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Full text of "Relation des voyages à la côte d'Afrique, à Maroc, au Sénégal, à Gorée, à Galam, etc.: avec des ..."

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h\^^'^\^^''\ 



îlartiarïï CoUrgc ÎLiûrarg 




PROM THE 



J. HUNTINGTON WOLCOTl^ FUND 



Es^CabU^hed in iSgi by RoG^n Wolco^jt (Il.TJ. 1870)^ îp 

memory of Kîft father^ far ** the punchase of books ûf 

permanent vrIuc, th« préférence tiv be given to 

works fit History, Foiitical Econnmy, and 

Scx;îoïo(fyj" and încreased in 1901 by 

a bequest ïn hî^ will. 








RELATION 

DES VOYAGES 

DE §AUGNIER, 

A la c6te d'Afrique , à Maroc , au Sénégal , 

à Gorée , àGalam , etc. ; avec des détaib 

intéressans pour ceux qui se destinent 

au commerce de l'or , de l'ivoire , et 

autres productions de ces pays. s^-Ç / 

^^ /^rT^ ^ y^y «^ -^ // ^^ ' 

Publiée par LABORDE, 

Et précédée d'une notice historique sur 
la P^ie et les ouvrages de ce littérateur. 



PARIS, 

Chez L'aicT , Libraire , quai des Augustins ^ 

N.*» 26. 



An Yiix (1799)- 



,Affsy<fo. f 



Lc.i À _• le 33 j 

I.Jl) CrCt-Çj-tX- *<*-<-vA.-X_ 
J 




AVERTISSEMENT. 



Xj'ottvragb que nous présentons > est la 
dernier publié par Laborde. Rien ne semble 
indiquer la part importante qu'il a nécessaire^ 
ment à cet ouvrage. Il ne s'y nomme point ; il 
ne dit même rien dans son ayant-propos qui 
puisse l'en faire deviner auteur , ou seulement 
éditeur : en un mot,- son nom ne parolt au titra 
que pour annoncer que la carte des différens 
pays parcourus par Saugnier, est extraite de la 
grande carte d'Afrique , dont tout le monde sait 
que Laborde est auteur^ 

A cette réserve , on reconnoit un littérateur 
sans prétention , qui ne travaille que pour être 
utile y et qui ne cherche à rien détourner sur lui 
de la gloire des auteurs dont il publie les tra- 
vaux , les recherches ou les découvertes. Laborde 
a fait preuve de ce désintéressement , dans beau- 
coup de ses.ouvra.^es qu'il a fait paroitre sous le 
plus épais manteau de l'anonyme. Cet excès de 
modestie , et son peu de sensibilité aux éloges y 
qu'il ne croyoit jamais avoir mérités , comme sur 

a 



(II ) 

la critique, dont il faisoit son profit en s'y mon- 
trant supérieur , étoient peu propres à le faire 
jouir , de son vivant ^ de la célébrité dans le» 
lettres , que tant d'écrivains usurpent de nos 
jours avec infiniment moins de titres. 

Un grand nombre de ses contemporains a pu 
ne voir en lui que le courtisan aimable et dis- 
sipé ;*le possesseur de tous les talens agréables^ 
Tamateur avide de tout ce qui peut en rehausser 
Féclat , et des jouissances frivoles qu*il proca-> 
rent ; enfin , Thomme à grandes passions, et non 
moins propre à les inspirer qu*i se laisser domi- 
ner par elles. Nous en avons dà prendre une 
idée bien différente > nous dont les rapports avec 
lui ne nous Tont présenté que sous Taspect d'un 
homme droit y franc et loyal , modeste , géné- 
reux , bienfaisant , louant de bonne foi ceux des 
ouvrages des autres qui méritoient des éloges , 
et ne parlant jamais des siens* 

Nous avons connu cet homme , auquel il étoît 
presque impossible de refuser son attachement ^ 
en même temps que son estime « dans un temps 
où les circt>n&tanCes a voient dissipé les illusions 
qui avoient environné son enfance et sa jeu» 
nesse > et que son génie actif et son tempéra- 
ment avoient peut-être entretenues plus long- 



( ni ) 
temps. H connoissoit alors tout le prix de la so^ 
litude et de la retraite , et s'y livroit tout entier 
ù la réflexion , à Tétude qu'il avoit toujours 
aimée -, à la pratique de toutes les vertus socia« 
les y civiques et domestiques. 

Ayant eu le bonheur de retirer Pouyrage que 
BOUS offrons au public, du séquestre sous lequel 
il restoit enseveli , le respect et la reconnois- 
sance que nous eonservons pour la mémoire de 
Laborde , nous ont inspiré le désir de profiter 
de cette occasion pour rendre un hommage 
éclatant k ses vertus et à ses talens. Nous avons 
pensé qu'on liroit avec plaisir , à la tête de cet 
ouvrage y tme notice sur Laborde, suivie du ca- 
talogue analytique de tout ce dont les sciences , 
lès lettres et les arts lui sont redevables. 

Nous nous sommes adressés ^ pour nous pro* 
curer cette notice et cette analyse , à l'un des 
anciens amis de Laborde , auquel il donnoit tous 
ses ouvrages à mesure qu'il les mettoit au jour , 
qui fut le premier à lui rendre publiquement 
justice dans les feuilles du journal de Vj4mi des 
nrts f des 17 et 18 brumaire an cinq de la Répu- 
blique ; et qui y le faisant connoître par ses œt^- 
vres achevées ou seulement commencées et 
projetées , a prouvé combien les savans , les gens 

a a 



(IT) 

de lettres , les artistes , et tous ceu qui t^^inté'-^ 
ressent aux progrès des sciences et des arts , ont 
de puissans motifs pour le regratter et pour dé- 
plorer sa perte. 



NOTICE HISTORIQUE 

SUR 

LA VIE ET LES OUVRAGES 
DE LABORDE. 



La postérité paie aux grands hommes Vimérêt de 
U gloire quelear ont refusée leurs contemporains. 
Labo&ox , Recueil de pensées et maximes , pag. 1 5. 



O'j L est afHîgeant de penser que les talens les pltu 
utiles ne préservent point l'homme de bien des at- 
teintes de l'envie , de la haine et de la persécution 
de ses contemporains , il est consolant de ne voir 
dans la postérité qu'un juge équitable y qui lui tient 
compte de tout le bien qu'il a fait » et de celui qu'il 
a voulu faire. 

On ne saurqit donc trop chercher à pénétrer les 
hommes de la vérité de cette pensée de Laborde , 
que nous avons prise pour épigraphe. Quelle 
ame bien née n apprendra point , à son exemple » 
â souffrir sans murmures l'ingratitude et les injus- 
tices de ses concitoyens , lorsqu'elle sera convain- 
cue que la récompense de la vertu se trouve dans 
sa pratique même? Quel cœur généreux n'affrontera 
point y sans ef6roi , pour se rendre utile à ses sem- 
blables f tous le» écueils que la perversité se plaît à 

a3 



(T, ) 

multiplier autour du vrai mérite , quand il laora 
que la justice t souvent tardive , de la postérité , n'en 
est que plus infedllibie et plus assurée ? 

Prêt à braver la mort se présentant à lui sous 
Taspect le plus révoltant , on le verra marcher , même 
k récha£aud , d*un pas ferme » y porter la sécurité 
que lui inspireront le calme de la conscience » 
l'exemption àe% remords y la prescience des £ruits 
que Ton doit recueillir du bien qu'on à £ait et de 
celui qu'on est / par la violence , empêché de faire ; 
enfin , la certitude que la postérité fera justice de 
ses persécuteurs , que son nom deviendra cher un 
jour à ceux qui Tout méconnu , que ses amis pour- 
ront donner publiquement des larmes à sa mémoire, 
€t que ses enfans » marchant sur ses traces , joui- 
ront de rintérél que la postérité paie aux ff'ands 
hommes , de la gloire fue leur ont refusée leurs 
contemporains* 

Laborde a péri victime des Csctions qui déchi- 
Toient le sein de sa patrie. Il lui étoit resté fidèle ; il 
fidsoît , dans sa retraite , les vœux les plus ardens et 
les plus sincères pour sa prospérité. Livré tout en- 
tier a Téiude , ses travaux étoient constamment di- 
rigés vers l'utilité générale , ou l'avantage particu- 
lier de ses concitoyens , dont quelques - uns l'ont 
sonmché , comme un criminel i des bras de sa femme 
^ de son fils , pour l'enlever à jamais à $ie^ occupa- 
tions chéries , à ses amis » à tous les malheureux » 
obfets de ses soins et de ses sollicitudes coniinuelle& 
C'est à la postérité qull appartient présentement 
de le juger. Loin de nous l'idée d'empiété sur ses 



*^. 



(vil) 

droits ^ par dés éloges qui ne peuvent cesser de pa- 
roitre suspects , qu'autant qu'ils sont décernés par 
«lie. Nous nous bornerons à lui présenter des faits ; 
et les vœux que nous faisons pour la gloire de 
rhomme que nous regrettons, seront exaucés, si les 
conséquences que nous nous permettrons de tirer de 
ces faits, sont adoptées par elle. 

Jean- Benjamin Laborde naquit à Paris , le 5.sep« 
tembre 1734 , de parens dont l'opulence Tavoit en- 
vironné de tous les prestiges dont elle est la source 
dangereuse. Il reçut la plus brillante éducation. Ses 
talens , l'étendue de ses connoissances , son amour 
de rétude et %%% ouvrages , font honneur à ses dis- 
positions natureUas , ainsi qu'au mérite de ses ins- 
tituteurs : ils attestent le soin que prirent i&& maî- 
tres , de former son goût , de démêler les germes de 
ses différentes passions , de les cultiver de manière 
à rendre leur explosion moins dangereuse , à les 
affoiblir par leur propre choc, et de vçrser dans son 
cœur les principes invariables et sacrés de la mo- 
rale , que Terreur peut bien voiler pendant quelque 
temps j mais qu'elle ne parviendra jamais à détruire. 

Destiné pour la finance , il fut porté par son in- 
clination à la cour , où , de premier valet de cham- 
bre de Louis XV , il devint en peu de temps le 
confident et le favori de ce prince. 

Que Ton se peigne un jeune homme dans Tâge 
où le torrent des passions ne connblt point de digues 
capables de l'arrêter ; d'un tempérament ardent et 
d'un génie actif ; -jjouissant des faveurs de la fortune '^ 
et maître de disposer de ses biens , avant la maturité 



• » a 4 



( VIII ) 

de la raison | qui modère l'impétuosité des sens r 
qa*on se représente ce jenne homme , joigoant tous 
les avantages d'un physique heureux , aux grAces de 
Tesprit , à tous les talens agréables si recherchés dans 
la société : qu'on le considère » placé dans le palais 
des rois y au milieu d'une cour brillante , disons-le ^ 
de la cour la plus dissolue. La nature de ses services 
Iq rapproche le plus près du souverain : il est seul 
avec lui pendant les heures consacrées au repos ; 
seul il peut l'entretenir et le distraire , pendant tout 
le temps où , tandis que le pauvre répare les peines 
du jour par un sommeil dont rien n'altère la tran- 
quillité , l'ambitieux et le courtisan s'agitent dans les 
ténèbres pour dresser à celui qui gouverne de con- 
tinuelles embûches : pendant la nuit, où les soucis 
et les inquiétudes tenoient souvent éveillés les Titus 
et les Marc-Âurèle ; où les rois , pour se délasser 
des fatigues de la grandeur et d'une représentation 
continuelle , se livrent sans réserve , dans Tintérieur 
de leur domestique ,- à la conHance et à la douce 
familiarité, que les uns appelleront des qualités, et 
d'autres une partie des foiblèsses caractéristiques 
de Louis XV. 

En rapprochant toutes ces circonstances , et en 
réfléchissant sur l'effet que leur concours devoit né- 
cessairement produire sur Laborde , nous croyons 
pouvoir les comparer à des matières combustibles 
dont étoit composé le volcan sur le cratère duquel 
on l'a vu pendant long- temps se" promener avec au- 
tant d'assurance que de légèreté. 

Les éruptions de ce volcan pou voient devenir pliu 



(TX) 

fk-ëquentes et plas dangereuses pour lui ; mais il ne 
put se garantir des ravages de la lave brûlante des 
passions , de Tinfluence de Tair pestiféré des cours , 
et des dangers plus grands encore des mauvais 
exemples. 

On le vit y environné de tout Tattirail éblouissant 
du luxe , parcourir le cercle périlleux des plaisirs 
et des voluptés. Il eut tour-à-tour les goûts les plus 
âispendieui^^ et rien ne lui coûta pour les satisJBaire : 
]hfiais les femmes reçurent ses premiers et ses plus 
. constans hommages. 

Il fut attaché pendant long-temps au char d^une 
danseuse célèbre. L'attrait du plaisir^ et peut- être la 
vanité , co^imencèrent cette liaison , que les grâces» 
l'esprit et les qualités du cœur cimentèrent et pro- 
longèrent pendant un grand nombre d'années. Les 
dépenses et les sacrifices qu'il fit pour cet objet de 
son attachement » furent connus de tout Paris , et 
consignés dans plusieurs écrits du temps. 

Une fille née pendant la durée de cette liaison , 
fat soigneusement élevée dans un monastère; et La- 
borde étendit ses soins paternels pour cet enfant , 
jusqu'à la doter, se charger de son établissement, et 
la marier avec un négociant bien accrédité. 

Ses prodigalités et ses voyages fréquens avoient 
épuisé sa fortune et dérangé ses affaires. Il eut re- 
cours à des emprunts ; et sa droiture le rendit sou- 
vent la dupe de ceux avec lesquels il traitoit Devenu 
plus méfiant, mais non plus réservé, les sujets qu'il 
Avoit de se précautionner contre ceux qui prêtent 



(X) 

leur argent i gros intëréu » ne pnrent triomplier 
pendant iong-tempt de su pétulance. 

L'embarras de tes affaires contrariant sans casse 
Femportement de ses désirs et la bonté de son cœur» 
Tentralnoit dans des démarches ou des actions telle» 
ment contradictoires entre elles ^ que l'académicien 
Chamfort, qui vécut avec lui dans la fsmiliarité la 
plus intime , le regardoit comme un homme qo'il 
étoit impossible de définir, jéu moment , disoit-U , 
où vous croyez le tenir, il vous écfMppe. Il s^eao» 
pose , par une inconséquence y à faire douter 
■même de la solidité de ses principes; et Pinstant 
d après , il fait une action qui commande à-la^ 
fois le respect et V amour. 

Si l'observateur éclairé y le littérateur célèbre dont 
nous venons de parler , avoit comparé les dernières 
années de Laborde avec celles qu*il a passées a k 
' cour de Louis XV, nous ne doutons pas qu'il n'eût 
aisément trouvé la clef de cette énigme qui liii pa- 
roissoit inextricable. Nous espérons mettre nos lec- 
teurs en état de la résoudre ; mais la vie de Laborde 
pouvant être divisée en deux époques bien mar- 
quées , il nous reste encore à parler de la première » 
et nous y reviendrons , sans anticiper sur h se- 
conde. 

Le génie de Laborde , ses talens , et la faveur de 
Louis XVy le soutinrent sur le bord de l'abyme qu^ 
parut souvent prêt a Tengloutîr. Son génie étoît si 
^écond en ressources , qu'il disoît lui-même : Plus 
fat d'affaires , et plus Je suis à mon aise* Je me 
suis couché plusieurs fois , rCayant rien pout 



payer le montant énorme de billets tjui dévoient 
métré présentés le lendemain pour les acquitter. 
H me *venoit y avant de n^ endormir y ou même 
pendant mon sommeil ^ une idée qui me frappoit^ 
Je sortois le lendemain de grarid matin , et mes 
billets se trouvoient acquittés dans le jour, 

li dut a ses talens la âcilité de former diverses en- 
treprises dans les arts ou Tindastrie^ dont il s'amnsoit 
rarement k calculer les suites , mais qui lai procu- 
Toient des secours pour le moment présent; le seul 
des instans de sa vie dont il s*occapa , pendant tout 
le temps qu'il en a passé dans Tagitation des plaisirs 
et des voluptés, 

Enfin, la £iveur de Louis XY soutint son crédit ^ 
4jue «es bienfaits alimentèrent souvent. Indépendam- 
ment des grâces multipliées quHl obtint de ce prince, 
tant pour lui-même que pour tous ceux auxquels 
son caractère obligeant le portoii k slntércsser , il 
confervoit précieusement des preuves écrites et pal- 
pables de sa faveur , qui tious donneroient le droit 
de dire que Lat)orde fut un des amis de Louis XV, 
si les rois pouvoient avoir des amis. 

Nous n'entrerons point dans le détail de Tusage 
que Laborde fit pour les autres de celte faveur du 
prince ; novis nous contenterons de dire qu'il la fit 
rejaillir plus ou moins directement sur un grand 
nombre de personnes. On se doute bien qu'il fit 

, beaucoup d'ingrats ; mais nous pouvons citer un 
trait de reconnoissance dont Laborde fut d'autant 

• plus flatté, qu'il fut, pour ainsi dire, produit par 
le hasard« Le fait ' que nous allons rapporter est 



(xn) 

par&itement connn de nom. H pronv» h vërité du 
TÎeil aâage, qu'on bien&it n'est jamais perda. Quoi» 
qu'il fasse honneur i toutes les personnes dont nous 
allons parler , nous ne les nommerons point , parce 
que nous ne pouvons pas nons en procnrer le 
agrément 

Un marin , prêt i partir de Paris pour aller s*e 
barquer, sollicite de Laborde une lettre de recom- 
mandation pour son oncle le chef d'escadre Latonr* 
Trëville. Laborde» ignorant a cette ^oque le lieu de 
la résidence de son oncle , écrit en ces termes : 

ce Mon cher oncle , je vous écris une lettre qui 
y> vous sera remiseyV ne sais où y je ne sais quami, 

» par le capitaine » beau- frère d*un de mes 

» amis que je désire beaucoup obliger , etc. » La 
lettre portoit pour suscription : ji M, Laiour^ 
Tréville , chef d^ escadre j A la mer. 

Le capitaine se rend au port , arrête son passage 
dans les colonies sur un navire marchand. Des hos* 
tilités étoient commencées entre la France et 1* An- 
gleterre. 11 attend 9 avec toute la flotte du com- 
merce , un convoi composé de vaisseaux de guerre 
qui devoit la protéger. A l'arrivée de ce convoi ^ 
notre marin se rend à bord de la principale frégate 
pour y saluer le commandant. U lui rend compte 
des motifs de son voyage , et ne lui laisse point 
ignorer qu il est porteur d^uiie lettre de recomman- 
dation de Laborde pour son oncle. Le commandant 
demande â la voir. £lle n'étoit point cachetée; on le 
presse de la lire. Après avoir connu le degré d'in- 
térêt que Laborde y paroissoit prendre pour le 



porteur : Notre famille ^ dit * il à ce dernier i a êrop- 
d*obligaiîons à JH: Laborde , pour ifue je ne soù 
pas flatté den témoigner ma reconnoissance* Je 
regarde sa lettre comme une lettre de. change tirée 
et "vue sur moi. Vous resterez à mon bord , man^ 
gérez à ma table , et répéterez mes signaux. Le 
protégé de Laborde fit en effet sa traversée dans la 
fré^te du commandant; et le navire marchand dans 
lequel il avoit arrêté son passage à grands frais, 
périt ooips et biens , sans qu^il fdt possible d*eB 
rien sauver. 

Egoïstes an cœur revêtu d'un triple airain ; âmes 
froides et peu propres à goûter les charmes de la 
bienfaisance, ce n*est pas pour vous que nous avons 
rappelé le fait étonnant qui précède. Vous ne con- 
cevrez jamais quel fxit le transport de Laborde en 
apprenant qu'une lettre dont il avoit fait, pour 
ainsi dire , une plaisanterie^ avoit sauvé la vie et 
les biens du firère de son ami ; que cet événement 
heureux s'étoit opéré par le parent dun homme 
auquel il avoit eu la satisfaction de pouvoir être 
udle plusieurs années auparavant* Cet événement est 
tellement eiUraordinaire dans toutes ses parties, qu'il 
paroit tenir du roman : mais , malgré la certitude 
que nous avons de n en avoir point altéré la vérité ^ 
aons ne nous serions point hasardé de le transcrire ^ 
si nous n'étions en état de le prouver. 

Louis XV ne se lassoit point d'étendre ses bien- 
£iits sur Laborde. Il lui avoit donné un logement à 
Paris pour toute la durée de sa vie: Pour lui faciliter 
les entrées auprès de lui quand il n*étoit pas de 



(xtr) 

Service i il loi afoit £iit acheter une charge impor^ 
tante dam ses chasses. Il lui donna la place de gou- 
yemeur da Loarre. 11 le gratifia de plusieurs intérêts 
dans difFëreotes affîdres de finances. U avoit été joa- 
qu'à lui concéder un privilège exclusif , dont La- 
borde avoit traité pour une somme de trou cent 
mille francs de revenu. Mais nn objet de cette 
importance étoii bien propre a exciser Tenvie : la 
sultane Êtvorite l'emporta sur Laborde , et se fit ac* 
corder la même grâce pour une de ses créatures. 
Nous tenons de Laborde lui-même , que le prince , 
embarrassé pour lui fidre part de cette mauvaise 
nouvelle 9 qm le forçoit en même temps à iîure 
l'aveu de sa £oîblesse , eut , pendant plusieurs soirs. 
Tait gêné devant luL Mes services , disoit Laborde » 
parois&oienù lui déplaire ; je me hasardai de lui 
en demander la canse ; il me fappril enfin. Sirs, 
lui répondis-je d*un air aisé y ce que vous m'avis 

nOMlxà f VOOS BOUVE2 Nl£ LE ABFllEKDIlX. VODS ÊTES 

ASSEZ puissAirr podk m'en moEMNisEs. Louis XY le 
kii promit et lui tint part>le. 

11 tomba malade et moinrut peu de temps après. 
Laborde , en perdant son bienfaiteur y perdit ses 
derniers bienfaits. Il quitta précipitamment la cour ; 
^t la calomnie j répandant sur lui son venin , fit 
courir le bruit qu'étant t<Mnbé ^ns la disgrâce de 
Louis XVI, il étoitiCKilé. Pour démentir ce bruit , 
dont ses ennemis auroient pu tirer avantage contre 
lui , ÏMhoade se crut obligé de travailler , pendent 
les prembrs jours qui suivirent la mort de Louis KV, 
les fenêtres de son cabinet restant ouvertes, afin que 



Ions les passaïis pussent l'apercevons. Il écrivit un 
grand nombre de lettres. 11 tint sa porte ouverte A 
tous ceux qui se présentoient en foule chez lui , les 
uns pour prendre part à sa douleur et le consoler j 
d'autres pour l'ouir méchamment du spectacle d'un 
homme tombe du sommet glissant de la prospérité ; 
le plus grand nombre , pour se conformer au céré- 
monial importun qu'on appeloit alors rétiquette# 
ou Tusage des gens du bon ton. 

Laborde, après avoir donné des larmes a la mé-" 
moire de son protecteur , et consacré quelque temps 
au rétablissement de sa santé ^ fort altérée par les £ii* 
dgues qu'il avoit essuyées et le mauvais air qu'il avoit 
respiré pendant la maladie contagieuse de Louis XY^ 
dont il avoit reçu les derniers soupirs , se ressouvint 
qu'il étoit époux et père. 

U s'occupa de l'arrangement de ses af&ires , et fit 
agir ses parens , et les amis que son caractère obli- 
geant et ses qualités aimables avoient su lui concilier « 
même à la cour. * 

Le successeur de Louis XY ne se montra point 
insensible aux infortunes du protégé de son aïeul , 
4ont les changemens survenus dans le ministère et 
l'administration des finances avoient renversé l'es- 
poir , €oadé sur les grâces qu'il avoit obtenues dit 
«leraier roi sans même les avoir sollicitées. 

Le logement de Laborde lui fut conservé ; la 
jouissance en fut même étendue jusqu^à la durée de 
la vie de sa i^mme et de son fils : et cette Êiveur fut 
regardée comme un acte de justice , à raison des 
dépenses énormes que Laborde avoit Êtites dans ce 



^ 



( XVI ) 

logement. Il fat mis au nombre des adjadicatalres 
des fermes générales de TÉtat ; et cette qualité de fer' 
mier général , dont il concilia le travail fastidieux avec 
ton goût pour Tétude, les sciences et la littérature » 
devint par la suite le seul titre de sa proscription et 
la cause de sa mort prématurée. 

Nous avons montré Laborde parcourant les écueils 
multipliés de la jeunesse , de l'opulence y de la cour 
et de la prospérité : s'il paya le tribut i l'humanité . 
par ses foiblesses; si , comme le disoit Chamfort » il 
s'exposa, par quelques inconséquences, à faire dou- 
ter de la solidité de ses principes , il ne les perdit 
jamais entièrement de vue ; êeB talens même, qui 
contribuèrent â l'égarer , le préservèrent des excès de 
régarement , par le temps qu'il donnoit à leur cul- 
ture et à leur pratique. 

Son mariage avec une femme jeune , jolie » spiri- 
tuelle et joignant aux grâces le charme des talens , 
le rendit .bientôt à lui-même. L'amour et Thymea se 
réunissant pour le combler de leurs faveurs , il con- 
nut bientôt les plaisirs de la paternité , qui rend si 
douces les obligations qu'elle impose , et si déli" 
cieux les inquiétudes et les tourraens que souvent 
elle prépare. 

Laborde connut auprès de sa femme le véritable 
bonheur, qu'il avoit long-temps cherché par les rou- 
tes qui nous en éloignent le plus. Il vit croître et s'é- 
lever sous leurs yeux Je fruit de leur tendresse et 
l'héritier de son nom ; il ne s'occupa plus dès - lors 
que de ses affaires , et de procurer â son fils , par 
un usage plus utile et plus réfléchi de toutes se» 

acuités 



( xvn ) 
facultés morales et physiques , un patrimoine plus 
ptëcicux que les richesses. En effet , l'exemple des 
vertus et la réputation ou la célébrité d'un père im- 
posent au Hls Tobligation de marcher sur ses pas , à 
moins qu'il ne consente à vivre dans l'humilia tioii et 
dans l'opprobre ; tandis que les richesses, qui portent 
en elles un germe de corruption qui tend à se déve- 
lopper de plus en plus , ne peuvent jamais concilier 
à ceux qui les possèdent , l'estime des gens de bien , 
que par le bon usage qui les épure » ou lorsqu'elles 
4ont la récompense du travail ou de services rendus 
a FËtat. 

Ici commence la seconde époque de la vie de La- 
Borde , que nous allons parcourir avec la même ra- 
pidité que la première. 

La vie dissipée quHl avoit menée , le genre même 
de ses études et de ses productions pendant les an* 
nées qu^il avoit passées à la cour , sembloient le ren- 
dre peu propre aux travaux pénibles et arides de là 
finance : aussi lorsqu'il fut nommé fermier général , 
ses confrères s'attendoient-ils à le voir augmenter le 
nombre de ceux d'entre eux qui ne connoissoientda 
bail des fermes générales unies que <Ia portion des 
produits revenant à chacune des cautions de l'ad- 
judicataire général. 

Rendu , comme nous l'avons dit^ tout entier à lui- 
même ainsi qu*â Texercice de ses principes, Laborde 
leur prouva y dès son entrée dans leur compagnie f 
qu*il n*ignoroit pas que, dans l'ordre des devoirs 
sociaux et civils , ceux de l'état que Ton embrasse 

b 



( XVIIl ) 

tiennent le premier rang , puisque ce n*ett qne par 
la plus grande exactitude à les remplir qu*on petit 
acquitter la dette que Thomme contracte en nais- 
sant , envers sa patrie et la société. 

Sa vivacité naturelle et sa pénétration le mirent 
promptement en état d*embrasser Tensemble et ju»-> 
qu'aux plus petits détails d*une des anciennes admi- 
nistrations les plus compliquées. 

Il mérita bientôt d*étre compté parmi les plus 
grands travailleurs d*entre les fermiers généraux : 
mais avare du temps , dont il connoissoit tout le prix , 
et détrompé sur les faux plaisirs auxquels il en avoit 
tant sacrifié, la culture des sciences , des lettres et 
des arts devint Tunique objet de ses délassemens , de 
seM plaisirs et de son ambition. 

Louis XV mourut en 1774 ; en 1780, T^borde mit 
eu jour son Essai sur la musique ancienne et mo^ 
dernej en quatre volumes in-^,^ , de l'imprimerie 
de Philippe-Denis Pierres , enrichi d'un grand nom- 
bre de vignettes et planches gravées par d ^habiles 
artistes. Cet ouvrage traite iie la musique en géné'^ 
ralf et de ses progrès chez tous les peuples an^ 
ciens et modernes ; Tauteur y déclare de bonne foi 
qu'il a composé san^ prétantion y et que son ouvrage 
T^est que le résultat de trente ans de lecture , et 
des extraits qui en ont été le fruit» 

Ce fut dans le même année qu'il mit à exécu- 
tion le vaste et magnifique projet des tableaux to» 
pographiqnes , pittoresques , physiques , histori- 
ques y m,oraux , politiques et littéraires de la 
Suisse et de ricalie. Ce projet lui fut suggéré par 



ie désir de tainener à un point de vue d'utilité la 
gravure qui se trouvoit alors réduite à prostituer ses 
burins à Tornement d'une foule de productions lit- 
téraires f corruptrices des moeurs et du goût , et qui 
ne dévoient souvent leurs succès éphémères qu'aux 
vignettes qui ajoutolent à leur danger^ 11 n'entrevit 
que la satisfaction d'alimenter un grand nombre 
d'artistes , de mettre sous leurs yeux les plus beaux 
sites de la Suisse et de Tltalie , et ne douta point que 
le public et tous les amateurs ne s'empressassent d'ac- 
cueillir un ouvrage qui , les multipliant par la gra* 
vure , auroit en outre pour objet de faire connoltre 
des contrées où la nature paroit avoir pris plaisir à 
rassembler les contrastes imposans de sa magnificence 
et de ses horreurs , de sa richesse et de son aspé- 
rité; d'en donner l'histpire, et de peindre les moeurs 
de leurs faabitans. 

Il s'associa , pour tous les détails de cette entre- 
prise , les graveurs Née et Masquellier ; et le baron 
de Zurlauben , officier suisse au service de la France > 
et membre de l'ancienne académie des inscriptions 
et belles-lettres de Paris ^ se chargea de la partie his- 
torique de son pays. 

Laborde , indépendamment de la portion de tra^- 
vail qu'il s'étoit réservée^ fournie on procura tous 
les fonds nécessaires pour une entreprise aussi dis- 
pendieuse : il commença par les tableaux de la 
Suisse y pour lesquels il eut en peu de temps près de 
quinze cents souscripteurs , et: qui furent livrés au 
public avec une exactitude à laquelle il étoit peu ac» 
coutume pour les.ouvrages proposés par souscription^ 

b a 



(XX) 

n cëda h contiaaation de cet ouvrage a TabLé 
Richard de Saint-Non , qui te réduisit , an grand 
regret des amateurs , au seul Voyage pittoresque de 
If aptes et des deux Siciies. 

Laborde entreprît ensuite de faire pour son pays 
ce qu'il avoit Êiit pour la Suisse; il Pannonça sons le 
titre de Description générale et particulière de la 
France. On peut voir par ce titre et celui qu'il 
adopta pour son ouvrage sur la Suisse , que %i^^ plans 
ëtoient vastes et ne se bornoient pas seulement a sa- 
tis£aire la curiosité du public par des images : il cher- 
choit à l'instruire; il vouloit» notamment pour la 
France, que sa description la Ht connoitre par la 
fertilité de son sol, les ressources que présentoient à 
son commerce ses manufactures et l'industrie de sei 
habitans , ses grands hommes dans tous les genres » 
%Q% sites, ses monumens, et les motifs d'émulation 
qu'elle présentoit à l'agriculture , â tous les arts de 
luxe et d'agrément , comme aux arts industriels et 
de nécessité. 

Le premier, en décrivant la France» il s'affranchit 
des entraves qu'avoient fiait éprouver aux écrivains 
qui Tavoient précédé dans cette carrière , les divi- 
sions politiques de cet ancien royaume. Il leur pré- 
féra la division naturelle par le cours des fleuves et 
des grandes rivières , division qui fut par la suite 
adoptée , lors de la formation des départemens* 

Il s'associa , pour cette entreprise immense , des 
capitalistes , des gens de lettres et des artistes célè- 
bres : la société dépensa plus de cinquante mille 
écus; mais une foule de circonstances, la plupart 



( XXI ) 

^ttangères à Laborde,,la contraignit â suspendre se» 
travaux , et même à se dissoudre. Laborde , resté^ 
seul , et ne pouvant supporter toute la pesanteur du 
fardeau dont ses associes s'étoient déchargés sur lui.» 
traita du fond de Touvrage avec le cit. Lamy : ce 
libraire Va continué )usqu*au moment où la révolu- 
tion et la guerre Tout aussi forcé de l'interrompre. 

Nous noiis sommes étendus sur ces deux entrepr^ 
ses de Laborde» parce qu'elles nous ont paru pro- 
pres à donner une idée de son amour pour les arts , 
la gloire et ravantage de son p«iys. Notre intention 
'étant de joindre à cette notice un catalogue analytique 
de ses autres ouvrages , nous y renvoyons tout ce qui 
peut avoir rapport aux productions multipliées de ses 
loisirs. 

Pour faire juger combien les arts et les artistes ont 
eu de sujet pour regretter sa perte , nous observerons 
que les Voyages de la Suisse et de Tltalie ont donné 
ridée de ceux de la Sicile et de Liparis par Houel , 
de la Grèce par Choiseul-Gouffiér , et qu'ils servent 
encore aujourd'hui de modèle aux voyages de TIs- 
trie et de la Dalmatie , par Née et Barrez , de la 
Syrie » de la Phénicie , de la Basse £gypte et de la 
Palestine^ par Cassas. 

Ce ne fut pas seulement par ses entreprises que 
Laborde s*acquit des droits â rattachement des sa* 
vans , des gens de lettres et des artistes les plus 
célèbres^ avec lesquels il étoit en relation plus ou 
moins intime : s'il cherchoit dans son génie des occa- 
sions de les occuper utilement pour eux , il les ai- 
doit encore de tous ses moyens , et les éuyoit de 

b 3 



( "" ) 

tous les amif , de tout ton crédit et de toat«s tes 
reisources. 

L*ainoar des arts , des sciences et des lettres , qui 
ne Tavoit pas abandonné » même dans le tourbillon 
des plaisirs et dans le tracas des aifdires , étoit de- 
venu y comme nous Tavotis déjà dit , son unique 
passion , Tunique occupation de tous les instans dont 
il pouvoit disposer. 

Ami de Voltaire , il fît plusieurs voyages en Suisse 
pour aller visiter le philosophe de Femey ; et sa 
liaison avec cet homme célèbre est consacrée par 
une estampe connue sous le titre de Déjeuné du 
philosophe de Perney , gravée par Née et Masquel* 
lier y d'après le dessin de Denon » et qui représenta 
Voltaire ^ sa nièce , la descendante du grand Cor^ 
neille ^ le père Adam , ex- jésuite , et Laborde* Le 
porirait de celui-ci se voit encore parmi les amis 
de Voltaire , dans une autre estampe représentant 
rintérieur delacbambreàcoucher du grand hommef 
où son cœur est déposé. 

La révolution française entraîna la ruine entière 
de Laborde. Non-seulement | il perdit son état de 
fermier général ; mais son logement ayant été brûlé , 
beaucoup de ^% effets précieux devinrent la proie 
des ilammes. 

Quoiqu'il n'ignorât point ce qu'il avoit à craindre 
de la fermentation générale d*où résultoit le nou- 
vel ordre de choses , il crut pouvoir se flatter d'é- 
chapper â la proscription , et regarda Témigration 
comme un moyen de sauver ses jours auquel fa 



( XXIII ) 

9(^vërîté de ses principes ne lui permettoit pas de 
recourir. 

Il chercha dans le département de la Seine-înfë- 
xîeure un asile , et se retira dans la ville de Rouen. 
Il y vivoit ignoré de tout le mondé ; et satisfait de 
de son obscurité , Qjà*on me laisse , disoit-il aprè» 
avoir tout perdu y qjj^on me laisse à ma femme y à 
mes occupations ;^ et mon cœur. et mon esprit seront 
toujours contens. 

Gomme Archimède , ainsi que nous l'avons dit en 
, Tan cinq de la République française , il étoit bien 
éloigné d'imaginer que l'on pât en France y et dans, 
le dix-huitième siècle . déclarer la guerre aux scien- 
ces,, aux lettres^ aux arts ^ aux vertus, au génie, 
aux talens. Comme Archimède , il fut la victime de 
sa sécurité. 

L*un de ces événemens que l'insensé regarde 
comme étant produits par le hasard ; que le fataliste 
présente comme une preuve de son système absurde 
et dangereux , mais que le véritable philosophe et 
rhomme instruit considèrent sous un aspect bien 
différent , appfit aux tyrans dont la verge de fer 
pesoit alors sur la France , le lieu de la retraite de 
Laborde. 

Ils décernèrent l'ordre de l'arrêter , de l'amener 
à Paris , et de l'y constituer prisonnier. Le porteur 
de cet ordre , moins barbare que ceux dont il éma- 
noit j offrit à Laborde de profiter de cinq jours qui 
restoient à courir pour Texécution du mandat , ou plu- 
tôt deTarrétde mort lancé contre lui. • . • Marchons y 

b.4 



( XXIV ) 

djt Laborde : je ri ai rien à me reprocher ; je r^ai 
donc rien à craindre. 

Il ignorolt , hélas ! que le motif même de sa sécu- 
rité deviendroit celui de sa condamnation par des 
monstres qui, sous le manteau delà justice, cachoient 
toute la férocité de tigres altérés du sang de ceux 
dont Télévation de Tame et les talens contrastoient 
avec leur bassesse et leur ignorance » ou dont les 
vertus formoîent la censure de leurs crimes. 

Du fond de son cachot , il pressa son jugement , 
que sa femme , set parens et ^^'^ amis s'clTorcèrent 

en vain de reculer Il périt le 4 thermidor de 

l'an deuxième de la République française » ou le 
2ô juillet 1794 % vieux style ; et le 9 du même mois 
thermidor , cinq jours après, le sang de Tinnocence 
cessa de couler sur les échafauds. 

Laborde étoit dans la soixantième année de son 
Âge , lorsqu'une mort violente coupa le fil de ses 
jours , dont les derniers auroient pu devenir encore 
utiles à sa famille , à ses amis , aux infortunés , aux 
sciences , aux lettres et aux arts. 

Nous avons promis d*aider nos lecteurs à se former 
une idée juste de cet homme excellent , sur lequel 
on a pu prendre tant d'opinions contradictoires. 
Nous nous permettrons, à cet égard, de répéter en- 
core ce que nous en avons précédemment dit dans 
un article de nécrologie. 

La vivacité des passions , la pétulance et Timpé- 
tuosité d^humeur , étoient en lui des effets de son 
tempérament. La douceur , la patience , la résigna- 
tion , la sensibilité , la bienfaisance , la modestie , 



( ^^y ) 

Tamour du travail , et la philosophie la plus douce , 
devinrent en lui des vertus d'autant plus estimables » 
que l'habitude en avoit dû lui coûter davantage à 
contracter ; et d'autant plus solides , qu'elles étoient 
le fruit de Texpérience et du triompha de sa raison 
éclairée. 

Sa douceur , sa patience et sa résignation furent 
mises aux plus cruelles épreuves , et sa philosophie 
n*en fut point altérée. T ai connu, disoit-il souvent, 
le malheur et les peines de la vie ; je n^ ai jamais 
connu le désespoir ni Pennui, Sa bienfaisance ne 
se ralentit pas , même par l'épuisement de sa for- 
tune ; et son travail , ses privations et ses sacrifices 
lui fournirent des raojens de la satisfaire. Modeste , 
il ne parloit jamais de lui , n'étudioit que pour 
s'instruire , ne se faisoit imprimer que dans l'espoir 
d'être utile , et ne mettoit son nom qu'à ceux de 
ses ouvrages dont l'auteur étoit trop connu pour 
qu'il pût garder l'anonyme. Enfin son ardeur pour 
le travail étoit infatigable. 

Sujet à des coliques occasionnées par des sables 
qu'il rendoit avec des doul«urs inexprimables , nou» 
l'avons vu , condamné par son médecin a rester 
pendant des journées entières dans le bain , s'y 
occuper de ses affaires les plus sérieuses , avec toute 
. la sérénité d'un homme qui prend un bain par déli-r 
catesse ou par sensualité. Environné de ses livres , 
il établissoit entre la douleur et le travail une lutte 
d'autant plus cruelle , que le travail y irritant le 
mal , ne parvenoit a le dompter qu'après l'avoir 
rendu plus insupportable encore. 



I 



( «VI ) 

Aux vermt de Laborde , dont nous avons esquissé ' 
foibleinent le tableau » nous ajoutons , sans hésiter » 
»es grâces à obliger et son secret inviolable sur le 
bien qu'il s*e$timoit heureux de pouvoir faire; sa 
rcconnoissance extrême pour les moindres services 
qu'on lui rendoit » et ce qu'il sou££roit lorsqu'il | 

étoit empêché de les pubher. 

Nous citerons , i Tappui de la dernière de ces 
assertions , l'épitre dëdicatoire de sa traduction du 
Voyage de Henri Swinburne dans les deux Siciles» 
Elle porte cette suscription simple :. . ..A mon ami 

S. J O LE MEILLEUR DES AMIS ! s'ëcrie Laborde 

avec un accent que Ton reconnoSt pour élre celui 
du cœur , Je vous dois ma tranquillité y ce douo^ 
bonheur de la vie, etc. Les services que vous nous- 
avez rendus ne peuvent être surpassés que par^ 
la rcconnoissance dont nos cœurs sont pénétrés , 
et par le plaisir que fai à vous en rendre ce 
témoignage public , quoique mystérieux. 

Si votre modestie , lune de vos vertus , mem^ 
pêche de TTtettre ici votre nom et le mien , vous 
nen serez pas jnoins reconnu de tout le monde ^etc. 
Tel fut l'homme que Chamfort , qui n'a pu \& 
suivre que jusqu^au déclin de sa prospérité , re- 
gardoit comme indéfinissable. Nous sommes persua- 
dés que si cet observateur eût été dans le cas 
d'approfondir et de prolonger son examen , il eut 
été de lavis que nous ne craignons pas de mani^ 
fester. Nous pensons que les inconséquences dont il 
se plaignoit dans Laborde, furent des vices de sort 
tempérament ; et les actions sublimes qui Tétonr 



( XXVIT ) 

noient de sa part , les fruits de ses efforts sur luî^ 
même , et de ses vertus encore trop irëcentes à cette 
époque pour produire avec l'abondance dont La* 
l>orde fut redevable aux soins que sa solitude loi 
permit de donner à leur culture. 



l 



( XXVIU ) 

CATALOGUE ANALYTIQUE 

DES OUVRAGES 

DE LABORDE. 



JL»E8 inathëmatiques , la chimie, la botanique , Ift 
géographie y la chronologie, Thistoire et la musique , 
furent tour-à-tour~ les objets des études plus ou 
moins approfondies de Laborde. Celles de ces scien- 
ces dont il ^'est occupé particulièrement , sont ^ la 
musique y la géographie , la chronologie et Tliistoire. 
Entreprenant de donner la liste de ses ouvrages , 
dont il nous faisoit présent à mesure qu'il les mettoit 
au jour , il nous paroit naturel de suivre ^ au moins 
à-peu-près , Tordre chronologique dans lequel ils 
ont paru. Nous commencerons donc par ses pro- 
ductions musicales , auxquelles il dut sa première 
célébrité comme compositeur. 

MUSIQUE. 

Laborde a beaucoup travaillé pour les théâtres 
que Ton appeloit alors de V Académie de musiifue 
et de V Opéra comique. Si Ton veuf avoir la nomen- 
clature complète de tout ce qu*il a fait en ce genre y 



( xxix ) 

on peut consulter les répertoires de ces deux spec- 
tades. Nous allons citer ses ouvrages les plus connus. 

Ô P £ R A. 

IsMÈiTE ET IsM^NiAs , OU la Fête de Jupiter , tra- 
gédie pastorale en trois actes. Les paroles sont de 
Lau5eon , et la musique de Laborde. Cette pièce £at 
représentée , pour la première fois, devant la cour^ 
sur le théâtre de Choisy , le i5 juin 1765, et donnée 
à rOpéra le 11 décembre 1770. On la compte pour 
le io8.« de nos opéras. 

ZéNis ET Alma2ib , ballet héroïque en un acte , 

par le duc de la Y et Ghamfort ; musique de 

Laborde et de Buri; donné pour la cour a Fontai- 
nebleau, le 2 novembre 1765. 

TniTis ET Péléb , paroles de Fontenelle , repré- 
senté, pour la première fois , en 168g, avec la mu- 
sique de Golasse. On redonna , le 10 octobre 176Ô, 
<cet opéra, presque totalement .e€ bien remis en 
musiifue par M. de Laborde. Leris y dans les notes 
par lui préparées pour une nouvelle édition de ;son 
Dictionnaire des théâtres , dont nous avons tiré le 
présent article , dit aussi Laborde auteur de la 
musique d un opéra d'Amphion ; mais il ne cite pas 
celui des paroles. 

La CiNQUAïtTAiirE y pastorale en trois actes , dont 
les paroles sont de Desfontaines y et la musique de 
Laborde , donnée le i3 août 1771. 

Adèle de Ponthieu , tragédie en trois actes , > re- 
présentée y pour la première £ois y le i.«r décembve 



(«X) 

1772; parolas da marquis de Saint^Marc^ mosi^atf 
de Laborde et de Bertoiu 

OpjâfiA COltlQVE. 

GiLLBs f GARçow PEiNTAB » amourêux et rii^al , 
parodie en forme de parade « du Peintre amoureux 
de son modèle, donnée à l'Opéra comique le a mars 
17Ô8 ; paroles de Poiusinet , musique de Laborde. 

La musique en fut extrêmement goûtée 

Dict. des théâlres , I.r« partie , édit. de 1773. 

Anette et Lubin , pastorale , mise en vers par 
Marmontely en musique par Laborde. 

L' Anneau perdu et RBTAOuvé , comédie en deux 
actes, en prose, mêlée d'ariettes , donnée au théâtre 
Italien le 20 août 1764* Les paroles sont de Sedaiue » 
la musique est de Laborde* 

La musique avoit été faite en 1761 pour Topera 
comique les Bons amis , qui ne réussit point» 
Laborde pria Sedaine de faire des paroles auxquelles 
sa mujdque pût s'adapter avec des changemens. 

La MeonièAb de Gbntillt , comédie en un acte , 
mêlée d'ariettes , paroles de Lemonnier, musique 
de Laborde , et donnée au théâtre Italien le i3 
octobre 1768. 

Alix et Alexis ^ comédie en deux actes , en 
prose y mêlée d'arieites, représentée devant Louis XY 
à Choisy, le 6 juillet 1769 j paroles de Poinsinet , 
musique de Laborde. 

En 1773, Laborde fit graver à grands frais nn 
choix de chansons ^ par lui mises en musique • 



avec accompagnement , et dont la vente fat indi- 
quëe à Paris , chez Delormel , imprimeur de Paca- 
demie de musique. 

Cet ouvrage, dç format grand iVx-8.0y renferme 
clans les quatre volumes qui le composent, plus de 
cent vignettes, gravées par Née et Masqueliier « 
diaprés les dessins de Moreau le jeune , Lebarbier 
Talnë , Lebouteux et Saint-Quentin. 

Laborde est aussi l'auteur des paroles de quel*- 
ques-nnes des chansons de ce recueiL ' 

Il avoit mis en musique un privilège de librairie* 
Il y avoit été déterminé par une plaisanterie .de so- 
ciété , par une espèce de défi de Mondonville > et 
par le désir de prouver que le charme de la musique 
rend agréal>Ies à ToreiHe jusqu'aux paroles les plut 
barbares ; mais il ne partit pas avoir conservé cette 
singulière production. 

En 1780 , il fit imprimer son Essai sur la mu^ 
si^ue ancienne et moderne y dont nous avons parlé 
dans la notice historique. Les deux premiers volumes 
traitent de lorigine et àe% progrès de cet art chez 
tous les peuples anciens et modernes , et des divers 
instrumens en usage chez chacun d'eux» Le troî* 
sième volume est consacré aux poètes musiciens 
grecs et romains , aux musiciens et auteurs grecs et 
romains qui ont écrit sur la musique , ou parlé des 
musiciens ; aux compositeurs, poètes lyriques | chan- 
teurs et cantatrices célèbres en Italie ; aux auteurs 
italiens et latins qui ont écrit sur la musique dans 
les derniers siècles ; enfin aux compositeurs , aux 
musiciens et auteurs français qui ont écrit sur la 



i 



( XXXII ) 

musique. Le quatrième et dernier volume traite des 
poëtes lyriques français, contient un supplément au 
chap. IV du tom. 3 , sur les chansons , et deux 
morceaux dVrudition qui annoncent des recherches 
pénibles de la part de leurs auteurs. 

GEOGRAPHIE. 

Laborde a fait une étude particulière de cette 
science , qui , sur-tout lorsqu*on y joint le dessin 
de la carte , exige une patience qui parott incon- 
ciliable avec sa pétulance connue. 

On a de lui cependant une ibule de cartes géogra- 
phiques dont nous nous contenterons de citer les 
principales. 

Carte oéoGRApRiQUB et historiqub de VOmbrie, 
VÉerurie, la grande Grèce et la Sicile antique, 

Garib de la Toscane y des Etats du pape , du 
royaume de Naples , etc. 

Ces deux cartes ont été composées par La»- 
borde pour servir a Téducation du fils aîné de 
Louis XYL Elles sont enrichies de notes histo- 
riques sur tous les lieux célèbres , par des ba- 
tailles ou des événemens mémorables , par la 
naissance ou la mort des grands hommes en tout 
genre. Ces notes , gravées avec soin | supposent 
une érudition ou des recherches immenses. Leur 
précision et leur clarté les rendent très-propres 
à se graver dans la mémoire des enfans. 
Carte oiNÉRALS de la mer du Sud. 

Cette carte est divisée en six feuilles , plus 

grandes 



( XXXIII ) 

grandes que celles de la carte de France. La- 
borde apprend a ses lecteurs ^ dans Tavertis^e- 
ment qu*il a mis en tête de son Histoire abrégée 
de la mer du Sud y qae cette carte lui a coûté 
. dîcc ans de travaiL 

Gartb oiNéRALS DE LA Suissv et des {placiers de 
JFaucigny, ^ 

QkkiZ GéNéRAj^E DE I.*ApRlQUE. 

Le Vaillant , à la fin de la préface du premier 
volume de son second Voyage dans Tintérieur 
de r Afrique, annonce une Carte ciNéRALE de 
TOUS SES Voyages, ce Je joins , dit • il ^ à cette 
» édition , une Carte générale de tous mes 
» Voyages ; elle se vendra séparément. Je dois 
» beaucoup f à cet égard ^ aux soins ifue s^est 
» donnés r infortuné Laborde (i), tjfuin^a rien 
» négligé pour son exactitude et sa perfec- 
» tion »« 

chronologie;, 

La Chronologie y cette science obscure des temps 
et des dates y n'a point effrayé Laborde. 11 est au- 
teur, en cette partie 9 d'un ouvrage en deux volu- 
mes , imprimé chez Didot Talné. Le premier de ces 
voluineSy qui porte la date de 1788, et parut sous le 
titre d'Essai sur Chistoire chronologique de plus 
de quatre^ingts peuples de V antiquité y peut être 



(1) Cet ouvrage parut un# année après la mort de 
iLaborde. 

c 



( xxxtr ) 

considéré comme formant lui seul nn ouvrage com- 
plet , poiaqu'ii remplit son titre. Le second, date de 
1789» a ponr titre : Abré^ clironolo^ue éies 
principaux faits ampés depuis ia naissance dj£é^ 
nocft, tan du monde 62%, jusqu'à ia maissancc ils 
Jésus-Chrisi. Ce volume, de plus de 700 pages» est 
numéroté» sur la £einsse page» Tom, Il de VBssai 
sur t histoire chronologufue^ etc. , parce qnll com- 
plète rhlstoire ancienne , depuis les temps fabuleux 
jusqu'au commencement de Tère chrétienne. 

Laboirde se propoaoit de donner l'histoire mo- 
derne en huit ou diiL volumes. Ils seront , disoit -il 
dans l'avertissement en tête du second de ceux dont 
nous venons de parler , accompagnés de cartes géo» 
graphiques, faites et grattées avec ie plus grand 
soin , diaprés tes points reconnus et publiés par 
r académie des sciences , dans la Connoissance des 
temps. On y trouvera aussi des tableaux généalo" 
gigues y dont il donna pour modèle celui des des-^ 
cendans de Japet, inséré dans ce volume. 

Il devoit avoir rassemblé , sur cette partie de son 
ouvrage, des matériaux immenses. On ignore ce 
quHls sont devenus ; et la suite de ce catalogue 
prouvera que cette perte n'est pas le seul motif que 
les sciences et les lettres aient de regretter cet 
homme laborieux , auteur d un.e foule de tableaux 
chronologiques et généalogiques , infiniment pré- 
cieux pour llntellîgence de rbistôîre. 



( xMr ) 
HISTOIRE. 

UHisTomsDBiiA MBR DU ScTD, par Laborde, fatim- 
primée en 1 791 chez le même Didot, en trois voL ^/s-8. ? 
Ces volâmes sont enrichb d'un grand nombrede cartes 
géographiques et planches gravées > isdépendam* 
ment d'nn Atlas séparé « contenant la carte générale* 

La Harpe a fait , dans le Mercure de France , le 
plus giïuad éloge de cet ouvrage , dont l'autenr , 
toujours modeste, dédaroit» dans im avertissement^ 
ne Tavoir entrepris que dans 1^ intention, i.^ de ras* 
sembler en peu de volumes les choses nécessaires à 
savoir qui se trouvent éparses dans plus de cin^ 
çuante volumes in-/^.^ , fui sont de difficile et 
coûteuse aofuisition , sur - tous pour de Jeunes 
marins qui veulent s instruire ; a.^ de faire sentir 
cet ouvrage d'explication à sa grande carte de la, 
mer du Sud, 

De TËssai de Laborde sur la musique ^ sont en 
grande partie extraits les MiMoinas historiques db 
CoucTy en deux très* minces volumes ixt-B.o , im- 
primés en 1781 , et que Ton peut regarder comme 
une des plus jolies éditions sorties des presses de 
Philippe-Denis Pierres. 

Cet ouvrage contient , indépendamment de ce 
qui en est extrait de TËssai sur la musique , Tex- 
trait d'un mémoire intitulé Fragment de la généa^ 
log^ de la maison de Coucy y par Chérin ; les 
portraits du châtelain de Coucy , SAnhert sire 
de Fayel et de Gabrielle de Levergies y dame de 
Fayel , avec une petite vu& de Coucy-le-Château ; 

c a 



( XXXVIIT ) 

de tous las manuscrits intéressans é/ue ses ètuttes 
lui at^oient procuré des occasions heureuses d^ 
parcourir ? Que sont maintenant devenus ces ma* 
nnscrits , et cenx , non moins prëtieûXi dontLabord» 
lui - même étoit propriétaire ? 

ROMANS HISTORIQUES. 

C'est encore à Lalx>rde que la littérature est re- 
devable des belles éditions des romans historique» 
des quinzième et seizième siècles , en onze volumes 
in-i2 f petit format, de Fimprimerie de Fainé des 
Didot, et dont il auroit encore pu grossir la collection. 

Il commença, sous la date de 178a, par l*Histoirs 

SECRETE DE BOURGOGNE , DE M.I^« DE LA FORCB : 

il en forma trois volumes , dont le dernier cbn- 
tient des notices sur les personnages dont il est 
parlé dans les deux autres , et des reman^ues et des 
éclaircissemens pour rétablir la vérité des éué- 
nemens. 

Il fit k son fils la dédicace de cet ouvrage : la 
saine morale qu'il a placée dans cette épitre, et le sen- 
timent qui Ta dicté, nous persuadent qu'on nous 
saura gré de la transcrire ici. 

c< Ce n*est point la petite vanité d'auteur qui m'a 
x> dicté ces remarques ; vous seul au monde , mon 
» cher fils , saurez qu*elles sont de moi : fe ne les 
» ai écrites que pour votre instruction ;, toute mon 
» ambition est que vous puissiez Un jour recueillir 
» les fruits de mon travail. Sans le désir que j'ai de 
"» vous être utile encore lorsque vous ne m'aurez 
)> plus^ aurois-je eu le courage de l'entreprendre? 



( XXXIX ) 

» Ne Connoissant que trop par moi-même Tattiaît 
Vf invincible qui porte les jeunes gens a la lecture 
31 des romans, j'ai voulu au moins remédier à un 
» inconvénient souvent causé par cette sorte de lec* 
» ture y celui des erreurs de £aits et de dates ^ en xé^ 
» tablissant la vérité dans des notes aussi exactes que 
» ces romans sont inexacts. 

» J*ai voulu vous apprendre de bonne heure que 
» les romanciers sacrifient tout an {^sir d'intéres* 
3» ser leurs lecteurs , en dénaturant soavent les traits 
3» d'histoire les plus connus , afin de. produire plus 
y> d'effet par des rapprochemens combinés et des 
3> événemens imprévus , et causer dans de jeunes 
» cosursy à peine encore entr'ouvérts , ces émo- 
» tions si douces , plus propres à ÉEiîre germer et 
» développer les passions, qu'à former l'esprh et le 
» cœur. 

» C'est bîéii asse£ que les romans soient tout-à- 
» fait inutiles à notre instruction , sans qu'ils servent 
» encore à donner de Élusses idées sur l'histoire. 
» 

» J'ai fait mes efforts, mon cher fils, pour vous 
» empêcher de vous égarer clans une route qui n'est 
9 qu'un vrai lâbyrimhe quand on n'a pas le fil propre 

» à éviter le danger de s'y perdre 

».,i 

^ L'extrême disproportion de nos 

» êges ne me laisse pas espérer d'être jamais témoin 
» de l'utilité dont j'aurai pu vous être. ..... 

M . . . . . . Depuis lopg-temps , mon cher fils , 

» je me suis résigné aux ordres de la providence : 



( xt > 
yf n*oabliez Jamais de suwre en cela Texemple Ae 
» votre père ; c'est la route la plus sûre pour arriver 
» à la consolation. ••....*•»* «^ • *^ "^ 

» w Puisse cette providence , que j'im- 

» plore , vous en tenir lieu ( d*un père ) ! puissiez* 
» vous résister aux attraits séducteurs de ce que l'on 
» appelle les plaisirs , et vous rappeler quelquefois 
» avec une douce sensibilité , en relisant des écrits 
» dictés par ma tendresse , que vous eûtes un père 
39 long-temps malheureux , mais qui eût consenti à 
» Tétre bien davantage , si l'augmentation de ses 
» peines eût pu diminuer les vôtres ! » 

L'Histoire db la reine de Navarre , axisûpar 
Jlf^/e. de la Force y imprimée en 1785 ^ est en six 
volumes. Le cinquième contient les notices sur les 
personnages qui figurent d^ns cette histoire ; et le 
sixième et dernier , une notice sur la Vie de Fran^ 
çois I.^f , avec un tableau de la généalogie de ce 
prince , de la composition de Laborde , ainsi que 
les notices , fruits de ses recherches. 

Les Amours du grand Alcandrb, par Mlle, de 
Guise , suivis de pièces intéressantes , pour servir 
à V histoire de Henri IV. Tel est le titre de deux 
volumes imprimés en 1785. L'ouvrage de Mn«' de 
Guise n'en occupe que cent treize pages du premier 
volume. Il est suivi de notes , et des discours pro- 
noncés dans un conseil tenu par Henri IV , pour 
discuter les raisons pour et contre son mariage avec 
Marguerite de Valois. 

Le second volume renferme un tableau généa* 



( X" ) 

logique de la maison de Bourbon ; une ëpitre qu0 
Laborde n*a pas même signée, adressée a Louis XY, 
mort neuf ans auparavant; une notice sur la Vie de 
Henri-le-^Grand ; son manifeste sur son divorce 
avec Marguerite de Valois , et le recueil des poésies 
de ce prince. 

VOYAGES. 

Laborde, qui voyageoit en homme qui cherche a 
s'instruire , se plaisoit a communiquer ce qu'il pou- 
voit recueillir de neuf dans ses voyages, et le résultat 
de ses observations et de ses recherches. 

Les Lettres sur la Suisse , adressées à M»^» de 
Af... par un voyageur français en 17H1 , impri- 
mées à Genève en 1783 , sont de lui. C'est pour cet 
ouvrage, en deux volumes in - 8.®, qu'il a composé 
et fait graver la carte générale de la Suisse et des 
glaciers de Faucigny , le plan de Versoi et celui 
des souterrains des salines de Bévieux, 

Ce seroit ici le lieu de nous étendre sur Jes Ta* 
bleaux de la Suisse et sur la Description de la 
France^ si nous n'avions pas fait dans la notice histo- 
rique une mention aussi longue sur ces deux entre- 
prises. Quoiqu'on ne |>uisse ranger ces deux ouvrages 
au nombre de ceux qui sont sortis de sa plume , il 
suffit qu'il en ait été l'auteur, pour que nous ne puis- 
sions pas nous dispenser de les comprendre au pré- 
sent catalogue. Nous ajouterons à ce que nous avons 
dit des tableaux de la Suisse, que par eux Laborde a 
opéré une révolution utile dans l'art de la gravure , 
en lui donnant une impulsion nouvelle ; qu'il a ouvert 



( x"i ) 
on conmierce nne branche trèi-iinporunie ; que 1^ 
goût de cet aorket de voyages qu*îl a fait naître a en* 
richi les bibhothèques d'une collectkm qn\ a*accn>it 
de jour en jour; qn*it a cr^é beaucoup d'artistes et 
substitué dans tons nos meubles ef objets de luxe» lea 
belles formes antiques » aux omemens biaarres et 
contournés , qui n*avoient pas fait oublier le gothi- 
que admiré par nos ancêtres. 

TRADUCTIONS. 

XI a traduit de Tanglais, sous le même nom d'nn 
voyageur /rançais , les deux TorACES de Hek&t 

SwiNBURNE EN EspAGNS ET DANS LES DEUX SlCILES^ 

imprimés chez Didot l'aîné; le premier de ces Voya- 
ges, en un vol. iVs-S.^; le second » en 5 vol.. du même 
format» 

POESIE. 

Laborde n'aroît pas de prétention au titre de poète; 
mais il a fait aussi des vers , dont il neparloit pas plus 
que de ses autres ouvrages. Didot Talné les a recueillis 
dans un petit volume z/k-i6^ qu'il a imprimé en 1784 » 
et fait tirer à très-petit nombre , sous le titre de Rk- 
C0ÎIL DE QUELQUES PKTFTS VERS , dédiés à Adélaïde, 
par le plus heureux des époux. Ces vers , dictés par 
le sentiment y annoncent de la facilité , ne sont pas 
exempts de quelques négligences » et se retrouvent 
en grande^ partie dans son recueil de chansons. 

MORALE. 

Nous croyons pouvoir placer dans cette classe 
un ouvragç de Laborde, dont nous n*avions point 



( XLMI ) 

connoissance « imprhné chez le même Didot en 
1791 , sons le titre de Recueil de pensées et d^ 
maximes f sans nom d^auteur^ et que l'on nous a dit 
n^avoir /été tiré qu'à douze exempladres , moyen ln«- 
faillible de le rendre infiniment rare* 

Ce petit recueil > de 5i pages seulement » -et dont 
le caractère est aussi net qu'il est Rn et délié', nous 
aembie un chef-d'œuvre de typographie^ commo 
tous 1^ gxanjcb ouvrages sortis des presses de Didot 
rainé. 

C'est de int que xions avons tiré la maxime que 
nojBS avons prise pour épigraphe de la notice rx 
Lahor^e. Toutes les autres pensées et maumes qu'il 
i«nferme nous ont para de la p^us grande justesse* 
£Ue8 tie peuvent ^ètise toutes également brillantes % 
maÂs eUes août toutes exprimées avec concîsioa etr 
^larJjé. 

ARTS. 

C^est aussi a Laborde qme les arts sont redevables 
de la seconde édition imprimée <:he2 Didot aîné, en 
1783, du Recueil des peintures antiques trouvées i 
Rome^ imitées fidellement pour les couleurs et io 
trait, d'après les dessins coloriés par Pietro Santé ^ 
Bartholi et autres dessinateurs. 

Le n.^ 5904 de la Bibliographie de Debure avoit 
fait connoître à Laborde que la première édition do 
cet ouvrage n'avoit été imprimée qu'à trente exem* 
plaires , nombre insuffisant pour celui des ama-i 
teurs. 

Un heureux hasard rendit Laborde propriétaire 



(XLIV) 

des ciiivrei de cette première édition , dont nii# 
partie avoit été rayée par les éditeurs Gaylns et Ma* 
nette. La connoîsiance qne Laborde avoit dans les 
beanz-arts , loi lit entreprendre de faire repoosser 
les enivres i et gratter les ratures pour les reprendre 
ftu burin, ce qui a parfaitement bien réussi. 

Labôrde pensant bien que les propriétaires des 
anciens exemplaires pourroient lui savoir mauvais 
gré du soin et des dépenses qu*il avoit fidtes pour 
restaurer des planches regardées comme étant hors 
d*état de servir , a prouvé , par son désintéressement » 
qu*en s*occupant d*un objet utile aux progrès des 
arts, son goût, et non Tintérét, l'avoit guidé. Il fit 
un don gratuit de ces planches bien réparées , aux 
libraires qui ont fait les avances de la nouvelle édi- 
tion, et qui , par reconnoissance, Font gratifié , pour 
aa précieuse bibliothèque , d'un exemplaire des trois 
volumes in-folio , imprimés sur vëlin , avec 54 plan- 
ches peintes. On ignore si cet ouvrage a échappé aux 
flammes qui, le lo août 179a , ont consumé Thabi- 
tation de cet amateur des arts. 



PBEMIERB 



A VAN T-PR O PO S. 

JL A plus exacte vérité règne dans les 
relations que l'on va lire. On n'y 
trouvera point de ces fictions , amu- 
santes à la vérité , mais qui n'instrui- 
sent qilfe fort peu ou fort mal le lec- 
teur. L'auteur n'étoît pas assez familier 
avec les sciences et les arts , et n'a- 
voit pas assez de temps à donner à 
sa curiosité ev à so^ plaisir , pour 
profiter de toutes les circonstances où 
il auroit pu nous enrichir de nouvelles 
découvertes. La géographie seule y a 
un peu gagné , par les détails certains 
que ce voyageur nous donne du cours 
du Niger ^ et des côtes septentriona- 
les de l'Afrique , pays presqu'entiè- 
rement inconnus jusqu'à lui. 

Malgré les maux inouis que ce bravç 
homme a soufferts dans ses différen- 
tes courses , il est toujours dévoré du 
désir de retourner dans* l'intérieur de 
l'Afrique poury faire des découvertes 
qu'il croit devoir être fort utiles au 

a 



commerce et à rhîstoîre naturelle. De- 
puis son retour , il a employé tous 
ses momens à acquérir des connoîs- 
sances géographiques , botaniques , 
astronomiques , etc. dans Tespoir de 
faire encore une fois un voyage dans 
des pays où il a éprouvé tant de 
malheurs ; mais où cependant , il brûle 
de retourner ; et comme sa fortime 
ne lui permet pas de l'entreprendre à 
ses frais , il prend la liberté d'adres- 
ser au Gouvernement les réflexions 
suivantes. 

Le goût des découvertes dans tous 
les genres , est la marque caractéris- 
tique des siècles éclairés. Une des con- 
noissances les plus utiles à acquérir , 
c'est 5 sans contredit , celle du globe 
que nous habitons ; c'est peut-être là 
seule que nous puissions espérer de 
porter un jour à sa perfection ; car 
elle ne consiste qu'en choses pofitives , 
et malgré la multitude de ces choses , 
le nombre en est pourtant limité. 

Il y a telle partie de l'Europe moins 
connue de nos savans , que telle au- 



tre partie de TAsie ou de rAmérique. 
Quant à l'Afrique qui est si peu éloi- 
gnée de nous , nous en entendons 
parler depuis notre enfance , et ses 
côtes nous sont à peine connues. 

Les difficultés de parvenir dans quel- 
ques parties de son intérieur , n'ont 
pas r.ebuté les efforts et le zèle de 
quelques voyageurs. MM^ Spaarman^ 
Gordon , Paterson , Levaillant , Mas^ 
son j Bruce et quelques autres ont déjà 
donné , et donneront encore à l'Eu- 
rope étonnée de leur courage, de 
nouvelles connoxssances sur des peu- 
ples qu'on avoir, jusqu'à eux , soup- 
çonné de cruauté , et qui sont peutr 
être les plus doux de l'Univers. Mais 
ces connoissances ne s'étendent que 
sur les Cafres , les Hottentots et les 
Abyssins , et leurs domaines ne sont 
qu'une très-petite portion des immen- 
ses contrées de l'Afrique, - , 

Toute la partie intérieure que l'on 
voit remplie sur les cartes par le mot 
^vague de désert , ou par des noms de 
». a a 



IV 

prétendues nations qui n'ont probable- 
ment jamais existé , mérite peut-être 
autant que le reste , Thonneur d'être 
visitée par desEuropéens observateurs. 

Le gouvernement François pourroit 
aujourd'hui , avec fort peu de dépense, 
faire exécuter un des plus grands voyait 
ges qui aient été entrepris par terre. 

Voici les obstacles à vaincre pour 
réussir dans cette entreprise. 

i^. L'insalubrité du climat. 

2"^. Le caractère prétendu féroce 
des habitans. 

3^. L'ignorance de lâ langue arabe. 

4^. Les fatigues épouvantables d'un 
pareil voyage. - 

5^. Les difficultés de transporteries 
différens instrumens absolument néces- 
saires pour faire des observations utiles. 

6^. La cumulation sur une ou sur 
deux têtes , des diverses connoissances 
sans lesquelles ce voyage seroit près- 
qu'inutile. 

7^. Les frais indispensables. 

Si Fauteur du voyage que Ton va 
lire , étoit choisi pour exécuter m 



v 

voyage qu'il pfoposè', les quatre pre- 
miers obstacles setcftettt levés pour 
lui} catr, i". il â prouvé qu'il pou- 
voir sefehre au dimàt^ ayant été es^ 
clavedaHS le désiçrt et s'en étant bien 
tiré. 4". Il -est fait .aux tnoBurs et ati^t 
coutumes de ces-pieuplès, qui,' loin 
d'être féroces , sont le^fffeilleursgens 
du monde , quand- ot^sait se confor- 
mer à leur -genre de viQ.^De plus ayant 
été esclave de l'empereur de Maroe , 
il a acquis vtn caractère sacré pour les 
nombreuses peuplades' qcft reconnois^ 
sent de loin , comme de près \ la suzei- 
raineté de ce souverain. Il connoîi 
personnellement i^empereur mainte* 
nant sur le trône , et le Si fik ou Gmttd 
saimàotit le pouvoir- s^rituel s'èf^nl 
indistinctement jyf toUS liésmâhoméi 
tans^du'désert, qui oftg pour sa sain- 
teté iffi téSpetféïuHe déférence 'sàiife 
bornes. Des recommandations de ces 
deux grands personnages, qu'il est sut 
d'obtenir d'eux, assiirerôient sa jpéf son- 
ne €t la rendroient sacrée depuis Mo- 
godorjusqu en Egypte» 3'".Pendantsoa 



esclavage et sop séjour en Afrique , le 
sieur Saugnier a appris assez d*arabe 
pour le parler couramment. 4'. U a 
traversé à pied , toute la partie du 
désert comprise depuis le Niger jus- 
qu'au cap de Nun , et depuis ce teoips 
il n'a jamais été ni à cheval ni en voi- 
ture , par goût autant que par écono* 
mie. Les fatigues , de quelque genre 
qu'elles soient , ne peuvent donc l'ef- 
frayer. 

. Le cinquième obstacle ne seroit pas 
extrêmement difficile à lever dans un 
pays où il y a autant de chameaux 
que d'habitans. Ainsi le petit nombre 
d'instrumens indispensables pour pren« 
dre. hauteur et pour lever là carte, se 
pourroient aisément transporter à 
l'aide de ces aniipaux. 

Pour peu qu'on veuille! n'être pas 
bien difficile sur le sixième article, 
le sieur Saugnier se flatte de pouvoir 
répondre à la confiance que l'on vou- 
droit bien prendre en lui. Destiné 
d'abord à l'état ecclésiastique' , il a 
ifait d'assez bonnes études , et depuis 



VIJ 

son retour ayant beaucoup étudié, 
ce qui pourroit lui être utile dans un 
tel voyage , il seroit en état de faire 
de bonnes observations dans presque 
toutes les parties essentielles au voya- 
geur. 

Le dernier article ne doit pas ef- 
frayer ; car la dépense est presque 
nulle dans un pays où on est presque 
nud ; et où Ton ne peut voyager que 
par caravanes , avec des gens qui n'ont 
pas même l'idée du luxe , et à qui 
il ne faut que très-peu de nécessaire* 
Trente mille livres , tout au plus , suf- 
firoient pour ce voyage d'environ 
quatre ans , et que le sieur Saugnier 
entreprendroit avec un ami aussi fait 
que lui à la fatigue, ayant été son com- 
pagnon d'esclavage. L'unique récom-' 
pense qu'il demanderoit, seroit d'obtcr 
nir une pension de mille écus , s'il avoit 
le bonheur de revenir d'un voyage si 
dangereux. 

Le voyage proposé est d'aller à 
Maroc; de s'y munir des recomman- 
dations nécessaires ; de se rendre en- 



Vllj 

suite au Sénégal , et dc-là à Tombât^ 
en remontant le Niger. De cette ville , 
le sieur Saugnier pourroit exécuter, 
t'un ou Tautre de deux voyages qui 
n'ont jamais été tentés par des Eu- 
ropéens , et qui procureroient des 
connoissances absolument nouvelles 
sur des peuples dont x)n ignore; jusqu'à 
lexistence. Le pr^^mier de ces voyages 
^roit de se rendre de Tombut en 
Abissinie , soit en parcourant le Bile- 
dulegerid , soit en constatant les sour- 
ces du Niger, aiijsi que le chevidier 
Brice a constaté celles du Nil; et le 
second seroit d'aller de Tombut à la 
côte de Mosambique , après avoir tra- 
versé tout le cœur de lAfrîque. Peut- 
être seroit-il possible d'établir une 
branche de commerce ^ depuis cette 
xate jusqu'au Sénégal , et de faire des 
profits immenses dans ces vastes con- 
trées, où Tor est la plus abondante 
des productions de la terre. 
♦ 

PREMIER 



PREMIER VOYAGE 

AU 

SÉNÉGAL. 

Le d^sif de lae irappelei* mes inForttineâ 
4et les diverses position^ dans lesquelles les 
tîîrconstauoes de la vie m'ont entraîné ; 
les sollicitations de plusieurs de mes amis 
qui, afant pris part h ma misère /desîroient 
connoître plus particulièrenient leâ cou* 
tûmes des peuples chez lesquels j'ai vécu , 
m'ont fait prendre le parti de dresser le mé- 
moire des évènemens de ma tie. Il ne sera 
point difficile de juger de l'impossibilité où 
je suis de remplir entièrement les vues et 
l'attente de ceux qui liront cet oulrrage, s'ili 
daignent faire attentioii qu'iLikut au moini 
plusieurs années de séjoiitet d'étude chez uil 
peuple po ur eii connoîtretoutes les coutumes.' 
Esclave dans un payd, voyageur intéressé au 
commerce dans un autre,* je n'y restai que 
peu de temps, manquant absolument c!e tout 
ce qui eist nécessaire pour y faire des obser- 

A 



(O 

rations Justes. Je ne parle donc que de ce 
que j^ai yu et fait, sans assurer que les cou- 
tumes soient générales dans tous les cantons. 
Si je n^ai pas Tavantage de remplir l'attente 
de ceux qui liront ce mémoire , au moins 
ai - je la certitude de n^avancer rien que de 
vrai , malgré le témoignage de quelques écri* 
yains célèbres qui ont traité du Sénégal et 
lieux voisins, dont ils donnent des notions 
lausses ; sans doute parce quHls ne furent 
point à portée de parcourir eux-mêmes le 
pays. 

J'avois vingt et im an lorsque j^eus fini 
mes études ; sans goût ppur Tétat ecclésias- 
tique^ je me trouvois on ne peut pas plus 
embarrassé du parti que j^aurois à prendre. 
Ce fut dans ce temps que mes parens s^ef- 
forcèrent de former rétablissement d^un de 
mes frères qui acheta un fond d^picerie à 
très-bon compte. Je fus chez lui moyennant 
ma pension: j y travaillai beaucoup ; et après 
vn an d^approntissage, je me vis en état de 
gagner des appointements ches d'autres 
marchands de Paris. Je passai sept ans dans 
diverses maisons. 

Sans fortune pour m'établir, mes parens 
tiyant été dupes de leur facilité pour mon 



Éfèrfc quî n'avmt poitit réussi daris Son <$oîû- 
tnerce; réduit, où à prendre Ir'état ecclesias- 
tique , ou à rester long-temps dâilâ les bou- 
tiques y je foriùài la fésolution dé tenter lA 
fortune dans W colonies ^ sitôt qu^il s'en 
présenteroit une occasion favorable. Elle 
ne tarda point à s'ôfiFrirj et je trouvai biéri* 
t4t deux frères du même pays que inoi , 
qui avoient formé le projet de s'^établif 
AU Sénégal. 

La inanière dont ils m'annon^olent leursr 
desseins > la belle idée qu'ils se fônhoient 
du pays le plus détestable de la terre., 
qu'ils né connoissoîent que sttf les fausses 
notions de MM. Adanson et D^manet, lô 
peu d'espérance que j'arois de fûrrûer ùii 
établissement proportionné àti rang qùè 
tient ma famille , l'amour de là, noùVeàuté^ 
L'espoir flatteur d'tme fobrtune brillante et' 
rapide, le peu d^expéri^ncè qtife j'âvoîsi ïé^ 
d^laisir de mon ëtat, tout Concourut à me 
fa/ïrer entrer dans leurs vnefà. 

J'avois besoin d'argent pour le Voya^. 
jpaire Gonnoître mes întentit)iïsf à mes pa- 
reils ^ c^eftt été le plus sûr moyen de ne rien 
obtenir d'eux ; fè dissimulai doïkCj et mar- 
chandai un f^nd d^épicerîe. Ma famille crut 

A a 



( 4 ), 

la_ chose certaîoie^^ejle, m'avança les pi'e-' 
mîers fon^s nécessaîreç à ma prétendue 
entreprise, Ge furent les* seuls deniers qu^e^ 
je pus.o]3tenir^ On m?aypîj: proijais davan- 
tage; mais un 4e mesfrèije^, prêtre de la 
communauté de 3.t. Médairdjtj luon enneïnî 
secret:, parce, que j« ne vaulgis'^as lui por- 
ter le respect, disoit-ilj-que sa qualité de 
prêtre lui. dpnnoit droit :^' exiger , découvrit 
une partie de mes desseins. Il instruisît mes 
parens;, en croyant .me ;i^uirî6 ^ me rendit 
service jL, car on^me rei^sa, qej qui. d abord 
m^avoit été promis pour-mon établissement. 
Malgré «un contre-temps si nuisible k^ 
nos espéra,nces , mes deux compatriotes 
m'excitèrent ardemment à suivre le mâme 
projet. Ils étoient sâii« fortuno, etâvoient 
tesoiii de fonds pour .l^s jptemiers frais 
du voyage ; ils savqient que j-étois instruit 
du commerce des drogues' , de l'épicerie : 
et de la distillation;; ils esp^r^nt que mes . 
connoissances suppléeroient au vide . que 
le peu d'argent que.j'avois mjettoit à nos 
desseins, Ççs. messieurs se nommoic^nt 
Flbquet: ils étoient fils d'un taneur de 
Waiily en Picardie j ils moururent tous 
deux au, Sénégal, ^; . 



(5) ,, ., 

. .Ml le -marquis de Beccàrîâ ^;dè' fkmille 
Buisse^ sou8-capitaîne»'dii'^bataîflon à'A;frîi 
que , ^ëtoit à Nante9^;^tir s''embitfqùef sur 
le navire la C^diCTine i-' qm^âptii&ttenbît a 
Mi'Aubry déltt'Fosàe/chéf dMifi maison 
dé commercé aa Sénégfeife 6fet-6ffi'tfâ*îraïta 
.'vfeiîhàtetifeAtkte-to€*i*ë^pa!is^ef>vl& ^^^^ 
bry ; il convinl: de 3oo liV; Jjb\it cHacun 
]daiK>iis ; et lorsque le navire fut pii§f^iiôtti 
peTtîmës<p6ii^Nâiite».-A: peine arrîréjjl^afné 
lie mes ^compagnons- ^ voyage- ie rehtïfi 
chez^M. Attbryaikîé iiégeciant vî£ bien qu^ 
lunia ëliûns dans' l'iiï^Ceïiftion d% noii)s''â^6f 
au Sénégal. '^'ItOétaignit^ line côncuWènice 
jxuis^le é. SB, Mtiais&fé^àâhs la ààVS!iSêf]à^ 
flifk^engagek klà&m$ssùàep'm.iUe franco |ifqur 
bffris&age dBi<)lit{Ci:#i ' de nous ^^ ^'i^iridî!i|i 
^rmettre ^^^eml^qTibi^ ri^i autre ""cKosé 
qiiaaiosinftlle|.c:j '.r^-^inovriv.,-^ //^vi c-jq.'-.! 

•Bsa; conditibus: àttôsi ^durèy Met sî' 'peu at- 
tQa4ves ^9(1113' *â0iM(^ft^ge#4dë ^'^i^cTxer 
Jitaus. ireîstâaiittn éd*Stt^ quirtâe! 'jb^xs à^ 

{^antéâ ^ sansea^oif^^^^^^^^ <^ènéàhër. 
Ayant appris* •ediâK^'^if^ t^<é>nTfâ{soit souvent 
à Bordeaux des ^arméniens pour lé Sénégal ,' 
nousmous y rend^mô^^li^s Tespoir d'être 
traités plus favorablement. Notre route se 

A 3 



^t h jMd > senraut d^escprte jà nos Toiturea 
chafgéeç de nps majfqbaûdUea et de noii 
pi^l§$^, Nouf le& embarquâmes à la Ilo* 
fhelle.y. si:Mr^.lA]gf^ba]:r6. 44.. capitaine £er« 
jron^ei,(|p.^fdeai^ » et oo^tinuâmea notra 
^out^^ar terre. Sans expérieiK^ sur lea 
dangers de la 91er , noHs n^eùiaes peint la 
P^'écputlQn de faire assurer nosa effets. Nona 
|>4&sàfn^j^ à Bofdeaux troi^ aexnainea.dana 
lQ$,pli{a T^yes inquiétud/ça. Enfin le tout 
jl^fiva k notre s^aAd^ s^jûslaçtiou 1 car nona 
(jL^^yions; point d'ba^^it^. 4^ :i!echange » et 
:|[loWe argfu^ s^ trofmfffôià.aii.fin. Lèlenide» 
jnai^ ;aou^ ^Uânies J^ la. )K>i|.tse pour noua 
préa^aiter aux négQQi£m&:4 on nous f apprit 
rarméfi d# M% la OKMKite :da Repenti^ i 
l)rigadier;€los arméea d» roi ^ ^^ooi^ oali^el 
4w .Tcgiinenç 4ft K Guadeloupe , nommé 
depuis pour gouyemeur de .rAfnique. £wax^ 
çoise« I^Tou^^ll^^ l^ Toir* Ce brara eoba* 
3toandant ^ppcouifra âo» dassens y noua pro* 
initspn; apf^^i 9 et l^^^iUtft) à j«m deuxania 
leur passage su^ la i^abairaèr 4n roi , la Kiyan» 
no)§e^ ft année po^r le coadiiire à son goii*^ 
yemejtx&çït, commandée.: par M, le xnarquia 
4^ la J^iUe* Demandar u|ae.'place pow un 



( 7 ) 
troisième passager , c'eût été abuser de la 

complaisance de M. de la Jaille. Je me pré- 
.sentai donc chez M. Lanaspèze , qui armoit 
dans le même instant pour porter les vivres 
et les munitions de guerre à la colonie dur 
Sénégal. Ce négociant avoit trois passager» 
pour le Roié U ne pouyoit laute de place 
me recevoir sur son bord. J'étois sur 1er 
point de retourner à Paris , et d'abanr 
donner mon entreprise /lorsque M. le che- 
valier de Fresnel , gentilhomnsie picard ^ 
reçut ordre de rester ea France. Sa place 
vacante sur les deux Am^s , me procura le 
triste avantage de m'y enabarquer avec une 
partie de ma pacotille. 

J'entrai à bord le dix-neuf de décembr» 
3.783. Le navire étoit duiport de trois cens 
tonneaux environ , de construction hollan- 
doise , capitaine Carsin. 

Nous restâmes dix jours en rivière con- 
trariés par les. vents. Le onzième ' on se 
mit en route avec; la Bayonnoi&e que 
nous perdîmes de vue sur le soir. Arrivés 
près du cap Finistère ^ nous reçûmes^ des 
coups de vent horribles , qui nous tinrent 
à la cape cinq jours de suite. L'on parloit 

. A4 



(») 

dVIIcr rcUcher doiis quelque port roi* 
sin ; mais le veat s^é tant. calmée ou se remit 
en route. 

La nuit du 7 an jauvior 1784 ^ le capi* 
taine^ barrasse de fatigue , voyant quW fai« 
soit bonne route , que le temps étoit sûr y. 
laissa la conduite de son quart à son lieu- 
tenant , jeune homme placé par protection ^ 
et dont il ign(»roit les talens. 
• Ce jeune étourdi , qui n^avoît encore Fait 
que deux ' campagnes sur les bâtimens du 
Roi , ébloui de se voir à la tôte d^un quart , 
laissa le timonier aller à sa guise. Le capi^ 
taine éveillé par une çeoousse que reçut le 
navire , sauta sur le pont , vit d'où le mal 
provenoît , et y remédia avec un sang-froid 
admirable. Le temp» étoit toujours beau , 
on se répara diî mieux que Ton put, et 
Ton continua la route sans apparence de 
danger. 

Le capitaine prenoît tous les fours la 
,peine d'instruire son lieutenant ; et malgré 
l'inexpérience qu'il lui connoîssoît , soit 
qu'il voulût absolument le former , soit 
qu'il crût que nous ri'avionis plus de dangers 
à courir , soit quelqu'autre motif qu'il ne 
roe fut jamais possible d'éclaircir , il lui 



(9). 
laissa toujetirs la conduite de son qtîart. 
'La nuit du 14 au x5 % le second , qui étoit 
le fils.de rarmateur, prenant le' quart du 
lieutenant , apperçut la terre : on en étoit 
tout au. plus éloigné de trois lieues. L'on 
couroit dessus \entr arrière : une heure 
plus tard nous périssions, corps et biens^ 
Les hautes montagnes qui s'offroientià la 
vue, fiiri^nt pris/es par tout l'équipage pooff 
Mogodor ^ où il n'en existe point : une âttale 
expérience ne nous fit'qùe:trop connbître 
que c'étoient celles de tVel.de Nuit.' y-^: 
. Cette noiavelle fautelduilièutenahtVqtii 
voyant la terre n'ayertissoifi^pas , n^outrit 
cependant point les yeux du capitaine sur 
le danger aJuquel il noua exppsoit tbii&,'eil 
jlui Ibisis^t la conduite de son. quart. Lr'éq'iEi> 
page, commençoit à ixiurn^ur^r, plusiettrt 
matelots qui avoienidéfa fait ces Voyagea ', 
disoient hautement qu'on vouloit se perdre ; 
ce qui arriva, en .e£fe£ ,^ lia.' dix -sept jatt» 
.vicr , à quatre heijr^s, du 'matin , à la sOMîô 
duK^uart du lieutenant ^ sans qu'on eût ap* 
perçu la terre. . ' * 

. Tout capitaine expérimenté sait que les 
courans portent tous sur la^côte d'Afrique; 
qu'il y a de longs bancs de sable qui «so 



prolongent de beaucoup en mer; que I0 
soir et le matin on a peine à les distinguer 
de Teau ; qu'enfin il est impossible eix 
beaucoup d'endroits de yoir la telre k trois 
lieues de distance : ces raisons et la cons* 
truction du navire qui dérive toujours plus 
que les navires fîrançois , auroicnt dû faire 
tenir le large , sur-tout ayant eu connoia«i> 
sauce de la terre deux jours avant. 

La secousse horrible que reçut le navire 
en donnant sur le banc de sable , nous fit 
tous sortir de nos cabanes. On ne distin* 
gaojt rien , des cris horribles se faisoient 
entendre de tow eôtés ; les matelots cou* 
rotent sur le pont sans savoir où ils por- 
toîent leurs pas» LW se saisissoit dWe 
cage ^rautresautoit aux cordages^ la lame 
nous coTivroît eatièrement. L'obscurité de 
la nuit y rhcorrible bruit des ragues, Tignor 
rance on étolent les cheis du lieu ou ils 
avoient éc&oué ,: te danger présest j tout 
nous fit perdre la tête , et nous plongea 
dans Fanéantissement* 

Cependant notre navire^ de eonstruotien 
hoUandbise , iaisoit très-peu d'eau : il eût 
été facile de jeter une ancre ^ de l'alléger f 
4etd.e se mettre à Aol; mais personne- ne 



( rx ) 
pensa dans le mometu: à une manceûvre 
nussi simple , qui nous QÙttous sauvés. On 
s'en remit à la volonté de Vôtre suprême^ 
et on attemlit le jour sans prendre aucune 
céscdtttion. 

. Su£ les .cinq heures et demie , le navire , 
battp par les lames qi;i se succédoient con> 
tinuellemeot ; fit eau avec abondance t 
le danger parut plus pressant. Le matti'è 
d'équipage voyant que le bâtiment se miBim* 
texioit droitf voulut conserver cette position i 
il fit ooopea* la mature ; on travailla ensuite 
à alléger le navire > pour qu'il pût de pluèi 
en plus s'approcher delà terre. 

Sur les s^t heures , le capitaine tt cesser 
tout travail pour prendre un parti dans une 
oiroonstazice aussi n'^lheiureuse. La tarre 
quis'ofivdie à nos regards ^paroissoit inculte 
et déserte. On ne savoit où Ton étoit. Les 
^ins assaroient que noua étions échoués sur 
une des Gaharies , les autres sur la côte 
d'A£nqua Revenus cependant de notre 
^Mmière frayeur , on ne pensa qu^aux 
moyBVsiés plue sûrs de; gagner cette terre » 
queli^ qu'elle pût être. 

Nous en étions éloignés de plus d'un 
c|uart de li^ue y on ne distinguoit rien styr 



( 12 ) 

le rivage : ceU n'«inpécha point le tietir 
DechaiBl^pilotin , âgé de dix-neuf ans ^ 
natif de Bordeaux , d'un caractère coura- 
geux et intrépide >. de se jeter à. la mer* 
Il se passa la ligne de la sonde autour du 
corps. Cette ligne devoit lui* servir i à* tirer 
un cordage tm peu plus fort , qui > <i le 
navire venoit à se partager , nanaauroit été 
du plus gr^md secours. , 
. Xjss rochers ptirmitesquels ce jeune homme 
/îitpbligé de nagier , .lui fii'ent/ perdre cette 
ligne : ainsi aa. démarche ne noua fut 
d'aucune utilité. Accablé de. fatigue et de 
froid , il se mit à Tabri du . vent dans un 
tonneau que la. mer ayQit.^déja porté sur 
le rivage. ^ ' , •' 

A peine y fut -ii^ iq^ue nous vîmes <^urir 
le; Ipng de la mer, un animal qneidans notre 
jFrayenr:nous prenions pour un.âigre;ic'é^ 
•toit un chien des Maures que iiams ne tac* 
dames point à voir paroître. :Cès penplesii 
connus dans nos contrées sous le^ noiki de 
jMaures^ibrmeni oeppndant diverses nations» 
Gei» qui nous apperçurent: > cb^owd^nt 
des Arabes errans^. et deS' fugiiiis) pl>rtip« 
gais qui se réfugièrent dans le Saara > lors-: 
que les Schérifs s'emparèrent dés trois 



(i3 ) 

royaumes de Barbarie. On les connoît dans 
l'Afrique solis le nom général de Nar. 
Ceux qui occupent le pays où nous fîmes 
naufrage, se nomvcientMongearts : ils n'ont 
que des <i\k^h de hordes , et ne reconnois- 
sent pour souverain , que l'empereur de 
Maroc , auqprel ils ne paient aucun tribut, 
çt dont ils pe, suivent pas même les lois. 
Ceux q)ui sont vers le cap Blanc et surle9 
bords du Niger , ont des princes particu- 
liers et portent divers noms. Les princes 
les plus considérables sont le roi desBlac* 
nars (i^ I et celui des Trasars. (2) 

Ces peuples sont misérables, ils man- 
quent de lî)Vt> et ne vivent que de* ce qu'ils 
trouvent ou peuvent voler. La terre qu'ils 
habitent, ne peut fournir à Icfurs besoins, 
et ils se jettent avec avidité sur tout ce 
qui paroi): propre à les satisfaire. Ils accou* 
rurent en foule sur les bords de la mer ^ 
en pou^sant^ des hurlemens affreux* 

A-leur^ ci*is,le malheureux Declianisor- 
tit de son tonneau , et: se jeta à la mer 
pour regag;&er le navire à la nage. Mais il 



(1) Celui qui régiioit en 1786 se nommoit Qalicon. 
(â) U se Hominoit Admet-Moctar. 



( 14 ) 

fut bientôt arrêté par les Maures qtiî Èf 
étoient jetés de même* Us le tratnërent 
sur le rivage, lui enlevèrent sa chemise > 
et le conduisirent iiud sur le haut de la 
colline» Placés tous sur le devant du na^» 
vire, nous tendions les bras vers ces hom« 
jnfes t nous leur demandions grâce , comme 
641s eussent pu aous entendre ; nos foibles 
Toix ne parrenoient point jusqu^à eux; ils 
ne paroissoient pas même faire attention 
h nos mouvemens. Nous les vîmes ^ à Taîde 
de nos lunettes, faire un trou dans le sable, 
y mettre le malheureux Decham^ et le 
couvrir en entier. 

Deux hommes le gardèrent , les autres 
vinrent sur le rivage ; une pallie se jeta 
À la mer en nageant vers le navire, et 
l'autre s'occupa à recueillir les débris des 
tonneaux que nous avions .jet^. Ils en 
lurent mx grand feu , coururent chercher 
Decham , se mirent quatre à le porter , et 
l'exposèrent devant ce (cm. Tatitdt ils le 
suspendoient par les pieds, tantôt ils le 
mettoient par le trip^ers^ et se le faîsoîent 
passer de main en main. De nouveaux 
montagnards survenus , prirent la place 
des premiers qui se mirent è, danser aù-^ 



( i5 ) 
tour dufèti) en poussant des cris horribleSé 
ibTous crûmes en ce moment que c'en étoit 
fait; et ce qui n'étoit qu'objet de pitié et 
de sensibilité parmi ce peuple, notre ima« 
gination effrayée nous le fit yoir comme le 
comble de rinhumanité^ . 

IsFos matelots , pen accoutumés à tinspeo 
tacle de cette nature, se figurèrent qu^ils 
l^avoient tué et mangé. Plusieurs assuroient 
l'avoir tu mettre en pièces. On avoit beau 
l^VT dire qull n'existoit pas d'antropo* 
pliages sur ces cdtes , rien ne pouvoit leur 
faire changer d'idée. 

Les ordres des officiers ni même du ca- 
pitaine n'étoient plus écoutés. Us Se figu* 
roient que ces sauvages seroient assez har» 
dis pour venir à bord, et étoient détermi- 
nés , disoient - ils , à se battre jusqua la 
dernière- extrémité. 

VoyaiU qu'aucunes raisons ne pouvoient 
engager l'équipage à alléger le navire, que 
la lame poussoit sur la côte> je fus sur le 
poait, offrant de l'argmit à qui en vouloit. 
Un sac de laoo liv. , que j'avois eu de 
M. Follie , fat vidé aumâmeinstant. Quoique 
certains que sllssauvoieut leurs yies, cet 
ai^Qt leuc seroit iautilç : il les lira cepen<r 



( iC) 
dant de Tcspèce de- léthargie dans laquelle 

iU étoieiit tous plongés. Une partie s^occti* 
pa de nouveau à alléger le navire, tandis 
que Tautre disposoit les armes. A peine 
furent -elles préparées que le capitaine fie 
cesser le travail. Son dessein étoit de se 
rendre eu pelotons et bien armés sur le ri« 
Tage» Il fit mettre deux pierriers chargea 
à mitraille dans le canot ; à force de bras 
on le lança à la mer, quatre matelots sY 
placèrent bien résolus de se défendre vi* 
goureusement. Nous nous persuadions que 
ces peuples les voyant armés ne les atta- 
queroient point; nous pensions d'ailleurs 
que nos pierriers étoient plus que suffi- 
sans pour les éloigner : heureusement nos 
projets devinrent sans nul effet. Nos mesu- 
res avoient été. maL prises. Le canot cha- 
vira, et nos gens furent assez heiureux pour 
regagner le bord à Taide des cordages que 
nous . leur jetâmes à Tins tant. 

Cqt événement ne nous fit point changer 
d^idée ; la chaloupe nous restoit^ on réso* 
lut de s'en servir pour exécuter le' même 
projet. Nous travaillâmes avec ardeur pour 
la mettre en mer : nos forces étoient épui- 
sées, on prit quelque nourritiure; et c'est 

ce 



^è' qui noiis sâti^^â^.^ La r^flemoh* noo^ fit 
'«ppercevoir du danger ^au<^uelnau;â^ notsd 
^Mp<3si<>ns ' dei f;aîté ;<te^-Co&ul?]j 4£idéb'-(& 
J)OMet ia chôfotf|ie'''ér^ÈMI^Véiiu%'>à^^Ak-dé 
aioufr, en crui qu1ilo;kotff f H'cîl^ ilîe l^efié^ 
^er.'Lê capitaine c^péroit parce tA^y^w*^ga- 
'"gtieîr^lés Can^atîes^ V W croyanf ^Kâtté ' ëtfT 
-le <:àp de Nîinr D^àto'^rë^feôSéktf (|^?'iP'ieî 
i-oil piiisfaciW de gaighér l'è Sén«gÀlVA ât^sé 
^isi Yénts qui i^gtiëitt'dâhâ ^â 6flâitâ^»*€^ 
<îe¥rïîèr paTti:étx)itie «CtlMëuf';, ët'ihifoît ^iî 
stiivL On éié toit à rôutrâge, tti^iéh^ié 
-put réussir. On dœik^enieiiieTA qûeiifSës 
plânelïes. Norts eûmes u6e péîftS ififinîè 
f>dur'tnettiie cetfe chàiottpe k laA^*\iètàé 
VàidàiTêîmè^'-àyibû^i ^ùs càtàagés f^Mli 
fefamW qu'elle n'éprouvât le Hiênl^ sdit qiié 
fioRpè •callKDt : notre 'y^iânbtfrqîiâxiaw dé* 
Vivras f de Targèïrt , <lès dririètf et *e* ô^eï* 
les plus précieux; mais quelque biên^-jj^ri^ 
è^s qii'àteht 'ëtêoifoà^ M^sUï-éèV «Itei^ dévii>* 
rèift^nfebl^-^iii^itâles.-- -^'^'> ''^' ^ ^^^- • -^ 
« • Li^^ !»m* ^ùOlëHflfi^'fe ^><rwlenïéSi cJu'eîîW 
ïkiïft bttfi^èrferit^Ofts ^Viholiï réii?éV,muà 
^te!Mâitaffe[ntttrô'^feh^lôu^àv«<i i<i*àndwgreti 
Un£ae*v6o*dagfti qiii k î^hoièiit Sftiarrée i 
ëMftl^^Âb-à^ sé'l^^l^i-eVëUë hdmrtà vigou^ 

B 



Ct8) 
MuMmeot contre lo corpa cla aaTire» Os 
raniarra^de nouveau malgré le dangec. Elle 
faisait MB de toutoa parlai il n^étoil pom£ 
possible de la hi$aer ,k bord; noui^ primes 
donc le triste parti de 1 abaiidoimer» 

A peiae fut* elle: sur le rivage « que les 
lAaur^.aY rendirent^Ils sVniparèrenît d^ 
tpijit.çe. qi^^elle conleaoit , la halère^ à 
iorqj^ dç;brai9 sur }e s^^ble^et y mireut I9 
l?F% jCe«Hfe#Çti$» Pkftiw: p^ruit aussi eçueU^ 
qu/Bjt^^ij^,itpu|ïjif#isiQps qu'ils aroienp 
feît.à.notri? i^alHwr/èpx cx>9p4Jpa<yi.d'in,r 
ic^ftf3^e^.lffUiT^nl.^^T^lp}ff et leuxs cou- 
gWtesM m^' ï^e^ j^gWM . 4o:l9ir9 actions 
qwfij^WciÇPin^ H€Krfc.î^#giîiAtion frappée 
BPMîpQï^toit à. croire. îfpiw ne^^avioB^^pa? 
9M 5^j P^^^P^fi doivent détruira- t$3^^ ç^ 
quini^|;|>a^.^4'.w^e ^eç^.ppwmi wx. Çett^ 
%€ïÂ^^ Mlnî^c^ es^z^^hrJ^ime abattit nçire 

..N9?f%;navU"e g^B^ît peu de terrain. U 
86 brisoît à vue d'œil. l\ pliQÎt v^s, Ip J«4i 
i^eu, l.e po^Bt-^tpit #»rm^éji:.ii(>us pcnsjgns 
i}i,. chaque l^me q^^'îy[,.,#Upî^ a'eutTtwwk^ 
P>n autre côté l^:.âBjigiBç.eu<p»^lî #9W 
?ious^ensious eçpo»^^ jsi »Qft§ ^vji^gs J« 
i^^hçl« dA g9e9ejcJ||.ftw'%tW>»ftiWOW^ 



( 19 > 
soit encore plus terrible. Nous étions 
anéantis par nos réflexions ; rabattement 
et la consternation étoient généraux. 

Le tonnelier, homme courageux, bou 
nageur, nous tira bientôt de nos triâtes 
ré£exipns. c< Mes amis> dit -il à ses cpn- 
ce frères , il faut ou périr ici , ou tomber 
<c entre les mains de ces peuples: il n'y à 
ce plus de milieu^ l'incertitude du sort qui 
ce nous attend, est pour moi plifs cruellei 
oc que I4 mort. Je sais nager, je vais mQ 
«c rendre à terre. Examinez ce que lo» 
«c: fera de moi. Si 1 on ne me tue pas, jci 
ce TOUS ferai signal ; dans, tous les cas j'au- 
«:. rai au moins la consolation de mpurif 
a avant vous. >) Etonnés de sa résoluiâen ^ 
personne ne pensa à l'arrêter. J^l se jeta k, 
la mer; plus de vingt Maures vinrent à 1$^ 
nage à sa rencontre* Ils le facilit^j^^t ^ 
g^^cir le rivagç , b dégQugli^jrçî^t df fj^ 
chemise , l'exposèrent a^ feu con^iie. i}^ 
avoient fait de Dechani , dansèrei^t autour 
àe lui/ et le dérobèrent e^t^è^en^ei^t à npf 
regards, sans ^jgi aucun 4e no^s put assut 
jrçr qu'pijL l'eAt égorgé , ou qu'on lui eûf 
«^iivé U vie. j, 

Le capitaine qui , en appftr^uo^ , ^TçM 

B a 



toujours conservé son sang - froid , i^erdît 
la tête en ce moment. Il crut Ta voir vu 
mettre en pièces, et ne pensa plus qu'aux: 
moyens les plus sûrs de se donner la mort, 
^on dessehi etoît de faire sauter le tia viré f 
pltisienrs milliers de poudre dtos la sainte- 
tarbe en rendoient l'exécution facile. Il 
ilous fit tous monter sui^ le pont, nous ex- 
horta à la mort ; cependant ne voulant 
point mourir sans vengeance^ il se prépara 
à faire feu sur la multitude qui couvroit 
lie rivage. Pour les attirer en plus grand 
Àombre et porter des coups plus sûrs, iî 
fit jeter à la mer les objets les plus pré- 
cieux, 11 fut trompé dans son attente, cai? 
fes Maures, instruits par nos deux confrères^ 
que nous étions Françoiis , se rappelant les 
pertes qu'ils avoîeiit faites dans les nau- 
frages de detix navires de notre nation y 
S6 doutèrent d'mie partie des desseins qûé 
Pion fôrmoit à bord contre eux. Ils s'élot 
gnt^rent du rivage jsrans faire attention aux 
bîïjets que la mer y apportdit , allumèrent 
de grands feux sur le haut de la colline, 
et se* livrèrent à tous les mouvemens dà 
la joie qu'une dépouille aussi riche fkiisoit 
Maître 'dans leur coérur.*--. ^ ^ "^ ' 



( fil ) 

Trompé dans ses esjpérances^ et ne voù- 
lant pas tomber vif entre les mains de ces 
sauvages , le capitaine assembla de nouveau 
l'équipage, et l'exhorta à faire sauter lô 
navire. Les officiers étoient d'un avis con^ 
traire ; et nous allions tous périr sans le 
courage du sieur Bardon , sous lieutenanf^ 
du bataillon d'Afrique. Le sabre à la main, 
et secondé des officiers, il menaça d'égor- 
ger le premier qui oseroit s'approcher de 
la sainte-barbe. Que de contrariété dans la 
pensée des hommes ^surtout lorsqu'ils sont 
dans le danger! Tous vouloient mourir, 
et il ne s'en trouva pas un assez hardi poux 
«""exposer à tomber sous les coups du 
sieur Bardon. L'éqiiipage se. retira sur le 
devant : je veillai avec le sieur Follie, un 
mousse et un novice sur la conduite du 
capitaine qui paroissoit être revenu à notre 
avis. Il nous remercioit de la violence qu'on 
lui avoit faîte, et nous prioît de lui par* 
donner un moment de foiblesse. Sur le 
piinuit il se j.eta sur son lit pour prendre 
quelque repos; éveillé sur les deux heures, 
il monta sur le pont, et eut une si grande 
frayeur des feux, des danses et des. cris 
des Maures, qu'il se.détermuia h se tuw^ 

li à 



(m) 

U n'eut garde de nous faire part de son 
dessein j se mit sur son lit, pria Dieu ; ot 
se baissant, se tira deux coup de pistolet 
dans la botiche. Nous allAmcs à lui ; nous 
\B croyions mort, mais il s'étoit manqué : 
le chirurgien le pansa aussitôt, et on rem- 
p6cha d^attenter de nouveau à ses jours. 
Loin d'abattre Téquipagc , rhorreur du 
spectacle qu^offroit la figure effroyable de 
cet homme , ne fit qu^aflermir chacun de 
nous dans le dessein de se sauTer : plu- 
sieurs , dans la crainte que les Maures ne 
nous attribuassent la blessure de notre 
capitaine, proposèrent de lui amairer un 
pîerrier au ventre et de !e jeter à la mer ; 
mais cet horrible avis fut rejeté. 

Le jour commençant à paroitre, le se- 
cond capitaine assembla tout le monde , 
et Ton se mit à faire un radeau. Ins- 
truits par rexpérience de la veille , nous 
nous résolûmes d^attendre la marée basse- 
Sur les onze heures , les Maures n^ap- 
percevant plus demouveiûens surlepont^ 
se jetèrent à la nage dains Tintention âe se 
rendre à notre bâtiment. Attirés par leurs 
cris , nous leurs jetâmes des cordages , et 
les mîmes à bord« Sans répondre et sans 



(ç3) 

s'embarrasser de nos questions y ils ne s'oç* 
cupoient que de piller ; nous faisant seule* 
ment entendre le nom de Maroc. Prives 
du secours que nous attendions de leur 
arrivée , pressés de. nou^ rendre à terre 
puisqu'ils deyenoien^ plus nombreux que 
uous, on jeta sur les deux heures 1q ra* 
deau à la mer. Qix seulement purent s'y 
placer. la lame étpit si violente qu'elle en 
enleva quatre. Le sieur Bardon , officier du 
bataillon d' Â^frique , se noya ; telle fut la 
triste fin de celui qui , la veille , nous avoit 
tous sauvés. Deux autres , parmi lesquels 
se trouvoit le sieur Follie , furent secourus 
k propos par les Maures qui s'étoient jetés 
à la nage , et le conduisirent sans cdnnois* 
sance à terre. Le quatrième , qui étoit le car 
pitaine en second, regagna le navire. Les six 
autres , parmi lesquels étoit le capitaine^ fu» 
rent à peine à terre, que les Mauresrles con-* 
duisirent sur une émineace eitil y avoit 
un peu de feur , et là les ayjânt dépouillés | 
les- laissèrent nruds. Nousn'élio»fi plus que 
onze. Nous nous eâXLpreSsâiues à faire ua 
nouveau radeau. Il fut bientôt prêt ) 
quoique peu spUde > cinq s'y plagèi;«fi(t» 
Quatre §e, sdUf ^r^t swm ^ci^e^^s : le cin* 

B4 



(>4) . 
qnièmô lut secouru par un des Maures 
qui se retîroit avec ce qu il aroit pris dans 
le navire. * 

Nous restions six , nous ne pouvions 
plus faire de radeau ; ie nombre des 
Maures qui étoient occupés à piller, n» 
nous en laissoit point la liberté. Nonsréso* 
lûmes donc de profiter des paquets qu'ils 
jetoient à la mer , de nous y tenir ferme- 
ment , et par ce moyen de gagner le rivage. 
Je fus le premier à prendre ce parti ; l'heu- 
reux succès que j'eus décida les matelots 
à suivre la même voie. Sur les six heures i 
nous fûmes tous assemblés sur la coline 
autour d'un grand feu. Les Maures nous 
y laissèrent environ demi- heure , puis nous 
ayant examinés comme on fait des esclaves y 
ils non s firent lever tous, et nous condui- 
sirent environ demi-lieue dans les terres* 
Là , ils nouS' divisèrent. La moitié retourna 
Vers le rivage, et nous fûmes les tristes 
témoins. des disputes qu'ils eurent pour 
Havoir k qui nous appartiendrions. Ils ve- 
fioient sur hous le sabre à la main : nous 
ne savions que penser ; h^is étions nuds , 
sans armes :^ n^ayant point apperçu nos 
deux câmiarades qui , la vieille ^ s^étôieat 



( à5) 

^entîîis* à*ter»6; Nous petisâiries tous qtre 
iioiis touchions au dernier moment dé 

oiotre. yiov et noifs prinfés 'maxDhinalement 
la fuite dans: le. dessein de la conserreT 
quelques mi;nutes de plus. Ils se battoient 

♦avec acharnement pour nous avoir ^ c'étoit 
à qui s'empareroit de nous.' Plusieurs de 

nos gén^ furent cruellement Blessés ; j'eus 

rie malheur dlêtre arrêté presqu'âu même 
instant .par deux Maures. Cehii qui m'avoit 

.^touché le premier , prétendoit noi'avoir^ 
c'étoit la loi ; mais son^ aiîversaire , trop 
cruel pour-entendré raison /voulut termiî- 
ïier son différent- par ma^ mort. Je par£|i 
le coup de poigiiar^i qu'il me ' porta , et 
n'en eus qtie deiix doxgtsr. o£Ëprisés : cette 
action liii coûta la vie ; il né fat pointasses 
prompt pour se mettre en défense contre 
mon véritable maître, qui, ayant comme 
lui le poignard à la main , le jeta à ses 
pieds. Le Maure qui m'eut dans son par- 
tagé f me conduisit où étoient ses frères , 
ses femmes et ses esclaves. 'Us mirent le 
feu jsur ma plaie -pour en étandier le sang , 
ce. qui arrêta les progrès du poison. Ils 
m'enveloppèrent la main avec deïihetbes 
trempées dâïijs de l'huile de tortue>j<eiï# 



tardai point à éprouver une entière gu4- 
rlson. 

Qu'on s^imagine sUI est possible , la triste 
situation d'un homme qui , n'ayant jamak 
voyagé , se trouve tout- à-coup privé de scé 
vètemens^ mourant de faim ,. et environné 
de barbares qu'il pensoit devoir être ses 
bourreaux. La mort qui à l'instant du nau- 
frage s'étoit peinte à mon imagination aoua 
les apparences les plus terribles ^ ne me 
paroissmt plus si redoutable. Quoique je 
fusse résolu de tout supporter pour con- 
server ma chetive écistence , je voyois ce- 
pendant Texoès de mes maux avec une 
indifférence extrême. Mon malheur étolt 
€rop grand pour que je pusse le sentir. Je 
croyois que chaque instant alloit être lé 
dernier de ma vie. Résigné .à la volonté 
•supprème , p'attendûis sans inquiétude le 
coup fatal , et lé regardois comme Theu- 
reux terme de ma misère. Les disputes des 
Maures au moindre objet qui £rappoit leur 
cupidité , les coups de bâton et de poi« 
gnard qu'ils se donnoient , me faisoiealt 
croire que c'étoient mes malheureux com^ 
pagnons d'inforlune quUla iibmoloient à 
leur Ts^^. J'avois vu renverser près de mai 



( «7 )^ 
deux de mes compatriotes , ^e pensoîs 

qu'on les avoît égorgés : je ne me fioîs 
pliis à la fidélité des l>îstoriens sur les 
înœnrs de cette nation, je la croyoîs antropo- 
phage. Mes compatriotes avoient été éloi- 
gnés de moi , j'étois^ environné d'une tren- 
taine de Maures ; je pensois qu'on nous 
avoit partagés de la sorte pour nous manger 
en famille. Les pierres apportées potir sou- 
tenir le feu , les fagots et les débris des 
^nneaux, amassés près du lieu où j'étoîs , 
me sembloient autant d'instrumens du sup- 
plice qu'on me réservoit. Dans cette pensée 
je recommandai de nouveau mon ame à 
Dieu ; ma prière finie , j'attendis tranquil- 
lement la mort , et envisageai sans frémir 
ce que je croyois en être les apprêts. Ma 
tranquillité n'étoit point de la philosophie , 
mais plutôt une espérance entière en la mi- 
séricorde de mon Dieu. L'appareil mis sur 
ma plaie ne m'ôtoit point cette idée funeste 
Les danses et la joie cruelle des femmes 
qui ni'environnoient et m'arrachoient les 
cheveux , plutôt par curiosité que par ma- 
lice , et ne pensant point à me couvrir , 
se réjouissoient de m'avoir parmi elles } 
tout m'affermissoit dans cette opinion 



(28 ) 

£atale« Elle se dissipa enfin , lorsque fe les 
vis prendre plaisir à me voir boire le lait 
qu'on m'offrit sur les dix heures du soir. 
Je passai cependant la nuit la plus triste ^ 
abandonné a mille réflexions plus effrayan* 
tes les unes que les autres , couché nud sur 
le sable , et exposé à Tinjure de Tair. 

Les Mongearts , qui sont les Arabes du 
Saara , étoient les seuls qui s'étoîeat trouvés 
sur le rivage à l'instant de notre naufrage. 
Maïs ils n'eurent point toute notre dé- 
pouille 5 ils furent contraints de la partager 
avec les Maures du Biledulgerid ^ nation 
giieriière et mieux armée, que Ton con- 
xioît dans le pays sous le nom de Mqnsele- 
mines. C'étoit à un Arabe de cette dernière 
nation que f appartenais. 

Le lendemain nos maîtres nous laissèrent 
la ]il)erté de nous assembler tous sur le 
bord tle la mer. Ceux d'entre nous quiap- 
partonoîeiit aux Mongearts , avoient été 
traités on ne peut plus humainement. Les 
uns avôIent des peaux pour se couvrir , 
d'autres des hardes que leursmaîtres avoient 
pillées dans le iifnifra;^e. Quant à ceux qui 
appartcu'oieat aux Moiiseleuiin es , ils étoient 



(29) 

tous'nuds comme moi , et n^a voient point' 
été niiexix traités. 

Cette diversité de mœurs d»ns des peu- 
ples si voisins , me fit. croire que sans 
doute mes compagnons n'avoient été bien 
traités par les Mongearts , que parce que 
ces peuples étoient accoutumés k voir des^ 
Européens dans la rivière du Sénégal ou k 
Portendie , ce qui me fit penser que si je 
poùvois leur appartenir ^ j aurois sûrement 
le bonheur d'être conduit au Sénégal. Cette 
idée vraie ou fausse me fit former le projet 
de m^élcttgner , s^il étoit en mon pouvoir.^ 
de l'endroit; où mon maître avoit ses 
femmes et ses esclaves. Ou ne faisoit pres-^ 
que point attention à moi, ce qui m'en* 
gagea sut. les neuf ; heures du matin à 
xn'eulbnosr dans les ferres , sans savoir où 
j'allôis.' • . 

. J'eiAS à peine fait une demi- lieue , que 
je fus: rencontré par des Maures qui mè 
firent 'ikiarcher à graxidis'.pas , et me cdn« 
duiairieatàiears tentes ,. où' je vis beaucoup 
de clxèfrês' et de chameaux*. A peine ius*je 
rarrivéqo'ôft^nxe donna > du lait, et qu'on 
ne <K>tLTrit de pliisieurs ^eAux de chèvres 



(3o) 
COUSU68 ensemble. Quoique fatigaé de la 
marche , et ayant passé deux nuits sans 
dormir , il ne fallut point songer à me re- 
poser. On me fit marcher tout le jour. On 
sWrêta enfin vers la nuit. Je la passai on 
ne peut plus tranquillement , quoique 
couché à Tinjure de Tair. Le soleil n^étoit 
pas encore levé que déjà les chameaux 
étoient prêts pour la route. Un Maure me , 
fit monter derrière lui , et jç continuai ainsi 
de voyager sans savoir où j^allois , ayant 
laissé tout l'équipage sur le bord de la 
mer. 

Sur les trois heures , j^arrivai à d autres 
tentes où je me reposai des fatigues des 
jours précédens. Je n^y restai que deux 
jours ^ car le troisième trois Arabes nuds) 
mai« bien armés, m^^itrainèrent dans la 
partie du sud. Nous traversâmes plusieurs 
rivières ; et après seize jours de marche , 
ils s'arrêtèrent sans oser me conduire plus 
loin. Le premier jour de ma route. j'eus 
les pieds tout en sang. Us m^arrachèrent 
les épines que j'avois à la plante des pieds i 
me la ratissèrent avec leurs poignards # et 
m'appliquèrent dessus du gaudroa . et du 
saWe. Je n'eus plus ensuite de peine à ma^* 



(3i) 
cher. Lear intatition étoit de me Tendre 
aux navires qui viennent ou Sénégal })otir 
acheter de; la goa^me* Bs- ioKi dîsoient tous 
les jour&'en arabe, souiéèuiàu^ahefeùtna 
gaderdome. Ce qui ^suivant ce que j'ap-* 
fHcis. par la suite, signifie i bientôt tu seras 
au^négaL Mais la guei^rè ^iexistoit alor» 
entre les princes de ces casitona, les em^ 
pèchà d^exécnter leur dessein. 

Nous passâmes trois jours dans une fo*^ 
rét de gommiers. L'ûnpossibilité où ils 
étoient de me rendre au Sénégal , les oblî-*' 
gea de revenir sur leurs p£tô. On se remit 
en route ;4*arrivai, apvèis treiâte jours de 
marche continuelle va ta tente de mon 
xaoitre (i). li y avoit long-temps quUl étoit 
d^ retour du pillage du navire. A cause de 
$es troupeaux il s^étoit porté vers Fendroit 
du dé$i^rt qui sépare la t»rre des Monse-' 
Ijemixves» de celle des Mong€»rts« Ma nour<r 
riture peodant ce pénible voyage nVvoit 
côn^i^té: qb^en lait mêlé d'urine de cha- 
Wiiwn^ e( m un peu de &rine d^orge ou- 

X 1} Les deux routes furent en tofit 4» 5o jours^ marc^i» ,-, 
éai dtfûlt' voyages îi eu faisant qu*an ^ ce (|ui £û( que cette 



(3ô) 
de:mil'(}u'on«'dâày dans déTeau saumà^ 
tra.^ qdand ôil aie bonheur d^en rencontrer. ' 
; }} lue Mroit.impQaBibie de décrire les- 
peiws <itte j\u^ .daila un voyage aussi long s' 
j'y aiirois ififfûimblement succombé sans. 
1^ \>onté de mon tiiftipéraménti et si tonte, 
^joayie je ^Vlvois .été accoutumé à la fati«« 
gue. 74nt. quW me prononça le- mot de* 
gaderdome^ sans lé comprendre, je sentois. 
mes fatigueâ allégées. Leur manière de me 
parler de cot endroit «me le faisoit regar-^ 
Uer comme le terme- de mes malheurs;' 
mais quand on -cees^a de m^én parler , je 
pensai avec raison que mes peines seroient 
longues. Us. lo'^Kpliquoicnt en me mon-^ 
trant leurs fuaiU, qu^on les tiisroit'de ce 
côté. La yérité .étoit ^ qu'ils n'avoient pas 
cette craintif taaia ris avoiêns^'peur qu'on 
ne leur enlbvat kairlcapture, €«:îls ne vou- 
voient pas a'expo$«r à .perdre le' prix qu'ils^ 
espéroient tireur de ma personne. ; - 

On rencontré' daiisierdéserk dp trè64)6l- 
les terres qui, (Siiltivées produzrcàeal^ ^faîi» 
doute les choses nécessaires à la .yi^iju Nous 
y trouvâmes beaucoup de truffes; j'çn man- 
geai avec plaîsîr. ILés Maures ^veç qu^ jft, 
Vûyag0ois,m Wprociiroi^ ^ oïdcrént^' JWooooi 

tuméa 



ttunés à vivre de làkfl^ge, ils se côtitmi* 
toiept de celui de nos chameau^^ et Bé 
privoient volontiers de ces racined^ Je iik'ëus 
point à me plaindre de mes conducteurs ; 
ils me* traitoient' humainement, et me pro« 
ctiroieQt autant qu -il ^étoit en eux, eequî 
paroissoit me.ââEtlira* le plus. 

' Leiendemain^ide mon arrivée^ je les vis 
pdnir avec peîhè, je leur ^ois siiiCèrement 
attaché. Jamais |ë He les revis depuis. Peu* 
dant la route, lorsque nous nous arrôtions 
le soir ^ ils ailoient .eoz»mèmes cberdier le 
bois pour ia^ nui(> et pm laissoient pour lA 
gard« des chameaux et du bagage^ souvent 
xnéme, lorsqu'ils me Toyoient trop fatigué, 
fis sVrétoientdeuxjdu trois heures avant 
ie soleil couchée. 

- La horde à kquelle jfappartenois^ étoit 
composée de cmquante^deux tentes, tantôt 
réuiaÎ8s> tantôt séparées, suivant -que Vetié 
geoit le téifreiîi' p^titr' k commodité des 
pÀtorages. Ces tmtessonf faites d'une toili» 
n(9ÎMfit:épaisse,:ti88iie xle poils de chèvres; 
èi^dê- ^hameauK, leur largeur est dcf dix- 
bnit'pouees environ:: ion d0s x:oa]d;>émâa|i^^ 
Uë pour fermer la tenSe, et deux bâtons croi* 
•és/lii80utîenaeiiSé!£âb peuples m'ont poor 

G 



( ^4 ) 
Xtmt mfXiHe^iqné t|£selquel oorées de fuSiê 
^ut l^tirs bestiaui^i vn pot dei^ terre fiàor 
£iîfe chauffer ie latt, au nuire lo ^graini 
ime cmeilièM à ipot^ wm ixuutt&i tin cooteaiiii 
mm pique., et un ^ob ceàlkm, qui leur sert 
]Bie mm'teaii pour Mi&ncer Jes petits ipiçoeta 
de la tente. Coatei^ daOM leur indigèRMi 
fsi^ eçhnoisfWiit ^oint ^de heiiDsns , oeis peu* 
|rle3 virent dana niui parfinte ti^mquittitéf 
I^es homipes a^'occuptent dç lia chasM et d« 
la ^arde das troupeanx; le^ femmes die 
Her M^: de préparer ies Tirxes* Ils ae co^-r 
ffent/tégEilexneht.cb peauK de cbèrres ou 
#e pagnes quand Us peuv^oi: se pro^irrM 
des guméM» La paixtre des luefDfloaes «crnir 
siste À avoir de b^iss axintes, telles qu« 
poignards I sabres , fusils et un chapelet dé 
^n^f^ çrâgtal bkac; qiiant il ceUe des fem* 
9$e9 9 le^ :oQBSt0te en oolUan d'a»bvf «, do 
C{3i^i( f .^ ^ nrerôterie . «ki toute espècM) $r flHi 
boi|clQ9 d^oireUles d^Gir.^fii d'te|[eat»auît«iik< 
la richesse dies paff^eviÂers^ et -en im9 
pag«^ :£ort ample dont k xpecMé est ro«gft4 
. Je^ passai deux jévàs sans qn^an i^ù^kt 
d^mmoKOBim tsaTailrs le trcdsiènie oii:mA 
£t<.aUi!B».<ch«rcher le hm ipour la «ente. Oal 
a9 idtnma ponii ^pet jtffitt une 



C 35 ) 

jcorde> fit un enfant m^accômpagna potir 
me faire connoître celai quUl faUoit prendre^ 

Quoique tout le pays soit cburert de 
broiis$aUles > ces peuples ont cependant le 
plus grand soin de les conserver, jamaif 
ils ne touchent au bois verd. Il me falloit 
•ouïrent être deux heures de suite à cherr 
cher du bois mort i et Icnr^que mon fagot 
étoit suffisant pour la journée, je Tappor- 
lol^s à la tente. Il est inutile d'exprimer la 
peini^ que j'endurois dans cet ouvrage tout 
facile qu'il paroisse. Je n'avois rien le jour 
p^ur me couvrir; j'étois contraint de porter 
:Oe fagot sur mes épaules j je l^s mettois toutes 
eu saDg* 

Content de mon exactitude et de mosL 
assiduité à fournir le bois nécessaire , on 
me £t battre le beurre» Ils mettent pour 
cet effet leur lait dans une peau de chèvre^ 
Ja suspendant sur trois bâtons , et Tagitent 
environ deux heures de suites ^Ues furent 
les occupations auxquelles on m'employa 
pendant le séjour que je fis dans cette tente^ 

Mon maître ayant trouvé occasion de sç 
déflore 4e^ moi^ je vis donn^^r un baril de 
£^-ia^ (it mue b^rre de fer de neuf pi^d^^ 

C a 



ètiviron; j^ignore si celui qui m'acheta 
eyoit donné autre chose. 

Le lendemain , au soleil levant ^ on s# 
tnit en route. Nous marchâmes neuf jours 
sans relâche; Suivant la coutume de tous 
les peuples de TAfrique > on part ail levé 
du soleil , et Ton ne s^arrèté que lorsqu^il 
est prêt à se coucher. Dans le jour ^ oH 
rie mange que de petits fruits sauvages # 
ressemblant aux jujubes ; et on en trouve 
de tous c6tës. En arrivant , j^étois obligé , 
comme les captifs nègres j d^aller chercher 
le bois pour se chauffer pendant la nuit , 
«t se garantir des serpens et bêtes féroces 
dont le pays est couvert. Ensuite on me 
donnoit un peu de farine d'orge délayée 
dans de Teau saumâtre ; c'étoit mon unique 
nourriture, quand nous ne rencontrions 
point de tentes. 

. Tous ces peuples exercent Thospitalîté 
la plus grande. Quand un étranger arrive , 
on lui fait le salut dVmitié , et on se privé 
souvent de nourriture pour pouvoir lui en 
fournir. 

A peine fus«je arrivé chez les Maures 
rebelles au roi de Maroc , q\ie l^on me 



(37) ' 
Tendît. Mou nouveau maître ne me donna 

point de repos , il m'envoya dès le lende^ 
main garder ses chameaux : on confie or* 
dinaireïnent la garde des chèvres aux en- 
fans. Je passois la journée au milieu des 
montagnes j livré entièrement^ xnoi-mième ; 
je n'avois^uçune connois^ancede mes.comr 
pagnons d'infortune. Des marches aussi 
longues que celles que f avois iaites> m^a-< 
voient entièrement ôté la rconnoissance da 
pays, oà fétois, et l'espoir de ma délî** 
vranôe commençôit à m'abandonner. le 
ne> voyois point de terme à mes maux f 
ils s'aggravoient de plus, en plus^ mes 
forces diminuoient sensiblement ; et chaqua 
fdis que je bhangeois de maître, je me trou* 
vois plus maltraité. Le soir, à mon retour 
à Isk t$nte 9 on me donnoit du lait de cha<^ 
meau.ien abondance, il est vrai; mais la 
ra:reté des repas et la simplicité de cette 
nourriture n'auroit sûrement point suffî à 
la consçriçation de mes forces ^ si le jour* 
^n gardant mes chameaux je n'avois pas^u 
l'attention de cher<^er des truffes et d'autreél. 
racines sauvages que la nécessité ttiWoit 
fait connoitre lorsque je- fis route areà 
i^es premiers coodu^&çurs» 

C3 > 



(») 

Je tiiê fendu de nottteaii ; ma s^nté étôic 
beaucoup altérée; mon noureau taïahi^eme 
conduisit à sa tente où je ne reatai pat 
long - temps» Plus patirre que ne ie sont 
ïds g^s de ce pays, il mé conduisit à un 
loan^é Toiain pour tirer quelque profit de 
ma peraonne. U n^ouva un Arabe qui m V 
cheta pour deux jeunea chameaux toekii^d 
m^ vendit le lendemain au marché; il re^ 
çut de rargont, .mais f ignore combien; ce 
que jo sais, c^est qu^ii parih fort satisfait, 
puisqu'il ma donna deux livres de dattea 
favicon^et une petite pièce de monnoi^ 
que j!ai conservée jusqu'à ce j>Mr. iQatàâ 
toift le; Saiara la commerce ne ae fait que^ 
par échange. €é fiit en cet endroit où )& 
tôs pour la premièrB fois de roi^eniu Cètter 
¥ue rranima m«s éspknàxcny jepenisai a;v«c 
9^aan que je n'étois {»aa éloigné d'un état 
cî<«Uisëu La variété que je voyois dana le^ 
Qbsamercé> me âdsoit cfoire que je ne îe^ 
deKciia. poinA à trouirar les moyens éd poiï- 
TQÎr apporta: dui soujagmnent à ma misent' 
J» conoeVeia l'espotî» d'iuètruire tà^ fen^llia^ 
de m'oa malkaureux sort ; j'att^ndôid wtÊet 
diéliigraiiceydesa tendrease: «et espok- «mk 
faisoit supportas mes peiael ^féiQ /plM^ 
de courage*. 



' J^à{>pris pair expérienuJa'téfhé'^âsreii*^ 
tstxicnt de c«ox qui âssutent quii:plus les 
komixiec» Bont dvilkës^, plus H^ sqm ôruèl»; 
A chaque nottreatt maître f ëtois -phxê' mal* 
«ntké} aiissi m'approK^koi^-'j^ des étaU ^e^ 
Mât-éis,^ où HoM» â^u^tift «nciore et beais^ 

Âialheiir d'appartmik à ^tit^s ^ô^à l'èm- 

Sur 1« soir nofW'ivowiiiîmes en routa, 
#t AcAfi^ nwa approckâmM- du ca^p <la Nud. 
Q^s^^& Arabeff, qui^étieicm au fiîaroliiy lùra- 
q4i6^i^ Maure ttn^acheta',* tin^em noun atiè» 
4l%^v6r^la niiit;''Mb]ii miâtre qui teâi ccwk * 

^iScfit^^M âl^es-q^ 'Ièti^9ipô1g¥làirdlr•' 
J^W^ nirt qui ftUôit lut éiî>pbrtef un coup/ 
je criai ; mon maître* refît» ^ et Wra sén-àd-^ 
vé^èiirô â*«Hfi cô^^ dfr 'îfoëil. Auséi-^dt^ks 

lëfi^ltettx^utrèff pi^K^é^ fetitei K<^b^|iié-'t 
itfeMr teékiuent^ ]§%î^àr4^ dé^^^Ut^iii^i^ 
étt>iëittLë«:é t^â^,*eii[}o€^tiAiu^iiiOtràii^a«eJ 
Au iiëit d'^i^lteî^ ^ë^¥^âdr#4)8iiiya»t ^^^«r 
is0è9e'îiiièmidnV'ilUiiièt ^^^ ^a ^n^^frè^è /^ 

G 4 



<4«) 

fun dès piM ricIiM* particuliers an pà)rs« 

; .Cs moment fat rla^ fin: 4^ ma misère. J^ëK 

to!s obéi par les kijègres, esclaves ; les fem* 

xbes 196 dounoleisticeique je poayois de* 

slreiv Je nWols plus ^^.?tr/lYail à faire*: si 

fallois avx tr/oupeanXf .«'ét^it pour me, dé* 

S6nnyy^«.0n prend; ie^nM»ur$ dea^pi^uplea^ 

avec; Jiôftçu^l.s qix. tit^»':qmic[^e M^^ages- 

quelles soient, sur- tout lorsque les coups^ 

de bâton: fxe'SemékRftrpMitle-.la -partie. II 

n.'y.avo£trpasvd^amitié q:u*^' Ton ne. xg» Ët^ 

ilf :Yi6i^k^i^atm-attacbei:j^i^x« protpesses v 

présena v n^^ ns kne<>f««! jépargné » ik ^o(r, 

' iàxeyit itiême ia tomfidfrîmon maître^ .l^s* 

Ar'abeëide sa'hofda n^végardoî^ztt.pl^tél^ 

^î çwfipatriote quîen , eseli^9; ii^i ^fimm^ 

Bf>v^jm^li le jeii du f^Uv*et;;jd:^r4c^iaȈ. 

leMrs.di^nMS lV)çterW4-ci,;; . t ,- i» * j. -r 

^ Jej6«attwejtiç.0i§ AlorR ktmXei^t^ Vw^v 

)>. w.oysÀ» rbieuL iewar^ffsmios » maia /p«$T^ 

i^f^^ j<»3ftemples; je i^uvrAkrioeinprewlnif'^uft 

j0(âitdr4endrt^is. n]4^^ y^t^ic^^l 

iaé^raiitoble:f^ ib^jl^e is^^p^ffis^r^eiM «pluô.. 
I^'4imlié rqxi'Ua rft)^«ri«tot jglpxxj^ moi v J^w , ^. 
pr«^KKlfalepatti4a^4fif^<^lld|2ir«l che^J^fa/^^^ 
£i^sd,;chef de <jlimiiapt>ur ^•fuRer^pift», 



ter I didôiènt-iis , Je pliAtôtc^pœâble 'ifenà, 
les t^re$: sQui^ises^ à:. Ja rdoaûaation da^ 
Tempereur de Maroc. Je restai huit.joura; 
çhes^i ce partiçi^jiiôif , sans lui appar terni* : enfia 
il m'aysfestife. J'igqore le motif <jui Je portai 
kni% payer aiissi; cHer.qu7il X^.Bt.ije Mis;,! 
oar je comptai moi-même ilesbeapèçes, qu'ill 
paya, pour. m'ayoir^ cei^r^cklquânte piastçea- 
fortesv^Q^1^^^*P^(î^$;:pièi^^$ dô U val^wj 
de dix soiis. Comme Jb nombre d^ œ^^pl^, 
ces étpiti de quinze ceuftsj jf\Rm J§s coi^itâ^ 
iiiea^.xc^O]^. maître et ;i^,:4^u^, jours da^ 
suitq, craintei dVreur. jÇi^ttô>$Qmme u^^zi|e> 
^tfOV£L% pl^ajlfiir^ jiq,^^vQi^ ^u'ij avoitrçK 
fixf^.dô.. 4çiyiçr €9|îj^,^i%^eg'pourlejftigujf> 
I?çç4\aia^ jCj:. j^,.pe^fij9i^^ 5^^^^^ jie m'ayQil^ 
pay4.:a^VfI^f8r ^ue . (Jajgft Jl'intentîoit 4at 
i^^ttre m^ Ji^gf té .à g^ f Bj^Çj^çessif. .• / 
Hali - Z^js^ avoit u:^ç ^^i^qn qui , da99^ 

ce pay^ , B9^]?P^-. ^S^ P??^f;, PP'^^ ^î^ ^^1^" 
Ewbe.,BîdHftfe }l«fP«,b^ftupo«p,dç nègçe5,£ 
^^MSfb% ^TWWf vaçhç^ ,; chameaux^f 

®;-fiéftêfftifi9^SB4e i^^^ voit d^iisi 

Qi^a /^ËjowçsjJl ayoJLtf^^tyfbdi^ à r^arisàJa, 
spii^ dtun.^ambassadeu^ de^iuroc ; par ^ea- 
ra j aoflit d# ;i Taéfioiitexi^aigfit^y^.tpour aauy<^ 
^ .^«>^ ^ s'étoit ^u^ ço^raint d^^ se faifo^ ' 



éiëBde» Bfanres ïelMlles au roi. Il m ttaitt- 
tftiiok contre^ œ firinc* p«r la ibro» àeè 
armei. •''* .'i ^' ' 
' iûei hontni0 mè tMka-lmttY il n^ttigM 
d0 iBor auou» ftfayMlf 0t me éimnê^ des 
htf^ils : ^é it^ iMlM^bai plus à' ïinftstB dm 
l!aîr:; jWéi» dte la-paillei dont fe me fié 
itae espèce de litl Jefitisôie deux repas par 
jlwr. J^a^oi&détiinourritorê en aboiidence , 
tcà point âième qtié presque tous *\bé joors^ 
]& paîtagebis Mpn- SInér ^ soit; avec iin ma* 
ifeloÉ iwrbvèrt^àlc qui se trotftoît àfors k' 
Gliini , soil A^éé ÈÈ. *L£^naspè2é , capitaine 
en sec6fid>' filè 4»'Vairm9itemv Lès fours 
dé marché y f â^i^^^ëoîErrehfr de ' Metf corn- 
patritofes à traltiéii^ Jë^'^ttitodoiè^leé filles 
éxtk lèiàixtiés'^ jaMRi^dn ne tn^èni reftisoit; 
Traité de ïa-sb?t!ë% fà ne tirdaî point à^ 

^'Lefe nèéodiaïî^ffantedîs et aiigldis étaWis 
àMbgod6r /ltt$â4«f^(lé nétfè dréA^» par 
lesf fliflérens courtiers qtré^ letrtP edïftttiârce 
M ébligé dé" i'é^âÂdi^e dktls k éakpis^ ^ 
dtiybyèreiit pdtnr^tirMîlïrtîe nôWBftte^ } te 
Akùfè Béritahar'v Ç^^i logeoft'tîIréiB^ nhitt 
xhaStre^ m'acheta éent <iiuatïe^--^ifite**pfittfres 
* ibrtes. Jeftzs^k^ylét du- marché^, fé diicQtat 



(43) 
moina^mBmr Im pÉiM, do ma tànçôn > p lé 
MffUK ild m'achelft que sur la certitude 
que je lui donuad qa^il seroit psiyé patr le^ 
BiégooiaGtid françoié ^ à l^iiiâUnt que |é me 
iamis ^iinoitre à Mbgodon Cet honmiè 
iréumt en même temps cinq autres de mei 
cama^ade^^ savoir , M. Fdllîe, natif de^ri*/ 
ol^&eier d'administration dans, les colonies , 
il le paya deux cens cinquante piastres 
fortes^ Le sieur Decfaam , pilotîn , natif de? 
Bordeata > le premier qui s'étoit rendu k 
ferre , fut payé quatra^in^t^quinse piastre» 
fortes. Le maître d'équipage et deux ma-^ 
fetots dis Bordeaux né i^i'eâit payés que âm 
65 â 50 piaatrea. 

D^Hs l'kstaiît dé mon naufrage jus- 
qu^ii motiient où je fiia rendu à Glimi ; 
viB»p*iiïcipfele du Cep de Nun , je n'aroiîJ 
te aue^nto oomioisaance du reste à& 
Téquipâtgé 

M. La^âspèze / noti^ éeeond càpitaJn^; 
fiis' (fo riÉÉtfiftrteur / étok dans le même 
Mëii^ciMÉiis it arôit pleine liberté , et ses 
fàiâe§é^ ne le gêno*ent en rien. Ils ne 
fut point acheté , j'îgAofe.quek motifs^én- 
l^agJTcMtJtemaha^ à ne point traiter dé sa 
r«i90ttu^ peine sut-il men sa-mée «^q^a'il* 



(44) 
vint meyoir } jVtpis dans la première oomfm 
U avoit la forme d'ua spectre ambulant* 
D'abord je ne le ^econnua poiht.<| et il ne 
me reconnut paa diiyantâge ; broui par le 
apleil , portant la barbe et le$ cheveux 
comme les Maures , habillé à leur manière ^ 
notre changement n^étoit pas surpreiiAnt# 
Cependant après quelques instatis , noua 
fumes dans les brasTun de Tautre. Nos 
expressions expiroient sur nos lèvres , noa 
larmes , qui couloient avec aboi^dance sur 
:(ios joues , ezprimoient la vivaci^ âp noa 
^e^Umens. Nou^. .ire^tâmes tout le. jour 
ensemble* Nous nous racontipn^ ,nos mi^ 
seras avec satisfaction. .Il.mjApprit que 
14* FolJie étoit 4w^l^ même ville. Je sortis 
aussitôt accompagné de quelques Mavres ^ 
^t fus avec lui à Tendroit où il étoit ic^enu^ 
M. FoUie appartçnpit. à un > Maure jeniel 
qui le traitoit avec la dernière dureté ; il 
étoit cQ^ché sur la dure , et On ne. lui. lais* 
soit aucune liberté, l^eu accoutumera, là 
fatigue , il étoit couviert de blessnrM/^wte 
des coups que ]es Maures lui ay oient dosOiéa 
pour le contraindre à marcher*: ; :; 'i* * 
, ,11 y avoit dans le même lien VU: matelot 
provençal ^ de «isOtre bprd^ qui nfi^^con^ 



(45) 
nwssoît point de malrres : il vîvoit tantôt 
ohez Vnn tantôt chez l'autre, personne ne 
l'inquiétoit. B^itahar espéroit qu'il par- 
tiroit avec nous* , il croyoit Tavoir sans 
rançon ; niais le jour de notre départ il fat 
éloigné dans les terres , sâiis que nous en 
ayons eu connoissance» Il manqua sa libeFt4 
par sa faute , allant toujours avec les Maures.' 
Sans doute il se sera tu contraint de rester 
au moment où il lui étoit le plus facile 
d'avoir sa liberté. 

Ces messieurs m'apprirent qu'Usf avoient 
été tous inquiéta, sur mon sort ; que plù-^ 
sieurs assuroient m'avcir vu égorger ; que 
cette persuasion générale de l'équipage les 
ayoit engagés à instruire le consul françois 
de ma mort , qu'on n'avoit point encore 
connoissançe de ceux qui s'étoient portés 
dans la partie du sud avec leurs maîtres ; 
que pour eux on les avait horriblement 
maltraités.; qu'oa les a voit contraints à 
'^ands coups de bâton de décharger le 
navire ; qu'on leur avoit fait moudre le 
grain ^ chercher, le bois , garder les bes- 
tiaux ; et qu'à la moindre faute , sans savoir 
même qu'ils avoient manqué , on les acca- 
Jilûit do coups. Les blessures dont ils étoieht 



(4«) 
eouvarts ne me firent que trop connoîir* 
la vérité de lear récit. En me félicitant 
d^ayoir échappé à un traitement aussi ri-> 
goureux , ils m^apprirent que ces peuples ^ 
après s^ètre battus pour les posséder,aToieat 
enfin mis le feu au navire ; que plusieurs 
^b'abes y étoient morts , emportés par les 
écUts du navire dont ils n^avoient point 
retiré la poudre ; qu^il y en avoit beaucoup 
des nôtres de blessés ; et qu^enfin le capi^ 
taine , après avoir vécu donze jours , ne sa 
soutenant qu'avec un peu dWu-de-vie , 
avoit été assommé sur le rivage. Peut-être 
s^est-on trompé sur son sort comme on le 
fut sur le mien y car M* Follie est le seul 
de tout réqnipage qui ait certifié sa mort , 
personne autre que lui n^en ayant consois^ 
aance* 

La ville de Glimi est le premier endroit 
où nous vîmes des Juifs ; ils y sont en 
grand nombre , ainsi que dans tous les lieux 
situés entre Ste.-Croiz et cette ville* Pr^squf 
tout le commeirce passe par eux. Les.Ma^ 
liométans de ces cantons les traitent eqi 
esclaves. Tout crud et tout ennemi des 
Chrétiens qu^étoit TArabe , maître de 
M. Follie , illuidiseit die. ne rien soulfinrde 



(47) 

4a p4rt du j^uif qui ïamât aiîlie^ de Jnokni 

liY^a loi. Quûxid M. ¥ollw irbfoit cbee Jb 

Juif , je 1 dllolk Yék saaa awnme précsa»- 

fJLoa ; ]*étoi^'t û est rmij, aoûv^ent accomf 

pagsié dé$ 'M atitves aUachés aux izitérêtsid^ 

mon i^ail^^e. Jatuais 1^ Juifnîosoit refuser 

A M* ?^Uc la liberté de v^eaiT fie proivieiier 

AvecxQol. Lei^ Maures quim Wcomgagpmoient 

9Urpri$ que z^oua prissions c^rte précautîaa\ 

zkie £reut ^lU^ndre quHl .pcyQ^QÎt 'aôçtirà 

^ volonté , et qu^Us frapperôiinit lé Juif a% 

psoît lui faire la moindre inâulte. 

Le Juif de Glimi , nomme Bon Jac&h^ 
«voit reçu ordre des negociaus françoi« Ca- 
baiiesetDeprâsdenousdonuerdessecourBg , 
}e8 ordres portol^nt de dépenser poumon 
besoins de=ii;c ceut^ onces d'argent. Nou^ 
ignorions que par le mot d'once an entend 
en Barbarie uiae petite pièce de n^tonnoie 
de ia râleur environ de dix sous ; et comme 
la lettre étoit écrite en jfrançois ^ en araèen 
je pQisuaidai à mon maitre que <:'étoit deiiic 
cents piastres fortes que ce Juif avoit ordre 
lie dépenser pour nos besoins. Je lui.mpn« 
irai xsm boIl/D de' fueil ; puis la mettant 
idaas mm bainxice'^ IV^^ placer de petite^ 
fèèMs uie mmataks })os<[i&-Ki:ipoit1a de k 



(4«) 
'bàlla ) ce qtii fitqtieces Arat>es obligèrent le 
Juif de nous habiller tous à la mauresfque* 
Cette erreur nous frit delà plus grande utili* 
Cé, et nous mit à Tabri du froid excessif qu'il 
'>feit sur les montagnes de l'Atlas qu'il 
Tious fallut traverser I et qui sont en tout 
temps couvertes de heigei La dépense se 
monta pour ma part à quinze piastres et 
demie environ. Nous ne fîiimes que trois 
qui eûmes un manteau à la mauresque ', 
M* FoUie , M. Lânaspèze et rnoi. Quant àii 
reste de réquipage on ne leur donna que 
des haiques. : . . 

: Le renif est tin gros manteau sans cou- 
ture^ fait de poil de chèvres et de cha- 
^tneaux , impénétrable à la pluie ; il ne coûte 
pour l'ordinaire que vingt -deux onces , et 
nous fut compté pour quarante. Lehaîque 
?est une couverture de laine de mouton > 
(longue de quatre aunes et demie sur cinq 
.quarts de* large , qui ne coûté dans' depays 
que sept à huit onces. On nous les fit 
-payer vingt . . 

M, Lariaspèie-^ notre second taipitaine^ 
ne poTïvarit partir avec ndus.^ me doniia à 
l'instant dtr départ, ii^uf loiiis' en. or, sa 
chaîne doiinûAtre-ei^ua-fiatbfitjde :xa&am 

métal 



( 4a ) 

métal qu^il avoit eu la bonheur de dérobes 
à la connoissance de ses maîtres. Il tenoît 
ce petit paquet dans ses mains , lorsquVn 
le dépouilla , et eut l'attention de le cacher 
dans le sable. Depuis ille porta dans sapoche 
lorsqu'onlui eut perpiîs de prendre unemau- 
vaise culotte. Je rerais le tout à mon arrivé© 
à Mogodor entre les mains de MM. Cabanet 
et compagnie qui tenoient une maison da 
commerce dans cette ville. 

Rassemblés au nombre de six par les soins 
de Etentahar, arabe attaché à la maison des 
. négocians anglois , nous partîmes pleins de 
)oie, pour nous rendre à Mogodor. La crainte 
d'être surpris par les Arabes errans qui noua 
auroient enlevés de nouveau et entraînés 
dans les montagnes, obligea nos conducteurs 
de nous faire marcher de nuit. Nous fîmes 
route de la sorte jusqu^à Ste. - Croix dd 
Barbarie , nommé par les Arabes AgadeSé 
De Giimià Ste.-Croix nous fûmes cinq 
jours en route; à demi -lieue de Glimij^ 
nous passâmes un petit rujsjseau d'une eau 
très-claire, et abandonnant une route qui 
paroissoit frayée , noua nous rendîmes à 
une grande maison dans la plaine , d'où 
fiQU» entrâoxes de nuit daxïs u^e forêt trè8;« 

D 



(50) 

noire* Le lendemain nous allâmes à xaim 
maison de Juifs située sur une colline , et 
nous y passâmes la nuit : delà nous en- 
trâmes dans des défilés, le long de la mer. 
Cette journée fut très-dure à cause des 
mauvais chemins entrecoupés de bois et de 
montagnes. A huit lieues enriron de Ste.<* 
Croix , nous passâmes à gué une petite ri- 
vière , près de laquelle se trouve une an« 
cienne maison bâtie à la françoise : elle est 
abandonnée. A une demi4ieue tout au plus 
de cette maison , existent les débiis d'une 
Tille dont nous ne pûmes savoir le nom ; • 
mais sa situation et son étendue prouvent 
qu'elle devoit' être considérable. Delà nous 
nous rendîmes dans des plaines bien 
cultivées qui nous conduisirent sur le bord 
de llEi mer. Alors nous traversâmes sur des 
chameaux la rivière qui baigne les murs ds 
8te.-Crbix. Les- Maures de cet endroit font 
presque leur unique occupation de lapèche; 
leurs barques sont faites comme de grandes 
pirogues , et on les hâle tous les jours à 
terre. 

' Arrivés à Ste.*Grôix, nous fûmes obligés 
ide donner deux mousounnes par chrétien , 
ce qui fait environ cinq sous enr argent de 



( 5i ) 
France. Cëtteivilien^a rien de remarquable. 
Elle étoit autrefois une des plus commer- 
çantes de toute la Barbarie. Elle est presquef 
rainée et nest défendue que par un très- 
Biaùvais fort qui n^a que douze canons ; 
ecicore sont^ils: hors d^état de servir. Nous 
couchâmes près d'une fontaine, ouvrage 
des Portugais qui avoient possédé cepays. 
Kotre route se continua sans accident ^ mal* 
fpé la difficulté des chemin» pratiques à; 
n'arers les rochers*, les précipices et les 
ibrâts qui se trouvent sur rAllas^dont ht 
chaîne commcHCfeà Ste.-Groix de|Barba«. 
FÎe, et nous arriTames à Mogodot id ai> 
d^vril. r- .,-r. ' . 

Messieurs les iségocians anglois à que nous: 
étions adressés .par Bentahar ,nous reçurent 
très^bien , et nous conduisirent bhez MM. 
Gabanes et Déparai né^ocians fran<^isi Nous 
ttYrarâmes à ho tire àirrivée chez cesmessieur^ 
kss lettres les plnsr satisfaisantes de M. Mure^ 
tice- consul de France.^ résident à Salé» 
La.bonté de son cœur y éiôlt peiiite ; et sans 
nous découvrir les moyens qu'il employoilr 
poiit nous arracher il Pesclavage ^ il nous 
l^issoit dansVentière persuasion cpi^iln'avoilr 

D a 



(52) 

rien tant à cœur que nôtre délivrance*- 
La ville de Mogodor appelée ainsi par 
les Européens , du nom d'une petite isle 
située au sud de cette place , et qui fait la 
sûreté du port ^ n^est connue des Arabes 
que sous celui de Souera. C^ést une villa 
neuve , et ie seul endroit où les Chrétiens 
fassent librement le commerce. Elle avance 
en mer sur un banc de rochers , et est de 
toute part environnée de sables. Elle a 
vers son port trois fortes batteries pour la 
défendre ; la principale est de vingt- 
quatre pièces de caïion du a4« Le soin de 
ces batteries est confié aiix renégats iran-i 
çois. Us sont environ deux cents cinquante ^ 
tous soudoyés par Témpéreur. Cette villo 
est habitée par des Chrétiens de toutes lès 
nations, des Juifs , auxquels Tempéreur 
fburiut des. fonds , et des Maures qui s^adon^ 
nent au commerce. C^est la ville la mieux 
fortifiée et la plus commerçante de tbuC 
Fempire de Maroc. Les Chrétiens y ont 
deux prêtres de la mission espagnole s et 
y exercent librement leur religion. 

Le commerce se faisoit autrefois à Ste.- 
Groixde Barbarie, mais rempereurrégnant|; 



(53) 
fbndatôur de Mogodor ordonna aux négo- 
cians de se transporter dans cette dernière 
.ville , et Ste. -Croix est devenue déserte. 

J^ignore quel motif engage les François 
h ne point donner aux yiHes de ce pays 
les noms qu^'elles portent* Tout est changé 
sur cet objet. Ste. -Croix n^est connue des 
Arabes que sous le nom de Agader ; Mo- 
godor sous celui de Souera , et ainsi des 
autres. Le nom qu^on donne en France à 
ces villes , n^étant point connu dans le 
pays^ met les voyageurs François qui veu- 
lent parcourir la Barbariedans l'embarras 
le plus grand. 

Le gouverneur de Mogodor , instruit de 
notre arrivée , nous fit venir en sa pré- 
sence. Cet homme est doux et affable, il 
ne sait ni lire ni écrire , et n'est parvenu 
à ce gouvisrnement que par une bravoure 
dont il a donné des marques éclatantes 
cous les yeux de l'empereur. Il fit prendre 
nos noms par les Talbes ou prêtres ma* 
hométans , et expédia à l'instant même un 
Courier pour instruire l'empereur de notre 
arrivée. 

Ce prince , à cette nouvelle , entra dans 
une colère horrible». Il avoit donné depuis 

D 3 



(54) 
deux mois les ordres les plui^ précis aux 
^ouTerneurs des provinces volsijaes du dér 
sert de faire tous leurs efforts pour notiA 
arracher des mains des Arabes errans. Ex- 
trêmement jaloux de son autorité , il 1^ 
croyoit compromise dans cette affaire : il 
ne pouToit supporter Tidée que des Chré- 
tiens eussent été plus promptement obéis 
que lui dans ses états. Il écl^da en me^ 
naces , coocidamna à mort 1^ Arabe que les 
Anglois avoient envoyé à notre secours i, 
écrivit auxnégocians dans le&tèrmes les plus 
durs , menaçant de faire brûler vif le pre- 
mier qui, dans la suite, oseroit se méleor 
ûu. rachat d'aucun captif , de quelque 
nation qu'il fat. On défendit à tous les 
capitaines des navires en rade de se •charger 
de nous. Notis étions observés avec soin i 
on ne nous laissoit point éloigner de la 
ville. 

' Bontahar , instruit à temps des desseins 
de Temperèur et de Tarrét de mort porté 
43ontre lui , sauva sa vie et sa fortune par 
une prompte fuite chez les peuples qui 
nous avoient retenus en esclavage. 

Quelques présens lâchés adroitement aux 
aultanes favorites firent évanouir» la colère 



(55) 

du prince. On lui fit entendre que ce n'é-- 
toient point les négocions qui nous avoient 
achetés ; mais que nos parens , instruits de 
xios malheurs^ leur avoient fait passer les 
fonds nécessaires ; quUgnorans ses loix et 
sa volonté , noua avions pu , sans croir^ 
Toffenser , traiter nous -< mêmes de notre 
rançon. Il voulut bien se. rendre à ces 
raisons , mais il voulut nous avoir en son 
pouvoir : ce qui fit que le lâ mai le gou-r 
vemeur de Mogodor nous fit venir sur la 
place publique. Là , par ordre de son maître, 
il fit compter aux négocians irançois Tor*: 
gent qu'ils avoient avancé pour notre dé- 
livrance. Il leur dit que l'empereur leur 
pardonnoit ainsi qu'à l'Arabe qu'ils avoient 
employé pour mettre fin à notre misère ; 
puis nous remit entre leurs mains , après^ 
avoir fait connoître au peuple que nous 
appartenions à l'empereur. 

De libres que nous étions , nous noua 
vîmes replongés à l'instaxit dans l'escla- 
vage : cependant on ne nous faisoit point 
travailler. La manière dont le gouverneur 
nous accueillit, le respect que les Maures 
avoient pour nous , la Uberté qu'on nous 
laissoit d'aller où nous voulions , les nou* 

D 4 



Telles qii^on nous donna du resté d# 
Téquipage , tout contribua à rappeler le 
calme dans notre esprit. 

Ce fut alors que nous reçûmes nos pre« 
ttiers liabillemens à la irançoise. On nous 
donna à chacun habit , veste et culotte de 
drap bleu , trois chemises , deux mouchoirs , 
une cravate de soie , un chapeau , un 
bonnet et deux paires de souliers. Dépense 
qui se montoît environ à la somme de 36 
piastres fortes pour chacun de nous. 

On nous avoit appris que le gouverneur 
de Terondan, fils de l'empereur, s^étoit 
avancé du côté du cap de Nun , i la tète 
d^une armée de huit mille hommes. U 
avott ordre dWoîr les François , ou par 
argent ou par force. Nous espérions un 
Heureux succès de cette entreprise; mais 
les négocians françois en pensoient diffé- 
remment. Ils nous disoient , ce qui causa 
toujours du retard aux ordres de Tempe- 
reur , vient de ce quece prince ne débourse 
famais rien. Il charge ordinairement les 
Juifs de faire les avances , et ne les teva* 
bourse pas. Il lea croit encore trop heu-* 
reux de lui avoir obéi aux dépens même 
de leur fortune : de-Ià viennent les lenteurs 



X57) 
que les divers particuliers de cette nation 
ne manquent point d'y apporter. 

Le i5 juin , sur les dix heures du matin , 
on nous donna ordre de partir pour Maroc. 
Une caravanne nombreuse , qui servoit d'es- 
corte aux deniers royaux provenans des 
droits des navires relâchés à Mogodor , 
nous servoit de sûreté. Les négocians fran- 
çois et anglois furent les seuls qui vinrent 
nous conduire-, ils nous quittèrent les lar- 
mes aux yeux, et nous promirent tous 
leurs secours en cas que nous ne pussions 
pas obtenir notre liberté de l'empereur. 

La route de Mogodor à Maroc né fut 

Î)oint pénible ; en quaUté d'esclaves de 
'empereur on nous donna à chacun une 
mule , au grand déplaisir des Maures aux- 
iquels elles appartenoient. Le roi ne paye 
jamais ^ et ces gens furent obligés de nous 
suivre à leurs frais jusqu'à Maroc ^ -au lieu 
de vendre leurs denrées à Mogodor. 

Le Juif, écrivain principal de l'empe* 
ireur , avoit ordre de pourvoir à nos be- 
soins. Lé soir, en arrivant, ce misérable 
vouloit nous obliger de décliarger les cha- 
meaux , d'aller chercher le bois , eto. • • » 
'- L*alcaïde| chef de la caravaime y s^en 



(58) 

étant apperçu , ordonna aux Maures d^avoir 
soin de nous : maltraita les Juifs , et no 
leur permit do suivre la caravanne , dont 
ils profitoient pour la sûreté de leurs mar-r 
chandises , qu^à distance de demi - lieue 
environ. 

Nous arrivâmes à Maroc le 20 juin , sur 
les deux heuf es , bien fatigués de la chaleur 
qui avoit fait périr trois juifs et quatre cha^ 
meaux. L^alcaïde vouloit à son arrivée 
nous conduire à Tempereur ; mais ce prince 
étoit parti le matin à la tête d^une armée 
de douze mille hommes , pour punir des 
rebelles qui avoient battu ses lieutenans , 
et s^étoient réfugiés sur TAtlas. L'empereur 
«l'étant point à Maroc , on nous confia amç 
soins des prêtres de la mission espagnole » 
qui avoient un couvent dans le quartier 
des Juifst 

Le prieur , rempli de cet orgueil si na^ 
turel k sa nation , notis traita avec une 
fierté insupportable : il nous vanta le bon- 
heur que nous avions d'éprouver les bontés 
de sa communauté : il nous traita en es« 
cdaves plutôt qu'en Chrétirâs \ et nous refusa 
jusqu'aux choses de la première nécessité ^ 
quoique M. Mure , notre vioe-» consul ^ lui 



(59) 

^t envoyé les fonds nécessaires à nos 
besoins. 

Heureusemeat Tabsence de l'empereur 
ne fut pas loiague. Sa présence ^yoît fait 
rentrer les rebellés dans le devoir : il su^: 
Tiotre arrivée , voulut nous voir aussitôt ; 
ce fut le sl8 de juin ^ que nous eûmes le 
bonheur de paroître <Bn sa présence. Nous 
le desirions ardemment, et quel qu'eût été le 
«ort qu'on nous^ût réservé , nous l'aurions 
sans doute préféré à celui de rester avec les 
très-révérends pères de la mission espar 
g^ole. 

Lorsque nous parûmes au missoire , 
l'empereur étoit occupé à faire manoeuvrer 
«es ti:oupes. U £t aussitôt cesser l'exercice, 
nous JËlt approcher de sa personne , nou; 
parla avec une bonté de cœur peu attendue i 
nous interrogea sur les nomiS des lieux où 
nous avions été séparés de nos pompa-» 
gnons d'infortune , sur ceux des maîtres à 
qui ils appartenoient ^ et nous promît de 
Xious .£^e passer sous peu en France. Il 
a 'informa de la manière dont on nous trai-: 
toit au couvent ; sur nos plaintes , il noua 
confia aux soins du Bacha-Kailabè^ i en le 
rendant responsable sur sa tête de ce qui 
pourroit nous arriver. 



(«o) 

Nous troiiT&mes à Maroc vun novice d# 
notre équipage , qui ayoit été pris y par les 
Arabes errants , pour un homme de grand 
nom. Ils l'avoient conduit à Teroudan , 
fiu fils de Fempereur , q^i Tavoit envoyé à 
son père. Nous restâmes b^it jours dans la 
ville de Maroc : tous les habitans nous fai- 
soient beaucoup d'amitié Cette ville est 
grande , bien peuplée , mais mal bâtie : les 
maisons en sont peu élevées , et les rues 
Xbrt étroites. U y a beaucoup de places où 
ae font les marchés. Nous y allions tous les 
jours* Esclaves de Tempereur , nous étions 
pour les Maures des personnes sacrées. 
Aussi vîmes^nous sans peine tout ce qu'à 
y avoit de curieux dans la ville. Entre 
autres choses > nous remarquâmes une tour 
très-élevée sur laquelle un hommç à cheval 
peut monter. On la découvre de dix lieues y 
quoique Maroc soit situé dans une plaine^ 

Le 5 juillet , le Bâcha ayant eu ordre de 
préparer sa troupe , nous parûmes denou-* 
veau devant Tempereur qui nous donna 
la liberté : nous étions loin de nous y at<» 
' tendre. On parloit de guerre avec les Fran* 
çois , la maison de commerce à Mogodor 
B^arboroit plus le pavillon blanc , Ton di^ 



( «i ) 

toft 4ue les Trançois youlolent ayoîr raison 
de rinsulte £uté à M. Chenier , consul de 
France , à Salé , que Fempereur ayoit 
chassé de sa présence d'une manière outra* 
géante. MM. Cabanes et Depras , de 
Mogodor , faisoient passer en France le 
plus de fonds qu'ils pouvoient, et M. Royer, 
de Marseille, venoit de s'embarquer , aban« 
donnant sa maison. Ces raisons 9 qui parois-^ 
soient devoir prolonger notre servitude , 
furent sans doute celles qui hâtèrent notre 
liberté. L'empereur voulut réparer sa faute, 
ce qui l'engagea à ne point nous- retenir plus 
long-temps ; peut-être notre délivrance fut- 
elle occasionnée par la reconnoissance : on 
venoit d'apprendre à Maroc que deux cens 
Maures avoient été secourus par un navire 
de Marseille , qu'en vain ces gens s'étoient- 
ils présentés dans les poi^s mahométatis 
ou d'Italie ^ que par-tout on leur avoit 
refii^ les secours dont lia avoient besoin > 
et qu'ils seroient morts de misère sans 
l'assistance de ce navire de Marseille ; qu'ils 
4toient en quarantaine daiis cette ville ^ 
d'où Us dévoient partir au premier moment 
favorable pour se rendre dans leur patrie^* 
Qupi qu'il cttsoit , l'empereur nous ayant 



(Sa) 
fait donner à chacun trois piastres fortes 
de gratification , nous partîmes le cinq , 
1l>ien montés , ayant pour escorte huit cens 
hommes d'infanterie , et deux cens hommes 
de cavalerie. 

Les soldats maures avoient soiil tous les 
jovrs de dresser notre tente près de celle 
du gënéraL Nous parcourûmes avec cette 
escorte la plus grande partie des yilles de 
la Barbarie : notre petite armée recevoit 
par-tout des renforts. Elle lut reçue dans 
toutes les villes avec honneur : les habi- 
tans d^Azimor'se distinguèrent; ils vinrent 
demi* lieue environ à notre rencontre, 
firent le jeu du feu, et nous donnèrent le 
spectacle le plus intéressant delà manière 
de combattre des Maures. 

Nous trouvâmes eri cette viHe un capi- 
taine de Marseille, qui s^étoit fait renégat 
pour se soustraire à cinq cents coups de 
bâton qu'il devoit recevoir à cause de son 
naizfrage près' de cette ville. L'empereur 
A porté cette loi , car ce prince prétend 
qti'ii n'est pas possible ^ à moins * de le 
Vouloir , d'échoiier sur ses côtes. lies ca-. 
pitaines seuls qui viennent en Barbarie ,; 
sont exempts de subir cette punition. 



(63; 

^ ITous séjournâmes devaat Azimor o-à la 
bâcha fit une levée de trois cents hommes: 
îi leur donna à diacun environ dix onees, 
et ils se mirent^ en marche avec nous» 
Kous passâmes , le même jour de la levée 
des troupes , la rivière des Lions, y et 
campâmes à l'autre bord : nous paroou-: 
rûmes ensuite la côte, et ne vîmes que les 
débris des villes de Darzbedda , Montforia^ 
Fœdal et autres qui , ne sont plus connue» 
qu'à cause du conunerce de grains qud 
l'on y fait. 

Arrivés près de Rabate , on dfesék Id 
camp: le bâcha ayant donné ses ordres^ 
prit une escorte particulière, et vint nous 
remettre au gouverneur de la place , qui 
doilna aussi - tôt avis de notre arrivés k 
M. Mure, vice-comsul de France. Ce Inrave 
et honnèle François vint nous recevoir^ Sa 
Surprise fut extrême loiisqu'il 8«it les^ hon« 
iieu^s quVn nous avoit faits dana touted> 
les villes de la Barbarie. Voulant profiter 
de- mom^ns aussi heureux^ et craignant 
Quelque' retour delà vQlonté de l'empereur,' 
Ur fit préparer les choseë hécessaires pouK^ 
fiotre voyage , et nous fit fénxc pof» Tanger^ 



(66) 
nous procurer le plus prompt retour dans 
les dififérens lieux de notre naissance. Je 
m'embarquai le a8 août sur le navire le St. - 
François -de -Sales du port de deux cents 
tonneaux , capitaine Sénécal de Dunkerque. 
Notre traversée fut longue et dangereuse. 
J'eus beaucoup à soufFrir dans ce voyage , 
j 'a vois très-peu de linge , et j'étois obligé de 
«coucher sur les voiles et cables dans Tentre* 
pont. Nous arrivâmes enfin à Ostende le 
11 octobre, après avoir été cînq jours 
devant le port. Le 12 le capitaine me con- 
duisit à Dunkerque , et me remit au bureau 
des classes. Le commissaire visitâmes passe- 
ports et m'expédia le i3. Je partis de Dnn« 
kerque le 14» et ayant été obligé par foi* 
blesse de séjourner à Lille, j'arrivai à St.- 
Quentin ,1e ai du mois d'octobre 1784. 

Les diverses digressions qui se trouvent 
idans ce mémoire ne suffisent pas pour faire 
naître une idée juste des mœurs et coutumes 
des pays dont j'ai parlé. J'ai cru qu'il ne 
seroit pas inutile de donner quelques no- 
tions des peuples parmi lesquels j'ai fait 
quelque séjour. 



( e? ) 

L Ê s A A R A. 

Tout le monde sait que les peuples qui 
habitent les pays de la Barbarie jusqu^aa 
Niger, sont un assemblage de diyerses^ 
nations^ Les Maures occupent les trois 
royaumes de Suz , Fez et Maroc Le Bile* 
dulgerid , dans la partie qui baigne TOcéaa 
atlantique , est habité par les Arabes na« 
turels du pays , et par des Maures fugi* 
tifs de l'empire de Maroc ; trop éclairée 
pour rester sous la domination d^un maî- 
tre qui exerce sur sqs peuples un pouvoic 
absolu , et qui fait consister sa sûreté et 
son bonheur dans la misère de ses sujets. 
Cet assemblage ne forme qu^une même na- 
tion connue indistinctement sous le noni> 
de Monselemines. Le* Saara , jusqu^au Ni- 
ger , renferme diverses nations errantes ; 
elles sortent toutes d'Arabes , Maures et^ 
fugitifs Portugais qui s'y réfugièrent lors- 
que la famille des Ghérifs s'empara des 
trois royaumes de Barbarie. Tous ces peu- 
ples du Saara portent ûïdistiiiotement les 
noms de Nars , Maures , ou Arabes. Ils sont 
subdivisés entr'eux^et les plus considéra- 



(68) 

blés sont les Mongearts , Trasarts et Brao 
narts. La première de ces trois dénomi- 
nations est un terme de mépris chez les 
peuples qui les environnent; sans doute 
parce que ceux qui les portent , moins faits 
aux armes que leurs voisins , ne s'occu- 
pent pour Tordinaire que de la garde et 
del'entretien de leurs bestiaux ; que les Moa 
^lemines , au contraire^ quoique pasteurs, 
sont cependant tous guerriers. Ces derniers^ 
accoutumés au meurtre et au pillage , pro- 
fitent de leur supériorité et de leur 
nombre pour écraser ces peuples , qui ne 
sont déjà que trop malheureux par la sté- 
rilité du pays qu'ils habitent. L'âpreté du 
climat leur sert , il est vrai , de barrières ; 
mais dans le mois d'août^ septembre et 
octobre , temps de la crue des eaux , obli* 
gés de quitter les plaines pour se réfugier 
sur les montagnes , ils deviennent presque 
toujours la victime de leurs voisins qui 
ne se font aucun scrupule de les piller, quoi- 
qu'ils professent la même religion. " - 

On pourroît encore attribuer la cause de 
la détresse de ces nations à un autre motif; 
c'est celui de la religion. Lorsque les Ché- 
riis s'emparèrent des ^ trois royaumes de 



BarBarîe , les Portugais qui oçcupoîent les 
villes , les évacuèrent et se réfugièrent dans 
leur patrie ; mais le peuple de la cam- 
pagne n'eut pas cet avantage. La plupart 
d'eux , pour conserver leur vie , renon- 
cèrent à la religion chrétienne , et furent 
maintenus dans le pays : ceux qui ne se 
firent point mahométans , furent impitoya* 
blement égorgés. On se ressouvint malgré 
le changement de religion que ce peuple 
avoit été chrétien. Les vainqueurs les acca- 
bloient journellement d'insultes ; ils pil- 
loient leurs biens , enlevoient leurs femmes , 
violoient leurs filles , et se portoient envers 
eux aux cruautés les plus grandes. Ces peu- 
ples, pour se soustraire à la tyrannie , seréfu- 
jgièrént dans le Saara,où trouvant quel- 
ques hordes malheureuses d^ Arabes peu in* 
dustrieux , ils ne formèrent avec eux qu'une 
seule et même nation. L'habitude de piller 
ces infortunés s'est transmise de postérité 
en postérité, et ils n'y sont que trop mal- 
heureusement exposés. 

Je ne parlerai point ici des Trasarts et 
des Bracnarts , ainsi que d'autres peuplés 
répandus sur la rive nord du Niger. Ces 
notions ont trop de rapport avec ce qui 

E 3 



(70) 
regarde le commeroe i je me réserve à en 

parler succintement lorsque je traiterai des 
divers peuples Maures et Nègres qui font 
"le commerce du Sénégal , dont aucun his- 
torien n^a donné de notions sûres. 

Il n'est pas possible qu'un peuple ton- 
jours errant, toujours fugitif , composé de 
l'assemblage de diverses nations , qui ne fait 
pas même un corps distinct et séparé , n'ait 
adopté une partie des usages et des supers- 
titions de ses voisins , quelle que soit leur 
manière de penser , ils n'ont que l'appa* 
rence et le nom de Mahométans. On re- 
marqué dans leurs coutumes les principes 
de la loi naturelle , elle est empreinte dans 
presque toutes leurs actions. 

La religion^ suivant ce peuple, est le 
mahométisme dans toute sa pureté. Us 
font trois fois le jour la prière , quelque- 
fois plus souvent : elle ne se fait publique* 
ment que lorsqu'il y a dans la horde un 
prêtre mahométant qui n'y vient ordinai- 
rement que pour l'éducation des enfans. 
Alors tous les Arabes , aux heures de la 
prière , s'assemblent ; iU se mettent tous 
sur une même ligne , se tournent vers le 
leyant ; faute d'eau dans le désert , ila $• 



(70 

frottent la fignre et les bras avec du sable $. 

et le prêtre entonne la prière générale } 
c'est la même que le crieur publ.ic. en- 
tonnée sur les mosquées , dans las pays ci* 
yilisés. L'occupation des prêtres est de 
courir le pays pour instruire les ei^ifans* 
Cette éducation n'a rien de forcé. On ignore 
dans le désert la coutume de contraindre 
les volontés. Les petits garçons le matin, 
s'assemblent d'eux-mêmes aux lieux d'ins-^ 
truction ; c'est pour eux un endroit de 
récréation. Ils y vont avec une petite plancha, 
sur laquelle sofit écrits les caractères arabes^ 
et quelques maximes de l'Alcoran. Les 
plus grands et les plus instruits reçoivent 
directement leurs leçons des prêtres , et 
les communiquent ensuite à leurs compa- 
triotes. Ce sont Içs enfans qui se montrent 
à lire les uns aux àutrçs. Jamais on ne les 
corrige. Ce seroit un arime dç battrç un 
enfant , qui , suivant le^ idées reçues , n'a 
point .a5§ez de r^^pn ,jpour distinguer le 
bien du mal. Cette . opiniçn engage .ces 
peuples à tenir la même conduite en^yari 
côux qui ont le malheur d'être désavan- 
tagés de la nature. Les sourds , les n^u^et^ 
et les foux jouissent des mêmes prérojga- 

E4' ^^ 



(7») 
tirés : on les regarde comme des êtres si 

malheureux par leur état , qu'on a une 
complaisance aveugle pour satisfaire leurs^ 
désirs. Cette coutume est invariable chez 
tous les Mahométans. U n'existe de dîffé-^ 
rence chez les nations civilisées que sur Vkgo 
auquel V^^^^uit peut être sujet à la correc- 
tion. Jamais elle n'^a lieu dans le Saara. La 
xiatiire abandonnée à elle-même et Texeuiple 
soiit l'unique éducation d'un peuple égal 
dans ses principes comme dans ^es erreurs. 
Si Tenfant s'ennuie des exercices publics , il 
Ifes quitte à sa volonté î point de contrainte , 
jioirit de reproches ; il vient s'occuer àgar-p 
der les troupeaux de son père : aussi on 
eil trouve fort peu parmi eux qui sachent 
lircé Ceux qui persévèrent dans l'étude 
de l'alcoran devieipienf prêtres , aprè^ avoir 
subi les épreuves devant les vieillards ins- 
truite , et jouissent de tôtite la considération 
publique. Ces derniers il'ont pas besoin de 
bestiaux , ceux de la nation sont les leurs ^ 
ils trouvent leur subsistance par-tout. 
* C^èsi ordinairement à l'âge de sept à huit 
ails que l'on fait Subir aux enfans l'opéra- 
tion douloureuse deïa circoncision. Oiiléur 
rase aussi la tête , sur laquelle on ne laisse 



(73) 

que qtiatrc toupets de cheveui : ctaque 
toupet est abattu dans une assemblée de 
famille à chaque action remarquable que 
fait l'enfant. Si à l'âge de 12 à i3 ans il 
tue un sanglier ou autre bête féroce qui se 
seroit jetée sur son troiipeau , on lui abat 
un toupet; Si dêuis le passage d'une rivière 
il sauve à la nage un chamèàù qui se lais- 
seroit emporter au courant , on lui en abat 
un second. S'il tue un lioh^ un tigre ou un 
homme de nation ennemie ^ dans une sur- 
prise ou dans une attaque ^ on le considère 
comme homme, et on lui rase entièrement 
la tête. Rarement il parvient à l'âge de 
vingt ans sans avoir mérité Cet honneur ; 
comme ils ont honte d'être traités en enfans , 
ils s'exposent aux plusgraricfs dangers pour 
avoir la tête tondue en entier. 

Les connoissances du peuple , ses besoins j 
ses loir étant très -peu de chose, il n'est 
pas surprenant que les enfàris causent avec 
les hommes^ et soutiennent des conversa- 
tions suivies. L'âge * est' inutile ainsi que 
l'expérience?, n'ayant pas^ teàbin de beau- 
coup dlristriiction pour être au fait des 
coutumes ileleur nation: delà viennent cette 
hardiesse, cette valeur, cette témérité, qui 



(74) 
conviennent si bien à rhomme^ et qu'au-» 
cun peuple ne possède à on si haut degpré 
que ces sauvages. 

Dans le Saara on observe Thospitalité 
dans toute son étendue. A peine un étran* 
ger arrive-t-il devant les tentes, que la pre- 
mière personne qui Tapperçoit^lui indique 
la tente où il doit aller. Si le maître n'y 
est point j la femme ou Tesclave va à sa 
rencontre^ le fait arrêter à vingt pas de 
cette tente, ^t lui apporte une portion de 
lait pour se rafxaîchir. Ensuite on dé- 
charge ses chameaux , on arrange ses effets 
autour de lui, on lui donne une natte dont 
on se prive, et ce qu'il faut pour se cou- 
vrir afin d'être, à Tabri des injures de l'air. 
On prend ses a^^ies, et on les dé(>ose près 
de celles du maître de la tente > soit pour 
qu'elles n'aient point à souffrir du serein^ 
soit pour se préserver des mauvaises inteu- 
tions que pouiTf pit ,avoir un .iaconiiiU. On 
lui prépare ensuite de quoi. ma/»ger. S'il 
n^y a rien à la tente , comme c^la arrive 
souv^it,on se procure promptement quel- 
que mets dans I^s tentes voisines^.; ^^ voyf^- 
geur est toujours sûr d'avoir quelque chose i^ 



(75) 
car on se passeroit plutôt cle souper , 

que de ne rien lui donner. C'est une loi 
générale qui n'est jamais enfreinte. Les 
devoirs de l'hospitalité sont si grands et 
si respectés / qu'un ennemi qui auroit blessé 
ou tué le maître d'une tente , y trouve lui 
asyle sacré et inviolable, quoiqu'il soit en- 
vironné de ceux qui naturellement doi- 
vent le plus désirer sa perte. 

La tente du chef est toujours celle que 
l'on indique. Cet homme qui ne gagne pas 
plus que les autres^ ne pourroit, si la cou- 
tume n'y avoit point pourvu, nourrir à ses 
frais tous les étrangers qui passent vers les 
tentes de sa horde, ni se nourrir lui-mêra© 
ainsi que ses esclaves j puisqu'il est tou- 
jours occupé pour les affaires de sa bof de : 
toutes les tentes contribuent à former ses 
provisions. Chaque particulier lui fournit 
ordinairement par semsûne deux livres 
d'orge moulu , ce qui lui fait un très-grand 
avantage j sur- tout lorsqti'il ne lui survient 
pas beaucoup de voyageurs à nourrir. 
Comme c'est ordinairement le plus riche 
en bestiaux , que l'on choisit pour chef, 
il a toujours suffisamment de lait; mais en 
cas de besoin on lui en donneroit partout. 



l7B) 

DlfFérens des autres Arabes leurs yoismff, 
les Mongearts n'inquiètent personne sur 
la religion. La seule qui ne soit pas tolérée 
parmi eux, c'est la juive; sans doute à 
cause des préjugés de leurs ancêtres qui 
suivoient les coutumes des Portugais. On 
ne voit point de gens de cette nation chez 
ce peuple ; et si un Juif avoit le malheur 
de s'engager sur leurs terres, et dy être 
pris , il seroit immanquablement brûlé vif. 
Il est très-facile de 'es reconnoître à leurs 
figures et aux accoutremens distinctifs ^ 
qu'ils sont obligés de porter dans toute 
l'étendue de la Barbarie où ils forment un 
peuple nombreux. 

On rend un respect infini aux vieillards : 
n'importe de quelle famille ils sont. Ils 
jouissent des mêmes prérogatives que les 
prêtres, et s<5nt aussi considérés qu'eux, 
et que les Arabes qui ont eu le bonheur 
de visiter le tombeau de Mahomet à la 
Mecque. Ces derniers sont distingués dans 
la nation par le terme de Sidy^ qui signi- 
fie maître, pendant que les autres ne por- 
tent que le nom distinctif qu'ils ont reçu 
en naissant/ S'il arrive que dans la même 
femille deux particuliers portent le même 



<77) 
nom, on les distingue par celnî de leur 

père; par exemple^ l'empereur de Maroc 
est distingué de la sorte, son nom propre 
e^t Mohammet. Mais comme dans la na- 
tion beaucoup de Maures portant le même 
nom^ et qu'on pourroît le confondre, on 
le nomme comiaunément Ben Al/della. 

Les vieillards sont ainsi que les chefs 
de horde les juges de la nation. Ils con- 
noissent de toois les différens ; il n'y a que 
la peine de mc^t qu'ils ne peuvent pas 
prononcer. Il faut pour cet objet une sls^ 
semblée de plusieurs chefs de la horde ; 
et comme l'accusé a toujours beaucoup 
d'amis , il est rare qu'il subisse ce châti- 
ment pour les autres causes. Les vieillards 
prononcent sans appel, et les décisions 
sont à l'instant exécutées. 

Les guerres de nation à nation sont 
rares : les différentes familles se détruisent 
assez par elles-mêmes ; cependant lorsque 
ces peuples sont obligés de se réfugier sur 
l'Atlas pour passer la mauvaise saison , ils 
se rassemblent en plus grand nombre qu'ils 
peuvent , et marchent en ordre ; pasteurs 
on guerriers ( ces termes sont synonimes ) 
tout homme en état de porterie sarmes les 



(7«) . 
porte ) et se présente au combat avec valeur ; 

ils se choisissent des chefs pour les con-- 
duire , et leur obéissent aveuglément. L^ex- 
pédition finie , le chef n a plus d'autorité 
que sur sa horde; car c^est ordinairement 
parmi les chefs que Ton choisit les géné- 
raux. Dans ces marches , les captifs et les 
femmes conduisent lesr troupeaux, et les 
hommes les suivent prêts à se battre. Les 
cavaliers sont à la découverte ; et lorsqu'ils 
apperçoivent quelque chosç , toute la cara* 
vanne fait halte , et se dispose au combat. 
Jamais il n^est sanglant. Si les aggressenrs 
sont les plus forts , ils se contentent de 
piller le bagage : s'ils se croyent moins 
forts , ils n'attaquent pas. Toutes les nuits 
on campe; et pour éviter toute surprise 
on place des sentinelles en avant , et ils 
crient continuellement pour prouver qu'ils 
ne dorment point. Cette méthode n'est pas 
bien prudente ; mais comme leurs ennemis 
en usent de même , ils se distinguent de 
fort loin. J'ai vu avec surprise que les trou-* 
peâ disciplinées de l'empereur de Maroc 
auivoient le même usage. 

La guerre n'est pas le fléau le plus re« 
doutable pour la nation; car dans les cobl* 



(79) 
bats il y a toujours peu de sang répandu. 

Les attaques particulières font de plus 
grands ravages. Tout le peuple est voleur ; 
le vol même est en quelque sorte autorisé 
par les loix ; il ne s^agit pour le faire im* 
punément que de se mettre à Pabri des 
^poursuites , en ne se laissant point prendre 
sur le fait; il est vrai que le vol est puni 
sévèrement de case à case , c'est-à-dire , si 
un Arabe en vole un autre de sa horde } 
mais pour qu'il soit puni il faut qu'on 
l'apperçoive faisant le vol. Le vol n'est un 
crime que le jour, la nuit la loi l'autorise ; 
sans doute pour obliger les naturels à avoir 
un soin plus particulier de leurs bestiaux. 
S'ûs avoieut à se plaindre quand on les 
vole de nuit , ils se tieindroient moins sur 
leurs gardes , et leurs troupeaux seroient 
plus exposés à la voracité des bêtes féroces 
dont le pays est couvert. Obligés au con- 
traire de se tenir sur leurs gardes , même 
contre leurs voisins , ils sont toujours prêts 
à repousser les animaux qui , de temps à 
autre , viennent attaquer le bétail. Ces rai-- 
sons sont cause que , sur le soir , les femmes 
et enfans ont le plus grand soin de mettre 
«Qus la tente tous les objets qui peuvent 



(8o) 
ttre enlevés. Sî quelques-uns de leurs roi,^ 
sins ou amis yiennent les visiter , ils les enyi« 
ronnent et examinent toutes leurs démar* 
, ches. La difficulté de prendre^ sans être vu , 
le peu d'objets qu'il y a à enlever , et la pu- 
nition attachée à ce crime si l'on est surpris , 
font que le vol est fort rare. Lorsqu'un 
objet est enlevé , sans qu'on s'en soit ap- 
perçu , il appartient au ravisseur; en vain 
le maître le reconnoîtroit-il dans la tente 
de son voisin , il ne peut le réclamer ; car 
il cesse d'être à lui du moment où il n'a 
pas été assez vigilant pour le garder. De«là 
vient l'inclination de ce peuple pour la 
rapine ; il ne croit pas commettre un crime ^ 
et ne suit en cela qu'un usage permis par 
ses loix. 

Souvent lorsqu'un Arabe se rend au 
marché , ou qu'il en revient , s'il n'a pas 
eu le plus grand soin de tenir son voyage 
secret , il est attaqué. Des Arabes voisins 
veulent profiter de son industrie ; et comme 
il n'y a point dans le pays de personnes 
en campagne établies pour arrêter les bri- 
gands, l'espoir du butin les engagea l'at- 
taquer. Pour n'avoir rien à craindre , ils 
atteadent yers la nuit celui qu'ils veulent 

dépouiller.. 



( 8i ) 
dépouiller. Leur projet n'est jamais de tuer; 
ils tâchent seulement de surprendre , de 
désarmer et de s'emparer de tout ce qu'on a.: 
Mais quelquefois celui qu'on veut atta- 
quer, et qui connoît les coutumes de son 
pays, a l'oreille au guet, est sur ses gar- 
des ; et au premier mouvement de ceux qui 
l'attendent, il fait feu sur eux, et se bat 
ensuite opiniâtrement avec son poignard. 
^Le bruit du coup de fusil attire presque 
toujours des Arabes voisins , qui , exi vertu 
des loix de l'hospitalité , prennent la dé- 
fense du plus foible. Ils accourent bien 
armés, et alors malheur aux aggresseurs, s'ils 
ne se sont point dérobés par une prompte 
fuite. 

Us ne portent donc que des poignards , 
à mollis que aané le jour ils n'aient bleu 
reconnu le pays. N ^importe qui succomba > 
l'affaire en reste toujours là. Lp mortpiisse 
pour l'aggresseur , et jamais le^ familles no 
prennent parti pour obtenir vengeance. On 
se contente seulement d'enterrer les morts 
où ils ont été tués , la tète ducôtédu levant , 
4dt on couvre leur tombe de toutes les 
pierres que l'on peut amasser. 

Les chefs de horde sont toujours les 

F 



(82) 

aînés des fdmilles. La différence de bien 
n'y fait rien. Souvent un chef a dans sa 
horde plusieurs particufiers plus riches que 
lui, cependant ils lui obéissent en tout. Q 
est , a proprement parler, leur roi i avec les 
vieillards il examine leurs différens et Juge 
sans appel. Quant h lui , il ne peut être 
jugé que par les chefs de plusieurs horde» 
assemblées. C'est à lui à régler le lieu où. 
Ton doit asseoir les tentes , le moment du 
départ, ainsi que l'endroit où l'on doit 
s'arrêter. Si les pâturages ne sont pas suf- 
fisans pour les troupeaux de toute la horde^ 
alors elle se sépare , et le chef assigne divers 
lieux pour les divers campemens. Souvent 
ils ne sont composés que de sept à huit 
tentes j suivant la bonté du terreîn qu'on 
rencontre. 

La tente du chef est toujours la plua 
grande et la plus élevée ; elle est au cen- 
tre des divisions. Lorsqu'on a décidé qu'il 
£siut quitter un terrein, ce qui n'arrive que 
lorsque les pâturages sont épuisés , le chef 
va choisir un autre endroit. Dans ces sor- 
tes de déménagemens , les femmes seules 
font tout l'ouvrage. Dès le matin elles 
ploient la tente j elles chargent tout sur 



(fi3) 
les chameaux: on marche à petits pas^ 
afin de donner aux bestiaux, le temps de 
paître. Les esclaves nègres conduisent les 
troupeaux, les femmes et les chameaux ; 
€t les Arabes sont en ayant répandus dans 
la campagne pour assurer la marche. Quel- 
ques-uns restent en arrière : s'il s'échappe 
une chèvre, une brebis ou un cham-eau , 
ils les rencontrent, les ramènent à la trou- 
pe, et ranimai est rendu à son maître. 
Ordinairement la marche ne dure que cinq 
à six heures. Souvent il arrive que i'en- 
<lroit assigné pour placer les tentes , n^a 
pas été bien reconnu ; que peu de temps 
-avant, il y avoit d'autres hordes campées; 
-ce qui fait qu'on est obligé de se remet- 
tre en route , et de chercher fortune ail^ 
leurs. Cela arrive plus communément dans 
la saison où les eaux commeacent à man^ 
quer^ Comme il n'y a presque point d'eau 
dans le Saara , les habitans ont le plus grand 
6oin de faife de grands trous de distance 
en distance, afin de rassembler les eaux 
des pluies, qui, toutes corrompues qu'elles 
soient, sont l'unique boisson que l'on puisse 
espérer pour les hommes et les bestiaux: 
U y a très -peu dé boeuf$ et vaches d^s la 

F a 



(84) 
désert, excepté sur les bords du Niger; la 
disette d'eau eu est cause; car les pâtura» 
gos ne manquent pas. Les troupeaux des 
Mongearts ne sont composés que de mou- 
tons , chèvres et chameaux , animaux qui 
supportent aisément la soif. Les chevaux 
sont aussi très - rares dans ces cantons , il 
n'y a que les possesseurs do nombreux trou- 
peaux, qui puissent en avoir; parce qu^il 
faut avoir du lait à leur donner à boire , 
faute d'eau. On a grand soin de conserver 
Turine de chameau pour la mêler avec le 
ïait, elle sert aussi pour laver les divers 
Tases dans lesquels on met ce qu'on doit 
manger. Quelque détestable que soit le lait 
coupé avec l'urine de chameau, on ne laisse 
pas cependant d'en user souvent i la faim 
et la soif assaisonnent tout : multa facere 
nécessitas cogiù. , 

Les seuls ouvriers qui ^ent utiles à la 
nation, sont les maréchaux ou orfèvres, 
comme il plairales nommer. Les Mongearts 
ne sont pas assez laborieux pour s'adon- 
ner à ces sortes d'occupation. Ces ouvriers ^ 
sortent du Biledulgerid , et se répandent 
dans toutes les parties du Saara. Par- tout 
où il y a des tentes , ils y trouvent à travail* 



( 85 ) 
1er. Ils sont nourris pour rien, et reçoivent 
encore le paiement de leurs travaux. Ils 
font les bijoux de femmes , tels que les 
boucles d oreilles et les manilles ; ils rac- 
commodent les vases , en y mettant des at-^ 
taches , et nettoient les armes. On les paie 
ordinairement en peaux, poils de chèvres ^ 
de chameaux, ou plumes d^autruches, sui- 
vant lés conventions. -Ceux qui ont de l'ar- 
gent, leuT paient la façon deç objets qu'ils 
travaillent, le dixième du poids de ces ma- 
tières. Rendus dans leur patrie , ces ou- 
vriers vendent ce qu'ils ont, et il leur faut 
tout au plus quatre ou *cinq voyages pour 
les mettre en état de vivre à leur aise sans 
quitter davantage leur patrie. Les Mon- 
gearts ont cependant besoin d'autres mar- 
chandises, telles que des souliers etliabille- 
mens , mais ils n'ont point d'artisans de 
leur nation; ils se font de chétives sanda^ 
les , et se procurent les .autres objets ^ en 
allant par caravannes dans le BUedidgerid , 
tou chez les Trasarts, peuple Maure, habi- 
tant la rive nord du Nfger. Ils donnent de 
leurs bestiaux pour c^es objets. Ceux qui 
n'ont que la quantité suffisante de trou- 
.peatixpour leur subsistance, se passent do 

F 3 



(06) 
cas râarchbndîses; des peaux de chèvres,* 
cousues ensemble, leur servent d^liabille^ 
luens, et les mettent à l'abri de la rigueur 
des saisons. Quand ils peuvent se procurer 
des gninées pour se faire des chemises , 
ils n'en manquent pas Toccasion , c^est leur 
plus grande parure. A son défaut ils en 
mettent une de laine ; ils ont do plus un 
haîque , espèce de couverture de 5 aunes 
de long sur cinq quarts de large ^ et un 
manteau fait de poils de chèvres, pour se 
garantir en route, et pendant la nuit, de la 
pluie et du serein. Il y en a peu qui puis- 
sent se procurer ce dernier objet; il n'y a 
que les plus riches, les antres en font avec 
leurs peaux de chèvres: ils s'enveloppent la 
tête d'un morceau de toile, ou autre chose 
en forme de turban ; il n'y a que les prêtre3 
qui savent lire, ou qui ont fait le voyage 
de la Mecque , qui suivent cet usage. Ils 
^portent toujours , suspendu à leur cou , un 
petit. sac de cuir, dans lequel ils mettent 
leur amadou, leur pipe et leur tabac. Leurs 
ppignards sont superbes ; le manche tou- 
jours noir et garni d Ivoire , la lame est 
recourbée et coupante des deux côtés , la 
gaîne est en cuivre d'un côté, et en argexit 



( .87 ) 
de l'autre, et assez bien travaillée. Ils por- 
tent des sabres , lorsqu'ils peuvent s^en pro^ 
curer, et préforent ceux à l'espagnol. Leurs 
fusils sont toujours bien ornés, la crosse 
en est très-mince, et garnie de tous côtés, 
d'ivoire ; le canon est garni de lames de 
cuivre ou d'argent , suivant la richesse du 
particulier. Il est en forme de carabine, 
La batterie a un ressort qui couvre IV- 
inorce, pour éviter que le fusil vienne à 
partir contre la volonté de celui q»Lle 
porte. Les pauvres qui n'ont point de fu- 
sils, portent des poignards faits comme les 
couteaux jQamans à gaîne de cuir; ils s'ar« 
ment aussi d*un bon bâton, à rextrépiité 
duquel ilsmettent uneespèce de coing de fer. 
ï)e près cette arme est des plus meurtrie- 
res ; d'autres portent des sagayes -, enfin la 
première richesse d'un Arabe,, et son prê- 
mîei: désir, c'est d*avoîr un beau fusil et 
un bon poignard. Ils les préfèrent aux ha- 
billemens; car pour se vêtir, ils se couvrent 
indifféremment de guinéçs ,' d'étoffes de 
laine , ou de ,peaux de chèvres. L^s arme3 
étant leur plus grand ornement , ils ont 
uii soin tout particulier * de mettre leurs 
fusils dans dès sacs dé peau pour les pré* 

F4 



(88) 
Aerver de la rouille, et les consenrer en 
état. 

Accoutumés à rivre de laitages et des 
grains qu'ils se procurent chez leurs voi- 
sins, ces peuples sont tout entiers occupés 
à leurs bestiaux : ils ne cultivent aucuns 
cantons ; et sont si paresseux que Ton ne 
prépare la nourriture que quand en a 
Taim. Souvent il en manque alors , et on 
est obligé de se contenter de laitage qui 
liçA'fèusemeut ne leur manque jamais. 

Pendant que les femmes s^occupent dn 
ménage, les nègres ou les enfans des Arabes 
'sont & là gàr(ie des troupeaux. Ils quittent 
les tentes sur les neuf à dix heures du ma- 
tin , et ne reparoissent que sur le soir. Les 
enFans des Arabes qui n'ont point d'escla- 
ves , ont soin, avant Repartir, de prendre 
de là nouri^ture. Les femmes ser oient bat- 
tues , si elles n'avoient soin d'y pourvoir. 
Quant aux esclaves nègres , ils partent à 
'fèiLih..Il est vrai que quelque sauvage que 
sôit le pays , ils y trouvent des racines ^ 
telles que truffes ^ patates et des fruits rou- 
ges du môme goût et beaucoup plus petits 
que les jujubes: on rencontre, encore beau- 



( 89 ) 
cou{> d'autres hèrbés sauvages qui servent 
de nourriture. 

Pour les hommes , ils vont soit aux lieux 
d'assemblée de plusieures hordes , soit aux 
marchés publics où ils se procurent ce 
qui leur est nécessaire pour leur ménage , 
soit à la chasse : celle qu'ils aiment le mieux 
•est la chasse de l'autruche , parce qu'elle 
leur est plus profitable et pour la nourri- 
ture et pour le produit. Pour cette chasse 
il leur faut des chevaux, il n'y a que les 
cavaliers qui la fassent. Us se mettent une 
vingtaine en chasse , et se portent contre le 
vent à distance d'un quart de lieue environ 
les uns des autres. Quand ils apperçoivànt 
4'animal , ils le pressent. L'autruche ne 
]f)ouvant se servit de ses aîles contre le 
vent j retourne précipitamment sur ses pas, 
et évite facilement le premier cavalier. Si 
son agilité la sauve du second ou troisième , 
il lui est impossible d'échapper aux autres. 
Us se servent rarement du f asil pour l'abat- 
tre ; un bftton de deux pieds de long qu'ils 
lui lancent avec adresse sur le cou , la fait 
tomber. Us s'empressent alors de la tuer, 
4ui arrachent les plumes , se les partagent 



( 90 ) 
ainsi que la cliaîr i et se retirent chacun 
dans leur famille , où Ton ne manque pas 
de se régaler du fruit de la chasse. 

Lorsque les Mongearts ont fait quelque 
butin, soit sur l'ennemi ^ soit à lâchasse, 
soit dans le commerce , s^étant cotisés en- 
semble pour quelqu'acquisition , ils font 
autant de lots qu'ils sont de memb res à par- 
tager ; ensuite, pour éviter, toute dispute, 
ils mettent chacun un objet dans le coin 
d'une pagne , ils remuent ces objets et le 
premier enfant , la première femme ou 
le premier étranger à leur affaire qui vient 
à passer , prend tous ces objets , qu'il ne 
connoît point., et en pose un sçr chaque 
part. Chacun reçomioit son effet : heureux 
celui qui est le mieux partagé ! Ci^tte ma- 
nière simple , et naturelle leur ^ fait éviter 
une infinité ^ d'occasions de disputes. Nos 
femmes des halles de la Bretagne suivent le 
même usa^e , et jamais elles u'pnt de dif- 
. féren^ pour leur partage. 
^ Lorsque les tentes sont séparées par fa- 
milles pour la plus grande pox^moditédela 
pâture pour les troupeaux , les hommes et 
garçons , petits^ et grands , s'assemblent au 
soleil couché ^ sur pue coUine la plus conu 



mode potrr que chacun soît à portée de 
don. troupeau : là ils s'exercent à différens 
j«iix d'adresse , de force ou à la danse. 
^Is ont ordinairement trois ou quatre mu- 
9iciens nègres , qui avec leur musique sau-» 
^age les excitent à la joie. Ils restent à ces 
assemblées jusque» vers minuit qu'ils se 
rendent tous à leurs tentes pour y prendre 
lerepos. Le vendredi , quiest leur plus grand 
jour de fête, ils se divertissent toute la ' 
journée, plusieurs hordes s'assemblent ce$ 
jours-là , ils font des courses de. chevaux ; 
s'exercent aux armes, et montrent à reiivî 
leur adresse dans ces sortes de jeux pu- 
blics. C'est dans ces assemblées que l'on 
distingue la jeunesse qui promet le plus* 
Elle s'attire l'attention de tous les specta* 
teurs ; et dans les oceasiops d'état on choi- 
sît les plus expcrimfentés pour veiller à la 
conservation commune. C'est parmi ces 
jeunes gens que l'on choisit ceux qui doi- 
vent devancer les caravannes lorsqu'on se 
xoêt çja ni^che dans la saison des pluies. 
Les troupeaux foniietkt toute la richesse 
des Mongearts , ausèi ont-ils le plus grand 
soin de les conserver. S'il arrive qu'un ani- 
mal soit malade , on met tout en osuvre pour 



/sa) 
le guérir. Les soins n'y sont point épar^ 

gnés> an y apporte plus d'attention que^ 
pour un homme. Quand absolument ou 
voit qu'il n'y a plus d'espoir de le sauver.^ 
alors on le tue et on le mange. Si c'est un 
chameau , on assemble les voisins qui 
participent au repas. Si ce n'est qu'une 
chèvre , les habitans de la tente suffisent 
pour la manger. Un animal mort «ans ré- 
pandre de sang ,est impur. Il faut qu'il soit 
égorgé : celui qui le tue se tourne du côté 
du levant, et prononce avant de tuer les 
premiers mots de la prière générale. Un 
animal égorgé par un sanglier devient im« 
pur ; on ne le mange pas quoiquHl y ait eu 
du sang répandu , parce que le sanglier 
loi-même est impur. Cet animal est si nom- 
breux dans le désert qu'il cause plus de 
dommage que toutes les bètes féroces en«- 
«emble. On le détruit le plus qu'on peut , 
mais jamais on ne le mange. 

Quelles que soient les pertes que fa«se un 
Arabe, jamais on ne l'entend se plaindre; 
il est au • dessus de la misère^ il supporte 
patiemment la faim, la soif et la fatigue. 
Son courage dans les évènemens , est à toute 
épreuve. Dieu le veut ainsi, dit-il; cepen- 



( 93 ) 
3ant on le voit mettre tout en œnvre 
pour éloigner de lui les malheurs; et sou- 
vent il s'expose aux plus grands dangers , 
pour se procurer des choses do pure faiv- 
taisîe. 

Lorsqu'un père de famille meurt, tous les 
objets de sa tente sont enlevés par le pre- 
mier des enfans qui se trouve à son décès. 
S'il y a de l'argent, de Ter , des bijoux, 
tout disparoît,et les autres enfans éloignés 
n'ont à partager que les bestiaux et les es- 
claves , le tout par portion égale. Les filles 
ne participent point au partage, elles se 
retirent chez leur frère aîné. Si le défunt 
laisse des enfans en bas âge, la mère se 
retire avec ses enfans chez sa sœur, si elle 
en a une dé mariée , ou chez sa mère. Les 
possessions du défunt ne se perdent point, 
le chef de la horde en prend soin , et les 
remet par portion égale aux propriétaires, 
lorsqu'ils sont en âge de pourvoir par eux- 
mêmes à la conservation de leurs biens* 
Si TArabe meurt sans enfans mâle , sa 
femme se retire chez ses parens , et c'est 
le frère du défunt qui hérite. 

Les femmes sont bien plus considérées 
chez les Mongearts que chez les peuples 



(94) 
voisins. Elles y sont cependant dans une 
espèce de sujétion qui approche beaucoup 
de Tesclavage. Ce sont elles qui sont obli- 
gées de préparer la nourriture ^ filer les 
laines declianieau et de chèvre pour formex: 
les tentes , traire les bestiaux , ramasser 
le bois nécessaire pour la nuit ; et lorsque 
l'heure du repas est arrivée , c'est-à-dire 
au soleil couché , elles servent leurs maris. 
Tous les hommes ' libres ou esclaves de 
la même religion mangent ensemble , 
leurs restes servent pour les femmes qui 
mangent après eux. Celles qui ont des es- 
claves négresses restent toujours oisives , 
elles n'ont dans ce cas qu^à commander : 
la plus grande partie est de ce genre ; il 
n'y a que les ménages qui ont essuyé des 
pertes qui n'ont point de négresses , ce 
qui fait que les femmes sont presque tou- 
jours à rien faire 

Quoique la poligamie soît autorisée par 
lareligion , on voit cependant peu d'Arabes 
avoir plus d'une femme. Ils la répudient y 
il est vrai , à volonté lorsqu'elle ne leur 
donne point de garçons, mais alors ellQ 
est libre de vivre avec un autre homme. 
Si au contraire elle a le bçnheur d'avoir 



(95) 
un ou plusieurs garçons , son mari la con- 
sidère au-delà de toute expression. Il n'y 
a plus dans ce das de divorce à craindre , 
elle a une autorité absolue dans la tente , 
elle ne s'occupe alors que de causer , dormir 
ou danser à sa volonté. Des négresses cap- 
tives font toute sa besogne , ces dernières 
ne sont plus aidées dans leurs travaux par 
l'épouse de l'Arabe , qui , au contraire , les 
commande avec arogance et dureté. 

Quand une femme ne plaît pas à son 
mari , ou que celui-ci lui déplaît , ils peu- 
vent se séparer. La formalité dans ce cas 
est que la femme se retire chez ses parens. 
Si le mari est attaché à sa femme , il va la 
chercher , mais si elle s'opiniâtre à ne point, 
vouloir retourner avec lui , elle est libre , 
et peut se marier avec un autre à sa vo- 
lonté. Si cependant elle avoit eu un enfant , 
sur-tout tm garçon , elle ne pourroit le 
faire ; dans ce cas sa retraite de plus de 
huit jours chez ses parens , pourroit être 
punie de mort. Lorsqu'un homme bat sa 
femme , c'est une preuve certaine qu'il lui 
est sincèrement attaché , et qu'il ne veut 
^as se séparer d'elle ; s'il se contente de 
lui faire des reproches , la femme se croit 



(S6) 
méprisée , et se retire infailliblement chex 

ses parens. De-là vient que dans les dis-* 
putes les plus légères les femmes sont ac« 
câblées de coups ;s elle les préfèrent aux 
plaintes que leurs maris feroient à leurs 
parens , et ce moyen est la preuve la plus 
sûre de Tamour d^un homme envers sa 
femme. Quand les filles se marient , elles 
se préparent à ce traitement , qui leur 
paroit plus supportable que les humilia- 
tions qu^elles auroient à essuyer de leur 
ikmille , si le mari y portoit ses plaintes. 
La femme n^ap porte rien en dot à son 
mari. Lorsqu'un Mongeart veut entrer en 
ménage , il choisit parmi les filles celle qui 
lui plaît le plus , et la demande . au père 
sans autre .formalité ; celui-ci ne peut 
le refuser , à moins que le postulant n'ait 
fait quelque chose de contraire aux loix de 
la nation. La fille accordée est conduite par 
les parens à la tente du prétendu , où. il y 
a toujours un grand repas pour la céré- 
m^onie : le père reçoit des présens. Si le 
gendre est pauvre , la famille de la femme 
le soutient et lui facilite les moyens d'aug- 
menter seS' troupeaux , si au contraire il 
est riche ^ et que le père de la femme soit 

pauvre , 



pauvre i îlsotnîi^lit tonte sa famille- Cïioz 
Itîii Le luari fA;it.< toujours présent à 'sa 
fetnme d'habillement et de h^joilx : ces 
liabillemens consiitônt en étoffes ^ de laine. 
fopgeet blanche ; en colliers d'ambre , de 
corail y -cra de verroterie ^ en miroir-, boîle 
€le géroâe , ciseaux et- acitres menus' objets' 
4e peu de valeur; Ott^ cbnnoît Pétendue de 
la- fortune du particulier à la richesse 
des présens. ^ 

'a. iLiCS 'fcmmes^ sorit d'une fidélité à toute* 
épSKaive : différentes dans leurs opinions* 
de t(!ms les * antres mahométaris , elles se 
croient immortelles comme les hommes ; 
mais elles ne se flattent de pouvoir pré- 
t^ndr® au bonheur de l'autre vie qu'autant 
fjuJelles auront été fidelles à leurs raarîs.' 
Si elles iitanquoient à ce devoir , elles pen- 
sent qu'elles seroient éternellement escla-* 
ves de leurs^ compagnes , sans jamais par- 
ticiper à leur bonheur. 

Souvent elles se visitent les unes lès 
autres. L^honneur dans ces sortes d'occa- 
sions consiste à laisser faire tout l'ouvrage 
delà tente à celle qui vietit voir sa parente 
ourson amie. Là nouvelle' arrivée s'einpaté 
du nxénage , prépare la nourriture , bat la 

G 



beure, ot s^occupe continuellement pendant 

que son amie Tentretien des diverses 

affaires de la famille ou de la nation. On 

juge de la réception à Tétendue de Ton* 

vrage qu'on laisse faire à la personne qui 

visite^ Cette personne prépare ordinaire* 

ment une fois plus de nourriture que de 

coutume ) ce qui fait que FArabe invite se$ 

Toisins à venir pr^idre leur part au repas# 

Les esclaves sont toujours contens de ces 

sortes de rencontre ; car alors on leur 

4onne davantage à manger. CW à la non*» 

Telle venue à faire les honneurs , et elle 

ne veut pas que personne soit mécontent 

d'elle. 

Comme ni Pun ni Tautre sexe ne porte 
. de lûige , et que, faute d'eau , ils ne peu» 
vent laver souvent leurs habillemens, ils 
sont couverts de vermine. Pour n'en point 
sentir l'incommodité , et se . délivrer des 
morsures des marangoins , ils se frottent 
le corps de beure ou de graisse ; la plus 
renco est toujours préférée. Gela leur donne 
une odjôur infecte à laquelle on ne peut 
s'accoutumer que par une longue habitude* 
Les négressM sur-tout qui sentent mauvais 
aatureUenentf ejcbatent une odeur capable 



dTnconrmodtîr les hommes les molrs dé- 
licats-, et j'aimois mieux ^ malgré la con- 
xioissance que j'avois du pays j coucher à 
Tinjure de l'air , que de rester dans une 
tente où îl y avoît une négresse* 

Il faut qu'un Arabe soit bien pauyre 
pour ne point avoir au moins un nègre 
captif. Ces derniers ne sont occupés qu^à 
la garde des troupeaux : c'est leur seul ^t 
nnique emploi. Jamais ils ne vont h la 
gtierre. lis peuvent se marier. Leurs femmes 
qui sont des captives négresses , font lu mé- 
nage 9 et sont traitées durement des fammeg 
arabes et des Arabes même. Si elles ont des 
enfans , ils sont captifs comme elies^ On lea 
emploie à tout. Dans l'enfance, les petits 
nègres peuvent aller aux écoles publiques s 
ils participent à tous les amusemens des 
petits arabes ;mairlorsqu'ilslont des fautes, 
ils sont punis rigoureusemetit': et ces pisn- 
pies qui ont une complaisance si aveugle 
pour leurs enfans , parce qu'ils ne lextf 
supposent point assez de connoissances y 
n'ont aucunes considérations pour ceux des 
nègres , qu'ils traitent avec une brut^itrii 
sans égale. S'il arrive qu'un Arabe ai^ un 
i;arçon d'une négves se^ lu femme estmisns 

G a 



( 100 ) 

traitée , sans cesser cependant cVètre cap* 
tive. Son jenfant est élevé comme les autres 
Arabes : il a le grade de citoyen , et est libre 
comme eux. 

Lorsque le maître d'une tente a un es- 
clave ciiroûeu, ce qui n'arrive que lors • 
qu'il y a des naufrai^es , cet esclave passe 
avant le nèi^re , quoique ce dernier soit 
xiiahouiétan. Ou.Iq nourrit à part , et sa 
nonriture e$t prise sur la générale ; et sUl 
en reste , ce qui ne peut arriver qu'aux 
jours de cérémonies , les femmes ni même 
les eaclaves négresses n'y touchent point : . 
elles portent .le scrupule jusqu'à ne point 
se. .servir de tout ce qui a touché la 
nourriture du Chrétien, Quant à leurs oct 
cupations , j'en ai assez parlé dans la re* 
lation de mon naufrage. . 

Si le Chrétien est un enfant , il est traité 
comme les .enfans même de la nation , on 
ne l'occupe à rien, il fait à sa volonté; et 
le Maure qui auroit la témérité de le battre , . 
courroit risque de la vie. Nos mousses 
n'eurent point à souffrir dans leur escla- 
vage , janiais on ne leur commandoit rien , 
ils feisoientce quUls vouloîent; et quand les 
hordes «e mettoient en route^ les femmes 



<: 101 ) 

«voient le plus grand soin de les faire monter 
sur leô chameaux ^ crainte de les fatiguer^ 
Malgré la misère que Ton éprouve daits 
ce pays , il est encore heureux d'être Fran- 
çois ou Anglois , lorsque l'on fait naufrage. 
Peu de temps avant nous , une barque esr 
pagnole eut le malheur de faire côte près 
de l'endroit où nous nous perdîmes \ il y 
avoit qiuatorze hommes et deux femmes,. 
Reconnus pour être des isles Canaries , ih 
furent tous égorgés sans pitié , à Texception 
des femmes qui furent réservées pour êtr^ 
vendues à Maroc. Ce n'est pas sans, raison 
que les Mongearts en agissent de la storte 
avec les habitans des Canaries , et môme 
avec tous les Espagnols : On nous apprit 
dans la suite que la cause de la haine de ces 
peuples venoit de ce que les habitans des 
Canaries font de temps à autre des descen- 
tes sur ces côte3 , et qu'ils eillèvent tout 
ce qu'ils rencontrent , hommes , femmes 
et bestiaux. Ces peuples ignorent ce qu'on 
fait de leurs compatriotes , et immolent 
sans pitié tous ceux de Ces nations qui ont 
le malheur de tomber entre leurs mains ; 
au contraire , ils traitent de leur mieux 
(et c'est encore bieu mal ) les François et 

G 3 



( loa ) 
les Angloîs. Us connoissent ces deux n«w 
lions par le commerce qu'elles font le long 
du Niger et dans toutes les villes sounûses 
à la domination de Tempereur de Maroa 

La médecine est presque inconnue parmi 
ce peuple : les prêtres seuls sont les dépo^ 
sitaires des secrets de ce grand arL Leurs re* 
mèdesgéuérauxpour les maladies internes , 
aont la diète, le repos , et quelques maximes 
de Talcoranque le prêtre applique avec mis- 
tère sur la partie malade. Pour le mal de 
tête , ils se la serrent extraordinairement , 
jusqu'au point roêiiie , de faire sortir da 
aang sur le front au-dessus du nez* Four 
les plaies , ils se servent du feu , c'est- à* 
dire , qu'un coup de poignard se guérît eu 
l^rftlant Tendroit offensé avec des lames de 
couteau que Ton fait rougir au feu. Ou 
y met ensuite de l'huile de tortue chaude 
et du gaudron ; on enveloppe la plaia 
avec des herbes connues , et par ce moyett 
Sis se procurent une prompte guérison. 
^ Le pays est plein de gabelles, sangliers^ 
lions , tigres/ singes et serpens. Les plus 
dangereux de ces am'maux sont les serpens 
et les tigres, l^a peau du tîgre se vend avec 
avaivtn^e: celles des serpens se conservent 



(io3) 

avec soin ; elles servent dit- on à fortifier 
la vne que Ton perd facilement dans ce 
pays , étant obligé de coucher aux injures 
de Tair. On se met sur les yeux un ban- 
deau de cette peau , et on ne tarde pas à 
se trouver soulagé ; un de nos matelots fut 
guéri en trois jours , faisant route pour 
venir à Tanger. Le scorpion porte avec lui 
son contre-poison : il suffit de Técraser sur 
la plaie lorsqu'on en est piqué , autrement 
pour éviter la mort , il faudroit , aotts peu 
de temps , couper la partie attaquée , lo 
venin ne tardant point à se communiquer. 
Les serpens sont très-communs dans le 
désert V mais on y voit peu de scorpions: 
ces derniers se plaisent dans les vieilles ma^» 
sures , et sont nombreux dans les villes aban- 
données. Les sangliers causent de très-grands 
ravages. Ils se jettent souvent sur les trou- 
peaux de chèvres ; mais comme les Mon- 
gearts sont toujours armés , soit de fusils ou 
autrement , ils en détruisent beaucoup , et 
tâchent de les éloigner le plus qu'ils peu^ 
vent de leurs habitations. 

Dans le désert le sol est inculte et pres- 
que par-tout arid» , on recontre fort 
peu d'arbres » le pays est seulement cou* 

G4 




ifort de broussailles i on voit cependant de 
temps en. temps dei tpalmiers et dattiers j 
mais ils sont très-rares. On rencontre aussi 
dti très-beJles plaines qui pourroient être 
ciiUivées ,raais trois raisons font qu'elles ne 
le sont pas. La première vient delà manière 
de vivre des habitans qui se contentent des 
laitages qu'ils ont toujours en abondance ; 
la seconde , de la rie errante de ces peuples 
qui n'adoptent aucuns cantons , et qui 
fi VI oignent souvent des endroits qu'ils ha- 
bitent pour n'y reparoître jamais ; la troi- 
sième qui est la plus solide , c'est que 
daus Kl crue. des eaux ils sont obligés de 
quitter les plaines , pour se réfugier sur 
les montiignes ; et qu'étant obligés de se 
porter tantôt d'un côté , tantôt d'un autre ^ 
ils pourroient ne pas avoir le temps de 
récolter , et perdre par ce moyen le fruit 
de leurs travaux. Les sables volans s'opr 
posent encore à toute culture. Ces sables 
iii Oui ment légers forment de hautes mon- 
tagnes , et sç déplacent souvent : ce qu'il 
y a de particulier c'est que ces sables se 
forment en buttes de distance en distance , 
comine si on les plaçoét exprès avec beau- 
coup de travail. Ils sont une des plus 



^grandôsr incommdJifés^'x3a pays. Lorsque 
•le vent coinitience à* en remplir l'air ,^on. 
décampe sons tardef , on charge les cha- 
meaux , et on s'enfuit le vent au dos ; sans 
cette sage précaiition , il ne faudroît "pas 
plus d'une nuit pour avoir plus de cin- . 
quante pieds dé satlè' sur la tête. ' 

Toutes ces contâmes sont presque gé- 
nérales chez les Trassarts et Bracnarts , 
peuples qni habitent la rive nord du Niger. 
Ces derniers ne diffèrent que dans quelques 
coutumes peu im{>ortantes qui viennent 
de leur communication avec les nègres 
dont ils ne sont séparés que par le fleuve, 
et dans ce que le commerce exige d'eux*. 
Ces coutumes sont également générales 
dans le Biledulgérid et les états dépendans 
de l'empereur de Maroc ; c'est pourquoi 
en parlant des peuples qui habitent ces 
diverses contrées , je ne m'étendrai que 
sur les objets qui ne sont point pratiqué» 
chez les Mongeai'ts. Il ne me reste plus qu'à 
observer que toutes ces nations se disent 
et se croient n'en faire qu'une. On les 
appelle indistinctement Arabes ou Maures. 
Dans le désert ils sont flattés quand on les 
nomme Monselemiues. Il semble qu e ce nom 



( io« ) 
leur £fissc honneur ; et ils aiment à le 
porter , quoique les vrais Monselemiiies 
soient leurs plus cruels ennemis. 

LE BILEDULGERID. 

Le Biledulgeridj dans la partie que j^ai 
parcourue ,est habité par un peuple connu 
sous le nom général de Monselemines. Il 
diffère dans sa religion et dans ses cou- 
tumes des' Maures ses voisins >et des Mon* 
gearts habitans du désert. Cette variation 
n^est cependant presque pas sensible. Les 
parties limitrophes des habitans de Marofe 
suivent , excepté en un seul point 9 toutes 
les coutumes de cet empire. Ceux qui 
avoisinent le désert , et qui ne s^adonnent 
point au commerce , tiennent plus aux 
préjugés de la nation. Ce peuple arabe 
tire sans doute son origine et son nom 
des sectateurs de Moseilama y contemporain 
du grand prophète. Us ont pour la liberté 
ce même amour des anciens Arabes , et 
suivent en tous points les coutumes des 
peuples de ços temps reculés. Us ont comme, 
tous les Mahométans,le respectie plus grand 
pour le prophète \ mais ils sont loin àp 



( 107 ) 
croire que ce prophète ait été infaillible i 
et que les desceudaus de sa famille sont 
tous inspirés de Dieu ; que leurs volontés 
«ont des loîx ; et qu'on ne peut être bon 
Maliométan sans suivre de telles idées. 

Ce peuple 3 dans la partie que baigne 
l'Océan atlantique , occupe une étendue de 
torrein de différentes qualités ^ depuis vingt 
lieues environ de Sainte-Croix de Barbarie , 
jusqu'à trente lieues au-dessus du cap de 
^un. La Hmite des possessions est indiquée 
par de hautes colonnes placées de distancé 
en distance du côté du désert. Ils ont pu 
les placer à volonté , les habitans dn désert 
ne s'y sont jamais opposés ; ils habitent 
même les lieuxoù se trouvent ces colonnes, 
sans que personne les inquiette. Il en es^ 
qui prétendent que ces colonnes ont été 
placées par les empereurs de Maroc, pour 
indiquer la limita de leur empire. Quoi 
qu'il en soit , ce pays est habité par les 
Monsel^mines qui sont im assemblage 
d'Arabes véritables , descendus des anciens 
Arabes et de Maures fugitifs de l'empire 
de Maroc. 

Le gouvernement est républicain ; ils se 
défendent avec beaucoup de courage , se 



( 1^ ) 

choisissent tous les ans de nouveaux cliebr 
et passent pour invinciblej aux yeux de^ 
Maures , tant par la difficulté de pénétrer 
dans leur pays , tout environné de monta- 
gnes arides et escarpées , que par leur 
courage dans les diverses attaques , et leur 
opiniâtreté à résister aux efforts de leurs 
ennemis. 

Cette nation , plus civilisée que celles qui 
habitent le désert , n'erre pas toujours de 
canapagne en campagne ; elle occupe desv 
bourgades , qui toutes son-t situées sur le 
panchant des montagnes. Leurs maisons 
sont bâties eîi pierre et en terre : ils les 
forment à la manière des Maures. EIle$ 
sont peu élevées, et couvertes de terrasses 
qui vont en pente pour récoulement des 
eaux. Les plui^ abondantes , qui régnent 
dans ce pays pendant environ trois moi^ 
de Tannée > nuisent beaucoup à ce genre 
d'habitations ; ce qui fait qu'ils sont obligés^ 
tous les i5 à ao ans , de changer de demeure. 
Les riches et les artisans habitent ces bour- 
gades , ainsi que les Juifs qui s'occupent à 
divers travaux. Les Monselemines ont des 
mosquées où ils s'assemblent le vendredi 
pour la prière. Quoique ce jour soit cou- 



( 1^9 ) 
sacré eux offices , il ne les empêche pai 
de travailler : c'est leur jour de marché 
principal , les habitans des' campagnes ef 
les Arabes du désert s-y rendent pour le 
commeiîce. Il y a des places publiques pour 
la vente des marchandises > les habitons 
seuls ont de.petitès boutiques où ils font 
porter leurs marchandises. Quant aux 
autres ^ ils les exposent tout simplement 
sur la place. S'il survient dés . différens , 
les vieillards jugent sans appel , et Iqs. 
procès sont terminés su^rle cliamp* , 

Plus industrieuse et plus laborieuse ^qtie 
ses voisins , la nation mon^elëmine cultiva 
la terre. Le chef de chaque Camille va 
choisir le terréin qui lui paroît le plua 
propre , on laboure légèrena^ent la surface 
de la terre avec des espèces djs houlettes ^ 
puis on ensemence. Ou a soin d'envi-^ 
ronner le champ d« broussailles , pour in- 
diquer le lieu qui a été cultivé ., et pour que 
les habitans errans empêchent leurs bes- 
tiaux d'y entrer. La récolte se fait trois 
mois après les semailles , c^est ordinaire- 
ment à la fin de mars : ils coupent leurs 
grains à six pouces environ de l'épi , et eu 
forment de petits paquets. Tout le monde 



(MO) 

trayaille alors du matin au soir sans in- 
terruption. On apporte lo grain devant la 
tente , et on le bat à grands coups de batou , 
puis on le vanne et on le met en réserve ; 
la moisson faite ^ on met le feu à la paille 
restante sur pied , et le champ est aban-> 
donné pour deux ou trois ans. 

Leur méthode poiur conserver le grain 
est tout-à-fait semblable à celle des habi- 
tons delà Barbarie. Us font pour cet effet un 
grand trou en teire , ayant la forme d'un 
cône tronqué , ils remplissent de bois et y 
mettent le feu ; cette opération faite ils 
nettoient la fosse et y mettent leurs grains 
à demi vannés ; puis ils prennent de forrs 
madriers qu'ils posent près les uns des 
autres ^ et recouvrent le tout de terre. Par 
ce moyen en temps de guerre on ne peut 
leur couper les vivres , l'ennemi marchant 
sans le savoir sur des monceaux de grains. 

Les habitans des phdnes s'arrêtent dans 
le temps des semailles , et reviennent au 
temps de la récolte : chacun reconnoit le 
champ qu'il a cultivé , et en fait la dépouillé* 
Lorsqu'dUe est faite ils la mettent en réserve 
comme je viens de le dire> et vontcourit 
de toua les c6tés avec l«ura bestiaux ^ em* 



C 1" ) 
ponant seulement le nécessaire. Lorsque 
Ton se voit près de manquer de grains ^ 
plusieurs particuliers liiietis armés > partent 
aTftc leurs chameamc , et Tont aux magasin» 
de ia horde chercher la proTÎsioii. Chacoix 
A sa répartition suivant qu'il a employé 
d^JKxmmes au travail commun, 
r JL^haspitalité est générale parmi les peu* 
pies erraus. On l'observe comme dans le 
Sacnu^ des voyageurs sont nourris par-tout 
«ans payer. Il n'en est pas de même aux 
bourgades y la multitude d'étrangers qu'y 
attirent les marchés, oblige de faire payer 
la nourriture. Sans cela les habitans des 
bourgades seroient toujours les plus pau- 
vras <» puisqu'ils auroient à noyrrir une in* 
finité de curieux les jours de marché et 
d'assemblées. Quant au gîte , l'Arabe des 
campagnes couche sur les terrasses, toujours 
4 i'in)Ure de l'air : les particuliers des ha- 
bitations ne permettent l'entrée de lemrs 
maisons qu'à leurs pareiis , amis ou chefs 
de horde. Les nègres esclaves de ces ha- 
bitations examinent avec soin le nombre 
des personnes qui demandent des vivres ; 
on leur en donne à ia porte selon leur, 
nombre^ et oa|r «joute une suffisante quan* 



( ria ), 
tîté d'eau poorles déçaltécer* Oiia iiifeccmr 
séparée pour les chevaux ; mais à THobis. 
que les maîtres «œ plaasent Ja unit, • oh n», 
leur doune rien* P(iji^jCCL£as.6naiL8iri!fau!& 
à chaque cheval ,Qi]viioîtirois Ui^f es» d'mfge 
a la flu du jour ^ etcleat-là tourxe:qi)i^il& 
ont pour la journée» ie 'me suis étoodiiLatii^ 
cet article , parce qwef.jjai vu plusieurs 'fois 
tout cela, quand jje 'deaboeurods .chezi^/âG^ 
Laze , où tous les habitans d^arcstmpa^gaaiC 
yenoient manger«: . > r > j ■ .t6/»»q <-..* . 
• Ceux qui habitent;. le& hjp^gackb lïVwfct 
pohit ordinairement ,à^ béstiaui^yiniûîfliiua 
méfier , tel que tisî^^ii^^,4SordtoniabQr<4»oi4 
fèvrc , potier de . ter^iie , etc. Les- {^rihcipaui 
cependant ne se livrent à auç[ik'ia.e deif^ssetv 
cupations. Us ont beatiQOup.de csbcbifil) 
chevaux , chameauji; jL.fomitQns.^ ^chièvrés 
et toute sorte de ys^tgill^'^ leurs -nj^gfiWtes^? 
claves ont beaucqup d'oUvragb >-Te^iièon£ 
inenés durement» Ceux qui vont àla gandé 
des bestiaux^ sont s^us qontrèdit les plus 
heureux^ mais ceux qu'on réserve pour 
les occupations de la maison , ont beaucoup 
de peine. Il faut qq-ils aient soin des répâi- 
jrations des bâtiment , .qu'ils fournissent 
la maison d'eau , de 1)0Î6 » et qu'ils. pré«- 

parent 



( ii3 ) 

pg^ent le grain , les, négre^sses le >mçttent 
en poudre, et se. servent poijr .cela ^e 
moxilins de pierre , çieml^lables à ceux qui 
servent en France pour moudre Je poivre 
ou la moutarde > elljcs prép^ent jles meu^ 
, et sont sans relâche occupées d^ matin aji 
soir. Le nègre pasteur, au contraire , nV 
$oin que de son troupeau : il trou.ve tjou- 
}Ours sa nourriture prête : il est bien vêtu^ 
bien armé ; et a une petite retraite pour 
rlui et pour sa famille. 

Ce pays est très-peuplé, et le seroit encore 
davantage sans lea guerres continuelles que 
^ses habitans ^ont à soutenir contre rem- 
pereur de Maroc. On dit improprement 
.que cette. natipn est rebelle à l'empereur , 
^ car Jamais elle ne lui a été souniise. Lors- 
qu'une armée mauresque se met eja 
marcbe , les habitans du Biledulgerid ,. qj^î 
„cvit de leurs concitoyens établis dansiçs 
-éEats de Maroc , en sont aussitôt instruis 
^par eux , se tiennent sur leurs gardes ; jçt 
. tous les habitans des campagnes étaiit.bxeii 
montés ^ ils forment des corps de caye^lerie 
redoutables , s'emparent des défi|és.., ^g^ 
massacrent sans pitié les troupeç. qt^ipz^t 
la témérité de s'y engager. Onne J^ p^i^t 



( "4 ) 
de prisonniers de part ni d'autre. Les 
femmes et les captifs , escortés par un 
nombre suffisant de guerriers pour lea 
défendre ^ quittent leurs habitations , et se 
retirent dans Tintérieur des terres. Quel- 
quefois même ils se portent jusques dans le 
désert. La liberté dont ce peuple jouit , lui 
fait supporter les fatigues les plus grandes, 
n regarde ce bien comme supérieur à tout ^ 
et combat jusqu^à la mort pour conserver 
ses droits. Le commerce dont il est seul 
possesseur pour communiquer de la Bar-- 
barie arec le Saara, Tenrichit considérable- 
ment. Aussi se soutient-il toujours avec 
avantage ; comme ce pays est la re- 
traite des riches Maures qui véul^it se 
soustraire à la domination tyraxmique de 
Tempereur , ils en ont beaucoup parmi eux 
qui , instruits des coutumes des Maures f 
les mettent , par leurs conseils , à Tabri de 
toute surprise. Ces fugitifs ne peuvent point 
les trahir , ce sont ceux qui ont été pillés 
ou condaxunés à mort dans leur patrie. Us 
se Battent toujours avec opiniâtreté ; et 
aiment mieux périr les armes à la main 
qùerdâ se laisser prendre^ pour mourir dans 
ies supplices à la vue dW peuple entier» 



< "5 ) 
Le Monselemine , plus riclie qii^aiicua 
«des peuples qui habitent les ^provinces 
soumises k la domination de Maroc , 
«st toujours bien vétu^ bien armé. Il vfi 
paye aucun tribut ^ proJ&te du fruit de 
son trayail ^t de son commerce , et n'a 
aucune charge poux l'état 4 tout ce qu'il 
, peut acquérir est à luL II y a cette diffé- 
rence entre les Maures fugitifs et les na- 
turels , qu^ ces derniers sont toujours 
armés ^ soit qu'ils habitent les campagnes 9 
soit qu'ils -viennent aux marchés., so/t 
qulls se trouiirent aux assemblée^ 4^; !& 
: nation ^ ou^ulils se. visitant ; les Maucçs 
,j&igiti^^ au contraire 9 quand ils seroiei^t 
des^ princes, ne portent des armeS' qu'en 
campagne et à la guerrç. 

Les femmes ne soni; pas, plus esclaves 
que celles du Saara 9 celles 4^ bourgfides 
i?estent dans def espèces de, sérail : chaque 
homme en a autant qu'il peut en nonrrif. 
X^es plus considérées sont toujours celles 
qui leur donnent des garçons. Quoiqu'elles 
aient une demeure séparée des hommes , 
cependant il n'est point défendu de péné- 
trer cbez elles. On peut les voir ; les maris 
^ ne sont point jaloux \ elles sont bien yôtueg , 

Ha 



(1.5 ) 
peuvent sortir dUiis la ville et aller Voir 
leurs amies. Quand elfes sortent, elles ont 
tin voile qui les couvre? eiitîèretnent. Ce 
voile leur est assez inutile pour ne pas 
dire gênant , puisqu'elles Tôtent quand 
Celles réiïcontf ent quelqu'un à qui elles Veu- 
lent parler. Elles sont plus humaines qu9 
celles du Sâara ^ et ne sont point comme 
ibes dernières exposées aux coups de bâton. 
\Ëlles pensent que leurs maris peuvent lés 
^jadiner éêihs les battre. Ellei Repeignent les 
ô'âdes et la figuré dé rcmgé et de jaune, 
**ët''WoMént de rioîr lèut^ 'patiplèi^i*. Lor^J- 
^qu'éllfes ile se peighétit qu'tfri* e6té de )a 
^^figtiré , elles n'ont point de coàimumcatlc^ 
•îtfvec les^hotoimés; Cèttb dernière coutume 
est commime à touïès cessations , même sur 
^lèsiboi-ds'du^^igèr. 

' ' Léd eïtfàns sont éleVé&^^teè le plus gtAtïd 
^a'èin^'ôxi les envoie de bonHe-heûre ; ils 
ii'oht point de Jjrfeulres de (Joùrage à 
donner '2)our être hommes, comme dans 
le Saâiîi. L'âge seul, leur adresse à manier 
an cheval et les arine^ , leur ti^avail da^s 
4e temps des moissohs suffisent. Quand ils 
ée marient, on leur donne une dot qui 
^Bôns&te éa habUlettiens > arnies ^ bëitiAUJi: \ 



(.117) 

ils deviennent ensuite ce que leur industrie ^- 

ou les occasions leur permettent de devenir. 
Ceux qui sont instruits de la religion se 
font pf êtres ; ils se marient- également et 
s'adonnent à tous les exercices dé leurs com- 
patriotes. Ils sont plus respectés et devien- 
nent , dans leur vieillesse , les juges de la 
nation. S^ilsont des laalheursj on les sou- 
tient , au lieu que ceux qui ne sont point 
prêtres , ne tirent leurs ressources que de 
leur industrie, du pillage qu'ils se permettent 
sur l6$ terres des Maures , leurs voisins , 
ou du profit des caravanes. 

Les cavaliers sont plus cojisîdérés que 
Jes autres ; ils n'ont pour tout état que les 
^rmes ; toujours en activité , soit en paix, soit 
en guerre. A la guerre , ils se comportent 
avec courage ; en temps de paix , ils s'exer- 
cent entr'eux à manier leurs chevaux , et 
à diverses évolutions militaires ; ils escor- 
tent les caravanes; dont ils reçoivent le 
paiement ; ils se montent et s'entretiennent 
jà leurs dépens. Ils sont faciles à recon- 
noître y car étant presque toujours à che- 
val ,' ils ont un calussur }e gros de la jambe , 
^ Teadroit du fer de l'estrier y ne portant 
•mmai^ de hottes. Ces gens sont les voleurs 

H 3 



( »»8) 

les pîiia re(Ioutât)Ieâ qull y ait ; ils fondent 

avec une rapidité sans égale sur ceux <|a^il^ 
veulent piller ; on n'« point le temps de 
êe mettre en défense ; ef ils enlèvent tôuf cer 
qu'ils rencontrent avant qu^on se soit mis 
en état de le» repousser. Leurs clievaus 
sont les] meilleurs qui existent ; ils les dres-*' 
se^t d^une manière admirable , et sont tou- 
jours en état de pourvoir à leurs Besoins. 
Ils les ménagent avec' le plus grand soin; 
ces animaux connoîssent leurs maîtres j 
sont dociles & leurs voix/ et sont indomp» 
tables pt)ur tout autre* 

Les chefs \ en temps de guerre , sont 
cKoisis indistinctement parmi les Maures 
fugitifs 9 ou parmi la nation. Son autorité 
ne dure que la campagne; elle est absolue 
pendant tout le tenïps de ^on commande- 
ment. Le temp^ expiré , il rend compte de 
ses actions aux vieillards assemblés i on le 
récompense , ou on le punit ^ suivant sei 
succès ou sa conduite ; on lui donne un 
successeur , et il sert dans l'armée ^ rentrant 
dans la classe des autres particuliers. 

Ces peuples ont un chef général de I** 

< religion. Le respect qu'ils lui portent ap* 

proche de l'adoration. On le nomme Sidy 



( "S ) 
Makammet Moussa ; sa demeure ordl-* 
naire est à i5 lieues enfijron du cap de 
^un, près de la ville nommée llleric. Cet 
homme , sans troupes à ses ordres j est 
cependant le plus puissant de toute TAfiri* 
que ; son autorité est sans bornes* S'il or« 
donne la guerre contre Fempereur de Ma- 
roc, il est obéi. La guerre cesse quand il 
le veut. Sans possessions particulières , il 
a tout en son pouvoir. Chaque famille lui 
fait tous les ans un présent ; elles s^elFor* 
cent à Tenvi de le rendre considérable. Il 
rend justice à tout le monde;- il soumet les 
accusations à son conseil, et quelques fours 
après prononce définitivement. U nVxxge 
ri^i de personne, et tout le mondehiidonne. 
Différent dans ses principes et sa conduite 
de Pempereur de Maroc , il ne se dit pas 
inspiré du prophète ; il n'a point Taudace 
de le faii;e croire à sea peuples ; il écoute 
au contraire \e% avis des sages , et ne rend 
6es jugemens que sur leurs opinions. Sa 
domination s^||f3nd sur tous les peuples 
4u Biledulgerid et du Saara. Les Maures 
xnèmes le respectent; et l'empereur, tout 
puissant qu'il est , n'a jamais osé attenter 
à Tautorité de cet homme , ni faire mar** 

H 4 



( 120 ) 

cher sed frotipes vers le lieu quHl habite. 
Cela devroit Im prouver que Pautorité 
puisée dans ramoisr des peuples est mille 
ibis plus grande que celle que donne la 
terreur ou la force des armes. * 

Les Juifs , répandus dans tous le pays , 
n^occripent que les bourgades; ils ne cul- 
tivent point la terre , quoiqu'il y en ait 
beaucoup qui reste inculte; ils s'adonnent 
tous au commerce /travaillent à divers ob- 
jets, et sont obligés -d'acheter tout ce qui 
est nécessaire à la vie. Ce peuple, chez les 
Monselemines , est ce que Tesclàve est en 
Barbarie. On le fait travailler à volonté , il 
ne lui reste pas même la liberté de se plain- 
dre. Jamais il ne porte d'armes ; s'il av^it 
le malheur d'en porter et de se- défendre 
contre un Arabe , il seroit puni de mort. 
Sa ffjmille même ne seroit point à l'abri de- 
la vengeance. On lui laisse le libre exer- 
cice de sa religion; ce motif et l'avarice 
qui se perpétue de races en races chez cette 
nation errante lui fait soiiiHr toutes les 
indignités qui révoltent les hommes lés 
moins sensibles. 

Différens des Mongearts et des Maures 
kurs voisins „ les Monselemines ne cher- 



( 121 ) 

tÂieiit fidiïtr à faire des prosëlites. Quand: 
ils ont un esclave chrétien , ils le traiteiUi 
humainement ; ils ne le laissent manquer de 
rien ^ et n'exigent de l«ii aucun travail pé-^ 
nible. L'argent , qui ©s tlèur première idole f 
leur fait avoir ces méjqagemeiis. Us dé- 
testent leâ Chrétiens , mais aiment l'ar- 
gent, et craindroient, en maltraitant leurs 
esclaves, de les faire tomber malades et 
de les perdre , ce qui leur enleveroit la 
rançon qu'ils espèrent ; c'est à l'argent qud 
les Chrétiens , qui ont le malheur de tom**» 
ber dans ce pays , doivent lé peti de dou-^ 
ceur qu'ils y goûtent. 

Chez les Mongearts , un Chrétien qui' 
ehanteroit la prière et se feroit circoncire / 
auroit la liberté et le* rang de citoyen ; et 
la famille , à laquelle il auroit appartenu , 
lui donneroit des bestiaux pour vivre aveo 
eux et comme eux. A Maroc , un Chrétien 
qui auroit la curiosité d'entrer dans une 
mosq«iée > seroit mis à mort , ou contraint 
de se faire Mahométan. Chez les Monsele- 
mines , il n'a rien à craindre ; ' l'argent 
l'emporte sur la religion ; on se conten* 
teroit de le faire sortir sans même le frapper j 



( laa ) 
Ikiois onle feroit payer autant que ses moyeiU' 
le lui permettroient. 

: Chez les Maures ^ un Chrétien , surpris 
arec une femme de la nation , eêt contraint 
<)e se faire Mahométan pour éviter la mort^ 
mais chez ce peuple on punit seulement 
la femme ^ en la mettant dans un sac et la 
jetant dans la mer; le Chrétien n^a rÎMs 
à craindre , Targent est son saureur^ 

Si dans une dispute TesclaTe chrétien 
se défend contre son maître , ce crime est 
puni de mort chez les peuples voisins ; 
mais il reste impuni chez les Monsolemi* 
nés , ou tout au plus corrigé par quelques^ 
Coups de bâtons , l'argent espéré pour la 
rançon le met à Tabri : c^e^t la pierre de 
touche à toittes les épreuves. 

Si un arabe tue un Juif , ou un homme 
do sa nation , une légère amende pécuniaire 
envers la iamille du Juif le sauve , mais 
il est contraint de donner une forte somme 
à la famille de TArabe. Cette soif insatia«' 
ble d^argent est d^autant plus inconcev^*. 
ble-, que les habitans âk ces* contrées n-W 
font presque point usage ;. ils l'amassent 
avec soin , et se privent souvent du néces- 
saire , plutôt que de dépenser la plus petite 



( xa3 ) 
pièce de niôiinoîe. Quand un père de fa- 
itiille meurt , quoîqu^il ait amassé pendant 
sa Tie beaucoup d'argent , jamais on n'en. 
trouve chea luî ; il se cache de tout le 
monde et Tenterre. Il espère sans doute en 
profiter après sa mort , et n^avoir de consi- 
dération dans l'autre monde , que suivant 
le plus ou moins d'espèces qu'il aura eues 
€$n sa possession. Les avares devroient aller 
dans ce pays ^ ils y apprendroient des moyens 
d'économie qui leur démontreroient , qu'eu 
comparaison des Arabes , ils ne sont que 
de vrais prodigues. 

Lés Mongearts n'ont pas à beaucoup près, 
cetteardeur pour l'argent j ils ne l'emploient 
qu'à faire des bijou:sc pour leurs femmes , 
lorsque quelque naufrage on la vente de 
leurs productions leur en procure \ ils le 
donnent volontiers pour de la poudre et 
autres objets de nécessité ou de fantaisie. 
Le pays des Monselemines est très-fer- 
tile ; on y trouve ^ presque sans culture y 
tout ce qtfi est nécessaire à la vie. Les plaine^"' 
sont *arroséees d'une infinité de ruisseaux 
gui les rendent fécondes. On y voit en 
abondance des palmiers , dattiers , figuiers - 
«mandiers. Ils recueillent beaucoup d'huild 



( i3t4 > 
d6 cire et de tabac qu^il^ vieiment. Tendre 
dans les marchés publics. Les marchaadises 
de ces pays se transportent à Mogodor, Il 
y a beaucoup de raisins qu^on cultive dans 
les jardins y ce raisin est bon, les Arabes le 
font sécher, et les Ju|fs enfant de reau-de-rie» 

L'abondance du pays fait qu'on se nour- 
rit mieux que dans le Saara ; cependant dans 
les campagnes on se sent de la frugalité du 
4ésert^ car les habitans du Saara, man- 
quant souyent de grains , sont obligés de 
86 contenter de leur laitage', et les Mon- ( 

selemines des campagnes , pour ne pas i 

retourner si souvent à leurs magasins , ne 
mangent que le soir. Dans les bourgades ^ ou j 

senourrit bien^ ou fait deux repas par jour ^ J 

un vers dix heures du matin , et le second | 

au soleil couché , ce qui doxme beaucoup 
d'occupationau^i: négresses; car elles sont 
presque sans cesse occupées à broyer le 
grain et à préparer les mets. Les habitans 
çles petites villes se procurent aussi plus 
4'aisance pour se coucher ^ ils étendent des 
nattes à terre dans leurs appartemens , sa 
j^urvent de linge, et reposent tranquillement 
sans être exposés aux injures de Tair, 

XiQurs znanières de se traiter , en cas de 



( iaS^ 
maladie ou de blewures'^ sont absolument 
les B^Lèmes que celles des habitons du désert, 

L' Ç JM P I R E i) eV ^ A R O G. 

Lè^'JiëÛ^îeS soumîs^'àta domîriatîph de 

rempterêtfr Hk ^aVoc , feôiît moins héùr'eûi: 

que ceux dont je viens de parler. Les .prî^- 

jti^éë de teuVitatiôû , îê^ Vmo^fiVés âtbUràires 

de'letità p¥iri(feS,'4u'^il^s' çroyèïit' descendit 

du' §ràn"(i prophète^ lé pillage auquel ils 

sonijôurheîlemérit exposés^ soit qu'ils soiextt 

en gûerre^ou n6n ; ïèûrs biens qu'ils sont 

obîièè^' de càdier , ' cràtmle d'en être dé* 

pdullléà pâi" rempereûrôu les gouverneurs, 

tout fcôttt'ribûe à rendre cç peuple esclave 

et barbare ^^ À n^a nulle considération pour 

se^îroîsîtîè / lis S'ë pâlèhif et se Volent tjuand 

*îîs pëttiéM ; et * soumis' en tout aux yploîn^ 

^ iiés tfuritdaitf é âbsôïii;^* iî^ n'ont ^as mèni 

"iàîîbeTt'é'-àfe "^Aiîî: de leur bîpte position^ 

'te'îit' plus^ graud mâçhLèûr (|st sans^ àoute 

de rie ^às connoîtr e ï'âinitîë. Xe père craint 

^ori flls ,* le fils éraint *spii jpèré /ainsi par 

^cér pMjûgéô , la nàtibii inaifresque , qïd oç^ 

*'<iùpè tiiiç (tes plus belles parties delà terre,, 

est" tbùjduîfô misérable , et manqué Souvent 

des choses les plus nécessaires à la vie. 



( i^) 

Comme cette nation est nat^reUenlenff 
esclave, elle n'a point de mœurs parti- 
culières. La volonté du prince fait sa loi y elle 
B^en connoit pas d'autres. Elle n'a de par- 
ticulier avec tous les autres Mahométans 
que leurs défauts , sans avoir aucune de 
leurs vertus. 

Il n'est pas étonnant , d'après si peu de 
principes , que cette nation^ qui se regarde 
comme la première de la terre et qui mé- 
prise toutes les autres , change sans cesse 
de coutumes. Dans une province il y a des 
crimes autorises qui sont punis dans une 
autre. Toujours en contradiction avec luî- 
jnèjne , on voit souvent une partie du peuple 
révoltée contre l'autorité souveraine^ et faire 
une guerre cruelle à ceux qui obéissent à 
l'empereur. Souvent l'aimée suivante les 
rebelles^ les plus déterminés ^ deviennent 
les sujets les plus fidèles > et les autres se 
révoltent à leur toujr. Cette contrariété de 
sentimens etibpeu de lumières des peuples 
maintiennent toujours le souverain dans 
ses droits, et lui donnent une autcnité sans 
bornes, dont il se sert pour dépouiller ses 
sujets , et les maintenir toujours dans l'es* 
Qiavage« Ne pouyant tonir aucun ordre e^ 



L 



( "7 > 
parlant d'un peuple qui n-en a point , ja 
ne puis que rapporter les objets commô 
ils se présentent à ma mémoire. 

La pluralité des femmes est permise , et 
c^est un usage reçu chez les Maures ; ils 
peuvent en avoir quatre qui portent ce 
nom, les autres ne sont que. des esclaves: 
ils ont droit d'en avoir autant qulls pea- 
vent en nourrir. Les moins malheureuses sont 
sans contredit celles qui habitent les cam- 
pagnes* , c'est *à*dire les- plus pauvres j car 
elles sont libres et peuvent aller par-torft. 
Elles sont , à peu do ohos^a près-, aussi 
heureuses que celles du Saara :et du Bile- 
4ulgend. Il en est tout autrement de celles 
qui sont dans les villes, jamais on ne le^ 
voit 'Sortir ; ton jours leri^ermées dans Vew 
ceinte des maisons , ellesiie sont heureuses 
.^uele temps qu'elles -plaisent à leurs maî- 
tre. Quand.un mari barbare' est mécontent 
•de sesfeinmes , il les maltraite à sa volonté;, 
personne ne peut leur porter secours , pei> 
•eonne n'a droit d'entrer dans son aerrail j^.il 
agit en tyran envers elles .; et souvent après 
les avour fait long-temps souffrir , fatigué ^e 
leur vue , il les tue ^ pour .être délivré du 
«Qjm de les nourrir. Les plus humains s'çki 



défont par tro<i , ou ea les venant* Maia 
quelque soit le sort de ces iufortunées « il est 
toujours malheurisax ^uond elles n^^ut point 
:^eu de garçon^ Dans ce cas il chluage de na- 
Ttiàre, le père n^oserpit nuiUraiter. la mère 
de son fils qjai ne. manquerait pas.d^en 
-^er yengeaiice. Un père attaché à sa fille 
ttepeut pas'la secourir quand il seroil: ixiâr 
wtruitdes mauvais itraitemeiis qu^elle|endure. 
*I1 est 4rai que leî ipari seroijt rigoureuse.- 
'■méat, puni s 'ii 'étpit'^conTaincu delà mort 
*âo sa fçmtne; mais c'âst ia dioae impos- 
^siMe. Si ei^erporte sur elle les traces de sa 
-barbarie , pers<m]le> A^en . a^ copnoissance ; 
•il Ta fait euMicreé: clie^ lui et i annoncé sa 
mort à ses pai^ei^8.> Comme il n'y* a ique 
ies grands qui agissent à^ la.'sprt6 , à cause 
de rimpoteibilité oîli Ton est de les atta- 
-iquer^ lespères en place qui aiment leurs 
^enfans les hiaiient soibvent à des gé^s au^ 
(dessous d'eux, qui ont ppur .elles beau- 
*€0^p d'égards. Les secours qu'ils troxiTent 
ieu eux, soit pour le commerce' t)u. pour 
^tt^e chose , les engagent à ménager leuss 
'^}^s«» SoiYV*^ u» père feint de refuser sa 
•Elle à celui qui la lui demande ^ pour éyitôr 
^2es'reprodbkés4ies gens de son rang* Alors 

le 



ie Maure refusé , porte plainte à i^em* 
pereur ; on examine la conduite du pré- 
tendant , et comme le tout est projeté ^ 
on n'a jamais rien à lui reprocher : le père 
est condamné à donner sa fille ^ et paroît 
en être fâché, quoique ces vœux soient 
remplis. 

Tous les Maures sont égaux par la nais- 
sance ; il n'y a qiie les places qui les dis- 
tinguent. Sortis des emplois , ils rentrent 
^dans la classe ordinaire des citoyens. Ainsi 
le plus pauvre de la nation peut prétendra 
sans ridicule à la main de la fille du plus 
riche: un hasard , un caprice. du princd 
pe^t précipiter ce dernier dans rab$m6> 
l'autre par le même hasard peut dans un 
instant être élevé au faîte des grandeurs* 
L'éducation des enfans est généralement 
la même par tout l'empire. Jugqu^à Vkg$ 
de sept à huit ans^ les enfazfs ne font riân$ 
ipais à peine sont-^s circonois qu'on lé| 
occupe , soit aux arts , soit à Tétude dé 
i'alcoran , soit à la gatde de^ troupetmx ^ 
soit aux armes. Ces derniers sont lé( 
favoris de l'empereur. Quand ils sont 
en état de servir , ils se Rendent à Maroc , 
et quand ils sont reçus dans la troupe , ik 

I 



Ci3o) 
y restent jusqu^à ce qu^il plaise à Tein.* 
pereur de les congédier. Ils sont ou fan- 
tassins ou cavaliers , suivant leur adresse* 
Ceux qui se destinent à la mer , sont aussi 
obligés de yenir se présenter à Tempereur j^ 
et sont delà envoyés dans différens ports » 
où ils s'embarquent pour faire la course 
sur tous les Chrétiens. 

L'empereur se rend tous les jours aiz 
missoiro ^ lieu d'assemblée , où il rend, 
la justice. U écoute tout le monde , étran- 
gers ou sujets , honmies ou femmes , pau- 
vres ou riches , tout a droit de paroître 
devant hii et d'expliquer sa cause. Sur le^ 
Jiuit à neuf heures il vient à Paudienqe , 
où il est environné d'un grand nombre de 
soldats. Ceux qui ont ^à se plaindre font 
lin présent ) on ne peut lui parler sans ce 
préliminaire. Ce présenf est proportionné 
à rétat et à la* fortune du particulier. Les 
plus petits, même deux ceufs., spnt ac* 
wptés. On s'explique librement devant le 
prince , qui ne tarde pas à rendre justice , 
ei la partie adverse est présente : si elle 
n'y est pas oïl la fait demander , .et le par*- 
ticulier revient un autre jour ^ discuter: sa 
içgu^e. Les Maures parlent liardiment à. J^eur 



souverain ; jamais ils n'ont de timidité t 
celui ^ui en auroit , s^ayoueroit presque 
coupable , et seroit sûr de perdre sa cause. 
Dans les endroits éloignés de la demeure 
de l'empereur , les gouverneurs rendent la 
justice.. Chaque province a son gouverneur 
g principal , et chaque ville un gouverneur 

particulier. Ils ont des gens sous eux qui 
font exécuter les ordres du souverain , ou 
plutôt les leurs. Ce sont autant de petits 
tyrans répandus dans les provinces. Ils 
abusent toujours du nom de leur maître 
pour s'enrichir promptement. Mais il est 
très-rare qu^ils jouissent 'du fruit de leurs 
rapines. -S'ils savent par leurs espions 
qu'un particulier a amassé quelque chose , 
dans un pillage ou dans des opérations du 
commerce , ils lui en demandent une 
partie , que ce malheureux est obligé da 
donner pour sauver le reste. S^il arriva 
qu'il refuse ou nie avoir la sonlme de*-. 
mandée , on l'accuse devant Temperôur. Au 
moment où il ne se doute de rien , des 
ordres airiveat de la cour , on s'empare 
de tout ce qu'il possède | ses bestiaux , ses 
captifs et ses meubles sont vendus publia- 
guement , et on le met en prison jusqu'à 

la 



(i3a) 
ce qu'il parte pour aller se justifier derant 
l'empereur de 1 accusation intentée contre 
lui. Souvent il meurt de misère ayant que 
d'y parvenir. S'il y parvient , et qu'il ait 
le bonheur d'être reconnu innocent , on 
ne lui rend rien ; ce qu'on lui a pris étant 
dans le trésor public , c'est une chose 
sacrée qui ne doit jamais en sortir ; car 
on donne pour raison qu'elle est mise en 
réserve pour le besoin de l'état. On lui 
laisse seulement le pouvoir de vengeance 
et la liberté. Jamais on ne lui nomme ses 
accusateurs , il s'en doute seulement. 
Rendu dans sa famille , il se forme un 
parti qui intente diverses accusations 
contre le gouverneur , qui, sans le savoir , 
est condamné h son tour , ses biens sont 
confisqués au profit du trésor. Ce dernier 
a plus de peine à sortir du labyrinthe dans 
lequel il se trouve engagé ; car comme il 
fL plus de biens , que ces biens ne viennent 
que des vexations exercées sur le peuple , 
il peut rarement se défendre. Alors il est 
condamné à mort , à moins que l'empereur 
n'ait encore besoin de lui ; dans ce cas il 
est de nouveau revêtu de la charge d^ 
gouverneur ^ et envoyé dans une autre 



( i33 ) 

province. L^împunîté de sa première faut# 
rengage à avoir moins de ménagemens 
pour le peuple , et il finit tôt ou tard par 
avoir la tête tranchée. S'il prévoit l'instant 
de sa perte , et qu'il veuille se retirer > il 
obtient aisément sa grâce en abandonnant 
tout le produit de ses rapîiies. Car il faut 
qu'il soit bien rusé pour conserver quelque 
chose , ayant à vivre au milieu d'u^ peuple 
qu'il a pUlé , et qui ne manqueroit pas do 
l'accuser j s'il le voyoit dans l'aisance. Il 
peut encore éviter la mort et la perte de 
ses biens lorsqu'il est assez adroit pour 
ménager sa. retraite chez les Monselemine^ 
Lorsqu'il a le bonheur de gagner ce pays , 
il est en sûreté et n'a rien à craindre du 
ressentiment de l'empereur. 

Sidy Mohammet^Benr'jdbdella ^ emper 
reur de Maroc , de la famille à^^ Schérifs 9 
descendant de Mahomet 1, (^st l'interprète d« 
la loi. Les prêtres se nomment Talhek , et 
sont toujours de son avi$ ; d'ailleurs , sor* 
tant du grand prophète t il a le bonheur 
d'en être inspiré, et ne peut jamais se trom^r 
per. Le respect qu'on lui porte est si grand i, 
qu'on s'estime heureux de mourir de. s^ 
mam ; c'est la plus grande faveur à laquelle 

13 



( i34 ) 

tm Maure , pénétré de la sainteté de âà 
religion , puisse prétendre. Il est sûr d'aller 
dans le sein de Mahomet pour y jonir 
d'une félicité éternelle. L'empereur régnant ^ 
moins cruel que ses prédécesseurs , main- 
tient cette opinion. Lorsqu'il condamne à 
mort pour quelque crime , on laisse le 
cadavre du coupable dans le lieu oti il a 
été tué, jusqu'au moment où il plaît à 
l'empereur de pardonner ; alors les Mau- 
res parens ou amis vont au cadavre , lui 
annoncent son pardon , l'enlèvent et lui 
rendent les honneurs de la sépulture. Ils 
environnent de murailles l'endroit où. ils 
•l'enterrent , et alors le défunt est regardé 
comme un saint. Si l'empereur ne pardonne 
point , les Juifs enlèvent le cadavre , il 
reste sans sépulture , et devient la pâture 
des animaux camaciers. 

Le vendredi, qui, dans le Biledulgérid , 
est le jour de taarché, esta Maroc le jour 
de prières. Personne ne travaille; on va 
en dévotion visiter les mosquées; et lors- 
que les prières sont finies , on se visite les 
uns les autres , on s'assemble sur les places 
publiques, et on ^e divertit. Dès que le jour 
commence à paroître", le crieur public 



(i35) 

monte sur la terrasse des mosquées , oliant^ 
la prière générale à haute voix , et en fait, 
autant à midi et au soleil couché. 

L'hospitalité n'en conserve que le nom r 
il faut payer sa nourriture , quand on 
voyage ; cependant elle est inviolable en* 
cas d'asile. Un exemple arrivé sous le rè- 
gne présent prouve combien ce devoir est 
sacré. Un chef de voleurs , réfugié dans 
les montagnes de PAtlas , ayant été instruit 
par ses espions du jour du départ des 
négocians françois , lorsque^ par ordre de 
Tempereur ^ ils quittèrent Ste.*Groix àe 
Barbarie , pour s'établir à Mogodor y voulut 
profiter decette cîrconstancepourpiller leurs 
marchandises. Il fit avancer sa troupe dans 
un des défilés des montagnes , par où la 
caravane qui escortoit ces marchandises > 
devoitpassen Cette troupe de voleurs étoit 
composée de quatre cents hommes déter- 
minés et bien armés ; il s'en falloit de beau« 
coup que l'escorte de la caravane fût aussi 
nombreuse ; mais le hasard les fit échapper 
au malheur d'être pillés , peut-être même 
égorgés. Une pluie abondante , survenue , 
oblige à faire halte ;la nuit avançoit, on étoit 
près de la maison du chef de cesbrigan4s. 

14 



Le GOnilacteHr de la caraTane , ne TOuIont 
point rester dans rendroit où on aToitfait 
lialte , proposa de changer de route et de 
se rendre à Thabitation de cet homme connu 
pour être un chef du pays , et non pour 
9n capitaiue de yoleurs. Les négociaus y 
consentirent : on fut bientôt arrive ; Ton 
déchargea les marchandises pour les mettre 
à Tabride la pluie. Le maître du lieu , ins* 
truit de IWriyée de la caravane , vint 
recevoir les négocians , et leur apprit qu'il 
avoit uiis quatre cents hommes eu em- 
buscade pour les dépouiller, mais qu'il 
falloit qu'ils fussent sous la protection spé- 
ciale du prophète pour avoir éviti ce mal- 
heur ; il ajouta qu'ils ïi'avoient plus rien 
a cramdre , puisqu'ils étoient venus se ré- 
fugier chez lui ; que sa religion lui ordon- 
noîtde les protéger; et que ^^^ t^oo hom- 
mes , loin deles attaquer , les escorteroieut 
jusqu'à Mogodor; ce qui fut exécuté sans 
même qu'il exigeât aucun salaire pour sea 
peines et celles de ses gens. 

Les Maures observent avec le plus grand 
coin et la plus grande exactitude les aus- 
térités de leur carême. Il consiste à s'abs- 
tenir de nourriture , de boisson et de ta- 



bac^ depuis le lever du soleil jasqu^àson 
coucher. Celui qui est surpris y contreve- 
nir^ est puni rigoureusement. S^il a mangé 9 
il reçoit plus ou moins de coups de bâtons , 
suivant la volonté du chef; s'il a bu , mémo 
seulement de l'eau , on lui donne 20 ou 3o 
coups de bâtons sup latête ; punition que 
je vis exécuter lorsqu'on dressa le camp 
devant la ville de Rabate. Pour le tabac, 
objet dont on peut plus aisément se passer ^ 
il est puui avec plus de rigueur que les 
deux autres cas. Rarement le coupable 
évite la mort : on lui met beaucoup de 
poudre à canon dans la bouche, et on y 
x^et le feu. Les troupes mêmes en marche 
ne sont pas exemptes des austérités du. 
Carême ; et c'est en voyageant avec elloa 
pendant ce temps que j'ai vu par moi-xtixèma 
quelles sont les peines qu'on inOige à 
ceux qui violent ces loix religieuses. 

Les malades obtiennent des dispenses y 
mais aussitôt qu'ils sont rétablis , il faut 
qu'ils fassent ce qu'ils auroient dû faire. 
Les prêtres pendant ce temps sont presque 
tout le jour , et une très^grande partie de 
la nuit , occupés à la lecture de l'alcoran ^ 
et à celle des pensées des iïiterprètes. 



(136) 

Là croyance générale est celle de Vim^ 
mortalité de Famé pour les hommes qui 
font zélés observateurs de la loi , les autres 
doivent sonfFrir pendant quelque temps , 
et sont ensuite anéantis* Point d'éternité 
de peines , cette idée effrayante leur parott 
contraire À la bonté divine. A Tégard des 
femmes^ il n'y a d'immortelles que celles qui 
ont été attachées inviolablement à leurs' 
maris : elles deviennent après leur mort des* 
beautés célestes; lesautres périssent entière- 
ment* Suivantleurs principes,rhomme n'est 
point libre , tout est réglé de toute éter- 
nité. C^est pourquoi si quelqu'un d'eux 
commet un crime, il n'en est pas moins* 
estimé de ses compatriotes. Lorsqu'un 
Maure est dans l'adversité , il la supporte 
avec une constance héroïque ; jamais on 
ne l'entend murmurer de sa triste situa-' 
tion, il remet tout à la volonté de Têtre 
suprême » et ne fait pas le moindre effort 
pour sortir de l'état dans lequel il se 
trouve. 

L'empereur régnant avoit un ami intime 
quiavoit étéélevéaveclui. Lorsque ce prince 
parvint à la couronne y cet homme étoît 
son unique conseil* Ses ennemis , (car 



dans tin tel degré défaveur on ne màhque 
pas d'en avoir) persuadèrent à l'emperèuif 
de réloîgner de sa personne , sous lu pré-» 
texte spécieux que cet homme ^tant Téquité 
même , rétabliroit le calme et la tranquillité 
par la douceur de ison gouvernement. Cel 
avis fut goûté du prince ; il en parla à sou 
^mi , qui, content de la médiocrité dans 
laquelle il vivoit , et de l'étroite amitié 
qui le tenoit attaché' à l'empereur, n'en 
reçut la nouvelle qu'avec beaucoup dé 
tristesse. Il communiqua ses inquiétudes 
à l'empereur qui tâcha de les dissiper, ea 
lui assurant que le- preilokier qui oseroit 
l'accuser , Scroît puni de taort. Il fallut 
partir ; ce ne fut pas sans regret. Ce bravo 
citoyen ne s'acquitta que trop bien dé son 
emploi; Toute la province louoit la dou- 
ceur de son gouvernement. Les provinces 
voisines demandoient par leurs députés 
des gouverneurs semblables. Ilis envioient 
lé bonheur de ceux qui vivoîent sous ses 
Ibîx. Cette conduite sans reproche fût 
cause de sa ruine. Ses ennemis profitèrent 
de la révolte des provinces voisines , quî 
ayoient refusé de payer le tribut aux 
gouverneurs que le prince avôit envoyés. 



( lÀo ) 
Us persuadèrent à Tempereur que soii 
ancien ami , ébloui par rattachement quo 
la peaple lui portoit| vouloit se rendra 
indépendant. U n'en fallut pas davantage 
pour le faire condamner. L'empereur le 
rappela ; et sans vouloir ni le voir ni 
Tentendre , le £t mettre dans une météore 
( lieu où Ton met le grain en réserve ) où 
on lui apportait à manger une fois le jour; 
A peine y avoit*il assez d'air pour qu'il 
pût respirer. Il resta quinze ans daiis ce 
cachot , sans qu'on parlât de lui. L'empe^ 
reur le croyoit mort depuis long-temps , 
lorsque le fils de cet infortuné s'étant dis- 
tingué daQS une réTplte où il reçut plu-^ 
eieurs blessures pour sauver l'empereur , 
Qsa demander au prince pour tonte récom* 
pense la permission de retirer son père de 
la météore. Cette demande réveilla la ten- 
dresse du roi y qui , surpris de le savoir 
en vie , ordonna à l'instant qu'on le fît 
sortir de cet endroit de douleur. U le 
retint auprèsrde lui y et lui donna de ijou^ 
veau toute sa confiance et son amitié. Fen^^ 
dantun aussi long espace de temps >t jamais 
on n'entendit cet homme se plaindre. Il 
ayoit souvent ordonné à son fils^ qui Taimoit 



( i4i ) 
tendrement, de ne pas encourir la disgrâce 
de son maître , en osant parler en sa fa- 
veur. Il soutenoit qu'il seroit déliyré uifc 
jour ; et il reçut cette nouvelle avec autant 
de sang froid qu'il en avoit témoigné lors^ 
qu'il fut condamné à subir cet injuste traiy 
tement. 

Lorsque le roi de Maroc sait qu'une de 
ses provinces a joui long-temps de la paix , 
et qu'elle est riche ^ il la taxe plus qu'à 
l'ordinaire , ce qui ne manque pas d'exciter 
les murmures du peuple y. et c'est ce qu'il 
désire. Le peuple taxé délibère , s'assemble $ 
et dans ces sortes d'occasions , les tète$ 
échauffées courent aux armes. L'empe- 
reur temporise alors ; il feint de céder aux 
fustes représentations de son peuple , il 
s'instruit du nombre des révoltés , de 
leur nom , de leurd biens , rétablit 
la taxe ordinaire , et tout revient dans 
un état tranquille. Ce calme est tou« 
jours pour les provinces plus dang^^eus 
que l'orago ^ car le prince trouve bientôt 
quelque prétexte d'éloigner les chefs , soit 
en lès attirant à sa cour , suit en leur 
donnant des commissions honorables qui 
1^ obligent de s'absenter de leur prôviu^^e* 



( i4a ) 
Alors il se Tenge en la faisant itttaquer 
par les provinces voisines^ sous prétexte de 
réijellion. U partage de moitié dans les 
dépouilles. Le peuple suq>ris et attaqué de 
tous les côtés ^ n ayant plus de chef pour 
les commander , est bientôt accablé. II se 
soumet, et paie. Alors Tempereur fait cesser 
le .pillage. Souvent , sous le prétexte que 
ses provinces voisines ont outre *passé ses 
ordres ^ il leur fait subir le même sort } et 
par cette politique barbare , il trouve le 
moyen de s'emparer de toutes les richesses 
de ses provinces. 

U est à croire que ce prince est de la 
nation Monselemine ; car son amour pour 
Fargent est semblable à celui de ce peuple. 
X.es habitans du cap de Nun disent que 
sa mère étoit de leur pays , et cela est à 
croire j malgré les assertions contraires des 
Matures de Maroc. Car dif^ére^t en tout de 
son père qui ne laissoit point d'armes à son 
peuple , celui-ci ne leur laisse point d'ar* 
'gent;mais il leur permet d'être armés, et 
tous les Maures le sont. actuellement comme 
ceux dn Biledulgerid. Il retire de cettie po« 
litique un autre ayantage qui est de se passer 
cle teottpes. Yeut-il faire la guerre; il or-: 



Ç i4^) 
donne à. une province d& marcher, et elle 
assemble des gtierriers qui forment des 
corps d'armées considérables. L^espoîr da 
butin les guide; jamais ils ne pensent à 
Tayenir, et ne voient pas qu'ils doivent être 
tôt ou tard les victimes de leur soumission 
aveugle aux ordres de l'empereur. 

Le commerce attire son attention > à 
cause des sommes immenses qu'il lui pr.o* 
cure.. Il permet à toutes les nations d'avoir 
des maisons de commerce dans ses états* 
Il prend le douzième de. toutes les car- 
gaisons pour ses droits , et souvent exige 
de fortes sommes des négocians. qui sont 
contraints de le satisfaire pour continuer 
librement leur commerce. Il se fait avec 
beaucoup de lenteur dans ce pays ; la cause 
est qu'il y a trois jours sans compter les 
fêtes des Chrétiens pendant lesquels on .ne 
travaille pas , savoir le vendredi^ samedi 
et dimanche. Le dimanche est le jour du 
plus grand repos , parce que les Chrétiens 
qui font le plus fort du commerce > tiennent 
ces jours-là leurs magasins fermés* 

Les Juifs , auxquels il permet Texerciice 
de Uur religion dans tout son empire > lui 
fournisçent des sommés immenses ; l'iia- 



( 144 ) 
dustrîe de ce peuple errant est un des plu4 
grands trésors du prince. Il les facilite dans 
le commerce, leur fournit même des fonds, 
mais il sait les recouvrer avec usure, il 
tire prqfit de tout. Le Juif est Tesclave de 
!a nation ; c'est pourquoi si un Maure ou 
un Chrétien tuent ,un Juif, ils sont con- 
daninës à cent piastres fortes d'amende. 
Mais si un Maure tuoitun Chrétien, l'argent 
ïie pourroit le sauver , car le prince crain- 
droit de perdre le commerce des Euro- 
péens, et cette crainte fait que T Africain 
est puni de mort. Le Chrétien au contraire 
est autorisé , et son crime est souvent im- 
puni ; car l'empereur ne peut se persuader 
qu'un Chrétien , dans son empire , osât 
tuer un Maure , à moins d'être attaqué. 
Tout citoyen , comme je Pai déjà dît , est 
obligé au service ; cependant l'empereur en- 
tretient toujours un corps de troupes ré- 
glées composé dé Maures. Son père lui 
avoit laissé une armée de nègres bien dis- 
ciplinée, sous le commandement d'un bâcha 
noir ; mais ce prince , ayant trouvé le moyen 
de s'attirer le respect des peuples dont 
son père étoit détesté , a changé tous les 
établissemens du règne précédent. Il s'eôt 

presqu'entièrement 



( 145 ) 
presqu^entièrement défait de celte armée 
nègre , en Texposant dans lea défilés de 
l'Atlas contre les Monselemines. Il craignoit 
cette milice éitrangère qui formoit Un corpa 
de quarante mille hommes ; car plusieurs 
fois il avoit été témoin de leur mutinerie» 
Les gens , les mieux disciplinés et sur les- 
quels il fonde le plus d^espoir dans les 
occasions critiques , sont deux cents cin** 
quante renégats françois , commandés par 
un alcaide de la même nation. Ce chef en 
1784 étoit le fils d'un chapellier de Paris > 
nommé Boisselin ; Cette troupe est com-, 
posée de François qui ont déserté d-Espa* 
gne. Ils ont une bonne paye ; ne font pres- 
que pas de service, et sont en temps de. 
paix à Mogodor. C'est Talcaîde des re- 
négats qui connoît des différends et des 
fautes ; il n'a aucun compte à rendre aux 
gouverneurs , il ne rend raison de ses blO 
tions qu au roi lui-même. Quoiqu'il soit per-i 
mis aux reiaégats d'avoir plusieurs femmes > 
ils n'en ont cependant qu'une , la plupart 
même s'en passent. U y a encore 800 autres 
renégats espsignols et portugais ; mais ils ne 
forment point corps, et sont distribués 
dans les différentes places de l'empire^ ild| 



(146) 
obéissent anx gouYemeois des lieiutoù lia 
se tronyenU 

Ce qui fait que , loin de Tempereiir , les 
ordres restent sans exécution , c'est que ce 
prince promet et ne paye jamais ; il ne sait 
que s^emparerderargent et n'a jamais connu 
Tusage d^en donner. Lorsqu'il s'agit d'a- 
cheter des captifs , les Juifs sont chargés 
de cette commission : d'accord arec les 
gouyemeurs , ils temporisent : tantôt sous 
nn prétexte, tantôt sous im autre ; etl'em* 
pereur , fatigué des délais , charge d'autres 
Juifs qui , sûrs également de n'être pas 
payés , ne sont pas plus pressés d'obéir. 

Xjes Arabes indépendans qui connoissent 
le caractère du prince , ne veulent pas sur sa 
parole livrer leurs captifs; ce qui fait que 
es Chrétiens ne peuvent être délivrés que . 
Ipar les négocians qui sont répandus dans 
l'empire. Ces derniers ne les laisseraient 
point languir , mais ils sont obligés d'user de 
ruse pour obtenir la permission de Tem* 
pereur de racheter ces captifs. A peine les 
habitans du Biledulgerid ont-ils la parole 
des négocians , qu'ils envoient leurs es- 
claves ; ils ne craignent point de perdre la 
^rançon couvenue , car il n'y a pas d'execçi- 



(147) 

-^ Jîfe qu'un Chrétîen \, à la tété d'une maî- 

SQXL de commerce^ ait jamais manqué de 
^ satisfaire à ses engagemens ; ce qui fait dire 

-Cî aux Maïu-és , qu'on peut se fier aux Chré- 

^ tiens , car ils ne mentent jamais , leur re« 

3î ligion leur ordonnant de tenir toujours leur 

> parole. Cette opinion reçue facilite beau- 

:^ coup le commerce, et soulage les mallie a- 

^ reuxqui font naufrage sur les côtes de Bar- 

j barie; car à peine uu navire a-t- il échoué 

3r que les habitans en instruisent les négo- 

È? cians chrétiens , jamais ils n'en donnent 

5 ayis à l'empereur qui n'en est instruit que 

par hasard. 

Chez un peuple aussi superstitieux, il 
n'est pas étonnant qu'il n'y ait souvent des 
ambitieux qui s'efforcent de se faire uu 
parti dans l'état. Les abus qu'ils voient dans 
le gouvernement, l'inclination qu'ils con^ 
noiôsent à leurs compatriotes pour la nou- 
veauté , le désir de l'indépendance si naturel 
à l'homme , tout autorise ces factieux à 
prêcher leurs opinions dans les campagnes* 
Ils se servent toujours du motif spécieux de 
la religion ; et quelque absurdes que soient 
leurs, raisonnemens , ils ne manquent pas 
ide partisao» fanatiques , sur- tout si le chef 

K a 



de Tentreprisê est assez adroit potir faîftf 
quelque tour qui puisse surprendre et at- 
tirer l'attention de ce peuple grossier» Le 
chef ne manque pas de se dire inspiré du 
prophète i et sa doctrine permet toutes sor-î 
tes de pillage , appas séducteur pour des 
gens naturellement portés à la rapine. Ou 
court aux armes , on attaque les possession» 
de l'empereur. Ce prince alors met des ar* 
mées sur pied , ne se fiant point au zèle 
des provinces qui n'auroient rien à gagner 
mais tout à perdre , et qui pourroient bien 
se laisser entraîner dans la sédition , par le 
désir de la nouveauté et l'espoir flatteur 
d'être mieux traitées. Les troupes de l'em- 
pereur bien disciplinées , commandées par 
des c]h.efs habiles et formés aux combats , 
ont bientôt dispersé ces rébelles qui n'osent 
reparoître dans leurs provinces où on les 
traîteroît de sacrilèges. Ils se réfugientsurles 
montagnes de l'Atlas , d'où il est impos- 
sible de les chasser ; et alors ils forment 
des bandes de voleurs qui attaquent tout 
ce qui leur tombe sous les mains. Souvent 
ils descendent dans les plaines ; et comme 
ils sont habillés et parlent comme les rta- 
lur^ls j on ne pwt s'en préserver. Ilss'in-; 



( i49 ) 
forment du départ des caravanes , et les 
attaquent presque toujours avec avantage. 
Celles de l'empereur qui conduisent les 
deniers royaux provenans des droits du 
commerce des différens ports ne sont pas 
plas respectées que les autres. Mais les es« 
«cortes sont si nombreuses qu'il est rare 
qu'on les enlève. 

Un factieux de cette espèce , souô le rè- 
gne actuel, poussa ses conquêtes jusqu'à 
Maroc. Le peuple étoit prêt à se joindre 
à lui ; ses prétendus miracles , des révéla^ 
tions et mille autres absurdités de cette 
espèce avoient surpris la bonne foi de la 
multitude; ilnerestoit à l'empereur que ses 
renégats françois , qui s'étoient rendus pré- 
cipitamment à Maroc , et quelques Maures 
des plus fidèles. L'empereur , voyant que 
la force ne pouvoit le sauver, employa 
la ruse. Il s'avança vers le peuple à la tête 
des renégats , et dit à haute voix que si 
Thomme qui se présentoît étoit vraiment 
tm envoyé du prophète , qu'il seroit le pre- 
mier à baiser la poussière de ses pieds ; 
. qu'il falloit au moins savoir la volonté du 
grand prophète , et qu'il alloit pour ce sujet 
à la mosquéei Le chef rébelle , voyant tout 

K 3 



( i5o ^ 
le peaple applaudir à ce discours ; se seii^ 
tant à la tête d'un parti nombreux , yoyant 
rempereurabandonnédetoutlemonde^crut 
n^avoirrienàcfaindre.Upritdoncuneescorta 
particulière, et se rendit aussi à la mosquée. 
Ils y furent enyiron une demi-heure. Reve- 
nus tous deux devant le peuple, l'empereur 
demanda à l'imposteur ce que lui avoit 
inspiré le prophète. « De te détrôner , ré- 
pondit cet homme, et d'employer la vio- 
lence si tu ne veux te soumettre de bonne 
grâce : et moi , dit l'empereur , le prophète 
m'a dit que jereconnoîtrois pour successeur 
celui qui , se couchant sur la terre en pré- 
' sence de tout le peuple , y resteroît ayant 
au-dessus de sa tète une pierre pesant cinq 
milliers^ suspendue et prête à l'écraser. 
Mets toi donc à terre , si tu es véritablement 
l'envoyé du prophète ; et si toutes les mer- 
veilles que tu as opérées jusqu'à ce jour 
ne sont pas de faux miracles inventés pour 
surprendre le peuple , la pierre restera sus^ 
pendue au-dessus de toi, ainsi que Test le 
tombeau de Mahomet à la Mecque : alors 
je me soumettrai le premier à tes loix , et je 
donnerai l'exemple à mon peuple de te de» 
meurer toujours fidèle. « Le fourbe ne voii^ 



( i5i ) 
lut point accepter cette proposition ; maÎ5~ 
le peuple ayant applaudi , les renégats s'em- 
parèrent de lui , malgré sa troupe qui vou- 
loit le défendre , et suspendirent au-dessus 
de lui une pierre qui , emportée par son 
poids , écrasa bientôt ce brigand. Cette 
heureuse ruse et le courage des renégats 
que le nombre de leurs ennemis ne put 
effrayer , sauva l'empereur , et leur valut 
l'attachement inviolable et les faveurs de 
ce prince qui, chaque année , veut les voir 
les fait habiller et leur fait donner une paye 
proportionnée au service qu^ils lui ont 
rendu dans cette circonstance si critique. 
Lorsqu'on est accusé devant l'empereur 
et que ce prince a parlée personne n'ose 
dire non; contredire sa pensée est une 
certitude d'être égorgé sur l'heure. L'alcaïde 
des renégats françois , seul , a osé le faire 
une'fois , sans en être puni, ce Tu as facilité 
c< Ja fuite de tes compatriotes , lui dit ce 
c< prince , en présence de son peuple , je 
ce le sais de bonne part ; attends toi à subir 
« la peine due à ton crime. O seigneur , 
« on t'a trompé , lui répondit l'alcaïde. 
c< Quoi, lui dit, l'empereur, tu ne conviens 
jK pas de ce qui est avéré? Non , seigneur , 

K4 



( .52 ) 

ec fais paroitre mesaccusaten^'fi ^ et ta saurai 
€< la vérité. » Cette réponse ferme auroit 
été pour tout autre l'arrêt de sa mort , 
mais elle sauva cet alcaïde : ses accusateurs > 
parmi lesquels étoit un bâcha , furent man- 
dés ; et quoique la chose fût vraie , les ac- 
cusateurs ne purent le prouver, et furent à 
l'instant mis à mort. L'alcaîde au contraire 
fut récompensé. Je lui ai entendu raconter 
cette aventure. 

Quand une armée mauresque est en 
marche, elle ne suit aucun ordre j seule- 
ment ceux qui portent les drapeaux mar- 
chent les premières. Les cavaliers sont dis- 
persés pêle-mêle avec les fantassins. Au 
rendez-vous indiqué , tout le monde se 
réanit et on ne fait point d'appel. On 
campe en rond ; la tente du général et 
celle de la prière sont placées au milieu 
du camp. Vers la nuit on pose des senti- 
nelles en avant des tentes ; les soldats se 
couchent dans l'herbe , et l'on fait de quart 
d'heure en quart d'heure le cri de guerre 
pour prouver que l'on est éveillé , et toute 
la nuit on entend un vacarme épouvan* 
table. Il est assez difficile de surj^rendre 
ces camps , car on dort tout habillé , les 



( i53 ) 

tomes prépar:ées , les chevaux n'étant slU 
tachés qn'à un petit piquet , en sont bien- 
tôt débarrassés, ef diua^s Tins tant on est prêt 
au combat- Les rivières se passent à la 
nage ;. les bagages s,Q.inettent sur des ra* 
deaux faits avec les bâtqns des tentes , sou- 
tenus par des outres pleines de vent. Quand 
une armée arrive près 4'^^?^ ville , les ca- 
valiers vienne^atla recevoir ; ils font le jeu 
du feu contrei ceux qu'ils, viennent vi- 
siter. Dès qu'ils s'apperçoivent ^ ils fon; 
dent les uns sur^ Içs ; ^tre& , ventre à 
terre. Le coup de fusil tiré, la cavalerie sa 
réplie , les cavaliers rechargerit.en fuyant ^ 
et reviennent de lasorte. sur la même ligna 
plusieurs fois . au combat«x Npp» jouîmes 
de çç spectacle devant Is^ ville d^Azimor, 
Les forces navales, de Tempir^de Marçc 
pont très'peu considérables. Çependa^nt le^ 
corsaires sont redoutables. Ils tentent tou^ 
jours l^abordage \ et cQipine Jours équî-» 
pages sont nombreuse , ils ont souvent 
ravant£^g0. Ils' ne perdent presque point 
de vue la terre;; s^ils $e sentent poursuivis 
par des forces sup/àrieures <, ils ont bientôt 
gagné quelque fort , ^çous le cano^ du-* 
quel ils se «f^ttent à Tabri, 



X i54 ) 

Les villes de Barbarie sont très-mal 
bâties y les rues sont étroites et point 
pavées ; on n'y connoît point les voitures ; 
les maisons sont sans fenêtres sur la rue , et 
les toits sont des terrasses* Plusieurs an* 
cîens monumens tombent en ruine. A la 
sortie de Maroc on voit un pont superbe 
d'une longueur étonnante. La ville de 
Rabate est bien fortifiée et pavée en partie. 
Mais celle de Mogodor est bien plus belle y 
car les négocians françois y ont de superbes 
maisons , toutes bâties en pierres de taille : 
ils y ont aussi un jardin commun que 
i'éïttpeteui: "leur a donné , et qui est très- 
Vastè et bieii entretenu. - 
^^^ Le territoire est fertile , et produit abon- 
damment toutes- les choses nécessaires à 
3a vie. Les montagnes sont très-escarpéesi 
3ja chaîne de celles que Ton nomme Atlas > 
I3st , vi&-à<vis Maroc , absolument couverte 
de neige dans toutes les saisons de Pamiée* 

Les Maures habitant la partie de ces 
montagnes qui avoîsine Sainte-Croix, ne 
laissent pas un pouce de tcrreln inculte. 
Ils forment de petites murailles pour 
Soutenir les terres. Souvent un endroit 
cultivé n'a pas plU6 de huit à dix piçds 



( iS5 ) 
de profondeur : on croîroît volontiers que 
lia terre manque dans ce pays , en voyant 
avec quel .soin on l'emploie. Cepen-. 
dant , à quelques lieues de distance , on 
voit de superbes plaines , d'une terre ex- 
cellente , qui sont entièrement abandon- 
nées. H n'est pas aisé d'en deviner la 
cause. Si ce n'est que peut-être ces gens 
préfèrent la culture des montagnes , parce 
qu'il leur est plus aisé de s'y garantir des pil- 
lages des brigands. En occupant la partie 
voisine du Biledulgerid , il leur est très*^ 
facile de s'y rendre : ils sont maîtres des 
défilés , et par conséquent on ne peut les 
surprendre. Cette raison leur fait sans 
doute préférer ces lieux austères aux ha-; 
bitations riantes et agréables qu'ils pour*^ 
roient avoir dans les campagnes voisines. 
La moisson faite ^ on met le feu aux 
pailles. Le bled se conserve comme dans 
le Biledulgerid ; quant au commerce , tout 
le monde sait , et sur-tout a Marseille , 
quels avantages immenses on en retire* 
Ce qui me reste à ajouter en terminant 
ces réflexions , c'est qu'il ne manque aux 
Maures pour devenir une nation hèu- 



Mnse et mvincible que des Io!x înyâria<^ 
hles , et une administration qui ne dé^ 
pende point du caprice de celui qui les 
gouyeme» 

Fin de Ja première pariiez 



DEUXIÈME PARTIE. 

Voyage à Gaînm > et retour en France% 

Rendu dans le seîn de nia faniille > je pen* 
sois y goûter quelque consolation ; il eu 
fut tout au contraire. Je vis avec douleur 
que mes parens ne croyoient rien de mes 
souffrances. Les uns me disoient que m'y 
étant exposé , je n'avois essuyé que ce que 
je méritois ; les autres insensibles à ma 
situation , n'avoient pas daigné répondre 
aux lettres obligeantes qu'ils a voient reçues 
de la part des divers négocians de Bor- 
deaux , qui calculant autrement que ma 
famille s'étoient vivement interressés à 
mon sort* Ces négocians avoient eu la bonté 
d'écrire à Cadix , Mogodor , Salé et autres 
lieux , pour qu'on employât tous les 
moyens possibles de me tirer de la misère^ 
s'cngageant ^ sans fixer de prix , à satifaire à 
tout pour y parvenir. Je crois devoir rap- 
porter ici celle que j'ai reçue par duplicata 
à Sainte-Croix de Barbarie , et qui m'étoit 
écrite par M. Mocquart , de Bordeaux. Elle 
ne parvint par le canal d'un Juift 



( 158 ) 

Bordeaux 14 avril 1784^ 
MOKSIBtJB. SAUGKIXa^ 

J^aî appris seulement hier les malheurs 
qui vous sont arrivés. Je Tai su par une 
lettre que M. Lanaspèze fils , votre deuxièmo 
capitaine , a écrite à M. Mure , consul Fran- 
çois à Salé , en date du 21 février dernier , 
laquelle M. Mure a envoyée à Lanaspèze 
père , le 14 mars dernier. Il n'y a point 
de mal sans remède , mon cher ami : que 
Dieu vous conserve la santé , et nous vous ti- 
rerons avant peu de la misère. J'écris aujour- 
d'hui à M. Mure qu'il emploie toutes les voies 
possibles pour vous trouver , et qu'aussitôt 
il donne ce qu'il faudra pour vous tirer 
d'esclavage ; que je suis prêt à satisfaire à 
tout , au moyen de quoi mon cher , j'es- 
père que si vos infortunes ont été grandes , 
elles ne seront pas de longue durées Ne 
vous abandonnez donc point au chagrin , 
je vous y invite fort ; et l'espère d'autant 
plus qu'un homme comme vous sait sur- 
monter les adversités de la fortune aux- 
quelles il est accoutimié. 

MM. Fb^ueti vos amis , mirent en mci:^ 



(x59) 
le stgdécetûhre : ils ont été contrariés par 
la tempête , et obligés de relâcher à Brest 
le 7 janvier : leur lettre , datée du lo , m'an- 
nonça qu'ils dévoient partir le ii. 

Ce sont toutes les nouvelles que j'aî 
reçues jusqu'à présent : je les suppose ar- 
rivés. Je suis occupé à leur faire un pôtit 
envoi. Je croyois bien que vous seriez ar- 
rivé avant eux. Je leur fais passer un alem- 
bic. Au reste ce n'est que du retard. A 
propos de cela, j'écris à ce même M. Mure, 
que si par hasard il y avoit des moyens 
de Vous faire passer soit à l'isle St. -Louis 
du Sénégal , soit à Gorée , qu'il ait la com- 
plaisance de vous les procurer , si toute- 
fois vous le vouliez bien. A défaut par vous 
d'y consentir , je le prie d'avoir la complai- 
sance de vous faire passer le plus promp- 
tement en France ; et que , de telle manière 
que vous vous décidiez , il pourra toujours 
prendre son remboursement sur moi. 

J'écris encore par la même occasion à 
TOL nommé David Benatar , juif établi à 
Mogodor , qui est celui à qui Lanàspèze 
s'est adressé pour faire passer sa lettre à 
M. Mure , afin qu'U fasse de son côté 
tputesles démarches imaginables pour yops^ 



( iffo ) 
rencontrer , et quWssi-tôt il en donne avis 
à M. Mure. Aprè3 avoir commencé par ter* 
miner toutes vos peines , dont je verrai la 
fin avec bien du plaisir , je suis > avec le 
plus sincère attachement , monsieur , votre 
très-humble et obéissan t serviteur. 

Signé M. M o c Q TJ A H T. 
Ma mère , qui est loin d'être dans l'ai- 
sance , fat la seule sensible à mes peines; 
elle me donna du linge et des hardes , se- 
Ion la modicité de ses moyens. Un de mes 
oncles, chanoine et fort à son aise, m'en- 
voya^ plutôt par ostentation que par ami- 
tié , 3oo liv. ; me marquant que c'étoit le 
dernier présent que je recevrois de lui ; et 
que , malgré l'intérêt qu'il prenoit à mes 
malheurs , il ne pourroit dans la suite rien 
faire de plus pour moi. Dans une posi- 
tion aussi critique , ayant si peu de fonds, 
n'ayant pour tout habit que celui que je 
portois , je me décidai à retourner à Paris, 
pour y reprendre les fonctions de mon pre- 
mier état , tout pénible qu'il étoit. Je ne 
murmurois point de mon sort : en compa* 
rant la situation dans laquelle je venois 
de me trouvera celle où j'étois alors, je 
me trouvoîs plus qu'heureux , quoique ma> 

ianté 



( ISI > 

SfLi^^Atèté considérablem^it altérée par- 
las l^tigues de ^î^sclavage. Mon exemple 
doit §ervir de Jf^oii au?; jeuneg gen3 qui , 
inêij*e appartenant à de^. familles riches, 
ne doi^rent jam^iis compta £ur les secoxirs 
deleur^ pareus. L'égoïsïiae règne en France, 
et Jei?. liiçiïs du çatvg n'y sont que desillu^ 
^gns^C'est bien h tort que Ton yeutem^ 
pécher que les fautes. d^n individu ne ré« 
jaillissent sur ses parens , et qu'ils n'en 
pértaigent la honte, car. souvent .Us en 
SiO0lt les uniques caiis^s ypaa: la barbarie avec 
laquelle ils ont traité le malheureux que 
le désespoir ci. pu seul entraîner au crime* 
C'est pi?esqne toujours la faute des familles 
Ipî^qiiç ^ malheui: leyr arrive. Avec moins 
d^45^nçe , plus de douceur et de bonté, elles 
j^itii^noiroient bientôt un esprit ulcéré, ré- 
yoltéqui, aveuglé parie besoin et le désespoir^ 
trouve lé^time tout ce qui peut conserver 
une existence qu'il est pr^t à perdre ,lors<* 
qu'il manque de tout. 
V Ma résolution prise ^ je restai tranquille- 
msent chez ma mère pour reprendre mes 
forces. J'écrivis a plusieurs marchands pour 
les engager à me chercher une place. Mais 
je n'étois pas encore à la£a de mes pei« 

U 



lies , în©8 voyages n'étoîent point finîi 4 
Dieu en ayoit disposé autrement. JWois 
beaYicoup souffert dans Tespoir d^aller tFa« 
vailier au Sénégal , et il étoit écrit que j'irois« 
Je reçus alors une lettre de Tatné de mes 
deux compagnons d^infortune. li étoit de- 
puis peu de retour à Paris > où il avoitap^ 
pris mon arrivée en France parles négocians 
de Bordeaux , que j'avois remerciés des se- 
cours qu'ils m'avoient donnas dans ma; 
misère , et des lettres obligeantes qu^ik^ 
aboient bien voulu écrire à ma famiUe^^ 
qui n'avoit pas daigné y répondre* 
. Mon naufrage , la perte de' notre pactf-- 
tille commune avoient mis le pltis grand' 
obstacle à la réussite de ses projets et des 
suens. Embarqu^ sur la Bayonnaise, commd 
je 1 ai dit plus haut^ il étoit eïifiri aitivé 
au Sénégal , deux mois ^après son départ 
de' Bordeaux. Il croyoit m'y trouver ; mon 
absence , Tincertitude de mon existence 
et de celle de nos effets communs avoient été 
pour lui un coup de foudre. Quelque tempa 
cependant après son arrivée à la colonie , 
il y avoit appris ou plutôt soupçonné mon 
naufrage par le canal de quelques Maures 
errans qui répandirent le bruit qu'il y avoit 
eu un navire de perdu sur leurs côtes. Cette 



< 163 ) 
nouve^e le détermina , après trois ladii 
de séjour dans la colonie , à revenir en 
France. Il s'étoit embarqué pour le Cap 
François d'où il a voit fait voile pour Bor- 
deaux. 

U xn^exhortoit dans sa lettre à ne point 
me décourager : il argumentoit de mes 
.malheurs pour me prouver que le premier 
voyage seroit plus heureux , et me faîsoit 
le tableau le plus flatteur des avantages qu'il 
y avoit de travailler au Sénégal. Il m'ins- 
truisît ausisi du motif qui l'avbit conduit 
à Paris f et m'encouragea à suivre mes pre* 
miers projets. L'exemple récçnt du navire 
l'Antonia , capitaine Vigneux. 9. armateurs 
MM. Lavaysse , Puchelberg et Compagnie , 
d.e l'Orient , qui , avec quarante-deux mille 
livres de mise dehors , avoit produit plus 
de cinq cents mille livres , étoit ime preuve 
certaine des possibilités qully avoit de faire 
dans ce pays une fortune prompte et hon.- 
nête. Je me décidai donc de nouveau -4 
tenter la fortune. Je n'avois reçu que trois 
cents livres de mon oncle ; cet argent n'étoit 
rien moins que suffisant pour m'habiller^ 
me nourrir et faire les frais d'un nouveau 
voyage. U me fallut donc tenter de nouveau 

La 



( 1^4 5 
d^en obtenir de ma famille. Après bien des 

peines et des humiliations j j'obtins enfin 
trois cents autres livres , encore fallnt-il 
que ma mère se rendit caution ; sans cela 
jamais je ne les aurois trouvées. 

Je partis pour Paris avec ce peu d'ar* 
' jgent. Il s'y étoit formé plusieurs compa- 
gnies qui toutes espéroîent avoir lecommerce 
exclusif de la gonmie au Sénégal. L^espoir 
d'être à la tète des affaires de la com- 
pagnie qui l'obtint, nous fit séjourner inu- 
tilement deux mois dans cette ville. 

Voyant que les choèes traînoient trop 
en longueur , qu'on ne nous donnoit que 
(de belles paroles , qui n'avoient pas l'air 
'de produire aucun effet, nous partîmes 
pour Bordeaux , ville de ressource pour 
ceux qui ne craignent point les dangers des 
voyages et qui veulent travailler. Nouses^ 
perlons y trouver quelques navires en com- 
mission , et nous ne fdlmes point trompés 
'dans notre attente. 

Cinq semaines après notre arrivée dans 
cette dernière ville , je m'embarquai avec 
jq[uelques marchandises sur le navire le 
Gustave- Adolphe , capitaine Marc du Hâ- 
vVre , armateur M, Lamalathîe , négociant de 



( 165 ) 

Bordeaux, Ge navire devoit £aîre la traite 
le long de la côte , et delà se rendre dans 
rinde , après avoir débarqué les provisions, 
qull avoit pour la garnison du Sénégal. 
M. Lamalathie m^accorda une commission 
sur les nègres que je traiterois concurrem- 
ment avec le capitaine. 

Dans la position où je me trouvois , il 
falloit tput accepter , quoique je susse bien 
que concurremment avec le capitainie , je ne 
ferais rien ou presque rien. Car l'intérêt 
de ces messieurs étant de faire seuls la 
traite , ils n'aiment point à partager cetto 
commission avec personne. Je crois 
nécessaire pour le bien d'un armement, 
ou que le capitaine soit entièrement chargé 
du tout , ou que ses droits ne s'étendent 
seulement que sur la conduite du navire ; 
la diversité des opinions est toujours nuîf 
sible : l'un veut ce que l'autre ne veut 
pas , et cela tourne toujours au détriment 
des. armateurs. Comme je voulois^ absolu- 
ment me rendre au Sénégal , j'acceptai les 
offres de M. Lamalathie , et fermai les 
yeux sur tout le reste. 

Mon associé resta à Bordeaux , pour y 
faire l'armement du petit Bric^ le Furet , 

L 3 



( 1^6 ) 

du port , de soixante et dix tourteaux , ca- 
pitaine Gabory ^ sur lequel il s'embarqua 
six semaines après moi. 

Le Gustave-Adolphe étoit bon voilier : 
notre route fut courte et assez heureuse. 
Nous eûmes cependant , à la sortie des 
Canaries , de violens coups de vent , qui 
firent craquer notre grand mât, ce qui 
détermina le capitaine (par Timpossibilité 
qu'il trouva de se rétablir solidement à la 
côte ) à ne po:-:it hasarder le voyage de 
rinde. Il termina ^onc sa traite à Corée , 
où il fit un an de séjour , delà il fit voile 
pour rAniérique. 

A peine avions-nous perdu de vue les 
Canaries , que nous apperçûmes les côtes 
de rAfrique. Le récit de mes malheurs , 
et rexpérience du capitaine firent qu'on 
tînt le large. Cependant le lendemain nous 
eûmes connoîssance du cap Blanc: nous 
y vîmes deux bâtimens échoués , Tun du 
port de i5o tonneaux environ , et Tautrç 
qui avoît l'apparence d'une frégate. 

Nous arrivâmes sans beaucoup de fatigue 
à la vue du Sénégal , le i3 juin 1785. Ce 
jour-là nous passâmes la barre : c'est la 
plus dangereuse qui existe au rapport de% 



( 157 ) 
marins. On entend par barre TefFet de 

.plusieurs lames d^eau qui se succèdent 
continuellement en se déployant avec force 
les unes sur les autres^ Elles 60|it occa- 

: sionuées en cet endroit par le courant du 
fleuve , qui cherchant à se jeter dans la 
mer , fait force contre ses eaux qui luttent 
elles-mêmes contre celles du fleuve. Le 
sable apporté par la rivière et repoussé 
par la mer , forme un haut fond qui rend 
ce passage inaccessible aux grands bâti* 
mens. II n'y avoit, lorsque je la passai , que 
treize pieds d'eau. Ce fut dans la chaloupe 
du pilote que je hasardai ce passage. Je 
li^ea connoissois pas le danger ; et Thor- 
rour des lames qui nous soulevoient , 
m.e firent plus d'une fois craindre pour 
mes jours. En septembre de la même 
xipJiée , la barre n'avoit plus que sept 
pieds d'eau , cependai>t elle était plus pra^ 
ticàble pour les chaloupes. Il semble que 
par ces dangers la nature mdique aux Euro- 
péens qu'iJs ne doivent point se fixer dans 
ce pays , où ils ne viennent pour l'ordi- 
dinaire que pour y faire un commerce in* 
digne de l'humanité j mais le désir des ri- 
chesses l'emporte surtout j et fait suy- 

L4 



( 



(i68) 
monter les plus grands olistacles. II est à 
propos de ne passer la barre qu*avec lés 
nègres. Ils sont tous bons nageurs ^ et 
n^abandohnent pas aisément les blancs 
en cas de malheur. Ils les sauvent souvent 
quand les chaloupes chavirent , et on ne 
peut mieux fadre que de se fier à leurs 
soins. Malheur à qui les contrarie pour le 
passage de la barre , car alors si l'on chii- 
vire . ils sh sauvent seuls , et ne font pas 
xnêpie attention aux blancs qui sont bientôt 
abîmés dans les flots. La mort funeste de 
M. de la Echouart , capîtadne de la Bayon- 
■ naise , en avril , 1786 , est une preuve trop 
certaine de cette vérité. 

La barre passée , je gagnai terre ; et quoi- 
que le soleil fâ.t des plus ardens , je fis 
route jusqu'au Sénégal sur la pointe de 
Barbarie , langue de sable de ôo à 60 toises 
de largeur , qui sépare le Niger de la mer. 
La largeur du fleuve près de Gandiole , 
village nègre , est de plus de 3oo toises, 
L'isle du Sénégal est située à trois lieues 
plus haut. Cette isle n'est à propreprement 
parler qu'une langue de sable aux milieu 
de la rivière. On la dit longue de mille 
pas géométriques sur soixante dans sa. 



( ^69 ) 
plus grande larfreur. Elle est presque de 
niveau avec les eaux du fleuve et avec 
celles de la mer > mais elle est ga- 
rantie des dernières par la pointe de Bar- 
barie qui est plus élevée que la colonie. 
liC bras oriental du fleuve est le plus consi- 
dérable , il a environ 400 toises de large Le 
bras occidental n'a que de âo à 200 toises* 
L'isle est des plus stériles ; on n'y voit 
que des sables brûlans ; quelquefois on y 
rencontre des cailloux qui proviennent 
du lest des navires venant de Gorée , ou 
des débris des anciennes maisons des Euro- 
péens. Il y a très-peu de jardins , la plupart 
des graines d'Europe n'y réussissent point. 
U n^est pas étonnant que ces jardins ne pro- 
duisent presque rien , l'air est e;îttraordi- 
nairement salé : il pénètre tout , et ronge 
mième le fer en très -peu de temps. La cha- 
leur y est excessive , et encore augmenté^ 
par la réflexion du sable ; ce qui fait que 
depuis dix heures du matin , jusqu'à quatre 
heures da soir , il est presque impossible 
de travailler. Dans les quatre mois da 
janvier , février , mars et avril , la chaleur 
est bien plus supportable,mais dans les mois 
. d'août et suivans elle est si considérable 
qu'elle affecte même les naturels. Quel effet 



ne doit-elle pas produire sur des Earopéens, 
qui se trouvent tout-à-coup transplantés 
^ans un pays aussi brûlant ! La nuit est 
un peu plus fraiche , mais pas toujours , 
.seulement quand les vents de mer se font 
sentir. Alors on respire un air qui parolt 
frais , et après lequel on a soupiré pen* 
dant tout le jour ; mais cet air paroitroit 
brûlant dans notre climat : malgré le secours 
de ces vents de mer , les nuits sont encore 
fâcheuses. Dès-que le soleil est eouché y 
on se sent attaqué par une infinité de 
moucherons que l'on nomme maringains. 
Xeurs piqûres sont très-seusibles ; et la 
•multitude de ces insectes est incroyable. 
On s^en garantit ibiblemerit par le moyen 
de monstlcaires ou consinières faites 
avec de la gaze. Pour moi , accoutumé à 
Tivre chez les Maures , j'étois peu incom- 
wmodé de ces insectes. A-demi sauvage , il 
n'entroit point dans ma pensée de cher- 
cher à plaire aux dames ; et par couse- 
quent je n'avois nulle considération à gar- 
der : je faisois comme mes anciens maîtres , 
je me frottois de beurre y et cet ^cpédient 
in'a garamti en tout temps des morsures 
importunes de ces impitoyables^ ennemk 
^u repos des humains. 



( 171 ) 

SI les yeun ne sont pas flattés de la vue 

du Sénégal , ils le sont encore moins de 

ses environs , qui ne sont couverts que de 

sable et de mangliers. On peut dire sans 

exagérer qu'il n'y a point de situation plus 

affreuse , ni d'endroit où l'on puisse plus 

difficilement se procurer les choses les 

plus nécessaires à la vie. L'eau , cet ali* 

ment si utile à l'homme , et indispensable 

pour la santé , n'y vaut rien. On creuse 

dans le sable environ cinq à six pieds , 

et on a de l'eau par ce moyen ; mais 

elle est toujours saumâtre , quelque soin 

€[ue l'on prenne pour l'adoucir. J'en ai 

distillé , et ^q con^rvoit encore un 

petit goût qui ne peut être que nuisible 

à la santé. 11 est vrai qi;e dans la haute 

saison les eaux du ûeuve sont douces , 

mais elles n'en sont que plus dangereuses. 

Ce sont elles qui occasionnent la plupart 

des maladies qui enlèvent les Européens , 

avec telle violence que tous les trois ans 

• la colonie se trouve renouvelée. Les nègres • 

même, quoiqu 'acclimatés ^ne sont pas dans 

ce temps exempts de Haaladie. 

Il n'y a véritablement de bonne eau dans 
-le pays que ceUç que l'on fait venir par 



( 1?^ ) 

tooneanx , de quarante lieves aa-dessiu dn 
Sénégal , après aToir passé les plus forts 
marigots. On trouve cependant une source 
a*eau très bonne à quatre lieues au-dessus 
de Gandiole , sur la route de Gorée au Sé- 
négal , mais elle n'est pas assez abondante 
pour le besoin que Ton en a. Quant aux 
alimena , ils ne sont pas plus sains , quoi 
qu^en disent les voyageurs et leurs histo* 
riens qui se sont efforcés de mentir à 
Fenyie Tan de l'autre , en 'parlant de ces 
tristes contrées. La viande en gàiâral y 
est détestable , et le poisson demauvais goût. 
Il faut mémo le manger dans le |our où il 
est pris. Le lendemain matin il fautabsolu* 
ment le jeter à Feau. Les bceufs fournissent 
la meilleure viande. Us sont plus de moitié 
plus petits et plus bas montés que ceux de 
la France , même que ceux de la Br^agne. 
MM. Adanson et Dumanet se sont plus à 
embellir les relations qu'ils ont composées 
de ces pays où ils ont trouvé tout merveil* 
. leux. Moi qui ai parcouru la plus grande 
partie de ces cantons , je n'ai trouvé le 
pays que du plus au moins détestable. 
Ou ne peut en parler ayantageusement que 
lorsqu^on a des raisons pour le faire» La 



(173) 
compagnie du Sénégal retire tm trés-^os 
bénéfice du commerce qu'elle y fait : elle 
a donc le plus grand intiérèt de faire croire 
que ce pays est un paradis terrestre ; cajt 
si on le cotinoissoit tel ^uUl est , en ne 
trottveroit personne qui voulût y aller , y 
ayant cinq fcontre Un à parier qu'on y terr 
minera ses jours , sans compter les risqueis 
dfu voyage , et cela ; en ne s'éngageant que 
pouir trois ans. 

Cependant il faut dire à ravantage de ce 
charm^ànt pays , que lorsqu'on s'ennuie 
de vivre ^ on y trouve bientôt la fin de son 
existenée , sans se dorinei-Ià mort ; il suffit 
ou d'y rester^ ou pour fiâtër'-la fin de ses 
peines , de Faire le voyage de Galam» 

Quant au contraire on veut reculer *uil 
peu son dernier moment ,• il "faut se 'con- 
tenter de- la nourriture deis nègres ; mais 
quelle Nourriture ! Les ♦JFééifihes pilent le 
mil dans dés mortiers <fe bbîs sur le sable, 
mais il est si mal-écrrfsé qu'on le sent cra- 
quer sous ses dents en te mangeant. La 
{)romenade est sans agrément , parce qu'on 
ne sort jamais «ans danger de cette isle , 
et qu'on ne trouve des aspects un peu 
agréables , qu'à dix lieues au<dessus de la 



( t74 ) 
colonie. De plus on y est toujoui^s exposa ^ 

soit de la part des hommes , à être faits 
captifs , soit de la part des animaux fé- 
roces , tels que les tigres et les lions , à 
Atre dévoré. Encore ne peut-on se per- 
mettre ces sortes de .promenades que lors- 
qu^on est en paix avec les naturels du 
pays. .Que ceci ne paroisse point contra- 
dictoire , car i^ existe au Sénégal , comnv^ 
dans le reste de l'Afrique , des troupes de 
brigands qui enlèvent tout ce qui se pré- 
sente à leurs, yeujp , ^t qui sont les enne- 
mis de.tout le ;iiipn(le. On peut donc, 
quoiqu'en paix^j fe. trouver exposé jet ou 
Test d'autaiit plup qu'il y a toujours des 
partis en campagne. Ces partis n'attaquef 
roient pas ^es habitans de la colonie sur 
ses terres^ mais les trouvant sur celles de 
leurs ennemis, Us.profitent^e rpcoasiqn , au 
^and désespçir des pauvres curieux. Enfin 
popr donner l'idée 1^ plus juste de cette 
triste colonie , on>,peut dire , sans exagérer , 
que c'est rejidwiit.le plus. détestable de la 
terre , et qu'il faut ou né point le connoître , 
ou n'avoir que ce moyen de subsister | 
pour oser s'y fixer. . . 

Jusqu'à 1 arrivée du petit Bric , le Furet, 



( 



( 175 ) 
anné par mon ami , j^eias le temps d^éta? 
dîèr le caractère des hàbitans.du Sénégal/ 
et de connoître leur manière de trarailter. 
Ce fat l'unique objet auquel je m^appjîr 
quai; J*«étoi6 persuadé que je n^ réussiifois 
jamais qans connoître k fond les gens; avec 
desquels il mefalloit traiter.^ Jf las ajidé dans 
ce travail par le jeune Fldqti,et , que^sofi 
ftèrçjftvoit laissé à la colotiie , et qu}f^î4# 
par M. le comte de B^pigixtigoy:, avoitiai^ 
des affaires , peu considérables à la yérité ; 
mois assèa heureuses. •- 

Ib^fi^avoît aBbrs, ai S^^îi^ que. trqîj 
-maiaerns èur(ipéerine&\i îqui?4msoi^^ à ellqs 
seulea la- plus graidjés^firUe 4u comnjerce, 
;fiayoirr^'Ia.-l&iiâ&onr(^ Ja oapïpagniç , -<}^i 
iayanti IriopîAtiUge e*dwri^^]â^/ila goinme , 
:s!docqp(9it ^uaii d^^îlaf^arilitcbd^a nègres ; 
cette ms^son étoit j^Atiia^ ^JMi^^dit la. plus 
conaidérable ^ mais la;}>liis ip«l gpuyernée ; 
ceux> que la compagnie-y;fe^?ôit envoyés à 
cet effet n'ayant aucune connaissance de 
ce commerce. Elle étoit donc la 'moins 
redoutable. Celle de M. Aubry delà Fosse y 
4ie Nantes , étoit mieux conduite. Elle 
faisoit avec moins de fonds des affaires 
bien plus considérables j et étoit conduite 



p^r M/ VîgAeux > ancien capitaine de na« 
Tire ) de Nantes. Ce capitaine étoit celui 
qtii^y profitant de mon malheureux natt- 
fiiag^ , arrivé le 17 janyier 1784 , airoit fait 
trne -de- ceS' traites surprenantes pour le 
i>éné6co , appas -trop: séducteur pour ne 
p'aâ causer ta mort et la ruine de beaucoup 
dè^^Pràitçoîs. Jl fit encore en 85 et 86 de 
ètrperbés opératioiis , sans s Y4oigner dti 
SéÀégal ; Ja[ ^dcfrniète cependant hii coûta 

La troisième mais;on ^toit^ gérée par 
Sï. Paul Benàr^^ivtrffvdAloit. uniqiiMient 
^our son ccnii^tejjllavoit étf&jaëiaitoniM^ 
lier de la c^mpagnifs^'â iQorée ; ;et lorsque 
^è«te îélè: tomba au ^uvoir itesi^lÂiiglois , 
il s'étoit r^fi^ë» m iSteégaL :C'étoili lui qui 
cotiilioîssoit le inie^ulla colonie v il pa^lok 
nègre commet 'les> nègfes mêmes y vivoit à 
leur manière-;' et 's'emparoit toujours des 
meilleures affeiréTs. Cet homme n^e savoit 
inti lire ni écrire ; son long séjour dans ce 
^ays Tavoit instruit du commerce y mais 
il ne supportôit la concurrence que Tis-à- 
vis de la compagnie ; car Vigneux ^ quoi- 
que sans connoissance des lieux , ayoit 
sur lui Payantage , étant mieux assorti et 

aidé 



( '77 ) 
aidé des conseils des hàbîtans , eimezKui 
nés de tout ce qui porte le nom de com- 
pagnie. 

Les principaux d'entr'eux , nègres ou 
«mulâtres^ qui s'adonnent au commerce pour 
leur compte , étoient Thévenot , qui dang 
sa jeunesse a dépensé beaucoup d'argent 
à Paris , prenant le titre de prince Africain ;* 
Saint-Jean^ son beau frère , fils d'un an- 
cien gouverneur aiiglois du Sénégal , qui 
avoit été à Londres ; Lejuge , de la mèùld 
famille^ qui aroit voyagé dans Tlnde éV 
dans toute r£urope : Dubois , particulier 
nègre , le plus rusé de tous , né &isaht 
dés affaires que pour la compagnie à côâ<^ 
dition d'en avoir une bonne p^art j et plu* 
sieurs autres qui traVaiUoiéht tantôt pôuff 
leur compté , tantôt pour ceui qui se ser<i 
voient' de leurs talens. U y avûît au^si deuK 
Maures de la famille des SheriPs , qui s'aâ^ 
âbnnoiént au cômtnërcé. BÏèîhcs ou ïiègrètt , 
Mahométanis ou Chrétiens , atiéuh d'eu^ 
^'a jamais connu la bonne £bi , éUe esir 
entièrement bannie de té cottimdreé $ iMP 
paroles d^honiieto softf cotiipf^êès pouf 
rien , c^est à qui usera (ïe finisse. Qiianil 
Cn^ £ii{; im niarchEé \ il Iktit là têrl^iner ^u# 

M 



(178) 
rheure ^ sinon le tenir pour nul. Telles 
étoîent les personnes avec lesquelles je me 
voyois sur le point de négocier. 

Malgré sa stérilité , le Sénégal est habité 
par plus de six mille nègres , tant libres 
que captifs de Tapades , ou nègres nés 
chez des liabitans nègres du pays. Jamais 
on ne les vend , à moins quUls ne com- 
mettent quelques crimes. Leurs cases en* 
yironnent la demeure de Thabitant nègre. 
Elles ont. la forme de grandes ruches à 
miel , et sont soutenues par quatre pi- 
quets. Le comble peut ayoir douze à 
quinze pieds d'élévation : la largeur 
dj3S cases est ordinairement de lo à 
12. pieds en tous sens. Les lits sont des 
claies posées sur des traverses , soutenues 
par de petites fourches qui s'élèvent à un 
pied 4ei t6rre : ils s y couchent pèle-mèle ^ 
hommes , femmes , £ll,es et garçons. On 
lait le feu au milieu de la case , et il faut 
être nègre pour résister à la fumée , qui 
Xi^'ayarit point d'autre issue que la porte , 
remplit entièrement leurs demetures. 
r Les hommes scAit de la haute taille , et 
les.femn&es sont les plus belles négresses 
de l'Afrique. On peut dire queiea Sénéga- 



( 179 ) 
lois sont lés plus braves de toute cette 
partie du monde , sans même en excepter 
les Maures , leur courage tient beaucoup 
plus de la témérité que de la bravoure. Dans 
le voyage de Galam , on les voit affronter 
en chantant les. plus grands dangers, ils 
ne craignent ni fi^sils ni canons. Les cay- 
mans ou crocodiles ne peuvent les efïrayer. 
Un des leurs, tué et mangé par ces animaux, 
ne les empêche point de se jeter à Veau 
si la manœuvre du navire Fexige. Ces belles 
qualités qui les distinguent^ et dont ils font 
gloire > ne les garantissent point de la con- 
tagion du pays qui les porte tous à la ra« 
pine : c'est à qui usera de plus de ruses 
pour surprendre et frauder. U est à croire 
que les' Européens n^ônt pas moins donné 
lieu à ces défauts , que les instructions 
de leurs marabous , qui les engagent à 
jvoler les Chrétiens le plus qu'ils peuvent* 
. Les nègres Yolofs du Sénégal sont ou 
Chrétiens ou Mahométans , ou plutôt Tun 
et l'autre , ou encore mieux ni l'un ni 
Tautre ; la religion leur est égale. Ceux de 
la grande terre sont comme eux j ils ne 
,tiennent à leurs préjugés qu0 pour la 
forme. Une patte de £^ , une mais^e de 

M â 



( i«o ) 
rerroterie les font changer d'ayia à yolonté» 
par ce moyen , on les tourne comme oa 
yent , preuve certaine qu^ils n'ont point 
de principes de religion , mais qu'ils ne sui- 
rent que des coutumes reçues. Les mara- 
bous ou leurs prêtres et leurs hommes dd 
loi sont comme jes autres* J'en ai examiûé 
plus d'un , et» j'ai toujours trouvé j marne 
parmi ceux de la nation d«s Poules , ou 
Feuls , où an assure qu^ sont extraordi^ 
nairement fanatiques, et qu'ils ne sont atta« 
chés à leurs idées qu'en public ce Ce blanc le 
ce fait disent-ils , il a plus de connoissances 
« que moi, pourquoi ne Pimitçrois- je pas» ? 
Ce raisozmem^nt est géaéral- dians tout ce 
pays. 

La colonie du Sénégal est environnée 
d'isles ^ qui toutes , sont encore plus mal 
saines , qu'elle Jae l'est elle-même , à cause 
de la proximité de la mer. Elles sont rem- 
plies de marigots ou étangs qui , lorsque 
le soleil les sèche , infectent l'air d une odeur 
fétide, et lés couvrent d^infeectes, ce qui les 
rend presque entîèrétaeteit désertes par la 
mortalité que ces oSeurs putrides occasion- 
nent. C'est , sans dotîte , la même cause 
qui enlève tant de François au Sénégal pexi^ 



oeoi 
pois: 



■,^ 
,oii 
atti' 

ici 



( i8i ) 

dont les quatre m<^iis de maiiyidM:diûsom 

La mauvaise qualité des eaux- peut bieii 

encore y êtr§ pQMr beaucoup.i Las eauxx, 

SQTtaat des mâtîgotSi.qm.ayOiàiaeait la .cor 

'^' loxne I font çprp« ^y^c lea Qaux dn jQeùve ^ 

xûaia 0lles nWt f oint le tj^mps d^étire batf 

tues par le courant , et elles pnt.ttne^douceuir 

ladequLles fait aisément recoQuottre : icet 

objet est, je .<irois > essentiel à obsiwter : il 

9iérU$rolt rMt«Qtiom de noià médeoiâs ins^ 

truits , et eonseryèroit à Tétat un grand nom* 

bré de dtpyens^ :.- )..:/, 

^ De tous les François qui étoîent au Sér 

^^ »égal ^ attachés uni/êkréi&e» tomsiXMrde 

^ ^pmmerc^ , auôun ne roulant t^monter à 

Galain « Ifeu 1& plujî: cansi^értlblô pour hk 

là eomwerce ,; paarce ^'a^twii d'ew n'y àydit 

été) je me détérmmaji k fc^rç âe voyage* 

L^ Je vOypi& Jla supénori^; dea ïfàoymfi.A^ 

^ ««ftreamaisons , Ijia tpUlfîil JPp¥m(^$ll# mi^Tnne^ 

^ €e tk^étolt ifw jpm Usconimi^axtow kiûalei 

î que je po^Yoié y parvenir^ Jîéspércrifepar œ 

pteywr q^e ai iis^^}étbif pftfo.^ft ^^^ tu^n 

porter là conmatfff^b .dans -ia Dçfewii!!^., an 

moins fai:irois a^^r^Jôiitôil io^i'^litï^^rffi^ 

90na ; Tavûntag^^ ipçvièrç.. 3e ^e décidai 

donQ à partir powr. Jà^lN^. ^& ^ f^Ppoi*t% 

M 3 



]i 



I 



ides habitant et des blancs sur* ce yoya- 
ge-, ne me^ permettoiënt point de douter 
des dangers auxquels f alloië m'exposer ; 
nais je toûiois travailler. J 'avois yécu par- 
roi lès Maures , toujours tfo.uché nud à Yior 
jiire dé Tair; j avois supporté la plus af- 
freuse misèfre pendant- le temps de mon 
esêlavage , je connoissois la solidité* de m<m 
tempérament ; je ne potxvois croire tout 
ce qu'on me disoit du mauvais air de ces 
cantons ; je voyois les nègres se disposa: 
avec joie à faire ce voyage ^ pouvois-je hé- 
siter ?» 

* 'Eu' attendant 1 arrivée du Furet , nous 
nou^ occupâmes à ramasser le sel pour nous 
et pour le bâtiment de roi qui se dispo^ 
soie ^ t-^nontér le fleuve. Cette traite se &it 
-près de la barre du Sénégal ; et pour trai- 
ter en^l^'gttire^ onii^à besoin que desabres, 
poudrer; ^Sii-es a lusU'i baUes et verroterie, 
lia bariqœ de sel me revint cette année à 
trois livres 9 et elle fut vendue dnq livres 
au. Séiàégal à ceux? qui n^^vOient pas Youla 
ëû .n'aVoient pas eu le temips ni les bidr 
Htés d'en laire eux^méiiies^ la' traite. 

Le a6^ de juillet ', le eouToi se mit à la 
voile^ et remonta le fleuve U éti>it ccmiposé 



pr- 
si: 

33L 



3?î 



en: 



[tfC 



( i83 ) 

de vingt-sept bâtimens frétés par les habi-^ 
tans , d^un bâtiment de cinquante tonneaux 
nommé le Maure , appartenant à Paul Bé- 
nis ; de la grande Oabarre de M. Yigneux ^ 
géreur de la maison Aubri de Nantes , du 
port de 160 tonneaux ; et du bâtiment de 
roi, nommé le Bienfaisant^^ cap. Théyenot, 
habitant du Sénégal , chargé des coutumes 
ou droits pour les diflféf ens princes du 
pays. 

La compagnie", toujours lente dans %^% 
opérations, nWoit pas encore ses bâtimens 
prêts , lorsque nous vîmes arriver le Bric/ 
le Furet. Le même jour qu'il parut devant 
le fort i il entra en rivière.^ Nous procé- 
dâmes aussi-tôt à son déchargement. On la* 
répara, et nous le chargeâmes pour la traite.' 
Je partis sur ce navire dci fort- Louis , le 
16 août 1785, àld héuves du matiiv 

Mon navire dé soixante^ dix tonneaux y 
mais léger et fin voilier ^'àvôit un équipage 
composé' de vingt quatre laptoùs , quatre 
gourmets , un maître de langue , un char- 
pentier^ un capitaine en second, six. pileuses^ 
et une douzaine de repasses. Par laptoù^ 
on .entend un matelot nègre ; les gourmets 
sont les officiers ou. plutôt les timoniers ^ 

M 4 



( »fl4 ) 
car les nègres ne connois^ent qu'un chef qui 
^st le capitaine. Le maître de langue , n'est 
autrç cho#e*que Içi maître d'équipage , qui 
çntend et commande U manœuvre enfran- 
çois. hes pileuses sont les femmes qui prépa* 
r^t la ^ourriture, etquiblancbissentle linge 
pendant le yoyage. "ExiBsi les râpasses sont 
des enfans nègres qui np sont point payés, 
et servent dans les b&tijo^pna ^ comme nos 
mousses ; les enfans d'habitans où de ne* 
grès de TapadefoQl; \^ ipèmBs voyages et le 
in^ipe ouvrage i Qr\ les c^ccoutume pa;r cea^ 
mayens à I4 f^tigi^e et. à la connoissiincQ 
de la rivière. . 

A peine eùnxe^-nous quitté le Sénégiil « 
que tout Téquip^ige ^e mit en prière* Cha- 
CuU pwoissoit triste et consterné ^ et re- 
gardoit , lea lumà^es aiuj^.yeux | cette triste 
langue de sable oùilévoit pris naiasancej 
où il abandQnnoît.sajfeipipje et ses enfans. 
14 leur faiaoit de tristea iadieux 9 t^omme ai 
tout espoir de l^s revo^ étoit entièreqient 
perdu. Ces cérémx>xues lugubres et ces re- 
grets des nègres^ .filusquis. tous les ;:aison- 
neniiena , me firent juger des dangers ,da 
voyage* Mais à peine ëutr'OaaL perdu la co- 
jpnie de vue , que la joie reparut sur toua^ 



( i85 > 
les visages , et que tous les laptots se mî- 
^e^t à cha^ter. 

M. le comte de Repîntîgny , gouverneur 
du Sénégal m^avoit engagé à rassembler 
tpus les bâtimens tf ai^eurs ^ à fin de les 
ejscorter Jusqu'au lieu 4u rendez- vous du 
çonvpî, Jlie mêmç jour sur le soir, je ren- 
contrai le bateau d un nommé Soliman qui 
avoit appareillé de la colonie , trois jours 
av^nt moi. Comme U n^avoit que trois lap- 
tots à son bord , je le laissai, ne me croyant 
pas obligé de remorquer un bateau , dont le 
chef n'avoit point eu la précaution de pren- 
dre, suffisamment de monde pour sa ma-* 
i^oBiivre. Je ne voulus poi^^ retarder moa 
voyage pour lui^ qupique.mes nègres ijsar 
chaicit les ordres du gouverneur , voulussënl 
lui donner du secours ; et je lui ordotmai 
de retourner au Sénégal ; ce qu'il fit , n'en 
étant tQtut au plus^ éloigné que de huit 



,Oif,,fiargçL,l^^ vôilefif sur les huit h)9ure9 
dj; ^(o^r \ :povîs étions a»? ^ands ftiarigotii 
qui. vc^t joiAdre PoriqfidiiCf On baptisa le. 
i^vire.suivf^at Tusage des nègres , ainsi que 
oeu^ qi|i n'avoient ppîpft encore passéda^^- 
qe^ çn^rç^t* On, 6t. fair^ uQe décharge à ma 



petite artillerie , qui consistoit en sîxpier- 
riers , six espingoles françoises et quelques 
espingoles angloises. Pour cette cérémonie , 
le maître de langue , accompagné de deux 
gourmets , fait jeter l'ancre et assembla 
tout réquîpage. Il fait charger toute Pa^rtil- ' 
lerie , prend de Teàu du fleuve dans un' 
vase, et en jette par trois fois sur le navire 
en divers endroits. A chaque opération , 
pour que la cérémonie soit en grand , on 
fait une déchargé , puis lorsque le bâtiment 
est baptisé , le même homme vient à ceux 
qui n^ont point encore fait ce voyage : ce 
90nt ordinairement les blancs et les rapas^ 
ses/ II me mit de Teàu du fleuve au^ffônt 
et au menton ; et alors, on fit une noiù 
vèllô déchargé. Enfin pour termîitàrlafêtei 
je fis bien boire tout Féquipàgd. Nôtï-e 
chaloupe ne tarda point à nous joindre,, et' 
toute la soirée se. pà^sa dans' là fcàe'. ' 

A peine étions - nous rentrés datis la 
éhambre pour prendre du repos i'<l^^^^s 
laptots de quart avertirent ijtfîls ehten- 
tendoient sur lé* fleuve un bruit éausè" pàt 
des rames* On se mit à observer y et on 
ne tarda point à voir que c'étoît ùri daîiot 
de nègres qui fdîsoiént tous Iburiaf effort» 



( i87 ) 
pour nous joindre. Arrivés abord , ils nous 
apprirent que le bateau le Maleime , ap- 
partenant à Scîpion mon capitaine , s'étoit 
brisé, et avoit coulé bas à lo lieues au- 
dessus de Poclor\ o^ Admet Moctar , roi 
des Trassart8*> peuple Maure , prétendoit 
^voir sa moitié des objets sauvés de ce 
naufrage ^ en donnant pour unique rai- 
son que c'étoit Dieu qui le vouloit , puis- 
qu'il avoit permis que ce bateau fît nau- 
frage sur ces côtes. J'écrivis aussitôt à M. 
de Répentigny , gouverneur du Sénégal , 
le priant de^ vouloir bien m'envoyer ses 
ordre^s sur le parti à prendre ; puis leur 
ayant fait doimer à manger , je les £s 
jlartir à l'instant pour là colonie. 

Je Youlois attendre la réponse du *gou« 
remeur à Podor , avant qiie de rien ter- 
miner avec Admet Moctar t je ne pressai 
point la route , nous séjournâmes au vil< 
lage de Reims. Le marabùu , chef dit 
lieu , nous engagea à descendre. Nous 
tUàmes à la chasse. Le pays est couvert 
de gibier'; aucuns coups ne portoient à 
faux , ce qui me donna beaucoup de plaisir. 
Sur les cinq heures du soir le vent ayant 
augmenté ^ le bâtiment chassa sur soa 



(i88) 
ancre, et se trouya échoué sur la côte dea 
Maures. Tous les jours on échoue en ri- 
vière. Cela n'est point dangereuj^ , la ri- 
vière est plaine de bancs de sable , et on 
ne commence à courir de dangers qu a 
Doumons. On amarre même le bâtiment 
à terre toutes les nuits Ainsi lorsqu'on 
voulut partir on eut bientôt mis le navire 
au large* Four c0tte manœuvre les nëgrea 
sautent tous dans Teau , et se portant du 
xnême côté, poussent le navire à Aot. Sou« 
vent il en périt dans cette manière de tra-* 
vaiUer> maià ils n'ont point d'autre cou- 
tume : ils Ja trouvent la plus prxwnpte et 
la moins pénii>le. N<^us perdîmes une ancre 
ce jour-là ; malgré les recherches qu'on en 
& , on ne. put jamais la draguer* 

On se remit en route , et nous vîmes 
dans la plaine nn camp de BSaures de 8q 
à loo .tentes. Ils dévoient me vendre 
des bœufs e.t 'des captifs ^ mais nous 
m'eûmea pjdi&t le: temps de nous y anrêter* 
Le X9 nous vîmes le village; de Benue ^ 
situé sur la rive des Maures ^ py è» du dé^ 
sert de Saaca ^ q^ s'étend juisqu'à cette 
partie de la rivière. Ainsi j'eus.ravantage» 
après avoir parcouru pendant mon esdavaga 



( x89 ) 
rîntérîeurde ce vaste désert, d'en voir cette 
foi -là rextrémité. Deux superbes palmiers, 
Tun d'un côté du désert , l'autre à l'extré- 
milé , en marquent les bornes , ainsi que 
du côté du Biledalgerid : ce qui le termine 
sont deux hautes colones que j'avois vues 
dans la plaine avant que d'entrer sur les 
terres des Monselemines. 

En quittant le désert sur la rive oppo- 
sée , je vis le village de Brac , appartenant 
au roi des nègres Walons. Le roi de ce 
pays avoit été ministre de l'ancien , et 
Tavoitfait assassiner parles Maures d'/fa//- 
cory , roî des Bracnars. Ce fut sous le 
spécieux prétexte du bien public qu'il 
s'empara du trône \ mais il paya sa per« 
fidie par sa mort : car ayant eu quelque 
différend avec Haticory , il le fit étrangler 
quelque mois après mon départ. Ce prince 
n'étoît point dans son village lorsque nous 
passâmes , mais s^^ affidés et ses femmes 
vinrent au bâtimisnt. Je leur donnai quel« 
ques bouteilles d'eau-de-vie et m'en débar- 
rassai par ce moyen. 

Sans la nuit du ao au 21 , nous arri- 
vâmes à Pôdor, nous y trouvâmes le ba- 
teau du Shérif qui appareilla, aussi-tôt qu'il 



( igo ) 
nous ent apperçus. Sur les huit lieures , je 
descendis à terre , et me rendis au fort , où 
étoit déjà à m'attendre , Admet Moctar ^ 
roi des Trassarts. Ce prince , contre toutes 
les loix, sans sWrêter à ses premières de-> 
mandes , vouloit avoir toutes les marchan- 
dises qu^avoient sajavées les laptots de 
Scipion. Il ne parloit plus de partager , il 
prétendoit que tout lui appartenoit ; et 
que par ce naufrage , les laptots mêmes 
étoîent devenus ^^^ captifs, 11 vouloit mo 
contraindre de payer leurs rançons ; on 
avoit beau lui dire que si tous les ans , Id 
roi de Francejuipayoit des coutumes , que 
c'étoit pour faciliter le commerce , par une 
entière liberté de travailler le long de la 
rivière. Il ne vouloit rien entendre ; et ferme 
dans son dessein, menaçoit de m'attaquer , 
soit que je descendisse au Sénégal , soit 
qu'il me plût de continuer le voyage 
de Galam. U savoit que j'étois arrivé depuis 
peu au Sénégal , et étoit loin de penser 
que ^^% paroles et ses menaces ne me fai- 
soient aucune impression. U vouloit m'in- 
timider,etespéroitpar ce moyen, acquérir,, 
sans qu'on pût rien réclamer, les marchan- 
dises que le conmiandant de Podor avoit 



eu kfoîblesse de lui livrer; mais j'avoîs été 
esclave cliez les Maures , j'avois appris par 
mes . malheurs à les connoître parfaite- 
ment. Mon bâtiment , avant que je le 
quittasse pour me rendre au fort , étoit en 
état défense , les pierriers, les espingoles ^ 
les armes de la chambre , tout étoit prêt 
pour le combat, J'avois donné ordre au se- 
cond , d'attirer le plus de maures qu'il 
pourroit dans le navire , de les désarmer 
aussitôt , et de les faire descendre dans la 
cale. Mes précautions ne furent point inu- 
tiles, car voyant que je ne voulois rien céder. 
Admet Moctar ordonna à un de ses officiers 
de dire à son frère de s'emparer de mon 
navire. Ce prince ne se cacha point de nous, 
pour donner ses ordres , je l'entendis , et il 
ignoroitque j'eusse la moindre connoissance 
de son langage. Je quittai à l'instant l'as- 
semblée , sous prétexte de besoin ; et ayant 
fait venir un nègre fidèle , je l'envoyai à 
bord ordonner à mon second de mettre 
aux fers les Maures qui étoîent en sa puis» 
sance , d'en attirer le plus possible , et 
sur- tout le frère du roi , de le mettre éga- 
lement aux fers dans la cale. Scipion , mon 
capitaine, qui étoit accoutumé aux combats, 



( ^9^ ) 

entendant et parlant parfaitement l'arabe | 

ayoît compris les ordres d* Admet Moctar : 
il les lui avoit reprochés , même en le -me* 
naçant, et quitta précipitament l'assemblée 
pour se rendre à son bord. Il fut surpris 
à son arrivée d'y trouver le frère d^ Admet 
Moctar , désarmé et aux fers. Voyant que 
80B équipage étoit loin de se laisser sur- 
prendre , il revint au fort. Fendant cet 
intervalle , déjeûnant avec M. Dnchozel , 
commandant à Podor , je lui fis part des 
desseins d^ Admet Moctar , des ordres 
que j'avois donnés pour les prévenir. Dès 
qu'il eut à peine entendu jusqu'à quel 
point se portoit l'audace de ce sauvage , 
il fit prendre les armes à son détachement , 
revint trouver Admet Moctar , et lui dit, 
que les affaires du commerce n'étant point 
de son ressort qu'il eût à s'arranger avec 
moi , sur ses différens ; mais qu'il ne souf- 
friroit jamais qu'on attaquât un navire de 
sa nation , sous le canon du fort qu'il 
commandoît. Ces paroles déconcertèrent 
entièrement Admet Moctar. Ayant parlé 
arabe, il ne croyoit pas qu'qn l'eût en- 
tendu ; car il ne savoit pas que Scipion le 
parloit aus$i bien que lui : il ignoroit aussi 

les 



( 1^ ) 

les précautions que favois prises > et se 
yoyoit dans un fort , au pouvoir de soldats 
François sous les armes. Il fut encore plus 
intimidé , lorsqu'un de ses affidés vint lui 
direqnetaus les nègres du village de Podor, 
instruits par mon équipage , avoient couru 
aux armes; qu'ils s'étoient emparés de celles 
de sa troupe; qu'elle étoit exposée, sans 
pouvoir se défendre ni attaquer^ entre le 
village , le fort et mon bâtiment ; que tous 
les nègres chantoieut le cris de guerre j 
et qu'ils n'attendoieiit que mes ordres pout 
égorger èes sujets. Dans ces circonstances ^ 
éloigné de lui d'environ dix pieds ; ayant 
mes pistolets amorcés et armés , je n'a* 
vois à redouter qu'un coup de poignard ; 
zaais f étois résolu de le tuer au premier 
mouvement qu'il feroit. Comme j'étois en- 
vironné des plus braves de mes gens; je 
lui reprochai en arabe sa perfide résolution. 
Il fut anéanti en m'entendaut parier sa . 
langue ; et cédant à la forcei et aux àircons^ - 
tances , il me dit qu ayant toujours été ami 
des. François , son intention n^'avoit jamais . 
été de s'emparer de mon navire , mais biea 
de réclamer ce que les loix de son pays lui 
occordoient ; que pluXÔt que de se battra.' 



(194) 

contre une nation qu'il aimoit et à laqapUa 

il de voit son éIéya|don et Tautorité dont il 

jouissoit , il alloit se retirer dans^ ses terres. 

Il croyoit traîner les choses en longueur 

par ce subterfuge; maia sur la demandée que 

je lui fi» , que sll parloit commet il peu** 

soit , il eût à me rendra les ol^jets^ dont il 

s^étoit emparé , il yit bien, quHl: n'y a?oil> 

plus lieu de ter^giv^erser ; et me dit^ qu'ayant 

distribué les marchandises à sesaffidé^j et 

ces marchandises ét^it coupées , il net lui 

étoit plus possible d|9 me les rendre , mais 

qu'il s'engageroit Yolontiers^ de. x^ndre. à 

Scipion, la valeur de tout ce dont il &'étoit 

emparé sur ce qui lui reviendroit des droits. 

Des paroles d'^uji tel homme ne- me con.- 

tentment point : je vouloir un engagement 

si^é de liii et d^ ses^ ministiies. U ne le 

Youloit point* Sa* parole^ disoit«>il , deifioit 

suffir^ lly avoitdéjfiquatre-heuiws qaaxMus 

étions à nous- disputer -sur ces articles, lors^. 

qu'on vint lui annoncer que son frère , qui 

s^'étoit rendu à mou boini, ne parpiseoif 

plus sur^e ppnt. Cette nou^vseUel'inqniéta^ 

et sachant bientôt qu'il: y ^toit ari^*. ^ 

il ne fit plus le difficile^ signa ce. qua 

ItoaYOulut, renfla li})erté>apx laptota.dfti 



( t^> 

Scî^Scm , et consentit à tout renitotirier. 
Cet écrit fut signé de lui, de ses* deux prin- 
€i^&tix ïUînÎBtïes et de son frèf e , qui par 
ért-engagement obtint la liberté , et fut con- 
duit au fort pai* mes nègres , lorsqu'on m'eut 
i^endii lés deux habitans du Sénégal, qu'^^sî- 
fhmù'Moc^t oTôit îéxl arrêter à son arrivée 
à Podor. 

Alors f engageai' ce prince à Venir me voir 
ài!â<)^n bord. Mais craignant que je ne^ lé trai* 
tâi^secommef avoistraité son frère, ilne vou^- 
ïut jamais^ se fier à nié parole. Il interrogeât 
\&^ laptotis, etsut d'eux que j'avois été l'année' 
d'avant ésclaTè dkns lô désert et" à ]\ïarôc.' 
Le Ifehdemain nbus^nous révîirte's^en âhiîs :' 
iîfnie questionna beiaucoup sur lés forcés 
d^ Mbngearts, dbsf Monseleminés , eT: jprïa* 
cîpalement sur le caractère et lek forcés de 
JMhuley^jdhdrarnène, fils de l'empereur dk 
Ma]!^c, qu^il savoitf'être'à la tête'd'uri partS^ 
puissant dans le désert. Il n'ignotoît pas 
que si ce prince venôit à pardttre sm* sëi 
iferres , tous les Maures le reconnoîtroiént 
àTînstantpour leur souverain; et ilvouloit^ 
ô^éclaîrcir sur lès intentions qu'à pouvôit^ 
rfvoîr. 

Sy^Màlf^ sonfrènô , vintmé voir. Je Ib* 

N 2 



Bs désarmer aussi* tôt , suivant la coutume 
des Maures. Je lui fis remarquer la force 
de mes pierriers et de mes espingoles ; et 
lui demandai si avec cela, un François ayant 
Scipion pour capitaine , devoit, craindra 
les menaces de son frère. Je lui donnai à 
boire beaucoup d'eau et de sucre , et il se 
retira vers le soir. 

Le lendemain , étant au moment d^appa- 
reiller, nousapperçûmes le canot de Scipion» 
quivenoit du Sénégal avec des ordres du gou- 
verneur. Je descendis de nouveau , et allai 
trouver Admet Moctar qui signa un se- 
cond engagement conforme au premier , 
de tenir compte sur ses coutumes de la 
valeur des marchandises dont il s^étoit em- 
paré. Il me fit présent de deux bœufs , de 
dix moutons, de plumes et d^aigrettes d^au- 
truches , et m^engagea beaucoup à venir 
le revoir , lorsque je serois de retour de 
Galam. Je le lui promis : et le quittai fort 
satisfaits Tun de l'autre. * 

Le vingt-quatre , à dix lieues environ de 
Podor , nous apperçûmes le mat du bateau 
leMaleîme, qui s'étoit perdu le douze', 
ayant touché sur un tronc d'arbre qui Tavoit 
fait couler bas. Scipion me demanda la per« 



( ^'S7 ) 
mission de sauver quelque chose de son 

navire ; et d'après mon consentement , il 
dirigea sa route de son côté. On travailla 
tout le jour ^ pour lever ce bateau ; on 
l'approcha de terre , et sur le soir voyant 
l'impossibilité de le mettre à flot , on se 
contenta d'en tirer le grand mat , le beau- 
pré , le gouvernail et l'ancre. 

Le lendemain je perdis un laptot nommé 
Bacary , appartenant à Isabelle-Nagot , chez . 
qui je logeois. Cet homme étoit bon'plon- 
geur. Il se jeta à l'eau , et aussi-tôt nous 
le vîmes disparoître. Sans doute qu'il fut 
emporté par un de ces caymans ou croco- 
diles dont la rivière est remplie. Comme , 
on étoit obligé d'aller à la touë^ manœu- 
vré qui accable un équipage , je voulus faire 
diversion à la peine de mes gens , et au 
malheur qui venoit de nous arriver. A cet 
effet , je fis bien donner à boire aux laptots. 
Le soir nous mouilliâmes près du village de 
. Donguelle , où j'achetai trois dents de 
morphil pour un peu de poudre. Une 
lieue plus haut^ nous passâmes le rocher 
de Gdioul^dem Diabbé , l'endroit le plus 
dangereux de toute *la rivière. En revenant 
de Galam , on peut, bien nommer cet en- 

N 3 



(198) 
4rQit la gueuh du diable ; car oiifak f6^ de 
ji^avaat let dss deux cûté$ sur les navires , 
dans le 'pii>xx^ei^ qù il faut vaincre les dif^ 
£cultés presqi^'invinoibles de passer ce ro^ 
cher. 

Appli<)ué uniquement aux objets de corn» 
xperce , ce qui étoit mon unique bien , et 
n'ayant point assez d'aisance pour employer 
«zne partie de mon t^mpç à faire dos re- 
jKparques , je ne faisois que légèrement at- 
tention à riiistoire naturelle t aux siteç et 
aux productions de ces contrées. Paps toute 
rétendue du pays appartenant aux Poules , 
pays qui commence à deux lieues au dessous 
de Fodor , on ne voit que des forêts épaisses 
qui couvrent les bords de la rivière , et 
la rendent' fort mal-saine. Jamais un vent 
frais n'a soufflé dans cette contrée. A la 
chaleur horrible du climat , se joint To- 
deur dangereuse des arbres en fleurs : odeur 
qui affecte sensiblement les narines ^ et 
à laquelles on n'échappe que par miracle. 
Ce pays est rempli de bêtes féroces de tontes 
les espèces : c'est l'immense réservoir dd 
l'Afrique. Les serpens y spnt d'une grosr 
seur et d une longueur prodigieuse i mais 
ils n'ont pas de quarante- cij;]^q à çinquajgte 



< ÏS9 ) 
pieds coâime rassurent quelques auteurs. 
J'offris, d'unepeaude ces animaux, quipou. 
voit avoir vingt-huit pieds > la valeur d'uà 
esclave , inms on me refusa. Si Ton en trot^ 
voit communément de cinquante pieds de 
long, comme le dit M. Adanson^ il est sûr que 
mes nègriss m'auroient empêché d'offrir un 
pt*ix ai énorme > d'une f>eau si commune. 
Mais quand on a passé le tropique , il est 
d'usage de dénaturer les faits ; et on appelle 
alors dire la vérité , quand on n'exagère 
que de moitié. 

Les crocodiles sont fréquens dans ces 
cantons ; c'est le lieu de toute la rivière où 
ils sont en plus grand nombre ; sans doute ^ 
à cause du voisinage des bois ^ où ils peu- 
vent se mettre à l'abri des chasseurs. On 
bn voit très-peu au Sénégal ; encore n'est-ce 
que lorsque les eaux sont douces. Ce qui 
fait que pendant presque tbute Tannée ^ on 
n'en rencontre qu'à quarante lieues environ 
au-- dessus de l'embotK^ure dix fleuveé 
Gomme les reqtlinà ne vont point dans 
l'eau dotice , la rivi^e est toujours ^an-« 
gereuse ; car les requins finissent où les 
câymaiïs commencent , et pair conséquent, 
dans tous les temps et «dans tout le courft 

N4 



( fiOO ) 

du fleure i on court un danger imminent 
lorsqu*on ose s'y baigner. 

Les hyppopotames , ou chevaux marins , 
se trouvent aussi en grand nombre dans 
le royaume des Poules. Cet animal est 
amphibie comme le crocodile : il vit éga- 
lement sur terre et dans Teau ; il est plus 
gros de moitié , que nos plus gros bœufs 
cependant quelquefois il y en a de très- 
petits ; mais quand Tanimal est parvenu à 
sa croissance, il est extraordinairement gros. 
On en peu juger par sa tète , qui , sans être 
tout-à-fait proportionnée à son corps , Test 
cependant assez pour en donner une idée 
juste. On en a au Sénégal d'entièrement dé- 
chaînés et dégarnis de leurs dents, qui pèsent 
de i5o à aoo liv. J'ai vu des dents d'hyppo- 
potame qui pesoient sept livres. Cet animal 
ti'est pas à redouter dans ce climat. On a 
peu de peine à le tuer : il n'attaque jamais; 
et ne se défend que quand il se sent blessé. 
Comme il est extraordinairement lourde on 
a le temps de se garantir de sa furie, quand 
on le voit venir ( i )i Sa chair est très-bonne ; 

( I ) Uhyppopotame du^midi de TAfrique ii*est pas ap- 
paremment de la même espèce; car MM. Vaillant , Spaar- 
mann et Pacerâon en parlent comme d*un animal fort dan» 
g^rcux et tr*s.difficik à tuer. 



( SLOl ) 

on la fait sécher au soleil par tranches , et 
elle se conserve très-long-teraps. La graisse 
fondue forme une huile qui est excellente 
pour faire du savon : les i^ègres l'emploient 
à cet usage ; et leur savon , s'il n'avoit point 
d'odeur , l'emporteroit pour la* qualité sur 
le meilleur de Marseille. Il y a aussi dans 
ce canton une grande quantité d'éléphans : 
cependant jamais je n'en ai vu , quoique 
presque tous les jours ^ je descendisse à 
terre pour y tuer du gibier , et que de tous 
les côtés , je visse de leurs traces. 

Les aigrettes se trouvent en grand nom- 
bre le long du Niger j mais celles qui portent 
les plus belles plumes sont^ sans contredit^ 
celles que l'on rencontre à sept lieues au- 
dessous de Podor , dans une petite isle , 
qui dans les mois d'août et septembre^ en 
est couverte. J'en tuai beaucoup dans cet 
endroit , et mes plumes avoient vingt-deux 
pouces de longueur , tandis que celles que 
je me procurai en rivière , n'avoient que 
de quinze à seize pouces tout au plus. 

Le a8 , le vent ne nous permettant point 
dédier à la voile , je partis pour la chasse. 
Je trouvai dans les bois un arbre qui porte 
des fruits semblables à nos pêches. Je vou- 



( 2oa) 
loU les goûtw ; mais les nègres m'ayant 
assuré que ce fruit est un poison noient j 
je ne me souciai pas d^en faire l'essaL Son 
noyau est presque semblable , mais beau- 
coup plus gros que celui de rabricot. 

Le lendemain vingt-neuf , sur les onee 
heures du matin, nous entendîmes plusieurs 
coups de canoH. Les laptots cra^rent que 
c'étoit TAlmamy des Poules qui étoit arrivé 
à Saldé , pour recevoir les droits qui lui 
sont dus. Le 3o , nous vîmes descendre le 
bateau de M. Pontret ; on le halla : et il 
nous dit quUl aimoit mieux , et il avoit 
raison , manquer le voyage de Galam , 
que de se soumettre aux: coutumes que les 
Foules avoient établies en 1785 , à un prix 
beaucoup trop fort. Il étoit François , et par 
cette raison ) son bâtiment , quoique très* 
petit , auroit été contraint de payw la même 
coutume que les plus forts bâtimens. H 
eût donné pour cet objet plus de moitié de 
ses marchandises , et en auroit été pour la 
perte de son temps , les fatigues du voyage 
et celles de la traite à Tamboucanée ; au 
Heu que s'étant chargé de mil à Soldée , 
il devoit se dédomniager à Is colonie des 



(203) 

faéoâBoes <pi'il aurait du faire > «'U eût pu 
effectuer le voyage de Galam. 

Le trente - un sklv le midi , bous arri- 
Taasies à Soldé. Ce village est situé à une 
lieue dans les terres , mais on mouille à sa 
hauteur^ etc'est l'endroit où les Poules reçoi- 
vent leurs coutumes. Quoiqu elles soient 
réglées avec le gouven^eur du Sénégal et 
les envoyés de Vj^lmamy , avant le départ 
du convoi pour Galam , il y a souvent , 
cependant, des difficultés lorsquUl s'agit de 
les acquitter. Le Tampsir ckoisi pour cet 
objet y et le ministre de VAlmamy font 
naître le plus de difficultés qu'ils peu« 
vent ; ils veulent les recevoir toutes le 
même jour, et ne permettent a aucun bâ*^^ 
tiraent de continuer sa roui» pour Galam , 
que tout le convoi parti du Sénégal ne soit 
arrivé. Gomme l'air de ce lieu est très- 
»al-sain , c'est ordinairement l'endroit où 
le plus grand nombre des François qui çnt 
la témérité d'entreprendre 4:e voyage , tom^ 
bent malades , et il n'en guérit que fort 
peu. 

Aussi- t6taprès notre arrivé , Saint- Jean > 
qui commandoit le bateau le Maure appar** 
tenaotà Paul JBenis^ se rendit à monb<>rd| 



( ao4) 
et m'apprit la mort de M. Bertrand , officier 
du bataillon d'Afrique , qui commandoit 
le convoL Les coups de canon que nous 
avions entendus, n'avoient été tirés quepeur 
ses funérailles , et non pour XAlmamy qui 
ne Tint point cette année toucher ses 
coutumes. Ce capitaine me donna la note 
de ce qu'on e^igeoit» Gomme je nWois pas 
encore fait le voyage , je ne trouvai point 
les prix trop considérables, quoiqu'ils fus- 
sent doubles de ceux qu'on avoit payés les 
années précédentes. Les capitaines du convoi 
s'assemblèrent à mon bord , ainsi que les 
gens proposés par VAlmamy \ on fit de 
part et d'autre des sacrifices , et les jours 
suiyans , on paya ces coutumes , dont la 
plus grande partie fut mise en dépôt sur 
mon bord. 

On se soumet à ces coutumes , afiii d'être 
libres en rivière tout le temps du voyage y 
de. pouvoir se promener à terre quand on 
veut ; et d'avoir dans le pays les mêmes 
facilités que les naturels. Elles sont deve- 
nues très -considérables par la faute des di- 
vers gouverneurs du Sénégal, qui ,' plus 
attachés à leurs intérêts particuliers qu'à 
ceux de la nation françoise , ont tous , les 



( ao5 5 
ans , fait j potir le Roi, de noureaux présens 
à ces sauvages. Ils recevoient en retour 
des nègres ,- et la valeur de ces captifs 
passe^ pour appartenir au Roi. Mais si Ton 
on croit l'opinion générale ,- elle passe 
entièrement dans la poche de messieurs les 
gouverneurs^ Les nègres de l'intérieur des 
terres , qui ne savent point se contenter , 
ni évaluer le prix des choses , exigent, des 
bâtimens européens , des' coutumes pro- 
portionnées à celles qui ont été introduites 
parTavarice des gouverneurs. En cette an- 
née 1785 , la coutume payée à Saldé , 
monta à cinq livres en argent par barre : 
ce qui fit 3i 25 livres par chaque navire , 
chargé deSîaS barres. 

Cette coutume augmente en propor- 
tion que les marchandises en rivière ont 
une valeur plus considérable. Le baril de 
deux livres de poudre , par exemple , est 
compté pour quatre barres* Cent pierres 
à fusils , pour deux barres , etc. La réca- 
pitulation en barres dé rivière fît mon- 
ter cette coutume à 889, au lieu de 625* 
barres. Les nègres étant à soixante-dix bar-' 
xes suivant les conventions de Galant , pour 
oette année , on donna la valeur de doiize 



( ae6 ) 
captifs, pour acquitter les coumiines r et cela 
fit même davantage ^ car lepltia grand nom- 
bre des barrea pa^éâGh à Saldé, furent des 
barres pleimes , au. Ueu que dans le paie* 
ment des captifs , on^n^en donne ordinaire^ 
raoDt tout au piua que quarante de pleines 
par nègre ,; conmie on le verra quand je 
parlerai du. commence. 

Les gros bateaux des^ habitans nègres 
payèrent moitié de cette coutume , et les- 
petits, un. quart. Il vCj eut que le bâtiment 
du Shérif qui ne^ paya rien. Comme cr 
peuple a dans sa religion quelques fragmens- 
decellede Mahomet,. onne croit pas justede^ 
faire payer un homme reconnu pour ètre> 
de la famille du grand prophète : aussi se 
contenla-t*an de SAibénédiotioni Je Voulus 
essayers'ilssecputenteroientde 1^ mienne^s 
mais ils préférèrent mes guinées et mes f» 
sils , ce q^ii nous fit rire , mais principale^ 
ment le Shérif ;. car tout le profil e^t:de son* 
côté. 

La nation Poule.^,ovL Foul^fue ^ estune* 
des principales qui occupent les bords du' 
Niger. Cette nation^ poasède ^ le long de< 
ce fieuve , une étendue de terre de {^us.der 
cent soixante lieue& Elle commence au^^ 



( 207 ) 
dessous àe Podqr , à un eudroit nommé 
le Qoq > sk^é à deux lieues du fort , et 
fiait à Mfata^e , &>rt village , occupé par.tie 
par dea Poides^y partie par des Saltigiuets , 
autre peuple peu uogabreux , et que Ton 
confond assez ordinairement avec les Pou- 
les^ Ce peuple n^est pomt aussi noir que» 
les autres nègres : il eat cuivré , presque» 
rouge j il a cependant de particulier , que» 
les enfans de cette nation qui viennent au 
Sénégal, et qui y passent plusieurs années, 
deviennent beaucoup plus noirs. Les fem- 
naes y sont très^ joUas. j» ce qui fait que les 
blancs^ du> Sénégal OTit toujours le soin de 
«-'en procurer quelques.- unes. Mais elles 
sont^ d^uni lUAu^fMÛs. caractère : jamais elles 
ne s'a^aclient à personnes ; et qucoid on a: 
une? mai<aresse> de cetta nation , il £»ut la 
veiller de près, et bien la châtier , pour 
qu'elle ne fasse point d'infidélité à celui, 
qui riionorade ^es faveurs. Alors la crainte 
de la. bastonnade produit* ce que les égards 
eti la complaisance na peuvent jamais o.b«^ 
tçair.. 

QuQi<|ue: la nation Poi^fohajbiJteun.des 
pln»;beapxipays de l'jîifrfque ,. elle estce- 
pendasitt très - miséralita. ; liss. peuples ea 



( 208 ) 

sont lâches , cruels , voleurs et fanatiques à 
Texcès. Us sont commandés par un chef da 
leur religion , méprisable mélange de ma- 
hométisme et de paganisme. Ce chef se 
nomme Almamy : il est toujours choisi 
parmi les Tampsirs qui sont au nombre 
de douze. Les Tampsirs sont les inter- 
prètes de la loi : ils sont les plus savans ou 
les plus fanatiques. Quand V Almamy vient 
à mourir > on lui choisit un successeur 
parmi les Tampsirs. \^ Almamy a droit de 
yie et de mort sur ses sujets ; cependant 
il peut être déposé par une assemblée de 
Tampsirs : c'est pourquoi il est de son in« 
térêt de les ménager. Le paiement des cou- 
tumes se porte chez VAlm^amy , et se dis- 
tribue ensuite entre les Tampsirs. Quoi- 
qu'une part appartienne à VAlm^amy ^ il 
exige toujours un présent particulier pour 
sa personne. 

Le premier septembre , je dînai à bord 
du bateau le Maure , capitaine Si Jean. Je 
n'y vis point de blancs , tous ceux du convoi 
étoiènt malades. Le lendemain au soir^ 
nous reçûmes un grain furieux. En vou- 
lant me mettre à l'abri de la pluie , dans la 
chambra du conseil , je tombai sur les 

malles^ 



malles , j'eus les jambes fort écorchées s* 
ma tête porta sur la table ^ et le lendemain 
la fièvre me prit. L'inflammation étant de-, 
venue considérable j on me seigna: je- ne. 
tardai point à perdre connoissance , et je 
ne la recouvrai qu'à mon arrivée à Galain ^■ 
le 4 octobre. Je vis surle journal de route^ 
que les coutumes payées aux autres princes 
de la rivière avoient été très-:modiques j: 
elles ne se montèrent , yaleur, du Sénégal^ 
qu'à 120 barres , y compris deux pièces 
de guinées et un fusil à deux coups que 
Ton avoit donné à Sirman^ roîdeOalam.. 
Je descendis chez ce roL Sa maison est 
bâûe en terre et est stssez commode , coU'- 
verte avec des roseaux en certains «adroits^ 
et de terrasses dans d'autres* On. eut che9 
ce prince si grand, soin de moi^ que je 
xie tardai point à reprendre des. forces. 
Tous les jours jMlois>me promener, sur 
les bords du fleuve. DeujE; nègr^s m'y pop- 
toient ; et quaQd la chaleur commençoit 
à se faire trop sentir , je revenois à. mon 
gîte ; on m'y mcttoit sous une espèce 
dehangard , où j'étois.à couvert des ar- 
' deurs du soleiL 

Jj^ê capitaines du convoi , ei; les mat*a* 

O 



( aïo) 
bons du pays s^assemblèrent tons ches Sir^ 
man^ roi de Galam^ pour établir le prix des 
esclaves. Il fut convenu à soixante-dix barres, 
parmi lesquelles , on mêleroit quatre pièces 
de guinées. Ce prix arrêté , on monta aussi- 
tôt à Tamboucanée , escale principale 
pour la traite des nègres et du morphil on 
yvoire. Ce village est situé à quinze lieues 
environ de Galant. Les sei^eurs des vil- 
lages voisins , fâchés de ce que les Sétiégalois 
cboisi^soient toujours Galam pour le rea^ 
dez-vous général , réunirent leurs forces , 
et vinrent attaquer le convoi qui , faute 
d^eau , avoit été retardé à Saldé. Le bati- 
znent du roi et celui de M. Yigneux rCeî* 
voient pu encore monter à Galam , ils 
tf^étoient arrêtés , l'un à Baqueïle^X lautra 
à Courrai. Le Furet seul , qui ne tiroit que 
sixTpieds d^ean , étoit armé suffisamment 
pour se &ire respecter. Il mit à Finstant 
à la voile , et s^avança pour soutenir la 
convoL La valeur dé Scipion mon capitaine 
étoit connue de tous les princes nègres. lis 
a!osi^ent se mesurer avec lui ; sa présence 
dissipa les factieux , et obligea les nègres k 
se tenir tranquilles. 
- .: Tombé malade à Saldé , premi^ endroit 



((an )• 
de séfour depuis mon départ du Fort^Louift^ 
du Sénégal , je n'ayois pu visiter les d^rerses 
marchandises que Ton avoit embarquées en 
balles à la colonie , avec beaucoup de hâte , . 
parce que la saison avançoit. Alors je yu 
àtai les marchandises pour fai^e passer les 
inférieures les premières* Jetrouyai arec sur* 
^rise que toutes les guinées étoient de mau« 
Vaise qualité et avariées. Elles avoient sûre- 
ment été reteintes en France. Les armateurs , 
^our plus de bénéfice, les avment achetéesv 
& très-bas prix. Mal instruits , aveuglés pai^ 
Tappas dvi gain , ils furent cause. que je 
manquai ma traite ; aucune de ces guinées» 
i^^ayant pu passer pour le paiement déê 
esclaves. Ce contre-temps m'obligea à cHan^ 
ger de marché. J^ordonnai à mon capitaine 
de traiter tout ce qui se présenteroit avetf 
les autres articles de la cargaison ^ et fi< 
mettre à part les guinées les moins avMiées^ 
|>our les changer contre iquelques nègres* 
Mon plan étoit de ^gner sur Tor et lA 
morphil de quoi me dédommager des pert^ 
que la mauvaise qualité de mes guinées me 
faisoit ëprouvw. Ten avois tout au plue 
icent • vingt . qui à la r igueivr pouvoient passM. 
Seipion les prit , et partit avec la éhaljjupe 

O a 



( ftia ) 

et rassortiment convenable, pour traiter à 
Tamboucanée. Je gardai les pièces ava-. 
riées y etme résolus de m^en servir pour les 
échanger contre tout ce qu'on me propo-, 
seroit. 

La saison dés pluies étoit passée : le retard 
essuyé pour le paiement des cputiunes à 
Saldé , nous aVoit infiniment nui. Je fus 
obligé, le 25 octobre^ de m'embarquer pour 
descendre au Sénégal. Ma traite n'étoit point 
avancée i je m'étois cependant procuré six 
i>ègrcs avec mes guinées avariées. Je les 
iiurois passé toutes, §i j'avois pu rester 
plus long«temps ^mais ne voulant pas risquer 
mon bâtiment. Je laissai. Scîpion aVec sa 
chaloupe pour traiter suivant la coutume à 
Tamboucanée. Sirman , rod de Galam ^ vint 
çie conduire à bord. Il n'y eut point d'at- 
tentions qu'il n'eut pour moi. Comme 
j'aVOis été esclave à Maroc , il me regardait 
avec ' surprise. Le ^ respect que tous . ces 
peuplesont pour l'empereur, s'étendoit jus» 
ques sur ma personne; car^ce petit roi me céda 
sachâmbre et un bon. lit , tandis. que les 
blancs chargés des affaires. du. roi dans le 
convoi, n'étoient chez lui que sous des 
rhangardsi M. Molinard,V^n d'eux, étoit im 



îogéniènr que Vop. néiikicbiaxgé défledrèrle 
pian de la riyière.^t:d'aller:apxjnmes d'oi?. 
Il tomba malade » à Soldé , et momrut? à son 
retour de Gaiàm au Sénégal.. : .: 

Sirman\ roi de Gnlam , ainieheauGOiip le 
via. Je lui en £s boire :tDU8 les jours que 
je restai chez luî^; J^ayois cependant la 
précaution de ne lui en donn^ .que 1^ 
soir ; et pour en avoir , il fajlpit qu'il lUe 
fît rapporter mes bouteilles. jCQiqui fit que 
le troisième jour de imoiSL^myée^ ilordoi^- 
na à ses gens d-en pxèndire;:le p^^s ^and 
soin.. U me conduisit à::bord y: et on fut 
obligé de le rapporter à so^ yi]la^\^ant 
bu outre mesuiré;^ pbur me prouver Jie cha- 
grin qu'il avoit dô-me quitter.: Ce: prince 
'm%Ybit*^^ej(ié? i3 graine <^de cc^ail; ^un^ 
: démi-filièré dr^m^ip^ ; , vingt^huit ^grelot» 
d'argent et trois paires j3ke mai^Ues.tpour 
ses &mmes« Il;de>^oit nie payer en: or ou 
en morphil , !mai8^n''e^ ayant point , il me 
'.:doiina> uii nègi:!e superbe , quoique 4es^ob< 
<^)éts (que je .M avbid vfendu^. xie $e mou- 
/tassâit qu'^à soii^ante-trois bfirres. Pour re^ 
^coismcâtre jsa générosité »: je lui Q$ présent 
'dfun sabre à' pistolet , d'un peu ^de laine 
/pour sea lemxuès Ve£ ppur sa favojitQ , qui 

O 3 



(214) 

seule Itii aVoit donné des garçons «je lui of* 
•fris quelques paquets de verroterie ,eteavi^ 
ron quatre onces de lainerouge. Elle aroit eu 
le plus grand soin de moi; et je lui derois en 
'partie-lerétablissement de ma santé. Toute 
ma magnificence me coûta environ 36 sous* 
' La &vorite du prince prétend être chré' 
tieiiii0. Elle avoit été jadis la maîtresse 
d'un nommé Labrue , chargé alors des af- 
faires de la compagnie à Galam* Gomme 
ée lut le roi qui m'apprit cette anecdote , 
je crois qu'elle suffira^ pour donner la me« 
-sure de la délicatesse des rois de ces cantons* 
^ Oatàm est un petit village connu seu- 
lement parce qu'il est le lieu de rassemblée 
des habitans du Sénégal « pour la couven- 
'iiôn de la traite ^ et par un mauvais fort 
^que les François y avoient fait ^xmstruire 
du temps^ de Tandenne compagnie* Le 
père du roi régnant avoit été laptot au Sé« 
iiégaL II étôit né libre chee la nation nom- 
mée Saracolet. Reconnu des nègres pour 
brave , et parlant bon français ^ il avoit é^ 
plâpé par la compagnie dans le fort> en 
qualité de courtier. Le grand Fouqutt de 
^uago , chef du pays , lui donna en toute 
propriété , le village de Galam ^ à ccmditioii 



( ^^6 ) 
qa^îl èe diargerolt de recevoir les côttt^ 
mes des bâtimens européens* Son £ls , qui 
«8t actueilement roi de Galant , fut élevé 
au Sâaégal. U parle £^a^çois et apglois; 
et lorsqde la c<M9ipagnie abaiidoxma le fort, 
il s'empara des oimonS ^ se fit un parti dans 
le pays , et se raidit redou:table à son 8pu<- 
Terain dont il devint entièrement indépen^ 
dant/ Il a plusieurs villages qui reçoivent 
ses loix. Il fait le plus grand accueil aux 
Xaptotstlu Sénégal , et à ohûque voyage , S 
en retient quelqu'un par ses bienfaits , suiv 
tout ceux qui sont de la nation Saracolet^ 
car pour en avoir un-, il donne à leur na*- 
tion plusieurs e^clave^ «A échange* . . 

Les l^euples qui , dans cette partie de 
IWfrique^ occupent les. terres situées entre 
la rivière du Sénégal et celle de Gambie^i 
sont tous Saracolets^' Il n.!y a de Galajr^,^ 
situé sur les bords dq Niger , à la rivière 
de Gambie, qu'une journée et demie de 
marche. I^s «S^sraco/ei^ reconnoissent pour 
souv^r^aia le grand Fouquet de Tuago. Ces 
peuptes -sont laborieux ^ ils cultivent M 
terres avec soin : ils ont tout ce qui est né- 
cessaire àija vie ) habiteiit de beaux villa g$. 
bien bâtis ^ dont les cases e^ rond sont pour 

04 



( al« ) 

k plupart comrertes de terrasses ; le^ ray 
très le sont en joncs , comme cellesdu Séné- 
gal. Ce qui entoure leiirs 6asea est en terre 
'd'un pied d'épaisseur. Les yiUages sont envi- 
ronnés d'un bon mur déferre et de pierres 
de deux pieds d'épaîssetir. On y entre par 
l^lusieurs portes , qui, pet^dant lanuk , sont 
toutes gardées , crainte de surprise de la 
part de rerinémî. Cette nation est très-braye: 
Il est rare de trouyer dés esclaves saraea- 
lets. 11$ se défendent toujours arec avjyi* 
tage contre ceux qui osent les attaquer. On 
peut acheter sans * crainte les &aracolets 
qu'on expose en Vente , car on n'a de ce peir 
pie ( excepté en temps de guerre aTfec les 
Poules) que ceux que les loix condamnent 
pour quelque crime. Alors ces malheureux 
n^échapperôient pas de Tesclavage , même 
en se réfugiant dans leur patrie ; car ils se- 
raient rendus* à Finstant à leurs maîtres , 
bu punis de mort , si le convoi éloit parti. 
La religion de ce peuple tient beaucoup du 
jnahométisme , mais encore plus de la re- 
ligion naturelle. Ilsreconnoîssentun Dieu , 
et peilsent que ceux qui volent ou- com- 
mettent quelques crimes > sont punis éter- 
nellement. Us admettent la pluraUté det 



( 217 ) 
femmes , et les croient toutes îmmoîtelle» 
comme eux. Ils passent légèrement sur l'a- 
dultère ; car comme ils se permettent plu- 
sieurs femmes, ils ne sont pas assez injustes 
pour punir celles qui se permettent plusieurs 
tommes. Le troc est donc permis. On donne 
Une femme pour une autre, à moins qu'elle 
ne soit libre et naturelle du pays. Dans ce 
dernier cas , on fait comme en France , on 
ferme les yeux ; quoique les loix sévissent 
expressément contre cet attentat à la pre* 
mière des propriétés. Cette nation est voi- 
sine des Poules : son étendue dans les 
terres est inconnue r ce que l'on sait , c'est 
qu'il existe quatre princes puissans qui la 
gouverttent , portant tous le nom de Fou^ 
quet , dont le moins puissant , au rapport 
des* Saracolets , est celui de Tiiago , qui 
peut mettre sur pied trente mille hommes 
de cavalerie, et dont les sujets occupent 
deux cent lieues de terreîn , tant sur le 
Niger , que dans les tertes au-dessus dtt 
rocher FMou j lequel rocher , suivant leur 
ïnèine rapport , forme des cataractes , d'oiï 
sortent le fleuve du Niger et la rivière de 
Cambie , aussi considérable que le Niger. 
C^^é dernière rivière est plus navigable y 



( »l» ) 

roule moins de sables et forme moins 
de bancs. Son embouchure est à environ 
soixante lieues du Sénégal , en y allant par 
terre ; et à soixante-quinze , en doublant te 
Cap-yerd. 

Le a4 octobre , sur le soir , Scipion , qui 
voyoit baisser les eaux à Tamboucanée , 
mavoit envoyé un nègre pour me dire de 
quitter Galam. Je m-étois embarqué le 
aâ sur les 8 heures du matin , mais mes 
laptors n avoient point encore vendu leur 
sel. Le second et le maître d'équipage vou« 
lurent rester malgré moi. Cependant le 2S 
voyant que tous les laptots étoient de mon 
avis , et que sUls reiusoient de partir on les 
mettroit aux fers , ils levèrent Tani^e et se 
mirent en route. L^eau , pendant la nuit 
du ââ au 26 , avoit baissé d'un^ pied , ce 
qui ut que nous échouâmes à une lieue 
environ de Galam. J'eus besoin , dans 
cette position y de toute mon autorité |>our 
empêcher les laptots de tuer le second et 
le maître d'équipage , qui n^avoient point 
voulu partir aussitôt que je fus embarqué» 
Ils jetèrent tout leur sel à Teau pour al- 
léger Je navire , mais tous leurs efforts ne 
purent nous dégager. J ^expédiai un Smp^ 



( ^9) 
ccfUt k Scipion pour Tiastraîre de la poaV 
tioA dans laquelle je me trouvois. U par^ 
tit aussitôt pour venir me trouver. Comme 
les çlieyaux spnt excellens dans ce pays 9 
il £t la plus grande diligence ^ changeant 
^ chaque village , et arriva le lendemain 
vers les 4 heures du soir 1 à mon grand 
étonnemeut, car il étoit éloigné de nous 
d^enyîron seize lieues. Le courier que 
î^avois expédié ^ avoit fait la plus grande 
diligence , avoit trouvé des relais par-tout, 
et étoit revenu avec Scipion. Ne pouvant 
parvenir à nous débarrasser ^ après vingtr 
4|uatre heures d'un travail opiniâtre , il n'en 
fallait point tant pour décourager des nègres 
qid n^auroient pas eu quelques blancs avec 
eux t .^K q^i ne se seroient point senti oom* 
9naB449r par le capitaine le plus expérimenté 
de la cplp^ie* En arriv^mt ,. il ^t cesser 1^ 
travail des laptofs , leur £t prendre deux 
heures de repos et de lu : nourriture > et en 
pcit JtuJL-mân^. U cônnois^oit parfaitement 
k rivière; ayant visité les passes , il vit 
qu^U n'y avoit rien à craindre , ordonna la 
pia^Kenvre^ et réussit ^ en moins d'uJM 
dmd - heure , à nous remettre dans le 
$aja£d.:lljre«tA vingt-quatre heures à bord^ 



^ôur {>arer les bancs les plus dâiigerênx ^ 
les fit tous éviter , sails que nous touchas- 
isions une seule 'fois y et saiis fatiguer son 
équipage. U nous quitta ensuite, après 
avoir tracé la route , et indiqué au second 
et au maître d^équipage , les endroits dan- 
gereux de la rivière. Il vbuloit soutenir sa 
réputation , et malgré la mauvaise qualité de 
nos marchandises ^ il espéroit traitJér' avanta- 
geusement à Tio^m^oz/c^i/^ée. • 

A environ dix lieues de Galam , nous 
vîmes le Bric , le Furet ^ n'ayant pu , faute 
d'eau y monter jusqu'à Gâlam. Il étoit à 
l'ancre devant Coùterat , dans un endroit 
où il y a de l'eau toute l'année^ L'homme 
^'affaire de la dOmpfignie , nommé Bâïdinal , 
-garent du directeur' du Sénégal ^ fiôsbit por- 
ter à Galamydiitiè Sa chalou^é-^ toiltés ses 
^marchandises ,' dans^ l'intention d Y pQBser 
l'année. Il vifat me voir à mon bdrdtjefis 
quelques affaires avec lui. Je'ini'célài Tarn* 
*rej le corail et les grelots d^àrgeht ^i me 
festoient, et je lui-prôcurai Uiï^éïkéÊèecofc- 
sîdérable ,pai? cette opération qui'éfdît aussi 
utile pour moi que pour lui:;>ca^|é'n^Vois 
pas besoin de ces articles aufSëné^âl; Ainsi 
apTè$ avoir teriuiné , nous Aofils Jéliàicàmea 



( «21 ) 

inutueUem^nt de nous être rencontrés* Je 

lUnstruisis . ensuite de la valeur des inarr 

chandiscs que Ton vendoit en traite , yar 

leur dont ,il, n'avoit reçu que de fausses no- 

tiozis au Sénégal , ayant été trompé par 

ses laptots depuis son départ du Sénégal* 

Quand on est si éloigné de sa patrie , et 

qu^on n^a aucune communication avec ses 

compatriotes^ le plaisir quePon éprouve lorsr 

qu'on a. le bonheur d'en rencontrer un , 

fût'il même votre ennemi , ne p»ut aisé^ 

ment S;09Lprimer , et encore moins se dé-« 

finir. J^en fis une épreuve sensible çn cettô 

occasion* Travaillant pour le commerce 

libre , Je ne ppuvois croire qu'un employé 

de la compagnie viendroit me voir , sur* 

tout la maison à laquelle j'étois attaché ^ 

apportant à la. colonie les plus grands obsr 

taclies/ à la réussite des projets de cette 

compagnie. Le trente, je me séparai de ce 

galant homtne , ayant lés larmes aux yeux ; 

car quoiqu'il fût en bonne santé, et que je 

fusse malade ; sachant qu^ son intention 

étoit de passer l'année à Galara , j'étois 

ponvaiiicu qu'il n'auroit jamais le bonheuç 

de revoir sa patrie;. et je me flattoisj do 

revoir la mienne. Il le croyoit comme moi ; 



( aaa ) 

et nous airîons raison ; car il tomba ina-' 
lade de fatigue huit jours après mon dé- 
part , et mourut en peu d'iieures. 

Le deux de novembre , après avoir passé 
le village de Baifuelle^ sans nous y être ar- 
rêtés , nous entrâmes dans le canal de 
rtle du même nom. L'inexpérience du 
inaitre d'équipage fit qu'il ne put a'oppor 
aer au courant. Le navire se mit en tra« 
Ters , et échoua sur les roches vers lea 
neuf heures du matin. Pierre MambaB^ 
capitaine sénégalois, qui n'étoit venu à 
Baquelle que pour vendre du sel, nous 
envoya aussitôt son canot. J'y fis embar- 
quer les marchandises les plus précieuses, 
et une de mes malles. L'autre disparut k 
rinstant , jamais je n'en eus connoissance} 
sans doute qu'elle me fut volée par mes 
nègres. Sur les dix heures , voyant la cale 
de mon navire pleine d'eau , et le rivage cou- 
vert des naturels du pays , qui pilloient tout 
ce qu'on mettoit à terre , je fis porter sur 
nie, sur laquelle on ne pouvoît se rendre 
qu'à la nage , le reste de mes marchan* 
dises qui étoient ^icorç dans mon navire , 
ist me retirai à bord de Mambao, étant 



( a23 ) 

Guigné de mon nayire tout au plus d^unt 
demi lieue. 

J^aurois tout sauyé ^ si mes laptots n'a* 
volent pillé eux-mêmes. Dans ce malheur ^ 
mes gens youloient se dédommager de la 
fatigue du voyage et de leurs gages qu'ils 
âuroient perdus i si mon navire Teùt ét^« 
Ils volèrent le plus qu'ils purent, mais cela 
ne leur profita point. S'ils avoient été tou* 
jours à leur poste , les Saracolets ne noua 
auroient point approchés > mes marchant 
dises auroient été toutes sauvées , et mon 
bâtiment secouru des autres sénégalois qui 
^croient parvenus à le relever ; mais ils le 
oroyoient perdu sans ressource , et enle- 
voient tout ce qu'ils pouvoient dérober à 
mes regards. 

Amadi Tkioncoli , seigneur de Baqueïle y 
aussi frippon que ses sujets , voulut profiter^ 
de mon malheureux nauirage. Il vint me 
voir \i bord de Pierre Mcmhao , m'offrit 
Sa maison et un bon magazin pour retirer 
les marchandises que j'avois sauvées. Tous 
les Sénégalois me disoient que je pouvois 
me fier à sa parole , la nécessité m'en 
foisoit une loi : je me vis donc obligé de 
laisser porter chez ce prince tout ce qu'on 



(M4) 
EToit MUTé da naufrage* Le lendemain <, 
cédant à ses sollicitations ^ Matnbao ne 
Toolant pas s^exposer plus long-temps pour 
moi , j'allai à terre , et me rendis au viUage 
de Baquelte. On me plaça sous une es- 
pèce de tente où f avois de Tair , sans être 
exposé aux ardeurs du soleil ; et le premier 
jour on eut de moi le plus grand soin. 

Le grand Fouquet de Tuago , instruit 
par son fils , qui étoit depuis plusieurs jours 
à mon bord , du malheur qui yenoit de 
xn^arriyer, yint à Baquelle ayec une escorte 
nombreuse pour profiter de mes dépouilles. 
Mes laptots jugèrent alors tout perdu. Ce 
roi prétendoit , suivant Tusage des Maures , 
que mon navire , mes marchandises , mes 
laptots et moi-même lui appartenions. Il 
se seroit à Tinstant mis en possession des 
objets principaux, sans la résistance du 
seigneur de Baquelle , qui craignoit le re- 
tour de Scipion mon capitaine. 

J'ayois pris deux Maures à Galam pour 
les remettre à Admet Mocùard ; ils disoient 
à ces princes que j'étois Tesclave de Tem- 
pereur de Maroc, et qu'ils s'attireroient 
infailliblement l'inimitié des Maures , s'ils 
ayoient la hardiesse de me faire violence,' 



{sùi5 ) 

' G^ taîâons arrêtèrent le grand Fouçueh 
Cependant mes laptots étoient gardés à vue : 
ils ne pouvoient passer la seconde cottr, 
et se crurent tous prisonniers. Quant à 
moi , j^ayois pleine liberté^ mais je ne. 
pouTois> marcher qu'avec peine; il falloit 
que je me fisse conduire par des nègres. 
Me promenant vers les dix heures du matin, 
j'entendis un grand bruit , et «(pperçus le 
seigneur de Baquellè , qui s^avançoit pour 
juger un différen4 survenu entre un de 
]nes matelots et un de ses gardes. Je ^ 
m'approchai , et ayant pris place auprès* 
èiAmady^ je me fis rendre compte du sujet 
de cette dispute. Le garde d^Amady m'a* 
voit volé environ un seizième d'éoarlate j 
mon laptot Tavoit vu ^ le lui avoit arraché, 
ils. s'étx)ient battus , et le garde avoit été 
horriblement maltraité ; il étoit tout e» 
sang. J'eus bientôt jugé la cause. Je pris, le 
^îzième d'éoarlate, et le donnaiÀl'homa^o 
qui avoit été baltu. Je fis venir avec mioi le 
Ûptot que Ton nommoit Sagot , et toûtei 
Rassemblée se dissipa sans dire un mot. Le 
ai^igiieur dé Baquellè môme n'exigea riea 
4e plus , et vint avec mes gens me recoiin 
diâre sous mon hangard. 

B 



Pe tout mon équipage , il ne me reelpit 
que dix- sept laptots, dont quatre étoieathora 
d^étatd'agp:. Car au moment du naufrage^ 
en sauvant les poudres j le feu prit sur le 
pont à un petit baril, de quatre livrf s« Ce* 
lui qui le tenoit fut tellement blessé qu'il 
mourut le lendemain , et lee trois autres 
qui Tenvironnoient eurent le corps tout 
brûlé» Il n'y eut qu'un d'eux quL ne mou- 
rut point de ses blessures. !MJ8s autre» 
laptpts étoientavec Solpion^pour continuer 
1^ traite. Je lui avois expédié. un courrier ;; 
aipsi. qu'au commandant de.M« Vigneux 
çt à celui du bâtiment de Hoi , nommé le 
Bienfaisant* 

I^T'ayant que treiza kptols en état dîagîr ^ 
}e ne poUTOÎA pas t<;nter de relever mon 
bAtiment; d'ailleurs les Saracolets qui en 
envoient coupé le» i^asioBuvrcs, enkvéleseor» 
4*ges ne m'auroient pas laissé la liberté d'y 
travailler* Jefus donc obligé d'attendre qu'il 
meyiiit quelque renfon pomr Sortir du mau^ 
xralfi paa^dane lequel je me trerovois. Le ùx , 
•ept laptQtadéterminé&arrir&reatavëela dia* 
k>iq>e de Basca. Ceaègre, connoiesant lemr 
Wiu^e , me les aroit envoyés w^c ovàÉ^ 
de tout tenter pour xna sauves. Xis^ aiviioà^ 



Kkr wr les anse h^tifes dumatm, f^ya^tj^t 
POi^te touftelanuit. Us jfte dirent qu'ils avoieiifr 
iftt laaa hktimeat ; qu^ les Saracolet» 1 «^asl^ 
i^ûèrament -pâUé , en ayaut ôté toutes l«i- 
x^as^isu^VT^s , il Bi'y avQÎt plus 4e remède 
à^.moa walh^m* ; qu^ |e devoir* .plutôt 
penser à sauver ma personne vP*ii«<ïtt'<Mi 
m^^vk laissoit la^ liberté i que leur i^haloxipa^ 
étoh hmi armée 5 qa'ils alloieat prendre' 
Iss^ marchandises, que j'ayois laissées à bor^ 
de MamkoQ ; et que je deyois tout teuter 
pQ^r m^embarqu^ ayeç eux« Je suivis- leur- 
avis. Sur les deux heures, je me ^eiïdis j^ 
1»^|:4 d^ Mamba0^ L.e garde qui me vil 
sortir v»€ s'opposa;paiat à mon pass^ge^ 
y^^tr^tire B^e^ croyoit^OJOi trop (oible:^, pour 
qê^T' »Wpo$er à la fuite : peut*4tre au^sft 
^^la cojasldératiau et I9 respect qu'ilst 
Ij^cMTtf^t à remper^ur d^ Maroc r&r^P^ qn -Us 
a'esèreat point an:§t||r vm^ l^^omme qui lui 
i^vott $^partenu« Quelles que furent fleura» 
9i|isi^»iks.,|eme rendis pans être iiiq^été[%iii^ 
le ifîy«jg^>'d'où jeijsignail le bord de.c4/<?wwk 
iad. het soir je m'eitetarqual fivee ^P^^^ 
4iii^ri^i«bdiaes« On ÊtxQute totite Iss nuit^ 
^ fdfwhral le sept sur les neuf heucee 4tt: 
«iatin m bâtiment, que «eoima^doît^^c^ 



( 228 )^ 

Si tout autre motif qu^un naufrage m^eâe 
conduit à Baquelle , j^aurois considéré avec 
plaisir la position de cet endroit. Les mew 
de ce yillage sont larges et bien percéed^- 
les cases sont toutes en terre , environnées 
degrandes cours, et presqûetoutes comrettea- 
déterrasses. Les jardins sont beaux et -bien 
situés ; ils offrent aux yeux , le long da 
fleuré s une perspeôtîre des plu» agréables.- 
Ce village est très-fort. Il contient envîroj» 
trois mille habitans ; et si Ton peut doimer 
le nom de ville aux habitations de ce^ 
contrées , Baquelle peut tenir le prenrier 
rang. C'est la mieux fortifiée de toutes \e^ 
habitations situées le long du Niger. 

A peine avois-|e prîstjueiqûe repos qu^on, 
m'annonça Tarrîvée de Masse, mulâtre dti 
Sénégal-, qui étoît un de mes gourmets, tt 
é^'étoit évadé de Baqueîlë avec mon canot ,, 
emportant avecliiî huit-cent livres envirbi» 
de morphil , quarante pièces de guinéès f 
qfuelqùes fusils et un baril de cent livres de 
poudre.' TntHa laptofô déterminés parmi lea* 
quels ^oit Sagoà , étoient venus avec hSf 
Detnc deces laptots étoiôxlt Saracolets; lia 
aboient sauvé les guiiiées dans leurs paquets^ 
et M'asse^ aasez adroit^ avoit obtenu du 



( ^à9 ) 

teignenr de Séujuelle , la pei^ssîon de 
tne suivre , faisant entendre à ce prince que 
.puisque j^étois parti ^ et que je n'étois plus 
rcn son. pouvoir , ii devoit le laisser aller 
sie r^oindre ; que cette action de sa part 
ûppaiserpit ma colère ; et que comme je ne 
connoissojs pas la langue nègre , et que lui 
Masse me servoifd^inteprète , il ne pouvoit 
trouver un meilleur moyen de me faire 
oublier le passé. Cet homme ne perdit point 
ide temps ; et à peine eut-il obtenu cette 
permission;, que sans parler de son dépavt 
à personne , il se rendit à mon canot que 
2es ^ens du pays croyoient appartenir à 
M^mbao , s^einbarqua avec le peu de mar- 
chandises dont j'ai parlé plus bai^t , et £t 
le plus de diligence possible. A peine le 
yit-on mettre à la .voile , qu'on le pour- 
suivit du village de Baquelle : on £t feu 
sur lui ; mais il n'étoit plus temps de s'op- 
poser à son passage. Il gagna le milieu de 
la rivière , et n%v%a toute la nuit sang 
éprouver de dangers. 

Masse , à son arrivée à bord de Basca ^ 
s'informa de l'endroit où étoit le bâ- 
jLiment de Roi \ et ayant appris que nous 
n'en étions p^isrélûignés , il me proposa 

P 3 



é% m^ombarquef dans mon ctnM pour 
gagner ce naTÎre. Sortant d^une maladie 
aussi onielle que celle que jeyenms d^ea^ 
auyer; n'ayant point eu le temps de me 
rétablir ^ ni de reprendre des forces ; ee* 
eablé par lés suites d'un naufrage , les dis* 
|>utes continuelles ^ ^ BaqueUe , et ta £i« 
tigue de la fuite ; ne yiirant que comme 
les nègres^ c'est*&-dire> ne mangeant que 
ee qui se rencontrolt ; tantÂt du mil erù, 
trempé danâ de Teau ^ tantôt de la viande 
i}n du poisson séché au soleil ; tons cessé 
fncomihodé à' bord du narire de BarcM 
qui avoit 107 nègres aux iers ; eirposé le 
four sur ie pcmt aux ardeurs du soleil , et 
îa nuit ^ pour éviter le serein , renfermé 
dans la chambre du conseil où j'étois étouffé 
par le maurals air , et la dialeur excès-- 
sîye qui y étoit concentrée , je n^avoîs pas 
nne seule raison seulement de délibérer ; 
tt bien m'en prit , car certainenrent je 
ii'àurois pu résister à iëHt deinaûx réunis » 
si je me fusse refusé k suivre le conseil de 

te m'émbàrquài de nu$t avec lui , n'ayimC 
^ue lès trois lâptots don€ j'ai parlé plus 
IwUt M^ éspingëieis; éféieatit eii état tiA 



les errangea sur le canot : on lés chargea 
pour résister en cas d'atti^quei Ghacmn de 
mes gens avolt un £n&l â deux toups , et je 
partis m'abandonnant entièrement à leurs 
soins. Nous f^meg trente- sept heures ^ 
a;ofl2te. J^arrirai le 14 v sûr los sept heures 
-du matin, à fiord du Bienfaisant commandé 
pjsr Thèvenoù , riche liabitant du Sénégal. 
Axix peines physiques se foignùient lâs 
peines morales. Mon bâtiment étoit abam 
^nsié sur la rive des Satacolets ; ities ma#- 
chahdîàes étoient ciispersées dans diveite 
endroits de la riirière ; ûtee partie se troH- 
voit À la merci dés nègres sénégalois ; A 
6oipio^ qoittoît cet ^enârmt pour yenir à 
^£€tf(jueile , Tautre étoit e^poéée \:hez Ip 
«eigneair de ce village , q^ii lés regardoit 
comme son bien. J^avois été contraint d0 
laisiser douze nègres à bord de Mamhao ; 
cet homme pouvoit me tromper^ et s^ 
laire prendre jsig^ nègres par \e% princes dft 
.pays , moyennant \m& rétribution parti* 
culièœ de» cas seign^i^s. Je connoissoi^ 
Mamhtto pour un voleiir détermipaé m, 
itBsé ; je l'aycâs vu mVsiflever à %ovl bord 
{>lnsîeuiis :objets : il me prij^ mémo mes ha- 
«iûfs ^ la m^uvesque et «na idirap» J'^av^ 

P4 



( !x3a ) 
donc tout à. craindre de sa mauvaise &>£• 
Les seuls objets qui. étoieatensûreté 9 étoiei>^ 
les fusils et les guinées que j'âvois laissés à. 
bord de Bascai c^étoient leâ seuls objets 
que j^espérois sauver de mon naufrage* . 
Cependant Thèvenot tacba par ses soins 
de faire diversion à mes maift. Son bâti»- 
ment^équtppé seulement pour le paiemait 
des coutumes , étoit bien armé et: disposé 
commodément* J'étois bien couché^ bien 
nourri ;.et n^étaht plus exposé au siereiii> 
.ni àFaxdeur du soleil^ ma fièvre diminua 
sensiblement* Cette fièvre n^étoit occasion- 
née que par la foiblésse'ot les fatigues con- 
tinuelles que j^avois eu à essuyer. Je ne fus 
pas liiiit jours à bord qu elle me quitta 
entièrement. La rivière baissoit de plus en 
plus ^ le navire tir oit neuf pieds d^eau , , 
;ce qui détermina Thèçenot h faire la plus 
grande, diligence pour hâter son retour^ 
«t se mettre hors des bancs dont la ri- 
vière est remplie. Malgré ses soins , Tex- 
périence du maître d'équipage qui étoit à 
son quarante-cinquième voyage , etletra-- 
vail non interrompu de ses laptots > on ne 
faisoit chaque jour que très- peu déroute. 
Là c'étoit un banc de sable qui s^ôpposoit; 



( 233 ) 
à notre passage , d'un autre côté c'éloîent 
des troncs d'arbres qui ayant été emportés 
par le courant du fleuve, bouchoîent les 
passes ; tantôt c'étoît un obstacle , tantôt 
un autre. Pour comble de malheur , arrî* 
rés à Saldé^ on nous y apprit qu'il y avoit 
chez les Poules un parti formé pour arrêter 
le convoi. Cette nouvelle engagea Thève^ 
not à partir à Tinstant ,* sans s'arrêter pour 
traiter le mil. Nous touchâmes à la passe 
jdn grand canal > à lo lieues au-dessous de 
Soldé. Tl^%% Poules , qui nous observoient, 
Revirent et vinrent nous attendre près du 
rocher de Dquioul de Diahhé. Us espé- 
rôient nous surprendre en cet endroit ; maïs 
lorsqu'on eut sondé les deux passes qui se 
^«fâPQUvent sur ce rocher , on se mit à l'ou- 
vrage , et on se débarrassa heureusement. 
Le capitaine avoiteu le soin de faire mettre 
les marchandises et les malles sur une pointa 
de rocher qui s'élève au milieu de la ri- 
vière. Les Poules ne purent s'y rendre pour 
taous piller. On perdit cependant le peu de 
mil que l'on avoit déposé , suivant l'usage , 
sur la rive des Maures , pour alléger le na** 
rvire , quand on est prte de ce dangereux 
|»assage. Le Bienfaisant étoit le premier 



f a34 ) 
bâtiment de retour ; nous notions pas sans 
crainte pour les autres. Nous expédiâmes 
un courrier par terre pour instruire lès bè- 
timens du convoi, du parti formé pour 
Tattaquer et le surprendre. Mais ce courrier 
qui étoit delà nation des Poules^ aimamieta 
s^arrêter au rocher pour profiter de la dé- 
pouille du convoi , que d'avertir les bâti- 
mens. Pourquoi , dira-t-on , se servir à^iax 
courrier de cette nation ? c^est qu e cet liomme 
avoit ses parens établis à la oolomie , qu'il 
voulôit s'y fixer lui-rpême , et que tout 
autre couroit risque d'être arrêté dans ces 
pays. Nous ne recevions aucunes nouvelles, 
nous ne voyons paroitre aucun bâtiment ^ 
ce qui noua fittsoit craindre que tout lè 
xx>iivoi n'eût été arrêté. Nous pensions 
bien que toutes les forces des Pi>ules 
ne seroient point capables de s'opposer 
aux Sénégalois réunis. Leur valeur, leur 
coufage les mentoient à l'abri pour leurs 
p^sonnes; mais les bâtimens n'aUroiént 
puL éviter d'être pris , si les Poules eus- 
sent eu la précaution de jeter des troâàcs 
d'arbres sur le passage , près du ro^ 
cher. On avoît tout à craindre dans ca 
cas. D'ailleurs les bâtimens ne se défiant 



( a35 ) 
do lien j appuyés sur la foi des traités , nft 
revenoient point en convoi. Six cents Sé^ 
négalois auroient eu bientôt nettoyé les 
bords du âeuve , et famais les Poules « 
quoique par milliers , ne se seroient exposés 
à en venir aux niains , avec une troupe de 
six cents hommes do la colonie. Le feu des 
faâtimens les auroient éloignés , et les nè«- 
grès sénégalois , descendus à terre ^ accou- 
tumés aux armes , auroient eu bientôt dis#* 
perse une qation aussi lâche. 

Après avoir évité bien des bancs de sable, 
nous nous trouvâmes de nouveau arrêtés 
par celui d'Halièurum. Il fallut alléger la 
navire. On y employa la moitié du jour , et 
«ur le soir , nous vîmes paroitre le bateau 
de Paul , commandé par Saint^Jean^ Gdt 
habitant avoit été attaqué au rocher ; mais 
$oii navire tir oit très -peu d'eau , et son 
équipage étoit nombreux , ce qui fit qu'il 
passa sans perte. Il m'apprit que Scipion y 
le lendemain de mon départ , étoit arrivé 
k Ba^uelle ; qu'il avoit relevé mon navire , 
fauve mes marchandises ; et qiie noue ne tar* 
ëerions pas à le voir parottre* Il arriva en 
effet , ie oaze diî déc^abre , à Downon^ , 



(236) 
lieu d assemblée du cx>nyoî , au retour de 
Galam. 

Aussitôt après 1 arrivée démon courrier 
à Tamboucanée ^ Scipion- déposa ses mar- 
chandises dans divers bàtimens sénégalois , 
et partit aves ses laptots dans sa chaloupe , 
ayant interrompu toute traite. U apprit à 
CoUerat que je n^étois plus à Baquelle \ et 
quoiqu'on lui disoit qu'il ne sauvetoit jamais 
mon bâtiment ni mes marchandises > il 
continua sa . route dans cet espoir. Au 
Heu de se rendre à Baquelle , il alla avec 
ses laptots j visiter mon bâtiment qui étoit 
abandonné sur les roches ; de-là il se ren* 
dit à Tuago , se ^présenta au grand Fou- 
quet , lui otfrit ses services , et s'engagea à 
rester toute sa vie avec lui. Ce prince , flatté 
de s'attacher un homme du courage et dft 
la réputation de Scipion , lui fit beaucoup 
d'accueil. 

Scipion , le voyant disposé comme il le 
«ouhaitoit , lui fit envisager qu'il ne pour- 
rait lui être utile qu'autant qu'il feroit re- 
lever mon bâtiment; que par. ce moyen, 
ayant soin de Téntretenir , il pourroit trans- 
porter promptoment^ ses troupes dans les 
liei^x où la guerre l'exigeroit j que par ce 



(237 ) 
moyen ^ ses voisins et les gouverneurs deê 
diverses provinces le craindroient davan--. 
tage et respecteraient son autorité ;. que 
Sirman môme ne tarderoit pas à rentrer 
danâle devoir, sur* tout lorsqu'il verrait' 
que les laptots sénégalais se réuniroientà' 
lui pour le soumettre. De tels idées furent 
goûtées: Scîpion, pour la. réussite de son-' 
dessein , se fit donner tous les cordages* 
que les Saracolets avoient' enlevés ; aidé' 
de leurs bras , il parvint , après beaucoup 
de travail , à échouer le navire sur le sable. 
Alors il demanda auJPouquet de Tuago de 
lui . faire rendre ses laptots , qui tous ^ con-^ 
noissant mieux que les Saracolets la ma- 
nœuvre^, lui faciliteroîent , avant le départ 
du convoi, les moyens de rétablir le bâti-* 
ment, chose qui deviendroit absolument 
impoissible , si le convoi étbit parti pour 
se rendre au Sénégal. Le seigneur de i?a^, 
quelle rpçut un ordre , et Jaissa aller! les^. 
kptots. Avec eux , Scipion vira le bâti- 
ment en quille 9 et plusieurs bâtimens ^hn&, 
galois , entre'autres le Maure, ayant paru, 
il^prit nombre suffisant de Japtots, releya' 
le navire ^ répara le dommage qui étoiç à 
la quille , congédia les Saracolets qui lui 



( 238) 
avoient été mile», et se porta vers Baqueïle, 
Sommé de tenir 8ft parole au grand Fou- 
cpiet , il répondit que si Fouquet étoit roi 
ffiir la terre , qne Ini Scipion Tétoit sur la 
rijôèra ; qulL étoit dbposé au combat^ et 
quhm Sénégalots. portant le titre defran- 
cm 9 n^étoâ: point fait ni d'humeur à être 
l'eselaipe d'un roi nègre. Le bâtiment ne 
fiâsoit pkia d'ean; Sdpion se mit en tra« 
iBta». aiPBG ses laptots seulement dans la 
grande pas^e y en attendant les bàtixnens de 
cecottc. U ayott trop: d^obligatîon à S. Jean 
pour retenir sea laptots. Aussi à peine lé 
navire £ut-ii réparé qu'il les lui renrdya* Il 
oontraignit les laptots des bâtimens du con*' 
vol de monter, à son bord , et avec eux , 
somma le seigneur de Baquelie de lui rendre 
tbutesles inarchaaadisès dontils -étoitemparé 
pax superch^é et par force. Sans doute 
^Amadj fit quekjUe' difficulté ; mais elles 
cessèrentbientôt lorsque Ion vit que Sci- 
pion allbit tenter une descente pour brûler 
}è yillage et enlever tout ce qui lui tomberoit 
aoas sa madn. On se souvenoit encore de 
Fédiec qu'avoit iieçu le Fouquet àTuago^ 
sept Ka% aiq)aravant , lorsque ce prince 
fiiontimt sur ie tr^ae y fier de sa puis^ 



sauce , Tatrliit arrêter le convoi. Il avoit 
douze mille hommes sous les armes , et fut 
battu par Scipion qui ne commandoit que 
huit cents hommes d« la colonie. Dans cette 
occasion , ce capitaine nègre quoiqu'esclaye 
fut recoimu pour général : il avoit brûlé 
et détruit entièremenLt le village. Le roi 
même étoit tombé entre ses mains ; mais 
Scipion, content de sa victoire , Tavoit ren-* 
voyé généreusement et sans rançon. Un 
homme qui passe pour invincible , qui n'a 
jamais ét^ battu ; que ceux qu'il commande 
âiiisi qne ses ennemis, regardent comme un 
héros y est capable d'easécuter ce que d'au- 
tres n'oseroient entr^rendreavec le double 
de force. Aussi le vieux jbnady ne voulant 
j^oint exposer son village , étant d'ailleurs 
hrouillé avec le Eouqué?t ^ auquel il n'avoit 
pas votdu remettre lus mar^andiseis , fut 
contraint dé capituler. Urenvoyadonctoutea 
les mffîrclmëndises dont j'aW)is pris note : 
M remir de plus deuàc barils de cent livres 
de poudre ^^i m'étoîeût échappés , et qu'il 
avtiit pri& potir dès barils de farine. 

Les ci^itainès sénégalois ne youloîent 
j^Oint pôUr ma cause exposer leurs mate^ 
lots , mais c^ braves gens , accoutumés ^ 



combattre soaa Sclpion^ ne connoissant 
point d'autre chef que lui , ne purent se 
résoudre à Tabondonner. D ^ailleurs ils 
espéroient , si on en venoit au cooabat , de 
profiter du pillage de Baçuelle* Us se 
croyoicnt invincibles sous ses ordres. Tous 
ces motifs les déterminèrent h se Joindre à 
lui dans cette circonstance. Les choses pré« 
parées pour le combat , Scipion se mit eu 
route pour descendre la rivière. Déjà Tar- 
mée deTuago étoit assemblée sur le rivage ; 
ce prince vouloit se venger sur mon capi- 
taine , et espéroit ^ à coups de fusils , lui 
fermer le passage. Les balles ne faisoient 
qu^efQeurer le navire, le bastingage mettoit 
les gens de Scipion à couvert , et ses pier- 
riers , dont il fit plusieurs décharges , eurent 
bientôt dissipé des troupes indisciplinées 
qui ne s'avançoient qu'en tremblant. Sans 
perdre de temps ^ il cqntinua sa route jus- 
qu'à Yfanne , ^eu de la demeure du. prin- 
cipal ministre de rAlmamy des Poules. Ce 
ministre lui apprit que les Tampsirs , peu 
contens" de la distribution des coutumes , 
faite par TAlmamy , s'étoient assemblés ; 
qu'ils formoient un parti nombreux, et 
étoîent au rocher , à attendre, tous les 

bâtiment 



C 241 ) 

Ijâtirtiensàleui* rîBtouF, iScîpion alors se dis- 
posa de nouveau à vaincre ou à périr. Il 
expédia plusieurs courriers aux autres bâ- 
timens du convoi, pour les engager à ne 
marcher que réunis , poift* pouvoir résister 
aux attaques des Foules» Gofiime son navire 
tiroît trop d'eau pour attendre le convoi ^ 
il se mit en route , prêt à tout évènémenté 
Son dessein étoît de s'emparer de la passe ^ 
de résister aux efforts des enne^mis dans ce 
poste , et d'y rester jusqu'à l'arrivée du 
convoi. Il espéroit avec tous les matelots 
du Sénégal ^ repousser les forces réunies 
des Poules ; se dédommager dés^ pertes du 
Voyage par les prises qu'il espérôît faire srur 
cette nation. Mais les eji^coïistances ôhafi- 
gèrent sa résolution. Son équipage étoît de 
beaucoup diminué. Nous aivîons perdu' cinq 
hommes , et trois m'avéient aiccompagrué 
avec un gourmet ; ce qui lui faîsoit n^uf 
hommes de moins. Il en avoit eiicore laissé 
u« à Galam , pour travailler atr rétablisse- 
ment du fort. Ils ne se trou voient plus que^ 
vingt-deux hommes à bord , énéo^e la plù^ 
part tellem^ent exténués de la fatigue d'un 
voyage atsssi périlleux , qu'il y avoit peti 
• à compter eur leu^ secours. Dans cetttf 

Q 



( 242 > 

extrémUé « il donna des armes à mes nègres 
qu'il avoit repris à bord de Mambao ; et 
comme ils étoient de la même nation quo 
lui , c'est-à-dire Banbara , il n'eut point de 
peine à les déterminer à se battre en cas ^ 
d'attaque de la part des Poules. Les choses 
disposées de la sorte., il s'avança avec con- 
fiance vers l'endroit de la rivière où il savoît 
que les nègres de cette nation lattendoient 
pour le piller. Quatre lieues avant que 
d'arriver au rocher > il fit jeter l'ancre, et 
se posta dans les bois avec douze laptots 
déterminés , pour observer par lui-même 
quels mouvemens faisoient les ennemis. Il 
surprit dans cette occasion deux princes "^ 
qui se rendoient à l'armée , . les conduisit 
à son bord , et les fît mettre aux fers. En- 
suite, il leva l'ancre , et parut sur les sept 
heures du matin dans la passe qu'il croyoit 
la plus profonde. 

Arrivé au rocher , il vit les deux côtés 
du fleuve bordés d'une multitude innom- 
brable de Poules qui poussoient des cris 
de joie et se disposoient à s'opposer à son 
passage. Il resta, suivant sa première inten- 
tion , tout le jour oisif dans son navire; à» 
Ijinuit , il fit sonder le3 passes; et il vit qu'il 



lui manquoit plus d'un pied d'eau. ppur 
passer sans y être arrêté. Au jour , il se 
retira dans la chambre du conseil „ 
d'où il entendoit les cris des Poules qui 
lui dîsoient : Scipion , tu ne peux plus nous 
échapper ; tu viendrais dans iios terres , 
planter dés pistaches. Il'étoit irrésolu du 
parti qui lui restoit à prendre. Son cou- 
rage le portoit au combat ; mais il li'a- 
Toit pas assez de monde pour se rendre à 
terre , et repousser par la force , ses eu- 
neâiis , timides à la vérité, mais nombreuXi.* 
Le convoi étoit encore éloigné de lui , il, 
ne pouvoit se résoudre à rester plus long- 
temps dans rinactîoÂ...ÏÏTisa*dêâcd^riisef 
et elle lui réussit. Au soleil couché, ayant 
observé l'endroit où se tenoient les Tamp-i 
sirs qui commanddient les Foules , il sa^ 
jeta à la nage , le sabre à la ceinture et.lo 
fusil sur la tête /suivi* de douze d© ses^ 
gens. Il attaqua les Poilles qui prirent la 
fuite y et s'empara de six princes qui ne 
purent se soustraire par la fuite : ils furent 
obligés de se rendre à bord à la nage , Qi 
furent ïriis aux fers. ' ' . 

Le lendemain les Poul^ voyant qu'île ^ 
a'aYoient plus tous leurs chefs , envoyèrent 



( 244 > 
un homme à bord , Scipion les lai fit voir , 
et lui dit d^annoncer aux Tampsirs , qu9 
s'^ils continuoient à Tattaquer et à le trou* 
bler dans sa manoeuvre ^ il avoit résolu 
de leur couper la tète ; que pour lui , il 
ne les çraignoU pas } quUl attendroit le 
convoi ; qu alors mettant le feu à soa bà« 
timent^ il débarrassQroU la passe ; et qu^aidâ 
des $énégaloîs , il xpa^^crerpit tous le)9 
Poules qui se présenteroient devant lui*: 
Cette résolution rendue aux chefs» , les en^ 
gagea à envoyer u^ s^icond émissaire à 
Scipion, pour lui dire qu^ ^'11 V0.vk>it rendra 
les princes « on. le UUs.eroit agir comme il 
voudroit. Se fier à U parole desi négoces , 
d'est s exposeï: à, en être, la dvpe» Aussi ^ 
Scipion ne voulut ont^ndroi à rÎQn* Mais 
lorsqu'il eut donxiié sa. paroilei (^a» si on ne 
ri^n.quetQÎt pas , il do2m€ir^t 1^ libejrté à ses 
prison^ier9 auasi-tôt <|u^il, at^rtit passé le 
rocher % on le laisse^ ^re to^t ee qu.'il vou« 
lut. Depuis deux îoufs ^ l.^em balsGoit de 
plus en plu$ , et la pat^se^deyenoit d^ moio» 
en mpins praticable. pQur t^^ssât , U ledloit 
alléger le navire , mais où meXtj:^ les mar-. 
chandises ^ le rivage étaxit cQxivef t d'enne- 
luis ? Ces raisoxxs en^a^èreot Scipion , ppuç 



(245) 
«KtiVér le bâtiment, à accorder airx Tampsîri 
trente pièces de guinée ^ quatorze fusils à 
deux coups, quatorze barils dé poudre et 
dix fusils fins. Pour sûreté de sa capitula- 
tion^ il eiîgea qu'on lui envoyât le fils du 
Taliipsir qui commandoît les troupes , c^ 
qui fat exécuté sur le thscmp ; et les Poule» 
eus:- meniez Taidèrent à passer cet endroit 
dahgefeui^. Scipion aurbit pu attendre le 
convoi et" îi'auroît riteil donné , mais il 
vouloît par ce léger saicriflcé , sauver un 
bâtîmèrit qui lui avoit donné tant de peine 
à ôônserter , et qui eAt été imfnanqùablé*- 
inent pbifâii , si le cônVtfi eût énéore tarda 
huit jours à paroitre.' ' 

Des évènemens aussi miiltipliés nié »• 
rent perdre tout le fruit de la tWîte :. on 
lie put sauver des metrbliàttdûés avariées"*, 
qù'enviitm i5o mauVaii^es pièces deguinées , 
12 nègrés\ 154 gros d^dV ,^o6*Uvresde mor- 
phîr et 56 Tyariqués de rtiiV. *Jf*âvôîs kéqiiî^ 
beaiiôotip'de morpîîtf ^^mai^é/^ôn méf en- 
leva kBàquelley klnifqiieîâ maîledémei 
bardes qui renfermait tfénte-ïiuit riiarcil 
deux ôtices d'or que Je iil'étois procuré à 
Galant , avec mon 'èorkiî , mon ambré , ma 



(a4tf ) 
pOttdre , ma reirpterie et npies grelots d'ar- 
gent. 

Sciplon j mon capitaine , ne cesaolt .d^ 
me répéter que s'il lui eût été permis do 
faire prisonnier^ . cepx; qui Fattaquoient 
pour lui ôter à iui-même 1^ liberté, que 
mon expédition n^auroit point étéiQai:Lquée» 
mais l'ordre des gouverneurs du Sén^al 
est , qu'on ne doit que se défendre et ne 
rien prendre dans le, pays ; ce qui fit que 
Scipion^ qui naturellement pouyoit user 
(le. représailles, ayant huit princes aux fers 
\ son bord^ les £t conduire à terre avec sa 
cliaipupe. On ayoit profité de la, position 
ou il étoit pour lui enlever ses marchan* 
dises , et il ne put profiter de celle quedui 
donnoit la prise de ces hommes , pour se 
'dédommager*. Certes des coutumes de cette 
'nature sont d'autant plus inju^t€;s..qué les 
naturels du payseix profitent tqus, les jours 
pour rançonner, les b^timens eixropéens que 
le commerce attire dans leurs cantops» Le 
proËt que retirent.^es gouverneurs ^ comme 

i'e l'ai dit plus hai^it ^ est cause (^e ces abus« 
Is sont payés, d^s pçinces nègres qui. se dé- 
dommagent au. centuple sur les batimens 
qui s'exposent à ces sortes de voyages sur 
la foi des traités» 



( M7 ) ; 
Nous restâmes encore six jours à Dou-- 
mons^ à attendre le convoi. Nous avions 
expédié les courriers pour en avoir des nou- 
velles ; il ne paroissoit pas. Un marabou 
fut le seul qui ,nous disant à tous notre 
bonne aventinre , nous assura que nous ne 
tarderions pas à le voir paroître. Ce même 
marabou m'avoit prédit quinze ^ours avant 
que je reverrois mon navire et Scipion , 
mais qu'il auroit eu beaucoup de- peine. 
Malgré la vérité de sa première prédiction ^ 
nous ajoutâmes fprt peu de foi à ses dis- 
cours. Nous crûmes le convoi perdu , etcon* 
tinuâmes notre route pour le Sénégal , au 
nombre de six bâtimens. A peine cepen- 
dant fûmes-nous arrivés à Podor^ qa^on 
nous donna nouvelle que tout le convoi 
avoit capitulé au rocher ^ et qu'on ne tar- 
deroit pas à le voir paroître. Cet avis nous 
£t suspendre notre route ; et nous vîmes en* 
fin avec beaucoup de satisfaction- arriver 
le convoi sur les.deux heures du matin ^ lé 
troisième jour de notre arrivée à Podon 
: Ce n'étoit pas assez que mon bâtiment 
eût fait naufrage, que j'eusse été obligé de 
capituler au rocher de Dquioul de Diabbé, 
il falloit , pour que lucrn malheur, fut corn* 

Q4 



( 5^48) 
plet , que le aavire $ur lequel Sclpton ayoit 
laissé ses marchandises^ à Tamboucanée^ 
coulât bas , et que celui qui portoit son mor* 
phil, iiit pUlé au rocher : et tout cela arrivct. 
Le morphil fut entièrement perdu , et les bâr 
timens sénégalois ne me rApportèrent que 
les deux tiers des objets SAUTés du nau* 
frage du bâtiment qui pprtoit mes marv 
çhandises. Ce bâtiment fut entièrement 
perdu y et Th^bitant pègre ne put sauver 
que ses captifs qui le dédoinmagèrent foi-> 
blement de son voyage et de son bateau. 

Un miracle avoit s^uvé le convoi : sa 
capitulation au rpchqr fut peu coûteuse ; 
car des pluies abondantes survenues ^ 
firent que lorsqu'il se présenta à la passe du 
xocher I il y avoit cinq pieds et demi d 'eau ^ 
où huit jours avant, il n'y en avoit que 
troi^ pied§. Sgns cette heureuse circons- 
tance le convoi étqit perdu ; on n'auroît 
yn au Sénégal que lès habitana qui y se< 
l'Oient revenus par terre. . Mais point de 
nègres , point de bâtimens , point de mil y 
point de marchandises. Un malheur aussi 
grand aurait plongé la colonie dans la der* 
pière des misères, ces bateaui^ servait 
toute Tannée en rivière pour se proon^ep 



( H9 ) 
Ib mil nécessaire à la subsistance. Unéy&« 
nement de cette nature suffiroit pour prou« 
ver la fausseté des écrivains , lorsqu'ils as- 
surent que ce pays fournit abondamment 
tout ce qui est nécessaire à la vie. 

M» le marquis de Beccaria avoit été 
nommé par le gouverneur pour remplacer 
M# Dachozel commandant du fort de Po- 
dor X il arriva le jour que je parus devant 
ce fojpt, Il m'apprit la mort du jeune Flo- 
qu^t et des divers blancs qui n'avoîent pu 
résister k lachaleun Ce jeune homme étoit 
aimé des nègres , sa perte leur fut aussi sen« 
sibJe qu'à moi, sur- tout à Scipîon qui 
lui étoit sincèrement attaché. M. Ducho- 
zçl s'embarqua sur mon bord ainsi que le 
gérant de la compagnie à Podor: Ce dernier 
ne voulut point aller dans les bateaux de 
cette compagnie : je le reçus à cause de 
son état « malgré les mauvais procédés que 
j 'a vois éprouvés des administrateurs du Se* 
négal. Noua partîmes de Podor avec un 
vent favorable et de forts courans qui nous 
r^Q^ÎTent biçntÀt à la oolonie , oà nous dé- 
barquàmea le 24 décembre 1785 , ayant été 
quatre mois et huit jours à faire ce malheu<* 
wu* voyage. 



(25o) 

Podor j est pour Tair , Tendroit le plus 
dangereux de tonte cette partie de TAfrî- 
que. Le village et le fort sont situés sur 
les bords du fleuve dans un endroit du 
pays appartenant à la nation Poule» Le 
fort a été construit par les Anglois. Il forme 
un cercle , et a quatre tours. U n'est point 
environné de fossés , est éloigïié du fleuve 
d^environ deux cent toises; ce qui fait , 
qu^en cas de dispute avec la nation Poule y 
elle pourroit aisément couper les eaux au 
détachement qui y seroit en garnison. Ge 
fort n'est utile à rien , puisqu'il ne peut 
défendre les bâtimens qui sont en rivière , 
ni être secouru par eux. L'insalubrité de 
Tair est causée par les marigots qui l'en- 
vironnent , et qui ne sèchent presque ja- 
mais. C'estvouloir entièrement abuser delà 
confiance du public, que d'oser dire, comme 
le fait M, Adanson , que c'est un bon pays , 
puisqu'on ne peut se . procurer les vivres , 
Feau et le bois , qu'en les ailant chercher 
bien loin dans les terres. 

La fièvre , qui m'avoit quitté , me reprit à 
mon arrivée au Sénégal. ^J'avois perda 
mon compagnon de fortune. Toutle monde^ 
c'est-à-dire, tous les François, d^a lactK 



( 252 ) 

IcHiie.j me traitoîent de fou. Le gouver* 
iieur même avoît cette idée , quoiqu'il ne- 
m'eût jamais vu. Mes malheurs passés, il est 
vrai , m'avoient telleip.ent absorbé , que je 
ne vouloîs parler à aucuja blanc. Je n'étois 
point de leurs parties. Je les regardois avec 
une espèce d'horreur. Leur mauvaise foi, 
dont j'avois vu tant d'exemples , me les 
rendpit odieux. Trompé par les blancs , 
trompé, par les nègres, je ne voulois me. 
fier à personne. Je. ne. pouvois avoir au- 
cun compte de l'aîné de la maison de 
commerce dans laquelle je travaillois. Je 
le trouvai, aussi peu de bpçuie foi que les 
f utres j ce qui^fit que je rompis entièrement 
avec Tuile seize février lyÇff, Je m'apprÔT 
tois à r.etourner en France pour rétablir ma 
santé que des fatigues au^si cruelles et- un 
ypjage aussi pénible avoient beaucoup alté* 
rée. .Ces. raisons firent ^qu'ayant besoin de 
repos , je terminai toutes mes affaires assea 
mal pour mes intérêts, J'attendoisl'occasion 
de m'emba^rquer pour la France. Craignant 
]fi réyolte et le mauvais air des négriers^» 
jene vQuJbis pas aller par l'Amérique. Dalaa 
ce^ circonstances le capjitaine ClouëtDubui»* 
êon du Havre 9 commaudant le Furei ^'il 



(252) 

at Oit réparé , et qui de voit, après un mois cT^ 
aéjour à Corée et isle du Cap-verd , faire 
route pour le Havre , m^ayant proposé de 
l'accompagner , j'y consentis , et m'embar- 
quai avec lui , ne voulant point attendra 
le départ des navires de la compagnie ^ qui 
dévoient embarquer de la gomme , et qu'on 
n'avoit point encore vu paroitre. On n'a- 
Toit pas même encore connoissance des 
expéditions de France , pour cette partie 
du commerce qui est la plus lucrative. En- 
fin le s6 , nous passâmes la barre. J^eus>' 
en cette occasion , une preuve certaine de 
Tamitié que' les nègres avoient pour moi. 
Ils vinrent me conduire , et tarit que le 
navire fut sur ce ^dangereux passage , ilS' 
étoient nuds^ sur le pont , prêts à tout ten- 
ter pour me sauver en cas d'événement. 
Je voiilus récompenser leur zèle ; mais ils 
Éie' remercièrent, et ne voulurent rien* de 
fcoî m du capitaine. 
- Il étoît onze heures environ lorsque lious 
fûmes en mer, et lé lendemain sur les huit 
heures du matin nous raouillâihés dfins ïa 
tsièè de Corée. Cette île n'est qu'un t^Sté' 
rocher- qui ne peut rien produire ; cépéh-' 
cïaAttîl y a quelques jardins qui foarrltifeéht^ 



( 253 ) 

lin peu de salade. Il n^ a point d^ean danf 
cette colonie y quoiqu'il y ait trois petites 
sources sur la montagne. Ces sources 
sont gardées avec soin , elles sont réser* 
Tées pour le copimand^mt , et ne fournissent 
de Teau que pour ses besoins. Souvent 
même les. commandans. sont assez inhu« 
i;nains , lorsquHls en ont de trop , pour la 
refuser à leurs compatriotes«^Ils «iment 
mieux la laisser perdre ou la faire employer, 
à larer leurs linges , et c'est uniquement 
pour s'éviter la peine de répondre aux de*, 
mandes , ou comme ils le disent , pour ne 
point faire de jaloux. Cette conduite est * 
cause que les blancs et les nègres sont obli- 
gés d'en faire venir de Dacar , village voi- 
.sin ) ou d'autres endroits , suivaaat les lieux 
pour le^cyiels- on fait des embarquatîons. 
Cette e.au ^ apportée dans àes bariques, a* 
toujours un ^ût détestable : elle est cor<«. 
rompue dès le second jour. L'air est beau^ 
coup plus^ sain à Corée qu'au Sénégal , 
sans douteparce que cette isle est environ^^ 
née de la mer ^ et qu'il n'y a point de ma- 
rigots dans leSr plaixiee de la grande terre« 
I^ pays, est habité par la n>ême nation que 
c^lle qui est au Sénégal , c'est la natioa 



( 254 ) 
Yolof. Les babitans de la colonie sont tous 
de cette nation. La population est peu nonL« 
breuse , cependant elle fournit plus du dou« 
ble de monde que ne Texige le commercé 
qu^on peut y faire, car jamais on n^y a fait 
la traite de plus de cent nègres par an ; 
encore faut-il se porter à 3o et même à 
4o lieues le long de la côte pour se les pro- 
curer. Il y aroit en rade plusieurs navires, 
dont un de Honfleur , qui avoit perdu tout 
son équipage par la maladie , excepté le 
capitaine et le sous-lieutenant» 

Suivant ses ordres , le capitaine Clôuët 
Dubuisson voulut se charger de cire et de 
morphil; mais quelques jours après son 
arrivée , il reçut l'ordre de ne point partir. 
Alors il se démit de son commandement et 
s^embarqua sur la Sayonnaise. Cette ga- 
barre conduisoit en France M. ie comte 
deRepentigny qui venoit d'être remplacé 
par M. le chevalier de Boufflers. Cette ga- 
barre du roi étoit commandée par M. Ker- 
pel^ parce que le capitaine Echouard s'étoit 
noyé en voulant passer la barre du Sénégal , 
contre Tavis ^%s laptots nègres» 

Suivant mes arrangemens avec la maison 
que je quittois , je de vois toucher mon 



( 255 ) 
paiement sur la cargaison du Furet. Ce na- 
vire , ne se rendant point en France , il me 
fallut retourner au Sénégal. Le malheur 
arrivé à M. de la Echouard , la perte , sur 
cette même . barre ;, de deux bâtimens ap- 
partenant à la compagnie , m'em^pêchèrent 
de m'embarquer, J'avois repris des forces, 
l'air de Corée m'avoit rendu la santé : je 
me déterminai à entreprendre le voyage par- 
terre. 

A peine le navire-, le Furet , fut-il à la 
voile, que je découvris, un matelot à terre 
qui me paroissoit suspect. Je le fis arrêter 
par les nègre^. Conduit devant le com- 
mandant, ce matelot avoua qu'il s'étoit 
caché pour n'être point complice des cri* 
mes que commettoît un navire.Bermudien, 
qui sous le prétexte de prendre des vivres, 
étoît venu quelques jours de relâche à 
Goré^ Les dépositions de ce matelot m'in- 
quiétèrent beaucoup ; je craîgnois que ce 
navire berpudien ( qui étoit véritable- 
ment, un forban , rçiais , qu?on. n'avoit pu 
reconnoître pour tel à la colonie , à cause 
de ses papiers qui étoient en règle) n'eût 
formié le dessein d'attaquer le Furet. C'étoit 
bien son intention. Mais le Furet , qui étoit 



«scellent Yoilîer ^ ne se laissa point appro* 
cher. 11 revint soas le canon du fort ^ et non tf 
vSmes le bâtiment bermudien s^éloignen La 
gabarre du roi la Bayonnaise , qui étoit à 
JSen pour laire de Feau et du bois , avertie 
trop tard , ne put lui donner chasse. Peut-- 
être même , en cas de combat , auroit-elle 
eu le dessous ^ car ce bermudien avoit soi- 
ocante honunes déterminés , à son bord , six 
obusiers de trente-six, et douze canons de 
vingt-quatre. Il étoit* excellent voilier, et 
avoit résisté à deux frégates portugaises qui 
lui avoient donné chats^ sur les côtes du 
BreaiL 

Je partis de Gorée le neuf avril sur le 
soir , et allai coucher à Dacar chez le ma* 
rabou du village > d^où le lendemain je me 
mis en route , escorté du fils du marabou 
et d'un nègre du Sénégal nommé Wally. 
JWois un cheval arabe ; je le montai peu, 
ayant poux compagnon de voyage le plus 
feune des Floquet qui étoit venu à Gorée 
avec la Bayoïumiâe. Nous arrivâmes enfin 
le quatorze à neuf heures du soir , après 
C£nq îours de marche ; toujours couchés à 
rinjm'e de Pair, et maarchant sur les bords 
di^ la mer ^ exposés à toute Tardeur du 

soleil 



(257) 
soleil. Il étoit bien tard pour entrer à la 
colonie , cependant Suerguy , uii de nos 
gourmets dans le yoyage de Galam , m^y 
passa dans sa pirogue, sans être apperçu 
des sentinelles* 

4 

Ma santé se rétablissoît à yue d^œil ; et 
ce voyage loin de m'avoir affoibli , n'a voit 
fait qu'augmenter mes forces. Je me dé- 
cidai donc à rester au Sénégal pour y tra- 
vailler particulièrement pour mon compte. 
Je voulus m'arrauiger avec l'aîné des Flo- 
^tfet; je consentois à de gros sacrifices pour 
terminer ; cependant il trainoit toujours ea 
longueur , ce qui me contraignit , pour 
tirer quelque chose de lui , de m'embarquer 
sur le navire l'Espérance , de l'Orient, appar^ 
tenant à MM* Lavuysse-Puchelberg 'et eom* 
pagnle , capitaine Everared de Dunk.erque«) 
Gè navire étoit venu avec tme expédition d« 
France pour traiter de la gomme à Porten- 
dic \ cependant; y il fut saisi par ordre du roi.' 
Les difFérens qu'eut le capitaine à ce sujet 
avec les administrateurs de la compagnie , le 
3?etinrent environ u A mois au Sénégal. J'y 
étoxs oisif ; je m'ennuyois on ne peut davan* 
tage. Le chagrin d'avoir été exposé à tant 
de dangers , et de perdre encore malgré moi 
le peu que je possédois p me plongea dans 

R 



( 258 ) 
un anéantissement qui me redonna la fi^ 
vre, Etl'on fut obligé , quand le navire mit 
à la voile , de me porter k bord , où j'arrivai 
sans co^IU)is9ance , le trente juin 1786. J'y 
avois fait embarquer une partie de 80a 
peaux de vacKes salées. Les nègres me firent 
passer la barre dans la chaloupe de la 
compagnie. MM. les administrateurs n'a* 
yoient point voulu me la louer pour cet 
objet; mais ils y furent contraints ,car les 
nègres refusèrent opiniâtrement de travail- 
ler pQur ^ux 9 que ^ préalablement , ils iie 
m^euj»$ent mis à bord de l'Espérance. Soi* 
pion , mon capitaine ^par^a ai fortement ^ 
qu'ils ne purent résister. lime conduisit en 
personne , et ne me quitl» que lorsqu'il 
mç vit en $ûrQté« 

CH\p^iA.âir«av$c. vérité» que si la corn* 
pagni^ est détestée d9tn$ la colonie , qu elle 
le mérite à tqua égards. Après tous les ser- 
vices qxi^ je lui avois rendus gratis , ce der- 
nier trai|: me prouva le cas que l'on doit 
£9Lire 4^ s^s admiiûstrateurs ; et j'espère , 
si le commerce câs&e d'être exclusif, de 
leur en prouver ma vive recoinnoissance' 
avant que de mourir* 

On leva Tancre deux h^ires après mon 



armée à tord i ce fut I0 tr^otte juîa 
lySff. La navigation ) quoique longue^ fut 
<le^'plus heureu^es^ Ma santé se rétablit en« 
tîèrement pendant la traversée , et nous 
^xîtrâines à l'Orient îé â3 août i'^. 

Quel que sJiit mon sort à l'avétur, jç 
l^nse qu'il ne pént^ être plus maiheureu3C 
qu'il Ta été jusqu'à ï3e jour. (Te^t dans cet 
espoir > que ixt 'abandonnant à le prdvî^' 
^ience, j'attends" que la Ibftuné, lasse dé 
«le pe^8écute^^, tn'ofifre «nfin uA îaoyeti 
honnête deine £èdre ttn sortqiditné metter 
4iu-des8us de ses ^priées. 

Fin de Ja dsuooième parii^^ ^ 



!) >.. . : 






R* 



TROISIÈME PARTIE 

Commerce du SénégaVee de Galam. 

\^ uoiQTJE . les opérations . du commerce 
du Sénégal paroissent si simples , que même 
ceux qui n'ont jamais été élevés dans le 
commerce: , Sje persuad^i^t aisément pou- 
Toir y réussir , elles som;^^ cependant des 
plus compliquées , et exppS;ées à mille diffi* 
cultes qui demandent des gens expérimen-* 
tés et àBpB les affaires ^t dans la cou- 
noissance des hommes. Quiconque n'est 
point au fait de ces deux points > ne doit 
pas s'exposer à travailler au Sénégal ; il y 
trouveroit bientôt la peinte de sa fortune , 
malgré son assiduité et son travail , quel- 
qu'opiniâtre qu'il fàt. 

U faut considérer qu'ayant à traiter avec 
'diverses nations , ce sont autant de ma- 
nières différentes de se conduire. Les ai* 
verses saisons donnent aussi des variations 
dans les opérations. La stérilité de la co- 
lonie > les difficultés de la barre pour en- 
tser en rivière, sont encore des causes qui 
nuisent beaucoup aux affaires. On ne peut 
point travailler au Sénégal , comme dans 



( ^1 ) 

les autres pays. Celai qui se èontehteroit 
des opérations de la colonie seule , ne réus- 
siroit gue très-difficilement. U achèteroit 
les productions des traites en rivière , à 
très-haut prix , et ne pourroit les vendre 
qu'à modique bénéfice stax capitaines qui 
y viennent traiter. En suivant un tel plan , 
on auroit le temps de mourir plusieurs fois 
avant que de pouvoir amasser une fortune 
honnête» On doit donc travailler en grand , 
quand* on a dessein de se fixer dans ca 
canton. 

Il est nécessaire pour celui qui veut 
travailler au Sénégal, soit pour son compte 
particulier , soit en qualité de facteur pour 
diverses maisons de France , d'avoir deux 
petits bateaux plats ou gouelettes , du port 
de 25 à 3o tonneaux , tirant de quatre à 
six pieds d'eau au plus tout chargés , ar- 
més de pierriers et d!espingoles. On doit 
préférer les espingoles angloises , elles 
portent beaucoup plus loin que les fran- 
çoises. On les pose sur des montans dis- 
posés, «^ cet effet, et l'on peut s'en servir, 
et ajuster comme avec un fusil. ; 

Il faut que lés montans des pierriers 
soient élevés de trois pieds au-dessus du 

R 3 



p0nt pour pouvoir se bastingner. H est es^ 
jsentiel d^apporter de Froace des planche» 
pour former le bastingage , qu^on ne peut 
établir qu'an Sénégal , et sans lequel on 
ne peut aller en rivière» 

U faut que la* chambre aoxt spacieuse 
pour contenir les marchandises^ sèches y 
avec de grandea armoires en forme de banc» 
de quart. On doit avoir le plus grand soin 
^e tous les agreta^ et avoir au moins double 
rechange. Si cea petits bateaux pouvoient 
être doublés en cuivre , cela serott bien 
plus avantageux i c^est le moyen le plus 
sûr de les garantir dea vers qui , en trola 
ans, détruisent les bàtimens les plus soli^ 
des. On peut y remédier, maison se trouve 
souvent embarrassé par la rareté des ou« 
vriera , même au Sénégal , quand le gau^ 
dron ou autres objets nécessaires aux ra- 
catillages , viennent à y manquer. Alora on 
voit les affaires s^échapper par la perte du 
temps 9 parce qu^on ne peut remonter le 
âeuve que dana les saisons des pluies. Si 
Von veut que les bàtimens , venfij^t de 
France , puissent passer la barre , pour ne 
pas être exposés sur la radô qui n^est point 



( 2.65 ) 
sûre , il faut que ces navires tirent au plu$ 
neuf pieds d'eau. 

L'avantage des petites embarcations est 
de faire tout par soi*méme. On peut avec 
elles, se porter dans tous les lieux de la 
rivière , mêtne à Gorée et au bas de la 
côte ; c'est-à-dire, aux rivières de Salam et 
de Gambie; On se fournit dans ces lieux 
de vivres , lorsqu'ils manquent à la colo- 
nie ; et sur cet objet , on fait de très- 
grands bénéfices. Les belandres hoUandoi- 
ses , telles qu'on en voit à Ostende et à 
Danterque , sont ce qu'il faut pour ce 
pays ; la difficulté n'est que de les faire 
arriver jusqu'au Sénégal. 

Les peuples qui habitent la^partie orien- 
tale du fleuve , depuis le Sénégal , jusques^ 
et compris Galam , sont au Sénégal , la 
nation Yalof , commandée par un roi puis- 
sant nommé le Damel. Ce prince fait or- 
dinairement sa résidence à Cahiers , village 
situé au milieu dés terres , entre le Séné- 
gal et Goréè. Les habitans de ces deux 
colonies sont pour la plupart de cette 
nation. Ce peuple est le plus brave de toute 
cette partie de l'Afrique : il a toujours l'a- 
Taiitage , lorsqu'il se bat contre ses voisins ; 

R4 



Cf^^ ^ 



ft^r- 



(2^4 ) 

sans doute , à cause des connoîssances 
militaires qu'il doit aux François des deux 
colonies , et par les secours qu'il y trouve 
toujours. La domination du Damel sur le 
fleuve , est d'environ quarante lieues. En- 
suite sont les Wals et les Bracs $ peuples 
puissans autrefois; mais qui maintenant 
presque sauvages , sont sans cesse exposés 
à être attaqués , soit par les nègres y soit 
par les Maures leurs voisius* 

La nation Poule ou Foulque commence 
au Cocq , village situé à la pointe de l'île 
de Podor , deux lieues au-dessous du fort ; 
et elle finit à Validienta ^ ce qui forme une 
suite de plus de cent soixante lieues de côtes 
sur le fleuve. Le commerce que l'on fait 
avec ces peuples est très-peu de chose. 
On ne tire de tous ces pays , que le mit 
liécessaire pour la colonie , du tabac et 
quelque peu de morphil. En cas de guerre 
de nation à nation , on y trouve d'excellens 
et superbes esclaves* De Validienta à Ga- 
lam et même au-dessus^ sont les Saracolets.. 
Leur pays est le lieu des bonnes affaires 
ce peuple est brave > nombreux, civilisé plu9 
que tous les autres nègres. II est partie 
mahométan, partie idolâtre» On se procura 



C 2^5 ) 

chez cette nation beaucoup d'esclaves que 
les caravanes y conduisent de diverses con- 
trées de l'Afrique. On y traite en abon- 
dance , or , morphil , pagnes et mille au* 
très objets. La traite y est des plus avan- 
tageuses. On la fait dans ces cantons en 
toute sûreté. On peut mêine se porter dans 
les terres , sans avoir rien à craindre , quand 
même on seroit seul. 

La partie nord du fleuve est habitée par 
lesf Maures des diverses hordes , telles que 
celles des Bracnarts près du Sénégal , et des 
Trasarts près de Podor. On voit des Mori- 
gearts en grand nombre près de Galam. 
Ces peuples pasteurs se portent tantôt 
d'un côté , tantôt d'un autre , comme je 
l'ai dit plus haut , en parlant des mœurs ^ 
coutumes , etc. des peuples chez lesquels 
je voyageai pendant mon esclavage. Les 
Maures fournissent la gommé qu'ils ap- 
portent au Désert et' au Gocq, qui sont 
deux escales établies pour cette traite, où 
se rendent en mai , les bâdmens de la 
compagnie. Ils conduisent aussi des .nègres 
toute Tannée au Sénégal , excepté pendant 
la mauvaise saison , car alors les déborde- 
mens du Niger les obligent de se réfugier 



(née) 

dans rintérieur des terres. Ils emploient 
ce temps à pénétrer juagues sur les mon- 
tagnes de l'Atlas. 

Les Saltiguets , peuple nègre , occupent 
les bords du fleuve au-dessus d^afanne , 
et sMtendent jusqn^aux dominations des 
Saracolets. Us ne font , pour ainsi dire > 
avec cette dernière nation , qu'un seul et 
même peuple. Us sont commandés par un 
prince , qui ^ par droit de naissance devroît 
être le roi des Poules ; mais les prêtres^ 
qui l'ont dépouillé , l'ont chassé de son 
pays. Ce prince est courageux y il fait de 
fréquentes incursions sur les terres des 
Poules j et vend tous ses captifs aux Mau« 
res ses voisins , qui les . conduisent au Sé« 
négaL On en fait toujours l'acquisition ^ 
malgré le traité fait avec l'Almamy de n'a^ 
cheter personne de sa nation , sans doute , 
parce qu'on croit que ce traité n'a lieu que 
lorsqu'on se rend dans son pays par convoi/ 
pour monter à Galam. 

De Podor à Malbn , on trouve beaucoup 
d'Hyppopotames. Ces animaux sont très- 
utiles. Leur chair se mange , et leur graisse 
fait d'excellent savon. On trouve aussi dans 
ces cantons i une quantité étonnante de 



( a«7 ) 

diverses graines que l'on peut se procura 

à très - bon compte. Le pririlége exclusif 
de la compagnie fait que les avantages que 
Ton pourroit retirer de ce commerce sont 
entièrement perdus ; car ses agens , unique- 
luent occupés de leurs intérêts , et non de 
celui de leurs commettans , négligent cette 
branche essentielle, peut^tre par ignorance ; 
maïs qui , par l'épreuve que j'en ai faite , 
produit un bénéfice immense. Les objets 
qu on en retire , sont de première nécessité 
en France y pour les manufacturet de sar- 
von de Marseille , et coûtent aussi peu 
d'achat , que pour être préparés. La crainte 
où l'on est continuellement de perdre le 
fruit de ses peines y et de voir ses décou- 
vertes passer dans les mains des autres , 
lest cause que plusieurs parties de com- 
merce y sont entièrement abandonnées. 
Les babitans de la colonie , les Yolof$, 
les Poules ou Fpu]qu^s> et les Maures ^ 
sont les quatre peuples avec lesquels on 
peut commercer , sans sortir de la colonie. 
Ce sont quatre manières différentes de 
travailler : de plus , la différence des sai- 
sons apporte de la variation dans le com- 
merce ; les besoins de ces^divers peuples 



( 268 ) 

suivant les temps et les circonstances, exi- 
gent des connoissances certaines sur la 
nature des objets qui leur sont nécessaires. 
Les Bracs et ÎVaU ont les mêmes besoins 
que les Yolofs \ ils parlent le même lan* 
gage. Quant aux Saracolets et Saldguets , 
on ne peut traiter avec eux que dans le 
voyage de Galam dont je parlerai plus 
bas. 

Les naturels de la colonie sont , comme 
je Tai déjà dit , presque tous de mauvaise 
foi. Ils cherchent et ne laissent jamais échap- 
perFoccasion de duper les Européens qui 
ne se tiennent pas assez sur leurs gardes». 
Pour se garantir de leurs fourberies , il 
faut nécessairement connoitre la langue 
Yolofe ; car lorsqu'^on ignore cette langue , 
on est contraint d^avoir des interprètes qui , 
ne pouvant être que nés parmi ce peuple # 
troinpent toujours , et partagent , suivant 
leurs ^conventions , le produit de leurs 
fourberies. 

D'après cette idée générale et certaine , 
quelle que soit l'opération de commerce que 
Ton veuille faire avec les habitans de la 
colonie , il faut toujours se défier d'eux. 
On traite ordinairement ou pour le voyage 



(259) 
de Galam , ou pour les objets de leur con- 
sommation particulière* 

Quant aux objets de consommation , pour 
éviter toutes les disputes, il est à propos 
de ne livrer qu'en recevant , soit en ar- 
gent , soit en marchandises. Il faut porter 
l'exactitude au point de mettre par écrit 
toutes les conventions ; de les répéter plu- 
sieurs fois , même si rafFaire deyoit se 
terminer à l'instant ^ soit avec les plus 
riches comme avec les plus pauvres. U 
faut aussi prendre possession sur le champ 
de l'objet qu'on troque ou qu'on achète. 
Sans cette précaution , on seroit souvent 
exposé à mille ruses ou chicanes, qui , 
sans rompre le marché , le feroient toujours 
tourner à l'avantage des noirs, f^es supé- 
rieurs font toujours semblant de croire 
que leurs gens ont été trompés ; * presque 
toujours ils. décident en leur faveur, et 
quoiqu'on ait le bon droit pour soi , on 
acquiert dans la colonie, une réputation de 
mauvaise foi qui tourne toujours au détri- 
ment des affsiires. . . -.. 

Si l'on fait crédit, il fattt avant que 
de livrer s^ marchandise , savoir quelles 
sont les facultés da débiteur; s'il a; des 



( 2?^ ) 

nègres ou non , et s^ils sont dan9 le cas 
do répondre de sa créance ; si les esclaves- 
de cet habitant ne sont pas , par héritage 9 
esclares de Tapades , ou s'ils ont été ac- 
quis par eux dans leurroyage de Gaïam. 
Ces choses bien assurées , on peut , sans 
ôrainte^ fournir à crédit, mais en obser- 
Tant huit choses principales. 

1°. Les csclares de Tapades par héritage 
ne sont esclaves que de nom ; leurs mat* 
très ne peuvent les vendre sans se désho- 
norer, suivant les coutumes reçues dans 
Je pays , à moins qu'ils ne soient recon- 
nus pour mauvais sujets , ou qu^ils n'aient 
commis quelque crime. Elevés avec les 
naturels , on les considère comme Êa- 
Bitans , ils font corps dans la cdlonie : 
ils y ont leurs amis , leurs paréns , qui 
tous deviendroléiit les ennemis îrréconci- 
tîables de ceux qu$ voudrdierit lès vendre. 
Mais lorsque , pour cause d<5 crime^ on les 
met en vente , les habitans les achètent 
aussi- tôt et donnéilt en échange des escla- 
ves d'une plus grande valeur. ' 
' 2^. II faut que les esclaves 9 artîvàns de 
Galam , ne soient pas mariés à dés négresses 
kle Tapades , car èetix4à ^ ainsi que les 



( ^70 
premiers , ne peayent être vendus qne par 

leurs maîtres. 

3®. Il 'faut écrire l'époque du crédit , 
les marchandises livrées et toutes les con- 
ventions. 

4*^* Ces conventions ne doivent point 
être faîtes en particulier , mais en présence 
de trois habitans au moins. 

§^. Il faut qu'elles soient signées du maire 
de ville, qui est en même temps le chef deg 
nègres , des cautions et de tous les témoins. 

6<^. Il faut que les cautions soient les 
principaux parens de l'acquéreur , et à leur 
défaut lies habitans les plus solvables. 

7<?. A l'instant de l'échéance d'un paie- 
ment , il faut faire toutes les diligences 
nécessaires, sinon les témoins et les cau- 
tions «demandent à se retirer, allégant 
qu*à leur insu on à fait d'autres marchés 
avec Tacquéreur, et ce à leur détriment^ 
sans qu'ils en aient été prévenus ; et que 
ocsdites conventions ayant été particulières , 
ils sont dégagés 

8»^ U est à propos /mais non de néces- 
sité, défaire quelques présens aux maires de 
ville et aux témoins du marché , si l'on ne 
veut s 'attirer l'inimitié de la colonie. Toute3 



( 27a ) 

ces précautions obsenrées , on peut initer 
et vendre à crédit sans courir de risques. 
Si Tobjet fourni Ta -été pour le voyage 
de Galam^ que Tépoque du paiement aoit au 
retour , soit que Tacquéreur en revienne, ou 
non j soit qu^il soit mort de fatigue , ou que 
pour se soustraire au paiement, il reste dans 
les terres^ espérant que sous peu lenégociant 
quiraura chargé de commissionsera ou mort 
ou éloigné de la colonie par son retour en 
France ; dans ce cas il faut avoir le plus 
grand soin de ne pas laisser partir les cap* 
tifs de Tapades avec leur maître. Quelque 
bonne foi que l'on connoisse ou que Ton 
croie connoître à un habitant : cette pré- 
caution est de nécessité. Dans le cas où 
par l'adresse du maître les captifs de Ta- 
pades Tauroient accompagné dans son 
voyage^ il faut aussi-tôt, sans nul égard, 
ni retardement , attaquer les cautions et 
les témoins. Sans cette précaution , on est 
sûr de tout perdre et de n'être jamais payé* 
Dans cette circonstance , il n'y a point 
d'ennemi à redouter , en observant cepen- 
dant de ne vendre Içs captifs de Tapades i 
dont on se seroit emparé , que lorsque les 
parens de Tabsent , ou les autres habitans 

n'^uroient 



n^aiiroient point youlu les remplacer pa< 
nombre égal d'autres esclaves. • 

Quiconqiie sepermettroit , par rengeance 
ou par bravade , d'embarquer des captifs 
de Tapades , courroit les plus grands 
risques , et n'échapperoit , * que par mira^ 
cle , au fer ou au poison. Ce qui pourroit 
lui arriver de plus heureux, seroit de perdre 
toutes ses marchandises et d'être foit es- 
clave des nègres ou des Maures. 

Si l'objet fourni Ta été pour consom- 
mation soit avant ou pour le voyage de 
Gidam , c'est un autre arrangement à faire 
polir l'époque et pom: le paiement. Le 
terme du crédit doit être fixé au plus à 
om mois avant la montée de Galam ^ tou- 
jours pardevant deux témoins et des cau- 
tions qui signent le marché et l'engage*: 
ment : il faut au^si la signature ou la pré* 
sence du maire de ville. L'époque la plu9 
avantageuse pour être payé , est la fin du 
voyage ; parce qu'alors on peut en faire 
des retours en Europe. 

A l'échéance , l'habitant ne payant pas i 
il faut à l'instant former sa plainte ches; 
le maire de ville. Si l'on consent à don^er 
du temps au débiteur pour le laisser faire 



un voyage de Galam , ou parce qu^il au- 
roit fait des pertes et qu'il seroit démoatré 
que ce paiement nuiroit essentiellement 
à sa traite et à son existence « parce que 
l'argent ou les objets qu'il seroit obligé de 
doimer , ne lui laisseroient plus la facilité 
de se procurer des gaudrons, braies , cor- 
dages , etc., choses indispensables pour 
'ledit voyage , alor^ il faudroit annuler le 
premier engagement, et lui en faire refaire 
un second à gros intérêts ^ le tout payable 
au retour de ce voyage , len observant les 
mènies précautions qu'au premier* Cet in- 
térêt qui estordiuaireiiient de âo pour loo , 
n'est point trop fort , puisqu'on se prQcu* 
reroit ce bénéfice , et même plus considé- 
Table , en faisant ^oi-même cette expédi- 
tion. Par ce moyen on est sàr d'être payé 
au reiKmr. Une dette proloïigée de cette 
nature est un objet sacré , et procure le 
droit de s'emparer des captifs de Tapades , 
et même de les vendre sans que personne 
puisse en murmurer. Si l'on manquoit à 
s'acquitter à cette seconde époque.^ on peut 
aussi négocier ^^ car lorsqu'on a pxîs toutes 
ces précautions , il est regardé comme ar« 
|;ent comptant p^mi les habitans ^ qui 



(^5) 
aiinent ces sortes d eagagemi^ns , sur-tout' 
lorsqu'ils voient que le débiteur a de bons 
ouvriers parmi ses captifs de Tapades ^ 
car alors ils deyiendroleat leurs maîtres 
ji rengagement n'étoit pas rempli., 

Si les objets fournis sont destinés à fa- 
ciliter le voyage de Gakm, on a soin d'é-. 
tablir la valeur de ces objets et Pintérét quja 
Ton en retireroit si on faiscÂt soi-^même 
ce voyage. Il faut spécifier tout dans son* 
marché ^ convenir de la quantité et qualité 
des marchandises que Ton recevra en re* 
tour^ sans avoirégardauprix futur de la 
colonie ; de manière que si l'objet se monte 
à, 12,00 liv. , qu'un esdave ne vaille lors du . 
marché que 600 liv.^ on dira dans l'en-* 
gagement: deux esclaves^ ou tant demor* 
phil^ ou tant d'or^ au retour de Galam. 
Si les navires européens font monter I9 
|>rixdes captifs , alors le débiteur sera obli-. 
gé^ pour s'acquitter, de payer ,nhOzi pas 
i};200 L en argent, mais deux esclaves eu 
nature , quelque prix qu'ils coûtent. U tst 
vrai que^ si à cette même époque >lbs M*, 
claves valoient moins de six cent livt pièce j 
le débiteur ne seroit de même obligé que 
d'en donner deux 1 pour avoir quittance* 

S a 



( 27« ) 

Comme il est sans exemple qu^ils dimf- 
nnent , alors celui qui vend a toujours Ta- 
vantage. 

Si , faute de connoître parfaitement les 
loix de la colonie , on a le malheur do 
vendre à des captifs de Tapades ^ croyant 
qu^ils sont habitans libres, il faut tâcher 
de réparer bien yîte son erreur , en en- 
gageant les maîtres desdits captifs , mais 
dans ce cas , il est rare qu'on soit payé. 
U faut aussi é?iter de contracter arec 
les femmes d^habitans , à moins que ce ne 
soit en donnant , donnant ; car sans cela , 
on n^en pourroit rien retirer. On le peut 
aussi avec les riches habitantes , qui con- 
duisant leurs affaires par elles-mêmes , 
ont toujours de i5o à 200 nègres à elles 
appartenans. Dans ce cas, on peut traiter 
avec elles ; mais en observant les précautions 
dont on vient de parler. 

Lorsqu'on ne connoit ipas la langue 
iTolofe , on est obligé de se servir des ne. 
grès pour interprètes , soit qu'il se présente 
des objets de traite avec les nègres de la 
grande terre , soit avec les Maures.^ Dans 
ce cas , il est à propos d'avoir des captifs à 
soi » instruits de la langue de ces peuples* 



( 277 ) 
Par ce moyen ^ ou évite la tromperie det 
nègres de la colonie. Ces captifs espèrent 
par leurs soins et leurs services , obtenir 
un jour leur liberté. 

Il arrive souvent que , dans les marchés ^ 
le nègre interprète demande plus que ne 
désire le vendeur ^ parce que outre les deux 
barres de droit qui lui sont accordées par 
esclave acheté par son moyen , le surplus 
qu^il demande est une augmentation de 
profit pour lui. 

Si on n^a point k solde nègres instruits^ 
il faut avoir plusieurs interprètes à choisir 
parmi les nègres que Ton emploie journel- 
lement y leur donner , comme à Tinteprète 
nommé par le gouverneur , les deux barres 
du marché , alors on évite une partie des 
supercheries et ruses des vemdeurs qu 
trompent principalement , lorsque c^est avec 
cles Maures que Ton a à traiter. 

Un marché conclu par un de ces inter- 
prètes de la colonie , avec Faîne des Flo* 
quet ^ prouve bien la supercherie dont je 
viens de parler. Les Maures avoient exigé 
sept pièces de guinée par captifs : Tinter^ 
prête dit à Floquet qu'on en demandoit. 
neuf , et il convint de les donner. Le 

S 3 



ioxr ^OBS Maures lui envoyèreni: mt esdsrej, 
et le trouvèrent clan8 un moment où Tirv- 
terprète n'étoit pas avec Itii. En recevant 
l'esclave , il donna neuf pièces de guînéeSy 
-en ayant payé le ma^tln plusieurs de cette 
manière à Tînterprète* Les Maures- ne* 
prirent que &ept piècea f et rendirent le» 
deux autres. Cette différence étonna Flo- 
quet , qui ayant appelé une petite négresse 
qui parlait arabe , sut par elle , <|ue les> 
Maure» ne demandoient pour cet esclave ^ 
que sept pièces , ainsi qu'ils avôient reçu 
pour ceux qu'ils àvoient livré» le matin. 
Les Maures portèrent leurs plaintes au 
Maire de ville , sur La supercherie de Fin* 
terprète. Floquct la porta de môme augou- 
Terneur , et ce nègre futpuni publiquement.. 
Quelques valeurs que soient les inter- 
prète» , il ne faut pas cependant le» rebu- 
ter, à moins qu'on ne eonnoisse parfait e»- 
taent le pays. Car larsqu^il» voient qu'on 
a de» soupçon» sur eux , et que l'on con- 
noit leur mauvaise foi , ils trouvent toi:^ 
jour» mille raisons à alléguer aux Maure» 
pour le» détaurner de la maison du Blane 
•dont ils veulent se venger. Pour éviter 
cet inconvénient ^ il faut avoir de» nègre» 



( 379 > 
payés au mois , quî^ répandus dans la grande 

terre , avertissent du moment où les Mau- 
res arrivent avec leurs captifs. Alors on 
va à leur rencontre , et il est rare que les 
marchés ne se terminent pas aussi^tôt. 

U ne faut pas oublier d'être aux petits 
«oins avec ces sauvages , et de quitter tout 
ce que Ton fait lorsqu'ils arrivent. Lea 
capitaines qui manquent souvent à ces> 
égards qu'ils désirent qu'on ait pour eux , 
réussissent rarement dans les opérations 
qu'ils veulent faire ; car les Maures , liu-> 
miliés de se voir , pour ainsi dire , mépri- 
sés , aiment mieux se rendre au:s Iiabica-^ 
tions des blancs qui , faits à leurs usages ^ 
les reçoivent toujoursbien. Les précautions 
indiquées pour traiter avec les Maures^ 
doivent également être observées pour, 
traiter avec les nègres. Il y a cependant' 
cette différence d'opérer avec les nègres y 
que ces derniers ne prennent jamais d'in- 
terprètes; étant sûrs de trouver des nègres 
de leur nation dans les maisons des blancs , 
ils y viennent sans précaution ^ discutant 
par eux-mêmes ; et se fotit livrer sur le 
champ les objets convenus. 

Soit que l'on traite avec les Maures ^ 

S 4 



(28o ) 
f oit que Ton traite arec les nègres , n'im-- 
porte de quelle nation , il faut aroir une 
chambre qu'on nomme de palabre , c'est* 
à-dire une chambre où il n'y ait ni meu- 
bles , ni marchandises ; sans cela on seroit 
exposé à ètre«Tolé. Les palabres durent 
sonyent deux heures , et pendant tout ce 
temps les gens qui suirent les chefs , jettent 
des regards de tous les côtés • pour tacher de 
voler , s'il leur est possible , pendant que 
la traite se fait en nègres et en marchan- 
dises. Jamais ils ne sont d'accord à la pre- 
mière entrevue j ils veulent voir si les mar- 
chandises des autres maisons ne sont pas 
de plus belle qualité et à meilleur compte. 
On a soin de les faire bien boire , si ce 
sotit des nègres ; quoique Mahométans , 
on leur donne de l'anisette et de l'eau- 
de-vie. Ils boivent à perdre la raison , et 
alors terminent leurs marchés. Si ce sont 
des Maures , on leur donne à discrétion de 
l'eau et du sucre ^ quelquefois aussi de 
l'eau-de-yie ; quoique Mahométans ils en 
boivent \ sur-tout les princes. 

Quelquefois il arrive que c'est en vain 
qu'on les régale; il est donc de la prudence 
àvL négociant qui traite avec eux', de ne 



( ^8i ) 
leur faire donner à boire que lorsqu'il est 
à peu-près sûr de conclure. Comme ces 
peuples exercent généralement rhospitalité ^ 
ils mangent et boivent sans aucune recon»' 
noissance chez les blancs , parce qu'à leur 
place ils les traiteroient d'aussi bon cœur 
qu'ils s'en laissent traiter. 

Les Poules ne viennent jamais ou rare-» 
ment vendre leurs captifs; ils apportent 
leurs denrées à la colonie , mais ils ne 
veulent point boire. Leurs palabres sont 
moins longs; et lorsqu'ils voient quelques 
marchandises qui leur conviennent , ils 
donnent l'argent qu'ils se sont procurés 
^ans la colonie , en vendant leur mil , 
leurs peaux , leur morphil , etc. Les mar- 
chandises qui les attirent à la colonie sont 
le fer et la laine. Le commerce avec cette 
nation ne se fait au Sénégal que depuis 
janvier jusqu'en juin ; ce qui fait qu'après 
Cette époque, on n'a plus besoin déporter 
du fer^ car c'est ce peuple qui en fait la 
plus grande consommation. Il se fournit 
des autres objets nécessaires dans le voyage 
de Galam , ainsi que cheàs les Saracolets, 
les Saltiguets et les Maures de la riyière 
d'enhaut. 



(a82 ) 
II y a trois manières usitées pour faire ce 
Toyage ; on ne peut encore décider laquelle 
des trois est la meilleure. La première 
et la plus suiyie par les Européens , c^est 
de s'arranger avec un habitant nègre qui 
se propose de faire ce voyage. Dans ce-cas y 
on convient avec lui du nombre de barres 
qu'on lui donnera par captifs , ou bien 
Ton fait un forfait ^ et on lui accorde de 
120 à i3o barres , quelquefois même da^ 
vantage , suivant les circonstances» Il exige 
toutes barres pleines y parmi lesquelles il 
veut qu^il y ait huit pièces de guinées» 
Alors il répond de tout événement ^ et le 
voyag e deGalam est à ses risques , périls et 
fortune. Si son voyage est malheureux ^ ses 
captifs de Tapades servent de garantie , 
et on a tout droit sur eux. Pour la seconde 
manière j Thabitant ne vous demande que 
loo barres pleines t et ne répond d'aucun 
événement ni de la mortalité. Le premier 
des deux partis est sans contredit le plus 
avantageux quoiqu'on paye le captif bien 
plus cher. Dans les deux cas , le nègre 
gagne beaucoup ^ quand même il essuieroit 
des pertes. 
Le troisième parti ^ qui est d'y aller soi-» 



( fi83 ) 

même > seroit sans contredit préférable atix 
deux autres, si les blaacs pouvoîent sup- 
porter un si pénible voyage ; mais comme 
ils tombent presque toujours malades , les 
nègres en profitent ; toutes les fautes > tous 
les malheurs retombent sur le blanc , et le 
bénéfice est entièrement pour les nègres» 
Le seul avantage qu'on puisse retirer eu 
y allant soi-même > c'est de connoître la 
valeur de la marchandise en rivière , et de 
pouvoir dans d'autres voyages éviter la 
sup^cherie des nègres dans la reddition 
de leurs comptes. Plusieurs blancs ont e%^ 
sayé un quatrième moyen; c'est de fréter 
eux-mêmes un bâtiment , et d'envoyer à 
leurs- frais un habitant chargé de leurs in- 
térêts. Ce moyen produit plus que les au- 
tres ; mais il faut partager avec son capi- 
taine , et de plus dans la reddition de ses 
comptes , il ne porte que des barres pleines , 
et prend le sel pour lui ^assurant toujours 
qu'il a été obligé de le jeter à l'eau dans des 
cas pressans , ou par quelqu'autre raison 
dont on ne peut lui prouver la fausseté. Ce 
moyen est celui que les nègres aiment le 
mieux , n'ayant qu'à gagner dans ces sortes 
d'expéditions. Cependant quoiqu'ils volent 



le plus qu'ils peuvent , on y gagne encore 
plus qu^autremeut ; il ne s'agit pour réus- 
sir que de trouver le nègre le moins Mp«- 
pon , et de bien connottre la valeur des 
marchandises en rivière. Le voyage de Ga- 
lam est le plus utile que Ton puisse faire 
pour le bénéfice , et le plus, dangereux 
pour les peines et fatigues auxquelles on 
est sans cesse exposé* Il faut considérer 
qu'il y a à la colonie des marchandises 
d'un prix fixe , et qui ne se peuvent re- 
fuser pour le paiement des frais qu'occa* 
sioiine ledit voyage. Au moins c'étoit la 
coutume depuis Texistence de la colonie , 
et on la suivoit encore en 1786 , lorsque 
j'entrepris de traiter par moi-même à Ga- 
lam. Ces marchandises sont les guinées , 
les fusils , etc. Leur valeur est fixée , ja- 
mais leur cours ne change ; on peut rejeter 
les objets qui ne sont point compris dans 
la note ci -dessous , quoiqu'objets de traite. 
La coutume de Gorée est tout-àfait dif- 
férente ; on établit la valeur des barres 
6ur l'argent et non sur les marchandises. 
Voici les objets qui , au Sénégal , ont 
toujours la même valeur, et qu'on ne peut 
refuser en paiement à la coloxiie. 



(285) 




Barres. Argent df Franot 


La pièce de guinée • • . 


lO • • • • 5o 1» 


Jje fusil de ^aite • • • 


6 •. t • • 3o 


lies deux liy/e$ de poudre 


1 . • . • 5 


Les loo pierres à fusil • 


1 • . • • 5 


Les loo balles . . • « 


1 . • • . 5 


Les 4 mains de papier . 


1 • • • * 5JJ 


Leis quatre pattes de fer 


• 


de Suède , large de 





deux pouces et demi , 
longues de neuf pou- 
ces , épais de^ept à huit . . 
lignes , pesant avt plus 
en totalité i4 Ht. poids 
de marc • .» •i.*»,«â| 

Le fusil fin quelquefois 

accepté \ # . lo .» <. « . 5o 

Je ne prétends point dire que ces mar^ 
chandîses ont la valeur que. je porte ici 
argent de France , mais seulement qu^elles 
passent, et sont reçues pour eette valeur à 
la colonie du' Sénégal. Comme cette valeur, 
ne varie jamais , jamais on n'éprouve de 
difficultés eh les donnant* Quatorze livres 
de fer, poids de marc, même n'étant point 
coupées en pattes , ne se refusent pas 
davantage { mais il est plus avantageux de| 



(286) 
les donner coupées» On gagne par ce moyen, 
au moins une lirre par barre , ce qui, sur 
la quantité , produit am très-grand béné- 
fice. 

La barre est une juonnoie idéale de cinq 
livres sur les marchandises seulement , et 
non sur TargenJ:. Cette observation suffit 
pouf faire connoître ce qui différencie les 
barres pleines , d'ayeô les petites barres. 
Une barre formant cinq livrés , lliabitant 
a plus de bénéfice , ou plutôt moins de 
perte , de prendre urte pièce de guinée pour 
dix barres , que cent pierres à fusils j ou 
deux livres de poudre ,. ou deux livrés de 
tabac y pour une barre. La différence est 
assez sensible. 

Quatrp pi^cqs ^§ 24 sou^ fonjt une barre 
au Sénégal. A Corée./ la barre est de quatre 
pièces de 24 sous, et une de 6 sous. Au Sé- 
négal , une piastre forte ne passe que pour 
une barre. 

A Corée , on remet 6 sous sur la pias- 
tre forte. L'écu de. 6 livres , ainsi qu'au 
Sénégal , vaut ^ à Corée , une barre et un 
cinquième ; mais en rivière de Salum , une 
barre vaut seulement la piastre forte. 

Avant que dépasser au traitement et aux 



( a87 ) 
Frais du voyage de Galam 9 je croîs à pro- 
pos de donner la note des marchandises 
ayant cours pour la traite , et de celles qui 
ne. sont qu^ de consommation pour les ha^ 
bitans des deux colonies* 

CHAPITRE PRMIERE. 

Eùaù général des objets nécessaires pour 
la traUe en rivière du Sénégal^ Goi» 
rée yftc. 

Prern. arl. Guinéeades Indes ^ d'un tissa 
très-fin ^ d^un bleu foncé , cuiyré presque 
noir^ Cet article est le plus essentiel au 
Sénégal , soit pour la traite de la gomme ^ 
soit pour la traite des nègres, avec les 
Maures» Les plus belles donnent toujour9 
lavant^ge. On doit rejeter les Ruinées de 
Rouen et autres des manufactures de 
France ; car elles sont rejetées par jiesr 
l^ures* 

a et 3. Fusil à un et deux coup^^ , dcit 
quatre pieds , 8 à 9 pouces de longueur y 
grands calibres, bronzés et dorés, mQutuxesj 
légères , écusson d'argent. Ces armes ser-i 
vent pour les njâiures , et en traite de 



(288) 
Galam pour les Soracolets des caraTanes. 
Les nègres Yolofs comaxenceiit à eu de« 
mander. 

4* Fusils de munition , dits fusils de 
traite sans bayonnettes , baguette de bois y 
ardde de bonne valeur pour les nègres en 
général , garnis en fer pour le Sénégal et 
rivière , et en cuiyre pour Gorée et lieux 
voisins. 

5. Fusils boucaniers de cinq pieds 4 pou- 
ces de hauteur , à Tépreuve , s^il se peut. 
Cet article est très-recherché des nègres. 
Il ne passe point en traite , mais il se vend 
plus ou moins de barres , suivant la qua- 
}ité et la quantité qui se trouve dans la 
colonie. 

6. Pistolets d'arçons , à un et à deux 
coups. Cet article est très«peu recherché. 
La paire de pistolets passe en traite pour 
un fusil. 

' ' 7. Sabrés de traite , fourreaux rouges « 

inutiles aux Maures , et recherchés des 

nègres. 

. 8. Couteaux flamands , à virole s de 

Cuivre^ inutiles au Sénégal , bons à Corée. 

Ils servent de poignards. 



$ et lo. Balles à fusil , article très» te < 
cherché des Maures et des nègres. 

et 1112 . Kerres à fusil , grosses et 
fines , grosses pour les nègres , fines pouf 
les Maures. 

i3. Jambettes ângloisos , leB meilleures 
possibles. Leur cours n'est établi que sur 
I^ qualité. C'est un article très-utile aux 
Maures : ils s^en serrent poiur saigner leurs 
Bestiaux. 

i4* Fer plat de Suède sans pailles , de 
deux pouces quatre lignes au moins dd 
Jarge , sept lignes d'épaisseur pour lô Sé- 
négal. 

i5é Fer plat François , dW pottcô quatre 
lignes de large , trois à quatre lignes d'é- 
paisseur , article bon pour Gorée. Ceà deux 
'articles sont essentiels ; on ne peut trop 
en avoir. On les vend avec avantage de* 
puis les mois de février , jusques et com i 
pris le mois de Juin^ Passé ce temps ^ cet 
article est presqù'inutile. 

16, Piastres fortes^ objet de première 
nécessité à Gorée, et sans lequel on ne peut 
traiter. On peut s'en passer à la rigueur p 
^ au Sénégal. 

17. Toiles ' platilles* • 

T 



i6. Toiles de Bretagne, 
ip. Lidieiines communes. 

20. Laines angloises , rouges , jaunes 
et vertes , toutes de bon teint. On ne peut 
la choisir de trop belle qualité ; il en faut 
peu de jaune et de verte. Cet article est 
des plus avantageux , sur-tout au Sénégal. 
On en vend toute, l'année ; mais le fort de 
la vente est en janvier et en février au re- 
tour de Galam^ et en juin et juillet, temps 
auquel, on se dispose pour ce voyage. 

21. Reyeclies jaunes et rouges. 

22. Drap écarlate Londun. Cette étoffe 
sert pour le^ grîsgrîs : il. en faut en tout 
temps pour la traite. 

23. Eau-de-vie pour le Sénégal , Galam 
.et; .Goré,Ç* Les Maures et les Poules n^em 
font poinj; de consommation. 

24.. Papier fort .à la licorne. 

25. Tabac de Virginie. 

26. Grelots d'argent, bons pour Galam. 

27. Mortottes d'argent, assez inutiles. 
28^ Sonnettes d argent , inutiles au Së- 

. négal , bonnes pour Gorée. 

20. Bassins de cuivre pour Gorée , et la 
nation Poule , en ri^^re du Sénégal. 
3o. doux de géroâo. 



C 291 ) 

3i. Petits ciseaux. 

3a. Petits cadenats. 

33. Briquets. 

34- Peignes de bois ou de buis. 

35. Tabatières de fer- blanc peintes» 

56 Tabatières de carton, garnies de plomb^ 
dites demie journées. 

37. Miroirs de campagne. 

Tous ces objets sont articles de traite. 
Ainsi que la Terroterie qui varie suivant 
les temps et Tabondance. 

CHAPITRE SECOND. 

'Articles de ^verroterie qui orU toujours 
cours. 

Premier article. Ambre , n«. 2,3, et 4. 
Il sert en voyage de Galam pour traiter 
l'or. 

â« Corail fin de huit à neuf lignes de 
longueur , trois lignes de diamètre > bien 
net. On traite avec cet article à Galam , par 
poids égal d'oir. On peut en avoir de moins 
long et plus petit ; mais celui qui est ab- 
solument petit , ne se vend que très-dif« 
ficilement. 

Ta 



C aÔ2 ) 

3. Cornalines rondes, taillées et bien 
claires^ article de non-valeur au Sénégal, 
mais de première nécessité à Gorée. 

4. Black pointe" ou contre -brodé. Objet 
tout-^. fait inutile au Sénégal. Il en existe 
de plus de vingt sortes difFérentes qui ont 
toutes cours à Gorée , etc. 

5. Tuyaux de pipe d'un pouce de long* 
Cette verroterie no se veild avec avantage 
que chez la nation Poule. Des députés de 
Doumons , vinrent me dire de ne pas les 
faire couper si courts ; parce que , dans ce 
cas j ils aiment autant lo galet , c^est ce 
qui me fait prescrire leur longueur. 

6. Rasades jaunes » vertes , noires et 
blanches. Les deux sortes les plus recher* 
chées sont la noire et la blaiiche. Cette 
verroterie est de la pliis grande défaite au 
Sénégal : une \ en blanche, un \ de noire, 
^n \ de verte , un g de jaune. 

7» Cristaux faux assortis. Lès petits ne 
se vendent point. Il les faut moyens > blancs 
ou plutôt couleur de verre. Le bleu de 
cîel est awsî recherché. Cette verroterie 
sert anx nègres à traiter le mil , la volaille, 
le gibier , le poisson , etc. U s'eîafait grande 
consommation ; et quand oii sait choisir i« 



(293) 
grosseur , on ne pent en avoir trop. Quelle 
^ue soit Tabondancé dans la colonie, cet 
article donne un bénéfice immense , même 
<îans les temps les moins avantageux. 

8. OEufs de pigeons, dits tourne-culs | 
bleus et blancs; ' 

<)• Galet blanc , noir et rouge. C'est l'arg- 
ticle le plus courant de toutes les verrote- 
ries. Il l'est chez la nation Yolofe , pour 
traiter; mil , sel , etc. Les Maures et les 
peuples nègres de tout l'intérieur des terres , 
y attachent une grande valeur. 

10. Blanc de neige , rond et taillé en 
grains d'orge. Le blanc de neige taillé est 
préféré au Sénégal. , Cet objet donne plus 
de û bénéfice que l'ambre et le corail ; mais 
il n'en faut pas en grande abondance ; 
car alors, il baisse de prix^ n'étant pas de 
première nécessité conime le galet. 

11. Agathe blanche. Il en faut peu , cet 
article n'est point lucratif. Il s'est môme 
vendu à perte ^ mais iJl est nécessaire pour 
rassortiment da verroteries* ' 

lia/ Faux corail, objet. recherché du côté 
. de Gbré , ne se vendant point au Sénégal. 

i3. Faux grenat , pour Corée et lieux 
..voisins seulement. T 3 



(294) 

i4* Corail piment. Cette verroterie , toutd 
belle qu'elle soit , ne passe pas eu traite , 
elle ne se vend qu^aux habitans du Sénégal 
et de Corée : c^est la première parure des 
jeunes £lles. 

Les 14 articles ci-dessus désignés 1 for- 
ment 44 espèces différentes de verroterie , 
qui toutes ont cours dans les deux colonies : 
il faut être assorti proportionnément aux 
besoins connus. Il en est dont on peut se 
tdispenscr^ etd^autrcs sont d^absoluenéces* 
site. 

Les objets de yerroterxB cl-.dessus ^t[uipar 
eux-mêmes ne sont rien , puisqu'ils n^ont 
• que des valeurs idéales et momentanées , 
sont cependant de la première nécessité 
pour faire de bonnes affaires. On pourroit 
traiter sans eux ^ mais ori perdroit l'avan- 
tage des petites barres dans les expédi- 
tions de rivière. Par exemple^ une masse 
de blanc de neige en foxrhe quatre à la co- 
lonie , et en rivière et à Galam en forme 
huit. En 1785 , la masse me coûta en France 
55 sous ; elle étoit de quarante cordes. Au 
Sénégal la masse n-est quede dix cordes ; en 
rivière et à Galam , elle n'est que de trois, 
quatre et cinq , plus ou moins , suivant ia 



rareté et Tabondance de la verroterie j c'est 
pourquoi on ne doit être que bien assorti , 
mais rien de trop , et quel'appas du gain 
ne fasse pas prendre de ces espèces plus 
qu'on ne peut en vendre. En suivant cette 
méthode , on aura toujours un gros inté- 
rêt de ^^^ fonds ; et si on se fixe quel- 
que temps au Sénégal , on s'y procurera 
toujours l'argent nécessaire à la traité quo 
Ton veut faire, 

CHÀÏ^IT RE TROISIÈME. 

Objets de consoimnation.et de y ente avan- 
tageuse aux hahitans de Gorée et du 
Sénégal , lesdits objets rC ayant poinè 
de i>aleur en traite. 

1. Vins de Bordeaux* 

2» Anisette Marie Brlzard • ou autre bonne 

qualité. 
3. Farines en bariques. 
4* Fruits secs. 

5. Dragées et confitures. 

6. Chapeaux de nègres. 

7. Fantoufies rouges , peu de vertes et 
de jaunes. 

T4 



8. Culottes de toile pour matelots. 
Qm Chemises bleues de matelots. 

10. Grands couteaux. 

11. Grands cizeaux. 
xa. Limes assorties. 
x3. Marteaux assortis. 

14. Montres , ressorts en acier. 

i5. Soies. Bonne qualité, diverses sortes. 

1^. HacEes de première qualité. Il en faut 

pour tous les ménages. 
17. Uerminettes et outils de charpentier. 
i8. Rabots et outils de menuisier. 

19. Encre et plumes. 

20. Papier à lettre. 

21. Cire à cacheter. 

22. Toiles communes. 

«3. Indiennes communes passent en traite 

à Gorée , etc. 
«4. Mouchoirs de Masulipatan. 
a5. Drap bleu et écarlate. 
2(y. Etoffes légères pour les gilets des 

hommes. 

27. Aiguilles angloises. 

28. Boucles dWgent. 
s^ Pommade en pots. 
3o. Pommade en bâton« 
di. Odeurs dÎTerses» 



( 297 ) 
32., Verres à boire , ciil plat. 

33. Fanal ou lanternes. 

34. Plomb à gîboyer. Il passe en traite* 

35. Poivre noir et épices, 

36. Entonnoirs , cafetières , mesures. 

37. Poids de marc , balances , grains , 
gros, etc. 

38. Cuivre en feuilles pour les. Maures. 
On trouve à vendre avantageusement 

tous ces objets à la. descente de Galam.' 
Alors l'habitant ne s'épargne rien ; mais lors 
qu'on commence le voyage , ces objets sont 
inutiles i c'est pourquoi en tout temps ces 
articles ne doivent être qu'accessoires , et 
en petite quantité. On se tromper oit beau- 
coup si on établissoit sûr eux le bénéfice 
d'uu voyage , tous ces objets li'étant de 
venté qu'au retour de Gàl^m. II faut an 
contraire lorsqu'un navire part de France 
pour arriver à la colonie à Ja fin de mai ^ 
y apporter des objets accessoires et non de 
traite. 

1. Flanches de sapinde 10 pieds de long # 
neuf à, dix pouceà d^ large, un pbuçe 
d'épaisseur. . ' 

9* Flanches de, chêne pour bordages. 
3* Clous doux assortis. 



(298) 

4. Gaiidron et bray. 

5. Blanc de céruse et verd de gris pour 
couleur. 

é. Toileê à voiles. 

7. Rames. 

8. "Vieux cordages et étoupes. 
g. Grappins et ancrés. 

10. Tous les objets nécessaîr'es pour leur 
faciliter les moyens de faire le voyage 
de Galam qui est comme la moisson de 
toutes ces contrées. Alors les nègres pro- 
priétaires ne se passent aucune fantai- 
sie , au lieu qu'à la descente /l'espoir 
qu'ils ont d'être employés parles Européens 
pour travailler soit en rivière'V soit a la 
colonie , l'éloignement du futur voyage de 
Galam; la misère et les fatieues qu^'iîsont 
essuyées à celui- qu'ils viennent, de faire; 
l'argent ou lès marchandises 'qu. ils' ont 
reçues en pajLement , tout les eijgage à se 
procurer ce qui leur fait plaisir. Ils iie mar- 
chandent guères et paient volontiers tant 
qu'ils ont de l'argent. Leur fait-on crédit , 
on ne peut se £airjB payer qu avec peine ; 
alors il faut employer l'autorité ,®t jl'on 
devient l'ennemi de toute là colonie. 



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40. 
40i 
yo. 

4P- 

xo. 



( ?fl9 ) ' 
CHÀPIT RE QUATRIÈME. 

Valeur des marckandlits de traite -au Sénégal ^ leur va* 
likr en rivière et k GalaM pASsé Podor, 

' " ' ' airSébegal. en rivière 

. bar. arg. l. bar. arg.l. 

la pièce xle guindé ..,,.. 10 ,50 ,. ... 8 40. 

Le fusii à* deux coups • . . • 10 lop . • • . i^ 
•Le fusil fin à un coup 10 50 • • . . 8 

Le fu<4l de traite 6 30....8 

Le fusil boucanier 10 50 ... 10 

"ta paire de pistolets d*arçoifs 

à aa coup • • • . • i^ 30 
.Lapairpàdeuz coups .... * %$ jSOi 
"°Le sabre de traite x 5 

Les- deux livres de poudre . . t f 

Les cent balles de fusil l 5 

Les cent pierres à fusil i 5 

La pièce dé platilîe \ x to 

f La jJÎèoer de ^Bretagne ..... 3- \ 15 
'.Quotse mains de papier .... 1 .5 
,l5eax Unes de^bac de Vir^jif 1 
^Dix- micoirs de campagne . . . x 
, Dix tahati!^rc5. de ^erofîe . . . • x 

Dix briquets . .'.*.*. x 

Dijt cizeaux i 

Di? ' petit*- couteaux . t 

I>it -peigaés ie isuts '- i . 

QlHH:e[ja|îib^e£^s.ftqgloises . 

,Un \ .éçarlatc .. . . • 

Quatre onces de laine . ; 

Quatre pintes d*eau-de-vie 



xo« 
xo. 
x«. 

10. 

5- 

!;• 
50. 

M* 
>/• 

^^ 

10. 

lO. 



( 3oo ) 

II faut de plus calculer le prbdAît de 
la verroterie qui a toujours en rivière qua- 
druplé la valeur de son coiirs au Séné- 
gal, Ce qui douue encore un très-grand 
bénéfice , les articles de verroteries et les 
bagatelles , tels queiniroirs , etc. sont ce que 
Fon nomme barres foibles , et il n'est point 
étonnant que les habitans en allant à Galam 
ne veulent point les recevoir en barres plei- 
nes à moins qu^onne les leur fournisse sur 
* le prix de la colonie , ce qui dans ce dernier 
cas produit encore un très-grand bénéfice» 

CHAPITRE CINQUIÈM3S. 

Jîclaircîssemens pour un bâtimenC qui se 
propose de faù:e le ^voyage de Galam , 
dans lai>ue d'y. traiter cent nègres av^ 
moins. Précaution pour les bâtimens , 
frais des coutumes avant d'^entrer-en 
traite ; frais d'équipages et autres * en 
retour. - ..^ 

D'abord pour le bâtiment. Il £aut^ qu'il 
soit bien bastingué, de trois pieds au-dés- 

' sus du pont en* fortes planches , qui puis- 
sent résister au± coups de fusil. Il faut que 

.toute communication de la cale à la cham* 



( 3oi ) 

bre sait interceptée ; il faut deux bonnes 
dialoupes pour alléger et remorquer le 
liavire suivant le cas dans les dlfférens 
endroits de la rivière. Il est nécessaire que 
le bâtiment soit bien armé pour résister. en 
cas d'attaque. ' On doit donner à chaque 
homme de Téquipage , un fusil et un sabre 
de sûreté , 5o paires de fers suffisent pour. 
les captifs , car ils sont presque tous Bam- 
bara ; on n'a point de révolte à craindre 
de leur part , et on ne les met que rare* 
ment aux fers : il en faut cependant pour 
les mauvais sujets que la nation Saracolet 
au lieu de punir de mort, vend aux bâti* 
mens. On ne peut prendre trop de pré- 
caution avec ces derniers ; il seroit même 
avantageux , si la chose étoit praticable , de 
les séparer 4es Banbara ^nation douce ^ mais 
qui se porte quelquefois aux dernières ex-» 
trémités quand elle est animée. 

On doit avoir un capitaine qui connoisse 
parfaitement la manœuvre , la rivière et le 
langage des peuples chez lesquels on se 
propose de traiter. 

Le second doit avoir, s'il est possible^ 
autant de connoissances que le capitaine \ 
Vxm, étant occupé à la traite d'un côté , 



( 302 ) 

pendant que Tantre restant à bord , doit 
y traiter , conduire le navire > diriger la 
route y avoir soin des captifs , et maintenir 
Tordre parmi l'équipage. 

Il faut de plus cinq gourmets , savoir 
deux pour être timoniers , un charpentier, 
un voilier et un maître d'équipage ; ce der- 
nier se nomme maître de langue. Ils passent 
tous pour gourmets , c'est-à-dire officiers 
nègres , vivent ensemble et ont le même 
traîternent. 

Vingt- quatre laptotsqui sont les mate- 
lots nègres. 

Quatre pileuses pour battre le milet , 
préparer les ' mets , et autant de râpasses 
qu'il s'en présente , peu importe leur 
Age. Ces râpasses sont des enfans nègres 
qui font le voyage gratis pour s'instruire 
de la rivière et du langage des peuples. 
Ils servent beaucoup dans toutes les cir- 
constances : c'est pourquoi on ne doit point 
les refuser, sur-tout leur nourriture se pre- 
nant sur la portion générale , ils ne coû- 
tent rien à l'armement, et lui sont du plus 
grand avantage. 



( So3') 
Frais rûun navire qui se propose detrai^ 
ter cent nègres à Galam. Les coutumes 
comme elles le furent en ij35. Le "voyage 
de cinq mois pleins. 

bar. arg.l. 

Le capitaine. Son traitement est 
de 16 barres par mois ; de plus 
on lui accorde une bouteille de 
vin , par Jour , qui se paie par 
quatre barres par mois. nCinq 
mois de route font..,. ». ... 100 5oo 

Le secoîid a huit barres par 
mois , une bouteille de vin ou 
d'eau-de-vie par semaine qui 
s 'acquitte par une barre par mois , 
fait la quantité de cinq barres 
par mois^ pour cinq mois de 
route 45 225 

Le maître de l'équipage cinq 
barres par inois et une pour le 
vin , foiit pour cinq mois. .... 3o i5o 

Les déiîx timoniers , le char- 
pentier et le voilier , même trâî- 
temeiit i^ue le maître d'i^quipage.120 6op 



(3o4) 

btr. «rg. l* 

Vautre part . . . 2^5 147^ 
Vingt - quatre laptots à trois 

barres par mois , pour cinq mois 

font 3(?o barres. 35o 1000 

Quatre pileuses à trois barres 

par mois Qo 3oo 

De pins j il faut, calculer le 

traitement pour le sel qui revint 

en 85 à la colonie à une barre 

la barique, tout port franc en 

rivière 

Le capitaine 4 bariques .... 4 ^o 
Le second deux bariques. ••• 2 10 
Le maître d'équipage 2 bariq. 2 10 
Les quatre gourmets unebari- 

que et demie pour chaque 6 3o 

Vingt-quatre laptots , une bari- 

que à chaque 24 i2p 

Quatre pileuses , derai-barique 

à chacune 2 lo 

Total des fraisderéquîpage. . 755 3776 

Il faut observer que la barique de sel e$t 
la barique de Bordeaux , que le sel est 
l'objet essentiel pour les nègres qui mon- 
tent à Galam. Il faut le leur porter franc 

en 



^ittivièl-e I ainsi que les objets 4\i^ils.$9 
ÏNTocurent en retauri S^s ces cqncUticu;^ 
ils ne feroient point ce voyage ^ car le ^elleujf 
sert à acheter des pagnes , des mortiers dç 
bois pour piler le mil ^ du tabac | des ha- 
ricots secs ^ et mille autres article^ qui leur 
jioat de première nécessité , et très-utile§ 
pour Igurs ménages. Ceux qui n'ont pas^ 
besoin de ces articles ^ rendent leurs sel^ 
ppur de Tor , plus ou moins , suivant lp$ 
l^esoins des S^racolets > six ^ sept et n3,êm0 
huit gros d'or la barique. Cet or se vetic| 
à la Cçlpnie deux barres le grp$ , c'est-à- 
4iire lû liv* j donc la borique 4e ?ei pro-» 
duit à ces laptots &q , 70 ou 80 Uy-i s^^i» 
vaut les çirconstai^Lcôs* , JBlle produit encore 
plu? j lorsqu'ils se., procurent les objéty 
dan!t.,j'af parlé plu^. ii^nt. Jl n'e^p,4pî^ 
pç^t jétpn^antque tqps }^ ixègres tienç^qçi 
ci foj*f k. cett0 ,def^4^.^ , ■ i . ;: ^- 

G H A P t T^É È ig t X lifM-C 

Dépenses pour iés ^vivres d^iin équipage'^ 
comme - ci^ dessusê-^ " 



fi faiit pôUr la nouirriture de chaque per^ 
éoniié de Téquipage tui moule de mil j)tf, 



(3o6) ' 
jour f ce qui fait 35 moules qui , multipliés 
par 3o jonrs , pour chaque mois , le voyage 
étant de cinq mois , forme 0,260 moules 
de mil. 

De plus , une demi- livre de viande pour 
chaque laptot et pileuses » aux gourmets 
iine livre , aux capitaines , premier et se* 
condyUne livre et demie , total 221 livres 
de viande par jour , qui , multipliées par 3o 
jours j pour chaque mois , le voyage étant de 
cinq mois> forment la quantité de 3,3oo 
livres de viande. 

Le mil s^achète parmatar. Lematar con« 
tient 40 moules ; donc 5,^5o moules^don- 
nent r3i matars un quart. 
' Le inatar se paye en rivière quatre con- 
dées de guinées : dans une pièce de i3 aunes 
et demie , on y trouve aç à 3o coudées ; 
ime pièce ne donne donc aii plus que huit 
xnatars et demi qui , pour i3i matars un 
quarts exigent i5 pièces l de guinées à ao 

bar. arg. L 

barres la pièce. ..••••• ^• •• ••• i55 776 

La viande s'achètg,* savoir le 
bœuf , un fusil fin chez les 
Maures , un fusil de traite chez 

'.«[...:' x5S 775 



( 307 ) 

• . . ci'.conùre • . • 

lesnègres. Les plus forts moutons, 
ou cabris , se paient une pièce 
de gui née la douzaine, et on en 
a quatorze lorsqu'ils sont petits. 

Les bœufs au-desstts de Podor 
donnent de loo à i4o livres de 
yiande ; prenant lej terme meyen 
pot^r toute l'étendue delariyière , 
c'est 120 liv.de viande que cha- 
que bœuf • peut fournir. Il faut 
donc diviser 3,3oo liv. par 120 
livres , ce qui donne â7 bœufs 
et demi. Supposons 26 ^ c'est 
d8 fusils fins, qui^^vàluësdix 
barres chacun, à :1a; colonie , 

font •••....,...•...•••;• 

Il faut aussi calculer lissf frais 
de nourriture des nègres ' cap- 
tifs; cette évaluatiotl iié peut 
être juste; c'est du plus au nïoin s» 
Ceux qui arrivent au* ootbmjdrim 
cernent et ceux "^u&^'âJiîriyeAt , 
à la fin de la tiîfâité; Où ne 
peut éfâluer- moiiié^^e deux 



1>ar. arg.I. 

x55 775 



ii8o 1400 



Jl3a^2i75 

.Va 



(So8 ) 

bar. «r§. L 

d'autre patt . . • 4^5 aiyS 
mois de nourriture pour chaque 
captif , qui du fort au foible pour 
loo consomment au inoins 80 
moules de mil par jwur.$ -c^^at-à- 
dire deux matars ; ce ^tù £ii£ 
100 matai» qt^-Qli œ peut se 
procurer moins 4e 1-4 rpjièees de . 

guinées » ^ . • , «4^ .70» 

On a coutume de leur doilnar 
de la viande pour procurer quel* 
que goût à leur chésif^ xiour- . 
riture : on ne. peut ^en imeltre . . 

moins qu^ ^atre Qiiieea par / 
homme; ce'qifti.fait{d,'âpGès.Fë» 
yaluation pi ^ dtaaus/.i^â; limes 
jpar JQsçr: en les jnujtipliant {mr . . . 
deux moisrà 3|pr 4^i«tf ^: (i^4Q|^: 
moisprodu^t^ quABl^ d$* 1^0 r 

livres de viau4e i^m ^^i^^t jiar . ; 
120, on auf4-wÇ((^ieiJ^a<Mi^# ! 
douzebœufs. etfdwi : iMipp99<»ia 
douze poiir x^fcsii^.rau Tefdfulo 
d'autre part a:^ à jTO %ftlHu: 4(œ»£ 
fait, à diz.baire«^fif$i^«<>.>^ iMà I0oq 



Total des nourritures 6q5 34^5 



< 3o9 ) 

CHAPITRE SEPTIEME. 

Fraù de coutume reçus tant pour la lu 

berùé de la rivière^ que -pour les béné^ 

Jfices du capitaine et du Baquèlét d4 

QaJïàn y prince nègre, le plus néces^ 

saire à la traite. 

Outre les appûiiUemena ci-dessus aocor^ 
dés aA capitaine , il lui .revient de droit , 
deux barres par captifs^ Si Fexpéiition 
est heureuse y et qu^on ep. traite ceqt $ 
comme on se Test promis , c^est pour le 



bar. 



capitaine 

Le Baquelet de Galam i 
pour les facilités qu'il pro« 
cure dans les terres > les. 
gen$ (ju'il expédia aux ca- 
ravanes , les soia$. qu'il ea 
prend , exige au^sji db^x 
))^r^e& par captif , çuppor 
sant qu'on traite moitié. avb 
dessus de son endroit; à 



arj. 



5200 lOOO 



200 lOOO 



Yi 



(3io) 

d^ autre paH. • . . aoo xoco 
Tamboucanée ou autres 
lieux. G^est pour son droit ioo 5oa 

La coutume générale 
payée à Saldé , doit se mon- 
ter alors à 6a5i 3ia8 i5 

Le reste des coutumes en 
rivière ne doit couler , y • 
compris celles domiées au 

roî de Galam 120 ^o 

. To(al des frais de cou* 

tûmes • • 1045^ 5228 \S 

Récapitulation générale des frais. 

1^. Frais des gages de 
réquipage , montant à la 
quantité de • • .* ^ • • 755 ^775 

Dépense pour les vivres. igS 3475 

Frais des coutumes et ob* 

jets de dépenses qui y ont 

rapport . • • • • io45| 5^28 i5 

Total de frais d'armement 

pour le voyage de Galam 

2495^ 124 78 x6 

n s^en suit de ^ calcul , qu^en se pro- 



( 3x1 ) 

posant de traiter cent nègres à Galam , les 
frais pour vm bâtiment européen se mon« 
tent en totalité , y compris les coutumes ^ 
â la quantité de 2t^4d^ barres ^ , lesquelles 
barres^ évaluées suivant le prix de la colo- 
nie , et non suivant le prix de la rivière , 
à cinq livres la batre ; forment la somme 
de 1247Q livres i5 sous. La valeur des 
barres que l'oli donne pour Tachât des 
captifs , est de beaucoup moins forte que 
celles des coutumes , vivres et paiement 
d'équipage , qui sont toutes barres pleines. 
Ce qui fait que je les ai calculées sur la va- 
leur de la colonie , et non pas .en valeur 
de rivière. On a vu plus haut , que pour 
vivres et paiement d'équipage , il n'y a 
que des barres pleines. Elles le sont pa- 
iement pour les coutumes ; car en 1785 , je 
donnai , ainsi que tous les autres bâtimens 
européens , pour avoir liberté de commerce 
chez les Poules ; savoir , pour la coutume 
générale : 

Dix pièces de guinée .... 
Quatre fusils à deux coups. . 
Quatre iusils fins à un coup 

.V4 



bar. 


arg. L «/ 


100 


5oo 


Oo 


400 


40 


iijQO 


180 


900 



(3ia) 





bar. 


vg-l. 


d'autre part * 


. . 180 


900 


Qvatre sabres de traite « 


. , 8 


4q 


Pix fusUs de traite . . . . 


, 60 


38o 


Disc pièces de platille . « . 


. 40 


aoo 



ao 


100 


10 


ÔQ 


IQ 


i5 


10 


5q 


a 


tQ 



pix pièces de Bretagne en 
blanc • « f • f • t • « • • Qoo oocr 

Dix barils de poudre de deux 
livres chacun • . . ^ . 

Mille balles t • , , 

inilJe pierres à fusils , , 

Dix barres éccvlate • • 

Dix miroirs • • ^ • 

Dix tab^ti^res garnies de gé- 
rofle •,•,.,. % 10 

Dix mains de papier à la li- 
corne • 

Dix masses de gros galet • . 

Dix masses de blanc de neige 

Quarante grelots d'argent,. 

pix grains de corail • • ^ . 

Pi:ç grains d'ambrq jx^.z ^ ^ 

On exigea de plus dix cafe- 
tières, dix bassins de cuivre , 
dix chapeaux , dix marteaux, 
feh^çhçs , (lûç Jiernunettes , 



^\ 


ai lOr 


xo 


5o 


10 


5o 


i3; 


66 5 


IQ 


ÔQ 


5 


&5. 


432| 


àiff3 i5 



(5i5) 

ci-'Cùntre . . ♦ • ^îa^ ai&3 i5 
at génët'alement dix d'autres 
Articles de mémo nature qu^OQ 
xCdi point coutume de porter 
ito traite dans cette partie de 
la rivière ; dont la totalité , y 
côinpris les dix pièces de 
Bretagne portées plus liaut^ 
iîirent acquittées par quatre 
])ièces de guinée »•«••» 4^ ^^^ 

Cette concession de tant 
d^articles pour quatre pièces 
de guinée , prouve le cas que 
les naturels font de ces toiles, 
puisque les dix pièces de 
Bretagne seules coûtent plu$ 
que les quatre pièces de gui- 
née. De-là , ont peut encore 
conclure le peu de cas quUIs 
£iisolent des objets qu'ils vou- 
loient en coutume , et qu'ila 
3ie connoissoient que de nom 
par leurs émissaires que les 
gouverneurs souffrent ^ li^ 
cbioniet 

La coutume générale se ^^^ 

lRO»t© à • • • . • . 47q| 2363 \^ 



( 3i4 ) 

Pour le présent particulier de V Almamy^ 
il n'exigea point de fusils , mais 

bar/arg^i^ 

a pièces de gainées « 20 100 

2 pièces de^platilles 6 3o 

a barres écarlate . ; 2 10 

2 barils de poudre, des 1. chacun 4 20 

6 grains d'ambre , n^. 2. ••.*.. • 3 i5 

2 grains de corail 2 lo 

6 grelots d'argent 2 10 

2 masses, de blanc de neige. ... 2 lO 

4 mains de papier • . 1 5 

Total du présent de TAlmaray 45 21Q 

Le présent de Sir y d'Ara, son 
ministre. 

2 pièces de guinées ao 10a 

1 fusil à deux, coups 20 100 

1 fusil fin , 10 5o 

2 barils de poudre de 2 lîy. cliacnh 4 20 

loo balles 1 5 

100 pierres à fusil x 5 

4 mains de papier x 5 

3 grelots d'argent . , x 5 

a grains de cojail. .....,, • -2 10 

57 a85 



( 3i5 ) 

ci-contre • ï • • . 57 285 
2 grains d'ambre. i 5 

Total du présent du ministre 61 3o5 

Pour le présent du Tampsiràciox- 
gé de recevoir les coutumes. 
2 pièces de guinëes 26 loo 

1 fusil fin « lo 5o 

2 pièces de guinée ^^ ^^ 

Il I I ■ I ■- 
Total du présent du Tampsir 5o 25o 

Nota. Ces deux dernières pièces de 
guinées acquittèrent l'article porté dans la 
coutume générale pour son ,droît de pré- 
sence ; il aima mieux les detix pièces de 
guinées,' et nous aussi. 
Récapitulation des coutumes et présens 

payés à Sqldé pour avoir la liberté da 

la rivière. 

bar. arg.^ 1. «• 

La coutume générale . • » • . 47^4- 2363 i5 
Le présent de l'Almamy. 4a 210 
Le présent du ministre . • ; 61 3o5 
Le présent du Tampsir. .,50 25o> 

Total., €25[ 3i28 x5 

Cette coutume est d'autant plus consi- 
dérable que les marchandises eu rivière 



( 3i« ) 

ont une valeur bien plus forte. Le baril 
de poudre par exemple y passe pour huit 
barres ; les cent pierres à fusil pour deux 
barres , etc. La récapitulation des barres 
de rivière fit monter cette coutume à 
839 barres. Les^ captifs étant à 70 bar- 
res comme ils le furent en 1785 , ce fut 
donc la valeur de douze captifs et même 
plus que l'on donna pour lesdites coutu- 
mes. Car je payai à Galam le captif soi- 
xante-dix barres , savoir : quatre pièces de 
guinées qui, ei^ rivière, ne passent que 

bar. 

pour huit barres chacune 3:^ 

Un fusil fin à Galam ne passe que pour 8 

Un fusil de traite .• 8 

Une banque de sel • , • . 6 

Une bouteille de poudre 4 

Un seizième écarlate 1 

Cinquante pierres à fusil '. . • 1 . . . 1 

Cinquante balles. ... ....•,..^., i 

Quatre mainsde papier ^ . . . • . 1 

Une tabatière de gérofie. .......... ... i 

Un miroir do campa^e. \ 

Deux têtes de tabac de Virginie. . ^ . . . 1 

Trois cordes de blauc de ^eige. , . . . • i 



(3i7) 

Un 

• • ^ci contre \ ': €6 

.Deux onces de laine rouge. .*-;..... a 

Douze cordés de galet blanc .- i • i 

Trois greïpts d'argents i- 

Tofal , valeur de rîyièrd. . * • . . 70 

Ce prîx-étoîtconrettu par les Maraboux 
du pays. Le captif étoîttiher en 1785, on 
verra plus tas la balance ' des années pré- 
cédentes. 

Le captif porté à Oalam à soixante-dix 
barres , "ne ^aloit , argent dé la colonie ^ 
que r6i2 âiacres \ , car • * : , 

^natse |>ièoe6 d« gainées. % .. w «..«.«. ; 40 
Uniusil fin, ...;....*.......-.•.*•.... id 

Un'fiisiL de «traite.... « . •«• . .- • • • . i 

Une ^boutcUle 'de. pmidre { bar.>7 i J 

Un treizième écarlate ^ ^ • i . • . , 4 - i 

Cinquante .pierres à Êisil 1 •• • 9 

Cinquante balles . i . ,. ^^•'••••i f 

Quatre zkrams ïdeipapier. . ...... ... . ..• 4 

Unef tabatière gérofle • . . |^' • * î -' 

Un miiroir; v-,^., ,. . k»i|. .••> è 

Douxe cordsagalet blàxic 4 * ' • 3 

'' -. 

.. : -.-• * 60 



I 

4 



w. 

â^autrepart . . T • • 5o 

TroÎ9 cordes blanc de 

neige ...••..•:;.•.. ^ * 
Deux têtes de tabac de >. . . . i 

Virginie i • *• 

Deux onces de laiiie* . . î . . 
Trois ' grelots d'argent ;.;.♦.• 

Total de .la valeur du nègre de 
Galam au cour$ des marchandises de 

la colonie, le nègre évalué et con- 

venu à 70 barres ;..>..; y .... 6a ^4 

. Le captif de soixante.-dixbarses à Galanî 
valant , argeift de la colonie, Qii baires: 
^ , ne valoir ,. argent réel de France., que 
Quatre pièces de guinée à 40 llv. . 160 L s 

Un fusil fin de i5 ILv. i5 

Un fusil de traite de 7I. kos... .v: 7 10 
Une barique de sel de 3 liv. .•....♦• 3 
Une bouteille de poudre. ........ .1 4 

Un'^eîîzième écarlate.. «..• 16 

Cinquantepierr.es à fusil à 4 Lie cent . . 4 
Cinquante ballps à, 8, 8. la livré.; ' t 
jQuatre mains de papier à 7 sousl . 18 
Une tabatière g^rni^rdé^érofle^; la 

Uamiroir,*j ..•.•.•/.. 3 



( 3x5 ) 

ci-'Contre • "\ • '^ . . • iQù vj 

Trois cprdbs, de blanc de neige. . . . . S 
Douz;e cordes galet blanc à i6 sous y \ 

la livre ' i o 

Deux têtes de tabac de Virginie 

à 35 livres le* cent. 6 

Deux onces de laine rouge à lo liv. 

la livre .!.... i 

Trois grelots d'argent, ai liv. gièce 3 / 
Total du captif , valeur réelle 

argent dé France. . .' ! . 1^5 i^ 

Le captif ne nie cdûtadpno,, argent de 
France ^ les marchandises évaluée^. au plu^ 
haut, que igSliy. 19 sous.. Çn^ 78a et 1783, 
le captif, coûta soixante barres , parmi les- 
quelles on donna cincj,, pièces, de guinées,^ 
et un fusil, le res^een barres foibles. En 
1784, la captif ne coAta aussi que ^oixanjte 
barres 3 mais on ne donna que trois pièciep 
de guinées et ' un. £u§il ^n ., le reste ep 
barres foibles. En 1785 , il coûta ^sojLxaate- 
dix,barrea V ondonna quatre pièces de gui- 
nées. De ces diverses aunées , pu pe»i|; 



( 320 ) 

^alDlir un calcul juste pour Une opératîoil^ 
soit qu'on donne plus ou moins de gui- 
nées ; ce sont elles qui fixent le prix du 
Captif, le resté èat tenu poui- ptésent dans 
le pays ^ et la valeur de ces malheureux 
ne consiste quç sur le plus ou le moins 
de guinées« 

Le captif valant à Galain soîxante-dîx 
t>arres , à 5 livé la barre ^ c'étoit , argent de 

rivière* 4 « < . . ^ . . . • , /^ 35bL % 

Lesquelles soixante-dîx liv. réduî*» 
tes à la valeur de la' colonie > ne 
Jormoient que 62 b^n^j c'^toi^^er- 
gent de la colonie 9i3 i5 

Lesdîtes92 barres |\ argent réel 
^ France, ne yaloîent que 'ififS ig 

D après ces calculs^ il est aisé de voir 
ee que la somme pour les coutumes et 
frais d'armement au Sénégal^ de 12,478 liv* 
r5 sous^ doivent donner^ étant répartis 
^ur chaque captif, supposant qu'ont traite 
^ent. Cette somme divisée par 100 donnera 
1^4 Uté 16 sous g dén; 

Donc en 1785^ hk frais de coututhe étant 
payés ^ et tout évalué en argent de France, 
^tehaque tesckvé , Teiidu au Sénégal j coûta 

pour 



(321) 

Pour 70 bar. argent de la colonie 3i3Î. 1 5«. d. 
Pour frais de coutume, etc.. 1224 i5 g 



Total... 438 



Les capitaines , venant traiter au Séné- 
gal , payèrent , en cette même année , le 
captif , à la descente de Gàlam , de 800 1. 
à 900 liv. , argent effectif de France. Le 
captif coûtant , argent de la colonie et 
rendu à la colonie 4.38 liv. 10 sous g den. 
on eut donc à ce prix cent pour cent de 
bénéfice , ce qui prouve la bonté du com- 
merce de Galamj puisqu'on a encore do 
plus le bénéfice de Fargent réel de France 
sur l'argent idéal de la colonie. Je lî^éntre-* 
prends point de donner ici la valeur réelle 
argent de France, car^ lés aiffiLi^ft<'.ei-:;ad« 
très faux frais qu'on ne peut calculer, fotrt 
qu'on peut sè-nsomenter d'étabJybâTéc oériL 
titude sa trai|:e mis Vavgenrde ia^ oolojâie » 
on y trouve un bénéfice assee-conaidédBL-' 
ble. 

Les dangers axH^els^ on est. édeposiécèa 
faisant ce voya^ j-^tes^ irois' eceaâioiàxés 
par les coutuiifè^ m jpan Iqb vHi^,<a&isl 
que le paiement de l't^tdpage diè^gtte f^ead-f 



( 3aa ) 
gent qu^on ne fasse point de petites opé« 
rations , il est donc nécessaire de se pré- 
parer tgujours à ramener cent nègres ; car 
si on ne s'en procure que la moitié et qu'on 
ne puisse pas se dédommager par l'or , le 
morphil, il est incontestable que les escla- 
ves reviendroient à un prix bien plus con- 
sidérable , et alors il seroit plus avanta- 
geux de rester à la colonie où. Ton auroit 
la peine et la fatigue de moins. Je ne sais 
pas comment on peut s'engager à ùe voyage , 
sans en connoître les conséquences. Pour 
moi, j'ignore encore comment j'ai pu m'y 
décider si aisément , sur-tout ayant essuyé 
tant de fatigues en Barbarie. 

<3^H'AP.ITRB HUIT lÊME. 

w. V. ►' :':. . . ' ' •; ■' 

Jdarchémdàiksnée^saires .pour traiter cent 
X ^nègiesiy'orlet morphil , à proportion A 
-Jâkiéunet :sn: rm^e. -, ù 

: iSoiT:|iiècesde guînéf^,:- r 
< ûcfAèsksû^ à tdeiu3c^c{>up0« 

6o,âisi}svfins. àruxL coyp. 
-i i5q "f usils de traite.. ' 

5o sables* 



1 



( 3^3 ) 
laô pièces platilles. 
i5 rames de papier, 
looo livres de poudre à canon, 
loooo pierres à fusils , grosses et fines, 
loooo balles de fusil. 

Miroirs , tabatières, cizeaux, briquets ^ 
peignes de buis de chaque sorte , deux 
grosses. 

Le total de la cargaison supposée à 1200 
livres d'ambre et de corail ^ monteroit \ va- 
leur de facture de France , à la somme de 
^7,800 livres. 
4 livres de gérofle. 

5o bariques dé sel. Le restepourles laptots. 
12 livrés de laine écarlate. 
îi livres jaunes , deux livres vertes. .* 

Le j^tus de corail et- dVmbre possible. 
On n'en a jamais trop*; cri traite For pour' 

eeS'àiticles. • . .... m 

20 Masses blana de .neige. La masse a 

dix cordes seulement. 

400 livrés galet blanc @t ronge. Plus dar 

blanc que de rouge. .'.ri 

so livres rasades. 

210 livres tuyaux de pipe pour les Poules. 

Ozi les troque pour du mil et du tabac. 



Cet état de cargaison , sortant de la co- 
lonie , doit produire cent nègres , dix mille 
livres de morphil , et de Tor à proportion 
de Pambre et du corail , ainsi cjiie des gre* 
lots dWgent. 

Diaprés cet état pour la rivière, et la 
note donnée des marchandises de consom.-* 
uation au Sénégal , ainsi que de celles qui, 
^tant objet de traite , tCoat pas de valeur 
fixe , il est assez inutile de donner un état 
de cargaison .pour plus ou moins de nègres 
voulant traiter au Sénégal seulement. U 
sufEt de dire qu^on doit s^instruire posi- 
tivement du cours, et ne se oharger des. 
marchandises dont la note est çirde98us ^ 
que selon les çirçpHStaniqef!* 

Le retour Ten4u à la CQ^maie $ «ujpposant 

cent n^es àSpa liv». • • 80000^ 

30000 1. morplul à 4^ s. la livre» • aïooo^ 

Total 101000 

(«ncl'Ori leâfiliimea et autres objets pont 
les vivres , etc. . 



(325 ) 
CHAPITRENEUVIÈME. 

Manière de traiter les nègres esclai^es. 

Pour le bien de ses commettans , il ne 
8t]f£t pas qu^un gëreur coniioisse tout ce 
dont je viens de parler. Il faut de plus qu'il 
sache conduire ses esclaves , adoucir leur 
Diisère, leur faire espérer un sort doux et 
propice ; qu'il ait le talent de leur faire 
regarder le moment de leur départ pour 
rAmérique comme celui de leur délivrance 
et de leur bonheur. Far ces moyens il 
évite et les révoltes et une partie des mor- 
talités que le chagrin occasionne. Je parle 
par expérience , ayant été moi-même cap- 
tif , et connoissant que jamais je ne m'at- 
tachai plus à un maître que lorsque je 
voyois , qu'unissant son intérêt au mien , 
il me faisoit faire route pour me vendre à 
des personnes qui auroient Je plus grand 
soin de moi. Si je me trompe dans mon 
calcul , je doute que quelqu'un qui n'a 
point passé par cet état , puisse mieux réus- 
sir et ait des idées plus justes. Il faut donc 
absolument qu'un géreur soit instruit de 

X3 



(3a6) 
tous ces objets , s'il ne veut point exposer 
%%^ comraettans à des pertes d'autajit plus 
grandes, qu'elles sont irréparables, une opé- 
ration beureuse , produite par les circons- 
tances, ne doit point aveugler^ il faut tou- 
jours être sur ses gardes. 

Un géreur doit de plus connoître la ma- 
nière de traiter et de nourrir ses captifs , 
il faut qu'il soitregardépar eux comme leur 
père. Alors il est en sûreté , car un père 
n'a rien à craindre de ses enfans , et 
un géreur n'a pas plus à craindre de ses 
captifs , quand il sait adoucir leur misère. 
II est si aisé , dans cet état , de se faire 
aimer et respecter, que je ne puis compren- 
dre encore , comment on peut se faire dé- 
tester des captifs. J'ai eu plus d'une fois 
cent vingt nègres en captivité. J'allois tous 
les jours les voir , et j'étois toujours en sû- 
reté parmi eux. A peine y avoit-il appa- 
rence de révolte , soit à la compagnie , soit 
chez M. Vigneux , que mes Banbaras que 
je laissois libres dans la colonie , m'en ins- 
truisoient. Alors chez moi , tout étoit tran- 
quille. J'étois seul au milieu d'eux , et quel- 
quefois même dans des occasions d'inceiidie, 
j'allois à leur tête pour y porter du secours > 



(327) 

et Jamais aucun d'eux n'a tenté de m'aban- 
donner. Je ne parle pas ici des Yolofs ^ 
trop voisins de leur pays , pour laisser perdra 
une occasion de recouvrer leur liberté, sî 
elle s'étoit présentée ; mais mes banbaras 
les gardoient|, pendant que leurs camarades 
étoient avec moi. J^en vis même beaucoup 
s*emibârquer avec joie , les ayant a;?surés 
qu'ils seroient heureux dans rha^itatlon 
où je les envoyois. C'est par de tels moyens 9 
que l'on doit s'acquitter de cette pénible et 
dangereuse tâche j et je doute qu'un i^omme 
ignorant absolument toutes ces choses , pÛJÇ 
parvenir à réussir , soit pour lui , soit plE^ur 
ses commettans. Ma manière de traiter les 
captifs m'a paru d'autant meilleure , que 
jamais je n'en ai perdu par désertion , 
quoiqu'ils ne fussent point gardés , au 
lieu que de mon temps , la compagnie 
en perdoit tous les jours , quoique ses 
géreurs eussent le soin de les faire garder 
avec la plus grande sévérité. Compatir à la 
misère des malheureux , c'est le seul moyen 
de se les attacher. Jamais je ne m'écarta^ ' 
de ce principe, et je ne sa vois que trop 
par moi-même, l'effet d'une telle con- 
duite* 

X4 



( 328 ) 

Outre les précautions nécessaires dont je 
Tiens de parler, un géreur doit être attentif 
à prévenir les maladies des nègres. Udoit 
en connoltre les causes , et y remédier avec 
le plus grand soin : cet article est essentiel. 
Le soin des captifs ne doit point être aban- 
donné à des cliirurgiens ignorans , ni à 
des êtres subalternes» Les chirurgiens, pour 
Tordinaire ', sont des jeunes gens , sans ex^ 
périence. Il faut pour cet état , lin homme 
instruit , et cet homme ne fera pas le voyage 
s'il n'est sûr d'une^forte récompense. Des 
commettans doivent donc faire des sacri- 
fices pour se procurer des gens instruits; 
ils sont bien légers en comparaison dc^ 
pertes qu'ils peuvent leur épargner. 

Il fsiut , pour prévenir les maladies , dis- 
tinguer de quelle nation est un captif > et 
le mettre avec ses compatriotes. Les ban- 
baras sont les seuls qu'on ne peut point 
tenir aux fers , pourvu , toutefois , qu'on 
ne les y ait point tenus avec les Yolofs. 
Quant à ceux-ci , ils doivent être mis aux 
fers , gardés avec le plus grand soin et ex- 
pédiés le plutôt possible ; car ils sont tous 
entreprenans , bons nageurs et connoissent 
presque tous les habitans de la colonie i 



«oît libres , soît captifs de Tapades , qûî 
lenr facilitent tant quHls peuvent , Iqs 
moyens de s'évaden Ils n'ont,-, pour ob- 
tenir leur liberté , que la rivièxe à passer. 
II faut donc les veiller de près, et leur in- 
terdire toute communication avec les nègres 
de la colonie^ Les banbaras au contraire , 
sortant du fond de l'Afrique, vers les sources 
du Niger, ne tentent point des'échapper. Us 
sont tous très-laborieux; on peutsans craintç , 
au 13eu de les tenir aux fers ^ s'en servir 
pouT les travaux. Il suffit , pour les y en- 
gager , de les traiter humainement, de bien 
les nourrir et les vôtir , alors , on en fait 
ce que l'on, veut : de plus , ils éntretieni^ent 
les Yolofs dans la crainte d'ôtre mis aux 
fers , et s'opposent de toutes leurs forces aux 
séditions de cette nation , dont ils sont na- 
turellement les ennemis. Lorsqu'ils sont sûrs 
de posséder la confiance des blancs , ils ne 
cherchent jamais à s'échapper , préférant 
d'être leurs esclaves , plutôt que ceux de 
quelque nègre qui les traiteroit avec la plus 
grande cruauté. 

Les Saracolets , Saltîguets , Poules , Bracs 
et Wals doivent aussi être mis aux fers ; 
aaîs^ uonpas avec autant de rigueur que les 



(33o) 
Tolofs. Une paire de fers sui&t panr detix 
captifs de cette nation ; au lieu que pour 
les Yolofs j il en faut une et même deux; 
paires pour chaque captif. Il faut bien rl- 
Ter leur goupille et la visiter chaque jour, 
soir et madn. Sur-tout , on ne doit les 
mettre que vingt ensemble tout au plus , 
si cela se peut. 

La coutume des François est de ne poin^ 
mettre les femmes aux fers , elles sont ce* 
pendant plus dangereuses que les hommes. 
En suivant cette coutume , il est de la pru- 
dence de leur interdire toute communica- 
tion avec les hommes. Il faut tenir la cham* 
l)re qu^ils habitent , dans la plus grande 
propreté , ainsi qu^euz-mêmes , et les faire 
baigner souvent , pour éviter les maladies 
-qui ne font que des ravages trop grands et 
trop fréquens dans les navires. 

Les maladies auxquelles les nègres sont 
sujets , sont de cinq sortes ; savoir. 
• 1^. Le mal vénérien. 

a^. Les ulcères. 

3^. Le scorbut. , 

40. La galle. 

6°. Les vers. 

Ou peut les réduire à quatre , car les 



( 33i ) 
tJcères que les moindres tiessures occa- 
sionnent , se guérissent si facilement^ quand 
le sujet n'a point de virus , qu'on peut se 
dispenser d'en faire mention. Le scorbut 
est de toutes les maladies qui affectent les 
nègres , la plus dangereuse. Elle fait le plus 
grand ravage, et dépeuple un navire en peu 
jde jours. Cette maladie est causée par le 
mauvais air^ le peu de soin que Fon^a de 
maintenir la propreté , et quelquefois aussi 
par la mauvaise qualité des eaux. Les bah- 
baras sont de tous les nègres , ceux qui y 
sont le plus exposés. Il faut donc avoir le 
plus grand soin de leur donner les nour- 
ritures les plus douces , sans avoir égard 
au goût qu'ils ont pour tout ce qui est salé. 
Car dans leurs pays , n'ayant point de sél^ 
dès qu'ils en ont goûté dans leur captivité, 
ils en mettent dans tout ce qu'ils mangeîit. 
Il faut donc employer les plus grands soins, 
pour éviter cet inconvénient. 

La galle a aussi son origine dans la mal- 
propreté des captifs que Ton tient des Mau- 
res. En route ces captifs couchent pêle- 
mêle arec leurs maîtres qui pour la plu- 
part en sont couverts. A peine sont-ils au 
Sénégal , qu'ils donnent cette maladie à leurs 



tempagnons d^inf brtune ^ quand on n^a pas 
le soin de les tenir à Técart , jusqu'à ce 
qu'ils soient guéris. Il faut donc mettre , en 
un endroit séparé ^ les nègres venant des 
Maures , si on ne yeut pas infecter toute 
une habitation. 

l^es vers sont presqu'aussi dangereux 
que le scorbut. Ils enlèvent beaucoup de 
ces malheureux ; à peine a-t-on le temps 
de s'appercevoir de la maladie ^ que celui 
qui en est attaqué j meurt. Les Banbaras 
sont encore ceux qui y sont le plus ex- 
posés , sur-tout pendant les mois de la 
mauvaise saison ; car accoutumés à boire 
de bonne eau dans letur pays , ils ne peu- 
vent supporter celle de la colonie , qui^ 
dans ce temps , est marécageuse. On n^ose 
point saler trop leurs alimens de pexir du 
scorbut , mais on peut éviter tous ces in- 
convéniens , en mettant dans leur boisson^ 
par peinte d'eau , environ deux onces d'eau- 
de-vie. 

Les maladies vénériennes sont au Se» 
négal moins dangereuses que dans nos cli- 
mats. Feu de nègres en sont exempts y c'est 
ce qui est cause que les ulcères sout plus 
'difficiles à guérir et exigent une attention 



( 333 ) 

partîôulière. Il est donc nécessaire, con- 
Boissantles maladies et leurs causes^ d avoir 
avec soi les remèdes qui peuvent leè gué* 
rir. Il faut de plus qu'un gérant ait quel« 
queconnoissance des drogues. Par ce moyen 
il a toujours des remèdes prêts, à être em«b 
ployés et de bonne qualité. La disette des 
gens instruits en ce genre fait qu'on ne 
peut y apporter trop d'attention. Pour 
guérir toutes ces maladies , chacun a des 
recettes particulières ; je n'indique pas ici 
les miennes quoique je les aie employées 
avec succès* Cependant je ne crois pas inutile 
de donner ici 1^ ^ote de ce qui doit prin« 
cipalement composer la petite pharmacie 
d'un gérant. 

Sels. Ipecacuana, 

de Glaubert^ , Rhubarbe ^ 

d'Ipsum I Jalap, 

deSeignette/ Emétique, 

Duobus , Crème de Tartre ^ 

Végétal , Semen-contra ^ 

Nitre , Ellébore , 

Ammoniac. Euphorbe ^ 

Poudres. Agaric, 

deQuinqdina, Zédoinei, 



1 

\ 



(334) 


Gentiaxme , 


ques, herbes émol- 


SafFran , 


lientes dont on 


Seimé. 


manque à la colo- 


Fleurs. 


nie. 


de guimauve \ 


Onguents. 


de Sureau, 




de pas d'âne , 


de la Mer , ^ 


Bouillon-blanc , 


Basilîcum , 


Pieds-de-chat , 


Huile deLaurier, 


.Violettes, 


Extirasc, 


Canlomille ^ 


Blanc rasis , 


Orties blanches. 


CératdeGalien, 




Rosart , 


Racines. 


d'Althea. 


de Guimauve, 


. Pommade Ciùrinne. 


Patience > 




Fraisier , 


Theriaque , 


Héglisse , 


Catholicum^ 


Chiendant ,'^ 


Diascordiiim, 


Rhubarbe , 


confec. d'Hyacinthe, 


Angélique. 


confection Hamec. 


Herbes. 


Emplâtres. 


d'Absinthe , 


Divin , 


Coraline de Corse , 


. Diachilloil j .. 


Fu»eterre et quel- 


deVigOj 



( 335 ) 

En naturel 



de Ciguë ^ . 
ï)iapaliue. 

JBaumes. 
d'Arcens , 
du Commandeur, 
Tranquille , 
Eau de Mélisse , ^ 
de Cologne, 
Extrait de Saturne , 
Essence de Théré- 

bentine, 
Esp. Coclaria 

Vin-anti-scorbutîque, Vitriol bleu, 
Eau vulnéraire , Vitriol blanc*, 

Vinaigredes 4 voleurs Cornes de cerfs ., 
Alkali volatil, Il faut de plus un 

Alun calciné, peu de pillules mer- 

Liqueur d'Offman , curielles et de su- 
Huile d^amandesdou- blimé corrosif* 

ces ' Âlunderoche»; 



Orge, 

Miel, 
Manne , 
Senne, 
Rhubarbe ^ 
Genièvre, 
Anis , 
Coriandre, 
Agaric , 
Camphre , 



(33ff ) 
DERNIER CHAPITRE. 

Route du Sénégal à Galam par la rivière 
eu lieues évaluées suivant les- nègres. 



Lieues. 

De l'île St.- Louis du Sénégal à 
Podor^fortfrançoissituédans le pays 
des Poules , on compte communément 70 

Dans toute Fétendue de la rivière 
jusqu'à ce fort , on fait toute Tannée 
la traite des nègres , du mil et autres 
menus objets. Chez les Yolofs , les 
Bracs et les Wals 1 peuples nègres, 
et chez les Bracnarts et Trasarts ^ peu^- 
ples maures , on fait aussi en mai la 
fameuse traite de la gomme , savoir : 
avec les Bracnarts dans le désert, et 
avec les Trasarts au Cocq, pointe de 
l'île sur laquelle se trouve le fort de 
Podor : et à Portendic, le long de la 
côte où les Anglois peuvent traiter. 
De Podor à Doumons , l'on compte . . i5 

Doumons est la première escale 
pour la traite du mil chez les Pou- 
les ; on y traite aussi beaucoup de 
grains de melons d^eau , de peaus de 

tigres 



(337) 

LieuM. 

tigres >des plumes de toutes espèces / 
et du savon de nègreV Ce village eét ' 
situé sur la rîyé iç^ofddu fleuve. *^ ^^ 

' DeDoumoiisàMafou , llèiiôiicesSô^'' "' ' 
le 'flux et reflux 'de la nier; on tfaîte [\ 
en cet endi:oif lés niêmès objets 4^^'^ ' 
iboumons , mais en moindre qilaiitlîtë, 
on compte. , . . • I . . .' . V /; • ri^.'"' 8 

Dé Mafou à Halïburum , premier y*^ 
endroit où Ton coAimence à être éîriv / 
barrasse pour la navigation eii rivière , 
par les bancs de sable , Ton compte 6 

De Haliburum aii fameux rocher 
de Dguîoul-de-Drabbé, ondit Gùeuîe 
du diable > l'endroit lé'pluspêriîleùx' 
de toutq la rivière^ Ton compte*. ,• 3o 

lie i)gûibùl-34'î^i^^^^ y ^^ grand '^ ' 
c^nal ♦...,-.. \. ...... .... . 4 

Du grand canal ài ^SAÏdô*. rendez- ' 

vous général dé tdtis Tés bâtîmens dii 
cônvQ^ pQ ur le pa^iefejént dés coutumes . i 6 
Totaï de la route du Sénégal à Saldé, . xAù 

?E:?:cepté DoumQns^ les villages des^ou- 
lesr sont tous^ sur la jive opposée au pays 
des Maures., Aucuns de ces villages ne sont 
^tués sur les bords du. fleuve , mafs à unp 



(338) 

ïîeue , jplus ou moius , dans l'intérieur âes 
terres.; ,lç$ habitons, se reudent sur les 
bords du fleuve, avertis par les coups de 
canoqji ^Vie. Tondre &urle fleuve, et viea. 
nent^CP^ko leurs denrées au convoi. 

h^on ne verra plas- ici que les noms des 
principaux villages / ^ans éublir leurs dis- 
tances les uns des autres. 

Ve'Sf^/dé a Yafànne \ petit village fei* 
agréable , xésidence du premier ministre de 
VAlmajny de^ Poules* 
v I)^f/i/anne à Bossèia. 

"DeBosseia k Rendiaye. 

De Rendiaye à Malame. . 

De Mi^came à Canèlîe^ * . • 

De Caneilê à V^alidien^. 

To^s ces pays appartiennent à laoïation 
Poule , et sont soumis à rAlmamy de cette 
nation. On y traite >en abondance le mi), 
le morpnil et le.tal^ç.. appelé impropre- 
ment tabac de ûalam . car it' iCexi croît 
point dîuis ce pays de p^alidienta à Tuaga. 

Yalidienta est la demeure d^un prince 
dont les ancêtres JFiAisnt détrônés par les 
maraboux des Foulés. Les peuples qui ha- 
bitent ce village et leal lieux voisins situés 
dans les terres , lui obéissent > sans ce^ 



(539) 
pendant secouer le joug des Almamy d^s 
Poules ; ils forment une province en quel- 
que sorte indépendante. Cependant , dô 
temps à autre > pour ne point être pillés , 
ils paient des tributs aux Poules. 

Tuago est le chef lieu de la tésidence 
du grand Fou(;[uetf Tun des quatre sou- 
Terains de la nation Saracolet, 

De Tuago à BaqueUe. 
' Baquelle est un très -Fort village , le plus 
considérable que j'aie vu dans tous ces 
cantons. Le seigneur du lieu est très^puis- 
sant et balance Tautorité du Fouquet. 

Se Baquelle h Colteraù; 

De Cotterat kYufré; 

jyYafrék Gà^lam. 

\2oTL compte ordinairement vingt jours, de 
marche de Saldé à Galam, lesquels , à^buit 
lieiies au moins chacun , forment 160 lieues» 

Du Sénégal à Saldé 149 



Total du Sénégal à Galam. • . . 3op 

Yali4ienta est le premier endroit où 
Ton commence à traiter des captifs en 
abondance. Yafré est une des principales 
escales pour c^tte traite; et dans tous les atu 
très villages deq ^Suracolets , on y traite cap* 

Y2 



(340) 
ti& ^ or e( morphll eu abondance. C W 
aussi dans ces lieux qae les laptots séaér 
galois se procurent les denrées néoessairea 
pour leurs ménages. Tout le pays des 
Saracolets est découvert. Les villages sont 
bien b&ds > les campagnjes bien cultivées et 
k» babitans bien yètnis, ; en quoi ils dif-^ 
fèrent essenlieUement des Poulea, leurs 
voisins j qui manquent de tout , et dont 
le pays est très-mal-aain par leur faute; 
car en ne coupant fanlais de bols et i^ 
domaant point d'écouleiMAt à leurs faus^ 
ainsi que le font les . Saraoplets ^ r^air 
qu'ils respirent est empesté , et leur çns9 
presque toutes leurs maladies. 

Galam n'est point le lieu ;principal pour 
la traite ; c'est plutôt le lieu d'assemblée 
des capitaines séoiégalois et des maraboui( 
^ pays. Le prix des ca,ptils,Gogaveau , on 
se rend k Tambouçannée , gros vilia^ du 
même pay« , situé à s^eize lieues au-dessus 
de Gc^m; ce qui fait que du Sénégal , 
|âsqn'aa lieu où se rëhdeiit \e& caravanes 
qui amèhent les esclaves , Ton peut compu- 
ter sans crailidre àucune^rreur S^S^ lieues • 

Depuis Podor , jusqu'à- Galaifi \ les peii» 
pies sont tous mahométans et ne boivent 



(341) 
presque point d'eau-de-vie. Quand on a 
passé Galam , cette liqueur se vend avec 
avantage ; et les peuples , qui sont presque 
tous payens , en boivent avec excès. Les 
nègres depuis Podor jusqu'au Sénégal , quoi- 
que mahométans, sont aussi passionnés pour 
Teau-devie, et la boivent sans scrupule : 
il n'y a que les JGoaraboux qui s'en abs- 
tiennent. 

Un plus long séjour , dans la colonie , 
Wauroit instruit plus à fond de tous les 
moyens qu'on ' doit employer pour y réus- 
sir: cependant je crois avoir indiqué dans 
cet ouvrage ce qui est le plus généralement 
nécessaire. 

FIN. 




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