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h\^^'^\^^''\
îlartiarïï CoUrgc ÎLiûrarg
PROM THE
J. HUNTINGTON WOLCOTl^ FUND
Es^CabU^hed in iSgi by RoG^n Wolco^jt (Il.TJ. 1870)^ îp
memory of Kîft father^ far ** the punchase of books ûf
permanent vrIuc, th« préférence tiv be given to
works fit History, Foiitical Econnmy, and
Scx;îoïo(fyj" and încreased in 1901 by
a bequest ïn hî^ will.
RELATION
DES VOYAGES
DE §AUGNIER,
A la c6te d'Afrique , à Maroc , au Sénégal ,
à Gorée , àGalam , etc. ; avec des détaib
intéressans pour ceux qui se destinent
au commerce de l'or , de l'ivoire , et
autres productions de ces pays. s^-Ç /
^^ /^rT^ ^ y^y «^ -^ // ^^ '
Publiée par LABORDE,
Et précédée d'une notice historique sur
la P^ie et les ouvrages de ce littérateur.
PARIS,
Chez L'aicT , Libraire , quai des Augustins ^
N.*» 26.
An Yiix (1799)-
,Affsy<fo. f
Lc.i À _• le 33 j
I.Jl) CrCt-Çj-tX- *<*-<-vA.-X_
J
AVERTISSEMENT.
Xj'ottvragb que nous présentons > est la
dernier publié par Laborde. Rien ne semble
indiquer la part importante qu'il a nécessaire^
ment à cet ouvrage. Il ne s'y nomme point ; il
ne dit même rien dans son ayant-propos qui
puisse l'en faire deviner auteur , ou seulement
éditeur : en un mot,- son nom ne parolt au titra
que pour annoncer que la carte des différens
pays parcourus par Saugnier, est extraite de la
grande carte d'Afrique , dont tout le monde sait
que Laborde est auteur^
A cette réserve , on reconnoit un littérateur
sans prétention , qui ne travaille que pour être
utile y et qui ne cherche à rien détourner sur lui
de la gloire des auteurs dont il publie les tra-
vaux , les recherches ou les découvertes. Laborde
a fait preuve de ce désintéressement , dans beau-
coup de ses.ouvra.^es qu'il a fait paroitre sous le
plus épais manteau de l'anonyme. Cet excès de
modestie , et son peu de sensibilité aux éloges y
qu'il ne croyoit jamais avoir mérités , comme sur
a
(II )
la critique, dont il faisoit son profit en s'y mon-
trant supérieur , étoient peu propres à le faire
jouir , de son vivant ^ de la célébrité dans le»
lettres , que tant d'écrivains usurpent de nos
jours avec infiniment moins de titres.
Un grand nombre de ses contemporains a pu
ne voir en lui que le courtisan aimable et dis-
sipé ;*le possesseur de tous les talens agréables^
Tamateur avide de tout ce qui peut en rehausser
Féclat , et des jouissances frivoles qu*il proca->
rent ; enfin , Thomme à grandes passions, et non
moins propre à les inspirer qu*i se laisser domi-
ner par elles. Nous en avons dà prendre une
idée bien différente > nous dont les rapports avec
lui ne nous Tont présenté que sous Taspect d'un
homme droit y franc et loyal , modeste , géné-
reux , bienfaisant , louant de bonne foi ceux des
ouvrages des autres qui méritoient des éloges ,
et ne parlant jamais des siens*
Nous avons connu cet homme , auquel il étoît
presque impossible de refuser son attachement ^
en même temps que son estime « dans un temps
où les circt>n&tanCes a voient dissipé les illusions
qui avoient environné son enfance et sa jeu»
nesse > et que son génie actif et son tempéra-
ment avoient peut-être entretenues plus long-
( ni )
temps. H connoissoit alors tout le prix de la so^
litude et de la retraite , et s'y livroit tout entier
ù la réflexion , à Tétude qu'il avoit toujours
aimée -, à la pratique de toutes les vertus socia«
les y civiques et domestiques.
Ayant eu le bonheur de retirer Pouyrage que
BOUS offrons au public, du séquestre sous lequel
il restoit enseveli , le respect et la reconnois-
sance que nous eonservons pour la mémoire de
Laborde , nous ont inspiré le désir de profiter
de cette occasion pour rendre un hommage
éclatant k ses vertus et à ses talens. Nous avons
pensé qu'on liroit avec plaisir , à la tête de cet
ouvrage y tme notice sur Laborde, suivie du ca-
talogue analytique de tout ce dont les sciences ,
lès lettres et les arts lui sont redevables.
Nous nous sommes adressés ^ pour nous pro*
curer cette notice et cette analyse , à l'un des
anciens amis de Laborde , auquel il donnoit tous
ses ouvrages à mesure qu'il les mettoit au jour ,
qui fut le premier à lui rendre publiquement
justice dans les feuilles du journal de Vj4mi des
nrts f des 17 et 18 brumaire an cinq de la Répu-
blique ; et qui y le faisant connoître par ses œt^-
vres achevées ou seulement commencées et
projetées , a prouvé combien les savans , les gens
a a
(IT)
de lettres , les artistes , et tous ceu qui t^^inté'-^
ressent aux progrès des sciences et des arts , ont
de puissans motifs pour le regratter et pour dé-
plorer sa perte.
NOTICE HISTORIQUE
SUR
LA VIE ET LES OUVRAGES
DE LABORDE.
La postérité paie aux grands hommes Vimérêt de
U gloire quelear ont refusée leurs contemporains.
Labo&ox , Recueil de pensées et maximes , pag. 1 5.
O'j L est afHîgeant de penser que les talens les pltu
utiles ne préservent point l'homme de bien des at-
teintes de l'envie , de la haine et de la persécution
de ses contemporains , il est consolant de ne voir
dans la postérité qu'un juge équitable y qui lui tient
compte de tout le bien qu'il a fait » et de celui qu'il
a voulu faire.
On ne saurqit donc trop chercher à pénétrer les
hommes de la vérité de cette pensée de Laborde ,
que nous avons prise pour épigraphe. Quelle
ame bien née n apprendra point , à son exemple »
â souffrir sans murmures l'ingratitude et les injus-
tices de ses concitoyens , lorsqu'elle sera convain-
cue que la récompense de la vertu se trouve dans
sa pratique même? Quel cœur généreux n'affrontera
point y sans ef6roi , pour se rendre utile à ses sem-
blables f tous le» écueils que la perversité se plaît à
a3
(T, )
multiplier autour du vrai mérite , quand il laora
que la justice t souvent tardive , de la postérité , n'en
est que plus infedllibie et plus assurée ?
Prêt à braver la mort se présentant à lui sous
Taspect le plus révoltant , on le verra marcher , même
k récha£aud , d*un pas ferme » y porter la sécurité
que lui inspireront le calme de la conscience »
l'exemption àe% remords y la prescience des £ruits
que Ton doit recueillir du bien qu'on à £ait et de
celui qu'on est / par la violence , empêché de faire ;
enfin , la certitude que la postérité fera justice de
ses persécuteurs , que son nom deviendra cher un
jour à ceux qui Tout méconnu , que ses amis pour-
ront donner publiquement des larmes à sa mémoire,
€t que ses enfans » marchant sur ses traces , joui-
ront de rintérél que la postérité paie aux ff'ands
hommes , de la gloire fue leur ont refusée leurs
contemporains*
Laborde a péri victime des Csctions qui déchi-
Toient le sein de sa patrie. Il lui étoit resté fidèle ; il
fidsoît , dans sa retraite , les vœux les plus ardens et
les plus sincères pour sa prospérité. Livré tout en-
tier a Téiude , ses travaux étoient constamment di-
rigés vers l'utilité générale , ou l'avantage particu-
lier de ses concitoyens , dont quelques - uns l'ont
sonmché , comme un criminel i des bras de sa femme
^ de son fils , pour l'enlever à jamais à $ie^ occupa-
tions chéries , à ses amis » à tous les malheureux »
obfets de ses soins et de ses sollicitudes coniinuelle&
C'est à la postérité qull appartient présentement
de le juger. Loin de nous l'idée d'empiété sur ses
*^.
(vil)
droits ^ par dés éloges qui ne peuvent cesser de pa-
roitre suspects , qu'autant qu'ils sont décernés par
«lie. Nous nous bornerons à lui présenter des faits ;
et les vœux que nous faisons pour la gloire de
rhomme que nous regrettons, seront exaucés, si les
conséquences que nous nous permettrons de tirer de
ces faits, sont adoptées par elle.
Jean- Benjamin Laborde naquit à Paris , le 5.sep«
tembre 1734 , de parens dont l'opulence Tavoit en-
vironné de tous les prestiges dont elle est la source
dangereuse. Il reçut la plus brillante éducation. Ses
talens , l'étendue de ses connoissances , son amour
de rétude et %%% ouvrages , font honneur à ses dis-
positions natureUas , ainsi qu'au mérite de ses ins-
tituteurs : ils attestent le soin que prirent i&& maî-
tres , de former son goût , de démêler les germes de
ses différentes passions , de les cultiver de manière
à rendre leur explosion moins dangereuse , à les
affoiblir par leur propre choc, et de vçrser dans son
cœur les principes invariables et sacrés de la mo-
rale , que Terreur peut bien voiler pendant quelque
temps j mais qu'elle ne parviendra jamais à détruire.
Destiné pour la finance , il fut porté par son in-
clination à la cour , où , de premier valet de cham-
bre de Louis XV , il devint en peu de temps le
confident et le favori de ce prince.
Que Ton se peigne un jeune homme dans Tâge
où le torrent des passions ne connblt point de digues
capables de l'arrêter ; d'un tempérament ardent et
d'un génie actif ; -jjouissant des faveurs de la fortune '^
et maître de disposer de ses biens , avant la maturité
• » a 4
( VIII )
de la raison | qui modère l'impétuosité des sens r
qa*on se représente ce jenne homme , joigoant tous
les avantages d'un physique heureux , aux grAces de
Tesprit , à tous les talens agréables si recherchés dans
la société : qu'on le considère » placé dans le palais
des rois y au milieu d'une cour brillante , disons-le ^
de la cour la plus dissolue. La nature de ses services
Iq rapproche le plus près du souverain : il est seul
avec lui pendant les heures consacrées au repos ;
seul il peut l'entretenir et le distraire , pendant tout
le temps où , tandis que le pauvre répare les peines
du jour par un sommeil dont rien n'altère la tran-
quillité , l'ambitieux et le courtisan s'agitent dans les
ténèbres pour dresser à celui qui gouverne de con-
tinuelles embûches : pendant la nuit, où les soucis
et les inquiétudes tenoient souvent éveillés les Titus
et les Marc-Âurèle ; où les rois , pour se délasser
des fatigues de la grandeur et d'une représentation
continuelle , se livrent sans réserve , dans Tintérieur
de leur domestique ,- à la conHance et à la douce
familiarité, que les uns appelleront des qualités, et
d'autres une partie des foiblèsses caractéristiques
de Louis XV.
En rapprochant toutes ces circonstances , et en
réfléchissant sur l'effet que leur concours devoit né-
cessairement produire sur Laborde , nous croyons
pouvoir les comparer à des matières combustibles
dont étoit composé le volcan sur le cratère duquel
on l'a vu pendant long- temps se" promener avec au-
tant d'assurance que de légèreté.
Les éruptions de ce volcan pou voient devenir pliu
(TX)
fk-ëquentes et plas dangereuses pour lui ; mais il ne
put se garantir des ravages de la lave brûlante des
passions , de Tinfluence de Tair pestiféré des cours ,
et des dangers plus grands encore des mauvais
exemples.
On le vit y environné de tout Tattirail éblouissant
du luxe , parcourir le cercle périlleux des plaisirs
et des voluptés. Il eut tour-à-tour les goûts les plus
âispendieui^^ et rien ne lui coûta pour les satisJBaire :
]hfiais les femmes reçurent ses premiers et ses plus
. constans hommages.
Il fut attaché pendant long-temps au char d^une
danseuse célèbre. L'attrait du plaisir^ et peut- être la
vanité , co^imencèrent cette liaison , que les grâces»
l'esprit et les qualités du cœur cimentèrent et pro-
longèrent pendant un grand nombre d'années. Les
dépenses et les sacrifices qu'il fit pour cet objet de
son attachement » furent connus de tout Paris , et
consignés dans plusieurs écrits du temps.
Une fille née pendant la durée de cette liaison ,
fat soigneusement élevée dans un monastère; et La-
borde étendit ses soins paternels pour cet enfant ,
jusqu'à la doter, se charger de son établissement, et
la marier avec un négociant bien accrédité.
Ses prodigalités et ses voyages fréquens avoient
épuisé sa fortune et dérangé ses affaires. Il eut re-
cours à des emprunts ; et sa droiture le rendit sou-
vent la dupe de ceux avec lesquels il traitoit Devenu
plus méfiant, mais non plus réservé, les sujets qu'il
Avoit de se précautionner contre ceux qui prêtent
(X)
leur argent i gros intëréu » ne pnrent triomplier
pendant iong-tempt de su pétulance.
L'embarras de tes affaires contrariant sans casse
Femportement de ses désirs et la bonté de son cœur»
Tentralnoit dans des démarches ou des actions telle»
ment contradictoires entre elles ^ que l'académicien
Chamfort, qui vécut avec lui dans la fsmiliarité la
plus intime , le regardoit comme un homme qo'il
étoit impossible de définir, jéu moment , disoit-U ,
où vous croyez le tenir, il vous écfMppe. Il s^eao»
pose , par une inconséquence y à faire douter
■même de la solidité de ses principes; et Pinstant
d après , il fait une action qui commande à-la^
fois le respect et V amour.
Si l'observateur éclairé y le littérateur célèbre dont
nous venons de parler , avoit comparé les dernières
années de Laborde avec celles qu*il a passées a k
' cour de Louis XV, nous ne doutons pas qu'il n'eût
aisément trouvé la clef de cette énigme qui liii pa-
roissoit inextricable. Nous espérons mettre nos lec-
teurs en état de la résoudre ; mais la vie de Laborde
pouvant être divisée en deux époques bien mar-
quées , il nous reste encore à parler de la première »
et nous y reviendrons , sans anticiper sur h se-
conde.
Le génie de Laborde , ses talens , et la faveur de
Louis XVy le soutinrent sur le bord de l'abyme qu^
parut souvent prêt a Tengloutîr. Son génie étoît si
^écond en ressources , qu'il disoît lui-même : Plus
fat d'affaires , et plus Je suis à mon aise* Je me
suis couché plusieurs fois , rCayant rien pout
payer le montant énorme de billets tjui dévoient
métré présentés le lendemain pour les acquitter.
H me *venoit y avant de n^ endormir y ou même
pendant mon sommeil ^ une idée qui me frappoit^
Je sortois le lendemain de grarid matin , et mes
billets se trouvoient acquittés dans le jour,
li dut a ses talens la âcilité de former diverses en-
treprises dans les arts ou Tindastrie^ dont il s'amnsoit
rarement k calculer les suites , mais qui lai procu-
Toient des secours pour le moment présent; le seul
des instans de sa vie dont il s*occapa , pendant tout
le temps qu'il en a passé dans Tagitation des plaisirs
et des voluptés,
Enfin, la £iveur de Louis XY soutint son crédit ^
4jue «es bienfaits alimentèrent souvent. Indépendam-
ment des grâces multipliées quHl obtint de ce prince,
tant pour lui-même que pour tous ceux auxquels
son caractère obligeant le portoii k slntércsser , il
confervoit précieusement des preuves écrites et pal-
pables de sa faveur , qui tious donneroient le droit
de dire que Lat)orde fut un des amis de Louis XV,
si les rois pouvoient avoir des amis.
Nous n'entrerons point dans le détail de Tusage
que Laborde fit pour les autres de celte faveur du
prince ; novis nous contenterons de dire qu'il la fit
rejaillir plus ou moins directement sur un grand
nombre de personnes. On se doute bien qu'il fit
, beaucoup d'ingrats ; mais nous pouvons citer un
trait de reconnoissance dont Laborde fut d'autant
• plus flatté, qu'il fut, pour ainsi dire, produit par
le hasard« Le fait ' que nous allons rapporter est
(xn)
par&itement connn de nom. H pronv» h vërité du
TÎeil aâage, qu'on bien&it n'est jamais perda. Quoi»
qu'il fasse honneur i toutes les personnes dont nous
allons parler , nous ne les nommerons point , parce
que nous ne pouvons pas nons en procnrer le
agrément
Un marin , prêt i partir de Paris pour aller s*e
barquer, sollicite de Laborde une lettre de recom-
mandation pour son oncle le chef d'escadre Latonr*
Trëville. Laborde» ignorant a cette ^oque le lieu de
la résidence de son oncle , écrit en ces termes :
ce Mon cher oncle , je vous écris une lettre qui
y> vous sera remiseyV ne sais où y je ne sais quami,
» par le capitaine » beau- frère d*un de mes
» amis que je désire beaucoup obliger , etc. » La
lettre portoit pour suscription : ji M, Laiour^
Tréville , chef d^ escadre j A la mer.
Le capitaine se rend au port , arrête son passage
dans les colonies sur un navire marchand. Des hos*
tilités étoient commencées entre la France et 1* An-
gleterre. 11 attend 9 avec toute la flotte du com-
merce , un convoi composé de vaisseaux de guerre
qui devoit la protéger. A l'arrivée de ce convoi ^
notre marin se rend à bord de la principale frégate
pour y saluer le commandant. U lui rend compte
des motifs de son voyage , et ne lui laisse point
ignorer qu il est porteur d^uiie lettre de recomman-
dation de Laborde pour son oncle. Le commandant
demande â la voir. £lle n'étoit point cachetée; on le
presse de la lire. Après avoir connu le degré d'in-
térêt que Laborde y paroissoit prendre pour le
porteur : Notre famille ^ dit * il à ce dernier i a êrop-
d*obligaiîons à JH: Laborde , pour ifue je ne soù
pas flatté den témoigner ma reconnoissance* Je
regarde sa lettre comme une lettre de. change tirée
et "vue sur moi. Vous resterez à mon bord , man^
gérez à ma table , et répéterez mes signaux. Le
protégé de Laborde fit en effet sa traversée dans la
fré^te du commandant; et le navire marchand dans
lequel il avoit arrêté son passage à grands frais,
périt ooips et biens , sans qu^il fdt possible d*eB
rien sauver.
Egoïstes an cœur revêtu d'un triple airain ; âmes
froides et peu propres à goûter les charmes de la
bienfaisance, ce n*est pas pour vous que nous avons
rappelé le fait étonnant qui précède. Vous ne con-
cevrez jamais quel fxit le transport de Laborde en
apprenant qu'une lettre dont il avoit fait, pour
ainsi dire , une plaisanterie^ avoit sauvé la vie et
les biens du firère de son ami ; que cet événement
heureux s'étoit opéré par le parent dun homme
auquel il avoit eu la satisfaction de pouvoir être
udle plusieurs années auparavant* Cet événement est
tellement eiUraordinaire dans toutes ses parties, qu'il
paroit tenir du roman : mais , malgré la certitude
que nous avons de n en avoir point altéré la vérité ^
aons ne nous serions point hasardé de le transcrire ^
si nous n'étions en état de le prouver.
Louis XV ne se lassoit point d'étendre ses bien-
£iits sur Laborde. Il lui avoit donné un logement à
Paris pour toute la durée de sa vie: Pour lui faciliter
les entrées auprès de lui quand il n*étoit pas de
(xtr)
Service i il loi afoit £iit acheter une charge impor^
tante dam ses chasses. Il lui donna la place de gou-
yemeur da Loarre. 11 le gratifia de plusieurs intérêts
dans difFëreotes affîdres de finances. U avoit été joa-
qu'à lui concéder un privilège exclusif , dont La-
borde avoit traité pour une somme de trou cent
mille francs de revenu. Mais nn objet de cette
importance étoii bien propre a exciser Tenvie : la
sultane Êtvorite l'emporta sur Laborde , et se fit ac*
corder la même grâce pour une de ses créatures.
Nous tenons de Laborde lui-même , que le prince ,
embarrassé pour lui fidre part de cette mauvaise
nouvelle 9 qm le forçoit en même temps à iîure
l'aveu de sa £oîblesse , eut , pendant plusieurs soirs.
Tait gêné devant luL Mes services , disoit Laborde »
parois&oienù lui déplaire ; je me hasardai de lui
en demander la canse ; il me fappril enfin. Sirs,
lui répondis-je d*un air aisé y ce que vous m'avis
nOMlxà f VOOS BOUVE2 Nl£ LE ABFllEKDIlX. VODS ÊTES
ASSEZ puissAirr podk m'en moEMNisEs. Louis XY le
kii promit et lui tint part>le.
11 tomba malade et moinrut peu de temps après.
Laborde , en perdant son bienfaiteur y perdit ses
derniers bienfaits. Il quitta précipitamment la cour ;
^t la calomnie j répandant sur lui son venin , fit
courir le bruit qu'étant t<Mnbé ^ns la disgrâce de
Louis XVI, il étoitiCKilé. Pour démentir ce bruit ,
dont ses ennemis auroient pu tirer avantage contre
lui , ÏMhoade se crut obligé de travailler , pendent
les prembrs jours qui suivirent la mort de Louis KV,
les fenêtres de son cabinet restant ouvertes, afin que
Ions les passaïis pussent l'apercevons. Il écrivit un
grand nombre de lettres. 11 tint sa porte ouverte A
tous ceux qui se présentoient en foule chez lui , les
uns pour prendre part à sa douleur et le consoler j
d'autres pour l'ouir méchamment du spectacle d'un
homme tombe du sommet glissant de la prospérité ;
le plus grand nombre , pour se conformer au céré-
monial importun qu'on appeloit alors rétiquette#
ou Tusage des gens du bon ton.
Laborde, après avoir donné des larmes a la mé-"
moire de son protecteur , et consacré quelque temps
au rétablissement de sa santé ^ fort altérée par les £ii*
dgues qu'il avoit essuyées et le mauvais air qu'il avoit
respiré pendant la maladie contagieuse de Louis XY^
dont il avoit reçu les derniers soupirs , se ressouvint
qu'il étoit époux et père.
U s'occupa de l'arrangement de ses af&ires , et fit
agir ses parens , et les amis que son caractère obli-
geant et ses qualités aimables avoient su lui concilier «
même à la cour. *
Le successeur de Louis XY ne se montra point
insensible aux infortunes du protégé de son aïeul ,
4ont les changemens survenus dans le ministère et
l'administration des finances avoient renversé l'es-
poir , €oadé sur les grâces qu'il avoit obtenues dit
«leraier roi sans même les avoir sollicitées.
Le logement de Laborde lui fut conservé ; la
jouissance en fut même étendue jusqu^à la durée de
la vie de sa i^mme et de son fils : et cette Êiveur fut
regardée comme un acte de justice , à raison des
dépenses énormes que Laborde avoit Êtites dans ce
^
( XVI )
logement. Il fat mis au nombre des adjadicatalres
des fermes générales de TÉtat ; et cette qualité de fer'
mier général , dont il concilia le travail fastidieux avec
ton goût pour Tétude, les sciences et la littérature »
devint par la suite le seul titre de sa proscription et
la cause de sa mort prématurée.
Nous avons montré Laborde parcourant les écueils
multipliés de la jeunesse , de l'opulence y de la cour
et de la prospérité : s'il paya le tribut i l'humanité .
par ses foiblesses; si , comme le disoit Chamfort » il
s'exposa, par quelques inconséquences, à faire dou-
ter de la solidité de ses principes , il ne les perdit
jamais entièrement de vue ; êeB talens même, qui
contribuèrent â l'égarer , le préservèrent des excès de
régarement , par le temps qu'il donnoit à leur cul-
ture et à leur pratique.
Son mariage avec une femme jeune , jolie » spiri-
tuelle et joignant aux grâces le charme des talens ,
le rendit .bientôt à lui-même. L'amour et Thymea se
réunissant pour le combler de leurs faveurs , il con-
nut bientôt les plaisirs de la paternité , qui rend si
douces les obligations qu'elle impose , et si déli"
cieux les inquiétudes et les tourraens que souvent
elle prépare.
Laborde connut auprès de sa femme le véritable
bonheur, qu'il avoit long-temps cherché par les rou-
tes qui nous en éloignent le plus. Il vit croître et s'é-
lever sous leurs yeux Je fruit de leur tendresse et
l'héritier de son nom ; il ne s'occupa plus dès - lors
que de ses affaires , et de procurer â son fils , par
un usage plus utile et plus réfléchi de toutes se»
acuités
( xvn )
facultés morales et physiques , un patrimoine plus
ptëcicux que les richesses. En effet , l'exemple des
vertus et la réputation ou la célébrité d'un père im-
posent au Hls Tobligation de marcher sur ses pas , à
moins qu'il ne consente à vivre dans l'humilia tioii et
dans l'opprobre ; tandis que les richesses, qui portent
en elles un germe de corruption qui tend à se déve-
lopper de plus en plus , ne peuvent jamais concilier
à ceux qui les possèdent , l'estime des gens de bien ,
que par le bon usage qui les épure » ou lorsqu'elles
4ont la récompense du travail ou de services rendus
a FËtat.
Ici commence la seconde époque de la vie de La-
Borde , que nous allons parcourir avec la même ra-
pidité que la première.
La vie dissipée quHl avoit menée , le genre même
de ses études et de ses productions pendant les an*
nées qu^il avoit passées à la cour , sembloient le ren-
dre peu propre aux travaux pénibles et arides de là
finance : aussi lorsqu'il fut nommé fermier général ,
ses confrères s'attendoient-ils à le voir augmenter le
nombre de ceux d'entre eux qui ne connoissoientda
bail des fermes générales unies que <Ia portion des
produits revenant à chacune des cautions de l'ad-
judicataire général.
Rendu , comme nous l'avons dit^ tout entier à lui-
même ainsi qu*â Texercice de ses principes, Laborde
leur prouva y dès son entrée dans leur compagnie f
qu*il n*ignoroit pas que, dans l'ordre des devoirs
sociaux et civils , ceux de l'état que Ton embrasse
b
( XVIIl )
tiennent le premier rang , puisque ce n*ett qne par
la plus grande exactitude à les remplir qu*on petit
acquitter la dette que Thomme contracte en nais-
sant , envers sa patrie et la société.
Sa vivacité naturelle et sa pénétration le mirent
promptement en état d*embrasser Tensemble et ju»->
qu'aux plus petits détails d*une des anciennes admi-
nistrations les plus compliquées.
Il mérita bientôt d*étre compté parmi les plus
grands travailleurs d*entre les fermiers généraux :
mais avare du temps , dont il connoissoit tout le prix ,
et détrompé sur les faux plaisirs auxquels il en avoit
tant sacrifié, la culture des sciences , des lettres et
des arts devint Tunique objet de ses délassemens , de
seM plaisirs et de son ambition.
Louis XV mourut en 1774 ; en 1780, T^borde mit
eu jour son Essai sur la musique ancienne et mo^
dernej en quatre volumes in-^,^ , de l'imprimerie
de Philippe-Denis Pierres , enrichi d'un grand nom-
bre de vignettes et planches gravées par d ^habiles
artistes. Cet ouvrage traite iie la musique en géné'^
ralf et de ses progrès chez tous les peuples an^
ciens et modernes ; Tauteur y déclare de bonne foi
qu'il a composé san^ prétantion y et que son ouvrage
T^est que le résultat de trente ans de lecture , et
des extraits qui en ont été le fruit»
Ce fut dans le même année qu'il mit à exécu-
tion le vaste et magnifique projet des tableaux to»
pographiqnes , pittoresques , physiques , histori-
ques y m,oraux , politiques et littéraires de la
Suisse et de ricalie. Ce projet lui fut suggéré par
ie désir de tainener à un point de vue d'utilité la
gravure qui se trouvoit alors réduite à prostituer ses
burins à Tornement d'une foule de productions lit-
téraires f corruptrices des moeurs et du goût , et qui
ne dévoient souvent leurs succès éphémères qu'aux
vignettes qui ajoutolent à leur danger^ 11 n'entrevit
que la satisfaction d'alimenter un grand nombre
d'artistes , de mettre sous leurs yeux les plus beaux
sites de la Suisse et de Tltalie , et ne douta point que
le public et tous les amateurs ne s'empressassent d'ac-
cueillir un ouvrage qui , les multipliant par la gra*
vure , auroit en outre pour objet de faire connoltre
des contrées où la nature paroit avoir pris plaisir à
rassembler les contrastes imposans de sa magnificence
et de ses horreurs , de sa richesse et de son aspé-
rité; d'en donner l'histpire, et de peindre les moeurs
de leurs faabitans.
Il s'associa , pour tous les détails de cette entre-
prise , les graveurs Née et Masquellier ; et le baron
de Zurlauben , officier suisse au service de la France >
et membre de l'ancienne académie des inscriptions
et belles-lettres de Paris ^ se chargea de la partie his-
torique de son pays.
Laborde , indépendamment de la portion de tra^-
vail qu'il s'étoit réservée^ fournie on procura tous
les fonds nécessaires pour une entreprise aussi dis-
pendieuse : il commença par les tableaux de la
Suisse y pour lesquels il eut en peu de temps près de
quinze cents souscripteurs , et: qui furent livrés au
public avec une exactitude à laquelle il étoit peu ac»
coutume pour les.ouvrages proposés par souscription^
b a
(XX)
n cëda h contiaaation de cet ouvrage a TabLé
Richard de Saint-Non , qui te réduisit , an grand
regret des amateurs , au seul Voyage pittoresque de
If aptes et des deux Siciies.
Laborde entreprît ensuite de faire pour son pays
ce qu'il avoit Êiit pour la Suisse; il Pannonça sons le
titre de Description générale et particulière de la
France. On peut voir par ce titre et celui qu'il
adopta pour son ouvrage sur la Suisse , que %i^^ plans
ëtoient vastes et ne se bornoient pas seulement a sa-
tis£aire la curiosité du public par des images : il cher-
choit à l'instruire; il vouloit» notamment pour la
France, que sa description la Ht connoitre par la
fertilité de son sol, les ressources que présentoient à
son commerce ses manufactures et l'industrie de sei
habitans , ses grands hommes dans tous les genres »
%Q% sites, ses monumens, et les motifs d'émulation
qu'elle présentoit à l'agriculture , â tous les arts de
luxe et d'agrément , comme aux arts industriels et
de nécessité.
Le premier, en décrivant la France» il s'affranchit
des entraves qu'avoient fiait éprouver aux écrivains
qui Tavoient précédé dans cette carrière , les divi-
sions politiques de cet ancien royaume. Il leur pré-
féra la division naturelle par le cours des fleuves et
des grandes rivières , division qui fut par la suite
adoptée , lors de la formation des départemens*
Il s'associa , pour cette entreprise immense , des
capitalistes , des gens de lettres et des artistes célè-
bres : la société dépensa plus de cinquante mille
écus; mais une foule de circonstances, la plupart
( XXI )
^ttangères à Laborde,,la contraignit â suspendre se»
travaux , et même à se dissoudre. Laborde , resté^
seul , et ne pouvant supporter toute la pesanteur du
fardeau dont ses associes s'étoient déchargés sur lui.»
traita du fond de Touvrage avec le cit. Lamy : ce
libraire Va continué )usqu*au moment où la révolu-
tion et la guerre Tout aussi forcé de l'interrompre.
Nous noiis sommes étendus sur ces deux entrepr^
ses de Laborde» parce qu'elles nous ont paru pro-
pres à donner une idée de son amour pour les arts ,
la gloire et ravantage de son p«iys. Notre intention
'étant de joindre à cette notice un catalogue analytique
de ses autres ouvrages , nous y renvoyons tout ce qui
peut avoir rapport aux productions multipliées de ses
loisirs.
Pour faire juger combien les arts et les artistes ont
eu de sujet pour regretter sa perte , nous observerons
que les Voyages de la Suisse et de Tltalie ont donné
ridée de ceux de la Sicile et de Liparis par Houel ,
de la Grèce par Choiseul-Gouffiér , et qu'ils servent
encore aujourd'hui de modèle aux voyages de TIs-
trie et de la Dalmatie , par Née et Barrez , de la
Syrie » de la Phénicie , de la Basse £gypte et de la
Palestine^ par Cassas.
Ce ne fut pas seulement par ses entreprises que
Laborde s*acquit des droits â rattachement des sa*
vans , des gens de lettres et des artistes les plus
célèbres^ avec lesquels il étoit en relation plus ou
moins intime : s'il cherchoit dans son génie des occa-
sions de les occuper utilement pour eux , il les ai-
doit encore de tous ses moyens , et les éuyoit de
b 3
( "" )
tous les amif , de tout ton crédit et de toat«s tes
reisources.
L*ainoar des arts , des sciences et des lettres , qui
ne Tavoit pas abandonné » même dans le tourbillon
des plaisirs et dans le tracas des aifdires , étoit de-
venu y comme nous Tavotis déjà dit , son unique
passion , Tunique occupation de tous les instans dont
il pouvoit disposer.
Ami de Voltaire , il fît plusieurs voyages en Suisse
pour aller visiter le philosophe de Femey ; et sa
liaison avec cet homme célèbre est consacrée par
une estampe connue sous le titre de Déjeuné du
philosophe de Perney , gravée par Née et Masquel*
lier y d'après le dessin de Denon » et qui représenta
Voltaire ^ sa nièce , la descendante du grand Cor^
neille ^ le père Adam , ex- jésuite , et Laborde* Le
porirait de celui-ci se voit encore parmi les amis
de Voltaire , dans une autre estampe représentant
rintérieur delacbambreàcoucher du grand hommef
où son cœur est déposé.
La révolution française entraîna la ruine entière
de Laborde. Non-seulement | il perdit son état de
fermier général ; mais son logement ayant été brûlé ,
beaucoup de ^% effets précieux devinrent la proie
des ilammes.
Quoiqu'il n'ignorât point ce qu'il avoit à craindre
de la fermentation générale d*où résultoit le nou-
vel ordre de choses , il crut pouvoir se flatter d'é-
chapper â la proscription , et regarda Témigration
comme un moyen de sauver ses jours auquel fa
( XXIII )
9(^vërîté de ses principes ne lui permettoit pas de
recourir.
Il chercha dans le département de la Seine-înfë-
xîeure un asile , et se retira dans la ville de Rouen.
Il y vivoit ignoré de tout le mondé ; et satisfait de
de son obscurité , Qjà*on me laisse , disoit-il aprè»
avoir tout perdu y qjj^on me laisse à ma femme y à
mes occupations ;^ et mon cœur. et mon esprit seront
toujours contens.
Gomme Archimède , ainsi que nous l'avons dit en
, Tan cinq de la République française , il étoit bien
éloigné d'imaginer que l'on pât en France y et dans,
le dix-huitième siècle . déclarer la guerre aux scien-
ces,, aux lettres^ aux arts ^ aux vertus, au génie,
aux talens. Comme Archimède , il fut la victime de
sa sécurité.
L*un de ces événemens que l'insensé regarde
comme étant produits par le hasard ; que le fataliste
présente comme une preuve de son système absurde
et dangereux , mais que le véritable philosophe et
rhomme instruit considèrent sous un aspect bien
différent , appfit aux tyrans dont la verge de fer
pesoit alors sur la France , le lieu de la retraite de
Laborde.
Ils décernèrent l'ordre de l'arrêter , de l'amener
à Paris , et de l'y constituer prisonnier. Le porteur
de cet ordre , moins barbare que ceux dont il éma-
noit j offrit à Laborde de profiter de cinq jours qui
restoient à courir pour Texécution du mandat , ou plu-
tôt deTarrétde mort lancé contre lui. • . • Marchons y
b.4
( XXIV )
djt Laborde : je ri ai rien à me reprocher ; je r^ai
donc rien à craindre.
Il ignorolt , hélas ! que le motif même de sa sécu-
rité deviendroit celui de sa condamnation par des
monstres qui, sous le manteau delà justice, cachoient
toute la férocité de tigres altérés du sang de ceux
dont Télévation de Tame et les talens contrastoient
avec leur bassesse et leur ignorance » ou dont les
vertus formoîent la censure de leurs crimes.
Du fond de son cachot , il pressa son jugement ,
que sa femme , set parens et ^^'^ amis s'clTorcèrent
en vain de reculer Il périt le 4 thermidor de
l'an deuxième de la République française » ou le
2ô juillet 1794 % vieux style ; et le 9 du même mois
thermidor , cinq jours après, le sang de Tinnocence
cessa de couler sur les échafauds.
Laborde étoit dans la soixantième année de son
Âge , lorsqu'une mort violente coupa le fil de ses
jours , dont les derniers auroient pu devenir encore
utiles à sa famille , à ses amis , aux infortunés , aux
sciences , aux lettres et aux arts.
Nous avons promis d*aider nos lecteurs à se former
une idée juste de cet homme excellent , sur lequel
on a pu prendre tant d'opinions contradictoires.
Nous nous permettrons, à cet égard, de répéter en-
core ce que nous en avons précédemment dit dans
un article de nécrologie.
La vivacité des passions , la pétulance et Timpé-
tuosité d^humeur , étoient en lui des effets de son
tempérament. La douceur , la patience , la résigna-
tion , la sensibilité , la bienfaisance , la modestie ,
( ^^y )
Tamour du travail , et la philosophie la plus douce ,
devinrent en lui des vertus d'autant plus estimables »
que l'habitude en avoit dû lui coûter davantage à
contracter ; et d'autant plus solides , qu'elles étoient
le fruit de Texpérience et du triompha de sa raison
éclairée.
Sa douceur , sa patience et sa résignation furent
mises aux plus cruelles épreuves , et sa philosophie
n*en fut point altérée. T ai connu, disoit-il souvent,
le malheur et les peines de la vie ; je n^ ai jamais
connu le désespoir ni Pennui, Sa bienfaisance ne
se ralentit pas , même par l'épuisement de sa for-
tune ; et son travail , ses privations et ses sacrifices
lui fournirent des raojens de la satisfaire. Modeste ,
il ne parloit jamais de lui , n'étudioit que pour
s'instruire , ne se faisoit imprimer que dans l'espoir
d'être utile , et ne mettoit son nom qu'à ceux de
ses ouvrages dont l'auteur étoit trop connu pour
qu'il pût garder l'anonyme. Enfin son ardeur pour
le travail étoit infatigable.
Sujet à des coliques occasionnées par des sables
qu'il rendoit avec des doul«urs inexprimables , nou»
l'avons vu , condamné par son médecin a rester
pendant des journées entières dans le bain , s'y
occuper de ses affaires les plus sérieuses , avec toute
. la sérénité d'un homme qui prend un bain par déli-r
catesse ou par sensualité. Environné de ses livres ,
il établissoit entre la douleur et le travail une lutte
d'autant plus cruelle , que le travail y irritant le
mal , ne parvenoit a le dompter qu'après l'avoir
rendu plus insupportable encore.
I
( «VI )
Aux vermt de Laborde , dont nous avons esquissé '
foibleinent le tableau » nous ajoutons , sans hésiter »
»es grâces à obliger et son secret inviolable sur le
bien qu'il s*e$timoit heureux de pouvoir faire; sa
rcconnoissance extrême pour les moindres services
qu'on lui rendoit » et ce qu'il sou££roit lorsqu'il |
étoit empêché de les pubher.
Nous citerons , i Tappui de la dernière de ces
assertions , l'épitre dëdicatoire de sa traduction du
Voyage de Henri Swinburne dans les deux Siciles»
Elle porte cette suscription simple :. . ..A mon ami
S. J O LE MEILLEUR DES AMIS ! s'ëcrie Laborde
avec un accent que Ton reconnoSt pour élre celui
du cœur , Je vous dois ma tranquillité y ce douo^
bonheur de la vie, etc. Les services que vous nous-
avez rendus ne peuvent être surpassés que par^
la rcconnoissance dont nos cœurs sont pénétrés ,
et par le plaisir que fai à vous en rendre ce
témoignage public , quoique mystérieux.
Si votre modestie , lune de vos vertus , mem^
pêche de TTtettre ici votre nom et le mien , vous
nen serez pas jnoins reconnu de tout le monde ^etc.
Tel fut l'homme que Chamfort , qui n'a pu \&
suivre que jusqu^au déclin de sa prospérité , re-
gardoit comme indéfinissable. Nous sommes persua-
dés que si cet observateur eût été dans le cas
d'approfondir et de prolonger son examen , il eut
été de lavis que nous ne craignons pas de mani^
fester. Nous pensons que les inconséquences dont il
se plaignoit dans Laborde, furent des vices de sort
tempérament ; et les actions sublimes qui Tétonr
( XXVIT )
noient de sa part , les fruits de ses efforts sur luî^
même , et de ses vertus encore trop irëcentes à cette
époque pour produire avec l'abondance dont La*
l>orde fut redevable aux soins que sa solitude loi
permit de donner à leur culture.
l
( XXVIU )
CATALOGUE ANALYTIQUE
DES OUVRAGES
DE LABORDE.
JL»E8 inathëmatiques , la chimie, la botanique , Ift
géographie y la chronologie, Thistoire et la musique ,
furent tour-à-tour~ les objets des études plus ou
moins approfondies de Laborde. Celles de ces scien-
ces dont il ^'est occupé particulièrement , sont ^ la
musique y la géographie , la chronologie et Tliistoire.
Entreprenant de donner la liste de ses ouvrages ,
dont il nous faisoit présent à mesure qu'il les mettoit
au jour , il nous paroit naturel de suivre ^ au moins
à-peu-près , Tordre chronologique dans lequel ils
ont paru. Nous commencerons donc par ses pro-
ductions musicales , auxquelles il dut sa première
célébrité comme compositeur.
MUSIQUE.
Laborde a beaucoup travaillé pour les théâtres
que Ton appeloit alors de V Académie de musiifue
et de V Opéra comique. Si Ton veuf avoir la nomen-
clature complète de tout ce qu*il a fait en ce genre y
( xxix )
on peut consulter les répertoires de ces deux spec-
tades. Nous allons citer ses ouvrages les plus connus.
Ô P £ R A.
IsMÈiTE ET IsM^NiAs , OU la Fête de Jupiter , tra-
gédie pastorale en trois actes. Les paroles sont de
Lau5eon , et la musique de Laborde. Cette pièce £at
représentée , pour la première fois, devant la cour^
sur le théâtre de Choisy , le i5 juin 1765, et donnée
à rOpéra le 11 décembre 1770. On la compte pour
le io8.« de nos opéras.
ZéNis ET Alma2ib , ballet héroïque en un acte ,
par le duc de la Y et Ghamfort ; musique de
Laborde et de Buri; donné pour la cour a Fontai-
nebleau, le 2 novembre 1765.
TniTis ET Péléb , paroles de Fontenelle , repré-
senté, pour la première fois , en 168g, avec la mu-
sique de Golasse. On redonna , le 10 octobre 176Ô,
<cet opéra, presque totalement .e€ bien remis en
musiifue par M. de Laborde. Leris y dans les notes
par lui préparées pour une nouvelle édition de ;son
Dictionnaire des théâtres , dont nous avons tiré le
présent article , dit aussi Laborde auteur de la
musique d un opéra d'Amphion ; mais il ne cite pas
celui des paroles.
La CiNQUAïtTAiirE y pastorale en trois actes , dont
les paroles sont de Desfontaines y et la musique de
Laborde , donnée le i3 août 1771.
Adèle de Ponthieu , tragédie en trois actes , > re-
présentée y pour la première £ois y le i.«r décembve
(«X)
1772; parolas da marquis de Saint^Marc^ mosi^atf
de Laborde et de Bertoiu
OpjâfiA COltlQVE.
GiLLBs f GARçow PEiNTAB » amourêux et rii^al ,
parodie en forme de parade « du Peintre amoureux
de son modèle, donnée à l'Opéra comique le a mars
17Ô8 ; paroles de Poiusinet , musique de Laborde.
La musique en fut extrêmement goûtée
Dict. des théâlres , I.r« partie , édit. de 1773.
Anette et Lubin , pastorale , mise en vers par
Marmontely en musique par Laborde.
L' Anneau perdu et RBTAOuvé , comédie en deux
actes, en prose, mêlée d'ariettes , donnée au théâtre
Italien le 20 août 1764* Les paroles sont de Sedaiue »
la musique est de Laborde*
La musique avoit été faite en 1761 pour Topera
comique les Bons amis , qui ne réussit point»
Laborde pria Sedaine de faire des paroles auxquelles
sa mujdque pût s'adapter avec des changemens.
La MeonièAb de Gbntillt , comédie en un acte ,
mêlée d'ariettes , paroles de Lemonnier, musique
de Laborde , et donnée au théâtre Italien le i3
octobre 1768.
Alix et Alexis ^ comédie en deux actes , en
prose y mêlée d'arieites, représentée devant Louis XY
à Choisy, le 6 juillet 1769 j paroles de Poinsinet ,
musique de Laborde.
En 1773, Laborde fit graver à grands frais nn
choix de chansons ^ par lui mises en musique •
avec accompagnement , et dont la vente fat indi-
quëe à Paris , chez Delormel , imprimeur de Paca-
demie de musique.
Cet ouvrage, dç format grand iVx-8.0y renferme
clans les quatre volumes qui le composent, plus de
cent vignettes, gravées par Née et Masqueliier «
diaprés les dessins de Moreau le jeune , Lebarbier
Talnë , Lebouteux et Saint-Quentin.
Laborde est aussi l'auteur des paroles de quel*-
ques-nnes des chansons de ce recueiL '
Il avoit mis en musique un privilège de librairie*
Il y avoit été déterminé par une plaisanterie .de so-
ciété , par une espèce de défi de Mondonville > et
par le désir de prouver que le charme de la musique
rend agréal>Ies à ToreiHe jusqu'aux paroles les plut
barbares ; mais il ne partit pas avoir conservé cette
singulière production.
En 1780 , il fit imprimer son Essai sur la mu^
si^ue ancienne et moderne y dont nous avons parlé
dans la notice historique. Les deux premiers volumes
traitent de lorigine et àe% progrès de cet art chez
tous les peuples anciens et modernes , et des divers
instrumens en usage chez chacun d'eux» Le troî*
sième volume est consacré aux poètes musiciens
grecs et romains , aux musiciens et auteurs grecs et
romains qui ont écrit sur la musique , ou parlé des
musiciens ; aux compositeurs, poètes lyriques | chan-
teurs et cantatrices célèbres en Italie ; aux auteurs
italiens et latins qui ont écrit sur la musique dans
les derniers siècles ; enfin aux compositeurs , aux
musiciens et auteurs français qui ont écrit sur la
i
( XXXII )
musique. Le quatrième et dernier volume traite des
poëtes lyriques français, contient un supplément au
chap. IV du tom. 3 , sur les chansons , et deux
morceaux dVrudition qui annoncent des recherches
pénibles de la part de leurs auteurs.
GEOGRAPHIE.
Laborde a fait une étude particulière de cette
science , qui , sur-tout lorsqu*on y joint le dessin
de la carte , exige une patience qui parott incon-
ciliable avec sa pétulance connue.
On a de lui cependant une ibule de cartes géogra-
phiques dont nous nous contenterons de citer les
principales.
Carte oéoGRApRiQUB et historiqub de VOmbrie,
VÉerurie, la grande Grèce et la Sicile antique,
Garib de la Toscane y des Etats du pape , du
royaume de Naples , etc.
Ces deux cartes ont été composées par La»-
borde pour servir a Téducation du fils aîné de
Louis XYL Elles sont enrichies de notes histo-
riques sur tous les lieux célèbres , par des ba-
tailles ou des événemens mémorables , par la
naissance ou la mort des grands hommes en tout
genre. Ces notes , gravées avec soin | supposent
une érudition ou des recherches immenses. Leur
précision et leur clarté les rendent très-propres
à se graver dans la mémoire des enfans.
Carte oiNÉRALS de la mer du Sud.
Cette carte est divisée en six feuilles , plus
grandes
( XXXIII )
grandes que celles de la carte de France. La-
borde apprend a ses lecteurs ^ dans Tavertis^e-
ment qu*il a mis en tête de son Histoire abrégée
de la mer du Sud y qae cette carte lui a coûté
. dîcc ans de travaiL
Gartb oiNéRALS DE LA Suissv et des {placiers de
JFaucigny, ^
QkkiZ GéNéRAj^E DE I.*ApRlQUE.
Le Vaillant , à la fin de la préface du premier
volume de son second Voyage dans Tintérieur
de r Afrique, annonce une Carte ciNéRALE de
TOUS SES Voyages, ce Je joins , dit • il ^ à cette
» édition , une Carte générale de tous mes
» Voyages ; elle se vendra séparément. Je dois
» beaucoup f à cet égard ^ aux soins ifue s^est
» donnés r infortuné Laborde (i), tjfuin^a rien
» négligé pour son exactitude et sa perfec-
» tion »«
chronologie;,
La Chronologie y cette science obscure des temps
et des dates y n'a point effrayé Laborde. 11 est au-
teur, en cette partie 9 d'un ouvrage en deux volu-
mes , imprimé chez Didot Talné. Le premier de ces
voluineSy qui porte la date de 1788, et parut sous le
titre d'Essai sur Chistoire chronologique de plus
de quatre^ingts peuples de V antiquité y peut être
(1) Cet ouvrage parut un# année après la mort de
iLaborde.
c
( xxxtr )
considéré comme formant lui seul nn ouvrage com-
plet , poiaqu'ii remplit son titre. Le second, date de
1789» a ponr titre : Abré^ clironolo^ue éies
principaux faits ampés depuis ia naissance dj£é^
nocft, tan du monde 62%, jusqu'à ia maissancc ils
Jésus-Chrisi. Ce volume, de plus de 700 pages» est
numéroté» sur la £einsse page» Tom, Il de VBssai
sur t histoire chronologufue^ etc. , parce qnll com-
plète rhlstoire ancienne , depuis les temps fabuleux
jusqu'au commencement de Tère chrétienne.
Laboirde se propoaoit de donner l'histoire mo-
derne en huit ou diiL volumes. Ils seront , disoit -il
dans l'avertissement en tête du second de ceux dont
nous venons de parler , accompagnés de cartes géo»
graphiques, faites et grattées avec ie plus grand
soin , diaprés tes points reconnus et publiés par
r académie des sciences , dans la Connoissance des
temps. On y trouvera aussi des tableaux généalo"
gigues y dont il donna pour modèle celui des des-^
cendans de Japet, inséré dans ce volume.
Il devoit avoir rassemblé , sur cette partie de son
ouvrage, des matériaux immenses. On ignore ce
quHls sont devenus ; et la suite de ce catalogue
prouvera que cette perte n'est pas le seul motif que
les sciences et les lettres aient de regretter cet
homme laborieux , auteur d un.e foule de tableaux
chronologiques et généalogiques , infiniment pré-
cieux pour llntellîgence de rbistôîre.
( xMr )
HISTOIRE.
UHisTomsDBiiA MBR DU ScTD, par Laborde, fatim-
primée en 1 791 chez le même Didot, en trois voL ^/s-8. ?
Ces volâmes sont enrichb d'un grand nombrede cartes
géographiques et planches gravées > isdépendam*
ment d'nn Atlas séparé « contenant la carte générale*
La Harpe a fait , dans le Mercure de France , le
plus giïuad éloge de cet ouvrage , dont l'autenr ,
toujours modeste, dédaroit» dans im avertissement^
ne Tavoir entrepris que dans 1^ intention, i.^ de ras*
sembler en peu de volumes les choses nécessaires à
savoir qui se trouvent éparses dans plus de cin^
çuante volumes in-/^.^ , fui sont de difficile et
coûteuse aofuisition , sur - tous pour de Jeunes
marins qui veulent s instruire ; a.^ de faire sentir
cet ouvrage d'explication à sa grande carte de la,
mer du Sud,
De TËssai de Laborde sur la musique ^ sont en
grande partie extraits les MiMoinas historiques db
CoucTy en deux très* minces volumes ixt-B.o , im-
primés en 1781 , et que Ton peut regarder comme
une des plus jolies éditions sorties des presses de
Philippe-Denis Pierres.
Cet ouvrage contient , indépendamment de ce
qui en est extrait de TËssai sur la musique , Tex-
trait d'un mémoire intitulé Fragment de la généa^
log^ de la maison de Coucy y par Chérin ; les
portraits du châtelain de Coucy , SAnhert sire
de Fayel et de Gabrielle de Levergies y dame de
Fayel , avec une petite vu& de Coucy-le-Château ;
c a
( XXXVIIT )
de tous las manuscrits intéressans é/ue ses ètuttes
lui at^oient procuré des occasions heureuses d^
parcourir ? Que sont maintenant devenus ces ma*
nnscrits , et cenx , non moins prëtieûXi dontLabord»
lui - même étoit propriétaire ?
ROMANS HISTORIQUES.
C'est encore à Lalx>rde que la littérature est re-
devable des belles éditions des romans historique»
des quinzième et seizième siècles , en onze volumes
in-i2 f petit format, de Fimprimerie de Fainé des
Didot, et dont il auroit encore pu grossir la collection.
Il commença, sous la date de 178a, par l*Histoirs
SECRETE DE BOURGOGNE , DE M.I^« DE LA FORCB :
il en forma trois volumes , dont le dernier cbn-
tient des notices sur les personnages dont il est
parlé dans les deux autres , et des reman^ues et des
éclaircissemens pour rétablir la vérité des éué-
nemens.
Il fit k son fils la dédicace de cet ouvrage : la
saine morale qu'il a placée dans cette épitre, et le sen-
timent qui Ta dicté, nous persuadent qu'on nous
saura gré de la transcrire ici.
c< Ce n*est point la petite vanité d'auteur qui m'a
x> dicté ces remarques ; vous seul au monde , mon
» cher fils , saurez qu*elles sont de moi : fe ne les
» ai écrites que pour votre instruction ;, toute mon
» ambition est que vous puissiez Un jour recueillir
» les fruits de mon travail. Sans le désir que j'ai de
"» vous être utile encore lorsque vous ne m'aurez
)> plus^ aurois-je eu le courage de l'entreprendre?
( XXXIX )
» Ne Connoissant que trop par moi-même Tattiaît
Vf invincible qui porte les jeunes gens a la lecture
31 des romans, j'ai voulu au moins remédier à un
» inconvénient souvent causé par cette sorte de lec*
» ture y celui des erreurs de £aits et de dates ^ en xé^
» tablissant la vérité dans des notes aussi exactes que
» ces romans sont inexacts.
» J*ai voulu vous apprendre de bonne heure que
» les romanciers sacrifient tout an {^sir d'intéres*
3» ser leurs lecteurs , en dénaturant soavent les traits
3» d'histoire les plus connus , afin de. produire plus
y> d'effet par des rapprochemens combinés et des
3> événemens imprévus , et causer dans de jeunes
» cosursy à peine encore entr'ouvérts , ces émo-
» tions si douces , plus propres à ÉEiîre germer et
» développer les passions, qu'à former l'esprh et le
» cœur.
» C'est bîéii asse£ que les romans soient tout-à-
» fait inutiles à notre instruction , sans qu'ils servent
» encore à donner de Élusses idées sur l'histoire.
»
» J'ai fait mes efforts, mon cher fils, pour vous
» empêcher de vous égarer clans une route qui n'est
9 qu'un vrai lâbyrimhe quand on n'a pas le fil propre
» à éviter le danger de s'y perdre
».,i
^ L'extrême disproportion de nos
» êges ne me laisse pas espérer d'être jamais témoin
» de l'utilité dont j'aurai pu vous être. .....
M . . . . . . Depuis lopg-temps , mon cher fils ,
» je me suis résigné aux ordres de la providence :
( xt >
yf n*oabliez Jamais de suwre en cela Texemple Ae
» votre père ; c'est la route la plus sûre pour arriver
» à la consolation. ••....*•»* «^ • *^ "^
» w Puisse cette providence , que j'im-
» plore , vous en tenir lieu ( d*un père ) ! puissiez*
» vous résister aux attraits séducteurs de ce que l'on
» appelle les plaisirs , et vous rappeler quelquefois
» avec une douce sensibilité , en relisant des écrits
» dictés par ma tendresse , que vous eûtes un père
39 long-temps malheureux , mais qui eût consenti à
» Tétre bien davantage , si l'augmentation de ses
» peines eût pu diminuer les vôtres ! »
L'Histoire db la reine de Navarre , axisûpar
Jlf^/e. de la Force y imprimée en 1785 ^ est en six
volumes. Le cinquième contient les notices sur les
personnages qui figurent d^ns cette histoire ; et le
sixième et dernier , une notice sur la Vie de Fran^
çois I.^f , avec un tableau de la généalogie de ce
prince , de la composition de Laborde , ainsi que
les notices , fruits de ses recherches.
Les Amours du grand Alcandrb, par Mlle, de
Guise , suivis de pièces intéressantes , pour servir
à V histoire de Henri IV. Tel est le titre de deux
volumes imprimés en 1785. L'ouvrage de Mn«' de
Guise n'en occupe que cent treize pages du premier
volume. Il est suivi de notes , et des discours pro-
noncés dans un conseil tenu par Henri IV , pour
discuter les raisons pour et contre son mariage avec
Marguerite de Valois.
Le second volume renferme un tableau généa*
( X" )
logique de la maison de Bourbon ; une ëpitre qu0
Laborde n*a pas même signée, adressée a Louis XY,
mort neuf ans auparavant; une notice sur la Vie de
Henri-le-^Grand ; son manifeste sur son divorce
avec Marguerite de Valois , et le recueil des poésies
de ce prince.
VOYAGES.
Laborde, qui voyageoit en homme qui cherche a
s'instruire , se plaisoit a communiquer ce qu'il pou-
voit recueillir de neuf dans ses voyages, et le résultat
de ses observations et de ses recherches.
Les Lettres sur la Suisse , adressées à M»^» de
Af... par un voyageur français en 17H1 , impri-
mées à Genève en 1783 , sont de lui. C'est pour cet
ouvrage, en deux volumes in - 8.®, qu'il a composé
et fait graver la carte générale de la Suisse et des
glaciers de Faucigny , le plan de Versoi et celui
des souterrains des salines de Bévieux,
Ce seroit ici le lieu de nous étendre sur Jes Ta*
bleaux de la Suisse et sur la Description de la
France^ si nous n'avions pas fait dans la notice histo-
rique une mention aussi longue sur ces deux entre-
prises. Quoiqu'on ne |>uisse ranger ces deux ouvrages
au nombre de ceux qui sont sortis de sa plume , il
suffit qu'il en ait été l'auteur, pour que nous ne puis-
sions pas nous dispenser de les comprendre au pré-
sent catalogue. Nous ajouterons à ce que nous avons
dit des tableaux de la Suisse, que par eux Laborde a
opéré une révolution utile dans l'art de la gravure ,
en lui donnant une impulsion nouvelle ; qu'il a ouvert
( x"i )
on conmierce nne branche trèi-iinporunie ; que 1^
goût de cet aorket de voyages qu*îl a fait naître a en*
richi les bibhothèques d'une collectkm qn\ a*accn>it
de jour en jour; qn*it a cr^é beaucoup d'artistes et
substitué dans tons nos meubles ef objets de luxe» lea
belles formes antiques » aux omemens biaarres et
contournés , qui n*avoient pas fait oublier le gothi-
que admiré par nos ancêtres.
TRADUCTIONS.
XI a traduit de Tanglais, sous le même nom d'nn
voyageur /rançais , les deux TorACES de Hek&t
SwiNBURNE EN EspAGNS ET DANS LES DEUX SlCILES^
imprimés chez Didot l'aîné; le premier de ces Voya-
ges, en un vol. iVs-S.^; le second » en 5 vol.. du même
format»
POESIE.
Laborde n'aroît pas de prétention au titre de poète;
mais il a fait aussi des vers , dont il neparloit pas plus
que de ses autres ouvrages. Didot Talné les a recueillis
dans un petit volume z/k-i6^ qu'il a imprimé en 1784 »
et fait tirer à très-petit nombre , sous le titre de Rk-
C0ÎIL DE QUELQUES PKTFTS VERS , dédiés à Adélaïde,
par le plus heureux des époux. Ces vers , dictés par
le sentiment y annoncent de la facilité , ne sont pas
exempts de quelques négligences » et se retrouvent
en grande^ partie dans son recueil de chansons.
MORALE.
Nous croyons pouvoir placer dans cette classe
un ouvragç de Laborde, dont nous n*avions point
( XLMI )
connoissance « imprhné chez le même Didot en
1791 , sons le titre de Recueil de pensées et d^
maximes f sans nom d^auteur^ et que l'on nous a dit
n^avoir /été tiré qu'à douze exempladres , moyen ln«-
faillible de le rendre infiniment rare*
Ce petit recueil > de 5i pages seulement » -et dont
le caractère est aussi net qu'il est Rn et délié', nous
aembie un chef-d'œuvre de typographie^ commo
tous 1^ gxanjcb ouvrages sortis des presses de Didot
rainé.
C'est de int que xions avons tiré la maxime que
nojBS avons prise pour épigraphe de la notice rx
Lahor^e. Toutes les autres pensées et maumes qu'il
i«nferme nous ont para de la p^us grande justesse*
£Ue8 tie peuvent ^ètise toutes également brillantes %
maÂs eUes août toutes exprimées avec concîsioa etr
^larJjé.
ARTS.
C^est aussi a Laborde qme les arts sont redevables
de la seconde édition imprimée <:he2 Didot aîné, en
1783, du Recueil des peintures antiques trouvées i
Rome^ imitées fidellement pour les couleurs et io
trait, d'après les dessins coloriés par Pietro Santé ^
Bartholi et autres dessinateurs.
Le n.^ 5904 de la Bibliographie de Debure avoit
fait connoître à Laborde que la première édition do
cet ouvrage n'avoit été imprimée qu'à trente exem*
plaires , nombre insuffisant pour celui des ama-i
teurs.
Un heureux hasard rendit Laborde propriétaire
(XLIV)
des ciiivrei de cette première édition , dont nii#
partie avoit été rayée par les éditeurs Gaylns et Ma*
nette. La connoîsiance qne Laborde avoit dans les
beanz-arts , loi lit entreprendre de faire repoosser
les enivres i et gratter les ratures pour les reprendre
ftu burin, ce qui a parfaitement bien réussi.
Labôrde pensant bien que les propriétaires des
anciens exemplaires pourroient lui savoir mauvais
gré du soin et des dépenses qu*il avoit fidtes pour
restaurer des planches regardées comme étant hors
d*état de servir , a prouvé , par son désintéressement »
qu*en s*occupant d*un objet utile aux progrès des
arts, son goût, et non Tintérét, l'avoit guidé. Il fit
un don gratuit de ces planches bien réparées , aux
libraires qui ont fait les avances de la nouvelle édi-
tion, et qui , par reconnoissance, Font gratifié , pour
aa précieuse bibliothèque , d'un exemplaire des trois
volumes in-folio , imprimés sur vëlin , avec 54 plan-
ches peintes. On ignore si cet ouvrage a échappé aux
flammes qui, le lo août 179a , ont consumé Thabi-
tation de cet amateur des arts.
PBEMIERB
A VAN T-PR O PO S.
JL A plus exacte vérité règne dans les
relations que l'on va lire. On n'y
trouvera point de ces fictions , amu-
santes à la vérité , mais qui n'instrui-
sent qilfe fort peu ou fort mal le lec-
teur. L'auteur n'étoît pas assez familier
avec les sciences et les arts , et n'a-
voit pas assez de temps à donner à
sa curiosité ev à so^ plaisir , pour
profiter de toutes les circonstances où
il auroit pu nous enrichir de nouvelles
découvertes. La géographie seule y a
un peu gagné , par les détails certains
que ce voyageur nous donne du cours
du Niger ^ et des côtes septentriona-
les de l'Afrique , pays presqu'entiè-
rement inconnus jusqu'à lui.
Malgré les maux inouis que ce bravç
homme a soufferts dans ses différen-
tes courses , il est toujours dévoré du
désir de retourner dans* l'intérieur de
l'Afrique poury faire des découvertes
qu'il croit devoir être fort utiles au
a
commerce et à rhîstoîre naturelle. De-
puis son retour , il a employé tous
ses momens à acquérir des connoîs-
sances géographiques , botaniques ,
astronomiques , etc. dans Tespoir de
faire encore une fois un voyage dans
des pays où il a éprouvé tant de
malheurs ; mais où cependant , il brûle
de retourner ; et comme sa fortime
ne lui permet pas de l'entreprendre à
ses frais , il prend la liberté d'adres-
ser au Gouvernement les réflexions
suivantes.
Le goût des découvertes dans tous
les genres , est la marque caractéris-
tique des siècles éclairés. Une des con-
noissances les plus utiles à acquérir ,
c'est 5 sans contredit , celle du globe
que nous habitons ; c'est peut-être là
seule que nous puissions espérer de
porter un jour à sa perfection ; car
elle ne consiste qu'en choses pofitives ,
et malgré la multitude de ces choses ,
le nombre en est pourtant limité.
Il y a telle partie de l'Europe moins
connue de nos savans , que telle au-
tre partie de TAsie ou de rAmérique.
Quant à l'Afrique qui est si peu éloi-
gnée de nous , nous en entendons
parler depuis notre enfance , et ses
côtes nous sont à peine connues.
Les difficultés de parvenir dans quel-
ques parties de son intérieur , n'ont
pas r.ebuté les efforts et le zèle de
quelques voyageurs. MM^ Spaarman^
Gordon , Paterson , Levaillant , Mas^
son j Bruce et quelques autres ont déjà
donné , et donneront encore à l'Eu-
rope étonnée de leur courage, de
nouvelles connoxssances sur des peu-
ples qu'on avoir, jusqu'à eux , soup-
çonné de cruauté , et qui sont peutr
être les plus doux de l'Univers. Mais
ces connoissances ne s'étendent que
sur les Cafres , les Hottentots et les
Abyssins , et leurs domaines ne sont
qu'une très-petite portion des immen-
ses contrées de l'Afrique, - ,
Toute la partie intérieure que l'on
voit remplie sur les cartes par le mot
^vague de désert , ou par des noms de
». a a
IV
prétendues nations qui n'ont probable-
ment jamais existé , mérite peut-être
autant que le reste , Thonneur d'être
visitée par desEuropéens observateurs.
Le gouvernement François pourroit
aujourd'hui , avec fort peu de dépense,
faire exécuter un des plus grands voyait
ges qui aient été entrepris par terre.
Voici les obstacles à vaincre pour
réussir dans cette entreprise.
i^. L'insalubrité du climat.
2"^. Le caractère prétendu féroce
des habitans.
3^. L'ignorance de lâ langue arabe.
4^. Les fatigues épouvantables d'un
pareil voyage. -
5^. Les difficultés de transporteries
différens instrumens absolument néces-
saires pour faire des observations utiles.
6^. La cumulation sur une ou sur
deux têtes , des diverses connoissances
sans lesquelles ce voyage seroit près-
qu'inutile.
7^. Les frais indispensables.
Si Fauteur du voyage que Ton va
lire , étoit choisi pour exécuter m
v
voyage qu'il pfoposè', les quatre pre-
miers obstacles setcftettt levés pour
lui} catr, i". il â prouvé qu'il pou-
voir sefehre au dimàt^ ayant été es^
clavedaHS le désiçrt et s'en étant bien
tiré. 4". Il -est fait .aux tnoBurs et ati^t
coutumes de ces-pieuplès, qui,' loin
d'être féroces , sont le^fffeilleursgens
du monde , quand- ot^sait se confor-
mer à leur -genre de viQ.^De plus ayant
été esclave de l'empereur de Maroe ,
il a acquis vtn caractère sacré pour les
nombreuses peuplades' qcft reconnois^
sent de loin , comme de près \ la suzei-
raineté de ce souverain. Il connoîi
personnellement i^empereur mainte*
nant sur le trône , et le Si fik ou Gmttd
saimàotit le pouvoir- s^rituel s'èf^nl
indistinctement jyf toUS liésmâhoméi
tans^du'désert, qui oftg pour sa sain-
teté iffi téSpetféïuHe déférence 'sàiife
bornes. Des recommandations de ces
deux grands personnages, qu'il est sut
d'obtenir d'eux, assiirerôient sa jpéf son-
ne €t la rendroient sacrée depuis Mo-
godorjusqu en Egypte» 3'".Pendantsoa
esclavage et sop séjour en Afrique , le
sieur Saugnier a appris assez d*arabe
pour le parler couramment. 4'. U a
traversé à pied , toute la partie du
désert comprise depuis le Niger jus-
qu'au cap de Nun , et depuis ce teoips
il n'a jamais été ni à cheval ni en voi-
ture , par goût autant que par écono*
mie. Les fatigues , de quelque genre
qu'elles soient , ne peuvent donc l'ef-
frayer.
. Le cinquième obstacle ne seroit pas
extrêmement difficile à lever dans un
pays où il y a autant de chameaux
que d'habitans. Ainsi le petit nombre
d'instrumens indispensables pour pren«
dre. hauteur et pour lever là carte, se
pourroient aisément transporter à
l'aide de ces aniipaux.
Pour peu qu'on veuille! n'être pas
bien difficile sur le sixième article,
le sieur Saugnier se flatte de pouvoir
répondre à la confiance que l'on vou-
droit bien prendre en lui. Destiné
d'abord à l'état ecclésiastique' , il a
ifait d'assez bonnes études , et depuis
VIJ
son retour ayant beaucoup étudié,
ce qui pourroit lui être utile dans un
tel voyage , il seroit en état de faire
de bonnes observations dans presque
toutes les parties essentielles au voya-
geur.
Le dernier article ne doit pas ef-
frayer ; car la dépense est presque
nulle dans un pays où on est presque
nud ; et où Ton ne peut voyager que
par caravanes , avec des gens qui n'ont
pas même l'idée du luxe , et à qui
il ne faut que très-peu de nécessaire*
Trente mille livres , tout au plus , suf-
firoient pour ce voyage d'environ
quatre ans , et que le sieur Saugnier
entreprendroit avec un ami aussi fait
que lui à la fatigue, ayant été son com-
pagnon d'esclavage. L'unique récom-'
pense qu'il demanderoit, seroit d'obtcr
nir une pension de mille écus , s'il avoit
le bonheur de revenir d'un voyage si
dangereux.
Le voyage proposé est d'aller à
Maroc; de s'y munir des recomman-
dations nécessaires ; de se rendre en-
Vllj
suite au Sénégal , et dc-là à Tombât^
en remontant le Niger. De cette ville ,
le sieur Saugnier pourroit exécuter,
t'un ou Tautre de deux voyages qui
n'ont jamais été tentés par des Eu-
ropéens , et qui procureroient des
connoissances absolument nouvelles
sur des peuples dont x)n ignore; jusqu'à
lexistence. Le pr^^mier de ces voyages
^roit de se rendre de Tombut en
Abissinie , soit en parcourant le Bile-
dulegerid , soit en constatant les sour-
ces du Niger, aiijsi que le chevidier
Brice a constaté celles du Nil; et le
second seroit d'aller de Tombut à la
côte de Mosambique , après avoir tra-
versé tout le cœur de lAfrîque. Peut-
être seroit-il possible d'établir une
branche de commerce ^ depuis cette
xate jusqu'au Sénégal , et de faire des
profits immenses dans ces vastes con-
trées, où Tor est la plus abondante
des productions de la terre.
♦
PREMIER
PREMIER VOYAGE
AU
SÉNÉGAL.
Le d^sif de lae irappelei* mes inForttineâ
4et les diverses position^ dans lesquelles les
tîîrconstauoes de la vie m'ont entraîné ;
les sollicitations de plusieurs de mes amis
qui, afant pris part h ma misère /desîroient
connoître plus particulièrenient leâ cou*
tûmes des peuples chez lesquels j'ai vécu ,
m'ont fait prendre le parti de dresser le mé-
moire des évènemens de ma tie. Il ne sera
point difficile de juger de l'impossibilité où
je suis de remplir entièrement les vues et
l'attente de ceux qui liront cet oulrrage, s'ili
daignent faire attentioii qu'iLikut au moini
plusieurs années de séjoiitet d'étude chez uil
peuple po ur eii connoîtretoutes les coutumes.'
Esclave dans un payd, voyageur intéressé au
commerce dans un autre,* je n'y restai que
peu de temps, manquant absolument c!e tout
ce qui eist nécessaire pour y faire des obser-
A
(O
rations Justes. Je ne parle donc que de ce
que j^ai yu et fait, sans assurer que les cou-
tumes soient générales dans tous les cantons.
Si je n^ai pas Tavantage de remplir l'attente
de ceux qui liront ce mémoire , au moins
ai - je la certitude de n^avancer rien que de
vrai , malgré le témoignage de quelques écri*
yains célèbres qui ont traité du Sénégal et
lieux voisins, dont ils donnent des notions
lausses ; sans doute parce quHls ne furent
point à portée de parcourir eux-mêmes le
pays.
J'avois vingt et im an lorsque j^eus fini
mes études ; sans goût ppur Tétat ecclésias-
tique^ je me trouvois on ne peut pas plus
embarrassé du parti que j^aurois à prendre.
Ce fut dans ce temps que mes parens s^ef-
forcèrent de former rétablissement d^un de
mes frères qui acheta un fond d^picerie à
très-bon compte. Je fus chez lui moyennant
ma pension: j y travaillai beaucoup ; et après
vn an d^approntissage, je me vis en état de
gagner des appointements ches d'autres
marchands de Paris. Je passai sept ans dans
diverses maisons.
Sans fortune pour m'établir, mes parens
tiyant été dupes de leur facilité pour mon
Éfèrfc quî n'avmt poitit réussi daris Son <$oîû-
tnerce; réduit, où à prendre Ir'état ecclesias-
tique , ou à rester long-temps dâilâ les bou-
tiques y je foriùài la fésolution dé tenter lA
fortune dans W colonies ^ sitôt qu^il s'en
présenteroit une occasion favorable. Elle
ne tarda point à s'ôfiFrirj et je trouvai biéri*
t4t deux frères du même pays que inoi ,
qui avoient formé le projet de s'^établif
AU Sénégal.
La inanière dont ils m'annon^olent leursr
desseins > la belle idée qu'ils se fônhoient
du pays le plus détestable de la terre.,
qu'ils né connoissoîent que sttf les fausses
notions de MM. Adanson et D^manet, lô
peu d'espérance que j'arois de fûrrûer ùii
établissement proportionné àti rang qùè
tient ma famille , l'amour de là, noùVeàuté^
L'espoir flatteur d'tme fobrtune brillante et'
rapide, le peu d^expéri^ncè qtife j'âvoîsi ïé^
d^laisir de mon ëtat, tout Concourut à me
fa/ïrer entrer dans leurs vnefà.
J'avois besoin d'argent pour le Voya^.
jpaire Gonnoître mes întentit)iïsf à mes pa-
reils ^ c^eftt été le plus sûr moyen de ne rien
obtenir d'eux ; fè dissimulai doïkCj et mar-
chandai un f^nd d^épicerîe. Ma famille crut
A a
( 4 ),
la_ chose certaîoie^^ejle, m'avança les pi'e-'
mîers fon^s nécessaîreç à ma prétendue
entreprise, Ge furent les* seuls deniers qu^e^
je pus.o]3tenir^ On m?aypîj: proijais davan-
tage; mais un 4e mesfrèije^, prêtre de la
communauté de 3.t. Médairdjtj luon enneïnî
secret:, parce, que j« ne vaulgis'^as lui por-
ter le respect, disoit-ilj-que sa qualité de
prêtre lui. dpnnoit droit :^' exiger , découvrit
une partie de mes desseins. Il instruisît mes
parens;, en croyant .me ;i^uirî6 ^ me rendit
service jL, car on^me rei^sa, qej qui. d abord
m^avoit été promis pour-mon établissement.
Malgré «un contre-temps si nuisible k^
nos espéra,nces , mes deux compatriotes
m'excitèrent ardemment à suivre le mâme
projet. Ils étoient sâii« fortuno, etâvoient
tesoiii de fonds pour .l^s jptemiers frais
du voyage ; ils savqient que j-étois instruit
du commerce des drogues' , de l'épicerie :
et de la distillation;; ils esp^r^nt que mes .
connoissances suppléeroient au vide . que
le peu d'argent que.j'avois mjettoit à nos
desseins, Ççs. messieurs se nommoic^nt
Flbquet: ils étoient fils d'un taneur de
Waiily en Picardie j ils moururent tous
deux au, Sénégal, ^; .
(5) ,, .,
. .Ml le -marquis de Beccàrîâ ^;dè' fkmille
Buisse^ sou8-capitaîne»'dii'^bataîflon à'A;frîi
que , ^ëtoit à Nante9^;^tir s''embitfqùef sur
le navire la C^diCTine i-' qm^âptii&ttenbît a
Mi'Aubry déltt'Fosàe/chéf dMifi maison
dé commercé aa Sénégfeife 6fet-6ffi'tfâ*îraïta
.'vfeiîhàtetifeAtkte-to€*i*ë^pa!is^ef>vl& ^^^^
bry ; il convinl: de 3oo liV; Jjb\it cHacun
]daiK>iis ; et lorsque le navire fut pii§f^iiôtti
peTtîmës<p6ii^Nâiite».-A: peine arrîréjjl^afné
lie mes ^compagnons- ^ voyage- ie rehtïfi
chez^M. Attbryaikîé iiégeciant vî£ bien qu^
lunia ëliûns dans' l'iiï^Ceïiftion d% noii)s''â^6f
au Sénégal. '^'ItOétaignit^ line côncuWènice
jxuis^le é. SB, Mtiais&fé^àâhs la ààVS!iSêf]à^
flifk^engagek klà&m$ssùàep'm.iUe franco |ifqur
bffris&age dBi<)lit{Ci:#i ' de nous ^^ ^'i^iridî!i|i
^rmettre ^^^eml^qTibi^ ri^i autre ""cKosé
qiiaaiosinftlle|.c:j '.r^-^inovriv.,-^ //^vi c-jq.'-.!
•Bsa; conditibus: àttôsi ^durèy Met sî' 'peu at-
tQa4ves ^9(1113' *â0iM(^ft^ge#4dë ^'^i^cTxer
Jitaus. ireîstâaiittn éd*Stt^ quirtâe! 'jb^xs à^
{^antéâ ^ sansea^oif^^^^^^^^ <^ènéàhër.
Ayant appris* •ediâK^'^if^ t^<é>nTfâ{soit souvent
à Bordeaux des ^arméniens pour lé Sénégal ,'
nousmous y rend^mô^^li^s Tespoir d'être
traités plus favorablement. Notre route se
A 3
^t h jMd > senraut d^escprte jà nos Toiturea
chafgéeç de nps majfqbaûdUea et de noii
pi^l§$^, Nouf le& embarquâmes à la Ilo*
fhelle.y. si:Mr^.lA]gf^ba]:r6. 44.. capitaine £er«
jron^ei,(|p.^fdeai^ » et oo^tinuâmea notra
^out^^ar terre. Sans expérieiK^ sur lea
dangers de la 91er , noHs n^eùiaes peint la
P^'écputlQn de faire assurer nosa effets. Nona
|>4&sàfn^j^ à Bofdeaux troi^ aexnainea.dana
lQ$,pli{a T^yes inquiétud/ça. Enfin le tout
jl^fiva k notre s^aAd^ s^jûslaçtiou 1 car nona
(jL^^yions; point d'ba^^it^. 4^ :i!echange » et
:|[loWe argfu^ s^ trofmfffôià.aii.fin. Lèlenide»
jnai^ ;aou^ ^Uânies J^ la. )K>i|.tse pour noua
préa^aiter aux négQQi£m&:4 on nous f apprit
rarméfi d# M% la OKMKite :da Repenti^ i
l)rigadier;€los arméea d» roi ^ ^^ooi^ oali^el
4w .Tcgiinenç 4ft K Guadeloupe , nommé
depuis pour gouyemeur de .rAfnique. £wax^
çoise« I^Tou^^ll^^ l^ Toir* Ce brara eoba*
3toandant ^ppcouifra âo» dassens y noua pro*
initspn; apf^^i 9 et l^^^iUtft) à j«m deuxania
leur passage su^ la i^abairaèr 4n roi , la Kiyan»
no)§e^ ft année po^r le coadiiire à son goii*^
yemejtx&çït, commandée.: par M, le xnarquia
4^ la J^iUe* Demandar u|ae.'place pow un
( 7 )
troisième passager , c'eût été abuser de la
complaisance de M. de la Jaille. Je me pré-
.sentai donc chez M. Lanaspèze , qui armoit
dans le même instant pour porter les vivres
et les munitions de guerre à la colonie dur
Sénégal. Ce négociant avoit trois passager»
pour le Roié U ne pouyoit laute de place
me recevoir sur son bord. J'étois sur 1er
point de retourner à Paris , et d'abanr
donner mon entreprise /lorsque M. le che-
valier de Fresnel , gentilhomnsie picard ^
reçut ordre de rester ea France. Sa place
vacante sur les deux Am^s , me procura le
triste avantage de m'y enabarquer avec une
partie de ma pacotille.
J'entrai à bord le dix-neuf de décembr»
3.783. Le navire étoit duiport de trois cens
tonneaux environ , de construction hollan-
doise , capitaine Carsin.
Nous restâmes dix jours en rivière con-
trariés par les. vents. Le onzième ' on se
mit en route avec; la Bayonnoi&e que
nous perdîmes de vue sur le soir. Arrivés
près du cap Finistère ^ nous reçûmes^ des
coups de vent horribles , qui nous tinrent
à la cape cinq jours de suite. L'on parloit
. A4
(»)
dVIIcr rcUcher doiis quelque port roi*
sin ; mais le veat s^é tant. calmée ou se remit
en route.
La nuit du 7 an jauvior 1784 ^ le capi*
taine^ barrasse de fatigue , voyant quW fai«
soit bonne route , que le temps étoit sûr y.
laissa la conduite de son quart à son lieu-
tenant , jeune homme placé par protection ^
et dont il ign(»roit les talens.
• Ce jeune étourdi , qui n^avoît encore Fait
que deux ' campagnes sur les bâtimens du
Roi , ébloui de se voir à la tôte d^un quart ,
laissa le timonier aller à sa guise. Le capi^
taine éveillé par une çeoousse que reçut le
navire , sauta sur le pont , vit d'où le mal
provenoît , et y remédia avec un sang-froid
admirable. Le temp» étoit toujours beau ,
on se répara diî mieux que Ton put, et
Ton continua la route sans apparence de
danger.
Le capitaine prenoît tous les fours la
,peine d'instruire son lieutenant ; et malgré
l'inexpérience qu'il lui connoîssoît , soit
qu'il voulût absolument le former , soit
qu'il crût que nous ri'avionis plus de dangers
à courir , soit quelqu'autre motif qu'il ne
roe fut jamais possible d'éclaircir , il lui
(9).
laissa toujetirs la conduite de son qtîart.
'La nuit du 14 au x5 % le second , qui étoit
le fils.de rarmateur, prenant le' quart du
lieutenant , apperçut la terre : on en étoit
tout au. plus éloigné de trois lieues. L'on
couroit dessus \entr arrière : une heure
plus tard nous périssions, corps et biens^
Les hautes montagnes qui s'offroientià la
vue, fiiri^nt pris/es par tout l'équipage pooff
Mogodor ^ où il n'en existe point : une âttale
expérience ne nous fit'qùe:trop connbître
que c'étoient celles de tVel.de Nuit.' y-^:
. Cette noiavelle fautelduilièutenahtVqtii
voyant la terre n'ayertissoifi^pas , n^outrit
cependant point les yeux du capitaine sur
le danger aJuquel il noua exppsoit tbii&,'eil
jlui Ibisis^t la conduite de son. quart. Lr'éq'iEi>
page, commençoit à ixiurn^ur^r, plusiettrt
matelots qui avoienidéfa fait ces Voyagea ',
disoient hautement qu'on vouloit se perdre ;
ce qui arriva, en .e£fe£ ,^ lia.' dix -sept jatt»
.vicr , à quatre heijr^s, du 'matin , à la sOMîô
duK^uart du lieutenant ^ sans qu'on eût ap*
perçu la terre. . ' *
. Tout capitaine expérimenté sait que les
courans portent tous sur la^côte d'Afrique;
qu'il y a de longs bancs de sable qui «so
prolongent de beaucoup en mer; que I0
soir et le matin on a peine à les distinguer
de Teau ; qu'enfin il est impossible eix
beaucoup d'endroits de yoir la telre k trois
lieues de distance : ces raisons et la cons*
truction du navire qui dérive toujours plus
que les navires fîrançois , auroicnt dû faire
tenir le large , sur-tout ayant eu connoia«i>
sauce de la terre deux jours avant.
La secousse horrible que reçut le navire
en donnant sur le banc de sable , nous fit
tous sortir de nos cabanes. On ne distin*
gaojt rien , des cris horribles se faisoient
entendre de tow eôtés ; les matelots cou*
rotent sur le pont sans savoir où ils por-
toîent leurs pas» LW se saisissoit dWe
cage ^rautresautoit aux cordages^ la lame
nous coTivroît eatièrement. L'obscurité de
la nuit y rhcorrible bruit des ragues, Tignor
rance on étolent les cheis du lieu ou ils
avoient éc&oué ,: te danger présest j tout
nous fit perdre la tête , et nous plongea
dans Fanéantissement*
Cependant notre navire^ de eonstruotien
hoUandbise , iaisoit très-peu d'eau : il eût
été facile de jeter une ancre ^ de l'alléger f
4etd.e se mettre à Aol; mais personne- ne
( rx )
pensa dans le mometu: à une manceûvre
nussi simple , qui nous QÙttous sauvés. On
s'en remit à la volonté de Vôtre suprême^
et on attemlit le jour sans prendre aucune
céscdtttion.
. Su£ les .cinq heures et demie , le navire ,
battp par les lames qi;i se succédoient con>
tinuellemeot ; fit eau avec abondance t
le danger parut plus pressant. Le matti'è
d'équipage voyant que le bâtiment se miBim*
texioit droitf voulut conserver cette position i
il fit ooopea* la mature ; on travailla ensuite
à alléger le navire > pour qu'il pût de pluèi
en plus s'approcher delà terre.
Sur les s^t heures , le capitaine tt cesser
tout travail pour prendre un parti dans une
oiroonstazice aussi n'^lheiureuse. La tarre
quis'ofivdie à nos regards ^paroissoit inculte
et déserte. On ne savoit où Ton étoit. Les
^ins assaroient que noua étions échoués sur
une des Gaharies , les autres sur la côte
d'A£nqua Revenus cependant de notre
^Mmière frayeur , on ne pensa qu^aux
moyBVsiés plue sûrs de; gagner cette terre »
queli^ qu'elle pût être.
Nous en étions éloignés de plus d'un
c|uart de li^ue y on ne distinguoit rien styr
( 12 )
le rivage : ceU n'«inpécha point le tietir
DechaiBl^pilotin , âgé de dix-neuf ans ^
natif de Bordeaux , d'un caractère coura-
geux et intrépide >. de se jeter à. la mer*
Il se passa la ligne de la sonde autour du
corps. Cette ligne devoit lui* servir i à* tirer
un cordage tm peu plus fort , qui > <i le
navire venoit à se partager , nanaauroit été
du plus gr^md secours. ,
. Xjss rochers ptirmitesquels ce jeune homme
/îitpbligé de nagier , .lui fii'ent/ perdre cette
ligne : ainsi aa. démarche ne noua fut
d'aucune utilité. Accablé de. fatigue et de
froid , il se mit à Tabri du . vent dans un
tonneau que la. mer ayQit.^déja porté sur
le rivage. ^ ' , •'
A peine y fut -ii^ iq^ue nous vîmes <^urir
le; Ipng de la mer, un animal qneidans notre
jFrayenr:nous prenions pour un.âigre;ic'é^
•toit un chien des Maures que iiams ne tac*
dames point à voir paroître. :Cès penplesii
connus dans nos contrées sous le^ noiki de
jMaures^ibrmeni oeppndant diverses nations»
Gei» qui nous apperçurent: > cb^owd^nt
des Arabes errans^. et deS' fugiiiis) pl>rtip«
gais qui se réfugièrent dans le Saara > lors-:
que les Schérifs s'emparèrent dés trois
(i3 )
royaumes de Barbarie. On les connoît dans
l'Afrique solis le nom général de Nar.
Ceux qui occupent le pays où nous fîmes
naufrage, se nomvcientMongearts : ils n'ont
que des <i\k^h de hordes , et ne reconnois-
sent pour souverain , que l'empereur de
Maroc , auqprel ils ne paient aucun tribut,
çt dont ils pe, suivent pas même les lois.
Ceux q)ui sont vers le cap Blanc et surle9
bords du Niger , ont des princes particu-
liers et portent divers noms. Les princes
les plus considérables sont le roi desBlac*
nars (i^ I et celui des Trasars. (2)
Ces peuples sont misérables, ils man-
quent de lî)Vt> et ne vivent que de* ce qu'ils
trouvent ou peuvent voler. La terre qu'ils
habitent, ne peut fournir à Icfurs besoins,
et ils se jettent avec avidité sur tout ce
qui paroi): propre à les satisfaire. Ils accou*
rurent en foule sur les bords de la mer ^
en pou^sant^ des hurlemens affreux*
A-leur^ ci*is,le malheureux Declianisor-
tit de son tonneau , et: se jeta à la mer
pour regag;&er le navire à la nage. Mais il
(1) Celui qui régiioit en 1786 se nommoit Qalicon.
(â) U se Hominoit Admet-Moctar.
( 14 )
fut bientôt arrêté par les Maures qtiî Èf
étoient jetés de même* Us le tratnërent
sur le rivage, lui enlevèrent sa chemise >
et le conduisirent iiud sur le haut de la
colline» Placés tous sur le devant du na^»
vire, nous tendions les bras vers ces hom«
jnfes t nous leur demandions grâce , comme
641s eussent pu aous entendre ; nos foibles
Toix ne parrenoient point jusqu^à eux; ils
ne paroissoient pas même faire attention
h nos mouvemens. Nous les vîmes ^ à Taîde
de nos lunettes, faire un trou dans le sable,
y mettre le malheureux Decham^ et le
couvrir en entier.
Deux hommes le gardèrent , les autres
vinrent sur le rivage ; une pallie se jeta
À la mer en nageant vers le navire, et
l'autre s'occupa à recueillir les débris des
tonneaux que nous avions .jet^. Ils en
lurent mx grand feu , coururent chercher
Decham , se mirent quatre à le porter , et
l'exposèrent devant ce (cm. Tatitdt ils le
suspendoient par les pieds, tantôt ils le
mettoient par le trip^ers^ et se le faîsoîent
passer de main en main. De nouveaux
montagnards survenus , prirent la place
des premiers qui se mirent è, danser aù-^
( i5 )
tour dufèti) en poussant des cris horribleSé
ibTous crûmes en ce moment que c'en étoit
fait; et ce qui n'étoit qu'objet de pitié et
de sensibilité parmi ce peuple, notre ima«
gination effrayée nous le fit yoir comme le
comble de rinhumanité^ .
IsFos matelots , pen accoutumés à tinspeo
tacle de cette nature, se figurèrent qu^ils
l^avoient tué et mangé. Plusieurs assuroient
l'avoir tu mettre en pièces. On avoit beau
l^VT dire qull n'existoit pas d'antropo*
pliages sur ces cdtes , rien ne pouvoit leur
faire changer d'idée.
Les ordres des officiers ni même du ca-
pitaine n'étoient plus écoutés. Us Se figu*
roient que ces sauvages seroient assez har»
dis pour venir à bord, et étoient détermi-
nés , disoient - ils , à se battre jusqua la
dernière- extrémité.
VoyaiU qu'aucunes raisons ne pouvoient
engager l'équipage à alléger le navire, que
la lame poussoit sur la côte> je fus sur le
poait, offrant de l'argmit à qui en vouloit.
Un sac de laoo liv. , que j'avois eu de
M. Follie , fat vidé aumâmeinstant. Quoique
certains que sllssauvoieut leurs yies, cet
ai^Qt leuc seroit iautilç : il les lira cepen<r
( iC)
dant de Tcspèce de- léthargie dans laquelle
iU étoieiit tous plongés. Une partie s^occti*
pa de nouveau à alléger le navire, tandis
que Tautre disposoit les armes. A peine
furent -elles préparées que le capitaine fie
cesser le travail. Son dessein étoit de se
rendre eu pelotons et bien armés sur le ri«
Tage» Il fit mettre deux pierriers chargea
à mitraille dans le canot ; à force de bras
on le lança à la mer, quatre matelots sY
placèrent bien résolus de se défendre vi*
goureusement. Nous nous persuadions que
ces peuples les voyant armés ne les atta-
queroient point; nous pensions d'ailleurs
que nos pierriers étoient plus que suffi-
sans pour les éloigner : heureusement nos
projets devinrent sans nul effet. Nos mesu-
res avoient été. maL prises. Le canot cha-
vira, et nos gens furent assez heiureux pour
regagner le bord à Taide des cordages que
nous . leur jetâmes à Tins tant.
Cqt événement ne nous fit point changer
d^idée ; la chaloupe nous restoit^ on réso*
lut de s'en servir pour exécuter le' même
projet. Nous travaillâmes avec ardeur pour
la mettre en mer : nos forces étoient épui-
sées, on prit quelque nourritiure; et c'est
ce
^è' qui noiis sâti^^â^.^ La r^flemoh* noo^ fit
'«ppercevoir du danger ^au<^uelnau;â^ notsd
^Mp<3si<>ns ' dei f;aîté ;<te^-Co&ul?]j 4£idéb'-(&
J)OMet ia chôfotf|ie'''ér^ÈMI^Véiiu%'>à^^Ak-dé
aioufr, en crui qu1ilo;kotff f H'cîl^ ilîe l^efié^
^er.'Lê capitaine c^péroit parce tA^y^w*^ga-
'"gtieîr^lés Can^atîes^ V W croyanf ^Kâtté ' ëtfT
-le <:àp de Nîinr D^àto'^rë^feôSéktf (|^?'iP'ieî
i-oil piiisfaciW de gaighér l'è Sén«gÀlVA ât^sé
^isi Yénts qui i^gtiëitt'dâhâ ^â 6flâitâ^»*€^
<îe¥rïîèr paTti:étx)itie «CtlMëuf';, ët'ihifoît ^iî
stiivL On éié toit à rôutrâge, tti^iéh^ié
-put réussir. On dœik^enieiiieTA qûeiifSës
plânelïes. Norts eûmes u6e péîftS ififinîè
f>dur'tnettiie cetfe chàiottpe k laA^*\iètàé
VàidàiTêîmè^'-àyibû^i ^ùs càtàagés f^Mli
fefamW qu'elle n'éprouvât le Hiênl^ sdit qiié
fioRpè •callKDt : notre 'y^iânbtfrqîiâxiaw dé*
Vivras f de Targèïrt , <lès dririètf et *e* ô^eï*
les plus précieux; mais quelque biên^-jj^ri^
è^s qii'àteht 'ëtêoifoà^ M^sUï-éèV «Itei^ dévii>*
rèift^nfebl^-^iii^itâles.-- -^'^'> ''^' ^ ^^^- • -^
« • Li^^ !»m* ^ùOlëHflfi^'fe ^><rwlenïéSi cJu'eîîW
ïkiïft bttfi^èrferit^Ofts ^Viholiï réii?éV,muà
^te!Mâitaffe[ntttrô'^feh^lôu^àv«<i i<i*àndwgreti
Un£ae*v6o*dagfti qiii k î^hoièiit Sftiarrée i
ëMftl^^Âb-à^ sé'l^^l^i-eVëUë hdmrtà vigou^
B
Ct8)
MuMmeot contre lo corpa cla aaTire» Os
raniarra^de nouveau malgré le dangec. Elle
faisait MB de toutoa parlai il n^étoil pom£
possible de la hi$aer ,k bord; noui^ primes
donc le triste parti de 1 abaiidoimer»
A peiae fut* elle: sur le rivage « que les
lAaur^.aY rendirent^Ils sVniparèrenît d^
tpijit.çe. qi^^elle conleaoit , la halère^ à
iorqj^ dç;brai9 sur }e s^^ble^et y mireut I9
l?F% jCe«Hfe#Çti$» Pkftiw: p^ruit aussi eçueU^
qu/Bjt^^ij^,itpu|ïjif#isiQps qu'ils aroienp
feît.à.notri? i^alHwr/èpx cx>9p4Jpa<yi.d'in,r
ic^ftf3^e^.lffUiT^nl.^^T^lp}ff et leuxs cou-
gWtesM m^' ï^e^ j^gWM . 4o:l9ir9 actions
qwfij^WciÇPin^ H€Krfc.î^#giîiAtion frappée
BPMîpQï^toit à. croire. îfpiw ne^^avioB^^pa?
9M 5^j P^^^P^fi doivent détruira- t$3^^ ç^
quini^|;|>a^.^4'.w^e ^eç^.ppwmi wx. Çett^
%€ïÂ^^ Mlnî^c^ es^z^^hrJ^ime abattit nçire
..N9?f%;navU"e g^B^ît peu de terrain. U
86 brisoît à vue d'œil. l\ pliQÎt v^s, Ip J«4i
i^eu, l.e po^Bt-^tpit #»rm^éji:.ii(>us pcnsjgns
i}i,. chaque l^me q^^'îy[,.,#Upî^ a'eutTtwwk^
P>n autre côté l^:.âBjigiBç.eu<p»^lî #9W
?ious^ensious eçpo»^^ jsi »Qft§ ^vji^gs J«
i^^hçl« dA g9e9ejcJ||.ftw'%tW>»ftiWOW^
( 19 >
soit encore plus terrible. Nous étions
anéantis par nos réflexions ; rabattement
et la consternation étoient généraux.
Le tonnelier, homme courageux, bou
nageur, nous tira bientôt de nos triâtes
ré£exipns. c< Mes amis> dit -il à ses cpn-
ce frères , il faut ou périr ici , ou tomber
<c entre les mains de ces peuples: il n'y à
ce plus de milieu^ l'incertitude du sort qui
ce nous attend, est pour moi plifs cruellei
oc que I4 mort. Je sais nager, je vais mQ
«c rendre à terre. Examinez ce que lo»
«c: fera de moi. Si 1 on ne me tue pas, jci
ce TOUS ferai signal ; dans, tous les cas j'au-
«:. rai au moins la consolation de mpurif
a avant vous. >) Etonnés de sa résoluiâen ^
personne ne pensa à l'arrêter. J^l se jeta k,
la mer; plus de vingt Maures vinrent à 1$^
nage à sa rencontre* Ils le facilit^j^^t ^
g^^cir le rivagç , b dégQugli^jrçî^t df fj^
chemise , l'exposèrent a^ feu con^iie. i}^
avoient fait de Dechani , dansèrei^t autour
àe lui/ et le dérobèrent e^t^è^en^ei^t à npf
regards, sans ^jgi aucun 4e no^s put assut
jrçr qu'pijL l'eAt égorgé , ou qu'on lui eûf
«^iivé U vie. j,
Le capitaine qui , en appftr^uo^ , ^TçM
B a
toujours conservé son sang - froid , i^erdît
la tête en ce moment. Il crut Ta voir vu
mettre en pièces, et ne pensa plus qu'aux:
moyens les plus sûrs de se donner la mort,
^on dessehi etoît de faire sauter le tia viré f
pltisienrs milliers de poudre dtos la sainte-
tarbe en rendoient l'exécution facile. Il
ilous fit tous monter sui^ le pont, nous ex-
horta à la mort ; cependant ne voulant
point mourir sans vengeance^ il se prépara
à faire feu sur la multitude qui couvroit
lie rivage. Pour les attirer en plus grand
Àombre et porter des coups plus sûrs, iî
fit jeter à la mer les objets les plus pré-
cieux, 11 fut trompé dans son attente, cai?
fes Maures, instruits par nos deux confrères^
que nous étions Françoiis , se rappelant les
pertes qu'ils avoîeiit faites dans les nau-
frages de detix navires de notre nation y
S6 doutèrent d'mie partie des desseins qûé
Pion fôrmoit à bord contre eux. Ils s'élot
gnt^rent du rivage jsrans faire attention aux
bîïjets que la mer y apportdit , allumèrent
de grands feux sur le haut de la colline,
et se* livrèrent à tous les mouvemens dà
la joie qu'une dépouille aussi riche fkiisoit
Maître 'dans leur coérur.*--. ^ ^ "^ '
( fil )
Trompé dans ses esjpérances^ et ne voù-
lant pas tomber vif entre les mains de ces
sauvages , le capitaine assembla de nouveau
l'équipage, et l'exhorta à faire sauter lô
navire. Les officiers étoient d'un avis con^
traire ; et nous allions tous périr sans le
courage du sieur Bardon , sous lieutenanf^
du bataillon d'Afrique. Le sabre à la main,
et secondé des officiers, il menaça d'égor-
ger le premier qui oseroit s'approcher de
la sainte-barbe. Que de contrariété dans la
pensée des hommes ^surtout lorsqu'ils sont
dans le danger! Tous vouloient mourir,
et il ne s'en trouva pas un assez hardi poux
«""exposer à tomber sous les coups du
sieur Bardon. L'éqiiipage se. retira sur le
devant : je veillai avec le sieur Follie, un
mousse et un novice sur la conduite du
capitaine qui paroissoit être revenu à notre
avis. Il nous remercioit de la violence qu'on
lui avoit faîte, et nous prioît de lui par*
donner un moment de foiblesse. Sur le
piinuit il se j.eta sur son lit pour prendre
quelque repos; éveillé sur les deux heures,
il monta sur le pont, et eut une si grande
frayeur des feux, des danses et des. cris
des Maures, qu'il se.détermuia h se tuw^
li à
(m)
U n'eut garde de nous faire part de son
dessein j se mit sur son lit, pria Dieu ; ot
se baissant, se tira deux coup de pistolet
dans la botiche. Nous allAmcs à lui ; nous
\B croyions mort, mais il s'étoit manqué :
le chirurgien le pansa aussitôt, et on rem-
p6cha d^attenter de nouveau à ses jours.
Loin d'abattre Téquipagc , rhorreur du
spectacle qu^offroit la figure effroyable de
cet homme , ne fit qu^aflermir chacun de
nous dans le dessein de se sauTer : plu-
sieurs , dans la crainte que les Maures ne
nous attribuassent la blessure de notre
capitaine, proposèrent de lui amairer un
pîerrier au ventre et de !e jeter à la mer ;
mais cet horrible avis fut rejeté.
Le jour commençant à paroitre, le se-
cond capitaine assembla tout le monde ,
et Ton se mit à faire un radeau. Ins-
truits par rexpérience de la veille , nous
nous résolûmes d^attendre la marée basse-
Sur les onze heures , les Maures n^ap-
percevant plus demouveiûens surlepont^
se jetèrent à la nage dains Tintention âe se
rendre à notre bâtiment. Attirés par leurs
cris , nous leurs jetâmes des cordages , et
les mîmes à bord« Sans répondre et sans
(ç3)
s'embarrasser de nos questions y ils ne s'oç*
cupoient que de piller ; nous faisant seule*
ment entendre le nom de Maroc. Prives
du secours que nous attendions de leur
arrivée , pressés de. nou^ rendre à terre
puisqu'ils deyenoien^ plus nombreux que
uous, on jeta sur les deux heures 1q ra*
deau à la mer. Qix seulement purent s'y
placer. la lame étpit si violente qu'elle en
enleva quatre. Le sieur Bardon , officier du
bataillon d' Â^frique , se noya ; telle fut la
triste fin de celui qui , la veille , nous avoit
tous sauvés. Deux autres , parmi lesquels
se trouvoit le sieur Follie , furent secourus
k propos par les Maures qui s'étoient jetés
à la nage , et le conduisirent sans cdnnois*
sance à terre. Le quatrième , qui étoit le car
pitaine en second, regagna le navire. Les six
autres , parmi lesquels étoit le capitaine^ fu»
rent à peine à terre, que les Mauresrles con-*
duisirent sur une émineace eitil y avoit
un peu de feur , et là les ayjânt dépouillés |
les- laissèrent nruds. Nousn'élio»fi plus que
onze. Nous nous eâXLpreSsâiues à faire ua
nouveau radeau. Il fut bientôt prêt )
quoique peu spUde > cinq s'y plagèi;«fi(t»
Quatre §e, sdUf ^r^t swm ^ci^e^^s : le cin*
B4
(>4) .
qnièmô lut secouru par un des Maures
qui se retîroit avec ce qu il aroit pris dans
le navire. *
Nous restions six , nous ne pouvions
plus faire de radeau ; ie nombre des
Maures qui étoient occupés à piller, n»
nous en laissoit point la liberté. Nonsréso*
lûmes donc de profiter des paquets qu'ils
jetoient à la mer , de nous y tenir ferme-
ment , et par ce moyen de gagner le rivage.
Je fus le premier à prendre ce parti ; l'heu-
reux succès que j'eus décida les matelots
à suivre la même voie. Sur les six heures i
nous fûmes tous assemblés sur la coline
autour d'un grand feu. Les Maures nous
y laissèrent environ demi- heure , puis nous
ayant examinés comme on fait des esclaves y
ils non s firent lever tous, et nous condui-
sirent environ demi-lieue dans les terres*
Là , ils nouS' divisèrent. La moitié retourna
Vers le rivage, et nous fûmes les tristes
témoins. des disputes qu'ils eurent pour
Havoir k qui nous appartiendrions. Ils ve-
fioient sur hous le sabre à la main : nous
ne savions que penser ; h^is étions nuds ,
sans armes :^ n^ayant point apperçu nos
deux câmiarades qui , la vieille ^ s^étôieat
( à5)
^entîîis* à*ter»6; Nous petisâiries tous qtre
iioiis touchions au dernier moment dé
oiotre. yiov et noifs prinfés 'maxDhinalement
la fuite dans: le. dessein de la conserreT
quelques mi;nutes de plus. Ils se battoient
♦avec acharnement pour nous avoir ^ c'étoit
à qui s'empareroit de nous.' Plusieurs de
nos gén^ furent cruellement Blessés ; j'eus
rie malheur dlêtre arrêté presqu'âu même
instant .par deux Maures. Cehii qui m'avoit
.^touché le premier , prétendoit noi'avoir^
c'étoit la loi ; mais son^ aiîversaire , trop
cruel pour-entendré raison /voulut termiî-
ïier son différent- par ma^ mort. Je par£|i
le coup de poigiiar^i qu'il me ' porta , et
n'en eus qtie deiix doxgtsr. o£Ëprisés : cette
action liii coûta la vie ; il né fat pointasses
prompt pour se mettre en défense contre
mon véritable maître, qui, ayant comme
lui le poignard à la main , le jeta à ses
pieds. Le Maure qui m'eut dans son par-
tagé f me conduisit où étoient ses frères ,
ses femmes et ses esclaves. 'Us mirent le
feu jsur ma plaie -pour en étandier le sang ,
ce. qui arrêta les progrès du poison. Ils
m'enveloppèrent la main avec deïihetbes
trempées dâïijs de l'huile de tortue>j<eiï#
tardai point à éprouver une entière gu4-
rlson.
Qu'on s^imagine sUI est possible , la triste
situation d'un homme qui , n'ayant jamak
voyagé , se trouve tout- à-coup privé de scé
vètemens^ mourant de faim ,. et environné
de barbares qu'il pensoit devoir être ses
bourreaux. La mort qui à l'instant du nau-
frage s'étoit peinte à mon imagination aoua
les apparences les plus terribles ^ ne me
paroissmt plus si redoutable. Quoique je
fusse résolu de tout supporter pour con-
server ma chetive écistence , je voyois ce-
pendant Texoès de mes maux avec une
indifférence extrême. Mon malheur étolt
€rop grand pour que je pusse le sentir. Je
croyois que chaque instant alloit être lé
dernier de ma vie. Résigné .à la volonté
•supprème , p'attendûis sans inquiétude le
coup fatal , et lé regardois comme Theu-
reux terme de ma misère. Les disputes des
Maures au moindre objet qui £rappoit leur
cupidité , les coups de bâton et de poi«
gnard qu'ils se donnoient , me faisoiealt
croire que c'étoient mes malheureux com^
pagnons d'inforlune quUla iibmoloient à
leur Ts^^. J'avois vu renverser près de mai
( «7 )^
deux de mes compatriotes , ^e pensoîs
qu'on les avoît égorgés : je ne me fioîs
pliis à la fidélité des l>îstoriens sur les
înœnrs de cette nation, je la croyoîs antropo-
phage. Mes compatriotes avoient été éloi-
gnés de moi , j'étois^ environné d'une tren-
taine de Maures ; je pensois qu'on nous
avoit partagés de la sorte pour nous manger
en famille. Les pierres apportées potir sou-
tenir le feu , les fagots et les débris des
^nneaux, amassés près du lieu où j'étoîs ,
me sembloient autant d'instrumens du sup-
plice qu'on me réservoit. Dans cette pensée
je recommandai de nouveau mon ame à
Dieu ; ma prière finie , j'attendis tranquil-
lement la mort , et envisageai sans frémir
ce que je croyois en être les apprêts. Ma
tranquillité n'étoit point de la philosophie ,
mais plutôt une espérance entière en la mi-
séricorde de mon Dieu. L'appareil mis sur
ma plaie ne m'ôtoit point cette idée funeste
Les danses et la joie cruelle des femmes
qui ni'environnoient et m'arrachoient les
cheveux , plutôt par curiosité que par ma-
lice , et ne pensant point à me couvrir ,
se réjouissoient de m'avoir parmi elles }
tout m'affermissoit dans cette opinion
(28 )
£atale« Elle se dissipa enfin , lorsque fe les
vis prendre plaisir à me voir boire le lait
qu'on m'offrit sur les dix heures du soir.
Je passai cependant la nuit la plus triste ^
abandonné a mille réflexions plus effrayan*
tes les unes que les autres , couché nud sur
le sable , et exposé à Tinjure de Tair.
Les Mongearts , qui sont les Arabes du
Saara , étoient les seuls qui s'étoîeat trouvés
sur le rivage à l'instant de notre naufrage.
Maïs ils n'eurent point toute notre dé-
pouille 5 ils furent contraints de la partager
avec les Maures du Biledulgerid ^ nation
giieriière et mieux armée, que Ton con-
xioît dans le pays sous le nom de Mqnsele-
mines. C'étoit à un Arabe de cette dernière
nation que f appartenais.
Le lendemain nos maîtres nous laissèrent
la ]il)erté de nous assembler tous sur le
bord tle la mer. Ceux d'entre nous quiap-
partonoîeiit aux Mongearts , avoient été
traités on ne peut plus humainement. Les
uns avôIent des peaux pour se couvrir ,
d'autres des hardes que leursmaîtres avoient
pillées dans le iifnifra;^e. Quant à ceux qui
appartcu'oieat aux Moiiseleuiin es , ils étoient
(29)
tous'nuds comme moi , et n^a voient point'
été niiexix traités.
Cette diversité de mœurs d»ns des peu-
ples si voisins , me fit. croire que sans
doute mes compagnons n'avoient été bien
traités par les Mongearts , que parce que
ces peuples étoient accoutumés k voir des^
Européens dans la rivière du Sénégal ou k
Portendie , ce qui me fit penser que si je
poùvois leur appartenir ^ j aurois sûrement
le bonheur d'être conduit au Sénégal. Cette
idée vraie ou fausse me fit former le projet
de m^élcttgner , s^il étoit en mon pouvoir.^
de l'endroit; où mon maître avoit ses
femmes et ses esclaves. Ou ne faisoit pres-^
que point attention à moi, ce qui m'en*
gagea sut. les neuf ; heures du matin à
xn'eulbnosr dans les ferres , sans savoir où
j'allôis.' • .
. J'eiAS à peine fait une demi- lieue , que
je fus: rencontré par des Maures qui mè
firent 'ikiarcher à graxidis'.pas , et me cdn«
duiairieatàiears tentes ,. où' je vis beaucoup
de clxèfrês' et de chameaux*. A peine ius*je
rarrivéqo'ôft^nxe donna > du lait, et qu'on
ne <K>tLTrit de pliisieurs ^eAux de chèvres
(3o)
COUSU68 ensemble. Quoique fatigaé de la
marche , et ayant passé deux nuits sans
dormir , il ne fallut point songer à me re-
poser. On me fit marcher tout le jour. On
sWrêta enfin vers la nuit. Je la passai on
ne peut plus tranquillement , quoique
couché à Tinjure de Tair. Le soleil n^étoit
pas encore levé que déjà les chameaux
étoient prêts pour la route. Un Maure me ,
fit monter derrière lui , et jç continuai ainsi
de voyager sans savoir où j^allois , ayant
laissé tout l'équipage sur le bord de la
mer.
Sur les trois heures , j^arrivai à d autres
tentes où je me reposai des fatigues des
jours précédens. Je n^y restai que deux
jours ^ car le troisième trois Arabes nuds)
mai« bien armés, m^^itrainèrent dans la
partie du sud. Nous traversâmes plusieurs
rivières ; et après seize jours de marche ,
ils s'arrêtèrent sans oser me conduire plus
loin. Le premier jour de ma route. j'eus
les pieds tout en sang. Us m^arrachèrent
les épines que j'avois à la plante des pieds i
me la ratissèrent avec leurs poignards # et
m'appliquèrent dessus du gaudroa . et du
saWe. Je n'eus plus ensuite de peine à ma^*
(3i)
cher. Lear intatition étoit de me Tendre
aux navires qui viennent ou Sénégal })otir
acheter de; la goa^me* Bs- ioKi dîsoient tous
les jour&'en arabe, souiéèuiàu^ahefeùtna
gaderdome. Ce qui ^suivant ce que j'ap-*
fHcis. par la suite, signifie i bientôt tu seras
au^négaL Mais la guei^rè ^iexistoit alor»
entre les princes de ces casitona, les em^
pèchà d^exécnter leur dessein.
Nous passâmes trois jours dans une fo*^
rét de gommiers. L'ûnpossibilité où ils
étoient de me rendre au Sénégal , les oblî-*'
gea de revenir sur leurs p£tô. On se remit
en route ;4*arrivai, apvèis treiâte jours de
marche continuelle va ta tente de mon
xaoitre (i). li y avoit long-temps quUl étoit
d^ retour du pillage du navire. A cause de
$es troupeaux il s^étoit porté vers Fendroit
du dé$i^rt qui sépare la t»rre des Monse-'
Ijemixves» de celle des Mong€»rts« Ma nour<r
riture peodant ce pénible voyage nVvoit
côn^i^té: qb^en lait mêlé d'urine de cha-
Wiiwn^ e( m un peu de &rine d^orge ou-
X 1} Les deux routes furent en tofit 4» 5o jours^ marc^i» ,-,
éai dtfûlt' voyages îi eu faisant qu*an ^ ce (|ui £û( que cette
(3ô)
de:mil'(}u'on«'dâày dans déTeau saumà^
tra.^ qdand ôil aie bonheur d^en rencontrer. '
; }} lue Mroit.impQaBibie de décrire les-
peiws <itte j\u^ .daila un voyage aussi long s'
j'y aiirois ififfûimblement succombé sans.
1^ \>onté de mon tiiftipéraménti et si tonte,
^joayie je ^Vlvois .été accoutumé à la fati««
gue. 74nt. quW me prononça le- mot de*
gaderdome^ sans lé comprendre, je sentois.
mes fatigueâ allégées. Leur manière de me
parler de cot endroit «me le faisoit regar-^
Uer comme le terme- de mes malheurs;'
mais quand on -cees^a de m^én parler , je
pensai avec raison que mes peines seroient
longues. Us. lo'^Kpliquoicnt en me mon-^
trant leurs fuaiU, qu^on les tiisroit'de ce
côté. La yérité .étoit ^ qu'ils n'avoient pas
cette craintif taaia ris avoiêns^'peur qu'on
ne leur enlbvat kairlcapture, €«:îls ne vou-
voient pas a'expo$«r à .perdre le' prix qu'ils^
espéroient tireur de ma personne. ; -
On rencontré' daiisierdéserk dp trè64)6l-
les terres qui, (Siiltivées produzrcàeal^ ^faîi»
doute les choses nécessaires à la .yi^iju Nous
y trouvâmes beaucoup de truffes; j'çn man-
geai avec plaîsîr. ILés Maures ^veç qu^ jft,
Vûyag0ois,m Wprociiroi^ ^ oïdcrént^' JWooooi
tuméa
ttunés à vivre de làkfl^ge, ils se côtitmi*
toiept de celui de nos chameau^^ et Bé
privoient volontiers de ces racined^ Je iik'ëus
point à me plaindre de mes conducteurs ;
ils me* traitoient' humainement, et me pro«
ctiroieQt autant qu -il ^étoit en eux, eequî
paroissoit me.ââEtlira* le plus.
' Leiendemain^ide mon arrivée^ je les vis
pdnir avec peîhè, je leur ^ois siiiCèrement
attaché. Jamais |ë He les revis depuis. Peu*
dant la route, lorsque nous nous arrôtions
le soir ^ ils ailoient .eoz»mèmes cberdier le
bois pour ia^ nui(> et pm laissoient pour lA
gard« des chameaux et du bagage^ souvent
xnéme, lorsqu'ils me Toyoient trop fatigué,
fis sVrétoientdeuxjdu trois heures avant
ie soleil couchée.
- La horde à kquelle jfappartenois^ étoit
composée de cmquante^deux tentes, tantôt
réuiaÎ8s> tantôt séparées, suivant -que Vetié
geoit le téifreiîi' p^titr' k commodité des
pÀtorages. Ces tmtessonf faites d'une toili»
n(9ÎMfit:épaisse,:ti88iie xle poils de chèvres;
èi^dê- ^hameauK, leur largeur est dcf dix-
bnit'pouees environ:: ion d0s x:oa]d;>émâa|i^^
Uë pour fermer la tenSe, et deux bâtons croi*
•és/lii80utîenaeiiSé!£âb peuples m'ont poor
G
( ^4 )
Xtmt mfXiHe^iqné t|£selquel oorées de fuSiê
^ut l^tirs bestiaui^i vn pot dei^ terre fiàor
£iîfe chauffer ie latt, au nuire lo ^graini
ime cmeilièM à ipot^ wm ixuutt&i tin cooteaiiii
mm pique., et un ^ob ceàlkm, qui leur sert
]Bie mm'teaii pour Mi&ncer Jes petits ipiçoeta
de la tente. Coatei^ daOM leur indigèRMi
fsi^ eçhnoisfWiit ^oint ^de heiiDsns , oeis peu*
|rle3 virent dana niui parfinte ti^mquittitéf
I^es homipes a^'occuptent dç lia chasM et d«
la ^arde das troupeanx; le^ femmes die
Her M^: de préparer ies Tirxes* Ils ae co^-r
ffent/tégEilexneht.cb peauK de cbèrres ou
#e pagnes quand Us peuv^oi: se pro^irrM
des guméM» La paixtre des luefDfloaes «crnir
siste À avoir de b^iss axintes, telles qu«
poignards I sabres , fusils et un chapelet dé
^n^f^ çrâgtal bkac; qiiant il ceUe des fem*
9$e9 9 le^ :oQBSt0te en oolUan d'a»bvf «, do
C{3i^i( f .^ ^ nrerôterie . «ki toute espècM) $r flHi
boi|clQ9 d^oireUles d^Gir.^fii d'te|[eat»auît«iik<
la richesse dies paff^eviÂers^ et -en im9
pag«^ :£ort ample dont k xpecMé est ro«gft4
. Je^ passai deux jévàs sans qn^an i^ù^kt
d^mmoKOBim tsaTailrs le trcdsiènie oii:mA
£t<.aUi!B».<ch«rcher le hm ipour la «ente. Oal
a9 idtnma ponii ^pet jtffitt une
C 35 )
jcorde> fit un enfant m^accômpagna potir
me faire connoître celai quUl faUoit prendre^
Quoique tout le pays soit cburert de
broiis$aUles > ces peuples ont cependant le
plus grand soin de les conserver, jamaif
ils ne touchent au bois verd. Il me falloit
•ouïrent être deux heures de suite à cherr
cher du bois mort i et Icnr^que mon fagot
étoit suffisant pour la journée, je Tappor-
lol^s à la tente. Il est inutile d'exprimer la
peini^ que j'endurois dans cet ouvrage tout
facile qu'il paroisse. Je n'avois rien le jour
p^ur me couvrir; j'étois contraint de porter
:Oe fagot sur mes épaules j je l^s mettois toutes
eu saDg*
Content de mon exactitude et de mosL
assiduité à fournir le bois nécessaire , on
me £t battre le beurre» Ils mettent pour
cet effet leur lait dans une peau de chèvre^
Ja suspendant sur trois bâtons , et Tagitent
environ deux heures de suites ^Ues furent
les occupations auxquelles on m'employa
pendant le séjour que je fis dans cette tente^
Mon maître ayant trouvé occasion de sç
déflore 4e^ moi^ je vis donn^^r un baril de
£^-ia^ (it mue b^rre de fer de neuf pi^d^^
C a
ètiviron; j^ignore si celui qui m'acheta
eyoit donné autre chose.
Le lendemain , au soleil levant ^ on s#
tnit en route. Nous marchâmes neuf jours
sans relâche; Suivant la coutume de tous
les peuples de TAfrique > on part ail levé
du soleil , et Ton ne s^arrèté que lorsqu^il
est prêt à se coucher. Dans le jour ^ oH
rie mange que de petits fruits sauvages #
ressemblant aux jujubes ; et on en trouve
de tous c6tës. En arrivant , j^étois obligé ,
comme les captifs nègres j d^aller chercher
le bois pour se chauffer pendant la nuit ,
«t se garantir des serpens et bêtes féroces
dont le pays est couvert. Ensuite on me
donnoit un peu de farine d'orge délayée
dans de Teau saumâtre ; c'étoit mon unique
nourriture, quand nous ne rencontrions
point de tentes.
. Tous ces peuples exercent Thospitalîté
la plus grande. Quand un étranger arrive ,
on lui fait le salut dVmitié , et on se privé
souvent de nourriture pour pouvoir lui en
fournir.
A peine fus«je arrivé chez les Maures
rebelles au roi de Maroc , q\ie l^on me
(37) '
Tendît. Mou nouveau maître ne me donna
point de repos , il m'envoya dès le lende^
main garder ses chameaux : on confie or*
dinaireïnent la garde des chèvres aux en-
fans. Je passois la journée au milieu des
montagnes j livré entièrement^ xnoi-mième ;
je n'avois^uçune connois^ancede mes.comr
pagnons d'infortune. Des marches aussi
longues que celles que f avois iaites> m^a-<
voient entièrement ôté la rconnoissance da
pays, oà fétois, et l'espoir de ma délî**
vranôe commençôit à m'abandonner. le
ne> voyois point de terme à mes maux f
ils s'aggravoient de plus, en plus^ mes
forces diminuoient sensiblement ; et chaqua
fdis que je bhangeois de maître, je me trou*
vois plus maltraité. Le soir, à mon retour
à Isk t$nte 9 on me donnoit du lait de cha<^
meau.ien abondance, il est vrai; mais la
ra:reté des repas et la simplicité de cette
nourriture n'auroit sûrement point suffî à
la consçriçation de mes forces ^ si le jour*
^n gardant mes chameaux je n'avois pas^u
l'attention de cher<^er des truffes et d'autreél.
racines sauvages que la nécessité ttiWoit
fait connoitre lorsque je- fis route areà
i^es premiers coodu^&çurs»
C3 >
(»)
Je tiiê fendu de nottteaii ; ma s^nté étôic
beaucoup altérée; mon noureau taïahi^eme
conduisit à sa tente où je ne reatai pat
long - temps» Plus patirre que ne ie sont
ïds g^s de ce pays, il mé conduisit à un
loan^é Toiain pour tirer quelque profit de
ma peraonne. U n^ouva un Arabe qui m V
cheta pour deux jeunea chameaux toekii^d
m^ vendit le lendemain au marché; il re^
çut de rargont, .mais f ignore combien; ce
que jo sais, c^est qu^ii parih fort satisfait,
puisqu'il ma donna deux livres de dattea
favicon^et une petite pièce de monnoi^
que j!ai conservée jusqu'à ce j>Mr. iQatàâ
toift le; Saiara la commerce ne ae fait que^
par échange. €é fiit en cet endroit où )&
tôs pour la premièrB fois de roi^eniu Cètter
¥ue rranima m«s éspknàxcny jepenisai a;v«c
9^aan que je n'étois {»aa éloigné d'un état
cî<«Uisëu La variété que je voyois dana le^
Qbsamercé> me âdsoit cfoire que je ne îe^
deKciia. poinA à trouirar les moyens éd poiï-
TQÎr apporta: dui soujagmnent à ma misent'
J» conoeVeia l'espotî» d'iuètruire tà^ fen^llia^
de m'oa malkaureux sort ; j'att^ndôid wtÊet
diéliigraiiceydesa tendrease: «et espok- «mk
faisoit supportas mes peiael ^féiQ /plM^
de courage*.
' J^à{>pris pair expérienuJa'téfhé'^âsreii*^
tstxicnt de c«ox qui âssutent quii:plus les
komixiec» Bont dvilkës^, plus H^ sqm ôruèl»;
A chaque nottreatt maître f ëtois -phxê' mal*
«ntké} aiissi m'approK^koi^-'j^ des étaU ^e^
Mât-éis,^ où HoM» â^u^tift «nciore et beais^
Âialheiir d'appartmik à ^tit^s ^ô^à l'èm-
Sur 1« soir nofW'ivowiiiîmes en routa,
#t AcAfi^ nwa approckâmM- du ca^p <la Nud.
Q^s^^& Arabeff, qui^étieicm au fiîaroliiy lùra-
q4i6^i^ Maure ttn^acheta',* tin^em noun atiè»
4l%^v6r^la niiit;''Mb]ii miâtre qui teâi ccwk *
^iScfit^^M âl^es-q^ 'Ièti^9ipô1g¥làirdlr•'
J^W^ nirt qui ftUôit lut éiî>pbrtef un coup/
je criai ; mon maître* refît» ^ et Wra sén-àd-^
vé^èiirô â*«Hfi cô^^ dfr 'îfoëil. Auséi-^dt^ks
lëfi^ltettx^utrèff pi^K^é^ fetitei K<^b^|iié-'t
itfeMr teékiuent^ ]§%î^àr4^ dé^^^Ut^iii^i^
étt>iëittLë«:é t^â^,*eii[}o€^tiAiu^iiiOtràii^a«eJ
Au iiëit d'^i^lteî^ ^ë^¥^âdr#4)8iiiya»t ^^^«r
is0è9e'îiiièmidnV'ilUiiièt ^^^ ^a ^n^^frè^è /^
G 4
<4«)
fun dès piM ricIiM* particuliers an pà)rs«
; .Cs moment fat rla^ fin: 4^ ma misère. J^ëK
to!s obéi par les kijègres, esclaves ; les fem*
xbes 196 dounoleisticeique je poayois de*
slreiv Je nWols plus ^^.?tr/lYail à faire*: si
fallois avx tr/oupeanXf .«'ét^it pour me, dé*
S6nnyy^«.0n prend; ie^nM»ur$ dea^pi^uplea^
avec; Jiôftçu^l.s qix. tit^»':qmic[^e M^^ages-
quelles soient, sur- tout lorsque les coups^
de bâton: fxe'SemékRftrpMitle-.la -partie. II
n.'y.avo£trpasvd^amitié q:u*^' Ton ne. xg» Ët^
ilf :Yi6i^k^i^atm-attacbei:j^i^x« protpesses v
présena v n^^ ns kne<>f««! jépargné » ik ^o(r,
' iàxeyit itiême ia tomfidfrîmon maître^ .l^s*
Ar'abeëide sa'hofda n^végardoî^ztt.pl^tél^
^î çwfipatriote quîen , eseli^9; ii^i ^fimm^
Bf>v^jm^li le jeii du f^Uv*et;;jd:^r4c^iaȈ.
leMrs.di^nMS lV)çterW4-ci,;; . t ,- i» * j. -r
^ Jej6«attwejtiç.0i§ AlorR ktmXei^t^ Vw^v
)>. w.oysÀ» rbieuL iewar^ffsmios » maia /p«$T^
i^f^^ j<»3ftemples; je i^uvrAkrioeinprewlnif'^uft
j0(âitdr4endrt^is. n]4^^ y^t^ic^^l
iaé^raiitoble:f^ ib^jl^e is^^p^ffis^r^eiM «pluô..
I^'4imlié rqxi'Ua rft)^«ri«tot jglpxxj^ moi v J^w , ^.
pr«^KKlfalepatti4a^4fif^<^lld|2ir«l che^J^fa/^^^
£i^sd,;chef de <jlimiiapt>ur ^•fuRer^pift»,
ter I didôiènt-iis , Je pliAtôtc^pœâble 'ifenà,
les t^re$: sQui^ises^ à:. Ja rdoaûaation da^
Tempereur de Maroc. Je restai huit.joura;
çhes^i ce partiçi^jiiôif , sans lui appar terni* : enfia
il m'aysfestife. J'igqore le motif <jui Je portai
kni% payer aiissi; cHer.qu7il X^.Bt.ije Mis;,!
oar je comptai moi-même ilesbeapèçes, qu'ill
paya, pour. m'ayoir^ cei^r^cklquânte piastçea-
fortesv^Q^1^^^*P^(î^$;:pièi^^$ dô U val^wj
de dix soiis. Comme Jb nombre d^ œ^^pl^,
ces étpiti de quinze ceuftsj jf\Rm J§s coi^itâ^
iiiea^.xc^O]^. maître et ;i^,:4^u^, jours da^
suitq, craintei dVreur. jÇi^ttô>$Qmme u^^zi|e>
^tfOV£L% pl^ajlfiir^ jiq,^^vQi^ ^u'ij avoitrçK
fixf^.dô.. 4çiyiçr €9|îj^,^i%^eg'pourlejftigujf>
I?çç4\aia^ jCj:. j^,.pe^fij9i^^ 5^^^^^ jie m'ayQil^
pay4.:a^VfI^f8r ^ue . (Jajgft Jl'intentîoit 4at
i^^ttre m^ Ji^gf té .à g^ f Bj^Çj^çessif. .• /
Hali - Z^js^ avoit u:^ç ^^i^qn qui , da99^
ce pay^ , B9^]?P^-. ^S^ P??^f;, PP'^^ ^î^ ^^1^"
Ewbe.,BîdHftfe }l«fP«,b^ftupo«p,dç nègçe5,£
^^MSfb% ^TWWf vaçhç^ ,; chameaux^f
®;-fiéftêfftifi9^SB4e i^^^ voit d^iisi
Qi^a /^ËjowçsjJl ayoJLtf^^tyfbdi^ à r^arisàJa,
spii^ dtun.^ambassadeu^ de^iuroc ; par ^ea-
ra j aoflit d# ;i Taéfioiitexi^aigfit^y^.tpour aauy<^
^ .^«>^ ^ s'étoit ^u^ ço^raint d^^ se faifo^ '
éiëBde» Bfanres ïelMlles au roi. Il m ttaitt-
tftiiok contre^ œ firinc* p«r la ibro» àeè
armei. •''* .'i ^' '
' iûei hontni0 mè tMka-lmttY il n^ttigM
d0 iBor auou» ftfayMlf 0t me éimnê^ des
htf^ils : ^é it^ iMlM^bai plus à' ïinftstB dm
l!aîr:; jWéi» dte la-paillei dont fe me fié
itae espèce de litl Jefitisôie deux repas par
jlwr. J^a^oi&détiinourritorê en aboiidence ,
tcà point âième qtié presque tous *\bé joors^
]& paîtagebis Mpn- SInér ^ soit; avec iin ma*
ifeloÉ iwrbvèrt^àlc qui se trotftoît àfors k'
Gliini , soil A^éé ÈÈ. *L£^naspè2é , capitaine
en sec6fid>' filè 4»'Vairm9itemv Lès fours
dé marché y f â^i^^^ëoîErrehfr de ' Metf corn-
patritofes à traltiéii^ Jë^'^ttitodoiè^leé filles
éxtk lèiàixtiés'^ jaMRi^dn ne tn^èni reftisoit;
Traité de ïa-sb?t!ë% fà ne tirdaî point à^
^'Lefe nèéodiaïî^ffantedîs et aiigldis étaWis
àMbgod6r /ltt$â4«f^(lé nétfè dréA^» par
lesf fliflérens courtiers qtré^ letrtP edïftttiârce
M ébligé dé" i'é^âÂdi^e dktls k éakpis^ ^
dtiybyèreiit pdtnr^tirMîlïrtîe nôWBftte^ } te
Akùfè Béritahar'v Ç^^i logeoft'tîIréiB^ nhitt
xhaStre^ m'acheta éent <iiuatïe^--^ifite**pfittfres
* ibrtes. Jeftzs^k^ylét du- marché^, fé diicQtat
(43)
moina^mBmr Im pÉiM, do ma tànçôn > p lé
MffUK ild m'achelft que sur la certitude
que je lui donuad qa^il seroit psiyé patr le^
BiégooiaGtid françoié ^ à l^iiiâUnt que |é me
iamis ^iinoitre à Mbgodon Cet honmiè
iréumt en même temps cinq autres de mei
cama^ade^^ savoir , M. Fdllîe, natif de^ri*/
ol^&eier d'administration dans, les colonies ,
il le paya deux cens cinquante piastres
fortes^ Le sieur Decfaam , pilotîn , natif de?
Bordeata > le premier qui s'étoit rendu k
ferre , fut payé quatra^in^t^quinse piastre»
fortes. Le maître d'équipage et deux ma-^
fetots dis Bordeaux né i^i'eâit payés que âm
65 â 50 piaatrea.
D^Hs l'kstaiît dé mon naufrage jus-
qu^ii motiient où je fiia rendu à Glimi ;
viB»p*iiïcipfele du Cep de Nun , je n'aroiîJ
te aue^nto oomioisaance du reste à&
Téquipâtgé
M. La^âspèze / noti^ éeeond càpitaJn^;
fiis' (fo riÉÉtfiftrteur / étok dans le même
Mëii^ciMÉiis it arôit pleine liberté , et ses
fàiâe§é^ ne le gêno*ent en rien. Ils ne
fut point acheté , j'îgAofe.quek motifs^én-
l^agJTcMtJtemaha^ à ne point traiter dé sa
r«i90ttu^ peine sut-il men sa-mée «^q^a'il*
(44)
vint meyoir } jVtpis dans la première oomfm
U avoit la forme d'ua spectre ambulant*
D'abord je ne le ^econnua poiht.<| et il ne
me reconnut paa diiyantâge ; broui par le
apleil , portant la barbe et le$ cheveux
comme les Maures , habillé à leur manière ^
notre changement n^étoit pas surpreiiAnt#
Cependant après quelques instatis , noua
fumes dans les brasTun de Tautre. Nos
expressions expiroient sur nos lèvres , noa
larmes , qui couloient avec aboi^dance sur
:(ios joues , ezprimoient la vivaci^ âp noa
^e^Umens. Nou^. .ire^tâmes tout le. jour
ensemble* Nous nous racontipn^ ,nos mi^
seras avec satisfaction. .Il.mjApprit que
14* FolJie étoit 4w^l^ même ville. Je sortis
aussitôt accompagné de quelques Mavres ^
^t fus avec lui à Tendroit où il étoit ic^enu^
M. FoUie appartçnpit. à un > Maure jeniel
qui le traitoit avec la dernière dureté ; il
étoit cQ^ché sur la dure , et On ne. lui. lais*
soit aucune liberté, l^eu accoutumera, là
fatigue , il étoit couviert de blessnrM/^wte
des coups que ]es Maures lui ay oient dosOiéa
pour le contraindre à marcher*: ; :; 'i* *
, ,11 y avoit dans le même lien VU: matelot
provençal ^ de «isOtre bprd^ qui nfi^^con^
(45)
nwssoît point de malrres : il vîvoit tantôt
ohez Vnn tantôt chez l'autre, personne ne
l'inquiétoit. B^itahar espéroit qu'il par-
tiroit avec nous* , il croyoit Tavoir sans
rançon ; niais le jour de notre départ il fat
éloigné dans les terres , sâiis que nous en
ayons eu connoissance» Il manqua sa libeFt4
par sa faute , allant toujours avec les Maures.'
Sans doute il se sera tu contraint de rester
au moment où il lui étoit le plus facile
d'avoir sa liberté.
Ces messieurs m'apprirent qu'Usf avoient
été tous inquiéta, sur mon sort ; que plù-^
sieurs assuroient m'avcir vu égorger ; que
cette persuasion générale de l'équipage les
ayoit engagés à instruire le consul françois
de ma mort , qu'on n'avoit point encore
connoissançe de ceux qui s'étoient portés
dans la partie du sud avec leurs maîtres ;
que pour eux on les avait horriblement
maltraités.; qu'oa les a voit contraints à
'^ands coups de bâton de décharger le
navire ; qu'on leur avoit fait moudre le
grain ^ chercher, le bois , garder les bes-
tiaux ; et qu'à la moindre faute , sans savoir
même qu'ils avoient manqué , on les acca-
Jilûit do coups. Les blessures dont ils étoieht
(4«)
eouvarts ne me firent que trop connoîir*
la vérité de lear récit. En me félicitant
d^ayoir échappé à un traitement aussi ri->
goureux , ils m^apprirent que ces peuples ^
après s^ètre battus pour les posséder,aToieat
enfin mis le feu au navire ; que plusieurs
^b'abes y étoient morts , emportés par les
écUts du navire dont ils n^avoient point
retiré la poudre ; qu^il y en avoit beaucoup
des nôtres de blessés ; et qu^enfin le capi^
taine , après avoir vécu donze jours , ne sa
soutenant qu'avec un peu dWu-de-vie ,
avoit été assommé sur le rivage. Peut-être
s^est-on trompé sur son sort comme on le
fut sur le mien y car M* Follie est le seul
de tout réqnipage qui ait certifié sa mort ,
personne autre que lui n^en ayant consois^
aance*
La ville de Glimi est le premier endroit
où nous vîmes des Juifs ; ils y sont en
grand nombre , ainsi que dans tous les lieux
situés entre Ste.-Croiz et cette ville* Pr^squf
tout le commeirce passe par eux. Les.Ma^
liométans de ces cantons les traitent eqi
esclaves. Tout crud et tout ennemi des
Chrétiens qu^étoit TArabe , maître de
M. Follie , illuidiseit die. ne rien soulfinrde
(47)
4a p4rt du j^uif qui ïamât aiîlie^ de Jnokni
liY^a loi. Quûxid M. ¥ollw irbfoit cbee Jb
Juif , je 1 dllolk Yék saaa awnme précsa»-
fJLoa ; ]*étoi^'t û est rmij, aoûv^ent accomf
pagsié dé$ 'M atitves aUachés aux izitérêtsid^
mon i^ail^^e. Jatuais 1^ Juifnîosoit refuser
A M* ?^Uc la liberté de v^eaiT fie proivieiier
AvecxQol. Lei^ Maures quim Wcomgagpmoient
9Urpri$ que z^oua prissions c^rte précautîaa\
zkie £reut ^lU^ndre quHl .pcyQ^QÎt 'aôçtirà
^ volonté , et qu^Us frapperôiinit lé Juif a%
psoît lui faire la moindre inâulte.
Le Juif de Glimi , nomme Bon Jac&h^
«voit reçu ordre des negociaus françoi« Ca-
baiiesetDeprâsdenousdonuerdessecourBg ,
}e8 ordres portol^nt de dépenser poumon
besoins de=ii;c ceut^ onces d'argent. Nou^
ignorions que par le mot d'once an entend
en Barbarie uiae petite pièce de n^tonnoie
de ia râleur environ de dix sous ; et comme
la lettre étoit écrite en jfrançois ^ en araèen
je pQisuaidai à mon maitre que <:'étoit deiiic
cents piastres fortes que ce Juif avoit ordre
lie dépenser pour nos besoins. Je lui.mpn«
irai xsm boIl/D de' fueil ; puis la mettant
idaas mm bainxice'^ IV^^ placer de petite^
fèèMs uie mmataks })os<[i&-Ki:ipoit1a de k
(4«)
'bàlla ) ce qtii fitqtieces Arat>es obligèrent le
Juif de nous habiller tous à la mauresfque*
Cette erreur nous frit delà plus grande utili*
Cé, et nous mit à Tabri du froid excessif qu'il
'>feit sur les montagnes de l'Atlas qu'il
Tious fallut traverser I et qui sont en tout
temps couvertes de heigei La dépense se
monta pour ma part à quinze piastres et
demie environ. Nous ne fîiimes que trois
qui eûmes un manteau à la mauresque ',
M* FoUie , M. Lânaspèze et rnoi. Quant àii
reste de réquipage on ne leur donna que
des haiques. : . .
: Le renif est tin gros manteau sans cou-
ture^ fait de poil de chèvres et de cha-
^tneaux , impénétrable à la pluie ; il ne coûte
pour l'ordinaire que vingt -deux onces , et
nous fut compté pour quarante. Lehaîque
?est une couverture de laine de mouton >
(longue de quatre aunes et demie sur cinq
.quarts de* large , qui ne coûté dans' depays
que sept à huit onces. On nous les fit
-payer vingt . .
M, Lariaspèie-^ notre second taipitaine^
ne poTïvarit partir avec ndus.^ me doniia à
l'instant dtr départ, ii^uf loiiis' en. or, sa
chaîne doiinûAtre-ei^ua-fiatbfitjde :xa&am
métal
( 4a )
métal qu^il avoit eu la bonheur de dérobes
à la connoissance de ses maîtres. Il tenoît
ce petit paquet dans ses mains , lorsquVn
le dépouilla , et eut l'attention de le cacher
dans le sable. Depuis ille porta dans sapoche
lorsqu'onlui eut perpiîs de prendre unemau-
vaise culotte. Je rerais le tout à mon arrivé©
à Mogodor entre les mains de MM. Cabanet
et compagnie qui tenoient une maison da
commerce dans cette ville.
Rassemblés au nombre de six par les soins
de Etentahar, arabe attaché à la maison des
. négocians anglois , nous partîmes pleins de
)oie, pour nous rendre à Mogodor. La crainte
d'être surpris par les Arabes errans qui noua
auroient enlevés de nouveau et entraînés
dans les montagnes, obligea nos conducteurs
de nous faire marcher de nuit. Nous fîmes
route de la sorte jusqu^à Ste. - Croix dd
Barbarie , nommé par les Arabes AgadeSé
De Giimià Ste.-Croix nous fûmes cinq
jours en route; à demi -lieue de Glimij^
nous passâmes un petit rujsjseau d'une eau
très-claire, et abandonnant une route qui
paroissoit frayée , noua nous rendîmes à
une grande maison dans la plaine , d'où
fiQU» entrâoxes de nuit daxïs u^e forêt trè8;«
D
(50)
noire* Le lendemain nous allâmes à xaim
maison de Juifs située sur une colline , et
nous y passâmes la nuit : delà nous en-
trâmes dans des défilés, le long de la mer.
Cette journée fut très-dure à cause des
mauvais chemins entrecoupés de bois et de
montagnes. A huit lieues enriron de Ste.<*
Croix , nous passâmes à gué une petite ri-
vière , près de laquelle se trouve une an«
cienne maison bâtie à la françoise : elle est
abandonnée. A une demi4ieue tout au plus
de cette maison , existent les débiis d'une
Tille dont nous ne pûmes savoir le nom ; •
mais sa situation et son étendue prouvent
qu'elle devoit' être considérable. Delà nous
nous rendîmes dans des plaines bien
cultivées qui nous conduisirent sur le bord
de llEi mer. Alors nous traversâmes sur des
chameaux la rivière qui baigne les murs ds
8te.-Crbix. Les- Maures de cet endroit font
presque leur unique occupation de lapèche;
leurs barques sont faites comme de grandes
pirogues , et on les hâle tous les jours à
terre.
' Arrivés à Ste.*Grôix, nous fûmes obligés
ide donner deux mousounnes par chrétien ,
ce qui fait environ cinq sous enr argent de
( 5i )
France. Cëtteivilien^a rien de remarquable.
Elle étoit autrefois une des plus commer-
çantes de toute la Barbarie. Elle est presquef
rainée et nest défendue que par un très-
Biaùvais fort qui n^a que douze canons ;
ecicore sont^ils: hors d^état de servir. Nous
couchâmes près d'une fontaine, ouvrage
des Portugais qui avoient possédé cepays.
Kotre route se continua sans accident ^ mal*
fpé la difficulté des chemin» pratiques à;
n'arers les rochers*, les précipices et les
ibrâts qui se trouvent sur rAllas^dont ht
chaîne commcHCfeà Ste.-Groix de|Barba«.
FÎe, et nous arriTames à Mogodot id ai>
d^vril. r- .,-r. ' .
Messieurs les iségocians anglois à que nous:
étions adressés .par Bentahar ,nous reçurent
très^bien , et nous conduisirent bhez MM.
Gabanes et Déparai né^ocians fran<^isi Nous
ttYrarâmes à ho tire àirrivée chez cesmessieur^
kss lettres les plnsr satisfaisantes de M. Mure^
tice- consul de France.^ résident à Salé»
La.bonté de son cœur y éiôlt peiiite ; et sans
nous découvrir les moyens qu'il employoilr
poiit nous arracher il Pesclavage ^ il nous
l^issoit dansVentière persuasion cpi^iln'avoilr
D a
(52)
rien tant à cœur que nôtre délivrance*-
La ville de Mogodor appelée ainsi par
les Européens , du nom d'une petite isle
située au sud de cette place , et qui fait la
sûreté du port ^ n^est connue des Arabes
que sous celui de Souera. C^ést une villa
neuve , et ie seul endroit où les Chrétiens
fassent librement le commerce. Elle avance
en mer sur un banc de rochers , et est de
toute part environnée de sables. Elle a
vers son port trois fortes batteries pour la
défendre ; la principale est de vingt-
quatre pièces de caïion du a4« Le soin de
ces batteries est confié aiix renégats iran-i
çois. Us sont environ deux cents cinquante ^
tous soudoyés par Témpéreur. Cette villo
est habitée par des Chrétiens de toutes lès
nations, des Juifs , auxquels Tempéreur
fburiut des. fonds , et des Maures qui s^adon^
nent au commerce. C^est la ville la mieux
fortifiée et la plus commerçante de tbuC
Fempire de Maroc. Les Chrétiens y ont
deux prêtres de la mission espagnole s et
y exercent librement leur religion.
Le commerce se faisoit autrefois à Ste.-
Groixde Barbarie, mais rempereurrégnant|;
(53)
fbndatôur de Mogodor ordonna aux négo-
cians de se transporter dans cette dernière
.ville , et Ste. -Croix est devenue déserte.
J^ignore quel motif engage les François
h ne point donner aux yiHes de ce pays
les noms qu^'elles portent* Tout est changé
sur cet objet. Ste. -Croix n^est connue des
Arabes que sous le nom de Agader ; Mo-
godor sous celui de Souera , et ainsi des
autres. Le nom qu^on donne en France à
ces villes , n^étant point connu dans le
pays^ met les voyageurs François qui veu-
lent parcourir la Barbariedans l'embarras
le plus grand.
Le gouverneur de Mogodor , instruit de
notre arrivée , nous fit venir en sa pré-
sence. Cet homme est doux et affable, il
ne sait ni lire ni écrire , et n'est parvenu
à ce gouvisrnement que par une bravoure
dont il a donné des marques éclatantes
cous les yeux de l'empereur. Il fit prendre
nos noms par les Talbes ou prêtres ma*
hométans , et expédia à l'instant même un
Courier pour instruire l'empereur de notre
arrivée.
Ce prince , à cette nouvelle , entra dans
une colère horrible». Il avoit donné depuis
D 3
(54)
deux mois les ordres les plui^ précis aux
^ouTerneurs des provinces volsijaes du dér
sert de faire tous leurs efforts pour notiA
arracher des mains des Arabes errans. Ex-
trêmement jaloux de son autorité , il 1^
croyoit compromise dans cette affaire : il
ne pouToit supporter Tidée que des Chré-
tiens eussent été plus promptement obéis
que lui dans ses états. Il écl^da en me^
naces , coocidamna à mort 1^ Arabe que les
Anglois avoient envoyé à notre secours i,
écrivit auxnégocians dans le&tèrmes les plus
durs , menaçant de faire brûler vif le pre-
mier qui, dans la suite, oseroit se méleor
ûu. rachat d'aucun captif , de quelque
nation qu'il fat. On défendit à tous les
capitaines des navires en rade de se •charger
de nous. Notis étions observés avec soin i
on ne nous laissoit point éloigner de la
ville.
' Bontahar , instruit à temps des desseins
de Temperèur et de Tarrét de mort porté
43ontre lui , sauva sa vie et sa fortune par
une prompte fuite chez les peuples qui
nous avoient retenus en esclavage.
Quelques présens lâchés adroitement aux
aultanes favorites firent évanouir» la colère
(55)
du prince. On lui fit entendre que ce n'é--
toient point les négocions qui nous avoient
achetés ; mais que nos parens , instruits de
xios malheurs^ leur avoient fait passer les
fonds nécessaires ; quUgnorans ses loix et
sa volonté , noua avions pu , sans croir^
Toffenser , traiter nous -< mêmes de notre
rançon. Il voulut bien se. rendre à ces
raisons , mais il voulut nous avoir en son
pouvoir : ce qui fit que le lâ mai le gou-r
vemeur de Mogodor nous fit venir sur la
place publique. Là , par ordre de son maître,
il fit compter aux négocians irançois Tor*:
gent qu'ils avoient avancé pour notre dé-
livrance. Il leur dit que l'empereur leur
pardonnoit ainsi qu'à l'Arabe qu'ils avoient
employé pour mettre fin à notre misère ;
puis nous remit entre leurs mains , après^
avoir fait connoître au peuple que nous
appartenions à l'empereur.
De libres que nous étions , nous noua
vîmes replongés à l'instaxit dans l'escla-
vage : cependant on ne nous faisoit point
travailler. La manière dont le gouverneur
nous accueillit, le respect que les Maures
avoient pour nous , la Uberté qu'on nous
laissoit d'aller où nous voulions , les nou*
D 4
Telles qii^on nous donna du resté d#
Téquipage , tout contribua à rappeler le
calme dans notre esprit.
Ce fut alors que nous reçûmes nos pre«
ttiers liabillemens à la irançoise. On nous
donna à chacun habit , veste et culotte de
drap bleu , trois chemises , deux mouchoirs ,
une cravate de soie , un chapeau , un
bonnet et deux paires de souliers. Dépense
qui se montoît environ à la somme de 36
piastres fortes pour chacun de nous.
On nous avoit appris que le gouverneur
de Terondan, fils de l'empereur, s^étoit
avancé du côté du cap de Nun , i la tète
d^une armée de huit mille hommes. U
avott ordre dWoîr les François , ou par
argent ou par force. Nous espérions un
Heureux succès de cette entreprise; mais
les négocians françois en pensoient diffé-
remment. Ils nous disoient , ce qui causa
toujours du retard aux ordres de Tempe-
reur , vient de ce quece prince ne débourse
famais rien. Il charge ordinairement les
Juifs de faire les avances , et ne les teva*
bourse pas. Il lea croit encore trop heu-*
reux de lui avoir obéi aux dépens même
de leur fortune : de-Ià viennent les lenteurs
X57)
que les divers particuliers de cette nation
ne manquent point d'y apporter.
Le i5 juin , sur les dix heures du matin ,
on nous donna ordre de partir pour Maroc.
Une caravanne nombreuse , qui servoit d'es-
corte aux deniers royaux provenans des
droits des navires relâchés à Mogodor ,
nous servoit de sûreté. Les négocians fran-
çois et anglois furent les seuls qui vinrent
nous conduire-, ils nous quittèrent les lar-
mes aux yeux, et nous promirent tous
leurs secours en cas que nous ne pussions
pas obtenir notre liberté de l'empereur.
La route de Mogodor à Maroc né fut
Î)oint pénible ; en quaUté d'esclaves de
'empereur on nous donna à chacun une
mule , au grand déplaisir des Maures aux-
iquels elles appartenoient. Le roi ne paye
jamais ^ et ces gens furent obligés de nous
suivre à leurs frais jusqu'à Maroc ^ -au lieu
de vendre leurs denrées à Mogodor.
Le Juif, écrivain principal de l'empe*
ireur , avoit ordre de pourvoir à nos be-
soins. Lé soir, en arrivant, ce misérable
vouloit nous obliger de décliarger les cha-
meaux , d'aller chercher le bois , eto. • • »
'- L*alcaïde| chef de la caravaime y s^en
(58)
étant apperçu , ordonna aux Maures d^avoir
soin de nous : maltraita les Juifs , et no
leur permit do suivre la caravanne , dont
ils profitoient pour la sûreté de leurs mar-r
chandises , qu^à distance de demi - lieue
environ.
Nous arrivâmes à Maroc le 20 juin , sur
les deux heuf es , bien fatigués de la chaleur
qui avoit fait périr trois juifs et quatre cha^
meaux. L^alcaïde vouloit à son arrivée
nous conduire à Tempereur ; mais ce prince
étoit parti le matin à la tête d^une armée
de douze mille hommes , pour punir des
rebelles qui avoient battu ses lieutenans ,
et s^étoient réfugiés sur TAtlas. L'empereur
«l'étant point à Maroc , on nous confia amç
soins des prêtres de la mission espagnole »
qui avoient un couvent dans le quartier
des Juifst
Le prieur , rempli de cet orgueil si na^
turel k sa nation , notis traita avec une
fierté insupportable : il nous vanta le bon-
heur que nous avions d'éprouver les bontés
de sa communauté : il nous traita en es«
cdaves plutôt qu'en Chrétirâs \ et nous refusa
jusqu'aux choses de la première nécessité ^
quoique M. Mure , notre vioe-» consul ^ lui
(59)
^t envoyé les fonds nécessaires à nos
besoins.
Heureusemeat Tabsence de l'empereur
ne fut pas loiague. Sa présence ^yoît fait
rentrer les rebellés dans le devoir : il su^:
Tiotre arrivée , voulut nous voir aussitôt ;
ce fut le sl8 de juin ^ que nous eûmes le
bonheur de paroître <Bn sa présence. Nous
le desirions ardemment, et quel qu'eût été le
«ort qu'on nous^ût réservé , nous l'aurions
sans doute préféré à celui de rester avec les
très-révérends pères de la mission espar
g^ole.
Lorsque nous parûmes au missoire ,
l'empereur étoit occupé à faire manoeuvrer
«es ti:oupes. U £t aussitôt cesser l'exercice,
nous JËlt approcher de sa personne , nou;
parla avec une bonté de cœur peu attendue i
nous interrogea sur les nomiS des lieux où
nous avions été séparés de nos pompa-»
gnons d'infortune , sur ceux des maîtres à
qui ils appartenoient ^ et nous promît de
Xious .£^e passer sous peu en France. Il
a 'informa de la manière dont on nous trai-:
toit au couvent ; sur nos plaintes , il noua
confia aux soins du Bacha-Kailabè^ i en le
rendant responsable sur sa tête de ce qui
pourroit nous arriver.
(«o)
Nous troiiT&mes à Maroc vun novice d#
notre équipage , qui ayoit été pris y par les
Arabes errants , pour un homme de grand
nom. Ils l'avoient conduit à Teroudan ,
fiu fils de Fempereur , q^i Tavoit envoyé à
son père. Nous restâmes b^it jours dans la
ville de Maroc : tous les habitans nous fai-
soient beaucoup d'amitié Cette ville est
grande , bien peuplée , mais mal bâtie : les
maisons en sont peu élevées , et les rues
Xbrt étroites. U y a beaucoup de places où
ae font les marchés. Nous y allions tous les
jours* Esclaves de Tempereur , nous étions
pour les Maures des personnes sacrées.
Aussi vîmes^nous sans peine tout ce qu'à
y avoit de curieux dans la ville. Entre
autres choses > nous remarquâmes une tour
très-élevée sur laquelle un hommç à cheval
peut monter. On la découvre de dix lieues y
quoique Maroc soit situé dans une plaine^
Le 5 juillet , le Bâcha ayant eu ordre de
préparer sa troupe , nous parûmes denou-*
veau devant Tempereur qui nous donna
la liberté : nous étions loin de nous y at<»
' tendre. On parloit de guerre avec les Fran*
çois , la maison de commerce à Mogodor
B^arboroit plus le pavillon blanc , Ton di^
( «i )
toft 4ue les Trançois youlolent ayoîr raison
de rinsulte £uté à M. Chenier , consul de
France , à Salé , que Fempereur ayoit
chassé de sa présence d'une manière outra*
géante. MM. Cabanes et Depras , de
Mogodor , faisoient passer en France le
plus de fonds qu'ils pouvoient, et M. Royer,
de Marseille, venoit de s'embarquer , aban«
donnant sa maison. Ces raisons 9 qui parois-^
soient devoir prolonger notre servitude ,
furent sans doute celles qui hâtèrent notre
liberté. L'empereur voulut réparer sa faute,
ce qui l'engagea à ne point nous- retenir plus
long-temps ; peut-être notre délivrance fut-
elle occasionnée par la reconnoissance : on
venoit d'apprendre à Maroc que deux cens
Maures avoient été secourus par un navire
de Marseille , qu'en vain ces gens s'étoient-
ils présentés dans les poi^s mahométatis
ou d'Italie ^ que par-tout on leur avoit
refii^ les secours dont lia avoient besoin >
et qu'ils seroient morts de misère sans
l'assistance de ce navire de Marseille ; qu'ils
4toient en quarantaine daiis cette ville ^
d'où Us dévoient partir au premier moment
favorable pour se rendre dans leur patrie^*
Qupi qu'il cttsoit , l'empereur nous ayant
(Sa)
fait donner à chacun trois piastres fortes
de gratification , nous partîmes le cinq ,
1l>ien montés , ayant pour escorte huit cens
hommes d'infanterie , et deux cens hommes
de cavalerie.
Les soldats maures avoient soiil tous les
jovrs de dresser notre tente près de celle
du gënéraL Nous parcourûmes avec cette
escorte la plus grande partie des yilles de
la Barbarie : notre petite armée recevoit
par-tout des renforts. Elle lut reçue dans
toutes les villes avec honneur : les habi-
tans d^Azimor'se distinguèrent; ils vinrent
demi* lieue environ à notre rencontre,
firent le jeu du feu, et nous donnèrent le
spectacle le plus intéressant delà manière
de combattre des Maures.
Nous trouvâmes eri cette viHe un capi-
taine de Marseille, qui s^étoit fait renégat
pour se soustraire à cinq cents coups de
bâton qu'il devoit recevoir à cause de son
naizfrage près' de cette ville. L'empereur
A porté cette loi , car ce prince prétend
qti'ii n'est pas possible ^ à moins * de le
Vouloir , d'échoiier sur ses côtes. lies ca-.
pitaines seuls qui viennent en Barbarie ,;
sont exempts de subir cette punition.
(63;
^ ITous séjournâmes devaat Azimor o-à la
bâcha fit une levée de trois cents hommes:
îi leur donna à diacun environ dix onees,
et ils se mirent^ en marche avec nous»
Kous passâmes , le même jour de la levée
des troupes , la rivière des Lions, y et
campâmes à l'autre bord : nous paroou-:
rûmes ensuite la côte, et ne vîmes que les
débris des villes de Darzbedda , Montforia^
Fœdal et autres qui , ne sont plus connue»
qu'à cause du conunerce de grains qud
l'on y fait.
Arrivés près de Rabate , on dfesék Id
camp: le bâcha ayant donné ses ordres^
prit une escorte particulière, et vint nous
remettre au gouverneur de la place , qui
doilna aussi - tôt avis de notre arrivés k
M. Mure, vice-comsul de France. Ce Inrave
et honnèle François vint nous recevoir^ Sa
Surprise fut extrême loiisqu'il 8«it les^ hon«
iieu^s quVn nous avoit faits dana touted>
les villes de la Barbarie. Voulant profiter
de- mom^ns aussi heureux^ et craignant
Quelque' retour delà vQlonté de l'empereur,'
Ur fit préparer les choseë hécessaires pouK^
fiotre voyage , et nous fit fénxc pof» Tanger^
(66)
nous procurer le plus prompt retour dans
les dififérens lieux de notre naissance. Je
m'embarquai le a8 août sur le navire le St. -
François -de -Sales du port de deux cents
tonneaux , capitaine Sénécal de Dunkerque.
Notre traversée fut longue et dangereuse.
J'eus beaucoup à soufFrir dans ce voyage ,
j 'a vois très-peu de linge , et j'étois obligé de
«coucher sur les voiles et cables dans Tentre*
pont. Nous arrivâmes enfin à Ostende le
11 octobre, après avoir été cînq jours
devant le port. Le 12 le capitaine me con-
duisit à Dunkerque , et me remit au bureau
des classes. Le commissaire visitâmes passe-
ports et m'expédia le i3. Je partis de Dnn«
kerque le 14» et ayant été obligé par foi*
blesse de séjourner à Lille, j'arrivai à St.-
Quentin ,1e ai du mois d'octobre 1784.
Les diverses digressions qui se trouvent
idans ce mémoire ne suffisent pas pour faire
naître une idée juste des mœurs et coutumes
des pays dont j'ai parlé. J'ai cru qu'il ne
seroit pas inutile de donner quelques no-
tions des peuples parmi lesquels j'ai fait
quelque séjour.
( e? )
L Ê s A A R A.
Tout le monde sait que les peuples qui
habitent les pays de la Barbarie jusqu^aa
Niger, sont un assemblage de diyerses^
nations^ Les Maures occupent les trois
royaumes de Suz , Fez et Maroc Le Bile*
dulgerid , dans la partie qui baigne TOcéaa
atlantique , est habité par les Arabes na«
turels du pays , et par des Maures fugi*
tifs de l'empire de Maroc ; trop éclairée
pour rester sous la domination d^un maî-
tre qui exerce sur sqs peuples un pouvoic
absolu , et qui fait consister sa sûreté et
son bonheur dans la misère de ses sujets.
Cet assemblage ne forme qu^une même na-
tion connue indistinctement sous le noni>
de Monselemines. Le* Saara , jusqu^au Ni-
ger , renferme diverses nations errantes ;
elles sortent toutes d'Arabes , Maures et^
fugitifs Portugais qui s'y réfugièrent lors-
que la famille des Ghérifs s'empara des
trois royaumes de Barbarie. Tous ces peu-
ples du Saara portent ûïdistiiiotement les
noms de Nars , Maures , ou Arabes. Ils sont
subdivisés entr'eux^et les plus considéra-
(68)
blés sont les Mongearts , Trasarts et Brao
narts. La première de ces trois dénomi-
nations est un terme de mépris chez les
peuples qui les environnent; sans doute
parce que ceux qui les portent , moins faits
aux armes que leurs voisins , ne s'occu-
pent pour Tordinaire que de la garde et
del'entretien de leurs bestiaux ; que les Moa
^lemines , au contraire^ quoique pasteurs,
sont cependant tous guerriers. Ces derniers^
accoutumés au meurtre et au pillage , pro-
fitent de leur supériorité et de leur
nombre pour écraser ces peuples , qui ne
sont déjà que trop malheureux par la sté-
rilité du pays qu'ils habitent. L'âpreté du
climat leur sert , il est vrai , de barrières ;
mais dans le mois d'août^ septembre et
octobre , temps de la crue des eaux , obli*
gés de quitter les plaines pour se réfugier
sur les montagnes , ils deviennent presque
toujours la victime de leurs voisins qui
ne se font aucun scrupule de les piller, quoi-
qu'ils professent la même religion. " -
On pourroît encore attribuer la cause de
la détresse de ces nations à un autre motif;
c'est celui de la religion. Lorsque les Ché-
riis s'emparèrent des ^ trois royaumes de
BarBarîe , les Portugais qui oçcupoîent les
villes , les évacuèrent et se réfugièrent dans
leur patrie ; mais le peuple de la cam-
pagne n'eut pas cet avantage. La plupart
d'eux , pour conserver leur vie , renon-
cèrent à la religion chrétienne , et furent
maintenus dans le pays : ceux qui ne se
firent point mahométans , furent impitoya*
blement égorgés. On se ressouvint malgré
le changement de religion que ce peuple
avoit été chrétien. Les vainqueurs les acca-
bloient journellement d'insultes ; ils pil-
loient leurs biens , enlevoient leurs femmes ,
violoient leurs filles , et se portoient envers
eux aux cruautés les plus grandes. Ces peu-
ples, pour se soustraire à la tyrannie , seréfu-
jgièrént dans le Saara,où trouvant quel-
ques hordes malheureuses d^ Arabes peu in*
dustrieux , ils ne formèrent avec eux qu'une
seule et même nation. L'habitude de piller
ces infortunés s'est transmise de postérité
en postérité, et ils n'y sont que trop mal-
heureusement exposés.
Je ne parlerai point ici des Trasarts et
des Bracnarts , ainsi que d'autres peuplés
répandus sur la rive nord du Niger. Ces
notions ont trop de rapport avec ce qui
E 3
(70)
regarde le commeroe i je me réserve à en
parler succintement lorsque je traiterai des
divers peuples Maures et Nègres qui font
"le commerce du Sénégal , dont aucun his-
torien n^a donné de notions sûres.
Il n'est pas possible qu'un peuple ton-
jours errant, toujours fugitif , composé de
l'assemblage de diverses nations , qui ne fait
pas même un corps distinct et séparé , n'ait
adopté une partie des usages et des supers-
titions de ses voisins , quelle que soit leur
manière de penser , ils n'ont que l'appa*
rence et le nom de Mahométans. On re-
marqué dans leurs coutumes les principes
de la loi naturelle , elle est empreinte dans
presque toutes leurs actions.
La religion^ suivant ce peuple, est le
mahométisme dans toute sa pureté. Us
font trois fois le jour la prière , quelque-
fois plus souvent : elle ne se fait publique*
ment que lorsqu'il y a dans la horde un
prêtre mahométant qui n'y vient ordinai-
rement que pour l'éducation des enfans.
Alors tous les Arabes , aux heures de la
prière , s'assemblent ; iU se mettent tous
sur une même ligne , se tournent vers le
leyant ; faute d'eau dans le désert , ila $•
(70
frottent la fignre et les bras avec du sable $.
et le prêtre entonne la prière générale }
c'est la même que le crieur publ.ic. en-
tonnée sur les mosquées , dans las pays ci*
yilisés. L'occupation des prêtres est de
courir le pays pour instruire les ei^ifans*
Cette éducation n'a rien de forcé. On ignore
dans le désert la coutume de contraindre
les volontés. Les petits garçons le matin,
s'assemblent d'eux-mêmes aux lieux d'ins-^
truction ; c'est pour eux un endroit de
récréation. Ils y vont avec une petite plancha,
sur laquelle sofit écrits les caractères arabes^
et quelques maximes de l'Alcoran. Les
plus grands et les plus instruits reçoivent
directement leurs leçons des prêtres , et
les communiquent ensuite à leurs compa-
triotes. Ce sont Içs enfans qui se montrent
à lire les uns aux àutrçs. Jamais on ne les
corrige. Ce seroit un arime dç battrç un
enfant , qui , suivant le^ idées reçues , n'a
point .a5§ez de r^^pn ,jpour distinguer le
bien du mal. Cette . opiniçn engage .ces
peuples à tenir la même conduite en^yari
côux qui ont le malheur d'être désavan-
tagés de la nature. Les sourds , les n^u^et^
et les foux jouissent des mêmes prérojga-
E4' ^^
(7»)
tirés : on les regarde comme des êtres si
malheureux par leur état , qu'on a une
complaisance aveugle pour satisfaire leurs^
désirs. Cette coutume est invariable chez
tous les Mahométans. U n'existe de dîffé-^
rence chez les nations civilisées que sur Vkgo
auquel V^^^^uit peut être sujet à la correc-
tion. Jamais elle n'^a lieu dans le Saara. La
xiatiire abandonnée à elle-même et Texeuiple
soiit l'unique éducation d'un peuple égal
dans ses principes comme dans ^es erreurs.
Si Tenfant s'ennuie des exercices publics , il
Ifes quitte à sa volonté î point de contrainte ,
jioirit de reproches ; il vient s'occuer àgar-p
der les troupeaux de son père : aussi on
eil trouve fort peu parmi eux qui sachent
lircé Ceux qui persévèrent dans l'étude
de l'alcoran devieipienf prêtres , aprè^ avoir
subi les épreuves devant les vieillards ins-
truite , et jouissent de tôtite la considération
publique. Ces derniers il'ont pas besoin de
bestiaux , ceux de la nation sont les leurs ^
ils trouvent leur subsistance par-tout.
* C^èsi ordinairement à l'âge de sept à huit
ails que l'on fait Subir aux enfans l'opéra-
tion douloureuse deïa circoncision. Oiiléur
rase aussi la tête , sur laquelle on ne laisse
(73)
que qtiatrc toupets de cheveui : ctaque
toupet est abattu dans une assemblée de
famille à chaque action remarquable que
fait l'enfant. Si à l'âge de 12 à i3 ans il
tue un sanglier ou autre bête féroce qui se
seroit jetée sur son troiipeau , on lui abat
un toupet; Si dêuis le passage d'une rivière
il sauve à la nage un chamèàù qui se lais-
seroit emporter au courant , on lui en abat
un second. S'il tue un lioh^ un tigre ou un
homme de nation ennemie ^ dans une sur-
prise ou dans une attaque ^ on le considère
comme homme, et on lui rase entièrement
la tête. Rarement il parvient à l'âge de
vingt ans sans avoir mérité Cet honneur ;
comme ils ont honte d'être traités en enfans ,
ils s'exposent aux plusgraricfs dangers pour
avoir la tête tondue en entier.
Les connoissances du peuple , ses besoins j
ses loir étant très -peu de chose, il n'est
pas surprenant que les enfàris causent avec
les hommes^ et soutiennent des conversa-
tions suivies. L'âge * est' inutile ainsi que
l'expérience?, n'ayant pas^ teàbin de beau-
coup dlristriiction pour être au fait des
coutumes ileleur nation: delà viennent cette
hardiesse, cette valeur, cette témérité, qui
(74)
conviennent si bien à rhomme^ et qu'au-»
cun peuple ne possède à on si haut degpré
que ces sauvages.
Dans le Saara on observe Thospitalité
dans toute son étendue. A peine un étran*
ger arrive-t-il devant les tentes, que la pre-
mière personne qui Tapperçoit^lui indique
la tente où il doit aller. Si le maître n'y
est point j la femme ou Tesclave va à sa
rencontre^ le fait arrêter à vingt pas de
cette tente, ^t lui apporte une portion de
lait pour se rafxaîchir. Ensuite on dé-
charge ses chameaux , on arrange ses effets
autour de lui, on lui donne une natte dont
on se prive, et ce qu'il faut pour se cou-
vrir afin d'être, à Tabri des injures de l'air.
On prend ses a^^ies, et on les dé(>ose près
de celles du maître de la tente > soit pour
qu'elles n'aient point à souffrir du serein^
soit pour se préserver des mauvaises inteu-
tions que pouiTf pit ,avoir un .iaconiiiU. On
lui prépare ensuite de quoi. ma/»ger. S'il
n^y a rien à la tente , comme c^la arrive
souv^it,on se procure promptement quel-
que mets dans I^s tentes voisines^.; ^^ voyf^-
geur est toujours sûr d'avoir quelque chose i^
(75)
car on se passeroit plutôt cle souper ,
que de ne rien lui donner. C'est une loi
générale qui n'est jamais enfreinte. Les
devoirs de l'hospitalité sont si grands et
si respectés / qu'un ennemi qui auroit blessé
ou tué le maître d'une tente , y trouve lui
asyle sacré et inviolable, quoiqu'il soit en-
vironné de ceux qui naturellement doi-
vent le plus désirer sa perte.
La tente du chef est toujours celle que
l'on indique. Cet homme qui ne gagne pas
plus que les autres^ ne pourroit, si la cou-
tume n'y avoit point pourvu, nourrir à ses
frais tous les étrangers qui passent vers les
tentes de sa horde, ni se nourrir lui-mêra©
ainsi que ses esclaves j puisqu'il est tou-
jours occupé pour les affaires de sa bof de :
toutes les tentes contribuent à former ses
provisions. Chaque particulier lui fournit
ordinairement par semsûne deux livres
d'orge moulu , ce qui lui fait un très-grand
avantage j sur- tout lorsqti'il ne lui survient
pas beaucoup de voyageurs à nourrir.
Comme c'est ordinairement le plus riche
en bestiaux , que l'on choisit pour chef,
il a toujours suffisamment de lait; mais en
cas de besoin on lui en donneroit partout.
l7B)
DlfFérens des autres Arabes leurs yoismff,
les Mongearts n'inquiètent personne sur
la religion. La seule qui ne soit pas tolérée
parmi eux, c'est la juive; sans doute à
cause des préjugés de leurs ancêtres qui
suivoient les coutumes des Portugais. On
ne voit point de gens de cette nation chez
ce peuple ; et si un Juif avoit le malheur
de s'engager sur leurs terres, et dy être
pris , il seroit immanquablement brûlé vif.
Il est très-facile de 'es reconnoître à leurs
figures et aux accoutremens distinctifs ^
qu'ils sont obligés de porter dans toute
l'étendue de la Barbarie où ils forment un
peuple nombreux.
On rend un respect infini aux vieillards :
n'importe de quelle famille ils sont. Ils
jouissent des mêmes prérogatives que les
prêtres, et s<5nt aussi considérés qu'eux,
et que les Arabes qui ont eu le bonheur
de visiter le tombeau de Mahomet à la
Mecque. Ces derniers sont distingués dans
la nation par le terme de Sidy^ qui signi-
fie maître, pendant que les autres ne por-
tent que le nom distinctif qu'ils ont reçu
en naissant/ S'il arrive que dans la même
femille deux particuliers portent le même
<77)
nom, on les distingue par celnî de leur
père; par exemple^ l'empereur de Maroc
est distingué de la sorte, son nom propre
e^t Mohammet. Mais comme dans la na-
tion beaucoup de Maures portant le même
nom^ et qu'on pourroît le confondre, on
le nomme comiaunément Ben Al/della.
Les vieillards sont ainsi que les chefs
de horde les juges de la nation. Ils con-
noissent de toois les différens ; il n'y a que
la peine de mc^t qu'ils ne peuvent pas
prononcer. Il faut pour cet objet une sls^
semblée de plusieurs chefs de la horde ;
et comme l'accusé a toujours beaucoup
d'amis , il est rare qu'il subisse ce châti-
ment pour les autres causes. Les vieillards
prononcent sans appel, et les décisions
sont à l'instant exécutées.
Les guerres de nation à nation sont
rares : les différentes familles se détruisent
assez par elles-mêmes ; cependant lorsque
ces peuples sont obligés de se réfugier sur
l'Atlas pour passer la mauvaise saison , ils
se rassemblent en plus grand nombre qu'ils
peuvent , et marchent en ordre ; pasteurs
on guerriers ( ces termes sont synonimes )
tout homme en état de porterie sarmes les
(7«) .
porte ) et se présente au combat avec valeur ;
ils se choisissent des chefs pour les con--
duire , et leur obéissent aveuglément. L^ex-
pédition finie , le chef n a plus d'autorité
que sur sa horde; car c^est ordinairement
parmi les chefs que Ton choisit les géné-
raux. Dans ces marches , les captifs et les
femmes conduisent lesr troupeaux, et les
hommes les suivent prêts à se battre. Les
cavaliers sont à la découverte ; et lorsqu'ils
apperçoivent quelque chosç , toute la cara*
vanne fait halte , et se dispose au combat.
Jamais il n^est sanglant. Si les aggressenrs
sont les plus forts , ils se contentent de
piller le bagage : s'ils se croyent moins
forts , ils n'attaquent pas. Toutes les nuits
on campe; et pour éviter toute surprise
on place des sentinelles en avant , et ils
crient continuellement pour prouver qu'ils
ne dorment point. Cette méthode n'est pas
bien prudente ; mais comme leurs ennemis
en usent de même , ils se distinguent de
fort loin. J'ai vu avec surprise que les trou-*
peâ disciplinées de l'empereur de Maroc
auivoient le même usage.
La guerre n'est pas le fléau le plus re«
doutable pour la nation; car dans les cobl*
(79)
bats il y a toujours peu de sang répandu.
Les attaques particulières font de plus
grands ravages. Tout le peuple est voleur ;
le vol même est en quelque sorte autorisé
par les loix ; il ne s^agit pour le faire im*
punément que de se mettre à Pabri des
^poursuites , en ne se laissant point prendre
sur le fait; il est vrai que le vol est puni
sévèrement de case à case , c'est-à-dire , si
un Arabe en vole un autre de sa horde }
mais pour qu'il soit puni il faut qu'on
l'apperçoive faisant le vol. Le vol n'est un
crime que le jour, la nuit la loi l'autorise ;
sans doute pour obliger les naturels à avoir
un soin plus particulier de leurs bestiaux.
S'ûs avoieut à se plaindre quand on les
vole de nuit , ils se tieindroient moins sur
leurs gardes , et leurs troupeaux seroient
plus exposés à la voracité des bêtes féroces
dont le pays est couvert. Obligés au con-
traire de se tenir sur leurs gardes , même
contre leurs voisins , ils sont toujours prêts
à repousser les animaux qui , de temps à
autre , viennent attaquer le bétail. Ces rai--
sons sont cause que , sur le soir , les femmes
et enfans ont le plus grand soin de mettre
«Qus la tente tous les objets qui peuvent
(8o)
ttre enlevés. Sî quelques-uns de leurs roi,^
sins ou amis yiennent les visiter , ils les enyi«
ronnent et examinent toutes leurs démar*
, ches. La difficulté de prendre^ sans être vu ,
le peu d'objets qu'il y a à enlever , et la pu-
nition attachée à ce crime si l'on est surpris ,
font que le vol est fort rare. Lorsqu'un
objet est enlevé , sans qu'on s'en soit ap-
perçu , il appartient au ravisseur; en vain
le maître le reconnoîtroit-il dans la tente
de son voisin , il ne peut le réclamer ; car
il cesse d'être à lui du moment où il n'a
pas été assez vigilant pour le garder. De«là
vient l'inclination de ce peuple pour la
rapine ; il ne croit pas commettre un crime ^
et ne suit en cela qu'un usage permis par
ses loix.
Souvent lorsqu'un Arabe se rend au
marché , ou qu'il en revient , s'il n'a pas
eu le plus grand soin de tenir son voyage
secret , il est attaqué. Des Arabes voisins
veulent profiter de son industrie ; et comme
il n'y a point dans le pays de personnes
en campagne établies pour arrêter les bri-
gands, l'espoir du butin les engagea l'at-
taquer. Pour n'avoir rien à craindre , ils
atteadent yers la nuit celui qu'ils veulent
dépouiller..
( 8i )
dépouiller. Leur projet n'est jamais de tuer;
ils tâchent seulement de surprendre , de
désarmer et de s'emparer de tout ce qu'on a.:
Mais quelquefois celui qu'on veut atta-
quer, et qui connoît les coutumes de son
pays, a l'oreille au guet, est sur ses gar-
des ; et au premier mouvement de ceux qui
l'attendent, il fait feu sur eux, et se bat
ensuite opiniâtrement avec son poignard.
^Le bruit du coup de fusil attire presque
toujours des Arabes voisins , qui , exi vertu
des loix de l'hospitalité , prennent la dé-
fense du plus foible. Ils accourent bien
armés, et alors malheur aux aggresseurs, s'ils
ne se sont point dérobés par une prompte
fuite.
Us ne portent donc que des poignards ,
à mollis que aané le jour ils n'aient bleu
reconnu le pays. N ^importe qui succomba >
l'affaire en reste toujours là. Lp mortpiisse
pour l'aggresseur , et jamais le^ familles no
prennent parti pour obtenir vengeance. On
se contente seulement d'enterrer les morts
où ils ont été tués , la tète ducôtédu levant ,
4dt on couvre leur tombe de toutes les
pierres que l'on peut amasser.
Les chefs de horde sont toujours les
F
(82)
aînés des fdmilles. La différence de bien
n'y fait rien. Souvent un chef a dans sa
horde plusieurs particufiers plus riches que
lui, cependant ils lui obéissent en tout. Q
est , a proprement parler, leur roi i avec les
vieillards il examine leurs différens et Juge
sans appel. Quant h lui , il ne peut être
jugé que par les chefs de plusieurs horde»
assemblées. C'est à lui à régler le lieu où.
Ton doit asseoir les tentes , le moment du
départ, ainsi que l'endroit où l'on doit
s'arrêter. Si les pâturages ne sont pas suf-
fisans pour les troupeaux de toute la horde^
alors elle se sépare , et le chef assigne divers
lieux pour les divers campemens. Souvent
ils ne sont composés que de sept à huit
tentes j suivant la bonté du terreîn qu'on
rencontre.
La tente du chef est toujours la plua
grande et la plus élevée ; elle est au cen-
tre des divisions. Lorsqu'on a décidé qu'il
£siut quitter un terrein, ce qui n'arrive que
lorsque les pâturages sont épuisés , le chef
va choisir un autre endroit. Dans ces sor-
tes de déménagemens , les femmes seules
font tout l'ouvrage. Dès le matin elles
ploient la tente j elles chargent tout sur
(fi3)
les chameaux: on marche à petits pas^
afin de donner aux bestiaux, le temps de
paître. Les esclaves nègres conduisent les
troupeaux, les femmes et les chameaux ;
€t les Arabes sont en ayant répandus dans
la campagne pour assurer la marche. Quel-
ques-uns restent en arrière : s'il s'échappe
une chèvre, une brebis ou un cham-eau ,
ils les rencontrent, les ramènent à la trou-
pe, et ranimai est rendu à son maître.
Ordinairement la marche ne dure que cinq
à six heures. Souvent il arrive que i'en-
<lroit assigné pour placer les tentes , n^a
pas été bien reconnu ; que peu de temps
-avant, il y avoit d'autres hordes campées;
-ce qui fait qu'on est obligé de se remet-
tre en route , et de chercher fortune ail^
leurs. Cela arrive plus communément dans
la saison où les eaux commeacent à man^
quer^ Comme il n'y a presque point d'eau
dans le Saara , les habitans ont le plus grand
6oin de faife de grands trous de distance
en distance, afin de rassembler les eaux
des pluies, qui, toutes corrompues qu'elles
soient, sont l'unique boisson que l'on puisse
espérer pour les hommes et les bestiaux:
U y a très -peu dé boeuf$ et vaches d^s la
F a
(84)
désert, excepté sur les bords du Niger; la
disette d'eau eu est cause; car les pâtura»
gos ne manquent pas. Les troupeaux des
Mongearts ne sont composés que de mou-
tons , chèvres et chameaux , animaux qui
supportent aisément la soif. Les chevaux
sont aussi très - rares dans ces cantons , il
n'y a que les possesseurs do nombreux trou-
peaux, qui puissent en avoir; parce qu^il
faut avoir du lait à leur donner à boire ,
faute d'eau. On a grand soin de conserver
Turine de chameau pour la mêler avec le
ïait, elle sert aussi pour laver les divers
Tases dans lesquels on met ce qu'on doit
manger. Quelque détestable que soit le lait
coupé avec l'urine de chameau, on ne laisse
pas cependant d'en user souvent i la faim
et la soif assaisonnent tout : multa facere
nécessitas cogiù. ,
Les seuls ouvriers qui ^ent utiles à la
nation, sont les maréchaux ou orfèvres,
comme il plairales nommer. Les Mongearts
ne sont pas assez laborieux pour s'adon-
ner à ces sortes d'occupation. Ces ouvriers ^
sortent du Biledulgerid , et se répandent
dans toutes les parties du Saara. Par- tout
où il y a des tentes , ils y trouvent à travail*
( 85 )
1er. Ils sont nourris pour rien, et reçoivent
encore le paiement de leurs travaux. Ils
font les bijoux de femmes , tels que les
boucles d oreilles et les manilles ; ils rac-
commodent les vases , en y mettant des at-^
taches , et nettoient les armes. On les paie
ordinairement en peaux, poils de chèvres ^
de chameaux, ou plumes d^autruches, sui-
vant lés conventions. -Ceux qui ont de l'ar-
gent, leuT paient la façon deç objets qu'ils
travaillent, le dixième du poids de ces ma-
tières. Rendus dans leur patrie , ces ou-
vriers vendent ce qu'ils ont, et il leur faut
tout au plus quatre ou *cinq voyages pour
les mettre en état de vivre à leur aise sans
quitter davantage leur patrie. Les Mon-
gearts ont cependant besoin d'autres mar-
chandises, telles que des souliers etliabille-
mens , mais ils n'ont point d'artisans de
leur nation; ils se font de chétives sanda^
les , et se procurent les .autres objets ^ en
allant par caravannes dans le BUedidgerid ,
tou chez les Trasarts, peuple Maure, habi-
tant la rive nord du Nfger. Ils donnent de
leurs bestiaux pour c^es objets. Ceux qui
n'ont que la quantité suffisante de trou-
.peatixpour leur subsistance, se passent do
F 3
(06)
cas râarchbndîses; des peaux de chèvres,*
cousues ensemble, leur servent d^liabille^
luens, et les mettent à l'abri de la rigueur
des saisons. Quand ils peuvent se procurer
des gninées pour se faire des chemises ,
ils n'en manquent pas Toccasion , c^est leur
plus grande parure. A son défaut ils en
mettent une de laine ; ils ont do plus un
haîque , espèce de couverture de 5 aunes
de long sur cinq quarts de large ^ et un
manteau fait de poils de chèvres, pour se
garantir en route, et pendant la nuit, de la
pluie et du serein. Il y en a peu qui puis-
sent se procurer ce dernier objet; il n'y a
que les plus riches, les antres en font avec
leurs peaux de chèvres: ils s'enveloppent la
tête d'un morceau de toile, ou autre chose
en forme de turban ; il n'y a que les prêtre3
qui savent lire, ou qui ont fait le voyage
de la Mecque , qui suivent cet usage. Ils
^portent toujours , suspendu à leur cou , un
petit. sac de cuir, dans lequel ils mettent
leur amadou, leur pipe et leur tabac. Leurs
ppignards sont superbes ; le manche tou-
jours noir et garni d Ivoire , la lame est
recourbée et coupante des deux côtés , la
gaîne est en cuivre d'un côté, et en argexit
( .87 )
de l'autre, et assez bien travaillée. Ils por-
tent des sabres , lorsqu'ils peuvent s^en pro^
curer, et préforent ceux à l'espagnol. Leurs
fusils sont toujours bien ornés, la crosse
en est très-mince, et garnie de tous côtés,
d'ivoire ; le canon est garni de lames de
cuivre ou d'argent , suivant la richesse du
particulier. Il est en forme de carabine,
La batterie a un ressort qui couvre IV-
inorce, pour éviter que le fusil vienne à
partir contre la volonté de celui q»Lle
porte. Les pauvres qui n'ont point de fu-
sils, portent des poignards faits comme les
couteaux jQamans à gaîne de cuir; ils s'ar«
ment aussi d*un bon bâton, à rextrépiité
duquel ilsmettent uneespèce de coing de fer.
ï)e près cette arme est des plus meurtrie-
res ; d'autres portent des sagayes -, enfin la
première richesse d'un Arabe,, et son prê-
mîei: désir, c'est d*avoîr un beau fusil et
un bon poignard. Ils les préfèrent aux ha-
billemens; car pour se vêtir, ils se couvrent
indifféremment de guinéçs ,' d'étoffes de
laine , ou de ,peaux de chèvres. L^s arme3
étant leur plus grand ornement , ils ont
uii soin tout particulier * de mettre leurs
fusils dans dès sacs dé peau pour les pré*
F4
(88)
Aerver de la rouille, et les consenrer en
état.
Accoutumés à rivre de laitages et des
grains qu'ils se procurent chez leurs voi-
sins, ces peuples sont tout entiers occupés
à leurs bestiaux : ils ne cultivent aucuns
cantons ; et sont si paresseux que Ton ne
prépare la nourriture que quand en a
Taim. Souvent il en manque alors , et on
est obligé de se contenter de laitage qui
liçA'fèusemeut ne leur manque jamais.
Pendant que les femmes s^occupent dn
ménage, les nègres ou les enfans des Arabes
'sont & là gàr(ie des troupeaux. Ils quittent
les tentes sur les neuf à dix heures du ma-
tin , et ne reparoissent que sur le soir. Les
enFans des Arabes qui n'ont point d'escla-
ves , ont soin, avant Repartir, de prendre
de là nouri^ture. Les femmes ser oient bat-
tues , si elles n'avoient soin d'y pourvoir.
Quant aux esclaves nègres , ils partent à
'fèiLih..Il est vrai que quelque sauvage que
sôit le pays , ils y trouvent des racines ^
telles que truffes ^ patates et des fruits rou-
ges du môme goût et beaucoup plus petits
que les jujubes: on rencontre, encore beau-
( 89 )
cou{> d'autres hèrbés sauvages qui servent
de nourriture.
Pour les hommes , ils vont soit aux lieux
d'assemblée de plusieures hordes , soit aux
marchés publics où ils se procurent ce
qui leur est nécessaire pour leur ménage ,
soit à la chasse : celle qu'ils aiment le mieux
•est la chasse de l'autruche , parce qu'elle
leur est plus profitable et pour la nourri-
ture et pour le produit. Pour cette chasse
il leur faut des chevaux, il n'y a que les
cavaliers qui la fassent. Us se mettent une
vingtaine en chasse , et se portent contre le
vent à distance d'un quart de lieue environ
les uns des autres. Quand ils apperçoivànt
4'animal , ils le pressent. L'autruche ne
]f)ouvant se servit de ses aîles contre le
vent j retourne précipitamment sur ses pas,
et évite facilement le premier cavalier. Si
son agilité la sauve du second ou troisième ,
il lui est impossible d'échapper aux autres.
Us se servent rarement du f asil pour l'abat-
tre ; un bftton de deux pieds de long qu'ils
lui lancent avec adresse sur le cou , la fait
tomber. Us s'empressent alors de la tuer,
4ui arrachent les plumes , se les partagent
( 90 )
ainsi que la cliaîr i et se retirent chacun
dans leur famille , où Ton ne manque pas
de se régaler du fruit de la chasse.
Lorsque les Mongearts ont fait quelque
butin, soit sur l'ennemi ^ soit à lâchasse,
soit dans le commerce , s^étant cotisés en-
semble pour quelqu'acquisition , ils font
autant de lots qu'ils sont de memb res à par-
tager ; ensuite, pour éviter, toute dispute,
ils mettent chacun un objet dans le coin
d'une pagne , ils remuent ces objets et le
premier enfant , la première femme ou
le premier étranger à leur affaire qui vient
à passer , prend tous ces objets , qu'il ne
connoît point., et en pose un sçr chaque
part. Chacun reçomioit son effet : heureux
celui qui est le mieux partagé ! Ci^tte ma-
nière simple , et naturelle leur ^ fait éviter
une infinité ^ d'occasions de disputes. Nos
femmes des halles de la Bretagne suivent le
même usa^e , et jamais elles u'pnt de dif-
. féren^ pour leur partage.
^ Lorsque les tentes sont séparées par fa-
milles pour la plus grande pox^moditédela
pâture pour les troupeaux , les hommes et
garçons , petits^ et grands , s'assemblent au
soleil couché ^ sur pue coUine la plus conu
mode potrr que chacun soît à portée de
don. troupeau : là ils s'exercent à différens
j«iix d'adresse , de force ou à la danse.
^Is ont ordinairement trois ou quatre mu-
9iciens nègres , qui avec leur musique sau-»
^age les excitent à la joie. Ils restent à ces
assemblées jusque» vers minuit qu'ils se
rendent tous à leurs tentes pour y prendre
lerepos. Le vendredi , quiest leur plus grand
jour de fête, ils se divertissent toute la '
journée, plusieurs hordes s'assemblent ce$
jours-là , ils font des courses de. chevaux ;
s'exercent aux armes, et montrent à reiivî
leur adresse dans ces sortes de jeux pu-
blics. C'est dans ces assemblées que l'on
distingue la jeunesse qui promet le plus*
Elle s'attire l'attention de tous les specta*
teurs ; et dans les oceasiops d'état on choi-
sît les plus expcrimfentés pour veiller à la
conservation commune. C'est parmi ces
jeunes gens que l'on choisit ceux qui doi-
vent devancer les caravannes lorsqu'on se
xoêt çja ni^che dans la saison des pluies.
Les troupeaux foniietkt toute la richesse
des Mongearts , ausèi ont-ils le plus grand
soin de les conserver. S'il arrive qu'un ani-
mal soit malade , on met tout en osuvre pour
/sa)
le guérir. Les soins n'y sont point épar^
gnés> an y apporte plus d'attention que^
pour un homme. Quand absolument ou
voit qu'il n'y a plus d'espoir de le sauver.^
alors on le tue et on le mange. Si c'est un
chameau , on assemble les voisins qui
participent au repas. Si ce n'est qu'une
chèvre , les habitans de la tente suffisent
pour la manger. Un animal mort «ans ré-
pandre de sang ,est impur. Il faut qu'il soit
égorgé : celui qui le tue se tourne du côté
du levant, et prononce avant de tuer les
premiers mots de la prière générale. Un
animal égorgé par un sanglier devient im«
pur ; on ne le mange pas quoiquHl y ait eu
du sang répandu , parce que le sanglier
loi-même est impur. Cet animal est si nom-
breux dans le désert qu'il cause plus de
dommage que toutes les bètes féroces en«-
«emble. On le détruit le plus qu'on peut ,
mais jamais on ne le mange.
Quelles que soient les pertes que fa«se un
Arabe, jamais on ne l'entend se plaindre;
il est au • dessus de la misère^ il supporte
patiemment la faim, la soif et la fatigue.
Son courage dans les évènemens , est à toute
épreuve. Dieu le veut ainsi, dit-il; cepen-
( 93 )
3ant on le voit mettre tout en œnvre
pour éloigner de lui les malheurs; et sou-
vent il s'expose aux plus grands dangers ,
pour se procurer des choses do pure faiv-
taisîe.
Lorsqu'un père de famille meurt, tous les
objets de sa tente sont enlevés par le pre-
mier des enfans qui se trouve à son décès.
S'il y a de l'argent, de Ter , des bijoux,
tout disparoît,et les autres enfans éloignés
n'ont à partager que les bestiaux et les es-
claves , le tout par portion égale. Les filles
ne participent point au partage, elles se
retirent chez leur frère aîné. Si le défunt
laisse des enfans en bas âge, la mère se
retire avec ses enfans chez sa sœur, si elle
en a une dé mariée , ou chez sa mère. Les
possessions du défunt ne se perdent point,
le chef de la horde en prend soin , et les
remet par portion égale aux propriétaires,
lorsqu'ils sont en âge de pourvoir par eux-
mêmes à la conservation de leurs biens*
Si TArabe meurt sans enfans mâle , sa
femme se retire chez ses parens , et c'est
le frère du défunt qui hérite.
Les femmes sont bien plus considérées
chez les Mongearts que chez les peuples
(94)
voisins. Elles y sont cependant dans une
espèce de sujétion qui approche beaucoup
de Tesclavage. Ce sont elles qui sont obli-
gées de préparer la nourriture ^ filer les
laines declianieau et de chèvre pour formex:
les tentes , traire les bestiaux , ramasser
le bois nécessaire pour la nuit ; et lorsque
l'heure du repas est arrivée , c'est-à-dire
au soleil couché , elles servent leurs maris.
Tous les hommes ' libres ou esclaves de
la même religion mangent ensemble ,
leurs restes servent pour les femmes qui
mangent après eux. Celles qui ont des es-
claves négresses restent toujours oisives ,
elles n'ont dans ce cas qu^à commander :
la plus grande partie est de ce genre ; il
n'y a que les ménages qui ont essuyé des
pertes qui n'ont point de négresses , ce
qui fait que les femmes sont presque tou-
jours à rien faire
Quoique la poligamie soît autorisée par
lareligion , on voit cependant peu d'Arabes
avoir plus d'une femme. Ils la répudient y
il est vrai , à volonté lorsqu'elle ne leur
donne point de garçons, mais alors ellQ
est libre de vivre avec un autre homme.
Si au contraire elle a le bçnheur d'avoir
(95)
un ou plusieurs garçons , son mari la con-
sidère au-delà de toute expression. Il n'y
a plus dans ce das de divorce à craindre ,
elle a une autorité absolue dans la tente ,
elle ne s'occupe alors que de causer , dormir
ou danser à sa volonté. Des négresses cap-
tives font toute sa besogne , ces dernières
ne sont plus aidées dans leurs travaux par
l'épouse de l'Arabe , qui , au contraire , les
commande avec arogance et dureté.
Quand une femme ne plaît pas à son
mari , ou que celui-ci lui déplaît , ils peu-
vent se séparer. La formalité dans ce cas
est que la femme se retire chez ses parens.
Si le mari est attaché à sa femme , il va la
chercher , mais si elle s'opiniâtre à ne point,
vouloir retourner avec lui , elle est libre ,
et peut se marier avec un autre à sa vo-
lonté. Si cependant elle avoit eu un enfant ,
sur-tout tm garçon , elle ne pourroit le
faire ; dans ce cas sa retraite de plus de
huit jours chez ses parens , pourroit être
punie de mort. Lorsqu'un homme bat sa
femme , c'est une preuve certaine qu'il lui
est sincèrement attaché , et qu'il ne veut
^as se séparer d'elle ; s'il se contente de
lui faire des reproches , la femme se croit
(S6)
méprisée , et se retire infailliblement chex
ses parens. De-là vient que dans les dis-*
putes les plus légères les femmes sont ac«
câblées de coups ;s elle les préfèrent aux
plaintes que leurs maris feroient à leurs
parens , et ce moyen est la preuve la plus
sûre de Tamour d^un homme envers sa
femme. Quand les filles se marient , elles
se préparent à ce traitement , qui leur
paroit plus supportable que les humilia-
tions qu^elles auroient à essuyer de leur
ikmille , si le mari y portoit ses plaintes.
La femme n^ap porte rien en dot à son
mari. Lorsqu'un Mongeart veut entrer en
ménage , il choisit parmi les filles celle qui
lui plaît le plus , et la demande . au père
sans autre .formalité ; celui-ci ne peut
le refuser , à moins que le postulant n'ait
fait quelque chose de contraire aux loix de
la nation. La fille accordée est conduite par
les parens à la tente du prétendu , où. il y
a toujours un grand repas pour la céré-
m^onie : le père reçoit des présens. Si le
gendre est pauvre , la famille de la femme
le soutient et lui facilite les moyens d'aug-
menter seS' troupeaux , si au contraire il
est riche ^ et que le père de la femme soit
pauvre ,
pauvre i îlsotnîi^lit tonte sa famille- Cïioz
Itîii Le luari fA;it.< toujours présent à 'sa
fetnme d'habillement et de h^joilx : ces
liabillemens consiitônt en étoffes ^ de laine.
fopgeet blanche ; en colliers d'ambre , de
corail y -cra de verroterie ^ en miroir-, boîle
€le géroâe , ciseaux et- acitres menus' objets'
4e peu de valeur; Ott^ cbnnoît Pétendue de
la- fortune du particulier à la richesse
des présens. ^
'a. iLiCS 'fcmmes^ sorit d'une fidélité à toute*
épSKaive : différentes dans leurs opinions*
de t(!ms les * antres mahométaris , elles se
croient immortelles comme les hommes ;
mais elles ne se flattent de pouvoir pré-
t^ndr® au bonheur de l'autre vie qu'autant
fjuJelles auront été fidelles à leurs raarîs.'
Si elles iitanquoient à ce devoir , elles pen-
sent qu'elles seroient éternellement escla-*
ves de leurs^ compagnes , sans jamais par-
ticiper à leur bonheur.
Souvent elles se visitent les unes lès
autres. L^honneur dans ces sortes d'occa-
sions consiste à laisser faire tout l'ouvrage
delà tente à celle qui vietit voir sa parente
ourson amie. Là nouvelle' arrivée s'einpaté
du nxénage , prépare la nourriture , bat la
G
beure, ot s^occupe continuellement pendant
que son amie Tentretien des diverses
affaires de la famille ou de la nation. On
juge de la réception à Tétendue de Ton*
vrage qu'on laisse faire à la personne qui
visite^ Cette personne prépare ordinaire*
ment une fois plus de nourriture que de
coutume ) ce qui fait que FArabe invite se$
Toisins à venir pr^idre leur part au repas#
Les esclaves sont toujours contens de ces
sortes de rencontre ; car alors on leur
4onne davantage à manger. CW à la non*»
Telle venue à faire les honneurs , et elle
ne veut pas que personne soit mécontent
d'elle.
Comme ni Pun ni Tautre sexe ne porte
. de lûige , et que, faute d'eau , ils ne peu»
vent laver souvent leurs habillemens, ils
sont couverts de vermine. Pour n'en point
sentir l'incommodité , et se . délivrer des
morsures des marangoins , ils se frottent
le corps de beure ou de graisse ; la plus
renco est toujours préférée. Gela leur donne
une odjôur infecte à laquelle on ne peut
s'accoutumer que par une longue habitude*
Les négressM sur-tout qui sentent mauvais
aatureUenentf ejcbatent une odeur capable
dTnconrmodtîr les hommes les molrs dé-
licats-, et j'aimois mieux ^ malgré la con-
xioissance que j'avois du pays j coucher à
Tinjure de l'air , que de rester dans une
tente où îl y avoît une négresse*
Il faut qu'un Arabe soit bien pauyre
pour ne point avoir au moins un nègre
captif. Ces derniers ne sont occupés qu^à
la garde des troupeaux : c'est leur seul ^t
nnique emploi. Jamais ils ne vont h la
gtierre. lis peuvent se marier. Leurs femmes
qui sont des captives négresses , font lu mé-
nage 9 et sont traitées durement des fammeg
arabes et des Arabes même. Si elles ont des
enfans , ils sont captifs comme elies^ On lea
emploie à tout. Dans l'enfance, les petits
nègres peuvent aller aux écoles publiques s
ils participent à tous les amusemens des
petits arabes ;mairlorsqu'ilslont des fautes,
ils sont punis rigoureusemetit': et ces pisn-
pies qui ont une complaisance si aveugle
pour leurs enfans , parce qu'ils ne lextf
supposent point assez de connoissances y
n'ont aucunes considérations pour ceux des
nègres , qu'ils traitent avec une brut^itrii
sans égale. S'il arrive qu'un Arabe ai^ un
i;arçon d'une négves se^ lu femme estmisns
G a
( 100 )
traitée , sans cesser cependant cVètre cap*
tive. Son jenfant est élevé comme les autres
Arabes : il a le grade de citoyen , et est libre
comme eux.
Lorsque le maître d'une tente a un es-
clave ciiroûeu, ce qui n'arrive que lors •
qu'il y a des naufrai^es , cet esclave passe
avant le nèi^re , quoique ce dernier soit
xiiahouiétan. Ou.Iq nourrit à part , et sa
nonriture e$t prise sur la générale ; et sUl
en reste , ce qui ne peut arriver qu'aux
jours de cérémonies , les femmes ni même
les eaclaves négresses n'y touchent point : .
elles portent .le scrupule jusqu'à ne point
se. .servir de tout ce qui a touché la
nourriture du Chrétien, Quant à leurs oct
cupations , j'en ai assez parlé dans la re*
lation de mon naufrage. .
Si le Chrétien est un enfant , il est traité
comme les .enfans même de la nation , on
ne l'occupe à rien, il fait à sa volonté; et
le Maure qui auroit la témérité de le battre , .
courroit risque de la vie. Nos mousses
n'eurent point à souffrir dans leur escla-
vage , janiais on ne leur commandoit rien ,
ils feisoientce quUls vouloîent; et quand les
hordes «e mettoient en route^ les femmes
<: 101 )
«voient le plus grand soin de les faire monter
sur leô chameaux ^ crainte de les fatiguer^
Malgré la misère que Ton éprouve daits
ce pays , il est encore heureux d'être Fran-
çois ou Anglois , lorsque l'on fait naufrage.
Peu de temps avant nous , une barque esr
pagnole eut le malheur de faire côte près
de l'endroit où nous nous perdîmes \ il y
avoit qiuatorze hommes et deux femmes,.
Reconnus pour être des isles Canaries , ih
furent tous égorgés sans pitié , à Texception
des femmes qui furent réservées pour êtr^
vendues à Maroc. Ce n'est pas sans, raison
que les Mongearts en agissent de la storte
avec les habitans des Canaries , et môme
avec tous les Espagnols : On nous apprit
dans la suite que la cause de la haine de ces
peuples venoit de ce que les habitans des
Canaries font de temps à autre des descen-
tes sur ces côte3 , et qu'ils eillèvent tout
ce qu'ils rencontrent , hommes , femmes
et bestiaux. Ces peuples ignorent ce qu'on
fait de leurs compatriotes , et immolent
sans pitié tous ceux de Ces nations qui ont
le malheur de tomber entre leurs mains ;
au contraire , ils traitent de leur mieux
(et c'est encore bieu mal ) les François et
G 3
( loa )
les Angloîs. Us connoissent ces deux n«w
lions par le commerce qu'elles font le long
du Niger et dans toutes les villes sounûses
à la domination de Tempereur de Maroa
La médecine est presque inconnue parmi
ce peuple : les prêtres seuls sont les dépo^
sitaires des secrets de ce grand arL Leurs re*
mèdesgéuérauxpour les maladies internes ,
aont la diète, le repos , et quelques maximes
de Talcoranque le prêtre applique avec mis-
tère sur la partie malade. Pour le mal de
tête , ils se la serrent extraordinairement ,
jusqu'au point roêiiie , de faire sortir da
aang sur le front au-dessus du nez* Four
les plaies , ils se servent du feu , c'est- à*
dire , qu'un coup de poignard se guérît eu
l^rftlant Tendroit offensé avec des lames de
couteau que Ton fait rougir au feu. Ou
y met ensuite de l'huile de tortue chaude
et du gaudron ; on enveloppe la plaia
avec des herbes connues , et par ce moyett
Sis se procurent une prompte guérison.
^ Le pays est plein de gabelles, sangliers^
lions , tigres/ singes et serpens. Les plus
dangereux de ces am'maux sont les serpens
et les tigres, l^a peau du tîgre se vend avec
avaivtn^e: celles des serpens se conservent
(io3)
avec soin ; elles servent dit- on à fortifier
la vne que Ton perd facilement dans ce
pays , étant obligé de coucher aux injures
de Tair. On se met sur les yeux un ban-
deau de cette peau , et on ne tarde pas à
se trouver soulagé ; un de nos matelots fut
guéri en trois jours , faisant route pour
venir à Tanger. Le scorpion porte avec lui
son contre-poison : il suffit de Técraser sur
la plaie lorsqu'on en est piqué , autrement
pour éviter la mort , il faudroit , aotts peu
de temps , couper la partie attaquée , lo
venin ne tardant point à se communiquer.
Les serpens sont très-communs dans le
désert V mais on y voit peu de scorpions:
ces derniers se plaisent dans les vieilles ma^»
sures , et sont nombreux dans les villes aban-
données. Les sangliers causent de très-grands
ravages. Ils se jettent souvent sur les trou-
peaux de chèvres ; mais comme les Mon-
gearts sont toujours armés , soit de fusils ou
autrement , ils en détruisent beaucoup , et
tâchent de les éloigner le plus qu'ils peu^
vent de leurs habitations.
Dans le désert le sol est inculte et pres-
que par-tout arid» , on recontre fort
peu d'arbres » le pays est seulement cou*
G4
ifort de broussailles i on voit cependant de
temps en. temps dei tpalmiers et dattiers j
mais ils sont très-rares. On rencontre aussi
dti très-beJles plaines qui pourroient être
ciiUivées ,raais trois raisons font qu'elles ne
le sont pas. La première vient delà manière
de vivre des habitans qui se contentent des
laitages qu'ils ont toujours en abondance ;
la seconde , de la rie errante de ces peuples
qui n'adoptent aucuns cantons , et qui
fi VI oignent souvent des endroits qu'ils ha-
bitent pour n'y reparoître jamais ; la troi-
sième qui est la plus solide , c'est que
daus Kl crue. des eaux ils sont obligés de
quitter les plaines , pour se réfugier sur
les montiignes ; et qu'étant obligés de se
porter tantôt d'un côté , tantôt d'un autre ^
ils pourroient ne pas avoir le temps de
récolter , et perdre par ce moyen le fruit
de leurs travaux. Les sables volans s'opr
posent encore à toute culture. Ces sables
iii Oui ment légers forment de hautes mon-
tagnes , et sç déplacent souvent : ce qu'il
y a de particulier c'est que ces sables se
forment en buttes de distance en distance ,
comine si on les plaçoét exprès avec beau-
coup de travail. Ils sont une des plus
^grandôsr incommdJifés^'x3a pays. Lorsque
•le vent coinitience à* en remplir l'air ,^on.
décampe sons tardef , on charge les cha-
meaux , et on s'enfuit le vent au dos ; sans
cette sage précaiition , il ne faudroît "pas
plus d'une nuit pour avoir plus de cin- .
quante pieds dé satlè' sur la tête. '
Toutes ces contâmes sont presque gé-
nérales chez les Trassarts et Bracnarts ,
peuples qni habitent la rive nord du Niger.
Ces derniers ne diffèrent que dans quelques
coutumes peu im{>ortantes qui viennent
de leur communication avec les nègres
dont ils ne sont séparés que par le fleuve,
et dans ce que le commerce exige d'eux*.
Ces coutumes sont également générales
dans le Biledulgérid et les états dépendans
de l'empereur de Maroc ; c'est pourquoi
en parlant des peuples qui habitent ces
diverses contrées , je ne m'étendrai que
sur les objets qui ne sont point pratiqué»
chez les Mongeai'ts. Il ne me reste plus qu'à
observer que toutes ces nations se disent
et se croient n'en faire qu'une. On les
appelle indistinctement Arabes ou Maures.
Dans le désert ils sont flattés quand on les
nomme Monselemiues. Il semble qu e ce nom
( io« )
leur £fissc honneur ; et ils aiment à le
porter , quoique les vrais Monselemiiies
soient leurs plus cruels ennemis.
LE BILEDULGERID.
Le Biledulgeridj dans la partie que j^ai
parcourue ,est habité par un peuple connu
sous le nom général de Monselemines. Il
diffère dans sa religion et dans ses cou-
tumes des' Maures ses voisins >et des Mon*
gearts habitans du désert. Cette variation
n^est cependant presque pas sensible. Les
parties limitrophes des habitans de Marofe
suivent , excepté en un seul point 9 toutes
les coutumes de cet empire. Ceux qui
avoisinent le désert , et qui ne s^adonnent
point au commerce , tiennent plus aux
préjugés de la nation. Ce peuple arabe
tire sans doute son origine et son nom
des sectateurs de Moseilama y contemporain
du grand prophète. Us ont pour la liberté
ce même amour des anciens Arabes , et
suivent en tous points les coutumes des
peuples de ços temps reculés. Us ont comme,
tous les Mahométans,le respectie plus grand
pour le prophète \ mais ils sont loin àp
( 107 )
croire que ce prophète ait été infaillible i
et que les desceudaus de sa famille sont
tous inspirés de Dieu ; que leurs volontés
«ont des loîx ; et qu'on ne peut être bon
Maliométan sans suivre de telles idées.
Ce peuple 3 dans la partie que baigne
l'Océan atlantique , occupe une étendue de
torrein de différentes qualités ^ depuis vingt
lieues environ de Sainte-Croix de Barbarie ,
jusqu'à trente lieues au-dessus du cap de
^un. La Hmite des possessions est indiquée
par de hautes colonnes placées de distancé
en distance du côté du désert. Ils ont pu
les placer à volonté , les habitans dn désert
ne s'y sont jamais opposés ; ils habitent
même les lieuxoù se trouvent ces colonnes,
sans que personne les inquiette. Il en es^
qui prétendent que ces colonnes ont été
placées par les empereurs de Maroc, pour
indiquer la limita de leur empire. Quoi
qu'il en soit , ce pays est habité par les
Monsel^mines qui sont im assemblage
d'Arabes véritables , descendus des anciens
Arabes et de Maures fugitifs de l'empire
de Maroc.
Le gouvernement est républicain ; ils se
défendent avec beaucoup de courage , se
( 1^ )
choisissent tous les ans de nouveaux cliebr
et passent pour invinciblej aux yeux de^
Maures , tant par la difficulté de pénétrer
dans leur pays , tout environné de monta-
gnes arides et escarpées , que par leur
courage dans les diverses attaques , et leur
opiniâtreté à résister aux efforts de leurs
ennemis.
Cette nation , plus civilisée que celles qui
habitent le désert , n'erre pas toujours de
canapagne en campagne ; elle occupe desv
bourgades , qui toutes son-t situées sur le
panchant des montagnes. Leurs maisons
sont bâties eîi pierre et en terre : ils les
forment à la manière des Maures. EIle$
sont peu élevées, et couvertes de terrasses
qui vont en pente pour récoulement des
eaux. Les plui^ abondantes , qui régnent
dans ce pays pendant environ trois moi^
de Tannée > nuisent beaucoup à ce genre
d'habitations ; ce qui fait qu'ils sont obligés^
tous les i5 à ao ans , de changer de demeure.
Les riches et les artisans habitent ces bour-
gades , ainsi que les Juifs qui s'occupent à
divers travaux. Les Monselemines ont des
mosquées où ils s'assemblent le vendredi
pour la prière. Quoique ce jour soit cou-
( 1^9 )
sacré eux offices , il ne les empêche pai
de travailler : c'est leur jour de marché
principal , les habitans des' campagnes ef
les Arabes du désert s-y rendent pour le
commeiîce. Il y a des places publiques pour
la vente des marchandises > les habitons
seuls ont de.petitès boutiques où ils font
porter leurs marchandises. Quant aux
autres ^ ils les exposent tout simplement
sur la place. S'il survient dés . différens ,
les vieillards jugent sans appel , et Iqs.
procès sont terminés su^rle cliamp* ,
Plus industrieuse et plus laborieuse ^qtie
ses voisins , la nation mon^elëmine cultiva
la terre. Le chef de chaque Camille va
choisir le terréin qui lui paroît le plua
propre , on laboure légèrena^ent la surface
de la terre avec des espèces djs houlettes ^
puis on ensemence. Ou a soin d'envi-^
ronner le champ d« broussailles , pour in-
diquer le lieu qui a été cultivé ., et pour que
les habitans errans empêchent leurs bes-
tiaux d'y entrer. La récolte se fait trois
mois après les semailles , c^est ordinaire-
ment à la fin de mars : ils coupent leurs
grains à six pouces environ de l'épi , et eu
forment de petits paquets. Tout le monde
(MO)
trayaille alors du matin au soir sans in-
terruption. On apporte lo grain devant la
tente , et on le bat à grands coups de batou ,
puis on le vanne et on le met en réserve ;
la moisson faite ^ on met le feu à la paille
restante sur pied , et le champ est aban->
donné pour deux ou trois ans.
Leur méthode poiur conserver le grain
est tout-à-fait semblable à celle des habi-
tons delà Barbarie. Us font pour cet effet un
grand trou en teire , ayant la forme d'un
cône tronqué , ils remplissent de bois et y
mettent le feu ; cette opération faite ils
nettoient la fosse et y mettent leurs grains
à demi vannés ; puis ils prennent de forrs
madriers qu'ils posent près les uns des
autres ^ et recouvrent le tout de terre. Par
ce moyen en temps de guerre on ne peut
leur couper les vivres , l'ennemi marchant
sans le savoir sur des monceaux de grains.
Les habitans des phdnes s'arrêtent dans
le temps des semailles , et reviennent au
temps de la récolte : chacun reconnoit le
champ qu'il a cultivé , et en fait la dépouillé*
Lorsqu'dUe est faite ils la mettent en réserve
comme je viens de le dire> et vontcourit
de toua les c6tés avec l«ura bestiaux ^ em*
C 1" )
ponant seulement le nécessaire. Lorsque
Ton se voit près de manquer de grains ^
plusieurs particuliers liiietis armés > partent
aTftc leurs chameamc , et Tont aux magasin»
de ia horde chercher la proTÎsioii. Chacoix
A sa répartition suivant qu'il a employé
d^JKxmmes au travail commun,
r JL^haspitalité est générale parmi les peu*
pies erraus. On l'observe comme dans le
Sacnu^ des voyageurs sont nourris par-tout
«ans payer. Il n'en est pas de même aux
bourgades y la multitude d'étrangers qu'y
attirent les marchés, oblige de faire payer
la nourriture. Sans cela les habitans des
bourgades seroient toujours les plus pau-
vras <» puisqu'ils auroient à noyrrir une in*
finité de curieux les jours de marché et
d'assemblées. Quant au gîte , l'Arabe des
campagnes couche sur les terrasses, toujours
4 i'in)Ure de l'air : les particuliers des ha-
bitations ne permettent l'entrée de lemrs
maisons qu'à leurs pareiis , amis ou chefs
de horde. Les nègres esclaves de ces ha-
bitations examinent avec soin le nombre
des personnes qui demandent des vivres ;
on leur en donne à ia porte selon leur,
nombre^ et oa|r «joute une suffisante quan*
( ria ),
tîté d'eau poorles déçaltécer* Oiia iiifeccmr
séparée pour les chevaux ; mais à THobis.
que les maîtres «œ plaasent Ja unit, • oh n»,
leur doune rien* P(iji^jCCL£as.6naiL8iri!fau!&
à chaque cheval ,Qi]viioîtirois Ui^f es» d'mfge
a la flu du jour ^ etcleat-là tourxe:qi)i^il&
ont pour la journée» ie 'me suis étoodiiLatii^
cet article , parce qwef.jjai vu plusieurs 'fois
tout cela, quand jje 'deaboeurods .chezi^/âG^
Laze , où tous les habitans d^arcstmpa^gaaiC
yenoient manger«: . > r > j ■ .t6/»»q <-..* .
• Ceux qui habitent;. le& hjp^gackb lïVwfct
pohit ordinairement ,à^ béstiaui^yiniûîfliiua
méfier , tel que tisî^^ii^^,4SordtoniabQr<4»oi4
fèvrc , potier de . ter^iie , etc. Les- {^rihcipaui
cependant ne se livrent à auç[ik'ia.e deif^ssetv
cupations. Us ont beatiQOup.de csbcbifil)
chevaux , chameauji; jL.fomitQns.^ ^chièvrés
et toute sorte de ys^tgill^'^ leurs -nj^gfiWtes^?
claves ont beaucqup d'oUvragb >-Te^iièon£
inenés durement» Ceux qui vont àla gandé
des bestiaux^ sont s^us qontrèdit les plus
heureux^ mais ceux qu'on réserve pour
les occupations de la maison , ont beaucoup
de peine. Il faut qq-ils aient soin des répâi-
jrations des bâtiment , .qu'ils fournissent
la maison d'eau , de 1)0Î6 » et qu'ils. pré«-
parent
( ii3 )
pg^ent le grain , les, négre^sses le >mçttent
en poudre, et se. servent poijr .cela ^e
moxilins de pierre , çieml^lables à ceux qui
servent en France pour moudre Je poivre
ou la moutarde > elljcs prép^ent jles meu^
, et sont sans relâche occupées d^ matin aji
soir. Le nègre pasteur, au contraire , nV
$oin que de son troupeau : il trou.ve tjou-
}Ours sa nourriture prête : il est bien vêtu^
bien armé ; et a une petite retraite pour
rlui et pour sa famille.
Ce pays est très-peuplé, et le seroit encore
davantage sans lea guerres continuelles que
^ses habitans ^ont à soutenir contre rem-
pereur de Maroc. On dit improprement
.que cette. natipn est rebelle à l'empereur ,
^ car Jamais elle ne lui a été souniise. Lors-
qu'une armée mauresque se met eja
marcbe , les habitans du Biledulgerid ,. qj^î
„cvit de leurs concitoyens établis dansiçs
-éEats de Maroc , en sont aussitôt instruis
^par eux , se tiennent sur leurs gardes ; jçt
. tous les habitans des campagnes étaiit.bxeii
montés ^ ils forment des corps de caye^lerie
redoutables , s'emparent des défi|és.., ^g^
massacrent sans pitié les troupeç. qt^ipz^t
la témérité de s'y engager. Onne J^ p^i^t
( "4 )
de prisonniers de part ni d'autre. Les
femmes et les captifs , escortés par un
nombre suffisant de guerriers pour lea
défendre ^ quittent leurs habitations , et se
retirent dans Tintérieur des terres. Quel-
quefois même ils se portent jusques dans le
désert. La liberté dont ce peuple jouit , lui
fait supporter les fatigues les plus grandes,
n regarde ce bien comme supérieur à tout ^
et combat jusqu^à la mort pour conserver
ses droits. Le commerce dont il est seul
possesseur pour communiquer de la Bar--
barie arec le Saara, Tenrichit considérable-
ment. Aussi se soutient-il toujours avec
avantage ; comme ce pays est la re-
traite des riches Maures qui véul^it se
soustraire à la domination tyraxmique de
Tempereur , ils en ont beaucoup parmi eux
qui , instruits des coutumes des Maures f
les mettent , par leurs conseils , à Tabri de
toute surprise. Ces fugitifs ne peuvent point
les trahir , ce sont ceux qui ont été pillés
ou condaxunés à mort dans leur patrie. Us
se Battent toujours avec opiniâtreté ; et
aiment mieux périr les armes à la main
qùerdâ se laisser prendre^ pour mourir dans
ies supplices à la vue dW peuple entier»
< "5 )
Le Monselemine , plus riclie qii^aiicua
«des peuples qui habitent les ^provinces
soumises k la domination de Maroc ,
«st toujours bien vétu^ bien armé. Il vfi
paye aucun tribut ^ proJ&te du fruit de
son trayail ^t de son commerce , et n'a
aucune charge poux l'état 4 tout ce qu'il
, peut acquérir est à luL II y a cette diffé-
rence entre les Maures fugitifs et les na-
turels , qu^ ces derniers sont toujours
armés ^ soit qu'ils habitent les campagnes 9
soit qu'ils -viennent aux marchés., so/t
qulls se trouiirent aux assemblée^ 4^; !&
: nation ^ ou^ulils se. visitant ; les Maucçs
,j&igiti^^ au contraire 9 quand ils seroiei^t
des^ princes, ne portent des armeS' qu'en
campagne et à la guerrç.
Les femmes ne soni; pas, plus esclaves
que celles du Saara 9 celles 4^ bourgfides
i?estent dans def espèces de, sérail : chaque
homme en a autant qu'il peut en nonrrif.
X^es plus considérées sont toujours celles
qui leur donnent des garçons. Quoiqu'elles
aient une demeure séparée des hommes ,
cependant il n'est point défendu de péné-
trer cbez elles. On peut les voir ; les maris
^ ne sont point jaloux \ elles sont bien yôtueg ,
Ha
(1.5 )
peuvent sortir dUiis la ville et aller Voir
leurs amies. Quand elfes sortent, elles ont
tin voile qui les couvre? eiitîèretnent. Ce
voile leur est assez inutile pour ne pas
dire gênant , puisqu'elles Tôtent quand
Celles réiïcontf ent quelqu'un à qui elles Veu-
lent parler. Elles sont plus humaines qu9
celles du Sâara ^ et ne sont point comme
ibes dernières exposées aux coups de bâton.
\Ëlles pensent que leurs maris peuvent lés
^jadiner éêihs les battre. Ellei Repeignent les
ô'âdes et la figuré dé rcmgé et de jaune,
**ët''WoMént de rioîr lèut^ 'patiplèi^i*. Lor^J-
^qu'éllfes ile se peighétit qu'tfri* e6té de )a
^^figtiré , elles n'ont point de coàimumcatlc^
•îtfvec les^hotoimés; Cèttb dernière coutume
est commime à touïès cessations , même sur
^lèsiboi-ds'du^^igèr.
' ' Léd eïtfàns sont éleVé&^^teè le plus gtAtïd
^a'èin^'ôxi les envoie de bonHe-heûre ; ils
ii'oht point de Jjrfeulres de (Joùrage à
donner '2)our être hommes, comme dans
le Saâiîi. L'âge seul, leur adresse à manier
an cheval et les arine^ , leur ti^avail da^s
4e temps des moissohs suffisent. Quand ils
ée marient, on leur donne une dot qui
^Bôns&te éa habUlettiens > arnies ^ bëitiAUJi: \
(.117)
ils deviennent ensuite ce que leur industrie ^-
ou les occasions leur permettent de devenir.
Ceux qui sont instruits de la religion se
font pf êtres ; ils se marient- également et
s'adonnent à tous les exercices dé leurs com-
patriotes. Ils sont plus respectés et devien-
nent , dans leur vieillesse , les juges de la
nation. S^ilsont des laalheursj on les sou-
tient , au lieu que ceux qui ne sont point
prêtres , ne tirent leurs ressources que de
leur industrie, du pillage qu'ils se permettent
sur l6$ terres des Maures , leurs voisins ,
ou du profit des caravanes.
Les cavaliers sont plus cojisîdérés que
Jes autres ; ils n'ont pour tout état que les
^rmes ; toujours en activité , soit en paix, soit
en guerre. A la guerre , ils se comportent
avec courage ; en temps de paix , ils s'exer-
cent entr'eux à manier leurs chevaux , et
à diverses évolutions militaires ; ils escor-
tent les caravanes; dont ils reçoivent le
paiement ; ils se montent et s'entretiennent
jà leurs dépens. Ils sont faciles à recon-
noître y car étant presque toujours à che-
val ,' ils ont un calussur }e gros de la jambe ,
^ Teadroit du fer de l'estrier y ne portant
•mmai^ de hottes. Ces gens sont les voleurs
H 3
( »»8)
les pîiia re(Ioutât)Ieâ qull y ait ; ils fondent
avec une rapidité sans égale sur ceux <|a^il^
veulent piller ; on n'« point le temps de
êe mettre en défense ; ef ils enlèvent tôuf cer
qu'ils rencontrent avant qu^on se soit mis
en état de le» repousser. Leurs clievaus
sont les] meilleurs qui existent ; ils les dres-*'
se^t d^une manière admirable , et sont tou-
jours en état de pourvoir à leurs Besoins.
Ils les ménagent avec' le plus grand soin;
ces animaux connoîssent leurs maîtres j
sont dociles & leurs voix/ et sont indomp»
tables pt)ur tout autre*
Les chefs \ en temps de guerre , sont
cKoisis indistinctement parmi les Maures
fugitifs 9 ou parmi la nation. Son autorité
ne dure que la campagne; elle est absolue
pendant tout le tenïps de ^on commande-
ment. Le temp^ expiré , il rend compte de
ses actions aux vieillards assemblés i on le
récompense , ou on le punit ^ suivant sei
succès ou sa conduite ; on lui donne un
successeur , et il sert dans l'armée ^ rentrant
dans la classe des autres particuliers.
Ces peuples ont un chef général de I**
< religion. Le respect qu'ils lui portent ap*
proche de l'adoration. On le nomme Sidy
( "S )
Makammet Moussa ; sa demeure ordl-*
naire est à i5 lieues enfijron du cap de
^un, près de la ville nommée llleric. Cet
homme , sans troupes à ses ordres j est
cependant le plus puissant de toute TAfiri*
que ; son autorité est sans bornes* S'il or«
donne la guerre contre Fempereur de Ma-
roc, il est obéi. La guerre cesse quand il
le veut. Sans possessions particulières , il
a tout en son pouvoir. Chaque famille lui
fait tous les ans un présent ; elles s^elFor*
cent à Tenvi de le rendre considérable. Il
rend justice à tout le monde;- il soumet les
accusations à son conseil, et quelques fours
après prononce définitivement. U nVxxge
ri^i de personne, et tout le mondehiidonne.
Différent dans ses principes et sa conduite
de Pempereur de Maroc , il ne se dit pas
inspiré du prophète ; il n'a point Taudace
de le faii;e croire à sea peuples ; il écoute
au contraire \e% avis des sages , et ne rend
6es jugemens que sur leurs opinions. Sa
domination s^||f3nd sur tous les peuples
4u Biledulgerid et du Saara. Les Maures
xnèmes le respectent; et l'empereur, tout
puissant qu'il est , n'a jamais osé attenter
à Tautorité de cet homme , ni faire mar**
H 4
( 120 )
cher sed frotipes vers le lieu quHl habite.
Cela devroit Im prouver que Pautorité
puisée dans ramoisr des peuples est mille
ibis plus grande que celle que donne la
terreur ou la force des armes. *
Les Juifs , répandus dans tous le pays ,
n^occripent que les bourgades; ils ne cul-
tivent point la terre , quoiqu'il y en ait
beaucoup qui reste inculte; ils s'adonnent
tous au commerce /travaillent à divers ob-
jets, et sont obligés -d'acheter tout ce qui
est nécessaire à la vie. Ce peuple, chez les
Monselemines , est ce que Tesclàve est en
Barbarie. On le fait travailler à volonté , il
ne lui reste pas même la liberté de se plain-
dre. Jamais il ne porte d'armes ; s'il av^it
le malheur d'en porter et de se- défendre
contre un Arabe , il seroit puni de mort.
Sa ffjmille même ne seroit point à l'abri de-
la vengeance. On lui laisse le libre exer-
cice de sa religion; ce motif et l'avarice
qui se perpétue de races en races chez cette
nation errante lui fait soiiiHr toutes les
indignités qui révoltent les hommes lés
moins sensibles.
Différens des Mongearts et des Maures
kurs voisins „ les Monselemines ne cher-
( 121 )
tÂieiit fidiïtr à faire des prosëlites. Quand:
ils ont un esclave chrétien , ils le traiteiUi
humainement ; ils ne le laissent manquer de
rien ^ et n'exigent de l«ii aucun travail pé-^
nible. L'argent , qui ©s tlèur première idole f
leur fait avoir ces méjqagemeiis. Us dé-
testent leâ Chrétiens , mais aiment l'ar-
gent, et craindroient, en maltraitant leurs
esclaves, de les faire tomber malades et
de les perdre , ce qui leur enleveroit la
rançon qu'ils espèrent ; c'est à l'argent qud
les Chrétiens , qui ont le malheur de tom**»
ber dans ce pays , doivent lé peti de dou-^
ceur qu'ils y goûtent.
Chez les Mongearts , un Chrétien qui'
ehanteroit la prière et se feroit circoncire /
auroit la liberté et le* rang de citoyen ; et
la famille , à laquelle il auroit appartenu ,
lui donneroit des bestiaux pour vivre aveo
eux et comme eux. A Maroc , un Chrétien
qui auroit la curiosité d'entrer dans une
mosq«iée > seroit mis à mort , ou contraint
de se faire Mahométan. Chez les Monsele-
mines , il n'a rien à craindre ; ' l'argent
l'emporte sur la religion ; on se conten*
teroit de le faire sortir sans même le frapper j
( laa )
Ikiois onle feroit payer autant que ses moyeiU'
le lui permettroient.
: Chez les Maures ^ un Chrétien , surpris
arec une femme de la nation , eêt contraint
<)e se faire Mahométan pour éviter la mort^
mais chez ce peuple on punit seulement
la femme ^ en la mettant dans un sac et la
jetant dans la mer; le Chrétien n^a rÎMs
à craindre , Targent est son saureur^
Si dans une dispute TesclaTe chrétien
se défend contre son maître , ce crime est
puni de mort chez les peuples voisins ;
mais il reste impuni chez les Monsolemi*
nés , ou tout au plus corrigé par quelques^
Coups de bâtons , l'argent espéré pour la
rançon le met à Tabri : c^e^t la pierre de
touche à toittes les épreuves.
Si un arabe tue un Juif , ou un homme
do sa nation , une légère amende pécuniaire
envers la iamille du Juif le sauve , mais
il est contraint de donner une forte somme
à la famille de TArabe. Cette soif insatia«'
ble d^argent est d^autant plus inconcev^*.
ble-, que les habitans âk ces* contrées n-W
font presque point usage ;. ils l'amassent
avec soin , et se privent souvent du néces-
saire , plutôt que de dépenser la plus petite
( xa3 )
pièce de niôiinoîe. Quand un père de fa-
itiille meurt , quoîqu^il ait amassé pendant
sa Tie beaucoup d'argent , jamais on n'en.
trouve chea luî ; il se cache de tout le
monde et Tenterre. Il espère sans doute en
profiter après sa mort , et n^avoir de consi-
dération dans l'autre monde , que suivant
le plus ou moins d'espèces qu'il aura eues
€$n sa possession. Les avares devroient aller
dans ce pays ^ ils y apprendroient des moyens
d'économie qui leur démontreroient , qu'eu
comparaison des Arabes , ils ne sont que
de vrais prodigues.
Lés Mongearts n'ont pas à beaucoup près,
cetteardeur pour l'argent j ils ne l'emploient
qu'à faire des bijou:sc pour leurs femmes ,
lorsque quelque naufrage on la vente de
leurs productions leur en procure \ ils le
donnent volontiers pour de la poudre et
autres objets de nécessité ou de fantaisie.
Le pays des Monselemines est très-fer-
tile ; on y trouve ^ presque sans culture y
tout ce qtfi est nécessaire à la vie. Les plaine^"'
sont *arroséees d'une infinité de ruisseaux
gui les rendent fécondes. On y voit en
abondance des palmiers , dattiers , figuiers -
«mandiers. Ils recueillent beaucoup d'huild
( i3t4 >
d6 cire et de tabac qu^il^ vieiment. Tendre
dans les marchés publics. Les marchaadises
de ces pays se transportent à Mogodor, Il
y a beaucoup de raisins qu^on cultive dans
les jardins y ce raisin est bon, les Arabes le
font sécher, et les Ju|fs enfant de reau-de-rie»
L'abondance du pays fait qu'on se nour-
rit mieux que dans le Saara ; cependant dans
les campagnes on se sent de la frugalité du
4ésert^ car les habitans du Saara, man-
quant souyent de grains , sont obligés de
86 contenter de leur laitage', et les Mon- (
selemines des campagnes , pour ne pas i
retourner si souvent à leurs magasins , ne
mangent que le soir. Dans les bourgades ^ ou j
senourrit bien^ ou fait deux repas par jour ^ J
un vers dix heures du matin , et le second |
au soleil couché , ce qui doxme beaucoup
d'occupationau^i: négresses; car elles sont
presque sans cesse occupées à broyer le
grain et à préparer les mets. Les habitans
çles petites villes se procurent aussi plus
4'aisance pour se coucher ^ ils étendent des
nattes à terre dans leurs appartemens , sa
j^urvent de linge, et reposent tranquillement
sans être exposés aux injures de Tair,
XiQurs znanières de se traiter , en cas de
( iaS^
maladie ou de blewures'^ sont absolument
les B^Lèmes que celles des habitons du désert,
L' Ç JM P I R E i) eV ^ A R O G.
Lè^'JiëÛ^îeS soumîs^'àta domîriatîph de
rempterêtfr Hk ^aVoc , feôiît moins héùr'eûi:
que ceux dont je viens de parler. Les .prî^-
jti^éë de teuVitatiôû , îê^ Vmo^fiVés âtbUràires
de'letità p¥iri(feS,'4u'^il^s' çroyèïit' descendit
du' §ràn"(i prophète^ lé pillage auquel ils
sonijôurheîlemérit exposés^ soit qu'ils soiextt
en gûerre^ou n6n ; ïèûrs biens qu'ils sont
obîièè^' de càdier , ' cràtmle d'en être dé*
pdullléà pâi" rempereûrôu les gouverneurs,
tout fcôttt'ribûe à rendre cç peuple esclave
et barbare ^^ À n^a nulle considération pour
se^îroîsîtîè / lis S'ë pâlèhif et se Volent tjuand
*îîs pëttiéM ; et * soumis' en tout aux yploîn^
^ iiés tfuritdaitf é âbsôïii;^* iî^ n'ont ^as mèni
"iàîîbeTt'é'-àfe "^Aiîî: de leur bîpte position^
'te'îit' plus^ graud mâçhLèûr (|st sans^ àoute
de rie ^às connoîtr e ï'âinitîë. Xe père craint
^ori flls ,* le fils éraint *spii jpèré /ainsi par
^cér pMjûgéô , la nàtibii inaifresque , qïd oç^
*'<iùpè tiiiç (tes plus belles parties delà terre,,
est" tbùjduîfô misérable , et manqué Souvent
des choses les plus nécessaires à la vie.
( i^)
Comme cette nation est nat^reUenlenff
esclave, elle n'a point de mœurs parti-
culières. La volonté du prince fait sa loi y elle
B^en connoit pas d'autres. Elle n'a de par-
ticulier avec tous les autres Mahométans
que leurs défauts , sans avoir aucune de
leurs vertus.
Il n'est pas étonnant , d'après si peu de
principes , que cette nation^ qui se regarde
comme la première de la terre et qui mé-
prise toutes les autres , change sans cesse
de coutumes. Dans une province il y a des
crimes autorises qui sont punis dans une
autre. Toujours en contradiction avec luî-
jnèjne , on voit souvent une partie du peuple
révoltée contre l'autorité souveraine^ et faire
une guerre cruelle à ceux qui obéissent à
l'empereur. Souvent l'aimée suivante les
rebelles^ les plus déterminés ^ deviennent
les sujets les plus fidèles > et les autres se
révoltent à leur toujr. Cette contrariété de
sentimens etibpeu de lumières des peuples
maintiennent toujours le souverain dans
ses droits, et lui donnent une autcnité sans
bornes, dont il se sert pour dépouiller ses
sujets , et les maintenir toujours dans l'es*
Qiavage« Ne pouyant tonir aucun ordre e^
L
( "7 >
parlant d'un peuple qui n-en a point , ja
ne puis que rapporter les objets commô
ils se présentent à ma mémoire.
La pluralité des femmes est permise , et
c^est un usage reçu chez les Maures ; ils
peuvent en avoir quatre qui portent ce
nom, les autres ne sont que. des esclaves:
ils ont droit d'en avoir autant qulls pea-
vent en nourrir. Les moins malheureuses sont
sans contredit celles qui habitent les cam-
pagnes* , c'est *à*dire les- plus pauvres j car
elles sont libres et peuvent aller par-torft.
Elles sont , à peu do ohos^a près-, aussi
heureuses que celles du Saara :et du Bile-
4ulgend. Il en est tout autrement de celles
qui sont dans les villes, jamais on ne le^
voit 'Sortir ; ton jours leri^ermées dans Vew
ceinte des maisons , ellesiie sont heureuses
.^uele temps qu'elles -plaisent à leurs maî-
tre. Quand.un mari barbare' est mécontent
•de sesfeinmes , il les maltraite à sa volonté;,
personne ne peut leur porter secours , pei>
•eonne n'a droit d'entrer dans son aerrail j^.il
agit en tyran envers elles .; et souvent après
les avour fait long-temps souffrir , fatigué ^e
leur vue , il les tue ^ pour .être délivré du
«Qjm de les nourrir. Les plus humains s'çki
défont par tro<i , ou ea les venant* Maia
quelque soit le sort de ces iufortunées « il est
toujours malheurisax ^uond elles n^^ut point
:^eu de garçon^ Dans ce cas il chluage de na-
Ttiàre, le père n^oserpit nuiUraiter. la mère
de son fils qjai ne. manquerait pas.d^en
-^er yengeaiice. Un père attaché à sa fille
ttepeut pas'la secourir quand il seroil: ixiâr
wtruitdes mauvais itraitemeiis qu^elle|endure.
*I1 est 4rai que leî ipari seroijt rigoureuse.-
'■méat, puni s 'ii 'étpit'^conTaincu delà mort
*âo sa fçmtne; mais c'âst ia dioae impos-
^siMe. Si ei^erporte sur elle les traces de sa
-barbarie , pers<m]le> A^en . a^ copnoissance ;
•il Ta fait euMicreé: clie^ lui et i annoncé sa
mort à ses pai^ei^8.> Comme il n'y* a ique
ies grands qui agissent à^ la.'sprt6 , à cause
de rimpoteibilité oîli Ton est de les atta-
-iquer^ lespères en place qui aiment leurs
^enfans les hiaiient soibvent à des gé^s au^
(dessous d'eux, qui ont ppur .elles beau-
*€0^p d'égards. Les secours qu'ils troxiTent
ieu eux, soit pour le commerce' t)u. pour
^tt^e chose , les engagent à ménager leuss
'^}^s«» SoiYV*^ u» père feint de refuser sa
•Elle à celui qui la lui demande ^ pour éyitôr
^2es'reprodbkés4ies gens de son rang* Alors
le
ie Maure refusé , porte plainte à i^em*
pereur ; on examine la conduite du pré-
tendant , et comme le tout est projeté ^
on n'a jamais rien à lui reprocher : le père
est condamné à donner sa fille ^ et paroît
en être fâché, quoique ces vœux soient
remplis.
Tous les Maures sont égaux par la nais-
sance ; il n'y a qiie les places qui les dis-
tinguent. Sortis des emplois , ils rentrent
^dans la classe ordinaire des citoyens. Ainsi
le plus pauvre de la nation peut prétendra
sans ridicule à la main de la fille du plus
riche: un hasard , un caprice. du princd
pe^t précipiter ce dernier dans rab$m6>
l'autre par le même hasard peut dans un
instant être élevé au faîte des grandeurs*
L'éducation des enfans est généralement
la même par tout l'empire. Jugqu^à Vkg$
de sept à huit ans^ les enfazfs ne font riân$
ipais à peine sont-^s circonois qu'on lé|
occupe , soit aux arts , soit à Tétude dé
i'alcoran , soit à la gatde de^ troupetmx ^
soit aux armes. Ces derniers sont lé(
favoris de l'empereur. Quand ils sont
en état de servir , ils se Rendent à Maroc ,
et quand ils sont reçus dans la troupe , ik
I
Ci3o)
y restent jusqu^à ce qu^il plaise à Tein.*
pereur de les congédier. Ils sont ou fan-
tassins ou cavaliers , suivant leur adresse*
Ceux qui se destinent à la mer , sont aussi
obligés de yenir se présenter à Tempereur j^
et sont delà envoyés dans différens ports »
où ils s'embarquent pour faire la course
sur tous les Chrétiens.
L'empereur se rend tous les jours aiz
missoiro ^ lieu d'assemblée , où il rend,
la justice. U écoute tout le monde , étran-
gers ou sujets , honmies ou femmes , pau-
vres ou riches , tout a droit de paroître
devant hii et d'expliquer sa cause. Sur le^
Jiuit à neuf heures il vient à Paudienqe ,
où il est environné d'un grand nombre de
soldats. Ceux qui ont ^à se plaindre font
lin présent ) on ne peut lui parler sans ce
préliminaire. Ce présenf est proportionné
à rétat et à la* fortune du particulier. Les
plus petits, même deux ceufs., spnt ac*
wptés. On s'explique librement devant le
prince , qui ne tarde pas à rendre justice ,
ei la partie adverse est présente : si elle
n'y est pas oïl la fait demander , .et le par*-
ticulier revient un autre jour ^ discuter: sa
içgu^e. Les Maures parlent liardiment à. J^eur
souverain ; jamais ils n'ont de timidité t
celui ^ui en auroit , s^ayoueroit presque
coupable , et seroit sûr de perdre sa cause.
Dans les endroits éloignés de la demeure
de l'empereur , les gouverneurs rendent la
justice.. Chaque province a son gouverneur
g principal , et chaque ville un gouverneur
particulier. Ils ont des gens sous eux qui
font exécuter les ordres du souverain , ou
plutôt les leurs. Ce sont autant de petits
tyrans répandus dans les provinces. Ils
abusent toujours du nom de leur maître
pour s'enrichir promptement. Mais il est
très-rare qu^ils jouissent 'du fruit de leurs
rapines. -S'ils savent par leurs espions
qu'un particulier a amassé quelque chose ,
dans un pillage ou dans des opérations du
commerce , ils lui en demandent une
partie , que ce malheureux est obligé da
donner pour sauver le reste. S^il arriva
qu'il refuse ou nie avoir la sonlme de*-.
mandée , on l'accuse devant Temperôur. Au
moment où il ne se doute de rien , des
ordres airiveat de la cour , on s'empare
de tout ce qu'il possède | ses bestiaux , ses
captifs et ses meubles sont vendus publia-
guement , et on le met en prison jusqu'à
la
(i3a)
ce qu'il parte pour aller se justifier derant
l'empereur de 1 accusation intentée contre
lui. Souvent il meurt de misère ayant que
d'y parvenir. S'il y parvient , et qu'il ait
le bonheur d'être reconnu innocent , on
ne lui rend rien ; ce qu'on lui a pris étant
dans le trésor public , c'est une chose
sacrée qui ne doit jamais en sortir ; car
on donne pour raison qu'elle est mise en
réserve pour le besoin de l'état. On lui
laisse seulement le pouvoir de vengeance
et la liberté. Jamais on ne lui nomme ses
accusateurs , il s'en doute seulement.
Rendu dans sa famille , il se forme un
parti qui intente diverses accusations
contre le gouverneur , qui, sans le savoir ,
est condamné h son tour , ses biens sont
confisqués au profit du trésor. Ce dernier
a plus de peine à sortir du labyrinthe dans
lequel il se trouve engagé ; car comme il
fL plus de biens , que ces biens ne viennent
que des vexations exercées sur le peuple ,
il peut rarement se défendre. Alors il est
condamné à mort , à moins que l'empereur
n'ait encore besoin de lui ; dans ce cas il
est de nouveau revêtu de la charge d^
gouverneur ^ et envoyé dans une autre
( i33 )
province. L^împunîté de sa première faut#
rengage à avoir moins de ménagemens
pour le peuple , et il finit tôt ou tard par
avoir la tête tranchée. S'il prévoit l'instant
de sa perte , et qu'il veuille se retirer > il
obtient aisément sa grâce en abandonnant
tout le produit de ses rapîiies. Car il faut
qu'il soit bien rusé pour conserver quelque
chose , ayant à vivre au milieu d'u^ peuple
qu'il a pUlé , et qui ne manqueroit pas do
l'accuser j s'il le voyoit dans l'aisance. Il
peut encore éviter la mort et la perte de
ses biens lorsqu'il est assez adroit pour
ménager sa. retraite chez les Monselemine^
Lorsqu'il a le bonheur de gagner ce pays ,
il est en sûreté et n'a rien à craindre du
ressentiment de l'empereur.
Sidy Mohammet^Benr'jdbdella ^ emper
reur de Maroc , de la famille à^^ Schérifs 9
descendant de Mahomet 1, (^st l'interprète d«
la loi. Les prêtres se nomment Talhek , et
sont toujours de son avi$ ; d'ailleurs , sor*
tant du grand prophète t il a le bonheur
d'en être inspiré, et ne peut jamais se trom^r
per. Le respect qu'on lui porte est si grand i,
qu'on s'estime heureux de mourir de. s^
mam ; c'est la plus grande faveur à laquelle
13
( i34 )
tm Maure , pénétré de la sainteté de âà
religion , puisse prétendre. Il est sûr d'aller
dans le sein de Mahomet pour y jonir
d'une félicité éternelle. L'empereur régnant ^
moins cruel que ses prédécesseurs , main-
tient cette opinion. Lorsqu'il condamne à
mort pour quelque crime , on laisse le
cadavre du coupable dans le lieu oti il a
été tué, jusqu'au moment où il plaît à
l'empereur de pardonner ; alors les Mau-
res parens ou amis vont au cadavre , lui
annoncent son pardon , l'enlèvent et lui
rendent les honneurs de la sépulture. Ils
environnent de murailles l'endroit où. ils
•l'enterrent , et alors le défunt est regardé
comme un saint. Si l'empereur ne pardonne
point , les Juifs enlèvent le cadavre , il
reste sans sépulture , et devient la pâture
des animaux camaciers.
Le vendredi, qui, dans le Biledulgérid ,
est le jour de taarché, esta Maroc le jour
de prières. Personne ne travaille; on va
en dévotion visiter les mosquées; et lors-
que les prières sont finies , on se visite les
uns les autres , on s'assemble sur les places
publiques, et on ^e divertit. Dès que le jour
commence à paroître", le crieur public
(i35)
monte sur la terrasse des mosquées , oliant^
la prière générale à haute voix , et en fait,
autant à midi et au soleil couché.
L'hospitalité n'en conserve que le nom r
il faut payer sa nourriture , quand on
voyage ; cependant elle est inviolable en*
cas d'asile. Un exemple arrivé sous le rè-
gne présent prouve combien ce devoir est
sacré. Un chef de voleurs , réfugié dans
les montagnes de PAtlas , ayant été instruit
par ses espions du jour du départ des
négocians françois , lorsque^ par ordre de
Tempereur ^ ils quittèrent Ste.*Groix àe
Barbarie , pour s'établir à Mogodor y voulut
profiter decette cîrconstancepourpiller leurs
marchandises. Il fit avancer sa troupe dans
un des défilés des montagnes , par où la
caravane qui escortoit ces marchandises >
devoitpassen Cette troupe de voleurs étoit
composée de quatre cents hommes déter-
minés et bien armés ; il s'en falloit de beau«
coup que l'escorte de la caravane fût aussi
nombreuse ; mais le hasard les fit échapper
au malheur d'être pillés , peut-être même
égorgés. Une pluie abondante , survenue ,
oblige à faire halte ;la nuit avançoit, on étoit
près de la maison du chef de cesbrigan4s.
14
Le GOnilacteHr de la caraTane , ne TOuIont
point rester dans rendroit où on aToitfait
lialte , proposa de changer de route et de
se rendre à Thabitation de cet homme connu
pour être un chef du pays , et non pour
9n capitaiue de yoleurs. Les négociaus y
consentirent : on fut bientôt arrive ; Ton
déchargea les marchandises pour les mettre
à Tabride la pluie. Le maître du lieu , ins*
truit de IWriyée de la caravane , vint
recevoir les négocians , et leur apprit qu'il
avoit uiis quatre cents hommes eu em-
buscade pour les dépouiller, mais qu'il
falloit qu'ils fussent sous la protection spé-
ciale du prophète pour avoir éviti ce mal-
heur ; il ajouta qu'ils ïi'avoient plus rien
a cramdre , puisqu'ils étoient venus se ré-
fugier chez lui ; que sa religion lui ordon-
noîtde les protéger; et que ^^^ t^oo hom-
mes , loin deles attaquer , les escorteroieut
jusqu'à Mogodor; ce qui fut exécuté sans
même qu'il exigeât aucun salaire pour sea
peines et celles de ses gens.
Les Maures observent avec le plus grand
coin et la plus grande exactitude les aus-
térités de leur carême. Il consiste à s'abs-
tenir de nourriture , de boisson et de ta-
bac^ depuis le lever du soleil jasqu^àson
coucher. Celui qui est surpris y contreve-
nir^ est puni rigoureusement. S^il a mangé 9
il reçoit plus ou moins de coups de bâtons ,
suivant la volonté du chef; s'il a bu , mémo
seulement de l'eau , on lui donne 20 ou 3o
coups de bâtons sup latête ; punition que
je vis exécuter lorsqu'on dressa le camp
devant la ville de Rabate. Pour le tabac,
objet dont on peut plus aisément se passer ^
il est puui avec plus de rigueur que les
deux autres cas. Rarement le coupable
évite la mort : on lui met beaucoup de
poudre à canon dans la bouche, et on y
x^et le feu. Les troupes mêmes en marche
ne sont pas exemptes des austérités du.
Carême ; et c'est en voyageant avec elloa
pendant ce temps que j'ai vu par moi-xtixèma
quelles sont les peines qu'on inOige à
ceux qui violent ces loix religieuses.
Les malades obtiennent des dispenses y
mais aussitôt qu'ils sont rétablis , il faut
qu'ils fassent ce qu'ils auroient dû faire.
Les prêtres pendant ce temps sont presque
tout le jour , et une très^grande partie de
la nuit , occupés à la lecture de l'alcoran ^
et à celle des pensées des iïiterprètes.
(136)
Là croyance générale est celle de Vim^
mortalité de Famé pour les hommes qui
font zélés observateurs de la loi , les autres
doivent sonfFrir pendant quelque temps ,
et sont ensuite anéantis* Point d'éternité
de peines , cette idée effrayante leur parott
contraire À la bonté divine. A Tégard des
femmes^ il n'y a d'immortelles que celles qui
ont été attachées inviolablement à leurs'
maris : elles deviennent après leur mort des*
beautés célestes; lesautres périssent entière-
ment* Suivantleurs principes,rhomme n'est
point libre , tout est réglé de toute éter-
nité. C^est pourquoi si quelqu'un d'eux
commet un crime, il n'en est pas moins*
estimé de ses compatriotes. Lorsqu'un
Maure est dans l'adversité , il la supporte
avec une constance héroïque ; jamais on
ne l'entend murmurer de sa triste situa-'
tion, il remet tout à la volonté de Têtre
suprême » et ne fait pas le moindre effort
pour sortir de l'état dans lequel il se
trouve.
L'empereur régnant avoit un ami intime
quiavoit étéélevéaveclui. Lorsque ce prince
parvint à la couronne y cet homme étoît
son unique conseil* Ses ennemis , (car
dans tin tel degré défaveur on ne màhque
pas d'en avoir) persuadèrent à l'emperèuif
de réloîgner de sa personne , sous lu pré-»
texte spécieux que cet homme ^tant Téquité
même , rétabliroit le calme et la tranquillité
par la douceur de ison gouvernement. Cel
avis fut goûté du prince ; il en parla à sou
^mi , qui, content de la médiocrité dans
laquelle il vivoit , et de l'étroite amitié
qui le tenoit attaché' à l'empereur, n'en
reçut la nouvelle qu'avec beaucoup dé
tristesse. Il communiqua ses inquiétudes
à l'empereur qui tâcha de les dissiper, ea
lui assurant que le- preilokier qui oseroit
l'accuser , Scroît puni de taort. Il fallut
partir ; ce ne fut pas sans regret. Ce bravo
citoyen ne s'acquitta que trop bien dé son
emploi; Toute la province louoit la dou-
ceur de son gouvernement. Les provinces
voisines demandoient par leurs députés
des gouverneurs semblables. Ilis envioient
lé bonheur de ceux qui vivoîent sous ses
Ibîx. Cette conduite sans reproche fût
cause de sa ruine. Ses ennemis profitèrent
de la révolte des provinces voisines , quî
ayoient refusé de payer le tribut aux
gouverneurs que le prince avôit envoyés.
( lÀo )
Us persuadèrent à Tempereur que soii
ancien ami , ébloui par rattachement quo
la peaple lui portoit| vouloit se rendra
indépendant. U n'en fallut pas davantage
pour le faire condamner. L'empereur le
rappela ; et sans vouloir ni le voir ni
Tentendre , le £t mettre dans une météore
( lieu où Ton met le grain en réserve ) où
on lui apportait à manger une fois le jour;
A peine y avoit*il assez d'air pour qu'il
pût respirer. Il resta quinze ans daiis ce
cachot , sans qu'on parlât de lui. L'empe^
reur le croyoit mort depuis long-temps ,
lorsque le fils de cet infortuné s'étant dis-
tingué daQS une réTplte où il reçut plu-^
eieurs blessures pour sauver l'empereur ,
Qsa demander au prince pour tonte récom*
pense la permission de retirer son père de
la météore. Cette demande réveilla la ten-
dresse du roi y qui , surpris de le savoir
en vie , ordonna à l'instant qu'on le fît
sortir de cet endroit de douleur. U le
retint auprèsrde lui y et lui donna de ijou^
veau toute sa confiance et son amitié. Fen^^
dantun aussi long espace de temps >t jamais
on n'entendit cet homme se plaindre. Il
ayoit souvent ordonné à son fils^ qui Taimoit
( i4i )
tendrement, de ne pas encourir la disgrâce
de son maître , en osant parler en sa fa-
veur. Il soutenoit qu'il seroit déliyré uifc
jour ; et il reçut cette nouvelle avec autant
de sang froid qu'il en avoit témoigné lors^
qu'il fut condamné à subir cet injuste traiy
tement.
Lorsque le roi de Maroc sait qu'une de
ses provinces a joui long-temps de la paix ,
et qu'elle est riche ^ il la taxe plus qu'à
l'ordinaire , ce qui ne manque pas d'exciter
les murmures du peuple y. et c'est ce qu'il
désire. Le peuple taxé délibère , s'assemble $
et dans ces sortes d'occasions , les tète$
échauffées courent aux armes. L'empe-
reur temporise alors ; il feint de céder aux
fustes représentations de son peuple , il
s'instruit du nombre des révoltés , de
leur nom , de leurd biens , rétablit
la taxe ordinaire , et tout revient dans
un état tranquille. Ce calme est tou«
jours pour les provinces plus dang^^eus
que l'orago ^ car le prince trouve bientôt
quelque prétexte d'éloigner les chefs , soit
en lès attirant à sa cour , suit en leur
donnant des commissions honorables qui
1^ obligent de s'absenter de leur prôviu^^e*
( i4a )
Alors il se Tenge en la faisant itttaquer
par les provinces voisines^ sous prétexte de
réijellion. U partage de moitié dans les
dépouilles. Le peuple suq>ris et attaqué de
tous les côtés ^ n ayant plus de chef pour
les commander , est bientôt accablé. II se
soumet, et paie. Alors Tempereur fait cesser
le .pillage. Souvent , sous le prétexte que
ses provinces voisines ont outre *passé ses
ordres ^ il leur fait subir le même sort } et
par cette politique barbare , il trouve le
moyen de s'emparer de toutes les richesses
de ses provinces.
U est à croire que ce prince est de la
nation Monselemine ; car son amour pour
Fargent est semblable à celui de ce peuple.
X.es habitans du cap de Nun disent que
sa mère étoit de leur pays , et cela est à
croire j malgré les assertions contraires des
Matures de Maroc. Car dif^ére^t en tout de
son père qui ne laissoit point d'armes à son
peuple , celui-ci ne leur laisse point d'ar*
'gent;mais il leur permet d'être armés, et
tous les Maures le sont. actuellement comme
ceux dn Biledulgerid. Il retire de cettie po«
litique un autre ayantage qui est de se passer
cle teottpes. Yeut-il faire la guerre; il or-:
Ç i4^)
donne à. une province d& marcher, et elle
assemble des gtierriers qui forment des
corps d'armées considérables. L^espoîr da
butin les guide; jamais ils ne pensent à
Tayenir, et ne voient pas qu'ils doivent être
tôt ou tard les victimes de leur soumission
aveugle aux ordres de l'empereur.
Le commerce attire son attention > à
cause des sommes immenses qu'il lui pr.o*
cure.. Il permet à toutes les nations d'avoir
des maisons de commerce dans ses états*
Il prend le douzième de. toutes les car-
gaisons pour ses droits , et souvent exige
de fortes sommes des négocians. qui sont
contraints de le satisfaire pour continuer
librement leur commerce. Il se fait avec
beaucoup de lenteur dans ce pays ; la cause
est qu'il y a trois jours sans compter les
fêtes des Chrétiens pendant lesquels on .ne
travaille pas , savoir le vendredi^ samedi
et dimanche. Le dimanche est le jour du
plus grand repos , parce que les Chrétiens
qui font le plus fort du commerce > tiennent
ces jours-là leurs magasins fermés*
Les Juifs , auxquels il permet Texerciice
de Uur religion dans tout son empire > lui
fournisçent des sommés immenses ; l'iia-
( 144 )
dustrîe de ce peuple errant est un des plu4
grands trésors du prince. Il les facilite dans
le commerce, leur fournit même des fonds,
mais il sait les recouvrer avec usure, il
tire prqfit de tout. Le Juif est Tesclave de
!a nation ; c'est pourquoi si un Maure ou
un Chrétien tuent ,un Juif, ils sont con-
daninës à cent piastres fortes d'amende.
Mais si un Maure tuoitun Chrétien, l'argent
ïie pourroit le sauver , car le prince crain-
droit de perdre le commerce des Euro-
péens, et cette crainte fait que T Africain
est puni de mort. Le Chrétien au contraire
est autorisé , et son crime est souvent im-
puni ; car l'empereur ne peut se persuader
qu'un Chrétien , dans son empire , osât
tuer un Maure , à moins d'être attaqué.
Tout citoyen , comme je Pai déjà dît , est
obligé au service ; cependant l'empereur en-
tretient toujours un corps de troupes ré-
glées composé dé Maures. Son père lui
avoit laissé une armée de nègres bien dis-
ciplinée, sous le commandement d'un bâcha
noir ; mais ce prince , ayant trouvé le moyen
de s'attirer le respect des peuples dont
son père étoit détesté , a changé tous les
établissemens du règne précédent. Il s'eôt
presqu'entièrement
( 145 )
presqu^entièrement défait de celte armée
nègre , en Texposant dans lea défilés de
l'Atlas contre les Monselemines. Il craignoit
cette milice éitrangère qui formoit Un corpa
de quarante mille hommes ; car plusieurs
fois il avoit été témoin de leur mutinerie»
Les gens , les mieux disciplinés et sur les-
quels il fonde le plus d^espoir dans les
occasions critiques , sont deux cents cin**
quante renégats françois , commandés par
un alcaide de la même nation. Ce chef en
1784 étoit le fils d'un chapellier de Paris >
nommé Boisselin ; Cette troupe est com-,
posée de François qui ont déserté d-Espa*
gne. Ils ont une bonne paye ; ne font pres-
que pas de service, et sont en temps de.
paix à Mogodor. C'est Talcaîde des re-
négats qui connoît des différends et des
fautes ; il n'a aucun compte à rendre aux
gouverneurs , il ne rend raison de ses blO
tions qu au roi lui-même. Quoiqu'il soit per-i
mis aux reiaégats d'avoir plusieurs femmes >
ils n'en ont cependant qu'une , la plupart
même s'en passent. U y a encore 800 autres
renégats espsignols et portugais ; mais ils ne
forment point corps, et sont distribués
dans les différentes places de l'empire^ ild|
(146)
obéissent anx gouYemeois des lieiutoù lia
se tronyenU
Ce qui fait que , loin de Tempereiir , les
ordres restent sans exécution , c'est que ce
prince promet et ne paye jamais ; il ne sait
que s^emparerderargent et n'a jamais connu
Tusage d^en donner. Lorsqu'il s'agit d'a-
cheter des captifs , les Juifs sont chargés
de cette commission : d'accord arec les
gouyemeurs , ils temporisent : tantôt sous
nn prétexte, tantôt sous im autre ; etl'em*
pereur , fatigué des délais , charge d'autres
Juifs qui , sûrs également de n'être pas
payés , ne sont pas plus pressés d'obéir.
Xjes Arabes indépendans qui connoissent
le caractère du prince , ne veulent pas sur sa
parole livrer leurs captifs; ce qui fait que
es Chrétiens ne peuvent être délivrés que .
Ipar les négocians qui sont répandus dans
l'empire. Ces derniers ne les laisseraient
point languir , mais ils sont obligés d'user de
ruse pour obtenir la permission de Tem*
pereur de racheter ces captifs. A peine les
habitans du Biledulgerid ont-ils la parole
des négocians , qu'ils envoient leurs es-
claves ; ils ne craignent point de perdre la
^rançon couvenue , car il n'y a pas d'execçi-
(147)
-^ Jîfe qu'un Chrétîen \, à la tété d'une maî-
SQXL de commerce^ ait jamais manqué de
^ satisfaire à ses engagemens ; ce qui fait dire
-Cî aux Maïu-és , qu'on peut se fier aux Chré-
^ tiens , car ils ne mentent jamais , leur re«
3î ligion leur ordonnant de tenir toujours leur
> parole. Cette opinion reçue facilite beau-
:^ coup le commerce, et soulage les mallie a-
^ reuxqui font naufrage sur les côtes de Bar-
j barie; car à peine uu navire a-t- il échoué
3r que les habitans en instruisent les négo-
È? cians chrétiens , jamais ils n'en donnent
5 ayis à l'empereur qui n'en est instruit que
par hasard.
Chez un peuple aussi superstitieux, il
n'est pas étonnant qu'il n'y ait souvent des
ambitieux qui s'efforcent de se faire uu
parti dans l'état. Les abus qu'ils voient dans
le gouvernement, l'inclination qu'ils con^
noiôsent à leurs compatriotes pour la nou-
veauté , le désir de l'indépendance si naturel
à l'homme , tout autorise ces factieux à
prêcher leurs opinions dans les campagnes*
Ils se servent toujours du motif spécieux de
la religion ; et quelque absurdes que soient
leurs, raisonnemens , ils ne manquent pas
ide partisao» fanatiques , sur- tout si le chef
K a
de Tentreprisê est assez adroit potir faîftf
quelque tour qui puisse surprendre et at-
tirer l'attention de ce peuple grossier» Le
chef ne manque pas de se dire inspiré du
prophète i et sa doctrine permet toutes sor-î
tes de pillage , appas séducteur pour des
gens naturellement portés à la rapine. Ou
court aux armes , on attaque les possession»
de l'empereur. Ce prince alors met des ar*
mées sur pied , ne se fiant point au zèle
des provinces qui n'auroient rien à gagner
mais tout à perdre , et qui pourroient bien
se laisser entraîner dans la sédition , par le
désir de la nouveauté et l'espoir flatteur
d'être mieux traitées. Les troupes de l'em-
pereur bien disciplinées , commandées par
des c]h.efs habiles et formés aux combats ,
ont bientôt dispersé ces rébelles qui n'osent
reparoître dans leurs provinces où on les
traîteroît de sacrilèges. Ils se réfugientsurles
montagnes de l'Atlas , d'où il est impos-
sible de les chasser ; et alors ils forment
des bandes de voleurs qui attaquent tout
ce qui leur tombe sous les mains. Souvent
ils descendent dans les plaines ; et comme
ils sont habillés et parlent comme les rta-
lur^ls j on ne pwt s'en préserver. Ilss'in-;
( i49 )
forment du départ des caravanes , et les
attaquent presque toujours avec avantage.
Celles de l'empereur qui conduisent les
deniers royaux provenans des droits du
commerce des différens ports ne sont pas
plas respectées que les autres. Mais les es«
«cortes sont si nombreuses qu'il est rare
qu'on les enlève.
Un factieux de cette espèce , souô le rè-
gne actuel, poussa ses conquêtes jusqu'à
Maroc. Le peuple étoit prêt à se joindre
à lui ; ses prétendus miracles , des révéla^
tions et mille autres absurdités de cette
espèce avoient surpris la bonne foi de la
multitude; ilnerestoit à l'empereur que ses
renégats françois , qui s'étoient rendus pré-
cipitamment à Maroc , et quelques Maures
des plus fidèles. L'empereur , voyant que
la force ne pouvoit le sauver, employa
la ruse. Il s'avança vers le peuple à la tête
des renégats , et dit à haute voix que si
Thomme qui se présentoît étoit vraiment
tm envoyé du prophète , qu'il seroit le pre-
mier à baiser la poussière de ses pieds ;
. qu'il falloit au moins savoir la volonté du
grand prophète , et qu'il alloit pour ce sujet
à la mosquéei Le chef rébelle , voyant tout
K 3
( i5o ^
le peaple applaudir à ce discours ; se seii^
tant à la tête d'un parti nombreux , yoyant
rempereurabandonnédetoutlemonde^crut
n^avoirrienàcfaindre.Upritdoncuneescorta
particulière, et se rendit aussi à la mosquée.
Ils y furent enyiron une demi-heure. Reve-
nus tous deux devant le peuple, l'empereur
demanda à l'imposteur ce que lui avoit
inspiré le prophète. « De te détrôner , ré-
pondit cet homme, et d'employer la vio-
lence si tu ne veux te soumettre de bonne
grâce : et moi , dit l'empereur , le prophète
m'a dit que jereconnoîtrois pour successeur
celui qui , se couchant sur la terre en pré-
' sence de tout le peuple , y resteroît ayant
au-dessus de sa tète une pierre pesant cinq
milliers^ suspendue et prête à l'écraser.
Mets toi donc à terre , si tu es véritablement
l'envoyé du prophète ; et si toutes les mer-
veilles que tu as opérées jusqu'à ce jour
ne sont pas de faux miracles inventés pour
surprendre le peuple , la pierre restera sus^
pendue au-dessus de toi, ainsi que Test le
tombeau de Mahomet à la Mecque : alors
je me soumettrai le premier à tes loix , et je
donnerai l'exemple à mon peuple de te de»
meurer toujours fidèle. « Le fourbe ne voii^
( i5i )
lut point accepter cette proposition ; maÎ5~
le peuple ayant applaudi , les renégats s'em-
parèrent de lui , malgré sa troupe qui vou-
loit le défendre , et suspendirent au-dessus
de lui une pierre qui , emportée par son
poids , écrasa bientôt ce brigand. Cette
heureuse ruse et le courage des renégats
que le nombre de leurs ennemis ne put
effrayer , sauva l'empereur , et leur valut
l'attachement inviolable et les faveurs de
ce prince qui, chaque année , veut les voir
les fait habiller et leur fait donner une paye
proportionnée au service qu^ils lui ont
rendu dans cette circonstance si critique.
Lorsqu'on est accusé devant l'empereur
et que ce prince a parlée personne n'ose
dire non; contredire sa pensée est une
certitude d'être égorgé sur l'heure. L'alcaïde
des renégats françois , seul , a osé le faire
une'fois , sans en être puni, ce Tu as facilité
c< Ja fuite de tes compatriotes , lui dit ce
c< prince , en présence de son peuple , je
ce le sais de bonne part ; attends toi à subir
« la peine due à ton crime. O seigneur ,
« on t'a trompé , lui répondit l'alcaïde.
c< Quoi, lui dit, l'empereur, tu ne conviens
jK pas de ce qui est avéré? Non , seigneur ,
K4
( .52 )
ec fais paroitre mesaccusaten^'fi ^ et ta saurai
€< la vérité. » Cette réponse ferme auroit
été pour tout autre l'arrêt de sa mort ,
mais elle sauva cet alcaïde : ses accusateurs >
parmi lesquels étoit un bâcha , furent man-
dés ; et quoique la chose fût vraie , les ac-
cusateurs ne purent le prouver, et furent à
l'instant mis à mort. L'alcaîde au contraire
fut récompensé. Je lui ai entendu raconter
cette aventure.
Quand une armée mauresque est en
marche, elle ne suit aucun ordre j seule-
ment ceux qui portent les drapeaux mar-
chent les premières. Les cavaliers sont dis-
persés pêle-mêle avec les fantassins. Au
rendez-vous indiqué , tout le monde se
réanit et on ne fait point d'appel. On
campe en rond ; la tente du général et
celle de la prière sont placées au milieu
du camp. Vers la nuit on pose des senti-
nelles en avant des tentes ; les soldats se
couchent dans l'herbe , et l'on fait de quart
d'heure en quart d'heure le cri de guerre
pour prouver que l'on est éveillé , et toute
la nuit on entend un vacarme épouvan*
table. Il est assez difficile de surj^rendre
ces camps , car on dort tout habillé , les
( i53 )
tomes prépar:ées , les chevaux n'étant slU
tachés qn'à un petit piquet , en sont bien-
tôt débarrassés, ef diua^s Tins tant on est prêt
au combat- Les rivières se passent à la
nage ;. les bagages s,Q.inettent sur des ra*
deaux faits avec les bâtqns des tentes , sou-
tenus par des outres pleines de vent. Quand
une armée arrive près 4'^^?^ ville , les ca-
valiers vienne^atla recevoir ; ils font le jeu
du feu contrei ceux qu'ils, viennent vi-
siter. Dès qu'ils s'apperçoivent ^ ils fon;
dent les uns sur^ Içs ; ^tre& , ventre à
terre. Le coup de fusil tiré, la cavalerie sa
réplie , les cavaliers rechargerit.en fuyant ^
et reviennent de lasorte. sur la même ligna
plusieurs fois . au combat«x Npp» jouîmes
de çç spectacle devant Is^ ville d^Azimor,
Les forces navales, de Tempir^de Marçc
pont très'peu considérables. Çependa^nt le^
corsaires sont redoutables. Ils tentent tou^
jours l^abordage \ et cQipine Jours équî-»
pages sont nombreuse , ils ont souvent
ravant£^g0. Ils' ne perdent presque point
de vue la terre;; s^ils $e sentent poursuivis
par des forces sup/àrieures <, ils ont bientôt
gagné quelque fort , ^çous le cano^ du-*
quel ils se «f^ttent à Tabri,
X i54 )
Les villes de Barbarie sont très-mal
bâties y les rues sont étroites et point
pavées ; on n'y connoît point les voitures ;
les maisons sont sans fenêtres sur la rue , et
les toits sont des terrasses* Plusieurs an*
cîens monumens tombent en ruine. A la
sortie de Maroc on voit un pont superbe
d'une longueur étonnante. La ville de
Rabate est bien fortifiée et pavée en partie.
Mais celle de Mogodor est bien plus belle y
car les négocians françois y ont de superbes
maisons , toutes bâties en pierres de taille :
ils y ont aussi un jardin commun que
i'éïttpeteui: "leur a donné , et qui est très-
Vastè et bieii entretenu. -
^^^ Le territoire est fertile , et produit abon-
damment toutes- les choses nécessaires à
3a vie. Les montagnes sont très-escarpéesi
3ja chaîne de celles que Ton nomme Atlas >
I3st , vi&-à<vis Maroc , absolument couverte
de neige dans toutes les saisons de Pamiée*
Les Maures habitant la partie de ces
montagnes qui avoîsine Sainte-Croix, ne
laissent pas un pouce de tcrreln inculte.
Ils forment de petites murailles pour
Soutenir les terres. Souvent un endroit
cultivé n'a pas plU6 de huit à dix piçds
( iS5 )
de profondeur : on croîroît volontiers que
lia terre manque dans ce pays , en voyant
avec quel .soin on l'emploie. Cepen-.
dant , à quelques lieues de distance , on
voit de superbes plaines , d'une terre ex-
cellente , qui sont entièrement abandon-
nées. H n'est pas aisé d'en deviner la
cause. Si ce n'est que peut-être ces gens
préfèrent la culture des montagnes , parce
qu'il leur est plus aisé de s'y garantir des pil-
lages des brigands. En occupant la partie
voisine du Biledulgerid , il leur est très*^
facile de s'y rendre : ils sont maîtres des
défilés , et par conséquent on ne peut les
surprendre. Cette raison leur fait sans
doute préférer ces lieux austères aux ha-;
bitations riantes et agréables qu'ils pour*^
roient avoir dans les campagnes voisines.
La moisson faite ^ on met le feu aux
pailles. Le bled se conserve comme dans
le Biledulgerid ; quant au commerce , tout
le monde sait , et sur-tout a Marseille ,
quels avantages immenses on en retire*
Ce qui me reste à ajouter en terminant
ces réflexions , c'est qu'il ne manque aux
Maures pour devenir une nation hèu-
Mnse et mvincible que des Io!x înyâria<^
hles , et une administration qui ne dé^
pende point du caprice de celui qui les
gouyeme»
Fin de Ja première pariiez
DEUXIÈME PARTIE.
Voyage à Gaînm > et retour en France%
Rendu dans le seîn de nia faniille > je pen*
sois y goûter quelque consolation ; il eu
fut tout au contraire. Je vis avec douleur
que mes parens ne croyoient rien de mes
souffrances. Les uns me disoient que m'y
étant exposé , je n'avois essuyé que ce que
je méritois ; les autres insensibles à ma
situation , n'avoient pas daigné répondre
aux lettres obligeantes qu'ils a voient reçues
de la part des divers négocians de Bor-
deaux , qui calculant autrement que ma
famille s'étoient vivement interressés à
mon sort* Ces négocians avoient eu la bonté
d'écrire à Cadix , Mogodor , Salé et autres
lieux , pour qu'on employât tous les
moyens possibles de me tirer de la misère^
s'cngageant ^ sans fixer de prix , à satifaire à
tout pour y parvenir. Je crois devoir rap-
porter ici celle que j'ai reçue par duplicata
à Sainte-Croix de Barbarie , et qui m'étoit
écrite par M. Mocquart , de Bordeaux. Elle
ne parvint par le canal d'un Juift
( 158 )
Bordeaux 14 avril 1784^
MOKSIBtJB. SAUGKIXa^
J^aî appris seulement hier les malheurs
qui vous sont arrivés. Je Tai su par une
lettre que M. Lanaspèze fils , votre deuxièmo
capitaine , a écrite à M. Mure , consul Fran-
çois à Salé , en date du 21 février dernier ,
laquelle M. Mure a envoyée à Lanaspèze
père , le 14 mars dernier. Il n'y a point
de mal sans remède , mon cher ami : que
Dieu vous conserve la santé , et nous vous ti-
rerons avant peu de la misère. J'écris aujour-
d'hui à M. Mure qu'il emploie toutes les voies
possibles pour vous trouver , et qu'aussitôt
il donne ce qu'il faudra pour vous tirer
d'esclavage ; que je suis prêt à satisfaire à
tout , au moyen de quoi mon cher , j'es-
père que si vos infortunes ont été grandes ,
elles ne seront pas de longue durées Ne
vous abandonnez donc point au chagrin ,
je vous y invite fort ; et l'espère d'autant
plus qu'un homme comme vous sait sur-
monter les adversités de la fortune aux-
quelles il est accoutimié.
MM. Fb^ueti vos amis , mirent en mci:^
(x59)
le stgdécetûhre : ils ont été contrariés par
la tempête , et obligés de relâcher à Brest
le 7 janvier : leur lettre , datée du lo , m'an-
nonça qu'ils dévoient partir le ii.
Ce sont toutes les nouvelles que j'aî
reçues jusqu'à présent : je les suppose ar-
rivés. Je suis occupé à leur faire un pôtit
envoi. Je croyois bien que vous seriez ar-
rivé avant eux. Je leur fais passer un alem-
bic. Au reste ce n'est que du retard. A
propos de cela, j'écris à ce même M. Mure,
que si par hasard il y avoit des moyens
de Vous faire passer soit à l'isle St. -Louis
du Sénégal , soit à Gorée , qu'il ait la com-
plaisance de vous les procurer , si toute-
fois vous le vouliez bien. A défaut par vous
d'y consentir , je le prie d'avoir la complai-
sance de vous faire passer le plus promp-
tement en France ; et que , de telle manière
que vous vous décidiez , il pourra toujours
prendre son remboursement sur moi.
J'écris encore par la même occasion à
TOL nommé David Benatar , juif établi à
Mogodor , qui est celui à qui Lanàspèze
s'est adressé pour faire passer sa lettre à
M. Mure , afin qu'U fasse de son côté
tputesles démarches imaginables pour yops^
( iffo )
rencontrer , et quWssi-tôt il en donne avis
à M. Mure. Aprè3 avoir commencé par ter*
miner toutes vos peines , dont je verrai la
fin avec bien du plaisir , je suis > avec le
plus sincère attachement , monsieur , votre
très-humble et obéissan t serviteur.
Signé M. M o c Q TJ A H T.
Ma mère , qui est loin d'être dans l'ai-
sance , fat la seule sensible à mes peines;
elle me donna du linge et des hardes , se-
Ion la modicité de ses moyens. Un de mes
oncles, chanoine et fort à son aise, m'en-
voya^ plutôt par ostentation que par ami-
tié , 3oo liv. ; me marquant que c'étoit le
dernier présent que je recevrois de lui ; et
que , malgré l'intérêt qu'il prenoit à mes
malheurs , il ne pourroit dans la suite rien
faire de plus pour moi. Dans une posi-
tion aussi critique , ayant si peu de fonds,
n'ayant pour tout habit que celui que je
portois , je me décidai à retourner à Paris,
pour y reprendre les fonctions de mon pre-
mier état , tout pénible qu'il étoit. Je ne
murmurois point de mon sort : en compa*
rant la situation dans laquelle je venois
de me trouvera celle où j'étois alors, je
me trouvoîs plus qu'heureux , quoique ma>
ianté
( ISI >
SfLi^^Atèté considérablem^it altérée par-
las l^tigues de ^î^sclavage. Mon exemple
doit §ervir de Jf^oii au?; jeuneg gen3 qui ,
inêij*e appartenant à de^. familles riches,
ne doi^rent jam^iis compta £ur les secoxirs
deleur^ pareus. L'égoïsïiae règne en France,
et Jei?. liiçiïs du çatvg n'y sont que desillu^
^gns^C'est bien h tort que Ton yeutem^
pécher que les fautes. d^n individu ne ré«
jaillissent sur ses parens , et qu'ils n'en
pértaigent la honte, car. souvent .Us en
SiO0lt les uniques caiis^s ypaa: la barbarie avec
laquelle ils ont traité le malheureux que
le désespoir ci. pu seul entraîner au crime*
C'est pi?esqne toujours la faute des familles
Ipî^qiiç ^ malheui: leyr arrive. Avec moins
d^45^nçe , plus de douceur et de bonté, elles
j^itii^noiroient bientôt un esprit ulcéré, ré-
yoltéqui, aveuglé parie besoin et le désespoir^
trouve lé^time tout ce qui peut conserver
une existence qu'il est pr^t à perdre ,lors<*
qu'il manque de tout.
V Ma résolution prise ^ je restai tranquille-
msent chez ma mère pour reprendre mes
forces. J'écrivis a plusieurs marchands pour
les engager à me chercher une place. Mais
je n'étois pas encore à la£a de mes pei«
U
lies , în©8 voyages n'étoîent point finîi 4
Dieu en ayoit disposé autrement. JWois
beaYicoup souffert dans Tespoir d^aller tFa«
vailier au Sénégal , et il étoit écrit que j'irois«
Je reçus alors une lettre de Tatné de mes
deux compagnons d^infortune. li étoit de-
puis peu de retour à Paris > où il avoitap^
pris mon arrivée en France parles négocians
de Bordeaux , que j'avois remerciés des se-
cours qu'ils m'avoient donnas dans ma;
misère , et des lettres obligeantes qu^ik^
aboient bien voulu écrire à ma famiUe^^
qui n'avoit pas daigné y répondre*
. Mon naufrage , la perte de' notre pactf--
tille commune avoient mis le pltis grand'
obstacle à la réussite de ses projets et des
suens. Embarqu^ sur la Bayonnaise, commd
je 1 ai dit plus haut^ il étoit eïifiri aitivé
au Sénégal , deux mois ^après son départ
de' Bordeaux. Il croyoit m'y trouver ; mon
absence , Tincertitude de mon existence
et de celle de nos effets communs avoient été
pour lui un coup de foudre. Quelque tempa
cependant après son arrivée à la colonie ,
il y avoit appris ou plutôt soupçonné mon
naufrage par le canal de quelques Maures
errans qui répandirent le bruit qu'il y avoit
eu un navire de perdu sur leurs côtes. Cette
< 163 )
nouve^e le détermina , après trois ladii
de séjour dans la colonie , à revenir en
France. Il s'étoit embarqué pour le Cap
François d'où il a voit fait voile pour Bor-
deaux.
U xn^exhortoit dans sa lettre à ne point
me décourager : il argumentoit de mes
.malheurs pour me prouver que le premier
voyage seroit plus heureux , et me faîsoit
le tableau le plus flatteur des avantages qu'il
y avoit de travailler au Sénégal. Il m'ins-
truisît ausisi du motif qui l'avbit conduit
à Paris f et m'encouragea à suivre mes pre*
miers projets. L'exemple récçnt du navire
l'Antonia , capitaine Vigneux. 9. armateurs
MM. Lavaysse , Puchelberg et Compagnie ,
d.e l'Orient , qui , avec quarante-deux mille
livres de mise dehors , avoit produit plus
de cinq cents mille livres , étoit ime preuve
certaine des possibilités qully avoit de faire
dans ce pays une fortune prompte et hon.-
nête. Je me décidai donc de nouveau -4
tenter la fortune. Je n'avois reçu que trois
cents livres de mon oncle ; cet argent n'étoit
rien moins que suffisant pour m'habiller^
me nourrir et faire les frais d'un nouveau
voyage. U me fallut donc tenter de nouveau
La
( 1^4 5
d^en obtenir de ma famille. Après bien des
peines et des humiliations j j'obtins enfin
trois cents autres livres , encore fallnt-il
que ma mère se rendit caution ; sans cela
jamais je ne les aurois trouvées.
Je partis pour Paris avec ce peu d'ar*
' jgent. Il s'y étoit formé plusieurs compa-
gnies qui toutes espéroîent avoir lecommerce
exclusif de la gonmie au Sénégal. L^espoir
d'être à la tète des affaires de la com-
pagnie qui l'obtint, nous fit séjourner inu-
tilement deux mois dans cette ville.
Voyant que les choèes traînoient trop
en longueur , qu'on ne nous donnoit que
(de belles paroles , qui n'avoient pas l'air
'de produire aucun effet, nous partîmes
pour Bordeaux , ville de ressource pour
ceux qui ne craignent point les dangers des
voyages et qui veulent travailler. Nouses^
perlons y trouver quelques navires en com-
mission , et nous ne fdlmes point trompés
'dans notre attente.
Cinq semaines après notre arrivée dans
cette dernière ville , je m'embarquai avec
jq[uelques marchandises sur le navire le
Gustave- Adolphe , capitaine Marc du Hâ-
vVre , armateur M, Lamalathîe , négociant de
( 165 )
Bordeaux, Ge navire devoit £aîre la traite
le long de la côte , et delà se rendre dans
rinde , après avoir débarqué les provisions,
qull avoit pour la garnison du Sénégal.
M. Lamalathie m^accorda une commission
sur les nègres que je traiterois concurrem-
ment avec le capitaine.
Dans la position où je me trouvois , il
falloit tput accepter , quoique je susse bien
que concurremment avec le capitainie , je ne
ferais rien ou presque rien. Car l'intérêt
de ces messieurs étant de faire seuls la
traite , ils n'aiment point à partager cetto
commission avec personne. Je crois
nécessaire pour le bien d'un armement,
ou que le capitaine soit entièrement chargé
du tout , ou que ses droits ne s'étendent
seulement que sur la conduite du navire ;
la diversité des opinions est toujours nuîf
sible : l'un veut ce que l'autre ne veut
pas , et cela tourne toujours au détriment
des. armateurs. Comme je voulois^ absolu-
ment me rendre au Sénégal , j'acceptai les
offres de M. Lamalathie , et fermai les
yeux sur tout le reste.
Mon associé resta à Bordeaux , pour y
faire l'armement du petit Bric^ le Furet ,
L 3
( 1^6 )
du port , de soixante et dix tourteaux , ca-
pitaine Gabory ^ sur lequel il s'embarqua
six semaines après moi.
Le Gustave-Adolphe étoit bon voilier :
notre route fut courte et assez heureuse.
Nous eûmes cependant , à la sortie des
Canaries , de violens coups de vent , qui
firent craquer notre grand mât, ce qui
détermina le capitaine (par Timpossibilité
qu'il trouva de se rétablir solidement à la
côte ) à ne po:-:it hasarder le voyage de
rinde. Il termina ^onc sa traite à Corée ,
où il fit un an de séjour , delà il fit voile
pour rAniérique.
A peine avions-nous perdu de vue les
Canaries , que nous apperçûmes les côtes
de rAfrique. Le récit de mes malheurs ,
et rexpérience du capitaine firent qu'on
tînt le large. Cependant le lendemain nous
eûmes connoîssance du cap Blanc: nous
y vîmes deux bâtimens échoués , Tun du
port de i5o tonneaux environ , et Tautrç
qui avoît l'apparence d'une frégate.
Nous arrivâmes sans beaucoup de fatigue
à la vue du Sénégal , le i3 juin 1785. Ce
jour-là nous passâmes la barre : c'est la
plus dangereuse qui existe au rapport de%
( 157 )
marins. On entend par barre TefFet de
.plusieurs lames d^eau qui se succèdent
continuellement en se déployant avec force
les unes sur les autres^ Elles 60|it occa-
: sionuées en cet endroit par le courant du
fleuve , qui cherchant à se jeter dans la
mer , fait force contre ses eaux qui luttent
elles-mêmes contre celles du fleuve. Le
sable apporté par la rivière et repoussé
par la mer , forme un haut fond qui rend
ce passage inaccessible aux grands bâti*
mens. II n'y avoit, lorsque je la passai , que
treize pieds d'eau. Ce fut dans la chaloupe
du pilote que je hasardai ce passage. Je
li^ea connoissois pas le danger ; et Thor-
rour des lames qui nous soulevoient ,
m.e firent plus d'une fois craindre pour
mes jours. En septembre de la même
xipJiée , la barre n'avoit plus que sept
pieds d'eau , cependai>t elle était plus pra^
ticàble pour les chaloupes. Il semble que
par ces dangers la nature mdique aux Euro-
péens qu'iJs ne doivent point se fixer dans
ce pays , où ils ne viennent pour l'ordi-
dinaire que pour y faire un commerce in*
digne de l'humanité j mais le désir des ri-
chesses l'emporte surtout j et fait suy-
L4
(
(i68)
monter les plus grands olistacles. II est à
propos de ne passer la barre qu*avec lés
nègres. Ils sont tous bons nageurs ^ et
n^abandohnent pas aisément les blancs
en cas de malheur. Ils les sauvent souvent
quand les chaloupes chavirent , et on ne
peut mieux fadre que de se fier à leurs
soins. Malheur à qui les contrarie pour le
passage de la barre , car alors si l'on chii-
vire . ils sh sauvent seuls , et ne font pas
xnêpie attention aux blancs qui sont bientôt
abîmés dans les flots. La mort funeste de
M. de la Echouart , capîtadne de la Bayon-
■ naise , en avril , 1786 , est une preuve trop
certaine de cette vérité.
La barre passée , je gagnai terre ; et quoi-
que le soleil fâ.t des plus ardens , je fis
route jusqu'au Sénégal sur la pointe de
Barbarie , langue de sable de ôo à 60 toises
de largeur , qui sépare le Niger de la mer.
La largeur du fleuve près de Gandiole ,
village nègre , est de plus de 3oo toises,
L'isle du Sénégal est située à trois lieues
plus haut. Cette isle n'est à propreprement
parler qu'une langue de sable aux milieu
de la rivière. On la dit longue de mille
pas géométriques sur soixante dans sa.
( ^69 )
plus grande larfreur. Elle est presque de
niveau avec les eaux du fleuve et avec
celles de la mer > mais elle est ga-
rantie des dernières par la pointe de Bar-
barie qui est plus élevée que la colonie.
liC bras oriental du fleuve est le plus consi-
dérable , il a environ 400 toises de large Le
bras occidental n'a que de âo à 200 toises*
L'isle est des plus stériles ; on n'y voit
que des sables brûlans ; quelquefois on y
rencontre des cailloux qui proviennent
du lest des navires venant de Gorée , ou
des débris des anciennes maisons des Euro-
péens. Il y a très-peu de jardins , la plupart
des graines d'Europe n'y réussissent point.
U n^est pas étonnant que ces jardins ne pro-
duisent presque rien , l'air est e;îttraordi-
nairement salé : il pénètre tout , et ronge
mième le fer en très -peu de temps. La cha-
leur y est excessive , et encore augmenté^
par la réflexion du sable ; ce qui fait que
depuis dix heures du matin , jusqu'à quatre
heures da soir , il est presque impossible
de travailler. Dans les quatre mois da
janvier , février , mars et avril , la chaleur
est bien plus supportable,mais dans les mois
. d'août et suivans elle est si considérable
qu'elle affecte même les naturels. Quel effet
ne doit-elle pas produire sur des Earopéens,
qui se trouvent tout-à-coup transplantés
^ans un pays aussi brûlant ! La nuit est
un peu plus fraiche , mais pas toujours ,
.seulement quand les vents de mer se font
sentir. Alors on respire un air qui parolt
frais , et après lequel on a soupiré pen*
dant tout le jour ; mais cet air paroitroit
brûlant dans notre climat : malgré le secours
de ces vents de mer , les nuits sont encore
fâcheuses. Dès-que le soleil est eouché y
on se sent attaqué par une infinité de
moucherons que l'on nomme maringains.
Xeurs piqûres sont très-seusibles ; et la
•multitude de ces insectes est incroyable.
On s^en garantit ibiblemerit par le moyen
de monstlcaires ou consinières faites
avec de la gaze. Pour moi , accoutumé à
Tivre chez les Maures , j'étois peu incom-
wmodé de ces insectes. A-demi sauvage , il
n'entroit point dans ma pensée de cher-
cher à plaire aux dames ; et par couse-
quent je n'avois nulle considération à gar-
der : je faisois comme mes anciens maîtres ,
je me frottois de beurre y et cet ^cpédient
in'a garamti en tout temps des morsures
importunes de ces impitoyables^ ennemk
^u repos des humains.
( 171 )
SI les yeun ne sont pas flattés de la vue
du Sénégal , ils le sont encore moins de
ses environs , qui ne sont couverts que de
sable et de mangliers. On peut dire sans
exagérer qu'il n'y a point de situation plus
affreuse , ni d'endroit où l'on puisse plus
difficilement se procurer les choses les
plus nécessaires à la vie. L'eau , cet ali*
ment si utile à l'homme , et indispensable
pour la santé , n'y vaut rien. On creuse
dans le sable environ cinq à six pieds ,
et on a de l'eau par ce moyen ; mais
elle est toujours saumâtre , quelque soin
€[ue l'on prenne pour l'adoucir. J'en ai
distillé , et ^q con^rvoit encore un
petit goût qui ne peut être que nuisible
à la santé. 11 est vrai qi;e dans la haute
saison les eaux du ûeuve sont douces ,
mais elles n'en sont que plus dangereuses.
Ce sont elles qui occasionnent la plupart
des maladies qui enlèvent les Européens ,
avec telle violence que tous les trois ans
• la colonie se trouve renouvelée. Les nègres •
même, quoiqu 'acclimatés ^ne sont pas dans
ce temps exempts de Haaladie.
Il n'y a véritablement de bonne eau dans
-le pays que ceUç que l'on fait venir par
( 1?^ )
tooneanx , de quarante lieves aa-dessiu dn
Sénégal , après aToir passé les plus forts
marigots. On trouve cependant une source
a*eau très bonne à quatre lieues au-dessus
de Gandiole , sur la route de Gorée au Sé-
négal , mais elle n'est pas assez abondante
pour le besoin que Ton en a. Quant aux
alimena , ils ne sont pas plus sains , quoi
qu^en disent les voyageurs et leurs histo*
riens qui se sont efforcés de mentir à
Fenyie Tan de l'autre , en 'parlant de ces
tristes contrées. La viande en gàiâral y
est détestable , et le poisson demauvais goût.
Il faut mémo le manger dans le |our où il
est pris. Le lendemain matin il fautabsolu*
ment le jeter à Feau. Les bceufs fournissent
la meilleure viande. Us sont plus de moitié
plus petits et plus bas montés que ceux de
la France , même que ceux de la Br^agne.
MM. Adanson et Dumanet se sont plus à
embellir les relations qu'ils ont composées
de ces pays où ils ont trouvé tout merveil*
. leux. Moi qui ai parcouru la plus grande
partie de ces cantons , je n'ai trouvé le
pays que du plus au moins détestable.
Ou ne peut en parler ayantageusement que
lorsqu^on a des raisons pour le faire» La
(173)
compagnie du Sénégal retire tm trés-^os
bénéfice du commerce qu'elle y fait : elle
a donc le plus grand intiérèt de faire croire
que ce pays est un paradis terrestre ; cajt
si on le cotinoissoit tel ^uUl est , en ne
trottveroit personne qui voulût y aller , y
ayant cinq fcontre Un à parier qu'on y terr
minera ses jours , sans compter les risqueis
dfu voyage , et cela ; en ne s'éngageant que
pouir trois ans.
Cependant il faut dire à ravantage de ce
charm^ànt pays , que lorsqu'on s'ennuie
de vivre ^ on y trouve bientôt la fin de son
existenée , sans se dorinei-Ià mort ; il suffit
ou d'y rester^ ou pour fiâtër'-la fin de ses
peines , de Faire le voyage de Galam»
Quant au contraire on veut reculer *uil
peu son dernier moment ,• il "faut se 'con-
tenter de- la nourriture deis nègres ; mais
quelle Nourriture ! Les ♦JFééifihes pilent le
mil dans dés mortiers <fe bbîs sur le sable,
mais il est si mal-écrrfsé qu'on le sent cra-
quer sous ses dents en te mangeant. La
{)romenade est sans agrément , parce qu'on
ne sort jamais «ans danger de cette isle ,
et qu'on ne trouve des aspects un peu
agréables , qu'à dix lieues au<dessus de la
( t74 )
colonie. De plus on y est toujoui^s exposa ^
soit de la part des hommes , à être faits
captifs , soit de la part des animaux fé-
roces , tels que les tigres et les lions , à
Atre dévoré. Encore ne peut-on se per-
mettre ces sortes de .promenades que lors-
qu^on est en paix avec les naturels du
pays. .Que ceci ne paroisse point contra-
dictoire , car i^ existe au Sénégal , comnv^
dans le reste de l'Afrique , des troupes de
brigands qui enlèvent tout ce qui se pré-
sente à leurs, yeujp , ^t qui sont les enne-
mis de.tout le ;iiipn(le. On peut donc,
quoiqu'en paix^j fe. trouver exposé jet ou
Test d'autaiit plup qu'il y a toujours des
partis en campagne. Ces partis n'attaquef
roient pas ^es habitans de la colonie sur
ses terres^ mais les trouvant sur celles de
leurs ennemis, Us.profitent^e rpcoasiqn , au
^and désespçir des pauvres curieux. Enfin
popr donner l'idée 1^ plus juste de cette
triste colonie , on>,peut dire , sans exagérer ,
que c'est rejidwiit.le plus. détestable de la
terre , et qu'il faut ou né point le connoître ,
ou n'avoir que ce moyen de subsister |
pour oser s'y fixer. . .
Jusqu'à 1 arrivée du petit Bric , le Furet,
(
( 175 )
anné par mon ami , j^eias le temps d^éta?
dîèr le caractère des hàbitans.du Sénégal/
et de connoître leur manière de trarailter.
Ce fat l'unique objet auquel je m^appjîr
quai; J*«étoi6 persuadé que je n^ réussiifois
jamais qans connoître k fond les gens; avec
desquels il mefalloit traiter.^ Jf las ajidé dans
ce travail par le jeune Fldqti,et , que^sofi
ftèrçjftvoit laissé à la colotiie , et qu}f^î4#
par M. le comte de B^pigixtigoy:, avoitiai^
des affaires , peu considérables à la yérité ;
mois assèa heureuses. •-
Ib^fi^avoît aBbrs, ai S^^îi^ que. trqîj
-maiaerns èur(ipéerine&\i îqui?4msoi^^ à ellqs
seulea la- plus graidjés^firUe 4u comnjerce,
;fiayoirr^'Ia.-l&iiâ&onr(^ Ja oapïpagniç , -<}^i
iayanti IriopîAtiUge e*dwri^^]â^/ila goinme ,
:s!docqp(9it ^uaii d^^îlaf^arilitcbd^a nègres ;
cette ms^son étoit j^Atiia^ ^JMi^^dit la. plus
conaidérable ^ mais la;}>liis ip«l gpuyernée ;
ceux> que la compagnie-y;fe^?ôit envoyés à
cet effet n'ayant aucune connaissance de
ce commerce. Elle étoit donc la 'moins
redoutable. Celle de M. Aubry delà Fosse y
4ie Nantes , étoit mieux conduite. Elle
faisoit avec moins de fonds des affaires
bien plus considérables j et étoit conduite
p^r M/ VîgAeux > ancien capitaine de na«
Tire ) de Nantes. Ce capitaine étoit celui
qtii^y profitant de mon malheureux natt-
fiiag^ , arrivé le 17 janyier 1784 , airoit fait
trne -de- ceS' traites surprenantes pour le
i>éné6co , appas -trop: séducteur pour ne
p'aâ causer ta mort et la ruine de beaucoup
dè^^Pràitçoîs. Jl fit encore en 85 et 86 de
ètrperbés opératioiis , sans s Y4oigner dti
SéÀégal ; Ja[ ^dcfrniète cependant hii coûta
La troisième mais;on ^toit^ gérée par
Sï. Paul Benàr^^ivtrffvdAloit. uniqiiMient
^our son ccnii^tejjllavoit étf&jaëiaitoniM^
lier de la c^mpagnifs^'â iQorée ; ;et lorsque
^è«te îélè: tomba au ^uvoir itesi^lÂiiglois ,
il s'étoit r^fi^ë» m iSteégaL :C'étoili lui qui
cotiilioîssoit le inie^ulla colonie v il pa^lok
nègre commet 'les> nègfes mêmes y vivoit à
leur manière-;' et 's'emparoit toujours des
meilleures affeiréTs. Cet homme n^e savoit
inti lire ni écrire ; son long séjour dans ce
^ays Tavoit instruit du commerce y mais
il ne supportôit la concurrence que Tis-à-
vis de la compagnie ; car Vigneux ^ quoi-
que sans connoissance des lieux , ayoit
sur lui Payantage , étant mieux assorti et
aidé
( '77 )
aidé des conseils des hàbîtans , eimezKui
nés de tout ce qui porte le nom de com-
pagnie.
Les principaux d'entr'eux , nègres ou
«mulâtres^ qui s'adonnent au commerce pour
leur compte , étoient Thévenot , qui dang
sa jeunesse a dépensé beaucoup d'argent
à Paris , prenant le titre de prince Africain ;*
Saint-Jean^ son beau frère , fils d'un an-
cien gouverneur aiiglois du Sénégal , qui
avoit été à Londres ; Lejuge , de la mèùld
famille^ qui aroit voyagé dans Tlnde éV
dans toute r£urope : Dubois , particulier
nègre , le plus rusé de tous , né &isaht
dés affaires que pour la compagnie à côâ<^
dition d'en avoir une bonne p^art j et plu*
sieurs autres qui traVaiUoiéht tantôt pôuff
leur compté , tantôt pour ceui qui se ser<i
voient' de leurs talens. U y avûît au^si deuK
Maures de la famille des SheriPs , qui s'aâ^
âbnnoiént au cômtnërcé. BÏèîhcs ou ïiègrètt ,
Mahométanis ou Chrétiens , atiéuh d'eu^
^'a jamais connu la bonne £bi , éUe esir
entièrement bannie de té cottimdreé $ iMP
paroles d^honiieto softf cotiipf^êès pouf
rien , c^est à qui usera (ïe finisse. Qiianil
Cn^ £ii{; im niarchEé \ il Iktit là têrl^iner ^u#
M
(178)
rheure ^ sinon le tenir pour nul. Telles
étoîent les personnes avec lesquelles je me
voyois sur le point de négocier.
Malgré sa stérilité , le Sénégal est habité
par plus de six mille nègres , tant libres
que captifs de Tapades , ou nègres nés
chez des liabitans nègres du pays. Jamais
on ne les vend , à moins quUls ne com-
mettent quelques crimes. Leurs cases en*
yironnent la demeure de Thabitant nègre.
Elles ont. la forme de grandes ruches à
miel , et sont soutenues par quatre pi-
quets. Le comble peut ayoir douze à
quinze pieds d'élévation : la largeur
dj3S cases est ordinairement de lo à
12. pieds en tous sens. Les lits sont des
claies posées sur des traverses , soutenues
par de petites fourches qui s'élèvent à un
pied 4ei t6rre : ils s y couchent pèle-mèle ^
hommes , femmes , £ll,es et garçons. On
lait le feu au milieu de la case , et il faut
être nègre pour résister à la fumée , qui
Xi^'ayarit point d'autre issue que la porte ,
remplit entièrement leurs demetures.
r Les hommes scAit de la haute taille , et
les.femn&es sont les plus belles négresses
de l'Afrique. On peut dire queiea Sénéga-
( 179 )
lois sont lés plus braves de toute cette
partie du monde , sans même en excepter
les Maures , leur courage tient beaucoup
plus de la témérité que de la bravoure. Dans
le voyage de Galam , on les voit affronter
en chantant les. plus grands dangers, ils
ne craignent ni fi^sils ni canons. Les cay-
mans ou crocodiles ne peuvent les efïrayer.
Un des leurs, tué et mangé par ces animaux,
ne les empêche point de se jeter à Veau
si la manœuvre du navire Fexige. Ces belles
qualités qui les distinguent^ et dont ils font
gloire > ne les garantissent point de la con-
tagion du pays qui les porte tous à la ra«
pine : c'est à qui usera de plus de ruses
pour surprendre et frauder. U est à croire
que les' Européens n^ônt pas moins donné
lieu à ces défauts , que les instructions
de leurs marabous , qui les engagent à
jvoler les Chrétiens le plus qu'ils peuvent*
. Les nègres Yolofs du Sénégal sont ou
Chrétiens ou Mahométans , ou plutôt Tun
et l'autre , ou encore mieux ni l'un ni
Tautre ; la religion leur est égale. Ceux de
la grande terre sont comme eux j ils ne
,tiennent à leurs préjugés qu0 pour la
forme. Une patte de £^ , une mais^e de
M â
( i«o )
rerroterie les font changer d'ayia à yolonté»
par ce moyen , on les tourne comme oa
yent , preuve certaine qu^ils n'ont point
de principes de religion , mais qu'ils ne sui-
rent que des coutumes reçues. Les mara-
bous ou leurs prêtres et leurs hommes dd
loi sont comme jes autres* J'en ai examiûé
plus d'un , et» j'ai toujours trouvé j marne
parmi ceux de la nation d«s Poules , ou
Feuls , où an assure qu^ sont extraordi^
nairement fanatiques, et qu'ils ne sont atta«
chés à leurs idées qu'en public ce Ce blanc le
ce fait disent-ils , il a plus de connoissances
« que moi, pourquoi ne Pimitçrois- je pas» ?
Ce raisozmem^nt est géaéral- dians tout ce
pays.
La colonie du Sénégal est environnée
d'isles ^ qui toutes , sont encore plus mal
saines , qu'elle Jae l'est elle-même , à cause
de la proximité de la mer. Elles sont rem-
plies de marigots ou étangs qui , lorsque
le soleil les sèche , infectent l'air d une odeur
fétide, et lés couvrent d^infeectes, ce qui les
rend presque entîèrétaeteit désertes par la
mortalité que ces oSeurs putrides occasion-
nent. C'est , sans dotîte , la même cause
qui enlève tant de François au Sénégal pexi^
oeoi
pois:
■,^
,oii
atti'
ici
( i8i )
dont les quatre m<^iis de maiiyidM:diûsom
La mauvaise qualité des eaux- peut bieii
encore y êtr§ pQMr beaucoup.i Las eauxx,
SQTtaat des mâtîgotSi.qm.ayOiàiaeait la .cor
'^' loxne I font çprp« ^y^c lea Qaux dn jQeùve ^
xûaia 0lles nWt f oint le tj^mps d^étire batf
tues par le courant , et elles pnt.ttne^douceuir
ladequLles fait aisément recoQuottre : icet
objet est, je .<irois > essentiel à obsiwter : il
9iérU$rolt rMt«Qtiom de noià médeoiâs ins^
truits , et eonseryèroit à Tétat un grand nom*
bré de dtpyens^ :.- )..:/,
^ De tous les François qui étoîent au Sér
^^ »égal ^ attachés uni/êkréi&e» tomsiXMrde
^ ^pmmerc^ , auôun ne roulant t^monter à
Galain « Ifeu 1& plujî: cansi^értlblô pour hk
là eomwerce ,; paarce ^'a^twii d'ew n'y àydit
été) je me détérmmaji k fc^rç âe voyage*
L^ Je vOypi& Jla supénori^; dea ïfàoymfi.A^
^ ««ftreamaisons , Ijia tpUlfîil JPp¥m(^$ll# mi^Tnne^
^ €e tk^étolt ifw jpm Usconimi^axtow kiûalei
î que je po^Yoié y parvenir^ Jîéspércrifepar œ
pteywr q^e ai iis^^}étbif pftfo.^ft ^^^ tu^n
porter là conmatfff^b .dans -ia Dçfewii!!^., an
moins fai:irois a^^r^Jôiitôil io^i'^litï^^rffi^
90na ; Tavûntag^^ ipçvièrç.. 3e ^e décidai
donQ à partir powr. Jà^lN^. ^& ^ f^Ppoi*t%
M 3
]i
I
ides habitant et des blancs sur* ce yoya-
ge-, ne me^ permettoiënt point de douter
des dangers auxquels f alloië m'exposer ;
nais je toûiois travailler. J 'avois yécu par-
roi lès Maures , toujours tfo.uché nud à Yior
jiire dé Tair; j avois supporté la plus af-
freuse misèfre pendant- le temps de mon
esêlavage , je connoissois la solidité* de m<m
tempérament ; je ne potxvois croire tout
ce qu'on me disoit du mauvais air de ces
cantons ; je voyois les nègres se disposa:
avec joie à faire ce voyage ^ pouvois-je hé-
siter ?»
* 'Eu' attendant 1 arrivée du Furet , nous
nou^ occupâmes à ramasser le sel pour nous
et pour le bâtiment de roi qui se dispo^
soie ^ t-^nontér le fleuve. Cette traite se &it
-près de la barre du Sénégal ; et pour trai-
ter en^l^'gttire^ onii^à besoin que desabres,
poudrer; ^Sii-es a lusU'i baUes et verroterie,
lia bariqœ de sel me revint cette année à
trois livres 9 et elle fut vendue dnq livres
au. Séiàégal à ceux? qui n^^vOient pas Youla
ëû .n'aVoient pas eu le temips ni les bidr
Htés d'en laire eux^méiiies^ la' traite.
Le a6^ de juillet ', le eouToi se mit à la
voile^ et remonta le fleuve U éti>it ccmiposé
pr-
si:
33L
3?î
en:
[tfC
( i83 )
de vingt-sept bâtimens frétés par les habi-^
tans , d^un bâtiment de cinquante tonneaux
nommé le Maure , appartenant à Paul Bé-
nis ; de la grande Oabarre de M. Yigneux ^
géreur de la maison Aubri de Nantes , du
port de 160 tonneaux ; et du bâtiment de
roi, nommé le Bienfaisant^^ cap. Théyenot,
habitant du Sénégal , chargé des coutumes
ou droits pour les diflféf ens princes du
pays.
La compagnie", toujours lente dans %^%
opérations, nWoit pas encore ses bâtimens
prêts , lorsque nous vîmes arriver le Bric/
le Furet. Le même jour qu'il parut devant
le fort i il entra en rivière.^ Nous procé-
dâmes aussi-tôt à son déchargement. On la*
répara, et nous le chargeâmes pour la traite.'
Je partis sur ce navire dci fort- Louis , le
16 août 1785, àld héuves du matiiv
Mon navire dé soixante^ dix tonneaux y
mais léger et fin voilier ^'àvôit un équipage
composé' de vingt quatre laptoùs , quatre
gourmets , un maître de langue , un char-
pentier^ un capitaine en second, six. pileuses^
et une douzaine de repasses. Par laptoù^
on .entend un matelot nègre ; les gourmets
sont les officiers ou. plutôt les timoniers ^
M 4
( »fl4 )
car les nègres ne connois^ent qu'un chef qui
^st le capitaine. Le maître de langue , n'est
autrç cho#e*que Içi maître d'équipage , qui
çntend et commande U manœuvre enfran-
çois. hes pileuses sont les femmes qui prépa*
r^t la ^ourriture, etquiblancbissentle linge
pendant le yoyage. "ExiBsi les râpasses sont
des enfans nègres qui np sont point payés,
et servent dans les b&tijo^pna ^ comme nos
mousses ; les enfans d'habitans où de ne*
grès de TapadefoQl; \^ ipèmBs voyages et le
in^ipe ouvrage i Qr\ les c^ccoutume pa;r cea^
mayens à I4 f^tigi^e et. à la connoissiincQ
de la rivière. .
A peine eùnxe^-nous quitté le Sénégiil «
que tout Téquip^ige ^e mit en prière* Cha-
CuU pwoissoit triste et consterné ^ et re-
gardoit , lea lumà^es aiuj^.yeux | cette triste
langue de sable oùilévoit pris naiasancej
où il abandQnnoît.sajfeipipje et ses enfans.
14 leur faiaoit de tristea iadieux 9 t^omme ai
tout espoir de l^s revo^ étoit entièreqient
perdu. Ces cérémx>xues lugubres et ces re-
grets des nègres^ .filusquis. tous les ;:aison-
neniiena , me firent juger des dangers ,da
voyage* Mais à peine ëutr'OaaL perdu la co-
jpnie de vue , que la joie reparut sur toua^
( i85 >
les visages , et que tous les laptots se mî-
^e^t à cha^ter.
M. le comte de Repîntîgny , gouverneur
du Sénégal m^avoit engagé à rassembler
tpus les bâtimens tf ai^eurs ^ à fin de les
ejscorter Jusqu'au lieu 4u rendez- vous du
çonvpî, Jlie mêmç jour sur le soir, je ren-
contrai le bateau d un nommé Soliman qui
avoit appareillé de la colonie , trois jours
av^nt moi. Comme U n^avoit que trois lap-
tots à son bord , je le laissai, ne me croyant
pas obligé de remorquer un bateau , dont le
chef n'avoit point eu la précaution de pren-
dre, suffisamment de monde pour sa ma-*
i^oBiivre. Je ne voulus poi^^ retarder moa
voyage pour lui^ qupique.mes nègres ijsar
chaicit les ordres du gouverneur , voulussënl
lui donner du secours ; et je lui ordotmai
de retourner au Sénégal ; ce qu'il fit , n'en
étant tQtut au plus^ éloigné que de huit
,Oif,,fiargçL,l^^ vôilefif sur les huit h)9ure9
dj; ^(o^r \ :povîs étions a»? ^ands ftiarigotii
qui. vc^t joiAdre PoriqfidiiCf On baptisa le.
i^vire.suivf^at Tusage des nègres , ainsi que
oeu^ qi|i n'avoient ppîpft encore passéda^^-
qe^ çn^rç^t* On, 6t. fair^ uQe décharge à ma
petite artillerie , qui consistoit en sîxpier-
riers , six espingoles françoises et quelques
espingoles angloises. Pour cette cérémonie ,
le maître de langue , accompagné de deux
gourmets , fait jeter l'ancre et assembla
tout réquîpage. Il fait charger toute Pa^rtil- '
lerie , prend de Teàu du fleuve dans un'
vase, et en jette par trois fois sur le navire
en divers endroits. A chaque opération ,
pour que la cérémonie soit en grand , on
fait une déchargé , puis lorsque le bâtiment
est baptisé , le même homme vient à ceux
qui n^ont point encore fait ce voyage : ce
90nt ordinairement les blancs et les rapas^
ses/ II me mit de Teàu du fleuve au^ffônt
et au menton ; et alors, on fit une noiù
vèllô déchargé. Enfin pour termîitàrlafêtei
je fis bien boire tout Féquipàgd. Nôtï-e
chaloupe ne tarda point à nous joindre,, et'
toute la soirée se. pà^sa dans' là fcàe'. '
A peine étions - nous rentrés datis la
éhambre pour prendre du repos i'<l^^^^s
laptots de quart avertirent ijtfîls ehten-
tendoient sur lé* fleuve un bruit éausè" pàt
des rames* On se mit à observer y et on
ne tarda point à voir que c'étoît ùri daîiot
de nègres qui fdîsoiént tous Iburiaf effort»
( i87 )
pour nous joindre. Arrivés abord , ils nous
apprirent que le bateau le Maleime , ap-
partenant à Scîpion mon capitaine , s'étoit
brisé, et avoit coulé bas à lo lieues au-
dessus de Poclor\ o^ Admet Moctar , roi
des Trassart8*> peuple Maure , prétendoit
^voir sa moitié des objets sauvés de ce
naufrage ^ en donnant pour unique rai-
son que c'étoit Dieu qui le vouloit , puis-
qu'il avoit permis que ce bateau fît nau-
frage sur ces côtes. J'écrivis aussitôt à M.
de Répentigny , gouverneur du Sénégal ,
le priant de^ vouloir bien m'envoyer ses
ordre^s sur le parti à prendre ; puis leur
ayant fait doimer à manger , je les £s
jlartir à l'instant pour là colonie.
Je Youlois attendre la réponse du *gou«
remeur à Podor , avant qiie de rien ter-
miner avec Admet Moctar t je ne pressai
point la route , nous séjournâmes au vil<
lage de Reims. Le marabùu , chef dit
lieu , nous engagea à descendre. Nous
tUàmes à la chasse. Le pays est couvert
de gibier'; aucuns coups ne portoient à
faux , ce qui me donna beaucoup de plaisir.
Sur les cinq heures du soir le vent ayant
augmenté ^ le bâtiment chassa sur soa
(i88)
ancre, et se trouya échoué sur la côte dea
Maures. Tous les jours on échoue en ri-
vière. Cela n'est point dangereuj^ , la ri-
vière est plaine de bancs de sable , et on
ne commence à courir de dangers qu a
Doumons. On amarre même le bâtiment
à terre toutes les nuits Ainsi lorsqu'on
voulut partir on eut bientôt mis le navire
au large* Four c0tte manœuvre les nëgrea
sautent tous dans Teau , et se portant du
xnême côté, poussent le navire à Aot. Sou«
vent il en périt dans cette manière de tra-*
vaiUer> maià ils n'ont point d'autre cou-
tume : ils Ja trouvent la plus prxwnpte et
la moins pénii>le. N<^us perdîmes une ancre
ce jour-là ; malgré les recherches qu'on en
& , on ne. put jamais la draguer*
On se remit en route , et nous vîmes
dans la plaine nn camp de BSaures de 8q
à loo .tentes. Ils dévoient me vendre
des bœufs e.t 'des captifs ^ mais nous
m'eûmea pjdi&t le: temps de nous y anrêter*
Le X9 nous vîmes le village; de Benue ^
situé sur la rive des Maures ^ py è» du dé^
sert de Saaca ^ q^ s'étend juisqu'à cette
partie de la rivière. Ainsi j'eus.ravantage»
après avoir parcouru pendant mon esdavaga
( x89 )
rîntérîeurde ce vaste désert, d'en voir cette
foi -là rextrémité. Deux superbes palmiers,
Tun d'un côté du désert , l'autre à l'extré-
milé , en marquent les bornes , ainsi que
du côté du Biledalgerid : ce qui le termine
sont deux hautes colones que j'avois vues
dans la plaine avant que d'entrer sur les
terres des Monselemines.
En quittant le désert sur la rive oppo-
sée , je vis le village de Brac , appartenant
au roi des nègres Walons. Le roi de ce
pays avoit été ministre de l'ancien , et
Tavoitfait assassiner parles Maures d'/fa//-
cory , roî des Bracnars. Ce fut sous le
spécieux prétexte du bien public qu'il
s'empara du trône \ mais il paya sa per«
fidie par sa mort : car ayant eu quelque
différend avec Haticory , il le fit étrangler
quelque mois après mon départ. Ce prince
n'étoît point dans son village lorsque nous
passâmes , mais s^^ affidés et ses femmes
vinrent au bâtimisnt. Je leur donnai quel«
ques bouteilles d'eau-de-vie et m'en débar-
rassai par ce moyen.
Sans la nuit du ao au 21 , nous arri-
vâmes à Pôdor, nous y trouvâmes le ba-
teau du Shérif qui appareilla, aussi-tôt qu'il
( igo )
nous ent apperçus. Sur les huit lieures , je
descendis à terre , et me rendis au fort , où
étoit déjà à m'attendre , Admet Moctar ^
roi des Trassarts. Ce prince , contre toutes
les loix, sans sWrêter à ses premières de->
mandes , vouloit avoir toutes les marchan-
dises qu^avoient sajavées les laptots de
Scipion. Il ne parloit plus de partager , il
prétendoit que tout lui appartenoit ; et
que par ce naufrage , les laptots mêmes
étoîent devenus ^^^ captifs, 11 vouloit mo
contraindre de payer leurs rançons ; on
avoit beau lui dire que si tous les ans , Id
roi de Francejuipayoit des coutumes , que
c'étoit pour faciliter le commerce , par une
entière liberté de travailler le long de la
rivière. Il ne vouloit rien entendre ; et ferme
dans son dessein, menaçoit de m'attaquer ,
soit que je descendisse au Sénégal , soit
qu'il me plût de continuer le voyage
de Galam. U savoit que j'étois arrivé depuis
peu au Sénégal , et étoit loin de penser
que ^^% paroles et ses menaces ne me fai-
soient aucune impression. U vouloit m'in-
timider,etespéroitpar ce moyen, acquérir,,
sans qu'on pût rien réclamer, les marchan-
dises que le conmiandant de Podor avoit
eu kfoîblesse de lui livrer; mais j'avoîs été
esclave cliez les Maures , j'avois appris par
mes . malheurs à les connoître parfaite-
ment. Mon bâtiment , avant que je le
quittasse pour me rendre au fort , étoit en
état défense , les pierriers, les espingoles ^
les armes de la chambre , tout étoit prêt
pour le combat, J'avois donné ordre au se-
cond , d'attirer le plus de maures qu'il
pourroit dans le navire , de les désarmer
aussitôt , et de les faire descendre dans la
cale. Mes précautions ne furent point inu-
tiles, car voyant que je ne voulois rien céder.
Admet Moctar ordonna à un de ses officiers
de dire à son frère de s'emparer de mon
navire. Ce prince ne se cacha point de nous,
pour donner ses ordres , je l'entendis , et il
ignoroitque j'eusse la moindre connoissance
de son langage. Je quittai à l'instant l'as-
semblée , sous prétexte de besoin ; et ayant
fait venir un nègre fidèle , je l'envoyai à
bord ordonner à mon second de mettre
aux fers les Maures qui étoîent en sa puis»
sance , d'en attirer le plus possible , et
sur- tout le frère du roi , de le mettre éga-
lement aux fers dans la cale. Scipion , mon
capitaine, qui étoit accoutumé aux combats,
( ^9^ )
entendant et parlant parfaitement l'arabe |
ayoît compris les ordres d* Admet Moctar :
il les lui avoit reprochés , même en le -me*
naçant, et quitta précipitament l'assemblée
pour se rendre à son bord. Il fut surpris
à son arrivée d'y trouver le frère d^ Admet
Moctar , désarmé et aux fers. Voyant que
80B équipage étoit loin de se laisser sur-
prendre , il revint au fort. Fendant cet
intervalle , déjeûnant avec M. Dnchozel ,
commandant à Podor , je lui fis part des
desseins d^ Admet Moctar , des ordres
que j'avois donnés pour les prévenir. Dès
qu'il eut à peine entendu jusqu'à quel
point se portoit l'audace de ce sauvage ,
il fit prendre les armes à son détachement ,
revint trouver Admet Moctar , et lui dit,
que les affaires du commerce n'étant point
de son ressort qu'il eût à s'arranger avec
moi , sur ses différens ; mais qu'il ne souf-
friroit jamais qu'on attaquât un navire de
sa nation , sous le canon du fort qu'il
commandoît. Ces paroles déconcertèrent
entièrement Admet Moctar. Ayant parlé
arabe, il ne croyoit pas qu'qn l'eût en-
tendu ; car il ne savoit pas que Scipion le
parloit aus$i bien que lui : il ignoroit aussi
les
( 1^ )
les précautions que favois prises > et se
yoyoit dans un fort , au pouvoir de soldats
François sous les armes. Il fut encore plus
intimidé , lorsqu'un de ses affidés vint lui
direqnetaus les nègres du village de Podor,
instruits par mon équipage , avoient couru
aux armes; qu'ils s'étoient emparés de celles
de sa troupe; qu'elle étoit exposée, sans
pouvoir se défendre ni attaquer^ entre le
village , le fort et mon bâtiment ; que tous
les nègres chantoieut le cris de guerre j
et qu'ils n'attendoieiit que mes ordres pout
égorger èes sujets. Dans ces circonstances ^
éloigné de lui d'environ dix pieds ; ayant
mes pistolets amorcés et armés , je n'a*
vois à redouter qu'un coup de poignard ;
zaais f étois résolu de le tuer au premier
mouvement qu'il feroit. Comme j'étois en-
vironné des plus braves de mes gens; je
lui reprochai en arabe sa perfide résolution.
Il fut anéanti en m'entendaut parier sa .
langue ; et cédant à la forcei et aux àircons^ -
tances , il me dit qu ayant toujours été ami
des. François , son intention n^'avoit jamais .
été de s'emparer de mon navire , mais biea
de réclamer ce que les loix de son pays lui
occordoient ; que pluXÔt que de se battra.'
(194)
contre une nation qu'il aimoit et à laqapUa
il de voit son éIéya|don et Tautorité dont il
jouissoit , il alloit se retirer dans^ ses terres.
Il croyoit traîner les choses en longueur
par ce subterfuge; maia sur la demandée que
je lui fi» , que sll parloit commet il peu**
soit , il eût à me rendra les ol^jets^ dont il
s^étoit emparé , il yit bien, quHl: n'y a?oil>
plus lieu de ter^giv^erser ; et me dit^ qu'ayant
distribué les marchandises à sesaffidé^j et
ces marchandises ét^it coupées , il net lui
étoit plus possible d|9 me les rendre , mais
qu'il s'engageroit Yolontiers^ de. x^ndre. à
Scipion, la valeur de tout ce dont il &'étoit
emparé sur ce qui lui reviendroit des droits.
Des paroles d'^uji tel homme ne- me con.-
tentment point : je vouloir un engagement
si^é de liii et d^ ses^ ministiies. U ne le
Youloit point* Sa* parole^ disoit«>il , deifioit
suffir^ lly avoitdéjfiquatre-heuiws qaaxMus
étions à nous- disputer -sur ces articles, lors^.
qu'on vint lui annoncer que son frère , qui
s^'étoit rendu à mou boini, ne parpiseoif
plus sur^e ppnt. Cette nou^vseUel'inqniéta^
et sachant bientôt qu'il: y ^toit ari^*. ^
il ne fit plus le difficile^ signa ce. qua
ItoaYOulut, renfla li})erté>apx laptota.dfti
( t^>
Scî^Scm , et consentit à tout renitotirier.
Cet écrit fut signé de lui, de ses* deux prin-
€i^&tix ïUînÎBtïes et de son frèf e , qui par
ért-engagement obtint la liberté , et fut con-
duit au fort pai* mes nègres , lorsqu'on m'eut
i^endii lés deux habitans du Sénégal, qu'^^sî-
fhmù'Moc^t oTôit îéxl arrêter à son arrivée
à Podor.
Alors f engageai' ce prince à Venir me voir
ài!â<)^n bord. Mais craignant que je ne^ lé trai*
tâi^secommef avoistraité son frère, ilne vou^-
ïut jamais^ se fier à nié parole. Il interrogeât
\&^ laptotis, etsut d'eux que j'avois été l'année'
d'avant ésclaTè dkns lô désert et" à ]\ïarôc.'
Le Ifehdemain nbus^nous révîirte's^en âhiîs :'
iîfnie questionna beiaucoup sur lés forcés
d^ Mbngearts, dbsf Monseleminés , eT: jprïa*
cîpalement sur le caractère et lek forcés de
JMhuley^jdhdrarnène, fils de l'empereur dk
Ma]!^c, qu^il savoitf'être'à la tête'd'uri partS^
puissant dans le désert. Il n'ignotoît pas
que si ce prince venôit à pardttre sm* sëi
iferres , tous les Maures le reconnoîtroiént
àTînstantpour leur souverain; et ilvouloit^
ô^éclaîrcir sur lès intentions qu'à pouvôit^
rfvoîr.
Sy^Màlf^ sonfrènô , vintmé voir. Je Ib*
N 2
Bs désarmer aussi* tôt , suivant la coutume
des Maures. Je lui fis remarquer la force
de mes pierriers et de mes espingoles ; et
lui demandai si avec cela, un François ayant
Scipion pour capitaine , devoit, craindra
les menaces de son frère. Je lui donnai à
boire beaucoup d'eau et de sucre , et il se
retira vers le soir.
Le lendemain , étant au moment d^appa-
reiller, nousapperçûmes le canot de Scipion»
quivenoit du Sénégal avec des ordres du gou-
verneur. Je descendis de nouveau , et allai
trouver Admet Moctar qui signa un se-
cond engagement conforme au premier ,
de tenir compte sur ses coutumes de la
valeur des marchandises dont il s^étoit em-
paré. Il me fit présent de deux bœufs , de
dix moutons, de plumes et d^aigrettes d^au-
truches , et m^engagea beaucoup à venir
le revoir , lorsque je serois de retour de
Galam. Je le lui promis : et le quittai fort
satisfaits Tun de l'autre. *
Le vingt-quatre , à dix lieues environ de
Podor , nous apperçûmes le mat du bateau
leMaleîme, qui s'étoit perdu le douze',
ayant touché sur un tronc d'arbre qui Tavoit
fait couler bas. Scipion me demanda la per«
( ^'S7 )
mission de sauver quelque chose de son
navire ; et d'après mon consentement , il
dirigea sa route de son côté. On travailla
tout le jour ^ pour lever ce bateau ; on
l'approcha de terre , et sur le soir voyant
l'impossibilité de le mettre à flot , on se
contenta d'en tirer le grand mat , le beau-
pré , le gouvernail et l'ancre.
Le lendemain je perdis un laptot nommé
Bacary , appartenant à Isabelle-Nagot , chez .
qui je logeois. Cet homme étoit bon'plon-
geur. Il se jeta à l'eau , et aussi-tôt nous
le vîmes disparoître. Sans doute qu'il fut
emporté par un de ces caymans ou croco-
diles dont la rivière est remplie. Comme ,
on étoit obligé d'aller à la touë^ manœu-
vré qui accable un équipage , je voulus faire
diversion à la peine de mes gens , et au
malheur qui venoit de nous arriver. A cet
effet , je fis bien donner à boire aux laptots.
Le soir nous mouilliâmes près du village de
. Donguelle , où j'achetai trois dents de
morphil pour un peu de poudre. Une
lieue plus haut^ nous passâmes le rocher
de Gdioul^dem Diabbé , l'endroit le plus
dangereux de toute *la rivière. En revenant
de Galam , on peut, bien nommer cet en-
N 3
(198)
4rQit la gueuh du diable ; car oiifak f6^ de
ji^avaat let dss deux cûté$ sur les navires ,
dans le 'pii>xx^ei^ qù il faut vaincre les dif^
£cultés presqi^'invinoibles de passer ce ro^
cher.
Appli<)ué uniquement aux objets de corn»
xperce , ce qui étoit mon unique bien , et
n'ayant point assez d'aisance pour employer
«zne partie de mon t^mpç à faire dos re-
jKparques , je ne faisois que légèrement at-
tention à riiistoire naturelle t aux siteç et
aux productions de ces contrées. Paps toute
rétendue du pays appartenant aux Poules ,
pays qui commence à deux lieues au dessous
de Fodor , on ne voit que des forêts épaisses
qui couvrent les bords de la rivière , et
la rendent' fort mal-saine. Jamais un vent
frais n'a soufflé dans cette contrée. A la
chaleur horrible du climat , se joint To-
deur dangereuse des arbres en fleurs : odeur
qui affecte sensiblement les narines ^ et
à laquelles on n'échappe que par miracle.
Ce pays est rempli de bêtes féroces de tontes
les espèces : c'est l'immense réservoir dd
l'Afrique. Les serpens y spnt d'une grosr
seur et d une longueur prodigieuse i mais
ils n'ont pas de quarante- cij;]^q à çinquajgte
< ÏS9 )
pieds coâime rassurent quelques auteurs.
J'offris, d'unepeaude ces animaux, quipou.
voit avoir vingt-huit pieds > la valeur d'uà
esclave , inms on me refusa. Si Ton en trot^
voit communément de cinquante pieds de
long, comme le dit M. Adanson^ il est sûr que
mes nègriss m'auroient empêché d'offrir un
pt*ix ai énorme > d'une f>eau si commune.
Mais quand on a passé le tropique , il est
d'usage de dénaturer les faits ; et on appelle
alors dire la vérité , quand on n'exagère
que de moitié.
Les crocodiles sont fréquens dans ces
cantons ; c'est le lieu de toute la rivière où
ils sont en plus grand nombre ; sans doute ^
à cause du voisinage des bois ^ où ils peu-
vent se mettre à l'abri des chasseurs. On
bn voit très-peu au Sénégal ; encore n'est-ce
que lorsque les eaux sont douces. Ce qui
fait que pendant presque tbute Tannée ^ on
n'en rencontre qu'à quarante lieues environ
au-- dessus de l'embotK^ure dix fleuveé
Gomme les reqtlinà ne vont point dans
l'eau dotice , la rivi^e est toujours ^an-«
gereuse ; car les requins finissent où les
câymaiïs commencent , et pair conséquent,
dans tous les temps et «dans tout le courft
N4
( fiOO )
du fleure i on court un danger imminent
lorsqu*on ose s'y baigner.
Les hyppopotames , ou chevaux marins ,
se trouvent aussi en grand nombre dans
le royaume des Poules. Cet animal est
amphibie comme le crocodile : il vit éga-
lement sur terre et dans Teau ; il est plus
gros de moitié , que nos plus gros bœufs
cependant quelquefois il y en a de très-
petits ; mais quand Tanimal est parvenu à
sa croissance, il est extraordinairement gros.
On en peu juger par sa tète , qui , sans être
tout-à-fait proportionnée à son corps , Test
cependant assez pour en donner une idée
juste. On en a au Sénégal d'entièrement dé-
chaînés et dégarnis de leurs dents, qui pèsent
de i5o à aoo liv. J'ai vu des dents d'hyppo-
potame qui pesoient sept livres. Cet animal
ti'est pas à redouter dans ce climat. On a
peu de peine à le tuer : il n'attaque jamais;
et ne se défend que quand il se sent blessé.
Comme il est extraordinairement lourde on
a le temps de se garantir de sa furie, quand
on le voit venir ( i )i Sa chair est très-bonne ;
( I ) Uhyppopotame du^midi de TAfrique ii*est pas ap-
paremment de la même espèce; car MM. Vaillant , Spaar-
mann et Pacerâon en parlent comme d*un animal fort dan»
g^rcux et tr*s.difficik à tuer.
( SLOl )
on la fait sécher au soleil par tranches , et
elle se conserve très-long-teraps. La graisse
fondue forme une huile qui est excellente
pour faire du savon : les i^ègres l'emploient
à cet usage ; et leur savon , s'il n'avoit point
d'odeur , l'emporteroit pour la* qualité sur
le meilleur de Marseille. Il y a aussi dans
ce canton une grande quantité d'éléphans :
cependant jamais je n'en ai vu , quoique
presque tous les jours ^ je descendisse à
terre pour y tuer du gibier , et que de tous
les côtés , je visse de leurs traces.
Les aigrettes se trouvent en grand nom-
bre le long du Niger j mais celles qui portent
les plus belles plumes sont^ sans contredit^
celles que l'on rencontre à sept lieues au-
dessous de Podor , dans une petite isle ,
qui dans les mois d'août et septembre^ en
est couverte. J'en tuai beaucoup dans cet
endroit , et mes plumes avoient vingt-deux
pouces de longueur , tandis que celles que
je me procurai en rivière , n'avoient que
de quinze à seize pouces tout au plus.
Le a8 , le vent ne nous permettant point
dédier à la voile , je partis pour la chasse.
Je trouvai dans les bois un arbre qui porte
des fruits semblables à nos pêches. Je vou-
( 2oa)
loU les goûtw ; mais les nègres m'ayant
assuré que ce fruit est un poison noient j
je ne me souciai pas d^en faire l'essaL Son
noyau est presque semblable , mais beau-
coup plus gros que celui de rabricot.
Le lendemain vingt-neuf , sur les onee
heures du matin, nous entendîmes plusieurs
coups de canoH. Les laptots cra^rent que
c'étoit TAlmamy des Poules qui étoit arrivé
à Saldé , pour recevoir les droits qui lui
sont dus. Le 3o , nous vîmes descendre le
bateau de M. Pontret ; on le halla : et il
nous dit quUl aimoit mieux , et il avoit
raison , manquer le voyage de Galam ,
que de se soumettre aux: coutumes que les
Foules avoient établies en 1785 , à un prix
beaucoup trop fort. Il étoit François , et par
cette raison ) son bâtiment , quoique très*
petit , auroit été contraint de payw la même
coutume que les plus forts bâtimens. H
eût donné pour cet objet plus de moitié de
ses marchandises , et en auroit été pour la
perte de son temps , les fatigues du voyage
et celles de la traite à Tamboucanée ; au
Heu que s'étant chargé de mil à Soldée ,
il devoit se dédomniager à Is colonie des
(203)
faéoâBoes <pi'il aurait du faire > «'U eût pu
effectuer le voyage de Galam.
Le trente - un sklv le midi , bous arri-
Taasies à Soldé. Ce village est situé à une
lieue dans les terres , mais on mouille à sa
hauteur^ etc'est l'endroit où les Poules reçoi-
vent leurs coutumes. Quoiqu elles soient
réglées avec le gouven^eur du Sénégal et
les envoyés de Vj^lmamy , avant le départ
du convoi pour Galam , il y a souvent ,
cependant, des difficultés lorsquUl s'agit de
les acquitter. Le Tampsir ckoisi pour cet
objet y et le ministre de VAlmamy font
naître le plus de difficultés qu'ils peu«
vent ; ils veulent les recevoir toutes le
même jour, et ne permettent a aucun bâ*^^
tiraent de continuer sa roui» pour Galam ,
que tout le convoi parti du Sénégal ne soit
arrivé. Gomme l'air de ce lieu est très-
»al-sain , c'est ordinairement l'endroit où
le plus grand nombre des François qui çnt
la témérité d'entreprendre 4:e voyage , tom^
bent malades , et il n'en guérit que fort
peu.
Aussi- t6taprès notre arrivé , Saint- Jean >
qui commandoit le bateau le Maure appar**
tenaotà Paul JBenis^ se rendit à monb<>rd|
( ao4)
et m'apprit la mort de M. Bertrand , officier
du bataillon d'Afrique , qui commandoit
le convoL Les coups de canon que nous
avions entendus, n'avoient été tirés quepeur
ses funérailles , et non pour XAlmamy qui
ne Tint point cette année toucher ses
coutumes. Ce capitaine me donna la note
de ce qu'on e^igeoit» Gomme je nWois pas
encore fait le voyage , je ne trouvai point
les prix trop considérables, quoiqu'ils fus-
sent doubles de ceux qu'on avoit payés les
années précédentes. Les capitaines du convoi
s'assemblèrent à mon bord , ainsi que les
gens proposés par VAlmamy \ on fit de
part et d'autre des sacrifices , et les jours
suiyans , on paya ces coutumes , dont la
plus grande partie fut mise en dépôt sur
mon bord.
On se soumet à ces coutumes , afiii d'être
libres en rivière tout le temps du voyage y
de. pouvoir se promener à terre quand on
veut ; et d'avoir dans le pays les mêmes
facilités que les naturels. Elles sont deve-
nues très -considérables par la faute des di-
vers gouverneurs du Sénégal, qui ,' plus
attachés à leurs intérêts particuliers qu'à
ceux de la nation françoise , ont tous , les
( ao5 5
ans , fait j potir le Roi, de noureaux présens
à ces sauvages. Ils recevoient en retour
des nègres ,- et la valeur de ces captifs
passe^ pour appartenir au Roi. Mais si Ton
on croit l'opinion générale ,- elle passe
entièrement dans la poche de messieurs les
gouverneurs^ Les nègres de l'intérieur des
terres , qui ne savent point se contenter ,
ni évaluer le prix des choses , exigent, des
bâtimens européens , des' coutumes pro-
portionnées à celles qui ont été introduites
parTavarice des gouverneurs. En cette an-
née 1785 , la coutume payée à Saldé ,
monta à cinq livres en argent par barre :
ce qui fit 3i 25 livres par chaque navire ,
chargé deSîaS barres.
Cette coutume augmente en propor-
tion que les marchandises en rivière ont
une valeur plus considérable. Le baril de
deux livres de poudre , par exemple , est
compté pour quatre barres* Cent pierres
à fusils , pour deux barres , etc. La réca-
pitulation en barres dé rivière fît mon-
ter cette coutume à 889, au lieu de 625*
barres. Les nègres étant à soixante-dix bar-'
xes suivant les conventions de Galant , pour
oette année , on donna la valeur de doiize
( ae6 )
captifs, pour acquitter les coumiines r et cela
fit même davantage ^ car lepltia grand nom-
bre des barrea pa^éâGh à Saldé, furent des
barres pleimes , au. Ueu que dans le paie*
ment des captifs , on^n^en donne ordinaire^
raoDt tout au piua que quarante de pleines
par nègre ,; conmie on le verra quand je
parlerai du. commence.
Les gros bateaux des^ habitans nègres
payèrent moitié de cette coutume , et les-
petits, un. quart. Il vCj eut que le bâtiment
du Shérif qui ne^ paya rien. Comme cr
peuple a dans sa religion quelques fragmens-
decellede Mahomet,. onne croit pas justede^
faire payer un homme reconnu pour ètre>
de la famille du grand prophète : aussi se
contenla-t*an de SAibénédiotioni Je Voulus
essayers'ilssecputenteroientde 1^ mienne^s
mais ils préférèrent mes guinées et mes f»
sils , ce q^ii nous fit rire , mais principale^
ment le Shérif ;. car tout le profil e^t:de son*
côté.
La nation Poule.^,ovL Foul^fue ^ estune*
des principales qui occupent les bords du'
Niger. Cette nation^ poasède ^ le long de<
ce fieuve , une étendue de terre de {^us.der
cent soixante lieue& Elle commence au^^
( 207 )
dessous àe Podqr , à un eudroit nommé
le Qoq > sk^é à deux lieues du fort , et
fiait à Mfata^e , &>rt village , occupé par.tie
par dea Poides^y partie par des Saltigiuets ,
autre peuple peu uogabreux , et que Ton
confond assez ordinairement avec les Pou-
les^ Ce peuple n^est pomt aussi noir que»
les autres nègres : il eat cuivré , presque»
rouge j il a cependant de particulier , que»
les enfans de cette nation qui viennent au
Sénégal, et qui y passent plusieurs années,
deviennent beaucoup plus noirs. Les fem-
naes y sont très^ joUas. j» ce qui fait que les
blancs^ du> Sénégal OTit toujours le soin de
«-'en procurer quelques.- unes. Mais elles
sont^ d^uni lUAu^fMÛs. caractère : jamais elles
ne s'a^aclient à personnes ; et qucoid on a:
une? mai<aresse> de cetta nation , il £»ut la
veiller de près, et bien la châtier , pour
qu'elle ne fasse point d'infidélité à celui,
qui riionorade ^es faveurs. Alors la crainte
de la. bastonnade produit* ce que les égards
eti la complaisance na peuvent jamais o.b«^
tçair..
QuQi<|ue: la nation Poi^fohajbiJteun.des
pln»;beapxipays de l'jîifrfque ,. elle estce-
pendasitt très - miséralita. ; liss. peuples ea
( 208 )
sont lâches , cruels , voleurs et fanatiques à
Texcès. Us sont commandés par un chef da
leur religion , méprisable mélange de ma-
hométisme et de paganisme. Ce chef se
nomme Almamy : il est toujours choisi
parmi les Tampsirs qui sont au nombre
de douze. Les Tampsirs sont les inter-
prètes de la loi : ils sont les plus savans ou
les plus fanatiques. Quand V Almamy vient
à mourir > on lui choisit un successeur
parmi les Tampsirs. \^ Almamy a droit de
yie et de mort sur ses sujets ; cependant
il peut être déposé par une assemblée de
Tampsirs : c'est pourquoi il est de son in«
térêt de les ménager. Le paiement des cou-
tumes se porte chez VAlm^amy , et se dis-
tribue ensuite entre les Tampsirs. Quoi-
qu'une part appartienne à VAlm^amy ^ il
exige toujours un présent particulier pour
sa personne.
Le premier septembre , je dînai à bord
du bateau le Maure , capitaine Si Jean. Je
n'y vis point de blancs , tous ceux du convoi
étoiènt malades. Le lendemain au soir^
nous reçûmes un grain furieux. En vou-
lant me mettre à l'abri de la pluie , dans la
chambra du conseil , je tombai sur les
malles^
malles , j'eus les jambes fort écorchées s*
ma tête porta sur la table ^ et le lendemain
la fièvre me prit. L'inflammation étant de-,
venue considérable j on me seigna: je- ne.
tardai point à perdre connoissance , et je
ne la recouvrai qu'à mon arrivée à Galain ^■
le 4 octobre. Je vis surle journal de route^
que les coutumes payées aux autres princes
de la rivière avoient été très-:modiques j:
elles ne se montèrent , yaleur, du Sénégal^
qu'à 120 barres , y compris deux pièces
de guinées et un fusil à deux coups que
Ton avoit donné à Sirman^ roîdeOalam..
Je descendis chez ce roL Sa maison est
bâûe en terre et est stssez commode , coU'-
verte avec des roseaux en certains «adroits^
et de terrasses dans d'autres* On. eut che9
ce prince si grand, soin de moi^ que je
xie tardai point à reprendre des. forces.
Tous les jours jMlois>me promener, sur
les bords du fleuve. DeujE; nègr^s m'y pop-
toient ; et quaQd la chaleur commençoit
à se faire trop sentir , je revenois à. mon
gîte ; on m'y mcttoit sous une espèce
dehangard , où j'étois.à couvert des ar-
' deurs du soleiL
Jj^ê capitaines du convoi , ei; les mat*a*
O
( aïo)
bons du pays s^assemblèrent tons ches Sir^
man^ roi de Galam^ pour établir le prix des
esclaves. Il fut convenu à soixante-dix barres,
parmi lesquelles , on mêleroit quatre pièces
de guinées. Ce prix arrêté , on monta aussi-
tôt à Tamboucanée , escale principale
pour la traite des nègres et du morphil on
yvoire. Ce village est situé à quinze lieues
environ de Galant. Les sei^eurs des vil-
lages voisins , fâchés de ce que les Sétiégalois
cboisi^soient toujours Galam pour le rea^
dez-vous général , réunirent leurs forces ,
et vinrent attaquer le convoi qui , faute
d^eau , avoit été retardé à Saldé. Le bati-
znent du roi et celui de M. Yigneux rCeî*
voient pu encore monter à Galam , ils
tf^étoient arrêtés , l'un à Baqueïle^X lautra
à Courrai. Le Furet seul , qui ne tiroit que
sixTpieds d^ean , étoit armé suffisamment
pour se &ire respecter. Il mit à Finstant
à la voile , et s^avança pour soutenir la
convoL La valeur dé Scipion mon capitaine
étoit connue de tous les princes nègres. lis
a!osi^ent se mesurer avec lui ; sa présence
dissipa les factieux , et obligea les nègres k
se tenir tranquilles.
- .: Tombé malade à Saldé , premi^ endroit
((an )•
de séfour depuis mon départ du Fort^Louift^
du Sénégal , je n'ayois pu visiter les d^rerses
marchandises que Ton avoit embarquées en
balles à la colonie , avec beaucoup de hâte , .
parce que la saison avançoit. Alors je yu
àtai les marchandises pour fai^e passer les
inférieures les premières* Jetrouyai arec sur*
^rise que toutes les guinées étoient de mau«
Vaise qualité et avariées. Elles avoient sûre-
ment été reteintes en France. Les armateurs ,
^our plus de bénéfice, les avment achetéesv
& très-bas prix. Mal instruits , aveuglés pai^
Tappas dvi gain , ils furent cause. que je
manquai ma traite ; aucune de ces guinées»
i^^ayant pu passer pour le paiement déê
esclaves. Ce contre-temps m'obligea à cHan^
ger de marché. J^ordonnai à mon capitaine
de traiter tout ce qui se présenteroit avetf
les autres articles de la cargaison ^ et fi<
mettre à part les guinées les moins avMiées^
|>our les changer contre iquelques nègres*
Mon plan étoit de ^gner sur Tor et lA
morphil de quoi me dédommager des pert^
que la mauvaise qualité de mes guinées me
faisoit ëprouvw. Ten avois tout au plue
icent • vingt . qui à la r igueivr pouvoient passM.
Seipion les prit , et partit avec la éhaljjupe
O a
( ftia )
et rassortiment convenable, pour traiter à
Tamboucanée. Je gardai les pièces ava-.
riées y etme résolus de m^en servir pour les
échanger contre tout ce qu'on me propo-,
seroit.
La saison dés pluies étoit passée : le retard
essuyé pour le paiement des cputiunes à
Saldé , nous aVoit infiniment nui. Je fus
obligé, le 25 octobre^ de m'embarquer pour
descendre au Sénégal. Ma traite n'étoit point
avancée i je m'étois cependant procuré six
i>ègrcs avec mes guinées avariées. Je les
iiurois passé toutes, §i j'avois pu rester
plus long«temps ^mais ne voulant pas risquer
mon bâtiment. Je laissai. Scîpion aVec sa
chaloupe pour traiter suivant la coutume à
Tamboucanée. Sirman , rod de Galam ^ vint
çie conduire à bord. Il n'y eut point d'at-
tentions qu'il n'eut pour moi. Comme
j'aVOis été esclave à Maroc , il me regardait
avec ' surprise. Le ^ respect que tous . ces
peuplesont pour l'empereur, s'étendoit jus»
ques sur ma personne; car^ce petit roi me céda
sachâmbre et un bon. lit , tandis. que les
blancs chargés des affaires. du. roi dans le
convoi, n'étoient chez lui que sous des
rhangardsi M. Molinard,V^n d'eux, étoit im
îogéniènr que Vop. néiikicbiaxgé défledrèrle
pian de la riyière.^t:d'aller:apxjnmes d'oi?.
Il tomba malade » à Soldé , et momrut? à son
retour de Gaiàm au Sénégal.. : .:
Sirman\ roi de Gnlam , ainieheauGOiip le
via. Je lui en £s boire :tDU8 les jours que
je restai chez luî^; J^ayois cependant la
précaution de ne lui en donn^ .que 1^
soir ; et pour en avoir , il fajlpit qu'il lUe
fît rapporter mes bouteilles. jCQiqui fit que
le troisième jour de imoiSL^myée^ ilordoi^-
na à ses gens d-en pxèndire;:le p^^s ^and
soin.. U me conduisit à::bord y: et on fut
obligé de le rapporter à so^ yi]la^\^ant
bu outre mesuiré;^ pbur me prouver Jie cha-
grin qu'il avoit dô-me quitter.: Ce: prince
'm%Ybit*^^ej(ié? i3 graine <^de cc^ail; ^un^
: démi-filièré dr^m^ip^ ; , vingt^huit ^grelot»
d'argent et trois paires j3ke mai^Ues.tpour
ses &mmes« Il;de>^oit nie payer en: or ou
en morphil , !mai8^n''e^ ayant point , il me
'.:doiina> uii nègi:!e superbe , quoique 4es^ob<
<^)éts (que je .M avbid vfendu^. xie $e mou-
/tassâit qu'^à soii^ante-trois bfirres. Pour re^
^coismcâtre jsa générosité »: je lui Q$ présent
'dfun sabre à' pistolet , d'un peu ^de laine
/pour sea lemxuès Ve£ ppur sa favojitQ , qui
O 3
(214)
seule Itii aVoit donné des garçons «je lui of*
•fris quelques paquets de verroterie ,eteavi^
ron quatre onces de lainerouge. Elle aroit eu
le plus grand soin de moi; et je lui derois en
'partie-lerétablissement de ma santé. Toute
ma magnificence me coûta environ 36 sous*
' La &vorite du prince prétend être chré'
tieiiii0. Elle avoit été jadis la maîtresse
d'un nommé Labrue , chargé alors des af-
faires de la compagnie à Galam* Gomme
ée lut le roi qui m'apprit cette anecdote ,
je crois qu'elle suffira^ pour donner la me«
-sure de la délicatesse des rois de ces cantons*
^ Oatàm est un petit village connu seu-
lement parce qu'il est le lieu de rassemblée
des habitans du Sénégal « pour la couven-
'iiôn de la traite ^ et par un mauvais fort
^que les François y avoient fait ^xmstruire
du temps^ de Tandenne compagnie* Le
père du roi régnant avoit été laptot au Sé«
iiégaL II étôit né libre chee la nation nom-
mée Saracolet. Reconnu des nègres pour
brave , et parlant bon français ^ il avoit é^
plâpé par la compagnie dans le fort> en
qualité de courtier. Le grand Fouqutt de
^uago , chef du pays , lui donna en toute
propriété , le village de Galam ^ à ccmditioii
( ^^6 )
qa^îl èe diargerolt de recevoir les côttt^
mes des bâtimens européens* Son £ls , qui
«8t actueilement roi de Galant , fut élevé
au Sâaégal. U parle £^a^çois et apglois;
et lorsqde la c<M9ipagnie abaiidoxma le fort,
il s'empara des oimonS ^ se fit un parti dans
le pays , et se raidit redou:table à son 8pu<-
Terain dont il devint entièrement indépen^
dant/ Il a plusieurs villages qui reçoivent
ses loix. Il fait le plus grand accueil aux
Xaptotstlu Sénégal , et à ohûque voyage , S
en retient quelqu'un par ses bienfaits , suiv
tout ceux qui sont de la nation Saracolet^
car pour en avoir un-, il donne à leur na*-
tion plusieurs e^clave^ «A échange* . .
Les l^euples qui , dans cette partie de
IWfrique^ occupent les. terres situées entre
la rivière du Sénégal et celle de Gambie^i
sont tous Saracolets^' Il n.!y a de Galajr^,^
situé sur les bords dq Niger , à la rivière
de Gambie, qu'une journée et demie de
marche. I^s «S^sraco/ei^ reconnoissent pour
souv^r^aia le grand Fouquet de Tuago. Ces
peuptes -sont laborieux ^ ils cultivent M
terres avec soin : ils ont tout ce qui est né-
cessaire àija vie ) habiteiit de beaux villa g$.
bien bâtis ^ dont les cases e^ rond sont pour
04
( al« )
k plupart comrertes de terrasses ; le^ ray
très le sont en joncs , comme cellesdu Séné-
gal. Ce qui entoure leiirs 6asea est en terre
'd'un pied d'épaisseur. Les yiUages sont envi-
ronnés d'un bon mur déferre et de pierres
de deux pieds d'épaîssetir. On y entre par
l^lusieurs portes , qui, pet^dant lanuk , sont
toutes gardées , crainte de surprise de la
part de rerinémî. Cette nation est très-braye:
Il est rare de trouyer dés esclaves saraea-
lets. 11$ se défendent toujours arec avjyi*
tage contre ceux qui osent les attaquer. On
peut acheter sans * crainte les &aracolets
qu'on expose en Vente , car on n'a de ce peir
pie ( excepté en temps de guerre aTfec les
Poules) que ceux que les loix condamnent
pour quelque crime. Alors ces malheureux
n^échapperôient pas de Tesclavage , même
en se réfugiant dans leur patrie ; car ils se-
raient rendus* à Finstant à leurs maîtres ,
bu punis de mort , si le convoi éloit parti.
La religion de ce peuple tient beaucoup du
jnahométisme , mais encore plus de la re-
ligion naturelle. Ilsreconnoîssentun Dieu ,
et peilsent que ceux qui volent ou- com-
mettent quelques crimes > sont punis éter-
nellement. Us admettent la pluraUté det
( 217 )
femmes , et les croient toutes îmmoîtelle»
comme eux. Ils passent légèrement sur l'a-
dultère ; car comme ils se permettent plu-
sieurs femmes, ils ne sont pas assez injustes
pour punir celles qui se permettent plusieurs
tommes. Le troc est donc permis. On donne
Une femme pour une autre, à moins qu'elle
ne soit libre et naturelle du pays. Dans ce
dernier cas , on fait comme en France , on
ferme les yeux ; quoique les loix sévissent
expressément contre cet attentat à la pre*
mière des propriétés. Cette nation est voi-
sine des Poules : son étendue dans les
terres est inconnue r ce que l'on sait , c'est
qu'il existe quatre princes puissans qui la
gouverttent , portant tous le nom de Fou^
quet , dont le moins puissant , au rapport
des* Saracolets , est celui de Tiiago , qui
peut mettre sur pied trente mille hommes
de cavalerie, et dont les sujets occupent
deux cent lieues de terreîn , tant sur le
Niger , que dans les tertes au-dessus dtt
rocher FMou j lequel rocher , suivant leur
ïnèine rapport , forme des cataractes , d'oiï
sortent le fleuve du Niger et la rivière de
Cambie , aussi considérable que le Niger.
C^^é dernière rivière est plus navigable y
( »l» )
roule moins de sables et forme moins
de bancs. Son embouchure est à environ
soixante lieues du Sénégal , en y allant par
terre ; et à soixante-quinze , en doublant te
Cap-yerd.
Le a4 octobre , sur le soir , Scipion , qui
voyoit baisser les eaux à Tamboucanée ,
mavoit envoyé un nègre pour me dire de
quitter Galam. Je m-étois embarqué le
aâ sur les 8 heures du matin , mais mes
laptors n avoient point encore vendu leur
sel. Le second et le maître d'équipage vou«
lurent rester malgré moi. Cependant le 2S
voyant que tous les laptots étoient de mon
avis , et que sUls reiusoient de partir on les
mettroit aux fers , ils levèrent Tani^e et se
mirent en route. L^eau , pendant la nuit
du ââ au 26 , avoit baissé d'un^ pied , ce
qui ut que nous échouâmes à une lieue
environ de Galam. J'eus besoin , dans
cette position y de toute mon autorité |>our
empêcher les laptots de tuer le second et
le maître d'équipage , qui n^avoient point
voulu partir aussitôt que je fus embarqué»
Ils jetèrent tout leur sel à Teau pour al-
léger Je navire , mais tous leurs efforts ne
purent nous dégager. J ^expédiai un Smp^
( ^9)
ccfUt k Scipion pour Tiastraîre de la poaV
tioA dans laquelle je me trouvois. U par^
tit aussitôt pour venir me trouver. Comme
les çlieyaux spnt excellens dans ce pays 9
il £t la plus grande diligence ^ changeant
^ chaque village , et arriva le lendemain
vers les 4 heures du soir 1 à mon grand
étonnemeut, car il étoit éloigné de nous
d^enyîron seize lieues. Le courier que
î^avois expédié ^ avoit fait la plus grande
diligence , avoit trouvé des relais par-tout,
et étoit revenu avec Scipion. Ne pouvant
parvenir à nous débarrasser ^ après vingtr
4|uatre heures d'un travail opiniâtre , il n'en
fallait point tant pour décourager des nègres
qid n^auroient pas eu quelques blancs avec
eux t .^K q^i ne se seroient point senti oom*
9naB449r par le capitaine le plus expérimenté
de la cplp^ie* En arriv^mt ,. il ^t cesser 1^
travail des laptofs , leur £t prendre deux
heures de repos et de lu : nourriture > et en
pcit JtuJL-mân^. U cônnois^oit parfaitement
k rivière; ayant visité les passes , il vit
qu^U n'y avoit rien à craindre , ordonna la
pia^Kenvre^ et réussit ^ en moins d'uJM
dmd - heure , à nous remettre dans le
$aja£d.:lljre«tA vingt-quatre heures à bord^
^ôur {>arer les bancs les plus dâiigerênx ^
les fit tous éviter , sails que nous touchas-
isions une seule 'fois y et saiis fatiguer son
équipage. U nous quitta ensuite, après
avoir tracé la route , et indiqué au second
et au maître d^équipage , les endroits dan-
gereux de la rivière. Il vbuloit soutenir sa
réputation , et malgré la mauvaise qualité de
nos marchandises ^ il espéroit traitJér' avanta-
geusement à Tio^m^oz/c^i/^ée. •
A environ dix lieues de Galam , nous
vîmes le Bric , le Furet ^ n'ayant pu , faute
d'eau y monter jusqu'à Gâlam. Il étoit à
l'ancre devant Coùterat , dans un endroit
où il y a de l'eau toute l'année^ L'homme
^'affaire de la dOmpfignie , nommé Bâïdinal ,
-garent du directeur' du Sénégal ^ fiôsbit por-
ter à Galamydiitiè Sa chalou^é-^ toiltés ses
^marchandises ,' dans^ l'intention d Y pQBser
l'année. Il vifat me voir à mon bdrdtjefis
quelques affaires avec lui. Je'ini'célài Tarn*
*rej le corail et les grelots d^àrgeht ^i me
festoient, et je lui-prôcurai Uiï^éïkéÊèecofc-
sîdérable ,pai? cette opération qui'éfdît aussi
utile pour moi que pour lui:;>ca^|é'n^Vois
pas besoin de ces articles aufSëné^âl; Ainsi
apTè$ avoir teriuiné , nous Aofils Jéliàicàmea
( «21 )
inutueUem^nt de nous être rencontrés* Je
lUnstruisis . ensuite de la valeur des inarr
chandiscs que Ton vendoit en traite , yar
leur dont ,il, n'avoit reçu que de fausses no-
tiozis au Sénégal , ayant été trompé par
ses laptots depuis son départ du Sénégal*
Quand on est si éloigné de sa patrie , et
qu^on n^a aucune communication avec ses
compatriotes^ le plaisir quePon éprouve lorsr
qu'on a. le bonheur d'en rencontrer un ,
fût'il même votre ennemi , ne p»ut aisé^
ment S;09Lprimer , et encore moins se dé-«
finir. J^en fis une épreuve sensible çn cettô
occasion* Travaillant pour le commerce
libre , Je ne ppuvois croire qu'un employé
de la compagnie viendroit me voir , sur*
tout la maison à laquelle j'étois attaché ^
apportant à la. colonie les plus grands obsr
taclies/ à la réussite des projets de cette
compagnie. Le trente, je me séparai de ce
galant homtne , ayant lés larmes aux yeux ;
car quoiqu'il fût en bonne santé, et que je
fusse malade ; sachant qu^ son intention
étoit de passer l'année à Galara , j'étois
ponvaiiicu qu'il n'auroit jamais le bonheuç
de revoir sa patrie;. et je me flattoisj do
revoir la mienne. Il le croyoit comme moi ;
( aaa )
et nous airîons raison ; car il tomba ina-'
lade de fatigue huit jours après mon dé-
part , et mourut en peu d'iieures.
Le deux de novembre , après avoir passé
le village de Baifuelle^ sans nous y être ar-
rêtés , nous entrâmes dans le canal de
rtle du même nom. L'inexpérience du
inaitre d'équipage fit qu'il ne put a'oppor
aer au courant. Le navire se mit en tra«
Ters , et échoua sur les roches vers lea
neuf heures du matin. Pierre MambaB^
capitaine sénégalois, qui n'étoit venu à
Baquelle que pour vendre du sel, nous
envoya aussitôt son canot. J'y fis embar-
quer les marchandises les plus précieuses,
et une de mes malles. L'autre disparut k
rinstant , jamais je n'en eus connoissance}
sans doute qu'elle me fut volée par mes
nègres. Sur les dix heures , voyant la cale
de mon navire pleine d'eau , et le rivage cou-
vert des naturels du pays , qui pilloient tout
ce qu'on mettoit à terre , je fis porter sur
nie, sur laquelle on ne pouvoît se rendre
qu'à la nage , le reste de mes marchan*
dises qui étoient ^icorç dans mon navire ,
ist me retirai à bord de Mambao, étant
( a23 )
Guigné de mon nayire tout au plus d^unt
demi lieue.
J^aurois tout sauyé ^ si mes laptots n'a*
volent pillé eux-mêmes. Dans ce malheur ^
mes gens youloient se dédommager de la
fatigue du voyage et de leurs gages qu'ils
âuroient perdus i si mon navire Teùt ét^«
Ils volèrent le plus qu'ils purent, mais cela
ne leur profita point. S'ils avoient été tou*
jours à leur poste , les Saracolets ne noua
auroient point approchés > mes marchant
dises auroient été toutes sauvées , et mon
bâtiment secouru des autres sénégalois qui
^croient parvenus à le relever ; mais ils le
oroyoient perdu sans ressource , et enle-
voient tout ce qu'ils pouvoient dérober à
mes regards.
Amadi Tkioncoli , seigneur de Baqueïle y
aussi frippon que ses sujets , voulut profiter^
de mon malheureux nauirage. Il vint me
voir \i bord de Pierre Mcmhao , m'offrit
Sa maison et un bon magazin pour retirer
les marchandises que j'avois sauvées. Tous
les Sénégalois me disoient que je pouvois
me fier à sa parole , la nécessité m'en
foisoit une loi : je me vis donc obligé de
laisser porter chez ce prince tout ce qu'on
(M4)
EToit MUTé da naufrage* Le lendemain <,
cédant à ses sollicitations ^ Matnbao ne
Toolant pas s^exposer plus long-temps pour
moi , j'allai à terre , et me rendis au viUage
de Baquelte. On me plaça sous une es-
pèce de tente où f avois de Tair , sans être
exposé aux ardeurs du soleil ; et le premier
jour on eut de moi le plus grand soin.
Le grand Fouquet de Tuago , instruit
par son fils , qui étoit depuis plusieurs jours
à mon bord , du malheur qui yenoit de
xn^arriyer, yint à Baquelle ayec une escorte
nombreuse pour profiter de mes dépouilles.
Mes laptots jugèrent alors tout perdu. Ce
roi prétendoit , suivant Tusage des Maures ,
que mon navire , mes marchandises , mes
laptots et moi-même lui appartenions. Il
se seroit à Tinstant mis en possession des
objets principaux, sans la résistance du
seigneur de Baquelle , qui craignoit le re-
tour de Scipion mon capitaine.
J'ayois pris deux Maures à Galam pour
les remettre à Admet Mocùard ; ils disoient
à ces princes que j'étois Tesclave de Tem-
pereur de Maroc, et qu'ils s'attireroient
infailliblement l'inimitié des Maures , s'ils
ayoient la hardiesse de me faire violence,'
{sùi5 )
' G^ taîâons arrêtèrent le grand Fouçueh
Cependant mes laptots étoient gardés à vue :
ils ne pouvoient passer la seconde cottr,
et se crurent tous prisonniers. Quant à
moi , j^ayois pleine liberté^ mais je ne.
pouTois> marcher qu'avec peine; il falloit
que je me fisse conduire par des nègres.
Me promenant vers les dix heures du matin,
j'entendis un grand bruit , et «(pperçus le
seigneur de Baquellè , qui s^avançoit pour
juger un différen4 survenu entre un de
]nes matelots et un de ses gardes. Je ^
m'approchai , et ayant pris place auprès*
èiAmady^ je me fis rendre compte du sujet
de cette dispute. Le garde d^Amady m'a*
voit volé environ un seizième d'éoarlate j
mon laptot Tavoit vu ^ le lui avoit arraché,
ils. s'étx)ient battus , et le garde avoit été
horriblement maltraité ; il étoit tout e»
sang. J'eus bientôt jugé la cause. Je pris, le
^îzième d'éoarlate, et le donnaiÀl'homa^o
qui avoit été baltu. Je fis venir avec mioi le
Ûptot que Ton nommoit Sagot , et toûtei
Rassemblée se dissipa sans dire un mot. Le
ai^igiieur dé Baquellè môme n'exigea riea
4e plus , et vint avec mes gens me recoiin
diâre sous mon hangard.
B
Pe tout mon équipage , il ne me reelpit
que dix- sept laptots, dont quatre étoieathora
d^étatd'agp:. Car au moment du naufrage^
en sauvant les poudres j le feu prit sur le
pont à un petit baril, de quatre livrf s« Ce*
lui qui le tenoit fut tellement blessé qu'il
mourut le lendemain , et lee trois autres
qui Tenvironnoient eurent le corps tout
brûlé» Il n'y eut qu'un d'eux quL ne mou-
rut point de ses blessures. !MJ8s autre»
laptpts étoientavec Solpion^pour continuer
1^ traite. Je lui avois expédié. un courrier ;;
aipsi. qu'au commandant de.M« Vigneux
çt à celui du bâtiment de Hoi , nommé le
Bienfaisant*
I^T'ayant que treiza kptols en état dîagîr ^
}e ne poUTOÎA pas t<;nter de relever mon
bAtiment; d'ailleurs les Saracolets qui en
envoient coupé le» i^asioBuvrcs, enkvéleseor»
4*ges ne m'auroient pas laissé la liberté d'y
travailler* Jefus donc obligé d'attendre qu'il
meyiiit quelque renfon pomr Sortir du mau^
xralfi paa^dane lequel je me trerovois. Le ùx ,
•ept laptQtadéterminé&arrir&reatavëela dia*
k>iq>e de Basca. Ceaègre, connoiesant lemr
Wiu^e , me les aroit envoyés w^c ovàÉ^
de tout tenter pour xna sauves. Xis^ aiviioà^
Kkr wr les anse h^tifes dumatm, f^ya^tj^t
POi^te touftelanuit. Us jfte dirent qu'ils avoieiifr
iftt laaa hktimeat ; qu^ les Saracolet» 1 «^asl^
i^ûèrament -pâUé , en ayaut ôté toutes l«i-
x^as^isu^VT^s , il Bi'y avQÎt plus 4e remède
à^.moa walh^m* ; qu^ |e devoir* .plutôt
penser à sauver ma personne vP*ii«<ïtt'<Mi
m^^vk laissoit la^ liberté i que leur i^haloxipa^
étoh hmi armée 5 qa'ils alloieat prendre'
Iss^ marchandises, que j'ayois laissées à bor^
de MamkoQ ; et que je deyois tout teuter
pQ^r m^embarqu^ ayeç eux« Je suivis- leur-
avis. Sur les deux heures, je me ^eiïdis j^
1»^|:4 d^ Mamba0^ L.e garde qui me vil
sortir v»€ s'opposa;paiat à mon pass^ge^
y^^tr^tire B^e^ croyoit^OJOi trop (oible:^, pour
qê^T' »Wpo$er à la fuite : peut*4tre au^sft
^^la cojasldératiau et I9 respect qu'ilst
Ij^cMTtf^t à remper^ur d^ Maroc r&r^P^ qn -Us
a'esèreat point an:§t||r vm^ l^^omme qui lui
i^vott $^partenu« Quelles que furent fleura»
9i|isi^»iks.,|eme rendis pans être iiiq^été[%iii^
le ifîy«jg^>'d'où jeijsignail le bord de.c4/<?wwk
iad. het soir je m'eitetarqual fivee ^P^^^
4iii^ri^i«bdiaes« On ÊtxQute totite Iss nuit^
^ fdfwhral le sept sur les neuf heucee 4tt:
«iatin m bâtiment, que «eoima^doît^^c^
( 228 )^
Si tout autre motif qu^un naufrage m^eâe
conduit à Baquelle , j^aurois considéré avec
plaisir la position de cet endroit. Les mew
de ce yillage sont larges et bien percéed^-
les cases sont toutes en terre , environnées
degrandes cours, et presqûetoutes comrettea-
déterrasses. Les jardins sont beaux et -bien
situés ; ils offrent aux yeux , le long da
fleuré s une perspeôtîre des plu» agréables.-
Ce village est très-fort. Il contient envîroj»
trois mille habitans ; et si Ton peut doimer
le nom de ville aux habitations de ce^
contrées , Baquelle peut tenir le prenrier
rang. C'est la mieux fortifiée de toutes \e^
habitations situées le long du Niger.
A peine avois-|e prîstjueiqûe repos qu^on,
m'annonça Tarrîvée de Masse, mulâtre dti
Sénégal-, qui étoît un de mes gourmets, tt
é^'étoit évadé de Baqueîlë avec mon canot ,,
emportant avecliiî huit-cent livres envirbi»
de morphil , quarante pièces de guinéès f
qfuelqùes fusils et un baril de cent livres de
poudre.' TntHa laptofô déterminés parmi lea*
quels ^oit Sagoà , étoient venus avec hSf
Detnc deces laptots étoiôxlt Saracolets; lia
aboient sauvé les guiiiées dans leurs paquets^
et M'asse^ aasez adroit^ avoit obtenu du
( ^à9 )
teignenr de Séujuelle , la pei^ssîon de
tne suivre , faisant entendre à ce prince que
.puisque j^étois parti ^ et que je n'étois plus
rcn son. pouvoir , ii devoit le laisser aller
sie r^oindre ; que cette action de sa part
ûppaiserpit ma colère ; et que comme je ne
connoissojs pas la langue nègre , et que lui
Masse me servoifd^inteprète , il ne pouvoit
trouver un meilleur moyen de me faire
oublier le passé. Cet homme ne perdit point
ide temps ; et à peine eut-il obtenu cette
permission;, que sans parler de son dépavt
à personne , il se rendit à mon canot que
2es ^ens du pays croyoient appartenir à
M^mbao , s^einbarqua avec le peu de mar-
chandises dont j'ai parlé plus bai^t , et £t
le plus de diligence possible. A peine le
yit-on mettre à la .voile , qu'on le pour-
suivit du village de Baquelle : on £t feu
sur lui ; mais il n'étoit plus temps de s'op-
poser à son passage. Il gagna le milieu de
la rivière , et n%v%a toute la nuit sang
éprouver de dangers.
Masse , à son arrivée à bord de Basca ^
s'informa de l'endroit où étoit le bâ-
jLiment de Roi \ et ayant appris que nous
n'en étions p^isrélûignés , il me proposa
P 3
é% m^ombarquef dans mon ctnM pour
gagner ce naTÎre. Sortant d^une maladie
aussi onielle que celle que jeyenms d^ea^
auyer; n'ayant point eu le temps de me
rétablir ^ ni de reprendre des forces ; ee*
eablé par lés suites d'un naufrage , les dis*
|>utes continuelles ^ ^ BaqueUe , et ta £i«
tigue de la fuite ; ne yiirant que comme
les nègres^ c'est*&-dire> ne mangeant que
ee qui se rencontrolt ; tantÂt du mil erù,
trempé danâ de Teau ^ tantôt de la viande
i}n du poisson séché au soleil ; tons cessé
fncomihodé à' bord du narire de BarcM
qui avoit 107 nègres aux iers ; eirposé le
four sur ie pcmt aux ardeurs du soleil , et
îa nuit ^ pour éviter le serein , renfermé
dans la chambre du conseil où j'étois étouffé
par le maurals air , et la dialeur excès--
sîye qui y étoit concentrée , je n^avoîs pas
nne seule raison seulement de délibérer ;
tt bien m'en prit , car certainenrent je
ii'àurois pu résister à iëHt deinaûx réunis »
si je me fusse refusé k suivre le conseil de
te m'émbàrquài de nu$t avec lui , n'ayimC
^ue lès trois lâptots don€ j'ai parlé plus
IwUt M^ éspingëieis; éféieatit eii état tiA
les errangea sur le canot : on lés chargea
pour résister en cas d'atti^quei Ghacmn de
mes gens avolt un £n&l â deux toups , et je
partis m'abandonnant entièrement à leurs
soins. Nous f^meg trente- sept heures ^
a;ofl2te. J^arrirai le 14 v sûr los sept heures
-du matin, à fiord du Bienfaisant commandé
pjsr Thèvenoù , riche liabitant du Sénégal.
Axix peines physiques se foignùient lâs
peines morales. Mon bâtiment étoit abam
^nsié sur la rive des Satacolets ; ities ma#-
chahdîàes étoient ciispersées dans diveite
endroits de la riirière ; ûtee partie se troH-
voit À la merci dés nègres sénégalois ; A
6oipio^ qoittoît cet ^enârmt pour yenir à
^£€tf(jueile , Tautre étoit e^poéée \:hez Ip
«eigneair de ce village , q^ii lés regardoit
comme son bien. J^avois été contraint d0
laisiser douze nègres à bord de Mamhao ;
cet homme pouvoit me tromper^ et s^
laire prendre jsig^ nègres par \e% princes dft
.pays , moyennant \m& rétribution parti*
culièœ de» cas seign^i^s. Je connoissoi^
Mamhtto pour un voleiir détermipaé m,
itBsé ; je l'aycâs vu mVsiflever à %ovl bord
{>lnsîeuiis :objets : il me prij^ mémo mes ha-
«iûfs ^ la m^uvesque et «na idirap» J'^av^
P4
( !x3a )
donc tout à. craindre de sa mauvaise &>£•
Les seuls objets qui. étoieatensûreté 9 étoiei>^
les fusils et les guinées que j'âvois laissés à.
bord de Bascai c^étoient leâ seuls objets
que j^espérois sauver de mon naufrage* .
Cependant Thèvenot tacba par ses soins
de faire diversion à mes maift. Son bâti»-
ment^équtppé seulement pour le paiemait
des coutumes , étoit bien armé et: disposé
commodément* J'étois bien couché^ bien
nourri ;.et n^étaht plus exposé au siereiii>
.ni àFaxdeur du soleil^ ma fièvre diminua
sensiblement* Cette fièvre n^étoit occasion-
née que par la foiblésse'ot les fatigues con-
tinuelles que j^avois eu à essuyer. Je ne fus
pas liiiit jours à bord qu elle me quitta
entièrement. La rivière baissoit de plus en
plus ^ le navire tir oit neuf pieds d^eau , ,
;ce qui détermina Thèçenot h faire la plus
grande, diligence pour hâter son retour^
«t se mettre hors des bancs dont la ri-
vière est remplie. Malgré ses soins , Tex-
périence du maître d'équipage qui étoit à
son quarante-cinquième voyage , etletra--
vail non interrompu de ses laptots > on ne
faisoit chaque jour que très- peu déroute.
Là c'étoit un banc de sable qui s^ôpposoit;
( 233 )
à notre passage , d'un autre côté c'éloîent
des troncs d'arbres qui ayant été emportés
par le courant du fleuve, bouchoîent les
passes ; tantôt c'étoît un obstacle , tantôt
un autre. Pour comble de malheur , arrî*
rés à Saldé^ on nous y apprit qu'il y avoit
chez les Poules un parti formé pour arrêter
le convoi. Cette nouvelle engagea Thève^
not à partir à Tinstant ,* sans s'arrêter pour
traiter le mil. Nous touchâmes à la passe
jdn grand canal > à lo lieues au-dessous de
Soldé. Tl^%% Poules , qui nous observoient,
Revirent et vinrent nous attendre près du
rocher de Dquioul de Diahhé. Us espé-
rôient nous surprendre en cet endroit ; maïs
lorsqu'on eut sondé les deux passes qui se
^«fâPQUvent sur ce rocher , on se mit à l'ou-
vrage , et on se débarrassa heureusement.
Le capitaine avoiteu le soin de faire mettre
les marchandises et les malles sur une pointa
de rocher qui s'élève au milieu de la ri-
vière. Les Poules ne purent s'y rendre pour
taous piller. On perdit cependant le peu de
mil que l'on avoit déposé , suivant l'usage ,
sur la rive des Maures , pour alléger le na**
rvire , quand on est prte de ce dangereux
|»assage. Le Bienfaisant étoit le premier
f a34 )
bâtiment de retour ; nous notions pas sans
crainte pour les autres. Nous expédiâmes
un courrier par terre pour instruire lès bè-
timens du convoi, du parti formé pour
Tattaquer et le surprendre. Mais ce courrier
qui étoit delà nation des Poules^ aimamieta
s^arrêter au rocher pour profiter de la dé-
pouille du convoi , que d'avertir les bâti-
mens. Pourquoi , dira-t-on , se servir à^iax
courrier de cette nation ? c^est qu e cet liomme
avoit ses parens établis à la oolomie , qu'il
voulôit s'y fixer lui-rpême , et que tout
autre couroit risque d'être arrêté dans ces
pays. Nous ne recevions aucunes nouvelles,
nous ne voyons paroitre aucun bâtiment ^
ce qui noua fittsoit craindre que tout lè
xx>iivoi n'eût été arrêté. Nous pensions
bien que toutes les forces des Pi>ules
ne seroient point capables de s'opposer
aux Sénégalois réunis. Leur valeur, leur
coufage les mentoient à l'abri pour leurs
p^sonnes; mais les bâtimens n'aUroiént
puL éviter d'être pris , si les Poules eus-
sent eu la précaution de jeter des troâàcs
d'arbres sur le passage , près du ro^
cher. On avoît tout à craindre dans ca
cas. D'ailleurs les bâtimens ne se défiant
( a35 )
do lien j appuyés sur la foi des traités , nft
revenoient point en convoi. Six cents Sé^
négalois auroient eu bientôt nettoyé les
bords du âeuve , et famais les Poules «
quoique par milliers , ne se seroient exposés
à en venir aux niains , avec une troupe de
six cents hommes do la colonie. Le feu des
faâtimens les auroient éloignés , et les nè«-
grès sénégalois , descendus à terre ^ accou-
tumés aux armes , auroient eu bientôt dis#*
perse une qation aussi lâche.
Après avoir évité bien des bancs de sable,
nous nous trouvâmes de nouveau arrêtés
par celui d'Halièurum. Il fallut alléger la
navire. On y employa la moitié du jour , et
«ur le soir , nous vîmes paroitre le bateau
de Paul , commandé par Saint^Jean^ Gdt
habitant avoit été attaqué au rocher ; mais
$oii navire tir oit très -peu d'eau , et son
équipage étoit nombreux , ce qui fit qu'il
passa sans perte. Il m'apprit que Scipion y
le lendemain de mon départ , étoit arrivé
k Ba^uelle ; qu'il avoit relevé mon navire ,
fauve mes marchandises ; et qiie noue ne tar*
ëerions pas à le voir parottre* Il arriva en
effet , ie oaze diî déc^abre , à Downon^ ,
(236)
lieu d assemblée du cx>nyoî , au retour de
Galam.
Aussitôt après 1 arrivée démon courrier
à Tamboucanée ^ Scipion- déposa ses mar-
chandises dans divers bàtimens sénégalois ,
et partit aves ses laptots dans sa chaloupe ,
ayant interrompu toute traite. U apprit à
CoUerat que je n^étois plus à Baquelle \ et
quoiqu'on lui disoit qu'il ne sauvetoit jamais
mon bâtiment ni mes marchandises > il
continua sa . route dans cet espoir. Au
Heu de se rendre à Baquelle , il alla avec
ses laptots j visiter mon bâtiment qui étoit
abandonné sur les roches ; de-là il se ren*
dit à Tuago , se ^présenta au grand Fou-
quet , lui otfrit ses services , et s'engagea à
rester toute sa vie avec lui. Ce prince , flatté
de s'attacher un homme du courage et dft
la réputation de Scipion , lui fit beaucoup
d'accueil.
Scipion , le voyant disposé comme il le
«ouhaitoit , lui fit envisager qu'il ne pour-
rait lui être utile qu'autant qu'il feroit re-
lever mon bâtiment; que par. ce moyen,
ayant soin de Téntretenir , il pourroit trans-
porter promptoment^ ses troupes dans les
liei^x où la guerre l'exigeroit j que par ce
(237 )
moyen ^ ses voisins et les gouverneurs deê
diverses provinces le craindroient davan--.
tage et respecteraient son autorité ;. que
Sirman môme ne tarderoit pas à rentrer
danâle devoir, sur* tout lorsqu'il verrait'
que les laptots sénégalais se réuniroientà'
lui pour le soumettre. De tels idées furent
goûtées: Scîpion, pour la. réussite de son-'
dessein , se fit donner tous les cordages*
que les Saracolets avoient' enlevés ; aidé'
de leurs bras , il parvint , après beaucoup
de travail , à échouer le navire sur le sable.
Alors il demanda auJPouquet de Tuago de
lui . faire rendre ses laptots , qui tous ^ con-^
noissant mieux que les Saracolets la ma-
nœuvre^, lui faciliteroîent , avant le départ
du convoi, les moyens de rétablir le bâti-*
ment, chose qui deviendroit absolument
impoissible , si le convoi étbit parti pour
se rendre au Sénégal. Le seigneur de i?a^,
quelle rpçut un ordre , et Jaissa aller! les^.
kptots. Avec eux , Scipion vira le bâti-
ment en quille 9 et plusieurs bâtimens ^hn&,
galois , entre'autres le Maure, ayant paru,
il^prit nombre suffisant de Japtots, releya'
le navire ^ répara le dommage qui étoiç à
la quille , congédia les Saracolets qui lui
( 238)
avoient été mile», et se porta vers Baqueïle,
Sommé de tenir 8ft parole au grand Fou-
cpiet , il répondit que si Fouquet étoit roi
ffiir la terre , qne Ini Scipion Tétoit sur la
rijôèra ; qulL étoit dbposé au combat^ et
quhm Sénégalots. portant le titre defran-
cm 9 n^étoâ: point fait ni d'humeur à être
l'eselaipe d'un roi nègre. Le bâtiment ne
fiâsoit pkia d'ean; Sdpion se mit en tra«
iBta». aiPBG ses laptots seulement dans la
grande pas^e y en attendant les bàtixnens de
cecottc. U ayott trop: d^obligatîon à S. Jean
pour retenir sea laptots. Aussi à peine lé
navire £ut-ii réparé qu'il les lui renrdya* Il
oontraignit les laptots des bâtimens du con*'
vol de monter, à son bord , et avec eux ,
somma le seigneur de Baquelie de lui rendre
tbutesles inarchaaadisès dontils -étoitemparé
pax superch^é et par force. Sans doute
^Amadj fit quekjUe' difficulté ; mais elles
cessèrentbientôt lorsque Ion vit que Sci-
pion allbit tenter une descente pour brûler
}è yillage et enlever tout ce qui lui tomberoit
aoas sa madn. On se souvenoit encore de
Fédiec qu'avoit iieçu le Fouquet àTuago^
sept Ka% aiq)aravant , lorsque ce prince
fiiontimt sur ie tr^ae y fier de sa puis^
sauce , Tatrliit arrêter le convoi. Il avoit
douze mille hommes sous les armes , et fut
battu par Scipion qui ne commandoit que
huit cents hommes d« la colonie. Dans cette
occasion , ce capitaine nègre quoiqu'esclaye
fut recoimu pour général : il avoit brûlé
et détruit entièremenLt le village. Le roi
même étoit tombé entre ses mains ; mais
Scipion, content de sa victoire , Tavoit ren-*
voyé généreusement et sans rançon. Un
homme qui passe pour invincible , qui n'a
jamais ét^ battu ; que ceux qu'il commande
âiiisi qne ses ennemis, regardent comme un
héros y est capable d'easécuter ce que d'au-
tres n'oseroient entr^rendreavec le double
de force. Aussi le vieux jbnady ne voulant
j^oint exposer son village , étant d'ailleurs
hrouillé avec le Eouqué?t ^ auquel il n'avoit
pas votdu remettre lus mar^andiseis , fut
contraint dé capituler. Urenvoyadonctoutea
les mffîrclmëndises dont j'aW)is pris note :
M remir de plus deuàc barils de cent livres
de poudre ^^i m'étoîeût échappés , et qu'il
avtiit pri& potir dès barils de farine.
Les ci^itainès sénégalois ne youloîent
j^Oint pôUr ma cause exposer leurs mate^
lots , mais c^ braves gens , accoutumés ^
combattre soaa Sclpion^ ne connoissant
point d'autre chef que lui , ne purent se
résoudre à Tabondonner. D ^ailleurs ils
espéroient , si on en venoit au cooabat , de
profiter du pillage de Baçuelle* Us se
croyoicnt invincibles sous ses ordres. Tous
ces motifs les déterminèrent h se Joindre à
lui dans cette circonstance. Les choses pré«
parées pour le combat , Scipion se mit eu
route pour descendre la rivière. Déjà Tar-
mée deTuago étoit assemblée sur le rivage ;
ce prince vouloit se venger sur mon capi-
taine , et espéroit ^ à coups de fusils , lui
fermer le passage. Les balles ne faisoient
qu^efQeurer le navire, le bastingage mettoit
les gens de Scipion à couvert , et ses pier-
riers , dont il fit plusieurs décharges , eurent
bientôt dissipé des troupes indisciplinées
qui ne s'avançoient qu'en tremblant. Sans
perdre de temps ^ il cqntinua sa route jus-
qu'à Yfanne , ^eu de la demeure du. prin-
cipal ministre de rAlmamy des Poules. Ce
ministre lui apprit que les Tampsirs , peu
contens" de la distribution des coutumes ,
faite par TAlmamy , s'étoient assemblés ;
qu'ils formoient un parti nombreux, et
étoîent au rocher , à attendre, tous les
bâtiment
C 241 )
Ijâtirtiensàleui* rîBtouF, iScîpion alors se dis-
posa de nouveau à vaincre ou à périr. Il
expédia plusieurs courriers aux autres bâ-
timens du convoi, pour les engager à ne
marcher que réunis , poift* pouvoir résister
aux attaques des Foules» Gofiime son navire
tiroît trop d'eau pour attendre le convoi ^
il se mit en route , prêt à tout évènémenté
Son dessein étoît de s'emparer de la passe ^
de résister aux efforts des enne^mis dans ce
poste , et d'y rester jusqu'à l'arrivée du
convoi. Il espéroit avec tous les matelots
du Sénégal ^ repousser les forces réunies
des Poules ; se dédommager dés^ pertes du
Voyage par les prises qu'il espérôît faire srur
cette nation. Mais les eji^coïistances ôhafi-
gèrent sa résolution. Son équipage étoît de
beaucoup diminué. Nous aivîons perdu' cinq
hommes , et trois m'avéient aiccompagrué
avec un gourmet ; ce qui lui faîsoit n^uf
hommes de moins. Il en avoit eiicore laissé
u« à Galam , pour travailler atr rétablisse-
ment du fort. Ils ne se trou voient plus que^
vingt-deux hommes à bord , énéo^e la plù^
part tellem^ent exténués de la fatigue d'un
voyage atsssi périlleux , qu'il y avoit peti
• à compter eur leu^ secours. Dans cetttf
Q
( 242 >
extrémUé « il donna des armes à mes nègres
qu'il avoit repris à bord de Mambao ; et
comme ils étoient de la même nation quo
lui , c'est-à-dire Banbara , il n'eut point de
peine à les déterminer à se battre en cas ^
d'attaque de la part des Poules. Les choses
disposées de la sorte., il s'avança avec con-
fiance vers l'endroit de la rivière où il savoît
que les nègres de cette nation lattendoient
pour le piller. Quatre lieues avant que
d'arriver au rocher > il fit jeter l'ancre, et
se posta dans les bois avec douze laptots
déterminés , pour observer par lui-même
quels mouvemens faisoient les ennemis. Il
surprit dans cette occasion deux princes "^
qui se rendoient à l'armée , . les conduisit
à son bord , et les fît mettre aux fers. En-
suite, il leva l'ancre , et parut sur les sept
heures du matin dans la passe qu'il croyoit
la plus profonde.
Arrivé au rocher , il vit les deux côtés
du fleuve bordés d'une multitude innom-
brable de Poules qui poussoient des cris
de joie et se disposoient à s'opposer à son
passage. Il resta, suivant sa première inten-
tion , tout le jour oisif dans son navire; à»
Ijinuit , il fit sonder le3 passes; et il vit qu'il
lui manquoit plus d'un pied d'eau. ppur
passer sans y être arrêté. Au jour , il se
retira dans la chambre du conseil „
d'où il entendoit les cris des Poules qui
lui dîsoient : Scipion , tu ne peux plus nous
échapper ; tu viendrais dans iios terres ,
planter dés pistaches. Il'étoit irrésolu du
parti qui lui restoit à prendre. Son cou-
rage le portoit au combat ; mais il li'a-
Toit pas assez de monde pour se rendre à
terre , et repousser par la force , ses eu-
neâiis , timides à la vérité, mais nombreuXi.*
Le convoi étoit encore éloigné de lui , il,
ne pouvoit se résoudre à rester plus long-
temps dans rinactîoÂ...ÏÏTisa*dêâcd^riisef
et elle lui réussit. Au soleil couché, ayant
observé l'endroit où se tenoient les Tamp-i
sirs qui commanddient les Foules , il sa^
jeta à la nage , le sabre à la ceinture et.lo
fusil sur la tête /suivi* de douze d© ses^
gens. Il attaqua les Poilles qui prirent la
fuite y et s'empara de six princes qui ne
purent se soustraire par la fuite : ils furent
obligés de se rendre à bord à la nage , Qi
furent ïriis aux fers. ' ' .
Le lendemain les Poul^ voyant qu'île ^
a'aYoient plus tous leurs chefs , envoyèrent
( 244 >
un homme à bord , Scipion les lai fit voir ,
et lui dit d^annoncer aux Tampsirs , qu9
s'^ils continuoient à Tattaquer et à le trou*
bler dans sa manoeuvre ^ il avoit résolu
de leur couper la tète ; que pour lui , il
ne les çraignoU pas } quUl attendroit le
convoi ; qu alors mettant le feu à soa bà«
timent^ il débarrassQroU la passe ; et qu^aidâ
des $énégaloîs , il xpa^^crerpit tous le)9
Poules qui se présenteroient devant lui*:
Cette résolution rendue aux chefs» , les en^
gagea à envoyer u^ s^icond émissaire à
Scipion, pour lui dire qu^ ^'11 V0.vk>it rendra
les princes « on. le UUs.eroit agir comme il
voudroit. Se fier à U parole desi négoces ,
d'est s exposeï: à, en être, la dvpe» Aussi ^
Scipion ne voulut ont^ndroi à rÎQn* Mais
lorsqu'il eut donxiié sa. paroilei (^a» si on ne
ri^n.quetQÎt pas , il do2m€ir^t 1^ libejrté à ses
prison^ier9 auasi-tôt <|u^il, at^rtit passé le
rocher % on le laisse^ ^re to^t ee qu.'il vou«
lut. Depuis deux îoufs ^ l.^em balsGoit de
plus en plu$ , et la pat^se^deyenoit d^ moio»
en mpins praticable. pQur t^^ssât , U ledloit
alléger le navire , mais où meXtj:^ les mar-.
chandises ^ le rivage étaxit cQxivef t d'enne-
luis ? Ces raisoxxs en^a^èreot Scipion , ppuç
(245)
«KtiVér le bâtiment, à accorder airx Tampsîri
trente pièces de guinée ^ quatorze fusils à
deux coups, quatorze barils dé poudre et
dix fusils fins. Pour sûreté de sa capitula-
tion^ il eiîgea qu'on lui envoyât le fils du
Taliipsir qui commandoît les troupes , c^
qui fat exécuté sur le thscmp ; et les Poule»
eus:- meniez Taidèrent à passer cet endroit
dahgefeui^. Scipion aurbit pu attendre le
convoi et" îi'auroît riteil donné , mais il
vouloît par ce léger saicriflcé , sauver un
bâtîmèrit qui lui avoit donné tant de peine
à ôônserter , et qui eAt été imfnanqùablé*-
inent pbifâii , si le cônVtfi eût énéore tarda
huit jours à paroitre.' '
Des évènemens aussi miiltipliés nié »•
rent perdre tout le fruit de la tWîte :. on
lie put sauver des metrbliàttdûés avariées"*,
qù'enviitm i5o mauVaii^es pièces deguinées ,
12 nègrés\ 154 gros d^dV ,^o6*Uvresde mor-
phîr et 56 Tyariqués de rtiiV. *Jf*âvôîs kéqiiî^
beaiiôotip'de morpîîtf ^^mai^é/^ôn méf en-
leva kBàquelley klnifqiieîâ maîledémei
bardes qui renfermait tfénte-ïiuit riiarcil
deux ôtices d'or que Je iil'étois procuré à
Galant , avec mon 'èorkiî , mon ambré , ma
(a4tf )
pOttdre , ma reirpterie et npies grelots d'ar-
gent.
Sciplon j mon capitaine , ne cesaolt .d^
me répéter que s'il lui eût été permis do
faire prisonnier^ . cepx; qui Fattaquoient
pour lui ôter à iui-même 1^ liberté, que
mon expédition n^auroit point étéiQai:Lquée»
mais l'ordre des gouverneurs du Sén^al
est , qu'on ne doit que se défendre et ne
rien prendre dans le, pays ; ce qui fit que
Scipion^ qui naturellement pouyoit user
(le. représailles, ayant huit princes aux fers
\ son bord^ les £t conduire à terre avec sa
cliaipupe. On ayoit profité de la, position
ou il étoit pour lui enlever ses marchan*
dises , et il ne put profiter de celle quedui
donnoit la prise de ces hommes , pour se
'dédommager*. Certes des coutumes de cette
'nature sont d'autant plus inju^t€;s..qué les
naturels du payseix profitent tqus, les jours
pour rançonner, les b^timens eixropéens que
le commerce attire dans leurs cantops» Le
proËt que retirent.^es gouverneurs ^ comme
i'e l'ai dit plus hai^it ^ est cause (^e ces abus«
Is sont payés, d^s pçinces nègres qui. se dé-
dommagent au. centuple sur les batimens
qui s'exposent à ces sortes de voyages sur
la foi des traités»
( M7 ) ;
Nous restâmes encore six jours à Dou--
mons^ à attendre le convoi. Nous avions
expédié les courriers pour en avoir des nou-
velles ; il ne paroissoit pas. Un marabou
fut le seul qui ,nous disant à tous notre
bonne aventinre , nous assura que nous ne
tarderions pas à le voir paroître. Ce même
marabou m'avoit prédit quinze ^ours avant
que je reverrois mon navire et Scipion ,
mais qu'il auroit eu beaucoup de- peine.
Malgré la vérité de sa première prédiction ^
nous ajoutâmes fprt peu de foi à ses dis-
cours. Nous crûmes le convoi perdu , etcon*
tinuâmes notre route pour le Sénégal , au
nombre de six bâtimens. A peine cepen-
dant fûmes-nous arrivés à Podor^ qa^on
nous donna nouvelle que tout le convoi
avoit capitulé au rocher ^ et qu'on ne tar-
deroit pas à le voir paroître. Cet avis nous
£t suspendre notre route ; et nous vîmes en*
fin avec beaucoup de satisfaction- arriver
le convoi sur les.deux heures du matin ^ lé
troisième jour de notre arrivée à Podon
: Ce n'étoit pas assez que mon bâtiment
eût fait naufrage, que j'eusse été obligé de
capituler au rocher de Dquioul de Diabbé,
il falloit , pour que lucrn malheur, fut corn*
Q4
( 5^48)
plet , que le aavire $ur lequel Sclpton ayoit
laissé ses marchandises^ à Tamboucanée^
coulât bas , et que celui qui portoit son mor*
phil, iiit pUlé au rocher : et tout cela arrivct.
Le morphil fut entièrement perdu , et les bâr
timens sénégalois ne me rApportèrent que
les deux tiers des objets SAUTés du nau*
frage du bâtiment qui pprtoit mes marv
çhandises. Ce bâtiment fut entièrement
perdu y et Th^bitant pègre ne put sauver
que ses captifs qui le dédoinmagèrent foi->
blement de son voyage et de son bateau.
Un miracle avoit s^uvé le convoi : sa
capitulation au rpchqr fut peu coûteuse ;
car des pluies abondantes survenues ^
firent que lorsqu'il se présenta à la passe du
xocher I il y avoit cinq pieds et demi d 'eau ^
où huit jours avant, il n'y en avoit que
troi^ pied§. Sgns cette heureuse circons-
tance le convoi étqit perdu ; on n'auroît
yn au Sénégal que lès habitana qui y se<
l'Oient revenus par terre. . Mais point de
nègres , point de bâtimens , point de mil y
point de marchandises. Un malheur aussi
grand aurait plongé la colonie dans la der*
pière des misères, ces bateaui^ servait
toute Tannée en rivière pour se proon^ep
( H9 )
Ib mil nécessaire à la subsistance. Unéy&«
nement de cette nature suffiroit pour prou«
ver la fausseté des écrivains , lorsqu'ils as-
surent que ce pays fournit abondamment
tout ce qui est nécessaire à la vie.
M» le marquis de Beccaria avoit été
nommé par le gouverneur pour remplacer
M# Dachozel commandant du fort de Po-
dor X il arriva le jour que je parus devant
ce fojpt, Il m'apprit la mort du jeune Flo-
qu^t et des divers blancs qui n'avoîent pu
résister k lachaleun Ce jeune homme étoit
aimé des nègres , sa perte leur fut aussi sen«
sibJe qu'à moi, sur- tout à Scipîon qui
lui étoit sincèrement attaché. M. Ducho-
zçl s'embarqua sur mon bord ainsi que le
gérant de la compagnie à Podor: Ce dernier
ne voulut point aller dans les bateaux de
cette compagnie : je le reçus à cause de
son état « malgré les mauvais procédés que
j 'a vois éprouvés des administrateurs du Se*
négal. Noua partîmes de Podor avec un
vent favorable et de forts courans qui nous
r^Q^ÎTent biçntÀt à la oolonie , oà nous dé-
barquàmea le 24 décembre 1785 , ayant été
quatre mois et huit jours à faire ce malheu<*
wu* voyage.
(25o)
Podor j est pour Tair , Tendroit le plus
dangereux de tonte cette partie de TAfrî-
que. Le village et le fort sont situés sur
les bords du fleuve dans un endroit du
pays appartenant à la nation Poule» Le
fort a été construit par les Anglois. Il forme
un cercle , et a quatre tours. U n'est point
environné de fossés , est éloigïié du fleuve
d^environ deux cent toises; ce qui fait ,
qu^en cas de dispute avec la nation Poule y
elle pourroit aisément couper les eaux au
détachement qui y seroit en garnison. Ge
fort n'est utile à rien , puisqu'il ne peut
défendre les bâtimens qui sont en rivière ,
ni être secouru par eux. L'insalubrité de
Tair est causée par les marigots qui l'en-
vironnent , et qui ne sèchent presque ja-
mais. C'estvouloir entièrement abuser delà
confiance du public, que d'oser dire, comme
le fait M, Adanson , que c'est un bon pays ,
puisqu'on ne peut se . procurer les vivres ,
Feau et le bois , qu'en les ailant chercher
bien loin dans les terres.
La fièvre , qui m'avoit quitté , me reprit à
mon arrivée au Sénégal. ^J'avois perda
mon compagnon de fortune. Toutle monde^
c'est-à-dire, tous les François, d^a lactK
( 252 )
IcHiie.j me traitoîent de fou. Le gouver*
iieur même avoît cette idée , quoiqu'il ne-
m'eût jamais vu. Mes malheurs passés, il est
vrai , m'avoient telleip.ent absorbé , que je
ne vouloîs parler à aucuja blanc. Je n'étois
point de leurs parties. Je les regardois avec
une espèce d'horreur. Leur mauvaise foi,
dont j'avois vu tant d'exemples , me les
rendpit odieux. Trompé par les blancs ,
trompé, par les nègres, je ne voulois me.
fier à personne. Je. ne. pouvois avoir au-
cun compte de l'aîné de la maison de
commerce dans laquelle je travaillois. Je
le trouvai, aussi peu de bpçuie foi que les
f utres j ce qui^fit que je rompis entièrement
avec Tuile seize février lyÇff, Je m'apprÔT
tois à r.etourner en France pour rétablir ma
santé que des fatigues au^si cruelles et- un
ypjage aussi pénible avoient beaucoup alté*
rée. .Ces. raisons firent ^qu'ayant besoin de
repos , je terminai toutes mes affaires assea
mal pour mes intérêts, J'attendoisl'occasion
de m'emba^rquer pour la France. Craignant
]fi réyolte et le mauvais air des négriers^»
jene vQuJbis pas aller par l'Amérique. Dalaa
ce^ circonstances le capjitaine ClouëtDubui»*
êon du Havre 9 commaudant le Furei ^'il
(252)
at Oit réparé , et qui de voit, après un mois cT^
aéjour à Corée et isle du Cap-verd , faire
route pour le Havre , m^ayant proposé de
l'accompagner , j'y consentis , et m'embar-
quai avec lui , ne voulant point attendra
le départ des navires de la compagnie ^ qui
dévoient embarquer de la gomme , et qu'on
n'avoit point encore vu paroitre. On n'a-
Toit pas même encore connoissance des
expéditions de France , pour cette partie
du commerce qui est la plus lucrative. En-
fin le s6 , nous passâmes la barre. J^eus>'
en cette occasion , une preuve certaine de
Tamitié que' les nègres avoient pour moi.
Ils vinrent me conduire , et tarit que le
navire fut sur ce ^dangereux passage , ilS'
étoient nuds^ sur le pont , prêts à tout ten-
ter pour me sauver en cas d'événement.
Je voiilus récompenser leur zèle ; mais ils
Éie' remercièrent, et ne voulurent rien* de
fcoî m du capitaine.
- Il étoît onze heures environ lorsque lious
fûmes en mer, et lé lendemain sur les huit
heures du matin nous raouillâihés dfins ïa
tsièè de Corée. Cette île n'est qu'un t^Sté'
rocher- qui ne peut rien produire ; cépéh-'
cïaAttîl y a quelques jardins qui foarrltifeéht^
( 253 )
lin peu de salade. Il n^ a point d^ean danf
cette colonie y quoiqu'il y ait trois petites
sources sur la montagne. Ces sources
sont gardées avec soin , elles sont réser*
Tées pour le copimand^mt , et ne fournissent
de Teau que pour ses besoins. Souvent
même les. commandans. sont assez inhu«
i;nains , lorsquHls en ont de trop , pour la
refuser à leurs compatriotes«^Ils «iment
mieux la laisser perdre ou la faire employer,
à larer leurs linges , et c'est uniquement
pour s'éviter la peine de répondre aux de*,
mandes , ou comme ils le disent , pour ne
point faire de jaloux. Cette conduite est *
cause que les blancs et les nègres sont obli-
gés d'en faire venir de Dacar , village voi-
.sin ) ou d'autres endroits , suivaaat les lieux
pour le^cyiels- on fait des embarquatîons.
Cette e.au ^ apportée dans àes bariques, a*
toujours un ^ût détestable : elle est cor<«.
rompue dès le second jour. L'air est beau^
coup plus^ sain à Corée qu'au Sénégal ,
sans douteparce que cette isle est environ^^
née de la mer ^ et qu'il n'y a point de ma-
rigots dans leSr plaixiee de la grande terre«
I^ pays, est habité par la n>ême nation que
c^lle qui est au Sénégal , c'est la natioa
( 254 )
Yolof. Les babitans de la colonie sont tous
de cette nation. La population est peu nonL«
breuse , cependant elle fournit plus du dou«
ble de monde que ne Texige le commercé
qu^on peut y faire, car jamais on n^y a fait
la traite de plus de cent nègres par an ;
encore faut-il se porter à 3o et même à
4o lieues le long de la côte pour se les pro-
curer. Il y aroit en rade plusieurs navires,
dont un de Honfleur , qui avoit perdu tout
son équipage par la maladie , excepté le
capitaine et le sous-lieutenant»
Suivant ses ordres , le capitaine Clôuët
Dubuisson voulut se charger de cire et de
morphil; mais quelques jours après son
arrivée , il reçut l'ordre de ne point partir.
Alors il se démit de son commandement et
s^embarqua sur la Sayonnaise. Cette ga-
barre conduisoit en France M. ie comte
deRepentigny qui venoit d'être remplacé
par M. le chevalier de Boufflers. Cette ga-
barre du roi étoit commandée par M. Ker-
pel^ parce que le capitaine Echouard s'étoit
noyé en voulant passer la barre du Sénégal ,
contre Tavis ^%s laptots nègres»
Suivant mes arrangemens avec la maison
que je quittois , je de vois toucher mon
( 255 )
paiement sur la cargaison du Furet. Ce na-
vire , ne se rendant point en France , il me
fallut retourner au Sénégal. Le malheur
arrivé à M. de la Echouard , la perte , sur
cette même . barre ;, de deux bâtimens ap-
partenant à la compagnie , m'em^pêchèrent
de m'embarquer, J'avois repris des forces,
l'air de Corée m'avoit rendu la santé : je
me déterminai à entreprendre le voyage par-
terre.
A peine le navire-, le Furet , fut-il à la
voile, que je découvris, un matelot à terre
qui me paroissoit suspect. Je le fis arrêter
par les nègre^. Conduit devant le com-
mandant, ce matelot avoua qu'il s'étoit
caché pour n'être point complice des cri*
mes que commettoît un navire.Bermudien,
qui sous le prétexte de prendre des vivres,
étoît venu quelques jours de relâche à
Goré^ Les dépositions de ce matelot m'in-
quiétèrent beaucoup ; je craîgnois que ce
navire berpudien ( qui étoit véritable-
ment, un forban , rçiais , qu?on. n'avoit pu
reconnoître pour tel à la colonie , à cause
de ses papiers qui étoient en règle) n'eût
formié le dessein d'attaquer le Furet. C'étoit
bien son intention. Mais le Furet , qui étoit
«scellent Yoilîer ^ ne se laissa point appro*
cher. 11 revint soas le canon du fort ^ et non tf
vSmes le bâtiment bermudien s^éloignen La
gabarre du roi la Bayonnaise , qui étoit à
JSen pour laire de Feau et du bois , avertie
trop tard , ne put lui donner chasse. Peut--
être même , en cas de combat , auroit-elle
eu le dessous ^ car ce bermudien avoit soi-
ocante honunes déterminés , à son bord , six
obusiers de trente-six, et douze canons de
vingt-quatre. Il étoit* excellent voilier, et
avoit résisté à deux frégates portugaises qui
lui avoient donné chats^ sur les côtes du
BreaiL
Je partis de Gorée le neuf avril sur le
soir , et allai coucher à Dacar chez le ma*
rabou du village > d^où le lendemain je me
mis en route , escorté du fils du marabou
et d'un nègre du Sénégal nommé Wally.
JWois un cheval arabe ; je le montai peu,
ayant poux compagnon de voyage le plus
feune des Floquet qui étoit venu à Gorée
avec la Bayoïumiâe. Nous arrivâmes enfin
le quatorze à neuf heures du soir , après
C£nq îours de marche ; toujours couchés à
rinjm'e de Pair, et maarchant sur les bords
di^ la mer ^ exposés à toute Tardeur du
soleil
(257)
soleil. Il étoit bien tard pour entrer à la
colonie , cependant Suerguy , uii de nos
gourmets dans le yoyage de Galam , m^y
passa dans sa pirogue, sans être apperçu
des sentinelles*
4
Ma santé se rétablissoît à yue d^œil ; et
ce voyage loin de m'avoir affoibli , n'a voit
fait qu'augmenter mes forces. Je me dé-
cidai donc à rester au Sénégal pour y tra-
vailler particulièrement pour mon compte.
Je voulus m'arrauiger avec l'aîné des Flo-
^tfet; je consentois à de gros sacrifices pour
terminer ; cependant il trainoit toujours ea
longueur , ce qui me contraignit , pour
tirer quelque chose de lui , de m'embarquer
sur le navire l'Espérance , de l'Orient, appar^
tenant à MM* Lavuysse-Puchelberg 'et eom*
pagnle , capitaine Everared de Dunk.erque«)
Gè navire étoit venu avec tme expédition d«
France pour traiter de la gomme à Porten-
dic \ cependant; y il fut saisi par ordre du roi.'
Les difFérens qu'eut le capitaine à ce sujet
avec les administrateurs de la compagnie , le
3?etinrent environ u A mois au Sénégal. J'y
étoxs oisif ; je m'ennuyois on ne peut davan*
tage. Le chagrin d'avoir été exposé à tant
de dangers , et de perdre encore malgré moi
le peu que je possédois p me plongea dans
R
( 258 )
un anéantissement qui me redonna la fi^
vre, Etl'on fut obligé , quand le navire mit
à la voile , de me porter k bord , où j'arrivai
sans co^IU)is9ance , le trente juin 1786. J'y
avois fait embarquer une partie de 80a
peaux de vacKes salées. Les nègres me firent
passer la barre dans la chaloupe de la
compagnie. MM. les administrateurs n'a*
yoient point voulu me la louer pour cet
objet; mais ils y furent contraints ,car les
nègres refusèrent opiniâtrement de travail-
ler pQur ^ux 9 que ^ préalablement , ils iie
m^euj»$ent mis à bord de l'Espérance. Soi*
pion , mon capitaine ^par^a ai fortement ^
qu'ils ne purent résister. lime conduisit en
personne , et ne me quitl» que lorsqu'il
mç vit en $ûrQté«
CH\p^iA.âir«av$c. vérité» que si la corn*
pagni^ est détestée d9tn$ la colonie , qu elle
le mérite à tqua égards. Après tous les ser-
vices qxi^ je lui avois rendus gratis , ce der-
nier trai|: me prouva le cas que l'on doit
£9Lire 4^ s^s admiiûstrateurs ; et j'espère ,
si le commerce câs&e d'être exclusif, de
leur en prouver ma vive recoinnoissance'
avant que de mourir*
On leva Tancre deux h^ires après mon
armée à tord i ce fut I0 tr^otte juîa
lySff. La navigation ) quoique longue^ fut
<le^'plus heureu^es^ Ma santé se rétablit en«
tîèrement pendant la traversée , et nous
^xîtrâines à l'Orient îé â3 août i'^.
Quel que sJiit mon sort à l'avétur, jç
l^nse qu'il ne pént^ être plus maiheureu3C
qu'il Ta été jusqu'à ï3e jour. (Te^t dans cet
espoir > que ixt 'abandonnant à le prdvî^'
^ience, j'attends" que la Ibftuné, lasse dé
«le pe^8écute^^, tn'ofifre «nfin uA îaoyeti
honnête deine £èdre ttn sortqiditné metter
4iu-des8us de ses ^priées.
Fin de Ja dsuooième parii^^ ^
!) >.. . :
R*
TROISIÈME PARTIE
Commerce du SénégaVee de Galam.
\^ uoiQTJE . les opérations . du commerce
du Sénégal paroissent si simples , que même
ceux qui n'ont jamais été élevés dans le
commerce: , Sje persuad^i^t aisément pou-
Toir y réussir , elles som;^^ cependant des
plus compliquées , et exppS;ées à mille diffi*
cultes qui demandent des gens expérimen-*
tés et àBpB les affaires ^t dans la cou-
noissance des hommes. Quiconque n'est
point au fait de ces deux points > ne doit
pas s'exposer à travailler au Sénégal ; il y
trouveroit bientôt la peinte de sa fortune ,
malgré son assiduité et son travail , quel-
qu'opiniâtre qu'il fàt.
U faut considérer qu'ayant à traiter avec
'diverses nations , ce sont autant de ma-
nières différentes de se conduire. Les ai*
verses saisons donnent aussi des variations
dans les opérations. La stérilité de la co-
lonie > les difficultés de la barre pour en-
tser en rivière, sont encore des causes qui
nuisent beaucoup aux affaires. On ne peut
point travailler au Sénégal , comme dans
( ^1 )
les autres pays. Celai qui se èontehteroit
des opérations de la colonie seule , ne réus-
siroit gue très-difficilement. U achèteroit
les productions des traites en rivière , à
très-haut prix , et ne pourroit les vendre
qu'à modique bénéfice stax capitaines qui
y viennent traiter. En suivant un tel plan ,
on auroit le temps de mourir plusieurs fois
avant que de pouvoir amasser une fortune
honnête» On doit donc travailler en grand ,
quand* on a dessein de se fixer dans ca
canton.
Il est nécessaire pour celui qui veut
travailler au Sénégal, soit pour son compte
particulier , soit en qualité de facteur pour
diverses maisons de France , d'avoir deux
petits bateaux plats ou gouelettes , du port
de 25 à 3o tonneaux , tirant de quatre à
six pieds d'eau au plus tout chargés , ar-
més de pierriers et d!espingoles. On doit
préférer les espingoles angloises , elles
portent beaucoup plus loin que les fran-
çoises. On les pose sur des montans dis-
posés, «^ cet effet, et l'on peut s'en servir,
et ajuster comme avec un fusil. ;
Il faut que lés montans des pierriers
soient élevés de trois pieds au-dessus du
R 3
p0nt pour pouvoir se bastingner. H est es^
jsentiel d^apporter de Froace des planche»
pour former le bastingage , qu^on ne peut
établir qu'an Sénégal , et sans lequel on
ne peut aller en rivière»
U faut que la* chambre aoxt spacieuse
pour contenir les marchandises^ sèches y
avec de grandea armoires en forme de banc»
de quart. On doit avoir le plus grand soin
^e tous les agreta^ et avoir au moins double
rechange. Si cea petits bateaux pouvoient
être doublés en cuivre , cela serott bien
plus avantageux i c^est le moyen le plus
sûr de les garantir dea vers qui , en trola
ans, détruisent les bàtimens les plus soli^
des. On peut y remédier, maison se trouve
souvent embarrassé par la rareté des ou«
vriera , même au Sénégal , quand le gau^
dron ou autres objets nécessaires aux ra-
catillages , viennent à y manquer. Alora on
voit les affaires s^échapper par la perte du
temps 9 parce qu^on ne peut remonter le
âeuve que dana les saisons des pluies. Si
Von veut que les bàtimens , venfij^t de
France , puissent passer la barre , pour ne
pas être exposés sur la radô qui n^est point
( 2.65 )
sûre , il faut que ces navires tirent au plu$
neuf pieds d'eau.
L'avantage des petites embarcations est
de faire tout par soi*méme. On peut avec
elles, se porter dans tous les lieux de la
rivière , mêtne à Gorée et au bas de la
côte ; c'est-à-dire, aux rivières de Salam et
de Gambie; On se fournit dans ces lieux
de vivres , lorsqu'ils manquent à la colo-
nie ; et sur cet objet , on fait de très-
grands bénéfices. Les belandres hoUandoi-
ses , telles qu'on en voit à Ostende et à
Danterque , sont ce qu'il faut pour ce
pays ; la difficulté n'est que de les faire
arriver jusqu'au Sénégal.
Les peuples qui habitent la^partie orien-
tale du fleuve , depuis le Sénégal , jusques^
et compris Galam , sont au Sénégal , la
nation Yalof , commandée par un roi puis-
sant nommé le Damel. Ce prince fait or-
dinairement sa résidence à Cahiers , village
situé au milieu dés terres , entre le Séné-
gal et Goréè. Les habitans de ces deux
colonies sont pour la plupart de cette
nation. Ce peuple est le plus brave de toute
cette partie de l'Afrique : il a toujours l'a-
Taiitage , lorsqu'il se bat contre ses voisins ;
R4
Cf^^ ^
ft^r-
(2^4 )
sans doute , à cause des connoîssances
militaires qu'il doit aux François des deux
colonies , et par les secours qu'il y trouve
toujours. La domination du Damel sur le
fleuve , est d'environ quarante lieues. En-
suite sont les Wals et les Bracs $ peuples
puissans autrefois; mais qui maintenant
presque sauvages , sont sans cesse exposés
à être attaqués , soit par les nègres y soit
par les Maures leurs voisius*
La nation Poule ou Foulque commence
au Cocq , village situé à la pointe de l'île
de Podor , deux lieues au-dessous du fort ;
et elle finit à Validienta ^ ce qui forme une
suite de plus de cent soixante lieues de côtes
sur le fleuve. Le commerce que l'on fait
avec ces peuples est très-peu de chose.
On ne tire de tous ces pays , que le mit
liécessaire pour la colonie , du tabac et
quelque peu de morphil. En cas de guerre
de nation à nation , on y trouve d'excellens
et superbes esclaves* De Validienta à Ga-
lam et même au-dessus^ sont les Saracolets..
Leur pays est le lieu des bonnes affaires
ce peuple est brave > nombreux, civilisé plu9
que tous les autres nègres. II est partie
mahométan, partie idolâtre» On se procura
C 2^5 )
chez cette nation beaucoup d'esclaves que
les caravanes y conduisent de diverses con-
trées de l'Afrique. On y traite en abon-
dance , or , morphil , pagnes et mille au*
très objets. La traite y est des plus avan-
tageuses. On la fait dans ces cantons en
toute sûreté. On peut mêine se porter dans
les terres , sans avoir rien à craindre , quand
même on seroit seul.
La partie nord du fleuve est habitée par
lesf Maures des diverses hordes , telles que
celles des Bracnarts près du Sénégal , et des
Trasarts près de Podor. On voit des Mori-
gearts en grand nombre près de Galam.
Ces peuples pasteurs se portent tantôt
d'un côté , tantôt d'un autre , comme je
l'ai dit plus haut , en parlant des mœurs ^
coutumes , etc. des peuples chez lesquels
je voyageai pendant mon esclavage. Les
Maures fournissent la gommé qu'ils ap-
portent au Désert et' au Gocq, qui sont
deux escales établies pour cette traite, où
se rendent en mai , les bâdmens de la
compagnie. Ils conduisent aussi des .nègres
toute Tannée au Sénégal , excepté pendant
la mauvaise saison , car alors les déborde-
mens du Niger les obligent de se réfugier
(née)
dans rintérieur des terres. Ils emploient
ce temps à pénétrer juagues sur les mon-
tagnes de l'Atlas.
Les Saltiguets , peuple nègre , occupent
les bords du fleuve au-dessus d^afanne ,
et sMtendent jusqn^aux dominations des
Saracolets. Us ne font , pour ainsi dire >
avec cette dernière nation , qu'un seul et
même peuple. Us sont commandés par un
prince , qui ^ par droit de naissance devroît
être le roi des Poules ; mais les prêtres^
qui l'ont dépouillé , l'ont chassé de son
pays. Ce prince est courageux y il fait de
fréquentes incursions sur les terres des
Poules j et vend tous ses captifs aux Mau«
res ses voisins , qui les . conduisent au Sé«
négaL On en fait toujours l'acquisition ^
malgré le traité fait avec l'Almamy de n'a^
cheter personne de sa nation , sans doute ,
parce qu'on croit que ce traité n'a lieu que
lorsqu'on se rend dans son pays par convoi/
pour monter à Galam.
De Podor à Malbn , on trouve beaucoup
d'Hyppopotames. Ces animaux sont très-
utiles. Leur chair se mange , et leur graisse
fait d'excellent savon. On trouve aussi dans
ces cantons i une quantité étonnante de
( a«7 )
diverses graines que l'on peut se procura
à très - bon compte. Le pririlége exclusif
de la compagnie fait que les avantages que
Ton pourroit retirer de ce commerce sont
entièrement perdus ; car ses agens , unique-
luent occupés de leurs intérêts , et non de
celui de leurs commettans , négligent cette
branche essentielle, peut^tre par ignorance ;
maïs qui , par l'épreuve que j'en ai faite ,
produit un bénéfice immense. Les objets
qu on en retire , sont de première nécessité
en France y pour les manufacturet de sar-
von de Marseille , et coûtent aussi peu
d'achat , que pour être préparés. La crainte
où l'on est continuellement de perdre le
fruit de ses peines y et de voir ses décou-
vertes passer dans les mains des autres ,
lest cause que plusieurs parties de com-
merce y sont entièrement abandonnées.
Les babitans de la colonie , les Yolof$,
les Poules ou Fpu]qu^s> et les Maures ^
sont les quatre peuples avec lesquels on
peut commercer , sans sortir de la colonie.
Ce sont quatre manières différentes de
travailler : de plus , la différence des sai-
sons apporte de la variation dans le com-
merce ; les besoins de ces^divers peuples
( 268 )
suivant les temps et les circonstances, exi-
gent des connoissances certaines sur la
nature des objets qui leur sont nécessaires.
Les Bracs et ÎVaU ont les mêmes besoins
que les Yolofs \ ils parlent le même lan*
gage. Quant aux Saracolets et Saldguets ,
on ne peut traiter avec eux que dans le
voyage de Galam dont je parlerai plus
bas.
Les naturels de la colonie sont , comme
je Tai déjà dit , presque tous de mauvaise
foi. Ils cherchent et ne laissent jamais échap-
perFoccasion de duper les Européens qui
ne se tiennent pas assez sur leurs gardes».
Pour se garantir de leurs fourberies , il
faut nécessairement connoitre la langue
Yolofe ; car lorsqu'^on ignore cette langue ,
on est contraint d^avoir des interprètes qui ,
ne pouvant être que nés parmi ce peuple #
troinpent toujours , et partagent , suivant
leurs ^conventions , le produit de leurs
fourberies.
D'après cette idée générale et certaine ,
quelle que soit l'opération de commerce que
Ton veuille faire avec les habitans de la
colonie , il faut toujours se défier d'eux.
On traite ordinairement ou pour le voyage
(259)
de Galam , ou pour les objets de leur con-
sommation particulière*
Quant aux objets de consommation , pour
éviter toutes les disputes, il est à propos
de ne livrer qu'en recevant , soit en ar-
gent , soit en marchandises. Il faut porter
l'exactitude au point de mettre par écrit
toutes les conventions ; de les répéter plu-
sieurs fois , même si rafFaire deyoit se
terminer à l'instant ^ soit avec les plus
riches comme avec les plus pauvres. U
faut aussi prendre possession sur le champ
de l'objet qu'on troque ou qu'on achète.
Sans cette précaution , on seroit souvent
exposé à mille ruses ou chicanes, qui ,
sans rompre le marché , le feroient toujours
tourner à l'avantage des noirs, f^es supé-
rieurs font toujours semblant de croire
que leurs gens ont été trompés ; * presque
toujours ils. décident en leur faveur, et
quoiqu'on ait le bon droit pour soi , on
acquiert dans la colonie, une réputation de
mauvaise foi qui tourne toujours au détri-
ment des affsiires. . . -..
Si l'on fait crédit, il fattt avant que
de livrer s^ marchandise , savoir quelles
sont les facultés da débiteur; s'il a; des
( 2?^ )
nègres ou non , et s^ils sont dan9 le cas
do répondre de sa créance ; si les esclaves-
de cet habitant ne sont pas , par héritage 9
esclares de Tapades , ou s'ils ont été ac-
quis par eux dans leurroyage de Gaïam.
Ces choses bien assurées , on peut , sans
ôrainte^ fournir à crédit, mais en obser-
Tant huit choses principales.
1°. Les csclares de Tapades par héritage
ne sont esclaves que de nom ; leurs mat*
très ne peuvent les vendre sans se désho-
norer, suivant les coutumes reçues dans
Je pays , à moins qu'ils ne soient recon-
nus pour mauvais sujets , ou qu^ils n'aient
commis quelque crime. Elevés avec les
naturels , on les considère comme Êa-
Bitans , ils font corps dans la cdlonie :
ils y ont leurs amis , leurs paréns , qui
tous deviendroléiit les ennemis îrréconci-
tîables de ceux qu$ voudrdierit lès vendre.
Mais lorsque , pour cause d<5 crime^ on les
met en vente , les habitans les achètent
aussi- tôt et donnéilt en échange des escla-
ves d'une plus grande valeur. '
' 2^. II faut que les esclaves 9 artîvàns de
Galam , ne soient pas mariés à dés négresses
kle Tapades , car èetix4à ^ ainsi que les
( ^70
premiers , ne peayent être vendus qne par
leurs maîtres.
3®. Il 'faut écrire l'époque du crédit ,
les marchandises livrées et toutes les con-
ventions.
4*^* Ces conventions ne doivent point
être faîtes en particulier , mais en présence
de trois habitans au moins.
§^. Il faut qu'elles soient signées du maire
de ville, qui est en même temps le chef deg
nègres , des cautions et de tous les témoins.
6<^. Il faut que les cautions soient les
principaux parens de l'acquéreur , et à leur
défaut lies habitans les plus solvables.
7<?. A l'instant de l'échéance d'un paie-
ment , il faut faire toutes les diligences
nécessaires, sinon les témoins et les cau-
tions «demandent à se retirer, allégant
qu*à leur insu on à fait d'autres marchés
avec Tacquéreur, et ce à leur détriment^
sans qu'ils en aient été prévenus ; et que
ocsdites conventions ayant été particulières ,
ils sont dégagés
8»^ U est à propos /mais non de néces-
sité, défaire quelques présens aux maires de
ville et aux témoins du marché , si l'on ne
veut s 'attirer l'inimitié de la colonie. Toute3
( 27a )
ces précautions obsenrées , on peut initer
et vendre à crédit sans courir de risques.
Si Tobjet fourni Ta -été pour le voyage
de Galam^ que Tépoque du paiement aoit au
retour , soit que Tacquéreur en revienne, ou
non j soit qu^il soit mort de fatigue , ou que
pour se soustraire au paiement, il reste dans
les terres^ espérant que sous peu lenégociant
quiraura chargé de commissionsera ou mort
ou éloigné de la colonie par son retour en
France ; dans ce cas il faut avoir le plus
grand soin de ne pas laisser partir les cap*
tifs de Tapades avec leur maître. Quelque
bonne foi que l'on connoisse ou que Ton
croie connoître à un habitant : cette pré-
caution est de nécessité. Dans le cas où
par l'adresse du maître les captifs de Ta-
pades Tauroient accompagné dans son
voyage^ il faut aussi-tôt, sans nul égard,
ni retardement , attaquer les cautions et
les témoins. Sans cette précaution , on est
sûr de tout perdre et de n'être jamais payé*
Dans cette circonstance , il n'y a point
d'ennemi à redouter , en observant cepen-
dant de ne vendre Içs captifs de Tapades i
dont on se seroit emparé , que lorsque les
parens de Tabsent , ou les autres habitans
n'^uroient
n^aiiroient point youlu les remplacer pa<
nombre égal d'autres esclaves. •
Quiconqiie sepermettroit , par rengeance
ou par bravade , d'embarquer des captifs
de Tapades , courroit les plus grands
risques , et n'échapperoit , * que par mira^
cle , au fer ou au poison. Ce qui pourroit
lui arriver de plus heureux, seroit de perdre
toutes ses marchandises et d'être foit es-
clave des nègres ou des Maures.
Si l'objet fourni Ta été pour consom-
mation soit avant ou pour le voyage de
Gidam , c'est un autre arrangement à faire
polir l'époque et pom: le paiement. Le
terme du crédit doit être fixé au plus à
om mois avant la montée de Galam ^ tou-
jours pardevant deux témoins et des cau-
tions qui signent le marché et l'engage*:
ment : il faut au^si la signature ou la pré*
sence du maire de ville. L'époque la plu9
avantageuse pour être payé , est la fin du
voyage ; parce qu'alors on peut en faire
des retours en Europe.
A l'échéance , l'habitant ne payant pas i
il faut à l'instant former sa plainte ches;
le maire de ville. Si l'on consent à don^er
du temps au débiteur pour le laisser faire
un voyage de Galam , ou parce qu^il au-
roit fait des pertes et qu'il seroit démoatré
que ce paiement nuiroit essentiellement
à sa traite et à son existence « parce que
l'argent ou les objets qu'il seroit obligé de
doimer , ne lui laisseroient plus la facilité
de se procurer des gaudrons, braies , cor-
dages , etc., choses indispensables pour
'ledit voyage , alor^ il faudroit annuler le
premier engagement, et lui en faire refaire
un second à gros intérêts ^ le tout payable
au retour de ce voyage , len observant les
mènies précautions qu'au premier* Cet in-
térêt qui estordiuaireiiient de âo pour loo ,
n'est point trop fort , puisqu'on se prQcu*
reroit ce bénéfice , et même plus considé-
Table , en faisant ^oi-même cette expédi-
tion. Par ce moyen on est sàr d'être payé
au reiKmr. Une dette proloïigée de cette
nature est un objet sacré , et procure le
droit de s'emparer des captifs de Tapades ,
et même de les vendre sans que personne
puisse en murmurer. Si l'on manquoit à
s'acquitter à cette seconde époque.^ on peut
aussi négocier ^^ car lorsqu'on a pxîs toutes
ces précautions , il est regardé comme ar«
|;ent comptant p^mi les habitans ^ qui
(^5)
aiinent ces sortes d eagagemi^ns , sur-tout'
lorsqu'ils voient que le débiteur a de bons
ouvriers parmi ses captifs de Tapades ^
car alors ils deyiendroleat leurs maîtres
ji rengagement n'étoit pas rempli.,
Si les objets fournis sont destinés à fa-
ciliter le voyage de Gakm, on a soin d'é-.
tablir la valeur de ces objets et Pintérét quja
Ton en retireroit si on faiscÂt soi-^même
ce voyage. Il faut spécifier tout dans son*
marché ^ convenir de la quantité et qualité
des marchandises que Ton recevra en re*
tour^ sans avoirégardauprix futur de la
colonie ; de manière que si l'objet se monte
à, 12,00 liv. , qu'un esdave ne vaille lors du .
marché que 600 liv.^ on dira dans l'en-*
gagement: deux esclaves^ ou tant demor*
phil^ ou tant d'or^ au retour de Galam.
Si les navires européens font monter I9
|>rixdes captifs , alors le débiteur sera obli-.
gé^ pour s'acquitter, de payer ,nhOzi pas
i};200 L en argent, mais deux esclaves eu
nature , quelque prix qu'ils coûtent. U tst
vrai que^ si à cette même époque >lbs M*,
claves valoient moins de six cent livt pièce j
le débiteur ne seroit de même obligé que
d'en donner deux 1 pour avoir quittance*
S a
( 27« )
Comme il est sans exemple qu^ils dimf-
nnent , alors celui qui vend a toujours Ta-
vantage.
Si , faute de connoître parfaitement les
loix de la colonie , on a le malheur do
vendre à des captifs de Tapades ^ croyant
qu^ils sont habitans libres, il faut tâcher
de réparer bien yîte son erreur , en en-
gageant les maîtres desdits captifs , mais
dans ce cas , il est rare qu'on soit payé.
U faut aussi é?iter de contracter arec
les femmes d^habitans , à moins que ce ne
soit en donnant , donnant ; car sans cela ,
on n^en pourroit rien retirer. On le peut
aussi avec les riches habitantes , qui con-
duisant leurs affaires par elles-mêmes ,
ont toujours de i5o à 200 nègres à elles
appartenans. Dans ce cas, on peut traiter
avec elles ; mais en observant les précautions
dont on vient de parler.
Lorsqu'on ne connoit ipas la langue
iTolofe , on est obligé de se servir des ne.
grès pour interprètes , soit qu'il se présente
des objets de traite avec les nègres de la
grande terre , soit avec les Maures.^ Dans
ce cas , il est à propos d'avoir des captifs à
soi » instruits de la langue de ces peuples*
( 277 )
Par ce moyen ^ ou évite la tromperie det
nègres de la colonie. Ces captifs espèrent
par leurs soins et leurs services , obtenir
un jour leur liberté.
Il arrive souvent que , dans les marchés ^
le nègre interprète demande plus que ne
désire le vendeur ^ parce que outre les deux
barres de droit qui lui sont accordées par
esclave acheté par son moyen , le surplus
qu^il demande est une augmentation de
profit pour lui.
Si on n^a point k solde nègres instruits^
il faut avoir plusieurs interprètes à choisir
parmi les nègres que Ton emploie journel-
lement y leur donner , comme à Tinteprète
nommé par le gouverneur , les deux barres
du marché , alors on évite une partie des
supercheries et ruses des vemdeurs qu
trompent principalement , lorsque c^est avec
cles Maures que Ton a à traiter.
Un marché conclu par un de ces inter-
prètes de la colonie , avec Faîne des Flo*
quet ^ prouve bien la supercherie dont je
viens de parler. Les Maures avoient exigé
sept pièces de guinée par captifs : Tinter^
prête dit à Floquet qu'on en demandoit.
neuf , et il convint de les donner. Le
S 3
ioxr ^OBS Maures lui envoyèreni: mt esdsrej,
et le trouvèrent clan8 un moment où Tirv-
terprète n'étoit pas avec Itii. En recevant
l'esclave , il donna neuf pièces de guînéeSy
-en ayant payé le ma^tln plusieurs de cette
manière à Tînterprète* Les Maures- ne*
prirent que &ept piècea f et rendirent le»
deux autres. Cette différence étonna Flo-
quet , qui ayant appelé une petite négresse
qui parlait arabe , sut par elle , <|ue les>
Maure» ne demandoient pour cet esclave ^
que sept pièces , ainsi qu'ils avôient reçu
pour ceux qu'ils àvoient livré» le matin.
Les Maures portèrent leurs plaintes au
Maire de ville , sur La supercherie de Fin*
terprète. Floquct la porta de môme augou-
Terneur , et ce nègre futpuni publiquement..
Quelques valeurs que soient les inter-
prète» , il ne faut pas cependant le» rebu-
ter, à moins qu'on ne eonnoisse parfait e»-
taent le pays. Car larsqu^il» voient qu'on
a de» soupçon» sur eux , et que l'on con-
noit leur mauvaise foi , ils trouvent toi:^
jour» mille raisons à alléguer aux Maure»
pour le» détaurner de la maison du Blane
•dont ils veulent se venger. Pour éviter
cet inconvénient ^ il faut avoir de» nègre»
( 379 >
payés au mois , quî^ répandus dans la grande
terre , avertissent du moment où les Mau-
res arrivent avec leurs captifs. Alors on
va à leur rencontre , et il est rare que les
marchés ne se terminent pas aussi^tôt.
U ne faut pas oublier d'être aux petits
«oins avec ces sauvages , et de quitter tout
ce que Ton fait lorsqu'ils arrivent. Lea
capitaines qui manquent souvent à ces>
égards qu'ils désirent qu'on ait pour eux ,
réussissent rarement dans les opérations
qu'ils veulent faire ; car les Maures , liu->
miliés de se voir , pour ainsi dire , mépri-
sés , aiment mieux se rendre au:s Iiabica-^
tions des blancs qui , faits à leurs usages ^
les reçoivent toujoursbien. Les précautions
indiquées pour traiter avec les Maures^
doivent également être observées pour,
traiter avec les nègres. Il y a cependant'
cette différence d'opérer avec les nègres y
que ces derniers ne prennent jamais d'in-
terprètes; étant sûrs de trouver des nègres
de leur nation dans les maisons des blancs ,
ils y viennent sans précaution ^ discutant
par eux-mêmes ; et se fotit livrer sur le
champ les objets convenus.
Soit que l'on traite avec les Maures ^
S 4
(28o )
f oit que Ton traite arec les nègres , n'im--
porte de quelle nation , il faut aroir une
chambre qu'on nomme de palabre , c'est*
à-dire une chambre où il n'y ait ni meu-
bles , ni marchandises ; sans cela on seroit
exposé à ètre«Tolé. Les palabres durent
sonyent deux heures , et pendant tout ce
temps les gens qui suirent les chefs , jettent
des regards de tous les côtés • pour tacher de
voler , s'il leur est possible , pendant que
la traite se fait en nègres et en marchan-
dises. Jamais ils ne sont d'accord à la pre-
mière entrevue j ils veulent voir si les mar-
chandises des autres maisons ne sont pas
de plus belle qualité et à meilleur compte.
On a soin de les faire bien boire , si ce
sotit des nègres ; quoique Mahométans ,
on leur donne de l'anisette et de l'eau-
de-vie. Ils boivent à perdre la raison , et
alors terminent leurs marchés. Si ce sont
des Maures , on leur donne à discrétion de
l'eau et du sucre ^ quelquefois aussi de
l'eau-de-yie ; quoique Mahométans ils en
boivent \ sur-tout les princes.
Quelquefois il arrive que c'est en vain
qu'on les régale; il est donc de la prudence
àvL négociant qui traite avec eux', de ne
( ^8i )
leur faire donner à boire que lorsqu'il est
à peu-près sûr de conclure. Comme ces
peuples exercent généralement rhospitalité ^
ils mangent et boivent sans aucune recon»'
noissance chez les blancs , parce qu'à leur
place ils les traiteroient d'aussi bon cœur
qu'ils s'en laissent traiter.
Les Poules ne viennent jamais ou rare-»
ment vendre leurs captifs; ils apportent
leurs denrées à la colonie , mais ils ne
veulent point boire. Leurs palabres sont
moins longs; et lorsqu'ils voient quelques
marchandises qui leur conviennent , ils
donnent l'argent qu'ils se sont procurés
^ans la colonie , en vendant leur mil ,
leurs peaux , leur morphil , etc. Les mar-
chandises qui les attirent à la colonie sont
le fer et la laine. Le commerce avec cette
nation ne se fait au Sénégal que depuis
janvier jusqu'en juin ; ce qui fait qu'après
Cette époque, on n'a plus besoin déporter
du fer^ car c'est ce peuple qui en fait la
plus grande consommation. Il se fournit
des autres objets nécessaires dans le voyage
de Galam , ainsi que cheàs les Saracolets,
les Saltiguets et les Maures de la riyière
d'enhaut.
(a82 )
II y a trois manières usitées pour faire ce
Toyage ; on ne peut encore décider laquelle
des trois est la meilleure. La première
et la plus suiyie par les Européens , c^est
de s'arranger avec un habitant nègre qui
se propose de faire ce voyage. Dans ce-cas y
on convient avec lui du nombre de barres
qu'on lui donnera par captifs , ou bien
Ton fait un forfait ^ et on lui accorde de
120 à i3o barres , quelquefois même da^
vantage , suivant les circonstances» Il exige
toutes barres pleines y parmi lesquelles il
veut qu^il y ait huit pièces de guinées»
Alors il répond de tout événement ^ et le
voyag e deGalam est à ses risques , périls et
fortune. Si son voyage est malheureux ^ ses
captifs de Tapades servent de garantie ,
et on a tout droit sur eux. Pour la seconde
manière j Thabitant ne vous demande que
loo barres pleines t et ne répond d'aucun
événement ni de la mortalité. Le premier
des deux partis est sans contredit le plus
avantageux quoiqu'on paye le captif bien
plus cher. Dans les deux cas , le nègre
gagne beaucoup ^ quand même il essuieroit
des pertes.
Le troisième parti ^ qui est d'y aller soi-»
( fi83 )
même > seroit sans contredit préférable atix
deux autres, si les blaacs pouvoîent sup-
porter un si pénible voyage ; mais comme
ils tombent presque toujours malades , les
nègres en profitent ; toutes les fautes > tous
les malheurs retombent sur le blanc , et le
bénéfice est entièrement pour les nègres»
Le seul avantage qu'on puisse retirer eu
y allant soi-même > c'est de connoître la
valeur de la marchandise en rivière , et de
pouvoir dans d'autres voyages éviter la
sup^cherie des nègres dans la reddition
de leurs comptes. Plusieurs blancs ont e%^
sayé un quatrième moyen; c'est de fréter
eux-mêmes un bâtiment , et d'envoyer à
leurs- frais un habitant chargé de leurs in-
térêts. Ce moyen produit plus que les au-
tres ; mais il faut partager avec son capi-
taine , et de plus dans la reddition de ses
comptes , il ne porte que des barres pleines ,
et prend le sel pour lui ^assurant toujours
qu'il a été obligé de le jeter à l'eau dans des
cas pressans , ou par quelqu'autre raison
dont on ne peut lui prouver la fausseté. Ce
moyen est celui que les nègres aiment le
mieux , n'ayant qu'à gagner dans ces sortes
d'expéditions. Cependant quoiqu'ils volent
le plus qu'ils peuvent , on y gagne encore
plus qu^autremeut ; il ne s'agit pour réus-
sir que de trouver le nègre le moins Mp«-
pon , et de bien connottre la valeur des
marchandises en rivière. Le voyage de Ga-
lam est le plus utile que Ton puisse faire
pour le bénéfice , et le plus, dangereux
pour les peines et fatigues auxquelles on
est sans cesse exposé* Il faut considérer
qu'il y a à la colonie des marchandises
d'un prix fixe , et qui ne se peuvent re-
fuser pour le paiement des frais qu'occa*
sioiine ledit voyage. Au moins c'étoit la
coutume depuis Texistence de la colonie ,
et on la suivoit encore en 1786 , lorsque
j'entrepris de traiter par moi-même à Ga-
lam. Ces marchandises sont les guinées ,
les fusils , etc. Leur valeur est fixée , ja-
mais leur cours ne change ; on peut rejeter
les objets qui ne sont point compris dans
la note ci -dessous , quoiqu'objets de traite.
La coutume de Gorée est tout-àfait dif-
férente ; on établit la valeur des barres
6ur l'argent et non sur les marchandises.
Voici les objets qui , au Sénégal , ont
toujours la même valeur, et qu'on ne peut
refuser en paiement à la coloxiie.
(285)
Barres. Argent df Franot
La pièce de guinée • • .
lO • • • • 5o 1»
Jje fusil de ^aite • • •
6 •. t • • 3o
lies deux liy/e$ de poudre
1 . • . • 5
Les loo pierres à fusil •
1 • . • • 5
Les loo balles . . • «
1 . • • . 5
Les 4 mains de papier .
1 • • • * 5JJ
Leis quatre pattes de fer
•
de Suède , large de
deux pouces et demi ,
longues de neuf pou-
ces , épais de^ept à huit . .
lignes , pesant avt plus
en totalité i4 Ht. poids
de marc • .» •i.*»,«â|
Le fusil fin quelquefois
accepté \ # . lo .» <. « . 5o
Je ne prétends point dire que ces mar^
chandîses ont la valeur que. je porte ici
argent de France , mais seulement qu^elles
passent, et sont reçues pour eette valeur à
la colonie du' Sénégal. Comme cette valeur,
ne varie jamais , jamais on n'éprouve de
difficultés eh les donnant* Quatorze livres
de fer, poids de marc, même n'étant point
coupées en pattes , ne se refusent pas
davantage { mais il est plus avantageux de|
(286)
les donner coupées» On gagne par ce moyen,
au moins une lirre par barre , ce qui, sur
la quantité , produit am très-grand béné-
fice.
La barre est une juonnoie idéale de cinq
livres sur les marchandises seulement , et
non sur TargenJ:. Cette observation suffit
pouf faire connoître ce qui différencie les
barres pleines , d'ayeô les petites barres.
Une barre formant cinq livrés , lliabitant
a plus de bénéfice , ou plutôt moins de
perte , de prendre urte pièce de guinée pour
dix barres , que cent pierres à fusils j ou
deux livres de poudre ,. ou deux livrés de
tabac y pour une barre. La différence est
assez sensible.
Quatrp pi^cqs ^§ 24 sou^ fonjt une barre
au Sénégal. A Corée./ la barre est de quatre
pièces de 24 sous, et une de 6 sous. Au Sé-
négal , une piastre forte ne passe que pour
une barre.
A Corée , on remet 6 sous sur la pias-
tre forte. L'écu de. 6 livres , ainsi qu'au
Sénégal , vaut ^ à Corée , une barre et un
cinquième ; mais en rivière de Salum , une
barre vaut seulement la piastre forte.
Avant que dépasser au traitement et aux
( a87 )
Frais du voyage de Galam 9 je croîs à pro-
pos de donner la note des marchandises
ayant cours pour la traite , et de celles qui
ne. sont qu^ de consommation pour les ha^
bitans des deux colonies*
CHAPITRE PRMIERE.
Eùaù général des objets nécessaires pour
la traUe en rivière du Sénégal^ Goi»
rée yftc.
Prern. arl. Guinéeades Indes ^ d'un tissa
très-fin ^ d^un bleu foncé , cuiyré presque
noir^ Cet article est le plus essentiel au
Sénégal , soit pour la traite de la gomme ^
soit pour la traite des nègres, avec les
Maures» Les plus belles donnent toujour9
lavant^ge. On doit rejeter les Ruinées de
Rouen et autres des manufactures de
France ; car elles sont rejetées par jiesr
l^ures*
a et 3. Fusil à un et deux coup^^ , dcit
quatre pieds , 8 à 9 pouces de longueur y
grands calibres, bronzés et dorés, mQutuxesj
légères , écusson d'argent. Ces armes ser-i
vent pour les njâiures , et en traite de
(288)
Galam pour les Soracolets des caraTanes.
Les nègres Yolofs comaxenceiit à eu de«
mander.
4* Fusils de munition , dits fusils de
traite sans bayonnettes , baguette de bois y
ardde de bonne valeur pour les nègres en
général , garnis en fer pour le Sénégal et
rivière , et en cuiyre pour Gorée et lieux
voisins.
5. Fusils boucaniers de cinq pieds 4 pou-
ces de hauteur , à Tépreuve , s^il se peut.
Cet article est très-recherché des nègres.
Il ne passe point en traite , mais il se vend
plus ou moins de barres , suivant la qua-
}ité et la quantité qui se trouve dans la
colonie.
6. Pistolets d'arçons , à un et à deux
coups. Cet article est très«peu recherché.
La paire de pistolets passe en traite pour
un fusil.
' ' 7. Sabrés de traite , fourreaux rouges «
inutiles aux Maures , et recherchés des
nègres.
. 8. Couteaux flamands , à virole s de
Cuivre^ inutiles au Sénégal , bons à Corée.
Ils servent de poignards.
$ et lo. Balles à fusil , article très» te <
cherché des Maures et des nègres.
et 1112 . Kerres à fusil , grosses et
fines , grosses pour les nègres , fines pouf
les Maures.
i3. Jambettes ângloisos , leB meilleures
possibles. Leur cours n'est établi que sur
I^ qualité. C'est un article très-utile aux
Maures : ils s^en serrent poiur saigner leurs
Bestiaux.
i4* Fer plat de Suède sans pailles , de
deux pouces quatre lignes au moins dd
Jarge , sept lignes d'épaisseur pour lô Sé-
négal.
i5é Fer plat François , dW pottcô quatre
lignes de large , trois à quatre lignes d'é-
paisseur , article bon pour Gorée. Ceà deux
'articles sont essentiels ; on ne peut trop
en avoir. On les vend avec avantage de*
puis les mois de février , jusques et com i
pris le mois de Juin^ Passé ce temps ^ cet
article est presqù'inutile.
16, Piastres fortes^ objet de première
nécessité à Gorée, et sans lequel on ne peut
traiter. On peut s'en passer à la rigueur p
^ au Sénégal.
17. Toiles ' platilles* •
T
i6. Toiles de Bretagne,
ip. Lidieiines communes.
20. Laines angloises , rouges , jaunes
et vertes , toutes de bon teint. On ne peut
la choisir de trop belle qualité ; il en faut
peu de jaune et de verte. Cet article est
des plus avantageux , sur-tout au Sénégal.
On en vend toute, l'année ; mais le fort de
la vente est en janvier et en février au re-
tour de Galam^ et en juin et juillet, temps
auquel, on se dispose pour ce voyage.
21. Reyeclies jaunes et rouges.
22. Drap écarlate Londun. Cette étoffe
sert pour le^ grîsgrîs : il. en faut en tout
temps pour la traite.
23. Eau-de-vie pour le Sénégal , Galam
.et; .Goré,Ç* Les Maures et les Poules n^em
font poinj; de consommation.
24.. Papier fort .à la licorne.
25. Tabac de Virginie.
26. Grelots d'argent, bons pour Galam.
27. Mortottes d'argent, assez inutiles.
28^ Sonnettes d argent , inutiles au Së-
. négal , bonnes pour Gorée.
20. Bassins de cuivre pour Gorée , et la
nation Poule , en ri^^re du Sénégal.
3o. doux de géroâo.
C 291 )
3i. Petits ciseaux.
3a. Petits cadenats.
33. Briquets.
34- Peignes de bois ou de buis.
35. Tabatières de fer- blanc peintes»
56 Tabatières de carton, garnies de plomb^
dites demie journées.
37. Miroirs de campagne.
Tous ces objets sont articles de traite.
Ainsi que la Terroterie qui varie suivant
les temps et Tabondance.
CHAPITRE SECOND.
'Articles de ^verroterie qui orU toujours
cours.
Premier article. Ambre , n«. 2,3, et 4.
Il sert en voyage de Galam pour traiter
l'or.
â« Corail fin de huit à neuf lignes de
longueur , trois lignes de diamètre > bien
net. On traite avec cet article à Galam , par
poids égal d'oir. On peut en avoir de moins
long et plus petit ; mais celui qui est ab-
solument petit , ne se vend que très-dif«
ficilement.
Ta
C aÔ2 )
3. Cornalines rondes, taillées et bien
claires^ article de non-valeur au Sénégal,
mais de première nécessité à Gorée.
4. Black pointe" ou contre -brodé. Objet
tout-^. fait inutile au Sénégal. Il en existe
de plus de vingt sortes difFérentes qui ont
toutes cours à Gorée , etc.
5. Tuyaux de pipe d'un pouce de long*
Cette verroterie no se veild avec avantage
que chez la nation Poule. Des députés de
Doumons , vinrent me dire de ne pas les
faire couper si courts ; parce que , dans ce
cas j ils aiment autant lo galet , c^est ce
qui me fait prescrire leur longueur.
6. Rasades jaunes » vertes , noires et
blanches. Les deux sortes les plus recher*
chées sont la noire et la blaiiche. Cette
verroterie est de la pliis grande défaite au
Sénégal : une \ en blanche, un \ de noire,
^n \ de verte , un g de jaune.
7» Cristaux faux assortis. Lès petits ne
se vendent point. Il les faut moyens > blancs
ou plutôt couleur de verre. Le bleu de
cîel est awsî recherché. Cette verroterie
sert anx nègres à traiter le mil , la volaille,
le gibier , le poisson , etc. U s'eîafait grande
consommation ; et quand oii sait choisir i«
(293)
grosseur , on ne pent en avoir trop. Quelle
^ue soit Tabondancé dans la colonie, cet
article donne un bénéfice immense , même
<îans les temps les moins avantageux.
8. OEufs de pigeons, dits tourne-culs |
bleus et blancs; '
<)• Galet blanc , noir et rouge. C'est l'arg-
ticle le plus courant de toutes les verrote-
ries. Il l'est chez la nation Yolofe , pour
traiter; mil , sel , etc. Les Maures et les
peuples nègres de tout l'intérieur des terres ,
y attachent une grande valeur.
10. Blanc de neige , rond et taillé en
grains d'orge. Le blanc de neige taillé est
préféré au Sénégal. , Cet objet donne plus
de û bénéfice que l'ambre et le corail ; mais
il n'en faut pas en grande abondance ;
car alors, il baisse de prix^ n'étant pas de
première nécessité conime le galet.
11. Agathe blanche. Il en faut peu , cet
article n'est point lucratif. Il s'est môme
vendu à perte ^ mais iJl est nécessaire pour
rassortiment da verroteries* '
lia/ Faux corail, objet. recherché du côté
. de Gbré , ne se vendant point au Sénégal.
i3. Faux grenat , pour Corée et lieux
..voisins seulement. T 3
(294)
i4* Corail piment. Cette verroterie , toutd
belle qu'elle soit , ne passe pas eu traite ,
elle ne se vend qu^aux habitans du Sénégal
et de Corée : c^est la première parure des
jeunes £lles.
Les 14 articles ci-dessus désignés 1 for-
ment 44 espèces différentes de verroterie ,
qui toutes ont cours dans les deux colonies :
il faut être assorti proportionnément aux
besoins connus. Il en est dont on peut se
tdispenscr^ etd^autrcs sont d^absoluenéces*
site.
Les objets de yerroterxB cl-.dessus ^t[uipar
eux-mêmes ne sont rien , puisqu'ils n^ont
• que des valeurs idéales et momentanées ,
sont cependant de la première nécessité
pour faire de bonnes affaires. On pourroit
traiter sans eux ^ mais ori perdroit l'avan-
tage des petites barres dans les expédi-
tions de rivière. Par exemple^ une masse
de blanc de neige en foxrhe quatre à la co-
lonie , et en rivière et à Galam en forme
huit. En 1785 , la masse me coûta en France
55 sous ; elle étoit de quarante cordes. Au
Sénégal la masse n-est quede dix cordes ; en
rivière et à Galam , elle n'est que de trois,
quatre et cinq , plus ou moins , suivant ia
rareté et Tabondance de la verroterie j c'est
pourquoi on ne doit être que bien assorti ,
mais rien de trop , et quel'appas du gain
ne fasse pas prendre de ces espèces plus
qu'on ne peut en vendre. En suivant cette
méthode , on aura toujours un gros inté-
rêt de ^^^ fonds ; et si on se fixe quel-
que temps au Sénégal , on s'y procurera
toujours l'argent nécessaire à la traité quo
Ton veut faire,
CHÀÏ^IT RE TROISIÈME.
Objets de consoimnation.et de y ente avan-
tageuse aux hahitans de Gorée et du
Sénégal , lesdits objets rC ayant poinè
de i>aleur en traite.
1. Vins de Bordeaux*
2» Anisette Marie Brlzard • ou autre bonne
qualité.
3. Farines en bariques.
4* Fruits secs.
5. Dragées et confitures.
6. Chapeaux de nègres.
7. Fantoufies rouges , peu de vertes et
de jaunes.
T4
8. Culottes de toile pour matelots.
Qm Chemises bleues de matelots.
10. Grands couteaux.
11. Grands cizeaux.
xa. Limes assorties.
x3. Marteaux assortis.
14. Montres , ressorts en acier.
i5. Soies. Bonne qualité, diverses sortes.
1^. HacEes de première qualité. Il en faut
pour tous les ménages.
17. Uerminettes et outils de charpentier.
i8. Rabots et outils de menuisier.
19. Encre et plumes.
20. Papier à lettre.
21. Cire à cacheter.
22. Toiles communes.
«3. Indiennes communes passent en traite
à Gorée , etc.
«4. Mouchoirs de Masulipatan.
a5. Drap bleu et écarlate.
2(y. Etoffes légères pour les gilets des
hommes.
27. Aiguilles angloises.
28. Boucles dWgent.
s^ Pommade en pots.
3o. Pommade en bâton«
di. Odeurs dÎTerses»
( 297 )
32., Verres à boire , ciil plat.
33. Fanal ou lanternes.
34. Plomb à gîboyer. Il passe en traite*
35. Poivre noir et épices,
36. Entonnoirs , cafetières , mesures.
37. Poids de marc , balances , grains ,
gros, etc.
38. Cuivre en feuilles pour les. Maures.
On trouve à vendre avantageusement
tous ces objets à la. descente de Galam.'
Alors l'habitant ne s'épargne rien ; mais lors
qu'on commence le voyage , ces objets sont
inutiles i c'est pourquoi en tout temps ces
articles ne doivent être qu'accessoires , et
en petite quantité. On se tromper oit beau-
coup si on établissoit sûr eux le bénéfice
d'uu voyage , tous ces objets li'étant de
venté qu'au retour de Gàl^m. II faut an
contraire lorsqu'un navire part de France
pour arriver à la colonie à Ja fin de mai ^
y apporter des objets accessoires et non de
traite.
1. Flanches de sapinde 10 pieds de long #
neuf à, dix pouceà d^ large, un pbuçe
d'épaisseur. . '
9* Flanches de, chêne pour bordages.
3* Clous doux assortis.
(298)
4. Gaiidron et bray.
5. Blanc de céruse et verd de gris pour
couleur.
é. Toileê à voiles.
7. Rames.
8. "Vieux cordages et étoupes.
g. Grappins et ancrés.
10. Tous les objets nécessaîr'es pour leur
faciliter les moyens de faire le voyage
de Galam qui est comme la moisson de
toutes ces contrées. Alors les nègres pro-
priétaires ne se passent aucune fantai-
sie , au lieu qu'à la descente /l'espoir
qu'ils ont d'être employés parles Européens
pour travailler soit en rivière'V soit a la
colonie , l'éloignement du futur voyage de
Galam; la misère et les fatieues qu^'iîsont
essuyées à celui- qu'ils viennent, de faire;
l'argent ou lès marchandises 'qu. ils' ont
reçues en pajLement , tout les eijgage à se
procurer ce qui leur fait plaisir. Ils iie mar-
chandent guères et paient volontiers tant
qu'ils ont de l'argent. Leur fait-on crédit ,
on ne peut se £airjB payer qu avec peine ;
alors il faut employer l'autorité ,®t jl'on
devient l'ennemi de toute là colonie.
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40i
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( ?fl9 ) '
CHÀPIT RE QUATRIÈME.
Valeur des marckandlits de traite -au Sénégal ^ leur va*
likr en rivière et k GalaM pASsé Podor,
' " ' ' airSébegal. en rivière
. bar. arg. l. bar. arg.l.
la pièce xle guindé ..,,.. 10 ,50 ,. ... 8 40.
Le fusii à* deux coups • . . • 10 lop . • • . i^
•Le fusil fin à un coup 10 50 • • . . 8
Le fu<4l de traite 6 30....8
Le fusil boucanier 10 50 ... 10
"ta paire de pistolets d*arçoifs
à aa coup • • • . • i^ 30
.Lapairpàdeuz coups .... * %$ jSOi
"°Le sabre de traite x 5
Les- deux livres de poudre . . t f
Les cent balles de fusil l 5
Les cent pierres à fusil i 5
La pièce dé platilîe \ x to
f La jJÎèoer de ^Bretagne ..... 3- \ 15
'.Quotse mains de papier .... 1 .5
,l5eax Unes de^bac de Vir^jif 1
^Dix- micoirs de campagne . . . x
, Dix tahati!^rc5. de ^erofîe . . . • x
Dix briquets . .'.*.*. x
Dijt cizeaux i
Di? ' petit*- couteaux . t
I>it -peigaés ie isuts '- i .
QlHH:e[ja|îib^e£^s.ftqgloises .
,Un \ .éçarlatc .. . . •
Quatre onces de laine . ;
Quatre pintes d*eau-de-vie
xo«
xo.
x«.
10.
5-
!;•
50.
M*
>/•
^^
10.
lO.
( 3oo )
II faut de plus calculer le prbdAît de
la verroterie qui a toujours en rivière qua-
druplé la valeur de son coiirs au Séné-
gal, Ce qui douue encore un très-grand
bénéfice , les articles de verroteries et les
bagatelles , tels queiniroirs , etc. sont ce que
Fon nomme barres foibles , et il n'est point
étonnant que les habitans en allant à Galam
ne veulent point les recevoir en barres plei-
nes à moins qu^onne les leur fournisse sur
* le prix de la colonie , ce qui dans ce dernier
cas produit encore un très-grand bénéfice»
CHAPITRE CINQUIÈM3S.
Jîclaircîssemens pour un bâtimenC qui se
propose de faù:e le ^voyage de Galam ,
dans lai>ue d'y. traiter cent nègres av^
moins. Précaution pour les bâtimens ,
frais des coutumes avant d'^entrer-en
traite ; frais d'équipages et autres * en
retour. - ..^
D'abord pour le bâtiment. Il £aut^ qu'il
soit bien bastingué, de trois pieds au-dés-
' sus du pont en* fortes planches , qui puis-
sent résister au± coups de fusil. Il faut que
.toute communication de la cale à la cham*
( 3oi )
bre sait interceptée ; il faut deux bonnes
dialoupes pour alléger et remorquer le
liavire suivant le cas dans les dlfférens
endroits de la rivière. Il est nécessaire que
le bâtiment soit bien armé pour résister. en
cas d'attaque. ' On doit donner à chaque
homme de Téquipage , un fusil et un sabre
de sûreté , 5o paires de fers suffisent pour.
les captifs , car ils sont presque tous Bam-
bara ; on n'a point de révolte à craindre
de leur part , et on ne les met que rare*
ment aux fers : il en faut cependant pour
les mauvais sujets que la nation Saracolet
au lieu de punir de mort, vend aux bâti*
mens. On ne peut prendre trop de pré-
caution avec ces derniers ; il seroit même
avantageux , si la chose étoit praticable , de
les séparer 4es Banbara ^nation douce ^ mais
qui se porte quelquefois aux dernières ex-»
trémités quand elle est animée.
On doit avoir un capitaine qui connoisse
parfaitement la manœuvre , la rivière et le
langage des peuples chez lesquels on se
propose de traiter.
Le second doit avoir, s'il est possible^
autant de connoissances que le capitaine \
Vxm, étant occupé à la traite d'un côté ,
( 302 )
pendant que Tantre restant à bord , doit
y traiter , conduire le navire > diriger la
route y avoir soin des captifs , et maintenir
Tordre parmi l'équipage.
Il faut de plus cinq gourmets , savoir
deux pour être timoniers , un charpentier,
un voilier et un maître d'équipage ; ce der-
nier se nomme maître de langue. Ils passent
tous pour gourmets , c'est-à-dire officiers
nègres , vivent ensemble et ont le même
traîternent.
Vingt- quatre laptotsqui sont les mate-
lots nègres.
Quatre pileuses pour battre le milet ,
préparer les ' mets , et autant de râpasses
qu'il s'en présente , peu importe leur
Age. Ces râpasses sont des enfans nègres
qui font le voyage gratis pour s'instruire
de la rivière et du langage des peuples.
Ils servent beaucoup dans toutes les cir-
constances : c'est pourquoi on ne doit point
les refuser, sur-tout leur nourriture se pre-
nant sur la portion générale , ils ne coû-
tent rien à l'armement, et lui sont du plus
grand avantage.
( So3')
Frais rûun navire qui se propose detrai^
ter cent nègres à Galam. Les coutumes
comme elles le furent en ij35. Le "voyage
de cinq mois pleins.
bar. arg.l.
Le capitaine. Son traitement est
de 16 barres par mois ; de plus
on lui accorde une bouteille de
vin , par Jour , qui se paie par
quatre barres par mois. nCinq
mois de route font..,. ». ... 100 5oo
Le secoîid a huit barres par
mois , une bouteille de vin ou
d'eau-de-vie par semaine qui
s 'acquitte par une barre par mois ,
fait la quantité de cinq barres
par mois^ pour cinq mois de
route 45 225
Le maître de l'équipage cinq
barres par inois et une pour le
vin , foiit pour cinq mois. .... 3o i5o
Les déiîx timoniers , le char-
pentier et le voilier , même trâî-
temeiit i^ue le maître d'i^quipage.120 6op
(3o4)
btr. «rg. l*
Vautre part . . . 2^5 147^
Vingt - quatre laptots à trois
barres par mois , pour cinq mois
font 3(?o barres. 35o 1000
Quatre pileuses à trois barres
par mois Qo 3oo
De pins j il faut, calculer le
traitement pour le sel qui revint
en 85 à la colonie à une barre
la barique, tout port franc en
rivière
Le capitaine 4 bariques .... 4 ^o
Le second deux bariques. ••• 2 10
Le maître d'équipage 2 bariq. 2 10
Les quatre gourmets unebari-
que et demie pour chaque 6 3o
Vingt-quatre laptots , une bari-
que à chaque 24 i2p
Quatre pileuses , derai-barique
à chacune 2 lo
Total des fraisderéquîpage. . 755 3776
Il faut observer que la barique de sel e$t
la barique de Bordeaux , que le sel est
l'objet essentiel pour les nègres qui mon-
tent à Galam. Il faut le leur porter franc
en
^ittivièl-e I ainsi que les objets 4\i^ils.$9
ÏNTocurent en retauri S^s ces cqncUticu;^
ils ne feroient point ce voyage ^ car le ^elleujf
sert à acheter des pagnes , des mortiers dç
bois pour piler le mil ^ du tabac | des ha-
ricots secs ^ et mille autres article^ qui leur
jioat de première nécessité , et très-utile§
pour Igurs ménages. Ceux qui n'ont pas^
besoin de ces articles ^ rendent leurs sel^
ppur de Tor , plus ou moins , suivant lp$
l^esoins des S^racolets > six ^ sept et n3,êm0
huit gros d'or la barique. Cet or se vetic|
à la Cçlpnie deux barres le grp$ , c'est-à-
4iire lû liv* j donc la borique 4e ?ei pro-»
duit à ces laptots &q , 70 ou 80 Uy-i s^^i»
vaut les çirconstai^Lcôs* , JBlle produit encore
plu? j lorsqu'ils se., procurent les objéty
dan!t.,j'af parlé plu^. ii^nt. Jl n'e^p,4pî^
pç^t jétpn^antque tqps }^ ixègres tienç^qçi
ci foj*f k. cett0 ,def^4^.^ , ■ i . ;: ^-
G H A P t T^É È ig t X lifM-C
Dépenses pour iés ^vivres d^iin équipage'^
comme - ci^ dessusê-^ "
fi faiit pôUr la nouirriture de chaque per^
éoniié de Téquipage tui moule de mil j)tf,
(3o6) '
jour f ce qui fait 35 moules qui , multipliés
par 3o jonrs , pour chaque mois , le voyage
étant de cinq mois , forme 0,260 moules
de mil.
De plus , une demi- livre de viande pour
chaque laptot et pileuses » aux gourmets
iine livre , aux capitaines , premier et se*
condyUne livre et demie , total 221 livres
de viande par jour , qui , multipliées par 3o
jours j pour chaque mois , le voyage étant de
cinq mois> forment la quantité de 3,3oo
livres de viande.
Le mil s^achète parmatar. Lematar con«
tient 40 moules ; donc 5,^5o moules^don-
nent r3i matars un quart.
' Le inatar se paye en rivière quatre con-
dées de guinées : dans une pièce de i3 aunes
et demie , on y trouve aç à 3o coudées ;
ime pièce ne donne donc aii plus que huit
xnatars et demi qui , pour i3i matars un
quarts exigent i5 pièces l de guinées à ao
bar. arg. L
barres la pièce. ..••••• ^• •• ••• i55 776
La viande s'achètg,* savoir le
bœuf , un fusil fin chez les
Maures , un fusil de traite chez
'.«[...:' x5S 775
( 307 )
• . . ci'.conùre • . •
lesnègres. Les plus forts moutons,
ou cabris , se paient une pièce
de gui née la douzaine, et on en
a quatorze lorsqu'ils sont petits.
Les bœufs au-desstts de Podor
donnent de loo à i4o livres de
yiande ; prenant lej terme meyen
pot^r toute l'étendue delariyière ,
c'est 120 liv.de viande que cha-
que bœuf • peut fournir. Il faut
donc diviser 3,3oo liv. par 120
livres , ce qui donne â7 bœufs
et demi. Supposons 26 ^ c'est
d8 fusils fins, qui^^vàluësdix
barres chacun, à :1a; colonie ,
font •••....,...•...•••;•
Il faut aussi calculer lissf frais
de nourriture des nègres ' cap-
tifs; cette évaluatiotl iié peut
être juste; c'est du plus au nïoin s»
Ceux qui arrivent au* ootbmjdrim
cernent et ceux "^u&^'âJiîriyeAt ,
à la fin de la tiîfâité; Où ne
peut éfâluer- moiiié^^e deux
1>ar. arg.I.
x55 775
ii8o 1400
Jl3a^2i75
.Va
(So8 )
bar. «r§. L
d'autre patt . . • 4^5 aiyS
mois de nourriture pour chaque
captif , qui du fort au foible pour
loo consomment au inoins 80
moules de mil par jwur.$ -c^^at-à-
dire deux matars ; ce ^tù £ii£
100 matai» qt^-Qli œ peut se
procurer moins 4e 1-4 rpjièees de .
guinées » ^ . • , «4^ .70»
On a coutume de leur doilnar
de la viande pour procurer quel*
que goût à leur chésif^ xiour- .
riture : on ne. peut ^en imeltre . .
moins qu^ ^atre Qiiieea par /
homme; ce'qifti.fait{d,'âpGès.Fë»
yaluation pi ^ dtaaus/.i^â; limes
jpar JQsçr: en les jnujtipliant {mr . . .
deux moisrà 3|pr 4^i«tf ^: (i^4Q|^:
moisprodu^t^ quABl^ d$* 1^0 r
livres de viau4e i^m ^^i^^t jiar . ;
120, on auf4-wÇ((^ieiJ^a<Mi^# !
douzebœufs. etfdwi : iMipp99<»ia
douze poiir x^fcsii^.rau Tefdfulo
d'autre part a:^ à jTO %ftlHu: 4(œ»£
fait, à diz.baire«^fif$i^«<>.>^ iMà I0oq
Total des nourritures 6q5 34^5
< 3o9 )
CHAPITRE SEPTIEME.
Fraù de coutume reçus tant pour la lu
berùé de la rivière^ que -pour les béné^
Jfices du capitaine et du Baquèlét d4
QaJïàn y prince nègre, le plus néces^
saire à la traite.
Outre les appûiiUemena ci-dessus aocor^
dés aA capitaine , il lui .revient de droit ,
deux barres par captifs^ Si Fexpéiition
est heureuse y et qu^on ep. traite ceqt $
comme on se Test promis , c^est pour le
bar.
capitaine
Le Baquelet de Galam i
pour les facilités qu'il pro«
cure dans les terres > les.
gen$ (ju'il expédia aux ca-
ravanes , les soia$. qu'il ea
prend , exige au^sji db^x
))^r^e& par captif , çuppor
sant qu'on traite moitié. avb
dessus de son endroit; à
arj.
5200 lOOO
200 lOOO
Yi
(3io)
d^ autre paH. • . . aoo xoco
Tamboucanée ou autres
lieux. G^est pour son droit ioo 5oa
La coutume générale
payée à Saldé , doit se mon-
ter alors à 6a5i 3ia8 i5
Le reste des coutumes en
rivière ne doit couler , y •
compris celles domiées au
roî de Galam 120 ^o
. To(al des frais de cou*
tûmes • • 1045^ 5228 \S
Récapitulation générale des frais.
1^. Frais des gages de
réquipage , montant à la
quantité de • • .* ^ • • 755 ^775
Dépense pour les vivres. igS 3475
Frais des coutumes et ob*
jets de dépenses qui y ont
rapport . • • • • io45| 5^28 i5
Total de frais d'armement
pour le voyage de Galam
2495^ 124 78 x6
n s^en suit de ^ calcul , qu^en se pro-
( 3x1 )
posant de traiter cent nègres à Galam , les
frais pour vm bâtiment européen se mon«
tent en totalité , y compris les coutumes ^
â la quantité de 2t^4d^ barres ^ , lesquelles
barres^ évaluées suivant le prix de la colo-
nie , et non suivant le prix de la rivière ,
à cinq livres la batre ; forment la somme
de 1247Q livres i5 sous. La valeur des
barres que l'oli donne pour Tachât des
captifs , est de beaucoup moins forte que
celles des coutumes , vivres et paiement
d'équipage , qui sont toutes barres pleines.
Ce qui fait que je les ai calculées sur la va-
leur de la colonie , et non pas .en valeur
de rivière. On a vu plus haut , que pour
vivres et paiement d'équipage , il n'y a
que des barres pleines. Elles le sont pa-
iement pour les coutumes ; car en 1785 , je
donnai , ainsi que tous les autres bâtimens
européens , pour avoir liberté de commerce
chez les Poules ; savoir , pour la coutume
générale :
Dix pièces de guinée ....
Quatre fusils à deux coups. .
Quatre iusils fins à un coup
.V4
bar.
arg. L «/
100
5oo
Oo
400
40
iijQO
180
900
(3ia)
bar.
vg-l.
d'autre part *
. . 180
900
Qvatre sabres de traite «
. , 8
4q
Pix fusUs de traite . . . .
, 60
38o
Disc pièces de platille . « .
. 40
aoo
ao
100
10
ÔQ
IQ
i5
10
5q
a
tQ
pix pièces de Bretagne en
blanc • « f • f • t • « • • Qoo oocr
Dix barils de poudre de deux
livres chacun • . . ^ .
Mille balles t • , ,
inilJe pierres à fusils , ,
Dix barres éccvlate • •
Dix miroirs • • ^ •
Dix tab^ti^res garnies de gé-
rofle •,•,.,. % 10
Dix mains de papier à la li-
corne •
Dix masses de gros galet • .
Dix masses de blanc de neige
Quarante grelots d'argent,.
pix grains de corail • • ^ .
Pi:ç grains d'ambrq jx^.z ^ ^
On exigea de plus dix cafe-
tières, dix bassins de cuivre ,
dix chapeaux , dix marteaux,
feh^çhçs , (lûç Jiernunettes ,
^\
ai lOr
xo
5o
10
5o
i3;
66 5
IQ
ÔQ
5
&5.
432|
àiff3 i5
(5i5)
ci-'Cùntre . . ♦ • ^îa^ ai&3 i5
at génët'alement dix d'autres
Articles de mémo nature qu^OQ
xCdi point coutume de porter
ito traite dans cette partie de
la rivière ; dont la totalité , y
côinpris les dix pièces de
Bretagne portées plus liaut^
iîirent acquittées par quatre
])ièces de guinée »•«••» 4^ ^^^
Cette concession de tant
d^articles pour quatre pièces
de guinée , prouve le cas que
les naturels font de ces toiles,
puisque les dix pièces de
Bretagne seules coûtent plu$
que les quatre pièces de gui-
née. De-là , ont peut encore
conclure le peu de cas quUIs
£iisolent des objets qu'ils vou-
loient en coutume , et qu'ila
3ie connoissoient que de nom
par leurs émissaires que les
gouverneurs souffrent ^ li^
cbioniet
La coutume générale se ^^^
lRO»t© à • • • . • . 47q| 2363 \^
( 3i4 )
Pour le présent particulier de V Almamy^
il n'exigea point de fusils , mais
bar/arg^i^
a pièces de gainées « 20 100
2 pièces de^platilles 6 3o
a barres écarlate . ; 2 10
2 barils de poudre, des 1. chacun 4 20
6 grains d'ambre , n^. 2. ••.*.. • 3 i5
2 grains de corail 2 lo
6 grelots d'argent 2 10
2 masses, de blanc de neige. ... 2 lO
4 mains de papier • . 1 5
Total du présent de TAlmaray 45 21Q
Le présent de Sir y d'Ara, son
ministre.
2 pièces de guinées ao 10a
1 fusil à deux, coups 20 100
1 fusil fin , 10 5o
2 barils de poudre de 2 lîy. cliacnh 4 20
loo balles 1 5
100 pierres à fusil x 5
4 mains de papier x 5
3 grelots d'argent . , x 5
a grains de cojail. .....,, • -2 10
57 a85
( 3i5 )
ci-contre • ï • • . 57 285
2 grains d'ambre. i 5
Total du présent du ministre 61 3o5
Pour le présent du Tampsiràciox-
gé de recevoir les coutumes.
2 pièces de guinëes 26 loo
1 fusil fin « lo 5o
2 pièces de guinée ^^ ^^
Il I I ■ I ■-
Total du présent du Tampsir 5o 25o
Nota. Ces deux dernières pièces de
guinées acquittèrent l'article porté dans la
coutume générale pour son ,droît de pré-
sence ; il aima mieux les detix pièces de
guinées,' et nous aussi.
Récapitulation des coutumes et présens
payés à Sqldé pour avoir la liberté da
la rivière.
bar. arg.^ 1. «•
La coutume générale . • » • . 47^4- 2363 i5
Le présent de l'Almamy. 4a 210
Le présent du ministre . • ; 61 3o5
Le présent du Tampsir. .,50 25o>
Total., €25[ 3i28 x5
Cette coutume est d'autant plus consi-
dérable que les marchandises eu rivière
( 3i« )
ont une valeur bien plus forte. Le baril
de poudre par exemple y passe pour huit
barres ; les cent pierres à fusil pour deux
barres , etc. La récapitulation des barres
de rivière fit monter cette coutume à
839 barres. Les^ captifs étant à 70 bar-
res comme ils le furent en 1785 , ce fut
donc la valeur de douze captifs et même
plus que l'on donna pour lesdites coutu-
mes. Car je payai à Galam le captif soi-
xante-dix barres , savoir : quatre pièces de
guinées qui, ei^ rivière, ne passent que
bar.
pour huit barres chacune 3:^
Un fusil fin à Galam ne passe que pour 8
Un fusil de traite .• 8
Une banque de sel • , • . 6
Une bouteille de poudre 4
Un seizième écarlate 1
Cinquante pierres à fusil '. . • 1 . . . 1
Cinquante balles. ... ....•,..^., i
Quatre mainsde papier ^ . . . • . 1
Une tabatière de gérofie. .......... ... i
Un miroir do campa^e. \
Deux têtes de tabac de Virginie. . ^ . . . 1
Trois cordes de blauc de ^eige. , . . . • i
(3i7)
Un
• • ^ci contre \ ': €6
.Deux onces de laine rouge. .*-;..... a
Douze cordés de galet blanc .- i • i
Trois greïpts d'argents i-
Tofal , valeur de rîyièrd. . * • . . 70
Ce prîx-étoîtconrettu par les Maraboux
du pays. Le captif étoîttiher en 1785, on
verra plus tas la balance ' des années pré-
cédentes.
Le captif porté à Oalam à soixante-dix
barres , "ne ^aloit , argent dé la colonie ^
que r6i2 âiacres \ , car • * : ,
^natse |>ièoe6 d« gainées. % .. w «..«.«. ; 40
Uniusil fin, ...;....*.......-.•.*•.... id
Un'fiisiL de «traite.... « . •«• . .- • • • . i
Une ^boutcUle 'de. pmidre { bar.>7 i J
Un treizième écarlate ^ ^ • i . • . , 4 - i
Cinquante .pierres à Êisil 1 •• • 9
Cinquante balles . i . ,. ^^•'••••i f
Quatre zkrams ïdeipapier. . ...... ... . ..• 4
Unef tabatière gérofle • . . |^' • * î -'
Un miiroir; v-,^., ,. . k»i|. .••> è
Douxe cordsagalet blàxic 4 * ' • 3
'' -.
.. : -.-• * 60
I
4
w.
â^autrepart . . T • • 5o
TroÎ9 cordes blanc de
neige ...••..•:;.•.. ^ *
Deux têtes de tabac de >. . . . i
Virginie i • *•
Deux onces de laiiie* . . î . .
Trois ' grelots d'argent ;.;.♦.•
Total de .la valeur du nègre de
Galam au cour$ des marchandises de
la colonie, le nègre évalué et con-
venu à 70 barres ;..>..; y .... 6a ^4
. Le captif de soixante.-dixbarses à Galanî
valant , argeift de la colonie, Qii baires:
^ , ne valoir ,. argent réel de France., que
Quatre pièces de guinée à 40 llv. . 160 L s
Un fusil fin de i5 ILv. i5
Un fusil de traite de 7I. kos... .v: 7 10
Une barique de sel de 3 liv. .•....♦• 3
Une bouteille de poudre. ........ .1 4
Un'^eîîzième écarlate.. «..• 16
Cinquantepierr.es à fusil à 4 Lie cent . . 4
Cinquante ballps à, 8, 8. la livré.; ' t
jQuatre mains de papier à 7 sousl . 18
Une tabatière g^rni^rdé^érofle^; la
Uamiroir,*j ..•.•.•/.. 3
( 3x5 )
ci-'Contre • "\ • '^ . . • iQù vj
Trois cprdbs, de blanc de neige. . . . . S
Douz;e cordes galet blanc à i6 sous y \
la livre ' i o
Deux têtes de tabac de Virginie
à 35 livres le* cent. 6
Deux onces de laine rouge à lo liv.
la livre .!.... i
Trois grelots d'argent, ai liv. gièce 3 /
Total du captif , valeur réelle
argent dé France. . .' ! . 1^5 i^
Le captif ne nie cdûtadpno,, argent de
France ^ les marchandises évaluée^. au plu^
haut, que igSliy. 19 sous.. Çn^ 78a et 1783,
le captif, coûta soixante barres , parmi les-
quelles on donna cincj,, pièces, de guinées,^
et un fusil, le res^een barres foibles. En
1784, la captif ne coAta aussi que ^oixanjte
barres 3 mais on ne donna que trois pièciep
de guinées et ' un. £u§il ^n ., le reste ep
barres foibles. En 1785 , il coûta ^sojLxaate-
dix,barrea V ondonna quatre pièces de gui-
nées. De ces diverses aunées , pu pe»i|;
( 320 )
^alDlir un calcul juste pour Une opératîoil^
soit qu'on donne plus ou moins de gui-
nées ; ce sont elles qui fixent le prix du
Captif, le resté èat tenu poui- ptésent dans
le pays ^ et la valeur de ces malheureux
ne consiste quç sur le plus ou le moins
de guinées«
Le captif valant à Galain soîxante-dîx
t>arres , à 5 livé la barre ^ c'étoit , argent de
rivière* 4 « < . . ^ . . . • , /^ 35bL %
Lesquelles soixante-dîx liv. réduî*»
tes à la valeur de la' colonie > ne
Jormoient que 62 b^n^j c'^toi^^er-
gent de la colonie 9i3 i5
Lesdîtes92 barres |\ argent réel
^ France, ne yaloîent que 'ififS ig
D après ces calculs^ il est aisé de voir
ee que la somme pour les coutumes et
frais d'armement au Sénégal^ de 12,478 liv*
r5 sous^ doivent donner^ étant répartis
^ur chaque captif, supposant qu'ont traite
^ent. Cette somme divisée par 100 donnera
1^4 Uté 16 sous g dén;
Donc en 1785^ hk frais de coututhe étant
payés ^ et tout évalué en argent de France,
^tehaque tesckvé , Teiidu au Sénégal j coûta
pour
(321)
Pour 70 bar. argent de la colonie 3i3Î. 1 5«. d.
Pour frais de coutume, etc.. 1224 i5 g
Total... 438
Les capitaines , venant traiter au Séné-
gal , payèrent , en cette même année , le
captif , à la descente de Gàlam , de 800 1.
à 900 liv. , argent effectif de France. Le
captif coûtant , argent de la colonie et
rendu à la colonie 4.38 liv. 10 sous g den.
on eut donc à ce prix cent pour cent de
bénéfice , ce qui prouve la bonté du com-
merce de Galamj puisqu'on a encore do
plus le bénéfice de Fargent réel de France
sur l'argent idéal de la colonie. Je lî^éntre-*
prends point de donner ici la valeur réelle
argent de France, car^ lés aiffiLi^ft<'.ei-:;ad«
très faux frais qu'on ne peut calculer, fotrt
qu'on peut sè-nsomenter d'étabJybâTéc oériL
titude sa trai|:e mis Vavgenrde ia^ oolojâie »
on y trouve un bénéfice assee-conaidédBL-'
ble.
Les dangers axH^els^ on est. édeposiécèa
faisant ce voya^ j-^tes^ irois' eceaâioiàxés
par les coutuiifè^ m jpan Iqb vHi^,<a&isl
que le paiement de l't^tdpage diè^gtte f^ead-f
( 3aa )
gent qu^on ne fasse point de petites opé«
rations , il est donc nécessaire de se pré-
parer tgujours à ramener cent nègres ; car
si on ne s'en procure que la moitié et qu'on
ne puisse pas se dédommager par l'or , le
morphil, il est incontestable que les escla-
ves reviendroient à un prix bien plus con-
sidérable , et alors il seroit plus avanta-
geux de rester à la colonie où. Ton auroit
la peine et la fatigue de moins. Je ne sais
pas comment on peut s'engager à ùe voyage ,
sans en connoître les conséquences. Pour
moi, j'ignore encore comment j'ai pu m'y
décider si aisément , sur-tout ayant essuyé
tant de fatigues en Barbarie.
<3^H'AP.ITRB HUIT lÊME.
w. V. ►' :':. . . ' ' •; ■'
Jdarchémdàiksnée^saires .pour traiter cent
X ^nègiesiy'orlet morphil , à proportion A
-Jâkiéunet :sn: rm^e. -, ù
: iSoiT:|iiècesde guînéf^,:- r
< ûcfAèsksû^ à tdeiu3c^c{>up0«
6o,âisi}svfins. àruxL coyp.
-i i5q "f usils de traite.. '
5o sables*
1
( 3^3 )
laô pièces platilles.
i5 rames de papier,
looo livres de poudre à canon,
loooo pierres à fusils , grosses et fines,
loooo balles de fusil.
Miroirs , tabatières, cizeaux, briquets ^
peignes de buis de chaque sorte , deux
grosses.
Le total de la cargaison supposée à 1200
livres d'ambre et de corail ^ monteroit \ va-
leur de facture de France , à la somme de
^7,800 livres.
4 livres de gérofle.
5o bariques dé sel. Le restepourles laptots.
12 livrés de laine écarlate.
îi livres jaunes , deux livres vertes. .*
Le j^tus de corail et- dVmbre possible.
On n'en a jamais trop*; cri traite For pour'
eeS'àiticles. • . .... m
20 Masses blana de .neige. La masse a
dix cordes seulement.
400 livrés galet blanc @t ronge. Plus dar
blanc que de rouge. .'.ri
so livres rasades.
210 livres tuyaux de pipe pour les Poules.
Ozi les troque pour du mil et du tabac.
Cet état de cargaison , sortant de la co-
lonie , doit produire cent nègres , dix mille
livres de morphil , et de Tor à proportion
de Pambre et du corail , ainsi cjiie des gre*
lots dWgent.
Diaprés cet état pour la rivière, et la
note donnée des marchandises de consom.-*
uation au Sénégal , ainsi que de celles qui,
^tant objet de traite , tCoat pas de valeur
fixe , il est assez inutile de donner un état
de cargaison .pour plus ou moins de nègres
voulant traiter au Sénégal seulement. U
sufEt de dire qu^on doit s^instruire posi-
tivement du cours, et ne se oharger des.
marchandises dont la note est çirde98us ^
que selon les çirçpHStaniqef!*
Le retour Ten4u à la CQ^maie $ «ujpposant
cent n^es àSpa liv». • • 80000^
30000 1. morplul à 4^ s. la livre» • aïooo^
Total 101000
(«ncl'Ori leâfiliimea et autres objets pont
les vivres , etc. .
(325 )
CHAPITRENEUVIÈME.
Manière de traiter les nègres esclai^es.
Pour le bien de ses commettans , il ne
8t]f£t pas qu^un gëreur coniioisse tout ce
dont je viens de parler. Il faut de plus qu'il
sache conduire ses esclaves , adoucir leur
Diisère, leur faire espérer un sort doux et
propice ; qu'il ait le talent de leur faire
regarder le moment de leur départ pour
rAmérique comme celui de leur délivrance
et de leur bonheur. Far ces moyens il
évite et les révoltes et une partie des mor-
talités que le chagrin occasionne. Je parle
par expérience , ayant été moi-même cap-
tif , et connoissant que jamais je ne m'at-
tachai plus à un maître que lorsque je
voyois , qu'unissant son intérêt au mien ,
il me faisoit faire route pour me vendre à
des personnes qui auroient Je plus grand
soin de moi. Si je me trompe dans mon
calcul , je doute que quelqu'un qui n'a
point passé par cet état , puisse mieux réus-
sir et ait des idées plus justes. Il faut donc
absolument qu'un géreur soit instruit de
X3
(3a6)
tous ces objets , s'il ne veut point exposer
%%^ comraettans à des pertes d'autajit plus
grandes, qu'elles sont irréparables, une opé-
ration beureuse , produite par les circons-
tances, ne doit point aveugler^ il faut tou-
jours être sur ses gardes.
Un géreur doit de plus connoître la ma-
nière de traiter et de nourrir ses captifs ,
il faut qu'il soitregardépar eux comme leur
père. Alors il est en sûreté , car un père
n'a rien à craindre de ses enfans , et
un géreur n'a pas plus à craindre de ses
captifs , quand il sait adoucir leur misère.
II est si aisé , dans cet état , de se faire
aimer et respecter, que je ne puis compren-
dre encore , comment on peut se faire dé-
tester des captifs. J'ai eu plus d'une fois
cent vingt nègres en captivité. J'allois tous
les jours les voir , et j'étois toujours en sû-
reté parmi eux. A peine y avoit-il appa-
rence de révolte , soit à la compagnie , soit
chez M. Vigneux , que mes Banbaras que
je laissois libres dans la colonie , m'en ins-
truisoient. Alors chez moi , tout étoit tran-
quille. J'étois seul au milieu d'eux , et quel-
quefois même dans des occasions d'inceiidie,
j'allois à leur tête pour y porter du secours >
(327)
et Jamais aucun d'eux n'a tenté de m'aban-
donner. Je ne parle pas ici des Yolofs ^
trop voisins de leur pays , pour laisser perdra
une occasion de recouvrer leur liberté, sî
elle s'étoit présentée ; mais mes banbaras
les gardoient|, pendant que leurs camarades
étoient avec moi. J^en vis même beaucoup
s*emibârquer avec joie , les ayant a;?surés
qu'ils seroient heureux dans rha^itatlon
où je les envoyois. C'est par de tels moyens 9
que l'on doit s'acquitter de cette pénible et
dangereuse tâche j et je doute qu'un i^omme
ignorant absolument toutes ces choses , pÛJÇ
parvenir à réussir , soit pour lui , soit plE^ur
ses commettans. Ma manière de traiter les
captifs m'a paru d'autant meilleure , que
jamais je n'en ai perdu par désertion ,
quoiqu'ils ne fussent point gardés , au
lieu que de mon temps , la compagnie
en perdoit tous les jours , quoique ses
géreurs eussent le soin de les faire garder
avec la plus grande sévérité. Compatir à la
misère des malheureux , c'est le seul moyen
de se les attacher. Jamais je ne m'écarta^ '
de ce principe, et je ne sa vois que trop
par moi-même, l'effet d'une telle con-
duite*
X4
( 328 )
Outre les précautions nécessaires dont je
Tiens de parler, un géreur doit être attentif
à prévenir les maladies des nègres. Udoit
en connoltre les causes , et y remédier avec
le plus grand soin : cet article est essentiel.
Le soin des captifs ne doit point être aban-
donné à des cliirurgiens ignorans , ni à
des êtres subalternes» Les chirurgiens, pour
Tordinaire ', sont des jeunes gens , sans ex^
périence. Il faut pour cet état , lin homme
instruit , et cet homme ne fera pas le voyage
s'il n'est sûr d'une^forte récompense. Des
commettans doivent donc faire des sacri-
fices pour se procurer des gens instruits;
ils sont bien légers en comparaison dc^
pertes qu'ils peuvent leur épargner.
Il fsiut , pour prévenir les maladies , dis-
tinguer de quelle nation est un captif > et
le mettre avec ses compatriotes. Les ban-
baras sont les seuls qu'on ne peut point
tenir aux fers , pourvu , toutefois , qu'on
ne les y ait point tenus avec les Yolofs.
Quant à ceux-ci , ils doivent être mis aux
fers , gardés avec le plus grand soin et ex-
pédiés le plutôt possible ; car ils sont tous
entreprenans , bons nageurs et connoissent
presque tous les habitans de la colonie i
«oît libres , soît captifs de Tapades , qûî
lenr facilitent tant quHls peuvent , Iqs
moyens de s'évaden Ils n'ont,-, pour ob-
tenir leur liberté , que la rivièxe à passer.
II faut donc les veiller de près, et leur in-
terdire toute communication avec les nègres
de la colonie^ Les banbaras au contraire ,
sortant du fond de l'Afrique, vers les sources
du Niger, ne tentent point des'échapper. Us
sont tous très-laborieux; on peutsans craintç ,
au 13eu de les tenir aux fers ^ s'en servir
pouT les travaux. Il suffit , pour les y en-
gager , de les traiter humainement, de bien
les nourrir et les vôtir , alors , on en fait
ce que l'on, veut : de plus , ils éntretieni^ent
les Yolofs dans la crainte d'ôtre mis aux
fers , et s'opposent de toutes leurs forces aux
séditions de cette nation , dont ils sont na-
turellement les ennemis. Lorsqu'ils sont sûrs
de posséder la confiance des blancs , ils ne
cherchent jamais à s'échapper , préférant
d'être leurs esclaves , plutôt que ceux de
quelque nègre qui les traiteroit avec la plus
grande cruauté.
Les Saracolets , Saltîguets , Poules , Bracs
et Wals doivent aussi être mis aux fers ;
aaîs^ uonpas avec autant de rigueur que les
(33o)
Tolofs. Une paire de fers sui&t panr detix
captifs de cette nation ; au lieu que pour
les Yolofs j il en faut une et même deux;
paires pour chaque captif. Il faut bien rl-
Ter leur goupille et la visiter chaque jour,
soir et madn. Sur-tout , on ne doit les
mettre que vingt ensemble tout au plus ,
si cela se peut.
La coutume des François est de ne poin^
mettre les femmes aux fers , elles sont ce*
pendant plus dangereuses que les hommes.
En suivant cette coutume , il est de la pru-
dence de leur interdire toute communica-
tion avec les hommes. Il faut tenir la cham*
l)re qu^ils habitent , dans la plus grande
propreté , ainsi qu^euz-mêmes , et les faire
baigner souvent , pour éviter les maladies
-qui ne font que des ravages trop grands et
trop fréquens dans les navires.
Les maladies auxquelles les nègres sont
sujets , sont de cinq sortes ; savoir.
• 1^. Le mal vénérien.
a^. Les ulcères.
3^. Le scorbut. ,
40. La galle.
6°. Les vers.
Ou peut les réduire à quatre , car les
( 33i )
tJcères que les moindres tiessures occa-
sionnent , se guérissent si facilement^ quand
le sujet n'a point de virus , qu'on peut se
dispenser d'en faire mention. Le scorbut
est de toutes les maladies qui affectent les
nègres , la plus dangereuse. Elle fait le plus
grand ravage, et dépeuple un navire en peu
jde jours. Cette maladie est causée par le
mauvais air^ le peu de soin que Fon^a de
maintenir la propreté , et quelquefois aussi
par la mauvaise qualité des eaux. Les bah-
baras sont de tous les nègres , ceux qui y
sont le plus exposés. Il faut donc avoir le
plus grand soin de leur donner les nour-
ritures les plus douces , sans avoir égard
au goût qu'ils ont pour tout ce qui est salé.
Car dans leurs pays , n'ayant point de sél^
dès qu'ils en ont goûté dans leur captivité,
ils en mettent dans tout ce qu'ils mangeîit.
Il faut donc employer les plus grands soins,
pour éviter cet inconvénient.
La galle a aussi son origine dans la mal-
propreté des captifs que Ton tient des Mau-
res. En route ces captifs couchent pêle-
mêle arec leurs maîtres qui pour la plu-
part en sont couverts. A peine sont-ils au
Sénégal , qu'ils donnent cette maladie à leurs
tempagnons d^inf brtune ^ quand on n^a pas
le soin de les tenir à Técart , jusqu'à ce
qu'ils soient guéris. Il faut donc mettre , en
un endroit séparé ^ les nègres venant des
Maures , si on ne yeut pas infecter toute
une habitation.
l^es vers sont presqu'aussi dangereux
que le scorbut. Ils enlèvent beaucoup de
ces malheureux ; à peine a-t-on le temps
de s'appercevoir de la maladie ^ que celui
qui en est attaqué j meurt. Les Banbaras
sont encore ceux qui y sont le plus ex-
posés , sur-tout pendant les mois de la
mauvaise saison ; car accoutumés à boire
de bonne eau dans letur pays , ils ne peu-
vent supporter celle de la colonie , qui^
dans ce temps , est marécageuse. On n^ose
point saler trop leurs alimens de pexir du
scorbut , mais on peut éviter tous ces in-
convéniens , en mettant dans leur boisson^
par peinte d'eau , environ deux onces d'eau-
de-vie.
Les maladies vénériennes sont au Se»
négal moins dangereuses que dans nos cli-
mats. Feu de nègres en sont exempts y c'est
ce qui est cause que les ulcères sout plus
'difficiles à guérir et exigent une attention
( 333 )
partîôulière. Il est donc nécessaire, con-
Boissantles maladies et leurs causes^ d avoir
avec soi les remèdes qui peuvent leè gué*
rir. Il faut de plus qu'un gérant ait quel«
queconnoissance des drogues. Par ce moyen
il a toujours des remèdes prêts, à être em«b
ployés et de bonne qualité. La disette des
gens instruits en ce genre fait qu'on ne
peut y apporter trop d'attention. Pour
guérir toutes ces maladies , chacun a des
recettes particulières ; je n'indique pas ici
les miennes quoique je les aie employées
avec succès* Cependant je ne crois pas inutile
de donner ici 1^ ^ote de ce qui doit prin«
cipalement composer la petite pharmacie
d'un gérant.
Sels. Ipecacuana,
de Glaubert^ , Rhubarbe ^
d'Ipsum I Jalap,
deSeignette/ Emétique,
Duobus , Crème de Tartre ^
Végétal , Semen-contra ^
Nitre , Ellébore ,
Ammoniac. Euphorbe ^
Poudres. Agaric,
deQuinqdina, Zédoinei,
1
\
(334)
Gentiaxme ,
ques, herbes émol-
SafFran ,
lientes dont on
Seimé.
manque à la colo-
Fleurs.
nie.
de guimauve \
Onguents.
de Sureau,
de pas d'âne ,
de la Mer , ^
Bouillon-blanc ,
Basilîcum ,
Pieds-de-chat ,
Huile deLaurier,
.Violettes,
Extirasc,
Canlomille ^
Blanc rasis ,
Orties blanches.
CératdeGalien,
Rosart ,
Racines.
d'Althea.
de Guimauve,
. Pommade Ciùrinne.
Patience >
Fraisier ,
Theriaque ,
Héglisse ,
Catholicum^
Chiendant ,'^
Diascordiiim,
Rhubarbe ,
confec. d'Hyacinthe,
Angélique.
confection Hamec.
Herbes.
Emplâtres.
d'Absinthe ,
Divin ,
Coraline de Corse ,
. Diachilloil j ..
Fu»eterre et quel-
deVigOj
( 335 )
En naturel
de Ciguë ^ .
ï)iapaliue.
JBaumes.
d'Arcens ,
du Commandeur,
Tranquille ,
Eau de Mélisse , ^
de Cologne,
Extrait de Saturne ,
Essence de Théré-
bentine,
Esp. Coclaria
Vin-anti-scorbutîque, Vitriol bleu,
Eau vulnéraire , Vitriol blanc*,
Vinaigredes 4 voleurs Cornes de cerfs .,
Alkali volatil, Il faut de plus un
Alun calciné, peu de pillules mer-
Liqueur d'Offman , curielles et de su-
Huile d^amandesdou- blimé corrosif*
ces ' Âlunderoche»;
Orge,
Miel,
Manne ,
Senne,
Rhubarbe ^
Genièvre,
Anis ,
Coriandre,
Agaric ,
Camphre ,
(33ff )
DERNIER CHAPITRE.
Route du Sénégal à Galam par la rivière
eu lieues évaluées suivant les- nègres.
Lieues.
De l'île St.- Louis du Sénégal à
Podor^fortfrançoissituédans le pays
des Poules , on compte communément 70
Dans toute Fétendue de la rivière
jusqu'à ce fort , on fait toute Tannée
la traite des nègres , du mil et autres
menus objets. Chez les Yolofs , les
Bracs et les Wals 1 peuples nègres,
et chez les Bracnarts et Trasarts ^ peu^-
ples maures , on fait aussi en mai la
fameuse traite de la gomme , savoir :
avec les Bracnarts dans le désert, et
avec les Trasarts au Cocq, pointe de
l'île sur laquelle se trouve le fort de
Podor : et à Portendic, le long de la
côte où les Anglois peuvent traiter.
De Podor à Doumons , l'on compte . . i5
Doumons est la première escale
pour la traite du mil chez les Pou-
les ; on y traite aussi beaucoup de
grains de melons d^eau , de peaus de
tigres
(337)
LieuM.
tigres >des plumes de toutes espèces /
et du savon de nègreV Ce village eét '
situé sur la rîyé iç^ofddu fleuve. *^ ^^
' DeDoumoiisàMafou , llèiiôiicesSô^'' "' '
le 'flux et reflux 'de la nier; on tfaîte [\
en cet endi:oif lés niêmès objets 4^^'^ '
iboumons , mais en moindre qilaiitlîtë,
on compte. , . . • I . . .' . V /; • ri^.'"' 8
Dé Mafou à Halïburum , premier y*^
endroit où Ton coAimence à être éîriv /
barrasse pour la navigation eii rivière ,
par les bancs de sable , Ton compte 6
De Haliburum aii fameux rocher
de Dguîoul-de-Drabbé, ondit Gùeuîe
du diable > l'endroit lé'pluspêriîleùx'
de toutq la rivière^ Ton compte*. ,• 3o
lie i)gûibùl-34'î^i^^^^ y ^^ grand '^ '
c^nal ♦...,-.. \. ...... .... . 4
Du grand canal ài ^SAÏdô*. rendez- '
vous général dé tdtis Tés bâtîmens dii
cônvQ^ pQ ur le pa^iefejént dés coutumes . i 6
Totaï de la route du Sénégal à Saldé, . xAù
?E:?:cepté DoumQns^ les villages des^ou-
lesr sont tous^ sur la jive opposée au pays
des Maures., Aucuns de ces villages ne sont
^tués sur les bords du. fleuve , mafs à unp
(338)
ïîeue , jplus ou moius , dans l'intérieur âes
terres.; ,lç$ habitons, se reudent sur les
bords du fleuve, avertis par les coups de
canoqji ^Vie. Tondre &urle fleuve, et viea.
nent^CP^ko leurs denrées au convoi.
h^on ne verra plas- ici que les noms des
principaux villages / ^ans éublir leurs dis-
tances les uns des autres.
Ve'Sf^/dé a Yafànne \ petit village fei*
agréable , xésidence du premier ministre de
VAlmajny de^ Poules*
v I)^f/i/anne à Bossèia.
"DeBosseia k Rendiaye.
De Rendiaye à Malame. .
De Mi^came à Canèlîe^ * . •
De Caneilê à V^alidien^.
To^s ces pays appartiennent à laoïation
Poule , et sont soumis à rAlmamy de cette
nation. On y traite >en abondance le mi),
le morpnil et le.tal^ç.. appelé impropre-
ment tabac de ûalam . car it' iCexi croît
point dîuis ce pays de p^alidienta à Tuaga.
Yalidienta est la demeure d^un prince
dont les ancêtres JFiAisnt détrônés par les
maraboux des Foulés. Les peuples qui ha-
bitent ce village et leal lieux voisins situés
dans les terres , lui obéissent > sans ce^
(539)
pendant secouer le joug des Almamy d^s
Poules ; ils forment une province en quel-
que sorte indépendante. Cependant , dô
temps à autre > pour ne point être pillés ,
ils paient des tributs aux Poules.
Tuago est le chef lieu de la tésidence
du grand Fou(;[uetf Tun des quatre sou-
Terains de la nation Saracolet,
De Tuago à BaqueUe.
' Baquelle est un très -Fort village , le plus
considérable que j'aie vu dans tous ces
cantons. Le seigneur du lieu est très^puis-
sant et balance Tautorité du Fouquet.
Se Baquelle h Colteraù;
De Cotterat kYufré;
jyYafrék Gà^lam.
\2oTL compte ordinairement vingt jours, de
marche de Saldé à Galam, lesquels , à^buit
lieiies au moins chacun , forment 160 lieues»
Du Sénégal à Saldé 149
Total du Sénégal à Galam. • . . 3op
Yali4ienta est le premier endroit où
Ton commence à traiter des captifs en
abondance. Yafré est une des principales
escales pour c^tte traite; et dans tous les atu
très villages deq ^Suracolets , on y traite cap*
Y2
(340)
ti& ^ or e( morphll eu abondance. C W
aussi dans ces lieux qae les laptots séaér
galois se procurent les denrées néoessairea
pour leurs ménages. Tout le pays des
Saracolets est découvert. Les villages sont
bien b&ds > les campagnjes bien cultivées et
k» babitans bien yètnis, ; en quoi ils dif-^
fèrent essenlieUement des Poulea, leurs
voisins j qui manquent de tout , et dont
le pays est très-mal-aain par leur faute;
car en ne coupant fanlais de bols et i^
domaant point d'écouleiMAt à leurs faus^
ainsi que le font les . Saraoplets ^ r^air
qu'ils respirent est empesté , et leur çns9
presque toutes leurs maladies.
Galam n'est point le lieu ;principal pour
la traite ; c'est plutôt le lieu d'assemblée
des capitaines séoiégalois et des maraboui(
^ pays. Le prix des ca,ptils,Gogaveau , on
se rend k Tambouçannée , gros vilia^ du
même pay« , situé à s^eize lieues au-dessus
de Gc^m; ce qui fait que du Sénégal ,
|âsqn'aa lieu où se rëhdeiit \e& caravanes
qui amèhent les esclaves , Ton peut compu-
ter sans crailidre àucune^rreur S^S^ lieues •
Depuis Podor , jusqu'à- Galaifi \ les peii»
pies sont tous mahométans et ne boivent
(341)
presque point d'eau-de-vie. Quand on a
passé Galam , cette liqueur se vend avec
avantage ; et les peuples , qui sont presque
tous payens , en boivent avec excès. Les
nègres depuis Podor jusqu'au Sénégal , quoi-
que mahométans, sont aussi passionnés pour
Teau-devie, et la boivent sans scrupule :
il n'y a que les JGoaraboux qui s'en abs-
tiennent.
Un plus long séjour , dans la colonie ,
Wauroit instruit plus à fond de tous les
moyens qu'on ' doit employer pour y réus-
sir: cependant je crois avoir indiqué dans
cet ouvrage ce qui est le plus généralement
nécessaire.
FIN.
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the last date stamped below. If another user
places a recall for this item, the borrower will
be notifïed of the nêed for an eariSer retïïm.
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