Mamoun tg8-2i8 (Si 3-833), les lettres
INTRODUCTION XXIII
persanes purent être cultivées sans exciter les soupçons et les ri-
gueurs (fun gouvernement ombrageux.
Abou Hafs Soghdyy Essedy Thoussy, Qathran Tebn\y et Fer-
roukhy Sistany composèrent des glossaires qui, malheureusement,
ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Nous ne possédons pas non plus
le Meyar Djemaly (Le contrôle de Djemal), rédigé au xiv^ siècle et
dédié par Chems Fakhry d'Isfahan à Djemal oud Din Chah Cheikh
Abou Ishaq Indjou dont Hafi\ a célébré le règne trop court.
Mais nous avons les dictionnaires publiés depuis cette époque^ tels
que le Cheref Namèh d'Ibrahim Qatvjvam Serhindy^ le Medjma'
oui Fours de Souroury, le Ferhengui Djihanguiry commencé par
ordre d'Ebker Chah et terminé sous le règne de sonflsDjihanguir,
le Ferhengui Rechidy, le Bourhani Qathi et enfin tous les tra-
vaux postérieurs dont les auteurs se sont proposé de corriger les
erreurs signalées dans les lexiques précédemment mis au jour.
L'aperçu historique qui se trouve en tête du Ferhengui Naciry
est suivi de dissertations sur les mots persans arabisés ou empruntés
à l'arabe et sur les expressions étrangères introduites dans la lan-
gue ; sur les altérations subies par les mots atabes et persans ; sur
les expressions mal comprises par les lexicographes et auxquelles
ils ont donné un se?ts douteux. On trouve^ ensuite, une étude sur la
langue persane, sur ses variations et sur le caractère des expressions
employées soit dans les vers, soit dans la prose. Ce travail est suivi
dun long exposé des règles de la grammaire.
Le dictionnaire est divisé en deux parties ; la première com-
prend les noms et les adjectifs , et la seconde l'explication des expres-
sions figurées et allégoriques. Les sigfîifications de chaque mot ou
de chaque expression composée sont justifiées par des exemples choi-
sis avec discernement et tirés principalement des divans des poètes
classiques.
Les fils de Ri^a Qouly Khan, Aly Qouly Khan, Moukhbir oud
Daoulèh et Djafer Qouly Khan, directeur du collège royal de Téhé-
ran, en publiant tout récemment le Ferhengui Naciry et le Medjma'
oui Fousseha^ ont payé à la mémoire de leur père le tribut d'un
pieux hommage et rendu un service signalé aux orientalistes qui
XXIV RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
font de la langue et de la littérature persanes l'objet de leurs études.
Le texte de la relation de l'ambassade au Khare\m dont j'offre
aujourd'hui la traduction a été imprimé à Boulaq sur une copie faite
d'après deux manuscrits que j'ai eus à ma disposition. Le retard
qu'aurait occasionné pour l'impression la distance qui nous s^are
de l'Egypte ne m'a pas permis de revoir les épreuves et de corriger
les fautes qui se sont glissées dans le texte.
La relation de Ri\a Qouly Khan se fait remarquer par la sincé-
rité du récit, l'impartialité des appréciations et la sagacité des aper-
çus. L'envoyé du Chah prévoyait déjà, il y a quarante ans, des
événements que nous avons vus s'accomplir dans le cours de ces der-
nières années, et, bien qu'il n'aborde ce sujet qu'avec discrétion, il
est facile de s'apercevoir qu'il en redoute les conséquences pour
l'avenir des peuples musulmans de l'Asie. La narration , dont le
style est élégant et quelquefois empreint d'archaïsme, est, suivant
l'usage oriental, émaillée de pièces de vers ; à l'exception de quel-
ques citations de Saady, elles sont composées par l'auteur , et ,
dans quelques-unes, on peut remarquer une tendance à imiter la
manière des anciens poètes dont il avait fait une étude approfondie.
Je me suis attaché â donner une traduction aussi exacte que pos-
sible, afin de conserver la couleur de l'original, et fat cru devoir,
dans des notes géographiques et historiques ainsi que dans un ap~
pendice, ajouter quelques éclaircissements sur des pars et des villes
qui sont souvent mentionnés dans les annales de l'Orient et sur des
personnages dont les noms, familiers aux Asiatiques, sont, en gé-
néral, peu connus du lecteur européen.
RELATION
DE
L' AMB A
SADE
AU KHAREZM
^.'^J%•■^fc* Kf^y^.^^^^^^.^ *y */ ^N^v J»^
AU NOM DU DIEU CLÉMENT ET MISÉRICORDIEUX
'VS. a
A première page de tout livre doit être ornée du
nom du Créateur, maître du monde, de Celui qui
n'a ni commencement ni fin , et dont il nous est
donné de ne connaître que le nom. L'imagination et la pen-
sée sont incapables de le concevoir; nulle description, nulle
explication ne peuvent en donner une idée. La vue, la raison,
l'intelligence, l'esprit, le cœur, les yeux et Tâme elle-même
sont tous frappés de stupeur et saisis de vertige en présence
de Dieu. S'ils tentent de s'élever jusqu'à lui, ils sont con-
traints d'y renoncer. Les créatures sont toutes impuissantes
à le comprendre ; l'unité de Dieu les confond et les anéantit.
Tout ce jque l'on a dit pour le définir doit être considéré
comme insuffisant; et^ quant au chemin que l'on a fait
pour s'approcher de lui, c'est comme si l'on était resté im-
mobile. Où est la route? où est le guide? où est le voya-
geur? A quoi peut nous servir la faculté de penser, de voir.
2 RELATION
de parler et d'entendre? Les êtres que Dieu a créés n'ont
aucun moyen de pénétrer son essence, car lui seul a le pou-
voir de se connaître lui-même. Bien que la première sub-
stance émanée de lui soit Tintelligence , dont la nature est su- .
périeure à toute autre substance , elle est néanmoins créée ,
elle n a point le don de voir et de pénétrer jusqu'à son Créa-
teur. L'intelligence enfin est créée; comment pourrait - elle
trouver le chemin vers ce Créateur ? L'âme est comme un es-
clave qui veille devant une portière, mais qui ne peut la
déchirer; bien plus, lors même qu'elle le pourrait, elle n'arri-
verait point pour cela à la connaissance exacte de ce qui est
derrière ce voile. »
« Tout ce qui fut autrefois, tout ce qui est aujourd'hui n'a
existé que par Dieu que la parole ne saurait décrire; tout ce
qu'on a dit de lui, tout ce que nous disons nous-même, se ré-
duit à de simples conjectures. Ne pouvant nous rendre
compte de l'étendue de la mer, nous sommes obligés de rega-
gner le rivage. Incapables de mesurer TOcéan, nous ne pou-
vons que constater l'immensité de ses flots. Nous ne voyons
pas le chef de Tarmée, nous ne suivons que le mouvement de
ses troupes. Nous ne pouvons apercevoir le vent quand il
souffle ; sa nature nous échappe , mais les tourbillons de pous-
sière qu'il soulève frappent nos regards. Le monde nous ap-
paraît comme une meule qui flotte sur les eaux , mais Celui
qui a rassemblé les eaux pour y placer cette meule , nous ne
pouvons le connaître. Notre vue ne perçoit que les effets ;
comment arriverait-elle jusqu'à Celui qui est la cause première
de toutes choses. Nuit et jour, l'observateur contemple le
'firmament; il y voit les étoiles , la lune et le soleil au plus
haut des cieux; il distingue une coupole transparente qui
tourne sur elle-même; elle apparaît comme un temple orné
de statues magnifiques et disposées dans le plus grand ordre.
On dirait une cour immense et élevée où se trouvent des
places réservées pour le Souverain. On croirait voir un tapis
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 3
d'échiquier sur lequel les figures sont placées en tout sens,
ou bien un damier azuré couvert des plus belles pièces et où
le soleil et la lune peuvent être comparés à deux dés à jouer. »
€ Les étoiles nous parlent de ce que nous sommes tous ;
celles qui sont fixes comme celles qui sont errantes nous di-
sent : « Comme vous^ nous ne savons rien ; wSeulement vous
êtes en bas, nous, nous sommes en haut, voilà toute la diffé-
rence. » Pour la terre comme pour le ciel , Dieu est Tin-
connu. Vous nous adressez cette question et nous, nous vous
l'adressons à notre tour : Qu'est-ce que le ciel? Il est con-
fondu, éperdu lorsque commande Celui à la cour duquel les
anges sont des esclaves. »
« La lune et le soleil sont comme frappés d'épouvante devant
Dieu ; la nuit et le jour sont en proie au vertige et au délire.
Pour Dieu, le haut, le bas, la moelle et Técorce sont des mots
vides de sens. Tout dans la nature est le reflet de sa puissance
et de sa force créatrice. L'espace n'existe pas pour lui ; lui seul
est vivant, lui seul est Torigine de toutes choses. Dieu est éter-
nel, lui seul existe et nous n'existons point. »
« Je t'adjure par Dieu , dis-moi , que sommes -nous donc?
Nous sommes des adorateurs de Dieu qui cherchent à vivre
en lui. La durée appartient à Dieu seul; quant à nous, nous
sommes tous périssables. Le terme des tribulations de ce bas
monde sera pour notre âme la béatitude, si notre cœur suit
la voie que nous a tracée Mohammed, l'élu de Dieu. »
RELATION
Louange de Celui qui est le sceau des prophètes, Mohammed
Velu ; que Dieu lui accorde ses bénédictions et son salut!
Louanges de ses enfants y de ses successeurs et de sa descen-
dance; que le salut repose sur eux!
« Mohammed est le souverain de tous les princes qui ont
propagé la vraie religion ; il est le plus grand des prophètes, le
dernier des envoyés de Dieu. Il est le rayon le plus resplendis-
sant du soleil de Téternité, la perle la plus précieuse de Tocéan
de la religion. Le ciel, dans son immensité, n'est que la porte
de son habitation ; les anges, sans exception, ne sont qu^un
reflet de son visage. L'âme de tous les êtres vivants est une
émanation de son ombre. Tous les biens de l'existence sont
tirés de ses trésors. Mohammed est mystiquement le père et
Adam est le fils; mais, si Ton s'en tient aux apparences maté-
rielles, Adam est larbre et Mohammed est le fruit. Qu'il est
grand le souverain à qui tout obéit et devant lequel tout se trou-
ble ébloui par Téclat de sa couronne! Ses regards répandent
la vie dans le monde entier et l'enfer est un reflet de la colère
qui s'allume dans ses yeux. »
« Objet de toutes les espérances, chef de tous les saints, Aly
est le vely le plus illustre entre les purs. Ces deux rois ont eu
deux corps et deux noms; ils ne forment, cependant, qu'un
seul corps et qu'une seule âme. »
€ Tous leurs successeurs visibles ou cachés sont en apparence
et en réalité des prophètes et des saints. Leur groupe est formé
de deux fois six ou de deux fois sept. Cependant ils ne forment
qu'un seul foyer de lumière dont chacun d'eux est comme un
rayon différent '. »
T. Les Chiites reconnaissent douze imams comme les successeurs légitimes de Moham-
med. Ce sont Aly, ses djux fils Hassan et Hussein et les neuf descendants de Hussein.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM
« Que la bénédiction de Dieu s'étende sur leur âme ! Que
le corps et lesprit des justes leur soient offerts en sacrifice ! »
Louange de Sa Majesté le roi qui est l'égal de DJemchid, r asile
de rislamisme, le défenseur de la religion, la source de tout se^
cours j Nacir Eddin Qadjar; que Dieu rende éternels son royaume
et son gouvernement !
Ma mission au Khare^m; récit de mon voyage ; mon arrivée à
Khiva.
Vers. — « Que le faîte de sa couronne s'élève fièrement
jusqu'au zénith et que les pieds de son trône reposent sur
les cieux! Quand, depuis l'époque de Feridoun, et depuis le
siècle de Djem, l'empire de la Perse a-t-il pu contempler un
pareil souverain? •>
€ O monde ! tu étais devenu un vieillard chétif et impuis-
sant, grâce à ce prince , tu es redevenu jeune et vigoureux
comme sa fortune. »
« Il faut que le firmament et que la terre soient en prières et
fassent des vœux pour lui, car, il est celui qui augmente le nom-
bre des victoires et des conquêtes, il est le roi qui accorde son
aide à la religion, le souverain absolu et le triomphateur de
C'est ce nombre que Tauteur désigne par les mots de deux fois six. Ces douze imams
sont infaillibles et impeccables. Si Ton ajoute à ces douze imams, Mohammed et sa fille
Fathimèh qui sont également exempts de tout péché, on aura l'explication des mots
deux fois sept.
Ces quatorze personnages ayant un but unique sont pour leurs sectateurs un seul
foyer de lumière qui s'est manifesté selon les circonstances avec un éclat particulier.
Le prophète (Néby), chargé d'une mission divine, doit la faire connaître à toute l'hu-
manité. Le successeur d'un prophète (Vely) peut ne point faire connaître publiquement
sa doctrine et ne la révéler qu'à ses disciples. C'est ainsi qu'il faut entendre les expres-
sions de visibles ou cachés (Djely ou Khafy) employées par l'auteur.
6 RELATION
l'époque, Nacir Eddin Chah, de race turque^ le potentat du
siècle, le monarque par excellence. Tous ses ancêtres ont été
des princes qui ont ceint le diadème, tous ses aïeux ont été des
rois qui ont pratiqué la justice et Téquité. L'empire était devenu
vieux et débile, par lui, il a recouvré la force, la vigueur et
la santé. L'éclat qu'il a répandu dans tous les pays a donné un
nouveau lustre à la bravoure des Persans. Deux cent mille ca-
valiers reçoivent ses ordres, et il commande à plus de cent
mille hommes d'infanterie régulière. Aucune étoile n'a la splen-
deur de son visage. Les rayons de son diadème feraient pâUr
ceux du soleil. Sous son règne, le monde est semblable à un
jardin, la terre a la beauté éclatante du firmament et notre sou-
verain est la lune de ce firmament. La sublimité du ciel est
l'ombre de son trône ; la vie éternelle d'Elie sera plus courte
que la durée de son bonheur. Pour se représenter le paradis,
on n'a qu'à penser à la capitale où il réside; si l'on veut se
figurer l'enfer, on n'a qu'à songer à sa colère. Les ambassa-
deurs de rinde, ceux du Kharezm, de la Turquie et de la
Russie se présentent à sa cour pour baiser la poussière de-
vant lui. »
-€ Il voulut donner au souverain du Kharezm une marque de
son amitié. Il me fit appeler et me confia la mission de me
rendre à Khiva. Il me donna Tordre de traverser le Mazande-
ran avec la vitesse d'un oiseau qui vole. On me remit une let-
tre enluminée comme la plume de la perdrix et ornée de l'em-
preinte d'un sceau resplendissant comme la lune et les pléiades.
J'eus pour compagnon de voyage l'envoyé du khan de
Kharezm qui retournait dans sa patrie, »
J'aborde maintenant le récit détaillé de mon voyage.
Ata Niaz Mahrem avait été chargé de faire agréer au Roi
des présents de la part de Mohammed Emin Khan, souverain
du Kharezm. Malgré mon indignité, je fiis chargé d'une mis-
sion diplomatique à Khiva. J'eus mon audience de congé et
je quittai la cour autour de laquelle le firmament exécute son
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 7
mouvement de rotation, la cour de Sa Majesté le Roi dont la
splendeur égale celle de Djem , Nacir Eddin Qadjar, lasile
du monde et l'appui de la religion de Dieu.
Distique. — c Nacir Eddin le roi des rois du siècle est un
océan de majesté , une montagne de puissance. »
Que Dieu daigne rendre éternels son règne et sa puissance,
et diriger le vaisseau qui le porte sur les mers de la royauté !
Pour me conformer à Tusage suivi de tout temps et pour
changer de résidence ', je me rendis dans une maison de
campagne, appelée Djinnet (paradis) et située en dehors de
Rey % dans le village de Doulab ^. Je m y établis avec la permis-
sion du propriétaire Hadji Seïyd AbdouUah Téhérany. Je m'in-
stallai à L'étage supérieur de la maison de ce second paradis,
le 5 du mois de djoumazy second de Tannée 1267 (7 avril
i85i) ^. J'employai la journée à me procurer tout ce qui pou-
vait encore me manquer. De plus, j'attendis là mon compa-
gnon de voyage, l'envoyé du khan du Kharezm qui devait
partir de la ville après avoir pris toutes les dispositions né-
cessaires pour son voyage.
Le proverbe dit, en effet : c Cherche d'abord un compagnon,
puis songe à la route. » Trois jours s'écoulèrent dans l'attente ;
il me rejoignit enfin le quatrième jour. Nour Mehdy ambas-
sadeur de l'Emir de Boukhara, de retour de Constantinople
où il avait rempli une mission auprès du gouvernement otto-
man, avait demandé à Son Altesse le premier ministre ^ la
permission de nous accompagner jusqu'à Khiva, d'où il comp-
1. L'usage, en Orient, exige qu'avant d'entreprendre un long voyage on aille camper
pendant quelque temps à peu de distance de sa résidence habituelle.
2. Voir l'Appendice i i.
3. Doulab est un village de trois cents maisons, à peu de distance des ruines de Rey,
sur la route de Téhéran à Firouzkouh. Le chah y possède une maison de plaisance.
4. 7 avril i85i. Le texte persan, imprimé à Boulaq, porte par erreur la date de 1268.
11 faut lire 1267.
5. Le premier ministre qui, à cette époque, portait les titres de Emiri Kcbir, Atabeki
8 RELATION
tait se rendre dans sa patrie. Mais il changea d'avis et re-
nonça à son projet. Je dirai plus loin ce qui lui est arrivé dans
la suite. Les journées du 6, 7 et 8 du mois de djoumazy se-
cond (8, 9 et 10 avril), que je passai à attendre mon compa-
gnon de route, furent employées à réunir mes bagages et à
faire mes adieux à mes amis et à mes connaissances.
Hémistiche. — « Le jour succéda à la nuit^ la nuit succéda
au jour. »
Le soir du vendredi 8 (10 avril), un peu avant le coucher
du soleil, Ata Niaz Mahrem, envoyé du khan du Kharezm, fit
partir de la ville de Rey, qui est digne d'être la capitale de
Djem et de Key, ses bagages et les gens de sa suite. Il se mit
en route après eux; ses serviteurs se rendirent avec les bagages
au sérail de Doulab où ils s'installèrent; quant à lui, il vint me
trouver au jardin de Djinnet, suivi de sept ou huit cavaliers.
Je l'accueillis de la façon la plus cordiale et avec tous les
égards qui lui étaient dûs. J'avais tout fait préparer à son in-
tention dans le jardin de Rizvan qui est situé à côté de celui
de Djinnet. Il s'y transporta, mais j'appris, après son départ,
que ses gens ne s'y étaient point rendus et que, privé de ses
bagages, il était embarrassé pour passer la nuit. Je fis immé-
diatement porter chez lui un lit, des bougies, des lampes, tout
ce qui lui était indispensable, et de plus, en fait de mets et
de boissons, tout ce qu'on put préparer pour le repas du soir.
Le lendemain, j'allai lui faire visite et je fis porter de chez moi
tout ce qui était nécessaire pour faire le thé. Il put ainsi me
recevoir convenablement et, dans la conversation, nous nous
prodiguâmes toutes les marques de sympathie, d amitié, de
cordialité et de bonne entente que nous pouvions désirer l'un
et l'autre.
'Azem et Sadri Mouazzhem, était Mirza Taqy Khan Ferâhâny qui encourut peu de
temps après la disgrâce du Chah et eut les veines ouvertes à Kachan, le samedi 17 du
mois de Rebi oui evvel 1268 (:i janvier i852).
DE l'ambassade AU KHAREZM 9
Le samedi^ 9(11 avril i^ tous les préparatifs étant terminés, je le
fis prévenir que nous allions nous mettre en route et je fis partir
les bagages. A ta Niaz Mahrem vint à mon logis et, après avoir
dîné, nous montâmes à cheval. Des mendiants s'étaient, selon
l'habitude, rassemblés devant la porte. J'avais fait préparer,
pour distribuer en aumônes aux pauvres que je rencontrerais
sur ma route, des echrefy de deux mille dinars, des châhy
frappés au nom du roi et des pièces de mille dinars ". Tous
ceux qui se présentèrent devant moi en eurent une part ; puis,
nous conformant aux ordres des ministres du gouvernement
éternel, nous prîmes, tout contents et tout joyeux, la route de
de Sary, pour nous diriger vers le Kharezm. Nous apprîmes
que la rivière de Djadjroud était débordée et que son courant
rapide et sa profondeur ne permettaient pas de la traverser à
gué. Nous franchîmes le pont, en mettant toute notre confiance
en Dieu ^ Nous trouvâmes sur notre chemin une haute mon-
tagne dont les sommets et les ravins, les escarpements et les
précipices étaient incommensurables; j'en fis la description
suivante en vers :
Vers. — € Par les ordres de celui qui est digne de porter
la couronne de Key, je partis de Rey et je m'acheminai vers le
Mazenderan; mes compagnons et moi nous montâmes sur
des chevaux dont la taille égalait la hauteur d'une montagne.
Nous franchîmes de nombreuses montagnes à la cime élevée.
1 . L'echrefy a la valeur de deux francs ; le châhy celle de dix centimes , et la pièce de
mille dinars ou sahib qiran celle d*un franc.
2. Le Djadjroud, Jadjroud ou Jajeroud est une rivière qui coule à Test de Téhéran; elle
descend du Demavend et se transforme, à Tépoque de la fonte des neiges, en un tor-
rent impétueux qui charrie des glaçons et du limon. Distribuée dans de nombreux
canaux, elle arrose et fertilise la plaine qu'elle traverse. Le Djadjroud ne peut être
passé à gué que très-difficilement. A Tendroit où il est coupé par la route de Téhéran
à Châhroud, s'élève le village de Djadjroud avec un cararansérail. D*après Qazwiny, le
pays traversé par ce cours d'eau s'appelle le territoire de Rey. La rivière renferme
beaucoup de gii^il-aleh (truites). Souvent le chah se rend, en hiver, dans cet endroit,
pour y chasser la perdrix rouge (kebkj. Ritter, AUgemeine Géographie, Berlin, i838.
VIll, p. 448 et 559.
10 RELATION
nous en gravîmes les sommets ; passant ensuite par les défi-
lés, nous traversâmes les rivières et les vallées. La première
montagne qui s'oflrit à nous avait sa base appuyée sur le pois-
son qui supporte la terre et son sommet touchait à la lune.
Quand je descendis de ces hauteurs, une rivière profonde se
présenta devant moi. Tantôt nous étions dans les abîmes,
tantôt sur les cimes élevées; nous pouvions converser avec le
poisson et la lune et leur confier nos secrets. »
Du mont Elbouri nommé aussi montagne de Qâf.
Sur la limite de la province de Rey et du Mazanderan s'élève
une montagne qui a reçu le nom d*Eibourz. Les villages et les
jardins de Chemiran et les campements d'été de la population de
Téhéran sont situés sur le versant de cette montagne ■ ; elle est
très-haute et d'une grande étendue. Elle porte aussi le nom de
montagne de Qaren ou de Qâf. La verdure dont elle est constam-
ment couverte lui donne l'apparence d'un bloc d'émeraude.
Elle incline dans sa partie centrale du côté méridional du Ta-
barestan. On assure que cette chaîne de montagnes com-
mence aux monts Qomr dans le Sennar, pays faisant partie
du Soudan et situé près de la ligne équatoriale où se trouvent
les sources du Nil; du Soudan, elle se dirige vers la haute
Egypte, traverse TEgypte moyenne, puis, non loin du Caire,
elle suit la direction de l'Orient pendant l'espace de huit
1. I«a vallée de Chemiran est située dans TElbourz au nord de Veramin. Feth A.ljr
Chfth y avait élevé une magnifique maison de plaisance. Cliemiran jouit d*une grande
réputation pour la pureté de son climat, Tabondance de ses fruits et la grande quantité
du gibier de plume que Ton y trouve. Ouseley, Travtls in varions countries of the
East, more particularly Persia, London.1819, page 1 19. Morier, Second journey through
Persia. (1810-18 16.) London, 1818. page 33 1. — Ritter, Allgemeine Géographie VllI,
pages 43 1 et 337.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM I I
journées de marche. Elle court ensuite vers le Nord pen-
dant la distance que représente un mois de marche^ pour
atteindre la grande Arménie^ la Caramanie et TAnatolie. Ar-
rivée au milieu du quatrième climat, elle s'allonge vers TOrient
et passe par le Daghestan, la Géorgie et T Azerbaïdjan; elle
court au nord de Téhéran et traverse le Tabarestan , le Kho-
rassan, le Zaboul, le Caboul et le pays des Siah Pouch. Elle
coupe la partie méridionale du pays de Badakhchàn et cou-
vre tout le Kachmir et tout le Thibet; franchissant la partie
sud des pays de Tengtach , de Khoten et de la Chine , elle
passe à TOrient de THindoustan, du Népal et du Bengale
pour aboutir à l'Océan. La longueur de cette chaîne de mon-
tagnes est de quinze cents fersengs. A ses pieds^ on compte
douze mille villes et villages, et, dans chaque contrée, elle
porte un nom particulier. Des voyageurs affirment dans leurs
récits qu'ils l'ont entendu nommer en soixante-douze dialectes
et qu'ils y ont vu plus de deux cents peuples parlant des lan-
gues et des idiomes différents ; ils ont constaté en outre que ces
peuples suivaient près de trois cents religions distinctes.
Pour en revenir à notre voyage, nous nous engageâmes dans
cette chaîne de montagnes en sortant de la province de Rey et
nous franchîmes sur un pont la rivière de Djadjroud qui est célè-
bre par le volume de ses eaux et par la rapidité de son courant.
Vers. — « Le pont jeté sur cette rivière profonde ressem-
blait, dans l'obscurité de la nuit, à la voie lactée. Nos cœurs
étaient glacés d'épouvante en franchissant cette rivière ; en tra-
versant ce pont on pouvait croire qu'on passait le Sirath et
que l'enfer se trouvait au dessous de lui. »
Après avoir parcouru la distance de huit fersengs en mon-
tées et en descentes, nous arrivâmes au village d'Oustlik ap-
partenant au beylerbey Issa Khan Qadjar. Après avoir pris
notre repas, nous nous livrâmes au plaisir de la conversation
et nous y passâmes la nuit.
14 RELATION
der; les domestiques se mirent à pousser des ciîs pour les
éloigner : t Ignorants, leur dis-je, ce n'est point le moment d'ef-
frayer les gens et de les injurier, c'est plutôt celui de leur dis-
tribuer des dinars et des danek '. » Je plongeai ma main dans
ma poche et j'en retirai une poignée de châhy et d'echrefy frap-
pés au coin de Nacir Eddin Chah; j'appelai les enfants et je
leur jetai cette monnaie; ils s en emparèrent en riant et en ma-
nifestant leur joie et ils se mirent à me remercier et à £aire des
Vf eux pour moi dans le dialecte du Mazanderan. Les parents
voyant ce qui était arrivé aux enfants, se réunirent autour de
moi, dans Tespoir de recevoir quelques pièces d'or; ils se di-
saient à part eux : < Ce que Ton tient dans la main est un
échantillon de ce que renferme le sac, et ce généreux ambassa-
deur possède de Tor et de Targent. » Nos effets et nos bagages,
nos coffres et nos tapis arrivèrent bientôt avec les gens de ma
suite. Les habitants de Guilared coururent à leur rencontre.
ICn voyant tous les ballots qui formaient notre bagage ils s'en
chargèrent comme des ânes, les déposèrent à terre, et, nous
rendant les plus grands honneurs, ils se tinrent debout devant
nous pour nous servir. L'un, plus ardent que le feu, alla faire
cuire le pain, l'autre, plus rapide que le vent, alla puiser de
Tenu : ils se mirent à couper et à scier du bois sec et vert et ils
apportèrent du pâturage et du potager un agneau et des légu-
mes. Les préparatifs de noire repas furent faits avec soin et
nous pûmes bientôtgoûtcr le repos. En vérité, Tor facilite tout
et le désir du gain rend le lion aussi docile que Tâne. Nos vête-
ments trempés d'eau furent séchés, nos corps transis de froid
furent réchauffés , nos estomacs vides se remplirent et nos
cœurs aigris s'adoucirent. Nous fîmes des vœux pour la durée
du bonheur du roi du monde et nous dormîmes paisiblement
toute la nuit jusqu'au matin. Le lundi ii (i3 avril), le soleil
éleva sa tète au-dessus des montagnes de TOrient et ses rayons
enflammèrent le ciel couvert de nuages.
I. Menue monnaie de cuivre.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM l5
Vers. — € Le lendemain, lorsque le soleil, semblable à un
bassin doré, brilla sur la coupole azurée^ » nous sortîmes de
notre chambre étroite pour nous élancer dans la plaine im-
mense. La pluie, versée par les nuages, avait lavé la pous-
sière qui couvrait la verdure; un oiseau gazouillait sur cha-
que arbre. Après avoir parcouru un ou deux fersengs nous
aperçûmes le village d'Ainèh Verzan : à gauche de la route,
des jardins, des arbres, des habitations et des rivières s'of-
fraient à notre vue. Ainèh Verzan est bâti sur la pente d'une
montagne. A la droite de ce village se trouve une plaine d'une
grande étendue. Nous pûmes contempler là une chose singu-
lière. Du sommet de cette montagne aussi élevée que le firma-
ment, tombe une eau courante qui, depuis des siècles, a déchiré
le flanc de la montagne de telle sorte que son lit semble creusé
par la main des hommes. Le ruisseau s'élargit au pied de la
montagne et, après avoir fertilisé les champs et les jardins du
village, il se dirige vers la plaine. Les rives de ce cours d'eau
sont bordées de saules d'une grande hauteur et qui donnent un
ombrage agréable sous lequel peut s'abriter le voyageur exténué.
Je me dirigeai, avec mon compagnon de voyage, vers le bord
de cette rivière ; nous descendîmes de nos montures et après
avoir déjeûné, nous remontâmes à cheval, et, tout en causant
et en riant, nous nous dirigeâmes vers le village de Serbendan '
qui fait partie du canton de Demavend et qui est un endroit
sans pareil pour la chasse du cerf.
t. Serbendan est le nom d'un village situé dans un district montagneux qui s'étend
entre Demavend et Firouzkouh. — W. Ouseley, Travels in various couniries ofthe
East etc, London, 1819, 1821, iSiS, tome III, page 324.
Le village de Serbendan est situé sur le bord d*un torrent limpide qui sort de la gorge
d'une montagne. -^ Eastwick, Journal, etc.^ tome II, page 98.
l6 RELATION
La montagne de Demavend et la province de ce nom.
Le Demavend est une montagne célèbre qui s'élève à la dis-
tance d'une ou deux journées de marche de Rey et à Torient de
cette ville. Originairement on l'appelait Dounya Avend c'est-à-
dire Zarfi Dounya. En effet, dans l'ancienne langue persane
Avend signifie Zarf, c'est-à-dire « qui contient^ qui renferme ' » .
La hauteur de cette montagne depuis sa base est^ dit -on, de
quatre fersengs. C'est la plus haute des montagnes de l'Iraq et
les voyageurs l'aperçoivent de fort loin. Au sommet se trouve
un plateau sur lequel brille une lueur qui sort, dit-on, d'un
puits ou cratère et que l'on aperçoit à une très-grande distance.
Le jour, on voit la fumée s'en échapper. D'après la tradition,
le prophète Suleyman a emprisonné le Djinn Sakhrèh dans l'in-
térieur de cette montagne; d'après une autre version Feridoun
y aurait renfermé Zohak ^ Sur le sommet est, dit-on, une sou-
frière d'où pendant la nuit, s'échappent des flammes et, pendant
1. L'étymologie de Dounya avend (qui renferme le monde), donnée par Rîza Qouly
Khan me semble défectueuse. Demch et quelquefois Dem signifient, vapeur, fumée,
Demavend voudrait donc dire Tendroit qui renferme ou duquel s'élèvent des vapeurs,
■de la fumée. Sa*id bep Aly el Djourdjany, dans son Messalik oui Memalik^ donne à
cette montagne le nom de Dibavend, dont la signification est a qui renferme les Divs ».
2. Firdoussy raconte en ces termes la victoire de Feridoun. « Feridoun accourut, ra-
pide comme le vent ; il prit la massue à tête de bœuf, frappa Zohak sur la tête et brisa
son casque. Le Sourouch apparut aussitôt : « Ne frappe pas, dit-il, car son temps n*est
« pas venu. Il est brisé, il faut le lier comme une pierre et le porter jusqu*où deux ro-
« chers se resserreront devant toi Porte ce captif jusqu'au mont Demavend, en
tt hâte et sans cortège; ne prends avec toi que ceux dont tu ne pourras pas te passer et
tt qui te seront en aide au temps du danger. » Feridoun rapide comme un coureur em-
porta Zohak et Tenchaîna sur le mont Demavend; et lorsqu'il l'eut entouré de nouvelles
chaînes par-dessus ses liens, il ne resta plus aucune trace des maux de la fortune ....
Zohak fut séparé de sa famille et de ses alliés et demeura enchaîné sur le rocher. Feri-
doun choisit dans la montagne une place étroite, il y découvrit une caverne dont on ne
pouvait voir le fond. Il apporta de pesants clous, et les enfonça en évitant de percer le
crâne de Zohak; il lui attacha encore les mains au rocher pour qu'il y restât dans une
longue agonie.» Le livre des Rois par Aboul Kasim Firdousi, traduit et commenté
par J. Mohl. Paris, Imprimerie royale, tome I", pages log-iii-iiS,
DE L AMBASSADE AU KHAREZM I7
le jour, de la fumée. La vérité est que cette montagne est un
volcan près du sommet duquel se trouve un cratère par lequel
le feu intérieur se fraye un passage. A ses pieds s'étend un
canton riant et bien cultivé qui porte le même nom de Dema-
vend. Les pommes qu'on y récolte sont renommées pour leur
saveur '.
Nous dépassâmes un peu Serbendan et nous plantâmes nos
tentes auprès de Baghi Chah, maison de plaisance construite
par Aga Mohammed Khan pour lui servir de résidence pen-
dant la saison de la chasse.
Baghi Chah \
Baghi Chah est un vaste parc avec une maison à deux étages ;
une large allée plantée de saules et de peupliers le traverse dans
toute son étendue. On trouve au milieu du parc une autre allée
plantée en quinconce et bordée d'arbres fruitiers. Ce quinconce
a, à peu près, un demi-ferseng de longueur. Tout le parc est
entouré d'un mur d'une grande étendue. Les fruits que Ton y
récolte sont remarquables par leur douceur et leur bon goût.
Ce jardin doit son origine à Aga Mohammed Khan ; il venait y
passer la nuit après avoir chassé pendant le jour du côté du
Dely Tchay ^. Les perdrix rouges, les mouflons, les antilopes
1. Voyez l'appendice, % II.
2. Baghi Chah est situé à trois lieues et demie (deux fersengs] d'Aincli Vcrzan sur
la route de Demavend à Firouz Kouh. Ccst un parc mesurant environ cinq cents pas
de longueur et de largeur. Il est entouré d*une clôture, traversé par une belle allée de
peupliers coupée perpendiculairement par d'autres allées semblables. Le terrain est
planté d*arbres fruitiers. Le revenu s'élève à trente toumans. On y voit une maison de
chasse où le chah vient quelquefois pour se livrer dans les vallées qui l'environnent à
la chasse des chèvres sauvages. — James Morier, A second Journey through Persia^ Ar-
menia and Asia minor to Constaniinople, London, 1818. in-4", pages 36o-363.
3. Le Dely Tchay (la rivière folle} est ainsi nommé à cause de l'impétuosité de son
cours à l'époque de la fonte des neiges. Il coule dans une vallée étroite, sauvage dont
2
l8 RELATION
se trouvent en extrême abondance dans la plaine et dans les
montagnes environnantes. Le mardi 12 (14 avril) du mois^
nous partîmes de Baghi Chah et nous nous dirigeâmes vers
Firouz Kouh. Après avoir parcouru un ou deux fersengs, nous
traversâmes Tendroit réservé pour la chasse ; il s'étend sur le
revers de la montagne et dans une plaine resserrée entre deux
montagnes. Au bout d'un demi-ferseng de marche entre ces
deux montagnes, nous descendîmes dans une vallée en pente
conduisant à la rivière de Dely Tchay et nous nous arrêtâ-
mes sur ses bords. Nous la franchîmes, nous gravîmes une
colline escarpée, et traversant des vallons, des hauteurs, des
plaines et des montagnes, nous passâmes par le Rebath d'E-
min Abad. Nous déjeunâmes et nous prîmes quelque repos
au pied de la montagne. Après l'avoir dépassée , nous nous
dirigeâmes vers une vallée qui porte le nom de Sèh-Bend (les
trois réservoirs).
Nous laissâmes Sèh-Bend derrière nous et, suivant une route
accidentée, nous arrivâmes au bord d'un cours d'eau qui
porte le nom de Ghazan-Tchay où nous mîmes pied à terre * ;
nous fîmes la prière de midi et celle de TAsr et nous for-
mâmes des vœux pour la durée et la prospérité du souverain
du siècle, du maître des victoires, de celui qui est aidé de
Dieu, du roi dont la fortune est jeune et vigoureuse, du prince
auquel le ciel sert de trône et qui est le propagateur de la
religion du prophète arabe, Nacir Eddin Padichâh. Après cette
halte, nous pressâmes notre marche pour atteindre la Ville de
Firouz Kouh. A notre droite s'élevait une chaîne de montagnes
qui s'étendait jusqu'à cette ville. Ses pics, qui touchaient les
étoiles, étaient couronnés de fortifications, de tours et de rem-
les rochers abruptes ont des formes bizarres. Ouselcy s^arrcta à un petit château de
construction moderne élevé sur les bords du Dely Tchay. Le pays est sauvage et inha-
bité. On y rencontre en abondance Taniilope et la perdrix rouge.
I. C'est sur les bords du Ghazan-Tchay qu'est situé Erdjumend, résidence du gou-
verneur de Firouz Kouh.— E. d'Arcy Todd. Memoranda io accompany a sketch of part of
Maianderan. Journal of the gcographical Society, tome VIII, 9* partie, Londres,
i838, pages 102-104.
DE LAMBASSLU>t Al KHAREZM IQ
parts démantelés et tombant en ruines. On voit, auprès de la
xUle de Firouz Kouh^ une haute butte formée par les cornes
des moufk>ns abattus par Feth Al y Chah lorsqu il se livrait, dans
ce pays montagneux, à l'exercice de la chasse. Cette butte pré-
sente l'aspect d'un taillis épais et aux branches toutTues. On
a ÉBÛt, dit-on, le compte des cornes qui s'y trouvent accumu-
lées; elles dépassent le nombre de cinq mille. On trouve
aus^ dans les environs de Firouz Kouh une plaine ver-
doyante où prennent leur source plus de cent ruisseaux
petits et grands qui vont se jeter dans la rivière de Vachy.
Cette rivière coule le long de la gorge de Firouz-Kouh ; elle in-
cline à droite et tombe dans la ri\ière appelée Gouri-Seîîd,
puis elle se dirige vers le Hebelroud * et de là vers Veramin.
La plaine de FacAr.
A deux fersengs au nord de Firouz Kouh on rencontre une
plaine, une gorge et un vallon extrêmement agréables et
I. Le Hebelroud ou Hebleroud est une rivière qui coule au sud de la montagne de
Firouz Kouh. La vallée traversée par cette rivière est une des routes naturelles qui
conduisent du Mazanderan dans la Perse. Cette vallée se rétrécit considérablement ;V
certains endroits et, à la sortie d'un village qui porte également le nom de Hebclioud,
on trouve un dénié très-éiroit qui porte le nom de Tengui DehaHch et qu'il est sou-
vent difficile de franchir. — W. Ouseley, Travds^ etc., pages 218-219.
Fietro della Valle donne une description du dctîlc par lequel il passa pour arriver ù
Hebleh-Roud : « Il Sabato entrammo nelle montagne, atircversandole per una pro-
funda e angustissima valle simile assai, al mio parère, a quella d*Italia che V. S. avn\
veduta neir Umbria, chiamata Valle Strettura ; ma questa di Asia è più lunga scnza
comparazione, come intenderâ. Si cammina per questa valle quasi semprc in piano,
che rarissime volte, e molto poco si sale o sccnde; ma i monti son sempre altissimi
dalle bande, e talora la strada si va aggirando in volte tanto strcttc^ che ci dicde fasii-
dio per far passar la lettiga; Corre in fundo della valle un piccolo tiumicello, ovvcro
grosso rivo Finalmentc a mezza nette avendo camminato ottoleghee più, arrivammo
ad una villa chiamata Heblè-Roud. » Viaggi di Pietro della Valle il pcUegrino, etc.
Brighton, 1843, tome I*% pages 58o-58i.
20 RELATION
délicieux. L'eau y est d'une extrême légèreté et d'un goût
agréable. Elle a été pesée et reconnue plus légère qu'aucune
autre. On sort de cette vallée par une route bordée des deux
côtés par la montagne, et Ton passe entre le pied de la mon-
tagne et la rivière.
Au débouché de la gorge, s'étend une prairie charmante où
Feth Aly Chah établissait ses quartiers d'été. Ce prince a fait
sculpter son image sur un rocher de cette montagne du som-
met de laquelle on jouit de la vue des forêts du Mazanderan
et de la mer Caspienne.
La ville de Ftrou^ Kouh.
Firouz Kouh est une ancienne ville qui jouit encore aujour-
d'hui d'une certaine prospérité. Elle est située sur la limite
de riraq et du Thabarestan. Quelques-uns des villages placés
sous sa juridiction ne sont point éloignés de Semnan. Firouz
Kouh est bâti sur une montagne au sommet de laquelle on
remarque les ruines d'anciennes et merveilleuses constructions.
On y voit un moulin à vent, un bain, un château dont les
murailles sont fort élevées et un puits taillé dans le roc vif;
on a dû creuser jusqu'à une profondeur de près de cinq cents
coudées pour arriver à l'eau qui est fournie par la rivière qui
coule au pied de la montagne et que Ton élève jusqu'au som-
met.
Des rebelles se sont, à différentes époques, réfugiés à Firouz
Kouh; ils s'y sont retranchés et ils ont opposé une vive résis-
tance aux différents princes qui essayaient de les réduire.
L'ancien château est situé sur la pente de la montagne. Des
paysans se sont, aujourd'hui^ établis dans son enceinte et ont
couvert de cultures les bords de la rivière qui coule au pied de
la montagne. Ils ont de plus construit des maisons, quelques
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 21
édifices publics et des bains. Le nombre de ces paysans s'é-
lève à quatre cents.
Dans les environs, on trouve les ruines d'un grand nom-
bre d'anciens monuments. Les détails historiques relatifs aux
princes qui ont gouverné ce pays se trouvent consignés dans la
chronique du Mazanderan qui a pour titre Tarikhi Thabery et
qui est due à la plume d un des Seiyds de Marach \
L'arrondissement de Firouz Kouh comprend environ qua-
rante villages.
Dans les dernières années du feu roi Mohammed Chah Qad-
jar, que Dieu illumine son tombeau ! j'ai été chargé du gou-
vernement et de l'administration de ce pays.
Le mercredi i3 (i5 avril), nous partîmes de Firouz Kouh
et après avoir parcouru une distance de près de trois fer-
sengs , nous arrivâmes au caravansérail de Pay Guedouk du
Mazanderan ; puis après avoir marché pendant un ferseng ,
nous atteignîmes le caravansérail de Seri Guedouk. Guedouk
dans le dialecte du pays désigne un endroit élevé à partir du-
quel la route va en pente. Ce mot désigne également un pas-
sage étroit. La route, en effet, se rétrécit et commence à des-
cendre. Lorsque nous eûmes dépassé ce défilé qui porte le
nom d'Abbas Abad ^ et qui servait, dit-on, de résidence au
Div blanc qui veillait à la sécurité des routes et des frontières
du Mazanderan, nous aperçûmes sur le penchant des mon-
tagnes des Divs noirs. Nous les prîmes pour des damnés qui,
ayant rompu leurs chaînes, auraient réussi à s'échapper de
l'enfer et seraient venus se réfugier dans les montagnes du
Mazanderan. Nous nous assurâmes, à la fin, que c'était des
habitants du Mazanderan qui exploitaient les forêts et y cou-
paient du bois qu'ils faisaient brûler pour le convertir en
1. Le titre de cet ouvrage est « Chronique du Thabarestan, du Ilouyan et du Ma-
zanderan. n II a été rédigé par le Setyd Zehir ouddin fils du Seiyd Nassir ouddin el
Marachy. Le texte persan de cette histoire a été publié par M. Dorn à Saint-Péters-
bourg, en i85o.
2. Ce nom lui a été donné à cause d'un caravansérail construit par Chah Abbas.
22 RELATION
charbon. La couleur noire de leur visage et de leurs mem-
bres était due à la poussière de charbon qui leur tient lieu de
fard et de mouche.
Au milieu du vallon que nous traversions, coule un petit
ruisseau dont les eaux grossissent à mesure que son cours se
prolonge. Nous parcourûmes en descendant ime distance de
huit fersengs.
Distique. — « Des deux côtés s'élevaient dtux montagnes ;
entre elles coulait un ruisseau. Toute la route semblait cou-
verte d'une étoflFe de soie à fleurs. »
Cest à cet endroit que commencent Tarrondissement de
Sewad Kouh ■ et la province du Mazanderan.
Partout sur notre route, nous trouvions des cours d'eau,
des arbres, d'épaisses forêts, des roses, des fleurs, des plantes
odoriférantes aux brillantes couleurs; partout, on entendait
les gazouillements et les chants mélodieux d'oiseaux innom-
brables.
Vers. « Qu'elle est belle, qu elle est splendide, la province
du Mazanderan! D'une extrémité à Tautre, elle n'est que ver-
dure et que fleurs. Son territoire est coupé de ruisseaux, hé-
rissé de rochers, couvert d'arbres ; la terre est molle, mais les
routes sont dures *. »
Après avoir traversé les villages du Sewad Kouh, nous ar-
rivâmes à Sourkh Rebath ^. Nous le dépassâmes et nous
1. Sewad Kouh est le nom de la région montagneuse qui s*étend depuis le bas du
détîlé d^Abbas Abad jusqu*à la station de Zirdb. Le Se\%*ad Kouh fait partie aujourd'hui
de l'arrondissement de Barfourouch. Les villages du ScwaJ Kouh sont divisa en
Qjchlaq (résidence d'hiver) et Yailaq (résidence d'été). Les habitants s'occupent princi-
p.:Iement de l'élève des bestiaux. Ils descendent en hiver dans les prairies s'étendant le
long du Siâh Roud qui coule entre Larim et Qaratèpèh dans le district de Saiy.
2. L'auteur veut dire ici que la terre détrempée par les pluies est facile à cultiver, mais
que les routes dans les montagnes et les rochers sont difficiles à parcourir.
3. Rcbathi Sourkh ou Sourkh Rebath est un caravansérail situé dans la vallée du Ta-
lar, à six fersengs au nord de Firouz Kouh ; il est en mauvais état et le voyageur n'y
trouve qu'un abri insuffisant. Non loin de là, on voit un énorme rocher, Khanèhi Divi
DE l'ambassade AU KHAREZM 23
nous engageâmes dans un défilé qui porte le nom de Douâb
(les deux ruisseaux). La nuit survint et nous dûmes faire halte.
Nous avions parcouru la distance de dix fersengs. Nous nous
reposâmes toute la nuit.
Le jeudi 14 (i6 avril), nous quittâmes la station de Douâb
et, suivant une route en pente, nous marchions si vite qu'en
peu de temps nous eûmes fait cinq fersengs et que nous attei-
gnîmes la localité appelée Zirâb \ A l'entrée du défilé, une
source qui sort en bouillonnant du milieu des rochers donne
naissance à un ruisseau tombant en cascade dans la vallée qu'il
traverse. Les cours d'eau qui s'y jettent et les pluies toujours
abondantes grossissent son volume, et, à une certaine distance,
il devient une grosse rivière qui a reçu le nom de Talar et qu'il
est impossible de traverser à gué ^. On a jeté sur cette rivière
un pont solidement construit, haut et large, auquel on a donné
le nom de Pouli Sefid (le pont blanc ^). Nous le franchîmes et
nous nous dirigeâmes vers le tombeau de l'Imam Zadèh Abou
Thalib où nous descendîmes pour nous reposer. Nous étions
Sefid, avec une grotte très-vaste qui, d'après la légende, est la résidence habituelle du
Divi Seûd, le chef de tous les divs ou géants des montagnes. (Voy. W. Ouseley. Trav,,
III, p. 321. — E. d'Arcy Todd, Memoranda, etc. — Journ. of the Geogr. Soc. of London
i838. Vol. VIII, p. I, p. 102-104.)
1. Zirâb (sous l'eau), village de la vallée du Talar, doit son nom aux fréquentes inon-
dations auxquelles il est exposé. Il ne compte, d'après D'Arcy Todd, qu'un petit
nombre de misérables huttes et il n'est, ainsi que Chirgâh, habité que pendant une
partie de l'année, à l'époque où l'on ensemence le t\z. Ouseley, Traveîs, tome III,
pages 241-249. — D'Arcy Todd, Memoranda, page 104. Zirâb fait partie du bulouk de
Sewad Kouh, dans l'arrondissement de Barfourouch. Mclgunof, Das sûdîichc Ufer des
Kaspischen Mères, Leipzig, 1868, page 197.
2. Le Talar prend sa source dans les montagnes de Firouz Kouh, près du caravansérail
le Guedouk, et se jette dans la mer Caspienne, non loin de Mechhedi Ser, après un
cours de 24 lieues (60 milles anglais). La vallée du Talar est très-pittoresque, mais le
parcours en est difficile, à cause du terrain qui est souvent marécageux. On trouve, en
certains endroits, les restes d'une route que fit construire Chah Abbas. (Voy. Ouseley,
/. c, p. 241-249. — D'Arcy Todd, /. c, p. 102-104.) Melgunof dit que le Talar forme au-
jourd'hui la limite entre les districts de Sary et de Barfourouch dans le Mazanderan.
Melgunof, /. c, p. 149.
3. Pouli Sefid (le pont blanc) est un pont de pierre sur le Talar; il est bien cons-
truit et se trouve au milieu d'une contrée très-pittoresque. Ritter, AUgem. Geog. VIII,
p. 4qo. — Ouseley, Trav,, III, p. 237-23q. — E. D'Arcy Todd, /. c, p. io3, loj.
24 RELATION
à la nuit du vendredi et en adressant nos prières au Dieu
qui pourvoit à tous nos besoins, nous fîmes des vœux pour
réternelle durée de la prospérité du Roi. Ayant fait demander
le mutevelly (le gardien chargé de l'entretien) de l'Imamza-
dèh , nous lui donnâmes une gratification et nous fîmes allu-
mer un cierge au chevet de la tombe du Seiyd pour accomplir
une bonne œuvre.
Le mutevelly ne cessa de nous entretenir des miracles et des
prodiges opérés sur le tombeau du saint.
Respectant la sincérité de sa conviction et la pureté de ses
intentions^ nous avons ajouté foi à tout ce qu'il disait, et, après
avoir terminé notre visite pieuse et récité nos invocations, les
bagages furent chargés sur les mulets infatigables et les ca-
valiers montèrent sur leurs chevaux arabes.
Le vendredi i5 (17 avril). Nous nous dirigeâmes au lever
du jour vers la station de Chirgâh (la localité des lions) \ Sem-
blables à des lions, nous hâtâmes notre marche.
Partout sur la route, qui n'était qu'une suite de montées et
de descentes, on ne voyait que des cours d'eau, des canaux, des
sources et des rivières. La vue des forêts nous arrachait des
exclamations de louange et d'admiration. Les buis et les ormes
élevaient leurs cimes jusqu'au ciel et leurs branches déchiraient
le sein du firmament.
Vers. « Le sommet de la montagne, couvert de verdure,
semblait revêtu d'une étoffe de Chouchter ^ Les tulipes, qui
1. Chirgâh, situé sur le Talar, est, d*après Ouseley et d'Arcy Todd, un village com-
posé de quelques misérables cabanes qui ne sont habitées que pendant une certaine par-
tic de Tannée. Le reste du temps, on n*y trouve que des dtitaillants qui font le com-
merce avec les muletiers traversant la vallée du Talar. Voy. Ouseley et d'Arcy Todd, //.
ce, et Ritter, VÏII, p. 499.
D'après Melgunof, il y a aujourd'hui, dans le district de Sary, un bulouk de Chirgâh
qui compte dix villag;:s, dont le principal est Chirgâh^ avec une centaine de maisons.
Melgunof, /. c, p. 174.
2. Chouchter, ou selon la forme arabe Touster, capitale de la province de Khouzistan,
a été fondée par Houcheng et rebâtie par Chapour Zoul Ektaf. Cette ville, qui était
autrefois la résidence d*hiver des rois de Perse, est renommée pour ses fabriques d'é-
DE L.O£5ASSAl>E AV ÎLH AXrTM 2?
émaillaient la face de îa terre avaient Tec'a: ce ia planète de
Jupiter. Le brouillard., qui enveloppai: les roontagnes, ressem-
blait aux vapeurs qui sVîèveni de la mer profonde. Le coq de
bruyère sautillait dans la prairie: scs plumes et ses ailes avaient
l'éclat des couleurs dont on peint le Nnsa^e de la jeune ma-
riée. •
I-a route était semée de bourbiers, de flaques deau et de
fondrières dans lesquelles s'abattaient les che^•atlx et les betes
de somme ; Chah Abbas Sèfèxy, qui jadis la parcourait sou-
vent, donna Tordre de couper les arbres et d'établir une chaus-
sée en pierres et en mortier, tantôt droite, tantôt suivant les
sinuosités du terrain. Elle se développait de Chirgàh à Barfou-
rouch et de cette dernière \nlle elle aboutissait à Echref et à Es-
teràbad ". Semblables à un torrent impétueux, nous parcour-
rions en toute hâte cette chaussée pour gagner San', et nous
implorions la miséricorde divine pour ce roi juste et clément.
Nous limes près de huit fersengs d'un chemin pénible, au mi-
lieu de taillis épais, et nous nous arrêtâmes p>our nous reposer
sans craintes et sans appréhensions dans la forêt de Chirgàh.
toffes de soie. Les géographes arabes et persans donnent quelques détails sur cette ville.
Mais la notice la plus étendue est celle qui se trouve au commencement du Zeyl ou
supplément du « Tohfèt oui Alan de Abdoul Leihif ben Aby Thalib Nour oudJin Chou-
chter}'. (Manuscrit de mon cabinet, pages 32-78.)
I. Khe)'aban (chaussée) est le nom de la grande rouie construite par Chah Abbas au
commencement du xvii* siècle, et qui, traversant le Mazanderan et le Guilan, était des-
tinée à mettre en communication, d'une part, les ports de la mer Caspienne avec les dé-
filés de TElbourz et, de l'autre, à fournir un débouché au Mazanderan vers Test en se
prolongeant jusqu'au Khorassan, et au Guilan vers Touest, en traversant le territoire de
TAzcrbaidjan jusqu'à l'embouchure de l'Araxe. Le Kheyaban avait une longueur de soi-
xante dix milles géographiques et il s'étendait depuis Enzely le port de Recht, jusqu'à
Esterâbad en passant par Sar}\ Cette chaussée était déjà en fort mauvais état à l'époque
où Hanway fit son voyage, et. depuis, elle n'a jamais été réparée.
Selon Fraser, le Kheyaban se prolongeait à l'est jusqu'au col qui conduit à Bestham et
Châhroud, et il a même été continué jusqu'à Tchinaran, à vingt lieues de Mcchhed. La
chaussée est border des deux côtés par un fossé, et sa largeur eit de quinze ù seize
pieds. Le premier résultat de la construction de cette route a été l'introduction du cha-
meau dans le Mazanderan.— Jon. Hanway, An historical account o/the british traJe, etc.
Londres, 1753, tome I"", pag. 214. — W. Ouseley, Travels, tome III, pag. 276-284, —
Fraser, Travels and adventures, page 12.
26 RELATION
Notre campement était établi dans un lieu infect, exhalant
une odeur méphitique. Cette localité éloignait tout bien être
par sa nature sauvage.
Pendant la nuit que nous y passâmes , la faim excessive
dont nous souffrions nous porta à manger jusqu'à satiété, et
toute la nuit nous souffrîmes de la soif qu'avait allumée en
nous Tail que nous avions mangé ^
A l'aube, l'humidité de l'atmosphère nous présagea la pluie;
le vent s'éleva. Nous quittâmes en toute hâte ce lieu malen-
contreux, et montant à cheval avec mes compagnons et mes
amis, nous partîmes au galop et nous sortîmes de cet endroit
désagréable.
Le samedi i6 (i8 avril), nous entrâmes dans la plaine ra-
vissante d 'A ly âbad ^. Puisse-t-elle être toujours prospère! On
aurait dit que nous étions des oiseaux échappés de leur cage
ou des fugitifs qui auraient réussi à se sauver de la prison.
Nous approchions du tombeau du Cheikh Thabarssy ^ ;
nous passâmes à peu de distance. Nous demandâmes, pour
nous en rendre compte, des renseignements sur Tétat de la
1. Les Orientaux mangent de Tail ou de l'oignon pour se préserver de l'influence per-
nicieuse des marécages ou des endroits réputés malsains.
2. Il y a dans le Mazanderan deux bulouk limitrophes ponant le nom de nom d'Aly
âbad; l'un est situé dans le district de Sary et renferme une dizaine de villages, l'autre
se trouve dans le district de Barfurouch. Le principal village de ce dernier bulouk est
Aly âbad, situé sur le Talar, à quatre fcrscngs au sud-ouest de Sary. 11 a quatre cents
maisons, et parmi les habitants on trouve des Kurdes des tribus de Djanbeglou et de
Madanlou. Aly âbad a subi mainte fois les incursions des Turkomans. Chah Abbas y avait
construit un palais et le kheyaban (chaussée pavée) traversait ce village. Dans les envi-
rons, on cultive la canne à sucre, le coton, le riz et le mûrier; les champs sont, pour 1®
plupart, tchallik (presque constamment sous l'eau), ce qui produit des émanations mal-
saines. Les rizières servent de retraite à un grand nombre de sangliers; les habitants
leur font la chasse et suspendent aux arbres les têtes des animaux tués. (Melgunof, /. c,
p. 195.) Ousclcy dit qu'Aly âbad est un charmant village, avec des cabanes et des fer-
mes entourées d'orangers; on trouve beaucoup de faisans dans les bois environnants,
(Ouseley, Travels, vol. lll, p. 249.)
3. Cheikh Thabarssy ou Cheikh Thabrissy est le nom d'un village du bulouk de Bala
Tidjan dans le district de Barfurouch, à trois fersengs de cette ville. On y voit un imam-
zadch construit par Suleyman Khan Guireïby. Il porte une inscription disant qu'en cet
endroit furent enterrés le Cheikh Thabarssy, ainsi que Moulla Mohammed fils de Cheher
Achoub, Seiyd Hayder et un derviche nommé Hussein Siavech. Ce village a acquis une
DE l'ambassade AU KHAREZM 27
secte des Babys qui ont été^ pour ce malheureux pays et pour
quelques contrées de la Perse^ une cause de troubles et de
ruine^ jusqu'à ce qu'ils aient été réduits en captivité et domp-
tés par le Darius du siècle.
Nous nous dirigeâmes vers le pavillon qui fait partie de
rimam Zadèh, qui se trouve en dehors d'Aly âbad, et nous
nous y reposâmes pendant quelques instants. Nous interrogeâ-
mes, au sujet des Babys, les Seiyds Berbery ^ et les Mazande-
raniens qui habitaient ce village et qui avaient reçu la semence
de la doctrine de ces sectaires.
Après avoir dépassé Aly âbad, nous parcourûmes la chaus-
sée royale, et, protégés par Dieu, nous entrâmes dans la ville
de Sary. Nous avions franchi, depuis Chirgâh, une distance de
sept fersengs. Je fus, ce jour-là, informé d'une manière posi-
tive que le Chahzadèh gouverneur général du Mazanderan,
certaine célébrité en servant de lieu de refuge aux adhérents du babysme, lorsqu'ils fu-
rent chassés de Barfurouch. Ils y soutinrent un siège de six mois contre les généraux
Abbas Qouly Khan et Mehdy Qouly Mirza. V. Melgunof, p. 182-196.
L*auteur de cette relation , Riza Qouly Khan, a donné aussi dans son Fihris out icwa-
rikhy tomeX, pages 124-128, un récit détaillé du siège et de la prise du village de Cheikh
Thabarssy. Mirza Sipehr Lissan oui Mulk a, dans son Nassikh out tewarikh, fait l'his-
torique des troubles suscités par les Babys dans le Khorassan et dans le Mazanderan.
Nassikh out iewarikh, histbire de la dynastie des Qadjars, Téhéran, s. d. in-fol. tomelll»
p. 52-70. M. de Gobineau en a aussi donné une relation dans a Les religions et les
philosophies de l'Asie centrale, Paris i865, pages 217-237.
Les doctrines des Babys ont été exposées dans l'ouvrage de M. de Gobineau, pages
141-359, et par Mirza Kazein bey dans un mémoire qui a pour litre a Bab et le ba^
bysme » et qui a paru dans le Journal asiatique di l'année iSGO.
M. le baron de Rosen a publié d'intéressants extraits de n^anuscrits babys dans les
« Collections scientifiques de l'Institut des langues orientales du ministère des affaires
étrangères ». St-Pétersbourg, 1877, pages 179-212.
I. Les Seiyds Berbery sont originaires du district de Berbcr, dans le nord de l'Afgha-
nistan. Ils prétendent descendre de Tlmam/My qui aurait été transporté miraculeusement
dans le lieu de leur origine, lis portent le turban vert et exercent le métier de repas-
seurs de couteaux. Ils figurent dans les taazièhs et dans les processions chiites, se frap-
pant avec des chaînes la poitrine et le dos.
Au dire de M. Bode, cité par M. Dorn, les Berbery, originaires du Pouchii Kouh, fe-
raient partie de la grande tribu des Hezarèh répandue sur tout le plateau de Pamir jus-
qu'au Tibet. Dorn, Caspia. St-Pétersbourg, 1875, pag. 79-80. On peut consulter, sur le
rôle des Berber>'s dans les cérémonies religieuses, Les religions et les philosophies de
l'Asie centrale, par M. de Gobineau, page 377.
28 RELATION
Mehdy Qouly Mirza, s'était , pour terminer quelques affaires
locales, rendu sur les bords de la mer Caspienne et qu'il n'é-
tait point encore de retour. Les officiers de S. A. avaient pré-
paré des logements pour moi et pour l'envoyé du Khan du
Kharezm. Nous nous y rendîmes et nous nous y établîmes.
Le lundi 17 (19 avril), je changeai de vêtements et je me
rendis au bain. A Taller et au retour, je distribuai en aumônes
des pièces d'or et d'argent aux Seiyds et aux pauvres que je
rencontrai, et je goûtai le repos dans mon logis, comblé de
prévenances, de marques d'honneur et de considération.
De grands personnages, des notables, des ulémas, quelques-
uns de mes parents établis depuis longtemps dans le Mazan-
deran, d'anciens condisciples que je n'avais pu, à cause de
mon séjour à Chiraz, voir depuis quarante ans, apprirent mon
arrivée. Ils préférèrent me faire visite plutôt que de recevoir de
mes nouvelles par d'autres personnes et mon temps se passa
à les entretenir, à leur donner des marques d'amitié et d'affec-
tion et à les recevoir à ma lable.
La tristesse de la séparation fit place à la joie de se revoir
et mes amis ne tarirent point en éloges et en vœux pour recon-
naître la grâce et la faveur dont j'étais Tobjet de la part du Roi
conquérant du monde. Que Dieu rende son règne éternel! Ils
approuvèrent le sens de ces deux distiques composés par un
sage.
Quatrain. « Ne lutte point contre la fortune ennemie, ne
cherche point à combattre le destin ! ne pousse point comme
la harpe des gémissements plaintifs sous les égratignures du
sort. On ne laisse se perdre ni For dans la terre , ni la perle
dans la mer. Ne permets donc point au chagrin d'envahir ton
cœur.
DK I. AMBASSADE AU KHAREZM 29
Description succincte du Thabarestan et du Ma^anderan.
m
Le Thabarestan est une contrée qui renferme des villes re-
montant à une haute antiquité et des cités remarquables par
leur grandeur. Les montagnes y sont escarpées et les forêts
sont remplies de beaux arbres. Le Thabarestan, qui est célè-
bre par l'abondance de ses eaux et Thumidité de son climat,
fait partie, dans toute son étendue, du quatrième climat. Le
voisinage de la mer de Khazer (la mer Caspienne), qui porte
aussi le nom de mer de Qoulzoum, procure â certaines loca-
lités une température plutôt chaude. Mais dans la plupart de
ses parties le climat est tempéré. On trouve en grande quan-
tité dans cette province les fruits des pays chauds et ceux des
pays froids. On dit que , sous le règne de Suleyman le pro-
phète, sur qui soit le salut ! les Divs- ne trouvèrent pas, pour
s'y fixer, de contrée plus belle que le Thabarestan. Ils mirent le
pays en culture et ils y vécurent. Aussi donne-t-on aux habi-
tants, à cause de leur courage, le nom de Div et Ferdoussy, dit :
Hémistiche. — « Ils étaient de ces héros du Mazanderan qui
sont semblables aux Divs, »
Selon quelques auteurs, Thehmouras Divbend ' est le souve-
rain qui aurait commencé à civiliser ce pays. Amol , Sary et
Qalèhi Mour ont été bâties à une époque reculée et elles étaient
désignées sous ces mêmes noms à Tépoque d'Afrasiab et de
Keyqobad.
Le Mazanderan doit son nom à la montagne de Maz et
Menoutchehry a dit à ce sujet :
I. Thehmouras Divbend (le vainqueur des Divs;, fils de Noudjan et petit-fils de Hou-
cheng, est le quatrième souverain de la dynastie des Pichdadian. Pendant un règne de
quarante ans, il fonda Isfahan, Savèh, Rey et les villes du Mazanderan et de T Azerbaïd-
jan. Beizhavy, Ni{ham out tewarikh, f* 5.
3o RELATION
Distique. — « Le nuage est descendu de la montagne : ses
replis étaient semblables à ceux d'un serpent, et le Maz en était
enveloppé *. » Dans les temps anciens, ce pays portait aussi le
nom de « Bichchi Narven » (forêt d'ormes). Autrefois, il comp-
tait vingt -quatre villes florissantes dont la plus ancienne était
Lardjan.
C'est de cette ville que partit Feridoun pour combattre Zohak
et arriver au pouvoir suprême.
Le Thabarcstan doit son nom à cette particularité que la
hache est l'arme de guerre des habitants. Thabar est la forme
arabisée du mot persan Teber (hache). Elle a prévalu et elle
est aujourd'hui la seule usitée.
Le Ma/anderan se divise en sept arrondissements: i** Le
Djourdjan, 2" le Mourdestan, 3° Esterâbad, 4^ Amol, 5** Rustem-
dar et le Dehistan, G^'Koughad, 7° Siâh Roustaq. Le Thabares-
tan est également divisé en plusieurs arrondissements parmi
lesquels il faut citer cgax de Bestham, Damgham, Semnan,
Mrou/kouh et Khirqan. Le Thabarcstan a été pendant long-
temps placé sous l'autorité des souverains du Khorassan. On
continue donc à le considérer comme en faisant toujours partie
à Texemple du Qouhistan, du Sistan et du désert (Mefazèh)
c|ui, bien que devenus des provinces distinctes, sont cependant
regardés comme des dépendances du Khorassan. A l'époque
de l'avùnement de la dynastie actuelle des Qadjars, les habitants
du Ma/anderan et ceux du Thabarestan ont rendu des services
signalés qui leur ont valu la gratitude de ces princes. Aga Mo-
hammed Chah et Feth Aly Chah n'ont cessé de donner aux
I. (les lieux ver» forment le premier disiiquc de la pièce de poésie consacrée à la
louante de Menoutchehcr. lils de Qabous. (403-420, 1012-1029.) Edition de Téhéran
H. d. publiée par Wza Qouly Khan, page 71.
Menoutchehcr était le septième souverain de la dynastie des Deilemitcs de Zyad Gui-
lany t]ui régnèrent sur le Djourdjan, le Guilan et le Mazandéran de l'année 3i5 (927) à
ranné'j 470 (1077) de l'hcgire. Aboul Nedjm Ahmed, surnommé Chousl KcUèh (estropié
du pouce), était originaire de la ville de Damghan. II prit le nom de Menoutchehry en
reconnaissance des bienfaits dont Menoutchehcr Tavait comblé. Il mourut dans la force
de l'âge après l'année 43o (io38).
DE l'ambassade AU KHAREZM 3l
grands et aux petits des marques de leur bienveillance et de leur
générosité.
Ils ont été élevés aux plus hautes dignités et la faveur dont ils
sont Tobjet n'a point cessé de se manifester.
Notice sur la ville de Sarj, que le Dieu Très-Haul daigne la
protéger !
Sary, placée sous la protection de la planète de Jupiter, est
une petite ville qui renferme des maisons et des édifices pu-
blics, des bains, un bazar, des mosquées et des collèges. Elle
doit au Khaqani Ekber (Aga Mohammed Khan) et à Feth Aly
Chah une prospérité qui s'est encore accrue sous l'administra-
tion de Mulk Ara ■ et sous celle de ses enfants.
Barfouroicch.
Barfourouch est une ville ouverte, bien peuplée et plus rap-
prochée que Sary du rivage de la mer. Elle renferme des mos-
quées, des fondations pieuses, des collèges, des boutiques et
des caravansérails. L'auteur de cette relation y a passé huit
années pendant son enfance. La destinée le conduisit ensuite
dans la province du Fars où il résida pendant trente ans.
I. Mulk Ara (qui fait rornement de la royauté) était le surnom officiel de Mehdy Qouly
Khan Devalou qui, après avoir été gouverneur de la province de Fars, devint Beyierbey
du Mazanderan et du Gourgan. Feth Aly Chah avait épousé une de ses filles. Fihris out
Tewarikhy tome IX, page 346.
32 RELATION
En dehors de Bartourouch se trouve une prairie verdoyante
qui porte le nom de Meïdani Sebz (la place verte). On y voit
un étang d une grande étendue au milieu duquel se trouve une
petite île où s'élèvent de hautes constructions d'un aspect ad-
mirable et merveilleux. Cet étang a reçu le nom de mer d'I-
rem \
Barfourouch a été fondée sous la dynastie des princes Sè-
fèvy et elle doit sa prospérité à la dynastie des Qadjars.
Mechhedi Ser.
Cette ville est bâtie sur le bord de la mer Caspienne et son
port sert de refuge aux navires qui naviguent sur cette mer cé-
lèbre par l'agitation de ses flots toujours soulevés par les tem-
pêtes. On l'appelle aussi fautivement mer de Qoulzoum. Elle
a deux cents fersengs de circuit. La ville de Hadjy Terkhan
(Astracan) et quelques provinces possédées par les Russes sont
situées sur ses bords.
I. Cette île, au sud-ouest de la ville, est au milieu d*un étang couvert de roseaux et
surtout de nénuphars qui étalent en tous sens leurs larges feuilles et leurs fleurs blan-
ches. Quoique le palais soit ruiné, on distingue encore Venderoun (harem) àTextrémité du
bâtiment, et quelques pièces telles que galeries, salles de bain et de repos, couvertes de
peintures à fresque. L'édifice forme un carré avec une cour intérieure plantée de syco-
mores. Des galeries qui en font le tour extérieurement, on embrasse le jardin et ses
bassins, ainsi que rimmens2 plaine dont Balforouche est environnée. LMle entière d'en-
viron i5oo mètres de diamètre est couverte d'orangers, au-dessus desquels s'élancent
d'élégants cyprès. — Hommaire de Hell, Voyage en Turquie et en Perse exécuté par
Of'dre du Gouvernement français, pendant les années 1846, 1847 ^^ 1848. Paris, i836,
tome H, !'• partie, page 253.
DE l'ambassade au kharezm 33
A mol.
Amol est une des anciennes villes du Mazanderan. Theh-
mouras en jeta les fondements et Feridoun en fît sa capitale.
Cette ville placée sous Tinfluence de la planète de Jupiter ap-
partient au quatrième climat. Elle est aujourd'hui en ruines.
Elle a donné le jour à un nombre considérable de philosophes,
de littérateurs et de poètes. Il faut citer parmi eux le Seiyd
Hayder Amoly et l'historien Mohammed Ibn Djerir Thabary.
Pendant de longues années, le Mazanderan a été gouverné
par les Seiyds Zeydyèh qui étaient constamment en état de
rébellion contre les rois leurs contemporains. Ceux-ci n'ont
pu se rendre maîtres du pays qu'au prix des plus grands
efforts. Les voyageurs anglais assurent qu'il n'y a, dans le
monde entier^ aucune contrée qui renferme des positions forti-
fiées par la nature plus solides que celles du Mazanderan.
Le lundi i8 (20 avril), le Chah Zadèh gouverneur général
du Mazanderan rentra à Sary après avoir quitté les bords
de la mer Caspienne. Informé de mon arrivée et de celle de
l'ambassadeur du khan de Kharezm, il m'envoya chercher
ainsi que Ata Niaz Mahrem pendant qu'il donnait audience au
lieutenant de l'amiral russe qui était venu d'Esterâbad à Sary.
J'eus l'honneur de me présenter devant lui et il me reçut avec
les plus grands égards. Le lieutenant de l'amiral fit à notre su-
jet plusieurs questions et il chercha à pénétrer le but de ma
mission. Le Chah Zadèh, en faisant mon éloge^ lui expliqua
que j'étais chargé de me rendre dans le Kharezm pour resser-
rer les liens d'amitié, d'union et de cordialité qui unissent la
Perse à cet Etat. Il fut question, dans le cours de la conver-
sation, du Kharezm et des princes de la dynastie des Kharezm
Chah qui avaient dominé à la fois le Turkestan et la Perse
et qui avaient levé contre les Khalifes de Bagdad l'étendard
de la révolte. Nous recueillîmes aussi^ durant cette visite, des
3
34 RELATION
détails sur les actes d'hostilité commis par les Turkomans éta-
blis sur les bords du Gourgan et la côte d'Esterâbad, et sur le
retour prochain de Tamiral. Le Chah Zadèh avait envoyé un
courrier à Téhéran pour prendre^ à ce sujets les ordres de la
cour. Pendant notre séjour à Sary, il nous combla de poli-
tesses et de marques d'attention.
Le mardi 19 (21 avril j^ je voulus partir de Sary pour gagner
Esterâbad , mais le Chah Zadèh ne voulut point consentir à
notre départ. Je le différai donc d'un jour pour me conformer
à ses ordres.
Le 20 du mois de Djoumazy oui Akhir (22 avril), je pris la
route d'Echref avec mon compagnon de voyage, l'envoyé du
Khan du Kharezm. Nous traversâmes d'abord la rivière du Pont
Royal (Roudi Pouli Padichahy) et nous trouvâmes de nouveau
sur notre chemin la forêt et la chaussée royale. Celle-ci est rui-
née en maints endroits, et on a pratiqué, à côté d'elle, un sentier
(Jui est entièrement envahi par la végétation et par les arbres.
On ne pouvait avancer qu'en se couchant sur le cou des che-
vaux. Nous parcourûmes ainsi plusieurs fersengs; la journée
s'avançait et nos bagages et nos provisions étaient restés en ar-
rière.
Des habitants du Kharezm, des Khoqandy qui revenaient de
la Mekke et des marchands s'étaient joints à nous. Par con-
sidération pour eux, nous préférâmes nous arrêter plutôt que
de continuer notre marche. Nous renonçâmes donc au projet
de gagner Echref et nous fîmes halte à la station de Nika ^
Nous avions déjà fait quatre fersengs et il en restait cinq à
faire encore pour arriver à Echref
I. Nika est le nom d*une rivière qui sépare le district de Sary de celui d*Echref, dans le
Mazanderan. Le pays, arrosé par cette rivière, forme le bulouk de Nika qui fait partie
du district de Sary. La principale localité de ce bulouk est le village de Pouli Nika
situé sur la route de Sary à Echref. Un pont de pierre, construit par Feth Aly Chfth,
traverse la rivière en cet endroit. La plupart des villages du bulouk de Nika sont
habités par des Guireily. Ces tribus (tartares, selon Fraser) sont originaires du Khoras-
san et du Gourgan; s'étant révoltées contre Âga Mohammed Khan, ce souverain les
transplanta sur les bords du Nika. Ils fournissent un contingent de mille cavaliers à
l'armée du Chah. (Fraser, Trav, and Advent , p. 3o.)
DE l'ambassade au kharezm 35
Cette partie de la route est extrêmement agréable; on voyait
partout des cours d'eau^ de la verdure, des arbres vigoureux,
des ormes d'une grande hauteur, des buis et des cyprès
dont on ne pouvait préciser le nombre. Je composai à ce
sujet les vers suivants :
Vers. « Je passai trois jours et trois nuits à Sary sous llieu-
reuse influence d'une étoile qui illuminait mon cœur. Le qua-
trième jour^ lorsque le soleil brilla au firmament, je montai à
cheval et ma bride était à la hauteur du ciel. Je franchis les
vallées et les plaines, les montagnes et leurs pentes, tantôt
compagnon du soleil, tantôt camarade de la lune '. Les fo-
rêts et les taillis, les ruisseaux et les jardins faisaient, par leur
beauté, brûler de dépit le cœur du paradis. Les vallons et les
montagnes étaient couverts de myrtes, de buis et de cyprès;
les pentes et les ravins étaient remplis de perdrix , d'étour-
neaux et de faisans. »
Le 21 (23 avril), dès Taurore, mes compagnons et moi, nous
montâmes à cheval, stimulés par le désir de voir Echref. Le
chemin que nous parcourions, pour gagner Echref où nous
voulions arriver, était couvert de verdure et bien ombragé. On
n'apercevait de tous côtés que champs ensemencés, jardins,
vergers, canaux et cours d'eau. Nous mîmes pied à terre sur la
route pour prendre notre part des provisions que nous accor-
dait la générosité infinie de la Providence. Nous avions, jusqu'à
trois heures de l'après-midi, parcouru cinq fersengs à travers
les plaines, les montagnes, les champs cultivés et les maréca-
ges. Nous aperçûmes sur le sommet de la montagne les ruines
d'Echref et les constructions élevées par Chah Abbas. Nous
arrivâmes dans le canton d'Echref; nous le traversâmes et
nous mîmes pied à terre pour goûter le repos dans le jardin
d'Echref.
I. L'auteur veut dire ici qu'il voyageait pendant la nuit et pendant le jour.
36 RELATION*
Distique. — • Jusques à Echref, nous parcourûmes la route
avec la plus grande rapidité : nK>n cheval lancé au gak^ dé-
vorait Tespace. »
Bagki Echref (k Jardin d^Ecknj),
La mère de Chah Abbas Sèfè\*y avait reçu le jour dans le
Mazanderan. Cette circonstance détermina son fils à imprimer
un grand développement à la prospérité de cette province.
U y construisit des ponts , des cara\*ansérails et des monas-
tères pour les personnes vouées à la \ie religieuse. U établit
la chaussée qui aboutit à Esteràbad. Enchanté du climat d'E-
chref, le Roi venait y résider au printemps et en automne pour
jouir de la \nie de la mer et des forets du Mazanderan.
Echref est situé au sommet d^une haute montagne qui s'élève
en £aice de la mer. Chah Abbas y fit planter un jardin et cons-
truire une habitation de plaisance avec deux corps de Ic^s,
Tun pour les hommes, Tautre pour les femmes. Aujourd'hui^
la plus grande partie de ces constructions est détruite ; il n'en
reste que des ruines au sommet de la montagne. Le grand
bassin qu'on voyait dans cette résidence était alimenté, le £ait
est notoire, par les eaux du Demavend qu'amenaient des con-
duits passant sur la crête des montagnes. Le jardin dEchref,
« dans Tétat de délabrement où il est, vaut mieux que cent
mille jardins bien entretenus. > \ oici ce qui en subsiste encore
après une période de trois cents ans : on trouve tout d'abord^
en entrant, im canal qui traverse le jardin. Dans toute sa lon-
gueur, les deux parois et les deux bords en sont revêtus de
pierres polies. 11 mesure environ quatre cents pas. De chaque
coté de ce canal, est une allée bordée d'un double rang de
cyprès élancés; chacun d'eux rendrait jaloux les cyprès du
•
4£2r TJDT -rm:: x: i: ancien* v-n. -.^ îcn; v^^ulivîk -î^v'. .^^
f' Tnrair i: v-xi. -J>uir;^' ^ .*siv ?v*r, rv>- ,<
d'caa ^a: esc ^ï: roîJicu x^;: $4^)xVi. v^x^iivi vVCxV ^vnVv
ca pkàDc . I>au >i'ccoQi: xi*r^ \;;'î ^^^:;v Ïvassu^ \^\^»v
devant le pivîDoQ, Eîk îî^ m\i3>vi <^ï^:^^5îo vi^îV^ vk^ vx^^v^^A
qui la CQxidzàsttDi bors^ Ja ^j^râin V
Tant heîle ftOcs bàcR $ccsl^nt <t cv>»Kti««**»t À k ^v^tV' ^M-^^ ï>aV ><\^ '-^^n^hvs . t*^ i^y
d'elle, est aae ka^ra^ âr«i\»c de cx-fi^ *t vi\NWir>^H^ i«^^v^^^î^ >^w ^K^hn^xh M> |^A\\^
loa de K^dir Chih. Crtie âx^M^oc t*l Itâxvn»^^ |Nir ^ï\n^ h^ï<\^ x^ xi^ïMiv^N ^<asîx^> t^^NiNSf^xv^
de dxstuice en Jistâaœ de pctittt ch\\t«i xi\>AU ^'^t nx" xxSirt'iii^^Ht x^im ns^n ^x*%^^^ ^^U\i*
en fttce du pixîlloii. * Tox^^of « 1V^*mV ^I t*^ IV\x\\ IV^»s ^î^^^^x ^^^^♦ ^^\ ^'* 1^^
lie, page 270.
38 REXATION
Les cyprès, qui bordent sur Jeux rangs l'allée du jardin ,
sont au nombre de deux cents. Les orangers scxit innombra-
bles. A droite et à gauche de ce jardin, s^élèvent deux enceintes
fortifiées renfermant des habitations, des vergers, des arbres
et des plantations d orangers. Les firuits y sont abondants et
d'espèces variées. Dans Tune de ces enceintes, se trou\"ait le
harem royal. Les demeures affectées aux officiers et aux di-
gnitaires de la couronne n étaient point éloignées du jardin et
on en voit encore les vestiges. Lorsque je descendis à Baghi
Echref , les oranges n'avaient point encore été cueillies et ces
fruits, suspendus aux branches, offi^ent un spectacle char-
mant.
Vers. — «Je vis un jardin aussi vaste qu'une prairie, si Ton
peut comparer à une prairie un jardin couvert de fleurs.
Les cyprès avaient la taille gracieuse et bien prise de la bien-
aimée. Deux allées étaient bordées de c^-près se balançant avec
grâce, au milieu délies se trouvait un canal dont la beauté ra-
vissait le cœur. Des orangers, aux branches touffues, remplis-
saient les deux côtés du jardin et ils s a\'ançaient jusqu a la
façade du pavillon. On aurait dit qu'ils formaient deux batail-
tons couverts de vêtements verts et rangés en ligne deN-ant le
roi. Tous se tenaient debout en bon ordre, immobiles et silen-
cieux, et Ton ne pouvait remarquer le plus léger mouvement.
Devant eux, les deux rangs de cyprès dont la cime s'élançait
vers le ciel semblaient être les officiers placés devant le ùxmt
des troupes. Les orangers paraissaient être le firmament, et les
oranges, les étoiles scintillant dans son immensité. >
Il est fâcheux que la chaussée de Chah Abbas et que le jar-
din dEchref soient dans Tétat de délabrement où on les >^it
aujourd'hui. 11 faut espérer que le gouvernement donnera des
ordres pour leur rendre leur premier éclat , car les rois re-
cueillent rhéritage de leurs prédécesseurs et la réparation des
édifices élevés par les anciens souverains incombe au prince
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40 PELATION
criaient sur la magnificence de ce qui se voit en Perse. « Nos
Khans^ me dit l'envoyé du Kharezm , ont aussi à Khiva de
beaux jardins et de superbes palais. Khiva est aussi un second
Dar oui Merz ' sous le rapport des arbres et des jardins. La
verdure et les cours d'eau en font un paradis sur cette terre. >
Je lui répondis : « Je verrai et je ferai ensuite mon choix. La
« sentence qui dit : Tamour de la patrie fait partie de la foi^
« trouve ici son application. »
Il répartit :
Vers. — « Viens pour juger par toi-même et pour croire (ce
que je dis). »
Bref, nous passâmes agréablement notre temps à converser
•et à goûter un doux repos.
Le 22 (24 avril). Nous fîmes, suivant notre habitude, partir
d abord les serviteurs qui devaient nous précéder, ainsi que
les pauvres gens qui faisaient partie de la caravane. Nous
chaleurs, les habitants vont prendre une eau d*une extrême fraîcheur et d'un goût déli-
cieux. On avait autrefois creusé dans les montagnes, auprès d'Echref, des glacières que
Ton remplissait en hiver de neige que Ton extrayait en été pour Tusage de la cour. On
en apportait aussi en ville pour les habitants. Cette industrie était exercée par une classe
de gens dont les descendants portent encore aujourd'hui le nom de Yakh Kechy (por-
teurs de glace]. Ce métier n'existe plus aujourd'hui; les Yakh Kechy sont fusiliers et
font partie des troupes royales. Chah Abbas avait établi à Echref un chantier pour la
construction des navires. Miraat oui bouldani Nassiry, par Mohammed Hassan Khan
Seny'oud Daoulèh. Téhéran, 1294 (1877), in-8*, pages 41-42.
Mounchy Iskender, dans son histoire de Chah Abbas qui a pour titre : a Tarikhi aient
ara », consacre quelques lignes à la fondation d'Echref et aux palais de plaisance cons-
truits par Chah Abbas I". Les travaux furent commencés en 1021 (1612) et menés
très-rapidement.
Chardin, dans la relation de ses voyages, ne parle ni des palais, ni des jardins
d'Echref. HsLnway fHistorical accountofthe british trade, tome I, pages 291-293) en
donne une description dont M. I^nglès a inséré la traduction dans le « Voyage du Ben-
gale à Saint-Pétersbourg, par Forster», Ouseley, Fraser, Lottin de Laval et M. East-
wick ont donné des détails intéressants sur les constructions de Chah Abbas.
1. Dar oui Merz, la marche, le pays frontière est le nom qualificatif donné au Mizen-
deran.
^
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 4I
montâmes ensuite à cheval et nous traversâmes, avec
la rapidité du vent , la plaine de Goulbad couverte de roses
et de tulipes. Goulbad est un district bien cultivé *. Nos
yeux ne rencontraient que de vertes prairies : la route tra-
versait continuellement des vergers ^ des plantations , des
champs émaillés de fleurs sauvages, poussant spontanément,
qui nous charmaient par Téclat de leurs couleurs et la douceur
de leur parfum. Nous marchâmes ainsi jusqu à la demeure de
Mirza Mohammed Khan Goulbady gouverneur de ce dis-
trict. A droite de la route, se trouve une montagne qui s'é-
lance jusqu'au ciel et sur la déclivité de laquelle est un ma-
melon surmonté d'un terrain plat et uni de l'étendue d'un
djérib \ La hauteur de la montagne en rend le passage difficile
aux voyageurs. On y a bâti une maison avec un appartement
pour les femmes, une écurie, une cuisine et un corps de logis
pour les hôtes. Ce site est une espèce de forteresse créée par
les mains de Dieu. La vue des habitants de ce séjour em-
brasse la plaine verdoyante, les forêts, la mer et les navires
qui la sillonnent. Le maître de la maison étant absent, nous
ne crûmes pas, par convenance, devoir nous arrêter dans
sa demeure. Nous continuâmes notre route et nous arrivâmes
à un fossé creusé par Tordre des rois Sèfèvy au milieu d'une
épaisse forêt. Ce lieu a reçu le nom de Djeri Goulbad. Nous
pûmes voir alors cette localité dont nous avions souvent en-
tendu parler.
1. Goulbad, Koulbad ou Djèri Goulbad est une petite rivière qui se jette dans le
golfe d*£sterâbad. Le canton de Goulbad fait aujourd'hui partie du buiouk d'Anezan, à
Touest de la province d*Esterâbad, sur la frontière du Mazanderan. Le Djèri Goulbad
est à trois fersengs de la ville d*Ëchrcf .
11 y a aussi un village de Goulbad ou Kouhnèh Goulbad, situé dans le mâme buiouk
d'Anezan, sur la frontière du Mazanderan et de la province d*£sterftbad. Cette frontière
était défendue, du temps de Nadir Chah ou de Chah Abbas, par un mur qui allait de
la montagne jusqu'à la mer. On trouve, en outre, les restes d'un fossé profond qui sui-
vait une direction parallèle à celle du mur et servait également à défendre le Mazan-
deran contre les incursions des Turkomans. G. Melgunof, Das sûdUche Ufer des
Kaspischen Meei-es, Leipzig, 1868, p. 101.
2. Le djérib représente une superticie de soixante coudées royales (guczi châhy).
42 RELATION
Djeri Goulbad.
Djer, en persan, signifie un terrain coupé, excavé, dans le-
quel on a pratiqué une tranchée. On rapporte que, du temps
des princes Sèfèvy, une tribu de Turkomans était venue des
environs du Gourgan et d'E^teràbad s^établir près d'Echref où
elle se livrait au t^gandage. Chah Abbas donna Tordre de
creuser, depuis le pied de la montagne jusqu'à la mer, un
fossé d'une longueur de quatre fersengs et d une profondeur
de dix coudées. On laissa un passage étroit pour arriver à la
chaussée qui longe les deux côtés de la forêt.
Le Roi y établit des soldats chaînés de barrer la route aux
Turkomans. Il fut, par la suite, impossible à une troupe nom-
breuse de cavaliers ou de piétons de faire, en venant d au-
delà la frontière, des incursions sur le territoire d^Esterâbad,
de Goulbad ou des autres \illes. Aujourd'hui, par suite du
cours des siècles, le fossé s'est comblé, des arbres y ont poussé
et on ne peut le franchir qu avec la plus grande difficulté.
Après avoir dépassé le district d'Anezan ', nous arrivâmes à
Naokendèh '.
Anezan est le nom primitif de Nao Kendèh. Nous nous y
arrêtâmes la nuit, dans la maison de Hamzèh Khan Anezany
1. Anezan ou Anazan est le nom d*un bulouk de U province d^'Esterâbad ; ils^étcnd
an nord-ouest de la TÎlle d^Esterâbad jusqu^à la mer Caspienne, il a cinq fersengs de
long et deux de large. Ce bulouk renferme plusieurs localités importantes, entre autres
Koulbad, Naokendèh et Guez. Le pays est marécageux et couvert de forêts. (Melgunof,
p. 112.)
2. Naokendèh (le fossé ncmptsx un village du bulouk d* Anezan dans la province d*Es-
terftbad. A. Bûmes j trouva une partie du Kheyaban ou route pavée que Chah Abbas avait
£ut construire le long de la merCaspienne^ de Recht à Esteribad. Le village de Naokendèh
est traversé par une rivière qui porte le même nom. A un ferseng de celte localité, on
trouve des gisements de houille. Le village est entouré d^une épaisse forêt. Un autre
village de Naokendèh se trouve dans le canton de Guil doulab (province du Guilan^
il est traversé par une rivière portant le même nom que le village et qui va se ^tcr
dans le Mourdâb.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 43
qui porte le même nom que son aïeul. Le matin nous nous
mîmes en route pour nous diriger vers Kurd Mahallèh ', en
suivant continuellement la chaussée de Chah Abbas. Nous des-
cendîmes chez Riza Qouly Khan, fils de Moustafa Khan
Seden Roustaqy, où nous fûmes reçus avec la plus grande dé-
férence selon toutes les règles de l'hospitalité. On nous servit
des mets préparés à la mode du Mazanderan.
Nous partîmes de bon matin et nous nous dirigeâmes sur
Esterâbad. Après avoir fait quelques fersengs, nous arrivâmes
à un Imamzadèh où nous descendîmes de cheval ^ Après avoir
déjeuné , nous prîmes quelque repos dans le napar ^ ; puis ,
ayant fait la prière de midi et celle de TAsr et ayant adressé à
Dieu nos vœux pour le Souverain de Tépoque, nous distri-
buâmes au mutevelly et aux serviteurs préposés à la garde
du tombeau une somme convenable en or et en argent.
Remontant ensuite achevai, nous nous dirigeâmes vers Este-
râbad sans avoir la moindre crainte et sans éprouver la moin-
dre appréhension (des attaques des Turkomans). Nous aper-
çûmes de loin les huttes et les tentes des Turkomans du
Gourgan. Les taillis et les arbres devenaient moins nombreux.
Peu à peu les plaines unies, les prairies verdoyantes se multi-
plièrent. Nous apprîmes à la station de Kurd Mahallèh que le
Beylerbey Mohammed Vély Khan ne se trouvait point à
1 . Kurd Mahallèh est le plus gros bourg du bulouk de Seden Roustaq, dans la pro-
vince d'Esterâbad. Il se compose de quatre villages contigus : Balâ Peleng, Saly Kendèh,
Touskayck et Velèhghouz ou Chirdarboun. On trouve à Kurd Mahallèh trois mosquées.
Le nombre des maisons de ces quatre villages s'élève à neuf cent soixante-dix. Les habi-
tants de Kurd Mahallèh jouissent d'une plus grande aisance que ceux des autres villages
de la province d'Esterâbad^ bien qu'ils soient exposés anx incursions des Turkomans.
Ils se livrent à l'agriculture, à l'éducation des vers à soie et à l'élève des bestiaux. Les
revenus de Kurd Mahallèh s'élèvent annuellement à la somme de huit cents toumans;
cette localité doit, en outre^ fournir en temps de guerre cent trente hommes.— Melgunof^
pages iio-iii.
2. Cet imamzadèh ou tombeau est celui de Seiyd Mohammed. Il s'élève auprès du vil-
lage de Limras, sur le bord de la rivière de Goulbad qui forme la limite entre le district
d'Echref et la province d'Esterâbad. — Melgunof, page i6i.
3. Napar ou Nafâr est un mot du dialecte du Mazanderan qui désigne une construc-
tion en bois, maison ou cahute.
44 RELATION
Esterâbadj mais qu'il était aux environs de la ville, occupé à
faire construire de solides fortins et des ouvrages de défense,
destinés à arrêter les incursions des Turkomans. Son fils,
Mohammed Hachim Khan, était resté à Esterâbad en qualité
de son lieutenant. Informé de mon arrivée et de celle de mes
compagnons de route, il s'acquitta des devoirs que Ton rend
aux personnes que Ton reçoit avec honneur et considération.
Des moutofts furent égorgés et le sang de ces innocents ani-
maux rougit le sol verdoyant. Nous mîmes pied à terre, et nous
entrâmes dans un jardin au milieu duquel s'élevait un pavillon
construit par Bedi ouz Zeman Mirza, fils du prince Mulk Ara.
Le haut de ce pavillon est divisé en quatre appartements sé-
parés. Nous nous y établîmes pour nous délasser de nos fati-
gues. Dans ce même bâtiment, on avait réservé, pour l'envoyé
du Khan du Kharezm, au rez-de-chaussée, un appartement
donnant sur le jardin. 11 y mit pied à terre avec ses serviteurs.
Nous fîmes trêve à toute préoccupation pour nouS abandon-
ner au repos.
Esterâbad.
Esterâbad, ville du quatrième climat, située sur le bord de
la mer Caspienne, est la capitale de la province de Gourgan.
On rapporte que lorsque Gourguin, fils de Milad, fonda la
ville de Gourgan, dont la superficie occupait une étendue de
quatre fersengs, les muletiers conduisirent leurs bêtes de
somme dans une prairie propre au pâturage et ils y construisi-
rent des maisons de bois. Ils donnèrent à cet assemblage de
constructions le nom d'Esterâbad (la ville des mulets). La ville
de Gourgan a disparu, mais Esterâbad existe encore aujour-
d'hui. Elle est située à 109° 3o' de longitude de l'équateur et
à 37"* 3o' de latitude.
DE l'ambassade AU KHAREZM 45
Elle jouissait autrefois d'une grande prospérité, mais à diffé-
rentes époques, elle est tombée en décadence. On a dit :
Distique. — « Que personne n'ait un mauvais voisin à côté
de soi. »
En effet, Esterâbad est peu éloignée des tribus Turkomanes
et ce sont elles qui sont la principale cause de sa ruine.
Cette ville était parvenue au plus haut point de la richesse
sous la dynastie des princes de la famille de Qabous. Sous les
rois Sèfèvy et pendant le règne de Nadir Chah la ville d'Aq
Qalèh, bien peuplée et florissante, était la résidence des ancê-
tres de la dynastie des Qadjars ; elle est aujourd'hui en ruines,
et Esterâbad est restée une ville d'une importance médiocre.
Lorsque le gouvernement de la province fut confié par le Roi
à Mohammed Vely Khan Qadjar, de la tribu Devalou, on vit
renaître le bien-être et les habitants n'eurent plus à craindre le
brigandage des tribus Turkomanes.
Aga Mohammed Chah a. fait construire dans cette ville un
château^ des maisons pour les pauvres, des cellules pour les reli-
gieux, des bainSj des mosquées et des medressèh. Tous ces édi-
fices sont encore en bon état. Ce prince était né à Esterâbad.
Après la mort de Feth Aly Khan Qadjar, Mohammed Hassan
Khan et Hassan Qouly Khan Qadjar gouvernèrent ce pays en
qualité de chefs indépendants. La partie de la mer Caspienne
fréquentée à la fois par les Russes et les Turkomans se trouve
non loin d'Esterâbad. Le port où se font les transactions est
celui de Guez. C'est dans cette localité qu'eut lieu l'escarmou-
che entre les Russes et les Turkomans, que j'ai signalée précé-
demment d'une manière succinte.
46 REL\TION
AbiskouJi.
Abiskoun est le nom d'une rivière qui \ient du Kharezm et
qui se jette dans la mer Caspienne^ à trois fersengs d'E^teràbad.
A son embouchure, cette rivière s'appelle aus^ Ab Sukoun ;
c'est également le nom d'une ile qui se trouve à peu de dis-
tance de la côte.
Sultan Mohammed Kharezm Chah fuyant devant les Mo-
gols chercha un refuge dans cette ile où il y mourut.
La mer d'AlMskoun est mentionnée dans des œu\Tes poé-
tiques.
Un poète a dit :
Vers. — «Le bonheur et la sécurité, dont jouissent les sujets
qui ne cessent de chanter tes louanges, ont fait que les navires
se pressent depuis Chirvan jusqu'à Abiskoun et qu'il couvrent
la surface de la mer. »
Cette localité s'appelle également Askoun, et Ton a calculé
qu'elle était par loS** 3o' de longitude et par 37'' 3o' de lati-
tude.
Lorsque Mehdy Qouly Mirza était gouverneur du Mazande-
ran, il se rendit sur le bord de la mer et forma le dessein d"y
établir un centre de population. J ai déjà dit qu'il y avait eu
autrefois dans cet endroit des édifices remarquables par leur
élévation et qui sont aujourd'hui tombés en ruine. Récemment,
on s'est mis à élever des constructions dans cette localité â la
population commence à s'y porter.
Quelques anciens écrivains ont émis l'assertion que Djourd-
jan est le mot persan Gourgan ' arabisé. Abiskoun était autre-
fois la capitale de cette province ; aujourd hui, c'est Esterabad.
I. Gourgan, en persan, signifie » k pays des loups «.
1
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 47
Cette assertion confirme la supposition que j'ai émise que les
ruines que Ion voit sont celles d'Abiskoun '.
Le 25 (27 avril). Le Beylerbey revint à Esterâbad. 11 me fit
rhonneur de venir me voir et il me prodigua les marques de
considération. Je lui rendis sa visite le lendemain. Le soir il
vint me voir au pavillon de Kulahi Firenguy, puis, à la nuit
close, il retourna à son palais.
Le 26 (28 avril). Je passai quelques jours à faire mes pré-
paratifs de voyage et je fis connaître l'intention où j'étais de
me remettre en route. Je demandai deux guides, apparte-
nant à la tribu des Gouklan et connaissant bien le pays.
Le Beylerbey se mit à rire. « Vous avez, me dit-il, une
singulière idée. Vous vous imaginez que les routes du Kha-
rezm ressemblent à celles du Mazanderan. Vous allez par-
courir un désert où Ton court plus de dangers que sur une
mer orageuse. Il faut marcher pendant quarante jours sans
trouver ni eau , ni fourrages , ni trace de culture. Vous ne
rencontrerez pas d'abri pour vous reposer, pas d'indications
20ur reconnaître votre route. Il n'y a nulle part ni herbe,
ni végétation. Et ce voyage doit s'accomplir au milieu de
I. Âbiskoua ou Absokoun, fondée par Qobad, était le port le plus célèbre de la côte
orientale de la mer Caspienne. Mouqadessy (édité par M. de Goeje. Leyde, 1877, p. 358)
représente cette ville comme une place forte dont les constructions étaient en briques. On
y voyait une grande mosquée bâtie dans le marché. C'était le port commercial de la pro-
vince de Djourdjan. C'était à Abiskoun que Ton s'embarquait pour se rendre par mer
dans la province de Khazer, à Derbcnd, etc.
Nedjaty rapporte, dans son commentaire du Tarikh oui Yeminy, que de son temps
Abiskoun fut envahi et détruit par la mer. M. Dorn pense qu'il faut placer Abiskoun
près de l'embouchure du Gourgan, non loin de Gumuch Tèpèh. Mouravicf {Voyage à
Khiva, Paris, 1823, pages 37-42) remarqua, en effet, de nombreuses ruines s'étendant
jusque dans la mer.
M.Melgunof, se fondant sur un passage de Maçoudy (Mouroudj ouz Zeheb, traduction
de M. Barbier de Meynard, tome IF, p. '25), où il est dit qu'Abiskoun est à trois jour-
nées de marche de Djourdjan, pense que l'emplacement de cette ville doit être cherché
dans les environs de Timamzadèh de Kharabi Cheher, à mi-chemin de Guez et de Kurd
Mahallèh, dans le bulouk d'Anezan. Dorn, Caspia, St-Pétersbourg, pp. 5, 6 et 7; Mel-
gunof, pp. 62, 63, 1 12, II 3^ 119 et 120.
C'est contre Abiskoun que les Russes dirigèrent leurs expéditions, à la fin du 11* et au
commencement du x* siècle.
48 RELATION
peuplades adonnées au meurtre, sanguinaires, féroces et
vindicatives. »
Vers. — « Elles sont innombrables comme le peuple de
Gog, on ne peut pas plus les dénombrer que les hordes de
Magog. »
Comment les Gcuklan oseraient - ils traverser le territoire
des Yomout? Depuis longtemps, ces deux tribus sont divisées
par une profonde inimitié. Alors un guide Yomout? Mais,
dans ce cas, il faut qu*il ne soit point un Uzbek mais un ghoul '
pour pouvoir traverser le territoire des Turkomans.
En outre, les chameaux ne peuvent fouler ce sol quà la
seule condition que le chamelier appartienne à la tribu dont on
traverse le territoire. Ces gens ne reconnaissent Tautorité de
personne. Il faut se plier à leur volonté et se conduire selon leur
bon plaisir. 11 vous est, de plus, indispensable de connaître le
nombre exact de tous ceux qui vous accompagneront maîtres
ou subordonnés, afin de régler leur subsistance en vivres et
en eau. Il faut tout emporter d'Esterâbad, la farine, le biscuit
et tout ce dont on a besoin en fait de conserves au vinaigre
et de légumes secs. 11 n'y a que la viande dont on ne doive
pas s'approvisionner.
« Vous devez supposer qu'Esterâbad est un port de mer,
que le désert des Turkomans est TOcéan, les chameliers Yo-
mout les gens de Téquipage, et que le Kharezm est Calcutta,
l'Egypte ou TEurope, et que vous ne pouvez relâcher avant
d'être arrivé à votre but. L'eau est ce qui vous est le plus
nécessaire. 11 faut en emporter une quantité plus que suffisante
pour donner à boire à vos compagnons de route et abreuver
vos chevaux; sans cette précaution, vous courrez risque de
la vie. >»
I. Les ghouls sont des démons, des ogres qui ont la faculté de se rendre invisibles.
Us se tiennent dans les déserts, dans les ruines, dans les environs des cimetières et se
nourrissent de cadavres ou de la chair des voyageurs qu'ils réussissent à égarer.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 49
Vers. - € Telle est la route, sois homme et parcours-la. »
Je répondis : Les sages ont dit :
Vers. — € Si le rang suprême est au fond de la gueule du
lion, précipite-toi dans cette gueule et cherches-y la grandeur,
les plaisirs, les richesses et les dignités. (Ou tu les trouveras), ou
bien tu verras en homme de cœur la mort face à face. »
Le 27 (29 avril). Nous restâmes ce jour dans la demeure qui
nous avait été assignée, occupés de nos préparatifs de voyage,
je déliai ma bourse et j'envoyai mes serviteurs au caravansérail
et au bazar. Je fis tout d'abord acheter à tout prix quelques
peaux de cuir de Russie ; puis, ayant fait venir un sellier, je fis
tailler et coudre de grandes outres. J'en fis acheter de petites.
On porta du blé au moulin pour le convertir en farine; en-
suite, on en fabriqua du biscuit. Un tailleur que je fis quérir
confectionna quelques djubbèhs en châle de Kachmir. J'achetai
également des qabas et des djubbèhs brochés d'or et en drap
pour les donner en présent aux notables des tribus que nous
rencontrerions sur notre route. Je fis encore l'acquisition de
châles du Kerman à fond rouge et à fond jaune et je fis provi-
sion de verroteries et d'objets de mercerie. Une caravane de
Khiva arriva sur ces entrefaites. Parmi ceux qui la com-
posaient se trouvaient des gens de Khoqand et de Khiva qui
se proposaient de faire le pèlerinage de la Mekke. Je fis venir
les chameliers qui étaient des Turkomans Yomout établis dans
les environs de Khiva, et je leur demandai le prix auquel ils
consentiraient à nous louer leurs chameaux. Us s'aperçurent
de suite que les Khiviens et les marchands qui nous accompa-
gnaient avaient, ainsi que nous-mêmes, le plus grand besoin
de leurs services. Us ne se firent donc pas faute de demander
un prix élevé pour le louage de chaque chameau. A force de
promesses et de menaces et en faisant briller à leurs yeux
Tespérancc d'une gratification en argent, nous finîmes par les
50 RELATION
déterminer à nous louer chaque chameau pour la somme de
trois toumans. Nous avions besoin de vingt chameaux pour
porter notre eau, nos vivres et nos bagages. Nous acquittâmes
par avance le prix convenu et nous fûmes délivrés de ce souci.
Mais, ils nous objectèrent alors qu'ils venaient seulement d'ar-
river et qu'ils avaient des affaires à traiter. « Nous ne pour-
rons nous mettre en marche, nous dirent-ils, que le dix du
mois de Redjeb. Nos chameaux sont exténués de fatigue, et
ils n'ont la force ni de marcher, ni de porter des fardeaux. ■
Toute insistance eût été inutile. Je consentis donc à ce retard
et je fis continuer les préparatifs nécessaires à la traversée du
désert.
Le 28 (3o avril). On reçut la nouvelle qu'un Khilaat (vête-
ment d'honneur) envoyé de Téhéran au Beylerbey à l'occasion
de la fête du Norouz, allait arriver. Le Beylerbey prit toutes
les dispositions nécessaires pour aller le recevoir hors de la
ville. Quant à moi, j'envoyai chercher les Khans des Turko-
mans Yomout. Je préparai ma demeure pour les recevoir et
je les entretins de la puissance de la Perse et de son organi-
sation. Je fis disparaître de leur esprit leurs idées chimériques
des temps passés, et leurs opinions erronées sur l'affaiblisse-
ment et l'impuissance du gouvernement persan. Je remplis
leur cœur de crainte en leur donnant des preuves matérielles
et morales, et en leur faisant des démonstrations pleines
de force et de vigueur. Ils me quittèrent, partagés entre la
frayeur et l'espérance, et ils prirent le parti de faire leur sou-
mission.
Mirza Ismayl Khan Noury qui remplissait sur la frontière
les fonctions de rapporteur et d'agent politique était venu me
faire visite. 11 me pria d'aller le soir dîner chez lui. J'accédai
à sa prière et je pris congé de lui après avoir été comblé de
marques d'honneur et d'affectueuse considération. Les ferrach
du Beylerbey qui m'accompagnaient avaient pris le mot d'or-
dre. Les factionnaires nous ouvrirent la porte de la ville et je
rentrai chez moi pour m'y livrer au repos.
DE l'ambassade AU KHAREZM 5l
Le 29 (1^' mai). Dès le matin un sombre nuage s'éleva et
revêtit le ciel inclément d'une robe noire.
La pluie tomba d'abord à gouttes pressées, puis à torrents.
Ma vue s'étendait sur la montagne et sur la plaine ; sous mon
balcon je voyais mon jardin et ses orangers. Leur odeur prin-
tanière pénétrait mes sens et la couleur verte des feuilles la-
vées par la pluie réjouissait mes yeux. On a dit :
Distique. — < Trois choses font disparaître la tristesse du
cœur : la vue de l'eau, celle de la verdure et celle d'un joli
visage. »
Toute la journée, les nuages, comme mes yeux, versèrent des
torrents de larmes, et le sein des nuages déchiré par la foudre
était, comme le mien, enflammé et brûlé. Le nuage voulait
rivaliser avec mes yeux et l'éclair désirait être à l'unisson de
mon cœur. Les lueurs de celui-ci embrasaient le monde, les
larmes de celui-là ne cessaient de couler. On aurait dit que le
tonnerre, semblable à un rebab ', gémissait comme Raad, sé-
paré de Rebab, ou qu'il exhalait des plaintes comme Saad,
éloigné d'Esma. Le nuage était pareil à un ferrach attaché au
service royal qui arrose la route sur le passage du souverain ; le
tonnerre était semblable aux canons du roi qui donnent aux
officiers de la cour le signal de monter à cheval. Le jardin
de Bedi ouz Zeman présentait, en vérité, un agrément merveil-
leux. Le pavillon de plaisance était d'une grande hauteur et les
branches des orangers atteignaient le balcon de l'étage supé-
1. Le rebab est une espèce de viole à deux ou trois cordes, se composant d'un chas-
sis en bois couvert d*une feuille de parchemin et soutenu par une tringle en fer. Les
cordes de l'instrument, ainsi que celles de Tarchct, sont en crins de cheval. Le rebab
soutient la voix du chanteur ou de celui qui déclame des vers. On en trouve une des-
cription détaillée dans le mémoire de M. Villoteau^ inséré dans la description de l'E-
gypte, et dans l'ouvrage de M. E.W. Lanc, a The modem Egyptiansn. Londres, i836,
lome II, pages 74-75.
Rebab est la forme arabisée du nom persan Revavèh .
52 RELATION
rieur. On aurait dit que des arbres étaient plantés dans le salon
et que les orangers nous tenaient compagnie.
Vers. — « La verdure des feuilles relevait l'éclat des oranges;
elles brillaient comme des tulipes vermeilles au milieu d'une
pelouse. Les arbres semblaient être des mines d'émeraudes et
de cornalines. Les émeraudes se trouvaient à la base et les
cornalines au sommet. »
Le i^^ du mois de Redjeb (2 mai). La perspective des fatigues
et des privations que nous aurions à supporter sur la route du
Kharezm, l'élévation de la température dans la saison où nous
nous trouvions me déterminèrent, après réflexion, à faire faire
une litière pour le cas où Tun de nous serait accablé de fati-
gue, saisi par la fièvre ou en proie à la maladie. Je me déci-
dai à prendre cette mesure de précaution. Je fis venir un
menuisier et je lui commandai une litière qui fut à la fois
grande et solide. Je fis faire la housse qui devait la couvrir
et on désigna un chameau pour la porter.
Le Beylerbey qui avait fait ce voyage et qui en avait supporté
toutes les épreuves donna son approbation à cette mesure et
il insista pour qu'elle fût mise à exécution.
Le 2 Redjeb (3 mai). Quelques ulémas vinrent me faire
visite. Ils me remirent une liste comprenant les noms des indi-
vidus d'Esterâbad et autres localités qui étaient captifs à Khiva
De pauvres gens dont les parents étaient esclaves dans le Kha-
rezm me supplièrent de leur permettre de m'accompagner. J'a-
gréai leurs prières pour attirer leurs vœux sur le Gouverne-
ment du Roi.
Je leur dis que, lorsque nous partirions, ils monteraient sur
les chameaux chargés de porter les bagages et que, pendant le
voyage, on ne leur refuserait ni Teau ni le pain.
Le 3 Redjeb (4 mai). Je montai à cheval et j'allai me prome-
ner dans les environs de la ville. On travaillait avec ardeur à
reconstruire le château et les fortifications qui étaient tombées
DE l'ambassade AU KHAREZM 53
en ruines. Un fonctionnaire, délégué par le Beylerbey, surveillait
les travaux. Je m'assurai que Ton dépensait les sommes assi-
gnées et je me rendis compte de tout ce qui se faisait. Les ha-
bitants d'Esterâbad me parlèrent de la conduite de leurs an-
ciens gouverneurs et j'acquis la certitude que la province
d'Esterâbad n'avait jamais joui d'une sécurité et d une prospé-
rité plus grandes.
Le 4 Redjeb (5 mai). Nous apprîmes que Dja'fer Qouly Khan
Emiri Pentchèh (commandant un corps de cinq mille hommes)
avait reçu Tordre d'agir sur les frontières d'Esterâbad avec un
corps de troupes royales. Cette nouvelle jeta les Khans Tur-
kcmans dans le trouble et l'inquiétude. Je tâchai, ainsi que
l'exigeaient les circonstances, de les rassurer par des paroles
sensées, et je leur inspirai tour à tour des sentiments de
crainte et d'espérance en leur traçant le tableau des forces
militaires de la Perse et de son organisation administrative.
Le 5 (6 mai). On reçut une dépêche de Hassan KhanTurko-
man surnommé Hassaii Tchoughan '. 11 avait été chargé par le
Beylerbey d'Esterâbad de demander le rapatriement des habi-
tants du Mazanderan que les Turkomans avaient enlevés sur les
bords de la mer Caspienne. 11 faisait savoir qu'il avait délivré
une partie des prisonniers et qu'il ne tarderait pas à obtenir la
liberté de ceux qui restaient et à les ramener.
Le Beylerbey fit, de son côté, ses préparatifs pour entrepren-
dre une expédition; il convoqua les milices de la province et
leur donna ordre de répondre à l'appel de leur officiers et de
se réunir à Siâh Bâlà *. Ces dispositions donnèrent matière à
toutes sortes de réflexions de la part du peuple. Le Beylerbey
sortit de la ville pour aller s'établir dans les environs.
Le 6 Redjeb (7 mai). J'engageai mon compagnon de voyage,
1. Tchoughan est le nom d'une des subdivisions des Yar Aly, fraction de la tribu
Yomout des Djafer Bay.
2. Siâh Bâlâ ou Qalèhi Siâh Bâlâ est un village du bulouk d*Esterâbad Roustaq, au
nord-est de la ville d'Esterâbad. Il est situé à un fcrseng de la frontière de la steppe
habitée par les Turkomans Yomout. (Melgunof. p. 109.)
54 RELATION
renvoyé du Khan de Kharezm, à partir et à aller camper sur les
bords de la rivière de Gourgan, pour ôter aux chameliers
Yomout de Khiva tout prétexte de retard, afin que nous
pussions être prêts à nous mettre en marche le dix de Red-
jeb. Ata Niaz Mahrem adopta le parti que je lui suggérais et il
se dirigea vers la rivière de Gourgan avec les gens de sa suite.
Le 7 Redjeb (8 mai). Je complétai mes préparatifs de voyage;
mon départ fut irrévocablement fixé. J'écrivis une dépêche aux
ministres; je la remis à Mirza Ismayl Khan, agent politique à
Esterâbad pour qu'il expédiât un courrier à Téhéran et que les
ministres fussent instruits des motifs qui avaient retardé mon
voyage.
Le 8 Redjeb (9 mai). A Taube du jour, je fis partir d'Este-
râbad pour la rivière de Gourgan mes serviteurs et mes bagages.
Je me mis moi-même en route quelque temps après, en compa-
gnie de Qara Khan Ata Bay dont la tribu et la famille rési-
daient sur les bords du Gourgan. Nous arrivâmes à Siâh Bala
où nous trouvâmes le camp et les tentes du Beylerbey d' Este-
râbad. 11 nous reçut avec la plus grande cordialité et désigna^
pour nous accompagner et nous servir de guide, Kouktchèh
Bay, de la tribu de Djafer Bay. Nous abordâmes dans notre
conversation toutes sortes de sujets. Le Beylerbey me donna
tous les renseignements utiles et me fit toutes les recomman-
dations nécessaires pour le voyage de Khiva. De mon côté, je
lui communiquai en détail tout ce que j'avais appris sur Este-
râbad et sur les Turkomans.
Je pris congé du Beylerbey et je me dirigeai sur le Gourgan.
J'arrivai, un peu avant le coucher du soleil, à la tente de Qara
Khan. Qouly Khan Aq et quelques Turkomans notables s'é-
taient portés à ma rencontre.
Le 9 Redjeb (10 mai). Nous nous établîmes sous nos tentes et
nos pavillons sur la rive du Gourgan. Les femmes et les en-
fants de la tribu vinrent, selon leur habitude, deux ou trois fois
par jour, de leur campement à la rivière pour s'y baigner, s'y
livrera mille ébats et y prendre le plaisir de la natation.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 55
Ce qui nous étonna le plus, fut de voir des enfants de six
à sept ans se jeter dans les flots agités de la rivière, de la rive
élevée de six à sept coudées, lis nageaient comme des ca-
nards.
Incident. Un de mes domestiques natif de Chiraz, nommé
Feth oullah, s'imagina pouvoir faire ce que faisaient ces fem-
mes, ces enfants et ces jeunes gens sautant dans la rivière et y
prenant leurs ébats comme des oiseaux aquatiques. Cette
rivière, se dit-il, ne doit point être profonde et le courant n'est
assurément point assez fort pour m'entraîner. Je sommeillais;
il profita de cette circonstance pour se rendre sur le bord de
la rivière et se jeter dans Teau. Ses pieds ne touchèrent pas
le fond y il revint à la surface et le courant se mit à le faire
rouler sur lui-même et à Fentraîner.
Les enfants qui étaient sur la rive et qui se disposaient à
nager, aperçurent une outre gonflée d'air qui suivait le fil de
Teau. Ils voulurent s'en emparer; ils s'élancèrentet ils éten-
daient les mains pour s'en emparer, quand Feth oullah , vou-
lant échapper à la mort, saisit Tun d'eux et l'étreignit vigou-
reusement. Tous deux disparurent sous les flots. Les enfants,
témoins de ce spectacle , se mirent à pousser de grands cris-
Des Turkomans accoururent aussitôt et se précipitèrent tout
habillés dans la rivière. Deux ou trois d'entre eux saisirent
par un effort commun et ramenèrent sur la rive ces deux
jeunes gens qui se noyaient. On suspendit Feth oullah par les
pieds, la tête en bas. Il rendit l'eau qu'il avait avalée et qui
représentait la contenance d'une petite outre. Il tomba ensuite
sur le sol privé de connaissance et comme mort. Nous passâ-
mes un jour et une nuit à lui administrer des médicaments,
jusqu'à ce qu'il eut recouvré le sentiment. Après cet accident,
il se garda bien de retourner sur le bord de la rivière.
56 RELATION
La rivière du Gourgan.
Cette rivière emprunte son nom à la province de Gourgan
qu'elle traverse. C'est un cours d'eau considérable dont la lar-
geur, dans les endroits que Ton traverse à gué, est de quinze
à vingt coudées. Elle prend sa source dans le pays occupé par
les Gouklans et se jette dans la partie de la mer Caspienne que
l'on appelle mer d'Esterâbad. Cette mer porte aussi les noms
de mer du Guilan et mer d'Esterâbad. Pendant Thiver, on
traverse le Gourgan au moyen de radeaux, d'outrés ou sur
des bateaux grands et petits. Pendant Tété, un cheval peut le
franchir à la nage. On a vu, dans cette rivière, d'énormes pois-
sons. Au printemps, son volume devient si considérable, que
l'eau s'élève de plus de six coudées au-dessus des berges, et
elle inonde les terrains plats '. Le terrain de la plaine de
I. Le fleuve de Gourgan prend sa source dans les montagnes du Mazanderan, dans la
vallée de Chehereki nao, traverse la plaine de Sulthan Douin, la province de Gourgan et
se jette dans la mer Caspienne.
Une petite partie seulement de ses eaux est employée pour les besoins de l'agriculture.
Le reste n*est d'aucun profit. Ce fleuve a une grande profondeur : ses bords sont maré-
cageux et cette particularité en rend le passage très-diâicile. 11 ne se passe point de jour
sans qu'un homme ne s'y noie. La longueur du cours du Gourgan est de cinquante fier-
sengs. » — Nou\het oui qouloub, page 284.
a Le Gourgan prend sa source à Guerm Tchechmèh (source chaude) dans TElbourz, non
loin de Chah âbad et de Semoulgan, et se jette dans la mer Caspienne, près de Taoul de
Gumuch tèpèh, à six fersengs au sud de l'embouchure de l'Etrek. Le cours du Gourgan a
une longueur de vingt-huit fersengs ; ses bords sont assez escarpés; le lit du fleuve est ar-
gileux et vaseux, ce qui donne une couleur jaunâtre à ses eaux. Le Gourgan est assez
profond dans maint endroit pour qu'on ne puisse pas le passer à gué, et pendant la saison
des pluies^ son volume d'eau est, en général, assez considérable. Près de son embouchure,
le Gourgan forme un marécage dont les bords sont très-plats. Lesaflluents du fleuve sont :
à droite, le Karesly, dans la vallée de Cheherek, le Tchilguessy qui vient du mont Ni-
lèhkouh, reçoit le Qarasou et se réunit au Gourgan à un ferseng de Goumbedi-Qabous ;
le Guerm roud, qui traverse une gorge de TElbourz, reçoit quelques petits cours d'eau
et se jette dans le Gourgan à l'ouest de Goumbedi-Qabous, l'Âbi-Khour et trois fersengs
plus haut le Sary Sou. Les afliuents de la rive gauche sont : le QaraouMchay ou Echek
Sou, et le Dougouloum qui traverse la vallée deChâhrek.»
a Le long de la rive droite du Gourgan, se trouvait autrefois un mur appelé Kizil-alan,
qui commençait au mont Poucht i Kemer, à quatre fersengs de la source du Gourgan,
Di: i/ambassade au kharezm 57
Gourgan est des plus fertiles. En raison de Tabondancc de
Teau, de la bonne qualité du sol qui se prêterait à toutes les
cultures, les récoltes pourraient être d'une extrême abondance;
mais les Turkomans ne sèment que la quantité de céréales né-
cessaire à leur subsistance. Si des cultivateurs étaient fixés dans
cette contrée, elle produirait de quoi nourrir un royaume '.
près de Taoul des Qara-Balqan, longeait le fleuve jusqu'à son embouchure et s'avançait
même à une certaine distance dans la mer. Ce mur, construit en briques, a disparu au-
jourd'hui, son emplacement est indiqué par une série de petits monticules dont quel-
ques-uns s'élèvent jusqu'à huit ou dix pieds au-dessus du sol. Ces monticules ou qour-
gan, qui présentent l'aspect de petites redoutes carrées, sont distants de quarante
minutes l'un de l'autre et mesurent en général cent cinquante pas de long. Plus loin,
on trouve les traces d'un autre mur parallèle au premier; la route passe entre les débris
de ce second mur. Selon la tradition, ces murs furent construits du temps d'Alexandre
pour protéger le pays contre les Alains. De même, la légende attribue tantôt à Alexan-
dre, tantôt à l'ancien Djordjan, les travaux d'irrigation dont on rencontre les vestiges
sur les deux rives du Gourgan. » (Melgunof, /. c, pp. 80-81.
I. Djourdjan. La capitale de cette province, située dans le quatrième climat, a été
rebâtie par le petit-fils du prince Seldjoukide Melik Chah. Son mur d'enceinte a mille pas
de circuit. La température est celle des climats chauds. L'eau que l'on boit a déjà servi
à arroser les terres cultivées mais la proximité des montagnes permet d'en faire venir de
la neige pendant les grandes chaleurs. Les produits du Djourdjan sont le blé, le coton et
la soie. Les fruits sont le raisin, le jujube et les dattes. On y récolte du sésame d'excel-
lente qualité. Le sol y est si bon qu'un arbre d'un an y est plus fort et plus vigoureux
que ceux qui, dans d'autres pays, sont plantés depuis deux ans. Les habitants sont
Chntes et ils se font distinguer par la générosité de leur caractère. Dans les premiers
temps de l'Islamisme, la population était fort nombreuse; mais, sous la dynastie des
princes Bouides, la guerre éclata dans la ville et la population fut notablement dimi-
nuée. Lors de l'invasion des Mogols, il y eut un massacre général des habitants et la ville
est encore en ruines On n'y voit que peu d'habitants.
Le roi Sassanide Firouz fit construire une muraille d'une longueur de cinquante fer-
sengs pour mettre le pays à l'abri des incursions des Touraniens (Turkomans).
Parmi les tombeaux des saints personnages, on remarque celui de l'Imam Djafer Es-
sadiq, que le salut soit sur lui ! Il est connu sous le nom de Gouri Sourkh (le tombeau
rouge). On voit là deux meules dont chacune a une épaisseur de vingt coudées et un
diamètre de trente coudées. — Nou^het oui Qouloub, page 42 1 .
Aboul Farad) Qpudamah (337-948) mentionne cette muraille dans son ouvrage qui
a pour titre : <& Sana'at oui Kitabèh ». Les Turks, dit-il, sortaient de leur désert et pé-
nétraient dans le Djourdjan. Les habitants de cette province élevèrent une muraille de
briques pour se mettre à l'abri de leurs incursions. Mais les Turks finirent par être
vainqueurs et un de leurs chefs, nommé Soi, s'empara du pays qui fut ensuite conquis
par les Musulmans.
« Sur la frontière du Gourgan, dit Sa'id el Djourdjany, on a élevé une muraille de bri-
ques cuites, qui s'étend depuis le sommet de la montagne d'Aly âbad jusqu'à Siavechek
et Abisgoun. Chacune des briques qui ont servi à cette construction pèse trente ou
58 RELATION
Du temps de Sultan Mahmoud et de Sultan Messoud, princes
de la dynastie des Gaznévides, la richesse et la densité de la
population du Djourdan étaient devenues proverbiales. Plus
tard, TEmir Qabous, fils de Vechmguir, et ses descendants
gouvernèrent le Djourdjan d'une manière indépendante. La
coupole qui recouvre le tombeau de Qabous existe encore
aujourd'hui dans le désert des Turkomans ; elle est intacte et
elle a toutes les apparences de la plus grande solidité.
Ce tombeau a été construit, il y a près de six cents ans, par
Menoutcheher, fils de Qabous.
La tribu des Turkomans Ata Bay dont Qara Khan est le
chef est fixée sur les bords du Gourgan. Celle des Djafer Bay
est établie sur les bords de la mer d'Esterâbad '.
quarante mans.» Ce mur, au dire de Tauteur, s'étendrait à travers le désert jusqu'à Se-
rakhs. Les habitants lui donnent le nom de Bakhtiar. — Messalik oui Memalik, manus-
crit de ma collection, f* 78.
I Je crois devoir donner ici, d'après M. Melgunof, quelques détails sur les Turko-
mans des bords du Gourgan.
La tribu Yomout des Djafer bay se divise en Yar Aly et Nour Aly.
Les Yar Aly se composent des branches suivantes: Ouniouk Taumadj, 25o tentes;
Ery Toumadj, 140 tentes; Tchoughan, 85 tentes; Fourkhas, 1 10 tentes; Aryq, 100 ten-
tes; Kal, 45 tentes; Qpus Aly, 46 tentes; Qizil, 90 tentes; Saqally ou Aryq Saqally, 90
tentes.
Les principaux lieux de campement des Yar Aly sont Qara Senguer et Gumuch Tè-
pèh aux environs du Gourgan.
Les Nour Aly comprennent les branches suivantes : Kara, 220 tentes; Qir, 60 ten-
tes; Qourt ou Qpurt thayfèh, 60 tentes; Qareiidjik ou Qaradjèh, 200 tentes; Pan ou
Pan Koutouk, i5o tentes; Igdir Koutchek, 25o tentes; Keltèh, 170 tentes. Lesaouls
ou résidences des Nour Aly sont : Khodja Nefes, Gumuch Tèpèh et Hassan Qpuly
sur les bords de TEtrek. Les Yomout de la tribu Ogourtch Aly se divisent en Aq et en
Ata bay. Ils vivent sur la rive droite du Gourgan. Les Aq se composent des Ouzoun Aq
avec 320 tentes et des Qisqah Aq avec 280 tentes. Les Ata bay se subdivisent en Saha-
nèh, 100 tentes; les Saqy, yb tentes; les Yanpey, 40 tentes; les Mohammed Oulouk
170 tentes; les Saridjly, 40 tentes; Qaza, 45 tentes; Qaza Halgah, i5o tentes ;Dau-
guendjèh, 80 tentes; Taana, 200 tentes; Qandjermèh, 80 tentes; Qpullar, 20 tentes
Qaradachlou, 20 tentes.
Tchouny, fils de Yomout, est considéré comme étant la souche des Ata bay.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM DQ
La mer d'Esterâbad plus connue sous le nom de Bahri Kha^er
ou mer Caspienne.
La mer Caspienne est désignée ^ous le nom des différents
pays qui se trouvent sur ses bords. Elle porte ceux de mer du
Guiian^ du Thabarestan, du Gourgan, deBab oui Ebwab (Der-
bend), de Khazer et de Qouizoum. Cette dernière dénomina-
tion est erronée. Sa longueur, de TOrient à TOccident, est de
deux cent soixante fersengs et sa largeur de deux cents. Elle
reçoit les eaux d'un grand nombre de fleuves qui viennent se
décharger dans son sein. Je citerai le Gourgan, le Volga et
TAraxe. Cette mer n'ayant aucune communication avec le
grand Océan, le flux et le reflux ne s y font pas sentir. Ses flots
sont toujours agités et bouleversés. Les pays du Kharezm et
de Saqsin sont situés à l'orient de cette mer. Au nord, se
trouve le désert de Khazer, à l'occident le Chirvan, au sud le
Guilan , le Mazanderan et la province d'Esterâbad. Ses rives
sont fréquentées par des tribus turkomanes. On affirme que
cette mer renferme deux cents îles. Abiskoun était l'une d'elles,
mais elle est, aujourd'hui, couverte par les eaux.
Le 10 de Redjeb (i i mai). Nous quittâmes la rive du Gour-
gan et nous nous mîmes en route en implorant l'assistance de
Dieu. Après avoir parcouru deux ou trois fersengs, nous arri-
vâmes à Aq Qalèh, aujourd'hui en ruines et qui fut la rési-
dence des Qadjars '•
Aq Qalèh fut autrefois une ville florissante où s'étaient fixés les
Qadjars, tribu qui anciennement émigra duTurkestan en Perse.
Ils se divisèrent dans cette ville en deux partis : les Achagha
I. Aq Qalèh est entouré de buttes et de monticules de terre qui sont certainement les
restes de fortifications et de villages ; mais les plantes et une végétation abondante ont
remplacé la population. Aq Qalèh semble avoir été une solide place forte de forme carrée.
Les amas de terre et de briques permettent de se représenter la ligne des murailles et
des bastions. — Fraser, Travels, etc., page 620.
6o RELATION
bach et les Yokharou bach '. II ne reste que peu de vestiges de
cette place forte; cependant on peut, grâce à des indices certains
et en procédant par inductions, distinguer les ruines d'une porte,
l'emplacement de plusieurs grands édifices et reconnaître une
chaussée, une écurie , un vaste édifice et le bazar. Cette ville
était bâtie dans une heureuse situation , à peu de distance du
Gourgan.
Nous traversâmes Aq Qalèh et nous arrivâmes sur le bord
du Gourgan, à Tendroit où nous devions le traverser. Le
bonheur qui préside aux destinées du Roi nous permit de
franchir la rivière à gué et, arrivés sur la rive opposée, nous
rendîmes grâces à Dieu et nous lui offrîmes les témoignages
de notre reconnaissance. Nous fîmes halte pour attendre que
les bagages, les gens de notre suite, les pauvres gens qui nous
accompagnaient et les pèlerins de Khoqand eussent traversé
le fleuve sains et saufs. Notre caravane se composait de plus
de deux cents personnes, cavaliers, piétons ou gens montés
sur des chameaux. Nous nous arrêtâmes après avoir franchi
un ferseng au-delà du Gourgan.
Le II Redjeb (12 mai). Nous congédiâmes les Khans Tur-
komans, qui nous avaient accompagnés au-delà du fleuve.
Pour reconnaître les services qu'ils nous avaient rendus, je
leur fis cadeau de robes tissées d'or.
Hassan Tchoughan vint me trouver en compagnie de Qouly
Khan et d'une troupe de Turkomans. Ils passèrent tous la
nuit dans notre campement, et, le lendemain matin, ils conti-
nuèrent leur route vers le but de leur voyage.
Le Qazhy des Turkomans, qui prétendait descendre des Mo-
gols et appartenir à la famille de Djenguiz Khan, nous fit
aussi ses adieux et retourna au campement de sa tribu.
Nous nous enfonçâmes alors dans l'immensité du désert.
Nous tournions le dos aux montagnes d'Esterâbad; le lende-
main, nous les perdîmes de vue. Nous marchions vers le Nord,
I . Achagha bach^ tête en bas ; Yokharou bach, tête en haut.
DE l'ambassade AU KHAREZM 6l
laissant la direction de la Mekke derrière nous. Sur la route, le
cheval de mon fils Aly Qouly ' mit le pied dans un trou creusé
par un rat et s'abattit. Mon fils resta sous sa monture et reçut
de violentes contusions aux reins, à la figure et aux pieds.
Quand il revint de son évanouissement, il ne put remonter à
cheval. Je fis, en conséquence, avancer le chameau qui portait
la litière restée inoccupée , et je ïy fis installer après lui avoir
fait prendre de la moumia dont je m'étais muni par précau-
tion ^. Le soir nous campâmes et nous pûmes goûter le repos.
Les Turkomans Yomout.
Les Turkomans forment une population innombrable. C'est
chose difficile que d'en faire le dénombrement. Ils ne possè-
dent, en effet, aucune ville et ils ne restent pas dans un lieu
fixe où Ton puisse déterminer leur nombre. Ils sent dispersés
1. Aly Qouly Khan, Moukhbir oud Daoulèh, est aujourd'hui directeur général des li-
gnes télégraphiques de Perse.
2. Le moumia ou moumiay est une substance bitumineuse à laquelle les Persans
attribuent les propriétés les plus efficaces pour la guérison des plaies et des blessures.
tt Le véritable fameux moumiay persan, celui qu*on pourrait d'après les indigènes,
o appeler miraculeux, ne se trouve qu'en quantités très-minimes, exsudant d'étroites
a crevasses de montagnes près de Behbehan, de Nasgoun, de Tengui Toghâb, de Darab
a et de Djaroun, localités de la province de Fars. Celui de Tengui Toghâb est le plus
a estimé, i» — Schlimmer : Terminologie [médico-pharmaceutique et anthropologique
française-persane. Téhéran, 1874, page 60.
Kœmpfer (Amœnitatum exoticarum , fasciculi K, Lemgoviœ, 17 12, pp. 5 1 6-522) a
donné une longue description du moumia. « Il y en a deux mines ou sources (de mu-
mie) en Perse, dit Chardin. L'une dans la Caramanie déserte, au pays de Sar, et c'est la
meilleure ; car on assure que quelque moulu, brisé ou fracassé, qu'un corps humain puisse
être, une demi dragme de cette mumie le rétablit en vingt-quatre heures, de quoi per-
sonne ne doute en Perse, sur l'expérience des cures merveilleuses qu'ils font tous les
jours avec cette précieuse drogue Les Persans disent que le prophète Daniel leur
a enseigné la préparation et l'usage de la mumie. n — Voyages du chevalier Chardin
en Perse, etc., tome III, p. 3ii, édition de 181 1.
62 RELATION
dans la vaste étendue du désert de la province du Gourgan
et du Kharezm.
Les uns pensent que leur nombre s'élève à trente mille ; Tes-
timation d'autres personnes est plus forte ou moindre.
On les trouve partout dans le désert, depuis Esterâbad jus-
qu'à Khiva. Les-Turkomans parcourent en vingt jours la dis-
tance qui sépare ces deux villes, en faisant chaque jour deux
étapes. Il faut donc compter quarante journées de marche. Au-
delà d'Esterâbad se trouvent les Gouklan. Les Gouklan et les
Yomout sont divisés par une profonde inimitié. Si je voulais
donner les noms des subdivisions et des différentes branches
de ces deux tribus, ces détails m'entraîneraient trop loin \
I, Je crois devoir suppléer ici au silence de Riza Qouly Khan et donner, d*après
M. Melgunof, le nom des subdivisions des grandes tribus des Yomout et des Gouklan.
Outre les fractions des Yomout Djafer Bay et Ogourtch Aly, il faut signaler la bran-
che des Yomout Yelqay qui comprend les Saqâr, 65 tentes; les Vekyly, igS tentes; les
Qyr, 40 tentes; les Mirza Aly, 65 tentes; les Ourazly, 25 tentes, et les Ounlouk, 140
tentes.
Les Yomout Doudjy se subdivisent en Oudek,.i4o tentes; Sarydjèh Meyout, 70 ten-
tes; Khivaqy, io5 tentes; Kurèh 100 tentes; Abdal Idjmek, 120 tentes; Baqat, 20
tentes; Qaradjèh Daghy^ 55o tentes.
Les Doudjy mènent la vie nomade dans les environs du bulouk de Katoul, sur les
bords du Gourgan, dans la province d*Esterâbad.
On rencontre, en outre, des Yomout de la tribu de Daz dans les environs d*Aq Mesd •
jed et dans le bulouk de Fakhr Imadouddin. Le nombre de leurs tentes s*élève à 65o.
Les Yomout Badraq, sur les frontières du bulouk de Katoul, 3oo tentes; les Yomout
Qan Jaqmaz à Bibi Chirvan, 200 tentes; les Yomout Eymcr, sur les frontières du bu-
louk de Fenderisk, 375 tentes; les Yomout Koutchek qui se subdivisent en Oustadjiq,
190 tentes; Khourthèh^ i85 tentes. Les Koutchek sont nomades et vivent entre Fende-
risk et Qaratiken.
Les Yomout Salakh, 2 55 tentes; les Qaravièhprès de l'Etrek, au pied du Balkhan, 260
tentes; les Yomout Qoudjouq Tatar près de Bibi Chirvan, 489 tentes; les Yomout
Ata, 90 tentes; les Yomout Makhdoum, 120 tentes.
Les tribus des Gouklan comptent aujourd'hui 255o tentes. Elles comprenaient autre-
fois douze mille familles, mais leur nombre a considérablement diminué à la suite des
guerres qu'elles ont eu à soutenir contre Khiva et les Yomout, et surtout après l'expédi-
tion entreprise contre eux par Mohammed Chah en i836.
Les Gouklan nomades vivent dans le bulouk de Kouhsar dépendant de la province
d'Esterâbad et sur les bords du Gourgan et du Guerm Roud.
Les Gouklan se divisent en deux grandes tribus : les Doudourqah et les Halqah Da-
ghly.
Les Doudourqah comprennent les Qiriq qui se subdivisent en Koundlik, 100 tentes;
Soufyan, 100 tentes; Koukdjèh, 100 tentes; Dehanèh, 100 tentes; Ichèkèh, 76 lentes.
DE l'ambassade au kharezm 63
Chacune de ces tribus est indépendante sur son propre ter-
ritoire. Elles ne se prêtent aucune aide entre elles : leur esprit
d'indépendance est poussé si loin, que le plus infime chame-
lier n'obéit point aux ordres du Khan de sa tribu. Les Turko-
mans ont la plus grande ressemblance avec les Arabes du
désert si ce n'est que la langue de ceux-ci est Tarabe, tandis que
ceux-là ne parlent que le turk. Des auteurs prétendent que les
Turkomans ne sont point d'origine turque ; qu'ils ont seule-
ment avec les Turcs une certaine ressemblance, ainsi que l'in-
dique leur nom \
Les Turkomans ne vivent que du fruit de leurs courses et
de leurs rapines, de l'élève du chameau, du métier de chame-
lier de caravane ou du produit de leurs chameaux. Ils se nour-
rissent de la chair et du lait de ces animaux. Quelques-uns
d'entre eux possèdent des moutons. Les femmes tissent des
châles, des tapis, de la toile à ballots et des sacs. Ils sont Ha-
néfites, mais ils ne connaissent qu'imparfaitement les prescrip-
tions de ce rite.
Le 12 de Redjeb (i3 mai). Nous partîmes de nuit de la
Ces tribus résident à Touest du Gourgan, dans les environs de Michk ou Anber. Les
Gouklan Bayendir comprennent les Aq Qilidj Khany, i23 tentes^ et les Nefes Khany,
107 tentes. Ils campent dans les vallées du Gourgan.
Les Gouklan Yangaq comprennent les Kouty Medjmen, 1 16 tentes, et les Utth
Qounly, qui vivent à l'ouest du Goumbedi Qabous et à Test de Keboud Djamèh. Ils
possèdent 100 tentes.
Les Gouklan Kerkez sont fixés sur les bords du Gourgan. Le nombre de leurs tentes
s*élèveà i3o.
Les Qouchtchy et Qarachour, iSq tentes; les Kharouchour, i56 tentes.
IL Les Gouklan Halqah dagly comprennent : les a Saqar Beikdily n sur les bords du
Gourgan, de TEtrek et de Hayder âbad, 33o tentes; les a Arab », 3oo tentes; les Ay
Dervich dans les vallées du Gourgan et les environs de Qara Cheikh^ 66 tentes. Les
« Qarabalkhan » se subdivisent en Yokhary Bollou et vivent dans les vallées du Gour-
gan et aux environs de Qarenâbad : ils ont i63 tentes. Les Erkekly, à deux fersengs
du Gourgan et dans les environs d' Aly Tchechmèh, possèdent 1 1 2 tentes.
Les Ghay se subdivisent en Tcmek, avec 56 tentes; en Dary, avec le même nombre de
tentes, en Qarnas avec 47 tentes, et en Bouqidjèh qui possèdent 40 tentes, et sont
axés dans les environs de Michk ou Anber et de Mourghzar.
I. Turkmen ou plutôt turkman, corruption de turkmanend signifie « qui ressemble
aux Turks ».
64 RELATION
Station appelée par les Turkomans In Tchekèh, et nous arrivâ-
mes à midi à la rivière d'Etrek '. L'eau de cette grosse
rivière est saumâtre et salée. Nous la traversâmes et nous prî-
mes notre repas sur l'autre rive. Les chefe turkomans qui
nous avaient accompagnés et qui étaient au nombre de cin-
quante cavaliers, sollicitèrent une gratification. Nous distri-
buâmes aux notables des tribus de l'argent et des vêtements;
puis, pour nous conformer à cette sentence : t Sépare-toi des
Turks, quand bien même ton père serait Turk >, nous nous
quittâmes des Turks de TEtrek ^ Nous leur dîmes adieu et
nous les renvoyâmes à leurs résidences, à leurs tribus et à
leurs campements
J'écrivis et j'expédiai une lettre au Beylerbey d'Esterâbad
pour lui faire connaître notre arrivée sans accident sur les
bords de TEtrek et pour le rassurer sur notre compte.
Nous remontâmes ensuite à cheval et, vers le coucher du
soleil, nous atteignîmes une plaine unie où il n'y avait t ni Div,
ni ange, ni bête sauvage, ni péri > . Les Turkomans donnent
à cette plaine le nom de Kouh Ky. On ne voit, dans cet im-
mense désert, ni végétation, ni arbres, ni pierres, ni aucun
signe qui puisse servir de point de repère. Rien n'indique les
distances. Nous voyagions le jour et la nuit.
Chaque localité est désignée sous un nom particulier. On
trouve des puits d'eau douce connus des Turkomans. Si on
voulait noter toutes les stations par lesquelles on passe, ce
serait, en vérité, un travail difficile à faire.
Nous franchissions trois étapes toutes les vingt-quatre heures
et nous mîmes vingt-deux jours pour atteindre Khiva. Nous eû-
mes à supporter, pendant ce voyage, les fatigues les plus pénibles.
f . L'Etrck prend sa source dans le Khorassan, dans les montagnes qui s'élèvent sur
les confins de Nessa et de Baverd. Il traverse Khabouchan et le Dehistan et se jette dans
la mer Caspienne. Son cours a une étendue de cent vingt fersengs. Ce fleuve est extrê-
mement profond et on ne peut jamais le traverser à gué. Ses rives sont presque toujours
infestées par les brigands. Nou^het oui Qpuloub^ f» 455, v.
2. L*auteur joue ici sur le's mots Turk, Etrek et tarak : ce dernier mot signifie, en
arabe, quitter, abandonner.
DE l'ambassade AU KHAREZM 65
Le i3 de Redjeb (14 mai). Nous partîmes deKouliKy et, le
matin, nous arrivâmes à Alah ; nous ne nous y arrêtâmes pas.
Nous mîmes pied à terre à Kessik Mînarèh ". On voit là un
minaret dont le sommet est abattu. On nous montra, à notre
gauche, les ruines d'une ville déserte appelée Mechhedi Mis-
rian ^. Dans les alentours de ce minaret, on trouve une grande
quantité de briques cuites. Ce fait nous fournit la preuve que
cette localité avait été autrefois bien peuplée.
Le 14(15 mai). Nous voyageâmes toute la nuit, et le matin,
nous atteignîmes un puits appelé Dach Verdy . Nous trouvâmes,
à cette station, une trentaine de puits remplis d'une eau à peu
près douce. Nous nous imaginâmes avoir rencontré le Kaoucer et
le Selsebyl ^. Nous fîmes remplir nos outres grandes et petites,
et, après les avoir fait charger sur les chameaux, nous nous re-
mîmes en route.
Le i5 Redjeb (16 mai). Nous nous éloignâmes de ces puits,
nous franchîmes quatre étapes, dans un désert sablonneux et
imprégné de sel, et nous arrivâmes à la source d'Adoun âta.
Adoun âta était un cheikh turk, disciple de Zenguy âta qui
lui-même avait eu pour directeur spirituel Hekim âta. Ces
saints personnages jouissent, parmi les.Turks et les Turko-
mans, d une grande réputation. Leurs tombeaux, situés dans
le désert du Kharezm, sont un but de pèlerinage, mais les
Turkomans ne connaissent que leurs noms ; ils n'ont au-
cune notion de leurs actes ^. La fontaine a reçu le nom
I Le minaret brisé.
2. L'auteur à son retour visita hs ruines de cette ville. Le lecteur en trouvera la des-
cription dans la dernière partie de cette relation.
3. Le Kaoucer et le Selsebyl sont deux rivières qui coulent dans le paradis. Leur cours
est d'un mois de marche; leurs eaux sont plus blanches et plus douces que le lait, et leur
écume plus brillante que les étoiles.
4. Khodja Zenguy âta, un des saints les plus révérés du Turkestan, était le fils de
Tadj âta, fils du cheikh Bab Arslan. 11 naquit à Châch. Il fut le disciple de son père ;
puis, à la mort de celui-ci (SgS-iigS), il devint le disciple de Hekim âta dont il re-
cueillit la succession spirituelle. Zenguy âta mourut en 656 (i258) et fut enterré à
Châch. Hekim âta mourut en 582 (ii86). Son tombeau se trouve à Aq Qourghan. —
Kha^inet oui Eçfia, Lahore, i283, pages 5 12, 5i3, 514.
5
66 RELATION
d'Adoun âta à cause du tombeau de ce saint qui s'élève dans
le voisinage.
A droite, on nous montra une montagne derrière laquelle est,
nous dit-on, la ville de Bouzoundjerd '.
Le 1 6 et le 17 Redjeb (17-18 mai). Nous partîmes de la sta-
tion d'Adoun âta, et après avoir franchi quatre étapes, nous
arrivâmes à une source appelée Qara Eteklik. Quatre fersengs
avant d arriver à cette station, nous vîmes un cours d'eau
saumâtre. C'est là que commence le Kharezm.
Nous vîmes aussi une mare d'eau stagnante. Les Kharez-
miens qui voyageaient avec nous, me dirent que le Djihoun
traversait autrefois cette région. Les Mogols en détournèrent
le cours et, les eaux arrêtées dans un sol déprimé et salin,
sont devenues saumâtres. Nous passâmes à deux fersengs de
cette mare, laissant le cours d'eau à notre gauche.
Nous atteignîmes la station de Qara Eteklik où se trouve
une source abondante. Nous nous y reposâmes pendant quel-
que temps et nous en partîmes à trois heures de laprès-midi.
Sur notre route , nous passâmes par un endroit où Moham-
med Rehim Khan avait dû abandonner un canon pendant sa
retraite après l'expédition qu'il avait entreprise contre le Gour-
gan et Esterâbad,
Le commandant de l'artillerie vint lui annoncer qu'un canon
était démonté (Top Yaiiy). Le Khan donna en conséquence
à cet endroit le nom de Top Yatty.
J'ai fait, dans l'histoire intitulée Fthrt's oui tewarikh, et qui
sert d'appendice au Raouiet ous Sefa^ le récit de l'expédition
de Mohammed Rehim Khan de Kharezm contre Esterâbad,
du combat qu'il livra et de sa retraite ^
1. Bouzoundjerd est la capitale d'un district kurde du nord du Khorassan. Cette ville
qui compte trois mille familles, est située dans une vallée parallèle à celle de TEtrek;
elle est entourée de hautes murailles et séparée de Chirwan par une distance de sept
fersengs. Fraser la visita en 1822. Cette ville est citée sous le nom de Boudjnourd dans
le tt Mémoire sur la partie méridionale de PAsie centrale n, de M. de Khanikoft. Paris,
1862, in-4*, pages 28-38-44.
2. L'expédition de Mohammed Rehim Khan eut lieu en I233 (181 7). Ce prince, à
DE l'ambassade AU KHAREZM 67
Ata Niâz Mahrem expédia de cette station à Khiva un ca-
valier qu'il chargea de porter une dépêche annonçant mon
arrivée et la sienne. Le Khan de Khiva avait déjà quitté sa
capitale et le cavalier le rejoignit en route.
Le 19 et le 20 Redjeb (20-21 mai). Nous nous dirigeâmes
vers la station de Bek Arslan, située sur une haute monta-
gne. De là, nous gagnâmes Qouimet âta. Nous y trouvâ-
mes une source d'eau douce et de Teau salée ; nous nous en
félicitâmes mutuellement et nous réjouîmes d'avoir Tune et
Tautre, et de pouvoir choisir.
Le 21 (22 mai). Nous arrivâmes à la station de Qiriman âta,
dans une plaine aride. L'eau était salée, mais cavaliers et mon-
tures la burent comme de l'eau douce.
Le 22 (23 mai). Nous nous arrêtâmes à la station de Gouklan
Qouyou où nous ne trouvâmes que de l'eau saumâtre.
Le 23 (24 mai). Nous fîmes quatre étapes et nous gravî-
mes la montagne de Qaplan Qiry. Elle a une grande hauteur
et on la franchit en suivant un défilé. Nous fîmes halte au som-
met pour faire passer les chameaux chargés et notre caravane.
Nous arrivâmes à Tchirichly; Teau y était douce et nous
en profitâmes pour faire la cuisine. Un des moutons que
nous avions avec nous fut égorgé; il figura dans un repas co-
pieux et animé auquel nous conviâmes quelques-uns de ceux
qui nous accompagnaient ; les estomacs délabrés furent récon-
fortés, et tout le monde rassasié et tranquille goûta un som-
meil bienfaisant.
Le 24 (25 mai). Nous aperçûmes quelques TurkomansYo-
mout qui se rendaient d'un campement à un autre. Nous ren-
dîmes grâces à Dieu qui nous faisait voir, sur notre route,
l'instigation des chefs des tribus kurdes du Khorassan révoltés contre Fcth Âly Chah,
se dirigea sur Esterâbad à la tête de trente mille cavaliers soutenus par quelques pièces
d'artillerie, sous prétexte de lever les impôts sur les tribus turkomanes de TEtrtk et du
Gourgan. LeSerdar Zoulfeqar Khan marcha à sa rencontre, à la tête des milices de Dam-
ghan et de Semnan, et le mit en complète déroute à Pusserek où il s*éiait retranché. Le
canon, qu'il abandonna près de Q.ara Eteklik, était le seul qu'il avait pu sauver dans son
désastre. — Fihris out tewarikh, Téhéran, 1274 (1857), in-folio, tome IX, pages 21 5-2; 6.
68 RELATION
d'autres créatures humaines que celles qui se trouvaient dans
notre troupe. Il est clair^ nous disions-nous, qu'il y a ici des
traces d'êtres vivants et qu'après avoir franchi cette plaine,
nous devons arriver dans des régions cultivées et habitées. Le sol
de cette plaine était imprégné de sel et couvert de khari chou-
tour \ La vue de la verdure récréa agréablement nos yeux.
L'eau y était saumâtre et en petite quantité. Le nom de cette
localité est Ghanghèh Tchachkin ^
Le 25 (26 mai). Après avoir traversé une plaine aride et sa-
blonneuse et nous nous arrêtâmes à un endroit appelé Chah
Sanem ^ où se trouvait jadis une ville fortifiée importante. Nous
nous étonnâmes de voir ce nom pompeux donné à une localité
envahie par les sables et nous trouvâmes que cette dénomina-
tion n'était point justifiée. L'eau y était plus amère que le
suc de la coloquinte.
Le 26 (27 mai). Nous traversâmes une plaine salée et nous
gravîmes une montagne calcaire, remarquable par sa blancheur.
Nous montâmes d'un sol déprimé sur un terrain plus élevé.
On nous assura que de cette plaine partait une route conduisant
1. Le khari choutour (épine de chameau) est la même plante que Talhagi qui croît
dans tous les bas terrains arides de la Perse; cette plante fournit la manne dans certai-
nes contrées, telles que le Khorassan, Tebriz, Thebbes, Zerend et Bender Abou Cheher;
là où Talhagi ne fournit aucun produit sucré, il sert de pâture aux chameaux, d*où son
nom de khari choutour. Schlimmer, Terminologie^ etc., page 357.
2. Cest à Ghanghèh Tchachkin que se livra la bataille dans laquelle Iltouzer Khan
défit les Turkomans Yomout.
3. La statue ou Tidole du roi.
a Le 2, à la pointe du jour, on arriva au fort ruiné de Chah Senem ; ce furent les der-
nières ruines qu'on rencontra sur cette route Le fort de Chah Senem était à notre
droite; nous nous en approchâmes pour Texaminer; il est bâti sur un monticule sa-
blonneux; on voit encore dans l'intérieur quelques traces d'habitations. Ce lieu est cé-
lèbre par un événement connu de toute l'Asie, et qui est devenu le sujet des chants et
des contes des peuples de l'Orient. Chah Sanem, fille d'un puissant seigneur, était d'une
beauté saisissante. Gharib s'éprit de ses charmes; pour éprouver son amour, Chah Sa-
nem lui ordonna de parcourir le monde pendant sept ans. Il revint à Tépoquc qui lui
avait été fixée, au moment où l'on célébrait les fêtes des noces de Chah Sanem avec un
puissant seigneur. Gharib se fait reconnaître par ses chants et épouse son amante. Mou-
ravicv. » Voyage en Turcomanie et à Khivafait en 181 g et 1820. Paris, 1823, pages
198-199.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM bg
en Russie. Les Khiviens la suivent après avoir fait provision
de vivres et d'eau.
Pendant la nuit, un vent violent souleva et fit retomber sur
nous des tourbillons de la poussière et du sable de la plaine.
Les cordes de nos tentes furent rompues, les mâts qui les
soutenaient brisés, nos lampes éteintes. Je demandai le nom
de cette plaine. On me répondit qu'elle s appelait Saqar Tchè-
kèh. C'est juste, répondis-je , car dans Tenfer (saqar), on ne
doit pas se trouver mieux.
Le 27 (28 mai). L'excessive chaleur, le grand nombre de gens
que j'avais à ma suite, et l'obligation où j'étais de leur fournir de
l'eau, avaient épuisé ma provision. L'envoyé du Khan de Khiva,
instruit de ma détresse, me fit cadeau d'une cruche d'eau du
Gourgan qu'il tenait en réserve. Ce présent me fut aussi agréa-
ble que si l'on m'avait donné l'empire du monde. Après une
longue traite, nous arrivâmes à une station appelée Ouchaq
Qouyoussy. Nous y trouvâmes de l'eau douce et nous en ren-
dîmes grâces à Dieu.
Le 28 (29 mai) . Nous arrivâmes à une localité nommée Ay rtam
et, comme dans les autres stations, nous dûmes nous contenter
de pain sec et de sikendjebin '. Non loin de cette station, mon
cheval arabe épuisé de fatigue resta en arrière. Le palefre-
nier qui le conduisait s'égara dans le désert. J'envoyai à sa
recherche un Turkoman nommé Aly Bay auquel je confiai un
vase rempli d'eau douce. Il retrouva mon palefrenier au mo-
ment où il allait rendre le dernier soupir. Il le fit boire et le
ramena avec mon cheval à la station de Qara Qoulaq. Je fis
cadeau à ce Turkoman d'un qaba tissé d'or et d'un châle du
Kerman.
Le 29 (3o mai). On nous donna la bonne nouvelle que nous
arrivions à la limite des terres cultivées du Kharezm; qu'un
canal dérivé du Djihoun traversait ce territoire et qu'une tribu
I. Sikendjebin est la forme arabisée du mot persan sirkenguebin qui désigne une es-
pèce de sirop composé d*eau, de vinaigre et de miel.
yO RELATION
turkomane en occupait les bords. Nous devions nous procurer
là tout ce dont nous avions besoin.
En arrivant à cet endroit nommé Pey Chaqry, nous vîmes
un canal dont le lit était à sec. Il nous sembla évident qu'on
en avait détourné les eaux; nous aperçûmes quelques tentes,
mais nous ne pûmes y trouver ce que nous désirions. Les
Turkomans nous présentèrent comme régal, et pour nous
faire honneur, une écuelle pleine de lait de chamelle caillé.
Ils n avaient jamais vu de qalian avec un long tuyau flexible.
Ils furent tout étonnés en le voyant et ils se disaient les uns
aux autres : « C'est un serpent! > (Ilan dur). Les femmes et
les enfants de cette tribu vinrent en foule pour visiter nos ten-
tes et notre campement. Nous ne nous opposâmes point à
leur curiosité. Nous leur donnâmes à chacun un chahy blanc;
ils Facceptèrent et s'éloignèrent.
Le dernier jour du mois de Redjeb (3i mai), nous arrivâmes
à la partie cultivée de Khi va. Nous aperçûmes de loin de nom-
breux cours d'eau et une grande quantité d'arbres, parmi les-
quels il y avait beaucoup de peupliers. Je demandai le nom
du lieu où nous nous trouvions. On me répondit qu'il s'appe-
lait Qara Qoulaq et qu'en cet endroit commençaient les terres
cultivées.
Vers. — « Après avoir traversé la mer, le vaisseau a enfin
abordé le rivage. >
■i
Ata Niaz Malirem avait pris les devants pour faire préparer
un logis pour moi et pour lui. 11 expédia des gens qui se por-
tèrent à ma rencontre et me conduisirent à une maison spa-
cieuse et agréable. A Tintérieur, se trouvait un bassin d'une
grande profondeur dont les bords étaient entourés et ombragés
par de grands ormes et quelques saules. En face du corps de
logis, s'étendait un vaste jardin dessiné selon toutes les règles
de l'art. Il était coupé par des allées bien tracées. Le proprié-
taire de cette maison était un Turkoman Yomout nommé
DE l'ambassade AU KHAREZM yi
Molla Pir Nefes; c'était un homme d'un caractère généreux
et hospitalier. Il fit apporter et étendre devant nous un sofra
(nappe) sur laquelle on mit des pains. Nous en brisâmes un
morceau et attendîmes. On ne tarda pas à nous servir du ba-
beurre aigre, du lait caillé, de la viande rôtie, une outarde et
d'autres mets que l'on avait préparés. Nous passâmes tran-
quillement la nuit dans cette maison et, le lendemain, nous
nous remîmes en marche.
Le i*^ Chaaban (i®*" Juin). Je rencontrai sur notre route
Youssouf Djan Aga, un des personnages les plus distingués
de la cour, qui sur Tordre du Khan s'était, avec une troupe
de cavaliers, porté au devant de nous. Il s'informa de l'état
de ma santé, me combla de marques d'honneur et m'annonça
qu'il devait m'accompagner en qualité de mihmandar.
Nous approchions d'une maison et d'un jardin ; il prit les
devants et, quand j'arrivai à la porte de ce jardin, je le trouvai
debout sur le seuil. Il paraissait confus; il se confondit en
excuses sur la manière dont il me recevait. A peine étions-
nous descendus de cheval que l'on nous présenta du sucre de
Russie et du thé apportés de la ville, des fruits secs et des
fruits, les uns mûrs et les autres verts, cueillis dans le jardin.
Nous nous livrâmes au plaisir de la conversation et j'appris
que le Khan avait quitté sa capitale depuis une semaine pour
diriger une expédition contre Merv et que je serais privé de
l'honneur d'être bientôt admis en sa présence. Je m'écriai :
Vers. — € Hélas! C'est donc en vain que j'ai fait ce long
voyage et que j'ai supporté ces rudes épreuves ! >
Le retard que j'allais éprouver pour présenter mes homma-
ges au Khan, l'impossibilité de le voir m'attristèrent et me firent
éprouver la plus vive contrariété. Je pris , en attendant les
événements, la patience pour règle de conduite.
Nous passâmes agréablement la nuit dans cette maison de
campagne et, le lendemain matin, nous nous remîmes en route.
1
72 RELATION
Le grand nombre des canaux, l'agglomération des arbres
nous firent oublier l'aridité du désert. Nous traversâmes de
nombreux cours d'eau et nous atteignîmes la banlieue de Khiva.
Une troupe nombreuse vint à notre rencontre pour nous faire
honneur. Nous franchîmes la porte et nous pûmes jeter un
coup d'œil rapide sur la ville que nous traversâmes pour sortir
par une autre porte et nous rendre à une maison entourée
d un jardin que Ton avait préparée pour nous recevoir.
Rahmet oullah Divan Khal Mehter, contrôleur général des
finances du Khan, et le Nazir Mehter aga, remplirent toutes
les obligations qu'imposent les lois de l'hospitalité. Nous
passâmes la nuit dans cette maison dont le jardin était aussi
grand qu'un parc, et je me tins, tout le jour suivant, enfermé
dans ma chambre. Le jardin n'offrait aucun agrément et la
maison était délabrée. Je me plaignis du peu d'égards que l'on
me témoignait en me donnant une pareille demeure.
Le Khan fut, sans doute, dans le cours de son voyage^ ins-
truit de mes doléances. Il donna l'ordre de mettre à ma dis-
position la maison de plaisance royale et le jardin de feu
Mohammed Rehim Khan situés hors de la ville dans une lo-
calité appelée Guendoum Kân (Mine de blé).
Je quittai mon premier logis et je m'y transportai.
Description du palais du Khan qui fut ma seconde résidence
à Khiva. ^
Devant ce palais s'étend une vaste cour au milieu de laquelle
est creusé un grand bassin entouré et ombragé par des ormes
très-élevés et au feuillage touffu. On rencontre ensuite une
porte très-haute flanquée d'une tour de chaque côté; elle
forme l'entrée d'une longue galerie, à gauche de laquelle sont
DE L AMBASSADE AU KHAREZM . 78
bâties de vastes écuries; à droite, s'élèvent des magasins pour
serrer les provisions et des logements destinés aux familiers et
aux officiers (mahren) du Khan.
Quand on débouche de cette galerie, on entre dans une se-
conde cour sur laquelle s'ouvre encore une porte par laquelle
on accède à un vestibule ; on franchit encore une porte et, à
droite, on trouve un appartement réservé, de moyenne dimen-
sion, comprenant une grande salle, un étage supérieur fort
propre qui était affecté au logement du précédent Mehter
aga.
On trouve ensuite une galerie fermée par une porte et
dans laquelle il y a une grande chambre qui sert de logis
aux domestiques. Au bout de cette galerie s'ouvre une porte
par laquelle on pénètre dans le bâtiment réservé au Khan. Il
renferme un grand nombre de vastes chambres disposées en
enfilade et dans lesquelles on en a ménagé de plus petites pour
se mettre à Tabri de la chaleur en été et pour se garantir du
froid en hiver. Devant chaque chambre, on voit un haut péri-
style dont le plafond est très-élevé.
Chacun de ces péristyles est soutenu par une colonne sculp-
tée en manière de cyprès, dont la base est formée par une
pierre conique de grande dimension et ayant la forme d'une
poire. De chaque côté de la salle d'audience, on voit d'autres
chambres au-dessus desquelles on a construit des étages su-
périeurs soutenus par des colonnes.
Au milieu de la cour se trouve un bassin rempli d'eau, sur
les bords duquel sont plantés de grands ormes aussi beaux
que des platanes. Leur ombrage s'étend autour du bassin ; on
a élevé un banc sous leur ombre. En arrière de cette cour qui
est environnée de murs, se trouve une porte conduisant à un
appartement réservé composé de deux grandes pièces qui se
commandent et qui sont ornées de peintures. Devant la pre-
mière chambre, on voit un péristyle soutenu par une grosse
colonne fort élevée , à laquelle on a donné la forme d'un cy-
près et dont la surface est couverte de sculptures. Cette colonne
74 • RELATION
s'appuie sur un socle formé d'une grosse pierre qui est égale-
ment couverte de sculptures.
Deux autres colonnes semblables servent à soutenir les pla-
fonds des deux chambres qui sont placées des deux côtés du
péristyle. Le sol de la cour est pavé en briques cuites. Au mi-
lieu, on a ménagé un jardin de moyenne grandeur, planté d ar-
bres fruitiers et de peupliers d'une grande hauteur.
Un chemin a été établi pour se rendre à un autre jardin
et à un autre bassin entouré d'ormes d'une grosseur et d'une
taille remarquables. Sur l'un des côtés de ce bassin, on a élevé
une construction carrée percée de quatre portes, et qui porte
le nom de Kouchk (kiosque). Elle est soutenue, sur trois de
ses faces, par des colonnes de bois appuyées sur des piédes-
taux en pierre taillée. Leur sommet est solidement encastré
dans le plafond. Sur le sol dallé de ce pavillon, on a établi
une estrade exhaussée de deux coudées sur les deux côtés de
laquelle on a pratiqué un escalier de cinq marches en briques
reliées par du mortier. Les murs de ce kiosque ont une cou-
dée d'épaisseur; ils sont en pisé. La salle dont je viens de
parler a cinq coudées de hauteur. Au-dessus de cette salle
s'en trouve une autre qui a la même élévation. Des quatre
faces de cette construction, on a au-dessous de soi la vue du
jardin et du bassin. Au-dessus de cette seconde chambre, il y
en a une autre entièrement semblable, dont le plafond forme
le plancher de la terrasse. Sur une paroi de cette troisième
chambre, est adossé un escalier dont les marches sont d'une
grande solidité et qui donne accès à la terrasse qui se trouve
au-dessus de la troisième chambre. Depuis le sol jusqu'à elle, il
y a vingt-quatre marches et douze pour aller jusqu'à la terrasse.
Ce kiosque a, en tout, vingt-huit coudées de hauteur. La
terrasse sert d'endroit pour dormir. La moitié en est couverte
d'un auvent, l'autre moitié est à ciel ouvert. Du haut de cette
terrasse on a la vue de la plaine, des vergers, des jardins et des
champs cultivés qui s'étendent autour de la ville et de la plus
grande partie des maisons.
DE l'ambassade AU KHAREZM jS
Ce kiosque est entouré, sur ses trois côtés, par un jardin
d'une grande étendue au milieu duquel est creusé un bassin :
on y voit aussi un large et haut pavillon carré percé de quatre
portes. La superficie de ce jardin est d'environ trente djeribs.
Il est coupé par des allées d'ormes dont la taille est de vingt à
quarante coudées. On y trouve encore des peupliers blancs
et d'autres de l'espèce appelée Tebrizy (de Tauris), remarqua-
bles par leur taille élancée et droite.
Les arbres fruitiers produisent des figues, des grenades, des
mûres, des raisins, des pêches de deux espèces, des brugnons,
des pommes et des coings d'un goût exquis. Nous nous établî-
mes définitivement dans cette demeure et nous nous reposâ-
mes des fatigues du voyage en faisant des vœux pour Téternelle
durée du règne du monarque qui est semblable à Djem ,
S. M. NacirEddin Chah.
Récii de ce qtii s'est passé pendant le mois de Chaaban (juin,)
Mon compagnon de voyage, l'ambassadeur du Khan de Khiva,
qui était allé rejoindre son maître au camp, était de retour. Je
l'avais, à Téhéran, reçu un jour à ma table avec les personnes
attachées à sa mission. Il sollicita du Khan l'autorisation de
m'inviter chez lui ; elle lui fut accordée et il me pria d'accepter à
dîner chez lui. J'y consentis. Je montai à cheval un jour, et
traversant la ville je sortis par la porte qui était la plus rap-
prochée de sa résidence. Après avoir franchi la distance d'un
temps de galop, j'arrivai près de sa maison et je trouvai, à une
certaine distance sur la route, ses gens qui, pour me faire hon-
neur, étaient venus à ma rencontre. Quand je fus plus près
de sa demeure, les enfants et les parents de mon hôte se portè-
rent au-devant de moi et, se mettant en rang des deux côtés de
76 RELATION
mon cheval, ils me firent escorte jusqu'à la cour où je mis pied
à terre.
Ata Nîaz Mahrem se présenta alors. Il me prodigua les mar-
ques de sympathie et d'affection et me conduisit à Tapparte-
ment qui avait été préparé.
J'y trouvai réunis environ trente ulémas de ta ville et parmi
eux l'illustre Akhound Ata Djan, auquel on avait donné le titre
honorifique d'A'lem (le plus savant). Il avait fait ses études à
Boukhara. Il avait été en Russie et il connaissait bien la langue
persane. Je conversai avec lui.
Le repas fut composé selon la mode du pays, de mets ac-
commodés à la manière de Perse et de Khi va. J'abordai tous
les sujets avec Akhound Ata Djan, et la conversation eut un
tour si bienveillant que personne ne fut blessé dans ses con-
victions. Après cette réunion, j'acquis dans Khiva, moi qui ne
suis qu'un ignorant, la réputation d'un homme de science.
Dans Taprès-midi, je rentrai chez moi en faisant le tour de
la ville.
Au bout de deux ou trois jours^ je fus éprouvé par le chan-
gement de climat. Je sentis du malaise et je fus saisi par la
fièvre. Je parvins à m'en débarrasser en prenant quelques mé-
dicaments et en usant de sudorifiques. Quand je le pouvais^
je montais à cheval et j'allais me promener dans les jardins qui
entourent la ville.
Un jour que j'étais allé me distraire dans la campagne, on
me prévint que je n'étais pas loin du jardin de Mohammed
Emin Khan Behadir qui a régné sur le Kharezm. Je m'y rendis
aussitôt pour le visiter.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 77
Kellabagh.
Les environs de ce jardin forment un site charmant. Les
prairies qui 1 entourent sont traversées par de nombreux ruis-
seaux. Cest un lieu de plaisance délicieux. Les bâtiments sont
moins grands que ceux de Guendoum Kân, mais le jardin a je
ne sais quel attrait que Ton ne trouve dans les autres qu'à un
moindre degré. Les allées sont bien dessinées, larges et spa-
cieuses. Les arbres sont plantés avec symétrie et selon les règles
de l'art.
La maison est haute et solidement bâtie. On voit dans le
jardin de nombreuses pièces d'eau qui ajoutent beaucoup à
son agrément. J'y remarquai une grande quantité de beaux
arbres, ormes et peupliers. Ce lieu m'enchanta et je mis pied à
terre ; je fis quelques tours de promenade, et, cédant à la
fatigue, je m'assis pour me reposer. Je composai ce distique.
« Ce jardin est charmant, quels beaux arbres ! quels cyprès
élancés ! Jamais nous ne pourrons nous éloigner d'un si beau
lieu! » L'intendant et le jardinier m'accueillirent avec les
marques de la plus grande déférence. Ils m'apportèrent des
abricots nouvellement cueillis et une prodigieuse quantité de
cerises. Ils nous invitèrent d'une manière respectueuse, et en
insistant, à rester longtemps dans ce lieu, mais je ne me rendis
pas à leurs prières. Ce jardin a vraiment beaucoup d'agréments
et de charmes et il a une grande ressemblance avec les jardins
de la Perse.
Récit de quelques incidents.
Tangry Qouly Tourèh, un des fils de Mohammed Rehim
Khan, était resté à Khiva avec le titre de Naïb ou lieutenant.
78 RELATION
Sur ces entrefaites, arriva un envoyé de Khoudayar Khan,
Khan de Ferganah et de Khoqand.
Le Khan du Kharezm étant parti pour son expédition contre
Merv, il fut aussi obligé d'attendre son retour pour remplir sa
mission. Il fut décidé, conformément aux ordres du Khan, que
le Naïb m'inviterait à une fête à Kellabagh avec un certain
nombre d'ulemas. 11 fut convenu, à mon insu, que Ton pro-
fiterait de la présence des ulémas et des ambassadeurs de
Khoqand pour. donner à cette réception le plus grand éclat et, si
la chose était possible, pour rabaisser et humilier les croyances
de ma patrie et jeter sur elles un jour défavorable. Plusieurs
jours se passèrent en préparatifs et en apprêts pour donner plus
de splendeur à ce banquet. Je fus indirectement prévenu de
tout ce qui se passait avant qu'on m'eût fait la moindre ouver-
ture et la moindre communication.
Le jour qui avait été fixé pour le repas, un mahrem, c'est
à dire un officier au service du Khan se rend d'abord à l'am-
bassade du Khoqand et se présenta chez moi avec Rahmet
oullah Divan Khan Mehter et un autre personnage, et il m'invita
à me rendre à Kellabagh. « Je suis, lui répondis-je, ambassa-
€ deur de S. M. le roi de Perse et chargé d'une mission
€ auprès du Khan. Il est absent pour le moment, qu'ai-je donc
« à faire avec le Naïb ? Si Ton avait voulu observer les conve-
€ nances, il aurait fallu que le Naïb vînt me voir pour que je
« lui rendisse sa visite. »
Plus leurs instances furent vives pour me déterminer à
accepter leur invitation, plus mes refus furent catégoriques.
Ils retournèrent auprès du Naïb Tourèh désolés et déçus de
leurs espérances. La honte et la confusion les forcèrent à re-
noncer à leur projet.
Le Naïb m'envoya des fruits et des sucreries par une
personne chargée de me faire des compliments. Je lui fis don-
ner une gratification et je la priai de faire parvenir à son maî-
tre, de ma part, toutes les assurances de ma considération.
DE l'ambassade AU KHAREZM 79
Hassan Khabouchanj\
m
J'étais souffrant pendant le mois de Ramazan et je regrettais
de n'avoir point assez de forces pour supporter le jeûne lorsque
j'appris qu'un individu se faisait passer dans la ville pour un
prince du sang royal de Perse. 11 affichait cette prétention et,
bien qu'il eût été enlevé comme prisonnier et réduit à la
condition d'esclave, il fréquentait des personnages notables.
Je fis prendre secrètement des informations sur sa situation et
sur sa conduite. Ma présence à Khi va lui causa des appré-
hensions et il voulut se concilier mes bonnes dispositions. 11
m'envoya un message rempli de compliments et de flatteries
et, comme présent destiné à conquérir ma faveur, deux paons
dont les ailes et le plumage brillaient des plus vives couleurs.
Sa lettre était remplie de fautes d'orthographe. Je donnai
une pièce d'or à l'homme qu'il m'avait envoyé et je l'interrogeai.
11 me répondit que son maître se donnait pour le fils de Feth
Aly Chah et pour le frère de Hassan Aly Mirza '. Je reconnus
de suite la fausseté de cette allégation et la fourberie de ce
personnage. Je demandai son nom; il me fut répondu qu'il se
faisait appeler Perviz Mirza ^.
Mes yeux s'ouvrirent encore plus sur sa ruse et je fus encore
davantage convaincu de ses artifices. Je connaissais en effet
tous les fils de Feth Aly Chah et j'avais eu l'occasion de voir
pendant longtemps à Rey le prince Perviz Mirza. J'appris, en
outre, que cet homme avait été réduit en captivité depuis
quatre ans et qu'il était l'esclave de Seiyd Mahmoud Tourèh.
Tantôt il affichait des prétentions à la science, tantôt il tenait
I. Hassan Aly Mîrza Choudja ous Salthanèh était le sixième fils de Feth Aly Chah.
Sa mère était la fille de Djafer Khan, chef d*une tribu arabe du district de Bestham.
Fihris ont tewarikh, tome IX, p. 342.
a. Perviz Mirza était le cinquantième fils de Feth Aly Chah. Sa mère était née à Chc-
mtran. Fihris oui tcwarikh, tome IX, p. 343.
80 RELATION
le langage d'un directeur spirituel. Les gens simples le consi-
déraient comme un Chah Zadèh, les niais le prenaient pour
un médecin et un guide spirituel. Je le menaçai de réduire à
néant ses allégations mensongères et de dévoiler Tinanité de
ses vaines assertions ; je lui donnai l'assurance que je déchire-
rais le voile qui couvrait ses fourberies. 11 montra une crainte
extrême.
Enfin, redoutant la honte dont il allait être couvert il se tint
pour battu.
Hémistiche. — « Je dis : il ne peut se faire qu'une pareille si-
tuation demeure plus longtemps cachée, i
« 11 est impossible que pour améliorer ta situation, tu désho-
nores le gouvernement persan et que tu te vantes faussement
d'être un prince de la famille royale. Les gens que tu vois,
obéissant à un sentiment d'orgueil, se gardent de divulguer
ce secret et ils se plaisent à cacher ta véritable situation. Qui
donc aurait le pouvoir de s'emparer d'un prince de la famille
royale de Perse? Comment se pourrait-il faire qu'un Chah
Zadèh soit enlevé de Perse, emmené en captivité au Kharezm
et à Khiva, et qu'il y reste quatre ans sans que personne en
soit informé ? La présence de Perviz Mirza à Rey et à Tedjrich
est aussi éclatante que le soleil et tous ceux qui le désirent peu-
vent l'y voir. Un père ne donne jamais le même nom à deux
enfants et il ne le fait surtout pas si tous les deux sont vivants.
J'ai consigné, sur un cahier que je possède ici, la date de la
naissance de tous les enfants du feu roi Feth Aly Châh^ et, grâce
à Dieu, j'ai une connaissance exacte de la situation de presque
tous les princes du sang royal ^ »
Bref, je réduisis à néant par des preuves certaines tous ces^
artifices et tous ces mensonges, et je parvins à savoir que cet
t. Riza Qouly Khan a donnée à la fin du récit du règne de Feth Aly Chah, la liste des
cinquante-sept fils de ce prince. Fihris out tewarikh, tome IX, pages 342-343.
DE l'ambassade AU KHAREZM 8l
individu, dont la famille était originaire de Chirvan S était né à
Khabouchan ^; qu'il avait, pendant quelque temps, vécu à Es-
terâbad de la charité publique : que son père était pelletier et
que lui-même était un misérable qui avait exercé le métier de
bouffon.
La fermeté de mes paroles dévoila le secret de son passé et
il fut bafoué dans tout le Kharezm. Je lavai le gouvernement
persan de l'opprobre qui pesait sur lui. Je démasquai la tur-
pitude de cet imposteur au Khan de Khiva ; il fut avili aux yeux
des Turcs et des Persans et il perdit toute considération.
Vers. — € Comment un moucheron pourrait-il prétendre à se
faire passer pour un éléphant? Comment une goutte d'eau
pourrait-elle se vanter d'être le Nil ? Les gens sans portée le
1. Chirvan défendue par une forteresse et entourée d'un mur d'enceinte, est située
dans une vallée fertile, à égale distance de Khabouchan et de Bouzoundjerd. Fraser^ Nar-
rative, etc., pages 581-584.
2. Khabouchan ou Koutchan est la capitale du plus important des districts kurdes
du Khorassan. La ville fut fondée, dit-on. par les Guèbres : elle est défendue par un
fort solide et capable de soutenir un siège en règle mais qui fut cependant emporté et
rasé par Abbas Mirza en i8'32. La population de Khabouchan s*élevatt, à Tépoque où
Fraser la visita, à i5 ou 20,000 âmes.
Le district de Khabouchan occupe une superficie de vingt fersengs de longueur sur
trois à six de largeur. Il est habité par vingt-cinq ou trente mille familles de diverses
tribus, mais dont le plus grand nombre est de race kurde. Les deux tiers de cette po-
pulation vivent sous la tente.
Les chefs du district de Khabouchan portaient le titre de Ilkhany. Le plus célèbre
de ces Ilkhany a été Riza Qpuly Khan qui, en révolte ouverte contre Fcth Aly Chah,
dévastiit les provinces voisines de son état et en emmenait les habitants en esclavage.
II conclut avec le gouvernement de Téhéran un traité par lequel il s*engageait^ à la place
du tribut qu'il aurait dû payer, à s*opposer aux incursions des Turkomans de TEtrck
et à prêter aide et assistance aux gouverneurs persans dans le cas où ils seraient atta-
qués par ces tribus. La puissance de Riza Qouly Khan devint si menaçante pour la
Perse, qu* Abbas Mirza dut marcher contre lui. Ce prince s*empara de Khabouchan, mais
sa mort permit à Riza Qouly Khan Je se relever. Le gouverneur de Mcchhed dut mcmc
s*accommoder avec lui.
« Khabouchan, dit Hadji Khalfa, est un des gros bourgs du canton de Oustouwanâ
dépendant de Nichabour. Il porte aussi le nom de Khoudjan. Il fut rebâti par Houlagou
et Argoun Khan contribua à augmenter sa prospérité. Le climat y est délicieux, le blé
et les fruits d'excellente qualité. Khabouchan a donné le jour aux imams Nedjm oud
Din et Aboul Berekat. » Djihan Numa, page 32 3.
G
82 RELATION
prenaient pour du musc, mais il devint évident que, loin d'être
du musc, il n'était que du crottin. »
Exposé de la situation de Venvoyé de l'Emir de Boukhara auprès
de la Cour ottomane. Son retour.
J ai dit, au début de ce récit, qu'un Boukhare nommé Nour
Mehdy avait été envoyé en ambassade à Constantinople par
le souverain de Boukhara, l'Emir Nasr oullah. A son retour
de Constantinople, il s'était, à Téhéran, présenté devant les
ministres et il leur avait demandé la permission de faire en ma
compagnie le voyage de Khi va pour de là gagner Boukhara.
Après avoir annoncé la résolution de venir avec moi à Khiva
et de se rendre de cette ville à Boukhara, il rompit ses enga-
gements et, prenant la route du Khorassan, il arriva à Derèh
Djez \
Ata Niaz Mahrem fit savoir au Khan que cet envoyé reve-
nant de Turquie avait reçu de l'Empereur des Ottomans une
tabatière enrichie de brillants qui devait être remise, comme
un témoignage de considération, à l'Emir de Boukhara.
L'Émir de Boukhara et le Khan de Khiva sont depuis long-
temps en état d'hostilité. Ce dernier fit partir une troupe de
Tekèh qui fondirent sur l'envoyé de Boukhara, pillèrent ses
bagages, l'enlevèrent, le firent prisonnier et le conduisirent
à Khiva en l'accablant de mauvais traitements.
11 y vécut dans la situation la plus pénible jusqu'au moment
I . Derchgucz ou Dcrèh Djcz est le chcf-licu du plus méridional des cinq états Kurdes
du Khorassan. Dcrêhguez est situé non loin de la source de Tiitrek. Ce canton est habité
par la tribu appelée liât Kurdzcban qui compte cinq à six mille familles. Cette tribu
fournit, en temps de guerre, cinq ou six cents cavaliers et deux ou trois mille fantas-
sins. Fraser, Narrative, Appendix, pages 57 et 2^0.
DE L*AMBASSADE AU KHAREZM 83
OÙ le Khan revint de Texpédition de Merv. II attendait son
retour, espérant qu'il mettrait fin à ses embarras.
Il était loin de se douter que sa maladie provenait de celui
qu'il croyait être son médecin et que celui en qui il avait placé
son espoir était l'artisan de sa disgrâce.
11 m'adressa un message pour me faire connaître sa posi-
tion.
J'avais le projet d'intercéder pour lui au retour du Khan,
et je comptais employer tous mes efforts pour lui faire resti-
tuer ses effets. Mais j'appris^ sur ces entrefaites, que, quelque
temps auparavant^ une caravane était partie du Kharezm pour
se rendre à Boukhara; qu'en chemin était survenue une troupe
de cavaliers qui avait donné l'ordre aux Boukhares de
se séparer des Kharezmiens. Ils s'étaient alors mis à piller
les marchandises de ces derniers et ils avaient permis aux
Boukhares de continuer leur marche. Les cavaliers du
Khan de Khiva avaient usé de représailles. Ils avaient relâché
les Khiviens et pillé et emmené en captivité les Boukhares
qui faisaient partie des caravanes. Ces incidents me donnèrent
à réfléchir pour savoir la conduite que je devrais tenir au re-
tour du Khan.
Bien que TÉmir de Boukhara et le Khan de Khiva tirent,
Tun et l'autre, leur origine des princes Uzbeks et qu'ils aient
une souche commune, la discorde les désunit et la bonne
harmonie a cessé de régner entre eux. L'Émir de Boukhara
ne reconnaît comme turks ni le Khan de Khiva ni les habitants
du Kharezm. Il leur donne le nom de Tât. Le Khan de Khiva,
de son côté, appelle les Boukhares, Taziks et il donne la
même dénomination aux paysans de ses états, voulant dire
par là que les Boukhares sont ses sujets.
Les gouverneurs et les officiers de Khiva et de Boukhara
sont, la plupart du temps, en état d'hostilité et ils se livrent de
fréquents combats dans lesquels l'avantage reste aux Khiviens.
Ils ont fait prisonniers un grand nombre de Boukhares qui
ont été transportés à Khiva. Ils ont été établis dans les envi-
84 RELATION
rons de Kohnèh Ourguendj, où on leur fait cultiver la terre et
exercer des métiers pénibles.
Récit de quelques faits, ^
On reçut, au milieu du mois de Ramazan,des nouvelles ve-
nues du Gourgan, par Tintermédiaire de Turkomans Gouklan
et Yoniout; on apprit qu'un corps de troupes royales placé
sous les ordres de Djafer Qouly Khan Qaradjèh Daghy, général
de brigade, était parti de Téhéran et était arrivé à Esterâbad ;
que Mohammed Vely Khan Devalou Qadjar beylerbey avait
fait sa jonction avec ce corps de troupes qui s'était dirigé sur
le Gourgan. Ces informations provoquèrent une certaine agi-
tation parmi les tribus Yomout et leurs alliés du Kharezm.
Immédiatement après avoir reçu cette nouvelle^ on apprit
que les troupes de S. M. le Roi, placées sous le commande-
ment du Nevvab Hussam ous Salthanèh Sultan Murad Mirza,
gouverneur général du Khorassan \ avaient fait une expédi-
tion contre Serakhs et qu'elles avaient enlevé le gros bétail et
les moutons des Turkomans Tekèh établis aux environs de
cette ville ^ Ce fait, lorsqu'il fut connu, contribua à augmenter
1. Sultan Murad Mirza Hussam ous Salthanèh (le glaive de la royauté) est le onzième
fils d'Abbas Mirza proclamé héritier présomptif de la couronne par Feth Aly Chah. Il
fut à diverses reprises gouverneur général du Khorassan. Il gouverne aujourd'hui la
province de Kermanchâh. Fihris oui tewarikh, tome IX, page33o.
2. La ville de Serakhs est située dans une plaine unie entre Nichabour et Merv. Les
environs sont sablonneux; le territoire de cette ville n*est point traversé par des cours
d*eau, il est seulement arrosé par Texcédant des eaux des rivières de Hérât et de Fou-
chendj lorsqu'elles débordent en hiver. Les pâturages sont abondants dans les environs.
La principale richesse des habitants consiste en chevaux. L'auteur du Nou^het oui Qpu-
loub dit que le mur d'enceinte de Serakhs est en terre et solidement construit. 11 a
cinq mille brasses de circonférence. Ahmed Razy, dans le Heft Iqlym dit que le château
de Sarakhs est un des plus considérables du Khorassan. Le climat est chaud. Le raisin et
^^* jr v1
DE l'ambassade AU KHAREZM 85
le trouble et les appréhensions de la population. On me ques-
tionna à ce sujet. Je répondis qu'il n'était point improbable
que des troupes eussent été dirigées sur le Gourgan pour assu-
rer le maintien de Tordre à Esterâbad et parmi les tribus des
Yomoutet des Gouklan.
Ces faits alimentaient les conversations, lorsqu'arriva la fête
de la rupture du jeûne. On apprit aussi le retour du Khan qui
revenait de MervChahidjan. La population, selon la coutume
usitée, fit éclater sa joie de la prochaine venue du prince en
battant du tambour et en sonnant de la trompette sur les
terrasses des bazars.
A l'occasion des fêtes qui ont lieu après le mois de Ramazan,
les esclaves persans et autres qui sont disséminés dans les
villages et dans les cantons du Kharezm où ils exercent le mé-
tier de valets, de charretiers et de laboureurs, jouissent de trois
jours de liberté. Ils se rendent de toutes parts à Khiva où ils
passent leur temps à se promener et à se divertir. Ils rencon-
trent leurs compatriotes, leurs compagnons d'infortune; ils
se parlent de leur condition ; ils se racontent la manière dont
ils ont été réduits en captivité et ils se plaignent les uns aux
autres des rigueurs de l'exil et de la misère à laquelle ils sont
réduits.
Mes domestiques qui s'étaient rendus à la ville et au bazar
vinrent me rapporter que les esclaves persans affluaient de
tous côtés à Khiva et, qu'au coin des rues et des bazars, ils se
lamentaient entre eux sur leur triste sort ; que les Khiviens, en
les voyant, les accablaient d'injures et de moqueries. Je m'atten-
dris sur leur situation et le feu du regret s'alluma dans mon
les melons y sont excellents. Lorsque Mohammed Khan Chelbany envahit le Khoras-
san, le nombre des maisons portées sur les registres publics s'élevait à cent soixante mille.
A rapproche de Chah Ismayl qui s'avançait pour l'attaquer, Cheibany Khan transporta
la population de Serakhs dans la Transoxiane. Serakhs tomba en décadence et fut
relevée par Chah Thahmas. Parmi les tombeaux de personnages célèbres que l'on visite
dans cette ville, on cite ceux deSaad oud Din Teftazany, celui du Cheikh Aboul Fazhi
Hassan et celui de Chems oui Aymmèh l'un des principaux docteurs de la secte Hanéfite.
Djihan Numa, Constantinople, pages 317-318.
86 RELATION
cœur. « Amenez-les à mon logis, m'écriai-je, dressez des ta-
bles, et, dans ces jours de fête, donnez-leur toutes les marques
d'affection et de sympathie ! » Les esclaves s'empressèrent d'ac-
courir à ma demeure et mes gens leur servirent à manger matin
et soir. Je les fis paraître devant moi ; je m'enquis de leurs noms,
je leur demandai des renseignements. J'appris que ces captifs
avaient été amenés à Khiva à différentes époques, qu'il y en avait
parmi eux qui s'y trouvaient depuis cinquante ans, d'autres de-
puis trois ans; qu'ils étaient maltraités et obligés de servir
comme domestiques ou de se livrer aux travaux les plus pé-
nibles. On' a vu des parents, des frères, des cousins demeurer
séparés pendant de longues années sans avoir la moindre nou-
velle les uns des autres.
Bref, un certain nombre de ces esclaves se présenta chez
moi; je les interrogeai, je m'informai de leur situation. On les
faisait ensuite asseoir à part, et on leur servait du thé. Ils vin-
rent ainsi successivement à mon logis et je leur demandai à
tous le récit de leurs aventures.
Tout à coup, j'entendis de grandes clameurs, puis des pleurs
et des gémissements. C'étaient deux esclaves qui, après avoir
poussé un grand cri, étaient tombés évanouis, puis s'étaient
mis à pleurer. Informations prises, je sus que c'étaient deux
cousins restés sans nouvelles l'un de Tautre jusqu'au moment
où ils s'étaient retrouvés tous deux en captivité à Khiva par
un effet de leur mauvaise fortune. Ils s'étaient reconnus après
une .si longue séparation.
Cette scène me jeta dans un trouble extrême et je m'écriai
hors de moi « S. M. Nacir Eddin Chah ignore tous ces faits!
Elle ne sait point qu'un nombre aussi considérable des sujets et
des serviteurs de son père et de ses augustes aïeux gémissent ici
dans la servitude. Elle a daigné n\e confier la mission de récla-
mer et de délivrer les serviteurs de sa couronne. Je consacre-
rai à cette tâche tous mes soins et tous mes efforts. »
« Après l'arrivée du Khan de Khiva, leur dis-je, je demande-
rai votre mise en liberté et je vous ramènerai avec moi, i
DE l'ambassade AU KHAREZM 87
Je comblai de joie le cœur des esclaves qui appartenaient aux
tribus des Beyat ', de Zerend ^ et des Efchar ^, ainsi que de
ceux qui étaient originaires de Ferahan "^^ de Tlraq, qui étaient
Qaragueuzlou ^ et de Tebriz et de tous ceux qui avaient appar-
tenu à l'armée régulière. Je fis luire à leurs yeux l'espoir d'une
prochaine délivrance, et je pris note de leurs noms et de leur
signalement.
Je me dirigeais un jour, après la fête de la rupture du jeûne,
vers le jardin d'Allah Qouly Khan. Ce jardin a reçu le nom
de Rahi Pey Nik que l'on prononce par contraction Refnik. La
maison de plaisance qui s'y trouve est considérée comme une
des constructions les plus remarquables du pays. Je fus accom-
pagné, pendant que j'étais à cheval, par une troupe d'esclaves
persans, nègres et blancs, valets et laboureurs, qui me pour-
suivirent de leurs supplications. Je leur prodiguai à tous des
paroles d'espérance. J'arrivai à la ville et je traversai, suivi de
cette foule, les rues, les marchés et le bazar. Cette circons-
tance provoqua dans la population, de l'émoi et de l'agitation.
Peu s'en fallut que les esclaves et les valets ne se révoltassent
contre leurs maîtres et n'attaquassent leurs maisons.
Un certain Molla Moukhtar, natif de Hérât, avait été placé
auprès de moi par le Khan et le Mehter en qualité de mih-
mandar et pour se tenir à ma disposition ; mais il épiait secrè-
tement toutes mes actions, et il adressait des rapports au chef
du gouvernement. Il saisit l'occasion qui se présentait et il
rendit compte au Mehter^ de ce qui s'était passé en surchar-
1. La tribu turque des Beyat qui se divise en Qara Beyat et Aq Beyat, est établie
dans rAzerbaldjan, dans les environs de Téhéran, à Nichapour et dans le Fars. Elle
compte dix-neuf mille hommes en état de porter les armes.
2. Zerend est le nom d'un canton et d'une petite ville du district de Savèh.
3. La tribu des Efchar comprend deux grandes fractions : les Qassimlou et les Erech-
lou. On la rencontre dans TAzerbaïdjan, dans le Khamsèh, à Cazbin, Hamadan, Rey,
dans le Khouzistan, le Kerman, le Khorassan, le Fars et le Mazanderan. Elle compte
près de quatre-vingt-dix mille hommes.
4. Ferahan est un canton considérable de la province de Hamadan.
5. Les Qaragueuzlou habitent particulièrement les environs de Hamadan. Ils sont au
nombre de douze mille.
88 RELATION
géant son récit de toutes sortes d'amplifications et de détails
exagérés. 11 lui fit savoir qu'il fallait craindre que les Doqmèh
Persans (c'est par ce nom que Ton désigne les esclaves achetés
à prix d'argent), ne se révoltassent et n'attaquassent les habi-
tants de Khiva. Le Khan de Khiva avait déjà reçu la nouvelle
des mouvements des troupes persanes, il se détermina donc à
revenir de Merv. Il tint conseil la nuit avec son vézir, leMehter
Aga Yaqoub, et avec le fils du Mehter Youssouf, qui avait été
précédemment son ministre.
Le Mehter Aga proposa de partir de Merv et de marcher
contre les troupes des Qizil Bach et des Qadjar, de leur livrer
bataille et de les chasser de devant Serakhs. « En effet, ajouta-
t-il, Serakhs qui, aujourd'hui, ne reconnaît pas notre autorité
se soumettra à nous en reconnaissance de la protection que
nous lui aurons accordée. »
Bek Djan Mahrem, dont l'influence secrète était plus consi-
dérable et plus intime que celle du vézir Mehter, prit la pa-
role. « Les assertions du Mehter, dit-il, sont vides de sens,
et la voie qu'il parcourt est celle de l'ignorance. Les troupes
qui se trouvent dans le Khorassan sont reposées; celles du
Kharezm ont passé deux mois à faire le siège de Merv, privées
d'eau et de pain et excédées de fatigue. Les vivres leur font
défaut; les chevaux et les chameaux sont épuisés. Les soldats
ne pourront soutenir la guerre contre les Qadjar et les infidèles
Qizil Bach. Si on les conduit au combat, ils seront mis en dé-
route et ils se débanderont pour rentrer dans leurs foyers. Il
vaut donc mieux employer d'autres moyens. »>
On écrivit, en conséquence, une lettre conçue en termes
pleins de douceur et d'amitié, et on l'expédia au Nevvab Hus-
sam ous Salthanèh.
Djafer Aga de Kélat qui affectait les dehors d'un dévouement
absolu au gouvernement persan , mais qui était secrètement à
la dévotion du Khan de Khiva, imagina un stratagème. Se cou-
vrant des apparences de la sincérité, il écrivit au Nevvab Hus-
sam ous Salthanèh une lettre dont voici le sens. « Le Khan de
DE l'ambassade AU KHAREZM 89
Khiva est prêt à tenter une expédition à la tête de soixante
mille cavaliers. Je crains qu'il ne veuille fondre sur Kélat et
s'emparer de cette place dont la possession est en litige. Soyez
avertis; venez à mon secours et tenez-vous sur vos gardes
contre les tentatives du Khan qui dispose d une nombreuse
artillerie et de troupes innombrables. Il est préparé à la
lutte. »
Cette lettre remplie de faits mensongers fut remise aux fonc-
tionnaires persans; ils cherchèrent un prétexte pour- reculer et
ils rendirent ainsi un service signalé aux habitants de Serakhs
et au Khan de Khiva, en déployant Tétendard de la retraite.
Djafer Aga fit savoir, d'autre part, au Khan de Khiva que les
troupes placées sous les ordres du Nevvab Hussam ous Sal-
thanèh ne s'élevaient pas à plus de cinq ou six mille hommes,
et que, si les cavaliers Tekèh ', Serakhsy, Djemchidy*, Sa-
lour ^ et Sarouq * fondaient sur elles, ils en viendraient aisé-
ment à bout. Le Khan fit prévenir toutes ces tribus en leur
envoyant des lettres dont la teneur était ainsi conçue : « Les
infidèles Qizil Bach ont attaqué les musulmans ; il faut non
1 . Les Turkomans Tekèh sont établis dans les environs de Serakhs et de Merv, sur
les bords du Mourgâb. On les trouve aussi sur les bords de la mer Caspienne et dans la
province d*Esterâbad, dans les environs d*Akhal, à Test de Ichqâbad et à l'ouest de
Qizil Rebath.
Les chevaux des Tekèh de Merv jouissent de la plus grande réputation dans la
Transoxiane et en Perse.
2. Les Djemchidy sont des nomades établis sur les frontières du Khorassan. Ils sont
de race persane et prétendent faire remonter leur origine jusqu'à Djemchid.
3. Les Salour ou Salar forment une tribu de Turkomans habitant la partie occidentale
du Khorassan ; leur Hekim-Khan ou chef réside à Serakhs^ ils sont considérés comme
les plus nobles d'entre les Turkomans et ils peuvent fournir deux fois plus de cavaliers
que les autres tribus. Le Khan de Khiva fit contre eux, en i832. une expédition à la
suite de laquelle il établit des postes de douanes sur les routes qui traversent leur ter-
ritoire. «
Les Salour ne construisent point de mosquées, ils n'ont comme sanctuaire que le
tombeau d'un saint à Serakhs. Ils y conduisent les chameaux malades pour en obtenir
la guérison. Ils font leur prière dans la tente, comme au désert, sans ablution et sans
étendre de tapis. — A. Burnes. Travels into Bokhara, etc. Vol. II, pages 3o-53. —
Rilter, Allgem. Géographie, VIII, 279.
4. Les Sarouq sont une tribu de Turkomans établis à Mery et dans ses environs. Ils
sont au nombre d'environ vingt mille. — Burnes, Travels, etc., pages 252, 235,
QO RELATION
seulement les repousser, mais entreprendre contre eux la guerre
sainte. »
Puis, avec le concours des habitants de Serakhs, il confia
l'élite de ses troupes composée de Yomout et de Djemchidy à
Mir Ahmed Khan Djemchidy et à ses frères auxquels il adjoi-
gnit quelques-uns de ses officiers ; il leur ordonna de fondre
sur larrière-garde des Persans, tandis que lui-même s'enfuyait
et se dirigeait sur Khiva.
Un des Khans du Khorassan fit de son côté parvenir aux
Tekèh, aux Sarouq et aux autres tribus les informations les
plus rassurantes, c'est-à-dire que toutes les troupes qui se
trouvaient dans le Khorassan , accompagnaient Hussam ous
Salthanèh ; que son armée n'avait point d'arrière-garde et que
la province était complètement dégarnie.
Ces tribus se jetèrent alors avec furie sur les derrières de
Tarmée persane; elles tuèrent et firent prisonniers un grand
nombre de soldats. Elles poussèrent leurs courses dans la plus
grande partie du Khorassan et emmenèrent de nombreux captifs.
En évacuant AqDerbend S les troupes deHussam ous Salthanèh
tuèrent un grand nombre de ces Turkomans et s'emparèrent
des prisonniers qu'ils avaient faits. La nouvelle en parvint à
Khiva, mais on jugea utile de ne pas la divulguer; on y amena,
à plusieurs reprises, les soldats faits prisonniers à Serakhs et à
Thijen. On en fit grande parade, et on les faisait promener
dans les rues et les marchés. On répandit partout la nouvelle
de la défaite des troupes des Qizil Bach. Ces événements ren-
dirent ma position pénible et mon prestige en souffrit; mon
cœur en fut profondément attristé, et j'éprouvai un ennui et
des angoisses mortels. Je réglai mes paroles et mes actions
I, Aq Derbend, poste frontière sur la route de Serakhs à Mechhed. Il se compose de
onze tours bâties sur la crête d'une chaîne de montagnes à rentrée du défilé qui conduit
en Perse.
La vallée d'Aq Derbend est fertile et bien arrosée. La population, autrefois nombreuse,
a été ruinée et dispersée à la snite des incursions des Khiviens. — (Burnes, Travels^
tome II, pages 63 et suivantes. — Ritter, Allgemeine Géographie, tome VIII, pages 280-
281.)
DE l'ambassade AU KHAREZM QI
sur les circonstances. J'entretenais tous ceux que je voyais de
la grandeur, de la splendeur et de la puissance du gouverne-
ment persan sans en rien rabattre , ni sans en rien amoindrir,
jusqu'à ce que Ton apprit l'arrivée prochaine du Khan de Khiva.
Il fit son entrée le lo du mois de chevval (i^^^ août). J'en fus
informé, mais je m'abstins de me porter à sa rencontre, pré-
textant le mauvais état de ma santé et les ennuis que j'éprpu-
vais. J'envoyai quelques-uns de mes gens pour se rendre un
compte exact du train, de l'artillerie et des troupes du Khan.
Le Khan fit son entrée ayant une aigrette sur son bonnet ; son
cheval eo avait aussi une sur la tête. Il était vêtu d'une robe de
couleur rose. Je fus exactement informé de ce qu'il avait de
troupes, de la manière dont elles étaient armées, et de ce qu'il
possédait de fusils et de canons. Je me dis : Hélas!
Vers. — « 11 fait bon entendre le bruit du tambour de loin. >
J'appris que Mirza Aly Naqy, médecin du régiment Efchar,
accompagnait le Khan dans cette expédition. Je feignis d'être
malade pour pouvoir connaître les détails de l'expédition de
Mervet de Serakhs. Comme il était le seul médecin de la ville,
le Khan lui accorda la permission spéciale de venir me voir. Je
pris auprès de lui toutes les informations désirables et je con-
nus les faits beaucoup mieux qu'auparavant.
Mon enlreviie et mes entretiens avec Mohammed Emin Khan U\bek,
Le Khan de Khiva avait été instruit de mon désir de réclamer
les prisonniers persans. Il rappela à Khiva Ata Niaz Mahrem,
son envoyé à la cour de Téhéran, qui était alors employé au re-
couvrement des impôts à Kohnèh Ourguendj. Il le mit en
g2 RELATION
tiers entre lui et moi et prit toutes sortes de renseignements.
Au bout de quelques jours, il m'envoya chercher. 11 avait réuni
pour une audience solennelle les ulémas et les émirs. On avait
déployé un grand appareil de luxe.
Le mauvais état de ma santé ne me permettant pas de sup-
porter la fatigue d'une audience solennelle , je m'excusai en
faisant savoir que j'étais souffrant et que mon indisposition ne
me permettrait pas de me rendre à l'invitation qui m'était
adressée. Je dis que j'avais pris médecine et que non-seulement
je ne pourrais pas paraître à Taudience^ mais que je n'aurais
pas la force de m'y rendre.
On envoya de nouveau un autre personnage qui me dit :
« Khan Hazret, c'est-à-dire le Kharezm Chah vous attend et tous
les dignitaires de TÉtat ont les yeux fixés sur le chemin.» — Je
répondis : « Je n'ai pas la force de me rendre auprès de lui. S'il
avait été indispensable que j'allasse aujourd'hui à l'audience, il
aurait fallu me prévenir dès hier afin que je me fusse abstenu
de prendre médecine aujourd'hui ; maintenant, cela m'est dif-
ficile et je suis au moment où le remède doit agir. »
Enfin l'audience fut rompue. On imputa l'excuse que j'avais
alléguée à la fierté, à l'orgueil et à la présomption. Tout le
monde s'étonna de mon audace et de mon impolitesse, car à
Khiva les ordres du Khan sont considérés comme une révéla-
tion divine et personne n'aurait l'audace de s'y soustraire.
Enfin, il fut convenu qu'aussitôt que je serais rétabli, je ferais
connaître le désir d'avoir mon audience et que je m'y rendrais.
Au bout de quelques jours, je fis prévenir le Khan qui se
trouvait au jardin d'Engouri Nik (du bon raisin), appelé par
corruption Enguerik. Je pris avec moi Ata Niaz Mahrem ; je
saluai le Khan qui me rendit mon salut et m'adressa diverses
questions en turk. Il fit approcher un interprète, car il feignit de
ne pas comprendre le persan et moi je refusai de parler turk. Il
me demanda, tout d'abord, comment j'avais passé mon temps
ces derniers jours. Je lui répondis que j'avais été indisposé
et pris par la fièvre et que je n'avais pas de médecin capa-
DE l'ambassade AU KHAREZM g3
ble de me soigner. J ajoutai que les sages défendaient de ré-
sider dans une ville où ne se trouvait pas de médecin.
c Comment j me dit-il, avez- vous recouvré la santé? »
— « Grâces aux mesures que j'ai prises et qui, répondis-je,
ont concordé avec les arrêts du destin. » — En Perse et à
Téhéran, reprit-il, y a-t-il beaucoup de médecins? — Oui,
répondis-je; dans chaque rue et dans chaque quartier, il y a
des bureaux et des dispensaires où se tiennent des médecins
et où les étrangers et les indigènes ont recours à leurs consul-
tations. Les mesures ordonnées par ces médecins préviennent
et éloignent toutes les maladies. La plupart d'entre eux re-
çoivent des pensions et des appointements du roi. Un méde-
cin est attaché à, chaque régiment, soit en temps de guerre,
soit en temps de paix. En outre, quelques-uns sont chargés
par le gouvernement de vacciner les enfants et de tenij* un
registre de leurs noms. Us les préservent à jamais de la petite
vérole et de la cécité qui en est la conséquence. » Le Khan
fut émerveillé de ces paroles et ces mesures lui causèrent le
plus profond étonnement. J'ajoutai : « Le nombre des troupes
du Roi s'élève à cent mille hommes, et chaque régiment pos-
sède un médecin. Mirza Aly Naqy était l'un d'eux et il faisait
partie du régiment Efchar; aujourd'hui, il est sans emploi à
Khiva. »
Il me demanda des détails sur les régiments et je lui répon-
dis d'une manière qui le plongea dans la stupéfaction.
« Nous ne sommes pas sans renseignements sur le gouver-
nement persan et sur les rois Qadjar et Qizil Bach , me ré-
pondit-il, nous avons eu des relations avec eux à l'époque de
Feth Aly Chah et de Mohammed Chah. » — « Sous le règne de
Feth Aly Chah, repris-je, la plus grande partie de Tarmée se
composait de cavalerie ; il n'y avait, en fait de troupes réguliè-
res, que douze mille hommes de Tlraq pour la garde des
places et vingt-quatre mille fusiliers du Mazanderan. Mais ils
n'étaient point disciplinés; aussi l'infanterie persane, quand
elle fut aux prises avec les soldats russes, fut tantôt vaincue
94 RELATION
tantôt victorieuse. L'attention se porta donc sur l'organisa-
tion de l'armée et de rartillerie et sur leur approvisionnement.
Sous le règne de Mohammed Chah, il y avait vingt pièces de
siège et soixante régiments de soldats réguliers peu discipli-
nés. Aujourd'hui, en exécution des ordres de Nacir Eddin
Chah, 1 armée compte cent vingt mille hommes de troupes ré-
gulières et douze cents pièces de canon attelées, approvision-
nées de poudre, de gargousses et de boulets et de tout ce qui est
nécessaire en fait de projectiles. En outre, dans les provinces et
à la disposition des gouverneurs, il y a cent mille cavaliers
réguliers qui touchent une solde et des rations. Ils sont pré-
posés à la garde des frontières et ils attendent les ordres du
Roi qui sont aussi inflexibles que ceux du destin. S. M. donne
ses ordres pour ce qui concerne l'armée aux généraux, à TAd-
joudan Bachy de ses troupes aussi impétueuses que les flots
de la mer ; celui-ci a un état-major composé d'Émir Zadèh et de
colonels, à la capacité desquels est confiée Tadministration des
affaires militaires. Quand S. M. donne un ordre à FAdjoudan
Bachy, ses aides-de-camp le transmettent aux colonels, aux
généraux de brigade, et aussitôt, selon les règles d'une année
régulière, avec le plus grand ordre, l'artillerie et les régiments
se mettent en mouvement. Le sol tremble, les montagnes sont
ébranlées ; oui, ce spéciale peut donner une idée du jugement
dernier! Votre ambassadeur, Ata Niaz Mahrem, qui est allé à
Téhéran, a été témoin d'une partie de ce que je vous raconte,
H a vu la place devant la caserne royale où se trouvent quatre
cents chambres au rez-de-chaussée et quatre cents au premier
étage ; devant chacune de ces chambres où sont logés des sol-
dats d'infanterie, sont placés deux canons avec leurs caissons
remplis de boulets, de poudre et de gargousses. Si vous n'ajou-
tez pas foi à ce que je vous dis, voici votre ambassadeur ; il
est devant vous : demandez-lui si mon récit est inexact ou
véridique. En outre, en l'honneur des douze Imams, douze
mille hommes de troupes régulières tiennent garnison dans la
capitale pour faire le service de la place ; tous les jours, soir et
DE L* AMBASSADE AU KHAREZM 9 5
matin, ils font Texercice. Leur solde est payée tous les mois par
les officiers de la cour. Au bout d'un temps déterminé, ils sont
remplacés par d'autres soldats et ceux qui sont libérés retournent
dans leur pays où ils sont employés à différents services dé-
terminés. A l'extérieur et à l'intérieur de la ville, principalement
aux portes d'entrée, aux coins des rues et des carrefours, par
ordre du roi, on a élevé de solides édifices et de beaux péristyles.
Jour et nuit, des détachements occupent ces corps de garde
pour veiller au maintien du bon ordre.
Si parfois deux individus, violant les lois établies et les rè-
gles de la bienséance, viennent à se disputer, à se quereller
ou à se battre, on les arrête; on les punit et, après leur avoir
appliqué le châtiment édicté par la loi, on les relâche. J'expo-
sai en toute vérité et en toute sincérité quelques-uns des rè-
glements en vigueur en Perse. Le Khan écouta ces paroles,
avec une attention , un recueillement marqués. Dans son éton-
nement, il porta ses deux mains à sa poitrine, s'écriant trois
fois : Ya Hafyi! (ô Dieu protecteur!) La crainte et la terreur
le portaient à se mettre sous la garde de Dieu.
Autres questions du Khan de Kliiva,
Le Khan, relevant la tête , me demanda quel était Tàge du
Roi. Je lui répondis : « la naissance heureuse de ce monarque
fortuné a eu lieu le six du mois de Safer de Tannée 1246
(28 juillet i83o). S. M. a donc aujourd'hui vingt-deux ans. Les
astrologues ont prédit qu'elle régnerait pendant quarante ans,
entourée de gloire et de splendeur. » — « S'il en est ainsi, répartit
le Khan, le Roi de Perse est tout jeune et sans expérience. »
— « S. M. le Roi qui est le refuge du monde, répondis-je, est
jeune et vigoureux comme son heureuse fortune, mais il a la
96 RELATION
maturité d'esprit et toute l'expérience d'un vieillard et d'un
homme accompli. Il n'est point ignorant comme les autres
souverains. Sa science est innée, et Dieu lui a donné en par-
tage les plus brillantes qualités de Fintelligence. En outre, il
est orné de toutes les perfections physiques et morales, et il
est exempt de toute imperfection apparente ou cachée. Aussi-
tôt qu'il s'est acquitté des devoirs et des obligations que lui
impose le pouvoir souverain, sa sollicitude le porte à rem-
plir les devoirs de la religion et de la dévotion et à se présenter
devant son Créateur pour s'humilier devant lui et implorer sa
protection. Tous les soirs, après qu'il a achevé ses prières et
ses exercices de piété, on allume dans son cabinet des bougies
supportées par des flambeaux enrichis de pierreries; puisse
rame de. ses ennemis venir comme des papillons se brûler à
leur flamme! On place devant lui des volumes d'histoire reli-
gieuse et de traditions, les vies des prophètes et des chroniques.
Son regard qui a les propriétés de l'alchimie en pénètre les vé-
rités et il se livre à de profondes réflexions sur les événements
qui ont trait à la religion et au gouvernement des Etats. Sa sa-
gesse et sa perspicacité puisent de nouvelles forces dans les
exemples qui nous sont légués par le passé. Il s'occupe de géo-
graphie en consultant les cartes des sept climats. 11 étudie la
longitude et la latitude des contrées qui sont rapprochées ou
éloignées de son royaume, des pays Turks et Persans. Il a ac-
quis dans cette science des connaissances si étendues et si solides,
qu'il connaît mieux les provinces de l'empire Ottoman, de la
Russie, de Tlnde , du Touran que les habitants mêmes de ces
pays. »
« Ainsi, lorsque S. M. me donna l'ordre d'entreprendre le pé-
nible voyage de Khiva, elle me dit que, d'Esterâbad à Khiva,
la route était difficile et qu'il fallait traverser un désert sans
eau et sans végétation, et elle me fit connaître sur la route les
quelques stations où l'on trouve des puits d'eau douce et celles
où on ne trouve qu'une eau saumâtre et non potable. L'événe-
ment a confirmé les paroles de S. M. »
a.^h!
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 07
Mon récit augmenta la surprise du Khan qui s'écria plusieurs
fois : « Pardon! pardon! ô Dieu gardien! ô Dieu gardien! » Il
me demanda alors : « Comment est le Roi actuel comparé à
Feth Aly Chah et à Mohammed Chah , que Dieu leur fasse
miséricorde? » Je lui répondis : « Pour rendre hommage à la
vérité, je dois déclarer que, parmi tous les rois et les souverains
des sept climats ^ il n'y en a aucun qui soit plus noble, plus
équitable et plus instruit que S. M. le Roi de Perse. » Il réflé-
chit un instant : « Et comment cela? » me demanda-t-il. — « Je
suis au courant des dynasties étrangères, répondis-je ; je sais que
les sultans de Constantinople remontent à Osman bey et qu'ils
se rattachent aux Turkomans et aux Seldjouqides. Je sais ce
que sont la France, l'Angleterre, la Russie et les autres Etats.
Quelques-uns de ces souverains sont, en effet, de noble race,
mais aucun d'eux n'est assis sur le trône en vertu des droits
qu'il tient de son père et de sa mère. Le Roi de Perse est sur
le trône à ce double titre, car la tribu des Qadjar se divise en
deux branches : les Qavanlou et les Devalou. Dans le prin-
cipe, la souveraineté fut départie aux Qavanlou et la dignité
d'émir aux Devalou ^ Les mères des précédents souverains
Qadjar n'étaient pas de sang royal, tandis que la mère du Roi
actuel est la petite-fille de S. M. Feth Aly Chah; il réunit donc
en lui la noblesse du père et celle de sa mère. Il est de la bran-
che des Qavanlou, Sultan fils de Sultan, Khaqan fils de Kha-
qan. ^
Vers. -- « Ce Roi réunit en lui la noblesse du père et celle de
la mère ; il est un Khosrau possesseur de la couronne à ce dou-
ble titre. Quel est le prince de la dynastie des rois de Perse
qui a eu une pareille noblesse? Ni Key Khosrau, ni Qobad
ne l'ont point possédée. »
I. Lorsqu'Aga Mohammed Khan fit épouser à son neveu Feth Aly Chah qui monta
après lui sur le trône, la fille de Feth Aly Khan Qadjar Devalou, il fut convenu que le
pouvoir souverain se perpétuerait dans la branche des Qavanlou et que les grandes
fonctions de la cour et de TÉtat seraient réservées aux Devalou.
g8 RELATION
Après que j'eus donné ces détails sur la généalogie et sur la
noblesse du Roi, le Khan me questionna au sujet du Newab
ChoudjaousSalthanèh Hassan Aly Mirza. Je lui exposai tout ce
qui concernait ce personnage ; je satisfis aussi son désir au
sujet d'Acef oud Daoulèh et de son fils '. Il me demanda aussi
des détails au sujet de Djafer Qouly Khan, chef kurde de Bou-
zoundjerd et sur son séjour à la cour de S. M ^ Par ce qui me
fut dit, je compris que les Khiviens^ les Tekèh et les Yomout
avaient eu à souffrir de ses expéditions ; que^ dans ses cour-
ses, il leur avait enlevé beaucoup de prisonniers ; qu'il leur
causait de vives appréhensions et une grande terreur et qu'ils
redoutaient son autorité dans les provinces du Khorassan. Il
fut question de Serakhs. « J'ai envoyé, me dit le Khan^ Ata Niaz
Mahrem à Téhéran pour témoigner de mon bon vouloir et
de la sincérité de mes sympathies. Le Roi de Perse vous a
chargé d'une mission au Kharezm^ et^ dans ces circonstances,
une marche de Tarmée persane dans la direction de Serakhs
et d'Esterâbad serait un fait en contradiction avec les senti-
ments de Tamitié. » — <i L'arrivée de Tarmée à Esterâbad, lui
répondis-je, n a d'autre but que celui d'assurer le bon ordre
sur cette frontière et d'arrêter les déprédations des Turkomans.
Ce mouvement ne menace ni votre pays, ni les tribus qui vous
sont soumises. Quant à la présence du Newab Hussam ous
Salthanèh devant Serakhs, cette expédition n'a été entreprise que
parce qu'il est notoire que Serakhs, de même que Merv, ne
reconnaît pas votre autorité et que cette ville ne cesse d'ê-
tre un foyer de troubles. Si on avait su que les habitants de Se-
1. Allah Yar IvIiaq Devalou qui avait reçu le titre honoriiique d'Acef oud Daoulèh,
était le rils de Mirza Mohammed Khan, Roukn oud Daoulèh, gouverneur de Téhéran à
la mort d'Aga Mohammed Khan. Feth Aly Chah pour reconnaître ses services lui con-
fia les fonctions de vézir et plus tard celles de grand chambellan.
Accf oud Daoulèh épousa une fille de ce prince, et sa sœur fut une des femmes légitimes
d'Abbas Mirza. Acef oud Daoulèh a composé des poésies sous le nom de Hadjib.
Son fils Hassan Khan Salar prit une part active au soulèvement du Khorassan au com-
mencement du règne du roi actuel. — Fihrisout Teivarikh^ tome IX", page 345.
2. Le chef kurJc de Bouzoundjerd, Djafer Qouly Khan était le fils d'Emir Gounèh
Khan; il fui envoyé comme ôiagc à Téhéran} il mourut gouverneur d'Esté: âbad.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM gg
rakhs étaient vos sujets, on n'aurait pas marché contre eux.
En outre, cette expédition n'a point été résolue sur Tor-
dre des ministres de la cour de Perse. Hussam ous Salthanèh
ne l'a tentée que sur les instances réitérées des Khans du Kho-
rassan. La preuve que le Roi est étranger à cette tentative,
c'est que, lorsque votre envoyé a proposé de retirer vos trou-
pes, si Hussam ous Salthanèh voulait battre en retraite, celui-ci
y a consenti. S'il avait reçu des ordres du Roi, il ne se serait
pas retiré avec autant de facilité. »
« Hussam ous Salthanèh est le fils d'un prince qui, semblable
à Darius, a eu les vastes desseins d'Alexandre et le génie guer-
rier de Djenguiz. Lorsqu'il marcha contre Serakhs, la popu-
lation du Kharezm passa les nuits dans l'insomnie. Malgré la
grande distance (qui les sépare du Khorassan) les habitants de
Gourgandj, de Kât, de Hezaresp ne goûtaient point une heure
de repos, »
« Si dans ces conjonctures, on a montré des sentiments de
conciliation^ c'est à cause de la puissance du souverain de la
Perse qui a le ciel pour vestibule. Si S. M. le Roi de Perse
n'avait pour le souverain du Kharezm ni égards, ni déférence,
ni sympathie, sur un signe d'elle quelques régiments et quel-
ques batteries d'artillerie se dirigeraient sur Seraks et détrui-
raient cette ville de fond en comble. Je connais la situation de
votre pays. 11 est en butte, d'un côté, à l'hostilité de Boukhara,
de Merv et de Hérât; de l'autre, il est exposé aux attaques de
Tarmée russe qui vous guette. Les frontières de vos Etats ne
sont point éloignées d'Esterâbad et elles confinent aussi àDerèh-
guèz et au Khorassan. Réfléchissez à ce qui vous est le plus
profitable. Considérez qui peut vous donner appui et protec-
tion. Si quelques gouvernements étrangers vous montrent de
la sympathie, ces dispositions sont basées sur leur propre in-
térêt. Ils vous ont dans la main pour avancer leurs propres
affaires et agir contre vous, et ils vous prennent comme un bou-
clier pour se protéger contre les malheurs qui peuvent les attein-
dre. Ainsi, la nation qui est la plus rapprochée de vous est l'alliée
100 RELATION
de l'Emir de Boukhara et votre ennemie. Une autre, qui est en-
core plus voisine de Boukhara, affecte d'être votre amie; mais,
en réalité, elle ne désire, pour satisfaire ses intérêts, que susciter
les musulmans les uns contre les autres. »
Vers. — j' De quelque côté qu'il y ait des hommes tués (parmi
les infidèles), l'avantage sera toujours pour l'islamisme.»
« Vos ministres ne se préoccupent nullement des affaires.
Leur conduite est si odieuse et si pleine d'hypocrisie, qu'aux
yeux des musulmans des autres pays, ils ne valent pas un
grain d'orge. Les sujets du Roi de Perse vont en Turquie, en
Russie, dans Tlnde et en Europe. Ils y vivent entourés d'é-
gards et ils reviennent en Perse sains et saufs. Il n'y a que
sur les confins de vos Etats que les choses se passent autre-
ment. Vos sujets sont pleins d ardeur pour piller et pour réduire
en captivité les musulmans, pour les molester et pour les tyran-
niser. Pourtant^ nous avons le même Qoran, le même Qiblèh ,
le même Prophète et le même Dieu ; et il n'y a ni verset du
Qoran ni tradition qui autorisent une pareille conduite. »
c Les ulémas, répondit le Khan, disent qu'injurier les deux
Cheikhs ' est un blasphème et Ton sait quelle doit être la puni-
tion des blasphémateurs. Les Persans ont introduit des innova-
tions; ils injurient et maudissent les plus nobles des compa-
gnons du Prophète et, d'après la décision juridique des muftis
de Boukhara et du Kharezm, ils sont hérétiques et infidèles.
S'emparer des biens et de la personne des infidèles est une
obligation religieuse. » — Moi qui suis un des serviteurs de la cour
de Perse, repris-je, je suis ici pour parler en homme politi-
que ; la controverse regarde les ulémas des différentes sec-
tes. Il n'y a pour moi aucune utilité à entamer de pareilles
discussions. Si on avait voulu approfondir vos croyances et les
discuter, on aurait envoyé ici un mufti ou un qadi. Mais il y a
I. Les Khalifes x\bou Bekr ei Omar.
DK LAMBASwSADE AU KHARf-ZM 101
de longues années que ces disputes sont engagées et que, des
deux côtés, on a échangé des traités, des thèses, des livres et
des sermons, sans pouvoir arriver au but que l'on s'était pro-
posé. Ceci est un fil dont le bout est bien éloigné. >^
€ Autrefois, la plus grande partie des habitants de la Perse
étaient adorateurs du feu ; après la fondation de Tislamisme, ils
suivirent la doctrine de la tradition. Après les Khalifes, lesOm-
miades s'emparèrent du pouvoir et ils entrèrent en lutte avec
Aly, fils d'AbouThalibet ses très-glorieux enfants. L'histoire de
la lutte de Moavièh fils d'Abou Sofian à Siffin, de la bataille de
Kerbela, du martyre du cinquième Imam delà famille du Pro-
phète * et du khalifat de Yezid est plus claire que la lumière du
soleil. Quand le khalifat fut dévolu à Abdallah es SafFah et à
la famille d'Abbas, les Ommiades furent poursuivis, persé-
cutés et massacrés. On alla même jusqu'à ouvrir les tombeaux
des membres les plus illustres de cette dynastie, et dans quel-
ques-uns, on ne trouva que des cendres. »
« Le khalifat resta longtemps aux mains des Abbassides et,
sous tous leurs règnes, on accabla de mauvais traitements, soit
ouvertement, soit en secret, les Imams de la bonne direction et
les Seiyds Fathimites de la famille de Hachim. On sait de plus
que les Khalifes ont été aussi divisés ; les Abbassides et les Om-
miades étaient ennemis ; cela n'empêche pas les musulmans qui
suivent la tradition de les reconnaître pour souverains légitimes
et de les appeler vicaires de Dieu et du Prophète. »
« Moavièh et les Ommiades sont les premiers qui aient chargé
d'injures Aly et l'aient accusé d'hérésie ; pendant soixante-dix
anSj on a, dans les chaires des mosquées, insulté et maudit son
nom. Omar fils d'Abdoul Aziz abolit cette coutume. Ensuite,
I. Le texte porte o la famille du manteau >- (Ali yVba). Le prophète Mohammed appela un
jour auprès de lui, à Taube, Aly, Faihimch et ses deux fils et, ouvrant le manteau en laine
noire dont il était couvert, il les pressa sur son sein en récitant le verset : a Obéissez
à Dieu et à son apôtre, Dieu ne veut qu'éloignei de nous l'abomination de la vanité et
nous assurer une pureté parfaite. » CQoran, chap. xxxni, verset 33.) Et il ajouta : uO mon
Dieu! ceux-ci sont les membresde ma famille.» Depuis ce jour, Aly, Faihimèh, Hassan et
Hussein furent désignés par le nom de Ali Aba.
102 RELATION
ainsi qu on le lit dans le livre des « Religions et des sectes phi -
losophiques ' >» , on vit surgir un grand nombre de sectes : Les
Kharidjy, les Moutazelèh, les Achary, les Zeydièh, les Is-
mailièh , les Afthahièh ^ . C'est alors que la grande fraction
1. Le livre des religions et des sectes philosophiques (Kitab oui MUel ouen Nihal)
a été composé par l'Imam Aboul Feth Mohammed ibn Abdoul Kerim Chehristany
(348-1153}. Le texte de cet ouvrage a été publié par M. W. Cureton sous le titre de
a Book of religions and philo sophical sects. » London, 1842.
Nouh Efendy (1070-1659), auteur d'une histoire d'Egypte, a donné de cet ouvrage une
traduction turque qui a été imprimée au Caire, en I263 (1848), i vol. 8«.
M. Haarbrûcker Ta traduit en allemand. « Religionspartheien und Philosophen-
schulcn aus dem Arabischen ûberset^t von Th. Haarbrûcker, Halle, i85o-i8di. Je pos-
sède dans ma biblothèque un exemplaire de l'ouvrage de Chehristany copié au xiii* siè-
cle qui a appartenu au célèbre grand vézir Mehemmed Raghib Pacha et qui porte des
notes de sa main.
2. Les Kharidjy qui se subdivisent en six sectes ne reconnaissent ni Osman ni Aly; ils
professent la doctrine que les péchés enlèvent la foi et que tout musulman a le droit de
refuser obéissance à un Imam qui s'écarte des prescriptions consacrées ptv la sounnah
ou tradition.
Les Moutazelèh sont les sectateurs de Wassil ibn Atha el Ghazzal disciple de Has-
san el Basry. Wassil enseignait que le Qoran n'est point incréé ni par conséquent éter-
nel; que la foi peut subsister malgré les péchés et sans la pratique des bonnes œuvres;
enfin, qu'il n'y a point en Dieu d'attributs séparés de son essence. Le Khalife Waciq et
quelques-uns de ses successeurs adoptèrent les idées de Wassil. Les Moutazelèh por-
tent aussi le nom de Mouaththil^ parce qu'ils dépouillent Dieu de ses attributs.
Les Achary sont les adhérents d' Aboul Hassan Aly ibn Ismayl el Achary qui s'est
appliqué à définir les attributs de Dieu dans lesquels il voit des propriétés et des qualités
distinctes de la divinité, tandis que, pour d'autres théologiens, ces attributs indiquent
différents états de la divinité. Aly cl Achary insistait, en outre, sur l'importance de la
révélation et des promesses de Dieu, sur leur caractère immuable et sur leur perfection
complète. Il voulait que la dignité d'Imam fût élective et que sa collation ne fût pas
réglée par une loi.
Les Zcydiyèh suivent la doctrine de Zeyd fils d'Aly, fils de Hussein, fils d'Aly, qui
enseignait que l'Imamat devait être exclusivement réservé aux descendants de Fathimèh.
Tout Fathimy, qu'il soit de la souche de Hassan ou de celle de Hussein, peut être Imam.
Ils admettent, en conséquence, que deux Imams peuvent exister dans deux localités dif-
férentes. Les Zeydiyèh, pour tout ce qui se rattache à la foi, suivent la doctrine des
Moutazelèh.
Les Ismaylièh prétendent que l'Imam qui a succédé à Djafer était Ismayl son fils et
cette assertion est appuyée sur le témoignage unanime de ses enfants : ils ne sont point
d'accord sur l'époque de la mort d'Ismayl. Ils se divisent en Moubarekyeh qui disent
que l'Imamat s'est éteint avec la personne de Mohammed fils d'Ismayl, et enBatkinyèh
qui-enscignent la continuation de l'Imamat. Ceux-ci sont les plus nombreux.
Les Afthahyèh affirment que les Imams descendent d'Abdoullah el Afthah fils d'Abou
Abdallah Djafer, fils de Mohammed es Sadiq, frère d'Ismayl. Mohammed es Sadiq avait
chargé un de ses compagnons de remettre la dignité d^Imam à celui qui en ferait la de-
DE l'ambassade AU KHAREZM 1 o3
des Imamièh voyant que tout était en ruines^ que les mers n'é-
taient qu'un ihirage, se conforma à ces paroles : « Ma famille est
semblable à l'arche de Noé; celui qui s'y embarque est sauvé, et
celui qui s'en éloigne périt dans les flots » , et monta sur le vais-
seau de l'amour de la famille du Prophète pour échapper au
déluge. »
€ L'imputation d'hérésie et les injures existent depuis long-
temps. Il y eut une recrudescence sous la dynastie des Sèfèvy.
Nadir Chah y mit un terme et il voulut faire cesser tout dissen-
timent au sein de l'islamisme. Après lui, les souverains ori-
ginaires du Lour ne s'occupèrent pas de cette question \ Les
ignorants et les savants poussèrent les choses jusqu'à l'exa-
gération. Bien que Feth Aly Chah témoignât beaucoup de
bienveillance aux ulémas et aux personnages renommés pour
leur dévotion 3 il défendit et proscrivit toutes ces accusa-
tions d'hérésie. Mohammed Chah fit à ce sujet les défenses
les plus sévères. Sous le règne du roi actuel, personne n'a
l'audace de prononcer des paroles aussi oiseuses. Si quel-
qu'un osait injurier les Khalifes, on allégerait son cou du poids
de sa tête. i> — « S'il en est ainsi, dit le Khan, c'est bien. » -
mande. C'est à ce titre qu'elle fut conférée à Abdallah el Afthah. Il mourut soixante-dix
jours après son père, sans laisser d'enfants mâles.
Les Chiites Imamyèh soutiennent qu'après la mort du prophète, l'Imamat devait reve-
nir à Aly, non point en vertu de certains droits, mais par suite d'une désignation spé-
ciale de Mohammed. Les Imamièh comptent vingt sectes qui sont divisées au sujet
de la transmission de l'Imamat après Hassan et Hussein et Aly fils de Hussein.
1. Les souverains du Lour (Selaihini Elwarièh), L'auteur désigne sous ce nom la dy-
nastie des Zend dont le chef Kerim Khan gouverna la Perse après la mort de Nadir Chah.
Kerim Khan, fils d'Ouynaq, était originaire de Perièh .village du district de Melayr.
Son père était un personnage notable de la tribu des Feïly, frac li on considérable de la
grande tribu des Zend.
Kerim Khan, pendant son règne qui dura trente ans et huit mois, ne voulut jamais pren-'
dre que le titre de Vekil. (Lieutenant, délégué.) Il eut pour successeurs Aboul Feth Khan
Sadiq Khan, Aly Murad Khan et Djafer Khan. Le dernier prince de cette maison, Louthf
Aly Khan, fait prisonnier à Nermachir, fut mis à mort à Téhéran par ordre d'Aga Mo-
hammed Khan Qadjar.
L'histoire de cette dynastie, qui compte six princes qui ont régné pendant quarante-
trois ans (iiC5-i2o8 [1751-1794]), a été écrite par Mirza Sadiq Mervy, sous le titre de
Tewarikhi Zendièh,
I04 RELATION
u C'est l'exacte vérité, répondis-jc. — i La cause de notre ini-
mitié contre les Persans, poursuivit-il, se trouve dans l'imputa-
tion de l'hérésie et les injures dont ils chargent la mémoire des
Cheikhs (les deux premiers Khalifes) : mais quel est le motif
de la haine que nous portent les Qizil Bach? « — ^ De même,
repris-je , qu'on vous a dit que la plus grande partie des habitants
de la Perse sont des hérétiques et que ce motif vous a poussés à
les détester, de même les Persans s'imaginent que vous n'avez
aucune vénération pour Aly, ni pour ses très-glorieux enfants.»
— « A Dieu ne plaise, s'écria le Khan, que nous n'ayons point de
respect pour Aly ! Nous le reconnaissons pour le quatrième et
le plus savant des Khalifes. Si, dans toutes les affaires du kha-
lifat, on avait suivi ses conseils et déféré à ses avis, jamais il
n'y eût eu de dissension. L'histoire du khalifat est racontée
dans tous ses détails dans le Raouzet ous Sefa '. »
a Votre serviteur, répartis-je, a grandi et a été élevé dans la
province de Fars; il en a parcouru les côtes et les ports à plu-
sieurs reprises. Il y a, dans ces parages, environ trente mille
individus qui siVivent le rite Chaféite. De même, dans le Laris-
tan et dans les autres districts du Fars, les sunnites sont nom-
breux et ils vivent paisibles et tranquilles. J'ai séjourné au milieu
d'eux; quant à moi, je garde mes convictions et je n'ai aucune
prévention dans les questions de sectes religieuses. Mais il y a
en Perse une classe d'individus que l'on nomme Imamièh et
qui, sur quelques points, sont dans le vrai; ils sortent tou-
jours victorieux des discussions qu'ils ont avec les docteurs
sunnites. Entre autres assertions, ils affirment que, pendant
sa dernière maladie, le Prophète demanda une écritoire et du
papier pour rédiger ses dernières dispositions et son testament,
afin que son peuple ne déviât point de la route qu'il lui avait
tracée. Omar ibn Khattab l'en empêcha ouvertement, et ce fait
est notoire. »>
I. Raou:{Cl ous Se/a (le jardin de la purct»^) par Mirkhond. Cetie histoire universelle
si connue aété publiée dans ces dernières annc:s à Bombay, à Delhy et à Téhéran.
DE l'aMBASSADK AU KHARKZM 105
u Ils ajoutent^ en outre, que si Omar avait eu de Taffection
et du dévouement pour le Prophète, pourquoi donc aurait-il
abandonné, étendu sur la terre, le corps de cet auguste person-
nage pour courir au banc des Béni Sa'idèh ' afin de forcer les
Musulmans à le proclamer Khalife? De plus, disent-ils, si le
khalifat avait dû être accordé en vertu d'une recommandation
spéciale, le Prophète avait près de la mare de Khoumm ^ dé-
signé Aly pour cette dignité. Pourquoi cette résolution n a-t-elle
point été confirmée ? »
« Si la dignité de Khalife avait dû être accordée par le suffrage
de tous, pourquoi Abou Bekr n'a-t-il pas permis qu'il en fût
ainsi et pourquoi désigna-t-il Omar et ordonna-t-il qu'il fût son
successeur? Si, au contraire, la recommandation est la seule dis-
position qui soit valable, pourquoi Omar s'en est-il remis à l'as-
semblée des Musulmans pour le choix de celui qui devait lui suc-
céder? Il n'a donc reconnu comme légales ni les recommanda-
tions testamentaires ni les décisions dune assemblée. Nous avons
en Perse un proverbe fort connu qui dit qu'une terrasse ne peut
avoir deux températures. Si Ton s'en réfère à ce que je viens
d'exposer, une seule terrasse peut en avoir plusieurs. Ces Ima-
mièh reconnaissent que l'amour que l'on porte au Prophète et à
sa famille est une cause de salut; ils reconnaissent les douze
Imams et leur conduite est réglée sur les versets du Qoran et sur
les traditions. Cette secte a pour adhérents un grand nombre de
gens pieux, de vrais serviteurs de Dieu, de savants et de doc-
teurs.» Le Khan du Kharezm, après avoir entendu ce discours.
i.Le Saqifèh des Béni SaMdèh à Midine était un long banc protégé par un auvent con-
tre les rayons du soleil. Les Béni SaMdèh étaient une fraction des Ançars qui descen-
daient de Sa'idèh fils de Ka'ab, fils de Khazradj et fils d*Amr. C'est au Saqifèh dts
Béni Sa*idèh que les Musulmans prêtèrent serment au Khalife Abou Bekr. Yaqout :
Moudjem oui bouldan, édition de M. Wûstenfeld, tome III. page 104. Siret our res^
soûl d'Ibn Hicham. Gœttingen, iSSg, 2« partie, page 101 3.
2. Ghadir Khoumm (la mare de la cage) est située entre la Mekke et Médine à trois
milles de Djouhfah. C'est dans celte localité que le Prophète fît monter Aly sur le bât
d'un chameau et le présenta au peuple comme son successeur immédiat. Les Chiites cé-
lèbrent cet événement le 18 du mois de Zoul hidjèb. — (Yaqout, tome H, page 471.)
I06 RELATION
réfléchit pendant quelques intants et s'écria : « Cette secte a pour
Aly un singulier respect ! » Je repris : « Il y a en Perse une autre
secte qui, professant sur la dignité d'Aly des opinions exagé-
rées, le met au-dessus des trois Khalifes : c'est celle des Mou-
fazhzhilèh. Il y en a aussi une autre qui le place sur le
même rang que le Prophète de Dieu et qui ne voit entre eux que
la différence qui existe entre la qualité de Prophète et celle de
Vely. .
« Voici, s'écria le Khan, une étrange croyance! >
« Une autre secte, ajoutai-je, reconnaît Aly comme Dieu et
lui donne le nom de « créateur de toutes choses » '. A ces mots, le
Khan de Khiva ne put cacher sa stupéfaction : » Que Dieu nous
préserve, s'écria-t-il, d'une croyance aussi fausse ! Les gens qui
la suivent sont des infidèles : pourquoi le Roi n'ordonne-
t-il point de les massacrer tous. « — « Cette croyance, répon-
dis-je, est tenue secrète; en apparence, ceux qui la suivent ne se
distinguent en rien des autres Musulmans. En outre, cette secte
a des ramifications dans le monde entier: elle est fort nombreuse
en Perse où elle compte plus de cent mille familles. Le plus
grand nombre de ceux qui y adhèrent remplissent des fonc-
tions publiques et sont attachés à la cour. Quelques-uns sont
cavaliers, vingt ou trente mille sont au service de Tétat, d'au-
tres servent dans Tinfanterie régulière. »
« Les gens qui ont adopté cette opinion sont belliqueux et
iis sont les ennemis irréconciliables des sunnites. Ils jugent
qu'il est nécessaire de verser le sang de ceux qui reconnaissent
les quatre amis (les quatre Khalifes). Toutes les fois que S. M.
le Roi leur ordonnera d'attaquer et de combattre soit les sol-
dats de la Turquie ou ceux de Boukhara, soit les Turkomans, ils
marcheront contre les sunnites avec la plus grande ardeur, avec
la haine et l'animosité les plus violentes, sans qu'il soit besoin de
I. Les doctrines des Aly Allahy sont expliquées par l'auteur du Dabisian oui Me:{a^
hib. Edition de Bombay, 1262, pages 246-248, et tome I, pages 451-460 de la traduction
de cet ouvrage publiée par M. D. Shea et A. Troyer, Paris, 1843.
DE lVmbassade au kharezm 107
leur assigner ni paie ni solde. Ils estiment que mettre à mort des
sunnites est Faction la plus méritoire et que répandre leur sang
est chose licite aux yeux de la loi. « Ces paroles bouleversèrent
l'esprit du Khan : il fut hQrs de lui et^ portant les mains à sa
poitrine, il s'écria : « Pardon, pardon ! 6 Dieu gardien ! Pour-
quoi le roi de Perse ne détruit-il pas cette secte en ordonnant
un massacre général? » — « Tuer cent mille sujets et serviteurs,
répartis-je, n'est point chose facile : ce serait de plus faire écla-
ter une révolution en Perse. Du reste, ajoutai-je, toutes les
croyances y sont représentées. On y rencontre des Juifs,
des Chrétiens, des Guèbres et des Indiens qui ont dans chaque
ville leur quartier, leurs maisons , leurs lieux d'adoration et
leurs temples ; ils agissent selon les préceptes de leur foi et
paient l'impôt de la capitation. Si donc vous entendez dire qu'il
y a, dans les états du Roi, quelques hérétiques, ne concluez pas
de là que tous les Persans le soient. Il y a en Perse quantité
de gens de toutes croyances et de toutes religions. »>
Vers. — « On ne peut point ordonner un massacre général:
on ne peut ainsi mettre fin au monde ! •>
Le Khan me questionna ensuite sur la secte des Kharidjy. Je
lui racontai en détails la bataille de Siffin » , je lui parlai des Kha-
ridjy de Nehrevan, et de leur défaite totale - . Je lui dis qu'un
état et qu'une nation formés des débris de ces Kharidjy exis-
taient de nos jours à Masqate, sur la mer d'Oman. Il en fut
étonné. Je lui développai ensuite l'histoire des Khalifes Ismaï-
liens d'Egypte, du Maghreb et de leur lutte contre les Abbassi-
z. Les armées de Moavièh et d*AIy restèrent pendant cent dix jours, en face Tune de
l'autre à Siffin, située sur la rive occidentale de l'Euphrate, entre Raqqah et Balis. Il y eut
quatre-vingt-dix engagements pendant lesquels Aly perdit vingt-cinq mille hommes,
et vingt-cinq compagnons du Prophète qui avaient assisté à la bataille de Bedr, et Moa-
vièh quarante-cinq mille hommes. La bataille qui devait être décisive et dont Moavièh
évita la perte par un stratagème, commença le matin du i" Safer de Tan 3j (657).
2. Aly défit les Kharidjy commandés par Abdallah Ibn Wahib à Nehrewan Tan 38
de rhégire (658).
I08 RELATION
des. Je lui touchai quelques mots des sectaires du Qouhistan ^
De pareils événements se sont produits en Perse et s'y produi-
ront encore. Je mentionnai les Babys et je parlai de leur des-
truction et de leur anéantissement. Il en rendit grâces au Roi
et dit au Mchter son vézir : « Cet homme est au courant de tou-
tes choses et il a une instruction étendue; s'il voulait rester parmi
nous^ il nous serait fort utile et sa science nous serait d'un bien
grand secours pour les affaires de la religion et de TEtat.» Il m'in-
terrogea ensuite sur les routes du Kharezm^ sur les Cheikhs qui y
sont en vénération^ sur leurs tombeaux, sur les distances qui
séparent les différentes localités. Je fis réponse à toutes ses
questions. Je lui récitai quelques morceaux des poésies du
Cheikh Nedjm oudDinKoubra et de Pehlivan Mahmoud Kha-
rezmy. Je les mis par écrit et des copies en circulèrent, t Ja-
mais, continua le Khan, un pareil ambassadeur n'est venu de
Perse au Kharezm. Nous avons vu ici un nommé Mirza Riza,
mais il ne savait que se divertir, se livrer au jeu et au plaisir,
boire et fréquenter les femmes. Il fut pour nous une cause d'em-
barras. Quant à cet homme, il est très -savant : évidemment
c'est un saint. Demandez-lui tout ce que vous voudrez, il vous
répondra, et tout ce qu'il dit est vrai : il ne parcourt point la
voie du mensonge. »> Se tournant ensuite vers moi, il ajouta :
« Il est heureux que vous soyez venu; j'avais des doutes sur bien
I. Les sectaires du Qouhistan sont les impics iMoulhidjqui acceptèrent les doctrines
de Hassan ibn Aly Houmeiry et de Khand Hassan et s*emparèrent du Qouhistan, de Qaz-
bin et du château d'Alaraout. Ils reçurent les noms de Feday, de Bathiny et d'Ismaîly.
Leur dernier chef Roukn oud Din Khour Chah fut mis à mort par Houlagou.
Les doctrines et Thistoire des Ismally du Qouhistan et de Roudbar ont été exposées
par M. de Hammer dans son a Histoire de l'ordre des Assassins », traduite par M.
Helleri, Paris, i833. Le lecteur pourra également consulter rintroduction de V a Ex-
posé de la religion des Druides », par M. le baron Sylvestre de Sacy, Paris, et les
tt Fragments relatifs à la doctrine des Ismaélisn, par M, Guyard. Paris, 1874, in-4".
Je crois devoir, en outre, signaler un opuscule fort curieux qui a pour titre : Traicté
de Vorigine des anciens Assassins Porte-couteaux : avec quelques exemples de leurs at-
tentais et homicides es personnes d'aucuns Roy s, Princes et Seigneurs de la Chrestientét
par M, Denis Lebey de Batilly, conseiller du Roy, M* des requesies de son hostel et Cou-
ronne de Navarre et commis par Sa Majesté à Vexercice de Vestat de président en la
ville de Mets, i6o3, in-12, 65 pages. L*auteur a extrait des ouvrages des historiens occi-
dentaux tous les faits relatifs aux Ismaïliens et à leurs doctrines.
DE l'ambassade AU KHAREZM lOQ
des choses et vous les avez dissipés ; vous aussi, de votre côté,
enlevez toute prévention aux Persans : dites-leur que, comme
eux^ nous sommes musulmans, que nous suivons la route de la
tradition et de la communauté des fidèles. Le qalian qui est une
innovation bien inutile est prohibé dans notre pays. Les châ-
timents et la peine de mort ne sont appliqués que conformément
à la loi religieuse sur une décision juridique du grand Qadi.
Nous professons un respect sincère pour le chef des croyants Aly
et pour ses très-glorieux enfants. Pourquoi donc les Persans nous
prêtent-ils de mauvais sentiments à Tégard de cette illustre fa-
mille? » — c La cause de la haine que vous portent les Persans,
répondis-je, est dans l'habitude que vous avez de les réduire en
captivité, eux qui sont musulmans. y> — « Quand sommes-nous
allés en Perse? répliqua-t-il. Quand avons-nous enlevé des pri-
sonniers? » — « Si vous ne l'avez point fait vous-même, repris-je,
vos sujets les Turkomans, Tekèh, Yomout, Salour, Sarouq,
ceux d'Akhal, de Serakhs et de Merv, se livrent à ces dépréda-
tions. »
« Si Merv dépendait de moi, répondit-il , enverrais-je tous
les ans une expédition contre cette ville ? Voici plusieurs an-
nées qu'ils ont tué les officiers de mon Mehter et qu'ils se sont
révoltés. Les Tekèh et les Salour ne reconnaissent pas non plus
mon autorité : ceux de Serakhs affectent tantôt de m'être sou-
mis et tantôt ils se soulèvent contre moi. »> — '• Donnez-moi, lui
répondis-je, une déclaration écrite qui atteste que ces gens ne sont
point vos sujets et qu'ils se livrent à ces actes condamnables de
leur propre autorité, afin que nous le sachions et que nous ayons
raison de ces tribus. Grâces à Dieu, le gouvernement persan est
en paix avec toutes les puissances. Ses troupes sont pleines d'ar-
deur et prêtes à combattre; son artillerie est nombreuse; sur un
signe des ministres de la cour, elles anéantiront ces tribus re-
belles.» — « Ce sont les fils d'Acef oudDaoulèh et Djafer Qouly
JCurd qui enlèvent les sujets du roi et qui les vendent aux Tur-
komans, me répondit le Khan. Qu'ai-je à y voir? » — « Empê-
chez qu'on ne les vende I » m'écriai-je.
" Si les Kharezmiens ne les achètent pas, poursuivit le
les Boukharcs les achèteront. ■
a Défendez-le, r(3parlis-je, nous trouverons le moyen d'em-
pêcher que ceux-ià les achètent. Quand les négociants appor-
tent des marchandises à Téhéran et qu'elles ne trouvent point
d'acheteurs, ils s'abstiennent d'en rapporter l'année suivani
Quel meilleur négoce y a t-il pour les Turkomans que d'en*
voyer des cavaliers pour épier les nombreux pèlerins qui, tou;
les ans, vont visiter le tombeau d'Aly fils de Moussa cr Riza
Ils les enlèvent, les conduisent prisonniers à Khiva où chacun
d'eux est vendu au prix de cinquante ou de soixante tillas. Les
Turkomans ne se livrent pas à l'agriculture qui est la source de
la prospérité d'un état : toutes leurs occupations se bornent à
exercer le vol et le brigandage. Ils ne vivent tous que de la
vente des esclaves. Aujourd'hui, un nombre considérable de su-
jets persans est détenu dans ce pays; si vous avez pour le roi
de Perse une sympathie et une amitié réelles, renvoyez -les dans
ses états, et ce sera pour le gouvernement persan une cause de
satisfaction et de joie. Aucun présent ne sera plus apprécié,
car les écuries royales sont remplies de chevaux Tekèh qui valent
chacun de cinq cents à mille toumans. S. M. le roi possède tout
ce qu'on peut désirer et l'envoi d'aucun cadeau ne lui causera
plus de plaisir. ■- — ' Les Boukhares, me dit alors le Khan,
c'est-à-dire les cultivateurs, ont donné leur or pour acheter ces
esclaves, comment pourrais-je les leur enlever de force'.' ■■ --
Il Rachetez-les, répondis-je, et envoyez-les au roi: ne songez, en
cette circonstance, ni au gain ni à la perte. Il se présentera peut-
être une circonstance où le roi de Perse enverra dix, vingt ou
trente mille hommes pour vous secourir. Cette ville de Merv,
par exemple, pour la soumission de laquelle vous dépensez tant
d'argent, il est possible, si vous en priez le Roi, que S. M. se
détermine à en faire la conquête et à vous l'abandonner. Ainsi,
vous avez désiré que Hussam ous Salthanèh renonçât à l'expé-
dition de Serakhs et il s'est éloigné de cette ville. C'est la terreur
qu'inspirent les troupespersanesqui a déterminé Scrakhsû avoir
iint ]
ite^^ri
3US J
DE L AMBASSADE AU KMAREZM I I 1
recours à vous. » — « Oui, dit le Khan, le Qadjar nous a rendu
service; il a abandonné ses projets sur Serakhs ; nous aussi, nous
nous rapprocherons des Qadjar , et de jour en jour nous leur
témoignerons plus d'amitié ! »>
Cette nuit même, le Khan tint conseil avec ses dignitaires sur la
question de la remise des esclaves. Après une longue discussion,
il fut reconnut qu'il serait inopportun d'accueillir ma demande.
« Les Qizil Bach, dirent-ils, s'imagineront que nous avons été
eflfrayés par l'arrivée de leurs troupes à Esterâbad et dans le
Khorassan. Nous verrons surgir chaque jour de nouveaux or-
dres et de nouvelles exigences. Maintenant, il faut les amuser
en gagnant du temps, en nous excusant et, sans prendre de dé-
cision, trouver un moyen terme qui nous permettra d'attendre
les circonstances pour agir. »>
Telle fut la résolution à laquelle on s'arrêta. On envoya qué-
rir Mohammed Chérif Bay, frère de Bek Djan Mahrem, Divan
Beguy, homme considéré, et on lui confia la mission de m accom-
pagner. On me demanda quelle route j'avais l'intention de sui-
vre pour m'en retourner. « A mon départ de la cour de Perse,
répondis-je, j'avais sollicité de S. M. le Roi, lautorisation de me
rendre en pèlerinage au tombeau d'Aly, fils de Moussa er Riza.
S. M. a daigné me laccorder et elle m'a ordonné de prendre la
route du Khorassan et de revenir par Thijen " et Derèhguèz. » Au
bout de quelques jours, on tint encore conseil et on ne jugea
point à propos de me permettre de revenir par Thijen et Derhè-
guèz; on craignit qu'en suivant cette route, je ne pusse me ren-
dre compte de la situation du Khorassan, et de celle des Tekèh
et des Djemchidy . On me détourna ouvertement de ce projet en
me disant que les Tekèh et que Serakhs étaient en pleine révolte;
qu'il pouvait m arriver la même mésaventure qu'à l'ambassadeur
de Boukhara près le gouvernement ottoman qui, à son retour,
I Thijen ou Tcdjend est le nom de la vallée qui est traversée par la rivière de ce
nom. Le Tedjend prend sa source, suivant Burnes, aux environs de Mechhed, et selon
Fraser, au sud de Serakhs. Use perd aujourd'hui dans les sables; il se jetait autrefois,
dit-on, dans la mer Caspienne. .
112 RELATION
avait été pillé et que ce serait une honte pour le Khan. « Si vous
voulez suivre cette route, ajouta-t-on, notre envoyé ne vous ac-
compagnera pas. Il prendra la route d'Esterâbad. Vous êtes juge
de ce que vous voudrez faire, mais nous n'encourrons aucune
responsabilité. » Je fus, en définitive^ convaincu qu'on ne me lais-
serait pas m'en retourner par Thijen et par le Khorassan^ et
quej si j'insistais^ les Turkomans auraient ordre de s'opposer à
mon passage. Je fus forcé de consentir à rentrer en Perse par
Esterâbad. Comme en venant à Khiva, j'avais suivi la route du
désert jusqu'à Qara Qoulagh, on exprima le désir de me voir
passer par Kohnèh Ourguendj, pour que mon voyage fût al-
longé et que je pusse apprécier la nombreuse population, la
richesse et la prospérité du Kharezm. Les détails de mon re-
tour trouveront place plus loin.
Evénements du mois de Chevval. (Juillet- Août.)
Hussam ous Salthanèh ayant levé le siège de Serakhs et s étant
déterminé à battre en retraite, le Khan de Khiva envoya à tou-
tes les tribus, Tekèh, Akhal, Salour et Sarouq des lettres con-
çues en ces termes : « L'armée des infidèles Qizil Bach s'est jetée
sur les musulmans pour les piller et pour les dépouiller. Si les
troupes persanes ne sont point rudement châtiées , leur audace
croîtra et^ chaque jour, elles entreprendront des expéditions
semblables. Le parti le plus sage est de nous liguer et de nous
prêter un mutuel appui pour infliger une sévère leçon aux
troupes des Qizil Bach, afin que de pareils projets ne soient plus
mis à exécution. Pour moi, je vous donnerai aide et secours. »
Les tribus turkomanes s'unirent et fondirent sur l'arrière-garde
de l'armée persane. Environ huit mille cavaliers s'élancèrent en
avant pour piller le camp et les districts du Khorassan. Des
DE l'ambassade AL' KHARRZM Il3
prisonniers en grand nombre furent, à plusieurs reprises, enle-
vés et amenés à Khiva. On me cacha ce qui se passait. Un
jeune homme, encore imberbe, nommé Abbas Qouly, palefre-
nier au service de Hussam ous Salthanèh, sut profiter d'une
occasion propice et se jeter dans ma maison. Il me raconta en
détail ce qui était arrivé à Tarmée persane.
D après son récit, Suleyman Khan Derèhguèzy avait fait savoir
aux Tekèh que tout ce qu'il y avait de troupes dans le Khorassan
accompagnait Hussan ous Salthanèh, et que la province était
dégarnie. Ceux-ci s'enhardirent; mais, dans leur retraite, les sol-
dats persans en tuèrent et en firent prisonniers un certain nom-
bre. Deux ou trois mille cavaliers du Khan de Khiva pris dans
les tribus des Djemchidy, des Aq Derbendy et des Djamy, agis-
saient de concert avec les Tekèh. Le désir que je ne fusse point
informé d^ ces événements était un des motifs qui m'avaient
fait interdire la route de Thijen, de Derèhguèz et du Khoras-
san. On ignorait que je connaissais tous les détails de ce qui
se passait. Je n'avais d'autre conduite à tenir que de patienter,
et de me montrer calme et impassible.
Sur ces entrefaites, le Mehter Aga, ministre du Khan, vint me
voir. Je lui fis part du dessein que j'avais de lui rendre sa visite
et il m'invita à dîner chez lui.
Règles observées dans le Khareim pour les repas.
Le jour fixé, je quittai Guendoum Kan, palais construit par
Mohammed Rehim Khan hors des murs de Khiva et qui m'a-
vait été assigné comme résidence. J'entrai dans la ville à cheval,
entouré de mes domestiques, et je me rendis à la demeure du
NIehter.
Une foule considérable se tenait dans le vestibule de sa
8
I 14 RELATION
maison. Elle était composée d'esclaves persans, tous achetés à
prix d'or par cet ignorant personnage. Quand j'entrai dans son
appartement, il se leva et me donna le salut ; je le lui rendis. Il
fit quelques pas pour venir à ma rencontre. Je m'avançai et je
m'assis, selon Thabitude du pays, à la place d'honneur et, éle-
vant mes deux mains à la hauteur du visage, je récitai le Fa-
tihèh. Après que nous fûmes assis^ il me demanda des nou-
velles de ma santé. Molla Mohammed Nazar, Divan Beguy
qui savait le persan et avait reçu du Khan de Khiva la somme
de deux mille toumans, pour traduire en turc le Raouzet ous
Sefa ', Ata Niaz Mahrem et deux ou trois autres personnes
étaient également présents. On me questionna sur les affaires
pendantes, je fis la même réponse qu'au Khan sans rien ajou-
ter et sans rien retrancher. On servit ensuite le dîner. On éten-
dit d'abord une nappe sur laquelle était du pain; pour me
conformer à l'usage, j'en rompis un morceau que je portai à
ma bouche; on servit ensuite du thé, puis on apporta les plats.
Les mets des Khiviens se composent de riz que l'on fait bouillir
dans de Thuile de sésame, et de viande de mouton à demi
cuite. Le Ferrach Bachy pose les plats et le Pichkhidmet détache
la viande des os avec un couteau qu'il porte attaché et sus-
pendu au côté gauche de la ceinture et il la place sur les plats.
Il met Tos du gigot devant le maître de la maison, ou devant
l'hôte auquel on veut faire le plus d'honneur; on pose égale-
ment sur les mets des carottes cuites et crues; on sert aussi
dans un bol, la tête d'un mouton, ainsi que les pieds à demi
cuits, et encore garnis de leurs poils et de leurs cornes. La soupe
se compose de riz cuit sur lequel surnage une couche d'huile
de sésame de l'épaisseur d'une palme.
Au milieu de la nappe, on place des abricots secs, des pru-
nes de Boukhara et d'autres fruits de cette espèce dans leur
I. Cette traduction turque du Raouzet ous Sefa a été trouvée dans le palais du Khan
de Khiva et envoyée à Saint-Pétersbourg par M. le général von Kau(raiann,ËIle est dé-
posée à la Bibliothèque impériale.
DE l'ambassade au kharezm ii5
état naturel ; des melons^ des raisins, des figues^ des abri-
cots et tous les fruits de la saison^ du sucre de Russie en
pains, du sucre candi blanc raffiné et un bol rempli d'eau de
rose. Ils accommodent la viande avec des oignons : ce plat est
délicat et se nomme ichilau. C'est le plus recherché de leurs
mets. Je mangeai un peu de melon qui est le meilleur fruit du
pays et du pain avec de la gelée de pommes.
On desservît ensuite^ et les convives s'essuyèrent les mains à la
nappe. J'avais fait apporter avec moi une aiguière et un bassin :
je me lavai les mains et les essuyai avec une serviette. A la]^fin
du repas^ tous les convives passèrent leurs mains sur leur figure
et leur barbe, et récitèrent le Fatihèh. J'avais fait apporter tout
ce qui était nécessaire pour prendre du café ; on en prépara'et on
en servit une tasse à chacun de nous. Molla Mohammed avala
le contenu de la sienne d'un seul trait; il eut le palais brûlé, et
l'amertume du café lui causa une impression désagréable. Ata
Niaz Mahrem lui expliqua que c'était du café; que Tusage en
était général en Turquie et en Perse, et qu'on le buvait après
les repas pour faciliter la digestion. « Quelles qu'en soient les ver-
tus, s'écria-t-il, je n'en boirai jamais, car il m'a brûlé la langue
et la bouche. » On m'apporta ensuite unqalian en cristal avec
un long tuyau flexible ; ce spectacle causa aux assistants le
plus profond étonnement.
Je me levai; on donna à mes domestiques qui l'emportèrent
chez moi, le sucre, l'eau de rose, le sucre candi et les confitu-
res qui avaient paru au repas.
Un ou deux jours après, Bek Niaz Mahrem, Divan Beguy,
collecteur de la dîme que doivent payer les cultivateurs et
dont le frère cadet Mohammed Chérif Bay parcourait à sa
place le pays pour faire rentrer les fonds, et Bek Niaz Mahrem,
auquel on donne aussi les noms de Bek Djan Mahrem et de
Divan Beguy, vinrent m'inviter au nom du Mehter Aga Vézir.
Celui-ci doutait de mon acceptation ; cependant , comme son
frère devait m'accompagner, je me rendis à sa prière. Je
trouvai chez lui une ou deux autres personnes. Le repas eut
I ïh RELATION
lieu de la manière que j'ai indiquée plus haut. 11 me recom-
manda son frère, puis je pris congé de lui.
Deux jours après, j'invitai chez moi le Mehter Bek Niaz
Mahrem, Molla Mohammed Nazar, Divan Beguy, c'est-à-dire,
secrétaire d*Etat, et Ata Niaz Mahrem qui était allé en Perse.
Je fis préparer quarante ou cinquante plats différents. Mes in-
vités arrivèrent tous, et, après m'avoir saluée ils marchèrent
sur les tapis sans ôter leurs bottes, et ils s'assirent.
On apporta tout d'abord le café, le thé, l'eau de rose et les
qalians. On étendit ensuite la nappe sur laquelle on plaça
toutes sortes de plats, des pilaus, de la farine de riz bouilli dans
du lait (Fereny)^ des entremets sucrés, des rôtis, des légumes
cuits dans du bouillon (Boiirany)^ des sirops (Efchout^) et des
melons. On apporta tant de plats qu'on dut les placer
les uns sur les autres et il ne resta pas une seule place vide
sur la nappe. Mes invités ne connaissaient point cette variété
de mets. Ata Niaz Mahrem qui les avait vus à Téhéran leur
en expliquait quelques-uns. Mes hôtes firent autant qu'ils pu-
rent honneur au dîner. Leurs domestiques et les personnes
qui les avaient accompagnés pour jouir du spectacle mangè-
rent à satiété, et on distribua ensuite ce qui restait le soir, et
le lendemain matin, aux esclaves persans qui se trouvaient
dans le voisinage. Après ce repas, personne n'eut plus envie
de m'inviter à dîner. Ils furent honteux de ceux qu'ils m'a-
vaient offerts et ils furent piqués du luxe de mon hospitalité.
Bien que toutes les choses nécessaires à la vie soient abon-
dantes et à fort bon compte à Khiva, ce dîner ne laissa pas que
de me coûter une somme considérable.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM WJ
Tombeaux qui, dans le Khareim, sont un but de pèlerinage.
Deux tombeaux, à Khiva, sont l'objet d'une vénération par-
ticulière. Le premier est celui de Pehlivan Mahmoud Kha-
rezmy fils de Pour Bay Vely, auquel sa force physique et son
habileté dans les exercices du corps avaient assigné le premier
rang parmi les lutteurs. Les Kharezmiens le considèrent comme
un saint et lui donnent le nom de « Hazreti Pehlivan » . Je racon
terai son histoire en son lieu. L'autre est le tombeau appelé
Tchehar Chèhbaz (les quatre faucons) qui renferme les corps de
saints personnages. On s'y rend en pèlerinage. Ces deux tom-
beaux sont presque toujours occupés par de pauvres gens de
Khiva, de Boukhara et de Khoqand et par des étrangers venus
de tous pays.
J'y envoyai mon intendant et mon cuisinier, et je fis donner
copieusement à manger à tous les pauvres, aux ulémas et aux
étrangers. Le bruit de ce banquet se répandit dans tout Khiva.
Depuis le jour de mon arrivée jusqu'à celui de mon départ, les
derviches, les pauvres, les mendiants ne cessèrent de se pré-
senter chaque jour à ma porte, et tous reçurent des aumônes
en argent et en nature. J'acquis ainsi, dans ce pays, une grande
réputation de générosité, et on ne m'appelait que « Eltchy
Khan » ou « Eltchy Bey »>. Donner le titre de Khan à d'autres
personnes qu'au souverain constitue à Khiva un manque de
respect à son égard.
Vêtement d'honneur donné par le Khan de Khiva.
Le Karevan Bachy dans le Kharezm a le même rang que le
Melik outToudjdjar (prévôt des marchands) en Perse, et il
Il8 RELATION
prend part, en outre, aux affaires administratives qui se trai-
tent au conseil. 11 vint, un jour, me trouver avec deux autres
fonctionnaires, après m'avoir prévenu et m avoir demandé la
permission de se présenter. Il plaça devant moi un paquet
enveloppé dans une toilette et une bourse. « Le Khan, me dit-
il, vous adresse toutes ses excuses pour la modicité de son
cadeau. Voici pour vos frais de route et voici une robe
d'honneur qu'il vous envoie. » — « Grâces à Dieu, répondis-
je, la générosité de S. M. le Roi de Perse (que mon âme et que
celle de tous les mortels lui soient offertes en sacrifice !) me met
à même d'avoir une grande quantité de vêtements, et si, par
hasard, Targent venait à me manquer, il y a ici des négociants
d'Esterâbad qui m'en fourniraient volontiers et auxquels on le
rembourserait avec les intérêts. » Il insista pour me faire ac-
cepter. « Si vous dédaignez de vous revêtir de la robe que vous
envoie le Khan, me dit-il, il en sera extrêmement peiné. » Il
ouvrit le paquet qu'il avait apporté et il en tira un qaba en
satin à ramages et un djubbèh en soie de belle qualité et tissé de
fils d'or.
Je ne pus maîtriser un accès de rire. Le Karevan Bachy en
lut étonné. Sur ses instances, je jetai la robe sur mes épaules;
aussitôt les Khiviens m'adressèrent leurs félicitations et leurs
compliments. Je fis apporter des sorbets. Le Karevan Bachy
ajouta : « Prenez aussi l'argent. » — « Que mes domestiques
remportent! m'écriai-je. » — « Mais il faut le compter, me
dit-il.»» — « Quelle que soit la somme, peu m'importe! »
Mes domestiques enlevèrent la bourse. « Donnez, ajotitai-je,
une gratification au Karevan Bachy et aux personnes qui l'ont
accompagné. > On leur distribua environ cinquante toumans.
Ils partirent pleins de joie et ils allèrent raconter au Khan les dé-
tails de la visite qu'ils m'avaient faite. La somme en or qui m'é-
tait envoyée, montait à cinq cents toumans en echrefis (pièces
d'or) et en riais du pays (monnaie d'argent) appelés tenghas et
frappés au coin de Mohammed Emin Khan. Cette monnaie
n'ayant point cours hors du Kharezm, je l'employai à acheter
DE l'ambassade AU KHAREZM II9
des chameaux, des chevaux, à acquérir ce qui était nécessaire
âmes gens, et à me procurer les provisions pour mon voyage.
J*entamai encore la question des esclaves : on ne me ré-
pondit que par des faux-fuyants. « Nous avons chargé, me
fut-il dit, notre envoyé Mohammed Chérif Bay de notre ré-
ponse : il donnera à ce sujet des explications verbales. Nous
attendons de nouveaux ordres du Khan. » Ayant ainsi pénétré
leurs intentions, je rachetai à leurs maîtres un certain nombre
d'esclaves et je les ramenai avec moi.
Le Khan me fit savoir que Seiyd Ahmed Naqib de Boukhara
avait rintention de faire le pèlerinage de la Mekke. Il me fit prier
de le conduire à Téhéran avec plusieurs autres savants et doc-
teurs de Kachgar, de Ferganèh, de Khoqand et de Khi va, et de
les faire partir pour la Mekke. J'y consentis. Le Qary (lecteur
du Qoran) Omar, frère du Qary Osman, vint me trouver do la
part du Naqib pour me donner l'assurance de son amitié. Il
lui transmit, de ma part, une réponse pleine de bienveillance.
Ahmed Khodja, Naqib de Boukhara,
Ce personnage est le cousin de TEmir Nasroullah Khan de
Boukhara. Il appartient à une des familles les plus nobles de ce
pays et la dignité de Naqib est l'égale de celle de TEmir. Dans
les réunions officielles^ de l'Emir Nasroullah, le Naqib a la
préséance sur tous les hauts dignitaires, excepté sur le souve-
rain. Le Naqib avait un goût particulier pour la chasse, pour
l'exercice du cheval et surtout pour la chasse avec Tautour et
le faucon. Tout, dans sa conduite, était conforme aux règles
suivies par les grands personnages.
L'Emir de Boukhara est d'un caractère atrabilaire et fan-
tasque ; sur de simples soupçons et de simples conjectures, il a
1 20 RELATION
rhabitudc de mettre à mort et de dépouiller les grands digni-
taires de sa cour. Il laissa percer sa haine à T^ard de Seiyd
Ahmed qu'il voulut jeter en prison^ mais celui-ci parvint à
s'enfuir et il se réfugia dans le Kharezm. L*Eniir de Boukhara
s'empara de tous ses biens. Après avoir résidé pendant quel-
que temps auprès du Khan de Khiva, le Naqib forma le projet
de se rendre à la Mekke. Il se joignit à moi avec ses deux fils
pour m'accompagner dans mon voyage.
Sciyd Ahmed est un homme riche qui mène un grand train;
il est versé dans la connaissance de l'histoire et il est ex-
cellent musicien.
Je m*occupaij pendant plusieurs jours^ des préparatifs de
mon voyage. En quittant la Perse, j'avais dépensé une somme
considérable pour louer des mulets et des chameaux; il me
parut plus convenable d'en acheter. Mon départ coïncida avec
celui du Naqib de Boukhara et avec celui de l'ambassadeur du
Khan de Khiva et d'un grand nombre d'habitants de Khoqand
et de Kaboul. Ils voulurent tous acheter des chameaux et le
prix de ces animaux s'éleva en conséquence ; nous dûmes les
payer de douze à dix-sept toumans chacun. Le moment de
partir approchait, les chameaux manquaient ; nous n'en avions
que douze, ce qui nous força d'en louer dix autres à des con-
ducteurs ^'omout. Je préparai tout ce qui nous était néces-
saire en eau et en vivres pour subvenir à la subsistance de
quinze chevaux , de vingt-deux chameaux , et de vingt-cinq
hommes de service.
Je fis une dernière visite au Khan de Khiva et je pris congé
de lui ù la suite d'un long entretien. Nous sortîmes de Khiva,
capitale des Khans du Kharezm^ avec le projet de gagner Our-
guendji Kohnôh, ancienne ville qui fut détruite par l'armée des
Mogols. Il m'a paru nécessaire de donner ici un aperçu des
villes, des places fortes, de l'administration et des particula-
rités du Kharezm ; il ma semblé utile d'insérer en ce lieu un
résumé de ce que j'ai appris et vu, de façon à instruire ceux
qui ne connaissent pas ce pays.
122 RELATION
dit, en conséquence, Sepidiv pour Sepid dtp (div blanc), sepidar
pour sepid dar (peuplier blanc), et c'est ainsi que cette contrée
a reçu le nom de Kharezm {Khar reim). Le Djihoun qui tra-
verse le Kharezm engagea les hommes à s'établir sur ses bords;
ils y construisirent des maisons et des édifices et le pays vit
sa prospérité se développer.
Le Kharezm fait partie du cinquième climat ; il est placé sous
rinfluence de la planète de Vénus. Aussi les femmes de ce
pays sont-elles pleines de charmes et d agréments; elles recher"
chent le plaisir et elles ont un goût 'particulier pour le chant ,
pour la musique instrumentale et pour la danse. Leurs mœurs
sont faciles et elles sont portées à la coquetterie. On les voit se
promener, le visage découvert, dans la campagne et dans les
rues des villes. Elles ont un penchant prononcé pour les di-
vertissements et la promenade. Les habitants du Kharezm
racontent que, du temps du prophète Suleyman (Salomon),
(que le salut soit sur lui ! ), une Périzad (fille de Péri) ayant
commis une faute, le prophète ordonna à un Div de la trans-
porter au loin et de l'abandonner seule dans une plaine in-
culte et déserte. Le Div la déposa dans le désert du Kharezm.
Puis, ayant lui-même renoncé à toute idée de retour, il s'y fixa
et vécut heureux avec la Périzad. Des enfants naquirent de
leur union. Les garçons eurent en partage le caractère du Div
et les filles la beauté de la Péri. Ce conte sert à expliquer la
beauté et la perfection des formes des femmes du Kharezm.
Le Kharezm qui doit sa prospérité au fleuve du Djihoun
possède des villes et des places fortes. Sous la domination des
Kharezm Chah et particulièrement sous le règne du sul-
tan Mohammed Kharezm Chah qui avait réduit sous sa do-
mination leTouran et l'Iran, ce royaume était arrivé au plus
haut degré de la splendeur et de la richesse. On en trouve dans les
chroniques la description détaillée. Ce pays fut dévasté et ruiné
par l'invasion des Tatars et des Mogols. Il s'est relevé peu à
peu et aujourd'hui il est prospère. Il contient de beaux villages
et des places fortes remarquables qui, au nombre de cinq, sont
DE L^AMBASSADE AU KHAREZM 123
chacune la résidence d'un gouverneur particulier; ce sont :
Khiva, Hezaresp, Ourguend j , Kât et Khankâh. Toutes ces places
sont d'anciennes villes sous la juridictioa desquelles on a, de
nos jours, placé d'autres localités.
Hezaresp.
Cette ville célèbre fait partie du cinquième climat. Son nom
en arabe est Hezaresf; c'est une place forte située sur une hau-
teur et elle est la résidence d'un gouverneur; elle a deux portes
et le nombre de ses habitants s'élève à près de dix mille.
Sous le règne de Sultan Mahmoud Ghaznevy, le Kharezm
Chah Ferighouny se mit en lutte contre lui \ Le Sultan fit
marcher une armée contre le Kharezm, et s'empara de Hezaresp.
Aboul Hassan Ferroukhy Sistany ^ a dit dans une pièce de vers
qu'il composa à la louange de Sultan Mahmoud :
Vers. - « Le Sultan à Hezaresp a vu tomber en son pouvoir
1. L*histoire de la dynastie des princes de Ferighoun est assez obscure : Outby dans
son histoire de . Sultan Mahmoud n'en dit que quelques mots qni jettent peu de clarté
sur leur origine et sur leur rôle. La famille de Ferighoun gouremait la prorince de
Djouzdjan qui dépendait de Baikh et qui s'étendait de cette ville jusqu'à Merr er Roud.
Elle avait pour capitale Youhoudiéh et pour villes principales, Fariab, Enbar et Kelat.
Le premier prince de cette dynastie est Aboul Harith Mohammed fils de Ferighoun
qui fut le beau-père de Sulun Mahmoud et qui eut pour successeur son fils Abou Nasr
Ahmed. A sa mort (401-1010), ses états furent réunis à ceux de Sultan Mahmoud
Ghaznevy.
Bedy' ouz Zeihan Hamadany, auteur des Maqamat, Oustad Abou Bekr Kharezmy, et le
poète Aboul Feth Bosty, étaient les clients de ces princes.
Cf. Outby, Tarikhi Yeminy, page 3o5 de la traduction persane publiée sous les aus-
pices de Behmen Mirza par Habib oud Din Mohammed Djertadqany. Téhéran, 1272
(i855). Commentaire de l'Histoire du Sultan Mahmoud,' p&r Ahmed el Meniny. Caire,
1286 (1867 , tome II; page loi.
2. Voir l'appendice § lU.
124 RELATION
plus de mille chevaux dont les sangles étaient tout humides du
sang des guerriers qui les montaient. »
Sous la domination des Sultans Seldjouqides, les souverains
du Kharezm qui descendaient de Ouloustekin Ghartchèh, es-
clave de Melkatekin qui était lui-même un des esclaves de Sul-
tan Melik Chah Seldjouqide, virent leur pouvoir grandir et s'é-
tendre ^ Etsiz, fils de Qouthb oud Din Mohammed, fils de
Anouchtekin, se révolta contre le Sultan Seldjouqide Sindjar.
Sindjar partit de Merv pour marcher contre le Kharezm.
Etsiz s'enferma dans la place de Hezaresp. Envery d'Abi-
verd se trouvait dans le camp du Sultan Sindjar; il com-
posa ce quatrain à la louange de Sindjar et l'attacha à une
flèche qui fut lancée dans Hezaresp.
Quatrain. — « O roi! la possession du monde te revient de
droit, la fortune et le bonheur t'ont conféré la royauté. Em-
pare-toi aujourd'hui de Hezaresp après une seule attaque,
et demain tu seras le maître du Kharezm et de cent mille
chevaux » (oii de cent villes comme Hezaresp).
Après avoir entendu la lecture de ces vers, Etsiz ordonna à
Rechid oud Din Vathvath de Balkh d'y répondre, et on lança
dans le camp de Sindjar le quatrain suivant :
« O roi ! c'est un vin pur et non de la lie qui se trouve dans ta
coupe. Tes ennemis, dans leur désespoir, seront réduits à boire
leur sang. Si ton ennemi, ô roi, était le héros Rustem il ne
réussirait pas à enlever un âne de Hezaresp. »
I. Anouchtekin, le fondateur de cette dynastie était Ibriqdar ou porte-aiguière du sul-
tan Mclik Chah. Il reçut en fief le gouvernement du Kharezm. A sa mort, le sultan Sind-
jar donna Tinvcstiture à son fils Qouthb ouddin Mohammed et lui conféra le titre de
Kharezm Chah. Cette dynastie compte neuf souverains qui régnèrent sur le Kharezm
depuis 490 jusqu^en 628 (io(;ô*ii3o).
DE l'ambassade AU KHAREZM 125
Le Sultan Sindjar fit le serment, s'il s'emparait de la place,
de faire couper Vathvath en sept morceaux.
Après la fuite d'Etsiz et la prise de la ville, Vathvath eut la
vie sauve par l'intercession de Bédy Mounchy. Ce fait est géné-
ralement connu.
Une route part de Merv pour aboutir à Hezaresp. On y
trouve peu d'eau courante, mais on y rencontre des puits
creusés dans le désert et qui sont connus des habitants du
pays. Il ne faut pas plus de dix ou de douze journées de
marche pour se rendre de Hezaresp à Merv. De Hezaresp à
Rhiva, il y a trois étapes; de Hezaresp au Djihoun, on compte
quatre fersengs. Les pommes de Hezaresp n'ont point d'égales
dans le monde entier. Les autres fruits que Ton y récolte sont
également d'une excellente qualité.
Khankâh .
Cette ville est comptée parmi les cinq places fortes du Kha-
rezm ; elle est située entre Hezaresp et Khiva. Lorsque Nadir
Chah Efchar partit de Boukhara et conduisit son armée contre
Ubars Khan qui gouvernait alors le Kharezm, il marcha d'abord
sur Hezaresp. Ayant reconnu que la place était solidement
fortifiée et qu'elle était entourée par les eaux de i'Amouyèh, il
renonça à s'en emparer et la négligea pour marcher sur Khiva.
Ilbars Khan sortit de Hezaresp et lança contre larmée de Nadir
les Yomout et les Tekèh. Nadir Chah assista à la bataille qui
fut livrée, et Ilbars mis en fuite se réfugia à Khankâh. Le len-
demain, la ville fut attaquée et Ilbars Khan, ainsi que vingt des
principaux personnages de sa suite, furent faits prisonniers et
mis à mort. Parti de Khankâh, Nadir Chah se présenta devant
Khiva. Après une canonnade de quatre jours, la garnison de-
12() RELATION
manda à capituler. Douze mille esclaves du Khorassan qui se
trouvaient dans la place recouvrèrent la liberté. Dix mille Khi-
viens furent tués. La population du Kharezm et de* Khiva fut
transportée à quatre fersengs d'Abiverd, dans une ville qui re-
çut le nom de Khiva Abad.
Khiva .
Le nom arabe de Khiva est Khivaq. Anciennement, lors-
que Gourgandj, qui est plus connue sous le npm d'Qur-
guendj, était une ville florissante et la capitale des Kharezm
Chah, Khiva était une des cinq places fortes du Kharezm;
après la destruction d'Ourguendj, Khiva devint prospère
et plus peuplée. On dit que la date de sa fondation est fixée
par la valeur numérique des lettres qui composent son nom.
11 y a donc six ou sept cents ans que cette ville a été bâ-
tie ' . Aujourd'hui, il n'y en a pas de plus prospère dans toute la
province de Khiva; elle est la capitale des Khans Uzbeks. De-
puis l'époque de Mohammed Rehim Khan jusqu'à nos jours,
ces princes ont mis tous leurs soins à la rendre florissante. Ils
y ont élevé des mosquées, des collèges et de vastes édifices.
Les fortifications qui entourent cette ville sont extrêmement
solides, mais elles n'ont point de fossé. En effet, la grande
quantité de canaux dérivés du Djihoun qui sillonnent les envi-
rons dcL Khiva rendent un fossé inutile. La circonférence de
la ville est d'à peu près un ferseng. On a bâti un château pour
le Khan à une des extrémités de la cité qui a cinq portes.
Après en avoir traversé une grande partie, on arrive à la porte
t. Les lettres du nom de Khiva forment en les additionnant le nombre 621. L'an-
née G2t de.rUégire correspond à Tannée 1224 défère chrétienne.
DE l'ambassade AU KAREZM 1 27
du château qui forme une ville nouvelle ajoutée à Tancienne.
On a construit, dans son enceinte, des édifices élevés et on y a
établi des boutiques et un marché. Une population de dix mille
âmes, composée en grande partie d'Uzbeks, y est domiciliée.
Pendant Tété, la température est extrêmement chaude et il est
difficile de résider dans la ville. Aussi, presque tous les grands
personnages ont-ils fait bâtir aux environs dans la campagne
qui est verdoyante, bien arrosée, sillonnée de canaux, boisée
et plantée en vergers, de grandes maisons de plaisance entou-
rées de jardins où ils vont s'établir.
Allah Qouly Khan a fait élever, à une des extrémités de
Khiva, un palais d'été auquel on donne le nom de Refnik. On y
voit de hautes constructions, un grand nombre de pavillons
ayant un rez-de-chaussée surmonté d'un étage avec de belles
chambres solidement construites et un belvédère extrêmement
agréable. Le jardin est merveilleux; il est le plus beau de tous
ceux que l'on voit à Khi va et il y en a peu, même en Perse, qui
puissent lui être comparés pour la grandeur, la symétrie et la
beauté. Non loin de Refnik, Mohammed Emin, fils d'Allah Qouly
Khan, a aussi édifié récemment une maison de plaisance ayant
un rez-de-chaussée et un premier étage fort élevé. L'eau d'un
grand canal dérivé du Djihoun coule, continuellement, au milieu
de la maison qu'il traverse. La fauconnerie du prince est ins-
tallée dans ce jardin.
On voit à Khiva, près des portes de la ville, de nombreux em-
placements inhabités et couverts de ruines. Dans la ville, s'éten-
dent quelques grandes places et, entre autres, celles où se ras-
semblent les voituriers. On y trouve réunies plus de dix mille
charrettes attelées. C'est là que se rendent les gens qui veulent
louer des voitures, soit pour leur usage personnel, soit pour trans-
porter des fardeaux. Tous les cochers sont des esclaves per-
sans. Une autre place et un grand marché sont affectés à la vente
des chevaux; celle des chameaux a lieu aussi dans un endroit
particulier. Les esclaves sont vendus dans un bazar spécial ;
les lundis et les vendredis sont les jours de marché. Pendant les
128 PELATION
autres jours de la semaine, presque tous les artisans vont dans
les jardins, ou restent chez eux s'occupant seulement de leurs
plaisirs. Chaque village a un jour fixé pour la tenue d'un mar-
ché. On se garde de contrevenir à Tusage établi. Chaque jour
de la semaine est ainsi consacré à la tenue d'un marché dans les
environs et cette règle s'étend jusqu'à Kohnèh Ourguendj.
Dans la ville, on vend dans les boutiques où on les trouve en
monceaux le benget le tchers K Tout le monde peut en manger ou
en fumer sans que qui que ce soit s'y oppose et y trouve à redire.
J'ai entendu dire que, pendant le mois de Ramazan, on faisait la
nuit la prière du Teravih ^ Des lecteurs de Boukhara et de Khiva
récitaient par cœur le glorieux Qoran. Lorsqu'ils étaient fatigués
de leurs psalmodies, ils prenaient une guitare et en jouaient sans
que personne y trouvât à redire et sans qu'aucun homme de
loi ne recommandât de s'abstenir d'une pareille action.
On ne trouve point de bains chauds à Khiva. Pendant l'été,
la plus grande partie de la population va se laver dans le fleuve.
Un esprit judicieux ne peut pas concevoir que tous puissent se
baigner. Pendant l'hiver, les Khiviens font chauffer de l'eau
dans leurs maisons pour les ablutions générales, après avoir
rempli leurs devoirs conjugaux. Ils prétendent avoir reçu
une permission et une décision juridique de leurs quatre
Imams pour ne point se purifier après avoir satisfait à leurs
I. Ces deux compositions exhilarantes s'obtiennent, lebeng, en faisant bouillir dans du
lait frais des feuilles du chanvre indien (Canabis Indica, en persan Chah danèh) que l'on
convertit en grosses boules d*une couleur vert pâle, du poids de deux ou trois onces. Le
meilleur beng est fabriqué à Hérât, dans TAfliganistan et dans le Kachmir. La vente
publique n*en est pas permise en Perse et dans les autres contrées de TOrient.
Le tchers qui est un narcotique très-énergique et qui enivre plus rapidement lorsqu'il
est mis sur le feu d'une pipe, s'obtient en frottant les fleurs et les feuilles du chanvre sur
un tapis de laine grossière. Le suc est enlevé avec le dos d*un couteau, séché au soleil
sur une assiette de porcelaine et converti en pilules de quatre à vingt grammes. —
Schlimmer. TerminologiCf etc., pages 102-106.— Polak, Persien. Leipzig, i865, tome II,
page 244.
. 2. Le teravih est une prière d'obligation imitative qui doit être faite pendant les trente
'ours du mois de Ramazan. Elle consiste en une prière extraordinaire de vingt réka'at
dont chaque fidèle doit s'acquitter de nuit à la suite des cinq nama^ç (prières) ordinaires
du jour.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM I29
besoins naturels. Que Dieu nous préserve d'une pareille con-
duite ! et, avec tout cela, ils appellent les Persans infidèles, ils
les jugent dignes de mort et ils les qualifient d'hérétiques et
d'impurs !
Ils font voir aux acheteurs les femmes chiites après leur
avoir mis du surmèh ' aux yeux, après avoir natté leurs che-
veux et découvert leur visage ainsi que les parties du corps
que la pudeur ordonne de cacher.
L'humidité de la terre et de l'atmosphère affaiblit et débilite
chez les hommes les forces viriles. Les femmes ont, au contraire,
les passions très-vives, peu de fidélité et elles recherchent les
esclaves de leurs maris qui ont ainsi une part dans la naissance
des enfants. Ces esclaves sont dans les maisons de leurs maî-
tres et, principalement en temps d'expéditions guerrières, leurs
remplaçants de toutes les façons. Quelques-uns de ceux
qui m'ont dû leur délivrance m'ont donné à cet égard les détails
les plus circonstanciés. Oui,
Vers. — « Tu as jusqu'ici parlé des défauts du vin : parle
donc aussi de ses qualités. Ne répudie pas la sagesse pour
complaire à quelques esprits vulgaires -. »
On n'est témoin, dans cette contrée, ni de disputes, ni de dis-
corde. Le mensonge et les actes de déloyauté sont inconnus.
Personne ne cherche querelle à autrui et ne se permet de parler
en élevant la voix. Quiconque a une requête à adresser au
Khan Hazret ^, depuis le plus grand personnage jusqu'à
rhomme le plus humble, peut se présenter tous les jours de-
vant lui sans rencontrer d'obstacle. Il expose son affaire; si elle
est purement civile, le Khan la juge; si elle touche à la loi reli-
1. Le surmèh est une préparation d*antimoinc et de noix de galle que les femmes
orientales fixent sur les bqrds de leurs paupières au moyen d*une aiguille en métal et
qui donne plus d*éclat au globe de Tœil.
2. Ce distique est tiré du cent quarante-unième ghazel de Hafiz.
3. C*est-^-dire Mohammed Emin Khan.
1 3o RELATION
gieuse, il la défère au Qazhy Kelan, c'est-à-dire au grand Qadi.
Le seul impôt prélevé sur les bieos des Khiviens est celui
du \ekat. A Khiva, le zekat est la taxe du quarantième et il ne
se commet aucun abus dans la perception des deniers publics.
Le Khan possède trois ou quatre chevaux et un mulet ; son ser-
vice particulier est fait par quelques domestiques seulement.
La dépense de sa cui^e est très-peu considérable; il se con-
tente de ce qu*on lui sert^ bon ou mauvais, cru ou cuit. Il a un
goût particulier pour la \iande de cheval, surtout lorsqu'il est
en expédition. U aime qu on lui fasse cuire la viande d'un éta-
lon ; il s'imagine que cette nourriture augmente ses forces vi-
riles. Elle est réservée au Khan seul, et les autres Khiviens
n'ont pas la p^mission d'en manger.
Habillement des Khinens.
Leur costume n'offre rien de particulier. Le haut du bonnet
du Khan Hazret est couvert en drap rouge. Celui des autres
Khiviens peut être de n'importe quelle couleur^ pourvu qu'il ne
soit pas rouge. Les hommes et les femmes portent des bottes
été et hiver; ils n'ont point de souliers et ils ne s'en servent
jamais; ils marchent avec leurs bottes sur les tapis. Lorsque
leurs chaussures sont couvertes de boue^ ils l'enlèvent avec un
couteau. Quand ils ne peuvent le faire, ils n'en marchent pas
moins sur les tapis.
Les maisons de Khiva sont construites sur le même mo-
dèle. Elles ont toutes une salle ouverte dans la direction du
Qiblèh. A la suite de cette salle ouverte, deux, trois ou quatre
chambres en enfilade. On ne trouve dans leurs maisons, ni
croisées, ni fenêtres à coulisses, ni vitrages. Dans chaque cham-
bre, on voit un petit mur haut d'une palme, ayant au milieu
DE l'ambassade AU KHAREZM l3l
une cavité creusée et assez large pour appuyer le cou; les Khi-
viens y mettent, quand ils descendent de cheval, le coussin qu'ils
placent sous la selle. Ils dorment sur ce coussin. Ils creusent dans
le sol un petit trou de la grandeur d'un mangal (brasier) et ils y
font leur feu pour se chauffer. Dans chaque chambre, on voit
un bassin qui leur sert à faire leurs ablutions complètes, ou à
se laver les mains. Les lieux d'aisance sont établis au haut de
la maison ; ce qui se trouve au-dessous est inoccupé et les im-
mondices sont entraînés au dehors. On y monte par der-
rière la maison et il ne s'en exhale aucune mauvaise odeur.
Les gens qui ramassent les ordures, les enlèvent sans pé-
nétrer à l'intérieur et les transportent dans les jardins où elles
sont utilisées pour la culture. Cet usage n'est point mauvais, et
ces lieux d'aisance valent mieux que ceux de la Perse.
En été, la grande quantité de poussière et, en hiver, la boue
ne permettent pas de marcher sans bottes. Le froid est si ri-
goureux en hiver que les bassins et les canaux gèlent, et la
glace est si solide sur le Djihoun qu'elle supportele poids de
ceux qui le traversent.
L'été est extrêmement chaud. Pendant le mois de Ramazan,
lorsque j'étais à Khiva, la durée du jour était de seize heures
et demie et la température si élevée, que je m'établissais sur
la terrasse d'un kiosque haut de vingt-huit coudées, et je n'y pou-
vais dormir la nuit à cause de la chaleur et des moustiques.
Dans le Kharezm, tout est à vil prix ; les fruits sont bons
et abondants, les melons sont, sans exagération, plus sa-
voureux que ceux de Qoum et de Kachan. Les mûres sont
meilleures que celles de Chemiran, les pêches et les figues ont
un goût plus agréable que celles du Mazanderan. Le raisin est de
qualité ordinaire; les oranges, les amandes et les noisettes sont
mauvaises. Les Khiviens ont quelques plantes odoriférantes,
mais ils n'ont jamais vu la plupart des variétés de fleurs qui
existent en Perse. Ils arrosent les terrains élevés au moyen
d'une roue garnie de pots en terre et qui, mise en mouvement
par un chameau, fait monter l'eau des canaux et des terrains
l32 RELATION
bas. J ai vu le même procédé pratiqué dans le Kerman.
Toute la campagne est couverte de jardins, de verdure, de
cultures, de maisons, de canaux, de saules, d'ormes et de peu-
pliers. Ils ne connaissent point le cyprès. Ce n'est point, en eftet,
un arbre dont on puisse tirer parti.
Un canal dérivé du Djihoun vient aboutir à une porte de
Khiva, après avoir parcouru la distance de douze fersengs. Ce
canal porte de petits navires de transport ; il a reçu le nom de
canal de Hazreti Pehlivan. L'eau y est toujours courante,
et elle ne vient jamais à manquer.
Les Khiviens boivent peu d'eau; au lieu d'eau, ils prennent
généralement du thé noir sans sucre; quelquefois, ils y mettent
du sel, quelquefois aussi de la graisse -, quand ils y ajoutent de
rtiuile de sésame, cette boisson est, alors, pour eux, au-dessus
de tout éloge. Le poisson du Djihoun est très-abondant, mais il
n'a pas bon goût, parce que l'eau de ce fleuve est douce et
limpide. Le poisson qui vit dans l'eau salée a plus de saveur.
Us fabriquent de l'eau-de-vie avec la graine de sésame et avec
d'autres substances. Ils achètent et boivent de Teau-de-vie de
grains, bien qu'elle soit, disent-ils, enivrante et nuisible à la santé.
Une partie des marchandises que Ton trouve à Khiva vient
de Russie, de Boukhara, de Khoqand et de Hérât. On y fabri-
que de bonnes étoffes de soie qui sont suffisantes pour les
vêtements.
Le tombeau de Pehlivan Mahmoud Kharezmy se trouve
dans cette ville et il y jouit de la plus grande célébrité. C'est
un édifice élevé, recouvert en plaques de faïence de toute beauté,
Les tombeaux des Khans de Khiva sont placés dans son en-
ceinte.
J'allai visiter ce monument et y faire mes dévotions. Je dis-
tribuai à cette occasion des aumônes aux pauvres. A Khiva, la
population témoigne à Pehlivan Mahmoud une confiance sans
limite. On a pour ce saint la plus grande dévotion. J'ai trouvé
sa biographie dans les Tezkerèhs (biographies des poètes), et je
la transcris ici.
DE l'ambassade AU KHAREZM l33
Biographie de Pehlivan Mahmoud Khare\rny dont le surnom
poétique est Qitaly; que Dieu lui fasse miséricorde!
Le nom de ce noble personnage est Pehlivan, son surnom
poétique Qitaly. Il était fils de Pour Bay Vely; pendant sa jeu-
nesse, sa force physique lui avait assuré la victoire sur tous
les lutteurs de l'Iran et du Touran; dans les jours de sa vieil-
lesse^ sa force spirituelle lui donna la supériorité sur tous les
dévots et sur tous les ascètes du monde. On raconte ainsi le
motif qui le détermina à embrasser fermement la vie spirituelle.
Il s'était rendu dans une ville du Bengale dont le roi avait à son
service un lutteur renommé. Il fut décidé qu'il se mesurerait avec
Pehlivan Kharezmy. Cet homme, se voyant auprès de Pehlivan
Mahmoud comme une goutte d'eau en regard de la mer fut
en proie à une extrême inquiétude. Il prodigua les offrandes, les
prières et les vœux pour obtenir la victoire. Sa mère prépara
un plat sucré (helvà) et en offrit aux gens qui se trouvaient dans
la mosquée, en sollicitant le secours de leurs prières. Pehlivan
Kharezmy faisait dans cette mosquée ses prières et ses dévo-
tions. Cette vieille femme qui ne le connaissait pas,4ui présenta
le plat en lui adressant la requête suivante : « Accepte une part
de ce helpa et fais des vœux pour mon enfant. » — « Dis-moi le
motif de ton offrande et explique-moi tes intentions, lui répon-
dit-il, afin que je puisse faire des vœux en conséquence. » —
« Je participe, reprit la vieille femme, avec un certain notnbre
de personnes de ma famille, aux bienfaits du roi et nous avons
une existence brillante, grâce à mon fils qui est son lutteur en
titre. Si Pehlivan Kharezmy le terrasse, la pension qui nous est
accordée sera supprimée et les vivres que Ton nous donne nous
seront retranchés. » Les paroles de cette vieille femme firent
une profonde impression sur le cœur de Mahmoud, il prit un
peu de helpa et lui dit : « Que Dieu agrée ton vœu et qu'il
accomplisse le désir que forme ton cœur! r>
1 34 RELATION
La vieille femme enleva le plat et se retira. Pehlivan, absorbé
dans ses pensées, ne goûta pas, pendant toute la nuit, un instant
de repos. Il se livrait en lui un combat intérieur pour savoir s'il
se laisserait terrasser. 11 ne pouvait se décider à être vainqueur
ou vaincu. Le matin, il se rendit à la cour du roi; le peuple se
réunit autour de Tenceinte; le lutteur de la ville ne pouvant
faire autrement, en vint aux mains avec Mahmoud Pehlivan. Il
luttait partagé entre la crainte et lespérance. Mais la force spi-
rituelle de Mahmoud Pehlivan surmonta son amour-propre ; il
résolut de se laisser terrasser, et il se laissa tomber sur le côté
sans force et sans mouvement; puis, ayant roulé à terre, il
resta étendu sur le dos. Au même moment, les portes des
bénédictions étemelles s'ouvrirent pour son cœur et il compta
dès lors parmi les saints qui reçoivent les manifestations de
Dieu, qui perçoivent ses attributs et s'absorbent dans la divi-
nité. Quand il fut sorti de la ville, l'arrogance s'empara du
cœur de ses élèves. Pehlivan démêla leurs sentiments et,
s'étant arrêté dans une plaine, il se mit à lutter avec ceux d'en-
tre eux qui, dans leur for intérieur, lui refusaient leur es-
time et leur considération. Il les terrassa tous avec la plus
grande facilité, sans faire le moindre effort et, ayant déployé
un mouchoir, comme c'est la coutume , il réclama une of-
frande.
Aussitôt une gazelle accourut du désert ; elle avait sur l'une
de ses cornes une pièce d'or qu'elle jeta sur le linge qu'avait
étendu Pehlivan Mahmoud que Dieu a béni à la fin de sa
carrière. Ses disciples comprirent le sens de ce fait extraor-
dinaire.
Pehlivan passa le reste de sa vie sur le tapis de la dévotion,
et il parvint au degré le plus élevé de l'ascétisme. En l'année
722(1322), on entra, à l'aube, dans la cellule de son couvent
à Khiva -, on le trouva dans l'attitude d'un homme prosterné
devant Dieu. Il avait dit adieu à ce monde temporel, et avait
mis par écrit ce quatrain qu'il avait placé à coté de son tapis
de prière.
DE L* AMBASSADE AU KHAREZM l35
Quatrain, — « Cette nuit, pour obéir à la loyauté et à la pu-
reté de mon cœur, je me suis rendu dans la taverne de celui qui
enlève tout pouvoir à mon cœur ; il me mit une coupe à la main
en me disant : « Prends et bois. » Je lui répondis : c Je ne bois
pas. •> ~ « Fais-le, me dit-il, pour l'amour de moi. d
Pehlivan Mahmoud a composé des quatrains d'une grande
élégance. Ses paroles dénotent un homme qui était absorbé
par la vie contemplative et elles sont pleines de force. J'ai
inséré quelques-uns de ces quatrains dans le Te^khrèh qui a
pour titre « Ria\ oui Arifin » (les jardins qui entourent les
tombeaux des saints personnages parvenus à la connaissance
de Dieu), ouvrage qui est orné du nom béni de Sa Majesté le
Sultan Mohammed Chah. J'en ai eu quelques-uns sous les-
yeux et je les insère dans ce récit abrégé.
Quatrain ' — « Nous sommes ceux qu'un éléphant ne pour-
rait terrasser en luttant contre nous; c'est sur le firmament que
l'on fait résonner le naubet qui proclame notre souveraineté *.
Si une humble fourmi se place dans nos rangs, elle acquerra
par notre puissance, la force et la vigueur du lion. »
Quatrain, — Si tu es un homme de la voie de Dieu, tu dois
avoir les yeux fixés sur la route, et il te faudra prendre garde
aux mille trous que tu rencontreras. Lorsque tu seras reçu
sur le pied de l'intimité dans la maison de tes amis, il te faudra
retenir ton cœur, tes mains et tes yeux (f abstenir d'envier, de
toucher et de regarder ce qui leur appartient.) »
Quatrain. — « Il te faut avec la force de l'éléphant avoir l'hu-
milité de la fourmi ; bien que possédant les deux mondes, il
te faut être dépouillé (de tout désir). Médite cette sentence :
I. Le naubet est la musique militaire qui se fait entendre plusieurs fois par jour
devant le palais du souverain.
l36 RELATION
Il faut voir les défauts des hommes et agir comme si Ton
était aveugle. »>
Qtiairain. — « Si tu maîtrises tes passions, tu es un homme.
Si tu t'abstiens de critiquer les défauts d'autrui, tu es un
homme. Il n'est point homme, celui qui foule aux pieds son
semblable gisant à terre; toi, tu seras un homme si, pour le
relever, tu tends la main à celui qui est tombé. »
Quatrain. - - « Lis les secrets que renferment les annales de
l'amour, mais n'en dis rien. Lance ton cheval à la suite de
ceux qui sont dévorés par le feu de l'amour et n'en dis rien.
Veux-tu sauver ton cœur et ta foi ? Observe, sois discret, ins-
truis-toi et ne dis rien. »
Pehlivan a composé un ouvrage sur le même mètre que le
Goulcheni Raz ; cet ouvrage est antérieur de dix-sept ans au
Goulcheni Raz de Cheikh Mahmoud Chebistery ^ 11 a pour
titre : Ken^ oui Haqaïq (le trésor des vérités). Malgré toutes les
recherches que j'ai faites dans le Kharezm, je n'ai pu en trou-
ver de trace ; personne n'en avait entendu parler. Le tombeau
de Pehlivan est à Khiva un lieu de pèlerinage très-vénéré.
I. Le Cheikh Mahmoud Chebistery naquit à Chebister, gros village situé à huit fer-
sengs de Tebriz. 11 mourut dans cette ville en 720 (i32o). II composa son Goulcheni Raz
(le bosquet de roses des secrets), trois années avant sa mort. Cet ouvrage a été publié et
traduit par M. de Hammer Purgstall. a Mahmud SchebisterVs Rosenjlor des Geheimnis-
ses, Persisch und Deutsch herausgegeben, von Hammer- Purgstall. Pesth et Leipzig;
i838, un vol. in-4».
DE L^MBASSADE AU KHAREZM iSy
Dépari de Khiva pour Kohnèh Ourguendj.
Le jeudi, seizième jour du mois de Zil qa'adèh de Tannée 1268
(2 novembre i85i), je quittai ma demeure et, pour changer de
résidence, j'allai m'établir dans un petit logement réservé. Le
vendredi, on amena les chameaux de charge et on plaça les
bagages sur ces vigoureux animaux dont la stature égalait la
hauteur des montagnes. Les cavaliers montèrent à cheval. Je
fis quelques fersengs en compagnie de Mohammed Cherif Bay et
je descendis à Châhâbad. Le soir, on nous servit un repas
dans la maison de Tourèh Ataligh, La grande salle en est belle
et le jardin agréable. On me traita avec beaucoup d'honneur
et beaucoup d'égards.
Samedi 18 (4 novembre). Nous montâmes à cheval le matin,
et, après avoir traversé de belles plaines et des sites charmants,
nous arrivâmes à la station de Tach-Haouz (le bassin de
pierre) où nous descendîmes. Nous vîmes là un vaste jardin
et un grand palais élevé par le Khan du Kharezm.
Dimanche 19 (5 novembre). Nous partîmes de Tach-Haouz
et, après avoir parcouru quelques fersengs, nous arrivâmes à
Hilaleïn (les deux croissants). Nous y passâmes la nuit et nous
y restâmes jusqu'au jour. C'est un vaste jardin dans lequel
s'élève une grande maison construite par le Khan. On nous
y reçut avec déférence et on nous donna un repas somptueux ;
on étendit par terre de magnifiques tapis.
Lundi 20 (6 novembre). Nous quittâmes Hilaleïn et nous
arrivâmes à Aq Tèpèh ( la butte blanche ) où nous passâmes
la nuit dans une maison de plaisance construite par un des
Khans du Kharezm. Le lendemain nous nous remîmes en route.
Mardi 21 (7 novembre). Nous arrivâmes à Khanâbad et
nous descendîmes dans une habitation de campagne du
Khan : nous nous établîmes sur les bords d'un bassin où
nous lavâmes nos visages pour les débarrasser de la pous-
l38 RELATION
sière du voyage. Partout où nous nous étions arrêtés, nous
n'avions vu nulle part une campagne aussi belle et aussi
agréable, un jardin aussi grand et aussi bien ordonné. La
superficie en est d'à peu près cent djéribs. Il est coupé
par des allées de peupliers blancs dont le feuillage forme
une voûte. Chaque allée conduit à un bassin et on passe
de chaque bassin à une autre allée. 11 y a quatre allées formant
chacune un carré. Le nom de ce jardin est Tchehar Tchemen
(les quatre pelouses). Il n'eût pas été déplacé de l'appeler les
huit paradis ' . Des oiseaux étaient perchés sur toutes les bran-
ches; quand ils s'envolaient après s'être reposés, le bruit de leurs
ailes et leurs cris formaient pour l'oreille un concert étrange.
Mercredi 22 (8 novembre). Nous nous dirigeâmes vers
Kohnèh Ourguendj. Nous apprîmes qu'un grand canal dé-
rivé du Djihoun avait débordé dans la plaine et que les eaux
couvraient les bas terrains sur un espace de deux ou trois éta-
pes. Un clan des Turkomans Yomout s'était établi à l'extrémité
de ce canal et avait refusé de payer les impôts au Khan de
Khiva. Leur nombre les avait enhardis à se soustraire à toute
obéissance. Les ministres employèrent un stratagème et dé-
tournèrent le cours du canal. Au bout de deux ou trois ans,
cette tribu fut réduite à une extrême détresse par suite du
manque d'eau et ses membres se dispersèrent dans les vil-
lages du Kharezm. Nous passâmes à côté de l'ancienne ville
qui fut jadis Gourgandj, capitale des Kharezm Chah, et qui
fut détruite par les Mogols, et nous arrivâmes à Kohnèh Our-
guendj . Ata Niaz Mahrem , qui en était l 'administrateur, se
porta à notre rencontre : il nous assigna pour demeure un jar-
din délicieux. Nous y séjournâmes pendant deux ou trois jours
I. Hecht Bihicht. Les Musulmans admettent huit degrés de bâititude dans le paradis,
qui sont désignés chacun par un nom particulier, Hecht Bihicht est aussi le nom d'une
maison de plaisance, construite à Ispahan, sous la dynastie des rois Sètèvy et réparée
par Feth Aly Chah. On en trouve la description dans les « Monuments modernes de la
Perse, mesurés, dessinés et décrits par P. Coste. Paris, 1867, in-fol., page 3o et planches
XXXVII-XL.
DE l'ambassade AU KHAREZM l3g
pour donner à ceux de nos compagnons de route qui étaient
restés en arrière le temps de nous rejoindre.
Le 23 (9 novembre). Nous prîmes la résolution d aller vi-
siter Kohnèh Ourguendj et ses anciens monuments et d'aller en
pèlerinage au tombeau du pôle des initiés, le Cheikh Aboul
Djennab, Thammet el Koubra, Nedjm oud Din Ahmed ben Amr
de Khiva, qui est un des Cheikhs les plus célèbres.
Le Qadi AbdouUah de Khoqand avec lequel j'étais lié de-
puis longtemps et qui exerçait à Ourguendj les fonctions d'Imam
m'accompagna ainsi que Mohammed Cherif Bay. Nous nous
rendîmes au tombeau du Cheikh Nedjm oud Din Koubra où
nous récitâmes le Fatihèh. Nous y méditâmes sur les révolu-
tions du temps et sur les changements qu'apporte la succession
des jours et des nuits.
Les bouleversements, les guerres se présentèrent à notre es-
prit et nous récitâmes ce vers de Khaqâny, stupéfaits de voir
qu'il ne restait aucun souvenir de Djenguiz Khan, aucun ves-
tige du Sultan Mohammed Kharezm Chah.
Vers. — « Tu me demandes où sont allés ces potentats ? Les
voici, leur corps est rentré dans le ventre de la terre qui les
portera éternellement. »
Récil succinct des événements lamentables du règfie de Sultan
Mohammed Kharezm Chah.
Qouthb oud Din Mohammed fils de Tekich Khan , était le
septième prince de la dynastie des Sultans Kharezmiens. Sa
puissance et sa magnificence lui avaient fait donner le surnom
de second Alexandre; on lui écrivait en lui donnant le titre de
< Tombre de Dieu sur la terre. » Il secoua Tautorité du Khalife
140 RELATION
de Bagdad Nacir et les ulémas de Tépoque rendirent un fetva
déclarant que les Abbassides s'étaient emparés violemment et
abusivement du khalifat qui, en droit, appartient aux en-
fants du lion de Dieu toujours victorieux, Aly fils d'Abou
Thalib. Le sultan Mohammed fit supprimer le nom du Khalife
sur la monnaie et dans la récitation du Khoutbèh. Son pouvoir
s'étendait depuis le Touran jusqu'à la province de Fars et il
avait une armée de trois à quatre cent mille cavaliers. Enfin,
ainsi que le fait est consigné dans l'histoire, la poussière de la
discorde s'éleva jusqu'au ciel entre lui et Djenguiz Khan. Bien
qu'il eût quatre cent mille soldats bien armés, il prit la fuite
devant Tarmée de Djenguiz et il répandit la poussière de l'op-
probre sur la tête des Persans. Il envoya sa mère Turkan
Khatoun dans le Mazenderan.
Djebèh Nouyan et Soundan Behadir passèrent le Djihoun, à
la tête de trente mille cavaliers. Le Sultan, l'esprit bouleversé,
s'enfuit de ville en ville et s'arrêta enfin à Esterâbad. 11 se ré-
fugia ensuite dans l'île d'Abiskoun située non loin du bord de
la mer Caspienne. Il y mourut Pan 592 (i 194) et on Tenterra
revêtu de ses habits. Les Mogols massacrèrent tous les habi-
tants de Samarqand, de Hérat, de Kharezm et de Rey, et ils
détruisirent ces villes. En somme, le Kharezm fut englouti dans
cette catastrophe. Le Cheikh Nedjm oud Din Koubra y cueillit
la palme du martyre '•
I. Les chroniques orientales abondent en détails sur Tinvasion du Kharezm et sur
la prise de sa capitale. Cf. V Histoire du Sultan Djelal oud Din Mangouberty par Che-
haboudDin Mohammed Nessawy, le DJihan Koucha de AlaoudDîn Mohammed
Djouweïny, IcDjami oui tewarikh de Rechid oud Din, elle Kami! fit Tarikh d'Ibn cl
Athir. M. Mouradja d*Ohsson a condensé les récits de ces historiens dans son Histoire
des Mongols, Amsterdam, 1862, tome î, pages lyS-ziô.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM I4I
Récit abrégé de la vie et du martyre de Nedjm oud
Din Koubra.
Ce cheikh était originaire de Khiva. Pendant sa jeunesse,
rétendue de sa science le portait à provoquer des discussions
de controverse théologique d'où il sortait toujours vainqueur,
ce qui lui fit donner le surnom de Thammet el Koubra (le ju-
gement dernier); on supprima Thammet et il ne lui resta que
le surnom de Koubra. On l'appelle aussi plus fréquemment
Aboul Djennab, parce qu'il avait renoncé au monde. On dit que
le Prophète lui apparut en songe et lui donna ce nom. Ce fait est
rapporté par Yafey dans sa chronique ' et par Abdour Rahman
Djamy dans le recueil des biographies des saints personnages
intitulé : Nefehat. J'ai dit dans mon < Hidayet Namèh: (Le livre
de la bonne direction).
Distique. — « Une nuit, Nedjm oud Din vit en songe le pro-
phète Mohammed l'Élu; il reçut de lui le surnom d'Aboul
Djennab. »
Le cheikh quitta sa ville natale et fit de nombreux voyages.
Il entra en relations avec les cheikhs ses contemporains, tels
que : Aboul Farad j Medjzoub, le cheikh Ismayl Qasry, le
eheikh Ammar lasir Bedlissy et Rouzbehan Misry ^ Après
avoir acquis la connaissance complète des doctrines du mysti-
cisme, il retourna dans le Kharezm. Douze de ses disciples sont
parvenus au degré de M^rcAiV/ (directeur spirituel). Ce sont le
1. Yafey donne, dans sa chronique sub anno 618, une courte biographie du Cheikh
Nedjm oud Din. Djamy n'a fait que traduire en persan le récit fait par Yafey de la mort
du Cheikh.
2. Tous ces personnages étaient les disciples du cheikh Chehab oud Din Aboul Ned-
jib Abdoul Qahir Souherverdy. Djamy a consacré à chacun d'eux une notice dans
son Nefehat oui ouns, édition de Calcutta, pages 478-480. Chehab oud Din est le fon-
dateur de Tordre religieux des Souherverdys.
IA2 RELATION
cheikh Nedjm oud Din Razy connu sous le nom de Dayèh, le
cheikh Nedjm oud Din Bakherzy, le cheikh Saad oud Dia
Hamawy, le cheikh Rezy oud Din Aly Lalay, natif de Ghaznah
et cousin de Hekim Senay ', Baba Kemal Djendy, Djemal
oud Din Souheyl du Guilan, Nour oud Din Abdour Rahmaa
Esferayny, le cheikh Ahmed Djouzqany, Mewiana Beha oud
Din Mohammed, père de Mewiana Djeial oud Din Mohammed
Balky, auteur du Mesnevy ^.
Le récit des actes de chacun de ces personnages est consigné
dans les annales de la communauté religieuse à laquelle ils ap-
partenaient. Pour moi, je n'ai d'autre dessein que de rapporter
les circonstances du martyre du cheikh Nedjm oud Din
Koubra.
Lorsque, par ordre du Sultan Mohammed Kharezm Chah,
Mejd oud Din Baghdady fut jeté dans le Djihoun, le cheikh
Nedjm oud Din appela sur le Sultan la malédiction divine. L'ar-
mée des Tatars envahit peu de temps après le Kharezm, tuant
et pillant tout sur son passage. Six cents hommes se dirigèrent
à Gourgandj sur le couvent du cheikh et lassaillirent. Le cheikh
prit les armes pour la cause sainte, fut tué, et acquit ainsi la féli-
cité du martyre. Cet événement eut lieu Tan 617 (1220) ^. Le
1. Senay naquit à Ghaznah dans les dernières années du règne de Sultan Mahmoud.
11 commença à se faire connaître sous le règne du Sultan Ibrahim fils de MessouH. U
eut pour maître dans le mysticisme le cheikh Abou Youssouf Yaqoub Hemdany. Il
jouit de la plus grande faveur auprès du sultan Behram Chah qui voulut lui faire épou-
ser sa sœur; mais Senay ne voulut jamais consentir à cette union. Il mourut en 576
(1180).
Son divan contient trente mille distiques. Il a composé, en outre, six Mesnevys dont
les vers ont tous la même mesure. Ce sont : i" Hadiqat oui Haqiqah (Le jardin de la
vérité); 2" Se'ir oui ibad ilal miad (La marche des serviteurs de Dieu vers la vie fit*
ture); 3» Kar Namèhi Balkh (Le récit de ce qui s*est passé à Balkh); 4» Tltariq oui
Tahqiq (La voie à suivre pour arriver à la connaissance de la vérité); 5* Ichq Namèh
(Le livre de rameur); 6* Aql Namèh (Le livre de Tinielligence). II a également mis en
vers les aventures de Bèhrouz et de Behram. Medjma oui fousseha, page 254.
2. Mewiana Mohammed Djeial oud Din, surnommé Molla Uunkiar, mourut à Qonièh
en 672 (1273). II est le fondateur de Tordre des Mevlevys.
3. Je crois devoir ir>sérer ici le récit de la mort de Nedjm oud Din tel qu'il est donné
par Djamy :
u Lorsque les intidclcs Tatars envahirent le Kharezm, le cheikh rassembla ses com-
DE l'ambassade AU KHAREZM 1^3
cheikh est auteur de nssalèh (opuscules) remplis de préceptes
utiles '. Il a composé^ en outre, de nombreux quatrains. Ceux
que Ton va lire sont dus à sa plume.
Quatrain. — « Puisque, de tout ce qui n'existe pas matériel-
lement, nous n'avons entre les mains que du vent, puisque tout
ce qui existe n'est que néant et fragilité, suppose que tout ce
qui n'existe pas dans ce monde existe et que tout ce qui s'y
voit est illusoire. i»
Quatrain. — « Il faut, pour s'engager dans la voie de Dieu,
trouver quelqu'un qui soit déjà arrivé au but et qui se soit com-
pagnons qui étaient au nombre de plus de soixante. Sultan Mohammed Kharezm Chah
s*était enfui ; mais les Tatars supposaient qu*il éiait encore dans le Kharezm. Nedjm
oud Din appela donc quelques-uns de ses compagnons comme le cheikh Saad oud Din
Hamawy, Rezy oud Din Aly Lalay et quelques autres, et leur dit : a Partez vite et allez
dans votre patrie. 11 s*est élevé à TOrient un feu qui brûlera tout jusqu'à TGccident.
C'est pour ce peuple une immense calamité qui n'a point eu sa pareille. » Quelques-
uns de ses compagnons lui dirent : « Que la sainteté du cheikh élève vers Dieu un
vœu, et ce malheur sera peut-être alors détourné des pays de Tlslamisme! » — a Non,
répondit-il, c*est une destinée inévitable! Des vœux ne sauraient nous y soustraire, n Ses
compagnons lui dirent alors : a Des montures sont préparées; si le cheikh veut bien se
joindre à nous, nous raccompagnerons et nous gagnerons le Khorassan. Ce projet ne
semble pas difficile à réaliser, n — « Je dois subir ici le martyre, répondit-il, et je n'ai
pas la permission de m*éloigner. » Ses compagnons se mirent en route pour le Khoras-
san. Lorsque les infidèles entrèrent dans la ville, le cheikh réunit ceux de ses disciples
qui étaient restés auprès de lui, et il leur dit : « Debout, au nom de Dieu! Nous allons
combattre dans la voie de Dieu! » 11 entra dans sa maison, se revêtit de son froc, se cei-
gnit les reins et remplit de pierres les deux côtés de sa robe qui était ouverte sur la poi-
trine. Il sortit, tenant une lance à la main. Lorsqu'il se trouva en face des infidèles, il
leur jeta les pierres qu'il portait, jusqu'à ce qu'il ne lui en resta plus une seule. Les in-
fidèles firent pleuvoir sur lui une grêle de flèches : une d'elles atteignit sa poitrine bé-
nie; il l'arracha et la jeta loin de lui. 11 recula alors et, au moment de mourir, il saisit
la mèche de cheveux d'un infidèle avec tant de force, qu'il fut impossible de faire lâcher
prise à sa main et que l'on fut obligé de couper la touffe de cheveux. »
Le cheikh mourut de la mort des martyrs dans le courant de Fan née 6i8 (1221).
Nedjm oud Din est le fondateur et le patron de l'ordre des derviches Koubrawy§.
I. Le plus célèbre de ces opuscules (Rissalèh) traite de matières théologiques et porte
le titre de « Rissalet oui hdym il khayfmin loumet il lalym^ » (Opuscule de celui qui
est en proie à l'étonnement et qui craint les reproches de la critique.)
Qazwiny trouvait cet ouvrage si remarquable qu'il dit que le texte devrait être copié en
lettres d'or. {Açar oui bilad, édition de M. Wustenfeld, GÔttingen, 1848, page 333.)
144 RELATION
plètement retiré du monde. Fortifie ta vue, car tout, dans
l'univers, représente Dieu et sa toute-puissance. »
Quatrain. — « Lorsque l'amour pénètre dans le cœur, le
cœur en ressent une vive douleur. Cette douleur rend Thomme
fort. L'homme (voué à Dieu) est dévoré par le feu de son
amour, mais il adoucit pour les autres Tardeur des flammes
de l'enfer. (Il obtient de Dieu le pardon des fautes des pé-
cheurs.) î»
Quatrain. — « Si j'imprime sur un pain le tableau de mes
actes de piété ; si je place ce pain sur une table devant un chien
rongé par la faim et qui est resté pendant toute une année
enfermé dans un grenier, la répugnance (que lui inspireront
mes fautes et le peu de valeur de ma dévotion) l'empêchera d'y
mettre les dents. »
Quand nous eûmes terminé notre visite pieuse au tombeau
du cheikh, le gardien du mausolée nous fit savoir que la tombe
du cheikh Medj oud Din Baghdady ' se trouvait aussi dans les
environs. Je m'y rendis et j'y récitai le Fatihèh. Cependant,
d'après mon opinion, le tombeau de ce Cheikh ne doit point
se trouver en cet endroit, parce qu'il fut précipité dans le Dji-
houn, et, si son cadavre a été retiré de l'eau, il est probable
qu'il a été enterré sur les bords du fleuve. On lit dans le
Nefehat que, dans l'année 607 (12 10), ou, suivant une autre
I. Abou Sayd MeJj oud Din Cheref Ibn Moueyyed était le fils d*un médecin que le
Khalife de Bagdad avait envoyé à Sultan Mohammed Kharezm Chah sur sa demande.
II exerça lui-même la médecine. Lorsqu'il eut embrassé la vie religieuse, il reçut sou-
vent la visite de la mère du Sultan qui se plaisait à entendre ses prédications. Des en-
vieux persuadèrent à Sultan Mohammed que sa mère avait épousé ce cheikh. Ce
prince ordonna, dans un moment d*ivresse, de le précipiter dans le Djihoun. Les
biographes orientaux prétendent qu*en apprenant ce crime, le cheikh Nedjm oud
Din Koubra aurait prédit la chute de Mohammed Kharezm Chah et les calamités que
devait causer dans son royaume Tinvasion des Mogols. Nefehat^ édition de Calcutta, pa-
ges 487-49^-
DE l'ambassade AU KHAREZM I45
version, en Pan 6i6 (12 19), Medjd oud Din reçut la palme du
martyre. Sa femme qui était originaire de Nichabour fit por-
ter son corps dans cette ville. On le transporta ensuite à Esfe-
rayn en 833 (1429) '. Medjd oud Din a composé des quatrains
pleins de charme :
Quatrain. — « Demain, lorsqu'arrivera le terme de ce
monde, de droite et de gauche, les têtes surgiront de la terre.
Mon pauvre corps, martyr et baignant dans le sang, se lèvera
de la terre sur laquelle est bâtie ta demeure. i>
Quatrain, — « Le limon qui a servi à former Thomme a été
pétri avec la rosée de l'amour ; la création de Thomme a rempli
le monde de troubles et de discordes. On a donné un coup de
lancette sur la veine de Tâme, et elle a laissé échapper une
goutte de sang qui a reçu le nom de cœur. »
Quatrain. — « Je plongerai dans l'Océan; ou je périrai, ou
je rapporterai une perle. Je tenterai une œuvre pleine de dan-
gers, mais j'aurai le visage ou le cou rouge. (Je recueillerai de
rhonneur ou je mourrai à la peine). »
De là, nous allâmes voir un autre tombeau, celui de Khadjèh
Aly Rametiny, surnommé Khadjèhi A^i^an (le maître des chers
amis, des derviches). Ce personnage était originaire du village
de Rametin^ qui relève de Boukhara; il fut un des disciples
1. On voulut déposer ses restes à côte de ceux de Saad oud Din Hamawy, d*Aly Lalay
et d'Abd our Rahman Esfcrayny qui avaient été ses compagnons. (Heft Iqîym, fol.
298 r.)
2. tt Rametin, village bien fortifié, possède une vaste citadelle, et son ancienneté re-
monte plus haut que celle de Boukhara. Le nom de cette localité se trouve cité dans
quelques-uns des ouvrages qui traitent de l'histoire de cette ville. Rametin était, dans
Tantiquité, la résidence des rois : lorsque Boukhara fut élevée au rang de capitale, les
princes passaient Thiver à Rametin, et cet usage' s'est conservé pendant Tlslamisme.
Quand Abou Mouslim, que Dieu lui fasse miséricorde! vint à Boukhara, il s'établit
dans ce village et il y séjourna.
Rametin a été fondée par Afrassiab qui, lorsqu'il venait dans la contrée, ne résidait
10
146 RELATION
de Khadjèh Mahmoud Faghnèwy ' et il était membre de la
secte des Naqchbendy. De Boukhara^ il se rendit dans le Kha-
rêzm et il s'y fixa. Le grand nombre de ses disciples donna de
l'ombrage au Sultan Mohammed Kharezm Chah. On prétend
que ce saint personnage avait, dans sa jeunesse, exercé le métier
de tisserand. Djelal oud Din, auteur du Mesnewy, a dit pour le
caractériser :
Distique. — « Si la morale, dans sa pureté, n était pas supé-
rieure à la science des choses terrestres, comment les notables
de Boukhara auraient-ils rendu hommage au maître qui fut
tisserand ? »
Ces deux distiques sont également attribués à Khadjèhi Azi-
zan :
Quatrain, - « Le sentiment est un oiseau enfermé dans la
cage du cœur : prends-en bien soin , car Toiseau est beau et
son chant est mélodieux. Ne romps pas le lien qui attache sa
patte, de peur qu'il ne s'envole, car, une fois échappé, tu ne
pourras le rattraper. »
point ailleurs. On lit dans les livres des Parsis que ce roi vécut mille ans et qu*il était
adonné à la magie. Il tua son gendre Siavech^ dont le fils KeyKhosrau envahit le pays
à la téted*une nombreuse armée, pour tirer vengeance du meurtre de son père. Afrassiab
fortifia Rametin qui, pendant deux uns, soutint les attaques de Tarmée de Key Khosrau.
Key Khosrau bâtit en face de Rametin un village qui reçut, à cause de Tagrément de
sa situation, le nom de Ramich (lieu de repos). Ramich est encore aujourd'hui dans un
état florissant. Key Khosrau fit construire un pyrée à Rametin et les Mough (Ma|$es)
assurent qu'il est plus ancien que tous ceux de Boukhara.
Après deux années de guerre, Key Khosrau s'empara d'Afrassiab et le mit à mort. Le
tombeau d'Afrassiab se trouve à Boukhara à Dervazèhi Ma'bed (la porte de Toratoire), sur
la grande colline d'Abou Hafs Kebir. Les habitants de Boukhara ont composé sur la
moï-t de Siavech de curieuses complaintes qui sont appelées par les chanteurs de pro-
fession Kini Siavech (la vengeance de Siavech). Mohammed, fils de Djafer, dit que ces évé-
nements se sont passés il y a trois mille ans. Dieu connaît mieux toutes choses.»— TVtriArA-
Boukhara d*Abou Bekr Mohammed Nerchakhy, traduite en persan par Mohammed Ibn
Zefer. Ms. de mon cabinet, fol. 1 5 .
I. Khadjèh Mahmoud Faghnèwy avait recueilli la succession spirituelle et la direc-
tion de l'ordre des Naqchbendy, de Khadjèh Arif Riveguirewy, qui était lui-même le
disciple de Khadjèh Abdoul Khaliq Ghoundjouwany.
DE l'ambassade AU KHAREZNf I47
Quatrain, — < Prends garde! éloigne-toi de toute personne
dont la fréquentation ne donne point le calme à ton esprit, et
dont la société ne procure point le repos à ton être, sinon les
âmes de ton père et de ta mère ne te reconnaîtront point comme
leur fils légitime ' . »
Quatrain. — e Lorsque la mention de Tunité de Dieu pénètre
ton cœur, elle lui cause une vive douleur. Cest cependant
cette mention qui donne à Thomme la force et le courage.
€ Bien qu'elle ait la vertu du feu pour brûler ton cœur, elle re-
froidira cependant pour lui les deux mondes. (Elle te détachera
des biens de la terre et te préservera des flammes de Tenfer.) »
On nous montra ensuite un autre tombeau qu'on nous dit
être celui de Fakhri Razy ^
Fakhr oud Din Abou Abdillah Mohammed Ibn Hassan el
Qourachy et Temimy el Bekry.
Fakhr oud Din était, de son temps, Tun des personnages les
plus avancés dans la dévotion et dans Tétude de la philosophie.
11 naquit Tan 544 (1149) ^^ mourut en 606 (121 1). Son tom-
beau est à Kohnèh Ourguendj.
1. On peut traduire également ainsi le dernier membre de phrase : a Sinon les âmes
des chers amis (des derviches) ne te reconnaîtront pas comme un compagnon digne
d'eux.
2. L'Imam Fakhr oud Din Razy, surnommé Khatyb our Rey (le prédicateur de Rey),
l'un des plus illustres docteurs de la secte chafelte^ appartenait à une famille du Tha-
barestan. Il naquit à Bey en b^'i (1148). 11 jouit de la faveur du Sultan Ghouride Ghias
oud Din Mohammed qui fit construire pour lui un medressèh à Hérât. Il dut quitter
cette ville à la suite de ses discussions avec le Qadi Abdoul Medjid, pour lequel le peu-
ple avait pris parti. Il fut plus tard rappelé à Hérât et il y mourut en 606 (iiii)*
Fakhr oud Din Razy est l'auteur de plusieurs traités sur des matières philosophiques
148 RKLATION
Il a composé de nombreux ouvrages qui jouissent d'une
grande célébrité; il se livrait quelquefois à la poésie persane et
il a composé des quatrains.
Je citerai ceux-ci :
Quatrain. — « Jamais mon cœur n'a cessé de s'occuper de la
science ; if y a peu de mystères dont je n ai pénétré le secret.
« Pendant soixante et douze ans, j'ai travaillé nuit et jour^ et
je suis arrivé à savoir que je ne savais rien. »
Quatrain. — « Je quitterai cette terre, je le crains^ sans en
avoir rien vu ; je rendrai Tâme sans avoir rien aperçu du monde
caché. Quand, abandonnant le monde terrestre, j'irai dans la
sphère des esprits, je n'aurai rien vu du monde spirituel dans
le monde matériel. »
Quelques personnes assurent que ce tombeau n'est point
celui de Fakhr oud Din Razy ^ On nous montra aussi le mauso-
lée d'Ibn Hadjib ^; mais nous n'eûmes pas le désir de le visiter.
Tous les environs (de la ville actuelle) sont couverts des
ruines d'un grand nombre de superbes édifices. Il existe un
minaret dont la hauteur est de soixante coudées et la circon-
férence de quarante. On dit que les Mogols l'aperçurent de la
distance de deux ou trois journées de marche, quand ils rava-
gèrent le Kharezm et Gourgandj. Au bout de deux ou trois
jours, ils arrivèrent au pied de ce monument. Furieux de voir
et religieuses; mais le plus important de ses ouvrages est un commentaire du Qoran
intitulé Mefatih oui ghàib (Les clefs de ce qui est caché) qui a été imprimé au Caire
(i 289-1871) en huit volumes petit in-folio. — La biographie de Fakhr oud Din Razy a
été écrite par Ibn Khallikan; elle se trouve dans le toms I" (pages 676-678) de l'édition de
Boulaq, 1275 (1873), et dans le -tome il, page 652 de la traduction de M. de Slane.
1. Le tombeau de Fakhr oud Din est à Hérât.
2. Djemal oud Din Abou Amr Osman Ibn Omar bin Abi Bekr bin Younis, plus
connu sous le nom d*Ibn Hadjib (le fils du chambellan), est l'auteur du Kafièh fil
Nahw, du Chafièh et de VAlamy^ traités de grammaire, de syntaxe et de rhétorique.
Ibn Hadjib naquit à Alexandrie et il mourut dans celte ville en 646 (1248). Son tom-
beau ne saurait donc se trouver à Kohnèh Ourgucndj,
4 _
DE i/aMBASSADE AU KHAREZM 1 49
leurs chevaux épuisés de fatigue, ils détruisiren le minaret
dont il reste cependant les débris que nous vîmes. Il y a, en
outre, plusieurs autres tombeaux dont l'un est appelé le tom-
beau de Cheikh Cheref, et dont l'autre porte le nom de Qara
Qapy (la porte noire).
Parmi les ruines^ nous remarquâmes un édifice surmonté
d'une coupole recouverte de plaques de faïence. Il est remar-
quable par sa solidité, son élévation et la pureté des lignes. On
nous dit que c'était le mausolée de Tourèh Bay Khanum^ fille
de Qputlouq Sultan '.
Kohnèh Ourguendj se relève par les soins de Mohamfned
Emin Khan, souverain du Kharezm, et il est à supposer que sa
prospérité ira toujours en augmentant. Nous vîmes^ dans cette
ville^ quelques cavaliers Qazaq et Qara Qalpaq qui attirèrent
notre attention par l'étrangeté de leurs costumes, et la forme
singulière de leurs bonnets.
Gourgandj portait autrefois le nom de Djourdjanièh. Elle
est située par i35** de longitude et 42° de latitude ^. 11 y a, dans
les environs, un grand nombre de villages et de localités dont
il est fait mention dans Thistoire, ou qui n'ont aucune notoriété.
Kat est une ville du Kharezm qui était comptée parmi les
cinq places fortes de cette province. Jadis, elle a joui d'une
grande prospérité, mais, aujourd'hui, elle n'a qu'une impor-
tance médiocre.
Elle est la patrie de Mehter Yaqoub, fils de Mehter Yous-
souf qui fut ministre des Khans de Khiva. Le gouvernement
1. Fakhr oud Din Qoutlouq Inandj qui défît et tua Sultan Toghroul,dans la bataille li-
vrée par les troupes de Tékich Kharezm Chah à ce prince, près de Rey, en 583 (ii 87).
2. Gourgandj ou, selon la forme arabe, Djourdjanièh était, avant l'invasion des Mo-
gols. la capitale du Kharezm. Elle porta autrefois les noms de Fil, de Kharezm et de
Mançourah. Mançourah était originairement bâtie sur la rive orientale du Djihoun.
Elle fut détruite par les inondations de ce fleuve. Gourgandj était une petite ville qui
s'élevait en face de Mançourah sur la rive occidentale. Les habitants de Mançourah s'y
transportèrent, y construisirent des maisons et s'y fixèrent.
Mançourah disparut si complètement qu'il n'en resta plus de trace. Yaqout visita Gour-
gandj en 616 (12 19) avant sa destruction par les Mogols, et il déclare n'avoir pas vu de
cité plus grande, plus riche et plus policée. Moudjcm oui DouUan, tome IV, page 54.
1 50 RELATION
de ce district est confié à ses parents. Mohammed Rehim Khan
a construit à Kât quelques édifices publics. Celte ville appar-
tient au cinquième climat^ et elle est placée sous Tinfluence de
la troisième planète (Vénus) '.
Zamakhchar , village défendu par un château-fort, jouit
depuis les temps les plus reculés d'une grande aisance. Le sa-
vant Zamakhchary y a reçu le jour *.
QoNGHOURAT, Ville et place forte du Kharezm, est la rési-
dence du clan des Qonghourat, branche de la tribu des Uzbeks.
1. Kât, située par 94* de longitude et 41" 3o' de latitude, était autrefois la capiulc du
Kharezm. Elle était, primitivement, bâtie sur la rive orientale du Djihoun; mais un dé-
bordement de ce fleuve la renversa et les habitants la reconstruisirent sur une émi-
nence. Elle possédait autrefois une citadelle et une grande mosquée. Le palais des
Kharezm Chah s*élevait à côté de cette mosquée. Un petit canal nommé Djerdour tra-
verse la ville et se jette dans le Djihoun ; le marché s*étend sur ses deux rives. En de-
hors de Kât, il n'y a, sur la rive orientale du Djihoun, ni village ni bourg. Qawwam
oud Din, jurisconsulte du rite Hanéfite et auteur du Miradj oud Diraièh ^ Houssam oud
Din, auteur d'un commentaire sur Tlsagoge , Nâcir oud Din Nouh Ârrezy, auteur du
Moghrib, Khadjèh Aboul Véfa, Pehiivan Mahmoud, fils de Pour Bay, Mewlana Kemal
oud Din Housseîn et d'autres personnages ont reçu le jour à Kât.
Djihan Numa, pages 335-336.
Selon Yaqout (Moudjem oui Bouldan, tome IV, page 222), le mot Katou Kath dési-
gne, dans le dialecte du Kharezm, une muraille élevée dans le désert et qui n*entoure
aucune construction. Il est probable qu'il se trouvait anciennement dans cet endroit une
muraille pareille à celles de Q.izil Alan dans le Gourgan, de Bab oui Ebouab dans le
Chirvan, et qui était destinée à protéger le pays contre les incursions des tribus du
nord.
Il existait au xiii* siècle, avant Tinvasion des Mogols, un petit village situé près de
Gourgandj et qui portait le nom de Nouz Kât (la nouvelle Kât).
2. Aboul Qassim Mahmoud Ibn Omar, surnommé Djar ou]lah(le voisin de Dieu), à
cause de son long séjour à la Mekke, est Tautcur de nombreux traités ayant pour objet
la grammaire, la philologie, la lexicographie, la rhétorique et la jurisprudence. Il a
composé quelques poésies et il en dédia le recueil au Chérif Aboul Hassan Aly Ibn
Hamzèh bin Wehhas, Emir de la Mekke. Les plus connus de ses ouvrages sont le
recueil d'anecdotes qui porte le nom de a Rebi oui ebrar ouè noussous oui akkyar » (le
printemps des justes et les manifestations des hommes vertueux), un traité géographique
disposé alphabétiquement (Le livt*e des localités, des montagnes et des eaux) et son com-
mentaire du Qpran a El Kechchaffi haqaiq il Tenait » (le livre qui dévoile les vérités
de la révélation divine) Le Kechchaf a été imprimé au Caire en 1281 (2 volumes
in-folio). Zamakhchary naquit en 467 (1074), ^^ mourut à Gourgandj, à son retour du
pèlerinage de la Mekke en 538 (i 143). — Cf. Pour la biographie et les ouvrages de Za-
makhchary, Ibn Khallikan a Vie des hommes illustres », Boulaq, 1275 (i838), tome 1,
pages 12 1-123, et la traduction de M. de Slane, tome III^ page 32 1 et suivantes.
DE l'ambassade AU KHAREZM v5l
Les Khans de Khiva appartiennent à ce clan. Les Qyat habi-
tent aussi Qonghourat.
QiPTCHAQ^ QoNQALY, Manqit et Khitay sont quatre villages
protégés chacun par un château-fort ; ils doivent leur nom à
des fractions de la tribu des Uzbeks. L'Emir de Boukhara
Nasr oullah Khan appartient à la tribu des Manqit, le Khan
de Khiva à celle des Qonghourat : ces deux tribus sont Uzbeks
d'origine.
Hekim Ata est une localité située sur le bord du Djihoun.
Hekim Ata, qui y est enterré, était Tun des cheikhs Turks de
l'ordre des Naqchbendy '.
Le Kharezm s'étend le long du Djihoun et la plupart des
villages sont situés sur ses bords. Ils sont séparés de ce fleuve
par une distance de trois ou quatre fersengs , et quelquefois
davantage.
Hekim Ata est à la limite extrême de la partie cultivée du
Kharezm. Quand on dépasse cette localité, on arrive au pays
occupé par les Qazaq et les Qara Qalpaq, soumis au Khan de
Khiva. La contrée où ils résident est bornée d'un côté par le
Djihoun, de l'autre par le Sihoun; elle est aride et son étendue
est de vingt journées de marche.
Le Djihoun se jette dans la mer du Kharezm.
Entre la mer du Kharezm et la mer de Russie s'étend, sur
une longueur Aq vingt journées de marche, une chaîne de
montagnes qu'il faut parcourir tout entière, pour arriver à la
mer Caspienne. Les Russes ont débarqué, delà mer de Russie,
avec un approvisionnement de poutres et de pièces de bois, qu'ils
ont transportées sur le bord de la mer d'Aral. Ils ont construit
un navire qu'ils y ont lancé. Us ont également bâti, sur le ri-
I. Ce village doit son nom au voisinage du tombeau de Hekim Ata enterré à AqQour-
ghan. Ce saint personnage recueillit la succession spirituelle de Khodja Ahmed Yessevy
t dirigea pendant vingt ans Tordre des Naqchbendy. Il mourut en Tannée 582 (i i83).
Kha\inet oui Eç/ya, page 5io.
Nous possédons, sous le titre de a Hekim Ata hikayety », un recueil d*anecdotes rela-
tives à ce personnage et écrites en turc oriental. La rédaction en est ancienne, et cet opus-
cule vient d'être publié à Cazan par les soins de M. Goitwaldt.
\D2 UKLATION
vage^ un fort dans lequel ils ont mis une garnison de deux
cents hommes.
Amouy ou Amouyèh est le nom d'une ville qui se trouvait
sur le bord du Djihoun. Elle a donné son nom à ce fleuve ^
Lé Djihoun, que Ton appelle aussi Abi Amouy, est un fleuve
qui coule entre Tlran et le Touran. Il prend sa source dans les
environs de Badakhchan, reçoit beaucoup d'aflluents, passe au-
près d'un grand nombre de villes et arrive au Kharezm pour
se jeter dans la mer d'Aral. On met six jours pour arriver du
Kharezm à l'embouchure du Djihoun. Pendant l'hiver, le fleuve
gèle et la glace est d'une telle épaisseur qu'elle permet le pas-
sage des caravanes : Teau suit son cours sous la glace.
On dit que la mer d'Aral s'écoule (par une voie souterraine)
dans la mer d'Abiskoun, c'est-à-dire dans la partie de la mer
Caspienne qui avoisine le Mazanderan et Esterâbad. Ces deux
mers sont séparées par une distance de soixante fersengs.
Dans la mer d'Abiskoun se trouve un gouffre, d'où l'eau s'é-
chappe en jaillissant avec force et en bouillonnant. Les marins
évitent de conduire dans ses environs leurs navires qui seraient
submergés.
Le lac du Djond du Kharezm (la mer d*Aral).
Ce lac a de tour et trente-deux fersengs de diamètre '.Il
I . Amouy et Amouyèh sont les noms de la ville d'Amol de la Transoziane, que l'on
appelle Amol du bord du fleuve ou Amol du désert {Amol ech Chatte Amol el Mefa^èh),
pour la distinguer de TAmol du Mazanderan. Cette ville est située à un mille du Dji-
houn, sur la route de Merv à Boukhara. Le pays qui s*étend entre Merv et Amol est un
désert sablonneux, dont la traversée est excessivement difficile et périlleuse. Moudjem oui
Bouldan, tome I, page 6g.
2. Les deux manuscrits que j'ai eus à ma disposition portent un ferseng, ce qui est
inadmissible. « Le Djihoun, dit Yaqout, déverse ses eaux dans le lac du Kharezm, à un
endroit fréquenté seulement par les pécheurs et où on ne trouve ni village, ni maisons.
Cette localité porte le nom de Khouldjan. En face, s'étend le territoire occupé par la tribu
turke des Ghouzz. La circonférence du lac peut être évaluée, d*après ce qui m'a été dit,
à cent fersengs. L'eau est salée et elle n'a point de débouché apparent. Ce lac reçoit les
DE l'ambassade AU KHAREZM 1 53
reçoit dans son sein les eaux du Djihoun et celles du Sihoun qui
traverse les provinces de Tchach et de Ferganèh. Le volume
de ^es eaux n'augmente pas, ce qui fait supposer qu'il y a une
voie qui leur permet de s'écouler , et qui aboutit à ce gouf-
fre bouillonnant d'Abiskoun dont nous venons de parler plus
haut.
On lit, dans quelques chroniques, que le Djihoun se jetait
anciennement dans la mer d'Orient, mais que, lors de l'inva-
sion des Mogols^ ceux-ci en détournèrent le cours et qu'il
alla verser ses eaux dans la mer d'Abiskoun. D'autres auteurs
prétendent que le Djihoun se perd dans les sables, et qu'il a
une embouchure souterraine dans la mer Caspienne. J'ai
remarqué, pendant mon voyage au Kharezm, soit à Taller, soit
au retour, certains vestiges et certains canaux qui m'ont donné
la conviction que les Mogols avaient détourné ce fleuve, et
qu'on Pavait anciennement coupé dans la partie supérieure de
son cours. On voit encore les traces de son lit desséché \
Le Sihoun est un fleuve du Turkestan qui porte aussi le nom
de fleuve de Khodjend, de Mokhend, de Fenaket, et de Châh-
roukhièh. Toutes ces villes appartiennent à la province de
Ferganèh, qui porte aujourd'hui le nom de Khoqand.
eaux du Djihoun et celles du Sihoun. Il faut plusieurs jours de voyage pour franchir
la distance qui sépare les embouchures de ces deux fleuves. De nombreuses rivières se
jettent aussi dans ce lac; néanmoins, le goût salé de Teau ne diminue pas, et le vo-
lume n'augmente pas. Il est donc à supposer qu'il existe, entre lui et la mer Caspienne,
des conduits souterrains et des fissures qui servent à l'écoulement des eaux. Une dis-
tance de dix journées de marche, en droite ligne, sépare ces deux mers intérieures : cet
espace est occupé par un vaste désert de sable qui n'est point un obstacle pour l'écoulé-
ment ou l'évaporation des eaux. > Moudjem oui bouldan, tome l, page 514.
Le lecteur pourra consulter sur le lac d'Aral les ouvrages suivants : // lago di Aral,
disserta^ione deW ingegnere Luigi Hugues, Torino, 1874; The shoresoflake Aral, by
Major Wood, London, 1876, Turkistan, by Eug. Schuyler, Ph. D', London, 1876,
tome I, passim, et. De Caspiana atque Aralica regione Asice, veteres geographos cum
recentioribus conferendos suscepit J.-B. Pasquier. Paris, 1876.
I . Sur le Djihoun et l'ancien cours de ce fleuve, cf. A journey to the source 0/ the
river OxuSy by Cap* John Wood, .inédit., Londres, 1872. Ùas alte Bett des Oxus (Amû
Daria), von J. de Goeje, Leyde, 1875, et Notes on the hiver Amû Daryjy Syr Darya and
lake Aral, 18 y 4^ by major Herbert Wood, dans le journal de la Société royale de
Géographie, tome XLV, Londres, 187b.
1 54 RELATION
J'ai cité les noms de Boukhara, d'Amouyèh, et ceux du Dji-
houn et du Sihoun; il ne me paraît donc point inutile de don-
ner ici quelques notices succinctes sur ces localités.
Notices succinctes sur l'état actuel des villes du pays de
Boukhara la Noble.
Boukhara est une ville célèbre du cinquième climat; elle est
située dans la Transoxiane par 96** 3o' de longitude et par Sg® 7'
de latitude. Son enceinte est percée de onze portes; elle ren-
ferme deux cents collèges grands et petits, sept grandes mos-
quées où Ton fait la prière du vendredi, quarante bains et
cent^cinquante caravansérails pour les marchands. Le château
a un demi ferseng de circonférence ; sa grande porte s'ouvre à
l'occident. Les revenus du trésor, perçus dans la ville même de
Boukhara, s'élèvent à la somme de cent mille toumans, chacun
du poids d'un misqal. La Avilie est très-peuplée et le concours
y est énorme ' .
Qarchy est une ville située à environ dix-sept fersengs au sud
de Boukhara ; elle est séparée de Samarqand et de Boukhara
par une distance de trois journées de marche, et de Kech, nom-
mée aujourd'hui Chéheri-Sebz, par deux journées de marche.
Cette ville est plus connue sous le nom d(^ Nakhcheb. La
« lune de Nakhcheb » est le surnom donné à Mouqannah
dont Thistoire est si connue ^. Nakhcheb est aussi appelée Nés-
sef. Elle est la patrie du cheikh Aziz Nessefy. Nessef est la
forme arabisée de Nakhcheb.
KouyoukKhan, souverain de la Transoxiane ^, construisit dans
1. Voy. rappenJice § IV.
2. Voy. l'appendice g V.
. Kouyouk Khan, rils d'Ogoiay, monta sur le liôneau mois dcilebi cul Âkhir 64'i
DE l'ambassade AU KHAREZM l55
cette ville un superbe château. Les Turks appellent un château
« Qarchy » et c'est de là que vient le nom que Nakhcheb porte
aujourd'hui. Une petite rivière traverse Qarchy qui est pros-
père et bien peuplée; elle a sept portes, trois grands bains, trois
collèges importants et une très-grande mosquée où Ton fait la
prière du vendredi.
A Torient de cette ville^ à la distance de sept fersengs, et pla-
cée sous sa juridiction, se trouve la ville de Khazer qui est bien
peuplée; elle a cinq grandes portes, quelques collèges et
quelques bains.
TcHiRAGHTCHY est la résidence d'un gouverneur; elle paye
au trésor dix mille tillas ; elle est comptée au nombre des loca-
lités dépendant de Boukhara.
Chirabad est située à vingt fersengs de Qarchy; c'est une
ville riche et bien peuplée qui paye au trésor quinze mille tou-
mans.
A peu de distance se trouve la ville de Bayssoun , dont le gou-
verneur verse au trésor de TEmir la somme de dix mille tillas.
Termiz, au sud de Bayssoun, est une ville célèbre ; elle est la
patrie d'Edib Sabir Termizy ' ; on y voit le tombeau de Khodja
(août 1246), quatre ans après la mort de son père. Sa mère Tourakina avait, pendant ce
temps, exercé la régence. Ce prince mourut de phthisie au bout d'un an. Les historiens
orientaux lui reprochent vivement d'avoir préféré les chrétiens aux musulmans.
I. Le poète Edib Sabir était originaire de Boukhara. Sous le règne du Sultan Sind-
jar, il se rendit de Termiz à Merv. 11 eut de longs démêlés avec Rechid Vathvath et ces
deux poètes échangèrent de nombreuses satires. Envery et Khaqany avaient pour le
talent d'Edib Sabir la plus grande admiration.
Lorsque les relations se tendirent entre le Sultan Sindjar et Etsiz, Edib Sabir fut en-
voyé par Sindjar, qui avait en lui la plus grande confiance, dans le Kharezm, pour
lui rendre compte de la situation. Il y apprit qu'Etsiz s'était assuré le dévouement d'un
Feday qui était parti pour Merv, et qui devait assassiner le sultan Sindjar un vendredi,
lorsque ce prince se rendrait à la mosquée. 11 envoya le portrait exact de cet homme au
sultan qui le fit rechercher, arrêter et exécuter. Etsiz soupçonna Edib Sabir d'avoir
fourni ces indications. Il le fit saisir et jeter dans le Djihoun, les pieds et les mains liés
(546-1 i3i). Edib Sabir a laissé un Divan et un Saoukend Namèh, (le livre du serment)
qu'il composa pour son protecteur, le SeiydÂbou Djafer Aly ibn Hussein de Nichabour,
qui était le chef des Seiyds du Khorassan.
Daoulet Chah. Te^kèret ouch Chouara,
Les poésies d'Edib Sabir ont été recueillies par Tordre de Menoutchehr Khan en
io3i (1621). Je poi^ède l'exemplaire copié pour ce personnage.
1 56 RELATION
Abdoul Hekim Termizy. La ville s'élève sur le bord du Dji-
houn; le gouverneur acquitte une redevance de dix mille
tillas.
Kerky est une ville située sur les bords du Djihoun^ à l'ouest
de Termiz.
TcHEHAR Djouy, à Touest de Kerky, paye annuellement la
somme de vingt mille tillas d'impôt et elle fournit à l'Emir
deux mille hommes de milice. Elle est située sur les bords
du Djihoun, à peu de distance du Kharezm.
Qara Koul, située au nord, possède une bonne citadelle; cette
ville verse au trésor vingt-quatre mille tillas. Dans ces dernières
années, lorsque Châhroukh Khan Qadjar, fils du Nevvab Ibra-
him Khan, cousin de Feth Aly Chah, se réfugia à Boukhara,
Qara Koul lui fut assignée comme apanage ; les peaux de bre-
bis de Qara Koul sont renommées.
Kerminèh est à l'ouest de Boukhara. Cette ville est généra-
lement donnée comme gouvernement au fils de TEmir de
Boukhara. Le district de Kerminèh est d'une grande étendue,
et tous les ans le trésor de l'Emir y perçoit des impôts qui
s'élèvent à la somme de cinquante mille dinars. Une distance
de onze fersengs sépare cette ville de Boukhara '.
Nouz est située à huit fersengs au nord de Kerminèh; cette
ville est la résidence d'un gouverneur et elle paye au trésor
douze mille tillas ^
ZiA ouD DiN, à l'est de Kerminèh, paye tous les ans soixante
mille toumans qui sont employés à fournir les appointements
I . Aboul Hassan de Nichabour, dans son ouvrage intituItS Khe:{ayn oui ouloum (les
trésors des sciences), dit que Kerminèh est une Içcalité dépendante de Boukhara. L*eau
qui Tarrose est celle de Boukhara et ses impôts figurent dans le compte de ceux qui
sont payés par cette ville. Kerminèh possède une grande mosquée et elle a donné nais-
sance à de nombreux poètes et littérateurs ; elle portait autrefois le nom de Badièhi
Khourdek (it petit désert). De Kerminèh à Boukhara, on compte quatorze fersengs.
Tarikhi Boukhara d'Abou E5ekr Mohammed Nerchakhy. — Manuscrit de ma bibliothè-
que, fol. i8.
•2. Le texte persan imprimé porte par erreur Bouz. Nouz, dans le dialecte de Boukhara
et du Kharezm, a la signification de nouveau, neuf.
DE l'ambassade AU KHAREZM l5j
m
des employés et la solde des troupes régulières de Boukhara ' .
Yekèh Bagh. Cette ville qui relève de Qarchy, est bâtie au
pied d une montagne.
Cheheri Sebz est un canton agréable ; sa beauté et la verdure
dont il est couvert lui ont valu son nom ; il est situé entre Bou-
khara et Samarqand. L'Emir de Boukhara s'est rendu maître de
certaines parties de ce pays ^.
Samarqand est une ville célèbre du cinquième climat et de la
Transoxiane.
On rapporte que les premières constructions furent élevées
dans le Soghd de Samarqand par Rustem, fils de Destan, con-
formément aux ordres de Key Kaous.
Abou Karib Ghamar, de la dynastie des Tobba du Yémen^ fit
la conquête de ce pays. Il rasa la ville et la livra aux flammes ;
son emplacement reçut^ en conséquence^ le nom de Chamar
Kend (Chamar Ta détruite). Samarqand est la forme arabisée de
Chamar Kend.
1. Cette ville doit son nom au tombeau du Cheikh Zia oud Din qui y est enterré. Zia
oud Din mourut en ybi (i33o.)
2. Kech est située au sud de Samarqand dont elle est séparée par une distance de
vingt fersengs. Les environs de cette ville sont si verdoyants qu*on lui a donné les noms
de Qpubbet el Khadhra (voûte verdoyante) et de Cheheri seb^ (ville verte). Les fruits que
Ton y récolte. sont d'une excellente qualité et la campagne est d'une extrême fertilité.
Dans les dépendances de cette ville se trouve Nekab Targhay, lieu de naissance de TEmir
Timour. Ce prince a fait de sérieux efforts pour faire de Kech la capitale de son empire,
mais la proximité de Samarqand ne lui a pas permis de réaliser ce projet. Cette ville a
donné naissance au poète Emir Khosrau, à Khodja Aboul Bérékèh et à son fils Khodja
Beha oud Din. Heft Iqlym, f» 528, V».
Kech ou Kich, dit Hadji Khalfa, est un district qui est situé par 99° 3o' de latitude et
non loin de Nessef. Il s'étend sur trois fersengs de largeur et trois de longueur. Tout y
est à fort bon marché; les fruits y sont très -abondants et ils mûrissent dans cette loca-
lité plus tôt que partout ailleurs. L'air est malsain. Ce district portait autrefois le nom
de Cheheri Sebz.
La ville se compose d'un château-fort, d'un faubourg et d'une cité intérieure. Les ba-
zars se trouvent dans le faubourg. Les maisons sont construites en terre et en bois. Les
jardins et les vergers sont très-nombreux et on y récolte des céréales en grande quantité.
Kech a quatre grandes portes : i® La porte de fer (Deri Ahenin) 2" La porte d'Abdal-
lah, Z* la porte des bouchers (Deri Qassaban) 4* la porte de la cité (Deri Charistan) qui
est aussi appelée la porte de Turkestan, à cause d'un village situé à proximité et qui
porte ce nom. La ville est traversée par deux cours d'eau dont l'un porte le nom de Ne-
h^ri Qissarin, et l'autrccclui de Rivière noire (Nelieri Essoued). Djihan Numa, page 353.
l5(S RELATION
La ville occupe une vaste étendue; elle est^ après Boukhara^
la plus grande de la Transoxiane. Elle doit sa splendeur à l'Emir
Timour. On y voit de superbes constructions royales. Le tré-
sor y perçoit tous les ans cent mille tillas. Elle fournit dix mille
cavaliers aguerris; on y voit encore le trône de TEmir Timour
que Ton appelle Keuk-Tach. La population s'élève au chifiQre
de cent mille âmes. La ville renferme cinq grandes mosquées^
trente caravansérails et vingt-deux grands collèges. Tous ces
édifices ont été élevés par Timour et par ses fils. On voit à Sa-
marqand le tombeau de Qoucem Ibn Abbas et celui de Khodja
AbdouUah Ahrar de Tordre des Naqchbendy. On prétend aussi
que saint Georges et Daniel y ont reçu la sépulture. La ville de
Samarqand a onze portes; elle est un peu moins grande que
Boukhara. La distance qui les sépare est de trente-huit fersengs.
Plusieurs villes sont placées sous la juridiction de Samarqand;
nous citerons parmi elles Khathartchy, à dix fersengs à Touest,
Kharthartchy paye chaque année au trésor seize mille tillas^ et
elle fournit à l'Emir deux mille hommes de milice. A Test de
cette ville se trouve une localité nommée Pendjchenbèh et une
autre appelée Douchenbèh ; elles sont à la distance de cinq fer-
sengs l'une de l'autre. Le trésor lève sur ces deux localités la
somme de dix mille tillas. De Pendjchenbèh à Samarqand on
compte trois fersengs '.
1. L'histoire de Saînarqand a clé écrite par Abou Sayd el Idrîssy (405-1014), et par
Aboul Abbas Djafer elMousiaghfiry r432-i04i). Abou Hafs en Nesscfy (SSj-i 143; a com-
posé, sous le titre de u Kiiab oui Qand », une suite aux annales de Djafer el Mous-
taghfiry. Clavijo, ambassadeur de Henri III de Castillc auprès de Tamerlan, a donné,
dans la relation de son voyage, une description de Samarqand et des édifices élevés par
ce prince, a Historia del gran Tamorîan c itincrario e enarracion del viagey relacion
de la Embaxada que Ruy Gonçale^ de Clavijo le /«"fo, etc. » Séville, i582, f* 40,
verso et suivants. La relation de Clavijo a été traduite en anglais par M. Cléments
R. Markham et publiée par la a Hakluyt Society », sous le titre de « Narrative ofthe
Embassy of Ruy Gon^^ale:^ de Clavijo to the court of Timour at Samarcand A, D.
1403- 1406. Londres, 1859.
Le lecteur trouvera dans le « Voyage d'un faux derviche », par A. Vambcry, Paris,
i865, pages 187-198, et dans le « Recueil d'itinéraires et de voyages dans VAsie cen*
traie et dans l'extrême Orient », publié par TEcole des langues orientales, 1878, pages
207-245-284-310, les détails les plus complets sur Tétat actuel de Samarqand.
DE l'ambassade AU KHAREZM iSq
Ederkout est une ville bien bâtie qui paie vingt mille toumans
d'impôt.
Pentchèh Kint est située à cinq fersengs à Test d'Ederkout ;
elle est adossée à une montagne; elle est à sept fersengs de
Samarqand. Le chiffre de ses impôts s'élève à trois mille tillas.
Say Bouy est à sept fersengs au nord de Samarqand.
Dazakh se trouve à onze fersengs de Samarqand.
OuRÈH est le nom d'une ville placée sous la juridiction de
Samarqand. Il y a, en outre, une quantité de petites villes dont
je ne fais point mention^ pour ne point allonger mon récit.
Le pays de Boukhara s'étend sur une longueur qui représente
un mois de marche; il est borné à Test par la province de Fer-
ghanèh, c'est-à-dire par la contrée traversée par le Sihoun; à
l'ouest^ par le Kharezm, et au nord, par le pays de Tachkend
c'est-à-dire par le Dechti Qiptchaq qui forme la frontière de
l'empire de Russie; au sud, la Boukharie s'étend jusqu'aux pro-
vinces de Balkh, de Hissari Chadman, de Qoundouz et de
Baqlan. Toute la contrée est bien peuplée et bien cultivée.
Par suite des circonstances actuelles, Merv Ghahidjan fait
aussi partie des possessions de TEmir de Boukhara. Cette ville a
échappé à l'autorité du Khan de Khiva, et tous les ans, il y a, à
son sujet, des contestations à main armée; mais les habitants de
Merv ne payent aucun impôt au gouvernement de Boukhara.
Allah Qouly Khan avait construit, à Merv, un château qu'il
avait armé de quelques pièces de canon; il y avait établi comme
gouverneur l'oncle de son premier ministre. Les habitants de
Merv se soulevèrent contre lui, le tuèrent et s'emparèrent du châ-
teau et des canons qui s'y trouvaient. Quatre cantons dépendant
de Cheheri Sebz sont, en ce moment, au pouvoir de l'Emir de
Boukhara.
La superficie de la province de Cheheri Sebz est de dix fer-
sengs; la ville a une forte citadelle et elle est adossée à une
montagne; le sol est marécageux.
l60 RELATION
Généalogie de F Emir de Boukhara.
L'Emir de Boukhara porte le nom d'Emir Nasr oullah. Il est le
fils de TEmir Hayderqui lui-même était fils de Chah Mourad Bek,
connu sous le nom de Bek Djan. Cette famile tire son origine
de la tribu des Uzbeks Manqit. On dit que leur généalogie re-
monte aux Mogols. Dieu seul connaît la vérité de toutes choses !
Province de Ferghanèh.
Cette province est située dans le Touran et elle tait partie du
cinquième climat. Elle fut, dit- on, peuplée par Nouchirevan
qui y transporta un homme pris dans chacune des familles de
la Perse; elle reçut, en conséquence, le nom de pays de Her-
khanèh (de chaque maison). Ferghanèh en est la forme arabi-
sée de ces deux mots.
Cette province renferme un grand nombre de villes parmi
lesquelles nous citerons :
OusROucHiNÈH OU Arouchinèh \
I. Ousrouchinèh , située par loi* de longitude et 41* 3o' de latiiudc , est un
district considérable du pays des Hiathilèh * qui s^étend entre le Sîhoun et Samar-
qand, sur un espace que Ton estime être de vingt-six fersengs. Selon Ibn Hauqal,
Ousrouchinèh est une contrée environnée, de presque tous les côtés, de montagnes,
et bornée, à Test, par des districts de Ferghanèh, à Touest, par les frontières de Samar-
qand, au nord, par Châch et quelques cantons de Ferghanèh et, au sud, par le pays de
Kcch et de Saghanian **. Cette contrée renferme quatre cents châteaux forts et quelques
villes. Ousrouchinèh est appelée, dans le dialecte du pays, Boumehket. Les cantons por-
tent les noms de Aran, Bcnamkct. Kaoukeb, Araq. Sabath, Zamin et Dizek. La ville,
• Le pays des Hiathilèh est le nom sous lequel ou désigne la contrée où se trouvent les villes de Bou-
khara, de Samarqand et de Khodjend et qui, d'après les Orientaux, aurait été peuplé par les descendants
de Hcïthcl, tils d'Alim, fils de Sam, fils de Noé, qui s'y serait relire après la dispersion des peuples, à
la suite de la confusion des langues de Babel.
** Le district de Saghanian est limitrophe de celui de Termiz; il est remarquable par sa fertilité et le
grand nombre de ses ccurs d'eau.
DR l'ambassade au kharezm i6i
Akhssiket 'j patrie du poëte Ecir oud Din ^
EsFERENG ^ qui H dooné le jour au poëte Seyf ».
dont les maisons sont construites en argile et en bois^ est florissante. Elle consiste en
une cité entourée d*une muraille, et en un faubourg qui est également protégé par un
mur. Uenceinte est percée de deux portes, dont Tune porte le nom de Dervazèhi Charis-
tan et l'autre celui de Dervazèhi Ballathin. La grande mosquée se trouve dans la cité qui
est traversée par une rivière, dont le courant fait tourner dix moulins et dont les deux
bords sont plantés d'arbres; ses eaux tombent dans le fossé qui entoure la ville;
après ravoir rempli, elles alimentent les maisons et les jardins et se répandent dans
la campagne, où elles arrosent les champs cultivés.
Le faubourg a quatre portes : Babi Zamin, Babi Ibn Semcnd, Babi Ibn HikmeletBabi
Kehlian. On trouve, dans cette province, un grand nombre de mines et des gisements de
sel ammoniac et de sulfate de fer.— Djihan Numa, page 355.
1. Akhssiket, dit Hadji Khalfa, est la principale ville du Ferghanèh. Elle se compose
d*un chàteau-fort, d'une ville intérieure et d'un faubourg. La résidence du gouverneur
est dans le château; la grande mosquée dans la ville et l'oratoire pour les prières des
deux fêtes se trouvent sur le bord de la rivière. La ville a cinq portes : la porte de la
chaîne (Babi Zindjir}, la porte du trésor caché (Babi Dcfinèh), la porte de Kachan (Babi
Kachan), la porte du Vendredi (Babi Adinèh) et la porte d'Abèh Sar.
Akhssiket, dans le Mavcra oun Ncher (Transoxiane), est un gros bourg de la province
de Ferghanèh. 11 est situé sur le bord de la rivière deChâch, dans une plaine unie entou-
rée de montagnes, à environ un ferseng au nord du fleuve. Akhssiket possède une citadelle
et un faubourg; sa superficie est d'environ trois fersengs. Les maisons sont construites en
terre. Quatre portes donnent accès à la ville intérieure qui est, ainsi que le faubourg, tra-
versée par des eaux courantes, et qui renferme de nombreux bassins. Chacune des portes du
faubourg conduit à des jardins touffus, et des canaux d'eau courante s'étendent à la distance
d'un ferseng. Akhssiket est une des villes les plus agréables de la Transoxiane. Elle est située
parg4*de longitude et 3 7* 3o' de latitude. Elle a donné le jour à un grand nombre de savants
et de littérateurs, parmi lesquels nous citerons : Aboul Wefa Mohammed Ibn Mohammed
t)en Qassim, qui a conquis le premier rang parmi les lexicographes et les historiens. Il mou-
rut après l'année 52o (i 126). Son frère, Abou Rechad Ahmed Ibn Mohammed ben Qassim,
était un littérateur, il cultivait aussi la poésie. Tous deux se fixèrent à Merv où ils mou-
rurent. — Yaqout, Moudjem el bouldan^éàAX, de M. Wilsicnfeld, tome I, page 162.
2. Ecir oud Din fut le panégyriste de l'Atabck Ildeguiz et de Qizil Arslan, fils de
Toghroul. Il résida successivement dans l'Azerbaïdjan, dans l'Iraq, et il se retira, en
dernier lieu, à Khalkhal, petite ville de l'Azerbaïdjan, où il vécut retiré du monde et
adonné à la dévotion et aux œuvres de piété. On fixe la date de sa mort à l'année 5G2
(1166). Des critiques persans en font l'égal de Khaqany et d'Envcry; d'autres lui accor-
dent la prééminence sur le premier de ces poètes.
3. Esfcrèh ou Esfereng est un canton montagneux situé au sud-ouest de Marghiaah
dont il est éloigné de neuf fersengs. Cette localité l'emporte sur toutes les autres par
l'abondance de ses eaux courantes et le grand nombre de ses jardins et de ses vergers.
Dans la partie montagneuse qui se trouve au sud, on remarque une pierre de dix cou-
dées de largeur et de deux coudées de hauteur, sur la surface de laquelle les objets se ré-
fléchissent en sens inverse et dessinés comme sur un miroir. On lui a donné, à cause
de cette particularité, le nom de Sengui Ainèh (la pierre du miroir).
4. Seyf oud Din cl A'radj (le boîteux) naquit à Esfereng; il quitta sa ville natale pour
1 1
1 62 RELATION
Khodjend, située sur les bords du Sihoun ' ; Kemal Khod-
jendy y naquit ^ .
Endedjan^ Tachkend, Marghinan^ Kachan^ Benaket, appe-
lée aussi Fenaket et Cbahroukhièh^ parce que Chah Roukh, fils
de Tamerlan, y construisit un château-fort. L'auteur de l'ou-
vrage historique connu sous le titre de c Tarikhi Benakety, »
naquit dans cette ville ^.
se rendre à Boukhara, puis, dans le Kharezm où il se fixa. Il a composé un certain nom-
bre de pièces de vers à la louange du Sultan Mohammed, fils de Tdkich. Ce po^te, dont
le divan est composé de plus de douze mille distiques, a été un imitateur de Khaqany.
Seyf mourut en 372 (1176), à Page de quatre-vingt-cinq ans.
1. Khodjend est située à l'ouest d'Endidjan, à la distance de cinq fersengs. Les fruits,
particulièrement les grenades, y sont excellents. Le château qui défend cette ville est
extrêmement fort. Au nord, s'élève une montagne nommée Mioughil où Ton recueille des
turquoises et d'autres pierres de prix. On trouve, dans les environs de Khodjend, de
bons endroits de chasse. Les ophthalmies sont si fréquentes dans ce pays que l'on dit
que les moineaux eux-mêmes y sont sujets. Entre Khodjend et Kend Badam (Kani
Badam) s'étend une plaine déserte qui est constamment balayée par le vent. On raconte
que plusieurs derviches furent, en la traversant, assaillis par une bourrasque si vie*
lente qu'ils furent dispersés et qu'ils périrent tous, en allant à la recherche Tun de
l'autre. Depuis cette époque, ce désert a reçu le nom de Ha Dervick. (Heft Iqlym.
fol. 5o3, V)
2. Le cheikh Kemal appartenait à une des plus illustres familles de Khodjend. Il s*était
voué à la vie religieuse et contemplative; il quitta sa patrie dans l'intention de £ure
pèlerinage de la Mekke. Dans le cours de son voyage, il séjourna à Tebriz qui, sous
les princes de la dynastie de Djelaîr, était devenue le rendez-vous des gens de mé*
rite et dont les grands personnages goûtèrent ses doctrines spirituelles. Touqta-
mich Khan s'empara de cette ville et, sur le désir exprimé par sa femme, Kemal fut
conduit à Seray dans le Dechti Q.iptchaq. Cheikh Kemal y demeura pendant quatre ans ; il
obtint ensuite la permission de retourner à Tebriz, où il s'établit dans un superbe monastère
que le Sultan Hassan avait fait bâtir et décorer pour lui, et pour l'entretien duquel il
avait assigné les revenus de propriétés considérables.
Kemal était en relations littéraires avec Hafiz qui appréciait hautement ses
poésies.
Kemal KhoJjcndy mourut à Tebriz en 792 (iSSg) et fut enterré dans le monastère
qu'il habitait. Son tombeau est un but de pèlerinage et l'objet d'une vénération parti-
culière.
3. Le titre exact de cet ouvrage est Raou^et ouîi il elbah (le jardin de ceux qui sont
doués d'intelligence). C'est une histoire générale composée par Tordre du souverain de
la dynastie mogole de Perse, Abou Sayd Behadir Khan, par Fakhr oud Din Mohammed
ibn Abi Daoud Souleyman, né à Benaket.
Le Raou^et ouli il elbab n'est qu'un abrégé du Djami ont Tewan'kh, de Rechid oud
Din.
DE i/aMBASSADE AU KHAREZM l63
Khoqand est aujourd'hui la ville la plus célèbre du pays de
Ferghanèh; elle en est la capitale et le souverain y réside.
L'Emir de Boukhara en fit la conquête; mais le gouverneur
qu'il y avait placé fut tué^ à cause de sa conduite tyrannique^
et les habitants rappelèrent les descendants de leurs anciens
princes. Chir Aly Khan Khoqandy fut reconnu comme sou-
verain et Khan de Ferghanèh. Aujourd'hui Khoudayar, un
de ses descendants^ règne à Khoqandy mais il est entière-
ment dominé par son vézir ; il n'a qu'une autorité nominale,
et il peut être considéré comme prisonnier et soumis aux
ordres de son ministre qui appartient à la tribu des Qiptchaq.
Que Dieu nous préserve d'un pareil malheur ' !
Depuis les frontières de Kachghar jusqu'à celles du Tur-
kestan, c'est-à-dire jusqu'au commencement du Dechti Qipt-
chaq, il y a plus d'un mois de marche; tout le pays est
prospère, bien peuplé et très-bien cultivé ; il est traversé par
plusieurs grandes rivières telles que le Sihoun, le Naryn
et le Tchirtchiq ^ Il est divisé en plusieurs provinces dont les
noms ont déjà été cités.
Les princes qui gouvernaient autrefois Ferghanèh portaient
le nom de Ikhchid; aujourd'hui, ils ont le titre de Khan.
Khoudayar Khan est uni au Khan de Khiva par les liens de
1. Khoudayar Khan a fait écrire Thistoire de la principauté de Ferghanèh depuis IV
vénement de sa dynastie. Ces annales qui portent le titre de a Tewarikhi Chdhroukhièh »,
ont été rédigées par Molla Niaz Mohammed et s^étendent de 121 1 (1796) à 1284 (1867).
Je dois ce renseignement à Tobligeance de M. Gottwaldt, bibliothécaire de TUniversité
impériale de Cazan.
2. Le Naryn prend sa source dans les hauts plateaux des Tien-Chan, au sud du lac Is-
siq Koul. 11 reçoit, à cent milles de sa source, les eaux du Qara Say et du Qarmenta et^
près de Baliqtchy, dans le Khoqand, celles du Qara Qouldja. Ces deux rivières réunieC
prennent à leur jonction le nom de Sihoun ou de Syr Deria. Le Nar^n passe dans d'é-
troites vallées et dans de longs défilés. Son courant est d*une extrême rapidité et il coule,
dans toute son étendue, sur un lit de rochers.
Le Tchirtchiq prend sa source dans le Kyndyr Tau, montagne dont on aperçoit de
Tachkend le sommet couvert de neiges éternelles. Le courant de cette rivière est extra-
ment rapide. Elle se jette dans le Sihoun, non loin de Tchinaz. Voyage à Khokand en-
trepris en i8t3 et 18 14, par Philippe Nazarov, publié par J. Klaproth, dans le « ^L^-
gasin Asiatique ». Tome i*', Paris, 1825, page 33,
1 64 RELATION
»
Tamitié, mais il est Tennemi de TEmir de Boukhara. La Russie
s'est emparée de quelques districts de ses Etats. Qu'adviendra-
t-il dans Tavenir ?
Kachghar, ville célèbre du sixième climat, est située dans
le pays des Ouigours^ qui fait partie du Turkestan ; elle porte le
nom du pays dont elle est la capitale ' . Khodja Saad oud Din
Kachghary, de Tordre des Soufys, est le personnage le plus
célèbre qui soit né dans cette ville ^
Le Touran tire son nom de Tour, filsde-Toudoun; mais, en
réalité, on donne à tout l'Orient le nom de Touran.
I . Kachghar, capitale de l'Etat de ce nom, se compose de deux villes distinctes : la
vieille ville (Kohnèh Cheher), située sur la rive droite du Touman, et la nouvelle
ville (Yenghy Cheher), bâtie dans la plaine à cinq milles au sud. Entre les deux villes
coule le QizilSou, sur les bords duquel on a construit des casernes fortifiées et où s'é-
lèvent le tombeau de Seiyd Djelal oud Din Baghdady et celui de Hazreti Padichâh.
La vieille ville est entourée d'une enceinte fortifiée, percée de deux portes, Sou Der-
wa\èh (la porte de Teau ou de la rivière) au nord et Qpum Derva^èh (la porte du sable)
au sud. Elle a été bâtie en i3i3 par Mirza Abou Bekr, après la destruction deTancienne
capitale. A deux milles au nord de la ville, on voit le tombeau de Hazreti Afaq, le saint
le plus populaire de Kachghar: ce personnage mourut en lôgS. Yaqoub bey a fait éle-
ver autour du tombeau une construction élégante recouverte de plaques de faïence à des-
sins bleus et blancs, un collège, une mosquée et un monastère qu'il a richement dotés
A peu de distance, à Touest de la vieille ville, se trouvait le fort de Gui Bagh qui fut
enlevé aux Chinois et détruit par Djihanguir Khodja.
La nouvelle ville a été bâtie en i838 par Zhehir oud Din, Hakim beg ou gouverneur
de la province. Le palais de l'Emir a été construit sur l'emplacement du palais de
l'Amban Chinois, et la grande mosquée sur celui de la pagode. Yenghy Cheher est
entourée de travaux de fortifications. Report of a mission to Yarkund in iSjS under
command of sir Thomas Forsyth. Calcultta, 1875, in-4% p. 38-41.
On trouve des détails historiques sur Kachghar dans le Tarikh Turkistan de MeJj
oud Din ben Adnan, dans l'histoire de la dynastie de Djenguiz Khan par Mohammed
Tachkendy, dans le Tarikhi Rechidy de Mirza Hayder Doughlat, dans le Te^kerèhi
Boughra Khan et dans le Tarikhi Munedjdjim Bachy,
M. Bellew a publié une histoire de cet Etat dans le compte rendu de la mission de
Sir Thomas Forsyth, pages 106-214.
Le lecteur pourra également consulter l'ouvrage du même auteur qui a pour titre :
Kashmir and Kashghar, London, 1875, in-8». Cf. Robert Shaw, Visits to high Tar-
tary, Yarkand and Kashgar and return journey over the Karakoram pass» London,
1871; The Roof ofthe world, by lieutenant-colonel T. E. Gordon, Edinburgh, 1876,
grand 8*; et les travaux des agents et voyageurs russes, traduits par MM. John et Ro-
bert Mitchell : Russians in Central Asia, London, i865, pages xo8 à 2 38.
2. Saad oud Din fut le disciple du Cheikh Nizham oud Din Khamouch et du Cheikh
Zcyn oud Din Khâfy. Il mourut le 9 djoumazy oui Akhir 860 (1455-145G).
DE i/aMBASSADE AU KHAREZM l65
Le Khita et le Khoten sont deux royaumes célèbres du Tur-
kestan. Khitha avec un tha est la forme arabisée de Khita. Le
Khita est un vaste empire situé à l'orient et qui a pour capitale
Khan Baligh (Pékin).
La ville frontière du côté de la Transoxiane est Seghaoul;
de Samarquand à Seghaoul, on compte cent et une étapes qui
se décomposent ainsi : de Samarqand à Kachghar, vingt-cinq
étapes; de Kachghar à Khoten, quinze étapes; de Khoten à
Qara Khodja, vingt-cinq étapes; de Qara Kodja à Seghaoul^
trente et une étapes *.
QoBALiGH est une ville du Touran connue aussi sous le
nom de Belassaghoun ^
TcHATCH est une ville nommée par les Arabes Châch ^
I Les noms des étapes de Samarqand à la frontière de Chine sont donnés dans le
Kitab Messalik oui memalik d*Aboul Hassan Said el Djourdjany. Cet auteur les a
relevés dans le Journal des ambassadeurs envoyés par Oulough Beg et Châhroukh Mirza
à la cour de Pékin. Le récit de cette ambassade a été inséré par Kemal oud Din Ab-
dour Rezzaq dans son Maihla ous Saddeln, et par Khondemir dans le Habib ous Sïer.
M. Quatremère a donné la traduction du journal de Khodja Ghias oud Din^ dans le
tome XI V des Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du Roi. Witsen a
extrait du Messalik oui mem^/iAr, Titinéraire de Samarqand à la Chine, et Ta mis au
jour dans son ouvrage qui a pour titre : Noord en oost Tartaryen. Amsterdam, 1783^
in-folio, tome V\ pages 491-494.
2. Belassaghoun est située au delà du Sihoun, non loin de Kachghar, par 101" de
longitude et 47" 3o' de latitude. Djihan Numa, page 367.
3. Châch est la forme arabisée du nom de Tchâtch. Cette grande ville est portée dans
le Taqouim^ comme située à loi* 3o* de longitude et 42 degrés de latitude. Elle re-
lève de Samarqand et elle est située au-delà du Sihoun. Toutes les maisons sont arrosées
par des eaux courantes. Châch est la ville la plus agréable de la Transoxiane, et le dis-
trict dont elle est le chef-lieu contient près de quinze gros bourgs. Elle est éloignée
de cinq journées de marche de Ferghanèh et de quatre journées de marche de Khod-
jend. L'auteur du Messalik dit que Châch est aussi grande que la moitié de Benaket ,
que la ville est entourée d'une enceinte fortifiée, qu'elle a un faubourg, qu'elle est
traversée par des eaux courantes et que Ton voit dans son enceinte de nombreux
jardins et vergers. Les limites du district de Châch confinent à celles de lylaq.
Les habitants appartiennent aux tribus des Ghouzz et des Khouldj qui sont musulmans
et font des expéditions contre les infidèles. Ils jouissent de la plus grande indépen-
dance.
L'auteur du He/t Iqlym prétend que Châch est la même ville que Scnsket et Tach-
kencl. Djihan Numa, page 304.
l66 RELATION
Djend ' est une ville du Touran ; Tiraz *, une ville du Tur-
kestan ; Farab ^ un canton du Turkestan ; Abou Nasr Faraby
y a reçu le jour.
GuLVERAN est une grande ville du Turkestan.
BiKEND ^ est une ville du Turkestan qui porte aussi le nom
1. Djcnd, dit Yaqout, est une grande ville du Turkestan, située non loin du Sîhoun et à
la distance de dix journées de marche du Kharezm. Ses habitants professent rislamisme
et suivent le rite de Timam Abou Hanifèh. Cette ville a donné naissance au Qadi Yaqoub
ibn Chirin el Djendy, littérateur, poète et grammairien et Fun des disciples les plus dis-
tingués de Zamakhchary. Moudjem oui Bouldariy tome II, page lôy.
Djend, dit Ahmed Razy, est aujourd'hui en ruines. Cette ville est la patrie de Baba Ke-
mal, disciple de Nedjm oud Din Koubra et de Cheikh Mouayyed, disciple du Cheikh Sadr
oud Din. Hcft Iglym, f* 572.
2. Tiraz ouTheraz se trouve par loo» de longitude et par 44* 3o*de latitude. Les habi
tants suivent le rite Chafeîtc. Elle a donné naissance à un grand nombre de savants, parm-
lesquels il faut citer Abou Nasr Faraby et Tauteur du Qanoun oui Edeb. Cette ville
jouissait autrefois d'une grande célébrité : mais elle a été totalement ruinée par les
Uzbeks et son nom ne sert plus qu'à désigner une caverne qui se trouve dans les en-
virons. Djiian Numa^ page 368.
3. Farab, ville du Turkestan, située au delà du Sihoun, est la capitale du district de ce
nom, qui est pins près de Belassaghoun que de Châch. Ce pays est abrupte et les monta-
gnes sont presque toutes couronnées par des châteaux forts. Les habitants suivent le rite
Chafelte. Farab a donné naissance à Ismayl ibn Hammad el Djauhery, auteur du Sikhah^ à
Abou Ibrahym, auteur du traité de lexicographie qui porte le titre de Diwan oui Edeb, et au
célèbre Abou Nasr Mohammed el Faraby, mort à Damas en 339 (95o). Le lecteur pourra
consulter, pour la biographie et les œuvres de Faraby^ la Bibliothèque orientale de d*Her-
belot, tomell, pages 17-18. La Haye, 1787, in -4*, et les Vies des hommes illustres d'Ibn
Khailikan, tome II, page xi2, de l'édition de Boulaq et tome III, page 307, de la traduc-
tion anglaise de M. de Slane.
« Farab est une ville qui a plusieurs cantons placés sous sa juridiction. Elle est
située à un ferseng du Djihoun et, quand ce fleuve déborde, elle n'en est plus
séparée que par un demi-ferseng. Quelquefois même, ses eaux arrivent jusqu'à la ville.
Farab possède une grande mosquée où l'on fait la prière du vendredi ; les murs et le
toit sont construits en briques cuites et il n'y entre pas un morceau de bois. » Tarikhi
Boukhara, f» 18 v».
4. tt Bikcndest comptée parmi les villes; les habitants n'ont jamais consenti à ce qu'elle
fût considérée comme un village. Si l'un d'eux se rend à Bagdad et, si on lui demande
quelle est sa patrie, il répond toujours : a Je suis de Bikend »; il ne dit pas : a Je suis
de Boukhara ». Cette ville possède une grande mosquée où Ton fait la prière du vendredi.
Les maisons sont très-hautes. Jusqu'en l'année 240 (854) elle comptait un grand nom-
bre de Rebath (caravansérails). Mohammed, fils d'Abou Djafer, afiirme dans son livre que
le nombre des Rebath dépassait celui des villages qui s'élèvent autour de Boukhara, c'est-à-
dire qu'il y en avait plus de mille. En voici le motif : Bikend est une ville d'une grande
étendue. Les habitants de chacun des villages dépendant de Boukhara y avaient fait con-
struire un Rebath, dans lequel ils avaient établi dos gens dont ils payaient la dépense. A
DE l'ambassade AU KHAREZM 167
de Kondour. Elle est le lieu de naissance d'Abou Nasr Kon-
doury \
QiRGHiz est une ville qui doit son nom à quarante vierges
répoque de Thiver, lorsque les infidèles se livraient à leurs incursions, les habitants des
villages se formaient en troupes, se rassemblaient à Bikendetde là, ils entreprenaient
de saintes expéditions. La troupe fournie par chaque village s*ctablissaitdans son Rebath.
Les habitants de Bikend étaient négociants; ils étaient en relations avec la Chine, et ils
se livraient au commerce maritime. Ils étaient tous fort riches. Qputayba ibn Mouslim
eut beaucoup de peine à s'emparer de Bikend, à cause de la solidité Je ses fortifica-
tions.
Bikend a porté le nom de a la ville de cuivre y» (Cheheristani Rouîyn) ; elle est plus
ancienne que Boukhara. Tous les souverains qui ont gouverné ce pays y ont établi leur
résidence. Entre Farab et Bikend se trouve un désert sablonneux qui a douze fersengs
d*étendue.
Arslan Khan Mohammed^ fils de Souleyman, releva Bikend. On y accourut de toutes
parts et on y construisit de beaux bâtiments. Ce prince y fit élever, pour lui. un palais
décoré avec le plus grand luxe. Le Haramkam coule à Bikend qui est entourée de champs
de roseaux; non loin se trouve un grand lac qui a reçu les noms de Barguini Firakh et
de Qara-Koul. J*ai entendu dire à des personnes dignes de foi, qu'il avait une étendue de
vingt fersengs.
L*auteur du Kitab ouï messalik lit memaïik (Aboul Abbas Ahmed el Serakhssy) lui
donne le nom de Sam Khen. Ce lac reçoit le superflu des eaux de Boukhara. On y voit
un grand nombre d'animaux aquatiques et on ne trouverait nulle part, dans le Khoras-
san, une aussi énorme quantité de poissons et de gibier d'eau.
Arslan Khan ordonna de creuser un canal assez grand pour que l'eau fut fournie à tous
les édifices de Bikend, car Teau du Haramkam, tantôt arrivait dans la ville, tantôt fai-
sait défaut.
Bikend est construite sur une montagne peu élevée. Le Khaqan donna l'ordre de
faire passer le canal par la montagne. On rencontra des pierres extrêmement dures sur
lesquelles les outils ne pouvaient mordre. Les ouvriers furent déconcertés ; on employa
une grande quantité d'huile et de vinaigre pour amollir les pierres. On ne parvint cepen-
dant à creuser que la longueur d*un ferseng. Beaucoup d'ouvriers périrent et le travail
fut abandonné après de grands efforts et une dépense considérable.»
Tarikhi Boukhara^ îo\, 17 et 18.
aBikend, dit Yaqout, est située entre le Djihoun et Boukhara à la distance d'une journée
de marche de cette ville. Elle est citée dans le « Livre des conquêtes ». C'était une
grande et belle ville, qui a donné naissance à un grand nombre de savants, miais elle est
ruinée depuis longtemps. Bikend est la seule ville de la Transoxiane de qui ne relèvent
ni champs ni villages : mais elle est celle qui possède le plus grand nombre de Rebath,
et leur nombre s'élève, m'a-t-on dit, à près de mille. Elle est entourée par une forte
muraille et Ton y voit une belle mosquée, d'une grande hauteur et dont le mihrab
recouvert de sculptures et d'arabesques dorées, n'a point son pareil dans la Transoxiane
pour la beauté de ses ornements. »
I. Kondour est un village delà province de Nichabour; il ne peut donc être assimilé
à Bikend.
Abou Nasr Manssour ibn Mohammed el Kondoury el Djerrahy, qui avait reçu le
l68 RELATION
qui s'y étaient établies. Dans Torigine, son nom était Qirq-Qiz,
c'est-à-dire les quarante filles. On orthographie aussi ce nom
Khirkhiz.
Qakaqoum est une ville du Touran située dans le pays des
Qirghiz ' .
Thourfan est une ville située sur les frontières du Khita '.
Le Thakharistan est un pays situé sur les bords du Djihoun ;
il s'étend^ d'un côté, depuis Balkh jusqu'à Kaboul, et, de l'autre,
depuis la partie montagneuse de Badakhchan jusqu'au Ghard-
jistan. Ce pays renferme quelques villes ^
titre honoritîque de Amyd oui Moulk (le soutien du royaume), était ministre de Tho-
groul Bek. 11 fut, à cause de ses malversations, mis à mort en 459 (1066), au com-
mencement du règne d'AIp Arslan.
Cf. pour la biographie d^Aroyd oui Moulk les Vies des hommes illustres d*ibn Khal-
likan, édit. de Boulaq, tome H, page i63, et la traduction de M. de Slane, tome IIl,
page 290.
1. Qaraqoum signifie « sable noim. Aboulfeda dit, dans le Taqouim^ que cette ville
est la capitale d*une contrée située aux confins extrêmes des pays des Turks. ibn Sayd la
place par 106' 3o* de longitude et par '60* 3o* de latitude.
Cette ville est habitée par desQalmaq. Djihan Numa, page 368.
2. Thourfan est une ville située sur la route qui conduit de Samarqand en Chine.
Elle s'élève au milieu du pays des Mogols et elle est distante de dix-huit journées de
marche d*Endidjan. Quelques auteurs la placent entre Kachghar et Khoten. 11 y a vingt
étapes de Thourfan à la frontière de Chine. Djihan Numa, page 367.
Thourfan, dans l'itinéraire des ambassadeurs de Châhroukh Mirza, est désignée comme
se trouvant dans le pays occupé par les Qalmaq, qui se livrent au brigandage et aux dé-
prédations. Messalik oui memaliky d'Aboul Hassan Sayd el Djourdjany.
Thourfan est la même ville que Ouch Turpan qui figure sur les itinéraires de TAsie
centrale recueillis par les Russes. A. de Humboldt, Fragments de géologie et de climat
tologie asiatiques, Paris, i83i, tome !•', page, 289.
Thourfan a été détruite en 1763 par les Chinois, lors de la révolte des Khodjas, et toute
la population fut massacrée. C'est, aujourd'hui, une ville ouverte de huit cents maisons^
commandée par un petit fort bâti sur une colline et occupé par trois cents hommes de
garnison. Les habitants sont des Tarantchy implantés par les Chinois. Report of a
mission to Yarkund, etc, page 3,
3. Le Thakharistan ou Thokharistan est une vaste province qui fait partie du Kho-
rassan et qui renferme un grand nombre de districts. Elle est divisée en haut et en bas
Thakharistan. Le haut Thakharistan s'étend à l'orient de Balkh et à l'ouest du Dji-
houn. 11 est séparé de Balkh par une distance de vingt-huit fersengs. Le bas Thakha-
ristan est également situé à l'ouest du Djihoun, mais il est plus éloigné de Balkh et
s'étend plus vers l'orient que le haut Thakharistan. Cette province a vu naître un
grand nombre de savants.
Les villes principales sont Khoulm, Simidjan, Baghsan, SekakenJ, Vczvalin. La
DE l'ambassade AU KHAREZM l6g
Balkh Bamy * est une ville célèbre du quatrième climat ; elle
est située dans le Khorassan et à une distance de dix fersengs
du Djihoun. On prétend que Balkh est la première ville qui
plus grande ville, dit Isthakhry, est Thaliqan , bâtie dans une plaine unie , entourée
de montagnes qui s'élèvent à la distance d*un trait de flèche.
I. Balkh est une des villes les plus anciennes du Khorassan; aucune d'elles ne re-
monte à une plus haute antiquité. Les provinces qui forment l'état de Balkh sont celles
du Thakharistan , de Semengan , de Baghlan , Seray, Varseng, Thaliqan, Endkouh,
Chibourghan, Fariab, Djourgan, Bamian, Ghaznah, Bedjeher. Le Kaboul et Ferwan,
jusqu'aux bords du Sind, sont également comptés parmi les dépendances de Balkh,
ainsi que le pays qui s'étend depuis Lenguer et Tchitchektou jusqu'au Mourghâb.
Le pistachier croît naturellement dans les montagnes de Balkh comme à Badghis,
mais les pistaches de Badghis ont une amande plus charnue que celles de Balkh. Une
partie du Ghardjistan dépend de Balkh, l'autre partie relève de Hérât. Menoutchehr
fît bâtir à Balkh un vaste édifice auquel on donna le nom de Nao Behar. C'était le plus
vaste des temples, et il était l'objet d'une vénération particulière. Cet édifice couvrait
une superficie de cent coudées carrées, et sa hauteur était de plus de cent coudées. Les
murs étaient tapissés d'étoffes de soie et de brocard, et des torsades ornées de pier-
reries y étaient suspendues. Les habitants de la Perse et du Turkestan avaient pour
ce pyrée un respect particulier; ils s'y rendaient en pèlerinage et y apportaient des of
frandes et des ex-voto.
Lohrasp établit sa capitale à Balkh. Ce prince était l'héritier présomptif de Key Kaous
et il lui succéda. Lohrasp est le premier souverain qui eut des troupes recevant une solde
réglée ; il se fit faire à Balkh un trône en or, incrusté de pierreries et de rubis. Les
princes de l'Inde et du pays de Roum lui avaient fait leur soumission et obéissaient à
ses ordres. 11 fit venir de l'Inde à Balkh, qui était sa capitale, un grand nombre d'In-
diens : il entoura la ville d'une enceinte fortifiée et fit construire un château-fort qui
reçut le nom de Château des Indiens.
Balkh est, dit-on, la ville la plus grande du Khorassan; elle est celle dont le terri-
toire est le plus vaste et les eaux les plus abondantes.
A l'époque des Kharezm Chah, le Kharezm avait une population si nombreuse
que les récoltes de ce pays ne suffisaient point à nourrir les habitants. On transportait
de Balkh au Kharezm sur des bateaux, une grande quantité de blé, car cette contrée
produit des céréales en abondance.
Balkh est située dans une plaine. Les montagnes s'élèvent à la distance de quatre fer-
sengs. Une grosse rivière, appelée Roudi Hach, traverse la ville qui est, de tous côtés,
entourée de jardins et de vergers.
Aly ibn Issa Mahan fut pendant quelque temps, à l'origine des Abbassides, gouver-
neur du Khorassan. Il établit sa résidence à Balkh. C'est à lui que le village d'Aly Abad
doit son nom. Les princes de Balkh portaient avant l'islamisme le nom de Barmek. On
dit : les Barmek de Balkh^ comme on dit les Césars de Grèce, les Cosroës de Perse et
les Pharaons d'Egypte.
Khalid le Barmécide se rendit à Damas à l'époque des Khalifes Ommiades, et il eut
la gloire d'embrasser l'islamisme. Les Barmécides qui furent les ministres des Abbas-
sides, sont ses descendants.
Ibrahim Edhem a également vu le jour à Balkh. Il était de la race des Adjcla qui a
1 70 RELATION
fut bâtie dans le monde, et que Keyoumers en a été le fonda-
teur. Envery, pour se taire pardonner sa satire contre Balkh^
parle en ces termes de l'antiquité de cette ville : c Si
le ciel était un petit enfant , Balkh serait sa nourrice; la
Mekke pourrait, de son côté, être la mère de toutes les
villes du monde. » Balkh, dans les siècles passés, a joui
d'une grande prospérité. L'insalubrité de son climat est
devenue proverbiale. Dans ces dernières années, elle était
tombée au pouvoir du fils de l'Emir Dost Mohammed Khan.
Khoulm ', Chibourghân et le Khatlan dépendent de Balkh.
Les chevaux Khatly, que les poètes célèbrent dans leurs vers,
tirent leur origine de Khatlan \
fourni des princes qui ont gouverné Balkh. Cette ville a également donné naissance
aux Cheikhs Abou Aly Chcqiq ibn Ibrahim et Ahmed Khizhrouièh. Rechid Vathvath,
poète et secrétaire des Kharezm Chah, Meviana Djelal oud Din Roumy sont également
originaires de Balkh. Zoubdei out Tervarikh, de Nour oud Din Louthf ouUah Hafiz
A brou cl Hèrèvy, pages 180-181.
Balkh fut complètement détruite par les Mogols en 618 (1221), et ses habitants mas-
sacrés jusqu'au dernier. Cette ville était arrivée, à cette époque, à un si haut degré de
prospérité, qu'elle renfermait douze cents mosquées où l'on faisait la prière du ven-
dredi et douze cents bains. Au rapport d'Abou Nasr Parsa, il y avait à Balkh cinquante
mille descendants du prophète, cheikhs, ulémas et mollas.
Enlevée parTimour à Sultan Hussein en 771 (i36g), Balkh se rele\'a sous la domi-
nation des successeurs de ce prince. Mais elle tomba de nouveau en décadence lors-
qu'elle fut au pouvoir des Uzbeks. Fraser {Journey into Khorassan, appendice, page 106)
a donné une courte notice sur la situation de cette ville au commencement de ce siècle.
1. Khoulm est un district situé à dix fersengs de Balkh, dont le territoire est occupé
par les Arabes des tribus d'Assad, de Benou Temim et de Qa!s qui s'y sont établis lors
de la conquête. La ville de Khoulm est petite^ mais elle est entourée de villages, de
vergers et de cultures. Pendant Tété, le vent s'y fait sentir presque continuellement, nuit
et jour. La ville est occupée aujourd'hui par les Uzbeks et porte le nom de Tach Qpur-
ghan. Cf. Moorcroft, Travels, etc. London 1S41, tomell, pages 41 2-41 3. — Fraser, Joiir-
nex into Khorassan, app., page 107. — Mohan Lai, Travels to Balkhy Bokhara and
Herat, London, iS^b, pages io3-io8.
2. « Le Khatlan ou Khoutlan est un district célèbre par l'abondance de ses fruits, et
dont les revenus s'élèvent à une somme considérable. Les chevaux khatly jouissent
d'une réputation universelle. Les habitants sont, pour la valeur et le courage, les ri-
vaux de Rustem et d'Isfendiar.
Distique,— u Chacune de leurs lances est semblable à un météore qui dissipe les ténè-
bres, chacune de leurs flèches est une foudre qui transperce les rochers. »
La capitale de ce district est Koulab dont le château est merveilleusement fortifié. On
visite, dans les environs de Koulab, le tombeau de l'Emir Aly Hemdany. »
Koulab a vu naître les poètes Adily et Baqy. He/t Iqlym, P 23i, \*.
DE l'ambassade AU KHAREZM 171
•
Merv Chahidjan ' est une ville célèbre du quatrième cli-
mat. On la rattache au Khorassan. Les personnages nés dans
cette ville reçoivent le surnom de Mourouzy^ forme que rien
ne justifie. Le nom de Chahidjan signifie « Pâme de TEmpire. »
Elle a été construite par Alexandre qui lui donna le nom grec
de Merdjanos ; elle était autrefois^ ainsi que je l'ai déjà fait re-
marquer^ administrée par les fonctionnaires des Khans du Kha-
rezm ; les habitants se sont soustraits à l'autorité du Khan de
Khiva et ils ont embrassé le parti de TEmir de Boukhara, mais
ils ne paient d'impôt à personne et ils se vantent d'être indé-
pendants^ et de se gouverner eux-mêmes.
1. « Mcrv Chahidjan, une des villes les plus importantes du Khorassan, a dté fondée,
selon quelques auteurs, par Alexandre, et, selon d'autres, par Chapour Zoul Ektaf. Mais
la version la plus exacte est celle qui fait remonter son origine à Tehmouras. Cette
ville a été la capitale du prince Seldjouqide Sindjar. A la suite de la défaite de ce prince
par les Ghouzz, la ville fut livrée au pillage pendant trois jours et trois nuits; on ap-
pliqua à la torture les Seiyds et les notables, pour leur arracher l'aveu des trésors qu'ils
avaient cachés. Cette calamité fut, pour Merv, la cause d'une décadence complète. Elle
se releva cependant et se repeupla peu à peu.
Lors de l'invasion de Djenguiz Khan, elle fut totalement ruinée et elle ne revit plus
la prospérité dont elle avait joui autrefois. L'auteur du a Habib ous Sîcr i> rapporte
que Djenguiz Khan, après avoir pris Baikh qu'il livra au pillage et dont il massacra les
habitants, fit marcher contre le Khorassan son fils Touly Khan à la tête de quatre-
vingt mille cavaliers. Touly mit le siège devant Merv.
Moudjir cul Moulk qui gouvernait la ville au nom du Sultan Mohammed Kharezm Chah,
voyant toute résistance impossible, résolut de faire sa soumission. Il se rendit au camp
de Touly, porteur de magnifiques présents. Les Mogols entrèrent dans la ville et en
firent sortir les habitants dont le défilé dura quatre jours. On mit à part quatre cents
artisans et les femmes et les enfants auxquels on accorda la vie sauve. Les habitants fu-
rent partagés entre les Mogols, et chaque soldat en eut quatre cents pour sa part. Tous
furent massacrés. Seiyd Izz oud Din Ncssay, aidé par quelques commis, passa seize jours
et seize nuits à faire le dénombrement des gens qui avaient été tués. Leur nombre s'éle-
vait à plus de treize cent mille. Quatre personnes seulement échappèrent à la mort.
La ville resta en ruines jusqu'au règne de Châhroukh Mirza. Sultan Sindjar fit tous
ses efforts pour lui rendre sa prospérité ; il construisit une nouvelle ville qui se peu-
pla rapidement. Aujourd'hui, Merv renferme deux parties dont l'une est la vieille ville,
Tautre la ville nouvelle.
Merv est bâtie sur un sol uni et elle a de nombreuses localités sous sa juridiction.
L'eau lui est fournie par le Merv Roud qui n'est autre que le Mourghâb, dont le cours
finit sur son territoire. Les fruits, et surtout le raisin et les melons, y sont abondants.
Le climat est insalubre; les maladies y sont nombreuses. Dans quelques localités, on
voit des mouches de la grosseur d'une guêpe et qui incommodent tellement les habi-
tants, qu'ils sont obligés de passer trois mois de l'été dans des lieux élevés où ils cam-
pent. » He/t Iqlym, f* 2o3 recto et verso.
172 RELATION
MouRGHAB est une ville située à quarante fersengs de Merv.
La rivière du Mourghâb est appelée aussi Merv Roud. On se
rend de Merv à Hezaresp en dix journées de marche.
Serakhs est une ville du quatrième climat et qui fait partie du
Khorassan. Elle doit son nom à Serakhs, fils de Gouderz.
Les Iraniens et les Touraniens se sont livré des batailles san-
glantes autour de Serakhs.
Serakhs est située par 94 degrés de longitude et 37 degrés de
latitude. Cette ville a, autrefois, donné naissance à des cheikhs
d'une haute piété, comme le cheikh Loqman Serakhssy et
Aboul Fazhl Serakhssy \ Aujourd'hui, elle est au pouvoir des
Turkomans Tekèh qui, suivant leurs intérêts, tantôt embras-
sent le parti du Khan de Khiva et tantôt se soumettent aux or-
dres des gouverneurs du Khorassan. En l'année 1248 (i83i),
feu le Chah Zadèh, auquel Dieu accordait son aide, le Naïb ous
Salthanèh (Abbas Mirza), marcha sur le Khorassan, à la tête
de quelques régiments, par la route d'Aq Derbend; il assaillit
Serakhs, tua un grand nombre de Turkomans Salour, rendit la
liberté à trois mille esclaves persans et fit prisonniers trois mille
Turkomans. En cette année 1268 (i85i-i852), le Nevvab Hus-
sam ous Salthanèh dirigea, du Khorassan, une expédition con-
tre Serakhs; à son retour, il fit main basse sur les Turkomans
qui se livraient au pillage; mais certaines difficultés ne lui per-
mirent pas de mener à bonne fin son entreprise, et Abbas Qouly
Khan Derèh Guèzy fut investi du gouvernement de ce pays.
Une route conduit de Serakhs à Thijen, et on se rend de Thijen
à Khiva en quelques jours. Mir Ahmed Khan Djemchidy, gou-
verneur de Thijen, au nom du Khan de Khiva, est chargé de
maintenir le bon ordre dans cette contrée. Que décidera, dans
l'avenir, la prédestination céleste?
Kelat ^ est le nom d'une place forte du Khorassan, construite
1. Djamy a donné la biographie de ces deux personnages dans son Nefehat oui ouns,
Calcutta, i858, pages 320 et 334.
2. tt La ville de Kelat est environnée de montagnes abruptes et absolument inacces-
sibles. Elle a, du côté de Merv, une grande porte où les gardes visitent ceux qui en-
DE L AMBASSADE AU KHAREZM \y3
sur le sommet d'une colline. Nadir Chah Efchar y avait trans-
porté son trésor, et il avait augmenté considérablement le nom-
bre des édifices de cette ville. Aujourd'hui elle est gouvernée par
Djafer Aga. En apparence^ il semble obéir au gouvernement
persan, mais ses sympathies secrètes sont pour le Khan de
Khiva.
Hérat, ville du quatrième climat et du Khorassan, a été
soustraite, de nos jours^ à la domination des princes Afghans.
Elle était au pouvoir du vézir Yar Mohammed Khan^ qui s'é-
tait rattaché au gouvernement persan et avait reçu le titre de
Zhehir oud Daoulèh. Il gouvernait d'une manière indépen-
dante la province de Hérât. Il est mort dans le courant de cette
année. Sa Majesté le Roi, dont le rang est égal à celui de Djem^
l'asile du monde, Nacir Eddin Padichâh , «puisse Dieu rendre
son règne éternel ! déférant aux vœux exprimés par les nota-
bles de Hérât, expédia un diplôme et un vêtement d'honneur
au fils de Zhehir oud Daoulèh, Sayd Mohammed Khan qui est
assis, aujourd'hui, sur le trône de la souveraineté.
Hérât est une des villes célèbres de l'antiquité; elle est si-
tuée à 94° 3o' de longitude des Iles Fortunées et à 34° de lati-
tude de l'équateur. Son climat est salubre, ses eaux sont excel-
lentes. Les médecins, pour caractériser la brise du nord qui
souffle à Hérât, ont dit : « Si Ton réunissait dans une seule lo-
calité le sol d'Ispahan , le vent du nord de Hérât et l'eau du
Kharezm, les hommes n'y mourraient jamais. » Un poète a dit :
Vers. — « Si on te demande quelle est la plus belle des vil-
trent ou qui sortent. Cette porte conduit à un passage si étroit, qu'un cavalier a de la
peine à le traverser. Au-dessus, s*élève la cime des montagnes, de manière à former une
espèce de voûte naturelle. Le canal qui arrose toutes les cultures de Kélat entre dans
cette ville du côté de Mechhed et en sort par le défilé de Merv. ... Notre monarque
vNadir Chah) déposa dans cette ville les bijoux et les trésors dont il n'avait pas besoin
pour le moment.» Voyage de l'Inde à la Afekke par Abdoul Kérim, traduit de Tanglais
par feu L. Langlès. Paris^ 1825, page 74.
Cf. Fraser, Journey into Khorassan, appendice, page 53, et Valentine Baker, Clouds
in the East, London, 1876, pages 201-202.
174 RELATION
les, réponds, si tu veux être véridique, que c'est Hérât. Imagine
que le monde est une mer, le Khorassan une coquille et, au
milieu de cette coquille, la ville de Hérât brille comme une
perle. »
Cette ville est bâtie entre deux montagnes et elle s'étend
plutôt du côté du nord. La plaine ouverte qui sépare ces
deux montagnes a une superficie de trois fersengs et demi.
Les montagnes dont je viens de parler, forment une chaîne de
vingt-cinq fersengs de longueur. La province de Hérât est, dans
toute son étendue, bien cultivée et bien peuplée; elle est arro-
sée par sept grands cours d'eau. On difTère d'opinion sur le
nom du fondateur de Hérât. Un poète a composé sur ce sujet
le quatrain suivant :.
Quatrain. — « Lohrasp a jeté les fondements de Hérât ;
Gouchtasp a rebâti la ville; après lui, Behmen en a augmenté
les constructions et Alexandre de Grèce en a fait une cité nou-
velle. »
On trouve, dans l'histoire de Hérât, de nombreux détails re-
latifs à cette ville '. Elle a été plusieurs fois ruinée et rebâtie.
On rapporte qu'à l'époque des rois du Ghour et de la dynastie
des Kert, Hérât était dans un tel état de prospérité que Ton y
comptait cent deux mille boutiques, six mille bains, caravansé-
rails et moulins, et trois cent cinquante collèges et monastères.
Elle tomba ensuite en décadence, mais sous le règne de Châh-
roukh, fils de l'Emir Timour, et sous celui de Sultan Hussein
Mirza Gouregany, elle était si peuplée que, chaque jour, on em-
ployait, dans les boutiques des boulangers, vingt kharvar ^ de
1 . L*histoire de la ville de Hérât a été écrite par plusieurs auteurs. Je me bornerai à
citer celle d'Abou Rouh Issa el Héréwy, mort en 544 (1149) et celle qui a été rédigée
en persan, en 897 (1492) par Mou'in oud Din Isfizary et qui porte le titre de Raoudhat
oui Djennat fi aoussaf Herat. (Les parterres de fleurs du paradis renfermant la descrip-
tion de Hérât.)
2. Le kharvar (charge d'un âne) représente le poids de cent men de Tebriz (.^ao kilo-
grammes.)
DE L*AMBASSADE AU KHAREZM \j5
graines de faux cumin (Siâh Daneh) pour saupoudrer le pain.
Cette assertion est extraordinaire. Il y avait, à cette époque^
douze mille étudiants qui recevaient des pensions et leur sub-
sistance du trésor royal. Aujourd'hui, cette ville ne compte pas
plus de six mille habitants.
On trouve en dehors de la ville^ des endroits agréables et
des monuments d une construction élégante. Je citerai Ka-
zergâh et Takhti Sefer qui servent à la population de pro-
menades et de lieux de divertissement. Hérât a six portes.
Sous le rapport de l'agrément et du bien-être, elle n'a pas de
rivale. Au dire des gens intelligents, Merv est la clef du Kha-
rezm et Hérât est celle de tout le Khorassan et du Turkestan.
I-.es beautés de Hérât se trouvent décrites en détail dans la
plupart des ouvrages d'histoire; on m'excusera donc de ne
point m'étendre davantage sur ce sujets dans le cours de ce ré-
cit. Mon désir était de donner seulement un abrégé de la si-
tuation et de l'histoire du Kharezm; mais, en vertu du proverbe
qui dit : « La parole provoque la parole » , j'ai cru convenable
de parler d'autres pays, et ma narration s'en est trouvée
augmentée. L'excuse est toujours acceptée par les hommes gé-
néreux.
L'histoire de la dynastie actuelle des Khans de Khiva n'est
pas dépourvue d'intérêt, au point de vue de la situation pré-
sente du Kharezm. Je vais donc, en peu de mots, en donner
un aperçu.
Résumé de l'histoire des Khans de Khiva.
Lorsque Nadir Chah eut bouleversé les Etats de la plupart
des souverains de l'Asie, la tribu des Turkomanis Yomout s'em-
para des provinces et des places fortes du Kharezm. Elle posa
I y6 RELATION
le pied de la domination sur le trône de la souveraineté. Pen-
dant un certain temps^ elle gouverna d'une manière absolue
cette vaste contrée. Une tribu Uzbek , fixée à Qonghourat ,
et dont Torigine remontait aux Mogols^ déploya le drapeau de
la conquête. Iltouzer, fils d'ivazinaq, fils de Mohammed Emin,
fut le premier chef de cette tribu qui aspira au pouvoir su-
prême. Il se créa un parti et, appuyé par sa tribu, il sortit de
Qonghourat en Tannée 121 1 (1796) et attaqua les Turko-
mans Yomout. Ses affaires prirent peu à peu une tournure fa-
vorable ; il chassa les Yomout de Gourgandj et du Kharezm
et les refoula sur les frontières du Gourgan. Les Yomout se
rallièrent , marchèrent de nouveau contre lui , mais ils fu-
rent défaits et mis en fuite dans la bataille qui se livra à
Ghanqah Tchachkin. Iltouzer s'assit alors sur le trône avec le
titre de Khan. Après avoir gouverné pendant deux ans, il périt
en 121 3 (1798), noyé dans le Djihoun.
Mohammed Rehim Khan, fils d'Ivaz Inaq, succéda à son
frère aîné Iltouzer avec le titre de Khan. Il mit tous ses soins à
rétablir Tordre dans les affaires du gouvernement; il livra aux
Boukhares, aux Tekèh et aux Yomout de nombreux combats^
dans lesquels il fut toujours vainqueur. Il régna pendant vingt-
sept ans, et mourut en Tannée 1257 (1841). Son fils, Allah
Qouly Khan, lui succéda. Il gouverna le pays qui lui était échu
par droit de naissance, et il vécut heureux et tranquille. Il
mourut après un règne de dix-sept ans.
Rehim Qouly Khan, fils d'Allah Qouly Khan, occupa le trône
après son père. Selon la règle établie à Khi va, son frère Rah-
man Qouly Tourèh exerça les fonctions d*Inaq, c'est-à-dire
celles du pouvoir civil et militaire. Rehim Qouly Khan quitta ce
bas monde en Tannée 1263 (1847), après avoir régné cinq ans.
Mohammed Emin Khan, fils d'Allah Qouly Khan, reçut le
titre de Khan et le pouvoir souverain après la mort de son frère
aîné. En Tannée présente 1268 (i852), il y a six ans qu'il est
monté sur le trône. Il est âgé de trente-deux ans. Il y a, parmi
les enfants de Mohammed Rehim Khan et d'Allah Qouly Khan,
DE L AMBASSADE AU KHAREZM I77
des princes qui portent le nom de Tourèh ; aucun d'eux n a pu
jusqu'à présent être élevé au rang de Khan.
Dieu connaît la vérité sur toutes choses. Que se déroulera-t-il
à nos yeux lorsque le rideau qui nous voile le spectacle des
choses cachées se sera levé? Que décidera la prédestination
céleste? La dynastie actuelle règne sur le Kharezm depuis
cinquante-huit ans. L'avenir est soumis aux ordres du Dieu
qui ne périra jamais.
Règles observées pour l'élection et Vintronisation d'un Khan.
Lorsqu'un Khan de Khiva vient à mourir, les qadis, les ulé-
mas^ les grands officiers militaires et les vézirs se rassemblent
après les cérémonies funèbres, et ils offrent le titre de Khan à
son fils, qui est Phéritier présomptif et qui doit être doué de
toutes les qualités exigées pour exercer la souveraineté. Celui-ci
refuse d'abord et se défend d'accepter le pouvoir; puis, il fait à
haute voix la déclaration suivante ; « Si vous êtes unanimes pour
me conférer la dignité de Khan, il faut que vous ne contreveniez
à mes ordres en aucune circonstance, quand bien même je
prononcerais une sentence de mort. » Le grand qadi et les
assistants donnent leur adhésion. On fait alors asseoir le nou-
veau Khan sur un tapis de feutre blanc. Les Tourèhs, les offi-
ciers militaires, les ulémas en saisissent les bords, le soulèvent
et lancent le Khan sur le trône, avec une violence telle qu'il est
jeté sur la face, ou que son bonnet roule à terre. Chacun des
assistants coupe alors, avec son couteau, un morceau de ce
tapis et l'emporte chez lui. On prétend que la présence d'un
des descendants de Djaghatay est nécessaire, pour que
l'intronisation du Khan soit valable. D'après ce que l'on dit,
Mehter Yaqoub le Vézir prétend descendre de Djaghatay;
12
178 RELATION
mais les habitants du Kharezm savent qu'il est originaire de Kât,
et que la prétention qu'il affiche est mensongère.
Le Khan actuel a un fils âgé de cinq ans^ qui a une taie sur
l*œil. Seiyd Mahmoud Tourèh, Seiyd Ahmed et Seiyd Moham-
med Tourèh, fils de Mohammed Rehim Khan^ sont encore en
vie; ils attendent que le destin les fasse parvenir à la dignité
de Khan.
Hémistiche. — « Ils attendent que l'un disparaisse, et qu'un
autre se produise au jour. »
Moussa Tourèh, fils de Rahman Qouly Khan, est im jeune
homme d'une grande bravoure, d'une taille élevée et d'un as-
pect agréable. Il a les sympathies de la population et il est digne
et capable de gouverner ce pays. Parmi les Tourèhs, se trouve
un enfant de douze ans qui, par sa corpulence et sa taille, a Tap -
parence d'un lutteur de trente ans. Un cheval a de la peine
à supporter son poids. Sa grosseur, son embonpoint et sa
haute taille sont l'objet de l'attention générale, et ce prince est
une des curiosités du pays.
Exposé de quelques faits.
Le Khan de Khi va a pour règle de donner à ses officiers qui
appartiennent aux tribus des Yomout, des Gouklan, des Tchou-
der et autres, des terrains irrigués. Quiconque reçoit un arpent
de terre est obligé, en temps de guerre, de fournir un cavalier.
Celui qui reçoit dix arpents amène donc dix cavaliers. Chaque
cavalier est suivi par deux chameaux qui portent les vivres né-
cessaires pour une campagne. Quand cinq mille cavaliers sont
réunis, on croit voir, à cause du grand nombre des chevaux de
DE l'ambassade AU KHAREZM lyg
charge et des chameaux, un corps de quinze mille hommes.
Lorsque le nombre s'élève à dix mille^ on s'imagine qu'il y a
trente mille combattants. Une telle armée paraît considérable
aux yeux des personnes qui ne sont point au fait de cette par-
ticularité, et elle épouvante les gens inexpérimentés. Lorsque le
Khan de Khiva fait une expédition^ il établit chaque nuit^ dans
ime plaine^ son camp auquel on donne une forme circulaire ;
les oflSciers doivent, sur une longueur qui leur est indiquée,
faire creuser un fossé qui finit par entourer le campement tout
entier et dans lequel on fait couler de Teau, s'il s'en trouve à
proximité.
Quiconque, en temps de guerre, perd un cheval ou un cha-
meau, en reçoit le prix. Au retour d'une expédition, le Khan
donne une gratification de cinq toumans à chaque cavalier. La
solde fixe ne dépasse, pour personne, la somme de cinquante
toumans. Cette faible dépense ne porte point atteinte à la ri-
chesse du pays et n'appauvrit pas le trésor. Les cavaliers les
plus aguerris sont, en réalité, ceux de la tribu des Djemchidy ;
leur nombre s'élève à deux mille. L'infanterie compte aussi un
certain nombre de Djemchidy dans ses rangs, ainsi que des
esclaves persans. La garde du corps du Khan est formée de
cinq cents cavaliers Aq Derbendy et Djamy. Son artillerie se
compose de dix canons mal entretenus et mal servis. Les artil-
leurs sont persans, ainsi que la plupart des officiers ; aussi le
Khan ne leur accorde-t-il qu'une médiocre confiance, et pen-
dant les expéditions, chacun d'eux est l'objet d'une surveil-
lance rigoureuse.
Dans le Kharezm, les esclaves persans sont plus nombreux
que les habitants du pays. On voit un seul Uzbek en possé-
der cinquante. Si les Persans se sentaient appuyés par le gou-
vernement de leur patrie, ils se révolteraient certainement con-
tre leurs maîtres.
Le samedi vingt-cinq Zyqaadèh (12 septembre), nous quit-
tâmes Kohnèh Ourguendj pour continuer notre voyage. Je
fis prévenir mes quarante compagnons de route qui rempli-
l80 RELATION
rent les outres avec l'eau du Djihoun, et préparèrent tout
ce qui était nécessaire pour traverser le désert. On chargea
les bagages sur les chameaux et nous montâmes à che-
val^ après avoir placé la litière sur un chameau de grande
taille.
Vers. — « Lorsque j'eus achevé tous les préparatifs du
voyage, je demandai trois files de chameaux à la marche ra-
pide ; les chameliers turkomans qui servent de guides" dans
le désert, me les amenèrent sans retard ; ils en choisirent un
dont la bosse, semblable à une montagne, était capable de por-
ter la litière. Posée sur son dos, elle ressemblait, à cause de
la hauteur où elle se trouvait placée, aux vapeurs qui s'élè-
vent au-dessus de TElbourz. Le chamelier turk (turkoman)
avait la vigueur et l'humeur vindicative du chameau et il
poussa, avec la vélocité du loup, les animaux qu'il conduisait
dans la direction du Gourgan. i»
Après avoir franchi quatre fersengs, nous arrivâmes à la
station de Ghatqar, où nous vîmes un jardin nouvellement
planté par les ordres du Khan de Khi va. Nous y goûtâmes
le repos pendant la nuit, et, lorsque le jour parut, nous nous
remîmes en route. MoUa Moukhtar qui avait été désigné par
le Mehter Aga, ministre du Khan du Kharezm, m'avait ac-
compagné depuis Khiva en qualité de mihmandar. Il me té-
moigna le désir de s'en retourner. Je lui fis cadeau d'une robe
brodée de paillettes (qabat poulèky) ^ et je le laissai partir pour
Khiva. En un mot, nous nous arrêtâmes à toutes les stations
où nous avions déjà campé pendant notre voyage d'Esterâbad
à Khiva. A Tchirichly, nous apprîmes que dans la province
d'Esterâbad, la tribu des Yomout du Gourgan s'était soulevée
et mise en état de révolte contre le gouverneur Mohammed
Vely Khan Beylerbey Qadjar.
Cette nouvelle nous causa de vives inquiétudes. Mais ,
nous étions forcés de suivre la route d'Esterâbad et au-
DE l'ambassade AU KHAREZM l8l
cune station ne nous présentait assez de ressources^ pour que
nous pussions nous y arrêter. Si nous prolongions notre sé-
jour dans Tune d'elles, Teau et les vivres viendraient à nous
manquer. Nouspoursuivîmes donc notre marche^ pleins d'appré-
hensions. Arrivés à la station de Qouymet-Ata, nous y trou-
vâmes un grand nombre de femmes et d'enfants et quelques
vieillards; nous apprîmes qu'ils appartenaient à la tribu des
Yomout, et que la crainte des soldats du corps d'armée persan
et des Gouklan leur avait fait quitter les bords du Gourgan.
Il se dirigeaient vers le Kharezm et Khiva. Les hommes vali-
des et les jeunes gens, réunis aux Yomout, livraient combat
aux troupes du Beylerbeg.
Mon compagnon de route, l'ambassadeur du Khan du Kha-
rezm, les engageait, en se cachant de moi, à aller à Khiva et il
leur faisait espérer un bon accueil de la part du Khan. Moi^
de mon côté, je les détournais de Tidée d'émigrer et je les
exhortais à retourner chez eux en toute sécurité. Nous vîmes
les effets de la lutte entre les Yomout et le Beylerbeg. Les
craintes, les perplexités de mes compagnons de voyage ne
firent qu'augmenter; ils me dirent que les troupes du Beyler-
beg avaient enlevé aux Yomout vingt mille moutons, et que
les Turkomans Gouklan s'étaient emparés de mille de leurs
chameaux; que la route du Gourgan n'offrait aucune sécurité,
à cause des déprédations des Turkomans qui avaient tous fait
cause commime pour tuer, pour piller, pour ravager le pays
et pour emmener en captivité les gens qu'ils rencontraient.
Vers. — € Dans cette contrée sauvage, les loups du Gourgan
faisaient trembler de crainte le cœur des guerriers semblables
à des lions valeureux; car le nombre des Turkomans armés de
lances, qui se trouvaient sur cette route, dépassait cent mille. »
Je me dis :
Hémistiche, — « Je n'ai ni la force d'aller en avant ni la pos-
sibilité de rester. >
l82 RELATION
Cependant^ nous continuâmes notre voyage, en puisant des
forces dans l'influence de l'heureuse étoile de la fortune de Sa
Majesté le Roi. Nous ne nous préoccupâmes pas de ces nou-
velleSy jusqu'au moment où nous arrivâmes à la station qui
porte le nom Kessik Minar et de Mechhedi Missrian.
Mechhedi Missrian.
On rencontre fréquemment de Gourgandj jusqu'au Gourgan^
les vestiges de villes détruites et abandonnées. Il est probable
que leur ruine date de F époque des bouleversements provo-
qués par les armées des Tatares et des Mogols. Parmi ces rui-
neSj se trouvent celles d une grande ville, située non loin de la
route. Dans la première période de mon voyage, il ne m*avait
point été possible de les visiter; mais, à mon retour, je m'y rendis,
accompagné par quelques cavaliers Kharezmiens et Yomout. Je
reconnus qu'une grande ville s'était élevée autrefois en cet en-
droit, et j'y vis les restes de vastes constructions, de monuments
religieux,de réservoirs d'eau et de nombreux tombeaux. On aper-
cevait des coupoles de diverses grandeurs, construites en grandes
briques cuites et en plâtre. J'en visitai quelques-unes, et j'entrai
dans la plus grande de toutes; elle était bâtie sur une colline.
J'y récitai le Fatihèh. C'est une ancienne construction, une
énorme coupole d'une grande hauteur. Elle est bâtie en bri-
ques et recouverte de plaques de faïence d'une rare élégance.
Je vis autour de la coupole des vestiges d'inscriptions, qui me
parurent être tracées en caractères coufiques *
I. Les ruines qui portent aujourd'hui le nom de Mechhedi Misrian (le dmetière ou
le lieu du martyre des Egyptiens) me paraissent être celles de la ville et de la nécropole
de Dehistan, qui fut détruite et abandonnée au milieu du xv* siècle. Je ne connais aucan
fait historique qui justitîe Tappellation sous laquelle ces ruines sont aujourd'hui dési-
DE l'ambassade AU KHAREZM l83
Nous nous éloignâmes de ce lieu, et nous continuâmes
notre voyage d'étape en étape. Partout, sur notre route, nous
recevions des nouvelles et des renseignements relatifs au
soulèvement des Yomout du Gourgan et à leur révolte contre
le gouverneur d'Esterâbad. Nous apprîmes qu'ils nous atten-
daient, pour s'opposer à notre passage et nous faire prison-
niers. Il était donc imprudent d'envoyer en avant un cour-
rier pour prévenir le Beylerbey, car c'eût été les informer
d'avance du jour de notre arrivée. Nous atteignîmes les envi-
rons de la rivière d'Etrek, où réside le plus grand nombre des
Turkomans qui se livrent au brigandage et qui sont en état de
révolte constante.
Le soir , après avoir dîné , nous jugeâmes convenable
de ne point nous livrer au sommeil, et, au bout de deux
gnées. Les habitants du Mazanderan lui donnent le nom de Mechhedi Mcstan, les Tur-
komans, celui de Mestourian. Ces ruines ont été visitées par ConoUy (Travels to ihe
north of Persia, Londres, 1834, tome I, page 76) et par Vambéry, Voyage d'un faux
derviche, page qS-gô.
Le général Lamakine se rendit au mois d'août 1875 à Mechhedi Misrian^ qu'il appelle
Mestourian, et il a donné de cette ville, aujourd'hui déserte, une description détaillée :
« La ville de Mestourian, dit-il, se composait d'une forteresse entourée d'un fossé et
d'un rempart, derrière lequel s'élevait une double enceinte de murs d'une grande hau-
teur, construits en briques d'une extrême dureté et de la dimension d'une demi-archinc
carrée (25 dm). Aux angles et au milieu de ces murs se trouvaient des tours. La ville
formait un rectangle d'une superficie d'une verste carrée (i Km 140) : le sol, ainsi que
celui des environs jusqu'à une distance de deux verstes (2 Km i33) à la ronde, est re-
couvert de monceaux de briques, provenant de monuments dont les fondations existent
encore en partie. Les portes de la ville et une partie de la mosquée de Chir Kebir ont
seules échappé à une destruction complète. Dans l'enceinte de la forteresse s'élèvent en-
core deux minarets, ayant treize sagènes (27,7 m.) de hauteur et trois sagènes (6,4 m.)
de diamètre. On y voit, en outre, une mosquée, un bassin et des citernes. Tous les mo-
numents se font remarquer par leur élégance et leur légèreté. Ils sont construits en bri-
ques cuites et couverts de sculptures, de mosaïques, de plaques de faïence ornées d'ara-
besques et d'inscriptions en relief d'une hauteur de sept pouces anglais Quant à
l'autre ville, située à cinq verstes de Mestourian, ce n'est qu'une nécropole appelée par
les Turkomans Mechhed. Une vaste étendue de terrain est couverte de tombeaux, de
chapelles et de mosquées en ruines. On y montre le tombeau de Chir Kebir qui attire,
comme Mechhed en Perse, de nombreux pèlerins. La chapelle est ornée de tapis; on y
▼oit une armoire ouverte avec des livres sacrés ; une lampe est suspendue au plafond et
quelques vases sont placés çà et là, pour servir aux ablutions : mais pas une âme n'ha-
bite la ville ou les environs.» — A. Petermann, Mittheilungen, 1876, xxix* Vol. I^
pages i6-zg.
1 84 RELATION
OU trois heures après la tombée de la nuit, je me mis en route
avec mes gens et les voyageurs qui s'étaient attachés à moi^
dans le dessein de traverser l'Etrek et d'arriver au Gour-
gan et à Esterâbad. Après avoir franchi une courte distance,
nous aperçûmes des traces nombreuses de pas de chevaux; il
devint évident pour nous que les Turkomans s'étaient mis en
marche et avaient passé à côté de nous. Chacun exprima son
opinion et voulut dire son mot. Des preuves matérielles et des
suppositions fondées sur le raisonnement, et appuyées sur ce
que nous avions entendu dire, me firent penser que lesTurko*
mans révoltés de l'Etrek avaient l'intention de se saisir de ma
personne. Je résolus donc de passer par une route peu fi"é-
quentée^ à quelque distance des localités où ils campent. Lors-
que nous arrivâmes à l'Etrek^ les clameurs des marchands de
Boukhara, de Khiva et de Kaboul^ les cris des chameaux, les
hennissements des chevaux^ le vacarme fait par mes gens à leur
arrivée remplirent de bruit la montagne et les bords de la ri-
vière. Malgré cela^ nous prîmes une route qui se trouvait à
notre gauche et nous traversâmes un terrain imprégné de sel.
Bientôt^ nous eûmes derrière nous cette localité^ objet de toutes
nos craintes; mais, comme la plaine entière était, pour nous,
dangereuse et redoutable, nous continuâmes notre route vers
le Gourgan et Esterabâd^ en mettant notre confiance et nôtre
espérance en Dieu.
Lorsque nous nous rendions à Khiva, nous avions^ après
nous être éloignés des bords de la rivière du Gourgan^ reçu
rhospitalité dans le campement de Qara Khan, chef des Yo-
mout Ata Bay, personnage dont la famille était, de père en fils,
comptée au nombre des serviteurs du gouvernement d'éter-
nelle durée des souverains Qadjar. Nous avions mangé son pain
et son sel, et nous avions lié connaissance avec quelques-uns
des notables et avec le qadi de la tribu des Yomout Ata Bay .
Nous jugeâmes donc plus convenable de descendre dans la
tente de Qara Khan ou de Qouly Khan, ou dans celle du qadi.
Nous étions dans l'ignorance de ce qui s'était passé à Esterâbad.
DE i/aMBASSADK AU KHAREZM l85
Nous marchions droit devant nous, quand un piéton arriva
à notre rencontre. On l'interrogea sur les événements qui s'é-
taient produits. Il nous apprit que le Beyierbey avait arrêté
et jeté en prison Qara Khan. « Voici, ajouta-t-il^ vous avez
devant vous mille cavaliers révoltés qui sont en marche pour
détruire le barrage de la rivière du Gourgan. » L'ambassadeur
du Khan de Kharezm, ainsi que les autres personnes qui
m'accompagnaient, se montrèrent effrayés et troublés de cette
nouvelle. Un de nos compagnons émit l'avis qu'il était préfé-
rable de nous jeter sur notre gauche, là où la route n'était pas
fréquentée^ parce que les cavaliers^ qui étaient devant nous, fi-
niraient par nous rejoindre; que Derdy Qouly Khan avait son
campement de ce côté, qu'il considérerait notre arrivée comme
une bonne fortune et que, si besoin en était, lui-même et ses
cavaliers nous accompagneraient jusqu'à Esterâbad.
Nous aperçûmes de loin quelques tentes et quelques pavil-
lons. Nous nous dirigeâmes de ce côté ; mais nous prenions
le mirage pour de l'eau et la poix pour du camphre raffiné.
Nous dépêchâmes un homme en avant et nous apprîmes, quand
il revint, que ces tentes n'étaient point celles de Derdy Qouly
Khan, mais bien celles de la tribu des Ilqay. Ces gens nous
firent dire que la règle des Turkomans était d'assurer toute
sécurité contre leurs ennemis, à tous ceux qui entraient dans
leur campement. Ne pouvant faire autrement, nous marchâ-
mes partagés entre la crainte et l'espérance, et nous arrivâmes
à ce campement où nous descendîmes de cheval. On nous
apporta du pain et on se mit en devoir de nous servir. Nous
aperçûmes quelques soldats de l'armée persane qui avaient
été faits prisonniers, et nous nous rendîmes compte, alors, des
services que nous pouvions attendre de ces gens. Nous prî-
mes donc le parti de nous éloigner au plus vite, plutôt que de
rester parmi eux. Nous franchîmes un espace que l'on parcourt
en deux ou trois temps de galop ; mais, pendant le peu d'instants
que nous nous étions arrêtés, les gens de cette tribu avaient
•
trouvé le moyen de voler le fusil de Mohammed Chérif Bay
1 86 RELATION
et d'instruire nos ennemis de notre approche. Eux-mêmes se
mirent en route en même temps que nous^ dans Tespoir de
nous pilier. Quelle belle escorte que celle de brigands qui
avaient Tair de nous témoigner de lamitié, mais qui n avaient
d*autre dessein que celui de nous traiter en ennemis ! Nous
dûmes considérer les loups du Gourgan comme des bergers, et
supposer que ces voleurs de grand chemin étaient nos guides.
Tout à coup^ des tourbillons de poussière s'élevèrent dans l'air
à notre gauche ; nous reconnûmes qu'ils enveloppaient des
hommes altérés de sang et nous fûmes convaincus que ron
allait fondre sur nous et nous attaquer. La poussière devint
plus épaisse ; les cavaliers apparurent plus nombreux et ils se
jetèrent sur les bagages en poussant des cris et des clameurs
semblables à ceux des ghouls et des divs. On aurait dit des
loups se précipitant sur une tête de mouton^ ou des Turks se
jetant sur un sac de blé. Mes bagages, confiés à la garde des
Turkomans Yomout qui voyageaient avec nous et qui étaient
les associés des voleurs, se trouvaient, par suite de notre négli-
gence^ relégués à l'extrémité de la caravane. Les Turkomans
s'élancèrent dessus et se mirent à piller. Beaucoup de nos
effets furent jetés à terre ; d'autres demeurèrent intacts, mais
la plus grande partie en resta aux mains de ces voleurs de
grand chemin. (Puissent leurs femmes se vendre !)
J'avais un pistolet à ma ceinture; je poussai mon cheval dans
la direction des assaillants -, ils me reconnurent et se mirent à
pousser les bêtes de charge devant eux en se moquant de moi.
En effet.
Vers.— « La raison n'admettra pas qu'un impie affamé, pé-
nétrant dans une maison déserte et remplie de mets préparés,
se préoccupe du jeûne du Ramazan \ »
Mes compagnons s'écrièrent : t Tout ceci n'a lieu qu'à cause
I. Ce distique est tiré du Gulistan, livre 1*'.
DE l'ambassade AU KHAREZM 1 87
de vous ! Pourquoi cherchez- vous à combattre ces cavaliers
supérieurs en force, et courez-vous à votre perte? > Je ne fus
pas sans m'apercevoir que c'était à moi qu'ils en voulaient, et
que c'était contre moi qu'ils avaient lancé le coursier de l'at-
taque. Je retournai donc sur mes pas; je m'arrêtai et j'excitai
les gens de ma suite à les repousser. J'étais inquiet et anxieux
de savoir comment se terminerait cette aventure.
Mohammed Chérif Bay, envoyé du Khan de Kharezm, s'a-
dressa à eux et leur cria : « Je suis chargé par Khan Hazret
Mohammed Emin Khan, d'une mission auprès de S. M. le
Chah de Perse ! Vos familles et vos amis sont^ dans le Kha-
rezm^ soumis à l'autorité du Khan. Je ne sais qui a pu vous
inspirer l'audace de nous attaquer! D'un côté, les troupes de
S. M. le Chah sont à Esterâbad, d'autre part, en arrière de
vous, le Khan est à Kohnèh Ourguendj. Nous sommes des
ambassadeurs envoyés par une puissance à une autre puis-
sance! >
Hémistiche. — « Cette témérité ressemble à de la folie ! >
< Nous n'avons, répondirent-ils, rien à démêler avec aucun de
vous, et nous ne voulons exercer de violence contre personne,
livrez-nous seulement un tel, qui est l'ambassadeur du Roi de
Perse^ et continuez votre voyage sains et saufs. C'est à lui que
nous avons à faire. » Je reconnus que :
Hémistiche. — « Leur but était ma mort. »
« Je n'ai, leur répondis-je, aucun rapport, aucun point de con-
tact avec VOUS; quelle inimitié, quel sujet de querelle y a-t-il
entre nous? > — t Nous n'avons eu, me répondirent- ils, aucune
relation avec vous; mais nous avons été, pendant des années,
soiimis à la Perse. Dans ces derniers temps, nous la servions
encore. On nous a enlevé nos moutons! on s'est emparé de
nos chefs! Aujourd'hui, nous nous saisirons de vous, nous
l88 REIATION
VOUS retiendrons et nous réclamerons les biens qui nous
ont été ravis. > — « Insensés! m 'écriai-je, dans ce désert, j*ai
un nom et un titre , j'ai un rang et un caractère officiels, une
suite et un train nombreux. Mais à la cour du Roi, personne
n'a souci de moi, personne ne demande : Qui es-tu? d'où
viens-tu ? On trouve des serviteurs comme moi dans tous
les coins; leur nombre dépasse toute énumération et tout
calcul. Je sais que je ne suis pas capable de servir de ran-
çon , car personne ne dépenserait une pièce de cuivre poxir
me racheter et ne donnerait quoi que ce soit, pour me possé-
der. » — « Il n'en est point ainsi ^ me dirent-ils, nous allons
nous emparer de vous et nous vous vendrons. Si on ne vous
rachète pas, nous vous tuerons ou nous vous garderons pri-
sonnier. La somme que vous représentez , vous et vos com-
pagnons de voyage, et ce que vous possédez ne nous échap-
peront ni par la ruse , ni par Tastuce , ni par la force , ni
par les armes. Vous ne retournerez ni à Esterâbad , ni à Té-
héran ! » Quoique je fusse intérieurement en proie à la crainte,
je me mis à rire et je dis :
Vers. — « Je fais partie de la cour de Dara, qui donc aura
le pouvoir d'enchaîner mes mains? Lorsque je fixerai sur la
corde de mon arc une flèche au vol rapide, je ne demanderai
pas si celui qu'elle doit percer est Turk ou Turkoman. Je ne
me laisserai point faire prisonnier par les Yomout, pas plus
que le faucon ne se laisse prendre dans la toile de l'araignée.
Voir mon sang couler sur la terre et les pierres de ce désert,
vaut mieux pour moi que de devenir captif et d'être voué au
déshonneur. »
Je convoquai les notables de Boukhara, de Ferganèh, de
Khiva et du Kaboul qui m'accompagnaient et je leur dis :
€ Voici ce qui se passe : tous ces discours n'ont d'autre but
que celui de semer la division parmi nous, afin de nous faire
tous prisonniers. > — « Oui, répondirent-ils, il en est ainsi! »
IQO RELATION
le iekbir '; ils jetèrent sur leur cou rétoflFe de leurs turbans,
et^ saisissant leurs sabres et leurs fusils, ils fondirent de tous
côtés sur les ennemis ; mais^ ils furent enveloppés par des
cavaliers des tribus turkomanes accourant de tous côtés au se-
cours des leurs. Leur nombre croissait à chaque instant.
Vers. — € Les cavaliers arrivaient de la plaine du Gourgan :
leur apparence était celle des Divs : leur taille était aussi
haute qu'une montagne. Il advint que le nombre des Turks
armés de lances, qui se trouvaient dans la plaine , n'était pas
inférieur à mille. >
Le soleil était sur le point de quitter l'horizon, le jour était
sur son déclin. Il devint évident pour nous que, lorsque la
nuit serait tombée et aurait couvert la terre de ses ombres,
on ne pourrait distinguer les amis des ennemis qui se précipite-
raient de tous côtés sur nous et nous massacreraient. L'envoyé
du Khan de Khiva fit des propositions de paix : les Turko-
mans demandèrent mille toumans pour la conclure. Ils fini-
rent par consentir à recevoir quatre cent cinquante tillas, en
s'engageant à nous escorter. Peu de temps avant le coucher
du soleil, le tumulte augmenta. Nous fimes agenouiller de
nouveau en cercle les chameaux de charge, gardés par les
gens qui les montaient. Nous ne vîmes point la possibilité
de nous échapper du lieu où nous étions. L'eau et les provi-
sions que nous avions emportées pour la route étaient épui-
sées. Depuis deux jours et deux nuits, nous n'avions point
goûté le sommeil et nous n'avions pris aucune nourriture, ni
eau ni pain. Nous avions l'espérance d'arriver ce même jour
à Esterâbad. Nous étions rompus de fatigue et brisés de lassi-
tude : nos outres étaient vides.
Nous formâmes alors le projet d'envoyer un cavalier à
I. Le cri de « Âllahou Ekber » (Dieu est le plus grand !j que poussent les musulmans
au moment d'engager un combat.
DE L^MBASSADE AU KHAREZM I9I
Esterâbad , pour instruire le Beylerbey et TEmiri Pentchèh de
notre situation. Les Yomout qui nous accompagnaient, crai-
gnant les Gouklan^ et mes serviteurs, redoutant les uns et les
autres^ ne voulurent point y consentir. Les routes étaient in-
terceptées de toutes parts. Les choses en vinrent au point que
les gens de la caravane me regardaient en pleurant, et en s'at-
tendrissant sur mon sort.
Distique. — « J*étais au milieu d'eux; mon âme était livrée
aux dernières angoisses; j*étais dans la main du désespoir^
semblable à la perdrbc dans les serres de Taigle. »
Je vis la route de la possibilité et des expédients barrée
de tous côtés, et moi-même, sans force et sans vivres, devenu
le prisonnier des Yomout.
Distique. — « Cet homme^ aux mœurs pures et innocentes^
avait rhabitude de se transporter dans le monde invisible. »
Je plaçai ma confiance contre la violence des féroces Yo-
mouty dans la protection du Dieu vivant qui ne meurt jamais,
et je récitai lentement cette prière : t Mon Dieu! ne nous
afflige point de ta colère ! Ne nous fais point périr dans ton
courroux, pardonne-nous avant cela, ô mon Dieu I ne nous
châtie pas pour nos mauvaises actions ! Ne suscite point contre
nous ceux qui n*ont point pitié de nous! Eloigne de nous les
mains des oppresseurs. Je t adjure par Mohammed et par
toute sa famille! t
Convaincu que nous ne pouvions échapper que par la
grâce du Seigneur, il me vint à Tespril que notre délivrance
ne pourrait être obtenue qu'en semant la discorde au milieu de
nos ennemis, et en les excitant les uns contre les autres.
Je répétai^ à plusieurs reprises, cette invocation : < O mon
Dieu, suscite les oppresseurs contre les oppresseurs et fais-
nous sortir sains et saufs du milieu d'eux ! »
192 RELATION
J'en arrivai à consentir de demeurer prisonnier des Yomout
pour sauver mes compagnons, et je pensai que ce serait une
honte et un opprobre pour le gouvernement persan, qui mar-
querait ainsi son indifférence pour un serviteur dévoué, s'il ne
me délivrait pas des mains des Turkomans. D'autre part, s'il
me réclamait, lés Turkomans pourraient formuler des deman-
des exagérées. Il était, en outre, probable que certains person-
nages, qui n'avaient point approuvé mon voyage à Khiva, re-
présenteraient à S. M. que je n'avais pu remplir la mission
qui m'avait été confiée, et que je n'avais fait que rendre la si-
tuation encore plus difficile. Je me réfugiai de nouveau en
Dieu -, et, invoquant la force toute-puissante de Tétoile heu-
reuse de S. M., je consultai le sort pour savoir si je serais
délivré. Tout-à-coup, mon valet de chambre se présenta devant
moi et me dit : « Le qadi des Yomout, que vous avez vu chez
Qara Khan et qui vous a accompagné jusqu'à l'Etrek, lorsque
vous vous rendiez à Khiva, vient d'arriver. Il désire vous voir
et s'entretenir avec vous. » Je reconnus, dans ce fait, une grâce
divine et un effet de la fortune propice de S. M.
Hémistiche. — « A qui veut venir, dis-lui : viens ! A qui veut
parler, dis-lui : parle! »
Voici, je suis dans le désert du Gourgan, et, entouré de tous
côtés par les Turkomans.
Vers, — « Je suis comme Joseph au milieu des loups : pe-
tits et grands veulent m'arracher la vie. »
Le qadi se présenta devant moi , me donna le salut et en-
tama la conversation : « O qadi ! lui dis-je , sans prendre en
considération notre ancienne amitié, vous avez consenti à ce
que je fusse fait prisonnier ! Et vous êtes venu ici, associé avec les
vils Turkomans de l'Etrek, pour me retenir captif! Quelle belle
affection! quelle sincère amitié! i> -- « Non, par Dieu, reprit
DE L^MBASSADE AU KHAREZM I93
le qadi, je ne suis point le complice de ces gens-ià , et je n'é-
tais point informé des projets de ces rebelles! Je me trouvais
dans ma tente^ sur les bords du Gourgan, lorsque j'ai appris
ces nouvelles qui m'ont troublé ; maintenant, je vois que Ton
est réuni en forces et prêt à combattre. Quelles que soient les
menaces que je fasse à ces séditieux, à ces fauteurs de troubles,
ils ne voudront prêter l'oreille ni à mes paroles ni à mes con-
seils; mes discours ne feront aucune impression sur eux. Ils ne
se retireront pas sur ce que je leur dirai. » — « Là où Ton
n'écoute pas la parole d'un homme sensé, répondis-je, l'opi-
nion de la multitude ignorante prévaudra. Si vous dites vrai,
si vous êtes sincère, envoyez un homme à votre tribu, à votre
campement, à ceux de Qara Khan et de Qouly Khan qui sont
liés d'amitié avec moi. Appelez, pour me délivrer, les cavaliers
Ata Bay et Aq pour que l'on sache quels sont les gens dévoués
et quels sont les traîtres! » Le qadi dépêcha sur-le-champ
son frère pour instruire sa tribu de ce qui se passait .
La sœur de Qara Khan Ata Bay qui était mariée à Naqd
Aly Khan Yomout, son cousin, et que je connaissais un peu,
était, depuis l'emprisonnement de Qara Khan et de ses en-
fants à Esterâbad, le chef de la tribu et l'arbitre de toutes les
affaires dans le campement de son frère. Lorsqu'elle sut que
j'avais eu l'intention de me rendre à la tente de Qara Khan,
et qu'en route, j'avais été assailli par les Turkomans de l'Etrek
et autres bandits, elle dénoua, selon la coutume des femmes
turkomanes , ses cheveux blancs , les laissa flotter et se mit
à pousser des cris et à se lamenter : « O Turkomans! di-
sait-elle, qu'est devenue votre valeur ? nos âmes et nos corps,
ceux de nos pères ont goûté le sel des rois Qadjar. Khodjend
Verdy repose, après sa mort, sous une coupole élevée à Der-
vazèhi Daoulet par les ordres d'Aga Mohammed Chah ! Que
Qara Khan cesse de vivre, si le serviteur du roi de Perse, qui
se rendait à notre fribu et à nos tentes, vient à être enlevé
par les Turkomans de l'Etrek ! quelle honte ce serait pour
nous ! si vous ne l'amenez pas avec honneur à notre campe-
i3
.» •
1 94 RELATION
ment, considérez-moi comme morte, empoisomiée par 1 mdi-
gnation ! » Après avoir entendu ces paroles^ les parents et les
clients de la tribu Ata Bay et les Aq se prévinrent les uns
les autres. Ils se réunirent et prirent la route du désert. Au
moment où, avec mon fils Aly Qouly, mon parent Nedjef
Qouly et tous mes domestiques, j'étais livré aux plus vives ap-
préhensions et en proie à la frayeur, un neveu de Qara Khan,
nommé Kazhim, qui m'avait servi en qualité de Qaraoul
(guide) et de Khadim et auquel j'avais donné un beau khilat,
se présenta devant moi. Il me trouva assis dans l'obscurité au
milieu des chameaux. Il m'informa de ce qui se passait; je re-
fusai de le croire. Après lui, arrivèrent Mohammed Kerim Khan,
Iltouzer Khan, les parents de Qara Khan, ceux de Qouly Khan
et le qadi. « Il ne s'agit point de rester ici, me dirent-ils; si
vous demeurez cette nuit dans ce désert, les tribus turkoma-
nes arriveront demain matin en si grand nombre, qu'il vous
sera impossible de fiiir et de vous échapper. »
Hémisiiche.- < La crainte du serpent nous a fait tomber dans
la gueule du dragon. »
Je réfléchis qu'il était, dans tous les cas, préférable de gagner
la tente de Qara Khan, plutôt que de rester dans ce désert,
théâtre de tant de meurtres et de tant d'assassinats. Nous nous
mîmes donc en marche; les Turkomans nous suivirent en
nous entourant, nous et les bagages , et ils semblaient épier
l'occasion de nous attaquer. Ils n'osèrent cependant pas le
tenter. Chaque fois qu'ils se rapprochaient de nous, les cava-
liers Ata Bay et principalement Kazhim, les accablaient d'in-
jures et leur criaient leurs noms. Ces brigands étaient saisis
de crainte en entendant nommer leurs chefs. Ils nous sui-
virent ainsi pendant un ferseng; puis, voyant l'inutilité de leur
poursuite, ils s'éloignèrent peu à peu et se dispersèrent. Nous
arrivâmes après minuit à la tente de Qara Khan et nous nous
y établîmes.
DE l'ambassade AU KHAREZM igS
Une femme d'un caractère viril et dont j'ignore le nom, vint
me trouver, accompagnée par le qadi; elle versait des lar-
mes abondantes. « Si vous pleurez sur Qara Khan, lui dis-je,
Dieu est assez puissant pour le délivrer. > — « Non, me répon-
dit-elle; chacun de nous vaut Qara Khan ; c'est sur vous que je
pleure! Les Turkomans voulaient vous faire prisonnier. En
vérité, ils n'avaient d autre but que celui de nous déshonorer.
Tout homme, en apprenant ce qui s'était passé, aurait pu sup-
poser que la tribu de Qara Khan avait commis une pareille
félonie, pour venger son emprisonnement. » La fermeté d'es-
prit et la sagacité de cette vieille femme me frappèrent d'é-
tonnement ; je lui donnai l'espoir que Qara Khan serait Tob-
jet de la bienveillance des ministres de la cour, asile de
l'équité. Je pris quelque nourriture et je me couchai :
Hémistiche. — « Pour assister le lendemain matin à la nais-
sance de l'enfant que la nuit portait dans son sein, i
Le jour suivant, à mon réveil, je disposai la tente pour rece-
voir les chefs Yomout. Ils s'y présentèrent, et j'eus une confé-
rence avec eux. Il fut décidé que je ferais partir un homme por-
teur d'une dépêche rendant compte de tous ces événements. Je
la rédigeai et je la confiai à Mirza Aly Naqy, médecin du ré-
giment Efchar, que j'avais trouvé prisonnier à Khiva et que je
ramenais avec moi : je le chargeai de se rendre à Esterâbad.
Le Beylerbey me répondit par un billet : « qu'il reconnaissait
l'importance du service rendu par les*Ata Bay et les Aq. » Il
m'engageait ensuite à ne pas rester plus longtemps au campe-
ment de Qara Khan, et à prendre la route de Mahmoud Abad
pour revenir à Esterâbad, où il viendrait me voir.
Hémistiche. — « Grand Dieu ! est-ce ici la place de pareilles
paroles! »
J'appris que l'on avait établi un barrage sur le Gourgan,
196 RELATION
construit le fort de Sultan Abad^ élevé des fortijScations en
terre et qu'un corps de troupes royales était échelonné sur les
frontières d'Esterâbad. Pouvais-je retourner à Téhéran sans
avoir examiné tout cela, sans m'étre mis au courant de la si-
tuation des Yomout et d'Esterâbad, sans avoir appris quelles
étaient les populations soumises et celles qui étaient insurgées?
S. M. le Roi, dont le rang égale celui de Djem, qui est 1 asile
du monde^ que notre âme et celles des mortels lui servent de
rançon ! me dirait à mon retour : < O homme ! lorsque vous
avez quitté la cour, il vous a été ordonné de prendre note de
tous les faits d'ensemble et de tous les détails qui vous frap-
peraienl dans le royaume, depuis le jour de votre départ jusqu'à
celui de votre retour. Vous deviez les consigner minutieuse-
ment, afin d'avoir la plus ample connaissance de tous les lieux
que vous auriez visités. Maintenant, vous revenez d'Esterâbad^
rendez-moi compte de ce que vous avez vu ; faites-moi connaître
vos appréciations. » Pourrais-je répondre que je n'avais point vu
le bend (barrage) du Gourgan, que j'ignorais les événements qui
ont surgi à Esterâbad et chez les Yomout? Dans ce cas, le Roi
punirait sévèrement, sans aucun doute, ma négligence. Il faut
que je revienne, en passant au milieu des tribus Turkomanes
Ata Bay et Djafer Bay, pour que j'examine avec soin le bend
du Gourgan, que je compte les soldats qui sont en garnison dans
cet endroit, que je voie les fortifications, les troupes, le fort de
Djafer Abad, etc. Je résolus de ne point aller à Esterâbad sans
avoir vu toutes ces choses.
Le Beylerbey m'adressa une seconde lettre : « Je vous en-
voie, m'écrivait-il, Qouly Khan et Qilidj Khan pour que vous
veniez à Esterâbad par la route que vous désirerez suivre : les
tribus des Djafer Bay et d'Ata Khan, et celle d'Allah Nazhar
Khan recevront Tordre de se porter à votre rencontre et de se
mettre à votre disposition. ^
1
DE 1/ AMBASSADE AU KHAREZM I97
Retour à Esierâbad.
Après avoir passé, dans la tribu des Ata Bay, deux nuits et
un jour, je fis cadeau d*un vêtement d'honneur au qadi, à la
soeur de Qara Khan et à son neveu Kazhim Bek. Je quittai le
campement de Qara Khan, où la plupart des notables et des
chefs Yomout étaient venus me faire visite. Je reçus même celle
de Hassan Khan^ surnommé Hassan Tchighan, qui se plaignit
vivement à moi du Khan Beylerbey. « Le Beylerbey, lui ré-
pondis-je , est un homme d'un rang élevé et d'une grande
intelligence. Vos paroles ne détermineront pas les ministres
du Roi à ne pas tenir compte de ses mérites. » On s'était abou-
ché avec lui et on lui avait inspiré de la sympathie pour le
Khan de Khiva. Je détruisis toutes ses illusions et je lui dé-
clarai que le Khan de Khiva avait fait, à Tégard de S. M., acte
de soumission et de dévouement loyal et qu'il m'avait fait ac-
compagner par un ambassadeur. « Si les Turkomans Yomout
et Gouklan qui dépendent du gouvernement d'Esterâbad, se
déclaraient pour Khiva, ajoutai-je, un ordre des ministres de la
cour de Téhéran déterminerait le Khan à les renvoyer prison-
niers. Abandonnez donc ces folles pensées et ne faites aucune
opposition au Beylerbey d'Esterâbad, car on ne le destituera
pas pour complaire à vos désirs. J'intercéderai en votre faveur,
je serai votre intermédiaire auprès du Beylerbey. » Hassan Khan
et la plupart des notables se séparèrent de moi, à peu de dis-
tance du campement de Qara Khan, après m 'avoir fait leurs
adieux. Après un séjour de deux jours, Mohammed Qouly
Khan, Qilidj Khan, Iltouzer Serdar, les autres Khans Ata
Bay et Aq et les parents du qadi, avec un grand nombre de
cavaliers vinrent me prendre pour m'escorter. Lorsque nous
fûmes arrivés près du Gourgan, les cavaliers Djafer Bay se
portèrent à ma rencontre, et je congédiai ceux de la tribu Ata
Bay qui retournèrent sur leurs pas.
1 98 RELATION
Description du Bend (barrage) du Gourgan.
Arrivé près du bend du Gourgan^ je m*y arrêtai un instant
pour lexaminer. Ce bend peut avoir cinquante coudées de
longueur sur quinze de largeur. Le Beylerbey a réussi, en fort
peu de temps, à achever ce travail sur une rivière aussi consi-
dérable. L'ouvrage a des avantages de plus d*un genre^ et il
est d'une grande utilité pour l'augmentation des revenus pu-
blics.
Les fusiliers de Kurd Mahallèh et d'Esterâbad^ commandés
par RizaQouiy Khan, fils de Mousta£ei Khan Seden Roustaqy^
tiennent garnison dans les tours élevées à la tête du barrage.
Nous nous arrêtâmes là, pendant quelque temps, et je deman-
dai quel était le nombre des soldats. Il me fut répondu que les
tours construites des deux côtés du bend, servaient de loge-
ment à cinquante hommes qui étaient de garde jour et nuit.
Quand nous eûmes dépassé le bend, les Serguerdèh (ofiSders de
troupes irrégulières) d'Esterâbad vinrent à notre rencontre. Je
demandai des nouvelles de Hamzèh Khan Enzany. On me
répondit qu'il était, avec ses fusiliers, chargé de la garde des
fortifications, qu'il y demeurait et qu'il n'en sortait jamais. Il
était indispensable pour moi de lui faire visite et d'examiner
ces fortifications.
Nous nous dirigeâmes donc de ce côté, et nous rencontrâmes
son fils Mohammed Baqir Khan qui venait à pied au devant
de nous.
Hamzèh Khan, avec les notables de la tribu, s'avança, de
son côté, jusqu'au bord du fossé du rempart où nous nous
abordâmes. Nous franchîmes le rempart et nous restâmes
une heure sous sa tente. J'appris tous les détails du combat
livré par les Turkomans aux troupes du Beylerbey et de
l'Emiri Pentchèh. Je pris congé de Hamzèh Khan et je revins
sur mes pas. Le camp du Beylerbey et de l'Emiri Pentchèh
DE l'ambassade AU KHAREZM I99
était placé près de Djafer Abad. Nous nous établîmes, moi et
mes compagnons de voyage^ Boukhares, Khiviens, ainsi que
tous les gens de Kachghar et de Kaboul, sur la colline de Djafer
Abad, à portée du camp. Les neveux du Beylerbey et les of-
ficiers des troupes, sous les ordres de TEmiri Pentchèh, prirent
la peine de me faire visite et de me présenter les excuses
du Beylerbey et celles de TEmiri Pentchèh^ qui n'avaient pu
venir, étant occupés, me dirent-ils, avec Mirza Bey, porte-
arquebuse du Roi et porteur des fonds du trésor, à distribuer
la solde aux troupes. Ils m'offrirent une grande quantité
d'oranges, de citrons et de melons. Je reçus aussi un billet
du Beylerbey qui m'invitait à Taller voir et à dîner le soir
avec lui. Je me rendis à son invitation avec Mohammed
Chérif Bay. La conversation s'engagea entre nous; je lui racon-
tai brièvement les incidents de mon voyage et je lui fis part de
toutes mes opinions ; je lui dis avec la plus entière franchise
.que, si Ton poussait les Turkomans au désespoir, ils se laisse-
raient entraîner par les suggestions des ambitieux et passeraient
sur le territoire Khivien, et qu'alors, la province du Gourgan
serait continuellement troublée par leurs brigandages. « La
mise en liberté de Qara Khan, ajoutai-je, sera accueillie par
les tribus Ata Bay avec joie et comme un gage de sécurité pour
eux; et, en vérité, il n'a commis contre le Gouvernement aucun
acte de trahison. »
« J'ai porté cette affaire, me répondit le Beylerbey, à la
connaissance de Sa Majesté; mais, vous, TEmiri Pentchèh et
moi, nous intercéderons en sa faveur, afin qu'il obtienne
son pardon. Comme sa tribu vient de rendre un nouveau
service en vous protégeant, on lui enlèvera la chaîne du cou
et on le traitera bien. Quant à vous, rendez- v^ous à la ville où
je compte aller vous faire visite. *
Le lendemain matin, je me mis en route pour Esterâbad.
Nous rencontrâmes, jusqu'à la porte de la ville, les employés
et les gens de métier qui se portaient à notre rencontre par
détachements, les uns à pied, les autres à cheval. On assigna
200 RELATION
des logements agréables et dignes d'eux, à Mohammed Chéri!
Bay, à Seiyd Ahmed Naqib Khodja de Boukhara, cousin de
TEmir, à Seiyd Miran Chah de Qandahar, à Khodja Rahmet
Ouliah Ichan de Khoqand et aux autres personnages^ et nous
les laissâmes se livrer au repos. Moi-même, je m'établis dans le
Divan Khanèh (salle de réception) du Beylerbey. Le lendemain^
j allai au bain. Il y avait sept mois que je n*en avais vu et je
débarrassai mon visage et ma barbe de la poussière du voyage.
Les ulémas de la ville vinrent me voir. Le prévôt des mar-
chands et le Kelanter (maire) m'envoyèrent des sucreries et des
fruits.
Les Turkomans ayant pillé la plus grande partie de ma batte-
rie de cuisine, de ma vaisselle de voyage et de mes plats d'office,
je dus les remplacer et acheter d'autres ustensiles en cuivre. Le
lendemain, le qadi et le cheikh oui islam prirent la peine de
me faire visite. Je leur rapportai, ainsi qu'aux autres docteurs,
les discussions que j'avais eues sur des matières spirituelles et
sur des sujets politiques. Ils donnèrent une approbation com-
plète à tout ce que j'avais dit. Ils virent les esclaves originaires
d'Esterâbad et du Mazanderan que je ramenais avec moi du
Kharezm, et ils firent des vœux pour le Roi, dont ils exaltèrent
les vertus. Je leur fis montrer aussi les autres esclaves et ils
m'adressèrent de nombreuses questions sur Khiva.
Départ d'Esterâbad,
Le 1'' Moharrem (i5 octobre), nous partîmes d'Esterâbad et
nous prîmes la route de la montagne et des cols de Qizliq et
de Chah Kouh. La route de Qizliq est très-raide : elle traverse
une montagne d'une grande hauteur et difficile à gravir. Les cha-
meaux du Kharezm, qui n'avaient jamais vu que la plaine et
DE l'ambassade AU KHABEZM 201
qui, depuis plus d'un mois, n avaient goûté ni repos ni som-
meil et n'avaient pris qu'une nourriture insuffisante, se fati-
guèrent, s'épuisèrent et se blessèrent en franchissant cette mon-
tagne. Quelques-uns de ces animaux s'abattirent dans le défilé ;
ne pouvant supporter les difficultés de la route et réduits à
une grande faiblesse, ils finirent par succomber. En vérité, ce
passage est, pour les chameaux, malaisé à franchir.
Le roi des poètes, Sabay Kachany % a dit avec justesse :
Vers. — « J'ai dit au chameau : Vas-tu mourir? II serait fâ-
cheux que tu périsses si tôt. Il me répondit : Je me nour-
ris d'épines, j'en ai la bouche remplie; mon dos plie sous le
poids des fardeaux; si la mort vient vite, ce sera encore trop
tard pour moi. >
Quoiqu'il en fût, nous marchâmes du matin jusqu'au soir.
Au coucher du soleil, nous arrivâmes au Rébaihi Evvel^. Les
bagages étaient restés en arrière. Les chameaux s'étaient abat-
tus avec leurs charges. Le jour déclina et Rahmet OuUah
Ichan de Khoqand, de l'ordre des Naqchbendy, qui était
malade, tomba de sa litière. Pendant la nuit, les bagages et
les hommes qui les conduisaient arrivèrent, après avoir éprouvé
mille difficultés. Cette route fut une route de fatigue pour les
Uzbeks et les Turkomans qui, vivant dans des déserts et des
plaines, avaient vu peu de montagnes, leur pays ne possé-
dant ni forêts, ni montagnes élevées. Quand ils entendent
des paroles qui les frappent, ou qu'ils vont par un chemin diffi-
1. Sabay est le surnom poétique de Feth Âly Khan Kachany, disciple de Hadji Su-
leyman Bey Bidgouly. Lorsqu*en 121 1 (1796), Feth Aly Chah arriva de Chiraz à Téhé-
ran après la mort d*Aga Mohammed Chah, Feth Aly Khan lui présenta un qacidèh (ode)
et il en composa un autre pour féliciter le Chah sur son avènement au trône : cette pièce
de poésie fut lue solennellement le jour de la fête du Naurouz. Feth Aly Khan reçut à
cette occasion le titre honorifique de Melik ouch Chouara (roi des poètes). Il dédia à
Feth Aly Chah deux poômes épiques ; Le Chehinchdh Namèh et le Khoudavend Na*
mèh. Le premier de ces ouvrages contient quarante mille distiques, le second trente
mille. Feth Aly Khan mourut à Téhéran en 1238(1822).
2. Le premier caravansérail.
202 RELATION
cile, ils ont Thabitude de mettre leurs mains sur la poitrine
et de s'écrier à plusieurs reprises : « Pardon, pardon ! ô Dieu
gardien , ô Dieu gardien ! » Pendant ce jour et cette nuit, la
vue des forêts épaisses et les difficultés du chemin leur firent
souvent faire ce geste et pousser cette exclamation.
Je rafraîchis ma langue en récitant ce quatrain :
Vers. — « Les Uzbeks de Khiva qui parcourent le désert, et
qui de Khiva se dirigent vers la ville de Rey, s'écrient à la vue
des forêts et des hautes montagnes : Que Dieu nous garde !
que Dieu nous garde ! »
Le lendemain, nous quittâmes ce Rébath ruiné, où la nécessité
nous avait forcés de nous arrêter, et nous nous dirigeâmes vers
la station de Chah Kouh. La route était fort mauvaise : nous
parcourûmes un ferseng dans des gorges et des défilés, puis
nous gravîmes le Chah Kouh. Aga Mehdy Chah Kouhy, per-
sonnage d*une grande expérience, qui, pendant de longues
années, avait été au service du Naïb ous Salthanèh Abbas
Mirza, apprit notre arrivée et envoya ses enfants à notre
rencontre. Lui-même se porta, également, au-devant de nous,
il nous offrit le logement, et s'acquitta envers nous, de la ma-
nière la plus complète, de tous les devoirs qu'impose Thospi-
talité. Il vint me voir la nuit, et nous nous livrâmes au plaisir
de la conversation. Le matin, j'appris que Rahmet oullah
Ichan , un homme d'une science profonde et d*une grande
dévotion et chef de l'ordre des derviches Naqchbendy, était
mort pendant la nuit. Il avait revêtu l'/Aram ' du Hedjaz et avait
formé le projet de se rendre en pèlerinage à la Mekke, Cette
perte me causa une vive douleur. Je donnai ordre à Aga Mehdy
Chah Kouhy et à d'autres personnes, de l'ensevelir et de l'en-
terrer. On lui rendit les derniers devoirs et on le confia à la
I. L'Ihram est le manteau péniicntiel que les pèlerins doivent revêtir pour s'acquit-
ter des devoirs qu*imposc la visite à la Kaabèh. L'ibram consiste en deux pièces d*.é-
toffc blanche «ans coutures, dont Tune couvre le haut et Tautre le bas du corps.
DE l'ambassade AU KHAREZM 203
terre. Que Dieu lui fasse miséricorde! J'emmenai avec moi
son fils et sa famille. Puis , après avoir parcouru plusieurs
fersengs, j6 me dirigeai vers Tchardêh Kelatèh, patrie de mes
aïeux.
Tchardêh Kelatèh \
Ce canton^ qui relève de Damghan et qui fait partie de l'arron-
dissement de Hezar Djerib, a joui, pendant de longues années,
d'une grande prospérité. Les habitants se montrèrent dévoués
à la glorieuse dynastie des rois Qadjar, depuis l'époque à la-
quelle Mohammed Hassan Khan Kichver Sitan, fils de Feth
Aly Khan Qadjar de la tribu de Qavanlou, s'empara du pou-
voir. Pendant le règne de Kérim Khan Zend, les habitants de
Tchardêh Kelatèh refusèrent tout service aux officiers Zend, à
cause de la sympathie et de jrafFection qu'ils avaient vouées aux
Qadjars. Mon grand-père Mohammed Ismayl bek, connu sous
le nom d'Ismayl Kemal, était le chef des notables de ce can-
ton. 11 refusa de faire sa soumission à Zéky Khan Zend, cousin
de Kerim Khan Vékil. Quarante et un notables et personna-
ges marquants de Tchardêh Kelatèh s'étaient retranchés dans
la résidence du gouverneur qui était solidement fortifiée, et ils
repoussaient les attaques et les assauts qui leur étaient livrés.
Zéky Khan leur fit parvenir un message : « Venez auprès de
moi, leur faisait-il dire, j'ai juré sur le glorieux Qoran de ne
pas mettre à mort un d'entre vous. » Les assiégés se laissèrent
aller à ajouter foi à la perfidie de ce serment, et ils descendi-
rent du château pleins de sécurité. Zéky Khan , pour te-
nir son serment hypocrite, donna la liberté à l'un de ces
notables et fit mettre à mort les quarante autres ; il pres-
1. Le canton de Tchardêh Kelatèh est situé entre Hezar Djerib et Damghan. Il ren-
ferme quatre villages : Bala Qalèh, Palyn Qalèh, Verzinèh et Kelatèh.
204 RELATION
crivit, en outre^ d'élever une tour avec leurs têtes pour perpé-
tuer le souvenir de son action. Ismayl Kemal, mon aïeul pa-
ternel, lui dit : « Si tu veux me tuer et si tu veux élever une
tour avec nos têtes, fais placer la mienne au sommet, car je
suis le primat et le chef de tous ces notables. » Zéky Khan
accéda à son désir.
Kérim Khan Vekil apprit avec indignation Tacte de cruauté^
de félonie et de trahison de Zéky Khan. Il lui fit sentir sa co-
lère, le disgracia et rendit la liberté aux habitants de Tchardèh
Kelatèh qui étaient détenus prisonniers.
Depuis lavènement de la dynastie des Qadjars et sous les rè-
gnes d'Aga Mohammed Chah et de Feth Aly Chah, ce canton
était Tapanage de Tltizhad oud Daoulèh, Souleyman Khan Qad-
jar Qavanlou. Feth Aly Chah le donna à son gendre, l'Emir
Kebir Mohammed Qassim Khan Qadjar Qavanlou.
Je revis Kelatèh après un grand nombre d'années : j'y reçus
la visite de nombreux parents, hommes et femmes, mais je ne
connaissais aucun d'eux. Je m'arrêtai une journée, puis je ga-
gnai Daoulet Abad \ Qouchèh et Ahewan * et de là, je me diri-
geai sur Semnan.
Semnan est une ville célèbre, bâtie par Tehmouras Div-
bend. Elle est située par 91° de longitude des îles Fortunées et
39** de latitude. Elle fut autrefois une grande ville, mais elle
est tombée en décadence depuis longtemps. Ses fruits et ses
céréales jouissent d'une grande réputation. Les grenades, le
raisin, les figues, les amandes, les pistaches et le raisin sec y
sont excellents. La ville est construite sur un terrain accidenté.
Le Cheikh Roukn oud Din Ala oud Daoulèh est un des ascètes
et des cheikhs de cette ville célèbre. Il mourut en 786 (i335).
La mosquée royale de Semnan, construite par Tordre de Feth
Aly Chah, a coûté plus de vingt mille toumans. L'étendue,
. I. Daoulet Abad, un des plus beaux villages de Perse, est entouré d*une triple en-
ceinte et renferme un palais, une mosquée, un bain et de vastes écuries. Sous le règne
de Feth Aly Châh^ cette forteresse était la résidence d*un fils de ce souverain, gouver-
neur de ce district. — Fcrrier. Voyage en Perse, tome I", page iSg.
2. Ahewan et Qouchch sont deux caravansérails.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 203
la position^ la beauté de cet édifice n'ont jamais été égalées ".
Le gouvernement de ce pays est confié aujourd'hui à Rahmet
OuUah Khan Efchar. Après être parti de Semnan, j'allai loger
dans la maison de poste nouvellement construite da ns les environs
de la forteresse de Lasguerd, place forte ancienne et célèbre ^
Je passai successivement par Dèh Nemek ^ Qichlaq Khar "^^
Veramin ^ Eïvanek ^ Khatoun Abad ^ et je m'arrêtai au village
1. Scmnan, à six journées de Téhéran, ne renferme que trois ou quatre mille habi-
tants, jardiniers ou cultivateurs. Cette ville, qui était déjà à moitié ruinée au xin* siècle,
se compose de pauvres cabanes et d'un misérable bazar. On remarque, à Semnan, quel-
ques constructions en briques paraissant remonter à une époque reculée, une mosquée
recouverte de plaques de faïence sur lesquelles se détachent en bleu, sur un fond blanc
des inscriptions en caractères coufiques et des tables de marbre sur lesquelles on a
gravé des ordonnances de Chah Abbas et de Chah Hussein.
Eastwick, Three Years* résidence in Persia, London, 1864. tome II, page 147. — Fer-
rier, Voyage en Perse, dans l'Afghanistan, eic, Paris, 1860, tome !•', I24etsuiv.
2. tt Lasguerd ou Lasguird possède quatre-vingt-deux familles, un caravansérail, un db-
anbar (réservoir) et un cours d'eau saumâtre. Vis-à-vis et à deux cents pas de Lasguerd,
il y a, sur la route, une vaste muraille d*enceinte, de huit mètres de hauteur, assez bien
conservée et dont la partie supérieure est creuse et percée de meurtrières. Ces couloirs
qui ont six pieds de hauteur et autant de largeur, pouvaient servir de logis pour les
troupes. L*enceinte pourrait contenir deux mille hommes. Sa position convient par-
faitement à un campement militaire. » — Ferrier, Voyage en Perse, tome I, page 221 .
Les revenus du village de Lasguerd étaient affectés à Tentretien de la mosquée de
Mechhed.— Truilhier, Mémoire descriptif de la route de Téhéran à Meched, Paris, 1841
pages i3-i4.
3. Dèh Nemek (le village du sel) est un caravansérail bâti par Chah Abbas, et situé à
quatre journées de marche à Test de Téhéran, sur la route qui conduit à Châhroud. Le
sol est couvert d*efflorescences salines et Teau est extrêmement saumâtre. ~ Fraser,
Joumey, page 296, Eastwick, Three years' résidence, pages 143-144. — Ferrier,
Voyage en Perse, page 118. — Truilhier, Mémoire descriptif etc., page 12.
4. Qichlaq Khar est un village insignifiant du district de Khawar (ou Khar). au sud
de TElbourz, à trois journées de marche de Téhéran : on y trouve un chemin menant
directement vers le sud-ouest â Kachan et Isfahan.
5. Veramin, village ruiné, situé dans la plaine de ce nom, dépendait autrefois de la
ville de Rey.
6. Eïvanek ou Elvani Kelf ou plutôt Elvani Key, est un village de quatre cents feux
avec un caravansérail à moitié ruiné, de nombreux jardins et des cultures très-étendues.
Une petite rivière, descendant des montagnes du Mazanderan, coule dans ce village. La
contrée est riante et fertile, et les habitants jouissent d'une certaine aisance. On trouve,
tout le long de la route, de distance en distance, des éminences couvertes de ruines pro-
venant, sans doute, d*anciens fortins. Le peuple les appelle Guebrâbad.— Truilhier, Mé-
moire descriptif ^ etc., page 8.— Fraser, Journey, pages 287-290.— Ferrier. Voyage en
Perse, tome I, page 1 10, Eastwick, Three years' résidence, tome II, pages 136-1 38.
7. Khatoun Abad (le séjour de la Dame) est un hameau situé à quatre heures de Té-
héran et composé de cinquante pauvres maisons.
2o6 RELATION
du Chah Zadèh Abdoul Azhim ', qui fait partie du territoire de
Rey. Je me rendis, le lendemain matin^ au tombeau de ce saint
pour y faire mes dévotions, en compagnie de Mohammed Chérif
Bay et de Seiyd Ahmed Khodja, Naqib de Boukhara. J'y fis mes
prières et des vœux pour Tétemité du règne de Sa Majesté. Mes
parents, mes amis et mes connaissances , informés de mon
arrivée, se portèrent à ma rencontre. Leur vue me combla de
satisfaction et de joie. Je rendis grâces à Dieu, et je pris le che-
min de la capitale, comblé de marques de considération et
d'honneur. J'offris à Dieu Thommage de ma reconnaissance et
je rentrai chez moi le 17 de Moharrem (le 3 novembre i852).
Mes compagnons de route s'installèrent dans les logements
qui avaient été préparés pour eux, et ils furent traités avec la
plus extrême bienveillance.
On assigna six toumans par jour à Mohammed Chérif Bay
pour sa dépense, et vingt héiar dinars (deux toumans) au Naqib
Seiyd Ahmed Khodja pour la sienne. Au bout de quelques jours,
Mohammed Chérif Bay se rendit avec moi à l'audience de
S. M. Nacir Eddin Chah et il eut l'honneur d'être reçu. Il fit
passer sous les yeux de S. M. les présents envoyés par le
souverain du Kharezm, Mohammed Emin Khan, et qui con*
sistaient en deux faucons dressés, en un fusil fabriqué à Khiva,
en pistolets russes et en vases en porcelaine d'Europe. Il remit
également deux montres en or, destinées aux ministres du Roi.
Ahmed Naqib Khodja avait également apporté, pour être
offerts au Roi, deux aigles et deux émérillons dressés pour la
chasse.
Il sollicita et obtint la permission de se rendre à la Mekke.
J ai narré, dans un qacidèh composé à la louange du Roi,
les incidents les plus marquants de mon voyage, à l'aller et au
I. Le village de Chah Abdoul Azhim, à un fcrseng et demi de Téhéran, est presque
une petite ville; on y trouve des bazars, de larges rues plantées d'arbres et arrosées par
des courants d*eau vive, une habitation royale, des bains, un caravansérail et une belle
mosquée où est enterré Timam dont elle porte le nom. On s'y rend en pèlerinage de
tous les points de la Perse. Le village de Chah Abdoul Azhim est situ(^ au milieu des
ruines de Tanciennc ville de Rcy.
DE L AMBASSADE AU KHAREZM 207
retour, et je prends la liberté de placer cette pièce de poésie à la
fin de ma relation.
Qacidèh, — « A l'heure la plus heureuse, à Tépoque du prin-
temps, je montai à cheval et je partis de Rey, me dirigeant vers
le Kharezm. J'étais précédé par mes serviteurs et suivi par mes
chevaux de main; tantôt, je jetais les yeux sur ceux-ci, tantôt, je
surveillais ceux-là. De Firouz Kouh à Sary, je traversai des
campagnes où j'avais, pour me reposer, des matelas et des
coussins de rubis et de turquoises (de coquelicots et de bleuets).
La douceur du printemps avait donné aux fleurs des prairies
la beauté de celles que Ton cultive dans les serres ; leur éclat
faisait ressembler les pelouses à la galerie des peintures de la
Chine. Tout ce qui frappait mes yeux avait les perfections de
TEden ; tout ce qui s'offrait à mes regards avait les charmes des
houris du Paradis. »
« Parfois mon pied foulait )e cou du poisson (qui supporte la
terre), parfois ma tête effleurait la couronne des Pléïades. »
« Je montais un cheval aux mouvements agiles, dont la taille
était aussi haute qu'une montagne élevée. Sa course égalait la
rapidité du vent du matin; ses hennissements jetaient l'eflfroi
dans le cœur du tonnerre, et la légèreté de ses mouvements ins-
pirait à l'araignée la honte et le dépit. Lorsque son sabot s'im-
primait sur le front d'une montagne, il y laissait une trace aussi
large que l'empreinte que ferait une enclume. Ses oreilles, en
se dressant, s'enfonçaient comme un dard dans le sein de la
planète de Saturne. »
<r Je le poussai dans un défilé dont l'aspect était plus ef&ayant
que la vue d'un lion ; il franchit les collines avec plus de vi-
tesse qu'un faucon. Comment les gravissait-il? Avec la rapidité
de l'éclair qui sillonne l'horizon de bas en haut. Comment les
descendait-il? Comme un torrent qui se précipite du sommet
d'une montagne. Je me dirigeai d'Esterâbad vers le Gourgan;
les souvenirs de Qabous et de Gourguin se présentaient tour à
tour à mon esprit. Je parcourus, en quarante étapes, la distance
208 RELATION
de deux cents fersengs, à travers une contrée dépouillée de vé -
gétation, privée d'eau potable et où i on ne voyait ni bêtes fau-
ves, ni oiseaux, ni djinns, ni créatures humaines, ni monta-
gnes, ni arbres. Le ciel s'étendait sur nos têtes; Timmensité du
désert se déroulait sous nos pieds. »
a Les chameaux attachés en files, marchaient jour et nuit d'un
pas cadencé, semblables à des navires qui voguent pendant
des mois et des années entières. »
« L'ardeur du soleil avait rendu le sol brûlant comme Ten-
fer, l'herbe était empoisonnée par les exhalaisons d'un air méphi-
tique; elle était aussi vénéneuse que le poison de la tarentule.
Dans les terres imprégnées de sel, Teau était saumâtre et
amère, son goût ressemblait à celui des larmes purulentes qui
s'échappent des yeux des damnés. Lorsque j'arrivai au terme
de cette route semblable au chemin qui conduit à Tenfer, le
Kharezm apparut à mes yeux comme un paradis céleste. Cent
canaux dérivés du Djihoun coulaient de tous côtés. Leurs on-
des pures et douces étaient aussi délicieuses que celles du
Kaoucer et du Selsebyl. Partout, s'étendaient des champs cul-
tivés, des villages et des jardins; partout, on apercevait des ar-
bres, de la verdure et des rosiers. »
« Je fis à Khiva une entrée pompeuse et solennelle. Cette
ville est florissante, et la solidité de ses fortifications lui
donne l'aspect d'une montagne. On y voit de magnifiques
mosquées et de superbes medressèhs : on s'acquitte dans les
premières des devoirs qu'impose une religion pure, et on s'i-
nitie dans les autres aux sciences qui ont pour objet la con-
naissance de la théologie et de la jurisprudence. »
« Je goûtai le repos dans une grande maison entourée d'un
vaste jardin qui m'avait été assignée comme résidence. Je fus,
pendant deux mois, condamné à rester au lit, dévoré par la
fièvre. »
< Le Kharezm Chah revint de l'expédition de Merv, suivi
d'une nombreuse escorte, l^e jour de son arrivée, le bruit du
canon ébranla la voûte du firmament. Je me rendis à son pa-
DE L*AMBASSADE AU KHAREZM 20g
lais; j'étais comme l'ange Sourouch qui parcourt dans son vol
les pavillons les plus élevés du ciel. Dans mes entretiens avec
le Khan, je traitai tous les sujets avec la plus entière liberté.
Toutes mes paroles étaient marquées au coin de l'éloquence ;
tous mes raisonnements reposaient sur les bases les plus solides. »
< Après être resté dans les Etats de ce prince et avoir été son
hôte pendant trois mois, un jour heureux fut fixé pour mon
voyage. On me fit partir pour Téhéran par la route du Gour-
gan, afin que je pusse me rendre compte de Tétat du pays, et
faire mon pèlerinage au tombeau de Nedjm oud Din. J'atteignis
les bords de TEtrek et ceux du Gourgan ; là, les Turkomans
pleins de perfidie me tendirent une embuscade. Grâce au bon-
heur qui favorise le règne du Roi des Rois du monde, je pus
échapper aux coups de ces rebelles maudits. Bien que la route
du Gourgan ait été, pour moi, semée de dangers, je ne ré-
coltais point des fatigues, mais bien les richesses et les trésors
(de l'expérience) . Ma tête s'éleva jusqu'au ciel, lorsque je pus
l'incliner devant le seuil du palais du Roi, père de tout secours,
Nacir Eddin Chah. »
< La splendeur qui illumine son visage nous permet de voir
tout ce qui existe dans le monde terrestre. La lumière qui s'é-
chappe de son front fait éclater sa majesté à nos yeux. Sa
gloire et sa dignité resplendissent comme le firmament. Sa
gravité et sa fermeté sont inébranlables comme une mon-
tagne. Parfois, il donne cours à sa colère, parfois on voit bril-
ler en lui la bonté et la clémence. Tantôt, il incline vers la paix
et la patience, tantôt il se laisse aller à ses instincts guerriers.
Son caractère ne le porte qu'à faire le bien; il ne reconnaît
d'autres lois et d'autres règles que celles du code religieux.
Si ma vie se prolongeait sous son règne pendant mille ans, ja-
mais je ne cesserais de faire des vœux pour lui et de maudire
ceux qui lui pointent envie. Il est le souverain qui prête son
aide à la religion de Dieu, et qui accorde son appui à la loi du
du Prophète ; que le Prophète veuille donc lui donner son ap-
pui et Dieu son aide ! »
»4
210 RELATION
Pendant que je remplissais, dans le Kharezm, la mission
dont j'avais été chargé et que je tâchais, par mes conseils, de
ramener le Khan à des sentiments de sympathie et de conci-
liation. Sa Majesté s'était, à la tête de son armée, rendue dans
riraq pour visiter cette province. Elle se montra, dans le cours
de ce voyage, mal satisfaite de la conduite et des services de
TEmiri Nizham Mirza Taqy Khan Ferahâny. La poussière du
mécontentement se fixa sur le miroir de l'esprit du Roi qui
trouvait que TEmir outrepassait ses pouvoirs et agissait avec
témérité, dans Texercice de ses fonctions de ministre et d'é-
mir. Le Roi, justifiant le proverbe qui dit : « Le sultan
est comme le lion », fut irrité contre lui. Le 19 du mois de
Aloharrem 1269 (3 novembre i852), il traça sur le feuillet de
sa position les lettres de la destitution. Obligé de se soumet-
tre, FEmir fut éloigné des affaires et condamné à la retraite.
Il ne fut cependant ni lié, ni enchaîné : il ne fut soumis à la
surveillance ni d'Amr ni de Zeïd (de personne), mais il dut
garder les arrêts et il perdit toute espérance de conserver la vie.
Un ministre qui, sur Téchiquier de la puissance, fait marcher
le cheval au corps d'éléphant sur le même rang que le roi,
est, par un billet contenant peu de mots, confiné dans le coin
de la destitution. Le rokh de sa faiblesse est placé sur le sol
de Tavilissement. Il tombe du cheval de la considération
pour n'être qu'un piéton (pion) et il devient mat.
Sur le trictrac du désespoir, le dé de son espérance reste
dans la case de la stupéfaction, sans pouvoir en sortir '. Oui :
I. Toutes ces métaphores sont empruntées au jeu des échecs et à celui du tricinc.
Chah Souvar est le roi, Esp (le cheval) le cavalier ; Rokh la tour, Piadêh le pion. Le
mot Rouqa'a a, tout à la fois, la signification de lettre, billet officiel, et celle du petit
tapis en drap qui remplace, chez les orientaux, la table de Téchiquier. Cf. Thomas Hyde,
Mandragorias seu historia shahiludii, vif. ejusdem origo, antiquitas ususque per ta-
titm Orieniem celeberrimus. Speciatim prout usurpatur apud Arabes, Persas, Jndos,
et Chittenses, etc. Oxonii, 1694. Th. Hyde a également publié un traité sur le jeu du
trictrac : Historia nerdiludii, hoc est dicerCy trunculorum, cum quibusdam aliis Ara-
bum, Persarum, Indorum, Chinensium et aliarum gentium, etc, Oxonii, 1694. Voyez
encore : Persian Chess, illustrated from Oriental sources; especially in ref agence to
the great chess, improperly ascribedto Timur, and in vindication of the Persian origin
0/ the gante, against the daims of the Hindus, by N. Bland, London, i85o.
I
DK L AMBASSADE AU KHAREZM 211
y^ers. — € Dans ce jeu d'échecs du chagrin, dans ce trictrac
de la douleur, celui-là sera un homme qui ne sera ni mat ni
bloqué. »
Malgré toute sa pompe et tout son luxe, TEmir erra éperdu
dans le désert du trouble et de Tinfortune. Le jour allait, pour
lui, faire place à la nuit.
Sa Majesté se rendit compte que les personnages d'une
naissance distinguée sont les seuls qui soient aptes à s'ac-
quitter des hautes fonctions de TEtat; qu'eux seuls n'égra-
tignent pas, avec Tépine de Tavilissement, le cœur des nobles,
et qu'ils ne tirent point vanité des richesses de ce monde.
Sa Majesté choisit donc, parmi les fonctionnaires d'un
rang élevé et les grands dignitaires, S. A. Tltimad oud Daoulèh
Mirza Aga Khan Noury, qui, précédemment, avait été inten-
dant général de Tarmée. Ses aïeux avaient acquis de la célé-
brité au service de Feth Aly Chah. Son intelligence qui s'é-
tait révélée dès son enfance, l'avait fait parvenir aux plus
éminentes dignités. Il avait éprouvé les vicissitudes de la
fortune et connu tour à tour la faveur et la disgrâce. Il
avait, à plusieurs reprises, joui de l'abondance et souffert de
la privation des biens de ce monde.
Sa Majesté lui conféra la dignité de Grand Vézir et lui fit
don d'un khilat dont l'éclat, égal à celui du soleil, était orné
de nœuds en perles et en pierreries. Il reçut, en outre, une
canne incrustée de pierres précieuses.
Cette nomination combla de joie les grands et les petits qui
se sentirent délivrés de tous soucis.
Hémistiche. — t Après chaque automne, on voit paraître
un nouveau printemps. »
Cet événement eut lieu le 6 du mois de Safer (20 novem-
bre), anniversaire heureux de la naissance de Sa Majesté, jour
de fête nationale pour la Perse. Cet anniversaire, cette desti-
tution et cette nomination lormèrent trois fêtes en un seul
jour. Ce furent trois murailles de Yadjoudj {Gog)j élevées pour
arrêter les mauvais desseins des pervers.
Je conduisis deux ou trois fois Mohammed Chérif Bay,
voyé du Khan de Khiva, à l'audience de ce ministre qui
témoigna la plus grande bienveillance. Au bout de quelques
mois, l'envoyé eut son congé, après avoir reçu une robe d'hon-
neur et des cadeaux. S. M. le Roi lui fit remettre, pour l'offrir
en son nom au Khan, une tabatière enrichie de brillants et le
premier ministre envoya en présent au Mehter Yaqoub, fils de
Youssouf, Vézir du Khan, une écritoire en or émaïllé. Les re-
commandations verbales et écrites, relatives à la soumission
du Khan au Roi, furent faites à Mohammed Chérif Bay dans
le plus grand détail et celui-ci partît, après avoir donné l'assu-
rance formelle que ses bons services ne feraient pas défaut.
Il se passa quelque temps sans que l'on eût des preuves des
bonnes dispositions du Khan; bien au contraire, on voyait sur-
gir, chaque jour, de nouvelles manifestations de son orgueil et
de son esprit de révolte. 11 fit marcher des troupes contre Se-
rakhs et Merv, et, une autre fois, il donna ordre aux Turkomans
de faire des incursions dans les districts du Khorassan et de les
livrer au pillage. Les ministres, blessés d'une pareille conduite,
dissimulèrent leur mécontentement. Cependant, les actes d'hos-
tilité, d'hypocrisie, de rébellion et de rapine atteignirent la der-
nière limite. Les gouverneurs de Merv et de Serakhs, et les offi-
ciers préposés à la garde des frontières du Khorassan et du
Gourgan, faisaient parvenir leurs plaintes à la cour. Les cour-
riers spéciaux et les dépêches se succédaient sans interruption.
Le Nevvab Feridoun Mirza, ancien gouverneur général de la
province de Fars et oncle du Roi qui est l'asile du monde, fut
investi du gouvernement du Khorassan '. Mirza Fazhl Oullah,
Vézir Nizham (intendant général de la guerre) et frère de S. A. le
premier ministre, lui fut adjoint pour l'assister dans les af-
I. Feridoun Mirza esl le cin^uièmL: [ils d'Abbas Miu.i Naîb
icui
our J
lut 1
DE l'ambassade AU KHAREZM 2l3
faires de Tadministration et il fut investi de la charge de Mu-
tevelly (curateur) du tombeau de rimam Aly Riza. Ces deux
personnages se mirent en route pour leur destination, au mois
de Ziqaadèh (août). Le 9 du mois de Redjeb (29 mars), ils en-
trèrent dans la sainte ville de Mechhed.
Feridoun Mirza, se conformant aux ordres du roi, fit partir
pour Téhéran son frère cadet, le Nevvab Hussam ous Saltha-
nèh, et il s'occupa de mettre en ordre les affaires de la pro-
vince qui lui était confiée. Les Turkomans de Merv et de Se-
rakhs, fatigués des excès et des incursions annuelles du Khan
de Khiva, lui portèrent leurs plaintes et ils acceptèrent, comme
gouverneur, un des grands personnages de sa cour; ils témoi-
gnèrent le plus grand zèle pour les intérêts du gouvernement
persan.
Behadir Khan Derèhguèzy était , à cette époque , gouver-
neur de Merv, au nom du Roi. Le Khan de Khiva avait dési-
gné les Turkomans de Qariab, pour faire des incursions dans
les environs de Merv et pour les dévaster. 11 avait établi sur les
frontières, en qualité de commandant en chef, Mir Ahmed
Khan Djemchidy. Ces circonstances avaient fait hausser le
prix du blé à Merv. Emir Hussein Khan, père de Sam Khan,
Ilkhany du Khorassan ', accompagné de deux cents cavaliers,
portait à Merv une somme en or monnayé, destinée à Behadir
Khan et aux troupes cantonnées dans cette ville. A la distance
d'une étape de Merv, il fut entouré par deux mille cavaliers
Qariaby et Turkomans ; il fut, pendant quatre jours, enveloppé
par ces gens et occupé à les combattre et à repousser leurs at*
taques. Le quatrième jour, ses cavaliers ayant mis le sabre à
la main, fondirent sur les Qariaby, en mirent quinze hors de
combat et, passant au milieu d'eux, ils réussirent à franchir la
distance qui les séparait de Merv et à entrer dans cette ville.
Au moment où ils s'en approchaient, Behadir Khan fit une sortie
avec de l'infanterie régulière et de l'artillerie; il tomba sur les
I. V. sur le titre d'Ukhan ou dUlkhany la note 2 de la page 81
214 RELATION
Qariaby, en tua trois cents, en blessa cinq cents et, s'emparent
de mille charges de blé qu'ils transportaient à Qariab, il les jSt
entrer à Merv où elles furent partagées entre les habitants de
la ville.
La nouvelle de ces événements parvint au Kharezm, et elle
détermina le Khan à se mettre à la tête d'une expédition^ pour
enlever aux Persans les villes de Merv et de Serakhs. Le Nev-
vab, gouverneur général, après être resté dix jours à Mech-
hed et avoir fait ses dévotions au tombeau de Tlmam Riza,
y fut rejoint par Sam Khan Ilkhany et TEmiri Pentchèh Aly
Qouly Khan Efchar qui conduisait les régiments Nousret '
et Efchar et de Tartillerie. Sam Khan, avec mille cavaliers
d'élite, fut chargé de conduire à Merv mille charges de
blé. Le gouverneur général, de son côté, se dirigea sur Se-
rakhs. Les notables de cette ville, tels que Erazh Khan,
Ghouchid Khanet autres, vinrent lui présenter leurs homma-
ges. Dans ces circonstances, l'Emir Nizham avait réussi à
soulever les habitants de Kelat contre leur gouverneur, Djafer
Agha Djelaïr, qui avait embrassé le parti du Khan de Khi va,
après avoir déserté le service du gouvernement persan. Une
troupe de soldats déterminés fut envoyée contre Kelat. Djafer
Agha prit la fuite et se réfugia dans le Kharezm, pour invoquer
l'assistance du Khan et rentrer dans son pays.
Le gouverneur général alla lui-même à Kelat et il en confia
la garde au général de brigade Mirza Ibrahim Khan Kham-
sôh, puis il se rendit dans les cantons d'Atou, d'ichq Abad et
d'Akhal. Des combats furent livrés aux Turkomans, combats
dans lesquels ceux-ci furent mis en fuite. Tous ces faits sont
racontés en détail dans Thistoire que j'ai publiée \ Après avoir
1. Le régiment qui porte le nom de Nousret est recruté dans le Sewad Kouh du Ma-
zandcran. 11 tient ordinairement garnison à Téhéran, où il est préposé à la garde du
palais et du harem du roi.
2. Le récit des événements dont les frontières du Khorassan furent le théâtre, après
Tarrivée de Fcridoun Mirza à Mechhed, et du combat dans lequel Mohammed Emin
Khan perdit la vie, se lit dans le Raou^et ous Sefay Naciry de Riza Qpuly Khan,
tome X, pages x 77-180; dans le Xassikh uut Tewarikh de Mirza Sipehr (Histoire Je
2l6 RELATION
il prit la détermination de livrer bataille, et il s'avança à la
tête de plusieurs milliers de cavaliers. Le Newab, gouver-
neur général , après avoir expédié Hassan Khan Sebzvary,
fit partir, pour secourir Scrakhs et offrir le combat à Tannée
Khivienne, le général de brigade Mohammed Hassan Khan
avec deux régiments de Ferâhan et un de Guerrous ', quatre
pièces d'artillerie et mille cavaliers d'élite.
Cinq cents cavaliers furent envoyés en toute hâte comme
éclaireurs. Hassan Khan rencontra dans sa marche deux mille
cavaliers khiviens qui, ayant dépassé Serakhs, voulurent s'op-
poser à son passage. Hassan Khan, sans se laisser effrayer,
fit une vigoureuse résistance, repoussa Tennemi et s'approcha
de Serakhs. Le lendemain, environ cinq cents cavaliers arrivè-
rent également près de cette ville. Le Khan de Khiva apprit que
les troupes persanes, semblables aux flots de la mer, conti-
nuaient à arriver, jour et nuit, à la suite les unes des autres. Il
reconnut que le succès deviendrait plus difficile à obtenir et qu'il
valait mieux se hâter de se rendre maître de Serakhs. Ayant
donc résolu de porter secours aux troupes du Kharezm qui
étaient engagées, il se mit en marche, à la tète de quarante mille
hommes pris dans les clans et dans les tribus des Djemchidy,
des Qariaby, des Teïmény, parmi les soldats de Meïmenèh et
de Chibourghan, parmi les Salour, les Sarouq, les Tekèh, les
Gouklan, les Yomout et autres Turkomans. Avant son arrivée,
des combats avaient eu lieu, tous les jours, entre les gens de
Serakhs et les Khiviens et la victoire s'était, le plus souvent,
déclarée pour les premiers et pour les guerriers du Khorassan.
Mohammed Hassan Khan Ferâhany était arrivé avec ses ba-
taillons à la distance de six fersengs de Serakhs. Le Newab Fe-
ridoun Mirza fit partir d'Aq Derbend pour Serakhs, deux mille
cavaliers sous les ordres de Mehdy Qouly Mirza, de Sam Khan
Ilkhany, du prince Mohammed Youssouf de Hérât , d'Emir
I. Les Guerrous sont une tribu Kurde qui occupe les districts du nord du Kur-
distan persan, et qui s*étend jusque dans les environs de Tebriz dans TAzerbaïdjan.
f
DK L AMBASSADE AU KHAREZM 217
Khan Chahyoun et de Mohammed Hussein Khan Hezarèh.
Mohammed Emîn Khan arriva le même jour que les trou-
pes persanes; il excita, par toutes sortes de promesses et de me-
naces^ ses soldats à donner l'assaut à Serakhs et à s'en empa-
rer. On dressa sa tente, qui était en étoffe de couleur vert
clair, sur le sommet d'une colline qui porte, en turc, le nom
de Qanly Tèpèh ( la colline sanglante ) ; il s'y établit avec les
officiers attachés à sa personne, les ministres, les Tourèh, ses
parents et les personnages les plus notables de ses Etats, afin
d'avoir le spectacle de la bataille, de pouvoir donner ses or-
dres à ses cavaliers et récompenser leurs chefs.
Mohammed Hassan Khan Sebzvary, de son côté, sortit de
la ville et lança les cavaliers du Khorassan contre les Khiviens
auxquels ils offrirent le combat. Les habitants de Serakhs les
attaquaient, en même temps, avec le plus grand courage et la
plus grande impétuosité. Une grande bataille s'ensuivit. L'air
fut obscurci par la poussière que soulevaient les combattants ;
les cimeterres, semblables au destin immuable, ne cessaient
de couper les veines du cou; les fers de lance, pénétrant dans
les cœurs et dans les foies, leur racontaient leurs secrets.
Vers. — « On aurait dit que les Persans étaient la chaîne
d'une étoffe, et les Khiviens, la trame. (La mêlée fut telle)
que ceux-ci devinrent la chaîne et ceux-là la trame. La bouti-
que de l'espoir (d'avoir la vie sauve) n'avait pas de chalands ;
le bazar de la mort en était, au contraire, encombré. Le sa-
bre, semblable au lis, se teignit de sang. Les fers de lance, qui
ont la couleur du jasmin , se changèrent en fleurs de grena-
diers. Le malheur s'associa aux Khiviens, le bonheur devint
Tami et l'auxiliaire des Persans '. •
Le désordre se mit dans les rangs des Khiviens qui com-
I. Ces quatre distiques sont tirés du Qacidèh que Riza Qpuly Khan présenta au Roi.
pour le féliciter de la victoire remportée par les Persans. (Voy. pp. 221 et suiv.)
2l8 RELATION
mencèrent à s'enfuir. Les troupes persanes, aidées par Dieu,
coupèrent près de trois mille têtes et s'emparèrent d'un grand
nombre de chevaux et de chameaux, d'une grande quantité de
mousquets de fort calibre, de fusils, d'une pièce de canon du
calibre de dix-sept pounds, de seize fauconneaux (Saff Chjken),
et de deux drapeaux. Elles poursuivirent les Khiviens dans
leur fuite. Lorsqu'elles eurent refoulé les troupes du Kharezm
jusqu'à la distance de deux mille pas au-delà de la ville^ elles
arrivèrent au pied de la colline de Qanly Tèpèh. Mohammed
Emin Khan voyait la plaine de Serakhs transformée en un fleuve
de sang qui égalait le Sihoun et qui rivalisait avec le Dji-
houn, et ses troupes mises en déroute. Il reconnut qu'il ne pou-
vait plus rester en sûreté là où il était. Il voulut monter à che-
val et s enfuir , et il demanda sa monture. Son cheval avait
une selle brodée en or; une aigrette se dressait sur sa tête et
une boule d'or était attachée à sa croupière. Le costume du
Khan présentait aussi des particularités qui servaient à le dis-
tinguer; il avait, sur la tête, une aigrette et une plaque en or;
le haut de son bonnet était couvert de drap rouge et personne
autre que lui, dans ses Etats, n'a le droit de porter cette cou-
leur. Lorsque les cavaliers de Serakhs et du Khorassan arrivè-
rent au bas de Qanly Tèpèh, ils reconnurent le Khan et ils
gravirent la colline dans l'intention de le tuer.
La plupart des gens qui formaient Tescorte du prince s'étaient
dispersés et les cavaliers persans purent arriver jusqu'à lui;
ils mirent le sabre hors du fourreau. Qourban Kel * s'approcha
de lui. Le Khan de Khiva cria à ses gens : « Détournez de moi
la fureur de cet hérétique ! » Qourban lui asséna un coup de
sabre qui l'atteignit à la bouche et la fendit jusqu'à l'oreille.
Le Khan criait : a Je suis Khan Hazret, je suis un grand per-
sonnage, conduisez-moi vivant devant le roi de Perse et renon-
cez à me tuer. 3 Personne ne prêta l'oreille à ses paroles. Qour-
ban s'était précipité sur lui et l'avait blessé. Une lutte s'engagea
I. Kcl est un surnom ; ce mot signitie teigneux.
DE L AMBASSADE AU KHAPEZM 2I9
entre les cavaliers qui voulaient lui couper la tête, lutte dans
laquelle douze d'entre eux furent tués. A la fin, SihhatNiaz Khan,
fils d'Erazh Khan, de Serakhs, sépara la tête du Khan de son
corps ; puis, on pilla ses dépouilles. Cet événement eut lieu le
dernier jour du mois de Djoumazy oui Akhir de Tannée 1271
(7 mars i855). Trente-deux des personnes qui accompagnaient
le Khan de Khiva furent massacrées, et, parmi elles, quatorze
étaient ses cousins. Le qadi du Kharezm, qui était venu avec
lui pour rendre le fetva qui autorisait la guerre sainte, goûta
aussi le breuvage mortel que contient la coupe du sabre. Les
noms des personnages tués, et dont je connaissais la plupart,
étaient donnés dans la lettre qui annonçait la victoire. Les
voici :
Bek Djan, Divan Beguy, qui avait le rang de ministre des
affaires étrangères; Khoudayar By, un de ses principaux
fonctionnaires; le Darougha Mahrem (chef de la police); Ab-
doullah Mahrem, un des chambellans; Daoulet Yar By, Serdar
(général), Bek Djan , Niaz Qouly Bin bachy, qui avait mille
hommes sous ses ordres; Allah Qouly Yuz bachy (capitaine),
Haqq Nazhar Bin bachy, Daoulet Niaz Yuz Bachy. Ce dernier
était le fils de Niaz Mohammed Bay dont le père avait été
envoyé par Allah Qouly Khan, père de Mohammed Emin
Ivhan, en qualité de gouverneur à Merv. Les habitants de cette
ville se révoltèrent contre lui et le massacrèrent. Il était le
cousin du Mehter Vézir de Khiva. Ya Sin Bay, maire (Ke-
lanier) de Khiva, fils de Hukoumet Khan, fils de Mizrab Khan
qui avait été gouverneur de Meïmenèh. Il avait amené au se-
cours du Khan un corps de mille cavaliers. Bek Mourad Bay
de la tribu des Tekèh de Qariab, Sulthan de la tribu des Te-
kèh de Qariab; Mohammed Cheikh, de Qariab qui, à la tête
de deux mille cavaliers, faisait constamment des incursions
dans le Khorassan; le fils d'Abbas Bay de la même tribu.
Djafer Aga Kelaty et Mir Ahmed Khan Djemchidy furent
blessés. Les autres officiers tués , dont le nombre s'élevait à
soixante-dix, eurent la tête séparée du corps.
220 RELATION
Ces têtes furent placées au bout des lances, et les trou-
pes persanes revinrent à Aq Derbend avec ces trophées.
Le mercredi 2 du mois de Redjeb (10 mars) qui était le
jour de la fête du Naurouz, les vainqueurs arrivèrent au
camp du gouverneur général et la nouvelle de ce succès par-
vint à Téhéran le i3 Redjeb (24 mars), anniversaire de la nais-
sance du prince des croyants, Aly fils d'Abou Thalib, S, M.
ordonna que ce jour heureux fût consacré comme fête pu-
blique, et que tous les ans elle fût célébrée avec toutes les
marques du respect.
La tête du Khan de Khiva, son bonnet et quelques-uns de
ses insignes furent présentés le 1 5 (26 mars) à S. M. Le Roi me fit
appeler ; il me questionna sur les signes qui la distinguaient et
sur sa physionomie. Je dis tout ce que j'avais vu et je re-
connus la tête qui portait les marques de la blessure reçue, et la
barbe qui était en désordre et arrachée par places. Je reconnus
également la plaque et le bonnet que Ton avait apportés. Je
songeai aux exemples que nous offre la fortune, en me rap-
pelant les conseils de tous genres que j'avais donnés au Khan
pour qu'il se soumît au Roi de Perse , conseils dont il n'avait
tenu aucun compte, jusqu'à ce qu'il subit le sort qui lui était
réservé. J'improvisai ce quatrain que je soumis à S. M.
Quatrain. — « O Roi, la renommée de ton généreux caractère
s'est élevée jusqu'au ciel. Les Djinns et les anges ont connu
tes libéralités et tes dons. Ce Kharezm Chah s'était, avec arro-
gance, élevé contre toi ! Voici sa tête, elle est arrivée et elle
roule dans la poussière de tes pieds ! »
Le Khan de Khiva était un descendant des princes du Kha-
rezm ; ses ancêtres avaient reçu, de la part des princes de la
dynastie des Séfévy, des marques de faveur qui avaient fortifié
leur autorité et ces Khans avaient rendu de bons services aux
souverains de la Perse. Ils suivaient, en outre, la religion
musulmane et ils étaient les observateurs des lois du Pro-
DE L^AMBASSADE AU KHAREZM 221
phète. S. M. ne fut donc point satisfaite de voir sa tête
apportée dans la capitale. Elle décida qu'un tombeau et
qu'un édifice élevé seraient construits en dehors de la porte
appelée Deti^a^èhi Daoulet, et que Ton y enterrerait la tête
du Khan et celles des personnages tués en même temps que
lui.
Cet ordre fut exécuté. Des lecteurs furent établis dans ce
tombeau pour y lire le Qoran^ et des distributions d'eau et
de soupe furent faites aux pauvres. Mohammed Emin Khan, fils
d'Allah Qouly Khan, pouvait avoir trente-cinq ans au moment
de sa mort. 11 avait régné près de neuf ans.
Le gouverneur général du Khorassan se rendit à Serakhs où
il resta cinq jours ; puis, il se mit en route pour Merv où il
arriva le 17 du mois de Redjeb (23 mars). Il s'occupa de met-
tre en ordre toutes les affaires de ces localités et, le premier
jour du mois de Ramazan (6 mai), il rentra dans la sainte ville
de Mechhed.
11 m'a paru nécessaire, en terminant mon opuscule, d'y
ajouter ce récit de la fin du règne du Khan de Khiva. J'ai donc
mis en appendice ces quelques feuillets supplémentaires. Les
poètes contemporains ayant présenté à S. M. des pièces de
poésie pour célébrer cette grande victoire, j'ai composé, de
mon côté, les vers que Ton va lire :
QaciJèh. — « La gloire de Nacir Eddin Qadjar vient de ren-
dre une nouvelle jeunesse à la fortune de la Perse. Si la
royauté était un œil, ce prince en serait la lumière; si la sou-
veraineté était un arbre, il en serait le fruit. Ses armées, en
marchant, creusent dans les plaines de profonds sillons. Les
coups de son poignard transforment les montagnes en cavernes.
Son coursier, de race arabe, est un tigre qui sème la mort sous
ses pas. Son sabre d'acier de l'Inde fait pleuvoir les calamités
autour de lui. Son lacet, semblable à un serpent, enserre l'aide
divine dans son nœud; sa flèche, rapide comme le vautour
dans son vol, a la victoire fixée à sa pointe. >
224 RELATION
la bride à leurs chevaux, dont la course était aussi rapide que
le vol du gerfaut. On aurait cru qu'un faucon royal venait d'a-
percevoir une perdrix sur une hauteur. Les cavaliers se précipi-
tèrent, gravirent Téminence, et, arrivés au haut, ils mirent le
sabre à la main. La colline et ses pentes furent changées en un
champ de tulipes. Le front du Kharezm Chah fiit dépouillé de
son diadème, laigrette fut abattue de la tête de son cheval.
Les officiers et les chefs furent tués ; il ne resta ni mchter, ni
dignitaires, ni généraux. Leurs corps furent allégés du poids de
leurs têtes et leurs têtes n'eurent plus à supporter celui de leurs
lourds bonnets. »
« La tête du prince qui avait formé le projet de se révolter
contre le Roi des Rois, fut envoyée à la cour de Khosrau. Cel-
les des généraux roulèrent à ses pieds et elles présentaient les
excuses du crime qu'elles avaient commis. >
« La tête du Kharezm Chah fut apportée à Téhéran et son
corps resta à Serakhs. Ceux qui purent s'échapper, couverts de
blessures et de honte, se réfugièrent dans le Kharezm, en proie
au désespoir. »
« Ils marchaient, succombant sous le poids de la fatigue, et
leur démarche était celle de gens frappés d'apoplexie. Leurs
corps, privés de force, ressemblaient à ceux des malades. »
« Les pleurs et les lamentations éclatèrent dans tout le Kha-
rezm } les plaintes et les gémissements retentirent dans toute la
ville de Gourgandj. LeTurkestan tout entier fut rempli de gé-
missements semblables au bruit que font les vagues du Djihoun.
Le deuil s'étendit de Boukhara à Ferkhar '. Les soupirs étaient
aussi glacés que le vent d'Azer ^ ; les yeux étaient aussi humi-
des que le nuage d'Azar ^ Tous se retirèrent, comme des hi-
1 . Deux petites villes portent le nom de Ferkhar : Tune est située dans le Turkestan
et a donné naissance au poCte Ferkhary, Tautre se trouve sur la frontière de la Chine
de Kachghar.
2. Âzer mah est le neuvième mois du calendrier persan : il correspond aux mois de
novembre et de décembre (du 2X novembre au 21 décembre).
3. Âzar est le nom du mois de mars dans le calendrier grec oriental.
DE l'ambassade AU KHAREZM 225
boux dans de tristes ruines, rongés par lechagrin. Tous étaient,
comme la chouette, la proie de la tristesse. Le bonheur qui
veille sur le Roi, les bonnes dispositions prises par le ministre
menèrent facilement à bonne fin cette entreprise ardue. Un roi
qui est assisté par un pareil vézir, voit toujours ses entreprises
couronnées de semblables succès. Ces événements doivent être
racontés en détail par l'histoire ; on ne peut en donner, en
vers, qu'une brève relation." •
• Puissent, aussi longtemps que le firmament se servira du
soleil et de la lune pour nous donner le spectacle des événe-
ments, puissent les têtes des ennemis du Roi rouler au pied
des lances, et les corps des rivaux du souverain, qui est l'égal
de Darius, être suspendus aux gibets ! •
;l
APPENDICE
APPENDICE
REY
la Rhagès du livre de Tobîe, est l'une des
: villes les plus anciennes de la Perse. Yaqout,
* dans le Moudjem oui bouldan, lui a consacré une
longue notice qui a été traduite par M. Barbier de Meynard ' .
L'importance de Rey, le rôle qu'elle a joué comme ca-
pitale de différents États, m'ont engagé de donner un aperçu
très-sommaire de son histoire, et d'y joindre la traduction
des articles qu'Abou Ishaq Ibrahim el Isthakhry et Qazwiny
lui ont consacrés dans leurs ouvrages géographiques.
Rhagès était déjà une ville ancienne à l'époque de Tobie,
et Ton peut conjecturer que sa fondation remonte au temps
où les Mèdes commencèrent à élever la ville d'Ecbatane.
Lorsque le séjour de Suse fut abandonné, les rois parthes
vinrent passer à Rhagès les mois du printemps.
t . IHctioonaire géographique, historique et liltéraire de la Perse, extrait du Moud)em
el boutdoH, par C. Barbier d« Meynaid. Paria, t66i, pages 37} et luivantea.
230 RELATION DE l'aMBASSADE AU KIL\REZM
Il est probable que cette ville fut anéantie par un trem-
blement de terre.
Seleucus Nicator la reconstruiiût et doubla son étendue.
Strabon ' nous apprend que ce prince lui donna le nom
d*Europeas. Les Parthes la désignaient sous celui d*Arsacie *.
Les Rois Sassanides ayant abandonné le séjour de Rhagès^
cette ville tomba en une décadence si complète, qu elle était en
ruines lorsque les Arabes en firent la conquête (22 a. h. 642 a. d).
Le district de Rey et la province de Qoumes ne furent impo-
sés qu'à cinq cent mille dirhems^ pour assurer aux habitants
la vie sauve et la conservation des pyrées. Sous le khali£at
de Mançour, son fils Mohammed el Mehdy rebâtit la ville
de Rey ; il Tentoura d'un fossé et d'une double enceinte
construite en briques, et il fit inscrire sur les murailles son
nom et la date de la reconstruction (i58^ 774).
La ville reçut, en Thonneur de ce prince^ le nom de Mo-
hammedièh. Le château de Zenbedy^ qui dominait la grande
mosquée et le palais du gouvernement, fut réparé et compris
dans la nouvelle enceinte de la ville. Mehdy y fixa sa
résidence ^. C'est à Rey que naquit Haroun Errechid. La
ville conserva une certaine richesse qu'elle devait à Tacti-
vité de son commerce; mais les dissensions religieuses qui
divisaient ses habitants portèrent un coup funeste à sa pros-
périté et hâtèrent sa ruine.
Rey * tomba^ en l'année 374 (984), au pouvoir du prince Sa-
manide Nasr ibn Ahmed. Le sultan Mahmoud le Ghaznevide en
1. Géographie de Strabon traduite par M. Larchéy. Paris. 1814, tome IV, I** partie,
livre XI, page 3i3.
2. Les historiens arabes orthographient ce nom a Ara^y, 9 Belazoury, Liber ejt-
pugnationis regionum, auctore Imamo Ahmed Ibn lahja bin Djabir el Beladsori
quem edidit M. J. de Goeje. Leyde, 1866, page ^20.
3. Belazoury, Liber expugnationis regionum, page 319.
4. Rey a été le siège d'un métropolite Nestorien qui avait sous son autorité spirituelle
les communautés chrétiennes de la province de Rey et du Thabarestan.
Le Quien, (Oriens Christianus, tome 11, pages 1292-1293} et Assemani (Bibliotheca
orientalis, tome III, pages 492), nous ont conservé le nom de prélats a3rant occupé le
siège épiscopal de cette ville.
APPENDICE 23 1
fit la conquête en 420 (1029), mais il la perdit l'année suivante.
Toghroul Bek^ le fondateur de la dynastie des Seldjouqides
de riraq, s'en rendit maître en 436 (1044) et il y mourut^
en 455 (io63), d'une maladie qui fut attribuée à l'insalubrité
du climat. Après la victoire remportée par Tekich Khan et
Qoutlouq fils d'inandj, en Sgo (1193), sur Toghroul Bek, fils
d'Alp Arslan^ Rey fiit annexée aux États du Kharezm Chah
Tekich Khan '.
En 617 (1220), lors de l'invasion des Mogols, un corps d'ar-
mée, détaché à la poursuite du sultan Mohammed Kharezm
Châh^ se présenta à Timproviste devant Rey, La ville restée
sans défense fut mise à sac et détruite^ et les habitants massa-
crés ou réduits en esclavage. Ghazan Khan essaya, sans y
réussir, de la relever de ses ruines et, depuis cette époque, son
nom n'apparaît plus que rarement dans les annales de l'his-
toire.
« Rey, dit Abou Ishaq el Istliakhry *, est la ville la plus
considérable que l'on rencontre à l'est en franchissant la fron-
tière de l'Iraq. Jusqu'aux confins des pays de l'Islamisme,
aucune n'est plus florissante, plus grande et plus riche, à
I. « Tekich fit une diligence si grande qu*il arriva aux portes de Rey pendant que le Sul-
tan était encore noyé dans le vin. Le Sultan, se réveillant en cet état, ne laissa pas de
marcher à la tête de ses troupes et en prononçant ces vers tirés du Chah Namêh : « Aus-
sitôt que de loin on vit la poussière excitée par cette armée qui avançait, la joie parut
sur le visage de mes soldats et de mes capitaines. D*un seul coup de ma masse d*armes,
l'ouvris le chemin à mes troupes au milieu de mes ennemis, et les efforts de mon bras
furent si violents que, sans quitter les arçons de ma selle, je fis tourner la terre comme
une meule de moulin.» En prononçant ces paroles, animé par la chaleur du vin, et en
maniant sa masse d*armes, comme s*il eût voulu frapper, il en déchargea un si grand
coup sur les jambes de devant de son cheval, que le cheval s^abattit sous lui, et qu*il
fut lui-même renversé par cette chute. Qoutlouq, le voyant par terre, courut aussitôt à
lui, lui ôta la vie de son cimeterre et termina, par le même coup, la durée de la puis-
sance des Seldjoucides. Un poète persien, s'adressant à ce prince mort par cet accident,
dit : o Grand Roi, le monde a aujourd'hui le cœur serré, et Tazur des cicux change
même à tout moment de couleur. Hier, il y avait une coudée entre votre tête et la voûte
du ciel, et aujourd'hui, il y a un ferseng entre votre tête et votre corps. » D*Herbelot,
Bibliothèque orientale. Maestricht, 1776, in (., page 869.
2. Vice regnorum, auctore Abu Ishàk al Fàrisi al Isiakhri, Edidit M. J. de Goeje. Leyde»
1870, page 207.
232
RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
l'exception toutefois de Nichabour. Celle-ci occupe une plus
vaste superficie, mais Rey l'emporte sur elle par ia masse serrée
des constructions, par la prospérité et l'aisance des habi-
tants. Elle a un ferseng et demi de longueur sur autant de
largeur. Les maisons sont construites en terre, en mortier et
en briques cuites.
« Les portes de Rey sont connues : ce sont celles de Be-
thaq ', que l'on franchît pour se rendre dans le Djibal et
dans l'Iraq ; celle de Belissan, qui conduit à Qazwin ; celle de
Kouhek (la petite montagne), qui mène au Thabarestan^ celle
de Hicham, que l'on passe quand on va à Qoumes et au
Khorassan; et celle de Sin, qui conduit à Qoum. Les bazars
les plus célèbres sont ceux de Roudèh, de Belissan, de De-
heki Nao (le petit village neuf), de Naçràbad, de Serbanan et
ceux des portes du Djibal, de Hicham et de Sin. Celui de
Roudèh est le mieux approvisionné ; il s'y fait le plus de tran-
sactions commerciales et l'on y trouve la plus grande partie des
caravansérails. Ce bazar consiste en une vote large, bordée
d'une file non interrompue de boutiques et d'édifices.
« La ville intérieure est commandée par un château que
l'on appelle Qala'ah; elle renferme aussi la grande mosquée.
La plus grande partie de cette ville est en ruines et la popu-
lation habite, en majorité, les faubourgs.
" Des puits fournissent l'eau nécessaire aux habitants. Il y a
aussi des canaux souterrains et deux autres qui sont à ciel ouvert.
L'un porte le nom de Sourqany et traverse le bazar de Rou-
dèh; l'autre, appelé Guilany, traverse celui de Serbanan. Les
canaux ont plus d'eau que n'en exigent les besoins de la po-
pulation ; le surplus est distribué dans les villages et sert à
l'irrigation des terres. Les transactions se font à Rey en dir-
hems et en dinars. Les habitants ont le même costume que
les gens de l'Iraq. Ils se font remarquer par leur générosité ,
leur finesse et leur expérience des afi'aires. On voit dans cette
■a de cetie porte indique «qu'elle: était surmontée d'un dùiuc ou coupole. I
APPENDICE . 233
ville les tombeaux de Mohammed ibn Hassan el Kessay, juris-
consulte et lecteur du Qoran, et de lastronome Fezary. >
€ Rey^ dit Qazwiny ' , est une des villes les plus ancien-
nes et les plus célèbres du monde. Elle abonde en tous biens
et son territoire produit une énorme quantité de fruits et de
céréales. Sa fondation remonte aux temps les plus reculés et
Ibn el Kelby l'attribue à Houcheng, Tun des successeurs de
Keyoumers. Selon d'autres auteurs, elle aurait été bâtie par
Raz, fils de Khorassan, et c'est pour ce motif que le qua-
lificatif de Rey est Razy. C'est une ville remarquable située
dans une plaine. Non loin de Rey, s'élève la montagne qui a
reçu le nom d'Aqra' (la chauve), parce que le sol ne porte
aucune végétation. Cette montagne est aussi appelée Theberek
(la petite hache) * . On dit qu'elle renferme dans son sein une
mine d'or, mais, le produit ne couvrant pas les dépenses, l'ex-
ploitation en a été abandonnée.
« Les maisons de la ville sont creusées dans la terre ; elles
sont fort obscures et d'un accès très-difficile. Cet usage pro-
vient des avanies que les habitants ont eu à supporter de la
part des gens de guerre , qui pillaient les maisons quand ils
étaient ennemis, et qui s'y installaient de force quand ils ve-
naient en amis : aussi a-t-on construit l'entrée des maisons de
manière à ce qu'elles fussent obscures, pour se mettre à l'abri
de ces vexations. Les gens qui font des fouilles à Rey trou-
vent des bijoux d'une grande beauté et des fragments d'or.
Le sol cache un grand nombre de trésors dont on voit, en
tout temps, mettre au jour des parties ; car cette ville a tou-
jours été une résidence royale. >
« Sous le gouvernement d'Ilqalmich, en l'année 614(1217),
on y découvrit des cruches remplies de pièces d'or; on ne
put reconnaître sous quel roi elles avaient été frappées.
1. Açar oui bilad, édition de M. Wûstenfeld. Goettingue, 1848^ pages 25o-256.
2. Cette montagne porte aujourd'hui le nom de montagne de Blby cheher Banou,
à cause du tombeau d'une femme morte en odeur de sainteté, et qui fut regardée comme
U patronne protectrice de la ville.
234 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
» Rey â été plusieurs fois ruinée, soit par la guerre, soit par
des tremblements de terre ^
« Djafer ibn Mohammed er Razy dit que la ville actuelle fut
bâtie par ordre du Khalife Mehdy, fils de Mançour, et par les
soins d'Ammar, fils de Khaçyb. La construction en fut ache-
vée en Tannée i58 (774).
< Les canaux qui fournissent Teau coulent dans la ville^ mais
l'eau est immonde parce que les habitants y jettent toutes leurs
ordures, et que les eaux des bains publics s'y déversent. On
ne va puiser dans les canaux qu'à minuit, parce qu'à cette heure
Teau est moins souillée d'impuretés. L'atmosphère est, pendant
l'automne, lourde et malsaine et il est rare que les étrangers ne
soient pas cruellement éprouvés, car les fruits sont, à cette
époque, fort abondants. On donne à vil prix les figues, les pê-
ches et le raisin. La récolte du raisin ne peut être achevée
avant l'hiver. On en trouve à Rey une espèce appelée Melahy.
Chaque grain est aussi gros qu'une datte à moitié mûre, et les
grappes, aussi volumineuses qu'un régime de dattes, atteignent
le poids de cent rothls. Cette espèce dure jusqu'à l'hiver et on
l'exporte à Qazwin pendant toute cette saison. Malgré leur
grosseur, les grains ont une peau fine et le goût en est excellent.
Il y a aussi une espèce de raisin qui ressemble au Rizaqy :
seulement il ne donne que peu de suc pour faire le Douchab '.
Quand on l'a cueilli , on le place à l'ombre et il devient un
excellent raisin sec que on l'exporte dans tous les pays.
1 . Les anciens mentionnent déjà les tremblements de terre qui désolaient la province
de Rhagès (Rey). a Posidonius parle d'une de ces commotions qui fut si violente que
deux villages et plusieurs villes furent engloutis. Diodore de Sicile ajoute que cet évé-
nement changea la face de toute la contrée et que des fleuves parurent où Ton n*en avait
encore vu. De pareils désastres ont dû s*y renouveler quelquefois ; et Ton en connaît
deux exemples remarquables, Tun dans le vin* siècle, l'autre dans le xvii*. » Recherches
géographiques et historiques sur la Médie par M. de Sainte-Croix, dans les Mémoires
de littérature de V Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome I, page i35.
2. Le douchâb (en arabe dibs, en turc pekmez) est un sirop très épais qui s'obtient
en soumettant à une forte cuisson le jus du raisin légèrement pressé. Le douchâb le
plus renommé était celui que l'on' fabriquait à Ârredjan ou Argfin, dans la province de
Fars.
APPENDICE 235
« On exporte également de Rey une argile extrêmement onc-
tueuse et dont on se sert pour nettoyer la tête : elle est si esti-
mée qu'on roflfre en cadeau. Les fabricants de peignes de cette
ville sont d'une grande habileté. Ils font des peignes de toute
beauté^ que Ton donne en présent dans les pays où on les
transporte. On y fabrique également des ustensiles et des objets
avec le bois de Khalendj (buis). Ce bois est apporté du Thaba-
restan àTétat brut. A Rey, on le dégrossit au tour, on lui donne
une forme élégante, on le couvre de sculptures et d'ornements
et il devient alors ua objet d'exportation estimé dans tous les
pays. »
Les voyageurs qui ont visité les ruines de Rey nous en ont
laissé des relations qui présentent quelque intérêt : mais celle
que nous a donnée M. Pascal Coste dans son ouvrage sur les
« Monuments modernes de la Perse > ' m'a semblé la plus com-
plète et je rinsère ici, pour terminer cette notice sur une des
plus anciennes villes du nord de la Perse.
€ Aujourd'hui, c'est à peine si, en traversant cette contrée
voisine de Téhéran, on rencontre quelques monticules, restes
de maçonnerie qui avertissent le voyageur qu'autrefois, dans
ces lieux, existait une immense cité, une capitale; et encore les
débris que l'on y découvre ne datent que de la seconde et plus
moderne période de son existence, celle qui commence avec
l'Islamisme. L'ensemble de ces ruines occupe une étendue de
2,100 mètres du nord au sud et de 2,25o mètres de l'est à
l'ouest; tout ce vaste emplacement est situé au pied d'un
chaînon qui part de l'Elborz. Sur le principal rocher isolé, l'on
voit les débris d'une citadelle, des restes de murs et de tours
en terre dont quelques-unes sont revêtues de maçonnerie en
blocage. On y voit aussi des ruines de constructions en bri-
ques cuites au four, que les Persans enlèvent chaque jour pour
les employer aux constructions qu'on exécute à Téhéran.
I. Monuments modernes de la Perse mesurés, dessinés et décrits , par M. Pascal Costc.
Paris, 1867, in-f^, pages 43 et suivantes.
236 RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
€ Au centre de tous les monticuFes et des murs d'enceinte se
trouve une tour circulaire construite en bonnes et fortes bri-
ques cuites; elle a seize mètres soixante centimètres de dia*
mètre à l'extérieur, et onze mètres vingt centimètres à l'inté-
rieur. Sa face extérieure est formée de vingt-deux cannelu-
res triangulaires terminées vers la partie supérieure par trois
rangs de voussures superposées, et d'une frise portant encore
des fragments d'une inscription en caractères cufiques. La
partie supérieure, qui se terminait par une coupole, est en-
tièrement ruinée. La hauteur de la tour, non compris la firise
d'inscription, est de vingt mètres -, la porte, à Touest, est en-
cadrée d'un chambranle couronné par une corniche à trois
rangs de petites voussures^ comme cela se voit dans les monu-
ments de l'architecture arabe. La porte, à l'est, n'a plus qu'aune
voussure ogivale et son encadrement a disparu. Au dessus
de cette porte, l'on voit, dans l'épaisseur du mur, le vide d'un
petit escalier en spirale à l'aide duquel on montait au haut de
la tour. Sir W. Ouseley nous apprend que, selon la tradition
répandue dans le pays, il était d'usage d'annoncer à la ville
de Rey les victoires remportées sur l'ennemi au moyen d'un
drapeau rouge arboré au haut de cette tour.
« Vers la partie est, et en dehors des enceintes et des ruines,
on voit plusieurs tours construites en maçonnerie de blocage.
Une de ces tours est encore bien conservée et l'inscription eu-
fique qui Torne est faite avec de petites briques cuites au feu in-
crustées dans la maçonnerie. Cette tour a onze mètres quatre-
vingt-cinq centimètres de diamètre à l'extérieur et huit mètres
vingt-cinq centimètres à l'intérieur, sur une hauteur de douze
mètres, y compris l'inscription. Sa porte vise au sud ; elle est
à voussure ogivale à l'extérieur et à plate-bande à l'intérieur,
à la hauteur du centre de la voussure. On voit encore vers
la partie supérieure, à la hauteur de sept mètres, deux petits
escaliers construits dans l'épaisseur du mur pour monter au
haut de la tour. La voûte et la coupole n'existent plus ; il ne
reste des autres tours qui se trouvaient parmi ces ruines que
APPENDICE 237
leurs bases ; elles sont carrées. Ces diverses tours ne se rat-
tachent à aucun des murs d'enceinte.
• Rien parmi ces débris dont on peut encore déterminer la
forme ne nous reporte dans la haute antiquité ; les inscriptions
comme les constructions elles-mêmes sont de la période mu-
sulmane, par conséquent, les plus anciennes ne sauraient al-
ler au delà du vni* siècle de notre ère.
■ A côté de ces ruines d'un autre âge, on voit, sur la face de
deux rochers, deux bas-reliefs très-modernes sculptés sur une
surface polie. Celui qui est au nord-est des ruines représente
Feth Ali Chah à cheval, combattant un hon. Celui au nord-
ouest, éloigné du premier d'un kilomètre, représente, dans un
grand cadre, le même monarque assis sur son trône, et en-
touré de plusieurs des princes ses fils et de ses ministres. Au
bas du rocher, jaillit une source abondante d'eau fraîche et
limpide. >
II
LE DEMAVEND
LE pic le plus élevé de la chaîne de TElbourz est désigné
par les géographes orientaux sous les noms de Demavend,
Dibavend, Dumbavend ou Denbavend, Ce volcan est, de-
puis les temps les plus reculés, l'objet de la terreur supersti-
tieuse des habitants de Tlraq, du Djibal et du Thabarestan
qui prétendent que nul mortel ne peut en atteindre le som-
met. Parmi les légendes populaires auxquelles il a donné nais-
sance, celle de Biverasp ou Zohak, enchaîné dans ses flancs,
rappelle celle d'Encelade écrasé sous TEtna.
L ascension du Demavend fut tentée par Miss ar ibn Mou-
halhil (vers 330-942); mais il ne put arriver qu'à la moitié de
la hauteur de la montagne. Des gens du Thabarestan, envoyés
par le naturaliste Aly ibn Rezin, parvinrent au sommet après
cinq jours d'efforts. Qazwiny nous a conservé la relation que
ces deux auteurs ont donnée de leur ascension.
Parmi les Européens, Thomas Herbert qui accompagna
Sir Dormer Cotton, ambassadeur de Charles P' auprès de
Chah Abbas, réussit à monter jusqu'au haut du Demavend
dans le courant du mois de juin 1627.
De nos jours, M. W. J, Thompson, puis après lui. Lord
Schomkerker et M, R. F. Thompson, et, enfin, en 1860,
M. le capitaine Ivostchinzov, de la commission russe de la
mer Caspienne, gravirent le pic et y firent une série d'ob-
240 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
servatîons qui leur permirent d'évaluer approximativement la
hauteur de la montagne. J'insère ici, en premier lieu, les ex-
traits des écrivains orientaux, et je les fais suivre par le résumé
des relations européennes qui nous fournissent sur la compo-
sition géologique de la montagne et sur sa hauteur, des don-
nées à peu près certaines.
• € Le Demavend, dit Abou Ishaq Ibrahim el Isthakhry,
s'élève sur les confins du district de Rey. Je Tai contemplé
de cette ville, du mUieu du bazar de Roudèh. On l'aperçoit,
m'a-t-on dit , de Savèh '• Cette montagne s'élève au-dessus
des autres comme une coupole et sa base couvre, au milieu
d'elles, une superficie de quatre fersengs. Je ne pense pas
que Ton puisse la gravir jusqu'à son sommet. On dit, dans
les fables ridicules , léguées par le passé , que le roi Zohak
est enchaîné dans ses flancs et que les sorciers tiennent
leurs assemblées sur son faîte. Il s'en échappe continuelle-
ment une épaisse fumée » ^
Naciri Khosrau qui traversait le nord de la Perse en 488
(1046) dit, dans la relation de son voyage, que le Demavend
est « semblable à une coupole » ; qu'il porte aussi le nom de
« Montagne de Li vassan ^ ; et qu'au sommet, s'ouvre un cra-
tère dans lequel on recueille du sel de natron et du soufre;
on les met dans des peaux de bœuf que Ton fait rouler du
haut de la montagne, car il n'y a point de chemin qui per-
mette de les transporter ^. »
Yaqout, dans son dictionnaire géographique, ne consacre
que deux lignes au Demavend. Hamd ouUah Qazwiny, dans
son Nouihet oui qouloub, résume très-brièvement les détails
donnés dans VAdjaib oui Makhlouqat et il ajoute que « Ta-
1 . Savèh est située à égale distance de Hamadan et de Rey. Trente fersengs la sé-
parent de chacune de ces deux villes.
2. Vice regnorum, Descriptio diiionis mosletnicce, auctore Abu Ishàk al Fàrisi t?/
Istakhri, Lugduni Batavorum. 1870, page 210.
3. Livassan est le nom d'un village situé sur le versant de la montagne.
4. Sefev Namèhi Naciri Khosrau. Manuscrit de mon cabinet, page 6.
APPENDICE 241
monceliement des neiges est la cause de fréquentes avalanches
qui entraînent mort d'hommes. Les gens du peuple, ajoute-
t - il , prétendent que le bruit de la voix en provoque la
chute, mais cela signifie simplement qu'il ne faut point s'at-
tarder à parler, mais passer rapidement pour n'être pas sur-
pris par la chute des neiges » .
Enfin, dans son Heft Iqlym, Ahmed Razy se borne à tra-
duire la notice relative au Demavend, insérée par Qazwiny
dans son Adjaïb oui Makhlouqat.
a Le Demavend, dit Miss ar ibn Mouhalhil \ est une monta-
gne d'une prodigieuse élévation, et personne ne peut atteindre
son sommet couvert de neige^ hiver et été. On l'aperçoit de la
montée de Hamadan et, quand de Rey, on jette les yeux sur
elle, on s'imagine qu'elle surplombe la ville, bien qu'elle en
soit à la distance de deux ou trois fersengs.
« La croyance des gens du peuple est que Souleyman, fils de
David, a enfermé dans le sein de cette montagne un génie re-
belle appelé Sakhr. On prétend encore que le roi Feridoun y a
emprisonné Biverasp, appelé aussi Zohak. La fumée qui
s'échappe de la caverne (située sur cette montagne) serait,
au dire du vulgaire, la vapeur de sa respiration; le feu que
Ton voit brûler au dehors de cette caverne, les éclairs de ses
yeux, et les bruits que l'on entend, les éclats de sa voix ^
« Je voulus, ajoute le même auteur, me rendre compte par
moi-même et j'entrepris l'ascension de la montagne. Je parvins,
au prix de grandes fatigues et au péril de ma vie, jusqu'à la
moitié de la hauteur et je ne crois pas qu'il soit possible de dé-
passer l'endroit où je me suis arrêté. J'examinai avec soin
1. Qzxwmy^ Adjaib oui Makhlouqat (les men'eillcs de la nature), édition de M. Wûs*
tenfeld. Gœttingue, 1849, pages i58 et suivantes. La première partie de cet ouvrage
a été traduite par M. le D' £thé : Zakarija ben Muhammed el Kazwîni's Kosmographie»
DieWunder der Schœpfung. Leipzig, 1869, in-8". La traduction que je donne ici dif-
fère, en quelques points, de celle de M. Ethé.
2. Cette légende est également mentionnée par Moysc de Khorène et les auteurs ar-
méniens. Études sur les chants historiques et les traditions populaires de Vancicnne
Arménie y par Ed. Dulaurier. Journal asiatique^ IV série, tome XIX, i852, page 40.
16
2 {2 RELATION DE LAMBASSADE AU KHAREZM
tout ce qui mentourait. Je vis une soufrière environnée de blocs
de soufre qui jetaient un vif éclat aux rayons du soleil levant et
paraissaient tout en feu. A côté, se trouve le lit d'un torrent qui
se précipite au pied de la montagne; le vent qui s'engouffire dans
cette gorge et les courants d'air qui s'y produisent donnent nais-
sance à des bruits de diverse nature. Tantôt on croit entendre le
hennissement d'un cheval ou le braiment d'un âne, tantôt on sl-
magine que l'oreille perçoit des voix d'hommes se livrant à
une conversation dans une langue incompréhensible.
€ La fumée dont j'ai parlé plus haut sort de la soufrière.
Quand les habitants la voient devenir plus intense et qu*ils
s'aperçoivent que les fourmis font une plus ample provision
de grains, ils en concluent que Tannée sera une année de di-
sette ; quand des pluies d'une trop longue durée leur ont causé
des dégâts, ils répandent du lait de chèvre sur le feu et la pluie
cesse à l'instant même. J'en ai, moi-même, fait Texpérience à plu-
sieurs reprises, et j'ai constaté la vérité de ce qui m'avait été dit.
« Jamais personne n'a vu une partie quelconque du som-
met dégarnie de neige^ sans que le sang n'ait coulé dans les
contrées situées de ce côté de la montagne, ni sans que des
calamités ne se soient abattues sur elles. Ce présage est at-
testé par le témoignage unanime des habitants de la province.
« On trouve^ dans les environs du Demavend, des gisements
d'antimoine, de plomb et de sulfate de cuivre. Tels sont les
détails donnés par Miss'ar.
« Mon père, dit Mohammed ibn Ibrahim el Dharrab (le mon*
nayeur , désira se procurer du soufre qui se trouve dans les
anfractuosités du mont Demavend, car il avait entendu dire
que c était du soufre rouge \ Il fabriqua des spatules en fer
pourvues d un long manche et il mit tout en œuvre pour re-
cueillir le soufre; mais, ajoutait-il, le fer entrait en fusion
aussitôt qu'il était en contact avec le feu. Les habitants de
X. Le soufre rouge est, dans l'opinion des alchimistes de TOrient, la substance indis-
pensable à la transmutation des métaux. Le soufre rouge a le sens de pierre philoso-
phalc.
APPENDICE 243
Dcmavend affirment qu'un individu du Khorassan fabri-
qua de longues spatules qu'il enduisit de substances parti-
culières, et qu'il réussit à recueillir du soufre pour le compte
d'un roi.
« Aly ibn Rezin, qui était versé dans la connaissance des
sciences naturelles et qui a composé un grand nombre d'ou-
vrages, fait le récit suivant :
« Nous avions décidé un certain nombre d'habitants du
Thabarestan à gravir le Demavend, montagne d'une hauteur
prodigieuse et dont le sommet est visible à la distance de
cent fersengs. Des vapeurs, semblables à des nuages amon-
celés, en couvrent le pic et elles ne se dissipent ni pendant
l'hiver, ni pendant l'été. Une source dont les eaux sont sulfu-
reuses et de couleur jaune jaillit à sa base. Les hommes, aux-
quels nous avions fait faire l'ascension de la montagne , nous
rapportèrent qu'ils avaient mis cinq jours et cinq nuits pour
arriver au sommet. Lorsqu'ils y furent parvenus, ils constatè-
rent que c'était un plateau d'une superficie de cent djeribs,
bien que, pour le spectateur placé au bas de la montagne, celle-
ci paraisse se terminer en pointe. Nos gens nous dirent aussi
qu'ils avaient trouvé, au sommet, du sable dans lequel les
pieds s'enfonçaient et disparaissaient, et qu'ils n'avaient vu ni
animal, ni trace d'être vivant. Les oiseaux, dans leur vol , ne
peuvent s'élever à la hauteur du sommet. Le froid y était exces-
sif, et le vent d'une extrême violence. Ils comptèrent soixante-
dix fissures d'où s'échappaient des vapeurs sulfureuses : autour
d'elles on voyait du soufre dont la couleur jaune avait l'éclat
de l'or. Ils en rapportèrent quelques morceaux. Ils nous ra-
contèrent, en outre, que les montagnes environnantes sem-
blaient être des collines et que la mer Caspienne produisait
Teffet d'une petite rivière. Le Demavend en est éloigné de
vingt fersengs. »
€ A une grande lieue angloise de ce sépulcre ', dit Thomas
I. T^ tombeau de la \cuve de Behmen Mirza, fils de Chah Abbas.
244 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
Herbert, et plus haut dans Tair, est le pic, ou la haute mon-
tagne de Damoan, que Strabon en le ii livre appelle Jasonia,
dont le sommet qui est formé en pyramide, passe en hauteur
tout le reste du mont Taurus. Nous y montâmes avec beau-
coup de peine, et y estans, nous pûmes voir la mer Caspie,
qui est à huit-vingt lieues angloises de là. Le haut de cette
montagne n'est que soulfre, ce qui est cause que la nuit elle
donne de la clarté, et paroist en feu comme le mont Ethna,
ce qui est assez agréable à la veuë, mais si fascheux à Todo-
rat, qu'il seroit besoin d'un bon parfum d'ail pour chasser
la puanteur que Ton y rencontre. C'est icy , où toute la
Chaldée, et toute la Perse presque viennent quérir du soul-
fre. Il n'y avoit que nostre curiosité qui nous obligeast à y mon-
ter à dessein de voir les bains chauds, qui sont sur la croupe
de cette montagne. Il y en a cinq en tout, dont les trois
sont enfermez de murailles, et les deux autres sont ou-
verts. Les premiers sont pour les personnes de qualité, et
les autres pour le commun peuple. Et c'est au mois d'aoust
que les malades et incommodez y accourent de tous costez,
pour y chercher du remède. »
« Il seroit bien difficile de dire, si c'est de cette montagne que
la ville de Damoan qui est à cinq lieues de là, a pris son nom,
ou si c'est la ville qui donne son nom à la montagne. Le
mot, en son étymologie, signifie seconde plantation, et les
Juifs croyent par tradition, que c'est sur cette montagne, que
l'arche de Noë s'arrêta après le déluge. Ce qu'ils croyent non
seulement parce que c'est la plus haute montagne de toutes,
mais aussi parce que le vignoble et l'air y sont meilleurs,
qu'en aucune autre partie de l'Arménie. Auprès de cette mon-
tagne, où le Taurus s'élève plus haut qu'ailleurs, est une
partie de Paropamisa, où Becanus place l'arche, niant que
l'Ararat soit dans l'Arménie, quoy que Hayton, pour le con-
firmer, l'appelle Aremnoé. Mais quelque peu d'apparence qu'il
y ayt en cecy, il semble neantmoins que l'on peut dire que
c'est en cette ville de Damoan, et aux environs, que les tribus
APPENDICE 245
idolâtres emmenées par Salmanassar, ont esté logées icy;
particulièrement celles de Dan, Zabulon, Assur et Nephtali,
et que les autres emmenées par Tiglath Pillesar, sçavoir celles
de Ruben et Gad, et la moitié de la tribu de Manassés^ ont
esté logées auprès de Lar, Jaarowon et autres villes de Chu-
sistan. Car encore que Ptolomée au livre VI. cha. xvni. dise
que Gozana est une branche de la rivière d'Oxus^ a plus de
40 degrez, et que l'Histoire sacrée dise queTAssirien les logea à
Harra, Hala, et Ghabor^ villes de Medie, auprès de la rivière
de Gozan^ il est impossible pourtant que la rivière de Gozan
mêle ses eaux avecTOxus; veu qu'il n'y a point de partie de
Medie^ qui ne soit à près de trois cent lieues angloises éloi-
gnée de là. D'ailleurs les eaux de l'Araxis descendent du
mont Ararat^ montagne d'Arménie, et coulent vers la partie
occidentale de la mer Caspie : au lieu que cette rivière, qui
est grande et large, descend du Taurus, et passant par la
Médieet THircanie, quoy que le peuple Tayt coupée en plu-
sieurs petites branches, pour la conduire par plusieurs che-
minSj il faut nécessairement que ce soit le Gozan. Ce qui
me fut confirmé par plusieurs Juifs, qui y demeurent depuis
plusieurs siècles, qui disent aussi qu'ils furent amenez cap-
tifs en ces quartiers là^ et qu'ils y sont restez, nonobstant
les désordres continuels, et les révolutions fréquentes que
Ton a veuës en la monarchie de Perse.
« Vers l'est de cette haute pointe de Damoan est une petite
ville^ nommée Nova^ composée d'environ cent familles. Un
jeune homme, fils de Hodge Suare, marchand Persan, qui
mourut à Londres en l'an 1625, et frère de Mahomet, que
nous enterrâmes dans la mer, ayant sceu que nous passions
en son voisinage, vint au devant de nous, accompagné de
tous ses parens et bons amis, et nous pria de luy faire l'hon-
neur de l'aller voir chez luy. Il estoit couvert d'une longue
veste de drap d'or, et avoit sur la teste un tulban fort haut,
de brocard d'or et d'argent. Nous y trouvâmes préparé un
fort beau festin, et il nous traitta magnifiquement. Il nous
24t) RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
voulut obliger à y demeurer quelques jours^ mais l'estat de
nos affaires nous obligeant à continuer nostre voyage, nous
prîmes congé de luy. En allant vers la ville de Damoan, nous
trouvâmes sur la croupe d'une montagne fort droite, une
grande tente noire, remplie d'environ trente femmes, habillées
à Tan tique, et d autant d'hommes. Il sembloit qu ils célébras-
sent les Taiirilia et Boalia des anciens Romains; mais nous
sceûmes après que c'estoit une nopce. La mariée pouvoit
avoir environ dix ans, et le marié trente. La mariée ressem-
bloit parfaitement à Venus, et le marié à Vulcan. Toutes les
filles de la mariée sortirent de la tente pour nous voir passer,
et n'admiroient pas moins nos habits, que nous estions éton-
nez de voir les leurs. Leurs visages, leurs mains, et leurs
pieds estoient peints de toutes sortes d'oyseaux, bestes, châ-
teaux et fleurs, en cela semblables à nos anciens Bretons, ou
Pietés, tels qu'ils estoient du temps de Jules César. Leurs
jambes estoient volontairement chargées de chaînes de cuivre
et d'argent : ce qui faisoit un assez bel effet, et avoit en leur
façon moresque quelque chose de plus agréable, que ce que
Ton conte des bergères d'Arcadie, Nous logeâmes cette nuit
là à Damoan. »
€ Il est incertain si la ville de Damoan est un reste de Gha-
bor ou bien de Hala : mais Ton peut juger par la longue de-
meure, que les Juifs, que Ton appelle Jehuds en ces quartiers là,
y ont faite pendant leur captivité, que c'est une de ces deux :
et ce n'est pas une des moindres villes de ce royaume. Il y en a
qui écrivent Damawan, mais ils se trompent. Elle est scituée à
trente-six degrés vingt minutes d'élévation, et quatre-vingt-huit
de longitude. Le mont Taurus l'enferme presque de tous cos-
tez, et elle est scituée en la province de Kaboncharion, qui est
une partie de Ghelac, vers le nort des frontières de Medie.
Elle ne manque point d'eau, estant arrosée par une branche
de la rivière de Gozan, et est peuplée la pluspart de Juifs, qui
y sont au nombre de plus de deux cent familles. Le Buzzar ou
Bazar est bâty fort haut, mais ne mérite pas qu'on le voye, si-
APPENDICE 247
non à cause du vin et du fruits que l'on y vend en grande
quantité, et à bon marché. Nous demeurâmes deux jours à
Damoan, pour nous remettre un peu de la fatigue, que nous
avions soufferte. Nous en partîmes le i3 juin^ et allâmes ce
jour là à Bomahim, qui est à vingt-cinq lieues Angloises de
Damoan. » — Relation du voyage de Perse et des Indes orien--
taies traduite de l'anglais de Thomas Herbert ^ à Paris, chez Jean
Du Puis, rue saint Jacques^ à la couronne d'or. m. d. c. lxiii,
in-4°, pages 307-309.
Le pic de Demavend est situé à soixante-quatre kilomètres
nord-est de Téhéran et à soixante-douze kilomètres au sud de
la mer Caspienne.
Cette montagne d'origine volcanique est un amas de maliè-
res éruptives, de pierres ponces et de basalte.
La partie supérieure, sur une hauteur de plus de trente mè-
tres, est formée d'une roche tendre d'où Ton extrait le soufre
à l'état pur. Des sources d'eau chaude jaillissent à sa base.
Les observations faites démontrent que le Demavend était,
autrefois, le foyer central de toute une région volcanique. Ses
feux mal éteints pourraient, en se rallumant, provoquer des
éruptions et des secousses du sol qui bouleverseraient la con-
trée environnante.
Un secrétaire de la légation britannique à Téhéran^ M. W.
S. Thompson, tenta, dans le courant de Tannée 1837, Tascen-
sion du Demavend.
Il rencontra, à peu de distance du sommet, une petite caverne
divisée en deux parties. Celle du fond, qui est la plus grande^
ne peut contenir guère plus de cinq ou six personnes.
Le sol y est brûlant, la température très -élevée et la main
ne peut supporter la chaleur d'un courant d'air qui s'échappe
de l'un des angles. M. Thompson passa la nuit dans cette ca-
verne. Les terreurs superstitieuses des Persans ne lui permi-
rent pas de se procurer des guides et des porteurs pour s'élever
plus haut. Il recommande aux personnes qui tenteraient Tas-
cension de la montagne, de l'entreprendre pendant les grandes
248 RELATION DE i/aMBASSADE AU KHAREZM
chaleurs du mois de juillet et par le clair de lune. En par-
tant vers minuit de la caverne qui est à la base du cône, on
pourrait passer presque toute la journée sur le sommet du
pic et éviter ainsi l'influence malsaine des vapeurs brûlan-
tes qui se dégagent de la caverne,
Guermâb (eau chaude), sur le versant méridional de la mon-
tagne, est le village le plus élevé de la région. Dans ses en-
virons se trouvent les sources chaudes de Guermsyr. L une
d'elles atteint la température de 64 degrés centigrades.
En observant la constitution géologique de la montagne, de-
puis Guermâb jusqu'à une distance de trente mètres de la cime
qui est uniquement formée par un dépôt de soufre, on trouve
d'abord une couche de tuf calcaire, puis un lit de pierres à
sablons de Tépoque carbonifère, avec un filon de charbon de
qualité inférieure d'une épaisseur de 3oo mètres environ, puis
une couche de pierres à chaux qui n'a pas moins de 36o mè-
tres, et enfin de la pyrite jusqu'à 3o mètres du sommet : ce
dernier est formé d'un dépôt de soufre pur.
La partie inférieure de la montagne est presqu 'entièrement
composée de roches calcaires. De hautes et longues arêtes
prennent naissance à la base du cône : au bout d'une cer-
taine distance, elles s'arrêtent brusquement : entre ces arê-
tes se trouvent des ravins et de profondes excavations remplis
de pierres, de sable et de terre; de gros blocs de roches vol-
caniques émergent çà et là à la surface.
Lorsque Ton commence l'ascension de la partie supé-
rieure de la montagne, il faut d'abord s'engager dans un ra-
vin étroit dont la pente est fort raide; les pierres roulantes
qui se dérobent sous les pieds rendent la marche extrême-
ment pénible. On rencontre ensuite un autre ravin rempli
de neige, et qui coupe le premier presque à angle droit. Quand
on l'a traversé, le terrain, bien que toujours fort escarpé,
devient plus praticable ; il est formé d'une terre rouge cou-
verte de plantes d'espèces variées. Toute végétation cesse
à la hauteur d'environ 3,75o mètres. De loin, le cône de
APPENDICE 249
la montagne semble uni et Ton croirait qu'il forme de su
base au sommet une pente de 45 degrés. Mais, en appro-
chantj on voit qu'il est sillonné de haut en bas par un grand
nombre d arêtes, séparées Tune de Tautre par de profondes ex-
cavations remplies de neige, de glace et de fragments de ro-
chers. Puis, on trouve un amas confus de roches, de la-
ves et de basaltes entassés les uns sur les autres. On atteint
ensuite une longue arête formée par une coulée de lave et dont
la pente est si raide et si unie que le pied a grand peine à s'y
fixer. Après ravoir franchie, l'ascension devient plus facile : on
gravit une montée couverte de rochers jaunâtres, formés de
pierres calcaire et de soufre. On atteint alors le sommet de la
montagne. On y voit un cratère de soixante-dix-sept mètres
de diamètre. Il est presqu'entièrement rempli de neige.
De deux cavernes situées près du sommet, et des fissures
des rochers, s'échappe une eau fortement chargée de soufre.
De violents tremblements de terre ébranlent quelquefois la
montagne.
Morier rapporte qu'en 18 14 il en ressentit, pendant son sé-
jour dans le village de Demavend, une très-forte secousse.
Neuf années auparavant, un grand nombre de villages du
Mazanderan avaient été totalement détruits par des tremble-
ments de terre.
La neige couvre toute Tannée le sommet du Demavend,
mais seulement par plaques, et certaines parties en sont en-
tièrement dégagées.
Aucun Persan ne tente l'ascension de la montagne. Avant
celle de M. Thompson et celle des membres de la légation
d'Angleterre à Téhéran, les habitants du pays prétendaient
qu'une telle entreprise était absolument impraticable.
Les hommes qui vont recueillir le soufre sur le Demavend
ne se livrent à leur travail qu'après s'être nourris pendant quel-
que temps d'ail et d'oignons.
M. W. J. Thompson évalue la hauteur du Demavend à
14,695 pieds anglais (4^480 mètres). M. R. F. Thompson et lord
2J0 RKIATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
Schomkerkcr, qui atteignirent le sommet quelques amiées plus
tard, calculèrent que la hauteur était de 2i,520 pieds anglais
(6,56o mètres). M. le capitaine Ivostchinzov, attaché à la rois<
sion russe de la Caspienne, constata, en 1860, au moyen de
mesures trigonométriques, une hauteur de 18,54g picds (5,65i
mètres).
Le village de Demavend est bâti dans un vallon qui s'étend
au pied du versant méridional de la montagne; il est ar-
rosé par deux cours d'eau qui se rejoignent un peu au-dessus
du village et le traversent. Les bords en sont plantés de saules,
de peupliers et de châtaigniers. Demavend ne renferme que
cinq cents maisons dont trois cents sont occupées par les an-
ciens habitants du pays, et les deux cents autres par des &•
milles transportées du Kerman par Aga Mohammed Chah. On
remarque, à Demavend, quelques vieilles tours bâties sur une
éminence et un minaret en briques cuites qui faisait, autrefois,
partie de la grande mosquée. Demavend et les trente ha-
meaux de la vallée sont gouvernés par un Seiyd qui paie an-
nueHement au fisc quatre cent quatre-vingt-dix-sept toumans
et cent dix -huit kharvar de blé.
^•^g^îJ^gp^
.^yfe!(i3fe5yj!»^(ifc)5^^
III
FERROUKHY
FERROUKHY fut i'uii des poètcs en titre de la cour du Sultan
Mahmoud le Ghaznévide -, le recueil de ses œuvres poé-
tiques renferme un grand nombre de pièces consacrées à la
louange de ce prince et à celle des principaux personnages de son
temps. Sa biographie a été insérée dans le Medjma oui fous-
seha (l'assemblée des hommes éloquents) par Riza Qouly
Khan, qui a réuni dans cette notice les renseignements épars
dans les nombreux Tezkerèhs consacrés aux poètes persans.
Elle renferme des détails curieux sur la condition des poètes
au IV® siècle de Thégire et cette considération m'a déterminé
à en donner ici la traduction.
« Hekim Aboul Hassan Aly^ dont le surnom poétique est
Ferroukhy, reçut le jour dans le Sistan. Son père qui portait
le nom de Qoulou' était attaché au service de l'Emir Khalif
ibn Ahmedj gouverneur général de cette province. Ferrou-
khy s'appliqua à Tétude des belles-lettres et acquit des con-
naissances très-étendues. Il cultiva également la musique. Il
composa des poésies pleines de douceur et de charme, qui
le firent rechercher par de grands personnages et admettre
dans leur société et dans leur intimité. Il récitait ses vers
d'une voix agréable en s*accompagnant sur la harpe. II ra-
vissait tous les cœurs. Sa renommée s'étendit; l'estime qu'on
lui portait grandit, mais il ne pouvait cependant s'élever au-
232 KKLATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
dessus de son humble condition. Le patron, à la personne du-
quel il était attaché, était un Dehqan (grand propriétaire ter-
rien) d'un caractère bas et méprisable, qui ne lui donnait, par
an, que deux cents kiièh de cinq men de blé chacun et une
somme de cent dirhem Nouhy *. Ferroukhy qui n avait point
d'autres ressources, épousa une esclavt afiranchie de l'Emir
Khalif et cette circonstance augmenta ses dépenses à tel point
que son revenu ne lui permit plus d'y faire face.
« N'ayant aucun espoir dans la générosité de son patron,
et réduit à la dernière extrémité, il résolut de s'éloigner du
Sistan et de s'expatrier. Il s enquit des noms des grands sei-
gneurs dont il pourrait rechercher le patronage.
« La renommée des nobles qualités de l'Emir Âboul Mou-
zhaffer Thahir Tcheghany, souverain de Balkh et du Thakha-
ristan, était parvenue jusqu'à lui ^. Ce prince accordait sa pro-
tection aux littérateurs distingués et répandait ses bienfaits
sur les poètes. II composait lui-même, avec succès, des pièces
de vers et il savait apprécier toutes les délicatesses de la poé-
sie. Aboul Mouzhaffer était particulièrement estimé et honoré
par Sultan Mahmoud le Ghaznévide. Ferroukhy résolut donc
de se rendre auprès de lui ; il fit ses préparatifs de départ et
se mit en route après avoir composé une ode à la louange de ce
prince.
« Arrivé au but de son voyage, il apprit qu' Aboul Mouzhaflfer
s'était rendu dans la plaine de Filèh où il possédait un haras
renfermant dix-sept mille juments, dont chacune, au rapport
de l'auteur du Tchehar Meqalèh (les quatre discours), était suivie
par un poulain. Chaque année, il s'établissait dans cette plaine
pour faire la revue de ces poulains et pour les faire marquer,
« AmydEssa'ad, l'intendant de l'Emir, se préparait à aller le
I. Les dirhem Nouhy sont les pièces d*argent frappées à Boukhara par TEmir Sama-
nide Nouh, fils de l'Emir Nasr (332-344).
2 Aboul Mouzhaffer Melik Thahir ibn Aboul Fazhl Mohammed el Mouhtadj était le
descendant des princes du Tcheganian dans la Transoxiane. Il résidait à Balkh. Quel-
ques-uns de ses vers sont parvenus jusqu'à nous.
APPENDICE 253
rejoindre. Ferroukhy se présenta devant lui et lui récita Tode
qu'il avait composée. Amyd était un homme lettré qui possé-
dait des connaissances très -étendues. Il ne put croire que Fer-
roukhy, avec son extérieur inculte et sauvage et son costume
étrange, fût l'auteur d'un morceau de poésie aussi remarquable.
Il remmena avec lui, et, pour le mettre à Tépreuve, il lui de-
manda de composer une pièce de vers dont le sujet serait l'o-
pération de la marque des poulains. Ferroukhy la termina la nuit
même, et il y ajouta la description du campement de TEmîr en
des termes qui excitèrent Tétonnement d'Amyd Essa'ad.
« Celui-ci présenta Ferroukhy à Aboul MouzhafFer et lui
raconta quelques particularités propres à faire connaître son
mérite. 11 ajouta que, depuis la mort de Daqiqy^ on n'avait
point vu se produire un semblable poète '.
€ Le soir, lorsqu'on se fut réuni pour se livrer au plaisir du
vin, Ferroukhy récita, d'une voix pleine de charme, sa pre-
mière pièce de poésie. L'émir en fut ravi et lui donna l'au-
torisation de s'asseoir devant lui. Lorsque le vin eut ré-
pandu la gaieté parmi les convives, Ferroukhy déclama le
Qacidèh (ode) qu'il avait composé pour décrire l'opération
de la marque des poulains. Aboul Mouzhaflfer en fut enthou-
siasmé, c On vient, dit-il au poète, de rassembler mille pou-
lains pour les marquer; je te donne tous ceux dont tu par-
viendras à te rendre maître. » Ferroukhy se jeta au milieu
de ce troupeau, tenant une mauvaise serviette à la main. 11
réussit à faire entrer dans un caravansérail ruiné qui se trou-
I. Oustad Abou Mançoar Mohammed Daqiqy ibn Ahmed Berkhy était, au dire de
quelques auteurs, né à Balkh, et selon d'autres à Saraarqand. Il acquit une certaine ré-
putation à répoque des derniers princes Samanides. Il se plaça sous le patronage d 'Aboul
Mouzhaffer Mouhtadj Tcheghany, puis sous celui de TEmir Nasr, fils de Nacir oud Din
Sebektekin dont il fut le panégyriste.
Son séjour à la cour de Sultan Mahmoud le Ghaznévide lui donna la célébrité. Il fut
chargé par ce prince de composer en vers une histoire des anciens rois de Perse. Il ré-
digea rhistoire du règne de Gouchtasp, dont Firdoussy a inséré mille distiques dans son
Chah Namèh. Daqiqy fut tué en 341 Ujoi), par un esclave turc qui était son mignon. —
Medjma oui fousscha, page 214.
2^4 RELATION DK L AMBASSADE AU KHAREZM
vait à proximité un certain nombre de poulains, et il tomba
lui-même devant la porte, épuisé et rompu de fatigue.
L'émir, instruit de ce qui s'était passé, se mit à rire et lui
fit don des poulains ^ au nombre de quarante-deux, dont il
était parvenu à s'emparer. Il lui fit cadeau , en outre, d'une
tente, de chevaux, de chameaux, de meubles, de vêtements et
de tapis. Ferroukhy connut alors l'opulence.
« Il se rendit, suivi d'un train magnifique, à la cour du Sul-
tan Mahmoud qui Taccueillit avec distinction, lui assigna un trai-
tement considérable et le combla de faveurs.
« Ferroukhy devint un des personnages les plus en vue, un
courtisan des plus influents et Tun des poètes favoris du
souverain. Il recevait des sommes énormes pour toutes les
poésies qu'il composait en l'honneur du Sultan. Sa fortune
devint si grande que , lorsqu'il voyageait , son train éga-
lait celui des plus hauts dignitaires. On dit même qu'il était
toujours suivi par vingt esclaves ayant des ceintures recou-
vertes de plaques d'or.
« Ayaz Ouymaq , favori du Sultan Mahmoud, avait pour
Ferroukhy la plus vive affection et la plus tendre amitié;
ils vivaient sur le pied de la plus complète intimité. Cette
liaison excita la jalousie de Sultan Mahmoud qui, dans un
accès de colère, chassa Ferroukhy de la cour. Le poète com-
posa, à l'occasion de cette disgrâce, plusieurs pièces de vers
dans lesquelles, cherchant à se disculper, il sollicitait son par-
don et demandait à rentrer en grâce.
« Ferroukhy est un poète des plus agréables : ses œuvres
respirent la douceur et l'amour. Le sens des expressions qu'il
emploie paraît facile, mais l'interprétation en est malaisée.
« Il a parmi les poètes lyriques le rang que Saady occupe
parmi ceux qui ont cultivé le genre des Ghaiels.
<r Ferroukhy mourut en Tannée 429 (loSy). » Medjtna oui
fousseha, par Riza Qouly Khan, tome P% page 439.
IV
BOUKHARA
L'ancienneté et Fimportance de Boukhara, le rôle brillant
qu'elle a joué dans TAsie centrale, pendant une longue pé-
riode de l'histoire^ surtout à Tépoque où elle était la capitale des
princes Samanides^ m'ont engagé à réunir les renseignements
que j ai pu recueillir sur cette ville dans les ouvrages des géo-
graphes et des historiens orientaux. Ils feront connaître l'histoire
de ses principaux monuments jusqu'à Tinvasion de Djenguiz
Khan.
Boukhara, comme toutes les villes de l'Asie, se composait
d'une citadelle {Qpundoui, Hissar) ^puiSy d'une cité proprement
dite {Cheher, Charisian) entourée d'une muraille, puis^ enfin^
de faubourgs qui étaient également protégés par un mur d'en-
ceinte. De plus, pour mettre les villages de la banlieue à l'abri
des incursions des tribus turkes, on avait construit un mur
bastionné qui portait le nom de Kounsserek '. Nous trouvons
partout, en Orient, l'usage de ces murailles destinées à assurer
la sécurité des populations contre les invasions des hordes no-
mades. Sans parler de la grande muraille de la Chine, nous sa-
vons que la vallée du Soghd était ainsi défendue -, à Kât, au
I. Ce mot me paraît être la corruption des deux mots persans Koungourèh Serek (au
faîte crénelé) qui indiquent que cette muraille était surmontée de créneaux. Les exem-
ples de pareilles altérations de mots sont fréquents dans les dialectes de l'Asie cen-
trale.
256 ' RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
nord du Kharezm, s'élevait un mur qui devait arrêter les
Ghouzz ; on trouve encore les traces de pareils travaux de dé-
fense élevés dans le Gourgan^ pour contenir les Turkomans des
rives orientales de la Caspienne. Enfin^ la muraille de Derbend
ou Bab oui Ebouab, dans le Chirvan, est celle dont les auteurs
orientaux ont donné la description la plus complète.
Les géographes orientaux dont nous possédons les ouvrages,
ne nous fournissent que des données générales sur Boukhara.
Abou Ishaq Ibrahim el Isthakhry, après une courte description
de la ville, s'étend assez longuement sur le régime des eaux et
le système des irrigations. Ibn Hauqal, Chems oud Din Mo-
hammed el Mouqadessy et Idrissy ne nous fournissent point
de renseignements dignes de remarque.
Yaqout, dans son Moudjem oui Bouldan, et Qazwiny, dans
son traité géographique qui porte le titre de Açar oui bilad, se
sont bornés à abréger et à copier la notice qu'Aboud Zeid el
Balkhy (340-951 ) a insérée dans son Sawar oui Aqalym (les
figures des sept régions habitées).
« Boukhara, dit Abou Zeyd, est une des villes les plus gran-
des et les plus célèbres de la Transoxiane. On s'y rend (du Kho-
rassan) par la route d'Amol ech Chatt ', et elle est située à la
distance de deux journées de marche du Djihoun. Elle est la
capitale des princes Samanides..., Les jardins qui l'entourent
produisent des fruits exquis et en telle abondance qu'on
les exporte jusqu'à Merv, située à une distance de douze jour-
nées de marche et jusqu^à Kharezm éloignée de quinze étapes. >
Abou Zeyd ajoute qu'il n y a point, dans tous les pays sou-
mis à rislamisme, de ville dont les alentours soient plus riants.
Du haut de la citadelle, partout où se porte le regard , on ne
voit qu'une plaine verdoyante dont la couleur se confond avec
celle du ciel, et au milieu de laquelle on voit briller, comme
des lampes, d'innombrables maisons de plaisance. La rivière
du Soghd traverse le faubourg, fait tourner des moulins, et ses
I. Voir sur cette ville la note i de la page i52.
APPENDICE 257
eaux, après avoir arrosé les jardins et les cultures, vont se dé-
verser dans le lac qui se trouve près de Ferber, dans le district
de Bikend et qui porte le nom de Sam Khas (Sam Khen) \
Dans les transactions commerciales, on se servait, du temps
des Samanides, de pièces d'argent et Ton n'avait pas de mon-
naie d'or. Ce dernier métal était considéré comme une mar-
chandise et un objet de commerce. On trouvait aussi à Bou-
khara des dirhem qui portaient le nom de Ghithryfièh ^ Ils
étaient composés d'un alliage de fer, de cuivre et d'étaîn. Ils
n'avaient cours que dans la ville et ses environs. Ces pièces
portaient des figures humaines. Il y avait aussi des dirhem
appelés Mousseiybièh et Mohammedièh. Toutes ces monnaies
ont été frappées du temps de l'Islamisme ^.
L'histoire de Boukhara a été écrite, au quatrième siècle de
l'hégire, par Abou Abdillah Mohammed el Boukhary, mort en
3 12 de l'hégire (924) et, au cinquième siècle, par AbdouUah
Mohammed, plus connu sous le nom de Ghandjar el Boukhary
[412-1021). Ces monuments historiques ne sont pas parvenus
jusqu'à nous. Deux autres ouvrages, l'histoke de Samarqand
et celle des villes de Kech et de Nakhcheb, composés au onzième
siècle par Djafer ibn Mohammed el Moustaghfiry (mort en
432-1041), contenaient de nombreujs: détails sur la ville de
Boukhara et sur les princes qui y ont régné. Malheureusement
ils sont également perdus pour nous. Un autre auteur, Abou
Bekr Mohammed ibn Djafer, natif du village de Nerchakh
dépendant de Boukhara, avait composé, en 332 (943), pour
1. Voir page i66, note 4.
2. Ces pièces durent leur nom à TEmir Ghithryf, onde maternel du Khalife Haroun
er Recbid et que ce prince nomma gouverneur général du Khorassan.
3. On peut consulter sur les monnaies de Boukhara le mémoire de M. P. I. Lerch, lu
à la troisième session du congrès des Orientalistes et qui a pour titre : a Sur les
monnaies des Boukhar Khoudas ou princes de Boukhara^ avant la conquête du Mavera
ennahrpar les Arabes, Leyde, 1878.
Les dirhem Mousseiybièh et Mohammedièh étaient ainsi nommés parce qu*ils avaient
été frappés sous le règne du Khalife Mohammed Mehdy, par TEmir Mousseiyb ibn
Zoheyr ez Zaby qui fut, en Tannée i63 ("79), investi du gouvernement général du
Khorassan.
17
258 RELATION DE LAMBASSADE AU KHAREZM
le prince Samanide Ahmed ibn Mohammed ben Nouh, un
ouvrage écrit en arabe et dans un style relevé. Il donnait la
description de Boukhara et des villages qui Tentourent^ ainsi
que celle des monuments de cette capitale. Cet ouvrage avait
pour appendice une histoire de la dynastie des Samanides jus-
qu'au règne d'Âbou Salih Mançour^ fils de Nasr. L'usage de la
langue arabe s'étant perdu dans la Transoxtane, Abou Nasr ibn
Ahmed el Qobady traduisit en persan le texte de Mohammed ibn
Djafer, en élaguant les détails qu'il jugea inutiles ou de peu d'in-
térêt pour les lecteurs. Cette traduction^ achevée en Tannée 522
(i 128;, hit, cinquante-deux ans plus tard, abr^ée par Moham-
med ibn Zoufer qui dédia son livre à Tlmam Edjell Abdoul Aziz.
C'est cette troisième rédaction qui est connue sous le nom de
Histoire de Boukhara par Nerchakhy et dont il se trouve quel-
ques exemplaires dans la Bibliothèque publique et impériale
de Saint-Pétersbourg et dans celle de l'Académie des sciences
de cette ville. 11 en existe également un exemplaire au British
Muséum à Londres. J'en possède moi-même deux, dont Tun
est une copie soignée faite au xvi^ siècle, à Boukhara, pour un
Khodja. L'ouvrage de Nerchakhy, autant qu'on en peut juger
par labrégé qui nous a été conservé, est écrit avec peu d'or-
dre ; il y règne une certaine confusion et de nombreuses con-
tradictions. Les historiens orientaux négligent, de parti pris,
rhistoire antéislamique des pays conquis, excepté pour les pays
arabes, et ils se taisent sur les usages, les coutumes et les idées
religieuses qu'ils méprisaient, tout en les tolérant .Nous trouvons,
cependant, dans Nerchakhy d anciennes traditions sur la for-
mation géologique de la plaine de Boukhara, sur ses premiers ha-
bitants, sur les chefs qui les gouvernèrent avec le titre de Boukhar
Khouda. Nous pouvons conclure de quelques-unes de ses as-
sertions que le Bouddhisme, importé de la Chine, et le culte du
feu, emprunté aux Persans, étaient les deux religions pratiquées
dans l'État de Boukhara '. L'histoire des Boukhar Khouda
I. Lorsque Qouteïbali s'empara de Bikend, il trouva dans cette ville une pagode où
APPENDICE 259
avant Tinvasion arabe est obscure et incomplète, et rien ne peut
fixer l'époque à laquelle vécurent quelques-uns de ces person-
nages. Nous ne possédons de détails certains que sur la Kha-
toun, épouse de Beydoun, qui gouvernait Boukhara pendant la
minorité de son fils Taghchadèh, lorsque les Arabes franchirent
le Djihoun. Il est incontestable que Tlslamisme eut beaucoup
de peine à s'implanter dans la Transoxiane, et que tous les gou-
verneurs du Khorassan durent user des plus grands ménage-
ments^ surtout envers les classes élevées qui se refusaient à
accepter les dogmes de la nouvelle religion. Sous les Khalifes,
les gouverneurs généraux du Khorassan se bornèrent à placer
dans les principales villes des gouverneurs militaires et, à Bou-
khara, l'autorité civile fiit laissée , jusqu'à Tavénement de la
dynastie des Samanides, aux mains des descendants de Tagh-
chadèh qui, dans les premiers temps du moins, se firent remar-
quer par leur répugnance à professer la religion musulmane.
Aboul Hassan Abdour Rahman ibn Mohammed de Nicha-
bour, dans son ouvrage qui porte pour titre « Kheiàîn oui ou-
loum > (les trésors des sciences), dit que le sol sur lequel s'élève
Boukhara était autrefois envahi par les eaux ; une partie des
terrains était couverte de roseaux, d'arbres ou d'herbes, et, dans
d'autres endroits, Teau y avait une telle profondeur qu'aucun
animal n'y avait pied. L'accumulation de ces eaux provenait de
la fonte des neiges qui couvrent les montagnes dans les envi-
rons de Boukhara; elles grossissaient la grande rivière de Sa-
marqand qui porte le nom de Massef , et en rendaient le cours
plus rapide. Cette rivière s'était creusé un lit dans le sol, et.
Ton voyait la statue en argent d*une divinité; son poids était de quatre mille dirhem :
des vaseS) également en argent, pesaient cent cinquante misqal. Il trouva également dans
cette pagode, deul perles de la grosseur d'un œuf de pigeon. Il en demanda la prove-
nance. Il lui fut répondu que deux oiseaux les avaient apportées dans leur bec et les
avaient déposées dans ce temple. Ces perles et les autres objets de prix furent envoyés à
Hedjdjadj, avec la lettre de victoire annonçant la prise de Bikend.
Nerchakhy nous apprend aussi qu'Eskedjket épousa une princesse chinoise qui apporta ,
outre les objets qui constituaient sa dot, les vases et ustensiles nécessaires au service de
son culte pour un temple ou une pagode qui fut construite à Rametin.
200 RLI.ATION HE LAMBASSADI! AU K.HABEZM
dans ses débordements, elle déposait au loin une grande quan-
tité de limon; ces terres d'alluvion finirent par combler les ca-
vités du sol. Les eaux dans leurs cours arrivaient jusqu'à Bou-
tek et Ferber, et elles se déversaient dans un lac situé au-delà
de ces deux localités. Le territoire de Boukhara fut aplani grâce
aux dépôts de limon et le lit de ce grand cours d'eau devint la
plaine du Soghd.
Les hommes y affluèrent de tous côtés pour s'y fixer, et la
principale immigration vint du Turkestan. Les eaux étaient
abondantes, les arbres en grand nombre et le gibier foisonnait.
Les immigrants, séduits par les agréments du pays, s'y établi-
rent. Ils habitèrent d'abord sous des tentes et des huttes. Puis,
la population s' accroissant avec le temps, on contruisit des mai-
sons ; on choisit, ensuite, un chef qui portait le nom d'Ebrevy,
et auquel on délégua le pouvoir.
BoiJchara n'existait point encore à cette époque, mais il y
avait déjà quelques villages, entre autres Nour, Kharqan Roud,
Ferdanèh, Terakhèh, Sefnèh et Isvanèh.
Le gros bourg qui servait de résidence au chef était Bikend
et la place de guerre, à laquelle on donnait le nom de ville, était
Dcbous.
La puissance d'Ebrevy s'accrut avec le temps, et son gouver-
nement devint si tyrannique que les habitants du pays ne pu-
rent supporter ses violences. Les gens riches émigrèrent et se
réfugièrent dans le Turkestan, où ils fondèrent la ville de Ti-
raz à laquelle ils donnèrent le nom de Hamouk Ket, en l'hon-
neur du personnage qui était leur chef, lorsqu'ils s'éloignèrent
du territoire de Boukhara, Hamouk, en dialecte de Boukhara,
veut dire « joyau, bijou >■ et Ket signifie ville, Hamouk Ket est
donc la ville du joyau. A Boukhara, le mot de Hamouk dési-
gne, par extension, tout grand personnage qui, à cause de son
rang, doit être tenu en aussi haute estime qu'un joyau. Les
gens qui étaient restés à Boukhara expédièrent un envoyé au-
près de leurs chefs et de leurs patrons, pour se plaindre des actes
tyranniques d'Ebrevy. Les principaux de ces personnages se
APPENDICE 261
rendirent auprès du souverain du Turkestan^ nommé Qara
Djourin Turk et qui avait reçu, à cause de sa puissance, le sur-
nom de Biaghou. Ils implorèrent son aide. Biaghou confia à son
fils, Chiri Kichver \ une nombreuse armée à la tête de laquelle
il envahit le territoire de Boukhara. Il s'empara d'Ebrevy dans
Bikend et il le fit mourir en l'enfermant dans un sac que Ton
avait rempli de guêpes.
Chiri Kichver trouva le pays agréable : il écrivit à son père
pour le prier de lui en faire don et de lui accorder l'autorisation
de s'y fixer, Biaghou y consentit.
Chiri Kichver envoya à Hamouk Ket une personne chargée
de faire revenir à Boukhara, avec leurs femmes et leurs enfants,
tous ceux qui s'étaient éloignés de cette ville. Ceux-ci étaient
de grands propriétaires ou des personnages riches : les gens
qui étaient restés à Boukhara étaient, au contraire, pauvres et
dénués de ressources. Il fut établi, lors du retour des premiers,
qu'ils formeraient la classe aristocratique et que les autres leur
seraient soumis et les serviraient.
Parmi ceux qui revinrent à Boukhara se trouvait un grand
seigneur terrien, auquel on donna le titre de Boukhar
Khouda, parce qu'il appartenait à une grande famille de
Dèhqan. Il possédait la plus grande partie des villages et la
plupart des individus de la seconde classe étaient ses vassaux
et ses serviteurs. Chiri Kichver bâtit la ville de Boukhara :
il fonda les villages de Masty, de Saqmetin, de Semetin et
de Tarab Memasty. Il régna pendant vingt ans et eut pour
successeur Eskedjket, qui bâtit Chera, Rametin et le village de
Verakhchy.
Lorsque les Arabes franchirent le Djihoun sous la conduite
de Zyad el Harithy et d'Oubeïd oullah, le Boukhar Khouda
Beydoun était mort, laissant un eniant à la mamelle. La
Khatoun, sa femme, exerçait le pouvoir au nom de son fils.
I . Chiri Kichver (le lion du pays) me paraît être la traduction du nom turc d*Il Arslan,
encore usité de nos jours.
'jû'j. Ki.i.AiioN 1)1-: i/ambassadf. av kha?zz«
(Jette princesse était Jouée d'une fermeté d'esprit et d^ime
énergie qui lui avaient assuré l'obéissance de ses sujets.
l'ouH les jours, elle sortait à cheval du palais de Boukfaan,
par la ix)rte qui s'ouvre sur le Riguistan et que Ton ^pçdit
nuj()urd*hui < La porte des marchands de fourrages » (Dir-
va^èhi aie/ fourouchan) . Elle s^asseyait sur une estrade^ entooiée
de SCS ministres, de ses esclaves et de ses eunuques. Deux
cents jeunes K^'ns, appartenant aux iamilles desDéhqan tH des
gouverneurs, et portant des ceintures dorées et un sabre sus-
pendu (\ un haudricr, Tattendaient à la sortie du palais. Lorsque
la Kluitoun paraissait^ ils lui présentaient leurs hommages et se
loruiaient sur deux rangs. La Khatoun prenait connaissance
des allhires de Pl^tat, donnait ses instructions et ses ordres et
récompensait ou châtiait qui bon lui semblait. Cette séance du-
rait depuis te matin jusqu'au milieu du jour. I^ Khatoun ren-
trait alors au palais et faisait servir un repas à tous ceux qui
avaient Ibrmé sa suite. Vers le soir, elle sortait dans le même
appareil ; elle s'asseyait sur son trône et les fils des Dèhqan
i*t iles gouverneurs se rangeaient sur deux files. Au coucher du
soleil» i*llc rentrait au i^ilais et les jeunes gens qui avaient figuré
dans son cortège retournaient dans leurs villages.
I.i' lendemain, une nouvelle troupe arrivait pour remplacer
colle c|ui était partie. L'obligation de paraître devant la Khatoun
se renouvelait quatre fois par an.
I .es Arabes se montrèrent pour la première fois^ dans la Tran-
soxiano, en rannOe b\\ (()72-673). Oubeïd ouUah, fils de Zyadel
Ihuithy, gouverneur général du Khorassan au nom du Khalife
MoavitMi» franchit le Djihoun ù la tète vingt-quatre mille hommes
cl s'empara de Bikend et de Rametin, où il fit de nombreux
prisoiHîiers. 11 en eut quatre mille pour sa part. Après la prise
de ces doux places, il se présenta devant Boukhara, au com-
mencement de Tannée 54 (674). Il fit construire des machines
de guerre pour en taire le siège. La Khatoun dépécha un émis-
saire auprès des 1 urks pour implorer leur secours, et elle fit
partir pour le comp d'Oubeïd ouUah un envoyé porteur de
APPENDICE 263
présents et chargé de demander un délai de sept jours, au bout
desquels elle devait faire sa soumission. Les secours atten-
dus ne s'étant point présentés, laKhatoun fit offrir de nouveaux
cadeaux, en demandant une prolongation de sept jours.
Les tribus Turkes arrivèrent et firent leur jonction avec les
troupes de Boukhara. De nombreux combats furent livrés;
dans le dernier, les Musulmans mirent les Turks en déroute,
en tuèrent et en firent prisonniers un grand nombre. Une
énorme quantité d'armes, de vêtements, d'objets en or ou en
argent furent le partage des vainqueurs. Une botte ornée de
plaques en or incrustées de pierres précieuses, et un bas tissé
en or, appartenant à la Khatoun, tombèrent aux mains des
Musulmans. La valeur de ces objets fiit estimée à la somme de
vingt mille dirhem.
La Khatoun se réfugia dans la citadelle. Oubeïd ouUah fit
couper les arbres et mettre au pillage les villages de la banlieue.
Redoutant le même sort pour Boukhara, la Khatoun offrit de
faire sa soumission et de conclure la paix. Elle lui fiit accordée
moyennant le paiement d'une somme d'un million de dirhem,
et Oubeïd ouUah s'éloigna, chargé de butin et emmenant avec
lui les quatre mille prisonniers qu'il s'était attribués.
Il fiit destitué du gouvernement général du Khorassan en
Tannée 56 (ôyS). Son successeur, Sayd ibn Osman, franchit le
Djihoun et se présenta devant Boukhara. La Khatoun lui en-
voya un ambassadeur, pour lui exposer qu'elle observait les
conditions de la paix conclue avec Oubeïd ouUah ibn Zyad, et
pour lui offrir en présent une somme d'argent considérable.
Tout à coup, elle apprit l'arrivée d'une armée de cent vingt
mille hommes, composée de soldats du Soghd, de Nakhcheb et
de Kech. Elle se repentit d'avoir fait acte de soumission et
d'avoir payé tribut à Sayd. Les Musulmans s'apprêtaient à
livrer bataille aux infidèles, quand ceux-ci, saisis d'une terreur
panique, prirent la fuite sans combat. La Khatoun dut subir les
conditions du vainqueur, payer un tribut plus considérable et li-
vrer, comme otages, quatre-vingts personnages de marque qui
264 RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAHEZM
devaient garantir à Sayd la sécurité du retour, lorsqu'il revien-
drait de Samarqand, contre laquelle il entreprenait une expé-
dition. Rentré à Boukhara, Sayd étant tombé malade, séjourna
pendant quelque temps dans celte ville. Il fut séduit par la
beauté de la Khaioun et ses amours servirent de sujet à des
chansons qui furent composées à cette époque.
Qouteïbah, fils de Mouslim , investi par Hedjdjadj du gou-
vernement du Khorassan, rétablit l'ordre dans cette province
et se rendit maître du Tliakharistan. 11 passa le Djihoun en
Tannée 88 '706). Les habitants de Bikend, instruits de son ap-
proche, fortifièrent leur ville. Le siège en fut des plus pénibles
et, pendant cinquante jours, les assiégés repoussèrent les atta-
ques des Musulmans, Qouteïbah fit jouer une mine qui ouvrit
une brèche dans la muraille. Au moment de donner l'assaut,
Qouteïbah fit proclamer qu'il payerait le prix du sang à ceux qui
y monteraient et il promit de donner la même somme aux en-
fants de ceux qui viendraient à succomber. La ville fut empor-
tée et les habitants demandèrent quartier. Qouteïbah le leur ac-
corda et les frappa d'un tribut. Werqa ibn Nasr el Bahily fut
établi comme gouverneur militaire, Qouteïbah se dirigea alors
vers Boukhara; mais, arrivé à Khenboun, il apprit que les ha-
bitants de Bikend s'étaient soulevés et avaient tué Werqa. Celui-
ci avait, lui-même, provoqué cette révolte en enlevant, à un
habitant de la ville, ses deux filles qui étaient d'une beauté re-
marquable. « Bikendjluiavait dit leur père, estune grande ville;
tu n'as donc pu ytrouverd'aulresfcmmesquemes deux filles? »
Werqa ne lui ayant pas répondu, il s'était précipité sur lui et lui
avait porté un coup de couteau dans la région du nombril. La
blessure ne fut pas mortelle et Werqa se rétablit promptement.
En apprenant cette nouvelle, Qouteïbah revint sur ses pas. Tous
les habitants de Bikend, en état de porter les armes , furent
passés au fil de Tépée; les autres furent réduits en esclavage.
Bikend fut entièrement dépeuplée et ruinée. Un grand nom-
bre des habitants, qui se livraient au négoce, s'étaient rendus
en Chine et dans d'autres pays, pour les besoins de leur com-
APPENDICE 265
merce. À leur retour, ils rachetèrent leurs femmes et leurs
enfants et il s'établirent de nouveau dans la ville qui recouvra
son ancienne prospérité.
Après la prise de Bikend, Qouteïbah marcha sur Khenboun :
de nombreux engagements eurent lieu dans les environs de
cette localité. Khenboun^ Tarab et beaucoup d'autres villages
tombèrent au pouvoir de Qouteïbah, qui se dirigea alors sur
Werdanèh. Ce district était gouverné par un prince qui portait
le titre de Werdan Khouda ; il mourut et Qouteïbah s'empara
de ses domaines. Mais les ennemis se réunirent en grand nom-
bre entre Werdanèh, Tarab et Ramin et entourèrent Qouteïbah.
Therkhoun, prince du Soghd, HenekKhouda et Werdan Khouda
avec leurs troupes se joignirent à eux. Ils avaient pris à leur
solde Gour Neghanoun, neveu de l'Empereur de Chine, qui
leur avait amené quarante mille hommes de renfort.
La jonction de tous ces corps de troupes rendit la situation
de Qouteïbah très-difficile : ses soldats manquaient d'armes.
II fit vœu de ne point les laisser se débarrasser de celles qu'ils
avaient et quitter le camp. Les armes y atteignirent un prix
élevé : une lance valut cinquante dirhem , un bouclier , cin-
quante ou soixante, et une cotte de mailles, sept cents.
Au moment de livrer une bataille qui devait être décisive,
Haiyan Nabathy dit à Qouteïbah ; c Je pense qu'il est utile
de laisser aux officiers la ■ disposition d'une journée , avant
d'engager le combat. » Le lendemain, Haiyan Nabathy en-
voya un messager au prince du Soghd pour lui faire savoir qu'il
avait un conseil à lui donner, et qu'il était indispensable qu'ils
eussent une entrevue. Therkhoun l'accepta et demanda à quel
moment elle pourrait avoir lieu. « Lorsque les troupes en se-
ront venues aux mains, répondit Haiyan, et lorsque la bataille
sera vigoureusement engagée. » Voici comment les choses se
passèrent : au plus fort de l'action, Haiyan alla trouver Ther-
khoun et lui dit : « Tu vas perdre la souveraineté et tu l'igno-
res! » « Et comment? » demanda ce dernier. « Nous ne
pouvons rester ici, reprit Haiyan, que pendant le temps des
266 UELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
chaleurs. Le froid vient d'arriver et il nous oblige à nous
éloigner. Tant que nous serons ici, les Turks seront occupés
à nous combattre ; mais, lorsque nous serons partis, ils f atta-
queront. Le Soghd est un pays délicieux et on n'en trouve
point, dans le monde, un seul qui réunisse autant d'agré-
ments. Les Turks s'en empareront et ne retourneront plus
dans le Turkestan ; tu seras la proie de l'infortune et ton royaume
te sera ravi. » — « Que faut-il faire? » demanda Therkhoun.
« Conclure la paix avec Qouteïbah, répondit Haiyan, lui payer
un tribut et faire savoir aux Turks qu'un puissant secours de
troupes envoyées par Hedjdjadj à Qouteïbah , arrive par la
route de Kech et de Nakhcheb. Tu leur diras, ajouta Haiyan,
que tu te retires, afin qu'ils battent aussi en retraite. Lorsque tu
auras fait la paix avec nous, que nous serons liés par un pacte,
nous te traiterons avec égards et tu échapperas au malheur
qui te menace. » — « Tu m'as donné un conseil salutaire,
répartit Therkhoun et je le suivrai. Je me retirerai cette
nuit même. > En effet, Therkhoun envoya un messager à
Qouteïbah pour régler les conditions de la paix et verser entre
ses mains, à titre de tribut, une somme de deux mille dirhem ;
puis, il fit sonner les trompettes et se mit en marche.
Les Dèhqan et les officiers de son armée lui demandèrent
le mobile de sa détermination. « Tenez- vous sur vos gardes,
leur répondit-il, et usez de toutes sortes de précautions;
Hedjdjadj a expédié à Qouteïbah des troupes qui arrivent
par la route de Kech et de Nakhcheb. Elles ont la mission
de nous cerner. Je retourne dans mon pays. » Gour Negha-
noun , de son côté , fit demander à Therkhoun le motif de
sa conduite. Quand il l'eut appris , il fit aussi sonner la re-
traite et il se retira en ravageant et en pillant le pays sur son
passage.
Dieu éloigna des Musulmans la catastrophe qui les menaçait.
Qouteïbah était resté quatre mois entouré par l'ennemi. Pen-
dant ce laps de temps, Hedjdjadj n'avait reçu de lui aucune
nouvelle et son esprit était assiégé par les plus cruelles appré-
APPENDICE 267
hensions. Dans toutes les mosquées, on récitait le Qoran, on
faisait des vœux et des prières publiques pour la délivrance de
Qouteïbah.
Après un succès aussi décisif, Qouteïbah marcha contre Bou-
khara pour Id quatrième fois, et il en prit définitivement pos-
session : la moitié des maisons de la ville et des propriétés
rurales fut attribuée à ses soldats. L'impôt à payer fut fixé
au chiflfre de deux cent mille dirhem qui devaient être versés,
chaque année, dans le trésor du Khalife, plus dix mille dirhem
destinés au gouverneur général du Khorassan. Les paysans
des environs de Boukhara furent, en outre, astreints à fournir
aux Arabes le bois et les fourrages qui leur étaient nécessaires.
Pendant les premières expéditions, les habitants de Boukhara
feignaient, en présence des Arabes, de pratiquer Tlslamisme,
mais, après leur départ, ils retournaient aux pratiques de leur
ancien culte.
Qouteïbah leur imposa l'Islamisme et il donna aux Arabes,
établis dans la ville, la mission de surveiller la conduite de
leurs nouveaux coreligionnaires et de signaler toutes leurs in-
fractions à la loi religieuse.
Nerchakhy nous fournit, dans son histoire, quelques détails
sur les Boukhar Khouda qui paraissent avoir exercé l'autorité
civile sur Boukhara. Mais les renseignements que Ton trouve
dans divers passages de son ouvrage sont contradictoires et
confus. Les mêmes personnages sont désignés sous des noms
différents et les dates me semblent inexactes. Les monuments
historiques pouvant nous servir à contrôler et à rectifier le
récit de Nerchakhy ne sont point parvenus jusqu'à nous ; je
crois cependant devoir insérer ici les données éparses dans
rhistoire de Boukhara.
La Khatoun, veuve de Beydoun, mourut après la dernière
expédition de Qouteïbah ; son fils Taghchadèh, qui eut, après
elle, le titre de Boukhar Khouda, était jeune, sans expérience
et entouré d'ennemis. Qouteïbah le prit sous sa protection,
réduisit ses ennemis à l'impuissance et aflfermit l'autorité entre
268 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
ses mains. Taghchadèh fit profession de foi à l'Islamisme en-
tre les mains de Qouteïbah, mais sa conversion ne paraît
pas avoir été bien sincère. Il fut assassiné à Samarqand^ où
il était allé voir le gouverneur général du Khorassan, Nasr
ibn Seîyar, dans les circonstances suivantes :
En Tannée i56 (772), Essed ibn Abdillah mourut à Merv.
Le Khalife Hicham^ fils d'Abd el Melik^ fils de Merwan^ donna
rinvestiture du gouvernement du Khorassan à Nasr ibn Seiyar,
qui se rendit dans la Transoxiane pour faire une expédition
contre les Turks; il les battit^ les dispersa et s^empara
de Ferghanèh. Il revint ensuite à Samarqand où Taghchadèh
Boukhar Khouda alla le trouver. Nasr qui avait demandé
sa fille en mariage laccueillit avec les plus grands honneurs
et lui témoigna la plus haute considération. Nasr ibn Seiyar,
lorsqu'il reçut la visite de Taghchadèh^ était assis à la porte de
sa tente. On était au mois de Ramazan et le soleil était sur le
point de se coucher; ces deux personnages causaient ensemble^
lorsque deux Dèhqan de Boukhara, parents du Taghchadèh, et
dont Nasr ibn Seiyar avait reçu la profession de foi à l'Islamisme,
se présentèrent devant lui pour se plaindre de Taghchadèh qui
s'était, disaient-ils, emparé violemment de leurs villages. Ils ré-
clamèrent aussi justice contre Wacil ibn Amrou, gouverneur mi-
litaire, qui, selon eux, faisait cause commune avec le Boukhar
Khouda pour dépouiller les gens de leurs biens. Taghchadèh
s'entretenait, en ce moment, à voix basse avec Nasr ibn Seiyar.
Les deux Dèhqan s'imaginèrent qu'il demandait leur mort et
ils prirent, après s'être concertés, la résolution de le tuer,
Taghchadèh faisait remarquer à TEmir Nasr que ces deux per-
sonnages qui avaient embrassé l'Islamisme par ses soins, por-
taient des poignards à leur ceinture. Nasr leur demanda pour-
quoi ils étaient ainsi armés. « C'est, répondirent -ils, parce que
nous soipmes les ennemis de Taghchadèh, qui ne nous inspire
aucune confiance pour notre sûreté. » Nasr ibn Seiyar leur témoi-
gna son mécontentement et donna à Haroun, fils de Siavech,
Tordre de leur enlever leurs poignards* Les Dèhqan s'éloi-
APPENDICE 269
gnèrent. Nasr se leva alors ^pour faire la prière à la tête des
Musulmans qui l'entouraient.
1 aghchadèh, qui pratiquait encore secrètement Tidolâtrie,
demeura assis sur son siège. Nasr, après avoir achevé sa
prière, rentra dans sa tente et invita Taghchadèh à le suivre.
Celui-ci avait à peine posé le pied sur le seuil qu'un des
Dèhqan se précipita sur lui et lui plongea son couteau dans
le ventre. L'autre s'élança sur Wacil ibn Amrou qui n'avait
point encore achevé sa prière et il le frappa également d'un
coup de couteau. Wacil qui avait vu son mouvement eut le
temps de tirer son sabre et de lui en asséner un coup sur la tête.
Tous deux tombèrent morts. Nasr ibn Seiyar fit immédia-
tement tuer le Dèhqan qui avait frappé Taghchadèh; il fit
transporter ce dernier dans sa tente et étendre sur son lit. Les
médecins appelés en hâte ne purent le sauver, et il succomba
au bout d'une heure, après avoir fait connaître ses derniè-
res volontés.
Les serviteurs de Taghchadèh réclamèrent son corps : ils
détachèrent les chairs de ses os qu'ils transportèrent à Bou-
khara» Son fils Bêcher fut investi de la dignité de Boukhar
Khouda et Kalid ibn Djouneïd succéda à Wacil comme gou-
verneur militaire. Taghchadèh avait exercé le pouvoir pen-
dant trente-deux ans.
Taghchadèh avait eu, après sa conversion à l'Islamisme, un
fils auquel il avait donné le nom de Qouteïbah par affection
pour ce dernier. Ce fils gouverna Boukhara après la mort de
son père. Après avoir pratiqué Tlslamisme, il apostasia secrète-
ment. Informé de ce fait, Abou Mouslim le fit mettre à mort,
lui et ses serviteurs. 11 fut remplacé par son frère Beniyat
qui suivit, pendant quelque temps, les préceptes de l'isla-
misme. Mais, à Tépoque où Mouqannah proclama sa mis-
sion, et lorsque les Sefid Djamègan parurent dans les
environs de Boukhara, Beniyat embrassa leurs doctrines et
leur prêta aide et assistance. Ces faits furent portés à la con-
naissance du Khalife Mehdy par le chef de la police. Lors-
272 RELATION DK L AMBASSADE AU KHAREZM
toun et père de Taghchadèh, devint souverain de Boukhara^ il
la fit relever et il construisit dans Tintérieur un grand palais.
Au-dessus de la porte^ il fit fixer solidement une plaque de
fer qui portait son nom. Cette plaque existait encore à Tépo-
que où écrivait Mohammed ibn Zoufer. Aboul Hassan Ni-
cbaboury dit que ce palais, bâti par Beydoun Boukhar Khou-
da, s'écroula à plusieurs reprises, et qull fut chaque fois recons-
truit. Pour conjurer un nouveau malheur^ on réunit des savants
qui furent d*avis de le réédifier en lui donnant la configuration
de la constellation de la grande Ourse et en le faisant soutenir
par sept piliers.
Cet expédient le préserva de tout accident. Depuis sa re-
construction, on constata encore une particularité singulière.
Aucun des souverains qui ont établi leur résidence dans ce
château n'a jamais éprouvé de défaites, et ils ont tous constam-
ment été victorieux. Autre fait extraordinaire : aucun prince n'y
est mort, ni au temps de Tidolâtrie ni pendant Flslamisme. Lors-
que l'heure de la mort approchait pour l'un d'eux, il survenait
une circonstance qui le forçait à s'éloigner, et il allait rendre
ailleurs le dernier soupir. Les choses se sont toujours passées
ainsi, depuis le jour où ce château a été construit, jusqu'au jour
où il a été détruit.
La citadelle a deux portes dont Tune s'ouvre à l'orient et
l'autre à l'occident. Celle-ci porte le nom de porte du Riguis-
tan, celle-là s'appelle porte des Ghoury (Derpa\èhi Ghou-
rian).
Le nom de la première porte a été, du temps de Mohammed
ibn Zoufer, changé en celui de porte des marchands de four-
rages (Deri alef foiirouchan). Un chemin en droite ligne relie
ces deux portes entre elles. La citadelle a été, depuis les temps
les plus anciens, la résidence des souverains, des Emirs (gou-
verneurs militaires) et celle des grands officiers. Elle renfermait
la prison, les bureaux des princes, le palais où ils demeuraient,
le harem et le trésor.
A Tépoque de Mohammed ibn Zoufer, cette citadelle était
APPENDICE 273
en ruines; mais^ quelques années plus tard^ Arslan Khan la fit
reconstruire ; il y fixa sa résidence et, pour y assurer le bon
ordre, il y établit comme gouverneur un Emir d'un rang élevé.
Le peuple avait pour cette citadelle un respect tout particulier.
Lorsque le Kharezm Chah entra à Boukhara dans le courant
de Tannée 534 (nSg), FEmir Zenguy Aly Khalifèh en était le
gouverneur au nom du Sultan Sindjar. Le Kharezm Chah le
fit prisonnier et le mit à mort. La citadelle fut alors démolie.
Elle resta en ruines pendant deux ans; en 536 (i 141), Alp Te-
kin^ nommé gouverneur de Boukhara par Gour Khan, donna
l'ordre de la reconstruire, et il y établit sa résidence.
En 538 (1143), les Ghouzz se présentèrent devant Boukhara
et y assiégèrent Aïn oud Daoulè]i Qaradjèh Bek et le Vézir Che-
hab oud Din ; après de violenta assauts et de rudes combats^
les Ghouzz se rendirent maîtrei de la citadelle^ la rasèrent et
mirent à mort le Vézir Chehabloud Din! Elle resta en ruines
jusqu'à l'année 56o (1164). Ajcette époque^ on résolut de
construire un faubourg qui devait être entouré d'une niu-
raille de briques cuites. On employa à cette construction
les matériaux dont étaient bâtis les murs et les tours de la
citadelle. U ne resta alors aucun vestige ni de la citadelle ni
du palais. En 604 (1207), le Kharezm Chah Mohammed, fils de
Sultan Tekich, s'empara de Boukhara et fit reconstruire la cita-
delle. En 616 (12 19), elle fut prise, après douze jours de siège,
par les Tatars commandés par Djenguiz Khan, et complè-
tement rasée.
La grande mosquée de Boukhara.
Qouteïbah ibn Mouslim construisit, en l'année 94 (712),
la grande mosquée dans l'intérieur de la citadelle de Boukhara,
sur l'emplacement d'un temple consacré à l'idolâtrie.
Tous les habitants furent astreints, par un cri public, à se
rendre tous les vendredis à la grande mosquée pour assister à
la prière. Chaque habitant pauvre recevait, à cet effet, deux
18
274 RELATION DE L AMBASSADE AU KHARËZM
dirhem. Les Boukhares qui , dans les premiers temps de lls-
kmisme, ne pouvaient comprendre l'arabe, récitaient en per-
san les prières et les chapitres du Qoran. Lorsque les fidèles
devaient s'incliner, un homme placé derrière l'assistance disait
à haute voix : Neguméta Neguinet, et, lorsqu'ils devaient se
prosterner la face contre terre, il criait : Nigout^a, Nigouity '.
Mohammed ibn Djafer dit avoir vu sculptées, sur les portes
de la grande mosquée, des représentations de personnages
dont la figure avait été efTacée, maïs dont le reste avait été res-
pecté. Ces portes provenaient des habitations de plaisance des
environs de Boukhara. C'étaient des demeures occupées par des
gens riches qui n'avaient aucune sympathie pour l'Islamisme.
Les pauvres seuls allaient, le vendredi , à la mosquée pour y re-
cevoir les deux dirhem qu'on leur donnait.
Un vendredi^ les Musulmans se portèrent dans le quartier
des riches pour en inviter les habitants à se rendre à la prière ;
ceux-ci refusèrent; les Musuknans insistèrent, ils furent re-
poussés à coups de pierres lancées du haut des terrasses et il
s'ensuivit une échauffourée. Les Musulmans vainqueurs ar-
rachèrent les portes des maisons, les transportèrent dans la
ville et les placèrent dans la grande mosquée, après avoir fait
disparaître les figures des idoles que l'on y avait fait sculpter.
Lorsque l'Islamisme se fut définitivement établi à Boukhara
et que le nombre de ses adhérents se fut considérablement aug-
menté, la grande mosquée de Qouteïbah ne fut plus assez vaste
pour contenir tous les fidèles. Les habitants s'associèrent, sous
l'administration de Fadhl ibn Yahya le Barmécide, Emir du
Khorassan au nom du Khalife Haroun er Rechid, et ils bâtirent,
en l'année 17g (7g5), une grande mosquée sur im terrain situé
entre la ville et la forteresse. Fadhl ibn Yahya affecta à sa cons-
truction des sommes considérables. L'ancienne mosquée de
Qputeïbah fiit abandonnée, et on y établit les bureaux de la
t. Ces mois sont persans d'origine. L'ancien verbe iieguiiiiden veut dire éire rond,
se courber, s'incliner; il n'en reste plus aujourd'hui de (race que dans le substantif n«-
Ifuiii, anneau, bague. Sigounideii ei iiifjDuhiden signifient fire la xixa en bas.
APPENDICE 275
perception des impôts. L'Emir Ismayl le Samanide acheta un
grand nombre de maisons et agrandit cette mosquée d'un tiers.
Sous le règne de TEmir Sayd, fils de Mohammed, fils d'Ismayl,
la mosquée s'écroula subitement, un vendredi du mois de Ra-
mazan, pendant que le peuple y était réuni. Un grand nombre
de gens furent tués sur le coup ; ceux qui furent retirés de
dessous les décombres avaient les bras et les jambes brisés^
et ils ne tardèrent pas à succomber. Le deuil fut universel dans
la ville qui fut à peu près dépeuplée. Cependant, grâce aux se-
cours du gouvernement et à la bonne volonté des fidèles, la
mosquée fut reconstruite dans l'espace d'un an. L'année sui-
vante, les deux côtés du Qiblèh s'écroulèrent; mais, à ce
moment, la mosquée était déserte, et personne ne perdit la
vie.
1^ minaret de la mosquée fut construit dans l'espace de
cinq ans par Oubeïd ouUah ibn el Haiyany, Vézir de l'Emir en
l'année 3o6 (918) et la dépense en fut faite sur ses revenus parti-
culiers. Le sommet était couvert en bois. Pendant les combats
livrés par Chems oui Moulk Nasr ibn Ibrahim, des matières
incendiaires furent lancées du château sur le minaret pour en
déloger les archers qui inquiétaient les soldats renfermés dans
la citadelle. Le haut prit feu et des tisons enflammés tombè-
rent dans l'intérieur de la mosquée qui fut entièrement con-
sumée (460 — 1067).
Chems oui Moulk, devenu maître de Boukhara, la fit recons-
truire ; le sommet du minaret fut rebâti en briques cuites et on
creusa un large fossé pour séparer la mosquée de la citadelle.
Les fonctionnaires et les gens riches contribuèrent à l'envi à cette
reconstruction qui fut terminée dans l'espace d'une année. Le
maqçourèh, le minber et le mihrab furent fabriqués et ornés de
sculptures à Samarqand et apportés ensuite à Boukhara. Arslan
Khan Mohammed ibn Souleyman, voulant éviter les accidents
qui s'étaient produits du temps de Chems oui Moulk, résolut de
faire reconstruire la grande mosquée à une plus grande distance
de la citadelle. Il acheta un nombre considérable de maisons
27(3 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
dans rintérieur de la ville et il fit bâtir la mosquée sur leur
emplacement. Le minaret qui s'élevait à côté de Fanciemie
mosquée fut abattu, pour être réédifié à côté de la nouvelle. II
était de la plus grande élégance, couvert d^omements, et il
n'avait point son pareil. La construction en était à peu près
achevée et le faîte était posé, lorsqu'une influence maligne le fit
écrouler^ et, dans sa chute, il détruisit le tiers de la mosquée
et brisa les poutres couvertes de peintures ainsi que les ouvra-
ges de menuiserie. Arslan Khan la fit immédiatement recons*
traire^ et relever le minaret qui fut bâti en briques cuites. La
mosquée d* Arslan Khan fut achevée en Tannée 5 1 5 (i 121) et les
dépenses de sa construction furent prélevées sur les revenus
particuliers de ce prince.
Il y a dans la mosquée cinq chapelles intérieures : les deux
qui se trouvent du côté de la ville sont , ainsi que le mina-
ret, l'œuvre d'Arslan Khan. La grande chapelle et le maq-
çourèh sont dus à Chems oui Moulk. Au milieu s'élèvent les
deux autres chapelles^ celle qui est la plus rapprochée de la ci-
tadelle date du règne de TEmir Ismayl le Samanide qui la
construisit en Tannée 290 (902), Tautre qui donne sur le palais
du gouverneur général du Khorassan a été bâtie par TEmir
Hamid Nouh ibn Nasr bin Ismayl en 340 (95 1).
Le Mouçalla de Boukhara '.
Qouteïbah, après avoir construit la grande mosquée dans
Tintérieur de la citadelle^ établit le Mouçalla à Textérieur de la
ville^ dans Tendroit qui a reçu le nom de Riguistan. Llslamisme
n'étant point encore solidement établi à Boukhara et les infidè-
les n'inspirant aucune confiance^ Qouteïbah donna Tordre aux
Musulmans de se rendre armés au Mouçalla.
I. Le Mouçalla est un emplacement entoure de murs et généralement situé hors de
la ville, où toute la population musulmane se rend pour assister à la prière de la fête
de la rupture du jeûne et ù celle de la féie des sacrifices.
APPENDICE 277
Cet usage a été conservé depuis comme une tradition reli-
gieuse
On y fit la prière des fêtes jusqu'à Tépoque de TEmir Man-
çour ibn Nouh, fils deNasr (35i-366 A. H., A. D. 962-976).
Celui-ci acheta à grand prix des maisons et des jardins situés
sur la route de Semetin et il dépensa des sommes considérables
pour y établir un Mouçalla. Il fit construire un minber et un
mihrab d'une grande beauté et il fit élever des tours pour servir
à l'appel de la prière.
Le Mouçalla était à la distance d'un demi-ferseng de la
porte de la citadelle et la foule y était considérable. On y fit la
prière depuis l'année 36o (970) jusqu'à l'époque d'Arslan Khan
(495-1 loi), qui affecta pour l'établissement du Mouçalla rem-
placement de Chems Abad, ancienne propriété royale située
près de la porte d'Ibrahim, dont les constructions étaient tom-
bées en ruines et dont les terres avaient été mises en cul-
ture. Il le rapprocha de la ville pour épargner une grande
fatigue aux fidèles et les mettre, en cas de guerre, à Tabri d'un
coup de main. Le Mouçalla fut alors entouré d'une enceinte
formée par une haute muraille : on construisit dans Tinté-
rieur un minber et un mihrab en briques cuites et on y éleva
également des tours pour servir à l'appel de la prière. Ce Mou-
çalla fut achevé en Tannée 5i3 (i 1 19).
Muraille de Boukhara, vulgairement appelée Kounsserek.
Le Khalife Mehdy confia le gouvernement du Khorassan à
l'Emir Aboul Abbas ibn el Fadhl bin Souleyman de Thous
qui arriva en 166 (782) à Merv et y établit sa résidence. Il reçut
dans cette ville la visite de tous les grands personnages et de
tous les notables du Khorassan. Ceux du Soghd se rendirent
aussi auprès de lui, pour lui présenter leurs hommages. L'E-
mir s'enquit de la situation de leur pays. « Nous avons à souf-
frir, dirent-ils, des Turks idolâtres. Ils font des incursions con-
278 RE[.ATION DE L'aMBASSAOE AU KHAREZM
tinuelles, et pillent nos villages; tout dernièrement encore, ils
ont saccagé le village de Samedoun et ils ont emmené des Mu-
sulmans en captivité. » — ■ Avez-vous,reprit!'Emir, un moyen
de porter remède à cette situation; j'en ordonnerai l'exécution. ■
Yezid, fils de Ghourek, était présent à l'entrevue : » Que la du-
réede la vie de l'Emir soit éternelle ! dit-il. Dans les temps an-
ciens, à l'époque de l'idolâtrie, les Turks livraient leSoghd au
pillage. Une femme le gouvernait alors; elle fit élever un mur
fortifié et le Soghd n'eut plus à redouter les invasions des Turks. »
L'Emir donna l'ordre à Mouhtedyibn Hammad binAmrou ed
Dehely, gouverneur de Boukhara, de faire construire une mu-
raille et de comprendre dans son enceinte tous les villages de la
banlieue pour assurer leur sécurité contre les attaques des Turks.
On perça des portes de distance en distance, et, à chaque demi-
mille, on éleva une tour d'une construction solide. Saad ibn
Khalif, Qadi de Boukhara surveilla les travaux qui furent achevés
à l'époque de Mohammed^ fils de Mançour, fils de Heldjid, fils
de Waraq, en l'année 2 1 5 (83o). Les gouverneurs qui se succé-
dèrent veillèrent à l'entretien de cette enceinte. On prélevait, à
cet efl'et, tous les ans des sommes considérables sur les habi-
tants de la ville. Cet impôt fut perçu jusqu'au règne de l'Emir
Ismayl qui le supprima et laissa la muraille tomber en ruines.
" Tant que je serai vivant, dit ce prince, je serai le rempart
de Boukhara. » En effet, il paya toujours de sa personne et il
ne laissa aucun ennemi pénétrer en vainqueur sur son territoire.
En 235 (849), lorsque Mohammed ibn Abdallah bin Qalhah
était gouverneur du Khorassan, Boukhara fut entourée d'une
enceinte fortifiée, flanquée de tours et qui était réparée cha-
que fois que Boukhara se trouvait menacée.
Arslan Khan fit élever une autre enceinte devant celle qui
existait; elles tombèrent toutes deux en ruines et elles furent
successivement relevées par Arslan Khan, par Messoud
Qilidj Thamghadj Khan en 56o (1164) et par le Kharezm
Chah Mohammed, fils de Sultan Tekich. Les Tatars la rasè-
rent en l'année 616 (1219).
APPENDICE 279
Le palais des rois à Boukhara.
Depuis la porte de rOccident {Deri Gharby) jusqu'à celle de
Toratoire {Deri Maabed) s'étend un terrain qui a reçu le nom
de Riguistan. C'est sur cet emplacement que Ton a élevé , de-
puis les temps les plus reculés, depuis l'époque de Tidolâtrie,
le palais des princes qui ont gouverné Boukhara.
Sous la dynastie des Samanides , TEmir Sayd , fils d'Ahmed ,
fils d'Ismayl, fils de Nouh, fit bâtir un palais somptueux pour la
construction duquel on dépensa des sommes considérables. Il
fit élever, à proximité, d'autres bâtiments destinés à renfermer
les administrations des hauts fonctionnaires de l'État, telles que
le divan du Vézir, celui du ministre des finances, le divan de TA-
myd oui Moulk, les bureaux du maître de la police, le divan du
Sahib Moueyyed, le divan de la noblesse, celui du domaine privé,
celui du Mohtessib, le divan des fondations pieuses et celui du
Qadi. A l'époque de l'Emir Rechid Amyd oui Moulk, fils deNouh,
fils de Nasr, fils d'ismayl, son Vézir Aboul Nasr Mohammed
el Outby, auteur de l'ouvrage qui porte le titre de « Yeminy » ' et
dont le tombeau se trouve dans le quartier de la porte de Man-
çour, dans le voisinage du bain du Khan, fit construire, en face
du Medressèh, une mosquée qui donna à cette place un aspect
irréprochable. L'Emir Rechid tomba de cheval et mourut des
suites de cette chute. La nuit de sa mort, ses esclaves pénétrè-
rent dans le palais et se mirent à le piller. Les femmes du prince
et les servantes allumèrent un incendie, en voulant résister
aux envahisseurs. Le palais fut entièrement brûlé, jusqu'à
ses fondements, et tous les objets précieux en or ou en
argent qui s'y trouvaient furent anéantis.
Quand l'Emir Mançour, fils de Nouh, parvint au trône, au
I. Le Tarikhi Yeminy est Thistoire de Sultan Mahmoud, fils de Sebektekin Yemin
oud Daoulèh.
28o
RELATION DE L AMBASSADE AU KHABEZM
mois de Chevval 35o (novembre 961), il donna l'ordre de cons-
truire le palais qui avait été anéanti et il y accumula des ob-
jets encore plus précieux que ceux qui avaient été détruits.
Lorsqu'il lut achevé, l'Emir s'y établît : l'année ne s'était
point écoulée que, pendant la nuit du Sour, on alluma, selon
l'usage antique, un grand feu '. Des étincelles jaillirent sur
le toit et l'embrasèrent : le palais fut entièrement consumé.
L'Emir Mançour se transporta cette nuit même à Djouy Meva-
lian, après avoir donné l'ordre de faire enlever, par des gens de
confiance, les trésors et les objets conservés dans les souterrains
et de les transporter à Djouy Mevalian. Au jour, on s'assura
que rien n'avait été perdu, à l'exception d'une tasse en or.
Le Vézir en fit faire, à ses frais, une autre du poids de sept
cents miçqal et il l'envoya au trésor.
Le Riguistan demeura une place sablonneuse et couverte
de ruines.
Les souverains continuèrent à résider à Djouy Mevalian. Cet
endroit est, en effet, le plus agréable de Boukhara à cause des
palais qui s'y élèvent, des jardins, des prairies, des vergers, des
eaux courantes qui serpentent au milieu des prés en se confon-
dant les unes avec les autres.
Un poète dit à ce sujet : « L'eau de la fontaine de Jouvence
coule au milieu de la prairie et elle s'éloigne en gémissant :
elle pleure en voyant qu'il lui faut quitter ces jardins rem-
plis de fleurs. »
L'espace qui s'étend de la porte du Riguistan jusqu'à Dech-
tek est entièrement couvert de superbes allées, de magnifiques
bassins, de caravansérails décorés de peintures, de maisons
en pierres d'une grande élévation, bâties dans de belles pro-
portions et ornées d'arabesques sculptés. Des ormes y forment
des voûtes impénétrables aux rayons du soleil.
Les allées sont plantées en arbres fruitiers de toutes sortes,
I. La nuit du Sour ou de la (été est le nom de celle qui priScède le Naurouz. L'usage
d'allumer de grands feux fiait général dans les pays de langue persane, et cette cou-
tume existe encore dans plusieurs parties de la Perse.
APPENDICE 281
nachpaty, amandiers^ pistachiers, cerisiers, jujubiers; bref
on y voit tous les arbres qui se trouvent dans le paradis.
Le village du Djouy Mevalian avait appartenu jadis à
Taghchadèh, qui en avait attribué une partie à ses enfants
et à ses gendres. L'Emir Ismayl le Samanide acheta ce villa-
ge de Hassan ibn Mohammed bin Thalout, général du Khalife
Moustaïn, fils de Moustacim. Il y fit construire des palais et
des jardins ; il affecta les revenus de la plus grande partie de
ces propriétés à des fondations pieuses. Ces domaines sont en-
core aujourd'hui des biens de main-morte.
L'Emir Ismayl était continuellement préoccupé du sort de ses
affranchis. Un jour^ dans le château de Boukhara , il portait
ses regards dans la direction de Djouy Mevalian; Sima el Kebir,
affranchi de son père et pour lequel il avait la plus vive amitié,
se tenait debout devant lui : c Fasse Dieu, lui dit l'Emir Ismayl,
que j'aie l'occasion d'acquérir ce village pour vous, et puisse
ma vie se prolonger assez longtemps pour que je vous voie
le posséder, car ce village est, des environs de Boukhara, le
plus beau, le plus agréable et celui qui jouit du climat le plus
salubre ! »
Dieu lui permit de l'acheter et il le donna à ses aflranchis.
C'est pour ce motif que le village reçut le nom de Djouy Meva-
lian (le canal ou la rivière des affranchis) que le peuple pro-
nonce Djouy Moulian. Une plaine qui porte le nom de De-
chtek s'étend à partir de la porte de la citadelle. Elle était
couverte de roseaux ; l'Emir Ismayl l'acheta aussi à Hassan
Thalout pour dix mille dirhem. La première année la récolte
des roseaux produisit cette somme.
L'Emir Ismayl affecta les revenus de Dechtek aux dépen-
ses de la grande mosquée.
La beauté du site, les charmes et les agréments de Djouy
Mevalian déterminèrent les descendants de l'Emir Ismayl à y
planter des jardins et à y construire des kiosques. Les princes
Samanides fixèrent leur séjour à Djouy Mevalian et à Kareki Ale-
vyan jusqu'à la chute de leur dynastie. Puis les palais tombèrent
282 RKLATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
en ruines et la résidence officielle fut de nouveau établie dans
le château de Boukhara, jusqu'à l*époque de Chems oui Moulk
NasT ibn Ibrahim ben Thamghadj Khan qui habita Chems
Abad.
Le Ba^ar de Makh.
Ce marché se tenait deux fois par an, et chaque fois^ il s*y
faisait des transactions pour la somme de cinquante mille
dirhem. On y vendait des statuettes d*idoles. Ce marché
existait encore à Tépoque de Mohammed ibn Djafer qui ques-
tionna, ù ce sujet, les vieillards et les notables de Boukhara.
Ceux-ci lui répondirent que ce marché était fort ancien; qu'au-
trefois les habitants de Ek>ukhara étaient idolâtres et que c*était
U\ que l 'on vendait les figures de dieux.
Aboul Hassan de Nichabour rapporte^ dans son « Kheiaïn
oui ouloum, » qu'un roi^ portant le nom de Makh^ régna jadis à
Boukhara. Il ordonna aux ouvriers en bois et aux peintres de fa-
briquer un certain nombre d*idoles que Ton exposait en vente
dans ce marché, i\ des jours déterminés. Ceux dont les idoles
avaient été perdues ou endommagées y venaient en acheter
d'autres.
L'endroit où s*éléve aujourd'hui la mosquée de Makh, sur
le bord de la rivière, était une plaine couverte d'arbres^ à
lombre desquels on tenait le marché que le roi présidait lui-
mèmcj assis sur son trône.
On éleva ensuite, sur cet emplacement, un pyrée qui était
fréquenté, le jour du marché, par la population. Les gens
y entraient , adoraient le feu^ se livraient à ieiu^ achats et
retournaient chez eux. Ce pyrée a subsisté jusqu^à Tépoque
où rislamisme fut prédominant à Boukhara. On le convertit
en une mosquée qui est une de celles qui jouissent de la plus
grande vénération.
APPENDICE 283
La fabrique de tissus (Beit outh Thirai) qui existait et existe
encore aujourd'hui à Boukhara,
Boukhara possédait une fabrique de tissus située entre la
citadelle et la ville^ à proximité de la grande mosquée. On y
fabriquait des tapis, des tentes, des Vendis, des coussins et des
tapis de prières, de couleur vert-clair, qui étaient réservés pour
l'usage du Khalife, Les impôts de Boukhara servaient à payer
la confection d'une seule grande tente. Tous les ans, un fonc-
tionnaire spécialement désigné arrivait à Boukhara et empor-
tait des tissus pour une somme équivalente à celle des impôts.
Le travail cessa dans cette fabrique et les ouvriers qui y
étaient employés se dispersèrent et allèrent s'établir dans les
villes du Khorassan. Les marchands y venaient acheter les
étoffes fabriquées là, ainsi que le Zendpitchy ' et ils les por-
taient en Egypte, en Syrie et dans les villes de l'Asie Mineure.
Un fait est à noter pour sa singularité : bien que ces étoffes
lussent fabriquées avec les mêmes procédés que ceux qui
étaient employés à Boukhara, elles n'avaient ni le lustre ni
l'éclat qu'on leur donnait dans cette ville. Il n'y avait ni roi ni
émir, ni ministre, ni haut fonctionnaire qui n'en possédât. On
en fabriquait de rouges, de blanches et de vertes. Aujourd'hui^
le Zendpitchy est plus connu dans tous les pays.
I. Le Zendpitchy est une mousseline très fine et de couleur blanche. Les Guëbres en-
roulaient autour de leur tête une pièce de Zendpitchy, lorsqu'ils faisaient la lecture de
leurs livres sacrés et c'est à cet usage que cette éto(Te doit son noni (Zend et pitchy-
den, rouler, enrouler).
Les poètes persans du moyen âge comparent la neige au Zendpitchy.
V
MOUQANNAH
LES historiens musulmans sont, en général, fort sobres de
détails sur la mission religieuse que s'était attribuée Mou-
qannah, et sur les troubles que ses prédications et celles de ses
missionnaires excitèrent dans l'Asie centrale.
Thabary ne donne que peu de renseignements sur cet impos-
teur. Ibn el Athir se contente de dire qu'il professait la doctrine
de la métempsycose; qu'il prétendait être une incarnation de
la Divinité qui s'était^ avant lui, manifestée dans le corps
d'Adam et, en dernier lieu, dans celui d'Abou Mouslim ; qu'il
séduisit les populations et leur fit abandonner les croyances de
l'Islam ; qu'il recruta de nombreux partisans parmi les Turks
idolâtres; et, enfin, que le cri de guerre de ses soldats était :
O Hachim, sois-nous en aide!
Les annalistes persans Hafiz Abrou, Mirkhond, Khondemir
ne font que reproduire, sans y rien ajouter, les renseignements
donnés par les auteurs que je viens de citer.
Il semble que les historiens musulmans aient répugné à parler
des anciennes croyances persanes et indiennes, qui avaient en-
core de profondes racines dans Tesprit des peuples du Khorassan
et de la Transoxiane.
La révolte de Mouqannah mit en péril, dans la Transoxiane,
l'autorité du Khalife Mehdy, et les plus gpands efforts furent
286 UKI.ATION DE L*AMBASSADE AU KHAREZM
faits par ce prince pour anéantir une secte qui menaçait de dé-
truire son pouvoir dans toute l'Asie centrale.
Abou Bekr Mohammed Nerchakhy a consacré à Mouqamiah^
dans son « Histoire de Boukhara , » un chapitre assez étendu.
Il s'appuie sur le témoignage d'un certain Ibrahim qui^
sous le titre de « Akhbar Mouqannah » avait composé une
histoire de cet imposteur. Ce document ne nous est pas par-
venu.
Il ne m'a pas paru inutile de donner ici la traduction du récit
d'Abou Bekr Nerchakhy : il renferme des détails curieux qui
donnent une idée exacte de l'état de la Transoxiane^ à la fin du
W siècle de l'hégire, et je me plais à espérer quïls offriront
quelque intérêt au lecteur.
Je dois d'abord donner l'explication du surnom de c Lune de
Nakhcheb » ou de c faiseur de lune de Nakhcheb > donné à
Mouqannah.
Qazwiny rapporte " qu'il avait, dans cette ' ville, creusé,
selon les règles de la géométrie, un puits, duquel il semblait
faire sortir une lune, et que l'on accourait de toutes parts pour
être témoin de ce prodige. Le vulgaire y voyait une œuvre sur-
naturelle, mais ce résultat était obtenu au moyen d'un grand
bassin rempli de mercure qui renvoyait au loin l'éclat des
rayons qui venaient s'y refléter. Ce fait causa un étonnement
général; on y fît allusion dans des poésies; il donna naissance
à des proverbes et on le cita dans les entretiens littéraires.
Ibrahim, auteur des « Akhbar Mouqannah > et Mohammed
ibn Djerir Thabary disent que Mouqannah reçut le jour à
Kazèh, village de la banlieue de Merv. Son nom était Hachim,
fils de Hekim.
« Il exerça, d'abord, le métier de blanchisssur de toiles
(Kaierguery). 11 se livra ensuite à l'étude et acquit les connais-
sances les plus variées. Il devint habile dans la pratique de la
(i) Açar oui bilad, Cosmographie de Zekevya ibn Mohammed el Qazwiny, publié
par M. Wustenfeld. Goettingue, 1848, page 3 12,
APPENDICE 287
magie blanche^ de la sorcellerie et dans lart des incantations.
Il eut la prétention de se faire passer pour prophète. Il périt en
Tan 167 (783) sous le règne du Khalife Mehdy, fils de
Mançour.
€ Mouqannah était un homme d'un esprit délié et plein de
ruses; il avait lu un grand nombre des livres de sciences de
l'antiquité et il était très-versé dans la connaissance des choses
surnaturelles.
€ Hekim, son père, était originaire de Balkh, et il avait servi
comme officier dans les troupes de l'Emir Abou Djafer
Dewaniqy, gouverneur général du Khorassan.
« Mouqannah était d'un aspect repoussant; il était teigneux
et borgne. L'habitude qu'il avait de se couvrir le visage d'un
Aoile vert (Miqna'ah) pour cacher sa laideur lui fit donner le
sumom sous lequel il est connu. Il avait été lui-même au ser-
vice militaire, dans l'armée du Khorassan, sous les ordres du
Vézir Abdoul Djebbar, à l'époque d'Abou Mouslim *. Il se.
donna comme prophète; Abou Djafer Dewaniqy le fit arrêter
et l'envoya à Bagdad où il resta en prison pendant quelques
années. Il fut, à la fin, élargi et il retourna à Merv, où il réunit
autour de lui un certain nombre de gens.
€ Savez- vous qui je suis? demandait-il.
— Tu es, lui répondait-on, Hachim,filsde Hékim. »
— Vous êtes dans Terreur, disait-il; je suis votre Dieu et le
Dieu de tout Tunivers. Je prends les noms qu'il me plaît, car je
suis celui qui s'est successivement incarné dans Adam, dans
Noé, dans Abraham, dans Moïse, dans Jésus, dans Mo-
hammed, puis dans Abou Mouslim. J'ai pris enfin la forme
sous laquelle vous me voyez aujourd'hui.
— Ceux qui t'ont précédé, lui fut-il répondu, se donnaient
comme prophètes, mais toi, tu prétends être Dieu.
— Ces prophètes, répliquait-il, étaient revêtus d'une forme
I. Abdoul Djebbar ibn Adirrahman el Azdy fut nommé gouverneur du Khorassan
«n 140. Cf. Kamilfit Tarikh d'Ibn cl Alhir, tome V, pages 38o-385-387.
288 RELATION DE l'aMBASSADE AU KHAREZM
matérielle^ mais moi^ je suis Tessence spirituelle qui les animait.
J'ai, de plus, le pouvoir de me manifester sous telle forme que
je choisis. »
« Mouqannah résidait encore à Merv quand il envoya, de
tous côtés, des missionnaires qu'il chargea de détourner les peu-
ples de leur foi. Il écrivit des lettres qu'il confia à ses émissai-
res qui devaient les répandre dans tous les pays. Elles étaient
conçues en ces termes : « Au nom du Dieu clément et miséri-
cordieux. Louange au Dieu en dehors duquel il n'y a point
d'autre divinité! Il est le Dieu d'Adam, de Noé, d'Abraham, de
Moïse, de Jésus, de Mohammed et d'Abou Mouslim. La puis-
sance, la souveraineté, la gloire et la révélation sont mon par-
tage. La royauté et la puissance créatrice m'appartiennent. 11
n'y a point d'autre Dieu que moi! Celui qui croira en moi en-
trera dans le paradis, celui qui sera incrédule sera précipité
dans l'enfer. »
« Ses missionnaires détournèrent un grand nombre de gens
de la voie du devoir.
« Un Arabe, fixé à Merv, nommé Abdoullah ibn Amr, em-
brassa ses doctrines et lui donna sa fille en mariage. Cet
Abdoullah passa le Djihoun et se rendit à Nakhcheb et à Kech
où il fit un grand nombre de prosélytes; ses prédications eurent
surtout du succès à Kech et dans les villages des environs de
cette ville.
€ Le village de Choubeck ^ fut le premier dont les habitants
firent profession publique de la nouvelle religion; ils se soule-
vèrent, prirent pour chef Amrou Choubekhy et massacrèrent
leur gouverneur qui était un Arabe attaché à l'Islamisme.
« Le plus grand nombre des villages du Soghd embrassa le
parti de Mouqannah, et beaucoup de localités relevant de
Boukhara abandonnèrent, ouvertement, les pratiques religieuses
de l'Islamisme.
€ La révolte prit de vastes proportions et la situation des fidèles
I. Yaqout orthographie le nom de cette localité Soubekh. Moudjem, tome III, page 182 .
APPENDICE 289
devint extrêmement pénible. Les caravanes furent attaquées et
les villages pillés ; le pays se couvrit de ruines. La nouvelle
de ces troubles se répandit dans le Khorassan. L'Emir Homeïd
ibnQahthabah \ qui en était le gouverneur, donna Tordre d'ar-
rêter Mouqannah; mais celui-ci s'enfuit du village où il résidait
et il se tint caché jusqu'au moment où il apprit que, dans la
Transoxiane, un grand nombre de gens avaient embrassé sa re-
ligion et la pratiquaieut publiquement. 11 résolut de franchir le
Djihoun. L'Emir du Khorassan en faisait surveiller les rives, et
cent cavaliers qui faisaient des patrouilles continuelles avaient
Tordre de l'arrêter quand il se présenterait.
« Mouqannah arriva sur les bords du fleuve et il le passa avec
trente-six de ses partisans. Il gagna la ville de Kech qui se
soumit à lui et où il fut accueilli avec des transports de joie.
« Sur le mont Siam ^ s'élevait une vaste enceinte entourée de
solides murailles ; dans l'intérieur se trouvaient des eaux cou-
rantes, des arbres et des champs cultivés : on y avait aussi con-
struit un château d'une extrême solidité. Mouqannah le fit ré-
parer et il y fit déposer de grandes richesses et d'immenses
approvisionnements, dont il confia la garde à une garnison qu'il
y établit.
« Le nombre des Sefid Djamègan ^ devint très-considérable et
les Musulmans ne purent leur résister. »
€ Le bruit de cette sédition parvint à^Bagdad et le Khalife
Mehdy en hit profondément affecté. 11 fit partir une puissante
armée pour réduire ces sectaires, et il se rendit lui-même à
Nichabour pour étouffer la révolte. Ce prince craignait Tanéan-
I. On peut consulter sur ce personnage le Kamilfit Tarikh, édition de M. Tornberg.
tomes V et VI, passim.
a. Le mont Siam est situé dans les environs de Nakhcheb. Le poète Roudeky en cite
le nom dans une pièce de vers.
3. Le mot Sefid Djamègan signifie aies gens vêtus de blanc». Les historiens arabes
les désignent sous le nom de « Moubaiydèh » qui a le même sens.
La couleur blanche avait été adoptée par Mouqannah, soit comme emblème de la pu-
reté de ses doctrines, soit comme marque d'opposition à la dynastie des Abassides dont
les vêtements et les drapeaux étaient noirs.
•y
290 REÏ-ATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
tissement deTIslaniisme et le triomphe sur toute la terre de la
religion de Mouqannah .
« Celui-ci implora alors le secours des Turks ; il leur promit
qu*il leur serait licite de verser le sang des Musulmans et de
s'emparer de leurs biens. Attirées par Tappât du pillage^ des
hordes accoururent du Turkestan; elles ravagèrent les campa-
gnes, réduisirent en esclavage les femmes et les enfants, et
massacrèrent les Musulmans.
« Une troupe de Sefid Djamègan, qui avaient prêté serment à
Mouqannah, parut devant Boukhara et envahit pendant la
nuit le village de Nemdjeket ; elle tua les muezzins de la
mosquée et quinze personnes ; puis, le lendemain, elle passa
toute la population au fil de Tépée.
€ Cet événement eut lieu dans le courant de Tannée i Sg (yyS)
alors que TEmir Hussein, fils de Ma'az, était gouverneur mili-
taire de Boukhara.
« Parmi les chefs des bandes de Mouqannah, se trouvait un
habitant de Boukhara appelé Hekim Ahmed. Il avait avec lui
trois officiers, dont deux nommés Khachouy et Baghy étaient
nés à Kouchki Fezil. Le troisième, qui portait le nom de Guir-
dek, était originaire du Ghoudjevan. Ces trois personnages se
faisaient remarquer par leur courage, par un esprit fertile en
expédients et en stratagèmes et par la rapidité de leurs marches
et de leurs mouvements.
« Lorsque la nouvelle du massacre des gens de Nemdjeket
parvint à Boukhara, les habitants de cette ville se réunirent et
se présentèrent devant TEmir. « Il faut, lui dirent-ils, livrer ba-
taille aux Sefid Djamègan. » L'Emir Hussein, accompagné par
le Qadi Amir ibn Iniran, sortit de la ville suivi par ses troupes
et par la population (Redjeb iSg — maiyyô). 11 s avança jus-
qu'au village de Nerchakh, appelé aujourd'hui Nerdjaq, et il y
établit son camp en face de l'ennemi. Le Qadi représenta qu'il
fallait inviter les rebelles à embrasser la vraie religion, et qu'il
ne convenait pas de les attaquer avant d'avoir fait cette démar-
che.
APPENDICE 291
• Le Qadi et quelques hommes pieux se rendirent dans le vil-
lage, pour faire rentrer les révoltés dans la voie de T Islamisme.
€ Nous ne reconnaissons rien de tout ce que vous dites », ré-
pondirent-ils au Qadi et, persistant dans leurs blasphèmes, ils
rejetèrent les conseils qui leur étaient donnés. L'attaque fut
donc résolue et l'action s'engagea. Le guerrier qui le premier
fondit sur les rebelles fut un arabe nommé Naym, fils de Sehl.
Il combattit pendant longtemps, tua quelques Sefid Djamègan,
mais à la fin il succomba. Les partisans de Mouqannah furent
mis en fuite après avoir perdu sept cents des leurs. Le lende-
main, ils envoyèrent un député pour demander quartier, affir-
mant qu'ils étaient devenus Musulmans. La paix leur fut ac -
cordée et un traité stipula comme conditions : « qu'ils ne
battraient plus les grands chemins; qu'ils ne tueraient plus les
Musulmans; qu'ils se disperseraient et retourneraient dans
leurs villages où ils reconnaîtraient l'autorité des chefs. »
« Enfin, comme clause spéciale, ils devaient s'engager à obéir
aux ordres de Dieu et à ceux du Prophète. Tous les notables
de Boukhara apposèrent leur signature sur ce traité.
€ Lorsque les Musulmans se furent retirés, les Sefid Djamè-
gan rompirent les engagements qu'ils avaient pris. Ils infestèrent
les routes, massacrèrent les Musulmans, coupèrent les blés
encore verts et les transportèrent dans le château de Nerchakh.
La situation des Musulmans devint des plus critiques.
a Le Khalife Mehdy fit partir le Vézir Djebrayl ibn Yahya ' et
le chargea de réduire Mouqannah. Celui-ci arriva à Boukhara
et établit son camp à la porte de Samarqand.
« L'Emir Hussein ibn Ma'az se rendit auprès de Djebrayl et lui
dit : < Accordez-moi votre assistance pour combattre les Sefid
Djamègan, et, quand nous serons venus à bout de cette entre-
prise, je me joindrai à vous pour attaquer Mouqannah. >
« Djebrayl accueillit cette demande. Il leva son camp et se di-
I. Djebrayl ibn Yahya el Badjely est cité dans le Kamilfil Tarikh, tomes V, pages 382,
441, 452 et tome VI pages 2G et 27.
292 RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
rigea vers Nerchakh. Il fit creuser un fossé entre le village et son
camp et il recommanda à ses soldats de se tenir sur leurs gar-
des, prévoyant que les Sefid Djamègan feraient une sortie et
les attaqueraient pendant la nuit. Les choses se passèrent ainsi ;
mais les assaillants furent repoussés après avoir éprouvé de
grandes pertes.
" Le gouverneur de Boukhara, Hussein ibnMa'az, témoin de
ce fait d'armes, exprima â Djehrayl la plus vive reconnaissance
et il le pria de ne marcher contre Kech que lorsque Nerchakh
serait emporté. Djebrayl yconsentit : pendant quatre mois, on se
livra matin et soir des combats incessants. L'avantage restait
toujours aux Sefid Djamègan et les Musulmans furent réduits à
la dernière extrémité.
« On chercha un expédient qui pût assurer le succès. Matik
ibn Farim proposa de pratiquer une mine , qui partant du
camp, aboutirait à la muraille de Nerchakh. On donna l'ordre
à des soldats armés de creuser un fossé dont les parois furent
consolidées avec des pièces de bois et qui fut couvert de claies
de roseaux et de terre. On arriva ainsi jusqu'aux fondements
de la muraille sous laquelle on fit une excavation de cinquante
ffue^ 'coudéesj de largeur. On la soutint avec des poutres, puis,
on la remplit de boîs sur lequel on répandit du naphie et on y
mit le feu, pour que, les poutres une fois consumées, la mu-
raille s'écrouldt.
" Le manque de courant d'air ne permit pas au feu de se dé-
velopper. On dressa alors, en face de la tour minée, des ma-
chines de guerre avec lesquelles on lança des pierres. On pra-
tiqua une brèche qui donna naissance à un courant d'air ; la
flamme jaillit dans la mine, les poutres qui la soutenaient fu-
rent brûlées et la muraille s'effondra sur une largeur de cin-
quante coudées. Les Musulmans s'élancèrent à l'assaut, le sa-
bre à la main, et massacrèrent une partie des défenseurs de la
place, le reste demanda la vie sauve. On fit accord sur les mê-
mes bases que dans le premier traité, c'est-à-dire que les Sefid
Djamègan durent s'engager à s'abstenir de toute violence à
APPENDICE 2g 3
l'égard des Musulmans; à retourner dans leurs villages; à en-
voyer leurs chefs auprès du Khalife et à renoncer à porter des
armes.
<• Ces conditions furent acceptées. Les Sefid Djamègan sorti-
rent de la place et franchirent le fossé. Ils avaient cependant
sur eux des armes cachées.
" Le Vézir Djebrayl remit Hekim, leur chef, à son fils Ab-
bas. " Conduis-le à ma tente, lui dit-il, et fais-le mettre secrè-
tement à mort. " Cet ordre fut exécuté. Djebrayl regagnait
le camp quand il vit arriver Khachouy, compagnon de Hekim,
envoyé pour lui faire savoir que les Sefid Djamègan ne s'éloi-
gneraient pas, si Hekim ne leur était pas rendu.
« Khachouy, qui était à cheval et portait des bottes jaunes,
faisait celte déclaration au Vézir, quand Abbas vint lui dire que
Hekim avait été mis à mort. Djebrayl donna aussitôt l'ordre de
jeter Khachouy à bas de son cheval et de le tuer. A cette
vue, les Sefid Djamègan poussèrent de grands cris, et, sai-
sissant leurs armes, ils fondirent sur les soldats de Djebrayl.
Celui-ci fit monter ses gens à cheval, il s'engagea un combat
qui fut le plus rude de tous ceux qui avaient été livrés jusqu'a-
lors. Les Sefid Djamègan furent battus et ceux qui échappèrent
à la mort se dispersèrent.
" Le village de Nerchakh était la propriété d'une femme
dont le mari, appelé Echref, avait été officier au service d'A-
bou Mouslim qui lavait fait exécuter. On Tamena devant Dje-
brayl. Elle se présenta accompagnée par un de ses cousins qui
était aveugle, d'un extérieur repoussant et d'un méchant carac-
tère. « Pardonne à Abou Mouslim, lui dit Djebrayl. » — « Non,
répondit cette femme, on appelle Abou Mousiimie père des Mu-
sulmans, mais il ne mérite pas ce nom, car il a tué mon mari !
<i Djebrayl la fil couper par le milieu du corps et il fit égale-
ment exécuter son cousin.
" Guirdek se réfugia auprès de Mouqannah. Baghy périt les
armes à la main. Djebrayl fit porter dans le Soghd les têtes
des Sefid Djamègan qui avaient succombé, afin de répandre la
294
RELATION DE I, AMBASSADE AU KHAREZM
terreur parmi les habitants de cette contrée. Ceux-ci avaient
pour chef un homme appelé Soghdian. Dans un des derniers
engagements qui furent livrés, Soghdian fut tué par un habi-
tant de Boukhara. Ses partisans se dispersèrent. De Nerchakh,
Djebrayl se rendit à Samarqand et il livra dans les environs de
cette ville de nombreux combats aux Sefid Djamègan et aux
Turks.
« En l'année i6i (777), il alla à Merv avec le gouverneur du
Khorassan, l'Emir Ma'az ibn Mouslim ', De Merv, il se dirigea
sur Boukhara en passant par le désert d'Amouy. Il fit, dans
cette dernière ville et dans ses environs, une levée de cent
soixante-dix mille hommes. Ma'az ibn Mouslim fit fabriquer
une énorme quantité de matériel de guerre et il organisa un
corps de trois mille hommes munis de haches, de pioches et de
pelles ; il enrôla tous les gens de métier dont la présence est
nécessaire dans une armée. Il fit aussi construire des catapul-
tes et des balistes. Il se mit en marche et se dirigea vers le
Soghd où lc5 Sefid Djamègan et les Turks étaient réunis en
grand nombre. L'Emir de Hérât avait amené avec lui un trou-
peau de dix mille moutons. L'Emir Ma'az lui dit : <• Nous
avons près de nous les Turks qui sont nos ennemis et qui dé-
sirent ardemment s'emparer de ces moutons. Laissez-les à
Boukhara ou vendez-les moi, atîn que j'en fasse te partage entre
mes troupes. » L'Emir de Héràt n'y voulut point consentir.
Les Turks fondirent à limproviste sur ces moutons ; ils s'en
emparèrent et les conduisirent à leur campement qui était situé
entre Zikten et Zermaz. Les troupes se mirent à la poursuite
des pillards, en tuèrent quelques-uns et mirent les autres en
fuite Ma'az ibn Mouslim, après avoir, pendant deux ans, guer-
royé contre les Sefid Djamègan et les Turks, aux environs de
Samarqand et dans le Soghd et avoir été, tantôt vainqueur^
tantôt battu, demanda à être relevé de son gouvernement.
I. On peut consulter sur eu
tome VI, pages zC, 3i, 33. 34 «
3iin9gc le KmiU jil l'arikh, lome V, page |53,
APPENDICE 295
« Il fut remplacé à Merv, comme gouverneur du Khorassan,
par Mousseiyb ibn Zoheyr ez Zaby ' qui fit son entrée à Bou-
khara au mois de Djoumazy oui evvel de l'année i63 (779).
« L'Émir de Boukhara était alors Djouneïd ibn Khalid. Mous-
seiyb renvoya dans le Kharezm,où il livra de nombreux com-
bats à un chef nommé Gouder Tekin que Mouqannah avait
envoyé dans cette province^ avec un corps de troupes considé-
rable.
« Mohammed ibn Djafer raconte le fait suivant : Cinquante
mille soldats d'origine turke qui faisaient partie de l'armée de
Mouqannah se réunirent à la porte du château où il résidait.
Us se prosternèrent et demandèrent à grands cris qu'il se mon-
trât à eux. On ne tint pas compte d'abord de leurs prières; ils
insistèrent et déclarèrent qu'ils ne partiraient pas sans avoir vu
leur Seigneur.
« Mouqannah avait un esclave qui portait le nom de Hadjib.
Il lui donna l'ordre de se rendre auprès de ces soldats. « Fais
savoir à mes esclaves, lui dit-il, que Moïse a désiré voir ma
face, mais je n'ai point exaucé sa prière^ car il n'aurait point
eu la force d'en supporter Téclat. Quiconque me voit est frappé
de mort à Tinstant.
« Les Turks redoublèrent leurs prières et leurs supplications.
« Nous voulons voir notre seigneur, s'écrièrent-ils^ et, si nous
devons périr, que notre mort soit licite, v — « Venez tel jour^
leur fit dire Mouqannah, et je me montrerai à vous. >
« Mouqannah avait auprès de lui^ dans le château qu'il occu-
pait, cent femmes qui toutes étaient filles de Dèhqan du Soghd,
de Kech et de Nakhcheb. Partout où se trouvait une fille d'une
beauté remarquable, on la lui signalait, et il la faisait amener
pour la garder auprès de lui. Il n'y avait, dans le château, que
ces femmes et le serviteur intime dont nous venons de parler.
Ce dernier ouvrait tous les jours la porte et commandait à un
I. Mousseiyb ibn Zoheyr ibn Amr ibn Mouslim. Kamilfit Tarikh, tome V, pages 3o3,
310,347, 348, et tome \ipassim.
296 RELATIOS DE l'ambassade AU KHAREZM
intendant qui se trouvait à l'extérieur tout ce qui était néces-
saire pour les repas ; on préparait tout au dehors et on l'intro-
duisait dans le château dont la porte était refermée jusqu'au
lendemain.
• Personne ne pouvait ainsi voir la figure repoussante de
Mouqannah, recouverte d'un voîte vert.
• Mouqannah donna à ses lemmeslordrede monter sur la ter-
rasse du château et de se placer les unes en face des autres, un
miroir à la main. Les soldats turks de Mouqannah ne manquè-
rent pas de se rassembler au jour fixé. Lorsque le soleil se leva,
ses rayons se réfléchirent sur ces miroirs et en firent jailfir des
flots de lumière. Mouqannah dit alors à son serviteur : » Crie à
mes esclaves que Dieu leur montre sa face : qu'ils la contemp-
lent [
1 Ceux-ci, en levant les yeux, virent le haut du château res-
plendissant de lumière; saisis de terreur, ils se prosternèrent.
« Seigneur, s'écrièrent-ils, cette marque de ta puissance et de
ta majesté nous suffit. Si tu les manifestais davantage, nous ne
pourrions pas en supporter la splendeur! ■■ Et ils restaient la
face contre terre. Mouqannah donna l'ordre à son serviteur de
leur dire ces mots : <■ Que mon peuple se relève! Moi qui suis
son Dieu, je suis satisfait de lui et je lui pardonne ses péchés ! »
Ces gens se tinrent debout pleins de crainte et d'angoisses. » Je
vous accorde, ajouta-t-il, la possession de toute la terre ; je vous
autorise à verser le sang et à réduire en esclavage les femmes et
les enfants de ceux qui ne croiront point en moi. ■ Ces Turks
s'éloignèrent pour aller se livrer au pillage, et ils se faisaient
gloire auprès de leurs coreligionnaires d'avoir vu la face de
Dieu.
• L'Emir de Hérât fut chargé par Sayd ' de faire le siège du
château de Mouqannah. Une nombreuse armée en fît l'investis-
sement. On construisit des maisons et des bains, afin que l'ar-
mée put rester au siège l'été et l'hiver.
I. Sayd ibn Amr, bin e] K»ioucd el Harachy. Kamiijil l'arikh, I
APPENDICE 297
• La place se composait d'une enceinte fortifiée dans laquelle
il y avait des eaux courantes, des arbres et des champs cultivés.
Elle était défendue par des officiers de confiance qui avaient
sous leurs ordres des troupes aguerries. Dans cette enceinte
s'élevait un cliâteau fort, hàti sur le sommet de la montagne, et
dans lequel personne ne pouvait pénétrer. Il était la résidence
de Mouqannah et de ses femmes; il avait l'habitude de prendre
ses repas avec elles et de se livrer, en leur compagnie, aux
plaisirs du vin.
" L'Emir de Héràtpressa vivement la garnison et la mit en dé-
route dans toutes ses sorties. A la fin, le chef qui commandait
la première enceinte fit sa soumission, ouvrit les portes et em-
brassa l'Islamisme. Les Musulmans prirent possession de l'en-
ceinte extérieure, et Mouqannah reconnut alors qu'il ne pour-
rait pas conserver le château intérieur.
" Mohammed ibn Djafer cite les faits suivants qui lui avaient
été rapportés par Abou Aly Mohammed ibn Haroun, person-
nage considérable de la ville de Kech :
« Mon aïeule, racontait celui-ci, était une des femmes que
Mouqannah s'était réservées et qu'il gardait dans son château.
Un jour, disait-elle, Mouqannah nous réunit pour manger avec
lui et nous livrer, selon la coutume, aux plaisirs du vin. Il
fit donner à chacune de ses femmes un gobelet rempli d'un vin
dans lequel on avait mis du poison. « Quand je viderai ma
coupe, leur dit-il, vous devrez imiter mon exemple. » Elles se
conformèrent toutes à cet ordre, excepté moi qui, en cachette,
versai dans mon sein le contenu de mon gobelet. Après avoir
bu, toutes les femmes tombèrent et expirèrent sur le champ. Je
me laissai choir au milieu d'elles, et je contrefis la morte sans
exciter les soupçons de Mouqannah qui se leva, jeta les yeux au-
tour de lui et alla trouver son serviteur. Il lui asséna un coup
de sabre et lui abattit la tctc. Il avait, depuis trois jours, fait
chauffer un brasier; il se dépouilla de ses vêtements et se jeta
dans le feu. li s'en éleva une colonne de fumée. Je m'appro-
chaide ce brasier,etjen'aperçusaucune trace de Mouqannah. »
i
298 RELATION DE l'aMBASSADE Al' KHABEZM
■< Voici le motif qui le détermina à se précipiter dans cette
fournaise. Il ne cessait de répéter : < Lorsque mes esclaves
seront rebelles à ma loi, je monterai au ciel et j'en ramènerai
des anges pour les châtier. » 11 se voua à la mort, atin que le
peuple pût dire : Mouqannah est allé au ciel et il viendra nous
secourir avec les anges et il fera fleurir sa religion dans le
monde entier.
" Les portes du château furent ouvertes, et Sayd elHarachy
enleva tous les trésors qui y étaient entassés.
c Ahmed Ibn Mohammed ben Nasr affirme qu'il existe encore
des sectateurs de Mouqannah dans les districts de Kech et de
Nakhcheb et dans quelques villages des environs de Boukhara,
tels que Kouchki Orner, Kouchkî Khochtouvan et Zermaz. Ils
ne savent rien au sujet de Mouqannah, mais ils suivent les
préceptes de sa religion. Ils ne font point la prière, n'obser-
vent pas le jeûne, et ne font point le ghousl 'ablution générale;
après avoir rempli leurs devoirs conjugaux. Ils dissimulent
leurs pratiques aux yeux des vrais croyants, et ils affectent les
dehors de sectateurs de l'Islam.
" On assure qu'ils permettent à leurs femmes de se livrer à
qui leur plaît. « La femme, disent-ils, est comme la rose; on
ne peut empêcher personne d'en respirer l'odeur. »
< Lorsqu'un homme entre chez une femme pour jouir de ses
faveurs, il fait une marque sur la porte de la maison afin que le
mari, s'il survenait, s'abstienne d'y entrer. Celui-ci ne rentre
chez lui que lorsque l'étranger est parti.
• Il y a, dans chaque village, un Reïs (chef) dont ils recon-
naissent l'autorité.
« On raconte aussi que, dans chaque village, un homme est
chargé de déflorer les jeunes filles, avant qu'elles ne soient re-
mises aux mains de leur mari.
« J'ai, dit Ahmed ibn Mohammed ben Nasr, demandé aux
vieillards de ces villages pourquoi ils livraient à un seul homme
un bien aussi précieux et pourquoi ils en privaient les autres.
On a pour règle, me fut-il répondu, de permettre aux jeunes
i
APPENDICK 299
gens arrivés à l'âge viril de satisfaire leurs passions sur cet indi-
vidu. On lui permet, en récompense, de passer la première nuit
avec chaque nouvelle mariée. Quand il est affaibli par Tâge, on
lui donne un remplaçant. Tous les célibataires de chaque vil-
lage en usent de la sorte avec ce personnage qui porte le nom de
Çoukancèh Je n'ai pu m assurer par moi-même de l'exacti-
tude de ces faits, mais je les ai entendu raconter par les vieil-
lards de ces villages et par les gens qui habitent les mêmes lo-
calités.
< Que Dieu nous préserve de pareilles abominations! «
FIN DE L'APPENDICE
p ■
•
INDEX ALPHABÉTIQUE
INDEX
ALPHABÉTIQUE
Abbas Abad (défilé d* — }, 21.
Abbas Bay, 319.
Abbas, fils de Djebrayl, 293.
Abbas Mirza, xviii, 81 note, 81 n.« 172, 202,
212 n.
Abbas Qouly. 113.
Abbas Qouly Khan, 27 n.
Abbas Qouly Khan Derèh Guèzy, 172.
Abbassides, les —, zii, 101, 107, 140, 169
n., 289 n.
Abdal Idjmek, les —, 62 n.
Abdallah (porte d' •— à Cheheri Sebz),
157 n.
Abdallah es Safiah, 101.
Abdallah ibn Wahib, 107 n.
Abdoul Azhim, voy. Chah Abdoul Azhim.
Abdoul Aziz, 101.
Abdoul Aziz (Flmam EdjelU}, 258.
Abdoul Djebbar, 287.
Abdoul Ghafifar Qazwiny, xx.
Abdoul Kerim, 173 n.
Abdoullah (le Qadi — de Khoqand), 139.
AbdouUah el Afthah, 102 n., 103 n.
Abdoullah, fils d'Amir, x.
Abdoullah ibn Amr, 288.
Abdoullah Khan de Boukhara, xiii.
Abdoullah Mahrem, 219.
Abdoullah Mohammed, voy. Ghandjar el
Boukhary.
Abdoul Lethif ben Aby Thalib Nour oud
Din Chouchtery, 25 n.
Abdoul Medjid (Le Qadi), J47 n.
Abdour Rahman, frère de Qoutelbah, x.
Abdour Rahman Djamy, voy. Djamy.
Abdour Rahman Esferayny, voy. Nour
oud Din Abdour Rahman Esferayny.
Abi Amouy, 152, voy. Djihoun.
Abi Khour (riv.), 55 n.
Abiskoun. xii, 46, 47, 57 n., 59, 140, 152,
153.
Abiverd, 126.
Abou Abdallah Djafer, 102 n.
Abou Abdillah Mohammed el Boukhary,
257.
Abou Aly Cheqiq ibn Ibrahim (le Cheikh
-), 170 n.
Abou Aly Mohammed ibn Haroun, 297.
Abou Bekr (le Khalife — ). 100 n., 105.
Abou Bekr Mohammed ibn Djafer Ner-
chakhy, 140 n., 156 n , 166 n., 257, 258,
259 n., 267. 271, 282, 286, 295, 297.
Abou Djafer Aly ibn Hussein, 155 n.
Abou Djafer Dewaniqy (FEmir — }, 287.
Abou Hafs en Nessefy, 158 n.
Abou Hafs Kebir, 146 n.
Abou Hafs Soghdy, xxiii.
Abou Ibrahim, 166 n.
3o4
RELATION DE L AMBASSADE AL KHAREZM
Abou Uhaq ibn Ibrahim, fils de Khalid,
270, 271.
Aboo Uhaq Ibrahim el Islhakhiy, voy.
Itthakhiy.
Abou Karib Chamar, 157.
Âbool Abbas Ahmed el Serakhsay, 107 n.
Aboul Abbas D)afer el 11 oustaghûry, roj.
Diafer el Moustaghfiry.
Aboul Abbas ibn el Fadhl bin Soulejrman,
277.
Aboul Abbas Mamoua,yui, ix, xi, zxi, xxu.
Aboul Berekat, 81 n.
Aboul Djennab, Thammet el Koubia,
Nedjm oud Dio Ahmed ben Amr (le
Cheikh — ), voy. Nedjm oud Din Kou-
bra.
Aboul Faradj Medjzoub (le Cheikh — )
141.
Aboul Faradj Qoudamah, 57 n.
Aboul Fazhl Beyhaqy, voy. Beyhaqy.
Aboul Fazhl Hassan, 85 n.
Aboul Fazhl Serakhssy, 172.
Aboulfeda, 168 n.
Aboul Feth Bosty, 123 n.
Aboul Feth Khan, 103 n.
Aboul Feth Mohammed ibn Abdoul Ke-
rim Chehristany, voy. Chehristany.
Aboul Ghazy (Sulun — ), xiii.
Aboul Harith Mohammed, xi, 123 n.
Aboul Hassan Aly ibn Hamzèh bin Weh-
has (le Chérif — ). 150 n.
Aboul Hassan Aly ibn Ismayl el Achaiy,
voy. Aly el Achary.
Aboul Hassan Ariz, 271.
Aboul Hassan Ferroukhy Sistany, xxi ,
xxiii, 123, 151 et suiv., 254.
Aboul Hassan de Nichabour, 150 n., 259,
271, 272, 282.
Aboul Hassan Saïd el Djourd jany, 165 n . ,
voy. Sa*id ben Aly el Djourdjany.
Aboul Mouzhaffer Thahir Tcheghany (VE-
mir}, 252, 258.
Aboul Qassim Mahmoud ibn Omar, voy.
Zamakhchary.
Aboul Wefa Mohammed ibn Mohammed
bin Qtssim, 161 n.
Abou Mouslim, 145 n., 269, 270, 285, 287
et suiv.
Abou Nasr Ahmed, 193 n.
j
Abou Nasr Faraby, 166.
Abou Nasr ibn Ahmed el Qobady, 258.
Abou Nasr Kondoury, 167.
Abou Nasr Parsa, 170 n.
Abou n Nedjm Ahmed, 30 n., voy.
chehry.
Abou Rechad Ahmed ibn Mohammed beiC
Qassim, 161 n.
Abou Rouh Issa el Héréwy, 174 n.
Abou*r Reîhan Mohammed el BinHnqrf
voy. Birouny.
Abou Salih Mançour, 258.
Abou Sayd Behadir Khan, 162 n.
Abou Sayd el IJrissy, voy. Idrissy. ~*\
Abou Sayd Medj oud Din Cheref iba ^4
Moueyyed, voy. Medj oud Din Ba|(li«
dady.
Abou Sofian, 101.
Abou Thahir, xi.
Abou Thahir Khan, xiv.
Abou Thalib, 101.
Abou Youssouf Yaqoub Hemdany (le.
Cheikh — ), 142 n.
Abou Zeyd el Balkhy, 256.
Açar oui BilaJ, 143 n., 223 n., 256, 286.
Acef oud Daoulèh, voy. Allah Yar Khan.
Achagha bach, les —, 59.
Achary, les —, 102.
Adam, 285, 287.
Adily (le poète —). 170 n.
Adjalb oui Makhlouqat, 240, 211.
Adjela, les —, 169 n.
Adoun Ata, 65, 66.
Afghanistan. 1* —, 27 n., 128 n.
Afghans, les —, 173, 189.
Afrassiab, 29, 121, 145 n., 146 n., 222 n.,
271.
Afthahièh, les —, 102.
Aga Mehdy Chah Kouhy, 202.
Aga Mirza Aga, xxii.
Aga Mohammed Chah, xvi, 17, 31, 34 n.,
30, 45, 97 n., 103 n., 193, 201, 204, 250.
Aga Riza, xx n.
Ahevan, S04.
Ahmed Djouzqany (le Cheikh — ), 142.
Ahmed el Meniny, 123 n.
Ahmed, fils de Mohammed Leis, 270, 271.
Ahmed (Seiyd — ), fils de Mohammed Re-
hira Khan, 178.
INDEX ALPHABETIQUE
•1 "
Ahmed ibn Hassan el Outby, voy. Outby.
Ahmed ibn lahja ben Djabir el Beladsori,
voy. Belazoury.
Ahmed ibn Mohammed ben Nasr, 998.
Ahmed ibn Mohammed ben Nouh, 258.
Ahmed Khizhrouièh (le Cheikh •— ), 170 n.
Ahmed Khodja (Seiyd •— ) , Naqib de Bou-
khara, 119, 130, 300, 306.
Ahmed Razy, 8d n., 166 n., 3il.
Aïnèh Verran, 13, 15, 17 n.
Ain oud Daoulèh Qjaradjèh Bek, 373.
Akhal, 89 n., 109, 113, 314. 315.
Akhbar Mouqannah,^86.
Akhound Ata Djan, 76.
Akhssiket, 161.
Alah, 65.
Alains, les — , 57 n.
Alamout (château d* — ), 108 n.
Aîamy, 148 n.
Ala oud Oin Mohammed Djouwelny, 140 n.
A'iem (titre honorifique), 76.
Alexandre le Grand, iv, 57 n., 99, 171,
174.
Alexandrie, 148 n.
Alhagi (plante), 68 n.
Ali Aba (la fomille du manteau;, 101 n.
Alim, 160 n.
Allah Nazhar Khan (tribu d* — ), 196.
Allah Qouly Khan, xiv, 87, 127, 159, 176,
319.
Allah Qouly Yuz Bachy, 219.
Allah Yar Khan Devalou, xiv, 98 n., 109.
Alp Arsian, vin, nr, 168 n.,331.
Alp Tekin, 373.
Altountach, v, xi.
Alyâbad (ville et plaine), 26, 37. 57 n.,
169 n.
Aly Allahy, les —, lOG n.
Aly Bay, 69.
Aly el Achary. 102 n.
Aly (rimam — ), fils d'Abou Thalib, 4, 27
n., 101, 103 n., 103 n., 104-107. 140,220.
Aly, fils de Hussein, 103 n.
Aly, fils de Mamoun, ix.
Aly. fils de Moussa er Riza, 110, 111.
Aly Hemdany (FEmir —), 170 n.
Aly ibn Issa Mahan. 169 n.
Aly ibn Rezin, 239, 243.
Aly Lalay, voy. Rezy oud Din Aly Lalay.
Aly Murad Khan, 103 n.
Aly Qouly. fils de Riza Qouly Khan, xxin,
61, 104.
Aly Qouly Khan Efchar (rEmiri Pent-
chèh), U»l, 108, 190. 311.
Aly Riza (l'Imam), 213, 214.
Aly Tchechmèh, 63 n.
Amid (montagnes d* — ), xii.
Amir ibn Imran (le Qadi — ), 290
Ammar, fils de Khacyb, 334.
Ammar lasir Bedlissy, 141.
Amol, 29, 30, 33.
Amol ech Chatt (Amol de la Transoxianc),
III, IV, VI. 152 n., 256.
Amol el Mefazèh, m, voy. le précédent.
Amou Deria, Amu Oaria, voy* Djihoun.
Amouy. 152 (le désert d* — ), 294.
Amouych. V — 125, voy. Ojihoun et Amouy.
Amrou Choubekhy, 288.
Amyd Essa'ad, 252, 253.
Amyd oui Moulk, voy. Abou Nasr Kon-
doury et Rechid (l'Emir — ).
Anatolie, T — , 11.
Ançars, les —, 105 n.
Anezan (bulouk d* — ), 41 n., 42, 47 n.
Angleterre, V —, 97.
Anouchtekin, xi, 124.
Aq, les —, 58 n., 193, 19i, 195, 197.
Aq Beyat. les — , 87 n.
Aq Derbend, 90, 172, 215, 216, 220.
Aq Derbendy, les, 113, 179.
Aqindjy, xi.
Aql Namèh, 143 n.
Aq Mesdjed, 62 n.
Aq Qalèh, 45, 59, 60.
Aq Qourghan, 65 n , 151 n.
Aqra' (mont), 333.
Aq Tèpèh, 137.
Arab. les —, 03 n.
Arabes, les —, 170 n., 230, 259, 201, e02,
267.
Arab Mohammed Sultan, xiv.
Arab Soubhan Qouly, xiii.
Aral (mer d' — ), m, 151, 152, 153 n.
Aran, 160 n.
Araq, 160 n.
Ararat (mont — ), 244, 245.
Araxe, 1* — , 25 n , 59, 345.
Arazy, 230 n.
3o6
RELATION DE I. AMBASSADE AU KKAREZM
Arcy Todd, E. d' -, 18 n., 33 n., U n.
Argân, voy. Arredjan.
Argoun Klun, 81 n.
Arménie,!' —, 11, îii, Ï15.
Arna (canal d' )— , vu.
Arouchinùh, voy. Ousrouchinêh.
Arouzhy Samerqandy, m.
Arredjsn, 131, n.
ArMcic, 330.
ArsIanChâh, viii, ii.
Arslan Khan Mohammed, 1G7 n-, 373,
373-278.
Aryq, les —, !>S n.
Aidjcdy, ui.
Aryq Saqally, les — , S8 n.
Aaud, les — , 170 n.
AssastiDs (l'ordre des — }, lû8 n., voy.
Israaity.
Assemani, 330.
Asser (iribu d' — ), îl5.
Astracan, 3î.
Ata, les —, 63 n.
Ata Bay. les —, 58, 181, 193-100.
Ala Khan, les —, 106.
Ataligh, voy Tour&h Ataligh.
Ataliq, les —, ziv.
Ata Niaz Mahrem (envoyé du Khan de
Khareïm), iv, 6, 8, 3, 33, .'il, 67, /U. 76,
Kî.Ol, 92, 01, 98. 111-116, 1.T8.
Alou {canton J' — }, îM.
Avend, 16.
Avsuc, M. d' —, III.
Ayaz Ouymaq, 3^1.
Ay Dervkh, les — , GJ n,
Ayrtam, 09.
Azcr(Ie vent d' -),3it n.
Azerbaïdjan, 1' —, 11, 2:1 n, 30 n. , 87 n.,
161 n.,S10 n.
Aziz Neesely [le Cheikh — ), 151.
Baba Kemal Djendy, 112,16
Ltab Arsian, 63 n.
liabcr (Sultan — ), iiu.
Babi AbËh Sar, Babi Adinèh, Babi De-
finib, Babi Kachan, Babi Zindiir (portes
d'Akhasiket), IGI n.
IJab Ibn Semend, Bab Ibn Hikmet, Bab
Kclian, Bab Zamin (portes d'Ousrou-
chinèh). 161 n.
Bab oui Ebouab (mer de — \ 50; (mur
de— ), 150 n., 356.
Babys, les —, î7, 108.
Badakhchan, 11, Ibi.
Uadghis, 160 n.
Badièhi Khourdek (Kerminih', 156 n.
Badraq, les —, Ci n.
Bagdad, v, vu, 111, 287, 389.
Baghi Chah, 17, 18.
Baghi Echref, 30, 37 n., 38.
Ba|th1an,169 n.
Baghsan, 168 n.
Baghy, 3D0, 303.
Bahri Khazcr, SO.
Bahr oui Haqaiq, m.
Baihaki. voy. Bcyhaqy.
Baker (Valentinc—), 173 n.
Bakhtiar, 58 n.
Bala Peleng, 13 n.
Bala Qalùh, ^03 n.
Bala Tidjan (Bulouk de -), 36 n.
Balducci Pegolotli, xu.
Baliqtchy, 163 n.
Da)is, 107 n.
Balkh, V, v![, 133 n.. 113 n., 109, lii8 n ,
109, 170, 323, 252, 253 n., 387.
Balkhan, le -,63 n.
Bamian (province de — ), 169 n.
Bamiyan (dansTHindou-Kouh), 13 n.
Baqat, les —, 62 d.
Baqian, 159.
Baqy (le poète — ), 170 n.
Sarbier de Meynard, 220.
Barfourouch, ivii, 33 n., 23 n., 25, 36 n.,
37 n., 31, 33, 39 n.
Bai^uini Firakh (lac), 167 n .
Barkiarouk, xi.
Barmck, 169 n. Barmécides, Us —, IG3 n.
Baïaq Qoum (désert), in.
Bathiny, les —, 108 n.
Bithinyèh. les —, 102 n.
Bayssoun, 155.
Becanus, 211.
INDEX ALPHABETIQUE
307
Bêcher, fils de Taghchadèh, 2C9.
Bedjeher, 169 n.
Bedr (bataille de — }, 107 n.
Bedy Mounchy, 125.
Bedj OU2 Zeman HamaJany, 123 n.
Bedy ouz Zeman (le jardin de — ), 51.
Bedy ouz Zeman Mirza, 44.
Behadir Khan Derèhguèzy, 213.
Behbehan, 61 n.
Behmen, 174, 22?.
Behmcn Mirza, xxi, 123 n., 243 n.
Behram Chah (le sultan ~), 142 n.
Behrouz, 142 n.
Beit outh Thiraz (à Boukhara), 283.
Beizhavy, 29 n.
Bek Ârblan, 67.
Bek Djan, voy. Chah Mourad Bck, IGO.
Bek Djan Mahrem, 88, 111, 115, 219.
Bek Mourad Bay, 219.
Bek Niaz Mahrem, 115, 21G.
Bektach, xix.
Bektach Naméh, voy. Goulistaiii Irem.
Belassaghoun, 165, 160 n.
Belazoury (Beladsori), 2.10 n.
Belissan (porte et bazar à Rey), i>3-2.
Bellew, M. 161 n.
Benaket, 162, 165 n.
Benamket, 160 n.
Bend, le — (du Gourgan}, 195, 196,
198.
Bender Abou Cheher, C8 n.
Beng, le —, 128.
Bengale, le —,11, 133.
Béni Mamoun (dynastie des — ), v.
Béni Se*idèh, les —, 105.
Beniyat, 969, 270.
Benou Temim (tribu de — ), 170 n.
Beratekin, voy. Fcratekin.
Berbery (les Seiydi, 27.
Bergeron, Pierre —, xii.
Bestham, 25 n., 30, 79 n.
Bethaq (porte de —, à Rcy\ 232.
Beyat (tribu de — ), 87.
Beydoun, 259,261, 271,272.
Beyhaqy, iv, v.
Biaghou, voy. Qara Djourin Turk.
Biberstein Kazimirski, M. de —, xxii.
Bîbi Chirvan, 62 n.
Biby Cheher Banou (mont.), 233 n.
Bichèhi Narvcn (ancien nom du Mazan-
deran), 30.
Bijcn, 222.
Bikcnd, 106, 1G7, 257, 258 n., 200-265.
Birouny, iv, v, vi,
Bivcrasp, 239, 241.
Bland, N., 210 n.
Bodc, M., 27 n.
Bouddhisme, le — (à Boukhara), 258.
Boudjnourd, voy. Bouzoundjcrd.
Boukhara, ix, xi, 7, 70, 82, 83. 100, 100,
117. 119, 125, 128, 132, 115, UG, 152 107,
171, J88, 224, 250 et suiv., 290-208.
Boukharcs, les —, 110, 176.
Boukhar Khouda. les —, 257 n., 258, 261,
267-269.
Boimiehcn, 12, 13 n.
Boumchket (Ousrouchinch), 160. n.
Bouqidjch, les —, 63 n.
Bourany (mets), 116.
Bourhani Qathi, xxiii.
Bouriah Qoutchin, xii.
Boutek. 260.
Bout Khani'h, xxi.
Bouvvch (canal de — ), vu.
Bouzoundjcrd, 66, 81 n., 98.
Bulgares (le pays des — ), 222.
Burncs, A., 42 n., 89 n., 90 n., 111 n.
Caire, le —, 10.
Caramanie, la —, 11, 61 n.
Casbin, voy. Qazwin.
Caspienne (mer — ), 23 n., 25 n., 28, 29, 32,
33, 39, 44-46, 50, 59, 6i n , 89 n.. 111 n..
140, 151, 153, 213, 247, 250, 256.
Cazan, 151 n.
Chûch, 05 n,, IGO n., 105, 100 n., (riv.),
101 n.
Chafibh, 148 n;
Châhâbad (canal de — ), vu (localiic),
56 n.» 137.
Chah Abbas, xiv, 21 n., 23 n., 25, 2G n.,
o5, 3C, 39 n., 10 n., 42, 205 n , 23i».
Chah Abdoul Azhim (village), 20G»
3oS
RELATION DK L AMBASSADE AU KHAREZM
Chlh Hussein 305 n.
Châhidjan, 111, voy. Merv
Chah Ismayl, itii, 85 n.
Chah Kouh, 200, îOi.
Chah Maurad B«k, 100.
Chah Murad Oulnaq, 21).
Châli Naméh, 253 n.
Châhrek (vallée de — !, 5G d.
ChJhroud. n., 13 n., !ô n.,3a5 n.
Chah Roukh, fils de Tamerlan, lOi, 174.
ChâhroukhiÈh. voy. Benaket.
Châhroukhiih (fleuve de — ), 153, voy.
Sihoun.
Cbdhroukh Khan Qadjar, 150.
Chàhroukh Mina, 1G5 n., IGS n., 171 n.
Chah Sanem, Gft.
Chah Thahmas. &'i n.
Châhy, le — (monnaie), 9 n.
Chahyoun, voy. Emir Khan Chahyoun.
Chah Zadèh Abdoul Aihim, voy, Chah
Abdoul Azhim.
Chamar Kend, 157,
Chapour Zoul Ekiaf, 171 it.
Chardin, 39 n., 40 n.. Cl n.
CharUtan (à Boukhara), ^.'i.
Château des Indiens (à Baikh), lliO n.
Chebistcr, 13G n.
Chehab oud Din (leVc/ir -). 273,
Chuhab oud Din Aboul Ncd)ib Abdoul
Qahir Souhcrverdy, lit n.
Chchaboud Din Mohammed Ne3sawy,U0n.
Chuher (à Boukara), 25:..
Chehcruki nao (vallée de —), .'Hi n.
Chehcri Sebi, LjI, 157, 159. voy. Kwh,
Chchcrisiany Roui y n (Si kend), 1G7 n.
Chchinchdh Namih, 201 n.
Chchristany, lOi n.
Chcibany Khan, voy. Mohainmod Khan
Chclbany.
Cheikh Abou Aly Chu^i.]. Cheikh Aboul
Eazhl Hassan, clo., tic, voy, Abou Aly
Chcqlq, Aboul Fazhl Hassan, clc, etc.
Cheikh Cheref (le tombeau de — ), 119.
Cheikh Thabarssy, ÎG, Î7 n.
Chcmiran, 10, 79 n., 131.
Chems Abad, 382.
Chems Fakhiy, xxiii.
Chems oud Din Mohammed d Mouqa-
dcssy, voy. Mouqadcssy.
Chems oui Aymmèh, 85 n.
Chems oui Moulk Nasr ibn Ibrahim,
276, 28Î.
Chera. 2G1.
Cherel, voy. Cheikh Cheref.
Cheref Namih, uni.
Chibourghan, 169 n , 170, 216.
ChiUËh. 121.
Chine, la —, 11, 185 n., 108 n., 221 n.,
201, 205. Chinois, les —, 161 n., IGf
Chirâbad, 155.
Chtr Aly Khan Kboqandy, 163.
Chiraî, ivir, xxt, 28, 5>, 201 n.
Chirdarboun, 43 n.
ChirgSh, 23 n., 24-27.
Chiri Kichver, î8l.
Chir Kebir. 183 n.
Chirvan, 10, 61, 81; Chirvan, le — ,
150 n., 250,
Choubekh, 288.
Chouchier, Si n.
Choudja ous Salihanèh, Hassan Aly M
(le Nevvab).xvii, 70, 98.
Clavijo (ambassadeur de Henri 111 de C
lille), 159 n.
Constant! no pie, 7, 62, 67.
Conolly, 183 n.
te. P.,
.,235.
Cureton M. W., lOÏ n
DabiUan oui Me^ahib, 106 n,
Dach Verdy, 65.
Daghestan, le —, 11.
Damas. 169 n.
Damghan.30, 07 n., 203 n.
Damoan, voy. Dcmavend.
Dan (tribu de — ), 315.
Daniel {le prophète — ), 61 n., 158.
Daouict Abad, SOI.
Daoulet Chah, 155 n.
Daoulet Niai Yuz Bachy,2IO.
Daoulet Yar By. 319.
Daqiqy, «i, 253.
Dara (la cour de — ), 188,
INDEX ALPHABETIQUE
309
Darab, Gl n.
Darius, 99.
Darougha, xiii.
Darougha Mahrem, le —, 319.
Dar oui Merz (Mazandcran), dû.
Dary, les — , 63 n.
Dauguendjèh, les — , 58 n.
Dayèh, voy. Nedjm oud Din Razy.
Daz (tribu de —), 6*2 n.
Dazakh, 159.
Debous, 260.
Dechtck, 280, 281 .
Dechti Qiptchaq, le —, m, 159, 162 n., Iô3.
Defrémery. C, xii.
Dchanèh, les — , 62 n.
Deheky Nao (bazar de —, à Rey), 232.
Dehistan, le —, 30, &1 n., 182 n.
Dèh Nemek, 205.
Dèhqan, les —, 261, 262, 266-269, 295.
Deilemites de Z}'ad Guilany (dynastie des
— ), XXI, 30 n.
Dcly Tchay, 17, 18.
Demavend (montagne), 12 n., 13 n., 15-17,
36, 239 et suiv.
Demavend (ville), 246, 247.
Denbavend, 239, voy. Demavend (mont).
Derber.d, 59, 256.
Dcrdy Qouly Khan. 185.
Derèh D)ez, voy. le suivant.
Derèh guez, 82, 99, 111, 113.
Derghan, ix.
Deri Ahenin, Deri Chanstan, Deri Qas-
saban (portes de Cheheri Sebz), 157 n.
Deri Gharby. Deri Maabed (portes de Bou-
khara). 279.
Dervazèhi alef fourouchan, Dervazèhi Ghou-
rian, Dervazèhi Maabed (portes de Bou-
khara), 146 n., 26^ 271. 272.
Dervazèhi Ballathin, Dervazèhi Charistan
(portes d'Ousrouchinèh), 161 n.
Dervazèhi Daoulet, 193, 221.
Destan, 157.
Devalou, les —, 97.
Dibavend (Demavend), 16.
Dinar (monnaie}, 9 n.
Diodore de Sicile, 234 n.
Divi Sefid, 23 n.
Divs. les —, 16, 21, 23 n., 29, 122, 190.
Divan de Riza Qouly Khan, xix.
Divan oui Edeb, 16C n .
Dizek, 160 n.
Djadjroud, 9, 11.
Djafer (flmam — ), 102 n.
Djafcr Abad (fort de — ), 196, 199.
Djafer Aga, 173.
Djafer Aga Djelalr, 214, 215.
Djafer Aga de Kelat, 88, 89, 219.
Djafer Bay (tribu des — ), 53 h., 54, 58,
62 n., 196, 197.
Djafer el Moustaghfiry, 158 n., 257.
Djafer es Sadiq (l'Imam — ), 57 n.
Djafer ibn Mohammed el Moustaghfiry,
voy. Djafer el Moustaghfiry.
Djafer ibn Mohammed cr Razy, 234.
Djafer Khan, 79 n,
Djafer Khan :de la dynastie des Zend),
103 n.
Djafer Qouly Khan (de Bouzoundjerd), 98.
Djafer Qouly Khan Emiri Pentchèh, 53.
Djafer Qouly Khan, fils de Riza Qouly
Khan, xxiii.
Djafer Qouly Khan Qadjar, xvi.
Djafer Qouly Khan Qaradjch Daghi, 84.
Djater Qouly Kurd, 109.
Djaghatay, xiii. 177.
Djami out Tavarikhy 110 n., 102 n.
Djamy, les —, 113, 179.
Djamy (Abdour Rahman), 141, 142, 172 n.
Djanbeglou (tribu kurde de —\ 26 n.
Djar oullah, voy. Zamakhchary.
Djaroun, 61 n.
Djebèh Nouyan, 140.
Djebrayl ibn Yahya (le Vézir — ). 291-294.
Djelalr (dynastie de — ), 162 n.
Djelal Khan, fils de Mohammed Khan, xiii.
Djelal oud Din, 146, voy. Mewlana Djelal
Din.
Djelal oud Din Baghdady, 164 n.
Djelal oud Din Mangouberty, (Histoire
du Sultan — ), xii^ 140 n.
Djem, 173.
Djemal oud Din Abou Amr Osman ibn
Omar bin Abi Bekr bin Younis, voy.
Ibn Hadjib.
Djemal oud Din Chah Cheikh Abou Ishaq
IndJGU, XXIII.
Djemal oud Din Souheyl, 142.
Djemchid, 89 n.
RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
3 10
Djemchid)', let -, 83, 90, 111, 113, 179,
Ht.
Djend, It».
Dienguiz Khan, vi, ii, xu, CO, 99. 139,
110, ICI n.,171n., K5. 373.
DjerJûur. le — (canal), viii, 150 n.
Djerib (mesure de turbce; , 41 n.
Djeri Goulbad, 41, 13.
Djibal, le—. Wî, Î39.
Djiguerbend, ii.
I^ihanguir Kbodja, mil, 101 n.
Djihan Koucha, 110 n.
Djiban Numa, 8t n., 85 n., 150 n., 157 n.,
Ifiln., I6.'> n., laSn., IGRn.
Djihoun, le —, m, v, vu viii, RG. 09, 121-
IM, 131. 132. 110, 112, 111,119 n., 150-
150, 106 n. — 109. 176, 160, ÎO», 3»,
215, 256, ÎVJ, 261-201, 271, ÎS9.
I^innet, 7, 8.
Diînn, SakbrËh, IG.
Djond (le lac du — ), ir)î. voy. mer d'oral.
Djordjan, 57 a.
Djoudj]', IX n-, XII.
Djouhfah, 105 n.
Diouncld ibn Khalid, 295.
Djourdjan, 30, 10, 17 n., 57 n., 58,
Djourdjanièh, voy. Gourgandj.
Diourgan, 1G9 n.
Djouy Mevalian, 280, 281.
Ojouzdjan (province de — ), 123 n,
Doqmèh Persan», les —, 88.
Dormcr Colton (Sir , 23'J.
Dorn. M., 21 n.. 27 n.. 17 n.,
Dott Mohammed Khan, 17o.
Douâb, 33.
Douchâb, le— ,231.
Douchenbih, 158.
Doudjy, les —, Oi n.
Uoudourqah, les —, 62 n.
Dougouloum (affluent do Gourgan), 56 n.
Doulab. 7, 8.
Dounya Avend, 16.
Druzes (religion des — ), 108 n.
Dulaurier, Ed., 3-11 n.
Dumbavend, 239, voy. Dcmavend.
Du Plan Carpin, xn.
Eatiwtck, 12 n., 15 n., 10 n., 2(» n.
Ebrevy. Ma, 201.
Ecbaune. 229.
Ecbecs (jeu d<» — ), 210.
Kbhek Sou, voy. Qaraoul-lchay.
Echref, 2i, 31-36, 39 n.,10 n. — lî.
Echref (officier d'Abou Mouslln)), 293.
Echrefy (monnaie^ 9 n.
Ecir oud Din ;le poète- \ ICI.
Edcrkout, 159.
Edîb Sabir Terrai/j-, l'i5.
Edjmel oui Tewarikk, xii.
Efchar, ;lc régiment — ), 91, 93, 195, SU.
Efchar (tribu de» — :, 87.
Efchaurèb ;mets), 110.
Egypte, 10, 107, 283.
Eîranek, Eirani K=ii, Elvani Key, 205.
Ekber Chah, xxici.
El açar oui Baqy-èh a.i il qouroiin il Kha-
lyèh (ouvr. de Biro'jny). -n.
Elbouri monl), 10, 13 n., 25 n.. '^Z n.,
180, 205 n., 235,239-
Eltchy Khan, Eltchy Bey, 117.
Emin Abad, 18. •
Emir cch Chouara (titre de Riza Qouly
Khan\ xvi[.
Emir Gounch Khan, 98 n.
Emir Hussein Khan, voy. Hussein Khan.
Emiri Niïbam Mirza Taqy Khan Fcra-
liâny, voy. Mirza Taqy Khan Ferahâny.
Emiri PenichÈh, 1' — voy. Aly Q.ouly
Khan Efchar.
Emir Khalif ibn Ahmed, voy. Khalif ibn
Ahmed.
Emir Khan Chahyoun, 317.
Emir Khosrau (le poÈte — ), 157 n .
Enbar, 133 n.
Enceladc, 339.
Endedjan, 162, 108 n.
Endkoub, 109 n.
Engouri Nik (le jardin d' —, ou d'Engue-
rik), 92, 93.
Envery d'Abivcrd, XXI, 131, 455 n., 101 n.,
170.
INDEX ALPHABETIQUE
3ll
Emvar oui Vilayèh, xix.
Enzely (port de RcchO, *25 n.
Erazh Khan, 214, 219.
Erdjumend, 18 n.
Ercchlou, les —, 87 n.
Erkekly, les —, 63 n.
Ery Toumadj, les —, r)8 n.
Esferèh, voy. le suivant.
Esfercng, 161.
Eskcdjket, 259 n., 261.
Esma, 51.
Essed ibn Abdillah, 268.
Essed oullah Khan, xx n.
Esscdy Toussy, xxiii.
Esterâbad, xiv, 2ô, 30-36, 11-48, 52-54,
58, 59, 62, 66, 67 n., 81, 81. 85. 89 n.,
97, 99, 111. 112, 118, 140. 152, 180, lai-
200, 207.
Esterâbad (mer d' — ), 56, 59.
Esterâbad Roustaq, 53.
Ethé, D', 241 n.
Etrek, V —, 56 n., 58 n., 62 n.-6i, 66 n.,
67 n., 81 n., 82 n., 183, 184, 209.
Etsiz, 124, 125, 155 n.
Eukuz Souy (nom de la mer d*Aral, voy.
ce mot), III.
Europeas, 230.
Eymer, les — , 62 n.
Fadhl ibn Yahya (le Barmécide). 274.
Fakhr Imadouddin (bulouk de — ), 62 n.
Fakhri Razy, Fakhr oud Din Abou Ab-
dillah Mohammed Ibn Hassan el Qou-
rachy, 147, 148.
Fakhr oud Oin Mahommed ibn Abi Daoud
Souleyman, 162 n.
Fakhr oud Din Qoutlouq fils d*lnandj,
149 n. voy. Q.outIouq Sultan.
Farab, 166, 167 n.
Faraby, voy. Abou Nasr Faraby.
Fariab, 123 n., 169 n.
Fars (province du — ), xvii, xviii, 31, 61 n.,
87 n., 104, 140, 212, 234 n.
Fathimèh, 101 n.. 102 n.
! Fathim} , les —, 102 n.
Fay-li, (royaume de—), iv.
Feday, les —, 108 n.
Feïly (tribu des — ), 103 n.
Fenaket (fleuve de — ), 153, voy. Sihoun
Fenaket (ville), voy. Benaket.
Fenderisk .bulouk de — ), 62 n.
Fcrah Abad, 39 n.
Ferahan, le —, 87, 216.
Feratekin (village), vni, ix.
Ferber, 257, 268.
Ferdanèh, 260.
Fereny (mets), 116.
Fcrganèh. 117. 153, 159-161 n., 165 n..
188, 268.
Ferhcngui Endjoumen Aray Naciry, xxri,
XXIJI.
Ferhengui Rechidy, xxiii.
Fercnghui Djihanguiry, xxiii.
Fcridoun, 13 n., 16, 83, 223. 2^11.
Feridoun Mirza (le Newab — }, xviii, 212-
216, 223.
Ferighouny ^le Kharezm Chah — ), 123.
Ferkhar, 22-1.
Ferkhary (le poète — ). 224 n.
Ferrach Bachy, le —, 114.
Ferrier. 204 n., 205 n.
Fcrroukhy, voy. Abcul Haesan Fcrroukhy
Sistany.
Ferwan, le—, 169 n.
Feth Aly Chah, xiv, xvii. xx, 10 n., 19, 20,
30. 31, 34 n., 67 n., 79-81 n., 84 n., 93,
97, 98 n.. 103, 138 n., 156, 201, 204,
211, 237.
Feth Aly Khan Kachany, 201 n.
Feth Aly Khan Qadjar. 45.
Feth Aly Khan Qadjar Devalou, 97 n.,203.
Feth oullah, 55.
Fezary. 233.
Fihris out Tewarikh, xix, 27 n , 31 n., 66,
67 n.,97 n., 80,84 n.,98 n.
Fil. 149 n.
Filèh (la plaine de — ). 252.
Firdoussy, xxi, 16 n , 29, 223 n., 253 n.
Firouz (le roi Sassanide), 67 n.
Firouz Mirza, xviii.
Firouzkouh, 7 n., 15 n., 17 n., 18-20.
22 n., 23 n., 30, 207.
Forsyth, Sir Th.. 164 n.
3l2
RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
Fouchendj, 84 n.
Fourkhas. les —, 58 n.
France, la —, 07.
Fraser, 25 n,, 31 n., 40 n., 59, 'n., 6G n.,
81 n., 82 n., 111 n., 170 n., 173 n., 205 n.
Gad (tribu de — ), î45.
Gao Kharèh (canal de — ), vïi.
Georges, S' — , 15S.
Géorgie, la —, 11, 39 n.
Ghabor,215, 216.
Ghada (plante), iv.
Ghadir Khoumm, 105 n.
Ghandjar el Boukhary, 257.
Ghanghèh Tchachkin, 08, 17(5.
Gharabchinèh (village), vu.
Ghardeman, ix.
Ghardjistan, le —, 109 n.
Gharib, OS n,
Ghatqar, 180.
Ghay, les—, G3 n.
Ghazan Khan. 231.
Ghazan Tchay, 18.
Ghaznah, 112, 163 n.
Gaznévides, les — , xyi, 5S.
Ghazyâbad (canal de — ), vu.
Ghias oud Din Mohammed (le Sultan
Ghouride), 117 n.
Ghidèh, iv.
Ghithryf (l'Emir — ). 257 n.
Ghiihryfièh (dirhem — ), 257.
Ghouchid Khan, 211.
Ghoudjevan, 290.
Ghour (les rois du — ), 174.
Ghouzz (iribu des — ), iir, vi, ix, 152 n.,
165 n., 171 n., 256, 273.
Gobineau M. de —, 27 n.
Goeje, M. de —, 47 n., 153 n., 230 n.
Gordon, T. E., 161 n.
Gotlwaldl, M., 151 n , 163 n.
Gouchtasp, 174, 222 n., 253 n.
Goudcr Tekin, 295.
Gouderz, 172, 223.
Gouklan, les —, 47, i% 56,62, 63 n., Bi, 85,
178, 181, 191, 197, 216.
Gouklan Bayendir, les — , Gouklan Kerkez,
les —, etc., etc., voy. Bayendir, Kerkez,
etc., etc.
Gouklan Qouyou, 67.
Goulbad, 41, 43 n., voy. Djeri Goulbad.
Goulcheni Raz, le —, 136.
Gouîistani Irem, xix.
Goumbedi-Qabous, 56 n., 63 n.
Gounèh Khan, voy. Emir Gounèh Khan.
Gourgan, ix, 31 n., 34, 42, 44, 47 n., 54,
58, 62, 81. 85. 150 n., 176, 192, 199, 207.
209, 212, 256 (riv.), 56, 57, 60, 63 n., C6,
18U183. 185, 195, 198.
Gourgandj, vu, viii, ix, xiii, 99, 126, 1.38,
142, 118-150 n., 176, 182,224.
Gourguin, fils de Milad, 44, 907.
Gouri Sefid, 19.
Gouri Sourkh, 57 n.
Gour Khan, 273.
Gour Neghanoun, 265, 266.
Gozan (riv.), 245.
Guebrâbad, 235 n.
Guèbres, les —, 81 n., 107, 146 n., 283 n.
Guedouk, 21, 23 n.
Guendoum Kân, 72, 77. 113.
Guermâb, 248.
Guerm roud (affluent du Gourgan), 56 n.,
C2 n.
Guermsyr, 248.
Guerm Tchechmèh, 56 n.
Guerrous, les —, 216.
Guez, 42 n.,45, 47 n.
Guilan, le —, 25 n., 142.
Guilan (mer du — ), 56, 59.
Guilany (canal de —, à Rey), 232.
Guilared, 13, 14.
Guil doulab, 42 n.
Guirdck, 290, 29:].
Guireily, les —, 31 n.
Guirih (canal de — ), vu.
Guirisicni Moughan, 271.
Guit, voy. Kit.
Guiv, 222 n., 223.
Gui Bagh fort à Kachghar), 161 n.
Gulveran, 166.
Gumuch Tèpèh, 17 n., 56 n., hH n,
Guyard M., 108 n.
INDEX ALPHABETIQUE
3l3
Haarbrûcker, Th., 10-2 n.
Habib oud Din Mohammed Djeriadqany,
123 n.
Habib ous Sier, 165 n., 171 n.
Hachim, JOl.
Hachim, fîls de Hekim, voy. Mouqannah.
Ha Dervich {désert de — ), 162 n.
Hadiqat oui Haqiqah, 11*2 n.
Hadjib, 98 n.
Hadjîb {esclave de Mouqannah), 305.
Hadji Khalfa,81 n.. 157 n., 161 n.
Hadjim, xiii, xiv.
Hadji Mirza Agassy, xviii.
Hadji Mohammed Khan, voy. Hadjim,
Hadji Seiyd Abdoullah Téhérany, 7.
Hadji Suleyman Bey Bidgouly^ 201 n.
Hadjy Tcrkhan (Astracan), 32.
Hady Khan, voy. Mohammed Hady Khan.
Hafîz, XVI, XXIII, 120 n., 162 n.
Hafîz Abrou, 285.
Haiyan Nabathy, 265, 266.
Hala, 245, 246.
Halqah Daghly, les —, 61 n., 63 n.
Hamadan, 87 n., 210 n., 241.
Hamd oullah Qazwiny, 240.
Hamid Nouh ibn Nasr bin Ismayl, 276.
Hammer, M. de —, 108 n.Hl36 n.
Hamouk Ket, 260. 261.
Hamzèh Khan Anezany (Enzany), 42, 198.
Hanway, 25 n., 40»n.
Haqq Nazhar Bin Bachy, 2J9.
Haqalq oui Akhbar^ xvi n., 215 n.
Haramkan (riv.), 167 n.
Haroun er Rechid (le Khalife), 230, 257 n.,
274.
Haroun, fils de Siavech, 268.
Harra, 215.
Hassan, 101, 102 n., 103 n.
Hassan (Sultan), 162 n.
Hassan Aly Mirza, voy. Choudja ous Sal-
thanèh.
Hassan cl Basry, 102 n.
Hassan ibn Aly Houmeiry, 108 n.
Hassan ibn Mohammed bin Thalout, 281.
Hassan Khabouchany, 70.
Hassan Khan (Hassan Tchighan), 197.
Hassan Khan Salar, xv. 98 n.
Hassan Khan Sebzvary, 215.
Hassan Khan Turkoman (Hassan Tchou-
ghan), 53, 60.
Hassan Qouly, les — , 58 n.
Hassan Qouly Khan Qadjar, 45.
Hayder (PEmir -), 159.
Hayder (Seiyd). 26 n.
Hayderâbad, 63 n.
Hayder Amoly (Seiyd), 33.
Hayder Qouly Mirza, xxi.
Hayton, xii, 214.
Hazret, voy. Mohammed Emin Khan.
HazretI Afaq (tombeau de — ), 164 n.
Hazreti Padichâh (tombeau de — ), 164 n.
Hazreti Pehlivan, voy. Pehlivan.
Hazreti Pehlivan (canal de — ), 132.
Hebclroud, 19.
Hecht Bihicht, 138 n.
Hedjdjadj,259n.,26i,266.
Hcdjdjadj (porte de —, à Gourgandj), viii.
He/t Iqlym, 84 n., 145 n., 157 n., 165 n.,
160n., I70n.,l7ln., 241.
Heïthel, fils d'Alim, 160 n.
Heïthel, pays de —, vi. voy. Hiathilèh.
Hekim (père de Mouqannah), 287.
Hekim Aboul Hassan Aly, voy. Aboul
Hassan Fcrroukhy.
Hekim Ahmed, 290, 293.
Hekim âta (le Cheikh). 69, 1^1 ; (localité),
151.
Hekim âta Hikayety, 151 n.
Hekim Khan (le — des Salour), 89 n.
Hekim Senay, voy. Senay,
Henck Khouda, 265.
Hérât. 81 n., 87, 99, 128 n., 132, 110, 147 n.,
169 n., 173-175, 215, 222.
Hérât (l'Emir de — ), 291, 296, 29"'
Herbelot. d' -, 166 n., 231 n.
Herbert, Th., 239, 214.
Herkhanèh. 160. voy. Ferghanèh.
Hérodote, iv.
Hezar Djerib (arrondissement de — ) , xvi,
203.
Hezarèh, les —, 27 n.; (montagne de — ),
189 n.
Hezaresp, vu, ix. xi xin,99, 123-125, 172.
RELATION DK L AMBASSADE AU KHABEZM
3 14
Hiathilih (pnys des -), IfiO n.
Hicham (le Khalife — ), 2r«.
Hicham (porte et bazar de —, à Rey ,
Hidayet Namèh, iix, lâl.
Hidayet (surnom de Riza Qouly Khan),
Hilaleln (canal de — ), tu; (tocaliléi, 137.
Hindoustan, 1'—, II.
Hiouen Thsang, iv.
Hissar (â Boukhara', 355.
Hissari Chadraan, 15'J.
Hodje Suare (marchanii persan). 3J5.
Ho-lo-si-nia (roy. de — ], iv.
Homeîd ibn Qahiahbah (L'Emir — \ î83.
Hommaire de Hell. 32 n., 37 n.
Houchcng, Ï33.
Houlagou. 81 n., 108 n.
Houman, 3ï3.
Haumaj- dellerv, xxi
Houseuth ouJ Din, 150 n.
Hugues, Luigi —, l-'i3 n,
Hukoumet Khan, 319.
Humboldt, A. de, ISS n.
Hussam ous Sal(han£li Sultan Murad
Mirza, 81, 88-00, m, 90, 110, 113, I7i,
ai3.
Hussein, 101, 103 n., 103 n. ; (Sultan —)i
170 n.
Hussein Aly Mlrza, Choudja ous Sattha-
Huïseîn, fils de Ma'az (l'Emir -1. 290-
Hussein Khan {l'Emir — }, 2l3.
Hussein Mirza Go uregany (Sultan—), 171.
Hussein Siavcch, 30 n.
Hydc, ilO n.
Ibn Baiouiah, m.
Ibn cl Aihlr, UO n.. Î85, 3â7 n
Ibn el Kclby, 333.
Ibn Hadjib, MK.
Ibn Hau^al, vi, lGOn.,356.
Ibn Hicham, 105 n.
tbn Khaldoun, IGR n.
Ibn Khallikan, 118 n., 150 n., ICC n,
Ibn Sayd, 108 n.
Ibrahim (auteur de ÏAkhbar Mouqannah/,
386.
Ibrahim {Sultan — ), lia n.
Ibrahim Edhcm, 160 n.
Ibrahim Khan (le Ncwab), 159.
Ibrahim Qawwam Serhindy, xmir,
Ibriqdar. xt, 13-1 n.
lehÈLÈh, les-, 63 n.
Ichijâbad, 89 n., 3M.
Ichq Namèh, 1J3 n.
Idrissy, Abou Sayd el —, 158 n., 3:>fi.
Igdir Kouichek, les —, ,18 n.
Ihram, 1" — , ÎOi.
Ikhan, ix.
Ikhchid (litre), 103.
liât Kurdzeban, 9à n.
llbars Khan, iiv, 135.
Ildeguiz ;l'Atabek), lOt n.
Ilek Khan, xi.
Ilkhany (jardin), xii, (litre'. 81 n., 313.
Itqatmich. S3J.
llqay, les —, la'i.
Iltouzer Khan (de Khiva;. i[v, 08 n., )7C.
lltouzer Khan (Turkoman), 19J, 107.
Imamièh, les —, 103, IM. 103.
Imam Zadèh Abou Thalib, 1' —, 33.
Imam Zadih de Kharabi Cbecher, 17 n.
Imam Zad{:h de Seiyd Mohammed (prÈs
de Limras), 13.
Inaq, les — , xiv.
Inde. !■ -, W, 100. 100 n.
Indiens îen Perse), 107.»
In Tchekih. Gl.
Iran, 133, 153.
Iraniens, les —, 131, 173.
Iraq. 16. ÎO, 87, 93, 161 n.. 310. !31. 33î.
330.
Irem (mer d' — , pris de Barfourouch), 33.
Isfahan, 39 n.. 138 n., 173. 305 o.
Isfendiar. 170 n . 333 n.
IsmaîliÈli, les—, 103.
Ismaïliens, !les Khalifes — d'Egj-pie}, 107.
Ismally. les —, 108 n,
< Ismayl, fils de Djafer, 103 n.
I Ismayl ibn Hammad el Diauhery. 1G6 n.
I Ismayl Kemal. xvi, 303.
INDEX ALPHADKTIQUi:
3i5
Umayl le SatnanMc (l'Emir — ). 270, 375-
379,281.
Iwnayl Qasry (le Cheikh — ,'. 111.
Itsa Khan Qadjar, II.
Issiq Koul (lac), 163 n.
Uthakhry, El —, iv. vi, 100 n.. îiB. î35,
210, 356.
Isvanèh, 360.
Itimad oud Daouith, 1' —, voy, Mirza Aga
Khan Noury,
Iiizhad aud Daoulùh , voy. Soulcyman
Khan Qadjar Devatou.
Uai Inaq, 176.
Iv-ostchinzov (le capitaine), 339, 360.
lylaq. 105 n.
Izz oud Din Nestay (Sciyd), 171 n
Izz oui Moulk, XI.
Jaarawon, 345.
Jadjroudou lajeroud, voy. Djadjroud.
Jésus. 2S7.
Jilard, voy. Guilared.
Saih. les — icn Perse), 3JJ, 316.
Julien (Stanislas). i7 n.
Kaboul, 11, 130. 109 n.. ISA. ]BD.
Kachan, 131. ÏGÎ. 305 n.
Kachghar, xi. II!». 103-165. 168 n.,
Kachmir. le—, 11. iO, 13» n.
Kaempfcr, 01 n.
Kafièhjil Nahw, 148 n.
Kal, les -, 58 n.
Kam, tes —, 58 n.
Kamil fit Tarikk, 140 n., 387 n., %
391 n., 201 n., 295 n.
Kani Badam, voy. Kend Badam.
Kaouccr, le —, 65, 308.
Kaoukeb, 160 n.
Kareki Alevyan, 981.
Karcsiy (affluent du Gourgan), 50 n.
Karevan Bachy, le —, 117, 118.
Kar Namchi Balkh, Ui n.
Kât. VI, vin, 99, li3. lli>, r.O, 255.
Katoul (bulouk da -), 03 n.
Kauffmam {Général von — ), IH n.
Kazèh, 386.
Kazcrgâh, 175.
Kazhim Btk, 101, 107.
Kazwiny, voy. Qaiwiny.
Kebir Mohammed Qassim Khan Qadiar
Qavanlou, 201.
Keboud Djamèh, 03 n.
Kech (voy. Cheheri Sebi), 151, IfiO n., 3-57,
203, 360. 388. 289, 595, 398.
Kechchaffi Haqàiq il Teiixil.cl-, 150 n.
Kcl, 218 n.
Kclat, 88, 89, 1Î3 n., 172, 173 n. 311, 3r.,
-212.
KelalÈh, 203 n., 204.
Kellabagh. 77, 78.
Keltèh, les —, :>S a-
Kemal Khodjcndy !le Cheikh), xvi, 102.
Kemat oud Din Abdouf Rwïaq, 105 n.
Kend Badam, 102 n.
Keit{ oui Haqaiq, 136.
Kcfbcla, 101.
Kerbïlay Mohammed Hussein, ïï n.
Kerbelay Taqy, xx n.
Kerdcran Khach (canal de — ), v», (loca-
lité), IX.
KerimKhan, 103 n.,30!.
Kerim Khan Vekil, 303,301.
KerkM, les —, 6d n.
Kerky, 156.
Kcrman. le, ïvin, 19. 60, 87 n., 350.
Kermanchâh (province de — .', 81 n.
KerminÈh, 15G.
Kert [dynastie des — ', 171,
Kcssik Minarùh, tiô, 182.
Kcuk-Tich (triJne deTimour;, 158.
Key Kaous, iv, 121, 157, 100 n., 271,
Kcy KhoErau.'O, 131, U6 n.
Keyaumers, 70,233.
Kej'qobad, 2B, voy. Qobad.
Khnbouchan, 64 n,,81.
Khachouy 300,203.
Khad)tb Abdout Kbaliq Ghoundjouwany,
110 n.
3i6
RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
Khadjèh Aboul Abbas, xxi.
Khadjèh Aboul Véfa. 150 n.
Khadjèh Aly Rametiny. 145, 146.
Khadjèh Arif Riveguirevy, li6 n.
Khadjèhi Azizan, voy. Khadjèh Aly Ra-
metiny.
Khadjèh Mahmoud Faghnèwy, 146.
Khalendj (bois de — }* 335.
Khalid ^e Barmécide), 109 n.
Khalid ibn Djouneld, 269.
Khalifes, les — . 100-106, 140.
Khalif ibn Ahmed (rEmir H. 251, 252.
Khalkhal, 161 n.
Khamsèh, le —, 87 n.
Khanâbad, 137 (canal de — ), vu.
Khan Baligh (Pékin), 165.
Khand Hassan, 108 n.
Khanèhi Divi Sefid, 22 n.
Khanikoff, de —, 66 n.
Khankâh, xiv, 123, 125.
Khans (les — de Khi va;, 174 et suiv.
Khaqan, 97.
Khaqani Ekber, voy Aga Mohammed
Khan.
Khaqâny, 139, 155 n., 161 n., 162 n.
Khar (district de — ) voy. Khawar.
Kharezm, m, vi-xiv, 6, 12, 33, 39, 40, 46,
47, 52-69, 76, 78, 81, 83, 88, 98-100, 108-
126, 131, 136-143, 146-156, 159, 162 n.,
106, 169 n., 171-181, 200, 207, 208, 214-
216, 222, 224, 256. 295.
Kharezm (mer du —, lac du — \ 151, 152
n. voy. mer d*Aral.
Kharezm Chah, les —, xi, xv, 122, 12i n.,
126. 138, 139. 150 n.. 169 n.
Khari choutour, le —, (plante) iv, 68.
Kharidy, les — . 102. 107.
Kharouchour. les —, 63 n.
Kharqan Roud, 260.
Kharthartchy. 158.
Kharvar, le —, 174 n.
Khatlan, le —, 170 Khatly (chevaux), 170.
Khatoun, (la —, souveraine de Boukhara;,
269, 261-264, 207.
Khatoun Abad, 205.
Khatyb our Rey. voy. Fakhr oud Din
Abou Abdillah.
Khazcr (mer de — ), voy. mer Caspienne j
(le désert de — ,\ 59.
Khazer (ville), 155.
Khawar (district de — ), 205 n.
Kha^inet oui Eçfia, 65 n., 151 n.
Khenboun. 264, 265.
Kheyaban. le —, 25 n., 36 n.. 38, 42 n., 43.
Khe^ain oui Ouloum, 156 n.. 259. 271,
2fô.
Khirkhiz, 168. voy. Qirghiz.
Khirqan, 30.
Khita (royaume de — }, 165.
Khitay, 151.
Khiva, VII, ix, xiii, xiv, xviu, 6. 7, 40, 49,
52. 54, 62. 64. 67, 70-98, 110-1-20, 123,
125. 126-139. 151, 171-175, 180. 18J. 188.
192. 197. 200. 202, 208, 213, 214, 219.
Khiva Abad. 126.
Khivaq, 126.
Khivaqy, les — . 62 n.
Khodja Abdoul Hekim Termizy. 156.
Khodja Abdoullah Ahrar. 158.
Khodja Aboul Berekèh. 157 n.
Khodja Ahmed Yessevy. 151 n.
Khodja Beha oud Din 157 n.
Khodja Ghias oud Din. 165 n.
Khodja Nefes. les —, 58 n.
Khodja Rahmet oullah Ichan de Kho-
qand. 200-202.
Khodja Saad oud Din Kachghary, 164.
Khodja Zenguyâta. 65.
Khodjend (fleuve de — X voy. Sihoun ;
(ville), 160 n., 162. 165 n.
Khodjend Verdy. 103.
. Khondemir. xii. 165 n., 285.
Khoqand. 49. 78, 117. 119, 120. 132. 139.
153, 163.
Khoqandy. les —, 34.
Khorassan,233.
Khorassan. le —, v, vi, ix. x, xiii, xv. xxi.
11. 25 n.. 27 n., 30. 34 n., 64 n., 66 n.-
68 n.. 81 n.-90, 98, 99, 111-113, 126,
143 n., 155 n., 167 n.-169. 171-175.
189 n.. 212-219. 232, 256, 257 n.. 259.
2G3. 264. 267. 268. 277, 278, 283-289. 295
Khosrau. 07. voy. Key Khosrau.
Khoten. 11. 165. 168 n.
Khoudavend Namèh, 201.
Khoudayar By, 219.
Khoudayar Khan, 78, 163.
Khoudjan.81 n.
INDEX ALPHABETIQUE
3i7
Kbould), les — . irîj n.
Khoul<lian.I53n.
Ktioulm. lG8n., llû.
Kboumm. voy. Ghadir Khoumra.
Khourlhèh. les -, 6î n.
Khourzad, x.
Khoutlan. le —, ITu n., voy. Khallan.
Khouzisun. le—, 81 n.
Kîch, 157 n., voy. Keeh et Chcheri scbi.
Ki-li-sse-TDO C roy de — ), ( Kharezm ),
Kini SiRTech, les — . M6 n.
Kit (village). V», ix.
Kilab Messalik oui Memalik, voy. Messa-
lik oui Memaiik.
KiUb oui Messalik lit Memaiik, 107 n.
Kitab oui Alilet ouen Nihat, IQÎ n.
Kilab oui Qand, 153 n.
Kitab oui Ufhimfy ilm il tendjim, vi.
Kizil alan (mur de — ). 'jû n.
Klaproih, J., 163 n.
Kohnch Ourguendj, 8J, 81, llî, lia, 137-
130, Ii7-U9, 179. 187.
Kondour, 167 n., voy. Bikend.
Kondoury. voy. Abou Nasr Kondoury.
Koubrawy (les derviches —), 113 n.
Kouchk, 71.
Kouchki Feiil. 290,
Kouchki Kho:hiouvan, 398.
Koucbki Orner. 908.
Koudjagh. VII.
Kouhck (porte de — . i Rey), 232,
Kouh Ky (plaine de — ), M, 65.
Kouhnèh Goulbad. 11 n.
Kouhsar (buloQkde— ), 02 n.
KoukdjÈh, les-, 62 n.
Kouktchèh Bay, ai.
Koulab, 170 n.
Koulbad, voy. Goulbad.
Koundlik, les —, 62 n.
Kounsserek, 255, 277.
Kourder. ii.
Koulchan, voy. Khabouchan,
Koutcbek, les —, 62 n.
Kouiy Medjmen, les —, 63 n.
Kouyouk Khan. 154.
Kulahi Firenguy, 47.
Kurdes, le» -. 36 n., SS n.. SIO n.
Kurd Mahallèh. 13, 17 n., 196.
Kurèh. les -, 63 .
Kyndyr Tau (le monl — ), 1G3 n
Lalèhzar (jardin de — ), xix.
Lamakine fgénéral — ). 183 n.
Une, M. E. W., 51 n,
Langlès, 10 n., 173 n.
Ur, 315.
Lardian, SO.
Larim. 22 n.
Larisun. le —, 101.
Lasguerd, 305.
Lebey de Batilly, Denis —, 103 n.
Lcnguer, 169 n.
Le Q.uien. 230 n.
Lerch. P. J.,2â7n.
LimraB. 13 n,
Livassan. 210.
Lobrasp, 160 n., 171,
Loqman Serakhssy (le Cheikh -). 17^.
I^Itin de Laval, 10 d.
Loubb oui Elbab, xxi.
Lour, le — , 103.
Uuihf Aly Khan, 103 n.
Ma'az ibn Mou. 11m (l'Emir — j, 201.
Maçoudy, 17 n.
Madanlou (tribj Kurde de — ), 30 n.
Maghreb, le -, 107.
Mahmoud {Sulta.i — ), v, 58, 123, 112, 230.
3ôI-5S3 r 251.
Mahmoud (Sulun — ), 61s de Sebektekin
Yemin, 379.
Mahmoud Abad, 195.
Mahmoud Chebistery (le Cheikh — ), 130
Mahmoud Ghainevy (Sultan — ), il.
Mahmoud Tourèh (Seiyd -), 79, 178.
Makh (baiar de —, à Boukhara), 382.
' Makhdoum. les—, fiî n.
3i8
RELATION f)E L AMBASSADE AU KHAREZM
Malik ibn Farim, W2.
Mamoun, voy. Aboul Abbas Mamoun.
Manasses (Iribu de^, 3J5.
Manfour (le Khalife), 330.
Mflti(oui: (porte de — , à Boukhara). 970.
Manfourah, llO n.
Manfour ibn Nouh (l'Emir—). 2"'?. ^'f. 280.
Manne, la — . 08 n.
Manqit, 151, 100.
Maqamal, les —, 12.1 n.
Marghiiian, ICI n., 1G2.
Masqate, 107.
Masser (riv.), 250.
Masly, 361.
Mathla ous Saadehi, lii5 n.
Mavera oun Neher, le —, voy. Transoxianc.
Maï Imontagne de — ). 39, 30.
Mazanderan, le —, 0, lo, lî. U, 19 n.-
33, 2.')-33, 36, 30 n., 41 D., 13, 10, 47,
53, 50 n., 50, 93, 131, 140, 153, 300, '211 n.,
aw.
Mechhed,?5n , «1 n., 90 n., 111 n., 173 n.,
183 n., Î05 n,, 213-215,221.
Mechhedi Mestan. voy. le suivant.
Mcchhcdi Missrlan, 05, 182, 183 n.
Mechhedi Ser, 23 n., 3i.
Medaridj oui Bdagah. xii.
Mcdine. 105 n.
Medjd oud Din Baghdady, 113, IIJ, 115.
Medjma' oui Fours, xiiii.
Medjma' oui Fousseha, ix, xxii, xxlij,
Mî n,, îôl, a53n., 251 n.
Medj oud Din ben Adnan, lO'l n.
MefatihoulChaib. 118 n.
MefazÈh (le déBcri de -). 30.
Mehdy île Khalife — ), 230, 231, 257, 209,
277, 28j, 587, 280, 291.
Mehdy Qouly Khan Devaloo, 31.
Mehdy Qouly Mîrza, 97 n., 28, 10, 216.
Mchemmed Raghib Pacha (le Vczir — ),
103 n.
Mehter Aga. le —, 72, 73, 87, «8, 108, 100,
113. 115, 110, 18(1.
Mehter Yaqoub, le —, 119, 177, 219.
Mehter Youasouf, le —, 88, 149.
Meidani Sebz, 32.
Meimenèh, 91,'.. 21G. 219.
Mekke, la -, lOJ n.. 119. 150 n.. 170.
202, 200.
Melahy, le —, 231.
Melayr (district de—), 103 n.
Melgunof, S3 n.-27 n.. 41 n., 43 n., 47 n.,
.■>3 n., Q7 n,, 58 n., 62 n.
Melik Chah, le Sedjouqide, xi, 57 n., 124.
Melik OUI Toudjdîar, 117.
Meikatekin. xt, 134.
Men (poids), 174 n.
Mendjik Termizy, xxi.
Menhedj oui Hidaych, voy. Hidayit Na-
Menouichebr. 6ts de Qabous, 58, ICO. n,
Menoutchehr Khan, ivin, 155 n.
Menoutchehry, iiit, 29, 30 n.
Merdjanoa. 171.
Merv, Mcrv Chahidjan, Merv er Roud.
XI. xiii, 71. 83-85, 88-01. 98, 09, 109. llO,
123-125. 153, 155 n.. 150. Ifil n., 171-
175, 312-315, ÎIO, 221. 323. 2Ô6. 357,
980-988, 294. 995.
Mesnevy, 143, 146.
Messalik oui Memalik, 10, 58 n., 1G5 n.,
168 n.
Messoud (Sullan — }, iv, 58, 142 n.
Messaud Qilidi Thainghad) Khan, 978.
183 n.. voy. Mecbhedi Mis-
Mevlcvys (l'ordre ics — ), 112 n.
Mewlana Bcha oud Din Mohammed, Ui.
Mcwtana Djelal oud Din Mohammed Bal-
khy, 113, 146, 170 n.
Mewlana Kemal oud Din Hussein, 150 n.
Mewlana Mohammed Djelal oud Din, voy.
Mewlana Djelal oud Din Mohammed Bal-
khy.
Mcynri Djemaly, xxiii.
Mey Khanèh, iii.
MIan Kalch, 30 n.
Michk ou Anber, 03 n.
Midra (canal de — ;. vu,
Miftah oui Koiinouj, xix.
Milad. 44.
Mioughil {montagne de — }, 103 n,
Miraal oui Bouldani Saciry. ivi, 10 n.
Mir Abdoul Kerim Boukhary, xiv n.
Miradj oud Diraiih, 150 n.
Mir Ahmed Khan Djemchidy, 00, 172, 213
310.
Mir Aly Chir Nevay,
INDEX ALPHABETIQUE
3l9
Miran Chah, deQandahar (Seiyd — ). 200.
Mirkhond, xiii, xiii, 10-1 n., 285,
Mirza Aboul Hamid Scfa, xix n.
Mirza Abou Bckr, 161 n.
Mirza Aga Khan Noury. 211.
Mirza Aly, les —, 62 n.
Mirza Aly Naqy. xix, 91. 93, 195.
Mirza Bey, 199.
Mirza Djafer Khan, xvi, 215 n.
Mirza Fazhl oullah (Vézir Nizham), 21-2.
Mirza Hayder Doughlat, xrii, 164 n.
Mirza Ibrahim Khan Khamsèh, 211.
Mirza Ismayl Khan Noury, 50. 51.
Mirza Kazem Bey, 27 n.
Mirza Mohammed Hussein Edib. xxii.
Mirza Mohammed Khan Goulbady. 11.
Mirza Mohammed Khan, Roukn oud Daou-
Ich. 98 n .
Mirza Mohammed Naqy Alyâbady, xvii.
Mirza Riza, xv, 108.
Mirza Sadiq Isfahany, xx, xxi.
Mirza Sadiq Mervy, xx. xxc n., 10;l n.
Mirza Sipehr. Lissan oui Moulk. xvi, 27 n..
211 n.
Mirza Thahir Nasràbady, xxi.
Mirza Taqy Khan Ferâhâny, 7 n.. 210.
211, 211.
Miss*aribn Mouhalhil. 239. ^il.
Mitchell. John et Rob. — . 161 n.
Mizrab Khan, 219.
Moavièh, 101, 107 n.. 262.
Moghrib, le — . 150 n.
Mogols, les — IX n.. xiii, 60. 66. 120. 122.
I:î8, UO, lu n., 148, 119 n., 150, 153,
160, 108 n., 170 n , ITI n.. 176, 182.
231.
Mohammed i^Ie Prophète — ), 1, 100, 101 n.,
103 n. — 105 n., 111,287.
Mohammed Baqir Khan, 198.
Mohammed Chah. (Qadjar) xv.'xvir, xviii,
XX, 21. 62 n., 93. 97. 1C3, H5.
Mohammed Cheikh, 2l9.
Mohammed Chérif Bay, 111, 115, 119, 137,
139. 185, 187. 199, 200. 206. 212.
Mohammed Emin Khan, xiv, xv, 6. 91.
118, 127-130, 149, 176. 187, 206. 212.
211 n. — 221.
Mohammed Emin Khan Behadir, 76.
Mohammed es Sadiq, 102 n.
Mohammed, tils d'Abou Djafer, voy. Abou
Bekr Mohammed ibn Djafer.
Mohammed, fils de Bedr Djadjermy, xxi.
Mohammed, tils de Tekich (Sultan — \
voy. Mohammed Kharezm Chah.
Mohammed Hachim Khan. 41.
Mohammed Hady Khin, xvr. xvii.
Mohammed Hassan Khan. 45 (Kichvcr Si-
Un), 203.
Mohammed Hassan Khan Ferâhâny. 216.
Mohammed Hassan Khan Scnv*oud Daou-
lèh, XVI, 40 n., 215 n.
Mohammed Hussein Khan Hczarch. 217.
.Mohammed ibn Abdallah bin Qalhah ,
278.
Mohammed ibn Djafer, voy. Abou Bekr
Mohammed Nerchakhv.
Mohammed ibn Djerir Thabary . voy.
Thabar>'.
Mohammed ibn Hassan el Kessay, 233.
Mohammed ibn Ibrahim el Dharrab, 212.
.Mohammed ibn Mançour bin Hedjid bin
Waraq, 278.
Mohammed ibn Zoufer. 116 n., 2ô8, 272.
Mohammedièh (dirhem — \ 257.
.Mohammcdièh (Rey\ 230.
Mohammed Ismayl bek, 203. 201.
. Mohammed Ismayl Kemal. voy. Ismayl
Kemal.
Mohammed Kerim Khan, 191.
Mohammed Khan Chcibany, xiii. 85 n.
Mohammed Kharezm Chah (Sultan — ),
XI. XII, 10, 122. 139-116, 162 n.. 171 n..
231. 273, 278.
Mohammed MeUdy (le Khalife?, voy.
Mehdy (le Khalife).
Mohammed Mehdy Khan Charach, xvii.
Mohammed Nazar, voy. Molla Mohammed
Nazar.
Mohammed Oufy, xxi.
Mohammed Oulouk. les — , 58 n .
.Mohammed Qouly Khan. 197.
Mohammed Rehim Khan, xiv, ij(S, 72. 77.
113, 126, 150. 176.
Mohammed Sadiq. xxii.
Mohammed Soufy. xxi.
Mohammed Tachkendy, 161 n.
Mohammed Tourèh (Seiyd — )» ^^^ ^« ^*<>-
hanimed Rehim Khan, 178.
320
RELATION DE I. AMBASSADE AU KHAREZM
Mohammed Vely Khan (le Beylerbejt —),
43. 45, 84, 160-1^, 191, Ï^-WO.
Mobainioed Vely Kban Qadjar, iiv.
Mohammed Youiiouf de Hdrflt, 316.
Mohan Ul, 170 n.
Moh:csEib (le - à Boukhara}, 370.
Moite, 387. 388. 993.
Mokhend (fleuve de — ), 133, voy. Siboun.
Molla Hunkiar, voy. Mewlann Mohammed
Djelal oud Din.
Molla Mohammed Nazar, lU-lIG.
Molla Moukhur, le —, 87, 180.
Molla Niaz Mohammed, 163 n .
Molli I^r Nefes, 71.
Moorcroft. 1"0 n.
Morier, 10 n.. U n.. 13 n., 17 n., 319.
Moualhthil, les —, 103 n.
Mooayyed (le Cheikh — ), 16B n .
Houbaiydèh, lea —, 280 n., voy. Sefid
Djamègan.
Moubarekyêh, les — , 103 n.
Moufalla (le —, de Boukhara), 37», 377.
Moudjem oui Bouldan, v n., 10& n., 14Cln.,
150 n.— 153 n., 101 n , Iflfl n.,îi9,2ô8
Moudiir oui Moulk, 171 n.
Moufazhzhllèh, les —, lOS.
Mough, les —, VI, Hô n.. m.
Moutadhad (le Khalife — ), 370.
Mouhledy ibn Hammad bin Amrou cl De-
hely, 37H.
Mou'în oud Din Isfizary, 171 n.
Moulhid,les —, 108 n.
Moulla Mohammed, fils de Cheher Achoub,
96 D.
Moumia, le — , 01.
Mounchy Iskender, 10 n.
Mounchy oui Memalik, xvii.
MouiiadeMy. vi, 17 n., 356.
Mouqannah, l5l. 309. 28,5 el suiv.
Mouradia d'Ohason, 140 n.
Mouravicf, 17 n.. 08 n.
Mourdcsian, le —, 30.
Mourgbâb. le — , 80 n., 160 n.. 171 n.. 173
(ville), 172.
Mourghiar, 63 n.
Mourouzy, 171 n.
Mourteza Qouty Khan Pcrnak, xiir.
Moustancir. l'Emir '— , xi.
Moussa Tourth, 178.
Mouateiyb Iba Zoheyr ez Zaby O'^mir) — ,
357 n., îfti.
MouEKiybiéh (dirhem), S57.
Mouatagbfiry. el —, voy. Djafer el Mousia-
ghfiry.
Mouitafa Khan Seden RousUqy, 43, 198.
Mousialn :1c Khalife—:, 381.
Moutazcich. les — . ix, 1(».
Mouibaficr oud Din, xviir, ire.
MoyK de Kborène, 341 n.
Mulk Ara, 31, 11, voy. Mchdy Qouly Khan
Dcvalou.
Murcbid, lll.
Nacir ite Khalife- ;, 140.
Nacir Eddin Qadjar. iv. xviu, 3-7, l4, 75.
86, 91. 97, Ils. 173, 200, 300. S13 n., 2Î1.
Naciri Kboarau, 340.
Nacir oud Din Abdoul Khaliq Firouz
Chah, 1111.
Nacir oud Din Nouh Arrezy, 150 n.
Nacir oud Din Sebeklekin, 353 n.
Nadir Chah, xiv. 39 n., 15, 103 n., 135.
173, 175.
Naïb ous SaUhancb, le — . voy, Abbas
Mirza.
Naib TourÈh. le — . voy. Tangry Qouly
Tourèh.
Nakhcheb, voy. Qarchy, 151. 257, 363, 306
386. aee. 389. 305, 298.
Nao Behar (à Balhh). 169 n.
Naokcndèh. 43.
Napar, 43.
Naqchbendy, les —, UO. 151, iOi.
Kaqd Aly Khan Yomoul. 193.
Naqib, (le — de Boukhara). voy, Ahmed
Khodja.
Naryn, le —, 163.
Nasgoun. 61 n.
Nasr (l'Emir — j, 333 n., 353 n., 379.
Nasrâbad (bazar de — . n Reyl, 333.
Nasr, frire d'Abou Ishaq ibn Ibrahim,
370.
Nasr ibn Ahmed (le Samanide), xi, 230.
INDEX ALPHABETIQUE
321
Nasr ibn Seiyar -rEmir — ). 268. 269.
Nasr oullah l'Emir — ), H-2. 119. 120, 151.
160.
Nassikh out tewarikh, xvr, 27 n., 211 n.
Naubet, le — , 135.
Naurouz, le — . 271, 2«0 n.
Naym. fils de Sehl, 291.
Nazarov, Ph., 103 n.
Nazir Mehier Aga, le — , voy. Mehter Aga.
Necir Khan (mosquée de — , à Echref;, 3U n.
Nedjaty. 47 n.
Nedjef Qouly, 194.
Nedjm oud Din (l'Imam — )^ 81 n.
Nedjm oud Dm Bakhcrzy. 142.
Nedjm oud Din Koubra (le Cheikh — ),
108, 139-141, lOô n.. 209.
Nedjm oud Din Razy. 142.
Nefehat oui Oiins, 141. 1J4, 172 n.
Nehcri Qassarin, 157 n.
Neheri Essoued,l67 n.
Nehrevan, 107.
Nekab Targhay, 157 n.
Nemdjeket, 290.
Népal, le —, 11.
Nephtali (tribu de — \ 245.
Nerchakh, 257, 290-294.
Nerchakhy. voy. Abou Bekr Mohammed
Ncrchakhy.
Ncrdjaq, voy. Nerchakh.
Nermachir, 103 n.
Nessa, 64 n.
Nessef, 15i, 157 n., voy. Qarchy.
Nestoriens, les — . 2:J0.
Nevvab, le — . voy. Hussam ousSalthanch,
Ibrahim Khan , Fcridoun Mirza et
Choudja ous Salihanch.
Niaz Mohammed Bay, 21i).
Niaz Qouly Bin Bachy, 219.
Nichabour, viir, 81 n.. 84 n., 87 n , 115,
107 n., 215, 232, 289 n.
Nika, 31.
Nil, le —, 10.
Nilèh Kouh imont — \ 56 n.
Nizham oud Din Khamouch (le Cheikh — ),
164 n.
Nizham oui Moulk, xi.
Nizham out Tewarikh, 29 n.
Noé, 160 n.. 244, 287.
Nouchirevan, 160.
Nouh TEmir- ), xi. 252 n . 279.
Nouh Efendy, 102 n.
Nouhy (dirhem — ;, 252.
Noukfagh, ix.
Nour. 260.
Nour Aly, les — , 58 n.
Nour Mehdy. 7, 82-
Nour oud Din Abdour Rahman Esferayny,
ll2, 115 n.
Nour oud Din Louthf oullah Hafiz Abrou
el Hèrèvy, 170 n.
Nousret (le régiment — ), 214.
Nouz. 156.
Nou{liet oui Qouloub, 56 n., 57 n., 01 n.,
84 n.,2^i0.
Nouz Kât. 150 n.
Nova (village), 245.
Ogotay, 154 n.
Ogourch Aly, les — . 58 n , 62 n.
Oman (mer d* -), 107.
Omar (le Khalife — ), x, 100 n., lOl^ 105.
Omar (le Qary — ), 119.
Omar ibn Khattab, 104.
Omniiadcs, les —, 101, 109 n.
Onçory, xxi.
Osman, 102 n.
Osman (le Qary — ), 119.
Osman bey, 97.
Ottoman (l'empire — ). 96.
Oubcïd oullah, 261-263.
Oubcid oullah, frère de Qoutcibah. x.
Oubeïd oullah ibn el Haiyany. 275.
Ouchak Qouyoussy, 69.
Ouch Turpan, 168 n.. voy. Thourfan.
OuJek, les —, 62 n.
Ouigour (pays des — ), 16J.
Oulough Beg, 165 n.
Ouloustckin Ghartchch, 124.
Ounlouk, les —, 62 n.
Ounlouk Toumadj, les ^, r8 n.
Ourazly, les — , 62 n.
Ourèh, 150.
2 I
322
RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
Ourguendj (ïoy. Gourgand)), xiii. Iî3,
136, 139.
Ourguendji Kohnib, 120, voy. Kohnèh
Oui^uendi.
OusGley, lu n., 15 n.. 10 n., 33 n.-3a n ,
10 n
î3fi.
Ousrouchinùh, 1(50.
Ousiad Abou Bekr Kharczmy, li3 n.
Ousiad Abou Manfour Mohammed Da-
qiqy ibn Ahmed Barkhy, voy. Daqiqy.
Oiistid)iq, les —, 02 n.
OuMlik, 11.
Ouslouwanâ (canton d' — ). Hl n.
Outby, lîa n , -179.
Ouynaq, 103 a.
Oxus, r — , voy. Diihotin.
Paiyn Qaléh, 903.
Pamir, 27 n.
Pan ou Pan Kouiouk, les —, 5H n
Parsis, lea —, voy. GuÈbres.
Pasquicr, J. B , 153.
Pay Quedouk, 21.
Pehlivan âta (canal de -}, vu.
Pehlivan Mahmoud Kharczmy. lOS, 117,
133-130, 150 n.
Pékin, 105 n.
Pcndjchcnbch, lri8.
PemchÈh Kint, 15!).
Perièh, 103.
Persans, les —, v, 100, 101. 10:i, 170.
Perse, la —, iiv. xx, 81 n., Ou n., i)-). 0.'),
100-108. llî, 113. 117, IJO, Ii7, lîi n,.
131, 160, lOB, 187, 311, îi9, 211, ilÔ.
Perviï Mirza. 79, 80.
Petermann. A, 183 n.
Pey Chaqry, 70,
Pbarazmanc, iv.
Pkhdadian, les —, xix. 30 n.
Pichkhidmet, le —, 111.
Pictro dclla Valle, 10 n.
Piran, 3*2.
Polak. US n.
Posidonius. 331 n.
Pouchii Kemcr mont — I, .
Pouchii Kouh, 37 n.
Pouli Nika, 31 n.
Pouli Sefid. 33.
Pour Bay Vely. 117, 13-3.
Pou-isou [Heuve), IV.
Pusserck. 67 n.
CJabous H'Emir— ), 'it. i07.
Qabous {famille de — ), Jj,
Qadjars (dynastie des — ), ivi. 30, 32. 15,
.')!!. 03, 07, 303. 201.
Qâf, voy, Elbourz,
Qals (iribu arabe de — ). 170 n.
Qala'ah (château a Rey), 333.
QalÈhi Mour. î».
QalËhi Sifih Bâiâ, vuy. Siâh Bâlâ.
QBlmaq, les-, 168 n.
Qandjermth, les — . 58n.
Qan laqmaz, les—, 61 n.
Qanly Tùpeh. 317, 318.
danoun oui Edeb, 1(>6 n.
Qaplan Qiry mont). 67.
Qarabalkhan, les — , ')7 n., 6:) n.
Qara Bcyal, les—, 87 n.
Qara Cheikh, 63 n
Qarachour, les — . G.Î n.
QaraJachlou. les —, 58 n.
Qaradjch. les — . 58 n.
Qarad)i.-h Daghy. les — , GJ n.
Qara Djouiin Turk, 361.
Qara l'.lcklik, 00. 67 n.
(iaragueuzlou, les — . 87.
Q.ara Khan Aia Bay, 51, 5H, 181, liii,
10-2-100.
Qara Khodja, 165.
Qara Koul (ville), l'iO, (lacl. lu" n.
Qaraoul-tchay (aftluent du Gourgan , 56 n.
Qara Qalpaq, les — , 110, 151.
Qara Qapy liombeau de — ), li;i.
Qara Qoulaq, 110, 70, 112.
Qara QoulJja. 103 n.
Qara Qoum (disert,, m.
Qaraqoum [ville), 168.
INDEX ALPHABETIQUE
323
Qara Say, 1(33 n.
Qara Senguer, 58 n.
Qarasou (affluent du Gourgan), 56 n.
Qara Tenghiz (nom de la mer d'Aral, voy.
ce mot), m.
Qaratèpèh, 2-2 n.
Qaratiken, 62 n.
Qara vi eh, les — , 6*2 n.
Qarchy, voy. Nakhcheb, 154, 155, 157,222,
Qarcn, voy. Elbourz.
Qarenâbad, 63 n.
Qarendjik, les — , 58 n.
Qariab. 213; Qariaby , les —, 213, 214,
210, 219.
Qarmenta, 163 n.
Qarnas, les — , 63 n.
Qary, le —, voy. Omar et Osman.
Qassimlou, les — , 87 n.
Qathran Tebrizy, xxiii.
Qavanlou, les — , 97.
Qawwam oud Din, 150 n.
Qaza, les — , 58 n.
Qaza Halgah, les —, 58 n.
Qazaq, les —, xiii, liO, 151.
Qazhy Kelan, le —, 130.
Qazwin, 87 n., 108 n., 232. 231.
Qazwiny, vi, 9 n., 113 n.. 229, 233. 239,
241, 250, 286.
Qichlaq, 22.
Qichlaq Khar, 205.
Qilidj Khan. 196, 197.
Qiptchaq, 151, les —, 163.
Qir, les —, 58 n.
Qirghiz (ville). 167.
Qiriman âta, 67.
Qiriq, les —, 62 n.
Qirq-Qiz, 168, voy. Qirghiz
Qisqah Aq, les —, 58 n.
Qitaly, 133, voy. Pchlivan Mahmoud.
Qizil, les—, .58 n.
Qizil Alan (mur de — ), vi, 150 n.
Qizil Arslan, ICI n.
Qizil Bach, les -. 88-90 , 03, 104, 111
112.
Qizil Qoum (désert), m.
Qizil Rebath, 89.
Qizil Sou (riv.\ 161 n.
Qizliq (col de — }, 200.
Qobad, 47, 07.
Qobaligh, 165.
Qomr (monts), 10.
Qonghourat. 150. 151, 176.
Qonièh. 142 n.
Qonqaly, 151.
Qoubbet el Khadhra, 157 n.
Qoucem ibn Abbas, 158.
Qouch Beguy. le —, 215 (canal du — \ vu.
Qouchèh. 204.
Qouchtchy, les —, 63 n.
Qoudan (rEmir- ),xi.
Qoudjouq Tatar, les — , 62 n.
Qouhistan, le —, 30, 108.
Qouimet âta. 67, 181.
Qoullar, les —, 58 n.
Qoulou' (père de Ferroukhy), 251.
Qouly Khan, l&l, 193-197.
Qouly Khan Aq, 54, 60.
Qoulzoum (mer de — ), 59, voy. mer Cas-
pienne.
Qoum, 131.
Qoum Dervazèh, (porte de Kachghar),
161 n.
Qoumes (province de — ), 230, 232.
Qoundouz, 159 (à Boukhara). 255.
Qourban Kel, 218.
Qourt thayfèh, 58 n.
Qoulcïbah, fils de Taghchadèh, x. 269,
270.
Qouteibah ibn Mouslim, 167 n., 258 n.,
264-268, 273, 274,276.
Qouthb oud Din Mohammed. 124, 139,
voy. Mohammed Kharezm Chah.
Qoutlouq Sultan, 149, voy. Fakhr oud
Din Qoutlouq.
Qouz Aly, les —, 58 n.
Quatremèrc, M., 165 n.
Qyat, les—, 151.
Qyr, les —, 62 n.
H
Raad, 51.
Rahi Pey Nik, 87.
Rahman Qouly, xiii.
Rahman Qouly Khan, 178.
Rahman Qouly Tourèh, 176,
RELATION DE t. AMBASSADE AU KHAUIiZM
Kiza Qouly Mina, SU de Nadir Chah, x
R!?aqy, le—, Î31.
Rahmct oulbb Divan Khan M«hler, ~i,
78.
Râhniet oullah khan de Khoqand, voy.
Khodja Rahmet Oullah.
Rahmel oullah Khan Efohar, 305.
Ramctin, U5 n., 959 n., 301, ÏG2.
Ramich, IIG n.
Ramin, 3G5.
Raottdhat oui Djennai fi anussaf Heral,
nin.
Raou^etouU il Elb^b, lOÎ n., \oy.Tarikhi
Beaakcty.
Raou-ygt ous Scfa, lOJ. 111, ill n.
Raoïi^cl ous Sc/jy Nauiry. ïvi, ïx n.
Raou^ei oui Thahiritt, xx.
Raqqah, 107 n.
Rai (Kiiy;, a3:i.
Rebab, 01.
Rebath(ùBikend', I<U n.
Rcbalhd'Emin Abad, IH.
Rebaihi Evvcl. 3ul, 2Uî.
Kubaihî Sourkh, voy. Sourkh Rcbath.
Rcbi'ah, ûlle de Kaab, xix.
Rebi oui ebrar oué noussous oui akhyar,
100 n.
Re>:hid Amyd oui Moulk (l'Emir), 279.
Rechid ouJ Din, 110 n., liii n.
Rtdiid oud Din Vaihvath, xxr, l-ii, 12:.,
IJÔ n., 170 n.
Refnik, 87. Ii7.
Rchim Qouly Khan, x\v, xv, 1711.
Rey, 7-11, 10, iO n., 79, 8 1. HT n. 110,
li7 n., W5-3U7, 43U-Ï37, ilU,21l.
Rezy oud Din Aly Lalay (le Cheikh — ),
Uî, 113 n., 115 n,
RhsgÈs, voy. Rey.
Riaj oui Ari^ii, XX, xxic, Ii'j.
Riguistan, le —, iH'-, ilH. il'J (porte du
— ), 27i, 380.
Rissjlèh, les ^, li:i.
Rider, n., 10 n , la n., iJ n , 'ii n... xj n..
90 n.
Riza (l'imara — ".voy. Aly Riza.
Riza Qouly Khan, xï et suiv., il n., ;li)
n., 80 n., SU n., 317 n . îôl.
Riza Qouly Khan; lîls de Moustafa Khan
Seden Rouataqy, i'-t, 108.
Riïa Qouly Khan ^llkhany de Khabouchan),
Riïi
n, 8.
Rosen (baron de — \ S7 o.
Rouilbar, IDS n.
Roudch ;bazar de —, à Rey), îai, iW.
Roudeky (le poêle) — ), 283 n.
RouJi Hach ^riv.'.. 160 n.
Roudi Pouli Padichâhy, -Ji.
Roujjhad, 30.
Roukn oud Din Ala oud Daoulèh (le
Cheikh -), iOl.
Roukn oud Din Khour Chbh, I08 n.
Rouzbehan Misry, 111.
Rouïvcnd, IX.
Ruben, (tribu de — ), 3l.'>.
Russes, les —, 3i. 45. J7 11., Iftl, ICI n.
Russie, la -, 60, 70. %. 97, lOU, 13J, 151i,
loi.
Rusicm, lîJ, 157, 170 n., 189 n.
Ruatc:iid8r, 30.
Saad. 51.
SaaJ ibn Khalif iQadi de lïoukhara). i78.
Saad oud Din Hamawy, lli, 113 n.. 115 n.
Saad oud Din Kachghary, voy. Khodja
Siad oud Din.
Saad oud Din Teftazany, 85 n.
Saady (le poète — ), xxiv, 251.
Sabath.lOtl n.
Sabay Kachany, voy. Feih Aly Khan Ka-
Sachau, D' Ed . vi n.
Saoy Silvestre de — , 108 n.
Sadiq Isfahany, voy. Mirza SJdi^ Isfahany.
SaJiq Khan, 103 n.
Sadroud Din (le Cheikh — ;. l^" "■
Saftàrides les —, xxu
Saghaniin (pays de—}, liJO n.
SilhaLib, les —, 58 li.
Sahib Moueyycil, le — . 27!».
Sa'id ben Aly el DjourJjany, 10 n,, 57 n.,
INDEX ALPHABKTIQUE
•^
y ■^
Sa'idèh, fils de Ka'ab, 105 n.
Sainte-Croix, M. de, 2:>4 n.
Sakhr, 2-11
Salakh, les —, 62 n.
Salmanassar, 2i5.
Salour. les—, 89. 100, 112, 172, 216.
Saly Kendch, 48 n.
Sam, 160 n.
Samanides, les —, xi, xxi, 252 r., 259,
279.
Samarqand, xi, 110, 154, 157-lGO n., M5,
168 n., 353, 257, 259, 264, 268, 275, 291,
294.
Samedoun (village), 278.
Sam Khan, 213,214, 216.
Sam Khen (lac), Sam Khas, 107 n., 257.
Sam Mirza, xxi.
Sana'at oui Kitabèh, 57 n.
Saoukcnd Namhhy 155 n.
Saqally, les —, 58 n.
Saqar, les — , 62 n.
Saqar Beikdily, les —, 63 n.
Saqar Tchckèh, 69.
Saqifèh, le —, 105 n.
Saqmeiin, 261.
Saqsin (pays de — ), 59, 222.
Saqy, les — , 58 n.
Sar (désert de — ), 61 n.
Saridjiy, les —, 58 n.
Sarouq, les —, 89, 00, 109, 112, 216.
Sart, les —, v.
Sary, 0, 25, 27, 29, 31. 33-35, 207.
Sarj' (district de — ), 22 n., 26 n.
Sarydjèh Meyout, les —, 62 n.
Sary Sou (affluent du Gourgan), 56 n.
Sassanides, les —, 230.
Savèh, 29 n., 2^10.
Sewar oui Aqalym, 256.
Say Bouy, 150.
Sayd, fils d'Ahmed, fils d'Ismayl. 279.
Sayd (l'Emir — ), fils de Mohammed, fils
d'Ismayl, 275.
Sayd ibn Amr bin el Essoued el Harachy,
29G, 298.
Sayd ibn Osman, 2G3, 264.
Sayd Mohammed Khan, 173.
Schlimmer, Cl n., 68 n., 128 n.
Schomkerker, 239, 219.
Schuyler, Eug., 15M n.
Scbzvar, 215.
I Sefev Namèhi Naciri Khosrau, 210 n.
Sèfèvy (les princes — ), viii, xx, 3iî, 39 n.,
41. 42, 45. 103, 133 n., 220.
Sefid Djamègan, les —, 260. 270. 289 et
suiv.
Sefnèh, 260, 271.
Seghaoul, 16.').
Sèh-Bend, 18.
Seîr oui bilad ilal miad, 1 1.\
Sciyah Chirvany, xxr.
Seiyd Abou Djater Aly. Sciyd Ahmed Na-
qib, etc., etc., voy., Abou Djafcr Aly,
Ahmed Naqib, etc.
Sciyds (les — du Khorassan), 155 n.
Seiyds Fathimites, les — , 101.
Sekakend, 168, n.
Selathini Elwarièh, 103 n.
Seldjouqides, les, xi, xxr, 07, 124, 231.
Scleucus Nicator. 230.
Selsebyl, le —, 65, 208.
Semcngan, 169 n.
Semctin, 261, 277.
Semnan, 20, 30, 67 n., 204, 205.
Semoulgan. 56 n.
Senay, 14?.
Scngui Ainèh (pierre à Esfereng), 161 n.
Scnnar, le — , 10.
Sensket. 165 n.
Serakhs, 58 n., ai, 85 n., 88-91, 98, 99,
109-112. 172, 212-219, 221, 222. 224,
Serakhs, fils de Gouderz, 172.
Serakhsy, el — , voy. Abou Abbas Ahmed
el Serakhsy.
Serakhsy, les — , 89.
Seray, xir, 162 n., 169 n.
Serbanan (bazar de — , à Rey), 232.
Serbendan, 15, 17.
Scrguerdèh. les — , 198.
Seri Guedouk, 21.
Sewad Kouh, 22 (bulouk de — )j 23 n ,
211 n.
Seyf oud Din el A'radj (le poète—), 161 n.
Shaw, Robert, 164 n.
; Siâh Bâlâ. 53, 54.
I Siâh Danèh (plante), 175.
Siâh Pouch, les — , H.
Siâh Roud, 22.
: Siâh Roustaq, 30.
RELATION DE L AMBASSADE AU KHAREZM
Siavech, lil. Il« n.,-271.
Siavechek, 57 n.
Siam (mont — ), 2HU,
Siffin. loi, 107.
Sikhali, 1C6 n.
Sihhat Niaz Khan, 9l9.
Sihoun, le -, InL, 153. 153. 160 n., 16î-
ItiCn.
Sikendjebin, voy. Sirkenguebio.
Simad Kcbir, îHI.
Sin (porte et bazar à Rey), %ii.
Sind, le —, lliS n., 189 n.
Sindjar (Sultan), iU. 135, 155 n., 171 n.,
273.
Siounedj, 271.
Siret our Ressoul, lO.'i n.
SirkenguebLn. 60 n.
Sistan, le —, 30, 18H n., Î51, Ï5i.
Slane, de -, U8 n.. 150 n., IM r„ 188 n.
Soghd, le —, VI. 157. 255, 250,260, 363. «:>,
SC6. 377, 2TH, 28«. 203-2!».
Soghdian, i04.
SOI .chef turk), 07 n.
Soubekh, voy. Choubckh.
Soudan, le — , 10.
Son Dcrvazèh (porte de Kachghar), IGl n.
Soufy (ordre des — ), ICi.
Soufyan, lus -, 02 n.
Souherverdy lordredes — 1. Ul n.
Soulcyman Khan CJadjarlJavanlou, iOJ.
Soundan Uchadir, UO.
Sour (la nuit du — i, 2«0.
Sourkh Rebath, 22.
Sourouch (l'ange — ], 20U-
Sourqany ;canal de —, à Reyi, 232.
Souroury, xim.
Strabon, 230.
Suleyman ■le prophète — . 10, 39, llî, 211.
Sulejinan Khan Derchguèzy, 113.
Suleyman Khan Guireïly. 26 n.
Sultan Abad (forl de — |, VM.
Sultan Murad Mirza, voy, Hussam oua
Salthanêh.
Sulthan Douïn (plaine de — ). 06 n.
SurmÈh, le —, H».
Suse, MD.
Syr Daria, Syr Deria. L'iS n,, 163 n., voy.
Sihoun.
Syrie, la -. W3.
Taana, les —, 5B n.
Tach Haouz, 137.
Tachkend, 159, 162, 103 n., 165 n.
Taeh CJourghan, 170 n., voy. Khoulm.
Tadj âia, 65 n,
TaghchadÈh, 250, 267-2ti9, 281.
Takhil Scfer, 175.
Talar, le—, 23 n..23, 26 n.
Tangry Qouly Tourèh, Tï, 78
Taqouim, 165 n.. 108 n.
Tarab, 265.
Tarab Memasty, 261.
Tarantchy, les — . 168 n.
Tarikhi alein âra, 40 n.
Tarikhi Bailuhi, v n.
Tarikhi BcnukHy, lii2.
Tarikhi Boukhara, TiU n., 166 n., 167 n ,
238.
Tarikhi Miinedjdjim Bachy, 161 n.
Tarikhi Rechidy, 101 n.
Tariki Tbabeiy, £1.
Tarikhi Ytminy ioul Yemînyl , i~ n.,
183 n , mi.
Tarikhi Turkcslaii.ini n.
Tdi, 83,
Taurs, les -, U2. 142, 113 n., IWJ, t73,
278.
Taucus, le -, 2.ir,, ÏKi.
Taziks, les —, 83.
Ttliach (province de). l-'i3.
Tchaker (surnom de Riza Qouly Khan).
Tchardèh Kdaiêh. xvi, 203, 'io-l.
Tchâtch, 165.
Tcheghanian. le -,252 n.
Tchchar Chèhbaz .tombeau de —,à Khiva).
117,
Tchehar Djouy, 1.=*,
Tchchar Meqalèh, ixi, 252.
Tchehar Tchemen (jardin de — ), 138.
Tchchil Suuioun (jardin de -). 39 n.
Tchers. le —, 128. *
Tchilau, le -, 115,
Tchilguessy 'alHueni du Gourgan' . r,0 n.
INDEX ALPHABÉTIQUE
327
Tchinaran, 25 n.
Tchinaz, 163 n.
Tchin Soufy, xiii.
Tchiraghtchy, 155.
Tchirichly, 67, 180.
Tchirtchiq, le —, 16;i.
Tchitchektou, 169 n.
Tchouder, les —, 178.
Tchoughan, les —, 53 n., 58 n.
Tchouny, fils de Yomout, 58 n.
Tebriz, xvi, xviii, 68 n.,87, 136 n., 162 n.,
216 n.
Tebrizy (arbre), 75.
Tedjend, 111 n.
Tedjrich, xviii, 80.
Téhéran, xvi, xviii, xix, 7 n., 9-11, 50, 51,
75. 82, 87 n.. 91-94, 98. 103 n.. llO. 116.
106, 201 n.. 205 n., 206, 209, 213. 214 n.,
219. 224, 235, &17.
Tchmouras, 171 n., 204.
Teîmény, les —, 216.
Tckbir, le —, 190.
Tekèh, les —, 82, 84, 89. 90. 98, 109-113, 125,
172, 170, 216, 219.
Tckich Khan, 139, 162 n., 231.
Tckich Kharezm Chah, 149 n., 279.
Temck, les — , 63 n.
Tengtach (pays de — ), 11.
Tengui Dehanèh, 19 n.
Tengui Toghâb, 61 n.
Terakhèh, 260.
Teravih, le — , 128.
Termiz, 155, 156, 160 n.
Tewarikhi Chdhroukhièh, 163 n.
Tewarikhi Zendièh, l03 n.
Te:[kerèhi Boughra Khan, 16^1 n.
Teikerèhi Mohammed Chdhy, xxi.
Te:{kerèhSf les — , xxi, 132, 251.
Te{keret ouch Chouara, 155 n.
Thabar, 30.
Thabarestan (mer du — ), 59, le —, 11, 20,
29, 30, 230 n., 232, 235, 239.
Thabary,33, 285, 286.
Thahir ibn Hussein, rEmir—, vi.
Thahirides, les —, vi, x, xxi.
Thahirièh, VI. vu.
Thahir Mohammed Sebzvary, xx.
Thahir Nasrâbady, voy. Mirza Thahir Nas-
râbady.
Thakharîstan, le — . v, 168, 169 n.. ^i2, 204.
Thaliqan, 169 n.
Thammei el Koubra, voy. Nedjm oud Din
Koubra.
Thariq oui Tahqiq, 142 n.
Thebbes, 68 n.
Thcberck imoni), 233.
Thehmouras Divbcnd, 29, 33.
Theras, voy. Tiraz.
Therkhoun, 265, 266.
Thibet, le —, 11. 27 n.
Thijen, 90, 111- 113, 172.
Thokharislan, voy. Thakharîstan.
Thompson, R. F., 239. 248.
Thompson, W. S., 239,247. 218.
Thourfan, 168.
Thous, 233, 277.
Tien-Chan (plateau des — ), 163 n.
Tiraour, xiii, 157 n., 158, 170 n.
Tiraz, 166, 260.
Tobba (dynastie des — \ 157.
Toghroul Bek, 168 n„ 231.
Toghroul (Sultan — ), 149 n., 161 n.
Tohfèt oui Alem, 25 n .
Top Yatty, 66.
Tornberg, 289.
Touly Khan, 171 n.
Touman (riv.), 164 n.
Touqtamich Khan, 162 n.
Tour, fils de Toudoun, 164.
Tourakina, 155 n.
Touran, le —, 94, 122. 140, 152, 160. 164-
166, 168.
Touraniens, les — , 121. 172.
Tourèh (le Naïb — ), voy. Tangry Qouly
Tourèh.
Tourèh Ataligh, 137.
Tourèh Bay Khanum, 149.
Tourèhs, les —, 177, 178, 217. 222.
Touskayk, 43 n.
Transoxiane, la —, ix, xi, 85 n.. 154. 158,
161 n., 165, 167 n., 252 n., 256-259, 262,
268, 285, 286, 289.
Truilhier, 205.
Turkan Khatoun, 140.
Turkcstan, le —, 59, 121, 153, 163-166,
169 n.. 224, 260, 261, 266, 290.
Turkestan (porte de -, à Cheheri scbz),
157 n.
328
RELATION Dk (.AMBASSADE AU KHARKZM
Turkmen, les —, (U n.
Turkonians. lc>— , Ï6 n., 3i. 41 n.— 4>. IS,
Jij-Oj. 7i', Un., m a., 90, 97. 93. hX,
109-llî, 13«. 17Î. m-l>C, lft9-195. 199- .
201. ioo, aiî-îic, m, îii, sriO.
Turks, les -, vi, hl n., a!-6j. lil. 155. I
V.» n., Wi, î-iS, î-W, î'JS, i77, Î78, ÎS-j, !
390, îOl.
Turquie, U —, 100, 100, 11'». '
Werdan Khouda. ilîâ.
U'erqa ibn N<isr el Bahily :
Wood (Major — ;. lr,3n.
Waslc.ifL-ld, V n., llln ,
Uich Qounly, les —, G3 n.
Vzbeks, Ils -, \ni.S3. \>6, m, lirt, 151.
1(11. las n-, 170 n., 176, 179, 201, aOÎ.
Vachy, 19.
Vamberg, 158 n., 183 n.
Varscng, 1G9 n.
\'athvath. voy. Rechid oud Din Valhvath.
Vecbmguir, -V,
Vekyly, les —, 62 n.
Velehghouz. 43 n.
Verakhchy, ïCI, 270.
Vcramin, 11), 305.
Vcrzioih, 203 n.
Vfeir Cheheiy (district de — ), xiii,
Ve^valin, 108 n,
Villoteau, M., 51.
Volga, le—, Tj!).
Wacil ibn Amrou, îGS. 309.
Wacil ibn AtbacIGhazzat, 10^ n.
Waciq (le Chalifc -), 102 n.
Wcdavv (canal de — ), vn.
Werdnnùli, 265.
Yadjoudj, 212.
Yafey. l4l.
Yailaq. 22 n.
Y,nkh Kucby. les —, 10 n.
Yangaq. les —, Q3 n.
l'anp.;y. les ~, 53 n.
Vaqiub Bcy, loi n.
Yaqo'jb ibn Chirin el Djendy fie Qadi —\
IGG n.
Yaqout, iv, v, vi, 105 n.. 11!) n., lôù n.,
15Î n . 101 n.. IW, luT n., îi:>, 2i0 ÎJ«i.
Varaqiach (l'Hinir — ), xi.
Yar Aly, 53, 58 n.
Yarkend, lC-1 n.
Yar Mohammed Khan, l'ii.
YaSin Bay, 219,
Yekèh Bagh, 1".
Yciqay. les —, Cî n.
Yiimcn, le— . 157.
Ycmiiiy, voy. Tarikbi Yaiù.iy.
Yeiid (le Khalife —J, lui.
Yczid, tils de Ghourck. -i78.
Yezid ibn oui Mohall.b, i.
Yezid Selm, filsdeZiad. x.
Yokhofou bach.les —, eO.
Yokhary Bollou, les —, 03 n.
Yomout. les —, lît-50, .'';3, 51. 58 r., fil, OJ,
67, 08 n., 70, 8J, »■), 9il. 98, 109, 120,
135, 138, 1-
195-197, 216.
Yomout Badrai
tymer. cic.
Eymer, uc„ etc.
Yomout Djafer Bay, voy
Youhoudièli, \a n.
Yuussouf (Vézir du Kh:
YoussoufDjan Aga, 71.
fi, I«0-1S(Î, IH9, lui, 102,
lout Doudjy. Yomout
oy. Badraq, Ooudgy,
INDEX ALPHABETIQUE
3:^9
Zabiul, le— ,11. ISO n.
Zabulon (triba de — ;, 3[).
Zakarija ben Mohammed cl Kazwtni, voy
Qazwiny.
Zal, lW9 n.
Zamakhchar, ii, IjO.
Zamakhchary, lôO, IfiG n.
Zamin. lUO n,
Zarfi Dounya, 16.
Zcliiroud Din,31.
Zekal, le — (impât), 130.
Zeky Khan ZenJ, xvc, 30:t, îOl.
Zenb;:dy (château de — ), U'iO.
Zcndllribudcs— !. 103 n., (dynastie dus — ;
XX, 103 n., Î03.
ZcndpiUliy, le— , i83.
; Zenguy Aly Khalifch (l'Emir — ), 373.
' Z;nguy flta, Bj.
Zerend, lii n.. Kl.
Zcrmaî, îOI, SOH.
, Zcyd, 102 n.
Zeydiùh (Seiyds — ), 31, les — (secte), lOS.
Zcyn oud Din KhAfy :Ic Cheikh ~~), ICI n.
Zhchir oud DaoutËh. 1T3, voy. Yar Mo-
hammed Khan.
ZheUr oud Din, lui n.
Zia oud Din (k Cheikh — ), 137 n.
Zia oud Din (localité), 150.
Zikten, 3ï)J.
Zirâb, 22 n„ 23.
Zohak, 13n..lO, 239-ail.
Zuubdet ont Teu/arikh, 1*0 n.
Zoulfcqar Khan (le Serdar — ), fi7 n .
ZyaJ el llarilhy, 201, 862.
ZyaJ Guilany (dynastie des Deilcmiics
de— ), 30n.
CORRECTIONS ET ADDITIONS
^/\/\#^rV ^^' " *\^^ ^•v^.^^^».*».
Page 2 1 , ligne 28, c'était, lise^ c'étaient.
— 3o,
— 43,
— 99.
— 'II)
125,
— 142,
— 142,
— 144'
— 144,
— '4^,
— i49î
— 176,
— 194.
— 19^.
— 19^'^
— 198,
— 222,
— 223,
— 270,
17, Damgham, /wef Damghan.
3 de la note i , Touskayck, lise^i Touskayk,
22, Seraks, lisej Serakhs.
2 5, Derhèguez, lise^ Derèhguez.
1 1 , Rhiva, lise:{ Khiva.
8, Balky, lise:^ Balkhy.
j5, Mejd, lise^ Medjd.
17, Medj, lise^ Medjd.
24 Medj, lise^ Medjd.
34, Zefer, lise^ Zoufer.
26, Qoutlouq Inandj, lise^ Qoutlouq fils d'Inandj.
14, Ghanqah, lise^ Ghanghèh.
9, guide, /wef garde.
I, Une femme, lise:^ Cette femme (la sœur de Qara Khan).
3o, Ata Khan, lise^ Ata Bay.
18, Enzany, /wef Anezany.
II et J2, ou, /i5ef et.
3i, Fridoussy, /wef Firdoussy.
21, Mouhadhad, lise^ Moutadhad.
.o2o
®^<âaK5c
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION.
RELATION DE L'AMBASSADE AU KHAREZM
Récit du voyage ; arrivée à Khiva
Du mont Elbourz
La montagne de Demavend et la province de ce nom
Baghi Chah
La plaine de Vachy
La ville de Firouz Kouh
Description du Thabarestan et du Mazanderan
La ville de Sary ."
Barfoiyouch ^ ,
Mechhedi Ser /.
Amol
Baghi EchreF.
Djeri Goulbad
Esterâbad
Abiskoun
La rivière du Gourgan
La mer d' Esterâbad ou mer Caspienne
Les Turkomans Yomout
Description du palais du Khan à Khiva
Récit de ce qui s'est passé pendant le mois de Chaaban
Kellabagh
Récit de quelques incidents
Hassan Khabouchany
Exposé de la situation de l'envoyé de TEmir de Boukhara auprès de la Cour otto-
mane. Son retour
Récit de quelques faits
Mon entrevue et mes entretiens avec Mohammed Emin Khan Uzbek
Autres questions du Khan de Khiva
Evénements du mois de Cherval
b
10
i6
«9
20
29
3i
3i
32
33
36
42
44
46
i»6
^9
61
7-
73
77
77
79
82
84
91
93
112
334 TABLE DES MATIÈRES
Règles observées dans le Kharczm pour les repas 1 1 3
Tombeaux qui, dans le Khareim, sont un but de pèlerinage 117
Vttcmcnt d'honneur donné par le Khan de Khi va 117
Ahmed Khodja, Naqib de Boukhara 119
Descriplion de la province du Kbarcjm m
Heiaresp ii3
Khankâh 1 i5
Khiva 126
Habillement des Khivicns 1 3o
Biographie de Pehlivan Mahmoud Kharczmy i33
Diîpart de Khiva pour Kohnèh Ourgucndj i37
Récit des événements lamcniabks du rtgnu de Sultan Mohammed Kharezm
Chah 1 39
Récit de la vie et du martyre de Ncdjm oud Din Koubra 14 c
Fakhr oud Din Abou Abdillah Mohammed Ibn Hassan el Qouiachy et Tcmimy
el Bckry 147
Le lac du Djond du Kharezm (mer d'Aral' iSa
Notices sur l'état actuel des villes du pays de Boukhara la Noble 1^4
Géndalogic dp l'Emir de Boukhara t6o
Province de Fcrganèh iGo
Résumé de l'histoire des Khans de Khiva 175
RËgles observées pour l'élcclion et l'intronisation d'un Khan 177
Exposé de quelques faits 178
Meehhedi Missrian ' 18a
Retour h Estcrâbad 197
Description du Bend (barrage) du Gourgan Iq8
Départ d'EsierSbad 200
Tchardih Kelaiùh 2o3
APPENDICE :
I. — Reï 22g
II. — Le Deuavend iSq
III. — Ferroukhv 25 I
IV.— BouKKAH* a55
La citadelle de Boukhara 371
1^ grande mosquée de Boulihara 273
Le Mouçalla de Boukhara 27O
Muraille de Boukhara, vulgairement appelée Kounsserek 277
Le palais des rois à Boukhara :i7g
Le bazar do Makh 283
La fabrique de tissus ^Beit outh Thiraz) à Boukhara 2K3
V. — MOOQANNAH 285
INDEX ALWABÉTIQUE 3o3
FIN DE LA TABLt; Di:S MATIk:RES
-EROUX.KUiTKUR.piip Bonaparte. 2&,P«rîs.
CARTE
-lour srrvii- à l'iiilellièencc
DC VOYAGE
. RIZA QOULY KHAN
AU
KIIAKEZM
l'UBLICATIONS
^qPLB DES LANGIl I S VIVANTES
■ VOda, [Kibliik ir«jKa kf i
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